^ h- /J No. ^, KA^x ^Ç{3=^ Boston Médical Lîbrary Association, 19 BOYLSTON PLACE, ReceivecL. By Gift of.'i/v ^^ ./J lîumr i/^^w! ÇJH .»> V. • r I • « Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/physiologiedelho03adel PHYSIOLOGIE E CET OUVRAGE SE VEND AUSSI : A MONTPELLIER, CHEZ SÉYALLE, LIBRAIRE. IMPfllMEBlE DHIPPOLYTE TILLIARD. jii:e dl la harpe . M" 78. PHYSIOLOGIE DE L'HOMME, PAR N.-P. ADELON, D. M. P., PR0PE9SECR DE MÊDECtNB I.ÉGALB A LA PiCD!.TÉ DE MÉDECINE DE PARIS, MEMBRE ADJOINT DU CONSEIL DB SALOBBITÉ DE LA VILLE DE PARIS, MEMBRE TITOLilHE DE L'ACit)Émn ROYALE DE MKDECISE , DB LA SOCIÉTÉ PBILOII ATIQDI DB t'ACADÉairB DC3 SCIBSCES , ARTS ET BELLES-LBT PUES DE D[JOS, DES SOCIÉTÉS DE MÉDECINE d'ÉVREIX, LODVAIS, CIC. REVUE , CORRIGÉE ET AUGMENTEE. The proper sludy oE mankind , is mnn. Pope's, Essiiy on man. mi0 , COMPËRE JEUNE, LIBRAIRE-ÉDITEUR, RUE DE L^ÉCOLE DE MEDECINE, N. 8, 1829. 'H ^,'^Y .'->'^' ^^•. PHYSIQ /'- — -^-^./1/V%'%/VV\/VV\/Vt/t>%lV%'V%lVVVVVVV%VVV%VVVV\/%/«/\Vl'VVVVl'%%«%/V\tiVVVVV&/%V'Vt^ SECTION II. FONCTION DES ABSORPTIONS. Dans l'histoire de la fonction précédente , la digestion , on a vu comment la matière alimentaire, étrangère au corps, mais destinée à le réparer, était amenée à l'état sous lequel l'absorption peut la saisir. Il faut maintenant étudier com- ment se fait cette absorption. Dans les animaux inférieurs , il n'y a qu'une seule action d'absorption, et elle effectue à elle seule la composition de l'être. La surface externe du corps absorbe à la fois , et l'air nécessaire à toute vie, et les autres matériaux réparateurs : en même temps que ces matériaux sont saisis, ils sont éla- borés et revêtent l'état sous lequel ils peuvent être assimi- lés au corps de l'animal ; enfin leur assimilation s'en fait aussitôt, de sorte que c'est immédiatement que l'absorp- tion accomplit la composition. Etudiée à ce dçgré de sim- plicité, voici ce que l'on peut dire de cette fonction, lo C'est une action trop moléculaire pour qu'elle puisse être appré- ciée par aucun sens ; on ne peut qu'attester sa réalité : mais on ne peut la mettre en doute , puisqu'on voit disparaître plusieurs des éléments du milieu dans lequel est plongé l'animal , et que le corps de celui-ci croît et augmente en masse. 2" On ne peut dans la structure de l'être en signaler l'agent spécial ; il paraît que , dans ces animaux à organisa- tion si simple , c'est le parenchyme de toutes les parties sans Tome 111. " i 2 TOISCTION DES ABSORPTIOTNS. exception qui reffectue.SoOn ne peut pas davantage en aper- cevoir les produits isolés, puisque c'est immédiatement qu'elle effectue la composition, l^^ Elle n'est pas un simple pompement des matières qu'elle recueille; mais, travaillant les matières qu^elle saisit, leur imprimant une nature qu'elles n'avaient pas auparavant , les changeant dans la sub- stance du corps , elle est une action d'élaboration. 5" Enfin, on ne peut pas plus pénétrer l'essence de cette action que celle de toute autre , et l'on ne peut dire d'elle que ce que nous avons dit de toutes les autres actions organiques pré- cédemment examinées , savoir; qu'elle est une action du corps animal ou de quelques-unes de ses parties, et qu'elle est en opposition avec toute action physique, mécanique et chimique quelconque. En effet, d'une part, l'absorption pour s'effectuer exige la vie de l'animal, et se modifie selon l'âge de celui-ci, son état de santé et de maladie , les conditions or- - paniques dans lesquelles il peut être. D'autre part , l'absorp- tion ne peut pas être une simple imbibition mécanique, puisque la substance absorbée est en même temps élaborée, assimilée à la substance de l'être. Enfin , elle ne peut pas être une action chimique générale, puisqu'il n'y a nuls rapports chimiques entre les matériaux absorbés et la matière vi- vante qui en résulte; puisque de la connaissance chimique des premiers, on ne peut conclure chimiquement à îa for- mation de la seconde; puisqu^enfin toute action chimique générale est impropre à produire une matière vivante, et que c'est une matière vivante que fait l'absorption. Cette absorption est donc encore une de ces actions exclusives aux corps vivants, et, à cause de cela, appelées organiques et vitales. Il importe de consacrer dès le principe ces diver- ses propositions, parce qu'elles seront vraies des autres modes d'absorption, quelque compliqués qu'ils soient; la complication n'ayant après tout d'autre but que de faire accomplir par un plus grand nombre d'actions dans un être plus composé, ce qui , dans les êtres simples, est accompli une seule. par Dans l'homme, comme dans tous les animaux supéi-ieurs, la fonction des absorptions se présente avec des traits tout FONCTION DES ABSORPTIONS. 3 inverses. i« D'abord les absorptions sont multiples. D'une part, c'est dans un lieu autre que celui où se fait l'absorp- tion des matériaux réparateurs appelés aliments , que s'ac- complit celle de l'air; et on fait de cette dernière une fonction sépai'ée , sous le nom de respiration. D'autre part, l'absorption, tant alimentaire que respiratoire, n'est pas la seule à l'aide de laquelle le sang soit renouvelé : il en est une autre , qui s'exerce sur des matériaux prove- nant de l'économie elle-même, qu'on appelle, à cause de cela, interne, par opposition à la précédente, qui est appelée externe , et dont le produit sert aussi à former le sang, ou au moins vient y aboutir. Et, comme parmi les matériaux que recueille dans l'économie cette absorption, se trouvent ceux qui sont repris dans les organes pour leur décomposition, il en résulte que la fonction d'absorption qui, dans les derniers animaux, ne servait dans la nutri- tion qu'au mouvement de composition , dans l'homme et les animaux supérieurs sert en même temps au mouvement de décomposition. 2» Ce n'est pas immédiatement que les absorptions accomplissent la composition et la décomposi- tion; elles constituent seulement des fluides destinés à former ceîui qui y sera employé, le sang. Et, en effet, puisq ue le principe que l'absorption puise dans l'air, est seul capable de donner aux autres matériaux nutritifs que cette action saisit, la faculté d'être assimilables; puisque les deux absorptions de Tair et des aliments se font dans des lieux séparés, on conçoit que ce n'est que lorsque le produit de l'une est allé se mêler au produit de l'autre qu'il peut en résulter une matière assimilable. Il résulte de là que , dans l'homme comme dans les ani- maux supérieurs, \^ l'absorption est multiple, externe el interne) 2<^ que cette fonction doit être définie : l'ensemble des actions par lesquelles sont recueillis les matériaux nu- tritifs tant externes qu'internes, et sont fabriqués les flui- des qui serviront eux-mêmes de base à la composition du fluide général delà nutrition, le sang artériel. Dans l'étude que nous allons faire de cette fonction , nous allons d'abord spécifier les diverses espèces d'absoro lions ] . ^ FONCTIOIN DES ABSORPTIONS. qui se produisent dans le corps humain , ou autrement énu- mérer les matériaux divers , tant externes qu'internes , que recueille l'absorption; ensuite nous traiterons de chacune des absorptions en particulier. CHAPITRE PREMIER. Des diverses Absorptions qui se produisent dans le Corps humain. Toutes les absorptions qui se font dans le corps humain peuvent se rapporter à deux grandes classes : lO celles qui , toujours actives, entrent dans le mécanisme de la nutrition, et qui, faisant constamment subir aux substances qu'elles saisissent une élaboration, en forment les fluides qui servi- ront ensuite à constituer le sang : nous les appelleixjns les absorptions nutritives ; 20 celles qui ne se produisent qu'é- ventuellement, qui, loin défaire partie du mécanisme nu- tritif, le plus souvent nuisent à l'économie , et qui presque toujours laissent avec leur nature première les matières qu'elles saisissent, ou au moins leur impriment une altéra- tion moindre. Les absorptions que nous décrirons ci-après sous les noms de digestive et interstitielle , appartiennent à la première classe; et l'absorption du mercure par la peau, consécutivement à des frictions pratiquées sur cette mem- brane , se rapporte à la seconde. ARTICLE PREMIER. Des Absorptions nutritives. Elles se partagent en externes et internes, selon que les matières qu'elles saisissent sont prises au dehors on dans le corps humain lui-même. 1" Les absorptions nutritives externes sont chez l'homme au nombre de deux , la digestive et la respiratoire. JJ absorption nutritive digestive est celle qui se fait dans l'appareil digestif sur les aliments et les boissons , après que DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. ^ ces substances ont subi dans cet appareil une élaboration préalable par la digestion. Elle est incontestable. D'abord, le raisonnement seul doit la foire admettre, car sans elle l'alimentation ne remplirait pas son objet. Ensuite elle est prouvée directement , car on peut en spécifier les agents , l'appareil des vaisseaux cbylifères, et le produit, le fluide appelé chyle. Nous verrons qu'on peut la subdiviser, comme la digestion à laquelle elle fait suite , en absorption des ali- ments ou chylose^ et absorption des boissons. Elle se fait exclusivement dans l'appareil digestif, au moins celle qui est relative aux aliments. Quelques physiologistes avaient voulu que la peau y concourût aussi ; mais cela ne peut être tout au plus soupçonné que pour les boissons ; en l'admet- tant pour les aliments, on s'était évidemment laissé égarer par une fausse analogie avec les derniers animaux qui, privés d'appareil digestif, se nourrissent par l'absorption qu'effectue la surface externe de leur corps, ou chez lesquels cette surface externe est congénère de la cavité digestive. Vabsorption nutritii^e respiratoire est celle qui agit en dedans des poumons sur l'air delà respiration , et qui y puise le principe essentiel à toute vie, l'élément auquel tout fluide nutritif doit d'être assimilable. Comme c'est elle qui fait essentiellement le sang artériel, on l'a considérée comme une fonction distincte, sous le nom de respiration. Nous n'en parlerons donc pas à cet article , d'autant plus que tous les physiologistes n'admettent pas que.ce soit par ab- sorption que le principe utile de l'air soit introduit. Nous ajouterons seulement que quelques physiologistes ont cru aussi que cette absorption se faisait en partie parla peau; mais ils ont encore en cela été séduits par une fausse anale- gie avec des animaux simples , qui respirent en" totalité ou. en partie par la surface externe de leur corps. Ces deux premières espèces d'absorption représentent tout ee que l'homme prend au dehors de lui pour sa nutrition. Elles n'ont pas d'antre but , que de préparer des matériaux, pour le sang, ou de faire ce sang lui-même. Elles lont partie nécessaire du mécanisme de la nutrition , et ne peu- vent cesser sans entraîner plus ou moins prochainement 6 F0£>ICT10N DES ABSOKPTIOJNS. la mort. Cepcudant elles ne sont pas si constantes que les absorptions nutritives internes qui vont nous occuper; car leur accomplissement dépend forcément de la présence d. a- liments digérés et de boissons dans la cavité digestive, el de celle de l'air dans le poumon; et on sait que cela peut être ou ne pas être. 20 Les absorptions nutritives internes, considérées sous le rapport des matériaux qu'elles recueillent, sont chez l'homme au nombre de trois : Vahsorption interstitielle ou décomposante^ Vahsorption des sucs sécrétés récrémentitieUy et Vahsorption de quelques parties des sucs sécrétés excré- mentitiels. JJ absorption interstitielle ou décomposante , ainsi nom- mée par ïlunter, est celle qui reprend dans tout organe du corps un certain nombre de matériaux, pour que son volume n'augmente pas indéfiniment, et que la décomposition équi- libre en lui la composition. On ne peut encore la révoquer en doute. Le raisonnement oblige aussi à l'admettre ; car sans elle le corps , qui reçoit sans cesse de nouveaux maté- riaux, croîtrait indéfiniment en masse. Ensuite des expé- riences l'ont démontrée; Duhamel ayant nourri des ani- maux avec des aliments teints de la couleur de la garance , à vu que , pendant ce temps , les os de ces animaux étaient colorés en rose; ayant ensuite fait abandonner à ces ani- maux l'usage de la garance , il vit leurs os revenir à leur couleur première. Enfin plusieurs faits physiologiques , relatifs aux changements que présentent les organes se- lon les âges , et des faits pathologiques , attestent aussi la réalité de cette absorption : c'est elle, par exemple^ qui creuse le canal médullaire des os longs, les cellules de l'os ethmoïde, os qui étaient d'abord tout solides; qui fait disparaître le thymus après la naissance, l'utérus ou le sein dans une extrême vieillesse; qui décide le volume divers des organes dans les ditférents âges : c'est elle qui^ dans le cal primitivement tout solide d'une fracture, creuse le canal médullaire, qui dissipe une exostose, etc. Différente duiis chaque organe ;, sous le rapport de son acti- vité et de son caractère, on peut dire qu'elle est multiple, DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. 7 etqu'il y en a autant d'espèces qu'il y a de tissus particuliers dans le corps. U absorption des sucs récrémentiliels est celle qui recueille tous les sucs sécrétés récrénientitiels qu'a nécessités l'orga- nisation compliquée de riiomme ^ sucs qui , versés sur des surfaces qui n'ont pas d'issue au-deliors, demandent à être repris par une absorption , à mesure que la sécrétion les fournit. Les matériaux que cette espèce d'absorption re- cueille sont nombreux; ce sont tous les sucs séreux , la sy- novie, la sérosité perspirée dans les aréoles du tissu lami- neux; la graisse , la moelle et le suc médullaire ; les humeurs colorantes qui sont exhalées à la surface de la peau, de l'iris, de l'uvée et de la choroïde; les trois humeurs de l'œil , la lymphe de Cotunni; et enfin les humeurs exhalées dans l'intérieur des ganglions lymphatiques, et de ces orga- nes particuliers , appelés par M. Chaussier ganglions-glan- diformes , comme le thymus, la thyroïde, etc. Sans doute tous ces sucs sont versés sur leurs surfaces propres, pour des usages qui sont relatifs aux fonctions de ces surfaces; la synovie , par exemple ^ rend glissantes les surfaces articu- laires des os; les humeurs de Tceil remplissent, dans cet or- gane, l'office de verres réfringents, etc. Mais enfin il n'en était pas moins nécessaire qu'une absorption les reprît à mesure que la sécrétion les renouvelle; et d'ailleurs il est certaines de ces matières qui paraissent être comme une provision que la nature a mise en réserve pour servir d'ali- ment à l'absorption interne, la graisse, par exemple. Tou- tefois, cette seconde espèce d'absorption interne est encore incontestable. Le raisonnement prouve aussi qu'elle a lieu , car sans elle la quantité de ces divers sucs augmenterait indéfiniment. Des faits physiologiques et pathologiques la mettent hors de doute. Ne voit-on pas varier, selon les âges et selon les diverses conditions de la vie , les quantités de la graisse et de lamoelle ?n'a-t-on pas vu une absorption dissiper toutàcoupdeshydropisies ?etceshydropisies ne sont que des accumulations de ces sucs. Enfin, si on met en contact avec les surfaces qui sont le siège de ces sécrétions récrémenti- tielles des substances étrangères diverses , liquides , ou gaz , 8 • FONCTION DES ABSORPTIONS. comme nous Je dirons cl -après, ces substances y sont ab- sorbées : or, n'est-ce pas une présomption de croire que les sucs propres de ces surfaces Je sont aussi ? Du reste , il est évident que celte seconde espèce d'absorption est aussi mul- tiple , et qu'on peut en distinguer autant d'espèces qu'il y a de sécrétions récrémentitielles. Enfin , V absorption des sucs sécrétés excrémentitiels , est celle qui recueille quelques principes des sucs sécrétés ex- crémentitiels , pendant que ces sucs parcourent les voies de leur excrétion, soit pour dépouiller ces sucs de ce qu'ils peu- vent contenir encore d'utile, soit pour leur donner la qualité que réclame l'office qu'ils ont à remplir , soit enfin parce C{v.e l'absorption succède forcément à tout contact prolongé. Quelques physiologistes croient que cette troisième espèce d'absorption interne est vraie de tout suc sécrété excrémen- titiel quelconque. Ainsi , les matériaux qui seraient recueil- lis par elle , seraient une partie des humeurs perspirées par la peau et parles membranes muqueuses ; une partie des sucs lubréfiants sécrétés par les follicules sébacés de la peau^ par les follicules muqueux des membranes muqueuses, et par la glande lacrymale ; un peu de salive , de bile, de suc pan- créatique , de lait, de sperme, et enfin la partie la plus aqueuse de l'urine. Mais, si cette opinion est exagérée, et s'il est permis de douter que, selon l'ordre naturel, l'ab- sorption doive reprendre quelques parties de tous ces sucs, au moins cette absorption est-elle certaine pour quelques- uns d'entre eux : pour la hile , par exemple, qui pendant son séjour dans la vésicule, et, par suite de cette absorp- tion, se change en bile cystique; pour le sperme qui, n'é- tant excrété que de loin à loin, et pouvant même ne l'être jamais, devait pouvoir être résoi^bé; enfin, pour V urine , qui évidemment s'épaissit , et se concentre par son séjour prolongé dans la vessie. Si d ailleurs, par un obstacle quel- conque, l'excrétion de ces sucs ne peut se faire, ils sont en entier résorbés, et retrouvés plus ou moins en entier dans le sang. A la vérité, c'est là un de ces cas d'absorptions in- solites que nous rapportons à la seconde classe d'absorp- tions, et dont nous parlerons ci-après : mais nous voulons DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. ^ ici en tirer cette conséquence, que si l'absorption de ces sucs excrémenlitiels peut se faire en entier, à plus forte rai- son peut-on croire à celle de quelques-uns de leurs princi- pes , à celle de leurs éléments les plus fluides. Telles sont toutes les absorptions nutritives internes. Elles représentent tout ce que Fliomnie puise en lui-même pour la composition de son fluide nutritif général. En même temps qu'elles ont pour but la composition de ce fluide , elles remplissent aussi d'autres offices 5 l'absorption inter- stitielle, par exemple , fait partie intégrante de la nutrition proprement dite; l'absorption des sucs récrémentitiels as- sure l'intégrité plijsique des parties, et dans l'histoire de ces sucs tient lieu de l'excrétion. Enfin, entrant tout aussi forcément que les absorptions externes dans le mécanisme de la nutrition, elles sont peut-être encore plus évidem- ment constantes, puisque les matériaux sur lesquels elles opèrent sont nécessairement toujours là. Voilà toutes les absorptions nutritives. L'auteur d'un ouvrage intitulé : du Siège et de la nature des maladies , M. Alard, considérant, comme formés exclusivement de vaisseaux absorbants, les parencliymes divers où s'accom- plissent les nutritions, , les sécrétions et les calorisations , veut qu'on regarde ces diverses fonctions comme autant d'espèces d'absorptions. Mais, sans prononcer ici sur le fait d'anatomie sur lequel cet auteur s'appuie^ je crois que le même motif qui a fait faire de l'absorption de l'air une fonction distincte, la respiration, doit faire séparer de la ^ fonction qui prépare les matériaux du sang, c'est-à-dire de l'absorption , les fonctions qui règlent les divers emplois de ce sang dans les organes. On suit mieux ainsi l'artifice de la nutrition dans l'homme. Dans ce tableau des absorptions nutritives de l'homme, nous retrouvons ce trait fondamental de l'absorption, qu'elle n'est pas une simple action de pompement, mais bien une action d'élaboration. La matière, en effet, en même temps qu'elle est saisie , est travaillée, et éprouve un changement de nature. Dans l'absorption digestive , par exemple j le chyme est changé en chyle j et, dans les ab- 10 FONCTION DES ABSORPTIONS. sorplions internes, les matériaux repris sont aussi cliangés en des fluides^ que nous verrons être la lymphe et le sang veineux. ARTICLE II. Absorptions éventuelles. Nous avons appelé ainsi celles qui ne se produisent qu'ac- cidentellement, qui surtout, ne faisant pas partie inté- grante du mécanisme de la nutrition, tour à-tour sont utiles et nuisibles, et le plus souvent laissent intactes ou altèrent moins profondément les matières qu'elles introdui- sent dans le corps. On peut aussi les distinguer en externes et internes , selon que la matière absorbée est prise au-de- hors , ou provient de l'économie elle-même. i^ Les absorptions accidentelles externes ne peuvent se faire que par les surfaces de notre corps, qui sont naturel- lement extérieures et en contact avec des substances étran- gères, savoir, \di peau , et les membranes muqueuses : et de là deux espèces d'absorptions de ce genre , chez l'homme, la cutanée et la muqueuse. U absorption cutanée est celle que quelquefois exerce la peau sur les substances étrangères^ tant solides que liquides et gazeuses , avec lesquelles cette membrane peut être en contact. Nous avons déjà dit que , de toute certi- tude chez l'homme , la peau n'absorbait aucuns aliments proprement dits. Paracelse dit avoir soutenu des ma- lades avec des bains nourrissants, des bains de lait, de bouillon; mais, s'il est vrai que la peau ait absorbé ces substances, elles n'ont agi que comme liquides. Il y a plus de doutes relativement aux boissons : au récit de voyageurs dignes de foi , la soif a été calmée par des bains , et par une application de vêtements mouillés sur la peau ; mais encore, en admettant le fait, l'absorption des boissons par la peau n en serait pas moins accidentelle , puisque nous ne sommes pas plongés naturellement dans l'eau. Enfin, à l'article de la respiration , nous prouverons que, chez l'homme, la peau n'absorbe pas non plus l'élément respirable , et que cet élé- DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. i i ment est exclusivement saisi clans le poumon. Ainsi , l'ab- sorption cutanée dont nous voulons parler ici , évidemment n'est pas nutritive comme celles qui nous ont occupé jusqu'à pi'ésent,; mais, par elle, peuvent pénétrer quelquefois dans l'économie plusieurs éléments des substances qui sont en contact avec la peau. Du reste, il y a débat parmi les physiologistes, au sujet dé cette absorption. Les uns disent qu'elle est aussi fré- quente que facile , et invoquent des faits nombreux. Après le bainj disent-ils, le corps augmente de poids, et la sé- crétion urinaire redouble d'activité pour débarrasser l'éco- nomie de toute l'eau que la peau a absorbée. Il en est de même à la suite du séjour dans un air humide. Dans un de ces cas, le poids du corps augmenta de 2 à 6 onces, dit Gorter, et de 18, selon Keil. Sjmson, faisant prendre un bain de pied à un fébricitant .dit avoir vu, par suite de l'ab- sorption, le niveau du liquide baisser sensiblement. Mascagni a vu de même les ganglions de l'aine se gonfler à la suite de pédâluves. M. Chaussier , en plongeant des animaux dans du gaz hydrogène sulfuré, les a asphyxiés, quoique l'appa- reil fût disposé de manière que ces animaux ne respiraient pas le gaz funeste. Qui ne sait que , par la peau, pénètrent souvent les vapeurs métalliques , celles du cuivre, du plomb , du mercure ? Bichat s'est assuré que par cette voie il absorbait les miasmes putrides des amphithéâtres d'ana- tomie; et, pour qu'on ne put pas attribuer les effets qu'il observait à l'absorption par les voies pulmonaires , comme on Tavait objecté aux expérimentateurs précédents, il avait combiné son expérience de manière à ce qu'il respirait un air autre que celui chargé des miasmes cadavériques. Qui pourrait méconnaître que l'absorption cutanée est une voie par laquelle pénètrent fréquemment les germes des mala- dies , un moyen de transmission des diverses contagions , de la variole, de la vaccine, etc. ? Enfin , il est si peu possible de douter de l'action absorbante de la peau , que les méde- cins y ont eu recours, pour faire pénétrer dans l'économie , les médicaments destinés à guérir les maladies. Dès la plus haute antiquité , les médicaments furent introduits par 12 FONCTION DES ABSORPTIONS, cette voie; les Anciens purgeaient à l'aide de boules qu'on maniait dans les mains , et qu'ils appelaient pila purga- taria. Lors de la découverte de la sypLilis, et de l'action spécifique du mercure sur cette affection, c'est en frictions que cette substance fut employée. Les Arabes donnaient presque tous les médicaments sous cette forme : de nos jours, Chiarenti , Brera , Chrétien , ont rappelé l'usage de cette méthode eispnoïque. Nous avons vu MM. Plnel, Ali- hert , Duméril , dans des expériences semblables à celles que firent jadis Jes Arabes , administrer avec succès, en fric- tions , des purgatifs , des vomitifs, des diurétiques , des ver- mifuges, jusqu'au quinquina lui-même. Ainsi , d'après ces faits, l'action absorbante de la peau semble être incontesta- ble ; et l'on émet généralement le sage précepte d'avoir égard àcetteaction,dansle choix des topiquesque l'on emploiedans la pratique de la médecine ; souvent, par exemple , on a vu survenir des accidents d'empoisonnement, consécutivement à l'application de topiques qui contenaient de l'arsenic. Au contraire, d'autres physiologistes nient, ou au moins croient moins fréquente et moins facile qu'on ne l'a dit, l'absorption cutanée. Ils n'ont jamais vu , disent-ils , la peau absorber l'eau d'un bain, non plus que l'humidité de l'air dans lequel on est plongé : si, dans ces cas, le corps a aug- menté de poids ^ et si l'urine a été plus abondante, c'est qu il y avait eu diminution dans la perspiration cutanée. L'épiderme est , selon eux, un obstacle que la nature a placé elle-même sur la peau, pour prévenir son action d'absorp- tion, et nous arracher aux dangers qui nous auraient conti- nuellement menacés , si cette absorption avait été si facile. L'absorption cutanée n'a lieu que si l'épiderme est enlevé, ou quand la substance à absorber est placée au-dessous de lui , ou est de nature à le détruire, et à mettre ainsi à nu la surface absorbante. On sait, en effet , que pour obtenir avec plus de certitude une absorption cutanée, il faut souvent déposer la matière à absorber au-dessous de l'épiderme , comme dans l'inoculation de la variole, de la vaccine. Si des frictions cutanées facilitent l'absorption, c'est qu'elles enlèvent l'épiderme, ou l'amollissent, ou font pénétrer au- DES ABSORPTIONS EIN GENERAL. l3 dessous de lui la substance à absorber. Les bains agissent de même. Qui ne sait que les points de la peau où l'absorption est la plus facile, sont ceux où l'épiderme est plus mince, les lèvres, la bouche, le gland, etc. ? Qui ignore que l'ab- sorption s'effectue en quelques minutes dans tous les lieux où la peau est dénudée , comme à la surface d'un vésica- toire, par exemple ? et quel accoucheur, quel anatomiste ne connaît le danger qu'il y a pour l'absorption , à avoir des écorchures aux doigts? Enfin, Séguin a fait des expériences pour prouver que la peau n'absorbe pas d'eau dans le bain , et que l'épiderme qui recouvre cette membrane est un ob- stacle naturel à cette action : il a soumis deux fois par jour, et pendant une ou deux heures , des malades affectés de sy- philis, à des pédiluves faits avec 16 livres d'eau et 3 gros de sublimé , et aucun n'a guéri , sauf trois qui avaient des excoriations aux jambes. Dans d'autres expériences, ce sa- vant a trouvé que l'absorption se faisait d'autant plus faci- lement, que la substance mise au contact était plus irri- tante, plus disposée à détruire l'épiderme et à se combiner avec lui. 11 plaça sur la peau de l'abdomen d'une personne , la peau étant convenablement lavée et nettoyée, des mor- ceaux du poids d'un gros de cinq substances différentes : mercure doux, scammonée, gomme-gutte, sel d'Alembroth et émétique; chacune de ces substances était maintenue sous un verre de montre séparé ; après dix heures de séjour, et la chaleur de la chambre où se faisait l'expérience étant à i5 degrés , il trouva que c'était la substance la plus irritante qui avait le plus perdu de son poids, qui conséquemment avait été absorbée en plus grande quantité; il y avait eu deux tiers de grain du calomélas d'absorbé, un grain de gomme-gutte, 5 d'émétique et 10 du sel d'Alemrohtb. La vérité est entre ces opinions extrêmes; et, s'il est im- possible de méconnaître en de certains cas la réalité de l'ab- sorption cutanée , il faut aussi avouer que cette absorption est moins fréquente qu'on ne J'a dit, et que réellement l'épiderme y met obstacle : en beaucoup de cas où k conta- gion a été rapportée à l'absorption cutaoée, cette conlagion était due à l'absorption respiratoire. Dès iors , puisque cette l4 FONCTION DES ABSORPTIONS. absorption exige le plus souvent que la matière à absorber parvienne sous l'épiderme , on conçoit poui-quoi elle est si peu sûre, pourquoi l'état de sueur la contrarie, etc.; puisque l'épiderme influe si procbainement sur elle, on conçoit pourquoi elle variera selon les âges , les sexes ^ les saisons, etc. Mais il reste bien évident toutefois que cette absorption est insolite , et n'entre pas dans le système général de la nutrition. L'absorption muqueuse est celle qu'exercent les mem- branes muqueuses sur les substances étrangères, tant solides que liquides et gazeuses, avec lesquelles ces membranes sont naturellement en contact , ou qu'on peut appliquer exprès à leur surface. Nous avons déjà dit souvent que ces mem- branes muqueuses représentaient dans leur ensemble une sorte de peau intérieure, et qu'elles- étaient aussi dans un contact forcé avec des substances étrangères. Or, ces mem- branes exercent sur ces substauces une action d'absorption ; et cette absorption est même beaucoup plus active que l'ab- sorption cutanée, soit parce que ces membranes n'ont pas d'é- piderme , ou enont un moins épais, soit parcequ'étant le siège des absorptions digestive, respiratoire et excrémentitielle, la nature les a fait des plus aptes à effectuer toute absorption quelconque. Aussi personne no les a méconnues. La faculté absorbante de la membrane muqueuse gastro-intestinale est démontrée par le passage dans îe^sang de quelques-uns des principes non chyli fiés des aliments et des boissons , deleur matière colorante , par exemple; par celui des médicaments qu'on fait pénétrer par cette voie , etc. ; par l'absorption de la matière des lavements dans le gros intestin. Souventla sy- pliilis a été contractée parle rectum, de même que c'est par la bouche que dans la mélliode de Clark pénètre le mercure destiné à la guérir. M. Chaussier r asphyxié des animaux par une injection de gaz liydrogène sulfuré dans cette mem- brane muqueuse. Enfin , de nombreux expérimenlaleurs ont vu cette membrane absorber les diverses substances li- quides ou gazeuses, que l'on mettait exprès en contact avec elle. Il en est de même de la membrane muqueuse pulmonaire: DES ABSORPTIONS EiN GÉNRRAL. 15 sans parler ici de l'absorplion nutritive qu'elle exerce sur l'oxygène de l'air, elle en exerce une fort active sur toutes les substances qui peuvent être en contact avec elle : elle saisit, par exemple, les divers atomes , ou métalliques, ou pulvérulents, les miasmes délétères , odorants, l'eau, qui sont mêlés à l'air de la respiration , ou en suspension dans ce gaz. La respiration d'un air humide a souvent donné lieu à une sécrétion urinaire plus abondante; la respiration d'un air chargé de Tarome de l'essence de térébenthine a donné à Turine l'odeur de violette, ce qui prouve que l'a- rome avait été absorbé. Beaucoup de faits qui étaient attri- bués à l'absorption cutanée, sont dépendants de l'absorption pulmonaire. On ne peut la méconnaître dans les asphyxies positives, puisque les gaz délétères sont alors retrouvés dans le sang. Elle est aussi la source de beaucoup de conta- gions, de l'introduction fréquente dans l'économie de ger- mes de maladie. Par elle on peut faire pénétrer les médica- ments, et c'est en partie sur cette absorpùon que Beddoës et d'autres médecins ont fondé la méthode de rendre médi- cinal l'air qu'on fait respirer à des malades. Enfin, des sub- stances liquides elles-mêmes ont été absorbées dans le poumon; Gohier a vu disparaître ainsi celles qu'il avait injectées dans les bronches de quelques chevaux , par une ouverture qu'il avait faite à leur trachée-artère, au-dessous du larynx. Nous en dirons autant de la membrane muqueuse génito- urinaire. N'est-ce pas par cette membrane que se contracte la syphilis ? Les injections qu'on pousse dans la vessie n'y sont-elles pas souvent absorbées ? Encore une fois, ces absorptions muqueuses sont plus ac- tives que la cutanée , probablement parce que ces membra- nes devant être le siège des absorptions digestives, respiraloire et excrémentitielîes, la nature a dû ne pas les revêlir d'épi- derme , et, au contraire, faire prédominer en elles la con- dition de structure qui fait l'absorption. Mais ii n'en est pas moins certain que ces absorptions sooL accidentelles, et étrangères au mécanisme de îa nutrition. Telles sont les deux surfaces de notre, corps, qui étant iG FONCTION DES ABSORPTIONS, naturellement en contact avec des substances étrangères, peuvent en effectuer l'absorption. Mais il faut ajouter qu'il n'est aucune de nos parties qui ne puisse absorber de même les corps étrangers qui sont mis en contact avec elles. Ici il faudrait rappeler les nombreuses expériences faites par les physiologistes, pour faire pénétrer dans l'économie, à l'aide de l'absorption, et par toutes surfaces quelconques du corps, des substances étrangères, tant solides que liquides et gazeu- ses. M. Chaussier fait une plaie à un animal vivant, in- sère dans la plaie un calcul , obtient sur lui la cicatrisation , et voit, avec le temps, ce calcul être rongé par l'absorption, et disparaître. MM. Dupujtren et Magendie injectent divers liquides dans les cavités des membranes séreuses , dans les aréoles du tissu cellulaire, dans les parenchymes des organes, et voient se faire l'absorption de ces liquides. MM. Achard, Gallandal , Njste?'i, Chaussier injectent dans les mêmes lieux différents gaz, de l'oxygène, de Tacide carbonique, du gaz hydrogène sulfuré, etc. , et voient aussi l'absorption s'emparer de ces gaz. Qui ne sait d'ailleurs que c'est par une absorption que disparaît l'air qui remplit le tissu cel- lulaire , dans ce qu'on appelle l'emphysème? Toute partie donc absorbe lorsqu'elle n'est pas revêtue d'une couche d'épiderme; soit parce que c'est le propre de tout tissu vi- vant, ainsi que nous avons dit que cela était dans les der- niers animaux; soit parce que dans l'homme toute partie contient une dépendance des systèmes vasculaires que nous vendons être les agents des absorptions. Du reste, nous n'a- vons pas besoin de prouver que les absorptions de ce dernier genre sont insolites, et étrangères au plan de la nutrition, puisqu'il faut porter exprès sur les surfaces qui les effectuent les matières qui sont saisies. 20 Absorptions accidentelles internes. Ce sont celles qui opèrent sur des matériaux provenant du corps humain lui- même. Ceux-ci sont, ou des sucs excrémentitiels , soit de santé, soit morbides, qui, par cela seul qu'ils sont excré- mentitiels, sont de véritables corps étrangers pour l'homme: ou toute humeur quelconque du corps, lorsqu'elle est une fois sortie de sa filière accoutumée , de son appareil spécial. DES ABSORPTIONS EN GÉNÉRAL. I7 Ainsi, quand un suc excrémentitiol quelconque ne peut être excrété, quand un obstacle à son expulsion le fait séjour- ner dans son appareil spécial, l'absorption s'en empare, et le reporte dans le sang. Par exemple, la bile est souvent ré- sorbée, et va , comme dans l'ictère, teindre en jaune toutes les parties. Dans la paralysie de la vessie, ou quand on a lié chez un animal vivant les uretères, l'urine est reportée dans le sang, et imprègne tous les parencbymes , tous les fluides. Cela est vrai des matières fécales elles-mêmes; on a vu> lors d'un séjour prolongé de ces matières dans le rectum , l'absorption s'en faire en partie, et la transpiration delà personne exlialer l'odeur des fèces. Ce que nous disons des sucs excrémentitiels propres à l'état de santé, doit s'enten- dre aussi des sucs excrémentitiels morbides, du pus, des ichors, etc. : quand ces fluides n'ont pas une issue facile au dehors, ils sont aussi résorbés; et de là résultent l'infectiori générale du sang, et peut-être la fièvre lente qu'on observe en ces cas, etc. D'autre part , toute humeur quelconque du corps, quand elle est hors de sa filière, de ses vaisseaux propres ^ peut être considérée comme un corps étranger ; et , si elle ne dé- termine pas par sa présence une inflammation, des dépôts, elle est recueillie par l'absorption. Ainsi le sang extra vase dans une ecchymose, épanché dans une cavité splanchnique quelconque, dans le tissu du cerveau lors d'une apo- plexie, etc., est résorbé. Cela est vrai de matières solides elles-mêmes; et c'est ainsi , par exemple, que disparaissent le cristallin dans l'opération de la cataracte par abaisse- ment, le fœtus dans une grossesse extra-utérine; que se résolvent beaucoup d'empâtements, d'engorgements, d'al- térations organiques, qu'ont laissées dans des organes des maladies antérieures. Il est bien évident encore que toutes ces absorptions ne sont qu'éventuelles, puisqvi'elles sont subordonnées aux cir- constances insolites qui les réclament : seulement, tandisHfue le plus souvent les autres absorptions éventuelles sont nui- sibles , celles-ci sont avantageuses , médicatrices , et ont pour but de réparer les désordres qui existaient dans l'économie. Tome III. • 2 ï8 rÔNCTiON Ï)ES ABSORPTIONS. Telles sont les absorptions de la seconde classe , ou éven- tuelles. 11 est bien évident qu'elles diffèrent déjà des nutri- tives, en ce qu'elles ne sont pas constantes, et ne font pas partie intégrante du mécanisme delà nutrition. Mais elles s'en distinguent encore, en ce qu'elles ne font pas comme elles subir aux matières qu'elles ont introduites dans l'éco- nomie une forte élaboration; le plus souvent elles laissent ces matières intactes^ ou au moins elles leur impriment une altération si peu profonde , qu'on peut le plus souvent les reconnaître avec, leurs qualités premières dans les vais- seaux où elles ont pénétré. Yoyez, par exemple, les absorp- tions cutanées ! Bichal retrouvait dans les gaz qui sortaient de son intestin, Fodeur cadavérique des miasmes qu'avait absorbé sa peau. On retrouve plus ou moins dans le sang, et avec leur nature propre , les substances médicamenteuses qu'on a appliquées en frictions. Puisque d'ailleurs ces sub- stances vont toutes exercer une action spécifique sur quel- ques organes, il faut bien qu'elles aient conservé un peu de leur nature première, et qu'elles n'aient pas été cbangées en entier en un fluide identique , comme nous avons dit que l'étaient les matériaux des absorptions nutritives. Il en est de même de l'absorption externe muqueuse. Quant à l'absorption accidentelle interne, cela est vrai aussi de tous les sucs qui sont excrémentitiels; n'a-t-on pas distingué sûrement la bile dans le sang? cette liumeur n'y est-elle pas en totalité ou en partie dans la jaunisse ? L'urine n'y est-elle pas de même, dans les cas décrits par M. Richerand sous le nom àejièi^ie urineuse? Il n'y a de doute que pour les sucs récrémentitiels : d'un côté, on ne peut reconnaître leur présence dans le toi-rent circulatoire; et, de l'autre, rien n'empêcbe de croire qulls sont changés dans les fluides des absorptions nutritives, puisqu'ils ne sont autres que les matériaux de ces mêmes absorptions. Cette dernière différence est bien importante à constater, puisqu'il en l'ésulte que, dans ces absorptions éventuelles, nous aurons toute certitude des agents qui les auront efîec- tuées , retrouvant les matières dans les vaisseaux où elles auront été introduites; tandis que nous n'aurons pas cet DES ABSORPTIONS EN PARTICULIER. Ï9 argument direct et irrécusable pour les absorptions nutri- tives. Mais nous verrons que nous conclurons des unes aux autres. CHAPITRE II. i)es Absorptions en particulier. Maintenant que nous avons énuméré toutes les espèces d'absorptions qui se produisent dans le corps humain, il s'agit de faire l'histoire particulière de chacune d'elles , c'est-à-dire d'en indiquer les agents^ le mécanisme et le produit. Mais d^abord, nous n'avons pas besoin de donner sur les absorptions insolites plus de détails que nous n'en avons présentés ', ou elles ne sont que des phénomènes d'im- bibition , analogues à ceux qui ont plus ou moins lieu dans tous les corps à raison de leur porosité j ou elles sont effec- tuées par les mêmes agents que ceux que nous verrons ac- complir l'absorption nutritive interne; et ne faisant pas partie du plan de santé , les considérations qui les concer- nent se rattachent à d'autres branches de la médecine , à la pathologie, l'hygiène, la matière médicale. Ce que nous avons dit d'ailleurs suffit pour notre objet. Ensuite, des cinq espèces d'absorptions nutritives , d'un côté , nous ren- voyons l'absorption respiratoire à la fonction de la respira- tion , et de l'autre nous réunissons, sous un même titre, celui à^ absorption interne, les absorptions interstitielle, ré- crémentitielle et excrémentitielle. Nous n'avons donc à parler ici que de l'absorption digestive et de l'absorption interne. ARTICLE PREMIER. Absorption digestive. L'absorption digestive est celle qui opère sur les aliments t les boissons, après que ces substances ont éprouvé l'éla- boration préalable de la digestion. Comme la digestion, à laquelle elle fait suite, il faut la subdiyiser en absorptions des aliments ou chylose , et absorption des boissons. e no FONCTION DES ABSOIlPTlONSr § ïer, uihsorptiou des Aliments, on Chylose. Cette espèce d'absorption digestive est encore nommée chylose, parce que son produit est un fluide particulier appelé cliyle. Dans son histoire^ il faut revenir à l'ordre que, nous avons suivi pour toutes les autres fonctions, c'est-à- dire faire d'abord la description anatomique de l'appareil d'organes qui en est Tagent, puis en exposer le mécanisme. i« Appareil de la Chylose. Dans les derniers animaux, et jusqu'aux crustacés, on ne voit point d'appareil distinct destiné à recueillir dans les aliments cliymiiiés ce qu'ils contiennent de propre à la nutrition. Ce produit, quel qu'il soit, paraît être transmis aux parties qui doivent se l'assimiler par une sorte d'im- bibilion. Mais dans les animaux supérieurs, il y a un appa- reil distinct destiné à cet usage; et cliez l'homme, cet ap- pareil, appelé cliylijère, consiste en un système de vaisseaux qui, d'un côté, communiquent médiatement ou immédia- tement avec la cavité de l'intestin grêle, qui, de l'autre, aboutissent tous à un tronc unique appelé réservoir de Pec- guet, canal thoracique , et qui, dans ce trajet, traversent d'intervalles en intervalles , un grand nombre de ces orga- nes de mixtion, d'élaboration des fluides, appelés ganglions^ et qui sont ici pommés ganglions mésentériques, 1 o Les vaisseaux chjlij'ères commencent à la surface in- terne de l'intestin grêle, dans ce que nous avons appelé les villosités de l'intestin , à la surface et dans le fond des val- vules conniventes. Cela est prouvé par l'absorption même qu'ils doivent effectuer; car il faut bien qu'ils puissent prendre dans le chyme que contient cet intestin, les maté- riaux de leur travail. Mais la ténuité de ces vaisseaux est telle à cette origine , qu'on ne peut en voir la disposition. La plupart des anatomisles pensent que leur communica- tion dans l'intestin est immédiate, c'est-à-dire qu'ils ont des orifices ouverts à la surface des villosités intestinales. Tel est Cruiskanky qui dit avoir reconnu sur une viliosité DE l'absorption CHYLEUSE. 2 1 iiilestîriale dix à douze orifices remplis de cliyle qu'il avait coagulé eu plougeaut l'organe dans l'alcool. Tels sont encore Blealand , Hewson surtout, qui, en injectant les vaisseaux sanguins des villosités intestinales j dit avoir vu les orifices des chjlifères; Lieberkun, qui dit que ces radicules des chylifères consistent en de petites ampoules érectiles ; Bichat qui les appelle des suçoirs. Au contraire^, Rudolphi, Albrecht et Meckely pensent que les cliylifères n'ont pas d'orifices libres dans la cavité de l'intestin ; mais qu'aux villosités où se fait Tabsorption , il existe un tissu spongieux , une sorte de substance gélatineuse qui efiectue cette absorption, et qui en se continuant avec les parois des cliylifères, en con- duit le produit dans l'intérieur de ces vaisseaux. Quoi qu'il en soit de ce point d'anatomie^ ces vais- seaux chylifères, commençant niédiatement ou immédiate- ment dans l'intestin, s'avancent très petits et très nom- breux, d'abord entre les membranes muqueuse et muscuîeuse de l'organe, puis entre les membranes muscuîeuse et sé- reuse. Parvenus au lieu où cette dernière abandonne l'in- testin, ils le quittent aussi, et rampent l'espace d'un à deux pouces dans i épaisseur du mésentère. Alors ils trouvent une première rangée de ganglions mésentériques et s'y plongent. Ils en sortent bientôt, mais plus gros et en moin- dre nombre, parcourent un autre espace dans le mésentère, et parviennent à une seconde rangée de ganglions mésenté- riques qui sont situés plus îoin^ et où ils se plongent de même. Ils en ressor lent encore plus gros et moins nombreux, cbeminent pour en atteindre d'autres, et cela ainsi de suite j jusqu'à ce qu'enfin ils viennent tous aboutir vers la portion lombaire du racbis à un réservoir commun ^ qui est la partie inférieure du canal qui verse la lymphe dans le sang, et qu'on appelle canal thoi^acique. Ce réservoir ap- pelé réservoir de Pexquet, ou cisterna chjli, est situé vers la troisième vertèbre des lombes, au côté droit de l'aorte , derrière le pilier correspondant du diaphragme, et les vais- seaux propres du rein droit. Dans ce trajet , ces vaisseaux établissent entre eux de nom- breuses anastomoses, et suivant généralement le cours des artères, étant en plus grand nombre que les vaisseaux san- â2 FONCTION DES ABSORPTIOiNS. guins , ils s'étendent dans tout le mésentère. Ils existent, à partir de la fin du duodénum , dans tout le jéjunum, et au commencement de l'iléon; mais au-delà, il n'y en a plus : leur nombre est d'autant plus grand dans cet espace qu'ils sont plus supérieurs. Ils sont composés de trois mem- branes superposées les unes aux autres : i» une extérieure, qui n'est guère qu'un tissu lamineux condensé qui les unit aux parties voisines ; 20 une moyenne, qui est dite fibreuse, ou au moins est assez résistante; 3» enfin, une tout-à-fait intérieure , qui est mince : cette dernière fait au-dedans d'eux des replis qui sont placés à deux lignes de distance environ les uns des autres , et qui sont ce qu'on appelle des (vaWules; ces valvules sont de forme semi-lunaire, opposées deux à deux; leur bord convexe et adhérent est tourné du côté de l'intestin, et leur bord concave et libre du côté du canal thoracique; leur disposition est tellequ'elles permettent bien le cours ducbyle de l'intestin au canal tboracique , mais non la marche rétrograde du cliyle du canal thoracique à l'intes- tin. M. Magendie dit que leur existence n'est pas constante. 20 Les ganglions mes enter iques sont de petits organes , de forme irrégulièrement lenticulaire, d'un volume qui varie depuis deux à trois lignes jusqu'à un pouce, au nom- bre de cent à peu près , situés entre les deux lames du mé- sentère, auxquels aboutissent les vaisseaux lymphatiques de l'abdomen, et que traversent les vaisseaux chylifères dans leur trajet de l'intestin grêle au canal thoracique, Leur parenchyme est d'une couleur rose pâle, leur consi- stance médiocre ; par la pression , on en exprime un fluide transparent et inodore. Leur structure, qu'il importerait surtout de connaître, est encore un sujet de débats. Selon les uns, ils sont formés par un pelotement de vaisseaux chylifères mille fois repliés sur eux-mêmes, divisés et anas- tomosés à l'infini , soutenus par une trame celluleuse , et recevant un grand nombre de vaisseaux sanguins. Selon d autres , il existe dans leur intérieur des cellules dans les- quelles , arrivent d'un côté des vaisseaux chylifères dits afférents^ d'où partent de l'autre côté d'autres vaisseaux chylrfères dits efférents , et qui sont pleines d'un fiuide lactescent qu'y ont apporté les chylifères ou qu'y ont exhalé DE l'absorption CHYLEUSE. 2 3 les vaisseaux sanguins. La texture de ces organes écbappe comme celle de tous ceux qu'on appelle ganglions , et qu'on dit vaguement être des organes de division, d'anastomose. Tout ce que l'on sait, c'est que la communication des vais- seaux afférents avec les efférents au travers de ces ganglions est facile , car une injection de mercure passe aisément des uns aux autres. Tel est l'appareil cliylifère : on peut le voir avec facilité, en l'examinant sur le cadavre d'un supplicié , ou sur celui d'un homme qui aété tué soudain, et accidentellement deux ou trois heures après avoir mangé ; ou bien encore , en disséquant un animal qu'on sacrifie exprès dans une expé- rience : alors les vaisseaux pleins de chyle se dessinent et sont aisément reconnus , surtout si on a lié préalablement le canal thoracique. Sa découverte est moderne; en 1622, Jselli découvrit les vaisseaux chylifères sur des quadru- pèdes, des chiens, des chats, des chevaux; il les appela veines lactées, et crut que comme les autres veines de l'in- testin ils aboutissaient au foie. Ensuite TVeslingius les re- connut sur l'homme lui-même , et signala leur terminaison au canal thoracique. Aujourd'hui personne ne doute de leur existence; on est incertain seulement de savoir s'il faut en faire un système vascuîaire à part, ou les considérer comme une dépendance du système vascuîaire lymphatique qui nous occupera ci-après. Comme avant la découverte de ce système lymphatique j qui est postérieure à celle des chylifères, on croyait que les veines étaient les agents des absorptions , on présentait aussi celles de l'intestin , les veines mésaraïques , comme les ins- truments de l'absorption dont il est question ici ; et comme quelques physiologistes veulent encore que ces veines soient au moins congénères des chylifères sous ce rapport , il est bon d'en indiquer la disposition. Disons donc, qu'en même temps que les veines de l'intestin commencent par des ra- dicules dans l'intimité du parenchyme de cet organe pour en rapporter les débris de la nutrition et les restes du sang artériel, ces veines ont d'autres radicules dans les villosités de l'intestin, qui sont certainement le lieu où se fait l'ab- sorption. La même ignorance existe sur la disposition de ces 2 4 FONCTION DES ABSORPTIONS. veines à celte première origine ; les uns admettent une com- munication immédiate avec l'intestin , par des orifices ou- verts à la surface des villosités ; les autres ne croient qu'à une communication médiate, à l'aide d'un tissu spongieux et gélatineux absorbant, se prolongeant avec les parois de ces veines. Ce qu'il y a de sûr, c'est que ces veines ont des communications avec l'intestin; car, ainsi que nous le di- luons ci-après , des injections dans ces veines vont suinter dans la cavité de l'intestin par les villosités. Toutefois ces veines , nées de cette double origine , se réunissent en ra- meaux de plus en plus gros , et de moins en moins nom- breux; elles aboutissent toutes à un tronc unique , la veine- porte; et cette veine-porte va ensuite se ramifier dans le tissu du foie à la manière d'une artère. 2" Mécanisme de la Cliylosc, Pour ne rien omettre de ce qui appartient à l'absorption cbyleuse , nous allons étudier successivement : i» quels sont les matériaux sur lesquels l'appareil cbylifère agit; 20 ce qu'est l'action d'absorption qu'exécute cet appareil à son origine dans l'intestin ; 3° quel est le cours du fluide qui en résulte, et quelles altérations ce fluide peut éprouver dans ce cours; 4° enfin , ce qu'est ce fluide considéré en lui- même. Nous terminerons en revenant sur la question de sa- voir si le système des vaisseaux cbylifères est la seule voie par laquelle le produit utile des aliments parvient dans le sang. lo Matériaux du chyle. Ces matériaux sont la masse cby- meuse elle-même, après qu'elle a subi dans le duodénum l'influence inconnue de la bile et du suc pancréatique , et au moment qu'elle traverse lentement l'intestin grêle. Ce que nous en avons dit à la fonction de la digestion nous dispense d'y revenir ici. C'est à la formation de ce chyme que nous en étions restés dans notre description du mécanisme de la nutrition : voyons maintenant ce que l'action d'absorption va faire de ce liquide. 20 Action absorbante des chylijeres. Les vaisseaux cbyli- fères, à leur communication médiate ou immédiate dans l'intestin^ puisent dans le cbyme certains principes, et fa- DE l'absorption CHYLEUSE. 2 5 briquent avec eux un fluide blanc appelé chyle , qui se laisse voir aussitôt, dans leur intérieur. En quoi consiste cette ac- tiondeschylifères ? loD'abord, elle est trop moléculaire pour être saisissable par aucun sens, et elle n'est manifestée que par son résultat , la formation du chyle. 2^ Le point précis où elle s'effectue n'est pas. déterminé, et nous sommes ra- menés ici à la difficulté que nous avons dit exister relative- ment à l'origine des cliylifères ; les uns admettant des radi- cules de ces vaisseaux à la surface des villosités intestinales, les autres ne les faisant pas communiquer immédiatement avec le cliyme, mais croyant qu'il existe à leur origine un tissu spongieux qui opère l'absorption. 3<^ Cette action, n'est pas seulement une action de pompement, mais en outre une action d'élaboration qui fait le cliyle : celui-ci, en effet , n'existe pas tout formé dans le chyme ; en vain on a cherché à l'y reconnaître; en vain on a soumis ce chyme à une pression pour l'en exprimer; jamais on n'a vu ce chyle avant lespremiers vaisseaux cliylifères. A lavérité,MM.Zf^Mre£ el Las saigne prétendent avoir reconnu le chyle, dès l'in- testin même, et dans la masse chymeuse, à l'aide du mi- croscope; ils disent avoir aperçu, à l'aide de cet instrument, dans la masse alimentaire chymifiée , des globules analogues à ceux qui composent le chyle, et que leur dissémination dans beaucoup de matières étrangères empêchait seule de se réunir en fibrilles apercevables : ils regardent ces globules comme du véritable chyle , parce qu'ils ont vu s'en former de semblables dans les digestions artificielles qu'ils ont ten- tées , et qu'au contraire ils n'ont pu jamais en découvrir de pareils dans les sucs digestifs. Ainsi l'absorption chyleuse se réduirait à un simple triage, à un pompement.Mais, outre l'incertitude dans laquelle laissent toujours les observa- tions microscopiques y l'analogie des végétaux nous porte à rejeter une pareille manière de voir ; à coup sûr le fluide nutritif de ces êtres vivants n'existe pas tout formé dans le sol; celui-ci n'en contient que les matériaux; et ce sont les vaisseaux absorbants des racines qui le constituent par l'élaboration qu'ils font subir à ces matériaux, au moment qu'ils les saisissent : or il doit en être de même du chyle dans les animaux. 4° Enfin , l'essence de cette action 26 FONCTION DES ABSORPTIONS, d'absorption des cliylifères n'est pas plus pénétcable que celle de toute autre : nous ne pouvons assurer d'elle que les deux propositions que nous avons dites de l'absorption considérée en général j et de toutes les autres fonctions que nous avons examinées jusqu'ici, savoir : que les vaisseaux cbylifères ne sont pas passifs dans sa production; et que cette action, ne pouvant être assiniiléeà aucune action physi- que, mécanique etcliimique,doitêtrediteorganiqueet vitale. D'abord, cette opération de cbylose est le résultat du mode d'action des cbylifères; et, en elïet, elle exige , pour se faire, l'intégrité, l'état de vie de ces vaisseaux; elle varie selon les conditions organiques diverses dans lesquelles ils peuvent être. La part qu'y ont les cbylifères est d'autant plus évidente, que le cbyle, comme nous l'avons dit, n'existe pas tout formé dans le cbyme , et qu'il ne s'agit pas seule-^ ment ici d'un simple pompement , mais d'une action d'éla- boration constitutive d'un fluide. En second lieu , cette opération de cbylose n'est pas une action physique ou mécanique , car il n'y a pas seulement pompement d'une matière, mais changement dans la nature de cette matière. On a voulu l'assimiler à une imbibition; mais cela supposerait l'existence préalable du chyle dans le chyme, et nous avons dit que cela n'était pas. On a dit que Fin testin , en exerçan t une pression sur le chyme , en expri- mait le chjle, et forçait ce fluide à s'introduire dans les orifices des cbylifères : mais, encore une fois, le chyle n'existe pas dans le chyme; la pression de l'intestin sur le chyme suffirait-elle pour engager le chyle dans les orifices si petits des cbylifères? en comprimant le chyme, on devrait en exprimer le chyle, et jamais on n'y est parvenu; enfin, où est la pression qui ferait passer du sol , dans les vaisseaux absorbants des racines, la sève du végétal? On a invoqué encore le phénomène des tubes capillaires; mais cette ex- plication est contredite aussi par le fait seul que le chyle n'existe pas tout formé dans le chyme. Enfin , cette opération n'est pas davantage une action chimique , en ce sens qu'on ne peut la concevoir par les lois chimiques générales. Il n'y a pas, en cflet, de rapports chimiques entre le chyme, considéré comme matériaux de .DE l'absorption GHYLEUSE. 27 ropératîon, et le cbyle considéré comme soa produit; de Ja connaissance de la composition chimique du premier , on ne peut^ par les lois chimiques générales, conclure à la formation du second; enfin^ le produit de cette opération est un fluide organique^ le chyle, et toute action chimique générale est impropre à en produire de cet ordre. Sans doute cette opération est une action chimique, en ce sens qu'il y a action moléculaire , et nouvelle couibinaison de la ma- tière ; mais elle n'est pas réglée par les mêmes lois que les combinaisons de la matière morte. Cette opération de chylose est donc une action organique et vitale, et une action d'élaboration. Considérée sous ce dernier rapport , on conçoit que , s'accomplissant aux extré- mités capillaires d'un système vasculaire , et agissant sur des m.olécules très divisées, on ne peut en rien voir; on ne la reconnaît qu'à son résultat. Si nous n'avons pu saisir les élaboration s digestives , quoiqu'elles se fissent dans de vastes réservoirs , et opérassent sur des masses , comment pour- rions-nous espérer observer celle-ci, qui se fait à l'origine jnapercevable d'un vaisseau ? Mais nous pouvons dire d'elle les trois propositions que nous avons dites déjà des actions de chymification , de chylification et de fécation : i^^ une seule substance peut la subir, en être, comme on dit, les matériaux , savoir, le chyme, après qu'il a été travaillé dans l'intestin grêle par la bile et le suc pancréatique; toutes les parties d'aliments qui peuvent se trouver dans l'intestin grêle, sans être changées en chyme , ne se changent pas non plus en chyle. 2» Cette action d'élaboration ne peut être assimilée à aucune action chimique , mais est d'un genre spécial; nous l'avons prouvé tout à l'heure. 3» Enfin, cette opération donne toujours naissance à un même produit , du chyle. Comment, en efïét , pourrait-il en être autrement, puisque c'est une même substance, le chyme, qui en est la base, et un même appareil qui l'efTectue? Il y aura seule- ment des différences dans ce chyle, en raison de l'état plus ou moins bon du chyme dont il provient, de l'état d'intér grité de l'appareil chyiifère qui le fait, et du nombre des parties non chymifiées et non chylifîées dçs aliments qui ont pu être absorbées avec lui. 28 FONCTION DES ABSORPTIONS. En avançant cette assertion, que l'action élabora trice de la cliylose donne toujours naissance à un même produit, du cliyle . nous ne contestons pas cependant que ce cliyle ne puisse souvent se montrer différent. D'abord , on a mis en question si c'est un même chyle qui revient des divers points de l'intestin grêle ; si celui qui est fait à la partie in- férieure de cet intestin , par exemple , n'est pas plus parfait que celui qui est fait à la partie supérieure. On ne peut répondre par aucuns faits directs; on n'a pas examiné et analysé comparativement du cbyJe pris à la fin du jéjunum , et du cbyle pris au duodénum : on eût fait cet examen, que probablement nos moyens physiques et chimiques n'au- raient pas eu assez de délicatesse pour signaler les différen- ces, au cas qu'il en existât. On ne peut résoudre la question que par des raisonnements. Or, ceux-ci rendent très proba- ble que le cliyle est le même, quel que soit le lieu de Tin- testin grêle d'où il provient. En effet, n'est-ce pas toujours un même chyme qui en est la base, un même appareil qui le fabrique ? Si des chylifères existent dès la fin du duodé- num, n'est-ce pas une preuve que dès ce point l'aliment a subi toutes les altérations qui le rendent chylifiable ? Mais^ quoi qu'il en soit de cette question , il est certain, d'autre part, que le chyle offre souvent des variétés dans ses |)ro- priétés physiques et sa nature chimique, et cela selon trois circonstances : lo l'état plus ou moins bon du chyme dont il provient. Quoiqu'on effet il n'y ait aucuns rapports chimi- ques entre le chyme et le chyle , on conçoit que l'état du chyme doit un peu influer sur l'état du chyle, qu'avec un mauvais chyme se fait un mauvais chyle, et vice versa. Mais le plus souvent ces premières différences sont insaisis- sables par aucun moyen physique et chimique , et ne sont reconnues que lors de l'emploi du chyle pour la nu- trition, 20 Le degré de perfection avec lequel a agi l'appareil chylifère. On conçoit en effet aussi , qne si Fappareil chy- lifèreest malade et a opéré imparfaitement, il devra en ré- sulter un chyle moins bon, et vice versa. Mais il en est en- core de ces différences comme des précédentes; elles ne sont reconnues aussi que par le résultat général de la nutrition. 3'> Enfin , si , en même temps que les chylifères font le chyle^ DE L ABSORPTION CHYLEUSE, 29 ils saisissent quelques-uns des principes non chymifîés des aliments,, le chyle sera altéré plus eu moins par ce mélange. Ainsi on a vu quelquefois les matières colorantes, odoran- tes, salines des aliments, passer, sous leur forme étran- gère, dans les vaisseaux chylifères, et modifier le cliyle. Jklusgrai^e , Lister y en colorant les aliments avec l'indigo, ont vu le chyle revêtir une couleur bleue. Viridet l'a vu coloré en jaune , et Mattei en rouge , à la suite de l'usage d'aliments colorés par du jaune d'œuf et de la betterave. Cependant, si on en croit les derniers travaux sur l'absorp- tion intestinale, cette absorption de matières étrangères par les chylifères , n'arrive que très rarement. Déjà Dumas , à Montpellier, MM. Halle et Magendie , à Paris, avaient cherché vainement à faire pénétrer dans le chyle les ma- tières colorantes. Mais récemment , MM. Tiedemann et Gmelin, ont en vain soumis à l'action absorbante des chy- lifères, des substances colorantes (indigo, garance, rhu- barbe, cochenille, teinture de tournesol, d'alcanna,gomme- gutte, vert d'iris); des substances odorantes ( musc, cam- phre, alcool, esprit de térébenthine, huile animale de Dippel, assa-fœtida, ail); enfin, des sels comme ceux de plomb , de mercure , de fer, de baryte , etc. ; ils ont toujours vu que tandis que l'absorption faisait pénétrer ces substan- ces dans le sang des veines mésaraïques, ils ne pouvaient les retrouver dans le chyle. Le prussiate de potasse et le sulfate de potasse sont les seules substances que, dans leurs expériences, ils aient vu pénétrer dans le chyle; et ils en ont conclu que les vaisseaux chylifères étaient , de tous les vaisseaux absorbants, ceux qui sont le moins disposés à ef- fectuer des absorpstions accidentelles. Toutefois, voilà des cas dans lesquels le chyle diffère. Or, aucun d'eux ne contredit notre assertion, puisque le produit de Faction d'absorption est toujours du chyle : seu- lement dans les premiers, les matériaux du chyle et son instrument fabricateur variant , il est naturel que ce fluide soit un peu différent en lui-même : et quant aux derniers le chyle n'a pas changé, considéré comme chyle; il est seu- lement mêlé à des substances étrangères qui altèrent plus ou moins ses qualités naturelles. C'est à ce dernier cas qu'il 3o FONCTION DES ABSORPTIONS. faut rapporter l'influence que les boissons sont dites avoir sur la consistance du chyle, ces boissons étant alors absor- bées coinme substances étrangères, ou au moins par une action d'absorption autre que celle de la cbylose. Telle est l'action d'absorption qui fait le cliyle. A l'article de la digestion, nous avons indiqué combien sont favora- bles à cette opération; et les valvules conniveutes qui , en s'enfonçant dans la masse cbymeuse , en mettent l'intérieur dans un contact immédiat avec les vaisseaux cbylifères; et la lenteur avec laquelle le cbyme marcbe , tant parce que l'estomac ne le fournit que d'intervalles en intervalles, qu^à cause de la longueur de l'intestin , de ses nombreux con- tours, de l'interruption que cet organe met dans sa con- traction péristaltique , etc. INous y avons dit aussi , qu'à mesure que l'absorption cbyleuse avait lieu , le chyme se changeait en fèces. Ainsi l'on voit comment le chyme est aux animaux ce que le sol est aux végétaux , ^ventriculus sicut humus y et comment on peut dire que les animaux ont leurs racines nourricières dans leurs intestins. 30 Circulation du chyle. Le produit de l'action d'ab- sorption que nous venons de décrire, le chyle, se montre dans les vaisseaux chylifères dès le lieu où ces vaisseaux abandonnent l'intestin , et même Cruiskank dans une expé- rience l'a aperçu dès les villosités de l'intestin : il suit de là toute la série de ces vaisseaux, traversant les nombreux ganglions qu'ils forment ; et enfin , il aboutit au tronc cen- tral , le réservoir de Pecquet, où il afflue dans l'un des flui- des de l'absorption interne, la lymphe. Ce cours du chvle est visible à l'œil dans les expériences que l'on fait sur les animaux vivants : il ne peut être autre, à juger par la dis- position des vaisseaux chylifères qui, commençant à l'intes- tin, aboutissent tous au réservoir de Pecquet ', à juger par les valvules de ces vaisseaux qui sont toutes dirigées de manière à permettre le cours du fluide en ce sens, et à y mettre ob- stacle dans le sens opposé. Enfin, si on lie le canal thora- cique qui fait suite au réservoir de Pecquet , on voit tout le système chylifère se gorger de plus en plus. D'ailleurs, ne fallait-il pas que le produit de l'absorption alimentaire fût porté dans le sang ? DE l'absorption chyleuse. 3i C'est là ce qu'on appelle la circulation du cliyle, et qu'il vaudrait mieux appeler progression du chyle, puisqu'il n'y a pas de cercle de décrit. Son analyse est complexe ; car en elle, comme dans la progression de tout autre fluide vivant^ il y a concours d'actions organiques et vitales et d'influences mécaniques et physiques, et il faut diercher à évaluer les unes et les autres. A la vérité les physiologistes ne se sont guère livrés à ces recherches que pour ce qui est de la circu- lation du sang ; mais c'est une lacune qu'ils ont laissée ; et il faut faire ces recherches pour la circulation de tout fluide, quel qu'il soit, et par conséquent pour celle du chvîe. D'abord , quelles sont les causes qui impriment au chyle le mouvement déterminé dont nous venons d'indiquer la direclion ? La principale, sans contredit, est Faction même en vertu de laquelle les radicules chylifères ont saisi les matériaux du chyme, et ont fait avec eux du chyle. En effet , celte action absorbante des radicules chylifères se continuant sans cesse, et faisant sans interruption du nou- veau chyle, celui-ci doit nécessairement pousser en avant le chyle qui remplissait déjà le vaisseau, et de proche en proche le faire arriver ainsi dans le canal thoracique. C'est par une même raison , que celle en verlu de laquelle on voit la sève s'élever dans des tubes de verre qu'on a ajouté à des branches d'arbre. Une seconde cause que l'on assigne comme propre à en- tretenir Fimpulsion donnée par celle dont nous venons de parler, est une contraction exercée par les vaisseaux chyli- fères, et en vertu de laquelle ces vaisseaux pousseraient de proche en proche dans leur intérieur le chyle , depuis les radicules d'origine jusqu'au réservoir de Pecquet. A la vé- rité les vaisseaux chylifères ne présentent rien de musculeux dans leur texture : et observés sur un animal vivant , on ixe voit en eux aucune contraction. Mais on admet générale- ment en eux l'action dont nous parions, d'après les considé- rations suivantes : lo parce que ces vaisseaux sont tous grêles, et que généralement on admet des contractions toniques dans tous les vaisseaux capillaires. 2 « Parce que les ganglions qui les coupent d'intervalles en intervalles semblent de- 32 FONCTION DES ABSORPTIONS. \oiY détruire l'impulsion imprimée par l'action première des radicules^ et nécessiter dès lors une contraction des vaisseaux pour transporter le chyle d'une rangée de ces gan- glions à une autre. 3" Parce que si Ton ouvre un vaisseau chylifère sur un animal vivant, comme on ouvre la veine dans la saignée , on voit le chyle jaillir, ce que ne peut pro- duire la seule action absorbante des radicules chylifères. ^o Parce que dans l'abstinence, on trouve tous les chylifères vides, ce qui prouve que, bien qu'il y ait eu interruption de l'action d'absorption , tout le chyle a été poussé dans le réservoir de Pecquet. Yoici d'ailleurs une expérience posi- tive de M. Lauth de Strasbourg. Ce professeur tue un chien vers la fin de la digestion , lui ouvre aussitôt le ventre, et trouve les intestins marbrés et les vaisseaux chylifères rem- plis de chyle : mais ces vaisseaux , irrités par le contact de l'air, aussitôt se contractent, et au bout de quelques minu- tes ils ne sont plus apparents. Le résultat est le même toutes les fois que l'ouverture est faite dans les vingt-quatre heures qui suivent la mort ; mais au bout de ce temps l'irritabilité des vaisseaux chylifères est éteinte, et malgré le contact de l'air ces vaisseaux restent alors distendus parle chyle. Les vaisseaux chylifères exercent donc une action de contrac- tion. Quant à l'essence de cette action , elle n'est pas une simple élasticité; la vie y a part, car le jet de fluide que darde un chylifère a d'autant plus d'étendue que la vie est entière, et ce jet n'a plus lieu après la mort. A ces deux causes principales de la circulation du chyle, il faut en joindre d'autres , mais seulement comme auxiliai- res ; savoir : i» le battement des artères qui sont dans le voisinage des vaisseaux chylifères ; 2^ La pression des pa- rois abdominales, lors des mouvements de la respiration. Quand sur un animal vivant on a mis à nu le canal thora- ciquCj et qu'on examine le cours du chyle dans ce canal, on reconnaît qu'il s'accélère au moment de l'inspiration, quand le diaphragme refoulé dans l'abdomen exerce une pression sur les viscères gastriques, on même seulement quand on comprime l'abdomen de l'animal avec les mains. Il n'y a pas dans la circulation du chyle , comme dans la circulation du sang, un organe d'impulsion, un cœur. DE l'absorption GHTLEUSE. 3i3 Quelques physiologistes , à la vérité, ont voulu considérer comme tels les ganglions ; mais rien ne justifie cette idée : ces ganglions n'offrent rien de musculeux dans leur texture; mis à nu chez un animal vivant, et observés avec attention, on n'y a jamais reconnu de contractions ; on n'a jamais pu les faire contracter, par quelque stimulus que ce soit; loin que le cours du chyle s'accélère dans leur intérieur, il pa- rait s'y ralentir un peu; enfin, il est bien plus pi-obable que ces ganglions sont , comme les organes de cet ordre, des agents de mixtion, d'élaboration, et servent seulement à perfectionner , à animaliser davantage le chyle. Enfin à ces causes motrices , mais organiques du chyle , peut-être faut-il en ajouter quelques autres, mais purement physiques, comme l'attraction capillaire des vaisseaux grê- les dans lesquels il circule , et surtout la gravitation, quand le fiuide se trouve dans les conditions dans lesquelles cette puissance doit agir , etc. Maintenant, quelles sont les résistances dont doivent triompher et dont triomphent en effet ces forces, pour mou- voir le chyle ? Nous en voyons deux principales : i» la masse du fluide à mouvoir, masse qui résiste en raison de sa force d'inertie , et d'autant plus qu'en beaucoup de lieux le fluide doit être mu contre l'ordre de la gravitation. 2 « Les frotte- ments du fluide contre les parois des vaisseaux, frottements qui seront en raison de l'étendue des surfaces , et par con- séquent de la longueur du système , du nombre des vais- seaux dans lesquels il se partage, des rétrécissements, des courbures , des anastomoses de ces vaisseaux, etc. Or, pour apprécier avec toute rigueur le phénomène de la circulation du chyle, il faudrait pouvoir évaluer ces puis- sances motrices et ces résistances , et ensuite les opposer les unes aux autres, afin d'en conclure toutes les particularités du cours du fluide, son degré de rapidité, par exemple. Mais il est trop évident que ces diverses données ne peuvent pas être obtenues, encore moins calculées, et que, par con- séquent, l'analyse rigoureuse du phénomène est impossible. Peut-on évaluer, par exemple, l'impulsion qui résulte de l'action d'absorption première ; celle qui est due à la con- Tome HT. 3 34 rONGTiON DES ABSORPTIONS, traction des chylifères , à la pression exercée par les parois abdominales , etc. ? Peut-on davantage calculer la masse du fluide à mouvoir^ la perte de force qui résulte des frotte- ments, etc ? Il est évident que ce sont là autant de données vraiment incalculables ; outre que leur nombre seul , et la nécessité de les faire entrer toutes dans le calcul , seraient déjà très propres à arrêter le géomètre le plus habile. Aussi se borne-t-on à dire par conjecture , en considérant la faiblesse des causes motrices et l'existence des ganglions chylifères , que la circulation du chyle doit être lente ; et l'on signale dans l'appareil chylifère plusieurs précautions mécaniques que la nature semble avoir prises pour faciliter cette circulation , ou remédier aux mauvais effets de son re- tard. Telles sont : lo les anastomoses multipliées qui exis- tent entre les vaisseaux chylifères , et qui sont telles que si le fluide est arrêté d'un côté par quelque obstacle, il peut fluer d'un autre côté et arriver de même. 20 Les val- vules qui sont dans l'intérieur de ces vaisseaux, et qui ont le double avantage de prévenir la marche rétrograde du chyle , et de partager ce fluide en colonnes qui sont petites et dès lors plus facilement ébranlables. M. Magendie ayant, sur un chien de taille ordinaire qui avait mangé à discré- tion des aliments animaux , ouvert le canal thoracique au col , en vit couler une demi-once de liquide en cinq minu- tes. La vitesse de cette circulation doit du reste dépendre un peu de la quantité de chyme qui arrive à l'intestin, et de celle du chyle qui se fait aux origines du système ; s'il y a beaucoup de chyle de fait aux extrémités des vaisseaux , il en arrive beaucoup au canal thoracique , et probablement alors le cours en est plus rapide. Mais le cours du chyle est- il égal à toutes les origines du système chylifère , aux vaisseaux qui viennent du duodé- num , par exemple, et à ceux qui viennent de l'iléon ? Cela est probable, en tant cependant que toutes fabriquent en même temps du chyle; car il est aisé de concevoir que là où du chyle ne se fait plus , le chyle que contient le système doit couler moins vile que là où du chyîe nouveau est fait et vient pousser devant lui celui qui y était déjà : dans DE l'absorptioin ghyleuse. 35 l'un des cas , il n'y a qu'une des puissances motrices de la circulation chyleuse qui agisse, la contraction des chylifè- res; et, dans l'autre cas, il y a de plus la continuité de l'action d'absorption. Enfin , n'y a-t-il pas une différence de vitesse dans le cours du chyle, selon le point du système auquel ce fluide est parvenu ? et la circulation du chyle ne va-t-elle pas en se ralentissant ou s'accélérant graduellement, à mesure que ce fluide s'approche du réservoir de Pecquet ? On l'ignore : on ne voit dans le système chylifère aucune des conditions m.écaniques qui , dans les systèmes artériel et veineux, font concevoir pourquoi le sang diminue de rapidité dans son cours, à mesure qu'il avance dans les artères^ et au contraire augmente à mesure qu'il avance dans les veines; le système chylifère , par exemple , n'offre pas une capacité successi- vement plus grande ou plus petite : les ganglions qui le coupent empêchent d'ailleurs qu'on lui applique les mêmes lois d'hydrodynamique. Il est donc seulement probable que le chyle circule dans le système plus vite au commencement qu'à la fin, et surtout, tantôt plus vite, tantôt plus len- tement, selon qu'il en est fabriqué plus ou moins. Toutefois , sans qu'on sache combien de temps un globule déterminé de chyle emploie à parcourir tout le système et à arriver au réservoir de Pecquet , il est sûr qu'il y parvient. Là, il se mêle dans la proportion d'un tiers avec la lymphe; et , à raison de cette proportion , il est plus propre à rece- voir les qualités de cette humeur, qu'à lui imprimer les siennes. C^est une précaution que nous verrons être obser- vée par la nature, dans tout l'artifice de notre réparation; toujours elle prend soin , quand elle fait ajSluer deux fluides l'un dans l'autre, pour en constituer une seule humeur, de ne verser dans le fluide le plus vivant, qu'une très petite quantité de celui qui l'est moins, afin que ce dernier puisse plus facilement revêtir toutes les qualités du premier. Voilà le chyle arrivé dans le réservoir de Pecquet. A l'article de l'absorption interne, nous verrons comment il est porté de là, avec la lymphe, dans le torrent de la circu- lation. Mais une autre question se présente ici : le chyle, 3. 36 FONCT10]N DES ABSORPTIONS. dans tout le long trajet que nous venons de lui voir par- courir, reste-t-il identique, ou s'est-il animalisé de plus en plus ? Pour l'épondre à cette question , il faut examiner comparativement du chyle pris entre l'intestin et les pre- miers ganglions mésentériques , et du cliyle pris près de son arrivée dans le réservoir de Pecquet. Or voici tout ce quf^a appris cet examen. Raisch et Cowper disent que le chyle leur a paru plus clair et plus aqueux en sortant des gan- glions qu'en y entrant. Au contraire, MM. Beuss , Em- mert, Gmelin et Tiédemanii disent que le chyle pris avant les ganglions était d'un blanc jaunâtre, ne rougissait pas par le contact de l'air, ne se coagulait qu'imparfaitement, ne laissait déposer qu'une petite pellicule jaunâtre ; et qu'au contraire j au-delà des ganglions, et plus il était près du canal thoracique, il était d'une couleur rougeâtre, se coagulait entièrement , et laissait déposer un cruor d'un rouge écarlate. Enfin ^ M. Vauquelin assure aussi que ce fluide acquiert graduellement une teinte rosée, à mesure qu'il avance dans le système, et que graduellement aussi la fibrine devient plus abondante en lui. D'après ces faits, on professe généralement que le chyle va en s'animalisant de plus en plus dans le cours des chylifères ; et on se fonde en outre sur les quatre considérations suivantes : lo les vais- seaux chylifères sont grêles; et c'est ordinairement dans les vaisseaux grêles et capillaires que se font la plupart des éla- borations de matière que nous offre l'économie. Les vais- seaux chylifères semblent être trop grêles pour n'être que des vaisseaux de transport et de conduite. 20 La circulation du chyle est lente, et c'est une nouvelle présomption pour croire que ce fiuide éprouve, chemin faisant, quelque éla- boration continuelle. 3o Le chyle j, dans son cours, est mêlé à la lymphe de l'abdomen , qui aboutit comme lui aux gan- glions mésentériques. 4° Enfin, dans ce cours, il traverse les ganglions mésentériques , et ces organes n'étant pas des cœurs , sont généralement regardés comme des agents de mixtion, destinés à l'élaborer : on dit qu'ils sont au chyle ce que sont les ganglions lymphatiques à la lymphe. On sait^ en effet, quelle influence exercent sur la nutrition et la vie DE l'absorption chyleuse. 3; leurs maladies. 11 resterait à savoir dès lors comment ces ganglions concourent à l'animalisalion du cliyle. Les uns disent que c'est en lui fournissant un suc , qu'exhalent dans leurs aréoles intérieures les nombreux vaisseaux sanguins qu'ils reçoivent. Les autres pensent que c'est en épurant le chyle de tout ce qu^il contient de mauvais, les veines de ces ganglions reportant dans le sang tout ce qu'ils enlèvent a ce fluide. Quelques-uns parlent, d'une manière vague, d'une nouvelle mixtion, d'une nouvelle digestion. MM. Gmelin el Tiédemann ^ se fondant sur ce que la couleur rose du chyle est plus prononcée au-delà qu'en-deçà des ganglions mésentériques , sur ce que ce fluide est également plus riche en fibrine après avoir traversé ces ganglions, et enfin sur ce que celte couleur rose et cette même fibrine du chyle sont d'autant plus faibles que Tanimal a pris plus d'aliments , pensent que c'est à l'action de ces ganglions que le chyle doit ces importants changements dans sa nature; ce fluide, en les traversant, puiserait dans le sang qui les pénètre , ces nouveaux éléments qui l'animalisent; ceux-ci seraient ainsi sécrétés du sang en quelque sorte , et non créés dans le travail de la digestion ; et , sous ce rapport , ils différeraient des autres éléments du chyle , la graisse ^ par exemple, qui provient des aliments, et qui prédomine d'autant plus en lui que ceux-ci en contenaient davantage. Il faul avouer que chacune de ces assertions est également conjecturale , et qu'on ignore comment les ganglions animalisent le chyle, et en quoi consiste le perfectionnement graduel de ce fluide ; l'essence de ce perfectionnemeni est aussi obscure que celle de la fjqrmation première du fluide. A Toccasion de cette action présumée des ganglions chy- lifères, rappelons que MM. Gmelin et Tiédemann ont voulu faire remplir le même office à la rate. Ces physiologistes ont dit que cet organe était un ganglion dépendant du système absorbant, et qui préparait un fluide destiné à être mêlé au chyle pour en effectuer l'animalisation. Pour prouver le premier points c'est-à-dire que la rate est une dépendance du système lymphatique , ils disent que la rate n'existe que dans les seuls animaux qui ont un système absorbant dis- 38 FONCTION DES ABSORPTIONS, tinct, les vertébrés; que son volume dans les animaux est en raison du développement du système absorbant; que les lymphatiques prédominent dans la structure de cet organe; que sa texture est celle des ganglions lymphatiques; et qu'en- fin , en disséquant une tortue, ils ont vu manifestement tous les lymphatiques de l'abdomen aboutir d'abord à la rate, puis, après être sortis plus gros de ce viscère, se rendre au canal thoracique. A Fappui du second , ils invoquent le gros volume de l'artère splénique, quiévidemmentfournitplusde sang à la rate qu'il ne lui ea faut pour sa nutrition; ils di- sent que, dans leurs expériences, ils ont souvent trouvé, pen- dant la digestion et la chylose . les vaisseaux lymphatiques de la rate tout gorgés d'un fluide rougeâtre qui était porté par eux dans lecanal thoracique ; ils ajoutent que, dansles in- jectionSj une matière poussée dans l'artère splénique, passe ai- sément dans les lymphatiques de la rate; enfin, ilsremarquent que c'est au canal thoracique que le chyle ala couleur la plus rosée. Ils disent encore, qu'ayant extirpé la rate à des animaux^ le chyle , dans ces cas ^ leur a paru être beaucoup plus clair, moins coagulable, ne plus laisser déposer de caillots; tan- dis que les ganglions lymphatiques de l'abdomen leur sem- blaient avoir pris un volume plus considérable. C'est là un nouvel usage qu'on a voulu assigner à la rate , mais qui est aussi hypothétique que ceux dont nous avons déjà parlé, savoir , d'être un dwerticulum du suc gastrique , ou un or- gane préparant le sang qui doit alimenter la sécrétion de ce suc. 4^ Du chyle étudié en lui-même. Les Anciens n'avaient pas de notions exactes sur le chyle ; ce n^est que de nos jours qu'on en a fait l'examen. Pour en avoir, on fait manger un animal à discrétion , et quand on suppose sa digestion en pleine activité , on le tue , on met le canal thoracique à nu , et on recueille le liquide qui traverse ce canal. Voici îe ré- sultat de l'examen qui en a été fait par MM. Dupujtren, Thcnard, J^auquelin, Emmert , Marcel, etc. C'est un li- quide d'un blanc de lait, limpide et transparent dans les animaux herbivores , au contraire opaque dans les animaux carnivores ; qui n'est ni visqueux , ni collant au toucher ; dont la consistance varie selon la nature des aliments et la DE l'absorption chyleuse. 3^^ quantité des boissons surtout; qui a une odeur de sperme , une saveur douce, autre que celle des aliments; qui n'est ni acide ni alcalin ; et qui , enfin , est d'une pesanteur spé- cifique supérieure à celle de l'eau distillée , mais inférieure à celle du sang. MM. Gmelin^ Tiédemann et Magendie , ce- pendant, disent qu'il a une saveur salée, qu'il happe à la langue, et est sensiblement alcalin. Relativement à la na- ture chimique du chyle, elle a beaucoup de ressemblance avec celle du sang. Ce fluide, en effet, abandonné à lui- même , se partage comme le sang en deux parties , un li- quide, et un caillot. Le liquide est un sérum aîbumineux comme celui du sang , par conséquent coagulable de même par le feu, l'alcool, les acides, tenant les mêmes sels en dissolution , et n'en différant qu'en ce qu'il contient de plus une matière grasse particulière. Le caillot est comme celui du sang formé de fibrine et d'une matière colorante; les seules différences sont , que ce caillot contient aussi, de plus que celui du sang, une matière grasse particulière; que la matière colorante est blanche au lieu d'être rouge; et qu'en- fin, la fibrine du chyle est un peu moins fibrine que celle du sang , encore un peu plus albumine , comme le montrent sa moindre ténacité, sa moindre élasticité , et sa plus grande et plus prompte solubilité dans la potasse caustique. M. Bauer, à Londres, et MM. Dumas et Pré\^ost^ à Genève, ayant examiné au microscope le chyle , ont reconnu en lui les mêmes globules que dans le sang , avec la seule différence que ces globules n'étaient pas revêtus de l'enveloppe de ma- tière colorante. INous reviendrons sur ces recherches mi- croscopiques à l'article du sang. MM. Leuret et Lassaîgne disent avoir reconnu que le chyle diffère plus, d'après la nature des aliments, que d'après l'espèce animale; ils Font trouvé formé de fibrine, d'albumine ^ d'une ma^ tière grasse, de soude, de chlorure de sodium et de phosphate de chaux. Contre leur attente, ils ont remarqué que la quantité de fibrine qui existe dans le chyle n'était pas en rapport de la nature plus ou moins azotée des ali*> ments. Remarquons toutefois, sur cette description du chyle, 4o FONCTION DES ABSORPTIONS. 1» que celui sur lequel on a opéré était retiré du canal thoracique; c'est-à-dire d'un lieu où il n'est déjà plus seul , mais où il est mêlé à de la lymphe; 2» qu'il doit exister en ce chyle des différences, selon le degré de perfection avec lequel a agi l'organe delà cliylose ; 3^'qu'ildoit enfin en pré- senter aussi, selon les aliments desquels il dérive, abstrac- tion faite des éléments de ces aliments qui pénètrent en lui sous leur forme étrangère. En effet, des aliments de mauvaise qualité feront un mauvais cliyle, et a^ice versa. Le degré de liquidité des aliments influe sur celui du chyle. Is/i. Marcel àil qwe le chyle qui provient d^aliments végé- taux contient trois fois plus de carbone que celui qui pro- vient d aliments animaux. Ce savant a vu, sur des chiens, que si le chyle jirovenait d'aliments végétaux , ce fluide était transparent, laissait déposer un caillot presque incolore , ne se putréfiait que très tardivement, donnait à la distillation moins de sous-carbonate d'ammoniaque, et contenait plus de carbone; tandis que, s'il provenait d'aliments animaux, il était toujours laiteux, laissait déposer un caillot opaque et rosé, se recouvrait d'une matière grasse qui manquait dans le premier, était promptement putrescible, fournissait à la distillation plus de sous- carbonate d'ammoniaque, et contenait moins de carbone. M.. Magendie éldihlil aussi que les trois parties constituantes du chyle , savoir, le sérum , le caillot, et la partie grasse, sont dans des proportions dif- férentes, selon la nature de l'aliment; que le chyle qui provient du sucre, par exemple, contient peu de fibrine, par opposition à celui qui provient de la chair; que la par- tie grasse prédomine en celui qui dérive de l'huile, etc. Quant à la quantité du chyle, on ne peut rien dire de précis. Hors le temps des digestions, il n'y a presque pas de chyle; le peu qui en existe provient des sucs digestifs eux-mêmes ;, que les appareils digestif et chylifére ont tra- vaillé; et encore, après vingt-quatre heures d'abstinence, on ne trouve plus dans les vaisseaux chylifères que de la lymphe ordinaire. Dans le temps des digestions , cette quantité est nécessairement en rapport avec la quantité des aliments et le degré de puissance nutritive de ces ali- DE l'absorption CHYLEIjSE. 4» ments. M. Blagendie , d'après une expérience qu'il a faite sur un chien ^ et dont nous avons parlé plus haut, estime qu'il arrive six onces au moins de chyle dans le lorrent cir- culatoire par heure, et que cela dure deux ou trois heures. Telle est l'absorption digestive chyleuse. Terminons son histoire , en recherchant si les vaisseaux chylifères sont les seules voies par lesquelles pénètrent dans le sang les produits utiles des aliments. Nous avons dit qu'avant la découverte des vaisseaux chy- lifères, on considérait les veines mésaraïques comme les agents de l'absorption chyleuse. Alors le foie, auquel abou- tissent ces veines, était considéré comme un premier organe de sanguificalion, comme faisant subir au chyle une première élaboration. On expliquait ainsi , et le gros volume de cet or- gane, comparativement à la petite quantité de bile qu'il four- ni t , et l'exception qu'offrent à tout le système veineux les veines mésaraïques, et la veine-porte qui en est le tronc. On se fondait enfin sur ce que chez le fœtus, le foie est très volu- mineux, quoiqu'il n'y ait pas de sécrétion biliaire, et sur ce que cet organe l'eçoit de prime-abord le fluide nutritif, les veines du placenta. Or, quelques physiologistes reviennent à cette idée des Anciens, et croient que les veines mésaraïques sont, relativement à l'absorption chyleuse, congénères au moinsdes vaisseaux chylifères: voici leurs arguments, i» Les veines mésaraïques ont autant de part à la structure des vil- losités intestinales que les vaisseaux chylifères, et ont de même des orifices libres dans la cavité de l'intestin. Lie- herkun , poussant une injection dans la veine-porte, a vu la matière de l'injection sortir par les villosités de l'intes- tin ; et M. Ribes , pratiquant cette même injection, avec de l'essence de térébenthine colorée en noir, avec du mer- cure, a obtenu le même résultat. 20 On a 7U souvent du chyle dans le sang des veines mésaraïques; MM. Gmelin et Tiédemann disent y en avoir remarqué souvent dans leurs expériences , et l'on a une expérience de Swammerdam dans laquelle ce savant ayant lié les veines mésaraïques à un ani- mal vivant pendant sa digestion, crut voir des stries blan- châtres, chyleuses , dans le sang de ces veines. 3o Quand 42 FOTN^CTION DES ABSORPTIONS, des matières colorantes , odorantes , salines, ont été soumises à rabsorplion intestinale, c'est autant, et même plus dans les veines mésaraïques que dans les vaisseaux cliylifères, que ces matières ont été retrouvées : nous avons cité plus haut les nombreuses expériences de MM. Gmelin et Tiéde- mami à cet égard. 4^ Enfin, la ligature du canal tlioracique n'a pas toujours entraîné la mort, ou ne l'a amenée que tardivement. Du^erney a fait cette expérience sur un cliien, qui ne mourut qu'au bout de quinze jours : Flandrin la pratiqua sur douze chevaux, qui lui parurent manger de même, ne pas maigrir, et ayant tué ces animaux quinze jours après , il s'assura que chez eux le canal thoracique n'é- tait pas double. Sur beaucoup de chiens auxquels l'a prati- quée Asilej Coowper, ce chirurgien a remarqué que la plu- part survécurent plus de quinze jours, et qu'aucun ne mourut dans les deux premiers jours, quoique, à l'ouverture des cadavres, il trouvât le canal thoracique crevé, et le chyle épanché dans l'abdomen. Mais aucune de ces raisons ne constitue une démonstra- tion rigoureuse; et puisqu'il existe un appareil vasculaire spécial pour l'absorption chyleuse , il est peu jjvobable que les veines mésaraïques remplissent ici l'office qu'on leur at- tribue. A. La particularité qu'offrent ces veines d'avoir des orifices libres et béants dans la cavité de l'intestin, est une présomption sans doute , mais elle n'est que cela. B. Est-ce bien du chyle (\u.QS\varnmerdam,Mlsi. Gmelinel Tiédemann ont trouvé dans le sang de la veine-porte? ils disent seule- ment des stries blanchâtres. A supposer que ce soit du chyle, les radicules des veines mésaraïques n'auraient pu, ni le prendre dans le chyme , puisque le chyle n'y existe pas d'a- vance , ni le faire , puisque n'ayant pas la structure des chylifères, elles n'en ont pas l'action, et ne peuvent en faire le produit. Ces veines mésaraïques conséquemment n'auraient pu que le recevoir des vaisseaux chylifères, et pour cela, il n'y a que deux dispositions possibles: i^^ ou que quelques-uns de ces vaisseaux s'abouchent directement dans la veine-porte, comme le veut P^alœus , qui assure qu'une ligature des troncs lymphatiques de l'intestin a fait passer DE l'absorption chtleuse. 43 le chyle dans la veine-porte; comme le disent Bosen , J.-F. Mecliel, M. Lohstein , qui prétendent avoir par des injec- tions reconnu cet aboucliement ; comme l'a établi surtout Lippi^ qui professe que les vaisseaux chylifères ont de nom- breux abouchements avec les veines, non-seulement pen- dant leur trajet dans le mésentère, et avant qu'ils se soient plongés dans les ganglions, mais encore dans les ganglions mésentériques ; enfin comme le soutiennent MM. Leuret et Lassaigne, qui disent avoir vu la ligature de la veine-porte déterminer le reflux du sang dans le canal thoracique: 200U qu'il y ait une anastomose entre les vaisseaux chylifères et les veines mésaraïques dans les ganglions mésentériques, comme le disent Coowper, MM. Gmelin et Tiédemann. C. Les expériences dans lesquelles on a retrouvé dans le sang de la veine-porte les matières colorantes et odorantes sou- mises à l'absorption intestinale, se rattachent à l'absorption, muqueuse accidentelle, et non à l'absorption nutritive ali- mentaire; elles prouvent d'autant moins, que le« matières se sont retrouvées aussi dans la veine splénique, et même dans l'artère stomachique; à cause du premier fait. Home avait voulu faire de la rate un organe de sanguitication. D. Enfin , M. Dupujtren, ayant répété avec grand soin les expériences de Flandrin sur la ligature du canal thoraci- que , a toujours vu les animaux périr prochainement, toutes les fois qu'il ne pouvait faire parvenir dans les veines sous- clavières une injection poussée par la partie inférieure du canal thoracique, c'est-à-dire quand il y avait impossibilité que du chyle arrivât dans le sang. Ajoutez que, si les veines mésaraïques agissaient sur le chyme pour en retirer un pro- duit utiîe , ce ne devrait pas être du chyle qu'elles feraient, puisqu'elles n'ont pas la structure, et conséquemment le mode d'action des chylifères, mais du sang veineux; à moins d'admettre que ces deux ordres de vaisseaux n'exécutent pas immédiatement l'absorption chyleuse , mais que celle- ci est le fait d'un tissu spongieux spécial existant à leur origine , et qui seulement en conduit également le produit dans l'un et dans lautre. Mais tout ceci n'est que con- jecture. 44 FONCTION DES ABSORPTIONS. § II. Ahsorption digestive des Boissons, C est à juste titre qu'on sépare Fabsorption des boissons de l'absorption chyleuse. En eâTet , les boissons n'éprouvent pas dans l'appareil digestif la même élaboration prépara- toire que les aliments : leur but relativement à la réparation du sang n'est pas le même : ce que les unes et les autres four- nissent au sang diffère , et rien ne prouve que ce soit sous forme du chyle qu'arrive au sangle produit utile des bois- sons; enfin , tandis que les aliments ne pouvaient pénétrer que par la voie digestive, les boissons peuvent être intro- duites par d'autres surfaces , par la peau, par exemple. Il faut aussi en indiquer les agents et le mécanisme. lo Appareil absorbant des Boissons. Nous avîons pu^ par des faits directs, prouver que l'ap- pareil cbylifère était l'agent de l'absorption alimentaire; il n^en sera plus de même pour l'absorption des bois- sons et les absorptions internes : ce ne sera plus que d'après des faits indirects, et par voie d'exclusion en quelque sorte, que nous pourrons en spécifier les agents; et, comme ces faits s'appliqueront à plusieurs genres de vaisseaux, il y aura débats parmi les physiologistes sur ceux de ces vais- seaux qui seront vraiment les agents de ces absorptions. Nous avons dit quCj dans toutes les absorptions nutriti- ves, la matière absorbée éprouvait, au moment de son ab- sorption , une élaboration qui en change tout-à-fait la forme. Il résulte de là que cette matière ne peut pas être reconnue dans les vaisseaux où elle a pénétré, et qu'on ne peut par ce moyen , qui serait irrécusable , découvrir quels sont les vaisseaux qui en ont effectué l'absorption. Il faut alors, pour acquérir cette assurance, recourir à d'autres faits, et particulièrement aux absorptions insolites qui , n'altérant qu'imparfaitement la matière dont elles s'emparent, per- mettent que cette matière soit reconnue dans les vaisseaux où elle a été introduite. Ainsi, dans l'absorption chyleuse, DE l'absouptiois des boissons. 45 la matière absorbée, qui est le chyme ^ a changé de nature au moment de l'absorption ; elle est devenue chyle , et on ne peut la reconnaître dans les vaisseaux chylifères : ce n'est donc pas sur cette preuve directe qu'on assure que l'appareil chylifère est l'agent de cette absorption. Mais on a d'autres preuves. D'abord, les matières des absorptions insolites ont été souvent retrouvées dans ces vaisseaux , la matière colo- rante des aliments , par exemple ; et de ce cas, où, sans aucun doute , ces vaisseaux ont effectué une absorption , on peut déduire qu'ils accomplissent de même l'absorption du chyle. Ensuite il est des faits qui prouvent qu'effectivement ce chyle est un produit de leur action et un dérivé du chyme : par exemple, il n'y a jamais de chyle de produit, qu'autant qu'ily a du chyme dans l'intestin; la quantité et la qualité du chyle sont toujours en rapport avec la quan- tité et la qualité du chyme ; enfin , à mesure que le chyle se fait, le chyme va en diminuant et même en s'altérant . il devient fèces. Or, dans les autres absorptions, et particulièrement dans l'absorption des boissons, on ne peut arguer de preuves aussi positives. En effet, d'abord les boissons, comme les aliments, sont élaborées au moment de leur absorption, et ne peuvent plus être reconnues dans les vaisseaux où elles ont été introduites. Ensuite, si l'on en appelle aux absorptions insolites, pour préjuger quels vaisseaux les absorbent, il s'en présente de deux sortes, les vaisseaux chylifères, et les veines mésaraïques ; car c'est également dans les uns et dans les autres qu'on retrouve les matières colorantes, odorantes, salines, qui sont accidentellement absorbées dans l'intestin. Enfin, comme ces deux systèmes vasculaires, qu'on peut également préjuger effectuer l'ab- sorption des boissons, sont remplis chacun par un fluide propre, le système chylifère par le chyle ou la lymphe de l'abdomen, et les veines mésaraïques par le sang veineux , on n'a plus dtî moyens de savoir si les fluides de ces systè- mes manquent quand les boissons manquent elles-mêmes dans l'intestin ; on ne peut plus voir s'il y a des rapports de nanti té et de qualité entre ces fluides et les boissons; et si. 46 FONCTION DES ABSORPTIONS. consécutivement à leur production , les boissons qui sont dans l'intestin s'altèrent. Tous ces faits, qui dans l'absorp- tion chyleuse avaient servi à en spécifier avec certitude l'a- gent, manquent ici , et dès lors on n'est plus guidé que par l'analogie et des considérations accessoires. Ainsi j comme c'est un système vasculaire qui effectue l'absorption clijleuse , l'analogie d'abord a conduit à ad- mettre que c'en est un aussi qui accomplit l'absorption des boissons. En second lieu , cherchant alors quel est le système vasculaire qui , ouvert dans l'intestin , est propre à remplir cet office, on ne voit que les vaisseaux chylifères et les vei- nes mésaraïques ; mais on peut les indiquer également. Les uns et les autres , en effet, concourent également à la struc- ture des villosités de l'intestin , qui sont certainement les lieux de cet organe où se font les absorptions. Les uns et les autres ont également des orifices libres dans la cavité de l'intestin, ou au moins communiquent de même dans sa cavité. Des injections faites par Z/eZ>erÂ^u7z, Méckel ^M. Rihes, dans les veines mésaraïques , ont rempli les villosités de l'in- testin, et ont suinté dans la cavité de cet organe, de même que celles qu'on a poussées dans les vaisseaux chylifères. Enfin, toutes les fois que des absorptions insolites se sont faites dans l'intestin, les matières non altérées qui en ont été la base, ont été retrouvées, tantôt dans les vaisseaux chylifères, tantôt dans les veines mésaraïques; et par con- séquent, de ces cas qui prouvent directement l'action ab- sorbante de ces vaisseaux, on peut conclure leur puissance pour l'absorption des boissons. Mais, comme on voit, ce ne sont là que des preuves in- directes et négatives en quelque sorte, et qui sont applica- bles aux deux sytèmes vasculaires. Or, lequel des deux absorbe les boissons, ou les absorbent-ils l'un et l'autre? Avant la découverte des systèmes chylifère et lymphatique, lorsqu'on rapportait l'absorption du produit utile des ali- ments aux veines mésaraïques , on considérait ces veines comme étant les agents de l'absorption des boissons. Lors- que ensuite on eut découvert les vaisseaux chylifères et lymphatiques , et qu'on eut rapporté aux premiers l'absorp- DE l'absorption DES BOISSONS. 47 tion du chyle, et auxseconds, toutes les autres absorptions du corps, on regarda l'appareil cliylifère comme étant l'a- gent exclusif de l'absorption des boissons. Enfin , dans ces derniers temps, quelques physiologistes, remarquant que les matières des absorptions insolites se retrouvent plus fré- quemment dans les veines mésaraïques que dans les vais- seaux cbylifères, MM. Magendie et Rihes , par exemple, reviennent à l'opinion des Anciens , et professent que , tan- dis que les cbylifères recueillent le produit utile des ali- ments , les veines mésaraïques recueillent celui des boissons. Quel parti prendre dans ce débat? Il nous semble que, puisque c'est sur des preuves négatives seulement, qu'on a été conduit à considérer les vaisseaux cbylifères et les veines mésaraïques comme les agents de l'absorption des boissons, et que , puisque ces preuves sont également applicables à ces deux genres de vaisseaux, il est impossible d'admettre l'ac- tion absorbante de l'un de ces systèmes à Texclusion de celle de l'autre , et qu'il faut adopter ou récuser Tune et l'autre. Qu'on médite, en effet, les arguments sur lesquels s'appuie chacun des deux partis, on verra que ces arguments, tous excellents pour prouver la réalité de l'absorption qu'on in- voque, cessent de l'être quand il s'agit de prouver la nul- lité de celle qu'on récuse , et qu'on est vraiment dans les mêmes conditions à l'égard de l'une et de l'autre : ce sera de même que pour la part qu'ont aux absorptions internes les vaisseaux lymphatiques et les veines, question qui nous occupera ci -après, et dont celle-ci n'est qu'une dé- pendance. Ainsi , les physiologistes qui veulent que ce soit l'appareil chylifère seul qui absorbe les boissons , invoquent des rai- sonnements, des faits et des expériences, lo Quel que soit le système vasculaire qui effectue l'absorption des boissons, il faut qu'il communique librement dans la cavité de l'intes- tin : or, l'appareil chylifère offre cette condition de struc- ture. 20 Cet appareil chylifère est l'agent de l'absorption chyleuse, c'est une présomption pour qu'il soit aussi celui de l'absorption des boissons : constituant, sous le premier rapport, les racines nourricières de l'être, combien n'est-il 48 rOKCTIOJV DES ABSORPTIONS, pas probable qu'il les constitue de mêmte sous le second rap- port? 80 Tous les physiologistes qui ont recueilli le cbyle pour l'examiner ont dit que sa consistance était en raison inverse de la quantité des boissons qui avaient été prises. 4« Enfin , dans des expériences^ on a vu des liquidesxolo- rés et odorants, qu'on avait portés dans l'intestin, être ab- sorbés dans les cliylifères, et ne pas Têtre par les veines mé- saraïques. /. Hunter , par exemple, ouvre l'abdomen à un cliien vivant , saisit une portion d^intestin , en exprime les matières qu'elle contient, et y injecte du lait cbaud, qu'il y fixe par des ligatures : vidant alors avec soin toutes les veines de cette portion d'intestin , faisant la ligature de ses artères, il remet le tout dans l'abdomen; et, au bout d'une demi-beure, examinant de nouveau les parties, il voit que les veines sont toutes restées vides, et qu'au contraire, les cbylifères sont pleins d'un fluide blanc. Comme on pouvait objecter que ce fluide était du cbyle et non le lait , et qu'il s'était agi ici d'un liquide alimentaire , et non d'une bois- son proprement dite, J^zi/ziterrépétarexpérience avec de l'eau, de l'eau musquée, de l'eau colorée d'empois , c'est-à-dire avec des liquides cliargés de matières odorantes ou colorantes , qui sont reconnaissables à la moindre trace , et toujours il trouva les veines vides, et au contraire les cbylifères pleins. Bien plus, une fois, pendant que la dissolution colorée d'empois remplissait l'intestin , et était soumise à l'action d'absorption , il injecta les artères de l'intestin , et il vit que l'injection en revenant par les veines ne rapportait pas le moindre atome de la matière colorante. De leur côté , les physiologistes qui croient que les bois- sons sont absorbées par les veines mésaraïques invoquent des raisonnements et des expériences tout-à-fait semblables. lo Les veines mésaraïques communiquent , comme les cby- lifères , par des orifices libres avec la cavité de l'intestin, et concourent comme eux à la composition des villosités de cet organe; or, si ces veines ont ainsi des radicules béants dans la cavité de l'intestin, n'est-ce pas une présomption de croire que c'est pour y exercer une action d'absorption ? 20 Si le système cbylifère est évidemment agent d'absorp- DE l'abSORPTTON DES BOISSONS. 4g tioii, il eu est de même du système veineux auquel appar- tiennent les veines mésavaïques ; il sera démontré ci-après que les veines peuvent être considérées, à aussi bon droit que les vaisseaux lymphatiques , les agents de l'absorption in- terne ; et, s'il estvrai qu'il importe peu par quelle voie arri- vent les boissons dans le sang , s'il estvrai qu'elles calment tou- jours la soif par quelque système qu'elles pénètrent, ou pourra admettre qu'elles sont absorbées par les veines mésaraïques aussi-bien que par les cbylifères. 3o Si le chyle s'est montré d'autant plus fluide, qu'on a pris plus de boissons, Bo'ér- haave dit aussi avoir vu le sang des veines mésaraïques de- venir plus liquide lors de la digestion des boissons. 4° Enfin, dans des expériences calquées sur celles de Hunter, on a re- trouvé dans les veines mésaraïques les liquides injectés dans l'intestin , sans pouvoir les signaler dans les cbylifères. Kaaw-Boërhaawe injecte .dans l'estomac et l'intestin d'un chien qu'il vient de tuer de l'e^u tiède, et, à l'aide d'une légère pression , il fait passer cette eau dans les veines mésa- raïques, au point que cé#|eiiies en pâlissent , et que cette eau finit par couler pure de la veine cave inférieure. Répé- tant l'expérience avec de l'eaU) colorée, le réffeultat est le même, et partant plus évident. Flaridrin croit remarquer , sur des chevaux , crue le sang des veines mésaraïques a une odeur herbacée, tenant de celle des aliments dont ont usé ces animaux, et que cette odeur manque dans le chyle. Il donne à un cheval un mélange de demi-livre de miel et de demi-livre d'assa-fœtida , et, tandis que l'odeur de cette dernière sub: tance en trahit la présence dans le sang veineux de l'estomac et de l'intestin , aucune trace n'en est signalée dans le sang artériel et dans le chyle. M. Magendie fait ava- ler à un chien pendant qu'il digère, une certaine quantité d'eau étendue d'alcool, ou une dissolution de camphre, ou un autre liquide odorant; et, après une demi-heure, exa- minant le chyle, il n'y trouve aucune de ces substances, tandis que le sang des veines mésaraïques en exhale l'odeur et fournil ces matières par la distillation. Il fait avaler à un chien quatre onces d'une décoction de rhubarbe, ousix onces de prussiate de potasse; et après une demi-heure , il ne re- ToME m. 4 5o l'ONCTION DES ABSORPTIONS. trouve aucune trace de ces substances dans le fluide qui r(*mr)lit le canal thoracique, tandis que l'urine en con tient. Il lie le canal thoracique à un cliicn , j)uis lui fait boire une décoction de deux onces de noix voniique, et la mort arrive aussi promptcmcnt que sur un autre chien. Déjà jfeV. Home, ayant fait prendre de la teinture de rhu- barbe à un animal auquel il avait lié le canal thoracique, avait retrouvé cette matière dans la bile et dans l'urine. M. Magendic expérimente que h? résultat est le même si la décoction est injectée dans le rectum, partie du canal in- testinal où il n'y a plus de chylifères. Ayant lié le pylorc à des animaux , et ayant porté des boissons dans leur estomac, il a vu l'absorption s'en faire également, bien qu'il n'y iut pas encore ici de vaisseaux (diylifèrcs. Enfin, sur un chien qui n'a pas mangé depuis sept heures , M. Magendie incise l'abdomen^ saisit iHîfiQ)|j^'li^]i£^^hHest in , l'Isole par deux ligatures, y eou[)^^ecJxjw«ékM+-le prL^iuinuticMix , tous les vaisseaux ch y lififcigsj lYm])liatique.«?, aVJAriels et veineux; il n'y laisse inla(ites (^ymi^WiiHWfcne ej une seule artère, pour que cette pWl^i d'iu^wLiii jm^eAivre; il coupe alors l'anse intestinale OH^fi'trJ/\f^Y^iAS^>Kix deux ligatures, de manière que cette ansTf m liil'lTne ])lus au reste du corps que ]>ar la Seule artère et la seule veine; il y injecte une décoction de noix vomique, et, six minutes après, l'effet du poison se manifeste : à coup sûr, ici l'absorption n'a pu te faire que par la veine. Bien plus , comme cette dernière expérience prouve j)lus pour l'absorption par les veines mé- saraïques que contre celle par les vaisseaux chylifères, M. Sé- galas la répète, mais en ne laissant cà l'anse intestinale de conimunicalion avec le reste du eorj>s que ]iar des vaisseaux chyliières : injectant alors un demi-gros de dissolution d'ex- trait alcoolifi ne de noix vomique, rem[)oisonnement qui , dans le premier cas , était arrivé a[)rès six minutes , était en- core nul après une demi-heure, mais si une de ces veines est déliée, et que la circulation soit rétablie, l'empoisonne- ment se manifeste bientôt . Enfin , IVIM. TicdcDiaîin et Guielin ont vu de même l'absorption des diverses sui)stances colo- rantes et odorantes portées dans l'intestin, se faire exclusi- DK L^AiKSonr riON i)i:s boissons. 5i VcnuMil par les V(miics mésara'ùjiu's : jjari'xcniplc , tic l'iiuli^M) , de lu rlmbarluî on lélcrcLrouvt s dans le sa mi; de la vci nc-povlc^ ce sang se monlre colore eu jaune ou eu \cvl pâle par la pre- mière de ces rua I ières ; (tes substances, ainsi que la garance et la goinme-gulle, ont été retrouvées dans l'urine. Du camphre, du musc, de rcsprit-de-viu , de; ri'sj)rit de lérébeutluue, de l'huile de Dippel , de l'assa-lœlida , de Tail, ont été re- trouvés, non dans le sang veineux des inl(;stius, mais daus celui des veines de la rate, du mésentère; dans la veine- porte : par l'iniluenee de la térébenthine, ce sang prenait l'odeur de violette. L(\s prussiates de l'er , de plomb, de po- tasse, ont été retrouvés dans le snig des veines du mésen- tère; ceux de potasstî, de fer, de baryte, dans le sang delà rat(î ; le prussiate de potasse et les sulfates de potasse , de er, de ploiubet de baryte dans la veine-porte , ainsi quedansTu- rine. Aucune de ces substances n'a ])u être retrouvée dans le canal thoraciq\u^, si ce n'est le prussiate et le sulfate de potasse. Ainsi, les sectateurs de l'un et l'autre parti invoquent absolument les mêmes arguments : et dés lors , il faut con- clure qu'on a les nunnes motifs pour adnuttre \c.s deux voies ])Our l(î passage des boissons; ([ue lorsqu'on achuet l'une des absorj)lions, il faut ad uuUtre l'autre. Les deux systèmes vasculaires nous ])araissent être en elïet dans des conditions tout-à-fait semblabh.vs. i<» Les vaisseaux chyîil'èn.'s et les veines mésaraïques ont la nu^nne disposition anatomique, des radicules ouverts dans !a cavité de l'inti^stin; et, si ceux des vein(\s ont paru plus libres el ])lus nombreux (]U(; ceux des chylileres , cela tenait ])eut-étre à l'état de putré- faction dans lequel étaient les cadavres sur lesquels on a fait les injections. •.?«» Le chyle et le sang veiiunix, qui circulent dans leur intérieur, ont ptaru égalemtvnt plus li(juides, consécutivement à la préhension des boissons. 3" l^din, les uns et les autres ont égalcMuent eirectiuî les absor[)tions insolites. A la vérité, Uiinfcr dit n'avoir jamais vu les ma- tières pénétr(^r dans les vein(\s mésaraïques; (;t ses atlver- saires, M. Magendie , par ex(Muple, dist;nt, au contraire, ne les avoir jamais vues introduites dans les vaisseaux v\iy- lifères : mais que peuvent les faits négatifs des uns eoutrc 4. 52 FONCTION DES ABSORPTIONS. ]es faits positifs des autTes? D'ailleurs, beaucoup de phy- siologistes^ répétant les expériences , ont vu les substances pénétrer à la fois dans les deux ordres de vaisseaux. Flan- driii , par exemple , dit que la matière , tantôt n'a pénétré^ ou du moins n'a été retrouvée dans aucun des deux genres de vaisseaux; tantôt était dans les veines seulement, ou dans les cbylifères seulement, ou dans les uns et les autres; et qu'enfin, souvent il ne l'a retrouvée ni dans le chyle ni dans le sang des veines mésaraïques , mais dans Turine seulem^ent. M. Tiédemann a retrouvé dans le canal tliora- cique leprussiate et le sulfate de potasse. Vainement M. Ma- ^e/zJie objectera- t-il que les cas dans lesquels les matières n'ont été retrouvées que dans les veines , sont bien plus fré- quents que ceux où elles ont été signalées dans les chylifè- res ! Ne peut-on pas lui répondre que tous ces cas se rappor- tent plus à des absorptions insolites, qu'à une absorption des boissons proprement dite ? Les sectateurs de l'absorption exclusive des boissons par les veines , ont fait encore valoir quelques considérations ; mais aucune ne porte avec elle démonstration, lo Ils ont fait remarquer que la veine-porte, qui est le trône commun de ces veines, a une capacité bien supérieure à celle de l'artère qui lui correspond, l'artère mésentérique ; et que c'est une raison de croire qu'elle a à rapporter dans le torrent de la circulation bi«en plus que le reste du sang artériel , par con- séquent les produits d'une absorption. Mais cette disposi- tion est générale à tout le système veineux, et peut tenir ici comme ailleurs à ce que les veines, comme nous le dirons ci-après, effectuent l'absorption interne, ou au moins en reçoivent à leur origine les produits. 20 Ils ont argué de l'exception remarquable que fait cette veine-porte au reste du système veineux , puisqu'au lieu d'aboutir à une veine plus grosse et plus centrale, elle se distribue dans le tissu du foie; ils ont dit que cette disposition avait pour effet de soumettre les boissons absorbées à une action élabora trice de ce viscère , et de hâter leur assimilation au sang. Mais ce n'est évidemment là qu'une conjecture qui ne repose sur aucun fait; et l'exception de la veine-porte peut avoir un DE l'absorption DES BOISSOINS. 53 tout autre but que celui de l'héinatose; par exemple, êlre relative à la sécrétion de ]a bile seulement, ou constituer un dwerticulum. 3^ On a dit qu'en admettant la voie des veines mésaraïques pour l'absorption des boissons , on con- cevait mieux la rapidité avec laquelle les boissons sont quel- quefois rendues par l'urine. Mais on ne voit pas que cette voie soit plus courte que celle des cbylifères. Encore une fois, les raisonnements et les expériences étant les mêmes de part et d'autre , on est forcé de considérer les cbylifères et les veines mésaraïques comme étant de concert les agents de l'absorption des boissons. A ne consulter que l'analogie , il y a plus de présomption en faveur des cbyli- fères : mais, quand on voit que des lavements sont absorbés rapidement dans le gros intestin, où il n'y a plus de cbyli- fères; quand on réfléchit que la soif est calmée, quelle que soit la surface sur laquelle on applique les liquides , ce qui annonce que les boissons n'ont pas besoin d'un appareil vasculaire absorbant spécial , on est ramené à admettre aussi pour elles l'action absorbante des veines mésaraïques. 2° Mécanisme de T Absorption des Boissons, Ge mécanisme est le même que celui de l'absorption chy- leuse, et , par conséquent, il doit nous suffire d'en énumé- rer les traits. Les boissons ayant subi dans l'appareil digestif l'élaboration convenable , élaboration de laquelle nous n'a- vons pu rien voir , sinon que les boissons se troublaient , les radicules des cbylifères ou des veines mésaraïques agissent sur elles pour en saisir les éléments , et le produit de cette action passe aussitôt dans ces vaisseaux et se mêle aux fluides quiysont déjà. Cette action est trop moléculaire pour qu'elle puisse être aperçue par aucun sens, elle n'est aussi attes- tée que par son résultat. On ignore également si elle est eflectuée immédiatement par les radicules des vaisseaux, ou par un tissu spongieux auquel ils aboutissent. Elle n'est pas seulement une action, de pompement, mais en outre elle élabore la boisson et la dispose à ifaire partie d'un fluide vi- vant. Impénétrable en son essence, elle ne consiste pas en 54 FONCTION DES ABS0RPTr02?S. un€ introduction passive de la boisson , de rintestin dans les vaisseaux qui l'absorbent , mais elle est le fait de Tac- tion spéciale de ces vaisseaux. Enfin , n'étant pas plus que la cnjJose une action physique, mécanique ou chimique, elle est de même une action organique et vitaîe. Tous les arguments que nous avons invoqués dans Fabsori tion chyleuse pour appuyer chacune de ces propositions peu- vent s'appliquer ici, et, par conséquent, il est inutile de les rappeler. Le fluide qui en est le produit ne peut être connu, puis- qu'il se confond aussitôt, soit avec le chyle, si l'on admet que l'absorption des boissons se fait par les chylifères , soit avec le sang des veines mésaraïques, si on rapporte cette ab- sorption à ces veines. Dans l'un ou l'autre cas, il suit le cours de ces humeurs , et nous n'avons pas besoin conséquemmenl de décrire ce cours , puisque c'est celui du chyle que nous avons exposé, ou celui du sang veineux abdominal que nous ferons connaître ci -après. Seulement il paraît être parfois fort rapide, à juger par la promptitude aveclaquelle des boissons sont rendues par l'urine. Le fluide, quel qu'il soit, reste-t-il identique dans son trajet ? Il est difficile de répondre à cette question : ce n'est certainementpas sous forme d'eau pure que des liquides sont appropriés au sang pour réparer ses pertes sous ce rapport; mais, d'autre part, s'il est vrai que toute absorption aqueuse désaltère , par quelque surface qu'elle se fasse, il semblerait que le radicule absorbant aurait aussitôt donné au liquide la qualité animale convenable. Alors , non-seulement le produit de la boisson n'aurait pas besoin, comme celui de l'aliment, de l'acte de la respira- tion pour s'assimiler au sang, mais il ne demanderait pas à subir une animaiisation graduelle dans le cours des chylifè- res, non plus que dans le système veineux abdominal; aus- sitôt qu'il arriverait au sang, il s'y mêlerait, et à ce titre il réparerait instantanément les pertes qu a faites cette hu- meur dans sa partie liquide. Toutefois, nous ne pronon- cerons pas sur cette question : il e^t possible que ce produit des boissons s'ànimalise graduellement en parcourant vses voies : si on le fait parvenir par les chylifères, on peut in- DE l'absorption DES BOISSOINS. 55 voquer les mêmes raisons qui nous ont fait croire à une animalisalion graduelle du cliyle : si on le fait parvenir par les veines mésaraïques, on peut croire à une action élabo- ratrice du foie. Tous ces faits du reste sont dérobés à notre observation, et sont moins suivis réellement et matérielle- ment que des yeux de l'esprit. Ce produit des boisssons , considéré en lui-même , ne peut être obtenu isolé, et, conséquemmeut , il est inconnu. On pourrait peut-être reconnaître quel appareil vasculaire le saisit, et quelles sont ses qualités, par l'expérience sui- vante : tenir à jeun, pendant quelques jours, un animal, et voir quel fluide coule alors par le canal tboracique mis k nu ; puis fournir abondamment des boissons à cet animal , et voir si ces boissons amènent quelques différences dans la quantité et la qualité du fluide qui coule par le canal tbo- racique. Comme les boissons sont souvent rendues très prompte- ment par l'urine, quelques personnes ont cru, ou à des vaisseaux communiquant directement de l'estomac à la ves- sie; ou à une transsudation des boissons à travers les parois de l'estomac et de l'intestin, et à une progression de ces li- quides vers la vessie , à travers le tissu cellulaire intermé-r diaire. C'est là une double erreur. L'anatomie ne fait voir aucuns vaisseaux particuliers étendus entre l'estomac et la vessie; et MM. Gmelin et Tiédemann , ayant examiné les lymphatiques et le tissu cellulaire de l'abdomen, dans des cas où ils avaient fait avaler de l'indigo , de l'essence de térébenthine, n'y ont trouvé aucunes traces de ces substan- ces, tandis qu'elles existaient dans le rein. Il n'y a bien cer- tainement aucune autre voie pour l'excrétion des boissons , que celle du torrent circulatoire, consécutivement à leur absorption par les vaisseaux chylifères et les veines mésarai'- ques. En ces derniers temps, M. Lippi, de Florence, a cru trouver une raison anatomique de la promptitude avec laquelle les boissons sont rendues par l'urine. Selon lui , les vaisseaux chylifères, non -seulement ont de nombreux abouchements dans les veines mésaraïques, soit avant leur entrée dans les ganglions mésentériques , soit pendant qu'ils 56 FONCTION DES ABSORPTIONS. traversent ces ganglions; mais encore lorsqu'ils sont parve- nus aux derniers de ces ganglions , aux ganglions lombaires , quelques-uns d'enire eux vont s'ouvrir directement dans les veines rénales et dans les bassinets des reins. Selon cet anato- miste^ les vaisseaux cbylifères , parvenus à ce lieu^ se par- tagent en deux ordres : les uns ascendants , qui vont porter le cbyle au canal tlioracique ; et les autres descendants , qui vont porter la boisson dans les veines rénales et dans les bassinets des reins. Il assure que la distinction de ces deux ordres de vaisseaux est si trancbée, qu'une injection poussée dans les premiers va exclusivement dans le canal tboracique, lundis que l'injection, poussée dans les seconds , va de même exclusivenïent aux reins. Ainsi ce serait dans les ganglions lombaires que se ferait le départ des sucs nutritifs, et de ceux qui doivent être évacués avec l'urine; et des vaisseaux directs, que M. Xippi appelle clijlopoiétiques urinifères ^ conduiraient aussitôt ceux-ci aux reins. Sans doute il n'y aurait rien à opposer à un fait anatomique; mais ce fait est-il bien établi? Remarquons d'abord que ceux des vaisseaux cliylifères que M. Lippi dit aboutir aux veines rénales , ne font rien à la difficulté ; le trajet qu'ont à par- courir les boissons , pour arriver de ce lieu aux reins , n'est pas diminué; il est même plus long que si ces boissons sont versées, ou dans la veine cave inférieure, comme le veulent les partisans de l'absorption des boissons par les veines mésaraïques , ou dans la veine cave supérieure, comme le disent les sectateurs de l'absorption des boissons par les vaisseaux cbylifères.Les vaisseaux cliylifères qui aboutissent aux bassinets des reins sont donc les seuls qui importent à la question que nous agitons. Or, comment croire que de pareils vaisseaux , qui auraient à remplir un service si im- portant dans l'économie, qui seraient si souvent en fonc- tion, qui ont été tant cbercbés , auraient jusqu'ici échappé à l'investigation de tous les anatomistes ? Pourquoi les ana- tomistes de nos jours, excités par l'annonce de M. Lippi, la'ont-ils pas été plus heureux à découvrir ces vaisseaux , que les premiers investigateurs des systèmes chylifère et lym- phatique ? Comment supposer qu'il soit souvent rendu de DE l'ABSOBPTTON INTERNE. 5 7 l'urine , à la formation de laquelle les reins seraient lout-à- iait étrangers ? Enfin, n'est-ce pas plutôt à la vessie qu'aux l'eins qu'auraient dû aboutir de tels canaux? Nous ne pou- vons donc admettre l'opinion de M. Lippi , sur laquelle nous reviendrons du reste à l'article de la sécrétion urinaire. ARTICLE II. De l'Absorption interne. On sait que, sous ce titre unique, nous comprenons les absorptions interstitielles, et celles des sucs sécrétés récré- mentitielsetexcrémentitiels: nousverrons qu^en effet ces ab- sorptions paraissent être effectuées toutes par les mêmes agents, les vaisseaux lymphatiques et les veines , et donner naissance aux mêmes produits, la lympbe et le sang veineux. Ce n'est pas ici le lieu de traiter avec détails de cbacune; les absorp- tions interstitielles, par exemple, seront exposées à la fonc- tion des nutritions dont elles font partie intégrante ; celles des sucs sécrétés, à la fonction des sécrétions, etc. Ici nous ne devons nous en occuper que sous le rapport de l'action d'absorption seulem.ent : il faut d'abord en recbercber les agents. Or, nous retrouvons ici les mêmes dissidences et la même impossibilité de résoudre d'une manière absolue la ques- tion, que pour l'absorption des boissons. Tandis que dans l'absorption chyleuse nous avions pu, par des faits directs, prouver que le système des vaisseaux cliylifères en est Fa- gent , et le. cliyle le jDroduit, ce n'est encore que d'après des preuves négatives et par voie d'exclusion , en quelque sorte , qu'on spécifie les organes de l'absorption interne; et, comme ces preuves négatives s'appliquent à plusieurs genrçs de vaisseaux, les vaisseaux lymphatiques et les veines^ i^ J 3 controverse parmi les physiologistes , pour savoir lesquels de ces deux genres de vaisseaux sont les agents de cette ab- sorption. Discutons ce point de doctrine important. Dans l'absorption chyleuse, on a toutes preuves que l'ap- pareil chylifère en est l'agent, et que le chyle en est le pro- 5$ FONCTION DES ABSORPTIONS, duit. D'abord , les matières des absorptions insolites ont été souvent retrouvées dans les vaisseaux cliylifères; et de ces cas où sans aucun doute ces vaisseaux ont effectué une ab- sorption , on a pn déduire qu'ils accojnplissaient de même l'absorption du eliyle. Ensuite^ il est dans cette absorption cbyleuse des pbénomènes antécédents et concomitants qui^ malgré que le chyme ne soit pas reconnu dans les vaisseaux cbylifères et dans le cbyle , ne permettent pas de mécon- naître que le cliyle dérive du chyme , et que l'appareil chy- lifère est l'agent de cette action d'absorption. Par exemple, il n'y a jamais de chyle de produit qu'autant qu'il y a du chyme dans l'intestin ; et comme la présence de ce chyme dans l'intestin est éventuelle, qu'elle peut être déterminée ou ajournée à volonté , et qu'on voit coïncidemment le chyle exister ou ne pas exister , on a par là un premier moyen de prouver que le chyle provient du chyme , et résulte de l'ac- tion absorbante élaboratrice qu'ont exercée sur celui-ci les radicules des vaisseaux cbylifères. De même, on observe des rapports entre la quantité et la qualité du chyle que contiennent les cbylifères, et la quantité et la qualité du chyme qui est dans l'intestin; et comme on peut à volonté influer sur l'état de celui-ci , il en résulte que voyant coïn- cidemment et dans les mêmes rapports se modifier celui-là, on a en cela une nouvelle preuve que l'un dérive de l'autre. Enfin . à mesure que le chyle se fait , on voit le chyme s'al- térer, se changer en fèces; et c'est là encore une nouvelle preuve à ajouter aux précédentes. Rien de tout cela ne se rencontre dans l'absorption in- terne. D'abord, les matériaux qu'elle recueille sont aussi transformés au moment de l'absorption , et ou ne peut plus les reconnaître dans les vaisseaux qui les ont saisis, quels que soient ces vaisseaux. On est donc aussi privé à son égard de ce fait , qui était le moyen le plus sûr d'en décou- vrir les agents et les produits. En second lieu, on a bien les absorptions insolites; mais comme celles-ci accusent à la fols deux systèmes vasculaires, les vaisseaux lymphatiques et les veines, on est au moins dans le doute sur lequel de ces deux systèmes effectue l'absorption interne. Enfî.n , il n'y DE l'aBSORPTIOPÎ INTEIllME. 5 9 a dans celle absoi-plion inlerne aucuns de ces faits anlé- cédenls et concomilants qui, dans l'absorption cbyleuse, constituaienl de véritables preuves direcles. D'une part, en effet, les matériaux de cette absorption interne sont tou- jours existants dans l'économie; on ne peut pas à volonté et les supprimer et les reproduire, comme on le pouvait du cbyme , et voir par suite se supprimer coïncidemment et reparaître les fluides qui en sont les produits ; de sorte qu'on est privé de ce premier moyen de reconnaître que ceux-ci dérivent de ceux-là. D'autre part, à mesure que les maté- riaux de l'absorption interne sont enlevés, les nutritions et les sécrétions les renouvellent; au lieu de se montrer d'au- tant plus altérés que l'absorption les a plus travaillés, comme il en est du cbyme dans l'absorption cbyleuse , ils paraissent être toujours les mêmes; et ou estencore privé de cet autre fait, qui montrerait dans quelle dépendance sont de ces matériaux les fluides qui sont présumés en être les produits. Il ne reste donc que l'analogie , des raisonnements indi- rects et le fait des absorptions insolites , qui puissent faire spécifier quels sont les agents de l'absorption interne. lo Comme c'est un système vasculaire , celui des cbylifères, qui a efîectué l'absorption alimentaire cbyleuse, l'analogie conduit à penser que c'est aussi un système vasculaire qui accomplit l'absorption interne. 20 Examinant alors quels sont parmi les diflerents vaisseaux du corps humain , ceux qui se montrent les plus propres à effectuer cette absorp- tion ^ on ne trouve que les vaisseaux lymphatiques et les veines. Ces deux systèmes vasculaires, en effet, commencent également par des orifices qui communiquent médiatement ou immédiatement avec les diverses surfaces où se font les absorptions internes; une matière injectée dans une veine ou dans un vaisseau lymphatique pénètre également dans le parenchyme des organes, et vient de même suinter a la surface des parties qui sont le siège des sécrétions recremen- titielles. Ce sont les seuls systènes vasculaires de notre éco- nomie qui soient des vaisseaux de rapport, de retour, qui soient étendus des parties où se font les absorptions au tor- 6o FONCTION DES ABSORPTIONS, rent circulatoire où tout doit aboutir. Les fluides qui circu- lent dans leur intérieur, savoir, la lymphe et le sang veineux, vont se mêler au chyle, et se changer avec lui en sang arté- riel par l'influence de la respiration ; et de cette communauté d'usage avec le chyle, on peut conclure qu'ils sont comme lui des fluides d'absorption. Ces systèmes vasculaires ont enfin l'un et l'autre une capacité bien supérieure à celle du sang artériel, et doivent, à cause de cela, être présumés rapporter autre chose que le reste de ce sang artériel , c'est-à-dire des produits d'absorptions. 3o Enfin, toutes les fois que des absorptions insolites ont eu lieu, et ont fait pénétrer dans l'économie des matières qui y ont conservé leur nature étrangère , c'est dans les vaisseaux lymphatiques et les veines qu'on a retrouvé ces matières étrangères. Or, si dans ce cas où l'absorption n'a pu être méconnue , puisqu'on a retrouvé en nature les substances sur lesquelles elle a agi , ce sont les veines et les vaisseaux lymphatiques qui en ont été les agents, n'est-ce pas une présomption pour que ce soient ces mêmes vaisseaux qui eflectuent les absorptions qui se font continuellement dans l'économie ? Ainsi, sur le fait des absorptions insolites seulement, et parce qu'on ne voit pas dans l'économie d'autres vaisseaux qui soient aptes à effectuer les absorptions internes, on in- dique déjà les vaisseaux lymphatiques et les veines comme étant les agents de ces absorptions. Dès lors la lymphe et le sang veineux doivent être considérés comme étant en tota- lité ou en partie des produits de ces absorptions, comme étant à ces absorptions ce qu'est le chyle à l'absorption ali- mentaire. Mais maintenant , lesquels des vaisseaux lympha- tiques ou des veines effectuent l'absorption interne ? sont-ce les veines seules ? ou les vaisseaux lymphatiques seuls ? ou ces deux ordres de vaisseaux à la fois? Dans l'antiquité , lors- qu'on n'avait aucune connaissance du système lymphatique, on regarda les veines comme les agents des absorptions. Lorsqu'ensui te on eut fai t la découverte du système lymph ati- que , et surtout qu'on eut acquis la certitude que l'appareil chylifère est l'agent de l'absorption digestive chyleuse , on ])résenta les vaisseaux lymphatiques comme les agents ex- DE l'absorption INTERNE. 6l clusifs de l'absorption, et on dépouilla les veines de cette importante fonction. Enfin ^ tandis que la plupart des phy- siologistes de notre temps se prononcent pour l'une ou l'autre de ces deux opinions, quelques-uns admettent à la fois l'ac- tion des veines et des vaisseaux lymphatiques pour l'absorp- tion interne. Et en effet, si ce n'est que sur des preuves négatives que l'on établit que les veines et les vaisseaux lymphatiques sont les agents des absorptions, et si ces preuves négatives s'appliquent également à ces deux genres de vaisseaux, est-il possible d'admettre l'une de ces absorptions à l'exclu- sion de l'autre ? et ne faut-il pas, si l'on admet l'une, ad- mettre l'autre, sil'on récuse l'une , récuser l'autre, enfin les adopter ou les récuser toutes deux? Or, d'une part , il est certain que les faits indirects d'après lesquels on a été con- duit à considérer les vaisseaux lymphatiques et les veines comme les agents des absorptions internes, s'appliquent également à ces deux ordres de vaisseaux; et, d'autre part, il est aisé de faire voir que tous les arguments présentés par les sectateurs exclusifs de l'absorption par les veines ou par les vaisseaux lymphatiques, ne sont bons qu'à prouver la réalité de l'absorption qu'ils adoptent , mais non à démon- trer la nullité de celle qu'ils récusent. Entrons ici dans le détail de l'un et de l'autre système. Les partisans de l'absorption exclusive par les vaisseaux lymphatiques invoquent les considérations suivantes : lo le système lymphatique a la plus grande analogie de texture avec le système chylifère ; il aboutit au même tronc central, le canal thoracique ; Fanalogie est telle que le système chy- lifère est considéré, non comme un système vasculaire à part , mais comme une division du système lymphatique. Or^ le système chylifère est évidemment un organe d'ab- sorption : quelle forte présomption pour que le système lymphatique en soit un aussi? Mais cet argument, excel- lent pour faire croire à l'absorption lymphatique, ne peut rien «ipntre l'absorption veineuse ; il ne détruit aucune des raisons (^i portent à admettre celle absorption veineuse. Bien plus, si les veines mésaraïques absorbent les boissons 62 FONCTION DES ABSORPTIONS, dans l'intestin, comme on est autorisé à le croire, il y a une égale analogie en faveur du système veineux. 2» Dans les expériences de Huntej^, les matières aui ont été soumises à l'action d'absorption n'ont jamais été trouvées dans les veines; et, au contraire, ces matières avaient constamment pénétré dans les vaisseaux lymphatiques. Mais que peuvent ces faits négatifs contre des faits nositifs bien avérés? Nous avons dit que de nombreux expérimentateurs ont trouvé les matières soumises à l'absorption de l'intestin dans les veines mésaraïques ; et nous citerons ci-après des expérien- ces de M. Magendie et autres physiologistes, où ces ma- tières ont également pénétré dans les veines des autres parties du corps. A la vérité, pour expliquer ces cas où les matières absorbées ont été trouvées dans les veines , les sec- tateurs de l'absorption exclusive par les vaisseaux lympha- tiques ont dit que ces vaisseaux n'aboutissaient ])as seule- ment dans le système veineux aux veines sous-clavières , mais qu'ils s'ouvraient dans les veines dès leur origine et dans tout le cours de leur trajet, et qu'ils y versaient con- séquemment , dès ce lieu, les produits de leur absorption. Il n'était pas étonnant dès lors, que les matières absorbées aient été retrouvées dans les veines. Par là, aussi , ils ont cru expliquer pourquoi le système veineux, quoique non chargé d'une action d'absorption , a une capacité supérieure à celle du système artériel; pourquoi cette capacité plus grande du système veineux se montre dès sa première origine, et non pas seulement au-delà des veines sous-clavières, comme cela devrait être, si les lymphatiques étaient les agents uniques des absorptions; pourquoi les troncs cen- traux du système lymphatique peuvent être aussi petits, comparativement à la quantité de matières qui sont recueil- lies par l'absorption interne; enfin , comment ces matières peuvent encore être versées dans le sang , lorsqu'il y a di- gestion , que conséquemment le canal thoracique est en en- tier rempli par le chyle, et suffit à peine à l'alïlux de ce fluide. Telles étaient , en efîet , diverses objections faiites par les partisans de l'absorption veineuse. Nous citerons ci - après les nombreux auteurs, Fieussens, Blizard , Meckel, DE l'absorption IIN TERNE. 63 MM. RiheSy Alard, Lippi, etc., qui, sur ]a foi d'injections cadavériques, dans lesquelles la matière injectée a passé des lymphatiques dans les veines, ont admis des communica- tions multipliées entre ces deux ordres de vaisseaux. Mais, de leur côté, les partisans de l'absorption veineuse ne lais- sent aucune de ces raisons sans répotîse. Il faut bien se garder, disent-ils, de tirer des conclusions absolues des in- jections cadavériques; les fluides sont bien loin de suivre pendant la vie le cours qu'annoncent ces injections; et ce qui le prouve j c'est qu'elles annoncent la communication de tous les genres de vaisseaux, quels qu'ils soient, artères, veines, lymphatiques, sécréteurs, etc. Beaucoup de consi- dérations, ajouten t-ils , combattent l'idée de cette communi- cation des systèmes lymphatique et veineux à leur origine, ou au moins veulent qu'on la réduise à peu de chose. Pour- quoi, dès lors, en effet, l'abouchement par deux tïoncs du système lymphatique dans le système veineux? S'il est vrai que la lymphe, produit de l'absorption lymphatique, aille en s'animalisant graduellement dans son cours , comme cela est très probable; s'il est vrai que le choix des veines sous- clavières, pour l'arrivée de la lymphe dans le sang , ne soit pas sans importance pour l'ordre de la circulation, peut-on admettre cette communication des vaisseaux lymphatiques avec les veines dès leur origne première ? et si elle est réelle, et si par conséquent les lymphatiques versent dès ce lieu dans les veines les produits de leur absorption , n'est-il pas probable que ce n'est qu'en trop petite quantité , pour faire concevoir, sansle secours d'une absorption directe par les vei- nes, la très grande capacité qu'offrent aussitôt cesvaisseaux ? Les raisons que présentent de leur côté les sectateurs de l'absorption exclusive par les veines, ne sont pas plus abso- lues, lo Des recherches anatomiques délicates, faites d'a- bord par MeckeL^ puis par M. Ribes , semblent prouver que les veines ont aux diverses surfaces, et dans l'intimité "^des parenchymes, des communications plus libres que les vais- seaux lymphatiques. Par exemple, des injections poussées dans les veines de la partie inférieure de la cuisse , ont pé- nétré jusque dans la peau et le tissu cellulaire , t-i beaucoup 64 FONCTION DES ABSORPTIONS. plus loin que celles poussées par les artères; une injection poussée clans la veine caye a pénétré jusque dans le tissu spongieux du corps des vertèbres. Mais, d'abord il est pos- sible que ces anatomistes aient dû les résultats qu'ils ont obtenus , a l'état de putréfaction commençante dans lequel étaient les cadavres sur lesquels ils ont opéré. Ensuite, si les veines ont, plus évidemment encore que les lymphati- ques, leurs radicules ouverts aux diverses surfaces, cette disposition n'en est pas moins celle qui est propre aux vais- seaux lymphatiques : Flandrln , en injectant les vaisseaux lymphatiques du diaphragme , a vu la matière de l'injection suinter à la face abdominale de ce muscle. 20 Les secta- teurs de l'absorption veineuse ont argué de la petitesse des troncs aboutissants du système lymphatique, compara- tivement à la quantité des matières qui sont recueillies par les absorptions internes : ils ont demandé ce que deve- nait le produit des absorptions internes, quand le canal tho- racique est en entier rempli par Tafflux du chyle , et suffit à peine à cet afflux. Ils ont fait observer que le sang vei- neux ne devrait commencer à prédominer sur le sang arté- riel , qu'à partir des veines sous-clavières. Mais toutes ces raisons, qui sont bonnes pour appuyer l'idée d'une absorp- tion veineuse, sont impuissantes lorsqu'elles tendent à faire rejeter tout-à-fait l'absorption lymphatique. Elles ne prou- vent même rien pour l'absorption veineuse , s'il est vrai que les lymphatiques aboutissent dans les veines dès leur origine première et dans le cours de leur trajet. 3» Enfin, opposant expérience à expérience, on a invoqué des cas d'ab- sorptions insolites, dans lesquelles les matières n'ont été re- trouvées que dans les veines, et jamais dans les vaisseaux lymphatiques. Par exemple, M. Magendie dit que, dans plus de cent cas où il a injecté des matières odorantes ou colorantes dans les plèvres , sur des surfaces muqueuses , séreuses, et dans des parenchymes , il n'a jamais vu ces ma- tières pénétrer dans les lymphatiques, et, qu'au contraire, il les a toujours retrouvées dans les veines, ou au moins dans le sang et les excrétions. Mais, ainsi que nous l'ayons dit aux partisans de Huntej^, que peuvent ces faits négatifs DE l'absorption itnterne. 65 contre les faits positifs qui leur sont opposés ? Hunter injecte une eau colorée d'indigo à la surface du péritoine , et voit, par suite , les lymphatiques de l'aixlomen se colorer en bleu. Flandrin répète avec succès cette même expérience. Mas- cagni trouve, en des animaux qui étaient morts d'hémor- rliagies pulmonaires et abdominales ,les vaisseaux lympha- tiques du poumon et du péritoine pleins de sang; ce même physiologiste assure avoir trouvé souvent dans les vaisseaux lymphatiques le fluide des hydropisies ; il a observé sur lui-même le gonflement des ganglions de l'aine , consécuti- vement à un bain de pied. M. Desgenettes dit avoir vu les lymphatiques du foie contenir une lymphe amère, et ceux du rein une lymphe urineuse. Sœmmering a trouvé de la bile dans les vaisseaux lymphatiques du foie, et du lait dans ceux des aisselles. M. Dupujtren a vu, chez une femme qui avait une énorme tumeur suppurante à la partie interne de la cuisse, les vaisseaux lymphatiques cutanés qui avoisi- naient la tumeur, et les ganglions de l'aine, pleins d'un liquide qui avait l'opacité, la couleur blanche, la consis- tance du pus. Enfin, l'auteur anonyme d'un mémoire en- voyé à l'Académie royale de médecine , pour le concours du prix qu'avait proposé cette compagnie, sur l'absorption, rapporte les deux expériences suivantes : Sur un animal à jeun, l'abdomen est ouvert, l'intestin mis à nu, une liga- ture appliquée à la partie inférieure de l'iléon , une matière colorante ( ou gomme-lacque, ou teinture de safran ) in- jectée dans la partie de l'intestin supérieure à la ligature; et au bout d'une heure et demie , cette matière est retrou- vée daes le canal thoracique : la même matière colorante est, sur un autre animal , injectée dans la cavité du péri- toine, et on la retrouve dans les vaisseaux lymphatiques du mésentère et des intestins , et dans le canal thoracique , aussi-bien que dans les veines mésaraïques. Encore une fois , que peuvent des faits négatifs contre tant de faits positifs? M. Magendîe a répété, pour prouver Tabsorption veineuse en général , l'expérience de l'anse intestinale qu'il avait imaginée pour prouver l'absorption par les veines mésaraï- ques, et dont nous avons parlé plus haut ; il a coupé la Tome 111. 5 66 ^ FONCTIOIN DES ABSORPTIONS, cuisse à un cliien vivant , de manière à ce que ce membre ne tienne plus au corps que par l'artère et la veine crurale; il a ensuite inséré de l'upas tieuté dans la patte de l'animal , et a vu les effets du poison se manifester au boul de quatre minutes. Bien plus, coupant l'artère et la veine crurale elles-mêmes, et les remplaçant par des tuyaux de plume disposés de manière à pouvoir transmettre le sang, l'expé- rience a eu les mêmes résultats : il était si certain qu'ici c'était le sang veineux qui transportait le poison , qu'en pressant ou non avec le doigt la veine crurale , on suspen- dait ou laissait se développer les effets délétères. Mais cette intéressante expérience, excellente pour prouver la réalité de l'absorption veineuse , ne prouve rien contre l'absorption lymphatique; il eut fallu la faire dans un ordre inverse comme contre-épreuve , c'est-à-dire placer le poison dans une partie qui n'eut conservé de communication avec le reste du corps , que par l'intermédiaire d'un vaisseau lym- phatique. Cette expérience prouve même moins pour l'ab- sorption veineuse que celle de l'anse intestinale, parce qu'ici on a introduit le poison en piquant la patte de l'animal avec un instrument qui en était imprégné , et que , dès lors , on a empoisonné directement le sang veineux. D'ailleurs, que prouvera- t-elie si les lymphatiques s'ouvrent dès leur origine, et, cliemin faisant, dans les veines.^ En somme , puisque tout est égal entre ces deux systèmes vasculaires, veines et vaisseaux lymphatiques, à l'égard de l'absorption interne, et que ce qu'on peut dire de l'une de ces deux absorptions peut se dire certainement de l'autre , on est forcé de les admettre toutes deux. Ainsi , de même que l'appareil chylifère est l'agent de l'absorption chyleuse , et le chyle son produit , les systèmes lymphatique et veineux sont les agents de l'absorption interne^, et les fluides lymphe et sang veineux en sont, pour une partie au moins, les produits. Cependant, faisons remarquer qu'il y a doute si ces veines et vaisseaux lymphatiques effectuent immmédiatement les absorptions, ou si ce ne seraient pas des vaisseaux plus dé- liés encore, capillaires, d/un autre ordre, qui ne feraient t)E L ABSORPTION INTERNE. 67 qu'aboutir à eux. D'une part, à juger par les cliylifères , on peut croire que les lymphatiques et les veines ont des ra- dicules libres aux surfaces : cela semble nécessaire pour les absorptions des sucs sécrétés; et la facilité avec laquelle les injections poussées dans les veines arrosent les surfaces et pénètrent les parencbymes y porte aussi à le penser. Alors la difficulté qui a existé sur la disposition des vaisseaux cliy- lifères à leur origine , se représente ici : selon les uns , ce sont les radicules mêmes des lymphatiques et des veines qui exécutent l'absorption; selon d'autres, ces radicules ont à leurs extrémités un tissu spongieux, une sorte de substance gélatineuse qui effectue l'absorption , et qui , en se conti- nuant avec les parois des veines et des vaisseaux lymphati- ques , en conduit le produit dans l'intérieur de ces vaisseaux» Ainsi le mécanisme de l'absorption se rapprocherait de ce qu'il est dans les derniers animaux , où cette fonction est accomplie sans l'intervention d'aucuns vaisseaux, et par la substance même du corps. Il est certainement possible qu'aux dernières extrémités des systèmes vasculaires des animaux compliqués, se trouve ce tissu vivant par excellence, qui compose à lui seul les animaux les plus simples, et exécute toutes leurs fonctions , l'absorption en particulier. D'autre part , ce n'est que parce qu'on retrouve dans les veines et les vaisseaux lymphatiques les matières absorbées, et parce que ces vaisseaux sont les seuls systèmes vasculaires de retour de notre économie , qu'on les a dits les agents des absorptions. Mais il pourrait bien se faire qu'il y eût au-delà d'eux d'au- tres vaisseaux , plus fins encore , qui exécutassent l'absorp- tion , et en rapportassent les produits dans leur intérieur. Ce sont des vaisseaux autres que ceux qui forment le système afférent, c'est-à-dire le système artériel, qui effectuent les nutritions , la composition : pourquoi ne pas concevoir de même certains vaisseaux, effectuant spécialement la décom- position , et en rapportant seulement les produits dans les systèmes vasculaires efférents, c'est-à-dire les systèmes vas- culaires lymphatique et veineux ? Il faut certainement sé- parer les vaisseaux du corps en deux ordres: i^les vaisseaux de conduite , de transport , les gros vaisseaux , et ceux-là 5. 68 FONCTION DES ABSOKPTIONS. sont, OU afférents comme les artères, ou efférents comme les vaisseaux lymphatiques et les veines; 2^ les vaisseaux dits capillaires , qui puisent dans les premiers, et fournis- sent aux seconds. Les premiers ne remplissent, en quelque sorte , qu'un usage mécanique , en apportant et exportant les fluides nutritifs ; les seconds , au contraire , exécutent les nutritions, les calorisations, les sécrétions, les absorp- tions. Sans doute, il y a continuité entre ces deux ordres de vaisseaux, puisque ce sont dans les premiers que les seconds puisent, et aux premiers qu'ils fournissent; mais, à juger par les actions des uns et des autres , ils ne sont pas les mêmes. Or, quelle est la disposition de ces vaisseaux dits capillaires? elle est ignorée ; il faudrait , pour la connaître, pénétrer la texture intime des parties , et on ne peut y par- venir, comme nous le dirons. Notre ignorance sur ces systè- mes capillaires doit donc en amener une semblable sur les agents réels des absorptions internes qui se font en eux. Toutefois, sans recberclier davantage si c'est immédiatement ou médiatement qu'absorbent les veines et les vaisseaux lymphatiques, ce sont ces deux ordres de vaisseaux qu'on considère comme les agents de l'absorption interne, et il faut dès lors traiter successivement de l'absorption lympha- tique et de l'absorption veineuse. § P"", De t Absorption lymphatique. Il faut commencer par faire l'étude anatomique du sys- tème vasculaîre qui l'effectue , puis nous en ferons l'histoire physiologique. 1° Système vasculaire lymphatique. On appelle ainsi tout l'ensemble des parties qui , dans le corps de l'homme et des animaux vertébrés, servent à la formation et à la circulation du fluide appelé lymphe. Il se présente chez l'homme, sous l'apparence de vaisseaux très nombreux; qui d'un c6té , prennent leur origine aux di- verses surfaces internes et externes du corps, dans Finti- DE l'appakeil lymphatique. 69 mité de toutes les parties; qui de l'autre, aboutissent par deux troncs communs dans le système veineux , tout près du lieu où ce système veineux s'abouche lui-même dans le cœur ; et qui traversent, dans l'intervalle, un nombre considéra- ble de ces organes de mixtion , d'élaboration des fluides, ap- pelés ganglions. Il a donc beaucoup de ressemblance avecle système cbylifère, et il faut de même étudier en lui les vak seaux et les ganglions. 10 Les vaisseaux lymphatiques sont des vaisseaux mem- braneux, minces, pellucides, généralement assez grêles, qui, ainsi que nous le disions tout à l'heure, d'un côté, ont leur origine à toutes les surfaces internes et externes du corps, dans la profondeur de toutes les parties; qui, de l'autre côté , s'abouchent par deux troncs centraux dans le système veineux , dans les veines sous-clavières , près du lieu où ce système veineux s'abouche dans le cœur; et qui, re- cueillant ou recevant à leur origine dans les parties les divers matériaux de l'absorption interne , fabriquent avec eux la lymphe, en partie au moins, et conduisent cette lymphe dans le sang veineux. A leur origine dans l'intimité de toutes les parties, la capillarité des vaisseaux lymphatiques est telle, que leur disposition ne peut être connue ; perdus dans la substance des organes dont ils constituent un des éléments, ils ne peuvent être distingués des autres vaisseaux. Les premiers anatomistes qui les découvrirent croyaient qu'ils faisaient suite aux dernières ramifications des artères. Ils s'appuyaient sur ce qu'une injection poussée dans une artère s'engage dans les lymphatiques. Ils les disaient destinés à rapporter au cœur la partie séi*euse du sang, tandis que les veines y rapportaient la partie rouge de ce liquide. Lorsqu'ensuite on eut établi , d'après l'analogie de ce système avec le chyli- fère, et d'après les autres arguments indiqués plus haut, qu'il était un agent de l'absorption interne, on pensa que ces vaisseaux à leur origine étaient ouverts et béants sur toutes les surfaces et dans la profondeur de toutes les par- ties. En effet, des matières déposées sur quelques-unes des surfaces du corps, et dans le tissu des parties, se retrou- 70 FOINCTION DES ABSORPTIONS, vaient dans l'intérieur des vaisseaux lymphatiques ; et une substance injectée dans l'intérieur de ces vaisseaux venait sourdre à la surface des diverses membranes, et dans le pa- rencliyme des divers organes. Alors on eut recours au mi- croscope pour saisir la disposition de leurs orifices. Liebei^kun, dit qu'ils étaient au sommet d'une petite ampoule ou vési- cule , qui , tapissée intérieurement d'une membrane cellur- laire , et pénétrée par une artère et une veine , présentait dans son intérieur une cavité pleine d'un tissu spongieux. Hewson prétendit que ces orifices étaient de simples trous , apercevables sur les réseaux que forment ces vaisseaux à leur origine. D'autres parlèrent de pores organiques , de villosi- tcs , etc. On retrouve ici l'une ou l'autre des trois opinions admises à l'égard de l'origine des cliylifères : ou les vaisseaux communiquent immédiatement par des orifices libres avec les diverses surfaces et dans les parenchymes , ou il existe à leurs extrémités et dans leur pourtour un tissu gélatineux qui est celui qui eiTectue immédiatement l'absorption , ou bien enfin il existe au-delà d'eux un autre ordre de vaisseaux plus déliés, étant à la décomposition ce que les exhalants nutritifs sont à la composition , effectuant dès lors l'absorp- tion, et ne faisant qu'en apporter les produits au système lymphatique , qui ne serait qu'un système vasculaire géné- ral eiférent. Tout cela ne peut être que conjectural, puisqu'on ignore la disposition des systèmes capillaires, et que c'est dans ces systèmes capillaires qu'est l'origine des vaisseaux lymphatiques. On voit bien que dans ces systèmes capillaires il y a communication facile entre les diverses espèces devais- seaux qui les forment, entre les artères et les veines , les ar- tères et les lymphatiques, les veines et les lymphatiques même ; des injections passent facilement de l'un de ces vais- seaux dans les autres. Mais, si ces injections prouvent qu'il y a communication , elles n'en font pas connaître le mode : est-ce par continuité de vaisseaux, ou par un tissu intermé- diaire ? cela est ignoré. Quelle que soit cette origine^ ces vaisseaux lymphatiques, devenus un peu gros, se séparent du tissu des organes dans lequel ils étaient comme perdus, et commencent à être vir DE l'appakeil lymphatique. 71 sibles. AJors on les voit manifestement se diriger vers les deux troncs communs de tout le système , sous forme de ca- naux cylindriques, transparents, membraneux, toujours assez grêles, et qui s'anastomosent mille fois entre eux dans leur trajet. Ils sont très nombreux^ plus cependant en cer- taines parties que dans d'autres; par exemple , dans toutes celles qui sont le siège de quelques sécrétions récrémenli- tielles : ils constituent aussi en grande partie le tissu des surfaces et des membranes blancbes. On en trouve dans presque toutes les parties du corps : les anatomistes disent n'en avoir pas trouvé encore au cerveau, à la moelle épi- nière, à l'œil, à l'oreille interne , etc ; mais il est probable que cela tient à l'imperfection des moyens anatomiques; car on ne voit pas pourquoi ces parties n'auraient pas, comme toutes les autres, des vaisseaux lymphatiques. Dans le long trajet qu'ils parcourent, ils vont en s'ou- vrant sans cesse les uns dans les autres , de manière à former un seul et même système. Cependant, malgré cet aboucbe- ment successif des uns dans les autres, ils restent toujours grêles , et c'est une des différences qui distinguent le sys- tème lymphatique du système veineux. Ils marchent sur deux plans , Fun superficiel , qui rampe sous la peau ou sous la membrane qui enveloppe l'organe, et qui accompa- gne les veines superficielles et sous-cutanées; VdiUtre profond, qui est situé plus profondément dans les interstices des muscles , ou dans le tissu même des parties , et qui accom- pagne les artères. Des anastomoses existent entre ces deux plans. Cette disposition ne se remarque pas seulement dans les membres; elle a lieu dans chaque viscère, et dans le tronc lui-même, où l'on voit le plan superficiel des vaisseaux lymphatiques au-dessous de la peau, et le plan profond entre les chairs et la membrane séreuse qui tapisse les ca- vités splanchniques. Dans ce trajet aussi , ces vaisseaux sou- vent se réunissent en faisceaux, s'enlacent par des replis multipliés, et forment des plexus inextricables. Ils sont placés généralement à la face interne des membres, ou dans les vides que laissent entre eux les organes , accompagnant les artères, les enlaçant de leurs plexus, et traversant d'es- 72 FONCTION DES ABSORPTIONS. pace en espace les ganglions qui constituent l'autre partie du système lymphatique. Tous aboutissent enfin à deux troncs, qui sont les centres de tout le système , et qui s'ouvrent eux-mêmes dans le sys- tème veineux : l'un situé à gauche, a^ipe]écaj2al ihoracigiie; I autre, situé à droite, appelé le gi^and vaisseau lymphati- que droit. Le premier est ainsi nommé à cause de sa situation dans le thorax, qu'il traverse dans toute sa hauteur per- pendiculaire : il commence à ce même réservoir de Pecquet que nous avons décrit à Tarticle de Tappareil chyîifère. Il est formé là par trois gros vaisseaux, dont l'un est l'abou- tissant de tous les lymphatiques de l'intestin, de tous ceux qui ont recueilli dans cet intestin le chyle, produit de la digestion, et dont chacun des deux autres est fornié par la reunion de tous les lymphatiques de la moitié inférieure du corps. De là, ce canal thoracique monte le long du corps des vertèbres , en faisant quelques flexuosités ; arrivé à la hauteur du diaphragme, il s'engage dans une ouverture dont est percé ce muscle , parvient dans le thorax , le traverse dans toute sa hauteur, et s'élève jusqu'à la face antérieure du col, à un pouce à peu près au-dessus de sa destination. II se replie alors en arcade, et vient s'ouvrir dans la por- tion sous-clavière de la veine brachiale gauche. Une val- vule existe au lieu de cet abouchement, et est disposée de manière à permettre la chute de la lymphe dans le sang, et à prévenir, au contraire, le reflux du sang dans le canal thoracique. Dans ce trajet, ce canal a de 16 à 18 pouces de longueur; plus large en bas, se rétrécissant dans son milieu, et s'élargissant de nouveau à la partie supérieure, son calibre est de deux à trois lignes. Souvent, dans sa longueur, il se partage en plusieurs troncs, qui cependant se réunis- sent de nouveau en un seul avant d'arriver à la veine, le plus souvent au moins; d'autres fois, il est double. Il im- porte de connaître ces variations dans sa structure, afin de s'expliquer la diversité des résultats qu'ont obtenus ceux qui, dans des expériences physiologiques sur les animaux vivants, en ont fait la ligature. Ce tronc reçoit tous les vais- seaux lymphatiques de la moitié inférieure du corps, plus hv. l'ai^pakeil lymphatique. 73 une grande partie cle ceux du thorax, et tous ceux de la moitié gauche de la partie supérieure du corps; c'est à lui aussi qu'aboutit le chyle qui provient de la digestion. L'autre tronc lymphatique est étendu obliquement à droite sur Tapophyse transverse de la dernière vertèbre cer- vicale , et s'ouvre dans la portion sous-clavière de la veine brachiale du côté droit. Une valvule existe aussi au lieu de cette insertion, et est disposée de manière à remplir le même usage. Ce tronc, long d'un quart de pouce à peu près, est aussi gros que le canal thoracique, et reçoit les lympha- tiques du côté droit du thorax et des parties supérieures du corps. Plusieurs autres petits vaisseaux lymphatiques, mais dont l'existence n'est pas constante, s'abouchent dans la veine cave supérieure, au voisinage de ces deux troncs. Ces deux troncs sont, pour le système lymphatique, ce que sont les veines caves pour le système veineux. Ce n'est pas cependant que le système lymphatique soit dans son en- semble comme le système veineux. Les veines marchent des jDartics au cœur , en devenant de moins en moins nombreuses, et de plus en plus grosses, et en affectant dans leur ensemble la forme d'un arbre : les lymphatiques , au contraire, par- courent de longs trajets en restant toujours grêles , et, for- mant sans cesse des divisions et des anastomoses très multi- pliées , ils simulent plutôt des réseaux qu'Us n'ont la forme d'un arbre. Les lymphatiques sont^ dit-on, plus nombreux que les veines; on dit qu'il y a quatorze lymphatiques su- perficiels pour une veine; d'où l'on établit que la capacité du système lymphatique est supérieure à celle du système vei- neux. Mais, d'abord, il est impossible de préciser la capa- cité de chacun de ces systèmes ; ensuite , on ne peut pas plus spécifier la différence qu'il y a sous ce rapport entre l'un et l'autre ; enfin , si l'on remarque la petitesse des lym- phatiques, peut-être soupçonnera- t-on que le surplus de capacité qu'on accorde à ce système est moindre qu on ne l'a dit. Une importante question est celle de savoir si les vaisseaux lymphatiques n'ont pas, dans le système veineux, d'autre 74 FONCTION DES ABSORPTIONS, abouchement que par les deux troncs que nous venons de décrire; ou si, au contraire, ces vaisseaux, chemin faisant , et dès leur origine, s'ouvrent dans les veines qui les avoi- sinent. Nous avons annoncé que beaucoup de sectateurs de l'absorption exclusive par les lymphatiques, afin de pouvoir expliquer pourquoi les matières absorbées se retrouvent dans les veines , avaient émis cette dernière opinion ; et , en effet, beaucoup d'anatomistes anciens et modernes la professent. Vieussens, par exemple, dit avoir reconnu, à l'aide d'in- jections , que des vaisseaux lymphatiques naissent des pa- rois des dernières artérioles et vont aboutir aux parois des dernières veinules. Blizard assure avoir vu deux fois une terminaison directe de lymphatiques dans les veines iliaques. M. RibeSj en injectant les veines sus-hépatiques , a vu la "matière de l'injection pénétrer dans les vaisseaux lympha- tiques superficiels du foie. M. Alard, qui, dans l'ouvrage que nous avons cité plus haut, nie l'absorption veineuse, fait de la communication des systèmes lymphatique et veineux à leur origine la base de toute sa théorie. En 1820, un anatomiste de Heidelberg, M. Folimam, a avancé que les vaisseaux lymphatiques communiquaient directement avec les veines , non-seulement dans leurs premiers plexus, dans leurs plexus capillaires, mais encore dans l'intérieur des ganglions lymphatiques. Il a été suivi en cela par M. Lauth de Strasbourg, qui était allé en Allemagne ap- prendre de M. Folimam son procédé d'injection, et qui a annoncé les mêmes faits dans sa dissertation à l'école de Strasbourg en 1824 : par cette disposition anatomique, M. Lauth explique comment une injection poussée dans les artères arrive dans les lymphatiques , sans s'être épanchée dans le tissu cellulaire ; l'injection a passé des artères aux veines, et de celles-ci par voie rétrograde aux lymphatiques. Béclard pensait que cette communication existait au moins dans l'intérieur des ganglions, et il appuyait son opinion sur ce que dans les oiseaux , où les ganglions manquent et sont remplacés par des plexus, on voit distinctement dans ces plexus les vaisseaux lymphatiques s'ouvrir dans les vei- nes. Enfin, en 1826 , M. Lippi de Florence a publié sur l'a- t)E l'appakeil lymphatique. 7^ nàtomie des vaisseaux cbylifères eL lymphatiques, un ira- "Vail dans lequel celle communication est encore plus complètement annoncée; il ne s'agit plus en eiïet d'anasto- moses rares, à l'aide de vaisseaux capillaires, et cachées dans l'intérieur des ganglions , mais de communications établies par le moyen de gros vaisseaux. Selon M. Lippi , il existe les communications les plus nombreuses entre les vaisseaux lymphatiques de l'abdomen et la veine-cave inférieure et toutes ses branches, veines lombaires, spermatiques, sacrée- moyenne, veine azygos, etc.; ces communications sont à tel point multipliées, que toute veine reçoit un vaisseau lym- phatique, et que la somme de tous ces vaisseaux lymphati- ques formerait plusieurs canaux thoraciques. Au niveau des deuxième e^ troisième vertèbres lombaires , ces vaisseaux lymphatiques se partagent manifestement en deux ordres, les uns ascendants, qui vont aboutir au canal ihoracique, les autres descendants, qui vont s'ouvrir dans les veines rénales et dans les bassinets des reins. Nous avons déjà dit que M. Lippi admettait sur tous ces points des disposi- tions semblables dans les vaisseaux chylifères, et qu'il s'en était servi pour expliquer la promptitude avec laquelle les boissons sont évacuées par l'urine. Sectateur de l'absorption exclusive par les lymphatiques, cet anatomiste trouve dans ces communications nombreuses des vaisseaux lymphatiques et des veines le moyen d'expliquer tous les faits qu'opposent les partisans de l'absorption veineuse , savoir, la présence des matières absorbées dans le sang des veines et dans l'urine ; le prompt écoulement des boissons par la voie de cette sé- crétion; la grande capacité de la veine-porte, dans laquelle les matières absorbées, quoique non saisies immédiatement parles radicules veineux, n'en arrivent pas moins; enfin, la possibilité que ces matières absorbées arrivent dans le sang, malgré un état d'obstruction des ganglions lymphati- ques , et maigre la ligature du canal thoracique. Sans doute, puisque le système lymphatique s'abouche de toute évi- dence dans le système veineux aux deux troncs centraux connus depuis si long- temps , on ne peut rien trouver d'é- tonnant à ce qu'il s'y abouche également en d'autres en- 76 FONCTION DES ABSORPTIONS, droits, car, physiologiquement , le résultat est le même. Mais cette communication est-elle aussi considérable que le dit M. Lippi? les recherches qu'on a faites depuis la publi- cation du travail de cet anatomiste n'ont pas confirmé les faits qu'il avait annoncés ; M. Rossl a soutenu que les vais- seaux que M. Lippi avait pris pour des lymphatiques n'é- taient au contraire que des veines; la question reste encore en litige parmi les anatomistes , et l'on n'admet générale- ment de communication entre les deux systèmes qu'à leurs origines dans les systèmes capillaires et dans les ganglions. Quant à la texture des vaisseaux lymphatiques , tous sont formés de trois membranes superposées l'une à l'autre, et unies par du tissu cellulaire, lo L'extérieure n'est guère qu'un tissu cellulaire condensé qui les unit aux parties voi- sines. 20 La suivante est la principale , et celle à laquelle le vaisseau doit sa solidité : quelques-uns , mais à tort , avaient voulu faire croire qu'elle était musculeuse; par exemple, Scheldon, qui disait avoir vu des fibres musculeuses dans le canal thoracique du cheval ; Schneider, qui en avait vu dans celui de l'homme; Cruiskank^ parce qu'il avait vu ces vaisseaux manifester de l'irritabilité sous l'influence d'irri- tants chimiques, de l'huile de vitriol , par exemple. 3° L'in- térieure, au contraire, est mince, délicate, transparente, et se déchire au moindre contact : continue à celle qui ta- pisse l'intérieur des veines ^ elle en diifère un peu, car elle est sujette à un encroûtement plâtreux que l'autre ne présente jamais. On a dit qu'elle était, ainsi que Ja mem- brane interne de tout autre vaisseau, le siège d'une exha- lation dont le produit servait à la défendre du contact de la lymphe; mais probablement on s'en est laissé imposer par quelque transsudation cadavérique; du moins, un vaisseau lymphatique s'oblitère en entier quand la lymphe cesse d'y circuler. Elle forme, d'espaces en espaces, dans l'intérieur des vaisseaux , des valvules , c'est-à-dire des replis dont les bords libres sont dirigés du côté des troncs centraux , et qui servent à prévenir le reflux de la lymphe. Ces valvules y sont plus nombreuses encore qu'aux veines, disposées de même par paires, et placées surtout aux points où les lymphati- DE l'appaueil lymphatique. 7 7 ques se réunissent : c'est à cause d'elles que les lymphati- ques qu'on a injectés paraissent coupés ])ar des nodosités. Ajoutons que ces trois membranes qui composent les lym- pLaliques reçoivent en outre les éléments sans lesquels au- cun organe, quel qu'il soit, ne peut vivre, des arlérioles, des veinules, etc. Les vaisseaux lymphatiques doivent àcettetexlure assez de solidité, une solidité qui même est supérieure à celle d'une artère d'un volume égal , car ils supportent le poids d'une colonne de mercure plus forte. Ils son t aussi susceptibles d'une certaine distension, comme le prouvent les injections, ou la ligature du canal thoracique. Ils sont de même contractiles, et rien de plus variable que le volume des lymphatiques et la quantité de lymphe qui y circule. En général ces vaisseaux ont une vitalité plus exaltée que celle des veines. 20 Ganglions lymphatiques. Ce sont des organes généra- lement arrondis , d'un volume qui varie depuis un dixième de ligne jusqu'à la grosseur d'une noisette, et qui, placés çà et là sur le trajet des vaisseaux lymphatiques, reçoivent d'un côté un certain nombre de ces vaisseaux , et de l'autre côté donnent naissance à d'autres qui continuent le sys- tème. Appelés ]di(\.\s glandes conglobées, mot fort impropre, ils abondent surtout au niveau des articulations , dans tous les lieux où le système cellulaire prédomine ; et ils sont d'autant plus nombreux qu'on approche plus des troncs qui sont les centres du système. Leur nombre peut être de six à sept cents , et ils sont spécialement nommés d'après leur situation. Ainsi, en commençant par le membre infé- rieur , on en signale trois ou quatre dans le creux du jarret, les poplités; puis, huit à douze dans le pli de Taine, les inguinaux : recherchant ensuite ceux de l'abdomen, on trouve successivement huit à dix ganglions iliaques, dix ^diVi^Wo as prélomh aires , cent inésentéîiques ^ soixante TTïé^o- coliques y et un grand nombre avoisinant chaque principal viscère de l'abdomen , et nommés d'après cela sous-hépati- ques , spléniques 3 pancréatiques ^ pelviens. Le membre su- périeur en présente de même quatre à cinq auprès du coude, les kuméro-cubitales f et six à huit dans le creux de l'ais- 78 rONCTIOlN^ DES ABSORPTIONS, selle, les axillaires. A la tête et au col sont deux ou trois mastoïdiens i des sous-zigomatiques , des maxillaires, des sublinguaux , beaucoup de trachéliens ^ des susscapulaires , des sous-claviers , etc. Enfin dans le tliorax, où sont situés les deux troncs aboutissants du système , on signale des ganglions pré dors aux , des inier-costaux , un entre cbaque côté; des diaphj^agmatiques , des médiastins , des sous -ster^ naux , et enfin ceux qui , avoisinant les viscères intérieurs du tliorax, en ont tiré leur nom, les bronchiques , pulmo- naires, cardiaques , etc. Nous nous bornerons à cette énu- mération générale des ganglions lymphatiques, parce qu'il doit nous suffire de dire que , recevant d'un côté et four- nissant de l'autre des vaisseaux lymphatiques , ils font réellement de tous un système continu. Il est certain, en effet , que ces ganglions s'envoient réciproquement des vais- seaux de communication. Ils sont souvent si petits qu'on ne les voit pas, et c'est la maladie qui, en les grossissant, les fait apparaître. Il en est aux deux plans que présentent dans leur marche les lymphatiques; et généralement ils ne sont jamais isolés , mais toujours réunis au nombre de plusieurs et disposés en groupes. Leur texture , objet de recherches très importantes , puis- que par elle on peut pénétrer le rôle qu^ils jouent dans la généralité du système , est encore un sujet de controverse pour les anatomistes. Si l'on en croit Haller, Albinus , ces ganglions sont formés par les circonvolutions des vaisseaux lymphatiques qui se sont roulés sur eux-mêmes pour les for- mer. Malpighi , Moj^gagni , Criiiskank , pensent, au con- traire, qu'ils sont des amas de cellules, recevant d'un côté des vaisseaux lymphatiques qu'on appelle afférents, donnant naissance de l'autre côté à d'autres vaisseaux lymphatiques appelés efférents , et dans l'intérieur desquelles s'exhale un suc destiné à se mêler à la lymphe et à l'élaborer. Les vais- seaux efférents sont plus gros et moins nombreux que les afférents. Telle est, en effet, la disposition du thymus et d'autres organes , que nous allons dire être rapportés par M. Ckaussier , aux ganglions lymphatiques. Les partisans de cette dernière opinion s'appuient sur ce qu'eu examinant DE l'appareil lymphatique. 79 ]es glandes lymphatiques, après les avoir injectées, on voit distinctement en elles de petites dilatations. Cruiskank par- ticulièrement, assure avoir vu nettement dans le cheval et dans l'âne, que dans ces dilatations aboutissaient et com- mençaient des vaisseaux lymphatiques , dans lesquels il avait pu introduire des soies de porc. Les fauteurs de l'opinion contraire objectent , j» que cette apparence de cellules ne se rencontre pas dans tous les ganglions, et n'est pas tou- jours constante dans les ganglions d'une même région. 20 Que dans les injections, la matière injectée, le mercure, par exemple , passe des vaisseaux afférents des ganglions aux vaisseaux efférents , sans s'épancher dans leur intérieur. 3o Que les ganglit)ns lymphatiques n'existent pas dans l'em- bryon , et sont remplacés alors par de simples plexus dans lesquels les vaisseaux sont évidemment continus; 4*^ qu'en- fin cette disposition est encore celle des oiseaux, des rep- tiles , des poissons, dans les plexus desquels les vaisseaux lymphatiques présentent néanmoins des dilatations aux points de leur réunion. Ils croient donc que ce sont ces di- latations , que présentent d'espace en espace les vaisseaux lymphatiques, qu'on a prises pour des cellules; et telle est particulièrement l'opinion de Béclard. Quoi qu'il en soit, si l'on veut appliquer aux ganglions lymphatiques l'idée que l'on se fait de tout ganglion quelconque, il faut se les repré- senter comme des agglomérations de vaisseaux lymphatiques divisés, repliés , pelotonnés, anastomosés à l'infini, réunis en masse par des liens celluleux , et formant ainsi un organe qui reçoit beaucoup de vaisseaux sanguins, des nerfs du trisplanchnique , et qu'enveloppe une membrane ceîluleuj^e assez dense. Malpi^hi disait musculeuse , et Nuck fibro-ten- dineuse , cette enveloppe extérieure; mais il est évident qu'elle n'est que du tissu cellulaire condensé. Si l'on cher- che à poursuivre les vaisseaux lymphatiques dans les gan- glions , à les y dérouler, on reconnaît que ces vaisseaux y ont des parois moins épaisses, et des anastomoses plus fréquen- tes. Du reste, il faut avouer que Ton est ici dans une igno- rance égale à celle où nous sommes toujours pour tout ce qui est relatif à la texture profonde des organes. Sœminering 8o FONCTION DES ABSORPTIONS, dit que cette texture n'est pas la même dans tous les gan- glions; que dans les uns elle est vasculaire , dans d'autres celluleuse, et dans d'autres à la fois vasculaire et celluîeuse. Toutefois ces ganglions, qui sont de couleur rosée chez lenfant, grise chez l'adulte , doivent à leur texture ^ quelle qu'elle soit, une solidité assez grande, mais qui est moindre cependant que celle des vaisseaux lymphatiques eux-mêmes. Ils jouissent d'une sorte de mobilité dans leurs rapports et leurs attaches avec les parties voisines. Ils ont surtout une vitalité fort énergique, comme il est prouvé par la fréquence de leurs maladies, et la facilité avec laquelle ils s'altèrent sympathiquement. M. Chaussier considère comme appartenant aux ganglions lymphatiques, un certain nombre d'organes dont les usages dans l'économie ne sont pas encore bien connus , tels que le thymus , la thyroïde , les capsules surrénales , et peut-être la rate ; il en fait une section à part, sous le nom de gan- glions glandiformes , Bien que cette idée de ce professeur eût besoin , pour être jugée, de développements qu'il n'a pas donnés, nous allons dire quelques mots de ces divers orga- nes. Nous avons déjà parlé de la rate. Le thymus est un corps formé de cinq à six lobes distincts, situé dans le thorax, à sa partie supérieure et antérieure, derrière le sternum , et qui, appartenant plus particulièrement au premier âge de la vie, sera décrit à l'article du fœtus. La thjj^oïde est un organe, lobulaire aussi, situé à la partie antérieure du col, au-dessous de la peau et de quelques muscles sous-cutanés, appuyé sur la partie antérieure et inférieure du larynx et les premiers anneaux de la trachée-artère. Formé de lobes qui se subdivisent successivement en lobules et en grains, cet organe a une couleur tantôt ronge, tantôt jaune, et présente intérieurement des vésicules remplies d'un fluide qui est visqueux et incolore ou jaunâtre. On a dit qu'il ser- vait à sécréter le mucus bronchique; mais jamais on n'a pu lui trouver un canal excréteur. Comme il est plus volumi- neux dans le fœtus que dans Tadulte , on peut le croire destiné plus particulièrement à quelques fonctions nutri- tives relatives à cet âge; cependant sa persistance jusque DE l'appareil lymphatique. 8i dans l'extrême vieillesse, le volume énorme des artères qui lui arrivent, ainsi que le nombre des nerfs et vaisseaux lym- phatiques qui le pénètrent, ne permettent ])as de douter qu'il ne remplisse aussi , dans tout le cours de la vic^ quel- que office important, mais inconnu. Nous en dirons autant des capsules surrénales , petits corps placés dans l'abdomen , hors du péritoine, au-dessus de chaque rein dont ils em- brassent l'extrémité supérieure : les artères qui y aboutis- sent ont aussi plus de volume chez le fœtus que chez l'adulte; mais comme ces organes persistent pendant toute la vie, on ne peut les croire inutiles. Ils consistent en de petites po- ches à parois parenchymateuses épaisses^ dont le tissu est aussi lobulaire , granulé, et dont la cavité intérieure est pleine d'un fluide visqueux, qui est rougeâtre dans le fœtus, jaune dans l'enfance , et brun dans la vieillesse. Nous re- viendrons plusieurs fois sur ces organes, à Toccasion de chacun des usages hypothétiques qu'on leur a attribués. Tel est l'ensemble générai du système lymphatique. Pour bien le voir, il faut, ou injecter le système par le canal thoracique avec du mercure , ou lier le canal thoracique , afin que la lymphe , faute de pouvoir s'écouler dans le sys- tème veineux, distende les vaisseaux lymphatiques et les rende facilement apercevables. Si on en fait l'examen sur un animal vivant , on voit que le plus souvent les vaisseaux lymphatiques des membres, de la tête et du col, sont affais- sés , et paraissent comme vides ) qu'il y a , sous le rapport de leur plénitude, beaucoup de différences entre les divers vaisseaux lymphatiques du corps ; et qu'enfin, généralement, ce système ne paraît pas rempli à l'instar de ce qu'est tout autre système vasculaire, le veineux, par exemple. Le système lymphatique n'existe pas dans tous les ani- maux, et, dans ceux chez lesquels on le trouve, il n'a pas toujours le même degré de complication, il manque au-delà des animaux vertébrés ; dans les poissons et les reptiles, il ne consiste que dans des vaisseaux ; et ce n'est que dans les oiseaux et les mammifères, qu'il offre des ganglions. Les anciens n'en avaient aucune connaissance. En i563, , Eustachi fit la découverte du canal thoracique^ qu'il appela Tome 111. 6 ?2 FONCTION DES ABSORPTIOIMS. vena alha thoracis ; seulement il n'en saisit pas la fonction , et sa découverte fut même bientôt oubliée. En 1622, Aselli découvrit les vaisseaux cbylifères^ mais sans en reconnaître encore les usages. En 16 34? FFeslingius retrouva le canal thoracique, et, plus lard, en 1649, il ^^^ ^^^ ^^ canal était l'aboutissant des vaisseaux cliylifères à^ Aselli. Enfin, pres- que en même temps, i65o, i65i, i653, Olaûs Rudhecky Thomas Bartholin en Allemagne , et Joljff en Angleterre, découvrirent toute la généralité du système lymphatique. Chacun de ces trois anatomistes revendiqua la gloire de cette importante découverte ; la grande influence qu'exerçait alors Bartholin sur le monde savant la lui fit d'abord attri- buer ; mais , depuis , la postérité a prononcé en faveur de Rudbeck. Celui-ci les nomma vaisseaux séreux , et Bartho- lin ^ vaisseaux lymphatiques. Du reste, les uns et les au- tres n'en saisirent pas d'abord la disposition et les fonctions; ils les disaient continus aux artères, et n'étant que leurs ramifications dernières. C'est /. Hunier qui_, le premier, établit qu'ils naissaient aux diverses surfaces où se font des absorptions, et qu'ils étaient les agents de ces absorptions. Depuis, cette opinion a été généralement admise, et les travaux successifs de Ruisch, Nouguez, Monro^ des deux Hunter, et surtout ceux de Mascagni , Cruiskanky etc., ont porté cette branche de l'anatomie à un point de per- fection qui égale celui où sont parvenues toutes les autres parties de cette science. a"* Mécanisme de la Lymi^hose. Dans l'étude physiologique de l'absorption lymphatique, nous allons suivre le même ordre que dans celle de l'absorp- tion chyleuse 3 c'est-à-dire rechercher, i» quels sont les ma- tériaux sur lesquels agit l'appareil lymphatique , et consé- quemment d'où provient la lymphe; 2<> ensuite, ce qu'est l'action d'absorption qu'exécute cet appareil à son origine , et d'où résulte la lymphe ; 3» quel est le cours de la lymphe, et quelles altérations elle éprouve dans ce cours; 4^ en- DE l'absorption LYMPIîATIQUE. 83 fin, ce qu'est la lymphe considérée en elle-même, quelles sont ses propriétés physiques , sa nature chimique , sa quantité. lo Matériaux de la lymphe. Avant ia découverte du sys- tème lymphatique, les Anciens regardaient la lymphe comme n'étant que la sérosité du sang. Il en fut de même encore dans les premiers temps de la découverte de ce système, lorsqu'on disait que les vaisseaux lymphatiques n'étaient que la continuation des dernières artérioles. On établissait que le sang, arrivé aux dernières ramifications des artères, se partageait en deux parties : une rouge, plus consistante, qui était rapportée par les veines ; et une blanche , séreuse , qui était rapportée par les lymphatiques. Ainsi c'était du sang lui-même qu'émanait la lymphe , et les vaisseaux lym- phatiques étaient les vaisseaux de retour de la partie séreuse du sang, tandis que les veines étaient ceux de la partie rouge. Les preuves sur lesquelles on se fondait étaient la ressemblance apparente qui existe entre la lymphe et la séro- sité du sang, et la facilité avec laquelle une injection cada- vérique passe des dernières artérioles dans les premiers radicules des lymphatiques. Dans cette manière de voir, qui est encore celle de M. Magendie, qui nie l'absorption lymphatique , l'histoire de la lymphe ne devrait pas se rap- porter à la fonction des absorptions, m.ais à celle de la cir- culation. Mais, depuis que Hunier , d'après les absorptions insolites, et la grande ressejublance du système lymphatique avec le chylifère , a présenté les vaisseaux lymphatiques comme les agents des absorptions internes, la lymphe a du être dérivée, en partie au moins, des matériaux de ces absorptions. Nous avons vu , en effet , que beaucoup de considérations condui- saient à faire admettre les lymphatiques comme les agents des absorptions internes ; et alors la lymphe qui y circule, doit être , en partie au moins , considérée comme formée par les matériaux de ces absorptions. Or, ces matériaux que nous avons déjà énumérés, sont : lo ce que l'absorption interstitielle reprend dans chaque organe pour sa décomposition. 2° Tous les sucs sécrétés x'é- 6. 34 rONGTiON DES ABSORPTIONS, crémentltiels , les sucs séreux , la sérosité du tissu Lamiiieux , la sraisse , la synovie, le suc médullaire, la moelle, les mucus colorants de la peau , de l'iris , de la clioroïde , les trois humeurs de Vœil, la lymphe de Cotunni. 3o Enfin quelques parties des liumeurs sécrétées excrémentitielles^ surtout de celles qui ont dans leurs voies d'excrétion un ré- servoir, comme la bile, le sperme, Turine, etc. Sans doute ces matériaux ne sont pas exclusivement pré- parés pour la formation de la lymphe. Ceux du premier ordre composent la substance même des organes ; les humeurs sécrétées récrémentitielles ont chacune un usage spécial , et qui est différent pour chacvine d'elles : il en est de même des humeurs sécrétées excrémentitielles. Mais enfin, comme toutes ces matièresne reviennent au torrent circulatoire qu'en faisant partie de la lymphe , on doit les considérer comme étant en même temps des matériaux constitutifs de ce fluide. C'est une nouvelle preuve de la merveilleuse structure de notre corps, et de l'art avec lequel un même rouage y sert à des offices divers. Ici l'absorption interne concourt , tout à la fois, à la décomposition du corps, en reprenant dans les or- ganes les matériaux usés; à sa composition, en fournissant les matériaux constitutifs de la lymphe; et à l'intégrité phy- sique de beaucoup de parties, à l'équilibre de beaucoup de sécrétions , en en recueillant les fluides dans une quantité égale à celle dans laquelle ils sont fournis. D'ailleurs, parmi ces matériaux, il en est qui paraissent plus particulièrement destinés à la lymphose, la graisse, par exemple. Sans doute, cette matière remplit divers usages dans l'économie, comme d'entretenir la température des parties , d'en remplir les vides; mais, à certains égards, on peut la considérer comme une provision mise en réserve pour servir à la lymphose, et suppléer à l'alimentation. Les animaux hybernants , par exemple, qui sont très gras quand ils s'endorment, se réveillent extrêmement amai- Action absorbante des lymphatiques , et élab oratrice de la lymphe. Quels que soient les matériaux desquels dérive la lymphe , soit que cette humeur provienne en partie de la sérosité du sang, soit qu'elle ne résulte que des maté-' riaux de l'absorption interne, il est sûr qu'elle est faite à l'origine même des vaisseaux lymphatiques. N'existant pas toute formée dans l'une ni l'autre des deux sources que nous venons d'indiquer, et se montrant déjà dès les premiers vais- seaux lymphatiques apercevables, il faut bien qu'elle ait été S6 FONGTIOÎS DES ABSORPTIONS. faite dans l'intervalle , c'est-à-dire à l'origine même du sys- tème. L'action qui la fait est double peut-être, savoir, la transsudation de la partie séreuse du sang, et le phénomène de l'absorption interne. Mais ici nous ne devons nous occu- per que de ce dernier, qui n'est pas contestable; et, à son égard, il faut admettre que les radicules lymphatiques, qui sont toujours appliqués aux matériaux divers que nous avons indiqués, se livrent à une action quelconque, en vertu de laquelle ils saisissent ces matériaux et les changent en une humeur qui est , ou la lymphe elle-même , ou un autre fluide cju'on ne peut spécifier, puisqu'il est aussitôt mêlé à la lymphe , mais qui au moins ne conserve plus rien des matières dont il dérive, puisqu'on ne peut les y retrou- ver, et qu'on peut confondre avec la lymphe. Nous ne pouvons dire de cette action des radicules lym- phatiques, que ce que nous avons dit de l'action absorbante des chylifères. D'abord, comme celle-ci, c'est une action toute moléculaire, qui échappe à nos sens, dont nous ne pouvons conséquemment donner la description, et qui n'est manifestée que par son résultat , la formation de la lymphe. On a dit que le radicule lymphatique éprouvait une sorte d'érection , se livrait à des contractions et dilatations alter^ natives en vertu desquelles la matière était saisie et élabo- rée. Mais on a avancé cela , plutôt d'après une vue de l'esprit ^ que d'après une observation directe; ou parce qu'on a vu de semblables mouvements dans le point lacrymal, et que ce Tioint lacrymal , qui est chargé dans l'œil d'absorber les larmes j a paru être une image grossie de tout radicule lym- phatique. En second lieu, on ne peut préciser le lieu précis du vais- seau lymphatique où se fait l'absoi-ption ; et nous sommes ramenés ici à notre ignorance sur l'oi-igine des lymphati- ques, et sur les systèmes capillaires. Le vaisseau lymphatique a-t-il un orifice immédiatement ouvert sur les surfaces où se font les absorptions, et conséquemment dans un contact immédiat avec les matériaux à absorber ? ou a-t-il à son extrémité , et dans son pourtour , un tissu gélatineux qui efï'eclue l'absorption? ou bien, enfin, y a-t-il, au-delà des DE i.*^ABSORPriON LYMPHATIQUE. 8^7 lymphatiques, un système vasculaire plus délié, faisant par- tie des systèmes capillaires, effectuant les absorptions et en vei'sant les produits dans l'un et l'autre des deux systèmes vasculaires généraux eflerents et de retour ? Chacune de ces opinions a été tour-à-tour professée, sans qu'on puisse don- ner la démonstration d^aucune d'elles. En troisième lieu , cette action est , non-seulement une action de pompement, mais en outre une action d'élabora- tion; en même temps que les matériaux divers que nous avons énuméréssont saisis, ils sont travaillés , et changés en lymphe. Cette lymphe en effet n'existe pas dans ces maté- riaux; elle ne se montre qu'à partir de ces vaisseaux; ce sont ces vaisseaux qui réellement l'ont faite. Enfin , l'essence de cette action de lymphose est aussi im- pénétrable que celle de l'action de la chylose; et on ne sait d'elle que les deux propositions que nous avons dites de toute action de l'économie examinée jusqu'à présent , sa- voir, que les vaisseaux lymphatiques ne sont pas passifs pour la produire ; et que , n'étant pas une action mécanique et chimique, elle doit être dite une action organique et vitale. Sous le premier point de vue , il est certain que les vais- seaux lymphatiques doivent agir pour effectuer cette action absorbante élabora trice , car leur intégrité est nécessaire pour qu'elle ait lieu : si, par exemple, les absorbants des surfaces sécrétoires récrémentitielles sont malades, Fab- sorption ne se fait pas ou se fait mal , et il en résulte des hydropisies. L'absorption d'ailleurs exige l'état de vie, et varie selon les conditions organiques diverses dans lesquelles peuvent être les vaisseaux lymphatiques. Sous le second point de vue , il est également sûr que la lymphose né peut être rapportée à aucune des forces méca- niques et chimiques connues; qu'elle est une de ces actions par lesquelles les corps vivants font exception à la nature générale, et quW appelle , à cause de cela, organiques et vitales. Cette action en effet pourrait-elle n'être, comme on Ta dit, qu'une introduction passive des matériaux de la lymphe à travers les pores des vaisseaux lymphatiques ? niais 88 FOiN'CTIOH DES ABSORPTIONS, alors il faudrait que la lymphe existât toute formée dans les matériaux dont elle dérive, ce qu'on sait ne pas être; tout autre fluide que la lymphe devrait être absorbé aussi , et c'est ce qui n'est pas. N'est-elle, comme d'autres l'ont supposé, qu'un phénomène analogue à TaUraction des tubes capil- laires? mais pour cela, il faudrait encore que la lymphe existât avant les vaisseaux lymphatiques, que tout autre fluide fût de même absorbé. On a enfin attribué cette ac- tion à une pression qui exprimait la lymphe dans les vaisseaux lymphatiques; de même qu'on avait conçu le pas- sage du chyle dans les vaisseaux chylifères , par suite de la pression qu'exerçait l'intestin sur la masse chymeuse , et de l'expression qui en était l'effet. Mais d'abord, cette expres- sion prétendue du chyme n'est certainement pas l'essence de l'absorption chyleuse; ensuite, quelle serait ici la puis- sance compressive qui produirait l'absorption lymphati- que? enfin , cela suppose toujours que la lymphe existe toute faite avant les radicules lymphatiques. Nulle action physi- que et mécanique ne peut donc être dite l'essence de cette action d'absorption. Elle n'est pas davantage une action chimique : il n'y a pas en effet de rapports chimiques , entre les éléments des absorptions internes considérés comme ma- tériaux de l'absorption , et la lymphe considérée comme son produit ; de la connaissance de la composition chimique des premiers, on ne peut, par les lois chimiques générales, conclure à la formation de la seconde ; enfin , le produit de cette opération est un fluide organique, la lymphe , et toute action chimique générale est impropre à en produire de ce genre. Ainsi donc , puisque cette action d'absorption n'a pas son analogue parmi les actions physiques et chimiques générales , il faut la dire une action organique et vitale. Cette action élaboratrice se passant aux extrémités ca- pillaires d'un système vasculaire, et agissant sur des molé- cules très divisées , nos sens ne peuvent rien en saisir, et l'on ne peut qu'en assurer les trois propositions que nous avons indiquées à l'occasion des actions élaboratrices précé- demment examinées, i» Une seule substance peut la subir, celle que recueillent les absorptions internes; toutes les au- DE l'absorption LYMPHATIQUE. 89 1res substances venant du dehors ou de l'économie elle- même, que saisiront les lymphatiques, ne fcvont qu'être absorbées , mais sans être changées en lymphe ; 2 ^^ évidemment l'action formatrice de !a iymphe n'est pas une action chimi- que, mais est une élaboration d'un genre spécial , et qui n'a aucun rapport avec les lois chimiques ordinaires ; 3^ enfin, son produit est toujours identique , de la lymphe : car, d'un côté, n'est-ce pas toujours le même appareil qui agit? et d'autre part, ne sont-ce pas toujours les mêmes matériaux sur lesquels cet appareil opère ? il n'y a aussi que des degrés inégaux de perfection , selon le degré d'intégrité et d'énergie de l'appareil lymphatique, et selon l'état plus ou moins bon des matériaux qu'il élabore. Cependant on a été un peu en doute sur cette dernière proposition, à cause de la diversité qui existe dans les ma- tériaux avec lesquels la lymphe est faite ; et l'on a demandé si c'est une même lymphe qui provient de chaque partie. Les faits directs propres à dicter une réponse sûre manquent. On n'a pas en effet examiné comparativement la lymphe des diverses parties du corps; et il est probable que, quand înême on aurait fait cet examen comparatif, nos sens et nos agents chimiques auraient été trop faibles pour constater des différences, ;\ supposer qu'il en existât. Mais on peut, d'après quelques raisonnements, conjecturer que c'est une même lymphe qui est faite dans les diverses parties du corps, aux origines du système lymphatique. On objectera peut- être que c'est de matériaux divers que provient la lymphe; mais les aliments ne sont-ils pas divers aussi? et avec eux l'appareil digestif ne fait-il pas cependant un même chyme ? la chose importante, c'est cjue ce soit toujours le même ap- pareil fabricateur qui agisse. Mais cette lymphe peut quelquefois se montrer différente d'elle-même. D'abord , nous avons dit que dans sa crâse plus ou moins parfaite, elle dépendait, et du degré d'intégrité de l'appareil lymphatique qui la fabrique, et de l'état plus ou moins bon des matériaux avec lesquels elle est fabriquée. Ensuite elle peut se trouver mêlée à des matières étrangères venant du dehors ou de l'économie elle-même, que les vais- 90 FONCTION DES ABSORPTIONS, seaux lymphatiques auront absorbées , mais non élaborées;^ de même que souvent quelques principes physiques et chi- miques des aliments ont passé avec le chyle, et se montrent dans ce liquide avec leur nature étrangère. Mais, dans les premiers cas, le produit de l'action n'en, est pas moins de la lymphe; et le dernier contredit encore moins le principe, de l'identité de ce produit^ puisque les différences qu'il présente ne portent pas sur ce qui est lymphe, à propre- ment parler , mais sont dues à des matières étrangères qui peuvent accidentellement lui être mêlées. 3^ Circulation de la lymphe. La lymphe, produit de l'ac- tion que nous venons d'étudier , ne i^este pas stationnaire :, des premiers vaisseaux lymphatiques où elle est apercevable, on la voit passer dans les autres vaisseaux qui leur sonl; continus; cheminer ainsi vers les troncs aboutissants de tout le système ; traverser , dansée long trajet , les nombreux ganglions qui sont sur sa route; et enfin être versée, par les deux troncs centraux, dans les veines sous-clavières, où elle se mêle au sang veineux. Chemin faisant , elle a reçu dans le réservoir de Pecquet, dans le canal thoracique , le fluide de l'absorption alimentaire, le chyle, s'il y en a de fait; et dès lors elle l'entraîne avec elle. L'histoire de ce mouvement qu'on appelle circulation de la lymphe , et qui serait mieux appelée sa progression, puis- qu'il n'y a pas de cercle de décrit , offre absolument les mê- mes traits que la circulation du chyle , et en sera, en quel- que sorte , une répétition ; il faut aussi rechercher les causes qui meuvent le fluide , indiquer les résistances mécaniques que ces causes ont à surmonter, et, en évaluant les unes et les autres, faire conn^^ître tous les traits de la circulation lymphatique , son degré de rapidité, par exemple, etc. Parmi les causes qui impriment à la lymphe le mouve- ment déterminé qu'elle suit , la principale est la continuité de l'action d'absorption qui se fait aux origines du système. Les radicules lymphatiques faisant sans interruption, à leur origine, de la nouvelle lymphe, celle-ci doit nécessairement pousser en avant la lymphe qui remplissait le vaisseau, et de proche en proche le fluide doit arriver ainsi dans le canal DE L*ABSORPTION LYMPHATIQUE. yl ihoracique et dans le torrent veineux. La même action qui fait la lymphe concourt donc à la faire circuler. Une autre cause de la circulation de la lymphe est une contraction exercée par les vaisseaux lymphatiques, en vertu de laquelle ces vaisseaux poussent de proche en proche dans leur intérieur la lymphe, depuis les radicules d'ori- gine jusqu'aux troncs centraux. A la vérité cette action n'est pas visible ; en vain on observe pendant le cours de la lym- phe , chez un animal vivant, uu lymphatique mis à nu, on n'y aperçoit pas de contractions; mais elle est admise gé- néralement d'après des raisonnements assez spécieux , et qui sont les mêmes que ceux qu'on a invoqués en faveur de la contraction des chylifères : i" l'état grêle des lymphatiques, qui à ce titre peuvent être supposés doués de contractilité tonique , comme tous les vaisseaux capillaires ; 2" Fexistence des ganglions lymphatiques, qui , devant détruire l'impul- sion première qu'a reçue la lymphe à l'origine du système ., exigent qu'une autre force pousse cette lymphe d'un de ces ganglions à l'autre; 3^ l'écoulement qu'on observe dans la lymphée, dans l'ouverture d'un vaisseau lymphatique, ce qui ne pourrait être produit par la première cause impul- sive indiquée , mais suppose une action directe de la part des vaisseaux lymphatiques. Si on pique le canal thoracique d'un animal vivant, après en avoir fait la ligature, on voit le fluide jaillir; et ce qui prouve que cela est dû à une con- traction vitale de ce vaisseau , c'est que le jet ne s'observe plus si on fait l'expérience après la mort ; 4^ la particularité qu'offrent, dans le cadavre, la plupart des vaisseaux lym- phatiques d'être vides, ce qui prouve que ces vaisseaux ont, en raison de leur tonicité, exprimé leur lymphe dans les gros troncs. Quelques physiologistes, à la vérité, ont cru pouvoir rapporter ces faits à l'attraction des tubes capil- laires; mais, si cela était, pourquoi varieraient-ils selon les conditions organiques des vaisseaux ? A ces causes principales de la circulation de la lymphe , il faut ajouter, comme auxiliaires, le battement des artères qui avoisinent les vaisseaux lymphatiques, la pression des parties voisines , etc. 92 FONCTION DES ABSORPTIONS. Il n'y a pas plus de cœur dans la circulation de la lym- phe que dans celle du cliyle. Quelques physiologistes avaient voulu considérer comme lels les ganglions : telle était, par exemple , l'opinion de Malpighi, qui disait que ces ganglions étaient entassés dans la région de l'aine, afin qu'ils puissent faire monter la lymphe^ quoiqu'elle circule là contre son propre poids; telle était aussi celle de ^/cAat, qui croyait que, si la circulation de la lymphe est plus disposée à s'arrêter ' aux membres, c'est que là il y a moins de ganglions. Mais il n'y a rien de musculeux dans l'organisation de ces ganglions: on ne voit jamais en eux de contraction; on ne peut y en provoquer par qUelquestimulant quece soit ;loinque la cir- culation Ijmphatiques'accéîèreeneux, elle paraît s'y ralentir un peu; ces ganglions ne sont réellement que des agents de mixtion et d'élaboration de la lymphe. S'ils étaient des cœurs, loin qu'ils pussent faciliter la circulation de la lym- phe, ils devraient y mettre obstacle par leur multiplicité. Telles sont les causes motrices du fluide. Si on admet que la lymphe est la sérosité du sang, et que les vaisseaux lym- phatiques en sont les canaux de retour, comme les veines sont ceux de la partie rouge , on pourrait croire que le cœur a, sur la circulation lymphatique, la même influence que sur la circulation veineuse. Il est , en effet , bien étrange que ceux qui professent cette opinion , M. 3îagendie , par exem- ple , n'aient pas présenté l'action du cœur comme cause de la circulation de la lymphe , ainsi qu'ils l'ont fait pour la circulation veineuse. Mais d'abord, l'influence du cœur sur la circulation veineuse est un fait contesté, et qui est nié aujourd'hui par beaucoup de physiologistes; et ensuite ^ l'existence des ganglions, et la particularité qu'ont les lym- phatiques de rester toujours plus grêles que les veines , sont des raisons de plus pour croire que cette influence est nulle, surtout dans la circulation lymphatique. Indiquons maintenant les résistances dont doivent triom- pher ces puissances, pour mouvoir la lymphe. Ces résis- tances sont les mêmes que celles que nous avons accusées à l'article de la circulation du chyle ; savoir : i o la masse du fluide lui-même, masse qui résiste plus en certains lieux-» DE l'absorption LYMPHATIQUE. g 3 par exemple^ en ceux dans lesquels le fluide doit circuler contre son propre poids; 2" les froUemenls qui sent néces- sairement en raison du nombre des vaisseaux, de leur pe- titesse, de leurs bifurcations, de leurs anastomoses dans des directions rétrogrades, etc. Or, pour apprécier avec toute rigueur le phénomène de la circulation de la lymphe, il faudrait pouvoir évaluer, et ces diverses puissances motrices , et ces résistances. Maiscela n'est pas possible. Peut-on, par exemple, calculer la puis- sance de chacune des deux oauses principales de la circula- tion de la lymphe , ou au moins leur puissance réunie ? Ces causes étant organiques , et comme telles sujettes à varier par mille conditions à peine appréciables, on ne peut rien dire sur elles que de général et d'approximatif. D'autre part, peut-on mieux calculer les effets des résistances ? par exem- ple , quelle est la masse du fluide à ébranler, quelle est la perte du mouvement qu'entraînent les frottements, etc. ? Le nombre seul des données à faire entrer dans le calcul serait propre à effrayer le géomètre le plus habile , quand bien même ces données ne seraient pas par elles-mêmes insai- sissables. 11 est donc impossible d'analyser avec rigueur le phéno- mène; et tout ce qu'on peut dire, c'est que probablement la lymphe n'obéit qu'à une cause impulsive faible . E t en effet , sa circulation est influencée par toutes les causes mécaniques propres à la retarder ou à la faciliter, plus que celle de tout autre fluide du corps, le sang, par exemple. Que la lymphe ait à circuler de bas en haut contre les lois de la gravitation universelle, pour peu qu'il y ait faiblesse dans l'économie, celte gravitation suffit, ou pour arrêter son mouvement, ou au moins pour le ralentir, comme le prouvent l'enflure , l'œdème des jambes qui surviennent chez les convalescents. Qu'une compression quelconque gêne le cours delà lymphe dans quelque point du système, ou que cette lymphe re- çoive une impulsion mécanique par l'influence d'un mou- vement extérieur, cela suffit encore pour en modifier la cir- culation. Quand ces obstacles à la circulation lymphatique existent dans l'état ordinaire des choses, généralement leurs 94 FONCTION DES ABSORPTIONS. effets ne sont pas apparents , à moins qu'il n'y ait maladie ^ parce que les moteurs ont été calculés de manière à pouvoir les vaincre. Mais, quand ils sont accidentels et non ordi- naires , leurs effets se manifestent ; et ces effets , sans con- tredit^ sont autant de preuves de la faiblesse des causes im- pulsives et organiques qui président à la circulation de la lymplie. D'autre part , beaucoup de cii'con s tances mécani- ques peuvent faciliter cette circulation ; et plusieurs même semblent être autant de précautions qu'a prises la nature pour faciliter la circulation de la lympbe, ou remédier aux mauvais effets qui pourraient résulter de son retard. Ainsi nous avons déjà signalé le battement des artères voisines des vaisseaux lymphatiques , les pressions des muscles et organes voisins, etc.; il faut y ajouter encore : i^ les anastomoses multipliées qui existent entre les vaisseaux lymphatiques, et desquelles il résulte que, si le fluide trouve quelque ob- stacle d'un côté, il peut refluer et s'échapper d'un autre; 2» les valvules qui existent dans l'intérieur des vaisseaux lymphatiques , et qui ont cette utilité de prévenir la marche rétrograde de la lymphe , et de partager ce fluide en co- lonnes qui sont petites et conséquemment plus facilement ébranlables; 3^ la susceptibilité qu'ont les vaisseaux lym- phatiques de se dilater , ce qui fait que , si la lymphe y stagne et s'y engorge momentanément , au moins elle y trouve un espace suffisant pour la contenir; 4^ enlin^ la très grande capacité du système lymphatique, condition heu- reuse de structure , qui n'a pas seulement pour objet de faire contenir au système lymphatique les nombreux maté- riaux que l'absorption interne recueille , mais encore de prévenir les mauvais effets qui pourraient résulter d'une stase de la lymphe dans l'intérieur de ce système. Ces quatre dispositions se rencontrent en effet dans tout système vas- culaire, dont le fluide intérieur, mu par une cause impul- sive peu énergique, circule avec lenteur : elles existeront, par exemple , dans le système veineux. Du reste , il y a encore beaucoup de choses inconnues dans l'histoire de la circulation de la lymphe : quelle est la rapidité du cours de la lymphe? ce cours est- il uniforme DE L*ABS0RPTI0N LYMPHATIQUE. gS dans toute l'étendue du système lymphatique? ou peut-il être plus rapide en une partie , et plus lent dans une autre? va-t-il en s'accélérant, ou en se ralentissant, à mesure que le fluide s'approche des troncs qui sont les aboulissants de tout le système? Ce sont autant de questions auxquelles la science est hors d'état encore de répondre. D'abord, il paraît que la circulation de la lymphe est assez lente : si on coupe un vaisseau lymphatique sur l'homme vivant, on voit la lymphe en sortir lentement et sans jet : c'est une observation qu'a faite Sœmmering, et que M. Ma- gendie a vérifiée depuis. Si on isole dans une certaine éten- due les vaisseaux lymphatiques du col , on reconnaît aisé- ment que la lymphe n'y circule qu'avec une grande lenteur. Si on presse ces vaisseaux avec le doigt , et qu'on oblige ainsi la lymphe qui les remplit à passer dans la veine sous- clavière^ on voit qu'il faut souvent plus d'une demi-heure pour qu'ils se remplissent de nouveau. CruiskankB. éy^lxié la rapidité du cours de la lymphe à quatre pouces par se- conde , vingt pieds par minute : mais d'après quelles bases a-t-il fait cette évaluation? et que doit-on en penser si ce cours de la lymphe n'est uniforme , ni dans les diverses par- ties du corps, ni dans les différents points du système? Tout ce qu'on sait donc, c'est que cette circulation est lente, plus lente surtout que celle du sang veineux, à juger par les ganglions qui existent dans le système lymphatique, et qui manquent dans le système veineux; le jet de lymphe que darde le canal thoracique est moins étendu que celui du sang veineux que fournit une veine d'un volume égal à celui de ce canal. Aussi les anastomoses, entre les lym- phatiques , sont-elles plus multipliées encore qu'entre les veines, et la capacité de ce système est supérieure à celle du système veineux. Ensuite, on pense généralement que la circulation de la lymphe n'est pas uniforme dans les diverses parties ducorps , qu'elle est plus lente dans une partie et plus précipitée en une autre. On se fonde, i» sur ce que Taction absorbante première n'a pas, sans doute, la même énergie dans tous les organes, et prédomine surtout dans ceux où il y a beau- 96 FONCTION DES ABSORPTIONS. coup de matériaux internes à recueillir ; 2^ sur ce que l'exa- men des cadavres fait voir souvent les vaisseaux lymphati- ques d'une partie pleins de lymplie ;, tandis que ceux d'une autre partie sont tout-à-fait vides; 3o sur ce qu'enfin cette même différence entre les vaisseaux lymphatiques s'observe dans l'homme et les animaux viva^nts. Il est de fait, par exemple , que , tandis que toujours le canal thoracique con- tient de la lymphe, les vaisseaux lymphatiques des mem- bres, de la tête et du col, sont pi^esque toujours vides. On trouve d'ailleurs, dans cette non conformité du cours de la lymphe, une analogie de plus avec la circulation veineuse., A la vérité, ces raisonnements ne sont pas tous convain- cants ; les différences de plénitude qu'on trouve entre les vaisseaux lymphatiques pourraient tenir^ non à des varia- tions dans la vitesse de la circulation lymphatique, mais à la quantité plus ou moins grande de lymphe qui est faite dans chaque partie du corps. Toutefois, cette opinion d'une difféience de vitesse dans la circulation de la lymphe , selon les diverses parties du corps ^ est universellement adoptée. Jadis même on avait exagéré cette opinion, jusqu'à ad- mettre des irrégularités locales, constituant des oscilla- tions j des transports d'humeur , produisant les métasta- ses, et fondant ce que Bordeu appelait des courants : mais ceci est trop évidemment faux pour avoir besoin de réfu- tation. Enfin, n'y a-t-il pas une différence de vitesse dans le cours de la lymphe , selon le point du système auquel ce fluide est parvenu ? et la circulation de ce fluide ne va-t-elle pas en se ralentissant ou s'accélérant graduellement, à me- sure qu'il se rapproche des troncs centraux ? C'est ce qu'on ignore encore , et ce sur quoi l'on ne peut faire que des con- jectures. Si l'on ouvre, par opposition, un lymphatique très éloigné du canal thoracique, et un autre qui en soittrè» rapproché, on ne peut saisir aucune différence dans la vitesse de la lymphe qui circule dans Tun et dans l'autre. Dans la circulation sanguine, soit artérielle , soit veineuse, on verra que la vitesse du fluide varie selon la distance des ti'oncs centraux ; que, par exemple, dans la circulation artérielle, DE L ABSORPTION LYMPHATIQUE. 97 elle va en diminuant gradnellemonr, , soit parce que les frottements afïaiblisseut graduellement la force impulsive, soit parce que le fluide passe sans cesse d'un lieu plus étroit dans un lieu plus large; que, dans la circulation veineuse, au contraire, la vitesse va en s'augmenlant de plus en plus, parce que, dit-on, le fluide passe sans cesse d'un lieu plus large dans un lieu plus étroit. On a voulu faire une appli- cation de ces idées à la circulation lymphatique, et parli- culièrement établir que le cours de la lymphe va en s'accé- lérant graduellement. Mais les vaisseaux lymphatiques ne vont pas en grossissant graduellement comme les veines, et ne forment pas de même un cône, ayant son sommet au canal thoracique et sa base aux parties. On ne peut pas lui appliquer avec autant de vraisemblance qu'on le fait au système veineux , cette loi d'hydrodynamique : que lorsquiui liquide coule à plein tuyau, la quantité de ce liquide y qui , dans un instant donné, traverse les dÀffé- rentes sections du tuyau , doit être partout la même ; de sorte que quand le tuyau va en s^ élargissant , la vitesse dimi- nue, et que quand le tuyau va en se rétrécis sant^ elle s'accroît. Indépendamment de ce que l'application de cette loi méca- nique à la circulation sanguine est peut-être erronée, l'exis- tence des ganglions et la petitesse constante des vaisseaux lymphatiques empêchent surtout qu'on puisse ia faire à la circulation lymphatique. Ces ganglions, qui sont une pré- somption de plus en faveur de notre idée que la lymphe circule lentement, jettent nécessairement beaucoup d'ob- scurité sur la question de savoir si le cours de la lymphe est uniforme dans les diverses parties du corps et selon les divers points de son trajet. Il est cependant une circonstance qui doit modifier le cours de la lymphe , c'est l'afflux d'une quantité considéra- ble de chyle dans ce liquide. Il paraît impossible que le canal thoracique reçoive ainsi, outre la lymplie ordinaire, une quantité considérable de chyle, sans que la circulation de tout ce système ne soit modifiée. Alors, ou le canal tho- racique est plus plein, ou son dégorgement dans le système veineux se fait plus vite. Mais on ne peut rien spécifier Tome TII. T)8 FOJSCTION DES ABSORPTIONS. encore à cet égard d'après des faits directs : M. Magendie , seulement, dit avoir observé que la lymphe lui a paru être dans les animaux d'autant plus considérable et d'au- tant plus rouge , que ces animaux étaient à jeun , c'est- à-dire d'autant plus que la quantité de cbyle fourni était moindre. Toutefois , sans que nous sachions quel temps emploie un globule déterminé de lymphe pour parcourir tout le sys- tème, c'est-à-dire pour se porter du lieu où il a été fait jusqu'au canal thoracique, il est sûr qu'il y parvient. Alors il est vei'sé par ce canal, et l'autre tronc central, dans les veines sous-clavières; et, à l'article de l'absorption veineuse, nous verrons comment il est porté avec le sang veineux dans le centre de la circulation, dans le cœur. Ce versement de la lymphe dans le sang se fait en petite quantité, comme goutte à goutte, de sorte que le sang n'est pas trop subite- men t modifié par cefluide nouveau qui lui arrive. Une valvule est placée en ce lieu, soit pour modérer la chute de la lymphe dans le sang, soit pour prévenir le reflux de cette lymphe et du sang dans le canal thoracique , lors d'un embarras dans les cavités droites du cœur. Il est certain du moins que, lorsqu'un embarras dans le poumon fait stagner le sang dans les cavités droites du cœur, et le fait refluer de là dans les veines caves , on n'a jamais vu ce fluide refluer de même dans le canal thoracique. On a vanté l'heureux choix des veines sous-clavières pour aboutissants du système lympha- tique, comme étant des veines dans lesquelles le reflux du sang du cœur est moins sensible. Haller invoque comme causes auxiliaires de la circulation de la lymphe dans le canal thoracique, le voisinage de l'artère aorte, et la pres- sion exercée par les mouvements du diaphragme dans la respiration. La lymphe , dans son cours , reste-t-elle la même dans ce long trajet, ou va-t-elle en s'animaJisant , en se perfection- nant toujours davantage ? On ne peut répondre par des faits directs; on n'a pas examiné et analysé comparativement de la lymphe prise à Torigine du système , et de la lymphe prise dans le canal thoracique; et il est probable que cet examen. DE L ABSORPTION LYMPHATIQUE. 99 s'il avait été fait, ne pouiTair. faire résoudre la question. Cependant on Ja décide affirmativement par les mêmes rai- sons que nous avons données pour le cliyle, savoir, la pe- titesse et l'état constamment grêle des vaisseaux lymphati- ques, qu'on ne peut regarder comme étant seulement des agents de transport et de conduite; la lenteur de la circu- lation lymphatique ; enfin, l'existence des ganglions, qui, n'étant certainement pas des cœurs, des organes d'impul- sion, doivent être considérés comme des oi"ganesde mixtion^ d'élahoration. A la vérité, cet usage qu'on attribue aux gan- glions n'est qu'une conjecture , et, en l'admettant, on ne con- naît pas même la manière dont ils le remplissent. Selon les uns, c'est en ajoutant à la lymphe une sérosité qui la dé- laie , et qu'ils exhalent dans leur intérieur^ soit que cette lymphe vienne s'épancher dans leurs cellules, soit qu'elle reste dans ses vaisseaux propres. Selon d'autres, au con- traire , c'est en dépouillant la lymphe de certains principes; et ceux-là s'appuient sur la couleur jaune qu'ont les gan- glions lymphatiques du foie , sur la couleur noire des gan- glions bronchiques, la couleur blanche des ganglions des chylifères, la couleur rosée des ganglions mésentériques dans les animaux qu'on a nourris avec des aliments colorés par la garance. Ils rappellent que M. Desgetiettcs a trouvé amère la lymphe venant du foie^ urineuse celle qui vient du rein , et ils conjecturent que ces deux lymphes avaient probablement été adoucies par l'action des ganglions. Ce qu'il y a de sûr , c'est que la lymphe paraît plus conci^escible en sortant de ces ganglions qu'en y entrant. Ce qu'il y a de certain encore, c'est que ces ganglions sont des parties extrê- mement utiles, car ils prédominent dans l'âge où la nutri- tion est la plus active, c'est-à-dire dans l'âge de l'accroisse- ment ; car leurs maladies, comme le prouvent le carreau, les scrophules , ont la plus funeste influence sur la nutrition. Leur vitalité, à juger du moins par la fréquence de leurs maladies et de leurs sympathies, est bien plus grande que celle des vaisseaux lymphatiques, qui ne paraissent être chargés que d'un rôle de transport. Ce sont eux , enfin , qui manifestent les premiers les effets des matières délétères que y- lOO FONCTION DES ABSORPTIOTN^S. rabsorplion saisit, comme le prouve l'observation de la syphilis, de la peste, etc. Du reste , ayant avoué notre igno- rance sur l'action par laquelle les radicules lymphatiques ont fait en premier lieu la lymphe, on juge bien que nous ignorons également ce qu'est le perfectionnement que nous supposons ici être éprouvé par ce liquide. Tel est le cours de la lymphe : on le voit à l'œil nu dans les expériences sur les animaux vivants. Ce cours est prouvé, d'ailleurs, i^ par ia disposition de l'appareil lymphatique , la réunion de tous les vaisseaux lymphatiques aux deux troncs centraux, et l'abouchement de ces deux troncs centraux dans le système veineux; 2^ par la disposition des valvuks de ces vaisseaux , qui est telle que la lymphe peut circuler de la circonférence au centre, et non dans la direction inverse; 3^ enfin, par les injections et la ligature du canal thoracique. Si on injecte les lymphati- ques des racines aux troncs, l'injection réussit assez bien, jusqu'à un certain point cependant , à cause des ganglions; au contraire, cette injection est bien plus difficile dans la direction opposée. De même , si on lie le canal thoracique , on voit se gonfler tout le système, puisque rien du fluide qu'il contient ne peut passer dans le système veineux, et que l'absorption, qui se fait toujours, continue d'ajouter à sa quantité. Nous avons dit que cette expérience avait été faite plusieurs fois, et que généralement elle amenait la mort au bout de six à quinze jours , puisqu'elle privait le sang du chyle et de la lymphe, qui sont destinés à le re- nouveler. 40 De la lymphe considérée en elle-même. Quoique la lymphe puisse provenir un peu de la sérosité du sang, et qu'à ce titre on doive revenir encore ci-après sur sa forma- tion, cependant, comme l'absorption interne a certaine- nient part médiatement ou immédiatement à sa production, nous allons en faire ici l'histoire particulière. Nous y som- mes obligés d'ailleurs, puisque cette lymphe est, ainsi que le chyle, un fluide sur lequel opérera la respiration. D'abord, il est deux manières de s'en procurer : ou bien l'on- ouvre plusieurs vaisseaux lymphatiques par une sorte DE l'aBSORPTIOW LYMPHATIQUE. lOl de Ijmphée, comme Sœmmering V a l'ait une fois au pied, et l'on recueille le fluide qui en sort; ou bien, l'on fait jeûner quatre à cinq jours un animal , et quand on présume qu'il ne se fait plus de cliyle par suite de l'abstinence , on tue l'animal , et on recueille le fluide qui est dans le canal thoracique , et qu'on suppose devoir être alors de la lym- phe pure- Yoici les propriétés physiques qu'elle présente : c'est une liqueur diaphane, incolore, peu odorante et peu sapide selon les uns; qui, selon les autres, a une couleur rosée , légèrement opaline, une odeur de sperme fort prononcée , une saveur salée ; qui est légèrement visqueuse , essentielle- ment albumineuse, et dont la pesanteur spécifique est su- périeure à celle de l'eau distillée; le rapport deTuneàrautre est comme 1022,28 , à 1000,00. Sa couleur, dit-on, est d'autant plus rosée, que l'animal sur lequel on l'a prise a plus jeûné. Examinée au microscope , elle offre les mêmes globules que ceux qui composent le sang, sinon qu'ils sont plus petits ;, et non revêtus de l'enveloppe colorante. Dans sa composition chimique , elle a beaucoup de ressemblance avec le sang. Abandonnée à elle-même ^ elle se partage comme lui en deux parties : i» une liquide, qui est un sérum à peu près semblable à celui du sang; 2^ une solide, qui est un caillot à^nn rose plus foncé, formé de filaments rou- geâtres, ressemblant à des arborisations vasculaires, et com- posé aussi comme le caillot du sang. M. Bi^ande, qui le premier a fait l'analyse de la lymphe, dit qu'elle est de l'eau tenant en dissolution un peu d'albumine ^ de chlo- rure de sodium, et un peu de soude. Dans 1000 parties de lymphe retirée d'un animal à jeun, M. Chei^reiil a. trouvé : eau^ 926,4; fibrine, 004,2; albumine, 061,0; muriate de soude, 006,1: carbonate de soude, coi,8; phosphate de chaux, de magnésie, et carbonate de chaux, 000, 5. Quant à la quantité de la lymphe , il n'est guère possible de l'évaluer. Comment pouvoir recueillir toute celle qui remplit le système lymphatique ? Peut-être cette quantité est-elle moins considérable qu'on ne l'a supposé d'après la grande capacité du système lymphatique et le grand nombre 102 rONCTlOIS'^ DES ABSORPTIONS. de vaisseaux de ce système? En effet, beaucoup de ces vais- seaux paraissent être vides le plus souvent, ou n'être par- courus que par un mince filet de lymplie. Une expérience particulière de M. Magendie porte aussi à le croire. Ce physiologiste, cliercliant à recueillir toute la lymphe d'un chien de forte taille , n'en a guère obtenu qu'une once et demie : il lui a paru que cette quantité augmentait toutes les fois qu'on soumettait l'animal à l'abstinence. Du reste, cette petite quantité de lymphe , à supposer qu'elle fût réelle, ne pourrait faire préjuger rien contre Fabsorption lymphatique ; car rien ne prouve d'autre part que les ab- sorptions internes aient besoin de s'effectuer beaucoup et vite. La lymphe étant produite, en partie au moins, par l'ab- sorption interne , en a nécessairement dans l'économie toute l'importance. Mais , de plus , elle fonde un suc qui partage avec le chyle l'office de renouveler, de faire le sang , d'être un des matériaux de Fhématose. Elle a, en effet, reçu dans son sein le chyle ; et l'on verra qu'elle va , avec ce fluide , se changer au poumon, par l'acte de la respiration, en sang artériel. Ainsi que nous l'avons déjà dit , tout corps vivant se nourrit à la fois et avec ce qu'il prend au-dehors de lui , et avec ce qu'il puise dans sa propre substance. C'est le chyle qui représente les matériaux nutritifs pris au-dehors, tandis que la lymphe représente une partie de ceux qui proviennent de l'économie même. Sans doute les premiers matériaux sont tellement les principaux, qu'ils sont en dernière analyse in- dispensables; mais il est certain que les derniers peuvent les suppléer quelques jours , puisqu'on ne meurt pas aus- sitôt par abstinence. Alors, la lymphe répare à elle seule le sang: aussi est-elle, dans ces cas, plus abondante, plus rosée; et on voit disparaître rapidement les matériaux avec lesquels elle est faite , la graisse , par exemple. Sous ce point de vue , la iymphose a , dans l'économie , la même impor- tance que la chylose ; comme elle , elle tend à préparer les matériaux constitutifs du fluide immédiatement nutritif, le sang artériel. C'est même une merveille bien digne d'être remarquée , que de voir ces actions qui se succèdent^, et qui DE L'ABSOliPTIO^ VEINEUSE. 1 o3 sans doute sont différentes , puisqu'elles sont exécutées par des organes différents^ travailler cependant la matière de manière à la rapprocher également par degrés de la forme sous laquelle cette matière sera propre à vivre, et à faire partie d'un organe; il est impossible de méconnaître une animalisation graduelle et de plus en plus forte, dans le chyle d'abord , puis dans la lymphe , et enfin dans le sang. La lymphe étant une humeur qui tient le premier rang dans ce qu'on appelle les fluides de composition , il ne faut pas s'étonner de la funeste influence qu'ont, sur la nutrition et l'accroissement, les maladies du système lymphatique. Ainsi s'explique aussi pourquoi le système lymphatique prédomine dans le jeune âge, où tous les mouvements nu- tritifs doivent être plus prononcés; pourquoi c'est à cet âge que les maladies lymphatiques sont les plus communes , les maladies d'un système étant toujours en raison de son degré d'activité. § II. De V Absorption veineuse. L'absorption veineuse , dans beaucoup de points , offrira les mêmes traits que l'absorption lymphatique; il faut, dans son étude , suivre le même ordre, c'est-à-dire décrire d'abord anatomiquement le système veineux , puis en expo-» ser l'action. 1° Système vasculaii'e veineux. Il se compose , chez l'homme , de vaisseaux nombreux, ap- pelés veines^ ^[^.1, commençant dans l'intimité de toutes les parties du corps , dans ce qu'on appelle les systèmes ca' pillaires , se portent depuis ces lieux divers où se font les absorptions internes, jusqu'à l'organe central de la circu- lation, le cœur. Il faut aussi eu étudier l'origine, le trajet, la terminaison et la texture. Leur origine dans la profondeur des parties nous échappe. Selon les uns , les veines sont continues aux ramifications der- nières des artères; Malpighi, Leuwenhoeck, par exemple, croient l'avoir remarqué dans leurs observations microsco- piques sur les animaux vivants. On l'a dit aussi d'après la io4 For^CTiOK DES ABSORPTIONS. facilité avec laquelle une injection passe d'une artère dans une Yeine, facilité qui est plus grande ici qu'en tout autre vaisseau. Selon d'autres, au contraire, il y a, entre les ar- térioles dernières et les premières veinules, des cellules, un parenchyme spongieux, dans lequel les premières déposent des sucs et où les dernières en pompent d'autres. Le doute ICI tient à l'impossibilité où nous sommes de pénétrer la texture des systèmes capillaires, comme nous l'avons déjà dit a 1 article des lymphatiques ^ et comme nous le dirons encore a celui de la circulation. Les veines commencent- elles, comme les lymphatiques, par des radicules béants aux diverses surfaces ? ou ont-elles à leur origine des vaisseaux piUS déliés, chargés d'effectuer l'absorption , de même que les artères en auraient , à leur terminaison , chargés d'effec- tuer l'exhalation nutritive? Encore une fois, tout cela ne peut être présenté que comme conjecture. Tout ce qu'on sait , c est qu en même temps qu'il y a communication fa- cile entre les artères et les veines, les veines sont ouvertes dans le tissu des organes et sur les diverses surfaces autant que les lymphatiques ; et plus que les artères. Nous avons déjà dit que M. Ribes ^ injectant les veines de la moitié in- lerieure de la cuisse , ou la veine cave , a vu , dans le premier cas , la matière pénétrer jusque dans la peau et le tissu cel- lulaire , et dans le second, jusque dans le tissu spongieux du corps des vertèbres. Long-temps avant, i)/ecAe/ avait établi ce fait anatomique. M. Ribes , injectant une veine du bas- fond de la vessie, d'un côté a rempli le plexus vésical et le tissu caverneux de la verge et de l'urèthre, et de l'autre a pénètre jusqu'à la veine hypogastrique. Nous avons dit auissi qu en injectant les veines mésaraïques, il avait pénétré les villosités intestinales, et rempli la cavité de l'intestin. Cet anatomiste conclut de ses travaux en ce genre, loqueles vei- nes, à leur origine dans les organes, forment des plexus, des corps caverneux , concourent très prochainement à for- mer certaines parties; 2^ que, de leurs origines capillaires, les unes sont immédiatement continues aux dernières arté- rioles , et les autres ouvertes et béantes dans les aréoles dii lissii lamineux et dans la profondeur des orgajies. Il ajoute î)E l' Appareil veiinkux. ioj qu'il ne revient aiasi de veines que des parties qui reçoivénL des artères, et que beaucoup de diiréreiices exislenl entre les organes sous le rapport de la quantité des veinules qu'ils contiennent; par exemple^ la rate, les corps caverneux de la verge , le clitoris^ l'utérus, l'iris, le gland, l'urètlire , etc., paraissent eu être presque exclusivement formés. A partir de cette origine, les veines, quand elles com- m.encenl à être visibles , se présentent sous forme de canaux très ténus, communiquant tous les uns dans les autres, et constituant un réseau très délié. Elles cheminent de là en formant successivement des ramuscules , des rameaux, des branches, des troncs , en un mot, des canaux de plus en plus gros et de moins en moins mombreux , et en se dirigeant du côté du cœur, dans l'oreillette droite duquel elles finissent par aboutir par trois troncs. Dans le long trajet qu'elles ont à parcourir , elles affec- tent deux plans : un profond^ qui est contigu aux artères et se distribue comme elles; et un superficiel, qui se dessine sous la peau , et sous l'enveloppe de chaque organe : de très fréquentes anastomoses les unissent. Ces anastomoses s'étendent des veines superficielles aux veines profondes, des veines de la partie supérieure du corps à celles de la partie inférieure , de celles de l'intérieur d'une cavité à celles de la périphérie de cette cavité, etc. : d'autant plus multipliées, que les veines sont plus petites et plus éloi- gnées du cœur , elles sont réellement innombrables dans les systèmes capillaires et dans les parenchymes. Les veines varient beaucoup en chaque organe pour la capacité et la disposition ; on ne peut rien dire de leur vo- lume, qui varie depuis la ténuité du cheveu jusqu'à la gros- seur du pouce : généralement elles sont d'autant plus nom- breuses et d'autant plus grêles, qu'elles sont plus éloignées du cœur, et d'autant moins nombreuses et d'autant plus grosses qu'elles s'en, rapprochent; d'oùlacomparaisonqu on a faite du système veineux à un arbre qui a son tronc au cœur, et ses ramifications dans les parties : la seule diffé- rence, c'est que ces ramifications ne sont pas libres et isolées, mais sont unies entre elles en réseaux pour constituer les 106 rONGTJON DES ABSOllPTIOISS. pai'enchymes des organes. Les tiivisions de ces veines se font sous des angles très divers, droits, aigus, obtus ;, etc. Les gros troncs sont placés profondément et à l'abri de toutes atteintes extérieures. Tantôt leur direction est droite, tan- tôt elle est flexueuse; mais plus généralement les veines of- frent moins de flexuosités que les artères et surtout que les lymphatiques. Elles n'offrent pas dans leur ensemble une suite de cônes, mais bien une suite de cylindres 'successive- ment plus gros; et comme la capacité réunie de deux ra- meaux veineux est supérieure à celle du tronc qu'ils forment parleur réunion, et cela dans toute l'étendue du système, il en résulte que la capacité du système veineux va en dimi- nuant des parties au cœur , et que cet appareil de vaisseaux offre dans son ensemble un cône dont le sommet est au cœur, et la base aux diverses parties. Du reste , ces veines offrent presque toutes des particu- larités dans cbaque partie du corps; par exemple , au cer- veau , elles aboutissent toutes aux sinus de la dure-mère; au cordon spermatique , elles sont très flexueuses, anasto- mosées très fréquemment entre elles , et forment ce que nous verrons y être appelé le corps pampiniforme ; autour du vagin, elles forment le corps rétiforme ; dans l'utérus , les sinus nilérins , etc. Toutes se terminent enfin à trois troncs qui sont les abou- tissants de tout le système, et qui s'ouvrent eux-mêmes dans l'oreillette droite du cœur, savoir, la veine ca\>e supé- rieure, la veine ca^^e inférieure, et les veines cardiaques. La veine cave supérieure est l'aboutissant de toutes les vei- nes de la moitié supérieure du corps ; c'est à elle qu'appar- tiennent les veines sous-clavières , dans lesquelles nous avons vu affluer le cbyle et la lymphe; elle a beaucoup de grosseur, et s'étend depuis le cartilage de la première côte jusqu'à l'oreillette droite du cœur, étant en partie renfer- mée dans le péricarde. La veine cave inférieure est l'abou- tissant de toutes les veines de la moitié inférieure du corps, et s'étend depuis la quatrième vertèbre des lombes jusqu'à l'oreillette droite du cœur. Enfin, les veines cardiaques ou coronaires appartiennent au cœur lui-même, et nées de son DE L APPAREIL VEIJNEUX. n.7 tissu, elles vont s'ouviir aussi dans l'oreillelle droite. Une anastomose très remarquable s'étend de l'une des veines cavesàl'autre; c'est la veine azygos, qui sert à remédier aux obstacles que l'une ou l'autre pourrait offrir, surtout aux embarras de la veine cave inférieure, car elle est unie à la supérieure beaucoup trop près de son entrée dans le cœur , pour qu'on puisse supposer qu'elle serve à son dégorge- ment. Enfin, les veines sont composées de trois membranes su- perposées les unes aux autres et unies entre elles par de la cellulosité. 10 La membrane extérieure est celîuleuse, et n'est guère qu'une condensation du tissu cellulaire envi- ronnant, de ce tissu jeté dans l'intervalle des parties pour en remplir les vides. 2^ Au - dessous est la membrane propre des veines, qui adhère beaucoup à la première. La plupart des anatomistes la disent formée de fibres longitu- dinales qui sont plus marquées dans la veine cave inférieure que dans la supérieure , dans les veines superficielles et sous-cutanées que dans les veines profondes, aux rameaux qu'aux troncs, et qui, à cbaque bifurcaûon des veines, se partagent elles-mêmes pour se continuer sur chacun des deux rameaux. M. Magendie dit les avoir vues entrelacées dans tous les sens. Cette membrane, quoique mince, est fort résistante et surtout assez extensible ^ ce qui était né- cessaire pour la fonction que les veines ont à remplir, la circulation dans ces vaisseaux étant exposée à éprouver fré- quemment des retards. Différente de celle des artères, molle au lieu d'être sèche et élastique, sa nature est sui generis , car elle ne ressemble à aucun des autres tissus de l'économie; évidemment surtout elle n'est pas muscuîeuse, car l'inspec- tion anatomique n'y fait rien voir de tel , et on ne peut ja- mais déterminer en elle la moindre contraction : peut-être cependant existe-t-il quelques fibres musculaires à l'origine de la veine cave inférieure et à la veine azygos. M. IMagendie dit qu'elle est de nature fibrineuse. 5^ Enfin , la membrane interne des veines est mince , et semble analogue à celle qui tapisse l'intérieur des cavités droites du eœur; elle est fort lisse , fort dilatable, non susceptible de s'ossifier comme la 108 FONCTION DES ABSORPTIONS. membrane interoe des artères , fort résistante , et capable de supporter sans se couper une ligature fort serrée. On a voulu qu'elle soit, comme celle qui tapisse les vaisseaux lymphati- ques^ le siège d'une perspiration ^mais probablement avec aussi peu de fondement , car les veines s'oblitèrent quand le sang cesse de les parcourir. Elle forme dans l'intérieur des veines, d'espace en espace, des replis paraboliques, c'est-à dire des valvules comme celles qui existent dans les lymphatiques. Ces valvules ont leur bord libre tourné du côté du cœur, ce qui prouve qu'elles permettent le cours du sang des ex- trémités du système au cœur. Dumas prétend qu'elles ont des fibres tendineuses qui les renforcent. Elles sont, ou so- litaires, ou doubles, ou triples, et interceptent complète- ment ou non le calibre de ces vaisseaux. Il y a beaucoup de variétés à leur égard, même sous le rapport de leur existence, qui n'est pas constante en toutes les veines : généralement elles sont plus multipliées là où le sang marche contre son propre poids, où les veines sont plus extensibles, où n'agis- sent aucunes pressions extérieures, aux veines superficielles, à celles des membres, et des membres inférieurs surtout; elles manquent dans la veine azygos , dans les veines du cerveau, dans les ramifications de la veine-porte, etc. A ces trois membranes , il faut ajouter les éléments organiques qui existent en toute partie vivante quelconque, arlérioles, veinules, nerfs, etc. Cette texture donne aux veines une solidité assez grande, mais qui est moindre que celle des artères; dans le cadavre, les veines s'affaissent, et ne restent pas béantes comme les artères. Elles ont aussi moins d'élasticité, ce qui, du reste, est en rapport avec le rôle que ces deux genres de vaisseaux ont à remplir dans la circulation. Cependant elles se rom- pent moins que les artères, comme le prouve la rareté avec laquelle les varices crèvent, par opposition auxanévrysmes; comme Wintrin^ham l'a fait voir aussi par des expériences qui consistent à injecter dans des vaisseaux des poids dé- terminés de mercure. Elles sout fort dilatables, plus que les artères, et jouissent d'une certaine élasticité , ])uisqu'on les voit revenir sur elles-mêmes quand elles ne sont plus DE L APPAREIL VEINEUX. 109 pleines, et même s'oblitérer quand le sang cesse de les tra- verser. Elles n'ont enfin qu'une vitalité assez obscure , mais qui est plus prononcée que celle des artères. Le système veineux se voit très bien, quand on FiTijecte par les vein-es caves, ou quand, dans un animal vivant, on fait une ligature à ces deux troncs. 11 est impossible d'en apprécier la capacité. D'après quelles bases, en effet, pour- rait-on le faire? Jugerait-on d'après le cadavre? mais il y a de grandes différences dans le volume des veinesselon le genre de mort; ces veines sont plus volumineuses dans le cadavre d'une personne morte d'aspliyxie , que dans celui d'une per- sonne morte d'hémorrbagie. Jugerait-on d'après des vivisec- tions? mais on ne peut les faire sur l'homme ; et la quantité de sang veineux doit varier selon les absorptions et les con- ditions peu connues qui président à sa formation. Tout ce qu'on peut dire , c'est que comme il y a deux plans de veines pour un seul plan d'artères, par conséquent deux veines au moins pour une artère, et qu'au plan profond les veines sont toujours plus grosses que les artères congénères, le sys- tème veineux est évidemment supérieur en capacité au sys- tème artériel. Maison ne peut évaluer en cbiffres de combien l'un surpasse l'autre. Borelli dit que le système veineux a quatre fois plus de capacité que le système artériel , et est à ce système comme de quatre à un; Saunage dit comme neuf à quatre, c'est-à-dire qu'il a plus du double de capa- cité; Ilaller coimne seize à neuf, ce qui est un peu moins du double; Eeil comme vingt-cinq à cinq, ce qui est les quatre cinquièmes. N'ayant aucun moyen d'évaluer la ca- pacité de chacun de ces deux systèmes en particulier , com- ment pourrait-on estimer leur différence sous ce rapport? Telle est la disposition générale du système veineux, qui diffère du lymphatique en ce qu'il n'offre pas de ganglions dans son trajet, et enceque les vaisseaux successivement de plus en plus gros, de moins en moins nombreux , représen- tent dans leur ensemble un arbre. Il est cependant deux ex- ceptions, qu'il importe de faire connaître, i^^ L'une n'est que dans la forme des parties : c'est celle des veines du cer- veau qui se Tendent dans les sinus de la dure-mère; nous ,,0 FO^'GTIOK DES ABSORPTIONS. en parlerons à l'article de la circulation. 20 L'autre est plus importante^ et fonde ce qu'on appelle le système de laveine- porle, le système veineux ahdominaL Toutes les veines qui reviennent des organes digestifs situés dans l'abdomen se réunissent en un gros tronc qu'en appelle ^eine-porte ; celle-ci, ensuite, au lieu de se rendre à une veine plus grosse , à la veine cave inférieure , par exemple , va se rami- fier à la manière d'une artère dans le tissu du foie ; et de ce foie naissent alors d'autres veines appelées s us -hépatiques qui se rendent à la veine cave inférieure , mais qui provien- nent autant des artères du foie que des rameaux de la veine- porte. Cette exception bien remarquable , et sur l'utilité de laquelle on a fait mille conjectures , ne porte que sur les veines des organes digestifs situés dans l'abdomen, la rate^ le pancréas, l'estomac, l'intestin, les épiploons; les veines de tous les autres organes de l'abdomen, des reins, de la vessie, des capsules surrénales, des organes génitaux^ des parois abdominales^ y sont étrangères. 2° Mécanisme de l'Absorptiou veineuse. Il faut suivre encore ici le même ordre que pour lès ab- sorptions cliyleuse et lympbatique, d'autant plus que beau- coup de traits sont les mêmes , et qu'ayant été développés à l'article de ces absorptions, il suf&ra de les rappeler. Nous allons aussi recbercber : 1° quels sont les matériaux sur lesquels agit le système veineux, ou autrement d'où pro- vient ce fluide ; 20 ce qu'est l'action d'absorption qu'exécute le système veineux à son origine, et d'où résulte, en partie au moins, le sang veineux ; 3» quel est le cours du sang vei- neux depuis l'origine du système jusque dans le centre de la circulation, dans le cœur, et reclierclier s'il subit des altérations dans ce trajet; 4*^ entîn, faire connaître ce qu'est le sang veineux, en étudier les propriétés physiques, la composition chimique , la quantité , e!,c. 1» Matériaux du sang veineux. Tous les physiologistes anciens, et une grande partie de ceux de notre temps, regar- dent le sang veineux comme n'élant que le sang artériel DE L ABSORPTION VEINEUSE. i i i qui a traversé les systèmes capillaires du. corps, le paren- chyme des organes , et qui a subi quelques altérations pen- dant ce trajet, pendant lequel il a servi aux nutritions, aux sécrétions et aux calorifications. Le sang veineux, di- sent-ils, n'est que le reste du sang artériel qui, pendant sa traversée dans les systèmes capillaires, a été altéré d'une manière spéciale. Quatre arguments servent de base à cette opinion , la ressemblance assez grande qu'a le sang veineux avec le sang artériel ; la facilité avec laquelle une injection poussée dansles artères passedanslesveines; la remarquequ'il ne revient de sang veineux que des parties qui reçoivent du sang artériel ; enfin, la particularité qu'offre le sangveineux de constituer une des moitiés du grand cercle circulatoire. Mais, sans nier que le sang veineux ne soit , pour la plus grande partie au moins , le reste du sang artériel qui a tra- versé les organes, s'il est vrai que les veines effectuent mé- diatement ou immédiatement les absorptions internes, il faut considérer les matériaux de ces absorptions comme concourant aussi à sa formation. Or il a été prouvé plus haut que les veines pouvaient être , à aussi bon droit que les vais- seaux lympha tiques, considérées comme les agents des absorp- tions internes; elles sont de même des vaisseaux de retour; elles ont également des communications faciles avec les sur- faces externe et interne du corps ; le fluide qui circule dans leur intérieur va, de même que la lymphe, se mêler au chyle , et se changer dans le poumon en sang artériel ; elles effectuent également les absorptions insolites, etc. Dès lors on doit regarder les matériaux des absorptions internes comme concourant à former partie au moins du sang veineux. C'est ce que pensent aujourd'hui beaucoup de physiologis- tes, et ce que doivent admettre ceux qui croient à l'absorp- tion veineuse, s'ils veulent être conséquents avec eux-raêm.es : et en vérité, il est bien étrange que lorsqu'on ne reconnais- sait d'autres agents à l'absorption interne que les veines, on ait méconnu ce fait. Le sangveineux dérive donc, pour une partie au moins, de l'absorption interne, comme le chyle dérive de l'absorption digestive alimentaire. Il suffit de remarquer qu'il est plus abondant que le sang artériel , 1 1 2 FONCTION DES ABSORPTIONS. pour reconnaître qu'il ne peut être seulement le reste de ce sang artériel. Maintenant, nous n'avons pas besoin d'énumérer les ma- tériaux dont il provien t , ce sont les mêmes que ceux qui servent à la formation de la lymphe ; s'ils donnent nais- sance ici à un autre fluide, c'est qu'ils sont saisis par un autre ordre de vaisseaux. Tout ce que nous avons dit à l'article de l'absorption lymphatique, sur l'impossibilité d'indiquer quelle quantité de ces matériaux est absorbée, s'applique ici ; et il est également impossible de dire ce qui , dans le sang veineux , n'est que le reste du sang ar- tériel, et ce qui provient des matériaux des absorptions internes. 2^^ Action absorbante des veines. Cette action est en tout semblable à celle des lymphatiques. Les radicules des vei- nes, médialement ou immédi*atement, saisissent les maté- riaux des absorptions internes, et les changent aussitôt en un fluide , qui est le sang veineux lui-même , ou qui , se mêlant aussitôt avec lui, ne peut plus en être distingué, mais qui au moins ne conserve rien des matériaux dont il dérive, puisque ceux-ci ne peuvent y être retrouvés. Leur action est moléculaire, échappe à nos sens, et ne se mani- feste que par son résultat. On en ignore le siège précis, et l'on doute aussi, losi la veine absorbante a un orifice di- rectement ouvert aux surfaces; 2« ou si elle a à son extré- mité et dans son pourtour un tissu gélatineux chargé d'ef- fectuer l'absorption; 3^ ou bien, enfin, si elle se termine par des vaisseaux d'un ordre plus délié, et qui seraient les agents directs des absorptions. Cette action est, non-seule- ment une action de pompement, mais encore une action d'élaboration, puisque les matériaux saisis ne se trouvent pas dans le sang veineux sous leur forme première, el sont réellement changés dans la substance de ce sang. Enfin , Tes- sence de celte action est aussi impénétrable que celle de l'action de lymphose ; et l'on ne peut assurer d'elle que les deux propositions que nous avons dites des actions d'ab- sorptions précédemment examinées; que les veines ne sont pas passives pour la produire, et que, n'étant pas une ac- DE L*ABSORPTION VETiNEUSE. i i -^ lion mécanique ni chimique, elle doit être dite organique. et vitale. Sous le premier point de vue, lorsqu'on méconnaissait que les matériaux: des absorptions internes concourussent en quelque cliose à la formation du sang veineux , on pou- vait croire que les veines étaient sans action relativement à îa formation de ce sang; on disait, en effet, que Je sang artériel, altéré par les nutritions, y était passivement, poussé par l'action du cœur. Mais, sans agiter ici la ques- tion de savoir si les veines n'aspirent pas elles-mêmes le reste du sang artériel , si elles ne concourent pas à le faire passer de l'état artériel à l'état veineux, il est sûr, au moins, pour ce qui regarde la portion de ce sang veineux qui dé rive des absorptions internes, que ce sont elles qui, par leur action, la font. Sous le second point de vue, on a appliqué, mais avec aussi peu de succès, à l'absorption veineuse, toutes les ex- plications physiques , mécaniques et cliimiques que nous avons rapportées à l'article de l'absorption lymphatique. On a voulu qu'elle ne fût qu'une introduction passive des ma- tériaux absorbés à travers les pores des veines; on l'a dite un phénomène analogue à l'attraction des tubes capillai- res, le résultat d'une pression exercée sur les matériaux à absorber et qui obligeait ces matériaux à pénétrer dans l'intérieur des veines, etc. Toutes ces théories mécaniques sont ruinées par cette seule remarque , que l'action d'ab- sorption est, non une simple action de pompement, mais une action d'élaboration qui change aussitôt en sang vei- neux les matières saisies. Nous renvoyons à ce que nous avons dit à l'article de l'absorption lymphatique pour prou- ver que cette action est organique et vitale , car il y a parité totale entre ces deux al)sorptions. Cependant M. Magendie , qui ne croit pas à l'absorption lymphatique , etqui ne reconnaît que les veines pour agents des absorptions internes, a présenté, en octobre 1820 , un Mémoire à l'Académie des sciences, tendant à rattacher l'ac- tion d'absorption de ces vaisseaux au phénomène physique de l'attraction capillaire. TjCS expériences sur lesquelles ce Tome HT. ~ 8 1 1 4 FOKCTIOÎN DES ABSOKPTiOTfS. pliysîologiste se fonde peuvent être rapportées à deux grou- pes, lo M. Magendie injecte un litre d'eau chaude à 4o de- grés, therm. cenlig.y dans les veines d'un cliien de moyenne taille; et mettant ensuite, dans la plèvre de cet animal, une légère dose d'une substance vénéneuse connue, il ob- serve que les effets du poison se manifestent plusieurs mi- nutes plus tard qu'à l'ordinaire. Répétant cette expérience plusieurs fois, il en obtient les mêmes résultats. Quelquefois cependan t les effets son t aussi prompts, mais alors ils son t plus faibles et plus prolongés. Enfin , dans un cas où il avait in- jecté dans les veines de l'animal autant d'eau que celui-ci pouvait en supporter sans mourir, deux litres, le poison ne manifesta plus d'effets. De ces premières expériences , M. Magendie conclut que, lorsque les effets du poison ont été plus tardifs ou nuls , c'est que l'absorption s'est faite plus tardivement, ou même ne s'est pas faite du tout; et que ce défaut d'absorption a été du à l'état de distension dans le- quel, consécutivement aux injections, se sont trouvés les vaisseaux. Pour confirmer cette dernière assertion, il saigne^, après une demi-heure, l'animal qui avait subi une injec- tion de deux litres, et il voit les effets du poison se mani- fester, à mesure que lesangcoule. S'il prend au contraire la précaution de saigner d'avance l'animal qu'il va soumettre à âes expériences dece genre, et de désemplir les veines au lieu de les distendre; s'il ôte, par exemple, une demi-livre de sang, les effets du poison, qui ne se montraient auparavant qu'au i)OUt de deux minutes, éclatent après trente secondes. Enfin, pour savoir si la modification qu'il observe dans l'absorp- tion, tient à lin changement dans la nature du sang plutôt qu'à l'état de distension des vaisseaux, d'un côté il tire du sang à un animal , pendant que de l'autre il lui injecte de l'eau dans les veines , et il voit que les effets du poison sont aussi prompts et aussi intenses que si l'on avait opéré sur un animal non préparé. Or, M. Magendie, croyant voir dans ces expériences que l'absorption du poison se fait en raison inverse du degré de distension des vaisseaux^ plus s'ils sont grêles, moins s'ils sont distendus, en conclut que l'absorp- tion est un phénomène physique, un effet de l'attraction DE l'aBSORPTIOW VEINEUSE. Il5 capillaire des parois vasculaires. Mais d'abord^ M. Magendie ne juge de l'absorption que par les effets du poison, el il pourrait se faire que , lorsque le poison ne se manifeste pas, l'absorption s'en soit faite de même, Si, par exemple, lors d'une pléthore aqueuse dans les veines, le poison paraît sans eflet^ ne peut-on pas dire que c'est parce qu'alors il est étendu dans un véhicule plus abondant? Cette conjec- ture ne serait-elîe pas aussi vraissemblable que celle que fait ce physiologiste, que les veines trop distendues n'ont plus effectué l'absorption ? et n'explique-t-elle pas pour- quoi , dans les expériences , les effets du poison ont été tour- à-lour plus tardifs et aussi intenses, ou aussi prompts, mais plus faibles ? N'a-t-elle pas pour appui cette observation de M. Magendie lui-même , que toute injection d'eau dans les veines atténue les effets d'un poison primitivement intro- duit dans le sang, du virus de la rage, par exemple? En- suite, il ne s'agit ici que d'absorptions insolites : elles peu- vent n'être que des imbibitions, surtout quand la matière saisie a pénétré à si faible dose ; et on ne peut conclure de ces absorptions insolites, aux absorptions naturelles, dans les- quelles il y a élaboration de matière. Ce premier ordre d'ex- périences ne prouve donc rien contre notre thèse. 20 M. 31agendie, faisant, d'après les expériences précé- dentes, de l'absorption un phénomène purement physique^ était contraint d'admettre que cette absorption devait se produire après la mort comme pendan t la vie, et il fit les expé- riences suivantes pour le démontrer. Une portion delà veine jugulaire externe est mise à nu dans une longueur de trois centimètres sur un cadavre; aj)rès l'avoir isolée , on la plonge dans une 1 iqueur légèrement acide ; un tube est adapté à cha- cune de ses extrémités; par un des tubes, on établi tun courant d'eau tiède en son intérieur ; et l'on. voit qu'au bout de cinq à six minutes, cette eau intérieure est acide. L'expérience répétée sur des animaux divers, sur l'homme, sur les caro- tides comme sur les jugulaires, a toujours les mêmes résul- tats; et ces résultats sont jusqu'à un certain point d'autant plus prompts , que la liqueur est plus acide et la tempéra- ture plus élevée. On la tente sur des animaux vivants : sur 8. Il6 FONGTIOJN DES ABSORPTIONS, uncliien de six semaines, la veine jugulaire externe est ainsi mise à nu, isolée; une carte est passée au-dessous d'elle , et, pendant que la circulation se continue dans son intérieur, une goutte de dissolution d'extrait alcoolique de noix vomique est versée sur ses parois; or, après quatre minutes, les effets du poison se manifestent. Sur un chien plus âgé, les effets se prononcent plus tardivement , après dix minutes seule- ment. Opérant sur les artères carotides, le résultat est en- core le même , mais les effets sont plus lents , parce que les parois de ces vaisseaux sont moins spongieuses que celles des veines. On ne peut mettre en doute que le poison ait passé à travers les parois du vaisseau , et non par les veinules voi- sines , car on le retrouve en nature dans le sang de la veille sur laquelle on opère. Les phénomènes sont encore sembla- bles, quand on opère sur de petits vaisseaux. Enfin, ayant rempli d'eau acide le péricarde, M. Magendie injecte de l'eau tiède dans l'artère coronaire, et cette eau, rame- née par la veine coronaire à l'oreillette droite , se montre au bout de six minutes acide aussi. Or, ces faits sont, selon M. Magendie, des résultats de l'absorption; et, comme ils paraissent être des phénomènes de simple imbibition , ce médecin assigne ce caractère à l'action d'absorption. Mais tous les faits relatés dans cette seconde série d'expériences, sont-ils bien véritablement des phénomènes d'absorption ? et M. Magendie ne s'est-il pas trompé sur leur nature ? où est l'action élabora trice qui est l'attribut caractéristique de toute absorption ? A ce compte , tout vaisseau serait absor- bant, le lymphatique comme le veineux; et cependant M^ Magendie nie l'absorption lymphatique. A la vérité, il dit bien que la matière absorbée pénètre dans les lymphati- ques comme dans les veines , et que, si cette matière ne ma- nifeste pas ses effets , c'est qu'il ne se fait aucune circulation dans ces vaisseaux, et que le poison n'est pas transmis aux centres nerveux. Mais il aurait dû au moins retrouver par l'analyse chimique la matière dans la lymphe, et il ne l'a pas pu. L'absorption aurait dû se faire aussi par les artères. Il nous semble qu'ici M. Magendie a pris, pour des actes d'absorption, des phéuomènes de simple imbibition; el il DE L ABSORPTION VEINEUSE. I17 n'est pas étonnant dès lors qu'il leur ait trouvé une essence loule physique. Nous en dirons autant de travaux, plus récents encore, entrepris sur l'absorption et l'exhalation, par M. Fodera. Ce physiologiste veut prouver que la première action n'est qu'une imbibition , et la seconde une transsudation. Nous reviendrons sur l'exhalation à l'article des sécrétions; et, quant à l'absorption, M. Fodera nous paraît commettre la même erreur que M. Magendie y c'est-à-dire prendre de vé- ritables laits d'imbibition pour des phénomènes d'absorp- tion. Ses expériences, en effet, con^sistent à placer dans une portion d'artère bien isolée du reste du corps, une solution d'extrait alcoolique de noix vomique; ou à remplir de ce poison une portion de vaisseau , d'intestin , et à placer en- suite ces parties dans une plaie ou dans l'abdomen d'un animal : comme il voit, dans ces divers cas, les effets de l'empoisonnement se manifester, ii en conclut que le poison a pénétré par imbibition , et que l'absorption n'est qu'une imbibition. La première de ces conséquences est juste; mais il n'en est pas de même de la seconde : nous pouvons lui- opposer toutes les objections que nous avons faites à M. Magendie. Enfin, il y a deux ou trois ans qu'un médecin anglais, M. Barrj, dans deux mémoires présentés, l'un à l'académie royale des sciences, et l'autre à l'académie royale de méde- cine, prétendit que le retour du sang veineux, de toute la périphérie du corps au cœur, était dû à la pression atmo- sphérique. Lors de l'inspiration, dit ce médecin, un grand vide se fait dans le poumon, la pression atmosphérique ex- térieure cesse d'être contrebalancée, et cette pression fait affluer avec force dans le cœur tout le sang des veines. Or, M, Barry a conjecturé que l'absorption veineuse tenait à la même cause; et, comme preuve, il a cité des expériences dans lesquelles l'absorption de poisons déposés dans des plaies paraissait s'effectuer ou se suspendre, selon que ces plaies restaient exposées à la pression atmosphérique , ou étaient affranchies de l'influence de cette pression , au moyen d'une ventouse. Nous ne partageons ropiniori de M. Barrjy il8 FONCTION DES ABSORPTIONS. ni relativement à la circulation veineuse, ni relativement à l'absorption ; mais nous renvoyons l'exposition de nos motifs à l'article de la circulation. Nous concluons donc que l'action absorbante des veines est encore une action élaboratrice , organique et vitale; et , comme elle se passe aussi aux extrémités capillaires d'un système Vasculaire , et qu'elle agit sur des molécules très divisées, on ne peut pas plus la saisir en elle-même que l'ac- tion de la lympbose. On ne peut en dire que les trois pro- positions communes à toutes les actions élabora triées exami- nées jusqu'ici; savoir : lo qu'une seule substance peut la subir : si , en effet, quelques substances étrangères sont mê- lées aux matériaux des absorptions internes , ces substances pourront bien être saisies par les veines , mais elles ne seront pas changées en sang veineux; on les retrouvera en nature dans ce liquide , qu'elles altéreront par leur mélange avec lui. 20 Qu'elle n'est pas une action cliimique générale; et, en effet, le sang veineux n'existe pas tout formé dans les matériaux des absorptions internes; et, de la connaissance de la composition chimique de ceux-ci , on ne peut conclure chimiquement à la formation de celui-là. 3o Qu'enfin, son produit est toujours identique , du sang veineux. Et en effet , n'est-ce pas toujours le même appareil qui agit, et sur les mêmes matériaux que cet appareil opère ? Il n'y a aussi que des degrés inégaux de perfection , selon le degré d'in- tégrité et d'énergie de Fappareil veineux , et vselon l'état plus ou moins bon des matériaux qu'il élabore. Cette dernière proposition, à la vérité ^ touche à une question sur laquelle les physiologistes sont divisés , celle de savoir si c'est un même sang veineux qui revient des di- verses parties. La question est difficile à résoudre , parce que l'acte qui fait ce sang veineux n'est pas déterminé; et que, comme on l'a vu, ce liquide provient peut-être de plusieurs sources. En effet, c'est dans ce qu'on appelle les systèmes capillaires que ce liquide est fait; car, d'artériel qu'était le sang en y entrant, il en sort veineux. Mais beaucoup d'ac- tions sont effectuées dans ces systèmes capillaires; savoir: leur circulation propre, qui est autre que la circulation DE I/ABSOI\PTION VEINEUSE. II9 générale; la IransformaLion du sang artériel dans la sub- stance des organes, pour la composition; l'action de la ca- lorifîcation , celle des sécrétions; peut-être une stimulation spéciale exercée par le sang artériel sur les organes, el de laquelle dépend la vie; enfin l'action de l'absorption in- terne dont nous nous occupons ici. Or, chacune de ces ac- tions peut avoir part à la production du sang veineux; et comme on le conçoit, cela complique la question de l'iden- tité , ou de la non identité de ce fluide. La plupart des physiologistes professent que ce n'est pas un même sang veineux qui revient des diverses parties : mais ce n'est pas sur des faits directs qu'ils se fondent; ils ne signalent aucunes différences entre des sangs pris à des par- ties différentes du corps; ce n'est que sur des raisonnements qu'ils s'appuient; et non-seulement aucun ne nous paraît convaincant, mais encore nous en trouvons d'aussi bons pour admettre une opinion contraire. Ainsi Legallois , ne considérant le sang veineux que comme du sang artériel qu'ont modifié les parenchymes pour les nutritions, disait que , comme ce sang artériel avait fourni en chaque organe des matériaux divers , il avait dû être changé en beaucoup de sangs veineux différents. Mais, d'a- bord , c'était supposer que des cinq actions qui se passent dans les systèmes capillaires, et qui peuvent avoir part à la production du sang veineux , c'était l'action de composition seule qui le faisait, et il est possible cependant que les au- tres y concourent aussi; cela est même sûr de l'absorption interne et de décomposition. Bien plus, nous dirons ci-après que nous conjecturons que c'est l'acte de calorifîcation qui a la plus grande part au changement du sang artériel en. sang veineux dans les systèmes capillaires, et que la com- position proprement dite ne fait que consumer une partie du sang artériel. Ensuite , même en admettant avec Légal- lois , que c'est parce que le sang artériel a effectué la com- position des parties, que ce sang est devenu veineux, on ne pourrait pas en conclure pour cela qu'il ne serait pas le même en toutes les parties. Les nutritions, comme on le verra , ne consistent pas en ce que îe sang artériel dépose 120 FONCTION DES ABSORPTIONS, ça et là divers de ses matériaux constituants; les substances nutritives n'existent pas toutes formées dans ce liquide, mais elles t^ont constituées par une action d'élaboration qu'exercent sur lui les parenchymes nutritifs; et le sang veineux ne serait plus dès lors que le débris fécal du sang artériel , si l'on peut parler ainsi. Alors , pourquoi ne serait- il ])as identique dans toutes les parties , comme étant formé partout par les mêmes systèmes capillaires ? on opposera peut-être la diversité des nutritions ; mais avec des aliments divers, l'appareil digestif ne fait-il pas des fèces identiques ? D'autres ont invoqué, en faveur de la non identité du sang veineux^ la diversité de la circulation capillaire dans les différentes parties du corps; mais ce n'est pas par elle-même que la circulation capillaire peut changer le sang artériel en sang veineux; ce n'est qu'indirectement en déterminant le caractère des nutritions et des calorifications ;et par consé- quent la question rentre ici dans ce que nous venons de dire des nutritions, et ce que nous allons dire des calorifications. On ne peut s'appuyer non plusde la diversité des sécrétions, -car ces sécrétions sont, parmi ies fonctions auxquelles on peut attribuer la formation du sang veineux proprement dit, celles qui le plus probablement n'y ont aucune part. Ce n'est en effet qu'une action générale à tous les organes qui peut changer le sang artériel en sang veineux , et l'ac- tion de sécrétion n'est propre qu'à quelques parties. Certainement, si c'est l'acte de calorification, ou une sti^ mulation particulière exercée sur les organes qui amènent dans les systèmes capillaires la conversion du sang artériel en sang veineux , il y a toutes raisons de croire ce dernier identique dans toutes les parties du corps; car cette double action doit évidemment être partout la même, et consé- quemraent imprimer au sang artériel la même altération. Pour ce qui est enfin de l'absorption interne, on objec- tera que les matériaux en sont très divers; mais avec ces rnêmes matériaux, a été faite une même lymphe; avec des aliments très divers est fait un même chyle : on peut appli- quer ici les raisonnements que nous avons fait valoir pour prouver l'identité de la lymphe. DE L'ABSOliP'i ION VEINEUSE. i 2 1 Il y a donc, pour croire le sang veineux le même clans loules les parties du corps, aulanl de raisons que pour penser qu'il diffère. Il ne peul y avoir de doutes, i» que pour celui qui revient de la rate, parce que l'on soupçonne que cet organe est un ganglion sanguin destiné à préparer un sang particulier pour le système veineux abdominal; 20 et pour celui qui revient du foie, dans l'hypothèse que l'exception de la veine-porte a trait, non-seulement à la' sécrétion de la bile, mais à l'hématose en général. Mais ce n'est encore que d'après des raisonnements, et non d'après des faits, qu'on élève un pareil doute. Les sangs des Veines splénique et sus-hépatiques, comparés au sang des autres veines, n'ont pas offert de différences , ou du moins les au- teurs ne sont pas d'accord sur ces différences, ce qui prouve qu'elles sont peu sensibles : tandis que la plupart disent que le sang de la veine splénique est plus aqueux, plus al- bumineux, plus noir, plus onctueux, moins coagulable, et a moins de fibrine, et une fibrine moins animalisée que celui de la veine mésentérique, MM. Gmelin et Tiédemanri disent l'avoir trouvé également coagulable. D'ailleurs, l'usage qu'on assigne à la rate n'est qu'une conjecture ; et à son égard, comment croire que la nature fasse à grands frais un sang spécial, celui de la vein-e splénique, pour l'atténuer en- suite, en le mêlant dans la veine-porte avec le sang de la veine mésentérique? Il semble que cette veine splénique aurait dû aussitôt aller an foie, ou constituer à elle seule la veine-porte. Le même doute existe à l'égard de l'usage qu'on assigne à la veine-porte; rien ne prouve qu'elle ait traita l'hématose; peut-être n'est-elle relative qu'à la sé- crétion de la bile, ou que le reste d'une disposition qui existait dans le fœtus. Mais tout ce qui a trait à la rate et au système veineux abdominal se représentera ailleurs. 3<^ Circulation du sang veineux. Le sang veineux , pro- duit en partie de l'action que nous venons d'étudier, se di- rige comme la lymphe du côté de l'organe central de la cir- culation; des premières veinules où il se laisse apercevoir, on le voit passer dans les veines qui leur font suite ; chemi- ner vers les troncs centraux qui sont les aboutissants de tout 122 FONCTION DES ABSORPTIONS, le syslènie; et enfin être versé dans l'oreilletle droite du <:œur. Chemin faisant , il a reçu aux veines sous-clavières les fluides des deux absorptions précédentes, c'est-à-dire le cbyle et la lymphe; et dès lors il les entraîne avec lui. Il s'agirait aussi de dire quelles causes font circuler ce fluide dans la direction que nous venons d'indiquer; de mentionner quelles sont les résistances mécaniques à sur- monter; de chercher à évaluer les unes et les autres; et d'en conclure enfin avec quelle rapidité le sang veineux cir- cule , si la circulation de ce fluide est uniforme dans les diverses parties du corps, ou si elle va en s'accélérant ou en diminuant graduellement, à mesure que le fluide se rapproche des troncs centraux du système. Sous ces divei's rapports, beaucoup de traits seraient les mêmes que dans la circulation lymphatique, et d'autres, au contraire, se- raient difîerents. Mais, comme le cours du sang veineux forme la moitié du grand cercle circulatoire; qu'il est , à cause de cela , mis eu opposition avec le cours du sang ar- tériel qui forme l'autre moitié , je préfère renvoyer tous ces détails à l'article de la circulation. Il suffit pour notre objet d'avoir indiqué quel est ce cours : il est visible à l'œil nu dans les expériences sur les animaux vivants. Ce cours est prouvé d'ailleurs , par la disposition de l'appareil veineux el la réunion de toutes les veines en troncs centraux qui aboutissent au cœur; parla disposition des valvules qui sont dans l'intérieur de ces vaisseaux , et qui est telle que le sang peut circuler des parties au cœur, et non du cœur aux par- ties; par l'efl^et des ligatures, qui font gonfler la Veine au- dessous et non au-dessus du point lié; enfin, par les injec- tions, qui réussissent beaucoup mieux des rameaux aux troncs qsie des troncs aux rameaux. Nous agiterons seulement la question de savoir si le sang veineux reste identique dans ce long trajet, ou si, à l'instar du chyle et de la lymphe , il va ens'animalisant, en se per- fectionnant toujours davantage. On ne peut encore ré- pondre par des faits directs; on n'a pas non plus examiné comparativement des eangs veineux pris aux origines et à la fin du système. Mais^ d'après des raisonnements j on a pro- DE l'absorption YEJNEUSE. I2l> fessé tour-à-tour l'une ou l'autre de ces deux opinions. Ainsi, Legallois , partant de l'idée que chaque partie du corps fournit un sang veineux différent, croil que le sang veineux cliange à mesure qu'il chemine dans le système : à mesure^ en effet, que des sang veineux divers viendraient se mêler les uns aux antres , devrait varier le fluide commun qui en résulte. Mais nous avons établi qu'il était douteux que ce fussent des sangs veineux différents qui revinssent des diverses parties du corps, et conséquemment le même doute s'étend à l'assertion que l'on en avait déduite. H y a plus : en admettant même que chaque partie fournisse un sang veineux propre , ce sang veineux ne se montrerait dif- férent que dans les capillaires; car dans les ti'oncs il résulte- rait évidemment du mélange de tous les sangs veineux quels qu'ils soient. On peut conjecturer que le sang veineux, est le même dans toute l'étendue du système, parce qu'ici manquent les trois causes qui ont fait croire à une élabora- tion graduelle du chyle et de la lymphe. lO Les veines ne restent pas grêles comme les chyîifères et les lymphatiques; bientôt elles acquièrent un volume qui ne permet plus de les considérer que comme de purs canaux de transport et de conduite. 2» La circulation y est assez lente , à la vérité , mais moins que dans le système lymphatique; et d'ailleurs nulle part dans notre économie on ne voit des fluides se modifier par la réaction seule de leurs principes con- stituants; il faut toujours l'action d'organes élaborateurs. 30 Enfin, ces organes élaborateurs^ les ganglions, n'exis- tent pas. Il n'y a encore de doute que pour le système veineux ab- dominal. Si , en effet, le sang de la veine splénique est un sang particulier, ce sang, en venant se mêler à celui de la veine mésentérique , doit imprimer à celui-ci une modiu- cation particulière. En outre , ces deux sangs , mêlés ensem- ble dans la veine- porte, se disséminent dans le tissu du foie, et il est possible que cet organe leur fasse subir une élaboration quelconque. Mais ce ne sont là que des conjec- tures , et il est pour les combattre autant de raisons que pour les admettre. En somme , puisque le sang veineux parcourt 124 lOîsGïIOlN DES ABSORPTIONS. / el assez vile de gros vaisseaux ; puisque dans ce trajet il iie re- çoitrieu, ne perd rien, el n'est soumis à aucun organe élabora- teur; on a tout lieu de croire qu^il est. le même dans toute l'é- tendue du système, sauf l'exception de la veine-porte , qui peut laisser quelques doutes. Cependant nous n'étendons cette identité que jusqu'aux veines sous-clavières; car , rece- vant là la lymphe et le chyle , on conçoit qu'il devient dif- férent de ce qu'il était auparavant. 4*^ Du sang veineux étudié en lui-même. Bien que le sang veineux ne soit pas le produit exclusif de l'absorption in- terne, et que nous devions revenir sur la formation de ce fluide à chacune des fonctions qui se passent dans les systè- mes capillaires, et qu'on peut présumer avoir part à cette formation, nous allons ici l'étudier en lui-même : il nous importe de le connaître, puisqu'il forme, avec le chyle et la lymphe, un fluide sur lequel opérera la respiration. Vt est aisé de s'en procurer en ouvrant une veine et en recueil- lant celui qui en coule. C'est un liquide d'un rouge brun, d'une odeur fragrante d'ail ou fade, sui generis , d'une sa- veur légèrement salée ^ d'une chaleur égale à celle du corps humain , visqueux au toucher , coagulable , el d'une pesan- teur spécifique supérieure à celle de l'eau distillée. Haller dit que la différence de l'un à l'autre est comme 1,0527 à 1,0000; d'autres disent comme io5 à 100. C'est surtout à l'élude de ce (luide qu'a été appliqué le microscope : le sang examiné avec cet instrument a paru composé d'un véhicule séreux, dans lequel sont en suspen- sion de petits globules rouges , sur la forme desquels les ob- servateurs ne sont pas d'accord, et dont le volume d'ailleurs n'est pas le même dans les divers animaux. Leuv^enhoeck a dit ces globules sphériques , égalant en volume la millio- nième partie d'un pouce , et résultant chacun de la réunion de six autres globules qui ne sont pas rouges. Delhi Taura dit au contraire qu'ils sont des espèces de disques, d'an- neaux percés d'un trou dans leur centre. GuiL Hewson en- fin les prétend lenticulaires , et c'est l'opinion qu'émettent MM. Dumas et Préi^ost de Genève, qui récemment ont fait encore des rccliercîies sur cet objet : ils disent qu'à tort DE l'ABSOUPTION veineuse. i25 Ev. Home a pensé que leur aplatissement était l'effet de la mort. Hewson disait que ces globules (liAéraient dans les divers animaux j:our la couleur et la grosseur; que dans les uns iis étaient blancs, verts, dans d'autres ronges, <;t qu'ils étaient composés d'une vésicule contenant dans soir intérieur un globule très dense à son centre. ïeilc a yjaru être aussi leur composition aux observateurs modernes. MM. Baiier et E^^'. Home à Londres, et MM. Dumas et Prévost de Genève : formés d'un globule central , transpa- rent, blancbâtre, et d'une enveloppe rouge, moins transpa- rente, ces globules sont de forme ovale dans les oiseaux, elliptique dans les animaux à sang froid, et circulaire dans les mammifères et dans l'homme. Leur grandeur varie dans les divers animaux. Chez l'homme, selon Bauer, ils égalent un dix-sept centième de pouce avec 1-eur enveloppe colo- rante, un deux millième sans cette enveloppe; et pour en couvrir un pouce carré, il en faut 2,890,000 dans le pre- miei" cas, et 4^000,000 dans le second. Le noyau central se retrouve tout semblable pour la forme et les dimensions dans le chyle, la lymphe; Bauer a reconnu qu'il se forme dès le système chylifère, et ce n'est que par la respiration qu'il acquiert la vésicule de matière colorante qui l'enve- loppe. Ayant grande tendance à former des agrégats , des rangées, c'est lui qui, par sa réunion avec d'autres, forme la fibrine qu'offre le sang abandonné à lui-même ; et , réunis en série linéaire, ces globules imitent la fibre musculaire ^ qui, à son tour, par la macération, semble se réduire à eux. Ces globules enfin, paraissent être, pour le nombre, dans une certaine relation avec la chaleur des animaux; ils sont, par exemple, en plus grand nombre dans le sang des animaux à sang chaud , que dans celui des animaux à sang froid. Quoi qu'il en soit de ces recherches profondes sur la na- ture du sang veineux, ce fluide extrait des vaisseaux qui le contiennent, et abandonné à lui-même, d'abord exhale, pendant tout le temps qu'il conserve sa chaleur, une va- peur formée d'eau et d'une matière animale putrescible. Ensuite il se coagule en dégageant une grande quantité de 126 FONCTION DES ABSORPTIONS, gaze acide carbonique. Ce dégagement n'est manifeste quand le sang est laissé à l'air libre , que par les canaux qui en ré- sultent dans l'intérieur du coagulum; mais on en recueille le produit en plaçant le sang sous le récipient d'une ma- chine pneumatique où l'on a fait le vide. Enfin, il se par- tage en deux parties, le sérum et le caillot. Le premier est exprimé du caillot, et augmente de plus en plus jusqu'à l'époque de la putréfaction, à mesure que celui-ci se res- serre. C'est un liquide d'un vert jaunâtre , transparent, vis- queux, aikalin , composé d'eau, d'albumine , de soude et de sels de soude; son analyse offre sur 1,000 parties, d'a- près M. Berzélius : eau, goS; albumine, 80,0; substances solubles dans l'alcool, savoir, lactate de soude et matière extractive, 4^0 j muriate de soude et de potasse, 6,0; sub- stances solubles dans l'eau, soude et matière animale, et phosphate de soude, 4,o ; il y a eu 3,o de perte. M. Marcel indique la composition suivante : sur 1,000 parties, eau, 900; albumine, 86,0; matière mucoso - extrac tive , 4)0; muriate de soude avec un peu de muriate de potasse , 7 ; sous-carbonate de soude , i,65; sulfate de potasse, o,35 ; phosphates de chaux , de fer et de magnésie , 0,60. Le caillot est une masse solide d'un brun rougeâtre , spongieuse , et qui , lavée doucement et long-temps sous un filet d'eau , se partage en deux parties , la matière colorante ou le cruor , et la fibrine. Dès que le sang est hors de ses vaisseaux, la matière colorante des globules abandonne le noyau cen- tral; et ceux-ci , débarrassés de leur enveloppe, s'unissent entre eux et forment un réseau dans lequel se trouvent en- core renfermés de la matière colorante , et beaucoup de globules entiers. Mais quand on pétrit et qu'on lave le cail- lot, on entraîne en entier la matière colorante libre et les globules, et il ne reste que la fibrine. Ainsi le sang veineux est formé de trois parties, le sérum, dont nous avons indiqué la composition , le cruor ou matière colorante, et la fibriue. Le cruor, appelé encore zoo-hématine , est insoluble dans l'eau; les premiers chimistes français le croyaient un oxyde de fer uni à de l'acide phosphorique; mais MM. Brande et Berzélius disent qu'il est une matière animale en combi- DE l'absorption VETNEUSE. J27 naison avec du peroxyde de fer. Dessécliée et fondue, celle matière colorante brûle avec flamme^ et donne un charbon qu'on n'incinère qu'avec difficulté, qui , pendant sa com- bustion, laisse dégager de l'ammoniaque, et qui fournit la 100^ partie environ de son poids d'une cendre composée d'oxyde de fer, 55,o; de pliospliate de cbaux et de trace de pbospbale de magnésie, 8,5; de cliaux pure, 17,5 ; et d'a- cide carbonique, 19,5. La fibrine, ou lymphe coagulable;, a l'apparence de fibres feutrées, tenaces, élastiques^ et au microscope elle paraît composée des globules blancs qui sont au centre des particules colorées du sang. Solide, blanchâ- tre, inodore, insipide, fournissant à la distillation beau- coup de carbonate d'ammoniaque , et un charbon volumi- neux dont la cendre cou lient beaucoup de phosphate de chaux, un peu de phosphate de magnésie, de carbonate de chaux et de soude , elle est composée, selon M. Berzelius , ^ sur 100 parties, de carbone , 53,36o; d'oxygène, 19,685; d'hydrogène, 7,021 ; et d'azote, 19,984. Telle est la composition chimique du sang. Nous n'avons pas besoin de dire que les proportions de sérum, de matière colorante et de fibrine ou de globules blancs varient selon les âges , les sexes , les tempéraments , l'état de santé , de ma- ladie. Dans le fœtus , le sang n'a presque pas de fibrine : dans l'homme adulte et sain, les particules colorées et des- séchées font un peu plus d'un huitième du poids du sang. J^ieussens disait que sur 100 parties de sang, il y en avait 38 de sérum, et 62 de cruor et de fibrine; Quesnay, au con- traire ^ disait qu'il y avait trois fois plus de sérum que de cruor et de fibrine. Encore une fois , ces proportions sont sans cesse variables. On avait admis encore dans le sang un gaz, un effluve odorant auquel il devrait sa liquidité; mais l'existence de ce gaz, admise par Rosa et Moscati ^ est géné- ralement contestée. La coagulation qui saisit le sang, dès qu'il est hors de ses vaisseaux , avait été attribuée à son re- froidissement ; mais Hunter ayant fait geler du sang, l'a vu redevenir fluide quand il a dégelé , puis se coaguler après comme â l'ordinaire. On en a accusé le contact de l'air et le repos, mais il se coagule de même hors ces conditions. On 128 FONCTION DES ABSORPTIONS. avait dit qu'il devenait plus cliaud lors de cette coagulation; mais /. Hunier et Dm^y le nient. Quelle est enfin la quantité du sang veineux 'f on n'a aucun moyen de la déterminer. Si on ouvre dans un ani- mal vivant , les gros troncs veineux , et qu'on recueille tout le sang qui en coule , la mort arrivera avant qu'on ait recueilli tout le sang veineux; d'ailleurs alors , bientôt tout le sang devient tel, la respiration cessant de se faire aux approches de la mort. Chaque physiologiste a indiqué des quantités diverses, les uns ont dit huit livres de sang en tout, d'autres vingt-huit livres; et généralement on a dit qu'il n'y avait qu'un tiers de cette quantité dans les artères , et que les deux autres étaient dans les veines et les systèmes capillaires. Nous reviendrons là- dessus à l'article du sang artériel. Mais la plupart s'accordent à dire que le sang vei- neux est plus abondant que ie sang artériel, jugeant sur la capacité bien plus grande du système veineux relativement au système artériel ; il serait possible cependant que cela eût pour but de remédier aux obstacles et à la lenteur de la cir- culation veineuse. Telles sont les absorptions nutritives ^ et l'on voit que leurs produits sont trois fluides, le chyle, la lymphe et le sang veineux, avec lesquels nous verrons la fonction sui- vante, k respiration , faire le fluide immédiatement nutri- tif et réparateur, le sang artériel. On a vu que ces trois fluides confluaient successivement l'un dans l'autre, le chyle affluant d'abord dans la lymphe, puis celle-ci dans le sang veineux. A chaque confluent la proportion de ces Huides est telle, que le fluide le moins vivant est le moins abondant, et se perd , en quelque sorte, dans l'autre. Cependant il pourrait se faire qu'au moment où le chyle coule , il arrivât peu de lymphe; mais ce que nous disons est, sans aucun doute , vrai pour le sang. Pei^t-être s'étonnera-t-on de nous voir ranger parmi les matériaux de l'hématose, le sang veineux qui est déjà du sang; mais on ne devrait appeler sang que le fluide qui est DE l'ausorptioin VËIWEUSE. J29 apte à nourrir et à vivifier les parties : or, le sang veineux n'est pas tel , et il n'acquiert ces qualités qu'avec le chyle et la lymphe, et consécutivement à l'influence de la resj)ira- tion. Les auteurs d'ailleurs disent implicitement la même chose, car ils reconnaissent deux hématoses; la générale, qui s'entend de la conversion du chyle et de la lymphe en sang; et l'artérielle, qui s'entend de la conversion du sang veineux en sang artériel : or, il n'est pas déraisonnable de ramener ces deux hématoses à une seule, puisqu'elles se font, ainsi que nous le dirons , en même temps , au même lieu , et donnent naissance à un même produit. Il est impossible d'indiquer la proportion respective de ces trois fluides : l'un d'eux, îe chyle, n'arrive que par in- tervalles, tandis que les deux autres, la lymphe et le sang veineux, coulent d'une manière continue. Cependant le premier est le principal pour l'hématose ou la réparation du sang; s'il ne s'en fait pas du tout, comme quand il y a ab- stinence, la mort arrive après un temps assez court. Il y aurait un moyen de juger la part qu'a la lymphe à la répa- ration du sang; ce serait de prendre deux chiens d'une même portée et d'une même forée , de priver l'un de chyle seule- ment, en le laissant mourir de faim ; et de priver l'autre de chyle et de lymphe, en ne lui donnant pas d'aliments non plus, et en lui. liant en outre le canal thoracique. Toutefois, par ces considérations se trouve justifiée l'idée que nous avons donnée de la fonction des absorptions dans les animaux compliqués et dans l'homme , de servir à prépa- rer, avec des matériaux pris au-dehorsetau-dedansde l'être, les éléments de l'hématose, les élém.ents du sang. TOAÎE III. ,3o rOlSCTIO^^ DE LA RESPIRATION. SECTION m. FONCTION DE LA RESPIRATION. Connaissant les matériaux divers, tant externes qu'in- ternes, que les absorptions recueillent pour la réparation du corps , ainsi que les fluides qui en sont les produits , il faut voir maintenant comment ceux-ci sont cliangés dans le fluide immédiatement nutritif et réparateur , le sang ar- tériel. Cette conversion esl ce qu'on appelle Y hématose , et elle se fait cliez l'homme dans l'intérieur de l'organe appelé poumon , par l'intermédiaire de Fair atmosphérique , et dans la fonction connue sous le nom de respiration. C'est donc de cette fonction que nous avons à traiter maintenant, si nous voulons suivre pied à pied le mécanisme de notre nutrition. A la vérité, nous avons laissé les trois fluides des absorptions au cœur, et peut-être on pensera qu'il faudrait d'abord les faire arriver au poumon; à ce titre, il faudrait exposer ici l'histoire de la circulation qui remplit cet office. Mais comme cette circulation a aussi l'usage de porter le sang artériel , une fois fait, dans toutes les parties où il doit être mis en œuvre , on voit qu'on a d'égales raisons pour en trai- ter après qu'avant la respiration. Ce dernier ordre même nous paraît plus convenable; car, d'une part, il nous con- duit plus directement aux actions assimilatrices; et^ d'autre part , la respiration n'est presque qu'une action d'absorp- tion, l'absorption de l'air, et par conséquent son histoire doit suivre immédiatement celle des autres matériaux ré- parateurs 1/air est nécessaire à tout être vivant^ aux végétaux comme aux animaux; il est utile à tous en leur fournissant un de ses éléments constituants, l'oxygène, et en faisant subir à leur fluide nuCi'itif une élaboration essentielle. La première proposition est démontrée par les faits sui- FOiNCTION DE LA RESPIRATIOIN. l3l vants : if)Tout être vivant périt pliii? ou luoiiis promjHo ment, quand il est placé dans le vide. 20 Tout être vivant exige que l'air dans lequel il est plongé soit renouvelé de temps en temps; dans le cas contraire^ il périt plus ou moins promptement , et, quand on examine l'air qui reste, on voit que d'abord il a diminué de quantité^ ensuite qu'il a été épuisé en partie d'un de ses principes constituants, l'oxy- gène,etqu'il s'est chargé, au contraire^ dun autre élément, que l'on verra être opposé à toute vie, l'acide carbonique. Des expériences de Haies ont prouvé la vérité de ces faits par rapport aux végétaux. Si des plantes sont mises sous le récipient de la machine pneumatique , et qu'on fasse le vide, elles meurent. Si ces plantes sont placées sous une cloche pleine d'air, mais qui est disposée de manière à ce que cet air ne puisse pas se renouveler, après un temps plus ou moins long , elles meurent aussi ; et , si on examine ce qui est arrivé à l'air de la cloche , on voit qu'il a diminué de quantité, ce qui prouve qu'il a fourni quelque principe au végétal, qu'il a été épuisé en partie de son principe oxy- gène, et qu'il a acquis, au contraire, une quantité assez considérable du principe appelé acide carbonique. D'autres .expériences de Spallanzani , faites sur le même plan que celles de Haies ^ et répétées de nos jours par M. Vauqiielin , ont prouvé les mêmes vérités à l'égard des derniers animaux. Les faits les plus vulgaires de la vie prouvent leur réalité à l'égard des animaux supérieurs et de l'homme. Enfin , elles sont réelles pour les anim.aux aquatiques eux-mêmes , comme il résulte d'expériences faites par Spallanzani , et répélées de nos jours par M. Syhestre. Placez sous le récipient de la machine pneumatique le vase plein d'eau qui contient un animal aquatique, faites le vide, et vous verrez aussi péHr l'animal. Placez ce vase sous une cloche d'air, et disposée de manière à ce que de nouvel air ne puisse pas y pénétrer, et vous verrez de même l'animal périr à la longue; en exami- nant l'air de la cloche , vous verrez que ce gaz a aussi dimi- nué de volume , a perdu une partie de son. principe oxygène, et a acquis une quantité assez considérable d'acide carbo- nique. De là même cet usage de faire, pendant l'hiver, des 9- i32 FOlN'GTIOîf DE LA RESPIRATION. trous à la glace des étangs, si l'on ne veut pas voir périr tous les poissons qui y sont contenus. L'autre proposition , c'est-à-dire que l'air agit en faisant subir au fluide nutritif des êtres Vivants une élaboration essentielle , est également évidente , puisqu'on voit, comme nous le dirons , ce fluide manifester des apparences et des propriétés toutes différentes, selon qu'il est ou non frappé par l'air. Or cette action de l'air sur les êtres vivants, et particuliè- rement sur leur fluide nutritif, est ce qui constitue ce qu'on appelle leur respiration. En beaucoup d'êtres vivants, dans les végétaux et les derniers animaux, par exemple, cette respiration ou absorption de l'air ne constitue pas une fonc- tion séparée : elle est effectuée par la surface externe de l'être , en même temps que l'absorption des autres éléments nulrivifs. Les fonctions d'absorption, de respiration, qui, dans les animaux supérieurs sont distinguées, parce qu'elles sont exécutées par des organes différents , et qu'elles se suc- cèdent les unes aux autres, sont ici confondues en une seule et même action. On avait bien , à la vérité, admis dans les végétaux des vaisseaux appelés trachées, qui étaient dits ouverts et béants à la surface de l'être pour y absorber l'air, conduire ce gaz dans la profondeur de toutes les parties, et lui faire modifier le fluide nutritif partout k la fois, et au mo- ment même où ce fluide va être mis en œuvre , ainsi que ce «era dans les insectes , par exemple ; mais on a reconnu de- puis que ces trachées n'étaient pas des vaisseaux aériens , mais des vaisseaux séveux ordinaires. Au contraire , à compter des insectes et dans tout le reste du règne animal , l'absorption de l'air se fait séparément de .celle des autres éléments nutritifs; elle est effectuée par un organe spécial affecté à cet usage, et c'est alors qu'appelée respiration elle forme une fonction distincte. Comme cette fonction exige, ainsi que la digestion, le concours d'une substance extérieure, d'un aliment, son histoire sera par- tagée en trois chapitres : dans l'un , on traitera de l'aliment de îa respiration, de l'air atmosphérique; dans le second, on fera le description de l'appareil d'organes qui en est l'in- DE l'aIR^ ALIMEWT DE LA. RESPIRATION. i33 strument ; et enfin , dans un troisième , on décrira le méca- nisme de la fonction. CHAPITRE PREMIER. De V Aliment de la Respiration , ou de VAir atmosphé- rique. L'air est, pour la respiration, ce que l'aliment est pour la digestion. Ce n'est pas ici le lieu de donner une histoire détaillée de ce corps. On sait que ce fluide élastique envi- ronne de toutes parts notre terre, jusqu'à une liauteur de quinze à seize lieues, et forme ainsi ce qu'on appelle l'atmo- sphère^ que c'est un gaz diaphane, incolore, élastique, compressible, permanent, pesant, et qui est composé d'oxy- gène, d'azote et d'un peu d'acide carbonique. C'est un gaz ou fluide élastique qui a la plupart des propriétés générales de la matière, compressibilité, pesanteur, élasticité ; dont la pesanteur, par exemple, est 770 fois moindre que celle de l'eau ; qui se dilate par la chaleur d'un deux cent soixante- sixième par degré du thermomètre centigrade ; qui enfin , susceptible dé se charger d'humidité , s'en sature en raison de son degré de température, et laisse ensuite tomber le surplus , sous forme de nuage, de brouillards, de pluie, etc. Le seul point de l'histoire de l'air qu'il importe de rap- peler ici, est sa composition. Ce n'est pas un corps simple comme le croyaient les Anciens , qui le mettaient au nombre des éléments. Il est composé de deux gaz : i» l'oxy- gène, qui est un des éléments de presque tous les corps, un des agents les plus universels de la nature; qui^, carac- térisé par plusieurs traits, est surtout distingué, parce qu'il est le principe nécessaire à toute respiration et à toute combustion. Sa pesanteur est à celle de l'air dans le rap- port de 11 à 10. 2" L'azote, autre élément presque aussi ré- pandu que le précédent, qui forme particulièrement la base de toute substance animale, et, qui , entre autres traits caractéristiques, offre celui d'être opposé à toute respira- tion et à toute combustion; sa pesanteur est moindre que l34 FOISG [ lOlN DU LA RESPiilATIOlN . celle de l'air. Les proportions dans lesquelles ces deux élé- n)ents sont unis, pour former l'air atmosphérique , sont, sur loo parties d'air, 21 parues d'oxygène, et 79 d'azote. Elles sont les mêmes en tous lieux, à toutes hauteurs aux- quelles on a examiné l'air; et elles n'ont pas cLangé depuis que la chimie a découvert la composition de l'air. Ces élé- ments constituants de l'air paraissent , du reste, être moins dans un état de combinaison que dans un état de simple mélange; au moins ils se séparent l'un de Tautre avec une grande facilité, comme il est prouvé par beaucoup de phé- nomènes chimiques, et par celui de la respiration même. L'air contient en outre un peu d'acide carbonique en quan- tité variable , presque toujours de l'eau en dissolution , et souvent beaucoup de matières diverses en suspension entre ses molécules, mais qui ne font pas partie intégrante de sa substance. A Tarticle de l'aliment de la digestion , nous avons dit qu'il y avait eu controverse pour savoir si une substance ali- mentaire quelconque devait de l'être à un de ses principes constituants en particulier, le seul qui serait en elle assi- milable, qui serait le mêoie pour toutes^ et qu'on pour- rait, à cause de cela, appeler proprement V aliment. JNous avons ajouté que cette controverse dans Fétat actuel de la science était insoluble. Il n'en est pas de même pour l'air, aliment de la respiration; évidemment cet air doit d'être respirable à un de ses éléments constituants, l'oxygène. De même que toule substance naturelle n'était pas aliment, et qu'il n'y avait de telle que celle qui cédait passivement à l'action digérante de l'appareil digestif, de même tout gaz n'est pas respirable. Mais, tandis qu'on ne pouvait pas spécifier quelle nature chimique devait avoir une substance naturelle pour être aliment, on peut le dire pour le gaz qiii est respirable , il faut absolument que ce gaz contienne de l'oxygène, et puisse céder cet oxygène avec facilité. Le plus souvent, les aliments de la digestion, pour l'homme au moins, ont besoin de subir quelques prépara- tions. Il n'en est pas de même de l'aliment de la respiration : la nature l'a préparé elle-même, soit que ce soit l'air qui DE l'air, ALIMEJNT DE LA lU'SPlR ATION. l35 soil respiré , soil que ce soit l'eau; dans l'un et l'autre cas, les animaux sont également plongés dans le milieu que leur respiration réclame. Il résulte de là qu'on ne peut signaler aulanl de différences dans l'aliment de la respiration que dans celui de la digestion. L'aliment de la digestion avait été solide ou liquide, plus ou moins consistant, d'une composition cbimique très variable : on avait pu surtout spécifier en lui des différences sous le rapport de sa digesli- bilitéj de sa puissance nutritive , de l'influence locale qu'il pouvait exercer sur l'appareil digestif, et de son influence générale sur tout l'organisme par ceux de ses principes qui pouvaient être introduits dans l'économie sans être cbyli- fiés et sous leur forme étrangère. On n'en peut pas dire au- tant de Taliment de la respiration : c'est toujours de l'air ou de l'eau, selon que l'animal est aérien ou aquatique; il n'y a que de bien légères différences dans la densité de ces éléments : une fois respirables, ils le sont toujours au même degré, l'oxygène étant toujours cédé avec la même facilité; il n'y a rien qui corresponde ici à ce qu'on appelle la di- verse digestibilité des aliments. On peut en dire autant de la puissance nutritive, au moins en l'entendant de molé- cule à molécule; car, en considérant une certaine masse d'air ou d'eau , il faut convenir qu'elle n'est pas toujours également ricbe en oxygène, et, par conséquent, quelle n'a pas toujours une égale puissance pour la respiration. Quant aux autres différences , elles sont réelles de l'air comme des aliments proprement dits. L'air produit des impressions locales diverses sur l'organe de la respiration , par sa cha- leur, son bumidité, les matériaux qui sont en suspension dans son sein , etc. ; il est, par exemple , excitant , ou affai- blissant, et c'est, sans contredit, une des considérations auxquelles on doit avoir le plus d'égards pour l'hygiène et la thérapeutique. De même, cet air modifie tout l'organisme par ceux de ses principes qui peuvent être absorbés dans le poumon . tout en restant étrangers à l'acte de la sanguifica- tion; et c'est encore là un nouveau point de vue auquel il importe d'avoir égard pour la conservation de la santé, et la ijfuérison des maladies. i36 foingtion de la respiration. A cette étude de l'air, aliment de la respiration, nous aurions pu ajouter celle de l'eau , que beaucoup d'animaux respirent; mais, indépendamment de ce que nous ne devons traiter ici que de l'homme, qui ne respire que l'air, l'eau n'agit dans la respiration que par l'air qui est disséminé entre ses molécules , et conséquemment cela nous ramène à cet aliment unique de la respiration. CHAPITRE II. Anatomie de l'appareil de la Respiration. Dans les généralités qu'au commencement de cet ouvrage nous avons présentées sur le règne aniçnal , nous avons in- diqué les différences qu'offrent les animaux sous le rapport de l'appareil de la respiration. Nous avons dit qu'au-des- sous des insectes il n'y avait pas d'appareil respiratoire pro- prement ditj et que la même surface qui effectuait l'ab- sorption des autres matériaux nutritifs accomplissait aussi l'absorption de Tair. On a vu qu'ensuite la respiration était disséminée , c'est-à-dire était effectuée par un système de vaisseaux appelés trachées , qui , aboutissant à la surface du corps, et saisissant au debors l'air par des orifices, le con- duisaient, par de nombreuses ramifications, dans toutes les parties. Ces tracbées ont été de deux espèces, aéri- fèves ou a qui f ères , selon que les animaux ont été aé- riens ou aquatiques , ont respiré l'air ou l'eau. Enfin , dans les animaux supérieurs, la respiration a été locale, c'est-à- dire accomplie par un organe spécial dans lequel était reçu l'air extérieur , et où se faisait l'absorption du principe par lequel ce gaz entretient la vie. Seulement, cet organe local de respiration a été une blanchie , ou un poumon , selon que les animaux ont été aquatiques ou aériens, ont respiré l'eau ou l'air. C'est dans cette catégorie dernière qu'est l'bomme. Sa vc^piralion est locale, et l'organe qui Feffectue un poumon. 11 fa Lit à l'étude de celui-ci joindre celle du thorax, non parce que c'est la cavité qui le renferme, mais parce que DE l'appareil KESPIRATOIAE. l'ôy c'est le jeu de ce thorax qui introduit dans le poumon l'air sur lequel cet organe opère. ARTICLE PREMIER. Thorax. C'est la cavité sj^lanclinique qui est située au-dessous du col et au-dessus de l'abdomen, qui contient le cœur et le poumon, et qui fait, à l'égard de ce dernier , TofEce d'un soufflet, pour y faire entrer l'air. C'est une cavité conoïde, en partie osseuse, en partie musculeuse, ayant sa partie la plus étroite en haut , et sa partie la plus large en bas, et qui tout à la fois est assez solide pour protéger , contre toutes percussions extérieures , le cœur et le poumon qu'elle con- tient, et assez mobile pour introduire l'air dans ce dernier, l'en expulser , et remplir , à Tégard de ce viscère , Toffice que les parois d'un soufflet remplissent à l'égard du vide que ces parois circonscrivent. La charpente de ce tborax est osseuse : elle se compose, en arrière, des douze vertèbres dorsales; en avant, du ster- num, qui est primitivement composé de huit à neuf piè- ces; et sur les côtés, de douze côtes, arcs osseux qui sont étendus du sternum en avant , aux vertèbres en arrière. De ces côtes , les sept supérieures seulement vont réellement du rachis au sternum , et sont appelées , à cause de cela , vraies cotes, ou cotes sternales , slerno-vertéhrales ; elles sont de plus en plus grandes, et de plus en plus obliques en bas sur le rachis^ à mesure qu'elles sont plus inférieures. Les cinq autres, dL^^G\ée,s fausses cotes , o\\ cotes asternales , ne s'étendent pas jusqu'au sternum , mais s'unissent successi- vemefnt les unes aux autres, celle qui est au-dessous à celle qui est au-dessus; les deux dernières restent même libres, et à cause de cela sont ailes Jlottante s. Elles sont de plus en plus courtes , à mesure qu'elles sont plus inférieures. Ces divers os sont articulés entre eux, de manière à pou- voir se mouvoir les uns sur les autres , et leurs articulations sont importantes à étudier comme donnant le secret de la i38 TOJNGTION DE LA^ RESPIRATION, mobilité du thorax. Nous n'ayons pas besoin de parler des articulations des douze vertèbres dorsales entre elles; ce n'est pas dans ces os que se passent les mouvements respira- teurs proprement dits. Mais il faut étudier les articulations des côtes, en arrière sur le rachis ou costo-vertébrales , et en avant sur le sternum ou costo-sternales. On se rappelle que dans l'étude générale du squelette sous le rapport de la lo- comotion ,nous avions ,à l'article du tronc, omis la brisure du tborax , la renvoyant à la respiration, comme à l'article delà tête, nous avions omis celle des mâclioires, dontnotus devions traiter à la digestion. lo Les articulations de la côte en arrière avec le rachis sonl doubles ; l'une se fait par l'ex- trémité postérieure de la côte, et l'autre par ce qu'on appelle sa lubérosité. Dans la première, l'extrémité de la côte, en- croûtée d'un cartilage, est reçue dans une facette également cartilagineuse qui est creusée sur le côté du rachis; cette fa- cette est à moitié sur le corps de la v^^rtèbre supérieure, à moitié sur celui de la vertèbre inférieure, et, par consé- quentj en partie aussi sur le fibro-cartilage qui est inter- médiaire à l'une et à l'autre. Là , les os sont attachés entre eux par plusieurs organes contentifs , savoir : un ligament situé en avant, et qui est étendu de la côte à chacune des vertèbres et au fîbro-cartilage intermédiaire ; et un ligament dit inter-articulaire qui, de la tête de la côte, va directe- ment s'attacher à la facette articulaire du rachis. Quelque serrée que soit celte articulation, elle permet aux côtes de se mouvoir sur le rachis, puisque dans son extérieur exis- tent deux membranes synoviales; la côte pourra, en effets s'élever et s'abaisser par son extrémité vertébrale sur le ra- chis. Dans la première, !a onzième et la douzième côte, la facette articulaii'e n'est creusée que sur uue seule vertèbre, et le ligament inter-articulaire manque. Dans l'autre arti- culation costo-vertébrale , la tubérosité de la côte^ encroû- tée aussi de cartilage , est reçue dans une cavité cartilagi- neuse, qui est creusée sur l'apophyse transverse de chaque vertèbre correspondante; trois ligaments dits costo-ti^ans- i^er^aire^, un supérieur , un moyen et un inférieur, donnent fie la solidité à cette arliciilatien. Il y a aussi quelques dif- DE L APPAREIL UESPIKATOIIIE. 1 ûQ férencespour la première, la onzième et la douzième côle : dans la première, les ligaments costô-transversaires supé- rieur et inférieur manquent, il n'y a que le moyen; et, dans les onzième et douzième côle, cette articulation costo-transversaire manque tout-à-fait. Cette articulation permet aussi quelques mouvements de la côte. Nous ver- rons par la suite que les physiologistes ne sont pas d'accord sur le degré de mobilité de ces articulations costo-verlé- brales dans chacune des douze côtes; la plupart ont professé que ces articulations sont d'autant plus mobiles que les côtes sont plus inférieures; M. Magendie professe l'opinion in- verse. 2*^ Les articulations des côtes en avant, avec le ster- num, ne se font pas par la côte elle-même, mais par l'inter- médiaire d'un cartilage qui la prolonge , et qui est d'autant plus long que la côte est plus inférieure ; l'extrémité du cartilage est reçue dans une cavité qui est creusée sur le bord du sternum; un ligament en avant, un autre en ar- rière, donnent de la solidité à cette articulation; et une synoviale, qui est dans son intérieur, prouve qu'elle permet aussi quelques mouvements : les côtes peuvent aussi s'élever et s'abaisser un peu sur le sternum; ou du moins cetle ar- ticulation est assez souple pour ne pas arrêter le mouvement qui se passe dans le corps de la côte et à son autre extrémité. Ces articulations costo-sternaîes sont d'autant plus lâches que les côtes sont plus inférieures; elles n'existent qu'aux vraies côles, les autres sont articulées entre elles à l'aide de cartilages de prolongement qui vont de celle qui est au-des- sous immédiatement à celle qui est au-dessus. Voilà la charpente osseuse du thorax. Des muscles achè- vent de former cette cavité , savoir : dans les intervalles des côtes, deux plans de muscles dont les fibres sont dirigées en sens inverse et se croisent, qu'on appelle muscles intei^-cos- taux ; et inférieurement le diaphragme, muscle qui forme à lui seul la paroi inférieure de la poitrine , et la clôt de ce côté. En haut, le thorax est ouvert, et laisse pénétrer dans son intérieur de nombreux vaisseaux et de nombreux nerfs. Le thorax doit à cette structure toute la solidité dont il ' avait besoin pour protéger contre toutes ^percussions exic- i4o FONCTION DE LA RESPIRATION. Heures les organes délicats qu'il renferme. En effet, les os qui en forment la cliarpente sont assez solidement articulés entre eux : des ligaments les attachent les uns aux autres; les muscles qui complètent les parois de cette cavité sont fort résistants; ils sont appliqués les uns sur les autres, de manière queleurs fibres se croisent, ce qui ajoute à la rési- stance : d'ailleurs le thorax est encore défendu en arrière, par le scapulum et les muscles des gouttières vertébrales. Enfin , si Fair ne remplit pas le tborax, les côtes cèdent en raison de leur flexibilité ; si l'air , au contraire , remplit cette cavité, il la soutient; et, dans certains cas ^ des muscles placés en dehors d'elle, et dont nous allons parler tout à l'heure, comme le sous-clavier, le sterno-mastoïdien , les pectoraux j le grand dentelé, la soutiennent en agissant sur les côtes à la manière de véritables arcs-boutants actifs. D'autre part, ce thorax a toute la mobilité qui lui était nécessaire pour remplir, à l'égard du poumon, l'office d'un vsoufflet. D'abord sa paroi inférieure est toute muscùleuse, et partant toute mobile ; le diaphragme qui la forme peut s'é- lever dans le thorax ou s'enfoncer dans l'abdomen , et par là rétrécir ou agrandir la poitrine. Ensuite, les côtes sont mobiles sur le rachis , et peuvent être abaissées ou élevées sur lui; elles ne peuvent le faire sansque leur portion moyenne, qui est un arc , se porte en même temps en dehors ou en de- dans, et qu'ainsi le thorax ne soit agrandi ou rétréci en travers , comme par le jeu du diaphragme sa capacité avait varié de haut en bas. Les divers os qui composent le thorax sont précisément assez grêles pour se prêter à ces mouve- ments, et les cartilages qui les prolongent leur donnent toute la souplesse nécessaire. Nous décrirons ci-après, avec soin , le mécanisme des mouvements respiratoires du tho- rax; il nous reste ici à énumérer les muscles qui en sont les agents. Ils sont assez nombreux : lO Le diaphragme , large muscle qui fei'me par en bas le thorax, sépare cette cavité de celle de l'abdomen, et qui, attaché par deux faisceaux qu'on appelle ses piliers, au rachis, au corps des deux premières vertèbres des lombes, est fixé, d'auîre pari , par des fibres rayonnantes, à tout le contour de DE l'appareil respiratoire. l/, 1 l'ouverture inférieure du thorax , c'est-à-dire aux extré- mités des six dernières côtes, et à l'appendice xiphoïde du sternum. Aponévrotique dans son centre , ce muscle présente trois ouvertures, une en avant, pour le passage de la veine cave inférieure, et deux en arrière, dans l'intervalle de ses piliers, pour le passage de l'œsophage et de l'aorte; la pre- mière et la dernière ont leur contour aponévrotique, pour que le muscle^ dans son jeu, ne puisse comprimer les vais- seaux importants auxquels elles donnent passage. 2^ Les muscles intercostaux -, ainsi nommés à cause de leur situa- tion dans l'intervalle de chaque côte , et qui , formant deux plans, sont partagés en intercostaux externes et intercos- taux internes. Les premiers sont placés en dehors, et leurs fibres obliques d'arrière en avant sont étendues du bord inférieur de la côte supérieure au bord supérieur de la côte inférieure. Les seconds sont placés en dedans, ont leurs fibres obliques en sens inverse, c'est-à-dire d'avant en ar- rière , et sont étendus du bord inférieur de la côte supé- rieure au bord supérieur de la côte inférieure. 3<^ Le muscle s DUS -cl ailier ou costo clauiculaire , qui semble n'être qu'une continuation vers le haut des muscles intercostaux, que le muscle intercostal delà clavicule et de la première côte; il est , en effet, étendu obliquement en bas et en avant, depuis le bord inférieur de la moitié externe de la clavicule, jus- qu'au bord supérieur de la moitié antérieure de la première côte. 4"^ Les muscles sus-costaux , au nombre de douze, si- tués derrière les muscles intercostaux externes, et étendus depuis le sommet de l'apophvse transverse de chaque ver- tèbre dorsale, obliquement en avant jusqu'au bord supé- rieur de la côte inférieure. 5» Les sous-costaux ^ muscles tdut-à-fait analogues aux précédents^ en mênie nombre, si- tués seulement au-dedans des muscles intercostaux internes. 6^ Le muscle triangulaire clu sternum, costo-sternal , sous- sternal, qui est situé en dedans du thorax , étendu oblique- ment en haut et en arrière de la partie inférieure du sternum, aux quatre ou cinq premières côtes. 70 Enfin , beaucoup de muscles qui n'appartiennent pas proprement au thorax, mais à la tétc, aux membres supérieurs, et qui, prenant. 1^2 FONCTION DE LA RESPIRATION. en certaines circonstances, leur point d'appui fixe sur ces parties, meuvent alors les côtes : les uns les élèvent, comme les muscles scalènes , les sterno-mastoïdiens , le grand et le petit pectoral y le grand dentelé ^ les petits dentelés postérieurs et supérieurs ; les autres les abaissent, comme le petit dentelé postérieur et inférieur, les muscles de l' abdomen, eiQ. Ils ont été décrits ailleurs. ARTICLE 11, De Forgane de la Respiration proprement dit, du Poumon. D'après l'idée générale que nous avons donnée du pou- mon, cet organe doit être une espèce de sac , dans l'intérieur duquel l'air est reçu, et à la surface interne duquel vient se présenter au contact de ce gaz, le fluide à sanguifier. TjCS zoologistes, dans leur théorie des analogues, le disent un repli de la peau qui s'est modifiée pour la nouvelle fonction qu'elle a à eiTectuer : ils s'appuient sur ce que c'est par la peau que les derniers animaux respirent. Mais cette forme, que nous assignons au poumon , n'est vraie que pour les animaux les plus simples; dans les autres , elle s'en éloigne, en ce sens que l'organe, au lieu de présenter une cavité unique, en offre une subdivisée en mille ramifications. Par exemple, dans la salamandre , cet organe consiste : i" en un canal ouvert au fond de la bouclie, qui évidemment est l'analogue de notre tracliée-artère, quoiqu'il n'ait aucun cartilage dans sa texture , et ]^ar lequel l'air est saisi ; 2^^ en un sac qui fait suite à ce canal , et qui, formant une cavité unique, est composé de trois membranes concentriques les unes aux autres ; savoir : une externe , fibreuse , qui donne sa forme à l'organe; une moyenne, qui est musculeuse : et une interne, qui est muqueuse, et a la surface de laquelle se voit un réseau de vaisseaux très fins; c'est dans ce réseau que se trouve le fiuide à sanguifier, qui est ainsi le plus près possible de l'air qui doit influer sur sa sanguification. Déjà^ dans les grenouilles , cette cavité se partage en plusieurs cellules qui en augmenlenl la superfieie. Dans les serpents, les lésards, les tortues, les crocodiles, cette subdivision en DE l'appareil respiratoire. i43 ramifications successives augmente encore. Enfin , le pou- mon finit par ne plus paraître , comme chez l'homme , qu'un organe résultaut des ramifications de la trachée-artère, ca- nal aboutissant, par une ouverture unique , la glotte , dans le fond de la bouche, et puisant l'air au- dehors par cette voie. Chez l'homme , en effet , le poumon est un organe d'un tissu spongieux , vasculaire , expansible, situé dans les par- ties latérales du thorax, parais&ant formé par les ramifica- tions d\in canal unique appelé trachée -artère , dont il semble être la continuation, et offrant ainsi une cavité in- térieure résultant des mille et mille ramifications de ce ca- nal. Il est partagé en deux moitiés , une droite , qui se com- pose de trois lobes, et une gauche, qui n'en offre que deux; d^oii l'on dit qu'il y a deux poumons. Ces deux moitiés rem- plissent chacune exactement la moitié du thorax où elles sont situées, et sont ?;éparées l'une de Tautre par un repli médian de la membrane séreuse du thorax , et par le cœur. La couleur de cet organe est généralement d un bleu mar- bré, et son extérieur sillonné de figures qui sont hexago- nales; cependant il y a des variétés à cet égard selon les âges ., le genre de mort à laquelle a succombé le sujet sur le- quel on fait l'examen , la position dans laquelle a été mise le cadavre, les quantités d'air et de sang qui remplissent Tor- gane. JNous en dirons autant oie son volume et de son poids, qui du reste proviennent moins de sa partie substantielle et solide , que de la quantité très variable d'air et de sang dont il est pénétré. Mais ce qu'il nous importe surtout d'exposer ici de l'ana- tomie du poumon , c'est son organisation. Indiquons quels éléments analomiques le forment^ et quel parenchyme spé- cial constituent ces éléments par leur mode d'association. Les éléments constituants du poumon sont : i^ Les ra- mifications de ce canal aérien appelé Irachée-arière y qui dans leur ensemble forment la cavité réelle de l'organe res- piratoire ; 2^ celles du vaisseau appelé artère pulnionau^e, qui apporte à l'organe les fluides des absorptions qui , dans l'acte de respiration, doivent être changés en sang; 3o ceiles i44 FONCTION DE LA RESPiRATION. d'autres vaisseaux appelés veines pulmonaires , qui recueil- leut dans l'organe le sang une fois fait pour le porter à l'or- gane de la circulation; 4° enfin, les éléments organiques qui sont propres à toute partie vivante; savoir : des vais- seaux sanguins artériels et veineux , des vaisseaux lymphati- ques, des nerfs et du tissu îamineux. lo Les ramifications du canal aérien sont l'élément prin- cipal du poumon, ce qui forme la cavité réelle de l'organe respiratoire, le lieu où pénètre l'air et où ce gaz est pris. La tracliée-artère en est le tronc. Cette tracbée est un canal cylindroïde , qui en Laut est continu avec le larynx^ par l'intermédiaire duquel il reçoit de la bouche ou du nez l'air , extérieur, et qui en bas se perd par ses ramifications dans le poumon , à la composition duquel il concourt pour la plus grande partie. Placée sur la partie antérieure du col , elle se bifurque , lorsqu'elle est parvenue au niveau de la seconde vertèbre dorsale , en deux gros canaux , qu'on ap- pelle bronches. Cbacune de ces broncbes, ensuite, s'enfonce dans la partie moyenne et interne de chaque poumon , s'ac- cole là aux divers vaisseaux qui sont les autres éléments du viscère, et va par des ramifications successives et infinies , en former le parenchyme. Beaucoup de recliercbes ont été faites pour pénétrer le mode selon lequel se terminent ces ramifications des broncbes. Malpighi , d'après l'examen des poumons des reptiles, poumons qui, étant le premier degré de la subdivision qu'offre le poumon de l'homme laissent mieux voir la disposition des parties, a dit que ces ramifi- cations se terminaient par des vésicules , à la surface interne desquelles venait se ramifier l'artère qui apporte le fluide à sanguifier. Hehélius , au contraire, a dit que ces ramifica- tions finissaient par des orifices libres dans les cellules que forment en dernière analyse , par leur association , les divers éléments constituants du poumon. M. Chaussier, ayant in- jecté les bronches avec l'alliage fusible de Darcet, puis ayant détruit le reste de l'organe par la macération ou tout autre moyen, croit avoir observé que les dernières ramifications des bronches se terminent en canaux âYrondis. Beis s eissen les a vus aboutira une extrémité ronde et borgne. M. Ma- DE L APPAREIL RESPIUATOIIIE. I/JS gendie , enfin, ne croit pas <[iie ces ramifications dernières parviennent jusqu'aux lobules que nous dirons former le tissu du poumon. Quoi qu'il en soit, il est sûr que la capa- ' cité de ces canaux aériens va toujours en augmentant. Quant à leur texture, il y a des difîerences au tronc central et aux ramiticalions.La tracliée-artère, proprementdile, estformée, 1" de seize à vingt segments cartilagineux, qui, tronqués en arrière , ne sont que des demi-anneaux , et qui sont unis entre eux par une membrane blancbe particulière; 2^> de fibres musculaires, qui sont surtout placées en arrière, là où le segment cartilagineux est tronqué, afin de terminer le cylindre; 3^ Enfin d'une membrane qui eu tapisse la sur- face interne , qui est du genre des muqueuses, fine , perspi- rable, absorbante, et garnie de follicules qui lui fournis- sent un mucus de lubréfaction. Mais, à mesure que de cette trachée, l'on descend dans les dernières ramifications, gra- duellement l'on voit les demi-anneaux cartilagineux dimi- nuer, puis être remplacés par de petits fragments cartilagi^ neux qui sont épars çà et là^ enfin disparaître tout-à-fail; de sorte que profondément il n y a plus que la membrane muqueuse proprement dite, et, selon Beisseissen , des fi- bres musculaires qui ont tous les caractères de celles qui composent la tunique musculaire des intestins. D'autres cependant, M. Béclard, par exemple, disent que ces der- nières sont fibreuses, et du même tissu jaune qui forme les artères. 2" Les ramifications du vaisseau qui apporte les fluides à sanguifier, sont un aulre éléinent constituant du pou- mon. Ce vaisvseau est ce qu'on appelle l^ artère pulmonaire : il naît du venlricule droit du cœur, dans lequel nous avons vu aboutir les fluides des absorptions; et après un trajet d'environ deux pouces, il se partage comme la trachée en deux branches , une pour chaque poumon. Chaque bran- che s'accole à la bronche correspondante , et ensuit toutes les divisions, en en restant néanmoins distincte; elle finit pai devenir capillaire, et concout alors directement au tissu de l'organe. On à fait aussi beaucoup de recherches pour savoir comment elle se termine. Selon Malpighi , elle forme Tome III. lo î46 FONCTION DE LA RESPIRATION, ûn réseau très fin , qu'il appelle rete admirahile, à la sur- face muqueuse des broDches; de sorte qu'ainsi les fluides à sanguifier sont placés le plus près possible de l'air indis- pensable à celte sanguification, n'en étant séparés que par les parois du vaisseau qui les contient. Reisseissen dit de même. Selon d'autres, l'artère pulmonaire, à ses ramifica- tions dernières , se continue avec deux sortes de vaisseaux particuliers ; d'un côté, les origines des veines pulmonaires, qui recueillent dans le poumon le sang qu'a fait la respira- tion ; et d'autre part, des ramuscules séreux perspiratoires qui vont exhaler à la surface interne des bronches l'excré- tion de la perspiration pulmonaire. Il se fondent sur la con- tinuité de la circulation dans l'artère pulmonaire et les veines du même nom ; et sur ce qu'une injection poussée dans l'artère pulmonaire , d'un côté a passé dans les veines pulmonaires, et de l'autre a suinté à la surface interne des bronches. On est ici dans le même doute que sur le mode de terminaison des ramifications bronchiques; et ce doute est fondé sur l'impossibilité , ou au moins la difficulté tant de fois reconnue, de pénétrer la disposition des parenchymes, des systèmes capillaires. Bichat admet aux extrémités de l'artère pulmonaire , et entre cette artère et les veines du même nom , des vaisseaux d'un ordre plus délié , jouissant d'autres propriétés, formant le parenchyme du poumon, étant le siège de l'action de respiration , et qu'il appelle les systèmes capillaires du poumon ; mais il avoue qu'il ne peut ^n apprécier la disposition. Tout ce qu'on sait, c'est que ces ramifications de l'artère pulmonaire communiquent fa- cilement, et avec les bronches, et avec les veines pulmo- naires, et sont probablement fort voisines, et des ramifica- tions bronchiques qui apportent l'air, et des ramifications des veines pulmonaires qui exportent le sang. Quant à la structure de ces ramifications artérielles , elle est celle des autres artères du corps ; il est bon seulement de remarquer que ces ramifications n'établissent d'anastomoses entre elles que quand elles sont capillaires. 30 Le troisième élément organique spécial du poumon ré- sulte des ramifications des usines pulmonaires , vaisseaux DE l'appareil respiratoire. i ^y qui recueillent le sang qu'a produit l'acte de la respiration. Ces veines commencent ])ar des radicules qui sont aussi inapercevables , et par conséquent aussi peu connus que les dernières raniitications des bronches et de l'artère pulmo- naire : disséminés dans le parenchyme du poumon , peut- être continus aux ramilicalions de l'artère pulmonaire si- tués probablement aux mêmes lieux où aboutissent ces ramifications et celles des bronches , et où se fait la respira- tion , ces radicules deviennent bientôt des veinules assez grosses pour êtres vues; alors , en s'unissant ensemble , elles forment des veines de plus en plus grosses et de moins en moins nombreuses; toutes enfin aboutissent à quatre gros troncs qui s'ouvrent dans l'oreillette gauche du cœur. Leur structure est celle des autres veines du corps; seulement leur membrane moyenne est un peu plus épaisse, et paraît être un peu plus élastique; elles n'ont pas de valvules dans leur intérieur, et elles cessent de s'anastomoser entre elles, dès qu'elles sont un peu grosses. 4° Enfin j à ces éléments premiers , qui sont sans contre- dit les parties constituantes principales du poumon , il faut ajouter tous les éléments qui se rencontrent en toutes par- ties vivantes quelconques, savoir, des vaisseaux sanguins artériels et veineux, des vaisseaux lymphatiques , des nerfs et du tissu cellulaire. Le poumon ^ comme toute autre par- tie , se nourrit, se recompose et se décompose; il lui faut donc des artères pour apporter le sang que réclame sa com- position , et des veines pour effectuer sa décomposition. L'artère et les veines pulmonaires ne pouvaient remplir ces offices, puisque le rôle de ces vaisseaux est tout-à-fait rela- tif à la sanguification en général, et non à la nutrition du poumon en particulier. Celle-ci est accomplie par des artèies et veines spéciales, appelées artères et ^veines bronchiques ^ parce qu'elles se ramifient plus spécialement aux bronches. Les artères bronchiques sont nées de l'aorte, conséquemment versent dans le poumon un sang artériel , à la différence de l'artère pulmonaire qui apporte les fluides à sanguifier; elles se distribuent aux bronches, et se perdent particulièrement dans leur tissu , ce qui prouve bien que ces bronches for- 10. l48 FONCTION DE LA RESPIRATION, inen^ ï 'élément principal du poumon. Les veines bronclii- ques remplissentdans le poumon l'office des veines dans toutes les autres parties du corps, c'est-à-dire qu'elles recueillent le reste du sang des artères broncliiques et les produits de l'absorption décomposante : c'est du sang veineux qu'elles rapportent, à la différence des veines pulmonaires qui con- duisent un sang artériel : grossissant par degrés, elles vont s'aboucber dans la veine azygos et dans la veine cave infé- rieure. Haller dit qu'il y a des anastomoses entre l'artère pulmonaire et les artères bronchiques , et entre les veines pulmonaires et les veines bronchiques , il appuie ce dire sur des injections cadavériques ; Reisseissen émet la même as- sertion. Mais ces deux anatomistes n'ont-ils pas jugé d'après des injections cadavériques seulement? est-il probable que, pendant la vie , des sangs si divers que ceux des artères pul- monaire et bronchique , ou des veines pulmonaires et bron- chiques, se mêlent? à moins qu'on n'admette que le sang •les artères bronchiques, à raison de sa dissémination dans le poumon et de son contact avec l'air , ne se revivifie en même temps qu'il est mis en œuvre. Toutefois, on conçoit que les mêmes difficultés qui existaient sur la terminaison des bronches et de l'artère pulmonaire, et sur l'origine des veines pulmonaires ^ existent aussi sur la terminaison des artères et l'origine des veines bronchiques. Indépendamment de ces vaisseaux sanguins propres, lepou- mon a des vaisseaux lymphatiques, qui, selon quelques-uns sont en petit nombre , selon d'autres, au contraire, en nombre plus considérable qu^au mésentère lui-même, ce qui fait penser à ces derniersque ces vaisseaux sont là pour effectuer quelque absorption , autre que celle qui se fait dans toutes les autres parties du corps. Ces vaisseaux commencent aussi par des radicules inaperce vables dans le parenchyme du poumon et à la surface des bronches. Ayant ensuite, lorsqu'ils ont at- teint la grosseur qui les rend visibles, toutes les apparences des vaisseaux lymphatiques des autres parties du corps , ils se dirigent vers les troncs aboutissants du système. Dans leur trajet, ils affectent aussi deux plans, un superficiel et un profotid , et ils traversent d'espaces en espaces de nom- DE L'ArPARElL KESPillATOlUE. I^Q breux ganglions. Ceux-ci, qu'on appelle glandes bronchi- ques, sont placés en générai clans le voisinage clés bronches , \il sont d'autant plus gros, qu'ils sont moins profonds; iis sontmous^etontlaparticularité d'être noirs. Il est sûr néan- moins qu'ils sont des ganglions lymphatiques , car Haller a suivi les vaisseaux qui en partent jusque dans le canal tho- racique; et si on injecte dans les bronches une substance colorante, l'absorption Ja porte dans ces organes. Leur cou- leur noire , du reste, n'existe pas dans les enfants, et Four-- croj a cru l'expliquer en disant C{ue ces ganglions étaient le réservoir du carbone, dont il suppose, dans sa théorie toute chimique de la respiration, que cette fonction dépouille le sang veineux. Quant aux nerfs qui avivent le poumon , ils viennent pour îa plus grande partie, de la huitième paire ou pneumo- gastrique , et un peu du grand sympathicjue. Le nerf va- gue, après avoir fourni les nerfs supérieurs du larynx, et donné quelques filets au cœur, s'entrelace d'abord une pre- mière fois avec de nombreux rameaux du tri-splanchnique, et forme un grand réseau nerveux qu'on appelle plexus pul- monaire antérieur. Ce tronc détache ensuite les nerfs infé- rieurs du larynx ou récurrents, et s'entrelace une seconde fois avec des rameaux du tri-splanchnique , pour former an autre réseau qu'on appelle plexus pulmonaire postérieur ; et enfin, il va se terminer à l'estomac. Or c'est de ces deux plexus cjue partent les nerfs qui se distribuent au poumon; ceux-ci, s'accolant aux bronches , les accompagnent dans toutes leurs divisions , et se distribuent spécialement à elles, à leur membrane muqueuse interne; c'est une nous^elle preuve que ces bronches sont dans le poumon l'élément principal. Le poumon reçoit aussi quelques nerfs directe- ment des trois ganglions cervicaux du tri-splanchnique , et du premier ganglion thoracique. La terminaison de ces nerfs dans l'organe est aussi peu connue que celle des bron- ches , de l'artère pulmonaire, que celle des autres nerfs dans quelque partie du corps que ce soit. Enfin , à tous ces éléments, il faut ajouter un tissu lami- neux cellulaire, qui n'est jamais graisseux, et qu'on a ap-r. l5o FONCTION DE LA RESPIRATION, pelé improprement fi55M inter-lobulaire, car il n'est pas dif- férent de ce qu'il est dans toutes les autres parties. Maintenant, quelle disposition affectent les uns par rap- port aux autres ces divers éléments , et quel tissu en résulte ? ou, autrement, quel est le tissu propre des poumons ? Cela n'a pas encore été pénétré; seulement le parenchyme de ces orga- nes paraît être lobulaire : on peut, en effet j le subdiviser d'a- bord en lobes, puis les lobes en lobules, qui sont eux-mêmes de plus en plus petits jusqu'à Tinfinij et qui sont formés d'un tissu spongieux extrêmement fin. Les aréoles de ce tissu spongieux ne sontvisibles qu'à la loupe , elles communiquent entre elles, et sont enveloppées par le tissu cellulaire qui isole les lobules. Pour bien voir cette disposition, il faut, dit-on, faire bouillir le poumon, et ensuite le décîiirer, et regarder à ia loupe la surface de la déchirure. M. Magendie insuffle une portion du poumon, la fait sécher, et ensuite, la coupant par tranches, il examine la disposition des cel- lules profondes : elles lui ont paru n'être pas régulières,, et être formées par les dernières ramifications de l'artère et les premières ramifications des veines pulmonaires; les cel- lules d'un lobule communiquaient entre elles, mais non avec celles d'un autre lobule. Du reste, chaque auteur les a décrites différemment : JVillis les dit disposées en grappes; Keil et Lieherkun ont cherché à les compter, et en portent le nombre à i ,744^000,000. Tout ceci est aussi difficile à pénétrer que tout ce qui a trait à la texture profonde de nos parties, et, jusqu'à présent, on ignore comment se dispo- sent les divers éléments que nous avons signalés pour former le tissu du poumon. Tout ce qu'on sait, c'est qu'une in- jection poussée dans l'artère pulmonaire passe dans les veines pulmonaires et dans les bronches; que de même une injec- tion poussée dans les veines pulmonaires pénètre dans l'ar- tère pulmonaire et dans les bronches ; et , qu'enfin , une in- jection poussée dans la trachée-artère transsude aussi dans l'artère et les veines pulmonaires. Tel est le poumon chez l'homme. Cet organe est attaché dans la cavité du thorax par une membrane séreuse , qu'on appelle la plèwre , et qui lui sert de pédicule, de soutien. DE l'appareil llESPlhATOlRE. i5l La plèvre, d'un côlé, tapisse la surface inlei'ne du thorax, forme même uue cloisoti , appelée médiastin , entre les deux poumons ; et , de l'autre côté , elle recouvre le poumon qu'elle unit ainsi à la cavité qui le renferme. Ayant la texture , les usages et les fonctions de toute membrane séreuse, elle est un véritable sac sans ouverture, dont une de ses faces est libre et correspond à sa cavité propre , et dont l'autre adhère au thorax et au poumon ; la première est le siège d'une exhalation albumineuse. Elle sert à atta- cher le poumon à la cavité splanchnique qui le renferme , el à faciliter ses mouvements dans cette cavité ; seulement elle a moins de plis que les séreuses des autres cavités splanchni- ques^ que le péritoine dans l'abdomen surtout, parce que le poumon n'est pas susceptible de prendre autant d am- pliation que les organes digestifs. Elle est immédiatement appliquée au poumon, de manière qu'aucun air ne peut s'engager entre cet organe et le thorax, ce qui était abso- lument nécessaire pour que celui-ci pût remplir à l'égard du premier l'office d'un soufflet. Il est certain, en effet, que le poumon remplit hermétiquement la cavité du thorax : si on met à découvert cet organe sur un cadavre, sans ouvrir la plèvre , on distingue sa couleur à travers cette membrane; et, lorsqu'on a ouvert celle-ci par une petite incision, on le voit, obéissant à la pression de Fair , s'en éloigner un peu. Long-temps on professa une opinion inverse. Galien , par exemple , admettait qu'il y avait de l'air incarcéré entre le thorax et le poumon; il s'appuyait sur ce qu'ayant ap- pliqué une vessie pleine d'air à la surface d'une plaie péné- trante de la poitrine, il avait vu la vessie se vider d'air au moment de Tinspiration. Haies pensa de même, disant avoir vu de l'air sortir de la surface externe d'un poumon qui était soumis au vide sous le récipient de la machine pneu- matique. Mais Haller a longuement et judicieusement réfuté cette assertion ; il fit observer que , dans l'expérience de Catien j probablement il y avait, avec la plaie du thorax , une entamure du tissu pulmonaire lui-même; il dit que l'expérience àe Haies s'explique par l'expansibilité naturelle de l'air contenu dans le poumon^ expansibilité qui n'étaitpl us 10 5 FONCTION DE LA RESPIRATION, contrebalancée par l'air extérieur ; il assura avoir tou'ours vu, clans les nombreuses ouvertures de cadavres qu'il avail faites, le thorax et le poumon contigus l'un à l'autre. S'il existait, eu effet, continuellement un vide plein d'air entre ces deux parties, les adhérences qui s'établissent si sou- vent entre elles devraient entraîner à leur suite de nom- breux accidents; et ces adhérences, au contraire ^ le plus souvent sont sans importance. Enfin si , pendant qu'un cadavre est plongé dans Teau, on ouvre le thorax, comme l'ont expérimenté Haller , Caldani , Saunages, etc., on ne voit aucune bulle d'air se dégager à la surface de l'eau. Il est universellement admis aujourd'hui qu'aucun vide n'existe entre le thorax et le poumon. Tel est l'appareil de la respiration. Quelques physiolo- gistes ont pensé que la peaa et les membranes muqueuses, qui sont dans un contact continuel avec l'air, absorbaient aussi ce gaz , et exerçaient comme le poumon une action de respiration. Mais cette question sera discutée ci-après. CHAPITRE III. Mécanisme de la Respiration, La respiration , comme la digestion , exige la préhension au dehors de nous d'une substance qui nous est étrangère, l'air; et cette préhension, ainsi que celle de l'aliment dans la digestion , est tout-à-fait laissée à notre volonté. De là , la nécessité que la respiration comprenne, comme la digestion, dans sa généralité : lo des sensations , pour inviter à cette préhension d'air sur laquelle elle doit opérer; 2° des actions musculaires volontaires , pour effectuer cette préhension. C'est ce qui constitue le besoin d'inspirer et le mouy-'ement d'inspiration. De plus, de même que la digestion ne faisait jamais servir à la nutrition tous les aliments sur lesquels elle avait opéré, mais qu'une partie de ces aliments était tou- jours rejetée à la fin de la fonction sous forme de fèces ; de mQmc aussi la respiration n'emploie jamais tout l'air qui est MÉCAIXISME DE LA RESPIRATION. i53 introduit dans le poumon , et le reste est toujours rejeté à la fin de la fonction par ce qu'on appelle V expiration. Dès lors, de même qu'on avait pu rapporter tous les phé- nomènes de la digestion à quatre ordres, savoir: lO sensa- tion qui excite à prendre les aliments, ou appéÙLion ; 2^ ac- tion musculaire volontaire qui effectue cette préhension des aliments , et les conduit dans l'estomac , ou préhension buccale, mastication, déglutition; 3° exposé des altérations qu'éprouve l'aliment dans l'estomac et l'intestin grêle, ou digestion proprement dite , chjmijication et chylification ; 4^ enfin excrétion de la partie non nutritive des aliments , ou défécation : de même on pourrait rapporter à de sem- blables subdivisions tous les phénomènes de la fonction de respiration, savoir : i" sensation qui nous avertit de prendre Tair que réclame cette fonction , ou besoin de P inspiration; 20 action musculaire volontaire qui effectue celte préhen- sion, ou mous^ement de l'inspiration; 3o exposé des chan- gements que l'air fait subir aux fluides à sanguifier dans l'intérieur du poumon , ou respiration proprement dite ; 40 enfin , excrétion de l'air qui n'a pas été employé dans la fonction , ou mouvement de l^ expiration. Mais nous ferons subir à cet ordre une légère modifica- tion. La digestion est une fonction qui emploie quelques heures à s'accomplir; il s'écoule surtout un intervalle de temps assez considérable entre le moment où l'on a pris les aliments, et celui où, par la défécation, on en rejette les débris ; on a donc pu pleinement séparer ces deux actes l'un de l'autre. La respiration, au contraire, s'accomplit pi'es- que instantanément ; l'air est à peine introduit dans le pou- mon que l'élément par lequel il est utile est employé; il doit alors en être aussitôt rejeté, et son excrétion suit de près son ingestion. De là, l'usage presque général de traiter en même temps, et sous un même titre ^ des mouvements d'inspiration et d'expiration ^ quoique entre eux s'effectue la respiration proprement dite. Les physiologistes ont généralement passé sous silence la sensation du besoin d'inspirer, qui cependant est aussi réelle que la faim, et qui est^ pour la respiration, ce qu'est la i54 FONCTION DE LA RESPIRATION, celle-ci pour la digestion. N'ayant égard qu'aux deux au- tres ordres de phénomènes de la respiration, savoir, les mouvements inspirateurs et expirateurs par lesquels l'air est introduit dans le poumon et rejeté de cet organe, et les phénomènes profonds de la respiration , c'est-à-dire ceux de la sanguification qui se passent dans l'intérieur du poumon même , ils ont appelé les premiers les phénomènes mécani- ques, et les seconds les phénomènes chimiques de la respi- ration. Ces expressions sont également impropres. Les mou- vements d'inspiration et d'expiration ne sont nullement des phénomènes mécaniques, mais de véritables actions musculaires volontaires, qui ne se distinguent de toutes autres qu'en ce que le sommeil ne les interrompt pas; et, quant à l'acte de la sanguification, il sera prouvé par la suite que, quoiqu'on en ait dit, ce phénomène n'est pas chimique. C'est tout de même que si, dans la fonction de la digestion, on appelait la mastication, la déglutition, les phénomènes mécaniques de cette fonction, et, au con- traire, la chymification et la chylification ses phénomènes chimiques. Ainsi donc, dans l'étude que nous allons faire du mé- canisme de la respiration, nous en rapportons tous les phé- nomènes à trois sections : étude de la sensation du besoin de respirer ; étude de l'action musculaire volontaire , qui effectue l'ingestion et l'excrétion de l'air; et respiration proprement dite j sanguification, hématose. Nous termine- rons en traitant du sang artériel , qui est le produit de cette action. ARTICLE PREMIER. Sensation du besoin de respirer. L'air sur lequel doit opérer la respiration n'est pas ap- pliqué de lui-même, et par le fait seul de la position des parties, à l'organe respiratoire. Sa préhension réclame une action de notre part : cette action , comme toutes celles qui consistent dans l'établissement d'un rapport avec l'exté- rieur, est laissée à notre volonté; et dès lors il est nécessaire DU BESOIN DE RESPIRER . l55 qu'une sensation vienne nous exciter à l'accomplir, et en soit, si l'on peut parler ainsi, la sentinelle. Celte sensa- tion est celle du besoin de respirer. Cette sensation ne peut, non plus que toute autre , être représentée par le langage ; mais , pour quiconque Ta éprouvée, elle est bien distincte; et, d'ailleurs , elle est suffi- samment caractérisée par le rapport auquel elle sollicite, la préhension de l'air. C'est une sensation interne ou organi- que, c'est-à-dire que n'ayant pas pour cause le contact d'un corps étranger, elle éclate dans le poumon par cause in- terne, et consécutivement à l'office que ce viscère doit rem- plir dans l'économie. Comme telle dès lors, elle a le carac- tère de plaisir^ quand on lui cède , et, au contraire, celui de douleur quand on ne satisfait pas son vœu; cette douleur devient même très promptement déchirante, parce que le rapport que celte sensation nous commande nous est très prochainement nécessaire. Elle éclate, dès que la portion d'air qui a été introduite dans le poumon a été employée , de même que la faim se faisait sentir dès que l'estomac avait élaboré les aliments qui lui tivaient été donnés. Mais, comme à la différence de la digestion qui demandait plusieurs heures pour se faire, la respiration s'accomplira d'une manière instantanée , ainsi que nous le dirons ; il s'ensuit qu'à peine de l'air a pénétré dansle poumon, que déjà ce gaz est mis en œuvre, et a besoin d'être remplacé par du nouveau : d'où il résulte que le be- soin de respirer se renouvelle presque d'instant en instant, de seize à vingt fois par minute, tandis que ce n'était que deux ou trois fois par jour seulement que revenait la faim. Il est possible cependant qu'il y ait quelques différences dans la fréquence avec laquelle revient cette sensation : d'abord, selon les individus, par suite du degré d'activité plus ou moins grand du poumon, de même que la faim revenait plus ou moins fréquemment selon îe degré d'activité de l'esto-^ mac; ensuite, selon la richesse plus ou moins grande de l'air que l'on respire. En effet , d'une part, chacun inspire un nombre de fois différent, dans un même temps donné, à raison du degré d'activité de sou poumon.; et d'autre part. ï56 FONCTION DE LA RESPIRATION. il est sûr que la sensation du besoin de respirer se fait sen- tir plus souvent, crie comme sans interruption, quand on inspire un air appauvri. Quelque important que soit pour notre conservation le rapport auquel nous sollicite la faim , on peut cependant le retarder pendant quelque temps j et de là la possibilité de signaler les degrés divers d'intensité que présente cette sen- sation, depuis l'état de simple appétit, jusqu'à celui de faim très vive. De même , comme la digestion emploie quelques lieures à se faire , il y a un intervalle assez long entre les épo^ ques de retour de la faim. On peut aussi signaler les degrés par lesquels passe cette sensation quand elle s'appaise ; on la voit, par exemple diminuer peu à peu, puisdisparaître toul- à-fait, et même, si on prend plus d'aliments qu'il ne faut, être remplacée par une sensation opposée , celle de la satiété. Enfin , la faim a pu à elle seule constituer une maladie , une névrose, comme dans la boulimie, le pica, etc. Rien de tout cela ne peut être distingué dans la sensation du besoin de respirer; parce que, d'une part, la nécessité de la respiration , pour la conservation de la vie , est trop prochaine pour qu'on la diffère ; et parce que , d'autre part, cette fonction se fait instantanément, et emploie trop peu de temps pour s'accompiir. En effet, on ne peut pas résister au vœu de la sensation du besoin de respirer, pour en ap- précier les divers degrés, comme on peut résister à celui de la faim; notre volonté est trop promptement subjuguée par la douleur; et d'autre part, la respiration s'accomplit d'une manière trop soudaine pour qu'on j)uisse apprécier les nuan- ces par lesquelles passe la sensation , selon qu'elle est contra- riée ou satisfaite. Comme la faim éclate lorsque l'estomac est vide d'ali- ments, ou du moins est dans le repos, et n'exerce pas son action de digestion; comme surtout cette sensation peut être négligée impunément pendant quelque temps, on avait pu indiquer dans quel état particulier est l'estomac pendant que la faim se l'ait sentir, quels changements existent alors dans ce viscère. Mais cela n'est pas possible encore pour le besoin de respirer; l'expiration suit^e trop près l'inspira- DU BESOIN DE RESPIRER. iS/ lion, et l'une et l'autre durent trop ])eu de temps pour qu'on puisse apprécier quelles difîerences peut présenter le poumon dans ces deux états. On avait, dans la digestion, rapporté à l'histoire de la faim tout ce qui a trait à l'abstinence; et cela toujours, parce que la digestion n'étant pas d'une manière très pro- chaine nécessaire à la vie^ et employant quelques heures à se faire , on pouvait observer ensemble et les progrès de la sensation et les effets locaux et généraux de l'abstinence. H n'en a pas été de même encore ici ; personne n'a rattaché à la persistance du besoin de respirer les phénomènes qui sui- vent la privation de l'air, c'est-à-dire l'asphyxie; la diffé- rence qu'il y a entre ces deux choses, qui seulement coïnci- dent le plus souvent, mais dont l'une n'est pas la cause de l'autre, éclate ici avec évidence, et justifie le reproche que nous avons fait aux physiologistes, d'avoir rapporté à l'his- toire de la faim les effets de l'abstinence. La faim , comme le besoin de respirer, ne sont que des sensations locales, déve- loppées dans les organes spéciaux de la digestion et de la respiration, pour annoncer leur disposition à agir; et les phénomènes généraux de l'abstinence et de l'asphyxie tien- nent à ce que le rapport extérieur auquel ces sensations nous invitent n'a pas été effectué, et par conséquent à ce que la série des mouvements nutritifs a manqué. La sensation du besoin de respirer, considérée en elle- même, résulte j comme toute autre sensation, du concours de trois organes : l'un qui développe une impression ; un autre qui conduit cette impression au cerveau; et enfin un troisième, le cerveau, qui perçoit cette impression. A la vérité, la nécessité où nous sommes de céder aussitôt à cette sensation, et la dépendance très prochaine dans laquelle la vie est de la respiration , ne permettent pas de prouver par des faits directs la réalité de cette assertion. Tandis qu'on peut impunément paralyser la peau, en interrompantsa com- mun ication avec le cerveau ,et avoir le temps, avant la mort, de constater Tinsensibilité de cette membrane ; tandis qu'on peut paralyser semblablement l'estomacà l'égard de la faim; on ne peut, au contraire ^ paralyser le poumon sans que la l58 FONCTION DE LA RESPIRATION, mort arrive promptement. Mais l'analogie de ce qui est dans toute sensation doit nous faire croire qu'il en est de même dans la sensation du besoin de respirer. Or, de ces trois actions nerveuses qui constituent la sen- sation, la première, c'est-à-dire l'action d'impression, est la seule qui doive nous occuper; les deux autres sont ici ce qu'elles sont en toute sensation quelconque, et sont d'ailleurs calquées sur la première. C'est partout de la même manière que les nerfs conduisent des impressions au cerveau; c'est toujours aussi par le même mécanisme que cet organe per- çoit; ce qui spécifie chaque sensation, et par conséquent doit en fonder l'histoire , c'est l'action d'impression que les deux autres ne font que répéter. A cet égard nous avons à faire les mêmes recherches que dans l'histoire de toute sensation ; savoir : indiquer quel est l'organe qui en est le siège et qui la développe, ce qu'est cette impression en elle-même, et enfin quelle en est la cause? Mais^ sur chacun de ces points , on est dans la même igno- rance que pour toute autre sensation interne. lo Quel est l'organe du corps qui développe Timpression ? On a dit tour-à-tour le cœur, le diaphragme, le poumon. Il est probable que c'est ce dernier. C'est, en eiïet, dans le poumon qu'est introduite la substance que réclame cette sensation, et il était convenable que cette sensation fût attachée à l'organe qui est l'instrument de la respiration. Mais ce poumon est un organe fort complexe , et quelle par- tie de ce viscère développe cette action ? sont-ce les bron- ches , ou les ramifications de l'artère pulmonaire , ou les ' radicules des veines pulmonaires? On croit que ce sont les bronches; parce qu'elles paraissent être l'élément principal du poumon , le siège de la respiration; parce que la mem- brane muqueuse qui les tapisse paraît surtout, en de nom- breuses circonstances, régler le mode des mouvements respi- rateurs , par exemple , commander la toux , l'expectoration , l'éternumcnt^ etc. Il est certain, en effet, que dans ces cas une irritation de la membrane muqueuse des bronches est ce qui détermine le jeu de l'appareil locomoteur de la respiration ; et l'on peut en conclure que cette membrane le DU BESOIN DE RESPIRER. l5c) décide de même dans l'exercice naturel de la fonclioii. En- fin, ces bronclies ont une surface très étendue; deux sortes de nerfs s'y distribuent, les uns venant du pneumo-gasti i- que, les autres du tri-splanclinique. Peut-on dire quel est celui qui développe l'impression? A coup sûr au moins, celle - ci n'est pas produite en un lieu circonscrit de l'organe, puis- que ces éléments nerveux sont fondus avec les autres élé- ments organiques constituants du viscère. On voit donc que le siège de l'impression ne peut pas être aussi bien spécifié que dans un organe de sens , où l'élément nerveux forme une couche séparée des autres tissus. 2 0 L'impression en elle-même consiste à coup sûr en un changement quelconque dans l'état des nerfs du poumon; mais ce changement est trop moléculaire pour être saisissa- bîe par les sens , et il n'est reconnu que par son résultat. On ne sait de cette action d'impression que ce qu'on sait de toute autre : qu'elle n'est pas une action physique ni chi- mique , mais bien une action vitale ; et que le poumon n'est pas passif dans sa production. A la vérité, nous ne pouvons pas encore vérifier ce dernier fait, à cause de la nécessité très prochaine de la respiration pour la vie : mais combien n'est-il pas probable que cette sensation n'a pas la même intensité dans les divers états du poumon , et selon l'état de santé et de maladie ? Peut-être même que la ligature ou la section de la huitième paire de nerfs, en paralysant en partie le poumon, l'affaiblit, comme elle empêche le développe- ment de la faim en paralysant l'estomac; et si on continue encore d'inspirer pendant le temps qui reste à vivre après cette section , c'est sans y être provoqué par cette sensation ? 30 Enfin, quelle est la cause qui amène dans les nerfs du poumon ce changement d'état auquel est due la sensation ? On a dit que c'était le contact d'un air non respirable, privé d'oxygène ; mais cette sensation éclate aussi-bien quand il n'y a plus d'air dans le poumon , quand on est dans le vide. Il est probable que cette sensation ne reconnaît pas plus une N cause tactile que la faim, mais qu'elle est comme elle orga- nique, et que, par conséquent , on ne peut préciser la circon- stance qui la développe. La même nécessité prochaine dont ,6o FOTN^CTlOîî DE LA RESPIRATION, est la respiration pour la vie^ empêche encore qu'on ne véri- fie ceci par des faits; l'ignorance où l'on est, est d'ailleurs au'^mentée , en ce que les sensations de l'ingestion de l'air ou de l'inspiration , et de son excrétion ou de l'expiration , bientôt se confondent ensemble, de sortequ'on ne peut plus dire ce qui est de l'une et ce qui est de l'autre. Du reste, comme cette sensation du besoin de respirer n'avait pas encoï=e oc- cupé les physiologistes , ils n'ont pas fait sur sa cause autant d'hypothèses et de conjectures qu'ils en avaient faites sur celle de la faim. Toutefois, telle est la sensation qui va commander et dé- cider l'action musculaire volontaire par laquelle l'air sera porté dans le poumon, et qui en réglera toutes les modi- fications. ARTICLE II. Action musculaire volontaire respiratoire. Nous avons déjà dit que dans l'h omme et les animaux su- périeurs , ce n'était pas de lui-même que l'air était appliqué à l'organe de la respiration ; il ne l'est que consécutivement a une action de préhension laissée à la volonté de l'être, et effectuée sous l'inspiration de la sensation interne dont nous venons de faire l'histoire. En certains animaux , cette action de préhension consiste en une véritable déglutition effec- tuée par la bouche, et par laquelle l'air est poussé dans l'intérieur du poumon, comme des aliments sont portés dans l'estomac, etc. Mais, dans l'homme, c'est par le jeu du thorax que l'air entre dans le poumon et en sort alterna- tivement. Ce thorax remplit à l'égard de l'organe respira- toire proprement dit l'office d'un soufflet. Comme il est mo- bile, il peut faire varier sa capacité intérieure, l'agrandir ou la diminuer. Or, quand il Faugmente , le poumon voit aussi agrandir la sienne ; conséquemment l'air que ce der- nier organe contient est raréfié , cet air ne fait plus équi- libre avec l'air extérieur; et celui-ci alors se précipite dans l'intérieur du poumon par l'ouverture libre que ce poumon a au dehors , c'est-à-dire par l'orifice de la trachée-artère. DU MOUVEMENT d'iNSPIUATION. i6i Au contraire, quand le thorax se rétrécit, il comprime le poumon qui lui est partout contigu , il en exprime l'air qui le remplit, et cet air s'échappe par ce même orifice su- périeur de la trachée-artère. Voilà ce qui fait les mouve- ments à^ inspiration et à^ expiration que nous allons décrire avec soin, d'abord dans leurs rapports avec la- respiration proprement dite, ensuite dans leurs rapports avec d'autres fonctions. ^ Ier_ Phénomènes musculaires respirateurs dans leurs rapports at'ec la respiration. Il faut étudier successivement l'inspiration, l'expiration, et ce qui tient à l'association de ces deux mouvements. \° De l'inspiration. On appelle ainsi le mouvement par lequel le thorax, écartant ses parois , augmente sa capacité intérieure , et par suite fait pénétrer l'air dans l'intérieur du poumon. Son mécanisme diffère selon le nombre des muscles qui agissent pour l'effectuer. En premier lieu , le diaphragme seul peut accomplir l'in- spiration. Ce muscle, en se contractant, devient plane, s'enfonce même dans la cavité de l'abdomen , cesse au moins de bomber dans celle du thorax, et par là le diamètre per- pendiculaire de la poitrine est agrandi. Les portions mus- culeuses de ce muscle , qui sont les seules qui se déplacent, fort heureusement correspondent aux poumons^ qui seuls avaient besoin de trouver un plus grand espace; et, au contraire, son centre aponévrotique , qui, parce qu'il est attaché au sternum et au péricarde, et parce qu'il n'est pas musculeux, est presque étranger à l'abaisse*men t, correspond au cœur qui n'avait pas ce même besoin. Faisons, en effet, re- marquer en passant, combien les organes renfermés dans le thorax sont merveilleusement placés relativement à la mobilité qu'ils exigeaient de ce thorax; les poumons, qui de- vaient sans cesse changer de volume,, correspondent aux Tome III. i x l62 FONCTION DE LA. RESPIRATION. côtés, les régions les plus mobiles de la cavité; et^ au con- traire, le cœur est placé dans celle qui l'est le moins, au milieu , entre les vertèbres en arrière , le sternum en avant, le centre pbrénique du diaphragme en bas, et la cloison médiastine sur les côtés. A raison de l'inclinaison oblique en dedans des parties latérales du diaphragme, et de l'in- clinaison en arrière du centre pbrénique et des piliers de ce muscle, c'est particulièrement en dedans et en avant que sont foulés les viscères gastriques lors de l'abaissement du diaphragme. Yoilà un premier agent de la dilatation du thorax, l'agent principal de son agrandissement de haut en bas; et le plus souvent c'est lui seul qui fait l'inspiration. En second lieu, souvent les côtes et le sternum, sont sou- levés , d'où résulte l'agrandissement des diamètres transverse et antéro-postérieur du thorax. Mais il y a eu de nombreuses controverses sur le mécanisme de cette partie de l'inspiration. Selon Haller , la première côte est un point fixe vers lequel sont successivement élevées toutes les autres. Pour cela, la nature a fait cette première côte immobile, ou au moins très peu mobile, relativement aux autres; et, en outre, des muscles, implantés d'autre part au rachis et au membre supérieur, sont chargés de la fixer. D^abord,les articulations vertébrales de cette première côte sont déjà cinq à six fois moins mobiles que celles de la seconde , e t à plus forte raison que celles des autres côtes, puisque, selow Haller, les articulations costo- vertébrales sont d'autant plus lâches et d'autant plus mo- biles dans chaque côte, que les côtes sont plus inférieures. En outre, cette première côte est pïus courte, plus large qu'aucune autre , moins oblique sur le rachis : son articula- lion sternale est plus serrée, effectuée par un cartilage moins long, et même dans l'âge adulte celui-ci est continu au sternum. Enfin, indépendamment de toutes ces causes qui doivent mécaniquement la rendre immobile, elle est, lors de Finspiration, maintenue fixe par l'action des muscles sca- lènes et sous-claviers. C'est ainsi que , selon Haller, la première côte peut constituer un premier point d'appui. Alors les muscles intercostaux qui la séparent de la seconde , se fixant sur elle, agissent pour élever un peu celle-ci ; et ils y par- DU MOUVTîMElNT d'iNSPIRATIOIN .. iC)^ viennent parce que cette seconde côte a déjà ses articulations postérieures plus mobiles, parce qu'elle est moins large, plus longue , plus oblique sur le racbis , et que son articu- lation sternale est plus lâche. Celte seconde côte, ayant ainsi obéi jusqu'à un certain point au mouvement d'é- lévation, devient point d'appui pour les muscles inter- costaux qui la séparent de la troisième; et ces muscles agis- sant à leur tour , élèvent aussi celle-ci , et même lui font parcourir un espace déjà un peu plus grand , parce que cette côte a ses articulations vertébrales et sternales encore plus mobiles que la précédente, parce qu'elle est encore plus longue et plus oblique sur le racliis, etc. Alors la quatrième est élevée de même vers la troisième ; la cinquième vers la qua- trième, et ainsi de suite jusqu'à la dernière; chaque côte étant successivement point d'appui et point mobile , et le mouvement étant d'autant plus étendu que la côte est plus inférieure. De cette manière, les côtes sont élevées; et comme ces côtes sont situées obliquement sur le rachis, leur partie moyenne est nécessairement portée en dehors, leur partie antérieure en devant , les cartilages qui les unis- sent au sternum paraissent éprouveï une sorte de torsion, et le sternum semble effectuer une sorte de bascule qui l'é- îoigne delà colonne vertébrale. Dès lors, les diamètres trans- verse et antéro-postérieur du thorax sont agrandis, surtout en bas, puisque les mouvements sont d'autant plus étendus dans chaque côte , que ces côtes sont plus inférieui^es. Sans doute cet agrandissement est moindre que celui qu^a subi le diamètre perpendiculaire par le jeu du diaphragme ; Sauvages disait qu'il était cinq fois moins considérable; Haller évaluait la différence à six pouces cubes; mais enfin cet agrandissement n'en est pas moins réel. Dans cette ma- nière d'expliquer l'élévation des côtes, Haller nie que le thorax s'élève ou s'abaisse en totalité; il veut, au contraire, que les côtes s'élèvent successivement vers le haut de cette cavité, et cela d'autant plus qu'elles sont plus inférieures. Il ajoute , en outre , que les espaces intercostaux ne sont nulle- ment agrandis ; et, pour le prouver, il avait fait faire une ma- chine qui simulait autant que possible le thorax , machine ] 1 . i64 FONCTION DE LA RESPIRATION, dans laquelle des fils tenaient lieu des muscles intercostaux^ et sur laquelle il faisait voir que ces fils se repliaient sur eux-mêmes au moment de l'inspiration. Quant aux muscles agents de cette élévation, Haller indiquait, lo les deux plans de muscles intercostaux y qui agissaient sur la côte comme sur un levier du troisième genre , mais dont l'inser- tion presque perpendiculaire à l'os compensait ce qu'avait de désavantageux la première disposition. 3» Les suscostaux^ qui, prenant leur point fixe sur les apophyses transverses des vertèbres, soulevaient les côtes, au moins les soute- naient ,et surtout devaient agir en bas où ils sont assez gros. 30 Enfin , dans quelques cas d'inspiration forcée , divers muscles étendus de la tête , du col , et du membre su- périeur, au tborax, qui, contre l'ordre le plus ordinaire de leurs fonctions , prenant alors leur point d'appui fixé sur la tête, le bras, Tépaule, soulèvent les côtes à la manière de véritables arcs-boutants actifs; savoir les mus- cles sterno- mastoïdiens, petit pectoral, une portion du grand pectoral, surtout le grand dentelé à ses digitations inférieures. C'est , en effet , pour que ces divers muscles trouvent un point d'appui , que dans les grandes inspi- rations , on porte la tête en arrière , ce qui fixe les sterno- mastoïdiens , ou que Ton. saisit avec les bras quelque corps solide, ce qui fournit appui aux muscles pecto- raux , etc. Toute cette analyse de B aller a. donné lieu à des débats. D'abord , on regarde comme une erreur cette assertion que les espaces intercostaux ne varient pas; un examen attentif fait voir qu'ils deviennent plus^rands , et cela d'autant plus que la côte est plus inférieure , ce qui s'explique par le sur- croît de longueur, de mobilité dans leurs articulations ver- tébrales , et d'obliquité sur le racliis, que présentent les côtes, à mesure qu'elles sont plus inférieures. Les côtes dé- crivant un mouvement d'autant plus étendu qu'elles sont plus inférieures , d'autant plus aussi les espaces intercostaux doivent s'agrandir : l'écartement est surtout sensible vers leur partie cartilagineuse. Haniherger, ensuite, contesta k Haller, que les deux plans DU MOUVEML^XT d'iiNSPIRATION. iG5 -de muscles întercoslaux lussent également ins|)irateurs ; il voulut que les intercostaux externes seuls lussent in8[)ira- teurs, et que les intercostaux internes, loin d'être congé- nères des premiers, fussent leurs antagonistes, c'est-à-dire des expirateurs : il se fonda sur ce que ces muscles intercos- taux internes ont leurs fibres dirigées obliquement de haut eii bas, et de devant en arrière ; que, par conséquent, leur insertion est trop près du point d'appui pour qu'ils soienl des inspirateurs, et qu'au contraire elle est la plus convena- ble possible dans l'bypotljèse qui en fait des expirateurs. Mais HaLler répondit à l'objection , que si la disposition que l'on invoque ôte en eilet à ces muscles , comme inspij-aîeurs , une partie de leur force, elle ne la leur oie pas en entier, el que ce désavantage est en partie compensé par la plus grande fixité des côtes supérieures. 11 invoqua des expé- riences faites sur les animaux vivants, dans lesquelles met- tant à découvert, d'un côté du thorax les in ter-costaux ex- ternes, et de l'autre les inter-costaux internes, il dit avoir vu ces deux sortes de muscles agir également au moment de l'inspiration. C'est même à raison de ce débat qu'il imagina la machine dont nous avons parlé plus haut , dans laquelle des fils tenaient la place des muscles inter-costaux , €t dont le jeu lui parut propre à prouver que les ioler-cos- taux externes et internes étaient également inspirateurs. Après, AVa^a/^ie/' professa que dans l'inspiration, les côtes se portent en des directions diverses, selon leur hauteur; que les côtes supérieures se portent en haut, les côtes infé- rieures en bas , et les côtes moyennes en dehors. Il se fonda sur la disposition des surfaces articulaires des apoplijvses Iransverses ; celles des côtes supérieures lui paraissant tour- nées en haut, celles des côtes inférieures en bas, et celles des côtes moyennes en dehors. 11 assura avoir reconnu di- rectement le fait dans des expériences sur des animaux vi~ vants , et en examinant, chez des phtbisiques très amaigris, quel était le jeu des côtes dans l'inspiration. Enfin, récemment, M. Magendie a contesté que l'éléva- tion des côtes se fît ainsi graduellement des inférieures vers les. supérieures ; et il a établi que toutes les côtes s'élevaieiU l66 . rOKCTION DE LA RESPIRATION. en même temps. Selon ce physiologiste ;, il est faux que les articulations costo-vertébrales des côtes soient d'autant plus lâches, et j^ermettent d'autant dIus de mouvements j que les côtes sont plus inférieures ; c'est tout le contraire. Loin que la première côte soit immobile , ou la moins mobile , comme le veut Haller^ elle est la plus mobile de toutes; et les preu- ves que M. Magendie en assigne , sont : qu'elle n'est arti- culée en arrière qu'avec une seule vertèbre ; qu'a son articu- lation costo-vertébrale le ligament inter-articulaire manque; et qu'à son articulation costo-transversaire elle n'a pas non plus les ligaments costo - transv'ersaires supérieur et infé- rieur. Par des raisons opposées, les autres côtes sont de moins en moins mobiles , à mesure qu'elles sont plus in- férieures ; et si , dans l'inspiration , elles paraissent se mouvoir plus que les supérieures , cela tient à leur plus grande longueur. En outre, loin que la première côte reste fixe , et serve de point d'appui pour l'élévation de la se- conde, et qu'ainsi toutes les côtes soient élevées successive- ment des inférieures vers les supérieures^ M. Magendie pro- fesse que la première côte s'élève comme les autres , et que toutes s'élèvent en même temps. Le désavantage dont est pour les côtes inférieures la moindre mobilité de leurs arti- culations postérieures , est compensé par la plus grande lon- gueur de ces os; et cette compensation a pour objet de don- ner à la fois au thorax toute la solidité et toute la mobilité dont il avait besoin. Ce sont les muscles sous-claviers, sca- lènes , les muscles qui du col sont étendus au sternum , qui soulèvent la première côte; et ce sont les muscles qu'a in- diqués J^a/Zer qui soulèvent lesautres. M. Magendie cvo'ilqMe la contraction du diaphragme concourt aussi un peu à élever le sternum et les côtes; mais cela ne nous paraît devoir être tout au plus que des côtes inférieures. Il ajoute que l'arti- culation qui existe entre la pièce supérieure du sternum et la suivante, au niveau de la seconde côte, est assez mobile pour que cette pièce se porte en avant avec la partie supé- rieure du thorax. M. BoLwier, qui , dans sa dissertation inaugurale, a traité du mouvement des côtes dans la respiration , croit avec DU MOUVEMENT d'iNSPIUA TIOJN . 1^7 M. Magendie , que Haller s'est trompé en disant que les articulations postérieures des côtes sont d'autant plus mo- biles qu'elles sont plus inférieures; il dit que toutes ces ar- ticulations sont également mobiles, et même que la pre- mière côle l'est le plus; mais il croit que les articulations sternales des côtes ont réellement une mobilité d'autant plus grande, que les côtes sont plus inférieures, et parlant plus longues. Il pense du reste que tout le thorax se soulève en même temps , et s'élève de la même quantité partout, par exemple , en avant et sur les côtés. Quoi qu'il en soit de toutes ces controverses , il est sûr que les côtes sont élevées , et que , consécutivement à cette élé- vation , le tborax est agrandi de devant en arrière et en tra- vers, comme par le jeu du diaphragme il avait été agrandi de liant en bas : cela résulte de l'obliquité des côtes sur le rachis; si elles eussent été horizontales, ou obliques en sens opposé, leurélévation n'eût pas agrandi la cavitédu thorax, ou même l'aurait rétrécie. Toutefois, le thorax ayant écarté toutes ses parois, sa ca- pacité interne a augmenté; mais un tel effet ne peut avoir lieu sans que le poumon , qui est dans son intérieur , et qui est contigu à sa paroi interne sans qu'il y ait entre eux au- cun vide_j ne l'accompagne dans son mouvement, et par conséquent ne se dilate aussitôt. Dès lors , l'air qui est dans l'intérieur de ce poumon se raréfie; et cet air nefaisantplus équilibre à l'air extérieur, celui-ci doit se précipiter dans l'or- gane, s'il y a une ouverture qui le permette. C'est ce qui est en effet : la trachée-artère, origine des bronches , communique avec la glotte; et celle-ci est située, comme on sait, près l'ouverture postérieure de la bouche , et celle des fosses na- sales, lo Au momentde l'inspiration, la glotte s'ouvre d'elle- même par le jeu des muscles arythénoïdiens : c'est ce qu'a prouvé Legallois, ipdir des expériences qu'il a faites à l'école de médecine de Paris. En mettant à nu la glotte chez des ani- maux vivants, on voit manifestement cette ouverture se dila- ter à chaque inspiration, et se resserrer à chaqueexpiration. Si l'on coupe la huitième paire de nerfs au col, et qu'on pa- ralyse ainsi les muscles arythénoïdiens qui reçoivent leurs i68 FOINCTIOIN DE LA RESPlflATIOîï. nerfs du laryngé supérieur , on voit qu'alors la glotte reste fermée^ et que, si l'expiration est encore possible, il n'en est pas de même de l'inspiration; Tair extérieur, loin de pouvoir pénétrer dans le poumon^ augmente mêmerocclu- sion de cette ouverture, en pressant sur ses ligaments qui ont une position oblique , et qui sont comme en cul-de-sac à leur surface antérieure; cette occlusion est lell^ , qu'en clierchant à aspirer l'air au moyen d'une seringue introduite dans la trachée-artère du côté du tliorax , on ne peut pas même y parvenir. 2» Comme la glotte ne communique avec Je dehors que par la bouche ou par les fosses nasales , pour que l'inspiration s'achève, ou bien la bouche s'ouvre, et le voile du palais se relève de manière à laisser communi- quer cette cavité avec la glotte; ou bien, si la bouche est fermée , le voile du palais s'abaisse , de manière à laisser ar- river à la glotte l'air qui peut s'introduire par l'ouverture toujours béante des narines. Dans ce dernier cas, il peut même y avoir action spéciale des petits muscles des ailes du nez, comme on l'observe toutes les fois que la respira- tion est difficile. On conçoit combien cette dernière voie à l'abord de l'air était nécessaii'e pour les circonstances où la bouche est fermée , comme pendant le sommeil ; et afin que cet air portât dans l'organe de l'odorat les odeurs qui doivent l'impressionner. L'air se précipite donc dans le poumon , à peu près , ainsi que l'avait dit depuis long- temps Mayow^ comme il entre dans un soufflet dont on écarte les branches. Cependant, quelques physiologistes pensent que le poumon n'est pas aussi passif dans l'inspiration , qu'une pareille théorie pourrait le faire croire. Ceux qui , comme Resseissen, ontadmis des fibres mus- culaires dans la texture des bronches, croient à une dilata tion active de ces bronches. Ils disent que, lorsqu'une pîaie pé- nétrante de la poitrine a permis à l'air de se glisser dans le thorax entre les côtes et le poumon, celui-ci ne s'en dilate pas moins dans l'inspiration, bien que l'air introduit dans le thorax dût empêcher l'entrée de l'air extérieur dans l'or- gane. Ils citent des observations de Semierl^ Swanunnrdam^ Ficq-d'' Jzyr et autres, dans lesquelles des portions de DU MOUVEMEIXT d'iNSPIRATTON. i6f) poumon qui faisaient Lei'nie hors du thorax^ pnt continué (le se dilater dans l'inspiration et de se resserrer dans i 'ex- piration. Mais, sans assurer que le poumon soit tout-à-iait sans aucune part dans le mouvement de l'inspiration , il est sûr que la plus grande doit être attribuée au thorax. On n'admet plus aujourd'hui de fibres musculaires dans la tex- ture des bronches, mais de ce tissu jaune si éminemment élastique , que nous verrons former les artères. Si , dans les plaies pénétrantes delà poitrine, l'inspi]'ation continue, elle est toujours plus faible, et ce n'est que quand la plaie a une médiocre étendue; alorsj en efïét, la très petite surface que comprime l'air qui entre par la plaie , ne suffit pas pour contrebalancer la masse d'air qui, se précipitant dans le poumon, agit sur la surface intérieure très étendue du cet organe; mais , si la plaie est très grande , le poumon ne peut plus se dilater. Si quelques portions de poumon faisant hernie se sont dilatées dans l'inspiration, et resserrées dans l'expiration, le plus souvent c'est l'inverse qu'on ob- serve; et encore le premier fait peut s'expliquer par la libre communication qui existe entre toutes les cellules pulmonaires, et par le retour élastique du poumon sur lui-même. Mais jusqu'où pénètre dans le poumon l'air apporté par l'inspiration? Certainement il ne va pas aussitôt jusqu'aux dernières ramifications des bronches , car il y a déjà de l'air dans le poumon; et, quand on sort du vide ou qu'on re- vient de l'asphyxie , il faut plusieurs inspirations avant de voir cesser les angoisses. Il y a ici quelques points de la question qui ne sont pas connus. Est-ce graduellement seu- lement, que l'air d'une inspiration parvient dans la profon- deur des ramuscules bronchiques, et parce qu'il y est poussé par l'air de plusieurs inspirations successives? quel temps alors emploie cet air pour arriver à ces ramuscules, et pour que ses débris soient rejetés par l'expiration? se fait-il ainsi dans le poumon comme une circulation d'air? et comment l'expiration ne vient-elle pas y apporter de la confusion? ou bien ce nouvel air apporté ne fait-il que se mêler à celui qui est dans le poumon, et servir ainsi à l'entretenir? lyo FONCTION DE LA RESPIRATION. Nous ie répétons , il y a ici de nouvelles connaissances à ac- quérir; mais nous reviendrons là-dessus ci-après. Tel est le mécanisme de l'inspiration. On voit que cette inspiration peut être plus ou moins grande : on dit qu'elle est ordinaire , quand elle ne résulte que de l'abaissement du diaphragme dans l'abdomen , et d'une très légère éléva- tion du thorax : on l'appelle grande, quand, à l'abaisse- ment du diaphragme , s'ajoute , pour la produire , l'éléva- tion évidente du thorax : enfin ^ on la ^'\l forcée, quand elle est la plus grande, possible , et que les muscles du col, de la tête et du bras, comme les sterno-mastoïdiens , les pectoraux, agissent pour l'effectuer. Entre la plus petite inspiration et la plus grande, il y a mille intermédiaires. On conçoit , en effet , qu'on peut employer quelques-uns ou tous les muscles de l'inspiration. Le plus souvent on ne fait agir que quelques-uns d'entre eux : ou le diaphragme seul , comme cela est d'ordinaire dans la veille ; ou. les inter- costaux seuls, comme dans le sommeil : ce n'est guère que quand l'inspiration doit être extrême et prolongée, que toutes les puissances inspiratrices sont employées à la fois. D'ailleurs elles se suppléent au besoin : ainsi , que les inter- costaux ne puissent pas agir, comme quand il y a rhuma- tisme de ces muscles , ou pleurésie , ou qu'un bandage com- pressif appliqué autour du thorax empêche l'ampliation de cette cavité, alors le diaphragme seul effectue l'inspira- tion : au contraire , que ce diaphragme à son tour ne puisse opérer cette action , parce qu'il est malade , qu'une liy- dropisie ou une grossesse s'oppose à son abaissement dans l'abdomen, alors ce sont les inter-costaux seuls qui font l'inspiration. On a fait beaucoup de recherches pour apprécier quelle forme nouvelle prend le thorax dans l'inspiration ; de quelle quantité il s'est agrandi ; de combien aussi s'est augmenté le volume du poumon; quelle quantité d'air a été intix)- duile dans cet organe, etc. i» PVillis a dit que lors de l'in- spiration, le thorax avait une figure carrée, dont les côtés étaient réunis par des angles droits; JBernoulli , au contraire, dit qu'il est alors un cylindre elliptique , dont le diamètre DU MOUVEMEPs'T d'iNSPIRATION. 171 est un peu agrandi. 20 II est certain que la capacité du thorax a augmenté; et Barlkolin , pour constater cet agran- dissement du lliorax et l'évaluer, mesurait le contour de cette cavité avec un lien dans les deux temps opposés de l'inspiration et de l'expiration. 3o Lieherkun avait évalué à i5oo pieds carrés la surface de tous les canaux aériens réunis ; et i"on a dit que cette surface , lors de l'inspiration, était augmentée, d'un douzième selon les uns, d'un cin- quième selon les autres. 4^ Borelli , ayant égard à la colonne d'air atmosphérique qui pèse de toutes parts sur les parois thoraciques , et que les muscles inter-costaux doivent sou- lever avec les cotes lors de l'inspiration, évaluait à 32o4o * livres la puissance développée par ces muscles. S^ Enfin , pour apprécier la quantité d'air que l'inspiration introduit dans le poumon, chacun a eu égard à une base différente. Les uns faisaient sur un animal vivant l'extraction du pou- mon 5 immédiatement après une inspiration , et ensuite en exprimaient l'air par une compression artificielle. ^oèVAaai^e se plaçait dans un bain , et notant le niveau de l'eau lorsqu'il était en expiration, remarquait de combien le liquide mon- tait quand il avait inspiré. Sénac inspirait dans un tube qui était placé sur de l'eau, et voyait quelle quantité d'eau avait passé dansée tube , consécutivement à la quantité d'air que l'inspiration en avait retirée. Bartliolin ^ comme nous l'avons dit, recourait à un lien avec lequel il mesurait le contour du thorax. Enfin, de nos jours, on inspire en un vase dont la capacité est connue, et l'on voit quelle quantité d'air l'ingpiration en a retiré. D'après ces bases diverses^ on a dit que Finspiration la plus grande possible, faisait entrer soixante-dix pouces cubes d'air dans le poumon; et que la quantité qu'y fait pénétrer une inspiration ordinaire était de 12 à i3 pouces cubes, selon Menziès ; de 12 , selon Goodwin; de 20, selon Juiine ; de 16 à 17, selon M. Cu- vier-, de 2, selon Grégory ; de 279 centimètres cubes, selon Dai^j;el enfin, de 655 centimètres cubes , ainsi que le di- sait iJfe/îZïè.y, selon TAom^ofz. Il ne faut pas s'étonner de ces dissidences des auteurs : elles sont inévitables quand on veut faire une application Ï72 It)NCTION DE LA RESPIRATION, du caiciil à des faits qui ne le comportent pas. L'inspiration est un phénomène qui ne peut être îe même, D'abord , elle varie dans cliaque individu , car elle est nécessairement un peu dépendante de la conformation pectorale, et cbaque individu à la sienne. Ensuite , cette inspiration est une ac- tion musculaire volon taire; on peutl'efrectuer en mille degrés, et mille circonstances dans la vie sollicitent à la varier. Sans parler , en effet, des variétés que peut présenter l'in- spiration , quand elle a pour but de servir des fonctions autres que la respiration, comme l'odorat, la locomotion, les expressions , la digestion , les sécrétions , ce dont nous parlerons ci - après ; ce mouvemenl diifère d'après l'objet même qu'il a à remplir dans la fonction de la respi- ration. Cet objet est d'introduire dans le poumon toute la quan- tité d'air dont a besoin j^our se sanguifîer le fluide veineux qui est alors présent dans ce viscère. Or, cette quantité d'air devra nécessairement varier, selon qu'est plus ou moins grande la quantité de fluide veineux qui arrive au poumon, et selon que ce gaz est lui-même d'une qualité plus ou moins pure. Ainsi, que dans un instant plus de sang vei- neux arrive au poumon, comme cela est dans la course , ou dans une passion dont l'eifet est d'accumuler le sang dans cet organe, alors l'inspiration doit être plus grande, afin de faire entrer plus d'air dans le poumon, et de coordon- ner ainsi la quantité de cet air avec celle du fluide à san- guifîer. De même, que l'air qu'on respire soit pauvre en oxygène, il faudra aussi que l'inspiration soit plus grande, afin de faire entrer plus d'air, et de suppléer par sa quan- tité à ce qui manque à sa qualité. iLest encore une troisième circonstance qui fait varier le mouvement d'inspiration, c'est la facilité plus ou moins grande avec laquelle îe pou- mon se laisse pénétrer par l'air. Que le poumon se dilate moins et soit moins accessible à l'air, comme dans certaines affections de son tissu, alors aussi l'inspiration se modifie pour remédiera cet inconvénient, et faire que toujours la quantité d'air introduit soit correspondante à celle dn fluide à sanguiûer. Or, mille circonstances dans la vie foui varier. DU MOUVEMEriT d'eXPIRATIOW. i-jZ et la quantité du fluide veineux qui va s'artérialiser dans le poumon, et le degré de richesse de l'air qui est respiré, et le degré de facilité avec lequel le poumon se laisse péné-^ trer, et par suite l'inspiration. Parmi ces modifications de l'inspiration, il en est même quelques-unes qui sont si importantes, qu'on leur a donné des noms particuliers. Tels sont le soupir et le hdillement ; mais nous en parlerons ci-après. Quoi qu'il en soit, par suite de ce mouvement d'inspira- tion, l'air se précipite dans l'intérieur du poumon ; et, selon sa qualité, il fait sur cet organe une impression ou agréable ou pénible , comme il en était de l'aliment sur l'estomac : il provoque le poumon à agir, à effectuer la respiration si sa nature est bonne , ou , au contraire, à expirer si elle est dé- létère. Si cette impression n'est pas d'ordinaire perçue, c'est qu'elle est habituelle, et que d'ailleurs elle est d'au- tant plus faible, que l'air parvient plus profondément. Ce gaz fait au moins une impression dans ie poumon par sa température : en traversant la bouche ou les fosses nasales et la trachée -artère, il se met bien au niveau de la chaleur de ces organes; mais, comme il les traverse vite, qu'il est d'ailleurs assez mauvais conducteur du calorique, il n'a pas le temps de s'échaufïer, et il fait impression par sa fraîcheur. 2° De rExpiratioh. C'est le mouvement par lequel le thorax rapproche ses parois, diminue sa capacité intérieure, comprime ainsi le poumon, et exprime de la cavité de cet organe l'air qui y est contenu. C'est par lui que la partie de l'air qui n'a pas été employée, est rejetée. Jl est donc, à la respiration, ce que la défécation est à la digestion; et conséquemment on doit étudier en lui, comme dans la défécation, comme en toute excrétion quelconque, trois choses, savoir : la sensa- tion, qui annonce que cette expiration doit se faire; l'ac- tion propre du réservoir qui contient la matière à excréter; et, enfin, l'action de l'appareil musculaire volontaire qui est annexé au réservoir. 1^4 FONCTlOiN DE LA RESPIRATIOT^. A. Sensation du besoin d'expirer. De même que des sensations particulières éclatent dans le rectum quand la défécation va s'accomplir, dans la vessie quand Texcrétion de l'urine va se faire , de même une sen- sation se développe dans le poumon quand le reste de l'air qui avait été inspiré a besoin d être expulsé de cet or- gane, la sensation du besoin de l'expiration. Elle est, à l'expulsion de l'air, ce qu'était la sensation d'inspirer à l'in- gestion de cet air. Cette sensation ne peut, non plus que toute autre, être peinte par des mots ; mais elle est bien distincte pour qui- conque l'a éprouvée, et est caraclérisée d'ailleurs par son but , qui est d'expulser du poumon l'air qui y est contenu. On est en doute si elle est une sensation externe ou interne ; cependant l'analogie porte à croire qu'elle est interne , comme celle de la défécation. Si on ne peut en être sûr, c'est que la respiration, s'accomplissant instantanément, et exi- geant sans cesse le renouvellement de l'air, on ne peut voir, comme dans la défécation , si cette sensation se développe indépendamment de la j^résence d'un air vicié. D'ailleurs, cette sensation se confond avec celle du besoin d'inspirer qui éclate alors, et cela ajoute à la difficulté. Toutefois, elle a aussi le caractère de plaisir quand on la satisfait, et celui de douleur quand on lui résiste ; et sa voix est d'autant plus impérieuse, que le rapport qu'elle commande est absolu- ment nécessaire. Elle éclate aussitôt que l'air inspiré a été employé par la respiration, faligue par ses mauvaises qualités, et doit céder sa place à un nouveau. Or, comme l'acte de la respiration est instantané, ainsi que nous l'avons déjà dit plusieurs fois, il s'ensuit qu'elle doit se faire sentir d'instants en in- stants ; elle se renouvelle en effet de seize à vingt fois par mi- nute, comme la sensation de l'inspiration. Cependant on conçoit qu*il doit y avoir en ceci quelques variétés, selon fes différences individuelles d'une part , et selon les condi- tions de J'air qui est respiré de Tautre, DU MOUVEMENT d'eXPIRATION. IjS Si la sensation de la défécation a eu lieu avec une rapi- dité telle qu'il a été difficile de spécifier ses degrés; si elle a promptement exigé l'accomplissement du rapport qu'elle demande , à plus forte raison cela doit-il être de la sensa- tion de l'expiration. L'instantanéité de la respiration, la né- cessité très prochaine de cette fonction pour la vie, sont même de nouvelles causes pour qu'on ne puisse signaler ses diverses nuances. Par la même raison, on ne petit constater si le poumon est, lorsque cette sensation éclate, dans un état autre que celui dans lequel il était lors de la sensation de l'inspiration. Du reste, considérée en elle-niême , elle résulte aussi du concours de trois actions nerveuses : une action d'impres- sion, qui siège probablement au poumon; l'action d'un nerf qui conduit cette impression au cerveau ; et enfin , l'action percevante du cerveau. A la vérité , nous ne pouvons encore admettre ces deux dernières actions que par analogie, comme dans la sensation de l'inspiration; la nécessité très pro- chaine dont est la respiration pour la vie, empêche aussi qu'on les prouve par des faits directs : mais, dans tous les cas, ces deux actions ne seraient ici que ce qu'elles sont dans toute sensation que ce soit, et nous n'avons encore qu'à traiter de l'action d'impression. Or, à l'égard dé cette dernière , i» quel est son siège? Il est probable que c^est le poumon; mais il est difficile de dire en quelle partie de cet organe complexe elle réside. On croit que c'est dans la membrane muqueuse, parce qu'une irri- tation de cette membrane décide souvent l'action des puis- sances expiratrices , comme dans la toux , par exemple. Il est en effet naturel de penser que puisque, dans ces cas, c'est cette membrane qui fait jouer l'appareil musculaire respi- rateur, elle le fait jouer aussi lors de l'exercice ordinaire de la fonction. 2» En second lieu, qu'est en elle-même cette, action d'impression ? Sans doute , elle consiste en une action quelconque des nerfs du poumon ; mais cette action n'est pas plus appréciable que celle des autres nerfs dans toute autre sensation. Elle n'est aussi manifestée que par son ré- sultat, c'est-à-dire la sensation elle-même; et l'on ne peut 176 rONCTlOlN DE Li. RESPIRATION., dire d'elle que ce qu'on dit de toute sensation : savoir que cette action n'est ni physique ;, ni chimique , mais vitale , et qu'elle est le produit de l'activité propre du nerf. 3*^ Enfin , quelle est la cause de la sensation d'expirer? Si l'on admet que cette sensation est externe, ce sera le contact de l'air vicié par la respiration; si, au contraire, on établit que c'est une sensation interne , ce qui est plus probable , il faut reconnaître que cette cause est aussi peu connue que celle de toute autre sensation interne , et que l'action spéciale à laquelle se livrent les nerfs tient à l'office qu'a le poumon à remplir dans notre économie. Ê. Action propre du poumon dans l'expiration. Le poumon n'est pas aussi passif dans l'expiration qu'il l'a été dans l'inspiration. Sans doute le jeu du thorax, qui avait fait pénétrer l'air dans l'intérieur de cet organe , con- court principalement à en expulser ce gaz; mais il y a de plus un retour élastique des tuyaux aériens sur eux-mêmes, par suite de la dilatation qu'ils avaient éprouvée dans le temps précédent. Si Ton pousse de l'air dans la trachée- artère d'un cadavre , ce fluide distend d'abord le poumon et ia poitrine; mais, dès qu'on cesse de faire agir le piston de la seringue , il est chassé, expiré par la seule force élastique des organes respiratoires. Si l'abdomen est ouvert sur un animal vivant, l'expiration ne se produit pas moins , et le diaphragme remonte de même dans la poitrine. Enfin, en 181Ç), M. Carson a présenté à la Société royale de Londres un précis de quelques expériences qui tendent à faire éva- luer la force avec laquelle le poumon, dans l'expiration, revient sur lui-même, et qui au moins mettent ce fait hors de doute. Quelques physiologistes admettent une contraction réelle des fibres musculaires, qu'ils disent entrer dans la structure des bronches; mais nous avons déjà dit qu'on ne croit pas aujourd'hui à l'existence de ces fibres musculaires, et qu'on regarde ces fibres comme appartenant à ce tissu jaune très élastique que nous verrons former les artères , et DU MOUVEMENT d'eXPIRATION. 177 qui , sans contredit, est très propre à exécuter l'office dont uous parlons ici. . C. Action du tliorax dans l'expiration. Cette action varie selon le degré de rexj)iration. Or, tantôt l'expiration est passive, c'est-à-dire consiste seule- ment dans la cessation d'action des agents qui avaient fait l'inspiration; tanlôt, au contraire, elle e^t active, c'esl-à- dire qu'il y a contraction directe de certains muscles, pour rapprocher les parois du thorax et diminuer la capacité de celte cavité. Dans le premier cas, les causes qui avaient agrandi le thorax cessant d'agir, il y a retour mécanique de ce thorax à sa dimension première. Ainsi, si le diaphragme se relâche, ce muscle qui , par sa contraction , s'était enfoncé dans la cavité abdominale, par le fait seul de son relâche- ment, se relève dans le thorax, et en rétrécit l'étendue de hauten bas. De même , les parois abdominales qui jdansTin- spiration,avaien télé distendues, reviennent sur elles-mêmes,, et contribuent à refouler le diaphragme dans le thorax. Ce- pendant celle réaction des parois abdominales n'est pas une chose essentielle, car l'expiration se faitdemêmequand l'ab- domenestOLivert.Nous n'avons pas be-'=oin de ré^alev Âj^intiiis et Didaurens , qui voulaient que le diaphragme se relâchât dans l'inspiration, et se contractât dans l'expiration; c'est trop évidemment contraire aux faits. De même encore, si les muscles qui avaient effectué l'élévation des côtes se relâ- client, ces os reviennent à leur place ,en vertu de l'élasticité seule des cartilages qui lès unissent au sternum. C'est en ce sens que Haller a dit que les portions osseuse et cartilagi- neuse des côtes étaient antagonistes l'une de l'autre; la pre- mière, effectuant l'inspiration consécutivement â la traction qu'exercent sur elle les muscles; et la seconde, faisant l'ex- piration par le fait seul de son élasticité naturelle. Ainsi, les efforts qui avaient écarté les parois du thorax cessant, ces parois se rapprochent, et le thorax reprend sa capacité primitive. Dans l'expiration active , au contraire, il y a de plus ac- TOME 111. ,2 " 17^ T'OJXCTION DE LA RESPIRATION. tion directe de certains muscles, pour abaisser le sternum et les èôtes , et concourir au rétrécissement du thorax. Ces muscles expirateurs sont le triangulaire du sternum , les muscles larges de l'abdomen , le grand dorsal , le sacro-lom- baire , le dentelé postérieur et inférieur, qui , sous ce rap- port, est antagoniste du dentelé postérieur et supérieur. Haller admet qu'il se passe ici une action inverse de celle qui a lieu dans l'inspiration, c'est-à-dire que les côtes sont successivement abaissées vers la côte dernière , comme dans l'inspiration elles avaient été successivement élevées vers la première côte : la côte dernière est d'abord fixée et rendue immobile par les muscles abdominaux et le carré des lombes qui , sous ce rapport , sont antagonistes des scalènes ; ensuite toutes les côtes sont abaissées vers elle par l'ac- tion des muscles inter-costaux , qui sont ainsi tour-à-tour inspirateurs et expirateurs , selon qu'ils prennent leur point d'appui en haut ou en bas. Nous n'avons pas besoin de dire que M. Magendie , qui a contesté cette partie de la théorie de Haller sur l'inspiration , récuse aussi cette dernière par- tie de la doctrine de l'expiration. Toutefois, soit que l'expiration soit passive, soit qu'elle soit active , toujours le thorax rapproche ses parois , et est rétréci. Or, cela ne peut se faire sans que le poumon , qui est dans son intérieur et immédiatement contigu à sa paroi in- terne, ne soit comprimé, et que l'air qui le remplit ne tende à en être exprimé. Cet air s'en échappe par l'ouver- ture de la glotte. A la vérité, c'est lors de l'expiration que les muscles arythénoïdiens se contractent, et que la glotte paraît se fermer , comme il résulte des expériences de Le- gallois dont nous avons parlé plus haut; mais la glotte ne se ferme pas en entier lors de l'expiration, elle reste assez ouverte pour permettre à l'air de sortir. Ainsi , cet air sort du poumon , comme il sort d'un soufflet dont on rapproche les branches. Mais cet air que rejette l'expiration , est-il le même que celui qu'avait apporté Tinspiration immédiatement précé- dente ? Nous retombons ici dans la difficulté que nous avons déjà accusée à Fégard de l'inspiration. B 'abord , on verra DU MOUVEMEJNT d'eXPIRATION. 179 qu'on expire moins d'air qu'on n'en inspire; loujonrs une partie de l'air inspiré reste dans le poumon ; ainsi, si c'est le même air qu'on vient d'inspirer qui est expiré, ce ne peut en être qu'une partie. Ensuite, si l'inspiration "ne fait pas pénétrer du premier coup l'air jusqu'au fond des bronches, il faut bien admettre que cet air n'y arrive que graduellem.ent ; et dès lors il ne peut pas être expiré dans l'expiration qui suit immédiatement l'inspiration qui l'ap- porte. Nous avons ici besoin de nouvelles lumières. Les uns croient qu'il se fait une véritable circulation d'air dans les poumons; mais alors quelles en sont les lois ? peut-on suivre une portion d'air depuis le moment de son entrée jusqu'à celui de sa sortie ? D'autres veulent que l'inspiration ne serve qu^à renouveler sans cesse la masse considérable d'air qui est toujours dans le poumon. Tel est le mécanisme de l'expiration , mouvement auquel les puissances musculaires prennent bien moins de part qu'à celui de l'inspiration, qui le plus souvent même est passif, qui conséquemment est plus mécanique et plus court. On a fait beaucoup de recherches aussi , sur la forme que présente alors le thorax , sur la quantité dont s'est rétrécie cette ca- vité, sur la quantité d'air qui a été expirée, sur celle qui est restée dans le poumon , etc. Ainsi, PFillis qui avait dit que lors de l'inspiration le thorax avait une figure carrée dont les côtés étaient terminés par des angles droits, établit que lors de l'expiration ce thorax a une figure rhomboïdale dont les côtés sont réunis par des angles aigus. Bernouliy, au contraire , pense que le thorax a alors la forme d'un cylindre elliptique, dont les divers diamètres sont diminués. Pour apprécier la quantité d'air qui est expulsée du poumon par l'expiration, on a eu recours à divers procédés. Les uns ont insufflé un poumon isolé du corps, et ensuite en ont ex- primé l'air par une compression artificielle; mais dans la première moitié de l'expérience, ils faisaient péuétrer dans le poumon plus d'air que n'en introduit l'inspiration; et, dans la seconde moitié, ils en exprimaient plus aussi que n'en fait rejeter l'expiration. D'autres ont fait une ouverture au thorax, ont introduit de l'eau dans cette cavité, et ont ^ 12. - l8o FONCTIOIN DE LA RESPIRATION, jugé parla quantité d'eau qui était nécessaire pour affaisser tout-à-fait le poumon. Aujourd'hui on expire en une vessie dont on connaît la capacité , et dans laquelle on a fait préa- lablement le vidp. Les résultats qu'on a obtenus ont été différents : mais ce qui a paru constant , c'est qu'il est expiré moins d'air qu'il n'en a été inspiré , soit parce qu'il en a été absorbé dans le poumon, soit parce qu'il en reste après l'expiration dans l'organe ; la différence est d'un cinquantième, selon M. Cuvier , de deux à quatre pouces cubes selon d'autres. C'est à l'air qui reste dans Iç poumon que cet organe doit de surnager quand on en jette des mor- ceaux dans l'eau. On a cberché alors à évaluer la quantité d'air que con- tient le poumon qui a respiré; M. C/^v/er dit qu'après l'ex- piration la plus forte , il y a encore de loo à 60 pouces cu- bes d'air dans cet organe ; d'autres disent la moitié au plus, le quart au moins de l'air inspiré. Gooe^ww prétend qu^a- près l'expiration la plus forte possible, il reste encore 1786 centimètres cubes d'air dansle poumon. Selon ce savant, il y a dans cet organe 1 23 poucescubes d'air après l'inspiration ordinaire, et 109 après l'expiration qui suit. Voici d'après quelle base il a jugé : il a disposé dans un cadavre le dia- phragme, de manière à ce que ce muscle ne puisse aucune- ment se déplacer; ensuite, il a fait une ouverture extérieure au tborax , et l'air pénétrant dans cette cavité a aussitôt fait affaisser le poumon; enfin, par cette ouverture, il a fait entrer dans le thorax toute la quantité d'eau qui est nécessaire pour affaisser tout-à-fait le poumon, et, recueil- lant l'air qui sort alors et qui est celui qu'avait laissé l'ex- piration, il a trouvé que la quantité de cet air était de 109 pouces cubes , terme moyen. Beaucoup d'expérimentateurs en portent plus haut la quantité, Menziès , par exemple, à 2923 centimètres cubes; Thomson, à 4588 centimètres cubes. Dasy donne sur tous ces points les évaluations sui- vantes : le poumon contient encore 198 3 centimètres cubes d'air après une expiration oi'dinaii-e, et 672 après l'expira- tion la plus forte possible: après une inspiration ordinaire, il contient 2212 centimètres cubes d'air , et après l'inspi- DU MOUVl-MIA'l' D'nXPinATION. l8l ration la plus forte possible jusqu'à 6412 centimètres cubes : enfin, la quantité d'air qu'une expiration forcée et qui suc- cède à une inspiration forcée fait sortir du poumon, est de 3ii3 centimètres cubes; si celte expiration forcée ne fait suite qu'à une inspii'ation ordinaire , cette quanlité n'est que de 1286 centimètres cubes; et si l'expiration est, comme l'inspiration qui l'a précédée, ordinaire, la quan- tité d'air rejetée est de 1006 centimètres cubes seulement. On conçoit que de pareils résultats ne peuvent être absolus et doivent être soumis à mille variétés, non-seule- lement dans les divers individus, mais encoredansun même individu, selon la mesure dans laquelle il expire. En effet, l'expiration varie d'abord en étendue, comme l'inspiration, selon la conformation du tborax, et déjà cette conformation est diverse en chaque individu. Ensuite l'expiration, soit qu'elle soit passive, soit qu'elle soit active, est réellement comme l'inspiration, une action musculaire volontaire; et, par conséquent^ elle peut être effectuée en mille degrés. Entre l'expiration la plus faible et l'expiration la plu« grande , il y a une énorme disproportion , et mille degrés intermédiaires. Non-seulement, en effet, l'expiration varie, quand elle est effectuée pour servir à des fonctions autres que la respi- ration, colnme l'odorat, la locomotion, les excrétions, les expressions, etc. ; mais encore , étant enoliaînée irrésistible- ment à l'inspiration, elle doit varier comme celle-ci, d'a- près le but même qu'elle va remplir dans la fonction de la: respiration, but qui est d'expulser l'air ancien du poumon, et de préparer un libre accès à l'air nouveau que réclame l'hématose. Or, nous avons vu que l'inspiration , considé- rée sous le point de vue de la respiration seulement, diflère scion trois circonstances, qui sont elles-mêmes fort cban« géantes; savoir : la quantité de fluide veineux qui arrive au poumon, le degré de ricbesse de l'air qu'on respire, et le degré de facilité avec lequel le poumon se laisse pénétrer par l'air. Eh bien! dans chacune de ces circonstances, les expirations se modifient aussi , sont plus ou moins longues et prolongées. De même que la sensation de l'inspiration. i82 rOZ,'CTION DE LA RESPIRA ï ION. avait réglé loalés les variétés de ce moiivementj de même, celle de l'expira tion règle toutes les particularités de celui- ci; et les déterminations de l'une et de l'autre sont deve- nues si promptes et si liabiluelîes , qu'on est presque tenté d y méconnaître l'influence de la volonté. De même, enfin, qu'on avait généralement reconnu trois degrés d'inspiration, la. grande , Vordinaire et \^ forcée, on en dit autant de l'ex- piration. L'expiration ordinaire est celle qui , toute passive, dépend du relâcliement du diaphragme seulement : l'expi- ration grande offre de plus le relâcliement des muscles élé- vateurs des côtes , et une légère action des muscles directe- ment expiraleurs; enfin, dans l'expiration forcée, ces muscles expirateurs directs agissent le plus possible. Parmi les mo- difications que présente l'expiration , quelques-unes aussi ont reçu des noms particuliers , comme le rire, le sanglot , Yditoux, Véternument, etc. Ainsi l'air est expulsé des poumons, traversant la tra- chée-artère, puis la bouche ou les fosses nasales. A m^esure qu'il sort de l'organe, il se met au niveau de la tempéra- ture extérieure , il se refroidit ; et de là l'abandon qu'il fait des sérosités qu'il a dissoutes. Chemin faisant, en effet, il s'est chai'gé dans les voies respiratoires de la perspiration pulmonaire, et c'est celle-ci qu^on voit l'hiver tomber sous forme de nuage de l'air expiré. En parlant de la respiration proprement dite, nous dirons ci-a^'ès quels changements cet air offre dans sa nature. 3° Association des mouvements d^inspiration et d'expiration. Comme c'est sans cesse qu'arrivent aux poumons les flui- des qui doivent être changés en sang , et comme l'action de sanguification se fait instantanément, ainsi que nous le di- rons, c'est aussi sans cesse que doivent se succéder les in- spirations et les expirations. C'est ce qui est, en effet , depuis l'instant de la naissance jusqu'à celui de la mort. Les auteurs ont beaucoup varié sur la cause qu'ils ont as- signée à cette succession non interrompue des inspirations et des expirations, et souvent ils l'ont placée dans de véri- ASSOCIATION DES MOU VEMEÎS IS UESPIRAÏEUKS. j83 tables subtilités. Ainsi, selon les uns, si l'expiration succède à rinspiratiou, c'est que l'air, par sa présence dans les bron- ches, en stimule l'action contractile; c'est que la plèvre et le médiastin, qui, dans l'inspiration, avaient été acculés au haut du thorax , reviennent sur eux-même en vertu de leur élasticité pi"opre ; c'est que l'air incarcéré entre le thorax et le poumon , a réagi consécutivement à la pression que l'in- spiration lui a fait éprouver, etc. D'autres ont accusé le re- tour élastique de la peau extérieure du thorax , ou la réac- tion de l'air extérieur soulevé par l'inspiration en même temps que les côtes et le sternum , ou celle des muscles ab- dominaux distendus par le même mouvement. Borelli et Mazini admettaient un antagonisme entre les cellules supé- rieures et les cellules inférieures du poumon ^ de telle manière que lors de l'arrivée de l'air dans le poumon, l'air était comprimé dans les cellules inférieures de cet organe, et qu'ensuite cet air, revenant sur lui-même en vertu de son élasticité , chassait la partie de ce gaz qui remplissait les cellules supérieures. i>*oè/'Aaa^'e croyait expliquer la succes- sion des inspirations et des expirations, en disant que lors de l'inspii-ation, la veine azygos étant momentanément af- faissée, ne pouvait pas recevoir le sang veineux qui revient des muscles inter-costaux, et qu'ainsi ces muscles étaient momentanément paralysés , jusqu'à l'instant où le fait seul de leur relâchement avait rétabli le calibre de l'azygos. D'autres appliquèrent ce raisonnement au nerf phrénique, dont la pression lors de l'inspiration paralysait momenta- nément le diaphragme, de telle manière aussi que le relâ- chement de ce muscle, et par conséquent l'expiration, succé- daient irrésistiblement à sa contraction et à l'inspiration. Quelques-uns enfin pensèrent que tour-à-tour le poumon était pénétré , par l'air d'une part , parle sang veineux à ar- térialiser de l'autre, et que selon que l'air comprimait les vaisseaux sanguins, ou le sang veineux les cellules aériennes, il y avait inspiration ou expiration. Mais dans toutes ces explications , on semble oublier que les mouvements d'inspiration et d'expiration sont des ac- tions musculaires, dont notre volonté règle la succession i84 FONCTION DE LV RESPIRATION. SOUS les avertissemenls des deux sensations d'inspirer et d'expirer. Il n'y a pas plus de difficulté à concevoir cette succession, que celle de tous les autres mouvements volon- taires. Si la part qu'a la volonté à la production de ces mouvements semble nulle, c'est à raison de leur continuité, qui les fait produire presque irrésistiblement par suite des lois de riiabitude. Mais n'en est-il pas de même de beaucoup ' d'autres mouvements qui sont sans aucun doute volontai- res, comme ceux desquels résultent la lecture, l'écriture, la marclie? On objectera peut-être que ces mouvements se continuent pendant le sommeil , état dans lequel la volonté ne peut rien. Mais, d'abord, ces mouvements sont un peu modifiés pendant cet état, ils s'y font un peu diiïérem- ment; aux approclies du sommeil, comme aux premiers temps du réveil , on les voit graduellement passer d'un mode particulier à un autre. Ensuite, combien d'autres mouvements, évidemment locomoteurs, se produisent pen- dant le sommeil , lorsque la sensation qui y excite éclate, comme quand on se gratte, ou qu'on change une attitude gênante? Or , ici existe sans cesse, pendant le sommeil comme pendant la veille, l'état particulier du poumon qui com- mande le jeu de l'appareil musculaire respirateur, et il est donc naturel que celui-ci agisse toujours. Enfin , il est pos- sible qu'à raison de l'importance dont sont ces mouvements pour la vie, la nature ait rendu les systèmes nerveux qui y président moins dépendants de la volonté, et qu'à l'in- star des systèmes nerveux de la vie organique , ces systè- mes nerveux puissent continuer leur office pendant le sommeil. D'ailleurs, il est d'autres raisons encore pour que l'expi- ration succède à l'inspiration : lo l'inspiration est active, ses agents conséquemment ne peuvent opérer sans interruption, et leur repos entraîne irrésistiblement à sa suite l'expira- tion qui est passive. '2'> L'air inspiré, pendant son séjour dans le poumon , est absorbé en partie; de plus, il augmente de chaleur; et, à tous ces litres, perdant deson ressort, il doit permettre au poumon de revenir sur lui-même en raison de son élasticité. ASSOCI/ITION DEb MOUVEMENTS RESPIRATEURS. i85 Toutefois, si ces mouvements se succèdent l'un l'autre sans interruption, il ne s'ensuit pas que leurs agents se meuvent loujonrs et n'aient pas besoin de repos. D'abcrd l'alternative des inspirations el des expirations prouve que la contraction et le relâchement des muscles respirateurs al- ternent aussi. Ensuite ces muscles sont multiples; on ne les emploie que rarement à la fois; ils peuvent agir tour-à-tour, se suppléer; le diaphragme, par exemple, agit plus parti- culièrement dans la veille, les intercostaux dans le som- meil; très certainement une forte contraction du diaphragme ne peut coïncider avec celle des intercostaux inférieurs; et qui oserait dire que les deux plans d'intercostaux ne peu- vent pas iiS'lv isolément l'un de l'autre.^ Il est certain , au moins, qu'à la suite de mouvements respirateurs excessifs , comme après la toux, une course, de la fatigue se fait sentir dans ces muscles. Ces mouvements d'inspiration et d^expiration se succè- dent plus ou moins vite. Les auteurs n'ont pas été d'accord, et ne ])ouvaient pas l'être sur le nombre de ce qu'ils appel- lent les respirations dans un temps donné. Halier dit qu'il y en a 20 par minute; Menziès dit i4; Davjy observant sur lui-même , 26 : Thompson , aussi d'après lui-même, 19 ; M. Magendie , i5 ; généralement on dit qu'il y en a 20 , et de cinq en cinq respirations, une inspiration plus grande et plus profonde. On conçoit qu'on ne peut rien dire ici que d'approximatif : mille variétés s'observent, selon les circonst-ances organiques dans lesquelles on est, et selon la volonté qui règle pleinement ces mouvements. Sous le premier rapport, beaucoup de variétés s'obser- vent d'après les âges, les sexes, les tempéraments, la con- stitution individuelle, l'état de veille et de sommeil, l'état de santé et de maladie , etc. Il y a généralement plus de res- pirations dans l'enfant, la femme. Chacun a, à cet égard, sa constitution propre, a , comme on le dit , l'haleine courte ou longue. Dans le sommeil, la respiration est généralement plus profonde, plus rare, et elTectuée par les seuls inter- costaux; dans la veille, au contraire, c'est surtout le diaphragme qui l'accomplit. Enfin, la maladie imprime i86 FONCTION DE LA RESPIRATION, mille modifications à ces mouvements , et l'on peut rappor- ter à sept chefs toutes les variétés que les respirations peu- vent offrir en cet état, lo Relativement au nombre des res- pirations dans un temps donné , avec un intervalle marqué entre les inspirations et les expirations , la respiration est dite accélérée , s'il y a plus de vingt respirations par mi- nute, et rare, s'il y en a moins : entre la respiration la plus accélérée et la respiration la plus rare , il y a mille in- termédiaires. 2 0 Relativement aux intervalles qui existent entre les inspirations et les expirations, la respiration est à\iQ fréquente , s'il n'y a pas ou que très peu d'intervalle entre ces deux mouvements , et lente dans le cas contraire; il y a aussi mille degrés de fréquence et de lenteur. 3^ Selon le degré d'ampliation que présente le thorax , la respiration est grande ou petite. 4^ Relativement à la force avec laquelle le thorax se développe^ elle est forte on faible. 5» Eu égard au sentiment qiii l'accompagne, elle est ou facile ou diffi- cile, elle est une dyspnée^ une orthopnée , une respiration anxieuse ,*suspirieuse , stertoreuse^ un rdlement. 6» Relati- vement aux rapports qui existent entre les inspirations et les expirations, elle est égale ou inégale, régulière ou irré- gulière. 70 Enfin, relativement aux qualités physiques de l'air expiré, elle est chaude ou froide j sèche ou humide , vaporeuse , fétide , cada^^éreuse , etc. Tous les détails rela- tifs à ces objets appartiennent à la séméiotique , et sont hors de notre plan. Sous le second point de vue , la volonté peut varier à l'in- fini l'ordre dans lequel elle enchaîne les mouvements d'in- spiration et d'expiration , tantôt parce que ces mouvements ont été effectués pour le service de fonctions autres que la respiration , tantôt à cause du but même qu^ils ont à accom- plir dans la fonction de respiration. Ainsi les fonctions de V odorat , de la locomotion y de la n^oia: et de la parole , des gestes , de la digestion , des excrétions , qui modifient isolé- ment les mouvements d'inspiration et d'expiration, modi- fient aussi l'ordre naturel de leur enchaînement; tantôt elles pressent et rapprochent ces mouvements, et tantôt les éloignent. D'autre part , les trois circonstances qui ont mo- ASSOCIATION DES MOUVEMENTS RESPIRATEURS. 187 difié l'inspiration et l'expiration, d'après le but même que ces mouvements ont à remplir dans la respiration, savoir, la quantité-du fluide qui vient dans le poumon éprouver l'hématose ,. le degré de richesse de l'air qui est respiré, et enfin, le degré de facilité avec lequel le poumon se laisse pénétrer, influent aussi sur leur mode d'association; elles les rapprochent ou les éloignent , aussi .bien qu'elles ont fait varier leur degré d'intensité. Parmi les modes de succession des mouvements respirateurs, quelques-uns aussi ont reçu des noms particuliers; V anhélation , par exemple, qui n^est qu'une succession rapide d'inspirations et d'expirations. En somme, en admettant 20 respirations par minute, on pratique 28800 inspirations en un jour; et, en suppo- sant 655 centimètres cubes d'air inspiré à chaque fois, comme le veut Thompson auquel j'emprunte ces calculs , i3ioo centimètres cubes d'air sont introduits par minute dans le poumon, 786 décimètres cubes par heure, et 18864 déci- mètres ou 24 kilogrammes par jour. Tels sont les mouvements d'inspiration et d'expiration , considérés sous le rapport de la fonction de la respiration. Déterminés, tantôt volontairement, tantôt involontaire-' ment, par les besoins d'inspirer et d'expirer, un grand nombre de muscles concourent à les produire; savoir, le diaphraglne , les intercostaux , les muscles de la glotte, ceux des narines, et, en certains cas de respiration difficile, quel- ques muscles du col , des épaules, etc. Or, comme ces mus- cles divers doivent concourir à une même action , doivent agir de concert dans les respirations difficiles, et surtout dans les actes qui en dépendent, par exemple , la toux , l'é- ternument, la nature a uni les différents nerfs qui les ré- gissent par des connexions sympathiques intimes. Ch. Bell a même fait de ces nerfs un groupe distinct , sous le nom de nerfs respirateurs : il y comprend : le diaphraginatique , qu'il appelle grand nerf respiratoire interne; le glosso- pharyngien, \e facial, qu'il appelle nerf respiratoire de la face; le nerf vague, V accessoire de faillis ^ ou nerf respira- l88 FOTS^CTION DE LA RESPIRATIOJT. loire supérieur du tronc; et une branclie inférieure du plexus cervical qui se porte aux muscles extérieurs des côtes, et qu'il appelle nerf respiratoire externe. Nous avons parlé plus haut des expériences dans lesquelles, coupant suc- cessivement chacun de ces nerfs, ce physiologiste a diminué successivement aussi les puissances respiratrices d'un ani- mal , tout en laissant aux muscles , paralysés sous le rapport de la respiration, l'aptitude à exécuter d'autres mouvements. 11 suffirait de ces expériences, et de la particularité qu'of- frent les muscles auxquels se distribuent ces divers nerfs d'agir simultanément dans la respiration, pour justifier la réunion de ces nerfs en un même groupe. Mais Cli. Bell la fonde en outre sur l'anatomie. Tous ces nerfs , à la vérité, ne forment pas un seul faisceau à leur origine, mais tous sont distribués sur une ligne appartenant à une colonne qui est distincte de la moelle épinière. Derrière le corps olivaire et devant le corps rétiforme, est une bandelette de matière médullaiî-e assez renflée, et qu'on suit sur la moelle épi- nière, entre les sillons qui donnent naissance aux racines antérieures et postérieures des nerfs spinaux : étroite en haut, cette bandelette s'élargit sous le pont de Yarole , et, redevenant étroite, elle descend sur les parties latérales de la moelle épinière : d'elle naissent successivement, et de haut en bas, le facial, le glosso-pharyngien, la huitième paire, l'accessoire de Willis, le diaphragniatique, le respi- rateur externe; et probablement aussi en bas elle donne naissance aux nerfs intercostaux et lombaires qui influen- cent les muscles des côtes et de l'abdomen. § IL Phénomènes musculaires respirateurs , dans leurs rapports ai^ec d'autres fonctions. Les mouvements de la respiration sont produits souvent pour le service de fonctions autres que la respiration , et leur étude sous ce rapport fournit à quelques considéra- tions intéressantes. D'abord , souvent ils sont employés pour Vodorat , soit pour porter dans les fosses nasales les molé- cules odorantes qui doivent impressionner le sens, <>oit , au NERFS RESPIRATEURS. 189 contraire, pour les en éloigner, el prévenir leur abord. En second lieu , l'inspiration serl , dans la digestion , à un cer- tain mode de préhension des alimenls, à celui que nous avons appelé succion. En troisième lieu, dans tous les phé- nomènes de locomotion un peu intenses, et surtout dans ceux qui constituent ce qu'on appelle des efforts , les mou- vements respirateurs sont modifiés, et concourent à l'eiret qu'on veut produire. Quatrièmement , il en est de même dans nos diverses excrétions ; soit volontaires, comme la dé- fécation, la sputation; soit involontaires, comme la toux, l'éternument, le vomissement, l'accouchement , etc. Enfin, les mouvements respirateurs fondent souvent des phénomè- nes expressifs^ et , à cet égard , ils sont souvent si différents de ce qu'ils sont dans leur mode ordinaire, qu'ils ont reçu des noms particuliers, ceux de soupir^ bâillement, rire ^ sanglot^ etc. Nous n'avons rien à dire de particulier sur les mouve- ments respirateurs affectés à l'accomplissement de l'odorat et de la succion ; mais quelques détails sont nécessaires sur le concours de ces mouvements dans les efforts et dans les excrétions, et sur ces mêmes mouvements considérés comme phénomènes expressifs. i^ D'abord, chacun peut observer sur soi-même que tou- tes les fois qu'on veut produire un acte musculaire un peu intense, soit pour courir, nager, sauter, soit pour agir d'une manière quelconque sur un corps extérieur, soulever une masse, la transporter d'un lieu dans un autre , etc. , il sur- vient une modification dans les phénomènes respirateurs. Immédiatement avant de se livrer à l'action , on fait une grande inspiration ; et , pendant tout le temps qu'on accom- plit l'effort , la respiration est suspendue. Comment se fait cette suspension ? et à quoi sert-elle? La suspension tient à la contraction coïncidente des muscles expirateurs, les ab- dominaux surtout , et des muscles de la glotte : les premiers tendent à expulser du poumon la grande masse d'air que l'inspiration précédente y a introduite; et les seconds, en fermant en totalité ou en partie la glotte, s'opposent à l'ex- pulsion de l'air. Il résulte de là que le thorax fortement igo FONCTION DE LA RESPIRATION. compiMmé, entre les muscles expirateurs qui pèsent sur lui en dehors , el l'air qui est au-dedans de lui , et qui , y étant retenu par l'occlusion de la glotte , intérieurement le sou- tient, est momentanément rendu immobile;, et par consé- (|uent fournit un point d'appui solide aux muscleS dont l'effort réclame l'action. C'est là, en effet, une des nécessi- tés de tous les efforts, quelque soit leur but; dans tous il faut que les muscles des leviers qui vont agir, savoir, la tête^ les bras , le racbis , trouvent un point d'appui sur le thorax; et , celui-ci ne peut leur en servir qu'autant qu'il est rendu immobile par le mécanisme que nous venons d'indiquer. Dans ce mécanisme , les muscles de la glotte , en fermant cette ouverture , contre-balancent à eux seuls la puissance des muscles expirateurs, des muscles abdominaux; et, an- tagonistes de ces derniers muscles dans l'expiration ordi- naire , ils sont , au contraii'e, ici leurs congénères. MM. Bourdon et /. Cloquet ont, dans des Mémoires ex professa , élabli que tel est le concours des mouvements res- pirateurs , lors de la production des efforts. Chacun ^ disent- ils , peut observer sur soi-même, qu'au moment d'un effort, ii V a forte conîraction au larynx; on éprouve à cet organe un sentiment de pression, de lassitude; on peut remarquer qu'il est un peu porté de bas en haut; un petit bruit mar- que chaque moment auquel la glotte s'ouvre. Si l'on met sur un chien la glotte à découvert, et qu'ensuite on excite dans cet animal les efforts du vomissement, on voit la glotte se lermer convulsivement au même moment que se contractent les muscles abdominaux. Si , au moment qu'on fait un effort quelconque , on porte profondément son doigt dans le fond de sa bouche, sur l'orifice du larynx , on sent distinctement la glotte se fermer. S'il existe une ouverture fistuleuse de la trachée-artère, tout effort devient impossible, tant que cette ouverture n'est pas fermée par quelque moyen méca- nique. Si, comme l'a fait M. Bourdon sur lui-même, on introduit une petite canule de gomme élastique dans son larynx, on observe que les efforts sont tour-à-tour impossi- bles ou possibles, selon qu'on laisse ouverte ou qu'on ferme celte canule. Si, par la section des nerfs laryngés, on pa- MOUVEMENTS I\ESPIRATEURS DANS LES EFFORTS. 191 ralyse les muscles de la glolle, tout effort devient impossi- ble. M. Bourdon a encore expérimenté que des animaux auxquels il avait pratiqué la trachéotomie, et dans la tra- chée-artère desquels il avait introduit une canule , n'ont pu exécuter dès lors des sauts qui auparavant leur étaient fa- ciles. Qui ne sait aussi qu'on obtient d'autant moins de ré- sultats d'un effort , que pendant son accomplissement on se laisse aller à parler, à crier? Enfin , il est siir que pendant les efforts , bien que les puissances expira triées agissent, l'air n'est pas expulsé; et l'on ne voit que l'occlusion de la glotte qui puisse en être cause. En effet, ce n'est pas l'ouverture labiale de la bouche , car, pendant un effort ^ on peut tenir la bouche ouverte. Ce n'est pas davantage le voile du palais , car voici des expériences dues à M. J. Cloquet , qui prouvent que pendant les efforts il y a communication entre les ca- vités de la bouche et des fosses nasales : si vous remplissez votre bouche de fumée, et qu'ensuite vous exécutiez un ef- fort , vous pouvez , par le jeu des joues , obliger la fumée qui remplit la bouche à sortir par le nez : si on embrasse entre ses lèvres l'extrémité d'un gros tube de verre plongé d'autre part dans un vase plein d'eau , et qu'on adapte à l'une de ses narines l'extrémité d'un soufRet, on remarque que si , pendant un effort, on pousse de l'air dans le nez par le jeu du souftlet ;, cet air va s'échapper , sous forme de bulles^ par le tube que l'on tient entre ses lèvres. Puisque ce n'est ni l'ouverture des lèvres , ni le voile du palais , qui empêchent l'air d'êtie expiré, il faut donc bien que ce soit l'occlusion de la sflotte. Rien de plus judicieux sans doute que cette théorie de MM. /. Cloquet Ql Bourdon , sur la part qu'ont les mouve- ments de la respiration à la production àes efforts. Cepen- dant M. Fodéra l'a heureusement modifiée en deux points. j'> Il est tropabsolu dédire que dans les efforts la glotte doit toujours être fermée; cela n'est vrai que dans les efforts très violents; dans les cas les plus ordinaires, la glotte reste toujours en partie ouverte; mais ce dont elle est fermée suffit pour donner au thorax la solidité nécessaire. Le besoin de respirer qui se fait sentir sans cesse, et. qui même dans 192 FONCTION DE LA RESPIRATION, les efforts est plus impérieux , parce que plus de sang vei- ueux est envoyé au poumon , ne permet pas qu'il en soit autrement. Qui ne sait d'ailleurs que pendant des efforts, on peut encore parler, crier? les clievaux corneurs , et dans la trachée-artère desquels on maintient une canule métal- lique, n'ont pas perdu complètement pour cela la faculté de travailler. Au moins est-il sûr qu'il faut ouvrir un peu et à des intervalles très rapprochés la glotte j sinon la respira- tion serait suspendue, le sang cesserait d'être artérialisé , et toute contraction musculaire deviendrait impossible; on ouvre la glotte d'autant moins, que l'effort doit être plus considérable; pendant tout le temps qu'elle reste ouverte, l'effort est moins assuré; et on se hâte de la clore entière- ment, quand on veut rendre à celui-ci toute son énergie. 20 Dans l'expiration ordinaire, le diaphragme est passif^ il remonte dans le thorax par le fait seul de son relâchement. Or, comme il y a expiration lors de la production des efforts, ]\1M. /. Cloqaet et Bourdon avaient cru que lors des efforts le diaphragme était relâché. M. Fodéra soutient, et avec raison, ce nous semble, une opinion contraire : ce muscle, dit-il, est contracté , pour contrebalancer déjà l'action des muscles abdominaux , et empêcher ces muscles de triompher de la résistance qu'opposent ceux de la glotte à la sortie de î'air. Il y a dans les efforts synergie d'action des muscles abdominaux et du diaphragme; et ces muscles qui, dans les expirations et inspirations ordinaires, sont antagonistes etal- ternent dans leur action , ici sont congénères et agissent si- multanément. Comment concevoir en effet les ruptures du diaphragme consécutivement à des efforts , si l'on veut que ce muscle soit dans le relàchem.ent ? les poumons distendus par l'air ne s'opposent-ils pas à ce que ce muscle soit poussé passivement par les viscères abdominaux au degré nécessaire pour cette rupture Pet les organes thoraciques etabdominaux n'ont-il pas trop de mollesse, pour pouvoir déchirer le dia- phragme en pressant entre eux ce muscle ? Au contraire , ces ruptures du diaphragme sont faciles à expliquer, si ce muscle est en contraction; il offre alors toute prise à la pression des viscères abdominaux, et sa rupture peut être l'effet de MOUVEMENTS RESPIRATEURS DANS LES EFFORTS. 19^ sa contraction même. Nous sommes donc en tout cexi de l'avis de M. Fodéra, Toutefois cette suspension ou diminution de la respira- tion dans les efforts est une des causes de l'essoufflement qui en est toujours la suite : les mouvements respirateurs étant interrompus momentanément^ ou étant moins amples qu'ils ne devraient l'être ^ il vient un moment où il faut qu'on les presse, qu'on les multiplie, pour subvenir à l'engorgement sanguin qui s'est fait dans le poumon , et pour rétablir l'é- quilibre. Il suffisait, en effet, de cette suspension, de ce retard dans la respiration, pour amener cet engorgement san- guin dans le poumon ; mais il est d'autant plus inévitable, que les nombreux muscles qui sont en action dans les efforts expriment une quantité pi us considérable de sang dans le sys- tème veineux, et que conséquemment il arrive alors plus de sang veineux au poumon pour y être artérialisé. C'est même une nouvelle raison contre la théorie qui veut que dans tout effort la respiration soit complètement suspendue. 20 Les mêmes phénomènes ont lieu dans le concours des mouvements respirateurs pour l'accomplissement des diver- ses excrétions. Les réservoirs qui doivent effectuer ces excré- tions existent tous en effet, ou dans le thorax , ou dans l'ab- domen , et il s'agit de les faire comprimer par les parois de ces cavités. Or, c'est ce que fait le même mécanisme que nous avons décrit. On fait d'abord une grande inspiration pour porter dans le poumon une grande masse d'air; en- suite, on contracte simultanément les muscles expirateurs , ceux de l'abdomen surtout, et les muscles qui ferment la glotte '. les organes thoraciques et abdominaux sont alors pressés, entre les parois de ces deux cavités qui sont contrac- tées et apDliquées sur eux, et le poumon qui, rempli d'un air qui ne peut s'échapper, fait résistance. Du reste, pour analyser clairement la question , séparons les cas où le réser- voir à comprimer est dans l'abdomen, de ceux où il est dans le thorax. Dans la défécation, par exemple^ le poumon étant rempli d'air par une inspiration préalable, en même temps que les muscles du larynx se contractent pour clore laglolte, ceux de l'abdomen se contractent aussi, et le poumon faisant Tome IIL i3 104 FONCTION DE LA. RESPIRATION . résistance à ceux-ci à cause de Tair dont il est plein, c'est sur îe rectum que porte leur compression. 11 en est de même dans Faccouchement^ et lors de l'excrétion urinaire , quand la contraction de la vessie ne l'effectue pas seule, et qu'il y a aide des muscles abdominaux. MM. /. Cloguet et Bourdon voulaient que dans tous ces cas le diaphragme fût passif, que ce muscle fût seulement refoulé dans l'abdomen par suite de la plénitude dupounion j il n'était, seloneux, en con- traction que lors de l'inspiration qui précède l'effort excré- teur. Ils n'admettaient d exception à cette règle que pour le vomissement; dans cet acte, il y avait contraction convul- sive du diaphragme comme des muscles abdominaux; seu- lement la glotte ne se fermait que lorsque cette contraction cessait: il y avait succession alternative et rapprochée de ces deux actions. M. Fodéra soutient au contraire que dans toutes ces excrétions abdominales , il y a à la fois contrac- tion du diaphragme et des muscles abdominaux, et nous avons déjà dit que nous partagions en ceci son opinion. Lorsque le réservoir excrémentitiel est dans le thorax , comme lors de la toux, il y a de même contraction des mus- cles abdominaux; mais la glotte ne se clôt pas tout-à-fait, atin d'offrir une issue à la matière qui doit être excrétée. Dans ces cas, les muscles expirateurs se contractent con- vulsivement et avec force, afin que l'air, expulsé du poumon avec violence, balaie tout ce qui est à la surface interne des bronches , et des fosses nasales si on le fait sortir par le'ncï. Alors même l'expiration est si différente d'elle- même qu'on lui a donné les noms particuliers de toux, d' éternument , dont nous parlerons à l'article des excré- tions. 30 Enfin, les mouvements respirateurs, si susceptibles d'être modifiés par les affections de l'ame , comme nous l'a- vons dit dans le temps, demandent aussi à être étudiés sous le rapport des phénomènes expressifs qu'ils constituent. Nous ne parlerons pas ici de la manière dont ils servent la voix; cela rentre dans le mécanisme de l'expiration ordi- ^ naire. Mais souvent, soit parce qu'une passion perturbe directement les nerfs respirateurs, soit parce que celte pas- DU SOUPIR, DU BAILLEMENT. igf) sion trouble la circulalion , et par suite la respiration , les mouvements respirateurs éprouvent de notables modifica- tions ^ et fondent des phénomènes expressifs auxquels on a donné des noms particuliers, et qu'il est nécessaire d'étudier : tels sont le soupir , le bdillement, le rire , le sanglot , nlV anhé- lation» Le soupir n'est qu'une large et grande inspiration ^ dans laquelle on fait entrer d'une manière lente et graduelle beaucoup d'air dans le poumon. Presque toujours il n'est produit que d'intervalles en intervalles, et est séparé d'au- tres soupirs par plusieurs inspirations ordinaires. Sa cause est souvent morale; mais souvent aussi elle est physique, comme quand on est dans le vide , ou qu'on respire un air appauvri. Ce soupir, en effet, étant une inspiration, a le même but que toute inspiration , celui de faire pénétrer dans le poumon toute la quanti té d'air que réclame la quan- tité de sang veineux qui vient y subir la sanguifîcation. Or, que ce soit une cause physique ou morale qui accumule le fluide àsanguifîerdansle poumon, et qui établisse une dis- proportion entre l'air qui sanguifîe.et le fluide qui est san- guifié, il y a même besoin d'établir l'équilibre entre l'un et l'autre , et c'est ce que fait le soupir. Aussi soupire-t-on dans les mêmes circonstances qui modifient l'inspiration ordinaire; en raison de la quantité de sang veineux qui arrive au poumon , du degré de richesse de l'air, et du de- gré de facilité avec lequel s'épanouit le poumon. On soupire dans une affection morale, quand cette affection, comme l'amour, le chagrin, accumule le sang dansles cavités droites ducœuret dans le poumon. On soupire dans le vide, ou quand on est dans un air peu riche en oxygène , afin de suppléer par la quantité du gaz à ce qui manque à sa qualité. Enfin , on soupire aux approches du sommeil et dans les premiers instants du réveil, parce qu'alors les puissances inspiratrices ne font pas pénétrer aussi facilement Tair dans le poumon. Dans tous ces cas le soupir est un soulagement; et considéré sous le rapport moral , on peut dire qu'il est un remède physiologique par lequel se rétablit d'intervalles en inter- valles l'équilibre de la circulation : qui ne sait que la dou- i3. 196 FONCTION DE LA RESPIRATION. leur morale est bien plus oppressive , si on en réprime l'ex- pression ? Le bâillement est aussi une espèce d'inspiration^ mais plus ample, plus profonde , plus involontaire qu/une inspiration ordinaire, et qui, accompagnée d'un grand écartement des mâchoires, est suivie d'une expiration prolongée qui se fait avec un bruit sourd. C'est un phénomène tout à la fois res- piratoire et expressif, et qui, comparé avec une inspiration ordinaire, offre les différences suivantes : i" le thorax se di- late davantage; 2^ plus d'air est introduit dans le poumon; 30 cet air s'y précipite avec plusde rapidité, et du premier coup est porté plus profondément dans les ramuscules bronchiques; 4° les muscles qui effectuent ce mode d'inspiration agissent ir- résistiblement, et comme d'une manière convuîsive; 5o enfin, il y a de plus que dans l'inspiralion ordinaire , expression faciale, écartement convulsif des mâchoires. Il faut, en ef- fet, dans le bâillement comme dans le rire et le sanglot , qui nous occuperont ci-après , considérer deux choses , le jeu du thorax, et celui de la face. Le jeu du thorax est le même que dans une inspiration ordinaire, sinon que l'action est por- tée plus loin et est plus irrésistible. L'impression qui la dé- cide est plus forte ; d'où résulte une contraction des muscles plus énergique, plus prompte, plus involontaire, et une plus grande ampliation du thorax. Celle-ci est telle, qu'il paraît alors se faire dans le poumon un vide là où il ne s'en fait pas d'ordinaire ; d'où résulte la plus grande force avec laquelle l'air extérieur s'y précipite , la plus grande profon- deur à laquelle cet air parvient; et ce qui porte à croire que dans le bâillement l'air est plus complètement renouvelé dans le poumon , que lors d'une inspiration ordinaire. Ce sont les mêmes muscles qui agissent , mais leur contraction est plus irrésistible. Quoiqu'en effet on puisse réprimer l'en- vie de bâiller, il est évident que le bâillement est un phé- nomène involontaire; on ne le produit pas à son gré; on peut bien en simuler l'expression faciale, mais on n'éprouve pas alors le sentiment intérieur qui le suit, et qui, comme le soupir, est un soulagement. Quant à ce qui est du jeu de la face, consécutivement à l'impression qu'ont reçue les DIT BAILLEMENT. 1 97 nerfs des muscles inspirateurs et qui a appelé Taction de ces muscles, et à cause des connexions sympathiques qui unissent ces nerfs et ceux des muscles des mâclioires , celles- ci sont convulsivement écartées; et la bouche , grandement ouverte, offre à l'air qui se précipite dans le poumon, le plus libre accès possible. En vertu d'une disposition de l'orga- nisation, les impressions reçues par les nerfs respirateurs sont partagées par les nerfs des muscles moteurs de la face ; d'où résulte l'association d'action qui se manifeste dans ces parties , lors du rire , du sanglot , du bâillement et autres phénomènes expressifs de cet ordre. Ce sont les muscles abaisseurs de la mâchoire inférieure qui surtout sont sym- pathiquement contractés. M. Magendie veut que les éléva- teurs agissent aussi , mais par le genre d'action particulier qu'on appelle pandiculalion. Sans doute, on ne peut con- tester l'existence des pandiculations en général, ni leur réalité dans les muscles des mâchoires en particulier; il est sûr aussi que ces dernières s'observent souvent dans les mêmes circonstances que le bâillement; mais elles sont dis- tinctes de ce phénomène ; et comme , pour l'ouverture de la bouche , il faudrait en même temps pandiculation des élé- vateurs des mâchoires et contraction de leurs abaisseurs, il est probable que cette dernière cause a seule p?irt à l'écarte- ment des mâchoires qui a lieu dans le bâillement. Le bâil- lement , du reste , étant une espèce d'inspiration , doit avoir à peu près les mêmes causes et les mêmes résultats; étant une inspiration plus ample , il doit éclater principalement dans toutes les circonstances qui exigent que l'inspiration soit plus grande. Ainsi, que la quantité de sang veineux qui vient au poumon subir la sanguification, augmente; ou que l'air qu'on respire soit moins riche en oxygène , le bâillement survient comme le soupir et dans le même but. On bâille dans le vide , aux approches des asphyxies , aux approches du sommeil, aux premiers instants du réveil , parce que dans ces divers cas il faut , ou suppléer à la pauvreté de 1 air par sa quantité, ou remédier à un engorgement du sang vei- neux dans le poumon. C'est par la même cause qu'on bâille dans l'ennui. Considéré sous le rapport moral, le bâille- 198 FONCTION DE LA RESPIRATION. ment est également un remède physiologique . et aussi son entier accomplissement est-il suivi d'un sentiment de bien- être ! On ne peut pas dire pourquoi les nerfs respirateurs sont plus susceptibles que tous les autres , d'être modifiés par les impressions qui retentissent dans les centres ner- veux, et par conséquent dans les affections morales : mais ce fait est certain. Parmi les preuves qu'on en peut- citer, une des plus remarquables est la tendance qu'a le bâille- ment à survenir par imitation et réminiscence, ce qui est vrai aussi du soupir, du rire; on voit bâiller, on parle de bâiller, et aussitôt le bâillement se produit ; c'est que par suite des connexions qui unissent les différentes parties nerveuses, l'impression reçue par le cerveau a fait naître dans les nerfs des muscles inspirateurs celle qui commande ce phénomène. Le rire est un mouvement convulsif des muscles respira- teurs et vocaux, accompagné de Texpression faciale gaie, et suivi d'un son. Il consiste dans la succession d\in certain nombres de petites expirations bruyantes, diversement mo- dulées , dans lesquelles l'air expiré , en traversant le larynx, donne naissance à un son , et qui sont accompagnées d'une diduction extraordinaire et forcée delà bouche, etd'unépa- nouissement général des traitsde la face. Dansson mécanisme, il y a donc au«si deux choses à considérer, l'action respiratoire et vocale , et l'expression faciale. Sous le premier point de vue , il y a d'abord une inspiration pour remplir d'air le poumon ; ensuite, il se fait une suite de petites expirations saccadées et interrompues , mais avec contraction coïnci- dente des muscles de la glotte , de manière que cette ouver- ture est un peu rétrécie, et que ses rebords surtout ont toute la tension nécessaire pour qu'un son soit produit : ce son a une désinence en o pour les hommes, et en i pour les femmes. Sous ce premier rapport, le rire est donc un phé- nomène expira toire, avec contraction convulsive delà glotte et production d'un son. Seulement, les expirations qui le constituent ne sont jamais entières, mais saccadées, cou- pées par de petites contractions du diaphragme, qui sont convulsives et reviennent en saccades aussi. C'est l'action cqnvuîsive de ce muscle qui a la plus grande part à la pro- DU RIRE, DU SANGLOT. 199 duction de ce phénomène : aussi succède-t-il souvent à une plaie de son tissu. Le rire est d'ailleurs aussi involontaire que le bâillement. Quant à l'expression faciale du rire , elle est l'exagération du sourire; tous les traits de la figure sont épanouis, la bouche est grandement ouverte, les commis- sures des lèvres tirées vers les oreilles, les joues sont proé- minentes , le front ridé transversalement , etc. Un lien sym- pathique unit aussi le diaphragme et les muscles faciaux , el fait que leur convulsion est ainsi coïncidente. Du reste, les apparences extérieures du rire varient selon le degré. S'il est extrême, la tête, les épaules, les coudes, le tronc sont renversés en arrière , pour soutenir le thorax sur le- quel le diaphragme, dans sa contraction convulsive , prend appui; les mains s'appuient sur les côtés du tronc, pour sou^ tenir de même les muscles abdominaux, qui éprouvent aussi des alternatives de contraction convulsive et de relâ- chement; et là j éclate cette sensation qu'on a rapportée à la rate : le spasme convuîsif du thorax, suspendant ou au moins entravant un peu la circulation pulmonaire, le sang stagne dans les parties supérieures , le visage rougit, la sueur ruisselle du front, les larmes coulent, mais mécaniquement, et par la gêne de la circulation, et non par une irritation organique^ comme dans \e pleurer. Enfin, soit que le sang n'arrivant plus, ces parties soient momentanément paraly^ sées , soit que toute l'influence nerveuse soit consumée par les muscles qui agissent, et soit retirée des autres, quelque- fois le rire est porté au point qu'on ne peut plus se soute^ nir, qu'on se pâme, comme on dit, ainsi que cela arrive dans les sensations extrêmes, dans celles surtout qui ont uni caractère de convuîsibilité. Quant à la cause du rire, long-, temps on la fit consister en de pures subtilités • ainsi Des- cartes croyait que la rate sécrétait deux espèces de sang , un fluide , très ténu , qui était la cause de la joie ; un autre plus tenace, qui était la cause de la tristesse; et, selon que la rate envoyait au cœur une quantité plus grande de l'un ou de l'autre de ces deux sangs, on était gai ou triste. C'était sur le dégorgement prétendu de la rate du sang grossier qui la remplit clans la tristesse, qu'était fondée cette locu- 200 rOJVGTiON DE LA RESPIRATION. tion vulgaire , s^ épanouir , se désopiler la rate. Il est certain que le rire succède à une impression qu'éprouvent les orga- nes respirateurs, et plus particulièrement le diaphragme, soit que la cause de cette impression soit physique, comme cela est dans les plaies de ce muscle , dans certaines asphyxies, soit qu'elle consiste en une affection morale. Souvent des irritations éloignées le provoquent, le chatouillement, par exemple, l'hystérie. Le rire est aussi un de ces phénomè- nes qui sont produits facilement par imitation et réminis- cence. Le sanglot est un phénomène expressif expirateur, qui , comme tel , se rapproche beaucoup du rire , excepté qu'il est consacré aux affections tristes , et s'accompagne souvent du pleurer. Il consiste aussi dans une convulsion du dia- phragme, qui tour-à-tour s'élève et s'abaisse, mais dans une plus grande étendue que dans le rire, et avec moins de ra- pidité. Il est aussi susceptible de divers degrés, et a les mêmes effets physiques sur la circulation. Il est aisé de con- cevoir tous les traits de ce phénomène expirateur expressif, d'après ce que nous avons dit du rire. Enfin , on appelle anhélation une succession rapide d'in- spirations et d'expirations; mais, comme le mécanisme de ces inspirations et expirations est le même que dans l'état ordinaire , nous n'avons rien à en dire en particulier. Seu- lement, ainsi que le soupir, le bâillement, elle succède sou- vent à des causes physiques; et, par exemple, elle éclate quand on respire un air peu riche en oxygène, ou quand une maladie ne permet pas au poumon de se laisser pénétrer facilement par l'air, comme dans Thydro-thorax ou la pneu- monie; ou bien, enfin, à la suite d'une course, pendant laquelle le besoin de tenir le thorax immobile, a fait sus- pendre momentanément la respiration , et a amené un en- gorgement de sang dans le poumon. RESPIRATION PUOPREMJ-INT DITE. 201 ARTICLE m. De la Sanguification , Hématose, ou Respiration proprement dite. Connaissant la manière dont l'air est introduit dans le poumon j et celle selon laquelle il en est expulsé, nous ar- rivons à rechercher ce qu'il y fait, c'est-à-dire à étudier les changements que cet air fait subir aux fluides qui doivent être sanguifîés dans cet organe; c'est ce qu'on appelle la respiration proprement dite, la sanguification , V hématose. On a long-temps, à la vérité, séparé l'/zcmaZo^e eu général et Vhématose en particulier, appelant du premier nom la conversion du chyle et de la lymphe en sang , et du secoua, celle du sang veineux en sang artériel. Mais on est autorisé à les réunir, quand on remarque que ces deux actions s ac- complissent en même temps, dans et par le même organe, et donnent lieu au même produit. Les trois fluides, chyle, lymphe et sang veineux, arrivent en effet de concert au poumon ; ils restent chacun ce qu'ils sont , comme nous le dirons, jusqu'à leur arrivée dans Je parenchyme de cet or- gane et jusqu'à leur contact avec l'air ; et, lorsqu'ils sortent, de ce viscère, ils sont également changés en un même fluide,/ le sang artériel. Pendant long-temps on méconnut l'important usage que nous assignons ici à la respiration. Les Anciens voulaient que cette fonction ne servît qu'à rafraîchir le corps ; et, dans les temps modernes , Helvétius renouvela cette idée , attri- buant à la respiration l'office de rafraîchir, par le contact de l'air frais qu'elle introduit sans cesse dans le poumon, le sang que les frottements avaient échauffé dans les routes longues, et souvent étroites, delà circulation. On donnait pour arguments , i» que l'air, qui entre frais dans le thorax, en sort chaud; 2^ que les veines pulmonaires, qui rappor- tent le sang du poumon ;, ont un volume moindre que 1 ar- tère pulmonaire qui Ta apporté à ce viscère. De ce dernier fait, on concluait que le sang, pendant sa traversée dans le poumon, avait perdu un peu de son volume, c est-à dire s'était un peu condensé en se refroidissant. Mais , de ces 202 FONCTION DE LA RESPIRATION, deux faits, le premier s'explique en ce que l'air a dû nécessai- rement^ pendant son séjour dans le poumon, prendre un peu la température du corps; et quant au second, il est faux, les veines pulmonaires surpassant en capacité l'artère pulmo- naire. D'ailleurs, dans l'hypothèse à'Hehctius , le sang de 1 artère pulmonaire, c'est-à-dire le sang veineux, devrait être plus chaud que celui des veines pulmonaires , ouïe sang ar- tériel; et c'est le contraire. On devrait ne pouvoir plus vivre dans une température supérieure à la nôtre. Est-il possible de croire que le sang artériel ne diffère du sang veineux, que parce qu'il contient un peu moins de calorique libre? Enfin, les faits que nous allons voir être fondamentaux dans la respiration , savoir , les changements survenant dans l'air respiré d'une part, et ceux qu'éprouvent les fluides à san- guifier de l'autre, étaient ici négligés. D autres dirent que la respiration ne servait qu'à faciliter, en déplissant par l'inspiration les vaisseaux du poumon , le passage du sang des cavités droites du cœur aux cavités gau- ches du même organe; passage que l'on supposait impossi- ble lors de l'expiration , à cause de la grande flexuosité dans laquelle sont alors les vaisseaux du poumon. Cette autre hy- pothèse sur le but de la respiration fut surtout préconisée ' au moment de la découverte de la circulation du sang; et, elle avait tellement frappé les esprits, que Haller encore, tout en reconnaissant que la respiration est la fonction qui ..ait le sang, attache une grande importance au prétendu dépiissement des vaisseaux du poumon dans le temps de 1 inspiration. On s'appuyait sur une expérience de Vésale ^t de Hocke, dont on a fait grand bruit depuis, et dans la- quelle on voyait la circulation se suspendre ou se rétablir, selon que l'air cessait de dilater ou dilatait le poumon. Voici quelle était cette expérience : on adaptait à la trachée-artère d'un animal vivant, une pompe, afin d'avoir le pouvoir d'insuffler à volonté de Pair dans le poumon de cet animal ; puis on enlevait tout le thorax, et on mettait ainsi à nu tout le poumon. Le premier effet de ce grand désordre était sans doute d'amener l'affaissement du poumon, par consé- quent d'empêcher tcate respiration , et alors aussi la circu- RESPIRATION PROPREMEINT DITE. 2o3 lation était suspendue; mais on voyait celle-ci recommea-' cer, aussitôt que, par la pompe adaptée à la trachée-artère, on insufflait de l'air; de sorte qu'il paraissait suffire de di^ later le poumon , pour voir recommencer la circulation. A la vérité, une seule insufflation ne suffisait pas pour que la circulation s'entretînt; il fallait renouveler sans cesse l'air par une série d'insufflations ; mais on disait que ce gaz avait bientôt perdu de son ressort par la chaleur du lieu , et que^ devenant dès lors impropre à distendre les vaisseaux pulmo- naires , il fallait, pour obtenir cet effet j en introduire du nouveau. De nombreuses objections s'élèvent aussi contre cet usage attribué à la respiration, lo II est faux que la circulation s'interrompe dès que la respiration est arrêtée ; elle conti- nue , au contraire , pendant quelque temps encore ; il suffit, pour s'en convaincre, d'ouvrir un vaisseau quelconque du corps , sur un animal ou sur un bomme qui sont asphyxiés. Elle se continuait à coup sûr dans l'expérience de P^ésalelui- même , au moins dans les premiers temps ; nous la verrons , en effet, se continuer dans des expériences de Bichaty qui nous occuperont ci-après , et qui , en quelques points, sem- blables à celles de Vé.sale , consistent à adapter à la trachée- artère et à l'artère carotide d'un animal vivant , une pompe d'une part, un tube de l'autre, tous deux armés d'un ro- binet, et de manière à ce qu'on puisse voir quel sang coule dans la carotide , selon que le robinet de la trachée-artère, ouvert ou fermé, permet ou empêche la respiration. D'ail- leurs, dans les larges plaies pénétrantes du thorax, quand le poumon est affaissé par le poids de l'air extérieur, la cir*» culation ne se continue-l-elle pas encore quelque temps ? ne se fait-elle pas de même dans l'hydro-thorax? dans le cada^ vre , a-t-on besoin de distendre préalablement le poumon , pour faire pénétrer une injection de l'artère pulmonaire dans les veines pulmonaires? Le fait principal de l'hypo-* thèse est donc faux; la circulation continue, et si, après quelque temps, elle s'arrête, c'est que son organe central, le cœur, est stupéfié, comme toutes les autres parties du corps , par l'arrivée dans son tissu d'un sang qui est impro^ 2o4 FONCTION DE LA RESPIRATION, preà entretenir la vie. 20 L'hypothèse fait supposer que le poumon, à chaque inspiration et expiration, se remplit et se vide complètement ; et c'est ce qui n'est pas, comme nous 1 avons vu. 11 y a plus : l'extension que les vaisseaux peuvent éprouver lors de l'inspiration ne serait pas assez grande pour l'effet qu'on lui attribue ; d'après les calculs de Goodwin , il n'entre que i4 pouces cubes d'air par inspiration, et cela ne peut amener une suffisante dilatation du poumon ; quel- quefois même les inspirations sont si faibles, qu'elles doi- vent laisser les vaisseaux du poumon, à peu de chose près, dans le même état que lors de l'expiration. 3^ D'après l'hy- pothèse , tout gaz devrait être respirable ; et , pour remédier à une asphyxie quelconque ^ il devrait suffire de distendre le poumon par un gaz. ^o D'ailleurs, pourquoi le poumon existerait-il ? A quoi bon la nature aurait-elle crée en lui un obstacle à la circulation du sang? 5o Dans tous les animaux qui ont la circulation simple, c'est-à-dire dont le cœur est à une seule oreillette et un seul ventricule , pourquoi exis- terait-il un poumon , ou un organe respiratoire quelconque? 60 Enfin, dans cette théorie, on méconnaît le fait principal de la respiration , la conversion du fluide apporté au pou- mon par l'artère pulmonaire , en sang artériel. Aujourd'hui, on admet comme démontré, que la respira- tion a pour usage de faire le sang artériel , de changer à Faide de l'air atmosphérique en sang artériel les trois fluides des absorptions, le chyle, la lymphe et le sang veineux. Indiquons tout ce qu'on sait de cette importante action. D'abord, sachant maintenant comment l'air a été intro- duit dans le poumon, disons comment y est conduit le fluide à sanguifier. Ce fluide est un mélange de lymphe, de sang veineux et de chyle, s'il y a digestion; et un mélange de lymphe et de sang veineux seulement , s'il n'y a pas diges- tion. Des veines sous-clavières où nous l'avons laissé, il est versé dans les cavités droites du cœur; de là, le ventricule pulmonaire le projette par l'artère pulmonaire et ses rami- fications, dans le parenchyme du poumon. Tout ce méca- nisme sera exposé à l'article de la circulation. Dans ce mélange, c'est, sans contredit, le sang veineux qui prédo- RESPIRATION PROPREMENT DITE. 2o5 mine; car nous avons vu que le chyle et la lymphe n'y étaient versés que goutte à goutte; et ce mélange, d'ail- leurs, s'achève dans le trajet à travers les cavités droites du cœur. Yoilà les deux éléments de la sanguification en présence en quelque sorte, et dans l'intérieur de l'organe qui doit les élaborer. La première question qui se présente est de savoir, si dans le trajet que l'un et l'autre ont parcouru , ils n'ont pas subi une élaboration , préparatoire de celle plus importante qu'ils éprouveront dans le poumon. D'abord , cela ne paraît pas être de l'air : de l'ouverture de la bouche ou des fosses nasales au fond du ]30umon , ce gaz n'a fait que s'échauffer un peu et se charger de Thumeur séreuse et muqueuse que sécrète la surface interne des voies respiratoires. M. Chaussier avait conjecturé que cet air, en traversant les cavités anfractueuses et respirables du nez et de la bouche , était battu avec le mucus bronchique dans les ramifications des bronches par la succession des inspira- tions et des expirations, et éprouvait par suite une élabo- ration; semblabîement à ce qui, dans la digestion, arrive à l'aliment en passant de la bouche à l'estomac. Mais cela ne nous paraît pas probable : l'air ne servira dans la respi- ration que par son principe oxygène, et l'on ne voit pas qu'aucune mutation puisse lui être imprimée dans ce tra- jet; en outre, dans la digestion, l'aliment n'éprouve dans son passage de la bouche à l'estomac que des changements mécaniques en quelque sorte, des mutations dans sa forme seulement; et quelles mutations de ce genre peut éprouver l'air , qui est un gaz ? Ensuite, il paraît que le fluide à sanguifier est aussi de son côté resté tel qu'il était à sa réunion dans le cœur droit, et qu'il s'est fait seulement une mixtion intime des trois humeurs qui le forment. En cela, nous sommes encore en opposition avec un autre physiologisLe , Legatlois , qui pense que le travail de l'hématose commence dès le lieu où se trouvent réunis les trois fluides qui en sont les matériaux, c'est-à-dire aux veines sous-clavières. Ce physiologiste croît que les trois fluides, chyle, lymphe et sang veineux, sont, ao6 FONCTION DE LA. RESPIRATION. aux veines sous-clavières^ tellement calculés l' un sur l'autre, soit relativement à leurs qualité et quantité respectives , soit relativement à la vitesse avec laquelle ils affluent l'un dans l'autre^ que le nouveau produit doit se faire pi^sque instantanément par le fait seul de leur réunion. Ainsi le siège principal de l'bématose serait aux veines sous-claviè- res, et cette action ne ferait que se terminer au poumon. Ses arguments sont, qu'au sortir du poumon évidemment le sang artériel est fait , et que ce qu'ont perdu ou acquis les fluides de l'absorption, pendant leur traversée dans cet or- gane, est trop peu considérable pour croire qu'un si grand changement ne se soit fait qu'en lui , et n'ait pas commencé avant. Il observe que les trois fluides, en venant se verser dans l'intérieur de l'oreillette droite du cœur de prime- abord , y sont agités , et par là mieux disposés à se changer en sang artériel. Il dit que c'est pour favoriser ces oscilla- tions , que cette oreillette droite a plus de capacité et plus de colonnes charnues dans son intérieur que la gauche, et que les veines caves, à la différence des veines cardiaques , sont sans valvules dans leur intérieur. Entin , le mélange de sang artériel et de sang veineux ([ui se fait dans le cœur unique des animaux à circulation simple^ lui paraît un analogue de celui qu'il admet ici. Beaucoup de considérations me font rejeter cette opinion. Legallois ne s'appuie pas sur des faits directs; il ne peut montrer que le sang artériel existe dès les cavités droites du cœur; l'inspection, au contraire, semble prouver que le fluide n'est encore que ce qu'il était aux veines sous-claviè- res. Ce n'est que sur des raisonnements qu'il se fonde, et en voici qui sont contraires à sa doctrine, et qui nous paraissent supérieurs à ceux qu'il invoque, lo Nulle part, dans l'économie, on ne voit les fluides se former par le fait seul de la réunion de leurs principes composants ; il faut toujours l'intervention d'un organe élaborateur, et qui agit par des procédés qui ne sont aucunement mécaniques ni chimiques. Voyez le chyme, le chyle, la lymphe, toute hu- meur sécrétée quelconque ! Combien est- il donc probable qu'il en est de même du sang artériel ? 20 Le concours des RESPIRATIOTX PnOrREMEJNT DITE. 20 7 trois fluides des absorptions dans les cavités droites du cœur ne peut tout au plus qu'en produire le mélange, mais non en changer la nature : lorsque dans le cœur unique des rep- tiles les sangs artériel et veineux viennent affluer, celui-ci ne se change pas en sang artériel, mais les deux se mêlent, et la portion du sang artériel qui est mêlée au sang veineux suffit pour vivifier celui-ci. Ajoutons même que le brise- ment des trois fluides dans le cœur n'est pas absolument né- cessaire pour en opérer le mélange ; car ce mélange est déjà fait, attendu la précaution qu^a prise la nature de ne verser le chyle et la lymphe que goutte à goutte dans le sang vei- neux. 3o Si le fluide à sanguifier éprouve, avant d'arriver au poumon, une élaboration quelconque, ce ne peut être qu'avant son arrivée à l'artère pulmonaire, c'est-à-dire entre les veines sous-clavières et le tronc de cette artère pul- nionaii'e. En effet, cette artère n'est évidemment qu'un agent de transport et de conduite, car le fluide n'éprouve aucune modification dans son intérieur; il n^ reçoit efFectivement aucun principe nouveau, n'y est dépouillé d'aucun de ceux qu'il contient, n'y traverse aucun gan- glion , aucun organe élabora teur ; il y circule avec vi- tesse, et y est soumis partout à une même température. Legallois pourrait d'autant moins contester cette première assertion, qu'il a, d'après ces mêmes raisons, judicieuse- ment assuré que le sang artériel n'éprouvait plus aucune modification dans la longueur de l'aorte; et toutes les con- ditions sont les mêmes entre ces deux vaisseaux. Reste donc, pour siège de cette élaboration préparatoire, l'espace étendu des veines sous-clavières au tronc de l'artère pulmonaire , et surtout les cavités droites du cœur. Or, quelles causes voyons-nous ici qui soient propres à produire l'élaboration qu'on suppose ? rien n'est ajouté au fluide, rien ne lui est enlevé; il ne traverse pas un système capillaire; le cœur ne peut tout au plus influer sur lui, qu'en mélangeant plus intimement les trois humeurs qui le forment. 4^^ Dans l'hy- pothèse de Legallois , la nature qui suit toujours les voies les pluscourtes, n'aurait pas dû forcer le sangà traverser le pou- mon ; elle n'aurait même pas dû faire le poumon, organequi 208 FONCTION DE LA RESPIRATION. est sî volumineux chez l'homme^ et qui est si constant, lui ou ses analogues, dans la série des animaux. 5° Nous ver- rons, d'ailleurs, que l'acte d'hématose se fait instantané- ment, ce qui implique contradiction avec cette idée d'une élaboration préalable. 6° Enfin , quelque faibles que soient les pertes ou les acquisitions que fait le fluide à sanguifier, pendant qu'il traverse le poumon , il est certain que c'est pendant son séjour dans cet organe, et consécutivement à ces acquisitions ou à ces pertes, que se fait le sang artériel : c'est ce qui résulte d'expériences de Goodwin et de Bichat , dont nous parlerons ci-après , et dans lesquelles on verra que si la respiration ne se fait pas, le fluide à sanguifier se montre au-delà du poumon tel qu'il était en avant de cet organe. Cela achève, ce nous semble, de réfuter l'assertion de Legallois. Du reste, ce physiologiste en convenait lui- même, puisqu'il disait que la respiration était nécessaire à l'hématose; seulement il voulait restreindre son office à n'être que le complément de cette action, et nous croyons, d'après les considérations que nous venons d'offrir, que cette restriction n'est pas fondée. Ainsi, de même que l'air était parvenu dans le fond du poumon, à peu près tel qu'il était en entrant dans la bou- che, de même le fluide à sanguifier n'éprouve aucune élabo- ration préalable en son trajet, et arrive dans le parenchyme du poumon tel qu'il était dans les cavités droites du cœur. Voyons maintenant quels changements vont éprouver i'un et l'autre. L'air en éprouve d'assez considérables : lo il est dépouillé instantanément d'une partie de l'un de ses principes com- posants, l'oxygène. 2° On est en doute s'il perd quelque partie de son autre principe constituant, l'azote. 3o II en- traîne , avec lui , en ressortant , une quantité d'acide car-' bonique, toujours supérieure à celle qu'il contenait préala- blement, et un peu de sérosité animale. 4*^ Enfin, l'absorji- tion peut aussi l'avoir dépouillé d'une partie des substances étrangères qui étaient en suspension dans son sein ; mais ceci n'est qu'accidentel, etnefaitpas partie intégrante de la respi- ration, comme on le verra. Détaillons chacun de ces traits. nESPIRATION PROPREMENT DITE. 2O9 lo Enlèvement d'oxjgcne. Ce premier fait ne peut être révoqué en doute. Jarnais l'air expiré ne contient autant d'oxygène que l'air inspiré : si cet air expiré est respiré de nouveau, il est dépouillé de plus en plus de cet élément, jusqu'à ce qu'enfin il en contienne si peu, qu'il cesse d'être respirable. C'est ce qui est prouvé par mille ex- périences directes, par de nombreuses analyses faites com- parativement de l'air inspiré et de l'air expiré. De là même, la nécessité de renouveler l'air qu'on respire, et cela pour tels animaux que ce soit, pour les animaux aquatiques aussi- bien que pour les animaux aériens. A la vérité , les animaux meurent dans cet air non renouvelé, avant que cet air ne soit en entier dépouillé d'oxygène ; mais c'est que cet air en même temps se charge d'acide carbonique , gaz qui est con- traire à la vie ; et , ce qui le prouve ^ c'est qu'un gaz qui con- tiendrait 0,1 5 de cet acide, o,4o d'oxygène, et le reste d'azote, ferait cependant périr, quoiqu'il contînt plus d'oxy- gène que l'air atmosphérique, qui n'en a que 0,21. Pour que l'air non renouvelé soit respirable encore pour les ani- • maux supérieurs , il faut qu'il contienne encore au moins 0,1 d'oxygène, et qu'il ne contienne pas plus d'un sixième d'a- cide carbonique. Il est probable que si l'on pouvait, dans cet air non renouvelé , neutraliser Tacide carbonique , à me- . sure qu'il y est versé , on pourrait respirer cet air jusqu'à ce qu'il ait été complètement épuisé de son oxygène. Cepen- dant , Spallanzani dit l'avoir tenté , et avoir toujours vu les animaux périr avant que tout l'oxygène n'ait été consumé. Ainsi , cet enlèvement d'oxygène est un phénomène ca- pital dans la respiration, et il s'observe dans tous les ani- maux qui respirent, dans les animaux aquatiques comme dans les animaux aériens. L'air atmosphérique ne sert à la respiration que parce qu'il contient le principe oxygène, et le cède avec facilité. Si un animal meurt dans le vide, c'est qu'il est privé de ce principe oxygène. Il en est de même de celui qui meurt, parce qu'il respire un air non renouvelé. Il n'y a d..'air respirable que celui qui contient l'oxygène, et qui le cède avec facilité. Beaucoup de gaz, plus riches en oxygène que l'air atmosphérique, ne sont pas respirables. Tome lll. ï4 2 10 FONCTION DE LA RESPIRATION. parce que leur oxygène tient trop en eux aux autres prin- cipes avec lesquels il est combiné. Enfin ;, les animaux qu'on isole dans l'oxygène pur, survivent plus long -temps que ceux qu'on isole dans l'air ordinaire. Cependant ce dépouillement d'oxygène paraît ne se faire qu'en quantité déterminée; et quand même l'air en contiendrait plus, il n'en serait pas pris davantage. 11 paraît que l'air atmosphérique est un mélange fait dans les proportions les plus convenables, et que l'azote y sert à tempérer l'action de l'oxygène qui , en proportion plus forte, serait nuisible. Eu effet, la respiration de i'oxygène pur a déterminé des accidents; Dumas a tenté sur ce point des expériences ; il forçait des chiens à respirer deux fois par jour de l'oxygène pur, pendant six heures : à la fin de cha- que séance leur respiration était précipitée, ils manifes- taient un malaise évident ; ce malaise fut tel , qu'au bout de vingt-huit jours il fallut diminuer la longueur des séan- ces; cependant les épreuves furent continuées quinze jours encore , après quoi ces animaux furent atteints de phtliisie^, on les tua, et à l'ouverture de leur corps , on trouva la plè- vre enflammée, des déchirures, des tubercules, et même des ulcères suppurants dans le tissu du poumon. De semblables observations ont été faites par Beddoës. On a cherché à apprécier la quantité d'oxvgène qui est consumée à chaque inspiration, et chaque expérimentateur a indiqué un résultat différent. Guodwin , par exemple, dit que sur dix-huit parties d'oxygène que contient en volume l'air atmosphérique, il en est enlevé à chaque inspiration treize parties; Menziès dit, pas ton t-à- fait le quart; MM. Bavj et Gay-Liissac ^ deux ou trois parties seulement , etc. M. Dii- long a trouvé que cette quantité variait. On s'explique aisé- ment ces difféî'ences : le dépouillement d'oxygène étant le fait de la vitalité du poumon, et celle-ci étant diverse en chaque individu, et dans un même individu selon les cir- constances dans lesquelles il est , il faut bien que cet enlève- ment d'oxygène varie aussi. 20 Enlè^emejU d'azote. Il y a discussion pour savoir si l'air perd également de son autre principe constituant , l'azote. RESPIRATION PROPREMENT DITE. 211 Spallanzanià\lc^\Q\v\\i sur des reptiles et desanimaux à sang chaud qu'il en était albsorbé; MM. de Humholdt et Provençal ont vu la même chose sur des poissons ; et M. Davj sur lui- même. Allen, Pèpjs , Daltan , disent, aucontraire, que Tair respiré leur a paru rester toujours le même relativement à Vâ- zole.JLnûn, Berlhollet, Njsten et M. Z>if/o7?g disent avoir tou- jours trouvé dans Fair respiré une quanti té pi us grande d'azote; de sorte que la respiration , au lieu d'absorber une quanti téde ce principe, en fournirait. M.. Edwards, auteur d'expériences récentes sur la respiration, dit qu'en effet on observe tour- à-tour l'une ou l'autre de ces trois choses ;, parce crue, en même temps que la surface interne du poumon est le siège d'une absorption , elle est aussi celui d'une exhalation dont le produit contient de l'azote. Il appuie celte opinion sur des expériences à^ Allen et de Pépjs , expériences qu'il a ré- pétées, et dans lesquelles un animal est placé dans un ap- pareil disposé de manière qu'on peut faire respirer à cet ani- mal l'air que l'on veut, renouveler cet air à son gré, et recueillir celui qui est expiré. Si c'est Fair atmosphérique qui est respiré , la quantité d'azote paraît être restée laniême. Si c'est du gaz oxygène presque pur, ne contenant que o,o5 d'azote^ l'air expiré en contient davantage , preuve qu'il en a été exhalé par le poumon. On ne peut pas dire, en effet, que cet azote en plus qu'on remarque^ provient de^celuiqui, des inspirations précédentes, était resté dans le poumon , puisque son volume surpasse celui de l'animal. Enfin , si on faitrespirer àl'animal un mélange d'oxygène et d'hydrogène, dans les mêmes proportions que sont l'oxygène et l'azote dans l'air atmosphérique , d'une part l'air expiré contient encore beaucoup d'azote qui, conséquemment,a été exhalé, et d'au- tre part il a été en même temps absorbé plus d'hydrogène qu'il n'a été exhalé d'azote. Ainsi des actions d'absorption et d'exhalation se font en même temps dans le poumon. Quoi qu'il en soit, on peut conclure pour la question qui nous occupe ici , que l'absorption de l'azote , si elle a lieu dans la respiration , n'est pas un phénomène aussi capital que l'absorption de l'oxygène. 3*^ L'air expiré , en mêm^e temps qu'il est moins riche en i4. 2 12 FONCTION DE LA RESPIRATION. oxygène, est chargé d'une quantité d'acide carbonique su* périeure à celle que contenait l'air de l'inspiration , et d'un peu de sérosité animale. Déjà , en effet, l'air qui est expiré une première fois offre ces deux nouveaux principes ; et si on le respire de nouveau à plusieurs reprises , on le voit s'en charger de plus en plus. C'est ce qui est prouvé par mille expériences. Lorsqu'on laisse un animal sous une cloche respirer le même air, à la longue Tanimal périt; et, lors- qu'on examine api^ès sa mort l'air qui est resté dans la clo- che, on voit que cet air, en même temps qu'il a perdu beau- coup d'oxygène, est devenu très humide, et surtout contient beaucoup d'acide carbonique. Nous avons dit plus haut que c'était à cause de l'acide carbonique dont se charge l'air expiré, que cet air cessait d'être respirable avant que d'être privé de tout son oxygène. On a aussi cherché à indiquer quelle quantité de ces deux éléments nouveaux est fournie à cha- que expiration ; Goodwin a porté celle de l'acide carbonique à 0,11 ; Menziès , à 0,0 5, et MM. Da^j et Gajr-Lussac, à o,o3, ou 0,04. Quanta la sérosité animale, sa quantité est de 2 grains par minute, selon Menziès; de 12 selon d'au- tres. S'il est vrai , comme nous le démontrerons , que la pro- duction de ces deux nouvelles substances soit le fait de la vitalité du poumon, on conçoit que leur quantité doit être aussi variable que l'est la vitalité de cet organe. 40 Enfin, il est possible que l'air inspiré, pendant le sé- jour qu'il fait dans le poumon, soit dépouillé par l'ab- sorption de quelques-unes des matières étrangères qui sont en suspension dans son sein. On sait, en effet, que la respi- ration est très fréquemment la voie par laquelle pénètrent les contagions ; la surface interne des bronches est certaine- ment un lieu où l'absorption est très active; et sur cette propriété Beddo'ès avait fondé l'espoir de rendre l'air qu'on respire médicamenteux. Mille faits attestent la possibilité de Tabsorption que nous accusons. La respiration d'un air hu- mide a souvent donné lieu à une sécrétion d'urine plus abon- dante. La respiration d'un air chargé de l'arôme de l'essence de térébenthine a été accompagnée de l'absorption de cet arôme, car on a vu l'urine manifester une odeur de violette. RESPIllATION PROPREMENT DITE. 2i3 Dans les asphyxies , les gaz délétères ont souvent été recon- nus en nature dans le sang. Enfin , souvent des substances solides ou liquides accidenleliement portées dans les voies respiratoires , y ont été également absorbées. Mais cette ab- sorption n'est qu'accidentelle , et toujours étrangère à l'hé- matose ; elle ne sert pas plus à la sanguification , que les parties des aliments qui passent avec le chyle sous leur forme physique première ne servent à la chylification ; et, consé- quemmentj nous pourrons l'omettre dans nos considéra- tions ultérieures. Tels sont les changements éprouvés par î'air ; on peut les démontrer par cette expérience si connue de physique, qui consiste à tenir un animal vivant sous une cloche , jusqu'à ce qu'il y meure faute du renouvellement, de l'air; en exa- minant, après sa mort, l'air qui est resté dans la cloche, on voit que cet air a perdu beaucoup de son oxygène^ et con- tient, au contraire, une sérosité animale qui lui était d'a- bord étrangère , et beaucoup plus d'acide carbonique qu'il n'en contenait auparavant. Comme on peut apprécier les quanlilés respectives d'air qu'introduit chaque inspiration et qu'expulse chaque expi- ration , et qu'on peut examiner successivement et isolément ces deux espèces d'air , on a cherché à calculer la quantité d'oxygène qui est consumée en un jour, et celle d'acide car- bonique et de sérosité animale que l'on expire dans le même espace de temps. La quantité d'oxygène consumée est de 822,655^28 ou de 761,575,61 décimètres cubes, selon Za- voisier ; de 848,687,50, selon Menziès ; de 749^976,36^ selon Goodwin ; de 749,574,14^ ou 745 décimètres cubes, selon M. Davj, La quantité d'acide carbonique formée, est de 296,157,48, ou 621,000,71 décimètres cubes, selon Za- {^oisier; la même que celle de l'oxygène employé, c'est-à-dire 848,687,50, selon Menziès; de 56o, 137,84, selon Goodwin : selon Thompson , elle représente à peu près, en volume, la quantité d'oxygène qui a disparu, c'est-à-dire est de 655 centimètres cubes, lesquels contiennent 34o grammes de carbone : elle est un peu supérieure, selon MM. Dauy et Gay-Lussac , à celle de l'oxygène enlevé , puisqu'elle est de 2i4 FONCTION" DE LA RESPIRATION. 687^,200,93 décimètres cubes. Enfin, la quantité de sérosité animale fournie est de 56o grammes, selon La^oisier et Séguin; de 690 , selon Thompsoji. Très certainement ces calculs ne peuvent être qu'approximatifs, puisque l'inspi- ration et l'expiration sont en elles-mêmes très variables, et crue la mesure dans laquelle l'oxygène est enlevé dans l'une, et l'acide carbonique et la sérosité animale fournis dans, l'autre, dénend, comme nous le prouverons, de la vitalité du poumon, qui est elle-même extrêmement variable. Voyons maintenant les cbangemenls qui se font dans le fluide à sanguifîer; ils sont aussi fort importants, et l'on peut les reconnaître en examinant dans quel état nouveau est ce fluide , quand il sort du poumon. Il est cliangé en ce qu'on appelle le,sangarlériel, c'est-à-dire qu'il est devenu un sang vermeil^ rutilant, écumeux , plus léger, plus cbaud de deux degrés que le sang veineux, et qui surtout en est distinct , parce que seul il est apte à nourrir et à vivifier les parties. En voici les preuves. Goodwin ouvre le tborax d'une grenouille , met à nu le cœur et le poumon, et clierclie à voir, au travers de ces organes, qui sont un peu transparents cliez ces animaux, ce qui arrive au fluide veineux en traversant le poumon. Il reconnaît que ce fluide, noir et d'apparence veineuse en arrivant, prend instantanément, en traversant le tissu de cet organe, et par la respiration, une couleur rouge et l'ap- parence artérielle. Comme on pouvait tirer une objection du genre d'animal sur lequel il avait opéré, il répète l'expé- rience sur un clîien : il adapte à la tracbée-artère de cet animal une seringue, afin de pouvoir insuffler à volonté de l'air dans le poumon de cet animal ^ à la manière de Vésale ; il enlève ensuite le sternum, met à nu l'artère et les veines pulmonaires, remplace , par l'insufflation artificielle d'air, la respiration qui ne pouvait plus se faire, et il reconnaît le mêm^e changement qu'il avait déjà vu se faire dans la gre- nouillco II conclut donc que c'est dans le poumon que se fait le sang artériel. Bichal répète ces expériences de Goodwm , mais en les combinant d'une manière encore plus ingénieuse. Il adapte RESPIRATION PROPREMENT DITE. ai5 à la tracliée-arlère d'un animal vivant un tube armé d'un roiJinei:, eL eu fait autant à i'artère carotide : on voit qu'il avait aiiisi un moyen de permettre ou d'empêcher, à sa vo- lonté, toute entrée de l'air dans le poumon, et d'observer en même temps le cliangenient que chacun de ces cas amène- rait dans le sang de la carotide. Le sang de la carotide était pour lui comme le sang sortant du poumon lui-même, parce qu'en effel ce fluide n'a éprouvé aucune altération nouvelle depuis cet organe jusqu'à ce vaisseau. La carotide n'était choisie qu'à cause de la facilité avec laquelle ce vaisseau se piéle à l'expérience, ^''oici la série des résultats que cet ap- pareil ingénieux le mit à même de constater : i» le robinet de la trachée-artère étant ouvert , et conséquemment la res- piration de l'animal se faisant comme à l'ordinaire, le sang sort de la carotide, rouge ou artériel. 2° Si on ferme alors le robinet de la trachée-artère, et coîiséquemment qu'on empêche la respiration de se faire, le sang sort de la caro- tide, rouge encore pendant qu^ilques secondes , mais bientôt noir, et d'autant plus qu'on laisse plus long-temps fermé le robinet de la trachée-artère. 3^ Si alors on ouvre ce robinet, et que conséquemment la respiration se rétablisse , le sang sort de la carotide, rouge, et cela soudain; il n'^n sort de noir que la très petile quantité qui existait entre le poumon et la carotide au moment où la resjjiration a été rétablie. 4*^ Enfin, si on ouvre de nouveau le. robinet de la trachée-' artère, de manière à ne laisser entrer dans le poumon qu'une petite quantité d'air , la coloration du sang qui sort de la carotide est moins vive, mais aussi soudaine. Ainsi, nul doute que le fluide à sanguifier ne soit ci^angé pendant sa traversée dans le poumon et par la respiration, en sang ar- tériel, et cela instantanément. On juge artériel le sang qui est d'un rouge rutilant, parce que la rougeur est la princi- pale différence physique que le sang artériel ait avec le sang veineux. Enfin, les phénomènes des asphyxies viennent confirmer ce que démontrent ces diverses expériences. On appelle asphyxie toute interruption de la respiration, soit parce qu'il n'y a pas d'air, ou que cet air ne peut être introduit dans 2l6 FONGTIOIN DE LA RESPIRATION, le poumon , soil parce que l'air respiré ne contient pas arîicuîier, l'oxygène ^ et, ensuite, en dépurant ce fluide de quelques-uiis de ses principes; d'où résulte- raient l'acide carbonique et reau?La production de i'acide carbonique et de la sérosité animale ne pourrait, en eflet, être chose essentielle pour Tliémalose, qu'autant que ces matières proviendraient du fluide à sanguifier, soit directe- ment, soit sous la forme de leurs éléments seulement, c'est- à-dire de carbone et d'hydrogène, que l'oxygène enlevé changerai L ensuite en acide carbonique et en eau. Onnepeut répondre à cette question par des faits directs. On n'a pas, en effet , des moyens de suspendre et de rétablir alternative- ment ces excrétions, afin de voir ce qui, dans chacun de ces cas, arrive par contre au fluide à sanguifier; comme dans l'appareil de Bichat , on a pu, à son gré, permettre ou em- pêcher l'enlèvement de Toxvgène, et exaiuiner quelle in- fluence avait l'une et l'autre circonslance sur le sang de la carotide. On ne peut prononcer que d après des raisonne- ments. La plupart des physiologistes considérant l'acide carbo- nique et la sérosité animale comme provenant du sang de Fartère pulmonaire , c'est-à-dire du fluide à sanguifier, croient que le dégagement de ces malièresest un phénomène capilal de l'hématose. Ils se fondent , i» sur ce qu'une ma- tière injectée dans l'artère pulmonaire va sourdre à la sur- face des bronches; 20 sur l'extrême facilité avec laquelle des substances étrangères qui sont dans le sang veineux , ou que dans des expériences instituées exprès on y a injectées, viennent sortir par l'exhalation pulmonaire. Les diverses matières étrangères que Fabsorplion a introduites dans le sang veineux, viennent en effet se montrer dans la perspi- ration pulmonaire, aussitôt que dans toutes les autres ex- crétions. Des expériences de M. Magendie semblent même prouver que cette voie d'excrélion et de dépuration est plus librement ouverte que toutes les autres. Ayant injecté dans les veines d'un animai, ou de l'eau pure , ou mieux une eau mêlée d'élher, de musc, de camphre, c'est-à-dire d'une IlESPlRATIOiN PROPREMENT DITE. 2 i y substance dont le moindre alome trahit la présence, ce phy- siologiste a vu cette eau sourdre aussitôt par la perspiralion pulmonaire, êlre entrainée avec l'air expiré , bien que toutes les autres surfaces exbalanîes , et la peau spécialement , n'eu présen Lassent aucune trace. L'expérience était plus frap- pante, si la substance injectée était une huile tenant en dis- solution du phosphore, car le phosphore étant exhalé avec la perspiralion pulmonaire, s'enflammait aussitôt, et l'a- nimal expirait de la flamme. Or, si la perspiralion pulmo- naire provient du sang veineux, comme semblent le prou- ver ces faits divers , il est d'autant plus permis de croire que celte excrétion concourt à l'hématose , que toutes les autres excrétions proviennent d'un sang artériel ; et l'hématose alors dépendrait autant de la dépuration que le poumon fait su- bir au sang veineux, que de l'acquisition de l'oxvgène. Telle était en effet l'opinion que s'étaient faite de la respiration, Hip p ocrât e , Galien. Ces maîtres de l'art croyaient que dans la respiration, d'une part nous puisions dans l'air un prin- cipe subtil, qu'ils disaient être la source de toute chaleur, de toute animalité, et qui du poumon était conduit au cœur et au cerveau pour être versé de là dans toutes les parties par les artères et par les nerfs; et d'autre part, que notre sang se dépouillait de ses Jïtliginosités . Au conlraire, d'autres professent une opinion inverse , ou au moins sont dans le doute. Ils s'appuient d'abord sur ce qu'il n'est pas certain , comme nous allons le dire, qu'il y ait un rapport entre la formation de ces produits excré- tionnels et l'enlèvement de l'oxygène; et ensuite sur ce que la matière de la perspiralion pulmonaire peut provenir aussi bien des artères bronchiques, c'est-à-dire d'un sang artériel qui n'a plus besoin de sub-'r l'hématose, que du sang de î'artère pulmonaire. En effet, une injection pous- sée dans leè artères broncbiques va sourdre aussi à la sur- face des bronches; et les matières étrangères portées dans le système veineux peuvent aussi -bien parvenir à la per- spiralion pulmonaire , en supposant que cette sécrétion provienne du sang des artères bronchiques. Ne les voit-on pas en effet être expulsées par d'antres couloirs, la peau, 2 20 rONCTIOIS DE LA RESPIRATION, par exemple , le rein ? et ne sont-ce pas des artères qui four- nissent à ces organes sécréteurs? Ce qui justifie en outre le cloute qu'on peut concevoir ici , c'est que la matière de la perspiration pulmonaire a absolument la même nature et la même composition que celle de la perspiration cutanée; celle-ci est , comme la première , un mélange d'acide carbo- nique et de sérosité animale; or à coup sûr elle émane d'un sang artériel ; pourquoi n'en serait-il pas de même dès lors de la perspiration pulmonaire? D'ailleurs ^ si l'excrétion d'acide carbonique et de sérosité animale avait une grande part à l'hématose , tout sang devrait être rapproché du sang artériel en fournissant à cette excrétion; et à ce titre, c'est du sang artériel que les veines devraient rapporter de la peau; or c'est le contraire. Ces raisonnements sans doute ne suffisent pas pour faire rejeter toute part des excrétions de l'expiration sur l'hématose ; mais ils sont assez forts pour ébranler l'opinion opposée , et commander le doute sur cette question. Enfin, y a-t-il un rapport, une dépendance, entre l'enlè- vement de l'oxygène dans l'air inspiré^ et l'apparition de l'acide carbonique et de l'eau dans l'air expiré ? Nous n'a- vons aucun moyen non plus de répondre directement à celte question ; car, lorsque dans l'appareil de Bichat , on arrête l'enlèvement d'oxygène^ en empêchant l'air d'entrer dans le poumon , on empêche aussi la sortie de la perspiration pulmonaire, et par conséquent on ne peut voir si cette per- spiration a éprouvé des changements consécutivement à la suppression de l'air , comme en avait éprouvé l'hématose. On ne peut aussi avoir une opinion à cet égard, que d'a- près des raisonnements. Ainsi, si l'excrétion de la perspi- ration pulmonaire avait à l'hématose une part aussi grande que la préhension de l'oxygène, certainement il y aurait des rapports eutre ces deux causes constituantes d'une même action élaboratrice; mais nous venons de voir qu'on ne pou- vait prononcer sur la première question , et le doute où l'on est sur elle doit s'étendre à la seconde. Ensuite , par ce rap- port entre l'oxygène enlevé, et l'acide carbonique et l'eau qui se montrent en plus, entend-on que le premier a servi RESPIRATION PROPREMENT DITE. 32 1 à la formation des seconds , soit dans le poumon même par le contact de l'oxygène au sang veineux, soit dans les voies circulatoires, consécutivement à une absorption et à un transport en nature de cet oxygène dans le sang veineux? Or, les uns l'admettent, se fondant sur ce que la quantité d'oxygène qu'on retire de l'acide carbonique que rejette la perspiration pulmonaire égale celle qu'a perdu l'air inspiré. Les autres le nient, récusant la réalité de ce dernier fait; faisant remarquer d'ailleurs que l'assertion ne serait au plus applicable qu'à l'acide carbonique , et non à la sérosité ani- male ; établissant que l'acide carbonique et la sérosité de la perspiration pulmonaire sont les produits d'une action sé- crétoire du poumon; s'appuyant enfin de faits dans les- quels la perspiration pulmonaire a contenu de même de Facide carbonique et de la sérosité animale , bien que l'air qu'on avait respiré avant fût un air qui ne contînt pas d'oxygène. Nous reviendrons là -dessus ci-après, quand nous débattrons la tbéorie des chimistes sur la respira- tion. xA-insi , pour résumer ce que nous avons déjà dit, consé- cutivement à la dissémination dans le parenchyme du pou- mon, de l'air atmosphérique d'une part, et du. fluide à sanguifîer de l'autre, celui-ci instantanément s'est changé en sang artériel; sa conversion a exigé comme condition absolue l'intervention de l'oxygène ; et peut-être il a falla qu'on outre il se dépurât de quelques parties qui forment la matière de la perspiration pulmonaire. Mais nous n'indiquons là en quelque sorte que les résul- tats les plus évidents. Que de questions à résoudre, si l'on veut approfondir pleinement l'histoire, de la respiration? Quelle est la part qu'a le poumon dans cette fonction, soit pour prendre l'oxygène, soit pour effectuer les excrétions de l'expiration, et , en un mot, pour accomplir par suite l'arté- rialisation du sang? A supposer que cet organe agisse, etqu'il ne fasse pas l'office d'un simple réservoir , de quel genre est l'action à laquelle il se livre ? Par quelle voie pénètre l'oxy- gène , et comment ce gaz est-il appliqué au sang veineux? Enfin, en quoi sert ce gaz au grand changement que subit 2 22 FONCTION DE LÀ HESPIRATTON. ce fluide? Yoiîà autant de questions bien importantes, sur lesquelles il reste encore beaucoup de clioses obscures , mais sur lesquelles nous allons exposer l'état, actuel de la science. D'abord , on ne peut assister à cette action d'hématose , el on ne peut connaître que ses résultats. C'est en premier lieu une action dont nous n'avons pas perception , et qui se produit indépendamment de notre volonté, comme toutes les autres actions nutritives de notre économie qui consis- tent en une élaboration de matière. En second lieu , c'est une action trop moléculaire pour qu'elle puisse être ap- préciée par les sens , et qui se passe d'ailleurs dans un lieu où ces sens ne peuvent parvenir , dans le système capillaire du poumon, aux extrémités dernières des bronches ou des ramifications de Tarière pulmonaire. H y a plus, l'ignorance où nous sommes sur le mode de terminaison des bronches, de l'artère pulmonaire , et sur l'origine des veines pulmonaires; l'impossibilité de saisir les rapports qu'aflectent entre eux dans leurs divisions capillaires ces trois systèmes, dont l'un apporte l'oxygène, élément indispensable de l'hématose; dont l'autre apporte le fluide à saDguifier, et dont le troisième exporte le fluide npiweau qui est le produit de l'élabora- tion, notre ignorance, dis-je, sur tous ces points, doit ajouter à l'impossibilité de voir et d'apprécier par quelques- uns de nos sens l'action élabora trice de Fhématose. Elle n'est donc connue que par son résultat. Son siège précis est même inconnu , et l'on dit vaguement que c'est le système capillaire du poumon. Enfin, cette action d'hématose est impénétrable en son essence, aussi-bien que toute autre, et nous ne pouvons dire d'elle que ce que nous avons dit .de toutes les autres actions de l'économie; savoir : if qu'elle est l'œuvre du poumon , et que cet organe n'est pas passif lors de sa production ; 20 qu'aucune action physique , méca- nique ou chimique ne peut lui être assimilée , et qu'il faut la considérer conséquemment comme une de ces actions spé- ciales aux corps vivants , et qu'on, appelle, à cause de cela, organiques et ^vitales, io Le pn limon n est pas passif dans l'acte de la respira- RESPIRA-TION PROPREMENT DITE. 2 23 ration, dans l'hématose. Comine ie princip(3 de l'air qui sert à l'hémalose , l'oxygène, est un des agents les plus avides de combinaison; comme, dans le fond desramuscules bron- chiques ce principe est fort rapproclié du fluide à sangiiifier ; des cîiimistes , dont nous combattrons ci -après la tliéoriCy avaient pensé que l'iiématose résultait seulement de ce que Foxygène par son affinité se portait brusquement sur le fluide à sanguifîer, et le changeait en sang artériel. IjC pou- mon dès lors était passif dans l'hématose, et n'y servait tout au plus que comme le récipient des matières qui se combinent. Mais rien n'est plus faux que cette aeserlion ; le poumon agit dans la respiration; c'est par son œuvre que cette fonction s'accomplit; c'est lui qui, d'un côté, saisit dans l'air inspiré l'oxygène que réclame l'hématose , et qui , d'autre part , dans son parenchyme profond , effectue cette hématose. Voici les faits et les raisonnements qui le prou- vent. D'abord, nous avons déjà dit souvent que jamais aucun fluide de notre économie ne se formait par le fait seul de la réunion de ses principes composants, mais qu'il fallait tou- jours l'intervention d'un organe, d'un solide. Or, notre proposition trouve déjà un appui dans ce principe. Ensuite, nous. avons dit aussi que la quantité d'oxygène qui était enlevée dans chaque inspiration , était toujours à peu pi'ès la même, quelle que soit la richesse de l'air inspiré. Qu'on respire en effet de l'air ordinaire, ou de l'oxygène pur, c'est toujours la même quantité de ce principe qui dis- paraît. Dans les expériences de Biehat , le degré de rougeur rutilante du sang de la carotide n'était en rapport avec le degré de richesse de l'air qu'on portait dans le poumon que jusqu'à un certain point; an-delà de ce point, cette rougeur n'augmentait pas, même lorsqu'on insufflait de l'oxygène pur dans la trachée-artèx^e. Dans ces expériences , le sang de la carotide ne sortait pas plus noir, soit qu'on se contentât d'empêcher toute respiration, soit qu^en outre on insufflât dans le poumon un air d'une qualité délétère : et cela s'ex- plique aisément , car le sang n'est pas noir parce qu'il de- vient tel , mais bien parce qu'il ne devient pas rouge :, et 22 /i FONCTION DE LA RESPIRATION. reste ce qu'il était. Or, cet enlèvement de l'oxygène, dans une quantité toujours constante, peut- il se concevoir, si c'est en vertu de son affinité intrinsèque que cet élément s'unit au sang ? quand l'oxygène abonde , ne devrait-il pas saturer ce liquide ? En troisième lieu, le poumon, comme tout autre organe du corps, peut se trouver, pendant le cours de la vie^ dans des conditions de vitalité différentes ; et dans chacune de ces conditions aussi, la mesure dans laquelle l'oxygène de l'air est enlevé dans la respiration , et celle dans laquelle se fait l'hématose , varient. Ainsi , le poumon a une vitalité spé- ciale dans chaque âge, chaque sexe, chaque tempéram.ent , chaque idiosyncrasie ; il diffère surtout dans l'état de santé et de maladie; et à coup sûr, dans chacun de ces cas, la mesure dans laquelle l'oxygène est absorbé, ainsi que le ca- ractère de l'hématose, diffèrent. A la vérité, on n'a pas fait encore les expériences propres à démontrer rigoureusement cette assertion ; on n'a pas expérimenté , par exemple , quelle quantité d'oxygène est enlevée par inspiration dans chaque âge, chaque sexe, chaque tempérament, ou quel caractère spécial oiîre le sang artériel en chacun de ces cas. Mais l'ana- logie de ce qui est dans toutes les autres fonctions porte à croire qu'il y a ici des variétés comme dans toutes les autres actions. D'ailleurs, voici quelques premiers essais faits à cet égard. Il paraissait probable que la respiration consume d'autant plus d'oxygène qu'on est plus jeune , tout dans le premier âge tendant à l'accroissement; M. Edwards a, par expérience , trouvé le contraire , et a vu qu'on consomme d'autant plus d'oxygène qu'on est arrivé à l'âge où l'on dé- veloppe le plus de chaleur. Il a vu aussi que les divers ani- maux ne consumaient pas cet oxygène aussi vite , et que la différence à cet égard pouvait être d'un tiers. Probablement que ce qui est des diverses espèces animales , est aussi des divers individus d'une même espèce , des divers hommes , par exemple ; et probablement que chacun a , sous ce rap- port, sa mesure propre, comme il a sa dose d'appétit. Nysten est le seul jusqu'à présent qui ait tenté des expériences pour prouver que les altérations qu'éprouve l'air dans la respira- KESPIRATION PROPREMENT DJTE. 2 25 tion, sont un peu différentes dans l'état de maladie de ce qu'elles sont en santé ; mais il n'a pas expérimeuté en même temps si l'hématose avait éprouvé des modifications coïn- cidentes, sans donte parce qu'il ne savait comment les apprécier. L'impossibilité de prolonger ces expériences un peu long-temps, et les quantités très petites d'oxygène qui sont consumées dans la respiration, ont empêclié Nysien d'arriver à des résultats précis; mais ces expériences ont monti'é qu'il était très probable que, dans l'état de maladie, les phénomènes dits chimiques de la respiration, c'est-à- dire les altérations de l'air et l'hématose , offraient quelques différences d'avec ce qu'ils sont dans l'état de santé, A l'ap- pui de cette assertion , on a rapporté que dans les fièvres adynamiques , dans le sommeil , dans l'asthme ^ on expirait moins d'acide carbonique. Mais il est douteux que la pro- duction d'acide carbonique soit partie essentielle delà res- piration ; et de plus , dans les circonstances que nous venons d'indiquer, il y a lésion des phénomènes inspirateurs et ex- pirateurs, et il est possible que les différences qu'offrent les phénomènes dits chimiques tiennent au trouble des pre- miers. Une preuve bien meilleure est ce fait , qu'aux appro- ches de la mort l'air sort du poumon à peu près tel qu'il y estentvé, sans avoir été dépouillé de son oxygène, le poumon n'ayant plus assez de force pour en effectuer la préhension cefait, s'il est avéré , est bien propre à prouver quela respi- ration est le produit d'une action quelconque du poumon. Pour résoudre la question qui nous occupe, on a fait la section ou la ligature de la huitième paire de nerfs, afin de paralyser l'action du poumon , et d'empêcher toute hématose, comme par cette ligature on avait paralysé Festomac et arrêté la chymification. La respira lion, en effet est une fonction qui est encore assez éloignée du dernier terme de l'assimilation , pour qu'elle soit dépendante d'une influence nerveuse; et il importait de voir si elle se suspend quand on la prive de celte influence, quand on coupe ou qu'on lie la huitième paire de nerfs. Cette expérience a été faite un grand nombre de fois; et comme le nerf de la troisième paire se distribue à beaucoup d'organes en même Tome III. ,5 22 6 FOIXCTION DE LA RESPIRATION, temos, particulièrement au larynx , au poumon, au c pour échap- 2 38 FONCTION DE LA RESPIRATION, per à la difEcullé qu'avait élevée Lagrange ^ ils dirent que le sang artériel ayant beaucoup plus de capacité pour le ca- lorique que le sang veineux, s'emparait, à mesure qu'il était fait, de tout le calorique qui était dégagé; et qu'ainsi ce calorique ne pouvait plus exercer aucune action sensible sur le poumon. Il leur fut même beaucoup plus facile par là de concevoir le phénomène de la chaleur animale, puisque tout le calorique dont s'était cbargé le sang artériel n'était dégagé de ce fluide que lorsque, disséminé dans les organes, celui- ci y changeait de nature et redevenait veineux en accomplis- sant les nutritions , les sécrétions , etc. Telles sont les principales variantes de la théorie des chimistes sur la respiration. Leur nombre seul est déjà une présomption contre la vérité de cette théorie; mais, en outre, elle est susceptible d'objections telles qu'elle ne peut plus être admise. Nous allons séparer ces objections, selon qu'elles s'appliquent à l'hypothèse qui place le siège de la combustion dans le poumon lui-même , ou selon qu'elles ont trait à celle qui le place dans les voies circulatoires. Et d'abord. , une objection capitale à faire à la première , c'est qu'elle attribue à la seule affinité intrinsèque de l'oxy- gène son application au fluide à sanguifier, son enlèvement à l'air respiré, quel que soit le mode selon lequel ce principe concourt à Ihématose. Ainsi elleréduit le poumon à n'être que le récipient passif danslequel se produisent les combinaisons. Or nous avons prouvé que l'hématose en général , et par conséquent chacun des éléments desquels elle résulte, la part qu'y a l'oxygène j par exemple , sont des œuvres du poumon, et les résultats de son mode d'action. N'avons-nous pas vu , en eflet , les altérations qu'éprouve l'air et la con- version du fluide à sanguifier en sang artériel , se faire en des mesures diverses, selon les états divers de vitalité du poumon ? être diverses , par exemple , en chaque âge , chaque individu , selon l'état de santé , de maladie ? ne les avons-nous pas vues être tout-à-fait impossibles après la mort, et êli*e rendues nulles par la section des nerfs du pou- mon , et par la paralysie de cet organe ? A supposer donc que la théorie chimique ait bien spécifié le mode selon le- RESPIRATION PROPREMENT DITE. 289 quel Foxygène concourt à l'hématose, et que ce soit en brû- lant le carbone et l'hydrogène du sang veineux que ce prin- cipe agisse, il faudrait déjà admettre que ce n'est pas Taffinilé chimique générale qui règle son application , mais bien la vitalité du poumon. Une seconde objection à la théorie chimique de la respira- tion , est qu'elle suppose le passage inorganique de l'oxygène à travers les parois de la membrane muqueuse des bronches. Nous rechercherons ci-après comment pénètre l'oxygène; mais il est sûr que le mode selon lequel on le fait pénétrer ici choque toutes les lois connues de la physiologie. Com- ment, d'ailleurs, accorder cette introduction toute passive de l'oxygène, avec les faits qui prouvent que c'est la vitalité du poumon qui règ^e la mesure dans laquelle cet oxygène ejst employé? Les membranes animales sont généralement trop denses pour permettre une telle perméabilité, et surtout la membrane du poumon, qui est toujours enduite d'un mucus assez épais. Enfin , des expériences ont prouvé que Ton ne pouvait, pendant la vie, à l'aide de l'oxygène, changer en sang artériel du sang veineux, à travers les parois de la veine qui le contient. Goodwin a mis à nu les veines du col sur un animal vivant , il a dirigé sur elles un courant de gaz oxy- gène , et , après deux minutes et plus , il n'a pas vu que le sang de la veine ait changé de couleur. Bicliat a de même poussé de l'oxygène dans des portions d'intestin , dans la vessie, dans les aréoles du tissu cellulaire; et, bien que le gaz y ait fait un long séjour, il n'a pas vu que le sang rapporté par les veines de ces parties ait changé de couleur. En troisième lieu, la théorie chimique que nous discu- tons, admet que Facide carbonique et la sérosité animale que présente l'air expiré ont été formés de toutes pièces par Foxygène de l'air inspiré, et par quelques parties du fluide à sanguifier. Or, elle admet sans preuves une pareille proposition, contre laquelle militent beaucoup défaits et de raisonnements. D'abord on a vu que ce n'était j)as dès le principe que les chimistes avaient admis la formation de toutes pièces de la sérosité animale , par la combustion de l'hydrogène du sang veineux; ce n'est que lorsqu'ils recon- 2 4o FONCTION DE LA RESPIRATION, iiurent que l'oxygène qu'on retirait de l'acide carbonique ne pouvait pas représenter tout celui qu'avait perdu l'air inspiré, et lorsqu'ils eurent conçu la nécessité de trouver pour leur théorie de la clialeur animale , la combustion d'un principe qui solidifiât encore plus l'oxygène que ne le fait celle du carbone. Or, on peut déjà contester ces deux motifs. Quelques cbimistes, MM. Dai>j et Gay-Lussac, par exemple, trouvent une coïncidence entière de quantité, entre l'oxygène qu'on retire de l'acide carbonique , et celui qu'a perdu l'air inspiré. D'autre part, on peut nier ou expli- quer autrement la grande part que les chimistes accordent à la respiration pour la production de la chaleur animale. Enfin, voulant bien oublier que c'est l'imagination seule qui conduisit les chimistes à admettre la formation de toutes pièces d'eau dans la respiration , n'y a-t-il pas des faits qui s'opposent à ce qu'on croie à cette formation ? lo Dans nos laboratoires de chimie , et dans ]a nature inor- ganique , nous ne voyons jamais l'oxygène se combiner à rbydrogène pour former de l'ean , que par l'intermédiaire d'un corps en ignition ou de l'électi-icilé ; et toujours la com- binaisoa est accompagnée d'un grand dégagement de calori- que et de lumière. Or, rien de tout cela n'existe daus le poumon. On a dit que c'était l'influx nerveux qui décidait la combinaison; mais ce n'est là qu'une hypothèse fondée sur l'analogie qu'on suppose entre le fluide électrique et le fluide nerveux, analogie qui n'est encore elle-même qu'une autre hypothèse. Y a-t-il , lors de la respiration, dégage- ment de calorique et de flamme dans le poumon ? Cet organe pourrait-il résister à de pareils phénomènes ? Séguin , pour échapper au besoin, qu'a l'oxygène d'un corps en ignition pour effectuer la combinaison qu'il faut admettre, dit que l'hydrogène , dans le sang veineux , n'est pas à l'étal de gaz , mais à l'état naissant; mais qu'est-ce que l'hydrogène à l'état naissant? ce ne sont pas là des faits, et l'on ne voit que l'esprit qui s'agite pour concevoir et imaginer ce qnil ne peut voir. 2f> En second lieu, cette sérosité qn'on": dit être formée directement par l'oxygène de l'air inspiré, existe en tel air expiré que ce soit^, même dans RESPIRATION PROPREMEîNT DITE. 24 1 celui qui est rendu ^ quand on a respiré un air qui ne con- tenait préalablement pas d'oxygène. C'est ce que prouvent des observations recueillies par Spallanzani , et des expé- riences faites par Nysten, M. Coutanceaa et M. Edwards j que nous allons exposer tout à l'heure. 3o En troisième lieu, la sérosité que l'on trouve dans l'air expiré devrait être de l'eau pure, et cela n'est pas; c'est une sérosité chargée d'al- bumine , qui , avec le temps , se putréfie , qui ressemble à celles que fournissent les autres perspirations du corps. 4° Enfin , ne peut-on pas assigner une meilleure origine à cette sérosité, la rapporter à l'exhalation dont la membrane muqueuse des bronches est le siège ; exhalation qui recon- naît le même mécanisme , la mênie nature que les autres exhalations du corps , et dont l'air expiré seulement en- traîne avec lui les produits ? Ainsi , déjà Ton peut admettre que la sérosité , qui se trouve dans l'air expiré , n'est en rien formée par l'oxygène de l'air inspiré , et qu'elle est une ex- crétion vitale du poumon. En vain les chimistes disent avoir vu du sang artériel devenir livide par son contact avec du gaz hydrogène ; peuvent-ils dire en avoir fait par là du sang veineux? peut-on juger des sangs artériel et veineux par la seule couleur ? et peut-on conclure de ce qui se fait dans des vase^, hors l'influence de la vie, à ce qui se fait dans l'in- térieur de nos organes ? Les mêmes considérations peuvent être appliquées à l'a- cide carbonique. On l'a retrouvé aussi dans Fair expiré, lors même que Foli avait respiré avant un air qui ne conte- nait pas d'oxygène. Spallanzani a vu des animaux plongés dans du gaz azote, du gaz, hydrogène, dans des gaz qui ne contenaient nullement d'oxygène, expirer de l'acide car- bonique. Ki. Coutanceau^ de concert avec Njrsîen, a fait, en j8o6, des expériences qui prouvent le même fait. 11 a fait respirer à cinq chiens du gaz azote pur, pendant qu'il injectait d'autre part dans le système veineux dilfé- rents gaz propres à modifier la prétendue combustion du carbone; il a vu que ces animaux reudaieiil toujours à peu près la même quantité d'acide carbonique : il prenait ce- pendant la précaution de faire préalablemenl le vide dans Tome III. 16 2 42 FONCTION DE LA RESPIllATlON. ie poumon, de sorte qu'on ne pouvait alti'ibuer la forma- lion de l'acide carbonique à l'air qui restait dans cet organe. Enfin, M. Edwards a encore confirmé ce fait par des ex- périences récentes; pendant l'hiver . époque à laquelle les batraciens supportent mieux l'aspbyxie, il a fait respirer pendant liuit heures de l'hydrogène à une grenouille, du poumon de laquelle il avait auparavant extrait l'air; et il a vu cet animal expirer de l'acide carbonique dans une quantité supérieure à son volume. Les résultats ont été les mêmes, avec des poissoi3 s rouges qu'il laissa deux jours dans du gaz hydrogène, et avec un jeune chat de deux jours, qu'il y laissa vingt-trois minutes. Ainsi la production de l'acide carbonique est , comme celle de la sérosité animale, due à une excrétion vitale dupounion, et tout-à-fait indépendante de l'enlèvement de l'oxygène. Et d'ailleurs , qui pourrait s'en étonner, s'il est vra^i qu'une semblable excrétion d'acide carbonique se fasse en d'autres parties du corps? Or, toutes les membranes moqueuses et la peau sont le siège d'une ex- halation , dont le produit contient de l'acide carbonique. Si ce fait n'est pas bien sûr à l'égard de toutes les membranes muqueuses j, au moins est-il évident pour la peau? Séguin et Jurine ont prouvé l'analogie complète de nature qui existe entre la matière de la transpiration cutanée et celle de la transpiration pulmonaire; l'une et l'autre sont une sérosité animale chargée de o,o3,ào,i2 d'acide carbonique ; on sait que ces deux excrétions sont solidaires l'une de l'autre, se suppléent, s'équilibrent , et il y a une assez grande analogie de texture entre les deux organes qui les pi'oduisent. Or^, à coup sûr;, la matière de la transj}iratiou cutanée n'est pas formée de toutes pièces par l'oxygène de l'air extérieur; pourquoi donc celle de la perspiration pulmonaire le serait- elle davantage? Ainsi , tout s'élève contre la théorie chimique qui établit que l'acide carbonique et l'eau de l'expiration ont été formés de toutes pièces , par une combustion qui s'est faite dans les vésicules bronchiques. Les objections que nous venons de présenter sont également fortes; soit qu'on veuille que le carbone et l'hydrogène soient brûlés en entier dans le pou- RESPIRATION PJlOPHEMENT DITE. 2^3 inon; soit qu'on admette que ces principes ayant commencé à brûler dans le torrent circulatoire, viennent s'exhaler dans le poumon sous forme de gaz oxyde de carbone et d'oxyde d'hydrogène, et achèvent de se brûler dans cet or- gane. Dans ce dernier cas, on peut même ajouter quelques nouvelles objections. En effet, cette théorie établit que l'oxygène de l'air ne fait que brûler le gaz hydrogène car- boné qui s'exhale dans le poumon. Or, lo c'est supposer que la matière de la perspiration pulmonaire provient du sang de l'artère pulmonaire , et non de celui des artères bronchi- ques , et nous avons vu que c'était un point en litige. 20 II serait alors inutile que la combustion de ce gaz hydrogène carboné se fît ; il suffirait , pour l'hématose , que le sang vei- neux en fût dépuré; et son excrétion se ferait aussi bien sous la forme de gaz hydrogène carboné , que sous celle des nou- veaux produits qui, dit-on, résultent de sa combustion. 30 Ce gaz hydrogène carboné devrait se retrouver dans l'air expiré, toutes les fois qu'on respire un air qui ne contient pas d'oxygène. 4° Enfin, le gaz hydrogène carboné que l'on connaît en chimie, ne brûle jamais que par l'intermédiaire d'un corps en ignition, ou de l'électricité; il donne tou- jours, pour produits de sa combustion, des substances hui- leuses , résineuses et alcooliques ; et certes la matière de la perspiration pulmonaire n'a pas plus de rapport avec ces substances, que le poumon n'a Télément igné ou électrique propre à amener la combustion. Ainsi l'on peut déjà rejeter cette première variante de la théorie chimique, qui fait consister la respiration dans une combustion , et qui place le siège de cette combustion ^ en tout ou en partie, dans le poumon. Celle qui recule le siège de la combustion dans les voies circulatoires , n'est pas plus admissible. Ici, à la vérité, la respiration ne consistant plus que dans la préhension de l'oxygène ;, on peut moins arguer de la vitalité du poumon^ et de l'impossibilité que l'oxygène pénèti^e mécaniquement à travers les pores de la membrane muqueuse de cet organe. Cette théorie , en effet , nepréjugerien sur la manière dont l'oxygène a été introduit; elle ne fait que spécifier le mode selon lequel agit ce principe iG. 2 44 FONCTION DE LA RESPIRATION, après son iatroduction. Mais il y a aussi beaucoup de con- sidérations qui doivent la faire récuser. En premier lieuj elle ne fut pas admise non plus de prime- abord et sur des faits, mais seu]em.eut sur la crainte élevée par Lagrange , que le poumon ne fût calciné par le grand déga- gement de calorique qui devait se faire dans son intérieur. ^v , nous avons vu que quelques chimistes avaient expliqué ce dernier fait en admettant que le sang artériel avait une capacité pour le calorique bien supérieure à celle du sang veineux, et fixait ainsi tout le calorique à mesure que ce fluide était dégagé. Dès lors il n'y aurait plus de motifs à admettre la modification de Lagrange. Bien plus, Legallois , en calcu- lant d'après les données de la chimie elle-même , a fait voir que le calorique , qui est supposé se dégager dans le pou- mon lors de la combustion prétendue du carbone et de l'hy- drogène ;, n'était pas suffisant pour combler toute la capa- cité pour le calorique qu'a le sang artériel ; que celui-ci , dès lors, était forcé d'en absorber à la substance du poumon lui-même; et qu'ainsi, il y avait lieu de s'étonner, non pas que le poumon ne fût pas brûlé et calciné, comme l'a- vait dit Lagrange , mais, au contraire, qu'il ne fût pas congelé. En second lieu, des faits et des raisonnements viennent s'é- lever contre cette idée d'une combustion progressive dans le torrent de la circulation, i" Les expériences de Bichat, que nous avons citées plus haut, portent à penser que l'action d'hématose est instantanée, et surtout qu'elle est achevée au poumon; le sang, en effet, sortait rouge de la carotide, au moment même où Ton ouvi'ait le robinet de la trachée-ar- tère. Or, cela implique contradiction avec cette idée d'une <;ombustion progressive dans les voies circulatoires. 2» Ja- mais on n'a pu retrouver l'oxygène en nature dans le sang; l'expérience de Girtanner a été en vain répétée. 3» Si la théorie que nous combattons était vraie, on devrait retrou- ver de l'acide carbonique dans le sang, et d'autant plus, que ce sang se rapprocherait plus des confins de la circulation, et serait plus avancé dans le système artériel et dans le sys- tème veineux, f^auquelin^ Fogel^, Brande, etc., disent^ à la RESPIRATION PROPREMENT DITE. ^45 vérité, que ce fluide en contieur ; mais ils ne font aucune distinction sous ce rapport entre le sang veineux et le sang artériel , et rien ne prouve que ce soit l'oxygène de la respi- ration qui ait concouru à sa formation. D'ailleurs , cet acide carbonique n^aurait dès lors qu'à s'exhaler au poumon. Il faudrait être sûr que l'excrétion pulmonaire vient du sang de l'artère pulmonaire , et non de celui des artères bron- chiques. Cette excrétion aurait sur l'hématose une in- fluence aussi prochaine que la préhension de Toxygène. Enfin, la perspiration pulmonaire ferait une exception à toutes les sécrétions du corps, puisqu'au lieu d'être fabri- quée par l'organe sécréteur, elle existerait toute formée dans le sang. On objectera peut-être que des chimistes ont fait rougir artificiellement du sang veineux par de l'eau de chaux; mais peut-on juger, par la couleur seule, qu'un sang est artériel ? 4° En admettant la combustion pro- gressive , les produits excrétionnels de cette combus- tion resteraient mêlés au sang, jusqu'au retour de ce fluide au poumon. Or, est-il probable que le sang traîne ainsi dans son sein des débris qui lui sont étrangers, et cela aux lieux mêmes où il est mis en œuvre ? Et que lui servi- rait d'en être dépuré au-delà par le poumon , puisqu'il aurait auparavant accompli les nutritions et les sécrétions? Il y a plus même : jamais le sang n'arriverait pur aux orga- nes qu'il doit nourir; car, tout en se dépurant au poumon, il absorberait dans cet organe une nouvelle quantité d'oxy- gène , qui , en brûlant de nouveau du carbone et de Thy- drogène , formerait de nouveaux produits excrétionnels. D'après cette théorie de l'hématose , le poumon devrait être placé à l'origine du système veineux, afin que la combus- tion prétendue ait tout le temps de se faire, avant que le sang soit de retour aux cavités gauches du cœur. 5» Enfin , ce dui achève de réfuter cette théorie, c'est qu'il est sûr que l'hématose se fait complètement dans le poumon ; et que , n'ayant pas commencé avant cet organe , quoi qu'en ait dit Legallois , elle ne se continue pas non plus au-delà. Pour prouver cette importante assertion, nous avons besoin, d'entrer ici en quelques détails. 2 46 . FONCTION DE LA RESPIRATION. Tandis que Legallois voulait que l'hématose commençât dès avant le poumon , d'autres physiologistes ont émis l'o- pinion que celte action se continuait au-delà de ce viscère ; mais ils se sont appuyés plutôt sur des raisonnements que sur des observations directes. Leurs arguments se réduisent aux quatre suivants : i» on a vu l'odeur , la couleur , et d'autres qualités des aliments se montrer dans les fluides sécrétés ^ dans la substance des organes. N'est-ce pas une preuve , dit-on /que le chyle^ qui était empreint de ces qualités des aliments , a pénétré jusqu'aux extrémités de la circulation artérielle, et par conséquent n'était pas en entier changé en sang lors de son passage dans le poumon? 2« La matière de la perspii'ation cutanée contient, comme celle de la perspiration pulmonaire , de l'acide carbonique. Or , si le dégagement de l'acide carbonique au poumon est un effet de la respiration , de l'hématose , n'est-ce pas une preuve que cette hématose se continue à la peau , aux extrémités du système artériel? 3o Le lait participe avec promptitude et facilité de toutes les qualités des aliments ; il a la cou- leur du chyle; sa sécrétion redouble après chaque repas ; ne peut-on pas en conclure qu'il émane du chyle, et con- séquemment que celui-ci existe dans le sang au-delà du poumon? 4^ Enfin, si on examine le sang tiré quelques heures après un repas , on y distingue nettement les molé- cules du chyle qui ne sont pas encore sanguifiées; et ce fait direct prouve , non-seulement que l'hématose n'est pas ache- vée lors du premier passage à travers le poumon, mais en- core que cette hématose exige plusieurs passages successifs à travers cet organe. En effet, il faut bien que ce chyle, vu dans le sang tiré de la veine du bras ou du pied, ait déjà traversé, au moins une fois, le. poumon, le système arté- riel et les systèmes capillaires du corps , pour qu'il se trouve ainsi dans le système veineux. Or, on peut réfuter chacune de ces assertions. D'abord, de ce que des particules alimentaires ont été retrouvées dans les fluides des sécrétions et dans la substance des or- ganes, il ne s'ensuit pas qu'elles y ont été apportées par le chyhi lui-même; elles |)euvcnt avoir passé avec le sang au respiuation pnoniEMEiNT dite. a/, 7 momeiiL où celui-ci a clc fait, comme elles avaieiiL déjà passé avec le chyle lors de la formation de celui-ci. Il y a plus même : une fois que ces malières étrangères ont passé avec le chyle sans faire partie de ce ifluide, elles suivront le cours des fluides qui successivement en dérivent, mais en conservant toujours leur nature étrangère, et en résis- tant conséquemment à la série des actions élaboratrices qu'elles ont à subir. Loin doue que la présence de ces mo- lécules étrangères dans nos parties les plus profondes prouvo que le chyle y ait pénétré, il faut reconnaître qu'elles nu s'y montrent que parce qu'elles ne font pas partie du chyle, sinon elles auraient éprouvé toutes les conversions que ce- lui-ci subit : ayant franchi une fois la première filière , celle de la ehylification , elles ont traversé, en conservant leur nature propre, toutes celles qui font suite, celles de Thé- matose, des nutritions, des sécrétions, etc. Nous revien- drons là-dessus lors des services des sécrétions. Le second argument est encore moins plausible. D'abord, nous avons dit qu'il était douteux que la production de l'a- cide carbonique eût une part prochaine à l'hématose , et que ce fut du sang de l'artère pulmonaire que provînt cette sub- stance. Ensuite, il est sur que la perspiration cutanée dé- rive d'un sang artériel , et que le sang qui revient de la peau est lui-même du sang veineux. Enfin, si la perspiration cu- tanée dérivait du chyle qui aurait résisté à l'action du pou- mon et serait parvenu jusqu'à la peau, il faudrait dire pour- quoi tout le chyle n'est pas porté à cette membrane au sortir du poumon , au lieu de n'y ê Ire projeté , comme cela est , qu© par fraction, et de telle manière encore qu il est impossible que jamais sa totalité y parvienne. L'idée de faire dériver ie lait immédiatement du chyla est encore moins soutenable; elle contredit toute théorie des sécrétions. Nous avons expliqué tout-à-l' heure comment des matières étrangères pénétraient jusque dans les profon- deurs de l'économie; il est facile dès lors de concevoir com- ment le lait manifeste si promplement et si aisément les qualités des aliments. Il est bien certain qu'il n'y a pas d'au- tre analogie entre le chyle et le lait que celle de la couleur. 2 48 rONCTiON DE LA RESPIRATION^ A supposer que le cliyle résiste à l'action du poumon, et qu'il existe encore au-delà dece viscère, il serait projeté également dans toutes les artères; et, comme celles du sein ne sont qu'une très petite partie de tout le système . il n'arriverait pas assez de chyle à la mamelle pour subvenir à la sécrétion. Il sera démontré en son lieu que celle-ci émane du sang. Restent enfin les observations dans lesquelles on dit avoir vu du cbyle au-delà du poumon. Sans doute on ne peut rien opposer à des faits positifs : mais ceux-ci sont-ils bien certains? combien il est probable que ceux qui les assurent ont été induits en erreur? D'abord, on peut citer d'autres observateurs, et en grand nombre, qui n'ont jamais pu re- trouver du chyle dans le sang, CuUen , Hunter , Mascagnj, M. Dejeiix ; et cependant il semble qu'un pareil fait aurait dû souvent se rencontrer, s'il était vrai que l'hématose ne fut pas achevée au poumon. Ensuite, que de raisonne- ments contredisent la possibilité de ce fait! Et qu^on ne vienne pas dire que des raisonnements ne prouvent rien contre des faits; ils prouvent beaucoup quand ils sont judi- cieusement déduits, et que les faits ne sont pas bien avérés. Si le chyle n^est pas encore changé au-delà du poumon en sang artériel, c'est certainement, ou parce qu'il doit subir cette conversion en quelque autre lieu du système circula- toire , ou parce qu'il a besoin pour .cela de subir à plusieurs reprises l'influence du poumon. Or^ ces deux opinions sont également inadmissibles. D'un côté, dans quel autre lieu du cercle circulatoire le chyle peut-il subir une nouvelle conversion ? Certainement ce ne sera pas dans tout le système artériel , car nous verrons que dans son trajet du poumon aux extrémités des artères, le sang reste identique. Ce ne peut donc être que dans les systèmes capillaires, ou dans le système veineux. Or, d'a- bord , n'est-il pas probable que le sang a toutes ses qualités , et est parfait aux lieux où il est employé? et, n'est-ce pas immédiatement aux extrémités du système artériel qu'il est mis en œuvre ? que lui servirait-il dès lors d'être modifié au-delà de ce point? et combien il est vraisemblable qu'il est achevé quand il y arrive ? Cette seule réflexion conduit RESPIRATION PROPREME^^T DITE. 249 même à admettre que si le sang artériel tenait de l'oxy- gène en dissolution, loin que ce principe aille en efrec- tuant une combustion progressive dans le cours de la circulation, il devrait rester tel jusqu'à la fin du système artériel, parce qu'il ferait partie intégrante de ce sang. 11 en serait de même du cliyle ; si le sang en oiî'rait encore aux extrémités du système artériel, c'est que ce cliyîe entrerait comme élément nécessaire dans sa composi- tion , et il ne disparaîtrait que lorsque ce sang, par l'œuvre des nutritions et des sécrétions, disparaîtrait lui-même. Mais ensuite , que peuvent faire ici les systèmes capillaires et vei- neux ? Dans les premiers^ le sang est employé aux nutritions et aux sécrétions; mais ces actions élaboratrices n'ont rien de commun avec celle de l'hématose; et vouloir qu'elles y concourent, en même temps qu'elles remplissent leur office propre, c'est confondre tous les objets. Quant au système veineux, je ne vois dans ce système que le foie qui soit apte à faire subir une modification au sang : il est certainement possible que le sang veineux alimente la sécrétion de la bile , et qu'il en résuite quelques cbangements dans sa cràse; nous agiterons cette question à l'article de la sécrétion bi- liaire : mais , en admettant cette action élaboratrice du foie, elle serait autre que celle de la respiration; et, relativement à celle-ci, le sang, lors de son retour au poumon, serait réellement dans les mêmes conditions que lorsqu'il y a été porté pour la première fois. Ainsi donc, tout s'élève contre cette première opinion , que le cbyle éprouve sa conversion dans quelque autre lieu de l'appareil circulatoire, situé au- deîà du poumon. Quant à la seconde , où l'on prétend que le chyle a besoin de subir, à plusieurs reprises, l'action élaboratrice du pou- mon , elle est également réfutée par ce fait, que le sang ar- tériel ne change pas dans toute Tétendue du système de ce nom. Encore une fois , n'est-ce pas aux extrémités des artères que le sang est employé ? et n'est-il pas raisonnable de croire qu'alors ce fluide est achevé? Si le fluide à sanguifier a be- .soin pour être changé en sang artériel, de subir, à plusieurs reprises, l'influence du poumon, c'est; ou parce que dans 2 5o FOIVCTION DE LA RESPIRAT TON. l'intervalle d'un passage à l'autre et dans le cercle circula- toire, il a éprouvé des élaborations nouvelles qui l'y ont disposé davantage : ou parce que l'action du poumon ne peut suffire à l'artérialiser en une seule fois , et a besoin d'être répétée. Or, nous venons de prouver que le premier fait ne peut être admis ; et quant au second , il n'est qu'une con ecture , contre laquelle plusieurs considérations mili- tent. En effet , les quantités de chyle et de lymphe qui sont versées dans le sang veineux, et conduites à chaque con- traction du cœur au poumon , sont assez petites pour qu'elles soient aussitôt sanguifiées. Il n'est pas douteux que la con- version du sang veineux en sang artériel ne soit soudaine; pourquoi n'en serait-il pas de même de la sanguificalion du chyle et de la lymphe , qui , comme nous venons de le dire , ne se présentent à cette action qu'en quantité très petite? Toutes les autres élaborations nutritives enfin , si l'on ex- cepte celles de la digestion , se font instantanément , les nu- tritions, les sécrétions, par exemple; l'analogie conséquem- ment indique qu'il en est de même de Thématose. Les doutes sur la question que nous agitons sont venus de ce qu'on a, dans l'hématose, séparé la conversion qu'é- prouve le sang veineux , de celles qu'éprouvent le chyle et la lymphe. Ces fluides paraissant , au premier aspect , plus éloignés du sang artériel; on a pensé que leur conversion devait être plus difficile et exiger dIus de temps. Cependant, comme ces trois fluides, chyle, lymphe et sang veineux, sont évidemment au-delà du poumon , changés en un seul et même fluide, le sang artériel; que même avant le poumon ils formaient déjà un mélange où tous trois étaient confon- dus, nul doute que ces fluides ne soient soumis en même temps à une même action , et ne soient en même temps aussi, et par suite de cette même action , changés en sang artériel : nul doute que la nature, en les mélangeant avant de les por- ter au poumon , n'ait eu pour but de former un fluide uni- que, sur lequel seul pouvait s'exercer l'action élaboratrice de ce viscère. On a dit que le chyle prenait une teinte de plus en plus rosée ^ à mesure qu'il s'approchait du canal thoraci- que; nous avons dit nous-mêmes qu'il s'élaborail à mesure KESPIRATION PROPREMENT DITE. 20 1 (ju'il cheminait dans les vaisseaux cliylifères; mais ce n'est que comme chyle qu'il s'animalise. D'autres ont avancé que le chyle arrivé dans le poumon y était recueilli par les lym- phatiques de ce viscère , conduit au canal thoracique, versé dans la veine sous-clavière ^ renvoyé au poumon pour être repris par les lymphatiques, et cela plusieurs fois de suite; ils ont pensé que c'était ainsi que se faisait la sanguification. Mais ce n'esl là qu'une conjecture qui n'est pas prouvée, et à laquelle on peut opposer la considération suivante :1e chyle, dans la nouvelle filière qu'on lui fait parcourir, est soum.is à une action semblable à celle qu'exerce sur lui la filière qu'il quitte; cette nouvelle filière n'étant encore qu'une filière lymphatique ne peut que le changer en lymphe, que le perfectionner comme chyle; et c'est d'une filière san- guine , si nous pouvons parler ainsi, dont a besoin ce cbyle pour être cbangé en sang. Ainsi donc , l'hématose est complétée dans le poumon lui- même , ne se continue pas au-delà; et par là se trouve ren- versée cette autre variante de la théorie chimique, qui pla- çait le siège de la combustion dans le torrent circulatoire, t^ette variante supposait d'ailleurs que la matière de la perspiration pulmonaire provient du sang de l'artère pul- monaire, et nous avons déjà dit que des physiologistes éle- vaient de justes doutes sur ce point; M. Coutanceau , par exemple, fait provenir cette matière du sang de l'artère bronchique, iijoutoos encore que cette théorie suppose que les excrétions du poumon ont à l'hématose une part aussi grande, et même plus grande que l'enlèvement d'oxygène, ce que nous avons dit n'être nullement démontré. Nous pouvons encore reprocher aux chimistes d'avoir, dans leurs expériences, jugé trop légèrement de la qualité du sang par sa couleur. Ainsi , ils ont, disent-ils, fait rou- gir artificiellement du sang veineux par le contact de l'oxy- gène, et fait noircir du sang artériel par le contact de l'hy- drogène. Mais, pour cela, le premier était -il du sang artériel, et le second du sang veineux? T^e sang veineux rougit par bien d'autres réactifs que l'oxygène, par le gaz hydrogène carboné, par exemple, l'acide carboneux ; comme 2.52 FONCTION DE LA RESPIRATION, le prouvent ]es expériences de M. Chaussier, de Beddoes , l'observation des cadavres des personnes qui ont été as- phyxiées par ce gaz. D'autre part, le sang artériel noircit souvent sans qu^on puisse savoir comment il aurait perdu de l'oxygène , ou acquis du carbone et de l'hydrogène ; par exemple, quand il est renfermé entre deux ligatures, ou con- tenu dans une tumeur anévrysmale , ou reçu dans un vase bien clos. Comme il est certainement possible de faire rou- gir artificiellement du sang après la mort, sans qu'il soit pour cela artériel, on conçoit que les chimistes ne peuvent juger de la qualité du sang par sa couleur seule, et qu'ils ont pu être ainsi souvent induits en erreur. Nous récusons donc complètement la théorie des chimis- tes modernes sur l'hématose et la respiration. Selon nous, la chimie n'a fait que signaler l'élément par lequel Tair est utile à la respiration; mais ce ne sont pas les forces dont cette science s'occupe qui règlent l'emploi de cet élément ;et elle ne fait pas connaître comment il a servi à l'hématose. Les chimistes avaient, dans leur théorie, séparé ce qui est de l'hématose générale, ou de la conversion du chyle en sang, de ce qui est de î'hémaîose artérielle, ou de la con- version du sang veineux en sang artériel. Or, leur théorie de la sanguification du chyle n'est pas plus admissible que celle de l'hématose artérielle. Remarquant que le chyle et la lymphe sont déjà fort semblables au sang, ils prétendaient que ces liquides ne différaient du sang qu'en ce que la fi- brine des premiers n'est pas aussi animalisée que celle du sang, et en ce que la matière colorante des premiers tient à un phosphate de fer au minimum d'oxydation et de couleur blanche, tandis que celle du second tient à un phosphate de fer au maximum d'oxydation et de couleur rouge. Dès lors la sanguification du chyle leur a paru devoir consister en une action qui , d'un côté , a animalisé davantage sa fi- brine, et de l'autre a suroxydé son phosphate de fer, de manière à le faire passer de l'état de phosphate de fer-blanc à l'état de phosphate de fer rouge. Yoici comment ce dou- ble objet leur avait paru être rempli dans la respiration. L'oxygène de Pair inspii'é s'est uni à une grande partie du RESPIRATION PROPREMEî^T DITE. 25 a carboDe du chyle , ce qui a donné lieu à Tacide carbonique qu'entraîne l'expiration; le cbyle ainsi a été décarbonisé, l'azote est devenu prédominant dans la composition de ce liquide , et le résultat de cette prédominance a été d'anima- liser davantage sa fibrine, une substance animale étant gé- néralement d'autant plus animale qu'elle contient plus d'a- zote. De plus, au moment où le cbyle arrive dans le sang veineux, la soude qui existe dans ce liquide s'est emparée d'une petite quantité de l'acide pbospborique du phosphate de fer du chyle, et a mis à nu un excès de fer; alors l'oxy- gène de l'air inspiré s'est combinée à ce fer, l'a suroxydé, l'a fait passer ainsi de l'état de phosphate de fer-blanc à l'état de phosphate de fer rouge ; et la sanguification du chyle a été achevée. Mais, on peut objecter que cette théorie réduit encore le jX)UQîon à un rôle tout passif dans la respiration, qu'elle suppose la pénétration mécanique de l'oxygène à travers les pores de la membrane muqueuse, qu'elle renferme enfin l'idée d'une combustion directe effectuée dans le poumon ; et déjà chacune de ces trois propositions a été démontrée fausse. Ensuite, est-il vrai que le chyle soit un fluide trop carboneux, et que pour le sanguifier il faille l'azotiser ? com- ment croire que celui des animaux carnivores, par exemple, soit trop carboneux? il devrait certainement l'être moins que celui des herbivores, et par suite les carnivores devraient expirer moins diacide carbonique que les herbivores; or, cela n'est pas. En troisième lieu, la quantité de carbone enlevé au chyle est trop petite , pour que par cela seul l'a- zote prédomine dans ce liquide; et alors, d'où viendrait l'azote nécessaire pour animaliser la fibrine ? Enfin , pour ce qui est du phosphate de fer-blanc, porté par oxydation au rouge, la présence de ce sel n'est pas bien démontrée dans le chyle; souvent on n'a pas trouvé de fer dans ce li- quide , bien qu'on en ait mêlé exprès aux aliments : que d'a- liments qui ne contiennent pas de fer ! et que d'animaux à sang rouge, qui cependant usent d'aliments qui ne contien- nent pas de fer : Le phosphate de fer d'ailleurs n'est soluble que dans les acides, et îe chyle ne l'est pas. Est-il bien vrai. 2 54 FOKCTIOTN' DE LA RESPIRATION, en outre, que ce sel soit moins oxydé que le phosphate rouge ? et ce queFaîr inspiré fournit d'oxygène sufEt-il pour le sur- oxyder ? Comment croire aussi qu'un liquide aussi peualkalin que le sang puisse enlever un peu d'acide phosphorique à ce sel, lorsque pour obtenir ceteffet dans la- teinture alkaline de Stlial , il faut employer une dissolution alkaîine très char- gée ? Enfin ^ est-ce bien le phosphate de fer rouge qui pro- duit la couleur rouge du sang , comme Font professé d'a- bord Fourcroy et M. Kauquelin? A juger d'après les derniers travaux de MM. Brande et Berzélius , la matière colorante du sang n'est pas un sel à base de fer, mais une matière ani- male particulière. Ainsi, la théorie des chimistes sur la respiration et l'hé- matose n'est bonne sous aucun point de vue; et de cette manière se trouve démontrée notre seconde proposition , que puisque l'action d'élaboration qui se passe dans le pou- mon ne peut être assimilée à aucune action mécanique ou chimique de la nature ^ elle doit être dite organique et "vitale. Dès lors , nous pouvons dire de cette action, qui ne tombe pas sous les sens, et qui est insaisissable eu son essence, ce que nous avons dit des autres actions élabora trices précé- demment examinées. lO Elle ne peut s'exercer que sur un fluide approprié , le mélange du chyle , de lymphe et de sang veineux. Ce fluide est pour elle ce que sont les aliments pour la digestion, par exemple : tout ce qui n'est pas ce fluide subit en vain son influence; comme dans la digestion^ tout ce qui a franchi l'estomac sans être changé en chyme n'est pas non plus changé en chyle. Cependant il faut avouer qu'il y a ici une plus grande latitude; des trois humeurs qui forment ]e fluide qui va se soumettre à l'action d'hé- matose, Tune, le chyle, n'est apportée que par interval- les, et même peut manquer pendant un temps assez long. Encore sait-on qu'alors le sang, non-seulement diminue de quantité, mais encore se détériore dans sa nature. 2» Cette action élabora trice est une altération sui generis , et n'a en elle-même rien de chimique. 11 n'existe en eflet nul rapport chimique, entre le sang artériel qui est le produit de cette âESPIKATIO^ PllOPREMElNT DITE. 255 a"ction, et les matériaux avec lesquels ce produit a été fait, «■l'est-à-clire l'air d'une part, et le mélange de cliyle ,de lym- phe et de saug veineux de l'autre ; de la composition chimi- que de ceux-ci on ne peut conclure chimiquement à la formation chimique de celui-là ; et quand bien même la transformation matérielle qui se produit ici serait une continuation de celles qu'ont faites précédemment la chy- îose et la îymphose , il est sûr que ce ne sont pas les lois chi-^ raiques générales qui y président. 3» Enfin, cette action donne toujours naissance à un même produit : et en effet , comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il y a iden- tité des matériaux, et que c'est toujours un nriême organe fabricateur qui agit? Il n'y a de variations que celles qui tiennent à l'état plus ou moins bon du fluide qui subit l'ac- tion de l'hématose , et au degré de perfection avec lequel agit l'organe de cette action. C'est la répétition des mêmcF propositions déjà exprimées lors de la chymification , de la chylose, de la Iymphose, etc. Nous devons dire encore que cette action élaboratrice d'hématose s'accomplit instantanément, à l'instar de la médaille qu'on frappe. Dans les expériences de Bichat^ on a vu le sang sortir rouge de la carotide, aussitôt qu'en ou- vrant le robinet de la trachée-artère on permettait à la res- piration de se faire librement. Puisque d'ailleurs le sang artériel n'éprouve plus aucun changement depuis sa sortie du poumon jusque dans le parenchyme des organes où il doit être employé 5 il faut bien qu'il ait été fait dans l'acte rapide de la respiration. Il reste , enfin, la question de savoir comment l'oxygène , sans lequel l'hématose ne se ferait pas, a pénétré et a été mis en contact avec Je fluide à sanguifîer. Cette question rentre dans celle qui est relative à la partie du poumon dans laquelle se passe l'action élaboratrice de la respiration, et sur laquelle nous avons avoué notre ignorance. Encore une fois, ne connaissant pas quels rapports ont entre eux à leurs extrémités capillaires les trois systèmes vasculaires des bronches , de l'artère pulmonaire et des veines pulmonaires, on ne peut connaître comment l'oxygène est appliqué au 5.56 FONCTIOîf DE LA. RESPIRATION. fluide à sanguifier, ou au moins est soumis en même temps que lui à l'agent de l'élaboration. Faisons remarquer , en eiTet, qu'admettre que l'oxygène, par sa seule application au fluide à sanguifier , effectue sa conversion en sang arté- riel , c'est retomber dans la théorie cliimique dont nous avons démontré la fausseté. On ne doit que rechercher la voie par laquelle i'oxygène est introduit, pour être soumis avec le fluide à sanguifier à l'action de l'agent élabora teur. Or^ celui-ci ne pouvant être spécifié, comment cette voie pourrait-elle être indiquée? On peut toutefois faire deux conjectures à cet égard. Dans l'une, on peut supposer que l'oxygène, entraîné par son affinité intrinsèque, se porte sur le sang veineux à tra- vers la inembrane muqueuse des bronches, et les parois des vaisseaux qui le contiennent. Mais nous avons vu que ia vi- talité du poumon était ce qui réglait la quantité dans laquelle l'oxygène est consumé; aucune de nos ingestions ne s'opère d'une manière aussi mécanique; et il est bien plus raison- nable de penser qu'ici comme ailleurs , c'est une absorption qui l'effectue. Dans les animaux qui respirent par la peau, c'est à coup sûr une absorption qui saisi t l'oxygène ; il est donc probable qu'il en est de même dans les autres animaux; et en effet, on doit se rappeler qu'à la fonction d'absorption, nous avons distingué une absorption aérienne ou respira- toire. Dès lors, on a dû rapporter cette absorption à l'un ou l'autre des deux systèmes vasculaires qu'on considère comuie absorbants, les lymphatiques et les veines. Plusieurs physiologistes ont pensé que c'étaient des vais- seaux lymphatiques qui absorbaient l'oxygène dans le pou- mon, et que dès lors ce gaz était conduit par la filière de ce système au sang veineux. Là-dessus mêîne a été fondée une théorie de la respiration, qui est assez séduisante par l'a- nalogie complète qu'elle établirait entre cette fonction et la digestion, i" L'air éprouve une première élaboration en traversant la bouche et les fosses nasales, et en circulant jusqu'au fond des vésicules bronchiques, comme l'aliment en éprouve une dans son trajel de la bouche à l'estomac. 2« Cet air parvenu au fond du poumon fait une impression RESPIRATION PROPREMEîMT DITE. 25; sur cet organe, et selon sa qualité, bonne ou mauvaise, provo- que le poumon à le digérer ou à le rejeter, c'est-à-dire à absor- ber son oxygène ou à efrectuer l'expiration ; comme l'aliment exerce sur l'estomac une impression qui décide cet organe à le digérer ou à le rejeter par le vomissement. 3» Alors, l'oxygène de l'air inspiré est absorbé par les vaisseaux lympbatiquesdu poumon : et l'on cite comme preuves de cette partie de la tbéorie , en premier lieu le grand nombre de vaisseaux lym- phatiques qui existent dans le poumon, et qui semblent réel- lement accuser qu'il se fait une absorption externe dans cet organe ; et en second lieu les fai ts nombreux qui montrent que très souvent, en effet, les matières étrangères qui sont mêlées à l'air y sont absorbées pendant la respiration. 4^ L'oxygène ainsi absorbé par les vaisseaux lymphatiques suit la voie de ces vaisseaux , c'est-à-dire traverse les ganglions bronchi- ques^ parvient au canal thoracique, et est versé dans le sang veineux aux veines sous-clavières, ayant éprouvé dans ce trajet une certaine élaboration. 5o Mis alors en contact avec le fluide à sanguifîer, il en brûle le carbone et l'hydro- gène pendant le trajet, qu'ils parcourent ensemble, des vei- nes sous-clavières au poumon , à travers les cavités droites du cœur. 6» Enfin, viennent s'exhaler au poumon les pro- duits de cette combustion , d'où, l'acide carbonique et l'eau qu'on retrouve dans l'air de l'expiration. Ainsi, la respira- tion sert à l'hématose, et parce qu'elle fournit l'oxygène , et parce qu'elle dépure le sang veineux des produits de la com- bustion du carbone et de l'hydrogène de ce fluide. L'oxygène est appliqué au sang veineux, un peu au-dessus du lieu où se fait l'exhalation des produits excrétionnels , de sorte que la combustion a le temps de s'effectuer; et d'autre part, cette exhalation se fait avant que le sang soit mis en œuvre , desorte quecelui-ci arrive aux organes , pur et purgéde tous ses débris. Enfin, la voie par laquelle on le fait parvenir à l'économie est celle par laquelle pénètrent toutes les sub- stances ingérées. Mais, quelque séduisante que soit cette théorie, beaucoup d'objections s'élève ut contre elle et la ruinent, lo D'abord, les élaborations prétendues de l'air^ dans son trajet de la Tome III. 17 2 58 FONCTION DE LA RESPIRATION. bouche au fond des vésicules broncliiques, sont évidemment imaginaires : nous l'avons déjà dit dans le temps; i^ la voie par laquelle on fait pénétrer l'oxygène est beaucoup trop lente j si l'on a égard à l'instantanéité de l'hématose : com- ment croire que l'oxygène de l'air inspiré parcourt aussi vite toute la filière des vaisseaux lymphatiques depuis le poumon jusqu'aux veines sous-clavières ? Et cependant cela serait nécessaire, puisque dans les expériences àe Bichat , le sang reparaissait rouge à la carotide , dès qu'on ouvrait de nouveau le robinet de la trachée-artère. La respiration ne devrait pas être plus prochainement nécessaire à la vie que la digestion ; au moins elle devrait pouvoir être impu- nément suspendue pendant quelque temps , le système lym- phatique du poumon devant contenir assez d'oxygène pour entretenir quelque temps l'hématose. 3° On admet une éla- boration de l'oxygène pendant son trajet dans la filière lym- phatique : mais de quelle élaboration peut avoir besoin ce gazj puisqu'au-delà il n'aura à ejffectuer qu'une action chi- mique et tout-à-fait analogue à celle qu'il exercerait hors du corps vivant? N'est-ce pas là une contradiction à reprocher aux auteurs de la théorie? 4'^ Dans cette théorie, l'héma- tose commencerait dès les cavités droites du cœur, et serait achevée avant que le sang fût arrivé au poumon ; cet organe, abstraction faite de l'absorption de l'oxygène qu'il aurait faite d'avance , n'y servirait plus que comme organe excré- teur des produits de la combustion. Mais nous avons dis- cuté cette opinion à l'égard de la théorie de Legallois. On ne voit pas le fluide se modifier du cœur au poumon; on ne peut que le présumer d'après des raisonnements, et nous avons vu qu'il y en avait d'aussi bons pour contester cette modification. Il devrait se faire un changement subit dans le sang aux veines sous-clavières; on devrait trouver Toxy- gène en nature dans la lymphe du canal thoracique , et cet oxygène et l'acide carbonique dans le sang de l'artère pul- monaire. La modification du sang se ferait donc par le fait seul de la réaction de l'oxygène sur les principes composants de ce fluide; et nous savons que tout fluide dans l'économie ne se fait jamais de cette manière, mais exige toujours î'ac- KESf»IRATION PROPREMEINT DITE. 269 tioii élaboralrice à^xin solide. 5^^ li,nfin , cette théorie atti'i- bue aux excrétions du pouînon une part aussi grande et même plus grande dans l'hématose qu'à l'enlèvement de l'oxygène, et nous avons vu que celte proposition n'était pas et ne pouvait pas être démontrée. Que devient cette théorie , si la perspiration pulmonaire provient du sang des artères bronchiques ? Si les excrétions du poumon ont une si grande part à l'hématose, et si l'oxygène pénètre par la voie lente que l'on indique ici, pourquoi la mort survient-elle si promptement dans le vide, bien que les excrétions puissent toujours se faire^ et que l'oxygène qui est dans les vaisseaux lymphatiques du poumon puisse encore continuer quelque temps l'hématose? Pourquoi la mort est-elle aussi prompte lors de la respiration de gaz qui n'asphyxient que d'une ma- tière négative ? Il nous semble que cette théorie n'est encore qu'une suite de celle des chimistes; et, encore une fois^ la chimie n'a servi qu'a spécifier l'élément de l'air qui est utile à l'hématose , elle n^a pas appris comment cet élément agit. Enfin, puisque les veines sont, aussi-bien que les lympha- tiques, des vaisseaux absorbants , ne peut-on pas dire que ce sont les radicules des veines pulmonaires qui, en même temps qu'elles saisissent le fluide à sanguifier , saisissent aussi l'oxygène de l'air, et qui fabriquent avec l'un et l'au- tre le sang artériel , à l'instar de tous les autres vaisseaux élaborateurs quelconques ? Nous avouons ^ à la vérité , qu'on ne peut voir cette action des veines pulmonaires, ni la prouver par des faits directs; mais voit-on mieux, et peut-on prouver aussi l'action des vaisseaux lymphati- ques ? Ce n'est que par voie d'exclusion , en quelque sorte , et d'après des raisonnements, qu'on fait saisir l'oxygène par l'un ou Tautre de ces deux ordres de vaisseaux , et beau- coup de raisons militent en faveur des veines pulmonaires. D'abord , tous nos divers fluides sont faits par les radicules des vaisseaux dans lesquels ils circulent; ce sont, par exem- ple, les radicules des chylifères qui font le chyle; ceux des lymphatiques qui font la lymphe, des veines qui font le sang veineux; ce sont les vaisseaux sécréteurs qui, dans chaque organe sécréteur, font les humeurs sécrétées diver- '7- 2 6o FONGTTOIN DE LA RESPIRATION. ses : quelle présomption déjà pour qu'il en soit de même du sang artériel ! pourquoi les radicules des veines pulmor naires ne seraient- elles pas pour ce fluide , dans le paren- chyme du poumon, ce que sont les radicules des sécréteurs dans le parenchyme d'une glande ? Ces veines ont des communications également faciles, et avec les ramifica- tions des bronches qui apportent Toxygène, et avec celles de l'artère pulmonaire qui apportent le fluide à sangui- fier : dès lors saisissant les deux substances sur lesquelles elles doivent agir, elles fabriqueraient avec elles le sang artériel. L'action dès lors n'est plus essentiellement chimi- que, et l'intervention d'un solide élabora leur se montre avec évidence. D'ailleurs, on voulait charger de l'absorp- tion de l'oxygène les vaisseaux lymphatiques du poumon : pourquoi dès lors n'attribuerait-on pas de même cette ab- sorption aux veines pulmonaires ? Les veines ne sont-elles pas des organes absorbants , tout aussi-bien que les lympha- tiques? Ces veines n'absorbent-elles pas partout? et pour- quoi n'absorberaient-elles pas de même au poumon ? Il est bien étrange que les partisans les plus exagérés de l'absoi'p- tion veineuse n'aient pas eu cette idée. On objectera peut- être la liaison qui existe entre la circulation du sang dans les veines pulmonaires, et celle de ce sang dans l'artère de ce nom par Taction du cœur. Mais n'en est-il pas de même pour le sang veineux de tout le corps? et si l'on ad- met cependant que les veines du corps , tout en recevant les restes du sang artériel , résorbent les débris des organes, les matériaux des absorptions internes, qui empêche d'ad- mettre que les veines pulmonaires ; tout en recevant le fluide à sanguifîer apporté par l'artère pulmonaire , en même temps absorbent l'oxygène et eflectuent l'hématose? Du reste , on peut , si on l'aime mieux , conserver l'expres- sion, quoique un peu vague, des auteurs qui disent que l'hématose se fait dans les systèmes capillaires du poumon; comme les nutritions, les sécrétions se font dans les systè- tèmes capillaires des parenchymes nutritifs, des organes sécréteurs. On peut dire avec M. Coutanceaa, que le poumon est à la formation du sang artériel , ce que le placenta est à RESPIRATION PROPREMENT DITE. 26 1 l'élaboration du sang <\u fœtus. Toules ces locutions ex- priment au fond peu de différences; les radicules des veines pulmonaires où nous conjecturons que la scène se passe, et que nous en présentons comme les agents , font partie des sys- tèmes capillaires du poumon ; elles ont certainement à cette profondeur une organisation spéciale puisqu'elles effectuent une élaboration si remarquable, et elles la doivent à leur disposition dans le poumon. On voit donc que ce n'est pres- que dire que ce que disent les autres physiologistes, sinon qu'en spécifiant les veines pulmonaires, nous rapprochons davantage l'action élaboratrice de la respiration des autres actions élaboratrices de notre économie. En somme, admettant que c'est par Tabsorption que pé- nètre l'oxygène, on ne peut rapporter cette absorption qu'aux vaisseaux lymphatiques ou aux veines , sauf à ajouter dans^ le premier cas que les radicules lymphatiques déposent de suite ce principe dans les vésicules pulmonaires. M. Alard admet un genre d'absorbants ouverts à la surface des bron- ches , etconduisant l'oxygène dans les vésicules pulmonaires. Peut-être y a-t-il là seulement cette substance gélatineuse, ce tissu grisâtre que l'on dit effectuer immédiatement toute absorption , et en conduire les produits dans l'intérieur des vaisseaux lymphatiques ou des veines. Quant à la manière dont l'oxygène sert à Thématose, nous avons vu qu'on ne pouvait admettre l'opinion des chimis- tes; nous avouons que nous l'ignorons pleinement. Telle est l'histoire de la respiration, fonction dont nous n'avons pu, en quelque sorte, que constater les résultats. Avant d'en venir à l'examen du sang qui en est le pro- duit, agitons encore une question, celle desavoir s'il n'y a dans le corps humain d'autre organe de respiration que le poumon. Beaucoup d'animaux ne respirent que par la surface ex- terne de leur corps : beaucoup aussi respirent à la fois et par un poumon ou une branchie, et par la peau. On s'est demandé si l'homme n^est pas dans ce cas. Quelques^ physio- logistes l'ont pensé : 1 o d'abord , par analogie avec les derniers animaux, dans lesquels la peau absorbe évidemment l'air utile 262 FOiSCTIOTN DE LA RESPIRATION. à la vie, comme il résulte des expériences de Spallanzani , de celles de MM. J^auquelin, Edwards el autres. 2^ D'après l'analogie tirée de la membrane muqueuse du poumon ,qui, évidemment, absorbe l'air, et qui, comme toutes les mem- branes muqueuses, paraît être un repli de la peau, et sem- ble s'en rapprocher par la texture. 3° Enfin , d'après des expériences desquelles il résulterait qu'une quantité déter- minée d'air fixé à la surface de la peau d'un animal vivant, y a été absorbée et altérée comme dans l'intérieur du pou- mon. Cruiskanh , par exemple, dit avoir remarqué que de l'air qui avait entouré sa main pendant quelque temps , était moins combustible et précipitait l'eau de cliaux. Jurine ayant placé son bras dans un cylindre hermétiquement clos, y trouva après deux heures de séjour 0,08 d'acide carboni- que. Qattoni ayant enfermé de jeunes garçons dans des sacs de cuir cjui les enveloppaient jusqu'aux lombes, trouva de même que Fair des sacs était diminué. Enfin, Âbernetty a fait trois expériences qui paraissent prouver la même ac- ^ tien. Dans l'une , sa main fut plongée pendant seize heures sous une cloche d'air placée sur la cuve à mesure; et après ce temps la cloche contint une demi-once d'un gaz dont l'eau de chaux absorba lesdeu:i tiers. Dans une seconde, sa main fut plongée de même dans r.-ne cloche pleine d'air, et au bout de cinq heures l'air de la cloche avait diminué d'une demi- once; Feau de chauj; absorba une des onces qui restaient; et à l'aide du gaz nitreux on prouva qu'il y avait eu un sixième de l'oxygène de l'air de la cloche d'enlevé. Enfin, dans la troisième, sa main fut plongée dans une cloche qui contenait sept onces d'azote; et après deux heures de séjour, il y eut plus d'une once en capacité de gaz acide carboni- que de produit. Ce fut de même avec le gaz hydrogène^, le gaz nitreux. du gaz oxygène pur. De tout cela, on a conclu que les surfaces qui sont en contact avec l'air, et surtout la peau, effectuaient une véritable action respiratoire. On a argue encore des expériences à^Jchard à Berlin , de Beddoès en Angleterre, de Njsten à Paris , dans lesquelles des gaz injectés dans des cavités splanchniques , et par conséquent absorbés par la surface des membranes séreuses, ont occa- RESFIRATIOIN PROPREMENT DITE. 2 63 sioné le même effet asphyxiant que s'ils avaient été respires. On a de là conjecturé que si , dans la plithisie, certaines parties présentent plus de rougeur et de chaleur que dans l'état de santé j comme les joues, les mains, c'est qu'alors elles redoublaient leur action respiratoire supplémentaire. Nous ne pouvons nous rendre à ces divers arejuments. D'abord , l'analogie avec les derniers animaux n'est pas suf- fisante. Nous avons dit que dans ces derniers animaux la peau exécutait à elle seule presque toutes les fonctions de la vie; mais qu'à mesure qu'on s'élevait aux animaux plus compliqués , il existait des appareils particuliers chargés de l'exercice de ces fonctions. Or, de même qu'il existe dans l'homme et dans les animaux supérieurs un appareil diges- tif, et que la peau n'est plus chargée d'absorber les maté- riaux nutritifs, de même il existe chez eux un appareil respiratoire , et dès lors il est probable que ce n'est plus par la peau que se fait la respiration. L'identité de texture en- tre la membrane muqueuse des bronches et la peau n'est admissible que sous un point de vue très général, et n'est pas applicable au cas particulier. Enfin, pour ce qui est des expériences , d'abord, elles prouvent plus l'exhalation, de l'acide carbonique que l'absorption de l'oxygène. En se- cond lieu, pour que cette exhalation d'acide carbonique pût être preuve d'une respiration cutanée , il faudrait que cet acide carbonique fût formé par l'oxygène de l'air que la peau est supposée absorber, et que la production de cet acide eût une part à l'hématose. Or, nous avons vu dans l'histoire de la respiration pulmonaire , que le premier fait était complètement faux, et le second incertain; il doit donc être jugé de même ici^ d'autant plus qu'on voit dans la transpiration cutanée la source évidente de cet acide carbonique, et que cet acide a été de même recueilli, lors- qu'on avait fait l'expérience avec des gaz non respirables, les gaz hydrogène, azote. Enfin , s'il y a eu enlèvement d'un peu d'oxygène , on peut l'expliquer par le fait seul de la continuité du contact, et de la grande avidité qu'a ce prin- pipe pour les combinaisons; et ce qui le prouve , c'est que Spallanzanî mettant des animaux morts, des coquilles 2 64 rOISGTiON DE LA. KESPIRATIOIT. d'œufs, des parties quelconques d'ua être animé, sous des cloches pleines d'air, a vu de même l'air diminuer. De ce que de l'air tenu forcément dans un contact prolongé ayec la peau a été un peu absorbé, il ne faut pas en conclure que cette absorption se fasse ordinairement. Si, d'ailleurs, il y avait une respiration à la peau, le sang qui revient de cette membrane devrait être artériel ; et c'est ce qui n'est pas. Enfin , nous avons dit que s'il est vrai que la peau de riiomme a une action absorbante , il est vrai aussi que la nature a voulu que cette action ne s'exerçât, en quelque sorte, qu'accidentellement, et lorsque le contact est pro- longé; car l'épiderme y met vraiment obstacle. Nous croyons donc que la peau n'absorbe l'air qu'éventuellement, et que quand elle l'absorbe , ce n'est pas pour l'employer comme le poumon l'emploie dans la respiration. ARTICLE IV. Du Sang artériel. Puisque la respiration n'est, en quelque sorte, qu'un genre d'absorption , l'absorption aérienne , et qu'elle a , comme toute absorption, pour résultat , un liquide, il sem- blerait que nous aurions dû , comme nous l'avons fait aux absorptions cbyleuse et lymphatique, après avoir traité de l'action d'absorption en elle-même, exposer le cours du liquide qui en est le produit , faire connaître les causes qui y président , et en général le caractère de sa circulation ; re- chercher s'il éprouve quelques modifications dans son cours; et enfin .terminer par Thistoire de ce fluide étudié en lui- même, dans ses propriétés physiques, chimiques, et dans sa quantité. Mais nous ne traiterons ici que de ce dernier sujet; le reste nous occupera à la fonction de la circulation et aux fonctions suivantes. D'une part, le sang artériel fait dans la respiration se rend par les veines pulmonaires dans les cavités gauches du cœur; celles-ci ensuite le projettent par l'artère aorte et ses ramifications dans les parenchymes des DU SANG ARTÉRIEL. 265 diverses parties où ce liquide doit être mis en œuvre. C'est la fonction de la circulation qui traite de cet objet. D'autre part, les causes qui jn'ésident à cette circulation, tous les phénomènes qui y ont trait, se rattachent aussi à l'histoire de cette fonction. Nous devons donc y renvoyer. Quant à la question de savoir si dans ce cours le sang artériel reste identique , ou va en éprouvant des modifications successives , nous avons déjà prononcé en faveur de la première opinion ; mais nous nous réservons d'en donner les preuves à la fonc- tion des nutritions, lorsque nous rechercherons si c'est un même sang qui nourrit tous les organes; on aura alors toutes les données pour prononcer, puisqu'on connaîtra par la cir- culation la route que suit le fluide, et les influences qu'il peut recevoir en chemin. Ici donc, nous allons nous borner à faire l'histoire du sang artériel. Pour s'en procurer, il suffit d'ouvrir une artère, et de recueillir le liquide qui en coule : c'est un fluide qui res- semble beaucoup , physiquement et chimiquement, au sang veineux , mais qui en diffère cependant grandement par ses usages, étant seul apte à nourrir les organes, et à les sti- muler à Texercice de leurs fonctions. C'est de même un li- quide rouge, d'une odeur fragrante d'ail ^ d'une saveur salée, d'une chaleur égale à celle du corps, visqueux, coa- gulable , d'une pesanteur supérieure à celle de l'eau distil- lée; qui, abandonné à lui-même, se partage aussi en deux parties, un sérum et un caillot; et qui, enfin, est composé chimiquement des mêmes éléments que le sang veineux. Voici les seules différences physiques et chimiques qui le distinguent : il est d'un rouge plus vermeil , a une odeur plus forte , une chaleur plus élevée d'un à deux degrés; une capacité pour le calorique plus élevée; M. Davj , évaluant celle du sang veineux 908 , estime celle du sang artériel 9 1 3 ; une pesanteur spécifique moindre; M. Da^y, évaluant aussi celle du sang veineux io52 , estime celle du sang artériel 1049 ' il est enfin plus promptementcoagulable , et contient moins de sérum. On avait dit aussi qu'il étail plus aéré; mais il est probable, ou qu'on ['a dit d'après une vue théo- rique déduite de la fonction de respiration, le sang d'une '266 FONCTION DE LA RESPIRATION, arlère ne paraissant pas contenir plus d'air que le sang d'une veine; ou qu'on a jugé d'après le sang des hëmoplv- siques, qui est toujoui's mêlé à du mucus qui relient plus ou moins d'air. Comme son odeur est plus prononcée, c'est à lui surtout qu'on a rapporté l'effluve odoi^ant que Rosa et , Moscati oui voulu considérer comme un élément particulier du sang, et auquel celui-ci aurait dû sa liquidité et sa vita- lité : mais chacun aujourd'hui nie l'existence de ce gaz comme élément spécial, et ne voit en lui qu'une volatili- sation , une dissolution par l'air, d'une portion de la masse sanguine. Du reste, c'est d'après le sang artériel , autant que d'après le sang veineux, qu'ont été faites les analyses que nous avons rapportées en parlant de ce dernier. Le sang artériel se partage aussi en sérum, en caillot. Le sérum est un fluide albumineux, une eau chargée d'albumine et de soude; cette albumine incinérée a donné à peu près autant de cendres que la matière colorante; et ces cendres sont com- posées des mêmes sels , phosphate et carbonate de chaux , un peu de magnésie et de carbonate de soude. Nous avons dit qu'il était moins abondant que dans le'saug veineux, et d'une pesanteur spécifique moindre. M. Dawy a évalué celle du sérum du sang veineux 1026^ , et celle du sérum du sang artériel 10257. Le caillot est ce qu'il est dans le sang vei- neux, sinon qu'il se forme plus tôt et a plus de fermeté. Nous renvoyons, du reste, pour les éléments constituants du sang artériel, à ce que nous avons dit à l'article du sang veineux; ces deux sangs, qui sont si distincts pour le phy- siologiste, se ressemblent au contraire aux yeux du chi- miste. Cependant, les observateurs microscopiques disent que le sang artériel contient davantage de particules rouges : sur 10000 parties, il y a, selon MM. Dumas et Prévost y 100 particules de plus. Nous n'avons pas besoin de dire que l'état physique et chimique de ce sang varie mille fois , se- lon les proportions et l'état des matériaux dont il dérive, selon le degré de plénitude avec lequel s'est faite lasanguifi- cation; bien qu'il n'y ait pas de rapports chimiques entre les fluides, chyle, lymphe et sang veineux, et le produit de l'hématose , c'est-à-dire le sang artériel , il y a d'autres rap- DU SA KG ARTÉIVIEL. 267 ports de quantité et de qualité; et si , par exemple, le chyle est trop peu abondant , ou de mauvaise qualité , par suite de la mauvaise nature des aliments , le sang artériel diminue, est appauvri, détérioré. Quant à la quantité du sang artériel , on n'a aucun moyen de la déterminer. Si on ouvre, dans un animal vivant, les gros troncs artériels, et qu'on recueille le sang qui en sort, la mort arrive avant qu'on ait obtenu tout le sang. Bientôt, d'ailleurs, la respiration s'embarrasse par suite de l'expé- rience , et le sang artériel cesse de se faire , de sorte qu^on recueille moins de ce sang qu'il n'en existe réellement. En général , les recherches qu'on a faites sur ce point portaient sur les deux sangs à la fois ; par exemple , Han^ey disait que le poids de tout le sang était le vingtième de celui du corps ; il jugeait d'après l'expérience suivante : il ouvrait les veines et artères à un animal , le faisait mourir ainsi en recueillant tout son sang, puis comparait le poids du sang à celui du corps; mais on peut objecter qu'il ne purgeait pas ainsi tous les systèmes capillaires du sang qui les abreuve. Tous les auteurs diffèrent dans les évaluations qu'ils ont données : Lobb et Lower disent qu'on a 10 livres de sang, tant arté- riel que veineux; Quesnaj dit 27 livres; Hoffmann ^ 28; d'autres disent 3o , et l'on croit que sur ces 3o livres, il y en a 1 G dans les artères , et que le reste esl dans les veines et les systèmes capillaires. Indépendamment de ce qu'on n'a aucune base rigoureuse pour justifier ces évaluations, on peut leur objecter, d'abord, que le sang doit varier en quantité selon l'âge, le sexe, le tempérament, les diverses conditions organiques dans lesquelles on peut être; et, en^ suite, que selon l'état des systèmes capillaires et le degré d'action du cœur, il y a des proportions mille fois variables de ce sang, dans les divers départements du système cir« culatoire. 3 68 FONCTION DE LA CIRCULATION. SECTION IV. FONCTION DE LA CIRCULATION. Maintenant que nous savons comment est fait le fluide essentiellement nutritif et réparateur, le sang artériel, il faut rechercher comment il est conduit aux organes où il doit être mis en œuvre. C'est un des offices de la fonction de la circulation^ dont nous allons traiter. Cette fonction de la circulation, à ne l'entendre que du cours du sang, n'existe pas dans tous les animaux : elle ne s 0J3serve que chez ceux qui ont ce fluide; elle manque, au. contraire, dans tous ceux chez lesquels les matériaux nutri- tifs vont immédiatement nourrir les parties. INous avons vu que, dans l'économie des animaux, son existence était une suite forcée de l'existence d'une respiration locale et de celle d'absorptions externe et interné distinctes. C'est à ces titres qu'elle existe chez l'homme; mais, dans cet être , elle se montre à un assez haut degré de complication. D abord, elle n'est pas eflectuée à l'aide de vaisseaux seu- lement. Ce ne sont pas des vaisseaux seuls qui, chez l'homme, portent, d'un côté , les fluides des absorptions, chyle, lym- phe et sang veineux à l'organe respiratoire, pour qu'ils y soient changés en sang artériel; et qui, d'autre part, por- tent ce sang artériel de l'organe respiratoire à toutes les parties du corps où il doit être mis en œuvre. Il y a des ani- maux, les vers, chez lesquels l'appareil circulatoire a ce degré de simplicité; et, chez eux, la circulation, qui mé- rite bien son nom, puisque le fluide qu'elle meut décrit un cercle, peut être définie l'action par laquelle le sang est porté de l'organe respiratoire aux parties du corps qu'il doit nourrir, et rapporté de ces parties à l'organe respiratoire. Mais , chez l'homme, il y a de plus sur le trajet de ces vais- seaux, dans un point déterminé de l'espace qu^a à parcourir le sang, un muscle creux qui, par ses contractions, imprime FONCTION DE LA CIRGULATIOIS. 2G9 un mouvement au fluide, et qui est ce qu'on appelle le cœur. Alors, comme le cœur fonde une des principales puissances de la circulation , comme il est le point où se rassemblent d'abord, et le sang veineux qui revient des parties pour être i*envoyéà l'organe respiratoire, et le san^ artériel qui revient de celui-ci pour être envoyé aux parties, on l'a considéré comme le centre de la fonctiou, et on a dès lors défini la circulation, non plus l'envoi du sang de l'organe respiratoire aux parties , et le retour de ce sang des parties à l'organe respiratoire, mais l'envoi du sang du cœur à toutes les parties, et le retour de ce sang de toutes les par- ties au cœur. Envisagée ainsi , la circulation ofïre toujours un cercle ; mais au lieu de fixer , comme dans le cas précé- dent, le commencement et la fin de ce cercle à l'organe res- piratoire , lieu où le sang se fait primitivement et revient se refaire sans cesse, ou les fixe au cœur, qui est l'organe de projection. Faisons remarquer aussitôt que, comme le cours du sang est continu, le cœur, par les contractions duquel ce liquide est projeté, doit nécessairement être composé de deux cavités qui se 'suivent et se communiquent, une par laquelle il reçoit le sang, et l'autre par laquelle il le pro- jette. Il était, en effet, impossible qu'une même cavité pût à la fois, et se dilatei* pour recevoir du sang, et se contrac- ter pour en lancer. La cavité par laquelle le cœur reçoit le sang est appelée oreillette , et les vaisseaux qui le lui appor- tent, sont nommées veines; et on appelle ventricule la ca- vité par laquelle le cœur lance le sang, et artères , les vais- seaux qui émanent de ce ventricule^ et dans lesquels il projette le liquide. En second lieu, la circulation cbez l'homme est double; parce que cbez lui tout le sang veineux doit à chaque cercle circulatoire, repasser en entier par le poumon avant d'être renvoyé aux parties ; et parce qu'il y a deux cœurs, un pour la circulation du sang artériel, et un autre pour la circula- tion du sang veineux. Il est des animaux, les reptiles , par exemple, chez lesquels tout le sang veineux qui revient des parties ne doit pas à chaque cercle circulatoire aller se re- faire dans l'organe de la respiration; une partie de ce sang 270 FONGTIOIN DE LA ClRCULATIOÎf . seulement y est conduite , et suffit pour revivifier toute la masse. Dans ce cas, il n'y a qu'un seul cœur , à l'oreillette duquel aboutissent à la fois, et le sang revivifié et artériel qui revient de l'organe de la respiration , et le sang veineux qui revient des parties ; le mélange de ces deux sangs se fait dans cette oreillette et dans le ventricule qui lui fait suite; celui-ci projette le fluide dans l'artère qui émane de lui ; et celte artère se partage aussitôt eu deux branches , l'une qui conduit à l'organe de la respiration la portion de sang qui va y subir l'influence de l'air, Tautre qui distribue aux parties la portion de sang qui doit les nourrir. Le fluide, si on dérive son cours du cœur, ne décrit qu'un seul cercle, et la respiration est ce qu'on appelle simple. Le cœur est , comme on dit , à un seul ventricule et à une seule oreillette. Quelquefois, cependant, celle-ci est comme subdivisée en deux, pour chaque espèce de sang; et quelquefois aussi le ventricule est partagé en loges , qui servent à diriger diffé- remment les deux sangs, ou à en faciliter" mécaniquement le mélange. Mais, dans d'autres animaux :, et l'homme est de ce nombre, il faut qu'à chaque cercle circulatoire tout le sang veineux qui revient des parties repasse par l'organe de la respiration, et s'y revivifie. Alors il faut nécessairement que les deux sangs restent isolés, ne se mêlent pas l'un à l'autre; et, pour cela, l'on observe l'une ou l'autre des trois dispositions suivantes : !« ou bien il n'y a pas de cœur, et la circulation est exclusivement accomplie par des vais- seaux, comme nous avons dit que cela était dans les "vers ; 20 ou bien il n'y a de cœur que pour l'un des deux sangs , soit pour le sang artériel , comme cela est dans les crustacés et la plupart des mollusques ; soit pour le sang veineux, comme dans les poissons. Dans ces deux classes d'animaux , en effet, le cœur est unique^ à un seul ventricule et une seule oreillette, comme dans les reptiles; mais^ au lieu d'appartenir aux deux sangs, comme cela était dans ces animaux , il n'appartient qu'à l'un des deux : il est ar- tériel ou aortique chez les premiers , et veineux ou pul- monaire chez les seconds. Z'^ Ou bien, enfin, il y a deux cœurs, un pour chaque espèce de sang, l'un, qui reçoit FONCTION DE LA CIRCULATTOIN . 271 le sang veineux du corps et l'envoie à l'organe de la respi- ration , apj)elé cœur "veineux ou pulmonaire; l'autre, qui reçoit de l'organe de la respiration le sang artériel, et l'en- voie aux parties qu'il doit nourrir, appelé cœur artériel ou aortique. C'est ce qui est dans les animaux supérieurs, l'homme particulièrement. A la vérité, les dcmx cœurs, étant accolés l'un à l'aulre, paraissent ne former qu'un seul organe; et de là, l'admission dans le corps de l'homme d'un seul cœur; mais ce cœur étant partagé en deux moitiés, une pour chaque espèce de sang; chacune de ces moitiés ayant une oreillette et un ventricule , chacune recevant ses veines pro- pres , etdonnant naissance à son artère spéciale, le cœur étant enfin, comme on le dit, à deux ventricules et deux oreil- lettes , ce n'est là qu'une pure dispute de mots, et c'est vrai ment comme s'il y avait deux cœurs. Or il est évident que dansée cas, qui est le plus complexe, si on veut toujours dériver du cœur la circulation , il faut la reconnaître ^oh- Z>/e, admettre deux circulations : 1" Fune, qui consiste dans l'envoi du sang veineux de l'une des moitiés du cœur, du cœur veineux ou pulmonaire, à l'organe de la respiration, et du retour de ce sang, alors redevenu artériel, à l'autre moitié du cœur, au cœur artériel , ou aortique; 20 l'autre, qui consiste dans l'envoi du sang artériel de cette moitié du cœur ou cœur aortique , aux divers organes du corps , et du retour de ce sang, alors redevenu veineux, à la moitié du cœur qui avait servi de point de départ à la première circulation, ou cœur pulmonaire. Dans chacune, le sang décrit un cercle dont chacune des moitiés du cœur, ou dont chaque cœur est le centre. L'une est appelée circulation pulmonaire , ou petite circulation, parce qu'elle aboutit à l'organe de respiration qui , chez l'homme , est un poumon, et qu'elle embrasse uu cercle plus petit. L'autre est dite la grande circulation , parce que destinée à tout le corps, elle représente un cercle plus grand. Seulement, les deux cir- culations s'alimentent réciproquement : c'est le sang qui a été fait dans la circulation pulmonaire, et qui est rapporté par elle, qui va alimenter la circulation du corps; et de même , c'est le sang veineux que rapporte la circulation gé- 272 FONCTION DE LA CIRCULATION, nérale qui va constituer la circulation pulmonaire, pour redevenir, pendant le cours de celle-ci , sang artériel. Pour cela , c'est à l'oreillette du cœur artériel qu'aboutissent les veines qui rapportent le sang de la circulation pulmo- naire , et c'est à l'oreillette du cœur pulmonaire qu'abou- tissent les veines qui rapportent le sang de la circulation générale. Mais entrons dans les détails de la fonction; ces détails éclairciront ce que cette première exposition peut laisser d'obscur : suivons notre ordre accoutumé , et commençons par l'étude analomique de l'appareil de la circulation. CHAPITRE PREMIER. De V Appareil circulatoire. L'appareil circulatoire se compose des parties dans les- quelles circule le sang , et par l'action desquelles ce fluide est mis en mouvement. Cliez l'homme, il est double comme la circulation elle-même , et comprend pour chaque cercle; un cœur, une artère par laquelle ce cœur lance le sang , des veines par lesquelles ce sang lui est rapporté, et enfin une masse considérable de vaisseaux très petits, intermédiaires aux terminaisons de l'artère et aux origines des veines, et qu'on appelle systèmes capillaires. Mais, comme chacune de ces quatre parties est semblablement disposée et organisée dans l'un et l'autre cercle; que même les cœurs sont con- fondus en un seul et même organe , ce que l'on dit de ces parties dans Fun des cercles est entièrement applicable à ces mêmes parties dans l'autre cercle , et on peut, par con- séquent, les décrire en même temps sous les quatre chefs indiqués. ARTICLE PREMIER. Du Cœur, ou des Cœurs. Les cœurs sont des muscles creux, dans la cavité desquels aboutissent les sangs veineux et artériel, imprimant par leurs contractions une impulsion à ces fluides, et qui sont, DU COEUR. 273 SOUS ce rapport, une des premières puissances de la circu- lation. Accolés l'un à l'autre, de manière à ne former qu'un seul organe, qu'un cœur à deux oreillettes et deux ventri- cules, comme on dit, nous allons les considérer d'abord comme séparés; ensuite nous parlerons d'eux comme for- mant un seul et même organe. 1» Le cœur du corps est encore appelé le cœur gauche^ aortique , ou rouge, parce que l'artère qui émane de lui est appelée aorte, et que le sang qu'il projette est le sang arté- riel. D'après sa situation, il est plutôt postérieur c[u.e gau- che. Il est composé d'une oreillette et d'un ventricule. JJoreilletie est de ses deux cavités la plus petite , et celle par laquelle lui arrive le sang artériel qui revient du pou- mon. Située à la base de l'organe, elle a une forme ovale , et une capacité difficile à apprécier. D'un côté^ elle offre les ouvertures des quatre veines venant du poumon, et par lesquelles lui arrive le sang artériel. De l'autre côté, elle présente une autre ouverture, qui la fait communiquer avec le ventricule correspondant. Sa surface interne est assez lisse , si ce n'est dans son appendice appelée auricule, où elle offre quelques faisceaux musculeux saillants, appelés colonnes charnues. Sa paroi interne lui est commune avec celle de l'oreillette de l'autre cœur, et offre un petit enfon- cement appeléyb^^e ovale, qui est la trace d'un trou, dit de Boial, qui, dans le fœtus ^ fait communiquer les oreillel tes des deux cœurs. Le ventricule est plus spacieux, et a des parois plus épais- ses : sa forme est celle d'un prisme triangulaire, dont la base correspond à l'oreillette et à l'ouverture de l'artère aorte, et le sommet à la pointe du cœur. Il donne naissance à une grosse artère, appelée aorte. Il offre dans son intérieur deux ouvertures : Tune , qui le fait communiquer avec l'o- reillette dont nous avons parlé tout à l'heure ; l'autre , qui conduit dans l'artère aorte. La première est garnie de deux replis, qui sont formés par la membrane interne du cœur, et qu'on appelle valvules murales ; la seconde en offre trois, qui sont appelés valvules si^mdides. L'une et l'autre sont à leur pourtour garnies d'une zone de tissu fibreux. Toute la Tome 111. 18 274 FOiNGTIOW DE LA GIRCULATION. surface interne de ce ventricule présente des faisceaux mus- ciileux saillants, qui sont croisés en tout sens, el qu'on Ap- pelle colonnes charnues; quelques-uns de ces faisceaux se (erminent par des tendons qui vont s'attacher au sommet (les valvules mitrales. Au sommet de ces valvules , sont des espèces de nœuds qui en facilitent l'occlusion ^ et qu'on ap^ pelle globules d' Arantius. La paroi interne de ce ventri- cule lui est commune aussi avec celle du ventricule de l'au- tre cœur. 2f> Le cœur du poumon , ou du sang noir, ou le cœur droite antérieur, esl coinr)o?,é àemèrae. Son oreillette j située aussi à la base de l'organe, a à peu près la même forme, la même capacité, et veçoit tout le sang veineux qui revient du corps. Elle offre aussi deux sortes d'ouvertures : celles par lesquelles elle reçoit le sang , et celle par laquelle elle le lance. Aux premières aboutissent trois veines , qui rapportent le sang veineux du corps : l'une, est la veine cave supérieure , dont l'emboucbure dans l'oreil- lette est en haut et en arrière, et dans la même direction que l'ouverture par laquelle cette oreillette communique avec son ventricule; l'autre est la veine cave inférieure, dont l'embouchure dans l'oreillette est en bas et en arrière , et qui est garnie en bas par le reste d'une valvule qui est très développée et très utile dans le fœtus, et qu'on appelle valvule d^Eustachi ; enfin, la troisième est le groupe des veines cardiaques , c'est-à-dire des veines qui rapportent le sang du cœur lui-même. L'ouverture par laquelle l'oreil- lette lance le sang , est celle qui le fait communiquer avec son ventricule, etest située en bas et en avant. La surface interne de cette oreillette offre beaucoup plus de ces faisceaux muscu- leux , appelés colonnes charnues, probablement afin de mieux produire le mélange intime des trois fluides des absorptions qui sont les matériaux de l'hématose. Sa paroi interneluiest de même commune avec celle de l'oreillette de l'autre cœur. Le ventricule , situé aussi à peu près comme celui de l'au- tre cœur, a généralement la même forme , mais d'ordinaire plus de capacité, et des parois moins épaisses. Il donne naissance à une grosse artère, appelée pulmonaire. Dans son t)U CŒUR. 275 inléi'ieur, sont aussi deux ouvertures : l'une dite auricu- laire , parce qu'elle le fait communiquer avec son oreillette , et qui est plus large qu'au cœur aortique ; l'autre ^ qui con- duit dans l'artère pulmonaire. La première est garnie de trois valvules dites tricuspides , et la seconde de trois autres appelées sigmoïdes. Toute sa surface interne offre des colon- nes charnues , mais moins nombreuses et moins croisées que dans l'autre cœur; quelques-unes aussi se terminent par des tendons qui s'attaclient au sommet des valvules tricuspides. A ce sommet sont aussi ces espèces de nœuds appelés glo- bules d^Arantius. Enfin., la paroi interne de ce ventricule lui est commune avec celle du ventricule de l'autre cœur. L'organisation de ces deux cœurs est entièrement la même; dans chacun d'eux on peut reconnaître les parties suivantes: 1» en dehors, une membrane séreuse qui les revêt, et qui est un prolongement de la membrane interne du péricarde ,' enveloppe commune des cœurs, dont nous allons parler ci- après. 20 En dedans, une membrane mince qui les tapisse, et qui forme, par ses replis, les valvules dont nous avons parlé. Seulement, comme cette membrane est dans chaque cœur en contact avec un sang différent, elle diffère de na- ture dans chaque. Dans le cœur du corps , elle est une con- tinuité de celle que nous verrons tapisser les veines pulmo- naires et l'artère aorte , et a pour caractères d'être peu extensible , fragile , et très disposée à s'ossifier. Dans le cœur du poumon , elle est , au contraire , la continuité de celle qui tapisse les veines du corps et l'artère pulmonaire , et a des caractères tout opposés , d'être très extensible, peu fra- gile, et peu disposée à s'ossifier. 3" Entre ces deux membra- nes , dont l'une est en dehors et l'autre en dedans des cœurs, est le tissu propre de ces organes, tissu de nature évidem- ment musculeuse , plus épais au ventricule qu'aux oreil- lettes , au ventricule du cœur du corps qu'à celui du cœur du poumon , dont les fibres paraissent former un entrela- cement inextricable , et sur la disposition duquel Sténon , Borelli , Lower , Vieussens , Lancisy , Tàbor ^ TVinslow , Cassehohn , Sènac , Wolff , et récemment M. Gerdy , ont fait de nombreux travaux. FFolffàil que ses fibres forment ■ 18. 276 FONCTION DE LA CIRCULATION. six plans ou couches superposées au ventricule gauche , et trois au ventricule droit; qu'aux plans externes, ces fibres sont en général obliques de haut en bas , d'avant en arrière et de droite à gauche, occupent toute la circonférence des ventricules, et s'étendent jusqu'à la pointe du cœur ; qu'aux plans moyens, elles sont dirigées en sens contraire, et déjà moins longues et moins larges; et qu'enfin, aux plans pro- fonds , elles ont une direction longitudinale, et sont les plus courtes possible. Ces couches ne sont pas simplement juxJta-posées, mais sont confondues en partie par des fibres qui se portent des unes aux autres. En général aussi , le^ fibres de chaque ventricule paraissent se terminer plus ou moins distinctement à la cloison qui les sépare. Aux oreil- lettes, TYolff n'admet que deux couches, une externe, à fibres transversales, et une interne, à fibres longitudinales. M. Gerdy établit que toutes les fibres des ventricules , quel- les que soient d'ailleurs leur étendue, leur situation et leur direction , représentent des espèces d'anses ^ emboîtées les unes dans les autres , les plus petites dans les plus grandes, dont la convexité regarde la pointe du cœur, en est plus ou moins rapprochée , et dont les deux extrémités sont cons- tamment fixées à la base du cœur, au pourtour des ouver- tures auriculaires et artérielles des ventricules. 4*^ Entîn , à» ce tissu musculeux qui fait spécialement le fond du cœur, il faut ajouter les éléments obligés de toutes parties vivantes : des artères , qui sont les cardiaques ou coronaires , première division de l'artère aorte > et qui portent dans les cœurs le sang artériel dont ces organes ont eux-mêmes besoin : des veines , les cardiaques , qui rapportent le sang veineux propre du cœur^ et dont nous avons indiqué l'embouchure dans l'oreil- lette du cœur du poumon : enfin des nerfs appelés cardia- ques, qui, dans leur distribution, suivent la disposition des artères coronaires. Les uns font venir ces nerfs exclusi- vement de la huitième paire ; les autres , d'un plexus formé par cette huitième paire et le trisplanch nique ; d'autres enfin, d'un ganglion nerveux, que l'on dit être spécial à la circulation , et situé derrière le cœur, les nerfs dits car- diaques n'étant alors que des filets de communication que co DU GOliUR. ;^77 ganglion envoie aux autres systèmes nerveux. Paj' ces nerfs , le cœur sera soumis à uïie influence nerveuse. Tels sont les deux cœurs. Dans chacun , les oreillettes sont constamment plus minces et plus capaces que les ven- îricules : les oreillettes de cliacun sont également épaisses et capaces; mais le ventricule du cœur du corps a générale- ment ses parois plus épaisses, probablement parce qu'il a à envoyer le sang beaucoup plus loin , et dans des tissus moins pénétrables. Au contraire, le ventricule du cœur du pou- m.on offre généralement plus de capacité, du moins à juger par la majorité des cadavres. Déjà Hippocj^aLe l'avait dit. Cliacun a cherché à en donner une explication; les uns ont dit que c'était l'effet d'une disposition native; d'autres ont pensé que c'était parce que le sang , rafraîchi lors de son passage dans le poumon , par le contact de l'air, occupait un moindre volume lorsqu'il arrivait au cœur du corps. Haller et Meckel ont avancé que le fait variait selon les circon- stances de la mort, et que si le plus souvent le ventricule droit était plus capace, cela tenait à ce que généralement, dans les agonies , le poumon était un des organes qui fléchis- sait des premiers , d'où embarras dans la circulation de cet organe, et reflux, ou du moins stagnation du sang dans les cavités droites du cœur. Ils ont, dans des expériences, rendu alternativement l'un ou l'autre des deux ventricules plus capace , selon qu'ils faisaient périr les animaux par une cause qui entravait la circulation dans le poumon ou dans l'aorte. Enfin, Ze^a//oz5 ayant expérimenté , avec du mercure, sur des chiens, des chats, des cochons-d'Inde, des lapins, sur l'homme adulte, sur l'enfant, le fœtus mort- né, dit avoir toujours trouvé, excepté dans le fœtus, le ventri- cule droit plus capace , soit que la mort soit venue par asphyxie , soit qu'elle soit venue par hémorrhagie : il pense que la différence tient à ce que le ventricule gauche, plus musculeux , revient davantage sur lui-même. Accolés l'un à Tautre, ces deux cœurs forment un seul organe, situé dans la région moyenne du thorax, par con- séquent à une distance à peu près égale des extrémités du tronc et des principaux viscères. Placé entre les deux pou- '2 y 8 FONCTION DE LA CIRCULATION, mons, dans la région du thorax la plus fixe , par opposition avec ce qui est de ces derniers organes, il est soustrait con- séquemment en grande partie aux mouvements propres de cette cavité. Il est d'ailleurs renfermé dans une capsule qui prévient ses déplacements, le péricarde , et logé dans la duplicalure des médiastins. Ce péricarde est une membrane fibro-séreuse, qui forme une enveloppe proteclrice au cœur, et qui se compose de deuxfeuillets : i» le feuillet extérieur est fibreux, composé défibres albuginées, et peut se séparer en plusieurs lames ; attaché au pourtour du centre plirénique du dia- phragme, il se continue sur chacun des gros vaisseaux qui arrivent au cœur ou en naissent. 2" Le feuillet interne est séreux, et d'une part tapisse le feuillet fibreux dont nous venons de pai'ler, et d'autre part se réfléchit sur le cœur qu'il revêt, et qu'il paraît suspendre dans l'enveloppe; il est le siège d'une perspiration , dont le fluide, qu'on trouve toujours en quantité plus ou moins grande dans le péricarde après la mort^ est le produit. Jadis l'histoire de ce péricarde a donné lieu à beaucoup de controverses sur le nombre des tuniques qui le forment, sur l'existence et l'origine de la sérosité qu'on y trouve après la mort , etc. Son usage est d'assurer la situation du cœur, qui est libre dans son inté- rieur, et dont les quatre cavités y jouissent de toule la plé- nitude de leurs mouvements ; aussi existe-t-il dans tous les animaux qui ont un cœur; et si, dans une expérience, on le coupe sur un animal vivant , on voit le cœur se jeter comme au hasard dans le thorax, et n'avoir plus que des mouvements irréguliers. ARTICLE II. Des Artères. Les artères sont des canaux d'une texture solide et élasti- que, qui naissent par un seul tronc du ventricule de chacun des cœurs, dans lesquels les contractions de ceux-ci projet- tent le sang, et qui le dirigent par des ramifications suc- I DES ARTÈRES. 279 cessives dans ces réseaux intermédiaires aux artères et aux veines, que nous avons ay)pelés systèmes capillaires. Celle qui naît du ventricule du cœur gau(!lie et qui conduis le sang artériel au corps, s'appelle aorte; et celle qui naît du ventricule du cœur droit , et qui conduit le sang veineux au poumon ., s'appelle artère pulmonaire. L'une et l'autre ne sont pas une continuité de tissu propre des ventricules; il n'y a de continu entre eux que la membrane interne qui ' les tapisse ; dans le reste , il n'y a qu'adhérence à l'aide d'un tissu fibreux intermédiaire attaché, d'une part, aux fibres des ventricules, et d'autre part à celles de la membrane propre des artères. L'une et l'autre, à leur origine, offrent trois replis valvuleux , appelés i^a/vzt/e^ sygmoïdes , dont nous avons déjà parlé à l'article de la description des cœurs, lo L'artère aorte, appelée encore a?'tère du corps ^ aus- sitôt qu'elle se sépare du ventricule, se porte d'abord en haut, étant encore renfermée dans la cavité du péricarde ; puis elle décrit une grande courbure , qu'on appelle crosse de r aorte, pour se reporter en bas; alors elle descend direc- tement en bas depuis le haut du thorax jusque sur le sa- crum, où elle se partage en deux troncs pour chacun des membres inférieurs , étant appliquée dans tout ce trajet sur le rachis. Dans cette longueur, elle donne naissance à une suite de troncs ;, de branches, de rameaux , de ramuscules , d'artères successivement décroissantes, qui distribuent le sang rouge dans toutes les parties du corps. D'abord, à l'o- rigine la plus rapprochée du cœur, se détachent les ar- tères cardiaques, qui se ramifient dans le tissu du cœur lui même. Ensuite, à cette courbure que nous avons appelée crosse de l'aorte^ naissent trois gros troncs, que dans leur ensemble on a appelé aorte ascendante , parce qu'ils se dis- tribuent à la tête et aux membranes suT3érieurs, tandis que le reste de l'aorte se ramifie aux parties inférieures. Ces trois troncs sont : le tronc innominé , qui , fort court, se partage bientôt en deux branches, V artère céphalique, destinée à la tête, et V artère axillaire destinée au membre supérieur droit : en second lieu, la carotide primitii^e , qui est plus à gauche, et qui se subdivise aussi en deux branches, la caro- 28o rOJXCTION DE LA CIRCULATION. tide interne, pour l'intérieur du crâne, et la carotide ex- terne^ pour l'extérieur de la tête : enfin, la sous-clavière , qui est plus à gauche encore, et qui se distribue à tout le membre supérieur gauclie. Ces trois troncs alimentent, par une suite de branches , de rameaux et de ramuscules succes- sivement décroissants , toutes les parties du corps qui sont au-dessus des clavicules, y compris les membres supérieurs. Le reste de l'aorte qui fait suite à la courbure, jusqu'à la bifurcation sur le sacrum , s'appelle aorte descendante , ou proprement dite, et successivement donne naissance; aux artères intercostales, bronchiques ; à un gros tronc appelé cœliaque , qui, bientôt se subdivise en trois branches, les dj^leves coronaire stomachique^ hépatique et splénique; a.ux artères 7'énales , mésenîérique supérieure , mésentéi^ique in^ férieure, etc. Enfin , sur le sacrum , cette aorte se bifurque en deux gros troncs appelés iliaques pj'iniitiwes , et chacun de ces troncs ensuite se subdivise en deux sortes de branches; les unes dites pelviennes , qui se distribuent au bassin ; les autres appelées crurales , qui se portent au membre infé- rieur. Entre les deux iliaques primitives, est une artère appelée sacrée moyenne , qui est assez petite chez l'homme, mais qui est fort grosse chez les animaux dans lesquels la queue n'est pas , comme chez nous, rucîimentaire. Du reste, il serait hors de notre objet d'énumérer ici la succession des divisions et subdivisions de l'aorte : il suffit de dire que de ce gros tronc vasculaire naissent des séries de vaisseaux suc- cessivement décroissants , qui portent le sang artériel dans le parenchyme de toutes les parties, et qui à la fin parvien- nent à un degré de capillarité tel qu'on ne peut plus les distinguer dans la trame des organes : alors ils font partie de ce qui constitue la troisième partie de l'appareil circula- toire , les systèmes capillaires. Les divisions successives de cette artère ne sont pas des , cônes, mais une suite de cylindres décroissants, sans qu^il y ait du reste aucun l'apport nécessaire de volume dans leur décroissance : par exemple , le tronc de l'aorte fournit sou- vent de très petites branches. Les bifurcations se font sous toutes sortes d'angles , sous des angles droits, aigus, ob- DES AIITÈRCS. 281 lus, etc. Le tronc central et ses principaux rameaux sont placés profondément, et liors de toutes atteintes extérieu- res : les grosses brandies occupent les grands intervalles des organes; les rameaux occupent les petits, et sont générale- ment plus flexueux. Dans le trajet, ces vaisseaux suivent une direction tantôt droite, tantôt flexueuse. Ils communi- quent souvent entre eux , et leurs anastomoses sont d'autant plus fréquentes, que les artères sont plus petites et plus éloignées du cœur. Beaucoup de calculs ont été faits pour apprécier le nombre des divisions que présente l'aorte depuis sa sortie du cœur jusqu'à sa ramification dernière; Hallera. porté ce nombre à 20 , Keil, à 5 o, etc. 11 3'ésulte de cette description, que le système vasculaire de Taorte représente dans son ensemble un arbre, qui a son tronc au cœur, et ses ramifications aux parties; avec cette différence cependant, que les ramifications ne sont pas li- bres, mais forment à leurs extrémités un réseau où elles communiquent entre elles , et avec les systèmes vasculaires veineux, sécréteurs et lymphatiques. En outre, comme un tronc a toujours moins de capacité que les deux rameaux qu'il forme, il s'ensuit que le système représente dans son ensemble un cône qui a son sommet au cœur, et sa base aux parties; qu'ainsi , la capacité du système artériel va en aug- mentant du cœur aux parties. Des calculs ont été faits pour évaluer les rapports de la capacité de l'aorte à son origine, à celle de tous ses rameaux réunis : le rapport est comme 1 à 44507, selon Keil; comme 1 à 5oo, selon HeWétius et SjWa; comme 90000 à 118490, selon Senac. Martin a. dit que le calibre d'un tronc égalait la racine cube des diamè- tres des branches. , 20 L'artère pulmonaire a beaucoup d'analogie avec la pré- cédente, et nous a déjà occupé à la fonction de ia respira- lion , lorsque nous avons décrit la structure du poumon, lienfermée d'abord dans le péricarde, bientôt elle en sort, et se partage en deux branches qui s'accolent aux bronches , et se dirigent du côté de chaque poumon. Chacune de ces branches va en se divisant successivement en rameaux et ra- muscules successivement décroissants, à mesui'e qu'elle pé- 282 FONGTIOIS DE LA CIRCULATION. îiètre leparencbyme de l'organe, siiivaiil dans cette subdi- vision Jes divisions des bronches elles-mêmes. Enfin ^ de même que l'aorte finissait dans le parenchyme des diverses parties du corps par des ramuscules, si nombreux que toutes en recevaient, et si déliés qu'on ne pouvait en apercevoir la disposition ; de même finit l'artère pulmonaire dans le tissu du poumon. Cette artère présente aussi dans son ensemble, non une suite de cônes , mais une suite de cylindres succes- sivement décroissants : elle a également la forme d'un arbre, dont le tronc est au cœur, et les ramifications au poumon. Seulement, ces ramifications, au lieu d'être libres, sont aussi unies entre elles en réseau dans le tissu du poumon. Enfin, la capacité de ce système vasculaire va de même en augmentant, depuis son origine dans le cœur, jusqu'à ses terminaisons multipliées dans le système capillaire du poumon. L'organisation et la texture de ces artères sont les mêmes dans chacun des deux cercles, et c'est pour cela que nous en traitons au même lieu. Cette organisation a été l'objet de beaucoup de travaux, parce qu'on a espéré avec juste raison approfondir parelle le mécanisme de la circulation. Les artè- res sont formées de plusieurs tuniques qui sont superposées les unes aux autres, et doni chaque auteur a indiqué un nom- bre divers. Willis , par exemple, en admettait cinq; Boër- haa{>e , Vieussens , quatre , les troi? dont nous allons parler, et une quatrième qui fut dite lour-à-tour nerveuse, vascu- laire ou glanduleuse. Aujourd'hui, on ne leur en reconnaît que trois : i^ une extérieure , appelée nery^euse par Albinus , cartilagineuse par Vesale , tendineuse par Heister, mais qui doit être nommée la tunique celluleuse des artères, parce qu'elle est formée par du tissu cellulaire condensé. C'est gé- néralement la seule qui reste intacte dans les anévrysmes vrais. 20 Une intérieure , qui lisse, polie, est une conti- nuation de la membrane qui tapisse l'intérieur du cœur. Dumas dit qu'elle exhale un fluide qui est destiné à la dé- fendre du contact du sang ; mais cela est douteux , car on voit que toute artère s'oblitère , dès que le sang cesse de la tra- verser, ce qui ne devrait pas être dans l'hypothèse de Dumas; DES ARTÈRES. 283 il est probable que le fluide séreux qu/on a cru provenir d'une action exhalante de la membrane, était le produit de la séparation cadavérique du sérum du sang. Puisque cette membrane est la continuation de celle qui tapisse l'un et l'autre cœur, nous n'avons pas besoin de dire qu'elle n'est pas la même dans l'artère aorte et dans l'artère pulmonaire : dans la première, c'est celle du cœur rouge, et elle est de même peu extensible, fragile, et disposée à s'ossiiier; dans la seconde, c'est celle du cœur noir, et elle est dès-lors ex- tensible , non fragile , et non disposée à s'ossifier. 3^ Enfin , entre ces deux membranes , en est une troisième qui est celle qu'on appelle la membrane propre des artères y et celle sur laquelle ont porté principalement les débats : elle est com- posée de fibres jaunes, circulaires ou transversales, mais non longitudinales. Beaucoup de recherches ont été faites pour découvrir sa nature. On a dit d'abord qu'elle était mus- culeuse, et cela dans la vue de trouver une puissance de plus pour la circulation ; mais cela est démenti par l'ana- tomie; la fibre de la membrane propre des artères n'a aucun des caractères physiques, chimiques, anatomiques , physio- logiques de la fibre musculaire. Le tissu musculeux, par exemple, est mou, extensible, contractile; et cette mem- brane des artères est ferme, soHde, élastique , fragile , faci- lement coupée par une ligature, et inapte à manifester la moindre irritabilité par tout irritant mécanique ou chimi- que quelconque : Njsten lui a vainement appliqué le gal- vanisme. Le tissu musculeux a les fibres rouges, celle-ci a les fibres jaunes. D'autres ont émis qu'elle était de nature fibreuse; mais elle diffère encore en beaucoup de points du tissu fibreux. C'est vraiment un tissu d'une nature spé- ciale, reconnaissant pour base ce tissu très élastique, dont les anatomistes zoologistes ont fait dans ces derniers temps un tissu particulier, sous le nom de tissu jaune. Les fibres de cette membrane ont une forme aplatie et non arrondie ; ellessontplutôt simplement juxta-posées, qu'uniesentreelles par du tissu cellulaire ;, d'où résulte la fragilité que pré- sente cette membrane. Les artères, outre ces trois tuniques, en empruntent souvent une quatrième de la membrane se- â84 FONCTIOIS DE LA CIRCULATION, veuse des cavités splanchniques qu'elles parcourent; etc^est ce qui a causé la dissidence des auteurs sur le nombre de leurs tuniques constituantes. Elles reçoivent de plus les éléments obligés de toutes parties vivantes, savoir, des ar- térioles, des veinules, des vaisseaux lympliatiques , et des nerfs. Ceux-ci venant du sympathique, forment comme un réseau autour d'elles , et les accompagnent dans toutes leurs ramifications. Quoique la tunique propre des artères aille en diminuant toujours des troncs aux rameaux , eu égard à son épaisseur, elle a dans les rameaux une épaisseur proportionnellement plus grande, et de là les parois des artères se montrent d'autant plus épaisses et d'autant plus molles, que les artères sont plus petites. Ce mode d'organisation rend ces vaisseaux assez résistants, et surtout très élastiques; propriétés qui leur étaient néces- saires, la première pour qu'ils puissent supporter le cboc du sang projeté avec force par le cœms la seconde afin qu'ils puissent réagir sur le sang avec une force égale à celle qui les dilate, et influer par là sur le cours de ce liquide. Aussi , leurs parois restent-elles écartées sur le cadavre, et c'est par là qu'ils se distinguent des veines. Wintringhani a cberclié , en injectant de l'air ou du mercure dans leur in- térieur, à évaluer la mesure de leur résistance, et quel était le rapport de cette résistance avec l'épaisseur de leurs parois et leur capacité : il dit que cette résistance est en raison inverse de la dureté du tissu des artères, et qu'elle est plus grande dans les petites artères. Celles-ci , en effet , se mon- trent moins souvent anévrysmatiques. Ces artères reviennent sur elles-mêmes, quand le sang qu'elles cliarient diminue, ou même manque tout-à-fait : d'où l'on conçoit qu'elles of- frent de grandes variétés dans leur volume dans les cada- vres, selon que la mort est arrivée par asphyxie ou par lié- morrhagie. La vitalité de ces vaisseaux est peu marquée, leurs maladies peu nombreuses et rares; ce qui s'accorde avec le rôle presque passif , et néanmoins important, qu'ils jouent dans la circulation. Tout ce que nous venous de dire est commun aux deux artères de l'une et l'autre circulation. Seulement, l'artère DES SYSTÈMES CAPILLAIRES. 385 du poumon est moins grosse , moins étendue , moins solide , parce que le cœur droit est moins fort, et par conséquent l'expose à un choc moindre. Elle oUre moins d'anastomoses entre ses branches, si ce n'est à ses terminaisons, et or» conçoit pourquoi. Enfin, sa membrane interne est différente, c'est celle du système vasculaire à sang noir. ARTICLE III. Des Systèmes Capillaires. Cette troisième partie de l'appareil circulatoire consiste en ces réseaux vasculaires qui sont intermédiaires aux ar- tères et aux veines, où finissent les unes, où commencent les autres , et que traverse nécessairement le sang pour aller des premiers de ces vaisseaux aux seconds. Ces systèmes ca- pillaires, ainsi nommés parce que les vaisseaux qui les for- ment sont aussi fins que des cheveux, sont de plus les lieux où les deux espèces de sang subissent chacun une transfor- mation importante , où le sang artériel est changé en sang veineux, et le sang veineux en sang artériel. Ils sont de deux espèces : le système capillaire général , qui est celui où aboutit le sang artériel et où se fait le sang veineux, ainsi nommé parce qu'il est formé par l'ensemble de toutes les parties : et le système capillaire pulmonaire , qui est celui où aboutit le sang veineux, où ce sang est changé en artériel, et qui siège dans le tissu du poumon. La texture de ces systèmes capillaires est sans contredit un des points les plus importants à connaître pour Fhistoire de la circulation ; et à cette question se rattache la connais- sance des modes selon lesquels se terminent les artères et commencent les veines. Mais la ténuité des parties est telle qu'on ne peut rien voir. Que, d'une part, ensuive le plus loin possible dans le tissu d'un organe (car ces systèmes ca- pillaires sont le parenchyme même des organes, et sous ce rapport leur étude se représentera encore à nous à l'article des nutritions) une artère; que^ d'autre part, on suive de même une veine dans la vue de remonter jusqu'à son origine 586 FOKCTIOIN DE Ll CIIiCULATION. première; dans l'un et l'autre cas la dissection devient bien- tôt impossible , et le-vaisseau échappe à la vue , avant que Ion soit parvenu au terme que l'on désire. Les observations microscopiques sur les animaux vivants , et les injections sur le cadavre, ou pendant la vie, sont les seuls moyens qu'on possède pour éclairer un peu îa question. Jadis les Anciens admettaient entre les artères et les veines une sub- stance intermédiaire, formée par un liquide épanclié, pro- venant du sang, et qu'ils appelaient parenchyme. Mais il paraît qu'il y a une communication directe des artères aux veines. En effet, Leuwenhoëck et Malpighi , dans leurs ob- servations microscopiques sur les animaux vivants, ont vu le sang passer directement des dernières artérioles dans les premières veinules ; et quand on injecte une artère , soit sur le vivant, soit dans le cadavre, on voit la matière de l'in- jection passer dans les veines. Seulement, on ignore comment a lieu cette communication. On dit généralement que les systèmes capillaires ne sont que les dernières extrémités des artères , devenues presque imperceptibles par suite de leurs divisions successives, et se recourbant sur elles-mêmes pour donner naissance aux veines. On admet que les dernières extrémités artérielles communiquent là entre elles par les anastomoses les plus multipliées , au point de constituer des réseaux qui seulement diffèrent dans les diverses parties du corps. On ajoute que, présentant une capillarité plus ou moins grande , tantôt elles sont assez grosses pour admettre les globules rouges du sang, et être des capillaires rouges, et tantôt ne peuvent plus admettre que la partie séreuse du sang, et sont des capillaires blancs. On dit que dans ces systèmes les artères s'abouchent aux veines de deux maniè- res, ou en se réunissant en arcades à leur sommet, ou en marchant parallèlement les unes aux autres, et s'envoyant un grand nombre de petits rameaux transverses. On croit enfin que les artères contribuent plus que les veines à la formation de ces systèmes capillaires, les veines ayant déjà, lorsqu'elles s'en séparent, un volume assez marqué. On ne peut admettre avec Jutenricth , que les artères , à leurs ra- mifications dernières , se réunissent en troncs pour se diviser DES SYSTÈMES CAPILLAIRES. 287 ensuite de nouveau avant de communiquer avec les veines , de manière à représenter un système analogue à celui de 1rs veine-porte. Ce qui ajoute à la difficulté, c'est que ces systèmes ca - piîlaiies doivent avoir une disposition qui , non-seulement y permette la continuité de la circulation, mais encore qui laisse le sang se modifier pendant qu'il y circule, c'est-à-dire qui les rende propres à exécuter les nutritions , sécrétions et calo- rifications dans !e système capillaire général , et l'hématose dans le système capillaire pulmonaire. Les uns ont dit avec Mascag7ii , (^ue les dernières extrémités artérielles qui for- ment ces systèmes^ étaient percées vers leur point de conti- nuation avec les veines, de pores latéraux par lesquels tran- sudaient les matières nutritives et sécrétées. Les autres ont pensé que les artères se terminaient par trois ordres de vaisseaux, des exhalants nutritifs qui déposent dans les or-^ ganes la matière nutritive , des sécréteurs qui séparent du sang les liumeurs sécrétées, et les veines qui rapportent le sang qui , par ces élaborations ou par d'autres, est redevenu veineux. A cette manière de voir se rapportent le système des six ordres de vaisseaux décroissants de Leuwenhoeck , destinés à chacun des six globules du sang ; celui des vais- seaux névro-lymphatiques de P^ieussens ; celui des vaisseaux décroissants jaunes et blancs de Boërhaa^e , offrant succes-^ sivement un calibre de plus en plus petit, mais toujours en rapport avec le volume des globules du liquide. 11 en est qui conjecturent que les artères se terminent par des ramus- cules d'un ordre particulier, qui exhalent la matière nutri- tive; et que de même les veines naissent aussi par un ordre particulier de vaisseaux qui en absorbent les débris. Enfin ^ beaucoup de modernes , M. Jlard , par exemple , professent qu'en dehors du cercle vasculaire, formé par la continuité des artères et des veines , il est un ordre de vaisseaux par- ticuliers , étendus des parois des artères aux parois des vei- nes, puisant d'un côté dans les artères, versant de l'autre dans les veines, et qui , accomplissant les actions de nutrition , de sécrétion dans le système capillaire général , et celle de l'hématose dans celui du poumon , sont la cause des trans- 288 FONCTION DE LA CIRCULATION. formations qu'éprouve le sang dans ces systèmes. Tout ceci rentre dans l'impossibilité tant de fois accusée de connaître la texture intime des organes , et ce problème d'anatomie est encore à résoudre. Du reste , à la fonction des nutritions , nous reviendrons sur ces systèmes capillaires, à la compo- sition desquels concourent plusieurs éléments organiques autres que les artères et les veines ; savoir , des vaisseaux lymphatiques, des nerfs qui peut-être exercent une influence prochaine sur le mode d'action de ces systèmes capillaires dans la circulation , et du tissu cellulaire qui sert de soutien à tous ces vaisseaux. N'en traitant ici que sous le rapport de la circulation , nous nous bornons à assurer qu'au tra- vers d'eux, les artères communiquent directement avec les veines. Tout ceci doit s'entendre également des deux systèmes capillaires. A l'article de la respiration ^ nous avons vu que la disposition du parenchyme du poumon n'était pas plus facile à caractériser que celle de tout autre organe : nous avons dit que les injections prouvaient aussi une commu- nication directe entre les ramifications de l'artère pulmo- naire et celles des veines pulmonaires, et qu'on avait fait sur le mode de cette communication les mêmes conjectures que nous venons de mentionner. Les seules différences en- tre les deux systèmes capillaires sont les suivantes : lo Le système capillaire du poumon est moins étendu que le gé- néral. 20 II exerce sur le sang une élaboration inverse de celle que fait subir le système capillaire général , puisqu'il le 3'end artériel au lieu de le rendre veineux. 3» Enfin, il est le même dans les divers points de son étendue, tandis que le système capillaire général a dans chaque partie une disposition différente. Celui-ci diffère en effet dans chaque organe du corps , et sous le rapport de la proportion de ses éléments constituants, et relativement à sa texture propre, quelque inconnue qu'elle soit : on en a la preuve par l'in- spection même des parties, par la facilité plus ou moins grande avec laquelle chacune se laisse pénétrer par les in- iections, après comme pendant la vie j par la prédisposition diverse qu'elles présentent aux inflammations, aux hémor- DES VEINES. 289 rhagies ; enfin , parce que chacune ne renouvelle avec le sang que sa propre substance. ARTICLE IV. Des Veines. Enfin, la quatrième partie de l'appareil circulatoire se compose de vaisseaux de retour, qui, naissant dans les sys- tèmes capillaires par des radicules très déliés, y recueillent le sang, et le rapportent par des rameaux de plus en plus gros et de moins en moins nombreux, aux cœurs. Ces vais- seaux sont appelés veines. Il y en a aussi de deux espèces pour chacune des deux circulations : les veines du corps , qui recueillent le sang veineux dans le système capillaire général , et l'apportent au cœur du poumon ; et les veines pulmonaires, qui recueillent le sang artériel dans le système capillaire du poumon , et l'apportent au cœur du corps. lo Les veines du corps ont été décrites avec détail à l'ar- ticle de l'absorption, et conséquemment nous n'avons be- soin que de rappeler ce que nous en avons dit alors. Elles commencent par des ramuscules très déliés dans le système capillaire général, dont, sous cette forme, elles constituent un élément. On ne peut rien voir de cette origine. De là elles cbeminent du côté du cœur, en formant successivement des rameaux, des branches, des troncs , qui sont de plus en plus gros et de moins en moins nombreux à mesure qu'ils approchent de ce viscère. Enfin, toutes aboutissent à trois gros troncs qui s'abouchent eux-mêmes dans Foreillette du cœur pulmonaire, et qui sont la veine cave supérieure, la veine cave inférieure , et les veines cardiaques ou coro- naires; nous en avons déjà parlé lors de la description des cœurs. Dans ce trajet , ces veines offrent une succession , non de cônes, mais de cylindres progressivement croissants. Les réunions se font sous des angles très divers, aigus, obtus, droits; les troncs centraux sont placés profondément, à l'abri de toute atteinte extérieure; les branches, moins Tome UL 19 2 go FONGTÎOW DE LA CIRCULATION. grosses, sont égaleaieiit plus ou moins protégées en raisoil de leur importance. Dans leur trajet , ces veines suivent une direction, tantôt droite et tantôt flexueuse; en général, elles offrent moins de flexuosités que les artères. Il existe aussi beaucoup d'anastomoses entre elles , même plus qu'aux artères, et ces anastomoses sont d'autant plus fréquentes que les veines sont plus petites et plus éloignées du cœur. Ces veines ont donc aussi dans leur ensemble la forme d'un arbre, dont le tronc est au cœur, et les ramillcations dans la généralité des parties, dans les systèmes capillaires; et, comme deux rameaux veineux ont ensemble plus de capa- cité que le tronc qu'ils forment par leur réunion , il en ré- sulte que la capacité du système veineux va en diminuant des parties au cœur. Ces vaisseaux ont dans leur intérieur des valvules, et af- fectent généralement deux plans, un profond , qui ordinai- rement est accolé partout aux artères, et en suit la distri- bution ^ et un supeiJicieL Comme celui-ci existe dans le système veineux en plus que dans le système artériel; qu'en outre , il y a toujours au plan profond deux veines pour une artère , et qu'enfin les veines sont partout plus grosses que les artères qui leur correspondent , il en résulte que le sys- tème veineux abeaucoup plus de capacité que le système ar- tériel. INous avons dit plus haut quels rapports les auteurs avaientadmis entre la capacité del'un etcellede l'autre; mais nous avons ajouté qu'on manquait de base pour faire au juste celte évaluation. Les troncs qui sont les aboutissants de tout le système, ne sont pas plus que les artères, continus au tissu du cœur; il n'y a de commun entre eux et le cœur^ que la membrane interne qui les revêt, et qui est la même que celle qui tapisse le cœur. 2^^ Les veines pulmonaires ont de Hiême été décrites à l'article de la respiration, et ont d'ailleurs une disposition tout-à-fait analogue. Elles commencent aussi par des ra- niuscules très déliés, et qui sont inapercevabies par nos sens, dans le tissu capillaire du poumon; elles forment ensuite une succession de rameaux , de branches, de troncs de plus en plus gros et de moins en moins nombreux , à mesure DES SYSTÈMES CAPILLAIRES. 29 1 qu'elles approchent du cœur. Toutes aboutissent enfin à quatre troncs appelés les ^veines pulmonaires , qui s'abou- chent dans l'oreillette du cœur. Il en résulte de même un système, non de cônes, mais de cylindres successivement croissants : ce système a aussi la forme d'un arbre , qui a son tronc au cœur, et ses ramifications dans le paren- chyme du poumon, dans le système capillaire pulmonaire: sa capacité va de même en diminuant du poumon au cœur. Quanta la texture de ces vaisseaux, elle est la même dans l'un et l'autre de ces systèmes veineux. On Ta décrite dans, le temps. Toute veine résulte de la superposition de trois tuniques , 10 une extérieure, de nature celluleuse; 2« une intérieure, qui est une continuité de celle qui ta- pisse l'intérieur du cœur, et qui forme, dans l'intérieur de ces vaisseaux , des replis appelés n^alvules , dont nous indi- querons l'usage dans la circulation; 3o enfin, entre ces deux membranes , une troisième appelée la membrane propre des "veines ^ qui est sui generis , qui diffère surtout de la mem- brane propre des artères, en ce qu'elle est plus extensible et beaucoup moins fragile. Tout est donc encore commun entre les deux systèmes veineux. Seulement, les veines du poumon offrent les par- ticularités suivantes : lo leur membrane propre est plus épaisse et un peu plus élastique; 20 elles n'ont pas de val- vules dans leur intérieur; 3^ la membrane interne qui les tapisse est celle qui revêt le cœur artériel , et par conséquent elle est comme celle des artères , fragile, peu extensible , et très disposée à s'ossifier; 4^^ elles n'offrent pas autant d'anasto- moses entre elles; 5» enfin , elles n'affectent pas, comme les veines du corps, deux plans, urr superficiel et un profond. Decedernierfait, il résulte que, tandis que tout anatomiste reconnaît que les veines du corps surpassent en capacité l'artère du corps, il y a controverse pour savoir si les veines du poumon sont de même à l'égard de l'artère pulmonaire: Bichat le croit; mais Helvétias ^ FFinslow ^ Haller ^Meckel^ M. C/zaa^jier , professent le contraire. M> 292 rONCirON DE LA CmCULATlON. CHAPITRE II. Mécanisme de la Circulation, Le sang contenu dans l'appareil que nous venons de dé- crire n'y est pas immobile ; au contraire, il s'y meut sans cesse et dans une direction déterminée que voici. Suppo- sant le sang veineux , qui revient du corps, versé dans l'o- reillette du cœur droit , il passe de cette oreillette dans le ventricule correspondant , et celui-ci le projette par l'artère pulmonaire et ses ramifications dans le système capillaire du poumon; traversant alors ce système, il y est par l'acte de la respiration changé en sangartériel,etilievientsouscette ferme par les veines pulmonaires dans l'oreillette du cœur gauclie : celle-ci alors le projette dans le ventricule corres- pondant; puis, ce ventricule, par l'artère aorte et ses ra- mifications, le pousse dans le système capillaire général; là, il est changé en sang veineux, et il est rapporté sous cette forme par les veines du corps dans l'oreillette du cœur droit, où nous avions supposé commencer le cours du sang. Tel est le mouvement entier de la circulation, et il est aisé d'y reconnaître les deux cercles que nous avons annoncé, le cei'cle pulmonaire et le cercle général. Mais nous ferons aussitôt sur l'un et sur l'autre les deux observations sui- vantes : 1^ loin d'être isolés, ils se font suite; le cercle du poumon commence où a fini celui du corps , et finit où celui du corps a commencé, et vice versa; i"> ils s'accomplissent en même temps , ce qui semble les réduire à un pour le mé- canisme de la circulation ; c'est en effet en même temps que les deux oreillettes de l'un et l'autre cœur se contractent et se dilatent pour projeter et recevoir le sang; il y a de même harmonie dans l'action des deux ventricules. En un mot, de même que les appareils de chacun des deux cercles étaient composés des mêmes parties: de même, dans chaque cercle, le rôle de ces parties estrespectivemeut semblable, et s'accomplit en même temps. Ce cours du sang ne fut pas toujours connu : les Anciens MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 29^ ne croyaien t qu'à un simple balancemen l de ce fluide dans les veines, balancemen t qu'ils comparaient à l'oscillation des floLs de l'Euripe. Comme dans les cadavres, les artères sont géné- ralement vides, ils croyaient qu'elles l'étaientde même pen- dant la vie , ou qu'au moins elles ne cliariaient qu'un fluide subtil, qu'ils supposaient êlre puisé dans l'air lors de la res- piration. Cependant, dès le temps de Galien, on savait que ces vaisseaux contiennent du sang , et que ce liquide y cir- cule du cœur aux parties. Ce grand médecin fut même sur le point de découvrir la circulation pulmonaire; car voici ce qu'il dit : « Le chyle , produit de la digestion , est re- cueilli par les veines mésaraïques et porté au foie; là il est changé en sang; alors les veines sus-hépatiques le portent au cœur pulmonaire , et de là il va , en partie au poumon , en partie au reste du corps, en passant à travers la cloison moyenne des oreillettes et des ventricules. » Mais cette dé- couverte de la circulation artérielle , loin de hâter la décou- verte de la circulation en général, la retarda, en induisant en erreur sur la circulation veineuse ; l'on crut, en effet;, que le sangcirculait aussi dans les veines, du cœur aux parties. Ce fut en i553 quJndré Césalpin^ Colomhus , Michel Sen^et , reconnurent la direction du cours du sang dans les veines, et préparèrent ainsi la voie à la découverte de toute la circu- lation. La gloire de celle-ci est rapportée à Haruey , qui en présenta un premier tableau dans ses lectures en 1 6 1 9 . puis une démonstration complète en 1628, dans un ouvrage intitulé : Exercitatio anatomica de motu cordis etsanguinis. Il prit ses preuves dans l'anatomie et dans une suite d'observations et d'expériences. D'une part, la disposition anatomique de l'appareil circulatoire est telle , que le cours du sang doit être ainsi qu'il a été décrit : les valvules tri- cuspides et mi traies, qui sont aux ouvertui'es auriculo-ven- triculaires de l'un et l'autre cœur ; les valvules sigmoïdes, qui sont à l'origine de l'un et de l'autre système artériel ; enfin, les valvules des veines, sont disposées de manière à permettre le cours du sang dans la direction que nous avons annoncée, et non dans la direction inverse. D'autre part, qu'on ouvre une artère et une veine, c'est du bout 2 04 FONCTION DE LA GIRCULATION. supérieur que sortira le sang dans le premier vaisseau, et du bout inférieur dans le second. Que l'on fasse une liga- ture à l'un et à l'autre, c'est au-dessus de la ligature que l'artère se gonflera, et au-dessous que le fera la veine. Si on pratique des injections dans ces vaisseaux , c'est du cœur aux parties qu'il faut les pousser dans les artères; et, au contraire, des parties au cœur dans les veines. Enfin, indé- pendamment de ce que Lemvenhoeck , Malpighiy Spallan- zani ^ ont vu , à l'aide du microscope , la circulation se faire dans la direction que nous venons de dire, et ont acquis par là une preuve directe du fait, le raisonnement seul aurait dû le faire préjuger : ne fallait-il pas, en effet, que le sang veineux fût rapporté au poumon , qui est l'organe de l'hématose , et que le eang artériel , destiné à nourrir les parties, fût distribué à celles-ci? Cette découverte de la circulation du sang fit d'ailleurs imaginer une expérience, de laquelle on n'a pas obtenu, à la vérité, les heureux résultats qu'on en attendait, mais qui, au moins, a servi à justifier la découverte qui l'avait inspirée : c'est l'expérience de la transfusion du sang. A l'une des artères d'un animal on adapte un tube, que Ton introduit, d'autre part, dans l'artère d'un autre animal, mais dans la direction opposée à celle du cœur ; dès lors le cœur du premier animal en projette le sang dans les vais- seaux du second ; et , pour que celui-ci puisse recevoir et garder le nouveau sang qui lui est fourni , on lui ouvre plusieurs veines pour que tout son premier sang s'écoule. L'expérience fut faite d'abord sur un clnen , auquel on transfusa ainsi tout le sang d'une brebis; on la répéta en^ suite; lo sur un chien sourd et vieux, qui parut par elle être rajeuni et recouvrer l'ouïe; 2^ sur un cheval de vingt-six ans, qui sembla récupérer ses forces. Alors elle fut tentée sur l'homme 5 en Angleterre, par Libai^ius; à Paris, par Denjs et Emery. Elle parut d'abord avoir quelques avan- tages. Un jeune idiot , auquel on avait ainsi transfusé le sang d'un veau, parut d'abord recouvrer la raison; mais bientôt des accidents survinrent, le jeune idiot fut frappé Je phrénésie, de pissement de sang, et ne tarda pas à mou- MÉCANISME DE LA CIRCULATION. sgS rir. Alors le gouvernement proscrivit ces audacieux essais. FeuL-etrequc, dans ces expériences, le sang était poussé avec trop de force, car de nos jours la transfusion a été prati- quée sur les animaux sans inconvénients. Sir Morgan dit que B. HarwooJ ., professeur d'anatomie, la pratiquai î tous les ans à Cambridge : seulement, il commençait par ôler le sang de l'animal avant de lui en transfuser de nouveau, et il ne commençait la transfusion que lorsque, par la perle de sang aolécédente , l'animal tombait en svncope ; la quan- tité du sang transfusée se mesurait sur la manifestation du retour de la vie : si on en transfusait trop , Fanimal éprou- vait une. légère incommodité. C'est de cette manière aussi qu'opérèrent MM. Dumas et Prévost, à Genève. D'après ces derniers expérimentateurs, il paraîtrait que la nature du sang influe sur les résultats de l'expérience. En transfu- sant dans un animal le sang d'une autre espèce, dont les globules sont de forme, et même de dimensions diflérenles, toujours la mort en a été Im suite. Par exemple , en transfu- sant dans un oiseau, dont le sang est à globules elliptiques, le sang d'un animal à globules circulaires, la mort est sur- venue avec des phénomènes nerveux analogues à ceux qui succèdent à l'ingestion d'un poison; et, au contraire, l'a- nimal a été rappelé à la vie, en lui transfusant le sang d'un animal de son espèce. Mais, quoi qu'il en soit de l'applica- tion qu'on puisse faire de cette expérience à la pratique de la médecine, elle a toujours servi à prouver la vérité du cours que nous avons assigné au sang. Aujourd'hui ce cours est un fait universellement reconnu. Mais maintenant, quelles causes président à cette circu- lation , et quelle part y a chacune des quatre parties qui composent l'appareil circulatoire? c'est ici qu'il y a beau- coup de débats, partant beaucoup de points inconnus, ou au moins peu éclaircis ; et, pour en présenter un historique à la fois clair et complet, nous allons étudier successive- ment la circulation dans le cœur, dans les artères^ dans les systèmes capillaires et dans ]es veines. Nous n'avons pas besoin de répéter que ce que nous allons dire doit s'entendre de l'un et l'autre cercle. 296 FONCTION DE LA RESPIRATION. ARTICLE PREMIER. Circulation dans le Cœur. Le sang circule rlaus chaque cœur;, avons-nous dit, de l'oreilletle dans le ventricule correspondant, et de celui-ci dans l'artère qui en émane. Quelle puissance le fait se mou- voir dans cette direction ? La principale , sans contredit , consiste dans les contractions et dilatations alternatives de chacune de ces cavités , dilatations et contractions qui font évidemment du cœur une espèce de pompe aspirante et fou- lante. Ces actions du cœur se voient quand on regarde le cœur mis à nu chez un animal vivant, et ce sont elles qui produisent les battements que ressent la main qui est appli- quée sur la région du corps qui répond à cet organe. Exa- minées en elles-mêmes, elles offrent la succession des phé- nomènes suivants : 1 o Dilatation de V oreillette , écartement de ses parois , et , par suite , réplétion de cette oreillette par le sang qu'y apportent d'une manière continue les vei- nes. L'oreillette, en effet, offre alors un accès plus libre à ce sang, et peut-être même exerce sur lui une action d'as- piration. 20 Contraction de cette oreillette, resserrement de ses parois, et, par suite, expression dans le ventricule du sang dont cette oreillette s'était remplie dans le temps pré- cédent. En effet, c'est de haut en bas^ et dans la direction de l'ouverture ventriculaire, que se fait la contraction de roreilîette : cette ouverture est libre, parce que l'état de dilatation dans lequel est alors le ventricule a abaissé les val- vules qui la garnissent; le ventricule, qui est alors en état de dilatation, offre un accès libre au sang, et peut-être même l'aspire; enfin, le sang ne peut pas suivre une autre voie , car le sang nouveau que les veines apportent ne per- met pas qu'il reflue dans ces vaisseaux. Cependant il y a ici une première controverse. Selon les uns, il y a toujours, lors de la contraction de l'oreillette, un léger reflux dans les veines, surtout si le ventricule est déjà plein , et n a pas pu se vider librement dans les temps précédents. Selon les MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 297 autres, ce reflux n'a jamais lieu dans l'état normal ; et même le ventricule reçoit alors , outre le sang que contenait l'o- reillette, tout celui qu'apportent actuellement les veines. Ceux-ci donnent comme p3:euves , que le ventricule ayant plus de capacité que l'oreillette, ne pourrait pas être rempli par le sang seul que contenait cette oreillette; et que le temps que dure la dilatation du ventricule, est plus long- que celui pendant lequel l'oreillette se contracte. Dans cette dernière manière de voir , la contraction de l'oreillette n'aurait d'autre but que de la vider, et de compléter la ré- plétion du ventricule. Toutefois, ce ventricule est ainsi rempli; et si le sang qui lui arrive ne passe pas aussitôt dans les artères, c'est que les valvules tricuspides et mi- trales sont alors abaissées , et recouvrent l'entrée de ces vais- seaux. Les mêmes mouvements s'observent dans le ventricule, avec ce fait cependant qu'ils alternent avec ceux de l'oreil- lette : lo coïncidemment à la contraction de l'oreillette, dila- tation du ventricule, écartement de ses parois, pour rece- voir le sang que lui projette l'oreillette , et peut-être pour l'aspirer; 2» coïncidemment à la dilatation de l'oreillette, contraction du ventricule ^ resserrement de ses parois, et, par suite, expression dans le système artériel qui émane de lui , du sang dont il s'était rempli dans le temps précédent. En effet , c'est dans la direction de l'orifice du système arté- riel que se fait la contraction du ventricule : le ventricule étant en état de contraction , les valvules tricuspides et mi- trales, au sommet desquelles aboutissent les tendons des colonnes charnues, sont relevées et laissent cet orifice libre : les valvules sigmoïdes , qui sont à l'origine de chaque sys-^ tème artériel, ne peuvent apporter d'obstacles, car elles sont disposées de manière à devoir s'abaisser sous le flot du sang qui est projeté ; enfin , le sang ne peut que suivre celle voie, ou refluer dans l'oreillette, et cette dernière chose est impossible. En effet, les valvules tricuspides et mitrales, que l'état de contraction des ventricules a relevées, inter* rompent la communication avec celte cavité; et, de plus, c'est alors que les oreillettes eu état de dilatation se remplis^ 298 FONCTION DE LA CIRCULATION, sent d'un sang nouveau. Il u'y a tout au plus de rapporté dans ces cavités, que la petite quantité de sang que soulèvent les valvules tricuspides et mitrales , quand elles reprennent îa position horizontale. Cependant se représente ici la mêsne controverse que tout à l'heure : y a-t-il toujours reflux d'un peu de sang dans les oreillettes, et même dans les veines qui y aboutissent? ou bien^ au contraire, ce reflux n'a-t-il lieu que dans quelques cas, quand les systèmes artérielsqui reçoivent le sang sont engorgés, et ne permettent pas aux ventricules de se vider à leur profit de tout le sang qu'ils contiennent ? Ce dernier fait au moins est sûr : dans les em- barras du poumon , on voit batli-e les veines du col par suite ou reflux qui se fait dans les veines caves lors de la contrac- tion du ventricule droit; souvent même ce reflux s'étend jusqu'aucerveau, jusqu'au foie, et engorge ces organes '.Haller dit avoir vu ces battements jusque dans les veines iliaques externes : c'est ce qu'on appelle le pouls ^veineux. Bichat dit aussi avoir vu le poumon s'engorger par suite d'un reflux du sang par les veines pulmonaires , lors d'un obstacle au cours du sang dans Faorle. Telle est l'action des deux cœurs. Tout est semblable dans l'un et dans l'autre, sinon que, dans le cœur pulmonaire, lo l'oreillette a plus de colonnes charnues, afin de mieux mêler le chyle , la lymphe et le sang veineux qui y aboutis- sent ; 20 le ventricule a des parois moins épaisses, parce qu'il a à projeter le sang à une distance moindre. Nous avons déjà dit qu'ils agissaient simultanément : et comment pourrait-il en être autrement, puisque la paroi interne de leurs cavités leur est commune Y 11 n'y a d'action alternative qu'entre les oreillettes et les ventricules. Aussi ne doit-on distinguer dans les mouvements des cœurs , considérés comme un organe unique, que deux temps , celui où les oreillettes se contractent, et où les ventricules se dilatent, qu'on ap- pelle diastole; et celui où les oreillettes se dilatent et les ventricules se contractent , qu'on appelle systole. C'est à tort que Lancisy en reconnaissait trois, ajoutant à la systole des oreillettes, et à celle des ventricules, une prétendue systole des artères, succédant immédiatement à celle des MÉCANISME DE LA ClUGULATION. 299 ventricules. C'est avec plus de tort encore que Nichols en admettait six , trois dans chaque cercle circulatoire , mécon- naissant que les deux circulations s'accomplissent i^n même temps. Ce n'est pas que chaque cavité du cœur n'ait sa .diastole et sa systole ; mais d'abord , quand il y a diastole de Fune , il y a systole de l'autre , et vice versa; et ensuite , comme ce sont les ventricules qui forment la grande masse du cœur, et que c'est leur jeu surtout qui modifie la forme et le volume de cet organe , on y a plus d'égard qu'aux mou- vements des oreillettes ; et , quand on parle de la diastole et de la sysloîe du cœur, on entend seulement la dilatation et Ja contraction des ventricules. Cependant Laennec dit avoir reconnu nettement, à l'aide du stéthoscope, qu'il y a un repos entre la systole des oreillettes et celle des ventricules , ce qui ferait un troisième temps. Selon ce médecin , la systole des ventricules est la plus longue. Sur la durée totale des mouvements du cœur, un quart est rempli par la systole des oreillettes, une moitié par celle des ventricules, et le der- nier quart correspond au repos qui sépare l'une et l'autre. Ainsi le cœur ne serait pas plus sans repos que tout autre muscle , et, sur vingt-quatre heures , il y aurait douze heures de repos pour les ventricules , et dix-huit pour les oreillettes. Mais plusieurs questions se présentent ici. D'abord , à cha- que contraction d'une cavité, cette cavité se vide-t-elle en entier du sang qu'elle contient? Haller le croitj s'appuyant sur ce qu'examinant au microscope la circulation dans des grenouilles et le petit poulet, il a vu le cœur pâlir tout-à- fait à chaque contraction. D'ailleurs sa doctrine de l'irrita- bilité lui faisait une loi de penser ainsi, attendu que le moindre reste de sang dans le cœur, aurait, en irritant cet organe, empêché la dilatation de succéder à la contraction. D'autres physiologistes , au contraire , en arguant aussi d'ob- servations microscopiques sur les animaux vivants, TVeiU hrecht,Fontana , SpalUmzani , professent l'opinion inverse. Ensuite, quelle quantité de sang est envoyée par le cœur dans les artères à chaque contraclion de ses cavités? Soit qu'on admette que le cœur se vide eu entier à chaque sys- tole, soit qu'on admette l'opinion inverse, la question ne 3oo FONCTION DE LA CIRCULATION, peut être résolue. Dans la première hypothèse , eu effet, il faudrait évaluer préalablement , et la capacité du ventri- cule , ce qui varie en chaque individu , et la quantité de sang qui lui est fournie par les veines , ce qui n'est pas moins variable. Dans la seconde hypothèse , il y aurait encore plus de difficultés : car il faudrait établir combien de sang reflue dans l'oreillette, combien il en est projeté dans l'artère, et combien il en reste dans le ventricule. On a professé gé- néralement que le ventricule peut contenir six onces de sang, et que d'ordinaire, à chaque contraction , ii en pro- jette deux onces; on a jugé, par la quantité de sang qui jaillit d'un ventricule , qu'on ouvre exprès dans une expé- rience sur un animal vivant. Mais cette évaluation est vaine. La quantité de sang que projette le cœur doit dépendre de la capacité intérieure de cet organe , et de la quantité de sang que les veines lui ont apportées ; et ces deux conditions sont extrêmement variables. D'ailleurs , ne sachant pas quelle quantité de sang arrive, peut-on savoir quelle est celle ([ui est projetée ? Ce qu'il y a de certain , c'est que cette quantité varie, est tantôt plus grande , tantôt plus petite , d'où résultent ce qu'on appelle les pouls gros et pleins . pe- tits et vides. Au moment du jeu des cavités du cœur , des changements apparents se font dans cet organe. Lors de la systole, son tissu durcit; le viscère se raccourcit, se déplace, et va, de sa pointe, frapper la paroi latérale gauche du thorax , entre la sixième et la septième côte. Dans la diastole, les phéno- mènes sont inverses. La cause pour laquelle le cœur bat con- tre le thorax a été le sujet de beaucoup de débats. Vésale, Riolan, Borelliy TVinslow, direntque c'est parce que le cœur , lorsdela systole, s'alonge : mais on nia le fait, et on prétendit qu'au contraire le cœur se raccourcissait alors ; Bassuel,sui'- tout, fit remarquer que , si le cœur s'alongeait dans la systole des ventricules, les valvules tricuspidesetmitrales devraient être abaissées, et par conséquent laisseraient tout accès libre à un reflux du sang dans les oreillettes , tandis qu'elles empê- cheraient l'entrée de ce liquidedans les artères. Aujourd'hui Ton reconnaîlque le cœur se raccourcitdans tous les sens^ lors MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 3o l de sa systole ; que loiiles ses parois se rappioclienL de la cloi- son moyenne; que cependant, en se raccourcissant, ses fi- bres augmentent d'épaisseur; et l'on attribue le lieurtement de sa pointe contre les côtes , aux trois raisons suivantes : lo à ce que, tout le mouvement étant dirigé sur la base de l'organe qui est fixe, l'organe doit basculer sur cette base; 20 à ce que les oreillettes qui , lors de la systole des ven- tricules, sont en dilatation et remplies de sang, doivent alors soulever l'organe et le porter en avant; 3» enfin, à ce que les artères aorte et pulmonaire reçoivent, du sang qui est projeté en elles , une impulsion telle , qu'elles en éprou- vent un déplacement, et font partager cedéplacementaucœur lui-même. Les colonnes cliarnues des ventricules aboutissant par des tendons aux sommets des valvules tri cusp ides et mitrales, on conçoit comment la contraction de ces colonnes doit avoir pour résultat de tendre ces valvules, et de bou- cher par elles les orifices des oreillettes. Sans aucun doute , la systole est active : en est-il de même delà diastole ? D'abord , certainement la dilatation des ca- vités du cœur n'est pas le produit mécanique de la pression qu'exerce en elles le sang qui y est versé ; car cette dilatation précède l'arrivée du sang , et elle se fait lors même qu'il ne peut plus en arriver, comme dans un cœur qui est séparé du corps. Ensuite , quoi qu'en ait dit Hamèer^er, qui voulait que la diastole fût active , etmême plus active que la systole, et cela parce qu'en serrant fortement dans sa main le cœur d'un animal vivant, on le sent se dilater comme à l'ordinaire, il est sûr qu'elle n'est que l'efïet du relàcbement des fibres, de la cessation de la contraction ; et, en effet, dans l'expérience même dont arguait Eamberger, on reconnaît que le moment où le cœur écarie les doigts qui l'embrassent, est celui où cet organe se contracte. Enfin, qu'est-ce qu'est cette aclion du cœur ? quelle en est la cause? d'où provient la succession alternative du jeu des oreillettes et des ventricules ? Stakl est le premier qui ait émis sur la première de ces questions une opinion raisonnable. Remarquant que le tissu du cœur est muscuîeux ; que les contractions de cet organe sont toutes semblables à celles 002 FONCTION DE LA CIRCULATION. qu'exécutent les muscles, avec cette seule différence qu'elles ne sont pas de même volontaires; que ces contractions sont in- fluencées du reste, et modifiées par lespassions; et qu'enfin ,1e cœur, comme tout autre muscle, reçoit des nerfs qu'on ne peut altérer sans modifier son jeu , Stahl, séduit par toutes ces ana- logies, assimila les mouvements du cœur à ceux des muscles volontaires. Il avouait bien que généralement on ne peut ni percevoir ni diriger les mouvements de son cœur ; mais il di- sait que c'était l'habitude seule qui les avait rendus involon- taires , à peu près comme on voit certains tics, volontaires d'abord, devenir ii'résistibîes avec le temps ; il arguait du fait d'un individu, le capitaine Towson , qui, disait-on, avait conservé toute sa vie le pouvoir de régler à sa volonté les mouvements de son cœur. C'était d'ailleurs, pour Stahl, rentrer dans son système cbéri, qui était de rapporter à l'in- fluence de l'ame tous les phénomènes quelconques de l'éco- nomie animale. Sans doute, les actions du cœur sont du genre de celles des organes musculaires, c'est-à-dire des contractions ; en ce sens , Sthal a eu raison ; mais évidem- ment elles ne sont ni perçues ni volontaires , et elles fon- dent un nouvel exemple de ces contractions involontaii^es que nous avons rencontrées déjà dans l'estomac et dans les intestins. Haller ^ pour expliquer les mouvements du cœur, en ap- pela à sa force <ï irritabilité , à laquelle il rapportait toutes les contractions musculaires , tant volontaires qu'involon- taires. Le cœur étant un muscle, possédait cette force aussi- bien que tout autre; et le contact du sang dans son inté- rieur était ce qui à chaque instant la mettait en jeu. Il donna comme preuve , que tout excitant appliqué au-de- dansou au-dehors du cœur, en détermine les contractions. Il est si vrai , dit-il , que c'est Je sang qui provoque ces contractions , que l'on voit ces contractions être d'au- tant plus fortes et plus ra j)prochées , que le sang est plus abondant; se succéder dans les cavités du cœur, dans Tor- dre même selon lequel le sang arrive à ces cavités , et se pro- longer plus ou moins dans les unes et dans les autres , selon qu'on fait accumuler en elles le sang. Dominé même par MÉCANISME DE LA GIRCULATIOiy. 3o3 l'idée qu'il avait, de faire de l'irritabilité une propriété dif- férente de celle de la sensibilité, ce physiologiste alla jusqu'à nier toute influence nerveuse sur les mouvements du cœur. Il s'aj)puyait : i^ sar ce qu'on voit les mouvements du cœur continuer après la décapitation , après la section de la moelle épinière au col, après celle des nerfs de cet organe au même lieu^ cas divers dans lesquels il n'y a certainement ])lus de communication entre le cerveau et lui, et enfin, lors- qu'on a tout-à-fait isolé le cœur du corps; a" sur ce que des irritations des nerfs cardiaques ne cliangent pas les con- tractions du cœur, comme les irritations des autres nerfs modifient celles des muscles auxquels ils se distribuent. Cette théorie de Haller n'est pas moins que celle de Stalily susceptible de reproches. D'abord, expliquer les mouvements du cœur par l'irritabilité, c'est rentrer dans la philosophie des forces occultes, c'est se payer d'un mot. Ensuite, selon Haller , il faut toujours qu'un excitant mette en jeu l'irritabilité , et que de fois le cœur se con- tracte sans excitant, comme quand il est isolé du corps? si le cœur ne se vide jamais en entier, jamais le relâchement ne devrait succéder à la contraction. Enfin, il est faux que le cœur soit, dans l'exécution de ses mouvements, indépen- dant d'une influence nerveuse : ne reçoit-il pas des nerfs? ses contractions ne sont-elles pas modifiées dans les pas- sions, dans les lésions des grands centres nerveux, dans celles des nerfs qui se distribuent à son tissu ? En vaiii Haller a nié ces dernières assertions ; des expériences dont nous al- lons parler tout à l'heure les ont mises hors de doute. Si le cœur a été paralysé plus tardivement que les autres or- ganes, c^est sans doute parce que ses mouvements avaient besoin d'être les. plus indépendants possible; mais à la fin, ils se sont aussi arrêtés. Sœnimering et Behrends , à la vé- rité, ont établi que les nerfs cardiaques se distribuaient non au tissu même du cœur, mais seulement aux ramifications des artères coronaires , et qu'ainsi ces nerfs ne présidaient pas à la fonction de cet organe, mais seulement à sa nutri- tion.Maisc'est là une assertionanatomique,àlaqueîle<5c<2/'yE>«, par sovi bel ouvrage sur les nerfs du cœur^ a donné , pour me 3o4 FONCTION DE LA CIRCULATION, servir de Texpression de M. Percj, le plus superbe démenti. Aujourd'hui l'on reconnaît que les mouvements du cœur sont du genre de ceux qui sont effectués par les muscles, avec cette différence qu'ils sont involontaires. On convient qu'on ne peut pas plus pénétrer leur essence que celle des mouvements volontaires; mais on consacre, et leur irrésis- tibilité, contre ce que disait Sthal, et leur dépendance d'une influence nerveuse , ainsi qu'il en est de tous les autres plié- nomènes organiques dans les animaux supérieurs, contre ce que disAil Haller. Les seules dissidences portent sur celui des systèmes nerveux qui les régit, et sur le degré de dépen- dance dans lequel ils sont des centres nerveux. Sous le pre- mier rapport , on a tour-à-tour présenté comme système nerveux spécial du cœur la huitième paire encéphalique, le grand sympathique , et un ganglion particulier situé der- rière le cœur, et appelé cardiaque. Il est sûr, en effets que les nerfs cardiaques ont des communications intimes avec chacune de ces trois parties du système nerveux , et peuvent conséquemment en être également dérivés. Willis , l'appor- tant les nerfs cardiaques à la huitième paire, a pratiqué la section de cette paire de nerfs au col , dans la vue de para- lyser le cœur, comme d'autres avaient pratiqué cette même section pour paralyser l'estomac, le poumon. Mais la mort n'étant arrivée que quelques heures, et même quelques jours après l'expérience, il est sûr que le cœur a continué ses mou- vements. D'autres, dérivant les nerfs cardiaques du grand sympathique, ont de même coupé celui-ci au col; mais la mort, dans ce cas, n'a pas été plus prompte que dans le cas précédent, et conséquemment le cœur n'a pas été plus immédiatement paralysé. C'est même de ces faits que Hailer concluait que le cœur est, dans ses mouvements, indépen- dant de toute influence nerveuse. Mais remarquons que, dans ces expériences , on n'attaque pas les nerfs mêmes du cœur ; on interrompt seulement leur communication avec les systèmes nerveux supérieurs , l'encéphale pariiculière- ment : et l'influence de ceux-ci sur les systèmes nerveux in- férieurs étant en raison de l'animalité delà fonction à la- quelle ceux-ci président, on conçoit que laction du cœur MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 3o5 qui est assez inférieure peut meltre quelque temps à s e- teindre. 11 csL sûr que dans ees expériences le cœur s'affai- blit graduellement, et que, si la mort n'arrivait pas par d'au- tres causes , cet organe finirait par êlretout*à-fait paralysé. A plus forte raison, cela arriverait-il , si on coupait les nerfs cardiaques eux-mêmes? Probablement alors le cœur serait aussitôt paralysé, ou au moins après le temps qu'emploie- rait à s^éteindre l'influence nerveuse dans la portion du nerf qui serait au-dessous de la section. Mais nous avons dit que M. Dupujtj^en , dans ses expériences sur la huitième paire, n'avait jamais pu parvenir à les couper seuls. Sous le second rapport, il est certain que les nerfs du cœur, quels qu'ils soient, réclament comme les autres, pour exercer leur office , leur communication avec les centres nerveux et l'intégrité de ces centres ; et cela dans la mesure conforme aux lois de l'innervation , c'est-à-dire en raison du rang qu'occupe parmi les fonctions celle à laquelle ils pré- sident ^ en raison de l'âge plus ou moins avancé de l'indi- vidu, et du rang plus ou moins élevé qu'il occupe dans l'éclielle des animaux. Au premier titre, le cœur est plus indépendant des gi^ands centres nerveux que beaucoup d'au- tres organes. D'abord, il l'est assez de l'encépbale. Des rep- tiles décapités ont continué de vivre pendant six mois, et par conséquent le cœur a continué ses fonctions. Dans l'es- pèce humaine, des anencépbales ont vécu jusqu'au terme de la grossesse , et quelquefois même quelques jours au-delà. M. Legallois a fait survivre plusieurs animaux mammifères décapités, et entretenu en eux les mouvements du cœur, en ayant soin de lier les vaisseaux du col pour prévenir î'hé- morrbagie, et en remplaçant la respiration par une insuffla- tion d'air dans le poumon. Dans les lésions du cerveau, dans les apoplexies,les fonctions du cœ ur ne sont-elies pasenfîii des der- nières à s'arrêter ? Cependant cette influence, pour être moins prochaine , j\g\\ est pas moins réelle; dans les lésions céré- brales, à la tin la cessation des mouvements du cœur arrive; et dans certains cas, l'état du cerveau modifie assez prompte- ment ces mouvements, comme on le voitdanslespassions. Eu second lieu, à juger d'après des expériences de Legallois yle Tome lil. 20 3o6 FOISXTION DE LA CIRCULATION, cœur serait davantage sous la subordination de la moelle spinale; un animal qui, à l'aide de Finsufflation pulmo- naire, survit quelques heures à la décapitation , à l'ablation du cerveau, succombe bien plus tôt à la destruction de la moelle, et même d'une de ses parties; il expire après qua- tre minutes, quand on détruit la moelle lombaire; après deux, quand on détruit la moelle cervicale. La mort pro- vient évidemment de la paralysie et de l'aiTaiblissement du cœur; car on ne peut prolonger la vie qu'en emportant quel- ques parties de l'animal, et limitant par conséquent le cbamp delà circulation dans la même proportion qu'a été affaiblie la puissance de son organe cen tral . Legallois avai t même concl u de ces faits , que la source de la puissance nerveuse à laquelle le cœur est soumis , résidait dans la moelle épinière , et que celle-ci était aussi l'origine du grand sympathique. Mais, à notre sens , ces expériences , sur lesquelles nous reviendrons à l'article de l'innervation , prouvent seulement que la moelle spinale est plus partie centrale du système nerveux que le cei-veau ; et sa lésion n'arrête l'action du cœur que parce que le système nerveux de celui-ci a besoin pour agir de l'intégrité de cette partie centrale. Dans cette dépen- dance dont est le cœur de la moelle spinale , on retrouve du reste les lois générales de l'innervation, c'est-à-dire l'in- fluence de l'âge , et du rang qu'occupe l'animal dans l'échelle des êtres. Des fœtus acéphales , et sans moelle spinale, ont offert un cœur agissant. Ph. Fp^ilson , dans des expériences calquées sur celles à e'^ Le gallois ^ a vu les battements du cœur continuer après la destruction de la moelle , si les ani- maux soumis à Texpérience étaient jeunes , et si la destruc- tion d^ la moelle était faite avec lenteur. Clift a fait la même remarque, en expérimentant sur des animaux d'un rang inférieur, des poissons , des carpes. Dans le jeu du cœur il y a, d'abord alternative de diastole et de systole pour chaque cavité, et ensuite opposition, espèce d'antagonisme entre ces cavités : quand l'une se con- tracte , l'autre se dilate. On a aussi cherché les causes de cet ordre merveilleux. On a dit que si, dans toute cavité, la coûtractioji succède à la dilatation, et la dilatation à la MÉCANISME DE LA CIRCULATION. Zoj contraction , c'est que le cœur est sans antagoniste, que Ja contraction est l'état naturel de la fibre qui le forme , et que cependant cette contraction est de sa nature intermittente, et exige après elle un court instant de repos. Le sang , lui arrivant dans ce temps de repos, rappelle par sa pré- sence la contraction. Quanta l'alternative d'action des oreil- lettes et des ventricules , on avait imaginé que lorsque le sang remplissait une cavité, il comprimait les nerfs de l'au- tre cavité , par conséquent la paralysait et amenait la fin de la contraction à laquelle elle était en proie. Mais ce n'est là qu'une hypothèse. Cette alternative est un fait certain , mais inexplicable dans l'état actuel de la science. C'est surtout du cœur qu'on peut dire ce que Galien disait de tous les or- ganes du corps , qu'ils semblent agir d'eux-mêmes , et qu'ils sont comme les instruments de la forge de Vulcain , qui ve- naient d'eux-mêmes se placer sous la main du dieu. Tel est le rôle du cœur dans la circulation , et il est évi- dent que l'action de cet organe suffit pour faire traverser au sang les oreillettes et les ventricules. Ce viscère a assez de force pour faire circuler le liquide et le faire triompher des résistances qui s'opposent à sa progression, et qui sont ici la masse du sang à mouvoir, et les frottements de ce fluide contre les parois de l'organe. Dans aucun autre point du cercle, le mouvement n'est plus rapide; mais il est inter- mittent; il y a même un moment où il est rétrograde. Cette alternative de contractions et de dilatations du cœur se ré- pète depuis le moment de l'existence de cet organe jusqu'à la mort, dans un nombre de fois d'autant plus grand qu'on est plus jeune, et avec beaucoup de variétés sous le rapport de l'énergie. Nous discuterons ci-après jusqu'où s'étend, dans le cercle circulatoire , l'influence du cœur : Har^ej lui faisait accom- plir à lui seul le cercle entier ; d'autres ont restreint sa puis- sance au commencement des artères -, d'autres enfin l'ont étendue jusqu'aux extrémités des systèmes artériels. Cette question nous occupera ci -après. Nous dirons seulement que , selon qu'on a adopté l'une ou l'autre de ces trois opi- nions , on a dû évaluer différemment la force du cœur. Bo- 20. 3o8 FONCTIOIV DE LA CIRCULATION. relli. comparant le cœur à un muscle de même volume, et évaluant la résistance que ce dernier était capable de vain- cre , estima la puissance du cœur égale à 180000 livres. Keil, ouvrant un.e artère sur un animal vivant , et évaluant la force qu'il faudrait employer pour produire un jet seniblable à celui que fournissait l'artère, n'estima la force du cœur que de 5 à 8 onces. Quelle immense disproportion î Les ré- sultats des autres expérimentateurs ne sont pas moins di- vers. Haies , voyant à quelle hauteur le cœur fait monter le sang dans un tube perpendiculaire surajouté à la carotide, évalua la force du cœur à 5i livres. Tahor, au contraire, l'estima i5o livres; Saunages , 71 onces; Bernoullj, 28 li- vres , etc. Cette seule diversité suffirait pour montrer le vide de pareilles recherches. Mais, en outre , combien il est facile de prouver que ce fait est un de ceux auxquels le calcul n'est pas applicable ! D'abord la force du cœur est mille fois va- riable en elle-même, selon l'âge, le sexe, le tempérament, l'idiosyncrasie, l'état de veille, de sommeil, d'exercice ou de repos, de santé, de maladie, les passions, etc. Ensuite, il est impossible d'avoir des bases pour établir son calcul. Peut-on en effet évaluer, d'un côté, la puissance impulsive du cœur, et de l'autre ce que font perdre à celte puissance impulsive les résistances , c'est-à-dire la masse du sang à mouvoir, et ses frottements contre les parois du cœur ? ARTICLE II. Circulation dans les Artères. Dans les artères, le sang circule; dans l'une, l'aorte, du cœur au système capillaire général; et dans l'autre , l'artère pulmonaire, du cœur au système capillaire pulmonaire. La contraction des ventricules des cœurs est certainement une des principales causes de cette circulation. La disposition des parties est telle, en effet, que le sang que projette le cœur s'engage aussitôt dans les artères; nous avons vu ces vaisseaux émaner de chaque ventricule par un tronc uni- que; et cette circonstance a cet avantage, que rien de l'ac- MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 309 lion impulsive de l'organe n'est perdu. D'ailleurs, Tinfluence de celle première cause se laisse voir. Si on met à nu, sur un animal vivant, une artère , on voit ce vaisseau , à chaque contraction du ventricule se dilater, éprouver une légère locomotion par suite de Fondée de sang qui lui est projetée. Si on touche en cet instant cette artère^ elle fait éprouver au doigt un battement qui résulte de ces deux changements qu'elle éprouve , et qui est ce qu'on appelle le pouls : si on l'ouvre , on en voit sortir le sang par jets qui sont saccadés , et dont les saccades coïncident avec les contractions du ventricule. Mais cetle cause est-elle la seule qui préside à la circula- tion artérielle ? Ou bien les artères y ont-elles aussi une part active îHaivey croyait ces vaisseaux entièrement passifs dans la circulation; il leur attribuait seulement assez de solidité pour résister au choc qu'exerce sur eux le sang projeté par le cœur ; il regardait celui-ci comme l'agent unique de la cir- culation artérielle. Cette opinion est fausse. D'abord, il est sûr que l'influence du cœur va en s'affaiblissant graduelle- ment dans l'étendue du système artériel. Par exemple, la locomotion et la dilatation des artères, ou autrement leur pouls, et le jet saccadé que présente une artère ouverte, sont d'autant moindres dans les artères, que celles-ci sont plus éloignées du cœur; ils n'existent même plus dans les dernières artérioles. Or, cet affaiblissement graduel de l'influence du cœur est déjà une présomption , pour qu a cette première cause de circulation , il en soit joint une se- conde, et celle-ci ne peut résider que dans les artères. En- suite , voici des faits et des expériences qui mettent cette cause hors de doute. Si le sang ne circulait dans les artères que par l'a^ction du cœur, ce fluide n'aurait dû couler d une artère ouverte que par intervalles , et coïncidemment aux contractions du ventricule; au lieu de cela, il coule d'une manière continue , et seulement avec des saccades qui cor- respondent aux contractions ventriculaires. Si sur 1 artère carotide mise à nu , on établit deux ligatures à quelque cen- timètres de distance Tune de l'autre, et qu'ensuite on fasse une ponction entre ces deux ligatures , on voit le sang jail- lir, quoique la ligature inférieure affranchisse ce liquide 3lO rONCTIOlN DE LA CIRCULATION. (le raclioîi impulsive du cœur. Enfin, M. Mageîidie met à nu sur un cliien l'artère crurale, et la comprimant entre ses doigts , il la voit se rétracter au-dessous du lieu qu'il comprime, au point d'exprimer de son intérieur tout le sang qu'elle contenait. Il est donc certain que les artères agissent. Maintenant, en quoi consiste leur action ? Des physiolo- gistes, tombant dans un extrême inverse de celui de Ilary^ej, et limitant au commencement du système artériel l'influence du cœur, admirent dans les artères des contractions et des dilatations analogues à celles que le cœur exécute, mais al- ternant avec celles-ci. Se dilatant pour recevoir et même aspirer le sang lors de la contraction des ventricules, elles se contractaient ensuite pour projeter au loin ce fluide dans les systèmes capillaires. Les valvules sigmoïdes , qui sont à l'origine deces vaisseaux, étaient destinées à prévenir le reflux dans les ventricules, comme les valvules mitrales et tricus- pides empêchent son retour dans les oreillettes lors du jeu de ces ventricules. Les artères étaient ainsi une troisième ca- vité contractile à ajouter aux deux qui composent le cœur; elles avaient de même leur systole et leur diastole ; mais elles enchaînaient leur jeu avec celui du cœur, de manière que leur systole coïncidait avec celle des oreilletteset la diastole des ventricules, et leur diastole avec celle des oreillettes et la systole des ventricules. Pour justifier une pareille opinion, on disait musculeuse la tunique propre des artères, et Ton s'appuyait sur diverses expériences et observations propres à faire admettre que les artères secontrac4.«ent. Ainsij Qalien introduit un tube solide dans l'artère d'un animal vi- vant, applique une ligature sur le tube, et voit les pul- sations disparaître au-delà de la ligature, bien que le tube solide n'empêche pas le sang de parvenir et de circuler dans l'artère. Laniure et Lafosse , âsius l'expérience de la ca- rotide citée plus haut , disent voir ce vaisseau battre entre les deux ligatures qu'on a pratiquées sur lui : ils en voient jaillir le sang quand une petite piqûre lui est faite. Des ar- tères irritées avec la pointe du scalpel, soumises à l'influence de l'éloctricité , du galvanisme, paraissent à Ferschair^ à MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 3lï Bekker, à JRossi , développer une évi dénie irritabiliLe. En- fin , on faisait observer que le pouls n'esl pas toujours le même dans les diverses parties du corps, ce qui devrait être si les artères étaient passives dans la circulation. Mais de nombreuses objections ont ruiné tout ce point de doctrine. La tunique propre des artères , à juger par l'in- spectioiî , n'a rien de musculeux, et paraît exclusivement formée du tissu jaune qui compose dans l'économie des ani- maux toutes les parties qui ont à développer à la fois de l'é- lasticité et de la solidité. En vain une artère après la mort est soumise à un irritant quelconque, on ne peut y déve- lopper une véritable irritabilité. Une artère mise à nu sur un animal vivant, et observée pendant que le sang y cir- cule, ne présente pas de contractions et de dilatations acti- ves, mais une dilatation passive, résultat delà projétion du sang dans son intérieur, et un retour^ sinon exclusive- ment élastique, au moins lent du vaisseau sur lui-même. Si , sur un animal vivant , on découvre l'aorte ;, et qu'on y mette promptement le d'oigt, on ne sent pas que ce doigt y soit pressé , comme cela est quand on le met dans le cœur. Il est vrai que quelquefois le pouls diffère dans les diverses artères du corps; mais ce phénomène peut s'exyjliquer , comme on le verra , sans admettre l'irritabilité dans les ar- tères; et le plus souvent le pouls est semblable partout et isoclirone aux mouvements du cœur. Le pouls , en effet ;, dépend bien plus évidemment du jeu du cœur que de celui des artères; il suit les modifications du cœur, manque dans les animaux qui n'ont point ce viscère, disparaît dans la syncope : tandis qu'il se montre au-dessous d'une artère anévrysma tique, il disparaît au-dessous d'une artère liée : on peut en simuler les phénomènes dans des tubes inertes, en dirigeant dans ces tubes le sang artériel; Bichat , par exemple, ajoute à la carotide dans un animal vivant un tuyau inerte , et voit ce tuyau battre comme la carotide ; il lui adapte une poche de taffetas gommé, dans la vue de si- muler une tumeur an évrysmale, et il observe dans cette poche des battements : si le sang artériel est dirigé dans une veine, ce vaisseau qui d'ordinaire n'a pas de pouls en présente un 3i2 FOïSCTIOTN DE LA CIRCULATION, alors; l'anévrysme variqueux, qui n'est que la réalisation de la supposition que nous venons de faire , en a un. Si^ au contraire , on dirige le sang veineux dans une artère , ce vaisseau cesse de battre. On ne peut réunir plus d'objec- tions contre l'opinion qui voudrait faire dépendre le pouls de l'irritabilité des artères. Enfin, comment concevoir un long système vasculaire se contractant et se dilatant alter- nativement? Ce n'est donc pas là le mode d'action des ar- tères. D autres ont voulu réduire l'action de ces vaisseaux à une simple élasticité ; dilatés lors de la projétion du sang dans leur intérieur, ils reviendraient ensuite sur eux-mêmes dans une mesure qui serait proportionnelle à la dilatation qu'ils auraient éprouvée, et influeraient par là sur le cours du sang. Mais , certainement , il y a dans l'action des artères plus que de l'élasticité, c'est-à-dire une influence de la vie. Si sur la carotide d'un animal vivant on établit deux liga- tures, et qu'on pique dans l'intervalle, le sang jaillit avec assez de force; si l'on fait la même expérience après la mort, ou le sang coule sans jaillir, ou son jet est moins étendu. Si pendant la vie on éprouve une hémorrhagie , les artères se resserrent dans la proportion de la perte de sang qui est éprouvée ; mais si l'on meurt des sui tes de cette hémorrhagie, après la mort ces vaisseaux reviennent à leurs dimensions premières. Sir Ei^. Home met à nu sur des chiens, des la- pins, l'artère carotide, en sépare avec soin les nerfs vague et sympathique par l'interposition d'une sonde; puis tou- chant ces nerfs avec un alkali , il voit les battements de l'ar- tère augmenter graduellement, et devenir très violents au bout de cinq minutes. Enveloppant le poignet d'un homme avec de la glace, et l'autre poignet avec des linges trempés d'eau chaude, il reconnaît que les battements du ])Ouls sont devenus plus forts dans le premier poignet, et plus faibles dans le second. Enfin, Ch. Hastings a vu nettement des contractions réelles survenir dans diverses artères , après les avoir irritées avec la pointe du scalpel. Nous croyons donc que 1rs artères agissent dans la circu- lation , non j)ar une action d'irritabilité du genre de celle MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 3l3 qu*on observe dans le cœur, non par une simple élaslicilé, mais par une action de contraction qui est en quelque chose organique et vitale. Cette action de contraction est plus grande dans les petites artères que dans les grosses , qui sem- blent davantage ne développer qu'une pure élasticité; et elle fonde une seconde cause de la circulation artérielle. Sans contredit le jeu du cœur est la ])rincipale, puisque c'est lui qui imprime la première impulsion au liquide, et qui ensuite en dilatant l'artère, met en jeu sa force d'élasti- cité et de contractilité; mais enfin cette dernière doit aussi entrer en ligne de compte. Par le concours de ces deux causes , le sang est poussé jus- ques aux extrémités des systèmes artériels, jusque dans les systèmes capillaires. Les valvules sigmoïdes s'opposent à son reflux dans les ventricules, ainsi que le sang nou- veau que reçoivent alors ces cavités, qui sont en ce moment en état de dilatation. En poussant de la cire ou du suif fondus dans l'aorte d'un cadavre, et en les dirigeant du côté du cœur, on voit comment les valvules sigmoïdes s'appli- quent l'une à l'autre, et empêclient tout mouvement rétro- grade du sang. Maintenant, il s'agirait, i^^ de spécifier les résistances di- verses qui s'opposent au cours du sang, et dont triomphent les deux causes que nous venons d'indiquer; 2° d'évaluer les unes et les autres ^ afin d'en déduire tous les traits de la circulation artérielle, savoir quelle est sa vitesse, si elle est uniforme dans toute Tétendue du système, combien de temps elle emploie à se faire, etc. Mais une analyse aussi ri- goureuse de la circulation est impossible. D'abord , on ne peut apprécier la puissance respective de chacune des deux causes de la circulation artérielle, et par conséquent évaluer leur puissance totale. L action du cœur est tout- à-fait incommensurable , et tellement variable d'ailleurs, qu'on ne pourrait rien dire que de gé- néral et d'approximatif sur elle. Il en est de même de l'action élastique et contractile des artères : elle est, en raison de la ])uissance développée préalableii>ent par le cœur et par conséquent variable comme elle, et 3l4 FONCTION DE LA CIRCULATION, en raison de la structure plus ou moins ]3arfaite de ces vais- seaux. Ensuite, quelles sont les résistances dont ces causes mo- trices doivent triompher ? et est-il plus facile de les évaluer? La première question seule a donné lieu à de nombreux débats. Les auteurs n'ont pas été d'accord sur le nombre des résistances qui s'opposent à la circulation du sang. Nous croyons pouvoir les ramener à trois : i» la masse du sang à ébranler, masse qui résiste en raison de sa force d'inertie, et d'autant plus qu'en beaucoup de lieux elle doit être mue contre l'ordre de la gravitation. 20 Les frottements de ce fluide contre les parois des vaisseaux , frottements qui seront en raison de l'étendue des surfaces , et conséquemment en raison de la longueur des vaisseaux , de leurs divisions , de leurs rétrécissements , courbures , anastomoses , des éperons qui existent aux points où ils se bifurquent, etc. 3^ La ré- sistance générale qu'opposent les artères au choc du sang , et qui ne peut être vaincue sans consumer une partie de la puissance motrice développée par le cœur. Je sais bien que les auteurs n'admettent pas également la réalité de ces ré- sistances; que certains en admettent d'auti-es encore bien plus évidemment hypothétiques; nous reviendrons là-des- sus ci-après : mais, je le demande, est-il un moyen d'éva- luer chacune de ces résistances en particulier^ et par consé- quent leur puissance totale ? Il faut reconnaître qu'if est impossible d'analyser le phé- nomène qui nous occupe avec une rigueur absolue ; et aussi beaucoup de traits de la circulation artérielle sont encore ignorés. Voici ce qui en a été découvert. D'abord j le cours du sang dans les artères présente une véritable intermittence : il est alternativement plus vite et plus lent ; plus vite au moment de la systole du cœur, parce qu'alors le fluide se meut sous l'influence de la plus puis- sante des forces motrices; plus lent, lors de sa diastole, parce qu'alors il ne se meut que sous l'influence de la réac- tion élastique et contractile des artères. Dans le premier moment, il coule par jets qui coïncident avec les contrac- tions des ventricules, et qui sont d'autant plus étendus, MfiCAlNISME DE LA CIRCULATION. 3i5 que l'artère est plus près du cœur. Dans le second, il ne coule d'une artère ouverte que par nappes. Ce trait de la circulation artérielle est plus prononcé dans les grosses ar- tères que dans les petites; même dans les dernières il man- que , le cours du sang est presque continu, l'influence du cœur n'étant plus assez forte pour le produire. Ensuite , le cours du sang n'est pas uniforme dans toute l'étendue du système artériel; il est d'autant plus rapide que les artères sont plus grosses et plus près du cœur , et il va en diminuant graduellement jusqu'à la fin du système artériel. Les causes en sont faciles à indiquer. Il y en a deux : l'une est que la réaction, sinon contractile, au moins élas- tique des artères, qui est une des puissances motrices du sang , va en deminuant à mesure que les artères sont plus petites; l'autre est que les résistances à vaincre, savoir, la masse du sang à mouvoir, les frottements, vont au con- traire en augmentant graduellement de l'origine à la fin du système artériel. Sauvages a dit que le sang circule d'un tiers plus vite dans l'aorte que dans les artères moyennes , et d'un tiers plus vite encore dans ces artères moyennes que dans les dernières artérioles. A la vérité, Bichat a contesté ce fait du ralentissement graduel de la circulation artérielle, et a professé l'unifor- mité de cette circulation dans toute l'étendue du système. Son grand argument était, que le système artériel étant toujours plein , l'impulsion que le sang reçoit à une des ex- trémités de ce système doit être à l'instant propagée à l'au- tre. Selon lui, les retai-demenls dont on parle ne seraient réels que si Tondée projetée à chaque contraction du. ven- tricule était lancée dans un système vasculaire vide. Il in- voque l'analogie d'une seringuedont letuyause terminerait par de nombreuses subdivisions; au moment où le piston projetterait le fluide dans la seringue, on verrait ce fluide jaillir par toutes les divisions à la fois. D'apiès cela, ce phy- siologiste nie toute influence de retard exercée sur le cours du sang dans les artères par les frottements, les angles des vaisseaux, les anastomoses à choc opposé, surtout par le passage continuel du sang d'un lieu plus étroit dans un lieu 3l6 FONCTION DE LA CIRCULATION, plus large; il croit que la contraction du ventricule, le inouvement général du sang dans tout le système artériel, et l'entrée du sang dans les systèmes capillaires , sont trois choses qui arrivent en même temps. Sans doute, il faut convenir que parmi les résistances que les auteurs ont assignées au cours du sang dans les artères, il en est beaucoup d'hypo tlié tiques , telles que la viscosité du sang, la tendance qu'a ce fluide à se coaguler, et qu'une partie du mouvement qui lui est imprimé estj dit-on, des- tinée à prévenir; son passage continuel d'un lieu plus étroit dans un lieu plus large, d'après une loi d'hydraulique connue; la pesanteur de l'air, qui , certainement au moins, a une influence sur la circulation capillaire , comme le prouvent le phénomène des ventouses, et les hémorrhagies qui surviennent à l'homme sur le sommet des montagnes ou dans des aérostats, etc. Peut-on, surtout, adopter l'idée de ceux qui, partant de notions subtiles sur la nature du sang , admettent une vitesse inégale dans les divers globules de ce fluide, et, par exemple , distinguent en lui deux mou- vements , l'un dit progressif, qui portait sur les globules rouges du sang , lesquels, plus pesants , occupaient le centre du vaisseau , et par conséquent circulaient dans son axe et plus vite, comme éprouvant moins de frottements; l'autre, dit laléral , qui s'entendait de tous les autres globules , les- quels, déjetés au pourtour du vaisseau, en produisaient la dilatation, frottaient contre ses parois, et, à cause de cela, circulaient avec moins de rapidité. Mais, d'autre part, Bichat n'a-t-il pas exagéré en niant l'existence de toutes résistances? et n'a-t-il pas erré en pro- fessant l'uniformité de la circulation artérielle? D'abord ;, le ralentissement graduel de cette circulation est un fait in- contestable, on le voit avec évidence dans les observations microscopiques. Quelle différence entre le jet que lance une artère, selon qu'elle est voisine ou éloignée du cœur! Dans les petites artérioles mêmes , le jet n'est plus saccadé , ce qui prouve que la force du cœur a été affaiblie , et celle- ci n'a pu l'êti'e que par des résistances. Ensuite, parmi ces résistances, il en est réellement d'incontestables , comme le MRCANISMR DE LA CTllGULATION. 817 poids des organes voisins , celui du sang, surtout quand ce fluide doit circuler contre l'ordre de la gravitation. A la vé- rité^ quand cela devait être, les moteurs ont été calculés pour vaincre cette résistance , et les effets n'en sont pas sen- sibles , mais ils apparaissent quand cette direction est acci- dentelle, comme quand on se tient la tête en bas, par exemple. Peut-on nier aussi qu'une perte de mouvement ne résulte de la dilatation et de la locomotion légère qu'é- prouve l'artère, ainsi que des frottements? et comme ceux- ci sont en raison du nombre des divisions, des éperons qui sont aux lieux où se font ces divisions, des courbures, ne doit-on pas en conclure que le sang artériel arrive réelle- ment avec des vitesses inégales dans les diverses parties du corps? Enfin , si d'une part la circulation artérielle est con- tinue, ce qui est incontestable; si, d'autre part, le système artériel donne aux systèmes capillaires autant qu'il a reçu du cœur, ce qui est à peu près certain aussi ^ il faut abso- lument que les quantités de sang qui traversent les diverses parties du système artériel soient à peu près les mêmes : or, comme celles-ci n'ont pas la m.ême capacité, il faut qu'une différence dans la rapidité y supplée, que le fluide circule plus vite là ou l'espace est moindre, plus lentement là où l'espace est plus large ; et comme la capacité du système artériel va en augmentant du cœur aux parties, la circula- tion doit y être de moins en moins rapide. M. Gerdj n'ad- met que celte cause de retard et nie celle attribuée aux obstacles. En somme, nous professons donc que la circula- tion artérielle diffère en vitesse dans les diverses parties du corps; et qu'allant en s'affaiblissant graduellement, elle est dans chaque partie en raison de la diversité des espaces que le sang a à traverser, et de la diversité des résistances qui s'opposent au mouvement du sang. Mais en même temps, nous ajoutons qu'il est impossible d'évaluer rigoureusement toutes ces données, et par conséquent la vitesse propre du sang artériel dans chaque partie. Nous dirons même, avec M. Gerdj, qu'on ne peut pas ici s'aider de recherches expé- rimentales , parce que si l'on ouvre une artère ou le cœur ' pour apprécier quelques traits du cours du sang, il en ré- 3i8 FOINGTION DE LA CIRCULATION. suite aussitôl quelques cliangements dans les résistances , et par conséquent dans les effels. Du reste, s'il pouvait rester quelques doutes relativement à l'erreur que nous reprochons ici à Bicliat , il suffirait , pour les lever, de couv^^idérer combien sont variées les dis- positions des artères qui portent le sang à chaque organe , et combien cependantces dispositions sont constantes. D'un côté, l'artère nutritive de chaque organe a une disposition spéciale, et, d'un autre côté, cette disposition se montre toujours la même : peut-on croire que cela soit sans impor- tance ? et , parmi les effets que cette disposition doit amener, une différence dans la vitesse etdans la force avec laquelle le sang arrive, n'est-il pas celui qu'il est permis de supposer tout d'abord? Quel contraste entre l'artère très courte et toute droite qui porte le sang au rein, et l'artère si longue, si grêle et si flexueuse qui le porte au testicule? Quel anato- miste , en voyant les courbures diverses que présentent les artères qui portent le sang au cerveau, n'a pensé que cette disposition avait pour but de diminuer les effets mécani- ques du choc du sang sur cet organe si délicat ? On a trouvé les précautions de la nature à cet égard si nécessaires^ que des physiologistes ont pensé que certains organes n'avaient pas d'autre office que d'amortir , au profit de certains autres, le choc que doit faire le sang lancé dans les artères. Ainsi Rusk a dit que la ihjrdide servait à briser l'affiux du sang qui est projeté au cerveau. Il se fondait sur la situation de cet organe entre le cœur et la tête; sur le nombi'e considérable des artères qu'il reçoit, bien qu'il ne soit le siège d'aucune sé- crétion; sur l'influence que reçoit le cerveau des maladies et de l'extirpation de la thyroïde, celle-ci ayant, dit-il, amené une phlegmasie cérébrale promptement mortelle, etle goêtre étant , au contraire , si souvent accompagné de l'idio- tisme. Sans doute, on ne doit regarder cette opinion de B^usk que comme une conjecture, mais Tidée qui l'avait inspirée est juste. Ainsi , le sang parvient avec des vitesses inégales , et dans des quantités différentes , dans les diverses parties du corps, dans les systèmes capillaires. MÉCANISME DE LA GTRGUIiATTON. 3 19 ARTICLE III. Circulation dans les systèmes Capillaires. Les systèmes capillaires constituent un réseau tellement délié et inextricable , que les phénomènes tle la circulation y sont difficiles à apercevoir; et si nous avons avoué notre ignorance relativement à leur texture , on conçoit que nous devons faire le même aveu relativement à leur action . D'abord , y a-l-il ici interruption dans la circulation ? ou bien , le sang passe-t-il au contraire d'une manière conti- nue, à travers les systèmes capillaires, des dernières arté- rioles dans les premières veinules ? Long-temps on admit un parenchyme intermédiaire aux artères et aux veines , et l'on croyait dès lors à une interruption de la circulation dans ce parenchyme; on le regardait comme le lieu où finissait la circulation artérielle , et où commençait la circulation vei- neuse: c'était dans les cellules de ce parenchyme qu'était versé le sang artériel ^ et qu'ensuite était repris le sang vei- neux; on croyait par là pénétrer plus facilement le méca- nisme par lequel le sang accomplit les nutritions, les sécré- tions. Mais aujourd'hui, la non interruption de la circulation des dernières artères aux premières veines , à travers les sys- tèmes capillaires, est universellement admise, et voici les preuves sur lesquelles on se fonde : i» Les circulations ar- térielle et veineuse ne s'interrompent jamais : quelle pré- somption pour que la circulation capillaire, qui est inter- médiaire à l'une et à l'autre , leur soit continue ! 2° Une injection poussée , soit sur le cadavre , soit sur un animal vivant, dans une artère, passe aussitôt à travers les systèmes capillaires, et parvient aux veines. 3» Il y a des rapports réels entre les circulations artérielle et veineuse, et il est difficile de les concevoir avec une interruptiou entre ces deux circulations. Par exemple, M. Magendie ayant mis à nu, sur un chien vivant, l'artère et la veine crurale, et lié le reste du membre , de sorte que la circulation ne s'y faisait plus que par ces deux vaisseaux, a vu qu'on ne pouvait mo- 320 FONCTION DE LA CIRCULAÏION. difier la circulation dans l'artère, sans la modiiîer dans la veine; en comprimant l'artère et y arrêtant la circulation , il Farrêlait aussi dans la veine ^ bien que ce vaisseau fut en- core plein de sang; en ne faisant qu'alfaisser l'artère, et y affaiblir la circulation, il déterminait un même eifet dans la veine; en remplaçant le sang par un fluide qu'il injectait dans l'artère , il voyait le fluide passer aussitôt dans la veime avec une vitesse proportionnelle à la force avec laquelle il était injecté. 4° En traversant le système capillaire (îu pou- m.on , le sang veineux devient artériel par la respiration. Or, que par une cause quelconque, celle-ci n'ait pas lieu, le sang restera veineux, il se montrera tel au-delà du poumon , dans l'artère carotide, par exemple, comme cela était dans les expériences de Bickat ; et comme il paraîtra tel dans ce vaisseau instantanément , on a par là une preuve irrécusa- ble qu'il a traversé sans interruption le système capillaire du poumon. A la vérité, ce même fait ne peut se démon- trer dans le cercle du corps ; mais comme tout est semblable dans lés deux cercles ^ on peut étendre aux systèmes capil- laires du corps ce qui est évident du système capillaire du poumon. Arguërait- on des mutations qu'éprouve le sang dans ces systèmes capillaires? Mais il se fait une de ces mu- tations dans le système capillaire du poumon, et cependant on vient de voir que la circulation y est continue; il est donc probable qu'il en est de même dans les systèmes ca- pillaires du corps. N'est-il pas possible, d'ailleurs, que ces opérations se passent en-dehors du cercle? 5° Enfin, dans les observations microscopiques, Malpighi , Leuwanhoek et Spaitanzanï ont vu le sang passer directement et sans inter- ruption des artères aux veines , à travers les systèmes capil- laires et le parenchyme des organes. Ce premier fait établi , cherchons maintenant quelles sont les causes de la circulation capillaire ? Harvey n'en recon- naissait pas d'autres que l'action du cœur, et croyait les systèmes capillaires entièrement passifs dans la circulation. Mais, d'abord, ce dernier fait fût-il vrai , il faudrait ajou- ter à l'action du cœur l'influence exercée par les artères; car c'est par le concours de ces deux puissances que le sang MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 32 1 est arrivé jusqu'au point du cercle où nous étudions son coui's. Ensuite, ces deux puissances ne suiTisent plus pour faire traverser au sang les systèmes capillaires : il existe des raisons de croire que leur influence est en grande partie épuisée , lorsque le fluide arrive à ce point du cercle. On a vu , en elïet , qu'à la fin du système arlériel , le sang arté- riel cessait de circuler par saccades coïncidentes avec les con- tractions du cœur, et cela , parce que les résistances succes- sivement croissantes avaient beaucoup affaibli l'action impul- sive de cet organe; on a vu que, par la même raison, le cours du sang avait été en diminuant successivement de vitesse dans le système artériel. En troisième lieu , n'est-ce pas dans les systèmes capillaires que se font les nutritions, les calo- rifications, les sécrétions, l'hématose? Or^ de quelque ma- nière qu'on conçoive le mécanisme de ces fonctions , il est difficile de croire qu'elles n'aient pas une influence très pro- cbaine sur le cours du sang qui les alimente. Enfin , dans des observations microscopiques sur des animaux vivants, on a vu directement le sang dans les petits vaisseaux, non- seulement circuler des artères vers les veines, à travers les systèmes capillaires, avec des phénomènes tels, que sa pro- gression ne pouvait pas pas être attribuée à l'action du cœur; mais souvent encore s'arrêter, être comme hésitant sur la direction qu'il suivrait , et même rétrograder avec une promptitude étonnante, et pendant un temps fort long. En irritant une partie blanche, on voyait le sang affluer tout à coup dans le système capillaire de cette partie; et ce système paraissait exercer une sorte d'aspiration sur ce liquide. D'après ces faits, on a abandonné l'opinion de Harvey; mais on est tombé alors dans un extrême opposé. On a pré- tendu que les puissances impulsives du cœur et des artères étaient désormais épuisées à ce point du cercle^; et que le sang ne circulait plus ici que par l'action des systèmes ca- pillaires. Telle est, par exemple, l'opinion de £ichaL. Sams contredit ces deux forces motrices ont perdu une grande partie de leur puissance , par suite des résistances qu'elles ont eu à vaincre ; mais rien ne prouve qu'elles Faicnt perdue Tome HT. 21 32 2 FONCTION DE LA CIRCULATION. en entier, «t il paraît, au contraire , qu'elles en conservent encore. Nous avons, par exemple, cité une expérience de M. Magendie y dans laquelle l'artère et la veine crurale d'un chien vivant ayant été mises à nu, on a vu la circulation dans l'artère, régler celle qui se fait dans la veine; la cir- culation dans la veine s'arrêter, s'afï'aiblir même avant que le vaisseau fût vide de sang , quand on arrêtait ou affaiblis- sait la circulation dans l'artère. Cette expérience prouve que ces puissances s'étendent jusqu'à la circulation veineuse. Gomment dès lors pourraient-elles n'avoir pas de part à la circulation capillaire, qui est plus rapprochée d'elles ? Pour- quoi, d'ailleurs, tant de troubles dans la circulation capil- laire, dès que les mouvemenls du cœur se pressent ou s'af- faiblissent; par exemple, la pâleur, le froid des parties les plus éloignées du tronc, quand le cœur manque de force ? La vérité nous semble être dans la combinaison de ces deux opinions trop exclusives. Les deux puissances qui jus- que là ont mu le sang , plus une action spéciale des systèmes capillaires, telles sont les causes de la circulation capillaire. Mais probablement cette dernière est la principale. Ce sont, en effet , ces mêmes systèmes capillaires qui font les nutri- tions, les calorifîcations, les sécrétions; et nous avons déjà dit qu'il était difficile de croire que ces actions ne fussent pas liées en quelque sorte à la circulation. Que d'animaux d'ailleurs qui n'ont pas de cœur ! Le défaut de cet organe a même été observé dans des fœtus humains , chez lesquels la circulation ne se faisait pas moins. Enfin , dans les végé- taux et les derniers animaux , c'est le parenchyme même des organes , c'est-à-dire les systèmes capillaires, qui emploient les fluides et en déterminent la progression ; le cœur n'existe que dans les animaux supérieurs; or, l'action de ces systè- mes capillaires doit être aussi importante chez l'homme, les actes inférieurs étant les mêmes dans dans tous les ani- maux , et les différences ne portant que sur les phénomènes antécédents à ceux-là, et qui en sont, en quelque sorte, Té- chafaudage. Ajoutons qu'ici les vaisseaux sont si déliés et si divisés, qu'il n'est guère possible de croire à une grande in- fluence de la part du cœur. MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 02 3 Mais en quoi consiste cette aclion des systèmes capillaires ? elle ne tombe pas plus sous les sens que leur texture; et l'on ne peut en juger que par les observations microscopiques, et certains pliénomènes organiques de santé et de maladie. On admet généralement que le sang obéit ici à deux impui- sions : Tune, qui lui fait suivre le grand cercle, et passer des dernières artères dans les premières veines; l'autre, qui l'appelle dans le parenchyme des organes , pour y être mis en œuvre : il est comme hésitant, oscillant entre ces deux directions; le cœur est ce qui le pousse dans la pre- mière; et l'action propre des systèmes capillaires est ce qui l'entraîne dans la seconde. Il est difficile, en elfet, de nier cet appel du sang dans les systèmes capillaires, en raison de leur excitation ; on Ta observé directement dans les expé- riences microscopiques : qu'on irrite un tissu, aussitôt le sang y afflue. Sur ce fait, repose en entier l'emploi théra- peutiquedes topiques irritantset sédatifs, ainsi que l'axiome uhi stimulus, ihi Jluxus. L'inflammation est surtout un phénomène qui le prouve. De là même , résulte que c'est réellement cette action aspirante des systèmes capillaires, qui règle la quantité de sang qui traverse les trois autres parties de l'appareil circulatoire. On dit généralement que le cœur lance dans les artères autant de sang qu'il en a reçu des veines ; que les artères , à leur tour, rendent cette même quantité aux systèmes capillaires ; ceux-ci aux veines ; et qu'ainsi, il y a équilibre dans les quatres parties de l'ap- pareil circulatoire. Cette proposition est vraie à l'égard des veines, du cœur et des artères, mais elle ne l'est pas des systèmes capillaires. Ces systèmes peuvent appeler plus ou moins le sang, ou se refuser à se laisser pénétrer par celui qui leur est envoyé; par suite, ils modifieront le cours du sang dans les gros vaisseaux , feront varier le pouls, et dé- termineront la quantité de sang qui passera par les veines, le cœur et les artères. Ne voit-on pas , en elï'et , grossir les vei- nes et les artères de tout organe surexcité; celles de Futérus dans la grossesse, par exemple; de la mamelle, lors de la sécrétion du lait, etc. ? IN 'est-ce pas l'action aspirante exer- cée par les systèmes capillaires des parties , plus que l'action 2 I, 324 FOISCTION DE LA. CIRCULATION. impulsive du cœur, qui, en certains cas de ligature du tronc principal d'une artère, fait développer les artères collatérales ? Rien ne paraît donc mieux démontré que cet appel effectué par les systèmes capillaires , et l'on pourrait dire que le cœur ne sert qu'à envoyer, dans les gros vais- seaux , le sang que ces systèmes capillaires doivent employer. Qu'une portion du système capillaire aspire plus de sang, celui de tous les vaisseaux voisins se dirige vers elle , la fluxion s'étend de proche en procbe jusqu'aux gros vaisseaux, selon que cette portiou du système capillaire a plus ou moins d'étendue et d'importance. Je sais bien que quelques au- teurs placent cette circulation capillaire en dehors du grand cercle; mais on ne fait par là qu'éluder la difficulté : comme il est sûr qu'elle influe prochainement sur lui , on doit la considérer comme en faisant partie. C'est Bordeu qui , le premier, a séparé \a circulation capillaire de la circulation dite générale , ou des gros vaisseaux : sans doute cette dis- tinction est fondée, et est des ]dus importantes en patho- logie et en thérapeutique; mais il est évident aussi que ces deux circulations sont liées , et que la première modifie trop la dernière pour qu'on puisse complètement l'en isoler. Du reste, cette action d'aspiration, exercée par les sys- tèmes capillaires, ne peut nullement être déterminée. On Ta dite une succession de contractions et de dilatations ac- tives; mais ce n'est là qu'une conjecture; cette action étant ' tout-à-fait moléculaire , on ne peut rien savoir d'elle, sinon que les systèmes capillaires ne sont pas passifs pour sa pro- duction , et qu'elle n'est ni physique ni chimique, mais organique et vitale. Ce que nous venons d'en dire démon- tre en effet, la vérité de ces deux propositions. D'abord pour que les systèmes capillaires n'eussent aucune part à la circulation capillaire, il faudrait que le sang les traversât mécaniquement : et cela n'est pas. Ensuite, est-il possible de rapporter à une action physique, à l'attraction des tubes capillaires , par exemple , le rôle que les systèmes capillaires jouent ici ? Mais ils fondent une force qui sert à vaincre des forces physiques. Leur action de circulation est assez prochainement liée aux actions de nutrition , de sécrétion, MÉCAmSME DE LA CIRCULATION. 3 25 qui sont des actions vitales. Tout ce qui modifie ja vitalité des capillaires ^ applications irritantes , sédatives , en mo- difie la circulation. Leur action , enfin , paraît même être assujettie à une influence nerveuse, cojnme le prouvent la pâleur ou la rougeur qu^éprouyent certaines parties lors des affections de Famé. A tous ces traits, qui pourrait mécon- naître une action organique et vitale ? Ou , si l'on veut néanmoins qu'elle soit physique , il faut reconnaître au moins que la condition matérielle qui en rend possible l'ac- complissement, est tout-à-fait dépendante des nerfs qui entrent dans la texture des parties, et varie sans cesse sous leur influence. Telles sont les causes organiques de la circulation capil- laire. On peut en ajouter de mécaniques ; savoir : les in- fluences de la gravitation, des mouvements généraux du corps ou de quelques-unes de ses parties, des battements des artères voisines , etc. Mais il faut remarquer que ces influences fondent aussi souvent des résistances que des puissances motrices. Ainsi que nous l'avons dit, dans la cir- culation des fluides des corps organisés , il y a toujours des considérations mécaniques auxquelles il faut avoir égard , et qui compliquent considérablement l'analyse du phé- nomène. Quant aux résistances, elles sont ce qu'elles étaient dans la circulation artérielle, la masse du sang à mouvoir, et les frottements qui doivent être ici plus considérables encore en raison des subdivisions infinies des vaisseaux , de leurs courbures, de leurs entrelacements. Aussiya-t-il déjà ici plus de ces dispositions mécaniques qui sont destinées à fa- ciliter la circulation, comme des anastomoses plus fréquen- tes ; d'où résulte que, si le sang trouve un obstacle d'un côté, il peut refluer de l'autre , ainsi que l'ont vu ceux qui ont observé sur des animaux vivants la circulation capil- laire avec le microscope. Maintenant, de cette connaissance des causes qui prési- dent à la circulation capillaire, et des résistances à vaincre, pouvons-nous déduire les traits de cette circulation, savoir, sa vitesse , le rapport des puissances aux résistances, etc. ? 32 6 PONCTION DE LÀ CIRCULATION. Il est évident qu'on ne peut évaluer, ni les causes motrices, ni les résistances , et par conséquent qu'on ne peut analyser avec touterigueur le phénomène. Yoici toutce qu'onassure. D'abord, on dit que la circulation capillaire est assez lente, probablement parce qu^on juge cette lenteur nécessitée par les actes de nutrition, de sécrétion, dont cette circulation fournit les matériaux. Mais peut-être cette lenteur est-elle moindre qu'on ne l'a dit; à juger par les expériences de Bi- chat sur la respiration , elle est assez prompte dans le cercle pulmonaire ; et par analogie on peut la croire aussi prompte dans le cercle du corps. D'ailleurs^ avec quelle rapidité des boissons parviennent de l'estomac aux reins! Ensuite ^ on professe que cette circulation capillaire n'est pas la même dans chaque partie du corps. En effet, nous avons vu déjà que le sang est versé par les artères dans les parties, dans des quantités et avec des vitesses inégales; et en outre, chaque partie aspire dans les gros vaisseaux des quantités diverses de sang, selon sa vitalité , Tactivité de sa fonction. Dès lors, ce que l'on dirait de la circulation capillaire dans un lieu ne serait pas applicable à un autre; et il faudrait dire les circulations capillaires, comme on dit les nutritions. Enfin celte circulation capillaire change dans chaque partie, selon l'état d'activité de celle-ci , selon les excitations directes ousympathiquesauxquelleselleestsoumise;etàcetégardelle est bien plus variable que la circulation artérielle. Nous ne parlons pas de Fétat de maladie; il est trop évident qu'un changement dans la circulation capillaire d'un organe est un phénomène inséparable de toute lésion de cet organe ; mais nous entendons que cette circulation se modifie selon les divers degrés d'activité que peut, pendant l'état de santé, présenter tout organe. Par exemple, il est des organes dont les fonctions sont intermittentes; et il est bien sûr que le sang qu'ils appellent en eux n'est pas aussi abondant lors- qu'ils sont en repos que lorsqu'ils sont en action. Dans tout organe dont le travail redouble , la circulation capillaire est activée; il en est de même dans celui qui est soumis à une excitation quelconque, soit directe, soit sympathique. Or, des variations de ce genre surviennent sans cesse dans MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 327 ]e cours de la vie. Ainsi s'expliquent taules les différences que présentent entre eux les organes sous le rapport, du sang qui les pénètre ; toutes celles que présente un même organe selon son état d'excitation ou d'atonie; et enfin les modifi- cations que présentera la circulation générale dans les divers états de la santé et de la maladie. Des modifications dans une partie importante du système capillaire, sont en effet bientôt partagées, comme nous l'avons dit, par la circula- tion générale. On peut admettre que les gros vaisseaux, con- sidérés séparément des systèmes capillaires , et comme con- stituant à eux seuls le cercle, sont comme un réservoir qui fournit sans cesse aux systèmes capillaires^ mais dans lequel ceux-ci ne puisent que la quantité qui leur convient. Seule- ment , si par un accident quelconque une portion impor- tante du système capillaire cesse de puiser, il y a surcharge dans les gros vaisseaux, et menace d'une congestion fatale dans quelques points. Par exemple , dans les opérations d'a- névrysme, on est souvent obligé de saigner, jusqu'à ce que la circulation soit rétablie dans le membre, si l'on veut évi- ter des apoplexies ou des inflammations du poumon. Il en est de même à la suite de l'amputation d'un membre. L'efltît est semblable, si l'action du système capillaire étant la même, il y a par une cause quelconque surcharge de sang dans les gros vaisseaux, pléthore; il pent survenir aussi quelques congestions mortelles; et on en produit en quelque sorte d'artificielles dans les animaux , par des injections d'eau dans les veines, ou mieux par la transfusion du sang. A ce propos, il a été professéparbeaucoup de physiologistes, que sur le trajet de l'appareil circulatoire, étaient placés çà et là certains organes dont la fonction était de servir de diver- ticulum au sang , dans les cas où d'autres parties se refuse- raient, par une raison quelconque , à se laisser pénétrer par la quantité de ce liquide qui doit d'ordinaire leur arriver. Ge rôle a surtout été attribué à ces organes dont on n'a pas encore découvert la fonction , et sur lesquels on fait à cause décela de continuelles conjectures, comme la rate, le thy- mus, la thyroïde , les capsules surrénales. Ainsi , Lieutaudy remarquant que la rate était toujours plus grosse lors de la 32 8 FONCTION DE LA CIRCULATION. vacuité de l'estomac , que lors de la plénitude de ce viscère, disait que le sang dans Tiatervalle des digestions refluait dans la rate; il faisait ainsi de la raie un diverticulum de sang pour l'estomac : il trouvait à cela cet autre avantage, de faire fournir par la veine-porte plus de sang au foie , dont le pro- duit se prépare aussi dans l'intervalle des digestions. D'au- tres ont admis l'idée de Lieutaud avec cette modification, que, lorsque le sang qui s'est accumulé dans la rate lors de la vacuité de l'estomac en est exprimé dans le temps de sa plénitude, ce n'est pas pour alimenter la sécrétion biliaire, mais bien celle du suc gastrique. Rush a étendu davantage encore cette idée : il fait aussi de la rate un di- verticulum du sang, mais non pour l'estomac seulement, mais pour tout le corps en général, lorsque la circulation trop excitée ferait courir le risque de voir se former des conges- tions sanguines dans quelques organes ^ comme dans les passions , les mouvements violents , la course : il arguë de la nature spongieuse de la rate , de la fréquence de ses dis- tensions , de la grande quantité de sang qui lui arrive, de son voisinage du cœur et du centre de la circulation, et de la sensation qui lui est rapportée dans la course, dans le rive. Enfin, M. Broussais a tout-à-fait généralisé cette idée des diverticulums. D'une part , il avance qu'il en existe tou- jours à côté des organes dont les fonctions sont évidemment intermittentes. Chez le fœtus, par exemple, près des par- ties qui ne sont pas encore en exercice , se trouvent , selon lui, des organes destinés à distraire le sang qui devra plus tard leur arriver; tels sont le îhjmus et la thyroïde , re- lativement au poumon; \es caps ides surrhénales , veiaLÛve- ment aux reins. A la naissance ensuite, ces organes, ou s'oblitèrent tout-à-fail, si ceux dont ils devaient recevoir le sang ont des fonctions continues^, ou ne s'oblitèrent qu'en partie, quand les fondions de ces derniers présentent des alternatives d'activité et de repos. C'est ainsi que la rate persiste, comme diverlicuîum de l'estomac, dont les fonc- tions sont pendant toute la vie intermittentes, tandis que le tbymus disparaît , quand la respiration est établie. D'autre parr , ce que Rush avait dit de la rate comme diver- MÉCANISME DE LA CIIICULATIOW. 829 llculum pour tout le corps, M. Broussais l'étend au l'oie el au système de la veine-porte; il regarde celui-ci comme un réservoir qui sert à recevoir le sang dans les divers cas où survient quelque retard, quelque arrêt dans la circulation, ou comme propre à imprimer à ce liquide une nouvelle cause d'impulsion. Tout cela sans doute est fort ingénieux , mais ne peut être accueilli que comme conjecture à méditer. D'abord , JBi- cliat et autres ont contesté l'assertion de Lieutaud , que la rate est plus grosse lors de la vacuité de l'estomac; et nous avons déjà dit que les physiologistes tour-à-tour niaient ou accordaient le changement qu'on a dit se faire dans la cir- culation de l'estomac et des organes voisins, selon qu'il y a ou n'y a pas digestion. Cependant nous reviendrons sur cet usage attribué à la rate, à l'article de la sécrétion biliaire. Quant au thymus , à la thyroïde et aux capsules surrénales , peut-on dire, avec M. Broussais , que ces organes ne sont que des diverticulums? n'ont-ils pas une texture trop com- pliquée, pour n'avoir ainsi à remplir qu'un office mécani- que ? A supposer qu'une dérivation fût ici nécessaire, pour- quoi n'aurait- il pas suffi pour Feirectuerj de simples trous ou canaux, comme nous verrons que le font dans le fœtus le tj^ou de Botalet le canal artériel? Pourquoi, par opposi- tion, la disparition du thymus avec l'âge, et au contraire la persistance de la thyroïde et des capsules surrénales ? Il est trop évident que tout ce point de doctrine n'est qu'une hypothèse. Maisee qui n'en est pas une , d'après ce que nous avons dit avant cette digression, c'est que la circulation capillaire est différente dans chaque partie, variable dans une même partie; que , par ses variations, elle modifie la circulation générale, le pouls; et enfin, que ses divers départements dans le corps s'influencent au loin les uns les autres. C'est pendant que le sang traverse les systèmes capillaires, que ce fluide est changé dans les systèmes capillaires du corps d'artériel en veineux, et dans ceux du poumon de veineux en arlériel. On est sûr que ce n'est pas la circulation capil- laire proprement dite qui effectue cette dernière conversion, 33o FONCTION DE LA CIRCULATION, puisque nous avons vu , à l'histoire de la respiration, que cette conversion exigeait l'intervention de l'oxygène. Nous devons conséquemment en dire autant de la conversion du sang artériel en sang veineux , dans les systèmes capillaires du corps. C'est bien pendant la circulation capillaire qu'elle s'accomplit; mais il faut probablement de plus, que quelque principe soit enlevé au sang, comme dans l'acte inverse il avait fallu que quelque principe nouveau lui fût fourni. Si la circulation capillaire influe sur la formation du sang veineux, ce n'est donc qu'indirectement, et parce qu'elle influe sur les actions d'élaboration qui se passent dans les parenchymes, c'est-à-dire sur les nutritions et les calorifi^ cations. ARTICLE IV. Circulation dans les Veines. Dans les veines, le sang circule, d'une part, du système capillaire du poumon au cœur gauche, et, d'autre part , du système capillaire du corps au cœur droit. Il s'agit encore ici de spécifier les causes qui président au cours du sang dans cette dernière partie de l'appareil circulatoire, de mention- ner les résistances que ces causes ont à vaincre , et de dé- duire de la connaissance de ces éléments de la circulation veineuse, les traits de cette circulation. Harvej n'assignait encore d'autre cause au cours du sang dans les veines , que l'action du cœur , dont l'influence im- pulsive s'étendait, à travers les artères et les systèmes ca- pillaires , jusqu'à cette dernière partie du cercle. Mais nous répéterons ici ce que nous avons déjà dit à l'occasion de la circulation capillaire. D'abord^ il faut nécessairement ajou- ter à l'action du cœur celle des artères que nous avons vu influer sur la progression du liquide. Ensuite, si ces deux puissances motrices avaient été en grande partie épuisées à la fin du système artériel, à plus forte raison doivent-elles l'être ici , l'espace qu'a eu le sang à parcourir étant bien plus grand, et les résistances à vaincre ayant été plus nombreu- ses. Enfin , les systèmes capillaires qui influent tant sur la MÉCANISME DE LA CinCULATTON. 33 1 circulation capillaire , el qui par suite modifient tant la circulation générale, particulièrement celle des artères, pourraient-ils n^avoir aucune part à la circulation veineuse? Ajoutons qu'évidemment les veines n'ont pas de pouls; que dans ces vaisseaux le sang offre, moins encore que dans les dernières artères , ces saccades qui coïncident avec les con- tractions des ventricules; que même ce fluide y coule en nappes d'une manière continue. D'après ces considérations , Bicliat rejette l'opinion de Harvey , mais pour tomber dans une erreur opposée : fai- sant cesser l'influence du cœur sur la circulation à l'extré- mité du système artériel, il attribue la circulation veineuse à la seule action des systèmes capillaires. Cependant l'expé- rience précitée de M. Magendle a fait voir la circulation dans les veines correspondant à celle qui se fait dans les ar- tères, puisqu'en comprimant Tartère crurale on a arrêté in- stantanément la circulation dans la veine crurale , bien que ce vaisseau fût encore plein de sang. Qu'on ouvre d'ailleurs une veine sur un animal vivant , le jet de sang que fournit ce vaisseau est d'abord uniforme; mais bientôt il offre des saccades qui coïncident avecles contractions des ven tricules. Nous croyons qu'il faut admettre comme causes motrices du sang dans les veines, i» toutes celles qui ont agi anté- cédemment sur le fluide, mais dans une mesure d^autant plus grande que ces causes sont placées plus près du système veineux; 2» une action des veines elles-mêmes. Ainsi, d'une part, action du cœur, action des artères, et action des systèmes capillaires, qui peut-être n'agissent ici qu'en influant sur la circulation générale, sur la quantité de sang qui est aspirée dans le cercle; d'autre part, action des vei- nes elles-mêmes. Cette action des veines n'est pas certaine- ment une action d'irritabilité du genre de celle dont jouit le cœur, mais elle n'est pas non plus une simple élasticité, car le sang jaillit plus loin de ces vaisseaux, quand on les pique entre deux ligatures pendant la vie , qu'après la mort. Cependant on dit avoir reconnu une véritable irritabilité dans les gros troncs, dans la veine-cave inférieure, par exemple, surtout dans les animaux a sang froid. 332 rOlNGTION DE LA CIRCULATION. A ces causes de la circulation veineuse , on peut en ajouter d'accessoires, savoir : lo le battement des artères^ qui, à cause de cela, sont généralement annexées aux veines; 2» la pression des organes voisins^ surtout des muscles, etc. La peau, par exemple, en soutenant les veines, aide la circu- lation veineuse , car si la résistance de cette membrane di- minue, les veines deviennent variqueuses, preuve que le sang y stagne; et il faut recourir à un bandage mécanique. Une semblable influence est exercée par les mouvements in- spirateurs sur le sang des veines du tborax et de l'abdomen, par ceux du cerveau sur les veines des sinus de la méninge, par tous mouvements musculaires quelconques sur les veines voisines , comme le prouve le bon effet de ceux qu'on fait pratiquer pendant la saignée, pour que le sang coule. Quant aux résistances, elles sont ici les mêmes que dans la circulation artérielle, savoir, la masse du sang à mou- voir, et les frottements. Mais comme il n'est pas plus pos- sible d'évaluer ces résistances que les causes motrices, on ne peut , en opposant les unes aux autres , acquérir une appréciation rigoureuse de la circulation veineuse; et tout ce qu'on en sait peut se réduire aux considérations sui- vantes. D'abord, évidemment les causes motrices ont ici une énergie moindre qu'aux artères, et dès lors la circulation veineuse doit être plus dépendante d'influences mécaniques que l'artérielle. Pour peu qu'il y ait affaiblissement de l'é- conomie, la gravitation suffit pour ralentir la circulation veineuse , même dans les lieux où le sang doit naturellement circuler contre son propre poids : de là l'enflure , l'œdème des jambes cliez les convalescents. La moindre pression a les mêmes résultats. A cause de cela , beaucoup de précautions paraissent avoir été prises par la nature pour faciliter mécaniquement la circulation veineuse, ou pour remédier aux mauvais eflets qui pourraient résulter de son retard. Nous avons déjà parlé de l'influence exercée par les battements des artères voisines, par la pression des organes voisins ; il faut ajouter encore : 1" les anastomoses qui sont ici très multipliées, afin que MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 333 lorsque le fluide est arrêté d'un côté, il trouve passage d'un antre; 20 les valvules qui sont dans Fintérieur des veines , et qui ont le double usage de prévenir le reflux du sang^ une fois qu'il est parvenu à un point quelconque du sys- tème, et de partager ce fluide en petites colonnes , qui sont conséquerament [)lus faciles à ébranler; 3» la particularité qu'ont les veines de pouvoir se dilater beaucoup, ce qui rend moins grave la stagnation du sang dans ces vaisseaux; 4^ enfin, la plus grande capacité du système veineux, qui a aussi pour but de prévenir les dangers qui résulteraient d'une stagnation du sang dans ison intérieur. Cependant les diflerentes veines du corps diffèrent sous le rapport de ces précautions accessoires. Là où lesang circule de baut en bas, et tend à se mouvoir par le fait seul de son poids; là où il est soumis à des pressions extérieures, comme a a thorax , à l'abdomen , ces précautions mécaniques sont moindres : par exemple , les veines sont sans valvules, ont des parois plus minces; là où existent des circonstances inverses, comme aux pieds, où le sang remonte contre son propre poids, aux veines sous-cutanées, qui ne sont pas soutenues, il y a des valvules nombreuses aux veines , et leurs parois sont plus épaisses : par exemple, la veine sapbène interne a des parois plus épaisses que l'iliaque. En second lieu, tout en convenant qu'on ne peut évaluer la vitesse des circulations artérielle et veineuse, il est cer- tain que celle-ci est plus lente que la première. Si on ouvre une veine et une artère d'un égal volume , le jet fourni par la première est bien moins étendu que celui que lance la se- conde. Comment pourrait-il en être autrement, puisque les forces motrices sont moindres, et les résistances plus gran- des? Le cours du sang dans les veines n'oflre pas non plus ces saccades intermittentes que présentait la circulation ar- térielle , et qui coïncidaient avec les contractions des ven- tricules; il est uniforme. En troisième lieu, examinée dans les plus petites veines , il est probable que cette circulation varie dans les diverses parties du corps. Nous avons vu , en effet, que la circulation capillaire y est différente; nous verrons que les actions de 334 FONCTION DE LA CIRCULATION, nutrition , de calorification qui s'y produisent , y diffèrent aussi ; dès lors , il est probable qu'il en est de même de la circulation veineuse, surtout à ce point où elle se confond avec la circulation capillaire. D'ailleurs, dans le cadavre comme dans le corps vivant, rien n'est plus fréquent que de voir telle portion du système veineux gorgée de sang, et telle autre vide. Enfin j la circulation veineuse ofl're cette différence d'avec la circulation artérielle , que tandis que celle-ci va en s'af- faiblissant, se ralentissant à mesure qu^elle s'éloigne du cœur, et se fait dans des vaisseaux plus petits , la circulation veineuse va, au contraire, en s'accélérant. Le cours du sang, qui est fort lent dans les veinules, est déjà plus rapide dans les rameaux, et encore plus dans les troncs. On explique ce fait par la diminution de capacité que présente le système veineux de son origine à sa terminaison, et qui semble per- mettre l'application de ce principe d'hydrodynamique , que le cours de tout fluide s'accélère , quand le tuyau où il cir- cule se rétrécit. On confirme cette explication, en faisant remarquer que pour hâter le cours du sang en quelques vei- nes, il suffit d'oblitérer le calibre des veines voisines, comme le fait la ligature dans l'opération de la saignée. On indique cette disposition, comme une précaution qu'a prise la nature pour faciliter mécaniquement le cours du sang. Nous ne ga- rantissons pas la justesse de cette application d'hydrodyna- mique : dans les êtres vivants, chez lesquels les forces géné- rales n'ont conservé qu'en partie leur empire , il est difficile souvent de préciser ce qui en reste ; et , comme nous l'avons déjà dit, c'est cette association des forces générales et des forces spéciales qui rend très difficile et même impossible l'analyse rigoureuse du phénomème de la circulation. Mais le fait que par cette loi on veut expliquer, est certain. Voilà donc le cercle de la circulation achevé , et le rôle de chacune des quatre parties de l'appareil circulatoire au- tant que possible apprécié. Le cœur fait Toffice d'une pompe aspirante et foulante qui projette le sang dans les artères; MÉCAISISME DE LA CIUCULATION. 335 son influence s'étend dans tout le cercle, mais elle est d'au- tant moindre sur le sang, que ce fluide s'en éloigne davan- tage. Les artères servent par une réaction, qui peut-être n'est que de l'élasticité dans les gros troncs, mais qui cer- tainement a quelque chose d'organique dans les rameaux. Les systèmes capillaires font le partage du sang en deux por- tions , Tune qui continue le cercle et passe dans les veines , l'autre qui est appelée dans les organes et y est mise en œuvre; et comme c'est pour cette fin qu'a lieu en dernière analyse toute la circulation , c'est ce dernier acte qui règle toul€ la fonction. Enfin les veines rapportent le sang, par un reste des actions du cœur et des artères, par l'influence des systèmes capillaires, et par une action qui leur est pro- pre. Dans le cœur, le cours du sang est intermittent ; dans les artères, il est continu, mais saccadé, et de moins en moins rapide ; dans les systèmes capillaires, il est oscillant , souvent rétrograde, etdiflerent dans chaque partie du corps; dans les veines, il est à leur origine spécial aussi dans cha- que partie, du reste plus lent que dans les artères, mais de plus en plus rapide. Tandis que les artères n'avaient qu'une seule origine aux cœurs , les veines y ont plusieurs embouchures, et on conçoit l'avantage de cette double dis- position. Tel est donc le mécanisme par lequel le sang est porté à chaque organe et en est rapporté. On a encore assigné à la circulation d'autres causes que celles que nous venons d'in- diquer. Par exemple, on a parlé d'un gaz existant dans le sang, et qui, raréfié par la chaleur, pousserait les globules de ce liquide dans la direction selon laquelle il circule. On a dit que les globules du sang, étant soumis à une pression, revenaient sur eux-mêmes par une véritable élasticité, et recevaient par là une impulsion en un sens déterminé. On a comparé les deux systèmes vasculaires artériel et veineux aux deux branches d'un siphon, le fluide remontant dans la seconde branche , par cela seul qu'il a été porté dans la première. On a dit que par cela seul qu'une des cavités du cœur s'était contractée, il en résultait dans le système un vide vers lequel devait dériver le fluide, et que cela irapri- 336 FONCTION DE LA CIRCULATION. mait l'impulsion à toute la masse du sang. Enfin on a parlé d'ébullition , d'effervescence survenant dans le cœur, par suite du mélange, dans cet organe, du sang avec un principe igné, un ferment, une lymphe acide, les esprits animaux, etc. Mais tout cela est trop évidemment hypothétique pour mé- riter une réfutation. Dans le cercle du corps , il existe à la disposition géné- rale du système veineux une exception, qui est trop remar- quable pour être passée sous silence : c'est celle qui constitue le système veineux abdominal. On sait que toutes les veines qui rapportent le sang des organes digestifs situés dans l'ab- domen , se réunissent en un tronc commun appelé veine- porte. Celui-ci , d'après la loi commune , devrait se rendre en un tronc plus gros encore , la veine cave inférieure, par exemple. Au lieu de cela, il se ramifie dans le tissu du foie, à la manière d'une véritable artère. Or c'est là ce qu'on ap- pelle le système ^veineux abdominal , dans lequel on peut signaler deux arbres , réunis Fun à l'autre par leur tronc et dont la veine-porte est le centre, un abdominal et un hé- patique. Il s'agit d'en étudier la circulation. Voici d'abord quelle y est la marche du sang : ce fluide , revenant des or- ganes digestifs par les veines de l'arbre abdominal, se ras- semble dans la veine-porle; de là il est projeté par cette veine dans le tissu du foie; et, enfin, les veines dites sus- hépatiques l'y reprennent pour le conduire dans la veine cave inférieure, et le rendre à la circulation générale. On voit par là que ce sang a traversé deux systèmes capillaires, celui des organes digestifs d'abord, et ensuite celui du foie. Jusqu'à son arrivée dans la veine-porte, il est dans les mêmes conditions que le sang des autres parties du corps. Mais il nen est pas de même dans l'arbre hépatique : quelles causes le font circuler là de la veine-porte au foie , et du foie à la veine cave ? D'après ce qui est dans la circulation générale , il semblerait qu'il devrait y avoir là un cœur j et cependant il n'y en a pas. On a bien voulu considérer comme tel la veine-porte ; mais ce vaisseau n'a rien de mus- culeux , on ne voit et ou ne peut déterminer en lui aucune contraction. îl faut absolument que les mêmes causes qui MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 337 ont porté le sang du système capillaire des organes digeslifs dansla veine porte, le fassent cheminer de ce tronc à travers le parenchyme du foie jusque dans les veines sus-hépatiques. Ce système veineux abdominal fournit une des plus fortes objec- tions qu'on puisse faire à la théorie de Harvey, qui voulait que le cœur fût l'unique agent de la circulation. Comment croire qu'ici l'influence du cœur se soit conservée au-delà do deuxsystèmes capillaires ?et si c'est un système capillaire qui est le mobile de cette petite circulation, quelle présomption pour que ce soit de même un systèmecapillairequi agissedans la grande circulation?Cetteraison est d'autant plusforte, qu'il y a, comme nous l'avons dit, des animaux dans lesquels il n'y a pas de cœur pour la grande circulation. Toutefois on conçoit que tout ce que nous avons dit de la circulation veineuse en général sera plus vrai encore de la circulation veineuse abdominale : elle sera plus dépendante encore d'influences mécaniques; les mouvements du diaphragme, des parois abdominales j des organes digestifs, la gravitation, auront empire sur elle. Cependant les veines de ce système n'ont pas de valvules, et ont des anastomoses moins nombreuses ^ surtout dans l'arbre hépatique : probablement c'est parce que le foie auquel aboutit cette circulation ne change que rarement de volume et d'état, offre toujours à peu près la même facilité au passage du sang ; à la différence du poumon , auquel aboutit la circulation générale, qui change sans cesse, comme nous le verrons ci-après , dans les mouvements de la respiration. Il est encore deux organes où l'appareil circulatoire offre quelques dispositions particulières, le cerveau et le cœur. Yoici d'abord ce qui est du premier. Quatre grosses artères , les carotides internes et les vertébrales, portent à l'encé- phale une portion de sang très considérable , et que Mal- pighi a évaluée le tiers de celui de tout le corps, BaUej\ le sixième, et Monro , le dixième. Ces artères, en montant du cœur au cerveau , font beaucoup de courbures , de flexuo- sités; elles sont en même temps un peu plus dilatables que toutes les autres artères, particularités qu'on a jugées propres à atténuer un peu les effets du choc du sang sur le cerveau , ÏOME III. 2 2 338 FONCTION DE LA CIRCULATION. et à prévenir ceux (le la Stagnation de ce fluide dans ce viscère. Arrivées dans le crâne , leurs branches diverses s'anastomo- sent à la base du cerveau , et y constituent un lacis appelé le cercle de TVillis , qui est très propre à imprimer, par ses battements, une percussion sensible à tout l'organe , et qui est une des causes du mouvement alternatif d'élévation et d'abaissement que présente le cerveau à nu. De ce lacis , en- fin , naissent les branches artérielles qui pénétrent le pa- renchyme du cerveau, mais qui, se plaçant d'abord, dans les scissures, les anfractuosités de l'organe, n'en percent la substance qu'après s'être convenablement ramifiées dans la pie-mère. L'appareil veineux offre des particularités encore plus dignes de remarque. Les veines naissent dans le paren- chyme de l'organe par des radicules très fines ; elles s'en iso- lent dès qu'elles cessent d'être capillaires, et se jettent dans la pie-mère; en cheminant dans cette membrane, elles y grossissent successivement; et, se portant alors à la péri- phérie du cerveau, elles se dépouillent de leur tunique exté- rieure , et s'abouchent dans les divers sinus de la dure-mère. Ceux-ci, comme nous l'avons dit dans le temps, sont des canaux qu'a formés la dure-mère en se partageant en deux lames, et dans lesquels se terminent les veines. Pour en donner une description claire , il faut les partager en deux classes , ceux de la partie supérieure et postérieure du crâne , el ceux de sa partie antérieure et inférieure. Les premiers sont : lO le sinus longitudinal supérieur, qui , occupant tout le bord supérieur de la faux du cerveau , se bifurque vers la protubérance occipitale interne, pour s'ouvrir dans cha- cun des sinus latéraux; 2^ le sinus longitudinal inférieur, qui est situé dans le bord inférieur de la faux , et qui s'ouvre en arrière dans le sinus droit; 3^ le sinus droit , qui occupe le lieu où la base de la faux du cerveau s'unit avec la tente , du cervelet, et qui , recevant en avant le sang du sinus lon- gitudinal inférieur, en arrière s'ouvre dans les sinus laté- raux; 4" les sinus latéraux qui , de la protubérance occipi- tale interne, régnent dans la circonférence de la tente du cervelet, jusqu'au trou déchiré postérieur. Ils reçoivent en haut le sang du sinus longitudinal supérieur, celui du sinus MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 339 droit, et, avec celui-ci, celui du sinus longitudinal infé- rieur. Dans un autre endroit de leur trajet , vers la base du rocher, ils reçoivent celui d'un des sinus de la partie anté- rieure et inférieure du crâne^ dont nous allons parler tout à l'heure, le sinus pétreux supérieur. Ils sont ainsi les aboutissants de pi'esque tous les sinus; et, à leur tour, ils versent le sang dans la veine jugulaire interne, à laquelle ils se terminent ; 5» enfin, les sinus occipitaux inférieurs et postérieurs qui , situés dans le bord postérieur de ia faux du cervelet, communiquent en haut avec les sinus latéraux, et en bas, s'abouchent dans la veine jugulaire interne. Ils sont les auxiliaires des sinus latéraux. A la protubérance occipitale interne, au lieu où aboutissent les sinus longi- tudinal supérieur, droit , et latéraux, et où commencent les sinus occipitaux postérieurs, est une cavité commune à ces sinus , et appelée le conjiuent des sinus. Les sinus de la par- tie antérieure et inférieure du cerveau sont : i» les sinus ca^eimeux , qui, situés sur les côtés de la selle turcique, depuis l'apophyse clinoïde antérieure, jusqu'au sommet du rocher, sont nommés ainsi parce qu'ils renferment dans leur intérieur de ce tissu spongieux érectile qui forme les corps caverneux. 2» Les sinus coronaires, qui , situés en tra- vers des précédents dans lesquels ils s'ouvrent , achèvent de circonscrire la selle turcique. 4^^ Les sinus pétreux supé- rieurs, qui, étendus depuis le sinus caverneux dont ils re- çoivent le sang, jusqu'aux sinus latéraux dans lesquels ils débouchent, sont situés dans la moitié antérieure de la tente du cervelet. 4^ Les sinus pétreux inférieurs , qui, situés dans la gouttière qui réunit le bord inférieur du rocher et l'occipilal , sont étendus depuis les sinus caverneux jusqu'au golfe de la veine jugulaire. 5o Enfin, le sinus transv^ersal ^ ou occipital antérieur y qui, situé en travers de l'apophyse basilaire, fait communiquer les sinus pétreux supérieurs, pétreux inférieurs et caverneux. Il y a là une cavité com- mune à tous ces sinus, qui est pour eux ce que le confluent des sinus était pour les sinus de la partie supérieure et pos- térieure. Tous ces sinus communiquent entre eux , et il est aisé d'indiquer quel est le cours du sang en eux : le sinus 22. 34 O r^ONGTîON DÉ LA CIRCULATION, longituclinal supérieur verse ce fluide dans le confluent des sinus; il en est de même du sinus droit, qui y apporte en même temps le Sang du sinus longitudinal inférieur, qu'il a reçu en avant : de ce confluent des sinus, le sang arrive à la veine jugulaire interne, qui est l'aboutissant de toutes les veines de la tête, en petite partie par les sinus occipitaux postérieurs, et, en très grande partie^ par les sinus latéraux : les uns et les autres, en efl'et, se terminent à cette veine. D'autre part, les sinus caverneux et coronaires versent aussi leur sang dans cette même veine, en partie par les sinus pétreux inférieurs, qui y aboutissent immédiatement, en partie par les sinus pétreux supérieurs, qui s'ouvrent dans les sinus latéraux : le sinus transverse , qui n^est qu'une anastomose des sinus pétreux, favorise cette circulation. Par cette ingénieuse structure , le cerveau est afli^anclii de toute influence du cours mécanique du sang veineux ; et même la nature a pris soin de faire plus ample , fort dilatable et sans valvules, la veine jugulaire. On a dit que ces sinus accéléraient la circulation veineuse; mais il y a lieu d'en douter, si l'on remarque que les veines s'ouvrent pi'esque toujours dans ces sinus dans une direction oppo- sée à celle dans laquelle le sang y circule; si l'on réfléchit que ces sinus sont, dans leur intérieur , traversés par des brides, qui doivent nécessairement y ralentir le cours du «ang.Il est plus probable qu'ils servent à empêcher les eflets du reflux du s&ng dans le cerveau lors des mouvements de la respiration. Quant au cœur, l'exception admise pour cet organe n'est pas réelle. On avait cru que les artères cardiaques n'étaient pas pénétrées par le sang, lors de la contraction du ventri- cule, mais dans un temps autre que les autres artères, et cela, parce que les valvules sigmoïdes, disait- on, en cou- vraient alors i'oriflce. On avait cru aussi que le sang du cœur était rapporté directement dans les ventricules , par des ' veines dites de Thehesius , du nom de l'anatomiste qui les avait décrites. Mais , d'une part , quelque abaissées que soient les valvules sigmoïdes , elles laissent toujours libre l'ouverlure des artères cardiaques; d'autre part, les veines MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 34» n LA CmCULATlON. poumon, et de permettre ]e passage du sang des cavités droites du coeur aux cavités gauches de ce même organe. C'é- tait un premier aveu de l'influence mécanique exercée par la respiration sur la circulation. Ensuite^ on crut remarquer que les mouvements alternatifs d'élévation et d'abaissement que présente chez un animal vivant le cerveau mis à nu, dépendaient des mouvements de la respiration; et l'on éta- blit que, lors de l'inspiration, le système capillaire du poumon étant très accessible , le sang des veines caves est attiré par une sorte d'aspiration dans le cœur, et qu^au con- traire, lors de l'expiration, ce système capillaire étant moins accessible , le sang reflue par les mêmes veines caves jusque dans les organes, et particulièrement jusque dans le cerveau. Cet organe paraît en effet s'affaisser lors de l'inspi- ration , et se soulever lors de l'expiration. 11 est certain que , quand il y a expiration , le poumon est comprimé, son système capillaire est moins accessible au sang, et ce liquide reflue dans l'artère pulmonaire, les ca- vités droites du cœur, les veines caves, et plus ou moins loin dans les organes. De là, le mouvement d'ampliation qu'offre alors le cerveau. Delà, le battement qu'ofî'rent les veines du col dans les engorgements du poumon, M. Magen- die a rendu par une expérience ce reflux plus manifeste : en ajoutant dans un animal vivant à la veine jugulaire une ca- nule de gomme élastique , il a vu le sang sortir de la canule au moment de l'expiration seulement. M. Bourdon en donne encore, comme preuves, qu'il a vu toujours les saignements de nez redoubler lors des expirations, s'affaiblir lors des inspirations, et même être arrêtés par des inspirations pro- longées. En même temps que l'expiration entraîne ainsi un reflux dans le système veineux, il y a pression sur les troncs artériels , et par suite augmentation légère dans la circula- tion artérielle. Le jet de sang que fournit une artère, et même une veine ouverte , augmente toujours un peu lors du mouvement d'expiration, et diminue au contraire lors du mouvement opposé. Quand il y a inspiration, au contraire, le poumon cesse d'être comprimé, son système capillaire est plus accessible, et le sang abandonne mieux les cavités droi- MECANISME DE LA CIRCULATION. 3^7 tes (ïu cœur, et les veines en général : alors, la jugulaire^ qui dans le temps précédent s'était dilatée, s'affaisse; le cerveau , qui s'était élevé, s'abaisse ; il y a comme aspiration du sang dans le poumou . C'est une véritable diastole passive, auxiliaire de celle du cœur, comme l'expiration avait été à l'égard des cavités gauches du cœur une espèce de systole. A la vérité , ces phénomènes sont peu raai'qués dans les mouvements ordinaires de la respiration; mais ils sont évi- dents dans tous les cas où ces mouvements sont augmentés, dans la toux, le rire, les cris, la course, les efforts en gé- néral. Alors le reflux est tel, qu'il survient rougeur de la face, gonflement des veines du col et du front, menace d'a- poplexie, distension et quelquefois rupture de la veine cave supérieure. Si l'on réfléchit que dans les efforts il y a en même temps reflux du sang dans les veines, et projétion plvis grande de sang dans les artères , on concevra pourquoi l'effet commun de ces efforts est d'engorger de sang le sys- tème capillaire de toutes les parties, et pourquoi ils ne peu- vent jamais être soutenus long-temps. Cependant, la projé- tion plus grande de sang dans les artères n'est vraie qu'au commencement de l'efl'ort; bientôt il n'arrive que peu de sang aux cavités gauches du cœur,, parce qu'il n'en est pas envoyé au poumon par les cavités droites; et si l'effort se prolonge , il y a risque de syncope. Toutefois, on voit que la circulation est modifiée lors des mouvements de la respiration ; et comme ceux-ci chan- gent mille fois dans la vie par l'exercice de beaucoup de fonctions, il doit survenir par eux de nombreux change- ments dans la circulation. Il est probable que c'est par leur intermédiaire que quelques personnes qui ont paru modifier à leur gré les mouvements de leur cœur, parvenaient à ce résultat. Avant que de quitter ce sujet, c'est-à-dire l'influence mé- canique qu'exercent sur la circulation les mouvements res- pirateurs , exposons la théorie qu'en a déduite , relativement à la cause de la circulation du sang dans les veines , et re- lativement à la fonction d'absorption, un médecin anglais, M. BaiTy.Ce médecin, dans plusieurs mémoires qu'il pré- 348 FONCTION DE LA CIRCULATION, seiîta, en 1826 , à l'académie royale des sciences et à l'aca- démie royale de médecine, a conclu de cette influence des mouvements respirateurs sur la circulation , que la pression atmosphérique était à la fois la cause qui faisait mouvoir le sang dans les veines , et celle qui préside aux absorptions. Lors de l'inspiratioii , dit-il, un grand vide se fait dans le thorax;, ce. vide a pour elTet de faire affluer avec grande force, dans cette cavité, tout le sang des veines; et comme le système veineux forme un canal partout continu , non-seul(3ment cette action d'aspiration porte sur les troncs veineux les plus rapprochés du cœur, mais elle s'étend jusqu'aux origines de ce système. Or, si à chaque inspiration , et par suite du vide que cette inspiration établit dans le thorax , le sang veineux est comme aspiré dans le cœur, à quelle cause , ajoute M. Barry y attribuer cet effet, si ce n'est à la pression de l'atmosphère sur la surface du corps , pression qui cesse alors d'être contrebalancée? Déjà cette aspiration du sang veineux dans le cœur, lors: de l'inspiration , avait été signalée. Haller dit que les veines deviennent pâles et se vident de sang lors de l'inspiration , et au contraire rougissent et se gonflent lors de l'expiration. M. Magendie a appelé inspiration du sang veineux , cet ap- pel qui est fait du sang des veines dans le cœur, lors de l'inspiration; et dans l'expérience citée plus haut, d'une sonde de gomme élastique adaptée à la veine jugulaire d'un animal vivant, il a vu qu'au moment de l'inspiration l'air était aspiré par la sonde et se dirigeait vers le cœur, et qu'au contraire, lors de l'expiration^ cet air était repoussé au^^ dehois avec le sang. M. Barry a répété cette expérience d'une manière plus ingénieuse : le tube qu'il a adapté à la veine jugulaire était plusieurs fois recourbé sur lui-même, et plongeait d^autre part sous une cloche pleine d'un fluide coloré; lors de l'inspiration, le fluide coloré passait de la cloche dans le tube recourbé, et gagnait la veine, qui ainsi semblait l'aspirer; et au contraire, lors de l'expiration, le fluide restait stationnaire dans îe tube, ou même était re- poussé de ce tube dans la cloche. Il est donc certain que, dans l'un des mouvements respirateurs, J'inspiration ^ le MÉCANISME DE LA GIRCULATfON. 34(> sang est comme aspiré dans le cœur et le thorax; et que , dans le mouvement contraire, l'expiration, il est projeté du centre à la périphérie. Mais, faut-il ne considérer cette influence de la respira- tion que comme une puissance accessoire dans la circula- tion , comme l'ont j)ensé jusqu'ici tous les physiologistes? ou faut-il faire de l'action aspirante de l'inspiration la cause principale du mouvement du sang dans les veines, comme le veut M. Barry? Cette action d'aspiration surtout , est- elle un effet physique de la pression atmosphérique à la surface du corps, pression qui n'est plus contrebalancée lors de l'in- spiration? Comme preuve de cette dernière assertion ,M.Barry annonce ([ue si , par l'application d'une ventouse, ou sous- trait une partie à la pression atmosphérique , et qu'on con- trebalauce ainsi l'action aspirante exercée sur le sang de cette partie parle mo vivement d'inspiration, le sang, dans cette partie, cesse de se diriger vers le cœur, et même se meut du centre à la circonférence , c'est-à-dire dans une di- rection inverse de celle qui lui est ordinaire. Il dit avoir expérimenté plusieurs fois qu'en appliquant une ventouse sur une plaie dans laquelle on a déposé un poison , ce poi- son ne manifeste aucun de ses effets , et par conséquent n'est pas absorbé tant que la ventouse agit. Nous reconnaissons avec M. Barry, que l'application d'une ventouse sur une partie modifie dans cette partie la circulation capillaire , et même imprime au sang de cette partie une direction cen- trifuge : qui peut nier que le sang n'afflue en plus grande abondance dans une partie soumise à l'action d'une ven- touse ? ne voit-on pas cette partie rougir, se gonfler? Nous reconnaissons aussi que le mouvement excentrique que la ventouse a imprimé à la circulation capillaire de la partie se continue quelque temps encore après l'ablation de la ven- touse : qui ne sait que la peau qui a rougi sous Tinfluence d'une ventouse ne perd sa rougeur, sa chaleur, son gonfle- ment qu'après quelque temps, et que l'àCtion révulsive opé- rée par une ventouse, se prolonge quelque temps au-delà de son application ? Mais , tout en admettant ces faits , nous ne pouvons en conclure avec M. Barry j ni que l'aspiration 350 FONCTION DE LA CIRCULATION, -exercée sur le sang veiueux lors de l'inspiration soit la cause principale du mouvement du sang dans les veines ç, ni que cette action d'aspiration soit un eiïet physique de la pression de l'atmosphère à la surface du corps, ni enfin que cette pression atmosphérique soit la cause de la fonction de l'ab- sorption. D'abord , pour que l'action d'aspiration exercée sur le sang veineux lors de l'inspiration fût la puissance principale et presque exclusive de la circulation veineuse , il faudrait que cette action d'aspiration fût très forte et s'étendît jusqu'aux origines du système veineux; or, c'est ce qui n'est pas. Dans l'expérience de M. ^arrj-, à la vérité, l'influence s'est fait sentir jusqu'à l'extrémité d'un tube long et plusieurs fois recourbé sur lui-même : mais les expériences sur les animaux vivants prouvent qu'il n'en est pas de même dans les vaisseaux de l'économie vivante. Dans ces expériences , on voit que l'effet de l'inspiration n'est guère sensible que dans les veines les plus grosses et les plus rapprochées du cœur; qu'il di- minue à mesure que les veines sont plus grêles et plus éloignées; et qu'enfin il est nul aux origines des veines, là où ces vaisseaux sont capillaires. INous avons vu que le cours du sang dans les veines est d'autant plus accéléré que les veines sont plus près du cœur : n'est-ce pas une preuve que l'effet de cette action d'aspiration est en elles de moins en moins sensible, à mesure qu'elles sont plus loin du cœur ? Nous pouvons en appeler aux effets des ventouses elles- mêmes : si un vide aussi imparfait et aussi peu étendu que celui que produit une ventouse sufîit, dans l'hypothèse de M. Bany, pour contrebalancer l'action aspirante de l'inspi- ration, n'est-ce pas une preuve que celle-ci est faible, et est bien loin d'avoir l'énergie qui lui serait nécessaire pour être la principale puissance motrice du sang veineux ?En se- cond lieu , il est bien certain que cetle action d'aspiration ne s'étend pas jusqu'aux systèmes capillaires; et cela seul suffit pour prouver qu'elle ne peut être qu'une puissance très accessoire clans la circulation veineuse. Remarquons, eneffet, que c'est dans ces systèmes capillaires que la circulation veineuse a ses racines, en quelque sorte, et que ces systèmes MÉCANISME DE LA CIRCULATION. 35 1 capillaires ont sur elle la plus grande influence, et vérita- Liement la règlent. C'est dans les systèmes capillaires, comme nous le verrons, que s'effectuent les nutritions, les sécrétions, les calorifications : peut-on croire, dès lors, que l'action aspirante de l'inspiration puisse tendre à retirer sans cesse de ces systèmes le sang qu'ils emploient à ces im- portantes actions ? et n'est-il pas plus naturel de penser que ces systèmes ne cèdent aux veines que la portion de sang dont ils ne veulent plus , et qu'ils ont à ce titre sur la circulation veineuse une influence très prochaine ? Evidemment le sang a pour offices d'alimenter les nutritions , les sécrétions , les calorifications, et de fournir à tous les organes et particu- lièrement au système nerveux le stimulus vital ; évidemment encore, c'est dans les systèmes capillaires que s'accomplissent ces diversesactions:or, n'est-ce pas une preuve que des quatre parties qui composent l'appareil circulatoire et que tra- verse le sang, cœur, artères, veines et systèmes capillaires, ces derniers, comme mettant en œuvre le sang, sont les plus importants , et qu'ils règlent l'état de la circulation dans les trois autres parties de l'appareil circulatoire, qui ne sont vraiment pour eux qu'un échafaudage? Si cela est, que devient la théorie de M. Barrj7 D'ailleurs, combien d'au- tres arguments à lui opposer ? Si l'action aspirante qui ré- sulte de l'inspiration est la cause principale de la circulation veineuse , comment concevoir cette circulation dans le fœtus qui ne respire pas? comment l'expliquer chez les animaux qui prennent l'air nécessaire à leur respiration par Une dé- glutition et non par une inspiration, et chez ceux qui res- pirent de l'eau ? Dans l'hypothèse de M. Barry , il ne devrait arriver de sang au cœur que lors des inspirations ; et cepen- dant , tandis que dans une minute il n ^ a que 1 6 à 20 inspi- rations, il y a de 60 à 70 contractions du cœur; et certes, celui-ci ne se contracte pas en vain, c'est-à-dire sans projeter du sang. Enfin, toute suspension de la respiration devrait amener celle de la circulation, et trop de faits physiologi-^ ques et pathologiques prouvent le contraire. Concluons donc, contre M. Barry, que l'afflux plus grand du sang vei- neux dans le cœur lors de l'inspiration , n'est tout au plus 352 FONCTION DE LA RESPIRAT TON. qu'une puissance auxiliaire de la circulation veineuse , comme l'avaient dit les anciens physiologistes. En second lieu, la cause qu'assigne M. Barry à cet afflux plus grand du sang dans le cœur lors de l'inspiration ne nous paraît pas plus fondée. Haller attribuait cet afflux à ce que le poumon, étant plus dilaté dans l'inspiration, était plus accessible au sang. Selon M. Barrj, cet afflux tient au vide que l'inspiration détermine dans le thorax; par suite de ce vide , le poids de l'air extérieur à la surface du corps n'est plus équilibré , et ce poids pousse le sang de la péri- phérie au centre pour remplir ce vide. Des faits nombreux, d'importantes considérations militent encore contre cette explication. lo Tout à l'heure nous avons montré que l'ac- tion aspirante de l'inspiration était probablement à peine sensible aux extrémités du système veineux , et certaine- ment était nulle dans ce qu'on appelle les systèmes capil- laires. 2» Ce n'est pas sur le système veineux immédiatement, mais sur les systèmes capillaires , que repose le poids de l'at- mosphère. 30 Nous avons fait voir que les systèmes capil- laires ont, par les fonctions dont ils sont le siège, une cir- culation indépendante de celle qui se fait dans les artères et dans les veines , et que la circulation capillaire se subor- donne plus les circulations artérielle et veineuse, qu'elle ne leurestsubordonnée. 4^ Enfin, nous verrons que les fonctions par lesquelles les systèmes capillaires emploient le sang, et qui certainement règlent leur mode de circulation , ne se rattachent en rien aux lois physiques. Peut-on admettre , d'après tout cela, qu'à travers les systèmes capillaires, la pression atmosphérique ira physiquement faire circuler le sang dans les veines, tout en permettant à cette circulation veineuse de recevoir les modifications organiques que doi- vent lui imprimer les fonctions dont les systèmes capil- laires sont le siège ? D'ailleurs, si la pression de l'atmosphère était la cause de la circulation veineuse, celle-ci devrait of- frir aussi peu de variations que la circonstance physique qui en serait le mobile; elle devrait en avoir la fixité : loin de là, cette circulation varie selon les âges , l'état de santé, de maladie, les passions, etc. Une irritation est provoquée MÉCANISME DE LA CIRCULATTOIN . "^S?) dans une partie; aussitôt ia circulation y est modifiée, plus de sang y afflue; peut -on dire que cette irritation a influé, d'un côté sur le vide que l'inspiration fait dans le thorax, de Tautre sur la pression atraospliérique à la surface du corps ? et cependant , dans l'hypothèse de M. Barrj, il fau- drait que cela fût, puisqu'ici la circulation a éprouvé une modification semblable à celle que lui imprime une ven- touse. Enfin j ou M. Barry comprend dans la circulation veineuse les systèmes capillaires, et alors de nombreux phé- nomènes de vie prouvent que la circulation dans ces systè- mes n'est pas sous la dépendance de la cause physique qu'il invoque ; ou ce médecin sépare la circulation capillaire de la circulation veineuse-, et comme ces systèmes capillaires sont intermédiaires , et au système veineux, et à la surface sur laquelle porte le poids de l'atmosphère, il y a encore im- possibilité de concevoir rigoureusement l'influence physique de celle-ci. Sans doute, nous reconnaissons comme vérité physique incontestable, que le poids de l'atmosphère sur notre corps est une condition nécessaire à notre conserva- tion ; nous savons que si ce poids est soustrait , ou de beau- coup diminué, nos fluides jaillissent à travers les pores des organes; nous n'ignorons pas que le gonflement de la peau sous la ventouse est du. à cet eflet. Mais loin de faire de cette pression atmosphérique la cause qui pousse le sang veineux de la périphérie au centre , nous disons seulement que cette pression sert à prévenir l'expansibilité des gaz et la gazéifi- cation des fluides qui sont dans notre corps. C'est là une de ces connexions physiques obligées que nous avons avec l'u- nivers , et sur laquelle nous reviendrons à un autre lieu. Enfin, nous ne croyons pas davantage que la fonction d'absorption soit due à ce que la pression atmosphérique fait pénétrer physiquement dans l'économie les matières qui sont absorbées, li'absorption est une fonction commune à tous les êtres vivants , mais exclusive à eux , et qui par conséquent n^'a rien de physique et de chimique en son es- sence; nous l'avons prouvé au chapitre destiné à Thistoire de cette fonction. Les expériences de M. Barry ne peuvent rien contre la doctrine que nous avons exposée alors; si la Tome III. 23 354 FONCTION DE LA CIRCULATION, direction ex-centrique imprimée à la circulation capillaire d'une partie par une ventouse , a empêché toute absorption en cette partie, on ne peut voir en cela qu'un de ces cas nombreux dans lesquels une force physique , appliquée à l'économie vivante , se soumet celle-ci et y domine fes phé- nomènes^de vie. Dans l'exposition que nous venons de faire de la circu- lation , nous avons supposé le cercle commencer au cœur. Mais on pourrait choisir encore deux autres points de départ, savoir : le système capillaire du poumon, où le sang artériel est fait;, et les systèmes capillaires du corps, où ce sang est mis en œuvre, et redevient veineux, i^ Bichat est le pre- mier qui ait envisagé la circulation sous le premier point de vue. Au poumon éclate la différence des deux sangs : c'est à cet organe que se fait le sang artériel , et qu'aboutit pour cela le sang veineux ; il est le siège d'une fonction qui se manifeste par des caractères extérieurs : à tous ces titres , on peut fixer au poumon le commencement de la circulation, et suivre le sang depuis cet organe jusqu'à ce qu'il y soit revenu. Dans cette manière de concevoir la circulation , il n'y a plus deux cercles de décrits, mais un seul , dont une moitié constitue la circulation du sang rouge ou artériel , et l'autre moitié la circulation du sang noir ou veineux. Tout est semblable dans chacune de ces deux moitiés; les ap- pareils seraient composés des mêmes parties, un système capillaire , un système veinpux, un cœur et un système ar- tériel ; dans chacun, ces parties sont disposées de même, et dans l'ordre selon lequel nous venons de les dénommer ; ces appareils représentent deux arbres vasculaires ados- sés par le tronc , et le cœur est au point où se fait cet adossement ; le rôle de ces parties est absolument sembla- ble dans l'une el dans l'autre; enfin leur service s'accom- plit simultanément. Les seules différences consistent en ce que la circulation à sang rouge commence par un arbre veineux petit, et finit par un arbre artériel grand, et que celle à sang noir commence par un arbre veineux grand , et tinit par un arbre artériel petit. Toutes deux, du reste, abou- tissent, l'une à l'autre, aux systèmes capillaires qui leur MÉCANISME DE LA CIIlCULATlON. 355 servent en même temps, à l'une d'origine, à l'antre de ter- minaison ; tout comme, dans la manière de voir de Harvey, on voit le cercle pulmonaire aboutir à l'oreillette du cœur du corps , et le cercle du corps aboutir à l'oreillette du cœur pulmonaire. 20 On pourrait aux mêmes droits fixer le com- mencement de la circulation aux systèmes capillaires du corps; là aussi se fait le cliangement d'un des sangs dans l'autre; ce sont même ces systèmes capillaires qui détermi- nent la quantité de sang qui traverse les autres parties de l'appareil circulatoire; si on ne l'a pas fait, c'est que les actions qui se passent ici ne se manifestent pas par des phé- nomènes extérieurs, comme le fait la respiration. Alors il n'y aurait aussi qu'un cercle dont chaque moitié serait con- sacrée à l'une des espèces de sang; et tout ce que nous disions tout à l'heure de la circulation dérivée du poumon, serait vrai encore , avec cette différence que la circulation veineuse paraîtrait précéder celle an sang rouge. Il est certain que chaque moitié du cercle ne renferme qu'une seule espèce de sang, et est tapissée d'une même membrane, appelée pour l'une , memhj^ane du sjsîème uasculaij^e à sang rouge , et pour l'autre , membrane du système a)asculaire à sang noir. Nous avons dit que la membrane qui tapissait i'un et l'autre cœur était la même que celle qui revêtait l'intérieur des artères qui en émanent et des veines qui y aboutissent , mais que cette membrane n'était pas la même dans l'un et l'au- tre cœur. On pourrait dire que la membrane de chaque sys- tème se revêt en raison des phénomènes mécaniques du cours du sang : d'abord, aux veines, d'un tissu lâche, susceptible de se dilater; ensuite , au cœur, d'un tissu muscuîeux propre à la rendre un agent d'impulsion; et enfin, aux artères, d'un tissu élastique et ferme , propre à supporter le choc de Ta- gent d'impulsion. Sans contredit , il y a de l'avantage à considérer ainsi un même phénomène sous différents aspects ; cela éclaire d'au- tant la mécanique de l'homme. Mais , si l'on réfléchit que, dans l'homme, chacun des deux sangs doit d'abord revenir au cœur, avant d'être envoyé à leur destination respective; qiïe , par exemple , les veines du corps ne portent pas direc- 23. 356 FONCTIOTC DE LA CIRCULATION, tement le sang veineux au poumon, que les veines pulmo- naires ne portent pas plus directement le sang artériel aux parties ; si l'on observe en outre que, dans les animaux qui ont la circulation simple, la circulation pulmonaire n'est plus qu'une fraction de la circulation générale, et qu'ainsi tout émane du cœur, on concevra pourquoi , dans notre histoire de la circulation , nous avons plus particulièrement suivi la manière de voir de Har^^ey, On a aussi partagé la circulation qi\ circulation générale ^ ou des gros vaisseaux ; et circulation capillaire , ou des pa- renchymes. Il est certain , en effet, que , bien que ces deux circulations s'influencent réciproquement, elles sont dis- tinctes; elles ont chacune leurs altérations, leurs modifica- tions propres. Tandis que la phlébotomie , î'artériotomie ,, agissent sur l'une , les sang-sues , les ventouses, les bains de pied , les fomentations, les bains, agissent sur l'autre. On a cherché à apprécier en combien de temps s'accomplit le cercle circulatoire, à savoir combien de temps un glo- bule de sang qui sort actuellement du cœur emploie pour y revenir. On croyait pouvoir arriver à la connaissance de ce fait, en recherchant , d'un côlé, quelle est la masse totale du sang, et, d'un autre côté, combien il en est projeté à chaque contraction des ventricules. Cliacun ayant évalué diversement ces deux données , a indiqué un temps diffé- rent pour l'accomplissement de la circulation ; Berger et Keil ont dit 2 minutes; Tahor, 53; Han^ey, un peu moins d'une heure; Plempius , 3 heures; Roljlnck , 10; Floyer^ 20, etc. Les différences, comme on voit, ont été extrêmes. L^ question est insoluble, et ne montre que le tort d'appli- quer le calcul à des faits qui ne le comportent pas. Est-il un moyen de connaître la masse totale du sang, ainsi que la quantité qui en est projetée à chaque contraction du ventri- cule? Peut-on être sûr que le sang qui revient est le même que celui qui a été projeté? Ne faudrait -il pas auparavant connaître la vitesse des circulations artérielle, veineuse et capillaire, et n'avons-nous pas dit que nous n'avions aucun moyen de l'évaluer ? Ces circulations, d'ailleurs, ne sont- elles pas susceptibles de varier sans cesse, la capillaire sur- MÉCANISME DE LA ClllCULATlON. 35 7 tout? La physiologie de nos jours , plus judicieuse, a aban- donné de semblables reclierches. On s'est demandé aussi comment le cercle pulmonaire, quoique bien plus petit que celui du corps, suffisait à l'ali- menter. Bichal en a donné les raisons suivantes : lO que l'étendue du système capillaire général est réellement moin- dre qu'elle ne le paraît , une grande partie de ce système étant composée de vaisseaux blancs , qui sont étrangers à la circulation ; 20 que , dans ce système , une grande partie du sang sort du cercle circulatoire pour servir aux nutritions et sécrétions; 3« que, dans le cercle pulmonaire, le poumon étant plus rapproché du cœur, fournit dans un temps donné plus de sang que le système capillaire général; 4^ enfin, que comme tout est plein dans le système circulatoire, le système capillaire général ne verse jamais dans le système capillaire pulmonaire^ que ce que celui-ci peut recevoir; et, que, de son côté, le système capillaire général doit se con- tenler de la quantité de sang que lui fournit le système ca- pillaire pulmonaire. Celte dernière raison est la seule bonne, et particulièrement il est faux que la vitesse soit plus grande dans un cercle que dans l'autre. Que de cas maladifs dans lesquels l'étendue du poumon est bornée encore , et dans lesquels cependant le système capillaire de cet organe suffit pour alimenter le grand cercle ! seulement, dans ces cas, la quantité du sang est diminuée , et les organes en reçoivent, moins. Telle est la circulation. Les usages de cette fonction sont^. sans contredit, de porterau poumon les trois fluides d'absorp- tion qui doivent s'y changer ensangartériel; et de porteraux divers organes ce sang artériel qu'ils doiventmettre en œuvre pour les nutri tions^ calorifications et sécrétions , et qui es t pour eux un stimulus nécessaire à leur vie. ]\1ais il paraît qu'elle est encore pour les organes , par le choc mécanique qu'elle exerce sur eux, une cause salutaire d'excitation. N'est-il pas probable, en effet, que la disposition en cercle des artères de l'estomac est favorable aux fonctions de ce viscère? et n'en est-il pas de même de celles qui sont à la base de l'encéphale, et qui impriment à cet organe un mouvement altetinatif 358 FONCTION DE LA CIRCULATION, d'élévation et d'abaissement ? Quand on examine le cerveau à nu chez l'homme vivant :, ou dans tout autre animal, on voit cet organe alternativement s'élever et s'abaisser; ces mou- vements se voient même sans apprêts chez les enfants nou- veau-nés, à travers les fontanelles. De bonne heure, ces mouvements occupèrent les physiologistes. Galien crut qu'ils étaient en rapport avec la respiration , et que le cerveau s'é- levait lors de l'inspiration;, parce qu'il aspirait alors l'air des narines, et l'esprit vital des artères carotides et des sinus ; et qu^au contraire^ il s'abaissait lors de l'expiration, parce qu'il exprimait alors dans les nerfs l'esprit animal. Baglwiel Pacchioni attribuèrent ces mouvements à la con- traction de la dure-mère, qu'ils regardaient comme un muscle. En 1760, Schlittingûx. remarquer que Galien s'était trompé sur le fait lui-même, et que c'était lors de l'expira- tion que le cerveau s'élevait, et lors de l'inspiration qu'il s abaissait : il en donna pour cause le reflux de sang qui se fait dans les veines lors du premier temps , et la plus grande • dérivation de ce fluide dans le poumon lors du second. Y^n- un 3 P^icq-d'' Azjr Qilivihvidi les mouvements que présente le cerveau, au choc mécanique que doit imprimer à ce viscère le cercle artériel qui existe à sa base. Il est certain, en effet, qu'on peut distinguer dans le cerveau deux espèces de mou- vements , les uns, qui sont en rapport avec la respiration, et qui consistent plus en une ampliation , une turgescence du tissu de l'organe, que dans un soulèvement de sa masse; les autres, qui sont en rapport avec la circulation, et qui tiennent au choc mécanique que le cerveau reçoit des artères qui sont réunies à sa base. Or, c'est de ces derniers seuls qu'il s'agit ici; et il paraît qu'ils constituent pourl'oi'gane une ex- citation salutaire. Lamiire a. vu un chien mourir prompte- ment , par cela seul qu'on lui avait enlevé la voûte du crâne; tandis que la même chose n'arriva pas dans un autre chien, chez lequel on avait pris le soin de laisser entre les couron- nes de trépan des ponts qui soutenaient le cerveau. Si on lie quelques-unes des artères cérébrales, on diminue par Miite le choc que ces artères impriment au cerveau, et on voit diminuer dans la même proportion l'énergie de cet or- FONCTION DES w uiru riOxNS. 35 9 gane. Or , si ce que nous disons ici de l'estomac et du cerveau est vrai, pourquoi la circulation n'aurait-elle pas une sem- blable influence sur les autres organes du corps? SECTION V. FONCTION DES NUTRITIONS OU ASSIMILATIONS. Nous avons vu le concours de trois fonctions, la diges- lion, les absorptions et 3a respiration , faire le sang artériel , ce fluide qui doit servira la nutrition des parties. Nous avons vu la fonction de circulation porter ce sang dans les organes où il doit être mis en œuvre. Maintenant il faut l'y voir accomplir ses offices. Ces offices sont au nombre de trois. D'abord , en quelque organe que ce soit , il sert au renou- vellement matériel delà substance de cet organe, à ce qu'on appelle sa nutrition. Ensuite, en tout organe encore , il four- nit le calorique, qui entretient sa température, et fonde ce qu'on appelle sacalorification. Enfin, dans un certain nombre d'organes seulement, ceux qu'on appelle sécréteurs , il est employé à la fabrication des diverses humeurs destinées à remplir dans l'économie beaucoup d'usages particuliers. Commençons par les nutritions. Jusqu'ici nous avons entendu, i^diV nutrition , le mode de conservation propre aux corps vivants, le mécanisme entier par lequel ils vont sans cesse en se composant et en se dé- composant. Mais à présent nous allons prendre ce mot dans une acception plus restreinte , et , cessant d y comprendre, 10 tout ce qui est de la préparation du fluide nutritif, et qui est l'objet de la digestion , des absorptions et de la res- piration; 2" toutce qui est de son transport dans les orga- nes, et qui est effectué par la circulation, nous n'appelle- rons nutrition que ce qui est de la mise en œuvre de ce sang par chaque organe pour le renouvellement de sa substance. En ce sens , la nutrition est comme le terme des quatre fonc- tions précédentes, qui sont pour elle comme un écbafau- o6o FONCTION DES NUTRITIONS. dage,eL elle peut être définie: l'action par laquelle toute partie du corps, d'un côté , s'approprie , s'assimile une por- tion du sang qui la pénètre; de l'autre, cède aux vaisseaux absorbants une portion des matériaux qui la composaient préalablement ; et ainsi renouvelle réellement sa sub- stance. Nous allons^ d'après notre ordre accoutumé , exposer, d'a- bord i'anatomie de Forgane de la fonction, et ensuite le mécanisme de cette fonction. CHAPITRE PREMIER. Analomie de rappareil de la Nutrition. L'appareil de la nutrition est le parenchyme, la masse même des divers organes. Chacun a conçu diversement la composition de ce parenchyme , et nous en avons déjà parlé à plusieurs endroits de cet ouvrage, quand nous avons ex- posé d'une manière générale l'organisation de nos parties , et quand nous avons traité de l'origine des vaisseaux lym- phatiques, de celle des veines, de la terminaison des artères, el de la structure des systèmes capillaires. Mais c'est ici le lieu de revenir un peu sur ce que nous en avons dit. Pour pénétrer la texture intime de nos parties , il faut résoudre les trois problèmes suivants : spécifier quels élé- ments anatomiques entrent dans leur composition , indiquer dans quelles proportions respectives y sont ces éléments, enfin , dire comment sont disposés , les uns par rapport aux autres, ces divers éléments, lorsqu'ils sont groupés pour for- mer une partie quelconque. Sous le premier rapport, les anatomistes sont assez d'ac- cord que le fond de tout organe est une. trame cellulo-vas- cuîo-nerveuse , c'est-à-dire un canevas celluleux dans lequel se ramifient à l'infini des artères, des veines, des vaisseaux lymphatiques, des vaisseaux exhalants, des vaisseaux con- tenant des fluides blancs , et des nerfs. Du tissu cellulaire, en effet, paraît être d'abord la base de tout organe. Ensuite, des artères s'y ramifient jusqu'au dernier degré de capilla- DE l'appareil de LA NUTRITION. 3G i rité; et cela élait bien nécessaire, puisque ce sont elles qui v^pporlcntle fluide réparateur, le sang. En troisième lieu, dans tout organe aussi existent des veines et des vaisseaux lymphatiques en ramifications très fines; et cela était né- cessaire encore, puisque ce sont ces vaisseaux qui repren- nent dans toutes les parties les matériaux qui doivent en être retirés. En quatrième lieu, souvent des dernières ex- trémités des artères émanent d'autres vaisseaux plus dé- liés encore, dits sécréteurs , exhalants , qui cliarient des fluides autres que le sang , mais qui en émanent. Enfin , des nerfs sous forme de filets plus ou moins tenus, tantôt ap- partenant à l'encéplaale et à la moelle spinale , tantôt venant du trispîanchnique , et accompagnant les artères , y sont répandus également; Tanatomiste, à la vérité, ne peut les suivre et les retrouver en tout organe; mais comme tout organe , par l'état maladif, peut faire éprouver de la dou- leur , et qu'une partie quelconque n'est douloureuse que par les nerfs qu'elle possède, il faut reconnaître que cet élément n'est pas moins commun à toutes les parties que les précédents; et cela est vrai surtout des filets du trispîanch- nique. Maintenant j dans quelles proportions sont associés ces divers éléments? et quelles dispositions affectent-ils entre eux ? C'est ce qui d'abord varie certainement dans chaque partie du corps; et ce qui ensuite est tout-à-fait ignoré , parce que la ténuité dans laquelle sont ces éléments ne permet pas d'y rien voir. Le tissu cellulaire paraît être le fond des orga- nes; il est comme une spongiosité dans l'intimité de laquelle sont ramifiés les artères, les veines, les lymphatiques et les nerfs : ce tissu cellulaire paraît aussi être jeté dans les inter- valles des autres éléments , pour les lier, et remplir les vides qu'ils laissent. Les nerfs paraissent accompagner les artères , et les suivre jusqu'à leurs terminaisons dernières. Quant aux divers vaisseaux, on ne peut rien saisir de leur mode d'aggré- gation : ainsi que nous l'avons dit à l'article des systèmes capillaires, on ne peut suivre une artère jusqu'à ses rami- fications dernières, ni remonter à l'origine première des veines et des lymphatiques; les injections elles-mêmes, en 362 FOINCTIOIN DES KUTÏUTIOKS. passant de ces vaisseaux les uns dans les autres, n'en font pas apercevoir le mode d'union ; elles ne montrent que leur communication entre eux. Nos sens ne peuvent donc rien nous apprendre sur la manière dont se disposent dans l'in- timité des organes les éléments qui les forment; excepté la communication facile des vaisseaux entre eux, on est, sur le reste, réduit à des conjecture?. Selon les uns, les artères, dans ces parencLjmes, offrent des pores latéraux, par les- quels transsudenl les matériaux nutritifs. Selon d'autres, ces artères, en même temps qu'elles se continuent à leurs terminaisons avec les premières veinules , engendrent des vaisseaux d'un ordre particulier, destinés à exhaler dans les parties la matière nutritive, et appelés, à cause de cela, exhalants nutritifs. Ceux-ci croient à des cellules intermé- diaires aux artères et aux veines^ dans lesquelles les premiè- res déposent la matière nutritive, et où les secondes la repompent; cellules formées par ce même tissu que quel- ques-uns ont coDJecturé exister à l'origine des vaisseaux ab- sorbants et effectuer l'absorption , et qui forme à lui seul la masse des derniers animaux , dans lesquels il n'y a pas encore de vaisseaux. Ceux-là admettent un système de vais- seaux particuliers, qu'ils appellent capillaires , qu'ils pla- cent aux extrémités du système artériel , ou en dehors du cercle circulatoire, et qu'ils disent être le siège de la cir- culation capillaire et des nutritions. C'est toujours la même ignorance tant de fois avouée sur la structure intime des parties. Tout ce qu'on peut assurer du parenchyme de nos par- ties , c'est qu'il varie dans chaque orgaue , lo par le nombre des tissus élémentaires qui concourent à sa composition; 20 par la proportion respective de chacun de ces tissus élé- mentaires; 3«> enfia par la texture spéciale qu'ils affectent, quoiqu'on ne puisse la caractériser. Nous l'avons dit déjà à l'occasion des systèmes capillaires; et de là résulte nécessai- rement une diversité de vitalité dans chacun d'eux , et par suite, une différence dans les actions de nutrition et de ca- lorifîcatiou , dont ces parenchymes sont tout à la fois le siège et l'instrument. MÉCANISME DES KUTMTIOKS. 363 CHAPITRE II. Mécanisme de la Nutrition. La nutrition , ou assimilation, cette action par laquelle cliaque organe renouvelle sa substance, fl'api^ès l'idée géné- rale que nous en avons donnée, comporte nécessairement deux opérations qui , quoique inverses l'une de 1 autre , sont enchaînées dans des rapports constants, l'une dite de coni- position, par laquelle chaque organe s'assimile une partie du sang artériel qui le pénètre, et s'approprie ainsi de nou- veaux matériaux; et une autre opposée, dite àe décomposi- tion , par laquelle ce même organe cède à des vaisseaux ab- sorbants une autre quantité de quelques-uns des matériaux qui le composaient. On conçoit, en elfet, qu'il faut abso- lument que chaque partie, à mesure qu'elle s'approprie de nouveaux matériaux, rejette une certaine quantité de ceux qui la composaient préalablement, sinon son volume irart en augmentant indéfiniment. Nous mettrons d'ailleurs ci- après cette proposition hors de doute. Toutefois , cela nous oblige à traiter, successivement et tour-à-tour, de chacune de ces opérations , composition et décomposition. ARTICLE PREMIER. De la Composition des parties. On a vu, dans l'histoire de la circulation, comment le sang artériel était porté dans le parenchyme des organes; il faut maintenant rechercher comment ces parenchymes élaborent ce fluide pour se l'assimiler, pour le convertir en leur propre substance. Mais avant il se présente la question de savoir si , dans son trajet du cœur aux parenchymes nutritifs , ce sang ne subit aucune élaboration préparatoire spéciale, et est tel à son entrée dans ces parenchymes, que dans le cours de la circulation. Quelques physiologistes ont pensé, qu'avant d'arriver aux parenchymes nutritifs et aux organes sécré- 364 rONCTION DES NUTRITIONS, teiirs ( car tout ce point de doctrine est commun aux sécré- tions , et dès lors n'y sera plus que rappelé), ce fluide éprouvait des élaborations préparatoires qui le disposaient à la conversion spéciale qu'il devait subir. Dumas , par exemple^ admet qu'un sang différent arrive à chaque organe sécréteur, tout en avouant qu'il est liors d'état d'indiquer les qualités spécifiques de chacun de ces sangs. Avant lui , on avait déjà avancé que le sang qui se distribue aux parties supérieures du corps était pénétré de plus d'air , d'oxygène et de calorique, afin d'être plus apte à former les liquides légers et écumeux qui y existent; tandis que le sang qui se distribue aux parties inférieures était plus chargé de car- bone et d'huile, afin d'être plus propre à former la bile et les sucs huileux. On lit dans les anciens auteurs, que le sang devient plus écumeux aux approches des glandes saliva ires , plus aéré auprès du cerveau, plus aqueux et plus salin au- près des reins ; de manière que ce fluide , à mesure qu'il approche des organes sécréteurs, revêt par degrés la qualité de l'humeur que ces organes forment avec lui. Beaucoup professent que le sang ne traverse , avant dWriver au foie, tant de parties surchargées de graisse, que pour être plus disposé à former de la bile. Enfin , Neshit est allé jusqu'à dire que les organes sécréteurs et nutritifs exercent au loin une action sur le sang, et le préparent ainsi à la conversion qu'il va subir; il a assuré avoir vu des molécules terreuses dans le sang qui se distribue aux os, et qui doit se changer en leur pi-opre substance. INous croyons tout ce point de doctrine faux. D'abord, c'est en vain qu'on compare les sangs qui se distribuent aux divers parenchymes nutritifs et organes sécréteurs; on ne peut apercevoir aucune différence physique ou chymique entre eux; et par conséquent ce n'est pas sur des faits, mais sur des raisonnements seulement qu'on établit l'assertion que nous allons combattre. Ensuite, à l'article de la respi- ration , nous avons prouvé que le sang artériel était fait exclusivement dans le poumon , et que Faction d'hématose ne se prolongeait pas au-delà. Enfin, c est ici le lieu de prouver, ce que nous n'avions fait qu'exprimer^, que le sang DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 3(>5 artériel n'éprouve aucune modification dans son cours , reste identique dans tout son trajet, et qu'ainsi c'est un même sang qui arrive à tous les organes. D'abord, Legallois a consacré l'identité du sang artériel dans toute l'étendue du système artériel , et c'est de lui que nous emprunterons toutes les considérations qui la démon- trent, lo Du cœur aux extrémités dernières des artères, le sang , de toute évidence, n'est dépouillé d'aucun de ses élé- ments , ne fait aucune perte. On avait voulu admettre une transsudation de sa partie la plus aqueuse à travers les pores des artères. On avait dit aussi que par îa même voie trans- sudait îa graisse. Enfin, quelques-uns avaient supposé que des vaisseaux absorbants ouverts à la surface interne des artères, enlevaient au sang quelques-uns de ses principes. Mais aucune de ces trois assertions n'est vraie. Latranssuda- tion d'une sérosité n'était admise que d'après des injections cadavériques ; et si on a cru l'apercevoir quelquefois dans des expériences faites sur des animaux vivants , on s'est trompé sur la source de cette sérosité; elle provenait, non du sang qui circule dans l'artère, mais d'une membrane sé- reuse qui la revêtait extérieurement, ou de vaisseaux exha- lants entrant dans la composition de ses parois. La transsu- dation de îa graisse est encore moins réelle; la graisse n'existe pas plus toute formée dans le sang que tout autre fluide se» crété; elle résulte de l'élaboration qu'un genre d'organe fait subir à ce sang , comme nous le verrons ; sinon , pourquoi cette graisse ne serait-eiîe pas uniformément semée sur le trajet des artères , au lieu d'abonder en quelques lieux et de manquer en d'autres? Enfin, une absorption faite par des vaisseaux îympliatiqu*es ouverts à la surface interne des ar- tères est un fait hypothétique en lui-même; et l'on ne voit pas d'ailleurs ce qu'une telle absorption, qui serait la même dans toutes les artères , et nécessairement peu consi- dérable à raison de la très grande rapidité du cours du sang, pourrait apporter d'altération dans ce fluide. Dans son cours, du cœur à la fin du système artériel, le sang ne fait donc aucune perte. 20 Dans ce trajet, il n'acquiert aucuns nouveaux principes. On a bien dit que la membrane interne 366 FONCTIOiN DES NUTRITIONS, des arlères exhalait conlinuellement dans sa masse de la sé- rosité; mais ce fait est-il vrai? combien de raisons pour le nier, surtout lorsqu^on voit une artère s'oblitérer tout-à- fait, dès que le sang cesse de la traverser! En admettant cette exhalation , son produit serait-il suffisant pour modi- difîer le sang? Ce suc exhalé ne pourrait-il pas même être de nature à être non miscible au sang? 3" Du cœur aux extrémités du système artériel , le sang circule dans des vais- seaux assez gros ; et nous avons déjà dit plusieurs fois que les vaisseaux capillaires seuls peuvent modifier les fluides qu'ils çharient, mais que les vaisseaux un peu gros ne sont évidemment que des agents mécaniques de transport et de conduite. En outre, dans ce trajet, ce sang ne traverse aucun organe d'élaboration , aucun de ces ganglions qui, dans la circulation chyîeuse et lymphatique , élaborent Je chyle et la lymphe. Il est soumis à une même température. /i que ces éléments organiques , ou n'existaient pas dans le sang, ou y étaient difierents que dans les organes, avaient enfin dans chaque organe une nuance différente. DU MOUV£Mi:iNT DE COMPOSITIOJN . Syj De quelque manière qu'on argumente, il n'est pas plus possible d'assimiler la nutrition à une action chimique qu'à une action mécanique. Qu'on considère la compo- sition chimique du sang, celle des différents organes nourris par ce liquide, et qu'on voie si les lois chimi- ques font concevoir la transformation du premier dans la substance des organes ? Il n'y a aucun rapport entre les éléments composants de la substance qui nourrit, et ceux de la substance qui est nourrie. Souvent cette dernière con- tient des principes qui ne sont pas dans le sang. Enfin , l'on ne peut, du seul rapprochement de ces éléments divers, en déduire chimiquement la formation du nouveau produit, c'est-à-dire la nutrition. D'ailleurs , rappelons toujours cette considération importante, que, dans toutes ces théo- ries, le parenchyme nutritif serait en quelque sorte passif dans la nutrition , et qu^on ne pourrait expliquer tous ces faits incontestables qui nous montrent la nutrition dépen- dante de son action spéciale, et se modifiant selon que cette action est elle-même différente. Concluons donc que dans la nutrition tout parenchyme nutritif exerce, sur le sang artériel destiné à le nourrir, uneaction élabora trice, en vertu de laquelle ce sang es t changé dans la substance même des organes ; concluons que cette action du parenchyme , inappréciable parles sens, ne peut être assimilée à aucune action physique, mécanique et chi- mique de la nature, et conséquemment doit être dite orga- nique et vitale. Dès lors on peut dire de cette action élabora trice ce que nous avons dit de toutes celles que nous avons étudiées jus- qu'à présent. On peut assurer d'elle les trois propositions suivantes; savoir : qu'une seule substance, le sang artériel, est susceptible de s'y prêter et d'éprouver, sous son influence, la transformation qui en est le résultat ; qu'elle n'a en elle rien de chimique, et constitue une altération matérielle spéciale; et qu'enfin, le produit auquel elle donne nais- sance a toujours la même nature intime, est toujours iden- tique. D'abord, il n'y a que le sang artériel qui , répandu dans 3yè ïONCTION DES WUTRITIOINS. les parenchymes nutritifs ^ puisse se prêter à raction élabo- ratrice de la nutrition, et s'assimiler aux organes ; tout autre fluide , même vivant , porté accidentellement dans ces pa- renchymes , ou par sa présence y excite des abcès , ou s'y in- cruste sans causer d'accidents et en conservant sa forme étrangère , mais jamais ne s'assimile à l'organe. Cela est même vrai des substances qui peuvent accidentellement être mê- lées au sang artériel; alors, tandis que celui-ci se change dans le tissu organisé , la substance étrangère ne fera que s'y déposer, et de manière à y être reconnue. C'est ainsi que les divers organes peuvent se trouver teints par la substance colorante des aliments; cette substance colorante, ayant passé avec le chyle sous sa forme étrangère et sans être chy- lifiée , a traversé de même , et impunément , les autres fi- lières élaboratrices de réconomie, et, arrivée ainsi aux confins de la circulation , elle a résisté de même à l'action élabora- Irice qui s'y fait. En second lieu , l'action élabora trice de la composition n'a rien en elle qui soit chimique , et c'est une transforma- tion matérielle spéciale qui n'a pas son analogue dans la na- ture morte. Nous l'avons déjà prouvé plus haut : nous avons dit qu'il n'existait aucun rapport chimique entre les élé- ments qui composent le sang et ceux qui composent les or- ganes , et qu'on ne pouvait conclure chimiquement du contact et du rapprochement de ces divers éléments au re- nouvellement des organes. Il faut reconnaître , au con- traire , que dans la série des transmutations qu'éprouve un aliment avant qu'il soit assimilé aux organes, «les lois de la chimie sont sans cesse violées , et que dans cette série d'opé- rations, on marche de créations en créations tout-à-fait inexplicables pour cette science. Il ne faut pas croire , en effet , qu'on puisse suivre un élé- ment matériel pris au dehors, depuis l'aliment qui est la forme sous laquelle il entre, jusqu'à ce que sous forme de sang il soit assimilé aux organes. L'aliment n'est déjà plus rcconnaissable dans le chyle, et celui-ci ne l'est plus non plus dans le sang. Dans ccUcî suite ar cette voie. On a dit que l'excrétion de la perspiralion cutanée^ qui a la même nature que celle de la respiration , remplissait à cet égard le même office. Enfin , pendant que , par ces voies diverses, l'aliment végétal était déshydrogéné et décarbo- nisé, il était azotisé, soit par le fait seul de la perte de car- bone et d'hydrogène qu'il éprouvait, soit parce que de l'azote absorbé, dans l'air de la respiration ou dans les aliments animaux ou végétaux qui en contiennent, lui était fourni par les sucs divers qui l'élaborent dans son trajet à trayers les appareils digestif, absorbant et respiratoire. Mais déjà, c'est d'après une vue toute théorique qu'on a dit que l'animalisation consistait dans la décarbonisation et la déshydrogénaîion de la matière , et dans son azotisation; rien ne garantit que ce soit là la seule différence entre les matières végétales et animales. En second lieu, à supposer que cela soit, l'explication qu'on en donne est bien conjec- turale. Rien de moins sûr que les gaz intestinaux provien- nent de l'altération éprouvée par les aliments; ils se déve- loppent plus, lors de la vacuité, que lors de la plénitude de l'appareil digestif; et parmi ces gaz, d'ailleurs , se trouve toujours un peu d'azote. Nous avons dit, à l'article de la respiration j qu'il était douteux que les excrétions de cette fonction servissent à l'hématose. Enfin , iî est difficile , comme nous allons le dire tout à l'heure , d'indiquer d'où provien- drait l'azote qu'on suppose être surajouté à la matière qui s'animalise. Le plus souvent , en effet, la chimie ne peut pas indiquer quelle est la source des éléments généraux , hydrogène , car- bone , oxygène, azote ^ qu'on trouve dans les parties des 38o POINCTIOW DES NUTRITIONS. €orps vivants , comme dans tout corps naturel quelconque. Par exemple , par où pénètre l'azote ? est-ce par la voie de la respiration , ce principe étant un des éléments corapo sants de l'air atmosphérique ? mais il paraît prouvé que le plus ordinairement^ dans la respiration, il n'y a point ou très peu de cet azote absorbé. Est-ce l'aliment qui le fournit; car, après la respiration, il n'y a plus d'autre voie? mais alors il faudrait que les aliments continssent tout Fazote qui se retrouve dans toutes les parties du corps humain ; et cela est-il croyable pour l'homme lui-même, et, à plus forte raison , pour les animaux qui sont exclusivement herbivores ? Rondelet dit avoir nourri , pendant trois ans , des poissons avec de l'eau pure, il les a vu manifestement croître; et les poissons sont cependant, de tous les animaux, ies plus azotés, Rédi, Méad , F^alisnieri , en disent autant de cer- tains reptiles. Peut-on croire qu'ici les aliments aient fourni tout l'azote que contenaient ces animaux ? Il y a certainQ- ment création dans le corps animal de quelques-uns des élé- ments qui le composent. M. Fauquelin , ayant calculé la quantité de carbonate de chaux qui existait dans toute l'a- voine dont il nourrissait une poule , a retrouvé une quantité plus grande de cette matière dans la fiente et la coquille des œufs pondus par cet animal. Quand on place , dans une terre dont la composition est connue , une graine, et qu'on arrose cette graine avec de l'eau distillée seule, on ne voit pas moins la plante qui en provient contenir tous les divers éléments organiques et minéraux qui lui sont propres. Ils ont donc été créés de toutes pièces. Or, pourquoi n'en serait-il pas de même de l'azote ? le doute viendrait-il de ce qu'il est un corps simple ? mais le phosphore n'en est-il pas un aussi ? et ce phosphore n'est-il pas aussi un produit des corps ani- maux ? l'action vitale n'a-t-elie pas sur les combinaisons de la matière une puissance bien plus grande , que les actions chimiques ordinaires.^ et qui oserait dire où s'arrête cette puissance ? Sans doute , en dernière analyse, un corps vivant lire des corps extérieurs à lui toute la matière qu'il s'assi- mile; car l'esprit s'effraierait d'une véritable création de matière. Si ce qu'il y a de solide et d'appréciable pour nos DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. 38 1 sens , dans ce qu'il ])rend au dcliors de lui , ne suffit pas pour équilibrer Taugmenlalion de sa niasse, il fau^ admettre que le reste provient des parties gazeuses qu'il absorbe sans cesse. Mais enfin , dans tout ce travail, c'est le corj.s vivant qui élabore et fait la malière qu'il doit s'assimiler; et souvent, dans ce travail , il fait des corps que noire cliiniie n'a pu faire encore , et qu'à cause de cela elle appelle simples. M. Magendie a, dans ces derniers temps, fait quelques expériences , dans la vue de prouver que les aliments con- tiexinenten dernière analyse les éléments de nos organes, et particulièrement l'azote qui s'y trouve : il a nourri exclusi- vement des chiens avec des substances non azotées^ du sucre^ ou de la gomme, ou de l'huile ,ou du beurre, et avec de l'eau distillée pour toute boisson. Pendant les sept ou huit pre- miers jours, ces animaux n'ont pas paru souffrir de ce ré- gime; mais, au bout de ce temps, ils ont commencé à mai- grir, quoique leur appétit soit resté bon, et qu'ils aient continué de manger. Depuis lors, leur maigreur alla tou- jours en augmentant ; ces animaux perdirent leur gaîlé , leur appétit. Vers le vingtième jour, la plupart offrirent une ulcération au centre de la cornée transparente, ulcération qui s'augmenta rapidement, au point que, par elle^ les humeurs de l'œil s'écoulèrent. Enfin , tous périrent du trente-deux au trente-sixième jour de l'expérience. L'ouver- ture de leurs cadavres fît voir tous les organes considérable- ment amaigris, le tissu cellulaire entièrement dépouillé de la graisse qui ordinairement le remplit, les muscles réduits de plus des cinq sixièmes de leur volume ordinaire, l'esto- mac et les intestins fortement contractés et rétrécis; la bile et l'urine , enfin , avaient chimiquement les caractères que ces humeurs ont chez les animaux herbivores; c'est-à-dire que la bile contenait beaucoup de picromel^ matière qui existe dans la bile des herbivores seulement ; et que l'urine ,^ au lieu d'être acide comme chez les carnivores , était au con-. traire sensiblement alkaline , et n'offrait aucune trace d'a.- cide urique ni de phosphate. Dvl reste , il n'était pas douteux que l'aliment qui avait été donné n'eût été digéré; car on s'assura que , dans l'estomac, il avait été changé en chyme , "iS'J FONCTION DES NUTRITIONS. et que l'appareil cliylifère en avait extrait un chyle assez abondant. L'auteur de ces expériences en conclut que ces animaux ne sont morts que parce que ces aliments ne con- tenaient pas Fazote qui est nécessaire à toute nutrition. Mais cette conclusion ne neut-elle pas être contestée? D'abord, tous les résultats cadavériques qu'a observés M. Magendie sont semblables à ceux qui sont vus dans les animaux qui sont morts de faim ; et dès lors ne pourrait-on pas dire que les chiens ne sont morts ici que parce que les aliments qu'on leur a donnés n'étaient pas assez nutritifs? On sait que les aliments diffèrent les uns des autres sous le rapport de leur puissance nutritive : et on conçoit alors que l'usage exclusif d'aliments trop peu nutritifs pourrait, à la longue, faire périr. N'est-ce pas ce qui a été ici^ surtout quand on voit les animaux se bien porter les huit premiers jours ? En second lieu , rien ne prouve que la puissance nu- tritive des aliments soit en raison de la quantité d'azote qu'ils contiennent. On sait que chaque économie digestive affectionne ses aliments propres; et il peut arriver que tel aliment, quoique contenant beaucoup d'azote, ne convienne pas à l'estontac; de même que tel air, qui contient beaucoup d'oxygène, n'est pas cependant pour cela respirable. En troisième lieu, il aurait fallu que M. Magendie fil ces mêmes expériences sur des animaux herbivores; car ces animaux, n'ayant pas moins besoin d'azote que les autres, il aurait mieux pu séparer ce qui , dans les effets obtenus,, aurait été dû à l'économie en général , et à la susceptibilité de l'appa- l'eil digestif en particulier. Enfin, cela ne résoudrait la question que pour un seul élément, l'azote : et combien d'autres existent dans les organes, et dont il faudrait de même indiquer la source, le soufre, le charbon ;, les mé- taux, etc.? Concluons donc que l'action éîaboratrice de la composition, bien qu'ayant pour résultat une transforma - lion de la matière , n'est aucunement une action chimique ordinaire. Enfin, la troisième proposition que nous avons à établir à 1 égard de cette action éîaboratrice, c'est qu'elle donne toujours naissance à un même produit, et que celui-ci ne DU MOUVEMENT DE COMP0S[TJ0JN . 383 diirère qu'en raison de l'état plus ou moins bon de la ma- tière première avec laquelle il est fait, et de l'intégrité plus ou moins complète avec laquelle a agi le parenchyme nutritif élaborateur. El , en effet , n'est-ce j^as I ou jours le même tissu qui est renouv-lé dans chaque organe ? et comment pourrait- on douler de l'identité du produit, lorsque c'est un même appareil qui fabrique, et que cet appareil opère sur une même matière première? Il n'y a réellement de variations, dans ce produit de la nutrition, qu'en raison des deux cir- constances que nous avons indiquées. Ainsi , bien qu'il n'y ait aucun rapport chimique entre la substance qui fait un de nos organes, et la matière avec laquelle il la fabrique, cependant le bon état de l'une dépend toujours un peu de la qualité de l'autre : avec de bons aliments est fait un bon chyle, un bon sang; et vice versa, avec de mauvais ali- mentis, le fluide nutritif des organes est également mauvais. Par conséquent, la qualité du produit de la nutrition, c'esl-à-dire du nouveau tissu formé, sera nécessairement un peu dépendante de l'état de l'alimentation et du sang. Ici se rapportent tous les faits qui prouvent l'influence du ré- gime sur la nutrition; l'appauvrissement et î'afTaiblisse- mentdu corps à la suite de mauvais aliments; son rétablis- sement, au contraire, à la suite d'une bonne nourritm^C; De même , que le parenchyme nutritif d'un organe ail toute son intégrité et toute son activité, la nutrition s'en fera convenablement; et qu'au contraire, ce parenchyme soit altéré dans son tissu, que son mode d'action soil perturbé directement ou sympathiquement , la nutrition donnera naissance à de nouveaux produits. Ainsi donc , pour résumer : la composition des organes est due à ce que le sang artériel qui pénètre leur parenchyme y est changé en leur substance par une action de ce paren- chyme; cette action est trop moléculaire pour être vue; le résultat seul l'annonce; et ne pouvant être assimilée à aucun acte physique et chimique de la nature, elle est organique et vitale ^ et participe de tous les traits qui sont propres aux diverses actions élaboratrices de l'économie. 384 FONGTIOJ^ DES NUTRITIONS. Maintenant il est aisé de concevoir pourquoi la nutrition est diverse en chaque organe. L'organisation de chaque pa- renchyme étant différente, chacun doit élaborer le sang à sa manière , et fabriquer avec lui une substance diverse. C'est de même que les divers sens, quoiqu'effectuant chacun une action d'un même genre^ font cependant éprouver cha- cun une sensation spéciale ; que les divers organes sécréteurs, les diverses glandes fabriquent chacune avec le sang des humeurs particulières. La diversité de l'organisation des parenchymes étant admise , il doit en résulter diversité dans l'action élaboratrice à laquelle ils se livrent , et par conséquent diversité dans la nutrition. On devrait dire les nutritions, comme on dit les sensations, les sécrétions. Cette différence dans les nutritions ne porte pas seulement sur la nature intime du tissu qui est fait , elle ne consiste pas seulement en ce que dans tel parenchyme nutritif est fait du tissu osseux, dans tel autre du tissu musculaire, dans tel autre du tissu nerveux; mais elle porte encore sur la rapidité avec laquelle se fait la rénovation complète de tout l'organe, comme nous le dirons ci-après. Il y a cette différence parmi les actions de notre écono- mie qui ont pour but l'élaboration d'une matière, que les unes comportent un certain temps pour s'effectuer, tandis queles autres se font d'une manière soudaine^ et de sorte que le nouveau produit se montre aussitôt , presque à l'instar de la médaille que l'on frappe. Par exemple, la digestion est une action élaboratrice qui exige un intervalle de quelques heures , tandis que l'hématose artérielle dans la respiration se fait d'une manière instantanée. Dans quelle condition est à cet égard la nutrition? Il est impossible de le dire d'a- près des faits directs ; mais nous sommes assez portés à croirre qu'elle se fait instantanénent d'après les trois raisons sui- vantes, lo Elle se fait aux extrémités des vaisseaux, dans la partie la plus ténue des systèmes capillaires ; et là, les molé- cules sanguines sont amenées à un tel degré de ténuité , qu'il est naturel de penser que leur conversion en tissu quelcon- que doit se faire aussitôt. Il semble, en effet, qu'une trans- formation matérielle ne doive exiger un temps long pour DU MOUVEMENT DE COMPOSITION. ''yPj^} se faire, que lorsqu'elle porte sur une masse un jjeu volu- mineuse et renfermée dans un réservoir , comme cela est dans la digestion, par exemple. 2^ Il est d'observation que dans cette série de transformations que doit éprouver la matière, pour arriver à faire partie de nos ori^anes , ces transformations exigent, pour se faire, un temps d'aulant plus long, que la matière qui doit les éprouver est plus éloignée encore du terme de l'assimilation , du lieu où elle nous sera appropriée. Dans la digestion , par exemple , la matière est le plus éloignée possible de notre nature; et aussi faut-il quelques heures pour qu'elle éprouve la transformation delà cbymification. Déjà la cliylifîcation v.n exige un peu moins; mais encore cette opération n'est-elle pas instantanée, puisque le chyle va en s^animalisant gra- duellement dans la série des ganglions mésentériques. En- fin , l'hématose, qui est le troisième degré, est, au contraire, une opération instantanée, comme nous l'avons prouvé; le sangartériel est vraiment fait d'un seul coup , et on peut le dire , à la manière de la médaille que l'on frappe. Or, il y a tout lieu de croire qu'il en est de même des nutritions , qui sont des actions élaboratrices qui se passent à des lieux encore plus rapprochés du terme de l'assimilation. 3^^ Enfin, il est sûr que l'hématose artérielle se fait d'une manière in- stantanée ; or, comme cette hématose artérielle est une ac- tion qui , quoique inverse de la nutrition, semble lui être tout-à-fait correspondante , il paraît que ce qui est de la première de ces actions doit être aussi de la seconde. Tous les physiologistes, en effet, opposent l'hématose artérielle ou la conversion du sang veineux en sangartériel, à la nu- trition ou la conversion du sang artériel en sang veineux; ils miettent en regard le système capillaire du poumon où se passe la première de ces actions élaboratrices, avec Je sy- stème capillaire général du corps où se passe la seconde; et ils sont portés à croire que tout ce qui est de l'une de ces ac- tions élaboratrices est aussi de l'autre. Or, la possibilité que l'on a de suspendre la respiration a mis à même de s'assurer que l'hématose artérielle s'effectue instantanémenl; ' le sang se montre subitement ou rouge ou noir dans la ca- TOME IIK 2 5 386 FONCTION DES NUTRITIONS, rolide, selon qu'on permet ou qu'on empêclie la respiration. Par conséquent , on est porté à croire qu'il en est de même de l'action de nutrition. Seulement , on ne peut en être sûr, puisqu'on n'a pas le moyen de suspendre ici les nutritions , comme on le fait de la respiration , pour voir si alors le sang artériel traverserait le système capillaire du corps en res- tant tel , et se montrerait sous cette forme dans le système veineux. Cependant cette dernière raison a moins de force que les premières ; rien ne prouve absolument que ce soit l'action de nutrition qui soit l'inverse de celle de l'hématose arté- rielle; ce pourrait être aussi-bien l'un ou l'autre des deux autres offices que remplit le sang dans les organes , et parti- culièrement la caloriiication. A coup sûr, le sang dans le poumon fait deux espèces de réparations bien distinctes; l'une, en apparence plus matérielle , de chyle et de lymphe; l'autre d'oxygène. Il doit sembler dès lors qu'il fait aussi deux, sortes de pertes dans les systèmes capillaires du corps; et il serait possible que l'action de nutrition ne correspon- dît qu'à la réparation chyleuse, et que la perte d'oxygène ait trait, ou à la calorification , comme nous Je dirons ci- après, ou à l'entretien du mouvement vital. Ainsi , l'on ne pourrait plus arguer de l'instantanéité de l'hématose arté- rielle , puisque cette hématose artérielle ne serait plus l'ac- tion inverse de celle de la nutrition. Ceci se rattache à une autre question bien importante, celle de savoir quelle part cette action de composition a à la formation du sang veineux. 11 n'y a aucun moyen d'y ré- pondi'C par des faits directs. Comment , en effet , spécifier, entre tant d'actes qui s'accomplissent dans les systèmes ca- pillaires , composition , absorption décomposante , sécré- tions, calorifications , ceux qui précisément font le sang veineux ? La réponse variera nécessairement, seloii l'opinion qu'on adoptera relativement à la question précédente. Con- sidère-t-on l'acte de composition comme Fopposé direct de l'hématose artérielle? alors on le considérera comme ayant une influence prochaine sur la formation du sang veineux. Yeut-on,aucontrairej que le sang dans son cours excentrique DU MOUVEMENT DE DÉCOMPOSITION. 38; fasse deux sortes de perles, comme dans son cours concen- triqueilasubi deuxréparationsdistincles ; veul-on que l'acte de composition ne corresponde qu'à Ja ré])aration cliyleuse ? alors cet acte n'aurait aucune part à la formation du sang veineux^ et ne ferait que consumer une partie du sang ar- tériel. Par des raisons sur lesquelles nous reviendrons à l'article de la calorifîcation , cette dernière opinion nous paraît la plus raisonnable. Certainement encore, il existe des rapports entre celle action de composition, et la circulation capillaire d'une part^ et l'action de décomposition de l'autre. D'un côté, c'est pendant que le sang traverse le système capillaire que se fait la nutrition : la circulation capillaire dès lors pour- rait-elle être sans influence sur la rapidité avec laquelle se fait la nutrition? Mais^ non-seulement nous ignorons la rapidité avec laquelle se fait la circulation capillaire, com- bien de temps le sang met à parvenir, à travers les systèmes capillaires, des dernières artérioles aux premières veinules; mais encore nous ignorons l'influence que très probablement cette circulation exerce sur la nutrition. D'un autre côté, il est sûr que non-seulement l'action de décomposition dont nous allons traiter coïncide avec l'action de composition dont nous venons de faire l'histoire , mais encore que celle- ci doit être dans un rapport forcé avec la première* il faut bien, en effet, que quelques molécules premières soient re- prises, pour que de nouvelles puissent se déposer. Dès lors, cette action de décomposition doit influer sur la rapidité de l'action de composition. Mais il nous est encore impos- sible de spécifier le caractère de cette influence, sur laquelle nous allons revenir, après avoir parlé de l'action de décom- position. ARTICLE II. De la décomposition des parties. On entend par là l'action absoï'bante qui a lieu dans l'in- térieur de tout organe quelconque, et par laquelle ii y est repris une certaine quantité des matériaux qui le formaient. 25. 388 FONCTrON DES NUTRITIONS. Celte action d'absorption est ce qui constitue l'absorption interstitielle de Hunier, organique de Bichat, décomposante de quelques autres. On ne peut la révoquer en doute. D'a- bord, il faut bien qu'il soit repris dans les organes quel- ques-uns des matériaux qui les composaient, et cela à me- sure que de nouveaux matériaux leur sont fournis, sinon leur volume augmenterait indéfiniment. En second lieu, on Ta démontrée par quelques expériences : Duhamel sly ail nourri pendant quelque temps des animaux avec des ali- ments teints de garance , et avait vu que par suite les os de ces animaux étaient rouges; or, ayant cessé de fournira ces animaux des aliments colorés , il vit à la longue dispa- raître la couleur rouge des os , conséquemment à mesure que la substance de ces os était renouvelée parla nutrition. Enfin, beaucoup de faits physiologiques et pathologiques prouvent la réalité de cette absorption intérieure. Dans les premiers âges , les os , qui doivent plus tard offrir dans leur intérieur un canal médullaire , ou des cavités quelconques . des sinus, sont tout pleins; et ce n'est que par les effets du développement , qu'une absorption intérieure reprend la matière qui tenait la place de ces cavités. Dans les premiers temps de la formation du cal , lors de la fracture d'un os long, le canal médullaire aussi n'existe pas, le cal est tout so- lide; ce n'est qu'avec le temps qu'une absorption interne le creuse, en y reprenant une certaine quantité de matière. L'absorption interne va même jusqu'à faire complètement disparaître certains organes , après l'âge où leur service n'est plus utile : le thymus , par exemple , dès les premières an- nées delà vie ; l'utérus ou la mamelle dans la dernière vieil- lesse, etc. C'est elle qui amène la disparition de beaucoup de tumeurs. Mais nous avons déjà parlé , à la fonction des absorp- tions, de celle qui efiectue cette action de décomposition. Nous ne reviendrons pas sur la recherche que nous avons faite des vaisseaux qui en sont les agents. On se rappelle par quels raisonnements nous avons été conduits à considérer comme tels les vaisseaux lymphatiques et les veines. Nous conclurons donc de suite, pour la question qui nous occupe DU MOUVEMENT DE DÉGOMl'051TlO« . 389 ici, que les radicules veineux et lymphatiques, là où us fout partie des systèmes capillaires, absorbent dans la pro- fondeur de tous Jes parencliymes nutritifs une portion quel- conque de la substance des organes, pour faire place à celle qui résultera de la solidification du sang. Nous pourrions encore renvoyer au même lieu pour le mécanisme de cette absorption décomposante ; mais nous allons cependant en rappeler ici les traits principaux. Cette action est aussi moléculaire que celle de la composition > que celle de toute autre absorption, et n*est aussi manifes- tée que par son résultat. Elle est le produit spécial de l'ac- tivité des vaisseaux absorbants, veineux ou lymphatiques ; car l'intégrité de ces vaisseaux absorbants est une condition nécessaire pour qu'elle ait lieu , et il suffit de modifier 1 ac- tivité des radicules absorbants, pour faire varier 1 action de décomposition qu'ils effectuent. Cette action d'absorption ne peut en rien être assimilée à une action mécanique, phy- sique, chimique quelconque, mais est une action organique et vitale: c'est vainement qu'on a voulu assimiler, comme nous Tavons dit dans le temps, l'absorption lymphatique ou veineuse, à l'attraction et au phénomène des tubes ca- pillaires, seules actions qui paraissent avoir quelque rap- port avec elles. Enfin , c'est aussi une action élabojatrice , -c'est-à-dire qui donne à la matière sur laquelle elle opère une nouvelle forme; en même temps que les radicules ab- sorbants, soit veineux, soit lymphatiques, saisissent la substance des organes pour en opérer la décomposition , ils modifient cette substance, et fabriquent avec elle leur fluide propre, savoir, le sang veineux, et la lymphe. Il est sur, en effet, que les matériaux résorbés sont portés dans la lymphe et le sang veineux , et n'y sont pas retrouves sous leur forme première ; ce qui prouve qu'en même temps que l'absorption les a saisis, elle les a élaborés, et changes, ou en lymphe et en sang veineux, ou plutôt en des produits qu'on ne peut en distinguer , parce qu'ils sont aussitôt mêlés à ces fluides. Ici se représente pour une troisième 'fois la question de la formation du sang veineux. 0 paraît certain que 1 ab- 390 rONGTiON DES NUTRITIONS, sorption de décomposition concourt à cette foruriation , soit immédiatement en faisant directement le sang veineux, soit indirectement en versant dans ce fluide, ses produits, quels qu'ils soient; mais on ne peut préciser dans quelle proportion elle y sert, comparativement aux autres actions capillaires qui y contribuent. Cependant, si cette absorp- tion ne fait que verser dans le torrent veineux ses produits, peut-être peut-on la dire encore étrangère à la formation du sang veineux proprement dit. On doit en dire autant de la lympbe : puisque les vais- seaux lymphatiques sont , ainsi que les veines , considérés comme agents de labsorption interstitielle , il faut bien reconnaître que la lymphe résulte , en partie au moins , directement ou indirectement, des matériaux de cette ab- sorption. Toutefois, de même que la composition avait consisté dans la solidification du sang, par suite d'une action spéciale des parenchymes nutritifs , dans une conversion de ce sang dans la substance des organes , de même la décomposition consiste dans une fluidification de la substance des organes, par une action spéciale des vaisseaux absorbants qui entrent dans la composition de ces mêmes parenchymes, dans une conversion de la substance des organes en lymphe et en sang veineux, ou, au moins, en produits inconnus qui sont versés aussitôt dans ces fluides. De même que , dans l'action élaboratrice de la composition , la transformation du sang en tissu organisé n'avait pu en rien être assimilée à une ac- tion chimique ordinaire; que, par exemple, on n'avait pu signaler, dans le sang qui servait à composer, les éléments constituants des tissus qui étaient renouvelés par lui , de même, dans l'action élaboratrice de la décomposition, la Transformation des tissus organisés en lymphe et en sang veineux n'a rien de chimique non plus; l'on ne peut pas davantage retrouver dans ces fluides les éléments consti- tuants des organes, ni conclure chimiquement de l'existence des uns à la formation des autres. Enfin, de même qu'on avait pu dire de l'action élaboratrice de la com|)osition , les trois propositions communes , savoir : qu'elle n'était apte à DU MOUVEMEJNT DE DÉCOMPOSITION. Sgi vs'exercer que sur un genre déterminé fie matériaux, qu'elle n'avait en son essence rien de chimique, et (ju'elle devait toujours donner naissance à un même produit, de même on peut les assurer de l'action élabora trice de la décomposi- tion. Il est sûr en effet que l'absorption décomposante ne s'exerce dans l'économie que sur les organes à renouveler ; que celte action n'a en elle rien de chimique ; et qu'enfin elle donne naissance à un même produit, soit la lymphe et le sang veineux eux-mêmes, soit une matière qu'on ne peut spécifier, parce qu'elle est aussitôt mêlée à ces fluides. Comment, par exemple, pourrait-il en être autrement de ce dernier fait , lorsque ce sont partout les mêmes radicules qui agissent, et qui conséquemment ne peuvent que former la même matière? A la vérité, ces radicules agissent sur des éléments différents : mais est-ce le premier appareil de l'économie qui extrait de matières différentes un même pro- duit? l'appareil digestif, par exemple, ne fabrique-t-il pas un même chyle avec des aliments très divers ? Ainsi donc , dans la nutrition, tandis que d'une part le sang artériel est solidifié , et changé dans la substance des organes pour la composition, d'autre part, le tissu des or- ganes est fluidifié^ changé en lymphe et en sang veineux pour la décomposition. Tandis que le sang artériel fournis- sait les matériaux composants , la lymphe et le sang veineux t'ecueillent les matériaux retirés des organes, et dont l'ex- traction fait la décomposition. Enfin , de même qu'il avait été impossible de suivre la matière depuis sa première entrée dans l'économie sous forme d'aliments, jusqu'à son assimi- lation aux organes , à travers le chyle et le sang , de même aussi il est impossible de suivre les éléments qui sont repris dans les organes, depuis les parenchymes nutritifs, jusqu'à ce qu'ils soient rejetés de l'économie par les organes des excrétions. Nous ne pouvons pas même savoir quelles sont les molé- cules des organes que la décomposition reprend : il est assez probable que ce sont celles qui sont les plus anciennes , qui y ont déjà fait un certain séjour, qui, en un mot, ont été usées par la continuité de la vie. Il est sur, en effet, que les 39^2 FONCTION DES NUTllITlONS. parties constituantes des organes y font un certain séjour avant d'en être retirées : c'est ce qui résulte des expériences de Duhamel , dont nous parlerons ci -après, et dans les- quelles on voyait la garance ; qui colorait les os, mettre un certain temps à disparaître, après qu'on avait interrompu son usage dans les aliments. D'ailleurs, le bon sens indique que ce sont les matériaux anciens, ou du moins ceux qui sont les premiers usés , qui doivent être repris les premiers ; car, dé quoi servirait-il d'assimiler de nouveaux matériaux pour les reprendre aussitôt ? Ainsi que Faction de composition avait différé en chaque organe, en raison d'une différence de structure dans les pa- rencîiymes nutritifs, de même l'action de décomposition ditière également partout, et par la même cause; les radi- cules veineux et lymphatiques ont, dans chaque organe, une disposition, une activité particulière; et, par suite, la dé- composition a , dans chaque organe , un caractère spécial. Il en est dans lesquels elle est plus rapide, d'autres dans les- quels elle est plus lente; ce sont absolument les mêmes considérations que celles que nous avons présentées à l'égard du mouvement de composition. Ainsi, comme celui-ci , le mouvement de décomposition se fait vile , et à l'instar de la médaille que Ton frappe; il est probablement dans un rap- port quelconque avec la circulation capillaire , et certai- nement dans un rapport constant avec le mouvement de composition. Telles sont les deux actions opposées di4 concours des- quelles résulte la nutrition. Ces deux actions sont également merveilleuses, soit qu'on les considère en elles-mêmes, soit qu'on les envisage dans leurs rapports entre elles. D'un côté , on voit dans la composition un même fluide, le sang arté- riel, se changer en mille organes différents; et, dans la dé- composition, la substance de beaucoup d'organes différents être changée toujours dans les mêmes fluides, la lymphe et le sang veineux. D'un autre côté, on est obligé d'admettre qu'il y a les l'apporis les plus iiuimes entre ces d€itxa<^t ions , MÉCANISME DES NUTUITIONS. SqS qu'elles ont lieu en quelque sorte en même temps. Comment concevoir, en effet, qu'une partie s'applique de nouveaux principes sans 5e débarrasser en même temps de ceux qui la formaient préalablement? Cependant les âges et les ma- ladies nous montrent quelques différences dans l'activité de ces deux actions. Dans le premier âge, le mouvement de composition prédomine sur celui de décomposition , puis- que le corps croît et augmente de volume. Dans le dernier âge , au contraire, la décomposition prédomine sur la com- position , puisque le corps dépérit. Dans les maladies, on voit quelquefois la com[K)sition devenir très active, et un organe prendre alors un volume, un développement inso- lites; dans d'autres cas, au contraire, on voit la décompo- sition s'exercer sur un organe, jusqu'au point de le faire complètement disparaître. Du reste , il n'est pas possible de révoquer en doute cette opposition continuelle de composition et de décomposition , par laquelle sont entretenus , renouvelés , «owrm nos organes. S'il est évident que , dans la nature , il y a mutation conti- nuelle de la nialière qui y compose tous les corps, cette muta- tion est encore plus vraie des corps organisés et de l'homme. Il suffit de penser, d'une part» aux aliments que nous prenons etquenousavonsbesoinde prendre cbaquejour, et de l'autre, à nos diverses excrétions, qui ne sont pas moins constantes et nécessaires , pour être portés à croire que les premiers sont destinés à remédier aux pertes qui résultent des se- condes, et qu'il y a en nous un roulement continuel de ma- tière. A la vérité, ou pourrait croire que l'alimentation ne sert qu'à remédier aux pertes que font faire au sang nos ex- crétions. Mais on ne peut réduire le service des excrétions, à l'expulsion de la partie des matières ingérées qui n'a pas été assimilée ; leur quantité est trop considérable pour cela ; plusieurs ont une nature trop animalisée , et cet excès d'ani- malisation annonce qu'elles proviennent de matériaux qui ont fait partie de corps vivants. Plusieurs, sans doute, ne paraissent pas avoir été destinées primitivement à effectuer la décomposition du corps ; elles remplissent dans l'économie d'autres usages bien évidents; mais il en estune^ l'excrétion 394 FONCTION DES NUTRITIONS, de Furine , qui n'a pas (l'autre office que d'éliminer les dé- bris de nos organes, et celle-là suffit seule pour démontrer la réalité de la décomposition du corps. Il est d'ailleurs de nom- breux phénomènes de santé et de maladie qui mettent hors de doute cette rénovation continuelle de nos parties. On voit l'épiderme s'user et se renouveler sans cesse , des taches faites à la peau disparaître après un temps plus ou moins long. On voit , pendant le cours de la vie, des organes pré- senter des degrés divers de grosseur, selon la mesure dans laquelle ils sont nourris : on les voit , malgré l'accroissement que leur fait éprouver îe premier âge, présenter toujours la même substance intime , la même solidité; toutes preuves que c'est profondément, et d'une manière continue , que se fait leur renouvellement. Cette continuelle composition et décomposition de nos organes est enfin démontrée par les expériences directes qu'on a tentées avec des aliments teints par de la garance. Le hasard fait manger à Belchier, chirur- gien de Londres, un cochon qui avait élc nourri chez un teinturier : il remarque que les os de cet animal sont rouges , et il attribue cette particularité à ce que l'animal a été nourri avec des aliments teints en rouge; il conçoit dès lors la pos- sibilité de se servir de ce fait , pour démontrer que nos or- ganes vont en se composant et se décomposant sans cesse; il conjecture que dans un même animal les os se montreront tantôt rouges et tantôt blancs , selon que cet animal usera ou non d'aliments colorés; il fait des essais qui justifient sa conjecture ; il les communique à la Société royale de Lon- dres ; Sloane , son président, en instruit l'Europe, et les mêmes expériences sont répétées alors dans plusieurs pays, et avec les mêmes résultats; en France, par Duhamel ; en Italie, par Baroni ; en Allemagne, ipa.r Bohnier, Ludwig, Delius. Or, si les os , les parties les plus dures de l'économie , vont en se renouvelant sans cesse, en se composant et se dé- composant conlinueilement, on conçoit qu'il doit en être de même des autres parties. D'ailleurs, lorsque l'on voitle crâne aller en augmentant de capacité chez un enfant, à mesure que le cerveau , qui est dans son intérieur, croît lui- même . et ce crâne cependant se montrer également solide MÉCAINISME DES NUTRITIONS. 1^9 5 ei plein, qui pourrait douter que cette partie n'ait été eu proie à cette action sourde de composition et de décomposi- tion, qui seule permettait à l'ossilication de se faire chaque jour sur de plus grands contours ? Seulement, ce renouvellement est assez lent à se faire, car si les actions qui l'effectuent sont instantanées, rien ne dit qu'elles soient continues. Peut-être ce renouvellement est-îl peu de chose à chaque instant pour chaque organe. Cette lenteur est surtout grande dans l'âge adulte, car, dans le premier âge , il y a excès de composition , et dans le der- nier, excès dcdécomposition. Toutefois, puisqu'en même temps que nos organes s'ap- proprient de nouveaux matériaux, ils rejettent tous ceux qui les composaient préalablement, on conçoit qu'il doit arriver une époque où le renouvellement matériel de notre corps est complet, c'est-à-dire où nous ne conservons plus rien de «la matière qui, à une époque antérieure, entrait dans la composition de nos organes. C'est ce qui est en effet. Il est sûr que nous n'arrivons pas au terme de notre car- rière avec la même matière qui nous formait au commence- ment; et nous applaudissons à l'ingénieuse comparaison qu a faite à cet égard le professeur Riche rand , de notre corps au vaisseau des Argonautes, qui, radoubé mille fois dans sa traversée, n'avait plus, au terme de sa course, aucune des parties qui le formaient d'abord. Or, on a cherché à préciser le temps qui était nécessaire pour que ce renouvellement entier. fût achevé. Les anciens ont dit tous les sept ans; Benioulii, tous les trois ans. Mais on conçoit que ce temps ne peut être connu, et qu'aucun calcul n'est applicable ici. Comment, en effet , fixer le point de départ de l'expérience , et de même reconnaître son terme ? La nutrition étant une action moléculaire, dans laquelle ou ne peut saisir, ni ce qui entre pour la composition, ni ce qui sort pour la dé- composition , il n'est réellement aucun moyen de fixer l'é- poque qu'on rechei'che. D'ailleurs, est-il besoin de dire que cette nutritïosi n est pas plus que toute autre fonction de notre économie, iden- tique et constante, mais qu'elle est mille fois diflerente se- 396 FONCTION DES NUTRITIONS. ]on les circonstances individuelles ? Elle n'est pas la même>. en effet , dans les divers âges : dans l'enfance , elle est beaucoup plus rapide; dans Tàge adulte, elle est déjà plus modérée; et, comme toute fonction , elle s'affaiblit dans Ja vieillesse. Elle change aussi selon les sexes , les tempé- raments, les idiosyncrasies; chacun a., à cet égard, sa constitution j)ropre. L'état de maladie surtout la modifie; dans les maladies, il semble souvent que la nutrition s'af- taiblisse beaucoup, du moins à juger par l'état de diminu- tion que présentent les organes; en quel état d'atrophie, par exemple , parviennent les diverses parties du corps , à la suite des longues maladies chroniques? Enfin , se retrouve ici la différence de la nutrition dans les divers organes : tel organe peut renouveler plusieurs fois sa substance en entier, pendant que tel autre effectue à peine une fois ce même re- nouvellement. Dans chaque organe , cette nutrition se coor- donne aux formes que cet organe doit avoir; c'est aiîisi , par exemple , qu'elle creuse dans les os longs le canal médul- laire ; qu'elle fait dans l'os ethm.oïde les cellules qui s'y mon- trent, etc. D'après ces différences, est-il possible de rien fixer sur le temps nécessaire au renouvellement complet d'un or- gane particulier, et à celui de tout le corps en général ? 11 est même assez difficile de préciser, au milieu des os- cillations que présente comme toute autre cette fonction de la nutrition, quelles sont les conditions qui influent plus particulièrement sur elle? y a-t-il des époques où cette fonction est plus active, et d'autres où elle se tempère? En général, son activité paraît un peu dépendre de l'exer- cice des organes; du moins cela est évident pour le système musculaire, et on conclut de ce système aux autres. 11 est d'observation que tout organe très exercé prend plus de corps, et conséquemment est mieux nourri: on peut en citer comme preuves le développement considérable des bras chez les boulangers , celui des jambes chez les danseurs, du larynx chez les chanteurs, des épaules chez les porte- faix, et en général, toute l'habitude extérieure des hommes a vie active , comparativement à celle toute grêlé des hommes à vie sédentaire et de cabinet. Quoique placée au terme du MÉCANISME DES NUTRITIONS. 897 mëcanisme nutritif, (-elle fonction est encore un peu dé- pendante de l'influence nerveuse; on sait combien les pas- sions amaigrissent. Il est possible , à la vérité, que cet effet n'arrive que par suite des troubles que le moral amène dans les fonctions préparatoires, et que nous avons dit èlie comme l'échafaudai^e de la nutrition , dans la dig'estion , la respiration , elc. En général , comme la nutrition est une fonction lente, ses maladies le sont aussi; les médicaments fju'on emploie dans la vue de refaire une constitution usée doivent conséquemment être continués un long temps; ils doivent surtout être pris dans le régime; et c'est à cette fonction que s'applique principalement ce qu'on appelle en thérapeutique la méthode altérante. Telle est l'bisloire de la nutrition : on en a , en quelque sorte, une rejjrésentation dans le mécanisme de la cicatri- sation de nos parties. Une de nos parties esl-elle accidentel- lement entamée ? on voit se faire à sa surface un dévelop- pement de bourgeons cbarnus, c'est-à-dire qu'il se forme d'abord cette trame cellulo-vasculo-nerveuse qui constitue tout parencliyme nutritif: ensuite ce parencbyme travaille le sang qui lui arrive , de manière à former avec lui le tissu de la partie qui était le siège de l'entamure. Ce mécanisme de la cicatrisation est le même en toute partie , dans l'os comme dans le muscle; il n'y a de différence que dans la ra- pidité avec laquelle se fait l'opération : le cal , par exemple, employant quarante jours à se faire; et la peau, au con- traire, se réunissant en trois jours. Dans cette cicatrisation, chaque partie renouvelle la série des phénomènes par les- quels elle s'est formée primitivement; le cal , par exemple, est d'abord cartilagineux, ensuite il devient osseux; il est d'abord tout plein, puis l'absorption décomposante y creuse le canal médullaire : de sorte que cette cicatrisation de nos parties nous offre un simulacre de Faction par laquelle ces parties ont été faites dans l'origine , et de celle par laquelle elles s'entretiennent. 398 ' FONCTIOK DE LA CALORIPICAtlOK. SECTION VI. FONCTION DES CALORIFICATIONS OU DE LA CHALEUR ANIMALE. Non-seulement le sang artériel est, dans le parenchyme de tous les organes, employé à la nutrition, il sert encore à y dégager tout le calorique en vertu duquel le corps con- serve sa température indépendante, sa chaleur propre; et ce second office du sang fonde une fonction bien impor- tante et bien peu connue encore, celle de la calorification. Ce qu'on appelle température d'un corps s'entend , ou de la sensaliou de chaleur que ce corps mis en contact avec nos organes, produit en eux ; ou de l'élévation à laquelle ce corps porte Tinstrument de physique appelé tkermomètre.CQ àou.- ble effet est dû à une matière très subtile que dégage le corps, matière appelée calorique, et qui, d'une part, appliquée à nos organes, fait naître en eux la sensation de chaleur, et qui, d'autre part, s'interposant dans le thermomètre entre les molécules du liquide qui le forme , ajoute à son volume et fait ainsi monter l'instrument. Du moins, passant sous silence toutes les hypothèses faites jadis et encore aujour- d'hui sur la cause de la chaleur , nous nous arrêtons à ce système, qui est celui qui est le plus généralement adopté de nos jours, et qui rend le mieux raison de tous les phé- nomènes. Ce calorique , source de toute chaleur , est représenté comme un corps impondérable, généralement répandu daus toute la nature, et existant dans tout corps quelconque, mais en deux états, à Vétat laie lit ou. combiné y et à Vétat libre ou. sensible . Dans le premier état, ie calorique est in- timement uni aux autres éléments constituants des corps, et ne is'en dégage que lorsque ces corps se détruisent; consé- quemmeiit il n'est sensible, ni aux organes, ni au thermo- mètre , et est étranger à la température des corps ; mais c'es l rONCTIOiN DE j:.A C GLORIFICATION. 399 lui qui , par sa proportion avec la force de coliésion , déler- mine Vétat des corps, c'est-à-dire s'ils sont solides^ liquides et gazeux. Dans le second état, au contraire, le calorique est seulement interposé entre les molécules constituantes et intégrantes des corps; et s'en dégageant sans cesse, c'est lui qui. en agissant sur le tLerraomètre et les organes, fonde ce qu'on appelle la tenipéraLiire des corps. Ces deux espèces de calorique ne sont ni égales, ni régulièrement propor- tionnelles entre elles, soit qu'on les compare dans ditférents corps, soit qu'on les évalue dans un môme corps pris à des températures différentes. De plus , chaque corps exige pour êti'e à l'état solide, liquide ou gazeux, plus ou moins de ca- lorique latent, comme cliacun exige plus ou moins de ca- lorique sensible pour être élevé à un même degré de tempé- rature. Cette dernière difïérence fonde ce qu'on appelle la capacité des corps pour le calorique; et la quantité de ca- lorique que chacun exige pour être élevé à un degré donné de température, quantité qui peut être évaluée par celle de glace qu'elle fond dans l'instrument de physique appelé calori- mètre, constitue dans chaque corps ce qu'on appelle son ca loriq uespéc ijiq ue. Comme tout corps a en lui du calorique libre, et que dans tout corps ce calorique libre se dégage sans cesse, il en résulte que tout corps a une température: élevée, s'il est projeté beaucoup de calorique; basse , dans le cas contraire. Cela est vrai de l'homme, comme de tous les autres corps de la nature; mais les lois qui président en lui à ce déga- gement, ne sont pas les mêmes que celles qui le règlent dans les corps inorganiques; et c'est là la première proposition que nous ayons à démontrer, en commençant l'histoire de la chaleur animale. Dans les corps non vivants, beaucoup de causes physiques et chimiques amènent un dégagement de calorique; savoir: l'électricité, le frottement, la percussion, la compression, un changement d'état, des agents chimiques qui, en déter- minant de nouvelles combinaisons entre les éléments consti- tuants des corps, détruisent celle qui retenait le calorique latent et le rendent libre. Mais ce qui produit surtouteneux 4oo FONCTION i>E LA GALORIFICATION. le dégagement de calorique libre dont dénend leur tempé- rature habituelle , c*est l'influence de tous les autres corps qui leur soulirent plus ou moins de ce calorique, selon qu'ils sont plus ou moins froids, et jusqu'à ce qu'ils soient tous en équilibre de température. C'est, en effet, une loi générale de la nature, et qui surtout est absolue pour les corps inorganiques , que dans tous ce calorique tend à se mettre de niveau , et à faire que chaque corps à la fin mani- feste une même température. Pour cela, le calorique est sans cesse transmis des uns aux autres, jusqu'à ce que ce ni- veau soit établi. Cette transmission se fait de deux manières, par rayonnance , et directement par suite du contact. D'un côté, de tous les points de la surface d'un corps s'échappe , sous forme de rayons, du calorique, lequel va pénétrer les autres corps; cette rayonnance se fait surtout dans la direc- tion perpendiculaire; et, plus faible dans les corps polis, elle est plus forte , au contraire , dans les corps ternes. 11 est d'autant moins possible de douter de ce premier mode de transmission du calorique , que ces rayons peuvent être ré- fléchis , concentrés dans des foyers déterminés , et même ré- fractés. D'autre part, le calorique sensible de tout corps quelconque passe directement dans les autres corps qui sont en contact avec lui , moins rapidement sans doute que par l'acte de rayonnance, mais avec une promptitude qui, quelquefois, est encore assez grande, et qui varie selon que les corps qui sont en contact sont plus ou moins bons con- ducteurs du calorique. Il y a , à cet égard , beaucoup de différences entre les corps. Or, comme d'une part le calo- rique tend à se mettre de niveau dans tous les corps; que, d'autre part, il n'y a pas de vide dans la nature, et que toujours des corps sont en contact avec d'autres, ou en ont d'autres dans leur voisinage, il en résulte que ces deux modes de transmission sont sans cesse provoqués à se pro- duire, et que tour-à-tour les corps émettent ou absorbent du calorique, jusqu'à ce que le niveau soit établi entre eux, et que tous n'en fournissent plus que des quantités qui agissent de même sur le thermomètre, et qui, conséquem- ment, accusent une même température. Ainsi , qu'un corps FONCTION DE LA GALOIUFICATION. /(oi plus cliaud soit dans le voisinage et en contact d'un corps plus froid, une partie du calorique que dégage en plus Je premier, est absorbée par le second; Je premier se refroidit un peu, le second s'échaufle , et les deux finissent par se mettre au même niveau de température. Ce niveau arrive plus ou moins vite , selon que les corps se touchent par plus de points, sont plus ou moins bons conducteurs du calo- rique, ont des facultés de rayonnance , d'émission et d'in- tussusception du calorique, plus ou moins grandes. Nous avons déjà dit que généralement un corps rayonne d'autant moins de calorique qu'il est plus poli; et, il est d'observa- tion que mieux un corps réfiécliit le calorique , moins il en absorbe et moins il en rayonne. C'est là ce qu'on ap- pelle la loi d'équilibre du calorique; et , comme cette loi est absolue pour les corps inorganiques, il en résulte que le dé- gagement de calorique libre , dont dépend leur température, est moins réglé par eux-mêmes que par les corps dont ils sont entourés , et qu'ils n'ont pas de température propre , mais celle de l'élément ambiant dans lequel ils sont. Dans tous les corps vivants, au contraire, et par consé- quent dans l'homme, c'est l'activité propre de ces êtres qui détermine le dégagement de calorique duquel dépend leur température, et l'on sait que l'activité propre de ces êtres est en opposition avec toutes les forces physiques et chimi- ques générales , et à cause de cela est appelée vie. Dès lors tous les êtres vivants , et par conséquent Thomme , ont une température qui leur est propre , qui est autre que celle du milieu ambiant , qui est indépendante des variations de la température de ce milieu , et qui nese modifie qu'en raison de leur activité spéciale, c'est-à-dire de la vie. Prouvons chacune de ces deux assertions. D'une part, leur température est autre que celle du mi- lieu ambiant , et indépendante de celle de ce milieu. On peut citer en preuve tous les corps vivants, quels qu'il soient, i^ Cela est vrai de simples parties détachées des corps vivants , et qui ne jouissent que d'une vie latente, comme les œufs, les fruits, les graines. A la vérité, le fait n'est pas aussi palpable ici qu'il le sera pour les animaux. Tome lll. 26 4o2 FONCTION DE LA GÂLORIFiCATION. D'un côté, ces corps ont une température qui dé passe à peine celle du milieu ambiant. D'un autre côté, ils sont trop pe- tits pour qu'on puisse placer dans leur intérieur le thermo- mètre destiné à faire apprécier ]eur température; et cela est pourtant nécessaire, car J'extérieur de ces corps est toujours un peu soumis au froid ou au cliaud ambiants , comme nous le dirons. Mais on ne peut néanmoins contester la réalité de notre assertion. Ces corps en effet onl une vie intérieure, et partout où il y a vie^ il y a développement de chaleur. Un fruit congelé ne parcourt plus les diverses phases de sa ma- turité. Un œuf gelé, quoique fécondé, ne se développe plus. Il en est de même d'une graine gelée. Sur une même che- minée, de l'eau dans laquelle vit un oignon de jacinthe ré- siste à la geiée qui saisit de l'eau ordinaire : dans ce dernier cas, n'est-ce pas le calorique dégagé par le corps vivant qui a empêché l'eau de se orendre en erlace? i"^ L'assertion est vraie aussi des végétaux : un thermomètre placé dans leur intérieur accuse une température qui , en hiver comme en été, est loujours d'une même quantité comparativement à celle du milieu ambiant j et qui jusqu'à un certain point s'est conservée la même quand on les a exposés, comme l'a fait Hiuîtei\ à des froids ou à des chauds artificiels. Il faut encore dans ces expériences placer le thermomètre dans l'intérieur, la surface étant toujours, comme nous l'avons dit, acces- sible un peu au froid et au chaud du milieu ambiant. 30 Elle est plus évidemment vraie encore des animaux, sur- tout des animaux à sang chaud, ainsi nommés parce qu'ils ont une température supérieure de plusieurs degrés à celle du milieu extérieur; leur température reste la même en toutes saisons, en tous climats, et quels que soient les chauds et les froids artificiels auxquels on les soumet. Hiinter a prouvé ce dernier fait par de nombreuses expériences. 40 Enfin, elle est vraie aussi de l'homme, dont il s'agit sur- tout ici : cet être a sa température propre , qui est de 29 de- grés un tiers (therm. de Deluc) , et de 36 degrés deux tiers (therm. centig.); et sa chaleur reste la même dans toutes les variations possibles du milieu ambiant, en hiver, en été, dans les pays polaires, comme dans les régions équatoriales. FONCTION DE LA CALORinCATJON. /,o?} Des expériences et des observations nombreuses ont mis hors de doute ce dernier fait. Au Sénégal , on observe fré- quemment une cbaleur de 38 degrés à l'ombre; et Jdanson rapporte que sur les bords du Niger, la température s'é- lève communément de 4o à 45 degrés : or, î'bonime con- serve dans ces climats sa température propre. Dans des ex- périences, rbomme a résisté à des cbaleurs plus considérables : TiUet et Duhamel ont vu une fille rester dix minutes dans un four chaud à 1 12 degrés, sans que sa température propre fût augmentée; Foj'djce , Banks , Blagden et Solander, en Angleterre, Delaroque et Berger à Paris, dans d'exactes expériences, se sont soumis successivement à des cbaleurs de 34? 39, 42, 49 î 73, 79 degrés, et ont vu également^ leur température rester la Riême. On ne peut produire par art le froid extrême aussi facilement que le cbaud; et pour prouver que Fnomme ne partage pas non plus là tempéra- ture d'un milieu plus froid que lui , il a fallu se contenter de Tobservalion des climats et des saisons : mais elle a suffi. Dans les climats byperboréens, le thermomètre pendant six mois d'biver marque de 25 à 3o degrés au-dessous de zéro. On a vu en Sibérie Fliomme éprouver des froids de 70 degrés. D'autre par l, la température des êtres vivants et de l'homme est en raison de leur vie, et se modifie comme elle. Ainsi : lo de même que la vie est plus ou moins énergique dans les N différents êîres vivants, de même chaque être vivaut a sa tem- pérature propre. En général, la température dans un être vivant est d'autant plus élevée, que la vie dans cet être est plus énergique : peu élevée encore dans les parties des corps vivants qui ne jouissent que d'une vie latente, comme les ' cëufs , les graines, les fruits, elle l'est déjà davantage dans les végétaux , surtout dans ceux d'une organisation compli- quée; et elle l'est plus encore dans les animaux, et spécia- lement dans les animaux supérieurs. Sous ce rapport, les animaux sont partagés en animaux à sang Jroidj dont la température est égale ou de bien peu supérieure à celle du milieu ambiant, et animaux à sang chaud, dont la tempé- rature est au contraire de beaucoup supérieure à celle du milieu extérieur. Les uns et les autres diffèrent encore entre 26. 4o4 rONCTiON DE LA CALORIFICATION. eux : et par exemple , parmi les animaux à sang chaud, les oiseaux sont généralement ceux qui ont la température la plus élevée, et parmi les quadrupèdes quelques-uns l'em- portent sur l'homme : nous avons dit que la température de celui-ci était de 29 degrés un tiers, therm. de De lue , ou 36 degrés deux tiers, therm. centig. 20 Dans les indivi- dus d'une même espèce, s'il y a toujours des diiTérences dans l'état vital, toujours aussi il y en a quelques-unes dans leur température respective. Ce n'est en effet que d'une manière générale qu'on a dit que la température de l'homme était de 29 degrés; il y a toujours à cet égard quelques dif-* férences, selon le sexe, le tempérament , l'idiosyncrasie, etc. Il est vrai qu'on n'a recueilli encore que peu de faits sur cet objet, mais ils sont confîrmatifs de ce que la théorie annonce. MM. Edwards el Gentil ont yu une jeune demoi- selle présenter un demi-degré de moins que deux jeunes garçons de même âge ; un homme bilieux leur a présenté un degré de plus qu'un homme sanguin du même âge. Le pre- mier de ces expérimentateurs ayant recherché à Bicêtre la température propre de vingt sexagénaires, de trente-sept septuagénaires, de quinze octogénaires, et de cinq cente- naires, a vu que, dans chacun de ces individus, la tem- pérature différait un peu. 30 Si dans un même individu, l'état vital varie, selon l'âge, la santé, la maladie , le degré de force ou de faiblesse , dans ce même individu aussi , la température varie dans ces diverses circonstances , comme selon l'état de vie et de mort. /. Da\>j a trouvé que la tem- pérature d'un agneau était supérieure d'un degré à celle de sa mère ; sur cinq enfants qui venaient de naître , il a vu la température être aussi supérieure d'un demi-degré à celle des mères, et cette température augmenter encore d'un demi- degré dans les douze heures qui suivirent la naissance. Au contraire, M. Edwards a trouvé que dans les animaux à sang chaud , la faculté de produire de la chaleur était d'au- tant moindre , qu'ils étaient plus rapprochés de l'époque de leur naissance; et que même plusieurs en naissant, étant encore animaux à sang froid, et tombaient, aussitôt qu'ils étaient séparés de leur mère, à une température qui ne sur- FONCTION DE LA CALORIFICATION. 4o5 passait que de i à 2 degrés celle du milieu ambiant. Selon ce savant, la faculté de produire de la chaleur est à sou minimum à la naissance, et s'accroît successivement jusqu'à l'âge adulte. Expérimentant sur des enfants de un à deux jours à l'Hôpital des Enfants, et sur des vieillards de soixante à cent ans à Bicêtre, il a vu la température être de 34 à 35 pour les enfants , therm. centig. , de 35 à 36 chez les sexagénaires, de 34 à 35 chez les octogénaires, et en gé- néral varier selon les âges. Qui n'avait remarqué du resfe le contraste entre la chaleur du jeune homme et l'état glacé du vieillard? Cependant il faut observer que ceci tient moins à une différence essentielle dans la température propre , que dans les efforts organiques destinés à la main- tenir. Il y a de même des différences selon l'état de force ou de faiblesse, l'état de sanlé ou de maladie : Dehaen dit que la température de la peau s'élève d'environ 2 degrés pendant la chaleur fébrile , et baisse d'autant pendant la période du froid. Sans doute, les faits relatifs à ce point de doctrine sont peu nombreux encore, mais la théorie doit les faire supposer. MM. Edwards et Gentil disent même avoir ob- servé dans la température des variations diurnes , selon que c'était l'exercice de telle fonction qui succédait à celui de telle autre, la digestion , par exemple, au travail intellec- tuel ; et ces variations ont souvent été de 2 à 3 degrés du ma- tin au soir. 4^ Enfin, de même que dans un même individu , les organes ont chacun leur vitalité différente, de même aussi chacun a sa température propre : c'est ce que nous prou- verons lorsque nous serons arrivés au détail de la fonction. Ainsi donc, puisque l'homme a une température indivi- duelle autre que celle du milieu ambiant, et qui en est indé- pendante; puisque cette température ne se modifie, comme dans les autres espèces vivantes, qu'en raison de son état vital, il est certain que le dégagement de calorique, duquel dépend sa température, ne tient pas à la loi physique de l'équilibre du calorique, mais à son activité spéciale. Ce- pendant cette force générale d'équilibre du calorique n'est , comme toutes les autres forces physiques et chimiques géné- rales, contre-balancée dans le corps humain que jusqu'à un 4o6 FONCTION DE LA CALOIIIFIGATION, certain point. D'un côté , bien que ce soit le corps vivant qui, par son activité, dégage le calorique qui produit sa température; bien que ce dégagement ne soit pas en raison de la température de l'élément ambiant , comme celui-ci toucbe toujours le corps humain , la force expansive tend toujours à s'exercer, et s^exerce en effet. Si l'élément ambiant est plus froid que le corps humain , il lui soutire du calo- rique et tend à le faire tomber à son niveau; s'il est plus cbaud , il lui en fournit au contraire , et tend à élever sa température; et quoique , malgré ces influences, le corps humain se maintienne à sa température propre , il en a dû résulter nécessairement des variations dans les actions quel- les qu'elles soient, qui produisent la chaleur animale. C'est un point de vue sous lequel la chaleur animale est dépen- dante de celle de l'extérieur. Sous ce rapport, le corps vivant est dans une lutte continuelle avec l'élément ambiant , comme cela est du reste pour toutes les autres forces géné- rales, gravitati-on , affinités. D'un autre côté, à un certain degré , cette loi générale d'équilibre du calorique ai-rive à dominer dans le corps vivant^ mais en y éteignant préala- blement la vie : on sait qu'à un certain degré de froid ou de chaud , la mort arrive. Il en est encore ainsi des autres forces physiques et chimiques générales. Toutefois, ou appelle calorificaiion ou calorisation l'ac- îion vitale, quelle qu'elle soit, qui fait produire au corps humain la quantité de calorique libre qui détermine sa tem- pérature. Suivant notre ordre accoutumé, il faut d'abord rechercher quel est l'appareil qui accomplit cette fonction, CHAPITRE PREMIER. Appareil de la Calorificaiion ^ Les physiologistes sont très divisés sur ce point. Les uns disent qu'il n'y a pas d'appareil de calorification proprement àil, et considèreiit la, chaleur vitale comme nn fait premier, ou comme un résultat de tous les autres actes de la vie. Les fiulres, au contraire, admettent un appareil de calorifica- APPAUEIL DH LA (J \ LOUiliCA i 10i\. ^o; tlon , mais qui, selon ceux-ci . est local ^ concenlré en un seul lieu du corps , et qui , selon ceux-là, est, au conlraii-e, multiple et disséminé dans loutes les parties de l'économie. Ainsi ,M. C/i«i/5«er admettait , sous le nom à^ caloricilé , une propriété vitale primitive, en vertu de laquelle lesêlres vivants dégageaient le calorique duquel dépend leur tempé- rature propre, comme pard'autres propriétés vitales, ils ac- complissent leurs autres actes vitaux. Il s'appuyait sur ce que la particulari té d'avoir une température indépendan te est commune à tous les êtres vivants , coexiste exclusivement avec l'état dévie , est commune à toute partie vivante, cesse à la mort , et s'accroît enfin par tout ce qui excite la vitalité. Mais ne peut-on pas dire ces mômes choses de beaucoup d'autres actes vitaux , des nutritions , par exemple ? Et ne serait-ce pas un abus que d'admettre, pour ces divers plié- nomènes, autant de propriétés vitales spéciales ? Il est évi- dent que ce serait se payer de mots. D'ailleurs, comme l'homme résiste au froid ainsi qu'au chaud, il faudrait ad- mettre en lui une propriété àe Jngoricité , comme une de caloricité. Il ne faut voir clans le dogme de la caloricité , par M. Chaussier, qu'une protestation contre les divers systèmes physiques et chimiques, par lesquels on a cherché à expli- quer la chaleur animale. De mépie, Boin nie qu'aucun organe du corps soit spé- cialement chargé de dégager le calorique qui produit la température du corps, et pense que ce dégagement est un résultat commun de toutes les actions vitales, quelles qu'el- les soient, des actions nerveuses, musculaires, de la diges- tion, de la respiration, de la circulation, des nutritions, des sécrétions, etc. Ses arguments sont, que l'exercice de chacune de ces fonctions modifie, en effet, la température du corps. Les travaux d'esprit, par exemple, échauffent la tête : quelle forte chaleur manifestent les maniaques , et dans quelle indépendance du froid extérieur sont ces infortunés! Dans les affections de i'ame , on a tour-à-tour chaud ou froid, quel que soit l'état de l'atmosphère. Nous montrerous ci- après, que la chaleur animale est, comme toute fonction, î5ujelte à une influence nerveuse. Les mouvements du corp? 4o8 FONCTION DE LA CALORIFICATION. sont cerlainement favoi'ables à la production de la clialeur: qui ne connaît les bons effets de l'exercice contre le froid? c'est par lui que les Hollandais jetés dans le Spitzberg par- vinrent à y résister. La digestion modifie de même la cha- leur : dans son commencement, elle cause un sentiment de froid , un léger frisson ; à sa un, au contraire, la tempéra- ture du corps est un peu élevée; et c'est pour cela qu'on a comparé cette fonction à un accès de fièvre. La respiration aussi a été de tout temps présentée comme influant prochai- nement sur la chaleur animale; seulement les Anciens di- saient qu'elle servait, par l'air frais qu'elle introduit dans le poumon , à rafraîchir le sang ; et les Modernes en font la source principale de la chaleur. Il est sûr que, dans les ani- maux , il y a un rapport entre l'étendue de la respiration et le degré de la température; les oiseaux, qui ont la respiration la plus ample, ont la température la plus élevée; les reptiles , qui ont la respiration la plus bornée , sont des animaux à sang froid ; et les mammifères qui , sous le rapport de la re- spiration, tiennent le milieu entre ces deux classes d'ani- maux, leur sont aussi intermédiaires sous le rapport de la chaleur. Il en est de même encore de la circulation , car la chaleur augmente quand la circulation se pi-esse, et diminue daus le cas contraire. Enfin, on peut en dire autant des nu- tritions, qui arrachent toutes les parties au repos , et n'ont jamais lieu sans production de chaleur; des sécrétions, dont les organes sont des points continuels de fluxion. Ainsi, toute fonction peut être présentée comme cause de la cha- leur. Ajoutons que , dans les animaux, la température est en raison du nombre et de l'énergie des fonctions, et de la complication de l'organisation. Malgré tout ce qu'ont de spécieux ces divers arguments, nous ne pouvons admettre la théorie de Boni. En effet , comment croire que des actes aussi divers que ceux que nous venons d'énumé- rer puissent amener un résultat unique? Les faits qu'on vient de rapporter prouvent bien que chaque fonction mo- difie la chaleur, mais non qu'elle la produit. Enfin, à sup- poser que la chaleur fût le résultat commun de toutes ces fonctions , la chaleur n'en aurait pas moins un appareil spé- APPAREIL DE LA CALORIFICATION. 4^9 cial, les systèmes capillaires desorganes qui eu sont les agents. Je crois qu'il faut admettre un appareil calorificateur. Alors, quel est- il? On a émis ici deux opinions opposées. Selon les uns , le calorique est dégagé dans un seul lieu , d'où il est ensuite conduit, comme par des tuyaux de chaleur, dans toutes les parties du corps. Selon d'autres , toute partie du corps dégage son calorique et a sa température spéciale. La première opinion a beaucoup de. variantes : chaque fonction principale, chaque organe important^ ont été tour- à-tour indiqués comme les foyers delà chaleur : le cœur, le poumon , le cerveau , etc. lo Nous trouvons d'abord la théorie des Anciens, qui plaçaient le siège de la chaleur dans le cœur; le sang s'en chargeait dansée viscère, et allait ensuite la disséminer dans toutes les parties. Hippocrate , par exemple, disait qu'une chaleur innée, caliduni innatum^ était primitivement ras- semblée dans le ventricule droit du cœur ; que les oreillettes étaient des soufflets qui conduisaient l'air sur ce viscère pour eu alimenter le foyer; et qu'ensuite le sang y puisait le calorique pour aller le répandre en toutes les parties. Galien admettait de même une semblable chaleur; allumée dans le cœur par ce qu'il appelait, dans sa mauvaise physio- logie , l'esprit implanté; entretenue par l'humide radical, c'est-à-dire le sang; et ranimée par l'air de la respiration. On croyait qu'il y avait au-dedans de nous un foyer em- brasé ; la fumée de ce feu s'échappait par la trachée-jrtère. La respiration servait à rafraîchir le sang; la plus grande partie de la chaleur innée sortait avec l'air expiré; la plus petite partie seulement allait au ventricule gauche et de là à toutes les parties. Mais, qife d'.€>bjections contre ce premier système! le cœur devrait être plus chaud ([u'aucune autre partie du corps; il devrait même être calciné , si en lui se dégageait tout le calorique que suppose la température du corps humain. Le sang devrait être plus chaud au-delà du ventricule droit , dans l'artère pulmonaire, par exemple; et nous verrons que c'est le contraire qui a lieu. Dans la théorie, on dit qu'une partie de la chaleur innée siégeant dans le cœur, est 4iO FONCTION DE LA GALORIFICA.TION/ rejetée avec Tair expiré , et qu'ainsi la respiration sert à ra- fraîchir lesaug : mais alors pourquoi. faire produire àgrands frais de la chaleur dans le cœur, pour la dissiper ensuite? Pourquoi , si la respiration rafraîchit le sang , ce fluide est-il plus chaud au sortir du poumon qu'avant d'y entrer? La température dans les animaux , au lieu d'être en i-aison de l'étendue de leur respiration, devrait être d'autant moin- dre que la respiration serait plus ample. D'ailleurs, pour- quoi le sang se chargerail-il plus de la chaleur du cœur, que toutes les parties solides environnantes ? Celles-ci ne sont-elles pas de meilleures conductrices de ce principe? et à ce titre ne devraient- elles pas être plus chaudes, et même calcinées ? Dans cette théorie , comment expliquer les aug- mentations et diminutions locales de chaleur, pendantque la température reste la même dans les autres lieux du corps; par exemple , la chaleur extrême que développe une partie enflammée? Enfin , toute cette théorie repose sur un fonde- ment hypothétique , l'existence d'un foyer de chaleur innée dans le cœur : qui a vu ce foyer ? qu'est-ce qui l'entre- tient, le produit? Cette théorie est abandonnée aujourd'hui. Il en est de môme de plusieurs systèmes plus modernes qui s'y rapportent, comme celui de Descartes , qui attri- buait la chaleur à une ébullition du sang dans le cœur; ce- lui de T^an-Helmo?it et de Syhius Del-Bo'é, qui la faisait dépendre d'une effervescence du sang dans cet organe; celui de Vieussens ^ qui en accusait une fermentation de ce fluide , etc. Ces théories ne diflerent en effet de la première qu'eu ce qu'au lieu d'admettre dans le cœur un foyer inné de chaleur, elles supposent un dégagement de calorique dans cet organe, d'après les idées physiques et chimiques du temps. Mais, encore une fois, il est sûr qujl ne se dégage pas dans le cœur, plus de calorique qu'ailleurs. 20 Yient ensuite riiyoothèse des chimistes modernes, qui placent le siège de la chaleur animale dans le poumon. Elle a varié autant que leur théorie de la respiration. Sans remontera Majow , qui le premier l'a émise, voici ftovaxnenlLavoisier cl Séguin la présentèrent d^abord. L'oxy- ^'ène de l'air inspiré se combine avec le carbone et l'hydro- APPAREIL DE LA C ALOP. IFIC.\ TION. 4»* gène du sang veineux, et en elï'eclue la combustion; étant dès lors solidifié j il dégage du ca1ori(|ue; et celui-ci, ab-' sorbe par le sang , va se répandre dans tout le cor])s. Les ar- guments sur lesquels on appuyait ce système , étaient : lo l'assimilation que l'on avait faite de la respiration à une combustion, et comme cette dernière dégage évidemment du calorique, il devait en être de mènie de la première; 2'> le fait que le sang artériel est un peu plus cbaud que le sang veineux; 3° des expériences de Lavoisier et de M. De- laplace, qui, plaçant dans le calorimètre des animaux, et comparant la quantité de glace que ces animaux fondent, et par conséquent la quantité de clialeur qu'ils dégagent , avec la quantité d'acide carbonique qu'ils produisent dans un même temps, voient que la quantité de calorique qui ré- sulterait de la quantité d'acide carbonique qui a été formée, est justement celle qu'ont dégagée ces animaux; 4"^ des ex- périences de Brodie , Thillaje, Legallois , qui prouvent que, lorsque sur des animaux on gêne la respiration , on voit dans la même proportion baisser leur température; 5» enfin ^ cette observation de physiologie comparée, que dans la série des animaux, l'élévation de la température est en raison de l'étendue de la respiration. Il est certain, en effet, que les poissons, qui ne respirent que de l'eau, et qui même , s'il faut en croire les dernières remarques de M. de Blainville ^ n'ont qu'une circulaîion simple, sont des aniiuaux à sang froid ; qu'il en est de même des reptiles, bien que plusieurs respirent l'air, mais parce qu'ils ont une circulation simple; qu'au contraire, les mammifères, qui ont une circulation double, et qui respirent l'air, sont des animaux à sang cbaud; et qu^enfin les oiseaux, dont l'organe respiratoire n^est pas borné au thorax , mais s'étend dans l'abdomen , et selon quelques-uns dans les os, et qui, à ce titre, ont la respi- ration la plus étendue , sont aussi de tous les animaux ceux qui ont la température la plus haute. Ce rapport delà respi- ration et de la calorification dans la généralité des animaux se retrouve pour chacun dans la série des âges : pendant la vie fœtale, où la respiration manque, les mammifères sont tous à sang froid; plusieurs le sont encore dans les premiers 412 FONCTION DE LA CALORIFICATION. jours de lear naissance; et ce n'est que dans la même pro- portion que leur respiration prend de l'étendue, que la température de leur corps devient plus t'orte. Dans cette théorie^ du reste, on admet une opinion inverse de celle à^Hippocrate et des Anciens; au lieu de rafraîcliir le sang, la respiration est l'action qui dégage le calorique. Sans doute , il est de nombreux rapports entre la respira- tion et la chaleur animale ; et à tous ceux que nous venons d'indiquer , on peut en ajouter d'autres encore qu'a signalés. M. Edwards, et qui prouvent que la respiration est, dans les animaux supérieurs et dans l'homme, liée à la calori- fication plus que toute autre fonction. Ainsi, les animaux supportent d'autant moins la privation d'air, qu'ils ont une température plus élevée; les effets de l'asphyxie sont bien plus lents chez les animaux à sang froid que chez ceux à sang chaud , et chez les jeunes animaux que chez les adul- tes. Ainsi , les animaux consomment dans leur respiration d'autant plus d'oxygène, qu'ils sont plus à sang chaud, et qu'ils aj^prochent davantage de l'âge adulte. Enfin, M. Ed-- wards a reconnu , qu'en même temps que les saisons modi- fient la càlorification , elles modifient aussi la respiration ; et que si dans Tété on produit moins de chaleur, tandis qu'en hiver on en produit davantage, dans la première de ces saisons la respiration consomme moins d'oxygène que dans la seconde. Mais , malgré ces nombreux rapports, il est impossible d'admettre l'hypothèse des chimistes sur la càlo- rification. 10 Cette hypothèse repose sur la théorie chimique de la respiration ; et nous avons réfuté cette théorie. La respiration , n'est pas une combustion. L'oxygène sans doute sert à cette fonction , mais rien ne prouve qu'il y soit décomposé ; et surtout on est sûr qu'il ne concourt pas à former les matières excrémentitielles qui sont rejetées dans la fonction. En un mot, la théorie chimique de la càlorifi- cation reposant sur la solidification de l'oxygène, et cette so- lidification étant un fait plus que douteux, il s'ensuit que cette théorie pèche par sa base. Jamais, en agitant avec de l'oxygène une quantité de sang égale à celle que contient le corps humain , on ne produira toute la chaleur que mani- APPAREIL DE LA CALOllIFICATION. 4»3 feste ce dernier. 2" Les deux degrés de clialeur que manifeste de plus le sang arlériel sont bien peu de chose pour la tem- pérature du corps humain. 3» M. Dulong répétant les expé- riences de Las^oisierftl de Laplace , tendantes à comparer les quantités de calorique dégagées par les animaux dans le ca- lorimètre, avec celles qui résulteraient de Tacide carbonique formé pendant le même temps dans leur respiration , n'est point arrivé à un résultat aussi heureux : il a toujours trouvé la quantité de calorique dégagée par les animaux, supérieure à celle qui résulterait de la quantité d'acide carbonique for- mée; et cependant ses expériences ont eu, sur celles de Lavoi- sier, le double avantage d'être faites avec un appareil plus ingénieux, et d'être pratiquées sur un même animal. 4*^ L'af- faiblissement qu'amè nen t dans la chaleur animale les troubles de la respiration, prouve bien un lien entre ces deux fonc- tionsj mais non que celle-ci soit la source de celle-là : on peut expliquer cet affaiblissement, en remarquant que c'est la respiration qui fait le sang artériel, que c'est de ce sang ar- tériel que provient le calorique dégagé, ou que ce fluide au moins est le stimulus obligé de l'action de la calorifica- tion. D'ailleurs , cet affaiblissement n'est pas un phénomène constant; les asphyxiés devraient être très promptement froids, et, au contraire , leurs cadavres conservent long- temps la chaleur de la vie; dans les maladies du poumon, loin que la chaleur soit diminuée , elle est souvent augmen- tée; dans ce qu'on appelle la maladie bleue, on devrait n'avoir que la température des reptiles, et cela n'est pas. 5» Les mêmes réflexions s'appliquent aux nombreux rap- ports qui se montrent entre la respiration et la calorifica- tion , tant dans les divers animaux que dans les divers âges. 6o Nous prouverons ci-après que la chaleur animale est dé- pendante d'une influence nerveuse ; qu'elle s'éteint en des cas où les centres nerveux sont lésés , bien que la respiration soit artificiellement entretenue ; que même alors elle s'é- teint plus vite que si on n'entretenait pas cette fonction ^ de sorte qu'alors la respiration a réellement consumé du calorique, au lieu d'en produire. 70 Dans la théorie que nous combattons, une partie du calorique produit servirait. 4i4 rONCTIOî^ DE LA CALORIPICATION. d'abord à échauffer l'air inspiré , puis à gazéifier l'acide car- bonique et à vaporiser l'eau résultant de la combustion du carbone et de l'hydrogène du sang, au moins à perler à la température animale la transpiration pulmonaire. Or on a calculé qu'il resterait trop peu de ce fluide, pour l'en- trelien de la température; généralement les procédés de la nature sont mieux combinés, et leurs résultats obtenus avec moins de perte. 8» Le poumon étant, dans l'hypothèse, le foyer du dégagement du calorique, quels seraient les con- ducteurs qui se chargeraient de ce calorique pour le dissé- miner dans toutes les parties ? Dira-t-on que c'est le sang artériel ?-mais il n'est que de deux degrés plus chaud que le sang veineux, et cela certainement n'est pas suffisant. Pour- quoi d'ailleurs les autres parties environnantes ne se char- geraient-elles pas de même de la propagation de ce fluide ? cependant elles ne sont pas plus chaudes que le reste du corps. Avec ce foyer local de chaleur , comment expliquer les inégalités de température qui s'observent si souvent dans les diverses parties du corps humain, surtout dans les maladies? 9" Eniin^ le poumon devrait être, noo-seulement plus chaud que toute autre partie du corps, mais même calciné. Les chimistes^ à la vérité , ont cherché à prévenir cette dernière objection. Les uns ont dit que si le poumon n'é- tait pas brûlé, c'est que le calorique dégagé était employé à vaporiser l'eau, et à gazéifier l'acide carbonique. Mais la matière de la transpiration cutanée n'esl-elle pas vaporisée et gazéifiée, sans le secours de ce calorique artificiel? Il est de fait, en outre, que l'acide carbonique se condense sans dégager de calorique ; il doit donc ^e gazéifier sans en absor- ber. Enfin , si après la vaporisation de la transpiration pul- monaire , ce qui reste du calorique dégagé par la respiration ne suffit pas, sinon pour calciner le poumon, au moins pour le rendre un peu ]>lus chaud , à coup sûr ce reste ne pourra suffire pour entretenir la température du corps humain. Les autres ont transporté le siège de la combustion au-delà du poumon , dans le cours de la circulation. Mais nous avons prouvé dans le temps que l'hématose était effectuée exclusi- vement dans le poumon , et que le sang artériel restait iden- APPAREIL DE LA CALOIUFICA riOJN. 4 ' i> liqiie dans tout son cours. Crawjord a établi, que le sang artériel a ])lus de capacilé pour le calorique, que le sang veineux; que dès lors, au moment où ce sang est fall, dans la respiration , il s'empare du calorique qui a été dégagé lors de Taccomplissement de la fonction ; et qu'il ne le cède en- suite qu'à mesure que, dans les divers organes, il cesse d'être sang artériel et devient sang veineux. Mais d'abord Davy nie que le sang artériel ait plus de capacité pour le calori- que , que le sang veineus. En second lieu, ia diiïérence in- diquée est peu de chose, comme ii, 5 *à lo. En troisième lieu, Crawjbrd n^'apas tenu compte de la différence de capa- cité de l'airatmosphérique, etdecelle d'une vapeuraqueuse, comme l'est la transpiration pulmonaire; celle-ci est qua- rante-sept fois plus grande, et par conséquent absorberait et au-delà tout le calorique dégagé. Le^^allois , partant des données mêmes de Crawford, a fait voir par le calcul, que si le calorique dégagé par la respiration était absorbé aussitôt, il ne pourrait pas même constituer le sang artériel, et que le poumon, au lieu de courir le risque d'être calciné, serait menacé d'être congelé. Enfin, la tliéorie de Crawford n'est plus celle que nous combattons; le calorique, en eff^t, y est dit être dégagé de toutes les parties à la fois ; le poumon n'est plus le foyer où se dégage ce calorique , mais seulement une des voies par lesquelles il est puisé au dehors. C'est, en effet, de cette manière seulement, que la re- spiration sert à la cbaleur animale, et, à cause de cela, qu'elle est dans de certains rappoi ts avec elle : elle est une des voies par lesquelles le calorique est puisé au dehors. Il faut bien, en effet, que ce calorique provienne du deliors; il est trop subtil, pour qu'on ne le considère pas comme un élément ; il répugnerait certainement à notre esprit de croire qu'il se forme de toutes pièces dans l'économie. Dès lors il ne peut pénétrer que par celles de nos fonctions qui consti- tuent des ingestions, la digestion, la respiration, par exem- ple; et celle-ci doit surtout remplir cet office, puisque l'a- liment qu'elle saisit est un gaz, c'est-à-dire un corps qui contient beaucoup de calorique. 50 Enfin , M. Brodie à Londres , et M. Chossat à Genève , 4i6 FONCTION DE LA GALOKIFICATION. ont cru pouvoir dériver la chaleur animale des centres ner- veux , et cela d'après les expériences suivanles. M. Brodie coupe la tête à un chien , après avoir pris la précaution de lier les vaisseaux du col, afin de prévenir toute hémorrhagie ; et, pratiquant l'insufflation pulmonaire, il voit la tempé- rature de l'animal baisser graduellement, et cet abaissement amener la mort. Comme la circulation a continué de se faire, ainsi que le montrent les battements du cœur et du pouls; qu'il en a été de même de la respiration et de l'hé- matose artérielle, puisque l'insufflation pulmonaire était pra- tiquée, et que c'était du sang artériel qui se montrait dans les artères, il conclut d'abord que ce ne sont pas ces fonctions quientretiennent la chaleur, puisqu'alors la température de î'animal n'aurait pas dû baisser. Cette conclusion lui parût d'autant plus juste, qu'il n'observait aucun rapport entre le décroissement de la chaleur et l'état du pouls et des respira- tions; la chaleur baissait à partir du commencement de l'ex- périence, tandis que le pouls ne commençait à s'altérer qu'a- près 55 minutes. Mais il y a plus : faisant comparative- ment la même expérience sur deux autres chiens, et aban- donnant l'un sans lui pratiquer l'insufflation pulmonaire^ pour qu'il n*y ait pas de respiration , et ne la pratiquant chez l'autre qu'après avoir lié la base du cœur pour arrêter toute circulation, il voit l'abaissement de la température être moins prompt chez ce dernier, qui est sans circulation, et être encore plus tardif chez le premier qui n'a ni circula- lion ni respiration; et dès lors il conclut : i" que ces deux fonctions, circulation et respiration, non-seulement n'en- tretiennent pas la chaleur, mais même la dissipent; 2» que, puisque la chaleur a diminué par le fait seul de la lésion des centres nerveux, c'est à l'action de ces centres et surtout à celle de l'encéphale, qu'est dû son dégagement. M. Chossat, d'après des expériences du même genre , veut préciser davantage quelle partie nerveuse préside au déga- gement du calorique, i^» A l'aide d'une ouverture faite au crâne d'un animal , ce physiologiste coupe le cerveau au- devant du pont de Varole, de manière à ce que la huitième paire de nerfs étant intacte , et la respiration se continuant APPAREIL DE LA CALOrilJ IGATION . 4iy îialiirellemenl, on n'ail pas besoin de recourir à l'insuffla- tion pulmonaire. Dans cet animal ainsi mutilé, la respira- tion et la circula lion conlinucîit; l'expérimentateur s'assure que c'est du sang artériel qui circule dans les artères : et ce- pendant la température de l'animal Laisse graduellement; de 4o degrés qu'elle élaitau commencement de l'expérience, elle tombe à 24 degrés en douze heures, époque à laquelle l'animal meurt. Il paraît donc évident à M. Cliossat, qu'à compter du moment de la section du cerveau , il ne s'est plus dégagé de chaleur, et que le corps s'est refroidi gra- duellement, comme il l'eût fait après la mort. Bien plus, le temps où le refroidissement s'est fait le plus rapidement, est celui où la circulation était la plus active ;, c'est-à-dire le commencement de l'expérience. Si , au lieu d'expérimen- ter de celte manière^ M. Chossat paralysait l'action céré- brale par une forte commotion, ou en injectant une forte décoction d'opium par la veine jugulaire, et s'il remplaçait alors la respiration par l'insufflation pulmonaire , les résul- tats étaient absolument les mêmes, il conclut donc que le cerveau influe prochainemienl sur la production de la cha- leur. Il s'agissait dès lors de savoir par quel intermédiaire, si c'était par la huitième paire, ou par la moelle spinale. 2" Il coupe \qb> nerfs vagues à un chien; et, adaptant un tube à la trachée-artère pour que la respiration se continue, il voit néanmoins la température de l'animal baisser gra- duellement, et n'être plus, après soixante heures, épDque à laquelle l'animal meurt, qu'à 20 degrés. L'animal n'était ' pas mort d'asphyxie, car ses poumons étaient crépitants, sans aucune trace d'infiltration , et en partie pleins de sang artériel. Selon M. Chossai, il est mort de froid, ce qui fait une nouvelle cause de mort à ajouter à toutes celles qu'ont accu- sées les nombreux expérimentateurs qui ont fait la section ou la ligature de la huitième paire de nerfs. Cependant, comme dans cette expérience, l'abaissement moyen a été moindre que dans les précédentes, M. Chossat pense qu'il s'est dégagé encore un peu de chaleur après la section de la huitième paire, tandis qu'il ne s'en était plus dégagé du tout après la lésion directe du cerveau. 3" Il coupe la moelle Tome III. 27 4i8 FONCTION DE LA CALORIf IGATION. spinalesous l'occiput, et bien qu'il pratique Finsufflation pul- monaire, il voit aussi la température de l'animal tomber gra- duellement, et la mort arriver après dix heures lorsque la température est baissée à 26 degrés. Comme la mort arrive dans cette expérience, bien pi us promptement que dans la pré- cédente , il conclut que c'est plus par la moelle spinale que par la huitième paire, que s'exerce l'influence du cerveau sur la production de la chaleur. 4° Enfin , comme lorsque la moelle spinale est coupée entre chacune des douze vertè- bres dorsales, l'abaissement se montre d'autant moins rapide, que l'opération est faite plus bas; comme même il paraîtnul pour les dernières , M. Chossat pense que ce n*est point par elle-même, mais par le trisplanchnique qu'agit la moelle. Pour s'en assurer, il ouvre l'abdomen à un animal, à gau- che, au-dessous de la douzième côte, et extirpe la capsule surrénale de ce côté. Dans cette opération, le trisplanchni- que est coupé au lieu où ce nerf se jette dans le plexus semi-lunaire. Or, dans cette expérience, l'animal perd gra- duellement sa chaleur, et meurt après dix heures, dans le même degré de refroidissement que lorsque l'on avait coupé la moelle spinale sous l'occiput. Cependant, comme ici il n'y avait eu de coupé qu'un des nerfs trisplanchniques, pour équivaloir à la section des deux, M. Chossat fait cette autre expérience : par une incision faite dans le dernier es- pace intercostal , tout près durachis, il va lier l'aorte au- dessous du lieu où elle travcTse l'arcade du diaphragme, et un tube est inséré dans la trachée-artère pour prévenir l'as- phyxie : l'animal perd encore plus rapidement sa chaleur, et meurt après cinq heures. Dans tous ces cas, l'animal est, selon M. Chossat, mort de froid; l'action à laquelle il doit de renouveler le calorique que lui soutire continuellement l'élément ambiant, a été rendue impossible. Pour avoir un terme de comparaison , il avait fait mourir de froid des animaux par une immersion prolongée dans l'eau froide , et il avait vu de même leur température baisser jusqu'au degré qui est incompatible avec la vie, et qu'il dit être le iQ'^ pour les animaux à sang chaud. Appelant l'attention sur les cas naturels de mort par congélation, il dit qu'évidemment le APPAREIL DE LA CALORIFICATIOW. 4 19 froid tue par répuisement des forces nerveuses, comme l'in- dique l'accroissement progressif de la stupeur et de la débi- , lité des principales fonctions de l'économie. Enfin, tuant tout à coup un animal , et étudiant la marclie de son refroi- dissement après la mort, il a vu qu'elle était tout-à-fait la même que dans les cas où il avait lésé directement le cerveau, ou coupé sous l'occiput la moelle spinale; ce qui l'a con- firmé dans la pensée que dès lors il ne s'était plus dégagé de chaleur. Ces travaux, sans doute ^ sont utiles, comme prouvant que la chaleur tient à une action vitale , et n'a pas sa base unique dans la respiration et la circulation, comme mon- trant surtout que la chaleur est dépendante d'une influence nerveuse. Il aurait suffi , pour l'assurer, de remarquer que la chaleur est toujours affaiblie dans un membre paralyti- que, qu'elle est modifiée par les affections de l'ame. Mais pour cela le système nerveux en est-il l'appareil spécial ? et / le trisplanchnique en est-il , comme le veut M. Clwssat, le foyer unique ? Alors ce nerf en serait l'organe sécréteur. Mais ce serait toujours dusangque ce nerf là retirerait; eten reçoit-il assez pour cet office? pourquoi ce nerf ne serait-il pas brûlé ? comment expliquer, dans cette hypothèse, les diver- sités de température des diverses parties du corps, leséchauf- fements et refroidissements partiels ? Toutes ces expériences prouvent bieu que, dans les animaux supérieurs, les nerfs agissent et sont nécessaires pour vivifier les organes calorifica- teurs; mais elles ne prouvent pas qu^ils le sont eux-mêmes. Dans ces animaux supérieurs, trois fonctions sont indispen- sables à la vie, et rendent tous les organes tributaires de leur intégrité, la circulation, la respiration et l'innervation. On a donc pu rattacher plus ou moins à ces fonctions tous lesautres actes de la vie , jusqu'à ce qu'on ait pu reconnaître que leur influence sur eux notait qu'indirecte. On l'a fait surtout pour la calorification qui, quoique fonction dernière, leur est, en eflèt , plus soumise qu'aucune autre, surtout à l'in- nervatiori. Mais il aurait suffi , pour éviter cette faute , de réfléchir que cette puissance de calorification est commune à tous les êtres vivants, et que tous cependant n'ont pas de 27. 420 FOKCTIOJN DE LÀ GALORIFIGATION. respiration, de circulation, ni de système nerveux : la seule chose vraie, c'est que dans les animaux supérieurs auxquels ces appareils sont surajoutés, ces appareils se subordonnent tous les actes de la vie, et leur sont plus ou moins nécessaires. Terminons ces discussions en disant que nous ne recon- naissons pas de foyer local de calorification , mais que nous admettons que toute partie du corps dégage elle-même la quantité de calorique de laquelle dépend sa température. C'est là la seconde théorie professée sur la chaleur animale. Ici nous trouvons deux nouvelles hypothèses : lo Le calorique est dégagé dans tout le cours de la circu- lation par des causes mécaniques ou chimiques, qui ont varié selon l'idée que l'on s'est faite de la génération de la chaleur dans la nature générale. Les diverses causes qui amènent le dé- gagement du calorique dans la nature universelle, ont, en effet, tcur-à-tour été invoquées pour expliquer la production delà chaleur dans le corps vivant. Ainsi, les médecins physi- ciens du dernier siècle en accusaient la matière subtile des cartésiens, mise en mouvement parlesactes de la vie. SjWius Delboëel Van-Helmonl disaient que la chaleur était un pro- duit des effervescences du sang et des humeurs. Vieussens et P/'/77£:^/^rattribuèrent,lepremier à une fermentation du sang, le seconda une putréfaction de ce liquide. j5o/'e/7i disait que le mouvement du cœur et des artères dégageait du sang un esprit, une matière ignée qui produit la chaleur. Hoffmann eh assignait, comme cause, une agitation des parties sulfu- reuses du sang. On voit ici une application de toutes les mauvaises théories physiques et chimiques du temps. Parmi ces vains systèmes, il faut cependant diFlinguer celui des mécaniciens, de Boërhaave et de Douglass : la chaleur est un produit des frottements du sang contre les parois des vaisseaux, et des heurtements des globules de ce liquide les uns contre les autres. On donnait pour preuves, que la cha- leur animale paraît être en raison directe de là vitesse de la circulation du sang, de la circonférence des vaisseaux, de l'étendue de leur surface. Ainsi s'expliquait pourquoi la chaleur des parties décroît en x'aison de leur éloignement du cœuT ; et si la respiration produit une chaleur si énorme. APJWRETL DE LA GALORIFICATION. 42 1 c'est que , disait -on, dans le poumon la circulation est quarante-trois fois plus rapide. Mais , indépendamment de toutes les objections qu'on peut faire à ces hyj)Othèses surannées sur la formation de la chaleur, objections que nous tairons exprès, il est sûr que, pendant que le sang circule dans les gros vaisseaux, il n'é- prouve aucun de ces changements chimiques auxquels on veut attribuer le dégagement du calorique; et, quant à la théorie toute physique des mécaniciens et de Bo'érhaave , on peut répondre que, physiquement, jamais les frottements des liquides ne produisent de chaleur sensible, et que bien souvent la chaleur n'est pas en rapport avec la circulation. En vain Fahre , pour échapper à la première difficulté, a voulu faire dériver la chaleur des frottements qui ont lieu entre les molécules mêmes des solides vivants ; comme ces solides sont toujours baignés d'un liquide , ils ne pourraient pas davantage s'échauffer physiquement. On ne peut aussi admettre l'idée de Douglass , qui avait transporté la théorie mécanique des frottements des gros vaisseaux dans le système capillaire cutané , et qui faisait dériver la chaleur de la con- densation et du relâchement alternatifs de ces capillaires cutanés sous Tintluence de la température atmosphérique. 2" Dans une seconde hypothèse, on admet que le calori- que est dégagé , dans le parenchyme de toute partie , par une action spéciale de ce parenchyme , sous une influence nerveuse, sous la présence du sang artériel , soit que celui- ci en fournisse les matériaux, soit qu'il agisse seulement comme stimulus. On admet qu'il est exhalé dans ces paren- chymes. Avec cette opinion , qui est celle qui aujourd'hui est la plus généralement adoptée, s'expliquentaisément,etla diversité de chaleur des différentes parties du corps, et les modifications que peut présenter localement la température, c'est-à-dire les échauifements et refroidissements partiels. Avec elle se conçoit la dépendance où est la chaleur d'une influence nerveuse; et, comme alors, chaque partie dégage dans son parenchyme son calorique propre , de même qu il avait effectué sa nutrition, on doit dire les c alorijic allons , comme on dit les nuti'itions. 42 2 rONGTION DE LA GALORIFICATION. Cette opinion adoptée, l'appareil de la calorification est le parencliyme nutritif des organes; et comme sa structure a été indiquée à la fonction précédente , nous pouvons pas- ser aussitôt à l'étude physiologique de son action. CHAPITRE IL Mécanisme de la calorification. Dans ce mécanisme, il faut étudier , d'abord l'action par laquelle les parenchymes dégagent le calorique qui fonde la tempéra tui'e ; ensuite, les moyens divers par lesquels cette température reste la même , quelles que soient les varia- tions du milieu ambiant, c'est-à-dire malgré toutes les in- fluences de chaud et de froid, ARTICLE PREMIER. Action de Calorification proprement dite. C'est une action qui se passe dans les parenchymes des organes, mais qui, aussi moléculaire que celle de la nu- trition, ne peut pas plus être décrite, et n'est manifestée que par ses résultats. Trois sortes de causes mettent dans Tunivers le calorique en évidence , des causes physiques , des causes chimiques, et la vie. Certainement quand les premières agissent, on ne voit pas comment le calorique se dégage; le changement qui se fait dans le corps est trop ténu pour être aperçu par les sens : or, il en est de même, quand c'est la vie qui produit le dégagement du calorique. Comment en effet pourrait-il en être autrement , puisque le calorique est un fluide impondérable? Ce n'est donc que par le résultat, que nous annonçons qu'il y a une action des parenchymes , en vertu de laquelle est dégagé le calori- que nécessaire à la température. Cette action est aussi impénétrable en son essence que toute autre , et l'on ne peut encore dire d'elle que ce qu'on a dit de toutes les autres actions de l'économie , que le pa- MÉCANISME DE LA CALORIFICATION. 42 3 lenchyme où elle a lieu n'est pas passif dans sa production, mais en est l'agent , et que , ne pouvant être assimilée à au- cune action physique ou chimique, elle doit être diteo/g"a- nique et ^vitale. lo Le parenchyme des organes n'est pas passif dans l'ac- complissement de la calorification : et en effet, l'intégrité de ce parenchyme est une condition nécessaire pour que cette action se fasse bien , et toute modification dans la structure et la vitalité de ce parenchyme en entraîne une coïncidente dans la calorification. Ainsi ^ ce parenchyme a une organi- sation un peu différente en chaque partie , et nous verrons ci-après que chaque partie a aussi sa température propre. Ces parenchymes n'ont pas la même vitalité dans les divers âges , sexes , tempéraments , dans les diverses espèces ani- males, et aussi les calorifications de chacun d'eux se mon- trent différentes dans ces divers cas. Qu'une irritation di- recte ou sympathique soit appliquée au système capillaire d'un organe, aussitôt la calorification en est modifiée. Quand les parenchymes sont malades, n'y a-t-il pas état nouveau dans leur température, froids ou chaleurs morbi- des ? La modification ne porte pas alors seulement sur le degré delà température, mais sur sa nature, qui se manifeste pardessensationsd'un caractère particulier. Enfin, si on para- lyse les parenchymes en coupant ou liant, soit les nerfs qui les vivifient, soit les artères qui leur apportent le sang, il n'y a plus de calorification , et la partie se l'efroidit. D'ailleurs , pour que le parenchyme des organes fût passif dans l'acte qui produitleur chaleur, il faudrait que ce parenchyme fût sim- plementle théâtre où se passerait l'action physique ou chimi- que quelconque qui dégageât le calorique : or, ou celle-ci serait primitive , et nous allons prouver tout à l'heure que cela n'est pas; ou elle serait le produit de quelque action vi- tale en elle-même, de la circulation capillaire, par exemple , de la nutrition, et comme c'est le parenchyme des organes qui est l'agent direct de ces actions, il le serait conséquem- ment aussi de la calorification. 2^ Cette action , qu'exerce évidemment le parenchyme de chaque organe pour sa calorification , quelle est-elle? Ici 424 FONCTION DE LA CALOIlIFIGATION. nous devons discuter plusieurs théories , qui font de la calo- ritîcation une sui Le irrésistible , et partant physique ou chi- mique , des autres fonctions organiques qui se passent dans les systèmes capillaires ou parenchymes nutritifs, savoir, des circulations capillaires et des nutritions. Ou a ditque, selon la mesure de la circulation capillaire dans chaque organe , mesure qui était toute réglée parla vie, le calorique se dégageait mécaniquement dans les or- ganes, par suite des frottements qu'y subissait le sang. On expliquait dès lors les différences de la chaleur dans les di- verses parties du corps par celles de la circulation capillaire, et les changements locaux de température par les modifica- tions qui surviennent dans cette même circulation capillaire. Il est certain qu'il y a un rapport entre la circulation ca- pillaire et la calorifîcation ; que le plus souvent il y a aug-* menlation ou diminution de chaleur, selon que la circula- tion capillaire se presse ou se ralentit. Mais ce rapport ne peut-il pas tenir à ce que ces. actions se passent aux mêmes lieux , reconnaissent les mêmes agents, sont influencées par la même cause 5 sont intimement unies entre elles? et prouve- t-il absolument que l'une de ces actions soit la suite forcée de l'autre ? Tous les arguments que nous avons op- posés à la théorie physique de Boerhacive sur la pro- duction de la chaleur par les frottements se représentent ici pour montrer que si la calorification est le résultat de la circulation capillaire , ce n'est pas physiquement que celle-ci amène le dégagement de calorique qui la coa^ stitue. D'autres ont voulu que le dégagement de calorique auquel est due la température du corps humain fût un effet pure- ment chimique des autres fonctions, et particulièrement des nutritions. Comme, dans la nature générale, toutes les fois que la matière éprouve une transformation, change d'état, il y a absorption ou dégagement de calorique, et que la nutrition est une véritable transformation de ma- tière, Josse et Bichal ont fait de la calorification une dé- pendance toute chimique de la nutrition. Ainsi, le sang artériel, qui est la base de toute nutrition, contient, comme MÉCANISME DE LA CALORIFIGATION. 423 lout corps quelconque, parmi ses éléments composants, au calorique à l'état latent. Lorsqu'ensuite ce sang est par la nutrition cliangé clans la substance des organes, est solidiiié, comme il passe alors de l'état liquide à l'état solide, il dé- gage du calorique; et ce calorique est la source de la tem- pérature de la partie. Dans cette hypothèse , la température est bien dépendante de l'état de vie, puisque c'est celui-ci qui décide les nutritions; mais elle est un produit purement chimique de ces nutritions; et, comme ces nutritions sont diverses en chaque organe ^ il en est de même des caîorihca- tions. Des physiologistes ont étendu ce pouvoir de ])roduire de la chaleur à toutes les fonctions qui ont pour but d'éla- borer une matière, à la digestion , aux sécrétions, et même à tous les mouvements vitaux profonds , admettant que ceux-ci entraînent quelques combinaisons chimiques nou- velles dans la matière des organes. JNous n'avons xien a op- poser à cette dernière partie de la théorie , sinon qu'elle est une conjecture qui n'est que vraistmiblable; mais l'hypo- thèse, bornée à la nutrition, nous paraît encore inadmis- sible. Rien ne prouve en elfet un rapport entre la nutri- tion et la calorifîcation ; ce rapport est même moins marqué qu'avec la circulation capillaire ; souvent la caiorification se modifie sans que la nutrition soit changée, dans les af- fections morales par exemple; à supposer que ce rapport existe, on peut l'expliquer en observant que ces actions se passent aux mêmes lieux , et sont exécutées par les mêmes agents; et certainement il ne prouve pas absolument que l'une de ces actions soit une suite chimique, et partant forcée de l'autre. Dira-t-on que le mouvement de composi- tion doit dégager du calorique, parce que- le sang y est so- lidifié ? mais le mouvement de décomjîosition doit à son tour en absorber , puisque les organes y sont fluidifiés; et la com- pensation étant ainsi faite, la température ne devrait pas être entretenue. D'après cette théorie , les aliments liquides, comme plus riches en calorique, devraient plus échauffer que les aliments solides; on devrait y recourir de préfé- rence, ou au moins en manger plus dans les pays froids, dans les saisons ffoides; les gros mangeurs devraient avoir uiietem- 426 FONCTION DE LA CALORIFICATION. pérature plus élevée : rien de tout cela n'est vrai, et coq- tredil d'autant l'hypothèse. INous récuserons de même le système de Crawford, quiéla- blit, lo que le sang artériel, au moment où il a été fait dans le poumon , s'est pénétré de tout le calorique qui a été dé- gagé à l'occasion de la respiration , et cela parce que ce sang a une très grande capacité pour le calorique ; 2° qu'ensuite ce sang l'a dégagé dans les organes, à mesure qu'il a été em- ployé aux nutritions , et est redevenu veineux. Da^'f , en ef- fet, nie que le sang artériel ait pour le calorique une capa- cité plus grande que le sang veineux ; et en admettant cette différence, elle est trop peu de chose pour alimenter la température du corps humain. Il n'y a de vraisemblable dans cette théorie , que la dernière partie , savoir , que c est du sang artériel que provient le calorique dégagé ; mais nous avons déjà réfuté tout ce qui est relatif à la première , c est-à-dire à la manière dont le sang artériel avait acquis son calorique dans la respiration. Quelle que soit l'action physique ou chimique générale à laquelle on veuille rapporterl'aclion des parenchymes peur la calorifîcation, on nen trouve dans l'état actuel de la science aucune qui convienne; et en attendant qu'on soit plus heu- reux, on est obligé de dire que cette action est organique et vitale. On peut assurer seulement les propositions suivantes : lo Celte action de calorifîcation, quoique placée comme la nutrition aux derniers termes de l'assimilation^ est dans l'homme et les animaux supérieurs ^ très dépendante d'une influence nerveuse : la facilité avec laquelle la chaleur du corps se modifie dans les affections morales , et les expériences de Brodie et Chossat , dont nous avons parlé plus haut, le prouvent. 20 C'est du sang artériel que le calorique est dégagé, ce sang étant la substance où les parenchymes pui- sent pour leur calorification , comme il était déjà celle où ils puisaient pour leur nutrition. Arrêtez en effet la circula- tion artérielle dans un membre ;, il se glace; diminuez la quantité de sang artériel qui doit lui parvenir, vous voyez dans la même proportion baisser sa température. 3oLa calo- rification, enfin, paraît être de toutes les fonctions qui se MÉCANISME DE LA CALORiriCATION. k'^'} passent dans les systèmes capillaires, celle qui a le plus d'influence sur le changement du sang artériel en sang veineux. Arrêtons-nous un moment sur cette dernière pro- position. Nous avons déjà dit que cinq fonctions qui se passent dans les systèmes capillaires pouvaient également être con- sidérées comme concourant à la formation du sang veineux; savoir : la circulation capillaire, la solidification du sang artériel pour la composition des parties, l'absorption de dé- composition, les sécrétions et l'acte de la calorificalioa . Les auteurs ne s'expliquent pas sur la question de savoir si quel- ques-unes de ces actions seules font le sang veineux, ou si toutes y concourent. Ils se contentent de dire que, consé- cutivement aux élaborations que subit le sang artériel dans les parenchymes, soit pour la nutrition et la calorifîcation des parties, soit pour leur stimulation , il est changé en sang veineux. Il est difficile^ en effet, d'aller par des faits au- delà de cette généralité. Cependant, voici quelques réflexions relatives à cette question. La circulation capillaire ne doit pas par elle-même faire le sang veineux : elle ne peut con- courir à sa formation qu'indirectement, en influant sur les actes de nutrition et de calorifîcation. Nous en dirons au- tant des sécrétions : ces sécrétions sont bornées à quelques parties , et il n'y a qu'une action générale à tous les organes qui peut changer le sang artériel en veineux. A l'article de la composition de nos parties, nous avons dit qu'il était possible que cet acte ne fît que consommer plus ou moins de sang arté- riel, mais sans le changer en veineux. Il est possible aussi que l'absorption décomposante ne fasse qu'y verser ses produits. Reste donc l'action de calorifîcation, et plusieurs raisons mi- litent pour faire conjecturer qu'elle y a la plus grande part. Remarquons, en effet, que dans son retour des parties au cœur gauche à travers les poumons, le sang veineux recouvre deux sortes de substances, le chyle et l'oxygène. Il est dès lors probable que le sang artériel fait dans les systèmes ca- pillaires deux sortes de pertes , l'une plus matérielle, qui n'a pas besoin d'être réparée aussitôt, à laquelle remédie le chyle; et l'autre, plus subtile, demandant à être réparée 428 FONCTION DE LA CALORIFICATION. instaiitanémeîit,et qui l'est par l'oxygène. Unepi-emière vue porte à croire que la nutriliou est ce qui a déterminé la première de ces pertes; il ne resterait conséquemment que Ja caîorifîcation pour correspondre à la seconde. Or voici des faits qui appuient celte dernière manière de voir. Cer- tainement la formation du sang veineux dans les systèmes capillaires du corps est une action inverse delà formatiou du sang artériel dans les systèmes capillaires du poumon; et dès lors il doit y avoir quelques rapports entre l'action des systèmes capillaires du corps qui fait le sang veineux, quelle que soit cette action, et la respiration qui fait le sang artériel. Or, de toutes les actions qui se passent dans les sys- tèmes capillaires du corps, aucune n'a des liens plus inti- mes avec la respiration que la caîorifîcation. Nous avons déjà indiqué ces liens : rappelons-les encore. 1° Dans la géné- ralité des animaux, la température est d'autant plus élevée, que la respiration est plus étendue. 20 Dans un même animal, la température est en raison de l'étendue de sa respiratioUé Ainsi les fœtus des animaux à sang chaud n'ont pas encore de respiration proprement dite, et aussi est-ce par des se- cours étrangers qu'ils sont maintenus à la température de leurs mères : à leur naissance, la respiration est chez beau- coup d'entre eux incomplète encore; et aussi , pendant plus eu moins de temps encore, sont-ils animaux à sang froid : enfin, daus la série des âges, la respiration va en augmen- tant d'étendue de la naissance à l'âge adulte, et coïncidem- ment aussi s'augmente de la même manière la température. 3° Si l'on entrave la respiration dans un animal, on fait baisser sa chaleur. 4° Les animaux, dans leur respiration, consom- ment d'autant plus d'oxygène qu'ils ont une température plus élevée; et d'autre part, ils supportent d'autant moins la privation d'air, qu'ils sont plus animaux à sang chaud. 5oLes saisonsenfin, qui modifient à la longue la calorification, modifient aussi la respiration ; et si , par une heureuse har- monie, la puissance que nous avons de produire de la cha- leur est moindre en été qu'en hiver (expériences de M. Ed- wards), en été aussi nous consommons moins d'oxygène qu'en hiver. Certes, on ne peut trouver plus de rapports MÉCAINISME DE LA CALORTFICATION. 4^9 entre deux fonctions : et que de présomptions dès lors pour croire que l'une, la calorifîcation , em]){oie le sang artériel, que l'autre^ la respiralioo , a fait ! A moins que ce sang arté- riel ne dépose dans les organes un stimulus qui y soit le moteur de tous les actes vitaux, et que l'action de ce stimulus ne soit accompagnée d'un dégagement de chaleur, ce qui, du reste, i^eviendrait au même pour la question que nous agitons. Ajoutons que Faction de nutrition, de laquelle on peut aussi faire dériver le sang veineux, est peut-être peu de chose à chaque instant dans chaque organe, surtout n'est pas la même en chacun d'eux : et ce sont là des phénomènes qui ne s'accordent, ni avec la promptitude avec laquelle se fait le sang veineux, ni avec l'identité de ce fluide. Au contraire, le dégagement dans les organes du calorique, ou d'un stimulus spécial , est un même phénomène qui doit naturellement donner naissance à un même produit. Ainsi donc, c'est du sang artériel qu'est dégagé dans les parenchymes le calorique duquel dépend uotre tempéra- ture, soit par une action spéciale de ces parenchymes sur ce sang, soit consécutivement à l'influence inconnue qu'exer- cerait ce fluide sur les parties, pour leur faire produire les mouvements vitaux. Dès lors la respiration n'est plus la fonction qui dégage le calorique , mais celle qui fait le fluide organique duquel il est dégagé, ou à l'occasion duquel s'en fait le dégagement. Le siège de la chaleur est, non le sys- tème capillaire du poumon, mais les systèmes capillaires du corps : tout ce qui modifiera ces systèmes fera changer la chaleur. Ainsi s'expliquent aisément toutes les variétés locales de température; et si", par exemple, on voit dans les morts accidentelles la chaleur persister encore quelque temps dans le cadavre, c'est parce que dans ces morts les systèmes capillaires sont les parties du corps qui meurent les dernières. Mais, puisque la calorifîcation est le fait de l'action de chaque parenchyme, on conçoit qu'elle doit être différente en chaque partie, puisque chaque parenchyme a une vita- lité différente. Les expériences relatives à ce point de doc- trine sont, à la vérité, peu facile? ; car, d'une part , comme 43o FONCTIOK DE LA CALORIFiGATlOTf . nos divers organes sont bons conducLeurs da calorique, la température de l'un est bientôt partagée par celui qui l'a- voisine ; et , d'autre part , il y a toujours l'influence du mi- lieuambiant^laquelleest plus sensible sur les parties externes que sur les internes. Cependant, celles qui ont été faites ont suffi pour justifier ce que la théorie annonçait à cet égard. Ckopart et Dessault ont trouvé la clialeur, de 3o degrés au rectum, de 28 et demi aux aisselles et aux aines recouvertes de vêlements, et de 26 trois quarts à la poitrine. Davjj expérimentant sur un borame nu et sortant du lit, a trouvé 90 degrés au milieu de la plante du pied , 93 entre la malléole interne et le tendon d'Acbille, 91,5 sur le mi- lieu du tibia, 93 sur le mollet, 95 au creux du jarret, 91 au milieu de la cuisse, 96,5 au pli de l'aine, 96 à trois lignes au-dessous de l'ombilic , 94 à la sixième côte à gauche, 93 à la sixième à droite, et 98 sous l'aisselle. MM. Edwards et Gentil, opérant sur un homme fort, dans l'âge adulte, ont trouvé 3i degrés au rectum et dans la bouche, 3o aux mains, 29 un quart aux aisselles et aux aines; 28 trois quarts aux joues, 28 et demi au prépuce et aux pieds, 28 à la poitrine et à l'abdomen. Je conviens que , dans toutes ces expériences, il n'est question que des parties extérieures sur lesquelles agit inégalement l'élément ambiant; mais en voici d'autres, pour juger l'état des parties intérieures. Davy tue le plus vite possible un veau, et place successivement le thermomètre dans les diverses parties de son corps : le sang de la veine jugulaire accuse io5,5; celui de l'artère carotide 107 , le rectum io5,5 ; le métatarse 97 , le tarse 90 , le genou 102 , la tête du fémur io3 , l'aine io4 , le dessous du foie 106, la substance de cet organe io6j celle du pou- mon 106,5 ; le ventricule gauche 107, le ventricule droit 106 , la substance du cerveau io4. D'ailleurs, à défaut de ces expériences, il suffirait des maladieset des chaleurs sym- pathiques. N'est-il pas évident que chaque système, quand il est frappé de la même maladie, d'une inflammation, par exemple, développe une chaleur qui est spéciale sous le rapport de son intensité et de son caractère? N'est-ce pas là une preuve que chacun a , en santé , sa température pro- MÉCAJSISME DE LA CALORIFICATIOJN. 43 1 pre ? Chaque partie ne répond-eile pas à une influence sympalliique par le développement d'une chaleur spé- ciale ? Enfin , n'est- il pas fréqueat de voir des chan- gements dans la température survenir dans une partie seu- lement? Souvent la chaleur augmente dans un organe, par cela seul qu'il se livre à l'exercice de sa fonction : c'est ce qui arrive aux organes génitaux , par exemple; et ces varia- lions Reportent pas seulement sur l'intensité de la chaleur, mais sur son caractère. Concluons donc, que chaque partie a sa température pro- pre, et que de la réunion de toutes ces températures résulte la température générale de 29 à 3odegrés, que nous avons assi-i gnée à Thomme. Les parties du corps de l'homme sont, en effet, conductrices du calorique, et la chaleur que chacune dégage s'étend de l'une à l'autre. Si on plonge une main dans de l'eau chaude, cette main s'échauffe, et avec elle tout le corps ; si on la plonge dans de l'eau froide , par cette main aussi tout le corps se refroidit. Ces faits prouvent que le calorique a circulé d'une partie à l'autre. Dans les inégalités de chaleur que présentent les parties du corps, il paraît que la froideur est en raison de leur éloigne- ment du cœur, de la moindre quantité de sang qui les pé- nètre, et de la grandeur de la surface qu'elles présentent à l'élément ambiant; les pieds et les mains, par exemple, qui sont assez froids, le seraient encore davantage, s'ils rece- vaient moins de sang : mais nous allons revenir là-dessus ci-après. Selon Davj, le sang artériel est plus chaud d'un demi-degré que le sang veineux. ARTICLE II. Maintien de la Température de PHomme. Non -seulement l'homme dégage, par une action qui lui est propre et qui dépend de sa vie , le calorique d'où dépend sa température, mais encore, résistant également au froid et au chaud, il se maintient jusqu'à un certain point au même degré, au milieu des températures des corps ambiants. 432 FONCTION DE Là CALORIFICATION. lO Résistance au froid. L'homme résiste au froid; c'est ce que montre l'observation la plus vulgaire, car il est géné- ralement plongé dans un milieu d'une température très inférieure à la sienne. Sans doute du calorique lui est alors soutiré par l'air et par les corps ambiants , comme ïe prouve réchauffement de cet air et de ces corps; mais il ne tombe pas pour cela à leur niveau, et reste à sa température propre. Plusieurs causes concourent à ce résultat. D'abord, l'action de calorification est montée primitivement au point conve- nable pour subvenir à cette dépense continuelle de calori- que, et pour renouveler ce fluide à mesure qu'il est dissipé. Ensuite, la nature a fait mauvais conducteurs du calorique les parties constituantes du corps humain, et surtout ses enveloppes , la peau et ses dépendances. A la vérité, l'homme est, à cet égard, moins bien partagé que beaucoup d'ani- maux; sa peau est nue , et ne fonde pas , contre les influen- ces de la température extérieure, une barrière aussi bonne que cbez les animaux où cette membrane est couverte de poils^ de plumes; mais elle n'en constitue pas moins un vê- tement naturel, qui sert à le défendre du froid : cela est vrai , surtout de la couche de graisse qui est en dessous de cette membrane. Il n'est pas possible de nier l'usage que nous assignons ici aux téguments, quandon voit les animaux destinés à habiter les pays du nord, munis d'épaisses four- rures , et chargés d'une graisse sous-cutanée abondante. En troisième Heu , l'homme recourt à certains secours physi- ques ; par exemple il use de vêtements artificiels qui fixent, à la surface de son corps, unémême atmosphère d'air, laquelle, bientôt échauffée par lui, ne lui laisse plus éprouver l'im- pression du froid ; il recourt au feu artificiel, qui échauffe l'é- lément ambiant j et fournit même directement du calorique à ses organes. Tl est peu d'animaux qui u'employent ainsi quelques moyens artificiels pour se défendre du froid : mais , par les raisons que nous avons déjà présentées tant de fois, cela est plus vrai de l'homme que' de tout autre. Cet être aussi a soin de se placer dans des positions telles, qu'il offre le moins de surface possible au contact de l'air exté- rieur, et qu'au contraire, ses diverses parties se touchent, MÉCANISME DE LA CALORIFICATIO^' . 43.*> afin de mieux s'ëchauiïer réciproquement. Ce sont , en effet, Jes parties du corps qui sont les plus isolées des autres, et qui ont les rapports les plus immédiats et les plus étendus avec l'atmosplière dans laquelle nous sommes plongés, qui manifestent les premières les impressions du froid ; savoir : les pieds , les mains , les oreilles , le nez , etc. Enfin , l'homme active alors sa fonction de calorification par diverses influen- ces organia^f^s , comme les m.ouvements, la digestion, tout ce qui excite la circulation générale : qui ne sait ([u'on sup- porte mieux le froid quand on a de bons aliments dans l'estomac^ et quand, résistant à un engourdissement per- fide , on se livre à l'exercice ? Par ces divers moyens ^ non-seulement î'ijomnie conserve cliaque jour sa température dans un milieu plus froid que lui, mais encore il résiste à des froids très intenses * il vit, en effet, en hiver comme dans l'été, dans les régions polaires comme dans les régions équatoriaîes, elmalgré certaines pro- fessions qui le condamnent aux impressions con tinuelles d'un grand froid. Seulement, dans ces derniers cas , il est plus nécessaire encore de soutenir l'action de calorification par l'influeiice de bons aliments , de l'exercice , du courage mo- ral, et de diminuer son service par l'emploi des vêtements, du feu , et autres secours artificiels. Il faut reconnaître que l'intelligence de l'homme et son industrie ont une grande part à la puissance qu'il développe sous ce rapport. Cependant cette puissance de l'homme, de résister au froid , ne s'étend qu'à une certaine limite : à un certain de- gré, l'action de calorification ne peut plus suffire à renou- veler le calorique qui est soutiré; quelques parties du corps commencent à se congeler, la température du corps baisse, et quand elle est tombée à 26 degrés à peu près , la mort arrive. Ce sont les parties les plus éloignées des organes centraux, celles qui sont les moins vivantes , qui reçoivent le moins de sang, et qui offrent le plus de points de contact avec l'élément ambiant, qui sont congelées les premières. Cette congélation , du reste , n'arrive que tardivement, et est précédée d'un état organique particulier, qui n'est pas tout-à-fait la mort , mais qui est au moins la suspension de la vie.. Le froid paraît Tome HT. 28 434 FONCTION DE LA CA.LORTFICATION. tuer par répuisement des forces nerveuses , à juger par l'ac- croissement progressif de la stupeur et de la débilité dans lesquelles on tombe, et par le sommeil trompeur et funeste qui vous saisit en cette circonstance. Nous n'avons pas be- soin de dire que la résistance qu'on oppose à cette impression de froid est en raison de l'énergie de la vie ; qu'elle est moindre, par exemple, chez les vieillards, les convalescents , les gens faibles , etc. Alors éclatent les sensations tactiles de froid , dont nous avons parlé dans le temps , et qui survien- nent également; soit que le milieu ambiant, devenu tout- à-coup plus froid, soutire davantage de calorique; soit que, ce milieu restant le même , la vie soit affaiblie et effectue une calorifîcation moins énergique. 2^ Résistance au chaud. Comme il est fort rare que l'homme soit exposé à un milieu d'une température, non-seulement supérieure, mais égale à la sienne, Bo'érhaa^e croyait que si ces cas se rencontraient, le plus souventcet être ne pourrait pas continuer de vivre. Ce médecin se trompait : Franklin est le premier qui ai t remarqué, un jour que la température exté- rieure était de quatre degrés supérieure à celle du corps hu- main, que la sienne n'avait pas changé, et était dès lors infé- rieure à celle du milieu ambiant. De{3uis lors on a reconnu, beaucoup de cas, que l'homme résiste à des chauds assez in- tenses aussi bien qu'aux froids. Nous en avons rapporté plus haut de nombreux exemples. Déjà , en 1 748 , Linnings avait vu à Charles -Town , la température extérieure être, supé- rieure à celle du corps humain. Adanson avait fait la même remarque au Sénégal, et Ellis, en Géorgie. En 1760, Du- hamel vit une fille supporter dix minutes la chaleur d'un four chaud à 1120. Enfin, en 1776 , Fordyce , Banks , Blagden , Solander à Londres , et Dohson à Liverpool ; et en 1806, MM. Berger et Delaroche , à Paris, firent des expé- riences à ce sujet , et supportèrent , pendant dix minutes et plus , des chaleurs de 100 à ii5 degrés. Sa\is doute alors le calorique tend à pénétrer le corps de l'homme; ce qui le prouve , c'est que les objets que le corps touche se refroidis- sent; mais rhomme n'en reste pas moins à sa température propre ; du moins cette température ne s'est élevée que d'un , MÉCANISME DE LA CALORIEICATION. 435 à deux degrés dans les expériences des Anglais , et de trois à quatre au plus dans celles de MM. Bercer et Delaroche, Il s'agit encore d'indiquer quelles causes amènent ce résultat. Ces causes sont multiples aussi. D'abord , il est probable que de même que dans les conditions de froid l'action de calorification avait redoublé d'activité , ici elle a diminué, étant moins sollicitée par l'élément extérieur. En second lieu, il y a l'influence de la peau, qui, mauvaise conduc- trice du calorique, s'oppose un peu à l'introduction de ce fluide : cependant ceci est moins marqué en nous qu'en beau- coup d'autres animaux. En ti'oisième lieu . l'homme alors recourt aussi à beaucoup de moyens artificiels de refroidisse- ment. Il use de vêtements qui le défendent; dans leurs expé- riences, jPo/'^ce et autres souffraient plus quand ils étaient nus que quand ils étaient habillés ; Tilletel Blagden ont vé- rifié ce fait par des expériences sur des animaux. Il se soumet continuellement au contact d'un air frais et de corps froids; il renouvelle sans cesse le premieren l'agitant. Il prend des positions telles que ses parties cessent de se toucher, et sont, au contraire , dans des contacts multipliés avec l'air. Il s'ab- stient de tous mouvements et de tous actes organiques pro- pres à exciter l'action delà calorification. En un mot, son in- telligence et son industrie ne sont pas moins employées que pour échapper au froid. Enfin, il paraît qu'en outre l'homme a en lui une cause physique de refroidissement , savoir, l'é- vaporation des perspirations cutanée et pulmonaire. Fran- klin est le premier qui ait eu cette idée. Un jour que la cha- leur extérieure était plus forte que celle du corps humain, il remarqua que sa peau lui paraissait plus fraîche que les autres corps, que son pupitre, par exemple; il en accusa son état de sueur; et, réfléchissant que toujours la sueur coule en abon- dance quand on est exposé à une forte chaleur, il conjectura quecetteévacuationservaitàabsorber,en se volatilisant, une certaine quantité de calorique au corps, et était le moyen de réfrigération du corps. Il assimila le corps humain en tran- spiration à ces vases dits alcarazas , qui , laissant suinîej' à travers leurs parois des gouttes du liquide qu'ils contien- nent, conservent ce liquide frais, si on les expose au soleil 28. ' 436 FOTN'CTJON DE LA CALORIFICA.TION. et que celui-ci vaporise la partie du fluide qui a Iranssudé.La transpiration lui parut agir dans le corps humain comme le fait cette portion de liquide qui transsude dans ces alcarazas. Il invoqua l'exemple des éponges mouillées , qui s'échauffent moins que tous les autres corps , probablement aussi parce que la vaporisation d'une partie de l'eau qui les mouille absorbe une partie de leur calorique. Certes, on ne pouvait qu'être séduit par cette application physique, dont on pour- rait citer encore d'autres exemples; mais ce n'était néan- moins qu'une conjecture qu'il fallait chercher à démontrer. Fordyce pour y parvenir , soumit à la même étuve dans la- quelle il pénétrait, une bouteille pleine d'une eau qui avait la température du corps humain; et voyant celle-ci s'y re- froidir , il dit que si la bouteille ne gardait pas sa tempéra- ture à l'instar de lui, c'est qu'elle n'était pas, comme lui, le siège d'une transpiration continuelle. Il est certain qu'en cou- vrant d'un enduit imperméable un alcarazas, et en prévenant ainsi la transsudation qui se fait à sa surface, on voit le liquide qui est contenu dans son intérieur s'échauffer. Cependant la démonstration n'était pas encore rigoureuse. MM. Berger et Velaroche firent mieux. D'un côté, dans une éluve chaude de 5o à 60 degrés , ils laissèrent, pendant deux heures , une grenouille, un alcarazas plein d'une eau portée à la chaleur animale, et deux éponges imbibées de la même eau, et ils virent la grenouille acquérir une température de 37 degrés, et ces corps y persister ensuite également. Ayant substitué à une grenouille un lapin , le résultat fut le même , et par- tant plus frappant. D'un autre côté, ayant placé des ani- maux dans une atmosphère chaude , tellement saturée d'hu- midité qu'aucune vaporisation ne pouvait s'y produire, ils ont vu les animaux être pénétrés par le calorique, et leur température s'élever; tandis que, par comparaison, des corps inertes, mais évaporables, placés dans une étuve sèche, ne s'échauffaient pas , ou beaucoup moins que des animaux à sang chaud. Ces expérimentateurs cherchèrent même à sup- primer en eux toute transpiration, en s'enduisant, avant d'entrer dans l'étuve , d'un vernis à l'esprit- de-vin ; mais leur expérience fut sans résultats, probablement parce qu'ils MÉCANISME DE LA CALORIFIGATION. 4^7 ne purent arrêter la transpiration pulmonaii-e : du moins il est certain qu'ils avaient perdu autant que s'ils n'avaient pas eu recours au vernis , comme ils s'en convainquirent en se pesant avant et après l'expérience. La proposition àe Franklin est donc aujourd'hui généralement approuvée. Tels sont les moyens par lesquels l'homme se maintient à sa température propre, malgré les impressions d'une chaleur supérieure. Cenendant sa puissance à cet égard Ue s'étend aussi que jusqu'à un certain point : à un certain degré , l'action transpiratoire ne suffit plus, la température générale de l'individu s'élève , et la mort arrive ; celle-ci vient quand, la température s'est élevée de 6 à 7 degrés ; cette époque est la même pour tous les animaux. Yoici les phénomènes que l'on a observé. L'homme, dans les étuves, éprouvait de la cuisson à diverses régions de la peau, aux paupières, aux narines , aux mamelons du sein : la peau rougissait , le pouls s'accélérait, ses battemenî^s s'élevaient à 160 et plus; après quelques minutes, la peau ruisselait de sueur , il survenait une anxiété générale , une grande gêne de la respiration , de la céphalalgie, des étourdissements et même des syncopes; il fallait cesser l'expérience : le corps avait perdu par la sueur 25 G à 3oo grammes de son poids. Si on expérimentait sur des animaux j et qu'on les abandonnai dans i'étuve jusqu'à la mort, à l'examen du cadavre , on trouvait une extinction absolue de toute irritabilité , et une tendance fort grande à la putréfaction. L'air chaud sec était supporté plus long- temps que i'air chaud humide. Ce qu'on perdait en poids par la transpiration , était d'autant plus considérable que la chaleur était plus grande; ce poids était plus fort dans l'air humide que dans Tair chaud. En général^ l'homme résiste plus au froid qu'au chaud. La résistance , comme on le conçoit, est aussi en raison de l'énergie de la vie ; elle est moindre dansle vieillard, le convalescent , l'hommefaible : c'est alors que sont éprouvées les sensations de chaleur. Rappelons, en effet, ce que nous avons dit, à l'histoire du tact, que l'homme n'est jamais sans éprouver de sensations de froid ou de chaud: ces sensations se succèdent sans cesse les unesaux autres, selon les variations du milieu ambiant et selon celles de l'énergie 438 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, vitale : ii est pour chacun un état moyen au-dessus ou au- dessous duquel on a chaud ou froid ; à cet égard, chacun a sa constitution propre et ses habitudes. Quand on reçoit une impression de froid. , si elle est ex- trême, elle est aussitôt sédative, stupéfiante; mais si elle est modérée, l'engourdissement qu'elle cause est bientôt suivi d'un redoublement d'activité , d'une réaction ; la partie qui en est le siège fait éprouver alors une sensation de chaleur marquée. A juger par cette sensatioi^, on croirait que cette partie est alors à une température supérieure à celle qu'elle avait d'abord; mais ce n'est qu'une illusion qui tient à la vitesse avec laquelle la chaleur se rétablit dans la partie refroidie; la température est moindre qu'elle n'é- tait d'abord : si l'on fait refroidir une de ses mains dans la neige, et qu'ensuite, lorsque la réaction étant arrivée, elle paraît brûlante, on l'applique à l'autre main qui est dans son état ordinaire , celle-ci en j uge très bien le refroidis- sement. SECTION VIL Eîî même temps que le sang artériel est dans toutes les parties du corps humain employé à la nutrition et à l'en- tretien de la chaleur, il sert dans certains organes à la for- mation de diverses humeurs , et c'est cet emploi , dont nous avons à traiter maintenant , qui fonde ce qu'on appelle la fonction des sécrétions. En effet, c'est le sang qui fournit les matériaux de tous les fluides sécrétés, et même c'est le sang artériel : ii n'y a de doutes à cet égard que pour la bile et la perspiration pulmonaire. Cette fonction des sécrétions peut être définie : l'action par laquelle certains organes des coi^ps vivants, ceux qu'on ap- pelle sécréteurs, fabriquent, avec le fluide nutritif général, là sève chez les végétaux, le sang chez les animaux, diffé- DES ORGANES SÉCRÉTEURS EN GÉNÉRAL. 4 89 rentes humeurs qui n'existaient pas primitivement dans ce fluide, et qui remplissent dans l'économie de ces êtres beau- coup d'usages différents. C'est une des fonctions les plus gé- nérales de la nature organisée, qui existe chez les végétaux et les animaux comme chez l'homme, et qui, chez la plu- part de ces êtres, est multiple. Dans le corps humain, par exemple, il est certain qu'il y a plusieurs sécrétions, qu'il existe plusieurs organes sécréteurs qui fabriquent, chacun avec le sang, leur humeur propre. A cause de cela, nous allons partager l'histoire de cette fonction en deux chapitres, l'un dans lequel nous traiterons de la sécrétion en géné- ral, et un autre dans lequel nous parlerons de chaque sécré-^ tion en particulier. CHAPITRE PREMIER. De la Sécrétion en général. Suivant noire ordre accoutumé, il faut commencer par jeter un coup d'œil rapide sur les parties du corps qui exé- cutent cette action, c'est-à-dire sur les organes sécréteurs. ARTICLE PREMIER. Analomie des Organes sécréteurs. Tout organe sécréteur peut être représenté par la pensée comme formé de deux systèmes vasculaires abouchés l'un à l'autre par leurs ramifications dernières , l'un consistant eu vaisseaux artériels ou veineux^ et apportant le sang avec le- quel doit être fait le fluide sécrété; et l'autre, sécréteur proprement dit, faisant , ou au moins exportant le fluide sé- crété aussitôt qu'il a été fait. On en distingue de trois sortes chez l'homme, des organes exhalants , des follicules et des glandes. lo Organes sécréteurs exhalants. Ce sont des organes sé- créteurs qui ont la forme d'une spongiosité ou d'une toile , et qui versent, par des orifices librement ouverts à leur sur- face, l'humeur que leur travail sécrétoire a faite. Ce sont, 44o FONCTION DES SECRETIONS, des trois espèces d'organes sécréteurs, les plus simples. En efîet, les deux systèmes vasculaires abouchés l'un à l'autre, que nous avons dit constituer tout organe sécréteur, sont ici continus sans former entre eux aucun organe intermé- diaire. Il semble que ce soit le vaisseau sanguin qui verse lui-même, à sa terminaison capillaire, le fluide qui est sé- crété du sang. Seulement, comme à cette terminaison le sang ne le pénètre plus , on cesse de l'appeler en ce lieu vaisseau sanguin, on l'appelle vaisseau exhalant ; et cela est fondé, puisque ce vaisseau , ne se comportant pas de même en ces deux endroits, doit nécessairement y avoir une structure différente. Du reste, comme les deux systèmes vasculaires sont ici capillaires, on n'a aucune notion, soit sur la manière dont se termine le système vasculaire sanguin, soit sur sa conversion dans le système exhalant et sur l'organisation de celui-ci. Jadis on a fait beaucoup d'hypothèses sur cet objet: Boëf hausse , par exemple, admettait une série de vaisseaux décroissants, ayant chacun un calibre proportionnel au vo- lume des globules des humeurs qui devaient les traverser; mais ce n'est là qu'un écart d'imagination. On se retrouve ici dans les systèmes capillaires, et par conséquent dans la plus complète ignorance. Il n'y a de prouvé que la conti- nuité et la communication entre les vaisseaux sanguins et les vaisseaux exhalants : cette continuité est démontrée par l'exhalation elle-même, par la facilité avec laquelle une matière injectée dans le vaisseau sanguin sort pjar le vaisseau exhalant; eniin, parla facilité avec laquelle le sang lui-même pénètre dans ce dernier, comme on le voit dans les hémor- rhagies, les inflammations. Le nombre de ces organes sécréteurs exhalants est assez considérable dans l'économie de l'homme; et, comme nous le disions tout à l'heui-e, ils y ont la forme de spongiosité ou de membrane. Tels sont : le tissu laniineux , qui produit par exhalation un suc séreux particulier; le tissu adipeux y qui produit là. graisse ; les membranes séreuses , qui exha- lent les sucs s-éreux ; les membranes muqueuses , qui perspi- rent xiikô vapeur albumineuse ; \a peau , qui est le siège de la perspiration cutanée et de la sueur; les membranes sjnovia- DES ORGANES SEGUÉTELRS EN GÉNÉUA.L. 44» les et médullaires j sources de la vsyiiovie et de la moelle, etc. Quoiqu'on ne puisse rien connaître de la texture intime des exhalants, il est sûr néanmoins que toutes ces parties diffè- rent, puisqu'elles versent des fluides différents. Une autre preuve d'ailleurs, c'est que les injections cadavériques ny pénètrent pas avec une égale facilité, que ces parties ne sont pas également sujettes aux hémorrliagies, etc. Certains physiologistes rejettent cette première forme d'organes sécréteurs , Dumas ^ par exemple. Ce médecin veut que l'exhalation se fasse par les pores des derniers vaisseaux capillaires sanguins» Il s'appuie sur les deux expériences sui- vantes : une de Mascagnj , dans laquelle une substance co- lorante injectée dans une artère a passé tout entière dans les veines correspondantes, tandis que les vaisseaux exhalants n'ont transrais que la partie aqueuse de la matière injectée; une autre, dans laquelle du sang intercepté dans une artère, entre deux ligatures , a été dépouillé , par transsudation sans doute j de sa partie la pius séreuse. Mais, sans entrer en débat sur les inductions à tirer de ces expériences, comme Dumas y par ces pores qu'il considère comme la voie des exhalations , n'entend pas des pores inorganiques, tels qu'on les conçoit en physique , mais des ouvertures dont l'état est réglé par la vie, ce n'est là qu'une discussion sur un point d'organisation trop ténu, pour que nous ayons sur lui une notion sûre. 20 Follicules. On appelle ainsi des organes sécréteurs déjà plus compliqués que les précédents, qui généralement ont la forme d'ampoule et de vésicule, et qui, situés dans l'é- paisseur de la peau et des membranes muqueuses, sécrètent une humeur linifîante et destinée à lubréfier ces surlaces, qui sont toujours en contact avec des corps étrangers. Tandis que , dans les organes sécréteurs exhalants , le vaisseau san- guin qui apporte les matériaux de l'humeur sécrétée éiait tellement continu au vaisseau sécréteur , qu'il paraissait l'être lui-même; ici ces deux vaisseaux se disposent, au lieu où ils s'abouchent, de manière à former un organe qui est intermédiaire , et à l'artère qui a apporté le sang de la sécré- tion , et au vaisseau où commence à se montrer l'humeur se- 44'^ FONCTION DES SÉCRÉTIONS, erétée. Cet organe intermédiaire, qu'on appelle follicule ^ estimeespèce d'ampoule membraneuse et vasculaire; il offre uiîe cavité intérieure dans laquelle se fait la sécrétion, et il verse le produit de son travail, ou par un trou qui est dans son centre, ou par un petitcanal très court, qu'on appelle la- cune. La texture de ces follicules est du reste aussi peu con- nue que celle de tout autre organe; et Ion peut seulement asssurer d'eux , comme des organes exîialants , qu'il y a com- munication et continuité entre le système vasculaire san- guin apportant les matériaux de la sécrétion, et le système vasculaire sécréteur fabriquant et exportant l'humeur sécré- tée. Les preuves sont celles même qu'on en a données à l'égard des exhalants; savoir : le fait même de la sécrétion , le passage d'une matière injectée du vaisseau sanguin dans le vaisseau sécréteur, et la facilité avec laquelle ce dernier, dans les hémorrhagies et les inflammations , se laisse péné- trer par le sang lui-même. Ce second genre d'organes sécréteurs est aussi fort ré- pandu dans le corps humain : il est disséminé dans les deux surfaces de notre corps, qui sont exposées à des frottements et à un contact continuel avec des corps étrangers; savoir, la peau et les membranes muqueuses. Sous le rapport de 1 humeur qu'ils sécrètent, ils sont partagés en sébacés , mu- queux , uTiguineux . cérumineux , etc. Sous celui de leur situation, ils sont distingués en cutanés , ciliaires , auricu- laires, muqueux. Enfin, eu égard à leur disposition parti- culière, les anatomistes en admettent de trois espèces; les simples ou isolés , comme ceux de la peau ; les rapprochés et agglomérés , comme la caroncule lacrymale ; et enfin les com- posés, comme les tonsilles, la prostate. Quoique ces divers follicules aient tous pour office la formation d'une humeur de iinition , ils ne sont pas semblables entre eux : chacun en effet sécrète une humeur différente; et d'ailleurs peut-on méconnaître la diversité de leur organisation, quand on voit que les injections ne pénètrent pas avec une égale facilité dans tous, et que tous ne sont pas également susceptibles d'être le siège des hémorrhagies ? a« Glande s .Y^n^ïn la troisième espèce d'organes séjcréleurs DES ORGAKES SÉCRÉTEURS EN GÉNÉRAL. 443 est la glande , qui est caractérisée en ce qu'elle verse riui- meur qui est le produit de sa sécrétion, à la surface de la peau ou d'une membrane muqueuse, par un on plusieurs vaisseaux excréteurs distincts. C'est un organe sécréteur plus composé encore que le follicule : les deux systèmes vascu- laires, constitutifs de tout organe sécréteur, se sont aussi, au point de leur abouchement, disposés de manière à former évidemment un organe intermédiaire , et au vaisseau arté- riel sanguin qui apporte les matériaux de la sécrétion , et au vaisseau excréteur qui exporte Fhunieur sécrétée: mais cet organe intermédiaire a une structure intime encore plus compliquée que celle du follicule. Pour l'apprécier, énumérons d'abord les éléments orga- niques qui le forment, i'^ Le système vasculaire sanguin, qui apporte les matériaux de la sécrétion. Ce système, pé- nétrant l'organe dont ii doit former une des parties inté- grantes , s'y ramifie à l'infini. Tantôt il pénètre par plusieurs branches à la périphérie de l'organe , comme aux glandes salivaires : plus souvent, au contraire, il n'arrive à l'organe que par un seul tronc, qui s'engage dans la glande par une scissure; celle-ci d'ordinaire existe au côté qui est le moins exposé aux lésions extérieures, comme au foie, au rein. A ses extrémités dernières , ce système s'abouche avec les origines des systèmes vasculaires sécréteur et veineux. 20 Le système vasculaire sécréteur, autre élément fondamental de tout or- gane sécréteur, et qui fait et excrète l'humeur sécrétée. Il naît par des radicules très fins, aux lieux mêmes où se ter- mine le système vasculaire sanguin , sans qu'on puisse voir cette origine , mieux qu'on n'a vu la terminaison du pre- mier ; et bientôt, ces radicules se réunissant en vaisseaux de plus en plus gros et de moins en moins nombreux , finissent par former ce canal excréteur par lequel l'humeur sécrétée est versée , et dont l'isolement fonde le caractère distinctif de la glande. Tantôt ce canal excréteur est simple, comme dans le pancréas; tantôt il est multiple, comme dans la glande lacrymale; généralement il s'isole de la glande, au lieu même où le vaisseau sanguin y a pénétré. 3<^^ Des artères qui apportent à l'organe le sang dont il a besoin pour sa nu- 444 FOISCTION DES SÉCRÉTIONS. tritiou : souvent elles ne sont pas distinctes de celles qui apportent les matériaux de la sécrétion. 4° Des veines, qui tout à-la-fois correspondent , et à ces artères, et au système vasculaire sanguin , afin de rapporter de l'organe toute la portion de sang qui est restée de sa nutrition et de sa sécré- tion. Les artères entrent dans îa glande, et les veines en sor- tent par le même lieu qui a servi d'entrée et de sortie aux autres vaisseaux; îa terminaison des unes et l'origine des autres ne sout pas plus connues ici qu'en tout autre organe du corps : seulement les veines n'aiïectent pas ici deux plans, comme dans les autres parties. 5'^ Des vaisseaux lymphati- ques. 6o Des nerfs, qui en partie proviennent de la moelle spinale, en partie des ganglions, et qui, formant un réseau autour des artères de la glande, les accompagnent dans l'in- timité de l'organe, et s'y terminent comme eux. Bor^deu croyait que ces nerfs étaient en très grand nombre dans les glandes; Bichat, au contraire, en doute , d'après la petite quantité de ceux qu'il a trouvés dans le foie ; il présume que Bordeu s'en est laissé imposer par la quantité de ceux qui sont dans îa glande parotide, mais qui ne font que traverser celle glande, sans lui appartenir, yf» Enfin, du tissu cellu- laire destiné à iier tous ces éléments, à en être la trame; et quelquefois une membrane extérieure qui sert d'enveloppe à tout l'organe. Tels sont les divers éléments oî'ganiques qui entrent dans la composition de toute glande. Maintenant, comment ces éléments se disposent-ils dans Tintimité de ces glandes, et quel tissu en résulte-t-il ? On dit généralement que les der- nières ramifications du système vasculaire sanguin et des artè- res nutritives de la glande, formentavec les radicuîesdu sys- tème vasculaire sécréteur, avec ceux des veines, et les der- nières ramifications des vaisseaux lymphatiques et des nerfs, autant de petits lobules et de petits grains. Il est certain, en etïet, que lorsqu'on déchire ces organes, leur rupture présente une surface inégale , bosselée: leur apparence est celle de lobes divisés en lol^ules, de lobules divisés en grains, et de grains formés eux-mêmes de grains de plus eu plus petits, le tout lié par un tissu cellulaire plus ou moins DES ORGAIVES SÉCRETEUJIS EN GÉNÉRAL. 445 abondant, et plus ou moins disposé dans chaque glande à se laisser pénétrer par de la gTaisj,e. Chaque lobule est dit contenir une ramification dernière du système vasculaire sanguin et de l'artère nutritive, celled'urinerf, d'une veine, d'un lymphatique et du système vasculaire sécréteur, plus toujours du tissu cellulaire pour unir ces divers éléments. Quand une membrane extérieure enveloppe tout l'organe, elle est généralement de nature cellulaire, et souvent elle forme dans le parenchyme de la glande une gaîne aux diffé- rents vaisseaux qui la pénètrent. Peut-être cependant la croyance d'une texture îobuîeuse dans toutes les glandes est- elle trop généralement admise ? Cette texture ne se laisse pas reconnaître en toutes ; et parmi les différences d'organisa- tion que présentent les glandes, il en est qui paraissent avoir une texture tout-à-fait inverse. Du reste, ce qui a surtout été recherché dans la structure des glandes^ c'est le mode d'abouchement des deux systèmes vasculaires que nous avons dit être constitutifs de tout organe sécréteur, et il y a eu deux principales hypothèses à cet égard. L'une est celle de Mal- pi ghi , qui dit que ces vaisseaux forment profondément, au point de leur abouchement, des follicules intci-médiaires , et au système vasculaire sanguin, et au système vasculaire sécréteur. L'autre est celle de Ruisch^ qui veut que ces deux systèmes soient seulement continus, comme dans les organes exhalants, mais après que leurs ramifications suc- cessives se sont mille fois repliées sur elles-mêmes. Dans la première hypothèse, la glande n'est qu'un amas de follicu- les j et dans la seconde, elle n'est qu'une membrane exha- lante , nombre de fois repliée sur elle-même. Cette dernière hypothèse a long- temps prévalu, et même on a renchéri sur elle; FerreineX PVinslow admirent des vaisseaux exhalants dans la structure du système vasculaire sécréteur; Vieuss&ns professa qu'il y avait dans ce dernier trois degrés de vaisseaux décroissants. De nos jours, un médecin anglais a comparé les glandes à des estomacs; et M. i?ic/ze7^a/?<:/ suppose en ces orga- nes des cellules, intermédiaires aux systèmes vasculaires san- guin et sécréteur, dans lesquelles le sang qui contientles nia- lériaux de la sécrétion est d'abord déposé , et où les vaisseaux 446 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, sécréteurs viennenl ensuite faire et puiser l'humeur sécré- tée. Tout cela est vain : îa texture intime des glandes est aussi peu connue que celle de toute partie quelconque de notre corps, et d'ailleurs varie en chaque glande. Il n^y a d'évident aussi, que la continuité du vaisseau sanguin et du vaisseau sécréteur ; elle est prouvée par les mêmes faits qui l'ont fait établir dans les organes exhalants et dans les follicules. il y a aussi un certain nombre de glandes dans le corps humain ; savoir : les glandes lac jy maies , qui font les lar- mes; \es salwaires , qui font la salive ; \e pancréas ,\q foie, qui font le suc pancréatique et la bile ; les reins, qui sécrè- tent l'urine; les testicules , qui sécrètent le sperme; et les glandes mammaires qui fabriquent le lait. Plusieurs anato- mistes regardent encore comme glande, Vovaire, qui chez la femme fournit l'œuf ou la substance quelconque par la- quelle ce sexe sert à la génération. Beaucoup d'autres par- ties que l'ancienne anatomie qualifiait de glandes, comme la prostate y la thyroïde, ne méritent pas ce nom, et ne sont que des follicules composés , ou des ganglions lymphatiques ou sanguins. Ces glandes , bien qu'ayant toutes la même organisation générale, et remplissant le même office, diffèrent entre elles, ainsi qu'il en était des différents organes exhalants et folli- cules. Comment pourrait-on en douter, lorsqu'on voit que chacune sécrète une humeur différente? D'ailleurs, toutes ne sont pas également exposées aux hémorrhagies,ne se lais- sent pas aussi facilement pénétrer par les injections, et cela prouve une organisation différente. Enfin , comme ces glan- des ont généralement plus de volume que les autres organes sécréteurs, on distingue mieux en elles les dispositions qu'af- fectent dans leur parenchyme leurs différents éléments con- stituants, et le genre de texture qu'ils y produisent; on reconnaît à cet égard des différences entre elles , nous les indiquerons pour chaque glande en particulier. On ne sait si ces différences tiennent à l'addition d'un élément nouveau exclusif à chacune, ou à un autre arrangement des éléments constituants de toute glande, ce qui est plus probable. DES ORGANES Sf^GR^.TEURS EN GÉN^lRAL. 44; Parmi ces glandes, il en est quelques-unes dont le canal excréteur verse aussitôt l'humeur aux lieux où elle doit agir, les glandes salivaires , par exemple ; tandis qu'il en est d'au- tres, le rein, le foie, où cette humeur est prcéalableraent déposée dans un réservoir, d'où elle est retirée ensuite. Dans ce dernier cas , on peut séparer ce qui est rie la sécré- tion jyrojyrement dite, ou autrement de la formation de l'humeur sécrétée, de ce qui est de son excrétion, c'est-à- dire de son versement dans le lieu où elle doit remplir son. office. Ce n'est pas que , dans toute glande , la série des vais- seaux sécréteurs, toujours fort repliés sur eux-mêmes et par conséquent fort longs , ne serve toujours un peu de réser- voir à l'humeur de la sécrétion ; toujours en effet cette hu- meur y séjourne un peu, et toujours on en retrouve un peu dans ces vaisseaux dans les cadavres. De même, fort souvent les membranes muqueuses sur lesquelles sont ver- sées les humeurs sécrétées, font pour ces humeurs l'office de réservoirs, comme cela est, par exemple, pour les mucus qui constituent les matières du moucher, du cracher, etc. Mais enfin il est des appareils glanduleux dans lesquels il y a un réservoir spécial; et c'est là une disposition particu- lière , qui permet plus qu'aucune autre, qu'on sépare la sé- crétion et V excrétion. Telles sont les trois formes d'organes sécréteurs qui exis- ^ tent chez l'homme : il est évident qu'elles ne sont que des degrés successivement de plus en plus compliqués d'une même organisation; elles se retrouvent dans tous les ani- maux supérieurs. Dans les animaux qui n'ont pas d'appareil vasculaire distinct , les insectes par exemple , les organes sécréteurs sont de simples tuyaux qui baignent dans le fluide général, et fabriquent avec lui l'humeur de la sécrétion, qu'ils fout passer dans leur intérieur. 448 rOWCTIOîî DES SÉCR JETIONS, ARTICLE II. Mécaiiism?. des Sdcrelious. Tout organe sécréteur, avons-nous dit, résulte de l'abou- cliement par leurs ramifications dernières de deux systèmes vasculaires , dont l'un apporte le sang avec lequel est faite l'humeur sécrétée, et dont l'autre élabore ce sang^ fait avec ce liquide riiumeur sécrétée, et l'exporte. Il résulte de là que, pour pénétrer le mécanisme de la sécrétion , il faut suivre le plus loin possible dans l'intérieur de l'organe sécréteur le sang , afin de parvenir au lieu où se fait la conversion de ce sang dans l'humeur sécrétée, et de voir comir.ent se fait cette conversion. D'abord, aucun changement ne survient dans le sang, avant son arrivée dans l'intimité du parenchyme des organes sécréteurs. En vain quelques physiologistes avaient conjec- turé que, dans son trajet du cœur à l'organe sécréteur, ce fluide avait subi quelques élaborations préparatoires spé- ciales. A l'article delà nutrition , nous avons prouvé le con- traire; et même, si l'on excepte les sécrétions de la bile et delà perspiration pulmonaire, pour lesquels il y a débats, comme nous le verrons , il est sur que c'est un même sang qui arrive aux divers organes sécréteurs. Ce n'est pas cependant que , dans chaque organe sécréteur, il n'y ait des dispositions particulières de l'artère qui apporte les maté- riaux de la sécrétion; et en même temps ces dispositions sont trop constantes pour n'être pas importantes. Ainsi, l'état grêle, flexueux de l'artère qui porte le sang au testi- cule, contraste avec l'état tout opposé de l'artère qui va au rein. Mais ces dispositions n'influent que sur le degré de ra- pidité avec lequel le sang arrive à chaque organe , et non sur la nature de ce liquide ; et, si le volume de l'artère d'une glande, sa longueur, sa distance du cœur, ses flexuosités, influent sur la sécrétion , ce qui paraît être , ce n'est pas en modifiant préalablement la nature du sang , mais en faisant MÉCANISME DES SECRETIONS EN GÉNÉRAL. 449 varier son mode de circulation, qui en est plus lente ou plus rapide. Ce n'est que lorsque le san^ a pénétré le parenchyme de l'organe sécréteur, que ce fluide est changé dans l'humeur sécrétée. Si d'un côté l'on poursuit dans l'organe sécréteur le vaisseau sanguin qui y apporte les matériaux de la sécrétion , on voit que, tant qu'on peut y distinguer ce vaisseau, c'est toujours du sang qu'il contient. Si, d'autre part, on suit de même le vaisseau sécréteur jusqu'à son origine, on voit aussi que c'est toujours l'humeur sécrétée qu'il charrie. C'est donc entre ces deux systèmes vasculaires, et par conséquent à leur point d'abouchement, que s'est faite la conversion du sang dans l'humeur sécrétée, ou autrement Ja sécrétion. Or, ce lieu d'abouchement est dans l'intimité de l'organe sécré- teur. On conçoit que, puisque on n'a pu pénétrer le mode d'union des deux systèmes vasculaires à leur point d'abou- chement, on ne peut pas pénétrer davantage quel est précisément le lieu où se fait la sécrétion : on ne peut le désigner que d'une manière vague par le mot de parenchyme ou de système capillaire de l'organe sécréteur. Ainsi , par une action quelconque du parenchyme de l'or- gane sécréteur, le sang qui pénètre ce parenchyme y est changé dans l'humeur sécrétée. Mais quelle est cette action de laquelle dépend la sécrétion ? D'abord , elle est molécu- laire , ne tombe pas sous les sens ; par conséquent elle ne peut être décrite, et n'est manifestée que par son résultat. En- suite , l'essence de cette action ne peut pas plus être connue que celle de toute autre : nous ne pouvons dire d'elle que ce que nous avons dit de toutes les autres actions organiques précédemment examinées , savoir ; i » que l'organe sécréteur n'est pas passif dans cette action de sécrétion , mais que celle-ci est, au contraire^ le fruit de son activité; 20 que l'action à laquelle se livre cet organe n'a rien qui ressemble à une action mécanique , physique ou chimique , et consé- quemment doit être àiie organic/ue et vitale. Prouvons chacun de ces deux points : 1 ' V organe sécréteur n'est pas passif dans Vacle de la sécrétion, mais celle-ci est l'effet de son trm'ail. IjCS fails se ÏOIME TU. 29 45o FONCTION DES SÉCHi-TIONS. pressent pour justifier cette première proposition. Si uu or- gane sécréteur est sain et intègre ;, la sécrétion est ce qu'elle doit être ; si , au contraire , cet organe est malade , la sécrétion est altérée, il suffit d'exciter un organe sécréteur , pour que par suite la sécrétion soit augmentée et modifiée. Jamais un organe sécréteur ne se trouve dans des conditions de struc- ture et de vitalité diverses , sans que la sécrétion ne se montre aussi différente : voyez les différences des âges , des tempéraments , des idiosyncrasies ! Il est certainement hors de toute raison de ne considérer l'organe sécréteur que comme le théâtre de l'action, il en est de plus l'instrument. 20 U action de sécrétion est une action vitale. Et , en effet , on ne peut prouver son analogie avec aucune des ac- tions physiques , chimiques ou mécaniques de la nature : nous allons le montrer, en passant rapidement en revue toutes les hypothèses qu'on a proposées dans cet esprit. D'abord, en raison de la continuité qui existe entre les excréteurs , et les ramifications du système vasculaire san- guin , continuité prouvée par les injections, on a dit que la séci'étion n'était qu'une filtration mécanique des vais- seaux sanguins dans les vaisseaux sécréteurs , et dépen- dante d'un rapport entre le calibre des vaisseaux sécré- teurs et le volume des divers globules dont est formé le sang. De^ca/'fe^ , par exemple , et les médecins mécaniciens considérèrent les organes sécréteurs comme des cribles; et, selon eux, la sécrétion dépendait des rapports de forme, de grandeur , de figure , qui existaient entre les vaisseaux sécréteurs d'une part, et les globules des diverses humeurs de l'autre. Cette hypothèse fut appliquée surtout aux or- ganes sécréteurs exhalants , parce qu'en effet , dans ce genre d'organe sécréteur, la continuité entre les vaisseaux sécré- teurs et sanguins paraît plus grande, et que ces deux genres de vaisseaux semblent davantage faire suite l'un à l'autre. Il est certain, en effet, qu'une injection, poussée dans l'ar- tère d'un organe exhalant, vient sourdre à la surface de cet organe; quelquefois cela arrive au sang lui-même, comme on le voit dans les hémorrhagies. D'après cela, Hailer et Malpighi disaient que les exhalations n'étaient qu'une transsudation MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 45 i du sérum du sang à travers les pores des arlères , le cruor de ce fluide ayant trop de densité pour passer de même à tra- vers ces pores; et, étendant cette théorie aux autres organes sécréteurs, voici comme on concevait la sécrétion : le sang, arrivé aux extrémités du système vasculaire sanguin et aux origines du système vasculaire sécréteur , se séparait dans ses divers globules; chacun de ceux-ci s'engageait dans ceux des vaisseaux sécréteurs qui étaient avec eux en rapport de grandeur, de figure; la distance à laquelle était du cœur l'organe sécréteur, comme influant sur le degré de vitesse et de force de la circulation, avait une importance; et les di- verses humeurs sécrétées n'étaient ainsi que les divers glo- bules constituants du sang diversement séparés. De nombreuses objections s'élèvent contre cette première théorie mécanique de la sécrétion. D'abord, la filtration, dans laquelle on veut faire consister uniquement la sécré- tion paraît impossible pour les deux organes sécréteurs de forme plus complexe, les follicules et les glandes; les vais- seaux sanguins et sécréteurs sont en eux trop repliés pour que cette filtration soit possible; et, si ce n'est pas en cela conséquemment que consiste leur action de sécrétion^ on doit en dire autant de l'exhalation; car, à coup sûr, le mécanisme de la sécrétion doit être le même au fond , quelle que soit la forme de l'organe sécréteur. Ensuite, les faits qu'on invoque , pour prouver que l'exhalation n'est qu'une filtration, sont insuffisants. On arguë, par exemple, delà co- loration en jaune de la partie du duodénum qui avoisine la vésicule biliaire, du suintement à la surface des membranes exhalantes d'une matière injectée dans les artères, des ecchy- moses que présentent les parties des cadavres sur lesquelles ces cadavres reposent, etc. Mais ce sont là autant de phé- nomènes cadavériques , qui tiennent à ce que l'absence de la vie permet entre les organes des transsudations qui ne se faisaient pas avant la mort. ^a//e/' faisait sourdre la moelle des os par les extrémités articulaires pour former la syno- vie, et croyait que la graisse transsudait de même du sang à travers les pores des artères; mais ces deux assertions sont fausses , et ne peuvent servir de preuves à l'hypothèse qui ffii t 29. 452 rONCTION DES SÉCRÉTIONS, de la sécrétion une fîltration mécanique. En troisième lieu, pour que l'opinion de Malpighi fût vraie, il faudrait que toutes les humeurs exhalées ne fussent que le sérum du sang; et, si cela paraît êlre de quelques-unes, cela n'est pas de toutes. En quatrième lieu, cette comparaison des or- ganes sécréteurs avec des cribles était fondée sur les trois opinions suivantes ; la décroissance des vaisseaux, la décom- position du sang en globules de forme et de calibre propor- tionnel à la capacité des vaisseaux décroissants , et l'existence des diverses humeurs sécrétées toutes formées dans le sang. Or, ces trois opinions sont reconnues fausses aujourd'hui ^ 11 est sur, d'une part , que ce n'est pas par un décroissement^ tel que leconcevait^oè"/7z«ap'e , que se fait l'abouchement des dernières ramifications des artères avec les divers vaisseaux nutritifs et sécréteurs. Il est certain, de l'autre, que la composition globulaire du sang n^a pas sur les sécrétions l'influence qu'on lui attribue ici. Enfin, il est certain en- core, comme nous le prouverons ci-après, que les diverses humeurs sécrétées n'existent pas toutes formées dans le sang, et surtout qu'elles ne résultent pas de la seule séparation desglobules constituants du sang. Enfin, dans l'hypothèse que nous combattons, il faudrait que les globules constituants du sang se présentassent toujours un à un à chaque crible sécré- teur, et toujours dans la même position ; il faudrait que ces globules fussent homogènes dans la même humeur. On ne conçoit pas pourquoi ceux de ces globules qui seraient ronds n'entreraient pas dans tous les cribles ; et pourquoi ceux de ces globules qui seraient les plus déliés n'entreraient pas de même dans tous les vaisseaux qui sont un peu gros. Ne voit-on pas le sang pendant la vie, et nos injections dans les animaux vivants ou morts, pénétrer également dans des vaisseaux qui sont d'un calibre différent, et qui sont à des distances di- verses du cœur ou du tronc générateur ? n'est-ce pas là une contradiction formelle à la théorie que nous discutons V Tout récemment, un physiologiste, M. Fodera, est re- venu à cette théorie mécanique, au moins relativement à l'exhalation. S appuyant à la fois sur des observations et sur des expériences, il a voulu établir que cette exhalation n'é- MÉCAJNISMB DES SÉCKÉTIONS EN GÉNÉKAL. 453 lail qu'une Iranssudation. Si on injecte, dit-il, des vais- seaux sur des cadavres, on voit la matière de l'injection iranssuder par tous les points de ces vaisseaux. Si sur un animal vivant ^ on met à découvert une artère ou une veine, on voit un suintement se faire à travers leurs parois. Le phé- nomène est plus sensible si on a lié préalablement le tronc d'origine; souvent alors survient une infiltration séreuse, ou même le suintement est sanguinolent. Si on lie les veines jugulaires, non-seulement survient un œdème dans les par- ties supérieures aux ligatures , mais il y a augmentation de la sécrétion salivaire. Enfin, dans de nombreuses expériences, M. Fodera a vu les matières qu'il injectait dans des vais- seaux ^ des réservoirs, transsuder promptement à travers les parois de ces vaisseaux, et passer dans les parties circon- voisines. Ainsi, portant dans une anse intestinale une so- lution de prussiate de potasse^ et plongeant cette anse dans une solution d'hydrochlorate de cbaux, il a trouvé a^jrès quelques temps de Fhydrochlorate de cbaux dans l'inté- rieur de l'intestin, et du prussiate de potasse dans le liquide où cet intestin plongeait. Plongeant une vessie pleine de teinture de tournesol dans une solution de noix de galle , il a trouvé de même de l'acide gallique dans la vessie et de la teinture de tournesol dans la solution de noix de galîe. Injectant dans la veine pulmouaii'e d'un mouton une solu- tion d'iiydroclilorate de baryte, et dans la tracbée-artère une solution d'bydrocyanaîe de potasse , il a retrouvé cette dernière matière dans la veine pulmonaire , et la première dans la tracbée-artère. Pour rendre les résultats plus sail- lants , au lieu de recberclier après l'expérience par les réactifs , si la matière a véritablement transsudé du lieu où elle avait été portée, il a injecté séparément et en même temps ces réactifs en deux cavités : par exemple, portant dans le tborax ou dans la vessie une solution de noix de galle ou de prussiate de potasse , et dans le péritoine une solution de sulfate de fer, il a vu les parties se colorer promptement en noir ou en bleu. Injectant dans la cavité gauche du thorax d'un lapin une solution d'bydrocyanate de po'asse, et dans le péritoine uae solution de sulfate de for, 454 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, et, tenant Fanimaî penché sur le côté gauche pendant trois quarts d'heure, il a trouvé à l'ouverture beaucoup de par- lies du thorax et de l'abdomen colorées en bleu. En plon- geant enfin dans un bain de sulfate de fer une anse intestinale remplie d'une solution de prussiate ferrure de potasse, il a pu suivre les progrès de la coloration et le phénomène dans toutes ses phases; il a vu la coloration , d'abord légère des parties, se foncer peu à peu; puis le liquide des vaisseaux lymphatiques et sanguins se colorer aussi graduellement, à commencer par les ramifications , et arrivant successive-^ raent aux branches; enfin, il a trouvé le prussiate de fer dans les vaisseaux lymphatiques, le canal thoracique, la veine cave inférieure, etc. De ces expériences, M. Fodera conclut que l'exhalation n'est qu'une transsudation, de mênie que l'absorption n'est qu'une imbibition ; que ces deux actes dépendent de la capillarité des tissus, et que ce double phénomène peut s'opérer en toutes parties. Mais sans revenir sur ce que nous avons dit dans le temps de l'absorp- tion, et pour nous en tenir à l'exhalation , d'abord, M. Fo- dera n'applique qu^à ce mode de sécrétion cette idée de transsudalion; il n'ose l'assurer des sécrétions folliculaires et glandulaires; et nous avons déjà dit que le mécanisme de la sécrétion était probablement le même au fond dans les trois espèces d'organes sécréteurs. Ensuite, les expé- riences de M. Fodera nous présentent bien des phénomènes de transsudalion, mais rien en elles ne prouve que les exha- lations qui se font dans les êtres vivants soient des phéno- mènes d'un même ordre. La graisse, la synovie, la moelle, sont-elles de simples transsudations du sang à travers les porosités des vaisseaux? Si cela est, pourquoi ne trouye-t-on pas ces humeurs dans le sang? pourquoi ne sont-elles ver- sées que dans certaines parties du corps? Nous établirons ci-après que dans toute sécrétion, il y a formation, fabri- cation de riîumeur sécrétée; et ce seul fait ruine toutes les explications physiques des sécrétions. M. Fodera a pris ici pour des phénomènes d'exhalation des faits qui ne sont que des actes de transsiidation , et Ton ne peut conséquemment accueillir son explication. MÉCANISME DES SÉCltÉTIONS EN GÉJNÉRAL. 455 Nous rejetterons de même cette autre tliéorie physique des sécrétions due à Hamherger , dans laquelle il est dit que chaque humeur sécrétée se dépose dans son organe sécréteur propre , en raison de sa pesanteur spécifique. Cette théorie, en eiTet, suppose que les fluides sécrétés sont contenus pri- mitivement dans le sang; et nous allons prouver que cela n'est pas , que ces fluides sont formés par l'organe sécréteur. 11 resterait d'ailleurs à expliquer comment chaque humeur se déposerait dans son organe spécial, la diversité de leur pesanteur spécifique ne suffisant pas certainement pour rendre raison de ce fait. Mais l'objection capitale, c'est que les humeurs sécrétées n'existent pas dans le sang , mais sont formées avec lui. Qu'on analyse le sang, jamais on n'y trou- vera aucune des humeurs sécrétées; les humeurs exhalées «Iles-mêmes , qui ressemblent davantage au sérum, n'y existent pas; à plus forte raison les humeurs qui sont pro- duites par les organes sécréteurs plus composés. Lorsqu'on trouve dans le sang quelques humeurs sécrétées , et surtout celles qui sont tellement distinctes qu'on ne peut les mécon- naître, la bile, l'urine, par exemple, c'est que l'absorption les a reprises dans les organes où elles ont été formées , et pendant qu'elles étaient encore contenues dans leui-s cou- loirs. C'est ce qui est , par exemple , dans les cas si fréquents d'/czére et àe fièvre urineuse, quand un obstacle quelconque s'oppose à l'excrétion de la bile ou de l'urine. Mais ces hu- meurs n'existaient pas pour cela primitivement dans le sang; elles y ont été seulement reportées après avoir été faites par leurs organes sécréteurs propres. A la vérité Haller croyait que la graisse transsudait des artères à travers les pores de ces vaisseaux , ce qui supposait l'existence primi- tive de cette matière dans le sang. Ce savant s'appuyait sur l'autorité de Morgagni , qui disait avoir vu des gouttes de graisse couler de l'intérieur de vaisseaux coupés ; sur celle de Malpighi , qui assurait avoir vu cette matière circuler dans le sang des grenouilles ; enfin sur celles de Ruiscli et Glisson, qui disaient en avoir reconnu dans le. sang des scor- butiques. Mais d'abord Haller avouait n'en avoir jamais vu lui-même, et yen avoir cherché en vain ; ensuite cette opinion 4S6 rOKGTIOK DES SÉCRÉTIONS. sur Torigine de la graisse est aujourd'hui reconnue fausse par tous les physiologistes. Chirac annonçait une expérience qui y si elle eûtélé vraie, eûtété plus contraire à l'assertion que nous émettons ; il disait, qu'ayan t lié l'artère rénale à des animaux, il ayaitvu survenir chez eux des vomissements urineux; mais l'expérience tentée depuis n'a jamais présenté ces résultats. S'il est vrai que le sang ne contient primitivement aucune des humeurs sécrétées ; que toutes ces humeurs, au contraire, sont formées par l'acte de la sécrétion , de cela seul résulte que cette sécrétion ne peut être, ni une Jiltralion , ni une transsudation 3 ni une précipitation, ni une action phy- sique quelconque. Or ^ c'est ce que nous allons pi^ouver. Tout, en efï'et, dans l'opinion contraire, nous semble diffi- culté, et être en opposition avec ce que la physiologie nous apprend des diverses fonctions qui ont pour but la formation d'une matière vivante . i o Dans l 'hy po thèse de l'existence préa- lable des humeurs sécrétées dans le sang , quelle idée se faire de la composition de ce fluide , mélange confus de beaucoup d'humeurs diverses, jouissant chacune de propriétés phy- siques et chimiques différentes ? L'esprit peut-il admettre la seule possibilité d'un pareil mélange; car, parmi les hu- meurs sécrétées, ny en a-t-il pas plusieurs qui ne peuvent pas exister ensemble sans se détruire? 20 Si l'on admet, toutes formées dans le sang , les humeurs sécrétées , il faudra aussi y supposer les matériaux nutritifs des organes solides, car il y a parité entre ces actions. Il est aussi diffi- cile de concevoir qu'un organe fabrique , avec le sang qui le pénètre, son tissu propre, que d'admettre qu'une glande fabrique avec ce fluide l'humeur qu'elle fournit; et certai- nement l'unité qui s'observe dans toutes les œuvres de la nature , doit conduire à penser que ces deux genres d'ac- tions, les nutritions et les sécrétions, ont le même méca- nisme et sont, ou de simples filtrations , ou de véritables actions de formation. Or, ne voit-on pas , dans la nutrition , des matières se former^ et cela si évidemment, que leurs éléments mêmes manquent, non -seulement dans le sang, mais dans les aliments desquels provient ce fluide? 3<> Il est des sécrétions qui ne commencent qu'à une certaine MÉCANISME DES SÉCRÉTIOINS EIN GÉNÉRAL. 4^7 époque de la vie, celle du sperme, par exemple; il eu est d'autres qui ue se produisent qu'en de certaines conditio;)s de l'existence j celle du lait. Or, quel parti prendre à l'égard de ces sécrétions ? Si l'on veut que ces humeurs aient existé de tout temps dans le sang , ])Ourquoi le triage ne s'en fait-il qu'à un certain âge et dans de certaines conditions ? Si l'on veut qu'elles n'existent dans le sang qu'à cet âge et dans ces conditions, quelle cause les fait s'y produire alors? 4^ Enfin, remarquons, que par cette préexistence des humeurs sécrétées dans le sang, on ne fait que reculer la difficulté. Si les humeurs sécrétées existent toutes formées dans le sang , com- ment s'y sont-elles faites? A coup sûr, on n'ira pas jus- qu'à dire qu'elles existaient dans les aliments et dans l'air dont provient le sang. Sera-ce donc dans les appareils di- gestif et respiratoire qu'elles ont été faites ? ou sera-ce dans le sang lui-même , par la réaction de ses éléments consti- tuants l'un sur l'autre ? Mais la première chose sera aussi extraordinaire, aussi antimécanique, aussi antichimique que Taction de formation que nous attribuons aux organes sé- créteurs; et quant à la seconde, elle est en opposition avec tout ce que nous apprend la physiologie. Partout, en effet, on voit les fluides être produits par les solides, et ceux-ci effectuer toutes les élaborations qui organisent la matière; toujours ces élaborations se succèdent dans l'économie , de manière que les dernières achèvent et complètent ce qu'ont commencé les premières. D'un côté, nulle part on ne voit de fluides vivants se faire eux-mêmes, et par la réaction de leurs éléments constituants; qu'on les suive depuis les bou- ches absorbantes jusqu'à leur assimilation aux organes , tou- jours ils ont subi , chemin faisant, l'action de solides éla- bora teurs: l'absorption, par exemple, n'a pas été une simple action de pompement, elle a modifié, élaboré la matière absorbée , et les racines végétales ont élaboré les matériaux qu'elles ont pris dans la terre pour la nutrition du végétal, aussi évidemment que l'appareil digestif a élaboré les ali- ments de l'animal. D'un autre côté , qui peut contester que , dans la succession d'actions dont le concours accomplit la nutrition , digestion , respiration , absorption , assimilation, 458 FÔNGTJOW DES SÉCRÉTIONS, il y ait une sérié d^élaborations qui toutes, sans doute, concourent à un résultat^ à une formation dernière, mais qui cependant sont diverses à chacun de ces degrés? Dès îors , s'il est démontré qu'il y a première élaboration dans la digestion, puis seconde, troisième élaboration dans l'ab- sorption , l'assimilation , il est bien probable qu'il y a der- nière élaboration dans la sécrétion; car, encore une fois, toutes ces actions sont d'un même genre. Concluons donc d'après toutes ces considérations, que les humeurs sécrétées n'existent pas préalablement dans le sang , mais se font dans l'acte de la sécrétion ; et cela suffit pour renverser la théorie qui veut réduire celle-ci à n'être qu'une filtra tion. Toutefois , nous ne devons pas passer sous silence quel- ques expériences récentes qui semblent contraires à notre proposition. MM. Prévost et Damas à Genève, ayant extirpé les reins à des chats et à des chiens, comme l'avait fait Chirac, €t ayant ensuite analysé le sang, disent y avoir trouvé, non de l'urine, mais de l'urée, qui est le principal élément de cette humeur: cette uréeyexistaiten quanti té d'autant plusgrande, que les animaux avaient survécu plus long-temps à la néphro- tomie : au contraire, le sang des animaux auxquels on avait laissé les reins, ne présentait aucune trace de cette ma- tière. Cette expérience, répétée à Paris par lA^Scgalas, lui a Ijr'ésenté le même résultat; et même ce physiologiste ayant eu l'idée d'observer par contré le sang d'un autre animal auquel il avait laissé les reins, et dans lès veines duquel il avait injecté de l'urée, n^ a pas davantage retrouvé ce prin- cipe ; mais la sécrétion urinaire s'était montrée fort activée , consécutivement à l'injection. Enfin , on m'a dit que depuis leurs travaux sur l'urée, MM. Damas eV Prévost avaient aussi retrouvé dans le sang l'es principes d'autres humeurs sécrétées , après avoir enlevé sur des animaux vivants les organes sécréteurs qui en sont les agents : on dit qu'après avoir extirpé les testicules à un crapaud, ils ont pu effectuer des fécondations artificielles avec le sang de cet animal ; qu'a- près avoir excisé les mamelles, ils ont retrouvé du sucre de lait dans le saug. On assure que M, Chevreul a retrouvé dans le sang plusieurs des principes nutritifs des organes. MÉCAKISME DES SÉCRÉTIONS EN gÉnÉRAL. 4^9 par exemple, la matière du cerveau. Nous sommes forcés de convenir que ces faits, s'ils sont vrais, paraissent des plus propres à faire croire qu'existent tout formées dans le sang, sinon les humeurs sécrétées elles-mêmes, au moins leurs principes immédiats. Mais voici nos réponses. D'abord, il n'y a d'avéré que le fait de l'urée et celui de la matière cérébrale; MM. Dumas et Prévost n'ont rien publié encore sur les autres; et le temps qui s'est écoulé depuis l'annonce qui en a été faite porte à croire que ce qu'ils avaient vu d'abord ne s'est pas confirmé : on a vainement cberclié dans le sang les principes immédiats spécifiques des autres hu- meurs, telles que la bile, par exemple. En second lieu, ce n'est pas la substance cérébrale proprement dite, que M. Clievreulsi trouvée dans le sang, mais une des substances qui composent la matière nerveuse , une matière grasse y, blanche; et on conçoit que celle-ci peut exister à la fois dans le sang et dans le cerveau. En troisième lieu, on sait que dans les matières végétales et animales les éléments tien- nent peu les unsauxautres, et ont tendance à s'associer en de certaines combinaisons sous les moindres influences , pour donner naissance à des produits qui sont assez constants : ainsi , on voit ces matières se transformer facilement les unes dans les autres; par exemple , la gomme se changer en sucre , ce sucre faire de l'acide oxalique. Qui peut assurer dès loi's que dans les opérations employées pour analyser 1& sang , ou par le fait même du temps, ces principes ne se sont pas formés, et par conséquent n'existaient pas auparavant. Enfin, sans user de cette argumentation, et en prenant le fait de l'urée dans sa rigueur absolue , si l'on veut que ce principe existe primitivement dans le sang , et que le rein ne fasse qu'en opérer le triage , pourquoi n'en Irouve-t-on pas dans le sang , lors même que les reins existent? Puisque la sécrétion urinaire est continue, le sang ne devrait-il pas toujours contenir de l'urée? et cependant dans une expé- rience de M. Ségalas , il a suffi de laisser à l'animal un des reins , pour qu'on ne puisse signaler de l'urée dans le sang. D'ailleurs, réfléchissons que l'urine, parmi les humeurs sé- crétées, fait une classe à part; c'est l'humeur excrémenti- 46o FONCTION DES SÉCRÉTIONS, lieîie par excellence, celle par laquelle s'accomplissent la décomposition et la dépuration du corps; et l'on peut con- cevoir que son principal élément existe déjà dans le sang où l'aura porté l'absorption interne, sans qu'il en soit de même des autres humeurs sécrétées. Enfin, en admettant ces faits, ce ne seraient pas les liumeurs elles-mêmes qui seraient dans le sang, mais seulement leurs principes immédiats, etconsé- quemmentla sécrétion ne serait pas encore unefiltration mé- canique , telle que la concevait Boërhaave, Passons aux théories chimiques. On a supposé chaque organe sécréteur imprégné d'un ferment spécial, en vertu duquel il changeait le sang en humeur propre; de même qu'on avait admis des ferments analogues , dans tous les lieux du corps où il se fait quelques transformations de matière. Par exemple, on avait admis dans l'estomac un ferment acide comme mobile de la chymitication , dans les intestins un ferment stercoral ; or, on admit de même un ferment dans chaque organe sécréteur, ferment qui, dans telle glande était fixe^ et dans telle autre volatiL. Mais ce n'est là qu'un produit d'imagination : a-t-on jamais trouvé dans aucun organe sécréteur des traces de ce prétendu ferment ? quelle serait sa source ? si on le dit formé et dérivé du sang par l'action de l'organe sécréteur, ne vaut-il pas mieux dire cela du fluide sécrété lui-même ? n'est-ce pas laisser la difficulté tout entière ? D autres ont comparé les vaisseaux sécréteurs à des mèches de coton, qui ne retirent d'un mélange que le fluide dont elles ont été préalablement imprégnées. Mais cette hypo- thèse nous ramène à cette opinion erronée , que le sang est un fluide hétérogène contenant toutes formées les diverses humeurs du corps; et d'ailleurs, il faudrait encore expli- quer comment chaque vaisseau sécréteur serait préalable- ment imprégné du seul fluide dont il eflectue le triage. Keil supposait dans le sang l'existence de deux forces attractives, inverses l'une de l'autre; l'une tendant à con- server au sang sa composition propre, l'autre lui faisant former l'humeur nouvelle qui résulte de la sécrétioa. Mais quelle condiliou faisait j>rcdominer, dans l'organe sécréteur MÉCAP?ISMK DES SÉCRÉTIONS EIX GÉNÉIlAL. 46 1 iseulement et exclusivement, laseconde de ces attractions sur la première? pourquoi cette seconde force attractive était- elle spéciale en chaque organe sécréteur ? Il est trop évident que cette explication se réduit encore à des mots. Toutes ces explications sont insoutenables, et les cliimis- tes modernes qui veulent rattacher Facte des sécrétions à une force électrique, ne nous semblent pas plus rigoureux. Tous ces systèmes ont ce tort commun que , faisant dépen- dre la sécrétion d'une condition matérielle , physique ou chimique , il semblerait que cette condition existant une fois, la sécrétion devrait toujours avoir lieu. Or c'est ce qui n'est pas. Nul phénomène organique n'est plus que la sé- crétion, sujet à varier par toutes influences extérieures et intérieures. D'ailleurs ils réduisent presque à rien le rôle de l'organe sécréteur; cet organe semble n'être plus que le théâtre de l'action, et, au contraire, il en est yraimenl l'agent; nous avons dit qu'on ne pouvait faire varier son état de vitalité, directement ou sympathiquement , sans que la sécrétion ne soit aussitôt modifiée dans sa quantité et sa qualité. Dans ces derniers temps, des hommes au premier rang dans les sciences ont tenté encore des explications physi- ques et chimiques des sécrétions. M. Berzé lins conjecluve que ces actions sont dues à une force électrique. MM. Dumas et Prévost pensent que chaque particule de sang étant une paire galvanique en état de tension , et les vaisseaux san- guins ce qui établit le courant galvanique , la surface cir- culante de chaque organe sécréteur est douée d'une polarité constante qui forme les humeurs sécrétées. Beaucoup do faits semblent montrer que le galvanisme joue un grand rôle dans la production des phénomènes vitaux; et, parmi ces faits, il en est un qui se rattache aux expériences de M. Fodera y que nous avons citées plus haut. Ce physiolo- giste a vu que , tandis que les faits de transsudation qu'il obtenait mettaient souvent une heure à se produire, il les rendait instantanés par l'influence galvanique. Mettant, par exemple , une solution de prussiate de potasse dans la vessie d'un lapin , faisant communiquer cette solution avec 462 FONCTION DES SECRETIONS, un fil de cuivre^ puis plaçant à l'extérieur de ces organes uh linge imbibé d'une solution de sulfate de fer et commu- niquant avec un fil de fer, il a vu qu'en mettant ces fils en communication avec ceux de la pile, la vessie ou le linge extérieur étaient soudain colorés en bleu, selon qu'il dirigeait le courant galvanique de l'extérieur à l'intérieur, ou de l'intérieur à l'extérieur , c'est-à-dire selon qu'il faisait communiquer le fil de fer avec le pôle positif, et le fil de cuivre avec le pôle négatif, et vice versa. Loin de nous, sans doute, la pensée de blâmer de pareils travaux et de pareilles inductions : il est certainement possible qu'on découvre quelque jour par quelles lois nouvelles les forces générales produisent les phénomènes de la vie : il est surtout possible d'espérer cette découverte à l'égard de ceux de ces phénomè- nes qui sont étrangers à la sensibilité, et bornés à des éla- borations de matière, comme le senties sécrétions. Mais il faut convenir que dans l'état actuel de la science, aucunes de ces explications ne sont satisfaisantes : et nous terminons en disant encore que , puisque l'action des sécrétions ne peut être assimilée à aucune action physique, chimique ou méca- nique, on doit la dire organique eivitale. L'action de sécrétion est donc une action d'élaboration, par laquelle les organes sécréteurs fabriquent, avec le sang, les diverses humeurs sécrétées. Il ne faut donc pas prendre le mot sécj'élion dans toute la rigueur de son étyraologie, puisque la sécrétion n'est pas un simple triage, mais une action déformation, une action élaboratrice d'une matière analogue à celle de la digestion qui fait le chyle, de la re- spiration qui fait le sang, etc. Déjà Sthal s'était approché de cette doctrine , en rattachant toutes les sécrétions à l'in- fiuence de l'ame; mais ce mot ame\, comme'reufermant en soi les idées de perception et de volonté, donna Heu à des équivoques. C'est Bordeu qui, le premier, l'émit avec _toute clarté : seulement il l'exprima d'une manière un peu trop poétique; reconnaissant dans chaque organe sécréteur une sorte d'action digestive, comme un véritable ^oz/t; disant que lorsque la sécrétion s'effectue l'organe sécréteur s'érige, appelle à lui le sang, et semble agir comme une ventouse. MÉCANISME DES SGÉRÉTIONS EN g/vNÉRAL. 4()5 C'est, du reste, la doctrine appliquée à toutes les autres actions élaboratrices de notre économie, comme on peut le voir à la digestion , aux absorptions , etc. ; et c'est à ce titre que Bordeu peut être dit le fondateur de la doctrine de l'organisme qui règne aujourd'liai en physiologie. Seule- ment, il exagéra l'influence nerveuse sur les sécrétions. Sans doute l'élément nerveux, qui entre dans la composition d'un organe sécréteur, concourt à établir sa vitalité; sans doute, dans l'état maladif, une altération de cet élément nerveux, ou sa perturbation à la suite d'un trouble géné- ral, et à raison de ses connexions avec les centres nerveux y peut amener une modification dans la sécrétion ; mais dans l'état naturel, il n'y a que quelques sécrétions sur lesquel- les porte l'influence nerveuse; la plupart fondent des fonc- tions déjà assez inférieures dans l'animalité , pour être plus ou moins indépendantes des centres nerveux : la ligature ou la section des nerfs qui se distribuent à une glande, le plus souvent n'en anéantissent pas la sécrétion. L'action de sécrétion étant une action d'élaboration dé- pendante de l'organisation et de la vitalité de l'organe sécré- teur, on peut dire d'elle ce que nous avons dit de toutes les autres actions élaboratrices de notre économie. Se faisant aux extrémités d'un système vascuîaire , elle n'est nulle- ment apercevable en elle-même ; mais on peut assurer d'elle les trois propositions déjà tant de fois indiquées : if> un seul fluide peut subir les efïets de cette action élaboratrice , ou autrement fonder des matériaux aux sécrétions; tout ce qui est accidentellement mêlé à ce fluide subit en vain le travail de l'organe sécréteur, il ne se transforme pas dans l'humeur sécrétée, mais s'y retrouve en entier tel qu'il était dans le premier. C'est ainsi qu'on retrouve dans les humeurs des sécrétions, aussi-bien que dans les parenchymes nutritifs, ceux des éléments des aliments qui ont passé avec le chyle, en conservant leur forme étrangère. 2<^ Cette élaboration n'est pas chimique, mais vitale; et, en effet, de la connais- sance chimique des matériaux de la sécrétion, on ne peut déduire chimiquement la composition de son produit, c^esl- à-dire de l'humeur sécrétée : souvent il y a la plus grande 464 FONCTION DES SECRETIONS, différence chimique entre la composition des matériaux et celle du produit ; et souvent encore on trouve dans ce pro- duit des éléments que ne contiennent pas les matériaux ou le sang. 3^ Enfin ^ le produit de cette action de sécrétion est toujours identique , puisque c'est toujours un même sang dont il dérive et un même agent qui le fabrique ; il ne varie qu'à raison de l'état plus ou moins bon du sang qui fonde les matériaux de la sécrétion , et de l'intégrité plus ou moins complète de l'organe fabricateur. Cette action de sécrétion paraît aussi s'accomplir instan- tanément aux terminaisons du système vasculaire sanguin , ou mieux à l'origine du système vasculaire sécréteur; elle est analogue, sous ce rapport, aux actions éîaboratrices de l'hématose, des nutritions, dont les produits sont formés subitement et à la manière de la médaille que l'on frappe. En même temps que cette action de sécrétion est instanta- née , elle est continue : comme du sang arrive toujours aux extrémités des artères et à l'origine des sécréteurs , toujours aussi ces derniers agissent. Cependant, cette dei'nière règle souffre des exceptions. Beaucoup d'organes sécréteurs, quoi- que déjà assez développés, restent encore inactifs dans le premier âge , sans doute parce que les vaisseaux sécréteurs n'ont pas acquis l'activité nécessaire ; tels sont les testicules , par exemple. Quelques-uns ont besoin d'une surexcitation qu'ils ne reçoivent que de circonstances déterminées, comme les mamelles, qui ne sécrètent le lait que consécutivement à la grossesse, à l'accouchement, et à l'irritation qu'excite en elles la succion opérée par l'enfant. Du reste , toutes les sé- crétions, même celles qui ont lieu d'une manière continue, sont susceptibles de se modifier sans cesse , de s'augmenter, de se ralentir, selon les excitations directes ou sympathiques que reçoivent leurs organes ; et chacune offre des variétés, des susceptibilités à cet égard. Puisque les sécrétions ont pour matériaux le sang artériel, et sont des actions qui se passent dans les systèmes capillaires, elles peuvent avoir part à la production du sang veineux. Cependant nous avons dit que par cela seul qu'elles étaient des actions restreintes à quelques parties, il était permis MÉCANISME DES SÉCRI^TIONS EK cflNÉllAL. 4G5 d'en clouter , et que plus probablement elles ne faisaient que consommer une portion de sang artériel, sans influer sur sa conversion en sang veineux. Enfin, on conçoit que , puisque chaque organe sécréteur a une organisation spéciale ;, l'action de sécrétion doit va- rier en chacun d'eux ; de même que l'acte de la nutrition varie dans chaque parenchyme nutritif, la sensation dans chaque nerf de sens. Evidemment, en effet, chaque organe sécréteur a sa structure spéciale, ses excitants extérieurs spé- ciaux, ses sympathies , et ses maladies propres. L'anatomisîe le moins exercé distinguera la texture du foie, par exemple, de celle du rein. Les injections ne réussissent pas aussi faci- lement dans certaines glandes que dans d'autres , et cer- taines surfaces exhalantes sont plus susceptibles de devenir le siège d'hémorrhagies que d'autres. Tandis que le mercure excite particulièrement les glandes salivaires, les cantha- rides irritent les reins, etc. Enfin, les sympathies des di- vers organes sécréteurs ne sont pas les mêmes ; celles qui unissent le testicule à la gorge, par exemple, contrastent avec celles du foie, qui se rapportent généralement à la tête et celles des reins, qui se rapportent à l'estomac. Voilà autant de faits qui prouvent la diversité d'organisation des organes sécréteurs. Or, de la diversité d'organisation ré- sulte une diversité d'action ou de vitalité, et de celle-ci une diversité de sécrétion. Ces diverses vitalités ne peuvent être niées, bien qu'on ne puisse préciser la diversité des conditions matérielles auxquelles elles sont dues : saisit-on davantage la différence qui existe entre les divers nerfs des sens, entre les divers parenchymes nutritifs et calorifîca- teurs ? Du reste, lactivité d'une sécrétion n'est pas toujours en raison du volume de l'organe sécréteur et du nombre des vaisseaux sanguins qui pénètrent celui-ci; elle tient surtout à la vitalité intrinsèque de l'organe; et celle-ci est due à l'organisation intime dont les traits de ce genre sont in- définissables, et à mille causes d'excitation directes ou sympathiques qui viennent retentir en lui : parmi ces cau- ses, une des principales est l'irritation du canal excréteur. Telle est la doctrine actuelle sur les sécrétions. Elle est Tome 111. 3o 466 FONCTION DÉS SÉCRÉTIONS, applicable à chacun des ti'ois genres d'organes sécréteurs. Quelques physiologistes ont voulu, mais à tort, faire de l'ex- halation une fonction séparée de la sécrétion ; c'est la même action dans son plus grand degié de simplicité. On avait dit que les fluides sécrétés étaient d'autant plus différents du sang , qu'ils étaient formés par un organe sécréteur plus composé; qu'ainsi les fluides exhalés n'étaient presque que le sérum du sauig; que les sucs folliculaires en différaient déjà davantage ; et qu'enfin , les humeurs glandulaires lui étaient tout-à-fait opposées. Mais c'est là une vue trop mé- canique ; la synovie, la moelle, la graisse, quoique. sucs exhalés, diffèrent autant du sang que la salive, les larmes^ le suc pancréatique, qui sont des humeurs glandulaires. Il ne suffit pas d'avoir dit, dans cette histoire générale 'des sécrétions, comment est fait le fluide sécrété, il faut voii' ce que devient ce fluide , comment il circule du lieu où il a été fait , jusqu'à la surface sur laquelle il est versé et où il doit agir, et quelles altérations il éprouve dans ce trajet. On conçoit que ceci doit différer en chaque sécrétion. D'abord , il est évident que le fluide sécrété doit suivre la succession des vaisseaux sécréteurs : ces vaisseaux , en effet, forment une cavité continue de leur origine à leur canal excréteur de terminaison; et dès lors, par cela seul qu'il se fabrique sans interruption du fluide sécrété à l'origine, ce fluide doit être poussé de ce point vers le canal excréteur de terminaison. C'est là une première cause de la circulation des humeurs sécrétées dans les voies de leur sécrétion. Il faut ajouter à cette cause une action contractile, et mêmeaspirante des vaisseaux sécréteurs capillaires; et les puissances auxi- liaires des artères voisines , des mouvements des organes Toisins et de la généralité du corps. Ceux des physiologistes qui, dans la fonction de la circulation, étendent au loin l'influence du cœur, font concourir aussi cette puissance à la progression des humeurs sécrétées dans leurs vaisseaux sécréteurs , comme à celle du sang veineux dans les veines; mais nous ne croyons pas à cette influence. Long- temps aussi, on a attribué l'excrétion des humeurs sécrétées, à une pression mécanique exercée par les organes voisins sur MÉCANISME DES Sl^CRETIONS EN GKNÉHAL. 46; les agents sécréteurs; la salive, par exemple, ne coulait, disait-on, avec plus d'abondance dans la boucbe, lors de la mastication et de l'articulation des sons , que parce que les glandes salivaires étaient mécaniquement comprimées, consécutivement aux mouvements des mâchoires. Mais Bor- àeu a judicieusement réfuté cette proposition : d'abord elle paraîtrait ne devoir être applicable qu'aux glandes; ensuite beaucoup de glandes sont placées de manière à n'éprouver aucune compression des organes voisins; enfin les glandes qu'on citait ne doivent pas leur action d'excrétion à cette cause; Bordeu a expérimenté que la parotide, loin d'être comprimée lors des mouvements des mâchoires, se trouvait dans un espace plus large ; et si sa sécrétion s'augmente alors , c'est que les mouvements , les ébranlements qui lui sont imprimés, l'excitetit, et que d'ailleurs plus de sang lui ar- rive. A ces causes diverses qui font cheminer l'humeur sé- crétée, il faut encore ajouter, comme secours accessoires, les nombreuses anastomoses qui existent entre les vaisseaux sécréteurs, lorsqu'ils ne sont encore que capillaires. L'acti- vité de cette circulation est sans doute un peu dépendante de l'activité de la sécrétion ; elle varie d'ailleurs dans chaque sécrétion, selon que les voies d'excrétion sont plus ou moins courtes, et comprennent ou non dans leur trajet des réser- voirs. Dans ce dernier cas, on peut séparer dans l'étude la sécrétion de l'excrétion ; et de nouvelles puissances s'ajou- tent à celles que nous avons indiquées pour effectuer celle-ci. Mais généralement la circulation des humeurs sécrétées est plus lente que celle de la lymphe et du sang veineux, du moins à juger par Téteudue du jet que fournissent un vais- seau sécréteur, un vaisseau lymphatique et une veine d'égal volume. Dans quelques organes sécréteurs, les follicules et les organes exhalants , par exemple , le trajet que parcourt le fluide est très court; ce fluide est aussitôt à sa destination , et son excrétion succède irrésistiblement , sans aucun mé- canisme ultérieur, à sa sécrétion. Dans les glandes, au con- traire , très souvent le trajet à parcourir est long; ce fluide est souvent conduit dans un réservoir où il est rais en dépôt, et d'où il n'est plus excrété que d'intervalles en intervalles, 3o. 468 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, et par des efforts subséquents. Nous ne pouvons entrer ici dans aucuns détails; ils seront donnés à l'article des sécré- tions en particulier. Dans le trajet plus ou moins long que parcourent les humeurs sécrétées, ces humeurs éprouvent -elles une éla- boration graduelle ? Cela varie selon les sécrétions. Cela ne paraît pas être, pour toutes celles qui sont dues à- des organes exhalants et à des follicules; les fluides ici sont versés trop tôt au lieu de leur destination; ou du moins si cela est, on ne peut signaler la série des degrés, des nuances par lesquelles passent les humeurs. Nous en dirons autant des fluides glandulaires qui n'ont pas de réservoirs dans leurs voies d'excrétion ^ et qui ont ces voies courtes, comme la salive, les larmes : les vaisseaux excréteurs sont ici bientôt assez gros pour n'être plus évidemment que des agents de conduite; le fluide ne traverse sur sa route aucun ganglion élaborateur, et son excrétion est trop prompte pour que l'absorption interne ait le temps de le modifier beaucoup. Mais dans les sécrétions glandulaires qui comprennent dans leur appareil un réservoir où le fluide séjourne, et qui ont d'ailleurs des voies d'excrétion longues, tortueuses , et que le fluide ne traverse qu'avec lenteur, évidemment l'humeur sécrétée éprouve quelques modifica- tions dans son trajet , comme cela est , par exemple , de la bile , de l'urine , du sperme. Mais nous en parlerons à This- toire des sécrétions en particulier. Telles sont les sécrétions en général ; l'étude des sécrétions en particulier nous fournira une occasion de dire ce que nous pouvons avoir omis. CHAPITRE II. Des Sécrétions en particulier. Les sécrétions sont multiples et fort nombreuses dans l'économie de l'homme : il faut faire Thistoire de chacune eii particulier. Dans cette étude, on peut suivre deux or- dres : un anatomique , dans lequel ou décrit les sécrétions DES SÉCRÉTIONS RÉCRÉMENTI J lELLES. 4^9 selon le genre d'organes sécréteurs auquel elles sont ducs , un autre ])hysiologique , fondé sur l'office que remplissent les diverses sécrétions dans l'économie. Dans le premier, qu a suivi JBichat, on partage les sécrétions en trois classes, les exhalations , les sécrétions folliculaires et les sécrétions glan- dulaires. Dans le second, on les divise en deux sections; les récrémentitielles , c'est-à-dire celles dont les produits sont repris par l'absorption interne , et rentrent dans le torrent de la circulation ; et les excrémentitielles , c'est-à-dire celles dont les produits sont rejetés au-dehors , et fondent les ex- crétions. C'est ce dernier ordre que nous suivrons , toutes les considérations que peut inspirer le premier ayant ete exposées lors de l'étude anatomique des organes sécréteurs et de rénumération des humeurs , et le second nous ramenant à l'acte de décomposition qui clôt la série des fonctions orga- niques et nutritives de l'homme. Nous serons ainsi conduits à étudier toutes les excrétions du corps , et à en apprécier l'utilité et la quantité. ARTICLE PREMIER. Des Sécrétions récrémentitielles. Toutes ces sécrétions , ainsi nommées parce que leurs produits sont repris par l'absorption interne, et rentrent dans le torrent de la circulation , ont pour agenls des orga- nes exhalants , et sont versées dans des cavités intérieures et qui ne communiquent nullement au dehors. De là résulte que leurs humeurs remplissent deux sortes d'offices ; des ser- vices locaux relatifs à la partie sur laquelle elles sont ver- sées, et des services généraux, comme retournant dans la lymphe et le sang veineux. Wous allons les décrire successi- vement , mais en passant avec brièveté sur celles qui ont pu déjà nous occuper. § 1er. Exhalation séreuse du Tissu Cellulaire, ou Lamineux. Le tissu cellulaire, ou lamineux, ce solide organique qui, en même temps qu'il forme le canevas de tous nos organes , semble être une spongiosité jetée entre toutes nos parties 470 rOWCTlON DES SÉCRÉTIOJNS. pour en remplir les vides , exhale dans ses aréoles une sé- rosité sous forme de vapeur. Dans les lames de ce tissu s'ou- vrent en effet de véritables vaisseaux séreux, qui perspirent une vapeur albumineuse, analogue à celle que nous verrons être fournie par les membranes séreuses. On a des preuves de cette sécrétion dans la vapeur qui s^exhale de l'intérieur d'un animal récemment tué et ouvert, et dans la maladie appelée anasarqua. Ce suc est repris par l'absorption in- terne, dans la même proportion qu'il est exlialé, et ne s'ac- cumule dans le tissu cellulaire que dans le cas maladif que nous venons de dénommer. A tort on a supposé qu'animé, dans ce tissu, d'un mouvement de circulation dans une direction déterminée , et dont le diaphragme, par ses mou- vements alternatifs d'élévation et d'abaissement, serait le principal moteur, il y suivait des courants dans des direc- tions diverses. Son usage est évidemment de faciliter les mouvements, les glissements des parties. Etildié chimique- ment, il paraît contenir une certaine quantité d'albumine, de l'eau et quelques sels. On ne peut en évaluer la quantité totale, les diverses parties du corps différant beaucoup les unes des autres, relativement à la quantité qu'elles en pré- sentent. § II. Sécrétion des Sucs séreux. Toutes les membranes du corps , appelées séreuses ou bil- ieuses simples , qui tapissent les cavités splanchniques , et servent de pédicule et de soutien aux organes qui y sont contenus , sont de véritables organes exhalants qui sécrètent un lialitus albumixieux. Ces membraues ont été décrites à l'article des organes divers auxquels elles appartiennent : ce sont les arachnoïdes crânienne et rachidienne , la pleure , le feuillet interne du péricarde , elle péritoine. Il faut encore y ajouter la membrane ojaginale du testicule, dont nous parlerons à la génération. Indiquons du reste, selon notre ordre accoutumé, leur disposition anatomique d'abord , et ensuite leur action de sécrélion. Ces membranes ont la forme d'un sac sa as ouTerture, SECRlVjlOJSS SiREUSKS. 4?» J'un côté lajDissant la cavité splanchnique dans laquelle elles existent, de l'autre revêtant les viscères qui y sont con- tenus, servant ainsi de lien à l'une et aux autres, et repliées eonséquemment au-dedans d'elles-mêmes, comme l'est la lame interne d'un bonnet de coton relativement à l'externe. Par leur face externe, elles adhèrent dans une de leurs moitiés à la cavité splanclinique, et dans l'autre aux viscères auxquels elles servent de pédicule. Leur face interne, au contraire, est libre et répond à la cavité qu'elles forment dans leur ensemble. C'est à celle-ci que suinte l'humeur qu'elles sécrètent. Quant à leur texture, elles sont des or- ganes sécréteurs exhalants , c'est-à-dire qu'en elles le système vasculaire sanguin qui apporte les matériaux de la sécré- tion se continue sans aucun intermédiaire avec le système vasculaire exhalant. Ce sont des membranes très minces, transparentes, blanches, luisantes à leur surface libre, dont le fond est celluleux, et dans la trame desquelles les artères devenues capillaires se continuent avec de nombreux vaisseaux exhalants. On n'y a pas découvert de nerfs. Ces membranes sécrètent , par le mécanisme général des sécrétions, un suc sous forme de vapeur, d'halitus, qui entretient la souplesse de la membrane, et est repris par l'absorption interne en même proportion qu'il est exhalé. On avait rapporté ce suc à l'action de glandes qu'on disait logées dans leur tissu; mais Ruisch a prouvé que ces glandes n'existaient pas. Hanter en assimilait la formation à une transsudation à travers les aréoles, les interstices;, les poro- sités des vaisseaux; mais c'est d'autant plus évidemm.ent une sécrétion, que son produit, quoique assez semblable au sérum du sang, cependant en diffère encore un peu. C est le sang artériel qui fournit les matériaux de cette sécrétion j elle est visible à l'œil nu, quand on met à découvert une membrane séreuse et qu'on l'examine. L'humeur qui en est le produit est un suc albumineux^ quia la plus grande analogie avec le sérum du sang, qui en diffère cependant en ce qu'il contient moins d'albumine. Uewsouy l'ayant recueilli sur des animaux qu'on tuait ex- près, l'a vu, par le repos et son exposition à l'air, se coagu- 472 FO^'GTION DES SÊCRÉTIOTNS. 1er comme la lymphe coagulable du sang. Boslock a trouvé en lui , de l'eau , de l'albumine en moindre proportion que dans le sérum du sang , de la matière incoagulable et des sels. Bée lard dit que cette matière incoagulable est du mucus gélatiniforme, semblable à celui que Ton trouve dans l'albumine coagulée du sérum du sang. Schwîlgué y a. signalé encore une matière extract ive et une matière grasse. Dans l'état naturel, jamais ce suc ne fait amas dans la ca- vité de la membrane séreuse, parce que l'absorption interne le reprend à mesure qu'il est exhalé. Mais dans l'état mala- dif, cela n'est pas de même, par exemple, dans les diverses hydropisies : toujours aussi il s'y accumule un peu après la mort. Il est versé au lieu où il doit agir aussitôt qu'il est fait, par le seul fait de la disposition mécanique des parties ; et 1 on ne peut pas séparer son excrétion de sa sécrétion. Ses usages locaux sont de former à la surface des viscères une atmosphère chaude, humide, qui entretient leur tem- pérature, leur souplesse, et facilite leurs mouvements, leurs glissements. A juger par les douleurs que causent les moin- dres obstacles aux glissements des organes les uns sur les autres, il paraît que de la facilité dans ces glissements est une condition d'intégrité bien importante pour notre écono- mie; et ce sont les sucs séreux qui servent à l'établir. Quant à ses usages généraux, comme ce suc est repris par l'absorption interne, et qu'il retourne à la lymphe et au sang veineux, il concourt à la crâse de ces fluides, et il doit compter parmi les matériaux que l'économie puise eu elle-même pour sa con- servation. M. Chaussier conjecture même que ces sucs sont plus propres que tous autres à cet office , comme étant déjà le produit d'une élaboration organique, qui a dû les rap- procher davantage de l'état de matière vivante. Les exhalations séreuses diflèrent probablement dans chaque membrane ; les légères difîérences qu'on peut signa- ler entre ces membranes , et la diversité des sucs des hydro- pisies de chacune, portent à le croire. Leur quantité totale est impossible à évaluer. Bichat croit que cette quantité surpasse celle des sucs muqueux et cutanés, et cela parce que îrs surfaces séreuses lui semblent aVbir plus d'étendue SÉCRÉTION DE LA SYNOVIE. 4?^ que les membranes muqueuses et la peau : mais cela n est qu'une conjecfure dont il est d'autant plus permis de dou- ter, que la quantité de la sécrétion varie certainement dans chaque membrane séreuse particulière. § III. Sécrétion de la S') novie. On appelle synovie Thumeur grasse qui , versée dans les articulations mobiles, y enduit les surfaces des os et en faci- lite les mouvements. Nous avons parlé de cette humeur àl ar- ticle locomotion. Nous avons rappelé les opinions erronées qu'on a eues successivement sur sa production, savoir : celle de Clopton-Havers , qui plaçait la source de cette humeur dans de prétendues glandes synoviales , considérant comme telles ces masses cellulo-rougeâtres qu'on trouve en quelques arti- culations , et qui ne sont que des replis de la membrane sy- noviale analogues à ceux qu'offrent toutes les membranes sé- reuses; celle de Haller, qui regardait la synovie comme la moelle qui avait transsudé à travers l'extrémité spongieuse des os. Nous avons dit que tous les physiologistes la rappor- taient aujourd'hui, avec BicJiat , à l'actiou exhalante d'une membrane dite sjnoviale , qui a la même forme qu une membrane séreuse, et qui , par beaucoup d'anatomistes, est considérée comme une dépendance du tissu séreux. Ces membranes sont multiples. Il en existe dans tou- tes les articulations mobiles , dans toutes les coulisses et gaines où se meuvent des tendons ; enfin , on en trouve en quelques endroits sous la peau , partout où cette membrane recouvre des parties qui exercent de grands et fréquents mouvements, comme entre la peau et la ro- tule, entre l'olécrâne et la peau, etc. Ces dernières sont appelées bourses synouiales sous-cutanées. Toutes, comme les membranes séreuses, forment des sacs sans ouverture; elles adhèrent par leur face externe à la cavité de l'articula- tion, de la coulisse de tendon qu'elles tapissent : et par leur face iaterne, elles sont libres et ne répondent qu'à elles- mêmes. C'est de ce côté qu'ellesexhalent.Leur texture intime est celle des membranes séreuses , savoir , une trame cellu- 4? 4 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. Jeuse , pénétrée par des vaisseaux capillaires sanguins , qui se changent promptement en vaisseaux exhalants. Il y a quel- ques différences dans chacun des trois genres que nous avons distingués, synoviales des articulations , synoviales des ten- dons, et bourses synoviales sous-cutanées. C'est par exhalation que Ces membranes produisent la synovie, dont nous avons indiqué, à l'article de la loco- motion, les qualités phvsiques et la composition cliimique. Peut-être y a-t-il quelques différences dans celle de chacun des trois genres d'organes synoviaux. La synovie des bourses sous-cutanées est trop peu abondante pour qu'on ait pu la recueillir et l'examiner. Celle des synoviales des tendons est visqueuse, d'un jaune rougeâtre, oléiforme , en partie coa- guîable , et contient de l'albumine et du mucus. Enfin , c'est à la synovie des articulations que se rapporte l'analyse de M. Margueron ; aux principes , eau , albumine , fibrine ,. soude, niuriate de soude^ phosphate de chaux, que ce chi- miste y a trouvés, il faut ajouter une matière animale, qu'on dit être de l'acide urique. C'e&t aussi du sang artériel qu'émane cette sécrétion ; et l'absorption interne en reprend le produit à mesure qu'il est exhalé, de sorte que ce produit ne forme aucun amas dans les articulations, et les tient seulement humides. Les parties ^ sont encore disposées de manière, que le suc est versé aussi- tôt sur les surfaces où il doit agir , et que rexcrétion succède irrésistiblement à la sécrétion. Ses usages sont évidemment de faciliter les glissements et les mouvements des os et des tendons. On ne peut pas plus évaluer la quantité totale des exhalations synoviales , que celle des exhalations séreuses j il y a même plus de différences- entre les membranes syno- viales, l'activité de la sécrétion dans chacune étant en gé- néral en raison de la mobilité de l'articulation à laquelle elle appartient. § IV. Exhalation de la Graisse. Il y a eu beaucoup de controverses anaîomiques sur l'or- gane producteur de la graisse. Haller prétendait que cette SÉCRÉTIOIN DE LA GKAISSE. 47^ liuiTieur existait toute formée clans Je sang , et qu^elle Irans- sudait à travers les pores des artères. Mais en vain on exa- mine le sang qui se rend à la partie la plus chargée de graisse, on n'y peut découvrir cette humeur; nous avons posé en jjrincipe qu'aucune humeur sécrétée n'existait toute formée dans le sang; si la graisse faisait exception à ce principe, et qu'elle transsudât à travers les pores des artères, on devrait en observer des traînées le long de ces vaisseaux; on ne pourrait expliquer pourquoi cette matière abonde en une partie du corps , et manque en une autre : toutes ces raisons doivent faire rejeter l'hypothèse de Haller ^ bien qu'en ces derniers temps, un habile chimiste, M. Chewreuly ait signalé dans le sang une matière grasse. On ne peut admettre non plus l'idée qui a régué long-temps , que c'est le même tissu cellulaire que nous avons vu être le siège d'une exhalation séreuse, qui, par un autre ordre de vaisseaux exhalants , produit la graisse. Aujourd'hui la production de cette humeur est rapportée à un tissu particulier appelé adi- peux. Ce tissu , entreYiiipSLr Malpighi j et démontré par TV. Han- ter, consiste en un assemblage de vésicules très petites, en- tass-ées en plus ou moins grand nombre , formant des masses plus ou moins volumineuses , réunies entre elles par du tissu cellulaire , et servant de réservoir à la graisse. Il varie dans les diverses régions du corps; sous la peau^ il forme une couche plus ou moins épaisse, et généralement répandue; ailleurs, il se présente sous l'apparence de masses arrondies , pyriformes, pédiculées, ou sous celle de rubans aplatis. Ces masses, par la dissection, se réduisent en lobules ou grains adipeux , qui , examinés au microscope , paraissent eux- mêmes composés d'une infinité de petites vésicules qui ont un. six ou un huit centième de pouce de diamètre. Ce tissu n'a donc pas, comme le cellulaire, une structure aréolaire; mais sa disposition ressemble à celle des fruits de la famille des hespéridées, et offre une agrégation de vésicules mem- braneuses attachées à des cloisons qui les séparent. Chaque vésicule est supportée par un petit pédicule , comme le sont les grains de raisin. Leurs parois sont tellement minces, 476 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, qu'on ne peut les apercevoir ; mais la disposition de la graisse en masses isolées et distinctes prouve qu'elles exis- tent , et surtout que ces vésicules ne communiquent pas en- tre elles. Du tiissu cellulaire très fin existe entre elles; et leurs éléments constituants sont des artères, des veines et des exhalants. On ne sait pas si des nerfs leur arrivent. Il y a beaucoup de variétés dans les diverses parties du corps, relativement à l'existence de ce tissu. Il abonde sous la peau , au-dessous des membranes séreuses , synoviales , à la face , en dedans et en denors du thorax, aux environs du cœur, à l'abdomen^ à l'extérieur des reins, dans Tépaisseur du Tnésentère , des épipîoons , dans le bassin , au niveau des articulations dans le sens de îa flexion, etc. Il manque, au contraire, au-dessous des membranes muqueuses, sous la peau du crâne, du nez, du menton , aux paupières, au pénis, dans le parenchyme des viscères , etc. Ce tissu sécrète , par voie d'exhalation, Ir graisse , matière fluide dans le corps vivant, mais qui , à sa sortie . se coagule , est inodore, jaune ^ d'une saveur douce , fade, et moins pe- sante que l'eau. Long- temps elle fut regardée comme un principe immédiat; mais M. Chevreul a fait voir qu'elle est composée de deux matériaux organiques distincts : la stéa- rine^ qui , fusible à 5o degrés environ, est une masse solide , incolore , insipide , ])resque inodore , soluble dans l'alcool ; et Vélaïne qui , fluide encore à zéro, est jaunâtre, plus lé- , gère que l'eau, et soluble aussi dans l'alcool. MM. Bérard \ et de Saussure ont trouvé la graisse des animaux une combi- naison , en proportions diflerentes , de carbone , d'hydro- gène et d'oxygène ; mais on n'a pas déterminé la composition delagraisse humaine. Peut-être, du reste, la graisse varié-t- elle de nature dans les diverses parties du corps : cela est certain au moins pour sa couleur et sa consistance. Elle n'existe que là où est le tissu adipeux , par conséquent man- * que en certaines parties, abonde en d'autres, et est dans chacune en des quantités diverses. Certains animaux en of- irent des accumulations en quelques lieux du corps, comme au dos chez les chameaux, à la queue dans les moutons de JHavbavie. Cela se voiî. même eu certaines races d'hommes; SÉCRl^.TION DE LA GRAISSK. 477 les femmes de la tribu des Bosjesmaiis, par exemple , oflrent une saillie graisseuse des fesses remarquable. Jadis on avait admis l'exislence de glandes graisseuses : mais c'est une hypothèse aussi peu admissible que celle de Riégel , qui veut que la graisse qui entoure les reins soit formée dans les capsules surrénales , et excrétée de là par des conduits particuliers. Nous en dirons autant de celle (VEv. Home, qui place l'origine de la graisse dans l'intestin, la sup- posant un produit de la digestion , comnie le chyle, et la faisant absorber dans le gros intestin. Les usages de la graisse sont locaux et généraux. Les pre- miers sont mécaniques , et relatifs à l'intégrité physique des parties. Ainsi elle modère la pression à la plante des pieds dans la station , aux fesses dans Tattitude assise ; elle «ert de point d'appui à la peau dans l'exercice du tact ; elle remplit les vides des parties , conjointement avec le tissu cellulaire : il est probable tju'elle sert à conserver notre température, car elle est un mauvais conducteur du calorique, et il est d'observation qu'elle forme une couche plus épaisse sous les téguments des animaux qui habitent les pays froids. On a dit que sa transsudation allait profondément assouplir les fibres , et extérieurement huiler la peau : mais cela est aussi hypothétique que cette autre idée de Fourcroj , qui veut que , par elle , le sang soit dépouillé d'un excès d'hydrogène, et que la matière nutritive soit rendue plus azotée. Quant aux usages généraux de la graisse , comme humeur récrémen- titielle, elle doit concourir à l'entretien du corps, et, plus quVucune autre, elle peut être considérée comme une pro- vision mise en réserve par la nature, pour subvenir à la nutrition. C'est ce que font présumer, d'un côté, la facilité avec laquelle la graisse se dissipe à la moindre abstinence; et, d'autre part, le phénomène des animaux dormeurs, qui , chargés de graisse lorsqu'ils s'endorment, sont devenus très maigres lorsqu'ils se réveillent. C'est l'absorption interne qui la reprend dans les lieux où elle est sécrétée ; mais , à la diiTérence des exhalations précédentes , la graisse s'accumule toujours en certaine quan- tité dans les parties où elle est exhalée : sans cela, elle ne 478 FONCTION DES SECRETIONS, pourrait pas remplir les services mécaniques auxquels elle est destinée. Avec sa sagesse accoutumée , la nature n'a placé dans le corps humain de tissu adipeux que là où la graisse était utile , et au contraire ce tissu manque aux parties où elle aurait été nuisible. Il est impossible d'évaluer sa quantité totale : on dit que chez un homme adulte et d^embonpoint ordinaire, elle forme la vingtième partie du poids du corps. Il faut d'autant plus considérer cette évaluation comme une simple approximation , que peu d'exhalation offre plus de variétés d'individu à individu , et se montre plus mobile dans un même homme. On a des exemples d'obésité et de maigreur extrêmes. Souvent on maigrit vite , et on engraisse de même. Les circonstances qui amènent généralement l'em- bonpoint sont , le repos des organes musculaires , nerveux et génitaux, joint à une nourriture succulente : on sait que nous engraissons les animaux domestiques destinés à nos tables , en les condamnant au repos , et enMes privant de toutes sensations; c'est pour cela que nous leur crevons les yeux : on sait aussi que la castration active l'exhalation de la graisse; l'âge mur a le même effet. Il faut joindre à cela une disposition particulière du tissu adipeux. § V. Exhalation de la Moelle. Dans la cavité médullaire des os longs, dans les spongio- sités des os courts , et dans les porosités de la substance compacte de tout os quelconque, il est exhalé une humeur huileuse analogue à la graisse dont nous venons de traiter, et qui est appelée moelle. L'organe qui la sécrète est appelé tissu médullaire ou adipeux des os; plusieurs anatomistes le rapportent au tissu adipeux qui nous occupait tout à l'heure. Dans les cavités des os longs, ce tissu s'offre sous l'apparence d'un membrane fort sensible , qui tapisse le canal intérieur de l'os, et qui envoie en dehors des prolon- gements dans la substance compacte, et en dedans d'autres prolongements qui forment des cloisons intérieures , dans lesquelles se trouvent les vésicules delà moelle. Cette mem- brane , dite médullaire , est formée principalement par des sécRÉTIOTX DE LA MOELLE. 4;g Vaisseaux sanguins ramifiés dans un tissu cellulaire très fin , et qu'on peut injecter. On peut aussi y poursuivre des nerfs. C'est dans ses cloisons intérieures que sont des vésicules tout- à-fait semblables à celles du tissu adipeux, ayant le même volume, et paraissant suspendues aussi comme des grains aux vaisseaux sanguins. Ce sont elles qui contiennent la moelle, et elles ne communiquent pas non plus entre elles. Dans la substance spongieuse des os, la membrane n'est pas aussi distincte, et on ne voit que les vésicules, qui se mon- trent aussi dans les porosités de la substance compacte. Ce tissu médullaire exhale un suc, appelé moelle dans le canal médullaire des os longs , suc médullaire dans la sub- stance spongieuse , et suc huileux dans la substance com- pacte. Ce suc a beaucoup de ressemblance physiquement et chimiquement avec la gi'aisse; il est seulement plus fluide, plus coloré , plus jaune. Les usages de ce suc sont peu connus. On a dit qu'il ren- dait les 05 plus flexibles et moins cassants; mais les os des enfants, qui sont dépourvus de moelle, sont bien moins fra- giles que ceux des vieillards, dans lesquels la moelle abonde. Haller a pensé qu'il servait à la reproduction des os, et notamment à la formation du cal; mais une fracture se guérit d'autant plus promptement qu'on est plus jeune, et il y a dans le premier âge bien moins de moelle que dans les âges suivants. Nous avons réfuté l'idée de sa transsu- dation à travers les extrémités articulaires des os, pour aller former la synovie. Pour prouver son influence sur la nutrition et la conservation des os, on a argué des expé- riences de Troja , qui consistaient à détruire avec un fer rouge la membrane médullaire, et à voir par suite l'os se nécroser. Mais la membrane médullaire , ne sert pas seulement à l'os , comme organe producteur de la moelle , elle est le périoste interne de cet organe; d'elle proviennent beaucoup de vaisseaux qui pénètrent sa substance; et on conçoit dès lors que sa destruction doit entraîner celle de l'os, indépendamment du service de la moelle. Ce suc n'a peut-être pas d'autre office local que de remplir le vide des os. Du moins, que penser de cette idée, que la moelle est le 48o FONCTION DES SÉCRÉTIOSS. réservoir du calorique latent de l'électricité ? Quant à ses usages généraux^ ils seraient ceux de la graisse. Peut-on la considérer de même comme une provision mise en réserve pour la nutrition ? Offre- t-elle dans sa quantité les mêmes variations que la graisse ? et ces variations surviennent-elles coïncidemment , dans les mêmes circonstances, et par les mêmes causes? La rnoelle n'est-elle que la graisse, avec la modification qu'a commandée sa situation dans l'intérieur des os ? c'est ce qui est probable, mais ce qui n'est pas dé- montré. Sa quantité totale est impossible à évaluer. § YI. Exhalations des Mucus colorants de la peau^ et d'autres surfaces. Dans la partie dé la peau qu'on appelle corps muqueux , et qui est intermédiaire au derme, qui est plus profondément situé , et à l'épiderme , qui est tout-à-fait extérieur, il est exhalé un mucus, un pigmentum, auquel est due la couleur particulière de la peau. Cette matière colorante existe dans les liommes de toutes les races , excepté les albinos ; mais c'est surtout dans les nègres qu'il est possible de la voir. Littre fit macérer de la peau de nègre , dans la vue de gon- fler le corps muqueux , de séparer l'épiderme du derme , et de pouvoir obtenir la matière colorante isolée; mais il ne put réussir. Quelquefois cependant, en agissant ainsi sur la peau du scrotum, on parvient à séparer des portions assez étendues de corps muqueux coloré. Si on prolonge la macé- ration , le corps muqueux se résout en une mucosité, teint l'eau, et laisse déposer au fond du vase une poudre brune impalpable. Cette expérience met hors de doute l'existence de cette matière colorante, qui paraît consister en globules colorés disséminés dans le corps muqueux. On sait qu'elle n'est pas la même dans les diverses races d'iiommes. Le corps muqueux où elle siège est d'autant plus épais, que cette matière est d'une couleur plus foncée; à ce titre, ii ne l'est nulle part plus que chez le nègre, et son épaisseur va en diminuant successivement jusque chez le blanc. C'eût par exhalation que cette matière est produite, et par résorption qu'elle est renouvelée. D'un côlé, on ne SÉCRÉTION DES MUCUS COLORAINTS. 48 i peut croire la couleur de la peau l'effet physique de la lu- mière^ amenant quelques combinaisons avec le liquide plas- tique , le tissu cellulaire à demi organisé, qui constitue le corps muqueux : c'est une action organique qui la produit. Cette couleur, en effet, se montre dépendante du degré de développement de la peau, des variations des âges, et de l'état de santé et de maladie. Tjc nègre, par exemple, naît presque aussi blanc que l'Européen; ce n'est que graduelle- ment qu'il devient noir; il ne Test parfaitement que dans l'âge adulte ; dans sa vieillesse , sa peau perd un peu du beau noir de jais qu'elle avait dans le bel âge de sa vie, et se nuance de jaune. Toutes les régions de sa peau, en outre, n'ont pas le même degré de noirceur; les parties génitales, le pénis , le scrotum, les auréoles des seins, les lèvres de la vulve , sont les parties les plus noires; viennent ensuite les fesses; puis, les paupières, la face, l'abdomen, le thorax, les membres ; la paume des mains et la plante des pieds , sont toujours les parties les moins noires. Enfin, la couleur de la peau du nègre change visiblement par lelat de ma- ladie. Celle-ci peut même ne porler que sur la sécrétion qui nous occupe; si celte sécrétion n'a pas lieu , la peau est sans couleur, ce qui constitue les albinos dans l'espèce noire, et la leucozoonie dans l'espèce blanche; on a vu des blancs devenir noirs; cela est arrivé à des femmes, pendant leur grossesse ; on a vu de même des nègres se tacheter de diverses couleurs , être ce qu'on appelle nègres-pies. Si nous citons spécialement le nègre , c'est que chez lui les phénomènes sont plus sensibles; mais ce que nous disons de lui est vrai aussi des autres races d^hommes. D'un autre côté , c'est bien l'absorption interne qui reprend cette matière colorante; Tinfluence des maladies sur la couleur de la peau en esf^la preuve : Beddoes et Fourcroj ont expérimenté que la peau d'un nègre, qui était devenue blanche par suite d'une im- mersion dans une eau imprégnée de vapeur de chlore, a re- pris en peu de jours sa couleur noire. On peut d'ailleurs ici invoquer l'analogie des animaux, chez lesquels les couleurs de leurs enveloppes sont souvent variées dans les diverses parties de leur corps , et changent eu outre dans leurs divers Tome 111. 3r 48 î FONCTION Di:S SÉCRÉTIONS, îi^es , selon les saisons , ete. Nous faisons exhaler, avec pres- que tons les ]ilivsioloa:îsles , la matière eoloranle de la'peau par les vaisseanx dn eorps nmqneux du derme : M. Gautier veul qn'el'e soil fournie par les bulbes des poils : il fait re- marquer que. en etlet. eelte substanee eoloranle est en raison inverse dans les ebeveux et dans la peau : que le nègre , ebez lequel elle abonde , a les cheveux courts: que la femme , qui a £»-énéralemeiU la ebeveUire plus belle que riiomme, a la peau j^îus blanelie : il .\ri;uë surtout d'expériences dans les- (Tuelles, avant applique des vesieatoires à des nègres, il a vu direcLenK^nt la matière eoloranle sourdre des bulbes pi- leux , et venir se déposer à la surface du corps niuqueux. Bliinicfihach avait dit depuis long-temps que cette matière colorante était foriiu^e principalement de carbone , et les observations ebimiques de Dav) l'ont récemment démontré. Ou ne peut en évaluer la quanti le. Quel est l'usage de ce ]ugmenlum de la peau ': Sans aucun doute il a quelques rapports avec la chaleur solaii'e; car on voit que généralement, c'est dans les régions équatoriales et tropicales que sa couleur est plus foncée. E%'. Home a fait quelqnes expériences qui seuibleraient prouver qu'il sert à défendre la peau contre l'etVet rubétiaut des rayoïis du so- leil : il dirij^ea comparativement, sur son bras nu et sur celui d'un uèï;re . les ravons du soleil : et tandis qu'il ressentit de la douleur, et qne sur sa peau il se forma des phlyclènes,, le nèi^re n'éprouva ancuu de ses etfets : répétant l'expérience, en avant soin de couvrir sou bi-as d'un drap noir, il ne reçut aucunes atteintes , tandis quelles lurent les mêmes en se couvrant d'un drap blanc. A l'histoire du pigmentum de la peau . nous rattachons celle de l'enduit noirâtre de la choroïde et des mucus colorés des faces antérieure et postérieure de l'iris et des procès ci- liaires. Nous les avons mentionnés eu faisant la descriptiou anatomique de l'oeil. Ils sont aussi le produit d'une exhala- tion , et ont sans aucun doute des usages physiques relatifs à la vision , comme d'absorber les rayons obliques. Cepen- dant Ei^. Home croit qu'ils servent, comme à la peau, à prévenir l'ellet vesicant des rayons solaires, laisant remar- s/remière catégorie, nous rapporterons l'exhalation de l'humeur de Ootuni dans l'oreiMe interne, et celle des trois humeurs de I'omI , humeur aqueuse, cristallin etc<.)rps vitré. Nous ne ferons que les nommer, ayant dit aux arti- cles de l'oreille et de l'o^i! tout ce que Fon sait de leurs Ufiages, de leur quantité , df; leur nature chimique, ele. A la seconde, nous rattacherons les cxhalatious d'une sorte de lymy^he alhumineuse , ou rongea tre, ou blanchâtre, qui se font dans l'intérieur des ganglions lymphatiques, et dans les organes particuliers, appelés par M. 6'^.«a.5.sier ganglions glandiformes , et par liéclard ganglions sanguins ; sa- voir : le thymus, la thyroïde, les cajisules surrénales et la rate. Mais, comme il n'est pas rigoureusement prouvé que les sues qu'on trouve dans les aréoles du parenchyme de ces organes soient plutôt le produit d'une exhalation de ces organes que celui d'une élaboration du fluide circulant qui les traverse, nous renvoyons à ce que nous avons dit ou devons dire ailleurs des usages de ces organes. JMusieurs physiologistes ont prétendu que la surface in- teinedes vaisseaux, artériels, veineux et lymphatiques, per- spirait une humeur destinée à la lubréfier et à la déferrïr*; du contact du fluide qui y circule. Mais, d'abord , à sîip- poser que cela fût, cette humeur ne serait pas, à propre- ment parier, récrémentitielle, car ce ne, serait pas une ac- tion d'absorption qui la repor'ejait dans le sang : ensuite, on peut douter de la réalité de cette sécrétion, car lorsque '^1. 484 rONCTlOlN^ DES SÉCRÉTIONS. Ton interrompt la circulation dans ces vaisseaux , on les voit s'obi itérer. ARTICLE 11. Des Sécrétions excrémentitielles. On appelle ainsi les sécrétions dont les produits sont rejetés hors de Féconornie, et fondent pour l'homme une excrétion par laquelle s'accomplit sa décomposition. Ces sécrétions ont tour-â- tour pour agents des organes exhalants , des follicules et des glandes. Leurs produits sont toujours versés sur les surfaces externes du corps, ou du moins dans des lieux qui communiquent librement au dehors par quelques ouver- tures naturelles. Souvent, cependant, ces produits sont dé- posés d'abord dans des réservoirs où ils s'accumulent jus- qu'à un certain point , et d'où ils sont ensuite excrétés d'in- tervalles en intervalles. Alors, on peut , dans l'histoire de la sécrétion, séparer nettement la sécrétion proprement dite , et l'excrétion , celle-ci consistant souvent en un mé- canisme assez compliqué. Nous les partagerons en deux or- dres : lo celles qui , bien qu'excrémentitielles, ont été ce- pendant édifiées pour des usages autres que ceux de la dépu- ration du sang et la décomposition du corps; et l'on verra que celles-là sont fort nombreuses , et remplissent chacune des usages fort divers; 20 celles, au contraire , qui n'ont pas d'autres offices que d'être dépuratives et décomposantes , coïojne la sécrétion urinaire , par exemple. Ordre I^'". — Sécrétions qui ne sont déconiposaîites qu'ac- cessoirement . Ces sécrétions sont en fort grand nombre dans l'écono- mie de l'homme , et ont chacune leurs utilités particulières; les unes remplissent un office de lubréfaction ; les autres servent la digestion, la génération, l'entretien de la tempé- rature du corps. SÉCRI^^TION DE l'hUMEUI^ SEBACEE. 485 § 1er. Sécrétion de V Humeur sébacëG . Dans le tissu de la peau existent des follicules sécrétant une 11 unieur grasse, qui, versée à la surface de cette mem- brane , en entretient le liant, la souplesse, et la défend de l'impression des corps liquides. Nous en avons parlé à l'article de la peau. Ces follicules sont ronds, graniformes, ont la. forme d'une petite ampoule , et le volume d'un grain de millet. Ils abondent surtout là où il y a des poils , où la peau fait des plis et est exposée à plus de frottements. L'hu- meur qu'ils sécrètent est une huile douce et muqueuse, qui se répand sur l'épiderme et les poils , en entretient la sou- plesse, le poli, les défend de l'humidité, en facilite les glis- sements. Elle est sensible aux sens du tact j de l'odorat et de la vue même; car elle graisse le linge, et s'incorpore les divers corpuscules qui nagent dans l'atmosphère. Elle varie dans les diverses parties de la peau : par exemple , elle est plus fluide à la face et aux ailes du nez, plus épaisse et plus colorée aux aines et surtout aux aiselles , huileuse à la peau du crâne , douce et butyreuse à l'auréole du mamelon du sein, séreuse derrière les oreilles, savonneuse et odorante aux parties génitales, etc. Elle est évidemment distincte ; dans le conduit auditif externe, où elle forme ce qu'on ap- pelle le cérumen; aux paupières, où elle forme la chassie ou V humeur de Meibomius ; à la caroncule lacrymale et à la base du gland. Elle varie aussi de nature, de quantité, selon les cli- mats, l'embonpoint, les âges, les tempéraments , les races d'hommes, etc. Elle n'est pas la même, par exemple, dans les hommes roux et dans les hommes blonds, dans les blancs et dans les nègres, etc. Chacun a, à cet égard, sa peau spéciale; et sur son état doivent être basées les règles de cosmétique à suivre , la peau étant tour-à-tour ou trop humide, ou trop sèche , et réclamant dès lors des absorbants ou des substances huileuses. La source de cette humeur sébacée a long-temps été un objet de débals. Les uns l'ont attribuée à une transsudation 486 FONCTION DES SÉCIU^TIOKS. de la graisse au travers de la peau. Bichat admettait dans la peau un ordre d'exhalants destinés à la perspirer. Aujour- d'hui, on la dérive des cryptes ou follicules de la peau. Ses usages sont évidemment de lubréfier cette grande mem- brane; mais comme en même temps elle est rejetée au de- hors, l'air la dissolvant ^ ou les vêtements s'en imprégnant, elle fonde pour l'homme une perte. On voit bien cependant que ce n'est que consécutivement qu'elle concourt à la dé- composition , et que la nature l'a primitivement faite pour l'utilité locale de la peau. Néanmoins, par cela seul qu'elle est excrémentitielle, elle entre en solidarité avec les autres humeurs de cette classe, et demande à être respectée : il y a du danger à la supprimer inconsidérément; ou a vu des mi- graines , des maux d'yeux succédera des lotions d'eau froide à la tête , partie où cette sécrétion est plus abondante et plus grasse; des maladies du poumon ont succédé également à des efforts imprudents faits pour la supprimer aux pieds. En- fin, souvent elle est la voie par laquelle se jugent des ma- ladies humorales : que de fois des éruptions de dartres, d'exanthèmes, ont consolidé une santé chancelante , et ont mis fin à des douleurs anciennes ! Son excrétion est une suite forcée de sa sécrétion, et sa quantité ne peut être ap- préciée. § II. Sécrétion folliculaire muqueuse. Les deux grandes membranes muqueuses , gastro-pulmo- naire et génito-urinaire , sont garnies, comme la peau , de follicules , qui sécrètent à leur surface des sucs qui les lu- bréfient ,et qui sont connus sous le nom générique de mucus. Ces follicules , non-seulement sont plus ou moins nombreux en chaque membrane muqueuse, mais ils y diffèrent même de vitalité, et par conséquent y engendrent des mucus différents, et auxquels on adonné dns noms divers : ainsi l'on distingue le mucus nasal, le buccal, le tonsillaire , V œsophagien , le gastrique , V intestinal , etc. Mais au fond, l'organe , son action et son produit sont tous d'un même genre. Nous avons peu de détails à donner, la plupart de ces sucs ayant St;CUÉTION DES SUCS MUQUEUX. 4B7 été étudiés à l'arlicle des fonctions aux({uelles servent les organes auxquels appartiennent les membranes muqueuses. Les follicules de la membrane muqueuse nasale sécrètent le mucus appelé nasal , qui est utile à l'olfaction , en main- tenant humide la memb]*aue olfactive , et en lui appliquant la molécule odorante. Leur action est plus ou moins grande, selon la qualité plus ou nioins' irritante de l'air qui est re- spiré. Le mucus, qui en est le produit, est composé selon Foucroj ,WM.. J^auqaeliii el Berzélius , sur mille parties: d'eau, 933,9; de matière muqueuse, 53,3; de muriate de potasse et de soude, 5.6; de lactate de soude uni à une matière animale, 3; de soude, 0,9; de phosphate de soude, albumine , matière animale insoluble dans l'alcool ,mais so- luble dansl'eau , 3,5. Les follicules de ia membrane muqueuse digeslive sé- crètent de même un mucus, qui varie un peu à la bouche, au gosier , à l'œsophage , à l'estomac , à l'intestin , el qui fa- vorise les diverses mutations que l'aliment doit éprouver dans toutes ces parties, ainsi c^\xe sa progression des unes aux autres. L'humeur des tonsilles doit y être rapportée, car ces tonsilles ne sont que des follicules composés, dont le produit est destiné à invisquerle bol alimentaire et à fa- voriser sa déglutition. 11 en est de môme, et à la muqueuse respiratoire, qui , sans ce mucus , serait promptcmeut desséchée par la pré- sence continuelle de l'air , et à la muqueuse génito-urinaire. A cette dernière seraltaclient les hiimeursde lapi^ostate et des. glandes de Copwer, qui ne sont que des follicules composés. On conçoit qu'il est impossible de spécifier la quantité respective de ces divers mucus, el par conséquent leur quantité totale. Leurs usages primitifs sont évidemment de lubréfîer ces diverses surfaces, qui sont toujours en contact avec des corps étrangers; ce n'est encore que secondaire^ ment qu^ils sont décomposants. Cependant ils le sont, puis- qu'ils sont excrémentitiels , el par conséquent ils entrent aussi en solidarité avec les autres excrétions, et ne pour- raient pas impunément être supprimés. Il y a ici quelque chose de plus qu'à la sécrétion sébacée 483 FONCTION DES SÉCRJÊïlOKS. de ]a peau. Le produit de celle-ci était de suite jeté hors du corps, et l'excrétion succédait irrésistiblement à la sécré- tion parle fait seul de la disposition des parties. Il n'en est pas de même de la sécrétion folliculaire muqueuse : sans doute l'excrétion en elle suit aussi immédiatement la sécré- tion; sans doute les mucus sont en partie dissipés par l'air, ou enlevés avec les matières ingérées ou excrétées , qui sont en contact avec les membranes muqueuses; mais en partie aussi ils se rassemblent en ces membranes , qui sont pour eux des réservoirs, et d'où ils ne sont plus rejetés que d'in- tervalles en intervalles. On peut dès lors séparer pour eux Ja sécrétion et l'excrétion ; et de là plusieurs excrétions , aussi distinctes que celles de l'urine et des matières fécales, et dont nous devons traiter, savoir, le moucher el le cracher. i<^ Excrétion du moucher. La matière de cette excrétion se compose du mucus nasal, des larmes conduites dans le nez par les voies Lacrymales , et des différents atomes que l'air de la respiration peut, en passant, déposer sur la mem- brane muqueuse nasale. Le plus souvent cette matière n'existe que dans la quantité nécessaire pour tenir la mem- brane olfactive humide ; le superflu en est dissipé par l'action dissolvante de l'air. Mais souvent aussi cette ma- tière est trop abondante , et alors elle coule par le fait seul de -son poids, soit par l'ouverture postérieure des fosses nasales dans le pharynx, d'où elle est excrétée par le cra- chement ou la déglutition, soit par l'ouverture antérieure des narines. C'est pour remédier à ce qu'a d'incommode et de dégoûtant ce dernier écoulement , qu'on recourt à l'acte du moucher, dont voici les particularités. Une sensation tactile, développée dans la muqueuse nasale, avertit d'abord que cette membrane est couverte de mucus , et a besoin d'en être débarrassée. Pour en opérer alors l'excrétion , après une inspiration on fait une forte et brusque expiration, en ayant soin de fermer la bouche ; ainsi, l'air expiré sort par les fosses nasales et les balaie; en même temps enfin, on comprime extérieurement le nez pour exprimer tout le liquide qui peut y èlre accumulé. Ce moucher est donc un analogue des actions d'excrétion des fèces, ou de l'urine, par exemple : les SÉCRÉTION DES SUCS MU QUEUX. /i^(j seules difrérences sont , que la sensation qui la précède est tactile et non interne , et que ia cavité qui se vide n'est pas contractile, et n'influe pas par elle-même sur l'excrétion. Il est aussi , à la rigueur , volontaire, tandis que les excré- tions que nous venons de citer ne le sont que jusqu'à un certain point. Quelquefois cependant ce moucher est comme convulsif , et par conséquent involontaire; c'est ce qui est par exemple, dans Véternument , qui n'est qu'une expiration convul- sive; la muqueuse nasale irritée par le contact d'un corps étranger excite le jeu convulsif de toutes les puissances respira triées. D'abord une grande inspiration, rassemble beaucoup d'air dans le poumon; ensuite à cette inspira- tion succède une expiration forte et convulsive, qui , pro- jetant beaucoup d^air à travers les fosses nasales , en fait jaillir avec bruit le liquide ou le corps étranger qui irrite la membrane. 2 0 Excrétion du cracher. La matière du cracher consiste , tantôt exclusivement dans les sucs de la bouche, mucus buccal et salive , tantôt dans les sucs du nez , du pharynx et du larynx. Dans ces divers cas , le mécanisme du cracher difîère un peu. Quand la sputation n'a à excréter qu'un superflu du mucus buccal et de la salive, sucs qui le plus souvent sont avalés et suivent le sort des aliments, une sensation accuse la présence de trop d'humidité dans la bouche ; et alors les parois musculeuses de cette cavité, ainsi que la langue qui est dans son intérieur , se contractent de manière à rejeter ce superflu à travers l'ouverture béante des lèvres. Quelquefois celle-ci se rétrécit, pour imprimer au liquide une plus grande impulsion. L'air de l'expira- tion , dirigé alors par la bouche et non par le nez , peut con- courir aussi à imprimer au liquide le mouvement qui l'en- traîne. Si c'est la salive qui est rejeîée, quelquefois il y a de plus une contraction des conduits excréteurs des glandes salivaires, telle que ce fluide jaillit au loin. Mais si l'objet du cracher est d'évacuer des sucs qui viennent du nez^ du pharynx ou du larynx , il faut d'abord que ces sucs soient amenés dans la bouche, et voici par quel 4 90 ^ FONCTION DES SÉCRÉTIONS, mécanisme. Eu premier lieu , la matière du moucher peut tomber d'elle-même par l'ouverture postérieure des fosses nasales dans [e pliarynx. En second lieu, nous pouvons à vo- joncé lui faire suivre cette voie, en faisant une forte in- spiration, la boucLe étant close, et le j3liarynx étant contracté de manière à empêcher toute entrée dans l'œsophage. Enfin, parvenue ainsi dans le pharynx, cette matière et les sucs du pharynx lui-même sont ramenés aisément dans la bou- che par une contraction de ce pharynx , inverse de celle qu'il exécute dans l'acte de la déglutition , et par l'in- fluence d'une inspiration. Quelquefois, le mouvement qui entraîne ces sucs du pharynx dans la bouche suffit pour les chasser au dehors; mais si cela n'est pas, le mouvement du cracher, tel que nous l'avons décrit d'abord, lui suc- cède et les excrète tout-à-fait. Quant au mucus trachéal , lé plus souvent l'air de l'expiration le dissout et Tenlraîbe avec lui; mais s'il est trop abondant pour cela, il est ra^ mené dans la bouche aussi, et excrété par un mécanisme qui est susceptible de deux modes : tantôt il suffit d'une ex- piration assez forte pour que l'air rejeté entraîne avec lui tout ce qui est à la surface de la membrane bronchique; tantôt cette expiration a un caractère particulier, et fonde ce qu'on appelle la toux. Dans la toux, la membrane mu- queuse des bronches, irritée })arla présence du mucus, dé- termine le jeu convulsif des puissances de l'expiration; l'air est aussi chassé avec rapidité , et balaie tout ce qui est à là surface de la membrane; l'étroitesse de la glotte ne fait qu'ajouter à la rapidité avec laquelle il est projeté, ainsi que ce qu'il entraîne avec lui. Quelquefois cette tcux est lout-à-fait involontaire: d'autres fois, la volonté la met en jeu pour en obtenir le même résultai. Cette excrétion du mucus trachéal, quel que soit le mode selon lequel elle se iait , constitue ce qu'on appelle V expectoration. Ces différents sucs muqueux peuvent aussi être avalés, et alors ils sont de là , ou rejetés par le vomissement , ou excrétés avec les matières alvines. Nous n'avons pas besoin de nous arrêter à ces deux excrétions qui nous ont occupés dans le temps. Nous feroiis remarquer seulement celte pré- SÉGRÉTIOJN DE LA SALIVE, etc. 49» caulion qu'a prise la nature, de placer successivement les uns au-dessus des autres les divers réservoirs ou se rassem- blent les mucus; le nez reçoit les sucsdeTceil, la bouche ceux du nez, et l'estomac ceux de tous les réservoirs su- périeurs : il en résulte que si l'excrétion de ces mucus ne se fait pas par les ouvertures supérieures, elle se fail parles subséquentes. Remarquons aussi que ces sucs suivent peut- être, en partie au moins, le sort des matières étrangères qui travei'sent les membranes muqueuses , et , par exemple, sont dans l'estomac digérés avec les aliments. Aussi comp- tent-ils parmi ceux que l'ancienne école appelait Jluicles récrémeiit-excrcmeniitielles , c'est-à-dire , qui sont en partie repris par l'absorption interne, et en partie excrétés, § HT. Sécrétion des Larmes. Quoique celle-ci reconnaisse pour agent un appareil glan- dulaire, l'humeur qui en est le produit remplit aussi un office de lubréfaction. Les larmes^ en effet , servent à abster- ger l'œil , à l'entretenir humide et transparent. Nous ne fe- rons que mentionner ici cette sécrétion , son histoire ayant été exposée avec détails à l'article de la vision. Nous ne si- gnalerons qu'un seul trait, c'est qu'elle est , plus facilement que toute autre sécrétion, influencée par les affections de l'ame , et fonde un des phénomènes d'expression les plus fréquents , le plew^er. Il est évidemment impossible d'éva- luer la quantité des larmes, d'autant plus que beaucoupde circonstances éventuelles dans la vie peuvent en augmenter la sécrétion. § IV. Sécrétions de la Salii^e et du suc Pancréatique. Nous serons courts aussi relativement à ces deux sécré-? tions; nous en avons traité à l'article de la fonction de la digestion, dont elles font partie en quelque sorte. Nous avons dit que de chaque côlé de la bouche existent trois glandes dites salivaires, dont les conduits excréteurs sont ouverts dans cette cavité, et y versent le suc albumineux 49 î FONCTION DES SÉCRÉTIONS. appelé salwe, si évidemment destiné à servii' la gustation, la mastication, la déglutition des aliments et leur. diges- tion générale. On conçoit qu'il est encore impossible d'indi- quer la quantité dans laquelle est sécrétée la salive. Nous en dirons autant à l'égard du suc pancréatique, dont l'organe sécréteur est le pancréas, et qui , versé dans l'intestin duo- dénum, concourt, sans qu'on sache comment^ à la chylifi- calion des aliments. § V. De la Sécrétion de la Bile. Nous allons , au contraire , faire ici avec détails l'histoire de la sécrétion de la bile , bien que son produit ait certai- nement le même office spécial que le suc pancréatique , savoir la chylification des aliments : mais nous n'avions fait que mentionner cette sécrétion à l'article de la digestion, parce que son histoire assez compliquée nous eût alors trop dé- tourné de notre objet. Exposons successivement la disposition anatomique de l'appareil de la sécrétion biliaire, et ce que l'on sait du mécanisme de cette sécrétion. lo Jppareil de la sécrétion biliaire. Il se compose àufoie, glande qui effectue la sécrétion; du canal hépatique^ qui est le conduit excréteur par lequel la bile en coule; de la Q)ésicule biliaire^ qui est un réservoir dans lequel une cer- taine quantité de la bile se met en dépôt ; du canal cystique, qui est le conduit excréteur de cette vésicule; et enfin du canal cholédoque , canal qui est formé par la réunion des canaux hépatique et cystique, et qui conduit la bile immé- diatement dans l'intestin duodénum. Le foie existe en presque tous les animaux ; d'abord dans tous les animaux vertébrés ; ensuite , dans les mollusques , les insectes et les animaux radiaires eux-mêmes : seulement, dans ces derniers , les grains glanduleux qui le composent , au lieu d'être agglomérés en une seule masse, sont disposés en grappes ou en rameaux. Chez l'homme, c'est un organe très volumineux ; situé dans l'abdomen , au-dessous du dia- phragme, au-dessus de l'estomac, de Tare du colon, du duodénum , et derrière le rebord cartilagineux qui termine ségrt';tion de la cile. 49l> le thorax; remplissant dans cette cavité tout l'hypocliondre droit et plus ou moins de l'épigastre , et fixé dans cette ré- gion par quatre replis du péritoine qui l'attachent au dia- phragme, et qui sont appelés le ligament siispenseuVy les li- gaments triangaiaires et le ligament coronaire du foie. Sa figure est difficile à caractériser ; sa couleur d'un rouge ob- scur mêlé de jaune. 11 est partagé en trois lobes, le droite le gauche , et le lobule de Spiegel. Sa face supérieure con- vexe touche partout à la voûte du diaphragme. Sa face inférieure concave correspond à l'estomac, au colon, au rein droit ; c'est à cette face qu'adhère la vésicule biliaire, dont nous parlerons ci-après. On y observe deux scissures ; l'une j dirigée de devant en arrière dans toute l'étendue du foie, et appelée la scissure horizontale ; l'autre, dirigée au contraire en travers, de droite à gauche, coupant à angle droit la précédente, et par laquelle entrent et sortent les différents nerfs et vaisseaux qui forment le parenchyme du foie. Les éléments anatomiques de celui-ci sont : \<^ une ar- tère, dite hépatique y branche du tronc cœliaque ou opisto- gastrique , qui pénétrant dans le foie par la scissure trans- versale, se ramifie dans tous les points de sa substance. 2^ IjSl veine-porte , tronc commun de toutes les veines des organes digestifs et de la i-ate , qui, pénétrant par cette même scissure transvei-sale , se distribue aussi au tissu du foie , suivant dans ses divisions toutes celles de l'artère hé- patique. On verra que ces deux systèmes vasculaires san- guins qui se distribuent au foie, ont été tour-à-tour considérés comme apportant au foie les matériaux de la sécrétion. 3» J^e sjstème vasculaire sécréteur, qui, naissant de toutes les parties du foie par des extrémités capillaires, aboutit enfin à deux ou trois gros troncs qui sortent du foie par la scissure transversale , et au-delà se réunissent en un seul qu'on appelle le conduit hépatique : les divisions de ce système vasculaire sécréteur accompagnent aussi dans le pa- renchyme du foie toutes celles de l'artère hépatique et de la veine-porte. 4'* Des vaisseaux lymphatiques, qui sont en fort grand nombre, et qui affectent, ici comme ailleurs, deux plans, un superficiel et un profond. 5'^ Les nerfs, en assez 49^ ^o^^GïION des sécrétiojnS. petit nombre , eu égard au volume du foie, venant quel- ques-uns de la liuilième paire , la plupart du plexus so- laire, et suivant le trajet et les divisions de l'artère hépa- tique. 6^ Des "veines , dites sus-hépatiques , naissant dans le parenchyme du foie par des extrémités capillaires, com- muniquant avec les dernières ramifications de l'artère hépa- tique et de la veine-porte , reportant le superflu du sang qui a été distribué au foie par ces deux genres de vaisseaux, et se réduisant enfin à deux ou trois troncs et à six ou sept branches qui s'ouvrent dans la veine-cave inférieure. Ces veines généralement se dirigent en convergeant vers le bord postérieur du foie, et croisent à angle droit les divisions de la veine-porte. 70 Des débris de la veine ombilicale, qui dans le fœtus a pénétré par la scissure horizontale pour se ramifier dans le foie, maisqui, dans l'adulte, s'est oblitérée et changée en une substance ligamenteuse. Ces diverséléments s'associent dans le tissu du foie, pour former un parenchyme dontla texture intime est difficile à caractériser. A l'inspection, ce parenchyme se montre plus jaune intérieurement qu'ex- térieurement, et paraît poreux, granulé : nous n'en pou- vons rien assurer, sinon qu'il y a de faciles communications entre l'artère hépatique et les vaisseaux sécréteurs d^me part, et entre la veine-porte et ces mêmes vaisseaux sécré- teurs d'autre part. L'organe est en outre enveloppé de deux membranes ; une plus extérieure, qui n'est que le péritoine, qui s'est réfléchi des parties voisines pour entourer, mais non en entier, le foie; une autre, située plus profondément, qui est la membrane propre du foie, et qui, non- seulement en revêt toute la surface extérieure, mais qui encore à sa face concave forme des gaines à chacun des vaisseaux et des nerfs qui pénètrent l'organe et les suit dans toutes leurs ramifi- cations : une de ces gaines accompagne ainsi l'artère hépa- tique, la veine-porte, le système vasculaire sécréteur, et les nerfs dans toutes leurs divisions, et fonde ce qu'on ap- pelle ]ei capsule de Glisson. Le conduit hépatique est le tronc commun de tous les vaisseaux sécréteurs du foie ; il sort de cet organe, à sa face concave, par la scissure transversale. Situé entre les deux SÉClil^.TION DR LA I5ILE. 49''> feuillets de l'épiploon gaslro-liépalique, dans le tissu cellu- laire làcbe qui uuit tous les vaisseaux et vieiTs qui entrent ou sortent par cette scissure , il descend obliquement en de- dans ; et, après un pouce et demi de trajet, il se joint à angle aigu au canal de la Yesicuîe , au canal cystiqiie , pour former au-delà , par sa réunion avec lui , le canal dit cholédoque. Ijh vésicule biliaire est une petite poche membraneuse, pyriforme, située à la fàce inférieure et concave du foie à laquelle elle est fixée , au-dessus du colon et du duodénum , et dans laquelle se met en dépôt une certaine quantité de Lile. La partie la plus grosse, ou le fond, est tournée en avant;, et même , lorsque la vésicule est pleine , souvent dé- passe le bord antérieur du foie ; sa partie la plus étroite , ou le col , est tournée en arrière et se termine par le canal cys- lique. Extérieurement, elle est recouverte, en partie au moins, par le péritoine, qui l'attaclie au foie, auquel elle adhère en outre par du tissu cellulaire et des vaisseaux. En dedans, elle est très rugueuse , et offre des aréoles ou mailles séparées les unes des autres par des rides superficielles. Elle est formée par la superposition de trois membranes; une extérieure, séreuse, prolongement du péritoine, qui n'enve- loppe pas partout l'organe, et ne se trouve qu'à sa face in- férieure et à son fond; une moyenne, celluleuse; et une interne , muqueuse ; c'est à celle-ci qu'appartiennent les ru- gosités et les mailles dont nous avons parlé plus haut. Rien dans la texture de cette vésicule ne paraît être musculeux , et cependant M. Aniussatj a reconnu des fibres musculeuses , quand elle était dilatée par des calculs. On ne peut y décou- vrir les petites glandes auxquelles on avait voulu rapporter la production de la bile qu'elle contient. Le cojiduit cystique est un conduit du même genre que l'hépatique , naissant au col de la vésicule , garni en ce lieu de plusieurs valvules, et après un trajet d'un pouce et demi, venant se réunir, sous un angle très aigu,aucanalhépatique. Enfin, le canal cholédoque résulte de la réunion de ces deux conduits , hépatique et cystique; il paraît cependant être plutôt la continuation du premier. Situé dans l'épais- seur de l'épiploon gastro-hépatique, il va, après un trajet 496 FONCTION DES SFCRETIONS. de quatre pouces, s'ouvrir dans le duodénum, à l'union de la seconde courbure avec la Iroisième; il ne perce que gra- duellement les trois tuniques de cet intestin, rampant quelques temps entre la musculeuse et la muqueuse ;, avant de traverser cette dernière. La structure de ces canaux , hépatique , cystique et cho- lédoque , est la même : ils son* formés de deux membranes; une extérieure, épaisse , dense, forte , probablement de na- ture celluleuse ou albuginée ; el une intérieure, muqueuse, comme celle qui tapisse la vésicule. Beaucoup d'anatomistes rapportent encore à l'appareil biliaire, la rate, qu'ils disent destinée à préparer le sang qui fournit les matériaux de la sécrélion. Mais ayant décrit cet organe à Tariicle de la digestion , nous n'avons pas be- soin d'y revenir. 20 Mécanisme de la sécrétion biliaire. C'est certainement par le mécanisme commun à toutes les sécrétions, que le foie sécrète la bile. Mais, comme cet organe reçoit deux sys- tèmes vasculaires sanguins , deux espèces de sang , celui de l'artère hépatique et celui de la veine-porte, il se présente ici une première question , celle de savoir lequel de ces deux sangs fournit les nialériaux de la sécrétion , ou si tous les deux y concourent. Cette question, à laquelle on ne peut répondre par des faits directs, exige préalablement, pour être approfondie, la solu- tion de deux autres questions, savoir, l'indication des usages delà rate et celle des usages du système de la veine-porte. La rate, en effet , fournit une grande part du sang de la veine- porte, de ce sang duquel on peut à bon droit dériver la bile; et l'on conçoit que l'idée que Ton se fera de la fonction de la rate, et des usages du système de la veine-porte, devra influer sur la manière dont on résoudra le problème que nous cherchons. Commençons donc par ces deux objets. Et d'abord , pour ce qui est de la rate , que d'usages divers attribués à cet organe, et dont nous avons mentionné suc- cessivement les principaux ! leur nombre seul prouve qu'au- cun n'est démontré. Nous en passerons sous silence plusieurs, qui sont évidemment hypothétiques, comme d'être le siège SÉCRKTION Dr- LA BILE. 4f)7 de l'ame sensitive , celui du rêve^ de la mélancolie , du som- meil,, des appel ils vénériens; d'êlre un conlre-poids méca- nique du foie, etc. Nous nous r(\streindrons à trois conjec- tures plus raisonnables, dans lesquelles on fait de la raie un organe sécréteur, un ganglion, et un diverticulum du sang. Dèslong-tempsonaditquela rate était un organe sécréteur, se fondant sur le volume énorme de l'artère splénique. Tour- à-tour on lit sécréter à cet organe , ou l'atrabile, ou une hu- meur destinée à nourrir les nerfs, ou le suc gastrique, ou enfin un fluide propre à tempérer la nature alkaline du chyle ou de la bile. Ce dernier était transmis, dans le premier cas, ou à l'estomac, par les vaisseaux courts, ou au cœur, par les veines; et dans le deuxième cas , ou au foie par les lym- phatiques et les veines, ou au duodénum, par un canal par- ticulier. Mais dans cette première conjecture, tout porte le cachet de l'hypothèse. En premier lieu, si l'artère splénique est grosse , elle ne va pas à la rate seule ; avant de pénétrer ce viscère , elle fournit des rameaux au pancréas et à l'esto- mac , toute la gastro-épiploïque gauche, les fameux vais- seaux courts; et ce n'est qu'au-delà qu'il faut juger de son calibre relativement à la rate. Ce calibre, d'ailleurs, n'est qu*une présomption , et qui s'applique autant aux hypo- thèses qui font de la rate un ganglion ou un diverticulum qu'à celle qui en fait un organe sécréteur. Eu deuxième lieu, à quel genre d'organe sécréteur rapporter la rate ? ce ne peut être aux glandes , car elle n'a pas de canal sécréteur : ce serait donc aux follicules, mais elle n'en a pas la texture. Enfin , on devrait connaître au moins le fluide qui serait le produit de son travail sécrétoire; et il est évident que, parmi ceux qu'on a mentionnés, les uns, comme ratra.bile, l'humeur nutritive des nerfs , n'existent pas; et les autres /comme le suc gastrique , ont une autre origine. L'hypothèse qui fait de la rate un ganglion vasculaire, ou lymphatique, ou sanguin, est beaucoup plus raisonnable, et est professée par la plupart des physiologistes actuels. Ainsi ^ nous avons dit que Gmeli'n et Tiédemann considéraient cet organe comme un ganglion lymphatique,destinéà préparer un Tome TïI. 3 2 498 FONGTlDî^ DÈS SÉCRÉTIONS, fluide qui servait à animaliser le chyle. M. Chaussierla. meiiait dans la classe des organes qn il a^-pellait ganglions glandifor" mesj, et qu'il assimilait aux ganglions lymphatiques ; il disait qu'il était exhalé dans son intérieur un suc, ou séreux^ ou san- guin, qui; repris par l'absorption, allait concourir à la lym- phose. Enfin la plupart en font un ganglion sanguin, destiné à faire subir au sang de l'artère splénique une élaboration qui dispose ce sang à fournir à la sécrétion du suc gastrique ^ selon quelques-uns, et à celle de la bile, selon d^autres. Mais, si la rate est un ganglion, d'abord il n'est pas probable que ce soit un ganglion lymphatique; les vaisseaux de ce genre y sont en trop petit nombre, comparativement aux vaisseaux sanguins , et la rate n'est pas sur le trajet des vaisseaux lym- phatiques. En second lieu, si elle est un ganglion sanguin, ce ne peut être pour préparer le sang duquel dérive le suc gastrique; car celui-ci est versé à la surface interne de l^es- tomac, et les vaisseaux sanguins qui , provenant de l'artère splénique , arrivent à ce viscère, sont détachés de cette ar- tère avant qu'elle ait abordé la rate. Reste donc l'idée que la rate est un ganglion préparant le sang de la sécrétion bi- liaire : sans doute cette idée peut être fondée, mais on ne peut la démontrer, et par conséquent on ne peut l'admettre que comme conjecture. Est-il certain, en effet, que le sang de la veine splénique diffère de celui de toute autre veine? on le dit, depuis H aller , plus aqueux, plus albumineux, plus onctueux, plus noir que tout autre sang veineux, moins coagulable :, moins riche en fibrine , et ayant une fibrine moins animalisée : mais ces différences sont si peu positives, que beaucoup d'auteurs les nient. Généralement les phy- siologistes ont eu ici le tort de supposer deux fois ce qui était en question; pour justifier leur idée , que c'est du sang de la veine-porte que provient la bile, ils présentent la rate comme un ganglion qui a travaillé à l'élaboration de ce sang ; et pour appuyer leur idée que la rate est un ganglion , ils avancent que le sang qui vient d'elle alimente la sécré- tion biliaire. C'est supposer tour-à-tour résolues les ques- tions qui sont en litige. Enfin, à l'article de la circulation, nous avons parlé des SÉCRÉTION DE LA BILE. 499 idées de Lieutaud , Rush et M. Broussais , qui font de la rate un diverliculum du sang, soit pour Festomac seulement dans les intervalles des digestions, soit pour tout le système circulatoire , lors de quelques retards ou arrêts dans la cir- culation. Plusieurs considérations appuient, en elFet, cet usage assigné à la rate, surtout en ce qui concerne l'estomac. La rate a, dans toute la série des animaux, des connexions artérielles nombreuses avec l'estomac ; c'est du même tronc, le cœliaque, que naissent les artères qui vont à ces deux viscères; et bien qu'au premier aspect l'estomac ne paraisse recevoir que la plus petite division de ce tronc, cependant il reçoit la majeure partie du sang qui en provient, les deux autres divisions, c'est-à-dire les artères hépatique et spléni- que, lui fournissant de nombreux rameaux. La rate, en outre, offre des cliangements de volume, selon les états de l'estomac ; elle est plus grosse lors de la vacuité de ce viscère, plus petite lors de sa plénitude. Tout cela peut faire croire que la rate est un organe placé à côté de l'estomac pour lui servir de diverticulum lors de ses intermittences d'ac- tion. Ajoutons que l'estomac, dont les fonctions sont évi- demment intermittentes , ne doit pas recevoir en tout temps les mêmes quantités de sang; lorsqu'il est plein, l'irritation qu'exercent sur lui les aliments doit y faire affluer ce li- quide ; lorsqu'il est vide , le sang doit y être appelé en moin- dr-e quantité. Or, les artères qui vivifient l'estomac sont trop grosses pour pouvoir se modifier, selon la quantité de sang que réclame le viscère; elles ne peuvent , par exemple, se rétrécir lorsqu'il n'agit pas , pour se dilater bientôt de nou- veau lorsqu'il agira, il fallait donc un artifice quelconque pour empêcher que l'estomac, dans ses intermittences obli- gées d'action, éprouvât une surcharge de sang; et c'est, selon les physiologistes dont nous exposons le«s idées, la rate qui remplit cet office. 11 serait possible que cette action s'étendît aussi au foie et au pancréas , dont les actions sécrétoires n'ont pas non plus en tout temps la même activité. Dès long- temps, on avait pensé à ce reflux du sang de l'estomac dans la rate ; mais on l'avait expliqué mécaniquement , on Tavait dit un effet de la compression; aujourd'hui on le conçoit, 32, " 500 FONGTIOIS DES SÉCRÉTIONS, d'après la doctrine de vitalité qui domine en physiologie. ]Nou6 ne contestons pas tout ce qu'a de spécieux cette théo- rie; nous ne l'avons même rapportée en dernier lieu^ que parce qu'elle nous a paru la plus vraisemblable : mais enfin elle ne porte pas plus que la précédente le caractère d'une dérnonstratiôn absolue , et elle laisse l'esprit flottant entre l'une et l'autre. Un moyen que de bonne heure on dut tenter pour échap- per à cette incertitude , était Fextirpation de la rate : Pline dit qu'elle a été faite sur des hommes vivants , pour les ren- dre plus aptes à la course: il est sûr au moins qu'elle a été pra- tiquée souvent sur des animaux. Mais chacun des expérimen ta- teurs ayant accusé des résultats divers , la question est restée entière; on n'a pu rien conclure, sinon que la rate n'était pas un organe prochainement nécessaire à la vie. La plupart des aniniaux , en effet, ont survécu , et ceux qui sont morts ont succombé par les accidents de l'opération. Il en a été de même de quelques observations chez l'homme , où la rate, à la suite de blessures, a été extirpée. Dans un Journal an- glais , pour l'année 1816, se trouve celle d'un homme frappé d'un coup de couteau sous la dernière fausse côte du côté gauche; cet homme ne fut pansé que douze heures après; et comme la rate sortait par la blessure et était très altérée, on crut nécessaire de l'extirper; on lia les vaisseaux, l'homme guérit en moins de deux mois^ et a toujours joui depuis d'une bonne santé. Nous ne nous arrêterons pas; sur les ex- périences de Malpighi , qui dit avoir vu l'extirpation de la rate suivie d'une augmentation de sécrétion urinaire; sur celles de Dumas , qui vit les animaux manifester une faim vorace; sur celles de Méad, Mayer, qui signalèrent une dé- térioration des digestions, des selles plus liquides, une bile plus aqueuse; sur celles de Gmelin et Tiédcmaiin , qui di- sent que ie chyle leur parut plus clair et sans caillot, etc. Nous mentionnerons seulement celles qu'a faites à Paris M. Duvujtren. Cet habile professeur a extirpé le même jour la rate à quarante chiens; bien qu'il ne liât aucun vais- seau, et qu'il se contentât de faire une suture à l'abdomen, il ne survint aucune hémorrhagie. Dans les huit premiers Si-Glli/rJOiN DE LA UILE. 5o l jours, la moilié des chiens opérés mourut d'une inflamma- lion des viscères abdominaux , survenue accidentellement à l'occasion de l'opération; on le constata par Fouverture des cadavres. Les vingt autres cliiens guérii'cnt sans accidents, ati bout de trois semaines au plus tard. Ils manifestèrent d'abord un appétit vorace ; mais cet appétit revint bientôt A son degré naturel; ils usèrent des mêmes aliments, des mêmes boissons, en prirent en même quantité, et la diges- tion parut s'en faire en même temps; les fèces avaient la même consistance, les mêmes apparences, et le chyle parut avoir la même nature. Les autres fonctions ne présentèrent non plus aucune modification. M. Dupujtren , ouvrant plu- sieurs de ces chiens quelque temps après, s'assura qu'il n y avait rien de changé dans la circulation abdominale, dans celle de l'estomac, de l'épiploon , du foie ; ce dernier organe, que les autres expérimentateurs avaient dit grossir, ne lui parut pas avoir plus de volume. La bile, seulement, lui sembla être un peu plus épaisse , et offrir un léger sédiment. Bien que ces expériences nous laissent le même doute relative- ment aux divers usages qu'on peut, avec vraisemblance, attri- buer à la rate , il nous semble cependant qu'elles sont encore un argument qu'on peut faire valoir à Tappui de l'idée qui fait de cet organe un diverticulum. En effet, si la rate, était un ganglion élaborateur d'une sécrétion, ou travaillant à l'hé- matose, pourrait-elle être extirpée impunément? ne devrait- elle pas alors avoir toute l'importance de la sécrétion, dont elle préparerait les matériaux ? Aucontraire, on conçoit que comraedivertïCulum,qui peut-être n'est qu'uneprécaution de la nature, ou qui n'a à agir que d'intervalles en intervalles, elle peut davantage être enlevée; le défaut d'équilibre qui pourra en résulter, ne sera pas mortel. Il est certain au moins que les maladies si fréquentes de la rate contrastent, par leur innocuité , avec le danger qui accompagne celles du foie; et c'est une raison de plus de douter que ces deux or- ganes soient enchaînés dans une même fonction. Il résulte toutefois de cette discussion, que l'on est en- core en doute sur les usages réels de la rate , et l'on conçoit que ce doute devra s'étendre à la question de savoir lequel 5502 PONCTION DES SÉCRÉTIONS, des sangs, de J'artère liépalique ou de la veiii€-porle, ali- mente ]a sécrétion biliaire. On va voir qu'il en est malheu- reusement de même à l'égard des usages du système de la veine-porte. Il est certain que cette veine présente une exception à la disposition générale du système veineux. Formée par la réu- nion de toutes les veines qui reviennent des organes digestifs contenus dans l'abdomen et de la rate, elle devrait, selon la loi commune, aller aboutir à un tronc veineux plus gros^ qu'elle : au contraire, elle va se ramifier, à la manière d^une véritable artère, dans le tissu du foie. Quel est le but d'une si remarquable exception ? On l'ignore ; on ne peut faire à cet égard que des conjectures, i» Avant qu'on eût découvert le système des vaisseaux cliylifères , on croyait que c'était par les ramifications de la veine-porle dans l'intestin^ qu'était absorbé le produit utile des aliments; et l'on sup- posait que si cette veine, au lieu de se rendre directement au cœur, se distribuait au foie, c'est que le produit de la digestion avait besoin de subir encore quelque élaboration dans cet organe. On appuyait cette manière de voir sur ce qui est dans le fœtus , chez lequel le sang puisé dans la mère et apporté par la veine ombilicale, est d'abord porté dans le foie, qui semble être ainsi un organe d'hématose. Mais aujourd'hui qu'on a découvert le système chyîifère, et la voie réelle que suit le chyle, peut-on croire à cet usage at- tribué au système de la veine-porle ? 2^^ M. Magendie a re- nouvelé cette idée des Anciens, relativement aux boissons au moins; on a vu que c'était par les veines mésaraïques, et non par les chylifères, qu'il les fait absorber dans l'in- testin; mais on se rappelle aussi que nous avons dit qu'il y avait d'égales raisons pour faire pénétrer les boissons par les deux systèmes vasculaires absorbants qui sont dans l'intes- tin. 30 Partant de l'idée que larateest un ganglion sanguin, on a présenté la disposition de la veine-porte comme une suite forcée de l'usage qu'avait à remplir ce viscère. Fnefietja rate prépare-t-elle le sang de la sécrétion biliaire? il fallait bien que ce sang fut distribué au foie, qui en est l'agent spé- cial. Prépare-t-elle, au contraire , le sang dans une vue gé- SÉCRÉTION DE LA BILE. 5o3 nérale à l'hématose? il fallait encore qu'il fût porté dans le système veineux , et le plus près possible du centre de ce système , du point où il va achever de se faire dans le pou- mon. Dans cette dernière hypothèse, le foie serait un se- cond ganglion élaborateur du sang, et, ainsi que la rate, un organe annexe du poumon. Quelques physiologistes re- commandables ont mis en avant cette conjecture. Ils l'ont appuyée sur ce que , dans le fœtus , le foie est un des pre- miers organes formés, et paraît être un organe d'hématose; sur ce que la veine splénique est trop grosse , relativement à la petite quantité de bile qui est faite, ce qui porte à croire que le sang qu'elle rapporte a plus trait à l'hématose en gé- néral, qu'à la sécrétion biliaire; sur ce que, dans les ani- maux , le foie est dans des rapports de volume avec le pou- mon, dont Ihypothèse le fait un annexe, étant petit dans les oiseaux, qui ont le poumon le plus gros , moyen dans les mammifères, qui ont le poumon d'une médiocre grosseur, et très gros dans les poissons j qui ont l'appareil respiratoire petit; enfin, sur ce que l'appareil biliaire modifie tellement I^économie , par sa prédominance , qu'il a mérité de consti- tuer la base d'un tempérament , ce qu'il ne peut faire que par un office général et plus important que celui de la sécré- tion biliaire. Mais d'abord toute cette doctrine repose sur l'idée que la rate est un ganglion , et cette idée n'étant qu'une conjecture, il en résutteque la doctrine ne peut qu'en être une elle-même. Ensuite, à supposer que la x'ate soit un ganglion, est-ce vraiment pour l'hématose générale qu'eilo élabore le sang? Le sang qui subit l'élaboration est celui de l'artère splénique; or, ce sang est le même que celui qui nourrit tous les organes, et qui, par conséquent, est parfait : quelle nouvelle mixtion a-t-il donc besoin de subir? L'extir- pation de la rate devrait avoir des suites bien plus funestes. La présomption tirée de l'état du foie dans le fœtus est d'au- tant moins forte , qu'à cet âge la veine -porte est plus petite , et que la partie du foie qui est volumineuse, est, non celle qui reçoit la veine-porte, mais celle à laquelle la veine ombili- cale se distribue. Le gros volume de la veine splénique se conçoit iout aussi bien dans l'idée qui fait de la rate un di= 5o4 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, verticuiiiin. Quant à rinfluence exercée par Fappareil biliaire sur toute la constitution , elle peut tenir à la part qu'a la sécrétion de la bile sur la crâse du sang^ quel que soit le sang qui alimente cette sécrétion, point sur lequel nous reviendrons ci-après. Toute cette doctrine est donc aussi peu admissible que les précédentes, 4° Enfin , M. Brous- sais y sectateur de l'idée que la rate est un diverticulum , veut que le système de la veine-porte ait aussi cet usage , et que le sang trouve dans le tissu du foie un nouveau lieu à se mettre en dépôt, ]ors des retards ou arrêts de la circulation, ou lors d'un reflux abondant sur la rate. Il ajoute que le sys- tème capillaire du foie devient une nouvelle cause d'impulsion pour ce liquide , qui a à traverser une série de systèmes capillaires. Dans cette Hypothèse, on concevrait pourquoi il n'y aurait que les organes digestifs abdominaux qui con- courraient à former la veine-porte , ce nouveau diverticulum étant une suite de celui que fait la rate, et devant consé- quemment avoir les mêmes relations. Quelque ingénieuse que soit cette idée , on est forcé d'avouer qu'elle n'est encore qu'une conjecture; et l'on voit que nous sommes, à Tégard des usages du système veineux abdominal , dans une igno- rance plus graude encore qu'à l'égard de ceux de la rate. Or, qui ne pressent que notre ignorance sur ces deux points doit s'étendre à la question qui concerne spéciale- ment la sécrétion biliaire ? les physiologistes sont dissidents à son égard; de part et d'autre on n'invoque que des rai- sonnements, et ces raisonnements sont tels qu'ils comman- dent le doute à tout esprit sage; aucun ne la résout d'une manière absolue, comme on va le voir. Par exemple , l'opinion , tout à la fois la plus générale et la plus ancienne, est que la bile provient du sang de la veine-porte, et voici les raisons sur lesquelles on se fonde : lo. le sang de la veine-porte paraît plus propre que le sang artériel à faire la bile , car il est veineux , chargé comme tel de plus de carbone et d'hydrogène , et conséqiiemment plus capable de faire une humeur aussi grasse et aussi huileuse que i'csL la bile. On a même cru que, pour cet eifet , ce sang se chargeait de graisse en tiavei'sant r/'piploori ; que SÉCRÉTION DE LA mLE. 5o5 c'était pour cela aussi que sa circulation était si lente, la veine-|)Orte étant sans valvule. 2" La veine-porte se dis- tribue dans le foie à la manière d'une artère, et a des com- munications manifestes avec les vaisseaux sécréteurs de la bile. 30 Elle est plus grosse que l'artère hépatique , beau- coup plus en proportion pour son volume avec celui des sécréteurs, et l'artère hépatique ne semble être pour le foie que l'artère de la nutrition, que ce que sont les artères bi'oncliiques pour le poumon, ^o Enfin', si la rate est un ganglion sanguin , ce ne peut être que pour préparer le sang de la sécrétion biliaire j et l'on a quelques raisons de croire qu'il en est ainsi, quand on voit que la veine splénique forme la moitié de la veine-porte , et que la rate se montre généralement dans la série des animaux, en raison du dé- veloppement du foie , et surtout de l'activité de la sécrétion biliaire. Il est certain, par exemple, que dans le fœtus, cliez lequel la sécrétion biliaire est nulle , ou au moins peu abondante , la rate et la veine splénique sont petites , tandis que l'artère hépatique est grosse; dans ce fœtus, la veine splénique ne fait qu'une petite partie fie la veine-porte; celle-ci estelle-même fort petite, et ne se distribue qu'au lobe droit du foie; ce n'est qu'à la naissance que se fait l'ac- croissement de toutes ces parties. Mais qui ne voit que ces raisons ne fondent pas une dé- monstration rigoureuse , et que plusieurs mêmes peuvent être invoquées pour appuyer l'assertion inverse, c'est-à-dire l'idée que la bile dérive du sang de l'artère hépatique ? if> On ne voit pas pourquoi la bile aurait plus besoin d'être dérivée d'un sang veineux, que les autres humeurs graisseuses et huileuses , la moelle , la graisse , par exemple. On a ici été séduit par l'application vicieuse des notions chimiques, croyant pouvoir expliquer plus facilement la formation d'une humeur grasse, en la faisant dériver d'un sang plus riche en carbone et en hydrogène. Mais le sang de la veine- porte est-il réellement plus riche en carbone et en hydro- gène ? La graisse et la moelle, qui ne sont pas des humeurs moins grasses que la bile , ne proviennent-elles pas d'un sangartériel? Y a-t-il, chimiquement parlant, plus de rap- 5o6 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, ports entre la bile et le sang de la veine-porte , qu'entre la graisse et le sang artériel ? Dans toutes les sécrétions , n'y a-t-il pas transformation du sang^ d'après des lois différentes de celles qui fondent la cliimie générale ? Nous ne parlons pas de l'absorption de la graisse de Tépiploon par le sang de la veine-porte, et de la présence de la graisse dans ce sang; ce sont trop évidemment des suppositions gratuites. 2» Si la veine-porte se distribue dans le foie, à la manière d'une artère, est-il bien sûr que ce soit pour servir à la sécrétion biliaire? Nous avons indiqué les diverses conjectures faites sur les usages de la veine-porte , et plusieurs sont étrangères à la sécrétion de la bile. Plusieurs faits montrent même le système de la veine-porte isolé de cette sécrétion ; par exemple , ce système existe dans le fœtus , cbez lequel la sécrétion biliaire est nulle encore, ou peu abondante; il manque , à partir des animaux invertébrés , bien que le'foie, et par conséquent la sécrétion biliaire , se montre dans tous les animaux jusqu'aux radiaires. Au moins le doute dans lequel on est, relativement aux usages de la veine- porte , doit empêcber de prononcer affirmativement que c'est pour la sécrétion biliaire que cette veine se distribue au foie. Enfin;, l'artère hépatique y aboutit de même, et a d'aussi faciles communications avec les sécréteurs de la bile. 3o Si la veine-porte est plus en rapport avec le volume du foie que l'artère hépatique, celle-ci est plus en rapport avec la quantité de bile qui est sécrétée. Il ne faut pas , en effet, juger de l'abondance de la sécrétion par le volume du foie; il est possible que ce viscère ait encore d'autres usages , ainsi que nous l'avons ditj comme de servir de passage aux boissons absorbées, de diverliculum au sang dans les em- barras de la circulation , etc. On juge mieux de la quotité de cette sécrétion par la capacité de la vésicule biliaire , et il est sûr que, d'après cette base, la veine-porte est trop grosse, et qu'au contraire l'artère hépatique a le volume suffisant, 40 Entin, l'argument tiré de l'usage de la rate, et des rap- ports de cet organe avec la sécrétion biliaire , n'est pas plus absolu. D'un côté, l'idée que la rate est un ganglion n'est qu'une conjecture , et nous avons vu qu'on pouvait avec SÉCRÉTION DB LA JBILE. So/ autant de vraisemblance attribuer d'autres usages à cet or- gane. D'un autre côté, les rapports entre la rate et le foie ne sont pas aussi grands qu'on l'a dit , et par exemple , ils sont moindres que ceux qui existent entre la rate et l'estomac. Ainsi , le foie existe en presque tous les animaux , et la rate, au contraire, n'existe plus au-delà des vertébrés; on trouve, comme l'a à\l Haller , une grosse rate avec un petit foie, et vice versa; il n'y a pas davantage de relation entre ces organes sous le rapport des maladies , et rien de plus fréquent que de voir le foie malade et la rate saine, ou le foie sain et la rate malade; enfin, nous avons déjà dit que Ja rate change de volume selon que l'estomac est vide ou plein, et que dans tous les animaux qui la possèdent, elle a avec ce viscère des connexions artérielles plus intimes qu'avec le foie. La question est donc non résolue encore. Pour la termi- ner , il faudrait , dans des expériences séparées , lier sur des animaux vivants j la veine-porte sur l'un, l'artère hépatique sur l'autre , et juger les effets qui s'ensuivraient sur la sécré- tion biliaire. Or, ces expériences n'ont pas été faites, et, à supposer qu'on puisse les faire , il est probable que la mort arriverait trop promptement pour qu'on puisse en tirer quelques conséquences. Dans le doute où Ton est, les phy- siologistes ont plus ou moins tranché la question : la plupart ont fait dériver la bile du sang de la veine-porte ; Bichat et M. Brous sais y au contraire, la font provenir du sang de l'artère hépatique , et ceux-ci ont pour eux l'analogie de toutes les autres sécrétions, et ce qu^a de plus spécieux l'idée qui fait de la rate un diverticulum ; enfin , M. Magendie la dérive à la fois des deux sources. Ayant exposé tout ce qui a trait à celte importante dis- cussion , nous n'avons presque plus rien à dire sur la sécré- tion biliaire , la plupart des autres détails ayant été donnés à l'article de la digestion. L'un ou l'autre des deux sangs af- férents , ou peut-être les deux, étant arrivés dans le tissu du foie , le système vasculaire sécréteur s'en empare^ les éla- bore et en fait la bile : celle-ci chemine alors dans la série des vaisseaux sécréteurs, et arrive au canal hépatique, qui en 5o8 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. €sl l'aboutissant. Sa circulation, dans ce trajet, est assez lente, puisque quelquefois elle s'y épaissit au point de former des calculs. Les causes de sa progression sont la continuité de sa sécrétion, l'action contractile des radicules sécréteurs, le secours des battementsdes artères voisines, celui des mou- vements de la respiration. Dans ce trajet, elle s'épaissit un peu , étant dépouillée par l'absorption de ses parties aqueuses. Enfin, arrivée au conduit hépatique, elle est portée, ou dans le duodénum, ou dans la vésicule biliaire. On peut revoir à l'article de la digestion ce que nous avons dit du mécanisme de son excrétion, et de sa nature chimique. On ne peut évaluer rigoureusement sa quantité; il y a des dif- férences individuelles, et d'autres différences qui sont dépen- dantes de l'excitation directe ou sympathique que reçoit le foie consécutivement à l'alimentation dont on use. Quant aux usages de la bile , nous avons vu que cette hu- meur est le principal agent de la chylification. Mais beau- coup de physiologistes pensent qu'en même temps qu'elle remplit cet ofEce local , elle concourt aussi en quelque chose à la constitution du sang. Ils se fondent sur la grande in- fluence qu'exerce sur l'économie l'appareil biliaire, influence que ne présente aucun autre organe sécréteur , si ce n'est le testicule, et qui est telle que la prédominance de cet appa- reil a suffi pour constituer un tempérament. Ceux qui ont fait provenir la bile du sang de la veine-porte ont dit que cette sécrétion était un moyen qu'employait la nature pour débarrasser le sang veineux ^ même avant qu'il parvînt au poumon, du carbone et de l'hydrogène qui le surchargent. Sans admettre cette dernière idée , qui est évidemrnent une suite de la mauvaise théorie des chimistes sur la respiration, on pourrait concevoir que la sécrétion de la bile influât sur la crâse du sang , quand bien même elle serait alimentée par l'artère hépatique. Et, en effet, la sécrétion urinaii'e n'exerce-t-elle pas à l'égard du sang une dépuration bien importante? et n'émane -t- elle pas cependant du sang artériel? On dira peut-être que le produit de cette sé- crétion est rejeté au dehors du corps; mais il en est de même d'une partie de ja biîc au moins; la plus grande EXHALATIOIN GUÏANKE. Sog partie de cette humeur s'atlaclie aux fèces , est la cause de leur couleur et est excrétée avec eux. Toutefois, quel que soit le genre de modification que fasse subir au sang la sécré- tion biliaire , il y a^ pour y croire , plusieurs raisons autres que celles que nous ayons données déjà : par exemple , la couleur de la peau se modifie consécutivement à tous les changements qui surviennent dans la sécrétion biliaire; quand la sécrétion biliaire est supprimée, indépendamment des troubles locaux relatifs à la digestion ^ on en observe de généraux. Or, nous ne connaissons que l'état du sang et l'appareil nerveux qui puissent développer dans l'économie des phénomènes généraux , comme nous le verrons en trai- tant des connexions de fonctions. § VI. Sécrétions excrémentilielles génitales. Trois sécrétions importantes appartiennent à la fonction de la génération, une exclusive à l'homme, et les deux au- tres propres à la femme. La première est la sécrélion du sperme , de ce fluide qui avive et féconde le germe. La se- conde est V exhalation des menstrues , qui se fait pendant quelques jours de chaque mois par la surface interne de Tu- térus , pendant tout le temps que les femmes sont aptes à devenir mères. La troisième enfin, est la sécrétion du lait ^ fluide destiné à servir d'aliment à l'enfant nouveau-né. Mais, de même que plusieurs des sécrétions précédentes avaient été exposées à l'article des fonctions auxquelles elles appartenaient , de même aussi nous croyons devoir renvoyer à l'article de la génération l'étude des trois sécrétions que nous venons de nommer, leur histoire exigeant des notions que nous n'avons pas encore , et que nous ne pouvons don- ner ici sans nous exposer à des répétitions. § "VU. Exhalation cutanée , aw transpiration dite insensible. Par toute la surface externe de la peau , se fait d'une ma- nière continue l'écoulement d'un fluide vaporeux , d^un ha- litus albumineux , qui, perdu aussitôt dans l'air, parait 5 10 FONCTION? DES SECRETIONS, d'abord ne pouvoir être apprécié. C'est là ce qu'on appelle la transpiration insensible. Cette expression est impropre, car la matière qui la constitue tombe sous les sens de plu- sieurs manières ; elle est , par exemple , manifestée par son odeur; dans certains cas , on peut lavoir^ comme lorsqu'on se place devant une glace ou devant un mur récemment blanchi ; quelquefois on la voit se dégager en fumée ; Ta- chenius i en s'enveloppant d'un ling€ trempé d'buile, en a recueilli assez promptement jusqu'à quatre onces; eniln , nous dirons tout à l'heure qu'on l'a pesée : elle est donc très appréciable par les sens, et il faut l'appeler la transpira- tion cutanée. Plusieurs savants , et entre autres M. Edwards a récem- ment émis cette idée , croient que dans la transpiration , il y a deux actions, une physique, consistant dans l'évapora- tion par l'air des parties liquides du corps humain, en vertu de la loi générale qui amène une semblable éyapora- lion dans tous les corps qui sont mouillés et en contact avec l'air; et une vitale, consistant dans une véritable exhala- lion excrémentitielle effectuée par la peau. Ils arguënt sur- tout du dessèchement auquel parviennent les batraciens et les poissons, par suite de leur séjour prolongé dans l'air, dessèchement qui, chez les derniers, amène promptement la mort, et qui, à de certaines limites de température, est tou- jours en raison du degré de sécheresse de l'air. Ils ont cher- ché dès lors à séparer ce qui dans la transpiration est de l'action physique de l'évaporation, et ce qui est de l'action organique de l'exhalation. Plaçant un animal à sang froid dans un air très humide , et tel que l'action physique de l'évaporation ne pouvait plus se faire, dans un air d'une température égale à celle de l'animal, ils ont reconnu que l'animal avait perdu six fois moins de poids que dans l'air ordinaire, d'où ils ont conclu que c'était l'action physique de l'évaporation qui avait la plus grande part dans ies pertes que fait faire la transpiration. Sans doute, nous croyons que les lois générales conservent encore un peu d'empire sur les corps vivants , et que beaucoup de phénomènes physiques tendent encore à se produii'e en eux ; nous reconnaissons que EXHALATION CUTANEE. 5 i l cela est , par exemple, des phénomèmes d'imbibilîon. en cer- taines cii'constances, et peut-être de ceiixd'évaporation dont il est question ici. Mais nous pensons queM. Edwarclsa fait ici à riiomme une fausse application de ce qui a lieu dans les animaux aquatiques; et que si une action physique d'éva- poration a quelque part à la transpiration, cette part est la plus petite, et que Faction organique de l'exhalation est celle qui y concourt le plus. Toutefois, c'est de celle-ci dont nous avons surtout à nous occuper ici. Nous avons, à l'article du sens du. tact, indiqué la tex- ture de la peau ; conséquemment il est inutile d'y revenir ici : on sait qu'à la surface de cette membrane aboutissent les orifices de vaisseaux exhalants, quiy sont disposés comme dans toutes les membranes exhalantes quelconques. Or, ces vaisseaux exhalent d'une manière continue une matière sous forme de vapeur^ qu'aussitôt l'air dissout, ou que les vête- ments absorbent, qui fait comme une atmosphère autour du corps, et qui, en même temps qu'elle fonde une perte pour l'économie et est un émonctoire de la nutrition, pa- raît être un des moyens par lesquels se maintient notre tem- pérature à un degré fixe. Cette matière est incolore, plus pesante que l'eau, et, selon M. Tliénard , composée de beaucoup d'eau, d'une pe- tite quantité d'acide acétique libre, de muriates de soude et de potasse , de très peu de phosphate de chaux et d'oxyde de fer, et d'une quantité plus petite encore d'une matière animale particulière approchant de la gélatine. M. Berzé- lius dit que Tacide de la transpiration n'est pas de l'acide acétique, mais de Facide lactique : il y a aussi de l'acide carbonique. Son excrétion est la conséquence irrésistible de sa produc- tion, puisque les exhalants de la peau aboutissent à la sur- face externe de cette membrane. Sa quantité ne peut être appréciée directement, puisqu'on ne peut la recueillir en entier et la peser : mais on a cherché à la connaître par des moyens indirects. Il est de fait que si on se porte bien, et qu'en même temps on n'engraisse ni ne croisse , le corps revient à un même poids après un certaiii 5 12 FONCTION DES SECRETIONS, inlervalle de temps. C'est une preuve que, dans cet In- tel valle de temps , les excrétions ont égalé en quantité les ingestions, c'est-à-dire que le corps a rejeté hors de lui au- tant de matière qu'il en avait pris au dehors. Or, il était possible de connaître la quantité des ingestions , en pesant tous les aliments et toutes les boissons qu'on prenait dans un temps donné. On pouvait de même connaître celle de toutes les excrétions dites sensibles, les fèces, et l'urine, par exemple. On crut conséquemment que ce qui manque- rait aux excrétions sensibles pour égaler en poid les inges- tions , pouvait être considéré comme constituant la masse de la transpiration insensible . C'est sur ce plan que furent faites les fameuses expériences de Sanctorius. Ce médecin s'établit trente ans de suite dans une balance; et, notant à une époque déterminée le poids de son corps , il pesa scru- puleusement, d'une part, tout ce qu'il prenait pour sa nourriture, d'autre part toutes ses excrétions sensibles; et opposant la quantité des uns à la quantité des autres, lors- que son corps était revenu à son poids primitif, il considéra comme le poids de la transpiration insensible , tout ce qui manquait aux excrétions pour égaler les ingestions. Par ce procédé , il crut voir que la transpiration était la plus abon- dante de nos excrétions, constituait à elle seule les cinq huitièmes de nos pertes. Sur huit livres de matières ingé- rées, il n'y avait en effet que trois livres d'excrétions sensi- bles , dont 44 onces d'urine , et 4 de fèces ; et il restait con- séquemment cinq livres de perspiration cutanée. Ces expériences furent répétées partout et emplovées à connaître, non-seulement le rapport de la transpiration insensible aux autres excrétions, mais encore les variations de cette excrétion selon les âges, les climats , les circon- stances diverses delà vie. Do^iari, par exemple, dit qu'en France son terme moyen est d'une once par heure, qu'elle est aux excréments solides com.m<î 7 à i , et à toutes les ex- crétions en général , dans le rapport de 1 2 à i5. Rohinson , expérimentant en Ecosse, établit que, dans la jeunesse, elle est à l'urine, comme i34o à 1000, et dans la vieillesse, comme 967 à 1000. Sau^^ages , qui habitait le midi de Ja EXHALATION CUTANÉE. 5l5 Fj-ance, trouva que sur 60 onces de nialières ingérées, il y avait 5 onces de fèces, 22 d'urine, et 33 de perspiratioii cu- tanée. Gorter , en Hollande, établit à peu près les mêmes proportions; sur 90 onces, il y en avait 6 de fèces, 36 d'urine, et 49 de perspiration. Selon Keili, au contraire, la quantité de la transpiration est moindre que celle de l'urine; il n'y avait que 3i onces de la première, sur 38 de la seconde. Rye dit que la perspiration était à l'urine, comme i4 à 10, et annonça entre les excrétions les proportions suivantes dans cliaque saison : au printemps, la quantité d'urine était de 4o onces , et celle de la perspiration de 60 ; en été ^ la perspiration avait augmenté de 3 onces, et l'urine avait diminué d'autant; en autODine, la quantité d'urine resta la même, mais la perspiration diminua et ne fut plus que de 5 G onces; enfin, dans l'hiver, l'urine augmenta de 3 onces. Selon Linning , qui observait dans la Caroline mé- ridionale , la perspiration l'emporte en quanti lé sur l'urine pendant cinq mois, et l'urine, au contraire, sur la perspi- ration pendant 7; c'était en septembre que la perspiration cutanée était la plus abondante, et en décembre, que la sécrétion urinaire était la plus active. Dans un climat sep- tentrional, sur trois livres d'aliments pris, il y eut; dans un jour d'hiver, 5 onces de transpiration, et deux livres 10 onces d'urine; dans un jour de printemps, 12 onces de perspiration, et deux livres 8 onces d'urine; dans un jour d'automne , i5 onces de perspiration , et deux livres 5 onces d'urine ; et enfin, dans un jour d'automne, 5 onces de tran- spiration , et deux livres 5 onces d'urine. On remarqua que dansla vieillesse l'urine prédominait, tandis que dans l'en- fance c'était la perspiration. On reconnut que dans les mois chauds de l'année , la perspiration était à l'urine , comme 5 à 3; que dans les mois froids, elle ne lui était plus que comme 2 à 3; et qu'en avril, mai, octobre, novembre et décembre, il yavait égalitéentre lesdeuxexcrétions. Enfîo, de semblables travaux ont été faits de nos jours encore , par Las^oisier et Séguin, d'une part, et par M. Edwards , de l'autre. D'après les premiers , la plus forte quantité de transpiration est de 32 grains par minute ; 3 onces^ 2 gros , 48 grains par heure ; TOMF. TII. 33 5i4 rONCTION DES sécrétions. cinq livres par jour : sa moindre quantité est de i i grains par minute; une livre, ii onces ^ 4 gi'os par jour : elle est à son minimum pendant la digestion, et à son maximum api'ès Taccompiissement de cette fonction : les mauvaises digestions la diminuent, on a plus de poids pendant quel- ques jours; mais à mesure que l'équilibre de santé se réta- blit, on revient à son état primitif. Selon M. Edwards , la transpiration, examinée de six beures eu six beures , en- traîne des pertes, qui vont en diminuant successivement; elle augmente après le repas , pendant le sommeil , par Té ta t de sécberesse de l'air, son agitation , sa cbaleur sur- tout : admettant en elle l'action pbysique de l 'évapora tion, il croit même, pour Tavoir expérimentée sur des animaux à sang froid, qu'il plaçait sous le récipient de la macbine pneumatique, et qu'il soumettait au vide, que le degré de pression atmospbérique n'est pas sans influence sur elle. Tous les résultats obtenus dans ces expériences sont di- vers, et il ne pouvait pas en être autrement. D'abord, le procédé employé donne lieu à des erreurs inévitables. D'uii côté, l'air qu'on respire, ainsi que les différents fluides aériformes que l'absorption cutanée peut introduire dans l'économie , ne sont pas compris dans la somme des matières ingérées. D'autre part, les expérimentateurs ne comptèrent pas ayec un égal soin toutes les excrétions sensibles, et plu- sieurs se bornant aux fèces et à l'urine, négligèrent de te- nir compte des cracbats, par exemple, de la matière du mou- cber, etc. On rapportait, au contraire, à la transpiration cutanée la matière de la perspiration pulmonaire. Enfin, il pouvait arriver que le corps fut revenu à son état pri- mitif, avant que toutes les substances ingérées fussent assi- milées à sa substance. En second lieu , et ceci est surtout la raison principale , la perspiration cutanée varie à l'infini selon diverses conditions de l'univers extérieur et de l'or- ganisme, et participe de la mobilité qui est propre à la plupart des phénomènes vitaux. Par exemple , abondante chez i'enfant où elle est acidulé, et à la puberté qui lui donne comme un caractère musqué, elle est rare chez le vieillard. Dans l'homme , elle est généi^alement plus abon- EXHALATION GUTAJNÉE. 5l5 dante que chez la femme, cliez laquelle elle devient aci- dulé à l'époque des règles. Chaque individu offre , à l'égard de cette sécrétion, sa constitution propre; abondante chez l'un, elle est moindre chez l'autre. Elle augmente dans l'été, diminue dans l'iiiver , prédomine dans les pays chauds, est plus faible dans les pays froids. Elle est surtout en rapport avec le degré d'excitation de la peau , et le besoin de la dé- puration du sang et de la décomposition du corps , dont elle est un des agents. Si la peau est excitée, soit directe- ment par des frictions , soit sympa thiquement par suite de ses connexions avec les autres organes du corps , Taction de transpiration s'exalte. Si le sang est surchargé de parties aqueuses , si l'on est à l'époque de la vie où la décomposi- tion du corps est active, la transpiration , qui est une des voies par lesquelles ces besoins î^'accomplissent , redouble. Etant en solidarité avec les autres excrétions, les suppléant, si elles sont inactives, diminuant, au contraire, si elles sont plus abondantes, les équilibrant, sa quantité doit être un peu en raison de ce qu'est la leur. Il n'y a donc rien de plus mobile que la perspiration cutanée. Chercher à en dé- terminer la quantité, c'était, dit Bi'chat^ une chose aussi vaine, que de cherchera spécifier quelle quantité d'eau est vaporisée à chaque heure sous Tinfluence d'un foyer dont on fait à chaque instant varier l'énergie. L'évalua- tion est encore plus impossible à obtenir, si l'on admet que la transpiration est un phénomène mixte, moitié physique , moitié organique , car il faudra faire la part de ces deux actions , et apprécier l'influence que chacune re- çoit des circonstances extérieures et organiques. Ce qu'il y a de sûr, c'est que dans l'état de santé , cette excrétion est fort abondante , qu'elle est la plus ordinaire aux gens forts , celle qui soulage le plus. Les variations dont elle est susceptible, ne portent pas seulement sur sa quantité , mais peut-être aussi s'étendent à sa nature : il est possible que la matière de la transpiration soit quelquefois différente d'elle-même ; la chimie aurait pu apporter ici quelques lumières , mais elle ne l'a pas fait. On a vu seule- ment que dans les animaux, les sels de la transpiration 33. 5i6 FONCTlOl?f DES SÉCRÉTlOiNS. sont d'autant plus abondants, que l'urine est moins ctargée de radical acide phospliorique : ces sels s'attachent à la peau en telle quantité, que des soins particuliers , l'étrille, par exemple . deviennent nécessaires pour les en détactier. Chez l'homme j où ils sont moins abondants, il suffit, pour les enlever , de changer de temps en temps de linge, et de re- courir à des bains. Quant aux usages de la transpiration , peut-être cette excrétion a-t-elle encore quelque utilité locale , ou autre que la décom^positioa du corps. Ainsi, on a dit qu'elle ser- vait à entretenir la souplesse de la peau ; que son produit, en se vaporisant , enlevait au corps du calorique , et main- tenait la température de celui-ci à un degré fixe. Mais il est sur, à juger d'après son abondance, qu'elle estune des sécré- tions prochainement dépuratrices et décomposantes, et sous ce rapport , une de celles qui a les rapports les plus intimes avec la sécrétion urinaire. Cela est si vrai, qu'il y a beau- coup danimaui dans lesquels elle accomplit à elle seule la décomposition du corps , la sécrétion urinaire n'exis- tant pas. A ce titre, on conçoit ses liens avec toutes les autres sé- crétions, et combien il importe qu'elle ne soit, ni suppri- mée , ni contrariée. On pressent aisément quels ravages doit causer dans l'économie la suppression de la sécrétion uri- naire; il en résultera d'analogues de la suppression de la transpiration. Ces deux excrétions , en eiTet , sont les seules qui aient pour usage spécial d'accomplir la décomposition du corps : et si l'on réfléchit, d'autre part, combi-n la peau est disposée à être contrariée dans l'exercice de cette fonction; soit par les influences qu'elle reçoit des corps exté- rieursauxquelselleestimmédiatementexposée.soit par celles qu'elle reçoit des autres organes du corps , au moindre phé- nomène organique un peu intense, a cause des nombreuses et délicates svmpathies qui l'unissent à eux: .surtout [)ar les rapports qui existent entre la température extérieure et la transpiration : on concevra combien de maladies doivent reconnaître pour causes des modifications «lan.s l'accomplis- Fement de cette excrétion. Que la perspiration cutanée .soit DE LA SUEUR. 5l7 contrariée, souvent alors la nature transporte sur d'autres systèmes la matière dont cette excrélion devait débar- rasser le corps; et diverses maladies éclatent , ou des rhu- matismes j, ou des hydropisies , ou des dysenteries, des catarrhes, selon que ce sont les systèmes musculaire j sé- reux, le canal intestinal, les membranes muqueuses, qui deviennent le point de la fluxion. De là le précepte de beau- coup soigner l'état de la oeau dans ces aÛections^ d'en ex- citer la transpiration. Le thérapeutiste enfin a souvent à considérer la peau , comme siège d'une excrétion qui peut servir à la dépuration du sang ; quel avantage relire sou- vent le médecin de l'emploi des frictions cutanées j des vê- tements de laine, etc. § TIII. De la Sueur. La peau est encore, mais en de certaines circonstances seulement, et non d'une manière continue, le siège d une exhalation, dont le produit n'est plus une vapeur, un ha- jitus , mais un liquide qui se montre en gouttes sur toute sa surface : c'est celle de la sueur. La 5ueur est-elle une sé- crétion autre que la précédente, ou n'est-elle que la tran- spiration augmentée? On croit généralement ce dernier point . et l'on regarde la sueur comme je produit de la surexcitation de l'action Iranspiratoire de la peau. Ce qu'il V a de sûr au moins , c'est qu'elle est sécrétée par les mêmes vaisseaux exhalants. Cependant, il y a quelques différences dans sa nature: le liquide de la sueur est généralement m:oins chargé d'acide carbonique que la vapeur de la tran- spiration, mais plus riche en sels: ceux-ci se déposent sur la peau , et s'y montrent quelquefois sous forme d'écume ou de flocons blancs. Le mécanisme de sa production est celui de toute exha- lation quelconque . et son excrétion est le fait irrésistible de son versement à la surface externe de la peau. Mais cette exhalation n'a lieu qu'éventuellement, par l'influence d'une température chaude, d'une excitation directe ou sympathique de la peau, el d'une excitation de la circu- 5i8 POîfCTlON DES SÉCRÉTIOKS. latioiî. Nous avons dit que la transpiration était augmentée par l'influence d'un air plus chaud ; il est d'observation vulgaire que la clialeur porte cette exhalation au degré qui constitue la sueur. Une excitation directe ou sympathique de la peau a le même effet ; ne l'excile-î-onpas par des fric- tions ? Que de fois dans la vie surviennent des sueurs sym- pathiques j comme dans les affections de l'ame , les maladies du poumon , de l'appareil digestif! Enfin, on observe que tout ce qui active la circulation en général , comme une course, des efforts musculaires , etc., produisent la sueur. Du reste , toutes les parties de la peau ne sont pas égale- ment disposées à exhaler la sueur : celles où cette exhala- tion se montre le plus souvent sont le front, les aisselles^ les aînés, les mains, les pieds; en général toutes celles qui reçoivent une quantité plus considérable de sang , qui sont plus sensibles, et qui ont avec les autres organes des sympa- thies plus délicates et plus multipliées. Cette excrétion n'ayant lieu qu'accidentellementj ne pouvait entrer primitivement dans le mouvement de dé- composition du corps. Aussi y a-t-il moins de dangers à en provoquer la suppression î Cependant on parle souvent des résultats funestes d'une sueur rentrée : ils sont réels eu effet; mais ils ne sont pas dus à la rétrocession d'une ma- tière excrémenlitielle , dont l'expulsion importait à l'éco- nomie, ils tiennent à ce que l'excitation qui se passait à la peau pour la production de la sueur, est tout à coup ap- pelée sur un autre organe , et y détermine une congestion morbide; il y a eu métastase, non de la sueur, mais du mouvement vital, si on peutparler ainsi; et si la sueur cesse alors de couler, c'est parce que deux parties de notre écono- mie ne peuvent être à la fois en exaltation d'action. Parla même raison, on n'a pas fait, pour apprécier la quantité de la sueur , les mêmes efforts que pour la transpiration. Elle est d'ailleurs aussi variable que cette excrétion : sa quantité, sa susceptibilité à se produire varient mille fois selon les âges , les sexes, les tempéraments, Tétat de santé ou de ma- ladie, le degré de sensibilité de la peau, le besoin de dé- puration du sang, etc. Généralement, la sueur est plus fa- DES EXHALATIONS MUQUEUSES. 619 cile dans Ja jeunesse. Du reste, chacun a, à cet égard, sa constitution propre; tel sue avec beaucoup de facilité et par les moindres efforts , tandis que tel autre ne sue jamais. Son utilité première paraît être de rafraîchir le corps, en en absorbant le calorique , lorsqu'elle se vaporise. Ce- pendant , comme en dernier résultat elle fonde pour l'homme une déperdition , elle se montre aussi solidaire des autres excrétions; si celles-ci manquent j elle coule avec abon- dance; si elles sont considérables, elle est rare. A rai- son de l'extrême sensibilité de la peau, des nombreuses sympathies de cette membrane avec tout le corps, la sueur est un des phénomènes les plus fréquents pendant la vie, et , par exemple , un des symptômes les plus communs des maladies. § IX. Des Exhalations mucjueuses ^ et particulièrement Je la Perspiraiion pulmonaire. Les membranes muqueuses . que nous avons présentées tant de fois comme ayant beaucoup d'analogie de structure et de fonction avec la peau , sont aussi, comme cette mem- brane, le siège d'une exhalation transpira toire , dont le pro- duit se mêle aussitôt aux matières ingérées ou destinées à être excrétées , qui sont en contact avec elles. Nous ne fe- rons que mentionner cette transpiration , à l'égard de la muqueuse digestive et de la muqueuse génito-urinaire : mais nous nous arrêterons un peu sur celle de la muqueuse respiratoire, parce que son produit peut être recueilli séparé- ment , et forme ce qu'on appelle la matière de la perspira- iion pulmoj^aire . C'est la membrane muqueuse du poumon qui est l'agent de cette sécrétion. Long-temps on pensa que son produit était formé de toutes pièces dans l'acte de la respiration, par la combinaison de l'oxygène de l'air inspiré^ avec l'hydrogène et le carbone du sang veineux. Mais à l'article de la respira- tion , nous avons réfuté tout ce point de doctrine ; la com- bustion de l'hydrogène ne se fait jdmais sans déflagration; nous avons objecté que la matière de la perspiration pulmonaire 520 FOINCTION DES SÉCKÉTIONS. était également obtenue, quand on respirait des gaz qui ne con- tenalen l pas d'oxygène , de Fazote ou de l'hydrogène, par exem- ple; nous avons dit que cette matière n'était pas une vapeur aqueuse pure, mais unevapeurcliargéed'unematièreanimaîe, car elle est putrescible. Aujourd'bai la perspiration pulmo- naire est universellement attribuée à une sécrétion vitale. Mais de quel sang provient-elle? est-ce du sang veineux de l'artère pulmonaire, ou du sang artériel des artères bron- chiques ? 1] est difficile de prononcer, car pour ces deux cas, les arguments sont les mêmes , ou également puissants. Une injection poussée, soit dans l'artère pulmonaire, soit dans les artères bronchiques, vient également sourdre à la surface des bronches. La matière de la perspiration pul- monaire accuse la présence des substances étrangères portées dans le sang, aussi prouiptement que les autres excré- tions; nous avons cité, à Tarticle de la respiration, d'in- génieuses expériences de M. Magendie à cet égard. Nous pouvons renvoyer à ce lieu, pour tout ce qui est relatif à cette question. Nous mentionnerons cependant ici de nouvelles expérien- ces faites par MM. Breschet et Milne Edwards, dans la vue de rechercher- la cause pour laquelle la perspiration pulmo- naire expulse promplemenl les diverses substances gazeuses et liquides qui ont été portées dans le sang. Nous avons vu que M. Barry, en soustrayanî,à l'aide d'une ventouse , une partie quelconque du corps à la pression de l'almosphère, empêchait toute absorption de se faire en cette partie : nous avons dit que, par suite, ce médecin avait fait dépendre l'action d'absorption de la pression de l'atmosphère, lors- que, consécutivement au vide qu'a fait l'inspiration dans le poumon, cette pression cesse d'être contrelDalancée. Or, MM. Breschet et Edwards , remarquant que l'exhalation ne diffère d'une absorption qu'en ce qu'elle se fait dans une direction inverse, ont conjecturé que cette exhalation de- vrait être accélérée par toute force qui attirerait les fluides du dedans au dehors , et ils ont cru trouver cette force dans Tinspiration. Selon eux, Vinspiratioù appelle mécanique- metit les fluides de l'économie à la surface de la membrane DES EXHALATIONS MUQUEUSES. 52 1 muqueuse du poumon , au m^ême tilre qu'elle fait pénétrer l'air extérieur dans cet organe. Ils appuient leur conjecture sur les expériences suivantes, lo l]s ont adapté à la trachée artère d'un chien, un tuyau communiquant à un souflet , et ont ouvert largement le thorax à cet animal ; la respira- tion naturelle s'est aussitôt suspendue; mais, à l'aide du soullel , ils ont pratiqué une respiration artificielle, et ils ont obtenu ainsi que la surface intérieure des cellules pul- monaires fut constamment soumise à la même pression , et ne présentât plus, sous ce rapport, les différences qu'elle offre dans l'alternative des mouvements d'inspiration et d'expiration de la respiration naturelle. Alors, ils ont in- jecté dans le péritoine de l'animal, six grains d'alcool cam- phré ; et tandis que , sur un autre chien dont la respiration était naturelle, et sur lequel on faisait l'expérience compa- rative , cet alcool camphré apparut, dans la perspiration pulmonaire j au bout de trois à six minutes, chez l'aulre chien il ne s'y m.ontra jamais. Ayant ensuite mis à nu, en un endroit , les muscles de l'abdomen , et y ayant appliqué une ventouse , ils ont vu la surface ventousée déceler bientôt l'odeur de l'alcool camphré. Ainsi , par cela seul que la sur- face pulmonaire avait cessé d'être soum.ise à l'action aspi- rante de l'inspiration , l'exhalation dont cette surface est le siège avait cessé d'excréter les substances contenues dans le sang; et, au contraire, l'exhalation dont la peau est le siège, avait décelé ces substances, aussitôt qu'une partie de cette membrane avait été soumise à l'action aspirante d'une ventouse. 2«Ils ont injecté, dans la veine crurale, de Fhuile essentielle de térébenthine , chez deux chiens , dont l'un respirait naturellement, et dont l'autre était disposé comme dans l'expérience précédente. Ils ont vu que, chez le pre- mier, l'huile essentielle de térébenthine se montrait bientôt dans la perspiration pulmonaire , et qu'à l'ouverture du ca- davre , cette huile imprégnait bien plus fortement le pou- mon et la plèvre que les autres tissus. Dans le second chien , au contraire, l'huile avait à peine apparu dans la perspira- tion pulmonaire, et, lors de l'ouverture dû cadavre, il n'y en avait pas en plus grande, abondance dans le poumon que 0 22 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, dans les autres tissus^ clans la plèvre que dans le péri- toine; c'est comme si on avait fait l'expérience sur un ca- davre, tous les tissus se montraient également imprégnés. Ainsi, dans le premier cliien, Faction aspirante de l'inspi- ration semblait avoir appelé, dans la perspiration pulmo- naire, toute la térébenthine, et avoir éloigné cette téré- benthine des autres tissus; et au contraire, dans le second chien,. la surface pulmonaire, privée de toute force d'aspi- ration , n'avait été pénétrée de la térébenthine que comme tous les autres tissus , et dans la méiiie proportion. De ces expériences, MM. Breschet et Milne-Edwards conclwQnl que chaque mouvement d'inspiration constitue une espèce de succion qui appelle , à la surface pulmonaire, le sang, et qui lait rejeter par cette surface les substances liquides et ga- zeuses mêlées à ce liquide , plus particulièrement que par les autres surfaces exhalantes du corps. Le jugement que nous avons porté sur la théorie de M. Barry y touchant la cause de la circulation veineuse et de l'absorption, doit faire pressentir notre opinion sur ces idées d'un même ordre de MM. Breschet et Edwards. Nous ne voyons encore dans cette influence de l'inspiration sur l'exhalation pulmonaire , qu'une influence accessoire : qu'un de ces faits où la puissance, constamment agissante d'une force physique, vient s'associer à la production d'un phénomène organique, et quelquefois domine la cause de celui-ci. Est-il possible de considérer toute exhalation comme l'eiTeL d'un appel provoqué par une action aspirante physique vers la membrane qui est le siège de cette exhala- lion? Etla propriété qu'a toute exhalation de dépurer le sang des substances étrangères que ce liquide contient , dépend- t-elle d'un semblable appel? Il est trop évident qu'on doit répondre négativement à ces questions, soit qu'on les ap- plique à toutes les exhalations en général, soit qu'on les restreigne à l'exhalation pulmonaire en particulier. D'a- bord, les expériences de MM. Breschet et Edwards nous fournissent elles-mêmes des arguments contre leur manière de voir. Ayant injecté dans la veine crurale d'un chien, qui n'avait qu'une respiration artificielle, de Thuile tenant DES EXHALATIONS MUQUEUSES. 0 23 en dissolution du phosphore , ils ont vu le phosphore se montrer de même dans la perspiration pulmonaire , et , au contraire, ne pas être appelé sous une ventouse appliquée à la surface externe de l'eslomac. Pourquoi ce résultat en- tièrement opposé à celui obtenu dans les expériences précé- dentes? Et une telle opposition devrait-elle se présenter, si le phénomène de l'exhalation pulmonaire reconnaissait pour cause la puissance toute physicme que l'on invoque? D'au- tre part, MM. Breschet et Edwards disent que loutes les parties de la peau ne répondent pas aussi facilement les unes que les autres , à l'appel que leur fait la ventouse; la peau de la cuisse, par exemple, n'accusait pas aussi promplement l'odeur de l'alcool camphré que la peau de la région de i'esîomac. Or^ cela peut-il se concevoir encore, dans l'hypothèse qui attribue l'exhalation à une action physique d'aspiration ? Enfin , la perspiration pulmonaire n'est pas la seule exhalation que présente le corps humain ; et cette exhalation n'est pas la seule qui dépure le sang des substances liquides et gazeuses , qui sont accidentellement mêlées à ce liquide. Or, quelle est l'aclion physique d'as- piration qui produit les autres exhalations , les exhalations séreuses, celluleuses, et autres? Et pourquoi ces exhalations accusent-elles de même la présence des substances étran- gères mêlées au sang? Cette objection s'étend même à toutes les sécrétions , car toutes dépurent le sang; une d'elles sur- tout, la sécrétion urinaire, a spécialement cet oifice; nous verrcns l'urine se charger de toutes les substances étran- gères que contient le sang; or, esl-ce une action physique d'aspiration qui préside à cette sécrétion? Il est trop évi- dent que , dans cette combinaison inévitable de forces phy- siques et de forces vitales que présentent les corps vivants dans la production de tous leurs phénomènes , on a encore ici exagéré Finfluence delà force physique, et paru mécon- naître que l'action organique est toujours la principale. Toutefois le produit de la perspiration pulmonaire est semblable à la matière de la transpiration cutanée; c'est un mélange de gaz acide carbonique , et d'une sérosité albu- mineuse à l'état de vapeur. Il est excrété avec l'air de i'ex- 524 FONCTION DES SÉCRÉTIONS, piration, qui le dissout en partie, et rentraîne avec lui. Il se voit eu hiver, ou quand on expire sur un corps poli ou dans un vase entouré de glace et qui le condense. Les usages de cette sécrétion sont jugés plus ou moins importants, selon l'espèce de sang de laquelle on la dérive. Si on la dit alimentée par l'artère pulmonaire , elle servira à riîématose. Si elle vient du sang des artères broncliiques, ce qui est plus probable , elle servira seulement à maintenir humide la membrane muqueuse du poumon, et peut-être à conserver à un degré fixe sa température. Sa quantité fut d'abord confondue par Sanctorius , avec celle de la transpiration cutanée; mais depuis , on a cherché à évaluer chacune d'elles en particulier. Lawoisier et Séguin s'enveloppèrent d'un grand étui de taffetas gommé , qui s'é- tendait au-dessus de leur tête , mais qui était garni d'un tube , qui communiquait au dehors pour leur permettre de respirer. Connaissant le poids de leur corps avant de com- mencer l'expérience , ils se pesèrent d'abord ayant l'étui , afin de voir de combien les matières des perspirations cu- tanée et pulmonaire augmentaient leur poids; ensuite ils se repesèrent de nouveau , ayant la tête dégagée de letui, de manière à ne recueillir que la matière de la transpira- tion cutanée; dès lors, ce qui manquait à ce poids, pour égaler le précédent, leur parut être la quantité de la pers- piration pulmonaire en un temps donné. Ils reconnurent ainsi, que ces deux excrétions occasionaient, terme moyen, une perte de 2 livres i5 onces en un jour, dont une livre 1 4 onces pour la transpiration cutanée , et i5 onces pour la pulmonaire; la quantité de celle-ci était de 7 grains par minute , 5 gros 60 grains par heure. Mais nous pouvons appliquer à ces calculs les réflexions que nous avons faites pour la transpiration cutanée. La perspiration pulmonaire varie selon l'âge, le sexe, le tem- pérament, la constitution individuelle, le climat, la sai- son, l'excitation directe ou symphatique de la membrane muqueuse qui en est l'agent, l'état de santé ou de mala- die, le besoin de dépuration du sang, l'état des autres ex- crétions avec lesquelles elle entre en solidarité , etc. A DES EXHALATIONS MUQUEUSES. 525 tous ces titres, on nç peut en donner qu'une évaluation approximative. Nota. A l'occasion des exhalations muqueuses et cuta- nées, nous dirons un mot des sécrétions gazeuses , qu'on a appelées pneumatoses . Chez les animaux, il en est d'évi- dentes ; par exemple, telle est , dans les poissons , celle du gazqui remplit leur vessie natatoire. En existe-t-il de même dans l'homme ? Il n'en est pas d'aussi locale que celle que nous venons de citer; mais certainement il s^en fait à la surface des membranes muqueuses, et probablement de la peau. On sait qu'il existe fréquemment des gaz dans l'in- testin , et nous avons indiqué leur nature à l'article de la digestion. Certainement ces gaz ne proviennent pas de l'air qui a été avalé, car on les trouve clans l'intestin du fœtus qui n'a pas encore respiré. Ils ne proviennent pas non plus, en entier au moins, de la décomposition des aliments, car Glisson , Combalusle7\ M. Magendie , les ont vus apparaître dans une anse d'intestin qu^on avait vidée et liée. Le mé- téorisme , la tympanite, sont d'ailleurs des maladies qui sont à l'exhalation gazeuse intestinale, ce que les hydro- pisies sont à l'exhalation des sucs séreux. La perspiration pulmonaire est en quelque sorte une sécrétion gazeuse , car nous avons prouvé, à la fonction de la respiration , que l'acide carbonique, qui en forme la partie principale, n'était pas formé de toutes pièces dans cette fonction ; et des expé- riences nouvelles de M. Edwards, ont mis hors de doute que la muqueuse pulmonaire exhale aussi en de certains cas de l'azotCj par exemple , constamment au printemps et en été. Ce que nous disons de la perspiration pulmonaire, peut certainement se dire de la transpiration cutanée , puis- que le produit de celle-ci contient aussi de l'acide carbo- nique. Enfin, M. Ribes dit qu'ouvrant sous l'eau, dans un cadavre , la cavité du péritoine et celle de la plèvre , il a vu se dégager de ces cavités des bulles de gaz. Nous admettons donc qu'il y a des pneumatoses chez l'homme dans l'état de santé; mais elles se rapportent aux exhalations muqueuses et cutanées dont nous venons de traiter; et si les produits en 526 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. sont recueillis quelquefois dans l'injeslin, ce n'est qu'à cause de la disposition des parties. OrdPiE II. — Sécrétions excluswement dépuratrices et décomposantes . Il n'y en a qu'une dans l'économie de l'homme , la sé- crétion urinaire. Il est évident, que l'urine n'a pas d'autre office dans l'économie que de fonder une excrétion. § 1er. J)e la)^S éc rélion urinaire . Cette sécrétion n'existe que dans les animaux vertébrés, et est chez eux assez pi-ochainement nécessaire à la vie; sa suppression entraîne promptement la mort. Exposons suc- cessivement la disposition anatomique de l'appareil qui en est Tagentj, et le mécanisme de son action. I " De l'Appareil urinaire. Cet appareil va en se compliquant successivement dans la série des animaux vertébrés. Dans les poissons^ où cet appareil est le plus simple , il ne se compose que d'une glande et de son canal excréteur ; la première , appelée rein, rouge , granuleuse , située dans l'abdomen: le second , allant s'ouvrir aussitôt au dehors pour l'issue du fluide. Mais, des poissons aux mammifères , l'appareil va en se compliquant de nouvelles parties; et , chez l'homme , il se compose : i» des reins, glandes paires qui sécrètent Furine; 20 des uretères ^ deux canaux excréteurs provenant de ces glandes , et en re- cevant l'urine ; 30 delà vessie, réservoir où l'urine s'accu- mule jusqu'à un certain point, pour ne plus en être rejetée que d'intervalles en intervalles; 4° enfin ^ de Vurèthre, ca- nal excréteur provenant de la vessie , et conduisant l'urine au dehors» lo Les 7'eins sont deux glandes situées dans la cavité ab- dominale, sur les côtés du rachis, au-devant des dernières côtes aster nales et du muscle carré des lombes , placés cepen- DE LA s/i:CRÉTION UAf^^AIRE. 627 danthors la cavité du péritoine qui ne les recouvre qu'en devant, el plongés là dans une masse de tissu cellulaire graisseux assez abondant. Le rein gauclie est un j)eu j)lus haut que le droit. Quelquefois il n'y a qu'un seul rein ; d'autres fois il y en a trois ; on observe à cet égard beaucoup de variétés. Ces organes ont la forme d'un liaricot , et sont situés verticalement.; la scissure qu'ils offrent dans leur milieu est dirigée en dedans. Leur volume n'est pas en rapport avec la quantité du fluide qu'ils sécrètent. Leur consistance est assez ferme; leur couleur, d'un rouge tirant sur le brun ; et, par la scissure qu'ils offrent dans leur mi- lieu , pénètrent et sortent les vaisseaux qui constituent leur parenchyme, l'artère et la veine rénales , Turetère, etc. Ces reins sont des organes sécréteurs du genre des glandes, et voiciles éléments qui les forment, i» Un système vasculaire sanguin , apportant les matériaux de la sécrétion; celui-ci esî une grosse artère, V artère rénale, qui, naissant de l'aorte abdominale , et s'en détachant à angle droit , après un trajet très court aborde le rein, pénètre par sa scissure, et va se ramifier à l'infini dans sa substance. 2^ Un système vasculaire sécréteur, qui, né dans tous les points du parenchyme, partout où se terminent les ramuscules de l'artère rénale ; est continu avec ces ramuscules, et vient aboutir en une cavité intérieure du rein , appelée hassinet. Ce sont là les deux éléments principaux du rein, comme leurs analogues le sont de toute glande quelconque. 3^ Des veines qui re- cueillent le superflu du sang , et qui , se réunissant en troncs successivement de pjlus en plus gros et de moins en moins nombreux, forment enfin la veine rénale; celle-ci sort par la scissure du rein , et va s'ouvrir dans la veine-cave inférieure. 4oDes vaisseaux lymphatiques, disposés aussi sur deux plans, un superficiel et un profond, et qui se terminent aux gan» glions lombaires. 5^ Des nerfs qui proviennent des ganglions semi-lunaires, du plexus solaire, du nerf petit splanchni- que, et qui, enveloppant d'un réseau l'artère rénale, la suivent dans toutes ses ramifications. 6« Enfin un tissu la- mineux , servant de canevas , de soutien , de lien à toutes ces parties. Ces divers éléments se combinent entre eux dans 5 9-8 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. ]e tissu de l'organe, de manière à former un parenchyme assez dense . Cel ui-ci diffère du parenchyme des autres glandes , et l'inspeclion cadavérique y fait distinguer trois substan- ces : une extérieure, dite corticale, de deux lignes d'épais- seur, qui moins consistante que les autres, est d'une couleur rouge pâle, et reçoit presqu'en entier les ramifica- tions de l'artère rénale : une moyenne , dite tuhuleuse , rajonnée , qui , plus dense, plus solide que la précédente , est moins rouge , et qui paraît formée de beaucoup de petits tubes ; réunis en faisceaux coniques d'une grandeur inégale , dont la base est dirigée vers la substance corticale, et le sommet du côté de la cavité appelée bassinet y ces petits tubes paraissent être les vaisseaux sécréteurs et exci^éteurs du rein : enfin , une toul-à-fait intérieure , dite mamillaire ou papillaire y formée par les sommets des tubules de la substance moyenne. Ces sommets, qu'on appelle mamelons , sont au nombre de cinq à dix-huit, d'une couleur vive, et les aboutissants des excréteurs du rein ; probablement re- couverts d^une membrane muqueuse , ils ont, quand ils sont coupés transversalement, un aspect poreux et semblable à celui d'un jonc coupé en travers. Des anatomistes ont admis de petites glandes, intermédiaires à la substance corticale et à la tubuleuse. D'autres, M. Chaussiery par exemple, i*e- jettent cette distinction du parenchyme du rein en trois substances; ils la considèrent comme un pur effet cadavéri- que , et arguent de ce que cette distinction est d'autant plus marquée , que la section du rein est plus ancienne. Une membrane extérieure , probablement de nature fibreuse, en- veloppe tout l'organe, lui adhère, s'en détache cependant assez facilement, et s'enfonce au fond de la scissure y pour accompagner au loin les artères. Au fond de cette scissure est une petite cavité membraneuse, dirigée suivant la longueur du rein , appelée bassinet , large dans son milieu, étroite à ses extrémités, et dans Tintérieur de laquelle se voient les embouchures des divers mamelons qui y apportent l'urine. Ces mamelons sont entourés là de petits entonnoirs membra- , neux, qu'on appelle calices. En bas , ce bassinet offre l'orifice de l'uretère qui , à cause de sa disposition en entonnoir, est DE LA SÉCRÉTIOIS^ UIIINAIRE. 629 appelé infundihuluni. Sa texture oiîre trois membranes su- perposées ; une extérieure ^ dépendante de la membrane ex- térieure du rein ; une intérieure, de nature muqueuse; et, entre les deux , une moyenne , blanche, fort résistante. Tel est le rein , dont la texture intime semble un peu plus facile à pénétrer que celle de toute autre glande : les injec- tions et les hémorrhagies prouvent combien sont faciles aussi les communications entre l'artère rénale, d'une part, et les excréteurs et la veine rénale de l'autre. 2" Les uretères sont deux canaux excréteurs qui, com- mençant chacun à chaque bassinet du rein, s'étendent de là à la vessie. Ces canaux , de la grosseur d'une plume à écrire , commencentàTinfundibulum, et descendent d'abord un peu obliquement en dedans, jusqu'à la symphyse sacro-iliaque. De là ils se portent en avant et en dedans, et vont pénétrer la partie moyenne du bas-fond de la vessie , croisant succes- sivement le muscle psoas et les canaux déférents. C'est en dehors , et un peu au-dessus des vésicules séminales , qu'ils abordent la vessie, ne perçant d'abord que les deux pre- mières tuniques de ce réservoir, et rampant l'espace d'un pouce entre ses tuniques muqueuse et musculeuse , avant d'arriver dans son intérieur; ils s'y abouchent par un ori- fice étroit, aux angles postérieurs de ce que nous verrons être appelé le trigone vésical. Chaque uretère se rappro- che, dans son trajet, de celui du côté opposé, et est formé de trois membranes; une extérieure, celluleuse; une in- terne, muqueuse ; et entre les deux , une troisième , qui est fort résistante : les unes et les autres sont fort unies entre elles, et rendent ce canal tout à la fois assez solide et assez extensible. 3^ La vessie est une poche musculo-niembraneuse, qui si- tuée dans l'excavation du bassin , au-devant du rectum ou de l'utérus , derrière le pubis , sert de réservoir à l'urioe. Sa situation, du reste, varie; selon l'âge, dans l'enfant, cet organe étant plus élevé que le pubis; selon le sexe, dans la femme, l'utérus la séparant du rectum; selon son état de vacuité ou de plénitude. Sa forme est ovoïde, conique. Son volume est variable selon l'âge, les individus, les habitudes , Tome TH. 34 5So FONCTION DES SÉCRÉTIOTfS. tel cependant que dans Fâge adulte la vessie peut contenir de six à huit onces d'urine. En avant, la vessie correspond à la synipliyse du pubis; et deux petits faisceaux fibreux, qu'on appelle ligaments antérieurs de la vessie , Yj attaclient. En arrière, elle est recouverte par le péritoine^ et est conti- guë, ou au rectum, ou à l'utérus, selon le sexe. En haut, elle répond, dans ce qu'on appelle son sommet, aux intes- tins grêles, et donne attache au ligament supérieur de la "vessie. Celui-ci est composé : i^ de Vouraque^ cordon fi- breux, blanchâtre , étendu du sommet de la vessie à l'om- bilic où il se confond avec les aponévroses des muscles transverses, et reste d'un canal qui^ dans le fœtus, s'étend de la vessie à une poche membraneuse particulière, appelée allanto'ide; 2» des restes des artères ombilicales qui se sont aussi oblitérées; 3» des petites faulx du péritoine, replis de cette membrane séreuse, qui enveloppent l'ouraque et les artères ombilicales. Sur les côtés , la vessie louche un tissu cellulaire abondant, et est côtoyée par les artères ombili- cales et les conduits déférents. Enfin, en bas, elle est divi- sée en deux parties; une antérieure, plus élevée, étroite, figurée en goulot , qu'on appelle son col, et qui , embrassée par la prostate, répond à la partie postérieure et inférieure du pubis; et une postérieure, appelée son has-fond, qui, embrassée par les muscles releveurs de l'anus j, est appliquée sur les vésicules séminales, les conduits déférents et le rec- tum. En dedans , la vessie offre une surface grenue , couverte de mucosités. On y voit i« les rides qui résultent de la mem- brane muqueuse qui en tapisse l'intérieur; 20 quelquefois des reliefs dépendants des saillies que forment les faisceaux de sa tunique musculeuse, et qu'on appelle colonnes charnues; 30 quelquefois aussi des cellules résultant des intervalles de ces colonnes; 4° ^^ haut, Torifice imperceptible de l'ouraque; 50 enfin, eu bas, de devant en arrière, le col de l'organe, le trigone vésical , l'insertion des uretères et le bas-fond de la vessie. Le col est un goulot assez large, à contour épais et arrondi , et qui se rétrécit bientôt un peu pour donner nais- sance à l'urèthre : chez l'adulte, il est un peu plus élevé que le bas-fond ; de sa partie inférieure s'élève un tubercule DE LA SÉCRÉTION URIINAIRË. 53 1 cliarnu , appelé luette ou caroncule ^vcsicale; c'est la fin de l'angle antérieur du trigone vésical. Celui-ci est un espace triangulaire , circonscrit par les deux ouvertures des uretè- res en haut, et celle del'urèLhre en bas; ces ouvertures sont à un pouce et demi l'une de l'autre. Cette partie de la vessie est moins ridée que le reste de l'organe , d'une autre couleur, et paraît avoir une autre organisation, du moins à juger par son épaisseur, sa couleur et l'adhérence de sa membrane in- terne; elle conserve sa grandeur ordinaire, même lors delà con- traction de la vessie, peut-être parce que c'est à elle qu'adhè- rent les vésicules séminales , la prostate et le rectum. Les ori- fices des uretères sont situés aux angles postérieurs de ce trigone vésical; ils sont étroits, et souvent un petit repli delà mem- brane interne de l'organe les recouvre. Enfin, le bas-fondàe la vessie est la partieîaplus déclive de l'organe, et correspond au rectum chez l'homme , et au vagin chez la femme. Deux membranes propres, une muqueuse et une musculeuse , for- ment la vessie. if^Lidi muqueuse en tapisse l'intérieur; continue à celle des uretères et de l'urèthre, elle est généralement avec rides, parce qu'elle est pi us ample que la tunique musculeuse qui lui est susjacente ; elle est garnie de nombreux follicules qui veifsent à sa surface une humeur de lubréfaction; enfin, elle est mince et blanche vers le col de l'organe, et, au con- traire , rougeàlre dans le reste du réservoir. 2<^ La musculeuse , dont les Anciens avaient fait un muscle particulier, sous le nom de musculus detrusor Mnwœestcomposée de fibres pâles, disposées par faisceaux dirigés en tous sens. C'est à travers les mailles que forment ces faisceaux, que sont comprises les cellules dont nous avons parlé plus haut. De ces fibres, les unes, les plus extérieures , sont longitudinales, et diri- gées du col de la vessie à son sommet; les autres, situées plus profondément, sont obliques; d'autres enfin sont transver- sales ou circulaires : quelquefois elles forment des reliefs saillants , auxquels on a donné le nom de colonnes charnues» Les anatomistes ont souvent reconnu trois autres tuniques à la vessie; savoir : une tunique nerveuse , qui s'entendait du tissu lamineux qui unit la tunique muqueuse à la mus- culeuse; une celluleuse , qui consistait dans le tissu cellu- 34. 532 FOISCTIOIN DES SÉCRÉTIOJNS. laire extérieur à la tunique musculeuse; et, enfin, une pe- ritonéale , qui consistait dans la portion du péritoine qui revêt la vessie. Mais évidemment les tuniques nerveuse et celluleuse ne doivent pas être admises; et, quant au pé- ritoine , il ne recouvre que le sommet de la vessie el sa face postérieure , et forme les différents replis qui fixent cet or- gane , et peut-être servent aussi à permettre son ampliation. Dans tout le reste du viscère^ ce n'est que du tissu cellulaire qui se condense à sa surface, de manière à le fortifier. De nombreuses artères portent à la vessie le sang qui est utile à. sa vie, l'hémorrhoïdale moyenne, la honteuse interne, l'ischiatique , l'obturatrice , l'hypogastrique , l'épigastri- que, etc. Des nerfs venant, les uns du plexus sacré, les autres du Iri-splancbnique , animent aussi ce viscère. Le col n'est pas garni, comme quelques-uns l'ont dit, d'un sphinc- ter actif, mais d'une substance blanchâtre, épaisse, ferme, continue avec la membrane musculeuse, et opposant une résistance mécanique à la sortie de Turine. 4^ Enfin, Vurèihre est le canal excréteur de la vessie. Plus ou moins alongé chez les animaux , selon qu'il sert ou non à la génération , ce canal est , chez l'homme , à cause de ce dernier office, placé dans le centre de l'organe excitateur de la copulation , le pénis , et a de sept à dix pouces de long. Chez la femme , il est plus court. Commençant au col de la vessie , dans la glande prostate , il se prolonge jusqu'à l'ex- trémité de la verge où se trouve son ouverture externe : dans ce trajet, il est recourbé deux fois sur lui-même dans l'état de flaccidité du pénis, et au contraire est droit ou presque droit, si le pénis est dirigé en avant et en haut, et si le rec- tum est vide. C'est à M. Amussal qu'on doit la découverte de ce dernier faitimportant pour lecathétérisme. L'urèthre, placé sous le corps caverneux du pénis, est situé d'autant plus superficiellement dans la verge, qu'il s'approche plus de son ouverture externe. On lui distingue trois parties : lO la prostatique , qui est sa partie supérieure , et qui , éten- due du col de la vessie à travers la prostate , a neuf à douze lignes de longueur; c'est la plus large de toutes: en elle aboutissent, de chaque côté d'une caroncule qui existe en DE LA SÉCRÉTION UIUNAIRE. 533 son intérieur , et qu'on appelle verumontanum ou crête urè- îhrale y les deux conduits éjaculaleurs, ceux de la prostate, et un peu plus bas, les orifices des glandes de Cowper. 2» La membraneuse, qui fait suite à la précédente, et qui longue de huit à dix lignes, est la plus étroite de toutes. 3" Enfin, la spongieuse j qui forme les trois quarts antérieurs du canal, et qui est ainsi nommée parce qu'elle est entourée d'un tissu spongieux érectile, semblable àcelui du corps caverneux. Celte dernière est, à proprement parler, la seule partie de l'urèthre qui sôit située dans la verge ; les deux autres lui sont supé- rieures : elle est placée dans la gouttière inférieure du corps caverneux, et va se terminer au-devant de celui-ci par ce qu'on appelle le gland. Nous ne nous arrêteroos pas sur la texture de ce dernier, parce qu'il intéresse plus la fonction de la génération que celle de la sécrétion urinaire. Cette troisième portion commence en haut, par un renflement de la grosseur d'une noix, dit le bulbe , qui paraît résulter d'un tissu analogue à celui du corps caverneux , et qui est coupé de même par des brides intérieures. Quant à l'organi- sation de cet urèthre, elle varie en ses divers points. Il est d'abord , dans toute son étendue , tapissé par une membrane muqueuse, dont les follicules sont d'autant plus nombreux qu'on examine le canal plus inférieurement , et qui offre des rides longitudinales dans la portion spongieuse. Ensuite, cette muqueuse est partout entourée en dehors par une tunique celluleuse plus ou moins dense. Enfin, cette tunique externe est fortifiée; lo à la portion membraneuse, par les fibres du releveur de l'anus , par l'entrelacement fibreux résultant du concours de ce muscle, du sphincter de l'anus, du bulbo- caverneux et du transverse, et par deux muscles constricteurs, décrits ipar FFilson , muscles qui l'entourent en forme d'an- neau, et qui ont leur attache un peu au-dessus du bord inférieur de la symphyse pubienne ; 2» à la portion spon- gieuse, par un tissu érectile entouré de son enveloppe pro- pre, lequel, à la vérité, a plus trait au service de l'urèthre dans la fonction de la génération , qu'à son ofîice dans la sécrétion urinaire. A l'histoire anatomique de la vessie et de l'urèthre, il 534 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. faut rattacher plusieurs muscles qui servent à l'excrétion de l'urine; savoir : ceux des parois abdominales, qui, en rétré- cissant l'abdomen, soumettront la vessie à une pression fa- vorable à son action d'excrétion ; et divers muscles siégeant au périnée , et qui , communs à l'ouverture anus , au col de la vessie et à la partie supérieure de l'urètbre , influeront également sur la défécation , sur l'excrétion de l'urine et sur celle du sperme. Ces derniers sont , outre le releveur de l'anus^ le Iransverse du périnée, et le sphincter de l'anus, que nous avons déjà mentionnés à l'article du rectum , les iskio et bulbo-caverneux. Le muscle releveur de l'anus a quelques-unes de ses fibres, les antérieures, attachées à la prostate, et par conséquent au col de la vessie. Le sphincter de l'anus et le transverse du périnée, ont plusieurs des leurs confondues avec celles du bulbo-caverneux , que nous verrons avoiy une part prochaine à l'excrétion urinaire et spermatiquôj et par conséquent sont associés à la même ac- tion. Quant aux muscles iskio et bulbo-caverneux, les pre- miers, iskio-sous-péniens (Ch.), sont deux petits muscles étendus depuis le côté interne de la tubérositéde l'iskion, jusque sur les côtés du corps caverneux, dans l'enveloppe externe duquel ils se terminent ; et les seconds, péruiéo- uréthral (Ch.), au nombre de deux aussi, ont leurs fibres étendues depuis un entrecroisemen t char nu pi acé entre l'anus et l'urètbre, et qui leur est commun avec le transverse du périnée, le sphincter et le releveur de l'anus, jusqu'au bulbe de l'urètbre, et les parties voisines du corps caver- neux. Cette disposition anatomique de ces muscles explique la simultanéité des excrétions de l'urine et des fèces. 2° Histoire physiologique de la Se'cretion urinaire. La sécrétion urinaire est de celles dans lesquelles le pro- duit est déposé dans un réservoir, d'où il n'est plus rejeté que d'intervalles en intervalles : on peut donc séparer en elle ce qui est de la sècrélion -proprement dite , et ce qui est de r excrétion. lo Sécrétion de L'urine. C'est le rein qui l'etrectuc par DE LA SÉCRÉTION UIIINAIRE. 535 son action vitale, et par Je mécanisme commun de boutes les sécrétions : des faits nombreux en fournissent la preuve. Galieii lie sur un animal vivant l'un des uretères, et voit l'urine s'accumuler au-dessus de la ligature, séjourner dans le rein , et ne plus descendre de ce côté dans la vessie. Sur un autre animal vivant, il lie les deux uretères, et il voit la vessie rester vide. Enfin il coupe les deux uretères , et il voit l'urine s'épanclier dans l'abdomen. Ces expériences prouvent déjà que les reins sont les organes producteurs de l'urine. En outre, ces reins ont la texture des glan- des* l'urine se montre déjà dans leur intérieur, dans leur bassinet et les mamelons qui y aboutissent; une plaie de ces organes donne issue à l'urine; toute maladie de leur tissu modifie cette bumeur. Rien donc de plus certain^ que les reins sont les organes fabricateurs de Turine. Mais leur action à cet égard , est couverte des mêmes ténèbres que celle de tout autre organe sécréteur, et nous ne pouvons en dire que ce que nous avons dit des sécrétions en général. Le sang de l'artère rénale , arrivé aux ramifications dernières de cette artère, est saisi par les radicules des sécréteurs, élaboré et cbangé en urine, et cela par une action qu'on ne peut dire pbysique ni chimique , et qui conséquemment est organique et vitale. Cette action paraît s'effectuer dans la partie du rein que nous avons appelée substance corticale, car c'est là surtout aue se sont terminées les ramifications des artères; l'urine, d'ailleurs, s'y fait remarquer déjà, en coule , si elle est blessée : la substance tubuleuse paraît n'être qu'une agglomération de vaisseaux excréteurs. On a renouvelé, à l'occasion du rein, la discussion de MalpigJii et de Ruisch sur la texture intime des glandes; on a voulu que la substance corticale ne fût, selon les uns, qu'un amas de follicules, et selon les autres qu'un assemblage de vais- seaux exhalants. La sécrétion urinaire se fait instantanément et d'une ma- nière continue; on voit Furine couler sans interruption par la sonde qu'on laisse dans la vessie, par la plaie faite à ce ré- servoir pai' l'opération delà taille, par les fistules urinaires, dans ce qu'on appelle les extrophies ou renversements de 536 roFCTiON des sécrétioks. vessie. Le fluide, après avoir été sécrété par la substance cor- ticale filtre par îa suLslance tubuleuse, et coule goutte à goût te, par le sommet des excréteurs, dans le bassinet; celui- ci le dirige dans l'uretère, et ce canal à son tour le conduit dans la vessie. On s^est demandé si la substance tubuleuse ne faisait que transmettre l'urine , ou ne concourait pas aussi à la former, ou au moins à îa modifier; il paraît que cette humeur y est filtrée, car quand on presse sur cette substance tubuleuse , on en exprime une urine plus trouble et plus épaisse que quand on laisse cette humeur en couler d'elle-même. On a recherché aussi quelles causes faisaient couler ainsi l'urine dans la vessie. D'abord les parties sont disposées de manière à ce que mécaniquement le fluide suive ce cours. En second lieu , la sécrétion étant continue, la nouvelle urine qui est faite doit nécessairement pousser devant elle, celle qui était déjà dans les excréteurs et le bassinet. En troisième lieu , on peut admettre ici comme ailleurs une action contractile des vaisseaux sécréteurs , des vaisseaux urinifères, et une influence des mouvements du diaphragme et des muscles de l'abdomen pour la respira- tion. Sans doute Bellini a exagéré^ quand il a dit que sans cette dernière cause, l'urine resterait dans les tubes du rein, comme le lait, hors les temps de succion, reste dans les vaisseaux lactifères; il y a au mamelon du sein un sphincter qui n'existe pas au bassinet du rein. D'ailleurs, quelle pres- sion accessoire fait circuler le fluide dans beaucoup d'autres glandes^ le sperme, par exemple, dans les vaisseaux sémi- nifères du testicule ? Mais il est certain que la pression du diaphragme facilite le cours de l'urine dans la vessie; cette pression doit d'autant plus avoir cet efifet , qu'elle est moin- dre sur la vessie dans le bassin, que sur le rein dans l'ab- domen, et que les reins et les uretères présentent plus de surface que la vessie. Enfin, on peut encore indiquer comme causes de la progression de l'urine, mais seulement comme causes accessoires, le battement des artères rénales derrière lesquelles sont siîués les bassinets, celui des artères iliaques placées derrière les uretères, et l'influence de la gravitation. Du reste, le cours de l'urine dans ce trajet est assez lent , DE LA bÉcaÉTIOJX UKIJNAIKE. 53; puisque souvent ce fluide a le temps d'y précipiter quelques- uns des sels qu'il charie, d'y former des calculs. On ne voit pas qu'elle puisse y éprouver d'autres modifications que d'y être dépouillée, par l'absorption, de sa partie la plus aqueuse, et par conséquent de s'épaissir. L'urine arrivant dans la vessie s'y accumule jusqu à un certain point : ce réservoir se distend à cet effet; 1 expan- sibilité de ses parois rend cette distension possible ; et son mode de sensibilité, d'ailleurs, le met en rapport avec la présence d'une cerlaine quantité d'urine dans son intérieur. Ce fluide va y faire un certain séjour. D'une part, il ne peut refluer par les uretères ; l'emboucbure de ces canaux dans la vessie est trop étroite, trop oblique ; un repli de la mem- brane muqueuse de la vessie en recouvre l'orifice; d'ailleurs, à mesure que la vessie se remplit, les uretères sont aplatis; une nouvelle ui'ine arrive continuellement par eux ; enfin il faudrait que l'urine refluât de bas en baut et contre son propre poids. Tous ces obstacles au reflux de l'urine de la vessie au rein par l'uretère, sont tels, qu'une injection poussée avec force et abondance par l'urèthredans la vessie, ne pénètre pas dans les uretères. D'autre part , l'urine ne peut couler non plus par l'urèthre, d'abord, à cause de l'angle que fait le col de la vessie avec le bas-fond, et qui est tel que le col est situé plus liant; ensuite à cause de la résistance qu'oppose le sphincter fibreux de ce col, et qui ne peut être vaincue qu'autant que la vessie se con- tracte et presse de toute sa force sur l'urine. Ainsi, l'urine ne pouvant sortir par aucune des ouvertures que présente la vessie , ni par les uretères , ni par Furèlbre , est obligée de rester en dépôt dans ce réservoir. Cependant il faut pour cela qu'elle y arrive avec lenteur; si elle y afflue trop vite , l'action de contraction de la vessie est excitée, et l'excré- tion se fait; c'est ce qui arrive, par exemple, quand on pousse brusquement dans ce réservoir une injection. Pendant son séjour dans la vessie , l'urine est privée par l'absorption de sa partie aqueuse; par conséquent elle s'épaissit et se colore davantage. C'est là aussi qu'elle est plus disposée à laisser déposer des sels, et à former des calculs. 538 FONCTION DES SÉCRÉTIONS. Touteiois, son accumulation dans cet organe n'est possible quejusqu'à un certaindegré; à la fin, la vessie se fatigue^ soit parce que l'urine aaugmenléen quantité, soit parce qu'elle est devenue plus acre ; et alors l'excrétion doit avoir lieu. 20 Excrétion de Vurine. Gomme dans toute excrétion de matières solides ou liquides quelconques, nous avons trois 4jhoses à y considérer; la sensation qui en annonce le besoin, l'action expulsive de la vessie, et l'action musculaire auxi- liaire que la volonté peut y ajouter. A. Comme l'excrétion de l'urine constitue un rapport avec l'extérieur , et que nous avons conscience de tous nos rapports extérieurs , on conçoit pourquoi éclate en nous une sensation spéciale , quand la vessie éprouve le besoin de se vider. Cette sensation ne peut pas plus être définie que toute autre : il faut aussi , à son égard, en appeler au sentiment de cbacun : mais elle est bien distincte en elle-même et par son but. A coup sûr, elle n'est pas une sensation externe , c'est-à-dire, produite par le contact d'un corps étranger. A la vérité, on pourrait regarder comm^e tel l'urine, ])uisque^ celle-ci est un fluide excrémentitiel; mais ce n'est pas Fu- rine, qui, par son contact, fait éclater la sensation dont nous parlons, car il y a de l'urine dans la vessie , bien avant que la sensation se prononce, et souvent il n'y en a pas, lorsque celle-ci sévit. C'est donc une de ces sensations que nous appelons organiques, un besoin physique du genre de ceux de la faim, de la défécation. Elle exige, du reste, coîume toute sensation quelconque, trois actions nerveuses; l'une , qui consiste en une impression que développe la vessie; l'autre, due à un nerf qui conduit cette impression; et enfin, l'action du cerveau, qui perçoit cette impression. De ces trois actions , les deux dernières sont ce qu'elles ont été en toutes autres sensations, et ne peuvent d'ailleurs être contestées; il n'y a aucune sensation sans elles; si le cerveau est altéré, les sensations de la vessie sont paralysées, comme celles de toutes les autres parties du corps; il en est de même , si on coupe les nerfs qui se distribuent à ce ré- servoir. Ce n'est donc que dans l'action d'impression qu'il faut faire aussi consister l'histoire de celte sensation. DE LA SÉCRÉTION URINAIRE. 539 Or, nous avons à en indiquer Je siège, le caractère et Ja cause, it) Son siège paraît être à la vessie ; c'est en elïet là que notre sentiment intime nous la fait rapporter; et il était naturel qu'elle y fût attacliée, puisque la vessie est l'or- gane qui va agir. Mais cette vessie est un organe complexe assez étendu; et peut-on préciser quelle est en elle la partie où éclate l'iQipression? Est-ce au col, au corps, au bas- fond, dans la membrane muqueuse ou la musculeuse? Est-ce dans les nerfs qu'elle reçoit de la moelle spinale; ou dans ceux qui lui viennent du trisplanchnique? On ne peut rien pré- ciser. Sans doute, cette action d'impression siège dans les nerfs de l'organe; mais ces nerfs ne sont pas ici séparés des autres éléments organiques qui le forment , et par consé- quent le siège de l'impression ne peut pas être déterminé, comme il l'est dans un organe desens. 2oEusecond lieu, cette action d'impression est inapercevable en elle-même, et l'on ne peut dire d'elle que ce qu^on a dit de l'action analogue dans les autres sensations ; savoir, qu'elle est le produit du. travail des nerfs de la vessie, et que l'œuvre de ceux-ci est un acte vital. Ne faut-il pas, en effet, l'intégrité des nerfs de la vessie pour la production de cette sensation ? Et quelle est la force physique ou cbimique générale qui puisse don- ner naissance à une sensation, ce phénomène le plus élevé de la nature vivante? 3^ Enfin, la cause de cette action d'im- pression est inconnue, cora.me elle l'est en toute sensation interne. On a cité comme telles; le contact de l'urine sur la vessie , après que , par son séjour dans cette cavité , cette humeur a éprouvé un certain degré d'altération; le poids de l'urine accumulée en certaine quantité ; le degré d'ex- tension du viscère , etc. Mais aucune de ces circonstances n'est absolue ; et il en est ici comme de la nausée , de la dé- fécation, où certainement les causes ne sont pas aussi évi- dentes que le sont celles des sensations externes. Toutefois , à certain degré de l'accumulation de Turine dans la vessie, cette sensation , très distincte par elle-même et par son but, éclate. On ne peutpréciser les époques fixes de ses retours; cela varie , selon la quantité de la sécrétion , la qualité de l'urine, l'irritabilité de la vessie; et chacune 54o FONCTION DES SÉCRÉTIONS. de ces conditions diffère selon les âges, les constitutions. Comme toute sensation interne , elle est plaisir , si l'on cède à son vœu ; peine , si on la combat; et arrivant promp- tement à son summum , elle est bientôt suivie de l'action expulsive du réservoir. B. Celle-ci consiste évidemment en une contraction de la vessie , mais sur le mécanisme de laquelle il y a encore beau- coup de débats. Quelques-uns ont dit que cette contraction était, comme celle des autres muscles de la locomotion, tout-à-fait laissée à notre volonté. Selon eux , lorsque le besoin d'uriner se fait sentir, avertis par cette sensation , nous contractons la vessie, triomphons par là de la rési- stance mécanique du col de cet organe, et obligeons l'urine à passer dans Turèthre, et à couler au dehors. Ils ont argué de ce que la vessie reçoit des nerfs spinaux, et partant vo- lontaires; de ce que cet organe est paralysé dans les lésions de la moelle spinale , comme les muscles des membres ; de ce qu une sensation précède toujours son action, et semble destinée à avertir la volonté. D'autres, au contraire, et avec raison , ont nié que la vessie fût contractile à volonté ; ils ont invoqué l'analogie des autres réservoirs, l'estomac, le rectum, dont les actions d'excrétion sontévidemment invo- lontaires; ils ont dit qu'on n'a pas plus le sentiment de lacon- traction de la vessie que celui de la contraction d'un intestin, par exemple ; enfin, selon eux, on a confondu avec l'action de la vessie elle-même, celle des muscles qui lui sont annexés, et que nous verrons, en effet, tour-à-tour aider ou empêcher l'excrétion, selon qu'ils comprimeront ou non la vessie, et tiendront fermé ou laisseront libre son orifice. Il nous pa- raît certain, en effet, que c'est moins par son influence sur l'action contractile de la vessie, que sur celle des mus- cles de l'abdomen et du périnée, que notre volonté a pou- voir sur l'excrétion urinaire. Toutefois, la vessie, stimulée par la présence de l'urine, se contracte; ses parois se pressent de toutes parts sur ce fluide , et triomphent de la résistance que présente son orifice uréthral. La nature, en effet, a tout disposé pour que cet obstacle soit forcé. D'une pari, les fibres du fond de DE LA SÉCRÉTIOIN URINAIRE. 54» la vessie prédominent en nombre et en force sur celles du col; d'autre part^ les fibres longitudinales, transversales f> 562 TABLE AJiALYTIQUE de l'absorption interne . en partie au moins. Ces matériaux sont donc ce qui est repris dans les organes pour leur décomposition , tous les sucs sécréfés récrémentitiels, et certains principes des sucs sécrétés excrémen- titiels. 1° action rf absorption qui fait la lyniplie. Elle a lieu à l'origine des vaisseaux lymphatiques, n'a en elle rien de physique ni de chimique, et est une action organique d'élaboration. Erreur de MM. Magendie et Fodera^ qui assimilent cette absorption à une imbibition. — Elle ne peut s'appliquer qu'aux matériaux de l'absorption interne, et donne toujours naissance à un même produit. 3° Circulation delà lymphe. Cours de ce fluide 3 causes qui le font se mouvoir; résistances dont ces causes doivent triompher; impossibilité d'évaluer les unes et les autres , et conséquem- ment d'analyser complètement le phénomène. — Probablement le cours de la lymphe est lent ; précautions prises par la nature pour prévenir les effets de cette lenteur. — Probablemeut il n'est pas uniforme dans tous les points du système , c'est-à-dire que ce cours peut être plus rapide en une partie et plus lent en' une autre. — Ce cours va-t-il en accélérant ou en se ralentissant graduellement, à mesure que le fluide approche des troncs centraux? Probablement , pendant son cours , la lymphe va en s'animalisant de plus en plus; faits et considérations à l'appui de celte assertion. 4° Etude de la lymphe. Moyens de s'en pro- curer; propriétés physiques, nature chimique; sa quantité 82 à io3 € II. De r absorption veineuse. 1° Système vasculaire veineux. — L^origine des veines dans les parties est inconnue aussi , et conjectures diverses des anatomistes à cet égard; travaux de Malpighi, Leuwenhoeck^ M. Ribes. — Dans leur trajet, its veines ne restent pas grêles comme les lymphatiques , mais forment des vaisseaux de plus en plus gros , et de moins en moins nombreux ; elles se disposent sur deux plans, un superficiel et un profond ; elles offrent des particularités dans presque tous les organes du corps. — Elles se ter- minent par trois troncs dans le cœur, \es deux veines caves , et les veines cardiaques. — Trois tuniques les composent, et elles ont des valvules dans leur inléiieur. — Pas de ganglions sur le trajet des veines. — Ca- pacité du système veineux, — Exception du système veineux abdominal ou de la veine porte io3 à no 20 Mécanisme de l'absorption veineuse. 1° Matériaux du saji g veineux. Les Anciens disaient le sang veineux un reste du sang artériel , mais si les veines sont les agents de l'absorption interne , les matériaux de cette ab- sorption doivent avoir part à la formation de ce liquide. 2° Action d'ab- sorption des ueines. Elle a lieu à l'origine des veines; n'est ni une simple filtration , ni un pur acte d'imbibition ; discussion et réfutation des opi- nions de MM. Magendie et Fodera sous ce rapport. — Elle est, comme l'action d'absorption par les lymphatiques , une action organique d'ab- sorption, et donne naissance à un même produit. — Legallois voulait que les sangs veineux fussent divers ; raisons qui penvent faire croire qu'au contraire ils sont identiques. 3» Circulation du sang veineux. Renvoi à la fonction de la circulation. 4° Elude du sang veineux. Moyens de s'en pro- DES MATIÈRES. 563 curer ; ses propriétés physiques; sa nature chimique; sa composition mi- croscopique ; sa quantité, etc iio à i^ Afflux les uns clans les autres c4es trois fluides des absorptions, du chyle dans la lymphe , de la Jymphe dans le sang veineux. — Proportion respective de chacun d'eux. ~ Ils servent à faire le sang 128 <à i2() SECTION TROISIÈME. Fonction de la respiration. L'air est nécessaire à tous les êtres vivants ; preuves pour les vcgéraux et Jes animaux. — Il sort à ces derniers par son principe oxygène? — Son office est de faire subir au fluide nutritif des êtres vivants une élaboration essentielle. — Son action fonde Ja respiration. — Dans les derniers ani- maux , cette respiration n'est pas distincte; elle se confond avec l'ab- sorption; elle ne fait une fonction à part, qu'à partir des insectes. — Son histoire comprendra trois chapitres ; élude de l'air, qui est l'ali- ment de la respiration ; étude anatomique de l'appareil respirateur; et mécanisme de la fonction i3o à i33 CHAPITRE 1er. De l'air atinosphérique. — Ses propriétés physiques , sa composition chiroique , etc i33 à i36 CîlAVlTRK II. ^natomie de L'appareil de la respiration. — L'appareil re- spirateur de l'homme , composé du thorax et du poumon. AîiT ler. Thorax. — Sa situation ; sa forme; les os qui en forment la char- pente; les articulations de ces os et la mobilité qui en résulte pour le thorax; soliditéMe cette cavité ; enfin, muscles divers qui serviront aux mouvements respirateurs, diaphragme, inter-costaux externes et internes , muscle sous-clavier , muscles sous et sus-costaux , triangulaire du ster- num, etc 137 à 142 Art, II. Du poumon. Ce qu'est cet organe dans son état le plus simple; ce qu'il est dans l'homme; sa conformation générale. — Eléments qui le constituent; trachée-artère et ses ramifications pour former les bronches; artère pulmonaire; veines pulmonaires ; artères et veines bronchiques ; vaisseaux lymphatiques; nerfs venant, pour la pluj3art de la huitième paire , et un peu du grand sympathique ; enfin , tissu cellulaire impro- prement appelé interlobulaire. — Idées diverses des auteurs sur la manière dont se disposent ces nombreux cléments pour constituer le poumon. Cet organe est attaché au thorax par la plèvre ; description de cette membrane. — Il n'y a pas d'air interposé entre le thorax et le pou- mon 142 à 102 CHAPITHE IIÎ. Mécanisme de la respiration. — Étudier la sensation du besoin de respirer, les mouvements respirateurs, \a respiration propre- ment dite, et le sang artériel, produit de cette respiration. . . i52ài54 Art. Ie^ Sensation du besoin de respirer. — Elle est à la respiration ce que la faim est à la digestion. — Sensation interne, se renouvelant quinze à vingt fois par minute , dont on m peut conscquemment spécifier les de- grés , les variétés ; résullant du concours de trois organes , celui où siège Fimpression , celui qui la perçoit , et celui qui la conduit du premier au dernier. — Recherches surTorgane qui développe l'impression; surce qu'est cette impression , et sur sa cause i54 à 160 36. 564 TABLE ANALYTIQUE Art. II. Aciion musculaire volontaire respiratoire, — Se compose des mou- vements d'inspiration et <ï expiration, — Il faut les étudier dans leurs rap- poits avec la respiration,:et avec d'autres fonctions i6oài6i Ç I*'. Mouwejncnts respirateurs dans leurs rapports avec la respiration. 1° Inspiration. — Jeu du diaphragme en ce mouvement. — Elévation des côtes et du sternum; explication que danue //«Z/er de cette élévation ; sa controverse avec Hambei'ger sur les muscles inter-costaux internes et externes; opinion de Sabatier ', nouvelle explication de MM. Ma^^endie et Bouvier. — Action des muscles de ia glotte dans l'inspiration. — Part du poumon dans ce phénomène. — Jusqu'où pénètre l'air dans le poumon ? — Variété de l'inspiration ; elle at ordinaire , grande , forcée. — Forme nouvelle que prend le thorax dans l'inspiration ; agrandissement qu'a éprouvé cette cavité ; quantité d'air qui y a été introduite ; calculs di- vers des auteurs sous ce dernier rapport. — L'inspiration a pour but d'in- troduire dans le poumon tout l'air dont a besoin , pour s'artérialiser , ie sang veineux qui est alors présent dans ce viscère; conséquerument , elle varie selon la quantité de sang veineux qui est dans le poumon, et selon le degré de richesse de l'air qui est respiré i6i à in3 2° De V expiration, — Etudier , comme en toute excrétion , la sensation qui en accuse le besoin , l'action du réservoir qui excrète , et celle de l'appareil musculaire volontaire annexé à ce réservoir 1^3 A. Besoin de V expiration. — Sensation interne, inverse de celle du besoin d'inspirer , prêtant aux mêmes considérations 174^176 B. Action propre du poumon dans l'expiration 176 C. Action du thorax dans V expiration. — Mécanisme de l'expiration passive. — Mécanisme de l'expiration active. — Mêmes recherches sur la forme qu'a prise le thorax, le rétrécissement qu'a éprouvé cette cavité , la quantité d'air qui a été expulsée du poumon. — Variétés de l'expira- tion. ^77^ ^8a 3» Association des mouvements d'ins piration et d'expiration. — Conjec- tures des auteurs sur les causes qui font que les inspirations et expira- tions se succèdent sans interruption. — Nombre dts mouveuients respira- teurs; leurs variétés en santé et en maladie i8î^ à 187 Ces mouvements placés par Ch. Bell sous l'influence d'un groupe de nerfs spéciaux, appelés respirateurs 187 à 188 § IL Mouvements respirateurs dans leurs rapports avec d'autres Jonc- tions. — Ils servent l'odorat, la digestion, la locomotion, les excrétions, les expressions ^ etc. — Théorie desefFoits; travaux de MM. Bourdon, J. Cloquet et Podera. — Offices des mouvements respiratenis dans les excrétions; le diaphragme n'y est pas passif, comme en l'avait cru. — Mouvements respirateurs considéiés comme phénomènes expressifs; étude du soupir^ du bâillement, du nVe, du sanglot, de [^anhélation. 188 à .ioo Art. III. Respiration proprement dite , hématose. — Selon les anciens, la respiration ne servait qu'à rafraîchir le sang; idée semblable d^Helvétius, DES MATIÈIIES. 565 — Selon U aller , elle sert à déplisser les vaisseaux du poumon , et à faci- liter le passage du sang des cavités droites du cœur aux cavités gauches ; fameuse expérience de f^ésale et, de Hoche , à l'appui de celte théorie. — Réfulalion de ces systèmes; la respiration sert à faire le sang artérjel. — L'air , en pénétrant le poumon , a~l-il éprouvé quelque élaboration ? Le mélange de chyle. Iym|)he et sang veineux , en a-t-i! éprouvé Je même dans son trajet du cœur au poumon? Chaussier croyait à la première de ces choses, et Z,e^a//oz5 à la seconde ; nous contestons l'une et l'autre, — L'air et le niélange de chyle , lymphe et sang veineux, étant mis en contact , en présence dans le poumon , vont se modifier l'un et l'autre. — L'air est dépouillé d'une partie de son oxygène, et entraîne en sortant de la sérosité animale et de l'acide carbonique. — L'enlèvement de l'oxygène de l'air, est un phénomène ca|>ital dans la respiration; on l'observe en toute re- spiration; cet enlèvement cependantne se fait que dans une quantité déter- minée. — Controverses sur Ja question de savoir si , dans l'air inspiré , de l'azote est absorbé; nouvelles recherches de M. Edwards à cet égard. — Calculs divers sur la quantité d'oxygène enlevée à l'air, et sur celle d'acide carbonique que l'air a acquis ; Lat^oisier ^ Mauziès ^ Thompson , Goodwin, Dui'y , etc. — Quant aux changements qu'a éprouvés le fluide des absorptions , le mélange de chyle , de lymphe et de sang veineux , ils consistent dans la formation du sang artériel ; expériences de Goodwin ^ deBichat^ et phénomènes des asphyxies qui le prouvent. — L'enlèvemen t de l'oxygène est une condition indispensable de la formation du sang artériel. — Il n'en est pas de même de la production de l'acide carbonique; c'est un point douteux, que les uns admettent et que les autres contestent. — il est douteux aussi qu'il y ait un rapport entre l'enlèvement de l'oxygène et l'apparition de l'acide carbonique. — Du reste, l'hématose est une ac- tion moléculaire, qui ne tombe pas sous les sens, et qu'on ne connaît que par son résultat; le poumon y a une part active ; preuves de cette assertion ; travaux de Bichat^ de MM. Dupuytren , Provençal , BlainviUe^ Magendie, Legallois , Brodie et autres, sur la section et ligature de la hui- tième paire de nerfs. — Cette action d'hématose est de nature organique : en vain on a voulu en faire une action [ilnysique ou chimique. — Réfutation de la théorie qui attribue la iormalion Uu sang artériel à une simple attri- lion des fluides des absorptions dans les filières -capillaires du poumon. — Exposition et réfutation de la théorie chimique qui assimile la respira- lion à une combustion ; rapports entre une combustion et la respiration; théorie chimique, telle que la présenta d'abord Lap'o/iier; modifications successives qu'on lui fit subir; tour-a-tour la combustion dans laquelle on fait consister ia respiration est supposée se passer dans le poumon et dans les voies de la circulation : objections à la théorie dans l'un (^t Fau- trc eus : elle n'explique pas plus !a conversion des fluides chyle et lymphe en sang, que celle du sang veineux en sang artériel.— L'hématose, comme action d'élaboration vitale, ne s'exeice que sur une même matière, et donne toujours naissaîîce à un même produit i_eï\c s'accomplit instanta- nément. — Quant à la manière doîtt l'oxygène de Tair inspiré est appliqué au fluide à sangciiicr , on a dit ([ue c'était en vertu «îeson affinité que cet 56<) TABLE ANALYTIQUE oxygène se portait de lui-même sur 1p sang veineux ; il est plus probable qu'il est absorbé par une action vitale. — Alors on a présenté les vais- seaux lyniphaliques comme agents de celte absorption ; nous croyons bien plutôt que ce sont les veines pulmonaires qui sont les agents de cette action. — La manière dont agit l'oxygtîne est inconnue. — Quelques physiologistes pensent que la peau exerce une action respiratoire; réfuta- tion de cette opinion 201 à 264 Art. IV. Du sang ariériel. — Comment on s'en procure, ses propriétés phy- siques , ses propriétés chimiques , sa quantité 264^267 SECTION QUATRIÈME. Fonction de la circulation. Elle n'existe que dans les animaux qui ont un sang distinct. —Dans quelques animaux, elle est effectuée à l'aide de vaisseaux seulement; dans d'autres elle nécessite un cœur; enfin elle est tantôt simple et tantôt double. — Il faut étudier d^abortl l'appareil d^organes qui y préside. 268 à 272 CHAPITEE P'". Appareil circulatoire. — Chez l'hdmme il est double ; et dans chaque cercle il se compose de quatre parties, un coeur, un système artériel, un système capillaire et un système veineux. Art. le»". Des cœurs. — Accolés l'un à l'autie , ils semblent ne form.er qu'un seul organe. -- Coeur du corps, l'oreiliette, le ventricule. —Cœur diî poumon , ^son oreillette et son ventricule. — L'organisation de ces deux cœurs est la même ; membrane séreuse en dehors; membrane mince en dedans; entre les deux, un tissu musculcux sur les fibres duquel on a fait beaucoup de travaux. — Vaisseaux, nerfs des cœurs. — Péricarde. 272 à 278 Art. il Des arlb^es. — Disposition de l'artère du corps , ses ramifica- tions successives. — Disposition de l'artère j)ulmonaire. — Semblableov- ganisation dans l'une et dans l'autre : une tunique externe celluleuse ; une tunique interne; et une tunique moyenne, non musculeuse , et formée d'un tissu jaune très élastique, etc. 2783285 Art. IîI. Des systèmes capillaires. — II y en a deux aussi; le système ca- pillaire général et le système capillaire pulmonaire : conjectures di- verses sur leur texture 285 à 289 Af.t. IV. Des veines. — «Disposition des veines du corps; dans leurs ramifi- cations successives^ elles affectent deux plans. — Exposition des veines pulmonaires. — L'organisation de ces deux espèces de systèmes veineux est semblable ; une membrane externe celluleuse, une tunique interne : tt une tunique moyenne, qui est la principale 2893291 CHAPITRE II. Mécanisme de la circulation. — indication du cours du sang ; les deux cercles se t'ont suite; ils s'accomplissent en même temps. — C'est Hari^ey qui a fait cette importante découverte; faits anatomiques , obser- vations et expériences qui prouvent la circulation : il faut Tétudier dans le cœur, les artères, les systèmes capillaires et les veines. . 292 à 2u5 Art. P'". Cirrulation dans l e cœur. — Le cœur vemp'it dans la riiculation l'office d'une pompe aspirante et foulante ; jeu de chaque oreillette; jeu de chaque ventricule ; distinction des mo'îvements de syslde et de dij- DES MATIÈRES. 56 J stole.— Lecœurse vide-t-il en entier àchacjuecontiaction?Quellequanlité de sang projetle-t-il alors? QluîIs chanjji^enients dans le cœur pendant qu'il accomplit ces actions diverses? La diastole est-elle active comme ia sy- stole? — Recherches des causes qui foni contracter le cœur ; système de Slahly qui attribue à l'ame les mouvements du cœur; système de Haller^ qui les dérive de l'irriabiiité et les dithndépendants de toute influence nerveuse 5 réfutation de l'un et de l'autre système; les mouvements du cœur ne sont pas volontaires, mai» ils sont subordonnes à une influence nerveuse; expériences de Legallois, qui place le principe de ces mouve- ments dans la moelle spinale. — Efforts des auteurs pour évaluer la force de projection du cœur 296 à 3o8 Art. II. Circulation dans les artères. — Le sangcirculedansces vaisseaux parce qu'ail y a été projeté par le cœur. — De plus , les artères influent direc- tement sur cette progression du fluide; expéiiences diverses qui le prou- vent. — Les auteurs ne sont pas d'accord sur l'action qu^exercenl les ar- tères dans la circulation; opinion de ceux qui admettent dans les artères des contractions musculaires semblables à celles que présente le cœur, et réfutation de cette opinion : système contraire de ceux qui n'accordent aux artères que de l'élasticité; expériencrs d'^k". Home .^ et de Ch. HasUngs ^ qui prouvent que ces vaisseaux exercent une action contractile vitale. — Du reste, impossibilité d'évaluer la puissance de chacune des deux forces qui font mouvoir le sang , savoir , la contraction du cœur et celle des ar- tères ; et semblable impossibilité d'évaluer les résistances dont ces forces doivent triompher, la masse du sang à mouvoir , les flottements, etc. — Le cours du sang dans les artères est intermittent; il présente des sac- cades qui correspondent aux contractions du cœur ; il va de plus en dimi- nuant de vitesse à mesure que le sang s'éloigne du cœur et arrive aux ex- trémités du système artériel ; Bichat professait une opinion contraire à ce dernier fait, réfutation de sa doctrine sous ce rapport. — Le sang arrive avec des vitesses inégales aux diverses parties du corps. . . 3o8 à 3i8 Art. m. Circulation dans les systèmes capillaires. — Le sang passe sans in- terruption, à travers les systèmes capillaires, des dernières artérioles aux premières veinules. — Selon Harvey ^ le cœur était encore l'unique cause de la circulation du sang dans les systèmes capillaires. — Selon ies mo- dernes 5 cet organe a perdu ici toute son ii'.fluence. — Il faut admettre le concours du cœur, des artères et des systèmes capilla res; mais cette der- nière cause est la principale. — Les systèmes capillaires exercent une action d'aspiration sur le sang j leur rôle dans cette action est tout vital, — La circulation capillaire n'est pas la même dans les diverses parties du corps, et elle varie dans une même partie. — Système de quelques pliy- siologistes qui veulent que certains organes aient pour office de détourner en (juelques cas Je sang; système [de Lieuiaud ^ qui fait de la rate un diverticulum du sang dii i'estotnac; extension de cette idée de diverti- «•Aiium par Rush et M. Broussais. — C'est pendant que le sang traverse ces systèmes rajMl 'aires , que ce fluide éprouve les importantes conversions de l'hématose artérielle et veineuse 3x9à33o Art. IV. Circulation dans les veines. — H arvey encore n'assignait d'autres 568 TABLE ANALYTIQUE causes au cours du sang dans les veines que la contraction du cœur. — Bicliat tomba en une erreur opposée, en niant toute influence du cœur a ce point du cercle. — Il faut admettre comme puissances motrices du sang dans Jes veines , toutes les causes motrices déjà indiquées , action du cœur, des artères, ù^os systèmes capillaires; plus une action spéciale des veines. — Caractères de la circulation veineuse : elle est lenfe , non iden- tique dans les diverses parties du corps , ,et variable dans une même partie : elle va en s'accélérant des extrémités du système veineux ?u cœur 33o à 334 Les auteurs ont encore assigné d'autres causes à la circulation; mais elles sont liypothétiques. — Exception du sysième veineux abdominal. — Exception de la circulation cérébrale , énumération des sinus du crâne. — Jadis on avait admis aussi une exception pour le cœur, mais cela n'est pas. — Histoiie du pouls, ses causes , ses variations : non-seulement W dénèîe l'éïat des mouvements du cœur, mais encore il éclaire sur celui des circulations capillaires : travaux, sous ce rapport, de ^orû^eu , de FoLiquet ^ etc. — Iijfluence mécanique des mouvements de la respiration sur ia circulation : lors de l'inspiration , aspiration du sang veineux dans les cavités du cœur et le thorax; lors de PexpiratioUj arrivée moins facile du sang veineux dans le cœur, et projection ])Ius énergique du sang dans \q^ artères ; expériences de M. Magendie sur ce point. — Application que fait M. Ban y de ce fait à la circulation veineuse 3 expériences de ce mé- decin pour prouver que c'est la pesanteur de l'atmosphère qui pousse le sang veineux de la périphérie au cœur ; objections que nous oppiosons à sa doctrine sous ce rapport. — Au lieu de supposer le commencement du cercle de la circulation au cœur, on peut le supposer, ou au système capillaire du poumon, oomn»e le faisait Bichat ," ou au système capillaire générai. — La circulation , en même temps qu^elie fournit aux oiganes le fluide qui les nourrit et les vivifie, est pour eux l'occasion d'une succus- sion favorable ; fait des mouvements d'élévation et d'abaissement alter- natifs du cerveau ; et leur cause 334 à 35q SECTION CINQUIÈME. Fonction des nutritions. Mise en œuvre du sang dans les organes pour le renouvellement de leur substance : il faut en étudier d'abord l'appareil SSg à 36o CHAPITRE 1er. Anatoinie de Cappareil de la nulvilion. — Cet appareil- est le parenchyme même des organes; tissus élémentaires qui par leur association forment ce parenchyme : tissu cellulaire, vaisseaux sanguins, nerfs. — Conjectures sur le mode selon lequel se disposent ces tissus élé- mentaires pour tonslituer les parenchymes nutritifs 36o à 362 CHAPITRE II. Mécanisme de la nuLviiion. — Il comprend deux actions , la composition et la décomposition des parties 3o3 Art. lef. De la composition des parties, — Elle lésulte de la conversion du sang artériel dans le tissu des organes. — D'abord, le sang, avant d'ar- river aux organes qu'il doit nourrir, éprouve-t-il quelque éiaboration préparatoire? quelques physiologistes l'ont dit : nous professons une opi- nion contraire. Belle dissertation de Leeallois pour prouver que !e sang DES MATIÈRES. 5 69 artériel reste identique dans son trajet du cœuv aux parties; application de ses principes au cours du sang des poumons au cœur. En vain on a voulu admettre l'action de ganglions sanguins. — Le sang arrivé dans le parenclîvine y est changé en leur substance par l'action de ces paren- chymes. Le mouvement de composition est en effet l'œuvre de ces pa- renchymes, et la nature de l'action à laquelle il se livre est vitale. — Réfutation de toutes les théories physiques et chimiques de la nu- trition. — L'acte de composition eat une élaboration organique qiri ne peut s'appliquer qu'au sang artériel, et qui n'a en soi rien de chi- mique : il fait lui-même les éléments qui composent les organes; en vain M. Magendie veut faire puiser ceux-ci dans les aliments et l'air respiré; expériences de ce physiologiste à ce sujet; preuves que l'éco- nomie vivante crée ici des combinaisons matérielles contraires à celles de la chimit^ inorganique. — Cet acte donne toujours à son produit la même nature intime, varie en chaque organe, paraît s'effectuer instantanément, peut-être a influence sur la formation du sang veineux , et est dans de certains rapports avec la circulation capillaire et Faction de décomposi- tion 363 à 387 Art. il De la décomposition des parties, — Elle résulte d'une action de résorption. Preuves physiologiques , pathologiques et expérimentales de cette résorption qui fonde Vabscrption interstitielle de Hunter. — Elle est rapportée aux veines et aux vaisseaux lymphatiques, et est une action - organique d'élaboration. — Elle a un caractère différent en chaque partie du corps • 387 à 892 Ces deux actions de composition et de décomposition ont entre elles les rapports les plus intimes , et le corps va ainsi en se détruisant et se refor- niaiit sans cesse; expériences de Belchier^ de Duhamel^ etc. , à l'appui de ce fait Ou a dans la cicatrisation des parties une image de l'action de nutrition Sga à 397 SECTION SfXlÈÎVIE. Fonction des calorifications ou de la chaleur animcde. Ce que c'est que la température d'un corps ; quelle en est la cause; diféicnce du calotiquc latent ou combiné, et du calorique libre ou sen- sible ; ce que c'est (jue le caloricjue spécifique d'un corps. — Causes qui déterminent le dégagement du calorique dans les corps inorganiques; la principale est la loi dite d'équilibre , ou de nii^eau du caloricjuc. — Les corps 7^zVa«Z5 sont affranchis de cette loi; ils produisent eux-mêmes le caîoriqiie libre duquel dépendleur température, et mainîiennenl celle- ci à un même degré , quelle que soitla température du milieu ambiant. — 01)Servations et expériences de Hunier^ Duhamel^ Fordyce et Ba/icks , Delaroque et Berger,, etc. , à l'appui de cette double assertion. — Il faut rechercher d'abord quel est l'appareil de la calorification . . 398 a ^0^ CHAPITRE 1er. Appareil de la caloriflcation, — Quelques physiolo- gistes n'assignent pas d'appareil à celle îoixcùon : Chaussier, par exem- ple , qui fait de la production de la chaleur une propriété vitale , sous le jiom de caLoricLié j Bcin , qui coiisidcrc le dégagemeut de la chaleur vi- 5 70 TABLE ANALYTIQUE vante comme un rësultat commun de toutes les fonctions. — Réfutation (le ces deux premières hypothèses. — Selon nous, il y a un appareil calo- rificateur; mais, selon les uns, cet appareil est concentré en un seul lieu du corps; et , selon d'autres , chaque organe dégage sa chaleur , comme chaque organe se nourrit. — Théorie des Anciens , qui plaçaient le foyer de la chaleur humaine dans ie cœur. — Théorie des chim.istes modernes, qui placent ce foyer dans le poumon. — Théorie de MM. B) odie et Chossat, qui le placent dans les centres nerveux. — Théorie dans laquelle ou veut que le calorique soit dégagé dans tout le cours de la circulation par une cause mécanique ou chimique quelconque. — Enfin , théorie qui suppose que chaque organe dégage du sang qui pénétre son parenchyme , le calo- rique qui détermine sa température. — C'est cette dernière théorie que nous admettons. — Dès lors l'appareil de la calorification est ie paren- chyme même des organes /jo^ a. \ii CHAPITRE II. Mécanisme de la r.alovification, J\.ET. 1er. Acùoii de la calorifîcation proprement dite. Tout parenchyme d'or- gane, par une action vitale, dégage le calorique qui fonde sa température. Ce parenchyme a une part prochaine à cette action. — Et cette action n'est ni physique, ni chimique , mais vitale. — Théorie dans laquelle on veut que la chaleur animale soit une suite forcée de la ciicuiation capil- laire , et tienne au calorique qui se dégage par suite des frottements. — 1 héorie de Josse et de Bicfiat , qui font de la calorification une dépendance toute chimique de la nutrition. — Théorie de Craw/brt , qui établit que dans la respiration le sang artériel se charge de calorique , et que ce saug ensuite se dégage dons les organes, lors de sa conversion en sang veineux, — Raisons qui portent à croire que des ciuq actions qui ont lieu dans les systèmes capillaires; savoir • circulation capillaire, composition, décom- position, sécrétions et calorifications, ce sont les caloiifications qui ont la plus grande part à la conversion du sang artériel en sang veineux. — Expériences qui prouvent que chaque partie a sa température spéciale. — De la somme de ces températures partielles résulte la température de tout le corps, 29 à 3o degiés , th. de Deluc 4^2 à 43 1. Ar.T. II. Maintien de la température de Vhomme, L'homme résiste au froid ; moyens naturels et industriels auxquels il doit cette faculté. — Son pou- voir cependant est, sous ce rapport, renfermé en certaines limites; au delà , les parties se congèlent. • — L'homme résiste de même au chaud; il conserve sa températuie dans un milieu plus chaud que lui; moyens na- turels et industriels qu'il emploie dans ce but. — Théorie de Franklin , qui fait de l'évaporalion des perspirations pulmonaire et cutanée un moyen naturel de refroidissement ; ce qui arrive quand l'homme éprouve une chaleur supérieure à celle dojit il peut triompher . . . i\^i à 4^8. SECTION SEPTIÈME. Fonction des sécrétions. Fonction qui existe dans les végétaux comme dans les animaux , et (|ui est multiple dans l'homme. CRAVlT^'Eler. De la sécré lion en général 439. AuT. !«>■. Anaiomie des organes sccrèicursn Los organes sécréteurs résultent DES MATlï^lES. ^yi tous de deux systèmes vasculaires aboucht^s l'un à l'autre par leurs rami- fications dernières ; un sanguin apportant les matériaux du fluide sécrété; un sécréteur propiement dit, faisant, ou au moins exportant, le fluide sé- crété.— Ils sont de trois sortes : loles organes exhala nls, où le système vas- culaiie sécréteur est immédiatement continu au système vasculaire san- guin : ce sont les organes sécréteurs les plus simples; leur nombre dans le corpshumain. 2° 'Lesjbllicules, ou un follicule estintermédiaireau système vaicuiaire sécréteur , et au système vasculaire sanguin : ce sont déjà des organes sécrétcuis plus compliques ; ils sont situés dans les deux mem- branes tégumentaires , et sécrètent une humeur de linition. 3° Entin les glandes , les organes sécréteurs les plus compliqués : controverse ana- tomique sur leur texture ; leur nombre dans l'économie de l'homme; quelques-unes ont un réservoir où l'humeur qu'elles fabriquent se met en iépôt ; on peut a/lors distinguer l'excrétion de la sécrétion. 4^9 ^447' Art. II. Mécanisme des sécrèdons. Toute sécrétion consiste dans la conver- sion du sang qui pénètre l'organe sécréteur en Ihumeur sécrétée : la con- version ne commence que dans Je parenchyme de l'organe sécréteur ; jusque-là Je sang , quoi qu'on en ait dit, n'ép;ouve aucune élaboration préparatoire.— Il y a action de l'organe sécréteur, et cette action est une élaboration vitale. — Réfutation de la théorie des mécaniciens , qui assi- milent la sécrétion à une filtration , et qui comparent les organes sécré- teurs à des cribles; examen du dernier travail de M. Fodera , sous ce rapport. — Réfutation de la théorie d'Hai?ièerger , qui fait de la sécrétion une précipitation physique. — Prcu\es qu'il y a dans la sécrétion , non simple triage , mais formation de l'humeur sécréiée ; néanmoins , expé- riences de MM, PrèvosL , Dumas et Sêgalas , qui, trouvant de l'urée dans le sang des animaux auxquels ils ont extirpé les reins , paraissent con- tradictoires à l'idée qui fait de la séctérion une action d'élaboration. — Réfutation de toutes les théories chimiques des sécrétions. — C'est donc une action vitale , qui s'accomplit instantanément à l'origine du système vasculaire sécréteur, et qui varie en chaque oigane sécréteur. 44'^ ^ 4^" CHAPITRE II. Des sécrétions en j>aruculier. Nous en traiterons selon qu'elles seront recrémentitielles ou excrémentiticiles . . . 4^^ ^ 4^9* AuT. P"". Des sécrétions recrémendlielles. Tout à la fois , elles remplissent des offices locaux , c'est-à-dire relatifs à l.i partie sur laquelle elles sont ver- sées , et des offices généraux , c'est-à-dire relatifs à la formation de la lymphe et du sang veineux 4^9* § I^''. Exhalau'on du tissu cellulaire. — Fluide séreux, exh.^ié dans les aféoles dn tissu lamineux ; ses usages ; sa quantité 4^9 -^ 4/°' ^ II. Exhalation des sucs séreux. — Anafomie des membranes séreuses. — natuie des sucs séreux. — Leurs usages 470^4"^* § IIÎ. Exlialaiion de La synovie. — Analomie des membranes synoviales ; leurs diverses espèces. — Usages de la synovie 47^'^^474' § IV. Exhalation delà graisse. — Controverses sur l'organe producteur de la graisse. — Tissu adipeux de Hanter. — Nature chimique de la graisse ; ses usages ; sa quantité 474 ^ 47^' 572 TABLE ANALYTIQUE § V. Exhalation de la moelle. — Anatorais de l'organe médullaire • diversilé de ses formes. — Usages de la moelJe 4783480 § ^^' Exhalation des mucus colorants. — Mucus colorant de la peau : il est le produit d'une exhalation organique , et non l'effet physique de la lu- mière. — Débats sur son organe producteur. — Ses usages. — Mucus colo- rants de la choroïde , de Tiris , des procès ciliaires 480 à 483 § VJI. Exhalations aréolaires. — Humeur de Cotunni ^ les trois humeurs dei œil. — Exhalation albumincuse rouge ou blanche des ganglions lym- phatiques et des ganglions glandiformes. — Exhalation à la surface interne des vaisseaux, ou artériels, ou veineux , ou lymphatiques. , 4^3 à 484 Art. il Des sécrétions excrémentitielles. 1er. Ordre. Sécrétions qui ne sont décomposantes cju accessoirement. Elles sont multipl.-s 484 3 i^'' Secrciion de Vhumeur sébacée. — Débats sur l'origine de cette sécrétion : elle est duc à des foliicuks que contient la peau ; elle varie dans les di- verses régions de cette membrane. — Ses usages locaux. — Par cela seul qu cile Cit excrémentitielle, il faut la respecter, et elle remplit des usages §éiiéiaux 485 à 486 § li. Sécrétion folliculaire mucjueuse. — Elle est due aux follicules qui siè- gent dans \(i& membranes muqueuses, et varie aussi dans chacune des régions de ces membranes. — Mucus nasal , buccal , tousiilalre, œsopha- gien , gastrique, intestinal, etc. — Usages locaux et généraux de ces mucus. — Excrétion du ujoucher. — Excrétion du cracher. . 4^^ ^ 49^ § in. Sécrétion des larmes , 49'' 3 IV. Sécrétion de la sali^'e et du suc pancréatique. — On eu a parlé à la di- gestion 491 à 492 § V. Sccréiious de la bile. 1° Appareil de la sécrétion biliaire. — Descrip- tion du foie , des conduits hc'patiqueet cystique , de la vésicule biliaire , du canal chcicdcque. — 2° Mécanisme de la sécrétion biliaite. — Il faut d'abord savoir si c/est le sang de l'aitere hépatique ou celui de la veino- poi le qui lournit les matériaux de la bile, et ia solution de cette question supj:ose qu'on connaît les usages de la rate et ceux du système de la veine-porte. — Trois principaux offices assignés à la rate : elle est un organe sécréteur; elle est un ganglion, ou lymphatique, ou sanguin , destiné à élaborer Je sang, soit pour la sécrétion biliaire, soit pour l'hématose en général j enfin, elle est un diverticulura dusang de l'estomac dans 1 intervalle des dijjestions. Expériences de l'exti-pation de la raie par M. Dupuytren. Les usages de la rate sont encore inconnus. — Même ignorance des usages de la veine-porte : elle est la voie d'absorption F (\C)-\k5o() § VI. Sécrétions excrémentidelies génitales. — Au nombre de trois : leur histoire renvoyée à la génération 5oc) § VII. Exhalation cutanée ou transpiration insensible, — Faits qui prouvent qu'elle tombe sons les sens. — M. Edwards reconnaît en elle deux choses, une action physique d'évaporation, et une exhalation excrémenlitielle : il nous paraît avoir exagéré la part de la première. — Nature chimique de la perspiration cutanée. Sa quantité appiéciée par Sanctovius^ Dodart^ Robinson ^ Gorter , etc, : objections à ce genre d'expérience. — Ses usages 5oc) à 5 17 § VIII. De la sueur. — Elle n'est que la transpiration cutanée augmentée. — Causes qui amènent la sueur. — Ses usages. — Ses rapports avec les antres excrétions 5ir àSiy § IX. Des exhalations muqueuses et particulièrement de la perspiration pul- monaire. — Cette perspiration pulmonaire est une sécrétion vitale. — Si elle provient du sang de l'ariére pulmonaire, ou de celui îles artères bronchiques. — Travaux de MM. Breschet et Milne Edwards , pour prouver que le mouvement d'inspiration a grande paît à sa production ; remarques critiques touchant les conclusions de ces travaux. — Appré- ciation de sa quantité par Zawmer et 6'%Mm. . 519 à 525 , Des pneumatoses 5i5 2« Okdre. Sécrétions exclusivement dépuratives et décomposantes. . . . 526 § pr. Sécrétion urinaire Ib» 10 De l'appareil urinaire. — Chez l'homme se compose de quatre par- ties : lo les rtins : leur situation, leurforme, les éléments qui ies compo- sent, artère et veine rénales , vaisseaux lymphatiques, nerfs, etc. j leur texture : on distingue en eux trois substances, la corlic;tle, la tubuleuse et la médullaire; bassinet, calices, etc. — 2° Les wrezère^ .* leur gros- seur, leur trajet, leur texture. — 3° La ze^^'e : sa situation, sa forme, ses rapports. — Ligaments antérieurs et supérieurs de la vessie. — Son col 5 son bas-fond. — Sa surface interne, trigone vésical. — Sa texture, une tunique muqueuse et une musculeuse , etc. — 4° L'wrè/^re : sa situa- tion , sa longueur, sa direction. — On peut y distinguer trois portions , une portion prostatique, une membrane qui serait mieux nommée muscu- leuse, et une spongieuse. — Plusieurs muscles annexes utiles à Texcrétion de l'urine, releveur de l'anus, transverse du périnée, sphincter de l'anus, ischio et bulbo-caverneux 526 à5o4 20 Histoire physiologique de la sécrétion urinaire. — Séparer la sécrétion et l'excrétion. 1° Le rein est l'organe sécréteur; il agit par le mécanisme commun des séciétions : la sécrétion est instantanée , continue.— L'urine passe de la substance corticale dans la tubuleuse, et de la tubuleuse dans la mamelonée; l'uretère ensuite la conduit dans la vessie, et s'y accumule. — 2» L'excrétion de l'urine comporte trois choses: la sensation interne du besoin d'uriner, l'action expulsive de la vessie, et une action 574 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES. musculaire auxiliaire. — Nature, siège, caractère et cause du besoin d'uriner. — La contraction de la vessie n'est pas volontaire. — Enfin, action musculaire volontaire auxiliaire. — Etude physique et chimique de l'urine ; sa quantité : ses différences selon les diverses conditions orga- niques, âges, sexe, état de santé, état de maladie, etc. — L'urine n'a aucun usage local ; mais elle remplit deux offices généraux, elle dépure îe sang, elle accomplit la décomposition du corps. — La dépuration du sang par l'urine semble consister en un simple triage. — Discussion de !a question de savoir s'il n'y a pas quelques Voies directes de l'appareil digestif à la vessie. — Le mode selon lequel la sécrétion urinaire accomplit la décomposition du corps est tout-à-fait inconnu 534 ^ ^^^ Art. IIL Quelques généralités sur les sécrétions , et particulièrement sur les excrétions. — Partage des, excrétions en sensibles et insensibles. — A Tex- ception de la sécrétion urinaire, toutes ont des usages locaux ; mais de plus elles concourent avec cette excrétion urinaire aux usages généraux de la dépuration du sang et de la décomposition du corps. — Solidarité des excrétions sous ce rapport, même des excrétions morbides. — Impos- sibilité d'évaluer la quantité totale des excrétions 55o à 554 FIN DE LA TABLî: ANALYTIQUE DU TROISIEME VOLUME. v3 #