UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY The Jason À.Hannah Collection in the History of Medical and Related Sciences Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa _http//www.archive.org/details/physiologiedelh03adel Nec MU Ntr ne #1" ( ja th y ral | PAU fl \ hi sel Na | nu (ut ne « LA TT PPATAAN TE LH ' dy Fe 1 FAT mar il fi l'A nl LE Vi Na il ] fl HA a Di | F 5 \ } Y | lt . | nil i At Han it VE HU ULR î 1 $ v THAT Ve MAT MIN PART 4 PRE L1 14 Lane: FRA s Hd} ol ] À pet AIN ; \ à TEL a] LEA 171 di Î rt il NE sit Î wi M IT let | hits {el RATITE ÉAo | nie Mi! AL te Hat da 5 ie? A HE de SCALE È RTE ul ls nÿ HU NES (ve Û , ‘ jt nr Le 1 niLs pue Part te NA Fan, nil He Na LE fes CUS AU à ER ASE "PAR Het d ï FMEON UT? RUATERN! 11e) Le BA PTT RTE L 1h x : NP ADELON, D. AN e AGRÉGÉ EN EXERCICE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS, MEMBRE TITULAIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE, DES SOCIÉTÉS pre MÉDECINE D'ÉVREUX; Louvain, ET D'AUTRES COMPAGNIES > SAVANTES, NATIONALES ET ÉTRANGÈRES. s E ” \ Fe. 4 3 x k F e . » 4 Fr à ds 2“ a” » +. à v Le The proper study of maukind ;is man. ” » Pore!s Essay on man. à : TOME TROISIEME. - 2 A PARIS, CHEZ COMPÈRE JEUNE, LIBRAIRE-ÉDITEURS! RUE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE ;, N° 8. 4 | _ 823. Re ec 4 à a PHYSIOLOGIF DE L'HOMME. == SECTION II. Fonction des Absorptions. 1172 l’histoire de la fonction précédente , la digestion, on à vu comment la matière alimentaire, étrangère au corps, mais destinée à le réparer, était amenée à l’état sous lequel l'absorption peut la saisir. Il faut maintenant étudier comment se fait cette absorption. Dans les animaux inférieurs , il n’y a qu’une seule action d'absorption, qui effectue à elle seule la compo- sition de l’être. La surface externe du corps absorbe à la fois , et l’air nécessaire à toute vie, et les autres ma- tériaux réparateurs : en même temps que ces matériaux sont saisis, ils sont élaborés et revêtent l’état sous lequel ils peuvent être assimilés au corps de l’animal : enfin leur assimilation s’en fait aussitôt, de sorte que c’est immédiatement que l'absorption accomplit la composi- tion. Etudiée à ce degré de simplicité, voici ce que l’on peut dire de cette fonction. 1° C’est une action trop moléculaire pour qu’elle puisse être appréciée par aucun sens; On ne peut qu’attester sa réalité : mais on ne peut la mettre en doute, puisqu'on voit disparaître plusieurs des élémens du milieu dans lequel est plongé l'animal, 3. - à 1 PAL me 24 FONCTION LES ABSORPTIONS. et que le corps de celui-ci croît et augmente en masse. 9° On ne peut dans la structure de l’être en signaler l'agent spécial ; il paraît que, dans ces animaux à orga- nisation si simple, c'est le parenchyme de toutes les parties sans exception qui l’effectue. 5° On ne peut da- vantage en apercevoir les produits isolés, puisque c'est immédiatement qu’elle effectue la composition. 4° Elle n’est pas un simple pompement des matières qu'elle re- cueille, mais elle est une action d’élaboration ; car elle travaille les matières qu’elle saisit, leur imprime une nature qu’elles n’avaient pas auparavant , et les change dans la substance du corps. 5° Enfin, on ne peut pas plus pénétrer l'essence de celte action que celle de toute autre, et l’on ne peut dire d’elle que ce que nous avons dit de toutes les autres actions organiques précédemment examinées, savoir ; qu'elle est une action du corps ani- mal ou de quelques-unes de ses parties , et qu'elle est en opposition avec toute action physique, mécanique el chimique quelconque. En effet, d’une part, l'absorption pour s'effectuer exige la vie de l'animal, et se modilie selon son âge, son état de santé et de maladie, les conditions organiques dans lesquelles il peut être. D'autre part, l'absorption ne peut pas être une simple imbibi- tion mécanique, puisque la substance absorbée est en même temps élaborée , assimilée à la substance de l'être. Elle ne peutpas êtreune action chimique générale, puisqu'il n'ya nuls rapports chimiques entre les maté- riaux absorbés et la matière vivante qui en résulte; puis- que de la connaissance chimique des premiers, on ne peut conclure chimiquement à la formation de la se- conde; puisqu’enfin toute action chimique générale est impropre à produire une matière vivante, et que c’est Les istité # FONCTION DES ABSORPTIONS. 3 unematière vivanteque fait l'absorption. Cette absorption est donc encore une de ces actions exclusives aux corps vivans, et, à cause de cela, appelées organiques et vitales. Il importe de consacrer dès le principe ces di- verses propositions, parce qu'elles seront vraies des autres modes d'absorption, quelque compliqués qu'ils soient ; la complication n’ayant après tout d’autre but que de faire accomplir par un plus grand nombre d’ac- tions dans un être plus composé, ce qui dans les êtres simples est accompli par une seule. Dans l’homme , comme dans tous les animaux supé- rieurs , la fonction des absorptions se présente avec d’au- tres traits : 1° D'abord ces absorptions sont multiples. D'une part, c’est dans un lieu autre que celui où se fait l'absorption des matériaux réparateurs appelés alimens , que s’accomplit celle de l’air ; et on fait de cette der- nière une fonction séparée , sous le nom de respiration. D'autre part, l'absorption alimentaire n’est pas la seule à l’aide de laquelle le sang soit renouvelé: il en est une autre, qui s'exerce sur des matériaux provenant de l’éco- nomie elle-même : qu’on appelle, à cause de cela , in- terne, par opposition à la précédente , qui est appelée externe; et dont le produit sert aussi à former le sang , ou au moins vient y aboutir. Et, comme parmi les matériaux que recueille dans l’économie cette absorption, se trouvent ceux qui sont repris dans les organes pour leur décomposition, il en résulte que la fonction d’ab- sorption qui, dans les derniers animaux , ne servait dans la nutrition qu’au mouvement de composition , dans l’homme et les animaux supérieurs , sert en même temps au mouvement de décomposition. 2° Ce n’est pas immédiatement que les absorptions accomplissent ne 4 . FONCTION DES ABSORPTIONS. la composition et la décomposition ; elles constituent seulement des fluides, que la respiration ensuite chan- gera dans le fluide général de la nutrition , en sang ; et c’est celui-ci qui servira à la composition et à la décom- position. Et, en effet, puisque le principe que l'absorption puise dans l'air, estseul capable de donner aux autres ma- tériaux nutritifs que cette action saisit; la faculté d’être assimilables; et, puisque ces deux absorptions se font dans des lieux séparés : on concoit que ce n’est que lorsque le produit de l’une est allése mêler au produit de l’autre, qu’il peuten résulter une matière assimilable. Il résulte de là que , dans l’homme comme dans les animaux supérieurs, 1° l'absorption est multiple, ex- terne et interne; 2° que cette fonction doit être définie l’ensemble des actions par lesquelles sont recueillis les matériaux nutritifs tant externes qu'internes, el sont fabriqués les fluides qui serviront eux-mêmes de base à la composition du fluide général de la nutrition, le sang artériel. Dans l’étude que nous allons faire de cette fonction, nous allons d’abord spécifier les diverses espèces d’ab- sorptions qui se produisent dans le corps humain , où autrement énumérer les matériaux divers , tant externes qu’internes , que recueille l'absorption ; ensuite trailer de chacune des absorptions en particulier. CHAPITRE [°. Des diverses Absorptions qui se produisent dans le Corps humain. Toures les absorptions qui se font dans le corps hu- main peuvent se rapporter à deux grandes classes : DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. # 5 1° cellesiqui , constantes, entrent dans le mécanisme de la nutrition, et qui, faisant constamment subir aux substances qu’elles saisissent une élaboration, en for- ment les fluides qui serviront ensuite à constituer le sang : nous les appellerons les absorptions nutrilives ; 2° cles qui ne se produisent qu'éventuellement , qui, loin de faire partie du mécanisme nutritif , le plus sou- vent nuisent à l’économie , et qui presque toujours laissent avec leur nature première les matières qu'elles saisissent, ou au moins leur impriment une altération moindre. Les absorptions digestive et interstitielle , parexemple, appartiennent àla première classe; el l’ab- sorption du mercure par la peau , conséculivement à des frictions pratiquées sur celte pere » Se rap- porte à la seconde. ARTICLE ή. Des Absorptions nutritives. Elles se partagent en externes et internes , selon que les matières qu’elles saisissent sont prises au dehors ou dans le corps humain lui-même. * 1° Les absorptions nutritives externes sont chez l’homme au nombre de deux, la digestive et la respi- raloire. L’absorption nutritive digestive est’ celle qui se fait dans l’appareil digestif sur les alimens et les boissons, après que ces substances ont subi dans cet appareil une élaboration préalable par la digestion. Elle est incon- testable. D’abord , le raisonnement seul doit la faire ad- mettre; car sans elle l'alimentation ne remplirait pas son objet. Ensuite elle est prouvée directement, car on 6 "FONCTION DES ABSORPTIONS. peut en,spécifier les agens, l'appareil des vaisseaux chylifères, et le produit , le fluide appelé chyle. Nous verrons qu'on peut la subdiviser comme la digestion à laquelle elle fait suite, en absorption des alimens ou chylose, et absorption des boissons. Elle se fait exclu- sivement dans l’appareil digestif, celle au moins qui est relative aux alimens. Quelques physiologistes avaient voulu que la peau y concourût aussi ; mais cela ne peut être tout au plus soupconné que pour les boissons : en l’admettant pour les alimens, on s'était évidemment laissé égarer par une fausse analogie avec les derniers animaux qui, privés d'appareil digestif, se nourrissent par l’absorption de la surface externe de leur corps, ou chez lesquels cette surface externe est congénère de la cavité digestive. L’absorption nutritive respiratoire est celle qui agit en dedans des poumons sur l'air de la respiration, et y puise le principe essentiel à toute vie , l'élément auquel iout fluide nuiritif doit d’être assimilable. Comme c’est elle qui fait essentiellement le sang artériel, on l’a con- sidérée comme une fonction distincte , sous le nom de respiration. Nous n’en parlerons donc pas à cet article, d'autant plus que tous les physiologistes n’admettent pas que ce soit par absorption que le principe utile del’airsoit introduit. Nous ajouterons seulement que quelques phy- siologistes ont cru aussi que cette absorption se faisait en partie par la peau; mais ils ont encore en cela été séduits par une fausse analogie avec des animaux sim- piles, qui respirent en totalité ou en partie par la peau. Ces deux premières espèces d’absorption représentent tout ce que l’homme prend au dehors de lui pour sa putrilion. Elles n’ont pas d’autres buts que ceux de pré- DES ABSORPTIONS EN GENÉRAL. 7 parer des matériaux pour le sang, c'est-à-dire le chyle, ou de faire ce sang lui-même. Elles font partie néces- saire du mécanisme de la nutrition , et ne peuvent cesser sans entraîner plus ou moins prochainement la mort : cependant elles ne sont pas si constantes que les ab- sorptions nutritives internes qui vont nous oCCuper; Car leur accomplissement dépend forcément de la présence d’alimens et de boissons digérés dans la cavité digestive, et de celle del’air dans le poumon; et on sait que cela peut être ou ne pas être. 2 Les absorptions nutritives internes, considérées sous le rapport des matériaux qu’elles recueillent , sont chez l'homme au nombre de trois : l’absorption iniers- titielle ou décomposante , l'absorption des sucs sécrétés récrémentitiels, et l'absorption de quelques parties des sucs sécrétés excrémentitiels. L’absorption interstitielle où décomposante , ainsi nonunée par unter, est celle qui reprend dans tout organe du corps un certain nombre de matériaux, pour que son volume n’augmente pas indéfiniment, et que la décomposition équilibre en lui la composition. On ne peut encore la révoquer en doute. Le raisonnement oblige aussi à l’admettre; car sans elle le corps qui recoit sans cesse de nouveaux matériaux croîtrait indéfiniment en masse. Ensuite des expériences l’ont démontrée ; Duhamel, ayant nourri des -animaux avec des alimens teints de la couleur de garañce, a vu que pendant ce temps les os de ces animaux étaient colorés en rose ; mais qu'ayant ensuite fait abandonner à ces animaux l'usage de la garance , leurs os étaient revenus à leur couleur première. Enfin plusieurs faits physiologiques , relatifs aux changemens que présentent les organes 8. FONCTION DES ABSORPTIONS. selon les âges , et des faits pathologiques , attestent aussi la réalité de cette absorption : c’est elle, par exemple, qui creuse le canal médullaire des os longs , les cellules de l’os ethmoïde, ces os étant tout solides dans le premier âge ; qui fait disparaître le thymus après la naissance, l’utérus ou le sein dans une extrême vicillesse ; qui décide le volume divers des organes dans les différens âges : c’est elle, qui dans le cal primiti- vement tout solide d’une fracture , creuse le canal mé- dullaire, qui dissipe une exostose , etc. Différente dans chaque crgane sous le rapport de son activité et de son caractère, on peut dire qu’elle est multiple, et qu'il y en à autant d'espèces qu'il y a de tissus particuliers dans le corps. L’absorption des sucs récrémentitiels est celle qui re- cueille tous ces sucs sécrétés récrémentitiels qu'a né- cessités l’organisation compliquée de l’homme, et qui versés sur des surfaces qui n’ont pas d’issue au dehors, demandent à être repris par une absorption , à mesure que la sécrétion les fournit. Les matériaux que cette espèce d'absorption recueille sont nombreux aussi: ce sont tous les sucs séreux, la synovie, la sérosité pers- pirée dans les aréoles du tissu lamineux ; Ja graisse , la moëlle et le suc médullaire :; les humeurs colorantes qui sont exhalées à la surface de la peau, de l'iris, de l’uvée et de la choroïde ; les trois humeurs de l’œil "la Iÿmphe de Cotunni; et enfin les humeurs exhalées dans l’intérieur des ganglions lymphatiques , et de ces organes particuliers, appelés par M. Chaussier ganglions-clan- diformes, comme le thymus, la thyroïde, etc. Sans doute tous ces sucs sont versés sur leurs surfaces propres pour des usages qui sont relätifs aux fonctions DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL, Q de ces surfaces ; la synovie, par exemple ,mend olis- santes les surfaces articulaires des os; les humeurs de l'œil remplissent dans cet organe l'office de verres réfrin- gens, etc. Mais enfin il n’en était pas moins nécessaire qu'une absorption les reprit à mesure que la sécrétion les renouvelle; et d’ailleurs il est certaines de ces ma- tières qui paraissent être comme une provision que la nature a mise en réserve pour servir d’aliment à l’ab- sorption interne , la graisse, par exemple. Toutefois, cette seconde espèce d’absorption interne est encore incontestable. Le raisonnement prouve aussi qu’elle a lieu ; car sans elle la quantité de ces divers sues aug- menterait indéfiniment. Des faits physiologiques et pa- thologiques la mettent hors de doute : ne voit-on pas varier selon les âges et selon les diverses conditions de la vie, les quantités de la graisse et de la moelle? n’a. t-on pas vu une absorption dissiper tout à coup des hydropisies , qui ne sont que des accumulations de ces sucs ? Enfin, si on met en contact avec les surfaces qui sont le siége de ces sécrétions recrémentitielles des sub- stances étrangères diverses , liquides, ou gaz , comme nous le dirons ci-après , ces substances y sont absorbées : or, n'est-ce pas une présomption de croire que les sucs propres de ces surfaces le sont aussi? Du reste, il est évident que cette seconde espèce d'absorption est aussi multiple, et qu’on peut en distinguer autant d'espèces qu'il y a de sécrétions récrémentitielles. Enfin, l'absorption des sucs sécrétés excrémentiticels j est celle qui recueille quelques principes des sucs sé- crétés excrémentitiels, pendant que ces sucs parcourent les voies de leur excrétion , soit pour les äépouiller de ce qu'ils peuvent contenir encore d’utile , Soit pour 10 FONCTION DES ABSORPTIONS. leur donner la qualité que réclame l'office qu'ils ont à remplir, soitenfin, parce que l'absorption succède for- cément à tout contact prolongé. Quelques physiologis- tes croient que cette troisième espèce d’absorplion in- ierne est vraie de tout suc sécrété excrémentitiel quel- conque; ainsi, les matériaux qui seraient recueillis par elle seraient une partie des humeurs perspirées par la peau et les membranes muqueuses ; une partie des sucs lubréfians sécrétés par les follicules sébacés de la peau, par les follicules muqueux des membranes muqueuses , et par la glande lacrymale; un peu de salive, de bile, de suc pancréatique, de lait, de sperme , et enfin la partie la plus aqueuse de l'urine. Mais , si cette opinion estexa- gérée, et s’il est permis de douter que, selon l ordre na- turel, l’absorption doive reprendre quelques parties de tous ces sucs , au moins celte absorption est-elle cer- taine pour quelques-uns d’entre eux: pour la bile, par exemple, pendant son séjour dans la vésicule, et qui par suite de cette absorption se change en bile cystique; pour le sperme, qui n'étant excrélé que de loin en loin, et pouvant même ne l'être jamais À devait pouvoir être résorbé; pour l'urine, enfin , qui évidemment s’épaissit, et se concentre par son séjour prolongé dans la vessie. Si d’ailleurs, par un obstacle quelconque, l’excrétion de ces sucs ne peut se faire, ils sont en entier résorbés, el retrouvés plus ou moins en entier dans le sang. À la vérité, c’est là un de ces cas d’absorptions insoli- tes que nous rapportons à la seconde classe d’absorp - lions , el dont nous parlerons Ci - après : mais nous voulons ici en tirer celte conséquence, que si l’absorp- tion de ces sucs excrémentitiels peut se faire en entier, à plus forte raison peut-on croire à celle de quelques- DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. 11 uns de leurs principes , à celle de leurs élémens les plus fluides. Telles sont toutes les absorptions nutritives internes. Elles représentent tout ce que l’homme puise en lui-mê- me pour la composition de son fluide nutritif général. En même temps qu'elles ont pour but la composition de ce fluide , elles remplissent aussi d’autres offices ; J’absorption interstitielle, par exemple , fait partie in - tégrante de la nutrition proprement dite ; l'absorption des sucs récrémentitiels assure l'intégrité physique des parties , et dans l’histoire de ces sucs tient lieu de l’ex- crétion. Enfin , entrant tout aussi forcément que les ab- sorptions externes dans le mécanisme de la nutrition, elles sont peut-être encore plus évidemment constantes , puisque les matériaux sur lesquels elles opèrent sont nécessairement toujours là. Voilà toutes les absorptions nutritives. L'auteur d’un ouvrage intitulé : du Siége et de la nature des ma- ladies, M. Alard, considérant, comme formés exclu- sivement de vaisseaux absorbans, les parenchymes di- vers où s’accomplissent les nutritions, les sécrétions et les calorisations , veut qu’on regarde ces diverses fonc- tions comme autant d'espèces d’absorptions. Mais, sans prononcer ici sur le fait d'anatomie dont il arguë , je crois que le même motif qui a fait faire de absorption de l’air une fonction distincte, la respiration, doit faire séparer de la fonction qui prépare les matériaux du sang, c’est-à-dire de l'absorption , les fonctions qui règlent les divers emplois de ce sang dans les organes. On suit mieux ainsi l’artifice de la nutrition dans l’homme. Dans ce tableau des absorptions nutritives de l’hom- me, nous relrouvons ce trait fondamental de l’absorp- 12 FONCTION DES ABSORP TIONS. tion , qu’elle n’est pas une simple action de pompement, mais bien une action d'élaboration. La matière, en effet, en même temps qu'elle est saisie, est travaillée, et éprouve un changement de nature. Dans l'absorption di - gestive, par exemple, le chyme est changé en chyle; et, dans les absorptions internes , les matériaux repris sont aussi changés en des fluides , que nous verrons être la Iymphe et le sang veineux. | Arrrcze Il. Absorptions éventuelles. } Nous avons appelé ainsi celles qui ne se produisent qu'accidentellement, qui surtout, ne faisant pas partie intégrante du mécanisme de la nutrition, tour à tour sont utiles et nuisibles, et Le plus souvent laissent intac- tes ou altèrent moins profondément les matières qu’elles introduisent dans le corps. On peut aussi les distinguer en externes et internes, selon que la matière absorbée est prise au dehors, ou provient de l'éconcmie elle- même. 1° Les absorptions accidentelles externes ne peuvent se faire que par les surfaces de notre corps qui sont na- turellement extérieures et en contact avec des substances étrangères , Savoir , la peau , et les membranes muqueu- ses : et de là deux espèces d’absorptions de ce genre, chez l’homme , la cutanée et la muqueuse. L’absorption accidentelle cutanée est celle que quel- quefois exerce la peau sur les substances étrangères , tant solides que liquides et gazeuses, avec lesquelles cette membrane peut être en contact. Nous avons déjà dit que, de toute cerlitude chez l’homme, La peau n’absor- DES ARSORPTIONS EN GÉNÉRAL. 19 bait aucuns alimens proprement dits. Paracelse dit avoir soutenu des malades avec des bains nourrissans, des bains de lait, de bouillon ; mais, s’il est vrai que la peau ait absorbé ces substances , elles n’ont agi que comme li- quides. Il y a plus de doutes relativement aux boissons : au récit de voyageurs dignes de foi, la soif à été calmée par des bains , et par une application de vêtemens mouil- lés sur la peau; mais encore en admettant le fait, l’ab- sorption des boissons par la peau n’en serait pas moins accidentelle , puisque nous ne sommes pas plongés natu : rellement dans l’eau. Enfin, à l’article dela respiration, nous prouverons que , chez l’homme, la peau n’absorbe pas non plus l'élément respirable , et que cet élément est exclusivement saisi dans le poumon. Ainsi, l'absorption cutanée dont nous voulons parler ici, évidemment n’est pas nutritive comme celles qui nous ont occupé jusqu’à présent; mais, par elle , peuvent pénétrer quelquefois dans l’économie plusieurs élémens des substances qui sont en contact avec la peau. Cependant il y a débats parmi les physiologistes au sujet de cette absorption. Les uns disent qu’elle est aussi fréquente que facile, et invoquent des faits nom- breux. Après Les bains, disent-ils, le corps augmente de poids, et la sécrétion urinaire redouble d’activité pour débarrasser l’économie de toute l’eau que la peau a ab- sorbée. Il en est de même à la suite du séjour dans un air humide. Gorter a vu, dans un de ces cas, le poids du corps être augmenté de 2 à 6 onces, et Keil de 18. Sym- son, faisant prendre un bain de pied à un fébricitant, a vu l'absorption de l’eau se faire , au point que le niveau du liquide baissât sensiblement. Mascagni a vu les ganglions de l’aine se gonfler à la suite de pédiluves : 1 / FONCTION DES ABSORPTIONS. M. Chaussier, en plongeant des animaux dans du gaz hydrogène sulfuré, les a asphyxiés, quoique l'appareil fût disposé de manière que ces animaux ne respiraient pasle gaz funeste. Qui ne sait, que par la peau, pénètrent souvent les vapeurs métalliques, celles du cuivre, du plomb, du mercure ? Bichat s’est assuré que par cette voie il absorbait les miasmes putrides des amphithéâtres d'anatomie; et, pour qu’on ne pût pas attribuer les effets qu’il observait à l'absorption par les voies pulmonaires, comme on l'avait objecté aux expérimentateurs précé- dens, il avait combiné son expérience de manière à ce qu’il respirait un air autre que celui chargé des miasmes cadavériques. Qui pourrait méconnaître que l’absorp- tion cutanée est une voie par laquelle pénètrent fré- quemment les germes des maladies , un moyen de trans- mission des diverses contagions, de la variole, de la vaccine, etc. ? Enfin, ilest si peu possible de douter de l’action absorbante de la peau , que les médecins y onteu recours, pour faire pénétrer dans l’économie, les médica- mens destinés à guérir les maladies. Dès la plus haute an- tiquité , les médicamens furent introduits par cette voie ; les Anciens purgeaient à l’aide de boules qu’on maniait dans les mains, et qu'ils appelaient, pila purgatoria. Lors de la découverte de la syphilis, et de l’action spéci- fique du mercure sur cette affection, c’est en frictions que cette substance fut employée. Les Arabes donnaient presque tous les médicamens sous cette forme : de nos jours, Chiarenti, Brera, Chrétien, ont rappelé l'usage de cette méthode eispnoïque. Nous avons vu MM. Pinel, Alibert , Duméril, dans des expériences semblables à celles faites jadis par les Arabes , administrer avec succès en frictions, des purgatifs, des vomitifs, des DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL, US diurétiques, des vermifuges, jusqu’au quinquina lui- même. Ainsi l’action absorbante de la peau semble d’après ces faits être incontestable; et l’on émet généralement le sage précepte d’y avoir égard dans le choix des topi- ques que l’on emploie dans la pratique de la médecine : souvent on a vu, par exemple, survenir des accidens d’empoisonnement, consécutivement à l’application de topiques qui contenaient de l’arsénic. Au contraire , d’autres physiologistes nient, ou au moins croient moins fréquente et moins facile qu’on ne l’a dit, l'absorption cutanée. Ils n’ont jamais vu , disent- ils , l’eau d’un bain être absorbée, non plus que l’humi- dité de l'air dans lequel on est plongé : si, dans ces cas, le corps a augmenté de poids, et si l’urine a été plus abondante, c’est qu'il y avait eu diminution dans la per- spiration cutanée. L’épiderme est, selon eux, un obsta- cle que la nature a placée elle - même sur la peau pour prévenir son action d'absorption, et nous arracher aux dangers qui nous auraient continuellement menacés si cette absorption avaitété si facile. L’absorption cutanée n’a lieu que si l’épiderme est enlevé, ou si la substance à absorber est placée au-dessous de lui, ou est de nature à le détruire , et à mettre ainsi à nu la surface absor- bante, On sait, en eflet, que pour obtenir avec plus de certitude une absorption cutanée , il faut souvent dépo- ser la matière à absorber au - dessous de l’épiderme, comme dans l’inoculation de la variole , de la vaccine. Si des frictions cutanées facilitent l’absorption, c’est qu’el- les enlèvent l’épiderme, ou l’amollissent , ou font péné- irer au-dessous de lui la substance à absorber. Les bains agissent de même. Qui ne sait que les points de la peau où l'absorption est la plus facile, sont ceux où l’épiderme 10 FONCTION LES ABSORPTIONS. est plus mince , aux lèvres, à la bouche, au gland, ete. ? Qui ignore que l'absorption s'effectue en quelques mi- nutes dans tous les lieux où la peau est dénudée, comme à la surface d’un vésicatoire , par exemple ? et quel ac- coucheur, quel anatomiste ne connaît le danger qu’il y a pour l'absorption à avoir des écorchures aux doigts ? Enfin, Séguin a fait des expériences pour prouver que la peau n’absorbe pas d’eau dans le bain, et que l’épi- derme qui recouvre cette membrane est un obstacle na- iurel à cette action : il a soumis deux fois par jour, et pendant une ou deux heures, des malades affectés de syphilis, à des pédiluves faits avec 16 livres d’eau et 3 cros de sublimé , et aucun n’a guéri, sauf trois qui avaient des excoriations aux jambes. Dans d’autres ex- périences , ce savant a trouvé que l'absorption se faisait d'autant plus facilement, que la substance mise en con- tact était plus irritante , plus disposée à détruire l’épi- derme et à se combiner avec lui : il plaça sur la peau de l’abdomen d’une personne, la peau étant convena- blement lavée et nettoyée, des morceaux du poids d’un gros de cinq substances différentes : mercure doux , sca- monée , gomme gutte, sel d’Alembroth et émétique ; chacune de ces substances était maintenue sous un verre de montre séparé; après 10 heures de séjour , et la cha- leur de la chambre où se faisait l’expérience étant à 15 degrés , il trouva que c’était la substance la plus irritante qui avait le plus perdu de son poids , qui conséquemment avait été absorbée en plus grande quantité ; il y avait eu deux tiers de grain du mercure d’absorbé , un grain de somme gutte, 5 d'émétique, et 10 de sel d’Alembroth. La vérité est entre ces opinions extrêmes; et, s’il est impossible de méconnaître en de certains cas la réalité DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. 17 de l'absorption cutanée , il faut aussi avouer que cette absorption est moins fréquente qu’on ne l’a dit, et que réellement l’épiderme y met obstacle : en beaucoup de cas où la contagion à été rapportée à l'absorption cu- tanée, cette contagion était due à l'absorption respira- toire. Dès-lors, puisque cette absorption dépendle plus sou- vent de la condition que la matière à absorber parviendra sous l’épiderme , on concoit pourquoi elle est si peu sûre, pourquoi l’état de sueur la contrarie, etc. Puisque l’épi- derme influe si prochainement sur elle, on concoit pour- quoi elle variera selon les âges , les sexes , les saisons , etc. Mais il reste bien évident toutefois que cette absorp- tion est insolite, e& n’entre pas dans le système général de la nutrition. L'absorption accidentelle muqueuse est celle qu’exer- cent les membranes muqueuses sur les substances étran- gères , tant solides que liquides et gazeuses , avec lesquelles ces membranes sont naturellement en contact , OU qu’on peut appliquer exprès à leur surface. Nous avons déjà dit souvent que ces membranes muqueuses représen- taient dans leur ensemble une sorte de peau intérieure , élant aussi dans un contact forcé avec des substances étrangères. Or, ces membranes exercent sur ces substan- ces une action d'absorption , qui est même beaucoup plus active que l'absorption cutanée , soit parce qu’elles n’ont pas d’épiderme, ou en ontun moins épais, soitparceque ces membranes étant le siége des absorptions digestive, respi- ratoireet excrémentitielle, sont par suite aptes à effectuer toute absorption quelconque. Aussi personne ne les a mé- connues. La faculté absorbante de la muqueuse gastrique est démontrée par le passage dans le sang de quelques- uns des principes non chylifiés des alimens et des bois- 3. 2 18 FONCTION DES AB ORPTIONS. sons , de leur matière colorante, par exemple; par celui des médicamens qu’on fait pénétrer par cette voie , etc. La matière des lavemens est aussi absorbée dans le gros intestin. Souvent la syphilis a été contractée par le rectum , de même que c’est par la bouche que dans la méthode de Clark pénètre le mercure destiné à la guérir. M. Chaussier a asphyxié des animaux par une injection de gaz hydrogène sulfuré dans cette membrane muqueuse. Enfin , de nombreux expérimentateurs ont vu cette membrane absorber les diverses substances li- quides ou gazeuses , que lon mettait exprès en contact avec elle. Il en est de même de la membrane muqueuse pulmo- paire : sans parler ici de l'absorption nutritive qu'elle exerce sur l’oxigène de l’air , elle en exerce une fort ac- tive sur toutes les substances qui peuvent être en contact avec elle : elle saisit, par exemple, les divers atomes, ou métalliques, ou pulvérulens , les miasmes délétères , odorans, l’eau , qui sont mêlés à l'air de la respiration , ou en suspension dans Ce gaz. La respiration d’un air hu- mide à souvent donné lieu à une sécrétion urinaire plus abondante ; la respiration d’un air chargé de l’arome de l'essence de térébentine a donné à l’urine l’odeur de violelle, ce qui prouve que l’arome avait été absorbé. Beaucoup de faits qui étaient attribués à l'absorption cu- tanée , sont dépendans de l'absorption pulmonaire. On ne peut la méconnaître dans les asphyxies positives , puis- que les gaz délétères ont alors été retrouvés dans le sang. Elle est aussi la source de beaucoup de contagions, ie l'introduction fréquente dans l’économie de germes de maladie : parelle on peut faire pénétrer les médicamens, et e’estenvpartie sur Cetle absorption que Beddoës et DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. 19 d'autres médecins ont fondé la méthode de rendre mé- dicinal l'air qu’on fait respirer à des malades. Enfin , des substances liquides elles-mêmes ont été absorbées dans le poumon ; Gohier a vu disparaître ainsi celles qu’il avait injectées dans les bronches de quelques chevaux, par une ouverture qu'il avait faite à leur trachée-artère, au-dessous du larynx. Nous en dirons autant de la membrane muqueuse gé- nito- urinaire. N'est-ce pas par cette membrane que se contracte la syphilis ? Les injections qu’on pousse dans la vessie n’y sont-elles pas souvent absorbées ? Encore une fois , ces absorptions muqueuses sont plus actives que la cutanée, probablement parce que ces membranes devant être le siége des absorptions digestives, respiratoire et excrémentitielles , la nature a dû ne pas les revêtir d’épiderme, et, au contraire , a dû faire prédo- miner en elles la condition de structure qui fait l’absorp - ton. Mais il n’en est pas moins certain que ces absorptions sont accidentelles , et étrangères au mécanisme de la nu- trition. Telles sont les deux surfaces de notre corps , qui étant naturellement en contact avec des substances étrangè - res, peuvent en effectuer l’absorption. Mais il faut ajou- ter qu’il n’est aucune de nos parties qui ne puisse ab- sorber de même les corps étrangers qui sont mis en contact avec elles. [ci il faudrait rappelerles nombreuses expériences faites par les physiologistes , pour faire pénétrer dans l’économie , à l’aide de l'absorption , et par toutes surfaces quelconques du corps, des sub stances étrangères, tant solides que liquides et gazeuses. M. Chaussier à fait une plaie à un animal vivant , a in- séré dans la plaie un calcul, a obtenu sur lui la cicatri- 2* 20 FONCTION DES ABSORPTIONS. sation, et a vu, avec le temps, ce calcul être rongé par F’absorption , et disparaître, MM. Dupuytren et M agendie ont injecté divers liquides dans jes cavités des membra- pes séreuses , dans les aréoles du tissu cellulaire , dans les parenchymes des organes, el ils ont vu l’absorption s’en faire. MM. Achard, Gallandat, Nysten, Chaussier ont injecté dans les mêmes lieux différens gaz, de l’oxi- gène , de l’acide carbonique , du gaz hydrogène sulfuré , etc. , etils ont vu aussi l'absorption s’emparer de ces gaz. Qui ne sait d’ailleursque c’est par cette absorption que dis- paraît l'air quiremplit le tissu cellulaire, dans ce qu’on ap- pelle l’emphysème? Toute partie donc absorbe lorsqu'elle n’est pas revêtue d’une couche d'épiderme ; soit parce que c’est le propre de tout tissu vivant , ainsi que nous avons dit que cela était dans les derniers animaux ; soit parce que dans l’homme toute partie contient une dépendance des systèmes vasculaires que nous verrons être les agens des absorptions. Du reste, nous n'avons pas besoin de prouver que les absorptions de ce dernier genre sont insolites , et étrangères au plan de la nutrition, puisqu'il faut porter exprès sur les surfaces qui les effectuent les matières qui sont saisies. 2° Absorptions accidentelles internes. Ce sont celles qui opèrent sur des matériaux provenant du corps hu- main lui-même : et ceux-ci sont; ou des sucs excrémen- titiels , soit de santé, soit morbides, qui, par cela seul qu'ils sont excrémentitiels , sont de véritables corps étrangers pour l’homme ; ou toute humeur quelconque du corps, lorsqu'elle estune fois sortie de sa filière accou- tumée , de son appareil spécial. Ainsi, quand un suc excrémentiliel quelconque ne peut être excrété , qu'un obstacle à son expulsion le fait DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. 91 séjourner dans son appareil spécial, Fabsorplion s’en empare , et le reporte dans le sang. Ainsi la bile est sou- vent résorbée , et va, comme dans l'ictère, temdre en jaune toutes les parties. Ainsi, dans la paralysie de la vessie, ou quand on a lié chez un animal vivant les ure- ières , l’urine est reportée dans le sang, etimprègne tous les parenchymes , tous les fluides. Cela est vrai des ma- tières fécales elles - mêmes; on a vu , lors d’un séjour prolongé de ces matières dans le rectum , l'absorption s’en faire en partie, et la transpiration de la personne exhaler l’odeur des fèces. Ge que nous disons des sucs excrémentitiels propres à l’état de santé, doit s’entendre aussi des sucs excrémentitiels morbides, du pus, des ichors, etc. : quand ces fluides n’ont pas une issue facile au dehors, ils sont résorbés aussi; et de là résultent peut-être la fièvre lente qu’on chserve en ces cas, l’in- fection générale du sang, etc. D'autre part , toute humeur quelconque du corps, quand elle est hors de sa filière, de ses vaisseaux pro- pres , peut être considérée commeun corps étranger ; et, si elle ne détermine pas par sa présence une inflamma- üon , des dépôts , elle est recueillie parl’absorption. Ainsi le sang extravasé dans une ecchymose, épanché dans une cavité splanchnique quelconque, dans le tissu du cer- veau lors d’une apoplexie , etc., estrésorbé. Cela est vrai de matières solides elles-mêmes; et c’est ainsi, par exemple. que disparaissent le cristallin dans l'opération de la cataracte par abaïssement, lefætus dans une gros- sesse extra-utérine ; que se résolvent beaucoup d’empâte- mens , d’engorgemens , d’altérations organiques , qu’ont laissées dans des organes des maladies antérieures. Ilest bien évident encore que toutes ces absorptions 922 FONCTION DES ABSORPTIONS. ne sont qu'éventuelles, puisqu'elles sont subordonnées aux circonstances insolites qui les réclament : seulement, tandis que le plus souvent les autres absorptions éven- tuelles sont nuisibles, celles-ci sont avantageuses , mé- dicatrices , et ont pour but de réparer les désordres qui existaient dans l’économie. Telles sont les absorptions de la seconde classe, ou éventuelles. Îl est bien évident qu’elles diffèrent déjà des nutritives , en ce qu’elles ne sont pas constantes , et ne font pas partie intégrante du mécanisme de la nutrition; mais elles s’en distinguent encore, en ce qu’elles ne font pas comme elles subiraux matières qu’elles ontintroduites dans l’économie une forte élaboration ; le plus souvent elles laissent ces matières intactes , ou au moins elles leur impriment une altération si peu profonde, qu’on peut le plus souvent les reconnaître avec leurs qualités premières dans les vaisseaux où elles ont pénétré. Voyez, par exemple , les absorptions cutanées : Bichat retrou- vait dans les gaz qui sortaient de son intestin , l'odeur ca- davérique des miasmes qu'avait absorkés sa peau. On re- trouve plus ou moins dans le sang , et avec leur nature propre, les substances médicamenteuses qu’on a appli- quées en frictions. Puisque d’ailleurs ces substances vont toutes exercer une action spécifique sur quelques orga- nes , il faut bien qu’elles aient conservé un peu de leur nature première, et qu’elles n’aient pas été changées ea entier en un fluide identique , comme nous avons dit que l’étaient les matériaux des absorptions nutritives. Il en est de même de l’absorption externe muqueuse. Quant à l'absorption accidentelle interne, cela est vrai aussi de tous les sucs qui sont excrémentitiels ; n’a-t-on pas dis- tingué sûrement la bile dans le sang ? N’y est-elle pas en 2 DES ABSORPTIONS EN PARTICULIER. 198 totalité ou en partie dans la jaunisse ? L’urine n'y est- elle pas de même dans les cas décrits par M. Richerand sous le nom de fièvre urineuse ? Il n’y a de doute que pour les sucs récrémentitiels : d’un côté, on peut mécon- naître leur présence dans le torrent circulatoire; et, de l'autre , rien n'empêche de croire qu’ils sont changés dans les fluides des absorplions nutrilives , puisqu'ils ne sont autres que les matériaux de ces mêmes absorptions. Cette dernière différence est bien importante à consta- ter, puisqu'il en résulte que , dans ces absorpiions éven- tuelles , nous aurons toute certitude des agens qui les au- ront effectuées , retrouvant les matières dans les Vals - seaux où elles auront été introduites; tandis que nous n’aurons pas cet argument direct et irrécusable pour les absorptions nutritives. Mais nous verrons que nous con- clurons des unes aux autres. CHAPITRE ILE. Des Absorptions en particulier. MainTENANT que nous avons énuméré toutes les es- pèces d’absorptions qui se produisent dans le corps hu- main , il s’agit de faire l'histoire particulière de chacune d'elles, c’est-à-dire d’en indiquer les agens ; le méca- nisme et le produit, Mais d’abord, nous n’avons pas besoin de donner sur les absorptions insolites plus de détails que nous n’en avons présentés : ou elles ne sont que des phénomènes d’imbibition , analogues à ceux qui ont plus ou moins lieu dans tous les corps à raison de leur poro- sité ; ou elles sont effectuées par les mêmes agens que ceux que nous verrons accomplir l'absorption nutritive inter- ne; ct ne faisant pas partie du plan de santé, les con- 24 FONCTION DES ABSORPTIONS. sidérations qui les concernent se rattachent À d’autres branches de Ja médecine, à la pathologie, l’hygiène, la matière médicale. Ce que nous en avons dit d’ailleurs suffit pour notre objet. Ensuite, des cinq espèces d’absorp- tions nutritives; d’un côté, nous renvoyons l'absorption respiratoire à la fonction de la respiration ; et de l’autre nous réunissons , sous un même titre, celui d’absorp- tion interne, les absorptions interstitielle , récrémenti- uelle et excrémentitielle, Nous n’avons donc à parler ici que de l'absorption digestive et de l'absorption interne. Anriczg Ie, Absorption digestive. L’absorption digestive est celle qui opère sur les ali- mens et les boissons, après que ces substances ont éprouvé l'élaboration préalable de la digestion. Comme la digestion à laquelle elle fait suite, il faut la subdiviser en absorption des alimens ou chylose, et absorption des boissons. . I. Absorption des Alimens ou Chylose. 7 JA Gette espèce d'absorption digestive est encore nommée chylose, parce que son produit est un fluide particulier, appelé chyle. Dans son histoire il faut revenir à l’ordre que nous avons suivi pour toutes les autres fonctions, c'est-à-dire faire d’abord la description anatomique de l'appareil d'organes qui en est l'agent, puis en exposer le mécanisme. 19 Appareil de la Chylose. Dans les derniers animaux, et jusqu'aux crustacés, DE L’ABSORPTION CHYLEUSE. 99 on ne voit point d’appareil distinct destiné à recueillir dans les alimens chymifiés ce qu’ils contiennent de pro- pre à la nutrition. Ge produit, quel qu'il soit , paraît être transmis aux parties qui doivent se l’assimiler par une véritable imbibition. Mais dans les animaux supérieurs, il y a un appareil distinct destiné à cet usage ; et chez l’homme, cet appareil appelé chylifére, consiste en un système de vaisseaux qui, d'un côté, communiquent médiatement ou immédiatement avec la cavité de Fin- testin grêle, qui, de l’autre ,aboutissent tous à un tronc unique appelé réservoir de Pecquet, canal thoracique, et qui, dans ce trajet, traversent d’intervailes en in- tervalles, un grand nombre de ces organes de mixtion, d'élaboration des fluides , appelés ganglions, et qui sont ici nommés ganglions mésentériques. 1° Les vaisseaux chylifères commencent à la surface interne de l'intestin grêle , dans ce que nous avons appelé les villosités de l’intestin, à la surface et dans le fond des valvules conniventes. Cela est prouvé par absorption même qu'ils doivent effectuer; car il faut bien qu'ils puissent prendre dans le chyme que contient cet in- testin, les matériaux de leur travail. Mais la ténuité de ces vaisseaux est telle à cette origine, qu’on ne peut en voir la disposition. La plupart des anatomistes pensent que leur communication dans l'intestin est immédiaie, c’est-à-dire qu'ils ont des orifices ouverts à la surface des villosités intestinales : telest Cruiskank, qui dit avoir reconnu sur une villosité intestinale dix à douze orifices remplis de chyle qu’il avait coagulé en plongeantl’organe dans l'alcool ; tels sont encore Bleuland; Hewson sur- tout, qui , en injectant les vaisseaux sanguins des villosi- tés intestinales , dit avoir vu les orifices des chylifères ; 26 FONCTION DES ABSORPTIGNS. tels sont enfin Lieberkun , qui dit que ces radicules des chylifères consistent en de petites ampoules érec- tiles, et Bichat qui les appelle des suçoirs. Au con- iraire , Rudolphi, Albrecht et Meckel , pensent que les chylifères n’ont pas des orifices libres dans la cavité de l'intestin; mais qu'aux villosités où se fait l’absorp- tion, il existe un tissu spongieux, une sorte de sub- stance gélatineuse qui effectue cette absorption, et qui ense continuant avec les parvis des chylifères en conduit le produit dans l’intérieur de ces vaisseaux. Quoi qu’il en soit de cette question d’anatomie, ces vaisseaux chylifères, commençantmédiatement ou immé- diatement dans l'intestin , s’avancent très-petits et très- nombreux, d’abord entre les membranes muqueuse et musculeuse de l'organe, puis entre les membranes musculeuse et séreuse. Parvenus au lieu où cette der- nière abandonne l'intestin , ils le quittent aussi, et ram- pent l’espace d’un à deux pouces dans l'épaisseur du mé- sentère. Alors ils trouvent une première rangée de gan- glions mésentériques et s'y plongent. Ils en sortent bientôt, mais plus gros et en moindre nombre , parcou- rent un autre espace dans le mésenière , et parviennent à une seconde rangée de gangliôns mésentériques qui sont situés plus loin , et où ils se plongent de même. En ressortant encore plus gros et moins nombreux , ils che- minent pour en atteindre d’autres , et cela ainsi de suite , jusqu’à ce qu’enfin ils viennent tous aboutir vers la por- tion lombaire du rachis à un réservoir commun , qui est la partie inférieure du canal qui verse la lymphe dans le sang, et qu’on appelle canal thoracique. Ge réservoir appelé réservoir de Pecquet, ou cisterna chyli, estsitué vers la troisième vertèbre des lombes , au côté droit de DE L’ABSORPTION CHYLEUSE. 27 l'aorte , derrière le pilier correspondant du diaphragme, et les vaisseaux propres du rein droit. Dans ce trajet , ces vaisseaux établissent entre eux de nombreuses anastomoses , suivent généralement le cours des artères, étant en plus grand nombre que les vais- seaux sanguins , et s’étendent dans tout le mésenière. Ils existent à partir de la fin du duodénum , dans tout le jéjunum , et au commencement de l’'iléon; mais au- delà , il n’y en a plus : leur nombre est d'autant plus grand dans cet espace qu'ils sont plus supérieurs. Ils sont composés de trois membranes superposées les unes aux autres : 1° une extérieure , qui n’est guère qu’un tissu lamineux condensé qui les unit aux parties voi- sines ; 2° une moyenne, qui est dite fibreuse, ou au moins est assez résistante. 3° Enfin, une tout-à-fait in- térieure qui est mince : cette dernière fait au dedans d’eux des replis qui sont placés à deux lignes de distance environ les uns des autres, et qui sont ce qu’on appelle des valvules; ces valvules sont de forme semi-lunaire, opposées deux à deux; leur bord convexe et adhérent est tourné du côté de l’intestin, et leur bord concave et libre du côté du canal thoracique; de sorte qu’elles per- mettent bien le cours du chyle de l'intestin au canal thoracique , et non la marche rétrograde du chyle du canal thoracique à l'intestin. M. Magendie dit que leur existence n’est pas constante. 2° Les ganglions mésentériques sont de petits organes, e forme irrégulièrement lenticulaire, d’un volume qui varie depuis deux à trois lignes jusqu’à un pouce, au nombre de cent à peu près, situés entre les deux lames du mésenière, auxquels aboutissent les vaisseaux lym- 28 FONCTION DES ABSORPTIONS: phatiques de l'abdomen, et que traversent les vaisseaux chylifères dans leur trajet de l'intestin grêle au canal thoracique. Leur parenchyme est d’une couleur rose pâle, leur consistance médiocre; par la pression, on en exprime un fluide transparent et inodore, Leur structure, qu’il importerait surtout de connaître , est encore un sujet de débats, Selon les uns, ils sont formés par un pelotonnement de vaisseaux chylifères mille fois repliés sur eux-mêmes, divisés et anastomosés à l’infini, sou- orand 5 nombre de vaisseaux sanguins, Selon d’autres , il existe tenus par une trame celluleuse, et recevant un dans leur intérieur des cellules dans lesquelles arrivent , d’un côté, des vaisseaux chylifères dits afférens, d’où partent de l’autre côté d’autres vaisseaux chylifères dits efférens , et qui sont pleines d’un fluide lactescent qu’y ont apporté les chylifères ou qu’y ont exhalé les vais- seaux sanguins. La texture de ces organes échappe comme celle de tous ceux qu’on appelle ganglions , et qu'on dit vaguement être des organes de division, d’anastomose, Tout ce que l’on sait, c’est que la communication des vaisseaux afférens avec les efférens au travers de ces ganglions est facile , car une injection de mercure passe aisément des uns aux autres. Tel est l’appareil chylifère : on peut le voir avec fa- cilité, en examinant les parties sur le cadavre d’un sup- plicié, ou d’un homme qui a été tué soudain, et acci- dentellement deux ou trois heures après avoir mangé; ou bien encore , sur celui d’un animal qu’on sacrifie exprès dans une expérience : alors les vaisseaux pleins de chyle se dessinent et sont aisément reconnus , surtout si on a lié préalablement le canal thoracique. Sa découverte est DE L'ABSORPTION CHŸLEUSE, 29 moderne; en 1622 , Aselli découvrit les vaisseaux chy- lifères sur des quadrupèdes, des chiens, des chats, des chevaux ; illes appela veines lactées , et crut que comme les autres veines de l'intestin ils aboutissaient au foie. Ensuite Weslingius les reconnat sur l’homme lui-même, et signala leur terminaison au canal thoracique. Aujour- d’hui personne ne doute de leur existence ; on est incer- tain seulement de savoir s’il faut en faire un système vasculaire à part , ou les considérer comme une dépen-- dance du système vasculaire Iymphatique qui nous occu- pera ci-après. Comme avant la découverte ‘de ce système lympha- tique , qui est postérieure à celle des chylifères , on croyait que les veines étaient les agens des absorptions, on présentait aussi celles de l'intestin, les veines mésa- raïques , comme les instrumens de l'absorption dont il est question ici; et comme quelques physiologistes veu- lent encore que ces veines soient au moins congénères des chylifères sous ce rapport, il est bon d'en indi- quer , la disposition. Disons donc , qu'en même temps que les veines de l'intestin commencent par des radi- cules dans l'intimité du parenchyme de cet organe pour en rapporter les débris de la nutrition et les restes du sang artériel, ces veines ont d’autres radicules dans les villosités de l’intestin qui sont certainement Je lieu où se fait l’absorption. La même ignérance existe sur la disposition de ces veines à cette première origine ; les uns admettent une communication immédiate avec l'intestin par des orifices ouverts à la surface des villo- sités ; les autres ne croient qu’à une communication médiate à l’aide d’un tissu spongieux et gélatineux absor- bant , se prolongeant avec les parois de ces veines. 30 FONCTION DES ABSORPTIONS. Ce qu’il y a de sûr, c'est que ces veines ont des com- munications avec l'intestin; car, ainsi que nous le di- rons ci-après , des injections dans ces veines vonE suinter dans la cavité de l'intestin par les villosités. Toutefois ces veines nées de cette double origine se réunissent en ramaux de plus en plus gros , et de moins en moins nombreux; elles aboutissent toutes à un tronc unique, la veine-porte; et cette veine-porte va ensuite se ramifier dans le tissu du foie à la manière d’une artère. 2° Mécanisme de la Chylose: Pour ne rien omettre de ce qui appartient à l’absorp- tion chyleuse , nous allons étudier successivement : 1° quels sont les matériaux sur lesquels l’appareil chyli- fère agit; 2° ce qu’est l’action d'absorption qu’exécute cet appareil à son origine dans l'intestin; 8° quel est le cours du fluide qui en résulte , et quelles altérations ce fluide peut éprouver dans ce cours ; 4°enfin, ce qu’est cefluide considéré en lui-même. Nous terminerons en revenant sur la question de savoir si le système des vaisseaux chy- lifères est la seule voie par laquelle le produit utile des alimens parvient dans le sang. 1° Matériaux du chyle. Ges matériaux sont la masse chymeuse elle-même , après qu’elle a subi dans le duo- dénum l'influence inconnue de la bile et du suc pancréa- tique , et au moment qu'elle traverse lentement l'intestin grêle. Geque nous en avons dit à la fonction dela digestion nous dispense d'y revenir ici. C’est à la formation de ce chyme que nous en étions restés dans notre description du mécanisme de la nutrition : voyons maintenant ce que l’action d'absorption va faire de ce liquide. 2 Action absorbante des chylifères. Les vaisseaux DE L'ABSORPTION CHYLEUSE, - 31 chylifères, à leur communication médiate ou immédiate dans l'intestin ; puisent dans le chyme certains princi- pes, et fabriquent avec eux un fluide blanc appelé chyte, qui se laisse voir aussitôt dans leur intérieur. En quoi consiste celte action des chylifères ? D’abord, elle est trop moléculaire pour être szisissable par aucun sens, et elle n’est manifestée que par son résultat, la formation du chyle. En second lieu, le point précis où elle s’effec- tue n’est pas déterminé , et nous sommes ramenés ici à la difficulté que nous avons dit exister relativement à l’o- rigine des chylifères; les uns admettant des radicules de ces vaisseaux à la surface des villosités intestinales , les autres ne les faisant pas communiquer immédiatement avec le chyme, mais croyant qu’il existe à leur origine un tissu spongieux qui opère l’absorption. En troisième lieu , cette action n’est pas seulement une action de pom- pement, mais en outre une action d'élaboration qui fait le chyle : celui-ci en effet n’existe pas tout formé dans le chyme; en vain on a cherché à l’y reconnaître, en vain On à soumis ce chyme à une pression pour l'en ex- primer, jamais on n’a vu ce chyle avant les premiers vaisseaux chylifères. D'ailleurs , l’analogie des végétaux porte à le croire: à coup sûr le fluide nutritif de ces êtres vivans n'existe pas tout formé dans le sol, celui-ci n’en contient que les matériaux , et cesontles vaisseaux absor- bans des racines qui le constituent par l'élaboration qu'ils font subir à ces matériaux, au moment qu'ils les saisis- sent : or il en est de même du chyle dans les animaux. Enfin, l'essence de cette action d’ab orption des chylife - res-n'est pas plus pénétrable que celle de toute autre : nous ne pouvons assurer d'elle que les deux propositions que nous avons dites de l'absorption considérée en gé- 39 FONCTION DES ABSORPTIONS. néral, et de toutes les autres fonctions que nous avons examinées jusqu'ici, savoir; que les vaisseaux chylifè- res ne sont pas passifs dans sa production, et que cette action ne pouvant être assimilée à aucune action physi- que, mécanique et chimique, doit être dite organique et vitale. D'abord, cette opération de chylose est le résultat du mode d’action des chylifères; et, en effet , elle exige, pour se faire, l'intégrité, l’état de vie de ces vaisseaux : elle varie selon les conditions organiques diverses dans lesquelles ils peuvent être. La part qu'y ont les chili- fères est d'autant plus évidente, que le chyle , comme nous l'avons dit, n’existe pas tout formé dans le chyme, et qu'il ne s’agit pas seulement ici d’un simple pompe- ment , mais d’une action d'élaboration constitutive d’un fluide. En second lieu, cette opération de chylose n’est pas une action physique ou mécanique, car il n’y a pas seulement pompement d’une matière, mais change- ment dans la nature de cette matière. On a voulu l’as- cimiler à une imbibition; mais cela supposerait l’exis- tence préalable du chyle dans le chyme , et nous avons dit que cela n’était pas. On a dit que l'intestin, en exer- çcant une pression sur le chyme , en exprimait le chyle, et forçait ce fluide à s’introduire dans les orifices des chylifères : mais encore , le chyle n'existe pas dans le chyme; la pression de l'intestin sur le chyme suffi- rait-elle pour engager le chyle dansles orifices si petits des chylifères? en comprimant le chyme, on devrait en ex- primer le chyle , et jamais on n'y est parvenu ; enfin où est la pression qui ferait passer du sol, dans les vaisseaux absorbans des racines , la sève du végétal ? On a invoqué DE L'ABSORPTION CHYLEUSE. 33 encore le phénomène des tubes capillaires ; mais cette explication est contredite aussi par le fait seul que le chyle n'existe pas tout formé dans le chyme. Enfin, cette opération n’est pas davantage une ac- tion chimique , en ce sens qu’on ne peut la concevoir par les lois chimiques générales. Il n°y a pas en effet de rap- ports chimiques entre le chyme considéré comme maté- riaux de l'opération, et le chyle considéré comme son produit; de la connaissance de la composition chimique du premier, on ne peut, par les lois chimiques générales , conclure à la formation du second ; enfin , le produit de _celte opération est un fluide organique, le chyle, et toute action chimique générale est impropre à en pro- duire de cet ordre. Sans doute, cette opération est une action chimique, en ce sens , qu’il y a action moléculai- re, et nouvelle combinaison de la matière; mais elle n'est pas réglée par les mêmes lois que les combinaisons de la matière morte. Gette opération de chylose est donc une action orga- nique et vitale, et une action d’élaboration. Considérée sous ce dernier rapport, on concoit que s’accomplis- sant aux extrémités capillaires d’un système vasculaire , et agissant sur des molécules très-divisées , on ne peut en rien voir; on ne la reconnaît qu’à son résultat, Si nous n'avons pu saisir les élaborations digestives, quoi- qu'elles se fissent dans de vastes réservoirs, et Opéras- sent sur des masses, comment pourrions-nous espérer observer celle-ci qui se fait à l’origine inapercevable d'un vaisseau? Mais nous pouvons dire d’elle les trois propositions que nous avons dites déjà des actions de chymification ; de chylification et de fécation : 1° une seule substance peut la subir, en être, comme on dit, les 2 D. J «YA FONCTION DES ABSORPTIONS. matériaux , savoir, le chyme, après qu'ila été travaillé dans l'intestin grêle par la bile et le suc pancréatique ; toutes les parties d’alimens qui peuvent se trouver dans l'intestin grêle , sans être changées en chyme, ne se changent pas non plus en chyle. 2° Gette action d'élaboration ne peut être assimilée à aucune action chimique , mais est d’un genre spécial ; nous l'avons prouvé lout à l'heure. 3° Enfin, cette opération donne toujours naissance à un même produit, du chyle; comment, en effet , pourrait-il en être autrement, puisque c'est une même substance, le chyme, qui en est la base , et un même appareil qui l'effectue ? IL y aura seulement des différences dans ce chyle, en raison de l’état plus ou moins bon du chyme dont il provient, de l'état d’intégrité de l'appareil chy- lifère qui le fait, et du nombre des parties non chymi- fiées et non chylifiées des alimens qui ont pu être ab- sorbées avec lui. En avançant cette asserlion , que l'action élabora- trice de la chylose donne toujours naissance à un même produit, du chyle, nous ne contestons pas en effet que ce chyle ne puisse souvent se montrer différent. D'abord, on a mis en question si c’est un même chyle qui revient des divers points de l'intestin grêle, si celui qui est fait à la partie inférieure de cet intestin , par exemple, n’est pas plus parfait que celui qui est fait à la partie supé- rieure. On ne peut répondre par aueuns faits directs; on n’a pas examiné et analisé comparativement du chyle pris à la fin du jéjunum, et du chyle prisau duodénum : on eût fait cet examen, que, probablement, nos moyens physiques et chimiques n'auraient pas eu assez de déli- catesse pour signaler les différences , au cas qu’il en exis- it. On ne peut résoudre la question que par des rat- mn À DE L'ABSORPTION CHYLEUSE. 35 sonnemens. Or, ceux-ci rendent très-probable que le chyle est le même, quel que soit le lieu de lintestin grèle d’où il provient. En effet, n’est-ce pas toujours un même chyme qui en est la base, un même appareil qui Je fabrique ? Si des chylifères existent dès la fin du duodé- num , n'est-ce pas une preuve que dès ce point l'aliment a subi toutes les altérations qui le rendent chylifiable ? Mais , d'autre part, il est certain que le chyle offte souvent des variétés dans ses propriétés physiques et sa nature chimique , et cela selon trois circonstances : 1° l’état plus ou moins bon du chyme dont il provient. Quoiqu’en effet il n’y ait aucuns rapports chimiques entre le chyme et le chyle, on concoit que l’état du chyme doit un peu influer sur l’état du chyle, qu'avec un mauvais chyme se fait un mauvais chyle , et vice versa ; mais le plus sou- vent ces premières différences sont insaisissables par aucuns moyens physiques et chimiques, et ne sont re- connues que lors de l’emploi du chyle pour la nutrition. 2 Le degré de perfection avec lequel à agi l'appareil chylifère. On concoit en effet aussi, que si l’appareil chy- hifère est malade et a opéré imparfaitement, il devra en résulter un chyle moins bon, etvice versé. Mais il en est encore de ces différences comme des précédentes ; elles ne sont reconnues encore que par le résultat général de la nutrition. 5° Enfin, si en même temps que les chylifères font le chyle, ils saisissent quelques-uns des principes non chymifiés des alimens, le chyle sera altéré plus ou moins par ce mélange. Ainsi on a vu quelquefois les matières colorantes, odorantes, salines des alimens, passer sous leur forme étrangère dans les chylifères, et modifier le chyle. Musgrave, Lister, en colorant les alimens avec lindigo, ont vu le chyle revêtir une cou- 3* 66 FONCTION DES ABSORPTIONS. leur bleue : V’iridet l'a vu coloré en jaune, et Mattei en rouge, à la suite de l’usage d’alimens colorés par du jaune d’œuf et de la betterave. Cependant , si on en croit les derniers travaux sur l’absorption intestinale, cette absorption de matières étrangères par les chylifères n'arrive que très-rarement. Déjà, Dumas, à Montpellier , MM. Hallé et Magendie, à Paris, avaient cherché vai- nement à faire pénétrer dans le chyle les matières colo- rantes. Mais récemment, MM. Tiedemann et Gmelin , ont en vain soumis à l’action absorbante des chylifères', des substances colorantes (indigo, garance , rhubarbe , cochenille, teinture de tournesol, d’alcanna, gomme gutte, vert d'iris); des substances odorantes (muse, camphre, alcool , esprit de térébenthine , huile animale de Dippel , assa-fœtida, ail ) ; enfin , des sels comme ceux de plomb, de mercure, de fer, de baryte, ec. ; ils ont toujours vu que tandis que l'absorption faisait pénétrer ces substances dans le sang des veines mésaraïques , ils ne pouvaient les retrouver dansle chyle. Le prussiate de potasse et le sulfate de potasse sont les seules substances que dans leurs expériences ils aient vu pénétrer dans le chyle ; et ils en ont conclu que les vaisseaux chylifères étaient, de tous les vaisseaux absorbans, ceux qui sont le moins disposés à effectuer des absorptions accidentelles. Toutefois voilà des cas dans lesquels le chyle diffère. Or, aucun d’eux ne contredit notre assertion , puis- que le produit de l’action d'absorption est toujours du chyle : seulement dans les premiers, les matériaux du chyle et son instrument fabricateur variant , il est naturel que ce fluide soit un peu différent en lui- même : et quant aux derniers le chyle n’a pas changé, considéré comme chyle; il est seulement mêlé à des DE L'ABSORPTION CHYLEUSE, 37 substances étrangères qui altèrent plus ou moins ses qualités naturelles. C’est à ce dernier cas qu’il faut rap- porter l’influence que les boissons sont dites avoir sur la consistance du chyle, ces boissons étant alors absorbées comme substances étrangères, ou au moins par une action d'absorption autre que celle de la chylose. Telle est l’action d'absorption qui fait le chyle. A l’article de la digestion , nous avons indiqué combien sont favorables à cette opération ; et les valvules conni- ventes qui , en s’enfonçant dans la masse chymeuse, en mettent l’intérieur dans un contact immédiat avec les vaisseaux chylifères; et la lenteur avec laquelle le chyme marche, tant parce que l'estomac ne le fournit que d’intervalles en intervalles , qu'à cause de la lon- gueur de l'intestin, de ses nombreux contours , de l’in- terruption que cet organe met dans sa contraction péris- taltique, etc. Nous y avons dit aussi qu’à mesure que l'absorption chyleuse avait lieu , le chyme se changeait en fèces. Ainsi l’on voit, comment le chyme est aux ani- maux ce que le sol est aux végétaux, ventriculus sicut humus , et comment on peut dire que les animaux ont leurs racines nourricières dans leurs intestins. 3° Circulation du Chyle Le produit de l’action d'absorption que nous venons de décrire, le chyle, se montre dans les vaisseaux chyli- fères dès le lieu où ces vaisseaux abandonnent l'intestin ; et même Cruiskank dans une expérience l'a aperçu dès les villosités de l'intestin : il suit de Ià toute la série de ces vaisseaux , traversant les nombreux ganglions qu'ils {forment ; et enfin, il aboutit au tronc central, le réser- voir de Pecquet, où il afflue dans Jun des fluides de 28 YONCTION DES ABSORPTIONS: l'absorption interne , la Iyÿmphe. Ce cours du chyle est visible à l’œil dans les expériences que l’on fait sur les animaux yivans : il ne peut être autre à juger , par la disposition des vaisseaux chylifères qui, commencant à l'intestin, aboutissent tous au réservoir de Pecquet ; par celle des valvules de ces vaisseaux qui sont toutes diri- gées de manière à permettre le cours du fluide en ce sens, et à y mettre obstacle dans le sens opposé. Enfin , si on lie le canal thoracique qui fait suite au réservoir de Pecquet, on voit tout le système chylifère se gorger de plus en plus. D'ailleurs, ne fallait-il pas que le produit de l'absorption alimentaire füt porté dans le sang ? C’est là ce qu’on appelle la circulation du chyle, et qu'iy vaudrait mieux appeler progression du chyle, puisqu'il n’y a pas de cercle de décrit. Son analise est complexe; car en elle, comme dans la progression de tout autre fluide vivant , il y a concours d’aciions organiques et vitales et d’influences mécaniques et physiques, et il faut chercher à évaluer les unes et les autres. À la vérité Jes physiologistes ne se sont guère livrés à ces recherches que pour ce qui est de la circulation du sang; mais c’est une lacune qu'ils ont laissée; et il faut faire ces recherches pour la circulation de tout fluide quel qu’il soit, et par conséquent pour celle du chyle. D'abord, quelles sont les causes qui impriment au chyle le mouvement déterminé dont nous venons d’in- diquer la direction ? La principale, sans contredit, est Vaction même en vertu de laquelle les radicules chyli- {ères ont saisi des matériaux du chyme, et ont fait avec eux du chyle. En effet, cette action absorbante des radicules chylifères se continuant sans cesse, et faisant sans interruption du nouveau chyle, celui-ci doit né- s DE L'ABSORPTION CHYLEUSE. 39 cessairement pousser en avant le chyle qui remplissait déjà le vaisseau , et de proche en proche le faire arriver ainsi dans le canal thoracique. G’est par une même raison que celle en vertu de laquelle on voit la sève s'élever dans des tubes de verre qu’on a ajouté à des branches d’arbre. Une seconde cause que l’on assigne comme propre à entretenir l'impulsion donnée par celle dont nous venons de parler , est une contraction exercée par les vaisseaux chylifères, et en vertu de laquelle ces vaisseaux pous- seraient de proche en proche dans leur intérieur Île chyle, depuis les radicules d’origine jusqu’au réservoir de Pecquet. A la vérité les vaisseaux chylifères ne pré- sentent rien de musculeux dans leur texture ; et observés sur un animal vivant, on ne voit en eux aucune con- traction. Mais on admet généralement en eux l’action dont nous parlons, d’après les considérations suivantes : 1° parce que ces vaisseaux sont tous grêles, et que géné- ralement on admet des contractions toniques dans tous les vaisseaux capillaires. 2° parce que les ganglions qui les coupent d'’intervalles en intervalles , semblent devoir détruire l'impulsion imprimée par l’action pre- mière des radicules , et nécessiter dès lors une contraction des vaisseaux pour transporter le chyle d’une rangée de ces ganglions à une autre. 5° Parce que si l'on ouvre un vaisseau chylifère sur un animal vivant, comme on ouvre la veine dans la saignée , on voit le chyle jaillir, ce que ne peut produire a seule action absorbante des radi: cules chylifères. 4° Sur ce que dans l’abstinence on trouve tous les chylifères vides ,ce qui prouve que, bien qu'il y ait eu interruptionde l’action d'absorption, tout le chyle a élé poussé dans le réservoir de Pecquet. Quant 40 FONCTION DES ABSORPTIONS: à l’essence de cette action, elle n’est pas une simple élasticité ; la vie y a part , car le jet de fluide que darde un chylifère a d’autant plus d’étendue que la vie est entière , et ce jet n’a plus lieu après la mort. À ces deux causes principales de la circulation du chyle , il faut en joindre d’autres , mais seulement comme auxiliaires ; savoir : 1° le battement des artères qui sont dans le voisinage des vaisseaux chylifères ; 2° La pression des parois abdominales, lors des mouvemens de la res- piration. Quand sur un animal vivant on a mis à nu le canal thoracique, et qu’on examine le cours du chyle dans ce canal, on reconnaît qu’il s'accélère au moment de l'inspiration , quand le diaphragme refoulé dans l’ab- domen exerce une pression sur les viscères gastriques, ou même seulement quand on comprime l’abdomen de lanimal avec les mains. Il n’y a pas dans la circula- tion du chyle, comme dans la circulation du sang, un organe d’impulsion , un cœur. Quelques physiologistes, à la vérité, ont voulu considérer comme tels les gan- glions ; mais rien ne justifie celte idée : ces ganglions n’offrent rien de musculeux dans leur texture ; mis à nu chez un animal vivant , et observés avec attention, on n'y a jamais reconnu de contractions; on n’a jamais pu en provoquer en eux par quelque stimulus que ce soit; loin que le cours du chyle s'accélère dans leur intérieur , il paraît s’y ralentir un peu; enfin , il est bien plus pro- bable que ces ganglions sont, comme les organes de cet ordre , des agens de mixtion, d'élaboration, et servent seulement à perfectionner, à animaliser davantage le chyle. Enfin à ces causes motrices, mais organiques du chyle, peut-être faut-il en ajouter quelques autres, DE L’ABSORPTION CHYLEUSE. 41 mais purement physiques , comme l'attraction capillaire des vaisseaux grêles dans lesquels il circule; et surtout la gravitation, quand le fluide se trouve dans les condi- tions dans lesquelles cette puissance doit agir, etc. Maintenant , quelles sont les résistances dont doivent triompher et dont triomphent en effet ces forces, pour mouvoir le chyle ? Nous en voyons deux principales : 1° la masse du fluide à mouvoir , masse qui résiste en raison de sa force d'inertie, et d'autant plus qu’en beaucoup de lieux le fluide doit être mu contre l’ordre de la gravitation. 2° Les frottemens du fluide contre les parois des vaisseaux , frottemens qui seront en raison de l'étendue des surfaces, et par conséquent de la longueur du système, du nombre des vaisseaux dans lesquels ilse partage, des rétrécissemens, des courbures, des anas- tomoses de ces vaisseaux , etc. Or, pour apprécier avec toute rigueur le phénomène de la circulation du chyle, il faudrait pouvoir évaluer ces puissances motrices et ces résistances , et ensuite les opposer les unes aux autres, afin d’en conclure toutes les particularités du cours du fluide , son degré de rapi- dité, par exemple. Mais il est trop évident que ces di- verses données ne peuvent pas être obtenues , encore moins calculées , et que, par conséquent , l’analise rigou : reuse du phénomène est impossible. Peut-on évaluer , par exemple , l'impulsion qui résulte de l’action d’ab- sorption première ; celle qui est due à la contraction des chylifères , à la pression exercée par les parois abdomi- nales, etc. ? Peut-on davantage calculer la masse du fluide à mouvoir ; la perte de force qui résulte des frot- temens , etc. ? IT est évident que ce sont Ià autant de 42 FONCTION DES ABSORPTIONS. données vraiment incalculables ; outre que leur nombre seul, et la nécessité de les faire entrer toutes dans le caleul, seraient déjà très-propres à arrêter le géomètre le plus habile. Aussi se borne-t-on à dire par conjecture , en consi- dérant la faiblesse des causes motrices et l'existence des ganglions chylifères, que la circulation du chyle doit être lente ; et l’on signale dans l'appareil chylifère plusieurs précautions mécaniques que la nature semble avoir prises pour faciliter cette circulation , ou remédier aux mauvais effets de son retard: Telles sont : 1° les anastomoses multipliées qui existent entre les vaisseaux chylifères, et qui sont telles que si le fluide est arrêté d’un côté par quelque obstacle , il peut fluer d’un autre côté et arriver de même. 2° Les valvules qui sont dans l'intérieur de ces vaisseaux, et qui ont le double avan- tage de prévenir la marche rétrograde du chyle, et de partager ce fluide en colonnes qui sont petites et dès lors plus facilement ébranlables. M. Magendie ayant, sur un chien de taille ordinaire qui avait mangé à dis- crétion des alimens animaux, ouvert le canalthoracique au col, en vit couler une demi-once de liquide en cinq minutes. La vitesse de cette circulation doit du reste dé - pendre un peu de la quantité de chyme qui arrive à l'in- testin, et de celle du chyle qui se fait aux origines du système ; s’il y a beaucoup de chyle de fait aux extré- mités des vaisseaux, il arrive beaucoup au canal thoraci- que, et probablement alors le cours en est plus rapide. Mais le cours du chyle est-il égal à toutes les origines du système chylifère, aux vaisseaux qui viennent du duodénum , par exemple , et à ceux qui viennent de l'i- DE L'ABSORPTION CHYLEUSE. 45 léon? Cela est probable, en tant cependant que toutes fabriquent en même temps du chyle; car il est aisé de concevoir que là où du chyle ne se fait plus, le chyle que contient le système doit couler moins vite que là où du chyle nouveau est fait et vient pousser devant lui celui qui y était déja : dans l’un des cas , il n’y a qu’une des puissances motrices de la circulation chyleuse qui agisse, la contraction des chylifères ; et, dans l’autre cas, il y a de plus la continuité de l’action d'absorption. Enfin, n’y a-t-il pas une différence de vitesse dans le cours du chyle, selon le point du système auquel ce fluide est parvenu ? et la circulation du chyle ne va-t-elle pas en se ralentissant ou s’accélérant graduellement , à mesure que ce fluide s’approche du réservoir de Pec- quet ? on l’ignore : on ne voit dans le système chylifère aucune des confitions mécaniques qui, dans les systè- mes artériel et veineux, font concevoir pourquoi le sang diminue de rapidité dans son cours, à mesure qu’il avance dans les artères , et au contraire augmente à me- sure qu'il avance dans les veines ; le système chylifère, par exemple , n’offre pas une capacité successivement plus grande ou plus petite : les ganglions qui le coupent empêchent d’ailleurs qu’on lui applique les mêmes lois d’hydrodynamique. Il est donc seulement probable que le chyle circule dans le système plus vite au commen- cement qu'à la fin , et surtout, tantôt plus vite, tantôt plus lentement, selon qu'il en est fabriqué plus ou moins. Toutefois, sans qu’on sache combien de temps un glo- bulc déterminé de chyle emploie à parcourir tout le sys- tème et à arriver au réservoir de Pecquet, il est sûr qu'il y parvient. Là , il se mêle dans la proportion d’un EtA FONCTION DES ABSORPTIONS. LA tiers avec la lymphe; et, à raison de cette proporliom, il est plus propre à recevoir les qualités de cette hu- meur , qu'à lui imprimer les siennes. C’est une précau- tion que nous verrons être observée par la nature dans tout l’'artifice de notre réparation ; toujours elle prend soin, quand elle fait affluer deux fluides l’un dans l’au- tre, pour en constituer une seule humeur , de ne verser dans le fluide le plus vivant, qu’une très-petite quan- tité de celui qui l’est moins, afin que ce dernier puisse plus facilement revêtir toutes les qualités du premier. Voilà le chyle arrivé dans le réservoir de Pecquet. A l'article de l’absorption interne nous verrons comment il est porté de là , avec la lymphe, dans le torrent de la circulation. Mais une autre question se présente ici : le chyle , dans tout le long trajet que nous venons de lui voir parcourir , reste-t-il identique , ou est-il animalisé de plus en plus ? Pour répondre à celte question , il faut examiner comparativement, du chyle pris entre l'intestin etles premiers ganglions mésentériques , et du chyle pris près de son arrivée dans le réservoir de Pecquet. Or voici tout ce qu’a appris cet examen. Ruisch et Cowper disent que le chyle leur à paru plus clair et plus aqueux en sortant des ganglions qu’en y entrant. Au contraire , MM. Reuss, Emmert, Gmelin et Tiédemann disent que le chyle pris avant les ganglions était d’un blanc jaunâtre , ne rougissait pas par le contact de l'air, ne se coagulait qu'imparfaitement , ne laissait déposer qu’une petite pellicule jaunâtre ; et qu’au contraire, au-delà des ganglions et plus il était près du canal thoracique , il était d’une couleur rougeätre , se coagulait entièrement , et laissait déposer un cruor d’un rouge écarlate. Enfin , M. Vauquelin assure aussi que ce fluide acquiert gra- DE L'ABSORPTION CHYLEUSE. Ad duellement une teinte rosée, À mesure qu'il avance dans le système , et que graduellement aussi la fibrine devient plus abondante en lui. D’après ces faits on professe gé- néralement que le chyle va en s’animalisant de plus en plus dans le cours des chylifères ; et on se fonde en outre sur les quatre considérations suivantes : 1° les vaisseaux chylifères sont grêles ; et c’est ordinairement dans les vaisseaux grêles et capillaires que se font la plu- part des élaborations de matière que nous offre l’éco- nomie. Les vaisseaux chylifères semblent être trop grêles , pour n'être que des vaisseaux de transportet de conduite. 2° La circulation du chyle est lente, et c’est une nou. velle présomption pour croire que ce fluide éprouve, che- min faisant , quelque élaboration continuelle. 3° Le chyle dans son cours est mêlé à la lymphe de l’abdomen, qui aboutit comme lui aux ganglions mésentériques. 4° Enfin, dans ce cours il traverse les ganglions mésentériques , et ces organes n'élant pas des cœurs , sont générale- ment regardés comme des agens de mixtion destinés à l'élaborer : on dit qu’ils sont au chyle ce que sont les ganglions Iymphatiques à la lymphe. On sait , en effet , quelle influence exercent sur la nutrition et la vie leurs maladies. Il resterait à savoir dès lors comment ces gan- glions concourent à l’animalisation du chyle. Les uns disent que c’est en lui fournissant un suc, qu’exhalent dans leurs aréoles intérieures les nombreux vaisseaux sanguins qu'ils recoivent. Les autres pensent que c’est en épurant le chyle de tout ce qu’il contient de mauvais, les veines de ces ganglions reportant dans le sang tout ce qu'ils enlèvent à ce fluide. Quelques - uns parlent d’une manière vague d’une nouvelle mixtion , d’une nou- velle digestion. I] faut avouer que chacune de ces asser- 46 FONCTION DES ABSGRPTIONS. tions est également conjecturale , et qu’on ignore COm- ment les ganglions animalisent le chyle, et en quoi consiste le perfectionnement graduel de ce fluide ; l’es - sence de ce perfectionnement est aussi obscure que celle de la formation première du fluide. À l’occasion de cette action présumée des ganglions chylifèrés, MM. Gmelin et Tiédemann ont voulu faire remplir le même office à la rate. Ils ont dit cet organe un ganglion dépendant du système absorbant, et prépa- rant un fluide destiné à être mêlé au chyle pour en ef- fectuer l’animalisation. Pour prouver le premier point , c’est-à-dire que la rate est une dépendance du système lymphatique , ils disent que la rate n’existe que dans les seuls animaux qui ont un système absorbant distinct, les vertèbrés ; que son volume dans les animaux est en raison du développement du système absorbant ; que les lymphatiques prédominent dans la structure de cet organe ; que sa texture est celle des ganglions Jympha- tiques ; et qu’enfin , en disséquant une tortue , ils ont vu manifestement tous les lymphatiques de l'abdomen abou- tir d’abord à la rate, puis , après en être sortis plus gros, se rendre au canal thoracique. À appui du second , ils arguent du gros volume de l'artère splénique, qui évi- demment fournit plus de sang à Ia rate qu'il ne lui en faut pour sa nutrition ; de ce que , dans leurs expérien- ces , ils ont souvent trouvé, pendant la digestion et la chylose , les vaisseaux Iymphatiques de la rate tout gor - gés d’un fluide rougeâtre qui était porté par eux dans le canal thoracique; de ce que, dans les injections, une matière poussée dans l'artère splénique , passe aisément dans les Iymphatiques de la rate; enfin, de ce que c’est au canal thoracique que Le chyle a la couleur la plus ro- DE L'ABSORPTION CHYLEUSE. 47 sée. Ils ajoutent, qu'ayant extirpé la rate à des animaux, le chyle dans ces cas leur a paru être beaucoup plus clair, moins coagulable , ne plus laisser déposer de cail- lots ; tandis que les ganglions Iymphatiques de l'abdomen leur semblaient avoir pris un volume plus considérable. C'est là un nouvel usage qu’on a voulu assigner à la rate, mais qui est aussi hypothétique que ceux dont nous avons déjà parlé , savoir : d’être un diverticulum du suc gas- trique , ou un organe préparant le sang qui doit alimen- ter la sécrétion de ce suc. 4°. Du chyle étudié en lui- méme. Les Anciens n’a- vaient pas de notions exactes sur le chyle; ce n’est que de nos jours qu’on en a fait l'examen : pour en avoir, on fait manger un animal à discrétion, et quand on suppose sa digestion en pleine activité, on le tue, on met le canal thoracique à nu, et on recueille le liquide qui traverse ce canal, Voici le résultat de l’examen qui en a été fait par MM. Dupuyiren, T'hénard, V'auque- lin, Emmert, Marcet, etc. C’est un liquide d’un blanc de lait , limpide et {transparent dans les animaux herbi- vores , au contraire opaquedans les animaux carnivores : qui n’est ni visqueux , ni collant au toucher; dont la con- sistance varie selon la nature des alime ns et la quantité des boissons surtout ; qui a une odeur de sperme, une saveur douce , autre que celle des alimens ; qui n’est ni acide ni alkalin; et qui enfin , est d’une pesanteur spé- cifique supérieure à celle de l’eau distillée, mais infé- rieure à celle du sang. MM. Gmelin, T'iédemann et Ma- gendie, cependant, disent qu’il a une saveur salée, qu’il happe à lalangue et est sensiblement alcalin. Relativement à la nature chimique du chyle , elle a beaucoup de res-- semblance avec celle du sang. Ce fluide, en effet, aban- À8 FONCTION DES ARSORPTIONS. donné à lui-même, se partage comme le sang en deux parties , un liquide, et un caillot. Le liquide est un sé- rum albumineux comme celui du sang, par conséquent coagulable de même par le feu, l'alcool , les acides, te- nant les mêmes sels en dissolution, et n’en différant qu’en cequ'’il contient de plus une matière grasse parti- culitre. Le caillot est comme celui du sang formé de fi- brine et d’une matière colorante ; les seules différences ‘ sont , que ce caillot contient aussi de plus que celui du sang, une matière grasse particulière ; que la matière colorante est blanche au lieu d’être rouge : et qu’enfin, la fibrine du chyle est un peu moins fibrine que celle du sang , encore un peu plus albumine , comme le montrent sa moindre ténacité, sa moindre élasticité, et sa plus grande et plus prompte solubilité dans la potasse causti- que. M. Bauer à Londres, et MM. Dumas et Prevost à Genève, ayant examiné au microscope le chyle, ont re- connu en lui les mêmes globules que dans le sang, avec la seule différence que ces globules n’étaientpas revêtus de l’enveloppe de matière colorante. Nous reviendrons sur ces recherches microscopiques à l’article du sang. Remarquons toutefois, sur cetle description du chy- Je, 1° que celui sur lequel on a opéré , était retiré du ca- nal thoracique, c’est-à-dire d’un lieu où il n’est déjà plus seul, mais où il est mêlé à de la Iymphe; 2° qu'il doit exister en ce chyle des différences selon le degré de perfection avec lequel a agi l'organe de chylose; 3° qu'il doit enfin en présenter aussi , selon les alimens desquels il dérive , abstraction faite des élémens de ces alimens qui pénètrent en lui sous leur forme étrangère : des ali- mens de mauvaise qualité feront un mauvais chyle , et vice versa : on dit que le degré de liquidité des alimens DE L’ABSORPTION CHYLEUSE: A9 influe sur celui du chyle : M. Marcet dit que le chyle qui provient d’alimens végétaux contient trois fois plus de carbone que celui qui provient d’alimens animaux. Ge savant a vu , sur des chiens , que si le chyle pro- venait d’alimens végétaux, ce fluide était transparent, Jaissait déposer un caillot presque incolore, ne se putré- fiait que très-tardivement , donnait à la distillation moins de sous-carbonate d’ammoniaque, et contenait plus de carbone ; tandis que , s’il provenait d’alimens animaux, il était toujours laiteux, laissait déposer un caillot opa- que et rosé , se recouvrait d’une matière grasse qui man- quait dans le premier, était promptement putrescible, fournissait à la distillation plus de sous-carbonate d’am- moniaque et contenait moins de carbone. M. Magendie, enfin , dit, que les trois parties constituantes du chyle, savoir , le sérum , le caillot, et la partie grasse, sont dans des proportions différentes selon la nature de l'aliment ; que le chyle qui provient du sucre, par exemple , contient peu de fibrine , par opposition à celui qui provient de la chair ; quela partie grasse prédomine en celui qui dérive de l'huile , etc. . Quant à la quantité de ce chyle, on ne peut rien dire de précis sur elle. Hors le temps des digestions ; il n’y a … presque pas de chyle; le peu qui en existe provient des sucs digestifs eux-mêmes, que les appareils digestif et chylifère onttravaillé ; et encore , après 24 heures d’abs- iinence, on ne trouve plus dans les vaisseaux chylifères que de la lymphe ordinaire. Dans le temps des digestions, celle quantité est nécessairement en rapport avec la quantité des alimens , et le degré de puissance nutritive de ces alimens. M. Magendie, d’après une expérience qu'il a faite sur un chien, et dont nous avons parlé plus 3. 4 50 FONCTION DES ABSORPTIONS. haut, estime qu'il arrive 6 onces au moins de chyÿle dans le torrent circulatoire par heure, et que cela dure deux ou trois heures. Telle est l’absorption digestive chyleuse. Terminons son histoire, en recherchant si les vaisseaux chylifères sont les seules voies par lesquelles pénètrent dansle sang les produits utiles des alimens. Nous avons dit qu'avant la découverte des vaisseaux chylifères, on considérait les veines mésaraïques comme les agens de l'absorption chyleuse. Alors le foie, auquel aboutissent ces veines, était considéré comme un premier organe de sanguification, comme faisant subir au chyle une première élaboration. On expliquait ainsi ; et le gros volume de cet organe, comparalive ment à la petite quantité de bile qu’il fournit ; et l'exception qu’offrent à tout le système veineux ces veines mésaraiïques, et la veine-porte qui en est le tronc. On arguait enfin de ce qui est chez le fœtus, où le foie est très-volumineux, quoiqu'il n’y ait pas de sécrétion biliaire , et où cet organe recoit de prime - abord le fluide nutritif , les veines du placenta. Or, quelques physiologistes revien- nent à cette idée des Anciens, et croient que les veines mésaraïques sont , relativement à l'absorption chyleuse, congénères au moins des vaisseaux chylifères : voici leurs argumens. 1° Les veines mésaraïques ont autant de part à la structure des villosités intestinales que les vaisseaux chylifères , et ont de même des orifices libres dans la cavité de l'intestin. Lieberkun, poussant une injection dans la veine-porte, a vu la matière de l'injection sortir par les villosités de l'intestin ; et M. Ribes, pratiquant cette mêmeinjection, avec de l'essence de térébenthine colorée en noir, avec du mercure , a obtenu le même ré- Fr DE L’ABSORPTION CHYLEUS. 51 sultat. 2° On a vu souvent du chyle dans le sang des vei- nes mésaraiques ; Gmelin et Tiédemann disent y en avoir remarqué souvent dans leurs expériences ; et l’on a une expérience de Sivamerdam dans laquelle ce sa- vant ayant lié les veines mésaraïques à un animal vi- vant pendant sa digestion, crut voir des stries blanchä- tres, chyleuses, dans le sang de ces veines. 3° Quand des matières colorantes, odorantes , salines ont été sou- mises à l’absorption intestinale , c’est autant, et même plus dans les veines mésaraïques que dans les vaisseaux chylifères, que ces matières ont été retrouvées : nous avons cité plus haut lesnombreuses expériences de Gme-. lin et Tiédemann à cet égard. 4 Enfin, la ligature du canal thoracique n’a pas toujours entraîné la mort , ou ne l’a amenée que tardivement. Duverney fait cette ex- périence sur un chien, qui ne meurt qu’au bout de quinze jours : Ælandrin la pratique sur 12 chevaux, qui lui pa- raissent manger de même, ne pas maigrir , et ayant tuë ces animaux 19 jours après , il s’assura que chez eux le canal thoracique n’était pas double. Sur beaucoup de chiens auxquels l’a pratiquée Astley Coowper , ce chi- rurgien a remarqué que la plupart survécurent plus de 19 jours, et qu'aucun ne mourut dans les deux premiers jours , quoique , à l'ouverture des cadavres . il trouvât le canal thoracique crevé, et le chyle épanché dans lab domen. Mais aucune de ces raisons ne constitue une démons- tration rigoureuse , et puisqu'il existe un appareil vascu- laire spécial pour l'absorption chyleuse, il est peu pro- bable que les veines mésaraïques remplissent ici l’oflice qu'on leur attribue. 1° La particularité qu’offrent ces 4* 52 FONCTION DES ABSORPTIONS. veines d’avoir des orifices libres et béans dans la cavité de l'intestin, est une présomption sans doute , mais elle n’est que cela; 2° est-ce bien du chyle que Swamerdam, Gmelin et Tiédemann ont trouvé dans le sang de la veine-porte ? ils disent seulement des stries blanchâtres. A supposer que ce soit du chyle, les radicules des vei- nes mésaraïques n'auraient pu, ni le prendre dans le chyme , puisque le chyle n’y existe pas d'avance , ni le faire, puisque n'ayant pas la structure des chylifères, elles n’en ont pas l’action , et ne peuvent en faire le pro- duit. Ces veines mésaraïques conséquemment n’auraient pu que le recevoir des vaisseaux chylifères : soit parce que quelques-uns de ces vaisseaux s’abouchent directe- ment dans la veine-porte, comme le veulent : Valæus , qui dit qu’une ligature des troncs lymphatiques de l’in- destin a fait passer le chyle dans la veine-porte ; o- sen, J.-F. Meckel, Lobstein, qui disent l'avoir reconnu par des injections de mercure : soit parce qu'il y à une anastomore entre les vaisseaux chylifères et les vei-- nes mésaraïques dans les ganglions mésentériques, COm- me le disent Coowper, Gmelin et Tiédemann ; 5° les ex- périences dans lesquelles on a retrouvé dans le sang de la veine-porte les matières colorantes , odorantes, sou- mises à l'absorption intestinale , se rattachent à l’absorp- tion muqueuse accidentelle, et non à l’absorption nu- tritive alimentaire ; elles prouvent d’autant moins, que les matières se sont retrouvées aussi dans la veine splé- nique , et même dans l’artère stomachique; à cause du premier fait, Home avait voulu faire de la rate un organe de sanguification ; Le enfin, M. Dupuytren, ayant répété avec grand soin les expériences de Flandrin sur DÉ L’ABSORPTION DES BOISSONS. 53 la ligature du canal thoracique , a toujours vu les animaux périr prochainement , toutes les fois qu'il ne pouvait faire parvenir dans les veines sous-clavières une injection pous- sée par la partie inférieure du canal thoracique , c’est-à- dire,quand il yavaitimpossibilitéque du chyle arrivât dans le sang. Ajoutez que , siles veines mésaraïques agissaient sur le chyme pour en retirer un produit utile, ce ne de- vrait pas être du chyle qu’elles feraient , puisqu'elles n'ont pas la structure, et conséquemment le mode d’action des chylifères, mais du sang veineux; à moins d’admet- tre que ces deux ordres de vaisseaux n’exécutent pas im- médiatement l'absorption chyleuse, mais que celle-ci est le fait d’un tissu spongieux spécial existant à leur origine, el qui seulement en conduit également le pro- duit dans l’une et dans l’autre. Mais tout ceci n’est que conjecture. S. II. Absorption digestive des Borssons. C’est à juste titre qu’on sépare l'absorption des bois- sons de l’absorption chyleuse. En effet, les boissons n’é- prouvent pas dans l’appareil digestif la même élabora- tion préparatoire que les alimens : leur but relativement à la réparation du sang n’est pas le même : ce que les unes et les autres fournissent au sang diffère , et rien ne prouve que cesoit sous forme de chyle qu'arrive au sang le produit utile des boissons ; enfin , tandis que les ali- mens ne pouvaient pénétrer que par la voie digestive, les boissons peuvent être introduites par d’autres sur- faces, par la peau, par exemple, I] faut aussi en indiquer les agens et le mécanisme, 4 FONCTION DES ABSORPTIONS. 1° Appareil absorbant des Boissons. Nous avions pu, par des faits directs, prouver que l'appareil chylifère était l'agent de l'absorption alimen- taire ; mais il n’en sera plus de même pour l'absorption des boissons et les absorptions internes : ce ne sera plus que d’après des faits indirects, et par voie d'exclusion en quelque sorte, que nous pourrons en spécilier les agens; et, comme ces faits s’appliqueront à plusieurs senres de vaisseaux , il ÿ aura débats parmi les physio- logistes sur ceux de ces vaisseaux qui seront vraiment les agens de ces absorptions. Nous avons dit que , dans toutes les absorptions nutri- üves , la matière absorbée éprouvait, au moment de son absorption , une élaboration qui en change tout-à-fait la forme. Il résulte de là que cette matière ne peut pas être reconnue dans les vaisseaux où elle a pénétré, et qu’on ne peut par ce moyen, qui serait irrécusable, dé- couvrir quels sont les vaisseaux qui en ont effectué l’ab - sorption. Il faut alors, pour acquérir cette assurance , recourir à d’autres faits, et particulièrement aux ab sorptions insolites qui, n’altérant qu'imparfaitement la matière dont elles s'emparent , permettent que cette ma- tière soit reconnue dans les vaisseaux où elle a été in- troduite. Ainsi, dans l’absorption chyleuse, la matière absorbée, qui est le chyme , a changé de nature au mo- ment de l'absorption ; elle est devenue chyle , et on ne peut la reconnaître dans les vaisseaux chylifères : ce n’est donc pas sur cette preuve directe qu’on assure que l’ap- pareil chylifère est l’agent de cette absorption ; mais on a d’autres preuves. D’abord , les matières des absorp- DE L'ABSORPTION DES BOISSONS. 55 tions insolites ont été souvent retrouvées dans ces vais- seaux , la matière colorante des alimens , par exemple ; et de ce cas, où, sans aucun doute, ces vaisseaux ont effectué une absorption , on peut déduire qu'ils accom- plissent de même l'absorption du chyle. Ensuite il est des faits qui prouvent qu’effectivement ce chyle est un produit de leur action et un dérivé du chyme : par exemple , iln’y a jamais de chyle de produit, qu'autant qu'il ya du chyme dans l'intestin ; la quantité et la qua- lité du chyle sont toujours en rapport avec la quantité et la qualité du chyme; enfin , à mesure que le chyle se fait, le chyme va en diminuant, et même, en s’altérant, il devient fèces. Mais, dans les autres absorptions , et particulièrement dans l’absorption des boissons, on ne peut arguer de preuves aussi positives. En effet, d’abord les boissons , comme les alimens , sont élaborées au moment de leur absorption , et ne peuvent plus être reconnues dans les vaisseaux où elles ont été introduites. Ensuite, si l’on en appelle aux absorptions insolites, pour préjuger quels vaisseaux les absorbent , il s’en présente de deux sortes : les vaisseaux chylifères , et les veines mésaraïques ; car c’est également dans les uns et dans les autres qu’on re- trouve les matières colorantes, odorantes , salines, qui sont accidentellement absorbées dans l’intestin. Enfin, comme ces deux systèmes vasculaires , qu’on peut égale- ment préjuger effectuer l’absorption des boissons, sont remplis chacun par un fluide propre, le système chyli- fère par le chyle ou la Iymphe de l'abdomen , et les veines mésaraïques par le sang veineux, on n’a plus de moyens de savoir si les fluides de ces systèmes manquent quand les boissons manquent elles-mêmes dans l'intestin: 56 FONCTION DES ABSORPTIONS. on ne peut plus voir s’il y a des rapports de quantité et de qualité entre ces fluides et les boissons ; et si, const- cutivement à leur production , les boissons qui sont dans l'intestin s’alièrent. Tous ces faits, qui dans l'absorption chyleuse avaient servi à en spécifier avec certitude l'agent, manquent ici, et dès lors on n’est plus guidé que par l’analogie et des considérations accessoires. Ainsi, comme c’est un système vasculaire qui effectue l'absorption chyleuse, l’analogie d’abord a conduit à ad- mettre que c’en est un: aussi qui accomplit l’absorption des boissons. En second lieu, cherchant alors quel est le système vasculaire qui, ouvert dans l'intestin, est propre à remplir cet office, on ne voit que les vaisseaux chy- lifères et les veines mésaraïques ; mais on peut les indi- quer également. Les uns et les autres, en effet, concou- rent également à la structure des villosités de l'intestin, qui sont certainement les lieux de cet organe où se font les absorptions ; les uns et les autres ont également des orifices libres dans la cavité de l'intestin, ou au moins communiquent de même dans sa cavité; des injections faites par Lieberkun , Méckel, M. Ribes, dans les veines mésaraïques , ont rempli les villosités de l'intestin, et ont suinté dans la cavité de cét organe, de même que celles qu’on a poussées dans les vaisseaux chylifères. Enfin, toutes les fois que des absorptions insolites se sont faites dans l’intestin , les matières non altérées qui en ont été la base, ont été retrouvées, tantôt dans les vaisseaux chylifères, tantôt dans les veines mésaraïques ; et par conséquent , de ces cas qui prouvent directement l’action absorbante de ces vaisseaux, on peut conclure leur puissance pour l'absorption des boissons. : Mais, comme on voit, ce ne sont là que des preuves DE L'ABSORPTION DES BOISSONS. 57 indirectes et négatives en quelque sorte, et qui sont ap- plicables aux deux sÿsièmes vasculaires ? Or, lequel des deux absorbe les boissons, ou les absorbent -ils l’un et l’autre? Avant la découverte des systèmes chy- lifère et lymphatique, lorsqu'on rapportait l’absorption du produit utile des alimens aux veines mésaraïques, on considérait ces veines comme étant les agens de l'absorption des boissons. Lorsque ensuite on eut dé- couvert les vaisseaux chylifères et lymphatiques , et qu’on eut rapporté aux premiers l'absorption du chyle, et aux seconds , toutes les autres absorptions du corps, on regarda l'appareil chylifère comme étant l'agent exclusif de l’absorption des boissons. Enfin, dans ces derniers temps, quelques physiologistes, remarquant que les matières des absorptions insolites se retrouvent plus fréquemment dans les veines mésaraïques que dans les vaisseaux chylifères, MM. Magendie et Ribes, par exem- ple, reviennent à l'opinion des Anciens, et professent que, tandis que les chylifères recueillent le produit utile des alimens , les veines mésaraïques recueillent celui des boissons. Quel parti prendre dans ce débat? II nous semble que , puisque c’est sur des preuves négatives seulement, qu’on a été conduit à considérer les vaisseaux chylifères et les veines mésaraïques comme les agens de l’absorp- tion des boissons: et que, puisque ces preuves sont également applicables à ces deux genres de vaisseaux, il est impossible d’admettre l’action absorbante de l’un de ces systèmes à l'exclusion de celle de l’autre, et qu'il faut adopter ou récuser l’une et l’autre. Qu’on médite, en effet , les argumens sur lesquels s'appuie chacun des deux partis , on verra que ces argumens , tous excellens 58 FONCTION DES ABSORPTIONS. pour prouver la réalité de l'absorption qu'on invoque , cessent de l'être quand il s’agit de prouver la nullité de celle qu’on récuse, et qu'on est vraiment dans les mê- wes conditions à l'égard de l'une et de l’autre : ce sera de même que pour la part qu'ont aux absorptions inter- nes les vaisseaux lymphatiques et les veines, question qui nous occupera ci-après , et dont celle-ci n’est qu'une dépendance. Ainsi les physiologistes qui veulent que ce soit l'ap- pareil chylifère seul qui absorbe les boissons , arguent de raisonnemens , de faits et d’expériences. 1° Quel que soit le système vasculaire qui effectue l'absorption des boissons , il faut qu'il communique librement dans la ca- vité de l'intestin : or, l’appareil chylifère offre celte con- dition de structure. 2° Cet appareil chylifère est l'agent de labsorption chyleuse , c’est une présomption pour qu’il soit aussi celui de l'absorption des boissons : consti- tuant, sous le premier rapport, les racines nourricières de l'être, combien n'est-il pas probable qu’il les consti- tue de même sous le second rapport ! 5° Tous les phy- siologistes qui ont recueilli le chyle pour l’examiner , ont dit que sa consistance était en raison inverse de la quan- tité des boissons qui avaient été prises. 4° Enfin, dans des expériences , On à Vu des liquides colorés et odorans, qu’on avait portés dans l'intestin, être absorbés par les chylitères, et ne pas l'être par les veines mésaraïques. J. Hunter , par exemple , ouvre l'abdomen à un chien vivant , saisit une portion d’intestin , en exprime les ma- tières qu’elle contient , et y injecte du lait chaud , qu'il ÿ fixe par des ligatures : vidant alors avec soin toutes les veines de cette portion d’intestin , faisant la ligature de ses artères , il remet le tout dans l'abdomen; et, au bout DE L’ABSORPTION DES BOISSONS. 59 d’une demi-heure, examinant de nouveau les parties, il voit que les veines sont toutes restées vides, et qu’au contraire, les chylifères sont pleins d’un fluide blanc. Comme on pouvait objecter que ce fluide était du chyle et non le lait, et qu’il s’était agi ici d’un liquide alimen- taire , et non d'une boisson proprement dite, Hunter ré- péta l'expérience avec de l’eau , de l’eau musquée, de l’eau colorée d’empois : c’est-à-dire avec des liquides chargés de matières odorantes ou colorantes , qui sont reconnaissables à la moindre trace, et toujours il trouva les veines vidés , et au contraire les chylifères pleins. Bien plus, une fois, pendant que la dissolution colorée d’empois remplissait l'intestin , et était soumise à l’action d'absorption , il injecta les artères de l'intestin, et il vit que l'injection en revenant par les veines ne rapportait pas le moindre atome de la matière colorante. De leur côté , les physiologistes qui croient que les boissons sont absorbées par les veines mésaraïques , in- voquent des raisonnemens et des expériences tout-à-fait semblables. 1° Les veines mésaraïques communiquent, comme les chylifères , par des orifices libres avec la ca- vité de l'intestin, et concourent comme eux à la com- position des villosités de cet organe; Or, si Ces veines ont ainsi des radicules béans dans la cavité de l'intestin, n'est-ce pas une présomption de croire que c’est pour y exercer une action d'absorption ? 2° Si Le système chyli- fère est évidemment agent d'absorption , il en est de même du système veineux auquel appartiennent les vei- nes mésaraiques ; il sera démontré ci-après que les veines peuvent être considérées à aussi bon droit que les vais- seaux Iymphatiques , les agens de absorption interne ; el, s'il est vrai qu'il importe peu par quelle voie arrivent Go FONCTION DES. ABSORPTIONS. les boissons dans le sang, qu’elles calment loujours la soif par quelque système qu’elles pénètrent, on pourra admettre qu’elles sont absorbées par les veines mésarai- ques , aussi bien que par les chylifères. 6° Si le chyle s’est montré d'autant plus fluide, qu’on a pris plus de boissons , Boëérhaave dit aussi avoir vu le sang des veines mésaraïques devenir plus liquide lors de la digestion des boissons. 4° Enfin, dans des expériences calquées sur celles de /lunter, on a retrouvé, dans les veines mésarai- ques, les liquides injectés dans l'intestin , sans pou- voir les signaler dans les chylifères. Kaaw-Boërhaave injecte dans l'estomac et l'intestin d’un chien qu'il vient de tuer de l’eau tiède, et, à l’aide d’une légère pres- sion , il fait passer cette eau dans les veines mésaraïques, au point que ces veines en pâlissent, et que cette eau finit par couler pure de la veine cave inférieure. Répé- tant l'expérience avec de l’eau colorée, le résultat est le même, et partant plus évident. F landrin croit remar - quer , sur des chevaux , que le sang des veines mésarai- ques à une odeur herbacée, tenant de celle des alimens dontont usé ces animaux , etque celte odeur manque dans le chyle. Il donne à un cheval un mélange de demi-li- vre de miel et de demi- livre d’assa - fœtida , et, tandis que l’odeur de cette dernière substance en trahit la pré- sence dans le sang veineux de l'estomac et de l'intestin, il n’en signale aucune trace dans le sang artériel et dans le chyle. M. Magendie fait avaler à un chien pendant qu'il digère, une certaine quantité d’eau étendue d’al- cool, ou une dissolution de camphre , ou un autre li- quide odorant; et, après une demi- heure , examinant le chyle , il n’y trouve aucune de ces substances , tandis que le sang des veines mésaraïques en exhale l'odeur DE L'ABSORPTION DES BOISSONS. 61 et fournit ces matières par La distillation. Il fait avaler à un chien 4 onces d’une décoction de rhubarbe , ou 6 onces de prussiate de potasse , et après une demi- heure , il ne retrouve aucune trace de ces substances dans le fluide qui remplit le canal thoracique, tandis que l’urine en contient. Il liele canal thoracique à un chien , puis lui fait boire une décoction de 2 onces de noix vomique , et la mort arrive aussi promptement que sur un autre chien. Déjà Ev. Home, ayant fait prendre de la teinture de rhubarbe à un animal auquel il avait lié le canal thoracique , avait retrouvé cette matière dans la bile et dans l’urine. M. Magendie expérimente que le résultat est le même si la décoction est injectée dans le rectum, partie du canal intestinal où il n’y à plus de chylifères. Ayant lié le pylore à des animaux, et ayant porté des boissons dans leur estomac, 1l à vu l'absorption s’en faire également, bien qu’il n’y ait pas encore ici de vaisseaux chylifères. Enfin , sur un chien qui n’a pas mangé depuis sept heures, M. Ha- gendie incise l'abdomen , saisit une portion d’intes- tin, l'isole par deux ligatures, y coupe, avec le soin le plus minutieux, tous les vaisseaux chylifères, lym- phatiques , artériels et veineux ; il n’y laisse intactes qu'une seule veine et une seule artère , pour que cette portion d’intestin puisse vivre ; il coupe alors l’anse intestinale en haut et en bas aux deux ligatures, de manière que cette anse ne tienne plus au reste du corps que par laseule artère et la seule veine ; il y injecte une décoction de noix vomique , et, 6 minutes après , l'effet du poison se manifeste : à coup sûr, ici l'absorption n’a pu se faire que par la veine. Bien plus , comme cette dernière expérience prouve plus pour l’ab- 62 FONCTION DES ABSORPTIONS. sorption par les veines mésaraïques , que contre celle par les vaisseaux chylifères , M. Ségalas la répète, mais, en ne laissant à l’anse intestinale de communication avec le reste du corps que par des vaisseaux chylifères : injec- tant alors un demi-gros de dissolution d'extrait alcooli- que de noix vomique, l’empoisonnement qui, dans le premier cas, était arrivé après Ô minutes, était encore nul après une demi -heure ; mais , si une des veines est déliée , et que la circulation soit rétablie, l’empoisonne- ment se manifeste bientôt. Enfin , MM. T'iédemann et Gmelin ont vu de même l'absorption de diverses sub- stances colorantes et odorantes portées dans l’intestin , se faire exclusivement par les veines mésaraiques : par exemple, de l'indigo, de la rhubarbe ont été retrouvés dans le sang de la veine-porte ; ce sang se montre coloré en jaune ou en vert pâle par l'indigo; ces substances , ainsi que la garance et la gomme gutte, ont été retrou- vées dans l’urine; du camphre , du muse, de l’esprit-de- vin, de l'esprit de térébenthine , de l'huile de Dippel , de l'assa-fœtida , de l’ail, ont été retrouvés , non dans le sang veineux des intestins, mais dans celui des veines de la rate, du mésentère, dans la veine-porte : par l'influence de la térébenthine, cesang prenait l’odeur deviolette. Les prus- siates de fer , de plomb , de potasse, ont été retrouvés dans le sang des veines du mésentère ; ceux de potasse, de fer, de baryte, dans le sang de la rate; et le prus- siate et sulfate de potasse, de fer , de plomb et de ba- ryte dans la veine-porte , ainsi que dans l’urine. Aucune de ces substances n’a pu être retrouvée dans le canal thoracique, si ce n’est le prussiate et le sulfate de potasse. Ainsi , les sectateurs de l’un et l’autre parti invoquent absolument les mêmes argumens : et dès-lors , il faut DE L'ABSORPTION DES BOISSONS. 63 conclure qu'on a les mêmes motifs pour admettre les deux voies pour le passage des boissons; et que , lors- qu'on admet l’une des absorptions , il faut admettre l’autre. Les deux systèmes vasculaires nous paraissent être en effet dans des conditions tout-à-fait semblables. 1° Les vaisseaux chylifères et les veines mésaraiques ont la même disposition anatomique , des radicules ouverts dans la cavité de l'intestin ; et, si ceux des veines ont paru plus libres et plus nombreux que ceux des chylife- res , cela tenait peut-être à l’état de putréfaction dans lequel étaient les cadavres sur lesquels on a fait les in- jections. 2° Le chyle et le sang veineux, qui circulent dans leur intérieur , ont paru également plus liquides , consécutivement à la préhension des boissons. 3° Enfin 1 les uns et les autres ont également effectué les absorp- tions insolites. À la vérité, Hunter dit n'avoir jamais vu les matières pénétrer dans les veines mésaraïques ; et ses adversaires , M. Magendie, par exemple, disent au con- traire , ne les avoir jamais vues introduites dans les vais- seaux chylifères : mais que peuvent les faits négatifs des uns contre les faits positifs des autres ? D'ailleurs, beau- coup de physiologistes , répétant les expériences , ont vu les substances pénétrer à la fois dans les deux ordres de vaisseaux : #landrin , par exemple, dit que la matière : tantôt n’a pénétré, ou du moins n’a été retrouvée dans aucun des deux genres de vaisseaux; tantôt était dans les veines seulement, ou dans les chylifères seulement , ou dans les uns et les autres ; et-gW’enfin, souvent il ne l’a retrouvée , ni dans le chyle, ni dans le sang des veines mésaraïques , mais dans l’urine seulement, Tiédemann a retrouvé dans le canal thoracique le prussiate et le sul- fate de potasse. Vainement M. Magendie objectera-t-il 64 FONCTION DES ABSORPTIONS: que les cas dans lesquels les matières n’ont été retrou - vées que dans les veines , sont bien plus fréquens que ceux où elles ont été signalées dans les chylifères ! Ne peut-on pas lui répondre que tous ces cas se rapportent plus à des absorptions insolites, qu’à une absorption des bois- sons proprement dite ? Les sectateurs de l'absorption des boissons par les veines seulement, ont fait encore valoir quelques con - sidérations : mais aucune ne porte avec elle démons- tration. 1° Ils ont fait remarquer que la veine- porte , qui est le tronc commun de ces veines, a une capacité bien supérieure à celle de l'artère qui lui correspond , l'artère mésentérique; et que c’est une raison de croire qu'elle a à rapporter dans le torrent de la circula- tion bien plus que le reste du sang artériel , par con- séquent les produits d’une absorption. Mais cette dispo- sition est générale à tout le système veineux, et peut tenir ici comme ailleurs à ce que les veines , comme nous le dirons ci-après , effectuent l'absorption inter- ne , ou au moins en reçoivent à leur origine les pro- duits. 2° Ils ont argué de l'exception remarquable que fait cetle veine - porte au reste du système veineux , puisqu’au lieu d'aboutir à une veine plus grosse et plus centrale , elle se distribue dans le tissu du foie ; 1ls ont dit que cette disposition avait pour effet de soumettre les boissons absorbées à une action élaboratrice de ce viscère, et de hâter leur assimilation au sang. Mais ce n’est évidemment là qu’une conjecture qui ne repose sur aucun fait, et l'exception de la veine-porte peut avoir un tout autre but que celui de lhématose; par exemple, êlre relative à la sécrétion de la bile seulement, ou con- stituer un diverticulum. 3° On a ditqu’en admettant la ns DE L'ABSORPTION DES BOISSONS. 63 voie des veines mésaraïques pour l’absorption des bois- sons, on Concevait mieux la rapidité avec laquelle les boissons sont quelquefois rendues par l’urine. Mais on ne voit pas que celte voie soit plus courte que celle des chylifères. Encore une fois, les raisonnemens et les expériences étant les mêmes de part et d’autre , on est forcé de con- sidérer les chylifères et les veines mésaraïques comme étant de concert les agens de l’absorption des boissons. À ne consulter que l’analogie, il y a plus de présomption en faveur des chylifères : mais, quand on voit des lave- mens être absorbés rapidement dans le gros Intestin où il n'y a plus de chylifères, et s’il est vrai, d’autre part, que la soif soit calmée, quelle que soit la surface sur la- quelle on applique les liquides, ce qui annonce que les boissons n’ont pas besoin d’un appareil vasculaire absor- bant spécial, on est ramené à admettre aussi pour elles l’action absorbante des veines mésaraïques. 2° Mécanisme de l’'Absorption des Boissons. Ge mécanisme est le même que celui de l'absorption chyleuse , et, par conséquent, il doit nous suflire d’en énumérer les traits. Les boissons ayant subi dans l’ap- pareil digestif l'élaboration convenable ; élaboration de laquelle nous n’avons pu rien voir, sinon que les boissons se troublaient, les radicules des chylifères ou des veines mésaraïques agissent sur elles pour en saisir les élémens ; et le produit de cette action passe aussitôt dans ces vais- seaux et se mêle aux fluides qui y sont déjà. Cette ac- tion est trop moléculaire pour qu’elle puisse être APerçue par aucun sens, elle n’est aussi attestée que par son résultat. On ignore également si elle est effec- iuée imiédiatement par les radicules des vaisseaux , 9: 5 66 FONCTION DES ABSORPTIONS. ou par un tissu spongieux auquel ils aboutissent. Elle n’est pas seulement une action de pompement, mais en outre elle élabore la boisson et la dispose à faire partie d’un fluide vivant. Impénétrable en son essence, elle ne consiste pas en une introduction passive de la boisson, de l'intestin dans les vaisseaux qui l’absorbent , mais elle est le fait de l’action spéciale de ces vaisseaux. Enfin, n'étant pas plus que la chylose une action physique , mécanique ou chimique, elle est de même une action organique et vitale. Tous les argumens que nous avons invoqués dans l'absorption chyleuse pour appuyer cha- cune de ces propositions peuvent s'appliquer ici, et, par conséquent , il est inutile deles rappeler. Le fluide qui en est le produit ne peut être connu, puisqu'il se confond aussitôt , soit avec le chyle, si l’on admet que l’absorption des boissons se fait par les chy- lifères, soit avec le sang des veines mésaraïques , si on rapporte cette absorption à ces veines. Dans l’un ou l’autre cas , il suit le cours de ces humeurs, et nous n’avons pas besoin conséquemment de le décrire, puis - que c’est celui du chyle que nous avons exposé, ou celui du sang veineux abdominal que nous ferons connaître Ci- après. Seulement il paraît être parfois fort rapide, à juger par la promptitude avec laquelle des boissons sont ren- dues par l'urine. Reste-t-il identique dans son trajet ? Il est difficile de répondre à cette question : ce u’est cer- tainement pas sous forme d’eau pure que des liquides sont appropriés au sang pour réparer ses perles sous Ce rapport ; mais , d’autre part, s’il est vrai que toute ab- sorplion aqueuse désaltère , par quelque surface qu’elle se fasse, il semblerait que le radicule absorbant aurait aussitôt donné au liquide la qualité animale convenable. DE L'ABSORPTION DES BOISSONS. 67 Alors, non-seulement le produit de la boisson n’aurait pas besoin, comme celui de l'aliment, de l’acte de Ja respiration pour s’assimiler au sang, mais il ne deman- derait pas à subir une animalisation graduelle dans le cours des chylifères , non plus que dans le système veineux abdominal; aussitôt qu'il arriverait au sang, s'y mélerait, et à ce titre il réparerait instantanément les pertes liquides de cette humeur. Toutefois , nous ne prononçerons pas sur celte question : il est possible que ce produit des boissons s’animalise graduellement en parcourant ses voies: si on le fait parvenir par les chylifères, on peut invoquer les mêmes raisons qui nous ont fait croire à une animalisation graduelle du chyle : si on le fait parvenir par les veines mésaraïques , on peut croire à une action élaboratrice du foie. Tous ces faits du reste sont dérobés à notre observation , et sont moins sui- vis réellement et matériellement des yeux que de l'esprit. Ge produit des boissons , considéré en lui-même, ne peut être obtenu isolé , et, conséquemment , il est inconnu. On pourrait peut -être reconnaître quel appareil vasculaire le saisit, et quelles sont ses qua- lités, par l'expérience suivante : tenir à jeun pendant quelques jours un animal, et voir quel fluide coule alors par le canal thoracique mis à nu ; puis fournir abondam- ment des boissons à cet animal, et voir si ces boissons amènent quelques différences dans la quantité et la qualité du fluide qui coule par le canal thoracique. Gommeles boissons sont souvent rendues très-promp- tement par l'urine, quelques personnes ont cru, ou à des vaisseaux communiquant directement de l’esto- mac à la vessie, ou à une transudation des boissons à travers les parois de l’estomac et de l'intestin, et à une 5À 68 FONCTION DES ABSORPTIONS. progression de ces liquides vers la vessie à travers le tissu cellulaire intermédiaire. Mais c’est là une double erreur. L’anatomie ne fait voir aucuns vaisseaux parti- culiers étendus entre l’estomac et la vessie ; et Gmelin et T'iédemann ayant examiné les Iymphatiques et le tissu cellulaire de l'abdomen dans des cas où ils avaient fait avaler de l’indigo , de l’essence de térébenthine , n’y ont trouvé aucunes traces de ces substances , tandis qu’elles existaient dans le rein. Il n’y a bien certainement aucune autre voie pour l’excrétion des boissons que celle du torrent circulatoire, consécutivement à leur absorption par les vaisseaux chylifères et les veines mésaraïques. ARTICLE IL De l’Absorption interne. On sait que sous ce titre unique nous comprenons les absorptions interstitielles , et celles des sucs sécrétés ré- crémentitiels et excrémentitiels : nous verrons qu'en effet elles paraissent être effectuées toutes par les mêmes agens , les vaisseaux Iymphatiques et les veines , et don- ner naissance aux mêmes produits, La lymphe et le sang veineux. Ce n’est pas ici le lieu de traiter avec détails de chacune ; les absorptions interstitielles, par exemple, seront exposées à la fonction des nutritions dont elles font partie intégrante ; celles des sucs sécrétés à la fonc- tion des sécrétions , etc. Ici nous ne devons nous en occuper que sous le rapport de l’action d'absorption seu- lement : il faut d’abord en rechercher les agens. Or, nous retrouvons ici les mêmes dissidences et la même impossibilité de résoudre d’une manière absolue la question ; que pour l'absorption des boissons. Tandis que dans l'absorption chyleuse nous avions pu, par des DE L'ABSORPTION INTERNE. 69 faits directs, prouver que le système des vaisseaux chy- lifères en est l'agent, et le chyle le produit, ce n’est encore que d’après des preuves négatives et par voie d’exclusion, en quelque sorte , qu’on spécifieles organes de l’absorption interne; et, comme ces preuves néga- tives s'appliquent à plusieurs genres de vaisseaux , les vaisseaux Iymphatiques et les :veines , il y a controverse parmi les physiologistes pour savoir lesquels de ces deux genres de vaisseaux sont les agens de cette absorption. Discutons ce point de doctrine important. Dans l’absorption chyleuse, on a toutes preuves que l’appareil chylifère en est l'agent, et quele chyle en est le produit. D'abord , les matières des absorptions insolites ont élé souvent retrouvées dans les vaisseaux chylifères ; et de ces cas où sans aucun doute ces vaisseaux ont effectué une absorption, on a pu déduire qu’ils accom- plissaient de même l’absorption du chyle. Ensuite, ilest dans cette absorption chyleuse des phénomènes antécé- dens et concomitans , qui, malgré que le chyme ne soit pas reconnu dans les vaisseaux chylifères et dans le chyie, ne permettent pas de méconnaître que le chyle dérive du chyme, et que l’appareil chylifère est l’agent de cette action d’absorption. Par exemple , il n’y a jamais de chyle de produit qu’autant qu’il y a du chyme dans l'intestin ; et comme la présence de ce chyme dans l'in- teslin est éventuelle , qu’elle peut être déterminée ou ajournée à volonté , et qu’on voit coincidemment le chyle exister ou ne pas exister, on a par à un premier moyen de prouver que le chyle provient du chyme, et résulte de l’action absorbante élaboratrice qu'ont exercée sur celui-ci les radicules des vaisseaux chylifères. De mème, on observe des rapports entre la quantité et 70 FONCTION DES ABSORNPTIONS, la qualité du chyle que contiennent les chylifères, et la quantité et la qualité du chyme qui est dans l’intestin ; et comme on peut à volonté influer sur l’état de celui-ci, il en résulte que voyant coïincidemment et dans les mêmes rapports se modifier celui-là, on a en cela une nouvelle preuve que l’un dérive de l’autre. Enfin, à mesure que le chyle se fait, on voit le chyme s’altérer, se changer en fèces ; et c’est là encore une nouvelle preuve à ajouter aux précédentes. Rien de tout cela ne se rencontre dans l'absorption interne. D'abord, les matériaux qu’elle recueille sont aussi transformés au moment de l’absorption, et on ne peut plus les reconnaître dans les vaisseaux qui les ont saisis , quels que soient ces vaisseaux. On est donc aussi privé à son égard de ce fait, qui était le moyen le plus sûr d’en découvrir les agens et les produits. En second lieu, on a bien les absorptions insolites ; mais comme celles-ci accusent à la fois deux systèmes vasculaires, les vaisseaux Jymphatiques et les veines, on est au moins dans le doute sur lequel de ces deux systèmes effectue l'absorption interne. Enfin , il n’y a dans cette absorp- on interne aucuns de ces faits antécédens et concomi- tans qui, dans l'absorption chyleuse, constituaient de véritables preuves directes. D'une part, en effet, les matériaux de celte absorption interne sont toujours exis- tans dans l’économie; on ne peut pas à sa volonté et les supprimer et les reproduire, comme on le pouvait du chyme, et voir par suite se supprimer coincidem- nent et reparaître les fluides qui en sont les produits ; de sorte qu’on est privé de ce premier moyen de recon- naître que ceux-ci dérivent de ceux-là. D’autre part, à mesure que les matériaux de l’absorption interne sont DE L'ABSORPTION INTERNE, JE 7 enlevés , les nutritions ét les sécrétions les renouvellent ; au lieu de se montrer d’autant plus altérés que l’absorp- tion les a plus travaillés, comme ilen est du chyme dans l'absorption chyleuse , ils paraissent être toujours les mêmes ; et on est ainsi privé de cet autre fait, qui mon- irerait dans quelle dépendance sont de ces matériaux les fluides qui sont présumés en être les produits. Il ne reste donc que l’analogie, des raisonnemens in- directs et le fait des absorption insolites, qui puissent faire spécifier quels sont les agens de l'absorption in terne : 1° comme c’est un système vasculaire, celui des chylifères , qui a effectué l'absorption alimentaire chyleuse , l’analogie conduit à penser que c’est aussi un système vasculaire qui accomplit l'absorption interne. 2° examinant alors quels sont parmi les différens vais- seaux du corps humain, ceux qui se montrent les plus propres à effectuer cette absorption, on ne trouve que les vaisseaux lymphatiques et les veines. Ges deux sys- tèmes vasculaires, en effet, commencent également par des orifices qui communiquent médiatement ou immé- diatement avec les diverses surfaces où se font les ab- sorptions internes ; une matière injectée dans une veine ou dans un vaisseau lymphatique , pénètre également dans Le parenchyme des organes , et vient de même suin- ier à la surface des parties qni sont le siége des sécré- tions récrémentitielles. Ce sont les seuls systèmes vascu- laires de notre économie qui soient des vaisseaux de rapport, de retour, qui soient étendus des parties où se font les absorptions au torrent circulatoire où tout doit aboutir. Les fluides qui circulent dans leur inté- rieur, savoir , la Iymphe et le sang veineux , vont se mêler au chyle, et se changer avec lui en sang artériel par 72 FONCTION DES ABSORPTIONS. l'influence de Ja respiration, et de cette communauté d’usages avec le chyle, on peut conclure qu'ils sont comme lui des fluides d’absorptions. Ils ont enfin un et l’autre une capacité bien supérieure à celle du sang arté- riel , et doivent, à cause de cela, être présumés rapporter autre chose que le reste de ce sang artériel, c’est-à dire des produits d’absorptions. 3° Enfin , toutes les fois que des absorptions insolites ont eu lieu, et ont fait péné- trer dans l’économie des matières qui y ont conservé leur nature étrangère , c’est dans les vaisseaux lymphatiques et les veines qu’on a retrouvé ces matières étrangères. Or , si dans ce cas où l'absorption n’a pu être méconnue, puisqu'on a retrouvé en nature les substances sur les- quelles elle a agi, ce sont les veines et les vaisseaux 1ymphatiques qui en ont été les agens; n’est-ce pas une présomplion pour que ce soient ces mêmes vaisseaux qui effectuent les absorptions qui se font continuellement dans l’économie ? Ainsi , sur le fait des absorptions insolites seulement, el parce qu’on ne voit pas dans l’économie d’autres vais.- seaux qui soient aptes à effectuer les absorptions inter- nes, on indique déjà les vaisseaux lymphatiques et les veines comme étant les agens de ces absorptions. Dès lors la lymphe et le sang veineux doivent être considé- rés comme étant en totalité ou en partie des produits de ces absorptions , comme étant à ces absorptions ce qu’est le chyle à l'absorption alimentaire. Mais maintenant , lesquels des vaisseaux lymphatiques ou des veines eflec- tuent l’absorption interne ? sont ce les veines seules ? ou les vaisseaux lymphatiques seuls ? ou ces deux ordres de vaisseaux à la fois ? Dans l'antiquité, lorsqu'on n’a- vait aucune connaissance du système lymphatique, on DE L'ABSORPTION INTERNE. 73 regarda les veines comme les agens des absorptions. Lorsqu’ensuite on eut fait la découverte du système lym- phatique, et surtout qu’on eut acquis la certitude que l'appareil chylifère est l’agent de l’absorption digestive chyleuse, on présenta les vaisseaux lymphatiquescomme les agens exclusifs de l’absorption , et on dépouilla les veines de cette importante fonction. Enfin, tandis que la plupart des physiologistes de notre temps se pronon- cent pour l’une ou l’autre de ces deux opinions , quel- ques-uns admettent à la fois l’action des veines et des vaisseaux lymphatiques pour l’absorption interne. Et en eflet, si ce n’est que sur des preuves négatives que l’on établit que les veines et les vaisseaux lymphati- ques sont les agens des absorptions , et si ces preuves négatives s'appliquent également à ces deux genres de vaisseaux , est-il possible d'admettre l’une de ces absorp- tions à l’exclusion de l’autre ? et ne faut-il pas, si l’on admet l’une , admettre l’autre, si l’on récuse l’une, ré- cuser l’autre , ou les adopter ou les récuser toutes deux ? Or, d’une part, il est certain que les faits indirects d’a- près lesquels on a été conduit à considérer les vaisseaux lymphatiques et les veines comme les agens des absorp- tions internes, s’appliquent également à ces deux ordres de vaisseaux ; et, d’autre part, il est aisé de faire voir que tous les argumens présentés par les sectateurs ex- clusifs de l’absorption par les veines ou par les vaisseaux lymphatiques, ne sont bons qu’à prouver la réalité de l'absorption qu'ils adoptent, mais non à démontrer la nullité de celle qu’ils récusent. Par exemple, les parti- sans de l'absorption exclusive par les vaisseaux lympha- tiques invoquent les considérations suivantes : 1° le sys- ième Jymphatique a la plus grande analogie de texture 74 FONCTION DES ABSORPTIONS. avec le système chylifère ; il aboutit au même tronc cen- tral, le canal thoracique ; l’analogie est telle que le sys- ième chylifère n’est plus considéré comme un système vasculaire à part, mais comme une division du système lymphatique : or, le système chylifère est évidemment un organe d'absorption; quelle forte présomption pour que le système lymphatique en soit un aussi? Mais cet argument, excellent pour faire croire à l'absorption lÿm- phatique , ne peut rien contre l’absorption veineuse; il il ne détruit aucune des raisons qui portent à admettre cette absorption veineuse. Bien plus , siles veines mésa- raiques absorbent les boissons dans l'intestin, comme on est autorisé à le croire, il y a une égale analogie en fa- veur du système veineux. 2° dans les expériences de Aun- ter, les matières qui ont été soumises à l’action d’ab- sorption n’ont jamais été trouvées dans les veines , et, au contraire , avaient constamment pénétré dans les vais- seaux lymphatiques. Mais que peuvent ces faits négatifs contre des faits positifs bien avérés ? Nous avons dit que de nombreux expérimentateurs ont trouvé les matières soumises à l’absorption de l'intestin dans les veines mé- saraïques; et nous citerons ci-après des expériences de M. Magendie, où ces matières ont également pénétré dans les veines des autres parties du corps. À la vérité, pour expliquer ces cas où les matières absorbées ont été trouvées dans les veines , les sectateurs de l'absorption exclusive par les vaisseaux lymphatiques ont dit que ces vaisseaux n’aboutissaient pas seulement dans le système veineux aux veines sous-clavières , mais qu'ils s’ouvraient dans les veines dès leur origine et dans tout le cours de leur trajet, et qu'ils y versaient conséquemment, dès ce lieu , les produits de leur absorption. Il n’était pas éton- DE L’ABSORPTION INTERNE. 79 nant dès lors , que les matières absorbées aient été re- trouvées dans les veines. Par là, aussi, ils ont cru expli- buer pourquoi le système veineux, quoique non chargé d’une action d'absorption, a une capacité supérieure à celle du système artériel ; pourquoi cette capacité plus grande se montre dans ce système dès sa première ori- gine, et non pas seulement au-delà des veines sous-cla- vières, comme cela devrait être, si les Iymphatiques étaient les agens uniques des absorptions ; pourquoi les troncs centraux du système lymphatique peuvent être aussi pelits, comparativement à la quantité des matières qui sont recueillies par l'absorption interne ; enfin, com- ment ces matières peuvent encore être versées dans le sang, lorsqu'il y a digestion, que conséquemment le ca- nal thoracique est en entier rempli par le chyle, et suflit à peine à l’afllux de ce fluide. Telles étaient, en effet , diverses objections faites par les partisans de l’absorp- tion veineuse. Ils fondent le fait anatomique dont ils arguent , sur des injections cadavériques , dans les- quelles on a vu la matière injectée dans des Iymphati- ques passer dans des veinules : Vieussens, par exemple, dit avoir reconnu par ces injections que des vaisseaux lymphatiques naissent des parois des dernières artério- les , et vont aboutir aux parois des premières veinules : Blizard et Meckel disent en avoir vu aboutir directe- ment à des veines :M. Ribes, en injectant les veines sus- hépatiques , à vu la matière passer dans les vaisseaux lymphatiques superficiels du foie : enfin, M. Alard , qui nie l'absorption veineuse dans l’ouvrage que nous avons cité plus haut , fait de cette communication la base de toute sa théorie. Mais, il faut bien se garder de tirer des conclusions absolues de ces injections 6 FONCTION DES ABSORPTIONS. SI] cadavériques ; les fluides sont bien loin de suivre pen dant la vie le cours qu’annoncent ces injections ; et ce qui le prouve, c’est qu’elles annoncent la communica- tion de tous les genres de vaisseaux , quels qu’ils soient, artères, veines, lymphatiques, sécréteurs, etc. Beau- coup de considérations , en outre , combattent l’idée de celte communication des systèmes lymphatique et vei- neux à leur origine , ou au moins veulent qu'on la réduise à peu de chose. Pourquoi en effet, dès lors, l’abouche- ment par deux troncs du système lymphatique dans le système veineux ? S’il est vrai que la lymphe, produit de l'absorption lymphatique , aille en s’animalisant gra- duellement dans son cours, comme cela est très-proba- ble; s’il est vrai que le choix des veines sous-clavières , pour l’arrivée de la lymphe dans le sang, sans importance pour l’ordre de la circulation, peut-on ne soit pas admettre cette communication des vaisseaux lymphati- ques avec les veines dès leur origine première ? et si elle est réelle, et si par conséquent les Iymphatiques versent dès ce lieu dans les veines les produits de leur absorp- tion, n'est-il pas probable que ce n’est qu’en trop pe- tite quantité , pour faire concevoir , sans le secours d'une absorption directe par les veines , la très-grande capacité qu'offrent aussitôt ces vaisseaux ? Du reste, la question que nous agitons ici nous fait toucher le point précis de la difficulté : comme on l’a vu, nous ne déclarons les veines et les vaisseaux lymphatiques les agens de l’absorp- tion , que parce que nous retrouvons en eux les matières absorbées ; mais rien ne prouve que ce soient ces vais- seaux qui aient effectué immédiatement les absorptions ; ces absorptions se font dans l'intimité des parties, dans ce qu’on appelle les systèmes capillaires ; peut-être existe- DE L'ABSORPTION INTERNE. 99 i-il là un ordre de vaisseaux tout-à-fait distincts des lymphatiques et des veines , qui en sont les agens, et qui en portent seulement les produits dans les sys- tèmes vasculaires efférens , comme il en est probable- ment qui puisent dans le système vasculaire général afférent, le système artériel, pour effectuer les nutri- tions. Il faudrait, pour résoudre la question, pénétrer la texture de ces systèmes capillaires, et elle n'est pas connue. Les raisons que présentent de leur côté les sectateurs de l'absorption exclusive par les veines, ne sont pas plus absolues. 1° Des recherches anatomiques , délicates, fai- tes d’abord par Meckel, puis par M. Ribes, semblent prouver que les veines ont aux diverses surfaces , el dans l'intimité des parenchymes, des communications plus libres que les vaisseaux lymphatiques , par exemple. Des injections poussées dans les veines de la partie inférieure de la cuisse, ont pénétré jusque dans la peau et le tissu cellulaire, et beaucoup plus loin que celles poussées par les artères; une injection poussée dans la veine cave à pénétré jusque dans le tissu spongieux du corps des ver- tèbres. Mais d’abord il est possible que ces anatomistes aient dû lesrésultats qu'ils ont obtenus à l'état de putré- faction commencante dans lequel étaient les cadavres sur lesquelsils ont opéré. Ensuite , si les veines ont, plus évidemment encore queleslymphatiques , leurs radicules ouverts aux diverses surfaces, cette disposition n’en est pas moins celle qui est propre aux vaisseaux lymphati- ques : Flandrin, en injectant les vaisseaux Iymphati- ques du diaphragme , a vula matière de l'injection suin- ter à la face abdominale de ce muscle. 2° On a argué de la petitesse des troncs aboutissans du système 78 FONCTION DES ABSORPTIONS, iymphatique, comparativement à la quantité des matières qui sont recueillies par les absorptions internes : on s’est demandé ce que devenait le produit des absorptions in- iernes, quand le canal thoracique est en entier rempli par l’afllux du chyle, et suflit à peine à cet afllux. On à observé que le sang veineux ne devrait commencer à pré- dominer sur le sang artériel , qu’à partir des veines sous- clavières. Mais toutes ces raisons, qui sont bonnes pour appuyer l’idée d’une absorption veineuse , sont impuis - santes lorsqu'elles tendent à faire rejeter tout-à-fait l’ab- sorption Îlymphatique. Elles ne prouvent même rien pour l’absorption veineuse, s’il est vrai que les Iympha- tiques aboutissent dans les veines dès leur origine pre- mière et dans le cours de leur trajet. 3° Enfin , opposant expérience à expérience , on a argué de cas d’absorp- tions insolites, dans lesquelles les matières n’ont été retrouvées que dans les veines, et jamais dans les vais- seaux lymphatiques. Par exemple, M. Magendie dit que , dans plus de cent cas où il a injecté des matières odo- rantes ou colorantes dans les plèvres, sur des surfaces muqueuses , séreuses , et dans des parenchymes , il n’a jamais vu ces matières pénétrer dans les lymphatiques, et, au contraire , les a toujours retrouvées dans les vei- nes , ou au moins dans le sang et les excrétions : mais, ainsi que nous l’avons dit aux partisans de Hunter, que peuvent ces faits négatifs contre les faits positifs qui leur sont opposés? {unter injecte une eau colorée d’indigo à la surface du péritoine , et voit, par suite , les lympha- tiques de l'abdomen se colorer en bleu. Flandrin répète avec succès cetle même expérience. Mascagni trouve en des animaux qui étaient morts d’hémorragies pulmo- naires et abdominales , les vaisseaux Jymphatiques du DE L'ABSORPTION INTERNE. 79 poumon et du péritoine pleins de sang ; ce même phy- siologiste assure avoir trouvé souvent dans les vaisseaux lymphatiques le fluide d’une hydropisie ; il a observé sur lui-même le gonflement des ganglions de l’aine, consé- cutivement à un bain de pied. M. Desgencttes dit avoir vu les lymphatiques du foie contenir une lymphe amère, et ceux du rein une lymphe urineuse. Sœmmering à trouvé de la bile dans les vaisseaux lymphatiques du foie , et du lait dans ceux des aisselles. Enfin M. Du- puytren a vu, chez une femme qui avait une énorme tumeur suppurante à la partie interne de la cuisse, les vaisseaux lymphatiques de la peau qui avoisinaient la tu- meur, etles ganglions de l’aine pleins d’un liquide qui avait l’opacité, la couleur blanche , la consistance du pus. Encore une fois , que peuvent des faits négatifs con- ire tant de faits positifs! M. Magendie a répété, pour prouver l'absorption veineuse en général , l'expérience de l’anse intestinale qu’il avait imaginée pour prouver l'absorption par les veines mésaraïques et dont nous avons parlé plus haut : il a coupé la cuisse à un chien vi- vant, de manière à ce que ce membre ne tienne plus au corps que par l'artère et la veine crurale ; il a ensuite inséré de l’upas tieuté dans la patte de l’animal, et a vu les effets du poison se manifester au bout de quatre mi- nutes. Bien plus , coupant l'artère et la veine crurale elles-mêmes, et les remplaçant par des tuyaux de plume disposés de manière à pouvoir transmettre le sang, l’ex- périence a eu les mêmes résultats : il était si certain qu'ici c'était le sang veineux qui transportait le poison , qu’en pressant ou non avec le doigt la veine crurale, on suspendait ou laissait se développer les effets délétères. Mais cette intéressante expérience , excellente pour prou- 80 FONCTION DES ABSORPTIONS. ver la réalité de l’absorption veineuse, ne prouve tien contre l’absorption lymphatique ; il eût fallu la faire dans un ordre inverse comme contre - épreuve , c’est- à-dire placer le poison dans une partie qui n’eût con- servé de communication avec le reste du corps , que par l’intermédiaire d’un vaisseau lymphatique. Cette ex- périence prouve même moins pour l'absorption veineuse que celle de l’anse intestinale, parce qu'ici on a intro- duit le poison en piquant la patte de l'animal avec un instrument qui en était imprégné , et que dès lors on à empoisonné directement le sang veineux. D’ailleurs , que prouvera-t-elle si les Iymphatiques s’ouvrent dès leur ori- gine , et, chemin faisant, dans les veines ? En somme , puisque tout est égal entre ces deux sys- ièmes vasculaires , veines et vaisseaux lymphatiques , à l'égard de l’absorption interne , et que ce qu’on peut dire de l’une de ces deux absorptions peut se dire certaine- ment de l’autre , on est forcé de les admettre toutes deux. Ainsi, de même que l’appareil chylifère est l’a- gent de l’absorption chyleuse et le chyle son produit , les systèmes lymphatique et veineux sont les agens de l'absorption interne, et les fluides Iymphe et sang vei- neux en sont, pour unepartie, au moins les produits. Cependant, faisons remarquer qu’il y a doute si ces veines et vaisseaux lymphatiques effectuent immédiate- ment les absorptions , ou si ce ne seraient pas des vais- seaux plus déliés encore , capillaires , d’un autre ordre , qui ne feraient qu'aboutir à eux. D’une part, à juger par les chylifères, on peut croire que les lymphatiques et les veines ont des radicules libres aux surfaces : cela sem- ble nécessaire pour les absorptions des sucs sécrétés ; et, la facilité avec laquelle les injections poussées dans les DE L’ABSORPTION INTERNE. 81 veines, arrosent les surfaces et pénètrent les parenchy- mes , porte aussi à le penser. Alors la dificulté qui a existé sur la disposition des chylifères à leur origine se représente ici : selon les uns , ce sont les radicules mê- mes des lymphatiques et des veines qui exécutent l’ab- sorplion ; selon d’autres , ces radicules ont à leurs extré- mités un tissu spongieux , une sorte de substance gélati- neuse qui effectue l'absorption, et qui, en se continuant avec les parois des veines et des vaisseaux lymphatiques , en conduit le produit dans l’intérieur de ces vaisseaux. Ainsi le mécanisme de l'absorption se rapprocherait de ce qu'il est dans les derniers animaux, où cette fonction est accomplie sans l'intervention d’aucuns vaisseaux , et par la substance même du corps. Il est certainement possible qu'aux dernières extrémités des systèmes vascu- laires des animaux compliqués, se trouve ce tissu vivant par excellence , qui compose à lui seul les animaux les plus simples , et exécute toutes leurs fonctions, l’absorp- tion en particulier. D'autre part , ce n’est que parce qu’on retrouve dans les veines et les vaisseaux lÿmphatiques les matières absorbées, et parce que ces vaisseaux sont les seuls systèmes vasculaires de retour de notre écono- mie, qu’on les a dits les agens des absorptions. Mais il pourrait bien se faire qu’il y eût au-delà d’eux d’autres vaisseaux, plus fins encore, qui exécutassent l'absorption, et en rapportassent les produits dans leur intérieur. Ce sont des vaisseaux autres que ceux qui forment le SyYs- ième afférent , c’est-à-dire le système artériel , qui effec- tuent les nutritions, la composition : pourquoi ne pas con- cevoir de même certains vaisseaux , effectuant spéciale- nent la décomposition, et en rapportant seulement les produits dans les systèmes vasculaires efférens , e’est-à- 3. 6 2 FONCTION DES ABSORPTIONS. dire, les systèmes vasculaires lymphatique et veineux ? IE faut certainement séparer les vaisseaux du corps en deux ordres : les vaisseaux de conduite , de transport, les gros vaisseaux , et ceux-là sont, ou afférens comme les artè- res, ou efférens comme les vaisseaux lymphatiques et les veines : et les vaisseaux dits capillaires , qui puisent dans les premiers et fournissent aux seconds : les pre- miers ne remplissent en quelque sorte qu’un usage mé- canique , en apportant et exportant les fluides nutritifs ; les seconds, au contraire, exécutent les nutritions , les calorisations , les sécrétions , les absorptions. Sans doute, il y a continuité entre ces deux ordres de vaisseaux, puisque ce sont dans les premiers que les seconds pui- sent, et aux premiers qu’ils fournissent ; mais , à juger par les actions des uns et des autres , ils ne sont pas les mêmes. Or ,quelle est la disposition de ces vaisseaux dits capillaires ? elle est ignorée ; il faudrait, pour la con- naître , pénétrer la texture intime des parties, et on ne peut y parvenir, Comme nous le dirons. Notre igno- rance sur ces systèmes capillaires , doit donc en mener une semblable surles agens réels des absorptions internes qui se font en eux. Toutefois, sans rechercher davantage si c’est immédiatement ou médiatement qu’absorbent les veines et les vaisseaux lymphatiques , ce sontces deux or- dres de vaisseaux qu’on considère commeles agens de l’ab- sorption interne, et il faut dès lors traiter successivement de l'absorption lymphatique et de l'absorption veineuse. $. IT. De l’Absorption lymphatique. [ faut commencer par faire l’étude anatomique du système vasculaire qui l’effectue , puis nous en ferons l'histoire physiologique. DÉ L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 83 1° Système vasculaire lymphatique. On appelle ainsi tout l’ensemble des parties qui , dans le corps de l’homme et des animaux vertébrés, servent à la formation et à la circulation du fluide appelé lym- phe. Il se présente chez l’homme, sous l’apparence de vaisseaux très-nombreux ; d’un côté, prenant leur ori- gine aux diverses surfaces internes et externes du corps, dans l'intimité de toutes les parties ; de l’autre, abou- tissant par deux troncs communs dans le système vei- neux , tout près du lieu où ce système veineux s’abouche lui-même dansle cœur ; et traversant, dans l’intervalle , un nombre considérable de ces organes de mixtion , d’é- laboration des fluides, appelés ganglions. Il a donc bezu- coup de ressemblance avec le système chylifère, et il faut de même étudier en lui les vaisseaux et les gan- glions. 1° Les vaisseaux lymphatiques sont des vaisseaux membraneux, minces , pellucides, généralement assez grêles , qui, ainsi que nous le disions tout à l’heure , d’un côté, ont leur origine à toutes les surfaces internes et externes du corps , dans la profondeur de toutes les par- ties; qui, de l’autre côté , s’abouchent par deux troncs centraux dans le système veineux, dans les veines sous- clavières , près du lieu où ce système veineux s’abouche dans le cœur; et qui recueillant ou recevant à leur ori- gine dans les parties les divers matériaux de l’absorption interne , fabriquent avec eux la Iymphe, en partie au moins , et conduisent cette lymphe dans le sang veineux. À leur origine dans l'intimité de toutes les parties, la capillarité des vaisseaux lymphatiques est telle, que leur G* 8/4 FONCTION DES ABSORPTIONS. disposition ne peut être connue ; perdus dans la sub- stance des organes dont ils constituent un des élémens , ils ne peuvent être distingués des autres vaisseaux. Les premiers anatomistes qui les découvrirent, croyaient qu'ils faisaient suite aux dernières ramifications des artè- res. Ils s’appuyaient sur ce qu’une injection poussée dans une artère s’engage dans les Iymphatiques. Ils Les disaient destinés à rapporter au cœur la partie séreuse du sang , tandis que les veines y rapportaient la partie rouge de ce liquide. Lorsqu’ensuite on eut établi, d’après l’analogie de ce système avec le chylifère, et après les autres argu- mens indiqués plus haut , qu'il était un agent de l’absorp- tion interne , on pensa que ces vaisseaux à leur origine étaient ouverts et béans sur toutes les surfaces et dans la profondeur de toutes les parties. En effet , des matières déposées sur quelques-unes des surfaces du corps, et dans le tissu des parties, se retrouvaient dans l’intérieur des vaisseaux lymphatiques; et une substance injectée dans l'intérieur de ces vaisseaux venait sourdre à la surface des diverses membranes, et dans le parenchyme des divers organes. Alors on eut recours au microscope pour saisir Ma disposition de leurs orifices : Lieberkun, dit qu'ils étaient au sommet d’une petite ampoule ou vésicule , qui, tapissée intérieurement d’une membrane cellulaire , et pénétrée par une arlère et une veine, présentait dans son intérieur une cavité pleine d’un tissu spongieux. Hewson prétendit que ces orifices étaient de simples trous, apercevables sur les réseaux que forment ces vaisseaux à leur origine. D’autres parlèrent de pores or- ganiques , de villosités, etc. On retrouve ici l’une ou l’autre des deux opinions admises à l’égard de l’origine DE L'APPAREIL LYMPHATIQUE. S5 des chylifères ; ou les vaisseaux communiquent immédia- tement par des orifices libres avec les diverses surfaces et dans les parenchymes ; ou il existe à leurs extrémités et dans leur pourtour un tissu gélatineux qui est celui qui effectue immédiatement l'absorption ; ou bien encore il existe au-delà d’eux un autre ordre de vaisseaux plus déliés , étant à la décomposition ce que les exhalans nu- tritifs sont à la composition , effectuant dès lors l’absorp- tion, et ne faisant qu’en apporter les produits au sys- tème lymphatique, qui ne serait qu’un système vasculaire général efférent. Tout cela ne peut être que conjectural , puisqu'on ignore la disposition des systèmes capillaires , et que c’est dans ces systèmes capillaires qu’est l’origine des vaisseaux lymphatiques. On voit bien que dans ces systèmes capillaires il y,a communication facile entre les diverses espèces de vaisseaux qui les forment, entre les artères et les veines , les artères et les lymphatiques, les veines et les lymphatiques même; des injections pas- sent facilement de l’un de ces vaisseaux dans les au- tres. Mais, si ces injections prouvent qu’il ÿ a communi- cation, elles n’en font pas connaître le mode : est-ce par continuité de vaisseaux , ou par un lissu intermé- diaire ? cela est ignoré, Quelle que soit cette origine , ces vaisseaux Iymphati- ques, devenus un peu gros, se séparent du tissu des or- ganes dans lequel ils étaient comme perdus, et com- mencent à être visibles. Alors on les voit manifestement se diriger vers les deux troncs communs de tout le système, sous forme de canaux cylindriques, transparens , mem- braneux , toujours assez grêles, et en s’anastomosane mille fois entre eux dans leur trajet. Ils sont très- nombreux , plus cependant en certaines parues que 86 FONCTION DES ABSORPTIONS. dans d’autres; par exemple, dans toutes celles qui sont le siége de quelques sécrétions récrémentitielles : ils constituent aussi en grande partie le tissu des surfaces et des membranes blanches. On en trouve dans presque toutes les parties du corps : les anatomistes disent n’en avoir pas trouvé encore au cerveau, à la moelle épinière , à l’œil, à l'oreille interne, etc. ; mais il est probable que cela tient à la faiblesse des moyens anatomiques , car on ne voit pas pourquoi ces parties n’auraient pas, comme toutes les autres, des vaisseaux lymphatiques. Dans le long trajet qu’ils parcourent, ils vont en s’ou- vrant sans cesse les uns dans les auires, de manière à former un seul et même sysième. Cependant, malgré cet abouchement successif des uns dans les autres, ils res- tent toujours grêles: et c’est une des différences qui distinguent le système lymphatique du système vei- neux. Îls marchent sur deux plans: l’un superficiel qui rampe sous la peau ou sous la membrane qui enveloppe Porgane, et qui accompagne les veines superficielles et sous-cutanées ; l’autre profond , qui est situé plus pro- fondément dans les interstices des muscles, ou dans le tissu même des parties, el qui accompagne les artères. Des anastomoses existent entre ces deux plans. Cette disposition ne se remarque pas seulement dans les mem- bres , elle a lieu dans chaque viscère , et dans le tronc lui-même où l’on voit le plan superficiel des vaisseaux lyÿmphatiques au-dessous de la peau , et le plan profond entre les chairs et la membrane séreuse qui tapisse les cavités splanchniques. Dans ce trajet aussi , ces vais- seaux souvent se réunissent en faisceaux , s’enlacent par des replis multipliés, et forment des plexus inextri- cables. Ils sont placés généralement à la face interne des DE L'APPAREIL LYMPHATIQUE, 87 membres, ou dans les vides que laissent entre eux les organes, accompagnant les artères , les enlaçant de leurs plexus, et traversant’ d'espace en espace les ganglions qui constituent l'autre partie du système lymphatique. Tous aboutissent enfin à deux troncs, qui sont les cen- ires de tout le système, et qui s'ouvrent eux-mêmes dans le système veineux : l’un situé à gauche, appelé canalthoracique; l'autre, situé à droite , appelé le grand vaisseau lymphatique droit. Le premier est ainsi nommé à cause de sa situation dans le thorax, qu'il traverse dans toute sa hauteur perpendiculaire : il commence à ce même réservoir de Pecquet que nous avons décrit à l’article de l'appareil chylifère. Il est formé là, par trois gros vaisseaux; dont l’un est l’aboutissant de tous Îles lymphatiques de l'intestin, de tous ceux qui ont re- cueilli dans cet intestin le chyle, produit de la diges- tion ; et dont chacun des deux autres est formé par la réunion de tous les lymphatiques de la moitié inférieure du corps. De là, ce canal thoracique monte le long du corps des vertèbres, en faisant quelques flexuosités ; arrivé à la hauteur du diaphragme, il s'engage dans une ouverture dont est percé ce muscle, parvient dans le thorax, le traverse dans toute sa hauteur, et s'élève jus- qu’à la face antérieure du col, à un pouce à peu près au- dessus de sa destination. Il se replie alors en arcade , et vient s'ouvrir dans la portion sous-clavière de la veine brachiale gauche. Une valvule existe au lieu de cet abouchement, et est disposée de manière à permettre la chute de la iymphe dans le sang, et à prévenir , au con- traire , le reflux du sang dans le canal thoracique. Dans ce trajet, ce canal a de 16 à 18 pouces de longueur ; plus large en bas , se rétrécissant dans son milieu, et s’élar- 88 FONCTION DES ABSORPTIONS. gissant de nouveau dans son milieu, son calibre est de deux àtroislignes. Souvent, dans sa longueur, ilse partage en plusieurs troncs, qui cependantseréunissent de nou- veau en un seul avant d'arriver à la veine, le plus sou- vent au moins; d’autres fois, il est double. Il importe de connaître ces variations dans sa structure, afin de s'expliquer la diversité des résultats qu'ont obtenus ceux qui, dans des expériences physiologiques sur les animaux vivans, en ont fait la ligature. Ge tronc recoit tous les vaisseaux lymphatiques de la moitié inférieure du corps , plus une grande partie de ceux du thorax, et tous ceux de la moitié gauche de la partie supérieure du corps ; c’est à lui aussi qu'’aboutit le chyle qui provient de la digestion. L'autre tronc lymphatique est étendu obliquement à droite sur l’apophyse transverse de la dernière vertèbre cervicale, et s’ouvre dans la portion sous-clavière de la veine brachiale du côté opposé , du côté droit. Une val- vule existe aussi au lieu de cette insertion, et est dis- posée de manière à remplir le même usage. Ce tronc, long d’un quart de pouce à peu près , est aussi gros que le canal thoracique , et recoit leslymphatiques du côté droit du thorax et des parties supérieures du corps. Plusieurs autres petits vaisseaux lymphatiques , mais dont l'existence n’est pas constante , s’abouchent dans la veine cave supérieure , au voisinage de ces deux troncs. Ces deux troncs sont, pour le sysième lymphatique, ce que sont les veines caves pour le système veineux. Ce n’est pas cependant que le système lymphatique soit dans son ensemble comme le système veineux. Les veines marchent des parties au cœur, en devenant de moins en moins nombreuses, et de plus en plus grosses, el ont DE L'APPAREIL LYMPHATIQUE. 89 dans leur ensemble la forme d’un arbre : les 1ÿmphati- ques , au contraire , parcourent de longs trajets en res - tant toujours grêles; et formant sans cesse des divisions et des anastomoses très-multipliées , ils simulent plutôt des réseaux qu’ils n’ont la forme d’un arbre, Les lympha- tiques sont aussi plus nombreux que les veines ; on dit qu'il y à quatorze lymphatiques superficiels pour une veine ; d’où l’on établit que la capacité du système lym- phatique est supérieure à celle du système veineux. Mais, d’abord, il est impossible de préciser la capacité de chacun de ces systèmes ; ensuite, on nepeut pas plus spécilier la différence qu’il y a sous ce rapport entre l’un et l’autre; enfin, si l’on remarque la petitesse des lÿmphatiques , peut-être soupconnera-t-on que le surplus de capacité qu’on accorde à ce système est moindre qu'on ne l’a dit. C’est une question aussi de savoir si, chemin faisant, beaucoup de lymphatiques ne s'ouvrent pas dans les veines qu'ils avoisinent. Blizard dit avoir vu deux fois une terminaison directe des lymphatiques dans les veines iliaques. Nous avons déjà parlé des idées de Vieussens et autres à cet égard. Quant à la texture des vaisseaux lymphatiques , tous sont formés de trois membranes superposées l’une à l’autre, et unies par du tissu cellulaire. 1° L’extérieure n'est guère qu’un tissu cellulaire condensé qui les unit aux parties voisines. 2° La suivante est la principale, et celle à laquelle le vaisseau doit sa solidité : quelques-uns, mais à tort, avaient voulu faire croire qu’elle était mus- culeuse; par exemple, Scheldon qui disait avoir vu des fibres musculeuses dans le canal thoracique du cheval; Schneider qui en avait vu dans celui de l’homme ; } 98 FONCTION DES ABSORPTIONSe Cruiskank , parce qu'il avait vu ces vaisseaux manifester de l'irritabilité sous l'influence d’irritans chimiques , de l’huile de vitriol , par exemple. 3° L’intérieure, au con- traire , est mince, délicate, transparente , et se déchire au moindre contact: continue à celle qui tapisse l’inté- rieur des veines , elle en diffère un peu, car elle est sujette à un encroûtement plâtreux que l’autre ne pré- sente jamais. On a dit qu’elle était, ainsi que la mem- brane interne de tout autre vaisseau, le siége d’une exhalation dont le produit servait à la défendre du con- tact de la lymphe ; mais probablement on s’en est laissé imposer par quelque transudation cadavérique ; du moins, un vaisseau lymphatique s’oblitère en entier quand la lymphe cesse d’y circuler. Elle forme, d’es- paces en espaces, dans l'intérieur des vaisseaux , des valvules , c’est-à-dire des replis dont les bords libres sont dirigés du côté des troncs centraux, et qui servent à prévenir le reflux de la lymphe. Ces valvules y sont plus nombreuses encore qu'aux veines , disposées de même par paires, et placées surtout aux points où les lymphatiques se réunissent : c'est à cause d'elles que les lymphatiques qu’on a injeciés paraissent coupés par des nodosités. Ajoutons que ces trois membranes qui composent les lymphatiques recoivent en outre les élémens sans lesquels aucun organe, quel qu'il soit, ne peut vivre , des artérioles, des veinules , etc. Cette texture donne à ces vaisseaux assez de solidité , une solidité qui même est supérieure à celle d’une artère d’un volume égal, car ils supportent le poids d’une colonne de mercure plus forte. Îls sontaussisuscep- iibles d’une certaine distension , comme le prouvent les injections , ou la ligature du canal thoracique. Ils sont DE L'APPAREILLYMPHATIQUE. 91 de même contractiles ; et rien de plus variable que le volume des lymphatiques et la quantité de lÿmphe qui y circule. En général ces vaisseaux ont une vitalité plus | exaltée que les veines. 2° Ganglions lymphatiques. Ge sont des organes gé-. néralement arrondis, d’un volume qui varie depuis un dixième de ligne jusqu'à la grosseur d’une noisette, el qui, placés çà et là sur le trajet des vaisseaux lym- phatiques , recoivent d’un côté un certain nombre de | ces vaisseaux , et de l’autre côté donnent naissance à d’autres qui continuent le système. Appelés jadis glan- des conglobées, mot fort impropre, ils abondent sur- tout au niveau des articulations, dans tous les lieux où le système cellulaire prédomine, et ils sont d’autant plus nombreux qu'on approche plus des troncs qui sont les centres du système. Leur nombre peut être de six à Isept cents , et ils sont spécialement nommés d’après leur situation. Ainsi, en commencant par le membre inférieur , on en signale trois ou quatre dans le creux du jarret, les poplités ; puis, huit à douze dans le pli del’aine, Les inguinaux : recherchant ensuite ceux de l'abdomen, on trouve successivement huit à dix ganglions iliaques, dix ganglions prélombaires,cent mésentériques, soixante mésocoliques, et un grand nombre avoisinant chaque principal viscère de l'abdomen, et nommés d’après cela Isous-hépatiques , spléniques, pancréatiques, pelviens. Le membre supérieur en présente de même quatre à cinq auprès du coude , les huméro-cubitales, et six à huit dans le creux de l’aisselle, les axillaires. À la tête et au col sont deux ou trois mastoidiens, des sous- zigo- matiques, des maæillaires , des sublinguaux, beaucoup de trachéliens, des sus-scapulaires , des sous-cla- 02 FONCTION DES ABSORPTIONS. vwiers, etc. Enfin dans le thorax, où sont situés les deux troncs aboutissans du système , on signale des ganglions prédorsaux , des intercostaux , un entre chaque côte ; des diaphragmatiques, des médiastins, des sous-ster- naux , et enfin ceux quiavoisinent les viscères intérieurs du thorax, et en ont tiré leur nom, les bronchiques , pulmonaires , cardiaques , etc. Nous nous bornerons à cette énumération générale des ganglions Iymphatiques, parce qu'il doit nous suffire de dire que, recevant d’un côté des vaisseaux lymphatiques , et de l’autre côté don-, nant naissance à d’autres , ils font réellement de tous un. système continu. Il est ceftain , en effet, que ces gan- glions s’envoient réciproquement des vaisseaux de com: munication. Ils sont souvent si petits qu’on ne les voit pas,et c’est la maladie qui en les grossissant les fait appa- raître. Il en est aux deux plans que présentent dans leur marche les lymphatiques; et généralement ils ne sont jamais isolés, mais toujours réunis au nombre de plu- sieurs et disposés en groupes. Leur texture, objet de recherches très-importantes , puisque par elle on peut pénétrer le rôle qu'ils jouent dans la généralité du système , est encore un sujet de controverse pour les anatomistes. Si l’on en croit Haller , Albinus, ces ganglions sont formés par les cir- convolutions des vaisseaux lymphatiques qui se sont roulés sur eux-mêmes pour les former. Malpighi, Morgagni , Cruiskank , pensent , au contraire , qu'ils sont des amas de cellules, recevant d’un côté des vais- seaux lymphatiques qu'on appelle afférens , donnant naissance de l’autre côté à d’autres vaisseaux lympha- tiques appelés efférens , et dans l'intérieur desquelles s’exhale un suc destiné à se mêler à la lymphe et à l’é- DE L'APPAREIEMLYMPIATIQUE. 93 laborer. Les vaisseaux efférens sont plus gros et moins nombreux que les afférens. Telle est , en effet , la dispo- sition du thymus et d’autres organes, que nous allons dire être rapportés par M. Chaussier, aux ganglions lymphatiques. Si l’on veut appliquer aux ganglions Iym- phatiques l’idée que l’on se fait de tout ganglion quel- conque , il faut se les présenter comme dés agsæloméra- tions de vaisseaux lymphatiques divisés , Dhs , pelo- tonnés , anastomosés à l'infini, réunis en masse par des liens celluleux, et formant ainsi un organe qui recoit beaucoup de vaisseaux sanguins , des nerfs du tris- planchnique, et qu’enveloppe une membrane celluleuse assez dense. Malpighi disait musculeuse , et Vuck fibro- tendineuse , cette enveloppe extérieure ; mais il est évi- dent qu’elle n’est que du tissu cellulaire condensé. Si l’on cherche à poursuivre les vaisseaux lymphatiques dans les ganglions, à les y dérouler, on reconnaît que ces vais- seaux y ont des parois moins épaisses , et des anastomoses plus fréquentes. Du reste , il faut avouer que l’on est ici dans une ignorance égale à celle où nous sommes toujours pour tout ce qui est Rarié à la texture profonde des organes. S æœmmering dit que cette texture n'est pas la même dans tous les ganglions ; que dans les uns elle est vasculaire , dans d’autres celluleuse, et dans d’autres à la fois vasculaire et celluleuse. Toutefois, ces ganglions, qui sont de couleur rosée chez l'enfant, grise chez l'adulte , doivent à leur tex- ture , quelle qu’elle soit, une solidité assez grande, mais qui est moindre cependant que celle des vaisseaux lÿym- phatiques eux-mêmes. Ils jouissent d’une sorte de mo- bilité dans leurs rapports et leurs attaches avec les parties voisines. Ils ont surtout une vitalité fort énergi- 94 FONCTION DES ABSORPTIONS. que, comme il est prouvé par la fréquence de leurs maladies , et la facilité avec laquelle ils s’altèrent sympa- thiquement. | M. Chaussier considère comme appartenant aux gan- glions lymphatiques , un certain nombre d’organes dont les usages dans l’économie ne sont pas encore bien connus ; tels que le thymus , la thyroïde, les capsules surrénales , etpeut-être la rate ; il en fait une section à part, sous le nom de'ganglions glandiformes. Bien que cette idée de ce professeur eût besoin , pour être jugée , de développemens qu’il n’a pas donnés , nous allons dire quelques mots de ces divers organes. Nous avons déjà parlé de la rate. Le thymus est un corps formé de cinq à six lobes distincts, situé dans le thorax, à sa partie supé- rieure et antérieure , derrièrele sternum, et qui, appar- tenant plus particulièrement au premier âge de la vie, sera décrit à l’article du fœtus. La thyroïde est un organe lobulaire aussi, situé à la partie antérieure du col, au- dessous de la peau et de quelques muscles sous-cutanés ; appuyé sur là partie antérieure et inférieure du larynx et les premiers anneaux de la trachée-artère. Formé de lobes qui se sabdivisent successivement en lobules et en grains, Cet organe à une couleur tantôt rouge, tantôt jaune , et présente intérieurement des vésicules remplies d’un fluide qui est visqueux, et incolore ou jaunâtre. On a dit qu’il servait à sécréter le mucus bronchique ; mais jamais on n’a pu lui trouver un canal excréteur. Comme il est plus volumineux dans le fœtus que dans l'adulte, on peut le croire destiné plus particulièrement à quelques fonctions nutritives relatives à cel âge ; cepen- dant sa persistance jusque dans l'extrême vieillesse , le volume énorme des artères qui lui arrivent, ainsi que le DE L'APPAREIL LYMPHATIQUE. 99 nombre des nerfs et vaisseaux lymphatiques qui le pé- nètrent , ne permettent pas de douter qu’il ne remplisse aussi quelque office important, mais inconnu, dans tout le cours de la vie. Nous en dirons autant des capsules surrénales , petits corps placés dans l'abdomen , hors du péritoine, au-dessus de chaque rein dont ils embrassent l'extrémité supérieure : les artères qui y aboutissent ont aussi plus de volume chez le fœtus que chez l’adulte ; mais comme ils persistent pendant toute la vie, on ne peut les y croire inutiles. Ils consistent en de petites poches à parois parenchymateuses épaisses , dont le tissu est aussi lobulaire , granulé , et dont la cavité intérieure est pleine d’un fluide visqueux , qui est rougeâtre dans le fœtus , jaune dans l’enfance, et brun dans la vieillesse. Nous reviend rons plusieurs fois sur ces organes, à l’oc- casion de chacun des usages hypothétiques qu’on leur a attribués. Tel est l’ensemble général du système lymphatique. Pour bien le voir , il faut, ou injecter le système par le canal thoracique avec du mercure, ou lier le canal tho- racique , afin que la lymphe, faute de pouvoir s’écouler dans le système veineux, distende les vaisseaux Iympha: tiques et les rende facilement apercevables. Si on en fait l’examen sur un animal vivant, on voit que le plus sou- vent Îles vaisseaux lymphatiques des membres, de la tête et du colsont affaissés, et paraissent comme vides ; qu’il ya, sous le rapport de leur plénitude , beaucoup de différence entre les divers vaisseaux lymphatiques du corps; et qu'enfin , généralement ce système ne paraît pas rempli à l'instar de ce qu'est tout autre système vasculaire , le veineux, par exemple, Îl n'existe pas dans tous les animaux: et, dans ceux 96 FONCTION DES ABSORPTIONS. chez lesquels on le trouve , il n’a pas toujours le même degré de complication. Il manque au-delà des animaux vertébrés; dans les poissons et les reptiles, il ne con- siste que dans des vaisseaux; et ce n’est que dans les oiseaux et les mammifères, qu’il offre de plus les gan- glions. Les Anciens n’en avaient aucune connaissance. En 1565, Eustachi fit la découverte du canal thoracique , qu’il appela vena alba thoracis; seulement il n’en saisit pas la fonction, et sa découverte fut même bientôt ou- bliée. En 1622, Aselli découvrit les vaisseaux chylifè - res, mais sans en reconnaître encore les usages. En 1634 , Weslingius retrouva le canal thoracique, et, plus tard, en 1649, vit que ce canal était l'aboutissant des vaisseaux chylifères d’Aselli. Enfin, presque en même temps, en 1690, 1651, 1655, Olaüs Rudbeck, Tho- mas Bartholin en Allemagne, et Jolyff en Angleterre , découvrirent toute la généralité du système Iymphati- que. Chacun de ces trois anatomistes revendiqua la gloire de cette importante découverte ; la grande influence qu’exercait alors Bartholin sur le monde savant la lui fit d’abord attribuer ; mais, depuis, la postérité a prononcé en faveur de Rudbeck. Gelui-ci les nomma vaisseaux séreux, et Bartholin, vaisseaux lymphatiques. Du reste , les uns el les autres n’en saisirent pas d’abord la dispo- sition et les fonctions ; ils les disaient continus aux artè- res , et n'étant que leurs ramifications dernières. C’est J. Hunter qui, le premier, établit qu'ils naissaient aux diverses surfaces où se font des absorptions , et qu'ils étaient les agens de ces absorptions. Depuis, cette opi- nion a été généralement admise, et les travaux successifs de Ruisch, Nouguez, Monro, des deux /lunier, et DB L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 97 surtout ceux de Mascagni, Cruiskank , ete., ont porté cette branche de l’anatomie à un point de perfection qui égale celui où sont parvenues toutes les autres par- ties de cette science. 2% Mécanisme de la Lymphose. Dans l'étude physiologique de l'absorption lymphati-- que, nous allons suivre le même ordre que dans celle de l'absorption chyleuse ; c’est-à-dire rechercher » 1° quels sont les matériaux sur lesquels agit l’appareil Iymphati- que , et conséquemment d’où provient la lymphe; 2° en- suite, ce qu'est l’action d'absorption qu'exécuté cet appareil à son origine , et d’où résulte la Iymphe ; 3° quel est le cours de cette lymphe, qui en est le produit, et quelles altérations elle éprouve dans ce cours ; 4° enfin, ce qu'est cette lymphe considérée en elle-même , quelles sont ses propriétés physiques , sa nature chimique , sa quantité. 1° Matériaux de la {ymphe. Avant la découverte du système lymphatique, les Anciens regardaient la Iymphe comme n'étant que la sérosité du sang. Îl en fut de même encore dansles premiers temps de la découverte de ce système , lorsqu'on disait que les vaisseaux Jyÿmphatiques n'étaient que la continuation des dernières artérioles, On établissait que le sang, arrivé aux dernières ramifica- tions des artères , se partageait en deux parties : une rouge , plus consistante, qui était rapportée par les vei- nes; et une blanche, séreuse, qui était rapportée par les lymphatiques. Ainsi.c’était du sang lui-même qu'é. manait la lymphe , et les vaisseaux lymphatiques étaient les vaisseaux de retour de Ja partie séreuse du seng, tandis que les veines étaient ceux de la partie rouge. Les 3. " 4 9 FONCTION DES ABSORPTIONS. preuves , sur lesquelles on se fondait , étaient la ressemr- blance apparente qui existé entre la Iymphe et la séro- sité du sang, Ct la facilité avec laquelle une injection cadavérique passe des dernières artérioles dans les pre- miers radicules des Iymphatiques. Dans cette manière de voir, qui est encore celle de M. Magendie qui nie l'absorption lymphatique , l’histoire de la lymphe ne de- vrait pas se rapporter à la fonction des absorptions, mais à celle de la circulation. Mais , depuis que Hunter , en arguant des absorptions insolites , et de la grande ressemblance du système [ym- phatique avec le chylifère , a présenté les vaisseaux lyn- phatiques comme les agens des absorptions internes , IE Iymphe a dù être dérivée , en parlie au moins, des ma- iériaux de ces absorptions. Nous avons vu, en effet, que beaucoup de considérations conduisaient à faire admettre les lymphatiques comme les agens des absorp- Lions internes ; et alors la lymphe qui y circule, doit être, en partie au moins, considérée comme formée par les matériaux de ces absorptions. Or, ces matériaux que nous avons déjà énumérés , sont : 1° ce que l'absorption interstitielle reprend dans chaque organe pour sa décomposition. 2° Tous les sucs sécrétés récrémentitiels, les sucs séreux, la sérosité du tissu lamineuæ , la graisse , la synovie , le suc médul- laire, la moelle, les mucus colorans de la peau, de l’i- ris , de la choroïde, les trois humeurs de l'œil, la lym- phe de Cotunni. 3° Enfin quelques parties des humeurs sécrétées excrémentitielles, surtout de celles qui ont dans leurs voies d’excrétion un réservoir, COMME la bile, le sperme, l'urine, etc. Sans doute ces matériaux ne sont pas exclusivement DL L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 99 préparés pour la formation de la Iÿmphe. Ceux du pre- mier ordre composent la substance même des organes ; les humeurs sécrétées récrémentitielles ont chacune un usage spécial, et qui est différent pour chacune d'elles : il en est de même des humeurs sécrétées excrémenti- tielles. Mais enfin, comme toutes ces matières ne re- viennent au torrent circulatoire qu’en faisant partie de la Iymphe, on doit les considérer en même temps com- me des matériaux constitutifs de ce fluide. C’est une nouvelle preuve de la merveilleuse structure de notre corps , et de l’art avec lequel un même rouage y sert à des offices divers. Ici l’absorption interne concourt tout à la fois : à la décomposition du corps en reprenant dans les organes les matériaux usés; à sa composition, en fournissant les matériaux constitutifs de la lymphe ; et elle assure l'intégrité physique de beaucoup de parties , l'équilibre de beaucoup de sécrétions, en en recucillant les fluides dans une quantité égale à celle dans laquelle ils sont fournis. D'ailleurs , parmi ces matériaux, il en est qui parais- sent plus particulièrement destinés à la Iymphose, la graisse , par exemple. Sans doute , cette matière remplit divers usages dans l’économie , comme d’entretenir la température des parties , d’en remplir les vides ; mais , à certains égards, on peut la considérer comme une pro- vision mise en réserve pour servir à la lymphose, et sup- pléer à l'alimentation. Les animaux hybernans, par exemple , sont très-gras quand ils s’endorment, et se ré- veillent extrêmement amaigris ; dans l’abstinence, la graisse est la première matière dont la rés orption se mani- feste; cette résorption est déjà sensible après vingt-qtiatre heures : voyez-la se dissiper de même dansles maladies. mX { 100 FONCTION DES ARSORPTIONS. M. Chaussier assigne par conjecture le même usage à plusieurs autres sucs : par exemple, il pense que le thy- mus , la thyroïde, les capsules surrénales , tous les or- ganes qu'il a appelés ganglions glandiformes , servent à préparer des matériaux à la lymphe, et concourent à la crâse de ce fluide. IL le dit surtout du thymus qui dis- paraît après le premier âge, ce qui prouve qu'il ne sert qu'à la nutrition du corps, et non à aucune fonction animale proprement dite. Mais ce thymus ne peut-il pas servir autrement à la vie fœtale : être, par exemple, un organe de respiration , Comme quelques-uns le conjec- turent ? Ge professeur émet aussi l'idée que les sucs des membranes séreuses , en même temps qu'ils remplissent des offices mécaniques relatifs aux parties qu'ils arro- sent, ont reçu de l’action de sécrétion qui les a faits une-nature qui les dispose merveilleusement à former la lymphe : mais ce n’est encore là qu’une conjecture que rien ne justifie. Tels sont toutefois, les matériaux que l'absorption in- terne fournit pour la constitution de la lymphe. On ne peut rien préciser sur leur quantité. D'abord , comme une partie d'eux peut être saisie par l'absorption veineu- se, il est impossible de savoir dans quelle proportion ils concourent à la formation de chacun des fluides des deux absorptions internes. Ensuite, la quantité de cha- cune de ces substances est mille fois variable en elle- « même : par exemple, la proportion des matières fournies par l'absorption interstitielle variera nécessairement se- lon le degré d'activité du mouvement putriüf , selon les âges ; celle des sécrétions est dépendante de mille cir- constances générales ou locales , et est relative aux par- ties qui sont le siége de ces sécrétions. DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 101 2 Action absorbante des tymphatiques , et élabora- érice de la lymphe. Quels que soient les matériaux des- quels dérive la Iymphe , soit que cette humeur provienne en partie de la sérosité du sang, soit qu’elle ne résulte que des matériaux de labsorption interne, il est sûr qu’elle est faite à l’origine même des vaisseaux lympha- tiques. D’une part, en effet, cette lymphe n’existe pas toute formée dans l’une ni l’autre des deux sources que nous venons d'indiquer; d’autre part, elle se montre déjà dans les premiers vaisseaux lymphatiques aperce- vables ; il faut donc bien qu’elle ait été faite dans l’inter- valle , c’est-à-dire à l’origine même du système. L’action qui la fait est double peut-être, savoir la transudation de la partie séreuse du sang, et le phénomène de l’ab- sorption interne. Mais ici nous ne devons nous occuper que de ce dernier, qui n’est pas contestable; et, à son égard, il faut admettre queles radicules lympbatiques,qui sont toujours appliqués aux matériaux divers que nous avons indiqués, se livrent à une action quelconque, en vertu de laquelle ils saisissent ces matériaux et les chan- gent en une humeur qui est, ou la lymphe elle-même, ou un autre fluide qu’on ne peut spécifier , puisqu'il est aussitôt mêlé à la lÿymphe; mais qui au moins ne con- serve plus rien des matières dont il dérive, puisqu'on ne peut les y retrouver, et qu’on peut confondre avec la lymphe. , Nous ne pouvons dire de cette action des radicules lymphatiques que ce que nous avons dit de l’action ahsorbante des chylifères. D'abord , comme celle-ci, c'est une action toute moléculaire, qui échappe à nos sens, dont nous ne pouvons conséquemment donner la description , et qui n’est manifestée que par son résul- 102 FONCTION DES ABSORPTIONS: at, la formation de la lymphe. On a dit que le radicule Jymphatique éprouvait une sorte d’érection, se livrait à des contractions et dilatations alternatives en vertu desquelles la matière était saisie et élaborée. Mais on a avancé cela , plutôt d’après une vue de l'esprit que d’a- près une observation directe; ou parce qu’on a vu de semblables mouvemens dansle point lacrymal, et que ce point lacrymal qui est chargé dans l'œil d’absorber les larmes , a paru être une image grossie de tout radicule lymphatique. En second lieu , on ne peut préciser le lieu précis du lymphatique où se fait l'absorption ; et nous sommes ra- menés ici à notre ignorance sur l’origine des lymphati- ques , et sur les systèmes capillaires. Le lymphatique a- t-il un orifice immédiatement ouvert sur les surfaces où se font les absorptions, et conséquemment dans un con- tact immédiat avec les matériaux à absorber ? ou à- t-il à son extrémité, et dans son pourtour, un tissu géla- tineux qui effectue l'absorption ?ou bien, enfin, y a-t-il, au-delà des lymphatiques, un système vasculaire plus dé- lié, faisant partie des systèmes capillaires , effectuant les absorptions et en versant les produits dans l’un et l’autre des deux systèmes vasculaires généraux efférens et de retour ? chacune de ces opinions a été tour à tour professée , sans qu'on puisse donner Îa démonstration d'aucune d'elles. En troisivme lieu, cette action n’est pas seulement une action de pompement , mais en outre une action d’é- Jaboration; en même temps que les matériaux divers que nous avons énumérés sont saisis, ils sont travaillés , et changés en lymphe. Gette lymphe en effet n'existe pas dans ces matériaux; elle ne se montre qu'à partir de ces DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE: 1 03 vaisseaux , ce sont ces vaisseaux qui réellement l'ont faite. Enfin , l'essence de cette action de Iymphose est aussi impénétrable que celle de l’action de la chylose; et on ne sait d’elle que les deux propositions que nous avons dites de toute action de l’économie examinée jusqu’à pré- sent , savoir que les vaisseaux lymphatiques ne sont pas passifs pour la produire; et que, n'étant pas une action mécanique et chimique, elle doit être dite une action organique et vitale. Sous le premier point de vue, il est certain que les vaisseaux lymphatiques doivent agir pour effectuer cette action absorbante élaboratrice, car leur intégrité est né- cessaire pour qu'elle ait lieu : si, par exemple, les ab- sorbans des surfaces sécrétoires récrémentilielles sont malades , l'absorption ne se fait pas ou se fait mal, etil en résulte des hydropisies. L’absorption d’ailleurs exige l'état de vie, et varie selon les conditions organiques diverses dans lesquelles peuvent être les vaisseaux Iym- phatiques. Sous le second point de vue, il estégalement sûr que la lymphose ne peut être rapportée à aucune des forces mécaniques et chimiques connues; qu’elle est une de ces actions par lesquelles les corps vivans font excep- tion à la nature générale, et qu’on appelle à cause de cela organiques et vitales. Gette action en eflet pour- rait-elle n’être, comme on l’a dit, qu’une introduction passive des matériaux de la [ymphe à travers les pores des vaisseaux Jymphatiques ? mais alors il faudrait que la lymphe existât toute formée dans les matériaux dont elle dérive, ce qu’on sait ne pas être; tout autre fluide que la lymphe devrait être absorbé aussi, et c’est ce quin’est pas, N’est-elle, comme d’autres l'ont supposé, 10/4 FONCTION DES ABSORPTIONS,. qu’un phénomène analogue à l'attraction des tubes capil- laires ? inais pour cela, il faudrait encore que la Iymphe existât avant les vaisseaux lymphatiques, que tout autre fluide fût de même absorbé. On a enfin attribué cette action à une pression propre à exprimer la ]ymphe dans les vaisseaux lymphatiques ; de même qu’on avait conçu le passage du chyle dans les vaisseaux chylifères, par suite de la pression qu'exercait l'intestin sur la masse chymeuse, et de lexpression qui en était l'effet. Mais d’abord , cette expression prétendue du chyme n’est cer- tainement pas l’essence de l'absorption chyleuse; en- suite, quelle serait, dans l’absorptionlymphatique, la puis- sance compressive qui la produirait ? enfin, cela suppose ioujours que la Iÿmphe existe toute faite avant les ra- dicules lymphatiques. Nulle action physique et mécani- que ne peut donc être dite l’essence de cette action d’ab- sorption. Elle n’est pas davantage une action chimique : il n’y à pas en effet de rapports chimiques , entre les élémens des absorptions internes considérés comme ma- tériaux de l’absorption , et la Iymphe considérée comme son produit; de la connaissance de la composition chi- mique des premiers, on ne peut , parles lois chimiques sénérales , conclure à la formation de la seconde : enfin, le produit de cette opération est un fluide organique, la lymphe, et toute action chimique générale est im- propre à en produire de ce genre. Ainsi donc, puisque cette action d'absorption n’a pas son analogue parmi les actions physiques et chimiques générales , il faut la dire une action organique et vitale. Geite action élaboratrice, se passant aux extrémités capillaires d’un système vasculaire, et agissant sur des molécules très-divisées , nos sens ne peuvent rien en sai- DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 109 sir; et l’on ne peut qu’en assurer les trois propositions que nous avons indiquées à l’occasion des actions éla- boratrices précédemment examinées. 1° Une seule sub- stance peut la subir, celle que recueillent les absorptions internes; toutes les autres substances venant du dehors ou de l’économie elle-même, si les Iymphatiques les sai- sissent, ne feront qu'être absorbées, mais sans être changées en lymphe; 2° évidemment l’action formatrice de la lymphe n’est pas une action chimique, mais est une élaboration d’un genre spécial, et qui n’a aucun rapport avec les lois chimiques ordinaires; 3° enfin, son produit est toujours identique, de la Iymphe : car, d’un côté, n’est-ce pas toujours le même appareil qui agit? et d’autre part, ne sont-ce pas toujours les mêmes matériaux sur lesquels cet appareil opère ? il n’y a aussi que des degrés inégaux de perfection, selon le degré d’intégrité et d'énergie de l’appareil lymphatique , et se- lon l’état plus ou moins bon des matériaux qu’il élabore. Cependant on a été un peu en doute sur cette dernière proposition, à cause de la diversité qui existe dans les matériaux avec lesquels la lymphe est faite ; et l’on a de- mandé si c’est une même lymphe qui provient de cha- que partie. Les faits directs propres à dicter une réponse sûre manquent. On n’a pas en effet examiné comparali - vement la lymphe des diverses parties du corps, et il est probable que, quand même on aurait fait cet examen comparatif, nos sens et nos agens chimiques auraient été trop faibles pour constater des différences, à supposer qu’il en existât. Mais on peut arguer de quelques rai- sonnemens , pour conjecturer que c’est une même Jym- phe qui est faite dans Les diverses parties du corps , aux 106 FONCTION DES ABSORPTIONS. origines du système lymphatique. En effet, c’esthien, à la vérité, de matériaux divers que provient la lymphe; mais les alimens ne sont-ils pas divers aussi ? et avec eux l'appareil digestif ne fait-il pas cependant un même chyme ? la chose importante c'est que ce soit toujours le même appareil fabricateur qui agisse. Mais cette lymphe peut quelquefois se montrer diflé- rente d'elle-même. D'abord , nous avons dit que dans sa crâse plus ou moins parfaite, elle dépendait , et du degré d’intégrité de l'appareil lymphatique qui la fa- brique, et de l’état plus ou moins bon des matériaux avec lesquels elle est fabriquée. Ensuite, elle peut se irouver mêlée à des matières étrangères venant du de- hors ou de l’économie elle-même , que les vaisseaux lym- phatiques auront absorbées, mais non élaborées; de même que souvent quelques principes physiques et chi- miques des alimens ont passé avec le chyle, et se mon- irent dans ce liquide avec leur nature étrangère. Mais, dans les premiers cas , le produit de l’action n’en est pas moins de la lymphe; et le dernier contredit encore moins le principe de l'identité de ce produit, puisque les dif- férences qu’il présente ne portent pas sur ce qui est lym- phe, à proprement parler, mais sont dues à des matières étrangères qui peuvent accidentellement lui être mêlées. 3° Circulation de la lymphe. La Iÿmpbhe, produit de l’action que nous venons d'étudier , ne reste pas station- naire : des premiers vaisseaux lymphatiques où elle est apercevable, on la voit passer dans les autres vaisseaux qui leur sont continus; cheminer ainsi vers les troncs aboutissans de tout le système ; traverser, dans ce long, trajet, les nombreux ganglions qui sont sur sa route; et DE L'ABSORPTION LYMPNHATIQUE. 107 enfin être versée par les deux troncs centraux, dans les veines sous-clavières, où elle se mêle au sang veineux. Chemin faisant , elle a reçu dans le réservoir de Pecquet, dans le canal thoracique, le fluide de l'absorption ali- mentaire , le chyle, s'il y en a de fait; et dès lors elle l’entraîne avec elle. L'histoire de ce mouvement qu’on appelle circulation delalymphe, et qui serait mieux appelée sa progression, puisqu'il n’y a pas de cercle de décrit , offre absolument les mêmes traits que la circulation du chyle, et en sera, en quelque sorte, une répétition ; il faut aussi recher- cher les causes qui meuvent le fluide, indiquer les ré- sistances mécaniques que ces causes ont à surmonter, et, en évaluant les unes et les autres, faire connaître tous les traits de la circulation lymphatique, son degré de rapidité , par exemple, etc, Parmi les causes qui impriment à la Iymphe le mou- vement déterminé qu’elle suit, la principale est la con- tinuité de l’action d'absorption qui se fait aux origines du système. Les radicules lymphatiques faisant sans in- terruption, à leur origine, de la nouvelle Iymphe, celle ci doit nécessairement pousser en avant la lymphe qui remplissait le vaisseau , et de proche en proche le fluide doit arriver ainsi dans le canal thoracique et dans le torrent veineux. La même action qui fait la Iymphe con- court donc à la faire circuler, Une autre cause de la circulation de la Iymphe est une contraction exercée par les vaisseaux lymphatiques , en vertu de laquelle ces vaisseaux pousseraient de pro- che en proche dans leur intérieur la Iymphe, depuis les radicules d’origine jusqu'aux troncs centraux. A la vérité celle action n'est pas visible; en vain on observe pen- 108 FONCTION DES ABSORPTIONS. dant le cours de la Ilymphe, chez un animal vivant, un lymphatique mis à nu, on n’y aperçoit pas de contrac- tions ; mais elle est admise généralement d’après des raisonnemens assez spécieux , et qui sont les mêmes que ceux qu’on a invoqués en faveur de la contraction des chylifères : 1° l’état grêle des Iymphatiques qui à ce titre peuvent être supposés doués de contractilité tonique, comme tous les vaisseaux capillaires ; 2° l’existence des ganglions Iymphatiques , qui , devant détruire l’impulsion première qu’a reçue la lymphe à l’origine du système, exigent qu’une autre force pousse cette lymphe d’un de ces ganglions à l’autre; 3° l’écoulement qu’on ob- serve dans la lymphée, dans l'ouverture d’un vaisseau lymphatique, ce qui ne pourrait être produit par la première cause impulsive indiquée, mais suppose une action directe de la part des vaisseaux lymphatiques. Si on pique le canal thoracique d’un animal vivant , après en avoir fait la ligature, on voit le fluide jaillir; et ce qui prouve que cela est dû à une contraction vitale de ce vaisseau , c’est que le jet ne s’observe plus si on fait l'expérience après la mort; 4° la particularité qu’offrent, dans le cadavre, la plupart des vaisseaux lymphatiques d’être vides , ce qui prouve que ces vaisseaux ont, en raison de leur tonicité, exprimé leur lymphe dans les gros troncs. Quelques physiologistes, à la vérité, ont cru pouvoir rapporter ces faits à l'attraction des tubes capillaires ; mais, si cela était, pourquoi varieraient-ils selon les conditions organiques des vaisseaux ? À ces causes principales de la circulation de la Iymphe, il faut ajouter, comme auxiliaires , le battement des artères qui avoisinent les vaisseaux lymphatiques , et la pression des parties voisines , clc. DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 109 I n’y à pas plus de cœur dans la circulation de la iymphe que dans celle du chyle. Quelques physiologistes avaient voulu considérer comme tels les ganglions : Malpighi, par exemple, qui disait qu'à cause de cela ces ganglions étaient entassés dans la région de l’aine , afin qu’ils puissent faire monter la lÿmphe quoiqu'elle circule là contre son propre poids; Bichat, qui croyait que , si la circulation de la lymphe est plus disposée à s'arrêter aux membres , c’est que là il y a moins de gan- glions. Mais il n’y a rien de musculeux dans l’organisa- tion de ces ganglions : on ne voit jamais en eux de con- traction; on ne peut y en provoquer par quelque sti- mulant que ce soit; loin que la circulation lymphatique s'accélère en eux , elle paraît s’y ralentir un peu; ces ganglions ne sont réellement que des agens de mixtion et d'élaboration de la lymphe. S'ils étaient des cœurs, loin qu'ils pussent faciliter la circulation de la lymphe, ils devraient y mettre obstacle par leur multiplicité. Telles sont les causes motrices du fluide. Si on admet que la lymphe est la sérosité du sang, et que les vais- seaux lymphatiques en sont les canaux de retour, comme les veines sont ceux de la partie rouge , on pourrait croire que, le cœur a sur la circulation lymphatique la même influence que sur la circulation veineuse. Il est, en effet, bien étrange que ceux qui professent cette opinion, M. Magendie, par exemple, n’aient pas présenté l’ac- tion du cœur comme cause de la circulation de la Iym- phe, ainsi qu’ils l'ont fait pour la circulation veineuse. Mais d’abord , l'influence du cœur sur la circulation veineuse est un fait contesté, et qui est nié aujour- d’hui par beaucoup de physiologistes ; et ensuite , l'exis- tence des ganglions , et la particularité qu'ont les Iym- 110 FONCTION DES ABSORPTIONS. phatiques de rester toujours plus grêles que les veines, sont des raisons de plus pour croire que cette influence est nulle surtout dans la circulation lymphatique. Indiquons maintenant les résistances dont doivent iriompher ces puissances , pour mouvoir lalymphe. Ces résistances sont les mêmes que celles que nous avons accusées à l’article de la circulation du chyle ; savoir : 1° la masse du fluide lui-même , masse qui résiste plus en certains lieux, par exemple, en ceux dans lesquels le fluide doit circuler contre son propre poids; 2° les frot- temens qui sont nécessairement en raison du nombre des vaisseaux, de leur petitesse , de leurs bifurcations , de leurs anastomoses dans des directions rétrogrades, etc. Or, pour apprécier avec toute rigueur le phénomène de la circulation de la Iymphe , il faudrait pouvoir éva- luer, et ces diverses puissances motrices, et ces résis- tances. Mais cela n’est pas possible. Peut-on, par exemple, calculer la puissance de chacune des deux cau- ses principales de la circulation de la lÿmphe, ou au moins leur puissance réunie? ces causes étant organi- ques, et comme telles sujeites à varier par mille condi- tions à peine appréciables, on ne peut rien dire sur elles que de général et d’approximatif. D’autre part, peut-on mieux calculer les effets des résistances ? par exemple, quelle est la masse du fluide à ébranler, quelle est la perte de mouvement qu’entraînent les frottemens , etc. ? Le nombre seul des données à faire entrer dans le calcul serait propre à eflrayer le géomètre le plus habile , quand bien même ces données ne seraient pas par elles-mêmes insaisissables. Il est donc impossible d’analiser avec rigueur le phé- nomène; et tout ce qu’on peul dire, c’estque probable- DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 111 ment la Iymphe n’obéit qu’à une cause impulsive faible. Et en effet, sa circulation est influencée par les causes mécaniques propres à la retarder ou à la faciliter, plus que celle de tout autre fluide du corps, le sang, par exemple. Que la lymphe ait à circuler de bas en haut contre les lois de la gravitation universelle, pour peu qu’il y ait faiblesse dans l’économie, cette gravitation suflit, ou pour arrêter son mouvement , ou au moins pour le ralentir , comme le prouvent l’enflure, l’ædème des jambes qui surviennent chez les convalescens : qu'une compression quelconque gêne le cours de la Iymphe dans quelque point du système , ou que cette lymphe reçoive une impulsion mécanique par l'influence d’un mouve- ment extérieur , cela suffit encore pour en modifier la circulation. Quand ces obstacles à la circulation Iympha- tique existent dans l’état ordinaire des choses, leurs effets ne sont pas apparens généralement , à moins qu'il n’y ait maladie, parce que les moteurs ont été cal- culés de manière à pouvoir les vaincre. Mais, quand ils sont accidentels et non ordinaires , leurs effets se mani- festent : et ces effets , sans contredit, sont autant de preuves de la faiblesse des causes impulsives et organi- ques qui président à la circulation de la lymphe. D'autre part, beaucoup de circonstances mécaniques peuvent faciliter cette circulation ; et plusieurs même semblent être autant de précautions qu’a prises la nature pour faciliter la circulation de la lymphe, ou remédier aux . mauvais effets qui pourraient résulter de son retard. Ainsi nous avons déjà signalé le battement des artères voisines des vaisseaux lymphatiques, les pressions des muscles et organes voisins , etc, ; il faut y ajouter encore : 1° les anastomoses multipliées qui existent entre les vais- 112 FONCTION DES ABSORPTIONS. seaux ymphatiques , et desquelles il résulic que, si le fluide trouve quelque obstacle d’un côté , il peut refluer et s'échapper d’un autre ; 2° les valvules qui existent dans l'intérieur des vaisseaux lymphatiques , et qui ont cette utilité de prévenir la marche rétrograde de la lymphe, et de partager ce fluide en colonnes, qui sont petites, et conséquemment plus facilement ébranlables : 3° la susceptibilité qu'ont les vaisseaux lymphatiques de se dilater , ce qui fait que , si la lymphe y stagne et s’y en- gorge momentanément, au moins elle y trouve l’espace nécessaire pour la contenir ; 4° enfin, la très-grande capacité du système lymphatique, condition heureuse de structure , qui n’a pas seulement pour objet de faire contenir au système Jymphatique les nombreux maté- riaux que l'absorption interne recueille, mais encore de prévenir les mauvais effets qui pourraient résulter d’une stase de la lymphe dans l’intérieur de ce sysième, Ces quatre dispositions se rencontrent en effet dans tout système vasculaire, dont le fluide intérieur mu par une cause impulsive peu énergique circule avec lenteur : elles existeront , par exemple , dans le système vei- neux. Du reste , il y a encore beaucoup de choses inconnues dans l’histoire de la circulation de la lymphe : quelle est la rapidité du cours de la lymphe? ce cours est-il uni- forme dans toute l’étendue du système lymphatique ? ou peut-il être plus rapide en uné partie et plus lent dans une autre ? va-t-il en s’accélérant, ou en se ralentissant, à mesure que le fluide s’approche des troncs qui sont les aboutissans de tout le système ? ce sont autant de ques- tions auxquelles la science est hors d’état encore de ré- pondre. LT: DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 115 D'abord , il paraît quela circulation de la Iymphe est assez lente : si on coupe un vaisseau lymphatique sur l'homme vivant, on voit la Iymphe en sortir lentement et sans jet : c'est une observation qu'a faite Sœmmering, et que M. Magendie à répétée depuis. Si on isole dans une certaine étendue les vaisseaux lymphatiques du col, on reconnaît aisément que la lÿmphe n’y circule qu’avec une grande lenteur. Si on presse ces vaisseaux avec le doigt, et qu'on oblige ainsi la lymphe qui les remplit à passer dans la veine sous-clavière , on voit qu’il faut sou- vent plus d’une demi-heure pour qu’ils se remplissent de nouveau. Cruiskandk a évalué la rapidité du cours de la lymphe à quatre pouces par seconde, 20 pieds par minute ; mais d’après quelles bases a-t-il fait cette éva- luation ? et que doit-on en penser si ce cours de la Iym- phe n’est uniforme, ni dans les diverses parties du corps, ni dans les différens points du système ? Tout ce qu'on sait, c’est que cetie circulation est lente, plus lente surtout que celle du sang veineux , à juger par les ganglions qui existent dans le système lymphatique et qui manquent dans le système veineux, et parce que le jet de Iymphe que darde le canal thoracique est moins étendu que celui de sang veineux que fournit une veine d’un volume égal à celui de ce canal, Aussi les anasto- moses , entre les lymphatiques, sont-elles plus multiplices encore qu'entre les veines; et la capacité de ce système supérieure à celle du système veineux ? Ensuite, on pense généralement que la circulation de la lymphe n’est pas uniforme dans les diverses par- ties du corps; qu’elle est plus lente dans une partie et plus précipitée en une autre: On se fonde sur ce que l’action absorbante première n’a pas, sans doute, la 3, 8 L E 4 1 14 FONCTION DES ABSORPTIONS. même énergie dans tous les organes , et prédomine sur tout dans ceux où il y a beaucoup de matériaux internes à recueillir; sur ce que l'examen des cadavres fait voir souvent les vaisseaux lymphatiques d’une partie pleins de lymphe, tandis que ceux d’une autre partie sont tout-à-fait vides ; sur ce qu’enfin cette même différence entre les vaisseaux lymphatiques s’observe dans l’hom- me et les animaux vivans. Îl est de fait , par exemple, que, tandis que toujours le canal thoracique contient de la lymphe, les vaisseaux lymphatiques des membres, de la tête et du col sont presque toujours vides. On irouve d’ailleurs, dans cette non conformité du cours de la lymphe, une analogie de plus avec la circulation vei- neuse. À la vérité, ces raisonnemens ne sont pas tous convaincans : les différences de plénitude qu’on trouve entre les vaisseaux lymphatiques pourraient tenir, non à des variations dans la vitesse de la circulation Fym- phatique, mais à la quantité plus ou moins grande de lymphe qui est faite dans chaque partie du corps. Toute- fois, cette opinion d’une différence de vitesse dans la circulation de la Iymphe , selon les diverses parties du corps , est universellement adoptée. Jädis même on avait exagéré cette opinion ;, jusqu’à admettre des ir- régularités locales ; constituant des oscillations , des transports d'humeur , produisant les métastases , et fondant ce que Bordeu appelait des courans : mais ceci est trop évidemment faux pour avoir besoin de réfu- tation. Enfin, n’y ail pas une différence de vitesse dans le cours de la Iymphe , selon le point du système auquel ce fluide est parvenu? et la circulation de ce fluide ne va-t-elle pas en se ralentissant ou s’accélérant graduel- # F DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 115 lement, à mesure qu'il se rapproche des troncs cen- traux ? C’est ce qu’on ignore encore, et sur quoi l’on ne peut faire que des conjectures. Si l’on ouvre, par op- position , un lymphatique très-éloigné du canal thoraci- que, et un autre qui en soit, au contraire, très-rapproché, on ne peut saisir aucune différence dans la vitesse de la Iymphe qui y circule. Dans la circulation sanguine , soit artérielle, soit veineuse, on verra que la vitesse du fluide varie selon la distance des troncs centraux : que, par exemple, dans la circulation artérielle, elle va en di- minuant graduellement , Soit parce que les frottemens affaiblissent graduellement la force impulsive , soit parce quede.fluide passe sans cesse d’un lieu plus étroit dans un lieu plus large; que, dans la circulation veineuse, au contraire, la vitesse va en s’augmentant de plus en plus , parce que, dit-on , le fluide passe sans cesse d’un lieu plus large dans un lieu plus étroit. On a voulu “faire une application de ces idées à la circulation lym- phatique , et particulièrement établir que le cours de la lymphe va en s’accélérant graduellement. Mais les vais seaux lymphatiques ne vont pas en grossissant graduel- lement comme les veines, et ne forment pas de même un cône, ayant son sommet au canal thoracique et sa base aux parties. On ne peut pas arguer à son égard avec autant de vraisemblance qu’on le fait dans le systè- me veineux, de cette loi d’hydrodynamique : que, lors - qu'un liquide coule à plein tuyau, la quantité de ce liquide qui, dans un instant donné, traverse les diffé- rentes sections du tuyau, doit être partout la méme ; de sorte que , quand le tuyau va en s'élargissant, la vitesse diminue, et, quand letuyau va en se rétrécissant, elle s’accrott. indépendamment de ce que lapplication 8° P* 116 FONCTION DES ABSORPTIONS. de cette loi mécanique à la circulation sanguine est peut-être erronée , l'existence des ganglions , et la peti- tesse constante des vaisseaux lymphatiques empêchent surtout qu’on puisse la faire à la circulation lymphati- que. Ces ganglions, qui sont une présomption de plus en faveur de notre idée que la Iymphe circule lente- ment , jettent nécessairement beaucoup d’obscurité sur la question de savoir, si le cours de la lymphe est uni- forme dans les diverses parties du corps et selon les divers points de son trajet. Il est cependant une circonstance qui doit modifier le cours de la lymphe : c’est l’afflux d’une quantité con- sidérable de chyle dans ce liquide. Il paraît impossible que le canal thoracique recçoive ainsi, outre la lymphe ordinaire , une quantité considérable de chyle , sans que la circulation de tout ce système ne soit modifiée. Alors, ou le canal thoracique est plus plein, ou son dégorge- ment dans le système veineux se fait plus vite. Mais on ne peut rien spécifier encore à cet égard d’après des faits directs : M. Magendie, seulement , dit avoir observé que la lymphe lui a paru être dans les animaux d’autant plus considérable et d’autant plus rouge , que ces ani- maux étaient à jeûn, c’est-à-dire d'autant plus que la quantité de chyle fourni était moindre. Toutefois, sans que nous sachions quel temps emploie ‘un globule déterminé de Iymphe pour parcourir tout le système , c’est-à dire pour se porter du lieu où il a été fait jusqu’au canal thoracique, il est sûr qu'il y par- vient. Alors il est versé par ce canal, et l’autre tronc cen- tral, dans les veines sous-clavières, et, à l’article de l'absorption veineuse, nous verrons comment il est porté avec le sang veineux dans le centre de la circulation, 184 DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 11 7 dans le cœur. Ge versement de la Iymphe dans le sar g se fait en petite quantité, comme goulte à goulle, de sorte que le sang n’est pas trop subitement modifié par ce fluide nouveau qui lui arrive. Une valvule est pla- cée en ce lieu, soit pour modérer la chute de la lymphe dans le sang , soit pour prévenir le reflux de cette Iym- phe et du sang dans le canal thoracique , lors d’un em- barras dans les cavités droites du cœur. Il est certain du moins que, lorsqu'un embarras dans le poumon fait stagner le sang dans les cavités droites du cœur , et le fait refluer de là dans les veines caves , on n’a jamais vu ce fluide refluer de même dans le canal thoracique. On a vanté aussi l'heureux choix des veines sous - clavières pour aboutissans du système lymphatique, comme étant des veines dans lesquelles le reflux du sang du cœur est moins sensible. ÆZaller i invoque comme causes auxiliaires de la circulation de la Iymphe dans le canal thoracique, le voisinage de l'artère aorte , et la pression exercée par les mouvemens du diaphragme dans la respiration. La lymphe, dans son cours , reste-t-elle la même dans ce long trajet, ou va-t-elle en s’animalisant , en se per- fectionnant toujours davantage ? On ne peut répondre par des faits directs ; on n’a pas examiné et analisé com- parativement de la Iymphe prise à l’origine du système, et de la Iymphe prise dans le canal thoracique , et il est probable que cet examen, s’il avait été fait, ne pourrait faire résoudre la question. Cependant on la décide aflir- mativement par les mêmes raisons que nous avons don- nées pour le chyle, savoir , la petitesse et l’état cons- tamment grêle des vaisseaux lymphatiques, qu’on ne peut regarder comme étant seulement des agens de transport et de conduite ; la lenteur de la circulation #6. 118 FONCTION DES ABSORPTIONS. lymphatique ; enfin, l'existence des ganglions, qui n'é- tant pas certainement des cœurs, des organes d’impulsion, doivent être considérés comme des organes de mixtion , d'élaboration. À la vérité, cet usage qu’on attribue aux ganglions n’est qu’une conjecture; et, en l’admettant , on ne connaît pas la manière dont ils le remplissent. Selon les uns, c’est en ajoutant à la Iymphe une sérosité qui la délaie , et qu’ils exhalent dans leur intérieur , soit que cette lymphe vienne s’épancher dans leurs cel- lules , soit qu’elle reste dans ses vaisseaux propres. Se- lon d’autres , au contraire, c’est en dépouillant la lym- phe de certains principes , et ceux-là s'appuient sur la - k 2 ou ; couleur jaune qu’ont les ganglions Iymphatiques du foie, sur la couleur noire des ganglions bronchiques , la cou- leur blanche des ganglions des chylifères, la couleur rosée des ganglions mésentériques dans les animaux qu’on a nourris avec des'alimens colorés par la garance; ils rappellent que M. Desgencttes a trouvé amère la Iym- phe venant du foie, urineuse celle qui vient du rein, et ils conjecturent que ces deux lymphes avaient proba- blement été adoucies par l’action des ganglions. Ge qu'il y a de sûr, c’est que la lymphe paraît plus concrescible en sortant de ces ganglions qu’en y entrant. Ge qu'il ÿ a de certain encore, c’est que ces ganglions sont des parties extrêmement utiles, car ils prédominent dans l’âge où la nutrition est la plus active, c’est-à-dire dans l’âge de l'accroissement; et leurs maladies, comme le prouvent le carreau , les scrophules , ont la plus funeste influence sur la nutrition ; leur vitalité, à juger du moins par la fréquence de leurs maladies et de leurs sympa- ihies, est bien plus grande que celle des vaisseaux lym- phatiques , qui ne paraissent être chargés que d'un ET DÉ L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. M9 rôle de transport, ce sont eux, enfin, qui manifestent les premiers les eflets des matières délétères que labsorp- tion saisit, comme le prouve l’observation de la syphilis, de la peste , etc. Du reste, ayant avoué notre ignorance sur ce qu'était l’action des radicules lymphatiques , qui a fait en premier lieu la lymphe, on juge bien que nous ignorons également ce qu'est le perfectionnement que nous supposons ici être éprouvé par ce liquide. Tel est le cours de-la lymphe : on le voit à l'œil nu dans les expériences sur les animaux vivans; il esb prouvé , d’ailleurs, par la disposition de l'appareil Iym- phatique, la réunion de tous les vaisseaux lymphatiques aux deux troncs centraux, et l’abouchement de ces deux troncs centraux dans-le système veineux ; par la disposition des. vaivules de ces vaisseaux, qui est telle que la Iymphe peut circuler de la circonférence au centre, et non dans la direction inverse; enfin, il est mis hors de doute par les | 7 et la ligature du canal thoracique. Si on injecte les lymphatiques des racines aux troncs, l'injection réussit assez bien, jus- qu'à un certain point cependant, à cause des sanglions ; et, au contraire, elle est bien plus difficile dans la di- rection opposée. De même, si on lie le canal thora- cique, on voit par suite se gonfler tout le système, puisque rien du fluide qu’il contient ne peut passer dans le système veineux, et que l’absorption qui se fait tou- jours continue d’ajouter à sa quantité. Nous avons dit que cette expérience avait été faite plusieurs fois, et sénéralement amenait la mort au bout de six à quinze jours, puisqu'elle privait le sang du chyle et de la lym- phe , qui sont destinés à le renouveler. 4° De la lyÿmphe considérée en elle-méme. Quoique dk # 120 FONCTION DES ABSORPTIONS. la lymphe puisse provenir un peu de la sérosité du sang, et qu’à ce titre on doive revenir encore ci-après sur sa formation, cependant, comme l'absorption in- terne a certainement part médiatement ou immédia- tement à sa production , nous allons en faire ici l’histoire particulière. Nous y sommes obligés d’ailleurs , puisque cette lymphe est, ainsi que le chyle, un fluide sur le- quel opèrera la respiration. D'abord , il est deux manières de s’en procurer : ou bien, l’on ouvre plusieurs vaisseaux lymphatiques par une sorte de lymphée , comme Sœmmering Va fait une fois au pied, et l’on recueille le fluide qui en sort: ou bien , l’on fait jeûner quatre à Cinq jours un animal, et quand on présume qu'il ne se fait plus de chyle par suite de l’abstinence, on tue l’animal, et on recueille le fluide qui est dans le canal thoracique , et qu’on sup- pose devoir être alors dela lymphe pure. Voici les propriétés physiques qu’elle présente : c’est une liqueur diaphane , incolore, peu odorante et peu sapide selon les uns ; qui, selon les autres , a une cou- leur rosée, légèrement opaline, une odeur de sperme fort prononcée , une saveur salée ; qui est légèrement visqueuse , essentiellement albumineuse, et dont la pe- santeur spécifique est supérieure à celle de l’eau distil- lée ; le rapport de l’une à l’autre est comme 1022,98 est à 1000,00. Sa couleur, dit-on , est d'autant plus rosée , que l'animal sur lequel on l’a prise a plus jeûné. Exa- minée au microscope, elle offre les mêmes globules que ceux qui composent le sang, sinon qu’ils sont plus pe- tits , et non revêtus de l'enveloppe colorante. Dans sa composition chimique , elle a beaucoup de ressemblance avec le sang. Abandonnée à elle-même, elle se partage DE L'ABSORPTION LYMPHATIQUE. 121 comme lui en deux parties : 1° une liquide , qui est un sérum à peu près semblable à celui du sang; °° une solide, qui est un caillot d’un rose plus foncé, formé de filamens rougeâtres , ressemblant à des arborisations vasculaires , et composé aussi comme le caillot du sang. Voici du reste le détail d’une analise de la Iymphe faite par M. Chevreul : dans 1000 parties de lymphe retirée d’un animal à jeûn, il a trouvé : eau, 926,4; fibrine, 004,2; albumine, 061,0; muriate de soude, 006,1; carbonate de soude) 001,8; phosphate de chaux, de magnésie , et carbonate de soude, 000,5. Quant à la quantité de la lymphe, il n’est guère possible de l’évaluer. Comment, en effet, pouvoir re- cueillir toute celle qui remplit le système lymphatique ? Peut-être est-elle moins considérable qu’on ne l’a sup- posé d’après la grande capacité du système lymphatique et le grand AE T de vaisseaux de ce système ? En effet, écicoup de ces vaisseaux paraissent être le plus souvent vides , ou n’être parcourus que par un mince filet de Iym- phe. Une expérience particulière de M. Magendie porte aussi à le croire. Ge physiologiste, Méchant à recueillir toute la noire d’un chien Fa forte taille , n’en a guère obtenu qu’une once et demie : il lui aparu que cettequan- tité augmentait toutes les fois qu’on soumettait l’animal à l’abstinence. Du reste, cette petite quantité de lym- phe, à supposer qu’elle fût réelle , ne pourrait faire rien préjuger contre l’absorption lymphatique ; car rien ne prouve d’autre part que les absorptions internes aient besoin de s'effectuer beaucoup et vite. La Iÿmphe produit, en partie au moins , de l’absorp - tion interne , en a nécessairement dans l’économie toute 122 FONCTION DES ABSORPTIONS: importance. Mais, de plus , elle fonde un suc qui par- iage avec le chyle l’oflice de renouveler, de faire le sang, d’être un des matériaux de l’hématose. Gette lymphe, en effet, a recu dans son sein le chyle; et l'on verra qu'elle va avec lui se changer au poumon, par l'acte de la respiration, en sang artériel. Ainsi que nous l'avons déjà dit, tout corps vivant se nourrit à la fois et avec ce qu'il prend au dehors de lui, et avec ce qu'il puise dans sa propre substance. C’est le chyle qui représente les matériaux nutritifs pris au dehors, et la lymphe représente une partie de ceux qui proviennent de l’économie même. Sans doute les premiers matériaux sont les principaux, et même en dernière analise indis- pensables ; mais il est certain que les derniers peu- vent les suppléer quelques jours, puisqu'on ne meurt pas aussitôt par abstinence. Alors, sans douteïla lymphe répare à elle seule le sang : aussi est-elle alors plus abondante , plus rosée ; et on voitdisparaître rapidement les matériaux avec lesquels elle est faite, la graisse, par exemple. Sous ce point de vue, la Iymphose a dans l’économie la même importance que la chylose ; comme elle, elle tend à préparer lès matériaux constitutifs du fluide immédiatement nutritif, le sang artériel. C’est même une merveille bien digne d’être remarquée , que de voir ces actions qui se succèdent, et qui sans doute sont différentes, puisqu'elles sont exécutées par des or- ganes différens , travailler cependant la matière de manière à la rapprocher également par degrés de la forme sous laquelle cette matière sera propre à vivre, el à faire partie d’un organe; il est impossible de mé- connaître une animalisation graduelle et de plus en plus , k DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 123 forte, dans le chyle d’abord, puis dans la lymphe, et enfin dans le sang. La lymphe est une humeur qui tient le premier rang dans ce qu'on appelle les fluides de composition ; et il ne faut pas s'étonner dès lors de la funeste influence qu’ont sur la nutrition et l’accroisse- ment les maladies du système lymphatique. Ainsi s’ex- plique pourquoi ce système lymphatique prédomine dans le jeune âge, où tous les mouvemens nutritifs doivent être plus prononcés; pourquoi c’est à cet âge que les maladies Iymphatiques sont les plus communes, les ma- ladies d’un système étant toujours en raison de son degré d'activité. S. II. De l’Absorption veineuse. Il faut dans son étude, qui dans beaucoup de points offrira les mêmes traits que l’absorption lymphatique , suivre le même ordre, c’est-à-dire décrire d’abord ana- tomiquement le système veineux, puis en exposer l’ac- tion. 19 Système vasculaire veineux. " Il se compose chez l’homme de vaisseaux nombreux , appelés veines, qui, commençant dans l'intimité de toutes les parties du corps, dans ce qu’on appelle les systèmes capillaires , se portent depuis ces lieux divers, où se font les absorptions internes, jusqu’à l'organe cen- tral de la circulation , le cœur. Il faut aussi en étudier Vorigine , le trajet, la terminaison et {a texture. Leur origine dans la profondeur des parties nous échappe. Selon les uns, elles sont continues aux rami- fications dernières des artères ; M alpighx, Leuwenhoeck, par exemple, croient l'avoir remarqué dans leurs’ ob- 124 FONCTION DES ABSORPTIONS. servalions microscopiques sur les animaux vivans. On l’a dit aussi d’après la facilité avec laquelle une injec- lion passe d’une artère dans une veine, facilité qui est plus grande ici qu’en tout autre vaisseau. Selon d’autres , au contraire , il y a, entre les artérioles dernières et les premières veinules des cellules, un parenchyme spongieux , dans lequel les premières déposent des sucs et où les dernières en pompent d’autres. Le doute ici tient à l'impossibilité où nous sommes de pénétrer la texture des systèmes capillaires, comme nous l’avons déjà dit à l’article des Jymphatiques , et comme nous le dirons encore à celui de la circulation. Les veines com- mencent-elles comme les Iymphatiques par des radicules béants aux diverses surfaces ? ou ont-elles à leur origine des vaisseaux plus déliés chargés d’effectuer l’ absorption ù de même que les artères en auraient à leur terminaison chargés d’effectuer l’exhalation nutritive ? Encore une fois , tout cela ne pou être présenté es comme con- jecture. Tout ce qu’on sait, c’est qu'en même temps qu'il y a communication facile entre les artères et les veines , les veines sont ouvertes dans le tissu des organes et sur les diverses surfaces autant que les lymphatiques, et plus que les artères. Nous avons déjà dit que M. Ribes, injectant les veines de la moitié inférieure de la cuisse , ou la veine cave , a vu, dans le premier cas, la matière pénétrer jusque dans la peau et le tissu cellulaire, et sa le second , jusque dans le tissu spongieux du corps es vertèbres. Long-temps avant , Meckel avait établi ce fait anatomique. M. Ribes, injectant une veine du bas- fond de la vessie, d’un côté a rempli le plexus vésical et le tissu caverneux de la verge et de l’urètre , et de l’au- tre a pénétré jusqu'à la veine hypogastrique. Nous avons DE L'APPAREIL VEINEUX. 195 dit aussi qu’en injectant les veines mésaraïques, il avait pénétré les villosités intestinales , et rempli la cavité de l'intestin. Get anatomiste conclut de ses travaux en ce genre, que les veines , à leur origine dans les organes , forment des plexus ,« des corps caverneux, concourent très-prochainement à former certaines parties , et que, de leurs origines capillaires, les unes sont immédiate- ment continues aux dernières artérioles, et les autres ouvertes et béantes dans les aréoles du tissu lamineux et dans la profondeur des organes. ÎL ajoute qu'il ne revient ainsi de veines que dés parties qui reçoivent des artères, et que beaucoup de différences existent entre les organes sous le rapport de la quantité des veinules qu'ils contiennent ; par exemple , la rate, les corps ca- verneux de la verge, le clitoris, l'utérus, l'iris, le gland, l’urètre, etc., paraissent en être presque exclusivement formés. | d À partir de cette origine, les veines, quand elles commencent à être visibles, se présentent sous forme de canaux très-ténus , communiquant tous les uns dans les autres, et constituant un réseau très- délié : elles cheminent de là en formant successivement des ramus- cules, des rameaux, des branches, des troncs , en un mot, des canaux de plus en plus gros et de moins en moins nombreux, et en se dirigeant du côté du cœur, dans l'oreillette droite duquel elles finissent par aboutir par trois troncs. Dans le long trajet qu’elles ont à parcourir, elles af- fectent deux plans : un profond, qui est contigu aux artères et se distribue comme elles : et un superficiel qui se dessine sous la peau , et sous l'enveloppe de chaque organe : de très-fréquentes anastomoses les unissent, Ges 126 FONCTION DES ABSORPTIONS. anastomoses s'étendent des veines superficielles aux veines profondes , des veines de la partie supérieure du corps à celles de la partie inférieure , de celles de l’inté- rieur d’une cavité à celles de la périphérie de cette ca- vité, ete. : d'autant plus multipliées, que les veines sont plus petites et plus éloignées du cœur , elles sont réelle- ment innombrables dans les systèmes capillaires et dans les parenchymes. Les veines variant beaucoup en chaque organe pour la capacité et la disposition, on ne peut rien dire de leur volume qui varie depuis la ténuité du cheveu jusqu’à la grosseur du pouce : généralement elles sont d’autant plus nombreuses et d'autant plus grêles, qu’elles sont plus éloignées du cœur , et d’autant moins nombreuses et d’autant plus grosses qu’elles s’en rapprochent, d’où la comparaison qu’on a faite du système veineux à un arbre qui à son tronc au cœur, el ses ramifications dans les parties : la seule différence, c’est que ces ramifications ne sont pas libres et isolées , mais unies entre elles en réseaux pour constituer les parenchymes des organes. Les divisions de ces veines se font sous des angles irès- divers , droits, aigus, obtus, etc. Les gros troncs sont placés profondément et à l'abri de toutes atteintes exté- rieures. Tantôt leur direction est droite, tantôt elle est flexueuse ; mais plus généralement les veines offrent moins de flexuosités que les ’arlères et surtout que les " jymphatiques. Elles n’offrent pas dans leur ensemble une suite de cônes, mais bien une suite de cylindres suc- cessivement plus gros; et comme, la capacité réunie de deux rameaux veineux est supérieure à celle du tronc qu’ils forment par leur réunion, et cela dans toute l’é- tendue du système , il en résulte que la capacité du sys- DE L'APPAREIL VEINEUX. 197 ième veineux va en diminuant des parties au cœur, et que cet appareil de vaisseaux offre dans son ensemble un cône dont le sommet est au cœur, et la base aux diverses parties. Du reste , ces veines offrent presque toutes des parti- cularités dans chaque partie du corps; par exemple , au cerveau , elles aboutissent toutes aux sinus de la dure- mère ; au cordon spermalique , elles sonttrès-flexueuses , anastomosées très-fréquemment entre elles , et forment ce que nous verrons y être appelé le corps pampiniforme ; autour du vagin, elles forment le corps rétiforme ; dans l'utérus , les sinus utérins, etc. Toutes se terminent enfin à trois troncs qui sont les aboutissans de tout le système, et qui s’ouvrenteux-mêmes dans l'oreillette droite du cœur, savoir, la veine cave supérieure , la veine cave inférieure , et les veines car- diaques. La veine cave supérieure est l’aboutissant de toutes les veines de la moitié supérieure du COFPS ; c’est à elle qu’appartiennent les veines soüs-clavières , dans lesquelles nous avonsvu affluer le chyle et la Iym- phe ; elle a beaucoup de grosseur, et s’étend depuis le cartilage de la première côte jusqu’à l'oreillette droite du cœur, étant en partic renfermée dans le péricarde. La veine cave inférieure est l’aboutissant de toutes les veines de la moitié inférieure du corps , et s'étend depuis la qua- irième vertèbre des lombes jusqu’à l'oreillette droite du cœur. Enfin, les veines cardiaques ou coronaires appar- & tiennent au cœur lui-même, et nées de son tissu , elles vont s'ouvrir aussi dans l'oreillette droite. Une anasto- mose très-remarquable $’étend de l’une des veines caves à l’autre ; c’est la veme a£zygos qui sertsà remédier aux obstacles que l'une où lautre pourrait offrir, surtout # 128 FONCTION DES ABSORPTIONS. aux embarras de la veine cave inférieure, car elle est unie à la supérieure beaucoup trop près de son entrée dans le cœur, pour qu’on puisse supposer qu’elle serve à son dégorgement. Enfin , les veines sont composées de trois membranes superposées les unes aux autres et unies entre elles par de la cellulosité : 1° l’extérieure est celluleuse, et n’est guère qu’une condensation du tissu cellulaire ‘environ- nant, de ce tissu jeté dans l'intervalle desparties pour en remplir les vides; 2° au-dessous de la précédente est la membrane propre des veines qui adhère beaucoup à la première. La plupart des anatomistes la disent formée de fibres longitudinales qui sont plus marquées dans la veine cave inférieure que dans la supérieure , dans les veines superficielles et sous-cutanées que dans les veines profondes , aux rameaux qu'aux troncs , etqui , à chaque bifurcation des veines , se partagent elles-mêmes pour se continuer sur chacun des deux rameaux. M. HMagendie dit les avoir vues entrelacées dans tous les sens. Gette membrane quoique mince, est fort résistante et surtout assez extensible, ce qui était nécessaire pour la fonction que les veines ont à remplir , la circulation dans ces vais- seaux étant exposée à éprouver fréquemment des re- tards. Différente de celle des artères, par exemple, molle , au lieu d’être sèche et élastique, sa nature est sui generis, car elle ne ressemble à aucun des autres diissus de l’économie; évidemment surtout elle n’est pas musculeuse, car l'inspection anatomique n’y fait rien voir de tel, et on ne peut jamais déterminer en elle la moindre contraction : peut-être cependant existe-t-il quelques fibres musculaires à l'origine de la veine cave inférieure et à la veine azygos. M. Magendie dit qu'elle DE L'APPAREIL VEINEUX. 150 est de nature fibrineuse; 5° enfin la membrane inierne des veines est mince , et semble analogue à celle qui tapisse l’intérieur des cavitésdroites du cœur ; elle est fort lisse , fort dilatable , non susceptible de s’ossifier comme la membrane interne des artères , fort résistante, et capa- ble de supporter sans se couper une ligature fort serrée. On a voulu qu’elle soit comme celle qui tapisse les vais- seaux lymphatiques, le siése-d’une perspiration; mais probablement avec.aussi peu de fondement : car pour- quoi des veines s’oblitèrent-elles quand le sang cesse de les parcourir ? Elle forme dans l’intérieur des veines, d’es- peace en espace, des replis paraboliques, c’est-à-dire des valvules comme celles qui existent dans les Iympha- tiques. Le bord Jibre de ces valvules est tourné du côté du cœur , ce qui prouve qu’elles permettent le cours du sang des extrémités du système au cœur. Dumas pré - tend qu’elles ont des fibres tendineuses qui les renfor - cent; elles sont solitaires, doubles ou triples , et in- terceptent complètement ou non le calibre de ces vais- seaux. il y a beaucoup de variétés à leur égard, même sous le rapport de leur existence , qui n’est pas constante en toules les veines : généralement elles sont plus mul- tipliées là où le sang marche contre son propre poids ,où les veines sont plus extensibles, où n’agissent aucunes pressions extérieures , aux veines superficielles , à celles des membres, et des membres inférieurs surtout ; elles manquent dans la veine azygos , dans les veines du cer- veau”, dans les ramifications de la veine -porte, etc. A ces trois membranes , il faut ajouter les élémens orga- niques qui existent en toute partie vivante quelconque, artérioles , veinules , nerfs, elc. Cette texture donne aux veines une assez grande soli- 24 3. 9 150 FONCTION DES ABSORPTIONS. dité, mais qui est moindre que celle des artères ; dans le cadavre les veines s’affaissent , et ne restent pas béantes comme les artères. Elles ont aussi moins d’élasticité, ce qui du reste est en rapport avec le rôle que ces deux genres de vaisseaux ont à remplir dans la circulation. Cependant elles serompent moins queles artères , comme le prouve la rareté avec laquelle les varices crèvent, par opposition aux anévrismes ; comme Wintringham l'a fait voir par des expériences qui consistent à injecter dans des vaisseaux des poids déterminés de mercure. Elles sont fort dilatables, plus que les artères ; et jouissent d’une certaine élasticité, puisqu'on les voit revenir sur elles-mêmes quand elles ne sont plus pleines, et même s’oblitérer quand le sang cesse de lesotraverser. Elles n’ont enfin qu’une vitalité assez obscure , mais qui est plus prononcée que celle des artères. Le système veineux se voit très-bien, quand on l'in- jecte par les veines caves , ou quand , dans un animal vivant, on fait une ligature à ses deux troncs. Il est impossible d'en apprécier la capacité : d’après quelles bases , en effet , pourrait-on le faire? jugerait-on, d’après le cadavre? mais il y a de grandes différences dans le volume des veines selon le genre de mort; elles sont plus volumineuses dans le cadavre d’une personne morte d’asphyxie , que dans celui d’une personne morte d'hémorragie. Jugerait-on d’après des vivisections ? mais on ne peut les faire sur l’homme; et la quantité de sang veineux doit varier selon les absorptions et les conditions peu connues qui président à sa formation. Tout ce qu'on peut dire, c’est que comme il y a deux plans de veines pour un seul d’artères, par conséquent deux veines au moins pour une artère; et qu’au plan profond les veines DE L'APPAREIL VEINEUX. 151 sont toujours plus grosses que les artères congénères, le système veineux est évidemment supérieur en Capa- cité au système artériel. Mais on ne peut évaluer en chiffres de combien l’un surpasse l’autre. Borelli dit que le système veineux a quatre fois plus de capacité que le système artériel , est à ce système comme de quatre à un ; Sauvage dit comme neuf à quatre, c’est-à-dire, à plus du double de capacité; /Zaller comme seize à neuf, ce qui est un peu moins du double ; Keil, comme vingt cinq à cinq, ce qui est les quatre cinquièmes. N'ayant aucun moyen d'évaluer la capacité de chacun de ces deux systèmes en particulier, comment pourrait-on esti- mer leur différence sous ce rapport ? Telle est la disposition générale du système veineux, qui diffère du lymphatique en ce qu’il n'offre pas des ganglions sur sontrajet ,eten ce que les vaisseaux succes- sivement de plus en plus gros, de moins en moins nom- breux, représentent dans leur ensemble un arbre. Il est cependant deux exceptions, qu’il importe de faire con- naître. 1° L’une n’est que dans la forme des parties : c’est celle des veines du cerveau qui se rendent dans les sinus de la dure mère ; nous en avons parlé à l’article du cer- veau, 2° L’autre est plus importante, et fonde ce qu'on appelle le système de la veine-porte, le système veineux abdominal. Toutes les veines qui reviennent des organes digestifs situés dans l'abdomen , se réunissent en un gros tronc qu'on appelle veine-porte; celle ci, ensuite, au lieu de se rendre à une veine plus grosse, à la veine cave inférieure , par exemple, va se ramifier à la manière d'une artère dans le tissu du foie: et de ce foie naissent alors d’autres veines appelées sus-hépatiques qui se ren- dent à la veine cave inférieure , mais qui proviennent 9" 192 VONCTION DES ABSORPTICNS. autant des artères du foie que des rameaux de la veine- porte. Cette exception bien remarquable , et sur l'utilité de laquelle on a fait mille conjectures, ne porte que sur les veines des organes digestifs situés dans l'abdomen , larate, le pancréas, l'estomac , l'intestin, les épiploons ; tous les autres organes de l'abdomen , les reins, la ves- sie , les capsules surrénales , les organes génitaux, les parois abdominales, y sont étrangers. 2° Mécanisme de l’Absorption veineuse. I] faut suivre encore ici le même ordre que pour les absorptions chyleuse et lymphatique , d'autant plus que beaucoup de traits sont les mêmes , et qu'ayant élé dé- veloppés à l’article de ces absorptions, il suffira de les rappelerici. Nous allons aussi rechercher : 1°quels sont les matériaux sur lesquels agit le système veineux, ou autrement d’où provient ce fluide; 2° ce qu'est l’ac- tion d'absorption qu’exécute le système veineux à son origine, €t d’où résulle, en partie au moins, le sang veineux ; 3° quel est le cours du sang veineux depuis l’origine du système jusque dans le centre de la circu- lation , dans le cœur , et rechercher s’il subit des alté- rations dans ce trajet; 4° enfin, faire connaître ce qu'est le sang veineux, en étudier les propriétés physiques, la composition chimique , la quantité , etc. 1° Matériaux du sang veineux. Tous les physiologis- tes anciens , et une grande partie de ceux de notre temps, regardent le sang veineux comme n'étant que le sang ar- tériel qui à traversé les systèmes capillaires du corps, le parenchyme des organes, et qui a subi quelques altéra- tions pendant ce trajet, pendant lequel il a servi aux nu- titions , aux sécrétions et aux calorifications. Le sang DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 139 veineux , disent-ils, n’est que le reste du sang artériel qui, pendant sa traversée dans les systèmes capillaires, a été altéré d’une manière spéciale. Quatre argumens servent de base à cette opinion; la ressemblance assez grande qu'a le sang veineux avec lesang artériel ; la facilité avec laquelle une injection poussée dans les artères passe dans les veines ; la remarque qu’on peut faire qu'il ne revient de sang veineux que des parties qui reçoivent du sang artériel ; enfin, la particularité qu'offre le sang veineux de constituer une des moitiés du grand cercle circulatoire. Mais, sans nier que le sang veineux ne soit, pour la plus grande partie au moins, le reste du sang artériel qui traverse les organes, s’il est vrai que les veines effectuent médiatement ou immédiatement les absorptions inter- nes , il faut considérer les matériaux de ces absorpliens comme concourant aussi à sa formation. Or il a été prouvé plus haut que les veines pouvaient être, à aussi bon droit que les lymphatiques, considérées comme les agens des absorptions internes ; elles sont de même des vaisseaux deretour ; elles ont également des communica- tions faciles avec les surfaces externe et interne du corps ; le fluide qui circule dans leur intérieur va, de même que la lymphe, se mêlerau chyle, et se changer dans le pou- mon en sang artériel ; elles effectuent également les ab- sorptions insolites, etc. Dès lors on doit regarder les matériaux des absorptions internes, comme concourant à former , partie au moins, du sang veineux. C’est ce que . pensent aujourd’hui beaucoup de physiologistes , ei ce que doivent admeltre ceux qui croient à absorption vei- neuse , s'ils veulent être conséquens avec eux-mêmes: el en vérité, il est bien étrange que lorsqu'on ne recon- naissait d’autres agens à l'absorption interne qué les vet- 194 FONCTION DES ABSORPTIONS. nes, on ait méconnu ce fait. Le sang veineux dérive done, pour unepartie au moins , de l’absorption interne, com- me le chyle dérive de l’absorption digestive alimentaire. Il suffit de remarquer qu'il est plus abondant que le sang artériei pour reconnaître qu'il ne peut être le reste de ce sang artériel seulement. : Maintenant, nous n'avons pas besoin d’énumérer les matériaux dont il provient; ce sont les mêmes que ceux qui servent à la formation de la Iymphe : s’ils donnent naissance ici à un autre fluide, c’est qu'ils sont saisis par un autre ordre de vaisseaux. Tout ce que nous avons dit à l’article de l'absorption lymphatique , sur l’impos- sibilité où nous sommes d’indiquer quelle quantité de ces matériaux est absorbée, s'applique ici ; etil estaussi impossible de dire ce qui, dans le sang veineux, n’est que le reste du sang artériel, et ce qui provient des ma- tériaux des absorptions internes. 2° Action absorbante des veines. Cette action est en tout semblable à celle des lymphatiques. Les radicules des veines, médiatement ou immédiatement, saisissent les matériaux des absorplions internes, et les changent aussitôt en un fluide, qui est le sang veineux lui-même, ou qui , se mêlant aussitôt avec lui, ne peut plus en être distingué , mais qui au moins ne conserve rien des maté- riaux dont il dérive, puisque ceux-ci ne peuvent y être retrouvés. Leur action est moléculaire , échappe à nos sens, et ne se manifeste que par son résultat. On en ignore le siége précis; et l’on doute aussi si la veine ab- sorbante a un orifice directement ouvert aux surfaces, ou si elle a à son extrémité et dans son pourtour un tissu gélatineux chargé d’effectuer l’absorption ; ou bien, en- tin, si ellé se termine par des vaisseaux d’un ordre plus DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 139 délié, et qui seraient les agens directs des absorptions, Cette action n’est pas seulement une action de pompe- ment, mais en outre une action d'élaboration , puisque les matériaux saisis ne se retrouvent pas dans le sang veineux sous leur forme première , mais sont réellement changés dans la substance de ce sang. Enfin, l'essence de cette action est aussi impénétrable que celle de l’ac- tion de lymphose; et l’on ne peut assurer d’elle que les deux propositions que nous avons dites des actions d’ab- sorptions précédemment examinées , que les veines ne sont pas passives pour la produire, et que, n'étant pas une action mécanique ni chimique, elle doit être dite organique et vitale. Sous le premier point de vue, lorsqu'on méconnais- sait que les matériaux des absorptions internes concou- russenten quelque choseà la formation du sang veineux, on pouvail croire que les veines étaient sans action rela - tivement à la formation de cesang; on disait, en effet, que le sang artériél , altéré par les nutritions , y était pas- sivement poussé par l’action du cœur. Mais , sans agiter ici la question de savoir si les veines n’aspirent pas elles- mêmes le reste du sang artériel, si elles ne concourent pas à le faire passer de l’état artériel à l’état veineux, il est sûr, qu’au moins pour ce qui regarde la portion de ce sang veineux qui dérive des absorptions internes , ce sont elles qui par leur action la font. Sous ke second point de vue, on a appliqué, mais avec aussi peu de succès , à l'absorption veineuse, toutes les ex- plications physiques, mécaniques et chimiques que nous avons rapportées à l’article de l'absorption lymphatique. On a voulu qu’elle ne fût qu'une introduction passive des matériaux absorbés à travers les pores des veines; 150 FONCTION DES ABSORPTIONS. on l’a dite un phénomène analogue à l'attraction destu- bes capillaires , le résultat d’une pression exercée sur les matériaux à absorber , et qui obligeait ces matériaux à pénétrer dans l’intérieur des veines , etc. Toutes ces théo- rics mécaniques sont ruinées par cette seule remarque , que l’action d’abserption n’est pas seulement une action de pompement, mais en outre une action d'élaboration, qui change aussitôt en sang veineux les matières saisies. Nousrenvoyons à ce que nous avons dit à l’article de Fab- sorption lymphatique pour prouver que cette action est organique et vitale, car il y a parité totale entre ces deux absorptions: Cependant M. Hagendie , qui ne croit pas à Fabsorp- tion lymphatique, et qui ne reconnaît que les vemes pour agens des absorptions internes , asprésenté, en oc- tobre 1820, un Mémoire à l’Académie des sciences, tendant à rattacher l’action d’absorption de ces vais- seaux au phénomène physique de l'attraction capillaire. Les expériences sur lesquelles ce physiologiste se fonde peuvent être rapportées à deux groupes. 1° M. Âfa- gendie injecte un litre d’eau chaude à 4o degrés , therm. centig. dans les veines d’un chien de moyenne taille ; et mettant ensuite, dans la plèvre de cet animal, une légère dose d’une substance vénéneuse connue, il ob- serve que les effets du poison se manifestent plusieurs minutes plus tard qu’à l'ordinaire. Répétant cette expé- rience plusieurs fois, il en obtient les mêmes résultats. Quelquefois cependant les effets sont aussi prompts , mais plus faibles et plus prolongés. Enfin, dans un cas où il avait injecté dans les veines de l'animal autant d’eau que celui-ci pouvait en supporter sans mourir , deux litres, le poison ne manifesta plus d'effets. De ces DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 197 premières expériences , M. Magendie conclut que, lorsque les effets du poison ont été plus tardifs ou nuls, c'est que l'absorption s’est faite plus tardivement , ou même ne s’est pas faite du tout; et que ce défaut d'absorption a été dû à l’état de distension dans le. quel , consécutivement aux injections, se sont trouvés les vaisseaux. Pour confirmer cette dernière asserlion , il saigne , après une demi - heure , l’animal qui avait subi unevinjection de deux litres, et il voit les eifels du poison se manifester , à mesure que le sang coule. S'il prend d’ailleurs la précaution de saigner d'avance l'animal qu'il va soumettre à des expériences de ce genre , et de désemplir les veines au lieu de les dis- tendre: s’il ôte, par exemple, une demi-livre de sang, les effets du poison, qui ne se montraient qu'au bout de deux minutes , éclatent après trente secondes. Enfin, pour savoir si la modification qu'il observe dans l’ab- sorption , tient à un changement dans la nature du sang plutôt qu'à l'état de distension des vaisseaux ; d’un côté il tire du sang à un animal, pendant que de l’autre il lui injecte de l’eau dans les veines , et il voit que les ef- fets du poison sont aussi prompts et aussi intenses , que si l’on avait opéré sur un animal non préparé. Or, M. Magendie , croyant voir dans ces expériences que l'absorption du poison se fait en raison inverse du degré de distension des vaisseaux , plus s’ils sont grêles ,moins s'ils sont distendus, en conclut que l’absorption est un phénomène physique , un effet de l'attraction capillaire des parois vasculaires. Mais d’abord, M. Magendie ne juge de l’absorption que par les effeis du poison, et il pourrait se faire que ; lorsque le poison ne se manifeste pas , l'absorption s’en soit faite de même. Si, par exem- ple , lors d’une pléthore aqueuse dans les veines , le poi- 138 FONCTION DES ABSORPTIONS. son paraît sans eflet, ne peut-on pas dire que c'est parce qu'alors il est étendu dans un véhicule plus abondant ? Cette conjecture ne serait-elle pas aussi vraisemblable que celle que fait ce physiologiste, que les veines trop distendues n’ont plus effectué l'absorption ? et n’expli- que-t-elle pas pourquoi , dans lessexpériences, les-effets du poison ont élé tour à tour plus tardifs et aussi inten- ses, ou aussi prompts, mais plus faibles? N’a-t-elle pas pour appui cette observation de M. Hagendie lui-même, que toute injection d’eau dans les veines atténue les effets d’un poison primitivement introduit dans le sang, du virus de la rage , par exemple ? Ensuile , il ne s'agit ici que d’absorptions insolites : elles peuvent n’é- ire que des imbibitions, surtout quand la matièressaisie a pénétré à si faible dose; et on ne peut arguer d'elles aux absorptions naturelles dans lesquelles il y a élabo ration de matière. Ce premier ordre d’expériences ne prouve donc rien contre notre thèse, 2° M. Magendie, faisant, d’après les expériences précé- dentes,de l’absorption un phénomène purement physique, était contraint d'admettre que cette absorption devait se produire après la mort comme pendant la vie, et il fit les expériences suivantes pour le démontrer. Une portion de la veine jugulaire externe est mise à nu dans une lon- gueur de 3 centimètres sur un cadavre, isolée et plongée dans une liqueur légèrement acide ; un tube est adapté à chacune de ses extrémités; par un des tubes, on établit un courant d’eau tiède en son ‘intérieur ; et l’on voit qu’au bout de 5 à 6 minutes, cette eau inté- rieure est acide. L'expérience répétée sur des animaux divers, sur l’homme, sur les carotides comme sur les jugulaires , a toujours les mêmes résultats; et, ces ré- sultats sont d'autant plus prompts, que la liqueur est DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 139 plus acide et la température plus élevée, jusqu’à un cer- tain point cependant. On la tente sur des animaux vi- vans: sur un chien de six semaines , la veine jugulaire externe est mise à nu , isolée : une carte est passée au- dessous d’elle , et, pendant que la circulation se conti- nue dans son intérieur , une goutte de dissolution d'extrait alcoolique de noix vomique est versée sur ses parois, et, après 4 minutes, les eflets du poison se ma- nifestent, Sur un chien plus âgé, les effets se prononcent plus tardivement, après 10 minutes seulement. Opérant sur les artères carotides , le résultat est encore le même, mais les effets sont plus lents, parce que les parois de ces vaisseaux sont moins spongieuses que celles des vei- nes. On ne peut mettre en doute que le poison ait passé à travers les parois du vaisseau, et non par les veinules voisines ; caron le retrouve en nature dans le sang de la veine sur laquelle on opère. Les phénomènes sont en- core semblables quand on opère sur de petits vaisseaux. Enfin, ayant rempli d’eau acide le péricarde, M. Ma- gendie injecte de l’eau tiède dans l'artère coronaire , et cette eau, étant ramenée par la veine coronaire à l’oreil- lette droite, se montre au bout de 6 minutes acide aussi. Or, ces faits sont , selon M. Magendie , des résultats de l’absorption; et, comme ils paraissent être des phé- nomènes de simple imbibition, ce médecin assigne ce caractère à l’action d'absorption. Mais tous les faits rela- tés dans cette seconde série d'expériences, sont-ils bien véritablement des phénomènes d'absorption , et M. Ma- gendie ne s'est-il pas trompé sur leur nature ? où est l’action élaboratrice qui est l’attribut caractéristique de toute absorption ? À ce compte , tout vaisseau serait ab- sorbant , le lymphatique comme le veineux; et cepen- dant M. Magendie nie l'absorption Jymphatique. A la 1/40 FONCTION DES ABSORPTIONS. vérité , il dit bien que la matière absorbée pénètre dans les Iymphatiques comme dans les veines; et que, sielle ne manifeste pas ses effets, c’est qu’il ne se fait aucune circulation dans ses vaisseaux , et que le poison n’est pas transmis aux centres nerveux. Mais, dans les analises chimiques , il aurait dû au moins retrouver la matière dans la lymphe, et il ne Fa pas pu. L’absorption aurait dû se faire aussi par les artères. Il nous semble qu'ici M. Magendie à pris, pour des actes d'absorption, des phénomènes de simple imbibition ; et il n’est pas éton- nant dès lors qu’il leur ait trouvé une essence toute phy- sique. Nous en dirons autant de travaux, plus récens encore, entrepris sur l'absorption et l’exhalation, par M. Fode- ra. Ge physiologiste veut prouver que la première action n’est qu’une imbibition , et la seconde une transudation ; nous réviendrons sur l’exhalation à l’article des sécré- tions ; mais, quant à l’absorption , M. Fodera nous paraît commettre la même erreur que M. Magendie, c’est à- dire prendre de véritables faits d’imbibition pour des phénomènes d'absorption. Ses expériences, en effet, consistent à placer dans une portion d’artère bien isolée du reste du corps, une solution d’exirait alcoolique de noix vomique; ou de remplir de ce poison une portion de vaisseau , d’intestin, et de placer ensuite ces parties dans une plaie ou dans l’abdomen d’un animal : comme il voit, dans ces divers cas , les efleis de l’empoisonne- ment se manifester , ilen conclut que le poison a pénétré par imbibition , et que l’absorplion n’est qu’une imbibi- tion. La première de ces conséquences est juste; mais il n’en est pas de même de la seconde : nous pouvons lui opposer toutes les objections que nous avons faites à MN. Magendie. DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 141 Ainsi l’action absorbante des veines est une action laboratrice , organique et vitale; se passant aux extré- mités capillaires d’un système vasculaire , et agissant sur des molécules très-divisés, on ne peut pas plus la saisir en elle-même que l’action de la lymphose. On ne peut en dire que les trois propositions communes à tou- tes les actions élaboratrices examinées jusqu'ici ; savoir : 1° qu'une seule substance peut la subir : si, en effet, quelques substances étrangères sont mêlées aux maté- riaux des absorptions internes , ces substances pourront bien être saisies par les veines, mais elles ne seront pas changées en sang veineux ; on les retrouvera en nature dans ce liquide, qu’elles altèreront par leur mélange avec lui. 2° Qu'elle n’est pas une action chimique générale ; et, en effet, le sang veineux n'existe pas tout formé dans les matériaux des absorptions internes; et, de la connaissance de la composition chimique de ceux-ci, on ne peut conclure chimiquement à la formation de celui- là. 3° Qu’enfin , son produit est toujours identique , du sang veineux. Et en effet, n'est-ce pas toujours le même appareil qui agit, et sur les mêmes matériaux qu’il opère ? Il n°y a aussi que des degrés inégaux de perfection , se. lon le degré d’intégrité et d’énergie de l'appareil vei- neux , et selon l’état plus ou moins bon des matériaux qu’il élabore. Cette dernière proposition , à la vérité, toache à une question sur laquelle les physiologistes sont divisés, celle de savoir si c’est un même sang veineux qui revient des diverses parties. La question est difficile à résoudre, parce que l’acte qui faii ce sang veineux n’est pas déter- miné ; et que, comme on l’awu, ce liquide peut être dit provenir de plusieurs sources. En effet, c’est dans ce 142 FONCTION DES ABSORPTIONS. qu'on appelle les systèmes capillaires que ce liquide est fait; car, d’artériel qu'il était en y entrant , il en sort yeineux. Mais beaucoup d’actions sont effectuées dans ces systèmes capillaires ; savoir : leur circulation propre qui est autre que la circulation générale ; la transfor- mation du sang artériel dans la substance des organes, pour la composition ; l’action de la calorification , celle des sécrétions; peut-être une stimulation spéciale exer- cée par le sang artériel sur les organes, et de laquelle dé- pend la vie; et enfin l’action de l'absorption interne dont nous nous occupons ici. Or , chacune de ces ac- tions peut avoir part à la production du sang veineux ; et comme on le conçoit , cela complique la question de l'identité, ou de la non-identité de ce fluide. La plupart des physiologistes professent que ce n’est pas un même sang veineux qui revient des diverses par- ties : mais cen’est pas sur des faits directs qu'ils se fon- dent; ils ne signalent aucunes différences entre des sangs pris à des parties différentes du corps; ce n’est que sur des raisonnemens qu'ils s'appuient; et non-seu- lement aucun n'est convaincant, mais encore il en est d’aussi bons pour admettre une opinion contraire. Ainsi, Legallois, considérant le sang veineux comme n'étant que le sang artériel qu'ont modifié les parenchy- mes pour les nutritions, dit que, comme ce sang artériel a fourni en chaque organe des matériaux divers , il a dû être changé en beaucoup de sangs veineux différens. Mais, d’abord , c'est supposer que des cinq actions qui se passent dans les systèmes capillaires, et qui peuvent avoir partà la production du sang veineux , c’est l’action de composition seule qui le fait; etil est possible cepen- dant que les autres y concourent aussi; cela est même DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 143 sûr de l'absorption interne et de décomposition. Bien plus, nous dirons ci-après que nous conjecturons que c’est l'acte de calorification qui a la plus grande part au chan- sement du sang artériel en sang veineux dans les systè- mes capillaires , et que la composition proprement dite ne fait que consumer unepartie du sang artériel. Ensui- te, en admettant même avec Legallois , que c’est parce que le sang artériel a effectué la composition des par- ties qu'il est devenu veineux, on ne pourrait pas en con- clure pour cela qu’il ne serait pas le même en toutes les parties. Les nutritions, comme on le verra , ne consis- tent pas en ce que le sang artériel dépose cà et là divers de ses matériaux constituans ; les substances nutritives n'existent pas toutes formées dans ce liquide , maiselles sont constituées par une action d'élaboration qu’exer- cent sur lui les parenchymes nutritifs ; et le sang veineux ne serait plus dès lors que le débris fécal du sang artériel, si l’on peut parler ainsi. Alors, pourquoi ne serait-il pas identique dans toutes les parties, comme étant formé partout parles mêmes systèmes capillaires ? on opposera peut être la diversité des nutritions; mais avec des ali- mens divers, l'appareil digestif ne fait-il pas des fèces identiques ? D’autres ont invoqué, en faveur de la non-identité du sang veineux, la diversité de la circulation capillaire dans les différentes parties du corps; mais ce n’est pas par elle-même que la circulation capillaire peut changer le sang artériel en sang veineux ; ce n’est qu indirectement en . le caractère des nutritions et des calori lications ; et par conséquent la question rentre ici dans ce que nous venons de dire desnutritions , et ceque nous allons dire des calorifications. 144 FONCTION DES ABSORPTIONS. On ne peut arguer non plus de la diversité des sécre- tions, car ces sécrétions sont , parmi les fonctions aux- quelles on peut attribuer la formation du sang veineux proprement dit , celles qui le plus probablement n’y ont aucune part. Ge n’est en effet qu'une action générale à tous les organes qui peut changer le sang artériel en sang veineux, et l’action de sécrétion n’est propre qu'à quel- ques parties. M Certainement , si c’est l’acte de calorification , ou une stimulation particulière exercée sur les organes qui amènent dans les systèmes capillaires laconversion du sang artériel en sang veineux, il y a toutes raisons de croire ce dernier identique dans toutes les parties du corps; car cette double action: doit évidemment être partout la même, et conséquemment imprimer au sang artériel la même altération. Pour ce qui est enfin de l'absorption interne , on 0b- jectera que les matériaux en sont très-divers ; mais avec ces mêmes matériaux, a été faite une même lymphe ; avec des alimens très-divers est fait un même chyle : on peut appliquer ici les raisonnemens que nous avons fait valoir pour prouver l'identité de la lymphe. Il y a donc, pour croire le sang veineux le même dans ioutes les parties du corps, autant de raisons que pour penser qu'il diffère. Îl ne peut y avoir de doutes , 1° que pour celui qui revient de la rate, parce que l’on soup- conne que cet organe est un ganglion sanguin destiné à préparerun sang particulier pour le système veineux ab- dominal; 2 et pour celui qui revient du foie , dans l’hy- pothèse que, l'exception de la veine-porte à trait, non- seulement à la sécrétion de Ja bile, mais à l’hémaiose en général. Mais ce n’est encore que d’après des raisonne- DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 1/49 mens , et non d’après des faits, qu’on élève un pareil doute. Les sangs des veines splénique et sus-hépatiques , comparés au sang des autres veines, n’ont pas offert de différences’, ou du moinsles auteurs ne sont pas d'accord sur ces différences, ce qui prouve qu’elles sont peu sensibles : tandis que la plupart disent que le sang de la veine splénique est plus aqueux, plus albumineux, plus noir, plus onctueux, moins coagulable, et a moins de fibrine, et une fibrine moins animalisée que celui de la veine mésentérique, Gmelin et Tiédemann disent l'avoir trouvé également coagulable. D'ailleurs, l'usage qu'on assigne à la rate n’est qu’une conjecture; et à son égard , comment croire que la nature fasse à grands frais un sang spécial, celui de la veine splénique , pour l’atténuer ensuite, en le mélant dans la veine - porte avec le sang de la veine mésentérique ? Il semble que celte veine splénique aurait dû aussitôt aller au foie, ou constituer à elle seule la veine-porte. Le même doute existe à l'égard de l'usage qu’on assigne à la veine-por- te ; rien ne prouve qu’elle ait trait à l’hématose : peut- être n'est-elle relative qu’à la sécrétion de la bile, ou que le reste d’une disposition qui existait dans le fœtus. Mais tout ce qui a trait à la rate et au système veineux abdo- minal se représentera ailleurs. 5° Circulation du sang veineux. Le sang veineux, produit en partie de l’action que nous venons d'étudier, se dirige comme la lymphe du côté de l'organe central de la circulation; des premières veinules où il se laisse apercevoir, on le voit passer dans les veines qui leur font suite , cheminer vers les troncs centraux qui sont les aboutissans de tout le sysième; et enfin être versé dans l'oreillette droite du cœur. Chemin faisant, il a recu: LA LA 10 146 TONCTION DES ABSORPTIONS. aux veines sous-clavières les fluides des deux absorptions précédentes , c’est-à-dire le chyle et la lymphe; et dès lors il les entraîne avec lui. Il s'agirait aussi de dire quelles causes font circu- ler ce fluide dans la direction que nous venons d'indi- quer ; de mentionner quelles sont les résistances méca- niques à surmonter ; de chercher à évaluer les unes et les autres : et d’en conclure enfin avec quelle rapidité le sang veineux circule, si la circulation de ce fluide est uniforme dans les diverses parties du corps, où si elle va en s’accélérant ou en diminuant graduellement , à mesure que le fluide se rapproche des troncs centraux du système. Sous ces divers rapports , beaucoup de traits seraient les mêmes que dans la circulation lym- phatique, et d’autres, au contraire , seraient différens. Mais, comme le cours du sang veineux forme la moi- tié du grand cercle circulatoire; qu'il est, à cause de cela, mis en opposition avec le cours du sang artériel qui forme l’autre moitié, je préfère renvoyer tous ces détails à l'article de la circulation. Il suffit pour notre objet d’avoir indiqué quel est ce cours : il est visible à l'œil nu dans les expériences sur les animaux vivans : il est prouvé d’ailleurs par la disposition de l’appareil vei- neux et la réunion de toutes les veines en troncs centraux qui aboutissent au Cœur; par la disposition des valvules qui sont dans l’intérieur de ces vaisseaux , etqui esttelle que le sang peut circuler des parties au Cœur, et non du cœur aux parties; par l'effet des ligatures, qui font gonfler la veine au-dessous et non au-dessus du point lié; enfin, par les injections qui réussissent beaucoup mieux des rameaux aux troncs que des troncs aux ra- meaux. DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 147 Nous agiterons seulement la question de savoir si le sang veineux reste identique dans ce long trajet , ou si. à l'instar du chyle et de la lymphe, il va en s’anima- lisant, en se perfectionnant toujours davantage. On ne peut encore répondre par des faits directs » Où n'a pas non plus examiné comparativement des sangs veineux pris aux origines et à la fin du système. Mais, d’après des raisonnemens , on a professé tour à tour l’une ou l’autre de ces deux Opinions, Ainsi, Legallois, partant de l’idée que chaque partié du corps fournit un sang veineux différent, croit que le sang veineux change à mesure qu'il chemine dans le système : à mesure , en effet , que des sangs veineux divers viendraient se mêler les uns aux autres, devrait varier le fluide com- mun qui,en résulte, Mais nous avons établi qu'il était douteux que ce fussent des sangs veineux différens qui reyinssent des diverses parties du corps, et conséquem- ment le même doute s’étend à l’assertion que l’on en avait déduite. Il y a plus: en admettant même que.cha- que partie fournisse un sang veineux propre , ce sang veineux ne se montrerait différent que dans les capil- laires ; car dans les troncs il résulterait évidemment du mélange de tous.les sangs veineux quels qu'ils: soient. On peut conjectarer que le sang veineux est le même dans toute l'étendue du Système, parce qu'ici manquent les trois causes qui ont fait croire à une élaboration sraduelle du chyle et de Ja lymphe : .1°.les veines ne. ‘estent pas grêles comme les chylifères et les lympha- iques ; bientôt elles acquièrent un volume qui ne per- net plus de les considérer que comme de purs canaux le transport et de conduite. 2° La circulation y est assez ente , à la vérité, mais moins que dans le système lyn- 10* 148 FONCTION DES ABSORPTIONS: phatique ; et d’ailleurs nulle part dans notre économie on ne voit des fluides se modifier par la réaction seule de leurs principes constituans ; il faut toujours l’action d'organes élaborateurs. 3° Enfin, ces organes élabora- teurs , les ganglions, n'existent pas. Il n’y a encore de doute que pour le système veineux abdominal. Si, en effet, le sang de la veine splénique est un sang particulier, en venant se mêler à celui de Ja veine mésentérique , il doit imprimer à celui-ci une modification particulière. En outre, ces deux sangs , mêlés ensemble dans la veine-porte , se disséminent dans le tissu du foie, et il est possible que cet organe leur fasse subir une élaboration quelconque. Mais ce ne sont là que des conjectures , el il est pour les combattre au - tant de raisons que pour les admettre. En somme , puis- que le sang veineux parcourt et assez vite de gros vais- seaux, que dans ce trajet il ne recoit rien, ne perd rien, n’est soumis à aucun organe élaborateur, on à tout lieu de croire qu’il est le même dans toute l'étendue du sys- ème, sauf l'exception de la veine-porte qui peut laisser quelques doutes. Cependant nous n’étendons cette iden- tité que jusqu'aux veines sous-clavières ; car , recevant là la lymphe et le chyle, on conçoit qu'il devient dif- férent de ce qu'il était auparavant. 4° Du sang veineux étudié en lui-méme. Bien que le sang veineux ne soit pas le produit exclusif de l’ab- sorplion interne, et que nous devions revenir sur la formation de ce fluide à chacune des fonctions qui se passent dans les systèmes capillaires , et qu’on peut pré- sumer y avoir part, nous allons ici l’étudier en lui-même : il nous importe de le connaître, puisqu'il forme , avec le chyle et la lymphe, un fluide sur lequel opèrerala D£ L'ABSORPTION VEINEUSE. 149 respiration. Îl est aisé de s’en procurer en ouvrant une veine et en recueillant celui qui en coule. C’est un li- quide d’un rouge brun, d’une odeur fragrante d’ail ou fade , sui generis , d’une saveur légèrement salée , d’une chaleur égale à celle du corps humain, visqueux au toucher, coagulable, et d’une pesanteur spécifique su- périeure à celle de l’eau distillée. Æaller dit que la dif- férence de l’un à l’autre est comme 1,0527 à 1,0000 ; d’autres disent comme 109 à 100. C’est surtout à l'étude de ce fluide qu’a été appliqué le microscope : le sang alors a paru composé d’un véhi- cule séreux , dans lequel sont en suspension de petits globules rouges, sur la forme desquels les observateurs ne sont pas d’accord , et dont le volume d’ailleurs n’est pas le même dans les divers animaux. Leuvenhoeck les dit sphériques , égalant en volume la millionième partie d’un pouce, et résultant chacun de la réunion de six autres globules qui ne sont pas rouges. Della Taura dit au contraire qu’ils sont des espèces de disques , d’an- neaux percées d’un trou dans leur centre. Guil. Hewson enfin, les prétend lenticulaires, et c’est l'opinion qu’é- mettent MM. Dumas et Prévost de Genève, qui récem- ment ont fait encore des recherches sur cet objet : ils disent qu’à tort £v. Jlomce à pensé que leur aplatisse- ment était l’effet de La mort. Æewson disait que ces glo- bules différaient dans les divers animaux pour la cou: leur et la grosseur ; que dans les uns ils étaient blancs, verts, dans d’autres rouges , et qu’ils étaient compo- sés d’une vésicule contenant dans son intérieur un glo- bule très-dense à son centre. Telle a paru être aussi leur composition aux observateurs modernes, MM. Baver et Ev, Home à Londres, et MM. Dumas et Prévost à Ge- 190 FONCTION DES ABSORPTIONS. nève : formés d’un globule central , transparent , blan- châtre , et d’une enveloppe rouge, moins transparente , ces globules sont de forme ovale dans les oiseaux, ellip- tique dans les animaux à sang froid , et circulaire dans les mammifères et dans l’homme. Leur grandeur varie dans les divers animaux. Chez l’homme , selon Baver, ils égalent un dix-sept centième de pouce , avec leur enveloppe colorante , un deux millième sans cette en- veloppe, et pour en couvrir un pouce carré , il en faut 2,890,000 dans le premier cas, et 4,000,000 dans le second. Le noyau central se retrouve tout semblable pour la forme et les dimensions dans le chyle , la lym- phe. Baver a reconnu qu'il se forme dès le système chy- lifère, et ce n’est que par la respiration qu'il acquiert la vésicule de matière colorante qui l'enveloppe. Ayant grande tendance à former des agrégats, des rangées, c’est lui qui, par sa réunion avec d’autres, forme la fibrine qu'offre le sang abandonné à lui-même; et, ré- unis en série linéaire, ces globules imitent la fibre mus- culaire, qui, à son tour, par la macération , semble se réduire à eux. Ges globales enfin paraissent être, pour le nombre, dans une certaine relation avec la cha- leur des animaux; ils sont, par exemple, en plus grand nombre dans le sang des animaux à sang chaud, que dans celui des animaux à sang froid. Quoi qu'il en soit de ces recherches profondes sur la nature du sang veineux , ce fluide extrait des vaisseaux qui le contiennent et abandonné à lui-même, d’abord exhale, pendant tout le temps qu’il conserve sa chaleur, une vapeur formée d’eau et d’une matière animale pu- trescible. Ensuite il se coagule en dégageant une grande quantité de gaz acide carbonique. Ge dégagement n'est | | DE L'ABSORPTION VEINEUSE. 191 manifeste quand le sang est laissé à l'air libre, que par les canaux qui en résultent dans l’intérieur du coagulum ; mais on en recueille le produit en plaçant le sang sous le récipient d’une machine pneumatique où lon a fait le vide. Alors il se partage en deux parties, le sérum et le caillot. Le premier est exprimé du caillot, et augmente de plus en plus jusqu’à l’époque de la putréfaction, à mesure que celui-ci se resserre. C’est un liquide d’un .vert jaunâtre , transparent , visqueux, alkalin , composé d’eau , d’albumine, de soude et de sels de soude ; son analise offre sur 1,000 parties , d’après M. Berzelius : eau, 903; albumine, 80,0; substances solubles dans l’alcool , savoir , lactate de soude et matière extractive, 4,0; muriate de soude et de potasse, 6,0 ; substances solubles dans l’eau , soude et matière animale , et phos- phate de soude , 4,0; il y a eu 5,0 de perte. M. Marcet indique la composition suivante : sur 1,000 parties, eau, 900 ; albumine, 86,0; matière mucoso-extractive , 4,0 ; muriate de soude avec un peu de muriate de potasse , 7; sous-carbonate de soude , 1,65 ; sulfate de potasse , 0,55 ; phosphates de chaux, de fer et de magnésie, 0,60. Le caillot est une masse solide d’un brun rougeâtre, spon- gieuse , et qui, lavée doucement et long-temps sous un filet d’eau , se partage en deux parties , la matière colo- rante ou le cruor, et la fibrine. Dès que le sang est hors de ses vaisseaux , la matière colorante des globules aban- donne le noyau central; et ceux-ci, débarrassés de leur enveloppe, s'unissent entre eux et forment un réseau dans lequel se trouvent encore renfermées de la matière colorante, et beaucoup de globules entiers. Mais quand on pétrit et qu'on lave le caillot , on entraine en entier la malère colorante libre et les globules ,et il ne reste que re 152 FONCTION DES ABSORPTIONS. la fibrine. Ainsi le sang veineux est formé de trois par- ties , le sérum dont nous avons indiqué la composition, le cruor ou matière colorante, et la fibrine. Le cruor, appelé encore zoo-hématine, est insoluble dans l’eau ; les premiers chimistes français le croyaient un oxide de fer uni à de l’acide phosphorique; mais MM. Brande et Ber- zelius disent qu’il est une matière animale en combi- naison avec du péroxide de fer. Desséchée et fondue , cette matière colorante brûle avec flammes , et donne un. charbon qu’on n’incinère qu'avec difliculté, qui, pendant sa combustion , laisse dégager de l’ammeoniaque, et qui fournit la 100° partie environ de son poids d’une cendre composée d’oxide de fer, 55,0 ; de phosphate de chaux et de trace de phosphate de magnésie, 8,5; de chaux pure, 17,9; el d'acide carbonique, 19,5. La fibrine , ou Iyÿmphe coagulable , a l’apparence de fibres feutrées, ténaces , élastiques, et au microscope paraît composée des globules blancs qui sont au centre des particules colorées du sang. Solide , blanchâtre , inodore , insipide, fournissant à la distillation beaucoup de carbonate d’am- moniaque , et un charbon volumineux dont la cendre contient beaucoup de phosphate de chaux, un peu de phosphate de magnésie , de carbonate de chaux et de soude, elle est composée, selon M. Berzelius, sur 106 parties, de carbone, 55,360; d’oxigène , 19,685 ; d’hy- drogène , 7,021; et d’azote , 19,934. Telle est la composition chimique du sang. Nous n’a- vons pas besoin de dire que les proportions de sérum, de matière eolorante et de fibrine ou de globules blancs varient selon les âges , les sexes, les tempéramens, Pétat de santé, de maladie. Dans le fœtus, le sang n’a presque pas de fibrine : dans l’homme adulte et sain, les parti- DE L'ABSORPTION VÉINEUSE. 199 cules colorées et desséchées, font un peu plus d’un huitième du poids du sang. V’ieussens disait que sur 100 parties de sang , il y en à 58 de sérum, et 62 de cruor et de fibrine ; et Quesnay, au contraire, disait qu'il y avait trois fois plus de sérum que de cruor et de fibrine. Encore une fois, ces proportions sont sans cesse Varia- bles. On avait admis encore dans le sang un gaz, un eflluve odorant auquel il devrait sa liquidité ; mais l’exis- tence de ce gaz admise par Rosa et Moscati est géné- ralement contestée. La coagulation qui saisit le sang , dès qu’il est hors de ses vaisseaux, avait été attribuée à son refroidissement; mais Aunter ayant fait geler du sang, l’a vu redevenir fluide quand il a dégelé, puis se coaguler après comme à l'ordinaire. On en a accusé le contact de l’air et le repos, mais il se coagule de même hors ces conditions. On avait dit qu’il devenait plus chaud lors de cette coagulation ; mais J. Hunter et Davy le nient. Quelle est enfin la quantité du sang veineux ? on n'a aucun moyen de la déterminer. Si on ouvre, en eflet, dans un animal vivant, les gros troncs veineux, etqu'on recueilletout le sang qui en coule, la mort arrivera avant qu'on ait recueilli tout le sang veineux ; d’ailleurs alors, bientôt tout ke sang devient tel la respiration ces- sant de se faire aux approches de la mort. Chaque phy- siologiste a indiqué des quantités diverses, les uns ont dit huit livres de sang en tout, d’autres vingt-huit livres ; et généralement on a dit qu’il n’y avait qu’un tiers de celte quantité dans les artères, et que les deux autres étaient dans les veines et les systèmes capillaires. Nous reviendrons là-dessus à l'article du sang artériel. Mais la plupart s'accordent à dire le sang veineux plus abondant 154 FONCTION DES ABSORPTIONS. que le sang artériel, jugeant sur la capacité bien plus grande du système veineux relativement au système arté- riel; il serait possible cependant que cela eût pour but de remédier aux obstacles et à la lenteur de la circula- tion veineuse. Telles sont les absorptions nutritives, et l’on voit que leurs produits sont trois fluides , le chyle, la Iymphe et le sang veineux avec lesquels nous verrons se faire dans la fonction suivante, la respiration , le fluide immédia- tement nutritif et réparateur , le sang artériel. On a vu que ces trois fluides confluaient successivement l’un dans l’autre, le chyle affluant d’abord dans la lymphe, puis celle-ci dansle sang veineux. À chaque confluent la pro- portion de ces fluides est telle , que le fluide le moins vivant est le moins abondant, et se perd, en quelque sorte, dans l’autre. Cependant il pourrait se faire qu’au moment où le chyle coule , il arrivât peu de lymphe ; mais ce que nous disons est, sans aucun doute , vrai pour le sang. Peut-être s’étonnera-t-on de nous voir ranger parm! les matériaux de l’hématose, le sang veineux qui est déjà du sang; mais on ne devrait appeler sang que le fluide qui est apte à nourrir et à vivifier les parties : or , le sang veineux n'est pas tel, et il n’acquiert ces qualités qu'avec le chyle et la lymphe, et consécutivement à l'influence de la respiration. Les auteurs d’ailleurs disent implicite- ment la même chose, car ils reconnaissent deux héma- toses , la générale qui s’entend de la conversion du chyle et de la Iymphe en sang, et l’artérielle qui s’entend de la conversion du sang veineux en sang artériel : or, il n’est FONCTION DE LA RESPIRATION. 155 pas déraisonnable de ramener ces deux hématoses à une seule, puisqu'elles se font , ainsi que nous le dirons, en même temps, au même lieu , et donnent naissance à un même produit. IL est impossible d’indiquer la proportion respective de ces trois fluides : l’un d’eux, le chyle, n’arrive que par intervalles, tandis que les deux autres, la lymphe et le sang veineux, coulent d’une manière continue. Cependant le premier est le principal pour l’hématose ou la réparation du sang ; s’ilne s’en faitpas du tout, comme quand il y a abstinence, après un temps assez CourL, la mort arrive. IL y aurait un moyen de juger la part qu'a la lymphe à la réparation du sang; ce serait de prendre deux chiens d’une même portée et d’une même force, de priver l’un de chyle seulement, en le laissant mourir de faim, et de priver l’autre de chyle et de Iymphe , en ne lui donnant pas d’alimens non plus, et en lui liant en outre le canal thoracique. Toutefois, parces considérations se trouve) ustifiée l’idée que nous avons donnée dela fonction des absorptions dans les animaux compliqués et dans l’homme, de servir à pré- parer avec des matériaux pris au dehors et au dedans de l'être les élémens de l’hématose , les élémens du sang. SECTION IIE Fonction de la Respiration. Loan les matériaux divers, tant externes qu’in- ternes , que les absorptions recueillent pour la répara- tion du corps , ainsi que les fluides qui en sont les pro- 156 FONCTION DE LA RESPIRATION. duits ; il faut voir maintenant comment ceux-ci sont changés dans le fluide immédiatement nutritif et répa- rateur , le sang artériel. Gette conversion est ce qu’on appelle l’hématose , et elle se fait chez l’homme dans l’intérieur de l’organe appelé poumon , avec l’intermède de l’air atmosphérique , et dans la fonction connue sous le nom de respiration. C’est donc de cette fonction que nous avons à traiter maintenant , si nous voulons suivre pied à pied le mécanisme de notre nutrition. À la vérité, nous avons laissé les trois fluides des absorptions au cœur, et peut-être on pensera qu'il faudrait d’abord les faire arriver au poumon ; à ce titre il faudrait exposer ici l’histoire de la circulation qui remplit cet oflice. Mais comme cette circulation a aussi l’usage de porter le sang artériel une fois fait dans toutes les parties où il doit être mis en œuvre, on voit qu’on a d’égales raisons pour en traiter après qu'avant la respiration. Ge dernier ordre même nous paraît plus convenable; car, d’une part, il nous conduit plus directement aux actions assimilatrices ; et, d'autre part, la respiration n’est presque qu’une action d'absorption , l'absorption de l'air : et par consé- quent son histoire doil suivre immédiatement celle des autres. L'air est nécessaire à tout êlre vivant , aux végétaux comme aux animaux ; il est utile à tous en leur fournis- sant un de ses élémens constituans, l’oxigène, et en fai- sant subir à leur fluide nutritif une élaboration essen- telle. La première proposition est démontrée par les faits suivans : 1° Lout être vivant périt plus ou moins promp- tement, quand il est placé dans le vide. 2° Tout être vivant exige que l'air dans lequel il est plongé soit re- FONCTION DE LA RESPIRATION. 157 nouvelé de temps en temps ; dans le cas contraire, il périt plus ou moins promptement, et, quand on examine l'air qui reste, on voit que d’abord il a diminué de quan- iité , ensuite qu’il a été épuisé en partie d’un de ses principes constituans , l'oxigène , et s’est chargé, au con- traire, d’un autre élément que l’on verra être opposé à toute vie , l'acide carbonique. Des expériences de /Zales ont prouvé la vérité de ces faits par rapport aux végé- taux. Si des plantes sont mises sous Îe récipient de la machine pneumatique , et qu’on fasse le vide, elles meu- rent. Si ces plantes sont placées sous une cloche pleine d'air , mais qui est disposée de manière à ce que cet air ne puisse pas se renouveler, après un temps plus ou moins long , elles meurent aussi ; et, si on examine ce qui est arrivé à l’air de la cloche, on voit qu'il a dimi- nué de quantité, ce qui prouve qu'il a fourni quelque principe au végétal , qu'il a été épuisé en partie de son principe oxigène, et qu'il a acquis, au contraire, une quantité assez considérable du principe appelé acide car- bonique. D’autres expériences de Spallanzani, faites sur le même plan que celles de Hales, et répétées de nos jours par M. J’auquelin , ont prouvé les mêmes vé- rités à l’égard des derniers animaux. Les faits les plus vulgaires de la vie prouvent leur réalité à l’égard des ani- maux supérieurs et de l’homme. Enfin , elles sont réelles pour les animaux aquatiques eux-mêmes , comme il ré- sulte d'expériences faites par Spallanzant , et répétées de nos jours par M. Sylvestre. Placez sous le récipient de la machine pneumatique le vase plein d’eau qui con- tient un animal aquatique, et faites le vide, vous verrez aussi périr l’animal. Placez ce vase sous une cloche d’air et disposée de manière à ce que du nouvel air ne puisse G 198 . FONCTION DE LA RESPIRATION. pas y pénétrer, et vous verrez de même l'animal péri à la longue ; en examinant l’air de la cloche » Vous verrez aussi que ce gaz à diminué de volume , perdu une partie de son principe oxigène, et acquis une quantité assez considérable d’acide carbonique. De là même cet usage vulgaire de faire pendant l'hiver des trous à la glace des étangs , si l’on ne veut pas voir périr tous les poissons qui y sont contenus. L'autre proposition, c’est-à-dire que l’air agit en faisant subir au fluide nutritif des êtres vivans une élaboration essentielle, est également évi- dente , puisqu’on:voit, comme nous le dirons , Ce fluide manifester des apparences et des propriétés toutes diffé- rentes , selon qu’il est ou non frappé par Fair. Or c'est cette action de l’air sur les êtres vivans , Ë parli- culièrement sur leur fluide nutritif, qui constitue ce qu'on appelle leur respiration. En beaucoup d'êtres vivans, les végétaux et les der- niers animaux, cette respiration ou absorption de l’air ne constitue pas une fonction séparée : elle est effectuée par la surface externe de l'être, en même temps que l'absorption des autres élémens nutritifs. Les fonctions d'absorption , de respiration qui , dans les animaux su- pénieurs sont distinguées , parce qu’elles sont exécutées par des organes différens , et qu’elles se succèdent les unes aux autres, sont ici confondues en une seule et même action. On avait bien, à la vérité, admis dans les végétaux des vaisseaux appelés érachées, que l’on supposait ouverts et béans à la surface de l'être pour y absorber l’air ; le conduire dans la profondeur de toutes les parties , et lui faire modifier le fluide nutritif partout à la fois, et au moment même où ce fluide va être mis en œuvre , ainsi que ce sera dans les insectes, par exem- DE L'AIR, ALIMENT DE LA RESPIRATION. 194 ple; mais on à reconnu depuis que ces trachées n'é: taient pas des vaisseaux aériens, mais des vaisseaux séveux ordinaires. Au contraire, à compter des insectes et dans tout le reste du règne animal, l'absorption de l'air se fait sépa- rément de celle des autres élémens nutritifs, est ellec- tuée par un organe spécial affecté à cet usage, et c’est alors que la respiration forme une fonction distincte. Comme cette fonction exige, ainsi que la digestion, le concours d’une substance extérieure , d’un aliment, son histoire sera partagée en trois chapitres : dans l’un , on traitera de l'aliment de la respiration, de l’air atmo- sphérique ; dans le second , on fera la description de l'appareil d'organes qui en est l’instrument ; et enfin, dans un troisième , on décrira le mécanisme de la fonc: tion. CHAPITRE I. De d' Aliment de la Respiration, ou de l'Air atmosphérique. L’am est, pour la respiration, ce que l'aliment est pour la digestion. Ge n’est pas ici le lieu de donner une his- toire détaillée de ce corps. On sait que ce fluide élas- tique environne de toutes parts notre terre, jusqu’à une hauteur de 15 à 16 lieues, et forme ainsi ce qu’on appelle l'atmosphère; que c’est un gaz diaphane, inco- lore, élastique, compressible, permanent, pesant, et qui est composé d’oxigène, d’azote et d’un peu d’acide carbonique : c’est un gaz ou fluide élastique qui a la plupart des propriétés générales de la matière, com- pressibilité , pesanteur , élasticité; dont la pesanteur, par exemple , est 770 fois moindre que celle de l’eau ; qui se #7” +. LA 100 FONCTION DE LA RESPIRATIOK. dilate parla chaleur d’un deux cent soixante-sixième par degré du thermomètre centigrade; qui enfin , est suscep- tible de se charger d'humidité, s’en saturant en raison de son degré de température , et laissant ensuite tomber le surplus, sous forme de nuage, de brouillards, de pluie, etc. Le seul point de l’histoire de l'air, qu’il importe de rappeler ici, est sa composition. Ge n’est pas un corps simple comme le croyaient les Anciens , qui le mettaient au nombre des élémens; mais il est composé de deux gaz : 1° l’oxigène, qui est un des élémens de presque tous les corps, un des agens les plus universels de la nature; qui, caractérisé par plusieurs traits , est surtout distingué, parce qu'il est le principe nécessaire à toute respiration et à toute combustion. Sa pesanteur est à celle de l'air dans le rapport de 11 à 10. 2° L’azote, autre élément presque aussi répandu que le précédent, qui forme particulièrement la base de toute substance animale, et qui, entre autres traits caractéristiques , offre celui d’être opposé à toute respiration et à toute combustion ; sa pesanteur est moindre que celle de l’air. Les proportions dans lesquelles ces deux élémens sont unis, pour former l’air atmosphérique, sont , sur 100 parties d'air, 21 parties d’oxigène, et 79 d'azote. Elles sont les mêmes en tous lieux, à toutes hauteurs aux- quelles on à examiné l’a; et elles n’ont pas changé depuis que la chimie a découvert la composition de l’air. Ces élémens constituans de l’air, paraissent , du reste, être moins dans un état de combinaison, que dans un état de simple mélange ; au moins ils se séparent l’un de l’autre avec une grande facilité , comme il est prouvé par beaucoup de phénomènes chimiques, et par celui de la respiration même. L'air contient en outre un peu " ” «DE L'AIR, ALIMENT DE LA RESPIRATION. 161: d'acide carbonique en quantité variable, presque tou- jours de l’eau en dissolution ; et souvent beaucoup de matières diverses en suspension entre ses molécules , mais qui ne font pas partie intégrante de sa substance. A l’article de l'aliment de la digestion, nous avons dit qu'il y avait eu controverse pour savoir si une substance alimentaire quelconque devait de Pêtre à un de ses prin- cipes constituans en particulier, le seul qui serait en elle assimilable, qui serait le même pour toutes, et qu'on pourrait, à cause de cela, appeler proprement l'aliment. Nous avons ajouté que cette controverse dans l'état actuel de la science était insoluble. Il n’en est pas de même pour l'air , aliment de Ja respiration ; évidem - ment cet air doit d’être respirable à un.de ses élémens constituans , l’oxigène. De même que toute substance naturelle n’était pas aliment, et qu’il n’y avait de telle que celle qui cédait passivement à l’action digérante de l'appareil digestif; de même tout gaz n’est pas respira- le. Mais, tandis qu’on ne pouvait pas spécifier quelle nature chimique devait avoir une substance naturelle pour être aliment, on peut le dire pour le gaz qui est respirable ; il faut absolument que ce gaz contienne de l'oxigène , et puisse céder cet oxigène avec facilité. Le plus souvent , les alimens de la digestion, pour l'homme au moins, ont besoin de subir quelques pré- Parations. Il n’en est pas de même de l'aliment de fa respiration : la nature Ja préparé elle-même, soit que ce soit l'air qui soit respiré, soit que ce soit l’eau ; dans lun et l’autre cas, les animaux sont également plongés dans le milieu que leur respiration réclame. Il résulte de là qu’on ne peut signaler autant de différences dans l'aliment de Ja respiration que dans celui de la diges- 3. 11 L.. 162 FONCTION DE LA RESPIRATION: «* | on, L’aliment de la digestion avait été solide ou li- quide, plus ou moins consistant, d’une composition { chimique très-variable : on avait pu surtout spécifier en Jui des différences sous le rapport de sa digestibilité , de sa puissance nutritive, de l'influence locale qu'il pou- vait exercer sur l'appareil digestif, et de son influence générale sur tout l'organisme par ceux de ses principes qui pouvaient étre introduits dans l’économie sans être chylifiés, et sous leur forme étrangère. On n’en peut pas dire autant de l'aliment de la respiration : c’est tou- jours de l’air ou de l’eau , selon que l'animal est aérien ou aquatique ; il n'y a que de bien légères différences dans la densité de ces élémens : une fois respirables , ils le sont toujours au même degré , l’oxigène étant tou- jours cédé avec la même facilité ; il n’y a rien qui cor- responde ici à ce qu’on appelle la diverse digestibilité des alimens. On peut en dire autant de la puissance nutritive, au moins en l’entendant de molécule à molé= | cule; car, en considérant une certaine masse d'air © L d’eau , il faut convenir qu’elle n’est pas toujours égale. ment riche en oxigène, et, par conséquent, qu’elle n’a | pas toujours une égale puissance pour la respiration. | Quant aux autres différences , elles sont réelles de l’air | comme des alimens proprement dits. L'air produit des impressions locales diverses sur l’organe de la respira üon, par sa chaleur, Son humidité, les matériaux qui sont en suspension dans son seirr, etc. ; ilest, par exem= ple, excitant, ou affaiblissant, et c’est, sans contredit } | une des considérations auxquelles on doit avoir le plus | d’égards pour l'hygiène et la thérapeutique. De même, cet air modifie tout l’organisme par ceux de ses princi pes qui peuvent être absorbés dans le poumon, en res DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 163 tant étrangers à l'acte de la sanguification ; et c’est en- core là un nouveau point de vue auquel il importe d’avoir égard pour la conservation de la santé, et la guérison des maladies. À cette étude de l’air , aliment de la respiration, nous aurions pu ajouter celle de l’eau que beaucoup d'animaux respirent ; mais indépendamment de ce que nous ne de- vons traiter ici que de l’homme qui ne respire que l'air, l'eau n’agit dans la respiration que par l’air qui est dis- séminé entre ses molécules , et conséquemment cela nous ramène à cet aliment unique de la respiration. CHAPITRE II. ÆAnatornie de ! ‘appareil de la Respiration. Dans les généralités qu’au commencement de cet ou. vrage nous avons présentées sur le règne animal, nous avons indiqué les différences qu’offrent les animaux sous Je rapport de l'appareil de la respiration. Nous avons dit qu’au-dessous des insectes il n°y avait pas d'appareil respiratoire proprement dit , et que la rnême surface quieffectuait l’absorption des autres matériaux nutritifs accomplissait aussi l’absorption de l'air, On a vu ensuite la respiration être disséminée , c’est-à-dire être effec- tuée par un système de vaisseaux appelés trachées , qui, aboutissant à la surface du corps, et saisissant au dehors Pair par des orifices , le conduisaient, par de nombreuses ramifications, dans toutes les parties. Seulement ces trachées ont été de deux espèces , aérifères ou aquifères, selon que les animaux ont été aériens ou aquatiques, ont respiré l’air ou l’eau. Enfin , dans les animaux supérieurs, la respiration a été locale, c’est-à-dire accomplie par 11 164 FONCTION DE LA RESPIRATION. un organe spécial dans lequel était reçu l'air extérieur , et où se faisait l’absorption du principe par lequel ce gaz entretient la vie. Seulement, cet organe local de respi- vation a été une branchie, où un poumon, selon que les animaux ont été aquatiques ou aériens, ont respiré l’eau ou Pair. C’est dans cette catégorie dernière qu'est l'homme. Sa respiration est locale , et l'organe qui l’effectue un poumon. Il faut à l'étude de celui-ci joindre celle du thorax, non parce que c’est la cavité qui le renferme , mais parce que c’est le jeu de ce thorax qui introduit dans le poumon l'air sur lequel cet organe opère. AnTicze [%. T'horax. C’est la cavité splanchnique qui est située au-dessous du col et au-dessus de l'abdomen , qui contient le cœur et le poumon, et qui fait, à l'égard de ce dernier, l'ofs fice d’un soufllet , pour y faire entrer l'air. C’est une cavité conoïde, en partie osseuse , en partie musculeuse, ayant sa partie Ja plus étroite en haut , et sa partie la plus large en bas , et qui tout à la fois est assez solide pour protéger , conire toutes percussions extérieures ; le cœur et le poumon qu'elle contient, et assez mobile our introduire l’air dans ce dernier , l’en expulser , et remplir , à l'égard de ce viscère , l'office que les parois | d’un soufilet remplissent à l'égard du vide que ces parois ! circonscrivent. La charpente de ce thorax est osseuse : elle se com-! pose , en arrière , des douze vertèbres dorsales ; en avant, | du sternum , qui est primitivement composé de huità DES L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 165 neuf pièces ; et enfin sur les côtés , de douze côtes , arcs osseux, qui sont étendus du sternum , en avant, aux vertèbres en arrière. De ces côtes, les sept supc- rieures seulement vont réellement du rachis au sternum, et sont appelées , à cause de cela, vraies côtes ; OU côtes sternales, sterno-vertébrales : elles sont de plus en plus grandes, et de plus en plus obliques en bas, sur le rachis , à mesure qu'elles sont plus inférieures. Les cinq autres appelées fausses côtes, ou côtes asternales , ne s'étendent pas jusqu’au sternum , mais s’unissent suc- cessivement les unes aux autres , celle qui est au-dessous à celle qui est au-dessus ; les deux dernièrés restent même libres, et à cause de cela sont dites flottantes. Ëlles sont de plus en plus courtes, à mesure qu’elles sont plus inférieures. Ces divers os sont articulés entre eux, de manière à pouvoir se mouvoir les uns sur les autres , et leurs arti- culations sont importantes à étudier comme donnant le secret de la mobilité du thorax. Nous n’avons pas besoin de parler des articulations des douze vertèbres dorsales entre elles ; ce n’est pas dans ces os que se passent les mouvemens respirateurs proprement dits. Mais il faut étudier les articulations des côtes, en arrière sur le ra- chis ou costo-vertébrales, et en avant sur le sternum: ou costo -sternales. On se rappelle que dans l'étude géné- rale du squelette sous le rapport de la locomotion, nous avions à Particle du tronc omis Ja brisure du thorax, la renvoyant à la respiration, comme à l’article de la tête , nous avions omis celle des mâchoires dont nous devions traiter à la digestion. 1° Les articulations de la côte en arrière avec le rachis sont doubles ; l’une se fait par l'ex. trémiié postérieure de la côte, et l’autre par ce qu'on 166 FONCTION DE LA RESPIRATION: appelle sa tubérosité. Dans la première, l'extrémité de la côte, encroûtée d’un cartilage , est reçue dans une fa- cette également cartilagineuse qui est crensée sur le côté du rachis; cette facette est à moitié sur le corps de la vertèbre supérieure, à moitié sur celui de la vertèbre inférieure, et, par conséquent, en partie aussi sur le fibro-cartilage qui est intermédiaire à l’une et à l’autre. Les os sont là attachés entre eux par plusieurs: or+ ganes contentifs, savoir : un ligament situé en avant, et qui est étendu de la côte, à chacune des vertèbres et au fibro-cartilage intermédiaire ; et un ligament dit interarticulaire qui , de la tête de la côte, va direc- tement s’attacher à la facette articulaire du rachis. Quel- que serrée que soit cette articulation, elle permet aux côtes de se mouvoir sur le rachis , puisque dans son intérieur existent deux membranes synoviales; la côte pourra, en effet, s’élever et s’abaisser par son extrémité vertébrale sur le rachis. Dansla première , la onzième eb la douzième côtes, la facette articulaire n’est creusée quew sur une seule vertèbre, et le ligament interarticulaire* manque. Dans l’autre articulation costo-vertébrale, la tubérosité de la côte , encroûtée aussi de cartilage , est recue dans une cavité cartilagineuse quirest creusée sur: l'apophyse transverse de chaque vertèbre corres- pondante ; trois ligamens dits cosio - transversaires , UD° supérieur , un moyen €t un inférieur, donnent de la solidité à cette articulation. Il y a aussi quelques difié- rences pour la première, laon zième et la douzième côtes « dans la première , les ligamens costo-transversaires Su- périeur et inférieur manquent , il n’y a que le moyens et, dans les onzième et douzième côtes, cette articula- tion costo-transyersaire manque tout-à-fait. Cette arti- DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 167 culation permet aussi quelques mouvemens de la côte. Nous verrons par la suite que les physiologisies ne sont pas: d'accord sur le degré de mobilité de ces articulations costo-vertébrales dans chacune des douze côtes ; la plu- part.ont professé que ces articulations sont d’autant plus mobiles que les côtes sont plus inférieures; M. Magen- die professe l'opinion inverse. ° Les articulations des côtes en avant avec le sternum ne se font pas par la côte elle-même, mais par l’intermède d’un cartilage qui la prolonge , et qui est d'autant plus long que la côte est plus inférieure; l’extrémité du cartilage est reçue dans une cavité qui est creusée sur le bord du sternum ; un ligament en avant, un autre en arrière , donnent de la solidité à cette articulation ; et une synoviale qui est dans son intérieur prouve qu’elle permet aussi quelques mou- veémens : les côtes peuvent aussi s’élever et s’abaisser un peu sur le sternum; ou du moins cette articulation est. assez souple pour ne pas arrêter le mouvement qui se passe dans le corps de la côte et à son autre extrémité. Ges articulations costo-sternales sont d’autant plus lâches que les côtes sont plus inférieures ; elles n'existent qu'aux vraies côtes , les autres sont articulées entre elles à l’aide de cartilages de prolongement qui vont de celle qui est au-dessous immédiatement à celle qui est au-dessus. Voilà la charpente osseuse du thorax. Des muscles achèvent de former cette cavité, savoir : dans les inter- valles des côtes , deux plans de muscles dont les fibres sont dirigées en sensinverse et se croisent, qu'on appelle muscles intercostaux ; et inférieurementle diaphragme, muscle qui forme à luiseul la paroi inférieure de la poi- trine , et la clot de ce côté. En haut le thorax est ouvert 168 FONCTION DE LA RESPIRATION. et laisse pénétrer dans son intérieur de nombreax vais-. | seaux et de nombreux nerfs. Le thorax doit à cette structure toute la solidité dont il avait besoin pour protéger contre toutes percussions extérieures les organes délicats qu’il renferme. En effet, les os qui en forment la charpente sont assez solidement articulés entre eux : des ligamens les attachent les uns aux autres ; les muscles qui complètent les parois de cette cavité sont fort résistans ; ils sont appliqués les uns sur les autres, de manière que leurs fibres se croisent, ce qui ajoute à la résistance : d’ailleurs le thorax est en- core défendu en arrière par le scapulum et les muscles des gouttières vertébrales : enfin , si l'air ne remplit pas le thorax , les côtes cèdent en raison de leur flexibilité ; si l'air, auconiraire , remplit celte cavité, il la soutient; et , dans certains cas , des muscles placésen dehors delle, ét dont nous allons parler tout à l'heure, comme le‘sous- clavier, le sterno-mastoïdien, les pectoraux , le grand dentelé , la soutiennent en agissant sur les côtes à la ma- nière de véritables arcs-boutans actifs. D'autre part, ce thorax a toutela mobilité qui lui était nécessaire pour remplir à l'égard du poumon loflice… d’un soufflet. D'abord sa paroi inférieure est toûte mus- culeuse , et partant toute mobile ; le diaphragme qui la forme peut s’élever dans le thorax ou s’enfoncer dans l'abdomen , et par là rétrécir ou agrandir la poitrme: Ensuite, les côtes mobiles sur le rachis, peuvent être abaissées ou élevées sur lui , et elles ne peuvent le faire sans que leur portion moyenne, qui est un arc, se porte en même temps.en dehors ou en dedans, eb qu'ainsi le thorax ne soit agrandi ou rétréci en travers , comme par DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE:. 109 Me jeu du diaphragme sa capacité avait varié de haut en bas. Les divers os qui composent le thorax sont précisé- ment assez grêles pour se prêter à ces mouvemens , et les cartilages qui les prolongent leur donnent toute la souplesse nécessaire. Nous décrirons ci-après avec soin le mécanisme des mouvemens respiratoires du thorax ; il nous reste ici seulement à énumérer les muscles qui en sont les agens. Ils sont assez nombreux : 1° Le dia- phragme , large muscle qui ferme par en bas le thorax, sépare cette cavité de celle de l’abdomen , et quiattaché, d’une part, par deux faisceaux qu’on appelle ses piliers au rachis, au corps des deux première vertèbres des lombes , est fixé , d’autre part, par des fibres rayon- nantes à tout le contour de l'ouverture inférieure du thorax, c’est-à-dire aux extrémités des six dernières côtes , et à l’appendice xiphoïde du sternum : aponévro- tique dans son centre, il présente trois ouvertures, une en avant pour le passage de la veine cave inférieure , eb deux en arrière dans l'intervalle de ses piliers pour le passage de l’œsophage et de l'aorte; la première et la dernière ont leur contour aponévrotique, pour que le muscle dans son jeu ne puisse comprimer les vaisseaux importans auxquels elles donnent passage. 2° Les mus- cles intercostaux , ainsi nommés à cause de leur situation dans l'intervalle de chaque côte, et qui, formant deux plans, sont partagés en tntercostaux externes et inter- costaux internes. Les premiers sont placés en dehors, et leurs fibres obliques d’arrière en avant sont étendues du bord inférieur de la côte supérieure au bord supé- rieur de la côte inférieure. Les seconds sont placés en dedans , ont leurs fibres obliques en sens inverse, c’est- à-dire d'avant en arrière , et sont étendus du bord 170 FONCTION DE LA RESPIRATION. inférieur de la côte supérieure au bord süpérieur de la côte inférieure. 3° Le muscle sous - clavier où cos- to claviculaire , qui semble n’être qu’une continua- tion vers le haut des muscles intercostaux, que le mus- cle intercostal de la clavicule et de la- première côte; il est, en eflet , étendu obliquement en bas et en avant depuis le bord inférieur de la moitié externe de la clavicule jusqu’au bord supérieur de la moitié anté- rieure de la première côte. 4° Les muscles sus-costaux , au nombre de douze, situés derrière les muscles inter- costaux externes , et étendus depuis le sommet de l’apo- physe transverse de chaque vertèbre dorsale , oblique- ment en avant jusqu'au bord supérieur de La côte infé- rieure. 5° Les sous-costaux, muscles tout-à-fait analo- gues aux précédens ; en même nombre, situés seule- ment au dedans des muscles intercostaux internes. 6° Le muscle triangulaire du sternum , costo-sternal, sous- sternal, qui est situé en dedans du thorax , étendu obli- quement en haut et en arrière de la partie inférieure du sternum , aux quatre ou cinq premières côtes. 7° Enfin, beaucoup de muscles quin’appartiennent pas proprement au thorax , mais à la tête, aux membres supérieurs, et qui prenant, en certaines circonstances, leur point d’ap- pui fixe sur ces parties , meuvent alors les côtes , ou les élevent, comme les muscles scalènes, les sterno-mastoi- diens , le grand et le petit pectoral, le grand dentelé, les petits dentelés postérieurs et supérieurs ; ou des abaissent, comme le petit dentelé postérieur et inifé- rieur , les muscles de l'abdomen, etc. Ils ont été décrits ailleurs, ; DE L'APPAREIL RESPIRATOIREs 174 * De l'organe de la Respiration proprement dit , du ARTICLE LI. æ AR Poumon. D’après l’idée générale que nous avons donnée du pou- mon, cet organe doit être une espèce de sac dans l’inté- rieur duquel l'air est reçu , et à la surface interne du- quel vient se présenter ai contact de ce gaz le fluide à sanguifier. Les zoologistes , dans leur théorie des ana- logues , le disent un repli de la peau qui s’est modifiée pour la nouvelle fonction qu’elle a à effectuer : ils s’ap- puient sur ce que c’est par la peau que les derniers ani- maux respirent. Mais cette forme , que nous assignons au poumon, n’est vraie que pour les animaux les plus sim- ples ; dans les autres, elle s’en éloigne, en ce sens que l'organe, au lieu de présenter une cavité unique , en of- fre une subdivisée en mille ramifications. Par exemple, dans la salamandre, cet organe consiste : 1° en un canal ouvert au fond de la bouche , qui évidemment est l’ana- logue de notre trachée-artière , quoiqu'il n'ait aucun car- tilage dans sa texture , et par lequel l’air est saisi; 2° en un sac qui fait suite à ce canal, et qui formant une ca- vité unique, est composé de trois membranes concen- triques les unes aux autres; savoir : une externe, fibreu- se, qui donne sa forme à l'organe; une moyenne, qui est musculeuse ; et une interne, qui est muqueuse, et à la surface de laquelle se voit un réseau de vaisseaux très- fins; c’êst dans ce réseau que se trouve le fluide à san- suifier, qui est ainsi le plus près possible de l'air qui doit influer sur sa sanguification. Déjà , dans les grenouil- les, cette cavité se partage en plusieurs cellules, qui en 172 FONCTION DE LA RESPIRATION. augmentent la superficie. Dans les serpens , les lésards, les tortues, les crocodiles, cette subdivision en ramifi- cations successives augmente encore. Enfin , le poumon finit par ne plus paraître, comme chez l’homme, qu’un organe résultant des ramifications de la trachée-artère , canal aboutissant par une ouverture unique, la glotte, dans le fond de la bouche , et puisant l’air au dehors par celte voie. Chez l’homme, en effet , le poumon est un organe d’un tissu spongieux , vasculaire, expansible , situé dans les parties latérales du thorax , paraissant formé par les ramifications d’un canal unique , appelé trachée-artère, dont il semble être la continuation, et offrant ainsi une cavité intérieure résultant des mille et mille ramifica- tions de ce canal. Il est partagé en deux moitiés , une droite, qui se compose de trois lobes , et une gauche qui n’en offre que deux ; d’où J’on dit qu’il y a deux pou- mons. Ces deux moitiés remplissent chacune exacte- ment la moitié du thorax où elles sont situées , et sont séparées l’une de lautre par un repli médian de la mem- brane séreuse du thorax , et par le cœur. La couleur de cet organe est généralement d’un bleu marbré, et son extérieur sillonné de figures qui sont hexagonales ; ce- pendant il y a des variétés à cet égard selon les âges , le genre de mort à laquelle a succombé le sujet sur lequel on fait l’examen , la position dans laquelle à été mise le cadavre, les quantités d’air et de sang qui remplissent l'organe. Nous en dirons autant de son volume et de son poids , qui du reste proviennent moins de sa partie subs. tantielle et solide , que de la quantité très-variable d'air et de sang dont il est pénétré. Mais ce qu'il nous importe surtout d'exposer ici de DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 175 l'anatomie du poumon , c’est son organisation. Indiquons quels élémens anatomiques le forment , et quel paren- chyme spécial constituent ces élémens par leur mode d’association. Les élémens constituans du poumon sont : 1° Les ra- mifications de ce canal aérien appelé trachée-artère , qui dans léur ensemble forment la cavité réelle de l’organe respiratoire ; 2° celles du vaisseau appelé artère pulmo- naire , qui apporte à l’organe les fluides des absorptions qui, dans l’acte de respiration , doivent être changés en sang; 5° celles d’autres vaisseaux appelés veines pulmo- naires, qui recueillent dans l’organe le sang une fois fait pour le porter à l'organe de la circulation ; 4° enfin, les élémens organiques qui sont propres à toute partie vivante ; savoir: des vaisseaux sanguins artériels et vei- neux, des vaisseaux lymphatiques , des nerfs et du tissu lamineux. Les ramifications du canal aérien sont l’élément prin- cipal du poumon, ce qui forme la cavité réelle de l’or- gane respiratoire, le lieu où pénètre l'air et où ce gaz est pris. La trachée-artère en estle tronc. Gette trachée est un canal cylindroïde , qui en haut est continu avec le larynx, par l’intermède duquel il reçoit de la bouche ou du nez l’air extérieur, et qui en bas se perd par ses ra- mifications dans le poumon, à la composition duquel il concourt pour la plus grande partie. Placée sur la partie antérieure du col, elle se bifurque , lorsqu'elle est par- venue auniveau de la seconde vertèbre dorsale, en deux gros canaux, qu'on appelle bronches. Chacune de ces bronches , ensuite , s’enfonce dans la partie moyenne et interne de chaque poumon , s’accole là aux divers vais- seaux qui sont les autres élémens du viscère, et va par 174 FONCTION BE LA RESPIRATION. des ramifications successives et infinies, en former le parenchyme. Beaucoup derecherches ont été faites pour pénétrer le mode selon lequel se terminent ces ramifica- tions des bronches. Walpighi, d’après l’examen des pou- mons des reptiles, poumons qui étant le premier dégré de la subdivision qu'offre le poumon de l’homme, lais- sent mieux voir la disposition des parties, a dit que ces ramifications se terminaient par des vésicules , à la sur- face interne desquelles venait se ramifier l'artère qui ap- porte le fluide à sanguifier. Æelvétius, au contraire , a dit que ces ramifications finissaient par des orifices lLi- bres dans les cellules que forment en dernière analise, par leur association, les divers élémens constituans du poumon. M. Chaussier, ayant injectéles bronches avec l’alliage fusible de Darcet ; puis ayant détruit le reste de l'organe par la macération, ou tout autre moyen, croit avoir observé que les dernières ramifications des bron- ches se terminent en canaux arrondis ; Reisseissen les a vus aboutir à une extrémité ronde et borgne: M. Ma- gendie, enfin, ne croit pas que ces ramifications derniè- res parviennent jusqu'aux lobules que nous dirons for- mer le tissu du poumon. Quoi qu’il en suit , il est sûr que la capacité de-ces canaux aériens vatoujours en augmen- tant: Quant à leurtexture , il y a des différences au tronc central et aux ramifications. La trachée-artère, propre- ment dite, est formée , 1° de seize à vingt segmens Carti- lagineux, quinesontque des demi-anneaux , tronqués en arrière , et unis entre eux par une membrane blanche particulière; 2° de fibres musculaires , qui sont surtout placées en arrière, là où le segment cartilagineux ést tronqué , et qui terminent le cylindre ;!5° enfin d’une membrane qui en tapisse la surface interne, qui est du DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 179 genre des muqueuses, fine, perspirable, absorbante , et garnie de follicules qui lui fournissent un mucus de lubréfaction. Mais , à mesure que de cette trachée, l’on descend dans les dernières ramifications , graduellement l'on voit les demi-anneaux cartilagineux diminuer , puis être remplacés par de petits fragmens cartilagineux qui sont épars càet là, enfin disparaître tout-à-fait , de sorte. que profondément il n’y a plus que la membrane mu- queuse proprement dite, et, selon Reisseissen , des fibres musculaires qui ont tous les caractères de celles qui com- posent la tunique musculaire des intestins. D’autres ce- pendant disent ces dernières fibreuses , et du même tissu jaune qui forme les artères, M. Béclard, par exemple. Les ramifications du vaisseau qui apporte les fluides à sanguifier, sont un autre élément constituant du pou- mon, Ce vaisseau est ce qu’on appelle l'artère pulmo- naire : il naît du ventricule droit du cœur , dans lequel nous gvons vu aboutir les fluides des absorptions; et après un trajet d'environ deux pouces, il se partage comme la trachée en deux branchés , une pour chaque poumon. Chaque branche s’accole à la bronche corres- pondante, et en suit toutes les divisions, en en restant néanmoins distincte; elle finit par devenir capillaire, et concourir alors directement au tissu de l’organe. On a fait aussi beaucoup de recherches pour savoir comment elle se termine. Selon Malpighi, elle forme un réseau très-fin, qu’il appelle rete admirabile , à la surface mu- queuse des bronches ; de sorte qu’ainsi les fluides à san- guifier sont placésle plus près possible de l'air indispen- sable à cette sanguification , n’en étant séparés que par les parois du vaisseau qui les contient. Reisseissen dit de même. Selon d’autres, l’artère pulmonaire à ses ramifica- 1 70 FONCTION DE LA RESPIRATION. tions dernières, se continue avec deux sortes de vaisseaux particuliers : d’un côté, les origines des veines pulmo- naires, qui recueillent dans le poumon le sang qu'a fait la respiration; etd’autre part, desramuscules séreux pers- piratoires qui vont exhaler à la surface interne des bron- ches l’excrétion de la perspiration pulmonaire. Ils se fon- .dent sur la continuité de la circulation dans l'artère pul- monaire et les veines du même nom; et sur ce qu’une injection poussée dans l'artère pulmonaire , d’un côté a passé dans les veines pulmonaires, et de l’autre a suinté à la surface interne des bronches. On est ici dans le même doute que sur le mode de terminaison des rami- fications bronchiques; et ce doute est fondé sur l'impos- sibilité, ou au moins la difficulté tant de fois reconnue, de pénétrer la disposition des parenchymes, des systèmes capillaires. Bichat admet aux extrémités de l'artère pulmonaire, et entre cette artère et les veines du même nom, des vaisseaux d’un ordre plus délié, jogissant d’autres propriétés, formant le parenchyme du poumon, étant le siége de l’action de respiration , et qu'il appelle les systèmes capillaires du poumon ; mais il avoue qu'il ne peut en apprécier la disposition. Tout ce qu'on sait, c’est que ces ramifications de l'artère pulmonaire communiquent facilement, et avec les bronches , et avec les veines pulmonaires, et sont probablement fort voi- sines , et des ramifications bronchiques qui apportent l'air, et des ramifications des veines pulmonaires qui ex- portent le sang. Quant à la structure de ces ramifica- tions artérielles , elleest celle des autres artères du corps; ilest bon seulement de remarquer que ces ramifications n’établissent d’anastomoses entre elles que quand elles sont capillaires. DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 197 Le troisième élément organique spécial du poumon résulte des ramifications des veines pulmonaires , vais- seaux qui recueillent le sang qu’a produit l’acte de la res- piration. Ges veines commencent par des radicules qui sont aussi inapercevables, et par conséquent aussi peu connus que les dernières ramifications des bronches et de l'artère pulmonaire : disséminés dans le parenchyme du poumon , peut-être continus aux ramifications de l’ar- ière pulmonaire, situés probablement aux mêmes lieux où aboutissent ces ramifications, celles des bronches, et où se fait la respiration , ces radicules dégénèrent bien- tôt en veinules assez grosses pour être vues ; alors, en s’unissant ensemble , elles forment des veines de plus en plus grosses et de moins en moins nombreuses ; toutes en- {in aboutissent à quatre gros troncs qui s’ouvrent dans l'oreillette gauche du cœur ; leur structure est celle des autres veines du corps; seulement leur membrane moyenne est un peu plus épaisse , et paraît être un peu plus élastique ; elles n’ont pas de valvules dans leur inté- rieur , et elles cessent de s’anastomoser entre elles, dès qu’elles sont un peu grosses. Enfin , à ces élémens premiers, qui sont sans contre- dit les parties constituantes principales du poumon, il faut ajouter tous les élémens qui se rencontrent en toutes parties vivantes quelconques , savoir , des vaisseaux san- guins artériels et veineux , des vaisseaux lymphatiques, des nerfs et du tissu cellulaire. Le poumon, comme toute autre partie, se nourrit, se recompose et se dé- compose ; il lui faut donc des artères pour apporter le sang que réclame sa composition, et des veines pour effectuer sa décomposition. L’artère et les veines pul- monaires ne pouvaient remplir ces oflices, puisque le 3. 12 178 FONCTION DE LA RESPIRATION. rôle de ces vaisseaux est tout-à-fait relatif à la sangui- fication en général, et non à la nutrition du poumon en particulier. Gelle-ci est accomplie par des artères et veines spéciales, appelées artères et veines bronchiques , parce qu’elles se ramifient plus spécialement aux bron- : ches. Les artères bronchiques sont nées de l'aorte, con- séquemment versent dans le poumon un sang artériel, à la différence de l’artère pulmonaire qui apporte les fluides à sanguifier; elles se distribuent aux bronches, et se perdent particulièrement dans leur tissu, ce qui prouve bien que ces bronches forment l'élément prin- cipal du poumon. Les veines bronchiques remplissent dans le poumon l'office des veines dans toutes les autres parties du corps, c’est-à-dire recueillent le reste du sang des artères bronchiques et les produits de l’ab- sorption décomposante : c’est du sang veineux qu’elles rapportent , à la différence des veines pulmonaires qui conduisent un sang artériel : grossissant par degrés , elles vont s’aboucher dans la veine azygos et dans la veine cave inférieure. aller dit qu’il y a des anastomoses entre l’artère pulmonaire et les artères bronchiques, et entre les veines pulmonaires etles veines bronchiques ; il appuie ce dire sur des injections cadavériques ; Reis- seissen émet la même assertion. Mais ces deux anato- mistes n’ont-ils pas jugé d’après des injections cadavé- riques seulement ? est-il probable que pendant la vie, des sangs si divers que ceux des artères pulmonaire et bronchique, ou des veines pulmonaires et bronchi- ques, se mêlent? à moins qu’on n’admette que le sang des artères bronchiques , à raison de sa dissémination dans le poumon et de son contact avec l’air, ne se re- vivifie en même temps qu’il est mis en œuvre. Toutefois, DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 179 on conçoit que les mêmes difficultés qui existaient sur la terminaison des broncheset de l’artère pulmonaire, et sur l’origine des veines pulmonaires, existent aussi sur la terminaison des artères et l’origine des veines bronchiques. Indépendamment de ces vaisseaux sanguins propres, le poumon a des vaisseaux lymphatiques , selon quelques- uns , en petit nombre, selon d’autres , au contraire, en nombre plus considérable qu’au mésentère lui-même ; ce qui leur fait penser que ces vaisseaux sont [à pour effectuer quelque absorption, autre que celle qui se fait dans toutes les autres parties du corps. Ces vaisseaux commencent aussi par des radicules inapercevables dans le parenchyme du poumon et à la surface des bronches; ayant ensuite , lorsqu'ils ont atteint la grosseur qui les rend visibles, toutes les apparences des vaisseaux lym- phatiques des autres parties du corps, ils se dirigent vers les troncs aboutissans du système. Dans leur trajet, ils affectent aussi deux plans, un superficiel et un pro- fond , et ils traversent d’espaces en espaces de nombreux ganglions. Ceux-ci, qu’on appelle glandes bronchiques , sont placés en général dans le voisinage des bronches, et sont d'autant plus gros, qu’ils sont moins profonds; ils sont mous, et ont la particularité d’être noirs. Il est sûr néanmoins qu'ils sont des ganglions lymphatiques, car aller a suivi les vaisseaux qui en partent jusque dans le canal thoracique; et, si on injecte dans les bronches une substance colorante, l’absorption la porte dans ces organes. Leur couleur noire , du reste , n’existe pas dans les enfans, et Fourcroy a cru l'expliquer en disant que ces ganglions étaient le réservoir du carbone dont il 12* 180 FONCTION DE LA RESPIRATION. suppose, dans sa théorie toute chimique de la respira- tion, que cette fonction dépouille le sang veineux. Quant aux nerfs qui avivent le poumon, ils viennent pour la plus grande partie, de la huitième paire ou pneumo-gastrique , et un peu du grand sympathique. Le nerf vague, après avoir fourni les nerfs supérieurs du larynx, et donné quelques filets au cœur, s’entrelace d’abord une première fois avec de nombreux rameaux du tri-splanchnique, et forme un grand réseau nerveux qu’on appelle pleœus pulmonaire antérieur. Ge tronc détache ensuite les nerfs inférieurs du larynx ou récur- rens , et s’entrelace une seconde fois avec des rameaux du tri-splanchnique , pour former un autre réseau qu’on appelle pleœus pulmonaire postérieur ; et, enfin , il va se terminer à l’estomac. Or c’est de ces deux plexus que partent les nerfs qui se distribuent au poumon; ceux-ci , s’accolant aux bronches, les accompagnent dans toutes leurs divisions, et se distribuent spéciale- ment à elles, à leur membrane muqueuse interne; c’est une nouvelle preuve que ces bronches sont dans le pou- mon l'élément principal. Le poumon recoit aussi quel- ques nerfs directement des trois ganglions cervicaux du tri-splanchnique, et du premier ganglion thoracique. La terminaison de ces nerfs dans l’organe est aussi peu connue que celle des bronches, de l’artère pulmonaire, que celle des autres nerfs dans quelque partie du corps que ce soit. Enfin, à tous ces élémens , il faut ajouter un tissu lamineux cellulaire , qui n’est jamais graisseux , etqu'on a appelé improprement tissu interlobulaire, car 4 n’est pas différent de ce qu’il est en toutes autres parties, Maintenant, quelle disposition affectent les uns par DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 181 rapport aux autres ces divers élémens , et quel tissu en résulte ? ou autrement, quel est Le tissu propre des pou- mons? Cela n’a pas encore été pénétré ; seulement le parenchyme paraît lobulaire : on peut , en effet, le sub- diviser d’abord en lobes , puis les lobes en lobules, qui sont eux-mêmes de plus en plus petits jusqu’à l'infini, et qui sont formés d’un tissu spongieux extrêmement fin. Les aréoles de ce tissu spongieux ne sont visibles qu'à la loupe , elles communiquent entre elles , et sont enve- loppées par le tissu cellulaire qui isole Les lobules. Pour bien voir cette disposition , il faut, dit-on, faire bouil- lir le poumon, et ensuite le déchirer , et regarder à la loupe la surface de la déchirure. M. Magendie insuftle une portion de poumon, puis la fait sécher , et ensuite, la coupant par tranches , examine la disposition des cellules profondes : elles lui ont paru n’être pas ré- gulières , et être formées par les dernières ramifications de l'artère et les premières ramifications des veines pulmonaires ; les ceilules d’un lobule communiquaient entre elles, mais non avec celles d’un autre lobule. Du reste, chaque auteur les a décrites différemment : Willis les dit disposées en grappes ; Keilet Lieberkun ont cherché à les compter, et en portent le nombre à 1,744,000,000. Tout ceci est aussi difficile à pénétrer que tout ce qui a trait à la texture profonde de nos parties , et, jusqu’à présent, on ignore comment se disposent les divers élé- mens que nous avons signalés pour former le tissu du poumon. Tout ce qu’on sait , c’est qu’une injection pous- sée dans l'artère pulmonaire passe dans les veines pul- monaires et dans les bronches; que de même une in- jection poussée dans les veines pulmonaires pénètre dans l'artère pulmonaire et dans les bronches; et, qu'enfin, 182 FONCTION DE LA RESPIRATION. une injection poussée dans la trachée-artère transude aussi dans l’artère et les veines pulmonaires. Tel est le poumon chez l’homme. Cet organe est atta- ché dans la cavité du thorax par une membrane séreuse, qu’on appelle la plèvre, et qui lui sert de pédicule , de soutien. La plèvre , d’un côté, tapisse la surface interne du thorax , forme même une cloison, appelée médiastin , entre les deux poumons; et, de l’autre côté, elle re- couvre le poumon qu’elle unit ainsi à la cavité qui le renferme. Ayant la texture , les usages et les fonctions de | toute membrane séreuse , elle est un véritable sac sans ouverture, dont une de ses faces est libre et correspond à sa cavité propre, et dont l’autre adhère au thorax et au poumon; la première est le siége d’une exhalation albumineuse. Elle sert à attacher le poumon à la cavité splanchnique qui le renferme , et à faciliter ses mouve- mens dans cette cavité; seulement elle a moins de plis que les séreuses des autres cavités splanchniques, que le péritoine dans l’abdomen surtout , parce que le pou- mon n’est pas susceptible de prendre autant d’ampliation que les organes digestifs. Elle est immédiatement appli- quée au poumon , de manière qu’aucun air ne peut s’en- gager entre cet organe et le thorax, ce qui était abso- lument nécessaire pour que celui-ci pût remplir à l'é- gard du premier l’oflice d’un soufflet. Îl est certain, en effet, que le poumon remplit hermétiquement la cavité du thorax : si on met à découvert cet organe sur un cadavre, sans ouvrir la plèvre, on distingue sa couleur à travers cette membrane; et, lorsqu'on a ouvert celle- ci par une petite incision, on le voit, obéissant à la pression de l’air, s’en éloigner un peu. Long-temps on professa une opinion inverse. Galien, par exemple, DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. 183 admettait qu'il y avait de l’air incarcéré entre le thorax et le poumon, et s’appuyait sur ce qu'ayant appliqué une vessie pleine d’air à la surface d’une plaie pénétrante de la poitrine, il avait vu la vessie se vider d’air au moment de l'inspiration. Æales pensa de même, arguant de ce qu’il avait vu l’air sortir de la surface externe d’un poumon qui était soumis au vide sous le récipient de la machine pneumatique. Mais /Zaller a longuementet judi- cieusement réfuté cette assertion; il observa que, dans l'expérience de Galien, probablement il y avait, avec la plaie du thorax, une entamure du tissu pulmonaire lui- même ; il dit que l’expérience de /Jales s’explique par l’expansibilité naturelle de l'air contenu dans le poumon, et qui n’était plus contre-balancée par l’air extérieur ; il assura avoir toujours vu, dans les nombreuses ouvertu- res de cadavres qu'il avait faites, le thorax et le poumon contigus l’un à l’autre. S’il existait, en effet, continuelle- ment un vide plein d’air entre ces deux parties, les adhé- rences qui s’établissent si souvent entre elles devraient en- traîner à leur suite de nombreux accidens ; et ces adhé- rences, au contraire, le plus souvent sont sans impor- tance. Enfin si, pendant qu’un cadavre est plongé dans l’eau, on ouvre le thorax, on ne voit aucune bulle d’air se dégager à la surface de l’eau , comme l’ont expérimenté Haller , Caldani, Sauvages , etc. Il est universellement admis aujourd’hui qu'aucun vide n’existe entrele thorax et le poumon. Tel est l'appareil de la respiration. Quelques physio- logistes ont pensé que la peau et les membranes mu- queuses , qui sont dans un contact continuel avec l’air, absorbaient aussi ce gaz, et exerçaient comme le pou- 184 FONCTION DE LA RESPIRATION. mon une action de respiration. Mais cette question sera discutée ci-après. CHAPITRE III. Mécanisme de la Respiration. LA respiration, comme la digestion , exige la préhen- sion au dehors de nous d’une substance qui nous est étrangère, l'air; et cette préhension, ainsi que celle de l'aliment dans la digestion , est tout à fait laissée à notre volonté. De là, la nécessité que la respiration com- prenne , comme Ja digestion, dans sa généralité : 1° des sensations , pour inviter à cette préhension d'air sur la- quelle elle doit opérer ; 2° des actions musculaires vo- lontaires, pour effectuer cette préhension. C’est ce qui constitue le besoin d’inspirer et le mouvement d’in- sptration. Ensuite , de même que la digestion ne faisait jamais servir à la nutrition tous les alimens sur lesquels elle avait opéré , mais qu’une partie de ces alimens était toujours rejetée à la fin de la fonction sous forme de fèces ; de même aussi la respiration n’emploie jamais tout L'air qui est introduit dans le poumon, et le reste est toujours rejeté à la fin de la fonction par ce qu’on appelle l'expiration. Dès lors, de même qu’on avait pu rapporter tous les phénomènes de la digestion à quatre ordres, savoir : 1° sensation qui excite à prendre les alimens , ou appé- tilion ; 2° action musculaire volontaire qui effectue cette préhension des alimens, et les conduit dans l’es- tomac, ou préhension buccale, mastication , dégluti- tion; 8° exposé des altérations qu'éprouve l'aliment dans MÉCANISME DE LA RESPIRATION. 189 l'estomac et l'intestin grêle, ou digestion proprement dite, chymifteation et chylification; 4° enfin excrétion de la partie non nutritive des alimens, ou défécation : de même on pourrait rapporter à de semblables subdi- visions tous les phénomènes de la fonction de respira- tion; savoir : 1° sensation qui nous avertit de prendre Vair que réclame cette fonction , ou besoin de l’inspira- tion ; 9° action musculaire volontaire qui effectue cette préhension , ou mouvement de l'inspiration ; 8° exposé des changemens que l'air fait subir aux fluides à sangui- fier dans l’intérieur du poumon, ou respiration propre- inent dite; 4° enfin, excrétion de l’air qui n’a pas été employé dans la fonction , ou mouvement de l'expira- Lion. Mais nous ferons subir à cet ordre une légère modifi- cation. La digestion est une fonction qui emploie quel- ques heures à s’accomplir ; il s'écoule surtout un inter- valle de temps assez considérable entre le moment où l’on a pris les alimens , et celui où, par la défécation , on en rejette les débris; on a donc pu pleinement séparer ces deux actes l’un de l’autre. La respiration , au con- traire, s’accomplit presque instantanément ; l'air est à peine introduit dans le poumon que le principe par le- quel il est utile est employé; il doit alors en être aussitôt rejeté, et son excrétion suit de près son ingestion. De h, l'usage presque général de traiter en même temps, et sous un même titre , des mouvemens d'inspiration et d'expiration , quoique entre eux s’ellectue la respiration proprement dite. Les physiologistes ont généralement passé sous silence la sensation du besoin d’inspirer , qui cependant est aussi réelle que la faim , et qui est, pour la respiration , 186 FONCTION DE LA RESPIRATION. ce qu'est la faim pour la digestion; et, n’ayant égard qu'aux deux autres ordres de phénomènes de la respira- üon , savoir , les mouvemens inspirateurs et expirateurs par lesquels l’air est introduit dans le poumon et rejeté de cet organe , et les phénomènes profonds de la respi- ration, c’est-à-dire ceux de la sanguification qui se passent dans l’intérieur du poumon même, ils ont appelé les premiers les phénomènes mécaniques, et les seconds les phénomènes chimiques de la respiration. Ces expressions sont également impropres. Les mouvemens d'inspiration et d'expiration ne sont nullement des phé- nomènes mécaniques , mais de véritables actions mus- culaires volontaires , qui ne se distinguent de toutes autres qu’en ce que le sommeil ne les interrompt pas; et, quant à l’acte de la sanguification, il sera prouvé par la suite que, quoiqu'on en ait dit, ce phénomène n’est pas chimique. C’est tout de même que si, dans la fonc- tion de la digestion, on appelait la mastication, la dé- glutition , les phénomènes mécaniques de cette fonction, et, au contraire, la chymification et la chylification ses phénomènes chimiques. Aïnsi donc, dans l'étude que nous allons faire du mé- canisme de la respiration , nous en rapportons tous les phénomènes à trois sections : étude de la sensation du besoin de respirer; étude de l’action musculaire volon- taire, qui effectue l'ingestion et l’excrétion de l’air; et respiration proprement dite, sanguification , hématose ; nous terminerons en traitant du sang artériel , qui est le produit de cette action. DU BESOIN DE RESPIRER. 137 ARrTicLeE °. Sensation du besoin de Respirer. L'air sur lequel doit opérer la respiration, n’est pas appliqué de lui-même , et par le fait seul de la position des parties à l'organe respiratoire. Sa préhension ré- clame une action de notre part : celte action, comme toutes celles qui consistent dans l'établissement d’un rapport avec l'extérieur, est laissée à notre volonté; et dès lors la nécessité d’une sensation qui vienne nous exciter à l’accomplir, et qui en soit , si l’on peut parler ainsi , la sentinelle. Cette sensation est celle du besoin de respirer. Cette sensation ne peut , non plus que toute auire, être représentée par le langage; mais, pour quiconque l’a éprouvée , elle est bien distincte; et, d’ailleurs , elle est suffisamment caractérisée par le rapport auquel elle sol- licite , la préhension de l'air. C’est une sensation interne ou organique , c’est-à-dire qu’elle n’a pas pour cause le contact d’un corps étranger, mais éclate dans le poumon par cause interne , et consécutivement à l’oflice que ce viscère doit remplir dans l’économie. Comme telle dès lors, elle a le caractère de plaisir, quand on lui cède ; et, au contraire , celui de douleur quand on ne satisfait pas son vœu; cette douleur devient même très-promp- tement déchirante , parce que le rapport que cette sen- sation nous commande , nous est très-prochainement nécessaire. Elle éclate, dès que la portion d'air qui a été intro- duite dans le poumon a été employée; de même que la faim se faisait sentir, dès que l’estomac avait élaboré les 188 FONCTION DE LA RESPIRATIOK. alimens qui lui avaient été donnés. Mais, comme la res- piration s’accomplira d’une manière instantanée, ainsi que nous le dirons , à la différence de la digestion qui de- mandait plusieurs heures pour se faire; il s’ensuit qu’à peine de l'air a pénétré dans le poumon , que déjà il est mis en œuvre, et a besoin d’être remplacé par du nou- veau : d’où il résulte que le besoin de respirer se renou- velle presque d’instant en instant, de seize à'vingt fois par minute, tandis que ce n’était que deux ou trois fois par Jour seulement que revenait la faim. Il est possible cependant qu’il y ait quelques différences dans la fré- quence avec laquelle revient cette sensation; d’abord, selon les individus, par suite du degré d’activité plus ou moins grand du poumon , de même que la faim revenait . plus ou moins fréquemment selon le degré d’activité de l'estomac ; ensuite , selon la richesse plus ou moins grande de l'air que l’on respire. En effet, d’une part, chacun inspire un nombre de fois différent, dans un même temps donné , à raison du degré d'activité de son poumon; et, d'autre part, il est sûr que la sensation du besoin de respirer se fait sentir plus souvent, crie comme sans interruption, quand on inspire un air appauvri. Quelque important que soit pour notre conservation le rapport auquel nous sollicite la faim , on peut cepen- dant le retarder pendant quelque temps: et de là la possibilité de signaler les degrés divers d'intensité que présente cette sensation , depuis l’état de simple appétit , jusqu’à celui de faim très-vive. De même, comme la di- gestion emploie quelques heures à se faire, il y a unin- tervalle assez long entre les époques de retour de la faim; et on peut aussi signaler Îles degrés par lesquels DU BESOIN DE RESPIRER, 189 elle passe quand elle s’apaise ; on la voit, par exemple, diminuer peu à peu, puis disparaître tout-à-fait: et même, si on prend plus d’alimens qu’il ne faut, être rem- placée par une sensation opposée, celle de la satiété. Enfin , la faim a pu à elle seule constituer une maladie, une névrose, comme dans la boulimie , le pica, etc. Rien de tout cela ne peut être distingué dans la sen- sation du besoin de respirer; parce que, d’une part, la nécessité de la respiration pour la conservation de la vie, est trop prochaine pour qu’on la diffère ; et, parce que, d'autre part, cette fonction se fait instantanément, ct emploie trop peu de temps pour s’accomplir. En effet , on ne peut pas résister au vœu de la sensation du besoin de respirer pour en apprécier les divers degrés, comme on peut résister à celui de la faim; notre volonté est trop promptement subjuguée par la douleur ; et de même la respiration s’accomplit d’une manière trop soudaine, pour qu’on puisse apprécier les nuances par lesquelles passe la sensation , selon qu’elle est contrariée ou satis- faite. Comme la faim éclate lorsque l’estomac est vide d’a- limens, ou du moins est dans le repos, et n’exerce pas son action de digestion; comme surtout cette sensation peut être négligée impunément pendant quelque temps, on avait pu indiquer dans quel état particulier est l’es- tomac pendant que la faim se fait sentir , quels change- mens existent alors dans ce viscère. Mais cela n’est pas possible encore ici; l'expiration suit de trop près l’in- spiration , et l’une et l’autre durent trop peu de temps, pour qu’on puisse apprécier quelles différences peut pré- seuter le poumon dans ces deux états, On avait rapporté à l’histoire de la faim , dans la di- 190 FONCTION DE LA RESPIRATION. gestion , tout ce qui à trait à l’abstinence; el cela tou- jours , parce que la digestion n'étant pas d’une manière irès-prochaine nécessaire à la vie , et employant quel- ques heures à se faire, on pouvait observer ensemble et les progrès de la sensation et les effets locaux et géné- raux de l’abstinence. Il n’en a pas été de même encore ici ; personne n’a rattaché à la persistance du besoin de respirer les phénomènes qui suivent la privation de l'air , c’est - à- dire l’asphyxie ; la différence qu'il y a entre ces deux choses , qui seulement coïncident ke plus souvent, mais dont l’une n’est pas la cause de l’autre, éclate ici avec évidence , et justifie le reproche que nous avons fait aux physiologistes d’avoir rapporté à lhis- toire de la faim les effets de l’abstinence. La faim , comme le besoin derespirer , ne sont que des sensations locales , développées dans les organes spéciaux de la digestion et de la respiration , ponr annoncer leur disposition à agir ; et les phénomènes généraux de l’abstinence et de l’as- phyxie tiennent à ce que le rapport extérieur auquel ces sensations nous invitent, n’a pas été effectué, et par conséquent à ce que la série des mouvemens nutritifs à manqué. La sensation du besoin de respirer, considérée en elle- même, résulte, comme toute autre sensation, du concours de trois organes : l’un qui développe une impression ; un autre qui conduit cette impression au cerveau ; et enfin un troisième, le cerveau, qui perçoit cette impres- sion. À la vérité , la nécessité où nous sommes de céder aussitôt à cette sensation, et la dépendance très-pro- chaine dans laquelle la vie est de la respiration, ne permettent pas de prouver par des faits directs la réalité de cette assertion : tandis qu’on peut impunément para- DU BESOIN DE RESPIRER. 191 lyser la peau, en interrompant sa communication avec le cerveau, et avoir le temps avant la mort de constater son insensibilité ; tandis qu’on peut paralyser semblable- ment l'estomac à l'égard de la faim, on ne peut , au contraire , paralyser le poumon sans que la mort n’arrive promptement. Mais l’analogie de ce qui est dans toute sensation doit nous faire croire qu’il en est de même dans la sensation du besoin de respirer. Or, de ces trois actions nerveuses qui constituent la sensation, la première, c’est-à-dire l’action d’impres- sion est la seule qui doive nous occuper ; car les deux autres sont ici ce qu’elles sont en toute sensation quel- conque, et sont d’ailleurs calquées sur elle. C’est par- tout de la même manière que les nerfs conduisent des impressions au cerveau ; c’est toujours aussi par le même mécanisme que cet organe perçoit; de sorte que ce qui spécifie chaque sensation, et par conséquent doit en fonder l’histoire , c’est l’action d'impression que les deux autres ne font que répéter. À cet égard nous avons à faire les mêmes recher- ches que dans l’histoire de toute sensation ; savoir : indi- quer quel est l’organe qui en est Le siége , qui la déve- loppe, ce qu'est cette impression en elle-même, et enfin quelle en est la cause ? Mais, sur chacun de ces points, on est dans la même ignorance que pour toute autre sen- sation interne. 1° Quel est l’organe du corps qui développe l’im- pression? on a dit tour à tour le cœur, le diaphragme , le poumon; il est bien plus probable que c’est ce der- nier. C’est, en effet, dans le poumon qu’est introduite la substance que réclame cette sensation, et il était con- venable que cette sensation fût attachée à l'organe qui 192 FONCTION DE LA RESPIRATION: est l’instrument de la respiration. Mais ce poumon est un organe fort complexe, et quelle partie de ce viscère développe cette action? sont-ce les bronches , ou les ramifications de l’artère pulmonaire, ou les radicules des veines pulmonaires? On croit que ce sont les bron- ches , parce qu’elles paraissent être l’élément principal du poumon , le siége de la respiration , parce que la membrane muqueuse qui les tapisse, paraît surtout, en de nombreuses circonstances, régler le mode des mou- vemeps respirateurs , par exemple, commander la toux, l’expectoration, l’éternuement, etc. Il est certain, en effet, que dans ces cas une irritation de la membrane mu- queuse des bronches est ce qui détermine le jeu de l’appa- reil locomoteur de la respiration ; et l’on peut en conclure que celte membrane le décide de même dans l'exercice naturel de la fonction. Enfin, ces bronches ont une sur- face très-étendue ; deux sortes de nerfss’y distribuent , les uns venant du pneumogastrique, les autres du tri-splanch- nique; peut-on dire quel est celui qui développe l’im- pression ? À coup sûr au moins, elle n’est pas produite en un lieu circonscrit de l’organe, puisque ces élémens nerveux sont fondus avec les autres élémens organiques constituans du viscère. On voit donc que le siége de l'impression ne peut pas être aussi bien spécifié que dans un organe de sens, où l’élément nerveux forme une cou- che séparée des autres. 2° L’impression en elle-même consiste à coup sûr en un changement quelconque dans l’état des nerfs du pou- mon ; mais ce changement est trop moléculaire pour être saisissable par les sens, et il n’est reconnu que par son résultat. On ne sait de cette action d'impression que ce qu’on sait de toute autre, qu’elle n’est pas une action DU BESOIN DE RESPIRER: 1099 physique ni chimique, mais bien une action vitale; et que le poumon n’est pas passif dans sa production. À la vérilé, nous ne pouvons pas encore vérifier ce dernier fait, à cause de la nécessité très-prochaine de la respi- ration pour Ja vie: mais combien n'est-il pas probable que cette sensation n’a pas la même intensité dans les divers états du poumon, selon l’état de santé et de ma- ladie ? Peut-être même que la ligature ou la section de la huitième paire de nerfs, en paralysant en partie le poumon l’aflaiblit, comme elle empêche le développe - ment de la faim en paralysant l’estomac ; et que si on continue encore d’inspirer pendant le temps qui reste à vivre après cette section, c’est sans y être provoqué par cette sensation ? 3° Enfin , quelle est la cause qui amène dans les nerfs du poumon ce changement d'état auquel est due la sen- sation ? On a dit que c'était le contact d’un air non res- pirable, privé d’oxigène ; mais cette sensation éclate aussi bien quand il n’y a plus d’air dans le poumon, quand on est dans le vide. Il est probable que cette sensation ne reconnaîtpas plus une cause tactile que la faim , mais est comme elle organique, et que, par conséquent , on ne peut préciser la circonstance qui la développe. La même nécessité prochaine dont est la respiration pour la vie, empêche encore qu’on ne le vérifie par des faits ; l'ignorance où l’on est d’ailleurs , est augmentée , en ce que les sensations de l’ingestion de l’air ou de linspi- ration, et de son excrétion ou del’expiration, bientôt se confondent ensemble , et qu'on ne peut plus dire ce qui est de l’une et ce qui est de l’autre. Du reste, comme cette sensation du besoin de respirer n’avait pas encore occupé.les physiologistes , ils n’ont pas fait sur LA 13 194 FONCTION DE LA RESPIRATION. sa cause autant d’hypothèses et de conjectures qu'ils en avaient faites sur celle de la faim. Toutefois, telle est la sensation qui va commander et décider l’action musculaire volontaire , par laquelle l'air sera porté dans le poumon, et qui en règlera toutes les modifications. ARTICLE JI. Action musculaire volontaire respiratoire. Nous avons déjà dit que dans l’homme et les animaux supérieurs , Ce n’était pas de lui-même que l'air était appliqué à l'organe de la respiration ; mais qu'il l’était, consécutivement à une action de préhension laissée à Ja volonté de l'être, et effectuée sous l'inspiration de la sensation interne dont nous venons de faire l’histoire. En certains animaux, cette action de préhension con- siste en une véritable déglutition effectuée par la bou- che, et par laquelle l'air est poussé dans l’intérieur du poumon, comme des alimens sont portés dans l’esto- mac , etc. Mais, dans l’homme, c’est par le jeu du thorax que l'air entre dans le poumon et en sort alternative- ment , ce thorax remplissant à l’égard de l'organe respi- ratoire proprement dit l'office d’un soufflet. Le thorax, en effet, est mobile, et peut faire varier sa capacité in- térieure, l'agrandir ou la diminuer. Or, quand il l’aug- mente, le poumon voit aussi agrandir la sienne; con- séquemment l'air qu'il contient est raréfié, cet air ne fait plus équilibre avec l'air extérieur; et celui-ci alors se précipite dans l’intérieur du poumon par l’ouverture libre que ce poumon a au dehors, par l’orifice de la tra- chée-artère. Au contraire, quand le thorax se rétrécit, il comprime le poumon qui lui est partout contigu , il : DU MOUVEMENT D'INSPIRATION. 19) en exprime l'air qui le remplit, et cet air s'échappe par ce même orifice supérieur de la trachée-artère. Voilà ce qui fait les mouvemens d'inspiration et d'expiration que nous allons décrire avec soin , d’abord , dans leurs rapports avec la respiration proprement dite * ensuite dans leurs rapports avec d’autres fonctions. $ 17. — PAénoméenes musculaires respirateurs dans leurs rapports avec la respiration. Il faut étudier successivement l'inspiration , l’expira- tion , et ce qui tient à l'association de ces deux mouve- mens. 1° De l’Inspiration. On appelle ainsi le mouvement par lequel le thorax , cartant ses parois, augmente sascapacité intérieure , et par suite fait pénétrer l’air dans l’intérieur du poumon. Son mécanisme diffère selon le nombre des muscles qui gissent pour l’effectuer. En premier lieu , le diaphragme eul peut l’accomplir. Ce muscle, en se contractant , evient plane, s’enfonce même dans la cavité de l’ab- ‘men, cesse au moins de bomber dans celle du thorax, t par là le diamètre perpendiculaire de la Poitrine est srandi. Les Portions musculeuses de ce muscle, qui ont les seules qui se déplacent , fort heureusement cor- spondent aux poumons, qui seuls avaient besoin de ‘ouver un plus grand espace; et, au contraire , Son ntre aponéyrolique qui, parcé qu'il est attaché au emum el au péricarde et parce qu'il n’est pas mus- leux, est Presque étranger à l’abaissement , corres- 2d au cœur qui n’en avait pas besoin. Faisons, en effet 6 marquer en passant, combien les orzanes renfermés 134 190 FONCTION DE LA RÉSPIRA TION. dans le thorax sont merveilleusement placés relative- ment à la mobilité qu'ils exigeaient dans ce thorax: les poumons qui devaient sans cesse changer de volume correspondent aux cotés , les régions les plus mobiles de la cavité; et, au contraire , le cœur est placé dans celle qui l’est le moins, au milieu, entre les vertèbres en arrière, le sternum en avant, le centre phrénique du diaphragme en bas, et la cloison médiastine sur les côtés. À raison de l'inclinaison oblique en dedans des parties latérales du diaphragme, el de l'inclinaison en arrière du centre phrénique et des piliers de ce muscle, c’est particulièrement en dedans et en avant que sont foulés les viscères gastriques lors de l’abaissement du diaphragine. Toutefois, voilà un premier agent de la dilatation du thorax , l'agent principal de son agrandis- FR . celui qui est expiré. Si c’est l'air atmosphérique qui est ne, "or 2 FT x respire , la quantité d’azoie paraît être restée la mème. a ? Lestix ETES < MUR Si c’est du gaz oxigène presque pur, ne contenant que 6,05 d’azote , l'air expiré en contient davantage, preuve qu'il en a été exhalé par le poumon ; car on ne peut pas dire que cet azote en plus qu’on observe , provient de celui qui des inspirations précédentes était resté dans le poumon , car son volume surpasse celui de l'animal. Enfin, si on fait respirer à l'animal un mélange d’oxigène et d'hydrogène, dans les mêmes proportions que l’oxigène et l’azote dans l'air atmosphérique, l’air expiré contient encore beaucoup d’azoie , qui, conséquemmenbt, a élé exhalé, et il a été en même temps absorbé plus d’hy- ‘drogène qu'il n’a été exhalé d’azote. Ainsi des actions d'absorption et d’exhalation se font en même temps dans le poumon. Quoi qu'il en soit, on peut conclure pour la question qui nous occupe ici, que labsorption de l'azote, si elle a lieu dans la respiration , n’est pas un phénomène aussi capital que l'absorption de loxi- gène. 3° L’air expiré, en même temps qu’il est moins riche en oxigène, est chargé d’une quantité d'acide carboni- que supérieure à celle que contenait l'air de linspira- tion , et d’un peu de sérosité animale. Déjà, en eiïlet, l'air qui est expiré une première fois offre ces deux nouveaux principes ; et si on le respire de nouveau plu- sieurs fois , on le voit s’en charger de plus en pius. C’est ce qui est prouvé par mille expériences. Lors- qu’on laisse! un animal sous une cloche respirer le même #4] | RESPIRATION PROPREMENT DITE. 297 air, à la longue l'animal périt, et, lorsqu'on examine après sa mort l’air qui est resté dans la cloche, on voit que cet air, en même temps qu'il a perdu beaucoup d'oxigène , est devenu très-humide, et surtout contient beaucoup d'acide carbonique. Nous avons dit plus haut que c'était à cause de l’acide carbonique dont se charge l'air expiré, que cet air cessait d’être respirable avant d’être privé de tout son oxigène. On a aussi cherché à indiquer quelle quantité de ces deux élémens nouveaux est fournie à chaque expiration; Goodiwin a porté celle de Vacide carbonique à 0,11 ; Menziès, à 0,05 , et MM. Da- vy et Gay-Lussac, à 0,03, ou 0,04. Quant à la sérosité animale , sa quantité est de 2 grains par minute selon Menziès, de 12 selon d’autres. S’ilest vrai , Comme nous le démontrerons, que la production de ces deux nou- velles substances soit le fait de la vitalité du poumon, on conçoit que leur quantité doit être aussi variable que l'est la vitalité de cet organe. 4° Enfin, il est possible que l'air inspiré, pendant le séjour qu’il fait dans le poumon, soit dépouillé par l’ab- sorption de quelques-unes des matières étrangères qui sont en suspension dans son sein. On sait, en effet, que la respiration est très-fréquemment la voie par laquelle pénètrent les contagions ; la surface interne des bronches est certainement un lieu où l’absorption est très active: et c’est sur cette propriété que Beddoës avait, en partie, fondé l'espoir de rendre l’air qu'on respire médicamen- eux. Mille faits attestent la possibilité de l’absorption que nous accusons. La respiration d’un air humide a sou- vent donné lieu à une sécrétion d’urine plus abondante ; là respiration d’un air chargé de l’arôme de l’essence de érébenthine , a été accompagnée de l’absorption de cet ” 3. 17 258 FONCTION DE LA RESPIRATION:. arôme, car on a vu l’urine manifester une odeur de vic- Jette. Dans les asphyxies , les gaz délétères ont souvent été reconnus en nature dans le sang. Enfin, souvent des substances solides ou liquides accidentellement portées dans les voies respiratoires, y ont été également absor- Dbées. Mais cette absorplion n’est qu’accidentelle , et toujours étrangère à l’hématose; elle ne sert pas plus à la sanguification , que les parties des alimens qui passent avec le chyle, sous leur forme physique première, ne servent à la chylification; et, conséquemment, nous pourrons l'omettre dans nos considérations ultérieures. Tels sont les changemens éprouvés par l'air ; on peut les démontrer par celte expérience si connue de physique , qui consiste à tenir un animal vivant sous une cloche, jusqu’à ce qu'il y meure faute du renouvellement de L'air ; en examinant , après sa mort , l'air qui est resté dans la cloche, on voit que cet air à perdu beaucoup de son oxigène, el contient, au contraire, une sérosilé animale qui lui était d’abord étrangère, et beaucoup plus d'acide carbonique qu’il n’en contenait auparavant. Comme on peut apprécier les quantités respectives d’air qu'introduit chaque inspiration et qu'expulse cha- que expiration , et qu’on peut examiner successivement et isolément ces deux espèces d'air, on a cherché à cal- culer la quantité d’oxigène qui estconsumée en un jour, et celle d’acide carbonique et de sérosité animale que Von expire dans le même espace de temps. La quantité d’oxigène consumée est de 822,655,28,oude 761,975,01 décimètres cubes , selon Lavoisier ; de 848,687,90, se- Jon Menziès ; de 749,976,36 , selon Goodwin ; de 749,974:14, ou 745 décimètres cubes, selon M. Davy. Lo quantité d'acide carbonique formée, est de 296,197,45, RE es . +de RESPIRATION PROPREMENT LITE. 209 ou 621,000,71 décimètres cubes, selon Lavoisier; la mème que celle de l’oxigène employé, c’est-à-dire 848,687,90, selon Menziès; de 960,137,84, selon &Goodwin : elle représente, selon Thompson , à peu près en volume, la quantité d’oxigène qui a disparu, c’est- à-dire est de 655 centimètres cubes, lesquels contien- nent 540 grammes de carbone : elle est un peu supé- rieure, selon MM. Davy et Gay-Lussac , à celle de l'oxigène enlevé , puisqu'elle est de 687,200,93 déci- mètres cubes. Enfin, la quantité de sérosité animale fournie, est de 560 grammes, selon Lavoisier et Sé- guin; de 590 , selon Thompson. Très-certainement ces calculs ne peuvent être qu'approximatifs , puisque l’in- spiration et l'expiration sont en elles-mêmes très-varia - bles, et que la mesure dans laquelle l’oxigène est en- levé dans l’une, et l'acide carbonique et la sérosité ani- male fournis dans l’autre, dépend, comme nous le prou - verons, de la vitalité du poumon, qui est elle-même extrêmement variable. in Voyons maintenant les changemens qui se font dans le fluide à sanguifier; ils sont aussi fort importans, et l’on peut les reconnaître en examinant dans quel état pouveau est ce fluide, quand il sort du poumon. Il est changé en ce qu’on appelle le sans artériel, c’est-à-dire un sang vermeil , rutilant, écumeux, plus léger, plus chaud de deux degrés que le sang veineux, et qui sur. tout en est distinct , parce que seul il est apte à nour- ir et à vivifier les parties. En voici les preuves. Goodwin ouvre le thorax d’une grenouille, met à nu le cœur et le poumon, et cherche à voir, au travers de ces organes , qui sont un peu transparens chez ces animaux, Ce qui arrive au fluide veineux en traversant 17 260 FONCTION DE LA RESPIRATION. le poumon. Il reconnaît que ce fluide, noir et d’appa- rence veineuse en arrivant ;, prend instantanément , en traversant le tissu de cet organe , et par la res- piration , une couleur rouge et l'apparence artérielle. Comme on pouvait tirer une objection du genre d’ani- mal sur lequel il avait opéré , il répète l'expérience sur un chien : il adapte à la trachée- artère de cet animal une seringue ;, afin de pouvoir insufller à volonté de l'air dans le poumon de cet animal, à la manière de V'ésale ; il enlève ensuite le sternum , met à nu l'artère et les veines pulmonaires, remplace, par l'insuffiation artificielle d’air, la respiration qui ne pouvait plus se faire , et il reconnaît le même changement qu'il avait déjà vu se faire dans la grenouille. Il conclut donc que c'était dans le poumon que se faisait le sang artériel. Bichat, ensuite, répéta ces expériences de Goodwin , mais en les combinant d’une manière encore plus ingé- nieuse. Il adapta à lat chée-artère d’un animal vivant un tube armé d’un robinet, et en fit autant à l'artère carotide : on voit qu’il avait ainsi un moyen de permet- tre ou d'empêcher, à sa volonté, toute entrée de l'air dans le poumon, et d'observer en même temps le chan- sement que chacun de ces cas amènerait dans le sang de la carotide. Le sang de la carotide était pour lui comme le sang sortant du poumon lui-même , parce qu’en effet il n’a éprouvé aucune altération nouvelle depuis cet or- gane jusqu'à Ce vaisseau. La carotide n’était choisie qu’à cause de la facilité avec laquelle ce vaisseau se prête à l'expérience. Voici la série des résultats que cet appa- reil ingénieux le mit à même de constater : 1° le robinet de la trachée-artère étant ouvert, et la respiration de V'animal se faisant conséquemment comme à l'ordinaire, + fl. PA RESPIRATION PROPREMENT DITE. 261 le sang sort de la carotide, rouge ou artériel. 2° Si on ferme alors le robinet de la trachée-artère, et consé- quemment qu'on empêche la respiration de se faire, le sang sort de la carotide , rouge encore pendant quelques secondes, mais bientôt noir, et d’autant plus qu’on laisse plus long-temps fermé le robinet de la trachée-artère. 3° Si alors on ouvre ce robinet, et que conséquemment la respiration se rétablisse , le sang sort de la carotide, rouge , et cela soudain; il n’en sort de noir que la très- petite quantité qui existait entre le poumon et la caro- tide au moment où la respiration a été rétablie. 4° En- fin , si on ouvre de nouveau le robinet de la trachée- artère, de manière à ne laisser entrer dans le poumon qu'une petite quantité d’air, la coloration du sang qui sort de la carotide est moins vive, mais aussi soudaine. Ainsi , nul doute que le fluide à sanguifier ne soit changé pendant sa traversée dans le poumon et par la respira- tion , en sang artériel , et cela instantanément. On juge artériel le sang qui est d’un rouge rutilant, parce que la rougeur est la principale différence physique que le sang artériel ait avec le sang veineux. Enfin, les phénomènes des asphyxies viennent confir- mer ce que démontrent ces diverses expériences. On appelle asphyxie toute interruption de la respiration, soit parce qu'il n’y a pas d'air, ou que cet air ne peut être introduit dans le poumon, soit parce que l’air respiré ne contient pas d’oxigène , ou ne cède pas ce principe, . et par conséquent ne peut alimenter la fonction. Or, toutes les fois que cette asphyxie survient, le fluide vei- neux ne s’artérialise pas dans le poumon; il se remontre veineux au-delà de cet organe , et va, sous celte forme, imprégner toutes les parties. On voit, en effet, dans ô F cs Ci VS FONCTION DE LA RESPIRATION. les cadavres des asphyxiés , tous les tissus, et particu- lièrement tout le système artériel, pleins d’un sang de couleur noire , et qui a toutes les apparences d’un sang veineux ; et, comme le sang veineux est impropre à entretenir la vie, de là la mort qui saisit promptement tous les organes. Ne sont - ce pas là des preuves que le fluide à sanguïlier a traversé le poumon sans être changé en sang arlériel ? Voilà les changemens qu'ont éprouvés dans le pou- mon, et instantanément aussitôt qu'ils y sont arrivés, l'air d’une part, etle fluide à sanguifier de l’autre. Main- tenant il s’agit de savoir quels rapports existent entre les altérations qu’a éprouvées l’une de ces substances , l'air, et celles qu’a subies l’autre, le fluide veineux ? Dans l'air, il y a eu, comme on l’a vu , dépouillement d’oxigène , et acquisition de gaz acide carbonique et de sérosité animale : quels rapports exisient entre ces pertes et ces acquisitions qu'a faites l'air, et l’hématose arté- rielle qu’a subie le sang veineux? Enfin, y a-t-il aussi un rapport entre la perte qu’a faite l’air de son oxigène, et l'acquisition qu'a faite ce même air de gaz acide car- bonique et de sérosilé animale ? D'abord , il est sûr que l’enlèvement de l’oxigène à V'air respiré , est un phénomène capital, et une condi- tion absolue pour l’hématose. En effet, 1°, par cela seul que ce corps extérieur , l’air, est introduit dans le pou- mon, on peut déjà présumer que c’est pour fournir au corps humain quelques-uns de ses principes. 2° Toute respiration a évidemment pour but de faire subir au fluide nutritif des corps vivans une élaboration spéciale, qui, pour les animaux supérieurs et pour l’homme, est ce que nous appelons hématose. Or, dans quelque respi- RESPIRATION PROPREMENT DITE. 263 ration que ce soit, il y à enlèvement d’oxigène, et un air quelconque n’est respirable qu’autant qu'il contient de l’oxigène , et qu'il peut céder ce principe avec faci- lité. 3° Enfin, l'appareil de Bichat, et les expériences de ce physiologiste , ont mis hors de doute cette propo- sition. Dans ces expériences , en effet, l’état du sang qui sortait de la carotide s’est toujours montré dépen- dant de l’entrée de l'air et de la nature de cet air. S’il n’entrait que peu d’air, comme dans la dernière ex- périence que nous avons cilée, la coloration du sang était moins vive : si l’on fermait le robinet de la trachée- artère immédiatement après une expiration , c’est à-dire lorsqu'il restait moins d’air dans le poumon, ou méme qu’on prit la précaution préalable de faire le vide dans cet organe , d’en retirer tout l'air avee une seringue, le sang sortait noir de la carotide bien plus tôt qu’à l'ordinaire, probablement parce qu'il ÿ avait alors moins d’air dans l'organe pour continuer encore quelque temps l’héma- tose, Si, au contraire, le robinet n’était fermé qu'après une inspiration, c’est-à-dire lorsque plus d'air restait dans le poumon , ou même après avoir pris la précaution préalable d’en insufller une assez grande quantité dans cet organe , le sang sortait rouge de la carotide pendant un temps un peu plus long, probablement parce que plus d’air existant dans le poumon, pouvait entretenir plus long- temps l'hématose. Lorsque , après une occlu- sion quelque temps continuée de la trachée-artère , on ouvrait tout à coup le robinet, le sang de la carotide se montrait d'autant plus promptement rouge, et avec une couleur d’autant plus vive, que l'air qui se préci- pitait dans le poumon était plus riche en oxigène, où mêmpe était de l’oxigène pur. Si cette expérience était à 2064 FONCTION DE LA RESPIRATION. faite avec un air peu riche en oxigène , ou qui en man- quât tout-à-fait, le sang de la carotide était plus tardi- vement rougi, ou ne l'était que peu, ou même restait tout-à-fait noir. Si, enfin, on attachait au robinet de la trachée-artère une vessie pleine d’air, et qu’on forçât ainsi l'animal à respirer le même air, et un air non renouvelé, on voyait le sang de la carotide passer graduellement du rouge au noir, à mesure que l’air était épuisé de son principe oxigène. Ainsi, de toute certitude , l’enlève- ment de l’oxigène est un phénomène capital dans la respi- ration, il a une influence absolue sur l’hématose, et sans Jui cette hématose n’a pas lieu. En est-il de même de la production de l’acide car- bonique et de la sérosité animale ? et la respiration effectue-t-elle l’hématose , d’abord en fournissant au fluide à sanguifier un élément particulier , l’oxi- gène, et, ensuite, en dépurant ce fluide de quelques- uns de ses principes , d’où résulteraient l’acide carbo- nique et l’eau ? La production de l'acide carboni- que et de la sérosité animale ne pourrait , en effet, être chose essentielle pour l’hématose, qu’autant que ces matières proviendraient du fluide à sanguifier , soit directement , soit sous la forme de leurs élémens seule- ment, c’est-à-dire de carbone-et d'hydrogène, que l’oxi- gène enlevé changerait ensuite en acide carbonique et en eau. On ne peut répondre à celte question par des faits directs : on n’a pas, en eflet , de moyens de suspen- dre et de rétablir alternativement ces excrétions, afin de voir ce qui, dans chacun de ces cas, arrive par contre au fluide à sanguifier ; comme dans l'appareil de Bichat, on a pu, à son gré, permettre ou empêcher l’enlèvement de Foxigène, et examiner quelle influence avait l’une 200 — ————— RESPIRATION PROPREMENT DITE. 265 et l’autre circonstance sur le sang de la carotide. On ne peut prononcer que d’après des raisonnemens. La plupart des physiologistes croient le dégagement d’acide carbonique et de sérosité animale, phénomène capital de Fhématose , parce qu’ils considèrent ces ma- tières comme provenant du sang de l’artère pulmonaire, c’est-à-dire du fluide à sanguifier. Ils se fondent sur ce qu'une matière injectée dans l’artère pulmonaire va sourdre à la surface des bronches, et sur l’extrême fa- cilité avec laquelle des substances étrangères qui sont dans le sang veineux, ou que dans des expériences ins- tituées exprès on yainjectées , yiennent sortir par l’exha- lation pulmonaire. Les diverses matières étrangères que l'absorption a introduites dans-le sang veineux, viennent en effetse montrer dans la perspiration pulmonaire , aus- sitôt que dans toutes les autres excrétions. Des expérien- ces de M. Magendie semblent même prouver , que cette voie d’excrétion et de dépuration est plus librement ou- verte que toutes les autres : ayant injecté dans les veines d’un animal, ou de l’eau pure, ou mieux une eau mêlée d’éther , de musc, de camphre, c’est-à-dire d’une substance dont le moindre atome trahit la présence , ce physiologiste a vu cette eau sourdre aussitôt par la perspiration pulmonaire, être entreinée avec l’air expiré, bien que toutes les autres surfaces exhalantes, et la peau spécialement, n’en présentassent aucune trace : l'expérience était plus frappante, si la substance in- jectée était une huile tenant en dissolution du phos- phore, car le phosphore étant exhalé avec la perspi- ration pulmonaire , s’enflammait aussitôt , et l’animal expirait de la flamme. Or, si la perspiration pulmo- paire provient du sang veineux, comme semblent le 209 FONCTION DE LA RESPIRATION. prouver ces faits divers , il est d'autant plus permis de croire que cette excrétion concourt à l'hématose, que toutes les autres excrétions proviennent d’un sang artériel ; et l’hématose alors dépendrait autant de la dé- puration que le poumon fait subir au sang veineux , que de l'acquisition de l’oxigène. Telle était en effet l'opi- nion que s’élaient faite de la respiration, Hippocrate , Galien. Ges maîtres de l’art croyaient que dans la res- piration , d’une part, nous puisions dans l’air un principe subtil qu’ils disaient être la source de toute chaleur , de toute animalité , et qui du poumon était conduit au cœur el au cerveau pour être versé de là dans toutes les par- ties par les artères et par les nerfs ; et d’autre part, que notre sang se dépouillait de ses fuliginosités. Au contraire , d’autres professent une opinion inver- se, ou au moins doutent: s'appuyant, d’abord sur ce qu’il n’est pas certain, comme nous allons le dire, qu'il y aitun rapport entre la formation de ces produits excré- tionnels et l’enlèvement del’oxigène ; el surtout sur ce que la matière de Ja perspiration pulmonaire peut provenir aussi bien des artères bronchiques, c’est-à-dire d’unsang artériel qui n’a plus besoin de subir l’hématose , que du sang de l’artère pulmonaire. En effet, une injection poussée dans les artères bronchiques va sourdre aussi à la surface des bronches ; et les matières étrangères portées dans le système veineux, peuvent aussi bien parvenir à la perspi- ration pulmonaire , en supposant que cette sécrétion pro- vienne du sang des artères bronchiques : ne les voit-on pas en effet être expulsées par d’autres couloirs, la peau, par exemple, le rein P et ne sont-ce pas des artères qui fournissent à ces organes sécréteurs ? Ge qui justifie en outre le doute qu’au moins on peut concevoir ici, c’est A RESPIRATION PROPR£MENT DITE. 2! 7 que la matière de la perspiration pulmonaire a absolu- ment la même nature et la même composition que celle de la perspiration cutanée ; ceHe-ci est, comme la pre- mière, un mélange d’acide carbonique et de sérosité animale, et à coup sûr elle émane d’un sang artériel : pourquoi n’en serait-il pas de même dès-lors de la per- spiration pulmonaire ? D'ailleurs , si l’excrétion d'acide carbonique et de sérosité animale avait une grande part à l’hématose , tout sang devrait être rapproché du sang artériel en fournissant à cette excrétion; et à ce titre c’est du sang artériel que les veines devraient rapporter de la peau : or c’est le contraire. Ges raisonnemens sans doute ne suffisent pas pour faire rejeter toute part des excrétions de l'expiration sur l’hématose ; mais ils sont assez forts pour ébranler opinion opposée, et commander le doute sur cette question. Enfin, y a-t-il un rapport, une dépendance entre l'enlèvement de l’oxigène et l'apparition de l’acide car- bonique et de l’eau ? nous n'avons aucun moyen non plus de répondre directement à cette question; car, lorsque dans l'appareil de Bichat, on arrête l'enlèvement d’oxigène , en empêchant l'air d’entrer dans le poumon, on empêche aussi la sortie de la perspiration pulmonaire, et par conséquent on ne peut voir si cette perspiration a éprouvé des changemens consécutivement à la suppres- sion de l'air, comme en avait éprouvé l’hématose. On ne peut aussi avoir nne opinion à cet égard, que d’après des reisonnemens. Ainsi, si l’excrétion de la perspira- tion pulmonaire avait à l’hématose une part aussi grande que la préhension de l’oxigène , certainement il y aurait des rapports entre ces deux causes constituantes d’une 268 FONCTION DE LA RESPIRATION. même action élaboratrice; mais nous venons de voir qu’on ne pouvait prononcer sur la première question, et le doute où l’on est sur elle doit s'étendre à la secon- de. Ensuite , par ce rapport entre l’oxigène enlevé, et l'acide carbonique et l’eau qui se montrent en plus, en- tend-on que le premier a servi à la formation des se- conds, soit dans le poumon même par le contact de l’oxigène au sang veineux, soit dans les voies circula- toires , consécutivement à une absorption et à un trans- porten nature de cet oxigène dans le sang veineux ? or, les uns l’admetient, se fondant sur ce que la quantité d’oxigène qu'on retire de l’acide carbonique que rejette la perspiration pulmonaire , égale celle qu’a perdue l’air inspiré. Les autres le nient, récusant la réalité de ce dernier fait; faisant remarquer d’ailleurs que l’assertion ne serait au plus applicable qu’à l’acide carbonique, et non à la sérosité animale; établissant que l’acide carbo- nique et la sérosité de la perspiration pulmonaire sont les produits d’une action sécrétoire du poumon; s’ap- puyant enfin de faits dans lesquels la perspiration pul- monaire a contenu de même de l'acide carbonique et de la sérosité animale, bien que l'air qu’on avait respiré avant fût un air qui ne contint pas d’oxigène. Nous re- viendrons là-dessus ci-après , quand nous débatirons la théorie des chimistes sur la respiration. ‘ Ainsi, pour résumer ce que nous avons déjà dit; con- sécutivement à la dissémination dans le parenchyme du poumon , de l’air atmosphérique d’une part , et du fluide à sanguifier de l’autre, celui-ci instantanément s’est changé en sang artériel; sa conversion a exigé comme condition absolue l'intervention de l’oxigène; et enfin, RESPIRATION PROPREMENT DITE. 269 peut-être il a fallu qu’en outre il se dépurät de quelques parties qui forment la matière de la perspiration pulmo- naire. Mais nous n’indiquons là en quelque sorte que les résultats les plus évidens : que de questions à résou- dre, si l’on veut approfondir pleinement l'histoire de la respiration ? quelle est la part qu’a le poumon dans cette fonction, soit pour prendre l’oxigène, soit pour effectuer les excrétions de l’expiration, et, en un mot, pour accomplir par suite l’artérialisation du sang ? à supposer qu'il agisse, et qu'il ne fasse pas l'office d’un simple réservoir , de quel genre est l’action à laquelle il se livre ? par quelle voie pénètre l’oxigène, et comment ce gaz est-il appliqué au sang veineux ? enfin, en quoi sert ce gaz au grand changement que subit ce fluide ? voilà autant de questions bien importantes, sur lesquelles il reste encore beaucoup de choses obscures, mais sur Îles- quelles nous allons exposer l’état actuel de la science. D'abord , on ne peut assister à cette action d’héma- tose , et on ne peut connaître que ses résultats: C’est en premier lieu une action dont nous n’avons pas perCep - tion, et qui se produit indépendamment de notre vo- lonté , comme toutes les autres actions nutritives de no- tre économie qui consistent en une élaboration de ma- tière. En second lieu , c’est une action trop moléculaire pour qu’elle puisse être appréciée par les sens , et qui se passe d’ailleurs dans un lieu où ces sens ne peuvent par- venir , dans le système capillaire du poumon , aux extré- mités dernières des bronches ou des ramifications de l'artère pulmonaire. Il y a plus, l'ignorance où nous sommes sur le mode de terminaison des bronches et de l'artère pulmonaire, sur l’origine des veines pulmonaires, 270 FONCTION DE LA RESPIRATION, et sur les rapports qu’affectent entre eux dans leurs di-. visions capillaires ces trois systèmes , dont l’un apporte l’oxigène , élément indispensable de l’hématose, dont l’autre apporte le fluide à sanguifier, et dont le troi- sième exporte le fluide nouveau qui est le produit de l’é- laboration; notre ignorance, dis-je , sur tous ces points, doit ajouter à l'impossibilité de voir et d’apprécier par quelques-uns de nos sens l’action élaboratrice de l’hé- matose. Elle n’est donc connue quepar son résultat. Son siége précis est même inconnu, et l’on dit vaguement que c’est le sysième capillaire du poumon. Enfin, cette action d’hématose est impénétrable en son essence, aussi bien que toute autre, et nous ne pouvons dire d’elle que l’analogue de ce que nous avons dit sur toutes les autres actions de l’économie ; savoir : 1° qu’elle est l’œuvre du poumon, et que cet organe n’est pas passif lors de sa pro- duction; 2° qu'aucune action physique, mécanique ou chimique ne peut lui être assimilée , et qu’il faut la consi- dérer conséquemment comme une de ces actions spéciales aux corps vivans , et qu’on appelle à cause de cela or- ganiques et vitales. 1° Le poumon n’est pas passif dans l'acte de la respi- ration, dans l'hématose. Gomme le principe de l’air qui sert à l’hématose, l’oxigène, est un des agens les plus avides de combinaison; que, dans le fond des ramuscu- les bronchiques , ce principe est fort rapproché du fluide à sanguilier ; des chimistes, dont nous combattrons ci- après la théorie , avaient pensé que l’hématose résultait seulement de ce que l’oxigène par son affinité se portait brusquement sur le fluide à sanguifier, et le changeait en sang artériel. Le poumon dès lors était passif dans l’hématose, et n’y servait tout au plus que comme le RESPIRATION PROPREMENT DITE. 271 récipient des matières quise combinent. Mais rien n’est plus faux que cette assertion: le poumon agit dans la respiration ; c’est par son œuvre que ceile fonction s’ac- complit; c’est lui qui, d’un côté saisit dans l'air inspiré l’oxigène que réclame l’hématose, et qui d'autre part dans son pareachyme profond , effectue cette hémato- se. Voici les faits et les raisonnemens qui le prouvent. D'abord, nous avons déjà dit souvent que jamais aucun fluide de notre économie ne se formait par le fait seul de la réunion de ses principes composans , mais qu'il fallait toujours l'intervention d’un organe , d’un solide. Or, notre proposition trouve déjà un appui dans ce principe. Ensuite , nous avons dit aussique la quantité d’oxigène qui était enlevée dans chaque inspiration était toujours à peu près la même, quelle que soit la richesse de Pair inspiré. Qu’on respire en effet de l'air ordinaire, ou de l’oxigène pur, c’est toujours la même quantité de ce principe qui disparaît. Dans les expériences de Bichat, le degré de rougeur rutilante du sang de la carotide n’était en rapport avec le degré de richesse de l’air qu'on portait dans le poumon que jusqu’à un certain point; au-delà de ce point , celte rougeur n’augmentait pas, même lorsqu'on insufllait de l’oxigène pur dans la tra- chée-artère. Dans ces expériences , le sang de la carotide ne sortoitpas plus noir, soit qu’on se contentät d’empé- cher toute respiration , soit qu’en outre on insufilât dans le poumon un air d’une qualité délétère : et cela s’expli- queäisément; car le sang n’est pas noir parce qu'il devient tel , mais bien parce qu’il ne devient pas rouge, et reste ce qu’il était. Or, eet enlèvement de l’oxigène, dans une quantité toujours constante , peut-il se concevoir , si c’est 272 FONCTION DE LA RESPIRATION. en vertu de son affinité intrinsèque que cet élément s’u- nit au sang? quand l’oxigène abonde, ne devrait-il pas saturer ce liquide ? En troisième lieu, le poumon, comme tout autre or- gane du corps, peut se trouver pendant le cours de la vie dans des conditions de vitalité différentes ; et dans chacune de ces conditions aussi, la mesure dans laquelle l'oxigène de l’air est enlevé dans la respiration, et celle dans laquelle se fait l’hématose, varient. Ainsi, le pou- mon a une vitalité spéciale dans chaque âge, chaque sexe , chaque tempérament , chaque idiosyncrasie ; il diffère surtout dans l’état de santé et de maladie; et à coup sûr dans chacun de ces cas , la mesure dans laquelle l’oxigène est absorbé, ainsi que le caractère de l’héma- tose , diffèrent. À la vérité, on n’a pas fait encore les ex- périences propres à démontrer rigoureusement cette as- sertion; on n’a pas expérimenté, par exemple, quelle quantité d’oxigène est enlevée par inspiration dans cha- que âge, chaque sexe, chaque tempérament, ou quel caractère spécial offre le sang artériel en chacun de ces cas. Mais l’analogie de ce qui est dans toutes les autres fonctions , porte à croire qu’il ya ici des variétés comme dans toutes les autres actions. D'ailleurs voici quelques premiers essais faits à cet égard. Il paraissait probable que larespiration consume d’autant plus d’oxigène qu’on est plus jeune, tout dans le premier âge tendant à l’ac- croissement ; M. Edwards a par expérience trouvé le contraire, eta vu qu’onconsomme d’autant plus d’oxigène qu’on est arrivé à l’âge où l’on développe le plus de cha- leur. Ila vu aussi que les divers animaux ne consumaient pas cet oxigène aussi vite, et quela différence à cet égard pouvait être d’un tiers. Probablement que ce qui est OT RESPIRATION PROPREMENT DITE. 27 évidemment des diverses espèces animales , est aussi des divers individus d’une même espèce, des divers hom- mes, par exemple; et probablement que chacun a sous ce rapport sa mesure propre, comme il a sa dose d’ap: pétit. Nysten, seul jusqu’à présent, a tenté des expé- riences pour prouver que les altérations qu’éprouve l'air dans la respiration, sont un peu différentes dans l’état de maladie de ce qu’elles sont en santé ; maïs il n’a pas expérimenté en même temps si l’hématose avait éprouvé des modifications coïncidentes ; sans doute c’est @erce qu'il ne savait comment les apprécier. L’impossi- bilité de prolonger ces expériences un peu long-temps, et les quantités très-pelites d’oxigène qui sont consu- mées dans la respiration , ont empêché Nysten d'arriver à des résultats précis ; mais ces expériences ont montré qu'il était très-probable , que dans l’état de maladie , les phénomènes dits chimiques de la respiration, c’est-à- dire les altérations de l’air et l’hématose , offraient quel- ques différences d’avec ce qu’ils sont dans l’état de santé. A l'appui de cette assertion , on a rapporté que dans les fièvres adyramiques , dans le sommeil, dans l’asthme, on expirait moins d'acide carbonique. Mais, il est dou- teux que la production d’acide carbonique soit partie essentielle de la respiration; et de plus, dans les circons- tances que nous venons d'indiquer, il y a lésion des phé- noniènes inspirateurs et expirateurs , et il est possible que les différences qu’offrent les phénomènes dits chi- miques tiennent au trouble des premiers. Une preuve bien meilleure est ce fait, qu'aux approches de la mort Vair sort du poumon à peu près tel qu’il y estentré, sans avoir été dépouillé de son oxigène, le poumon n’ayant plus assez de force pour en effectuer la préhension ; 3. 18 274 FONCTION DE LA RESPIRATION. ce fait, s'il est avéré , est bien propre à prouver que la respiration est le produit d’une action quelconque du poumon. Pour résoudre la question qui nous occupe, on a fait la section ou la ligature de la huitième paire de nerfs, afin de paralyser l’action du poumon, et d'empêcher toute hématose, comme par elle on paralysait l'estomac , et arrêtait la chymification. La respiration , .en.effet, est une fonction qui est encore assez éloignée du dernier terme de l’assimilation pour qu’elle soit dépendante d’une influence nerveuse ; et il importait de voir si elle se s pend quand on l’en prive, quand on coupe ou qu’on lie la huitième paire de nerfs. Cette expérience a été faite un grand nombre de fois; et comme ce nerf.se distribue à beaucoup d’organes en même temps, particulièrement au larynx, au poumon, au cœur et à l'estomac, il en résulte déjà que, si sa section est pratiquée à un lieu su- périeur à celui d’où partent les rameaux qui vont à ces divers organes , au-dessus du col, par exemple, elle amène des lésions dans toutes les fonctions de ces orga- nes, dans la voix, la circulation , la respiration et la digestion. De là , pour le dire en passant, les dissidences des auteurs sur la cause de la mort qui suit toujours plus ou moins prochainement cette section; les uns la faisant consister dans la suspension de la circulation, les autres dans celle de la respiration, et d’autres enfin dans celle de la digestion. On concoit que, pour appré- cier l'influence de ce nerf sur chacune de ces quatre fonctions , il fallait ne couper que ceux de ses rameaux qui vont à un de ces quatre appareils, laissant les au- tres intacis; et cela successivement pour les quatre or- ganes. C’est ce qu'a tenté M. Dupuytren dans des ex- t RESPIRATION PROPREMENT DITE. 259 périences dont il a fait le sujet d’un Mémoire à l’Institut. Dans une première expérience, n’ayant coupé que les nerfs laryngés supérieurs , iln’a observé que la lésion de la voix, qui était aflaiblie et devenue rauque. Dans d’au- tres expériences , il a tenté de couper les nerfs cardia- ques seuls, pour n’avoir que des lésions de la circulation; mais il n’a pu y parvenir. Au contraire, il a pu couper séparément les laryngés supérieurs et inférieurs, et alors il a eu une aphonie complète. Enfin , il a tenté la sec- tion du nerf au-dessous des plexus pulmonaires ; elle est fort difficile à faire ; le plus souvent, l’animal est mort subitement ; mais enfin quelquefois il a survécu, ét il n'existait alors de lésions que dans la digestion. Mais , pour nous borner ici aux seuls effets de cette expérience sur la respiration, pendant long-temps on se borna à constater les effets qu’elle entraîne dans les phénomènes locomoteurs de cette fonction. Par exem- ple, on se contentait de dire qu’il y avait dyspnée , res- piration précipitée , et que la mort arrivait plus ou moins promptement , six heures, douze heures, deux jours, trois jours après l'expérience , selon l’espèce d’a- nimal , son âge et le degré d'importance qne nous offre dans son organisation le nerf vague par opposition au grand sympathique. Bichat lui-même ne pensa pas à rechercher quelles lésions cette section peut entraîner dans les phénomènes profonds de la fonction, c’est-à- dire les altérations de l'air d’une part, et Fhématose de l’autre. Voyant que, lors de cette section, la mort ne “survenait qu'après quelques heures , et même un et deux Jours, et sachant de quelle nécessité prochaine était pour la vie l’hématose, il conclut que cette hématose se faisait toujours. Pour en être sûr, il fallait examiner, 18* 4 276 FONCTION DE LA RESPIRATION:. d’une part, quelles altérations avait éprouvées l’air de l'inspiration consécutivement à cette lésion , et, d’autre part, quelle espèce de sang sortirait d’une artère. Il est bien élonnant que l'appareil que ce physiologiste avait imaginé, et dont nous avons déjà tant parlé, ne lui en ait pas inspiré l’idée. C’est M. Dupuytren qui l’a concue et exécutée sur des chevaux et des chiens. D'un côté, il coupa à ces ani- maux les nerfs vagues et grands sympathiques; de l’au- tre , il ouvrit une artère de la face, et il vit que le sang qui avant la section coulait, de ceite artère, rouge et artériel , sortait alors noir et veineux, et d’autant plus noir, que la section était plus ancienne. En même temps les membranes de la bouche étaient toutes violettes A indice que c'était un sang veineux et non artériel qui leur arrivait. Toutes les artères du corps étaient pleines d’un même sang, qui cependant était un peu moins noir que celui qui remplissait les veines ; ce qui prouvait que l’hématose s'était faite encore en partie. Enfin, M. Du- puytren remarqua que, si, au lieu de couper les nerfs, il ne faisait que les comprimer , tour à tour le sang sor- tait de l'artère faciale , noir ou rouge, selon qu’il con- tinuait ou cessait la compression. De tous ces faits, ce professeur conclut donc, que lors de la section des nerfs vagues , l'hématose ne se fait plus, ou au moins très- imparfaitement , parce que le tissu du poumon est pa- ralysé. Il a grand soin d'observer , que les troubles qui sont survenus dans les phénomènes inspirateurs et ex- pirateurs, ne sont pas suflisans pour expliquer la cessa-l tionou la grande imperfection de l'hématose. La mort arrive après dix heures chez les chevaux , et après deux ou trois jours, chez les chiens. Il se fit bien çette objec- DA RESPIRATION PROPREMENT DITE, 277 hon, que si l’hématose avait cessé tout-à-fait de se faire, la mort aurait dû être subite : mais il lui parut aisé d’ex- pliquer pourquoi l’hématose continuait de se faire encore quelque temps ; c’est que linfluence nerveuse a employé quelque temps à s’éteindre. On sait, en eflet, que l'in- fluence nerveuse d’un organe isolé s'éteint d’autant plus tardivement , que cet organe est chargé d’une fonction moins animale; que le système nerveux d’un organe est d'autant moins dépendant du cerveau , que cet or- gane est chargé d’une fonction moins animale : or c’est ce qui est du poumon, considéré dans sa fonction éla - boratrice profonde. D'ailleurs, il y a une observation de Bohn, où la mort survint subitement. M. Dupuytren, dans ses expériences, n’avait constaté, des effets de la section de la huitième paire, que ceux qui sont relatifs à l’hématose; il avait négligé de recher- cher ceux qui concernent l'air. M. Provencal, en répé- lant l'expérience , répara cette omission ; et il vit, qu’en même temps que l'artère faciale avait fourni un sang noir consécutivement à la section du nerf, Fair inspiré avait perdu moins d’oxigène; l'air expiré contenait moins d'acide carbonique, et l’animal était froid. Ainsi était confirmée l’idée que le poumon agissait dans la respira- lion, et n’était pas un simple récipient pour jes maté - riaux de l’hématose. À la vérité, Dumas dit avoir vu le sang veineux de- venir artériel, chez des animaux auxquels il avait coupé les nerfs vagues , el cela en leur insufllant du gaz OXI- gène dans le poumon, M. Blainville protesta avoir ré pété les expériences de MM. Dupuytren et parent $ sans en avoir obtenu les mêmes résultats; de sorte que le sang des artères lui avait paru également rouge, et 278 FONCTION DE LA RESPIRATION. l'air être également privé de son oxigène. Enfin , M. Bro- die , en Angleterre, assura avoir vérifié que , lorsque sur un animal décapité on entretient la vie quelque temps encore par l’insufilation pulmonaire , c’est du sang arté- riel qui est projeté dans les artères. Mais d’abord , d’au- tres physiologistes confirmèrent les conséquences de M. Dupuytren, MM. Magendie et Legallois , par exem- ple. M. Magendie dit, que lorsque la mort ne suit pas soudain la section des nerfs vagues, elle arrive toujours après quelques jours , et avec des phénomènes qui prou- vent que le poumon paralysé n’a plus effectué qu'im- parfaitement l'hématose, et à la fin s’y est refusé tout-à- fait. Le premier jour, dit-11, l’hématose se fait encore; mais il y a gêne de la respiration : les mouvemens d’in- spiration sont plus étendus et plus rapprochés ; l'animal \ paraît y apporter une attention particulière ; le second jour, ce trouble augmente, et déjà le sang tiré d’une artère paraît plus sombre, moins chaud; le troisième jour , tous ces phénomènes sont encore plus prononcés : l'animal emploie pour respirer toutes les puissances de Finspiration ; le sang, qui remplit les artères, paraît être veineux; l'air, qui est respiré , perd de moins en moins d’oxigène; il se forme aussi de moins en moins d'acide | carbonique; l'animal est manifestement refroidi; enfin, | il meurt, et l’on trouve dans son cadavre toutes les | bronches pleines d’un liquide écumeux , quelquelois | sanguinolent , le tissu du poumon engorgé , et toute l’ar- ière pulmonaire distendue par un sang d’une couleur. noire très-foncée. L M. Legallois surtout , en consacrant les mêmes effets ! de la section des nerfs vagues, répandit une nouvelle lu- mière sur |: question; en démontrant que çes effets te- RESPIRATION PROPREMENT DITE. 279 naient plus à la lésion des phénomènes profonds de la fonction , qu’à celle des phénomènes d'inspiration et d'expiration. La section des nerfs de la huitième paire doit ,en effet, porter sur les uns et sur les autres; car, en même temps que quelques-uns des filets de ces nerfs se distribuent au tissu pulmonaire, d’autres se distri- buent aux muscles de la glotte; et, dès lors celle - ci doit être paralysée comme le poumon lui - même. Or nous avons vu qu'il fallait que celle-ci s’ouvrit à chaque inspiration : dès. lors la section de la huitième paire de- vait gêner les inspirations, amener de la dyspnée ; et peut-être que la diminution de l’hématose et l’engorge- ment du poumon dépendaient du trouble des inspira- tions. Pour séparer ces deux effets, Legallois imagina de faire à la trachée-artère , une ouverture qui permit l'entrée de l'air malgré la paralysie de la glotte; et il vit qu'alors , en effet, les phénomènes d'inspiration et d'expiration n'étaient plus gênés, mais que le sang sor- tait toujours de l’artère, noir ou moins rouge. La respi- ration était d’abord facile, et elle ne devenait anxieuse qu'à mesure que, consécutivement à la paralysie du pou- mon , le tissu de cet organe s’engorgeait, et n’offrait plus un libre accès à l’air. L’hématose allait en s’affai- blissant jusqu’à la mort; le poumon devenait le siése d’un engorgement , sanguin si la mort était prompte . séreux si ke mort était His tardive , mais qui Ctait porté au point d'empêcher le poumon de surnager, et qui, en s’opposant au libre accès de l'air, tee cette 4 dsypnée nt va en croissant jusqu’à la mort. Restent, à la vérité, les faits contradictoires de MM. Hesse et Brodie. Mais que peuvent-ils contre les faits positifs des autres expérimentateurs ? D'ailleurs, 280 FONCTION DE LA RESPIRATION. on en donnerait encore une explication; on peut ac- cuser ici, ou quelque omission dans la manière de faire l'expérience , les extrémités du nerf ayant été laissées en contact; ou la persistance pendant quelque temps encore, de l'influence nerveuse qui ne s’est éteinte que graduellement. Remarquons , en effet , qu’on ne dé- iruit pas directement les nerfs du poumon; on ne les attaque que par l’intermède des systèmes nerveux supé- rieurs , du cerveau , par exemple , ou des nerfs qui sont intermédiaires à eux et au cerveau. Or, l’in- fluence des systèmes nerveux supérieurs, du cerveau, sur les systèmes nerveux inférieurs , est en raison de l'animalité de la fonction à laquelle ces derniers prési- dent; et comme.la respiration n’est pas au premier rang dans ces fonctions, qu’au contraire elle en est assez éloignée, en ce qui concerne l’action du parenchyme du poumon lui-même, on conçoit que le travail de cet organe sur l’air doit continuer encore un peu, malgré la lésion du cerveau , ou la ligature de la huitième paire. Dès lors ce n’est qu'après quelques heures que l’as- phyxie doit survenir, et en outre cette asphyxie devra être graduelle. C’est ce qu’on observe , en effet, dans les expériences de MM. Magendicet Legallois ; et siMM. Bro- die et Blainville avaient examiné le sang des artères, non pas seulement dans le commencement de l’expé- rience, mais pendant toute sa durée et à sa fin, proba- blement ils auraient vu ce sang devenir graduellement veineux. D'ailleurs , la différence des résultats peut tenir à ce qu'on a expérimenté sur des animaux de diverses espèces et de divers âges, chez lesquels, conséquem- ment, la respiration n’est pas d’une égale nécessité , et l'innervation cérébrale d’une égale importance. PA RESPIRATION PROPREMENT DITE. 201 Ainsi, puisque la perte pour le poumon de son in- fluence nerveuse , la paralysie de cet organe, affaiblis- sent d’abord , et enfin arrêtent complètement les phé- nomènes profonds de la respiration, l’hématose, on ne peut admettre que cet organe soit passif en celte action. Enfin , ce qui achève de le prouver, c’est que si le poumon n’était dans la respiration que le récipient où se passe l’action, en poussant de l’oxigène dans le poumon d’un cadavre, on devrait artérialiser tout le sang qui y est contenu. Or, c’est ce qu’a tenté, mais en vain, M. Du- puy de Lyon. Ainsi , le poumon agit dans la respiration. Nous nous sommes étendus sur ce premier point , parce qu'il est déjà une des objections les plus fortes qu’on puisse faire à la théorie des chimistes sur la respiration , comme on le verra ci-après. 2° Nous venons de prouver que le poumon agit dans la respiration ; maintenant en quoi consiste son action ? Si l’on peut prouver qu’elle n’est ni physique , ni chimique, il en résultera qu’elle est organique et vitale. Exposons pour cela les diverses théories mécaniques et chimiques qui ont été proposées sur la respiration. Théorie mécanique. Plusieurs physiologistes , tout en reconnaissant que l'office de la respiration est de faire le sang, ont pensé que celte fonction agissait pour cela d’une manière mécanique ; ils ont établi que le mélange de chyle, de Iymphe et de sang veineux se change en sang artériel pendant la respiration , per suite des at- iritions , des altérations comminutives que ces fluides éprouvent en traversant les filières capillaires du pou - mon. Mais, si une parcille théorie était fondée , pour- 282 FONCTION DE LA RESPIRATION. quoi la respiration serait-elle en quelque chose dépen- dante de la vitalité du poumon ? À quoi bon le dépouil- lement d’oxigène , que nous avons vu être un phéno- mène capital de la fonction ? Certainement , entre le sang veineux ét le sang artériel, il n’y a pas de simples différences de forme et d’état, mais bien des différences de nature; et celles-ci ne peuvent jamais être l’effet d’une action purement mécanique. Théorie chimique. Un plus grand nombre de physio- logistes ont supposé toute chimique l’action quelconque qui se passe dans le poumon , et dont le résultat est l’hé- matose ; voulant exprimer par là, non-seulement que cette hématose était une transformation de matière , se faisant de molécule à molécule, mais encore qu’elle re- connaissait pour cause les lois chimiques générales. Des chimistes de notre temps, et dont les noms fondent à juste titre d’imposantes autorités, ont même professé ce point de doctrine comme désormais irrécusable : cepen- dant nous le croyons erroné, d’après les détails dans les- quels nous allons entrer. La théorie chimique de la respiration , que l’on pour- rait supposer l’œuvre des chimistes de notre âge, date d’une époque plus ancienne; Mayow , qui fut sur le point de découvrir la chimie pneumatique, l’imagina en son iemps. Ce'chimiste établit, en eflet, que dans la respi - ration , une partie de l’air, qu’il appelle sel oütal , igné, férmentaiif, esprit nitro-aérien , s’unit aux parties sul- fureuses du sang pour en dépurer ce liquide , et lui four- nir dés molécules dont il a besoin pour se mouvoir; et que c’est consécutivement à cette combinaison entre une partie de l'air et certaines parties du sang veineux , que ce sang veineux est artérialisé : il ajoute en même RESPIRATION PROPREMENT DITE. 283 temps que celte fonction de la respiration est, d'autre part , la source de la chaleur animale. Or on va voir que c’est là réellement la théorie des chimistes de nos jours, avec une différence dans les termes ; le selwital , ioné, nitro-aérien de Mayow étant ce qu’on appelle aujourd’hui l'oxigène; et les parties sulfureuses du sang veineux étant le carbone et l'hydrogène qu’on dit être enlevés au sang veineux. Dans la théorie chimique actuelle, on professe que l’oxigène qui est enlevé à l'air , s’unit à quelques parties du sang veineux , à du carbone et de l'hydrogène de ce sang ; que le résultat de cette union est l'acide carbo- nique et l’eau qui se montrent dans l’air expiré; qu’ainsi le sang veineux dépuré de son carbone et de son hydro- gène est artérialisé; et qu’enfin, par suite de toutes ces combinaisons, il se dégage assez de chaleur pour entre- tenir le corps à sa température propre. Le fond de cette théorie est de faire produire l'acide carbonique et l’eau de l'expiration, avec l’oxigène qui a disparu dans l’inspi- ration, et d’assimiler la respiration au phénomène chi- mique de la combustion. Entrons dans les détails. On sait que le contact de l’air est nécessaire à toute respiration ; que dans toute respiration l'air est dépouillé de son oxigène; qu'iln’y à d’air propre à entretenir la respiration que celui qui contient de l'oxigène, et qui cède ce principe avec facilité ; que toute respiration consumant de l’oxigène , exige , pour se continuer, que l'air soit renouvelé; que sans ce renouvellement, elle cesse bientôt d’être possible ; qu’elle s'arrête cependant avant que tout l’oxigène de l'air oùelle se fait soit épuisé, et cela à cause de l'acide carbonique que l'expiration fournit; qu'enfin, elle se continue plus long-temps, 284 FONCTION DE LA RESPIRATION. lorsqu'elle s'effectue dans du gaz oxigène pur. Tous ces faits résultent de tout ce qui a été exposé jusqu'à pré- ‘sent. Or, il est remarquable que toutes ces proposilions sont vraies aussi de la combustion. Toute combustion exige le contact de l'air; elle consume une partie de l'oxigène de l'air dans lequel elle se fait; il n’y a d’air propre à permettre et à entretenir la combustion, que celui qui contient de l’oxigène , et le cède avec facilité ; toute combustion consumant de l’oxigène, exige, pour se continuer, que l'air dans lequel elle se fait soit re- nouvelé; sans ce renouvellement elle cesse bientôt d’être possible ;elle s’arrête cependant avant que tout l’oxigène de l’air dans lequel elle se fait soit épuisé , et cela aussi à cause de l’acide carbonique que cette combustion dé- gage; enfin, elle se prolonge plus long-temps dans l'oxigène pur. Tout paraît donc commun au premier aspect entre la respiration et la combustion, d’autant plus que l'air qui a servi à l’une de ces actions n’est plus propre à l’autre ; que celui qui a été respiré ne peut plus entretenir la combustion des corps, et que celui qui à servi à la combustion ne peut plus entretenir la respira- tion. Or, d’après ces analogies et plusieurs autres que nous allons rappeler , à mesure que nous exposerons la théorie chimique, les chimistes ont assimilé. la respira- üon àune combustion. Ainsi, quese passe-t-il dans toute combustion ? L’oxigène de l’air dans lequel se fait la combustion , se combine aux élémens carbone et hydro- gène du corps qui brûle; il en résulte formation d’acide carbonique et d’eau qui se dégagent en fumée; etcomme dans cette combinaison, l’oxigène passe de l’état d’un gaz très-rare, c’est-à-dire contenant beaucoup de calo- rique interposé entre ses molécules, à l’état d’un gaz RESPIRATION PROPREMENT DITE. 289 beaucoup plus dense, ou même d’un liquide, tout le calorique que contenait cet oxigène en son premier état, ne peut être contenu dans la matière nouvelle qu’il forme dans le second, il se dégage ; et de là, la production de la chaleur qui est observée. De même, dans la respiration, l’oxigène de l’air inspiré se combine avec le carbone et l'hydrogène du fluide à sanguifier ; il en résulte forma- tion d'acide carbonique et d’eau qui sont expirés ; et comme ,dans ces combinaisons, l’oxigène passe aussi de l'état d’un gaz fort rare , à celui d’un gaz plus dense, même d’un liquide, il y a aussi grand dégagement de calorique , et ce calorique devient la source de la haute température à laquelle se maintient constamment le corps humain. Ainsi , l’hématose est due à la combustion par l’oxigène de l'air, des parties carboneuses du sang veineux , probablement de la matière colorante de ce sang, dit M. T'hénard. Telle est la théorie chimique de la respiration en gé- néral; car cette théorie a subi successivement diverses modifications , dont nous devons faire connaître au moins les principales. Voici comme Lavoisier la présenta en premier lieu : l’oxigène ; qui a disparu dans l’air inspiré , a été partagé en deux parties dont on ne peut connaître les proportions respectives; l’une, traversant la mu- queuse des bronches s’est portée sur le sang veineux, et en à brûlé le carbone, d’où est résulté l’acide carboni- que que contient l'air expiré; l’autre , traversant de même la muqueuse, a pénétré en nature dans le sang , a Circulé avec ce fluide, et, chemin faisant , en a brûlé le car- bone. Lavoisier admettait ce partage de l’oxigène , non qu'il ait retrouvé une partie de ce gaz dans le sang vei- neux , Mais parce que ne retrouvant pas dans lacide 286 FONCTION DE LA RESPIRATION. carbonique expiré autant d’oxigène que l'air de linspi- ration en avait perdu, il fallait indiquer ce qu'était de- venu le surplus d’oxigène , et par conjecture il le faisait consumer par celte voie. En même temps la quantité de calorique dégagé était la source de la chaleur animale. Lavoisier établit sa théorie sur les analogies qui ont été rapportées plus haut, et en même temps sur quelques expériences : ainsi , Cygna , Priestley, Goodwin expéri- mentèrent que du sang veineux mis en contact sous une cloche avec du gaz oxigène, rougit, parut devenir arté- riel, et que dans la cloche se retrouva de l'acide car- bonique; cette expérience ne présentait ces résultats qu'avec des gaz qui contenaient de l’oxigène , et cédaient ce principe avec facilité. De même , assenfratz remplit de sang vemeuxune vessie , placa le tout sous une cloche pleine de gaz oxigène, et obtint les mêmes résultats. L’ex- périence semblait ici offrir cette similitude de plus avec la respiration , que l’oxigène modifiait le sang veineux au travers d’une membrane, comme cela paraissait être dansle poumon. Enfin, pour confirmer cette partie de Ja théorie , qui fait du calorique dégagé par la respiration la source de la chaleur animale , on faisait remarquer qu’il y a en effet dans la série des animaux un rapport constant entre la chaleur du corps et l’étendue de la respiration : mais, pour ne pas trop compliquer la ques- tion , négligeons cette partie du système qui retrouvera sa place ailleurs. Dans cette première expression de la théorie chimi- que de la respiration , il n’était question encore que de la combustion du carbone du sang veineux : on ne par- lait pas de celle de l'hydrogène. Ge fut en 1780, que Lavoisier, de concert avec M. de Laplace, y fit cette RESPIRATION PROPREMENT DIT£&. 287 importante addition : et voici quelles en furent les cau- ses. Nous avons dit que Lavoisier ne retrouvant pas dans l’acide carbonique expiré , tout l’oxigène qui avait disparu , avait émis qu’une partie de cet oxigène avait passé en nature dans le sang : or on lui contesta ce fait, sur ce que vainement on avait cherché de l’oxigène dans le sang; et il lui fallut dès lors trouver une autre cause de la disparition de ce principe. D’autre part, il remar- qua que la solidification de l’oxigène dans l'acide car- bonique, ne pouvait suffire à donner tout le calorique nécessaire à la haute température que présente l’homme; et ce fut pour lui une nouvelle raison de penser , que dans la respiration était encore brûlé un corps autre que le carbone, qui employait le surplus d’oxigène , et dans la combustion duquel l’oxigène , encore plus solidifié que dans l’acide carbonique, donnait lieu à un dégagement plus considérable de calorique. Il pensa dès lors que le produit de cette autre combustion devait , Comme ce- lui de la combustion du carbone, l'acide carbonique , se trouver dans l'air expiré; et, ne voyant de plus dans celui-ci que de la sérosité, il concut que l'élément qui était brûlé avec le carbone, était de l'hydrogène. Dès lors, dans la respiration, l’oxigène de l’air inspiré brû- lait le carbone et l'hydrogène du sang veineux, d’où l’a- cide carbonique et l’eau qu’on retrouve dans l’air expi- ré. Lavoisier observa, d’ailleurs , À l’appui de son addi- tion , qu’en mettant du sang artériel en contact avec de l'hydrogène , ce sang artériel prenait une couleur som- bre, et paraissait devenir veineux. Toutefois dès lors L la respiration fut tout-à-fait assimilée à la combustion. Dans un Mémoire que Lavoisier publia , de concert avec Séguin ; en 1789, celte fonction est mise en parallèle 200 FONCTION DE LA RESPIRATION. avec la combustion d’une lampe: dans celle-ci, le car bone et l'hydrogène de l’huile et de la mèche étant brû- lés par l'air, comme le sont ces mêmes principes du sang veineux dans la respiration. Bientôt, quelques physiologistes ayant observé que la pénétration mécanique de l’oxigène à travers les pa- rois de la membrane muqueuse des bronches, était un phénomène contraire à toutes les lois connues de la phy- siologie , les chimistes dirent que les dernières ramifica- tions de l'artère pulmonaire exhalaient dans les vésicules des bronches du gaz hydrogène carboné , et que c'était à que loxigène en effectuait la combustion. Ensuite, Lagrange fit remarquer que, d’après toutes ces théories , le poumon devrait être brûlé, par suite du grand dégagement de calorique qu’entraînent les dé- compositions continuelles qui ont lieu dans son inté- rieur ; et il s’étonna que cet organe n'ait pas au moins une chaleur supérieure à celle des autres. Dès lors on cessa de placer le siége de la combustion dans le pou- mon, et on le transporta dans les voies même de Ja circulation. On établit que, dans le poumon , loxi- gène était simplement absorbé ; qu'introduit en nature dans le sang veineux, ce gaz circulait avec ce fluide, et, chemin faisant, en brûlait le carbone et l'hydrogène; qu’ainsi il en résultait de l'acide carnonique et de l’eau ; que ces produits circulaient avec le fluide, lui restant mêlés quelque temps, et qu’enfin ils venaient s’exhaler dans le poumon. On cita, comme preuves de l’introduc- tion de l’oxigène en nature dans le sang, des expériences de Girtanner , dans lesquelles du sang artériel de bre- bis ayant été placé sous une cloche pleine de gaz azote, avait, après trente heures , dégagé assez d’oxigène pour RESPIRATION PROPREMENT DITE, 289 qu'une bougie ait pu brûler deux minutes dans la cloche : on ajouta que la présence de l’oxigène dans le sang, élait nécessaire pour exciter les contractions des cavités gau- ches du cœur , et pour oxider le fer et produire la cou leur rouge de ce fluide. Quelques chimistes n’admirent qu'à moitié cette mo- dification de Lagrange : ils dirent que partie de l’oxi- gène de l'air est absorbée pour aller brûler le carbone et l'hydrogène du sang veineux dans le torrent circu- latoire ; mais ils ajoutèrent que la combustion de ces deux élémens ne se faisait qu’à moitié, de sorte qu’au lieu d’acide carbonique et d’eau, l’on n'avait que de l'oxide de carbone et de l’oxide d’hydrogène qui venaient s’exhaler dans le poumon , et dont la combustion s’ache- vait là par le reste de l’oxigène de l'air inspiré : l’oxide de carbone était ce qui donnait au sang veineux sa cou- leur noire, et l’oxide d’hydrogène ce qui lui donnait sa plus grande fluidité. Enfin, d’autres chimistes continuèrent de regarder le poumon comme le siége de la combustion; et, pour échapper à ia difficulté qu'avait élevée Lagrange , ils dirent que le sang artériel, ayant beaucoup plus de capa- cité pour le calorique que le sang veineux, s’emparait , à mesure qu'il était fait, de tout le calorique qui était dé- gagéset qu'ainsi ce calorique ne pouvait plus exercer aucune action sensible sur ie poumon. Il leur fut même beaucoup plus facile par à, de concevoir le phénomène de la chaleur animale, puisque tout le calorique dont s'était chargé le sang artériel , n'était dégagé de ce fluide que lorsque “Re dans les organes, il y changeait de nature et redevenait veineux en accomplissant les nu- iritions , Les sécrétions, etc. ) LA d, : 19 290 FONCTION DE LA RESPIRATION. Telles sont les principales variantes de la théorie des chimistes sur la respiration. Leur nombre seul est déjà une présomption contre la vérité de cette théorie ; mais, en outre. elle est susceptible d’objections telles qu’elle ne peut plus être admise. Nous allons séparer ces obJjec- tions , selon qu’elles s’appliquent à l'hypothèse qui place le siége de la combustion dans le poumon lui-même , ou selon qu’elles ont trait à celle qui le place dans les voies circulatoires. Et d’abord , une objection capitale à faire à la pre- mière, c’est qu’elle attribue à la seule affinité intrin- sèque de l’oxigène, son application au fluide à sanguilier, con enlèvement à l'air respiré, quel que soit le mode se- lon lequel il concourt à l’hématose; et qu’ainsi elle ré- duit le poumon à n'être que le récipient passif dans lequel se produisent les combinaisons. Or nous avons prouvé que l'hématose en général, et par conséquent chacun des élémens desquels elle résulte, la part qu'y a l’oxigène , par exemple, sont des œuvres du poumon et les résultats de son mode d’action. N’avons-nous pas vu , en effet, les altérations qu'éprouve l’air dans la respiration d’une part, et la conversion du fluide à san- guifier en sang artériel de l’autre, se faire en des me- sures différentes, selon les états divers de vitalité du poumon? être différentes , par exemple , en chaque âge, chaque individu, selon l’état de santé, de maladie ? ne Jes avons-nous pas vues être tout-à-fait impossibles après la mort, et être rendues nulles par la section des nerfs du poumon ,et par la paralysie de cet organe? À sup- poser donc que la théorie chimique ait bien spécilié le mode selon lequel l’oxigène concourt à l’hématose, et que ce soit en brûlant le carbone et l’hydrogène du RESPIRATION PROPREMENT DITE, 291 sang veineux que ce principe agisse , il faudrait déjà admettre que ce n’est pas l’aflinité chimique générale qui règle son application , mais bien la vitalité du poumon. Une seconde objection à la théorie chimique de la respiration, est qu’elle suppose le passage Inorganique de loxigène à travers les parois de la membrane mu- queuse des bronches. Nous rechercherons ci-après com- ment pénètre l’oxigène; mais il est sûr que le mode selon lequel on le fait pénétrer ici, choque toutes les lois connues de la physiologie. Comment , d’ailleurs , ACCOr- der cette introduction toute passive de l’oxigène , avec les faits qui prouvent que c’est la vitalité du poumon qui règle la mesure dans laquelle cet oxigène est employé? Les membranes animales sont généralement trop denses pour permelire une telle perméabilité, et surtout la membrane du poumon qui est toujours enduite-d’un mu cus assez épais. Enfin , des expériences ont prouvé que l’on ne pouvait , à l’aide de loxigène, changer du sang veineux en sang artériel, pendant la vie, à travers les parois de la veine qui le contient. Goodwin a mis à nu les veines du col sur un animal vivant, il a dirigé sur elles un courant de gaz oxigène , et après deux minutes et plus, il n’a pas vu que le sang de la veine ait changé de couleur : Bichat a de même poussé de l’oxigène dans des portions d’intestin , dans la vessie, dans les aréoles du tissu cellulaire; et, bien que le gaz y ait fait un long séjour , il n’a pas vu que le Sang rapporté par les veines de ces parties ait changé de couleur. En troisième lieu , la théorie chimique que nous dis- cutons , admet que l'acide carbonique:et la séresité xnimale que présenteyl'air expiré , ont été formés de 19* 292 FONCTION DE LA RESPIRATION-. toutes pièces , par l’oxigène de l'air inspiré , d'une part, et par quelques parties du fluide à sanguifier, de l’autre. Orelle admetune pareille proposition sans aucunes preu- ves , et beaucoup de faits et de raisonnemens miktent con- tre elle. D’abord on à vu que cen’étail pas dès le principe que les chimistes avaient admis la formation de toutes pièces de la sérosité animale , par la combustion de Fhy- drogène du sang veineux ; ce n’est que lorsqu'ils recon- nurent que l’oxigène qu’on retirait de l’acide carboni- que ne pouvait pas représenter tout celui qu'avait perdu l'air inspiré, el lorsqu'ils eurent conçu la nécessité de trouver pour leur théorie de la chaleur animale , la com- bustion d’un principe qui solidifiât encore plus l’oxigène que ne le fait celle du carbone. Or on peut déjà con- Lester ces deux motifs : quelques chimistes , MM. Davy et Gay - Lussac, par exemple , trouvent une coincidence entière de quantité entre l’oxigène qu’on retire de la- cide carbonique , et celui qu'a perdu Fair inspiré : et, d'autre part, on peul nier ou auirement expliquer la grande part que les chimistes accordent à la respiration pour la production de la chaleur animale. Mais ensuite, voulant bien oublier que c'est l'imagination seule qui conduisit d’abord les chimistes à admettre la formation de toutes pièces d’eau dans la respiration , n'y a-t-il pas des faits qui s'opposent à ce qu’on y croie? Dans nos, laboratoires de chimie, et dans la nature inorganique ; nous ne voyons jamais l’oxigène se combiner à l’hydro- | gène pour former de l’eau, que par l'intermédiaire d’un | corps en ignition ou de l'électricité ; et toujours le phé- nomène est accompagné d’un erand dégagement de ca- lorique el de lumière. Or, rien de tout cela n'existe RESPIRATION PROPREMENT DITE. 298 dans le poumon. On à dit que c'était l’influx nerveux qui décidait la combinaison ; mais ce n’est là qu’une hypothèse fondée sur l’analogie qu'on suppose entre le fluide électrique et le fluide nerveux, analogie qui n’est encore elle-même qu’une autre hypothèse. Y a-t-il, lors de la respiration , dégagement de calorique et de flamme dans le poumon ? Get organe pourrait - il résister à de pareils phénomènes ? Séguin, pour échapper au besoin qu'a l’oxigène d’un corps en ignition pour effectuer la combinaison qu’il faut admettre , dit que l’hydrogène, dans le sang veineux, n’est pas à l’état de gaz, mais à l’état naissant; mais ce ne sont pas là des faits, et l’on voit toujours l'esprit qui s’agite pour concevoir et ima- giner ce qu'il ne peut voir. En second lieu , cette séro- sité qu’on dit être formée directement par l’oxigène de l'air inspiré , existe en tel air expiré que ce soit, même celui qui est rendu , quand on a respiré un air qui ne contenait préalablement pas d’oxigène. C’est ce que prouvent des observations recueillies par Spallanzant, et des expériences faites par Wysten, M. Coutançeau et M. Ediwvards , que nous allons exposer tout à l’heure. En troisième lieu, la sérosité que l’on trouve dans Pair expiré devrait être de l’eau pure , et cela n’est pas ; c’est une sérosité chargée d’albumine , qui, avec le temps, se putréfie, qui ressemble à celles que fournissent les autres perspirations du corps. Enfin, ne peut-on pas assigner une meilleure origine à cette sérosité, la rap - porter à l’exhalation dont la membrane muqueuse des bronches est le siége ; exhalation qui reconnaît le même mécanisme, la même nature que les autres exhalations du corps, et dont l'air expiré seulement entraîne avec lui les produits? Ainsi, déjà l’on peut admettre que la 294 FONCTION DE LA RESPIRATION. sérosité , qui se trouve dans l'air expiré, n’est en rien formée par l’oxigène de l'air inspiré, et qu’elle est une excrétion vitale du poumon. En vain les chimistes disent avoir vu du sang artériel devenir livide par son contact avec du gaz hydrogène; peuvent-ils dire en avoir fait par là du sang veineux ? Peut-on juger des sangs arté- riel et veineux par la seule couleur? et peut-on conclure de ce qui se fait dans des vases, hors la dépendance de la vie, à ce qui se fait dans l’intérieur de nos organes. Les mêmes considérations peuvent être appliquées à l'acide carbonique. On l’a retrouvé aussi dans l'air ex- piré, bien que l’on ait respiré avant un air qui ne conte- nait pas d’oxigène. Spallanzant , par exemple, a vu que des animaux plongés dans du gaz azote , du gaz hydro- gène, dans des gaz qui ne contenaient nullement d’oxi- gène , ont cependant expiré de l’acide carbonique. M. Coutanceau, de concert avec Nysten, a fait, en 1800 , des expériences qui prouvent le même fait : il a fait respirer à cinq chiens du gaz azote pur , pendant qu’il injectait d’autre part dans le système veineux dif- {érens gaz propres à modifier la combustion du carbone en question ; il a vu que ces animaux rendaient toujours à peu près la même quantité d’acide carbonique : il pre- nait la précaution de faire préalablement le vide dans le poumon , de sorte qu’on ne pouvait attribuer la forma- tion de l'acide carbonique à l’air restant dans le poumon. Enfin, M. Edwards à encore cenfirmé ce fait par des expériences récentes ; il a soumis pendant l’hiver, époque à laquelle les batraciens supportent mieux l’asphyxie, pendant huit heures à la respiration de hydrogène , une grenouille, du poumon de laquelle il avait auparavant extrait l'air, etil a vu cet animal expirer de l'acide car- RESPIRATION PROPREMENT DITE. 209 bonique dans une quantilé supérieure à son volume : les vésultats ont été les mêmes avec des poissons rouges, qu'il laissa deux jours dans du gaz hydrogène, et avec un jeune chat de deux jours qu'il ÿ laissa vingt-trois mi. nutes. Ainsi la production de l'acide carbonique est, comme celle de la sérosité animale , due à une excré- tion vitale du poumon, et tout-à-fait indépendante de l'enlèvement de loxigène. Et d’ailleurs pourrait-on s’en étonner, s’il est vrai qu’une semblable excrétion d’acide carbonique se fasse en d’autres parties du corps ? Or, toutes les membranes muqueuses et la peau sont le siége d’une exhalation, dont le produit contient de l’a- cide carbonique ; si ce fait n’est pas bien sûr à l égard de toutes les membranes muqueuses , au moins un évident pour la peau. Séguin et Jurine ont prouvé l’a- nalogie complète de nature qui existe entre la matière de la transpiration cutanée et celle de la transpiration pulmonaire; l’une et l’autre sont une sérosité animale chargée de 0,05, à 0,12 d’acide carbonique; on sait que ces deux excrétions sont solidaires l’une de l’autre , se suppléent, s’équilibrent , et il ÿ a une assez grande ana- logie de texture entre les deux organes qui les produi- sent. Or, à coup sûr, la matière de la transpiration cutanée n’est pas formée de toutes pièces par l’oxigène de l’air extérieur; pourquoi donc celle de la perspiration pulmonaire le serait-elle davantage ? Ainsi, tout s'élève contre la théorie chimique qui établit que l'acide carbonique et l’eau de Fexpiration ont été formés de toutes pièces, par une combustion qui s’est faite dans les vésicules bronchiques. Les objections que nous venons de présenter sont également fortes , soit qu’on veuille que le carbone et Phydrogène soient 296 FONCTION DE LA RESPIRATION. brûlés en entier dans le poumon, soit qu'on admetie que ces principes ayant commencé à brûler dans le tor- rent circulatoire, et venant s’exhaler dans le poumon sous forme de gaz oxide de carbone et d’oxide d’hydro- gène , achèvent de se brûler dans le poumon. Dans ce dernier cas, on peut même ajouter quelques nouvelles objections. Par exemple , on assure que l’oxigène de l'air ne fait que brûler le gaz hydrogène carboné qui s’exhale dans le poumon. Mais cette théorie suppose que la matière de la perspiration pulmonaire provient du sang de l’artère pulmonaire , et non de celui des artères bronchiques , et nous avons vu que c'était un texte à débats. De plus, il serait alors inutile que la combus- tion de ce gaz hydrogène carboné se fit; il sufhirait , pour l’hématose , que le sang veineux en fût dépuré , et son excrélion se ferait aussi bien sous la forme de gaz hydrogène carboné, que sous celle des nouveaux pro- duits qui, dit-on, résultent de sa combustion. En troisième lieu, ce gaz hydrogène carboné devrait se re- irouver dans l’air expiré , toutes les fois qu’on respire un air qui ne contient pas d’oxigène. Enfin, le gaz hy- drogène carboné que l’on connaît en chimie, ne brûle jamais que par l’intermède d’un corps en ignition , ou de l'électricité ; il donne toujours, pour produits de sa com- bustion , des substances huileuses , résineuses et alcoo- liques; et certes la matière de la perspiration pulmo- naire n’a pas plus de rapport avec ces substances , que le poumon n’a l'élément igné ou électrique propre à amener Ja combustion. Ainsi l’on peut déjà rejeter cettè première variante de la théorie chimique , qui fait consister la respiration dans une combustion, et cn place le siége, en tout ou RESPIRATION PROPREMENT DITE. 297 en partie, dans le poumon. Celle qui recule Le siége de la combustion dans les voies circulatoires , n’est pas plus admissible. Ici, à la vérité, la respiration consistant spécialement dans la préhension de l’oxigène, on peut moins arguer de la vitalité du poumon , et de l’impossi- bilité que l’oxigène pénètre mécaniquement à travers les pores de la muqueuse. Cette théorie , en effet, ne pré- juge rien sur la manière dont l’oxigène a été introduit , et elle ne fait que spécifier le mode selon lequel agit ce principe après son introduction; mais il y a aussi beau- coup de considérations qui doivent la faire récuser. D'abord , elle ne fut pas admise non plus de prime- abord et sur des faits , mais seulement sur la crainte élevée par Lagrange , que le poumon ne fût calciné par le grand dégagement de calorique qui devait se faire dans son intérieur. Or nous avons vu que quelques chi- mistes avaient expliqué ce dernier fait en admettant que le sang artériel avait une capacité pour le calorique bien supérieure à celle du sang veineux, et fixait ainsi tout le calorique à mesure qu'il était dégagé. Dès lors il n’y aurait plus de motifs à admettre la modification de Lagrange. Bien plus, Legallois, en calculant d’après les données de la chimie elle même, a fait voir que le calorique , qui est supposé être dégagé dans le poumon lors de la combustion prétendue du carbone et de l’hy- drogène , n’était pas suflisant pour combler toute la ca- pacité pour le calorique qu’a le sang artériel; que celui- ci, dès lors, était forcé d’en absorber à la substance du poumon lui-même; et qu'ainsi, il y avait lieu de s'é- tonner, non pas que le poumon ne fût pas bràlé et calciné, comme l'avait dit Lagrange , mais, au con- taire, qu'il ne fût pas congelé. 298 FONCTION DE LA RESPIRATION. Ensuite, des faits et des raisonnemens directs vien nent s’élever contre cette idée d’une combustion pro- gressive dans le torrent de la circulation : 1° les expé- riences de Bichat, que nous avons citées plus haut, portent à penser que l’action d’hématose est instantanée, surtout qu'elle est achevée au poumon; le sang, en eflet , sortait rouge de la carotide , au moment même où lon ouvrait le robinet de la trachée-artère. Or, cela implique contradiction avec cette idée d’une combustion progressive dans les voies circulatoires. 2° Jamais on n’a pu retrouver l’oxigène en nature dans le sang; l’expé- rience de Girtanner a été en vain répétée. 3° Si la théo- rie quenous combaltons était vraie , on devrait retrouver de l'acide carbonique dans le sang, et d'autant plus , que ce sang se rapprocherait plus des confins de la circula- tion, et serait plus avancé dans le système artériel et dans le système veineux. Vauquelin, Vogel, Brande , etc. , disent , en effet, que ce fluide en contient; mais ils ne font aucune distinction sous ce rapport, entre le sang veineux et le sang artériel , et rien ne prouve que ce soit l’oxigène de la respiration qui ait concouru à sa formation. D'ailleurs , cet acide carbonique n'aurait dès lors qu’à s’exhaler au poumon. Il faudrait être sûr que lexcrétion pulmonaire vient du sang de l'artère pulmo- naire, et non de celui des artères bronchiques. Cette excrétion aurait sur l’hématose une influence aussi pro- chaine que la préhension de l’oxigène. Enfin, la per- spiration pulmonaire ferait une exception à toutes les sécrétions du corps , puisqu’au lieu d’être fabriquée par l’organe sécréleur , elle existerait toute formée dans le sang. Les chimistes, à la vérité, disent avoir fait rougir artificiellement du sang veineux par de l’eau de chaux RESPIRATION PROPREMENT DITE. 299 mais peut-on juger, par la couleur seule, qu’un sang est artériel ? 4° En admettant la combustion progressive , que deviendraient les produits excrétionnels de cette combustion ? ils resteraient mélés au sang, jusqu’au re- tour de ce fluide au poumon. Mais est-il probable que le sang traîne ainsi dans son sein des débris qui lui sont étrangers, et cela aux lieux mêmes où il est mis en œu- vre ? Et que lui servirait-il d’en être dépuré au-delà par le poumon, puisqu'il aurait auparavant accompli les nutri- tions et les sécrétions ? [1 y a plus même : jamais le sang n'arriverait pur aux organes qu'il doit nourrir; car, toui en se dépurant au poumon , il absorberait dans cet organe une nouvelle quantité d’oxigène , qui, en brü- lant de nouveau du carbone et de l'hydrogène, formerait de nouveaux produits excrétionnels. D’après cette théo- rie de l’hématose , le poumon devrait être placé à lori- gine du système veineux, afin que la combustion préten- due ait tout le temps de se faire, avant que le sang soit de retour aux cavités gauches du cœur. 5° Enfin, ce qui achève de réfuter cette théorie , c’est qu'il est sûr que l’hématose se fait complètement dans le poumon ; et que, n’ayant pas commencé avant cet organe, quoi qu’en ait dit Legallois, elle ne se continue pas non plus au-delà. Pour prouver cette importante assertion , nous avons besoin d’entrer ici en quelques détails. Tandis que Legallois voulait que l’hématose commen- cât dès avant le poumon, d’autres physiologistes ont émis l'opinion que cette action se continuait au-delà de ce viscère ; mais ils l'ont appuyée plutôt sur des raison- nemens que sur des observations directes. Leurs argu- mens se réduisent aux quatre suivans : 1°on a vu l'odeur, la couleur, et d’autres qualités des alimens se montrer 200 FONCTION DE LA RESPIRATION. dans les fluides sécrétés , dans la substance des organes. N'est-ce pas une preuve, dit-on, que le chyle qui était empreint de ces qualités des alimens , a pénétré jusqu'aux extrémités de la circulation artérielle, et par conséquent n’était pas en entier changé en sang lors de son passage dans le poumon ? 2° La matière de la perspiration cuta- née contient, comme celle de la perspiration pulmo- naire, de l'acide carbonique. Or , si le dégagement de l’acide carbonique au poumon est un effet de la respira- tion, de l’hématose, n’est-ce pas une preuve que celte hématose se continue à la peau, aux extrémités du sys- ième artériel ? 3° Le lait participe avec promptitude et facilité de toutes les qualités des alimens : il a la couleur du chyle ; sa sécrétion redouble après chaque repas : ne peut-on pas en conclure qu’il émane du chyle, et con- séquemment que celui-ci existe dans le sang au-delà du poumon ? 4° Enfin, si on examine le sang tiré quelques heures après un repas, on y distingue nettement'les mo- lécules du chyle qui ne sont pas encore sanguiliées ; et ce fait direct prouve, non-seulement, que lhématose n’est pas achevée Lors du premier passage à travers Île poumon, mais encore que cette hématose exige plusieurs passages successifs à travers cet organe. En eflet , 1l faut bien que du chyle, vu dans le sang tiré de la veine du bras ou du pied, ait déjà traversé, au moins une fois le poumon, le système artériel et les systèmes capil- laires du corps, pour qu'il se retrouve ainsi dans le sys ième veineux. Mais on peut réfuter chacune de ces assertions. D’a- bord , de ce que des particules alimentaires ont été re- trouvées dans les fluides des sécrélions et dans la sub- stance des organes, il ne s'ensuit pas qu'elles y ont été RESPIRATION PROPREMENT DITE. 301 apportées par le chyle lui-même; elles peuvent avoir passé avec le sang au moment où celui-ci a été fait, comme elles avaient déjà passé avec le chyle lors de la formation de celui-ci. Il y a plus même; une fois que ces matières étrangères ont passé avec le chyle sans faire partie de ce fluide , elles suivront le cours des fluides qui successivement en dérivent , mais en conservant tou- jours leur nature étrangère, et résistant conséquemment à la série des actions élaboratrices qu’elles ont à subir. Loin donc que la présence de ces molécules étrangères dans nos parties les plus profondes prouve que le chyle y ait pénétré, il faut reconnaître qu’elles ne s’y mon- trent que parce qu’elles ne font pas partie du chyle, sinon elles auraient éprouvé toutes les conversions que le chyle subit : ayant franchi une fois la première filière, celle de la chylification, elles ont traversé, en conser- vant leur nature propre, toutes celles qui font suite, comme de l’hématose, des nutritions, des sécrétions, etc. Nous reviendrons là-dessus lors des services des sécré- tions. Le second argument est encore moins plausible. D'a- bord , nous avons dit qu’il était douteux que la produc- tion de l'acide carbonique eût une part prochaine à l'hématose , et que ce füt du sang de l'artère pulmonaire que provint cette substance. Ensuite , il est sûr que la perspiration cutanée dérive d’un sang artériel, et que le sang qui revient de la peau est lui - même du sang veineux. Enfin, si la perspiration cutanée dérive du chyle qui a résisté à l’action du poumon , et est parve- nu jusqu’à la peau , il faudra dire pourquoi tout le chyle n’est pas porté à celte membrane au sortir du poumon , au lieu de n’y être projeté , comme cela est, que par 302 FONCTION DE LA RESPIRATION. fraction , et de teile manière encore qu'il est impossible que jamais sa totalité y parvienne. L'idée de faire dériver le lait du chyle immédiate- ment, est encore moins soutenable; elle contredit toute théorie dessécrétions. Nous avonsexpliqué tout -à-l’heure comment des matières étrangères pénétraient jusque dans les profondeurs de l’économie ; il est facile dès lors de concevoir comment le lait manifeste si promptement et si aisément les qualités des alimens. Il est bien cer- tain qu’il n’y a pas d’autre analogie entre le chyle et le lait que celle de la couleur. À supposer que le chyle résiste à l’action du poumon, et qu’il existe encore au- delà de ce viscère, il serait projeté également dans toutes les artères ; et, comme celles du sein ne sont qu’une très-petite partie de tout le système , it n’arriverait pas assez de chyle à la mamelle pour subvenir à la sécré- tion. Il sera démontré en son lieu que celle-ci émane du sang. Restent enfin les observations dans lesquelles on dit avoir vu du chyle au-delà du poumon. Sans douie on ne peut rien opposer à des faits positifs : mais ceux-ci sont- ils bien certains? combien il est probable que ceux qui les assurent ont été induits en erreur ? D’abord , on peut citer d’autres observateurs , et en grand nombre, qui n’ont jamais pu retrouver de chyle dans le sang, Cul- len, Hunter, Mascagny, M. Deyeux; et cependant il semble qu'un pareil fait aurait dû souvent se rencon- irer, s’il était vrai que l’hématose ne fût pas achevée au poumon. Ensuite, que de raisonnemens contredisent la possibilité de ce fait ! Et qu’on ne vienne pas dire que des raisonnemens ne prouvent rien contre des faits ; ils prouvent beaucoup quand ils sont judicieusement dé- RESPIRATION PROPREMENT DITE. 303 duits, et que les faits ne sont pas bien avérés. Si le chyle, au poumon, n'est pas encore changé en sang artériel , c’est certainement , ou parce qu’il doit subir cette con- version en quelque autre lieu du système circulatoire , ou parce qu'il a besoin pour cela de subir à plusieurs reprises l'influence du poumon. Or, ces deux opinions sont également admissibles. D'un côté , dans quel autre lieu du cercle circulatoire, le chyle peut-il subir une nouvelle conversion ? Gertai- nement ce ne sera pas dans tout le système artériel : car nous verrons que dans son trajet du poumon aux extré- mités des artères , le sang reste identique. Ge ne peut donc être que dans les systèmes capillaires, ou dans le système veineux. Mais d’abord, n'est-il pas probable que le sang a toutes ses qualités, est parfait aux lieux où il est employé? et n’est-ce pas immédiatement aux extrémités du système artériel qu’il est mis en œuvre? que lui servirait-il d’être modifié au-delà de ce point? et combien il est vraisemblable qu’ii est achevé quand il y arrive ? Cette seule réflexion conduit même à admettre que si le sang artériel tient de l’oxigène en dissolution , loin que ce principe aille en effectuant une combustion progressive dans le cours de la circulation , il doit rester tel jusqu’à la fin du système artériel, et fait réellement partie intégrante de ce sang. lien est de même du chyle ; si le sang en offre encore aux extrémités du système ar- tériel, c’est que ce chyle entre comme élément néces- saire dans sa composition, et il ne disparaîtra que lors- que cesang , par l’œuvre des nutritions et des sécrétions, disparaîtra lui-même. Mais ensuite, que peuvent faire ici les systèmes capillaires et veineux ? Dans les premiers, le sang est employé aux nutritions et aux sécrétions; 20/4 FONCTION DE LA RESPIRATION. mais ces actions élaboratrices n’ont rien de commun avec celle de l’hématose; et vouloir qu’elles y concou- rent, en même temps qu’elles remplissent leur office pro- pre, c’est confondre tous les objets. Quant au système veineux, je ne vois, dans ce système, que le foie qui soit apte à faire subir une modification au sang : il est certainement possible que le sang veineux alimente ia sécrétion de la bile , et qu'il en résulte quelques chan- gemens dans sa crâse ; nous agiterons cette question à l’article de la sécrétion biliaire : mais, en admettant celte action élaboratrice du foie, elle serait autre que celle de la respiration; et, relativement à celle-ci, le sang, lors de son retour au poumon, serait réellement dans les mêmes conditions que lorsqu'il y a été porté pour la première fois. Ainsi donc, tout s’élève contre cette première opinion, que le chyle éprouve sa conver- sion dans quelque autre lieu de l'appareil circulatoire , situé au-delà du poumon. Quant à la seconde, où l’on prétend que le chyle a besoin de subir, à plusieurs reprises , l’action élabora- trice du poumon , elle est également réfutée par ce fait, que le sang artériel ne change pas dans toute l'étendue du système de ce nom. Encore une fois, n'est-ce pas aux extrémités des artères que le sang est employé? et n'est-il pas raisonnable de croire , qu'alors ce fluide est achevé ? Si le fluide à sanguifier a besoin de subir à plu- sieurs reprises l'influence du poumon, pour être changé en sang artériel, c’est, ou parce que dans l'intervalle d’un passage à l’autre et dans le cercle circulatoire il a éprouvé des élaborations nouvelles qui ly ont disposé davantage, ou parce que l’action du poumon ne peut suffire à l’artérialiser en une seule fois , et a besoin d’être j \ RESPIRATION PROPREMENT DITE, 20) répétée. Or, nous venons de prouver que le Pré fait ne peut être admis; et, quant au second, il n’est qu'une conjecture, contre laquelle plusieurs considérations mi- litent. En effet, les quantités de chyle et de lymphe. qui sont versées dans le sang veineux, et conduites à chaque contraction du cœur au poumon , sont assez pe- tites pour qu’elles soient aussitôt sanguifiées. Il n’est pas douteux que la conversion du sang veineux en sang ar- tériel ne soit soudaine, pourquoi n’en serait-il pas de même de la sanguilication du chyle et de la lymphe, qui, comme nous venons de le dire, ne se présentent à cette action qu’en quantité très-petite ? Toutes les au- ires élaborations nutritives enfin, si l’on excepte celles de la digestion , se font instantanément, les nutritions, les sécrétions , par exemple ; l’analogie conséquemment indique qu’il en est de même de l’hématose. Les doutes sur la question que nousagitons, sont ve- nus de ce qu’on a, dans l’hématose, séparé la conver- sion qu'éprouve le sang veineux , de celles qu'éprouvent le chyle et la lymphe. Ges fluides paraissent, au pre- mier aspect, plus éloignés du sang artériel, et on a pensé dès lors que leur conversion devait être plus difficile et exiger plus de temps. Cependant, comme ces trois fluides , chyle , Iymphe et sang veineux, sont, évidem- ment au-delà du poumon, changés en un seul et même fluide , le sang artériel; que même avant le poumon ils formaient déjà un mélange où tous trois étaient confon- dus ; nul doute que ces irois fluides ne soient soumis - en-même Lemps à une même action, et ne soient en même temps aussi, et par suite de cette même action, changés en sang ariériel : nul doute que la nature , en les mélangeant , avant de les porter au poumon, Fe 20 306 FONCTION DE LA RESPIRATION. n'ait eu pour but de former le fluide sur lequel seul pouvait s'exercer l’action élaboratrice de ce viscère. On a dit que le chyle prenait une teinte de plus en plus rosée , à mesure qu'il s’approchait du canal thoracique; nous avons dit nous - mêmes qu’il s’éla- borait à mesure qu'il cheminait dans les vaisseaux chy- lifères ; mais ce n’est que comme chyle qu'il s’animalise. D’autres ont dit que le chyle arrivé dans le poumon, y était recueilli par les lÿmphatiques de ce viscère, con- duit au canal thoracique , versé dans la veine sous- clavière, renvoyé au poumon, pour être repris par les Iymphatiques , et cela plusieurs fois de suite; ils ont pensé que c'était ainsi que se faisait la sanguification. Mais ce n’est encore là qu’une conjecture qui n’est pas prouvée, et on peut lui opposer la considération sui- vante : le chyle, dans la nouvelle filière qu'on lui fait parcourir, est soumis à une action semblable à celle qu’exerce sur lui la filière qu'il quitte; cette nouvelle fi- lière n’étant encore qu’une filière lymphatique, ne peut que le changer en lymphe , que le perfectionner comme chyle; et c’est d’une filière sanguine , si nous pouvons parler ainsi, dont a besoin ce chyle pour être changé en sang. Ainsi donc, l’hématose est complétée dans le poumon lui-même, ne se continue pas au-delà ; et par là se trouve renversée cette autre variante de la théorie chimique, qui placait le siége de la combustion dans le torrent cir- culatoire. Gelte variante supposait d’ailleurs que la ma- tière de la perspiration pulmonaire , provient du sang de l'artère pulmonaire, et nous avons déjà dit que des physiologistes élevaient de justes doutes sur ce point; M. Coutanceau, par exemple, fait provenir celte ma- RESPIRATION PROPREMENT DITE. 507 tière du sang de l'artère bronchique. Ajoutons encore que cette théorie suppose que les excrétions du poumon ont à l’hématose une part aussi grande, et même plus grande que l’enlèvement d’oxigène, ce que nous avons dit n'être nullement démontré. Nous pouvons encore reprocher aux chimistes d’avoir, dans leurs expériences , jugé trop légèrement de la qua- lité du sang par sa couleur. Ainsi, ils ont, disent-ils, fait rougir artificiellement du sang veineux par le contact de l’oxigène , et fait noircir du sang artériel par le con- tact de l’hydrogène. Mais , pour cela , le premier était-il du sang artériel , et le second du sang veineux ? Le sang veineux rougit par bien d’autres réactifs que l’oxigère, par le gaz hydrogène carboné, par exemple , l’acide carboneux ; comme le prouvent les expériences de M. Chaussier, de Beddoës, l'observation des cadavres des personnes qui ont été asphyxiées par ce gaz. D’au- tre part , le sang artériel noircit souvent sans qu’on puisse savoir comment il aurait perdu de l’oxigène, cu acquis du carbone et de l’hydrogène ; comme quand il est renfermé entre deux ligatures , ou contenu dans une tumeur anévrismale , ou recu dans un vase bien clos. Comme il est certainement possible de faire rougir arti- ficieliement du sang après la mort, sans qu’il soit pour cela artériel , on concoit que les chimistes ne peuvent juger de la qualité du sang par sa couleur seule, et qu’ils ont pu être ainsi souvent induits en erreur. Nous récusons donc complètement la théorie des chi- * mistes modernes , sur l’hématose et la respiration. Selon nous la chimie n’a fait que signaler l’élément par lequel Vair est utile à la respiration; mais ce ne sont pas les forces dont elle s’occupe qui en règlent l’emploi; et elle 20* 308 FONCTION DE LA RESPIRATION: ne fait pas connaître comment cel élément a servi à l’hé- matose. ® Les chimistes avaient , dans leur théorie , séparé ce qui est de l’hématose générale , ou de la conversion du chyle en sang, de ce qui est de l’hématose artérielle , ou de la conversion du sang veineux en sang artériel : mais leur théorie de la sanguification du chyle n’est pas plus admissible que celle de l’hématose artérielle. Remar- quant quele chyle et la lymphe sont déjà fort semblables au sang , ils prétendaient que ces liquides ne différaient du sang , qu’en ce que la fibrine des premiers n’est pas aussi animalisée que celle du sang, et en ce que la ma- iière colorante des premiers tient à un phosphate de fer au minimum d’oxidation et de couleur blanche , tandis que celle du second tient à un phosphate de fer au maxi- mum d’oxidation et de couleur rouge. Dès lors la san- guification du chyle leur a paru devoir consister en une action, qui, d’un côté, a animalisé davantage sa fibrine, et de l’autre a suroxidé son phosphate de fer, de manière à le faire passer de l’état de phosphate de fer blanc à l'état de phosphate de fer rouge. Or, voici comment ce double objet leur a paru être rempli dans la respiration. L’oxigène de l'air inspiré s’est uni àune grande parie du carbone du chyle, ce qui a donné lieu à l'acide carbo- nique qu'entraîne l'expiration ; le chyle ainsi a été dé- carbonisé, l'azote est devenu prédominant dans la composition de ce liquide, et le résuliat de cette prédo- minance a été d’animaliser davantage sa fibrine , une substance animale étant généralement d’autant plus ani- male qu’elle contient plus d’azote. Ensuite, au moment où le chyle arrive dans le sang veineux , la soude qui existe dans celiquide s’est emparce d’une petitequantité RESPIRATION PROPREMENT DITE: 509 de l'acide phosphorique du phosphate de fer du chyle, et à mis à nu un excès de fer; alors l’oxigène de Fair inspiré s’est combiné à ce fer, l’a suroxidé , la fait passer ainsi de l’état de phosphate de fer blanc à l’état de phosphate de fer rouge ; et la sanguification du chyle a été achevée. Mais, on peut objecter que cette théorie réduit encore le poumon à un rôle tout passifdans la respiration , qu'elle suppose la pénétration mécanique de l'oxigène à travers les pores de la muqueuse, qu’elle renferme enfin l'idée d’une combustion directe effectuée dans le poumon; et déjà chacune de ces trois propositions à été démontrée fausse. Ensuite, est-il vrai que le chyle soit un fluide < trop carboneux , et que pour le sanguifier il faut l’azo- tiser ? comment croire que celui des animaux carnivores , par exemple, soit trop carboneux ? il devrait certaine- ment l'être moins que celui des herbivores , el par suite les carnivores devraient expirér moins d’acide carboni- que que les herbivores ; or, cela n’est pas. En troisième lieu , la quantité de carbone enlevé au chyle est trop pe- tite, pour que par cela seul l'azote prédomine dans ce liquide ; et alors, d’où viendrait l’azote nécessaire pour animaliser la fibrine ? Enfin, pour ce qui est du phos- phate de fer blanc, porté par oxidation au rouge, la pré- sence de ce sel n’est pas bien démontrée dans le chyle; souvent on n’a pas trouvé de fer dans ce liquide , bien qu’on en ait mêlé exprès aux alimens ; que d’alimens qui ne contiennent pas de fer ! et que d’animaux à sang rouge , etqui cependant usent d’alimens qui ne contien- nent pas de fer ! ce sel d’ailleurs n’est soluble que dans les acides , et le chyle ne l’est pas. Est-il bien vrai, en outre, qu'il soit moins oxidé que le phosphate rouge ? et ce que l'air inspiré fournit d'oxigènc ; suflit il pour le «+ 310 FONCTION DE LA RESPIRATION. suroxider ? comment croire aussi qu’un liquide aussi peu aikalin que le sang , puisse enlever un peu d’acide phosphorique à ce sel, lorsque pour obtenir cet effet dans la teinture alkaline de Sthal, il faut employer une dissolution alkaline très-chargée ? Enfin, est-ce bien le phosphate de fer rouge qui produit la couleur rouge du sang, comme l'ont professé d’abord Fourcroy et M. V'auquelin ? À juger d’après les derniers travaux de MM. Brande et Berzelius, la matière colorante du sang n’est pas un sel à base de fer, mais une matière animale particulière. Ainsi, la théorie des chimistes sur Îa respiration et l’hématose n’est bonne sous aucun point de vue; et de cette manière se trouve démontrée notre seconde pro- position , que puisque l’action d'élaboration qui se passe dans le poumon ne peut être assimilée à aucune action mécanique ou chimique de la nature , elle doit être dite organique et vitale. Dès lors, nous pouvons dire de cette action qui ne tombe pas sous les sens, et qui est insaisissable en son essence, Ce que nous avons dit des autres actions éla- boratrices précédemment examinées. 1° Elle ne peut s'exercer que sur un fluide approprié, le mélange du chyle, de lymphe et de sang veineux; ce fluide est pour elle ce que sont les alimens pour la digestion, par exem- ple : tout ce qui n’est pas ce fluide subit en vain son in- fluence , comme dans la digestion , tout ce qui a franchi l'estomac sans être changé en chyme , n'estpas non plus changé en chyle. Cependant il faut avouer qu'il y aici une plus grande latitude; des trois humeurs qui forment Je fluide qui va se soumettre à l’action d’hématose , l’une. le chyle, n’est apportée que par intervalles , et même peut manquer pendant un temps assez long. Encore RESPIRATION PROPREMENT DITE. 11 sait-on qu'alors le sang , non - seulement diminue de quantité , mais encore se détériore dans sa nature. 2° Cette action élaboratrice est. une altération sut generis ,etn'a en elle-même rien de chimique. IL wexiste en effet nul rapport chimique entre le sang artériel qui est le produit de cette action, et les matériaux avec lesquels ce produit a été fait, c’est-à-dire j'air d’une part el le mélange de chyle, de lymphe et de sang veineux de l’autre; de la composition chimique de ceux-ci on ne peut conclure chimiquement à la formation chimique de celui-R ; et quand bien même la transformation matérielle qui se produit ici, serait une continuation de celles qu'ont fai- tes précédemment la chylose et la lymphose, il est sûr que ce ne sont pas les lois chimiques générales qui | président. ño Enfin, cette action donne toujours nais- sance à un même produit: et en effet, comment pour- rait-il en être autrement, puisqu'il y à identité des ma- tériaux, et que c’est toujours un même organe fabrica- teur qui agit. Hn'ya de variations que celles qui Lien - nent à Pétat plus ou moins bon du fluide qui subit l'ac- tion de l’hématose, et au degré de perfection avec lequel agit l'organe de cette action. Gest la répétition des mê- mes propositions déjà exprimées lors de la chymification, de la chylose, de lalymphose, etc. Nous devons dire encore que cette action élaboratrice d’hématose , s’accomplit instantanément , à l'instar de la médaille qu’on frappe. Dans les expériences de Bi- chat, on a vu le sang sortir rouge de la carotide, aus- sitôt qu’en ouvrant le robinet de la trachée-artère On permettait à la respiration de se faire librement. Puisque d’ailleurs le sang artériel n'éprouve plus aucun change- ment depuis sa sortie du poumon jusque dans le paren- 3192 FONCTION DE LA RESPIRATION. chyme des organes où il doit être employé, il faut bien qu'il ait été fait dans l'acte rapide de Ja respiration. Il reste, enfin, la question de savoir comment l’oxi- gène sans lequel lhématose ne se ferait pas, a pénétré et a été mis en contact avec le fluide à sanguifier. Cette question rentre dans celle qui est relative à la partie du poumon, dans laquelle se passe l’action élaboratrice de la respiration, et sur laquelle nous avons avoué notre ignorance. Encore une fois, ne connaissant pas quels rapports ont entre eux à leurs extrémités capillaires les trois systèmes vasculaires des bronches , de l'artère pulmonaire et des veines pulmonaires, on ne peut con- naître comment l’oxigène est appliqué au fluide à san- guilier, ouau moins est soumis en même temps que lui à l’agent de l’élaboration. Faisons remarquer , en effet, qu’admettre que l’oxigène , par sa seule application au fluide à sanguifier, effectue sa conversion en sang arté- riel , c’est retomber dans la théorie chimique dont nous avons démontré la fausseté. On ne doit que rechercher la voie par laquelle l'oxigène est introduit, pour être soumis avec le fluide à sanguitier à l’action de l’agent élaborateur. Or, celui-ci ne pouvant être spécifié , com- ment cette voie pourrait-elle être indiquée ? On à toute- fois fait deux conjectures à cet égard. Dans l’une, on a supposé que l’oxigène entraîné par son aflinité intrinsèque , se portait sur le sang veineux à travers la membrane muqueuse des bronches, et les parois des vaisseaux qui le contiennent. Mais nous ayons vu que la vitalité du poumon était ce qui réglait la quan - tité dans laquelle l’oxigène est consumé : aucune de nos ingestions ne s'opère d’une manière aussi mécanique ; et il est bien plus raisonnable de Penser, qu'ici comme RESPIRATION PROPREMENT DITE. 219 ailleurs, c’est une absorption qui l’effectue. Dans les ani- maux qui respirent par la peau, c’est à coup sûr une absorption qui saisit l’oxigène; il est probable qu’il en est de même dans les autres animaux ; et en effet , on doit se rappeler qu’à la fonction d'absorption, nous avons distingué une absorption aérienne ou respiratoire. Dès lors, on a dû rapporter cette absorption à l’un ou l’autre des deux systèmes vasculaires qu’on considère comme absorbans , les lymphatiques et les veines. Plusieurs physiologistes ont pensé que c’étaient des vaisseaux lymphatiques qui absorbaient l’oxigène dans le poumon, et que dès lors ce gaz élait conduit par la fi- lière de ce système au sang veineux. Là-dessus même a été fondée une théorie de la respiration qui est assez s6- duisante par l’analogie complète qu’elle établirait entre celte fonction et la digestion, Ainsi l'air , dit-on, éprouve une première élaboration en traversant la bouche et les fosses nasales , et en circulant jusqu’au fond des vé- sicules bronchiques ; comme l'aliment en éprouve une dans son trajet de la bouche à l’estomac. En second lieu , cet air parvenu au fond du poumon fait une impression sur cet organe , et selon sa qualité, bonne ou mauvaise, provoque le poumon à le digérer ou à le rejeter , c’est- à-dire , à absorber son oxigène ou à effectuer l’expira- tion ; comme l'aliment exerce sur l’estomac une impres- sion qui décide cet organe à le digérer ou àle rejeter par le vomissement. Alors , l’oxigène de l'air inspiré est ab- sorbé par les vaisseaux lymphatiques du poumon : et l’on cite comme preuves de celte partie dela théorie, Le grand nombre de vaisseaux lymphatiques qui existent dans le Poumon , el qui semblent réellement accuser qu'ilse fait une absorption externe dans cet organe; etles faits ncm- 314 FONCTION DE EA RESPIRATION:. breux qui montrent que très-souvent , en eflet, les ma- tières étrangères qui sont mêlées à Pair y sont absorbées pendant la respiration. L’oxigène ainsi absorbé par les vaisseaux lymphatiques , suit la voie de ces vaisseaux , c’est-à-dire traverse les ganglions bronchiques , parvient au canal thoracique, et est versé dans le sang veineux aux veines sous-clavières, ayant éprouvé dans ce trajet une certaine élaboration. Mis alors en contact avec le fluide à sanguifier , :l en brûle le carbone et l’hydrogène pendant le trajet qu'ils parcourent ensemble, des veines sous- clavières au poumon, à travers les cavités droites du cœur. Enfin, viennent s’exhaler au poumon les pro- duits de cette combustion , d’où l'acide carbonique et l'eau qu’on retrouve dans l'air de l'expiration. Ainsi, la respiralion sert à l'hématose , et parce qu’elle fournit l’oxigène, et parce qu’elle dépure le sang veineux des produits de la combustion de son carbone et de son hy- drogène. L’oxigène est appliqué au sang veineux, un peu au-dessus du lieu où se fait l’exhalation des produits ex- crétionnels, de sorte que la combustion à le temps de s’effectuer ; et d'autre part, cette exhalation se fait avant que le sang soit mis en œuvre, de sorte qu'il arrive aux organes , pur et purgé de tous ses débris. Enfin, la voie par laquelle on le fait parvenir à l’économie , est celle par laquelle pénètrent toutes les substances ingérées. Mais , quelque séduisante que soit cette théorie , beau- coup d’objections s’élèvent contreelleet la ruinent. 1° D’a- bord , les élaborations prétendues de l'air dans son trajet de la bouche au fond des vésicules bronchiques , sonb évidemment imaginaires ; nous l'avons déjà dit dans le temps. 2° La voie par laquelle on fait pénétrer l’oxigène est beaucoup trop lente, si Fon a égard à J'instantanéité RESPIRATION PROPREMENT DITE. A0 de l’hématose : comment croire que l'oxigène de air inspiré parcourt aussi vite toute la filière des vaisseaux lymphatiques depuis le poumon jusqu'aux veines sous clavières ? Et cependant cela serait nécessaire, puisque dans les expériences de Bichat, le sang reparaissait rouge à la carotide, dès qu’on ouvrait de nouveau le robinet de la trachée-artère. La respiration ne devrait pas être plus prochainement nécessaire à la vie que la digestion ; au moins elle devrait pouvoir être impuné- ment suspendue pendant quelque temps, le système lymphatique du poumon devant contenir assez d’oxigène pour entretenir quelque temps l’hématose, 3° On admet une élaboration de l’oxigène pendant son trajet dans la filière lymphatique: mais de quelle élaboration peut avoir besoin ce gaz, puisqu’au-delà il n’aura à effectuer qu'une action chimique et tout-à-fait analogue à celle qu’il exercerait hors du corps vivant ? N'est-ce pas là une contradiction à reprocher aux auteurs de la théorie? 4° Dans cette théorie, l’hématose commencerait dès les cavités droites du cœur , et serait achevée avant que le sang füt arrivé au poumon; cet organe , abstraction faite de l’absorption de l’oxigène qu’il aurait faite d’avance , n’y servirait plus que comme organe excréteur des pro- duits de la combustion. Mais nous avons discuté cette opinion à l'égard de la théorie de Legallois. On ne voit pas le fluide se modifier du cœur au poumon, on ne peut que le présumer d’après des raisonnemens : et nous avons vu qu'il y en avait d’aussi bons pour contester celte modification. Il devrait se faire un changement subit dans le sang aux veines sous-clavières ; on devrait trouver l’oxisène en natnre dans la Iÿmphe du canal thoracique, et cet oxigène et l’acide carbonique dans le 516 FONCTION DE LA RESPIRATION. sang de l'artère pulmonaire. La modification du sang se ferait done par le fait seul de la réaction de l'oxigène sur les principes composans de ce fluide; et nous sayons que tout fluide dans l’économie ne se fait jamais de cette manière, mais exige toujours l’action élaboratrice d’un solide. 5° Enfin , cette théorie attribue aux excrétions du poumon une part aussi grande et même plus grande dans l’hématose qu’à l'enlèvement de l’oxigène , et nous avons vu que cette proposition n'était pas et ne pouvait pas être démontrée. Que devient cette théorie, si la perspi- ration pulmonaire provient du sang des artères bronchi- ques ? Si les excrétions du poumon ont une si grande part à l’hématose, et si l’oxigène pénètre par la voie lente que l’on indique ici, pourquoi la mort survient- elle si promptement dans le vide, bien que les exCré- tions puissent toujours se faire , et que l’oxigène qui est dans les vaisseaux lymphatiques du poumon puisse en- core continuer quelque temps l’hématose ? Pourquoi la mort est-elle aussi prompte lors de la respiration de gaz qui n’asphyxient que d’une manière négative ? Il nous semble que cette théorie n’est encore qu’une suile de celle des chimistes ; et, encore une fois , la chimie n'a servi qu'a spécifier l'élément de l'air qui est utile à lhé- matose, mais elle n’a pas appris comment cet élément agit. Enfin , puisque les veines sont, aussi bien que les Iym- phatiques , des vaisseaux absorbans , ne peut-on pas dire que ce sont les radicules des veines pulmonaires , qui, en même temps qu’elles saisissent le fluide à sanguilier ,. saisissent aussi l’oxigène de l'air, et qui fabriquent avec l’un et l’autre le sang artériel , à l'instar de tous les autres vaisseaux élaborateurs quelconques ? Nous avouons , à RESPIRATION PROPREMENT DITE:. 917 la vérité, qu’on ne peut voir cette action des veines pul- monaires ; ni la prouver par des faits directs ; mais voit. on mieux, et peut-on prouver aussi l’action des vais- seaux lymphatiques ? Ge n’est que par voie d'exclusion, en quelque sorte , et d’après des raisonnemens , qu'on fait saisir l’oxigène par l’un ou l’autre de ces deux ordres de vaisseaux , et beaucoup de raisons militent en faveur des veines pulmonaires. D'abord , tous nos divers fluides sont faits par les radicules des vaisseaux dans lesquels ils cir- culent ; ce sont, par exemple, les radicules des chyli- fères qui font le chyle; ceux des lymphatiques qui font la Iymphe, des veines qui font le sang veineux ; ce sont les vaisseaux sécréteurs qui, dans chaque organe sécré- teur, font les humeurs sécrétées diverses ; quelle pré- somption déjà pour qu’il en soit de même du sang arté- riel! pourquoi les radicules des veines pulmonaires ne seraient-elles pas pour ce fluide , dans le parenchyme du poumon , ce que sont les radicules des sécréteurs dans le parenchyme d’une glande? Ces veines ont des commu- nications également faciles , et avec les ramifications des bronches qui apportent l’oxigène, et avec celles de l'artère pulmonaire qui apportent le fluide à sanguifier : dès lors saisissant les deux substances sur lesquelles elles doivent agir, elles fabriqueraient avec elles le sang artériel. L’ac- tion dès lors n’est plus essentiellement chimique, et l’inter- vention d’un solide élaborateur se montre avec évidence. D'ailleurs, on voulait charger de l'absorption de l’oxi- gène les vaisseaux lymphatiques du poumon : pourquoi dès lors n’attribuerait-on pas de même cette absorption aux veines pulmonaires ? Les veines ne sont-elles pas des organes absorbans, tout aussi bien que les Iÿmpha- tiques ? Ces veines n’absorbent-elles pas partout ? et 318 FONCTION DE LA RESPIRATION. pourquoi n’absorberaient-elles pas de même au poumon? Il est bien étrange que les partisans les plus QE de l’absorption veineuse n’aient pas eu celte idée. On ob- jectera peut être la liaison qui existe, entre la circula- tion du sang dans les veines pulmonaires , et celle de ce sang dans l'artère de ce nom, par l'action du cœur; mais n’en est-il pas de même pour le sang veineux de tout le corps ? et si l'on admet cependant que les veines du corps , tout en recevant les restes du sang artériel, résorbent les débris des organes, les matériaux des ab- sorptions internes ; qui empêche d’admettre que les veines pulmonaires , tout en recevant le fluide à sangui- fier apporté par l’artère pulmonaire, en même temps absorbent l’oxigène et effectuent l’hématose? Du reste, on peut, si on l'aime mieux, conserver l’expression , quoique un peu vague, des auteurs qui disent que l’hé- matose se fait dans les systèmes capillaires du poumon , comme les nutritions , les sécrétionsse font dans les systè- mes capillaires des parenchymes nutritifs , desorganes sé- créteurs. On peut direavec M. Coutanceau que le poumon est à la formation du sang artériel, ce que le placenta est à l'élaboration du sang du fœtus. Toutes ces locutions expriment au fond peu de différences; les radicules des veines pulmonaires où nous conjecturons que la scène se passe, et que nous en présentons comme les agens, font partie des systèmes capillaires du poumon ; elles ont certainement à cette profondeur une organisation spé- ciale , puisqu'elles effectuent une élaboration si remar- quable, et elles la doivent à leur disposition dans le poumon. On voit donc que ce n’est presque dire que ce que disent les autres physiologistes , sinon qu’en spécifiant les veines pulmonaires, nous rapprochons davantage RESPIRATION PROPREMENT DITE. 31 9 l'action élaboratrice de la respiration des autres actions élaboratrices de notre économie. En somme, admettant que c’est par absorption que pénètre l’oxigène , on ne peut rapporter celte absorption qu'aux vaisseaux lymphatiques ou aux veines, sauf dans le premier casà ce que les radicules lymphatiques dé- posent de suite ce principe dans les vésicules pulmo- naires. M. {lard admet un genre d’absorbans ouverts à la surface des bronches ; et conduisant l’oxigène dans les vésicules pulmonaires. Peut-être y a-t-il là seulement cette substance gélatineuse , ce tissu grisâtre que l’on dit effectuer immédiatement toute absorption, et en con- duire les produits dans l’intérieur des vaisseaux Iympha- tiques ou des veines. Quant à la manière dont l’oxigène sert à l’hématose, nous avons vu qu'on ne pouvait admettre l’opinion des chimistes ; nous avouons que nous l’ignorons pleinement, Telle ‘est l’histoire de la respiration, fonction dont nous n’avons pu, en quelque sorte, que constater les résultats. Avant d’en venir à l’examen du sang qui en est le produit , agitons encore une question , celle de savoir s’il n’y a pas dans le corps humain d’autre organe de respiration que le poumon. Beaucoup d'animaux ne respirent que par la surface externe de leur corps: beaucoup aussi respirent à la fois et par un poumon ou une branchie, et par la peau. On s’est demandé si l’homme n’est pas dans ce cas. Quel- ques physiologistes l'ont dit : 1° D'abord , par analogie avec les derniers animaux, dans lesquels la peau absorbe évidemment l’air utile à la vie, comme il résulte des expériences deSpallanzant, MM. V’auquelin, Edwards et autres. 2° D’après l’analogie tirée de la membrane Lcd 220 FONCTION DE LA RESPIRATION, muqueuse du poumon qui, évidemment , absorbe l'air , et qui, comme toutes les muqueuses, paraît être un repli de la peau , et semble s’en rapprocher par la tex- ture. 5° Enfin , d’après des expériences desquelles il ré- sulterait qu’une quantité déterminée d’air fixé à la sur- face de la peau d’un animal vivant , y a été absorbée et altérée comme dans l’intérieur du poumon, Cruiskank , par exemple, dit avoir remarqué que de l’air qui avait entouré sa main pendant quelque temps, était moins combustible et précipitait l’eau de chaux. Jurine ayant placé son bras dans un cylindre hermétiquement clos, y trouva après deux heures de séjour 0,08 d’acide carbonique. Gattoni ayant enfermé de jeunes garçons dans des sacs de cuir qui les enveloppaient jusqu'aux lombes , trouva de même que l'air des sacs était diminué. Enfin ,; Abernetty a fait trois expériences qui paraissent prouver la même action. Dans l’une, sa main fut plon- sée pendant seize heures sous une cloche d'air placée sur la cuve à mesure; et après ce temps la cloche con- tint une demi-once d’un gaz dont l’eau de chaux absorba les deux tiers. Dans une seconde , sa main fut plongée de même dans une cloche pleine d’air, et au bout de cinq heures l’air de la cloche avait diminué d’une demi- once ; l’eau de chaux absorba une des onces qui res- taient , et à l’aide du gaz nitreux on prouva qu'il y avait eu un sixième de l’oxigène de l'air de la cloche d’enlevé. Enfin, dans la troisième , sa main fut plongée dans une cloche qui contenait sept onces d’azote; et après deux heures de séjour, il y eut plus d’une once en capacité de gaz acide carbonique de produit. Ge fut de même avec le gaz hydrogène , le gaz nitreux, du gaz oxigène pur. De tout cela , on a conclu que les surfaces qui sont RESPIRATION PROPREMENT DITE, 391 en contact avec l'air, et surtout la peau, effectuaient une véritable action respiratoire. On a argué encore des expériences d’Achard à Berlin, de Beddoës en Angle terre , de Nysten à Paris, dans lesquelles des gaz injectés dans des cavités splanchniques , et par conséquent ab- sorbés par la surface des membranes séreuses 2NOnE occasioné le même effet asphyxiant que s’ils avaient été respirés. On à de à conjecturé que si dans la phthisie, certaines parties présentent plus de rougeur et de cha- leur que dans l’état de santé , comme les joues , lesmains, c'est qu’alors elles redoublaient leur action respiratoire supplémentaire. Nous ne pouvons nous rendre à ces divers argumens. D'abord , l’analogie avec les derniers animaux n’est pas suffisante ; nous avons dit que dans ces derniers animaux la peau exécutaità elle seule presque toutes les fonctions de la vie, mais qu’à mesure qu’on s'élevait aux animaux plus compliqués, il existait des appareils particuliers chargés de l'exercice de ces fonctions : or ,; de même qu'il existe dans l’homme et dans les animaux supé- rieurs un appareil digestif, et que la peau n’est plus chargée d’absorber les matériaux nutritifs, de même il existe chez eux un appareil respiratoire, et dès Lors il est probable que ce n’est plus par la peau que se fait la respiration. L'identité de texture entre la membrane muqueuse des bronches et la peau , n’est admissible que sous un point de vue très-général, et n’est pas appli- cable au cas particulier. Enfin pour ce qui est des expé- riences ; d’abord, elles prouvent plus l’exhalation de l'acide carbonique que l'absorption de Foxigène. En second lieu, pour que cette exhalation d’acide carboni- que pût être preuve d’une respiration cutanée , il fau- 3. 21 922 FONCTION DE LA RESPIRATION. drait que cet acide carbonique fût formé par l'oxigène de l'air que la peau est supposée absorber, et que La production de cet acide eût une part à l’hématose. Or, nous avons vu dans l’histoire de la respiration pulmo- naire , que le premier fait était complètement faux , et le second incertain ; il doit donc être jugé de même ici, d'autant plus qu’on voit dans la transpiration cuta- née la source évidente de cet acide carbonique, et que cet acide a été de même recueilli, lorsqu'on avait fait l'expérience avec des gaz non respirables, les gaz hydro- gène, azote. Enfin, s'il y a cu enlèvement d’un peu d’oxigène , on peut l'expliquer par le fait seul de la con- tinuité du contact , et de la grande awidité qu'a ce prin- cipe pour les combinaisons ; et ce qui le prouve, c'est que Spallanzani mettant des animaux morts, des co- quilles d’œufs , des parties quelconques d’un être animé , sous des cloches pleines d’air, a vu de même l’air dimi- ! nuer. De ce que de l'air tenu forcément dans un contact prolongé avec la peau à éié un peu absorbé , il ne faut pas en conclure que cette absorption se fait ordinaire- ment. Si, d’ailleurs , il y avait une respiration à la peau , le sang qui revient de celte membrane devrait être artériel ; et c’est ce qui n’est pas. Enfin, nous avons dit que s’il est vrai que la peau de l’homme a une action absor- bante , il est vrai aussi que la nature a voulu que cette action ne s’exercât, en quelque sorte, qu’accidentelle- ment , et lorsque le contact est prolongé , car l’épiderme y met vraiment obstacle. Nous croyons donc que la peau n’absorbe l'air qu’éventuellement , et que quand elle l'absorbe, ce n’est pas pour l’employer comme le poumon l’emploie dans la respiration. (PA) 19 O3 DU SANG ARTÉRIEL. ARTICLE IV. Du Sang artériel. Puisque la respiration n’est, en quelque sorte, qu’un genre d'absorption, l’absorption aérienne, et qu’elle a comme toute absorption pour résultat un liquide, il semblerait que nous aurions dû, comme nous l'avons fait aux absorptions chyleuse et lymphatique, après avoir traité de l’action d'absorption en elle-même, ex- poser le cours du liquide qui en est le produit, faire con- naître les causes qui ÿ président, et en général le carac- tère de sa circulation ; rechercher s’il éprouve quelques modifications dans son cours; et enfin terminer par l’histoire de ce fluide étudié en lui-même , dans ses pro- priétés physiques , chimiques et dans sa quantité. Mais nous ne traiterons ici que de ce dernier sujet ; le reste nous occupera à la fonction de la circulation et aux fonctions suivantes. D'une part, le sang artériel fait dans la respiration , se rend par les veines pulmonaires dans les cavités gauches du cœur; celles-ci ensuite le projettent par l'artère aorte et ses ramifications dans les parenchymes des diverses parties où ce liquide doit être mis en œuvre. C’est la fonction de la circulation qui traite de cet objet. D’autre part, les causes qui président à cette circulation, tous les phénomènes qui y ont trait, se rattachent aussi à l’histoire de cette fonction. Nous devons donc y renvoyer. Quant à la question de savoir si dans ce cours le sang artériel reste identique, où va en-éprouvant des modifications successives , nous avons déjà prononcé en faveur de la première opinion; mais nous nous réservois d'en donner les preuves à la fonc- 21* 324 FONCTION DE LA RESPIRATION. tion des nutritions, lorsque nous rechercherons si c’est un même sang qui nourrit tous les organes; On aura alors toutes les données pour prononcer , puisqu'on connaîtra par la circulationla roule que suitle fluide et les influences qu'il peut recevoir en chemin. Ici donc, nous allons nous borner à faire l'histoire du sang artériel. Pour s’en procurer , il suffit d’ouvrir une artère , et de recueillir le liquide qui en coule : c'est un fluide qui ressemble beaucoup physiquement et chimiquement au sang veineux , MAIS qui en diffère cependant grandement par ses usages , élani seul apte à nourrir les organes , eu à les stimuler à l'exercice de leurs fonctions. C'est de même un liquide rouge , d’une odeur fragrante d'ail , d’une saveur salée, d’une cheleur égale à celle du corps, visqueux ;, coagulable, d’une pesanteur supérieure à celle 'de l’eau distillée ; qui, abandonné à lui-même, se partage aussi en deux parties , un sérum et un caillot; et qui, enfin , est composé chimiquement des mêmes élé- mens que le sang veineux. Voici les seules différences physiques et chimiques qui le distinguent : il est d’un rouge plus vermeil , a une odeur plus forte, une chaleur plus élevée d’un à deux degrés ; une capacité pour le calorique plus élevée ; M. Davy, évaluant celle du sang veineux 903, estime celle du sang artérielg13; une pesan- teur spécifique moindre; M. Davy, évaluant aussi celle du sang veineux 1092 , estime celle du sang artériel 1049 : il est enfin plus promptement coagulable, et contient moins de sérum. On avait dit aussi qu’il était plus aéré; mais il est probable , ou qu’on l’a dit, d’après une vue théorique déduite de la fonction de respiration , le sang d’une artère ne paraissant pas contenir plus d’air que le sang d’une veine; ou qu'on à jugé d’après le sang des- DU SANG ARTÉRIEL, 329 hémophthisiques , qui est toujours mêlé à du mucus qui retient plus ou moins d'air. Comme son odeur est plus prononcée , c’est à lui surtout qu'on a rapporté l’eflluve odorant que hosa et Moscati ont voulu considérer comme un élément particulier du sang, etauquel celui-ci aurait dù sa liquidité et sa vitalité : mais chacun aujour- d’hui nie l'existence de ce gaz , comme élément spécial, et ne voit en lui qu’une volatilisation , une dissolution par l’air, d’une portion de la masse sanguine. Du reste, c’est d’après le sang artériel, autant que d’après le sang veineux, qu'ont été faites les analises que nous avons rapportées en parlant de ce dernier. Le sang artériel se partage aussi en sérum, en caillot:; ce sérum est un fluide albumineux , une eau chargée d’albumine et de soude : cette albumine incinérée a donné à peu près au- tant de cendres que la matière colorante ; et ces cendres sont composées des mêmes sels, phosphate et carbonate de chaux , un peu de magnésie et carbonate de soude. Nous avons dit qu’il était moins abondant que dans Île sang veineux, et d’une pesanteur spécifique moindre. M. Davy a évalué celle du sérum du sang veineux 10904 ) et celle du sérum du sang artériel 10257. Le caillot est ce qu'il est dans le sang veineux, sinon qu'il se forme plus tôt et a plus de fermeté. Nous renvoyons, du reste, pour les élémens constituans du sang artériel, à ce que nous avons dit à l’article du sang veineux ; ces deux sangs , qui sont si disuncts pour le physiologiste, se res- semblent au contraire aux yeux du chimiste. Cependant, les observateurs microscopiques disent que le sang artériel contient davantage de particules rouges : sur 10000 par- ties, il y a, selon MM. Dumas et Prévost, 100 particules de plus. Nous n'avons pas besoin de dire que l’état phy- 326 FONCTION DE LA RESPIRATION. sique et chimique de ce sang varie mille fois, selon les proportions et l’état des matériaux dont il dérive ; et le degré de plénitude avec lequel s’est faite la sanguifica- D Ï { D tion; bien qu’il n’y ait pas de rapports chimiques entre | les fluides, chyle , Ilymphe et sang veineux, et le pro- duit de l’hématose , c’est-à-dire le sang artériel, il y a d’autres rapports de quantité et de qualité; et si, par exemple, le chyle est trop peu abondant, ou de mau- vaise qualité par suite de la mauvaise nature des alimens, ke sang artériel diminue , est appauvri, détérioré. Quant à la quantité du sang artériel, on n’a aucun moyen de la déterminer. Sion ouvre dans un animal vivant les gros troncs artériels, et qu’on recueille le sang qui en sort, la mort arrive avant qu’on ait obtenu tout le sang. Bientôt, d’ailleurs, la respiration s’em- barrasse par suite de l’expérience, et le sang artériel cesse de se faire , de sorte qu’on recueille moins de ce sang qu'il n’en existe réellement. En général, les recher- ches qu’on a faites sur ce point portaient sur les deux sangs à la fois : par exemple, Æarvey disait que le poids de tout le sang était le vingtième de celui du corps , jugeant d’après l'expérience suivante : il ouvrait les veines et artères à un animal , le faisait meurir ainsi en recueillant tout son sang, puis comparait le poids du sang à celui du corps 3; mais on peut objecter qu’il ne purgeait pas ainsi tous les sysièmes capillaires du sang qui les abreuve. Tous les auteurs diffèrent dans les évaluations qu’ils ont données : Lobb et Lower , disent qu’on à 10 livres de sang tant artériel que vei- neux; Quesnay dit 27 livres; Hoffmann, 28; d’au- tres disent 50 , et l’on croit que sur ces 30 livres, il y en a 10 dans les artères , et que le reste est dans YONCTION DE LA CIRCULATION. 827 ‘les veines et les systèmes capillaires. Indépendaminent de ce qu’on n’a aucune base rigoureuse pour justilier ces évaluations, on peut leur objecter; d’abord , que le sang doit varier en quantité selon l'âge, le sexe, le tem- pérament, les diverses conditions organiques dans les quelles on peut être; et, ensuite, que selon l’état des systèmes capillaires et le degré d'action du cœur, il y a des proportions mille fois variables de ce sang dans les divers départemens du système circulatoire. mr SECTION IV. lonction de la Circulation. MainrEnANT que nous savons comment est fait le fluide essentiellement nutritif et réparateur , le sang artériel , 1 faut rechercher comment il est conduit aux organes où il doit être mis en œuvre. C’est un des offices de la {fonction de la circulation , dont nous allons traiter. Cette fonction de la circulation, à ne l’entendre que du cours du sang, n'existe pas dans tous les animaux : elle ne s’observe que chez ceux qui ont ce fluide, et manque, au contraire , dans tous ceux chez lesquels les matériau x nutritifs vont immédiatement nourrir les parties. Nous avons vu que, dans l'économie des animaux, son exis- tence était une suite forcée de l'existence d’une respi- ration Jocale et d’absorption externe et interne distinctes, C'est à ces titres qu’elleexiste chez Fhomme ; mais, dans cet être, elle se montre à un assez haut degré de eom- plication. D'abord , elle n’est pas effectuée à l’aide de vaisseaux 328 FONCTION DE LA CIRCULATION. seulement; ce ne sont pas des vaisseaux seuls qui , chez l’homme , portent, d’un côté, les fluides des absorptions , chyle, lymphe et sang veineux à l'organe respiratoire , pour qu'ils ÿ soient changés en sang artériel, et qui, d’autre part , portent ce sang artériel de l’organe respi- ratoire à toutes les parties du corps où il doit être mis en œuvre. Îl y a des animaux, les vers, chez lesquels l'appareil circulatoire a ce degré de simplicité ; et, chez eux, la circulation , qui mérite bien son nom, puisque le fluide qu’elle meut décrit un cercle, peut être définie l'action par laquelle le sang est porté de l'organe respi- ratoire aux parties du corps qu’il doit nourrir, et rap- porté de ces parties à l'organe respiratoire. Mais, chez l’homme , il y a de plus sur le trajet de ces vaisseaux , dans un point déterminé de l’espace qu’a à parcourir le sang, un muscie creux qui, par ses contraclions, im- prime un mouvement au fluide , et qui est ce qu’on ap- pelle le cœur. Alors, comme le cœur fonde une des prin- cipales puissances de la circulation ; commeilest le point où se rassemblent d’abord , etle sang veineux qui revient des parties pour être renvoyé à l’organe respiratoire, et Je sang artériel qui revieni de celui-ci pour être renvoyé aux parties; on l’a considéré comme le centre de la fonction ; et on a dès lors défini la circulation , non plus l'envoi du sang de l’organe respiratoire aux parties, et le retour de ce sang des parties à l'organe respiratoire ; mais l'envoi du sang du cœur à toutes les parties, elle retour de ce sang de toutes les parties au cœur. Envisa- gée ainsi, la circulation offre toujours un cercle; mais au lieu de fixer, comme dans le cas précédent, le commen- cement et la fin de ce cercle à l’organe respiratoire, lieu où le sang se fait primitivement ct revient se refaire FONCTION DE LA CIRCULATION. 329 sans cesse, ou les fixe au cœur , qui est l'organe de pro- jection. Faisons remarquer aussitôt que , comme le cours du sang est continu , le cœur , par les contractions du- quel ce liquide est projeté, doit nécessairement être composé de deux cavités qui se suivent et se communi- quent , une par laquelle il recoit le sang , et l’autre par laquelle il le projette. I était, en effet , impossible qu’une même cavité pût à la fois, et se dilater pour recevoir du sang , etse contracter pour en lancer. La cavité par la- quelle le cœur recoit le sang est appelée oreillette, etles vaisseaux qui le lui apportent, sont nommées veines ; et on appelle ventricule la cavité par laquelle le cœur lance le sang, et artères, les vaisseaux qui émanent de ce ventricule , et dans lesquels il projette le liquide. En second lieu, la circulation chez l’homme est dou- ble; parce que chez lui tout le sang veineux doit à cha- que cercle circulatoire, repasser en entier par le poumon avant d’être renvoyé aux parties; et parce qu'il y a deux cœurs , un pour la circulation du sang artériel, et un autre pour la circulation du sang veineux. Il est des animaux , les reptiles, par exemple, chez lesquels tout Je sang veineux qui revient des parties , ne doit pas à chaque cercle circulatoire aller se refaire dans l’organe de la respiration; une partie de ce sang seulement y est conduite, et suflit pour revivifier toute la masse. Dans ce cas, iln’y a qu'un seul cœur, à l'oreillette duquel aboutissent à la fois, et le sang revivifé et artériel qui revient de l’organe de la respiration , et le sang veineux qui revient des parties ; le mélange de ces deux sangs se fait dans cette oreillette et dans le ventricule qui lui fait suite; celui-ci projette le fluide dans l’arière qui émane de lui, et cette artère se partage aussitôt en deux 330 FONCTION DE LA CIRCULATION. branches : lune, qui conduit à l'organe de la respira- tion la portion de sang qui va y subir l'influence de l'iir, l’autre , qui distribue aux parties la portion de sang qui doit les nourrir. Le fluide , si on dérive son cours du cœur , ne décrit qu’un seul cercle, et la circulation est ce qu’on appelle simple. Le cœur est, comme on dit, à un seul ventricule et à une seule oreillette. Quelque- fois, cependant , celle-ci est comme subdivisée en deux, pour chaque espèce de sang; et quelquefois aussi le ven- tricale est partagé en loges, qui servent à diriger diffé- remment les deux sangs, ou à en faciliter mécanique- ment le mélange. Mais, dans d’autres animaux,et l'homme est de ce nombre, il faut qu’à chaque cercle circulatoire tout le sang veineax qui revient des parties repasse par l'organe de la respiration , et s’y revivilie. Alors il faut nécessairement que les deux sangs restent isolés, ne se mêlent pas l’un à l'autre; et, pour cela, l’on observe l’une ou l’autre des trois dispositions suivantes : 1° Ou bien il n’y a pas de cœur, et la circulation est exclusi- vement accomplie par des vaisseaux, comme nous avons dit que cela était dans les vers. 9° Ou bien il n’y a de cœur que pour l’un des deux sangs ; soit pour le sang artériel, comme cela est dans les crustacés et la plupart des mollusques ; soit pour le sang veineux , comme dans les poissons. Dans ces deux classes d'animaux, en effet, le cœur est unique, a un seul ventricule et une seule oreillette, comme dans les reptiles ; mais, au lieu dap- partenir aux deux sangs, il n'appartient qu’à l’un des deux : il est artéricel ou aortique chez les premiers; et veineux ou pulmonaire chez les seconds. 8° Ou bien, enfin , il y a deux cœurs : un pour chaque espèce de sang ; lun , qui reçoit lc sang veineux du corps et l’en- FONCTION DE LA CIRCULATION. 351 voie à l'organe de la respiration, appelé cœur veincux ou pulmonaire ; Vautre, qui recoit de l'organe de la res- piration le sang artériel, et l'envoie aux parties qu'il doit nourrir , appelé cœur artériel ou aortique. C'estce qui est dans les animaux supérieurs , homme particu- lièrement. À la vérité, les deux cœurs, étant accolés l’un à l’autre, paraissent ne former qu’un seul organe. De là, l'admission dans le corps de l’homme d’un seul cœur , mais qu’on a dit partagé en deux moitiés ; une pour cha- que espèce de sang, et chacune ayant une oreillette et un ventricule , chacune recevant ses veines propres, et donnant naissance à son artère spéciale ; étant enfin, comme on le dit, à deux ventricules et deux oreillettes. Mais ce n’est là qu’une pure dispute, de mots. Or il est évident que dans ce cas, qui est le plus complexe, sion veut toujours dériver du cœur la circulation, il faut la reconnaître double, admetire deux circulations : l’une, qui consiste dans l'envoi du sang veineux de l’une des moitiés du cœur, du cœur veineux ou pulmonaire, à l’or- gane de la respiration; et, du retour de ce sang, alors redevenu artériel, à l’autre moitié du cœur , au cœur artériel , ou aortique : l’autre, qui consiste dans l’envoi du sang artériel de cette moitié du cœur ou cœur aor- tique, aux divers organes du corps; et, du retour de ce sang, avait servi de point de départ à la première circulation , alors redevenu veineux, à la moitié du cœur qui ou cœur pulmonaire. Dans chacune, le sang décrit un cercle dont chacune des moitiés du cœur , ou dont cha- que cœur est le centre. L’une est appelée circulation pulmonaire, ou petite circulation, parce qu’elle aboutit à l'organe de la respiration qui, chez l’homme, est un poumon , et qu’elle embrasse un cercle plus petit, L'au- 332 FONCTION DE LA CIRCULATION. tre est dite la grande circulation , parce que destinée à tout le corps, elle représente un cercle plus grand. Seu- lement , les deux circulations s’alimentent réciproque- ment : c'est le sang qui a été fait dans la circulation pulmonaire, et qui est rapporté par elle, qui va alimenter la circulation du corps; et de même, c’est le sang vei- neux que rapporte la circulation générale qui va consti- tuer la circulation pulmonaire , pour redevenir, pendant le cours de celle-ci, sang artériel. Pour cela, c’est à l'oreillette du cœur artériel qu’aboutissent les veines qui rapportent le sang de la circulation pulmonaire , et c’est à l'oreillette du cœur pulmonaire qu’aboutissent les veines qui rapportent le sang de la circulation géné- rale. Mais entrons dans les détails de la fonction ; ces dé- tails éclairciront ce que cette première exposition peut laisser d’obscur : suivons notre ordre accoutumé, et commencons par l’étude anatomique de l’appareil de la circulation. CHAPITRE. 1. De l’Appareil circu latoire. L’Appareiz circulatoire se compose des parties dans lesquelles circule le sang , et par l’action desquelles ce fluide est mis en mouvement. Chez l’homme , il est dou- ble comme la circulation elle-même , et comprend pour chaque cercle ; un cœur , une artèrepar laquelle ce cœur lance le sang, des veines par lesquelles ce sang lui est rapporté, et enfin, une masse considérable de vaisseaux très-petits, intermédiaires aux terminaisons de l'artère DU COEUR. 333 et aux origines des veines, et qu'on appelle systèmes ca- pillaires. Mais, comme chacune de ces quatre parties est semblablement disposée et organisée dans l’un et l’autre cercle; que même les cœurs sont confondus en un seul et même organe; ce que l’on dit de ces parties dans l’un des cercles est entièrement applicable à ces mêmes parties dans l’autre cercle ; et on peut, par con- séquent, les décrire en même temps sous les quatre chefs indiqués. AnTiIcLe [®. Du Cœur, ou des Cœurs. Les cœurs sont des muscles creux, dans la cavité des- quels aboutissent les sangs veineux et artériel , impri- mant par leurs contractions une impulsion à ces fluides, et qui sont, sous ce rapport, une des premières puis- sances de la circulation. Accolés l’un à l’autre, de ma- nière à ne former qu’un seul organe , qu’un cœur à deux oreillettes , et deux ventricules , comme on dit , nous allons les considérer d’abord comme séparés ; ensuite nous parlerons d’eux , comme formant un seul et même organe. 1° Le cœur du corps est encore appelé le cœur gau- che, aortique, ou rouge, parce que l’artère qui émane de lui est appelée aorte, et que le sang qu'il projette est le sang artériel. D’après sa situation , il est plutôt posté- rieur que gauche. Il est composé d’une oreillette et d’un ventricule. L’oreillette est de ses deux cavités la plus petite, et celle par laquelle lui arrive le sang artériel qui revient du poumon. Située à la base de l’organe, elle a une 354 FONCTION DE LA CIRCULATION. forme ovale, et une capacité difficile à préciser. D'un côté , elle offre les ouvertures des quatre veines venant du poumon , et par lesquelles lui arrive le sang artériel. De l’autre côté, elle présente une autre ouverture, qui Ja fait communiquer avec le ventricule correspondant. Sa surface interne est assez lisse, si ce n’est dans son ap- pendice appelée auricule, où elle offre quelques fais- ceaux musCuleux saillans, appelés colonnes charnues. Sa paroi interne lui est commune avec celle de l’oreil- lette de l’autre cœur, et offre un petit enfoncement appelé fosse ovale, qui est la trace d’un trou qui, dans le fœtus, fait communiquer les oreillettes des deux cœurs, du trou dit de Botal. Le ventricule est plus spacieux, et a des parois plus épaisses : sa forme est celle d’un prisme triangulaire, dont la base correspond à l'oreillette et à l’ouverture de l'artère aorte, et le sommet à la pointe du cœur. Il donne naissance à une grosse artère, appelée aortce. Il offre dans son intérieur deux ouvertures : l’une, qui le fait communiquer avec l'oreillette dont nous avons parlé iout à l’heure’; l’autre, qui conduit dans l’artère aorte. La première est garnie de deux replis, qui sont formés par la membrane interne du cœur , et qu’on appelle val- vules mitrales ; la seconde en offre irois, qui sont ap- pelés valvules sigmoides. L’une et l’autre sont à leur pourtour garnies d’une zone de tissu fibreux. Toute la surface interne de ce ventricule présente des faisceaux musculeux saillans , qui sont croisés en tout sens, et qu'on appelle colonnes charnues; quelques-uns de. ces faisceaux,se terminent par des tendons. qui vont.s’atta- cher. au sommet des valvules mitrales. Au sommet :de ces valvules sont des espèces de mœuds;qui en.facilitent \ DU COŒUR. 335 l'occlusion, et qu’on appelle globules d'Arantius. La paroi interne de ce ventricule lui est commune aussi avec celie du ventricule de l’autre cœur. 2° Le cœur du poumon, ou du sang notr, ou le cœur droit , antérieur , esi composé de même. Son oreillette, située aussi à la base de l'organe, a à peu près la même forme, la même capacité, et reçoit tout Je sang veineux qui revient du corps. Elle offre aussi deux sortes d'ouvertures : celles par lesquelles elle reçoit le sang, et celle par laquelle elle le lance. Aux premières aboutissent trois veines, qui rapportent le sang veineux du corps : l’une , est la veine cave supérieure, dont l’em- bouchure dans l'oreillette est en haut ct en arrière, et dans la même direction que l’ouverture par laquelle cette oreillette communique avec son ventricule ; l’autre, est la veine cave inférieure, dont l’embouchure dans l’o- reillette est en bas et en arrière , et qui est garnie en bas par le reste d’une valvule qui est très-développée et très-utile dans le fœtus , et qu’on appelle valvule d'Eus- tachi; enfin , la troisième est le groupe des veines car- diaques, c’est-à-dire des veines qui rapportent le sang du cœur lui-même. L'ouverture par laquelle l'oreillette lance le sang, est celle qui le fait communiquer avec son ventricule , et elle est située en bas et en avant. Sa surface interne offre beaucoup plus de ces faisceaux musculeux appelés colonnes charnues, probablement afin de mieux produire le mélange intime des trois flui- des des absorptions qui sont les matériaux de l’hématose. Sa paroi interne lui est de même commune avec celle de l'oreillette de l’autre cœur. Le ventricule, situé aussi à peu près comme celui de l’autre cœur , a généralement la même forme ; mais 35356 FONCTION DE LA CIRCULATION. d'ordinaire plus de capacité, et des parois moins épaisses, {1 donne naissance à une grosse artère, appelée pul- monaire. Dans son intérieur , sont aussi deux ouver- tures : l’une, dite auriculaire , parce qu’elle le fait communiquer avec son oreillette, et qui est plus large qu'au cœur aortique ; l’autre, qui conduit dans l’artère pulmonaire. La première est garnie de trois valvules , dites tricuspides , et la seconde de trois autres appelées sigmoides. Toute sa surface interne offre des colonnes charnues , mais moins nombreuses et moins croisées que dans l’autre cœur ; quelques unes aussi se terminent par des tendons qui s’attachent au sommet des valvules tri- cuspides. À ce sommet , sont aussi ces espèces de nœuds appelés globules d’Arantius. Enfin , la paroi interne de ce ventricule lui est commune avec celle du ventricule de l’autre cœur. L'organisation de ces deux cœurs est entièrement la même ; dans chacun d’eux, on peut reconnaître les par- ties suivantes : 1° en dehors , une membrane séreuse qui les revêt , et qui est un prolongement de la mem- brane interne du péricarde , enveloppe commune des cœurs , dont nous allons parler ci-après. 2° En dedans, une membrane mince qui les tapisse, et qui forme, par ses replis, les valvules dont nous avons parlé. Seule- ment , comme cette membrane est dans chaque cœur en contact avec un sang différent , elle diffère de nature dans chaque. Dans le cœur du corps, elle est une con- tinuité de celle que nous verrons tapisser les veines pul- monaires et l'artère aorte, et a pour caractères d’être peu extensible, fragile , et très-disposée à s’ossifier. Dans le cœur du poumon, elle est, au contraire, la conti- nuité de celle qui tapisse les veines du corps et l'artère 1; % DU COEUR. 337 pulmonaire, et à des caractères tout opposés, d’être très-extensible , peu fragile , et peu disposée à s’ossifier. 5° Entre ces deux membranes , dont l’une est en dehors et l’autre en dedans des cœurs , est le tissu propre de ces or- ganes, tissu de nature évidemment musculeuse ; plus épais au ventricule qu'aux oreillettes, au ventricule du cœur du corps qu'à celui du cœur du poumon , dont les fibres paraissent former un entrelacement inextricable , et sur la disposition duquel ont été faits de nombreux travaux par Sténon, Borelli, Lower, Vieussens , Lancisy , Tabor, Winslow, Cassebohn, Sénac, Wolff, et ré- cemment M. Gerdy. Wolff dit que ses fibres forment six plans ou couches superposées au ventricule gauche, et trois au ventricule droit; qu’aux plans externes , ces fibres sont en général obliques de haut en bas, d’avant en arrière et de droite à gauche, occupent toute la cir- conférence des ventricules et s'étendent jusqu’à la pointe du cœur; qu'aux plans moyens, elles sont dirigées en sens contraire, et déjà moins longues et moins larges ; et qu'enfin, aux plans profonds , elles ont une direction longitudinale, et sont les plus courtes possible. Ces cou- ches ne sont pas simplement juxla-posées, mais sont confondues en partie par des fibres qui se portent des unes aux autres. En général aussi , les fibres de chaque ventricule paraissent se terminer plus ou moins distinc- tement à la cloison qui les sépare. Aux oreillettes , off n'admet que deux couches , une externe , à fibres trans- versales, et une interne, à fibres longitudinales. M. Gerdy établit que toutes les fibres des ventricules, quelles que _soient d’ailleurs leur étendue, leur situation et leur di- rection, représentent des espèces d’anses, emboîtées les 2, 22 F- 338 FONCTION DE LA CIRCULATIOK, unes dans les autres, les plus petites dans les plus gran- des , dont la convexité regarde la pointe du cœur, en est plus ou moins rapprochée , et dont les deux extré- mités sont constamment fixées à la base du cœur, au pourtour des ouvertures auriculaires et artérielles des ventricules. 4° Enfin, à ce tissu musculeux qui fait spé- cialement le fond du cœur , il faut ajouter les élémens obligés de toutes parlies vivantes : des artères, qui sont les cardiaques ou coronaires , première division de l’ar- ière aorle, et portant dansles cœurs le sang artériel dont ces organes ont eux-mêmes besoin : des veines, les car- diaques , qui rapportent le sang veineux propre du cœur, et dont nous avons indiqué l’embouchure dans l’oreil- lette du cœur du poumon : enfin, des nerfs, appelés cardiaques , qui, dans leur distribution, suivent la dis- position des artères coronaires. Les uns font venir ces nerfs exclusivement de la huitième paire ; les autres, d’un plexus formé par cette huitième paire ct le tri- splanchnique ; d’autres enfin, d’un ganglion nerveux, que l'on dit être spécial à la circulation , et situé derrière le cœur, les nerfs dits cardiaques n'étant alors que des filets de communication que ce ganglion envoie aux au- tres systèmes nerveux. Par ces nerfs, le cœur sera sou- mis à une influence nerveuse. Tels sont les deux cœurs. Dans chacun , les oreillettes sont constamment plus minces el plus capaces que les ventricules : les orcillettes de chacun sont égalemént épaisses el capaces ; mais le ventricule du cœur du corps a généralement ses parois plus épaisses, probablement parce qu'il a à envoyer le sang beaucoup plus loin, et dans des tissus moins pénétrables. Au contraire , le ven- + DU COEUR. 939 iricule du cœur du poumon offre généralement plus de capacité , du mains à juger par la majorité des cadavres. Déjà Æippocrate l'avait dit. Chacun a cherché à en don- ner une explication; les uns ont dit que c’était l’effet d’une disposition native ; d’autres ont pensé que c’était parce que le sang, rafraichi lors de son passage dans le pou- mon par le contact del’air , occupait un moindre volume lorsqu'il arrivait au cœur du corps. Haller et Meckel ont avancé que le fait variait selon les circonstances de la mort , et que si le plus souvent le ventricule droit était plus capace, cela tenait à ce que généralement dans les agonies , le poumon était un des organes qui fléchis- sait des premiers , d’où embarras dans la circulation de cet organe , et reflux, ou du moins stagnation du sang dans les cavités droites du cœur. Ils ont , dans des e expc- riences , rendu alternativement l’un ou l’autre des deux ventricules plus capace , selon qu'ils faisaient périr Les animaux par une cause qui entravait la circulation dans le poumon ou dans l'aorte. Enfin, Legallois a expéri- menté, avec du mercure , sur des RE , des chats, des cochons-d’Inde, des lapins, sur l’homme adulte, sur lenfant , le fœtus mort-né ; et il dit avoir toujours trou- vé le ventricule droit plus capace, excepté dans le fœ - lus, soit que la mort soit venue par asphyxie , soit qu’elle soit venue par hémorragie : il pense que ja différence tient à ce que le ventricuie gauche , plus musculeux , revient davantage sur lui-même. Accolés l’un à l’autre , ces deux cœurs forment un seul organe , situé dans Ja région moyenne du thorax , Par conséquent à une FRE à peu près égale des extré- mités du tronc et des principaux viscères. I est là D, 540 FONCTION DE LA CIRCULATION. placé entre les deux poumons, dans la région de cette cavité la plus fixe, par opposition avec ce qui est de ces derniers organes , et soustrait conséquemment en grande partie aux mouvemens propres de ce thorax. Il est d’ailleurs renfermé en une capsule qui prévient ses déplacemens, le péricarde , et logé dans la duplica- ture des médiastins. Ge péricarde est une membrane fibro-séreuse , enveloppe protectrice du cœur, et formées, de deux feuillets : 1° le feuillet extérieur est fibreux ; composé de fibres albuginées, et pouvant se séparer en plusieurs lames ; attaché au pourtour du centre phré= nique du diaphragme , il se continue sur chacun des gros vaisseaux qui arrivent au cœur ou en naissent. 2° Le feuillet interne est séreux , et d’une part tapisse le feuillet fibreux dont nous venons de parler, et d'autre part se réfléchit sur le cœur qu’il revêt, et qu'il paraît suspen- dre dans l’enveloppe; il est le siége d’une perspiration , dont le fluide qu’on trouve toujours en quantité plus ! ou moins grande dans le péricarde , après la mort, est | le produit. Jadis l'histoire de ce péricarde a donné lieu à beaucoup de controverses sur Îe nombre des tuniques | qui le forment ; sur l'existence et l'origine de la sérosité | qu’on y trouve après la mort; etc. Son usage est d’as- surer la situation du cœur , qui est libre dans son inté=, rieur , et dont les quatre cavités y jouissent de toute la | plénitude de leurs mouvemens ; aussi existe-t-il dans tous les animaux qui ontun cœur; et si, dans une expé* rience , on le coupe sur un animal vivant, on voit le cœur se jeter comme au hasard dans le thorax, et | n’avoir plus que des mouvemens irréguliers. DES ARTÈRES. 341 ARTICLE IL. Des Artères. Les artères sont des canaux d’une texture solide et élastique, qui naissent par un seul tronc du ventricule de chacun des cœurs, dans lesquels les contractions de ceux-ci projettent le sang , et qui le dirigent par des ra- mifications successives dans ces réseaux intermédiaires aux artères et aux veines, que nous avons appelés sys- tèmes capillaires. Gelle qui naît du ventricule du cœur gauche et qui conduit le sang artériel au corps , s'appelle aorte , et celle qui naît du ventricule du cœur droit, et qui conduit le sang veineux au poumon , s'appelle artère pulmonaire. L'une et l’autre ne sont pas une continuité du tissu propre des ventricules; il n’y a de continu entre eux que la membrane interne qui Les tapisse; dans le reste , il n’y a qu’adhérence à l’aide d’un üssu fibreux intermédiaire attaché , d’une part, aux fibres des ven- tricules , et d'autre part à celles de la membrane propre des artères. L'une et l’autre, à leur origine, offrent trois replis valvuleux , appelés valuules sygmoïdes , dont nous avons déjà parlé à l’article de la description des cœurs. 1° L’artère aorte, appelée encore artère du corps, aussitôt qu’elle se distingue du ventricule , se porte d’a- bord en haut, étant encore renfermée dans la cavité du péricarde ; puis elle décrit une grande courbure, qu'on appelle crosse de l'aorte, pour se reporter en bas ; alors elle descend directement en bas depuis le haut ‘du thorax jusque sur le sacrum , où elle se partage en deux troncs pour chacun des membres inférieurs , étant appliquée dans tout ce trajet sur le rachis. Dans cette 3/° FONCTION DE LA CIRCULATION. longueur, elle donne naissance à une suite de trones, de branches, de rameaux, de ramuscules , d’artères successivement décroissantes, qui distribuent le sang rouge dans toutes les parties du corps. À l’origine la plus rapprochée du cœur, par exemple, se détachent les artè- res cardiaques , qui se ramifient dans le tissu du cœur lui-même. Ensuite , à cette courbure que nous avons ap- pelée crosse de l’aorte , naissent trois gros troncs, que dans leur ensemble on a appelé aorte ascendante, parce qu'ils se distribuent à la tête et aux membres supérieurs, tandis que le reste de l’aorte se ramifie aux parties in- férieures. Ces trois troncs sont : le tronc innominé , qui, fort court, se partage bientôt en deux branches, l'artère céphalique, destinée à la tête , et l’artère aæil- laire destinée au membre supérieur droit; en second. lieu , la carotide primilive, qui est plus à gauche, et qui se subdivise aussi en deux branches , la carotide in- terne, pour l'intérieur du crâne, et la carotide externe, pour l'extérieur de la tête ; enfin, la sous-clavière, qui est plus à gauche encore, et qui se distribue à tout le membre supérieur sauche. Ges trais troncs alimentent , par une suite de branches , de rameaux et de ramuscu= les successivement décroissans , toules les parties du corps qui sont au-dessus des clavicules, y compris les membres supérieurs. Le reste de l'aorte qui fait suite à la courbure , jusqu’à la bifurcation sur le sacrum, s’ap- pelle aorie descendante, ou proprement dite , et succes- sivement donne naissance aux artères intercostales , bronchiques; à un gros tronc appelé cœliaque', qui, bien- | tôt se subdivise en trois branches, les artères coronaire stomachique, hépatique et splénique ; aux artères rénales, mésentérique supérieure , MéSCntérique inférieure , etc. EE + » ?, La DES ARTÈRES. 549 Enfin, sur le sacrum, celle aorte, se bifurque en deux gros troncs appelés éliaques primitives , el chacun de ces troncs ensuite se subdivise en deux sortes de bran- ches : les unes dites pelviennes, qui se distribuent au bassin ; les autres appelées crurales , qui se portent au membre inférieur. Entre les deux iliaques primitives, est une artère appelée sacrée moyenne, qui est assez petite chez l’homme , mais qui est fort grosse chez les animaux dans lesquels la queue n’est pas, comme chez nous, rudimentaire. Du reste, il serait hors de notre objet d’énumérer ici la succession des divisions et sub- divisions de laorte : il suflit de dire que de ce gros tronc vasculaire naissent des séries de vaisseaux successive- ment décroissans , qui portent le sang ariériel dans le parenchyme de toutes les parties , et qui à la fin par- viennent à un degré de capillarilé tel qu'on ne peut plus les distinguer dans la trame des organes ; alors ils font partie de ce qui constilue fa troisième partie de lappa- reil circulatoire , les systèmes capillaires. Les divisions successives de celle artère ne sont pas des cônes, mais une suite de cylindres décroissans, sans qu’il y ait du reste aucun rapport nécessaire de volume dans leur décroissance : par exemple , le tronc de l'aorte fournit souvent de très-petites branches. Les bifurcations se. font sous toutes sortes d’angles, sous des angles droits, aigus , oblus, elc. Le tronc central et ses principaux ra- meaux sont placés profondément, et hors de toutes at- teintes extérieures : les grosses branches occupent les srands intervalles des organes; les rameaux occupent les petits , et sont généralement plus flexueux. Dans le tra- jet, ces vaisseaux suivent une direction tantôt droite, tantôt flexueuse. Ils communiquent souvent entre eux, 544 FONCTION DE LA CIRCULATION. et leurs anastomoses sont d’autant plus fréquentes, que les artères sont plus petites et plus éloignées du cœur. Beaucoup de calculs ont été faits pour apprécier Le nom- bre des divisions que présente l’aorte depuis sa sortie du cœur jusqu'à sa ramification dernière ; Haller à porté ce nombre à »o, Keël, à 5o, etc. Il résulte de cette description, que le système vascu- laire de l'aorte représente dans son ensemble un arbre , qui à son tronc au cœur, et ses ramifications aux par- ties ; avec celte différence cependant, que les ramifica- tons ne sont pas libres, mais forment à leurs extrémités un réseau où elles communiquent entre elles , et avec les systèmes vasculaires veineux , sécréteurs et Iympha- tiques. En outre, comme un tronc a toujours moins de capacité que les deux rameaux qu'il forme, il s'ensuit que le système représente dans son ensemble un cône qui a son sommetau cœur , etsa base aux parties; qu’ain- si, la capacité du système artériel va en augmentant du cœur aux parties. Des calculs ont été faits pour évaluer les rapports de la capacité de l'aorte à son origine, à celle de tous ses rameaux réunis : le rapport est com- me 1 à 44007, selon Keil ; comme 1 à 500, selon /{el- vetius et Sylva ; commegocoo à 118490 , selon Senac. Martin a dit que le calibre d’un tronc égalait la racine cube des diamètres des branches. 2° L’artère pulmonaire a beaucoup d’analogie avec la précédente , et nous a déjà occupé à la fonction de la respiration , lorsque nous avons décrit la structure du poumon. Renfermée d’abord dans le péricarde, bientôt elle en sort, et se partage en deux branches qui s’ac- colent aux bronches, et se dirigent du côté de chaque poumon. Chacune de ces branches va en se divisant suc- t t@ Ont % ss DES ARTÈRES. 945 cessivement en rameaux et ramuscules successivement décroissans , à mesure qu’elle pénètre le parenchyme de l’organe , suivant dans cette subdivision les divisions des bronches elles-mêmes. Enfin, de même que l'aorte fi- nissait dans le parenchyme des diverses parties du corps par des ramuscules si nombreux , que toutes en rece- vaient , et si déliés qu’on ne pouvait en apercevoir la disposition; de même finit l'artère pulmonaire dans le tissu du poumon. Cette artère présente aussi dans son ensemble , non une suite de cônes, mais une suite de cy- lindres successivement décroissans : elle a également la forme d’un arbre, dont le tronc est au cœur, et les ra- mifications au poumon. Seulement, ces ramifications, au lieu d’être libres , sont aussi unies entre elles en réseau dans le tissu du poumon. Enfin, la capacité de ce sys- ième vasculaire va de même en augmentant, depuis son origine dans le cœur, jusqu’à ses terminaisons multi- pliées , dans le système capillaire du poumon. L'organisation et la texture de ces artères sont les mé- mes dans chacun des deux cercles, et c’est pour cela que nous en traitons au même lieu. Gette organisation a été l’objet de beaucoup de travaux, parce qu’on a espéré avec juste raison approfondir par elle le mécanisme dela circulation : elle consiste en plusieurs tuniques qui sont superposées les unes aux autres, et dont chaque auteur a indiqué un nombre divers. Willis, par exemple, en admettait cinq ; Boërhaave, Vicussens, quatre, les trois dont nous allons parler, el une quatrième qui fut dite tour à tour nerveuse , vasculaire ou glanduleuse. Aujour- d'hui, onne leur en reconnaît que trois: 1° une exlé- rieure, appelée nerveuse par Albinus, cartilagineuse par Wesale, tendineuse par Heister, mais qui doit être 346 FONCTION DE LA CIRCULATION. nommée la tunique celluleuse des artères, parce qu’elle est formée par du tissu cellulaire condensé. C’est gé- néralement la seule qui reste intacte dans les anévris- mes vrais. 2° Une intérieure , qui est lisse , polie, et une continuation de celle qui tapisse l’intérieur du cœur. Dumas dit qu’elle exhale un fluide qui est destiné à la défendre du contact du sang; mais cela est douteux, car on voit que toute artère s’oblitère, dès que le sang cesse de la traverser, ce qui ne devrait pas être dans l'hypothèse de Dumas ; il est probable que le fluide sé- reux qu’on a cru provenir d’une action exhalante de la membrane , était le produit de la séparation cadavéri- que du sérum du sang. Puisque cette membrane est la continuation de celle qui tapisse l’un et l’autre cœur, nous n'avons pas besoin de dire qu’elle n’est pas la même dans l’artère aorte et dans l'artère pulmonaire: dans la première, c’est celle du cœur rouge , et elleest de même peu extensible, fragile, et disposée à s’ossifier ; dans la seconde, c’est celle du cœur noir, et elle est dès-lors extensible, non fragile, et non disposée à s’ossifier. 3 Enfin, entre ces deux membranes, en est une troisiè- me qui est celle qu’on appelle {& membrane propre des artères, et celle sur laquelle ont porté principalement les débats : elle est composée de fibres jaunes, circulai- res ou transversales , mais non longitudinales. Beaucoup de recherches ontété faites pour découvrir sa nature. On dit d’abord qu’elle était musculeuse , et cela dans la vue de trouver une puissance de plus pour la circulation ; mais cela est démenti par l'anatomie ; la fibre de la mem- brane propre des artères n’a aucun des caractères phy- siques , chimiques , anatomiques , physiologiques de la fibre musculaire ; le tissu musculeux, par exemple, est DES ARTÈRES. 947 mou, extensible, contractile; et celte membrane des artères est ferme, solide, élastique, fragile , facilement coupée par une ligature , et inapte à manifester la moin- dre irritabilité par tout irritant mécanique ou chimique quelconque : Mysten lui a vainement appliqué le golva- nisme ; le tissu musculeux a les fibres rouges, celle-ci à les fibres jaunes. D’autres ont émis qu'elle était de na- ture fibreuse ; mais elle diffère encore en beaucoup de points du tissu,fibreux. Gest vraiment un tissu d’une na- ture spéciale, reconnaissant pour base ce tissu très-élas- tique , dont les anatomistes zoologistes ont fait dans ces derniers temps un tissu particulier, sous le nom deéissu jaune. Les fibres de cette membrane ont une forme apletie et non arrondie; et elles sont plutôt simplement juxta-posées , qu’unies par du tissu cellulaire entre elles, d’où résulte la fragilité que présente cette membrane. Les artères, outre ces trois tuniques, en empruntent souvent une quatrième de la membrane séreuse des cavités splanchniques qu’elles parcourent; et c’est ce qui a causé la dissidence des auteurs sur le nombre de leurs tuniques constituantes. Elles reçoivent de plus les élémens obligés de toutes parties vivantes , savoir , des artérioles, des veinules, des vaisseaux Iymphatiques , et des nerfs. Geux-ci venant du sympathique, forment comme un réseau autour d'elles, et les accompagnent dans toutes leurs ramifications. Quoique la tunique pro- pre des artères aille en diminuant toujours des troncs aux rameaux , eu égard à son épaisseur , elle a dans ses rameaux une épaisseur proportionnelle plus grande, et de la les parois des artères se montrent d'autant plus épaisses et d'autant plus molles, qu’elles sont plus pe- tites. 548 FONCTION DE LA CIRCULATION. Ce mode d’organisation rend ces vaisseaux assez ré- sistans, et surtout très- élastiques, propriétés qui leur étaient nécessaires ; la première pour qu’ils puissent sup- porter le choc du sang projeté avec force par le cœur, la seconde, afin qu’ils puissent réagir sur le sang avec une force égale à celle qui les dilate, et influer par R sur le cours de ce liquide. Aussi, leurs parois restent- elles écartées sur le cadavre , et c’est par là qu'ils se dis- tinguent des veines. Wintringham a cherché , en injec- tant de l’air ou du mercure dans leur intérieur, à éva- luer la mesure de leur résistance, et quel était le rap- port de cette résistance avec l'épaisseur de leurs parois et leur capacité : il dit que cette résistance est en raison inverse de la dureté du tissu des artères , et qu’elle est plus grande dans les petites artères. Celles-ci, en effet , se montrent moins souvent anévrismatiques. Ces artères reviennent sur elles-mêmes, quand le sang qu’elles cha- rient diminue , ou même manque tout-à-fait : d’où l’on concoit qu’elles offrent de grandes variétés dans leur vo- lume, dans les cadavres , selon que la mort est, arrivée par asphyxie ou par hémorragie. La vitalité de ces vais- seaux est peu marquée, leurs maladies peu nombreuses el rares; ce qui s'accorde avec le rôle presque passif, et néanmoins important, qu'ils jouent dans la circula- tion. Tout ce que nous venons de dire est commun aux deux artères de l’une et l’autre circulation. Seulement , l'artère du poumon est moins grosse, moins élendue, moins solide, parce que le cœur droit est moins fort, et par conséquent l’expose à un choc moindre. Elle offre moins d’anastomoses entre ses branches, si ce n’est à ses terminaisons , et on concoit pourquoi. Enfin, sa mem- DES SYSTÈMES CAPILLAIRES. 349 brane interne est différente, c’est celle du système vas- culaire à sang noir. Anricze HI. Des Systèmes Capillaires. Cette troisième partie de l'appareil circulatoire con- siste en ces réseaux vasculaires qui sont intermédiaires aux artères et aux veines, où finissent les unes, où com- mencent les autres, et que traverse nécessairement le sang pour aller des premiers de ces vaisseaux aux se- conds: Ces systèmes capillaires, ainsi nommés parce que les vaisseaux qui les forment sont aussi fins que des che- veux, sont de plus les lieux où les deux espèces de sang subissent chacun une transformation importante, où le sang artériel est changé en sang veineux, et le sang vei= neux en sang artériel. Ils sont de deux espèces : le sys- ième capillaire général, qui est celui où aboutit le sang artériel , et où se fait le sang veineux , ainsinommé parce qu’il est formé par l’ensemble de toutes les parties : et le système capillaire pulmonaire, qui est celuioù aboutit le sang veineux, où ce sang est changé en artériel, et qui siége dans le tissu du poumon. La texture de ces systèmes capillaires est sans con- tredit un des pointsles plus importans à connaître pour l’histoire de la circulation; et à cette question se ratta- che la connaissance des modes selon lesquels se termi- nent les artères et commencent les veines. Mais la té- nuité des parties est telle qu’on ne peut rien voir. Que, d’une part, on suive le plus loin possible dans le tissu d’un organe (car ces systèmes capillaires sont le pa- renchyme même des organes, et sous ce rapport leur étude se représentera encore à nous à l'article des nu- 350 FONCTION DE LA CIRCULATION. triions) une artère; que, d’autre part, on suive de même une veine dans la vue de remonter jusqu’à son origine première; dans l’un et l’autre cas la dissection devient bientôt impossible, et le vaisseau échappe à la vue, avant que l’on soit parvenu au terme que l’on désire. Les observations microscopiques sur les animaux vivans, et les injections sur le cadavre, ou pendantlla vie, sont les seuls moyens qu'on possède pour éclairer un peu la question. dJadis les Anciens admettaient entre les artères et les veines une substance intermédiaire , for- mée par un liquide épanché, provenant du sang, et qu'ils appelaient parenchyme : mais il paraît qu’il y a une communication directe des artères aux veines. En effet, Leuwenhoëck et Malpighi, dans leurs observations microscopiques sur les animaux vivans, ont vu le sang passer directement des dernières artérioles dans les pre- mières veinules; et quand on injecte une artère , soit sur le vivant, soit dans le cadavre, on voit la matière de l’injection passer dans les veines. Seulement, on ignore comment a lieu celte communication. On dit générale- ment que les systèmes capillaires ne sont que les der- nières extrémités des artères, devenues presque imper- ceplibles par suite de leurs divisions successives , et se recourbant sur elles-mêmes pour donner naissance aux veines. On admet que les dernières extrémités artérielles communiquent [à entre elles par les anastomoses les plus multipliées , au point de constituer des réseaux qui seulement diffèrent dans les diverses parties du corps. On ajoute que présentant une capillarité plus ou moins grande , tantôt elles sont assez grosses pour admettre les globules rouges du sang , et être des capillaires rou- es, et tantôt ne peuvent plus admettre que la partie ga DES SYSTÈMES CAPILLAIRES, 551 séreuse du sang, et sont des capillaires blancs. On dit que dans ces systèmes les artères s’abouchent aux veines de deux manières, ou en se réunissant en arcades à leur sommet, ou en marchant parallèlement les unes aux autres , et s’envoyani un grand nombre de petits rameaux transverses. On croit enfin que les artères contribuent plus que les veines à !1 formation de ces systèmes capil- laires , les veines ayant déjà, lorsqu'elles s’en séparent, un volume assez marqué. On ne peut admettre avec Autenrieth , que les artères à leurs ramifications der- nières se réunissent en troncs pour se diviser ensuite de nouveau avant de communiquer avec les veines, de manière à représenter un système analogue à celui de la veine-porte. Ce qui ajoute à la difliculté, c’est que ces systèmes capillaires doivent avoir une disposilion qui, non-seule- ment permette la continuité de la circulation , mais en- core laisse le sang se modifier pendant qu’il circule, c’est-à-dire qui soit propre à exécuter les nutritions, sécrétions et calorifications dans le système capillaire général , et l’hématose dans le système capillaire pulmo- naire. Les uns ont ditavec Mascagny, que les dernières extréinités artérielles qui forment ces systèmes, étaient percées vers leur point de continuation avec les veines , de pores latéraux par lesquels transudaient les matières nutritives et sécrétées. Les autres ont pensé que les ar- tères se terminaient par trois ordres de vaisseaux, des exhalans nutritifs qui déposent dans les organes la ma- tière nutritive , des sécréteurs qui séparent du sang les humeurs sécrétées , et les veines qui rapportent le sang qui par ces élaborations ou par d’autres est redevenu 352 FONCTION DE LA CIRCULATION. veineux. À cette manière de voir, se rapportent le sys- ième des six ordres de vaisseaux décroissans de Leu- wenhoëck destinés à chacun des six globules du sang; celui des vaisseaux névro-lymphatiques de V’icussens ; celui des vaisseaux décroissans jaunes et blancs de Boërhaave , offrant successivément un calibre de plus en plus petit, mais toujours en rapport avec le volume des globules du liquide. Il en est qui conjecturent que les artères se terminent par des ramuscules d’un ordre particulier, qui exhalent la matière nutritive ; et que de même les veines naissent aussi par un ordre particulier de vaisseaux qui en absorbent les débris. Enfin, beau- coup de modernes , M. Ælard, par exemple, professent qu’en dehors du cercle vasculaire , formé par la conti- nuilé des artères et des veines , il est un ordre de vais- seaux particuliers, étendus des parois des artères aux parois des veines , puisant d’un côté dans les artères, versant de l’autre dans les veines, et qui, accomplis- sant les actions de nutrition, de sécrétion dans le sys- ième capillaire général, et d’hématose dans celui du poumon , sont la cause des transformations qu’éprouve le sang dans ces systèmes. Tout ceci rentre dans l’im- possibité tant de fois accusée de connaître la texture intime des organes ; et ce problème d’anatomie est en- core à résoudre. Du reste, à la fonction des nutritions , nous reviendrons sur ces systèmes capillaires, à la com- position desquels concourent plusieurs élémens orga- niques autres que les artères et les veines ; savoir : des vaisseaux Îlymphaliques, des nerfs qui peut-être exer- cent une influence prochaine sur le mode d’action de ces systèmes capillaires dans la circulation, et du tissu cel- has a DES SYSTÈMES CAPILLAIRES. 353 lulaire qui sert de soutien à tous ces vaisseaux. N’en traitant ici que sous le rapport de la circulation, nous nous bernons à assurer qu’au travers d'eux, les artères communiquent directement avec les veines. * Tout ceci doit s'entendre également des deux systèmes capillaires. À l’article de la respiration , nous avons vu que la disposition du parenchyme du poumon n’était pas plus facile à caractériser que celle de tout autre organe; -et que. les injections prouvant aussi une com- munication directe entre les ramifications de l'artère pulmonaire et celles des veines pulmonaires , on avait fait sur le mode de cette communication les mêmes con- jeciures que nous venons de mentionner. Les seules diflérences entre l’un et l’autre sont les suivantes. 1° Le système capillaire du poumon est moins étendu que le général. 2° Il exerce sur le sang une action d’élabora- tion inverse de celle que fait subir le système capillaire général, puisqu'il le rend artériel au lieu de le rendre veineux. 5° Enfin , il est le même dans les divers points de son étendue , tandis que le sÿsitème capillaire général a dans chaque partie une disposition différente. Celui- _ ci diffère en effet dans chaque organe du corps, et sous le rapport de la proportion de ses élémens constituans , et relativement à sa texture propre, quelque inconnue qu’elle soit: on en a la preuve par l’inspection même des parties , par la facilité plus ou moins grande avec la- quelle chacune se laisse pénétrer par les injections, après comme pendant la vie; par la prédisposition diverse qu’elles présentent aux inflammations , aux hémorragies ; enfin , parce que chacune ne renouvelle avec le sang que sa propre substance. 3. 25 994 FONCTION DE LA CIRCULATION. AnTicLre IV. Des Veines. Enfin, Ja quatrième partie de l’appareil circulatoire se compose de vaisseaux de retour , qui, naissant dans les systèmes capillaires par, des radicules très-déliés, y re- cueillent le sang , et le rapportent par des rameaux de plus en plus gros etde moins en moins nombreux , aux cœurs. Ces vaisseaux sont appelés veines. Il ÿ en a aussi de deux espèces pour chacune des deux circulations : les veines du corps, qui recueillent le sang veineux dans le système capillaire général, et l’apportent au cœur du poumon; et les veines pulmonaires qui recucillent le sang artériel dans le système capillaire du poumon, et l'apportent au cœur. 1° Les veines du corps ont été décrites avec détail à l’article de l'absorption, et conséquemment nous n’avons besoin que de rappeler ce que nous en avons dit alors : elles commencent par des ramuscules très-déliés dans le système capillaire général dont, sous cette forme, elles constituent un élément. On ne peut rien voir de eette origine. De là elles cheminent du côté du cœur, en formant successivement des rameaux , des branches, des troncs, qui sont de plus en plus gros et de moins en moins nombreux à mesure qu'ils approchent de ce viscère. Enfin , toutes aboutissent à trois gros troncs qui s’abouchent eux-mêmes dans l'oreillette du cœur pulmonaire , et qui sont la veine cave supérieure, la veine cave inférieure, ct les veines cardiaques ou coro- naires ; nous en avons déjà parlé lors de la description des cœurs. DES VEINES. 999 Dans ce trajet, ces veines offrent une succession, non de cônes, mais de cylindres progressivement croissans. Les réunions se font sous des angles très-divers , aigus, obtus, droits; Les troncs centraux sont placés profondé - ment , à l'abri de toute atteinte extérieure; les bran- ches, moins grosses, sont également plus ou moins pro- tégées en raison de leur importance. Dans leur trajet, ces veines suivent une direction , tantôt droite et tantôt flexueuse ; en général, elles offrent moins de flexuosités que les artères. Il existe aussi beaucoup d’anastomoses entre elles, même plus qu'aux artères, et ces anasto- moses sont d’autant plus fréquentes que les veines sont plus petites et plus éloignées du cœur. Ces veines ont ‘donc aussi dans leur ensemble la forme d’un arbre, dont le tronc est au cœur , et les ramifications dans la géné- ralité des parties, dans les sysièmes capillaires ; eL, comme deux rameaux veineux ont ensemble plus de ca- paciié que le tronc qu'ils forment par leur réunion, il en résulte que la capacité du système veineux va en di- miniuant des parties au cœur. Ces vaisseaux ont dans leur intérieur des valvules , et affectent généralement deux plans ; un profond, qui ordinairement est accolé partout aux artères, et en suit la distribution ; et un superficiel. Et, comme celui-ci existe dans le système veineux en plus que dans le sysiè- me artériel; qu’en outre ,.il y a toujours au plan pro. fond deux veines pour une artère ; et qu’enfin les veines sont partout plus grosses que les artères qui leur corres- pondent, il en résulte que le sysième veineux a beau- coup plus de capacité que le système artériel. Nous avons dit plus haut quels rapports les auteurs avaient admis entre la capacité de l’un et de l’autre; mais nous 25* 350 FONCTION DE LA CIRCULATION: avons ajouté qu’on manquait de base pour faire au juste cette évaluation. Les troncs qui en sont les aboutissans ne sont pas plus que les artères continus au tissu du cœur; il n’y a de commun entre eux et le cœur, que la membrane interne qui les revêt , et qui est la même que celle qui tapisse le cœur. o Les veines pulmonaires ont de même été décrites à l’article de la respiration, et ont d’ailleurs une dispo- sition tout-à-fait analogue. Elles commencent aussi par des ramuscules très-déliés, et qui sont inapercevables par nos sens dans le tissu capillaire du poumon ; elles forment ensuite une succession de rameaux , de bran- ches, de trones de plus en plus gros et de moins en moins nombreux , à mesure qu’elles approchent du cœur. Toutes aboutissent enfin à quatre troncs appelés les veines pulmonaires, qui s'abouchent dans l’oreil- lelte du cœur : il en résulte de même un système , non de cônes , mais de cylindres successivement crois- sans : ce système a aussi la forme d’un arbre, qui a son tronc au cœur, et ses ramifications dans le parenchÿme du poumon , dans le système capillaire pulmonaire : sa câpacité va de même en diminuant du poumon au cœur. Quant à la texture de ces vaisseaux , elle est la même dans l’un et l’autre de ces systèmes veineux. On l’a dé- crite dans le temps. Toute veine résulte de la superpo- sition de trois tuniques : 1° une extérieure , de nature celluleuse: 2° une intérieure, qui est une continuité de celle qui tapisse l'intérieur du cœur, et qui forme , dans l'intérieur de ces vaisseaux , des replis appelés valvules, dont nous indiquerons l’usagedans la circulalion; 5° en- fin, entre ces deux membranes , une troisième appe- MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 397 lée la membranc propre des veines , qui est sui generis, qui diffère surtout de la membrane propre des artères, en ce qu'elle est plus extensible et beaucoup moins fragile. Tout est donc encore commun entre les deux systèmes veineux. Seulement, les veines du poumon offrent les particularités suivantes : 1° leur membrane propre est plus épaisse et un peu plus élastique ; 2° elles n’ont pas de valvules dans leur intérieur ; 5° la membrane interne qui les tapisse est celle qui revêt le cœur artériel, et par conséquent est comme celle des artères, fragile, peu exensible, et très-disposée à s’ossifier ; 4° elles n’offrent pas autant d’anastomoses entre elles ; 5° enfin, elles n’af- {ectent pas comme les veines du corps, deux plans, un superficiel et un profond. De ce dernier fait, il ré- sulte que, tandis que tout anatomiste reconnaît que les veines du corps surpassent en capacité l'artère du corps, il y a controverse pour savoir si les veines du poumon sont de même à l'égard de l'artère pulmonaire : Bichat le croit; mais Æelvétius, Winslow, Haller, Meckel, M. Chaussier professent le contraire. CHAPITRE IT. Mécanisme de la Circulation. Le sang contenu dans l’appareil que nous venons de décrire n’y est pas immobile; au contraire, il s'y meul sans cesse, et dans une direction déterminée, que voici. Supposant le sang veineux , qui revient du corps, versé dans l'oreillette du cœur droit, il passe de cette oreil- lette dans le ventricule correspondant , et celui-ci le projette par l'artère pulmonaire et ses ramilications dans 358 FONCTION DE LA CIRCULATION. le sysième capillaire du poumon : lraversani alors ce système , il y est par l'acte de la respiration changé en sang artériel, etilrevient sous cette forme par les veines pulmonaires dans l'oreillette du cœur gauche : celle-ci alors le projette dans le ventricule correspondant; puis, ce ventricule, par l'artère aorte et ses ramifications, dans le système capillaire général ; là, il est changé en sang veineux , et il estrapporté sous cette forme par les veines du corps dans l'oreillette du cœur droil , où nous avions supposé commencer le cours du sang. Tel est le mouvement entier de la circulation, et il est aisé d’y reconnaître les deux cercles que nous avons annoncé , le cercle pulmonaire et le cercle général. Mais nous ferons aussitôt sur l’un et sur l’autre les deux 6b- servations suivantes : 1° loin d’être isolés, ils se font suite, et le cercle du poumon commence où a fini celui du corps, et finit où celui du corps a commencé , el ice versà; 2° ils s’accomplissent en même temps, ce qui semble les réduire à un pour le mécanisme de la circu- lation : c’est en effet en même temps que les deux oreil- lettes de l’un et l’autre cœur se contractent et se dila- tent pour projeter el recevoir le sang; il y a de même harmonie dans l’action des deux ventricules. Enfin, dé même que les appareils de chacun des deux cercles étaient composés des mêmes parties; de même, dans chaque cercle , le rôle de ces parties est respectivement sem- blable , et s’accomplit en même temps. Ce cours du sang ne fut pas toujours connu : les An- ciens ne croyaient qu’à un simple balancement de ce fluide dans les veines , qu’ils comparaient à l’oscillation des flots de l’Euripe. Comme dans les cadavres, les ar- ières sont généralement vides , ils croyaient qu’elles Pé- MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 999 taient de même pendant la vie, ou qu'au moins elles ne chariaient qu'un fluide subtil, qu'ils supposaient être puisé dans l'air lors de la respiration. Cependant, dès le temps de Galien, on savait que ces vaisseaux contien nent du sang, et que ce liquide y circule du cœur aux parties. Ge grand médecin fut même sur le point de dé- couvrir la circulation pulmonaire; car voici ce qu’il dit : « Le chyle, produit de la digestion , est recueilli par les veines mésaraiques et porté au foie; à il est changé en sang ; alors les veines sus-hépatiques le portent au cœur pulmonaire , et de R il va, en partie au poumon, en partie au reste du corps , en passant à travers la cloison moyenne des oreillettes et des ventricules. » Mais cette découverte de la circulation artérielle induisit d’abord en erreur sur la circulation veineuse, et l’on crut que le sang circulait aussi dans les veines du cœur aux parties. Ce fut en 15955 qu'André Césalpin, Columbus, Mi- chel Servet, reconnurent la direction du cours du sang dans les veines, et préparèrent ainsi la voie à la décou- verte de toute la circulation. La gloire de celle-ci est rapportée à /arvey, qui en présenta un premier tableau dans ses lectures en 1619, puis une démonstration com- plète en 1628, dans un ouvrage intitulé : Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis. Il prit ses preuves dans l’anatomie et dans une suite d'observations et d'expériences. D’une part, la disposi- tion mécanique de l'appareil circulatoire est telle, que le cours du sang doit être ainsi qu’il a été décrit : les valvules tricuspides et mitrales, qui sont aux ouvertures auriculo-ventriculaires de l’un et l’autre cœur ; les val- vules sigmoïdes qui sont à l’origine de Fun et l’autre système artériel ; enfin, les valvules des veines, sont dis- 360 FOXCTION DE LA CIRCULATION. posées de manière à permettre le cours du sang dans la direction que nous avons annoncée, et non dans Ja di- rection inverse. D'autre part , qu’on ouvre une artère et une veine , c’est du bout supérieur que sortira le sang dans le premier vaisseau , et du bout inférieur dans le second. Que l’on fasse une ligature à l’un et à l’autre, c'est au-dessus de la ligature que l'artère se gonflera , et au-dessous que le fera la veine. Si on pratique des injections dans ces vaisseaux , c'est du cœur aux parties qu'il faut les pousser dans les artères ; et, au contraire , des parties au cœur dans les veines. Enfin , indépendam- ment de ce que Leuwenhoeck, Malpighi, Spallanzani, ont vu, à l’aide du microscope, la circulation se faire dans la direction que nous venons de dire , et ont acquis par là une preuve directe du fait, le raisonnement seul aurait dû la faire préjuger : ne fallait-il pas, en effet, que le sang veineux fût rapporté au poumon, qui est l'organe de l’hématose , et que le sang artériel , destiné à nourrir les parties, leur fût distribué ? Cette découverte de la circulation du sang fit d’ail- leurs imaginer une expérience de laquelle on n’a pas obtenu, à la vérité, les heureux résultats qu’on en at- tendait, mais qui, au moins, a servi à justifier la décou- verte qui l’avait inspirée : c’est l'expérience de la transfu- sion du sang. À l’une des artères d’un animal on adapte un tube, que l’on introduit, d'autre part, dans l'artère d’un autre animal, mais dans la direction opposée à celle du cœur; dès lors le cœur du premier animal en projette le sang dans les vaisseaux du second; et, pour que celui-ci puisse recevoir et garder le nouveau sang qui lui est fourni, on lui ouvre plusieurs veines pour que tout son premier sang s'écoule. L'expérience fut faite MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 361 d’abord sur un chien, auquel on transfusa ainsi tout le sang d’une brebis; on la répéta ensuite sur un chien sourd et vieux, qui parut par elle être rajeuni et recou- vrer l’ouïe , et sur un cheval de vingt-six ans, qui sem- bla récupérer ses forces. Alors elle fut tentée sur l’homme, en Angleterre, par Libavius; à Paris, par Denys et Emery. Elle parut d’abord avoir quelques avantages. Un jeune idiot, auquel on avait ainsi transfusé le sang d’un veau , parut d’abord recouvrer la raison ; mais bien- tôt des accidens survinrent , le jeune idiot fut frappé de phrénésie , de pissement de sang, et ne tarda pas à mou- rir. Alors le gouvernement proscrivit ces audacieux es- sais. Peut-être que dans ces expériences le sang était poussé avec trop de force, car de nos jours la transfu- sion a été pratiquée sur les animaux sans inconvéniens. Sir Morgan dit que B. Harwood, professeur d’anato- mie, la pratiquait tous les ans à Cambridge : seulement, ik commençait par ôter le sang de l'animal avant de lui en transfuser de nouveau , et il ne commençait [a trans- fusion que, lorsque , par la perte de sang aniécédente , l'animal tombait en syncope ; la quantité du sang trans- fusée se mesurait sur la manifestation du retour de la vie : si on en transfusait trop, l'animal éprouvait une légère incommodité. C'est de cette manière aussi qu'o- pèrent MM. Dumas et Prévost, à Genève. D’après ces derniers expérimentateurs , il paraîtrait que la nature du sang influe sur les résultats de l'expérience. En trans fusant dans un animal le sang d’une autre espèce, dont les globules sont de forme, et même de dimensions dif- férenies , toujours la mort en à été la suite. Par exem- ple, en transfusant dans un oiseau, dont le sang est à globules elliptiques , le sang d’un animal à olobules cir- 202 FONCTION DE LA CIRCULATION. culaires, la mort est survenue avec des phénomènes nerveux analogues À ceux qui succèdent à l'ingestion d’un poison ; et, au contraire, l’animal a été rappelé à. la vie, en lui transfusant le sang d’un animal de son espèce. Mais, quoi qu'il en soit de l'application qu’on puisse faire de cette expérience à la pratique de la mé- decine , elle a toujours servi à prouver la vérité du cours que nous avons assigné au sang. Aujourd’hui ce cours est un fait universellement reconnu. Mais maintenant , quelles causes président à cette cir- culation , et quelle part y a chacune des quatre parties qui composent l’appareil circulatoire? c’est ici qu'il y a beaucoup de débats, partant beaucoup de points in- connus , ou au moins peu éclaircis ; et, pour en pré- senter un historique à la fois clairet complet , nous allons étudier successivement la circulation dans le cœur , les artères , les systèmes capillaires et les veines. Nous n’a - vons pas besoin de répéter que ce que nous allons dire doit s’entendre de l’un et l’autre cercle. ARTICLE IT. Circulation dans le Cœur. Le sang circule dans chaque cœur, avons- nous dit ? de l'oreillette dans le ventricule correspondant , et de celui-ci dans l’artère qui en émane. Quelle puissance le fait se mouvoir dans cette direction ? la principale , sans contredit , consiste dans les contractions et dilatations alternatives de chacune de ces cavités: dilatations et contractions qui font évidemment du cœur une espèce de pompe aspirante et foulante. Ces actions du cœur se voient, quand on regarde le cœur mis à nu chez un ani- MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 3635 mal vivant, et ce sont elles qui produisent les batte- mens que ressent la main qui est appliquée sur la région du corps qui répond à cet organe. ixaminées en elles - mêmes , elles offrent la succession des phénomènes suivans : 1° dilatation de l'oreillette, écartewent de ses parois, et, par suite , réplétion de cette oreillette par le sang qu'y apportent d’une manière continue les veines. L’orcillette , en effet , offre alors un accès plus libre à ce sang , et peut-être même exerce sur lui une action d’as- piralion. 2° Contraction de cette oreillette, resserre- ment de ses parois, et, par suite, expression dans le ventricule du sang dont cette oreillette s'était remplie dans le temps précédent. En effet, c’est de haut en bas, et dans la direction de l’ouverture ventriculaire , que se fait la contraction de l'oreillette : cette ouverture est libre, parce que l’état de dilatation dans lequel est alors le ventricule a abaissé les valvules qui la garnissent ; le ventricule, qui est alors en état de dilatation, offre un accès libre au sang, et peut-être même l’aspire ; enfin, le sang ne peut pas suivre une autre voie, Car le sang nouveau que les veines apportent ne permel pas qu'il reflue dans ces vaisseaux. Cependant ily a ici une pre- mière controverse. Selon les uns, il y a toujours , lors de la contraction de l'oreillette , ua léger reflux dans les veines , surtout si le ventricule est déjà plein, et n’a pas pu se vider librement dans les temps précédens. Se- Jon les autres , ce reflux n’a jamais lieu dans l’état nor- mal ; et même le ventricule recoit alors, outre le sang que contenait l'oreillette, tout celui qu'apportent ac- tuellement les veines. Geux-ci donnent comme preuves, que le ventricule ayant plus de capacité que l'oreillette , ne pourrait pas être rempli par le sang seul que conte- 264 FONCTION DE LA CIRCULATION. nait cette oreillette; et que le temps que dure la dilata- tion du ventricule, est plus long que celui pendant lequel l'oreillette se contracte. Dans cette dernière ma- nière de voir , la contraction de l’oreillette n’aurait d’au- tre but que de la vider , et de compléter la réplétion du ventricule. Toutefois, ce ventricule est ainsi rempli; et si le sang qui lui arrive ne passe pas aussitôt dans les artères , c’est que les valvules tricuspides et mitrales sont alors abaïssées , et recouvrent l’entrée de ces vais- seaux. Les mêmes mouvemens s’observent dans le ventri- cule, avec ce fait cependant qu’ils alternent avec ceux de loreillette : 1° coïincidemment à la contraction de l'oreillette , dilatation du ventricule, écartement de ses parois , pour recevoir le sang que lui projette l’oreil- Jette, et peut-être pour l’aspirer ; 2° coïincidemment à la dilatation de l'oreillette , contraction du ventricule , resserrement de ses parois, et, par suite, expression dans le système artériel qui émane de lui, du sang dont ‘il s'était rempli dans le temps précédent. En effet, c’est dans la direction de l’orifice du système artériel que se fait la contraction du ventricule : le ventricule étant en état de contraction, les valvules tricuspides et mitrales, au sommet desquelles aboutissent les tendons des co- lonnes charnues sont relevées , et laissent cet orifice libre : les valvules sigmoiïdes, qui sont à l'origine de chaque système artériel, ne peuvent apporter d’obsta- cles, car elles sont disposées de manière à devoir s’a- baisser sous le flot du sang qui est projeté; enfin , le sang ne peut que suivre celle voie, ou refluer dans l'oreillette ; et cette dernière chose est impossible. En effet, les val- vules tricuspides et mitrales, que l’état de contraction MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 965 des ventricules a relevées, interrompent la communica- lion avec celte cavité ; et, de plus, c’est alors que les orcillettes en état de dilatation se remplissent d’un sang nouveau. JLn’y a tout au plus de rapporté dans ces ca- vités, que la petite quantité de sang que soulèvent les valvules tricuspides et mitrales, quand elles reprennent la position horizontale. Cependant se représente ici la même controverse que tout à l’heure : y at-il toujours reflux d’un peu de sang dans les oreillettes, et même dans les veines qui y aboutissent ? ou bien , au contraire, ce reflux n’a-t-il lieu que dans quelques cas, quand les systèmes artériels qui recoivent le sang sont engorgés , et ne permettent pas aux ventricules de se vider à leur profit de tout le sang qu'ils contiennent? Ge dernier fait au moins est sûr : dans les embarras du poumon, on voit battre les veines du col par suite du reflux qui se fait dans les veines caves lors de la contraction du ven- lricule droit ; souvent même ce reflux s'étend jusqu’au cerveau, jusqu'au foie, qui s’engorgent : Haller dit avoir vu ces battemens jusque dans les veines iliaques exter- nes : c’est ce qu’on appelle le pouls veineux. Bichat, dit aussi avoir vu engorger le poumon par suite d’un re- flux du sang par les veines pulmonaires , lors d’un obsta- cle au cours du sang dans l’aorie. Telle est l’action des deux cœurs : tout est semblable dans l’un et dans l’autre , sinon que, dans le cœur pul- monaire, 1° l'oreillette a plus de colonnes charnues, afin de mieux méler le chyle, la lymphe et le sang veineux qui y aboutissent. 2° Le ventricule a des parois moins épaisses, parce qu'il a à projeter le sang à une distance moindre, Nous avons déjà dit qu'ils agissaient simulta- nément : et comment pourrait-il en être autrement 586 FONCTION DE LA CIRCULATION. | puisque la paroi interne de leurs cavités leur est eom- | mune ? Il n’y a alternative d'action qu'entre les oreillet- tes et les ventricules. Aussi ne doit-on distinguer dans les mouvemens des cœurs, considérés comme un organe unique , que deux temps : celui où les oreilleltes se con- tractent , et où les ventricules se dilatent, qu’on appelle diastole ; et celui où les oreillettes se dilatent ét les ventricules se contractent, qu’on appelle systole. C’est à tort que Lancisy en reconnaissait trois , ajoutant à la systole des oreillettes, et à celle des ventricules, une pré- tendue systole des arlères , succédant immédiatement à celle des ventricules. C’est avec plus de tort encore que Nichols en admettait six, trois dans chaque cercle cir- culatoire; méconnaissant que les deux circulations s’ac- complissent en même temps. Ge n’est pas que chaque cavité du cœur n’ait sa diastole et sa systole ; mais d’a- bord, quand il y a diastole de l’une, il y a systole de l’autre, et vice versä ; ct ensuite, comme ce sont les ventricules qui forment la grande masse du cœur , et que c’est leur jeu surtout qui modifie la forme et le vo- lume de cet organe, on y a plus d’égard qu'aux mouve- mens des oreillettes; et, quand on parle de la diastole et de la systole du cœur, on entend seulement la dila- tation et la contraction des ventricules. Mais plusieurs questions se présentent ici. D'abord, à chaque contraction d’une cavité, cette cavité se vide-t- elle en entier du sang qu’elle contient? aller le croit , s'appuyant sur ce qu’examinant au microscope la circu- lation dans des grenouilles et le petit poulet, il a vu le cœur pâlir tout-à-fait à chaque contraction. D'ailleurs sa doctrine de Pirritabilité lui faisait une loi de penser ainsi, attendu que le moindre reste de sang dans le cœur, MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 307 aurait, en ivritant cet organe , empêché la dilatation de succéder à la contraction. D’autres physiologistes , au contraire , en arguant aussi d'observations microscopi - ques sur les animaux vivans, Weibrecht, Fontana, Spallanzant, professent l'opinion inverse. Ensuite, quelle quantité de sang est envoyée par le cœur dans les artères X chaque contraction de ses cavi- tés ? Soit qu’on admette que le cœur se vide en entier à chaque systole , soit qu’on admette l'opinion inverse , la question ne peut être résolue. Dans la première hypo- thèse en effet, il faudrait évaluer préalablement , et la capacité du ventricule , ce qui varie en chaque individu , et la quantité de sang qui lui est fournie par les veines, ce qui n’est pas moins variable. Dans la seconde hypo- thèse , il y aurait encore plus de diflicultés : car il fau- drait établir combien de sang reflue dans l’oreillette , combien il en est projeté dans l’artère, et combien il en reste dans le ventricule. On a professé généralement que le ventricule peut contenir six onces de sang , et que d’or- dinaire, à chaque contraction, il en projette deux onces ; on a jugé, par Ja quantité de sang qui jaillit d’un ven- tricule, qu’on ouvre exprès dans une expérience sur un animal vivant. Mais cette évaluation est vaine. La quan- tité de sang que projette le cœur doit dépendre de la capacité intérieure de cet organe , et de la quantité de sang que les veines lui ont apportée, et ces deux condi- tions sont extrêmement variables. D'ailleurs , ne sachant pas quelle quantité de sang arrive, peut-on savoir quelle est celle qui est projetée ? ce qu’il y a de certain, c’est que cette quantité varie, est tantôt plus grande , tanlôt plus petite : d’où résultent ce qu’on appelle les pouls gros et pleins, petits et vides. LA 308 FONCTION DE LA CIRCULATION. _ Au moment du jeu des cavités du cœur, des chan- gemens apparens se font dans cet organe. Lors de la systole, son tissu durcit , le viscère se raccourcit, se dé- place, et va, de sa pointe, frapper la paroi latérale gauche du thorax, entre la sixième et la septième côte. Dans la diastole , les phénomènes sont inverses. La cause pour laquelle le cœur bat contre le thorax a été le su- jet de beaucoup de débats. ’ésale, Riolan, Borell, I inslow , dirent que c’est parce que le cœur, lors de la systole, s’allonge : mais on nia le fait,eton prétendit qu'au contraire, le cœur se raccourcissait alors ; Bassuel, sur- tout, fit remarquer que, sile cœur s’allongeait dans la systole des ventricules, les valvules iricuspides et mitra- les devraient être abaissées , laisseraient tout.accès libre à un reflux du sang dans les oreillettes, et, au con- traire, empêcheraient son entrée dans les artères. Au- jourd’hui l’on reconnaît que le cœur se raccourcit dans, tous les sens lors de sa sysiole; que toutes ses parois se rapprochent de la cloison moyenne ; que cependant , en se raccourcissant , ses fibres augmentent d'épaisseur ; et l’on attribue le heurtement de sa pointe contre les côtes aux trois raisons suivantes : 1° à ce que, tout le mouvement.étant dirigé sur la base de l’organe , qui.est fixe , doit faire basculer l’organe sur cette base ; 2° à ce que les oreilleties qui , lors de la systole des veniricules, sont en dilatation et remplies de sang, doivent alors soulever l'organe , et le porter en avant;.5° enfin, à ce que les artères aorte et pulmonaire recevant , du sang qui est projeté en elles, une impulsion telle, qu’elles en éprouvent un déplacement, font partager ce déplace: ment au cœur lui-même. Les colonnes charnues des ventricules aboutissant par des tendons aux\sommels MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 369 des valvules tricuspides et mitrales , on Concoit comment la contraction de ces colonnes doit avoir pour résultat de tendre ces valvules , et de boucher par elles les orifi - ces des oreillettes. Sans aucun doute, la systole est active : en est-il de même de la diastole ? D'abord , certainement Ja dilatation des cavités du cœur n’est pas le produit mé- canique de la pression qu’exerce en elles le sang qui y est versé ; car cette dilatation précède l’arrivée du sang, et elle se fait lors même qu’il ne peut plus en arriver , comme dans un cœur qui est séparé du corps, Ensuite, quoi qu’en ait dit Hamberger, qui voulait qu’elle fût active, et même plus active que la systole, et cela, parce qu'en serrant fortement dans sa main le cœur d’un animal vivant, on le sent se dilater comme à l’ordinaire, il est sûr qu’elle n’est que l’effet du relâchement des fi- bres , de la cessation de la contraction ; car, dans l’ex- périence même dont arguait Hamberger , On reconnaît que le moment où le cœur écarte les doigts qui l’embras- sent, est celui où cet.organe se contracte. Enfin, qu'est-ce qu'est cette action du cœur ? quelle en est la cause ? d’où provient la succession alternative du jeu des oreilleittes et des ventricules ? Stahl est le Premier qui ait émis sur la première de ces questions une opinion raisonnable. Remarquant que le tissu du Cœur est musculeux ; que les contractions de cet organe sont toutes semblables à celles qu’exécutent les muscles, avec cette seule différence qu’elles ne sont pas de même volontaires ; qu’elles sont influencées du reste, et mo- difiées parles passions ; etqu’enfin, le cœur , comme tout autre muscle , recoit des nerfs qu'on ne peut altérer sans modifier son jeu ; Staht, séduit par toutes ces analogies, . 24 370 FONCTION DE LA CIRCULATION. assimila les mouvemens du cœur à ceux des muscles vo- lontaires. 11 avouait bien que généralement on ne peut, ni percevoir, ni diriger les mouvemens de son cœur; mais il disait que c'était l'habitude seule qui les avait rendus involontaires, à peu près comme on voit certains iics, volontaires d’abord, devenir irrésistibles avec le temps : et il arguait en même temps du fait d’un indivi- du , le capitaine T'owson , qui , disait-on , avait COnservé toute sa vie le pouvoir de régler à sa volonté les mouve- mens de son cœur. G’était, d’ailleurs, pour Stahl, ren- irer dans son système chéri, qui était de rapporter à l'influence de l’âme tous les phénomènes quelconques de l’économie animale. Sans doute, les actions du cœur sont du genre de celles des organes musculaires , c’est- à-dire des contractions ; en Ce sens , Stahl a eu raison ; mais évidemment elles ne sont ni perçues ni volontai- res , et elles fondent un nouvel exemple de ces contrac- tions involontaires que nous avons rencontrées déjà dans l'estomac et dans les intestins. Haller , pour expliquer les mouvemens du cœur, em appela à sa force d’irritabilité, à laquelle ül rapportait toutes les contractions musculaires, tant volontaires qu’in- volontaires. Le cœur étant un muscle, possédait celle force aussi bien que tout autre, ci le contact du sang dans son intérieur élait ce qui à chaque instant la met- tait en jeu. Il donna comme preuve , que tout excitant appliqué au dedans ou au dehors du cœur, en déter=, mine les contractions. Selon lui, il est impossible de mé- connaître que c’est le sang qui provoque ces contrac- tions , quand on les voit être d'autant plus fortes et plus rapprochées, que le sang est plus abondant; se succéder dans les cavités du cœur , dans l’ordre même selon le- MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 971 quel arrivele sang à ces cavités; et se prolonger plus ou moins dans les unes et dans les autres , selon qu’on fait accumuler en elles le sang. Dominé même par l’idée qu'avait ce physiologiste, de faire de l’irritabilité une propriété différente de celle de la sensibilité , ilalla jus- qu'à nier toute influence nerveuse sur les mouvemens du cœur. Il s’appuyait: 1° sur ce qu’on voit les mouve- mens du cœur continuer après la décapitation, après la section de la moelle épinière au col, après celle des nerfs de cet organe au col,'cas divers dans lesquels il n’y à certainement plus de communication entre le cerveau et lui; et enfin, lorsqu'on a tout-à-fait isolé le cœur du corps. 2° Sur ce que desirritations des nerfs cardiaques ne changent pas les contractions du cœur, comme les irritations des autres nerfs modifient celles des muscles auxquels ils se distribuent. Mais cette théorie de Haller n'est pas moins que celle de Stahl, susceptible de re- proches. D'abord, expliquer les mouvemens du cœur par lirritabilité, c’est rentrer dans la philosophie des forces occultes, c’est se payer d’un mot. Ensuite, selon Haller , il faut toujours qu’un excitant mette en jeu lirritabilité, et que de fois le cœur se contracte sans excitant , comme quand il est isolé du corps ? si le cœur ne se vide jamais en entier, jamais le relâchement ne devrait succéder à la contraction, Enfin , il est faux que le cœur soit, dans l'exécution de ses mouvemens, indé- pendant d’une influence nerveuse : ne reçoit-il pas des nerfs ? ses contractions ne sont-elles pas modifiées dans les passions, dans les lésions des grands centres nerveux, dans celles des nerfs qui se distribuent à son tissu ? En vain aller a nié ces dernières assertions; des expé- ricnces dont nons allons parler tout à l'heure les ont CT 372 FONCTION DE LA CIRCULATION. mises hors de doute; seulement le cœur à été paralysé plus tardivement que les autres organes , sans doute parce que ses mouvemens avaient besoin d’être les plus indépendans possible ; mais à la fin ils se sont aussi ar- rêtés. Sæœmmering et Behrends, àla vérité, ont établi que les nerfs cardiaques ne se distribuaient pas au tissu même du cœur , mais seulement aux ramifications des artères coronaires, et qu’ainsi ces nerfs ne présidaient pas à la fonction de cet organe, mais seulement à sa nutrition. Mais c’est là une assertion anatomique , à laquelle Scar- pa, par son bel ouvrage sur les nerfs du cœur , a donné, pour me servir de l'expression de M. Percy , le plus su- perbe démenti. Aujourd’hui l’on reconnaît que les mouvemens du cœur sont du genre de ceux qui sont effectués par les muscles , avec cette différence qu’ils sont involontaires. On convient qu’on ne peut pas plus pénétrer leur es- sence, que celle des mouvemens volontaires; mais on consacre, et leur irrésistibilité contre ce que disait Stahl, et leur dépendance d’une influence nerveuse, ainsi qu'il en est de tous les autres phénomènes organi- ques dans les animaux supérieurs , contre ce que disait Haller. Les seules dissidences portent sur celui des systèmes nerveux qui les régit, et sur le degré de dé- pendance dans lequel ils sont des centres nerveux. Sous le premier rapport, on a tour à tour présenté , comme système nerveux spécial du cœur , la huitième paire en- céphalique , le grand sympathique, et un ganglion par- ticulier situé derrière le cœur , et appelé cardiaque. Il est sûr en effet que les nerfs cardiaques ont des commu- nications intimes avec chacune de ces trois parties du système nerveux, et peuvent conséquemment en être MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 379 également dérivés. ÆF'illis, indiquant la huitième paire, en a pratiqué la section au col, dans la vue de paralyser le cœur; comme d’autres avaient pratiqué cette même section pour paralyser l'estomac, le poumon. Mais la mort n’arrivant que quelques heures , et même quelques jours après l'expérience, il est sûr que le cœur a conti- nué ses mouvemens. D’autres , assignant le grand sym- pathique, l'ont de même coupé au col; mais la mort, dans ce cas, n’ayant pas été plus prompte que dans le cas précédent, il est sùr que le cœur n’a pas élé non plus immédiatement paralysé. C’est même de ces faits que /Taller concluait que le cœur est, dans ses mouve- mens, indépendant de toute influence nerveuse. Mais re- marquons que, dans ces expériences, on n’allaque pas les nerfs même du cœur ; on interrompt seulement leur communication avec les systèmes nerveux supérieurs, l’encéphale particulièrement ; et l’influence de ceux-ci sur les systèmes nerveux inférieurs, étant en raison de l’animalité de la fonction à laquelle ceux-ci président, on conçoit que l’action du cœur qui est assez inférieure peut mettre quelque temps à s’éteindre. Il est sûr que dans ces expériences le cœur s’affaiblit graduellement , et que, sila mort n’arrivait pas par d’autres causes, il fi- nirait par être tout-à-fait paralysé. À plus forte raison, cela arriverait-il , si on coupait les nerfs cardiaques eux- mêmes ? probablement alors le cœur serait aussitôt pa- ralysé, ou au moins après le temps qu’emploierait à s’é- teindre l'influence nerveuse dans la portion du nerf qui serait au-dessous de la section. Mais nous avons dit que M. Dupuytren, dans ses expériences sur la huitième paire, n'avait jamais pu parvenir à les couper seuls. Sous le second rapport, il est certain que les nerfs du. 574 FONCTION DE LA CIRCULATION. cœur quels qu'ils soient, réclament comme les autres, pour exercer leur oflice, leur communication avec les centres nerveux et l'intégrité de ces centres; et cela dans la mesure conforme aux lois de l’innervation , c’est- à-dire en raison du rang qu’occupe parmi les fonctions celle à laquelle ils président, en raison de l’âge plus ou moins avancé de l'individu, et du rang plus ou moins élevé qu'il occupe dans l’échelle des animaux. Au pre- mier titre, le cœur est plus indépendant des grands cen- tres nerveux que beaucoup d’autres organes. D’abord, il l’est assez de l’encéphale. Des reptiles décapités ont con- tinué de vivre pendant six mois, et par conséquent le cœur a continué ses fonctions. Dans l’espèce humaine, des anencéphales ont vécu jusqu’au terme dela grossesse, et quelquefois même quelques jours au-delà. Enfin, M. Le- sallois a fait survivre plusieurs animaux mammifères décapités ,etentretenu lesmouvemens du cœur, en ayant soin de lier les vaisseaux du col pour prévenir l’hémor- ragie, et en remplaçant la respiration par une insufila- tion d’air dans le poumon. Dans les lésions du cerveau, les apoplexies , les fonctions du cœur ne sont-elles pas d’ailleurs des dernières à s’arrêter ? Mais cette influence, pour être moins prochaine, n’en est pas moins réelle ; car , dans les lésions cérébrales, à la fin la cessation des mouvemens du cœur arrive; et dans certains cas, l’état du cerveau les modifie assez promptement , comme on le voit dans les passions. Au contraire, à juger d’après des expériences de Legallois, le cœur serait davantage sous la subordination de la moelle spinale; un animal qui, à l’aide de l’insufllation pulmonaire, survit quelques heures à la décapitation, à l’ablation du cerveau, meurt bien plus tôt après la destruction de la moelle, et même d’une MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 379 de ses parties ; il expire après quatre minutes, quand on détruit la moelle lombaire ; après deux, quand on dé- {ruit la moelle cervicale. La mort provient évidemment de la paralysie et de l’affaiblissement du cœur; car on ne peut prolonger la vie qu’en emportant quelques par- ties de l'animal, et limitant par conséquent le champ de ja circulation dans la même proportion qu'a été affaiblie la puissance du cœur. Legallois avait même conclu de ces faits, que la source de la puissance nerveuse à la- quelle le cœur est soumis, résidait dans la moelle épi- neuse , et que celle-ci était aussi l’origine du grand sym- pathique. Mais, à notre sens, ces expériences , sur les- quelles nous reviendrons à l’article de l’innervalion, prouvent seulement que fa moelle spinaleest plus parlic centrale du système nerveux que le cerveau, et sa lé- sion n’arrête l’action du cœur que parce que le système nerveux de celui-ci a besoin pour agir de l'intégrité de cette partie centrale. Dans cette dépendance dont est le cœur de la moelle spinale, on retrouve du reste les lois sénérales de l’innervation, c’est-à-dire l'influence de l’âge, et du rang qu'occupe animal dans l’échelle des êtres. Des fœtus acéphales, et sans moelle spinale, ont of- fert un cœur agissant. Ph. Wilson, dans des expérien- ces calquées sur celles de Legallois, a vu les battemens du cœur continuer après la destruction de la moelle, si les animaux soumis à l'expérience étaient jeunes , et si la destruction de la moelle était faite avec lenteur; et Clft Va vu de même en expérimentant sur des animaux d’un rang inférieur , des poissons, des carpes. Dans le jeu du cœur il ya, d’abord alternative de diastole et de systole pour chaque cavité; et ensuite opposition, espèce d’antagonisme entre Ces cavilés ; 376 FONCTION DE LA CIRCULATION, quand l’une se contracte, l’autre se dilate. On a aussi cherché les causes de cet ordre merveilleux. On a dit que si dans toute cavité, la contraction succède à la dilata- tion , et la dilatation à la contraction , C'est que le cœur est sans antagoniste, que la contraction est l’état naturel de la fibre qui le forme, et que cependant cette con- traction est de sa nature intermittente, et exige après elle un court instant de repos, Le sang , alors lui arri- vant dans ce temps de repos , rappelle par sa pré- sence la contraction. Quant à l'alternative d’action des oreillettes et des ventricules, on avait imaginé que lors- que le sang remplissait une cavité, il comprimait les nerfs de l’autre cavité, par conséquent la paralysait, et amenait la fin de la contraction à laquelle elle était en proie. Mais ce n’est là qu’une hypothèse. Cette alterna- tive est un fait certain, mais inexplicable dans l’état actuel de la science. C’est surtout du cœur qu’on peut dire, ce que Galien disait de tous les organes du corps , qu'ils semblent agir d'eux-mêmes , et qu’ils sont comme les instrumens de la forge de Vulcain qui venaient d’eux- mêmes se placer sous la main du Dieu. Tel est le rôle du cœur dans la circulation , étilest évident que l’action de cet organe suffit pour faire tra- verser au sang les oreillettes et les ventricules. Ce vis- cère a assez de force pour faire circuler le liquide et le faire triompher des résistances qui s'opposent à sa pro- gression, et qui sont ici la masse du sang à MOuUvVOIr , et les frotiemens de ce fluide contre les parois de l’or- gane. Dans aucun autre point du cercle , le mouvement nest plus rapide; mais il est intermittent ; il y a même un moment où il est rétrograde. Cette alternative de con- traclions et de dilatations du cœur se répète depuis le —— MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 377 moment de l'existence de cet organe jusqu’à la mort, dans un nombre de fois d'autant plus grand qu’on est plus jeune, et avec beaucoup de variétés sous le rapport de l'énergie. Nous discuterons ci-après jusqu'où s'étend dans le cercle circulatoire l'influence du cœur : Harvey lui fai- sait accomplir à lui seul le cercle entier : d’autres ont restreint sa puissance au commencement des artères : d’autres enfin l’ont étendue jusqu'aux extrémités des sysièmes artériels. Gette question nous occupera ci- après. Nous dirons seulement que , selon qu’on a adopté l’une ou l’autre de ces trois opinions, on a dû évaluer différemment la force du cœur. Borelli, comparant le cœur à un muscle de même volume, et évaluant la ré- sistance que ce dernier était capable de vaincre, estima la puissance du cœur égale à 180000 livres. Keil , ouvrant une artère sur un animal vivant , etévaluant la force qu’il faudrait employer pour produire un jet sem- blable à celui que fournissait l'artère, n’estima la force du cœur que de 5 à 8 onces. Quelle immense dispropor- tion ! les résultats des autres expérimentateurs ne sont pas moins divers. Hales, voyant à quelle hauteur le cœur fait monter le sang dans un tube perpendiculaire surajouté à la carotide , évalua la force du cœur à 51 liv. Tabor , au contraire, l’estima 150 livres, Sauvages .71 onces , Bernoully 28 livres, etc. Cette seule diversité suffit pour montrer le vide de pareilles recherches. Mais, en outre, combien il est facile de prouver que ce fait est un de ceux auxquels le calcul n’est pas applicable ! D’abord la force du cœur est mille fois variable en elle- même , selon l’âge, le sexe, le tempérament, l’idiosyn- crasie , l’état de veille, de sommeil, d’exercice ou de 978 FONCTION DE LA CIRCULATION. repos, de santé, de maladie, les passions , etc. Ensuite, il est impossible d’avoir des bases pour établir son calcul : peut-on en effet évaluer , d’un côté, la puissance impul- sive du cœur, et de l’autre ce que font perdre à cette puissance impulsive les résistances , © ’est-à-dire la masse du sang à mouvoir , et ses frottemens contre les parois du cœur ? AnTicce II. Circulation dans les Arières. Dans les artères, le sang circule : dans l'aorte, du cœur au système capillaire général ; et dans l'artère pulmo- naire, du cœur au système capillaire pulmonaire. La contraction des ventricules en est certainement une des principales causes. La disposition des parties est telle, qu’à coup sûr les artères sont des tuyaux dans lesquels le cœur projette le sang; nous les avons vues émaner de chaque ventricule par un tronc unique ; et cetie cir- constance a cet avantage, que rien de l’action impulsive de l'organe n’est perdu. D'ailleurs, l'influence de cette première cause se laisse voir : si on met à nu sur un animal vivant une artère, on la voit à chaque contrac- tion du ventricule se dilater, éprouver une légère loco- motion par suite de l’ondée de sang qui lui est projetée : si on la touche en cet instant, elle fait éprouver au doigt un battement qui résulte de ces deux changemens qu’elle éprouve, et qui est ce qu’on appelle le pouls : si on l’ouvre , on en voit sortir le sang par jets qui sont sac- cadés , et dont les saccades coïncident avec les contrac- tions du ventricule. Mais cette cause est-elle la seule qui préside à la cir- culation artérielle ? ou bien les artères y ont-elles aussi MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 379 une part active ? Harvey croyait ces vaisseaux entière- ment passifs dans la circulation, ayant seulement assez de solidité pour résister au choc qu'exerce sur eux le sang projeté par le cœur, et regardait celui-ci comme l'agent unique de la circulation artérielle. Cette opinion est fausse. D'abord, il est sûr que l'influence du cœur va en s’affaiblissant graduellement dans l’étendue du système artériel : par exemple , la locomotion et la dila- tation des artères, ou autrement leur pouls, et le jet saccadé que présente une artère ouverte, sont d'autant moindres dans les artères, qu’elles sont plus éloignées dn cœur; ils n'existent même plus dans les dernières artérioles : or, cet affaiblissement graduel de l'influence du cœur est déjà une présomption , pour qu'à cette pre- mière cause de circulation , il en soit joint une seconde, et celle-ci ne peut résider que dansles artères. Ensuite, voici des faits et des expériences qui mettent cette cause hors de doute. Sile sang ne circulait dans les artères que par l’action du cœur, ce fluide n'aurait dû couler d’une artère ouverte que par intervalles et coïncidem- ment aux contractions du ventricule; au lieu de cela, il coule d’une manière continue, et seulement avec des saccades qui correspondent aux contractions ventricu- laires. Si l'artère carotide est mise à nu, qu’on établisse sur elle deux ligatures à quelques centimètres de dis- tance l’une de l’autre, et qu’ensuite on fasse une ponc- tion entre ces deux ligatures, on voit le sang jaillir , quoique la ligature inférieure l’affranchisse de l’action inpulsive du cœur. Enfin, M. Magendie met à nu sur un chien l'artère crurale , puis la comprimant entre ses doigts , il la voit se rétracter au-dessous du lieu qu'il comprime , au point d'exprimer de son intérieur tout le 380 FONCTION DE LA CIRCULATION. sang qu’elle contenait. Il est donc certain que les artères agissent. Maintenant en quoi consiste leur action ? des physio= logistes , tombant dans un extrême inverse de celui de Harvey, et limitant au commencement du système artériel l'influence du cœur, admirent dans les artères des contractions et des dilatations analogues à celles que le cœur exécute , mais alternant avec elles. Se dilatant pour recevoir et même aspirer lesang lors de la contrac- tion des ventricules, elles se contractaient ensuite pour projeter au loin ce fluide dans les systèmes capillaires. Les valvules sigmoïdes, qui sont à l'origine de ces vais- seaux, étaient dites prévenir le reflux dansles ventricules, comme les valvules mitrales et tricuspides empêchaient son retour dans les oreillettes lors du jeu de ces ventri- cules. Les artères étaient une troisième cavité contrac- tile, à ajouter aux deux qui composent le cœur, ayant de même leur systole et leur diastole, mais enchaînant leur jeu avec celui du cœur, de manière que leur sys- tole coïncide avec celle des oreillettes et la diastole des ventricules , et leur diastole avec celle des oreillettes et la systole des ventricules. Pour justifier une pareille opi- nion , On disait musculeuse la tunique propre des ar- tères , et l’on arguait en outre de diverses expériences et observations dans lesquelles on disait avoir vu les artères se contracter. Ainsi, Galien introduit un tube solide dans l'artère d’un animal vivant, puis applique une ligature sur le tube, et voit les pulsations dispa- raître au-delà de la ligature, bien que le tube solide n'empêche pas le sang d’y parvenir et d’y circuler. Lamure et Lafosse, dans l'expérience de la carotidecitée plus haut, disent voir le vaisseau battre entre les deux À (1 MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 381 ligatures qu'on a pratiquées sur lui : ils en voient jaillir le sangquand une petitepiqüre lui est faite. Des artères irritées avec la pointe du scalpel , soumises à l'influence de l’éléctricité, du galvanisme, paraissent à V’erschuir , à Bekker, à Rossi, développer une évidente irritabilité. Enfin, on faisait observer que le pouls n’est pas toujours le même dans les diverses parties du corps, ce qui de- vrait être si les artères étaient passives dans la circu- lation. Mais de nombreuses objections ont ruiné tout ce point de doctrine. La tunique propre des artères , à juger par l'inspection , n’a rien de musculeux, et paraît exelusi- vement formée du tissu jaune qui compose dans l’éco- nomie des animaux toutes les parties qui ont à. déve- lopper à la fois de l'élasticité et de la solidité. En vain une artère après la mort est soumise à un irritant quel- conque, on ne peut y développer une véritable irrita- bilité. Une artère mise à nu sur un animal vivant, et observée pendant que le sang y circule, ne présente pas de contractions et de nai actives, mais une dila- tation passive , résultat de la projétion du sang dans son intérieur , et un retour, sinon exclusivement élastique, au moins lent du vaisseau surlui-même. Si sur un animal vivant on découvre l'aorte, et qu’on y mette prompte- ment le doigt, on ne sent pas que ce doigt y soitpressé, comme cela est quand on le met dans le cœur. Il est vrai que quelquefois le pouls diffère dans les diverses artères du corps; mais ce phénomène peut s'expliquer , comme on le verra, sans admettre l'irritabilité dans les artères ; et le plus souvent ce pouls est semblable par- tout etisochrone aux mouvemens du cœur. Ge pouls, en effet, dépend bien plus évidemment du jeu du cœur que 582 FONCTION DE LA CIRCULATION. des artères ; il en suit les modifications, manque dans les animaux qui n’ont point de cœur , disparaît dans la syncope : tandis qu’il se montre au-dessous d’une artère anévrismatique, il disparaît au-dessous d’une artère liée : on peut en simuler les phénomènes dans des tubes iner- tes, en dirigeant dans ces tubes lesang artériel; Bichat , parexemple , ajoute à la carotide dans un animal vivant un tuyau inerte, et voit ce tuyau battre comme la ca- rotide ; il lui adapte une poche de tafletas gommé, dans la vue de simuler une tumeur anévrismale , et il observe dans cette poche des battemens : si le sang artériel est dirigé dans une veine, ce vaisseau qui d'ordinaire n’a pas de pouls en présente un alors ; l’anévrisme vari- queux , qui n’est que la réalisation de la supposition que nous venons de faire, en a un. Si, au contraire, on di- rige le sang veineux dans une artère , ce vaisseau cesse de battre. On ne peut réunir plus d’objections contre l'opinion qui voudrait faire dépendre le pouls de l’irri- tabilité des artères. Enfin, comment concevoir un long système vasculaire se contractant et se dilatant alterna- tivement ? Ge n’est donc pas la le mode d’action des artères. D’autres ont voulu réduire l’action de ces vaisseaux à une simple élasticité : dilatés lors de la projétion du sang dans leur intérieur , ils reviendraient ensuite sur eux-mêmes dans une mesure qui serait proportionnelle à la dilatation qu’ils auraient éprouvée , et influeraient par là sur le cours du sang. Mais, certainement, il y a dans l'action des artères plus que de l’élasticité, c’est-à-dire une influence de la vie. Si sur la carotide d’un animal vivant on établit deux ligatures, et qu’on pique dans l'intervalle, le sang jaillit avec assez de force; si l’on fait “ p ’ « . MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 385 la même expérience après la mort, ou le sang coule sans jaillir, ou son jet est moins étendu. Si pendant la vie on éprouve une hémorragie , les artères se resserrent dans la proportion de la perte de sang qui est éprouvée ; mais si l'on meurt des suites de cette hémorragie, après la mort, ces vaisseaux reviennent à leurs dimensions pre- mières. Sir Æv. Jlome met à nu sur des chiens, des lapins , l'artère carotide, en sépare avec soin les nerfs vague et sympathique par l'interposition d’une sonde; puis touchant ces nerfs avec un alkali, il voit les batte- mens de l'artère augmenter graduellement, et devenir très-violens au bout de cinq minutes. Enveloppant le poignet d’un homme avec dela glace , et l’autre poignet avec des linges trempés d’eau chaude, il reconnaît que les battemens du pouls sont devenus plus forts dans le premier poignet, et plus faibles dans le second. Enfin, Ch. {lasiings a vu nettement des contractions réelles survenir dans diverses artères, après les avoir irritées avec la pointe du scalpel. Nous croyons donc que les artères agissent dans Ja circulation, non par une action d'’irritabilité du genre de celle qu’on observe dans le cœur ; non parune simple élasticité; mais par une action de contraction qui est en quelque chose organique et vitale. Gette action de con- traction est plus grande dans les petites artères, que dans les grosses qui semblent davantage ne développer qu'une pure élasticité ; et elle fonde une seconde cause de la circulation artérielle. Sans contredit le jeu du cœur est la principale , puisque c’est lui qui imprime la pre- mière impulsion au liquide, et qui ensuite en dilatant l'artère met en jeu sa force d’élasticité et de contrac- 58/4 FONCTION DE LA CIRCULATION. tilité ; mais enfin cette dernière doit aussi entrer en | ligne de compte. F Par le concours de ces deux causes, le sang est poussé jJusques aux extrémités des systèmes artériels , jusque dans les systèmes capillaires. Les valvules sigmoiïdes s'opposent à son reflux dans les ventricules , ainsi que le sang nouveau que reçoivent alors ces cavités qui sont en ce moment en état de dilatation. En poussant de la cire ou du suif fondus dans l’aorte d’un cadavre, et en les di- rigeant du côté du cœur, on voit comment les valvules sigmoïdes s'appliquent l’une à l’autre, et empêchent tout mouvement rétrograde du sang. Maintenant , il s’agirait de spécifier les résistances di- verses qui s'opposent au cours du sang, et dont triom- phent les deux causes que nous venons d'indiquer ; et d'évaluer les unes et les autres, afin d’en déduire tous les traits de la circulation artérielle, savoir quelie est sa vilesse, si elle est uniforme dans toute l'étendue du système , combien de temps elle emploie à se faire, etc. Mais une analise aussi rigoureuse de la circulation est impossible. D'abord , on ne peut apprécier la puissance respec- tive de chacune des deux causes de la circulation arté- rielle, et par conséquent évaluer leur puissance totale. D'une part, l’action du cœur est tout-à-fait incommen- surable, et tellement variable d’ailleurs , qu’on ne pour- rait rien dire que de général et d’approximatif sur elle. Îl'en est de même, d’autre part, de l’action élastique et contractile des artèrés : elle est, en raison de la puis- sance développée préalablement par le cœur, et par conséquent variable commeelle , et en raison de la struc- ture plus ou moins parfaite de ces vaisseaux. MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 389 Ensuite, quelles sont les résistances dont ces causes motrices doivent triompher? et est-il plus facile de les ue? La première question seule a donné lieu à de nombreux débats. Les auteurs n’ont pas été d’accord sur le nombre des résistances qui s'opposent à la circulation du sang. Nous croyons pouvoir les ramener à trois : 1° La masse du sang à ébranler, masse qui résiste en raison de sa force d'inertie, et d'autant plus qu’en beaucoup de lieux elle doit être mue contre l’ordre de la gravita- tion. 2° Les frottemens de ce fluide contre les parois des vaisseaux , frottemens qui seront en raison de l’éten- due des surfaces , et conséquemment en raison de la lon- gueur des vaisseaux , de leurs divisions , de leurs rétré- cissemens, courbures , anastomoses, des éperons qui existent aux points où ils se bifurquent ; etc. 5° La ré- sistance générale qu’opposent les artères au choc du sang, et qui ne peut être vaincue sans consumer une partie de la puissance motrice développée par le cœur. Je sais bien que les auteurs n’admettent pas également la réa- lité de ces résistances ; que certains en admettent d’au- tres encore bien plus évidemment hypothétiques ; nous reviendrons là-dessus ci-après : mais, je le demande, est-il un moyen d'évaluer chacune de ces résistances en particulier , et par conséquent leur puissance totale ? I faut reconnaître qu’il est impossible d’analiser le phénomène qui nous occupe avec une rigueur absolue ; et aussi beaucoup de traits de la circulation artérielle sont encore ignorés. Voici ce qui en a été découvert. D'abord, le cours du sang dans les artères présente une véritable intermittence : il est alternativement plus vite et plus lent : plus vite au moment de la systole du cœur , parce qu’alors le fluide se meut sous l'influence 3. 29 386 FONCTION DE LA CIRCULATION. de la plus puissante des forces motrices ; plus lent, lors de sa diastole, parce qu’alors il ne se meut que sous l'influence de la réaction élastique et contractile des ar= ières. Dans le premier moment, il coule par jets qui coïncident avec les contractions des ventricules , et qui sont d'autant plus étendus , que l'artère est plus près du cœur. Dans le second , il ne coule d’une artère ouverte que par nappes. Ce trait de la circulation artérielle est plus prononcé dans les grosses artères que dans les petites ; même dans les dernières il manque, le cours du sang est presque continu, l'influence du cœur n'étant plus assez forte pour le produire. Ensuite, le cours du sang n’est pas uniforme dans ioute l'étendue du système artériel ; il est d’autant plus rapide que les artères sont plus grosses et plus près du cœur, etil va en diminuant graduellement jusqu’à la fin du système artériel. Les causes en sont faciles à in- diquer. Il y en a deux : l’une est que la réaction, sinon contractile, au moins élastique des artères , qui est une des puissances motrices du sang, va en diminuant à me- sure que les artères sont plus petites; l’autre, est que les résistances à vaincre , savoir, la masse du sang à mouvoir , les frottemens, vont au contraire en augmen- tant graduellement de l’origine à la fin du système arté- riel. Sauvages a dit que le sang circule d’un tiers plus vite dans l’aorte que dans les artères moyennes, et d’un tiers plus vite encore dans ces artères moyennes que dans les dernières artérioles. “A la vérité, Bichat a contesté ce fait du ralentisse- ment graduel de la circulation artérielle, et a professé l’uniformité de cette circulation dans toute l'étendue du système. Son grand argument était, que le système ar- MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 987 iériel étant toujours plein, l'impulsion que le sang re- coit à une des extrémités de ce système, doit être à l'instant propagée à l’autre. Selon lui, les retardemens dont on parle ne seraient réels, que si l’ondée projetée à chaque contraction du ventricule, était lancée dans un système vasculaire vide. Il invoque l’analogie d’une seringue dont le tuyau se terminerait par de nombreuses subdivisions ; au moment où le piston projetterait le fluide dans la seringue, on verrait ce fluide jaillir par toutes les divisions à la fois. D’après cela, ce physiologiste nie toute influence de retard exercée sur le cours du sang dans les artères par les frottemens, les angles des vais- seaux , les anastomoses à choc ‘opposé, surtout par le passage continuel du sang d’un lieu plus étroit dans un lieu plus large ; et il croit que la contraction du ventri- cule , le mouvement général du sang dans tout le systè- me artériel , et l'entrée du sang dans les systèmes ca- pillaires , sont trois choses qui arrivent en même temps. Sans doute il faut convenir que parmi les résistances que les auteurs ont assignées au cours du sang dans les artères , il en est beaucoup d’hypothétiques ; telles que la viscosité du sang; la tendance qu’a ce fluide à se coa- guler , et qu'une partie du mouvement qui lui est im- primé est, dit-on, destinée à prévenir ; son passage con- tinuel d’un lieu plusétroit dans un lieu plus large , d’après une loi d’hydraulique connue ; la pesanteur de l'air qui, certainement au moins, a une influence sur la circula-. tion capillaire, comme le prouvent le phénomène des ventouses , et les hémorragies qui sûrviennent à Fhomme sur le sommet des montagnes ou dans des aérostats , etc. Peut-on, surtout, adopter l’idée de ceux qui, partant de notions subtiles sur la nature du sang, admettent 29* 388 FONCTION DE LA CIRCULATION: une vitesse inégale dans les divers globules de ce fluide , et par exemple, distinguent en lui deux mouvemens : l’un dit progressif, qui portait sur les globules rouges du sang, lesquels plus pesans , occupaient le centre du vaisseau , et par conséquent circulaient dans son axe et plus vite, comme éprouvant moins de frottemens ; l’au- tre , dit latéral, qui s’entendait de tous les autres glo- bules, lesquels déjetés au pourtour du vaisseau, en pro- duisaient la dilatation , frottaient contre ses parois, et, à cause de cela, circulaient avec moins de rapidité. Mais, d'autre part, Bichat n'a-t-il pas exagéré en niant l'existence de toutes résistances ? et n’a - t-il pas erré en professant l’uniformité de la circulation arté- rielle ? D'abord, le ralentissement graduel de cette circulation est un fait incontestable, on le voit avec évi- dence dans les observations microscopiques. Quelle dif- férence entre le jet que lance une artère , selon qu'elle est voisine ou éloignée du cœur ! Dans les petites arté- rioles même, le jet n’est plus saccadé, ce qui prouve que la force du cœur a été affaiblie , et celle-ci n’a pu l'être que par des résistances. Ensuite, parmi ces résis- tances , il en est réellement d’incontestables, comme le poids des organes voisins, celui du sang , surtout quand ce fluide doit circuler contre l’ordre de la gravitation. A la vérité, quand cela devait être, les moteurs ont été calculés pour vaincre cette résistance, et les effets n’en sont pas sensibles; mais ils apparaissent quand cette direction est accidentelle , comme quand on se tient la tête en bas, par exemple. Peut-on nier aussi qu'une perte de mouvement ne résulte de la dilatation et de la locomotion légère qu’éprouve Fartère , ainsi que des frottemens ? et comme ceux-ci sont en raison du MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 389 nombre des divisions , des éperons qui sont aux lieux où se font ces divisions, des courbures , ne doit-on pas en conclure que le sang artériel arrive réellement avec des vitesses inégales dans les diverses parties du corps ? En- fin, si d’une part la circulation artérielle est continue , ce qui est incontestable ; si, d’autre part, le système ar- tériel donne aux sysièmes capillaires autant qu'il a reçu du cœur, ce qui est à peu près certain aussi , il faut ab- solument que les quantités de sang qui traversent les diverses parties du système artériel soient à peu près les mêmes : or, comme celles-ci n’ont pas la même capa- cité, il faut qu’une différence dans la rapidité y supplée , que le fluide circule plus vite là où l’espace est moindre, plus lentement là où l’espace est plus large : et, comme la capacité du système artériel va en augmentant du cœur aux parties, la circulation doit y être de moins en moins rapide. M. Gerdy n’admet que celte cause de retard et nie celle attribuée aux obstacles. En somme, nous professons donc que la circulation artérielle diffère en vitesse dans les diverses parties du corps ; etqu'allant en s’affaiblissant graduellement, elle est dans chaque partie en raison de la diversité des espaces quele sang a à tra- verser , et de la diversité des résistances qui s’opposent au mouvement du sang. Mais en même temps nous ajou- tons qu’il est impossible d'évaluer rigoureusement toutes ces données, et par conséquent la vitesse propre du sang artériel dans chaque partie. Nous dirons même, avec M. Gerdy , qu'on ne peut pas ici s’aider de recher- ches expérimentales, parce que si l’on ouvre une artère ou le cœur pour apprécier quelques traits du cours du sane , il en résulte aussitôt quelques changemens dans re] L2 les résistances, et par conséquent dans les effets. 390 FONCTION DE LA CIRCULATION. Du reste, s’il pouvait rester quelques doutes relati- vement à l'erreur que nous reprochons ici à Bichat ,il suffirait, pour les lever, de considérer combien sont va- riées les dispositions des artères qui portent le sang à chaque organe, et combien cependant ces dispositions sont constantes. D’un côté , l'artère nutritive de chaque organe a une disposition spéciale ; et, d’un autre côté, cette disposition se montre toujours la même. Peut-on croire que cela soit sans importance ? et, parmi les ef- fets que cette disposition doit amener, une différence dans la vitesse et la force avec laquelle le sang arrive , n'est-il pas celui qu’il est permis de supposer tout d’a- bord ? quel constraste entre l'artère très-courte et toute droite qui porte le sang au rein , et l’artère si longue, si grêle et si flexueuse qui le porte au testicule ? quel anatomiste , en voyant les courbures diverses que pré- sentent les artères qui portent le sang au cerveau , n’a pensé que cette disposition avait pour but de diminuer les effets mécaniques du choc du sang sur cet organe si délicat? On a trouvé les précautions de la nature à cet égard si nécessaires , que des physiologistes ont pensé que certains organes n'avaient pas d’autre office que d’amortir, au profit de certains autres, le choc que doit faire le sang lancé dans les artères. Ainsi Rush a dit que la thyroïde servait à briser l’afflux du sang qui est projeté au cerveau; arguant de la situation de ce corps entre le cœur et la tête; du nombre considérable des artères qu'il reçoit, bien qu'il ne soit le siége d’aucune sécrétion ; et de l’influence que recoit le cerveau des ma- ladies et de l’extirpation de la thyroïde, celle-ci ayant, dit-il, amené une phlegmasie cérébrale promptement mortelle , et le goêtre étant, au contraire , si souvent MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 391 accompagné de l’idiotisme. Sans doute, on ne doit re- garder cette opinion de Rush que comme une conjec- ture , mais l’idée qui l'avait inspirée est juste. Ainsi, le sang parvient avec des vitesses inégales , et dans des quantités différentes , dans les diverses parties du corps, dans les sysièmes capillaires. Arricze IL Circulation dans les systèmes Capillaires. Les systèmes capillaires constituent un réseau telie- ment délié et inextricable, que les phénomènes de la circulation y sont difficiles à apercevoir; et, si nous avons avoué notre ignorance relativement à leur texture, on conçoit que nous devons faire le même aveu relative- ment à leur action. D'abord, y a-t-il ici interruption dans la circulation ? ou bien, lesangpasse-t-ilau contraire d’une manière con- tinue , à travers les systèmes capillaires , des dernières artérioles dans les premières veinules ? Long-temps on admit un parenchyme intermédiaire aux artères et aux veines , et l’on croyait dès lors à une interruption de la circulation dans ce parenchyme ; on le regardait comme le lieu où finissait la circulation artérielle , et où com- mencait la circulation veineuse ; c’était dans les cellules de ce parenchyme qu'était versé le sang artériel, el qu’ensuite était repris le sang veineux; on croyait par R pénétrer plus facilement le mécanisme par lequel le sang accomplit les nutrilions , les sécrétions. Mais aujourd’hui , la non-interruption de la circulation des dernières artères aux premières veines à travers les systèmes capillaires , est universellement admise, et 392 FONCTION DE LA CIRCULATION. voici les preuves sur lesquelles on se fonde : 1° les cir- culations artérielle et veineuse ne s’interrompent jamais: quelle présomption pour que la circulation capillaire, qui est intermédiaire à l’une et à l’autre , leur soit continue ! 2° Une injection poussée, soit sur le cada- vre , soit sur un animal vivant, dans une artère , passe aussitôt à travers les systèmes capillaires, et parvient aux veines. 5° Il y a des rapports réels entre les circu- lations artérielle et veineuse , et il est difücile de les concevoir avec une interruption entre ces deux circu- lations. Par exemple, M. Magendie ayant mis à nu, sur un chien vivant, l'artère et la veine crurale, et lié le reste du membre , de sorte que la circulation ne s’y faisait plus que par ces deux vaisseaux, a vu qu’on ne pouvait modifier la circulation dans l'artère , sans la modifier dans la veine; en comprimant l'artère et y arrêtant la circulation, il l’arrêtait aussi dans la veine, bien que ce vaisseau fût encore plein de sang; en ne faisant qu’affaisser l’artère, et y affaiblir la circulation, il déterminait un même effet dans la veine; en rempla- çant le sang par un fluide qu’il injectait dans l'artère, il voyait le fluide passer aussitôt dans la veine avec une vitesse proportionnelle à la force avec laquelle il était injecté. 4° En traversant le système capillaire du pou- mon , le sang veineux devient artériel par la respiration. Or, que par une cause quelconque, celle-ci n’ait pas lieu , le sang restera veineux, il se montrera tel au- delà du poumon, dans l’artère carotide , par exemple, comme cela était dans les expériences de Bichat; e& comme il paraîtra tel dans ce vaisseau‘instantanément , on a par À une preuve irrécusable qu'il a traversé sans interruption le système capillaire du poumon. A la véri- EE EE MÉCANISMi DE LA CIRCULATION. 393 6, ce même fait ne peut se démontrer dans le cercle du corps; mais comme tout est semblable dans les deux cercles, on peut étendre aux systèmes capillaires du corps ce qui est évident du système capillaire du pou mon. 5° Arguerait-on des mutations qu'éprouve le sang dans ces systèmes capillaires? Mais il se fait une de ces mutalions dans le système capillaire du poumon, et cependant on vient de voir que la circulation y est con- tinue; ilest donc probable qu’il en est de même dans les systèmes capillaires du corps. N’est-il pas possible, d’ailleurs , que ces opérations se passent en dehors du cercle ? 6° Enfin, dans les observations microscopiques, Malpighi, Leuvenhock et Spallanzani ont vu le sang passer directement et sans interruption des artères aux veines, à travers les systèmes capillaires et le parenchyme des organes. Ce premier fait établi, maintenant quelles sont les causes de la circulation capillaire? Æarvey n’en recon- naissait pas d’autres que l’action du cœur , et croyait les systèmes capillaires entièrement passifs dans la circula. tion. Mais , d’abord , ce dernier fait, fût-il vrai, il fau- drait ajouter à l’action du cœur l'influence exercée par les artères ; car c’est par le concours de ces deux puis- sances que le sang est arrivé jusqu’au point du cercle où nousétudions son cours. Ensuite, ces deux puissances ne suflisent plus pour faire traverser au sang les systè- mes capillaires : il existe des raisons de croire, que leur influence est en grande partie épuisée , lorsque le fluide arrive à ce point du cercle. On a vu, en effet, qu'à Ja fin du système artériel, le sang artériel cessait de circu- ler par saccades coïncidentes avec les contractions du cœur , et cela, parce que les résistances successivement 394 FONCTION DE LA CIRCULATION. croissantes, avaient beaucoup affaibli l’action impulsive de cet organe; que par la même raison le cours du sang avait été en diminuant successivement de vitesse dans le système artériel. En troisième lieu , n’est-ce pas dans les systèmes capillaires que se font les nutritions , les calorifications , les sécrétions , J’hématose ? Or , de quel- que manière qu’on concoive le mécanisme de ces fonc- tions , il est difficile de croire qu’elles n’aient pas une influence très-prochaine sur le cours du sang qui les alimente. Enfin, dans des observations microscopiques sur des animaux vivans, on a vu directement le sang dans les petits vaisseaux, non-seulement circuler des artères vers les veines , à travers les systèmes capillaires, avec des phénomènes tels, que sa progression ne pou- vait pas être attribuée à l’action du cœur; mais souvent encore s'arrêter, être comme hésitant sur la direction qu'il suivrait, et même rétrograder avec une prompti- tude étonnante, et pendant un temps fort long. En ir- ritant une partie blanche , on voyait le sang aflluer tout à coup dans le système capillaire de cette partie; et ce système paraissait exercer une sorte d'aspiration sur ce ‘liquide. * D’après ces faits, on a abandonné l’opinion de Har- vey, mais on est tombé alors dans un extrême opposé. On a prétendu que les puissances impulsives du cœur et des artères élaient désormais épuisées à ce point du cercle , et que le sang ne circulait plus ici que par l’ac- tion des systèmes capillaires. Telle est, par exemple, l'opinion de Bichat. Sans contredit ces deux forces mo- trices ont perdu une grande partie de leur puissance par suite des résistances qu’elles ont eu à vaincre ; mais rien ne prouve qu’elles l’aient perdue en entier, et ül MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 399 paraît , au contraire , qu’elles en conservent encore. Nous avons, par exemple, cité une expérience de M. HMagen- die, dans laquelle l'artère et la veine crurale d’un chien vivant ayant été mises à nu, on a vu la circulation dans l’artère régler celle qui se fait dans la veine; la circu- lation dans la veine s'arrêter, s’affaiblir même avant que le vaisseau füt vide de sang, quand on arrêtait ou affaiblissait la circulation dans l'artère. Gette expérience prouve que ces puissances s'étendent jusqu’à la circu- lation veineuse. Comment dès lors pourraient-elles n’a- voir pas de part à la circulation capillaire, qui est plus rapprochée d’elles ? pourquoi, d’ailleurs , tant de trou- bles dans la circulation capillaire, dès que les mouve- mens du cœur se pressent ou s’affaiblissent ? par exemple, la pâleur , le froid des parties les plus éloignées du tronc, quand le cœur manque de force ? La vérité nous semble être dans la combinaison de ces deux opinions trop exclusives. Les deux puissances qui jusque là ont mû le sang, plus une action spéciale des systèmes capillaires, telles sont les causes de la circula- tion capillaire. Mais probablement cette dernière est la principale. Ge sont, en effet, ces mêmes systèmes capillaires qui font les nutritions, les calorifications , les sécrétions ; et nous avons déjà dit qu'il était difficile de croire que ces actions ne fussent pas liées en quelque sorte à la circulation. Que d'animaux d’ailleurs qui n’ont pas de cœur ! Le défaut de cet organe a même été ob- servé dans des fœtus humains, chez lesquels la circula- tion ne se faisait pas moins. Enfin, dans les végétaux et les derniers animaux, c’est le parenchyme même des organes , c’est-à-dire les systèmes capillaires, qui em- ploient les fluides et en déterminnte la progression; le 3006 FONCTION DE LA CIRCULATION. cœur n'existe que dans les animaux supérieurs ; or, l’ae tion de ces systèmes capillaires doit être aussi impor- tante chez l’homme, les actes inférieurs étant les mêmes dans tous les animaux, et les différences ne portant que sur les phénomènes antécédens à ceux-là, et qui en sont, en quelque sorte , l’échafaudage. Ajoutons qu'ici les vaisseaux sont si déliés et si divisés, qu'il n’est guère possible de croire à une grande influence de la part du cœur. Mais maintenant en quoi consiste cette action des sys- ièmes capillaires ? elle ne tombe pas plus sous les sens que leur texture ; et l’on ne peut en juger que par les observations microscopiques , et certains phénomènes organiques de santé et de maladie. On admet générale- ment que le sang obéit ici à deux impulsions : l’une, qui lui fait suivre le grand cercle , et passer des derniè- res artères dans les premières veines; l’autre, qui l'ap- pelle dans le parenchyme des organes, pour y être mis en œuvre : il est comme hésitant, oscillant entre ces deux directions ; le cœur est ce qui le pousse dans la pre: mière ; et l’action propre des systèmes capillaires est ce qui l’entraîne dans la seconde. Il est difficile, en effet, de nier cet appel du sang dans les sysièmes capillaires , en raison de leur excitation ; on l’a observé directement dans les expériences microscopiques : qu'on irrite un tissu , aussitôt le sang y afllue. Sur ce fait, repose en entier l'emploi thérapeutique des topiques irritans et sé- datifs, ainsi que l’axiome ubr stimulus, ibi fluœus. L’in- {lammation est surtout un phénomène qui le prouve. De là même, résulte que c’est réellement cette action aspi- rantc des systèmes capillaires , qui règle la quantité de sang qui traverse les trois autres parties de l'appareil MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 397 circulatoire. On dit généralement que le cœur lance dans les artères autant de sang qu'il en a recu des veines; que les artères, à leur tour, rendent cette même quantité aux systèmes capillaires ; ceux-ci aux veines ; et qu’ainsi, id y a équilibre dans les quatre parties de l’appareil cir- culatoire. Gette proposition est vraie à l'égard des vei- nes, du cœur et des artères, mais elle ne l’est pas des systèmes capillaires. Ges systèmes peuvent appeler plus eu moins de sang, ou se refuser à se laisser pénétrer par celui qui leur est envoyé; par suite, ils modifieront le cours du sang dans les gros vaisseaux, feront varier le pouls , et détermineront la quantité de sang qui passera par les veines, le cœur et les artères. Ne voit-on pas , en effet, grossir les veines et les artères de tout organe sur- excité ? celles de l’utérus dans la grossesse, par exemple; de la mamelle, lors de la sécrétion du lait, etc. ? N'est-ce pas l’action aspirante exercée par les systèmes capillaires des parties , plus que l’action impulsive du cœur, qui, en certains cas de ligature du tronc principal d’une ar- ière, fait développer les artères collatérales ? Rien ne paraît donc mieux démontré que cet appel effectué par les systèmes capillaires, et l’on pourrait dire que le cœur ne sert qu'à envoyer, dans les gros vaisseaux, le sang que ces systèmes capillaires doivent employer. Qu’une portion du système capillaire aspire plus de sang, celui de tous les vaisseaux voisins se dirige vers elle, la fluxion s'étend de proche en proche jusqu'aux gros vaisseaux , selon que cette portion du système capillaire a plus ou moins d’étendue et d'importance. Je sais bien que quel- ques auteurs placent cette circulation capillaire en de- hors du grand cercle; mais on ne fait par là qu’éluder la difficulté ; comme il est sûr qu’elle influe prochaine 398 FONCTION DE LA CIRCULATION. ment sur lui, on doit la considérer comme en faisant partie. C’est Bordeu qui, le premier , a séparé la cir- culation capillaire , de la circulation dite générale, ou des gros vaisseaux : sans doute cette distinction est fondée , et est des plus importantes en pathologie et en thérapeutique ; mais il est évident aussi que ces deux circulations sont liées, et que la première modifie trop la dernière pour qu’on puisse complètement l’en isoler. Du reste, cette action d'aspiration, exercée par les systèmes capillaires , ne peut nullèment être déterminée ; on l’a dite une succession de contractions et de dilata- tions actives, mais ce n’est là qu’une conjecture; cette action étant tout-à-fait moléculaire, on ne peut rien savoir d’elle, sinon que les systèmes capillaires ne sont pas passifs pour sa production , et qu'elle n’est ni physi- que ni chimique, mais organique et vitale ; ce que nous venons d’en dire, démontre en effet, la vérité de ces deux propositions. Pour que les systèmes capillaires n’eussent aucune part à la circulation capillaire , il fau- drait que le sang les traversât mécaniquement : et cela n’est pas. Ensuite, est-il possible de rapporter à une action physique , à l'attraction des tubes capillaires , par exemple , le rôle qu’ils jouent ici? Mais ils fondent une force qui sert à vaincre des forces physiques. Leur ac- tion de circulation est assez prochainement liée aux actions de nutrition, sécrétions, qui sont des actions vitales. Tout ce qui modifie la vitalité des capillaires , applications irritantes, sédatives , en modifie la circula- tion. Cette action , enfin, paraît même être assujetie à une influence nerveuse, comme le prouvent la pâleur ou la rougeur qu’éprouvent certaines parties lors des affections de l’âme. À tous ces traits, qui pourrait mé- MÉCANISME DE LA CIRCULATION, 399 connaître une action organique et vitale ? Ou, si l’on veut néanmoins qu’elle soit physique, il faut reconnaître au moins que la condition matérielle qui en rend possible l'accomplissement, est Lout-à-fait dépendante des nerfs qui entrent dans la texture des parties, et varie sans cesse sous leur influence, Telles sont les causes organiques de la circulation ca- pillaire. On peut en ajouter de mécaniques ; savoir : les influences de la gravitation, des mouvemens généraux du corps ou de quelques-unes de ses parties, des bat- temens des artères voisines, etc. Mais il faut remarquer que ces influences fondent aussi souvent des résistances que des puissances motrices. Ainsi que nous l’avons dit, dans la circulation des fluides des corps organisés, il y a toujours des considérations mécaniques auxquelles il faut avoir égard, et qui compliquent considérablement l’a- nalise du phénomène, Quant aux résistances , elles sont ici ce qu’elles étaient dans la circulation artérielle , la masse du sang à mou- voir, et les frottemens qui doivent être ici encore plus considérables en raison des subdivisions infinies des vais- seaux , de leurs courbures , de leurs entrelacemens. Aussi, il y a déjà plus de ces dispositions mécaniques qui sont destinées à faciliter la circulation, comme des anastomoses plus fréquentes ; d’où résulte que, si le sang trouve un obstacle d’un côté , il peut refluer de l’autre, ainsi que l'ont vu ceux qui ont observé sur des animaux vivans la circulation capillaire avec le microscope. Maintenant , de cette connaissance des causes qui pré- sident à la circulation capillaire, et des résistances à vaincre , pouvons-nous déduire les traits de cette circu- lation , savoir, sa vitesse, le rapport des puissances aux 400 FONCTION DE LA CIRCULATION. résistances, etc. ? Il est évident qu'on ne peut évaluer, fi les causes motrices , niles résistances, et par conséquent qu’on ne peut analiser avec toute rigueur le phénomè- ne; voici tout ce qu’on assure. D'abord , on dit la circu- lation capillaire assez lente, probablement parce qu'on juge celte lenteur nécessitée par les actes de nutrition, de sécrétion, dont cette circulation fournit les matériaux. Mais peut-être cette lenteur est- elle moindre qu'on ne l’a dit ; à juger par les expériences de Bichat sur læres- piration , elle est assez prompte dans le cercle pulmo- naire, et par analogie on peut la croire aussi prompte dans le cercle du corps. D'ailleurs , avec quelle rapidité des boissons parviennent de l’estomac aux reins ! En- suite, on professe que cette circulation capillaire n’est pas la même dans chaque partie du corps. En effet , nous avons vu que déjà le sang est versé par les artères dans les parties , dans des quantités et avec des vitesses inéga- Les : et en outre, chaque partie aspire dans les gros vais- seaux des quantités diverses de sang , selon sa vitali- té, l'activité de sa fonction. Dès lors ; ce que l’on disait de la circulation capillaire dans un lieu, ne serait pas applicable à un autre; et il faudrait dire les circulations capillaires, comme on dit les nutritions. Enfin cette circulation capillaire change dans chaque partie , selon scn état d'activité, les excitations directes ou sympa- thiques auxquelles elle est soumise ; et à cet égard elle est bien plus variable que la circulation artérielle. Nous ne parlons pas de l’état de maladie; il est trop évident qu'un changement dans la circulation capillaire d’un organe, est un phénomène inséparable de toute lésion de cet or- gane ; Mais NOUS entendons que cette circulation se mo- difie selon Les divers degrés d'activité que peut pendant MÉCANISME DE LA CIRCULATION. Aot Pétat de santé présenter tout organe. Par exemple, il est des organes dont les fonctions sont intermittentes; et il est bien sùr que le sang qu’ils appellent en eux, n’est pas aussi abondant lorsqu'ils sont en repos, que lorsqu'ils sont en action. Tout organe, dont le travail redouble, voit sa circulation capillaire activée ; il en est de même de celui soumis à une excitation quelconque , soit direc- te, soit sympathique. Or, des variations de ce genre surviennent sans cesse dans le cours de la vie. Ainsi s'expliquent toutes les différences que présentent entre eux les organes sous le rapport du sang qui les pénètre ; toutes celles que présente un même organe selon son état d’excitation ou d’atonie; etenfinles modifications que présentera Ja circulation générale dans les divers états de la santé et de la maladie. Des modifications dans une partie importante du système capillaire,sont en effet bien- {ôt partagées, comme nous l'avons dit, par la circulation générale. On peut admettre queles gros vaisseaux, con- sidérés séparément des systèmes capillaires, et comme constituant à eux seuls le cercle, sont comme un réser- voir qui fournit sans cesse aux systèmes capillaires, mais dans lequel ceux-ci ne puisent que la quantité qui leur convient. Seulement , si par un accident quelconque une portion importante du système capillaire cesse de pui- ser , il y a surcharge dans les gros vaisseaux, et menace d’une congestion fatale dans quelques points. Par exem- ple, dans les opérations d’anévrisme, on est souvent obligé de saigner, jusqu’à ce que la circulation soit ré- tablie dans le membre, si l’on veut éviter des apoplexies ou des inflammations du poumon. Il en est de même à la suite de l’amputation d’un membre, L’effet est sem- blable , si l’action du système capillaire étant la même, 3. 26 Ae2 FONCTION DE LA CIRCULATION. il y a par une cause quelconque surcharge de sang dans les gros vaisseaux , pléthore ; il peut survenir aussi quelques congeslions mortelles ; et on en produit en quelque sorte d’artificielles dans les animaux, par des injections d’eau dans les veines, ou mieux par la transfusion du sang. A ce propos, il a été professé par beaucoup de phy- siologistes , que sur le trajet de l'appareil circulatoire, étaient placés çà et là certains organes dont la fonction était de servir de diverticulum au sang, dans les cas où d’autres parties se refuseraient, par une raison quelcon- que , à se laisser pénétrer par la quantité de ce liquide qui doit d'ordinaire leur arriver. Ge rôle a surtout élé altribué à ces organes dont on n’a pas encore découvert la fonction, et sur lesquels on fait à cause de cela de continuelles conjectures, comme la rate, le thymus, la thyroïde , les capsules surrénales. Ainsi, Lieutaud , re- marquant que la rate était toujours plus grosse lors de la vacuité de l’estomac, que lors de la plénitude de ce vis- cère, disait que le sang dans l’intervalle des digestions refluait dans la rate, qui était ainsi un diverticulum de sang pour l'estomac : il trouvait à cela cet autre avan- tage, de faire fournir par la veine-porte plus de sang au foie, dont le produit se prépare aussi dans Fintervalle des digestions. D’autres ont admis l’idée de Licutaud avec celte modification, que, lorsque le sang qui s’est accumulé dans la rate lors de la vacuité de l’estomac , en est exprimé dans le temps de sa plénitude, ce n'est p2s pour alimenter la sécrétion biliaire, mais bien celle du suc gastrique. Rush à étendu davantage encore cette idée: il fait aussi de la rate un diverticulum du sang, non pour l’estomac seulement , mais pour tout le corps en général, lorsque la circulation trop excitée ferait courir MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 405 le risque de voir se former des congestions sanguines dans quelques organes , comme dans les Passions, les mouvemens violens , la course : il argue de la nature spongieuse de la rate, dela fréquence de ses distensions \ de la grande quantité de Sang qui lui arrive, de son voi- sinage du cœur et du centre de la circulation, et de la sensation qui lui est rapportée dans la course, le rire, Enfin, M. Broussais a tout-à-fait généralisé cette idée des diverticulums. D’une part, il avance qu’il en existe toujours à côté des organes dont les fonctions sont évi- demment intermittentes; chez le fœtus , par exemple, près des parties qui ne sont pas encore en exercice, se trouvent des organes destinés à distraire le sang qui devra plus tard leur arriver : tels sont, selon lui ,le chy- mus et la thyroïde, relativement au poumon; les cap- sules surrénales, relativement aux reins. Ces organes ensuite à la naissance, ou s’oblitèrent tout-à-fait, si ceux dont ils devaient recevoir le Sang ont des fonctions continues, ou ne s’oblitèrent qu’en partie, quand Jes fonctions de ces derniers présentent des alternatives d’ac- tivité et de repos. C’est ainsiquela rate persiste , comme diverticulum de l’estomac, dont les fonctions sont bien pendant toute la vie intermittentes ; tandis que le thy - mus disparaît, quand la respiration est établie. D'autre part, ce que Aush avait dit de Ja rate comme diverticu- lum pour toutle corps, M. Broussais l'étendau foieet au système de la veine-porte; il regarde celui-ci comme un réservoir servant à recevoir le sang dans les divers cas où survient quelque retard , quelque arrêt dans la cireu- lation , ou comme propre à imprimer à ce liquide une nouvelle cause d’impulsion. Tout cela sans doute est fort ingénieux, mais ne peut 26* AA FONCTION DE LA CIRCULATION: être accueilli que cemme conjecture à méditer. D’a- bord, Bichat et autres ont contesté l’assertion de Lieu- jaud, savoir , que la rate soit plus grosse lors de la va- cuité de l'estomac, el nous avons déjà dit que les phy- siologistes tour à tour niaient ou accordatent le change- ment qu'on à dit se faire dans la circulation de l’esto- mac et des organes Voisins ; selon qu'il y a où n'y à pas digestion. Cependant nous revieudrons sur cet usage at- tribué à la rate , à l'article de la sécrétion biliaire. Quant au thymus, à la thyroïde et aux capsules surrénales , peut-on direavecM. Broussais, que ces organes nê sont que des diverticulums ? n’ont-ils pas une texlure trop compliquée , pour n'avoir ainsi à remplir qu'un ofhice mécanique ? À supposer qu’une dérivation fût ici néces- saire , pourquoi n’aurait-il pas sufli pour l’effectuer , de simples trous où Canaux , comme nous verrons que le font dans le fœtusle trou de Botal et le canal artériel? Pourquoi, par opposition , la disparition du thymus avec ’âge, etau contraire la persistance de la thyroïde et des capsules surrénales ? Ilesttrop évident que tout ce point de doctrine n’est qu'une hypothèse. Mais ce qui n'en est pas une, d’après ce que nous avons dit avant celte digression , c’est que la circulation capillaire est dilté- rente dans chaque partie ; variable dans une même par- tie; que par ses variations , elle modifie la circulation générale , le pouls; etenfin , queses divers départemens dans le corps s’influencent au loin les uns les autres. C’est pendant que le sang traverse les systèmes capil- laires, qu'il est changé dans ceux du corps d’artériel en veineux , ct dans ceux du poumon de veineux en arté- viel, On est sûr que ce n’est pas la circulation capillaire proprement dite qui effectue cette dernière conversion ; MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 405 puisque nous avons Vu , à l'histoire de la respiration, que celte conversion exigeait l’intervention de l’oxigène. Nous devons conséquemment en dire autant, de la con- version du sang artériel en sang veineux , dans les systè- nes capillaires du corps. C’est bien pendant la circulation capillaire qu’elle s'effectue ; mais il faut probablement de plus, que quelque principe soitenlevé au sang; comme dans l'acte inverse , il avait fallu que quelque principe nouveau lui fût fourni; et si la circulation capillaire influe sur la formation du sang veineux, ce n’est qu'in- directement , parce qu'elle influe sur les actions d’éla- boration qui se passent dans les parenchymes, c’est-à- dire les nutritions et les calorifications, ARTICLE IV. Circulation dans les Veines. Dans les veines, le sang circule , d’une part, du sys- ième capillaire du poumon au cœurg gauche , et, d'autre part, du système capillaire du corps au cœur droit. [I s’agit encore ici de spécifier les causes qui président au cours du sang dans cette dernière partie de l’appa- reil circulatoire , de mentionner les résistances que ces causes ont à vaincre; et de déduire de la connais- sance de ces élémens de la circulation veineuse, les traits de cette circulation. Harvey n’assignait encore d’autre cause, au cours du sang dans les veines , que l’action du cœur , dont l’in- fluence impulsive s’étendait, à travers les artères et les systèmes capillaires 5 jusqu’à cette dernière parie du cercle. Mais nous répéterons ici ce que nous àvons déjà dit à l’occasion de Ja circulation capillaire. D’ abord, i 406 FONCTION DE LA CIRCULATION. faut nécessairement ajouter à l’action du cœur, celle des artères que nous avons vu influer sur la progression du liquide. Ensuite, si ces deux puissances motrices avaient été en grande partie épuisées à la fin du système artériel , à plus forte raison doivent-elles l’être ici , Fes- pace qu'a eu le sang à parcourir étant bien plus grand, et les résistances à vaincre ayant été plus nombreuses. Enfin les systèmes capillaires qui influent tant sur la circulation capillaire, et qui par suite modifient tant la circulation générale, particulièrement celle des artè- res, pourraient-ils n’avoir aucune part à la circulation veineuse ? Ajoutons qu'évidemment les veines n’ont pas de pouls; que dans ces vaisseaux le sang offre encore , moins que dans les dernières artères , ces saccades qui coincident avec les contractions des ventricules, même coule en nappes d’une manière continue. Arguant de ces considérations, Bichat rejette l’opi- nion de Harvey, mais pour tomber dans une erreur opposée : faisant cesser l'influence du cœur sur la cir- culation à l'extrémité du système artériel , il attribue la circulation veineuse à la seule action des systèmes capillaires. Cependant l'expérience précitée de M. Ma- gendie , a fait voir la circulation dans les veines suivant celle qui se fait dans les artères , puisqu’en comprimant l'artère crurale on a arrêté instantanément la circulation dans la veine crurale, bien que ce vaisseau fût encore plein de sang. Qu’on ouvre d’ailleurs une veine sur un animal vivant , le jet de sang que fournit ce vaisseau est d’abord uniforme ; mais bientôt il offre des saccades qui coïncident avec les contractions des ventricules. Nous croyons qu'il faut admettre comme causes mo- irices du sang dans les veines, d’abord toutes celles qui MÉCANISME DE LA CIRCULATION: 407 ont agi antécédemment sur le fluide, mais dans une mesure d’autant plus grande que ces causes sont placées plus près du système veineux: ensuite une action des veines elles-mêmes. Ainsi, d’une part, action du cœur , action des artères , et action des systèmes capillaires qui peut-être n’agissent ici qu’en influant sur la circu- lation générale, sur la quantité de sang qui est aspirée dans le cercle : d’autre part, action des veines elles- mêmes. Cette action des veines n’esk pas certainement une action d'irritabilité du genre de celle dont jouit le cœur ; mais elle n’est pas non plus une simple élasticité , car le sang jaillit plus loin de ces vaisseaux , quand on les pique entre deux ligatures pendant la vie, qu'après la mort. Gependant on dit avoir reconnu une véritable irritabilité dans les gros troncs, dans la veine cave infé- rieure , par exemple, surtout dans les animaux à sang froid. À ces causes de la circulation veineuse, on peut en ajouter d'accessoires ; savoir: 1°le battement des artères, qui à cause de cela sont généralement annexées aux veines. 2° La pression des organes voisins, surtout des muscles , etc. La peau, par exemple, en soutenant les veines aide la circulation veineuse, car si la résis- tance de cette membrane diminue, les veines devien- nent variqueuses, preuve que le sang y stagne; et il faut recourir à un bandage mécanique. Une semblable influence est exercée par les mouvemens inspiraleurs sur le sang des veines du thorax et de l’abdomen, par ceux du cerveau sur les veines des sinus de la méninge , par tous mouvemens musculaires quelconques sur les veines voisines, comme le prouve le bon effet de ceux qu’on Leë FONCTION DE LA CIRCULATION. fait pratiquer pendant la saignée , pour que le sang coule, Quant aux résistances , elles sont ici les mêmes que dans la circulation artérielle, savoir la masse du sang à mouvoir , et les frottemens : mais comme il n’est pas plus possible de les évaluer que les causes motrices ; on ne peut, en Gpposant les unes aux autres, acquérir une appréciation rigoureuse de la circulation veineuse ; et tout ce qu'on en sait peut se réduire aux considérations suivantes. D'abord , évidemment les causes motrices ont ici une énergie moindre qu'aux artères, et dès lors la circula- tion veineuse doit être plus dépendante d’influences mé- caniques que l’artérielle. Pour peu qu'il y ait affaiblisse- ment de l’économie, la gravitation suffit pour ralentir la circulation veineuse, même dans les lieux où le sang doit naturellement circuler contre son propre poids : de là l’enflure , l’œdème des jambes chezles convalescens. La moindre pression a les mêmes résultats. À cause de cela beaucoup de précautions paraissent avoir été prises par la nature pour faciliter mécanique- ment la circulation veineuse , où remédier aux mauvais effets qui pourraient résulter de son retard. Nous avons déjà parlé de l’influence exercée par les battemens des artères voisines, par la pression des organes voisins : il faut ajouter encore, 1° les anastomoses qui sont ici très- multipliées , afin que lorsque le fluide est arrêté d’un côté , il trouve passage d’un autre. 2° Les valvules qui sont dans l’intérieur des veines, et qui ont le double usage ; de prévenir le reflux du sang , une fois qu’il est parvenu à un point quelconque du système, et de par- MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 409 tager ce fluide en petites colonnes qui sont conséquem- ment plus faciles à ébranler. 3° La particularité qu'ont les veines de pouvoir se dilater beaucoup , ce qui rend moins grave la stagnation du sang dans ces vaisseaux. 4° Enfin , la plus grande capacité du système veineux, qui a aussi pour but de prévenir les dangers qui résulte- raient d’une stagnation du sang dans son intérieur. Ge- pendant les différentes veines du corps diffèrent sous le rapport de ces précautions accessoires : là où le sang circule de haut en bas, et tend à se mouvoir par le fait seul de son poids ; là où il est soumis à des pressions ex- térieures, comme au thorax, à l’abdomen : ces précau- tions mécaniques sont moindres : parexemple , les veines sont sans valvules , ont des parois plus minces. Là où : existent des circonstances inverses, comme aux pieds où le sang remonte contre son propre poids, aux veines sous-cutanées qui ne sont pas soutenues , il y a des val- vules nombreuses aux veines , et leurs parois sont plus épaisses; par exemple, la veine saphène interne à des parois plus épaisses que l’iliaque. En second lieu , tout en convenant qu’on ne peut évaluer la vitesse des circulations artérielle et veineuse, il est certain que celle-ci est plus lente que la première. Si on ouvre une veine et une artère d’un égal volume, le jet fourni par la première est bien moins étendu que celui que lance la seconde. Comment pourrait-il en être autrement, puisque les forces motrices sont moindres, et les résistances plus grandes? Le cours du sang dans les veines n'offre pas non plus ces saccades intermit- tentes que présentait la circulation artérielle, et qui coïncidaient avec les contractions des ventricules ; il est uniforme. 410 FONCTION DE LA CIRCULATION, En troisième lieu , examinée dans les plus petites ver- nes , il est probable que cette circulation varie dans les diverses parties du corps. Nous avons vu, en ellet, que la circulation capillaire y est différente ; nous verrons que les actions de nutrition , de calorification qui S'y produisent , Y diffèrent aussi ; dès lors, il est pro- bable qu’il en est de même de la circulation veineuse, surtout à ce point où elle se confond avec la circulation capillaire. D'ailleurs , dans le cadavre comme dans je corps vivant, rien n'est plus fréquent que de voir telie portion du système veineux gorgée de sang , et telle autre vide. Enfin , la circulation veineuse offre cette différence d'avec la circulation artérielle , que tandis que celle-ci va en s’affaiblissant , se ralentissant à mesure qu’elle s’éloi- gne du cœur , etse fait dans des vaisseaux plus petits ; la circulation veineuse va, au contraire , en s’accélérant. Le cours du sang qui est fort lent dans les veinules , est déjà plus rapide dans les rameaux, et encore plus dans les troncs. On explique ce fait par la diminution de ca- pacité que présente le système veineux de son origine à sa terminaison, et qui semble permettre l'application de ce principe d’hydrodynamique, que le cours de tout fluide s'accélère, quand le tuyau où il circule se re trécit. On confirme cette explication, en faisant remar- quer que pour hâter le cours du sang en quelques veines , il suffit d’oblitérer le calibre des veines voisines , comme le fait la ligature dans l’opération de la saignée. On indi- que cette disposition, comme une précaution qu'a prise la nature pour faciliter mécaniquement le cours du sang. Nous ne garantissons pas la justesse de cette application d'hydrodynamique : dans les êtres vivans, chez lesquels MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 4ai les forces générales n’ont conservé qu’en partie leur empire, il est dificile souvent de préciser ce qui en reste ; et, comme nous l'avons déjà dit, c’est celte association des forces générales et des forces spéciales qui rend très- difficile et même impossible l’analise rigoureuse du phé- nomène de la circulation. Mais le fait que par cette loi en veut expliquer est certain. Voilà donc le cercle de la circulation achevé , et le rôle de chacune des quatre parties de l’appareil circu- latoire autant que possible apprécié. Le cœur fait l’of- fice d’une pompe aspirante et foulante qui projette le sang dans les artères ; son influence s’étend dans tout le cercle, mais elle est d'autant moindre sur le sang que ce fluide s’en éloigne davantage. Les artères servent par une réaction , qui peut-être n’est que de l’élasticité dans les gros troncs , mais qui certainement a quelque chose d’organique dans les rameaux. Les systèmes capillaires font le partage du sang en deux portions ; l’une qui con- tinue le cercle et passe dans les veines; l’autre qui est appelée dans les organes et y est mise en œuvre; et comme c’est pour cette fin qu'a lieu en dernière analise toute la circulation , c’est ce dernier acte qui règle toute la fonction. Enfin les veines rapportent le sang, par un reste des actions du cœur et des artères , par l'influence des systèmes capillaires, et par une action qui leur est propre. Dans le cœur, le cours du sang est intermit- tent : dans les artères , il est continu, mais saccadé, et de moins en moins rapide : dans les systèmes capillaires ilest oscillant , souvent rétrograde et différent dans cha- que partie du corps : dans les veines, ilest à leur origine 412 FONCTION DE LA CIRCULATION. spécial aussi dans chaque partie, du reste plus lent que dans les artères , mais de plus en plus rapide. Tandis que | les artères n'avaient qu’une seule origine aux cœurs , les | veines y ont plusieurs embouchures, et en concoitl’avan- | tage de cette double disposition. | Tel est donc le mécanisme par lequelle sang est porté | à chaque organe et en est rapporté. On a bien assigné à la circulation d’autres causes que celles que nous venons d'indiquer. Par exemple, on a parlé d’un gaz existant dans le sang , et qui, raréfié par la chaleur , poussait les globules de ce liquide dans la direction selon laquelle ik circule. On a dit que les globules du sang, à une pression, revenaient sur eux-mêmes par une véri< étant soumis table élasticité , et recevaient par là une impulsion en un sens déterminé. On a comparé les deux systèmes vascu- laires artériel et veineux aux deux branches d’un syphon, le fluide remontant dans la seconde branche, par cela seul qu’il a été porté dans la première. On a dit que par cela seul qu’une des cavités du cœur s’était contractée , il en résultait dans le système un vide vers lequel devait dériver le fluide, et que cela imprimait l'impulsion à toute la masse du sang. Enfin on a parlé d’ébullition, d’effervescences survenant dans le cœur, par suite du mélange dans cet organe, du sang avec un principe igné, un ferment, une lymphe acide, les esprits ani maux, etc, Mais tout cela est trop évidemment hypos thétique pour mériter une réfutation. Dans le cercle du corps, il existe une exception à la disposition générale du système veineux, qui est trop remarquable pour être passée sous silence : c’est celle qui constitue le système veineux abdominal. On sait que toutes les veines qui rapportent Je sang des organes dis MÉGANISME DE LA CIRCULATION. 413 gestils situés dans l'abdomen , se réunissent en un tronc commun appelé veine-porte. Celui-ci, d’après la loi com- mune , devrait se rendre en un tronc plus gros encore , la veine cave inférieure , par exemple ; au lieu de cela, il se ramifie dans le tissu du foie, à la manière d’une véritable artère. Or c’est là ce qu’on appelle le système veineux abdominal, dans lequel on peut signaler deax arbres, réunis l’un à l’autre par leur tronc et dont la veine-porte est le centre , un abdominal et un hépatique. il s’agit d’en étudier la circulation. Voici d’abord quelle y est la marche du sang : ce fluide, revenant des organes digestifs par les veines de l’arbre abdominal, se rassem- ble dans la veine-porte; de là ilest projeté par celte veine dans le tissu du foie; et, enfin, les veines dites sus-hépatiques l'y reprennent pour le conduire dans la veine cave inférieure, et le rendre à la circulation gé- nérale. On voit par là que ce sang à traversé deux systè- mes capillaires, celui des organes digestifs d’abord , et ensuite celui du foie. Jusqu'à son arrivée dans la veine- porte , il est dans les mêmes conditions que le sang des autres parties du corps; mais il n’en est pas de même dans Farbre hépatique ; quelles causes le font circuler là de la veine-porte au foie, et du foie à la veine cave? D’après ce qui est dans la circulation générale, il sem- blerait qu'il devrait y avoir là un cœur, et cependant iln’y en a pas. On a bien voulu considérer comme tel la veine-porte; mais ce vaisseau n’a rien de musculeux, on ne voit et on ne peut déterminer en lui aucune con- traction. Il faut absolument que les mêmes causes qui ont porté le sang du système capillaire des organes di- gestifs dans la veine-porte , le fassent cheminer de ce tronc à travers le parenchyme du foie jusque dans Les 414 FONCTION DE LA CIRCULATION. veines sus-hépatiques. Ce système veineux abdominal fournit une des plus fortes objections qu’on puisse faire à la théorie de Jarvey, qui voulait que le cœur fût l'unique agent de la circulation. Comment croire qu'ici l'influence du cœur se soit conservée au-delà de deux systèmes capillaires ? et, si c’est un système capillaire qui est le mobile de cette petite circulation , quelle pré- somption pour que ce soit de même un système capil- laire qui agisse dans la grande circulation ? d'autant plus, qu'il y a, comme nous l’avons dit, des animaux dans lesquels il n’y a pas de cœur pour la grande circulation. Toutefois on conçoit que tout ce que nous avons dit de la circulation veineuse en général, sera plus vrai encore de la circulation veineuse abdominale : elle sera plus dépendante encore d’influences mécaniques; les mouvemens du diaphragme, des parois abdominales ; des organes digestifs, la gravitation, auront empire sur elle. Cependant les veines de ce système n’ont pas de valvules, et ont des anastomoses moins nombreuses , surtout dans l’arbre hépatique : probablement c’est parce que le foie auquel aboutit cette circulation ne change que rarement de volume et d’état, offre toujours à peu près la même facilité au passage du sang; à la différence du poumon , auquel aboutit la circulation générale, qui change sans cesse, comme nous le ver- rons ci-après, dans les mouvemens de la respiration. On indique encore deux organes où l'appareil cireu- latoire offre quelques dispositions particulières , le cer- veau et le cœur. Nous avons parlé, dans Le temps, de ce qui à trait au premier ; et, quant au second , l’excep- tion admise n'est pas réelle. On avait cru que les artères cardiaques n'étaient pas pénétrées par le sang lors de Ja MÉCANISME DE LA CIRCULATION, 415 contraction du ventricule, mais dans un temps autre que les autres artères, et cela parce que les valvules sigmoïdes , disait-on, en couvraient alors l’orifice. On avait cru aussi que le sang du cœur était rapporté di- rectement dans les ventricules, par des veines dites de Thebesius, du nom de l’anatomiste qui les avait décri- tes. Mais, d’une part, quelque abaissées que soient les valvules sigmoïdes , elles laissent toujours libre l’ouver- ture des artères cardiaques ; d’autre part, les veines de Thebesius n’existent pas : le cœur a le même mode de circulation que tous les autres organes. À l’histoire de la circulation se rattache celle du pouls. On appelle pouls le battement que fait sentir une artère au doigt qui la touche. De longues et anciennes controverses ont existé sur sa cause. Galien le rappor- tait à une force occulte pulsifique; {Harvey , à la force de contraction du cœur; ceux qui admettaient l’irritabi- lité dans les artères, à l’action contractile de ces vais- seaux, etc. On doit conclure de ce que nous avons dit sur la circulation artérielle, qu’il a sa cause à la fois dans le cœur et dans les artères : 1° dans le cœur, dont les contractions ventriculaires projettent le sang dans l'artère , et produisent dans ce vaisseau une dilatation et un léger déplacement; et les preuves sont, que les battemens du pouls sont généralement isochrones à ceux du cœur ; que ces battemens sont généralementles mêmes dans toutes les artères, ce qui démontre que la cause en est unique et centrale ; que ce pouls manque dans les animaux qui n’ont point de cœur , cesse chez ceux qui en ont lors d’une syncope, et varie toutes les fois que les mouvemens du cœar varient eux-mêmes. 2° Dans les ar- ières qui, par leur réaction élastique et organique, re- 416 FONCTION DE LA CIRCULATION, viennent à leur calibre ordinaire et à leur place pre- nière : et la preuve en est que, si on dirige le sang du cœur dans les veines , le pouls est bien moins marqué. I est sûr que le pouls tient à ces deux choses,etles auteurs ont presque tous commis celte faute de vouloir le rap- portier à une seule: ÆHarvey, à la seule action du cœur ; Lamure, à la contraction supposée de l'artère; Jade- lot, à la dilatation qu’éprouve ce vaisseau, consécutive- ment à l’ondée de sang que le cœur y projette ; IWeit- brecht, à la locomotion que produit en lui la même cause , etc. Si l’on en excepte la contraction de l’ar- ière , qui n’a pas lieu, toutes les autres circonstances concourent à sa production , mais surtout après l’action du cœur, le déplacement, le redressement qu'éprouve l'artère. Voyez, en efet, combien le pouls est plus ma- nifeste dans une artère flexueuse, et qui, à chaque contraction ventriculaire, éprouve un grand déplace- ment , que dans une artère qui est ouverte à son extré- mité ! En somme, le pouls résulte de la projection du sang dans les artères à chaque contraction des ventri- cules , et des changemens qui, par suite , surviennent dans ces vaisseaux; changemens qui consistent en ce qu'alternativement ils se dilatent et se déplacent , puis se rétrécissent et reviennent à leur première place. De même, en eflet, que les contractions du cœur sont alternatives , les changemens survenus dans l’artère ue durent pas ; et l’on signale dans le pouls les mêmes temps de diastole et de systole que dans le cœur. La diastole du pouls consiste dans le choc impulsif du sang dans l'artère , d'où résulte sa dilatation et sa locomotion ; elle coïncide conséquemment avec la systole du cœur. La systole du pouls consiste dans le retour de l’artère MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 417 sur elle même, et à son calibre et à sa situation première, et correspond à la diastole du cœur. C'est , en effet, Lors de la systole du cœur et de la diastole du pouls, que le sang sort par saccades d’une artère ouverte, tandis que dans les temps opposés le sang en coule seulement en nappe. De là il résulte que le nombre des battemens du pouls est égal à celui des contractions du cœur. Or, le nom- bre des uns et des autres est d'autant plus grand que l'individu est plus jeune. D’après Sæœmmering , le pouls bat par minute de 150 à 140 fois dans l'enfant naissant ; 120 fois dans l’enfant d’un an; 110, dans celui de deux ans; 90, dans celui de trois ans ; 80, à la puberté; 50, à l’âge viril; et 6o et moins, dans la vieillesse. Dans l’état de santé il est grand , plein, fortsans dureté, sou- ple sans laxité, et toutes les pulsations sont égales en grandeur , en force et en durée. Tout ceci cependant n’est pas absolu, et nous faisons abstraction des idiosyn- crasies. On sait d’ailleurs qu’il offre beaucoup de va- riétés selon les sexes , les tempéramens, l’état de veille ou de sommeil, le mode d’emploi de la vie, l’état de santé et de maladie surtout : on sait que ce phéno- mène estheaucoup consulté par le médecin ; et il Pétait déjàdu temps d’{Zippocrate. Dans l’exploration qu’on en fait , il faut avoir égard aux six considérations sui- ‘vantes : 1° au nombre des pulsations dans un temps donné : quand il y a plus de 50 pulsations dans une mi- nute, le pouls est dit fréquent ; quand il ÿ en a moins, Je pouls est dit rare : il y a de nombreux degrés de fré- quence et de rareté. 2° À la vitesse spéciale de la diastole : quand la diastole s'effectue très-promptement , le pouls estuif; dans le cas contraire, il est lent : il y a aussi beaucoup de degrés de vitesse et de lenteur. 3° À l’am- 3. 95 418 FONCTION DE LA CIRCULATION. pliatron de l'artère , qui dépend de la quantité de sang qui est chassée par le cœur : sous ce rapport, le pouls est grand ou petit, plein ou vide. 4° À la résistance ou à la mollesse de l’artère, ce qui fait le pouls dur ou mou. 5° Au degré d'énergie avec lequel le cœur se con- tracte , d’où résulte le pouls fort ou faible. 6° Enfin, aux rapports qui peuvent exister entre les pulsations , ces pulsations pouvant être égales ou inégales en fré- quence , en vivacité, en plénitude, en force, ce qui fait le pouls égal , le pouls inégal , le pouls intermittent : celui-ci pouvant même l'être avec régularité ou irrégu- larité. Du reste, ce pouls n’est pas seulement un symbole de l’ordre dans lequel se font les mouvemens du cœur , et de Vétat de la circulation artérielle ; à raison des liens qui unissent la circulation capillaire et la circulation générale, il annonce aussi l’état de la première. Il est impossible qu’une portion quelconque du système capillaire général éprouve une modification dans sa circulalion, sans que tout l’ensemble de la circulation s’en ressente ; soit méca- niquement , parce qu’il en résulte une dérivation du sang des autres parties , ou un reflux de ce fluide dans ces par- ties; soit organiquement, parce que le reflet sympathique de l'organe affecté sur le cœur modifie les mouvemens de celui-ci. C’est pour cela que le pouls peut être un signe indicateur d’affections locales. Déjà Galien en avait fait l’objet de son attention sous ce rapport, et admettait , par exemple , le pouls de la sueur , celui des hémorræz gies , c’est-à-dire des pouls qui annoncaient que telles portions du système capillaire étaient actuellement, plus ou moins que dans l’état normal , accessibles au sang. Mais c’est Bordeu surtout qui a fait sur ce sujet un MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 419 travail étendu. Ge médecin spécifiait d’abord un pouls supérieur et un pouls inférieur , selon que la portion du système capillaire général qui était malade, et dont la circulation était conséquemment modifiée , siégeail au- dessus ou au-dessous du diaphragme. Il admettait en- suite des subdivisions dans chacun de ces pouls, selon que la lésion frappait tel ou tel organe : le pouls supé- rieur , par exemple , était #asal , pectoral, guttural , etc. , et l'inférieur, était gastrique, hépatique, splénique , intestinal, hémorroïdaire , utérin , etc. ; selon que la portion de système capillaire malade était le nez, ou la poitrine , la gorge, l’estomac, le foie , la rate, l’intestin, l'utérus. Enfin , il croyait reconnaître , par le pouls, l’é- poque de sa durée, à laquelle une maladie était parve- nue ; et, sous ce rapport, il distinguait un pouls acri- tique ou de crudité, qui correspondait à l’époque d’in- vasion et d’augment des maladies, et un pouls er1i- tique ou de coction, qui correspondait à l’époque de leur terminaison. Dès lors, en combinant ce genre de pouls avec celui qui désigne quelle portion du système capillaire est atteinte, il disait deviner par quel cou- loir se ferait la crise. Fouquet et Dumas ont encore, sur ce point, renchéri sur Bordeu ; le premier, en si- gaalant une modification spéciale du pouls, correspon- dante à chaque petite portion du système capillaire; le second , en spécifiant des pouls pour chacun des divers systèmes de notre économie, par exemple, des pouls . musculaire, nerveux , fibreux , etc. Tout cela peut être vrai en théorie, et aux yeux de l'esprit; mais, indépendamment de ce que l’observation de nuances aussi fines est très-difficile , sujette à erreur, il est sûr que tout ceci au moins est très-exagéré = on * à 27 L30 FONCTION DE LA CIRCULATION: n’admet guère aujourd’hui que les pouls d'irritälion et de crudité, les pouls supérieur ét inférieur , et le pouls des hémorragies ou dicrote. On ne perd plus de vue qu'il ne faut pas prononcer d’après le pouls seul , mais qu'il faut s’aider des autres signes ; et même en ce qui concerne la circulation, que le pouls n’est pas le seul moyen qu’on ait d'apprécier l’état de cette fonc- ton. Ainsi, on touche d’abord le pouls en divers lieux du corps, afin de juger de l’harmonie ou de la discor- dance qu’il peut présenter. Ensuite on examine la colo- ration des diverses surfaces , pour juger dela circulation capillaire en général , et des modifications qu’elle peut offriren certains lieux. Enfin, on touche les veines aussi bien que les artères; el, par opposition avec elles; on Jes touche en des lieux divers , afin de juger l’état de la circulation veineuse, et reconnaître s’il n’y à pas quel- ques congestions locales. C’est ainsi que dans les apo- plexies , les convulsions des femmes en couche , on trouve souvent les artères céphaliques et fémorales dans un état tout inverse , les premières grosses el gorges, les secondes vides ; et souvent alors les veines jugulaires sont si serrées, qu'ouvertes , elles ne laisseraient pas couler de sang. Mais cessons cette digression , et terminons cette histoire du pouls, en disant que ses battemens ne sont pas tout-à-fait isochrones à ceux du cœur, ni par- faitement simultanés dans toutes les artères. Sous le pre- mier rapport, il y a toujours un petit intervalle entre la dilatation artérielle qui le constitue et la contraction du cœur , et cela tient à la distance qui existe entre ces par- ties. Quant au second fait, il tient aussi à ce que les artères sont plus ou moins distantes du cœur. Nous avons dit que c’étaient les systèmes capillaires MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 491 qui déterminaient les quantités de sang qui traversent les trois autres parties de l'appareil circulatoire : selon qu’ils appellent en eux plusde sang, ou refusent des’en laisser pénétrer, il en reste moins ou plus dans les gros vais- seaux. Sans doute leur état sous ce rapport est réglé or- ganiquement, mais il peut être aussi modifié d’une ma- nière mécanique , par exemple, par les pressions qui peuvent être exercées sur eux. Gette dernière cause éclate dans le poumon plus que dans tout autre organe , lors des mouvemens de l'inspiration et de lexpiration, d’au- tant plus qu’alèrs les gros troncs artériels et veineux sont, en même temps que le système capillaire du poumon, soumis à une pression directe : mais les effets ne restent pas bornés à la cavité thoracique; ils s'étendent au loin dans l’appareil circulatoire , jusqu’au cerveau et la moelle spinale, par exemple. Nous avons dit que long-temps on avait pensé que la respiration n’avait d'autre objet que d'effacer les flexuosités des vaisseaux du poumon, et de permettre le passage du sang des cavités droites du cœur aux cavités gauches de ce même organe. C’é- tait un premier aveu de l'influence mécanique exercée par la respiration sur la circulation. Ensuite, on crut remarquer que les mouvemens alternatifs d’élévation et d’abaissement que présente le cerveau mis à nu chez un animal vivant, dépendaient des mouvemens de la respiration ; et l’on établit que, lors de l'inspiration, le système capillaire du poumon étant très-accessible, le sang des veines caves est attiré par une sorte d’aspi- ration dans le cœur , et qu’au contraire, lors de l’expira- tion, ce système capillaire élant moins accessible, Le sang reflue par les mêmes veines caves jusque dans les organes , et particulièrement jusque dans le cerveau. L22 FONCTION DE LA CIRCULATION. Cet organe paraît en effet s’affaisser lors de l'inspiration , et se soulever lors de l'expiration. Il est certain que, quand il y a expiration, le pou- mon est comprimé , son système capillaire est moins ac- cessible au sang, et ce liquide reflue dans l'artère pul- monaire , les cavités droites du cœur , les veines caves, et plus ou moins loin dansles organes. De là, lemouve- ment d’ampliation qu'offre alors le cerveau. De là, le bat- tement qu’offrent les veines du col dans les engorgemens du poumon. M. Magendie à mème rendu ce reflux plus manifeste : en ajoutant dans un animal vivant à la veine jugulaire une canule de gomme élastique, il a vu le sang sortir dela canule au moment de l'expiration seulement. M. Bourdon en donne encore, comme preuves, qu'il a vu toujours les saignemens de nez redoubler lors des ex- pirations , s’affaiblir lors des inspirations, et même être arrêtés par des inspirations prolongées. En même temps que l’expiration entraîne ainsi un reflux dans le système veineux, ily à pression sur les troncs artériels, et par suite augmentation légère dans la circulation artérielle. Le jet de sang que fournit une artère , et même une veine ouverte , augmente toujours un peu lors du mouvement d'expiration, et diminue äâu contraire lors du mouve- ment opposé. Quand il y a inspiration, au contraire , le poumon cesse d’être comprimé, son système capillaire est plus accessible , et le sang abandonne mieux les cavi- tés droites du cœur, et les veines en général : alors, la jugulaire , qui dans le temps précédent s’était dilatée , s’affaisse; le cerveau, qui s'était élevé , s’abaisse. C’est une véritable diastole passive, auxiliaire de celle du cœur, comme l'expiration avait été à l’égard des cavités gauches du cœur une espèce de systole. MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 423 À la vérité, ces phénomènes sont peu marqués dans les mouvemens ordinaires de la respiration ; mais ils sont évidens dans tous les cas où ces mouvemens sont augmentés , dans la toux , le rire , les cris , la course, les eflorts en général. Alors Le reflux est tel , qu'il sur- vient rougeur de la face , gonflement des veines du col et du front, menace d’apoplexie , distension et quelque- {ois rupture de la veine cave supérieure, Si l’on réfléchit en même temps que dans les efforts il y a ce reflux du sang dans les veines , et une projétion plus grande de sang dans les artères, on concevra pourquoi l'effet commun de ces efforts est d’engorger de sang le sys- tème capillaire de toutes-des parties , et pourquoi ils ne peuvent jamais être soutenus long-temps. Cependant, la projétion plus grande de sang dans les artères n’est vraie qu’au commencement de l'effort; bientôt il n’arrive que peu de sang aux cavités gauches du cœur, parce qu'il n’en est pas envoyé au poumon par les cavités droites ; et, si l'effort se prolonge, il y a risque de syncope. Toutefois , on voit que la circulation est modifiée lors des mouvemens de la respiration ; et comme ceux - CL changent mille fois dans la vie par l'exercice de beaucoup de fonctions , il doit survenir par eux de nombreux chan: gemens dans la circulation. Il est probable que c’est par leur intermède que quelques personnes qui ont paru mo- difier à leur gré les mouvemens de leur cœur , parve- naient à ce résultat. Dans l'exposition que nous venons de faire de la cir- culation , nous avons supposé le cercle commencer au cœur. Mais on pourrait choisir encore deux autres points de départ; savoir : lesystème capillaire du poumon, où le sang artériel est fait; et les systèmes capillaires du corps 424 FONCTION DE LA CIRCULATION. où ce sang est mis en œuvre, et redevient veineux. 1° Bichat est le premier qui ait envisagé la circulation sous le premier point de vue. Au poumon éclate la dif- férence des deux sangs: c’est à cet organe que se fait le sang artériel , etqu’abouit pour cela le sang veineux ; ilest le siége d’une fonction qui se manifeste par des caracières extérieurs : à tous ces titres, on peut fixer au poumon le commencement de la circulation, et suivre le sang depuis cet organe juqu'à ce qu'il y soit revenu. Dans cette manière de concevoir la circulation , il n’y à plus deux cercles de décrits, mais un seul, dont une moitié constitue la circulation du sang rouge ou artériel , et l’autre moitié la circulation,du sang noir Ou veineux. Toutserait semblable dans chacune de ces deux moitiés : les appareils seraient composés des mêmes parties, un système capillaire , un système veineux, un cœur et un système artériel; dans chacun , ces parties seraient dis- posées de même, et dans l’ordre selon lequel nous venons de les dénommer : ces appareils représenteraient deux arbres vasculaires adossés par le tronc, et le cœur se- rait au point où se fait cet adossemeni : le rôle de ces parties serait absolument semblable dans l’une et dans l'autre; et erfin leur service s’accomplirait simultané- ment. Les seules différences consisteraient en ce que la circulation à sang rouge commence par un arbre veineux petit , et finit par un arbre ariériel grand, et que celle à sang noir Commence par un arbre veineux grand, etfinit par un arbre artériel petit. Toutes deux aboutiraient, du reste, l’une à l’autre , aux systèmes capillaires qui leur servent en même temps, à l’une d’origine , à l’autre de terminaison ; tout comme , dans la manière de voir de Harvey, on voit le cercle pulmonaire aboutir à loreillette MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 425 du cœur du corps, et le cercle du corps aboutir à l’oreil- lette du cœur pulmonaire. 2°Onpourroit aux mêmes droits fixer le commencement de la circulation aux systèmes capillaires du corps ; là aussi se fait le changement d’an des sangs dans l’autre; ce sont même ces systèmes ca- pillaires qui déterminent la quantité de sang qui traverse les autres parties de l’appareil circulatoire; si on ne l’a pas fait, c’est que les actions quise passent ici ne sema- uifestent pas par des phénomènes extérieurs , comme le fait la respiration. Alors il n’y aurait aussi qu’un cercle dont chaque moitié serait consacrée à l’une des espèces de sang ; et tout ce que nous disions tout à l’heure de la circulation dérivée du poumon serait vrai encore , avec celte différence que la circulation veineuse paraîtrait précéder celle du sang rouge. Il est certain que chaque moitié du cercle ne renferme qu’une seule espèce de sang, et est tapissée d’une même membrane ; appelée pour l’une membrane du système vasculaire à sang rouge, et pour l’autre, membrane du système vascu- laire à sang noir. Nous avons dit que la membrane qui tapissait l’un et l’autre cœur était la même que celle qui revêtait l’intérieur des artères qui en émanent et des veines qui y aboutissent , mais que cette membrane n’é- tait pas la même dans l’un et l’autre cœur. On pourrait dire que la membrane de chaque système se revêt en raison des phénomènes mécaniques du cours du sang, d’abord aux veines d’un tissu lâche susceptible de se di- later, au cœur d’un tissu musculeux propre à la rendre un agent d’impulsion, et-enfin, aux artères d’un tissu élastiqueet ferme , propre à supporter le choc de l'agent d’impulsion. Sans contredit, il y a de l’avantage à considérer ainsi 426 FONCTION DE LA CIRCULATION. un même phénomène sous différens aspects ; cela éclaire d'autant la mécanique de l’homme. Mais, si l’on réflé- chit que, dans l’homme, chacun des deux sangs doit d’a- bord revenir au cœur, avant d’être envoyé à leur desti- nation respective; que, par exemple, les veines du corps ne portent pas directement le sang veineux au poumon, non plus que les veines pulmonaires ne portent directe- ment le sang artériel aux parties : si l’on observe en outre, que , dans les animaux qui ont la circulation simple , la circulation pulmonaire n’est plus qu’une fraction de lx circulation générale , et qu’ainsi tout émane du cœur ; on concevra pourquoi, dans notre histoire de la circu- lation, nous avons plus particulièrement suivi la manière de voir de ÆJarvey. On a aussi partagé la circulation , en circulation gé- nérale ou des gros vaisseaux , et circulation capillaire, ou des parenchymes. Il est certain, en effet, que, bien que ces deux circulations s’influencent réciproquement, elles sont distinctes ; elles ont chacune leurs altérations, leurs modifications propres. Tandis que la phlébotomie, l’artériotomie agissent sur l’une, les sang-sues , les ven- iouses, les bains de pied, les fomentations , les bains agissent sur l’autre. On a cherché à préciser en combien de temps s'ac- complit le cercle circulatoire , à savoir combien de temps un globule de sang qui sort actuellement du cœur em- ploie pour y revenir. On croyait pouvoir arriver à la connaissance de ce fait, en sachant , d’un côté , quelle est la masse totale du sang, et, d’un autre côté, com- bien il en est projeté à chaque contraction des ventricu- les. Chacun ayant évalué diversement ces deux données, a indiqué un temps différent pour l’accomplissement MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 427 de la circulation; Berger et Keil ont dit 2 minutes; Tabor, 53; Harvey, un peu moins d'une heure; Plempius, 5 heures; Rolfinek, 10 ; Floyer, 20, etc. Les différences, comme on voit, ont été extrêmes. La question est insoluble , et ne montre que le tort d’appli- _quér le calcul à des faits qui ne le comportent pas. Ést- il un moyen de connaître la masse totale du sang, ainsi que la quantité qui en est projetée à chaque contraction du ventricule ? Peut-on être sûr que le sang qui revient est le même que celui qui a été projeté? Ne faudrait-il pas auparavant connaître la vitesse des circulations ar- térielle, veineuse et capillaire, et n’avons-nous pas dit qué nous n’avions aucun moyen de les évaluer ? ces cir- culations, d’ailleurs, ne sont-elles pas susceptibles de varier sans cesse, la capillaire surtout? La physiologie de nos jours, plus judicieuse, a abandonné de sembla- bles recherches. On s’est demandé aussi comment le cercle pulmo- naire , quoique bien plus petit que celui du corps, sufli- sait à l’alimenter. Bichat en a donné les raisons suivan- tes : 1° que l'étendue du système capillaire général est réellement moindre qu’elle ne le paraît, une grande partie de ce système étant composée de vaisseaux blancs, qui sont étrangers à la circulation ; 2° que, dans ce sys- ième , une grande partie du sang sort du cercle circu- latoire pour servir aux nutrilions et sécrétions; 3° que, dans le cercle pulmonaire, le poumon étant plus rap- proché du cœur, fournit dans un temps donné plus de sang, que le système capillaire général; 4° enfin, que comme tout est plein dans le système circulatoire, le système capillaire général ne verse jamais, dans le sys- tème capillaire pulmonaire, que ce que celui-ci peut 428 | FONCTION DE LA CIRCULATION. recevoir ; et, que, de son côté, le système capillaire gé- néral doit se contenter de la quantité de sang que lui fournit le système capillaire pulmonaire. Cette dernière raison est la seule bonne , et particulièrement il est faux que la vitesse soit plus grande dans un cercle que dans l’autre. Que de cas maladifs dans lesquels l'étendue du poumon est bornée encore, et dans lesquels cependant | le système capillaire de cet organe süflit pour alimenter le grand cercle ! seulement, dans ces cas, la quantité du sang est diminuée , et les organes en reçoivent moins. Telle est La circulation. Ses usages, sans contredit , sont : de porter au poumon les trois fluides d’absorp- tion qui doivent s’y changer en sang artériel; et de por- ier aux divers organes ce sang artériel qu'ils doivent mettre en œuvre pour les nutritions, calorifications et sécrétions , et qui est pour eux un stimulus nécessaire à leur vie. Mais il paraît qu’elle est encore pour les or- ganes une cause salutaire d’excitation, par le choc mé- canique qu’elle exerce sur eux. N’est-il pas probable, en effet, que la disposition en cercle des artères de l’es- tomac est favorable aux fonctions de ce viscère ? et n’en est-il pas de même de celles qui sont à la base de l’en- céphale, et qui impriment à cet organe un mouvement alternatif d’élévation et d’abaissement ? Quand on exa- mine le cerveau à nu chez l’homme vivant, ou tout au- ire animal, on voit cet organe alternativement s'élever et s’abaisser; ces mouvemens se voient même sans ap- prêts chez les enfans nouveau-nés, à travers les fonta- nelles. De bonne heure , ces mouvemens occupèrent les physiologistes. Galien crut qu’ils étaient en rapport avec la respiration, et que le cerveau s'élevait lors de l'inspiration, parce qu’il aspirait alors l'air des narines, MÉGANISME DE LA CIRCULATION. 429 et l'esprit vital des artères carotides et des sinus; et, qu’au contraire , il s’abaissait lors de l'expiration , parce qu'il exprimait alors dans les nerfs l'esprit animal. Ba- glivi et Pacchioni attribuèrent ces mouvemens à la con- traction de la dure-mère, qu'ils regardaient comme un muscle. En 1750, Schlitting fit remarquer que Galien s'était trompé sur le fait lui-même , et que c'était lors de l’expiration que le cerveau s'élevait, et lors de l’ins- piration qu'il s’abaissait : il en donna pour cause le re- flux de sang qui se fait dans les veines lors du premier temps, et la plus grande dérivation de ce fluide dans le poumon lors du second. Enfin, Vicq -d’Azyr attribua les mouvemens que présente le cerveau, au choc mé- canique que doit imprimer à ce viscère le cercle artériel qui existe à sa base. IL est certain , er effet, qu’on peut distinguer dans le cerveau deux espèces de mouvemens : les uns, qui sont en rapport avec la respiration , et qui consistent plus dans une ampliation, une turgescence du tissu de l'organe , que dans un soulèvement de sa masse; les autres , qui sont en rapport avec la circula- tion , et qui tiennent au choc mécanique qu’il recoit des artères qui, sont réunies à sa base. Or c’est de ces der- niers seuls qu'il s’agit ici; et il paraît qu'ils constituent pour l'organe une excitation salutaire. Lamure à vu un chien mourir promptement, par cela seul qu'on lai avait enlevé la voûte du crâne ; et la même chose n’arriva pas dans un autre chien, chez lequel on avait pris le soin de laisser entre les couronnes de trépan des ponts qui soutenaient le cerveau. Si on lie quelques-unes des artères cérébrales ;, on diminue par suite le choc que ces artères impriment au cerveau, et on voit diminuer dans la même proportion l'énergie de cet organe. Or, si ce 450 FONCTION DES NUTRITIONS. que nous disons ici de l'estomac et du cerveau est vrai ; pourquoi la circulation n’aurait-elle pas une semblable influence sur les autres organes du corps ? SECTION VV. Fonction des Nutritions où Assimilations. Novs avons vu le concours de trois fonctions , la di- gestion , les absorptions et la respiration, faire le sang artériel , ce fluide qui doit servir à la nutrition des par- ües. Nous avons vu la fonction de circulation porter ce sang dans les organes où il doit être mis en œuvre. Maintenant il faut l’y voir accomplir ses offices. Ces offi- ces sont au nombre de trois. D’abord, en quelque organe que ce soit, il sert au renouvellement matériel de sa substance , à ce qu’on appelle sa nutrition. Ensuite , en tout organe encore, il fournit le calorique, qui entretient sa température , et fonde ce qu’on appelle sa calorifi- cation. Enfin, dans un certain nombre d'organes seule- ment, ceux qu’on appelle sécréteurs , il est employé à la fabrication de diverses humeurs destinées à remplir dans l’économie beaucoup d’usages particuliers. Gom- mencons par les nutritions. Jusqu'ici nous avons entendu , par nutrition , le mode de conservation propre aux corps vivans , le mécanisme entier par lequel ils vont sans cesse en se composant et en se décomposant. Mais à présent nous allons prendre ce mot dans une acception plus restreinte; et, cessant d'y comprendre, 1° tout ce qui est de la préparation du fluide nutritif, et qui est l’objet de la digestion, des ab- DE L'APPAREIL DE LA NUTRITION. 451 sorptions et de la respiration; 2° tout ce qui est de son transport dans les organes, et qui est effectué par la cir- culation ; nous n’appellerons nutrition que ce qui est de la mise en œuvre de ce sang par chaque organe pour le renouvellement de sa substance. En ce sens, la nutri- tion est comme le terme des quatre fonctions précéden- tes, qui sont pour elle comme un échafaudage: et elle peut être définie , l’action par laquelle toute partie du corps, d’un côté, s’approprie , s’assimile une portion du sang qui la pénètre ; de l’autre, cède aux vaisseaux absorbans une portion des matériaux qui la composaient préalablement ; et ainsi renouvelle réellement sa sub- stance. Nous allons , d’après notre ordre accoutumé, exposer d’abord l’anatomie de l’organe de la fonction , et ensuite le mécanisme de cette fonction. CHAPITRE Anatomie de l'appareil de la Nutrition. L’arraneis de la nutrition est le parenchyme, la masse même des divers organes. Chacun a conçu diversement la composition de ce parenchyme, et nous en avons déjà parlé à plusieurs endroits de cet ouvrage, quand nous avons exposé d’une manière générale l’organisa- tion de nos parties, et quand nous avons traité de l’ori- gine des vaisseaux lymphatiques , de celle des veines , de la terminaison des artères, et dela structure des SYS- tèmes capillaires. Mais c’est ici le lieu de revenir un peu sur ce que nous en avons dit. Pour pénétrer la texture intime de nos parties , il faut résoudre les trois problèmes suivans : spécifier quels élé- GE . _ FONCTION DES NUTRITIONS. mens anatomiques entrent dans leur composition ; indi- quer dans quelles proportions respectives y sont ces élémens; enfin, dire comment sont disposés, les uns par rapport aux autres, ces divers élémens lorsqu'ils sont groupés pour former une partie quelconque. Sous le premier rapport, les anatomistes sont assez d'accord que le fond de tout organe est une trame cel-. lulo-vasculo-nerveuse ; c’est-à-dire un canevas celluleux dans lequel se ramifient à l'infini des artères, des vei- nes, des vaisseaux lymphatiques, des vaisseaux exhalans, des vaisseaux contenant des fluides blancs , et des nerfs. Du tissu cellulaire , en effet, paraît être d’abord la base de tout organe. Ensuite , des artères s’y ramifient jusqu’au dernier degré de capillarité; et cela était bien nécessaire, puisque ce sont elles qui apportent le fluide réparateur , le sang. En troisième lieu , dans tout organe aussi existent des veines et des vaisseaux lymphatiques en ramifications très-fines ; et cela était nécessaire en- core , puisque ce sont ces vaisseaux qui reprennent dans ioutes les parties les matériaux qui doivent en être reti- rés. En quatrième lieu, souvent des dernières extrémi- tés des artères, émanent d’autres vaisseaux plus déliés encore , dits sécréteurs, exhalans , qui charient des fluides autres que le sang, mais qui en émanent. Enfin, des nerfs, sous forme de filets plus ou moins ténus , tan- tôt appartenant à l’encéphale et à la moelle spinale , tantôt venant du trisplanchnique , et accompagnant les artères , y sont répandus également ; l’anaiomiste, à la vérité, ne peut les suivre et les retrouver en tout organe ; mais comme tout organe, par l’état maladif, peut faire éprouver de la douleur, et qu'une partie quelconque n’est douloureuse que par les nerfs qu'elle possède, ïl APPAREIL DE LA NUTRITION, 453 faut reconnaître que cet élément n’est pas moins commun à toutes les parties que les précédens; et cela est vrai, surtout des filets du trisplanchnique. Maintenant dans quelles proportions sont associés ces divers élémens ? et quelles dispositions affectent-ils entre eux? c’est ce qui d’abord varie certainement dans cha- que partie du corps , et ce qui ensuite est tout - à - fait ignoré , parce que la ténuité dans laquelle sont ces élé- mens ne permet pas de le voir. Le tissu cellulaire paraît être le fond des organes , et comme une spongiosité dans l'intimité de laquelle sont ramifiés les artères, les vei- nes , les lymphatiques et les nerfs : ce tissu cellulaire paraît aussi être jeté dans les intervalles des autres élé- mens pour les lier , et remplir les vides qu'ils laissent. Les nerfs paraissent accompagner les artères , et les sui- vre jusqu'à leurs terminaisons dernières. Quant aux di. vers vaisseaux, on ne peut rien saisir de leur mode d’agrégation : ainsi que nous l’avons dit à l’article des systèmes capillaires, on ne peut suivre une artère jus- qu’à ses ramifications dernières , ni remonter à l'origine première des veines et des lymphatiques; les injections elles-mêmes, en passant de ces vaisseaux les uns dans les autres, n’en font pas apercevoir le mode d’union ; elles ne montrent que leur communication entre eux. Nos sens ne peuvent donc rien nous apprendre sur la manière dont.se disposent dans l'intimité des organes les élémens qui les forment ; excepté la communication facile des vaisseaux entre eux , on est sur le reste réduit à des conjectures. Selon les uns, les artères dans ces parenchymes offrent des pores latéraux , par lesquels transsudent les matériaux nutritifs. Selon d’autres, ces = &: - 28 434 FONCTION DES NUTRITIONS. artères, en même temps qu’elles se continuent à leurs terminaisons avec les premières veinules , engendrent des vaisseaux d’un ordre particulier , destinés à exhaler dans les parties la matière nutritive , et appelés à cause de cela exhalans nutritifs. Ceux-ci croient à des cellu- les intermédiaires aux artères et aux veines , dans les- quelles les premières déposent la matière nutritive, et les secondes la repompent; cellules formées par ce même tissu que quelques-uns ont conjecturé exister à l’ori- gine des vaisseaux absorbans , et effectuer l'absorption 3 et qui forme à lui seul la masse des derniers animaux , dans lesquels il n’y à pas encore de vaisseaux. Geux- là admettent un système de vaisseaux particuliers, qu'ils appellent capillaires , qu'ils placent aux extrémités du système artériel , ou en dehors du cercle circulatoire , et qu'ils disent être le siége de la circulation capillaire et des nutritions. C’est toujours la même ignorance tant de fois avouée sur la structure intime des parties. Tout ce qu’on peut assurer du parenchyme de nos parties, c’est qu'il varie dans chaque organe : 1° par le nombre des tissus élémentaires qui concourent à sa com- position; 2° par la proportion respective de chacun de ces tissus élémentaires; 5° enfin par la texture spéciale qu'ils affectent , quoiqu'on ne puisse la caractériser. Nous l’avons dit déjà à l’occasion des systèmes capillaï - res: et de là résulte nécessairement une diversité de vi- talité dans chacun d’eux, et par suite, une différence dans les actions de nutrition et de calorification , dont ces parenchymes sont tout à la fois le siége et l’instru- ment. MÉCANISME DES NUTRITIONS. /6E) CHAPITRE IL. Mécanisme de la Nutrition. La nutrition , ou assimilation, cette action par la- quelle chaque organe renouvelle sa substance , d’après l'idée générale que nous en avons donnée, comporte né- cessairement deux opérations qui, quoique inverses l’une de l’autre, sont enchaïînées dans des rapports constans ; l’une dite de composition , par laquelle cha- que organe s’assimile une partie du sang artériel qui le pénètre , et s’approprie ainsi de nouveaux matériaux : et une autre opposée dite de décomposition , par laquelle ce même organe cède à des vaisseaux absorbans une autre quantité de quelques-uns des matériaux qui le composaient. On concoit, en effet, qu’il fautabsolument que chaque partie , à mesure qu’elle s’approprie de nou- veaux matériaux, rejette une certaine quantité de ceux qui la composaient préalablement, sinon son volume irait en augmentant indéfiniment. Nous mettrons d’ail- leurs ci-après cette proposition hors de doute, Toutefois , cela nous oblige à traiter successivement et tour à tour de chacune de ces opérations , composition et décompo- sition. ARTICLE IT. De la composition des parties. On a vu dans l’histoire de la circulation, comment le sang artériel était porté dans le parenchyme des organes : il faut maintenant rechercher comment ces parenchymes élaborent ce fluide pour se l’assimiler, pour le convertir 20. 456 YONCTION DES NUTRITIONS: en leur propre substance. Mais avant il se présente Îa question de savoir, si dans son trajet du cœur aux paren- chymes nutritifs, ce sang ne subit aucune élaboration préparatoire spéciale, est tel à son entrée dans ces pa- renchymes que dans le cours de la circulation. Quel- ques physiologistes ont pensé, qu'avant d'arriver aux pa- renchymes nutrilifs et aux organes sécréteurs) car tout ce point de doctrine est commun aux sécrélions , et dès lors n’y sera plus que rappelé), ce fluide éprouvait des élaborations préparatoires qui le disposaient à la con- version spéciale qu'il devait subir. Dumas , par exemple, admet qu’un sang différent arrive à chaque organe sé- créteur , tout en avouant qu'il est hors d'état d'indiquer les qualités spéciliques de chacun de ces sangs. Avant lui, on avait déjà avancé que le sang qui se distribue aux parties supérieures du corps, était pénétré de plus d'air , d’oxigène et de calorique, afin d’être plus apte à former les liquides légers et écumeux qui y existent; tandis que le sang qui se distribue aux parties inférieures étant plus chargé de carbone et d'huile, afin être plus propre à former la bile et les sucs huileux. On lit dans les anciens auteurs , que le sang devient plus écumeux aux approches des glandes salivaires , plus aéré auprès du cerveau, plus aqueux et plus salin auprès des reins ; de manière que ce fluide à mesure qu’il approche des organes sécréteurs, revêt par degrés la qualité de l'humeur que ces organes forment avec lui. Beaucoup professent, que le sang ne iraverse avant d'arriver au foie tant de parties surchargées de graisse , que pour être plus disposé à former de la bile. Enfin, Nesbüt est allé jusqu’à dire que les organes sécréteurs et nutrilifs exer- cent au loin une action sur le sang , etle préparent ainsi à DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 4357 la conversion qu’il va subir ; il a assuré avoir vu des mo- lécules terreuses dans Le sang qui se distribue aux os , et qui doit se changer en leur propre substance. Nous croyons tout ce point de doctrine faux. D’abord, c’est en vain qu’on compare les sangs qui se distribuent aux divers parenchymes nutritifs et organes sécréteurs ; on ne peut apercevoir aucune différence physique ou chimique entre eux, et par conséquent ce n’est pas sur des faits, mais sur des raisonnemens seulement qu’on établit l’assertion que nous allons combattre. Ensuite, à l’article de la respiration , nous avons prouvé que Île sang artériel était fait exclusivement dans le poumon , et que l’action d’hématose ne seprolongeait pas au-delà. Enfin, c’est ici le lieu de prouver , ce que nous n’avons fait qu’exprimer , que le sang artériel n’éprouve aucune modification dans son cours, reste identiqne dans tout son trajet, et qu’ainsi c'est un même sang qui arrive à tous les organes. D'abord, Legallois a consacré l'identité du sang arté- riel dans toute rhoaue du système artériel , et c’est de lui que nous emprunterons toutes les considérations qui la démontrent. 1° Du cœur aux extrémités dernières des artères, le sang de toute évidence n’est dépouillé d’au- cun de ses élémens, ne fait aucune perte. On avait voulu admettre une transudation de sa partie la plus aqueuse à travers les pores des artères. On avait dit aussi que par la même voie transudait la graisse. Enfin, quelques - uns avaient supposé que des vaisseaux ab- sorbans ouverts à la surface interne des artères, enle- vaient au sang quelques-uns de ses principes. Mais aucune de ces trois assertions n’est vraie. La transuda- tion d’une sérosité n’était admise que d’après des injec- 438 FONCTION DES NUTRITIONS. tions cadavériques ; et si on a cru l’apercevoir quelque- fois dans des expériences faites sur des animaux vivans, on s’est trompé sur la source de celte sérosité ; elle pro- venait, non dusang qui circule dans l'artère , mais d’une membrane séreuse qui la revêtait extérieurement ou de vaisseaux exhalans entrant dans la composition de ses parois. La transudation de la graisse est encore moins réelle ; la graisse n’existe pas plus toute formée dans le sang que tout autre fluide sécrété ; elle résulte de l’élabo- ration qu’un genre d’organe fait subir à ce sang, Comme nous le verrons; sinon ; pourquoi cette graisse ne serait- elle pas uniformément semée sur le trajet des artères, au lieu d’abonder en quelques lieux et de manquer en d’autres ? Enfin, une absorption faite par des vaisseaux lymphatiques ouverts à la surface interne des artères, est un fait hypothétique en lui-même ; et l’on ne voit pas d’ailleurs ce qu’une telle absorption , qui serait la même dans toutes les artères, et nécessairement peu considé- rable à raison de la très-crande rapidité du cours du sang , pourrait apporter d’allération dans ce fluide. Dans son cours, du cœur à la fin du système artériel , le sang ne fait donc aucunes pertes. 2° Dans ce trajet, il n’ac- quiert aucuns nouveaux principes. On a bien dit que la membrane interne des artères versait continuellement dans sa masse de la sérosité, par une action d’exhalation ; mais ce fait est-il vrai ? Combien de raisons pour le nier, surtout lorsqu'on voit une artère s’oblitérer tout-à-fait , dès que le sang cesse de la traverser ! en admettant cette exhalation, son produit serait-il suffisant pour modifier le sang? Ce suc exhalé ne pourrait-il pas même être de nature à être non miscible au sang ? 5° Du cœur, aux extrémités du sysième artériel, le sang circule dans des DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 459 vaisseaux assez gros; et nous avons déjà dit plusieurs fois, queles vaisseaux capillaires seuls peuvent modifier les fluides qu'ils charient, maisqueles vaisseaux un peu gros ne sont évidemment que des agens mécaniques de transport et de conduite. En outre, dans ce trajet, ce sang ne traverse aucun Organe d'élaboration, aucun de ces ganglions qui, dans la circulation chyleuse et lym- phatique, élaborent le chyle et la Iymphe. Il est soumis à une même température. 4° Le sang , dans tout le cours du système artériel , circule trop rapidement, pour qu'il puisse se modifier par la réaction seule de ses principes composans les uns sur les autres. On sait, en effet, que des phénomènes de ce genre supposent en général le repos, et surtout plus de temps et d'espace qu’il n'en existe ici. On ne voit d’ailleurs des réactions de ce genre dans l’économie animale que dans les réservoirs des ex- crétions , dans le rectum, la vessie. En vain on a sup- posé que de l'oxigène passait en nature du poumon dans le sang, et artérialisait successivement ce fluide dans son cours du cœur aux organes : à l’article de la respi- ration , il a été démontré que l’hématose artérielle se faisait exclusivement dans le poumon; et que, consé- quemment , si du gaz oxigène était découvert dansle sang artériel, ce qui n’a pas été jusqu'à présent, ce gaz de- vrait être considéré comme partie intégrante de ce fluide , et comme devant y rester tant que celui-ci resterait lui- même tel, c’est-à-dire jusqu’à la fin du système arté- riel. 5° On a supposé que la disposition que prennent les artères à leur terminaison dans les organes, pouvait un peu modifier le sang, lui imprimer, par exemple, une préparation appropriée au genre de nutrition ou de sé- crétion qu'il allait effectuer. Ge qui était bien propre à 44o FONCTION DES NUTRITIONS. appuyer cette idée, c’est qu'il est vrai que l’artère nour- ricière de chaque organe a une disposition spéciale dans chaque partie, et une disposition qui se montre trop constante pour qu’on puisse la croire sans importance. Mais cette disposition ne peut que modifier la circulation du sang dans chaque partie, influer, par exemple, sur Ja vitesse avec laquelle le sang y arrive, sur la quantité dans laquelle il la pénètre; elle ne peut en rien en chan- ger la nature ; et, par conséquent, si cette disposition est de quelque importance pour la nutrition, ce n’est qu'indirectement et comme influant sur le mode de cir- culation dans l’organe. Bien entendu qu’il n’est ques- tion de la disposition de l’artère, que lorsqu'elle est grosse encore ; car alors qu’elle est devenue capillaire et qu’elle fait partie du parenchyme de l'organe, la disposition est vraiment Ja chose capitale , ce qui décide le mode de vitalité de l'organe et par conséquent sanutrition, 6° Enfin, ce qui achève de prouver l'identité du sang dans le sys- ième artériel; c’est que dès l’origine de ce système, l'aorte détache des branches qui après un court trajet vont servir à la nutrition des parties, les artères du cœur , par exemple : c’est que la nature n’affecte aucune con- stance dans la disposition des artères qui alimentent un organe ; que souvent un même tronc artériel fournit à la nutrition de deux organes bien diflérens ; et que d’au- tres fois, un même organe reçoit le sang quile nourrit, de deux artères qui ont des origines bien distantes l’une de l'autre. Pourquoi le cœur, par exemple, recevrait-il un sang moins parfait que le pied ? Nous n’avons pas besoin de réfuter l’ancienne opinion, que le sang était composé de globules qui n’avaient pas une égale densité, ainsi que la conséquence qu'on en avait tirée pour l’objet qui DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 44 vous occupe. On avait supposé que les globules les plus légers étaient portés à la périphérie des vaisseaux, et que dans l’action de la circulation ils étaient projetés en plus grande quantité vers les parties supérieures du corps. Mais il est sûr que le sang est homogène, et par conséquent qu'il est réparti partout avec la totalité de ses principes. Ainsi , puisquele sang , dans toute l’étendue du système artériel, ne fait aucune perte , aucune acquisition, cir- cule dans des vaisseaux qui ne sont pour lui que des tuyaux de conduite , est isolé de tout organe élaborateur, a partout même température , circule trop rapidement pour qu’on puisse supposer en lui une altération sponta- née, enfin sert à une même fonction , bien qu'émané de lieux différens, et au contraire sert à plusieurs fonctions différentes , quoique émané d’un même lieu; on doit conclure qu'il est identique dans toute l’étendue de ce système. Îlen est de même de ce sang considéré dans son tra- jet depuis les origines des veines pulmonaires jusqu’au cœur; car les mêmes considérations lui sont applicables. Ce sang, dans cet intervalle, ne fait de même aucune perte, aucune acquisition ; les veines dans lesquelles il circule ne sont aussi pour lui que des tuyaux de con- duile ; elles ne sont coupées par aucun ganglion : si au- cune artère ne s’en détache, avant qu’elles soient arrivées - au cœur, pour aller aussitôt nourrir les organes , ce n’est pas pour que le sang achève et complète son organisa- tion , c’est parce que la disposition mécanique selon la- quelle le sang est distribué aux organes l’a exigé ainsi. Ainsi donc, le sang quisort du poumon reste le même dans toute l’étenduc du système vasculaire à sang rouge ; A2 FONCTION DES NUTRITIONS. il est, dèsles premières origines des veines pulmonaires, ce qu'il est aux dernières extrémités des artères; et ne subissant aucune élaboration nouvelle dans son cours , c’est un même sang qui arrive à tous les organes. Cependant, au dire de quelques physiologistes, 1l y à quelques exceptions à cette dernière assertion :il ya, sur le trajet du système artériel, quelques organes qu'ils ap- pellent ganglions sanguins, etqu’ils supposent élaborer le sang, soit pour quelque utilité locale , pour quelque sécrétion , soit dans une vue générale, pour influer sur l'état général du sang. Ici nous voyons reparaître ces mé- mes organes , rate, thymus, thyroïde, capsules surré-- nales, dont M. Broussais veut faire des diverticulums , et que M. Béclard appelle ganglions sanguins , En Op- position avec M. Chaussier, qui les rapporle aux gan- glions lymphatiques. Depuis long - temps , l’on a re- pue la rate comme préparant le sang qui doit alimenter la sécrétion biliaire. M. Hofrichter présente la thy- roïide comme un ganglion élaborateur du sang, servant à carboniser ce fluide. afin que , dans la respiration, il soit dégagé tout le calorique nécessaire à l'entretien de la chaleur animale , et que la suroxidation soit prévenue. Mais, de ces deux hypothèses , la première , la seule qui soit vraisemblable , sera discutée à l'article de la sécré- tion biliaire; la seconde est trop évidemment conjectu- rale pour mériter que nous nous ÿ arrêtions ; et enfin, l’une et l’autre, relatives à des localités et à des excep= tions dont nous traiterons en leur lie, laissent entière notre proposilion première considérée d’une manière générale. Tout ceci posé, voyons comment le sang accomplit la composition, Aussitôt qu’il a pénétré le parenchyme nu- DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 445 _tritif des parties , ilest par une action de ce parenchyme changé en leur propre substance. Si, en ellet, l’on pour- suit dans ce parenchyme l'artère qui apporte les maté- riaux de la nutrition, on voit, tant qu’on peut l'y distin- guer, que c’est toujours du sang qu'elle contient. C’est à sa terminaison capillaire , [à où cette artère fait partie des systèmes capillaires, et où l'on n’a rien pu pénétrer de sa disposition et de ses rapports avec les autres élémens organiques de la partie, que se fait l’action , c’est-à-dire la conversion du sang dans la substance de l’organe. Il résulte de là nécessairement que cette action du parenchyme est tout-à-fait moléculaire , ne doit aucu- nement tomber sous les sens , et ne peut être manifestée que par son résultat. Elle se passe, en effet, dans les sys- ièmes capillaires, les parenchymes nutritifs : or, ayant avoué une complète ignorance sur la structure de ces parenchymes , comment pourrions-nous en saisir l’ac- tion ? Mais, indépendamment de ce que le résultat seul obligerait à admettre cette action, elle est assez prouvée d’ailleurs , en ce que toute partie meurt aussitôt qu'on empêche le sang d’y arriver; en ce que toute partie s’a- moindrit, diminue à la longue, si on empêche le sang de lui arriver en quantité convenable ; en ce qu’enfin le sang, au sorlir de l'organe qu’il vient detraverser et pro- bablement de nourrir , n’est plus le mêmequ’eny entrant. Dans l’histoire de la nutrition, on arrive donc dès le premier pas à une action moléculaire non appréciable par les sens, semblable à celle qui était le dernier terme des quatre fonctions précédentes. Mais Pesprit a fait effort pour imaginer ce qui échappait à l'observation ; et ici reparaissent toutes les hypothèses, sur la disposi- tion des artères à leur terminaison dans les organes. Les L44 FONCTION DES NUTRITIONS. uns ont imaginé des cellules où le sang était déposé , et où des vaisseaux d’un autre ordre appelés exhalans nu- tritifs venaient puiser le sang. D’autres ont établi que ces vaisseaux exhalans nutritifs terminaient les arté- rioles, comme cela est des vaisseaux exhalans sécré- teurs. Il en est qui ont fait transsuder la matière nu- tritive par les pores des artères. D’autres ont supposé, que le sang parvenu aux dernières ramifications des ar - ières , allait par une sorte d’imbibition , non mécanique, mais organique , s’appliquer au tissu des divers organes. Tout cela n’est que conjecture. Dissémination du sang dans l’intimité du parenchyme nutritif des organes, et par suite, renouvellement de la substance de ces orga- nes; voilà réellement tout ce qu’on sait, ignorant com- ment le second phénomène succède au premier , et quelle action lie l’un et l’autre. Seulement, il paraît que sous ce rapport on pourrait établir entre les divers organes du corps cette distinc- tion; que chez les uns c’est le sang tout entier qui effec- tue la composition; tandis que, chez les autres, c’est seulement une partie de ce sang, la partie séreuse. En effet , si la plupart des organes sont pénétrés par des ar- ières et arrosés de sang, il en est d’autres, quine parais- sent recevoir que des fluides blancs, et dans lesquels ne pénètrent pas les artères elles-mêmes, mais seule- ment des vaisseaux séreux émanés de ces artères. De même, ilest sûr qu’on peutdire de cette action, quels qu’en soient du reste le mécanisme et le caractère , ce qu’on dit de toutes les autres actions de l’économie : que le parenchyme nutritif n’est pas passif dans cette acüon de la nutrition, et que c’est lui-même par son travail qui la produit : que cetie action, quelle qu'elle DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 445 soit, à laquelle se livre ce parenchyme, n'est, ni physi- que, ni mécanique, ni chimique , mais une exception à toutes les actions de la nature générale, et par consé- quent une action organique et vitale. 1° Beaucoup de faits prouvent que c’est une réaction des parenchymes nutritifs sur le sang, qui produit la composition. L’intégrité de ces parenchymes est en ef- fet nécessaire pour que la nutrition s’y fasse bien; et toute modification dans la structure et la vitalité de ces parenchymes , en entraîne une coïincidente dans la com- position. Ainsi ce parenchyme n’a pas la même orga- pisation dans tout tissu, dans tout organe, et aussi la putrition diffère dans chacun d’eux. Ce parenchyme dans un même organe varie dans les divers âges , et dans chaque âge également la nutrition diffère aussi, sinon dans son essence, au moins dans son activilé. Qu’une irritation quelconque, soit directe, soit sympa- thique, soit appliquée à un parenchyme, aussilôt la nu- trition est troublée: qui ne sait qu'il suflit souvent d’en- tretenir une irritation vicieuse dans un organe, pour voir le tissu de cet organe s’altérer , et devenir différent de ce qu’il est naturellement ? La nutrition ne peut qu’é- tre l'effet, ou de la circulation qui apporte le sang, ou d’une réaction exercée sur ce liquide par les parenchy- mes nutritifs : Or, dans beaucoup de cas, où la nutri- tion est modifiée, dans une maladie, dans les divers âges , la circulation est sensiblement restée la même ; et d’autre part, quand l'exercice d’un organe en augmente la nutrition , que son inaction au contraire la laisse lan- guir, quand une affection morale triste semble la sus- pendre partout, ces effets ne doivent-ils être attribués qu'à des changemens survenus dans la manière dont le 446 FONCTION DES NUTRITIONS. sang arrive aux organes ? Enfin, pour que les parenchy- mes nutritifs fussent passifs dans lacte de la composi- tion , il faudrait que cette opération fût toute physique, et nous allons prouver que cela n’est pas. C’est donc en vertu d’une action particulière des parenchymes nutri- fs, que le sang leur est approprié, et assimilé à leur substance. 2° Toutes les théories physiques, mécaniques, chimi- ques, qu’on a données de la nutrition , sont fausses. Ainsi jadis on a voulu faire de la nutrition une sim- ple filtration mécanique à travers les pores des artères, et par suite une précipitation physique des élémens ré- parateurs dans les parenchÿmes ; on a dit que ces élé- mens s’y déposaient dans l’ordre de leur pesanteur spé- cifique. Mais le sang est-il jamais assez stagnant dans les parenchymes ? n’y est-il pas, au contraire, toujours circulant, toujours battu, et surtout partagé en filets extrêmement ténus ? quelle cause ferait que chaqué pa - renchyme ne s’incrusterait que du genre de dépôt qui lui convient ? admettrait-on , avec Boërhaave , autant de filières vasculaires spéciales , des séries de vaisseaux dé- croissans, ne laissant se déposer que les globules qui sont en rapport de volume avec leur calibre? mais c’est trop évidemment là un effort d'imagination. Enfin, dans ceite hypothèse , il faudrait que les divers tissus organisés exislassent tout formés dans le sang, et c’est ce qui n’est pas. Comme le sang ne contient nullement, toutes formées en lui, les diverses humeurs des sécré- tions , et que ces humeurs sont fabriquées par l’ac- tion des organes sécréteurs; de même , il ne contient pas non plus, tout formés, les divers tissus organisés , et ce sont les parenchymes nutritifs qui les fabriquent. DÜ MOUVEMENT DE COMPOSITION. 447 Ceite nutrition même ne consiste pas seulement, comme plusieurs physiologistes le disent et l’écrivent encore , en un dépôt dans les parenchymes , de ce qu’on appelle les élémens organiques des organes, c’est-à-dire en un dé- pôt de fibrine dans le muscle, de gélatine dans le car- tilage, de phosphate de chaux dans l'os. Gette nutrition consiste réellement dans le changement du sang arté- riel, en tissu musculaire dans le parenchyme des muscles, en tissu cartilagineux dans celui des cartilages, en tissu osseux dans celui des os. C’est en détruisant ces tissus, que la chimie en a retiré ensuite ces élémens organiques, fibrine, gélatine.D’ailleurs, souvent ces élémens ne sont pas dans le sang ; quand ils y sont , jamais ils n’y sont en suffisante quantité; ouest, par exemple, dans le sang la quantité considérable de phosphate de chaux qu'em- ploie la nutrition des os? jamais ils n’y sont tout-à-fait les mêmes ; la fibrine du sang, par exemple, n’est pas la même que la fibrine du muscle, et il ne faut pas prendre à la lettre cette expression figurée de Bordeu, que le sang est une chair coulante. Ainsi donc, puisque dans la nutrition il y aformation de substance , cette nu- trition ne peut être assimilée à une simple précipitation mécanique. Les mêmes objections peuvent être faites à la théorie dans faquelle on a voulu faire de cette action de com- position une pure agrégation physique. Pour que les différens organes puissent s’agréger ainsi les différens élémens qui leur ressemblent , il faudrait aussi que ces élémens existassent tout formés dans le sang, et nous venons de dire que cela n’était pas. Il ÿ a plus, non- seulement ceux des élémens des organes qui peuvent exister dans le sang, sont dans ce liquide un peu diffé. 445 FONCTION DES NUTRITIONS:; rens de ee qu'ils sont dans les organes ; mais encore, fe même élément organique , la fibrine, la gélatine, par exemple, a dans chaque organe une nuance spéciale, Dans cette idée, que la nutrition est le produit d’une simple agrégation , que deviennent d’ailleurs les faits qui prouvent la part qu'a à cette action le parenchyme nutritif, et qui nous montrent la nutrition se modifiant toujours selon l’état de structure et de vitalité dans le- quel est ce parenchyme? Il semble que le sang une fois déposé dans les organes, la nutrition devait toujours s’en- suivre irrésistiblement. Est-il besoin de réfuter cette théorie, encore plus physique, de la nutrition, dans laquelle on établissait : que la chaleur vitale commencait par coaguler la Iym- vhe, la partie albumineuse du sang ; que de cette lym- phe coagulée résultait le tissu cellulaire, cette trame commune de toutes les parties; et que c’était ensuite la pression exercée par les parties voisines, particulière- ment par les battemens des vaisseaux, la circulation des fluides, qui collait, à des degrés divers de densité , les lames de ce tissu cellulaire, et fabriquait avec lui les di- vers organes ? En vain croyait-on avoir, dans la forma- tion des fasses membranes à la suite des phlegma- sies des membranes séreuses , un analogue de Ja coagulation de la Ilymphe albumineuse du sang, et dans la formation des kystes un autre analogue du col- lement des différentes lames du tissu cellulaire entre elles ; et le fond de la théorie, et les analogies par lesquelles on cherche à la justifier , tout est également faux. Gette coagulation de la lymphe albumineuse par la chaleur vitale, est un phénomène trop mécanique pour qu’on puisse l’admettre ; et il en est de même du DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 449 collement successif des lames du tissu cellulaire par la pression. Pourquoi, d’ailleurs , cette pression qui serait capable d’ossifier le crâne, laisserait-elle tout auprès lencéphale dans l’état de mollesse qui caractérise ce viscère ? La physiologie moderne, enfin, n’admet pas celte formation toute mécanique des kystes , elle les con- sidère comme des développemens accidentels de mem- branes séreuses exhalantes. La chimie étant la science qui traite des diverses com- binaisons de la matière, de ses transformations, il était naturel que cette science aspirât à pénétrer le mécanisme de la nutrition, qui n’est, après tout, qu’une transfor- mation du sang en tissu organisé. Mais les chimistes n’ont pas été plus heureux que les mécaniciens. Ils ont dit, par exemple , que la nutrition résultait de la coagu- lation de l’albumine du sang, par sa combinaison avec l’oxigène libre qui est dans le sang artériel, Mais cette coagulation de l’albumine , par suite d’une combinaison avec l’oxigène , exige ou une chaleur de plus de 60 de- grés, ou l’action de l’alcool , ou celle d’un acide con- centré, et aucune de ces trois conditions ne se trouve ici. Ensuite, y a-t-il réellement de l’oxigène libre dans le sang artériel ? En troisième lieu , cela ne pourrait s’ap- pliquer tout au plus qu'aux tissus dans lesquels l’albu- mine prédomine , les nerfs, par exemple : et alors quelle cause solidifierait dans les autres organes les autres élé- mens organiques , la fibrine, la gélatine ? Enfin, nous avons déjà dit que, dans la nutrition, ce n’était pas en ces élémens organiques, albumine, fibrine, qu'était changé le sang artériel , mais en véritables tissus vivans, en tissus musculaire ou nerveux ; et que d’ailleurs ces élé- mens organiques, ou n’existaient pas dans le sang, ou d 29 Le 450 FONCTION DES NUTRITIONS. y étaient différens que dans les organes , avaient enfin dans chaque organe une nuance différente. De quelque manière qu'on argumente , il n’est pas plus possible d’assimiler la nutrition à une action chi- mique qu'à une action mécanique. Qu'on considère, d’une part, la composition chimique du sang , d'autre part, celle des différens organes nourris par lui , et qu’on voie si les lois chimiques font concevoir la transforma- tion du premier dans la substance des organes? Il n’y a aucun rapport entre les élémens composans de la sub- stance qui nourrit, et ceux de la substance qui est nour- rie; souvent celle dernière contient des principes qui ne sont pas dans le sang. Enfin, l’on ne peut, du seul rapprochement de ces élémens divers, en déduire chi- miquement la formation du nouveau produit, c’est-à- dire la nutrition. D'ailleurs, rappelons toujours cette considération importante , que, dans toules ces théories, le parenchyme nutritif serait en quelque sorte passif dans la nutrition , et qu’on ne pourrait expliquer tous ces faits | incontestables qui nous montrent la nutrition dépendante | de son action spéciale, et se modifiant selon que cette action est elle-même différente. Concluons donc que dansla nutrition tout parenchyme nutritif exerce , sur le sang artériel destiné à le nourrir, | une action élaboratrice , en vertu de laquelle ce sang est, changé dans la substance même des organes; et que cette | action du parenchyme , inappréciable par les sens, ne peut être assimilée à aucune action physique , mécanique | et chimique de la nature, et conséquemment doit être | dite organique et vitale. Dès lors on peut dire de cette action élaboratrice ce DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. At que nous avons dit de toutes celles que nous avons étu- diées jusqu’à présent. On peut assurer d'elle les trois propositions suivantes; savoir : qu’une seule substance, le sang artériel, est susceptible de s’y prêter et d’éprou- ver, sous son influence, la transformation qui en est le résultat : qu’elle n’a en elle rien de chimique , et consti- titue une altération matérielle spéciale : et qu’enfin, le produit auquel elle donne naissance a toujours la même nature intime , est toujours identique. D’abordil n’y a que le sang artériel qui, répandu dans les parenchymes nutritifs, puisse se prêter à l’action élaboratrice de la nutrition, et s’assimiler aux organes ; tout autre fluide , même vivant, porté accidentellement dans ces parenchymes , ou par sa présence y excite des abcès , ou s’y incruste sans causer d’accidens et en con- servant sa forme étrangère, mais sans s’assimiler à l’or- gane. Cela est même vrai des substances qui peuvent accidentellement être mêlées au sang artériel; alors, tandis que celui-ci se change dans le tissu organisé , la substance étrangère ne fera que s’y déposer , et de ma- nière à y être reconnue. C’est ainsi que les divers orga- nes peuvent se trouver teints par la substance colorante des alimens ; cette substance colorante, ayant passé avec le chyle sous sa forme étrangère et sans être chylifiée , a traversé de même , el impunément , les autres filières élaboratrices de l’économie, et arrivée ainsi aux con- fins de la circulation , elle a résisté de même à l’action élaboratrice qui s’y fait. 4 En second lieu, l’action élaboratrice de la composi- tion n’a rien en elle qui soit chimique, et c’est une transformation matérielle spéciale qui n’a pas son ana- logue dans la nature morte, Nous l'avons déjà prouvé 29* tx al 3 452 FONCTION DES NUTRITIONS. plus haut : nous avons dit qu'il n'existait aucun rapport chimique entre les élémens qui composent le sang el ceux qui composent les organes , et qu’on ne pouvait con- clure chimiquement du contact et du rapprochement de ces divers élémens au renouvellement des organes. Il faut reconnaître, au contraire, que dans la série des trans- mutations qu’éprouve un aliment avant qu'il soit assiMi- lé aux organes, les lois de la chimie sont sans cesse vio- lées , et que dans celte série d'opérations, on marche de créations en créations tout-à-fait inexplicables pour cette science. 11 ne faut pas croire, en effet, qu’on puisse suivre un élément matériel pris au dehors , depuis l’aliment qui est la forme sous laquelle il entre, jusqu’à ce que sous forme de sang il soit assimilé aux organes. L’aliment n’est déjà plus reconnaissable dans le chyle, celui-ci ne l’est plus non plus dans le sang. Dans cette suite de transformations, l’économie imprime elle-même à la ma- titre la forme sous laquelle seule elle peut se lassimi- ler ; elle en opère l'élaboration , et dans cette élaboration il n’y a rien de conforme aux lois chimiques générales. A coup-sûr on ne irouve pas toui formés dans l'air, la terre , l’eau , les produits nutritifs que s’assimilent les végétaux: ce sont ces végétaux qui évidemment élabo- rent ces matières inorganiques , de manière à leur don- ner la forme vivante; qui, avec ces élémens communs de tous les corps de la nature, forment leurs différens produits immédiats, et même les substances salines et minérales qu'ils peuvent contenir. Il est certain, en effet, qu’on retire des cendres d’un végétal toujours à peu près les mêmes sels, quelque varié que soit le sol dans lequel vit ce végétal; sels qui sont déterminés pour “4 LA DU MOUVEMENT DE COMPOSITIOX. 459 chaque espèce végétale, qui souvent ne sont pas ceux du sol dans lequel vit ce végétal , et qui ne varient que par des conditions relatives à cet être, c’est-à-dire se- lon son âge , son état de santé plus ou moins parfaite. Or, pourquoi refuserail-on la même puissance élabora- trice aux animaux et à l’homme? Il est sûr aussi que les alimens et l'air, qui sont les substances que l’homme prend au dehors de lui pour sa nutrition, ne contien- nent nullement les différens produits immédiats quicom- posent ses organes , ni même les diverses substances sa- lines et minérales qui peuvent y exister. D'où vient , par exemple , tout le phosphate de chaux que consume en si grande quantité la nutrition des os ? le corps ani- mal n’est-il pas évidemment latelier où la nature le fa- brique en grand ? C’est le corps humain qui élabore lui même la matière qui doit former ses organes. Ge qui le prouve, c’est que , quelque diverse que soit son ali- mentation, ses organes ne sont pas moins composés chimiquement des mêmes élémens : l’homme qui n’use que d’un seul aliment n'offre pas une composition chi- mique différente de celui qui use de beaucoup d’alimens divers. Les cendres du corps humain offrent aussi en partie les mêmes sels, quelque divers qu'aient été les alimens ; ces sels ne sont différens aussi que par des conditions propres à cet être, telles que son âge , son état de santé ou de maladie, son tempérament , etc. La nature ne pouvait abandonner à une circonstance aussi éventuelle que celle de l’alimentation , le soin de contenir ces matériaux composans ; nous les faisons réellement nous-mêmes, et dans cette formation il n°y a rien qui soit de la chimie ordinaire. Il est bien vrai que dans cette série de trausmutations & 4ô4 FONCTION DES NUTRITIONS. qu’éprouve la matière, pour arriver à faire partie de nos organes, cette matière semble approcher par degrés de la forme qu'elle doit avoir pour être apte à cette as- similation. C’est ainsi, par exemple, qu’on a dit que le règne végétal imprimait déjà à la matière un premier degré de cette forme ; qu’ensuite , la digestion des ani- maux en imprimait un second , en faisant le chyle, qui est déjà une espèce de sang; et qu’enfin , la respiration en imprimait un troisième, en changeant en sang ce chyle , qui n’en diflérait du reste que par sa couleur , et parce que sa fibrine était un peu moins animalisée. Mais cette gradation, qui est réelle , ne prouve pas pour cela que toutes ces élaborations successives soient de pures actions chimiques ordinaires ; il y a ici une chimie d’un autre ordre : à chaque mutation qu’éprouve la matière , l’action vitale semble faire un nouvel effort pour élever cette matière à la constitution qu’elle doit avoir pour la composition de nos organes; et les lois de la chimie inorganique sont réellement incapables d'expliquer le passage d’une de ces mutations à l’autre. Combien est vaine, par exemple ’ l'explication chimi- que qu'on a voulu donner de l’animalisation , nom que l’on donne à cette action élaboratrice qui rend la ma- tière propre à constituer nos organes ? D’abord , on n’a cherché qu’à expliquer le passage de la matière de l’état végétal à l’état animal; et cependant les végétaux orga- nisent la matière inorganique ; et les animaux eux-mé- mes, quand ils s’assimilent l’eau, l'air, etc. Ensuite, l'explication chimique qu’ils donnent de la conversion de la matière végétale en matière animale est défec- tucuse, comme on va le voir. Remarquant que ce qui dis- tingue les substances végétales des substances animales, DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 459 c’est que l'hydrogène et le carbone prédominent dans les premières, et l'azote dans les secondes ; on a fait consister l’animalisation dans la déshydrogénation et dé- carbonisation des végétaux et dans leur azotisation. Dès lors on a cherché quels phénomènes pouvaient , | dans la série des fonctions nutritives, c’est-à-dire dans la digestion, les absorplions, la respiration , démontrer que ce double fait a lieu. Or, on a d’abord invoqué le dégagement des gaz intestinaux , qui, d’après l’analise qu’en ont faite MM. J'urine et Chevreul, sont principa- lement d’acide carbonique et d'hydrogène , ou pur, ou carboné. On à , en second lieu, argué des excrélions de la respiration , c’est-à-dire du dégagement de l’eau et de l'acide carbonique qui se fait par cette voie. On a dit que l’excrétion de la perspiration cutanée , qui a la même nature que celle de la respiration , remplissait à cel égard le même oflice. Enfin, pendant que, par ces voies diver- ses , l'aliment végétal était déshydrogéné et décarbonisé, il était azolisé, soit par le fait seul de la perte de car- bone et d'hydrogène qu’il éprouvait, soit parce que de l'azote absorbé dans l'air de la respiration ou dans les alimens animaux ou végétaux qui en contiennent, lui était fourni par les sucs divers qui l’élaborent dans son trajet à travers les appareils digestif, absorbant et res- jpiratoire. Mais déjà, c’est d’après une vue toute théorique qu’on a dit que l’animalisation consistail dans la décarbonisa- tion et la déshydrogénation de la matière et dans son azotisation ; rien ne garantit que ce soit là la seule dif- férence entre les matières végétales et animales. En se- cond lieu, à supposer que cela soit , l’explication qu’on en donne est bien conjecturale. Rien de moins sûr que 496 FONCTION DES NUTRITIONS. les gaz intestinaux proviennent de l’altération éprouvée par les alimens; ils se développent plus , lors de la va- cuité, que lors de la plénitude de l'appareil digestif; et, parmi ces gaz d’ailleurs, se trouve toujours un peu d’a- zote. Nous avons dit, à l’article de la respiration, qu'il était douteux que les excrétions de cette fonction ser- vissent à l’hématose. Enfin, il est difficile, comme nous allons le dire tout à l'heure, d'indiquer d’où provien- drait l’azote qu’on suppose être surajouté à la matière qui s’animalise. Le plus souvent , en effet, la chimie ne peut pas in- diquer quelle est la source des élémens généraux, hy- drogène, carbone, oxigène , azote, qu’on trouve dans les parties des corps vivans, comme dans tout corps naturel quelconque. Par exemple, par où pénètre l’azote? est-ce par la voie de la respiration, ce principe étant un des élémens composans de l’air atmosphérique ? mais il paraît prouvé que le plus ordinairement, dans la respi- ration , il n’y a point ou très-peu de cet azote absorbé. Est-ce l’aliment quile fournit; cer, après la respiration, il n’y a plus d’autre voie? mais alors il faudrait que les alimens continssent tout l'azote qui se retrouve dans toutes les parties du corps humain ; et cela est-il croyable pour l’homme lui-même, et, à plus forte raison, pour les animaux qui sont exclusivement herbivores ? Ronde- let dit avoir nourri pendant trois ans des poissons avec de l’eau pure, et les avoir vu manifestement croître ; et les poissons sont cependant de tous les animaux les plus azotés. Rédi, Méad, Valisnieri, en disent autant de certains reptiles. Peut-on croire qu'ici les alimens aient fourni tout l'azote que contenaient ces animaux ? II y à certainement création dans le corps animal de quelques- DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 457 uns des élémens qui le composent. M. F’auquelin, ayant calculé la quantité de carbonate de chaux qui existait dans toute l’avoine dont il nourrissait une poule, a re- trouvé une quantité plus grande de cette matière dans la fiente et la coquille des œufs pondus par cet animal. Quand on place, dans une terre dont la composition est connue, une graine, et qu’on arrose cette graine avec de l’eau distillée seule , on ne voit pas moins la plante qui en provient contenir tous les divers élémens organiques et minéraux qui lui sont propres. Ils ont donc été créés de toutes pièces. Or pourquoi n’en serait-il pas demême de l'azote ? le doute viendrait-il de ce qu'il est un corps simple ? mais le phosphore n’en est-il pas un aussi ? et ce phosphore n’est-il pas aussi un produit des corps ani- maux ? l’action vitale n’a-t-elle pas sur les combinaisons de la matière une puissance bien plus grande, que les actions chimiques ordinaires ? et qui oserait dire où s’ar- rête cette puissance ? Sans doute, en dernière analise , un corps vivant tire des corps extérieurs à lui toute la matière qu'il s’assimile; car l'esprit s’effrayerait d’une véritable création de matière. Si ce qu'il y a de solide et d’appréciable pour nos sens, dans ce qu’il prend au dehors de lui, ne suffit pas pour équilibrer l’augmenta- tion de sa masse , il faut admettre que le reste provient des parties gazeuses qu’il absorbe sans cesse. Mais enfin, dans tout ce travail, c’est le corps vivant qui élabore et fait la matière qu’il doit s’assimiler ; et souvent, dans ce travail , il fait des corps que notre chimie n’a pu faire encore , et qu’à cause de cela elle appelle simples. M. Magendie a, dans ces derniers temps, fait quel- ques expériences , dans la vue de prouver que les alimens contiennent en dernière analise Les élémens de nos or- 458 FONCTION DES NUTRITIONS. ganes, ct particulièrement l’azote qui s’y trouve: il a * nourri exclusivement des chiens avec des substances non azotées, du sucre, ou de la gomme, ou de l’huile, ou du beurre, avec de l’eau distillée pour toute boisson. Pendant les sept ou huit premiers jours, ces animaux n’ont pas paru souffrir de ce régime; mais, au bout de ce temps, ils ont commencé à maigrir, quoique leur ap- peut soit resté bon et qu’ils aient continué de manger. Depuis lors leur maigreur alla toujours en augmentant ; ces animaux perdirent leur gaîté , leur appétit. Vers le vingtième jour, la plupart offrirent une ulcération au centre de la cornée transparente , ulcération qui s’aug- menta rapidement, au point que, par elle, les humeurs de l’œil s’écoulèrent; et enfin, tous périrent du trente- deux au trente-sixième jour de l'expérience. L'ouverture de leurs cadavres fit voir tous les organes considérable- ment amaigris , le tissu cellulaire entièrement dépouillé de la graisse qui ordinairement le remplit, les muscles réduits de plus des cinq sixièmes de leur volume ordi- naire , l'estomac et les intestins fortement contractés et rétrécis ; la bile et l'urine, enfin, avaient chimiquement les caractères que les humeurs ont chez les animaux herbivores, c’est-à-dire que la bile contenait beaucoup de picromel , matière qui existe dans la bile des herbi- vores seulement; et que l’urine , au lieu d’être acide comme chez les carnivores, était, au contraire , sensi- blement alkaline, et n’offrait aucune trace d’acide uri- que ni de phosphate. Du reste , il n’était pas douteux que l'aliment qui avait été donné n’eût été digéré ; car on s’assura que dans l’estomac il avait été changé en chyme, et que l'appareil chylifère en avait extrait un chyle assez abondant. L'auteur de ces expériences en DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 459 conclut que ces animaux ne sont morts que parce que ces alimens ne contenaient pas l'azote qui est nécessaire à toute nutrition. Mais cette conclusion ne peut-elle pas être contestée? D'abord, tous les résultats cadavériques qu'a observés M. Magendie , sont semblables à ceux qui sont vus dans les animaux qui sont morts de faim ; et dès lors ne pourrait-on pas dire que les chiens ne sont morts ici que parce que les alimens qu’on leur a donnés n'étaient pas assez nutritifs ? On sait que les alimens diffèrent les uns des autres sous le rapport de leur puissance nutritive : et on conçoit alors que l'usage exclusif d’alimens trop peu nutritifs, pourrait, à la longue, faire périr. N'est-ce pas ce qui à été ici, surtoui quand on voit les animaux se bien porter les huit premiers jours ? En second lieu, rien ne prouve que la puissance nutritive des alimens soit en raison de la quantité d’azote qu’ils contiennent. On sait que chaque économie digestive affectionne ses ali- mens propres; et il peut arriver que tel aliment , quoi- que contenant beaucoup d’azote, ne convienne pas à J’estomac ; de même que tel air , qui contient beaucoup d’oxigène , n'est pas cependant pour cela respirable. En troisième lieu , il aurait fallu que M. Magendie fit ces mêmes expériences sur des animaux herbivores; car ces animaux, n'ayant pas moins besoin d'azote que les au- tres , il aurait mieux pu séparer ce qui, dans les eflets obtenus , aurait été dû à l’économie en général, et à la susceptibilité de l'appareil digestif en particulier. Enfin, cela ne résoudrait la question que pour un seul élément, l'azote : et combien d’autres existent dans les organes , et dont il faudrait de même indiquer la source , Le sou- fre, le charbon , les métaux, etc. ? Concluons donc que “? - 460 FONCTION DES NUTRITIONS. l’action élaboratrice de la composition, bien qu'ayant pour résultat une transformation de la matière , n’est aucunement une action chimique ordinaire. Enfin , la troisième proposition que nous avons à éta- blir à l’égard de cette action élaboratrice, c’est qu’elle donne toujours naissance à un même produit, et que celui-ci ne diffère qu’en raison de l’état plus ou moins bon de la matière première avec laquelle il est fait, et de l'intégrité plus ou moins complète avec laquelle a agi le parenchyme nutritif élaborateur. Et, en eflet, n’est- ce pas toujours le même tissu qui est renouvelé dans chaque organe ? et comment pourrait-on douter de l’i- dentité du produit , lorsque c’est un même appareil qui fabrique, et que cet appareil opère sur une même ma- tière première ? Il n’y a réellement de variations, dans ce produit de la nutrition , qu’en raison des deux circon- stances que nous avons indiquées. Ainsi, bien qu'il n’y ait aucun rapport chimique entre Ja substance qui fait un de nos organes, et la matière avec laquelle il la fa- brique, cependant le bon état de l’une dépend toujours un peu de la qualité de l’autre : avec de bons alimens est fait un bon chyle, un bon sang ; et vice versä , avec de mauvais alimens , le fluide nutritif des organes est également mauvais. Par conséquent , la qualité du pro- duit de la nutrition , c’est-à-dire le nouveau tissu formé, sera nécessairement un peu dépendant de l’état de l’ali- mentation et du sang. Ici se rapportent tous les faits qui prouvent l'influence du régime sur la nutrition: l’appauvrissement et l’affaiblissement de la machine à la suite de mauvais alimens ; son rétablissement, au con- taire , à la suite d’une bonne nourriture. De même, que le parenchyme nutritif d’un organe ait toute son imté- N DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 461 grité et toute son activité, la nutrition s’en fera conve- nablement ; et qu’au contraire, ce parenchyme soit al- téré dans son tissu , que son mode d’action soit perturbè directement ou sympathiquement, la nutrition donnera naissance à de nouveaux produits. Ainsi donc, pour résumer : la composition des organes est due à ce que le sang artériel qui pénètre leur paren- chyme , y est changé en leur substance par une action de ce parenchyme ; action qui est trop moléculaire pour être vue, que le résultat seul annonce , qui, ne pouvant en rien être assimilée à aucun acte physique et chimi- que de la‘nature , est organique et vitale, et qui ,enfin, partitipe de tous les traits qui sont propres aux diverses actions élaboratrices de l’économie. Maintenant il est aisé de concevoir pourquoi la nu- irition est diverse en chaque organe. L'organisation de chaque parenchyme étant différente , chacun doit éla- borer le sang à sa manière , et fabriquer avec lui une substance diverse. C’est de même que les divers sens, quoique effectuant chacun une action d’un même genre, font cependant éprouver chacun une sensation spéciale ; que les divers organes sécréteurs , les diverses glandes fabriquent chacune avec le sang des humeurs particu- lières. La diversité de l’organisation des parenchymes étant admise , il doit en résulter diversité dans l’action élaboratrice à laquelle ils se livrent , et par conséquent diversité dans lanutrition. On devrait dire les nutritions , comme on dit les sensations, les sécrétions. Gette dit- férence dans les nutritions ne porte pas seulement sur la nature intime du tissu qui est fait; elle ne consiste pas seulement en ce que dans tel parenchyme nutritif est fait du tissu osseux, dans tel autre du tissu muscu- AE FONCTION DES NUTRITIONS. culaire , dans tel autre du tissu nerveux : mais elle porte encore sur la rapidité avec laquelle se fait la rénovation complète de tout l’organe, comme nous le dirons ci- après. Ïl y a cette différence parmi les actions de notre éco- nomie qui ont pour but l'élaboration d’une matière , que les unes comportent un certain temps pour s'effectuer , tandis que les autres se font d’une manière soudaine , de sorte que le nouveau produit se montre aussitôt , presque à l'instar de la médaille que l’on frappe. Par exemple, la digestion est une action élaboratrice qui exige un intervalle de quelques heures , tandis que l’hé- matose artérielle dans la respiration se fait d’une mänière instantanée, Dans quelle condition est à cet égard la nutrition ? Il est impossible de le dire d’après des faits directs ; mais nous sommes assez portés à croire qu’elle se fait instantanément d’après les trois raisons suivantes. 1° Elle se fait aux extrémités des vaisseaux, dans la partie la plus ténue des systèmes capillaires ; et 1à, les molécules sanguines sont amenées à un tel degré de ténuité, qu’il est naturel de penser que leur conversion en tissu quelconque doit se faire aussitôt. Il semble , en effet, qu’une transformation matérielle ne doive exiger un temps long pour se faire, que lorsqu'elle porte sur une masse un peu volumineuse et renfermée dans un réservoir, comme cela est dans la digestion , par exem- ple. 2° Il est d’observation que dans cette série de trans- formations que doit éprouver la matière , pour arriver à faire partie de nos organes , ces transformations exigent , pour se faire, un temps d’autant plus long , que la ma- tière qui doit les éprouver est plus éloignée encore du terme de l'assimilation , du lieu où elle nous sera DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 463 appropriée. Dans la digestion , par exemple , la ma- tière est encore la plus éloignée possible de notre na- ture; et aussi faut-il quelques heures pour qu’elle éprouve la transformation de la chymification. Déjà la chylification en exige un peu moins; mais encore cette opération n'est-elle pas instantanée , puisque le chyle va en s’animalisant graduellement dans la série des gan- glions mésentériques. Enfin , l’hématose qui est le troi- sième degré, est, au contraire, une opération instan- tanée , comme nous l’avons prouvé; le sang artériel est vraiment fait d'un seul coup, et on peut le dire, à la manière de la médaille que l’on frappe. Or, il y a tout lieu de croire qu’il en est de même des nutritions , qui sont des actions élaboratrices qui se passent à des lieux encore plus rapprochés du terme de l'assimilation, 5° Enfin , il est sûr que l’hématose artérielle se fait d’une manière instantanée ; or, comme cette hématose arté- rielle est une action qui, quoique inverse de la nutri- tion, semble lui être tout-à-fait correspondante, il paraît que ce qui est de la première de ces actions doit être aussi de la seconde. Tous les physiologistes, en effet , opposent l’hématose artérielle ou la conversion du sang veineux en sang artériel , à la nutrition ou la con- version du sang artériel en sang veineux ; ils mettent en regard le système capillaire du poumon où se passe la première de ces actions élaboratrices , avec le système capillaire général du corps où se passe la seconde ; et ils sont portés à croire que tout ce qui est de l’une de ces actions élaboratrices est aussi de l’autre. Or, la possi- bilité que l’on a de suspendre la respiration, a mis à même de s'assurer que l’hématose artérielle s'effectue instantanément; le sang se montre subitement, ou rouge Â64 FONCTION DES NUTRITIONS, ou noir dans la carotide, selon qu’on permet ou empêclre Ja respiration. Par conséquent on est porté à croire qu’il en est de même de l’action de nutrition. Seulement , on ne peut en être sûr, puisqu'on n’a pas le moyen de sus- pendre ici les nutritions, comme on le fait de la respi- ration, pour voir si alors le sang artériel traverserait le système capillaire du corps en restant tel, et se montre- rait sous cette forme dans le système veineux. Cependant cette raison dernière a moins de force que les premières; rien ne prouve absolument que ce soit l’action de nutrition qui soit l'inverse de celle de l’hé- matose artérielle ; ce pourrait être aussi bien l’un ou l’autre des deux autres offices que remplit le sang dans les organes , et particulièrement la calorification. A coup sûr , le sang dans le poumon fait deux espèces de répa- rations bien distinctes; l’une en apparence plus maté- rielle, de chyle et de Iymphe; l’autre d’oxigène. Il doit sembler dès lors qu’il fait aussi deux series de pertes dans les systèmes capillaires du corps; et il serait pos- sible que l’action de nutrition ne correspondiît qu’à la réparation chyleuse, et quela perte d’oxigène ait trait , ou à la calorification , comme nous le dirons ci-après , où a l’entretien du mouvement vital. Ainsi, l’on ne pour- rait plus arguer de l’instantanéité de l’hématose artérielle, puisque cette hématose artérielle ne serait plus action inverse de celle de la nutrition. Gecise rattache à une autre question bien importante, cellede savoir quelle part celte action de composition a à la formation du sang veineux. Il n’y a aucun moyen d’y répondre par des faits directs : comment, en effet, spécifier, entre tant d’actes qui s’accomplissent dans les systèmes capillaires, composition, absorption dé- DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 465 composante, sécrétions , calorifications, ceux qui pré- cisément font le sang veineux ? La réponse variera né- cessairement, selon l'opinion qu’on adoptera relative- ment à la question précédente. Gonsidère-t-on l'acte de composition, comme l'opposé direct de l'hématose arté- rielle ? alors on le considérera comme ayant une in- fluence prochaine sur la formation du sang veineux ? Veut-on, au contraire, que le sang dans son cours ex- centrique fasse deux sortes de pertes, comme dans son cours concentrique il a subi deux réparations distinctes ; et que l’acte de composition ne corresponde qu’à la ré- paration chyleuse ? alors cet acte n’aurait aucune part à la formation du sang veineux, et ne ferait que con- sumer une partie du sang artériel. Par des raisons sur lesquelles nous reviendrons à l’article de la calorification , cette dernière opinion nous paraît la plus raisonnable. Certainement encore, il existe des rapports entre cette action de composition , et la circulation capillaire d’une part , et l’action de décomposition de l’autre. D’un côté, c’est pendant que le sang traverse le système capillaire que se fait la nutrition; la circulation capillaire dès lors pourrait-elle être sans influence sur la rapidité avec laquelle se fait Ja nutrition ? mais , non-seulement nous ignorons la rapidité avec laquelle se fait la circulation capillaire, combien de temps le sang metà parvenir , à travers les systèmes capillaires , des dernières artérioles aux premières veinules ; mais encore nous ignorons l'influence que très- probablement cette circulation exerce sur la nutrition. D’un autre côté, il est sûr que non-seulement l’action de décomposition dont nous allons traiter ; coïncide avec l’action de composition dont nous venons de faire l’histoire , mais encore que celle-ci doit 8. 30 466 FONCTION DES NUTRITIONS. être dans un rapport forcé avec la première ; il faut bien ; en effet, que quelques molécules premières soient re- prises, pour que de nouvelles puissent se déposer. Dès lors, cette action de décomposition doit influer sur la rapidité de l’action de composition. Mais il nous est encore impossible de spécifier le caractère de cette in- fluence , sur laquelle nous allons revenir, après avoir parlé de l’action de décomposition. ArTiIcLE IL. De la Décomposition des Parties. On entend par [à l’action absorbante qui a lieu dans l'intérieur de tout organe quelconque , et par laquelle il yest repris une certaine quantilé des matériaux qui le formaient. Cette action d'absorption est ce qui constitue l'absorption tnterstitielle de Hunter , organique de Bi- chat , décomposante de quelques autres. On ne peut la révoquer en doute. D'abord , il faut bien qu'il soit repris dans les organes quelques-uns des matériaux quiles com- posaient , et cela à mesure que de nouveaux matériaux leur sont fournis , sinon leur volume augmenterait indé- finiment. En second lieu , on l’a démontrée par quelques expériences : Duhamel avait nourri pendant quelque temps des animaux avec des alimens teints de garance , et avait vu que par suite les os de ces animaux étaient rou- ges; mais , ayant cessé de fournir à ces animaux des ali- mens colorés, il vit à la longue disparaître la couleur rouge des os, conséquemment à mesure que la substance de ces os était renouvelée par la nutrition. Enfin , beau- coup de faits physiologiques et pathologiques prouventla réalité de cette absorption intérieure. Dans les premiers DU MOUVEMENT DE DÉCOMPOSITION. 467 âges , les os, qui doivent plus tard offrir dans leur inté- rieur un canal médullaire, ou des cavités quelconques , des sinus, sont tout pleins ; et ce n’est que par les effets du développement, qu’une absorption intérieure re- prend la matière qui tenait la place de ces cavités. Dans les premiers temps de la formation du cal, lors de la frac- ture d’un os long, le canal médullaire aussi n’existe pas, le cal est tout solide; ce n’est qu'avec le temps qu’une absorption interne le creuse, en y reprenant une certaine quantité de matière. L’absorption interne va même jus- qu'à faire complètement disparaître certains organes , après l’âge où leur service n’est plus utile: le thymus, par exemple, dès les premières années de la vie; l’uté- rus ou la mamelle dans la dernière vieillesse , etc. C’est elle qui amène la disparition de beaucoup de tumeurs. Mais nous avons déjà parlé, à la fonction des absorp- tions , de celle qui effectue cette action de décompo- sition. Nous ne reviendrons pas sur la recherche que nous avons faite des vaisseaux qui en sont les agens. On se rappelle par quels raisonnemens, nous avons été con- duits à considérer comme tels, les vaisseaux Iymphati- ques et les veines. Nous conclurons donc de suite, pour la question qui nous occupe ici, que les radicules vei- neux et lymphatiques , là où ils font partie des systèmes capillaires , absorbent dans la profondeur de tous les pa- renchymes nutritifs une portion quelconque de la sub- stance des organes, pour faire place à celle qui résultera de la solidification du sang. Nous pourrions encore renvoyer au même lieu pour le mécanisme de cette absorption décomposante; mais nous allons cependant en rappeler ici les traits princi- paux. Gelte action est aussi moléculaire que celle de la 30* 468 FONCTION DES NUTRITIONS. composition, que celle de toute autre absorption, et n’est aussi manifestée que par son résullat. Elle est le pro- duit spécial de l'activité des vaisseaux absorbans, vei- neux où lymphatiques; car l'intégrité de ces vaisseaux absorbans est une condition nécessaire pour qu’elle ait lieu, et il suffit de modifier l’activité des radicules ab- sorbans , pour faire varier l’action de décomposition qu'ils effectuent. Cette action d'absorption ne peut en rien être assimilée à une action mécanique, physique , chi- mique quelconque , mais est une action organique et vi- tale. C’est vainement qu’on a voulu assimiler, comme nous Vavons dit dans le temps, l'absorption lymphatique ou veineuse , àl’attraction et au phénomène des tubes capil- laires, seules actions qui paraissent avoir quelque rapport avec elles. Enfin, c’est aussi une action élaboratrice, c’est-à-dire qui donne à la matière sur laquelle elle opère une nouvelle forme; en même temps que les radicules absorbans, soit veineux, soit lymphatiques, saisissent le substance des organes pour en opérer la décomposition , ils modifient cette substance , et fabriquent avec elle leur fluide propre, savoir, le sang veineux, etla lymphe. Il est sûr, en effet, que les matériaux résorbés sont portés dans la lymphe et le sang veineux, et n’y sont pas retrouvés sous leur forme première ; ce qui prouve qu’en mème temps que l'absorption les a saisis , elleles a élaborés , et changés , ou en lymphe eten sang veineux ; ou plutôt en dés produits qu’on ne peut en distinguer, parce qu'ils sont aussitôt mêlés à ces fluides. Ici se représente pour une troisième fois la question de la formation du sang veineux. Il paraît certain que l'absorption de décomposition concourt à cette forma iion , soit immédiatement en faisant directement le sang DU MOUVEMENT DE DÉCOMPOSITION. 469 veineux , soit indirectement en versant seulement dans ce fluide, ses produits quels qu’ils soient; mais on ne peut préciser dans quelle proportion elle y sert, comparali- vement aux autres actions capillaires qui y contribuent, Cependant, si celte absorption ne fait que verser dans le torrent veineux ses produits , peut-être peut-on la dire encore étrangère à la formation du sang veineux pro- prement dit. On doit en dire autant de la lymphe : puisque les vais- seaux lymphatiques sont, ainsiqueles veines, considérés comme agens de l'absorption interstilielle, il faut bien reconnaître que la Ilymphe résulte, en partie au moins , directement où indirectement des matériaux de cette absorption. Toutelois, de même que la composition avait consisté dans la solidification du sang, par suite d’une action spéciale des parenchymes nutriuüfs, dans une conversion de ce sang dans la substance des organes ; de même la décomposition consiste dans une fluidification de la sub- stance des organes , par une action spéciale des vais- seaux absorbans qui entrent dans la composition de ces mêmes parenchymes , dans une conversion de la sub- stance des organes en lymphe et en sang veineux , OU , au moins , en produits inconnus qui sont versés aussilôi dans ces fluides. De même que, dans l’action élaboratrice de la composition , la transformation du sang en tissu or- ganisé n'avait pu en rien être assimilée à une action chi- mique ordinaire; que, par exemple , on n'avait pu si- gnaler , dans le sang qui servait à composer , les élémens constituans des tissus qui élaient renouvelés par lui : de même, dans l’action élaboratrice de la décomposition , la transformation des tissus organisés en lymphe et en 470 FONCTION DES NUTRITIONS. sang veineux n’a rien de chimique non plus ; l’on ne peut pas davantage retrouver dans ces fluides les élé- mens constituans des organes’, ni conclure chimique- ment de l'existence des uns à la formation des autres, Enfin , de même qu’on avait pu dire de l’action élabora- trice de la composition, les trois propositions communes; savoir : qu’elle n’était apte à s'exercer que sur un genre déterminé de matériaux , qu’elle n’avait en son essence rien de chimique , et qu’elle devait toujours donner naissance à un même produit; de même on peut les as- surer de l’action élaboratrice de la décomposition. Il est sûr en effet que l’absorption décomposante ne s’exerce dans l’économie que sur les organes à renouveler ; que cette action n’a en elle rien de chimique; et qu’enfin elle donne naissance à un même produit , soit la lymphe et le sang veineux eux-mêmes, soit une matière qu’on nepeut spécifier , parce qu’elle est aussitôt mêlée à ces fluides. Comment, par exemple, pourrait-il en être autrement de ce dernier fait, lorsque ce sont partout les mêmes ra- dicules qui agissent, et qui conséquemment ne peuvent que former la même matière ? À la vérité, ces radicules agissent sur des élémens différens : mais est-ce le pre- mier appareil de l’économie qui extrait de matières dif- férentes un même produit ? l’appareil digestif, par exemple , ne fabrique-t-il pas un même chyle avec des alimens très-divers ? Ainsi donc , dans la nutrition ; tandis que d’une part, le sang artériel est solidifié, et changé dans la substance des organes pour la composition, d’autre part, le tissu des organes est fluidifié , changé en lymphe et en sang veineux pour la décomposition. Tandis que le sang arté- rie] fourpissait les matérjaux composans , la Iymphe et le DU MOUVEMENT DE DÉCOMPOSITION. 471 sang veineux recueillent les matériaux retirés des orga- nes, et dont l'extraction fait la décomposition. Enfin, de même qu'il avait été impossible de suivre la matière depuis sa première entrée dans l’économie sous forme d’alimens, jusqu’à son assimilation aux organes, à tra- vers le chyle et le sang ; de même aussi il est impossible de suivre les élémens qui sont repris dans les organes , : depuis les parenchymes nutritifs, jusqu’à ce qu’ils soient rejetés de l’économie par les organes des excrétions. Nous ne pouvons pas même savoir, quelles sont les molécules des ôrganes que la décomposition reprend : il est assez probable que ce sont celles qui sont les plus anciennes, qui y ont déjà fait un certain séjour, qui , en un mot, ont été usées par la continuité de la vie. Il est sûr , en effet , que les parties constituantes des orga- nes y font un certain séjour avant d’en être retirées : c’est ce qui résulte des expériences de Duhamel dont nous parlerons ci-après, et dans lesquelles on voyait la garance qui colorait les os mettre un certain temps à disparaître, après qu’on avait interrompu son usage dans les alimens. D'ailleurs , le bon sens indique que ce sont les matériaux anciens qui doivent être repris les pre- miers , ou, du moins , ceux qui sont les premiers usés ; car de quoi servirait -il d’assimiler de nouveaux maté- riaux pour les reprendre aussitôt ? Ainsi que l’action de composition avait différé en cha- que organe, en raison d’une différence de structure dans les parenchymes nutritifs, de:même Paction de décom- position diffère également partout, et par la même cause; les radicules veineux et lymphatiques ont, dans chaque organe , une disposition , une activité particuliè- res;, et, par suite , la décomposition a dans chaque or- 472 FONCTION DES NUTRITIONS. gane un caractère spécial. Jl en est dans lesquels elle est plus rapide , d’autres dans lesquels elle est plus lente, et ce sont absolument les mêmes considérations que cel- les que nous avons présentées à l'égard du mouvement de composition. Ainsi, comme celui-ci, le mouvement de décomposition se fait vite, et à l'instar de la médaille que l’on frappe; il est probablement dans un rapport quelconque avec la circulation capillaire, et certaine- ment dans un rapport constant avec le mouvement de composition. Telles sont les deux actions opposées , du concours desquelles résulte la nutrition. Ges deux actions sont éga- lement merveilleuses , soit qu’on les considère en elles- mêmes, soit qu’on les envisage dans leurs rapports entre elles. D’un côté , on voit dans la composition un même fluide , le sang artériel , être changé en mille organes différens ; et, dans la décomposition, la substance de beaucoup d’organes différens être changée toujours dans les mêmes fluides , la Iymphe et le sang veineux. D’un autre côté, on est obligé d'admettre qu’il y a les rap- ports les plus intimes entre ces deux actions, qu’elles ont lieu en quelque sorte en même temps. Comment concevoir , en effet, qu’une partie s'applique de nou- veaux principes , sans se débarrasser en même temps de ceux qui la formaient préalablement? Cependant les âges et les maladies nous montrent quelques différences dans l’aclivité de ces deux actions. Dans le premier âge, le mouvement de composition prédomine sur celui de dé- composition, puisque le corps croît et augmente de volume. Dans le dernier âge , au contraire, la décom- MÉCANISME DES NUTRITIONS. 479 _ position prédomine sur la composition , puisque le corps dépérit. Dans les maladies , on voit quelquefois la comn- position devenir très-active, et un organe prendre alors un volume , un développement insolites ; dans d’autres cas, au contraire, on voit la décomposition s'exercer sur un organe, jusqu’au point de le faire complètement disparaître. Da reste, il n’est pas possible de révoquer en doute cette opposition continuelle de composition et de dé- composition , par laquelle sont entretenus, renouvelés , nourris nos organes. S'il est évident que dans la nature , il ya mutation continuelle de la matière qui y compose tous les corps, cette mutation est vraie surtout des corps organisés et de l'homme. Il suflirait de penser, d’une part, aux alimens que nous prenons et avons be$oin de prendre chaque jour, et de l’autre à nos diverses excré- tions, qui ne sont pas moins constantes et nécessaires , pour être portés à croire que les premiers sont destinés à remédier aux pertes qui résultent des secondes, et qu'il y à en nous un roulement continuel de matière. À la vérité, on pourrait croire que l'alimentation ne sert qu’à remédier aux pertes que font faire au sang nos excrélions. Mais on ne peut réduire le service des excrétions, à l'expulsion de la partie des matières ingérées qui n’a pas été assi- milée ; leur quantité est trop considérable pour cela ; plusieurs ont une nature trop animalisée , et, cet excès d’animalisation annonce qu’elles proviennent de maté- riaux qui ont fait partie de corps vivans. Plusieurs , sans doute,ne paraissent pas avoir été destinées primitivement à effectuer la décomposition du corps, remplissant dans l’économie d’autres usages bien évidens ; mais il en est une, l’excrélion de l'urine, qui n’a pas d'autre oflice 474 FONCTION DES NUTRITIONS. que d'éliminer les débris de nos organes, et elle suffit seule pour démontrer la réalité de la décomposition du corps. Enfin, il est de nombreux phénomènes de santé et de maladie qui mettent hors de doute cette rénovation continuelle de nos parties. On voit l’épiderme s’user et se renouveler sans cesse, des taches faites à la peau disparaître après un temps plus ou moins long. On voit, pendant le cours de la vie, des organes présenter des divers degrés de grosseur , selon la mesure dans laquelle ils sont nourris : on les voit, malgré l’accroissement que leur fait éprouver le premier âge, présenter toujours la même substance intime , la même solidité : toutes preu- ves que c’est profondément , et d’une manière continue que se fait leur renouvellement. Cette continuelle com- position et décomposition de nos organes est enfin dé- montrée par les expériences directes qu’on a tentées avec des alimens teints par de la garance. Le hasard fait manger à Bclchier, chirurgien de Londres, un cochon qui avait été nourri chez un teinturier : il remarque que les os de cet animal sont rouges , et il attribue cette par- ticularité à ce que l'animal a été nourri avec des ali- mens teints en rouge; il conçoit dès lors la possibilité de se servir de ce fait , pour démontrer que nos organes vont en se Composant et se décomposant sans cesse : il conjecture que dans un même animal les os se montre- ront tantôt rouges et tantôt blancs , selon que cet animal usera ou non d’alimens colorés; il fait des essais qui justifient sa conjecture ; il les communique à la Société royale de Londres : Sloane , son président , en instruit l’Europe; et les mêmes expériences sont répétées alors dans plusieurs pays, et avec les mêmes résultats ; en France, par Duhamel ; en Italie, par Baroni ; en Alle- LA MÉCANISME DES NUTRITIONS. 475 magne, par Bohmer , Ludwig, Delius. Or, si les os , les parties les plus dures de l’économie, vont en se re- nouvelant sans cesse, en se composant et se décompo- sant continuellement, on conçoit qu’il doit en être de même des aütres parties. D'ailleurs, lorsque l’on voit le crâne aller en augmentant de capacité chez un enfant, à mesure que le cerveau , qui est dans son intérieur , croît lui-même , et ce crâne cependant se montrer égale- ment solide et plein ; qui pourrait douter que cette partie n’ait été en proie à cette action sourde de composition et de décomposition, qui seule permettait à l'ossifica- tion de se faire chaque jour sur de plus grands con- tours ? Seulement, ce renouvellement est assez lent à se faire , car si les actions qui l’eflectuent sont instantanées, rien ne dit qu’elles soient continues. Peut-être ce renou- vellement est-il peu de chose à chaque instant pour chaque organe.Gette lenteur est surtout grande dans l’âge adulte, car dans le premier âge il y a excès de composition, et dans le dernier , excès de décomposition. Toutefois , puisqu’en même temps que nos organes s’approprient de nouveaux matériaux, ils rejettent tous ceux qui les composaient préalablement; on conçoit qu’il doit arriver une époque où le renouvellement ma- tériel de notre corps est complet , c’est-à-dire , où nous ne conservons plus rien de la matière qui , à une époque antérieure , entrait dans la composition de nos organes. C’est ce qui est en eflet. Il est sûr que nous n’arrivons pas au terme de notre carrière avec la même matière qui nous formait au commencement; et nous applaudis- sons à l’ingénieuse comparaison qu'a faite à cet égard le professeur Richerand, de notre corps au vaisseau des 436 FONCTION DES NUTRITIONS. Argonautes , qui, radoubé mille fois dans sa traversée, n'avait plus , au terme de sa course, aucune des parties qui le formaient d’abord. Or, on à cherché à préciser le temps qui était nécessaire pour que ce renouvellement entier fût achevé. Les anciens ont dit tous les sept ans; Bernoulli, tous les trois ans. Mais on conçoit que ce temps ne peut être connu, et qu'aucun calcul n’est appli- cable ici. Comment , en effet , fixer le point de départ de l’expérience,-et de même reconnaître son terme? La nutrition étant une action moléculaire, dans laquelle on ne peut saisir, ni ce qui entre pour la composition, ni ce qui sort pour la décomposition , il n’est réellement aucun moyen de fixer l’époque qu'on recherche. D'ailleurs, est-il besoin de dire que cette nutrition n’est pas plus que toute autre fonction de notre écono- mie , identique et constante, mais qu’elle est mille fois différente selon les circonstances individuelles ? Elle n’est pas la même , en effet, dans les divers âges : par exem- ple, dans l’enfance, elle est beaucoup plus rapide; dans l’âge adulte, elle est déjà plus modérée ; et enfin, comme toute fonction, elle s’affaiblit dans la vieillesse. Elle change aussi selon les sexes, les tempéramens , les idio- syncrasies ; chacun à , à cet égard, sa constitution propre. L'état de maladie surtout la modifie; dans les maladies , il semble souvent que la nutrition s’affai- blisse beaucoup, du moins à juger par l’état de dimi- nution que présentent les organes ; en quel état d’atro- phie , par exemple , parviennent les diverses parties du corps, à la suite des longues maladies chroniques ? Enfin, se retrouve ici la différence de la nutrition dans les di- vers organes : tel organe peut renouveler plusieurs fois sa substance en entier, pendant que tel autre effectue MÉCANISME DES NUTRITIONS. sa à peine une fois ce même renouvellement. Dans chaque organe, celle nutrition se coordonne aux formes que cet organe doit avoir; c’est ainsi que, par exemple, elle creuse dans les os longs le canal médullaire , qui n'existe pas d’abord; qu'elle fait dans l’os ethmoïde les cellules qui s’y montrent, etc. D’après ces différences , est-il possible de rien fixer sur le temps nécessaire au renouvellement complet d’un organe particulier , et à celui de tout le corps en général ? Ilest même assez difficile de préciser , au milieu des oscillations que présente comme toute autre celte fonc- tion de la nutrition , quelles sont les conditions qui in- fluent plus particulièrement sur elle? y a-t- il des époques où cette fonction est plus active, et d’autres où elle se tempère ? En général, son activité paraît un peu dépen- dre de l’exercice des organes ; du moins cela est évident pour le système musculaire , eton conclut de ce sysième aux autres. Il est d'observation que tout organe très-exercé prend plus de corps , et conséquemment est mieux nour- ri : on peut en citer comme preuves , le développement considérable des bras chez les boulangers, celui des jambes chez les danseurs , du larynx chez les chanteurs, des épaules chez les porte-faix, et en général, toute l'habitude extérieure des hommes à vie active, compara- tivement à celle toute grêle des hommes à vie sédentaire et.de cabinet. Quoique placée au terme du mécanisme nutritif, cette fonction est encore un peu dépendante de l'influence nerveuse : on sait combien les passions amaigrissent. Il est possible , à la vérité, que cet effet n'arrive que par suite des troubles que le moral amène dans les fonctions préparatoires , et que nous avons dit être comme l’échafaudage de la nutrition ; savoir , la di- 478 FONCTION DES NUTRITIONS. gestion , la respiration, etc. En général, comme la nutri- tion est une fonction lente , ses maladies le sont aussi; les médicamens qu'on emploie dans la vue de refaire une constitution usée , doivent conséquemment être conti- nués un long temps; ils doivent surtout être pris dans le régime, et c’est à cette fonction que s'applique prin- cipalement ce qu’on appelle en thérapeutique la mé- thode altérante. Telle est l’histoire de la nutrition : on en a, en quel- que sorte, une représentation dans le mécanisme de la cicatrisation de nos parties. Une de nos parties est-elle accidentellement entamée ? on voit se faire à sa surface un développement de bourgeons charnus, c’est-à-dire qu’il se forme d’abord cette trame cellulo-vasculo-ner- veuse qui constitue tout parenchyme nutritif : ensuite ce parenchyme travaille le sang qui lui arrive, de ma- nière à former avec lui le tissu de la partie qui était le siége de l’entamure. Ge mécanisme de la cicatrisation est le même en toute partie, dans l’os comme dans le muscle ; il n’y a de différence que dans la rapidité avec laquelle se fait l'opération : le cal , par exemple , employant quarante jours à se faire; et la peau, au contraire , se réunissant en trois jours. Dans cette cicatrisation , chaque partie renouvelle la série des phénomènes par lesquels elle s’est formée primitive- ment ; le cal, par exemple , est d’abord cartilagineux, ensuite il devient osseux; il est d’abord tout plein, puis l'absorption décomposante y creuse le canal médul- lire : de sorte que cette cicatrisation de nos parties nous offre un simulacre de l’action par laquelle ces parties ont élé faites dans l’origine , et de celle par laquelle elles s’entreliennent. FONCTION DE LA CALORIFICATION. 479 EE SECTION VI. l'onction des Calorifications ou de la Chaleur animale. NRA le sang artériel est dans le parenchyme de tous les organes employé à leur nutrition , il sert en- core à y dégager tout le calorique en vertu duquel le corps Conserve sa température indépendante, sa chaleur propre ; el, ce second office du sang fonde une fonc- tion bien importante et bien peu connue encore, celle de la calorification. Ge qu’on appelle température d’un corps s'entend, ou de la sensation de chaleur que ce corps ; mis en con- iact avec nos organes , produit en eux, ou de l'élévation à laquelle ce corps porte l’instrument de physique ap- pelé thermomètre. Ce double effet est dû à une matière très-subtile que dégage le corps, appelée calorique, et qui, d’une part, appliquée à nos organes , fait naître en eux la sensation de chaleur, et qui , d’autre part, s’in- terposant dans le thermomètre entre les molécules du liquide qui le forme, ajoute à son volume et fait ainsi monter l'instrument. Du moins, passant sous silence toutes les hypothèses faites jadis et encore aujourd’hui sur la cause de la chaleur, nous nous arrêtons à ce SYs- .ième , qui est celui qui est le plus généralement adopté de nos jours, et qui rend le mieux raison de tous les phénomènes. Ce calorique , source de toute chaleur » est représenté comme un corps impondérable généralement répandu 480 FONCTION #5 LA CALORIFICATION. dans toute la nature, et existant en tout corps quei- conque , mais en deux états , à l’état latent ou combiné, et à l’état libre ou sensible. Dans le premier état, le ca- lorique est intimement uni aux autres élémens consli- tuans des corps, et ne s’en dégage .que lorsque ces corps se détruisent ; conséquemment il n’est sensible , ni aux or- ganes, pi au thermomètre, et est étranger à,la tempéra- ture des corps ; mais c’est Jui qui, par sa proportion avec la force de cohésion, détermine l’état des corps, c’est- dire s'ils sont solides, liquides et gazeux. Dans le : second.état, au contraire, le calorique est seulement interposé entre les molécules constituantes et intégrantes des corps ; et s’en dégageant sans cesse, c’est lui qui, en agissant sur le thermomètre et les organes , fonde ce qu’on appelle la température des corps. Ces deux espèces de calorique ne sont ni égales, ni régulièrement propor- lionnelles entre elles, soit qu'on les compare dans diffé- rens corps, soit qu’on les évalue dans un même corps pris à des températures différentes. De plus, chaque corps exige, pour être à l’état solide, liquide ou SAZEUX , plus ou moins de calorique latent; comme chacun exige plus ou moins de calorique sensible pour être élevé à un même degré de température. Cette dernière différence fonde ce qu’on appelle la capacité des corps pour le calorique; et la quantité de calorique que chacun exige pour être élevé à un degré donné de température, quantité qui peut être évaluée par celle de glace qu’elle fond dans l'instrument de physique appelé calorumètre, constitue dans chaque corps ce qu’on appelle son calorique spéci-" fique. 7 Comme tout corps a en lui du calorique libre , et qué” dans tout corps ce calorique libre se dégage sans cesse, | FONCTION DE LA CALORIFICATION. 481 il en résulte que tout corps a une température ; élevée , s’il est projeté beaucoup de calorique; basse, dans le cas contraire. Gela est vrai de l’homme , comme de tous les autres corps de la nature ; mais les lois qui président en lui à ce dégagement, ne sont pas les mêmes que celles qui le règlent dans les corps inorganiques; et c’est Là la première proposition que nous ayons à démontrer , en commencant l'histoire de la chaleur animale. Dans les corps non vivans , beaucoup de causes phy- siques et chimiques amènent un dégagement de calori- que ; savoir : l'électricité , le frottement , la percussion, la compression, un changement d’état, des agens chi- miques qui, en déterminant de nouvelles combinaisons entre les élémens constituans des corps , détruisent celle qui retenait le calorique latent et le rendent libre. Mais ce qui produit en eux le dégagement de calorique libre dont dépend leur température habituelle, c’est l’in- fluence de tous les autres corps qui leur soutirent plus ou moins de ce calorique, selon qu’ils sont plus ou moins froids, et jusqu'à ce qu'ils soient tous en équilibre de température. C’est, en effet, une loi générale de la na- iure, et qui surtout est absolue pour les corps inor- ganiques , que dans tous ce calorique tend à se mettre de niveau, et à faire que chaque corps à la fin mani- feste une même température. Pour cela , le calorique este sans cesse transmis des uns aux autres, jusqu’à ce que ce niveau soit établi. Gette transmission se fait de deux manières , par rayonnance , et directement par suite du contact. D'un côté, de tous les points de la surface d’un corps s'échappe, sous forme de rayons, du calorique, qui va pénétrer les autres COrpS ; celle rayonnance se fait surtout dans la direction perpendiculaire ; et, plus faible LA 3, 31 482 FONCTION DE LA CALORIFICATION, dans les corps polis, elle est plus forte, au contraire, dans les corps ternes. Il est d’autant moins possible de douter de ce premier mode de transmission du calorique, que ces rayons peuvent être réfléchis, concentrés dans des foyers déterminés , et même réfractés. D’autre part, le calorique sensible de tout corps quelconque, passe directement dans les autres corps qui sont en contact avec lui, moins rapidement sans doute que par l'acte de rayonnance , mais avec une promptitude qui, quelque- fois , est encore assez grande, et qui varie selon que les corps qui sont au contact sont plus ou moins bons conduc- teurs du calorique. Il y a , à cet égard , beaucoup de diffé- rences entre les corps. Or, comme d’une part, le ca- lorique tend à se mettre de niveau dans tous les corps; que, d'autre part, il n’y a pas de vide dans la nature , etque toujours des corps sont en contact avec d’autres, ou en ont d’autres dans leur voisinage; il en résulle que ces deux modes de transmission sont sans cesse provo- qués à se produire; el que tour à tour les corps émettent ou absorbent du calorique, jusqu’à ce que le niveau soit établi entre eux , et que tous n’en fournissent plus que des quantités qui agissent de même sur le thermo- mètre , el qui, conséquemment , accusent une même température. Ainsi, qu'un corps plus chaud soit dans le Woisinage et en contact d’un corps plus froid , une par- % ;je du calorique que dégage en plus le premier , est ab- sorbée par le second ; le premier se refroidit un peu, le second s’échauffe , et les deux finissent par se mettre au même niveau de température. Ge niveau arrive plus ou moins vite, selon que les corps se touchent par plus de points, sont plus ou moins bons conducteurs de calorique , ont des facultés de rayonnance, d'émission FONCTION DE LA CALORIFICATION. ÂS3 et d’intussusception du calorique , plus ou moins gran- des. Nous avons déjà dit qu’un corps généralement rayon: . ne d’autant moins de calorique qu'il est plus poli; et, il est d'observation aussi, que mieux un corps réflé- chit de calorique, moins il en absorbe et moins il en rayonne. C’est là ce qu’on appelle la loi d'équilibre du caloriqne; et, comme cette loi est absolue pour les corps inorganiques , il en résulte que le dégagement de calorique libre, dont dépend leur température, est moins réglé par eux-mêmes que par les corps dont ils sont en- tourés , et qu'ils n’ont pas de température propre , mais celle de l'élément ambiant dans lequel ils sont. Dans tous les corps vivans, au contraire, et par consé- quent dans l’homme , c’est l’activité propre de ces êtres qui détermine le dégagement de calorique duquel dé- pend leur température, et l’on sait que celle-ci est en opposition avec toutes les forces physiques et chimiques générales , et à cause de cela est appelée vie. Dès lors , tous les êtres vivans, et par conséquent l’homme, ont une température qui leur est propre , qui est autre que celle du milieu ambiant, qui est indépendante des variations de la température de ce milieu , et qui ne se modifie qu’en raison de leur activité spéciale, c’est-à-dire de la vie. Prouvons chacune de ces deux assertions. D'une part , leur température est autre que celle du . milieu ambiant , et indépendante de celle de ce milieu. On peut citer en preuve tous les corps vivans , quels qu'ils soient. 1° Cela est vrai de simples parties détachées des corps vivans , et qui ne jouissent que d’une vie latente, comme les œufs, les fruits, les graines. A la vérité, le fait n’est pas aussi palpable ici qu’il le sera pour les ani- 31* 484 FONCTION DE LA CALORIFICATION. maux. D'un côté, ces corps ont une température qui dépasse à peine celle du milieu ambiant. D'un autre côté, ils sont trop petits pour qu'on puisse placer dans leur intérieur le thermomètre destiné à faire apprécier leur température; ce qui est pourtant nécessaire, Car leur extérieur est toujours un peu soumis au froid ou au chaud ambians , comme nous le dirons. Mais on ne peut néanmoins contester la réalité de notre assertion. Ges corps en effet ont une vie intérieure, et partout où il y a vie, il y a développement de chaleur. Un fruit congelé ne parcourt plus les diverses phases de sa maturité. Un œuf gelé, quoique fécondé, ne se développe plus. Il en est de même d’une graine gelée. Sur une même chemi- née, de l’eau dans laquelle vit un oignon de jacinthe résiste à la gelée qui saisit de l’eau ordinaire : dans ce dernier cas, n'est-ce pas le calorique dégagé par le corps vivant qui a empêché l'eau de se prendre en glace? 9 L’assertion est vraie aussi des végétaux : un thermo- mètre placé dans leur intérieur.accuse une température qui, en hiver comme en été, est toujours supérieure d’une même quantité à celle du milieu ambiant, et qui jusqu’à un certain point s’est conservée la même quand on les a exposés, comme l’a fait Aunter , à des froids ou à des chauds artificiels. Il faut encore dans ces expé- riences placer le thermomètre dans l’intérieur , la surface étant toujours, comme nous l'avons dit, accessible un peu au froid et au chaud du milieu ambiant, 3° Elle est plus évidemment vraie encore des animaux, surtout des animaux à sang chaud, ainsinommés parce qu'ils ont une température supérieure de plusieurs degrés à celle du mi- lieu extérieur ; leur température reste la même en toutes saisons, en tous climats, et quels que soient les chauds et FONCTION DE LA CALORIFICATION. 485 les froids artificiels auxquels on les soumet. {unter aprou- vé ce dernier fait par de nombreuses expériences. 4° En- fin , elle est vraie aussi de l'homme, dont il s’agit surtout ici : cet êlre a sa température propre, qui est de 29 degrés un tiers (therm. de Deluc) etde 56 degrés deuxtiers (ther. centig.); et sachaleur reste la même dans toutes les varia- tions possibles du milieu ambiant, en hiver , en été, dans lespays polaires, comme dans les régions équatoriales. Des expériences el des observations nombreuses ont mis hors de doute ce dernier fait. Au Sénégal, on observe fréquem- ment une chaleur de 58 degrés à l'ombre; et Adanson rapporte que sur les bords du Niger, la température s’é- levait communément de 4o à 45 degrés: or, l’homme conserve dans ces climats sa température propre. Dans des expériences , il a résisté à des chaleurs plus consi- dérables : T'iller et Duhamel ont vu une fille rester dix minutes dans un four chaud à 112 degrés , sans que sa température propre fût augmentée ; Fordyce , Banks, Blagden et Solander , en Angleterre ® et Dela - rocque et Berger à Paris, dans d’exactes expériences , se sont soumis successivement à des chaleurs de 54, 39, 42, 49, 13» 79 degrés, et ont vu également leur température rester la même. On ne peut produire par art le froid extrême , aussi facilement que le chaud ; et pour prouver que l'homme ne partage pas non plus la température d’un milieu plus froid que lui , il a fallu se contenter de l'observation des climats et des saisons : mais elle a sufli. Dans les climats hyperboréens , le ther- momètre pendant six mois d'hiver marque de 25 à 30 degrés au-dessous de zéro. On a vu emSibérie l’homme éprouver des froids de 70 degrés. D'autre part, la température des êtres vivans et de 486 FONCTION DE LA CALORIFICATION. l’homme est en raison de leur vie, et se modifie comme elle. Ainsi: 1° la vie est plus ou moins énergique dans les différens êtres vivans , etaussi chaque être vivant a sa température propre. En général , la température dans un être vivant est d’autant plus élevée, que la vie dans cet être est plus énergique : peu élevée encore dans les parties des corps vivans qui ne jouissent que d’une vie latente , comme lesœufs , les graines , les fruits , elle l’est déjà davantage dans les végétaux, surtout dans ceux d’une organisation compliquée; et elle l’est plus encore dans les animaux , et spécialement dans les animaux su- périeurs. Sous ce rapport, les animaux sont partagés en animaux à sang froid, dont la température est égale ou de bien peu supérieure à celle du milieu ambiant, et animaux à sang chaud, dont la température est au con- traire de beaucoup supérieure à celle du milieu exté- rieur. Les uns et les autres diffèrent encore entre eux : et par exemple, parmi les animaux à sang chaud , les oiseaux sontgénéralement ceux qui ont la température la plus élevée , et parmi les quadrupèdes quelques-uns l’em- portent sur l’homme : nous avons dit que la température de celui-ci était 29 degrés un tiers, therm. de Deluc, ou 36 degrés deux tiers, therm. centig. 2° Dans les individus d’une même espèce , il y a toujours des différences dans l’état vital, et toujours aussi il y en à quelques - unes dans leur température respective. Ge n’est en effet que d’une manière générale qu’on a dit que la température de l’homme était de 29 degrés; il y a toujours à cet égard quelques différences , selon le sexe, le tempérament , li- diosyncrasie , etc. Ilest vrai qu’on n’a regueilli encore que peu de faits sur cel objet, mais ils sont confirmatifs de ce que la théorie annonce. MM. Edivards et Gentil FONCTION DE LA CALORIFICATION. 487 ont vu une jeune demoiselle présenter un demi-degré de moins que deux jeunes garçons de même âge ; un homme bilieux leur a présenté un degré de plus , qu’un homme sanguin du même âge aussi. Le premier de ces expérimen- tateurs ayant recherché à Bicêtre la température propre de vingt sexagénaires , de trente-sept sepluagénaires , de quinze octogénaires , et de cinq centenaires, a vu que, dans chacune de ces catégories, la température diffé- rait un peu. 3° Dans un même individu , l’état vital va- rie, selon l’âge, la santé, la maladie, le degré de force ou de faiblesse ; et aussi dans ce même individu , la tem- pérature varie dans ces diverses circonstances, comme selon l’état de vie et de mort. J. Davy a trouvé que la température d’un agneau était supérieure d’un degré à celle de sa mère; sur cinq enfans qui venaient de naître, il a vu aussi la température supérieure d’un demi-degré à celle des mères , et cette température augmenter en- core d’un demi-degré dans les douze heures qui suivirent la naissance. Au contraire , M. Edwards a trouvé que dans les animaux à sang chaud, la faculté de produire de la chaleur était d'autant moindre , qu’ils étaient plus rapprochés de l’époque de leur naissance; et que même plusieurs naissaient , étant encore animaux à sang froid, et tombaient, aussitôt qu'ils étaient séparés de leur mère, à une température qui ne surpassait que de 1 à 2 degrés celle du milieu ambiant. Selon ce Savant, la faculté de produire de la chaleur est à son minimum à la naissance, et s’accroit successivement jusqu’à l’âge adulte. Expé- rimentant sur des enfans de un à deux jours à F'Hôpital- des-Enfans, et sur des vieillards de soixante à cent ans à Bicêtre , il a vu la température être de 34 à 55 pour les enfans , therm. centis. , de35 à 36 chez les sexagénai- œ [e, 488 FONCTION DE LA CALORIFICATION. res, de 34 à 55 chez les octogénaires, et en général la température varier selon les âges. Qui n’avait remarqué le contraste entre la chaleur du jeune homme et l’état glacé du vieillard ! Cependant il faut observer que ceci tient moins à une différence essentielle dans la tempé- rature propre, que dans les efforts organiques destinés à la maintenir telle. Il y a de même des différences selon l’état de force ou de faiblesse , l’état de santé ou de ma- ladie : Dehaen dit que la température de la peau s'élève d'environ 2 degrés pendant la chaleur fébrile, et baisse d'autant pendant la période du froid. À la vérité, les faits relatifs à ce point de doctrine sont peu nombreux encore , mais la théorie doit les faire supposer. MM. Ed- wards et Gentil disent même, avoir observé dans la tem- pérature des variations diurnes, selon que c'était l’exer- cice de telle fonction qui succédait à celui detelleautre, la digestion , par exemple, au travail intellectuel; et ces variations ont souvent été de » à 3 degrés du matin au soir. 4° Enfin , dans un même individu, les organes ont chacun leur vitalité différente , et aussi chacun a sa tem- pérature propre: c’est ce que nous prouverons lorsque nous serons arrivés au détail de la fonction. Ainsi donc, puisque l’homme a une température in- dividuelle autre que celle du milieu ambiant , et qui en est indépendante ; puisque cette température ne se modi- fie comme dans les autres espèces vivantes , qu’en raison de son état vital; il est certain que le dégagement de calorique duquel dépend sa température ne tient pas à la loi physique de l'équilibre du calorique, mais à son activité spéciale. Cependant cette force générale d’é- quilibre du calorique , n’est , comme toutesles autres for- ces physiques et chimiques générales, contre-balancée FONCTION DE LA CALORIFIGATION:. 489 dans le corps humain que jusqu’à un certain point. D'un côté, bien que ce soit le corps vivant quipar son activité dégage le calorique qui produit sa température; bien que ce dégagement ne soit pas en raison de la tempéra- ture de l’élément ambiant; comme celui-ci touche tou- jours le corps humain, la force expansive tend toujours à s'exercer et s'exerce en effet. Si l'élément ambiant est plus froid quele corps humain , il lui soutire du calorique ettend à le faire tomber à son niveau ; s’il est plus chaud, il lui en fournit au contraire , ettend à élever sa tempé- rature ; et quoique malgré ces influences, le corps hu- main se maintienne à sa température propre, il en a dû résulter nécessairement des variations dans les actions quelles qu’elles soient , qui produisent la chaleur animale. C’est un point de vue sous lequel la chaleur animale est dépendante dé celle de l'extérieur. Sous ce rapport, le corps vivant est dans une lutte continuelle avec l’élément ambiant, comme cela est du reste pour toutes les autres forces générales, gravitation , affinités. D’un autre côté, à un certain degré , celte loi générale d'équilibre du ca- lorique arrive à dominer dans le corps vivant, mais en y éteignant préalablement la vie : on sait qu’à un certain degré de froid ou de chaud, la mort arrive, Il en esten- core ainsi des autres forces physiques et chimiques gé- nérales. Toutefois, on appelle calorification ou calorisation , l’action vitale quelle qu’elle soit , qui fait produire au corps humain la quantité de calorique libre qui détermine sa température. Suivant notre ordre accoutumé, il faut d’abord rechercher quel est l'appareil qui accomplit cette fonction. 490 FONCTION DE LA CALORIFICATIOKN. CHAPTTRECIT. Appareil de la Calorification. Lrs physiologistes sont très-divisés sur ce point. Les uns disent qu’il n’y a pas d'appareil de calorification pro- prement dit , et considèrent la chaleur vitale comme un fait premier, ou comme un résultat de tous les autres actes de la vie. Les autres , au contraire , en admettent un, mais qui, selon ceux-ci est local, concentré en un seul lieu du corps, et qui, selon ceux-là , est, au con- traire, multiple, et disséminé dans toutes les parties de l'économie. Ainsi, M. Chaussier admet, sous le nom de ca- loricité , une propriété vitale primitive , en vertu de laquelle les êtres vivans dégagent le calorique duquel dépendleur température propre, comme par d’autres pro- priétés vitales , ils accomplissent leurs autres actes vitaux. Il s'appuie sur ce quela particularité d’avoir unetempéra- ture indépendante est commune à tous les êtres vivans, coexiste exclusivement avec l’état de vie, est commune à toute partie vivanie , cesse à la mort, ets’accroît enfin par tout ce qui excite la vitalité. Mais ne peut-on pas dire ces mêmes choses de beaucoup d’autres actes vitaux, des nutritions, par exemple ? Et ne serait-ce pas un abus, que d’admettre pour ces divers phénomènes autant de propriétés vilales spéciales ? Il est évident que ce serait se payer de mots. D'ailleurs, comme l'homme résiste au froid ainsi qu’au chaud , il faudrait admettre en lui une propriété de frigoricité, comme une de caloricité. Î! ne faut voir dans le dogme de la caloricité par M. Chaus- Sier,qu'une protestation contre les divers systèmes phy- RE —— APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 491 siques et chimiques, par lesquels on a cherché à expli- quer la chaleur animale. De même, Boin nie qu'aucun organe du corps soit spécialement chargé de dégager le calorique qui produit la température du corps, et pense que ce dégagement est un résultat commun de toutes les actions vitales, quelles qu'elles soient, des actions nerveuses , MusCu- iaires, de la digestion, de la respiration, de la circula- tion , des nutritions , des sécrétions , etc. Ses argumens sont , que l'exercice de chacune de ces fonctions modi- fie, en effet, la température du corps. Les travaux d’es- prit, par exemple , échauffent la tête ; quelle forte cha- leur manifestent les maniaques , et dans quelle indé- pendance du froid extérieur sont ces infortunés ! dans les affections de l’ame, on a tour à tour chaud ou froid , quel que soit l’état de l’atmosphère. Nous montre- rons ci-après, que la chaleur animale est, comme toute fonction , sujetle à une influence nerveuse. Les mouvemens du corps sont certainement favorables à la production de la chaleur ; qui ne connaît les bons effets de lexercice contre le froid ! c’est par lui que les Hoï- landais , jetés dans le Spitzberg, parvinrent à y résister. La digestion modifie de même la chaleur; dans son commencement , elle cause un sentiment de froid, un léger frisson; à sa fin, au contraire, la température du corps est un peu élevée; et c’est pour cela qu’on a com- paré cette fonction à un accès de fièvre. La respiration aussi a été de tout temps présentée comme influant pro- chainement sur la chaleur animale; seulement les An- ciens disaient qu’elle servait par l’air frais qu’elle intro- duit dans le poumon à rafraîchir le sang; et les Modernes en font la source principale de la chaleur. Il est sûr que 492 YONCTION DE LA CALORIFICATION. dans les animaux, il y a un rapport entre l'étendue de la respiration et le degré de la température ; les oiseaux qui ont la respiration la plus ample ont la température la plus élevée ; les reptiles qui ont la respiration la plus bornée sont des animaux à sang froid ; et les mammifères qui , sous le rapport de la respiration , tiennent le milieu entre ces deux classes d’animaux, leur sont aussi inter- médiaires sous le rapport de la chaleur. Il en est de même encore de la circulation , car la chaleur augmente quand la circulation se presse, diminue dans le cas contraire. Entin, on peut en dire autant, des nutritions qui arrachent toutes les parties au repos, et n’ont jamais lieu sans production de chaleur; des sécrétions, dont les organes sont des points continuels de fluxion. Ainsi, toute fonction peut être présentée comme cause de la chaleur. Ajoutons que dans les animaux, la tempéra- ture est en raison du nombre et de l’énergie des fonc- tions , et de la complication de l’organisation. Mais comment croire que des actes , aussi divers que ceux que nous venons d’énumérer , puissent amener un ré- sultat unique ? Les faits qu’on vient de rapporter prou- vent bien que chaque fonction modifie la chaleur, mais non qu’elle la produit. Enfin , à supposer queAa chaleur fût le résultat commun de toutes ces fonctions, la chaleur n’en aurait pas moins un appareil spécial , les systèmes capillaires des organes qui en sont les agens. Je crois qu'il faut admettre un appareil calorificateur. Alors quel est-il? On à émis ici deux opinions opposées. Selon les uns ,-le calorique est dégagé dans un seul lieu, d’où il est ensuite conduit , comme par des tuyaux de chaleur, dans toutes les parties du corps. Selon d’autres, 7 LA APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 499 toute partie du corps dégage son calorique et a sa tem- pérature spéciale. La première opinion a beaucoup de variantes : cha- que organe important, chaque fonction principale ont été tour à tour indiqués comme les foyers de la chaleur ; le cœur , le poumon , le cerveau, etc. 1° Nous trouvons d’abord la théorie des Anciens , qui placaient le siége de la chaleur dans le cœur ; le sang s’en chargeait dans ce viscère , el allait ensuite la dissé- miner dans toutes les parties. Hippocrate, parexemple ,/ disait qu’une chaleur innée, calidum innatum, était primitivement rassemblée dans le ventricule droit du cœur ; que les oreillettes ‘étaient des soufllets qui conduisaient l’air sur ce viscère pour en alimenter le foyer ; et qu’ensuite Le sang y puisoit le calorique pour aller le répandre en toutes les parties. Galien admettait de même une semblable chaleur , allumée dans le cœur par ce qu'il appelait dans sa mauväise physiologie l’es- prit implanté, entretenue par l’'humide radical , c’est- à-dire le sang, et ranimée par l'air de la respiration. On croyait qu’il y avait au dedans de nous un foyer embrasé ; la fumée de ce feu s’échappait par la trachée-artère. La respiration servait à rafraîchir le sang; la plus grande partie de la chaleur innée sortait avec l'air expiré, la plus petite partie seulement allait au ventricule gauche et de là à toutes les parties. Mais, que d’objections contre ce premier système ! le cœur devrait être plus chaud qu'aucune autre partie du corps, et même calciné, si en lui se dégageait tout le calorique que suppose la température du corps humain. Le sang devrait être plus chaud au delà du ventricule droit, dans l’artère pulmonaire , par exemple; et nous 494 FGNCTION DE LA CALORIFICATION. verrons que c’est le contraire quia lieu. Dans la théorie, on dit qu’une partie de la chaleur innée siégeant dans le cœur, esi rejelée avec l'air expiré, et qu'ainsi la respi- ration sert à rafraîchir le sang : mais alors pourquoi faire produire à grands frais de la chaleur dans le cœur, pour la dissiper ensuite ? Pourquoi , si la respiration ra- fraîchit le sang, ce fluide est-il plus chaud au sortir du poumon qu'avant d’y entrer? La température dans les animaux, au lieu d’être en raison de l’étendue de leur respiration, devrait être d’autant moindre que la respi- ration serait plus ample. D’ailleurs, pourquoi le sang se chargerait-il plus de la chaleur du cœur, que toutes les parties solides environnantes ? Celles-ci ne sont-elles pas de meilleures conductrices de ce principe ? et à ce titre ne devraient-elles pas être plus chaudes , et même calci- nées ? Dans cette théorie, comment expliquer les aug- mentations et diminutions locales de chaleur , pendant que la température reste la même dans les autres lieux du corps; par exemple, la chaleur extrême que déve- loppe une partie enflammée ? Enfin , toute cette théorie repose sur un fondement hypothétique , l'existence d’un foyer de chaleur innée dans le cœur : qui a vu ce foyer ? Qu'est-ce qui l’entretient , le produit ? Cette théorie est donc abandonnée aujourd’hui. Il en est de même de plusieurs plus modernes qui s’y rapportent; comme celle de Descartes, qui attribuait la chaleur à une ébullition du sang dans le cœur ; celle de Van-Helmont et de Sylvius Del-Boë, qui la faisait dé- pendre d’une effervescence du sang dans cet organe; celle de Vieussens qui en accusait une fermentation de ce fluide , etc. Ges théories ne diffèrent en effet de la première , qu’en ce qu’au lieu d'admettre dans le cœur APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 499 un foyer inné de chaleur, elles supposent un dégage- ment de calorique dans cet organe d’après les idées phy- siques et chimiques dutemps. Mais encore une fois ,ilest sûr qu’il ne se dégage pas dans le cœur , plus de calori- que qu'ailleurs. : 9° Vient ensuite l'hypothèse des chimistes modernes , qui placent le siége de la chaleur animale dans le pou- mon. Elle a varié autant que leur théorie de la respi- ration. Sans remonter à Mayow, quille premier l’a émise , voici comment Lavoisier et Séguin la présentèrent d’abord. L’oxigène de l'air inspiré se combine avec le carbone et l'hydrogène du sang veineux, et en effectue la com- bustion; étant dès lors solidifié , il dégage du calorique; et celui-ci absorbé par le sang va se répandre dans tout le corps. Les argumens sur lesquels on appuyait ce sys- ième , étaient : 1° l'assimilation que l’on avait faite de la respiration à une combustion; et comme cette dernière dégage évidemment du calorique , il devait en être de même de la première. 2° Le fait que le sang artériel est un peu plus chaud que le sang veineux. 5° Des expé- riences de Lavoisier et de M. Delaplace qui, plaçant dans le calorimètre des animaux , comparent la quan- tité de glace que ces animaux fondent, et par consé- quent la quantité de chaleur qu’ils dégagent , avec la quantité d’acide carbonique qu'ils produisent dans un même temps , et voient que la quantité de calorique qui résulterait de la quantité d’acide carbonique qui a été formée, est justement celle qu'ont dégagée ces ani- maux. 4° Des expériences de Brodie, Thillaye, Legal- lois, qui prouvent que lorsque sur des animaux on gêne la respiration, on voit dans la même proportion baisser 496 FONCTION DE LA CALORIFICATION, leur température. 5° Enfin, celte observation de phy- siologie comparée , que dans la série des animaux, l'é- lévation de la température est en raison de l'étendue de la respiration. Il est certain, en eflet, que les poissons qui ne respirent que de l'eau, et qui même, s’il faut en croire les dernières remarques de M. de Blainville, n’ont qu’une circulation simple, sont. des animaux à sang froid; qu'il en est de même des reptiles, bien que plusieurs respirent Pair, mais parce qu’ils ont une cir- culation simple; qu’au contraire, les mammifères qui ont une circulation double et qui respirent l'air, sont des animaux à sang chaud ; et qu’enfin les oiseaux, dont l'organe respiratoire n’est pas borné au thorax , mais s'étend dans l'abdomen , et selon quelques-uns dans les os, et qui à ce titre ont la respiration la plus éten- due, sont aussi de tous les animaux ceux qui ont la température la plus haute. Ce rapport de la respira- tion et de la calorification dans la généralité des ani- maux, se retrouve dans chacun dans la série des âges : pendant la vie fœtale où la respiration manque , les mam- mifères sont tous à sang froid; plusieurs le sont encore dans les premiers jours de leurnaissance ; et ce n’est que dans la même proportion que leur respiration prend de l'étendue , que la température.de leur corps devient plus forte. Dans cette théorie, du reste, on admet une opinion inverse de celle d'Hippocrate et des Anciens; au lieu de rafraîchir le sang, la respiration est l’action qui dégage le calorique. Sans doute , il est de nombreux rapports entre la res- piration et la chaleur animale; et à tous ceux que nous venons d'indiquer, on peut en ajouter d’autres encore qu’a signalés M. Edwards, et qui prouvent que la res; APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 497 piralion est , dans les animaux supérieurs et dans l’hom- me , liée à la calorification plus que toute autre fonction. Ainsi, les animaux supportent d'autant moins la privation d'air, qu'ils ont une température plus élevée; les æffets de l’asphyxie sont bien plus lents chez les animaux à sang froid, que chez ceux à sang chaud, et chez les jeunes animaux que chez les adultes. Ainsi, les animaux consomment dans leur respiration d’autant plus d’oxi- gène , qu'ils sont plus à sang chaud , et qu'ils approchent davantage de l’âge adulte. Enfin, M. Edwards a reconnu, qu’en même temps que les saisons modifient la calorifi- cation . elles modifient aussi la respiration: et que , si dans l'été on produit moins de chaleur, tandis qu’en hiver on en produit davantage , dans la première de ces saisons la respiration consomme moins d’oxigène que dans la seconde. Mais, malgré ces nombreux rapports, il est impossible d’admeitre l'hypothèse des chimistes sur la calorification. 1° Cette hypothèse repose sur la théorie chimique de la respiration ; et nous avons réfuté celle-ci. La respiration , en effet , n’est pas une combus- tion. L’oxigène sans doute sert à cette fonction : mais rien ne prouve qu'il y soit décomposé ; et surtout on est sûr qu'il ne concourt pas à former les matières excré- mentitielles qui sont rejetées dans la fonction. En un mot, la théorie chimique de la calorification reposant sur la solidification de l’oxigène , et cette solidification étant un fait plus que douteux, il s’ensuit que cette théorie pèche par sa base. Jamais, en agitant avec de V'oxigène une quantité de sang égale à celle que contient le corps humain, on ne produira toute la chaleur que manifeste ce dernier. 2° Les deux degrés de chaleur que manifeste de plus le sang artériel, sont bien peu de 9, 22 498 FONCTION DE LA CALORIFICATION: chose pour la température du corps humain. 5° M. Du- long répétant les expériences de Lavoisier et de Laplace, iendantes à comparer les quantités de calorique déga- gées par les animaux dans le calorimètre , avec celles qui résulteraient de l'acide carbonique formé pendant le même temps dans leur respiralion , n’est point arrivé à un résultat aussi heureux; il a toujours trouvé la quan- tité de calorique dégagée par les animaux , supérieure à | celle qui résulterait de la quantité d'acide carbonique formée ; et cependant ses expériences ont eu, Sur celles de Lavoisier , le double avantage d’être faites avec un appareil plus ingénieux , et d’être pratiquées sur un même animal. 4° L’affaiblissement qu'amènent dans la chaleur animale des troubles de la respiration, prouve bien un lien entre ces deux fonctions, mais non que celle-ci soit la source de celle-là : on peut l'expliquer en remarquant que c'est la respiration qui fait le sang artériel , et que c’est de ce sang artériel que provient le calorique dégagé, ou que ce fluide au moins est le sli- mulus obligé de l’action de la calorification. D'ailleurs, cet affaiblissement n’est pas un phénomène constant; les asphyxiés devraient être très - promptement froids , et, au contraire , leurs cadavres conservent long - temps la chaleur de la vie; dans les maladies du poumon , loin que la chaleur soit diminuée , elle est souvent augmen- tée ; dans ce qu’on appelle la maladie bleue , on devrait n'avoir que la température des reptiles , et cela n’est pas. 5e Les mêmes réflexions s'appliquent aux nombreux rapports qui se montrent entre la respiration et la calo- rification, tant dans les divers animaux que dans les di- vers âges. 6° Nous prouverons ci-après que la chaleur animale est dépendante d’une influence nerveuse ; qu'elle APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 499 "s'éteint en des cas où les centres nerveux sont lésés , bien que la respiration soit artificiellement entretenue , et que même alors elle s’éteint plus vite que si on n’en- trelenait pas cette fonction; de sorte qu'alors la respi- ration à réellement consumé du calorique, au lieu d’en produire. 7° Dans la théorie que nous combattons , une partie du calorique produit servirait, d’abord à échauffer l'air inspiré, puis à gazéifier l'acide cdfbonique et à va- poriser l’eau, qui résulteraient de la combustion du car- bone et de l'hydrogène du Sang , au moins à porter à la température animale la transpiration pulmonaire : or on à calculé qu’il en resterait irop peu pour l'entretien de la température ; généralement les procédés de la nature sont mieux combinés, et leurs résultats obtenus avec moins de perte. 8 Le poumon étant , dans l’hypo- thèse, le foyer du dégagement du calorique , quels se- raient les conducteurs qui se chargeraient de ce calorique pour le disséminer dans toutes les parties ? Dira-t-on que c'est le sang artériel ? mais il n’est que de’ deux degrés plus chaud que le sang veineux, et cela certainement n’est pas suflisant. Pourquoi d’ailleurs les autres parties en- vironnantes ne se chargeraient-elles pas de même de la propagation de ce fluide ? cependant elles ne sont pas plus chaudes que le reste du corps. Avec ce foyer local de chaleur , comment expliquer les inégalités de tempé- rature qui s’observent si souvent dans les diverses parties du corps humain, surtout dans les maladies? 9° Enfin , le poumon devrait être, non-seulement plus chaud que toute autre partie du Corps, mais même calciné. Les chimistes, à la vérité, ont cherché à prévenir cette dernière objection. Les uns ont dit que , si le pou- mon n'était pas brûlé, c’est que le calorique dégagé 52* 500 FONCTION DE LA CALORIFICATION:. était employé à vaporiser l’eau, et à gazcilier l'acide car bonique. Mais la matière de la transpiration cutanée n’est- elle pas vaporisée et gaztifiée, sans le secours de cecalo- | | rique artificiel ? Ilest de fait, en outre , que l'acide carbo- nique se condense sans dégagerde calorique; il doit donc se gazcifier sans en absorber. Enfin, si après la vaporis sation de la transpiration pulmonaire, ce qui reste du calorique dégagé par la respiration ne suflit pas, sinon! pour calciner le poumon, au moins pour le rendre un | peu plus chaud, à coup sûr ce reste ne pourra suilire | pour entretenir la température du corps humain. Les. autres ont transporté le siége de la combustion au-delà! du poumon , dans le cours dela circulation. Mais nous. avons prouvé dans le temps que l’hématose était effec-. tuée exclusivement dans le poumon, et que le sang ar, icriel restait identique dans tout son cours. Crawford à établi que le sang artériel a plus de capacité, pour le ca= lorique , que le sang veineux; que dès lors, au moment) où ce sang est fait dans la respiration , il s'empare du calorique qui a été dégagé lors de l’accomplissement de la fonction ; et qu’il ne le cède ensuite qu’à mesure que, dans les divers organes , il cesse d’être sang artériel et devient sang veineux. Mais d’abord Davy nie que le sang! artériel ait plus de capacité pour le calorique, que le sang veineux. En second lieu , la différence indiquée est peu, de chose comme 11,5, à 10. En troisième lieu, Craw- ford n’a pas tenu compte de la différence de capacité del l'air atmosphérique, et d’une vapeur aqueuse , Comme} l'est la transpiration pulmonaire; celle-ci est quarante- sept fois plus grande , et par conséquent absorberait et au-delà tout le calorique dégagé. Legallois, partant des données mêmes de Crawford, à fait voir par le calcul, | APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 901 ue le calorique dégagé par la respiration étant absorbé Bu , ne pourrait pas même constituer le sang arté- riel , et que le poumon , au lieu de courir le risque d’être calciné, serait menacé d’être congelé. Enfin, la théorie de Crawford n’est plus celle que nous combattons ; le calorique , en effet, y est dit être dégagé de toutes les parlies à la fois; le poumon n’est plus le foyer où se dé- gage ce calorique , mais seulement une des voies par lesquelles il est puisé au dehors. C’est, en effet, de cette manière seulement, que la respiration sert à la chaleur animale , et, à cause de cela, qu’elle est dans de certains rapports avec elle : elle est une des voies par lesquelles le calorique est puisé au dehors. Il faut bien, en effet, que ce calorique pro- vienne du dehors ; il est trop subül, pour qu'on ne le considère pas comme un élément; il répugnerait certai- nement à notre esprit de eroire qu'il se forme de toutes pièces dans l’économie. Dès lors il ne peut pénétrer que par celles de nos fonctions qui constituent des inges- tions , la digestion , la respiration , par exemple ; et celle- ci doit surtout remplir cet oflice , puisque l'aliment qu’elle saisit est un gaz, c'est-à-dire un corps qui con- tient beaucoup de calorique. 5° Enfin M. Prodie à Londres , et M. Chaussat à Ge- nève, ont eru pouvoir dériver la chaleur animale des centres nerveux, et cela, d’après les expériences sui- vantes. M. Brodie coupe la tête à un chien , après avoir pris la précaution de lier les vaisseaux du col, afin de prévenir toule hémorragie; et, pratiquant l’insufilation pulmonaire , il voit la température de l'animal baisser sraduellement , et cet abaissement amerer la mort, Comme la circulation a éontinué de se faire ,‘ainsi que 2 502 FONGTION DE LA CALORIFICATION. le montrent les battemens du cœur et du pouls ; qu'il en a été de même de l’hématose artérielle, puisque c’est du sang artériel qui se montrait dans les artères , il con- clut d’abord que ce ne sont pas ces fonctions qui entre- tiennent la chaleur , puisqu’alors la température de l’a- nimal n’aurait pas dû baisser. Cette conclusion lui paraît d'autant plus juste, qu’il n’observait aucun rapport entre le décroissement de la chaleur et l’état du pouls et des respirations; Ja chaleur baissait à partir du commencement de l'expérience , et le pouls ne com- mençait à s’altérer qu'après 55 minutes. Mais il y a plus: faisant la même expérience comparativement sur deux autres chiens, et abandonnant l’un sans lui pratiquer l’insufllation pulmonaire, pour qu’il n’y ait pas de res- piration, et ne la pratiquant chez l’autre qu'après avoir lié la base du cœur pour arrêter toute circulation , il voit l’abaissement de la température être moins prompt chez ce dernier , qui est sans circulation , et être encore plus tardif chez le premier qui n’a ni circulation ni respira- tion ; et dès lors il conclut : 1° que ces deux fonctions, circulation et respiration, non-seulement n’entretiennent pas la chaleur, mais même la dissipent ; 9° que, puisque la chaleur a diminué par le fait seul de la lésion des centres nerveux, c’est à l’action de ces centres et sur- tout de l’encéphale, qu'est dû son dégagement. M. Chaussat , d’après des expériences du même genre, veut préciser davantage quelle partie nerveuse préside au dégagement du calorique : 1° à l’aide d’une ouver- ture faite au crâne d’un animal , ce physiologiste coupe le cerveau au devant du pont de Varole, de manière à ce que la huitième paire de nerfs étant intacte, et la respiration se continuant naturellement , on n'ait pas APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 503 besoin de recourir à l’'insufilation pulmonaire. Dans cet animal mutilé ainsi , la respiration et la circulation con - ‘tinuent ; l’expérimentateur s’assure que c’est du sang ar- iériel qui circule dans les artères; et cependant, la tem- pérature de l'animal baisse graduellement ; de 4o degrés qu’elle était au commencement de l expérience , elle est tombée à 24 degrés en douze heures, époque à laquelle l'animal meurt. Il paraît évident à M. Chaussat, qu'à compter du moment de la section du cerveau , il ne s’est plus dégagé de chaleur, et que le corps s’est refroidi graduellement, comme il l’eût fait après la mort : bien plus , le temps où le refroidissement s’est fait le plus rapidement, est celui où la circulation était la plus ac- tive, c’est-à-dire le commencement de l'expérience. Si, au lieu d’expérimenter de cette manière, M. Chaussat paralysait l’action cérébrale par une forte commotion, ou en injectant une forte décoction d’opium par la veine jugulaire, en remplaçant alors la respiration par l’insuf- flation pulmonaire , les résultats étaient absolument les mêmes. Il conclut donc que le cerveau influe prochai- nement sur la production de la chaleur. IL s'agissait dès lors de savoir par quel intermédiaire , si c'était par Ja huitième paire , ou par la moelle spinale. 2° Il coupe les nerfs vagues à un chien; et, adaptant un tube à la trachée-artère pour que la respiration se connue , il voit néanmoins la température de l'animal baisser gra- duellement, et n’être plus, après soixante heures, épo- que à laquelle l'animal meurt, qu'à 20 degrés. L’ani- mal n’était pas mort d’asphyxie , car ses poumons étaient crépitans, sans aucune trace d'infiltration, et en partie pleins de sang artériel. Selon M. Chaussat, il'est mort de froid, et voici une nouvelle cause de mort ajoutée 204 FONCTION DE LA &EALORIFICATION. à toutes celles qu’ont accusées les nombreux expérimenr- iateurs qui ont fait la section ou la ligature de la hui- tième paire de nerfs. Cependant , comme dans cette expérience , l’abaissement moyen a été moindre que dans les précédentes, M. Chaussat pense qu'il s'est dégagé encore un peu de chaleur après la section de la huitième paire, tandis qu'il ne s’en était plus dégagé du tout après la lésion directe du cerveau, 5° Il coupe la moelle spinale sous locciput, et bien qu’il pratique l’insufflation pulmo- paire, il voit aussi la température de l’animal tomber gra- duellement, etla mort arriver après dix heures lorsqu'elle est baissée à 26 degrés. Gomme la mort arrive dans cette expérience , bien plus promptement que dans la précé- dente , il conclut que c'estplus par la moelle spinale, que par la huitième paire, que s’exerce l’influence du cerveau sur la production de la chaleur. 4° Enfin, comme lorsque la moelle spinale est coupée entre chacune des douze vertèbres dorsales, l’abaissement se montre d’autant moins rapide, que lopération est faite plus bas, et même paraît nul pour les dernières ; M. Chaussat pense que ce n’est point parelle-même, mais parle tri-splanch- pique qu’agit la moelle. Pour s’en assurer, il ouvre Fab- domen à un animal, à gauche , au-dessous de la dou- zième côte, el extirpe la capsule surrénale de ce côté. Dans cette opération , le tri-splanchnique est coupé au moment où ce nerf se jette dans le plexus semi-lunaire ; or, dans celte expérience , l’animal perd graduellement sa chaleur , et meurt après dix heures, dans le même degré de refroidissement que lorsque l’on avait coupé la moelle spinale sous l’occiput, Cependant, comme ici iln”y avait eu de coupé qu’un des nerfs tri-splanchniques. pour équivaloir à la section des deux, M. Chaussat fait L' 'h APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 503 » celle autre expérience : par une incision faite dans le dernier espace intercostal, tout près du rachis, il va lier l'aorte au-dessous du lieu où elle traverse l’arcade du diaphragme , et un tube est inséré dans la trachée- artère pour prévenir Fasphyxie : l'animal perd encore plus rapidement sa chaleur, et meurt après cinq heures. Dans tous ces cas, l’animal est , selon M. Chaussat, mort de froid ; l’action à laquelle il doit de renouveler le ca- lorique que lui soutire continuellement l’élément am- biant, ayant été rendue impossible. Pour avoir un terme de comparaison , il avait fait mourir de froid des ani- maux par une immersion prolongée dans l’eau froide, et il avait vu de même leur température baisser jus- qu’au degré qui est incompatible avec la vie, et qu'il dit être le 26° pour les animaux à sang chaud. Appelant l'attention sur les cas naturels de mort par congélation, il dit qu'évidemment le froid tue par l’épuisement des forces nerveuses , comme l'indique l’accroissement pro- gressif de la stupeur et de la débilité des principales fonctions de l’économie. Enfin, tuant tout à coup un animal, et étudiant la marche de son refroidissement après la mort, il a vu qu’elle était tout-à-fait la même que dans les cas où il avait lésé directement le cerveau, ou coupé sous locciput la moelle spinale ; ce qui l’a confirmé dans la pensée que dès lors il ne s'était plus dégagé de chaleur. Ces travaux, sans doute, sont utiles, comme prou- vant que la chaleur tient à une action vitale , et n’a pas sa base unique dans la respiration et la circulation , comme montrant surtout que la chaleur est dépendante d’une influence nerveuse. Il aurait suffi, pour l’assurer, de remarquer que la chaleur est toujours affaiblie dans 506 FONCTION DE LA CALORIFICATION. un membre paralytique , qu'elle est modifiée par les affections de l’âme. Mais pour cela le système nerveux en est-il l'appareil spécial? et le tri-splanchnique en est-il, comme le veut M. Chaussat, le foyér unique ? Alors ce nerf en serait l'organe sécréteur; mais ce se- rait toujours du sang qu'il la retirerait; et en recoit-il assez pour cet office? pourquoi ce nerf ne serait-il pas brûlé? comment expliquer, dans cette hypothèse, les diversités de température des diverses parties du corps, les échauffemens et refroidissemens partiels ? Toutes ces expériences prouvent seulement que , dans les animaux supérieurs, les nerfs agissent et sont nécessaires pour vivifier les organes calorificateurs , mais non qu'ils le sont eux-mêmes. Dans ces animaux supérieurs , trois fonctions sont indispensables à la vie, et rendent tous les organes tributaires de leur intégrité , la circulation , la respiration et l’innervation. On a donc pu leur ratta- cher plus ou moins tous les autres actes de la vie, jus- qu’à ce qu’on ait pu reconnaître que leur influence sur eux n’était qu'indirecte. On l’a fait surtout pour la ca- lorification , qui , quoique fonction dernière, leur est, en effet, plus soumise qu'aucune autre , surtout à l’in- nervation. Mais il aurait sufli, pour éviter cette faute, de réfléchir que cette puissance de calorification est commune à tous les êtres vivans , et que tous cependant n’ont pas de respiration, de circulation, ni de système nerveux : seulement, dans les animaux supérieurs aux- quels ces appareils sont surajoutés, ces appareils se subordonnent tous les actes de la vie, et leur sont plus ou moins nécessaires. Terminons ces discussions , en disant que nous ne re- connaissons pas de foyer local de calorilication , mais APPAREIL DE LA CALORIFICATION, 207 que nous admettons que toute partie du corps dégage elle-même la quantité de calorique de laquelle dépend sa température. C’est là la seconde théorie professée sur la chaleur animale. Ici nous trouvons deux nouvelles hypothèses : 1° Le calorique est dégagé dans tout le cours de la circulation par quelques causes mécaniques ou chimiques, selon l’idée que l’on se fait de la génération de la cha- leur dans la nature générale. Les diverses causes qui 5 amènent le dégagement du calorique dans la nature uni- verselle , ont, en effet , tour à tour été invoquées pour expliquer la production de la chaleur dans le corps vi- vant. Ainsi, les médecins physiciens du dernier siècle en accusaient la matière subtile des Cartésiens mise en mouvement par les actes de la vie: Sylvius Delboë et V'an- Helmont la disaient un produit des effervescences du sang et des humeurs ; Vieussens et Pringle l'attribuè- rent , le premier à une fermentation du sang, le second à une putréfaction de ce liquide; Borelli disait que le mouvement du cœur et des artères dégageait du sang un esprit, une matière ignée qui produit la chaleur; /10ff- man en assignait comme cause une agitation des par- ties sulfureuses du sang. On voit ici une application de toutes les mauvaises théories physiques et chimiques du temps. Parmi ces vains systèmes , il faut cependant dis- tinguer celui des mécaniciens, de Boërhaave et de Dou- glass : la chaleur est un produit des frottemens du sang contre les parois des vaisseaux, et des heurtemens des globules de ce liquide les uns contre les autres : on don- nait pour preuves, que la chaleur animale paraît être en raison directe de la vitesse de la circulation du sang , de la circonférence des vaisseaux, de l'étendue de leur 508 FONCTION DE LA CALORIFICATION. surface. Ainsi s’expliquait pourquoi la chaleur des par- ties décroît en raison de leur éloignement du cœur ; et si la respiration produit une chaleur si énorme, c’est que dans le poumon la cireulation est 43 fois plus rapide. Mais, indépendamment de toutes les objections qu’on peut faire à ces hypothèses surannées sur la formation de la chaleur, objections que nous tairons exprès, il est sûr que pendant quele sang circule dans les gros vaisseaux , il n’éprouve aucun de ces changemens chimiques aux- quels on veut attribuer le dégagement du calorique ; et quant à la théorie toute physique des mécaniciens et de Boërhaave, on peut répondre que physiquement jamais les frottemens des liquides ne produisent de cha- leur sensible, et que bien souvent la chaleur n’est pas en rapport avec la circulation. En vain Fabre, pour échapper à la première difficulté, a voulu faire dériver la chaleur des frottemens qui ont lieu entre les molé- cules mêmes des solides vivans; comme ces solides sont toujours baignés d’un liquide , ils ne pourraient pas da- vantage s’échauffer physiquement. On ne peut aussi ad- mettre l’idée de Douglass , qui avait transporté la théorie mécanique des frottemens des gros vaisseaux au système capillaire cutané, et qui faisait dériver la chaleur de la condensation et du relâchement alternatifs de ces capil- laires cutanés sous l'influence de la température atmo - sphérique. 9° Dans une seconde hypothèse, on admet que le ca- lorique est dégagé dans le parenchÿme de toute parte , par une action spéciale de ce parenchyme , sous la pré- sence du sang artériel , soit que celui-ci en fournisse les matériaux , soit qu'il agisse seulement comme stimulus , et sous une influence nerveuse : on admet quil est MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 509 exhalé dans ces parenchymes. Avec cette opinion , qui est celle qui, aujourd’hui est la plus cénéralement ad- mise , s'expliquent aisément , la diversité de chaleur des différentes parties du corps, les modifications que peut présenter localement la température, c’est-à-dire les échauffemens et refroidissemens partiels. Avec elle se conçoit la dépendance où est la chaleur d’une in- {luence nerveuse; et, comme alors, chaque partie dé- gage dans son parenchyme son calorique propre, de même qu'il avait effectué sa nutrition, on doit dire les calorifications , comme on dit les nutritions. Gette opinion adoptée, l'appareil de la calorificalion est le parenchyme nutritif des organes; el comme sa structure a été indiquée à la fonction précédente , nous pouvons passer aussitôt à l'étude physiologique de son action. CHAPITRE IL Mécanisme de la Calorification. Dans ce mécanisme, il faut étudier; d’abord l’action par laquelle les parenchymes dégagent le calorique qui fonde la température ; ensuite, les moyens divers par les- quels cette température reste la même, quelles que soient les variations du milieu ambiant, c’est-à-dire malgré tou- tes les influences de chaud etde froid. AnTicze [®. Action de Calorification proprement dite. C’est une action qui se passe dans les parenchymes des organes, mais qui, aussi moléculaire que celle de la 510 FONCTION DE LA CALORIFICATION, nutrition , ne peut pas plus être décrite, et n’est mani- festée que par ses résultats. Trois sortes de causes met- tent dans l’univers le calorique en évidence : des causes physiques , des causes chimiques, et la vie; certaine- ment quand les premières agissent , on ne voit pas com- ment le calorique se dégage; le changement qui se fait dans les corps est trop ténu pour être aperçu par les sens : or, ilenest de même, quand c’est la vie qui pro- duit le dégagement du calorique. Comment eneffet pour- rait-il en être autrement, puisque le calorique est un Îluide impondérable ? Ce n’est donc que par le résultat, que nous annonçons qu'il ÿ a une action des parenchy- mes, en vertu de laquelle est dégagé le calorique néces- saire à la température. Cette action est aussi impénétrable en son essence que toute autre , et l’on ne peut encore dire d’elle que ce qu’on a dit de toutes les autres actions de l’économie, que le parenchyme où elle a lieu n’est pas passif dans sa production, mais en est l'agent ; et que, ne pouvant être assimilée à aucune action physique ou chimique , elle doit être dite organique et vitale. 1° Le parenchyme des organes n’est pas passif dans laccomplissement de la calorification: et en effet , l'in= tégrité de ce parenchyme est une condition nécessaire pour que cette action se fasse bien, et toute modification dans la structure et la vitalité de ce parenchyme en en- traîne une coïncidente dans la calorification. Ainsi, ce parenchyme a une organisation un peu différente en chaque partie , et nous verrons ci-après que chaque par- te a aussi sa température propre. Ces parenchymes n’ont pas la même vitalité dans les divers âges, sexes, tem- péramens , dans les diverses espèces animales, et aussi =. MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 511 les calorifications de chacun d’eux se montrent différen- Les dans ces divers cas. Qu’uneirritation directe ou sym- pathique soit appliquée au système capillaire d’un or- gane, aussitôt la calorification en est modifiée : quand les parenchymes sont malades, n’y a-t-il pas état nou- veau dans leur température , froids ou chaleurs morbi- des ? la modification ne porte pas alors seulement sur le degré de la température, mais sur sa nature qui se ma- nifeste par des sensations d’un caractère particulier. Enfin , si on paralyse les parenchymes , en coupant ou liant les nerfs qui les vivifient, les artères qui leur ap- portenile sang, iln’y a plus déealorification , et la par- tie se refroidit. D'ailleurs , pour que le parenchyme des organes füt passif dans l’acte qui produit leur chaleur, il faudrait qu'il fût simplement le théâtre où se passe- raill’action physique ou chimique quelconque qui déga- geât le calorique : or, ou celle-ci serait primitive, et nous allons prouver tout à l’heure que cela n’est pas; ou elle serait le produit de quelque action vitale en elle- même , de la circulation capillaire, par exemple, de la nutrition , et comme c’est le parenchyme des organes qui est l’agent direct de ces organes, il le serait consé- quemment aussi de la calorification. 2° Cette action, qu'exerce évidemment le parenchyme de chaque organe pour sa calorification, quelle est-elle ? Ici nous devons discuter plusieurs théories, qui font de la calorification une suite irrésistible, et partant physi- que ou chimique, des autres fonctions organiques qui se passent dans les systèmes capillaires ou parenchymes nutritifs, savoir, circulations capillaires et nutritions, On a dit que, selon la mesure de la circulation capil- laire dans chaque organe , mesure qui était toute réglée 512 FONCTION DE LA CALOPIFICATION: par la vie , le calorique se dégageait mécaniquement dans les organes, par suite des frottemens qu'y subissait le sang. On expliquait dès lors les différences de la chaleur dans les diverses parties du corps par celles de la circu- lation capillaire , et les changemens locaux de tempéra- ture par les modifications qui surviennent dans cette même circulation capillaire. Il est certain qu’il y a un rapportentre la circulation capillaire et la calorification ; que le plus souvent il y a augmentation où diminution de chaleur, selon que la circulation capillaire se presse ou se ralentit : mais ce rapport ne peut-il pas tenir à ce que ces actions se passéfit aux mêmes lieux , reconnais- sent les mêmes agens, sont influencées par la même cause, sont intimement unies entre elles ? et prouve- t-il absolument que l’une de ces actions soit la suite for- cée de l’autre ? Tous les argumens que nous avons op- posés à la théorie physique de Boërhaave sur la produc- tion de la chaleur par les frottemens, se représentent ici pour montrer que , si la calorification est le résultat de la circulation capillaire, ce n’est pas physiquement que celle-ci amène le dégagement de calorique qui la constitue. D’autres ont voulu que le dégagement de calorique au- quel est dû la température du corps humain , fût un effet purement chimique des autres fonctions, et particuliè- rement des nutritions. Comme, dans la nature générale, toutes les fois que la matière éprouve une transforma- tion , change d'état , il y a absorption ou dégagement de calorique , et que la nutrition est une véritable transfor- mation de matière, Josse et Bichat ont fait de la calori- fication une dépendance toute chimique de la nutrition. Ainsi, le sang artériel, qui est la base de toute nutri- rs: C2 MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 519 tion, contient comme tout corps quelconque , parmi ses élémens composans , du calorique à l’état latent. Lors- qu'ensuite ce sang est par la nutrition changé dans la substance des organes, solidifié, comme il passe alors de l’état liquide à l'état solide , il dégage du calorique ; et ce calorique est la source de la température de la par- tie. Dans cette hypothèse, la température est bien dé- pendante de l'état de vie, puisque c’est celui-ci qui dé- cide les nutritions; mais elle est un produit purement chimique de ces nutritions; et, comme ces nutritions sont diverses en chaque organe, il en est de même des calorifications. Des physiologistes ont étendu ce pouvoir de produire de la chaleur à toutes les fonctions qui ont pour but d'élaborer une matière , à la digestion , aux sé- crétions , et même à tous les mouvemens vitaux profonds, admettant que ceux-ci entraînaient quelques combinai- sons chimiques nouvelles dans la matière des organes. Nous n’avons rien à opposer à cette dernière partie de la théorie , sinon qu’elle est une conjecture qui n’est que vraisemblable ; mais l'hypothèse, bornée à la nutrition, nous paraît encore inadmissible. Rien ne prouve en effet un rapport entre la nutrition et la calorification ; il est au moins moins marqué qu'avec la circulation capillaire ; souvent la calorification se modifie sans que la nutrition soit changée , dans les affections morales, par exemple; à supposer que ce rapport existe , on peut l’expliquer en observant que ces actions se passent aux mêmes lieux, et sont exécutées par les mêmes agens; et certainement il ne prouve pas absolument que l’une de ces actions soit une suite chimique, et partant forcée de l’autre. Dira- t-on que le mouvement de composition doit dégager du calorique , parce que le sang y est solidifié ? mais le mou- 3. 35 514 FONCTION DE LA CALORIFICATION. vement de décomposition doit à son tour en absorber, puisque les organes y sont fluidifiés ; et la compensation étant ainsifaite , la température ne devrait pas être entre- tenue. D’après cette théorie, les alimens liquides , com- me plus riches en calorique, devraient plus échauffer que les alimens solides ; on devrait y recourir de préféren- ce, ou au moins en manger plus dans les paysfroids , les saisons froides ; les gros mangeurs devraient avoir une température plus élevée : rien de tout cela n’est vrai, et contredit d'autant l'hypothèse. Nous récuserons de même le système de Crawford, qui établit que lesang artériel, au moment où il à été fait dans le poumon, s’est pénétré de tout le calorique qui a été dégagé à l’occasion de la respiration , et cela parce que ce sang a une très-grande capacité pour le calorique ; et qu’ensuite ce sang l’a dégagé dans les organes, à me- sure qu'il a été employé aux nutritions , et est redevenu veineux. Davy , en effet, nie que le sang artériel ait pour le calorique une capacité plus grande que le sang vei-. peux ; et en admettant cette différence , elle est trop peu de chose pour alimenter la température du corps hu- main. Îl n’y a de vraisemblable dans cette théorie , que la dernière partie, c’est-à-dire que c’est du sang artériel que provient le calorique dégagé; mais nous avons déjà réfuté tout ce qui est relatif à la première , c’est-à-dire à la manière dont le sang artériel avait acquis son calori- que dans la respiration. Quelle que soit l’action physique ou chimique générale, à laquelle on veuille rapporter l’action des parenchy- mes pour la calorification, on n’en trouve dans l’état ac- tuel de la science aucune qui convienne ; et en attendant qu’on soit plus heureux, on est obligé de dire cette action MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. Di organique et vitale. Ge que l’on peut assurer seulement , c’est que 1° celte action de calorification, quoique placée comme la nutrition aux derniers termes de l’assimilation. est dans l’homme et les animaux supérieurs, très-dépen - dante d’une influence nerveuse: la facilité avec laquelle la chaleur du corps se modifie dans les affections mora . les, et les expériences de Brodie et Chaussat dont nous avons parlé plus haut, le prouvent. 2° Que c’est du sang artériel que le calorique est dégagé, ce sang étant la substance où les parenchymes puisent pour leur calori- fication, comme il était déjà celle où ils puisaient pour leur nutrition. Arrêtez en effet la circulation artérielle dans un membre, il se glace: diminuez la quantité de sang artériel qui doit lui parvenir, vous voyez dans la même proportion baisser sa température. La calorifica- tion, enfin , paraît être de toutes les fonctions qui se pas- sent dans les systèmes capillaires, celle qui a le plus d'influence sur le changement du sang artériel en sang veineux. Arrêtons-nous un moment sur cette dernière proposition. Nous avons déjà dit que cinq fonctions qui se passent dans les systèmes capillaires, pouvaient également être considérées comme concourant à la formation du sang veineux ; savoir : la circulation capillaire , la solidifica- tion du sang artériel pour la composition des parties , l'absorption de décomposition, les sécrétions et l'acte de la calorification. Les auteurs ne s’expliquent pas sur la question de savoir si quelques-unes de ces actions seu- les font le sang veineux , ou si toutes y concourent. Ils se contentent de dire que , consécutivement aux élabo- rations que subit le song artériel dans les parenchymes, soit pour la nutrition et la calorification des parties , soit 53* 516 FONCTION DE LA CALORIFICATION: pour leur stimulation , il est changé en sang veineux. H est difficile , en effet, d’aller par des faits au-delà de cette généralité. Cependant, voici quelques réflexions relatives à cette question. La cireulation capillaire ne doit pas par elle-même faire le sang veineux : elle ne peut con- courir à sa formation qu'indirectement , en influant sur les actes de nutrition et de calorification. Nous en dirons autant des sécrétions : ces sécrétions sont bornées à quelques parties, et il n’y à qu'une action générale à tous les organes qui peut changer le sang artériel en vei- neux. À l’article de la composition de nos parties , nous avons dit qu’il était possible que cet acte ne fit que con- sommer plus ou moins de sang artériel , mais sans le changer en veineux. Îl est possible aussi que l’absorption décomposante ne fasse qu'y verser ses produits. Reste l'action de calorification, et plusieurs raisons militent pour faire conjecturer qu’elle y a la plus grande part. Re- marquons , en effet , que dans son retour des parties aux poumons , le sang veineux recouvre deux sortes de sub- stances , le chyle et l'oxigène : il est dès lors probable que le sang artériel fait dans les systèmes capillaires deux sortes de pertes : l’une plus matérielle, qui n’a pas besoin d’être réparée aussitôt , à laquelle remédie le chyle; et l’autre , plus subtile, demandant à être répa= rée instantanément, et l’étant par l'oxigène. Une pre: mière vue porte à croire que la nutrition est ce qui a déterminé la première de ces pertes; il ne resterait COn- séquemment que la calorification pour correspondre à la seconde. Or voici des faits qui appuient cette dernière manière de voir. Gertainement la formation du sang vei- neux dans les systèmes capillaires du corps, est une action inverse de la formation du sang artériel dans les MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 517 systèmes capillaires du poumon ; et dès lors il doit y avoir quelques rapports entre l’action des systèmes ca- pillaires du corps qui fait le sang veineux, quelle que soit cette action, et la respiration qui fait le sang artériel. Or, de toutes les actions qui se passent dans les sysiè- mes capillaires du corps, aucune n’a des liens plus inti- mes avec la respiration que la calorification. Nous avons déjà indiqué ces liens : rappelons-les encore. Dans la généralité des animaux, la température est d’autant plus élevée, que la respiration est plus étendue. Dans un même animal, la température est en raison de l’étendue de sa respiration. Ainsi les fœtus des animaux à sang chaud n’ont pas encore de respiration proprement dite , et aussi est-ce par des secours étrangers qu'ils sont maintenus à la température de leurs mères : à leur nais- sance , la respiration est chez beaucoup d’entre eux in- complète encore; aussi, pendant plus ou moins de temps encore, sont-ils animaux à sang froid : enfin, dans la série des âges , la respiration va en augmentant d’étendue de la naissance à l’âge adulte , et coïncidemment aussi s’'augmente de la même manière la température. Si l’on entrave la respiration dans un animal , on fait baisser sa chaleur. Les animaux, dans leur respiration , consom- ment d'autant plus d’oxigène, qu’ils ont une température plus élevée; et d’autre part, ils supportent d’autant moins la privation d’air, qu'ils sont plus animaux à sang chaud, Les saisons enfin qui modifient à la longue la calorification, modifient aussi la respiration; et si, par une heureuse harmonie , la puissance que nous avons de produire de la chaleur est moindre en été qu’en hiver (expériences de M. Edwards), en été aussi nous con- sommons moins d'oxigène qu’en hiver. Gertes, on ne 518 FONCTION DE LA CALORIFICATION. peut trouver plus de rapports entre deux fonctions : et que de présomption dès lors pour croire que l’une , la calorification , emploie le sang artériel, que l’autre, la respiration , à fait ! à moins que cesang artériel ne dé- pose dans les organes un stimulus qui y soit le moteur de tous les actes vitaux , et que son action ne soit ac- compagnée d’un dégagement de chaleur, ce qui, du reste, reviendrait au même pour la question que nous agitons. Ajoutons que l’action de nutrition , de laquelle on peut aussi faire dériver le sang veineux , est peut-être peu de chose à chaque instant dans chaque organe, sur- tout n’est pas la même en chacun d’eux : et ce sont là des phénomènes qui ne s'accordent, ni avec la promp- titude avec laquelle se fait le sang veineux, ni avec l’i- dentité de ce fluide : tandis que le dégagement dans les organes du calorique, ou d’un stimulus spécial, est un même phénomène qui doit naturellement donner nais- sance à un même produit. Ainsi donc, c’est du sang artériel qu’est dégagé dans les parenchymes le calorique duquel dépend notre tem- pérature , soit par une action spéciale de ces parenchy- mes sur ce sang, soit consécutivement à l'influence inconnue qu'exercerait ce fluide sur les parties, pour leur faire produire les mouvemens vitaux. Dès lors la respiration n’est plus la fonction qui dégage le calorique, mais celle qui fait le fluide organique duquel il est dé- gagé, ou à l’occasion duquel s’en fait le dégagement. Le siége de la chaleur est , non le système capillaire du poumon , mais les systèmes capillaires du corps : tout ce qui modifiera ces systèmes fera changer la chaleur. Ainsi s'expliquent aisément toutes les variétés locales de température; etsi, par exemple, on voit dans les MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 919 morts accidentelles la chaleur persister encore quelque temps dans le cadavre , c’est parce que dans ces morts les systèmes capillaires sont les parties du corps qui meurent les dernières. Mais, puisque la calorification est le fait de l’action de chaque parenchyme, on conçoit qu’elle doit être diffé- rente en chaque partie, puisque chaque parenchyme a une vitalité différente. Les expériences relatives à ce point de doctrine sont, à la vérité, peu faciles; car, d’une part, comme nos divers organes sont bons con- ducteurs du calorique , la température de l’un est bien- tôt partagée par celui qui l’avoisine; et, d’autre part, il y a toujours l'influence du milieu ambiant , et qui est plus sensible sur les parties externes que sur les internes. Cependant, celles qui ont été faites ont sufli pour justifier ce que la théorie annonçait à cet égard. Chopart et Dessault ont trouvé la chaleur, de 30 degrés au rectum, de °8 et demi aux aisselles et aux aines recouvertes de vêtemens , et de 26 trois quarts à la poitrine. Davy, ex- périmentant sur un homme nu et sortant du lit, a trouvé 90 degrés au milieu de la plante du pied, 95 entre la malléole interne et le tendon d’Achille, 91,5 sur le mi- lieu du tibia ; 95 sur le mollet, 95 au creux du jarret, 91 au milieu de la cuisse, 96,5 au pli de l’aine; 99 à trois lignes au-dessous de l’ombilic ; 94 à la sixième côte à gauche , 95 à la sixième à droite, et 98 sous l’aisselle. MM. Edwards et Gentil, opérant sur un homme fort , dans l’âge adulte, onttrouvé 51 degrés au rectum et dans la bouche, 30 aux mains, 29 un quart aux aisselles et aux aines; 28 trois quarts aux joues, 28 et demi au prépuce et aux pieds , 28 à la poitrine et à l'abdomen. de conviens que, dans toutes ces expériences, il n’est ques- 520 FONCTION DE LA CALORIFICA TION. tion que des parties extérieures sur lesquelles agit inéga- lement l’élément ambiant ; mais en voici d’autres, pour juger l’état des parties intérieures. Davy tue le plus vite possible un veau , et place successivement le ther- momètre dans les diverses parties de son corps ; le sang de la veine jugulaire accuse 105,5 ; celui de l'artère carotide 107; le rectum 105,5; le métatarse 97: le tarse 00 ; le genou 102 ; la tête du fémur 105; l’aine 104 ; le dessous du foie 106 ; la substance de cet organe 106 ; celle du poumon 106,5; le ventricule gauche 107; le ventricule droit 106; la substance du cerveau 104. D'ailleurs , à défaut de ces expériences, il suflirait des maladies et des chaleurs sympathiques. N’est-il pas évi- dent que chaque système , quand il est frappé de la même maladie , d’une inflammation , par exemple, dé- veloppe une chaleur, qui est spéciale sous le rapport de son intensité et de son caractère ? N'est-ce pas là une preuve que chacun a , en santé, sa température propre ? de même chaque partie ne répond-elle pas à une in- fluence sympathique par le développement d’une cha- leur spéciale? Enfin , combien il est fréquent de voir des changemens dans la température survenir dans une partie seulement ! Souvent la chaleur augmente dans un organe , par cela seul qu’il se livre à l’exercice de sa fonction : c’est ce qui arrive aux organes génitaux, par exemple ; et ces variations ne portent pas seulement sur l'intensité de la chaleur, mais sur son caractère. Concluons donc, que chaque partie a sa température propre , et que de la réunion de toutes ces tempéra- tures résulte celle générale de 29 à 30 degrés , que nous avons assignée à l’homme. Les parties du corps de l’homme sont, en effet, conductrices du calorique, et MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 521 la chaleur que chacune dégage s’étend de l’une à l’autre. Si on plonge une main dans de l’eau chaude , non-seu- lement cette main s’échauffe, mais tout le corps : si on plonge une main dans de l’eau froide, par cette main aussi tout le corps se refroidit. Ges faits prouvent que le calorique a circulé d’une partie à l’autre. Dans les iné- galités de chaleur que présentent les parlies du corps , il paraît que la froideur est en raison de leur éloigne- ment du cœur, de la moindre quantité de sang qui les pénètre , et de la grandeur de la surface qu’elles pré- sentent à l'élément ambiant ; les pieds et les mains, par exemple , qui sont assez froids, Le seraient encore da- vantage, s’ils recevaient moins de sang : mais nous allons revenir là-dessus ci-après. Selon Davy, le sang artériel est plus chaud d’un demi-degré que le sang veineux. ArTicse Il. Maintien de la Température de l'Homme. Non-seulement l’homme dégage, par une action qui Jui est propre et qui dépend de sa vie, le calorique d’où dépend sa température ; mais encore il se maintient jus- qu’à un certain point au même degré, au milieu des tem- pératures des corps ambians, résistant également au froid et au chaud. 1° Résistance au froid. D'abord , l’homme résiste au froid ; c’est ce que montre l'observation la plus vulgaire, car il est généralement plongé dans un milieu d’une température très- inférieure à la sienne. Sans doute du calorique lui est alors soutiré par l'air et les corps am- bians , comme le prouve l’échauflement de cet air et de ces corps; mais il ne tombe pas pour cela à leur niveau 522 FONCTION DE LA CALORIFICATION. et reste à sa température propre. Plusieurs causes con- courent à ce résultat. D'abord , l'action de calorification est monlée primitivement , au point convenable pour subvenir à cette dépense continuelle de calorique , et renouveler ce fluide à mesure qu'il est dissipé. Ensuite , la nature a fait mauvais conducteurs du calorique les parties conslituantes du corps humain, et surtout ses enveloppes, la peau et ses dépendances. À la vérité , l’homme est, à cet égard, moins bien partagé que beaucoup d’animaux ; sa peau est nue, et ne fonde pas, contre les influences de la température extérieure, une barrière aussi bonne que chez les animaux où cette membrane est couverte de poils, de plumes ; mais elle n’en constitue pas moins un vêtement naturel, qui sert à le défendre du froid : cela est vrai surtout de la couche de graisse qui est en dessous de cette membrane. Il n’est pas possible de nier l'usage que nous assignons ici aux tégumens , quand on voit les animaux destinés à habiter les pays du nord , munis d’épaisses fourrures, et chargés d’une graisse sous-cutanée abondante. En troisième lieu , l’homme recourt à certains secours physiques , comme à des vête- mens arlificiels qui fixent à la surface de son corps une même atmosphère d’air , laquelle bientôt échauflée par lui, ne lui laisse plus éprouver l'impression du froid ; comme au feu artificiel qui échauffe l’élément ambiant , et fournit même directement du calorique à ses organes. Il est peu d’animaux qui n’aient aussi recours à quelques moyens artiliciels pour se défendre du froid : mais, par les raisons que nous avons déjà présentées tant de fois, cela est plus vrai de l’homme que de tont autre, Get êlre aussi à soin de se placer dans des positions telles, qu'il offre le moins de surface possible au contact de MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 525 l'air extérieur, et, qu’au contraire , ses diverses parties se touchent afin de mieux s’échauffer réciproquement. Ce sont, en effet, les parties du corps qui sont les plus isolées des autres ,etqui ontles rapports les plus immédiats et les plus étendus avec l'atmosphère dans laquelle nous sommes plongés , qui manifestent les premières les im- pressions du froid: savoir : les pieds, les mains, les oreilles, le nez, etc. Enfin, l’homme active alors sa fonction de calorification par diverses influences orga- niques , comme les mouvemens , la digestion, tout ce qui excite la circulation générale : qui ne sait qu'on sup- porte mieux le froid , quand on à de bons alimens dans l'estomac, et quand, résistant à un engourdissement perfide, on se livre à l’exercice ? Par ces divers moyens , non-seulement l’homme con- serve chaque jour sa température dans un milieu plus froid que lui, mais encore il résiste à des froids très- intenses : il vit, en effet , en hiver comme dans l'été, dans les régions polaires comme dans les régions équa- toriales , et certaines professions le condamnent aux im- pressions continuelles d’un grand froid. Seulement , il est plus nécessaire encore dans ces derniers cas de sou- tenir l’action de calorification par l’influence de bons alimens , de l'exercice, du courage moral, et de dimi- nuer son service par l'emploi des vêlemens , du feu , el autres secours artificiels. Il faut reconnaître que l'in- telligence de l’homme et son industrie , ont aussi une grande part à la puissance qu'il développe sous ce rap- port. Cependant, cette puissance de l’homme de résister au froid ne s’étend qu’à une certaine fimite : à un certain degré, l’action de calorification ne peut plus suffire à 22/4 FONCTION DE LA CALORIFICATION. renouveler le calorique qui est soutiré: quelques parties du corps commencent à se congeler , la température du corps baisse , et quand elle est tombée à 26 degrés à peu près , la mort arrive. Ce sont les parties les plus éloignées des organes centraux , les moins vivantes, qui recoivent le moins de sang , et qui offrent le plus depoints de contact avec l'élément ambiant, qui sont congelées les premières. Cette congélation , du reste, n'arrive que tardivement, et est précédée d’un état organique parti- culier , qui n’est pas tout-à-fait la mort, mais qui est au moins la suspension de la vie. Le froid paraît tuer par l’épuisement des forces nerveuses , à juger par l’accrois- sement progressif de la stupeur et de la débilité dans lesquelles on tombe , et par le sommeil trompeur et fu- neste qui vous saisit en cette circonstance. Nous n’avons pas besoin de dire, que la résistance qu’on oppose à cette impression de froid est en raison de l'énergie de la vie; qu'elle est moindre, par exemple, chez les vieillards, les convalescens , les gens faibles , etc. Alors éclatent les sensations factiles de froid, dont nous avons parlé dans le temps, et qui surviennent également, soit que le mi- lieu ambiant devenu tout à coup plus froid soutire da- vantage de calorique, soit que ce milieu restant le même , la vie soit affaiblie et effectue une calorification moins énergique. 2° Résistance au chaud. Gomme il est fort rare que l'homme soit exposé à un milieu d’une température, non- seulement supérieure , mais égale à la sienne , Boérhaave croyait que si ces cas se rencontraient, le plus souvent cet être ne pourrait pas continuer de vivre. Mais cela n'est pas : Franklin le premier remarqua qu’un jour que la température extérieure était de quatre degrés MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 5295 supérieure à celle du corps humain, la sienne n'avait pas changé, et était dès lors inférieure à celle du milieu ambiant; et depuis lors, on a reconnu dans beaucoup de cas que l’homme résiste à des chauds assez intenses aussi bien qu'aux froids. Nous en avons rapporté plus haut de nombreux exemples. Déjà , en 1748, Linnings avait vu la température extérieure être à Charles-Town supérieure à celle du corps humain; et Adanson avait fait la même remarque au Sénégal , et Ellis, en Georgie. En 1760, Duhamel vit une fille supporter dix minutes la chaleur d’un four chaud à 119°. Enfin, en 1779 , Fordyce, Banks , Blagden, Solander à Londres,et Dob- son à Liverpool, et en 1806, MM. Berger et Delaroche à Paris, firent des expériences à ce sujet, et supportè- rent, pendant dix minutes et plus, des chaleurs de 100 à 115 degrés. Sans doute alors le calorique tend à pé- nétrer le corps de l’homme; ce qui le prouve, c’est que les objets que le corps touche se refroïdissent ; mais l’homme n’en reste pas moins à sa température propre ; du moins cette température ne s’est élevée que d’un à deux degrés dans les expériences des Anglais , et de trois à quatre au plus dans celles de MM. Berger et Delaroche. Il s’agit encore d'indiquer quelles causes amènent ce résultat. Ces causes sont multiples aussi. D'abord , il est pro- bable que de même que dans les conditions de froid l'action de calorification avait redoublé d’activité, ici elle a diminué, étant moins sollicitée par l’élément ex- térieur. En second lieu, il y a l'influence de la peau, qui mauvaise conductrice du calorique s'oppose un peu à l'introduction de ce fluide : cependant ceci est moins marqué en nous qu’en beaucoup d’autres animaux. En 526 FONCTION DE LA CALORIFICATION. troisième lieu , l’homme alors recourt aussi à beaucoup de moyens artificiels de refroidissement ; il use de vête- temens qui le défendent ; dans leurs expériences , For- dyce et autres souffraient plus nus qu'habillés; et T'illet et Blagden ont vérifié le fait par des expériences sur des animaux. Îl se soumet continuellement au contact d’un air frais et de corps ‘froids ; il renouvelle sans cesse le premier en l’agitant. Il prend des positions telles que ses parties cessent de se toucher , et sont , au contraire , dans des contacts multipliés avec l'air. Il s’abstient de tous mouvemens et de tous actes orga- niques propres à exciter l’action de la calorification. Enfin, son intelligence et son industrie ne sont pas moins employées que pour échapper au froid. Mais il paraît qu’en outre il a en lui une cause physique de refroidis- sement , savoir, l’évaporation des perspirations cutanée et pulmonaire. Franklin est le premier qui ait eu cette idée. Un jour que la chaleur extérieure était plus forte que celle du corps humain , il remarqua que sa peau lui paraissait plus fraîche que les autres corps, son pu- pitre , par exemple; il en accusa son état de sueur; et, réfléchissant que toujours la sueur coule en abondance quand on est exposé à une forte chaleur, il conjectura que celte évacuation servait à absorber, en se volatilisant, une certaine quantité de calorique au corps, et était le moyen de réfrigération du corps. Il assimila le corps humain transpirant à ces vases dits alcarazas, qui, laissant suinter à travers leurs parois des gouttes du li- quide qu'ils contiennent , conservent ce liquide frais , si on les expose au soleil, qui vaporise la partie du fluide qui à transsudé. La transpiration lui parut agir dans le corps humain, comme le fait cette portion de liquide MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 927 qui transsude dans ces alcarazas. Il invoqua lexemple des éponges mouillées, qui s’échauffent moins que tous les autres corps, probablement aussi parce que la va- porisation d’une partie de l’eau qui les mouille absorbe une partie de leur calorique. Gertes, on ne pouvait qu'être séduit par cette application physique, dont on pourrait citer encore d’autres exemples; mais ce n’était néanmoins qu’une conjecture qu'il fallait chercher à dé- montrer. Fordyce crut y parvenir, en soumettant à la même étuve dans laquelle il pénétrait ,une bouteille pleine d’une eau ayant la température du corps humain: et il dit que, si celle-ci ne gardait pas sa température à l'instar de lui, c’est qu’elle n’était pas, comme lui, le siége d’une transpiration continuelle. I est certain qu’en couvrant d’un enduit imperméable un alcarazas , et en prévenant ainsi la transsudation qui se fait à sa surface, on voit le liquide qui est contenu dans son intérieur s’échauffer. Cependant la démonstration n’était pas en- core rigoureuse. MM. Berger et Delaroche firent mieux. D'un côté, dans une étuve chaude de 50 à 60 degrés, ils laissèrent, pendant deux heures, une grenouille , un alcarazas plein d’eau portée à la chaleur animale, et deux éponges imbibées de la même eau, et ils virent la grenouille acquérir une température de 57 degrés, et ces corps y persister ensuite également. Ayant substitué à une grenouille un lapin, le résultat fut le même, et par- tant plus frappant. D'un autre côté , ayant placé des ani- maux dans une atmosphère chaude, tellement saturée d'humidité qu'aucune vaporisation ne pouvait s’y pro- duire ; ils ont vu les animaux être pénétrés par le ca- lorique, et leur température s'élever; tandis que, par com- paraison des corps inertes , mais, évaporables , placés dans une étuve sèche, ne s’échauflaient pas , ou beau- 528 FONCTION DE LA CALORIFICATION. coup moins que des animaux à sang chaud. Ges expéri- mentateurs cherchèrent même à supprimer en eux toute transpiration, en s’enduisant, avant d’entrer dans l’étuve, d’un vernis à l'esprit de vin; mais leur expérience fut sans résultats, probablement parce qu'ils ne purent ar- rêter la transpiration pulmonaire : du moins il est cer- tain qu'ils avaient perdu autant que s'ils n’avaient pas eu recours au vernis , comme ils s’en convainquirent en se pesant avant et après l'expérience. La proposition de Franklin est donc aujourd’hui généralement approuvée. Tels sont les moyens par lesquels l'homme se main- tient à sa température propre , malgré les impressions d’une chaleur supérieure. Gependant sa puissance à cet égard ne s'étend aussi que jusqu’à un certain point : à un certain degré , l’action transpiratoire ne suflit plus, la température générale de l'individu s'élève , et la mort arrive ; celle-ci vient quand la température s’est élevée de 6 à 7 degrés; cette époque est la même pour tous les animaux. Voici les phénomènes que l’on observe : l’homme, dans les étuves , éprouvait de la cuisson à di- verses régions de la peau, aux paupières, aux narines , aux mamelons du sein : la peau rougissait, le pouls s’accélérait, ses battemens s’élevaient à 160 et plus; après quelques minutes, la peau ruisselait de sueur , il survenait une anxiété générale, une grande gêne de la respiration, de la céphalalgie, des étourdissemens et même des syncopes; il fallait cesser l'expérience : le - corps avait perdu par la sueur 250 à 500 grammes de son poids. Si on expérimentait sur des animaux , et qu'on les abandonnât dans l’étuve jusqu’à la mort, à l’exa- men du cadavre, on trouvait une extinction absolue de toute irritabilité, et une tendance fort grande à la putréfaction. L'air chaud sec était supporté plus long- MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 529 temps que l'air chaud humide. Ce qu’on perdait en poids par la transpiration , était d’autant plus considéra- ble que la chaleur était plus grande, et c'était plus fort dans l’air humide que dans l'air chaud. En général , l'homme résiste plus au froid qu'au chaud. La résistance, comme on le concoit, est aussi en raison de l'énergie de la vie ; elle est moindre dans le vieillard, le conva- lescent, l’homme faible : c’est alors que sont éprouvées les sensations de chaleur. Rappelons, en effet, ce que nous avons dit à l’histoire du tact, que l'homme n’est Jamais sans éprouver des sensations de froid ou de chaud : ces sensations se succèdent sans cesse les unes aux au- tres, selon les variations du milieu ambiant et de l’éner- gie vitale : il est pour chacun un état moyen au-dessus ou au-dessous duquel on a chaud ou froid ; à cet égard chacun a sa constitution propre et ses habitudes. Quand on recoit une impression de froid, si elle est extrême , elle est aussitôt sédative, stupéfiante ; mais si elle est modérée, l’engourdissement qu’elle cause est bientôt suivi d’un redoublement d’activité, d’une réac- tion : la partie qui en est Le siége fait éprouver alors une sensation de chaleur marquée; à juger par cette sensa- tion, on croirait que cette partie est alors à une tempé- rature supérieure à celle qu’elle avait d’abord; mais ce n’est qu’une illusion qui tient à la vitesse avec laquelle la chaleur se rétablit dans la partie refroidie; la tempéra- ture est moindre qu’elle n’était d’abord : si l’on fait re- froidir une de ses mains dans la neige, el qu’ensuite, lorsque la réaction étant arrivée, elle paraît brûlante , on l’applique à l’autre main qui est dans son état ordi : paire, celle-çi en juge très-bien le refroidissement. 3. 54 530 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. SECTION VIT Fonction des Sécrétions. Ex même temps que le sang artériel est dans toutes les parties du corps humain employé à la nutrition et à l'entretien de la chaleur, il sert dans certains organes à la formation de diverses humeurs, et c’est cet emploi, dont nous avons à traiter maintenant, qui fonde ce qu'on appelle la fonction des sécrétions. En effet , c’est le sang qui fournit les matériaux de tous les fluides sécrétés , et même c’est le sang artériel : iln’y a de doutes à cet égard que pour la bile et la perspiration pulmonaire. Cette fonction des sécrétions peut être définie celle par laquelle certains organes des corps vivans , €eux qu'on appelle sécréleurs , fabriquent , avec le fluide nu- ! iritif général, la sève chez les végétaux , le sang chez les animaux , différentes humeurs qui n’existaient pas pri- mitivement dans ce fluide , et qui remplissent dans l’é- conomie de ces êtres beaucoup d’usages différens. C’est une des fonctions les plus générales de la nature orga- nisée, qui existe chez les végétaux et les animaux comme chez l'homme , et qui, chez la plupart de ces êtres , est multiple. Dans le corps humain, par exemple, il est certain qu'il y a plusieurs sécrétions, qu'il existe plu- sieurs organes sécréleurs qui fabriquent, chacun avec le sang, leur humeur propre. À cause de cela, nous allons partager son histoire en deux chapitres : l’un dans lequel nous traiterons de la sécrétion en général , et un x DES ORGANES SÉCRÉTEURS EN GÉNÉRAL. 531 autre dans lequel nous parlerons de chaque sécrétion en particulier. CHAPITRE je. De la Sécrétion en général. SUIVANT notre ordre aCcoutumé, par jeter un coup-d’œil rapide sur qui exécutent cette action , sécréteurs. il faut commencer les parties du COrps à À Cest-à-dire sur les organes ARTICLE Je, Anaiomie des Organes Sécréteurs. Tout organe sécréteur peut être r eprésenté par la pen- ée , comme formé de deux systèr nes vasculaires abou- hés l’un à l’autre par leurs ramifications dernières : l’un onsistant en vaisseaux artériels ou veineux > €t appor- int le sang avec lequel doit être fait Je fluide sécrété l’autre , sécréteur Proprément dit, ins exportant le fluide sécrété aussitôt n en distingue de trois sortes chez Unes cxhalans, des follicules et des 1° Organes sécréteurs exhalans. faisant, ou au qu’il a été fait. l’homme, des or- glandes. ile , et qui versent , par des orifices librement ouverts leur surface, l'humeur que leur travail sécrétoire a ie. Ce sont des trois espèces d’organes sécréteurs s, plus simples. En effet, Jes deux systèmes vascu- res abouchés l’un à l’autre , que nous avons dits nstituer tout organe sécréteur , sont ici continus n$ former entre eux aucun organe intermédiaire. I} mble que ce soit le vaisseau Sanguin qui verse lui- ème , à sa terminaison Capillaire , le fluide qui est sé- été du sang. Seulement, comme à celte terminaison 34* . FLE 532 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. le sang ne le pénètre plus, on cesse de l'appeler en æ anguin , On l'appelle vaisseau echalant ; lieu vaisseau s - | et cela est fondé , puisque, ne Se comportant pas de même | en ces deux endroits , il doit nécessairement ÿ avoir une! structure différente. Du reste, comme les deux systè- s vasculaires sont ici capillaires , on p’a aucune notiGn, soit sur la manière dont se termine le système vascu” Jaire sanguin, soit sur Sa conversion dans le système sur l'organisation de celui-ci. Jadis on & me exhalant et fait beaucoup d’hypothèses sur cel objet : Boërhaave par exemple ; admettait une série de vaisseaux décrois| sans , ayant chacun un calibre proportionnel au volumt des globules des humeurs qui devaient les traverser s ce n’est À qu'un effort d'imagination. On se re trouve ici dans les systèmes capillaires, et par consé quent dans la plus complète ignorance. Il n’y a de prot vé que la continuité et la communication entre les vais seaux sanguins et les vaisseaux exhalans : elles sont dé montrées par l'exhalation elle-même , par la facilité ave laquelle une matière injectée dans le vaisseau sanglil sort par le vaisseau exhalant ; enfin , par celle avec l Ile le sang lui-même pénètre dans ce dernier, COMM on le voit dans les hémorragies , les inflammations. Le nombre de ces organes sécréteurs exhalans € assez considérable dans l’économie de l’homme: €l e disions tout à l'heure , ils y ont la forr de spongiosité ou de membrane. Tels sont : le tissu mineuz , qui produit par exhalation un suc séreux Pi ticulier; le tussu adipeux , qui produit la graisse : membranes séreuses ; qui exhalent les sucs Séreux ; membranes muqueuses ; qui perspirent uné vapeur all mineuse; la peau, qui est le siége de la perspirat mal que comme nous DES ORGANES SÉCRÉTEURS EN GÉNÉRAL. 549 cutanée et de la sueur; les membranes synoviales et médullaires, sources de la synovie et de la moelle , etc. Quoiqu’on ne puisse rien connaître de la texture intime des exhalans , il est sûr néanmoins que toutes ces parties diffèrent , puisqu'elles versent des fluides différens. Une autre preuve d’ailleurs, c’est que les injections cadavé- riques n’y pénètrent pas avec une égale facilité, que ces parties ne sont pas également sujettes aux hémorra- gles , etc. Certains physiologistes rejettent cette première forme d'organes sécréteurs , Dumas, par exemple, qui veut que l’exhalation se fasse par les pores des derniers vais- seaux capillaires sanguins. Il s'appuie sur les deux expé- riences suivantes : une de Mascagny , dans laquelle une substance colorante injectée dans une artère a passé Loute entière dans les veines correspondantes, tandis que les vaisseaux exhalans n’ont transmis que la partie aqueuse de la matière injectée ; une autre, dans laquelle du sang intercepté dans une artère, entre deux ligatures, a été dépouillé , par transsudation sans doute , de sa partie la plus séreuse. Mais, sans entrer en débats sur les inductions à tirer de ces expériences , comme Dumas , par ces pores qu’il considère comme la voie des exha- lations , n'entend pas des pores inorganiques , tels qu'on les concoit en physique , mais des ouvertures dont l’état est réglé par la vie, ce n'est là qu’une discussion sur un point d'organisation trop ténu , pour que nous ayons sur lui une notion sûre. 2° Follicules. On appelle ainsi des organes sécréteurs déjà plus compliqués que les précédens, qui généra- lement ont la forme d’ampoule et de vésicule , et qui, situés dans l'épaisseur de la peau et des membranes mu- 554 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. queuses, sécrètent une humeur linifiante et destinée à lubréfier ces surfaces , qui sont toujours en contact avec des corps étrangers. Tandis que, dans les organes sé- créteurs exhalans , le vaisseau sanguin qui apporte les matériaux de l’humeur sécrétée, était tellement continu au vaisseau sécréteur , qu'il paraissait l’être lui-même ; ici ces deux vaisseaux se disposent, au lieu où ils s’a- bouchent , de manière à former un organe qui est inter- médiaire, et à l'artère qui a apportéle sang dela sécrétion, etau vaisseau où commence à se montrer l'humeur sé- crétée. Cet organe intermédiaire , qu’on appelle folli- cule , est une espèce d’ampoule membraneuse et vascu- laire, ayant une cavité intérieure dans laquelle se fait la sécrétion, et qui en versele produit, ou par un trou qui est dans son centre, ou par un petit canal très-court, qu’on appelle lacune. La texture de ces follicules est du reste aussi peu connue que celle de tout autre organe , et l’on peut seulement assurer d’eux , comme des organes exha- Jans, qu’il y a communication et continuité entre le sys- ième vasculaire sanguin apportant les matériaux de la, sécrétion , et le système vasculaire sécréteur fabriquant et exportant l'humeur sécrétée. Les preuves sont celles mêmes qu’on en a données à l’égard des exhalans; sa- voir : le fait même de la sécrétion , le passage d’une ma- tière injeclée du vaisseau sanguin dans le vaisseau sé- créteur, et la facilité avec laquelle ce dernier, dans les hémorragies et les inflarnmations, se laisse pénétrer par le sang lui-même. Ce second genre d'organes sécréteurs est aussi fort répandu dans le corps humain : il est disséminé dans les deux surfaces de notre corps, qui sont exposées à des frottemens et à un contact continuel avec des corps étran- DES ORGANES SÉCRÉTEURS EN GÉNÉRAL. 539 gers ; savoir, la peau etles membranes muqueuses. Sous Le rapport de l'humeur qu'ils sécrètent, ils sont parta- gés en sébacés, muqueux, unguineux, cérumineux , etc. ; sous celui de leur situation, ils sont distingués en cutanés, ciliaires, auriculaires, muqueuæ : enfin , eu égard à leur disposition particulière, les anatomistes en admettent de trois espèces; les sémples ou isolés, comme ceux de la peau; les rapprochés et agglomérés, comme la caroncule lacrymale; et enfin les composés, comme les tonsilles, la prostate. Quoique ces divers follicules aient tous pour office la formatiou d’une humeur de li- nition , ils ne sont pas semblables entre eux: chacun en elfet sécrète une humeur différente; et d’ailleurs peut- on méconnaître la diversité de leur organisation , quand on voit que les injections ne pénètrent pas avec une égale facilité dans tous, et que tous ne sont pas également susceptibles d’être le siége des hémorragies ? 5° Glandes. Enfin la iroisième espèce d’organe sécré- teur est la glande , qui est caractérisée, en ce qu’elle verse l’humeur qui est le produit de sa sécrétion , à la surface de la peau ou d’une membrane muqueuse, par un ou plusieurs vaisseaux excréteurs distincts. C’est un organe sécréteur plus composé encore que le follicule : les deux systèmes vasculaires , constitutifs de tout or- gane sécréteur, se sont aussi, au point de leur abouche- ment , disposés de manière à former évidemment un or- gane intermédiaire , et au vaisseau artériel sanguin qui apporte les matériaux de la sécrétion, et au vaisseau excréteur qui exporte l'humeur sécrétée : et cet organe intermédiaire a une siructure intime encore plus compli- quée. Pour l’apprécier, énumérons d’abord les élémens or- 536 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. ganiques qui le forment. 1° Le système vasculaire san- guin , qui apporte les matériaux dela sécrétion. Ge sys- ième , pénétrant l’organe dont il doit former une des par- lies intégrantes , s’y ramifie à l'infini : tantôt, il pénètre par plusieurs branches à la périphérie de l'organe , com- me aux glandes salivaires ; plus souvent, au contraire, il n’arrive à l'organe que sur un seul tronc, qui s'engage dans la glande par une scissure, qui d'ordinaire existe au côté qui est le moins exposé aux lésions extérieures, comme au foie, au rein : à ses extrémités dernières , il s’abouche avec les origines des systèmes vasculaires sé- créteur et veineux. 2° Le système vasculaire sécréteur, autre élément fondamental de tout organe sécréteur, et qui fait et excrète l'humeur sécrétée : il naît par des ra- dicules très-fins, aux lieux mêmes où se termine le sys- ième vasculaire sanguin , sans qu’on puisse voir cette origine, mieux qu’on n'a vu la terminaison du premier: et bientôt, ces radicules se réunissant en vaisseaux de plus en plus gros et de moins en moins nombreux; finissent per former ce canal excréteur par lequel l'humeur sé- crétée est versée, et dont l'isolement fonde le caractère distinctif de la glande. Tantôt ce canal excréteur est sim- ple, comme dans le pancréas; tantôt il est rune comme dans la glande lacrymale; généralement il s’isole de la glande, au lieu même où le vaisseau sanguin y a pénétré. 3° Des artères qui apportent à l’organe le sang dont il a besoin pour sa nutrition: souvent elles ne sont pas distinctes de celles qui apportent les matériaux de la sécrétion. 4° Des veines , qui tout à la fois correspondent, et à ces artères , et au système vasculaire sanguin , afin de rapporter de l’organe toute la portion de sang qui est resiée de sa nutrition et de sa sécrétion. Les artères en- DES ORGANES SÉCRÉTEURS EN GÉNÉRAL. 597 trent dans la glande, et les veines en sortent par le même lieu qui a servi d'entrée et de sortie aux autres vaisseaux ; la terminaison des unes et l’origine des autres ne sont pas plus connues ici qu’en tout autre organe du corps: seu- lement les veines n’affectent pas ici deux plans , comme dans les autres parties. 5° Des vaisseaux lymphatiques. 6° Des nerfs, qui en partie proviennent de la moelle spinale, en partie des ganglions, et qui, formant un ré- seau autour des artères de la glande , les accompagnent dans l'intimité de l'organe , et s’y terminent comme eux. Bordeu croyait que ces nerfs étaient en très- grand nom- bre dans les glandes ; Bichat au contraire en doute, d’a- près la petite quantité de ceux qu’il a trouvés dans le foie , et présumant que Bordeu s’en est laissé imposer par la quantité de ceux qui sont dans la glande parotide, mais qui ne font que traverser cette glande sans lui ap- partenir. 7° Enfin, du tissu cellulaire destiné à lier tous ces élémens , à en être la trame; et quelquefois une mem- brane extérieure qui sert d’enveloppe à tout l'organe. Tels sont les divers élémens organiques qui entrent dans la composition de toute glande. Maintenant, com- ment ces élémens se disposent-ils dans l'intimité de ces glandes , et quel tissu en résulte-t-il ? On dit générale- ment que les dernières ramifications du système vascu- laire sanguin et des artères nutritives de la glande, for- ment avec les radicules du système vasculaire sécréteur, ceux des veines , et les dernières ramifications des vais- seaux lymphatiques et des nerfs , autant de petits lobules et de petits grains. Îl est certain, en effet, que lorsqu'on déchire ces organes, leur rupture présente une surface inégale , bosselée ; leur apparence est celle de lobes di- visés en lobules , de lobules divisés en grains , etde grains 538 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. formés eux-mêmes de grains de plus en plus petits, le tout lié par un tissu cellulaire plus ou moins abondant, et plus ou moins disposé dans chaque glande à se laisser pénétrer par de la graisse. Chaque lobule est dit conte- nir une ramification dernière du système vasculaire san- guin et de l'artère nutritive, d’un nerf, d’une veine, d’un lymphatique et du système vasculaire sécréteur, plus toujours du tissu cellulaire pour unir ces divers élé- mens. Quand une membrane extérieure enveloppe tout l'organe , elle est généralement de nature cellulaire, et souvent elle forme dans le parenchyme de la glande une gaîne aux différens vaisseaux qui la pénètrent, Peut-être cependant la croyance d’une texture lobuleuse dans toutes les glandes est-elle trop généralement admise ? cette texture ne se laisse pas reconnaître en toutes ; et parmi les différences d'organisation que présentent les glandes , il en est qui paraissent avoir une texture tout-à-fail inverse. Du reste, ce qui a surtout été re- cherché dans la structure des glandes , c’est le mode d’abouchement des deux systèmes vasculaires que nous avons dit être constitutifs de tout organe sécréteur , et il y a eu deux principales hypothèses à cet égard. L'une est celle de Malpighi, qui dit que ces vais- seaux forment profondément, au point de leur abou- chement, des follicules intermédiaires , et au système vasculaire sanguin, et au système vasculaire sécréteur. L'autre est celle de Ruisch, qui veut que ces deux sys- ièmes soient seulement continus , comme dans les orga- nes exhalans, mais après que leurs ramifications suc- cessives se sont mille fois repliées sur elles-mêmes. Dans la première hypothèse, la glande n’est qu’un amas de -follicules ; et dans la seconde, elle n’est qu'une mem- DES ORGANES SÉCRÉTEURS EN GÉNÉRAL. 559 brane exhalante, nombre de fois repliée sur elle-même. Cette dernière hypothèse a long-temps prévalu , etmême on renchérit sur elle; F'errein et Winsloiw admirent des vaisseaux exhalans dans la structure du système vascu- laire sécréteur ; V’ieussens professa qu’il y avait dans ce dernier trois degrés de vaisseaux décroissans. De nos jours, un médecin anglais a comparéles glandes à des es- tomacs; et M. Aicherand suppose en elles des cellules intermédiaires aux systèmes vasculaires sanguin et sé- créteur, dans lesquelles le sang qui contient les maté- riaux de la sécrétion est d’abord déposé, et où les vais- seaux sécréteurs viennent ensuite faire et puiser l’hu- meur sécrétée. Tout cela est vain : la texture intime des glandes est aussi peu connue que celle de toute partie quelconque de notre corps, et d’ailleurs varie en chaque glande. I n’y a d’évident aussi, que la continuité du vaisseau sanguin et du vaisseau sécréteur ; elle est prou- vée par les mêmes faits qui l'ont fait établir dans les or- ganes exhalans et les follicules. Il y à aussi un certain nombre de glandes dans le corps humain ; savoir : les glandes lacrymales , qui font leslar- mes ; les salivaires, qui font la salive ; le pancréas, le foie, qui fontlesuc pancréatique et la bile ; les reins, qui sécrètent l'urine; les testicules, qui sécrètent le sperme ; etles glandes mammaires qui fabriquent lelait. Plusieurs anatomistes regardent encore comme glande, l’ovaire, qui chez la femme fournit l’œuf ou la substance quel- conque par laquelle ce sexe sert à la génération. Beau- coup d’autres parties que la vieille anatomie qualifiait de glandes , comme la prostate, la thyroïde, ne méritent pas ce nom , et ne sont que des follicules composés, ou des ganglions lymphatiques ou sanguins. 540 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. Ces glandes, bien qu'ayant toutes la même organisa- tion générale, et remplissant le même office, diffèrent entre elles, ainsi qu'il en était des différens organes exhalans et follicules. Comment pourroit-on en douter , lorsqu'on voit que chacune sécrète une humeur différen- te ? D'ailleurs , toutes ne sont pas également exposées aux hémorragies , ne se laissent pas aussi facilement pé- nétrer par les injections, et cela prouve une organisa- tion diflérente. Enfin, comme ces glandes ont généra- lement plus de volume que les autres organes sécréteurs, on distingue mieux en elles les dispositions qu’affectent dans leur parenchyme leurs différens élémens consti- tuans, et le genre de texture qu’ils y produisent, et on reconnaît à cet égard des différences entre elles : nous les indiquerons pour chaque glande en particulier. On ne sait si ces différences tiennent à un autre arrangement des élémens constituans de toute glande , ce qui est plus probable , ou à l'addition d’un élément nouveau exclusif à chacune. Parmi ces glandes, il en est quelques -unes dont le canal excréteur verse aussitôt l'humeur aux lieux où elle doit agir, les glandes salivaires , par exemple ; tandis qu'il en est d’autres , le rein , le foie, où cette humeur est préalablement déposée dans un réservoir , d’où elle est retirée ensuite. Dans ce dernier cas, on peut séparer ce qui est de la sécrétion proprement dite, ou autrement de la formation de l’humeur sécrétée , de ce qui est de son excrétion , c’est-à-dire de son versement dans le lieu où elle doit remplir son office. Ce n’est pas que, dans toute glande , la série des vaisseaux sécréteurs , toujours fort repliés sur eux-mêmes et par conséquent fort longs, ne serve toujours un peu de réservoir à l'humeur de la MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 241 sécrétion ; toujours en effet cette humeur y séjourne un peu, et toujours on en retrouve un peu dans ces vaisseaux dans les cadavres. De même , fort souvent les membra- nes muqueuses Sur lesquelles sont versées les humeurs sécrétées , font pour ces humeurs l'office de réservoirs ; comme cela est, par exemple , pour les mucus qui COnS- tituent les matières du moucher , du cracher , etc. Mais enfin il est des appareils glanduleux dans lesquels ily à un réservoir spécial ; et c’est là une disposition particu- lière, qui permet plus qu'aucune autre, qu'on sépare la sécrétion etl'excrétion. Telles sont les trois formes d'organes sécréteurs qui existent chez l’homme: il est évident qu’elles ne sont que des degrés successivement de plus en plus compli- qués d’une même organisation ; elles se retrouvent dans tous les animaux supérieurs. Dans les animaux qui n’ont pas d'appareil vasculaire distinct, les insectes par exem- ple, les organes sécréteurs sont de simples tuyaux qui baignent dans le fluide général, et fabriquent avec lui humeur de la sécrétion qu'ils font passer dans leur intérieur. ArTicce Il. Mécanisme des Sécrétions. Tout organe sécréteur , avons-nous dit , résulte de l’abouchement par leurs ramifications dernières de deux systèmes vasculaires , dont l’un apporte le sang avec le- quel est faite l'humeur sécrétée , et dont l’autre élabore ce sang, fait aveclui l'humeur sécrétée, et l’exporte. nl résulte de là que, pour pénétrer le mécanisme de la sécrétion , il faut suivre le plus loin possible dans l'in- térieur de l'organe sécréteur le sang ; afin de parvenir 542 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. au lieu où se fait la conversion de ce sang dans l'humeur sécrétée, et de voir comment se fait cette conversion. D'abord , aucun changement ne survient dans le sang, avant son arrivée dans l'intimité du parenchyme des or- ganes sécréteurs. En vain quelques physiologistes avaient conjecturé que, dans son trajet du cœur à l'organe sé- créteur, ce fluide avait subi quelques élaborations prépa- ratoires spéciales. À l’article de la nutrition , nous avons prouvé le contraire ; etmême, si l’on excepte les sécré- tions de la bile et de la perspiration pulmonaire pour lesquelles il y a débats, comme nous le verrons, il est sûr que c’est un même Sang qui arrive aux divers organes sécréteurs. Ce n’est pas cependant que , dans cha- que organe sécréteur , il n’y ait des dispositions parti- culières de l'artère qui apporte les matériaux de la sécrélion ; et en même temps ces dispositions sont trop constantes pour n'être pas importantes. Ainsi, l’état grêle , flexueux de l'artère qui porte le sang au testicule, contraste avec l’état tout opposé de l’artère qui va au rein. Mais ces dispositions n’influent que sur le degré de rapidité avec lequel le sang arrive à chaque organe , et non sur la nature de ce liquide ; et, si le volume , l’artère d’une glande , sa longueur, sa distance du cœur, ses flexuosités influent sur la sécrétion , ce qui paraît être, ce n’est pas en modifiant préalablement la nature du sang, mais en faisant varier son mode de circulation, qui en est plus lente ou plus rapide. Ge n’est que lorsque le sang à pénétré le parenchyme de l’organe sécréleur, qu'il est changé dans l’humeur sécrétée. En effet, si d’un côté l’on poursuit dans l’or- gane sécréteur le vaisseau Sanguin qui y apporte les ma- tériaux de la sécrétion , on voit que, tant qu’on peut l’y MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 545 distinguer, c’est toujours du sang qu'il contient. Si d’au- tre part, en suivant dé même le vaisseau sécréteur , on cherche à remonter jusqu’à son origine, on voit aussi que, tant qu'on peut le distinguer , c’est toujours l'hu- meur sécrétée qu'il charrie. C’est donc entre ces deux systèmes vasculaires, et par conséquent à leur point d’a- bouchement que s’est faite la conversion du sang dans l'humeur sécrétée, ou autrement la sécrétion. Or, ce lieu d’abouchement est dans l'intimité de l’organe sé- créteur. Seulement , on conçoit que, puisque on n’a pu pénétrer le mode d’union des deux systèmes vasculaires à leur point d’abouchement, on ne peut pas pénétrer davantage quel est précisément le lieu où se fait la sé- crétion : on ne peut le désigner que d’une manière vague par le mot de parenchyme où de système capillaire de l'organe sécréteur. Ainsi, par une action quelconque du parenchyme de l'organe sécréteur , le sang qui pénètre ce parenchyme y est changé dans l’humeur sécrétée. Mais quelle est cette action de laquelle dépend la sécrétion ? d’abord , elle est moléculaire , ne tombe pas sous les sens , et par conséquent elle ne peut être décrite , et n'est manifestée que par son résultat. Ensuite, l’essence de cette action ne peut pas plus être connue que celle de toute autre , et nous ne pouvons dire d’elle que ce que nous avons dit de toutes les autres actions organiques précédemment examinées , savoir, que l’organe sécréteur n’est pas passif dans cette action de sécrétion, mais que celle ci est, au contraire , le fruit de son activité; et que l’action à laquelle se livre cet organe n’a rien qui ressemble à une action mécanique , physique ou chimique , et con- séquemment doit être dite organique et vitale. 544 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. Prouvons chacun de ces deux points : 1° L’organe sécréteur n’est pas passif dans l'acte de la sécrétion, mais celle-ci est l’effet de son travail. Les faits se pressent pour justifier cette première proposi- tion. Si un organe sécréteur est:sain et intègre, la sé- crétion est ce qu’elle doit être ; si, au contraire, il est malade, la sécrétion est altérée. Il suffit d’exciter un organe sécréteur, pour que par suite la sécrétion soit augmentée et modifiée. Jamais un organe sécréteur ne se trouve dans des conditions de structure et de vitalité diverses , sans que la sécrétion ne se montre aussi diffé- rente : voyez les différences des âges , des tempéramens, des idiosyncrasies ! Il est certainement hors de toute raison de ne considérer l'organe sécréteur que comme le théâtre de l’action , il en est de plus l'instrument. 2° L'action de sécrétion est une action vitale. Et, en effet, on ne peut prouver son analogie avec aucune des actions physiques , chimiques ou mécaniques de la na- iure : nous allons le montrer, en passant rapidement en revue toutes les hypothèses qu’on a proposées dans cet esprit. D'abord , en raison de la continuité qui existe entre. les excréteurs, et les ramifications du système vasculaire sanguin , Continuité prouvée par les injections, on a dit que la sécrétion n’était qu’une filtration mécanique de- puis les vaisseaux sanguins jusque dans les vaisseaux sécréteurs , et dépendante d’un rapport entre le calibre de ces vaisseaux sécréteurs et le volume des divers glo- bules dont est formé le sang. Descartes, par exemple, et les médecins mécaniciens considérèrent les organes sécréteurs comme des cribles ; et, selon eux, la sécré- tion dépendait des rapports de forme , de grandeur , de MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 045 figure , qui existaient entre les vaisSeaux sécréteurs d’une part, et les globules des diverses humeurs de l’autre. Gette hypothèse fut appliquée surtout aux or- sanes sécréleurs exhalans, parce qu’en effet, dans ce genre d’organe sécréteur, la continuité entre les vais- seaux sécréteurs el sanguins paraît plus grande , et que ces deux genres de vaisseaux semblent davantage faire suite l’un à l’autre. Il est cerlain , en effet, qu’une injection , poussée dans l’artère d’un organe exhalant, vient sourdre à la surface de cet organe ; que cela ar- rive au sang lui-même , comme on le voit dans les hé- morragies. D’après cela, Haller et Malpighi disaient que les exhalations n’étaient qu'une transsudation du sé- rum du sang à travers les pores des artères , le cruor de ce fluide ayant trop de densité pour passer de même à iravers ces pores ; et, étendant cette théorie aux autres organes sécréteurs , voici comme on concevait la sécré- tion : le sang, arrivé aux extrémités du Système vascu-. laire sanguin et aux origines du système vasculaire sécréteur , se séparait dans ses divers globules; chacun de ceux-ci s’engageait dans ceux des vaisseaux sécréteurs qui étaient avec eux en rapport de grandeur , de figure ; la distance à laquelle était du cœur l'organe sécréteur , comme influant sur le degré de vitesse et de force de la circulation , avait une importance; et les diverses hu- meurs sécrétées n'étaient ainsi , que les divers globules constiluans du sang séparés. De nombreuses objections s’élèvent contre cette pre- mière théorie mécanique de la sécrétion. D’abord > Ja filtration | dans laquelle on veut faire consister unique- ment Ja sécrétion , paraît impossible pour les deux or- ganes sécréteurs de forme plus complexe, les follicules 54 39 546 FONCTION DES SÉCGRÉTIONS. et les glandes ; les vaisseaux sanguins et sécréteurs som en eux trop repliés pour que celte filtration soit possible; et, si ce n’est pas en cela conséquemment que consiste leur action de sécrétion, on doit en dire autant de l’ex- halation; car, à coup sûr, le mécanisme de la sécrétion doit être le même au fond , quelle que soit la forme de l'organe sécréteur. Ensuite, les faits qu’on invoque, pour prouver que l’exhalation n’est qu’une filtration, sont in- suffisans : on argue de la coloration en jaune de la partie du duodénum qui avoisine la vésicule biliaire ; du suin- tement à la surface des membranes exhalantes d’une matière injectée dans les artères ; des ecchymoses que présentent les parties des cadavres sur lesquelles ces ca- davres reposent, elc. Mais ce sont là autant de phéno- mènes cadavériques , qui tiennent à ce que l'absence de la vie permet entre les organes des transsudations qui ne se faisaient pas avant la mort. Haller faisait sourdre la moelle des os par les extrémités articulaires, pour for- mer la synovie, el croyait que la graisse transsudait de même du sang à travers les pores des artères ; mais ces deux assertions sont fausses , et ne peuvent servir de preuves à l'hypothèse qui fait de la sécrétion une filtration mécanique. D'autre part, pour que l'opinion de Malpighi fut vraie , il faudrait que toutes les humeurs exhalées ne fussent que le sérum du sang; et, si cela paraît être de quelques-unes, cela n’est pas de toutes. Enfin, cetie comparaison des organes sécréteurs avec des cribles était fondée sur trois opinions reconnues fausses aujourd’hui, la décroissance des vaisseaux , la décomposition du sang en globules de forme et de calibre proportionnel à la ca- pacité des vaisseaux décroissans , el l'existence des di- verses humeurs sécrétées toutes formées dans le sang; MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 947 I est sûr, d’une part, que ce n'est pas par un décrois- sement, tel que le concevait Boérhaave , que se fait l’a- bouchement des dernières ramifications des artères avec les divers vaisseaux nutritifs et sécréteurs. Il est certain, de l’autre , que la composition globulaire du sang n’a pas sur les sécrétions l'influence qu’on lui attribue ici. Enfin , il est certain encore , comme nous le prouverons ci-après, que les diverses humeurs sécrétées n'existent pas toutes formées dans le sang , e& surtout qu’elles ne résultent pas de la seule séparation des globules consti- tuans du sang. Dans l'hypothèse que nous combattons : il faudrait d’ailleurs que les globules constituans du sang se présentassent toujours un à un à chaque crible sé- créteur , et toujours dans la même position; que ces globules fussent homogènes dans la même humeur. On ne conçoit pas pourquoi ceux de ces globules qui seraient ronds n’entreraient pas dans tous les cribles : et pour- quoi ceux de ces globules qui seraient les plus déliés n’entreraient pas de même dans tous les vaisseaux qui sont un peu gros. Ne voit-on pas le sang pendant la vie, et nos injections dans les animaux vivans ou morts , pé- nétrer également dans des vaisseaux qui sont d’un cali- bre différent, et qui sont à des distances diverses du cœur ou du tronc générateur ? n’est-ce pas À une con- tradiction formelle à la théorie que nous discutons ? Tout récemment, un physiologiste , M. Fodcra , est revenu à celle théorie mécanique , au moins relative - ment à l’exhalation , et a voulu établir que cette exha- lation n’était qu’une transsudation , s'appuyant à la fois Sur des observations et sur des expériences. Si oo in- Jecte , dit-il, les vaisseaux sur-des cadavres , On voit la matière de l'injection transsuder par tous les points de ces 39* 54S FONCTION DES SÉCRÉTIONS. vaisseaux. Si sur un animal vivant , on met à découvert une artère ou une veine, on voit un suintement se faire à travers leurs parois ; le phénomène est plus sensible , si on a lié préalablement le tronc; souvent alors sur- vient une infiltration séreuse , où même le suintement est sanguinolent. Si on lie les veines jugulaires, non- seulement survient un œdème aux parties supérieures aux ligatures , mais ily a augmentation de la sécrétion salivaire. Enfin dans de nombreuses expériences , M. F'o- dera a vu les matières qu’il injectait dans des vaisseaux, des réservoirs ; iranssuder promptement à travers les parois de ces vaisseaux, et passer dans les parties cir- convoisines. Ainsi, portant dans une anse intestinale une solution de prussiate de potasse , et plongeant celte anse dans une solution d’hydrochlorate de chaux , il a trouvé après quelque temps de l’hydrochlorate de chaux dans l'intérieur de l'intestin, et du prussiate | de potasse dans le liquide où cel intestin plongeait. | Plongeant une vessie pleine de teinture de tournesol dans une solution de noix de galle , il a trouvé de même de l'acide gallique dans la vessie et de la teinture de tournesol dans la solution de noix de galle. Injectant dans la veine pulmonaire d’un mouton une solution d’hydrochlorate debaryte , et dans la trachée artère une | solution d’hydrocyanate de potasse , il a retrouvé ce dernière matière dans la veine pulmonaire , et la pre-| | mière dans la trachée-artère. Pour rendre les résultats! plus saillans, au lieu de rechercher après l'expérience! par les réactifs , si la matière a véritablement transsudé| du lieu où elle avait été portée , il a injecté séparément et en même temps ces réactifs en deux cavités : par exem- ple, portant dans le thorax ou dans la vessie une solution! MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 949 de noix de galle ou de prussiate de potasse, et dans le péritoine une solution de sulfate de fer, il a vu les par- ties se colorer promptement en noir ou en bleu. Injec- tant dans la cavité gauche du thorax d’un lapin une so- lution d’hydrocyanate de potasse, et dans le péritoine une autre de sulfate de fer, et, tenant l’animal penché sur le côté gauche pendant trois-quarts d'heure , il trouva à l'ouverture beaucoup de parties du thorax et de l’abdomen colorées en bleu. En plongeant dans un bain de sulfate de fer une anse intestinale remplie d’une solution de prussiate ferruré de potasse, il a pu suivre les progrès de la coloration et le phénomène dans toutes ses phases ; il a vu la coloration d’abord légère des par- ties , se foncer peu à peu; puis le liquide des vaisseaux lymphatiques et sanguins , se colorer aussi graduelle- ment , à commencer par les ramifications , et arrivant successivement aux branches ; enfin , il a trouvé le prus- siate de fer dans les vaisseaux lymphatiques , le canal thoracique, la veine cave inférieure , etc. De ces expé- riences, M. Fodcera conclut que l’exhalation n’est qu’une transsudation , de même que l'absorption n’est qu'une imbibition ; que ces deux actes dépendent de la capillarité des tissus, que ce double phénomène peut s’opérer en toutes parties. Mais sans revenir sur ce que nous avons dit dans le temps de l’absorption, et pour nous en tenir à l’exhalation : d’abord, M. F'odera n’ap- plique qu’à ce mode de sécrétion cette idée de transsu- dation ; il n’ose l’assurer des sécrétions folliculaires et glandulaires; et nous avons déjà dit que le mécanisme de la sécrétion était probablement le même au fond dans les trois espèces d’organes sécréteurs. Ensuite, les expériences de M. Fodera nous présentent bien des 550 FONCTION DES SÉCRÉTIONS: phénomènes de transsudation: mais rien en elles ne prouve que les exhalations qui se font dans les êtres vi- vans soient des phénomènes d’un même ordre. La graisse , la synovie , la moelle , sont-elles de simples transsudations du sang à travers les porosités des vaisseaux? Si cela, est pourquoi ne trouve-t-on pas ces humeurs dans le sang? pourquoi ne sont-elles versées que dans certaines parties du corps? Nous éta- blirons ci-après que dans toute sécrétion , il y a for- mation, fabrication de l’humeur sécrétée, et ce seul fait ruine toutes les explications physiques des sécrétions. M. Fodera a pris ici pour des phénomènes d’exhalation des faits qui ne sont que des actes de transsudation, et l'on ne peut conséquemment accueillir son applica- tion. Nous rejetterons de même celte autre théorie phy- sique des sécrétions due à Hamberger , dans laquelle il est dit que chaque humeur sécrétée se dépose dans son organe sécréteur propre , en raison de sa pesanteur spécifique. Cette théorie , en effet, suppose que les flui- des sécrétés sont contenus primitivement dans le sang, et nous allons prouver que cela n’est pas , que ces fluides sont formés par l'organe sécréteur. Il resterait d’ailleurs à expliquer comment chaque humeur se déposerait dans son organe spécial, la diversité de leur pesanteur spé- cifique ne suffisant pas certainement pour rendre rai- son de ce fait. Mais l’objection capitale, c’est que les humeurs sécrétées n’existent pas dans le sang , mais sont formées avec lui. Qu'on analise le sang , jamais on n’y trouvera aucune des humeurs sécrétées ; les | humeurs exhalées elles-mêmes, qui ressemblent davan: tage au sérum, n'y existent pas ; à plus forte raison LA MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 291 les humeurs qui sônt produites par les organes sécré- teurs plus composés. Lorsqu'on trouve dans le sang quelques humeurs sécrétées , et surtout celles qui sont tellement distinctes qu'on ne peut les méconnaître, la bile, l'urine, par exemple, c’est que l'absorption les a reprises dans les organes où elles ont été formées , et pendant qu’elles étaient encore contenues dans leurs couloirs. C’est ce qui est, par exemple, dans les cas si fréquens d’ictère et de fièvre urineuse , quand un ob- stacle quelconque s’oppose à l’excrétion de la bile ou de l'urine. Mais ces humeurs n’existaient pas pour cela primitivement dans le sang ; elles y ont été seulement reportées après avoir été faites par leurs organes sécré- teurs propres. À la vérité aller croyait que la graisse transsudait des artères à travers les pores de ces vais- seaux , ce qui supposait l'existence primitive de cette matière dans le sang: ce Savant s’appuyait sur l'autorité de Morgagny, qui disait avoir vu des gouttes de graisse couler de l’intérieur de vaisseaux coupés; sur celle de Malpighi qui assurait avoir vu cette matière circuler dans le sang des grenouilles ; enfin sur celles de Ruisch et Glisson qui disaient en avoir reconnu dans le sang des scorbutiques. Mais d’abord aller avouait n’en avoir jamais vu lui-même, et y en avoir cherché en vain; et ensuite cette opinion sur l'origine de la graisse est aujourd’hui reconnue fausse par tous les physiologistes. Chirac annoncaitune expérience qui, si elle eût été vraie, eût été plus contraire à l’assertion que nous émettons ; il disait , qu'ayant lié l'artère rénale à des animaux, 1l avait vu survenir chez eux des vomissemens urineux ; mais l'expérience tentée depuis n’a jamais présenté ces résuktats. Nous établissons donc que le sang ne contient 552 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, primitivement aucune des humeurs sécrétées ; que toutes , au contraire, sont formées par l'acte de la sécré- tion ; et de cela seul résulte que cette sécrétion ne peut êlre, ni une filtration, ni une transsudation, ni une pré- cipitation , ni une action physique quelconque. Cependant quelques expériences récentes semblent devoir infirmer cette proposition, que nous posons d’une manière si absolue , queles humeurs sécrétées n’existent pas primitivement dans le sang, mais sont faites dans l’acte même de la sécrétion. MM. Prévost et Dumas à Genève , ayant extirpé les reins à des chats et des chiens , comme l’avait fait Chirac, et ayant ensuite ana- lisé le sang , disent y avoir trouvé, non de l'urine, mais de l’urée qui est le principal élément de cette humeur : cette urée y existait en quantité d'autant plus grande, que les animaux avaient survécu plus long-temps à la néphrotomie : au contraire , le sang des animaux, auxquels on avait laissé les reins, n’en présentait aucune trace. Cette expérience répétée à Paris par M. Ségalas lui a présenté le même résultat ; et même ce physiolo- giste, ayant eu l’idée d'observer par contre le sang d’un autre animal auquel il avait laissé les reins , et dans les veines duquelil avait injecté de l’urée, n’y a pas davantage retrouvé ce principe ; mais la sécrétion urinaire s'était montrée fortactivée, consécutivement à l'injection. Enfin, on m'a dit que depuis leurs travaux sur l’urée, MM. Du- mas et Prévost avaient aussi retrouvé dans le sang les principes d’autres humeurs sécrélées , après avoir en- levé sur des animaux vivans les organes sécréteurs qui en sont les agens : on dit qu'après avoir extirpé les testi- cules à un crapaud, ils ont pu effectuer des fécondations artificielleg avec le sang de cet animal; qu'après avoir MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL: 399 excisé les mamelles, ils ont retrouvé du sucre de lait dans le sang. Nous sommes forcés de convenir que ces faits, s'ils sont vrais, doivent faire admettre que les humeurs sécrétées ne sont pas le produit exclusif de l'acte dela sécrétion , etqueleurs principes existent déjà dans le sang. Mais d’abord de ces faits, il n’y à encore d’authentiques que ceux relatifs à l’urée; MM. Dumas et Prévost n’ont encore rien publié sur les derniers, et il faut attendre ce que ces habiles expérimentateurs en diront. Ensuite, relativement à l’urée, si l’on veut que ce principe existe primitivement dans le sang , et que le rein ne fasse qu’en opérer le triage, pourquoi n’en trouve-t-on pas dans le sang, lors même que les reins existent? puisque la sécrétion urinaire est continue , le sang ne devrait-il pas toujours contenir de l’urée ? et cependant dans une expérience de M. Ségalas, il a sufli de laisser à l’animal un des reins, pour qu’on ne puisse signaler de l’urée dans le sang. En troisièmelieu , l’urine, parmi les humeurs sécrétées, fait une classe à part; c’est l'humeur excrémentitielle par excellence, celle par la- quelle s’accomplissent la décomposition et la dépura- tion du corps; et l’on peut concevoir , que son principal élément existe déjà dans le sang où l’aura porté l’ab- sorption interne , sans qu’il en soit de même des autres humeurs sécrétées. Enfin, en admettant ces faits, ce ne seront pas toujours les humeurs elles-mêmes qui seront dans le sang, mais seulement leurs principes im- médiats , et la sécrétion ne sera pas toujours une filtra- tion mécanique, telle que la concevait Boërhaave. Passons aux théories chimiques. On a supposé chaque organe sécréteur imprégné d’un ferment spécial, en 554 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. vertu duquel il changeait le sang en une humeur propre; de même qu’on avait admis des fermens analogues, dans tous les lieux du corps où il se fait quelques transforma- tions de matière. Par exemple, de même qu’on avait - admis, dans l’estomac un ferment acide comme mobile de la chymification, un ferment stercoral dans les in- testins; de même on admit un ferment dans chaque organe sécréteur , ferment qui dans telle glande était fixe et dans telle autre volatil. Mais ce n’est là qu'un produit d'imagination : a-t-on jamais trouvé dans aucun organe sécréteur des traces de ce prétendu ferment ? quelle serait sa source ? si on le dit formé et dérivé du sang par l’action de l’organe sécréteur , ne vaut-il pas mieux dire cela du fluide sécrété lui-même ? n’est-ce pas laisser la difficulté toute entière ? D’autres ont comparé les vaisseaux sécréteurs à des mèches de coton, qui ne retirent d’un mélange que le fluide dont elles ont été préalablement imprégnées. Mais cette hypothèse nous ramène à cette opinion erronée , que le sang est un fluide hétérogène contenant toutes formées les diverses humeurs du corps; et d’ail- leurs, il faudrait encore expliquer comment chaque vaisseau sécréteur serait préalablement imprégné du seul fluide dont il effectue le triage. Keil supposait dans le sang l’existence de deux forces attractives, inverses l’une de l’autre, l’une tendant à conserver au sang sa composition propre , l’autre lui fai- sant former l'humeur nouvelle qui résulte de la sécré- tion. Mais quelle condition faisait prédominer, dans l'organe sécréteur seulement et exclusivement , la seconde de ces attractions sur la première ? pourquoi cette se- conde force attractive est-elle spéciale en chaque organe MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 555 sécréteur ? Il est trop évident que cette explication se réduit encore à des mots. Toutes ces explications sont insoutenables , et Île sont d’autant plus que , faisant dépendre la ‘sécrélion d’une condition matérielle, physique ou chimique , il semblerait que cette condition existant une fois, la sécrétion devrait toujours avoir lieu. Or c’est ce qui n’est pas. Nul phénomène organique n’est plus que la sécrétion , sujet à varier par toutes influences extérieu- res et intérieures. D'ailleurs elles réduisent presque à rien le rôle de l’organe sécréteur ; il semble n’être plus que le théâtre de l’action, et, au contraire, il en est vraiment l’agent ; nous avons dit qu’on ne pouvait faire varier son état de vitalité, directement ou sympathi- quement , sans que la sécrétion ne soit aussitôt modifiée dans sa quantité et sa qualité. Dans ces derniers temps, des hommes au premier rang dans les sciences, ont tenté encore des explications physiques et chimiques des sécrétions. M. Berzelius conjecture qu’elles sont dues à une force électrique. MM. Dumas et Prévost pensent que chaque particule de sang étant une paire galvanique en état de tension , et les vaisseaux sanguins, ce qui établit le courant galvani- que , la surface circulante de chaque organe sécréteur est douée d’une polarité constante qui forme les humeurs sécrétées. Beaucoup de faits semblent montrer que le galvanisme joue un grand rôle dans la production des phénomènes vitaux; et, parmi ces faits, il en est un qui se rattache aux expériences de M. Fodera, que nous avons citées plus haut. Ge physiologiste a vu que, tandis que les faits de transsudation qu’il obtenait ,mettaient sou- vent une heure à se produire, 1lles rendait instantanés par 556 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. - l'influence galvanique. Mettant , par exemple , une solu- tion de prussiate de potasse dans la vessie d’un lapin, fai- sant communiquer cette solution avec un fil de cuivre, puis plaçant à l'extérieur de ces organes un linge imbibé d’une solution de sulfate de fer et communiquant avec un fil de fer, il a vuqu’en mettant ces fils en communica- Lion avec ceux de la pile, la vessie ou le linge extérieur étaient soudain colorés en bleu, selon qu'il dirigeait le cou: rant galvanique de l'extérieur à l’intérieur, ou de l’inté- rieur à l'extérieur, c’est-à-dire selon qu'il faisait commu- niquer le fil de fer avecle pôle positif, et le fil de cuivre avec le pôle négatif, etviceversà. Loin de nous, sans doute, la pensée de blâmer de pareils travaux et de pareilles in- ductions : il est certainement possible qu’on découvre quelque jour , par quelles lois nouvelles les forces géné- rales produisent jes phénomènes de la vie : il est surtout possible d'espérer cette découverte à l'égard de ceux de ces phénomènes qui sont étrangers à la sensibilité , et bornés à des élaborations de matière, comme le sont les sécrétions. Mais il faut convenir que dans l’état ac- tuel de la science , aucunes de ces explications ne sont satisfaisantes : et nous terminons en disant encore que , puisque l’action des sécrétions ne peut être assimilée à aucune aclion physique, chimique ou mécanique , on doit la dire organique et vitale. L’action de sécrétion est donc une action d’élabora- tion , par laquelle les organes sécréteurs fabriquent , AveC le sang, les diverses humeurs sécrétées. I ne faut done pas prendre le mot sécrétion dans toute la rigueur de son étymologie , puisque la sécrétion n’est pas un simple triage , mais une action de formation, une action éla- boratrice d’une matière, analogue à celle de la digestion MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 595 qui fait le chyle, de la respiration qui fait le sang, etc. Déjà Stahl, s'était approché de cette doctrine, en rat- tachant toutes les sécrétions à l’influence de l’âme ; mais ce mot âme, comme renfermant en soiles idées de per- ception et de volonté, donna lieu à des équivoques. C’est Bordeu qui, le premier, l’émit avec toute clarté ; seulement il Fexprima d’une manière un peu trop poë- tique , reconnaissant dans chaque organe sécréteur une sorte d’action digestive, comme un véritable goût, di- sant que lorsque la sécrétion s’elfectue l'organe sécré- teur s’érige, appelle à lui le sang , et semble agir comme une ventouse. C’est, du reste, la doctrine appliquée à toutes les autres actions élaboratrices de notre écono- mie, comme on peut le voir à la digestion , aux absorp- tions , etc. ; et c’est à ce titre que Bordeu peut être dit le fondateur de la doctrine de l'organisme qui règne aujourd’hui en physiologie. Seulement , il exagéra l'in- fluence nerveuse sur les sécrétions. Sans doute l’élé- ment nerveux, qui entre dans la composition d’un or- gane sécréteur , concourt à établir sa vitalité ;: sans doute, dans l’état maladif, une altération de cet élé- ment nerveux, ou sa perturbation à la suite d’un trouble général , et à raison de ses connexions avec les centres nerveux, peut amener une modification dans la sécré- tion ; mais dans l’état naturel, il n’y a que quelques sécrétions sur lesquelles porte l'influence nerveuse; la plupart fondent des fonctions déjà assez inférieures dans l’animalité, pour être plus ou moins indépendantes des centres nerveux : la ligature ou la section des nerfs qui se distribuent à une glande , le plus souvent n’en anéan- tissent pas la sécrétion. L'action de sécrétion étant une action d'élaboration 558 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. dépendante de l’organisation et de la vitalité de l’organe sécréteur , on peut dire d’elle ce que nous avons dit de toutes les autres actions élaboratrices de notre éco- nomie. Se faisant aux extrémités d’un système vascu- laire, elle n’est nullement apercevable en elle-même : mais on peut assurer d'elle les trois propositions déjà tant de fois indiquées : 1° un seul fluide peut subir les effets de cette action élaborairice, ou autrement fonder des matériaux aux sécrétions ; tout ce qui est acciden- tellement mêlé à ce fluide subit en vain le travail de l’or- gane sécréteur, il ne se transforme pas dans l'humeur sé- crélée, mais s’y retrouve en entier tel qu'il était dans le premier. C’est ainsi qu’on retrouve dans les humeurs des sécrétions, aussi bien que dans les parenchymes nutritifs , ceux des élémens des alimens qui ont passé avec le chyle, en conservant leur forme étrangère. 2° Cette élaboration n’est pas chimique , mais vitale; et, en effet, de la connaissance chimique des matériaux de la sécrétion, on ne peut déduire chimiquement la com- position de son produit, c’est-à-dire de l'humeur sécré- tée : souvent il y a la plus grande différence chimique entre la composition des matériaux et celle du produit ; et souvent encore on trouve dans ce produit des élé- mens que ne contiennent pas les matériaux ou le sang. 8° Enfin, le produit de cette action de sécrétion est tou- jours identique , puisque c’est toujours un même sang dont il dérive et un même agent qui le fabrique ; il ne varie qu’à raison de l’état plus ou moins bon du sang qui fonde les matériaux de la sécrétion , et à raison aussi de l'intégrité plus ou moins complète de l’organe fabrica- teur. Gette action de sécrétion paraît aussi s’accomplir in- MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL, 299 slantanément aux terminaisons du sysième vasculaire sanguin, ou mieux à l’origine du système vasculaire sé- créteur ; elle est analogue , sous ce rapport, aux aclions élaboratrices de l’hématose , des nutritions , dont les pro- duits sont formés subitement et à la manière de la mé- daille que lon frappe. En même temps que cette aclion de sécrétion est instantanée, elle est continue : comme du sang arrive toujours aux extrémités des artères et à l'origine des sécréteurs , toujours aussi ces derniers agis- sent. Cependant , cette dernière règle souffre des excep- tions ; beaucoup d’organes sécréteurs , quoique déjà assez développés, restent encore inactifs dans le premier âge, sans doute parce que les vaisseaux sécréteurs n’ont pas acquis l’activité nécessaire; tels sont les testicules , par exemple : quelques-uns ont besoin d’une surexcitation qu'ils ne recoivent que de circonstances déterminées, comme les mamelles qui ne sécrètent le lait que con- sécutivement à la grossesse, à l'accouchement, et à l'irritation qu’excite en elles la succion opérée par l’en- fant. Du reste, toutes les sécrétions, même celles qui ont lieu d’une manière continue, sont susceptibles de se modifier sans cesse, de s’augmenter, de se ralentir, selon les excitations directes ou sympathiques que re- coivent leurs organes ; ei chacune offre des variétés , des susceptibilités à cet égard. Puisque les sécrétions ont pour matériaux le sang ar- tériel, sont des actions qui se passent dans les systèmes capillaires , elles peuvent avoir part à la production du sang veineux. Cependant nous avons dit que par cela seul qu’elles étaient des actions restreintes à quelques parties , il était permis d’en douter ; etil est plus proba- ble qu’elles ne font que consommer une portion de sang 560 FONCTION DES SÉCRETIONS. ariériel , sans influer sur sa conversion en sang veineux. Enfin, on conçoit que l’action de sécrétion doit va- rier en chaque organe sécréteur, puisque chacun de ceux-ci a une organisation spéciale; de même que l'acte de la nutrition varie dans chaque parenchyme nu- iritif, la sensation dans chaque nerf de sens. Evidem- ment, en effet, chaque organe sécréteur a sa structure spéciale, ses excitans extérieurs spéciaux, ses sympa- thies, et ses maladies propres. L’anatomiste le moins exer- cé distinguera la texture du foie, par exemple , de celle du rein : les injections ne réussissent pas aussi facile- ment dans certaines glandes que dans d’autres, et cer- taines surfaces exhalantes sont plus susceptibles de de- venir le siége d’hémorragies que d’autres : tandis que le mercure excite particulièrement les glandes salivaires, les cantharides irritent les reins , etc. Enfin, les sympa- thies des divers organes sécréteurs ne sont pas les mêmes; celles qui unissent le testicule à la gorge, par exemple , contrastent avec celles du foie qui se rapportent génc- ralement à la tête, et celles des reins qui se rapportent à l’estomac : ce sont là autant de foits qui prouvent la diversité d’organisation des organes sécréteurs. Or, de Ja diversité d'organisation, résulte une diversité d’action ou de vitalité, et de celle-ci une diversité de secrétion. Ces diverses vitalités ne peuvent être niées , bien qu’on ne puisse préciser la diversité des conditions maté- rielles auxquelles elles sont dues : saisit-on davantage la différence qui existe entre Les divers nerfs des sens, entre les divers parenchymes nutritifs et calorificateurs ? Du reste, l’activité d’une sécrétion n’est pas toujours en raison du volume de l’organe sécréteur et du nom- bre des vaisseaux sanguins qui le pénètrent; elle tient MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 561 surtout à la vitalité intrinsèque de l'organe ; et celle - ci est. due à son organisation intime dont les traits de ce genre sont indéfinissables , et à mille causes d’excitations di- rectes ou sympathiques qui viennent retentir en lui : parmi ces causes , une des principales est l’irritation du canal excréteur. Telle est la doctrine actuelle sur les secrétions. Elle est applicable à chacun des trois genres d’organes sé- créteurs. Quelques physiologistes ont voulu à tort faire de l’exhalation une fonction séparée de la sécrétion : c’est la même action dans son plus grand degré de simplicité. On avait dit que les fluides sécrétés étaient d’autant plus différens du sang, qu'ils étaient formés par un organe sécréteur plus composé ; qu’ainsi les fluides exhalés n’é- taient presque que le sérum du sang; que les sucs fol- liculaires en différaient déjà davantage; et qu’enfin, les humeurs glandulaires lui étaient tout-à fait opposées. Mais c’est là une vue trop mécanique; la synovie, la moelle , la graisse, quoique sucs exhalés , diffèrent autant du sang que la salive, les larmes , le suc pancréatique , qui sont des humeurs glandulaires. Mais il ne suffit pas d’avoir dit, dans cette histoire générale des sécrétions, comment est fait le fluide sé- crété ; il faut voir ce que devient ce fluide, comment il circule du lieu où il a été fait, jusqu’à la surface sur la- quelle il est versé et où il doit agir, et quelles altérations il éprouve dans ce trajet. On concoit que ceci doit dif- férer en chaque sécrétion. D'abord , il est évident que le fluide sécrété doit sui- vre la succession des vaisseaux sécréteurs : ces vaisseaux en effet, forment une cavité continue de leur origine à leur canal excréteur de terminaison ; et dès lors, par ee D. 36 562 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. cela seul qu'il se fabrique sans interruption du fluide sécrété à l’origine, ce fluide doit être poussé de ce point vers le canal excréteur de terminaison. G’est là une pre- mière cause de la circulation des humeurs sécrétées dans les voies de leur sécrélion. D’autres causes sont; une action contractile et même aspirante des- vais- seaux sécréteurs capillaires ; et les puissances auxiliaires des artères voisines , des mouvemens des organes voisins et de la généralité du corps. Ceux des physiologistes , qui dans la fonction de la circulation, étendent au loin l'influence du cœur, font concourir aussi cette puis- sance à la progression des humeurs sécrétées dans leurs vaisseaux sécréteurs, Comme à celle du sang veineux dans les veines ; mais nous ne croyons pas à cette influence. Long temps aussi, on a cru l’excrétion des humeurs sécrétées , le produit d’une pression mécanique exercée par les organes voisins sur les agens sécréteurs ; la salive , par exemple, ne coulait, disait-on, avec plus d’abon- dance dans la bouche, lors de la mastication et de l’ar- ticulation des sons, que parce que les glandes salivaires étaient mécaniquement comprimées , consécutivement aux mouvemens des mächoires. Mais Bordeu a judi- cieusement réfuté cette proposition : d’abord elle pa- raitraît ne devoir être applicable qu'aux glandes ; en- suite beaucoup de glandes sont placées de manière à n’éprouver aucune compression des organes Voisins ; enfin les glandes qu’on citait ne doivent pas leur action d’excrétion à celte cause ; Bordeu a expérimenté que la parotide loin d’être comprimée lors des mouvemens des mâchoires, se trouvait dans un espace plus large, et si sa sécrétion s’augmente alors , c’est que les mouvemens , les ébranlemens qui lui sont imprimés l’excitent, et MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 263 que d’ailleurs plus de sang lui arrive. À ces causes di- verses qui font cheminer l'humeur sécrétée, il faut encore ajouter comme secours accessoires, les nom. breuses anasiomoses qui existent entre les vaisseaux sé- créteurs, lorsqu'ils ne sont encore que capillaires. L’ac- üivité de cette cireulation est sans doute un peu dépen- dante de l’activité de la sécrétion : elle varie d’ailleurs dans chaque sécrétion, selon que les voies d’excrétion sont plas ou moins courtes, et comprenn=snt ou non dans leur trajet des réservoirs. Dans ce dernier cas , on peut séparer dans l'étude la sécrétion de l’excrétion : et de nouvelles puissances s'ajoutent à celles que nous avons indiquées pour effectuer celle-ci. Mais générale- ment la circulation des humeurs sécrétées est plus lente que celle de la lymphe et du sang veineux , du moins à juger par l'étendue du jet que fournissent un vaisseau sécréteur , un vaisseau lymphatique et une veine d’égal volume. Dans quelques organes sécréteurs, les follicules et les organes exhalans , par exemple, le trajet que par- court le fluide est très-court ; ce fluide est aussitôt à sa destination, et son excrétion succède irrésistiblement sans aucun mécanisme ultérieur à sa sécrétion. Dans les glandes , au contraire, très-souvent le trajet à parcourir est long ; ce fluide souvent est conduit dans un réser- voir où il est mis en dépôt, et d’où il n’est plus excrété que d’intervalles en intervalles et par des efforts subsé- quens. Nous ne pouvons entrer ici dans aucuns détails : ils seront donnés à l’article des sécrétions en particulier. Dans le trajet plus au moins long que parcourent les humeurs secrétées, ces humeurs éprouvent-elles une élaboration graduelle? Cela varie selon les sécrétions. Cela ne paraît pas être, par exemple, pour toutes celles Li 20 504 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. qui sont dues à des organes exhalans et à des follicules ; les fluides ici sont versés trop tôt au lieu de leur desti- nation: où du moins si cela est, on ne peut signaler la série des degrés, des nuances par lesquelles passent les humeurs. Nous en dirons autant des fluides glandulaires qui n’ont pas de réservoirs dans leurs voies d’excrétion et qui ont ces voies courtes, comme la salive, les [larmes : les vaisseanx excréteurs , en effet, sont ici bientôt assez gros pour n'être plus évidemment que des agens de con- duite ; le fluide ne traverse sur sa route aucun ganglion élaborateur , et son excrétion est trop prompte pour que l'absorption interne ait le temps de le modifier beau- coup. Mais dans les sécrétions glandulaires qui compren- nent dans leur appareil un réservoir où le fluide séjourne , et qui ont d’ailleurs des voies d’excrétion longues, tor- tueuses, et que le fluide ne traverse qu'avec lenteur , évidemment l’humeur sécrétée éprouve quelques modi- fications dans sontrajet, comme cela est, par exemple , de la bile , de l’urine , du sperme. Mais nous en parlerons à l’histoire des sécrétions en particulier. Telles sont les sécrétions en général ; l’étude des sé- crétions en particulier nous fournira une occasion de dire ce que nous pouvons avoir omis. CHAPITRE IL Des Sécrétions en pa rticulier. Les sécrétions sont multiples et fort nombreuses dans l’économie de l’homme : il faut faire l’histoire de chacune en particulier. Dans cette étude, on peut suivre deux ordres : un anatomique , dans lequel on décrit les sécrétions selon le genre d'organes sécré- DES SÉCRÉTIONS RÉCRÉMENTITIELLES. 2063 teurs auquel elles sont dues un autre physiologique , fondé sur l'office que remplissent les diverses sécré- tions dans l’économie. Dans le premier qu'a suivi Bichat, on partage les sécrétions en trois classes, les exæhalations , les sécrétions folliculaires et les sécrétions glandulaires. Dans le second, on les divise en deux sec- tions ; les récrémentitielles, c'est-à-dire celles dont les produits sont repris par l'absorption interne, et ren- trent dans le torrent de la circulation; et les exerémen- titielles , c’est-à-dire dont les produits sont rejetés au dehors, et fondent les excrétious. C’est ce dernier ordre que nous suivrons, toutes les considérations que peut inspirer le premier , ayant été exposées lors de l'étude anatomique des organes sécréteurs et de l’énumération des humeurs, et le second nous ramenant à l'acte de décomposition qui clôt la série des fonctions organiques et nutritives de l’homme. Nous serons ainsi conduits à étudier toutes les excrélions du corps, et à en apprécier l'utilité et la quantité. ARTICLE LE. Des Sécrétions récrémentitielles. Toutes ces sécrélions , ainsi nommées parce que leurs produits sont repris par l'absorption interne, et rentrent dans le torrent dela circulation, ont pour agens des organes exhalans, et sont versées dans des cavités intérieures , et qui ne communiquent nullement au dehors. De là résulte, que leurs humeurs remplissent deux sortes d’oflices; des services locaux relatifs à la partie sur laquelle elles sont versées, et des services généraux comme retournant dans la lymphe et le sang 566 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. veineux. Nous allons les décrire successivement , mais en passant avec brièveté sur celles qui ont pu déjà nous occuper. $. IT. Exhalation séreuse du Tissu Cellulaire , où Lamineux. Le tissu cellulaire ou lamineux , ce solide organique , qui, en même temps qu’il forme le canevas de tous nos organes, semble être une spongiosité jetée entre toutes nos parties pour en remplir les vides, exhale dans ses aréoles une sérosité sous forme de vapeur. Dansles lames de ce tissu s'ouvrent en effet de véritables vaisseaux séreux , qui perspirent une vapeur albumineuse , analo- gue à celle que nous verrons être fournie par les mem- branes séreuses. On a des preuves de cette sécrétion, dans la vapeur qui s’exhale de l'intérieur d’un animal ré- cemment tué et ouvert, et dans la maladie appelée anasarque. Ce suc est repris par l’absorption interne dans la même proportion qu’il est exhalé, et ne s’accu- mule dans le tissu cellulaire que dans le cas maladif que nous venons de dénommer. À tort on a supposé , qu'il était animé dans ce tissu, d’un mouvement de circulation dans une direction déterminée, et dont le diaphragme serait le principal moteur par ses abaissementet élévation alternatifs ; qu'il y suivait des courans dans des direc- tions diverses. Son usage est évidemment de faciliter les mouvemens , les glissemens des parties. Etudié chimi- quement, il paraît contenir une certaine quantité d’albu- mine , de l’eau et quelques sels. On ne peut en évaluerla quantité totale , les diverses parties du corps différant beaucoup les unes des autres, relativement à la quantité qu’elles en présentent. « SÉGRÉTIONS SÉREUSES: 507 $. II. Sécrétion des Sucs Séreux. Toutes les membranes du corps, appelées séreuses ou oilleuses simples, qui tapissent les cavités splanchni ques, et servent de pédicule et de soutien aux organes qui y sont contenus , sont de véritables organes exhalans qui sécrètent un halitus albumineux. Ces membranes ont été décrites à l’article des organes divers auxquels elles appartiennent : ce sont les arachnoides cränienne et rachidienne , la plèvre, le feuillet interne du péri- carde , etle péritoine. Il faut encore y ajouter la mem brane vaginale du testicule , dont nous parlerons à la génération. Indiquons du reste, seion notre ordre ac- coutumé , leur disposition anatomique d’abord , etensuite leur action de sécrétion. Ces membranes ont la forme d’un sac sans ouverture, d’un côté tapissant la cavité splanchnique dans laquelle elles existent , de l’autre revêtant les viscères qui y sont contenus , servant ainsi de lien à l’une et aux autres , et repliée conséquemment au dedans d'elle-même, comme l’est la lame interne d’un bonnet de coton relativement à l’externe. Par leur face externe , elles adhèrent dans une de leurs moitiés à la cavité splanchnique, et dans l’autre aux viscères auxquels elles servent de pédicule. Leur face interne , au contraire, est libre et répond à la cavité qu’elles forment dans leur ensemble. C’est à celle- ci que suinte l'humeur qu’elles sécrètent. Quant à leur texture, elles sont des organes sécréteurs exhalans, c’est-à-dire, qu’en elles le système vasculaire sanguin qui apporte les matériaux de la sécrétion, se continue sans aucun intermédiaire avec le système vasculaire exhalant. Ce sont des membranes très-minces, transpa- 568. FONCTION DES SÉCRÉTIONS. + rentes, blanches, luisantes à leur surface libre, dont le fond est celluleux, et dans la trame desquelles les artères devenues capillaires se continuent avec de nombreux vaisseaux exhalans. On n’y a pas découvert de nerfs. Ces membranes sécrètent, par le mécanisme général des sécrétions, un suc sous forme de vapeur, d’halitus , qui entretient la souplesse de la membrane, et est repris par l’absorption interne en même temps qu’ilest exhalé. On avait rapporté ce suc, à l’action de glandes qu’on disait logées dans leur tissu; mais Ruisch a prouvé que ces glandes n’existaient pas. {unter en assimilait la for- mation à une transsudation à travers les aréoles, les interstices , les porosités des vaisseaux ; mais c’est d’au- tant plus évidemment une sécrétion , que son produit quoique assez semblable au sérum du sang, cependant en diffère encoreun peu. C’est le sang artériel qui fournit les matériaux de cette sécrétion, qui est visible à l'œil nu, quand on met à découvert unemembrane séreuse et qu’on l’observe. L’humeur qui en est le produit est un suc albumi- neux , ayant la plus grande analogie avec le sérum du sang, en différant cependant en ce qu’il contient moins d’albumine. Hewson , l'ayant recueilli sur des animaux qu'on tuait exprès, l’a vu par le repos et son exposition à l'air, se coaguler comme la iymphe coagulable du sang. Bostock à trouvé en lui, de l’eau, de l’albu- mine en moindre proportion que dans le sérum du sang , de la matière incoagulable et des sels; M. Beclard dit que cette matière incoagulable , est du mucus gélatini- forme semblable à celui qu’on trouve dans l’albumine coagulée du sérum du sang. Schwilgué y à signalé s.. SÉCRÉTIONS SÉREUSES. 5069 encore une matière extractive et une matière grasse. Dans l’état naturel, jamais ce suc ne fait amas dans la cavité de la membrane séreuse, parce que l'absorp- tion interne le reprend à mesure qu'il est exhalé. Mais dans l’état maladif, cela n’est pas de même, comme dansles diverses hydropisies ; et toujours il s’y accumale un peu après la mort. Il est versé au lieu où il doit agir aussitôt qu'il est fait, et par le seul fait de la disposition mécanique des parties ; et l’on ne peut pas séparer son excrétion de sa sécrétion. Ses usages locaux sont de former à la surface des vis- cères une atmosphère chaude, humide, qui entretient leur température , leur souplesse , et facilite leurs mou- vemens , leurs glissemens. A juger par les douleurs que causent les moindres obstacles aux glissemens des orga- _nes les uns sur les autres , il paraît que de la facilité dans ces glissemens est une condition d’intégrité bien im- portante pour notre économie; et les sucs séreux servent à l’établir. Quant à ses usages généraux , comme ce suc est repris par l'absorption interne , retourne à la Iymphe et au sang veineux ,il concourt à la crâse de ces fluides; et il doit compter parmi les matériaux que l’économie puise en elle-même pour sa conservation. M. Chaussier conjecture même , que ces sucs sont plus propres que tous autres à cet oflice, comme étant déjà le produit d’une élaboration organique, qui a dù les rapprocher davantage de l’état de matière vivante, Les exhalations séreuses diffèrent probablement dans chaque membrane ; les légères différences qu’on peut signaler entre ces membranes, et la diversité des sues des hydropisies de chacune, portent à le croire. Leur quan- uté totale est impossible à évaluer; Bichat croit qu’elles 970 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. surpassent les sucs muqueux et cutanés , et cela, parce que les surfaces séreuses lui semblent avoir plus d’éten- due que les membranes muqueuses el la peau : mais cela n’est qu’une conjecture dont il est d'autant plus permis de douter, que la quantité de la sécrétion varie certainement dans chaque membrane séreuse particu - lière. $. III. Sécrétion de la Synovre. On appelle synovie l'humeur grasse qui est versée dans les articulations mobiles, y enduit les surfaces des os et en facilite les mouvemens. Nous avons parlé de cette humeur à l’article locomotion. Rappelant les opi- nions erronées qu'on à eues successivement sur sa pro- duction, savoir : celle de Clopton-Havers, qui en placait la source dans de prétendues glandes synoviales, consi- dérant comme telles ces masses cellulo-rougeâtres qu’on trouve en quelques articulations, et qui ne sont que des replis de la membrane synoviale, analogues à ceux qu'of- frent toutes les membranes séreuses ; celle de Haller qui la regardait comme la moelle qui avait transsudé à travers l'extrémité spongieuse des os; nous avons dit que tous les physiologistes la rapportaient aujourd’hui, avec Bichat, à action exhalante d’une membrane, dite syno- viale, qui a la même forme qu’une membrane séreuse , et qui, par beaucoup d’anatomistes , est considérée comme une dépendance du tissu séreux. Ces membranes sont multiples : d’abord , il en existe dans toutes les articulations mobiles ; ensuite, il en est dans toutes les coulisses et gaînes où se meuveni des tendons ; enfin, on en trouve en quelques endroits, im- médiatement sous la peau, partout où cette membrane SÉCRÉTION DE LA SYNOVIE. o7i recouvre des parties qui exercent de grands et fréquens mouvemens, comme entre la peau et la rotule , entre l'olécrâne et la peau, etc. Ges dernières sont appelées bourses synoviales sous-cutanées. Toutes, comme les membranes séreuses , forment des sacs sans ouver- ture , adhérant par leur face externe à la cavité de l'articulation , de la coulisse de tendon qu’elles tapissent, et par leur face interne étant libres et ne répondant qu'à elles-mêmes. C’est de ce côté qu’elles exhalent. Leur texture intime est celle des membranes séreuses , une trame celluleuse , pénétrée par des vaisseaux capillaires sanguins, se changeant promptement en vaisseaux exha- lans. Il y a quelques différences dans chacun des trois genres que nous avons distingués , synoviales des arti- culations , synoviales des tendons , et bourses synoviales sous-cutanées. C’est par exhalation que ces membranes produisent la synovie , dont nous avons indiqué, à l’article de la loco- motion , les qualités physiques et la composition chimi- que. Peut-être y a-t-il quelques différences dans celle de chacun des trois genres d’organes synoviaux. La syno- vie des bourses sous-cutanées est trop peu abondante pour qu’on ait pu la recueillir et l’examiner. Celle des synoviales des tendons est visqueuse , d’un jaune rougeä- tre , oléiforme , en partie coagulable, et contient de l’albumine et du mucus. Enfin, c’est à la synovie des ar- ticulations que se rapporte l’analise de M. Margueron ; aux principes , eau , albumine , fibrine, soude, muriate de soude, phosphate de chaux, que ce chimiste y a trou- vés , il faut ajouter une matière animale, qu'on dit être de l’acide urique. C’est aussi du sang artériel qu'émane celte sécrétion ; 272 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. et l’absorption interne en reprend le produit à mesure qu'il est exhalé , de sorte qu’il ne forme aucun amas dans les articulations, et les tient seulement humides. Les parties sont encore disposées de manière , que le suc est versé aussitôt sur les surfaces où il doit agir , et que l’ex- crétion succède irrésistiblement à la sécrétion. Ses usa- ges sont évidemment de faciliter les glissemens et les mouvemens des os et des tendons. On ne peut pas plus évaluer la quantité totale des exhalations synoviales, que celles des exhalations séreuses ; il y a même plus de différences entre les membranes synoviales, l’activité de la sécrétion dans chacune étant en général en raison de Ja mobilité de l'articulation à laquelle elle appar- tient. $. IV. Exhalation de la Graëisse. Il a existé beaucoup de controverses anatomiques sur l'organe producteur de la graisse. Æaller prétendait que cette humeur existait toute formée dans le sang, et qu’elle transsudait à travers les pores des artères. Mais en vain on examine le sang qui se rend à la partie La plus chargée de graisse, on n’y peut découvrir par avance cetle humeur ; nous avons posé en principe qu'aucune humeur sécrétée n’existait toute formée dans le sang; si la graisse faisait exception à ce principe, el qu'elle trans- sudât à travers les pores des artères, on devrait en ob- server des traînées le long de ces vaisseaux ; on ne pour- rait expliquer pourquoi cette matière abonde en une partie du corps, et manque en une autre : tous ces faits doivent faire rejeter l'hypothèse de aller, bien qu’en ces derniers temps, un habile chimiste, M. Chevreul, ait signalé dans le sang une matière grasse. On ne peut ad- SÉCRÉTION DE LA GRAISSE. 579 mettre non plus l’idée qui a régné longtemps, que c’est le même tissu cellulaire que nous avons vu être le siége d’une exhalation séreuse , qui, par un autre ordre de vaisseaux exhalans , produit la graisse. Aujourd'hui la production de cette humeur est rapportée à un tissu par- ticulier appelé adipeux. Ce tissu , entrevu par Malpighi, et démontré par IW. Hunter, consiste en un assemblage de vésicules très- petites, entassées en plus ou moins grand nombre, for - mant des masses plus ou moins volumineuses , réunies entre elles par du tissu cellulaire , et servant de réservoir à la graisse. Îl varie dans les diverses régions du corps ; sous la peau , il forme une couche plus ou moins épaisse et généralement répandue ; ailleurs il se présente sous l'apparence de masses arrondies, pyriformes, pédiculées, de rubans aplatis. Ges masses, par la dissection, se ré- duisent en lobules ou grains adipeux, qui, examinés au microscope, paraissent eux-mêmes composés d’une in- finité de petites vésicules qui ont un six ou un huit cen- tième de pouce de diamètre. Ge tissu n’a donc pas, comme le cellulaire , une structure aréolaire , mais sa disposition ressemble à celle des fruits de la famille des hespéridées, et offre une agrégation de vésicules mem- braneuses attachées à des cloisons qui les séparent. Chaque vésicule est supportée par un petit pédicule , comme le sont des grains de raisin. Leurs parois sont tellement minces qu’on ne peut les apercevoir; mais la disposition de la graisse en masses isolées et distinctes prouve qu’elles existent, et surtout que ces vésicules ne communiquent pas entre elles. Du tissa cellulaire très -fin existe entre elles; et leurs élémens constituans sont des artères, des veines et des exhalans. On ne 974 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. sait pas si des nerfs leur arrivent. I1 y a beaucoup de variétés dans les diverses parties du corps, relativement à l'existence de ce tissu. Il abonde sous la peau , au des- sous des membranes séreuses , synoviales , à la face, en dedans et en dehors du thorax , aux environs du cœur , à l'abdomen , à l'extérieur des reins , dans l’épaisseur du mésentère , des épiploons , dans le bassin , au niveau des articulations dans le sens de la flexion, etc. Il man- que , au contraire , au-dessous des membranes muqueu- ses, sous la peau du crâne, du nez, du menton, aux paupières, au pénis , dans le parenchyme des viscè- ressretc. Ce tissu sécrète par voie d’exhalation la graisse , ma- tière fluide dans le corps vivant, mais qui à sa sortie se coagule , est inodore , jaune, d’une saveur douce , fade, etmoins pesante que l’eau. Long-temps elle fut regardée comme un principe immédiat; mais M. Chevreul a fait voir qu’elle est composée de deux matériaux organiques distincts : la stéarine, qui, fusible à 50 degrés environ, est une masse solide , incolore , insipide, presque inodore , soluble dans l'alcool ; et l’élaine qui , fluide encore à zéro , est jaunâtre , plus légère que l’eau , et aussi soluble dans l'alcool. MM. Bérard et de Saussure ont trouvé la graisse des animaux une combinaison, en pro- portions différentes , de carbone , d'hydrogène et d’oxi- gène ; mais On n'a pas déterminé celle de la graisse hu- maine. Peut-être du reste la graisse varie-t-elle un peu de nature dans les diverses parties du corps : cela est certain au moins pour sa couleur et sa consistance. Elle n'existe que là où est le tissu adipeux , par conséquent manque en certaines parties, abonde en d’autres, et est dans chacune en des quantités diverses. Certains ani- SÉCRÉTION DE LA GRAISSE. 979 maux en offrent des accumulations en quelques lieux du corps , comme au dos chez les chameaux , à la queue dans les moutons de Barbarie. Gela se voit même en certaines races d'hommes ; les femmes de la tribu des Bosjesmans , par exemple, offrent une saillie graisseuse remarquable des fesses. Jadis on avait admis l’existence de glandes graisseu- 8 e ses : mais c’est une hypothèse aussi peu admissible, que celle de Riégel, qui veut que la graisse qui entoure les reins soit formée dans les capsules surrénales, et excré- tée de là par des conduits particuliers ; et que celle d’Ev. Home, qui en place l’origine dans l'intestin, la dit un produit de la digestion , comme le chyle, et la fait ab- sorber dans le gros intestin. Les usages de la graisse sont locaux et généraux. Les premiers sont mécaniques , et relatifs à l'intégrité phy- sique des parties : ainsi elle modère la pression à la plante des pieds dans la station, aux fesses dans l’atti- tude assise; elle sert de point d’appui à la peau dans l'exercice du tact ; elle remplit les vides des parties, con- jointement avec le tissu cellulaire : il est probable qu’elie sert à conserver notre température, car elle est un mau- vais conducteur du calorique , et il est d’observation qu’elle forme une couche plus épaisse sous les tégumens des animaux qui habitent les pays froids. On à dit que sa transsudation allait profondément assouplir les fibres, et extérieurement huiler la peau : mais cela est aussi hypothétique que cette autre idée de Fourcroy, qui veut que par elle le sang soit dépouillé d’un excès d’hydro- gène, et que la matière nutritive soit rendue plus azo- tée. Quant aux usages généraux de la graisse; comme humeur récrémentitielle, elle doit concourir à l'entretien 570 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. du corps , et plus qu'aucune autre, elle peut être consi. dérée comme une provision mise en réserve par la na- ture pour subvenir à la nutrition. C'est ce que font pré- sumer, d’un côté, la facilité avec laquelle la graisse se dissipe à la moindre abstinence; et, d'autre part , le phé- nomène des animaux dormeurs, qui, chargés de graisse lorsqu'ils s’endorment , sont devenus très-maigres lors- qu'ils se réveillent. C’est l'absorption interne qui la reprend dans les lieux ouelleest sécrétée; mais, à la différence des exhalations précédentes, la graisse s’accumule toujours en certaine quantité dans les parties où elle est exhalée : sans cela, elle ne pourrait pas remplir les services mécaniques aux- quels elle est destinée. Avec sa sagesse accoutumée, la nature n’a placé dans le corps humain de tissu adipeux que là où la graisse élait utile , etau contraireil manque aux parties où elle aurait été nuisible. Il est impossible d'évaluer sa quantité totale : on dit que chez un homme adulte et d’embonpoint ordinaire , elle forme la vingtième partie du poids du corps. Il faut d’autant plus considérer celte évaluation comme une simple approximation, que peu d’exhalation offre plus de variétés d’individu à in- dividu, et se montre plus mobile dans un même hom- me. On a des exemples d’obésité et de maigreur ex- trêmes. Souvent on maigrit vite , et on engraisse de mé- . me. Les circonstances qui amènent généralement l’em- bonpointsont, le repos des organes musculaires, nerveux et génitaux, joint à une nourriture succulente : on sait que nous engraissons Les animaux domestiques destinés à nos tables, en les condamnant au repos, et de plus l'absence de toutes sensations , comme quand nous leur crevons les yeux : on sait aussi que la castration active SÉCRÉTION DE LA MOELLE. 077 l’exhalation de la graisse ; l’âge mûr a le même effet. Il faut joindre à cela une disposition particulière du tissu adipeux. $. V. Æxhalation de la Moclle. Dans la cavité médullaire des os longs, dans les spon- giosités des os courts , et dans les porosités dela substance compacte de tout os quelconque, il est exhalé une hu- meur huileuse analogue à la graisse dont nous venons de traiter, et qui est appelée moelle. L’organe qui la sécrète est appelé tissu médullaire ou adipeux des os , que plu- sieurs anatomistes rapportent au tissu adipeux qui nous occupait tout à l'heure. Dans les cavités des os longs, ce tissu s’offre sous l'apparence d’une membrane fort sen- sible, qui tapisse le canal intérieur de l’os , et envoie en dehors des prolongemens dans la substance compacte, et en dedans d’autres prolongemens qui forment des cloi- sons intérieures , dans lesquelles se trouvent les vési- cules de la moelle. Gette membrane , dite médullaire , est formée principalement par des vaisseaux sanguins ramifiés dans un tissu cellulaire très-fin, et qu’on peut injecter. On peut aussi y poursuivre des nerfs. C'est dans ses cloisons intérieures que sont des vésicules tout- à-fait semblables à celles du tissu adipeux , ayant le même volume , etparaissant suspendues aussi commedes grains aux vaisseaux sanguins. Ge sont elles qui contiennent la moelle, et elles ne communiquent pas non plus entre el - les. Dans la substance spongieuse des os, la membrane n’est pas aussi distincte, et on ne voit que les vésicules, qui se montrent aussi dans les porosités de la substance compacte. Ce tissu médullaire exhale un suc, appelé moelle dans 9. 37 978 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. le canal médullaire des os longs, suc médullaire dans la substance spongieuse, et suc huileux dans la subs- tance compacte. Ce suc a beaucoup de ressemblance physiquement et chimiquement avec la graisse; il est seulement plus fluide , plus coloré, plus jaune. Les usages de ce suc sont peu connus. On à dit qu'il rendait les. os plus flexibles et moins cassans ; mais les os des enfans qui sont dépourvus de moelle, sont bien moins fragiles que ceux des vicillards, dans lesquels la moelle abonde. Haller a pensé qu’il servait à la reproduction des os, et notamment à la formation du cal; mais une fracture se guérit d'autant plus promptement, qu'on est plus jeune, et il y a dans le premier âge bien moins de moelle que dans les âges suivans. Nous avons réfuté l’i- dée de sa transsudation à travers les extrémités articu- laires des os, pour aller former la synovie. Pour prouver son influence sur la nutrition et la conservalion des 05, on ne peut arguer des expériences de Troja , qui consis- {aientà détruire avec un fer rouge la membrane médul- laire , et à voir par suite l'os se nécroser. La membrane médullaire, en effet , ne sert pas seulement à l'os, comme organe producteur dela moelle ; elle estle périoste interne de cet organe ; d'elle proviennent beaucoup de vaisseaux | qui pénètrent sa substance , eton concoit dès lors que sa destruction doit entraîner celle de l'os, indépendamment du service dela moelle. Ge sucn’a peut-être pas d’autre office local que de remplir le vide des os ; du moins que penser de cette idée, que la moelle est le réservoir du calorique latent et de l'électricité? Quant à ses usa- ges génÉrAUX , ils seroient ceux de la graisse. Peut-on la considérer de même, comme une provision mise en ré- serve pour la nutrition ? Offre-t-elle dans sa quantité les SÉCRÉAONS DES MUCUS COLORANS. 379 mêmes variations que la graisse ? et ces variations sur- viennent-elles coïncidemment, dans les mêmes Circons- tances, et par les mêmes causes ? la moelle n'est-elle que la graisse , avec la modification qu'a commandée sa siluation dans l’intérieur des os ? c’est ce qui est pro- bable, mais ce qui n’est pas démontré. Sa quantité to- iale est impossible à évaluer. $. VI. Exhalations des Mucus colorans de La peau, et d’autres surfaces. Dansla partie de la peau qu’on appelle corps Muqueux , et qui est intermédiaire au derme qui est plus profonde. mentsitué, et à l’épiderme qui est tout-à-fait extérieur ; il est exhalé un mucus , un pigmentum auquel est dû la couleur particulière de la peau. Cette matière colorante existe dans les hommes de toutes les races ; excepté les albinos; mais c’est surtout dans les nègres qu'il est pos- sible de la voir. Liüttre fit macérer de la peau de nègre dans la vue de gonfler le corps muqueux , de séparer l’épiderme du derme, et de pouvoir obtenir la matière colorante isolée; mais ilne put réussir. Quelquefois ce- pendant, en agissant ainsi sur la peau du scrotum , on parvient à séparer des portions de Corps muqueux coloré assez étendues. Si on prolonge la macération , le Corps Muqueux serésouten une mucosité , teint l’eau , et laisse déposer au fond du vase une poudre brune impalpable. Gette expérience met hors de doute l'existence de cette matière colorante , qui paraît consister en globules co- lorés disséminés dans le corps muqueux. On sait qu’elle n’estpas lamême dansles diverses races d'hommes. Le corps muqueux où elle siège est d'autant plus épais, que cette matière est d’une couleur plus fon- 0. > 6 980 FONCTION DES SÉCRETIONS- cé; à cetitre, ilne l’est nulle part plus que chez le nègre, et son épaisseur va en diminuant successivement jusque chez le blanc. Gest par exhalation que cette matière est produite, et par résorption qu'elle est re- nouvelée. D'un côté, on ne peut la croire l'effet physi- que de la lumière, amenant quelques combinaisons avec le liquide plastique , le tissu cellulaire à demi organisé , qui constitue le corps muqueux: c’est bien une action organique qui la produit, La couleur dela peau, en effet, se montre dépendante du degré de développement de cette membrane, des variations des âges, el de l’état de santé et de maladie : le nègre, par exemple , naît pres- que aussi blanc que l’européen ; ce n’est que sraduelle- ment qu’il devient noir ; il ne l’est parfaitementque dans ’âge adulte; dans sa vieillesse, sa peau perd un peu du beau noir de jais qu’elle avait dans le bel âge de sa vie, et se nuance de jaune. Toutes les régions de sa peau , d’ailleurs, n’ont pas le même degré de noirceur ; les parties cénitales le pénis , le scrotum, les auréoles des seins , les lèvres de la vulve , sont les parties les plus noi- res; viennent ensuite les fesses ; puis, les paupières, la face, l'abdomen , le thorax , les membres; la paume des mains et la plante des pieds, sont toujours les parties les moins noires. La couleur de la peau du nègre change vi- siblement par l’état de maladie : celle-ci peut même ne porter que sur la sécrétion quinous 0CCupPE ; si cette sécré- ion n'a pas lieu, la peau est sans couleur , ce qui con- stitue les albinos dans l'espèce noire , et la leucozoonte dans l’espèce blanche ; on a vu des blancs devenir noirs, des femmes , par exemple , pendant leur grossesse ; et au contraire , des nègres se tacheter de diverses cou- leurs, être ce qu'on appelle nègres-pies. Si nous ci- SÉCRÉTIONS DES MUCUS COLORANS. 581 tons spécialement le nègre, c’est que chez lui les phé- nomènes sont plus sensibles ; mais ce que nous disons de lui, est vrai aussi des autres races d'hommes. D’un autre côté, c’est bien l’absorption interne qui reprend cette matière colorante ; l'influence des maladies sur la cou- leur de la peau , en est la preuve: Bedidoës et F'ourcroy ont expérimenté que la peau d’un nègre qui était devenue blanche par suite d’une immersion dans une eau impré- gnée de vapeur de chlore, a repris en peu de jours sa couleur noire. On peut d’ailleurs ici invoquer l’analogie des animaux , chez lesquels les couleurs deleurs envelop - pes sont souvent variées dans les diverses parties de leur corps, etchangent en outre dans leurs divers âges , selon les saisons , etc. Nous faisons exhaler avec presque tous les physiologistes la matière colorante de la peau par les vaisseaux du corps muqueux du derme: M. Gaultier de Claubry veut qu’elle soit fournie par les bulbes des poils : il fait remarquer, qu'en effet, cette substance coloranie est en raison inverse dans les cheveux et dans la peau; que le nègre , chez lequel elle abonde, a les cheveux courts; que la femme qui a généralement la chevelure plus belle que l’homme , a la peau plus blan- che: il argue surtout d'expériences dans lesquelles ayant appliqué des vésicatoires à des nègres , il a vu directe- ment la matière colorante sourdre des bulbes pileux , et . venir se déposer à la surface du corps muqueux. Blu- menbach avait dit depuis long-temps que cette matière colorante était formée principalement de carbone , et les observations chimiques de Davy l'ont récemment dé- montré. On n’en peut évaluer la quantité. Quel est l'usage de ce pigmentum de la peau ? Sans auçun doute il aquelquesrapports avec la chaleur solaire , 882 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. car on voit que généralement c’est dans les régions équa- toriales et tropicales quesa couleur est plus foncée. Ev. Home a fait quelques expériences qui sembleraient prouver qu'il sert à défendre la peau contre l'effet rubé- fiant des rayons du soleil : il dirigea comparativement sur so bras nu, et sur celui d’un nègre , les rayons du soleil ; et tandis qu’il ressentit de la douleur , et que sur sa peau il se forma des phlyctènes , le nègre n’éprouva aucun de ses effets : répétant l'expérience, en ayant soin de couvrir son bras d’un drap noir, il ne recut aucunes atteintes, tandis qu’elles furent les mêmes en se cou- vrant d’un drap blanc. A l'histoire du pigmentum de la peau, nous ratta- chons celle de l’enduit noirâtre de la choroïde et des mucus colorés des faces antérieure et postérieure de l'iris et des procès cilaires. Nous les avons mentionnés en faisant la description anatomique de l'œil. Ils sont aussi le produit d’une exhalation , et ont sans aucun doute des usages physiques relatifs à la vision , comme d’absorber les rayons obliques. Cependant E£v. Home croit qu'ils servent, comme à Ja peau, à prévenir l'effet vésicant des rayons solaires, faisant remarquer que la couleur noire de la choroïde est plus foncée dans les régions tro- picales que dans les régions du nord, et qu’existant dans tous les animaux qui ont les yeux dirigés en haut, elle manque, au contraire , dans les animaux de nuit. $. VII. Æxhalations aréolarres. Sous ce nom , nous comprendrons diverses sécrétions récrémentitielles qui se font, ou dans l’intérieur de quel- ques organes des sens, ou dans l'intimité d'organes pa- renchymateux. SCRÉTIONS ARÉOLAIRES. 5$3 À la première catégorie, nous rapporterons les exha- Jations de l'humeur de Gotunni dans l'oreille interne, et des trois humeurs de l’œil, humeur aqueuse, cristal- lin et corps vitré. Nous ne ferons que les nommer, ayant dit aux articles de l'oreille et de l'œil tout ce que l’on sait de leurs usages, de leur quantilé , de leur nature chimique, etc. À la seconde, nous rattacherons les exhalations d’une sorte de lymphe albumineuse , ou rougeâtre, ou blan- châtre , qui se font dans l’intérieur des ganglions lympha- tiques, et des organes particuliers appelés par M. Chaus- sier ganglions slandiformes , et par M. Béclard ganglions SANGUINS ; savoir : le thymus, la thyroïde , les capsules surrénales et la rate. Mais, comme il n’est pas rigou- reusement prouvé , que les sucs qu’on trouve dans les aréoles du parenchyme de ces organes, soient plutôt le produit d’une exhalation de ces organes, que celui d’une élaboration du fluide circulant qui les traverse , nous ‘renvoyons à ce que nous avons dit ou devons dire des usages de ces organes. Plusieurs physiologisies ont prétendu que la surface interne des vaisseaux artériels, veineux et lymphatiques, perspirait une humeur destinée à la lubréfier et à la défendre du contact du fluide qui y circule. Mais, d’a- bord , à supposer que cela fût, cette humeur ne serait pas, à proprement parler , récrémentitielle , car ce ne serait pas une action d'absorption qui la reporterait dans le sang : ensuite, on peut douter de la réalité de cette sécrétion, car lorsque l’on interrompt la circulation dans ces vaisseaux, on les voit s’oblitérer. 584 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. ArTicze II. Des Sécrétions excrémentitielles. On appelle ainsi , celles dont les produits sont rejetés hors de l’économie , et fondent pour l’homme une excré- tion par laquelle s’accomplit sa décomposition. Celles- ci ont tour à tour pour agens des organes exhalans , des follicules et des glandes. Leurs produits sont toujours versés sur les surfaces externes du corps, ou du moins dans des lieux qui communiquent librement au dehors par quelques ouvertures naturelles. Souvent cependant, ces produits sont déposés d’abord dans des réservoirs où ils s’accumulent jusqu’à un certain point , et d’où ils sont ensuite excrétés d’intervalles en intervalles. Alors, on peut, dans l’histoire de la sécrétion , séparer nette- ment la sécrétion proprement dite , et l’excrétion , celle- ci consistant souvent en un mécanisme assez compliqué. Nous les partagerons en deux ordres : 1° celles qui, bien qu’excrémentitielles, ont été cependant édifiées pour des usages autres que ceux de la dépuration du sang et la décomposion du corps; et l’on verra que celles- là sont fort nombreuses et remplissent chacune des usa- ges fort divers. 9° Celles, au contraire , qui n’ont pas d’autres offices que d’être dépuratives et décomposantes, comme la sécrétion urinaire , par exemple. OrDRe [*, — Sécrétions qui ne sont décomposantes qu'accessotrement. Ces sécrétions sont en fort grand nombre dans l’éco- nomie de l’homme, et ont chacune leurs utilités parti- SÉCRÉTION DE L'HUMEUR SÉBACÉE. 589 culières : les unes remplissent seulement un oflice de lubréfaction , les autres servent la digestion, la généra- tion, l'entretien de la température du corps. $. I". Sécrétion de l’humeur Sébacée. Dans le tissu de la peau existent des follicules , sécré- tant une humeur grasse, qui, versée à la surface de celte membrane , en entretient le liant, la souplesse, et la défend de l'impression des corps liquides. Nous en avons parlé à l’article de la peau : ces follicules sont ronds , graniformes , ont la forme d’une petite ampoule, et le volume d’un grain de millet. Ils abondent surtout là où il y a des poils, où la peau fait des plis et est exposée à plus de frottemens. L’humeur qu'ils sécrètent est une huile douce et muqueuse , qui se répand sur l’épiderme et les poils, en entretient la souplesse, le poli, les dé- fend de l'humidité, en facilite les glissemens. Elle est sensible aux sens du tact, de l’odorat et de la vue même; car elle graisse le linge, et s’incorpore les divers corpus- cules qui nagent dans l’atmosphère. Elle varié dans les diverses parties de la peau : par exemple , elle est plus fluide à la face et aux ailes du nez, plus épaisse et plus colorée aux aines et surtout aux aisselles , huileuse à la peau du crâne, douce et butyreuse à l’auréole du ma- melon du sein, séreuse derrière les oreilles, savonneuse et odorante aux parties génitales, etc. Elle est évidem- ment distincte, dans le conduit auditif externe où elle forme ce qu’on appelle le cérumen, aux paupières où elle forme la chassie ou lhumeur de Meibomius , à la caroncule lacrymale et à la base du gland. Elle varie aussi de nature , de quantité, selon les cli- 586 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. imats, l’'embonpoint, les âges, les tempéramens , les races d'homme, etc. Elle n’est pas la même, par exem- ple, dans les hommes roux et les hommes blonds, les blancs et les nègres, etc. Chacun a , à cet égard, sa peau spéciale; et sur son élat doivent être basées les règles de cosmétique à suivre, la peau étant tour à tour ou trop humide ou trop sèche, et réclamant dès lors des absorbans ou des substances huileuses. La source de cette humeur sébacée a long-Lemps été un objet de débats. Les uns l'ont attribuée à une trans- sudation de la graisse au travers de la peau. Bichat admettait dans la peau un ordre d’exhalans destinés à la perspirer. Aujourd’hui on la dérive des cryptes ou follicules de la peau. Ses usages sont évidemment de lubréfier cette grandemembrane ; mais Comme en même temps elle est rejetée au dehors, l’air la dissolvant , ou les vêtemens s’en imprégnant , elle fonde pour l’homme une perte. On voit bien cependant que ce n’est que con- sécutivement qu’elle concourt à la décomposition , et que la nature l’a primitivement faite pour l'utilité locale de la peau. Néanmoins , par cela seul qu'elle est excré- mentitielle, elle entre en solidarité avec les autres hu- meurs de cette classe, et demande à être respectée : il y a du danger à la supprimer inconsidérément ; on a vu des migraines , des maux d’yeux succéder à des lotions d’eau froide à la tête où celte sécrétion est plus abon- dante et plus grasse; des maladies du poumon succé- der également à des efforts imprudens faits pour la sup- primer aux pieds. Enfin, souvent elle est la voie par la- quelle se jugent des maladies humorales : que de fois des éruptions de dartres , d’exanthèmes, ont consolidé une SÉCRÉTION DES SUCS MUQUEUX. 987 santé chancelante , et ont mis fin à des douleurs ancien- nes ! son excrétion est une suite forcée de sa sécrélion , et sa quantité ne peut être appréciée. $. II. Sécrétion folliculaire muqueuse. Les deux grandes membranes muqueuses, gastro-pul- monaire et génito - urinaire , SOnt garnies, Comme la peau, de follicules , qui sécrètent à leur surface , des sucs qui les lubréfient, et qui sont connus sous le nom gé- nérique de mucus. Ges follicules, non-seulement sont plus ou moins nombreux en chaque membrane mu- queuse, mais ils ÿ diffèrent même de vitalité, et par conséqnent y engendrent des mucus différens , et aux- quels on a donné des noms divers : ainsi l’on distingue le mucus nasal, le buccal, le tonsillaire, l'œsophagien , le gastrique, l’intestinal, etc. Mais, au fond, l'organe, son action et son produit sont tous d’un même genre. Nous avons peu de détails à donner , la plupart de ces sucs ayant été étudiés, à l’article des fonctions auxquelles servent les organes auxquels appartiennent les membra nes muqueuses. Les follicules de la muqueuse nasale sécrètent le mu- cus appelé nasal, qui est utile à l’olfaction , en main- tenant humide la membrane olfactive, et en lui appli- quant la molécule odorante. Leur action est plus ou moins grande , selon la qualité plus ou moins irritante de l'air qui est respiré. Le mucus qui en est le produit , est composé selon Fourcroy, MM. J’auquetin et Ber- celius, sur 1000 parties : d’eau , 959,9 ; de matière mu- queuse , 99,9 ; de muriate de potasse et de soude, 5,6; de lactate de soude uni à une matière animale , 3; de soude , 0,9; de phosphate de soude , ailbumine, matière 588 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. animale insoluble dans l'alcool , mais soluble dans l’eau, Due Les follicules de la membrane muqueuse digestive sécrètent de même un mucus, qui varie un peu à la bouche , au gosier, à l’œsophage, à l'estomac, à l’in- iestin, et qui favorise les diverses mutations que Pali- ment doit éprouver dans toutes ces parties, ainsi que sa progression des unes aux autres. L’humeur des ton- silles doit y être rapportée , car ces tonsilles ne sont que des follicules composés, dont le produit est destiné à invisquer le bol alimentaire et à favoriser sa déglutition. Il en est de même, et à la muqueuse respiratoire qui, sans ce mucus, serait promptement desséchée par la présence continuelle de l'air, et à la muqueuse génilo- urinaire. À cette dernière se rattachent les humeurs de la prostate et des glandes de Cowper , qui ne sont que des follicules composés. On conçoit qu’il est impossible de spécifier la quan- tité respective de ces divers mucus, et par conséquent leur quantité totale. Leurs usages primitifs sont évidem- ment de lubréfier ces diverses surfaces , qui sont tou- jours en contact avec des corps étrangers , et ce n’est encore que secondairement qu'ils sont décomposans. Cependant ils le sont , puisqu'ils sont excrémentitiels , et par conséquent ils entrent aussi en solidarité avec les autres excrétions , et ne pourraient pas impunément être supprimés. Ily a ici quelque chose de plus qu’à la sécrétion sébacée de la peau : le produit de celle-ci était de suite jeté hors du corps, et l’excrétion succédait irrésistiblement à la sécrétion par le fait seul de la disposition des parties. fl n’en est pas de même de la sécrétion folliculaie mu- SÉCRÉTION DES SUCS MUQUEUX. 589 queuse : sans doute l’excrétion en elle suit aussi immé- diatement la sécrétion; sans doute les mucus sont en partie dissipés par l'air, ou enlevés avec les matières ingérées ou excrétées qui sont en contact avec les mem- branes muqueuses; mais en partie aussi ils se rassem- blent en ces membranes, qui sont pour eux des réser- voirs, et d’où ils ne sont plus rejetés que d’intervalles en intervalles. On peut dès lors séparer pour eux la sé- crétion et l’excrétion ; et de là plusieurs excrétions, aussi distinctes que celles de lPurine et des matières fécales , et dont nous devons traiter, savoir , le moucher et le cracher. Excrétion du moucher. La matière de cette excré - iion se compose du mucus nasal, des larmes conduites dans Je nez par les voies lacrymales , et des difiérens atomes que l'air de la respiration peut en passant dé- poser sur la membrane muqueuse nasale. Le plus sou- vent cette matière n'existe que dans la quantité néces- saire pour tenir la membrane olfactive humide , ou le superflu en est dissipé par l’action dissolvante de l'air ; mais souvent aussi cette matière est trop abondante , et alors elle coule par le fait seul de son poids, soit par l'ouverture postérieure des fosses nasales dans le pha- rynx, d’où elle est retirée par le crachement ou la dé- glutition, soit par l'ouverture antérieure des narines. C'est pour remédier à ce qu'a d’incommode et de dé- goûtant ce dernier écoulement, qu’on recourt à l'acte du moucher , dont voici les particularités. Une sensa- tion tactile , développée dans la muqueuse nasale , avertit d’abord que cette membrane est couverte de mucus , et à besoin d’en être débarrassée. Pour en opérer alors l’ex- crétion , après une inspiration on fait une forte et brus- 590 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. que expiration , en ayant soin de fermer la bouche ; ainsi Fair expiré sort par les fosses nasales et les balaie; en même temps enfin, on comprime extérieurement le nez pour exprimer tout le liquide qui peut y être accumulé. Ce moucher est donc un analogue des actions d’excré- tion, des fèces, de l’urine , par exemple : les seules dif- férences sont, que la sensation qui la précède est tactile et non interne, et que la cavité qui se vide n’est pas contractile par elle-même , et n’influe pas par elle-même sur l’excrétion. Il est aussi, à la rigueur, volontaire, tandis que les excrétions que nous venons de citer ne le sont que jusqu’à un certain point. Quelquefois cependant ce moucher est comme con- vulsif, et par conséquent involontaire : par exemple, dans l’éternuement, qui n'est qu’une expiration con- vulsive ; la muqueuse nasale irritée par le contact d’un corps étranger, excite le jeu convulsif de toutes les puissances inspiratrices; on commence par faire une grande inspiration, afin de rassembler beaucoup d’air dans le poumon; ensuite à cette inspiration succède bien vite une expiration forte et convulsive qui, pro- jetant beaucoup d’air à travers les fosses nasales , en fait jaillir avec bruit ie liquide ou le corps étranger qui irrite la membrane. 2° Excrétion du cracher. Lamatière du cracher con- siste, tantôt exclusivement dans les sucs de la bouche, mucus buccal et salive, tantôt dans les sucs du nez, du pharynx et du larynx. Dans ces divers cas, le méca- nisme du cracher diffère un peu. Quand la sputation n’a à excréter qu’un superflu du mucus buccal et de la salive, sues qui le plus souvent sont avalés et suivent le sort des alimens , une sensation accuse la présence de trop d’hu- SÉCRÉTION DES SUCS MUQUEUX. D01 midité dans la bouche; et alors les parois musculeuses de cette cavité, ainsi que la langue qui est dans son in- térieur , se contractent de manière à rejeter ce superflu à travers l'ouverture béante des lèvres. Quelquefois celle-ci se rétrécit, pour imprimer au liquide une plus grande impulsion. L’air de l’expiration dirigé alors par la bouche et non par le nez, peut concourir aussi à imprimer au liquide le mouvement qui l’entraîne. Si c'est la salive qui est rejetée, quelquefois il y a de plus une contraction des conduits excréteurs des glandes sa- livaires , telle que ce fluide jaillit au loin. Mais, si l’objet du cracher est d’évacuer des sucs qui viennent du nez, du pharynx ou du larynx, il faut d’abord que ces sucs soient amenés dans la bouche , et voici par quel mécanisme. En premier lieu, la matière du moucher peut tomber d’elle-même par l’ouverture postérieure des fosses nasales dans le pharynx; en se- cond lieu , nous pouvons à volonté lui faire suivre cette voie , en faisant une forte inspiration, la bouche étant close, et le pharynx étant contracté de manière à em- pêcher toute entrée dans l’œsophage; enfin , parvenus ainsi dans le pharynx, cette matière et les sucs du pha- rynx lui-même , sont ramenés aisément dans la bouche par une contraction de ce pharynx, inverse de celle qu’il exécute dans l’acte de la déglutition, et par l’in- fluence de cette inspiration. Quelquefois le mouvement qui entraîne ces sucs du pharynx dansla bouche, suffit pour les chasser au dehors; mais si cela n’est pas, le mouvement du cracher, tel que nous l’avons décrit d’abord, lui succède et les excrète tout-à-fait. Quant au mucus trachéal , le plus souvent l’air de l'expiration le dissout et l’entraîne avec lui; mais s’il est trop abon- 592 FONCTION DES SÉCRÉTIONS: dant pour cela , il est ramené dans la bouche aussi, ei excrété par un mécanisme qui est susceptible de deux modes : tantôt il suflit d’une expiration assez forte pour que l'air rejeté entraîne avec lui tout ce qui est à la surface de la membrane bronchique; tantôt cette expiration à un caractère particulier et fonde ce qu’on appelle la toux. Dans la toux, la membrane muqueuse des bronches irritée par la présence du mucus , détermine le jeu con- vulsif des puissances de l'expiration ; l’airest aussi chassé avec rapidité, et balaic tout ce qui est à la surface de la membrane ; l’étroitesse de la gloite ne fait qu’ajouter à la rapidité avec laquelle il est projeté, ainsi que ce qu’il entraîne avec lui. Quelquefois cette toux est tout-à-fait involontaire ; d'autres fois, la volonté la met en jeu pour en obtenir le même résultat. Cette excrétion du mucus trachéal, quel que soit le mode selon lequelelle se fait, constitue ce qu'on appelle l'expectoration. Ces différens sucs muqueux peuvent aussi être avalés , et alors ils seront de là, ou rejetés par vomissement , OU excrétés avec les matières alvines. Nous n'avons pas Desoin de nous arrêter à ces deux excrétions qui nous ont occupés ans le temps. Nous ferons remarquer seu- Jement celte précaution qu'a prise la nature, de placer successivement les uns au-dessus des autres les divers réservoirs où se rassemblent les mucus: le nez, par exemple ,recoil les sucs de l'œil, la bouche ceux du nez, et l'estomac ceux de tous les réservoirs supérieurs : il en résulte quesi leur excrétion ne se fait pas parles ouvertures supérieures, elle se fait par les subséquentes. Remar- quons aussi que Ces SUCS suivent peut-être, en partie au le sort des matières étrangères qui traversent MOINS ; les membranes muqueuses ; et, par exemple , sont SÉCRÉTION DES LARMES. 203 . dans l’estomac digérés avec les alimens. Aussi comp - tent-ils parmi ceux que l’ancienne école appelait /luides récrément -excrémentitiels , c’est-à-dire qui sont en partie repris par l’absorption interne , et en partie ex- crétés. $. III. Sécrétion des Larmes. Quoique celle-ci reconnaisse pour agent un appareil glandulaire , l'humeur qui en est le produit remplit aussi un oflice de lubréfaction. Les larmes , en effet, servent à absterger l'œil, à l’entretenir humide et transparent. Nous ne ferons que la mentionner ici, son histoire ayant élé exposée avec détails à l’article de la vision. Nous ne signalerons qu’un seul trait, c’est qu’elle est, plus facile- ment que toute autre sécrétion, influencée par les affec- tions de l’âme , et fonde un des phénomènes d’expres- sion les plus fréquens , le pleurer. I est évidemment im- possible d'évaluer la quantité des larmes , d’autant plus que beaucoup de circonstances éventuelles dans la vie peuvent en augmenter la sécrétion, $. IV. Sécretions de la Salive et du suc Pancréatique. Nous serons courts aussi relativement à ces deux sé- crétions, parce que nous en avons traité à l’article de la fonction de la digestion , dont elles font partie en quelque sorte. Nous avons dit que de chaque côté de la bouche existent trois glandes dites salivaires , dont les conduits excréteurs sont ouverts dans celte cavité, et ÿ versent le suc albumineux appelé salive, si évidemment destiné à servir la gustation, la mastication , la dégluti- tion des alimens et leur digestion en général. On concoit qu'il est encore impossible d'indiquer la quantité dans : 3. . 38 Ed 594 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, laquelle est sécrétée la salive. Nous en dirons autant à égard du suc pancréatique , dont l’organe sécréteur est le pancréas, et qui est versé dans l'intestin duodénum pour concourir sans qu’on sache comment à la chylifi- cation des alimens. $&. V. De la Sécrétion de la Bile. Nous devons , au contraire , faire ici avec détails l’histoire de la sécrétion de la bile, bien que son pro- duit ait certainement le même office spécial que le suc pancréalique , savoir la chylification des alimens : mais nous n’avions fait que la mentionner à l’article dela diges- tion, parce que son histoire assez compliquée nous eût alors trop détourné de notre objet. Exposons successi- vement la disposition anatomique de l'appareil de la sécrétion biliaire, et ce que l’on sait du mécanisme de cette sécrétion. 1° Appareil de la sécrétion biliaire. Il se compose du foie, glande qui effectue la sécrétion; du canal hépati- que, qui est le conduit excréteur par lequel la bile en coule ; de la vésicule biliaire , qui est un réservoir dans lequel une certaine quantité de la bile se met en dépôt ; du canal cystique, qui est le conduit excréteur de cette vésicule: et enfin du canal cholédoque, canal qui est formé par la réunion des canaux hépatique et cystique , et qui conduit la bileimmédiatement dans l'intestin duodénum. Le foie existe en presque tous les animaux, d’abord dans tous les animaux vertébrés ; ensuite, dans les mol- lusques, les insectes et les animaux radiaires eux-mêmes : seulement, dans ces derniers , Les grains glanduleux qui le composent, au lieu d’être agglomérés en une seule masse, sont disposés en grappes ou En rameaux. Chez SÉCRÉTION DE LA PILE. 999 l’homme, c’est un organe très-volumineux ; situé dans l’abdomen, au-dessous du diaphragme , au- dessus de l'estomac, de l’arc du colon, du duodénum , et der- rière le rebord cartilagineux qui termine le thorax : remplissant dans celte cavité tout l’hypochondre droit et plus où moins de l’épigastre ; et fixé dans cette région par quatre replis du péritoine qui l’attachent au diaphragme et qui sont appelés le ligament suspenseur, les liga- mens triangulaires et le ligament coronaire du foie. Sa figure est diflicile à caractériser: sa couleur d’un rouge obscur mêlé de jaune. Il est partagé en trois lobes, le droit, le gauche, et le lobule de Spigel. Sa face supé- rieure convexe touche partout à la voûte du diaphragme. Sa face inférieure concave correspond à l'estomac , au colon, au rein droit; c’est à cette face qu’adhère la vé- sicule biliaire dont nous parlerons ci-après : on ÿ ob- serve deux scissures; l’une, dirigée de devant en arrière dans toute l'étendue du foie , et appelée la scissure hori- zontale ; autre , dirigée au contraire en travers de droite à gauche, coupant à angle droit la précédente , et par laquelle entrent et sortent les différens nerfs el vais- seaux qui forment le parenchyme du foie. Les élémens anatomiques de celui-ci sont : 1° une artère, dite hépa- tique, branche du tronc cœliaque ou opistogastrique , qui pénétrant dans le foie par la scissure transversale , se ramifie dans tous les points de sa substance. 2° La veine-porte, tronc commun de toutes les veines des organes digestifs et de la rate, qui, pénétrant par cette même scissure transversale, se distribue aussi au tissu du foie, suivant dans ses divisions toutes celles de l'artère hépatique. On voit que voilà deux systèmes vasculaires sanguins qui se distribuent au foie, et qui, conséquem- 38* 596 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. ment, peuvent être considérés comme lui apportant les matériaux de la sécrétion. 3° Le système vasculaire sé- créteur , qui naissant de toutes les parties du foie par des extrémités capillaires , aboutit enfin à deux ou trois gros trones qui sortent du foie par la scissure transversale , et au-delà se réunissent en un seul qu’on appelle le con- duit hépatique : les divisions de ce système vasculaire sécréteur accompagnent aussi dans le parenchyme du foie toutes celles de l'artère hépatique et de la veine- porte. 4° Des vaisseaux lymphatiques , qui sont en fort grand nombre , et qui affectent ici comme ailleurs deux plans, un superficiel et un profond. 5° Les nerfs, en assez petit nombre , eu égard au volume du foie, ve- nant quelques - uns de la huitième paire , la plupart du plexus solaire, et suivant le trajet et les divisions de l'artère hépatique. 6° Des veines , dites sus-hépati- ques , naissant dans le parenchyme du foie par des ex- trémités capillaires , communiquant avec les dernières ramifications de l’artère hépatique et de la veine-porte, reportant le superflu du sang qui a été distribué au foie par ces deux genres de vaisseaux, et se réduisant enfin à deux ou trois troncs et à six ou sepl branches qui s’ou- vrent dans la veine-cave inférieure. Ges veines générale- ment se dirigent en convergeant vers le bord postérieur du foie, et croisent à angle droit les divisions de la veine- porte. 7° Des débris de la veine ombilicale , qui dans le fœtus à pénétré par la scissure horizontale pour se ra- mifier dans le foie, mais qui dans l'adulte s’est oblitérée et changée en une substance ligamenteuse. Ces divers élémens s'associent dans le tissu du foie, pour former un parenchyme dont la texture intime est diflicile à caractériser ; à l'inspection, il se montre plus jaune in- SÉCRÉTION DE LA BILE. 597 térieurement qu’extérieurement , et paraît poreux, gra: nulé : nous n’en pouvons rien assurer, sinon qu'il ÿ a de faciles communications entre l'artère hépatique et les vaisseaux sécréteurs d’une part, et entre la veine-porte et ces mêmes vaisseaux sécréteurs d'autre part. L’organe est en outre enveloppé de deux membranes; une plus extérieure, qui n’est que le péritoine qui s’est réfléchi des parties voisines pour entourer , mais non en entier , le foie ; une autre , située plus profondément, qui est la membrane propre du foie, et qui non-seulement en revêt toute la surface extérieure, mais encore à sa face concave forme des gaînes à chacun des vaisseaux et des nerfs qui pénétrent l’organe et les suit dans toutes leurs ramifications : une de ces gaînes accompagne ainsi l'artère hépatique , la veine-porte, le système vasculaire sécréteur, et les nerfs dans toutes leurs divisions, et fonde ce qu’on appelle la capsule de Glisson. Le conduit hépatique est le tronc commun de tous les vaisseaux sécréteurs du foie; il sort de l’organe , à sa face concave, par la scissure transversale; et situé enire les deux feuillets de l’épiploon gastro-hépatique, dans le tissu cellulaire lâche qui unit tous les vaisseaux et nerfs qui entrent ou sortent par celle scissure , il descend obliquement en dedans, et après un pouce et demi de trajet , il se joint à angle aigu au canal de la vésicule, dit cystique , pour former au-delà, par sa réunion avec lui, le canal dit cholédoque. La wésicule biliaire est une petite poche membraneu- se, pyriforme , située à la face inférieure et concave du foie à laquelle elle est fixée , au-dessus du colon et du duodénum , et dans laquelle se met en dépôt une cer- 59 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. taine quantité de bile. La partie la plus grosse, ou le fond, est tournée en avant, et même, lorsque la vésicule est pleine , souvent dépasse le bord antérieur du foie ; sa par- te la plus étroite, ou le col, est tournée en arrière et se termine par le canal cystique. Extérieurement elle est recouverte, en partie au moins, par le péritoine qui l’at- tache au foie , auquel elle adhère en outre par du tissu cellulaire et des vaisseaux. En dedans, elle est très -ru- gueuse, et offre des aréoles ou mailles séparées les unes des autres par des rides superficielles. Elle est formée par la superposition detrois membranes; une extérieure , séreuse , prolongement du péritoine , mais n'enveloppant pas partout l'organe, ne se trouvant qu’à la face infé- rieure et à son fond ; une moyenne, celluleuse; et une interne, muqueuse ; c’est à celle-ci qu'appartiennent les rugosités et les mailles dont nous avons parlé plus haut. Hn’yarien dans la texture de cette vésicule qui soit mus- culeux; et on ne peut y découvrir non plus les petites glandes auxquelles on voulait rapporter la production de la bile qu’elle contient. Le conduit cystique est un conduit du même genre que l’hépatique , naissant au col de la vésicule, garni en ce lieu de plusieurs valvules , et après un trajet d'un pouce et demi, venant se réunir, sous un angle très aigu , au canal hépatique. Enfin, le canal cholédoque résulte de la réunion de ces deux conduits, hépatique et cystique; il paraît ce- pendant être plutôt la continuation du premier : situé dans l'épaisseur de l’épiploon gastro-hépatique ; il va, après un trajet de quatre pouces, s'ouvrir dans le duodé- num , à l’union dela seconde courbure avec la troisième ; SÉCRÉTION DE LA BILE. 299 il ne perce que graduellement les trois tuniques de cet intestin , rampant quelques temps entre la musculeuse et la muqueuse , avant de traverser cette dernière. La structure de ces canaux, hépatique, cystique et cholédoque , est la même : ils sont formés de deux mem- branes; une extérieure, épaisse, dense, forte, proba- blement de nature celluleuse ou albuginée, et une in- itrieure, muqueuse, comme celle qui tapisse la vésicule. Beaucoup d’anatomistes rapportent encore à l’appa- reil biliaire, la rate, qu’ils disent destinée à préparer le sang qui fournit les matériaux de la sécrétion. Mais ayant décrit cet organe à l’article de la digestion, nous n'avons pas besoin d’y revenir. a° Mécanisme de la sécrétion biliaire. C’est certaine- ment par le mécanisme commun à toutes les sécrétions , que le foie sécrète la bile. Mais , comme cet organe reçoit deux systèmes vasculaires sanguins, deux espèces desang, celui de l'artère hépatique, et celui de la veine-porte, il se présente ici une première question, celle de savoir lequel de ces deux sangs fournit les matériaux de la sé- crétion, ou si tous Les deux y concourent. Cette question , à laquelle on ne peut répondre par des faits directs, exige préalablement pour être appro- fondie la solution de: deux autres, savoir , l'indication des usages de la rate et de ceux du système de la veine- porte. Larate, en effet, fournit une grande part du sang de la veine-porte , de ce sang duquel on peut à bon droit dériver la bile; et l’on conçoit que l’idée que l’on se fera de la fonction de la rate, et des usages du système de la veine-porte , devra influer sur la manière dont on résou- dra le problème que nous cherchons. Commençons donc par ces deux objets. Goo FONCTION DES SÉCRÉTIONS. Et d’abord, pour ce qui est de la rate, que d’usages divers attribués à cet organe, et dont nous avons men- tionné successivement les principaux ! leur nombre seul prouve qu'aucun n’est démontré : nous en passerons sous silence plusieurs qui sont évidemment hypothétiques ; comme d’être le siége de l’âme sensitive, celui du rêve, de la mélancolie, du sommeil , des appétits vénériens ; d’être un contre-poids mécanique du foie, etc. Nous nous restreindrons à trois conjectures plusraisonnables , dans lesquelles on fait de la rate, un organe sécréteur , un ganglion, et un diverticulum du sang. Dès long-temps, on a dit la rate un organe sécréteur, se fondant sur le volume énorme de l’arière splénique : tour-à-tour on lui fit sécréter l’atrabile: ou une humeur destinée à nourrir les nerfs ; ou le suc gastrique; ou enfin un fluide propre à tempérer la nature alkaline du chyle ou de Ja bile ,et qui était transmis, dans le premier cas, ou à l’estomac par les vaisseaux courts , ou au cœur par les veines ; et dans le deuxième cas, ou au foie par les lym- phatiques et les veines, ou au duodénum par un canal particulier. Mais déjà, dans cette première conjecture , tout porte le cachet de l’hypothèse. En premier lieu, l'artère splénique est grosse sans doute, mais elle ne va pas à la rate seule; avant de pénétrer ce viscère, elle fournit des rameaux au pancréas et à l'estomac, toute la gastro-épiploïque gauche, les fameux vaisseaux courts; et ce n’est qu'’au-delà qu’il faut juger de son calibre rela- tivement à la rate : ce calibre d’ailieurs n’est qu’une pré- somption, et qui s'applique autant aux hypothèses qui font de la rate un ganglion ou un diverticulum , qu’à celle qui la dit un organe sécréteur. En deuxième lieu, quel genre d’organe sécréteur rapporter la rate ? ce SÉCRÉTION DE LA BILE. Got ne peut être aux glandes , car elle n’a pas de canal sécré- teur : ce serait donc aux follicules , mais elle n’en a pas la texture. Enfin, on devrait connaître au moins le fluide qui serait le produit de son travail sécrétoire; et il est évident que parmi ceux qu'on a mentionnés , les uns, comme l’atrabile , l'humeur nutritive des nerfs, n’exis- tent pas; et les autres, comme le suc gastrique , Ont une autre origine. L'hypothèse qui fait de la rate un ganglion vasculaire, ou lymphatique , ou sanguin , est beaucoup plus raison- nable, et est professée par la plupart des physiologistes actuels. Ainsi, nous avons dit que Gmelin et T'iédemann la considéraient comme un ganglion lymphatique, pré- parant un fluide qui servait à animaliser le chyle. M. Chaussier la mettant dans la classe des organes qu'il appelle ganglions glandiformes , et qu'il assimile aux ganglions lymphatiques , dit qu’il est exhalé dans son intérieur un suc, ou séreux , Ou sanguin, qui repris par Fabsorption, va concourir à la Iymphose. Enfin la plu- part en font un ganglion sanguin , faisant subir au sang de l'artère splénique une élaboration , qui le dispose à four- nir, à la sécrétion du suc gastrique selon quelques-uns, et à celle de la bile selon d’autres. Mais, si la rate estun ganglion, d’abord il n’est pas probable que ce soit un ganglion lymphatique; les vaisseaux de ce genre y sont en trop petit nombre , comparativement aux vaisseaux san- guins , etla rate n’est pas sur le trajet des vaisseaux lym- phatiques. En second lieu, si elle est un ganglion san- suin, ce ne peut être pour préparer le sang duquel dé- rive le suc gastrique , car celui-ci est versé à la surface interne de l’estomac, et les vaisseaux sanguins qui, pro- venant de l'artère splénique , arrivent à ce viscère, sont 602 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. détachés de cette artère avant qu’elle ait abordé la rate. Reste enfin l’idée que la rate est un ganglion préparant le sang de la sécrétion biliaire : sans doute, elle peut être fondée; mais on ne peut la démontrer , et par con- séquent on ne peut l’admettre que comme conjecture. Est-il certain en effet que le sang de la veine splénique diffère de celui de toute autre veine ? on le dit, depuis Haller , plus aqueux, plus albumineux, plus onctueux, plus noir, moins coagulable , moins riche en fibrine, et ayant une fibrine moins animalisée : mais ces différences sont si peu positives , que beaucoup d’auteurs les nient. Généralement les physiologistes ont eu ici le tort desuppo- ser deux fois ce qui était en question ; pour justifier leur idée que c’est du sang de la veine-porte que provient la bile, ils présentent la rate comme un ganglion qui a travaillé à l'élaboration de ce sang; et pour appuyer leur idée que la rate estun ganglion, ils avancent que le sang qui vient d’elle alimente la sécrétion biliaire. C'est sup- poser tour à tour résolues les questions qui sont en li- tige. Enfin , à l’article de la circulation , nous avons parlé des idées de Lieutaud, Rush et M. Broussais, qui font de la rate un diverticulum du sang, soit pour l’estomac seulement dans les intervalles des digestions , soit pour tout le système circulatoire , lors de quelques retards ou arrêts dans la circulation. Plusieurs considérations ap- puient , en effet, cet usage assigné à la rate, surtout en ce qui concerne l'estomac. La rate a dans toute la série des animaux , des connexions artérielles nombreuses avec l’estomac; c’est du même tronc, le cœliaque, que naissent les artères qui vont à ces deux viscères ; el bien qu'au premier aspect l'estomac ne paraisse recevoir Er SÉCRÉTION DE LA BILE. 605 que la plus petite division de ce tronc, cependant il re- çoit la majeure partie du sang qui en provient , les deux autres divisions , c’est-à-dire les artères hépatique et splénique lui fournissant de nombreux rameaux. La rate en outre, offre des changemens de volume, selon les états de l’estomac, est plus grosse lors de sa vacuité, plus petite lors de sa plénitude. On a conclu de tout cela , que la rate était un organe placé à côté de l’esto- mac, pour Jui servir de diverticulum lors de ses inter- mittences d’action. Ajoutons que l'estomac , dont les fonctions sont évidemment intermittentes , ne doit pas recevoir en tout temps les mêmes quantités de sang ; lorsqu'il est plein , lirritation qu'exercent sur lui les alimens , doit y faire affluer ce liquide; lors- qu'il est vide, le sang doit y être appelé en moindre quantité. Or, les artères qui vivifient l'estomac sont trop grosses pour pouvoir se modifier , selon la quan- tité de sang que réclame le viscère; elles ne peuvent, par exemple , se rétrécir lorsqu'il n’agit pas, pour se dilater bientôt de nouveau lorsqu'il agira +: il fallait donc un artifice quelconque pour empêcher que les- tomac , dans ses intermittenees obligées d’action, éprou- yât une surcharge de sang; et c’est, selon les physiolo- gistes dont nous exposons les idées , la rate qui remplit cet office. Il serait possible que cette action s’étendit aussi au foie et au pancréas , dont les actions sécrétoires n’ont pas non plus en tout temps la même activité. Dès long-temps, on avait pensé à ce reflux du sang de l’es- iomac dans la rate ; mais on l'avait expliqué mécanique- ment, on l'avait dit un effet de la compression; aujour- d’hui on le conçoit d’après la doctrine de vitalité qui domine en physiologie. Nous ne contestons pas tout ce 604 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. qu’a de spécieux cette théorie; nous ne l’avons même rapportée en dernier lieu , que parce qu’elle nous a paru la plus vraisemblable : mais enfin elle ne porte pas plus que la précédente le caractère d’une démonstration ab- solue , et elle laisse l'esprit flottant entre l’une et l’autre. Un moyen que de bonne heure on dut tenter pour échapper à cette incertitude , était l’extirpation de la rate : Pline dit qu’elle a été faite sur des hommes vi- vans pour les rendre plus aptes à la course : il est sûr au moins qu’elle a été pratiquée sur des animaux ; mais chacun ayant accusé des résultats divers , la question est restée entière; et on n’a pu rien conclure , sinon que la rate n’était pas un organe prochainement nécessaire à la vie; la plupart des animaux, en effet, survivent, et ceux qui meurent succombent par les accidens de l’o- pération. Nous ne nous arrêterons pas sur les expérien- ces de Malpighi, qui dit avoir vu l’extirpation suivie d’une augmentation de sécrétion urinaire ; sur celles de Dumas , qui vitles animaux manifester une faim vorace ; sur celles de Méad , Mayer, qui signalèrent une dété- rioration des digestions, des selles plus liquides ; une bile plus aqueuse; sur celles de Gmelin et T'iédemann, qui disent que le chyle leur parut plus clair et sans caillot, etc. Nous mentionnerons seulement celles qu’a faites à Paris M, Dupuytren.Get habile professeur a extir- pé le même jour la rate à quarante chiens; bien qu'il ne liât aucuns vaisseaux, et qu'il se contentât de faire une suture à l’abdomen, il ne survint aucune hémorragie ; dans les huit premiers jours, la moitié des chiens opérés mourut d’une inflammation des viscères abdominaux, sur- venue accidentellement à l’occasion de l'opération ; on le SÉCRÉTION DE LA BILE. 605 constata par l'ouverture des cadavres ; les vingt autres chiens guérirent sans accidens au bout de trois semai- nes au plus tard. [ls manifestèreut d’abord un appétit vorace : mais cet appétit revint bientôt à son degré naturel : ils usèrent des mêmes alimens , des mêmes bois- sons , en prirent en même quantité, et la digestion pa- rut s’en faire en même temps ; les fèces avaient la même consistance , les mêmes apparences, et le chyle parut avoir la même nature. Les autres fonctions ne présen- tèrent non plus aucune modification. M. Dupuytren ,ou- vrant plusieurs de ces chiens quelque temps après, s’as- sura qu'il n’y avait rien de changé dans la circulation abdominale , dans celle de l’estomac , de l’épiploon, du foie ; ce dernier organe, que les autres expérimentateurs avaient dit grossir, ne lui parut pas avoir plus de vo- lume. La bile , seulement, lui sembla être un peu plus épaisse , et offrir un léger rudiment. Bien que l'expé- rience, comme on voit, nous laisse le même doute re- lativement aux divers usages qu’on peut, avec vraisem- blance , attribuer à la rate , il nous semble cependant qu’elle est encore un argument qu’on peut faire valoir à l'appui de l’idée qui fait de cet organe un diverticulum. En effet, la rate , comme on voit , peut souvent être ex- tirpée impunément : cela serait-il possible si elle était un ganglion ? ne devrait-elle pas alors avoir toute l’im- portance de la sécrétion dont elle préparerait les maté- riaux ? au contraire, on conçoit que comme diverticu- lum , qui peut-être n’est qu'une précaution de la nature, ou qui n’a à agirque d’intervalles en intervalles , elle peut davantage être enlevée ; le défaut d'équilibre qui pourra en résulter ne sera pas mortel. I est certain au moins que les maladies si fréquentes de la rate, contrastent 6o6 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. par leur innocuité , avec le danger qui accompagne celles du foie ; et c’est une raison de plus de douter que ces deux organes soient enchaînés dans une même fonc- tion. Il résulte toutefois de cette discussion , que l’on est encore en doute sur les usages réels de la rate, et l’on concoit que ce doute devra s'étendre à la question de savoir lequel des sangs de l'artère hépatique ou de la veine-porte alimente la sécrétion biliaire. On va voir qu'il en est malheureusement de même à l’égard des usages du système de la veine-porte. Il est certain que cette veine présente une exception à la disposition générale du système veineux; formée par la réunion de toutes les veines qui reviennent des orga- nes digestifs contenus dans l'abdomen et de la rate , elle devrait, selon la loi commune , aller aboutir en un tronc veineux plus gros qu’elle; et, au contraire, elle va se ramifier, à la manière d’une véritable artère, dans le tissu du foie. Quel est le but d’une si remarquable exception ? on l’ignore ; on ne peut faire à cet égard que des con- jectures. 1° Avant qu’on n’eût découvert le système des vaisseaux chylifères , on croyait que c'était par les ra- mifications de cette veine dans l'intestin qu'était absorbé le produit utile des alimens; et l’on supposait que si cette veine , au lieu de se rendre directement au cœur, se distribuait au foie, c’est que le produit de la diges- üon avait besoin de subir encore quelque élaboration dans cet organe. On appuyait cette manière de voir sur ce qui est dans le fœtus , chez lequel le sang puisé dans la mère et apporté par la veine ombilicale , est d’abord porté dans le foie, qui ainsi sémble être un organe d’hématose. Mais aujourd’hui qu’on a découvert le sys- SÉCRÉTION DE LA BILE. Go7 ième chylifère, et la voie réelle que suit lechyle, peut- on croire à cel usage attribué au système de la veine- porte ? s° M. Magendie a renouvelé cette idée des Anciens , relativement aux boissons au moins; on à vu que c'était par les veines mésaraïques, et non par les chy- lifères, qu’il les fait absorber dans l'intestin ; mais on se rappelle aussi que nous avons dit, qu'il y avait d’égales raisons pour faire pénétrer les boissons par les deux sys- ièmes vasculaires absorbans qui sont dans l'intestin. 5° Partant de l’idée que la rate est un ganglion sanguin , on a dit la disposition de la veine-porte , une suite forcée de l'usage qu'avait à remplir ce viscère. En effet , la rate prépare t-elle le sang de la sécrétion biliaire ? il fallait bien que ce sang füt distribué au foie qui en est l’agent spécial. Prépare-t-elle, au contraire, le sang dans une vue générale à l’hématose P il fallait encore qu'il fût porté dans le système veineux, et le plus près possible du centre de ce système , du point où il va achever de se faire dans le poumon. Seulement, dans cette hypothèse, le foie serait un second ganglion élaborateur du sang , et serait, ainsi que la rate, un organe annexe du poumon. Quelques physiologistes recommandables ont mis en avant cette conjecture ; ils l’ont appuyée sur ce que dans le fœtus , Le foie est un des premiers organes formés , et paraît être un organe d’hématose ; sur ce que la veine splénique est trop grosse relativement à la petite quan- tité de bile qui est faite, ce qui porte à croire que le sang qu’elle rapporte a plus trait à l’hématose en géné- ral, qu’à la sécrétion biliaire; sur ce que, dans les ani- maux , le foie est dans des rapports de volume avéc le poumon, dont l'hypothèse le fait une annexe ; étant petit dans les oiseaux qui ont le poumon ke plus ‘gros, Gos _ FONCTION DES SÉCRÉTIONS. moyen dans les mammifères qui ont le poumon d’une médiocre grosseur, el très-gros dans les poissons qui ont l’appareil respiratoire petit; enfin, sur ce que l’ap- pareil biliaire modifie tellement l’économie par sa pré- dominance , qu’il a mérité de constituer la base d’un tempérament, ce qu'il ne peut faire que par un ofhice général et plus important que celui de la sécrétion bi- liaire. Mais d’abord toute cette doctrine repose sur l’idée que la rate est un ganglion, et cette idée n’étant qu’une conjecture , il en résulte que la doctrine ne peut que l’être elle -même. Ensuite , à supposer que la rate soit un ganglion, est-ce vraiment pour l’hématose générale qu’elle élabore le sang ? le sang qui subit l’élaboration est celui de l’artère splénique ; or, ce sang est le même que celui qui nourrit tous les organes , et qui par consé - quent est parfait : quelle nouvelle mixtion a-t-il donc besoin de subir ? L’extirpation de la rate devrait avoir des suites bien plus funestes. La présomption tirée de l’état du foie dans le fœtus est d'autant moins forte, qu’à cet âge, la veine-porte est plus petite, et que la partie du foie qui est volumineuse , est celle à laquelle la veine ombilicale se distribue , et non celle qui recoit la veine- porte. Le gros volume de la veine splénique se conçoit tout aussi bien dans l’idée qui fait de la rate un diverti- culum; et, quant à l'influence exercée par l'appareil biliaire sur toute la constitution , elle peut tenir à la part qu’a la sécrétion de la bile sur la crâse du sang, quel que soitle sang qui alimente:cette sécrétion, point sur lequel. nous reviendrons ci-après. Toute cette doctrine est. done aussi peu admissible que Les précédentes. 4° Enfin , M. Broussais ; sectateur de l'idée que la rate est un. diverticulum , veut que le système de la veine-porte SÉCRÉTION DE LA BILE. Gog ait aussi cet usage, et que le sang trouve dans le tissu du foie un nouveau lieu à se mettre en dépôt , lors des retards ou arrêts de la circulation , ou d’un reflux abon.- dant sur la rate. il ajoute que le système capillaire du foie devient une nouvelle cause d’impulsion pour ce li- quide , ayant à traverser ainsi une série de systèmes ca- pillaires. Dans cette hypothèse, on concevrait pourquoi il n’y aurait que les organes digestifs abdominaux qui concourraient à former la veine-porte, ce nouveau diver- ticulum étant une suite de celui que fait la rate , et de- vant conséquemment avoir les mêmes relations. Quelque ingénieuse que soit cette idée, on est forcé d’avouer qu’elle n’est encore qu’une conjecture; et l’on voit que nous sommes, à l'égard des usages du système veineux abdominal , dans une ignorance plus grande encore qu'à l'égard de ceux de Ia rate. Or , qui ne pressent que notre ignorance sur ces deux points doit s'étendre à la question qui concerne spé- cialement la sécrétion biliaire? les physiologistes sont dissidens à son égard; de part et d’autre on n’invoque que des raisonnemens, et ces raisonnemens sont tels qu'ils commandent le doute à tout esprit sage ; aucun ne la résout d’une manière absolue, comme on va le voir. | Par exemple, l'opinion, tout à la fois la plus géné- rale et la plus ancienne , est que la bile provient du sang de la veine-porte, et voici les raisons sur lesquelles on se fonde : 1° le sang de la veine-porte paraît plus propre que le sang artériel à faire la bile, car il est vei- neux, chargé comme tel de plus de carbone et d’hydro- gène, et conséquemment plus capable de faire une hu- meur aussi grasse et aussi huileuse que l’est la bile. On sh E 39 610 FONCTION DES SÉGRÉTIONS. a même cru que pour cet effet, ce sang se chargeait de graisse en traversant l’épiploon; que c'était pour cela aussi que sa circulation était si lente, la veine- porte étant sans valvule. »° La veine-porte se distribue dans le foie à la manière d’une artère, et a des communica- tions manifestes avec les vaisseaux sécréteurs de la bile. 3° Elle est plus grosse que l’artère hépatique , beaucoup plus en proportion pour son volume avec celui des sé- créteurs , et l'artère hépatique ne semble être pour le foie que l'artère de la nutrition, que ce que sont les artères bronchiques pour le poumon. 4° Enfin, si la rate est un ganglion sanguin, ce ne peut être que pour préparer le sang de la sécrétion biliaire ; et l’on a quel- ques raisons de croire qu'il en est ainsi, quand on voit que la veine splénique forme la moitié de la veine-porte, et que la rate se montre généralement dans la série des animaux , en raison du développement du foie, et sur- tout de l’activité de la sécrétion biliaire. Îl est certain , par exemple, que dans le fœtus, chez lequel la sécré- tion biliaire est nulle , ou au moins peu abondante, tan- dis que l'artère hépatique est grosse, la rate et la veine splénique sont petites ; dansle fœtus, cette veine ne fait qu’une petite partie de la veine-porte , celle-ci est elle- inême fort petite, et ne se distribue qu’au lobe droit du foie , et ce n’est qu’à la naissance que se fait l’accroisse- ment de toutes ces parties. Mais qui ne voit que ces raisons n€ fondent pas une démonstration rigoureuse , et que plusieurs même peu- vent être invoquées pour justifier l’assertion inverse , c’est-à-dire l’idée que la bile dérive du sang de l’artère hépatique ? 1° On ne voit pas pourquoi la bile aurait plus besoin d’être dérivée d’un sang veineux, que les autres a. SÉCRÉTION DE LA BILE. Gi humeurs graisseuse et huileuse, la moelle, la graisse , par exemple. On a ici été séduit par l'application vicieuse des notions chimiques , croyant pouvoir expliquer plus facilement la formation d’une humeur grasse, en la fai- sant dériver d’un sang plus riche en carbone et en hy- drogène. Mais le sang de la veine-porte est-il réellement plus riche en carbone et en hydrogène ? la graisse et la moelle , qui ne sont pas des humeurs moins grasses que la bile, ne proviennent-elles pas d’un sang artériel ? y a-t-il, chimiquement parlant, plus de rapports entre la bile et le sang de la veine-porte, qu'entre la graisse et le sang artériel ? dans toutes les sécrétions , n'y a-t-il pas transformation du sang, d’après des lois différentes de celles qui fondent la chimie générale ? Nous ne parlons pas de l’absorption de la graisse de l’épiploon par le sang de la veine-porte , et de la présence de la graisse dans ce sang ; ce sont trop évidemment des suppositions gratuites. 2° Si la veine-porte se distribue dans le foie 9 à la manière d’une artère, est-il bien sûr que ce soit pour servir à la sécrétion biliaire ? Nous avons indiqué les diverses conjectures faites sur les usages de la veine- porte, et plusieurs sont étrangères à la sécrétion de la bile. Plusieurs faits montrentmême le système de la veine-porte _ isolé de cette sécrétion ; par exemple , ce système existe dans le fœtus , chez lequel la sécrétion biliaire est nulle encore, ou peu abondante ;: il manque, à partir des ani- maux invertébrés , bien que le foie, et par conséquent la sécrétion biliaire, se montrent dans tous les animaux jusqu'aux radiaires. Au moins le doute dans lequel on est relativement aux usages de la veine-porte, doit em- pêcher de prononcer aflirmativement que c’est pour Ja 39* 012 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. sécrétion biliaire que cette veine se distribue au foie. Enfin , l'artère hépatique y aboutit de même, et a d'aussi faciles communications avec les sécréteurs de la bile, 3° Si la veine-porte est plus en rapport avec le volume du foie que l’artère hépatique, celle-ci est plus en rap- port avec la quantité de bile qui est sécrétée. Il ne faut pas, en effet, juger de l'abondance de la sécrétion par le volume du foie ; il est possible que ce viscère ait en- core d’autres usages , ainsi que nous l’avons dit , comme de servir de passage aux boissons absorbées, de diver- ticulum au sang dans les embarras de la circulation, etc. On en juge mieux par la capacité de la vésicule bihaire, et il est sûr que d’après cette base, la veine-porte est trop grosse, et qu’au contraire l'artère hépatique a le volume suffisant. 4° Enfin, l’argument tiré de l’usage de la rate , et des rapports de cet organe avec la sécrétion biliaire, n’est pas plus absolu. D’un côté, l’idée que la rate est un ganglion®n’est qu'une conjecture , et nous avons vu qu’on pouvait avec autant de vraisemblance attribuer d’autres usages à cet organe. D’ un autre côté , les rapports entre la rate et le He ne sont pas aussi grands qu’on l’a dit, et par exemple, sont moindres que ceux qui existent entre la rate et l’estomac. Ainsi, le foie existe en presque tous les animaux, et la rate, au contraire, n’existe plus au-delà des vertébrés; on trouve, comme l’a dit aller, une grosse rate avec un petit foie, et vice versà ; il n’y a pas davantage de rela- tion entre ces organes sous le rapport des maladies, et rien de plus fréquent que de voir le foie malade et la rate saine , ou le foie sain et la rate malade; enfin, nous avons déjà dit que la rate change de volume selon que SÉCRÉTION DE LA BILE. 613 l'estomac est vide ou plein , et que dans tous les animaux qui la possèdent, elle a avec ce viscère des connexions artérielles plus intimes qu'avec le foie. La question est donc non résolue encore ; pour la ter- miner , il faudrait, dans des expériences séparées , lier sur des animaux vivans , la veine-porte sur l’un, l’artère hépatique sur l’autre, et juger les effets qui s’ensuivraient sur la sécrétion biliaire. Or, ces expériences n’ont pas été faites, et, à supposer qu’on puisse les faire , il est probable que la mort arriverait trop promptement pour qu'on puisse en tirer quelques conséquences. Dans le doute où l’on est , les physiologistes ont plus ou moins tranché la question : la plupart ont fait dériver la bile du sang de la veine-porte; Bichat et M. Broussais, au contraire , la font provenir du sang de artère hépatique , et ceux-ci ont pour eux l’analogie de toutes les autres sécrétions, et ce qu’a de plus spécieux l’idée qui fait de la rate un diverticulum : enfin, M. Magendie la dérive à la fois des deux sources. Ayant exposé tout ce qui a trait à cette importante discussion , nous n’avons presque plus rien à dire sur la sécrétion biliaire , la plupart des autres détails ayant été donnés à l’article de la digestion. L’un ou l’autre des deux sangs afférens , ou peut-être les deux , étant arri- vés dans le tissu da foie, le système vasculaire sécré- teur s’en empare, les élabore et en fait la bile : celle- ci chemine alors dans la série des vaisseaux sécréteurs, et arrive au canal hépatique qui en est l’aboutissant. Sa circulation, dans ce trajet , est assez lente, puisque quelquefois elle s’y épaissit au point de former des cal- culs. Les causes de sa progression sont la continuité de sa sécrétion , l’action contractile des radicules sécréteurs, 614 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. le secours des battemens des artères voisines , des mou- vemens de la respiration. Dans ce trajet, elle s’épaissit un peu , étant dépouillée par l’absorption de ses parties aqueuses. Enfin, arrivée au conduit hépatique, elle est portée, ou dans le duodénum, ou dans la vésicule biliaire. On peut revoir à l’article de la digestion ce que nous avons dit du mécanisme de son excrétion , et de sa nature chimique. On ne peut évaluer rigoureusement sa quantité ; il y a des différences individuelles , et d’au- tres qui sont dépendantes de l’excitation directe ou sym- pathique que recoit le foie consécutivement à l’alimen- tation dont on use. Quant aux usages de la bile, nous avons vu que cette humeur est le principal agent de la chylification. Mais beaucoup de physiologistes pensent qu'en même temps qu’elle remplit cet office local, elle concourt aussi en quelque chose à la constitution du sang : ils se fondent | sur Ja grande influence qu’exerce sur l'économie l’ap- pareil biliaire, influence que ne présente aucun autre organe sécréteur, si ce n'est le testicule, et qui est telle MN que la prédominance de cet appareil a sufli pour con- | stituer un tempérament. Ceux qui ont fait provenir la bile du sang de la veine-porte, ont dit que cette sécré- tion était un moyen qu’employait la nature pour débar- rasser le sang veineux, même avant qu'il parvint au poumon , du carbone et de l’hydrogène qui le surchar- gent. Sans admettre cette dernière idée, qui est évidem- ment une suite de Ja mauvaise théorie des chimistes sur la respiration, on pourrait concevoir que la sécrétion de la bile influât sur la crâse du sang, quand bien même elle serait alimentée par lartère hépatique. Et , en effet , la sécrétion urinaire n’exerce- t-elle pas à l'égard # F4 SÉCRÉTION DE LA BILE. 615 du sang une dépuration bien importante ? et n’émane- t-elle pas cependant du sang artériel ? On dira peut être que le produit de cette sécrétion est rejelé au dehors du corps ; mais il en est de même d’une partie de la bile au moins ; il est sùr que la plus grande partie de cette humeur s'attache aux fèces, est la cause de leur couleur et est excrétée avec eux. Toutefois, quel que soit le genre de modification que fasse subir au sang la sécré- tion biliaire, il ya, pour y croire, plusieurs raisons autres que celles que nous avons données déjà : par exemple, la couleur de la peau se modifie consécu- tivement à tous les changemens qui surviennent dans la sécrétion biliaire ; quand la sécrétion biliaire est sup- primée , indépendamment des troubles locaux relatifs à la digestion, on en observe de généraux. Or, nous ne connaissons que l’état du sang et l'appareil nerveux qui puissent développer dans économie des phénomènes généraux , comme nous le verrons en traitant des con- pexions de fonctions. $. VI. Sécrétions excrémentitielles génitales. Trois sécrétions importantes appartiennent à la fonc- tion de la génération , une exclusive à l’homme, et les deux autres propres à la femme. La première, est la sécrétion du sperme , de ce fluide qui avive et féconde le germe. La seconde, est l’exhalation des menstrues , qui se fait pendant quelques jours de chaque mois par la surface interne de l'utérus, pendant tout le temps que les femmes sont aptes à devenir mères. La troisième enfin , est la sécrétion du lait, fluide destiné à servir - d’aliment à l’enfant nouveau-né. Mais, de même que plusieurs des sécrétions précédentes avaient été expo- 616 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. sées à l’article des fonctions auxquelles elles apparte- naient; de même aussi nous croyons devoir renvoyer à l’article de la génération l’étude des troïs sécrétions que nous venons de nommer , leur histoire exigeant des no- tions que nous n'avons pas encore, et que nous ne pou- vons donner ici sans nous exposer à des répétitions. $. VIT. Exhalation cutanée , ou transpiration dite insensible. Par toute la surface externe de la peau , se fait d’une manière continue l'écoulement d’un fluide vaporeux, d’un halitus albumineux, qui, perdu aussitôt dans l’air, paraît d’abord ne pouvoir être apprécié. C’est là ce qu’on appelle la transpiration insensible. Cette expression est impropre, car la matière qui la constitue tombe sous les sens de plusieurs manières ; elle est, par exemple , ma- nifestée par son odeur; dans certains cas, on peut la voir , comme lorsqu'on se place devant une glace ou de- vant un mur récemment blanchi; quelquefois on la voit se dégager en fumée ; T'achenius, en s’enveloppant d’un linge trempé d'huile, en a recueilli assez promptement jusqu’à quatre onces ; enfin, nous dirons tout à l’heure qu’on l’a pesée : elle est donc très-appréciable par les sens , et il faut l'appeler la transpiration cutanée. Plusieurs Savans, et entre autres M. Ædwards a ré- cemment émis cette idée, croient que dans la transpi- ration, il y a deux actions; une physique, consistant dans l’évaporation par l’air des parties liquides du corps humain, en vertu de [a loi générale qui amène.une sem- blable évaporation dans tous les corps qui sont mouilléset en contact avec l’air ; et une vitale , consistant dans une véritable exhalation excrémentitielle effectuée par la peau. Ils arguent surtout du dessèchement auquel par- | EXIALATION CUTANÉE. 617 viennent les batraciens et les poissons , par suite de leur séjour prolongé dans l'air, dessèchement qui chez les deruiers amène promptement la mort, et qui à de cer- taines limites de température est toujours en raison du degré de sécheresse de l’air. Ils ont cherché enfin à sé- parer, ce qui dans la transpiration est del’action physi- que de l’évaporation, et ce qui est de l’action organique de l’exhalation. Plaçant un animal à sang froid dans un air très-humide , et tel que l’action physique de l’évapo- ration ne pouvait plus se faire, dans un air d’une tempé- rature égale à celle de l’animal , ils ont reconnu que l’a- nimal avait perdu six fois moins de poids que dans l’air ordinaire , d’où ils ont conclu que c'était l’action physi- que de l’évaporation qui avait la plus grande part dans les pertes que fait faire la transpiration. Sans doute , nous croyons que les lois générales conservent encore un peu d’empire sur les corps vivans, que beaucoup de phéno- mènes physiques tendent encore à se produire en eux; que cela est, par exemple, des phénomènes d’imbibi- tion en certaines circonstances, et peut-être de ceux d'évaporation dont il est question ici. Mais je crois que M. Edivards à fait ici à l'homme une fausse application de ce qui a lieu dans les animaux aquatiques ; et que si une action physique d’évaporation a quelque part à la transpiration , c’est la plus petite, et que l’action orga- nique de l’exhalation est celle qui y concourt le plus. Toutefois, c’est de celle - ci dont nous avons surtout à nous oCCuper ici. Nous avons , à l’article du sens dutact, indiqué la tex- ture de la peau ; conséquemment il est inutile d’y reve- nirici : on sait qu’à la surface de cette membrane abou- tissent les orifices de vaisseaux exhalans , qui y sont dis- 618 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. posés comme dans toules membranes exhalantes quel - conques. Or, ces vaisseaux exhalent d’une manière con- tinue une matière sous forme de vapeur , qu’aussitôt l'air dissout, ou que les vêtemens absorbent , qui fait comme une atmosphère autour du corps, et qui en même temps qu’elle fonde une perte pour le corps et fait de sa sécré- tion un émonctoire de la nutrition , paraît être un des moyens par lesquels se maintient notre température à un degré fixe. Cette matière est incolore, plus pesante que l’eau, et selon M. Thénard, composée de beaucoup d’eau, d’une petite quantité d’acide acétique libre, de muriates de soude et de potasse, de très-peu de phosphate de chaux et d’oxide de fer, et d’une quantité plus petite encore d’une matière animale particulière approchant de la gé- latine. M. Berzelius dit que l'acide de la transpiration n’est pas de l’acide acétique , mais de l’acide lactique : il y a aussi de l'acide carbonique. Son excrétion est la conséquence irrésistible de sa production, puisque les exhalans de la peau aboutissent à la surface externe de cette membrane. Sa quantité ne peut être appréciée directement, puis- qu’on ne peut la recueillir en entier et la peser : mais on a cherché à la connaître par des moyens indirects. Il est de fait que si on se porte bien, et qu'en même temps on n’engraisse ni ne croisse, le corps revient à un même poids après un certain intervalle de temps. C'est une preuve que, dans le même intervalle de temps, les excré- tions ont égalé en quantité les ingestions , c’est-à-dire, que le corps a rejeté hors delui, autant de matière qu'il enavaitpris au dehors. Or, il était possible de connaître la quantité des ingestions, en pesant tous les alimens et EXHALATION CUTANÉE. 619 toutes les boissons qu’on prenait dans un temps donné. On pouvait de même connaître celle de toutes les excré- tions dites sensibles, les fèces, et l’urine, par exemple. On crut conséquemment que ce qui manquerait aux excré- tions sensibles pour égaler en poids les ingestions , pouvait être considéré comme constituant la masse de la tran- spiration insensible. C’est sur ce plan que furent faites les fameuses expériences de Sanctorius. Ge médecin s’éta- blit trente ans de suite dans une balance; et, notant à une époque déterminée le poids de son corps, il pesa scrupuleusement, d’une part, tout ce qu’il prenait pour sa nourriture, d’autre part toutes ses excrétions sensi- bles; et opposant la quantité des uns à la quantité des autres, lorsque son corps était revenu à son poids pri- mitif, il considéra comme le poids de la transpiration in- sensible, tout ce qui manquait aux excrétions pour éga- ler les ingestions. Par ce procédé, il crut voir que la transpiralion était la plus abondante de nos excrétions, constituait à elle seule les cinq huitièmes de nos pertes; sur huit livres de matières ingérées , il n’y avait en effet que trois livres d’excrétions sensibles , dont 44 onces d’u- rine, et 4 de fèces; et il restait conséquemment cinq li- vres de perspiration cutanée. Ces expériences furent répétées partout et employées à connaître , non-seulement le rapport de la transpira- tion insensible aux autres excrétions , mais encore les va- riations de cette excrétion selon les âges, les climats, les circonstances diverses de la vie. Dodart, par exemple, dit qu’en France son terme moyen est d’une once par heure , qu’elle est aux excrémens solides comme 7à1, et à toutes les excrétions en général , dans le rapport de 12 à 19, Robinson, expérimentant en Ecosse, établit que 620 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. dans la jeunesse, elle est à l’urine , comme 1340 à 1000, et dans la vieillesse, comme 967 à 1000. Sauvages qui habitait le midi de la France , trouva que sur 60 onces de matières ingérées , il y avait 5 onces de fèces, 22 d’u- rine , et 35 de perspiration cutanée. Gorter en Hollande établit à peu près les mêmes proportions ; sur go onces d’alimens, il y en a 6 de fèces, 56 d'urine, et ‘49 de perspiration. Keill, au contraire, dit la quantité de la transpiration moindre que celle de l'urine; il n’y avait que 31 onces de la première, sur 38 de la seconde. Aye dit que la perspiration était à l’urine , comme 14 à 10, et annonca entre les excrétions les proportions suivantes dans chaque saison : au printemps, la quantité d’urine était de 4o onces, et celle de la perspiration de 6o; en été, la perspiration avait augmenté de 3 onces, et Fu- rine avait diminué d'autant; en automne, la quantité d’urine resta la même, mais la perspiration diminua et ne fut plus que de 50 onces ; enfin dans l’hiver , l'urine augmenta de 3 onces.Selon Linning, qui observait dans la Caroline méridionale, la perspiration lemporte en quantité sur l'urine pendant cinq mois, et l'urine au contraire sur la perspiration pendant 7; c'était en sep- iembre que la perspiration cutanée était la plus abon- dante, et en décembre que la sécrétion urinaire était Ja plus active. Dans un climat septentrional, sur trois li- vres d’alimens pris , il y eut dans un jour d’hiver, 5 on- ces de transpiration, et deux livres 10 onces d’urine; dans un jour de printemps, 12 onces de perspiration, et deux livres 8 onces d'urine; dans un jour d’automne, 15 onces de perspiration, et deux livres 5 onces d’uri- ne; et enfin dans un jour d’automne , 3 onces de trans- piration, et deux livres 5 onces d'urine. On remarqua EXHALATION CUTANÉE. 621 que dans la vieillesse l’urine prédomine , tandis que dans l'enfance la perspiration l'emporte; que dans les mois chauds de l’année, la perspiration est à l’urine, comme 9 à 5; que dans les mois froids elle ne lui est plus que comme 2 à 5; el qu'en avril, mai, octobre , novembre, et décembre, il y a égalité entre les deux excrétions. Enfin , de semblables travaux ont été faits de nos jours encore , par Lavoisier et Séguin d’une part, et M. Ed- wards de l’autre. D’après les premiers , la plus forte quan- tité de transpiration est de 32 grains par minute, 5 on- ces, 2 gros, 48 grains par heure, cinq livres par jour : sa moindre quantité est de 11 grains par minute, une livre, 11 onces, 4 gros par jour : elle est à son mini- mum pendant la digestion, et à son maximum après l’accomplissement de cette fonction : les mauvaises digestions la diminuent , on a plus de poids pendant quelques jours ; mais , à mesure que l'équilibre de santé se rétablit, on revient à son état primitif. Selon M. Edwards , la transpiration , examinée de six heures en six heures , entraîne des pertes qui vont en dimi- nuant successivement; elle augmente après le repas , pendant le sommeil , par l’état de sécheresse de l'air, son agitation , sa chaleur surtout : admettant en elle l’ac- tion physique de l’évaporation , il croit même que le de- gré de pression atmosphérique n’est pas sans influence sur elle, l’ayant expérimenté sur des animaux à sang froid qu’il placait sous le récipient de la machine pneu- matique et qu’il soumettait au vide. Tous les résultats obtenus dans ces expériences sont divers, et il ne pouvait pas en être autrement. D'abord, le procédé employé donne lieu à des erreurs inévitables. D'un côté, l’air que l’on respire , ainsi que les différens 629 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. fluides aériformes que l’absorption cutanée peut intro- duire dans l'économie, ne sont pas compris dans la somme des matières ingérées : d’autre part, les expéri- mentateurs ne comptèrent pasavecun égal soin toutes les excrétions sensibles, et plusieurs se bornant aux fèces et à l’urine, négligèrent de tenir compte des crachats, de la matière du moucher, par exemple : on rapportait, au contraire , à La transpiration cutanée la matière de la perspiralion pulmonaire : enfin , il pouvait arriver que le corps füt revenu à son état primitif, avant que toutes les substances ingérées fussent assimilées à sa substance. En second lieu, et ceci est surtout la raison principale, la perspiration cutanée varie à l’infini selon diverses conditions de l’univers extérieur et de l’organisme, et participe de la mobilité qui est propre à la plupart des phénomènes vitaux. Par exemple, abondante chez l’en- fant où elle est acidule, et à la puberté qui lui donne comme un caractère musqué , elle est rare chez le vieil- lard. Dans l’homme, elle est généralement plus abon- dante que chez la femme, chez laquelle elle devient acidule à l’époque des règles. Chaque individu offre à l'égard de cette sécrélion sa constitution propre, élant abondante chez l’un, moindre chez l’autre. Elle aug- mente dans l’été, diminue dans l'hiver, prédomine dans les pays chauds , est plus faible dans les pays froids. Elle est surtout en rapport avec le degré d’excitation de la peau, et le besoin de la dépuration du sang et de la dé- composition du corps, dont elle est un des agens. Si la peau est excitée, soit directement par des frictions, soit symphatiquement par suite de ses connexions avec les autres organes du corps, l’action de transpiration s’exalte, Si le sang est surchargé de parties aqueuses , si EXHALATION CUTANKÉE. 623 l’on est à l’époque de la vie où la décomposition du corps est active, la transpiration qui est une des voies par lesquelles ces besoins s’accomplissent , redouble. Etant en solidarité avec les autres excrétions, les sun- pléant, si elles sont inactives, diminuant, au contraire, si elles sont plus abondantes, les équilibrant, sa quan- tité doit être un peu en raison de ce qu'est La leur. Il n’y a donc rien de plus mobile que la perspiration cutanée. Chercher à en déterminer la quantité , était, dit Bichat , une chose aussi vaine, qu'il le serait à un physicien de spécifier quelle quantité d’eau est vaporisée à chaque heure sous l'influence d’un foyer dont on fait à chaque instant varier l'énergie. L'évaluation est encore plus im- possible à obtenir, si l’on admet que la transpiration est un phénomène mixte, moitié physique , moitié organique; car il faudra faire la part de ces deux actions, et apprécier l'influence que chacune recoit des circons- tances extérieures et organiques. Ce qu’il y a de sûr, c’est que dans l’état de santé, cette excrétion est fort abondante; qu’elle est la plus ordinaire aux gens forts, celle qui soulage le plus. Les variations dont elle est susceptible, ne portent pas seu- lement sur sa quantité, mais peut être aussi s'étendent à sa nature: il est possible que la matière de la trans- piration soit quelquefois différente d’elle- même; la chi- mie aurait pu apporter ici quelques lumières, mais elle ne l’a pas fait. On a vuseulement que dans les animaux, les sels de la transpiration sont d’autant plus abondans que l’urine est moins chargée de radical acide phospho- rique ; ces sels s’attachent à la peau en telle quantité, que des soins particuliers, l’étrille, par exemple, devien- nent nécessaires pour les en détacher. Chez l’homme 426 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. où ils sont moins abondans, il suffit pour les enlever de changer de temps en temps de linge, et de recourir à des bains. Quant aux usages de la transpiration , peut-être cette excrétion a-t-elle encore quelque utilité locale, ou autre que la décomposition du corps: ainsi, on a dit qu’elle servait à entretenir la souplesse de la peau; que son produit en se vaporisant, enlevait au corps de son calo- rique , et en maintenait la température à un degré fixe. Mais il est sûr, à juger d’après son abondance, qu'elle est une des sécrétions prochainement dépuratrices et décomposantes , et sous ce rapport, une de celles qui a les rapports les plus intimes avec la sécrétion urinaire. Cela est si vrai, qu’il y a beaucoup d’animaux dans les- quels elle accomplit à elle seule la décomposition du corps , la sécrétion urinaire n’existant pas. À cetitre , on concoit ses liens avec toutes les autres secrélions ; et combien il importe qu’elle ne soit, ni supprimée , ni contrariée. On pressent aisément quels ra- vages doit causer dans l’économie la suppression de la sécrétion urinaire; il en résultera d’analogues de la sup- pression de la transpiration. Ges deux excrétions, en effet, sont les seules qui aient pour usage spécial d’ac- complir la décomposition du corps: et si l’on réfléchit, d’autre part, combien la peau est disposée à être con- trariée dans l'exercice de cette fonction, et par les in- fluences qu’elle recoit des corps extérieurs auxquels elle est immédiatement exposée, et par celles qu’elle recoit des autres organes du corps, au moindre phénomène organique un peu intense , à cause des nombreuses et délicates sympathies qui l’unissent à eux, surtout par les rapports qui existent entre la température extérieure eb DE LA SUEUR, G25 la transpiration; on concevra combien de maladies doi - vent reconnaître pour causes des modifications dans l’accomplissement de cette excrétion. Que la pers- piration cutanée soit contrariée , souventalors la nature iransporte sur d’autres systèmes la matière dont cette excrétion devait débarrasser le corps ; et diverses mala- dies éclatent, ou des rhamatismes, ou des hydropisies, ou des dyssenteries, des catarrhes, selon que ce sont les systèmes musculaire, séreux, le canal intestinal , les membranes muqueuses, qui deviennent le point de la fluxion. De là le précepte de beaucoup soigner l’état de la peau dans ces affections , d’en exciter la transpiration. Le thérapeutiste enfin a! souvent à considérer la peau , comme siége d’une excrétion qui peut servir à la dépu- ration du sang : quel avantage retire souvent le mé- -decin de l’emploi des frictions cutanées, des vêtemens de laine , etc. $. VIII. De la Sueur. La peau estencore , mais en de certaines circonstances seulement, et non d’une manière continue , le siége d’une exhalation, dont le produit n’est plus une va- peur, un halitus, mais un liquide qui se montre en gouttes sur toute sa surface: c’est celle de la sueur. La sueur est-elle une sécrétion autre que la précédente, ou n'est-elle que la transpiration augmentée ? On croit gé- néralement ce dernier point, et l’on regarde la sueur comme le produit de la surexcitation de l'action transpi- ratoire de la peau. Ge qu’il y a de sûr au moins, c’est qu'elle est sécrétée par les mêmes vaisseaux exhalans. Cependant il y à quelques différences dans sa nature ; le liquide de la sueur est généralement moins chargé d’a- 3, 4o 626 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. cide carbonique que la vapeur de la transpiration , mais plus riche en sels ; ceux-ci se déposent sur la peau et s’y montrent quelquefois sous forme d’écume ou de flocons blancs. Le mécanisme de sa production est celui de toute exhalation quelconque , et son excrétion est le fait irrésistible de son versement à la surface externe de la peau. Mais cette exhalation n’a lieu qu’éventuellement , par l'influence d’une température chaude , d’une exCi- tation directe ou sympathique de la peau , et d’une ex- citation de la circulation. Nous avons dit que la transpi- ration était augmentée par l'influence d’un air plus chaud ; il est d'observation vulgaire que la chaleur porte cette exhalation au degré qui constitue la sueur. Une excitation directe ou sympathique de la peau a le même effet; ne l’excite-t-on pas par des frictions ? Que de fois dans la vie surviennent des sueurs sympathiques , comme dans les affections de l'âme, les maladies du poumon, de l'appareil digestif ! Enfin , on observe que out ce qui active la circulation en général , comme une course , des efforts musculaires, etc. , la produisent de même. Du reste , toutes les parties de la peau ne sont pas également disposées à exhaler la sueur : celles où cette exhalation se montre le plus souvent sont le front , les aisselles, les aines, les mains , les pieds, en général joutes celles qui reçoivent une quantité plus considéra- ble de sang, qui sont plus sensibles , et ont avec les autres organes des sympathies plus délicates et plus multiphiées. Cette excrétion n'ayant lieu qu’accidentellement ne pouvait entrer primitivement dans le mouvement de DE LA SUEUR. 627 décomposition du corps. Aussi y a-t-il moins de dangers à en provoquer la suppression ! Cependant on parle souvent des résultats funestes d’une sueur rentrée : ils sont réels en effet; maisils ne sont pas dus à la rétro- cession d’une matière excrémentitielle dont l'expulsion importait à l’économie ; ils tiennent à ce que l’excita- tion qui se passait à la peau pour la production de la sueur , est tout à coup appelée sur un autre organe, et y détermineune congestion morbide : il y a eu métastase , non de la sueur, mais du mouvement vital, si on peut parler ainsi ; et si la sueur cesse alors de couler, c’est parce que deux parties de notre économie ne peuvent être à la fois en exaltation d’action. Par la même raison , on n’a pas fait pour en apprécier la quantité , les mêmes efforts que pour la transpiration. Elle est d’ailleurs aussi variable que cette excrétion ; sa quantité, sa suscepti- bilité à se produire varient mille fois selon les âges, les sexes , les tempéramens, l’état de santé ou de maladie, le degré de sensibilité de la peau, le besoin de dépura- tion du sang , etc. Généralement Ja sueur est plus facile dans la jeunesse. Du reste chacun à , à cet égard , sa Constitution propre; tel sue avec beaucoup de facilité et par les moindres efforts, tandis que tel autre ne sue Jamais. Son utilité première paraît être de rafraîchir le Corps, en en absorbant le calorique , lorsqu'elle se vaporise. Cependant, comme en dernier résultat elle fonde pour l’homme une déperdition, elle se montre aussi solidaire des autres excrétions ; si celles-ci manquent , elle coule avec abondance ; si elles sont, au Contraire , considéra- bles , elle est rare. À raison de l’extrême sensibilité de la peau, des nombreuses sympathies de cette membrane 40* 628 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. avec tout le corps, la sueur est un des phénomènes les plus fréquens pendant la vie, et, par exemple, un des symptômes les plus communs des maladies. $. IX. Des exhalations muqueuses , et particulièrement de la Perspiration pulmonaire. Les membranes muqueuses , que nous aVON$ présentées tant de fois comme ayant beaucoup d’analogie de struc- ture ‘et de fonction avec la peau, sont aussi comme cette membrane le siége d’une exhalation transpira- toire, dont le produit se mêle aussitôt aux matières in- gérées ou destinées à être excrétées, qui sont en contact avec elles. Nous ne ferons que mentionner cette trans- piration à l'égard de là muqueuse digestiveet de la mu- queuse génito-urinaire - mais nous nous arrêterons un peu sur celle de la muqueuse respiratoire, parce que Son produit peut être recueilli séparément, et forme ce qu’on appelle Fa matière de la perspiration pulmonaire. C’est la membrane muqueuse du poumon qui est l'agent de cette sécrétion. Long-temps on pensa que son produit était formé de toutes pièces dans l’acte de la respiration , par la combinaison de l’oxigène de l’air inspiré , avec l'hydrogène et le carbone du sang veineux. Mais à l’article de la respiration, nous avons réfuté tout ce point de doctrine : la combustion de l'hydrogène ne se fait jamais sans déflagration ; la matière de la perspi- ration pulmonaire est également obtenue , quand on res- pire des gaz quine contiennent pas d’oxigène , de l’azote ou de l'hydrogène, par exemple: cette matière n’est pas une vapeur aqueuse pure, mais une vapeur chargée d’une matière animale , car elle est putrescible. Aujour- «D Es DES EXHALATIONS MUQUEUSES. G29 d’hui elle est universellement attribuée à une sécrétion vitale. Mais de quel sang provient-elle ? les uns disent que c'est du sang veineux de l'artère pulmonaire ; les autres, que c’est du sang artériel des artères bronchiques. Il est difficile de prononcer, car, les argumens des deux côtés sont les mêmes , ou également puissans : une injection poussée , soit dans l'artère pulmonaire, soit dans les ar- ières bronchiques, vient également sourdre à la surface des bronches : la matière de la perspiration pulmonaire accuse la présence des substances étrangères portées dans le sang , aussi promptement que les autres excré- tons ; nous avons cité, à l’article de la respiration , d'ingénieuses expériences de M. Magendie à cet égard. Nous pouvons renvoyer à ce lieu, pour tout ce qui est relatif à celte question. Le produit de cette sécrétion est semblable à la ma- tière de la transpiration cutanée; c’est un mélange de gaz acide carbonique , et d’une sérosité albumineuse à l'état de vapeur. Il est excrété avec l'air de l'expiration, qui le dissout en partie, et d’ailleurs l’entraîne avec lui. Il se voit en hiver , ou quand on expire sur un corps poli ou dans un vase entouré de glace, et qui la condense. Les usages de cette sécrétion sont jugés plus ou moins importans , selon l'espèce de sang de laquelle on la dé- rive ; si on la dit alimentée par l'artère pulmonaire , elle servira à l'hématose ; si elle vient du sang des artères bronchiques , ce qui est plus probable, elle servira seu-- lement à maintenir humide la membrane muqueuse du poumon, et peut - être à conserver à un degré fixe sa température. Sa quantité fut d’abord confondue par Sanctorius , 630 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. avec celle de la transpiration cutanée ; mais depuis oi a cherché à évaluer chacune d’elles en particulier. Lavoi- sier et Séguin s’enveloppèrent d’un grand étui de taffe- tas gommé, qui s’étendait au-dessus de leur tête, mais qui était garni d’un tube qui communiquait au dehors pour leur permettre de respirer : connaissant le poids de leur corps avant de commencer l’expérience , ils se pesèrent d’abord ayant l’étui, afin de voir de com- bien les matières des perspirations cutanée et pulmo- naire augmentaient leur poids; ensuite ils se repesè- rent de nouveau, ayant la tête dégagée de l’étui, de manière à ne recueillir que la matière de la transpira- tion cutanée ; dès lors , ce qui manquait à ce poids, pour égaler le précédent , leur parut être la quantité de la perspiration pulmonaire en un temps donné. Ils reconnu- rent ainsi que ces deux excrétions occasionaient , terme moyen , une perte de 2 livres 15 onces en un jour , dont une livre 14 onces pour la transpiration cutanée, et 15 onces pour la pulmonaire; la quantité de celle - ci est de 7 grains par minute, 5 gros 6o grains par heure. Mais nous pouvons appliquer à ces calculs les mêmes réflexions que nous avons faites pour la transpiration cutanée. La perspiration pulmonaire varie selon l’âge, le sexe , le tempérament , la constitution individuelle , le climat , la saison , l’excitation directe ou sympathique de la membrane muqueuse qui en est l’agent , l’état de santé ou de maladie , le besoin de dépuration du sang, l'état des autres excrétions avec lesquelles elle entre en solidarité , etc. ; et, à tous ces titres, on ne peut en donner qu’une évaluation approximative. A l’occasion des exhalations muqueuses et cutanées DES EXHALATIONS MUQUEUSES. 631 nous dirons un mot des sécrétions gazeuses , qu’on a appelées pneumatoses. Chez les animaux, il en est d’é- videntes; par exemple , dans les poissons, celle du gaz qui remplit leur vessie natatoire. En existe-t-il de même dans l’homme ? il n’en est pas d’aussi locale que celle que nous venons de citer; mais certainement il s’en fait à la surface des membranes muqueuses , et probable- ment de la peau. On sait qu’il existe fréquemment des gaz dans l'intestin , et nous avons indiqué leur nature à l'article de la digestion. Gertainement ces gaz ne provien- nent pas de l’air qui a été avalé, car on les trouve dans l'intestin du fœtus qui n’a pas encore respiré. Ils ne pro- viennent pas non plus, en entier au moins, de la décom- position des alimens, car Glisson, Combalusier, M. Ma- gendie , les ont vus apparaître dans une anse d’intestin qu’on avait vidée et liée. Le météorisme , la tympanite, sont d’ailleurs des maladies qui sont à l’exhalation ga- zeuse intestinale , ce que les hydropisies sont à lexha - lation des sucs séreux. La perspiration pulmonaire est en quelque sorte une sécrétion gazeuse, car nous avons prouvé, à la fonction de la respiration, que l'acide car- bonique qui en forme la partie principale, n’était pas fornié de toutes pièces dans cette fonction ; et des expé- riences nouvelles de M. £diwards, ont mis hors de doute que la muqueuse pulmonaire exhale aussi en de cer- tains cas de l’azote, par exemple , constamment au prin- temps et en été. Ce que nous disons de la perspiration pulmonaire , peut certainement se dire de la transpira- tion cutanée , puisque le produit de celle-ci contient aussi de l’acide carboniques Enfin, M. Ribes dit qu’ou- vrant sous l’eau dans un cadavre la cavité du péritoine et celle de la plèvre, il avu se dégager des bulles de gaz. 632 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, Nous admettons donc qu'il y a des pneumatoses chez l’homme dans l’état de santé; mais elles se rapportent aux exhalations muqueuses et cutanées dont nous ve- nons de traiter: et si les produits en sont recueillis quel- quefois dans l'intestin, ce n’est qu’à cause de la disposi- tion des parties. Onpne II. — Sécrétions spécialement dépuratrices et décomposantes. Il n’y en a qu’une dans l’économie de l’homme, Ja sécrétion urinaire. Il est évident , en effet, que l’urine n’a pas d’autre office dans l’économie que de fonder une excrétion. $. IT. De la Sécrétion urinaire. Cette sécrétion n’existe que dans les animaux verté- brés , et est chez eux assez prochainement nécessaire à la vie; sa suppression entraîne promptement la mort. xposons successivement la disposition anatomique de l'appareil qui en est l’agent, et le mécanisme de son action. 1° De lAppareil urinaire. Cet appareil va en se compliquant successivement dans la série des animaux vertébrés. Dans les poissons, où il est le plus simple , il ne se compose que d’une glande et de son canal excréteur : la première , appelée rein, rouge, granuleuse, située dans l’abdomen ; le second, allant s'ouvrir aussitôt au dehors pour l'issue du fluide, Mais , des poissons aux mammifères , il va en s’ajoutant de nouvelles parties ; et, chez homme, il se com- pose : 1° des reins , glandes paires qui sécrètent l'urine; mans RES ré DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. 633 > des uretères, deux canaux excréteurs provenant de ces glandes , et en recevant l’urine ; 3° de la vessie , ré- servoir où l'urine s’accumule jusqu’à un certain point , pour ne plus en être rejetée que d’intervalles en inter- valles ; 4° enfin , de l’urèthre , canal excréteur provenant de la vessie, et conduisant l’urine au dehors. 1° Les reins sont deux glandes situées dans la cavité abdominale , sur les côtés du rachis , au devant des der- nières côtes asternales et du muscle carré des lombes, placés cependant hors Ia cavité du péritoine qui ne les recouvre qu’en devant, et plongés là dans une masse de tissu cellulaire graisseux assez abondant. Le rein gau- che est un peu plus haut que le droit. Quelquefois il n°y a qu’un seul rein ; d’autres fois il y en a trois; on ob- serve à cet égard beaucoup de variétés. Ges organes ont la forme d’un haricot , et sont situés verticalement, ayant la scissure qu'ils offrent dans leur milieu dirigée en de- dans. Leur volume n’est pas en rapport avec la quantité du fluide qu'ils sécrètent. Leur consistance est assez ferme ; leur couleur, d’un rouge tirant sur le brun; et, par la scissure qu’ils offrent dans leur milieu , pénétrent et sortent les vaisseaux qui constituent leur parenchyme, l'artère et la veine rénales, l’uretère, etc. Ces reins sont des organes sécréteurs du genre des glandes , et voici les élémens qui les forment : 1° le système vasculaire sanguin apportant les matériaux de la sécrétion , qui est ici une grosse artère, l'artère rénale, qui , naissant de l'aorte abdominale, et s’en détachant à angle droit, après un trajet très-court , aborde le rein, pénètre par sa scis- sure, et va se ramifier à l'infini dans sa substance; 2° le système vasculaire sécréteur, qui, né dans tous les points du parenchyme, partout où se terminent les ramuscules 634 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. de l'artère rénale , étant continu avec ces ramuscu- les, vient aboutir en une cavité intérieure du rein , ap- pelée bassinet : ce sont là les deux élémens principaux du rein, comme leurs analogues le sont de toute glande quelconque ; 3° des veines qui recueillent le superflu du sang , et qui, se réunissant en troncs successivement de plus en plus gros et de moins en moins nombreux, forment enfin la veine rénale qui sort par la scissure du rein, et va s’ouvrir dans la veine cave inférieure ; 4° des vaisseaux lymphatiques, disposés aussi sur deux plans, un superficiel et un profond, et qui se terminent aux gan- glions lombaires ; 5° des nerfs qui proviennent des gan- glions semi-lunaires , du plexus solaire, du nerf petit splanchnique , et qui, enveloppant d’un réseau Fartère rénale, la suivent dans toutes ses ramifications ; 6° enfin un tissu lamineux, servant de canevas, de soutien , de lien à toutes ces parties. Ces divers élémens se combi. nent entre eux dans le tissu de l’organe, de manière à former un parenchyme assez dense , différent de celui des autres glandes , et dans lequel l'inspection cadavéri- que fait distinguer trois substances : une extérieure, dite corticale , qui , ayant deux lignes d’épaisseur , est moins consistante que les autres , est d’une couleur rouge pâle, et recoit presqu’en entier les ramifications de l'artère rénale : une moyenne , dite tubuleuse, rayonnée, qui est plus dense, plus solide que la précédente, moins rouge , el qui paraît formée de beaucoup de petits tubes ; réunis en faisceaux coniques d’une grandeur inégale , ayant leur base dirigée vers la substance corticale, et leur sommet du côté de la cavité appelée bassinet , ces pelits tubes paraissent être les vaisseaux sécréteurs et excréteurs du rein : enfin, une tout-à-fait intérieure , DÉ LA SÉCRÉTION URINAIRÉ. (HE dite mamillaire ou papillaire, formée par les sommets des tubules de la substance moyenne , sommets qu'on appelle mamelons , qui sont au nombre de 5 à 18,d’une couleur vive , et les aboutissans des excréteurs du rein ; ces mamelons , qui probablement sont recouverts d’une membrane muqueuse , coupés transversalement, ont un aspect poreux et semblable à celui d’un jonc coupé en tra- vers. Des anatomistes ont admis de petites glandes , in- termédiaires à la substance corticale et à la tubuleuse. D’autres , M. Chaussier , par exemple, rejettent cette distinction du parenchyme du rein en trois substances, la considérant comme un pur eflet cadavérique , et ar- guant de ce que cette distinction est d'autant plus mar- quée, que la section du rein est plus ancienne. Une membrane extérieure , probablement de nature fibreuse, enveloppe tout l’organe, lui adhérant, s’en détachant cependant assez facilement, et s’enfonçant au fond de la scissure pour accompagner au loin les artères. Au fond de cette scissure , est une petite cavité membraneuse , dirigée suivant la longueur du rein, appelée bassinet , large dans son milieu , étroite à ses extrémités , et dans l'intérieur de laquelle se voient les embouchures des di- vers mamelons qui y apportent l’urine. Ces mamelons sont entourés là de petits entonnoirs membraneux, qu’on appelle calices. En bas, ce bassinet offre l'orifice de l’u- retère , qui , à cause de sa disposition en entonnoir , est appelé infundibulum. Sa texture offre trois membra- nes superposées : une extérieure, dépendante de la mem- brane extérieure du rein; une intérieure, de nature muqueuse ; et, entre les deux, une moyenne , blanche, fort résistante. Tel est le rein, dont la texture intime semble un peu 636 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. plus facile à pénétrer que celle d’aucune autre glande : les injections et les hémorragies prouvent combien sont faciles aussi les communications entre l’artère rénale , d’une part, et les excréteurs et la veine rénale de l’autre. 2° Les uretères sont deux canaux excréteurs, qui com- mençant chacun à chaque bassinet du rein, s'étendent de là à la vessie. Ces canaux, dela grosseur d’une plume à écrire, commencent à l’infundibulum, descendent d’abord un peu obliquement en dedans jusqu’à la sym- physe sacro-iliaque; de là ils se portent en avant et en dedans , et vont pénétrer la partie moyenne du bas-fond de la vessie, croisant successivement le muscle psoas, et les canaux déférens. C’est en dehors, et un peu au- dessus des vésicules séminales, qu’ils abordent la vessie, ne perçant d’abord que les deux premières tuniques de ce réservoir, et rampant l’espace d’un pouce entre ses tuniques muqueuse et musculeuse, avant d’arriver dans son intérieur; leur embouchure s’y fait par un orifice étroit , aux angles postérieurs de ce que nous verrons être appelé trigone vésical. Chaque uretère se rapproche dans son trajet de celui du côté opposé, el est formé de trois membranes, une extérieure, celluleuse: une in- terne, muqueuse ; et entre les deux, une troisième , qui est fort résistante : les unes et les autres sont fort unies entre elles, et rendent ce canal tout à la fois assez so- hide et assez extensible. \ 3° La vessie est une poche musculo -membraneuse , située dans l’excavation du bassin, au-devant du rectum ou de l’utérus, et derrière le pubis , et servant de réser- voir à l'urine. Sa situation du reste varie; selon l’âge, dans l'enfant, cet organe étant plus élevé que le pubis ; selon le sexe, dans la femme, l'utérus la séparant du DE LA SÉCRÉTION URINAIRE: 657 rectum ; selon son état de vacuité ou de plénitude. Sa forme est ovoide, conique ; son volume variable selon l’âge, les individus, les habitudes , tel cependant que dans l’âge adulte la vessie peut contenir de six à huit onces d’urine. En avant, la vessie correspond à la sym- physe du pubis, et deux petits faisceaux fibreux qu’on appelle ligamens antérieurs de la vessie l'y attachent. En arrière , elle est recouverte par le péritoine, et con-- tiguë, ou au rectum ou à l’utérus, selon le sexe. En haut , elle répond, dans ce qu’on appelle son sommet, aux intestins grêles , et donne attache au ligament su- périeur de la vessie. Gelui-ci est composé : 1° de l’ou- raque , cordon fibreux, blanchâtre, étendu du som- met de la vessie à l’ombilic où il se confond avec les aponévroses des muscles transverses , et reste d’un canal qui, dans le fœtus, s'étend de la vessie à une poche membraneuse particulière , appelée allantoide:; 2 des artères ombilicales qui sont aussi oblitérées ; 3° des pe- iites faulx du périloine , qui sont des replis de cette membrane séreuse , enveloppant l’ouraque et les artères ombilicales. Sur les côtés, la vessie touche un tissu cellu- laire abondant, et est côtoyée par les artères ombilicales et les conduits déférens. Enfin, en bas, elle est divisée en deux parties, une antérieure, plus élevée, étroite, figurée en goulot, qu'on appelle son col, et qui, embrassée par la prostate , répond à la partie postérieure et inférieure du pubis; et une postérieure, appelée son bas-fond, qui, em- brassée par les muscles releveurs de anus, est appliquée sur les vésicules séminales , les conduits déférens et le rectum. En dedans , la vessie offre une surface grenue , couverte de mucosités : on y voit; les rides qui résultent de la muqueuse qui en tapisse l’intérieur ; quelquefois 638 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. des reliefs dépendans des saillies que forment les faisceaux de sa tunique musculeuse, et qu’on appelle colonnes char- nues ; quelquefois aussi des cellules résultant des inter- valles de ces colonnes; en haut, l’orifice imperceptible de l’ouraque; et enfin, en bas, de devant en arrière , le col de l'organe, le trigone vésical, l'insertion des ure- tères et Le bas-fond de la vessie. Le col est un goulot assez large, à contour épais et arrondi, et se rétrécissant bien- tôt un peu pour donner naissance à l’urèthre : chez l’a- dulte , il est un peu plus élevé que le bas-fond: de sa partie inférieure s’élève un tubercule charnu appelé luette ou caroncule vésicale; c’est la fin de l'angle anté- rieur du trigone vésical. Celui-ci est un espace trian- gulaire, circonscrit par les deux ouvertures des uretères en haut set celle de l’urèthre en bas; ces ouvertures sont à un pouce et demi l’une de l’autre ; cette parie de la vessie est moins ridée que le reste de l'organe, d’une autre couleur, et paraît avoir une autre organisation ; du moins à juger par son épaisseur , sa couleur et l’adhé- rence de sa membrane interne; elle conserve sa gran- deur ordinaire même lors de la contraction de la vessie peut-être parce que c’est à elle qu’adhèrent les vésicules séminales , la prostate et le rectum. Les orifices des ure- ières sont situés aux angles postérieurs de ce trigone vésical ; ils sont étroits, et souvent un petit repli de la membrane interne de l’organe les recouvre. Enfin , le bas-fond de la vessie est la partie la plus déclive de l’or- gane, et correspond au rectum chez l’homme, et au vagin chez la femme. Deux membranes propres forment la vessie : 1° une muqueuse, qui en tapisse l’intérieur, est continue à celle des uretères et de l’urèthre : géné- ralement avec rides, parce qu’elle est plus ample que DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. 639 la tunique musculeuse qui lui est susjacente; garnie de nombreux follicules qui versent à sa surface une hu- meur de lubréfaction ; enfin, mince et blanche vers le col de l’organe , et , au contraire , rougeâtre dans le reste du réservoir ; 2° unemusculeuse , dont les Anciens avaient fait un muscle particulier , sous le nom de mus- eulus detrusor urinæ , composée de fibres pâles , dispo- sées par faisceaux dirigés en tous sens. C’est à travers les mailles que forment ces faisceaux, que sont compri- ses les cellules dont nous avons parlé plus haut. De ces fibres , les unes, les plus extérieures , sont longitudinales, et dirigées du col de la vessie à son sommet; les autres, situées plus profondément , sont obliques ; d’autres en- fin, sont transversales ou circulaires : quelquefois elles forment des reliefs saillans auxquels on a donné le nom de colonnes charnues. Les anatomistes ont souvent re- connu trois autres tuniques à la vessie; savoir : une tu- nique nerveuse , ui s’entendait du tissu lamineux qui unit la tunique muqueuse à la musculeuse; une cellu- leuse, qui consistait dans le tissu cellulaire extérieur à Ja tunique musculeuse; et, enfin, une péritonéale, qui consistait dans la portion du péritoine qui revêt la vessie. Mais évidemment les tuniques nerveuse et celluleuse ne doivent pas être distinguées; et, quant au péritoine , il ne recouvre que le sommet de la vessie et sa face pos- icrieure, et forme les différens replis qui fixent cet or- gane , et peut-être servent aussi à permettre son amplia- tion. Dans tout le reste du viscère, ce n’est que du tissu cellulaire qui se condense à sa surface, de ma- nière à le fortifier. De nombreuses artères portent à la vessie le sang qui est utile à sa vie, l’hémorroïdale moyenne, la honteuse interne , l’ischiatique , l’obtura- 640 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. trice , l’hypogastrique , l’épigastrique , etc. ; et des nerfs, venant , les uns du plexus sacré, les autres du tri-splan- chnique, animent aussi ce viscère. Le col n’est pas gar- ni, comme quelques-uns l’ont dit, d’un sphincter actif, mais d’une substance blanchâtre , épaisse, ferme , con- nue avec la membrane musculeuse , et opposant une résistance mécanique à la sortie de l’urine. 4° Enfin, l’urèthre est le canal excréteur de la vessie : plus où moins allongé chez les animaux, selon qu’il sert ou non à la génération, il est, chez l’homme, à cause de ce dernier office, placé dans le centre de l’organe excitateur de la copulation, le pénis, et a dix ou douze pouces de long. Chez la femme , il est plus court. Com- mençant au col de la vessie, il se prolonge jusqu’à l’ex- trémité de la verge où se trouve son ouverture externe : dans ce trajet, il est recourbé deux fois sur lui-même, et est situé d'autant plus superficiellement qu'il s’ap- proche plus de son ouverture externe , étant placé sous le corps caverneux du pénis. On lui distingue trois par- ties : 1° la prostatique , qui est sa partie supérieure , et qui, étendue du col de la vessie à travers le prostate , a quinze à dix-huit lignes de longueur; c’est la plus large de toutes; en elle aboutissent, de chaque côté d’une ca : roncule qui existe en cet endroit, et qu’on appelle veru- montanum ou créte urêthrale, les deux conduits éjacula- teurs, ceux de la prostate, et les orifices des glandes de Cowper; 2° la membraneuse, qui fait suite à la précé- dente, est longue d’un pouce et la plus étroite de toutes ; 5° enfin , la spongieuse , qui forme les trois quarts anté- rieurs du canal, et est ainsi nommée, parce qu’elle est en- tourée d’un tissu spongieux érectile, semblable à celui du corps caverneux : celle-ci est, à proprement parler, la + DE LA créons. Gâx seule partie de l’urèthre qui soit située dans la verge ; les deux autres lui sont supérieures; elle est placée dans la gouttière inférieure du corps caverneux , set va se termi- ner au devant de celui-ci par ce qu’on appelle le gland. Nous ne nous arrêterons pas sur la texture de ce dernier, parce qu'il intéresse plus la fonction de la génération que celle de la sécrétion urinaire. Cette troisième portion commence en haut par un renflement dela grosseurd’une noix, dit le bulbe, qui paraît résulter d’un tissu ana- logue à celui du corps caverneux, et coupé de même par des brides intérieures. Quant à l'organisation 4 de cet urèthre , elle varicenses divers points. ILest d° abord, dans toute son étendue, tapissé par une muqueuse, dont les follicules sont d’autant plus nombreux qu’on examine le canal plus inférieurement , et qui offre des rides lon- gitudinales dans la portion spongieuse. Ensuite, cette muqueuse est partout fortifiée en dehors par une tunique celluleuse plus ou moins dense. Enfin, cette tunique externe est fortifiée; à la portion membraneuse, par les fibres du releveur de l’anus, et par l’entrelacement fi- breux résultant du concours de ce muscle, du sphinc- ter de l’anus , du bulbo-caverneux et du transverse; et À à la portion spongieuse , par un tissu érectile entouré de son enveloppe propre, qui, à la vérité, a plus trait au service de l’urèthre dans la fonction de la génération , qu’à son office dans la sécrétion urinaire. A l’histoire anatomique de la vessie et del’urèthre, il faut rattacher plusieurs muscles qui agissent lors de l’excrétion de l'urine ; savoir : ceux des parois abdomi- nales, qui, en rétrécissant l'abdomen, soumettront la vessie à une pression favorable à son action d’excrétion; et divers muscles siégeant au périnée , et qui, communs d, A 642 FONCTION Des SÉCRÉTIONS. à l’ouverture anus, am col de la vessie et à la partie su- périeurce de l’urèthre , influeront également sur la déféca- tion, l'excrétion de l'urine et celle du sperme. Ces derniers sont : le releveur de l'anus, le transverse du périnée , et le sphincter de l'anus , que nous avons déjà mentionnés à l’article du rectum; et les iskio et bulbo-caverneux. Le muscle releveur de l’anus a quelques-unes de ses fi- bres, les antérieures , attachées à la prostate, et par conséquent au col de la vessie. Le sphincter de l’anus et le transverse du périnée , ont plusieurs des leurs con- fondues avec celles du bulbo-caverneux , que nous ver- rons avoir une part prochaine à l’excrétion urinaire et spermatique , et par conséquent sont associés à la même action. Quant aux muscles iskio et bulbo-caverneux, les premiers iskio-sous-péniens (Gh.) sont deux petits muscles étendus depuis le côtéinterne dela tubérosité de Y'iskion , jusque sur les côtés du corps caverneux , dans l'enveloppe externe duquel ils se terminent; et les seconds , périnéo-uréthral (Ch.}), au nombre de deux aussi, ont leurs fibres étendues depuis un entrecroise- ment charnu placé entre l'anus et l’urèthre, et qui leur est commun avec le transverse du périnée, le sphincter et le releveur de l'anus , jusqu’au bulbe de l’urèthre , et les parties voisines du corps caverneux. Cette disposi- tion anatomique de ces muscles explique la simultanéité des excrétions de l'urine et des fèces. 2° Histoire physiologique de la Sécrétion urinaire. La sécrétion urinaire est de celles dans lesquelles.le produit est déposé dans un réservoir, d’où il n’est plus rejeté que d’intervalles en intervalles : on peut donc sé- DE LA SÉCRÉTION URINAIRE, 643 parer en elle ce qui est de la sécrétion proprement dite , et ce qui est de l’excrétion. ) 1° Sécrétion de l'urine. C’est le rein qui l’effectue par son action vitale, et le mécanisme commun de toutes les sécrétions : des faits nombreux en fournissent la preuve. Galien lie sur un animal vivant l’un des uretè- res , et voit l’urine s’accumuler au-dessus de laligature, séjourner dans le rein , et ne plus descendre de ce côté dañs la vessie. Sur un autre animal vivant , il lie les deux uretères , et il voit la vessie rester vide. Enfin il coupe les deux uretères , et il voit l'urine s’épancher dans l’ab-. domen. Voilà des expériences qui prouvent déjà, que le rein est l'organe producteur de l'urine. En outre, ce rein a latexture des glandes ; l'urine se montre déjà dans son intérieur, dans son bassinet et les mamelons qui y aboutissent ; une plaie de cet organe donne issue à l’uri- ne; toute maladie de son tissu modifie cette humeur. Rien donc de plus certain , que le rein est l'organe fa- bricateur de l’urine. Mais son action à cet égard , est couverte des mêmes ténèbres que celle de tout autre or- gane sécréteur , et nous ne Pouvons en dire que ce que nous avons dit des sécrétions en général. Le sang de l'artère rénale, arrivé aux ramifications dernières de celie artère, est saisi par les ridicules des sécréteurs , élaboré et changé en urine , et cela Par une action qu’on ne peut dire physique ni chimique, et qui est consé- quemment organique et vitale. Cela parait s'effectuer dans la partie du rein que nous avons appelée substance corticale, car c’est là surtout que se sont terminées les ramifications des artères, et l'urine s’y fait remarquer déjà, en coule, si elle est blessée : la substance tubu- leuse paraît n'être qu’une agglomération de vaisseaux 71 ‘oi % (YA FONCTION DES SÉGRÉTIONS. excréteurs. On a renouvelé , à l’occasion du rein , la dis- cussion de Malpighi et de Ruisch sur la texture intime des glandes; et les uns ont voulu que la substance cor- ticale ne fùt qu’un amas de follicules , et les autres qu'un assemblage de vaisseaux exhalans. La sécrétion s’en fait instantanément et d’une manière continue; car On voit l'urine couler sans interruption par sonde qu’on laisse dans la vessie , par la plaie faite à ce réservoir dans l'opération de la taille, dans les fistules urinaires , dans ce qu'on appelle les extrophies ou ren- versemens de vessie. Le fluide sécrété par la substance corticale , filtre par Ja substance tubuleuse, et coule goutte à goutte, par le sommet des excréteurs, dans le bassinet; celui-ci l’engage dans l’uretère , et ce canal à son tour le conduit dans la vessie. On s’est demandé, si 1a substance tubuleuse ne faisait que le transmettre, ou si elle ne concourait pas aussi à le former, où au moins à le modifier; il paraît que celte humeur y est filtrée, car quand on presse sur cette substance tubuleuse, on n’en exprime qu'une urine trouble et épaisse. On a re- cherché ensuite quelles causes faisaient couler ainsi l’u- rine dans la vessie. D'abord les parties sont disposées , de manière à ce que mécaniquement le fluide suive ce cours. Ensuite , la sécrétion étant continue , la nouvelle urine qui est faite doit nécessairement pousser devant elle, celle qui était déjà dans les excréteurs et le bassinet. En troisième lieu, on peut admettre ici comme ailleurs une action contractile des vaisseaux sécréteurs , des vais- seaux urinifères, et une influence des mouvemens ydu diaphragme et des muscles de l'abdomen pour la respi- ration. Sans doute Bellini a exagéré, quand il à dit que sans cette dernière cause, l'urine resterait dans les PL =, DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. 649 tubes du rein , comme le lait, hors les temps de succion, reste dans les vaisseaux lactifères ; il y a au mamelon du sein un sphincter qui n’existe pas au bassinet du rein. D'ailleurs quelle pression accessoire fait circuler le fluide dans beaucoup d’autres glandes ,le sperme, par exemple, dans les vaisseaux séminifères du testicule ? Mais il est certain que la pression du diaphragme augmente le cours de l’urine dans la vessie ; cette pression doit d’autant plus avoir cet effet, qu’elle est moindre sur la vessie dans le bassin, que sur le rein dans l'abdomen, et que les reins et les uretères présentent plus de surface que la vessie. Enfin , on peut encore indiquer comme causes de la progression de l’urine, mais comme causes acces- soires , le battement des artères rénales situées der. rière le bassin, celui des artères iliaques placées der- rière les uretères, et l'influence de la gravitation. Du” reste, le cours de l’urine dans ce trajet est assez lent, puisque souvent ce fluide a le temps d’y précipiter quel- ques-uns des sels qu’il charrie , d’y former des calculs, On ne voit pas qu’elle puisse y éprouver d’autres modifi- cations , que d’y être dépouillée par l'absorption de sa partie la plus aqueuse , et par conséquent de s’épaissir. L’urine arrivant dans la vessie s’y accumule jusqu’à un certain point : ce réservoir se distend; l’expan- sibilité de ses parois rend cette distension possible; et son mode de sensibilité , d’ailleurs , le met en rap- port avec la présence d’une certaine quantité d’urine dans son intérieur. Cette urine en outre va y faire un certain séjour. D'une part elle ne peut refluer par les uretères ; l'embouchure de ces canaux dans la vessie est trop étroite, trop oblique; un repli de la muqueuse de Ja vessie en recouvre l’orifice ; d’ailleurs, à mesure 646 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. que la vessie se remplit, ces uretères sont aplatis ; une nouvelle urine arrive continuellement par eux; enfin il faudrait que l’urine refluât de bas en haut et contre son propre poids. Tous ces obstacles au reflux de l’urine, de la vessie au rein par l’uretère, sont tels, qu’une injection poussée avec force et abondance par l’urèthre dans la vessie, ne pénètre pas dans les ureières. D'autre part, l'urine ne coule pas non plus par l’urèthre, et cela par plusieurs causes : d’abord , l’angle que fait le col de la vessie avec le bas-fond , et qui est tel que le col est situé plus haut; ensuite la résistance qu'oppose le sphincter fibreux de ce col , et qui ne peut être vaincue qu'autant que la vessie se contracte et presse de toute sa force sur lui Purine. Ainsi, l'urine ne pouvant sortir par aucune des ouvertures que présente la vessie , ni les uretères , ni l’urèthre, estobligée de rester en dépôt dans ce réservoir. Cependant il faut pour cela qu’elle y arrive avec lenteur ; si elle y afllue trop vite, l’action de contraction de la vessie est excitée, et l’excrétion se fait, comme par exemple, quand on pousse brusquement dans ce ré- servoir une injection. Pendant son séjour dans la vessie, l’urine est privée par l'absorption de sa partie aqueuse, par conséquent s’épaissit et se colore davantage. C’est là aussi qu'elle est plus disposée à laisser déposer des sels, et à former des calculs. Toutefois, son accumulation dans cet organe n’est possible que jusqu'à un certain degré ; à la fin, la vessie se fatigue, parce que l’urine a augmenté en quantité , ou est devenue plus âcre ; et alors éclate le besoin de l’excrétion. s Excrétion de l'urine. Comme dans toute excrétion Li DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. C4 de matières solides ou liquides quelconques, nous avons trois choses à y considérer , la sensation qui en annonce Le besoin , l’action expulsive de la vessie , et l'aclion mus- culaire auxiliaire que la volonté peut y ajouter. A. Comme l’excrétion de l’urine constitue un rapport avec l'extérieur, et que nous avons conscience de tous nos rapports extérieurs, on conçoit pourquoi éclate en nous une sensation spéciale marquant le besoin qu'a la vessie de se vider. Gette sensation ne peut pas plus être définie que toute autre; il faut aussi à son égard en ap- peler au sentiment de chacun : on la distingue en elle- même et par son but. À coup sûr, elle est organique ou interne, c'est-à-dire ne résulte pas du contact d’un corps étranger. À la vérité, on pourrait regarder comme tel l’uriné, puisqu'elle est un fluide excrémentitiel ; mais ce n’est pas l'urine , qui par son contact, fait éclater la sensation dont nous parlons, caril y a de l'urine dans la vessie bien avant que la sensation se prononce, et sou- vent il n’y en a pas, lorsque celle-ci sévit. Elle exige du reste, comme toute sensation quelconque , trois ac- tions nerveuses ; l’une qui consisie en une impression que développe la vessie ; l’autre due à un nerfqui conduit celte impression; et enfin l’action du cerveau qui per- coit cette impression. De ces trois actions, les deux der- nières sont ce qu’elles ont été en toutes autres sensations, et ne peuvent d’ailleurs être contestées; il n’y a aucu- nes sensations sans elles ; si le cerveau est altéré, les sensations de la vessie sont paralysées , comme celles de toutes les autres parties du corps ; il en est de même, si on coupe les nerfs qui se distribuent à ce réservoir. Ge n’est donc que dans l’action d’impression qu'il faut faire aussi consister l’histoire de cette sensation, | 648 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. Or , nous avons à en indiquer le siége, le caractère et la cause, Son siége paraît être à la vessie; c’est en eflet là que notre sentiment intime nous la fait rapporter , et il était naturel qu’elle y fût attachée , puisque la vessie est l'organe qui va agir. Mais cette vessie est un organe com- plexe assez étendu ; et peut-on préciser quelle est en elle la partie où éclate l'impression ? est-ce au col, au corps, au bas fond, dans lamembrane muqueuse ou la musculeu- se? est-ce dans lesnerfs qu’ellerecçoit de la moelle spinale, ou dans ceux qui lui viennent da irisplanchnique ? on ne peut rien préciser. Sans doute, cette action d’impres- sion siége dans les nerfs de l’organe; mais ces nerfs ne sont pas ici séparés des autres élémens organiques qui le forment, et par conséquent le siége de l'impression ne peut pas être déterminé. comme il l’est dans un organe de sens. En second lieu , cette action d’impression est inapercevable en elle-même , et l’on ne peut dire d’elle que ce qu’on a dit de l’action analogue dans les autres sensations : savoir , qu'elle est le produit du travail des nerfs de la vessie, et que l’œuvre de ceux-ci est un acte vital. Ne faut-il pas , en effet, l'intégrité des nerfs de la vessie pour la production de cette sensation ? Et quelle est la force physique ou chimique générale qui puisse donner naissance à une sensation , ce phénomène le plus élevé de la nature vivante ? Enfin, laçause de cette action d'impression est inconnue , comme elle l’est en toute sensation interne : on a cité comme telles, le con: tact de l'urine sur la vessie, après que, par son séjour dans cette cavité, elle a éprouvé un certain degré d’alté- ration ; le poids de l’urine accumulée en certaine quan - tité ; le degré d’exlension du viscère, etc. Mais aucune de ces circonsiances n’est absolue; et il en est ici comme * DE LA SÉCRÉTION URINAIRE, 649 de la nausée, de à défécation, où certainement les causes ne sont pas aussi évidentes que le sont celles des sensations externes. Toutefois , à un certain degré de l'accumulation de Purine dans la vessie , cette sensation , très-distincte par elle-même et par son but, éclate. On ne peut préciser les époques fixes de ses retours ; cela varie selon la quantité de la sécrétion , la qualité de l'urine, l'irritabi- lité de la vessie; et chacune de ces conditions diffère selon les âges, les constitutions. Comme toute sensation interne , elle est plaisir , si l’on cède à son vœu; peine, si on la combat; et arrivant promptement à son sum mum , elle est bientôt suivie de l’action expulsive du réservoir. B. Celle-ci consiste évidemment en une contraction de la vessie , mais sur le mécanisme de laquelle il ÿ a encore beaucoup de débats. Quelques-uns ont dit que cette contraction était, comme celle des autres muscles de la locomotion , tout-à-fait laissée à notre volonté. Selon eux, lorsquele besoin d’uriner se fait sentir , avertis par cette sensation , nous contractons la vessie , triom- phons par là de la résistance mécanique du col de cet organe , et obligeons l'urine à passer dans l’urèthre, et à couler au dehors. Ils ont argué, de ce que la vessie recoit des nerfs spinaux , et partant volontaires ; de ce que cet organe est paralysé dans les lésions de la moelle spi- nale, comme les muscles des membres; et de ce qu'une sensation précède toujours son action , et semble destinée à avertir la volonté. D’autres, au contraire, et avec rai- son, ont nié que la vessie fût contractile à volonté; ils ont invoqué l’analogie des autres réservoirs , l'estomac, le rectum, dont les actions d’excrétion sont évidemment ke 650 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. involontaires; ils ont dit qu’on n’a pas plus le sentiment de la contraction dela vessie que celui de la contraction d’un intestin , par exemple ; et qu'on a confondu, avec l’action de la vessie elle-même, celle des muscles qui lui sont annexés, et que nous verrons, en eflet , tour à tour aider ou empêcher l’excrétion, selon qu’ils com- primeront ou-non la vessie , et tiendront fermé ou laisse- ront libre son orifice. Il nous paraît certain , en effet , que c’est moins par son influence sur l’action contractile de la vessie, que sur celle des muscles de l'abdomen et du périnée , que notre volonté a pouvoir sur l’excrétion uri- paire. Toutefois , la vessie stimulée par la présence de l’urine, se contracte ; ses parois se pressent de toutes parts sur ce fluide , et celui-ci triomphe de la résistance que pré- sente son orifice uréthral. Les fibres longitudinales, obli- ques et transversales de la lunique musculeuse , sont en effet dirigées de manière , à ce que cet obstacle soit for- cé ; les premières aboutissent toutes pour cela au col de l’organe ; et la nature à fait prédominer en nombre et en force les fibres du fond de la vessie sur celles du col, pour qu’un tel effet ait lieu. Nous allons voir d’ail- leurs le secours que l’organe recoit’, des muscles qui lui sont annexés , pour que l’orifice de l’urèthre livre pas- sage à urine. C. Enfin, à cette contraction du réservoir qui contient l'urine , s’ajoute celle de plusieurs muscles voisins, tan- tôt pour faciliter l’excrétion, tantôt pour l’empêcher. D'abord , l'abdomen est, comme on sait, une cavité dont les paroïs en haut, en bas, et sur les côtés, sont toutes musculeuses ; et la volonté, en contractant ces parois, leur fait comprimer avec une certaine force les viscères DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. 651 intérieurs , et par conséquent la vessie. Quelques-uns ont dit que la contraction des muscles abdominaux était absolument nécessaire, pour exciter la vessie à se con- tracter : il est sûr, au moins, qu’elle aide l’'excrétion en exerçant une pression sur ce viscère : presque toujours, elle a lieu dans le premier moment de l’excrétion; la vessie ne peut alors seule parvenir à vaincre l'obstacle qui provient de son col; mais cet obstacle une pre- mière fois vaincu , sa puissance contractile suflit pour tenir son orifice ouvert et rendre le jet continu, et les muscles abdominaux cessent d'agir. Cependant, si on prolonge leur contraction , ils augmenteront la force du jet : on conçoit que leur influence sera d’autant plus complète que la vessie aura plus de volume, sera plus distendue. En même temps que la contraction de la ves- sie et celle des muscles abdominaux tendent à exprimer l'urine dans l’urèthre, il y a relâchement des muscles releveurs de l’anus et bulbo-caverneux, qui embrassent, par quelques-unes de leurs fibres, le col de l'organe, afin d’affaiblir la résistance que présente ce col. Le li- quide a reçu de la vessie une telle impulsion, qu'il tra- verse aussitôt tout l’urèthre, et vient tomberen dehors. Cependant, il y a aussi une légère action contractile de ce canal, surtout quand l’excrétion est près de sa fin. Alors aussi agissent les muscles releveurs de l’andifiét bulbo-caverneux , pour expulser de l’urèthre le reste du fluide qui y est contenu. Ces muscles, en portant Ja verge en haut et en avant, lui impriment une légère secousse, qui favorise la sortie des dernières gouttes d'urine. L’étendue du jet, dans le premier moment, fait apprécier Ja force contractile de la vessie, et dans ce dernier , celle des muscles bulbo-caverneux et de l’urè- 652 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, thre : dans le premier , le jet va en diminuant , à mesure que le fluide, diminuant de quantité, offre moins de prise à la vessie qui l’exprime; dans le dernier, il est in- termittent et par saccades qui coïncident avec les con- iractions des muscles de l’urèthre. Enfin , ce sont ces mêmes muscles releveurs de l’anus, et bulbo-caverneux surtout, que nous contractions , lorsque sollicités par le besoin d’uriner , nous voulons résister ; les fibres de ce dernier , courbées autour de l’urèthre, en forme de demi-sphincter, resserrent ce canal, aidées en cela par celles qui embrassent la portion membraneuse de l’urè- thre , et qui unissent les deux lobes de la prostate. Tel est le mécanisme de l’excrétion urinaire, et la mesure dans laquelle influe sur elle la volonté : on sait que nous pouvons assez long-temps résister au besoin de cette excrélion ; et l’on voit combien il importait que dans l’appareil de cette sécrétion , la nature ait ménagé un réservoir où l'urine pût s’accumuler , et qui nous sau- vât de la dégoûtante incommodité de la rendre d’une manière continue. Ïl nous reste à traiter de l’urine qui est le produit de la sécrétion urinaire, et des usages de cette sécrétion, L’urine est un liquide d’une couleur jaune citronée , d’une saveur salée, d’une odeur particulière, d’une pe- sahteur spécifique un peu supérieure à celle de l’eau , et qui est un peu acide, puisqu'elle rougit les couleurs bleues végétales. La chimie lui trouve pour élémens constituans ; de l’eau, de l’urée, une autre matière ani- male, de l’acide urique; un autre acide, qu’on a dit tour à tour être le phosphorique, l’acétique ou le lacti- que ; des hydrochlorates de soude et d’ammoniaque ; des phosphates de soude, d’ammoniaque, de chaux et de Ps DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. 653 magnésie ; des sulfates de potasse et de soude ; et enfin, selon M. Berzelius , de l#silice et du lactate d’ammo- niaque. Voici, en chilres, l’analise qu'en donne ce sa- yant ; sur 1000 parties d'urine , 11 y à : eau, 939,00 ; urée, 20,10; sulfate de potasse, 3,716 sulfate de sou- de , 3,16; phosphate de soude, 2,54; sel marin, 4:49; phosphate d’ammoniaque , 1,09; hydrochlorate d’am- moniaque ; 1 50 ; acide lactique libre, lactate d’ammo- niaque, matière animale soluble dans l'alcool, et qui accompagne ordinairement les lactates ; matière animale insoluble dans l’alcool , mais qu'on ne peut séparer de la matière précédente ,- 17, phosphate terreux , avec un vestige de chaux, 1,00; acide urique, 1,00; mucus. de la vessie, 0,32 ; enfin, silice, 0,03. Ge n'est pas ici le lieu d'exposer le procédé compliqué par le- quel on parvient à cette analise ; nous dirons seulement que lorsqu'on laisse pendant quelques heures de l’urine en repos, il se dépose sur les parois du vase un sédi- ment jaunâtre , qui est de l'acide urique; qu'après quel- ques heures , l'élément urée se décompose, et qu'il se forme de l’'ammoniaque , etc. Quelquefois celte urine laisse déposer dans l'étendue de ses voies d’excrétions quelques-uns des élémens qui la composent , el de là for- mation de calculs, origine de deux maladies cruelles, la gravelle et la pierre. Quant à la quantité de l’urine , elle est généralement de trois à quatre livres par jour ; c’est de toutes les hu meurs sécrétées la plus abondante : aussi l'artère rénale est-elle très-grosse , porte-t-elle au rein la sixième ou la huitième partie de tout le sang du corps , selon aller ? Du reste, cette humeur est comme toute autre très- variable dans ses propriétés physiques et chimiques , et “ 65/ FONCTION DES SÉCRÉTIONS. dans sa quantité , selon les conditions organiques diver- ses dans lesquelles on peut être, et surtout à cause de son usage qui est de dépurer le sang. Ainsi , changeant selon les âges, elle est moins colorée dans l’enfance, et plus graveleuse dans la vieillesse. Dans Ja femme, elle est plus aqueuse et plus abondante que dans l’homme. Chacun a , à cet égard , sa constitution. Elle varie selon les saisons, les climats, et est modifiée par l’état des autres sécrétions excrémentitielles dont elle est solidaire : par exemple, quand les perspirations cutanée, pulmo- naire, les exhalations séreuses , cellulaires , abondent, quand il y a hydropisie , anasarque , elle est moins abondante , plus rouge , plus concrescible ; et souvent alors lartère rénale va jusqu’à être rétrécie, ce qui est un effet et non une cause de la maladie. Cette humeur offre surtout des différences selon l’état de maladie: par exemple, dans le début des maladies, elle est générale- ment, ou claire, ou supprimée ; et sur leur déclin, au contraire, elle est toujours avec nuage , enéorême, sé- diment , offre des degrés divers de consistance , de composition ; elle abonde, par exemple , en phosphate de chaux chez les rachitiques , et en manque au con- traire chez les goutteux. On sait combien son appa- rence est souvent consultée dans la pratique de Ja mé- decine, plus à la vérité sous le rapport de ses formes extérieures , Que sous le rapport de sa composition chi- mique. Loin de nous sans doute la pensée d’exagérer la valeur des indices que l’on doit à l'inspection de l'urine ; nous déplorons trop l'abus honteux qu’en font les char latans ; mais les rapports du rein avec la nutrition gé- nérale, comme chargé d’une sécrétion décomposante ; la possibilité que l'appareil urinaire soit choisi pour DE LA SÉCRÉTION URINAIRE, 655 couloir de la dépuration critique qui se fait souvent à la fin de chaque maladie ; ebenfin la facilité avec laquelle les reins répondent aux diverses irritations sympathiques, expliquent assez pourquoi cette sécrélion est de toutes, celle qui se modifie le plus dans les maladies. La sécrétion de l'urine, à la différence de toutes les autres sécrétions précédemment examinées, ne remplit aucun usage local; ses oflices ont exclusivement trait au sang dont elle effectue la dépuration, et à la décompo- sition du corps. Mais à ce double titre, elle prend rang parmi les actions les plus prochainement nécessaires à la vie, comme nous allons le faire voir, D'une part, il peut aflluer sans cesse dans le sang, soit du dehors, soit de l’économie elle-même , mille sub- stances étrangères qui altèrent ce fluide, et dont il a besoin d’être dépuré. D'un côté, les cavités digestive et respiratoire , et la grande surface de la peau, sont une triple voie par laquelle l’absorption fait pénétrer du dehors dans le sang beaucoup dessubstances étrangères : nous avons dit en effet qu’avec le chyle, comme avec l’oxigène de l’air respiré , pénétraient souvent quelques principes non digérés des alimens, leur matière colo- rante, par exemple , et quelques-uns des élémens étran- gers tenus en suspension dans l'air que l’on respire. D’un autre côté, beaucoup de fluides sécrétés , même excrémentitiels , si quelque obstacle les arrête dans les voies de leur sécrétion, sont de même résorbés et portés en nature dans le sang : on l’a vu souvent de la bile , du lait, du pus, des fèces elles-mêmes. Or, c’est la sécré- tion urinaire qui est principalement chargée d’éliminer ces substances et d’en dépurerle sang. Ainsi, l’urine se montre colorée en jaune ou en rouge , selon que l’on a 2, LL 656 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. mangé des alimens teints avec de la rhubarbe ou de la garance ; en elle se voient bien vite ceux des principes de nos alimens qui ont pénétré sans être chylifiés. Il en est de même des boissons; avec promptitude elle dé- barrasse le sang du superflu de partie aqueuse dontelles l'ont surchargé : de là même la distinction que l’on a faite de l'urine de la boisson et de l'urine de la nutri- tion , la première n'étant que le superflu de partie aqueuse que les boissons ont portées dans le sang, la seconde ctant au contraire formée des élémens repris au sang pour effectuer la décomposition du corps. Nous en dirons encore autant des élémens étrangers absorbés dans l’air de la respiration : quand on respire dans un appartement nouvellement peint à l'essence de téré- benthine , l'urine ne prend-elle pas une odeur de violette, comme si on avait injecté de cette substance dans le sang? Enfin, cette humeur rejette aussi au dehors les matières que l’absorption interne a pu puiser dans l’é- conomie et reporter accidentellement dans le sang; et par exemple , ne se charge -t-elle pas de bile dans l'ictère ? D'autre part, on sait que l'absorption interne reprend dans tous les organes une partie des matériaux qui les composaient , à mesure que la nutrition leur en assimile de nouveaux. Nous avons dit que tout organe se décom- pose dans la même proportion qu'il se recompose. Or, c’est la sécrétion urinaire qui accomplit cette décom- position ; elle en est même la plus forte preuve. En effet, l'alimentation pourrait ne servir qu'à remédier aux pertes qu'ont fait faire au corps les autres excrétions dont nous venons de parler : mais à quoi pourrait servir la sécrétion urinaire qui évidemment n’a aucune ulilité +8 Le DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. 657 locale, si ce n’est de rejeter hors de l'économie les dé- bris usés des organes ? La dépuration du sang ne pour- rait seule en expliquer l'abondance et Ia nécessité. De ces deux offices que remplit la sécrétion urinaire , le premier , la dépuration du Sang , semble consister en un simple triage. Les matériaux hétérogènes, quelle que soit leur source , mélés au sang, roulent avec ce liquide , et présentés aux reins , S’attachent en quelque sorte à l’urine qui en est le produit et sortent avec elle. G'est si bien ainsi que s’opère cette dépuration , que ces matériaux hétérogènes, qu’on peut suivre en quelque sorte dans tout le trajet qu’ils parcourent, et reconnaître dans le chyle, la lymphe et Je sang, quelquefois s’enga- gent dans d’autres couloirs, des couloirs sécréteurs ré- crémentitiels, par exemple , ou les couloirs nutritifs. Ainsi, l’on a vu quelquefois le fluide des hydropisies manifester les qualités des alimens qui ontété pris , celles de la bile dans l’ictère. Ainsi, Duhamel à vu les os se colorer en rose à la suite de l'usage d’alimens colorés avec la garance ; et l’on distingue très-bien au goût le lapin nourri aux choux, de celui qui est nourri au thym ou au serpolet. Mais, soit parce que la sécrétion urinaire est celle qui remplit spécialement la décomposition, soit à cause de quelque disposition anatomique spéciale , c’est elle qui plus facilement et plus abondamment extrait les matériaux étrangers qui surchargent le sang. On sait qu’elle est aux boissons, sous ce rapport, ce que ladéfé- cation est aux alimens solides. Sous ce dernier rapport ,il est une proposition qu'ont émise quelques physiologistes, et que nous devons dis- cuter. La boisson est quelquefois rendue par l’urine avec une extrême promptitude , avec une promptitude 3. 42 be. 658 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. que semble ne devoir pas permeltre le long cours de la circulation; et, à cause de cela, on s’est demandé s’il n’y avait pas quelques voies directes de l'appareil digestif à Ja vessie. À l'appui de ce soupcon, on a cité quelques faits. Par exemple, Chirac dit avoir vu la vessie se rem- plir d'urine, quoique les uretères fussent liés; il dit avoir provoqué des vomissemens urineux en liant les artères rénales : on assure avoir retrouvé dans la vessie l'huile qui constituait un clysière : Darwin, ayant fait prendre à un de ses amis du nitrate de potasse , retrouva ce sel dans l'urine, mais sans pouvoir en signaler le moindre atome dans le sang; Brand fit la même remarque à l’é- gard du prussiate de potasse. Ainsi, ce ne serait pas par la circulation, que ces substances seraient parvenues à l'appareil urinaire ; et de là ces idées qu’il existe un canal direct de l’estomac à la vessie, ou que c’est par le tissu cellulaire intermédiaire que ces substances ont-gagné ce réservoir, Mais le canal de l'estomac à la vessie n'existe pas; et quant à la transmission à travers les aréoles du tissu lamineux, elle choque toutes les lois de la physiolo- gie; nous avons déjà dit que@melin et T'iédemann avaient examiné le tissu cellulaire de l’abdomen, après avoir fait boire, aux animaux sur lesquels ils faisaient l'expérience, des boissons colorées ou odorantes, et n’y avaient trouvé aucunes traces de ces boissons. Les faits de Chirae sont certainement faux ; lerein seul dans notre économie peut fabriquer de l'urine ; et, d’ailleurs, pour bien juger ces faits , il faut distinguer ce qui appartient à la suppression de la sécrétion, de ce qui appartient à la suppression de l’excrétion, Ainsi, lie-t-on les artères rénales ? suppression de la sécrétion , mort, parce que le sang n’a pas éprouvé la dépuration salutaire ; mais on ne trouve d'urine en DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. 65 aucun point de l’économie. Au contraire , lie-t-on seu- ement les uretères? suppression de l’excrétion , mort aussi, si cette suppression se prolonge ; mais l’urine re- gorge dans toute l’économie ; faite au rein comme à l’or- dinaire, mais stagnant dans ses voies d’excrétion “abr- sorption l’a reprise, portée dans le sang, d’où elle se sera échappée par les divers couloirs ; la perspiration cutanée, la sueur, les vomissemens auront un caractère urineux, Cette absorption explique de même comment l'urine a évacué quelquefois la matière d’un clystère , le fluide d’une hydropisie. Quant aux faits de Darwin et de Brand , on ne peut en tirer de conséquences abso- lues; le sang et l'urine étant des liqueurs fort différentes chimiquement , il est possible qu’une même substance mêlée à ces liquides, se laisse saisir par un réactif dans l’un et s’y dérobe dans l’autre. D'ailleurs M. Foderx a été plus habile que Darwin et Brand : ayantintroduit dans la vessie d’un lapin une sonde bouchée, ayant lié sur la sonde le pénis pour empêcher l'urine de couler sur les côtés, il a injecté dans l’estomac de l'animal une so- lution d’hydrocyanate ferrurée de potasse : alors débou- chant fréquemment la sonde, il a recu , sur du papier- joseph , des gouttes d’urine , et soumettant ënsuite ce papier à des réactifs, il a pu reconnaître l'instant où l'urine était chargée de la solution portée dans l’estomac : cela arrivait au bout de cinq ou dix minutes: alors tuant aussitôt l'animal , et examinant le sang dans les di- verses parties du corps, il y a trouvé le sel. Nous con- cluons donc, que c’est par la voie de la circulation que les boissons arrivent au rein; et si l’on réfléchit au volume considérable des artères rénales , apportant aux reins la huitième partie de tout le sang, une quantité 42* 660 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. qu’on a estimée être de dix mille onces par heure; si l’on pense au trajet très- court de ces artères, à leurs promptes ramifications dans le tissu du rein , à leur communica- ion avec les sécréteurs, qui est plus facile qu’en aucune autre glande, d’où cette opinion émise qu’on a plus d’es- poir de trouver dans le rein le mécanisme des sécrétions qu’en aucun autre organe sécréteur, etc. , on trouvera ces particularités anatomiques très-propres à confirmer notre assertion. Sile mécanisme par lequel la sécrétion urinaire a effec- tué la dépuration du sang, a paru facile à pénétrer, et consister en un simple triage, il n’en est pas de même de celui par lequel cette sécrétion accomplit son autre office , la décomposition du corps ; on ne peut pas de même suivre celle-ci pied à pied. En effet, que pouvons- nous assurer de cette décomposition ? les débris usés des organes sont repris par l'absorption interstitielle , et por- jés dans la lymphe et le sang veineux : ces fluides vont ensuite se changer en sang artériel dans le poumon : et enfin, c’est ce sang artériel , le même qui nourrit les organes , et en effectue la composition , qui ali- mente la sécrétion urinaire , et par conséquent accom- plit la décomposition. Or, il est évident que, dans tout ce trajet, on ne peut pas reconnaître el suivre les mo- lécules organiques , depuis le moment où l'absorption les retire des organes , jusqu’à celui où le rein les rejette sous forme d’urine. On peut même s’étonner que ce soit du même sang qui nourrit les organes, que provienne V’urine qui en représente les débris. Quel peut être le motif d’une pareille disposition ? La nature a-t-elle voulu par là ne rien rejeter du corps qu'après l’avoir soumis à une révision sévère, et en avoir retiré tout ce qui pou- DE LA SÉCRÉTION URINAIRE, 66x vait encore s’y trouver d’utile ? Ou les matériaux retirés des organes traversent-ils impunément le poumon et le système artériel, et ne sont-ils reconnus , si on peut parler ainsi, que par les reins qui doivent en opérer le triage ? On voit bien , d’un côté des molécules reprises par l'absorption , et de l’autre la sécrétion urinaire en- traîner une déperdition quelconque : mais sont-ce les molécules reprises dans les organes qui sont rejetées sous forme d'urine? ou celle-ci n’a-t-elle pour objet que de faire faire au sang des pertes égales à ses acquisitions ? On a tour à tour accueilli l’une et l’autre conjecture, D'une part, c’est du sang artériel] qu’émane la sécrétion urinaire, aussi bien que toutes les autres sécrétions ex- crémentitielles : ce sang est un fluide homogène , dans lequel on ne peut reconnaître les débris des organes : après avoir servi à la formation de l'urine, loin d’être plus pur, il est comme tout autre redevenu veineux, eta besoin de se refaire dans le poumon : enfin, il y a beaucoup d’excrétions, et elles sont diverses, ce qui ne permet guère de croire qu’elles soient formées des mêmes ma- tériaux, D'autre part, si l’urine n’est pas formée spécia- lement par les débris des organes, les produits de la décomposition , il faut admettre que cette excrétion ne sert qu’à faire faire au sang des déperditions proportion- nelles à ses acquisitions; et alors, comment croire que la nature , qui est si admirable dans toutes ses œu- vres , édifie d’un côté avec tant de soins du sang , pour le détruire ensuite de l’autre ? N’y a-til pas d’ailleurs un rapport, entre l'absorption des molécules dans les organes et la sécrétion urinaire, au moins sous le rap- - port de la quantité et de l’activité avec laquelle ces deux opérations se font? Faut-il de notre impossibilité à signa- 662 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. ler la filiation des molécules usées, depuis le lieu où elles se détachent , jusqu’à l’urine , déduire la non-réalité de cette filiation , d’ailleurs si vraisemblable , et qui sa- tisfait tant l'esprit ? combien d’autres faits dans l’éco- nomie , aussi impossibles à constater, et considérés néanmoins comme certains ? Nous penchons donc pour cette dernière conjecture. Il y a plus ; des expériences récentes faites par MM. Dumas et Prévost à Genève, et répétées à Paris par M. Ségalas, en font, en quelque sorte, une dé- monstration. Ges physiologistes ont analisé le sang d’ani- maux vivans auxquels ils avaient extirpé les reins ; et ils ont vu que le sang contenait alors d'autant plus d’urée, que la vie avait persisté plus long-temps à l’opération. Or, ce principe ne se irouve jamais dans le sang des animaux, chez lesquels la sécrétion urinaire se fait libre- ment. Bien plus, ce dernier ayant injecté une solution aqueuse d’urée dans les veines d’un animal, a vu la sécrétion urinaire augmenter sensiblement , et éliminer si promp- iement ce principe , qu'après vingt-quatre heures on ne pouvait plus, par l’analise, le retrouver dans le sang. Il semblerait donc que ce serait sous la forme d’urée que les débris des organes rouleraient dans le sang, et que les reins auraient la propriété d'extraire cette urée. Du reste, c’est surtout par rapport à cet office que la sécrétion urinaire est importante ; elle ne peut être sup- primée plus de trois jours , sans entraîner la mort ; les . mêmes physiologistes que je viens de nommer l'ont con- staté dans leurs expériénces. La sécrétion urinaire fait , à cet égard , subir au sang une dépuration , une modi- fication qui n’est guère moins utile que celle qu'imprime à ce fluide la respiration. Dans Les animaux chez lesquels DES EXCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 663 elle n'existe pas, c’est la transpiration cutanée qui rem- plit son oflice de décomposition. AnvTicze IIL Quelques généralités sur les Sécrétions , et particu- lièrement sur les Excrétions. Nous avons traité de toutes les sécrétions du corps humain , et on connaît maintenant surtout toutes les excrétions. Gelles-ci ont été généralement divisées ; en sensibles , comme les déjections alvines, la sécrétion de l’urine , les matières du moucher , du cracher , etc. et en insensibles , comme les transpirations cutanée et pulmonaire, l’excrétion sébacée de la peau, etc. L'ex- crétion des fèces , tout en évacuant les mucosités de l'appareil digestif, a trait surtout à l’expulsion de la partie non nutritive des alimens ; et de même la perspi- ration pulmonaire se compose en partie du reste de l'air respiré. À ces excrélions nous devons en ajouter une encore, celle des parties cornées , épidermiques, que fournissent la peau et quelqu2s-uns de ses organes an- nexes , et dont plusieurs , à raison de nos usages, fon- dent pour l’homme une déperdition assez importante, Ainsi, il y a une usure et un renouvellement continuel de l’épiderme : ainsi , les cheveux, les ongles, la barbe, qui , abandonnés à eux-mêmes , acquerraient bientôt une longueur déterminée, pour ne Ja plus dépasser , étant coupés sans cesse , deviennent de véritables excré - tions. Enfin , le corps humain présente souvent des excré- tions morbides , comme des suppurations , des hémor- ragies ; mais, bien que les considérations que nous allons présenter leur soient applicables aussi, nous nous tairons e4 CG4 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. sur elles, parce qu’elles n’appartiennent pas à l’état de santé. | De ces diverses excrétions, c’est celle de l'urine qui sert surtout aux besoins généraux de l’économie; savoir, la dépuration du sang et la décomposition du corps ; elle n’a, en eflet, que cet office; toutes les autres, au con- traire , ont à accomplir des services locaux plus ou moins importans. Cependant , celles-ci n°y sont pas tout- à-fait étrangères , et à cause de cela, entrent en solida- rité avec elle. D’abord , cela est évident de la transpi- ration cutanée ; c’est après la sécrétion urinaire , l’excré- tion la plus prochainement dépuratrice et décompo- sante. Dans les animaux chez lesquels la sécrétion uri- naire manque , elle remplit même à elle seule ces offices. Chez l’homme, on trouve aussi souvent en elle que dans urine les matières étrangères dont le sang se dépure. Aussi, dans cet être , ces deux excrétions se suppléent , s’équilibrent. Dans l’ordre le plus naturel , chacune ac- complit ses oflices de dépuration et de décomposition dans une mesure déterminée; mais que , par une in- fluence extérieure ou organique, l’une voie augmenter ou diminuer son action, l’autre se modifie coïncidem- ment, mais d’une manière inverse. C’est ainsi que dans l'été , où la chaleur extérieure active la transpiration, la sécrétion urinaire diminue , et que, dans l’hiver , où le froid affaiblit l’action transpiratoire de la peau, la sécré- tion urinaire augmentc. | Tout ceci est également vrai des autres excrétions. Les déjections alvines, la perspiration pulmonaire , les matières du moucher , du cracher, etc., contiennent aussi les matières étrangères diverses qui peuvent être dans le sang, et, par exemple ,on y trouve la bile dans DES EXCRÉTIONS EN GÉNÉRAL, 665 la jaunisse. Bien que plus particulièrement affectées à quelques usages locaux elles n’en fondent pas moins des déperditions pour l’homme, entrent, à ce titre, dans Le mouvement général de décomposition, et dès-lors se coordonnent avec la perspiration cutanée et la sécré - tion urinaire. Ainsi , dans les diarrhées, la peau est sèche, l'urine rare ; et, dans les diaphorèses, ou le dia- bètes , il ya constipation : Cutis laxa, alvi densitas ; cutis densa , alvi raritas, a dit Hippocraie. Dans l'hiver, la perspiration pulmonaire redouble , pour suppléer à ce que fait alors de moins la perspiration cutanée ; et peut- être, dit Bichat, est-ce une cause de la plus grande fréquence des rhumes dans cette saison. Cette solidarité s'étend même aux excrétions morbides : y a-t-il hydro- pisie, anasarque ? toutes les excrétions semblent avoir cédé leur office à l’excrétion accidentelle qui forme l'hydropisie, et sont comme supprimées ; la peau est sèche, l'urine rare , le ventre resserré ; le malade est dévoré d’une soif inextinguible, tant il a besoin de rem- placer par de nouveaux sucs , ceux que la maladie con- sume. Îl en est de même dans les catarrhes, tous flux quelconques, la salivation, par exemple, d’abondantes suppurations, etc. Toutes les excrétions , même les morbides , quand leur ancienneté les a rendues habituelles , Concourent donc à la décomposition du corps, mais dans des me- sures très-variables et dépendantes des individualités , de l’âge, du sexe , du mode de vie, des maladies , @ÉC: Ainsi, chez tel, la perspiration cutanée est la principale excrélion de décomposition , et chez tel autre c’est l'excrétion de l'urine. Certaines personnes activent du * 666 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. à volonté quelques - unes de leurs excrétions , leur font acquérir ainsi sur toutes les autres une prédomi- nance insolite, et, avec le temps, se les rendent nt- cessaires : telles sont, par exemple, les excrétions du moucher , du cracher , sollicitées et augmentées par l’usage du tabac introduit en poudre dans le nez, ou fumé , ou mâché ; celles des déjections alvinés, main- ienues abondantes et liquides par l'usage habituel des purgatifs. À ceci se rapporte le danger de supprimer des hémorragies périodiques, d’anciens ulcères, des cautères depuis long-temps établis et entretenus, etc. 11 n'est aucune excrétion , telle petite qu’elle soit pri- mitivement , qui ne puisse ainsi devenir principale parmi celles qui accomplissent la décomposition du corps. Bien que les excrétions remplissent , sous ce dernier rapport , un même usage , elles sont cependant physi- quement et chimiquement diverses. Voyez , par exem- ple , l'urine et la matière de la perspiration cutanée ; quelles différences entre elles , quoique accomplissant également la décomposition ! Dans l’une , domine une matière animale particulière , appelée urée , et du phosphore; l’autre est une vapeur albumineuse chargée d’acide carbonique. De cette diversité de composition , ‘nous conclurons qu’on ne peut rien statuer d’absolu sur la composition chimique qu’a revêtue la matière qui , par suite de la vie, est devenue imapte à continuer de faire partie d’un corps vivant; de même qu’on n’a pu spécifier non plus celle que ce travail nutritif lui a donnée , pour l’amener à faire partie des organes. On se borne à dire que les humeurs excrémentitielles sont DES EXCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. "" “667 généralement acides, tandis que les récrémentitielles sont alkalines. Enfin , est-il possible d'évaluer la quantité totale des excrétions ? on le peut encore moins que calculer célle des ingestions. D’abord , il faudrait tenir compte de toutes , et on a vu qu’il y en avait un grand nombre. En second lieu, il en est beaucoup donton ne peut recueillir isolément les produits, et apprécier, par conséquent , la quantité, comme les perspirations cutanée et pulmo- naire , l’excrétion de l'humeur sébacée de la peau. Beaucoup sont éventuelles , laissées au caprice de la vo- lonté , ou à la dépendance de circonstances acciden- telles , comme l’excrétion du sperme , la sueur. La plupart sont plus ou moins abondantes , en raison des usages locaux auxquels elles sont destinées. Quelques- unes sont forcément dépendantes de la quantité et de la qualité des alimens et des boissons dont on use, comme les déjections alvines , la sécrétion urinaire. Enfin, cette quantité totale est en raison du mouvement de décomposition , et celui-ci différant dans chaque indi- vidu , et variant dans un même individu , selon son âge , son état de santé et de maladie, sa vie plus ou moins sédentaire ou active , etc. , on concoit qu'il doit en être de même de la somme des excrétions. Däns ces diverses circonstances , la quantité de l’alimentation varie; il en est de même de celle des excrétions. Bien plus , non-seulement le caractère de la nutrition est ce qui règle la quantité totale des excrétions, mais encore il décide la part que chacune d'elles ont à la déperdi- tion générale, et en fait varier la nature. Par exemple, dans la série des âges , les diverses excrétions sont, les anes par rapport aux autres , dans des proportions diffé- den. | À 668 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. rentes , et leurs produits ne sont pas absolument les mêmes. Ainsi que dans le premier âge , les fluides de composition , chyle , lymphe, sang, sont différens de ce qu’ils sont dans l’âge mûr et dans la vieillesse ; de même, les excrétions qui doivent toujours correspondre à ces fluides, varient dans chacune de ces époques de la vie; plus aqueuses , plus acides dans l’enfance , parexemple, elles sont plus chargées de matières salines , tophacées dans la vieillesse. Mais nous reviendrons sur cet objet à l’article des différences individuelles , et particulière- ment des âges. | FIN DU TROISIÈME VOLUME. qe TABLE DES MATIÈRES DU TROISIÈME VOLUME. SECTION Il°. Fonction des Absorptions. # pag. 1. Cuar. 1*. Des diverses Absorptions qui se pro- duisent dans le corps humain, 4. Anr. I. Des Absorptions nutritives , 5. Anr. II. Des Absorptions éventuelles , 12: Cnar. II. Des Absorptions en particulier , 25. Art. 1%. Absorption digestive , 26. S- I*. Absorption des Alimens ow Chy- lose , Ibid. 1° Appareil de la Chylose, Ibid. 2° Mécanisme de la Chylose, 30. $. IT. Absorption des Boissons, 53. 1° Appareil absorbant des Boissons, 54. 4 2° Mécanisme de l’Absorption des Boissons, 65. Arr. IL. De l’Absorption interne, 68. S-. I®. De Absorption lymphatique , 82. 1° Système vasculaire lymphatique, 85. 3° Mécanisme de la Lymphose, 97. S- IT. De l’Absorption veineuse, NAS. 1° Système vasculaire veineux , Ibid. 2° Mécanisme de l’Absorption vei- neuse , 192. SECTION IIL°. Fonction de la Respiration, 195. Cnar. [*. De lAliment de la Respiration, ou de l’Air atmosphérique , 159. Car. IT. Anatomie de l’Appareil de la respi- ration , 163, . L 70 TABLE è Anr. I*, Du Thorax, pag. 164. Art. II. Du Poumon, 171. Cuar. IT. Mécanisme de la Respiration, 154. Arr, [%. Sensation du besoin de respirer, 189. #7 Ar. IL Action musculaire volontaire re- f spiratoire , 19 4. S- 1°. Phénomènes musculaires respira- teurs ; dans leurs rapports avec la respiration , 195. 1° De l’Inspiration , Ibid 2° De l’Expiration, 210. A. Sensation du besoin d’expirer, 211 B. Action propre du Poumon dans l'expiration , 214. C. Action du Thorax dans l’expi- ration , 219 9° Association des mouvemens d’in- spiration et d'expiration, 2929 S: Il. Phénomènes musculaires respira- teurs dans leurs rapports avec d’autres fonctions , 229. Arr: IL. De la Sanguification, ou Respira- tion proprement dite , 242 Arr. IV. Du Sang artériel, 323 SECTION IV°. Fonction de la Circulation, 527 Car. KE. De l’Appareil circulatoire , 332 Arr. [*. Du Cœur, 393 Art. II. Des Artères, 941 Arr. III. Des Systèmes Capillaires , 549. Arr. IV. Des Veines, 394. Cuar. I®. Mécanisme de la Circulation, 357 Anr. 1%. Circulation dans le Cœur , 562 DES MATIÈRES. Arr. II. Circulation dans les Artères > pag Arr. III. Circulation dans les Systèmes Capillaires , Arr. IV. Circulation dans les Veines, SECTION V. Fonction des Nutritions, Cuar. [®, Anatomie de l’Appareil de la Nutri- tion, _Cuar. IT. Mécanisme de la Nutrition. Art. 1%. De la Composition des Parties, Anr. IT. De la Décomposition des Parties, SECTION VI. Fonction des Calorifications, ow de la Chaleur animale, Cuar. I. Appareil de la Calorification, Cuar. II. Mécanisme de la Calorification, Arr. I*. Action dela Calorification propre- ment dite , Arr. IL. Maintien de la Température de l'Homme , SECTION VII. Fonction des Sécrétions , Car. I%. De la Sécrétion en général , Arr. I. Anatomie des Organes sécréteurs, Arr. 11. Mécanisme des Sécrétions, Cuar. II. Des Sécrétions en particulier, Arr. 1®. Des Sécrétions récrémentitielles , S.I*. Exhalation séreuse du Tissu Cellu- laire , $+ IT. Exhalations séreuses , $. III. Exhalation de la Synovie, $- IV. Exhalation de la Graisse , $S. V. Exhalation de la Moelle, - 878. À Æ : UC } TABLE DES MATIÈRES *. S- VI. Exhalations des Mucus colorans de | 0% la peau , et d’autres surfaces > pag. 559. ù SIL. Exhalations aréolaires, D ue 2: 592. . Arr. IL. Des Sécrétions excrémentitielles, 584. ORDRE [*.—Sécrétions qui ne sont dé- Composantes qu’accessoirement. Jbid. ( # r,e L r .. d S: I”. Sécrétion de l'humeur Sébacée, 585. % S- IT. Sécrétion folliculaire muqueuse ° 585. é S: HI. Sécrétion des Larmes, 593. S- IV. Sécrétion de la Salive et du suc Pan- créatique , | Jbid. à S. V. De la Sécrétion de RARES" 2 594. … S$: VI. Sécrétions excrémentitielles géni- . :: ° tales , 615. S: VIT. Exhalation eutanée , ou Transpira- tion dite insensibie , 616. .. | S. VIIL. De la Sueur, 625. S: IX. Des Exhalations muqueuses, et par- ticulièrement de la Perspiration t Pulmonaire , 628. \s L 2% OnDre IT. Sécrétions spécialement \# dépuratrices et décomposantes, 652. DT S: I. De la Sécrétion urinaire , Ibid. , Dee *, | 1° De l’Appareil urinaire , Ibid. | 2 2° Histoire physiologique de la Sé- : mi crétion urinaire , 640. Arr. IIT. Quelques généralités sur les Sé- crétions , et particulièrement sur r + les Excrétions , 364: e lu | ; 7 y Fin de la Table des Matières du troïsième Volume. $ { TIM TNA DEA ji qui } lu is il ji | l Un | (HO) l| LRU = cr PR ee cs ER \ UNE A A (HI Fu 0 | (HA 14 HAT) LS | ut EE (Los NM MUUT" l}l AS LE À | AR CONT QUE PS ORAN En TMS TETE Du ! HUTNU PAIE NME LU 14 VX DAT NOT APATENS ( nil THEN 1 tre N° 1 ii LE { KA An M) LE h ji Ko Han sil at A Ù va fl An | il 7 1} { N | ‘al il g ne D ni ni | l 1 ds Du 4 do (une il 1 | A ERA 1 ll nn 1) IN Her je ! que KIMI) # DR jel ñ L JA AU qu Lx IN ) | y 1e aa Ii Î QUE «* ‘ l1621 "AY Lun t1 à ann 14 {l il : fa ji ut