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POGGIANA,

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La vie, le CARACTERE, LES SENTENCES, ET LES BONS MOTS

D E

POGGE FLORENTIN*

AVEC SON HISTOIRE

DELA /

REPUBLIQUE DE FLORENCE,

Un SupLEMENl-de divcrfes Pièces importantes.

TOME SECOND,

A AMSTERDAM, Chez Pierre Humbert.

MDCCXX.

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AVIS

SUR CET ABREGE' DE L'HIS- TOIRE DE FLORENCE.

S9?S ^ ^^^^^ réfolu d'abord fi^.É de ne marquer que les 2^i^^ principaux traits de l'Hiftoire Florentine de Pog~ gejHiais après l'avoir lue tou- te entière on a crû faire plai- fir au Public de l'abréger en faveur de ceux qui n'aiment pas le Latin , ou qui ne font pas d'humeur de lire l'original d'un bout à l'autre. On y a joint les éclairciflemens qu'on * 1 a

n Avis sur l'Abrège' a pu trouver dans Léonard Aretin , dans Nicolas Machia- vel-, Citoyen & Secrétaire de Florence , & dans les Notes de M. Recanati qui a conful- plufleurs Hiftoriens de Flo- rence peu connus hors de l'Ita- lie. On a pris plaifir à con- fronter les divers cara6teres de ces trois Hiftoriens de Flo- rence, Léonard Arecin a plus de détails, Ion flile eft plus fimple , & plus naturel , il tient plus du Journal que de l'Hiftoire. Pogge s'étend da^ vantage , fon ftile eft plus fou- tenu 5 il fait parler fes perfon- nages, à la manière de Tite Live Se de Salufte. Machia- Vçl éçriç ea Politique, dé-.

■*>f-

DE l'Hist. de Florence, m

velope les evcnemens avec beaucoup de pénétration , mais fbuvent il loupçonne5& il de- vine à l'imitation de Tacite y dont il n'a pourtant pas luivi le ftile concis^ Se ferré, A l'égard de Monfieur Recanaùy en bon Vénitien , il prend , dans les notes , le parti de fa Patrie , quand il arrive àPog- ge de décharger la bile con- tre elle, comme il fait fbu- vent.

Les guerres que font les Villes, & les petits Etats font en petit j ce que (ont en grand les guerres des Nations en tic-» res. On y voit mêmes intri- gues , mêmes ftratagêmes, inêmes pallions , mêmes ca- - 3 rac-

IV Avis sur l Abrège' raderes, mêmes révolutions en un mot des évcnemens tout Icmblables. La railbn en eft bien claire , c eft qu'on y voit THomme par tout, blanc , ou noir , félon le cli- mat, habillé, & armé dif- féremment, félon les divers ufages des Nations , plus féro- ce, ou plus doux, plus brutal, ou plus civilifé luivant le ca- ractère des iiécles , mais tou- jours l'Homme, quant à 1 in- térieur. On y trouve encore les mêmes exemples , ou de valeur, & de Hdclité , ou de lâcheté , d"inconll:ance , & de perfidie. Les guerres y iont conduites, pour la plu- part, comme les nôtres, lui-

vant

delHist. de Florence, v vant l'incercc , l'ambition , & quelquefois les intrigues ga- lantes des Généraux, qui ont l'art de poufler, ou de pro- . longer une guerre , de recu- ler, ou d'avancer une paix, au gré de ces palTions. On y eft furpris, & confus de le voir la dupe des apparences, en découvrant quelouventce3 grands événemens qui occu- pent tout l'Univers 5 lont ame- nez, par les plus petites eau- fes , & par les reflotts les moins importans en eux-mê- mes. Mais lur tout on eft frappé d'admiration à la vue de ce qu'on appelle vulgaire- ment le fort des armes , de rinconftance de la fortune ^ * 4 mais

VI Avis SUR l'Abrege'&c. mais qu'on doit appel 1er la conduite fecrete , & profon- de, les refforts impénétrables de l'Arbitre fouverain de l'U- nivers. On a cru que le Lec- teur ne (eroit pas fâche de voir la preuve de cette reflexion dans cet Abrège , l'on a réduit en deux les huit Livres de Pogge.

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V.»^ V.» V W V.» V»* V.* W V»* ÎV' iv V.» V»» w V»*

AVERTISSEMENT.

TA UT EUR de ce Recueil ayant eu occalion de li- re les Oeuvres de Togge Florentin , en travaillant à un Ouvrage plus férieux, a crû que les Savans pourroient fe dé- lalFer en le lifant , comme il s'efl délaile lui-même en le compo- fant. Pogge Florentin elt aiîcz: célèbre dans la République des Lettres ^ pour infpirer au Pu- blic quelque curiofité de le con- noître plus particulièrement. On verra par l'Hilloire de fa vie^ & par les traits qu'on a raflemblez ici que ce qui part de fa plume , ne doit pas être indiffèrent aux * 3 per-

II AVERTISSEMENT.

perfonnes de bon goût. On y trouvera du ferieux , & de l'en- joué ^ des fentences, & de bons mots , de l'a morale , & de la politique , Y Art militaire y tient mênae fa place de tems en tems.

Quoi qu'il femble que la mo- de des Livres en y^ua commen- ce un peu à pafler , on a crû pourtant pouvoir donner à ce Recueil le titre de Toggiana. D'autant plus que dès lors on avoit donné le nom de Toggia- na , & de Montepolitiana aux découvertes que firent en Alle- magne Pogge , & Barthelemi de Montepolitiano , comme cela paroît par une Lettre de Fran- cifco Barbara à Pogge fon bon ami. Cette Lettre dont Mon- fieur Recanati n'a donné que quelques fragmens s'ell trou- vée toute entière dans la belle Bibliothèque de S. Paul à Leip-

AVERTISSEMENT, m

iig. Comme le favant Monfieur Bœrner ProfeOeur en Théolo- gie, & Bibliothequnire de l'U- niverfité de cette Ville me l'a généreufement communiquée ^ j'en rapporterai * ici un endroit allez curieux , & qui jultifiera le titre qu'on donne à cet Ou- vrage. Tout de même quon ap^ felLoit les pommes d' App'ms , Appiana , les Cerïfes de Lu- ciillus ^ Luculliana , ^ les poi- res de ^JManlïus , Manliana. On appellera atijjl tin jour Pog- giana, & Montepolitiana /f'j/?- mences de Littérature que vous avez, apportées â* Allemagne , en Italie. Peut-être ne croioit- on pas que l'origine des /Ina fût aufTi ancienne. On a cru d'ailleurs ne pouvoir fuivre un meilleur modèle que celui de * 4 Mon-

* On la trouvera toute entière en Latin à a fin du Tome U. de ce Recueil, pag.313.

ïv AVERTISSEMENT.

IVIonfieur l'Abbé du Pin, qui a intitulé Gerfoniatia , l'excel- lent Ouvrage qu'il a donné fur la vie , la dot^rine , les fenti- mens ^ & les Ouvrages du cé- lèbre Jean Gerfon Chancelier de rUniverlité de Paris , & fon Dé- puté au Concile de Confiance. Ce petit Ouvrage aura qua- tre Parties. La première con- tiendra la Vie de Pogge , & de plufieurs de fes contemporains ^ tirée de divers Auteurs , & principalement de la Vie de Pog- ge que Jean Baptiile Recanati , Noble de Veniie , & Académi- cien de Florence , a mife à la tête de VHifioire Florentine de ^ogge , imprimée à Venife en 1715.

La féconde Partie fera un re- cueil de fentences , de maxi- mes, & de traits d'Hiiloire ti- rez des Ouvrages de cet illullre Florentin. On a pris foin d'ame- ner

AVERTISSEMENT, v

ner ces fentences , de les lier, & de les éclaircir par quelques reflexions.

La troifième Partie eft un A- bregé de l'Hiftoire de Florence de Pogge , Ton a joint des Eclairciiremens tirez de Leo^ nard Aretin , de Machiavel & des Notes de Monfîeur Recana- ti fur l'Hiiloire de Florence.

La quatrième Partie confifle dans le choix qu'on a fait des meilleurs mots de Pogge , & des hommes illuflres de fontems imprimez à Strasbourg en 15-10. fous le nom de Facetta. Enfin on trouvera ici en forme defup- plement quatre Pièces Latines, favoir trois Lettres , la première de Pogge , la féconde de Francif- co Barbaro fur la découverte des Oeuvres de Quintilien, & la troifième de Cincio. La quatrième Pièce ell l'Oraifon funèbre d'Emanuel Chryfolore * 5 par

Ti AVERTISSEMENT.

par André Julien Noble Véni- tien.

On trouvera de tems en tems dans cet Ouvrage des endroits qui pourront fervir de préli- minaire au Concile de Baile auquel l'Auteur de l'Hilloire du Concile de Confiance tra- vaille.

Fautes à corriger dans le Tome I.

ù

Pag. 31. lig. 7. Ckeron, v quil. lifez Ciceron. Il prétend même qu'il. P. 49. I. i. qu'il, lif. ce qu'il, p. 115. 1. zo. reformer y ajoutez le feftpk, P. 117. 1. 18. vigiiants. lil. eveilU:^.

AVIS

<i/- «^ Qp* cj^ f cA -.y- Cf»*- Cf qt^ cp.*- qt^ cô*- vv- cp- t^T*-

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SUR LA SECONDE PARTIS:

Avec quelques Additions.

1^^^ iV a cru que le Public ne per- : Çy ^ droit rien à la méthode qu'on i^p^wj^ a fuivie dans cet te féconde Par- ''^" ' " tie. ^oique Pogge eût beau- coup d'efprit ^ de [avoir ^ iln^y a pour- tant pas toujours ni ajfez de tour , ni ajjcz de choix dans fes "traitez pour les donner tels qu'ils font en original, ^iel- quefois il s'' étend beaucoup fur des chofes qui interefj'ent fort peu ^ fur tout à pre- fent 5 d'autrefois il pajfe avec rapidité fur des endroits , qui meriteroient plus d'étendue . Il y a f auvent dans fes Oeuvres un air de Rhétorique ^ i^ un tour de Déclamation , qui n'efl ni de notre fe- cle , ni de notre Langue. On a donc crû devoir prradre le parti de les rédui- re pour la plupart en maximes^ fenten-

ces * Cet Avis eft venu trop tard entre les mains de l'Imprimeur pour être inféré au devant de la i'econde Partie.

Viii Avis sur la II. Partie

ces^ réflexions^ fentimens^ traits d'Hif- îoire y de Critique {^c.

En difpofant ainfi des Ouvrages de ce hel Efprit^ on s^eft mis en état d'en ren- dre la leBure plus utile ^ plus agréable. On s^eft acquis par le droit d'abréger t^ de s'étendre félon les fujets^ aujji bien que de choifir les morceaux , qu'on a ju~ gez le plus de mife ^ 13 de leur donner une tournure plus conforme au goût d'un fthle , plus délicat 6? plus poli que ne V et oit le quinzième. On a tâché d'étoffer ce qu'on trowvojt trop mince ^ ^ de don- ner de la chair 13 de la couleur ^ à ce qui paroiffoit trop fquelette. D'ailleurs on a gagné par cette méthode la liberté d'affocicr à Pogge plufieurs de fes Con- temporains 13 quelques hommes illufires des autres fie des , doyït la compagnie ne fauroit le déshonorer.

On en a même omis plufieurs , tant pour ne pas groffir le "volume , que parce qu'on n'a pas eu fur leur fujet des mémoi- res particuliers. J' aurais bien voulu ^par exemple., donner quelques nouvelles d'un Cîncio. Secrétaire du Pape , Collègue (3 ^mi de Pogge .^ nommé Cincio Romain. Son feul nom , fi illuflre dans la République Romaine^ m'infpiroit de la curiofité pour

Je

DUPOGGIANA. IX

le connaître plus à fond. La famille de Cincius fut illufire à Rome. Il y en eut un entre autres qui fe fignala , par plufieurs beaux endroits dans le fixieme ftède de la fondation de Rome., au tems des guerres de Marius ^ de Sylla. Il fut homme de guerre^ homme d'Etat ^ homme de Lettres. Il eut beaucoup de part à r amitié de Ciceron^ qui le défend Cicer fort bien d'a'uoir trempé dans la conjura- ^"J »• tion de Sylla contre la République. VHif- toire parle de deux Loix qui ontpnté jon nom^ Vune fomptuaire , pour régler les dépenfes^ Vautre muneraire ,, pour em- pêcher de corrompre les Juges ^ les Ma- giftrats par argent. Il y défend aux Clients de porter deux Robes , de peur qu'on n'y cachât despréfens^ pour gagner des fuffrages. Il donna cette Loi à la follicitation de Q^ Fabius Maximus le Cicer. Cunaateur ou le Temporifeur. Ilfal- ^^ ^^^^"• ïoit que cette Loi fût bien fevere., puis que Ciceron ne "ooulut point accepter des Libres qu'on lui offroit ^ que Cincius fon ami ne Veut afj'uré ^ que la Loi Cin- cia ne s'y oppofoit pas.^ comme il le dit à fon ami Atticus. {a) Cum mihi P^^ ^^^5^^^^^^* legem Cinciam , licere capcre , Cin- ^^ ^ j^^; dus amicus tuus dicerct, libenter dixi^o.

me

X Avis sur la II. Partie

me acceptLirum. Cincius étoit homme à bons mots (^ Jh'voit railler fort grave- ment. Le jour qu'il porta au Sénat fa Loi Aluner aire ^ quelcun ^ qui fans doute fC étoit péis content de cette ' Loi lui de- manda d'un^ air fort méprifant^ ce qu'il apportoit. Je vous apporte, dit-il^ de quoi acheter fi vous en avez befoin. C étoit dire bien piquamment ^ qu'il f al- loit acheter non les charges , mais les (a) Cic. Loix qui défendent de les acheter (a). Sse- de Orat. p^ QXÀ-xfvx fententiosè ridicula dicuntur^ ^j\ * * ut M. Cincius quo die Legem de donis &: muneribns tulit , cum C. Cento pro- diiflct, & fatis contumeliosè Quid fcr^, Cinciole, qurefiiTct, Ut emas, inquit, Cai, uti velis. L'Antiquité nous par- le de Cincius comme d'un homme fort fa- vant. Il avait écrit une Hijîoire Romai- ne depuis l'origine de cette République ^ dont il efl parlé a'vec éloge dans Denys AntK °L à' Halicarnafje {b). Aulugelle {c) nous a \ p. i\,' confervé un fragment d'un Livre que cet 36. 57. habile Romain a-voit fait fur VArt mili- ^^) ^^}f^' taire. Ciceron. (<^) parle de Cincius * , com-

c. 4. ""''

(d) Ciccro * Il faut remarquer qu'au devant du nomCin- pro Syila. dus , il y a quelquefois une L. & d'autrefois une 10. M. Ce qui pourroit faire croire que ce font deux

perfonnes diflferentes. La plupart du tcms Cice- ron

DU POGGIANA. XF

me cViin homme de fort bonnes mœurs ^ bon citoyen ^fur tout fort généreux fort definterejjé. jlpres s'' être endeté au fer- i:icede la République .^ il vendit fon patri- moine pour payer fes dettes.

Je ne faurois bien rendre la raifon du penchant, que^f-aurois à fouhaiter que le Cincio du quinzième Jîèclù fût defcendu de ces illujîres Romains. Cefi apparem- ment la conformité de caractères à cer- tains égards^ comme la probité ^ le fa- voir ^la politeffc ^ une honnête gayeté ^ ^ les bons mots dans Voccafion. Il efl irai que notre Cincio n'eft connu par aucuns Ouvrages publics , à moins qu'ils n'ayenî eu le même fort que ceux de r Ancien Cin- cius , dont on n'a qu'un miferable petit fragment. Mais on p}eut faire là-de£us la reflexion que faifoit Pogge , fur ce qu^on objeéîoit au [avant Nicolas Nicoli Pogg. Ep. ^fon ami inti'me^ q^ii'il n''avoit jamais rienV' 345* écrit. Bien loin , dit-il ^ que ne point écrire , foit un caraétere d'ignorance

au

ron l'appfelle Cincius tout court. Après avoir confropté les Auteurs, il me lemble que c'eft un fcul & liiiêïne perlonnage , qui pouvoir avoir nom Lucius Marcus. Son Père s'appelloitPublius Cin- cius , dont Ciceron parle comme d'un fort hom- me de bien.

xîi Avis sur la II. Partie au contraire la plupart de ceux qui écri- vent femblent avoir pris à tâche de dé- couvrir la leur. Au fonds il n'y aura jamais que des fots , qui concluront de ce que Pythagore , Socrate Se tant d'au- tres grands Philofophes n'ont point é- crit , qu'ils étoicnt des ignorans. Il s'eft pourtant trouvé parmi les MSS. de la riche Bibliothèque de JVolffenhutel^ une Lettre de Cincio à Pogge^ ou Von décowvre en lui les caractères q^iCon vient de marquer^ i^ par Von peut juger de ce qu'il eût été capable de faire , fi [on loifir^ fon humeur^ ou fa -modefiie le lui eufjent permis. Lettre Cette Lettre eft une félicitation fur

de Cincio V augmentation de la famille de Pogge.

A Pogge. ji y yggfjg j(fj grand caractère de tendref- Ce^ i^ fur tout une alliance afjcz rare , c'efi celle de lafincerité i3 de la polit efje. L'éloge qu'il y fait de la République de Florence eft de ce caractère. Il eft véri- table^ y // devoit faire beaucoup de plai- fir au Florentin fon ami. Votre fils, dit-il^ fera élevé à Florence , fi fécon- de en efprits merveilleux , & en per- fpnnages d'une doétrine profonde j d'ail- leurs Il floriflantc par fon commerce, qu'elle furpalTc toutes les autres Villes,

ou

Du POGGIAI^A, XHI

OU au moins qu'elle n'eft furpaHee par aucune. // prétend qu'un heureux -natu- rel foutenu par une bonne foigneufe éducation^ ne peut jamais être corrompu par la fortune , ni altéré par les influen- ces des Aftre s. Il ell vrai, rt'/V-//, qu'Ho- mère nous fait un conte d'une certaine chaine d'or, qui s'étend depuis le Ciel jufqu'à la Terre", &: qui entraîne les hommes , pendant qu'ils croyent la ti- irer à eux , voulant faire entendre par que les aélions humaines fontfujettes au DciHn , 6c que nul ne peut refiiler à fa néceflîté. Mais peut-être qu'il en parloit feloii l'opinion du vulgaire, ou qu'avec quantité de Philofophes opi- niâtres qu'on n'a jamais pu ramener par aucune raifon , de cette doctrine de k fatalité , il étoit lui-même de ce fenti- nient. Comme il y a dans cette Lettre une fort belle morale accompagnée d''une agréable érudition , fur tout par rapport à r éducation des enfans^ on fera d'au- tant moins de difficulté de la donner a-vec quelques autres à la fin de cet Otrjrage * que c\fi peut-être F unique monument que nous ayons de Cincio.

Il efi certain que la famille des Cen- 'Tom. IL * * ces *\

* On la trouvera au Tom. II. p-3i2,.

..^

XIV Avis sur la II. Partie

ces "^ , avoit depuis long tems tenu les premiers rangs dans VEgiife. Dans V on- zième ficcle il y eut un Cincius Gouver- neur de Rome , homme de grande autori- té en Italie^ qui adhéra à l'Anti-Pape Clément Jll. s''oppofa ligoureufentent-' aux entreprifes de Grégoire VIL fur VEgiife ^ fur l'Empire. Ce Pape P ex- communia^ mais fans fe mettre en peine de cette foudre^ il P enleva de vive for- ce^ pendant qu'il celebroit la Meffe^ ^ V emmena prifonnier. Ce Cincius mourut à Pavie où, il et oit allé joindre VEmpe- Baron. reur Henri IF. Il y avoit fous le Ponti- Ann. fcat de Fi^or. III. un Cincius Confiil ^'^'^' Romain^ qui affifta à lésion de ce Pa- pe. Il femble que lors de rélcLtio/i de Ge- Baron. /^y^ jj^ j^-^^ Jg douzième fie de il y eut j ""g j^ deux Cincius .^ dont Vnn et oit Cardinal^ ÎV. XIl'l. ^ affifta à cette élection. L'autre qui s'appcîloit Frangipane, tenoit le parti de V Empereur Henri IF. contre ce Pape^ qui en fut cruellement maltraité. Ce fut apparemment le même , qui adhéra à V Anti-Pape Anaclet , contre Innocent II. Sur la fin du même fièck fous Celé ft in IIL

Cin-

* Cefl: ainfî que les appelle Auberi dans fi Vie des Cardinaux.

DU POGGIANA. XV

Cincius Camerier de ce Pape^ compofa lin 'Traité des Biens *, Cens, ou Rentes de rEgUfe Romaine dont le Mannfcrit eft au Vatican. Il parott par les citations de Baronius ^ de Pagi^ que cet Ouïra' ge ne roule pas feulement fur ce que porté le titre , mais qu'il ejl en même tems Hif îorique. Enfin un Cardinal de ce nom fut élu Pape en i IP3. fous lenomd'Ho-' fioré m.

Il faut mettre Jean Aurifpa Prêtre Jean Au» Sicilien ^ Auteur célèbre en ce tems-là "'P^- , ; tant en profe qu''en l'ers^ entre les illuf ]vion<Tito- îres contemporains de Pogge. Laurent ri Biblioth^ Valle avoit reproché à ce dernier de s"* être Sicul. brouillé avec Aurifpa , mais il s'en dé- ^' ' fend y en parle avec éloge. Il fut corn- me lui Secrétaire des Papes Eugène IV, 13 Nicolas V. qui lui donna de beaux Bénéfices en Sicile. Il étoit également aimé des Grands 13 des Savohis , comme des Papes qu'on vient.de nommer., du Roi Alphonfe , des Ducs de Ferrare ,

d'ALneas

* En voici le titre. Incipit liber Cenfiium Ro, manœ Ecclefiae à Cencio Camerario comnofitus fecundum antiquorum Patrum regelb , &: me- morialia diverfa, anno Incarnationis Dominicse: millefîmo centefimo nonagelimo fecundo, Pon- tificatus Celeftini Papas tertii anno fecundo.

XVI Avis sur la II. Partie

d'yErteas Syhius , d'Antoine de Pakrme* de François Philelphe , de Laurent VaU /é", qui le reconmit pour fon Maître dam la Langue Grecque ^ On ne fait point Van- née ni le lieu de fa mort. Il 'vécut fort 'vieux i^ laijfa diz'ers Owvrages ydes Epi- grammes 5 un 'volume de Lettres , dont il y en a quelques-unes de Manufcrites chez les Hermites de Padoiie i^c. Il fit auffi quelques Traductions d'Auteurs Grecs en Latin ^ comme celles des Oeuvres d'Ar- chimede ^ de la Vie d'Homère^ i3 du Li- 'vre d'Hierocles fur les 'vers dorez de Py^ thagore^ qu'il dédia à Nicolas V. Le favant ^ illufre AI. Dacicr en parle amplement ^ a'vec beaucoup d'éloge dans la Préface de la belle Tradu6iion Fran- çoife qu'il a donnée de ce Commentaire d'Hierocles. Alexan- La Loi Cincra m'' a fait fowvenîr dun

dred Al- iUufre Auteur du quinzième ftecle ^par ce (a) Di'es ^^^'^^ ^^ p^r/^ clans un Owvrage {a) qui

gen.T.II. nous eft refié de lui^ fous le titre de Dies

P'S47« géniales, c'eft-à-dire^ journées agréa- bles. Ceft Alexandre d'Alexandre, cé- lèbre Jurifcon fuite de Naples. On fe plaint dans la Préface de cet Ouvrage que

^ (b) Ceft- /^j- Biographes (b) n'ont point parlé de

lÊ^rhàinsl <^^^ ^^^^^^ Antiquaire ^ Critique y quoi- qu'on

DU POGGIANA. XVII

^u'on ait écrit la Vie de plufieurs de fe s des vies contemporains. Mai s le fan: ant Auteur de^^^ '.^°"?' cette Préface fe trompe fort. uMoreri[^ç^^ allègue cinq oufix Auteurs qui ont parlé du Jurifconfulte Alexandre , entre lef> quels eft Jean Gérard Voflïus qui le pré^ fere de beaucoup à François Philelphej dont il fera fouvent parlé dans cet Ou- 'urage. Il n'efi pas furprenant qu''onn^en trouve aucune mention dans Pogge^ qui pouvoit ne Favêir pas connu , puis que Pogge mourut en i^f9. & qu"" Alexan- dre vécut juf qu'à 14P4. Comme Moreri nous inflruit afez de fa famille , je ne parlerai que de fes liaifons , £5? du ca- ~r altère de fes mœurs i^ de fon cfprit. Il fut Difciple de François Philelphe , dont Alex, ab il parle avec éloge ^ fans difconvenir pour- j f^* _*■ tantj que dans fa jeune fe fes mœurs a- voient été déréglées. On peut mieux compter fur ce jugement que fur les décla- mations emportées de Pogge contre Phi- lelphe. Entice tes divers talents de notre jurifconfuMe Napolitain^ il avoit celui de bien donner le caraélere des gensj i^ de les produire par les endroits les plus avantageux. Il commence fonOuvrage par p. iJ le caractère ^^ Jovianus Poijtanus, £î:f- îjorien^ Orajteury (^ Poète célèbre y qui * # 2 fuf

XVIII Avis SUR LA II. Partie

fut Précepteur du Roi Alphonfe , 13 Sé- nateur de Venife. G'étoit, dit-il^ un homme d'un eiprit extrêmement doux, fa politcfle , 6c Ion élégance étoit ac- compagnée d'une ingénuité qui rendoit fa converfation charmante. // rece-voit fes amis woec autant de plaifir que de bonté. Leurs entretiens roulaient fur les belles Lettres , i3 finijjoient ordinaire- ment par un repas frugal (3 gai- C'eji ce qui arrii^a chez A^ius Syncerus , qui traitait fowuent fes amis^ du nombre def- quels étoit Alexandre. Il y a ici à re- marquer quelques particularitez affez agréables, i . La fimplicité de leurs re- pas. Celui dont V Auteur parle ici étoit de citrouille ai-ec de la laitue hachée menu (3 affaifonnée a'uec des grains de raiftns fecbez au Soleil , des pommes de bonne odeur qu'ion avait confèrvées Vhyver^ des figues feches de Sinuefj'e*avec de Veau de Rafe 5 d'autrefois des chous fleurs i3 des afperges de Jardin. Cefi ce quil ap- pelle un repas délicat ^ non n^ulgaire ■\.

z. C était

* Ville de la Terre de Labour dans la Cam- pagne de Rome.

I Cœnàque non vulgaii ncc protritâ; fed aut vcteris cucurbitse ferculo cain laducae tyrib mi- ^ulim caefo, & acino uvae paflae inlpwfo; aut iv,i - -' . - olea»

_l

DU POGGIANA. XIX

t. Cet oit la coutume de chanter fur la lyre les élégies cV Ovide ^ de Catulle^ de Properce ^ des autres. 3 . Ce fut San- nazar qui chanta dans cette fête dont Alexandre fait le récit. Nous apprenons ici que Sannazar n'était pas un homme de grande naiflance, comme l'a dit Mo- reri. Cétoit un efcWoe Ethiopien qu'Ac-. tius Syncerus avoit affranchi^ i^ à qui il avait donné fan nom avec la liberté. Il chanta'juftfu'à mille vers de Properce. La mélodie finit par quelque queftion fur un vers de ce Poète.

Les Savans connoifhit le mérite^ le Hermo- favoir 13 Us vertus (r/'Hermolaus Bar- j;^*-'^ ^^"^^ barus, Sénateur de Venife^ ^ fait Pa- 'r^ j îriarche cV Aquilée par Lnnocent VIIL p. 54:5. auquel il fut envoyé par la République de Venife. Il était lié cV une amitié fort étroi- te avec Alexandre d'Alexandre. Pen- dant fon fejour à Rome il était vif de tous les Savans^ ^ on était ravi de fon irudition profonde- ^ agréable tout en- femble , aufi bien que de la bonté de fes mœurs Î3 ^(?ytf;/ Urbanité. Un jour qu'il avait invité fes amis à fouper^ on agita

Ci'*' .

olentibus pomis anni frigore fervatis & ficu ficca Sinuefîiiia cum Rofaceo. p. 236,

A,

XX Avis sur la II. Partie

cette queflion^ fi Von pouvoit dire, que le Navire des Argonautes confiruit par 'thefée (^ qui fubftjîoit encore à Athènes du tems de Dcmetrius Phalereus, étoit le même navire, Hermolaus après avoir foutenu que ce n^ étoit point le même , par' ce que les matériaux du premier ne Jub- fiftoient plus i^ qiCils avoieM été rempla- cez par d'autres , demanda à Alexandre d' Alexandre [on fenîiraent là-dejjus. Il prouva par V autorité des yurifconfultes^ i^ par Vufage communique c" étoit le mê- me navire , comme un Confeil i^ un Peu- ple ne laijfent pas d'être le même Confeil (^ le même Peuple , quoique ce ne foient plus les mêmes gens. - // cite entre autres les Jurifconfultes Ulpien 6? Pomponius, qui ont jugé qu'un troupeau qui auroit été donné par Tejlament à quelcun lui appar- tiendrait , quand même il ne refier oit pas une feule des brebis, qui vivaient quand le l'efiament a été fait. Autrement , ^;V- /7, comme nous changeons tous les joursf par les pertes & les réparations, qui font dans notre corps , nous ne ferions pas les mêmes qu'il y a un an. Hermo- laus accommoda le différent par -une fort hony-e diflin^lion entre le fens phyfique £5? grammatical du mot ^ Icniêoie, (:$foA

fens^

pu POGGIANA. XXI

Jins ordinaire ^ ufité ^ ^impropre. Les Phyfîciens qui font phis fubtils ^ o^ui pren- nent tout à la rigueur de la lettre (l> fé- lon VexaSle vérité^ ne diront pas qti'urt troupeau , dont toutes les 'vieilles brebis font mortes , (^ qui a été renow^jellé par lapropagation^foit le même troupeau s mais les Jurifconfuites s" en tiennent à ce qui eji_ probable , à l'équité C? au langage commun. Qeft dans ce fcns figuré ^ que S. Amant dans fon Poème fur la Solitude^ juge que les arbres de fon tems étaient les mêmes que ceux du commencement du Monde,

Mon Dieu ! que mes yeux font contens De voir ces bois qui fc trouvèrent A la nativité des tems, Et que tous If s fiècles révèrent; Etre encore auffi beaux & verds Qu'aux premiers jours de l'Univers.

Alexandre d'Alexandre après avoir -p long tems fréquenté le Barreau à Naples^. 501. Ô? à Rome^ s'en retira à caufe de V igno- rance cra£è des Juges ^ de leurs injujîices énormes^ i3 de leur infupportable corrup- tion^ comme il le dit a Raphaël de Vol- terra, à qui il en raconte di'^jer s exem- ples. Sa probité ^fa mode fie ^^ la crain-

xxïi AvissuRLA II. Partie

te de s'ajfocier avec des fcclerats ^ des gens de fac ^ de corde , tels qu'étaient ceux qui fe poujfûient alors (lux premières Di" gnitez tant Eccleftaftiques que d'unes V em- pêchèrent de s'a'vancer. Cejl la raifort

ïbid.p. q^'il en rend à un de [es amis^qui le que- 614. relloit de [on indolence.

Barthele- On a vu dans la Vie de Pogge , qut

î"' de Barthelcmi de iVIontcpulciano * , fut en- Monte- ,' 7 .111 ^ 1

pulciano ^ ^'^ Allemagne pour recher-

cher (V anciens Manufcrits. Il et oit natu- rel d'avoir quelque curioftté de connoitre le compagnon de f lllufire Pogge dans cette forte de chafj'3^{t) fétois mortifié iV avoir tant feuilleté inutilement pour le déterrer. Mais je fus bien fur pris ^ en parcourant les Lettres de Léonard Aretin y de trouver Aret. Ep. '^'■^^■^ ^^ compagnon de voyage de Pogge .^ un L. VI. homme auffi méprifahle 13 o.ufi ridicule ^P* S* que Léonard le repre fente. Comme la Let- tre ou il en parle à Pogge lui-même efl affêz curieufe , fen donnerai ici à peu près le contenu.

Un jour qu'il et oit en chemin pour A- rezzoy il appcrçut de loin dans la forêt, des chartiers^ d^ autres gens fort occupez

à

? Ce Bartlielemi avoit quelque Prélature à la Cour de Rome,

PUPOGGIANA. XXIII

à tirer d'un mauvais pas quelques chareU tes chargées de colonyies ^de fiatues de mar- bre , de bafes ^ d autres morceaux de Sculpture d Archite^ure , comme pour bâtir un Maufolée. Trouvant a£ez eX' traordinaire de voir de pareils prépara- tifs fur cette route , il eut la curiofité dt aller demander ce que c' et oit. Que le Diable emporte tous les Poètes qui furent & qui feront jamais, lui répondit un des entrepreneurs {a) , en s''efjuiant le (^ Re- vifage qiCil avoit tout en fueur. Quedemptor, vous ont fait les Poètes , dit Aretin , que vous leur fouhaitiez tant de mal ? N'eft ce pas, dit-il^ ce fou de Poète, dont vous voyez ici la ftatue , qui a commandé qu'on portât ces marbres a Montepulciano*pour lui faire un tom- beau ? Là-de^lis Aretin demanda s'' il étoit mort quelque Poète dans cette ville. On lui dit que c étoit à Rome qu' il et oit mort ^ mais qîî'il avoit ordonné par fon'tefta- ment , qu^on le tranfportât dans fa pa- trie ^ qu'on y érigeât une ftatue pour

lui

* Montepulciano efl: une petite ville fur une haute montagne, dans le Sienois avec un Eve- ché. Ce fut la patrie de Bellarmin & d'AngePo- iitien, '

XXIV Avis sur la If. Partie

lui i^ une pour fon Père. Comme Aretin nvoit ouï dire , qu'il était mort depuis peu à Rome , un certain Barthekmi de Montepulciano qui avoit laijfé quelque urgent à certain ufage , ne doutant point que ce ne fût celui dont il s'agijj'oit , vous avez grand tort, dit-il^ d'avoir mau- dit les Poètes à l'occalion de cet ânS là. Il n'eil; nullement Poète, c'efl; un franc ignorant, qui ne s'eft jamais di{^ tingué que par fa folie ôc fa vanité. Je ne l'ai jamais connu, r//> V Entrepreneur^ & même je n'en ai jamais ouï parler, mais fcs compatriotes le difent Poète, & je crois qu'ils en fcroient un Dieu s'il avoit donné un peu plus d'argent. Mais puis qu'il n'étoit pas Poète , je fais réparation aux Poètes, & je ne di- rai plus de mal d'eux.

Aretin fait à cette occafion de fort belles reflexions fur la i-anité des tom- beaux. Il y a eu, dit-il^ trois grands Héros qui n'ont point eudemonument. Cyrus , Alexandre &: Céfar. On n'ap- prend point que ces deux derniers fc foicnt mis en peine de leur fepulturc. A l'égard de Cyrus il défendit exprcfîe- mcnt de lui en bâtir, & commanda ^ue l'on mît fon corps dans la terre, la

DU POGGIANA^ XXV

regardant comme la plus magnifique de toutes les fepulturcs , à caufe des belles fleurs , des fruits délicieux &; des autres richeffes qu'elle produit.

^ la fuite de ces traits d'Hifioire vient une fanglante apojiropbe au pawvre Bar- îhelemi. Il le reprefeute non feulement comme un ignorant de la plus crajje igno' rance^ comme un homme d'une conduite extravagante , mais encore comme un homme de rien. Son père étoit un Mer- cier *5 q^ui cour oit les foires ^ fa grand* mère une fage-femme ^ fa mère une fana- tique , à courir les rués toute échevelée. Itout fon mérite confiftoit donc en ce qu'iï avait laifjé de V argent. Mais Léonard Aretin dit qu'il Tav oit volé y ^ qu'il le cachùit parce que le Pape avoif voulue lui faire rendre gorge. Enfin après avoir cherché fort curieufement ^ d'un tour fort fatirique , ce qu'on pourvoit mettra fur fon tombeau , il conclut qu'il aurait mieux fait de fe faire cacher fous la terre après fa mort , comme il cachait fon ar^ gent pendant fa vie.

Après avoir lu cette Lettre il m'efi venu dam Te/prit y ou que Léonard Are-

ti»

* Mcrcator circumfotancuso-

Xxvr AvissurlaIT. Partie

tin parle d'un Barthelemi de Montepulcià'^ no différent de celui de Pogge^ ou qu'il y a beaucoup de paffion ^ de medifance dam le portrait qu''en fait Léonard^ ou que c'eft peut-être Pun (^ Vautre. Efl-il 'uraifemblable en effet qu'on eut donné à Pogge une fi groffe bête pour affocié ^dans des recherches qui demandent non feuk" ment beaucoup d'érudition , mais de la pénétration l^ de la fagacité. D'ailleurs eut-il pu parler d'un tel homme , ai:ec éloge ^ ^ le mettre fur les rangs comme il fait dans fes Difcours Convivaux, fans s'expofer à la rifée de tout le monde. On n'auroit pas manqué de dire-,

O le projet plaifant d'un Poëte ignorant Qui de tant de Héros va choifîr Childebrand.

J'ai été ravi de me rencontrer à cet égard ^ avec Mr. Apoftolo TLtno Javant Italien , qui en juge ainft dans le dixie^ ' me Tome de [on Jourtial des Savans d'Ita- lie. Quel Bartolommeo^ di cui qui dice eflere llato il compagno di Pog- gio nel riccrcamento de' codici antichi,

non

* Defpreaux, Art Poétique, Chant. IW.f.i^i» 242..

i)U POGGIANA. JCXVII

non è altri clie Bartolommeo da Monte' puiciano , Prelato delk Corte di Rd- ma, la CLii magnifica fcpoltura * orna- ta di marmi, e llatae, e balîî rilicvi di inano del famofo Scultore Donatcllo, vedevafi nel duomo ora demolito di Montcpulciano fua patria, infîeme con l'effigie di lui fcolpito in abito folito ufarfi da' famigliari de' Papi nelle Cap- pelle Pontificie, & con in"ia infcrizionc in bronzo, nella quale affermavafî efTe- re lui ftato Configlicre, e favorito di Martino V. fenza ipecificarlî in efïïi il tempo délia fua vita , ne quello delh fua morte. Aggiugne Monfignor Ben- ci, che niuno Scrittorc rende teftimo- nianza di quefto fuggetto } ma s'ingan- na, poiche Lionardo Arctino ne parla à lungo,benche poco vantnggiofîim en- te in una délie fue Epiilole (a) a Pog- (4) i:p^i gio,dove non folamente fi fa beffe délia i-'^- yi> vanità di lui, il quale efiendo morto in Roma lafcio per telhmento , che in Montepulciano gli fofTc eretta quella fuperba fepoltura, di cui fi è fwellato di fopra: ma vie più mette in burla la ignoranza di efTo , qui nullam , fon fue

pa- * Sfindlo Benei ifior.diMonte^de. l. 4. fag.j^;.

xxvm AvissuRLA II. Partie

parole , neque fcientiam , neque do£lri- nam cognovit. StuUitia vero ac vanitate omnes omnino homines fuperaiit , &c. Non convien pero crcderlo coli igno- rante, e da nuUa, quale l'Arctino cel rapprcfenta , primieramentc , perche il detto Poggio lo introduce a ragiona- re con altri vomini dotti nel fuo Dia- îogo fopra rAvarizia ; in fccondo luo- go, perche taie giudicato, che an- dar poteflc col Segretario Poggio inGer- mania alla ricerca de' codici antichi , il che i\i a fpcfe de' Cardinali e de' Prelati Romani, corne dall' cpiftola del Bar- baro fi ricav^a.

y ai pourtant plus de penchant pour la première de mes conjectures. Comme dans la Lettre de Léonard il eji parlé des jla- tues du père i3 du fils , ou je fuis bien trompé^ ou c'eft le fds qui efi r objet des traits de pinceau de Léonard. Le Père aura- été un habilt homme ^ (^ en cette qualité aura accompagné Pogge dans fes 'voyages. Le fils aura dégénéré^ i^ n'au- ra pas laijje d'être pouffe ^ce qui s''accom- de très-bien aux plaintes générales qu'on faifoit alors , que les Papes ri* avançaient que des fujets indignes. Il nefi pas vrai" femblalik que LçQnard eût parlé à Pogge

DU PoGGîANA. XXIX

lui-même en ces termes de [on compagnon de 'voyage , 13 qti'il eût défigné fous le nom d'un quidam , un homme aujft con- nu, td regard des reproches que Léonard fait à Barthelerni fur fa naijfance , il faut les prendre au rabais^ félon le ftile dts Inventives ce tems-là . On n'eft pas obligé de croire toutes les indignitez ^ les injures de crocheteur que Pogge , Philel- phe (3 Falle fe font dites fur le fujet de leur naifjdnce. Au fond que la grand^ were de Barthelerni fût Sage-femme , que fa mère fût fanatique , ^ que fon père eût été Marchand avant que d'être Se" cr et aire du Pape , tout cela ne fauroii empêcher de croire , que le père ait été compagnon de Pogge , ts que le fils ne fût le ridicule perfonnage contre lequel Léonard a déchargé fa bile.

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PCr^^IANA.

T R O I s I E M E P A. R T I E j

Hiftoire abrégée de r Origine , ^^^ Gouvernement ér des Guerres de la République de F l o r e n- CE, tirée de r Hifioire de Léo»

NARD ArETIN, de F OG'

G E , cr d'autres Auteurs. LIVRE PREMIER.

i^i^^^^Es Hiftoriens rie manquent Origine ^r L P gueres de donner une origi- de Flo- SW^S ne fort ancienne aux Peuples ^^'^''^'

6c aux Etats dont ils font

V Hiftoire. Ceux qui ont écrit celle de

Florence ont pu faire remonter fort

l'ont , IL A haut

4 VoGGiA-N A. Part. IIT.

par Kl , ils ne faifoient que changer d'efclavage.

Les conquêtes qu'ils firent fur leurs voifins ayant rendu leur Ville 3: plus puiflantc 6c plus peunlée. ils.l-^ parta- gèrent en quatre 1 nous , ce puis en lix^ dont chacune avoit Ton Conful. Cepen- dant comme la Juliice et oit mal admi- niilrce par ces Magiftrats , & que tout fe faiioit par la faveur & par la brigue, ils appellerent des Magiftrats de dehors, qu'ils nommoient Podefiats *, dont le premier fut un Milanois. Peu de tems après le Peuple fe trouvant opprimé par la Noblefle, on créa un Capitaine (a) avec douze des plus notables, qu'ils ap- {b) Senio- pelloient Seigneurs (b), 6c vingt Gon- faloniers (c) , dont chacun avoit fon drapeau fous lequel il aflembloit le Peu- ple. Ce Gouvernement ne réullit pas mieux que les autres. La Ville fut rem- plie de Factions & de Guerres intefti- nes , de meurtres , de pillage , 6c de

{a) Capi tantum.

rcs

(0 Vexil

lijeros.

prolcnptîons de Citoyens. Il donc Avoir recours à une autre

fallut forme de pour Succefleur fon fils Philippe I. Tout le ir on- de fait quand a régné Henri IV.

* Potrfias. Cela le pratiquoit en plufieurs Vil- les d'Italie. Po^. Hiji. Flot; p. 4- S-

Histoire de Florence. Lw. I. f

de Gouvernement. On créa fur la fin du treizième ficçle fix Magillrats Tous 1g nom de Prieurs des Arts^ ou, des Méti^iB, ou, Prieurs de la Liberté (tî). (a) Pria- Cet o^'Ai-^ A^j'pi'' çnrnrp du tcms de ''" ^'■" Pogge,qui mourut dans cette Charge, nbertath. comme on l'a vu ailleurs (b) , mais on y (b) Part, fit de tems en tems divers changemens, I- P- sr- qu'il n'efl pas néceflaire de rapporter ici. Il y a parmi les Anecdotes des PP. Dom Martenc ôc Dom Durant (c) une T. r. Lettre de l'Empereur Robert aux P' ^^^'^'' Prieurs des Arts de Florence , avec cet- te Infcription : HonorabiUhus (J circum' fpeclis liris Prioribp^s Artium i3 Vexil- lifero Jujîitia Popuîi i^ communis Flo- rentin , nec non decem Officialibus Bali^ dicli communis nojiris ^ facri -Imperii fidelibus prndile^is. La Lettre elt da- tée de Heidelbevg du 1 4. Juillet 1 407. L'Empereur leur promet du fecours contre le Duc de Milan, comme en effet il leur en donna la même année.

Il eft mal aifé qu'un petit Etat popu- laire Te puifîè foûtenir long-tems contre des ennemis puiflans. La liberté dont les peuples font fi jaloux leur eit fou- vent funefte, parce qu'il n'eft pas faci- le de prendre de bons confeils lors que A 3 tou^

6 POGGIANA. P/ïr/. ///.

tout le monde veut dominer, ou lors que pluficurs Maîtres ne font pas d'ac- cord. Les Florentins fatiguez de guer- res oî^i fouvcnt ilsn'avoicntpaslç.f'eiïusj refolurent dans le tr^v::iii^inc-sr: -C d'ap- peller Charles Duc de Calabre fils de Robert Roi de Sicile pour les com- miindcr en chef pendant dix ans. Après les avoir gouvernez quelques années, il fit place, on ne dit pas comment, à Gaultier Duc d'Athènes, qu'ils chafle- En 1343. rent au bout d'un an, à caufc de fa ty- rannie, pour reprendre leur liberté. Guerre de Lcs chofes étoient en cet état, lors Florence que les Florentins atFoiblis par des Guer- avec 1 Ar- j-^g ^ j^j Faârions, furent attaquez par de^Milan J^^" Vifcomti * Archevêque de Milan. En 1350. Ce Prélat puifTant & ambitieux s'ctoit emparé de plufieurs Places , & entre autres de Bologne qu'il acheta à beaux deniers comptans , pour être plus à por- tée

* 1-es Hiftoricns ne font pas bien d'accord fi Vifcomti elt un nom de famille ou de dignité. C'clt ainfi que s'appellerent pendant long tems les Princes ou Ducs de Milan. Vifcomti figni- iie Vicomte, ou qui tient la place du Comte. Les Empereurs & les Archevêques de Milan avoient le droit de les élire, quoique quelquefois le Peu- ple les élût, Kfcan, Bift. Fhr.p. i. nor.

Histoire de Florence. Lh. I. y î'ée de fe rendre maître de la Tofcane, divifée par les faârions des Guclphcs 6c àts Gibelins. On prétend que ces deux Fa(5t^ns , dont la première étoit pour tes Pi"jÇ£it<^4^Ji!^ pour les Empereurs fe forméfënTâïï commencement du dou- zième fiècle fous l'Empereur Conrad III. Quoiqu'il en foit, comme l'Arche- vêque tenoit pour les Gibelins , qui étoient en grand nombre dans la Tofca- ne 5 il crut pouvoir réufîir par leur moyen à attaquer Florence oii dominoit le par- ti des Guelphes, qui en avoit chaffé les Gibelins. 11 prit pour prétexte que les Florentins avoient follicité Bologne à P- 9* fe révolter contre lui. Il affem.bla donc fes troupes Gibelines à Bologne & mit à leur tête Jean Aulege * Vifcomti, ennemi juré des Florentins. Un fi grand appareil jetta l'allarme & la conf- ternation dans toute la ville. D'un cô- té l'ennemi avoit déjà mis tout à feu & à (àng jufques à leurs portes, de l'autre les Citoyens effrayez du danger, me- naçoient d'un foûlevement. Cependant on vint à bout de les appailer , 6c tout le monde d'un commun accord fe mit

en * Il paflbitpourle fils de cet Archevêque, p. 1 2..

A4

^ VoGGiAy: A. Part, III.

Êii état de fe bien défendre. On leva des troupes, on amafla de l'argent 6c on pratiqua du fecours de toutes parts. Ce qui fe fît d'abord avec un fi prf';mpt & merveilleux fuccès que les ^Floren- tins jetterent la terrdîirpuT'AT^'îca enne- mis, & rcduifncnt le Duc de Milan à chercher «^du fecours. Il envoya deux fois inutilement des x'\mbafladeurs à Pi(c pour engager cette République à fe dé- clarer contre les Florentins. Les Gam- hacurta qui dominoient à Pife, fe trou- vant de la faélion des Guelphes, détour- nèrent les Piians de fe joindre au Duc de Milan par deux raifons ; l'une qu'il ne cherchoit leur amitié que pour de- venir leur Tyran, l'autre que leur com- merce ne pcrmcttoit pas, qu'ils rom- piffent avec la République de Florence. Cependant les Milanois réduits aux der- nières extremitez furent honteufcment repoufîez, d'une petite place appelléc Scarparia^ après lui avoir donné trois nfiauts confecutifs pendant deux mois. En 135-1. Cette place fut défendue par la valeur pag. 20. j^. j^^^.^ ^ ^e Syhejlre de Medicis^ qui en recompenfe furent faits Chevaliers. L'Archevêque de Milan au defefpoir d'un fi mauvais fucccs, mais ne pou- vant

Histoire de Florence. Lh. L p vant fe réfoudre à abandonner un def- fein qui lui tcnoit au cœur , fatigua Tes Sujets de tant d'impôts extraordinaires pour lever une nouvelle armée, que la plîijVtdcs Nobles & des Ncgotiants delcricvOm!~^T^rchevêque fit à cet- te occafion une action qui n'ell pas plus digne d'un Prince que d'un Prélat. Un En 1351.^ Gentilhomme de les amis, lui confeil-P- fi- lant de renoncer à la guerre de Floren- ce plutôt que de charger Tes Sujets, il s'en mit tellement en colère, qu'il fit couper la tcte a celui qui lui avoit don- né un confeil Ç\ ililutaire.

Les Florentins & leurs Alliez * de leur côté ne s'endormoient pas. Ils en- voyèrent une Ambafllide à Charles IV. Roi de Bohême & dcfigné Empereur pour lui demander du lecours. Cette En 1353- nouvelle obligea le Duc à faire la paix P- ^^' ^3- avec les Florentins par l'entremife de Gambacurta. Mais peu de tems après fe trouvant appuie des Génois il fe pre- paroit à recommencer la Guerre, lors que fes projets ambitieux furent arrêtez

par

* Cétoit ceux de Sienne;-, d'Arezio & de Pe- Toufe. Les Pifans étoicnt neutres & même ils fe joignirent au Duc de Milan dans la fuite, A/

tO PoGGIANA. P^r/. ///.

par mort *, qui arriva fort à pro- pos pour Florence. Il laifla le Gou- vernement de fes Etats à trois de fes ne- veux, Alaffée ^ Bernaho ^ ÔC Gak^Jfe, Guerre de Depuis la mort de J^Arc^^'^vé^fe la Florence République de Flor^Àc^-'^iptes avoir n^b^ Viï- g^^^^^ pendant quelques années les dou- conti de ceurs de la paix (a) , fut attaquée par Milan & Bernaho , qui marchant fur les traces / N^p "^* de fon oncle , portoit une envie fecre- 1360. t^ ^ ^'^ prolperité des Florentins , qu'il p. 15. regardoit comme un obftacle à celles des Gibelins. Les Pifans de leur cô- té, animez par ce Prince, ne cefloient de chercher querelle aux Florentins leurs anciens amis. Ils leur firent tant de chi- canes fur le fujet du commerce qu'ils les obligèrent à en établir ailleurs le fié- (b1 En ge (b). Apres s'être inquiété mutuelle- 13^2,. ment par plufieurs voycs indircétes on ^' ^ ' en vint à une guerre ouverte. Les Flo^ rentins fe rendirent maîtres d'abord d'un grand nombre de villes des Pifans, fous la conduite du Général Boniface Loup de Parme, à qui ils ôterent de- puis le commandement par une efpece àaOflracifme pour le donner à Rodolphe

de Il mourut de la pefte en 1354. p. 24.

Histoire de Florence. Liv. L i i

de Varane * , qui fe rendit maître du poçt de Piiè. On prétend que ce Gé- néral auroit pu prendre la Ville même fa^le commerce des femmes avec qui

^^ pju'^teJ^'.Jh'il.'^^^^ 5 ^ ^^^ occafions d'agir. L,e lom de la guerre fut donc donné à Pierre Farnefe^ qui remporta une viétoire confîderable fur les Pi- fàns "[". Ce Général étant mort de la pelle, on mit par reconnoiflance en fa place i^f^/^/Vr fon frère 5 qui ne fit pas la guerre avec le même fuccés. ..,

Ceux de Pife reprirent le defllis fous ce Général. Ils avoient pris à leur fol- de trois mille Anglois, qui joints avec d'autres troupes fàifoient un afîez bon Corps d'armée;' avec ce renfort ils pil- lèrent tout le territoire de Pifioye \ , s'ap- prochèrent d'un mille de Florence , met- tant le feu partout fur leur paflàgej Quand ils eurent pafle V^7'no (a) , ils u\ Rivie- prirent la ville $Empolî fîtuéc fur cette re qui bai- jrivierc entre -J*tfe & Florence, & s'en §^^ ^^ --" ■- - ■^'; ' -' ' re-

* Il eft fouvent parlé de ce Général dans les bons mots de Pogge.

t II mourut de h pelle en 136Z. On lui érigea une rtatue équeftre. p. 27.

:j: Ville d ' Florentin à quelques milles de Flo- rence.

iz 'PoGGiA'N A. Part. III.

retournèrent à Pife avec quantité de prifonniers 6c un grand butin. Lcs-^Pi- lâns voulant profiter de leur avanta- ge, .renvoyèrent une armée contre>^^es Florentins, qui furent .ciétair^da'- /un combat oii leurGénénfi1:LfL'}mb'p5"ilon- nier. On mit en fa phcc Rodolphe Ma- latefia dont la fidélité fut fufpecle dans la fuite. Cet échec obligea les Floren- tins a rappeller un grand nombre de leurs Citoyens qui avoient été bannis dans des feditions ; Leur retour fut fort Ln 1364. avantageux à la République. ^o;;<^^/;?/p«^ Chef des bannis remporta une viâroire fur les Pifans ôc fur les Anglois } mais, ils furent vangez Tannée fuivante par p. 30. Jean Augut Général Anglois. Vidoire Cependant Bernabo envoya trois mil- les Flo- le hommes de renfort aux Pifans qui es Pifans. pourtant faifoient fcmblant de vouloir iiî 1364. faire la paix pour endormir Florence. En effet Urbain V. envoya un Légat à Florence pour en traiter 3 Mais les. propofitions des Pifms parurent fi dé- raiibnnables , qu'il ne fut rien con- clu, de forte qu'il falut reprendre les. armes. On le battit une partie de cette année avec un avantage à peu prés égal ^e part &: d'autre. Enfin il y eut un

com-.

Histoire de Florence. Lîv. I. i ( combat décifif les Florentins rem- pogferent une viéloire fîgnalée, les Pi- fàns y furent entièrement défaits après «. 3,1 uncwaâiion de trois heures, fous le com- ï"aAj^!çûie-a^^.de^/^;?7^//i' Donat Floren- tin. '*crrM"rU'iT'<^ue fi les Florentins cuf- fcnt voulu profiter de leur victoire ils auroicnt pu fe rendre maîtres de Pife, mais l'incertitude des armes jointe à la crainte qu'on avoit que Bernabo ne fournît de nouveaux fecours aux Pi- fans 5 engagea les plus pruderts à écou- ter des propofitions de paix : Elle fut conclue vers le mois de Septembre de cette année , fous des conditions aflez / > ^ , avantageules aux Jblorentms (a). p. 3^.

Bientôt après il leur furvint un nou- Le Pa- vel orage de la part de la Ville de Luc- ^ ^.^^^^he ques^oii étoit alors l'Empereur Charles ,>,^3"'!f^ IV. Ce Prince allant a Rome pour felesFloren- faire couronner avoit laifie le comman- tins de dément de Lucques à Nicolas Patriar- ^'^"^f^'^ ^- che d'Aquilée , fon frère. Cornmcpereur.lc l'Empereur avoit grand befoin d'ar-Pape, &: gent, le Patriarche s'avifa d'un expe- ^^^"^^^' dient aflez étrange pour lui en faire

troii-

* Capitale delà petite République de Lucques fur le Serchio à quelques milles de Pile.

t4 VoGGîAN A. Part. Iir. trouver. Il alla à main armée attaquer à rimprovifte les Florentins & Icu •. dé- clara la guerre de la part de l'Enipe- reur 5 On ne dit pas fous quel préte;Kte, mais la véritable railôn étoit de lesA^r- cer à racheter la pai^'^^"kfi}^^ohne fomme d'argent ; ce qui lui réiifîit. Mais les Florentins ne furent pas quit- tes pour cela des perfécutions du Pa- triarche : ne pouvant plus après la paix les attaquer au nom de l'Empereur, il le fit au nom du Papej II avoit d'au- tant plus de facilité à inquiéter les Flo- rentins, qu'il étoit maître de San Mi- En 1368. i^i^fo petite ville du Florentin entre Pi- p. 36. 6c Florence , qui s'étoit rendue à l'Empereur, 6c y avoit reçu les trou- Lcs Flo- pcs en garnifon. C'efl ce qui obhgea rentins \q^ Florentins à aflieger cette place qui San MU ^^^^ appartenoit , afin d'éloigner de leurs niato & frontières des Ennemis fi redoutables, prenenr Lc Pape de fon coté donnoit du fe- cette pla- ç-^^^^ ^^^^ afficgez par le moyen de fon Légat qui demeuroit à Lucques ôc qui difoit avoir ordre de l'Empereur de fecourir San Miniato. Bernabo fe joi- gnit à cette Ligue fous ce même pré- texte, quoi qu'on fût convenu de part 6c d'autre dans le Traité de paix , que

les

Histoire de Florence. Lrj. /. i f lesVifcomti n'exerceroient aucune hoG- tilitél:ontre la Torcai:^;, ni les Floren- tins'jcontre le Milanois.

P^ur fe tirer d'un 11 grand embarras. Traité les rX^rentins prirent le parti d'envoyer des Flo-, des Â:.&tï^^^5i^u■^J^u Pape, avec qui ils^^f^^"^ firent un Traité contre le Milanois : p^p^ g^ Ceux de Bologne , de Lucques , de avec plu- Pife, dePadoue, de Mantoue, & defieurs^n- Ferrarc, s'y joignirent. Cependant les ^^^j^^j.ç^ç'^ afîiegeans ayant livré combat aux An- Milanois. glois qui étoient hors de la place , fu- rent battus 5 Les vainqueurs allèrent auffi-tôt du côte de Florence, faifant mine de vouloir l'aflîeger, pour obli- ger les Florentins à lever le liège de San Miniato ; Cette place fut enfin pri^ fe par ftratageme. Les Florentins , n'ayant plus rien à craindre pour eux , envoyèrent de leurs troupes au fecours du Pape , contre Bernabo , qui voyant fon pais en proye à leurs holHlitez, fut En 1370. obligé de faire la paix. p. 40-

Urbain V. mourut la même année : Trêve Grégoire XI. fon Succefleur renouvel- entre le la la confédération avec les Florentins gg^^^^o & leurs xAUiez. Bernabo craignant de fuccomber fous une fi pLiifTantc Ligue envoya des Ambafiadeurs à Avignon

pour

t6 PoGGïMJ A. Part. ili.

pour demander la paix , à quelqq^ pri.^ que ce fût. On lui accorda une 'crevé dont il fut d'autant plus content j"" qu'il ne doutoit point que le Pape ^ <x>our occuper (es troupes ne ]es e|îc'Qv;>(^on- tre les Florentins qiS? fc"''érè'^iént en fureté de ce côté-là. 11 ne fe trompa pas dans fcs vues. Les troupes du Pape allèrent ravager le Pais des Florentins d'ailleurs prelTcz par la famine , pen- 1375- P- dant que fon Légat * leur coupoit les 4^- 43- vivres de tous cotez, quoi qu'il promît en public de leur en envoyer. Alais la prudence des Florentins trompa l'atten- te du Légat, en gagnant par argent le Général Augut , qui commandoit les troupes que le Cardinal avoit envoyées fous main dans le Florentin. Cruautez (Je Général ayant été commandé Cc- dieHiu' crctemcnt pour "furprendre -Pr^/o peti- Lcgatde te ville entre Piiloye & Florence dé- Gregoire couvrit toute l'intrigue aux Florentins, 1 s Fl"^^'^ 6c les traîtres furent feverement punis, leïitins. Pendimt ce tems-là les troupes du Pape defolant tout le pais précilément dans le tems de la moifîbn , réduifoient Flo-

ren-

* C'étoit Guillaume de Nouillet , François t Cardinal de S. Ange.

Histoire de Florence. Lh.L IJ rence \ la dernière difette. C'eft ce qui enga: Jfa les Florentins à s'addrefler au Légdft lui-même par des AmbalTadeurs , pour%ii en faire des plaintes. Ils en eurer^;,y:-'--.i3^gt;;;<;-eponfe, que c'étoit ^37î» des troupes congédiées , qu'il n'avoit plus aucune autorité fur elles, que le Géné- ral Augut n'agiflbit pas par les ordres, êc qu'il ne s'oppofoit pas à ce qu'ils prif- fent les mefures qu'ils jugeroicnt à pro- pos, pour leur confei'vation. Ils portè- rent cette reponfe au Général , qui fe re- gardant comme libre, fc joignit enco- re plus forten^ent d'intérêt avec les Flo- rentins i Mais le Légat qui ne fâvoit point qu'Augut avoit été gagné , fut bien furpris tl'apprendre , que prenant à la lettre le congé limulé qu'il lui a- voit donné, il avoit cefle fes hoftilitez dans le Florentin. Il lui récrivit donc pour l'engager à reprendre l'expédition dont il avoit été chargé contre Floren- ce ; mais ce fut inutilement -, Augut mécontent des Légats 6c des autres A- gents du Pape , 6c trouvant mieux ion compte à fervir les Florentins , avoit déjà pris fon parti. Ceux-ci inilruits Les Flo- par Augut ne pouvoient plus douter que J^^^^"^ le Pape n'eût juré leur perte j Gregoi- j^^guerre Tom. IL B re au'Pape.

l8 POGGIANA. P^r/. ///.

re XI. comptoit même fi fortlàt-deflus, que par fon ordre le Légat avvjt en- voyé fecretement un Ingénieur â" Flo- rence , pour y conftruire une itforte- refîè. On affembla 'i'ig^.JiieQ^j/^^Con- feil fortifié des plus'îîiotaSres delà Ville pour délibérer fur le parti qu'il y avoir à prendre dans une fituation auiîî épi- neufe. Après plufieurs délibérations

p. 48. 49. un * homme d'autorité & d'ailleurs fort éloquent , conclut à déclarer la guen-e à Grégoire XI. non comme au Pape, mais comme à un Tyran, qui vouloir

p. ji. 51. les engloutir 3 & à fairc^ alliimce avec Bernabo , non comme avec un Prince à qui l'on put fe fier, mais comme avec un ennemi du Pape èc de lès Minilb-es, 5c qui d'ailleurs étoit las de la domination des François f en Italie. Cet avis ayant été fuivi presqu'unanimement on créa un Oétovirat ^ pour avoir la conduite de la guerre avec un pouvoir illimité. On fit en même tems une alliance avec

Ber-

* Aloyfe Aldobrandin Gonfalonier.

^ Le Pape étant à Avignon , n'envoyoit prcf- que que des François , pour Légats & pour Gou- verneurs des places.

■j- C'elt ce qu'ils appellent OfficiaUs d; Balia , ou Otto Santi. Recan. not, p. 51.

Histoire DE Florence. Z/V. /. 19

Bemii'|o 5 qui promit quatre mille hom- mes, jlour joindre ces troupes à celles des Morentins & de leurs autres Alliez.. A\ bruit de cette Ligue contre le Papè.>l',i^'::irs Hf-s Villes oii il y avoit garniioîi'ffcp'rif'èhTîeur première liberté^ le créant elles-mêmes des Commandans, comme, Caflellii^ Vitcrhe ^ Alontefiaf- cone , Foligno j Peroufe , toutes Villes de l'Etat Ecclefiallique. Leur exem- ple fut fuivi de celui de plufieurs autres. Les Villes de Gubio^ de Spolete ^ de To- n r?, di^àc Forli ^âi AfcoU fecouerent le joug du Pape, & maflàcrercnt leurs garni- rons. Comme Bologne, place fort im- portante au Pape par rapport aux Flo- rentins, ne s'étoit pas encore rendue, Grégoire prit à fa folde dix mille Bretons * qu'il envoya en Italie pour retenir les Bolonois dans fon obeïf- fance. Ces troupes avoicnt à leur tête le Cardinal Robert de Genève, qui de- ■puis fut Pape fous le nom de Clément V. On les repréfente d'une fierté, qui ii'auroit pas été foufFerte dans celles

d'Alexan-

* La paix étant faite alors entre la France 8-r l'Angleterre il y avoit beaucoup de troupes li- centiées.

B z

Rodo- montade des trou- pes Bre- tonnes.

p. 54.

Le Pape excom- munie les Floren- tms.

20 P o G G I A N A. Pari. III. d'Alexandre , Ôc de Cefar. Coii^jne on demandoit aux Généraux s'ils efpu^pient entrer dans Florence , ils réponci-rent ruperbement , qu'ils entreroient pjçtouc entre le Soleil : Ce£endj];titJ'^illoi- rc marque, qu'aprèr"^ vtaî |7f hc les Al- pes ils ne mirent pas même le pied dans le Florentin. Bologne s'étoit déjà fou- levcc contre le Pape 6c avoit repris fa liberté par le fecours des Florentins *. C'cll ce qui obligea le Pape, prefque dépouillé de tout ce qu'il pofîèdoit en Italie, à rechercher la paix avec les Flo- rentins , & à leur envoyer des Ambaf- fîideurs pour en traiter. JMaj^ après a- voir été amufez par de longs délais ils furent obligez de s'en retourner à Avi- gnon fins rien faire. Le Pape fut telle- ment irrité de ce mépris qu'il refolut de mettre Florence à l'interdit -f-, & cita les Florentins à comparoître devant fon Tribunal pour rendre raifon de leur

con*

* Une Relation porte même que les Bolo- nois mirent en prilbn le Cardinal Légat & qu'en- fuite ils le chalferent ignominieufement , après lui avoir confifqué tout fon bien. Vit. Greg. xi. Bàluz. T. I. p. 435.

f Voyez dans l'Hilloire de Pogge p, 56. les foimalitez que le Pape obfervoii alors avant que de mettre un Etat à l'interdit.

Histoire de Florence. Liv.L ii

condu'v^. Ils envoyèrent donc à Avi- gnon'^ois Ambafladeurs pour défendre la came de la République , ce qu'ils fi- rent ;\pc beaucoup de vigueur.

Le^-^'^- -?¥r^^=^ d'abréger ne per- Harangue met pas de mettre ici en ion entier le Q^s De- Difcours que fit le Chef de l'Amballa- ^^^ de (a) au Pape en préfènce (kiS Cardi- au Pape. naux & de tout le Peuple. Il eft d'une (a) il s'a-

erande beauté. On en donnera le pre- Pf'^oi^

^ Ti 1- M 1 j VI j 'r Donato

cis *. 11 dit û abord i . qu il ne deten- Barbado-

droit pas la caufe de fi Patrie par fon ro. difcours avec moins d'avantage, qu'el- le avoit défendu elle-même fa liberté par fa -prudence & par fa valeur, s'il ne parloit pas devant un Juge déjà préve- nu , 6c fi ceux qui l'écoutoient fai- foient moins d'attention à leurs intérêts & à leurs préjugez qu'à fes raifons. 2. Qu'on ne devoit pas être furprisque les Florentins fuflent jaloux d'une liber- té dont ils jouïflbicnt depuis quatre cens ans, puis qu'il n'y a point de guerres

plus

* On ne doit pas croire que ce foit le Difcours même de l'Orateur , puis que Léonard Aretin lui en met un tout autre dans la bouche, quoi qu'ils tendent tous deux au même but. Celui de Léonard Aretin elt fort , mais plus modéré que celui de Pogge.

B X

21 PoGGiANA. Part. ///. plus juftcs que celles qu'on enti^orend pour défendre ou pour recouvrer*^ i li- berté de lîi Patrie , & qu'au relie bien loin d'avoir été les aggrelTeurs ils^^i'ont pris les armes qu'à Id^r^^^^^^^^^'^^mi- Se pouflés par des hollilitcz inouïes &: par tous les excès de la plus infup- portabîe Tyrannie. Il raconte à cette occafion la cruelle perfidie du Cardinal de Sain;: Ange Légat de Bologne, qui pendant qu'il promettoit d'envoyer du bled aux Florentins extrêmement pref- fez de la famine, non content de dé- fendre fecretement de leur en fournir, détacha fcs troupes pour fouiTager tous leurs grains, dans l'efperance de les ré- duire par la faim. 3!. Que comme les foûlcvemens dont le Pape fe plaignoit & tous les malheurs de l'Italie ne ve- noient que de la faute de (çs Légats & de fes autres Officiers, à qui il repro- che avec beaucoup de force & de viva- cité leurs cruautez plus que barbares , leur ambition effrénée, & leur inlàtia- ble avarice , c'étoit ces Minières qui en dévoient porter la peine & non les Florentins 6c les autres Peuples qui a- voicnt été mis dans une necefîité in- difpenfable de fecouer un joug qu'ils

ne

Histoire DE Florence. Zi-y./. 25 ne po^voient plus Tupporter. 4. Que c'étrhf au Pape & à Tes Légats une in- gra'>jrude de une infidélité nvanifelle d'of^rimer une République qui avoit été iOJJouvs 11 fidèle au fieo^e de Rome ce atrX'Vï^vii'^'VA: ijui les avoient 11 cou- rapeufement & fi conftamment foute- nus contre plufieurs Empereurs *. C^ejl donc à vous^ ô S. Pere^ conclut -il en s'adrefîant au Pape, ^r'f/? à vous à répri- mer les fureurs de cupidité ^ d'ambition de votre Légat , à éteindre U feu qu''il a allumé y à prendre en main la caufe de vos enfans 13 à vous fouvenir de nos bien- fait s envers 'VOS Prédecejfeur s. Pour nous qui combattons pour notre Patrie ^ pour nos^ enfans y pour notre vie^ i^ pour no- tre liberté y on ne fauroit nous reprocher jufiement aucun crime, ^le fi malgré notre innocence vous lancez vos anathe- mes contre nous nous tâcherons de les fup- porter en patience , 6? f^ous aurons ?iotre recours à celui qui n^ abandonne jamais

ceux

* On peut lire avec pîaifir & avec fruit PHiP toire abrégée que fait Léonard Aretin des grands fervices que la République de Florence avoit ren- du à divers Papes contre Frédéric I. Henri fon. lils, Frédéric II. Mainfroi Roi de Sicile, Louïs, de Bavière &c. Liv. VIIî. p. 183. B 4.

Z4 POGGIANA. P^r/. ///.

ceux qui efperent en lui qui ejih P ro- te ^eur des innocens opprimez.. s^

Ce Difcours fit des impreflîon&'iien différentes dans les efprits. QueUues- uns, fur tout les Italiens, fqndmspi.'i: en Jarmes au récit des nfS^Tâfi^^î^nce ôc de toute Tltalie. Les autres, princi- palement les François , irritez de la liber- té de l'Orateur animoient le Pape con- tre les Fiorentins. Enfin le Pape * après avoir répondu foiblement aux griefs des Florentins, 6c à leur Apologie, déclara qu'il étoit réfolu de les poufier par les voyes de la jullice, fur quoi Donat fe r^g- <^3' tournant vers un Crucifix qui étoit là, yen appelle à l'ous ^ dit-il, Seigneur^ qui êtes le Jufie Juge , je vous prens à témoin de notre innocence , î^ je fuis per- fuadé que vous la rangerez au dernier jour. Quelques jours après la fentcnce d'excommunication fut publiée. On interdit le feu & l'eau "j" aux Florentins. On livra leur Etat & leurs biens au pre- mier occupant, leurs perfonnes furent condamnées à l'efçlavage. Ceux qui

étoient

* On peut voir fa reponfe dans Léonard Arc^ tin Liv. VIII. 184. 185. t Ce lont les paroles de l'Autçur,

Histoire de Florence. Lh.L if étoient à Avignon en furent chaflez, ^uffi.jfen que tous ceux qui negocioient

aill*\*s.

(^pendant les Florentins ne demeu- Le Pape roieo pas_ dans l'inaftion. Comme ils ^^if ^flîe- favo^.oJ^^^u^'ïï^^îiflcin du Légat étoit ^^^ ^^^JJ; d'affieger Bologne , ils y envoyèrent un icment. promt fecours fous le commandement de Rodolphe Varane de Cammert qu'ils avoient repris à leur fervice. Ce Géné- ral qui connoifibit la légèreté des Bo- lonois 5 &: leur penchant â la fedition , content de faire faire quelques forties de- meura conflamment dans la place, mal' gré les défis que lui faifoit le Légat d'en lortir *. D'autre côté les Florentins fi- rent fi bien fortifier & garder leurs fron- tières que le Légat defefperant d'y pé- nétrer fut obligé de fe retirer en quar- tier d'hyver à Cefene ville de l'Etat de Perfidie l'Eglife dans la Romagne , oi^i par la ciu Lcgat permifilon les troupes Bretonnes exer- ^p^.^fsles cerent de fi grandes cruautés 6c com- mirent de fi horribles inlolences que les habitans ne pouvant plus fupporterleur

Ty-

* Voyei là-delTus un mot de ce Général dans Jes bons mots de Pogge. Part. IV. de cette pièce.

2,5 PoGGTANA. Part. HT.

Tyrannie en taillèrent en pièces t^. pluç grand nombre & chafTerent les \t;tres. Le Lcgat pour fe venger d'une vls^^tn- cc dont il ne devoit fe prendre /& 'qu'à

lui, ufa de la plus cruellc^îj|h^'V^'^ monde. Afin d'obli^r ^yisd\si^É\s de Cefene à mettre bas les armes, il leur jura qu'il pardonnoit tout le pafl'é , en rejettant même la fliute fur Tes Soldats. Pop;g. p. Ils ne furent pas plutôt desarmez qu'il A^rp^m y ^^ rentrer des troupes Angloifes qui firent de cette malheureufe ville un fleuve de fang. On n'épargna ni les hommes, ni les femmes, ni les enfans au berceau & à la mammellc , ni les vieillards , ni même les Religieufes. Les Temples & les Autels furent des Afyles inutiles, & il n'échapa que ceux que la fuite put dérober à la fureur du Soldat. Comme il étoit impoflible que les Florentins foutinflent feuls , un Ci furieux orage, ils envoyèrent des Am- bafladcurs à Charles V. Roi de Fran- ce , à Louis Roi de Hongiic , & à Jean- ne Reine de Sicile pour implorer leurs fècours. Ils continuèrent l'Oftovirat dans fon autorité, & le Général Ro- dolphe Varane dans le commandement

de

Histoire de Florence. Lh. I. 2.7

de le; ) armée *. Pendant ces entrefai- En 1376. egoirc XI. étant venu rétablir le

Pontifical à Rome, les l'iorcntins ivoyerent de nouveau des Ambaf- fadçji^^.ojj^lyj.^demandcr la paix. Il ne v'oiuUt'pas'y eîitendre d'abord, mais dans la fuite , il leur envoya deux Moi- nes, moins dans la vue de négocier une bonne paix , que d'exciter quelque le- dition dans la Ville par leurs offres fpe- cieufes , & leurs difcours artificieux. Les Florentins n'en furent pas la dupe. Comme les Moines ne leur faifoient au- cune propofition , ils les renvoyèrent en les aflurant qu'ils étoient tous dilpofez à une paix équitable.

Le Pape irrité du mauvais fuccès de Hoftilitez cette tentavive redoubla (es hoftilitez du Pape contre les Florentins. Apres avoir re- "'"^''^ ^^^ pris ^c brûlé Bolfene i" , qui avoit fecoué tins. le joug l'année précédente, il envoya contre eux , Raïmond fon neveu avec une partie de fon armée , qui prit fi rou- te par la campagne maritime de Sien- ne. Cet Officier tint pendant long-tems

affie-

* Ce Général fe rangea l'année fuivante dans le parti du Pape. On en a parlé ailleurs. ' t Ville de l'Etat de rEglile fur le Lac Bolfeno.

28 POGGTANA. PaV.t. III.

affiegée la Ville de Groflete placcfrjortc du bienoisj mais ayant appris que li.^'^'é- néral Augut vcnoit au Iccouis de cxç. place, il tilt obligé de lever le fies^

Les Florentins cepe^jjdanpp^^f^^t pour la troificme fois des A'rnB^Tadeurs pour traiter de la paix avec Grégoire XL Mais comme ils l'en virent entiè- rement éloigné , ils prirent de nouvel- les mefures contre lui. Ils avoient juf- qu'alors religieufement obfervé l'in- terdit, 6c prefque pendant un an il n'y avoit point eu d'exercices facrez dans 1377- le Florentin. Mais enfin rclblus de n'a- 73- 74- Yoir plus d'égard à cette in jufte excom- munication , ils ordonnèrent de célé- brer par tout le fervice Divin. Cette vigueur leur réufîît. Le Pape defefpe- rant de les réduire tourna enfin les pen- {cos du côté de la paix. Il leur envoya pour en traiter l'Evêquc d'Urbin, & leur propofa même Bernabo leur allié pour Médiateur. Quoique cette Média- tion fut juftement fulpeéte aux Floren- tins parce que Bernabo avoit été leur ennemi , ils ne laifierent pas de l'accepter dans l'extrême befoin qu'ils avoient d'une promtepaix. Le rendez-vous Rit à Sar- l'ane ville de la Ligurie qui appartenoit

Histoire de Florence. L'rj.I. 2p

à Bei labo. Le Cardinal d'x^mboife s'y trou^y comme Légat du Pape , aufli bien quc''^s AmbafTadeurs du Roi de Fran- ce , '^le la Reine de Sicile , 6c des Veni- tie^s/^- fans^compter ceux de Florence. Bernauu 'pjopoïa'U'abord des conditions fi dures pour les Florentins, qu'ils a- voient une répugnance infinie à les ac- cepter, lorfque la nouvelle de la mort de Grégoire X I . (a) les tira d'embarras 6c (a) En leur donna la paix fans traité. Urbain ^378. VF Ton fucccflcur leva leurexcommu- ^ijr^ain nication,6c les reconcilia avec l'Eglife, VI. levé moyennant une bonne fomme d'argent, l'cxcom-

Mais leurs difcordes civiles ne leur per- J^""|5^" , . .. j f, . , i tion des mn"ent pas de jouu' des truits ae cette Floren-

paix *. Et même dès l'année fuivante tins, après

ils eurent à Ibûtenir une efpece de euer- '? "l^'^'' , ,3 ,. T , , . o de Gre-

re contre des Bandits qui s ctoient at- gojre xi.

troupez au nombre de fix mille dans p. 79.

rOmbrie & dans la Marche d'Ancone,

entre lefquels étoit Charles fils de Ber-

na-

* Cette guerre inteftine arriva par la jaloufic des Grands contre l'Oétovirat qui n'étoit prefque compofé que de perlbnnes du Peuple, & par la fureur du l^euple à loutenir fes Magillrais. On peut voir la defcription de ces guerres inteftincs dans Léonard Aretin, Hift. Flor. L. IX. p. 190.

^o VoGGiA'NA. Parf. II/.

nabo & j4ntoine de la Scaîa qui t-^oient été bannis l'un de Milan , l'autre V/.Ve- rone. Cette armée de brigandsVvoit infcfté les tenes de Pcroufe, de/p"ien- Î3R5. ne, de Cortone, Sc^^Jo^Ùaft^Cl p. 79. 80. fut; pour fe délivrer cfeces T5îîgânâages que ceux de Bologne 5 de Luqucs, de Peroufe, de Sienne, & les Florentins firent alliance avec Jean Galeajfe Vif- comti de JVlilan qui fit bientôt après à ces derniers une cruelle guerre dont on va raconter l'occafion. jcan r;a- Cc fut l'ambition de Jeaii GalcafTe * Icafle Vil- q^j troubla le repos dont jouïnbit alors Milan fait ^'^^^^'^ & en particulier la République de emprilbn- Florence. Cc Prince aulfi fourbe qu'am- ner Bei- bitieux , cacha pendant quelque tems {t% nabo. projetsTyranniques fous le voile de la dé- votion 6c de la retraite. Regardant Bcr- nabo fon oncle, avec qui il gouvernoit 1 386. le Milanois , comme un obftaclc à la for- P- ^4- tune qu'il mcditoit , il réfolut de fe dé- faire d'un '^\ tachcux rival. Mais afin de mieux couvrir fon jeu il époufa la fil- le de Bernabo, & fe retira avec elle à Pavie i". Lorfqu'il crut avoir amené fon

def.

* On l'appelloit auffi Comte de Verrue, t A vingt milles de Milan.

Histoire de Florence. Liv. /. 3 r defle, i à maturité , il invita fon Oncle à Xc-fjinix voir dans quelque endroit voi- fîn^yÉ Milan il feignoit de s'être ren- du ybux accomplir un vœu qu'il avoit failli ^-'^ y 'fu:ge. Bernabo ne fe doutant de riéilT'y' alHi avec deux de (ts fils ÔC une nombreuie cicorte. Il ne fup pas plutôt arrivé qu'il fe vit entouré d'un gros de Cavalerie qui l'emmena prifon- nier avec un de les fils. On prétend que Galeafle fit empoifonner Bernabo dans la fuite. Si cela cil , un Tyran périt par les mains d'un autre Tyran. Galeaf^ fe pour appaifcr le peuple lui fit prefent de tous les biens de Bernabo 6v de fcs fils qui s'étoient exilez-eux mêmes.

Se voyant Maître du Milanois il ne penfi plus qu'à pouflèr plus loin fes conquêtes. Il pratiqua fon; bien la dé- teftable maxime que pour régner , il fliut femer la divinon. Les Seigneurs de Padotie (a) &: de Vérone * étoient ('a)'Fran- en parfaite intelligence : mais il les çois Car- brouilla tellement qu'ils en vinrent à raria. une guerre ouverte dont il profita pour les opprimer. Antoine "de la Scala ie

re-

* Antoine de la Scala. On parlera des Princes de la Scala dans l,a quartième partie de cet O uvrage.

^z PoGGiANA. Part. IIl.

réfugia à Venife avec fa femme & t'^cs en- fans. François Carraria fut mis eny /fon à y^fty qui relevoit alors du IV^ilary^s. Guerres De tous les Etats d'Italie il t^i en

entre les ^yoit point qui amorrît. dè'iâS^^^* la Florentins . ,T, , 7^ , zr «'^*"^*'*^i!F'A^ & les Sie- cupidité de (jalealie , que la i olca-

nois. ne la République de Florence. En attendant l'occafion de s'en rendre maî- tre , il endormoit les Florentins par mille marques d'amitié. Il leur donna Jean Alaria fon fils aîné à tenir fur les fonts du baptême. La guerre, qui s'al- luma entre les Florentins & les Sien- nois a l'occafion de quelques places qu'ils avoient prifes les uns fur les au- tres , fembloit être une ouverture favo- rable pour les delîeins de GalcaHe , les Sicnnois qui fe trouvoient trop foibles pour rcfiltcr aux Florentins ayant im- ploré fon fecours , Se l'ayant fait arbitre de la paix & de la guerre. Mais les Sicnnois 6c les Florentins firent bien- tôt la paix par l'entremifc des Bolonois & des Pilans ; de forte qu'il fillut que GalcaOé cherchât un autre prétexte pour attaquer fcs Florentins. 11 ne lui fut pas difficile d'en trouver un. Les derniers avoient favorifé l'évafion de François Carraria ôc lui avoient donné

re-

Histoire de Florence. IAv.I. 55

retraiji dans leur Ville. Galeafle re- gaiv.-\j)ït cette démarche comme une rupi!^i:e chafFa tous les Florentins de Tes EtaCicomme des efpions 6c des traî- tres^ ._\^:;.ic:^l^-^:t fes ennemis. Les Florentins au contraire publièrent un Edit par lequel ils offroient retraite & des privilèges à tous les Milanois , qui voudroient s'établir chez eux. Ces brouilleries n'aboutirent pourtant à au- cun éclat, parce qu'elles furent aflbu- pies par la prudence de Pierre Gamba- curta qui commandoit à Pi(e,

Mais il étoit impoflible que Galeaf- Guerres

fe demeurât en repos. Malgré la paix °^^ ^'°'

r o I rcntins

qui venoit d'être conclue , il s'empara ^vcc Jean

de Peroufe , détacha les Siennois du Galeairc.

parti des Florentins , & fit irruption

dans la campagne de Monte Pulciano * .

Ces entrepriics & beaucoup d'autres

donnant de l'ombrage aux Florentins ,

il fut réfolu d'une commune voix de

refilter à ce torrent , avant qu'il groflit

davantag'e -\ . On créa auili-tot dix

Magiftrats à qui l'on donna la fouve-

raine adminiflration de la guerre. Ils

le-

* Par fon Général Jean Adius Ubaldin. \ Par le confcilde Jean Riccius Jurifconfulte. "Tom. IL C

cms.

^4 VoGGiAnA. Part. IIL

levèrent une armée avec une dÇ*9;ence prodigieufe. En même tems lif -T^lo- rentins envoyèrent des Ambanaa ^irs .|^ Charles VI. Roi de France p^.r lui demander du Iccours^- Ge*^i^Ty4Î^'x- leafTe continuoit fes hoftilitcs, & n'é- pargnoit ni tromperies , ni llratagcmes , ni argent pour corrompre les amis des Florentins. Il publioit dans le monde qu'ils étoient les auteurs de la gueire, qu'ils l'avoient voulu faire empoifon- ner*, qu'ils avoient loulcvé les fils con- (a) Rie- tre lui i", que leur Orateur (a) l'avoit traduit dans un difcours public comme un fourbe & un perfide. Il écrivit aufîi aux Florentins que c'étoit malgré lui qu'il leur déclaroit la guerre X , & qu'il n'avoit rien plus defiré que de vi- vre en bonne intelligence avec eux. Il fit en même tems tout ce qu'il put, mais inutilement, pour débaucher les

Pi-

* Ce n'éroit pasles Florentins, mais Antoinede h Scala qui avoit fait préparer un poifonpour jet- ter dans le puits de Galeaflc, comme l'avoua l'em- poifonneur à qui l'on donna la quellion.

f II avoit deux fils au fervice des Florentins. f. 95. not.

X On peut voir cette déclaration de guerre daiîs Léonard Arctin, Se la icpoûfe des Florentin». L. X. fin.

Histoire de Florence. Lh,!. 3f Piiàni?' Les Florentins non contens de le tenvl^ur la défenfive envoyèrent le Gé- nér^Ji Augut avec fix mille hommes dansas Gaule citerieure *,pour y met- '39<5. tre'î^tr} :/-jïu & ù fang. D'autre côté,?' ^^' ib détachèrent des troupes contre le Général Ubaldin , qui étoit dans le païs des Siennois fous prétexte de les foû te- nir 5 mais dans le fond pour trouver moyen de s'approcher de Florence. Quoique les Florentins n'eufTcnt dans leur parti que les Boulonois Se ceux de Cortone , ils ne laifîérent pas de faire peur à GalealTe , ce qui l'obligea de donner ordre à Ubaldin de les prcfier vigoureufement dans leur propre pais que forcés de fe rendre , ils abandon- naflent le deflein de porter la guerre dans la Gaule citerieure, pendant que les Siennois de leur côté feroicnt des courfes aux environs. Cependant les Florentins reçurent un renfort confide- rable par la reddition de Monte Pul- ciano Ville dans le Siennois , & par confequent à portée de les incommo- der beaucoup. Ubaldin pour exécuter fes ordres ravageoit le Florentin , &

mê-' * Gakafle l'avoit prefque toute ufurpée, C %

^6 VoGGiAiJ A. Part. III.

mcme s'empara par furprife dep* places importantes par rapport vues. Ce Général , qui a paHe pc des plus grands Capitaines de fonf/ems, mourut occupé au fiége der««*^M^de ces places. Pendant que les Genera^ix Milanois inquiétoient ainii les Floren- tins, Augut leur Général de Ton côté faifoit ailleurs des progrès confiderables. D'autre part François de Carraria recou- vra par le fecours des Florentins Padoue, dont Galeaflc avoit dépouillé ion Père. Vérone avoit auHi lécoué le joug, mais les filetions qui s'élevèrent dans la Ville donnèrent à Galeaflc occafion de la re- prendre. Etienne L'arri\ée à' Etienne Duc de Bavière re arrive ^^^^ rlorentins avoient appelle ^

en Italie leur fccours releva beaucoup leui-s elpe- aii fecours rances. Ce fut pour eux un grand

desFlo- coup de partie que Galeallé fut con- rentins . * . ^

V'ovez traint de quitter la Toicane pour venir

I.eona'rd défendre fon propre pais > mais ces heu-

Aretin. L. xtux commencemens furent mal Ibûte-

;^*^",' nus. Le Bavarois aciiToit fort molle-

En 1390. ment , & on Taccuia même d'intelli-

p. loi, gence avec l'ennemi. Quoi qu'il en foi t,

il s'en retourna en Allemagne, laiflant

en Itiilic Henri Comte de Montfbrt à

qui

Histoire de Florence. Liv. T. 37 qui l'c 1 confia la garde dcPadoue. Les FloKyinsavoient alors trois années fur pie. ^ii'ançoisdeCarraria occupoit tout le tei|itoire de Vérone. Augut ctoit dansai., i.r'I^.Vr du Milanois, oii il iati- guoit extrêmement l'ennemi , non feu- lement par des courlcs, mais en lui en- levant quantité de places , & le provo- quant fans cefîe au combat , pendant que LoHÏs de Capoue réduifoit les Sien- nois aux dernières extrcmitez. On ap- prit en ce tems-là que les AmbafTadeurs qui étoicnt allez en France n'avoient pas rciifli auprès de Charles VI. Ce Prince leur ayant propofc de reconnoître Clé- ment VII. (■à) & de les rendre tribu- W Con- taires , ils aimèrent mieux loutenir Iculs d'Urbain le poids d'une guerre trés-onereufe que VI. de manquer de foi à Urbain VI. 6c de vendre leur liberté. Leur négociation n'eût pourtant pas été tout-à-fait inutile fans la mauvaife conduite de Jaques Comte ^Armagnac . Ce Seigneur qui Le Com- avoit une bonne armée dans la provin- ^^ ^''^'■" ce de Narbonne , ne demandoit pas^^^^^^^J^ mieux que de l'occuper. Il s'engagea par les à pafTer les Alpes à la tête de fcs trou- Miianois. pes pour les joindre à celles d' Augut contre Galealîe. Quand on eut la nou- C 3 vel-

^8 VoGGwn A. Part. IIL

vcllc de ce Traité à Florence on* Augut dans la Gaule citcricur^ fon armée pour être plus à portée joindre à c^lle d'Armagnac, ayant pafTc Vuddige campa daij centin oii il prit plufieurs places fans grande oppofition. Delà, il alla cam- per dans le pais de Bergamc il ne perdoit aucune occafion d'agir contre l'ennemi. D'ailleurs les troupes Flo^ rentines agiflbicnt avec vigueur. Cel- les qui étoient à Voltena faiioient des courlcs continuelles fur la côte mariti- me de Sienne, pendant que d'un autre côté on reprit dans le Cafentin une (a)Regio- place (a) qui s'étoit révoltée Tannée Mme. précédente. ' Lcoiiard Augut connoifTant le naturel bouil- Aretin L. lant des François, avoir inihmment prié ■^•P'^^"' le Comte d'Armagnac de ne hazarder aucune action avant leur jonétion. Mais ce jeune Seigneur ne fut pas plutôt en- tré dans le pais ennemi qu'il crut devoir fe fignalcr par quelque aélion d'éclat Sur la fin Hms attendre Augut. Apres avoir pris de Juillet: d'abord plufieurs Forts autour d' Alexan- p^ ^^1^' dric de la. Paille qui étoitau Milanois, il entreprit le Sicge de cette place , (ans favoir quel monde il y avoit dedans &

iaus

Histoire de Florence. Lh.I. 39 fans cK"e roûtenu par aucune Cavalerie. Il av^X même eu rimprudencc de laif- fer r]"f écart les chevaux fatieuezdu chc- min^Jc des courfes qu'il leur avoit fait faire *m arrivant. Le Général Vermio qui^n^ctoit inflruit avoit fait entrer fecretement dans la place quelques regi- mens de Cavalerie pour fondre fur les p j^g. aflîcgeants. C'eft ce qui ne manqua pas d'arriver. Le Siège ne fut pas plutôt formé que la Cavalerie fortant de la vil- le avec impetuofité s'empara d'abord des chevaux qui furent trouvez ians Ca- valiers. Après cette capture on attaqua l'Infanterie de front & par derrière. Quoi que le combat fût incgal, il ne lailfa pas de durer long tems avec beau- coup de vigueur de part 6c d'autre. Mais les François accablez de lallîtude & de chaleur, 6c tout couverts de blef- fures furent obligez de céder la victoi- re. Le malheureux Armagnac y fut lé- gèrement blelfé, mais ayant été con- duit dans la place il y mourut, quel- ques-uns dilênt de poilbn , plus vraiiem- blablement de chaud , de lalîitude , & de defefpoir du mauvais fuccès de fa témérité.

Galeaflc enflé de cette vidoire im- Victoire C 4 pre-d'Augut

40 POGGIANA. P^r/. ///.

prévue alla en diligence attaque gut qui s'étoic retiré vers Crem^ bruit de la défaite des François. Milanois campèrent à un mille de^ rentins. Il y avoit entre lesdcuxar un grand pré au milieu duquci touibit un ruiiïcau tout bordé de hayes d'oii les ennemis ne cefToient de défier les Florentins. Mais Augut , voyant bien que la rufe étoit alors plus de faifon que la force, défendit à fes gens de fortir de leurs tranchées , & laif- fa pendant long-tems aller 6c venir en confufion & comme à la débandade les ennemis qui par des reproches fan- glants tâchoient inutilement de l'atti- rer au combat. Ce manège dura quatre jours, enfin le cinquième jugeant bien qu'ils reviendroient encore l'infulter a- vec aulîi peu de précaution que les jours précédens, il mit (es gens en or- dre de bataille j Les ennemis ne man- quèrent pas de venir avec leurs rodo- montades ordinaires ', mais il fondit fur eux fi à propos, qu'il les mit en déroute, èc les pourfuivit jufques dans leur camp. Il y en eut grand nombre de tuez , feizc cens Cavaliers furent pris prifonniers, avec plufieurs de leurs Officiers.

Ce»

Histoire de Florence. Lrj.I. 41

Ce-Fendant Augut étoit réduit à de Belle re- granh^s extrcmitez. D'un côté la re- traite trairf étoit difficile, parce que l'enne- ^'^"S^''* mi tyoit coupé les chemins de toutes part^! De l'autre il folloit repaflcr l'O- glio, cv. qu'il ne pouvoit faire (lins ex- pofer fon armée à un très-grand danger. De forte qu'il ne pouvoit ni fe retirer fans péril , ni demeurer plus long- tems parce qu'il manquoit de vivres. Il prit donc le parti de défier les enne- mis au combat. Pour les y animer da- vantage, il fit mettre fur de grands ar- bres les étendarts qu'il avoit remporté ilir eux. En même tems il faifoit en- tendre nuit & jour les tambours & les trompetes, comme fi l'armée eût été en préfence. Et afin d'amufer l'ennemi au pillage il laifia dans le camp beau- coup de bagage , comme des hardes , des facs pleins de paille, & autres amor- ces au butin. Apres ces précautions il leva le camp la nuit , & alla gagner rOglio fans courir aucun rifque. Com- me il craignoit d'être pourfuivi, il for- tifia fon arrieregarde de ce qu'il avoit de meilleure Cavalerie. Une partie de l'armée avoit déjà pafie le fleuve, lorf- que les ennemis arrivèrent. Le Géné- C f xx\

4* PoGGï AN A. Part. II/.

rai avoir pofté fur le bord de la LyicTC quatre cens Arbalêticrs à chevaV^7our les bien recevoir. Enfin l'arricregL^ le , après avoir foûtenu un afîèz long tom- bât, paiïli le fleuve 6c rejoignit leVefte de l'année. Augut ayant heureuf^n^nt pafle le Afenzo^ alla camper fur les bords de l'Adige oii il courut rifque d'être fubmergé la nuit, parce que l'en- nemi avoir rompu les digues de cette rivière. 11 perdit une grande partie de fon armée par cette inondation.

Quand il fut hors du pais ennemi il penfa à rétablir fon armée afin de la mettre en état de chafler l'ennemi des places qu'il occupoit en deçà duPôj & en même tems de faire des courfes dans le Plaiiantin,pour affoiblir de plus en plus Galeafle 6c le réduire à faire la paix. Pour y réiiflir il fit conftruire fur ce fleuve un grand pont à Bofgo-forte^ afin d'être en état de fecourir le Duc de Mantouë qui avoit quitté le parti de Galcaffe pour prendre celui des Flo- rentins -*. Cependant Galeafle réfolut

de

* Galeafle voulant le défaire de fa fœur, qui avoit époufe François de Gonzaguc Duc de Man- touë, avertit ce Prince de fe defficr de f\ femme, lui faifant croire qu'elle ctoit follicitcc àletuerpar

Char-

Histoire de Florence. Liv. I. 45

de foe côté de preflcr fi vivement les Florn'itins qu'ils fuflent contraints eux- mq;;ies à en venir à un accommode-' mei/jCelt dans cette vue qu'il afTem- bla Ion armée à Lucques pour faire une irruption dans le Florentin , Se porter l'allarmejufqu'aux portes de Florence. Après avoir fait ces préparatifs il fit parler de paix aux Florentins par le Doge de Gènes, qui ctoit dans ics in- térêts. Les Florentins, les Boulonois , & les autres Confederez refolurent donc d'envoyer des Ambafladcurs à Gènes pour traiter de la paix. Mais comme chacun de fon côté efperoit de l'avoir meilleure les armes à la main , on agif- foit de part ôc d'autre avec plus de vi- gueur que jamais. Les Florentins voyant l'appareil que GaleafTe faifoit contre eux à Lucques , firent venir Augut avec fon armée. Ce Général campa d'abord à San Miniato ^vtiiiQ. ville de l'Etat de

Flo-

Charles Vifcomti fon frère. Pour l'en mieux per- fuaderilfuppofades Lettres de Charles à fa fœur, 8c les fit mettre dans le lit de Gonzague qui ne doutant point de la fincerité de l'avis de GaleafTe, fit mou- rir fa femme. Gonzague ayant fu depuis l'infi- gne fourberie de Galeaffe l'abandonna pour s'en venger,

'44 VoGGiA^ A. Part. IIL

Florence fur l'Arno pour obfer\ mouvemens des ennemis, qui et dans le Pifan , attendant quelque Autre fort des Siennois. Le Général Mik d'Âueut voyant que cette attente étoit inutiU, fur le Mi- s'avança lui-même fur les terres des mois. Siennois 56c après s'être fortifié de leurs troupes, il s'approcha de San Miniato. Des qu'Augut eut appris la marche des Milanois il alla du côté de Poggibon- zi fortcrefTe de la Tofcane prés de la rivière d'£//C<î, à quelques milles de Sien- ne, afin de leur couper le chemin de Florence. Ce Général fe voyant ren- forcé par des troupes qu'on lui envoyoit de Florence , garnit bien toutes les pla- ces par oii les ennemis pou voient palier. Cependant le Milanois ayant appris qu'Augut avoit reçu un renfort de dix- mille hommes s'en retourna à Lucqucs avec fon armée parce qu'elle perifîbit de faim. Augut la pourfuivit, en tail- la une bonne partie en pièces, 6c prit quantité de priibnniers entre lefquels il y avoit plufieurs Officiers de marque. Apres avoir remporté fur eux plufieurs avantages , les jours fuivans , il s'en retourna à San -Miniato & en forti- fia {i bien toutes les avenues qu'il etoit

diffi.

Histoire DE Florence. L/i^./. 4j*

diffic Ve aux ennemis d'y pouvoir péné- trer v

'^ileafle confus & defcfperé de tant de niiuvais fucccs , ordonna à Ton Gé- n^l d'aller avec fon armée , invertir les chemins de Pife à Florence , afin d'obliger les Florentins à faire la paix par le bcfoin qu'ils avoicnt du port de Pile pour leur commerce. Il s'en alla donc aux environs de Spolctc, s'attcn- dant qu'Augut viendroit l'y attaquer; Mais le Florentin aima mieux garder un pofte qui lui étoit avantageux que de bazarder un combat dans une con- jon(5hire aufli décifivei de forte que le Alilanois las d'obfedcr des chemins fans rien faire , offrit aux Pifans de fe reti- rer de leurs frontières , pourvu qu'ils n'envoyafient rien par mer à Florence : ce que Gambacurta promit pour quin- ze jours. Quand les Florentins lui en p. 117. firent des reproches il repondit, qu'il l'avoit autant fait pour leur avantage que pour celui de Pife, puifque par il avoit éloigné l'ennemi du voihnage des uns & des autres.

Pendant qu'on traitoit de la paix à On traite Gènes , les Génois amis de Galeafle firent ^^J,^ P^^* bien paroitre leur partialité , en mettant

des

45 PoGGiAîJ A. Part. IIL

des vaifîeaux enmerpourenlevervputcc qui pouvoir appartenir aux Florct' tins. Ceux-ci de leur côté firent équipf '-des Galères , pour fe mettre à couvert de ces infultes maritimes qu'ils repouflef^nt fort vigourcufement. En même tems ils envoyèrent fix cens Chevaux auprès de Pife pour la fureté de ce qui leur venoit par terre fur des mulets : mais le Milanois en ayant eu avis leur dreflà une embufcade de deux mille chevaux, battit la Cavalerie Florentine , prit près de cinq cens mulets chargez de mar- chandifes & de provi fions ) 6c rempor- ta un très grand butin. Louïs de Ca- pou'é Général Florentin apprenant que les Siennois fe divcrtiffoient de cette a- vanture, alla pour s'en venger, jufques aux portes de Sienne , mettre tout au pil- lage dans leur païs. D'autre côté le Prince de Cortone * allié des Floren- tins défoloit tout le Peroufin , avec une petite armée qu'il avoit levée lui-même La paix dans cette vue. C'eft par ces hoftilitez ^f- 5*?"' réciproques qu'on fe préparoit à faire la Gènes. P^i^ 4^1 tut ennn Conclue en 1 3p2. par 1392.. l'cn-

Aret L * ^^^'^^ ^iH^ '^^ Florentin entre le Peroufin

X. fin. * &Arczzo.

PoggnS.

Histoire de Florence. Liv. T. 47

l'entr, mife du Grand Maître deRhode, Leg-jL du Pape, par le Doge de Veni- fe cîjjTime particulier 5 Le peuple de Gênés y entra auffi par honneur. Les conditions furent entr' autres: i. Que Padouè (croit rendue à François de Car- raria, fils de François de Carraria que Galeaflè tenoit en prifon , à condition pourtant que le fils payeroit aux Mila- nois une certaine fomme d'argent par an pendant l'efpace de cinquante ans. A l'égard de la liberté du Père on la fit cfperer, mais on la laifîa à la difcretion de Galcafle. 2. Que tous les profcrits pendant la guerre rentreroient dans leur patrie , avec le conientemcnt néanmoins de leurs Citoyens. 3 . Qu'on rendroit de part & d'autre les places qui avoient été prilês pendant la guerre. 4. Que Galeafie n'envoyeroit point de troupes dans la Tofcane, à moins qu'elles n'y fiafîènt appellées par les Siennois ou par les Pérou fins en cas qu'ils fuiTent oppri- mez par les Florentins , ou par leurs Alliez, f. On convint de part 6c d'au- tre qu'on ne congedieroit pas toutes les troupes à la fois , mais peu d peu ^ de peur qu'il ne s'en formât des focietez de brigands ôc que chacun en retien- droit

48 P o G G I A N A. Part. m.

droit ce qu'il jugeroit neccflaire |n*)ur jfâ fureté 5 ôc de même des GenerauxV des Officiers. Lors qu'on parla de choit r des garants de ce Traité un des Plenipotçu- (t) Tho- tiaires (a) de Florence tirant Ton Efice, "parole^* ^"^^^^ àiix.-'^ , le garant ; nous avons éprou- Genereu- "i^é les uns (^ les autres ce qu"* il fait faire. ft d'un des Florence jouïflôit à peine de la paix Plenipo- ^^ dehors qu'elle fe vit agitée par des de Flo- troubles inteftins qui ne purent être rencc. appaifèz que par des exécutions fan- glantes , des profcriptions , & d'autres peines. Mais elle n'avoit pas moins Intrigues de fujets d'inquiétude au dehors > la & hoihii- conduite artificieufe ôc les lourdes me- leaflccon- ï'i^^s de Cjaleaiic donnoient toujours trelesFlo-de grands Ibupçons aux Florentins*, rentins. q^ étoit convenu , comme on l'a dit , de ^^^^* ne congédier que peu à peu les Officiers & les troupes pour éviter les briganda- ges. Cependant quelques Officiers de Galeaflc s'ctant attroupez avec quelque Cavalerie allèrent demander pafTage à Boulogne & à Ferrarc avec menace de

fc

* Cette année i 1393.) mourut le Général Augut regretté de tout le monde , on lui fit des obfeques magnifiques. Les premiers de la ville portèrent fou cercueil qui ctoit enrichi d'or & de pierre- ries. Le Peuple lui érigea une Stttuë. Pog§. p. 113.

Histoire de Florence. Liv. I. 49 fe le (kire par force on le leur refu- . Toit ^-.ij). Cette démarche paroilîlint fort («) Ànù fuff^^ie les Bolonois (b) ne voulurent ^' ^^' poinJ leur accorder le pafTage , craignant ^z b^) on de^ecevoir des efpions dans leur Ville, ne dit Les Florentins de leur côté envoyèrent P°'"'^ ^'^ du fecours aux Bolonois pour les met-^^^^^j-ç tre à couvert d'infulte. Cependant ces Cavaliers gagnèrent la Tofcane par le Parmefan. Ils allèrent de dans le Sie- îiois & puis dans la Marche d'Ancone, s'étant fortifiez ils revinrent en Tof- cane, menaçant les Villes de les piller, fi elles ne leur payoient une rançon. Ce qui augmcntoit encore les foupçons contre Galeafle 5 c'eft que nonobitant la paix on remarquoit toujours dans les Sienois un efprit d'hoftilité. D'ailleurs les AmbalTadeurs des Florentins, qui a- voient été arrêtez ^^ Alexandrie de la. Paille ^étoitnt traitez depuis la paix a- vec plus de dureté qu'auparavant. On ne mettoit point non plus en liberté François Carrare comme Galeafle l'a- voit fait efperer. . Tant de violents in- dices obligèrent les Florentins à renou- veller alliance avec les Bolonois , les Princes de Ferrare , de MantoUe, de Padoue, de Ra venue,, de Fayence,

Toni. IL 0 d'Imo=

IZZ.

j-o VoGGiAiJ A. Part. III.

d'Imok, auxquels rejoignirent Is Sei«» gneurs de Forli, êc de Malateftl. AfTafTinat Les ombrages contre GaleafTel^ ug- de Gam- j^^enterent beaucoup par l'indiglle ^f- Gouv'er- faflinat de Pierre Gambacurta Q*.u- neur de verneur ou plutôt Seigneur de Pife (a). Pi^^"- 11 avoit pour Secrétaire & pour confi- J^lT/ dent de fes plus fecretes affaires un cer- 223. 224.* tain Ja^^nes Jppien dévoué à Galeafle ?og§- 6c mortel ennemi des Florentins. Cet homme qui afpiroit à la domination de Pife s'y étoit fait un grand parti , furtout parmi les Gibelms. Mais comme Gam- bacurta étoit fort aimé à caufe de fa douceur &: de fon efprit pacifique, Ap- picn ne trouvoit point d'autre moyen de f^itisfaire fon ambition qu'en le fai- Çmt mourir, non content de l'avoir af- fafîiné en traître, & mafTacré deux de fes fîls avec plufieurs de fes amis. Après ce deteitable coup il chafTa les Guel- phes de la Ville,- pour être plus en état d'en ufurper la domination. Dans le tumulte que caufa cette horrible aftion, les marchandifes 6c tous les effets des Florentins furent pilbz par le peuple de Pife, malgré l'alliance qu'il y avoit entre eux. On ne douta point à Flo- rence que cet afTafîinat ne partit de la

té-

tîisTOiRE DE Florence. Lîv.I. tête de GaleafTe pour avoir à Pife un homme tout à fa dévotion. Et en effet 4pR^ n'agiflbit que par les vues de Gcile'.'^, même depuis Ton élévation.

^e Prince toujours plein d'ambition Galea^é & de vaftes projets ne rouloit dans fa S^ ^^^^ tête que les moyens de les exécuter. l'Empe! Comme il avoit ufurpé plufieurs Pais rcur & plufieurs Villes fur l'Eglife 6c fur Wencef- l'Empire, il chercha pour fe maintenir '^^* ^ dans leur poffeffion la proteélion de p. 114* l'Empereur Wenceflas. Connoilfant l'avarice ce Prince il lui envoya une Ambaifade avec de riches préfens lui de- mander le titre de Duc & plufieurs Vil- les qui fuflent attachées au Duché. Ce qu'il obtint moyennant la fomme cent mille écus d'or, malgré les Elec- teurs qui mirent l'aliénation du Mila- îiois entre les caufes de la dépofition de cet Empereur (a). (a) II fut

L'aggrandifiement de Galeafle aug- depofé à menta encore fon avidité, (b) Comme il ^''^^cfort fouhaitoit pafiionément de s'emparer de (b)p?iz4, Mantoue qui étoit dans le cœur de fes Etats, il voyoit avec beaucoup de ja- loufie l'alliance que le Prince de Man- toue avoit faite avec la République de Florence 6c les autres Confederez. Aufiî D 2, n'ou-

ft PoGGiANA. Parf. in,

n'oublia-t-il rien pour l'en dégager. De plus il fe donna mille mouvemens pour rompre une confédération qui iw-'^ttoit un fi grand obftaclc à fcs defTeif ,. ,-il avoit renforcé les troupes de Pero^ife, de Sienne, de Pife pour mettre ces Vil- les en état d'agir en fa faveur à la pre- mière occafion. Les Florentins pour le tenir prêts à tout événement créèrent un Decemvirat , & levèrent à.ç& trou- pes dont ils donnèrent le commande- ment à un Capitaine François que Gré- goire XI. avoit amené avec lui d'Avi- (a) Ber- gnon (a). Ils firent en même tems une nard de alliance avec la France , à condition huitaine' 9"^ ^^ ^"^ ^^ prendroit dans la Tofca- p. 125. ne appartiendroit aux Confederez , & que le Roi feroit mis en pofleiîion de ce qui feroit conquis dans le refte de l'Italie. Cependant Galealîe envoya cinq mille hommes à Pife pour foute- Momh nir Jaques Appien contre quelques Sei- Scudartï gneurs qui avoient levé de la Cavalerie Comités, pQ^j. iç,\\iy: les Pifans en bride. Ces étincelles d'incendie furent éteintes par la prudence des Florentins. Mais com- me les troupes que le Duc de Milan avoit autour de Pife avoient pafle dans le Luquois , les Florentins craignant

qu'el-

Histoire de Florence. Lh. T. f^

qu'elles ne s'emparaflent de Pifioye dans Içur voifinage , envoyèrent Bernard let:t.r C-Jnéral aux environs de cette pla- ce j'jpur la défendre en cas d'attaque, lui iaifant quitter le pofte qu''il occu- poit à San Miniato qui manqua d'être pris par trahifon.

Le Duc de Milan n'ayant pu gagner Galea/Te le Mantouan ni par prières ni par pro- aflîege me0ès (e rcfolut enfin à afiie^^er Man- ^^ntouë, touë par terre êc par mer. Afin d'em- défait a- pécher les Florentins de la fecourir, il vec fon aflembla dans le Sienois quatorze mille ^'^"^^^* chevaux, qui fans aucune déclaration ^|^^* de guerre pilloient 6c brûloient impi- toyablement les Florentins jufques aux portes de Florence. Sibérie qui com- mandoit cette Cavalerie tint pendant deux jours le fiege devant la petite vil- le de Segni de l'Etat de l'Eglife à quel- ques milles de Florence, & en fiit re- poufle avec perte. Les femmes firent merveille dans cette occafion , foûtenant avec un courage intrépide leurs maris accablez de fatigue , & couverts de bleflures. Au bout de quatre jours ces incendiaires fe retirèrent à Sienne faute de vivres. Les Florentins pour £c ven- ger de cette irruption inopinée fe jette- D \ rent

^4 P 0 G G I A N A. Part. UL

rent avec fureur fur les terres des Sic- nois 6c leur prirent plufieurs places itip** portantes comme FoUerre & (f- oj[Jft(^. GaleafTe voyant que Tes troupes n^fai- Ibient que s'affoiblir dans la Tofcane les rappella pour le fiege de Mantouë. On a parlé ailleurs d'un Pont, que les Florentins avoient fait faire à grands frais fur le pour pouvoir fecouiii' cette ville, le Duc entreprit de le brû- ler par le moyen de quantité de ba- teaux pleins de farments & d'autres ma- tières combuftibles , mais la diligence yoyeîôc l'intrépidité de Charles Malatejîa le récit de que les Florentins y envoyèrent avec SnV.^f quatre mille chevaux , fauva le Pont , Blft. Flor. non fans que ce Général y courut ril- P- 119- que de la vie. Le Duc de Milan ne fe |3o» rebuta pas de ce mauvais fuccès. Il fit aflîegcr le Pont dans toutes les formes, en élevant des travaux dans la rivière fur des navires chargez d'hommes, d'ar- mes & de machines de guerre comme devant une ville -, Ces navires à tours furent fort bien reçus des Mantouans qui fe battirent comme des Lions. Le combat fut furieux parce que de part ^ d'autre il falloit vaincre ou mourir ^ ^y ^yant point de lieu à la retraite.

Histoire DE Florence. Z/^'./. y y

Enfin après une aélion de plufieurs

heures la viftoirc demeura aux Man;-

•tou^s à qui les Vénitiens a voient fourni

lÙM iccours de trentes galères.

tealealîe plus confus que rebuté de cet affront rafiembla comme il pût fes troupes pour preffer le ficge de la Ville. Charles de Malatefta de fon côté étant allé attaquer le Général PWmius qui commandoit l'armée de terre en deçà ' du 5 le bâtit à plate couture, fit plus de fix milles prifonniers, & enleva tou- tes les munitions de guerre. Albericqui commandoit l'armée navale fut un peu plus heureux, mais ne fe trouvant pas foûtenu il fut obligé de lever le fiege. Il fembloit que Galeafle dût penfer à la paix après une déroute fi générale. Les Florentins eux-mêmes y paroilToient difpofez ; les Vénitiens les y follicitoient même fortement , craignant que fi dans la fuite ils venoient à avoir du deffous l'orage ne tombât fur eux. On envoya donc de part 6c d'autre des Ambafla- deurs à Venifc pour en traiter par la médiation de cette République. Mais comme le Duc de Milan ne faifoit que tergiverfer , les Vénitiens s'unirent a- vec les Florentins & leurs x\lliez à con- D 4 4i^

f6 POGGI ANA. P^r^ ///.

S 398. dition que les premiers feroient lesarbi-

P- 'H- , très de la paix & de la guerre. Le Duc

Ga^Sre^ intimidé par une fi puilîante conk(f. ;ra-/

avec les tion fît une trêve de dix ans, à condr'.f:

Floren- tion de rendre les places qu'il avoit véi-

^^"' ^ '^' fes dans le Mantouan.

Vénitiens»

CcDiicelt Pendant la trêve le Duc fit une ac-

fait maître qui fition qui relevoit confidenlblement

de Plie. |-g3 forces. Jaques Appien étant mort ,

Gérard Ton fils qui lui fiicceda dans le

gouvernement de Pife , craignant de ne

s'y pouvoir foûtenir mit cette Ville 6c

Ï399- toutes les dépendances entre les mains

P-^»3<5. du Duc, moyennant une Comme d'ar- ' ' gent & quelques places qu'il laifibit â la dilpofition de Gérard. Comme les Florentins avoient fait tous leurs efforts pour détourner un coup qui ne pouvoit que leur être fatal , le Duc envoya aullî-tôt , comme par manière d'inful- te , leur notifier qu'il étoit maître de Pile, leur promettant néanmoins de vi- vre en paix avec eux. Mais les cabales & les hofiilitez qu'il exerçoit dans leur Aret. L. voifinage témoignoient tout le contrai-

Ai.p.z36. yç^ Qj-j çu^- j^yis ^ Florence qu'il médî-

t*^ toit de le rendre maître abfolu de Sienne,"

D'ailleurs les Peroufins à qui les Flo- rentins avoient refufé du fecours contre

Bo-

Histoire de Florence. Llv.I. ^j Boniface IX. qui redemandoit Perou- , le comme appartenant à l'Eglife, fu- *ren^:i.obli2;ez d'avoir recours au Duc jNmr conferver leur liberté. L'amitié des Bolonois paroiiToit fort refroidie par les ei'perances dont GalealTe les amufoir. On ne pouvoit non plus guère compter fur les Lucquois que le voifinage de Pife faifoit pencher pour le Duc.

Comme il n'y avoit plus lieu de dou- ter des mauvais defleins de Galeafle , la République affembla un grand Confeil pour délibérer s'il falloit fe préparer à ta guerre ou difîîmuler pendant quelque tems & chercher d'autres voyes de con- jurer l'orage. Après plufîeurs confulta- tions on fuivit l'avis du Général Re- naud aufli bon Orateur que grand Ca- pitaine. Après avoir repreiènté avec beaucoup de prudence 6c de liberté les défauts du Gouvernement des Floren- tins qui négligeoient les plus grands per- fonnages de l'Etat pour fuivre le fenti- ment de la populace , & remarqué la fiute qu'on avoit faite en rejettant l'al- liance des Piians & àç.% Peroufins, il conclut à envoyer des Ambaffadeurs aux Vénitiens pour» leur repréfcnter tout ce que faifoit le Duc contre la tre- D y vej

fS P o G G I A N A. Part, m,

ve, & pour les engager à le joindre à eux par le danger qu'ils couroient eux- Sededes mêmes. C'cfl dans ce tems-là qu# paV Blancs. ^^^ ^.^ Italie la Sc£le des Blancs qui ver- tus d'habits Blancs couroient les vines en proccfîîon, hommes, femmes, en- fans, avec une apparence de dévotion toute extraordinaire. Ces Fanatiques Aret. L. allèrent à Florence & s'emparèrent tel- XII. p. lefnent de l'efprit des Florentins qu'à Po-^t^^L?* peine penfoicnt - ils à la guerre pendant IIirp.136.que Galeafle s'enmoquoit. Ilnefe pafla rien de mémorable le relie de l'année.

L'année fuivantc Jean Betitivoglio ayant eu le Gouvernement de Bologne par le m.oyen de Galeafle, les Florentins l'en envoyèrent aufïl-tôt féliciter 6c lui propoferent en même tems de faire al- liance avec eux. Il ne rejetta pas ces propofitions, mais il différa d'y répon- dre de peur d'offcnfer Galeafle par le fecours duquel il avoir eu le comman- dement de Bologne. Ce Duc fe forti- fioit tous les jours confiderablement. Il étoit maître de Sienne , de Peroufe , de Pife, & il avoir attiré le Mantouan dans Ton parti. De forte qu'il n'v eut prefque que Padoue qui demeurât fidè- le aux Florentins. C'ell ce qui les çn-

Histoire de Florence. Li'V.L yp

gagea à créer un Deccmvirat , 6c à le- ver de nouvelles troupes pour refifter 91 ^c forces du Duc. L'Empereur Wen- ''■ cellas fut dépofé cette année & Ro- i^qq.' %crt de Ra'viere fut mis en fa place. Les Florentins jugèrent à propos de lui de- mander du fecours contre GalealTe, & de l'inviter à reprendre des Villes que ce Duc avoir ufurpées fur l'Empire, ôc que fon Prédecelîéur n'avoir pas été en droit d'aliéner, lui offrant d'ailleurs autant d'argent qu'il voudroit. Robert L'Empe-

n'avoit garde de refufcr une alliance [^"'^ ^°" ^ •j -1 ° ^ r- 1 bert vient

dont \\ pouvoir tirer de li grands avan-r ^^ fecours

tages. Il vint donc l'année fuivante des Flo- avec quinze mille hommes en Italie *. rentins A fon arrivée il campa dans le Brefllin G^ieafTe " pli François Carrare le vint joindre avec & eft ba- trois mille chevaux Florentins j. tu*

Le Duc voyant de terribles prépa^ ratifs , leva prompteiTient une armée de quinze mille hommes tant de Gava- )erie que d'Infanterie, & l'envoya con- tre

* Il en avoit promis vingt mille.

j On compta d'abord a Robert deux cens mil- le ccus d or qui furent amalTez en une nuit à Florence toute épuifée qu'elle paroilToit par des guerres continuelles , & on lui en promit deujs cens iïi|Ue ?.utrçs qi^atre mois après,

60 VoGGiAN A. Part. in.

trc Robert. Quoiqu'elle fût inférieure à celle des Allemands joints aux Ita- liens 5 elle fut pourtant viélorieufè très le premier choc. Les Allemands marv^ chants fans ordre 6c fans difcipline fu- rent enveloppez par un Corps de trou- pes Milanoilcs, & repoufTez dans leur Camp avec grande perte. Un coup imprévu jetta tellement l'épouvante dans l'armée Allemande que fi le Duc avoit eu toutes fes troupes il neferoit pas reftc un Soldat à Robert. Depuis cette défaite on penfa moins au combat qu'à la retraite : l'Eleéteur de Cologne éc le Duc d'Autriche abandonnèrent l'Empereur pour s'en aller chez eux avec leur monde j l'Empereur de fbn cô- té, fe voyant afïbibli par la defertion de ces Princes jfe retira dans leTrcntin d'oii François Carrare le fit revenir avec cinq mille hommes feulement. Son retour remit un peu les Florentins déjà fort confternez de défaite. Ils l'en- voyèrent prier de demeurer en Italie pour tenir en bride le Duc que fa vic- toire avoit rendu plus fier èc plus entre- prenant que jamais. Mais les deman- des excefîives que faifoit Robert mi- rent les Florentins dans de nouveaux

cm-

Histoire de Florence. Liv.I. 6t

embarras. Il exigcoit d'eux des fommes exorbitantes, & il ne vouloit point de- meurer en Italie on ne faiibit une al- .liahce avec le Pape 6c avec les Veni- l'^ens. Les Florentins promirent l'un 6c l'autre. Cependant l'Empereur content '4©^^ d'avoir pafle l'hy ver à Padoue avec Tes P* *'^* troupes, s'en retourna au Printems de l'année fuivante.

GaleaiTe Te trouvant plus en état d'à- Galeaffo gir par la retraite de l'Empereur tenta '^^"^ , de détacher les Vénitiens du parti des Bologne. Florentins , & envoya des Ambalîa- p- 145, deurs à Venife dans cette vue. Ils n'ou- ^^'^'■ blierent rien pour leur rendre cette Ré- publique lufpcélc i Mais il trouva dans les Vénitiens plus de fidélité &c de fer- meté qu'il ne s'attcndoit. Il alla enfui- te attaquer Bologne qui par précau- tion avoit recherché l'aUiance des Flo- rentins. Comme il étoit fuperieur en force il s'en rendit maître après un com- bat opiniâtre 6c y fit bâtir une forteref- fe. Cette 'victoire fut trés-funefle aux ^4oï' Florentins, plufieurs de leurs voifins^'^^^* s'en étant prévalus pour les abandonner & même pour les attaquer en divers en- droits. Dans cette extrémité ils s'adref- ferent à Bonifacc IX. fur qui GaleaiTe

avoit

6Z PoGGIANA. P^r/. ///

avoit ufurpé plufieurs villes comme Pc^ roufe 6c Boulogne. Ce Duc nemédi- toit rien moins que l'Empire de l'Ita- lie. Il avoit déjà Eiit faire une couron- ne & tous les autres ornemens Royaux qu'il tenoit tout prêts à Marignan il MoTt de avoit fait bâtir uîie maifon de plaifan- Jean Ga- ^e j Mais une mort inopinée délivra les Made fon Florentins de leurs allarmes 6c convain- ïils aine quit Galeafle de la vanité des efperances humaines *. Il partagea ^t^ Etats entre fes trois fils. Il donna le Milanois, Boulogne, Sienne, Peroufe ôc Afîife à Jean Marie l'aîné avec le titre de Ducj Pavie, Vérone, Vicence avec quelques petites Villes à Philippe Ma- rie i 6c Pife à Gabriel fon fils natu- rel qu'il avoit légitimé -\. L'Hiftorien reprefente Galealfe comme un Prince magnanime, libéral, d'une magnificen- ce Royale, amateur des Savans 6c des grands hommes, mais d'une ambition

dé- * Il mourut de la pefte au mois de Septem- bre de 140Z. âgé de 55. ans. p. 153.

I Voyez là-delfus une Lettre que Lucio Col- lucio Salutato Chancelier de Florence en écrivit au Roi de France. Balux.. Mifcel. T. IV. p. 516. Ce Collucio étoit un des grands hommes de fon tems, foit par fon favoir, loit par ia prudence & fa valeur.

Histoire de Florence. Liv. I. 6^ démefurée 8c dont la fidélité n'avoit point d'autre règle que fes intérêts. '' Dès que la mort de GaleafTe fut annon- cée à Florence, on en fît pendant plu- liéiirs jours de grandes rejouïfTances , on donna des jeux & des fpeélacles pu- blics. Cependant les Ambafîadeurs de Les FIo^ Florence ignorant cette mort avoient rentins fait alliance avec le Pape qui devoit i°nce fournir cinq mille hommes & les Flo- avec rentins flx , p©ur lui aider à recouvrer ^ape, fes places. Il avoit déjà envoyé Thomas cel fon frère dans le Peroulin oii par le fecours des Florentins & des bannis de Peroufe il avoit déjà repris plufieurs places. Et même s'il eût eu plus de vi- gueur & de courage il auroit pti pren- dre la Capitale. Mais le Duc Jean Ma- rie y ayant envoyé trois mille hommes il eut une telle frayeur qu'il fe retira honteufement à Todi.

Cependant les Florentins n'étoient pas fans inquiétude 6c fans occupation. La Cavalerie Milanoife, qui étoit ref- tée à Sienne 8c à Pife,faifoit des cour- fes perpétuelles dans leur païs , comme de leur côté ils en fàifoient avec beau- coup de fuccës. Dans la crainte que cette petite guerre n'en allumât une

# plus

Les Flo- rentins portent la guerre dans la Ro ma- gne.

1403. p. 156.

Jean Ma- rie fait la paix avec le Pape à l'infu des Flo- rentins.

64. PoGGiANA. Parf. III. plus grande , on créa des Décemvirs^ ôc on refolut de tranfporter la guerre de Tofcane dans la Romagne dont Ga- leafîe avoir ufurpé la plus grande partie. Pour cet effet Boniface envoya Baltha- far Cofla Cardinal de S.Euftache*dans le Bolonois "j" avec une bonne armée pour affiegcr Boulogne. Charles Ma- latella l'un des plus grands Capitaines de Ton tems commandoit cette armée. Etant arrivé près de Boulogne, après avoir fait des courlês dans le Parmefan , le Légat ne jugea pas à propos qu'on fe hâtât de mettre le ficge devant cet- te ville 5 parce qu'il efperoit l'avoir par trahifon. En attendant il fît marcher l'armée du côté de Milan oii il trouva au dedans & au dehors des brouilleries favorables à Tes defTeins. Il y avoit dans Milan deux violentes faétions qui don- nèrent occafion à plufîeurs Villes de fe Ibûlever contre le Duc , comme Crémo- ne, Plaifance, Brefîe, Bergame. Dans cette fâcheufe fituation Jean Marie ne fe croyant pas en état de loûtenir une

guer-

* C'eft celui qui depuis fut Pape fous le nom deJcanXXllI.

] La Boulogne fiaifoit autrefois partie de h Romagne.

Histoire de Florence. Liv.I. 6f guerre contre le Pape , fit la paix avec lui en rendant les places de l'Etat Ec- clefiallique. On n'eut aucun égard aux Florentins dans ce Traité êc même il le fit à leur infu. En même tems Bologne ôc Peroufe rendirent au Légat.

Les Florentins le plaignirent au Pa- pe de ce que, contre les conventions, on avoit tr^aité avec le Duc de Milan, non feulement fans leur en faire aucune part , mais fans aucun ménagement pour leurs intérêts. Le Pape qui avoit recou- vré fes places ne fe mit pas beaucoup en peine de leurs plaintes, ni de fa paro- le, & rappella fon Légat. Cette infidé- lité de Boniface ne fit pas perdre cou- rage aux Florentins. Profitant de la Courfes foiblefie du Duc dont les Etats étoient ^^^ .f 'o- mis en pièces par la révolte de plufieurs ^l^^^\ç Villes * 6c par les fureurs des Guelphes MUanois. & des Gibelins "f" ils envoyèrent douze cens chevaux ravager le Milanois, 8c

four-

Comme Alexandrie de la Paille, Côme, Verceil, Novarre, Pavie, Plaifance & Vérone qui rentra fous la domination des Scaligcrs. p. 159, 160.

t Les bouchers vendoient publiquement au marché la chair des Gibelins.

J'm. IL E

66 PoGGIANA. Piîr/. ///.

fournirent du fecours à Petro Rojfo cjui s'étoit emparé de Panne. . '^

Mort de Cependant le Duc Jean Marie 'nit J5*p^*" afîiiflîné, par fes propres domeftiques à pc Marie ^^^ ^^ Tyrannie étoit devenue infuppor- prend fa table. On nous rcpréfcnte ce jeune Duc place & comme un homme cruel jufqu'à la fti- avec^les^^^^"^' Il avoit fait empoifonna* fa me- Floren- re, & rempli Milan de maflacres. Il tins. expofoit lui-même les objets de fa hai- ^^^?' ne à être déchirez par les chiens. Phi- lippe Marie fucceda à (on frère & re- couvra la pliâpart des places que ce dernier avoit perdues. Ayant enfuitc fait la paix avec les Florentins , il leur donna le tems de raccommoder leurs affaires. Ils reprirent plufîeurs places occupées par des Tyrans , & firent la paix avec les Sienois. Gabriel Marie , fik de G aléas , à qui fon Père avoit donné Pife pour fon partage , ne pouvant s'y foûtenir la leur vendit deux cens mille écus d'or par le confèil de Jean Boucî- caiit qui commande it à Gènes pour le iioi de France *. Mais cette acqui fi cion ^ flit

* Le Roi de France avoit refolu de prendre Gabriel en fa proteélion , mais il en fut fans dou- te détourné par la Lettre de Collutatio dont ou rient de parler. Baluz.. uh.fupr.

Histoire DE Florence. Z/i;./. Sj fut la fource d'une guerre qui dura plus 1404, d'un an entre la République de Flo- Mos- rence & celle de Pife. Les Pifans ce-P* '°3' pendant ayant repris la Citadelle de Pi- lé par la lâcheté de la garnifon Floren- tine envoyèrent à Florence pour traiter de la paix. Mais leurs proportions pa- rurent fi déraifonnables aux Florentins Guerre qu'ils ne penferent plus qu'à la guerre ^^'^ F'o- afin de fe mettrç une bonne fois en pai fi- ^^^^ jç, ble pofTefiion d'une Ville qui les avoit pifans, fi fouvent traverfez * depuis plufieurs fiècles, & qui d'ailleurs étoit fi fort à leur bienfeance pour leur commerce.

Ils envoyèrent donc dans le Pifàn une armée de douze mille hommes fous le commandement de Bertold des Ur- fins Comte de Soanne. Ce Général prit d'abord quelques places avec afièz de fuccès. Mais il demeura fix mois au iiège d'une ForterefTe (a) dont la prife (a) Vico^ étoit néceflairc pour avoir Pifê. Cette Forterefle fut enfin emportée avec plu- fieurs places de fes dépendances , après

Un fiège d'environ un an f. La ville de

Pi»

* Voyez l'Hiftoire de ces hoftilités Hîjl. Pog^, p. 176 not. f Elle fut prifc en i4®6. p. 173. È i

<58 PoGGIANA. P^r/. ///. Pife étoit alors dcchirce par des factions. Quoiqu'aprcs la mort tragique de Gam- bacurta , la plupart des Guelphes en euiïent été chafTez , il en refloit encore fuffifamment pour mettre la ville en combulHon par l'oppofition des Gibe- lins. Ils prirent néanmoins les uns 6c les autres la refolution de s'unir pour leur défenle commune 5 les bannis ren- trèrent dans leur patrie; Mais ils fe trouvèrent mal d'avoir rappelle Jean Gamhacurta^ qui nonobftant la réunion des deux partis fit mourir les princi- paux de la faélion Gibeline, & s'empa- ra du Gouvernement.

Les Pifans ayant fait- inutilement des propofitions de paix , il fallut fc prépa- rer à foûtenir le fîège. Ils commencè- rent cette guerre fous de malheureux aufpices. On leur enleva d'abord une Galère qui venoit de Sicile chargée de grain. Deux de leurs Généraux furent batus en deux combats confccutifs. On leur coupa les vivres par mer & par ter- re afin de les réduire par la famine. A- près ces précautions on entreprit le 1406. lîcge dans les formes. Les Pifins afîîe- p. \6'). , gez par mer & par terre & fans efpe- rance de pouvoir faire entrer ni fecours

ni

Histoire de Florence. Liv.I. 6p

ni munitions de bouche furent obligez d'implorer des fecours étrangers. Ils envoyèrent des Ambafladeurs à Ladiflas Roi deNaples pour lui offrir leur Ville, s'il vouloit venir à leur fecours. Ce Prince ayant répondu qu'il n'ctoit pas dilpofé à rompre avec les Florentins en faveur de Pife , ils eurent recours au Roi de France , & firent au Duc de Bourgogne Coufin germain de ce Mo- narque les mêmes offres qu'ils avoient faites à Ladiflas. Le Roi de France les accepta 6c fît aufîi-tôt favoir aux Flo- rentins que Pife étant à lui , ils euOent à mettre bas les armes, & à s'abf tenir de toute hoftilité. Les Florentins ré- pondirent que Pife étoit à eux , qu'ils î'avoient bien payée , que les Pifîms n'a- voient point été en droit de la vendre, & qu'ils croyoient le Roi trop équita- ble pour vouloir s'emparer du bien d'au- trui. On pouffoit cependant le fiège avec vigueur , malgré les menaces que fàifoit l'Envoyé du Duc de Bourgogne au Général Florentin s'il ne fe retiroit de devant la place ^,

Ce- * Cet Envoyé preffant avec trop de hawfcur le Général de lever le fiège fut jette dans la rivie'. re d'Arno.

E3

yo VoGGiAUA.Payt.III.

Les Flo- Cependant la Ville étoit preflec de rcntins fe la faim qu'on étoit réduit à manger les mafres chevaux & les rats. C'eft ce qui obli- de Pife. g^s. les Pifans à en faire fortir les fem- mes 5 les vieillards & tout ce qui étoit incapable de porter les armes, mais les Florentins les y firent rentrer. Enfin la famine & la mortalité contraignirent Gambacurta à promettre de fe rendre fous des conditions qMi lui furent fort avantageufes , les Florentins aimant mieux être maîtres de la Ville encore en aflez bon état que de la polîèder ruinée comme elle l'auroit été en peu detems. Les Flo- Cette conquête ayant rendu les Flo- ifcntius rentins redoutables à leurs Voifins , ils s unifient JQ^jj-^j^^ pendant deux ans d'une pro- slenois" fonde paix. Elle fut troublée par Gre- contreLa-goire XII. à cette occafion. Ce Pape diflas Roi jj^ voulant pas tenir la parole qu'il avoit 1408.^ donnée de céder le Pontificat, s'il étoit p. 178. neccffaire pour la paix de l'Eglifê, fut ^a) A la^ibandonné de fès Cardinaux (a) qui al- reicrve lerent à Pife, ils furent joints par la de deux, plupart des Cardinaux de Benoît XIII. fon concurrent 5 pour y tenir un Conci- le. Grégoire XIT. étoit alors à Luc- ques dont les paflages étoient fi bien gardez qu'il ne pouvoit en fortir. Pour

s'en

Histoire de Florence. IJv.T. jt s'en tirer il rechercha l'amitié de La- diflas Roi de Naples qui comme lui a voit intérêt à empêcher qu'il ne fe tînt un Concile Général parce qu'il craignoic d*y être dépouillé de Ton Royaume en faveur de Louis d'Anjou. Ladillas * fît donc demander paflagc aux Florentins pour aller tirer Grégoire XII. de Lac- ques qui y foufFroit une efpece de capti- vité, les amufant de l'efpoir d'une al- liance qui leur (èroit avantageufe. Les Florentins répondirent qu'ils lui cnver- roient desAmbafladeurs pour mieux fa- voir fes intentions. Quand ils furent ar- rivez à Rome le Roi voulut d'abord exi- ger des Florentins qu'ils fiflcnt fortirles Cardinaux de Pife 6c qu'ils ne fouffrif- fent pas qu'on y tînt un Concile, 6c leur propofa de faire alliance avec lui j Les Florentins refuferent l'un & l'autre parce qu'ils voyoient bien qu'une des conditions feroit que le Pape gardât les places de l'Etat Ecclefîailique qu'il pof- fedoit, & que d'ailleurs ils efperoicnt de trouver leur compte à la tenue du Concile. Ladiflas irrité de ce refus les

me-

Il étoit alors maître de Rome & de plufieura places de i'Ëglife.

E 4

nz PoGGïANA. Part. III.

menaça d'envoyer huit mille hommes mettre tout à feu ôc à fang dans le Fio»- rentin. Il leur tint parole. Il alla lui- même avec une armée dans le Sienois pour être plus à portée de fondre fur eux. Les Florentins de leur côté envoyè- rent à Sienne pour affermir les Sienois dans leur amitié 6c leur offi-irdufecours- contre Ladiflas,qui étoit déjà fort près de leur Capitale. Ayant trouvé les Sie- nois dans les difpofîtions oii ils les fou- haitoient , les Ambaifadeurs de l'une & de l'autre République allèrent trou- ver Ladillas pour lui demander la paix. Ils le rencontrèrent à Acquapendente fur la Paglia dans le Sienois , mais ils n'en tirèrent d'autre réponfe , flnon qu'il étoit venu non comme ennemi, mais comme ami, pour régler certaines cho- {ts qui regardoient la paix de l'Italie, ôc qu'il leur envciroit fes Ambaflâdeurs pour leur expliquer plus amplement jfes intentions. Les Ambaflâdeurs de Florence & de Sienne s'en retournèrent bien pcrfuadez qu'il ne vouloir que les amufer par une réponfe fi vague , Se qu'il ne propofoit de leur envoyer fepa- rement des Ambaflâdeurs qu'afin de les p. Ï83. divifer pour fe rendre maître des uns & des autres. En

Histoire de Florence. Liv.L 75' En effet rAmbafladeur qui alla à Sienne fit tout ce qu'il put pour déta- cher les Siennois des Florentins en rap- pellant toutes les inimitiez paiîees, ôc en leur donnant mille ombrages pour l'avenir. Les Sienois répondirent avec beaucoup de fermeté qu'il feroit égale- ment indigne 6c du Roi d'attaquer des gens qui n'avoient jamais recherché que j . fon amitié , & d'eux de manquer de p. 184'. foi à leurs Voifins Ôc Alliez. Celui qui alla à Florence tint un autre langage > Il fe plaignit entre autres i . Que par le fecours des Florentins, les exilez de Peroufe incommodoient tellement la Marche d'Ancone qu'il lui étoit im- pofhble de lever les impôts que le Pa- pe lui avoit cédez *. 2. Que les Flo- rentins s'étoient unis avec le Légat de Bologne fon ennemi "j". 3. Qu'ils a- voient accordé la Ville de Pife aux Car- dinaux pour y tenir un Concile contre Grégoire XIL qui étoit le Pape légi-

ti-

* Le Pape avoit donné à Ladiflas fix mille écus d'or à prendre fur laMarched'Ancone pour l'engager dans fon parti contre e Concile de pife.

•j- Balthafar Cofla Cardinal de S. Eultache.

74 VOGGIAV A. Payt, III.

time *. Enfin il leur propofa de faire alliance avec le Roi. Après avoir réfu- té ces plaintes ou plutôt ces chicanes, les Florentins répondirent qu'il ne leur étoit pas permis de traiter avec perfon- ne que du confentement de leurs Alliez, beaucoup moins encore de le faire avec un Prince qui exerçoit des hoftilitez, dans le pais de leurs amis. Qu'il n'avoit donc qu'à retirer avec fon armée 6c qu'alors ils feroient tout difpofés à trai- ter avec lui fous des conditions raifon- nablcs. Ladiflas LadiOas en fureur de cette répon(ê s'en re- s'approcha de Sienne pour tâcher d'ex- Naplcla- citer quelque fedition dans la ville. Mais près avoir n'y voyant aucune difpofition il s'alla Dillé le jctter dans le Florentin. Il mit le fiegc j°^Q^^^'"' devant Arezzojôc en fut repouffc hon- p. i88. teufemcnt. Il s'avança de dans le ter- (a) Acinqritoire de Cortone (a) > mais desefpe- ^^} rant de prendre cette place , il fe con-

tenta de piller la campagne avec tant de fureur "j" , que les habitans d'ailleurs las de la domination de leur Commandant

ou * Pierre de Lune ctoit fon concurrent fous k nom de Benoît XIII.

t On l'appelloit à caufe de cela le Roi GÀtê' fhamft Guafiagran».

Histoire De Florence. Liv. I. jf

pu plutôt de leur Tyran fe rendirent à difcretion. Il s'empara enfuite de Pe- roufe il fut reçu avec beaucoup de joye 5 & ayant laifTé une partie de ion armée pour garder les places qu'il avoit conquifes il s'en retourna à Na- ples.

HïS-^

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HISTOIRE

D E

FLORENCE.

LITRE SECOND.

Concile de Pife , Ladif-pll las efl; pofc.

^^^

p Eridant que ces chofes fe paC» I foient Grégoire XII. & Be- i noît XIII. furent dépofez au ^ Concile de Pife , & Alexan- dre V. * fut élu Pape êc reconnu de toute la Chrétienté horsmis des Rois d'Arragon & de Caftille , qui tenoient pour Benoît XIII. Ladiilas avoit bien prevû que ce Concile lui feroit fatal. Il y fut dépouillé de fon Royaume , en faveur de Louïs d'Anjou fon competi^

teur, * Pierre Philargi de Candia Bourg du Mila^ nois, Cardinal des douze Apjties.

Histoire DE Florence. Z/V./Z jj

teur. Ce dernier pour fe maintenir con- tre Ladiflas fit alliance avec les Sienois, avec le Légat de Bologne , ^ avec les Florentins par le fecoui^s defquels La- Ladiflas diflas fut chafle de Rome & de tout f- chafle l'Etat Ecclefiaftique. Pendant ce tems- '^^^|^^' mourut Alexandre V. à Bologne, p. 19 1.* non fans foupçon d'avoir étéempoilbn- par le Légat qui lui fucceda au Pon- tificat * fous le nom de Jean XXIIL On ne pouvoit faire une élection plus defagreable à Ladiflas. Jean XXIIL étoit fon mortel ennemi , & foûtenoit Louis d'Anjou de tout fon pouvoir. Comme d'ailleurs il redoutoit les forces des Florentins , il rechercha leur alliance, Les Flo- leur offrant de les dédommager des per- rentins tes f qu'ils avoient faites fur la mer de ^^"'^ '^ Gènes, & de leur rendre Cortone. La Ladiflas. Ville fut fort partagée fur ces propofi- tions qui paroifToient fufpeétes aux plus éclairez. Cependant comme on étoit las de tant de guerres confecutives la paix fut acceptée, à condition qu'elle ne porteroit aucun préjudice ni au Pa-

pe,

Balthafar Cofla Cardinal de S. Euftache. t Ils y avoient perdu foixame mille ccqs d*or.

78 PoGGîAiJ A. Part, III. pc, ni à Louis d'Anjou *,non plus qu'à leurs autres Alliez , 6c que Ladillas n'en- treprendroit rien contre Rome, ni con- tre l'Etat Ecclefiaftique.

Les deux Rois cependant cherchè- rent l'occafion de décider leurs préten- tions par les armes. Louis campa à Ce' perano "f fur les confins de l'Etat Ec- clefiaflique 5 & Ladiflas à Ponte Cor- vo :!: 5 les deux armées n'étant feparées 1411. que par la rivière de Gariglian. Les p. 193. troupes du Pape qui tenoit pour Louis ^' ^^^'*l"' avant pafle la rivière, attaquèrent La- troupes de ^^fl^ qui fut vaincu ôc mis en fuite a- Louis près un long 6c furieux combat, L'af- d'Anjou Jaire étoit entièrement décidée pour jgg^^Jp^J Louis, fi les Généraux du Pape (a) a- pe. voient voulu profiter de leur viéloire.

(a) Sforce Mais comme ils ne demandoicnt qu'à dsU pi'olonger la guerre ils aimèrent mieux fins. s'amufer à piller que de pourfuivre l'en- nemi 1. Le Pape voyant bien que fes

Gé-

* Il étoit à Praro dans le Florentin.

I Autrement Fregelles aux extrémités de la Campanic.

i Bourg de la Terre de Labour fur le Gariglian.

I Ladiilas difoit lui-même que le premier jour il auroit pu perdre & la vie & le Royaume; le fécond fon Royaume, mais non la vie ; mais que le troifièmc il ne perdroit ni l'un ni l'autre.

Histoire DE Florence. ZZ-y.//. 79 Généraux ne vouloient pas pouffer à boutLadillas5prit la réfolution de faire la paix avec lui en lui laifîant le Royau- me de'Naples & de Sicile. Mais cette paix ne dura pas long tems. Ladiflas dès Tannée fui vante entra triomphant dans Rome , & en chafla le Pape qui le retira au Fauxbourg de Florence, n'olânt pas entrer dans la Ville La- diflas avoit des partifans *.

La première chofe que fît Ladiflas Ladiilas dès qu'il fut Maître de Rome, fut d'y '■^"^P^ l* dépouiller les Marchands Florentins qui avoit tito y negocioient malgré la parole qu'il avec le avoit donnée à ces Marchands de les^^P^»*^ prendre fous la proteélion. Nonobstant j^J^"^ ^ cette perfidie, les Florentins ne lailTe- Rome, rent pas d'accepter le renouvellement Sa mort. d'alliance qu'il leur propofa , pc ir les en- ^"^^f dormir. Mais la mort qui le furprit à Naples ne lui laifla pas le tems à-: jouir de cette fupercherie. Ce fut une djran- de délivrance pour toute l'Italie & en particulier pour Florence qui depuis ce

tems-

* L'Hiftoire dit que Jean XX!II. ne fut pas fâché d'apprendre que Ladiflas étoit au voifma- ge de Rome, afin d'avoir un prétexte de ne pas tenir la parole qu'il avoit donnée d'aller au Coa- cile de Conftance p. 194.

8o POGGIANA. P^r/. ///.

tems-là vécut en paix pendant plufieurs

années. ^ 4

Philippe Cependant Philippe Marie Duc de

Marie fait Milan appuyé par le Pape Martin V. * alliance > ^ , ■', A r^ -i j r^ r

aver les ^^^ avoit ete élu au Concile de Coni-

Floren- tance, après l'abdication de Grégoire

tins & Xll. & la depoUtion de Benoît XIII.

bientôt! ^ ^^ ^^^^ XXIII. t- recouvra plu- iîeurs places qu'on avoir enlevées à fon père êc à ion frère. Mais il ne voulut pas borner fcs conquêtes. Il entre- prit celle de Gènes à la faveur des fac- tions qui divifoient cette Ville. Mais comme il craignoit qu'elle ne fût fe- 14T9. courue par les Florentins il refolut de

p. zoi. renouveller alliance avec eux. Ce que les Florentins acceptèrent à condition qu'il n'avanc-eroit point dans la Tofca- ne ni dans le païs de Modene au delà de Pontremole î , ni vers Boulogne au delà du fleuve Cruftuîo \. 6c qu'il ne fe-

roit

* C'étoit le Cardinal Otton de Colonne élu en 1417.

t M. Recanati fetrompeforr quand il ditp. 197. que Jean XXIII. abdiqua volontairement.

% Place aux confins des Etats de Gènes & de Parme. Elle étoit autrefois du Duché de Milan, depuis elle a été a la Tofcane.

\ Il prend fa fource d'une Fontaine du Mont Apennin & tombe dans le du côté de Bologne.

Histoire de Florence. Lm. II. î\ joit point d'alliance à leur préjudice. Après ce Traité il s'avança vers Genesj qui fatiguée de guerres inteflines aima mieux fe rendre à un étranger que de périr par les mains de fes propres Ci- r^^j, toyens. ibid.

Martin V. au retour du Concile de Mépris Confiance étoit allé paHer plufieurs des Flo-

mois * à Florence. Cette Ville enorgueil- ^^"^'"^ ,. j, r V j > ^ pour Mar-

ne d une prolperite de quelques années [ïq y.

témoigna un profond mépris pour le

Pape 5c fouffroit même que les enfans

l'infultaffent dans les rues \. Ce qui

l'offenfi le plus c'eft que les Florentins

tenoient le parti àwGénérABraccio qui

par leur fecours lui avoit enlevé plu-

fieurs Villes :]:. Pour fevanger il engagea Le Due

le Duc de Milan à rompre le Traite qu'il ^^ ^j'"^

avoit rait avec les r lorentms , ce a ie avec les

joindre au Légat de Bologne contre Florcn-

leurs conventions. Il fit encore diver- '^"^*

fes infractions qu'il feroit trop long de p.^204.

rapporter en détail. Àret. ibid.

Les i^o-

* Léonard Aretin dit deux ans. Rer. Italie. Hlji. p. 1S9-

t llschantoient,/eP4/)^ Martin ne vaut pas un quadrain. Léonard Aretin ubi fupr.

ij: Il fit en uitc la paix avec ce Général par l'cntremife des Florentins & s'en alla à Rome. ^^om. IL F

îi PoGGiAî^A. Part. III.

Embarras Les Florentins fe trouvèrent encore des Flo- dans un nouvel embarras par un petit rentins au i^eident qui devint dans la fuite une ViHc de * affaire importante. Forli (a) Ville de Forli. l'Etat Ecclefiaftique avoit été occupée (a) Dans p^j- Qeorge Ordelafe qui la gouvernoit gnc *'^" Souverain. George étant venu à p. 'zo4, mourir laiffa cette Ville entre les mains d*un fils en bas âge & de veuve , nom- mée Lucrèce^ fille du Prince d'Imola *. Celle-ci ne fe fiant pas aux habitans de Forli à caufe de Catherine fa belle-fœur, qui lui en difputoit le Gouvernement , s'étoit mife fous la protection des Flo- rentins. Catherine de fon côté fe mit fous celle du Duc , qui ne demandant pas mieux qu'une fi belle occafion de fe rendre maître de Forli , envoya des troupes dans le Boulonnois pour être plus à portée de s'en emparer. Les Flo- rentins furpris d'une démarche fi fuf- peéte écrivirent au Légat de Bologne pour le prier 'de faire retirer ces troupes que le Duc ne pouvoir avoir fait avan- p. zc6. ^^^ i ufques lu fans violer le Ti-aité de paix & fans quelque mauvais defiein. Ce-

pen-

* Auffi Ville de l'Etat de l'Eglife dans la Ro- maine.

Histoire DE Florence. Zi-z;.//. 85 pendant ceux qui étoient dans le parti de Catherine fe révoltèrent contre Lu- crèce, la mirent en prifon *j & firent entrer les troupes du Duc dans Forli. Les Florentins refolus de fe vanger de cette infra6tion envoyèrent fîx cens che- vaux à Forlimpopoli f" oii Lucrèce s'ctoit réfugiée, & écrivirent au Duc de rappeller fes troupes & de rendre la Ville à Lucrèce. 11 le promit à con- dition qu'on pourvoiroit ù la fureté de ceux qui lui a voient livré la place. Les Florentins cependant envoyèrent à Mar- tin V. lui faire des plaintes du Duc 8c de fon Légat, & lui offrir du fecours pour reprendre Forli comme étant de TEtat de TEglifè. Le Pape qui avoic le cœur ulcéré contre les Florentins ^ & qui fâvorifoit le Duc j s'excufa d'en- trer dans cette affaire fur ce qu'il étoit occupé contre Braccio , qui^ comme on l'a dit , lui retenoit plufieurs Villes. Il rappella néanmoins fon Légat de Bo- logne :j: & envoya en fa place Gabriel

Con-

* Elle en échappa &fe retira à quelques lieues de là, I C'étoit autrefois une Ville Epifcopale, Au- jourd'hui ce n'eft qu'un petit Bourg de l'Eiat dt i'Eglife dans la Romagne. ^ Alphonfe Cardinal de S. Euflache, F Z

84 P o G G I A N A. Part. IIl. Condolmerio Cardinal de Sienne *. Le p. iop. Prince de Ferrare , au nom de qui le Duo ^^* de Milan avoit fait tout ce manège "fy prétendant que Forli lui devoit apparte- nir, propofa aux Florentins que s'ils vou- loient l'affifter de leurs troupes pour s'en mettre en pofleiîion il engageroit le Duc de retirer. fa Cavalerie de leur voifinage. Les Florentins rejetterent (a) Fils de "^^^ propofîtion qui lesengageoit à une Lucrèce, infidélité envers leur pupille (a).

Les Flo- Pendant que le Duc rorapoit iburde- eard "^'^^ ment la paix avec les Florentins il leur plus de faifoit propofer en public les moyens de niefures l'affermir. Les Florentins de leur côté av'ecle écoutoient ces propofitions, moins par Milan. opinion de fa bonne foi que pour n'avoir pas à fe reprocher une rupture ouverte. Ils lui envoyèrent donc des Ambafla- deurs à requifition pour traiter avec lui une alliance dont le Pape & les Vé- nitiens feroient les arbitres , comme il

fai-

* Il fucceda à Martin dans le Pontificat fous le nom d'Eugène IV. & fut favorable aux Flo-' rentins p. xi}.

f Le Duc pour s'cxcufer d'infraélion difoit tan- tôt que c'ctoit au nom du Ferrarois, tantôt que c etoit au nom du Pape qu'il avoit envoyé k% troupes.

HisToïRE DE Florence. ZZ-y. //. Sf laifoit mine de l'avoir projette. Quand ils furent arrivez à Lodi (a) , le Duc (z) A leur défendit d'approcher plus près de vingt mi!- Milan & d'attendre fesAmbafladeurs,jJ^ de Mi-^

fous prétexte qu'il y avoit quelque in- dice de pefte à Florence. Mais les Am- balTadeurs répondirent avec vigueur qu'ils n'avoient pas ordre de s'addrellèr à d'autres qu'au Duc lui-même , qu'ils n'apportoient pas la pefte mais la paix, 6c que fi on ne vouloit pas y entendre , il falloit décider leurs démêlez par les armes. S'en étant retournez (ans répon- fe k Florence on y prit la relblution de ne plus garder de mefures avec le Duc. Ce qu'ils faiibient avec d'autant plus de confiance que Braccio leur avoit promis trois mille chevaux de renfort.

Martin V. craignant que le Duc ne Le Pape pût foutenir tout le poids de cette guer- refufe de re , envoya Antonio Lufco * à Milan pour ^J^^^^ ^ux engager Philippe à renouveller la paix tins"^^^" avec les Florentins. Le Prince de Fer- rare de fon côté les fit afilirer que le Duc defiroit fincerement la paix , & que s'ils vouloient envoyer des Minif-

très

* Secretake du Pape , &: Collègue de Pogge , qui en paik fouvent dans fes Oeuvres.

F 5

S6 PoGGiANA. Part. 111. très pour en traiter , elle pourroit fe conclure à la fatisfa6tion des uns & des autres. Mais le Duc perfiftant à de- mander la fureté de ceux qui l'avoient mis en pofTefîion de Forli , & les Flo- rentins prétendant qu'il falloit remettre l'affaire à la difcretion de Lucrèce 6c de fon fîls j on fe retira fans convenir de rien. Cependant les troupes du Duc faifoient des courfes dans la Romagne êc y avoient même pris la ville d'Imo- la par trahifon. C'efl ce qui engagea les Florentins à députer de nouveau au Pape pour le porter à réprimer les en- treprifes du Duc & à reprendre les pla? ces qu'il lui venoit d'enlever j Mais ils n'en purent tirer d'autre réponfe que celle qu'il leur avoir faite la première fois. Il rappella même fon Légat *, à la follicitation du Duc parce que ce p. il 3- Légat craignant pour Bologne après la '^^^' prife de Forli & d'Imola avoit traité

fêcretement avec les Florentins.

Charles Les Florentins voyant l'inutilité de

Malatefta leurs tentatives pour la paix mirent

Char?

* 11 envoya pour Légat à Bologne Louis Ala- pian Savoyard, Archevêque d'Arles, qui fut de- puis Cardinal.

Histoire DE Florence. X/v.//. 87

Charles Malatella à la tête de leur ar- Général [I

mée avec ordre d'aller camper près de Florentin Forli pour obferver par le moyen de î?*;?^ quelque fedition excitée dans la Ville ilrl cft to ne pourroit pas s'en rendre maître. & pris Comme ils avoient aufïï deflein d'enle- Pfi^on- ver Gènes au Duc de Milan avec le le-"p^^ . cours des exilez de cette République, z 16. ils firent entrer dans le port de Gènes vingt- quatre Galères commandées par Henri Alphonfe frère du Roi d'Arragon dans refperance qu'il arriveroit quel- que tumulte dans la Ville en faveur des Citoyens bannis. Mais la haine invété- rée des Génois pour les Catalans * em- pêcha le {wcch de cette cntreprife qui n'aboutit qu'à faire des courfes fur mer tout le relie de l'été.

Charles Malatefta afîîegeoit cepen- ^4^4' (dant la Ville de Forli le Duc avoit^" ^^^' envoyé un renfort de quatre mille hom- mes fous le commandement àHAnge de Pergola f. Ce Général afîiegca en paf- lânt la Ville de Zagonora dont Lucre- ce avoit donné le commandement au

Com-

Voyez les raifons de cette inimitié , Btfl, Tlor. Pogg. p. II 6. note, t Petite place entre Sienne &TloreîK€.

F4

SS POGGIANA. P^r/. ///.

Comte d'i\lberic fon allié. Alberîc ne fe Tentant pas en état de foûtenir le iîège demanda du fecours Malatefta , qui y vint avec fon armée pour le fai- re lever. Malatefta battit d'abord les ennemis , mais au lieu de les pourfuivre il lc3 laifTa rallier , fut défait dans un fécond combat , 6c pris prifonnier avec plufieurs des Chefs &; une grande par- tie de fon armée *. Pour fe relever de cet- te perte il fallut en lever une nouvelle dont le commandement fut donné à Nicolao Piccinino "j" qui avoit fèrvi en qualité de Colonel fous Braccio. Ce nouveau Général commença (a Cam- pagne fous de mauvais prefages, mais qui pourtant tournèrent à l'avantage des Florentins. Il fut envelopé dans la Tofcane par un gros de Païians & de

Mon-

* On a dit de Charles Malatefta que ce fut un des plus grands & un des plus malheureux Capi- taines de fon tems. 11 fut mené prifonnier à Phi- lippe Marie qui lui fit un accueil très- favorable, lui donna fa liberté , le çornbla de prefens 6c eniT prêcha qu'Ange de Pergola ne prît Rimini dont Charles étoit Seigneur p. ii8.

t 11 commandait tous le jeune Othon fils du grand Braccio dont on a déjà parlé qui avoir été tué dans un combat quelque tems auparavant. p. 119. Voyez auffiP/?/7//'/.£fr|<ï?». Fol. 373.

Histoire de Florence. Lh. IL 8>

Montagnards qui tuèrent le jeune Oddo Braccio fous qui il commandoit & l'em- menèrent lui-même prifonnier à Fayen- ce. Le Gouverneur de cette Ville , qui étoit Milanois * , prit depuis le parti des Florentins par le Confcil de Piccinino \ êc de Malatella. Piccinino , ayant re- couvré fa liberté , fut fait Général en Chef de l'armée des Florentins. Après la mort de Braccio ils envoyèrent des Ambaffadeurs au Pape pour lui renou- veller les inftances qu'ils luiavoient fai- tes de reprendre fes places , l'obllacle qu'il avoit allégué étant levé par la mort de ce Général. Ils le prioient en même tems de ne pas favorifer le Duc à leur préjudice, 6c d'ordonner à fon Légat de ne fe pas liguer avec lui con- tre leur République. Cette x\mbafîade n'ayant pas eu un meilleur fuccès que les gutres 5 il fallut chercher des amis ailleurs.

Ils envoyèrent aux Vénitiens pour Ne^ocia-

leur lions d'al- liance en- * Guidantomus ManfredasMidiolanenJis.p.ixç. tre ks f Ce Général étoit fils d'un Boucher au rapport Floren- d'iEneas Sylvius. Comment, in Dift &: Fad, tins & les Alph.RcgisLib.I.p.9. Puctmnum lanïonïs fi'.ium, Vénitiens, i^uafi regem noflra &tas venerata efl. Des illi rei tnilitaris périt iar». At inter homints, <^m velfn- gire -vel cap , ^uam mon malunt.

F y

PC> POGGIANA. P^r/. ///.

leur repréfenter de quelle confequencô étoient pour eux-mêmes les entreprifes d'un Prince ambitieux qui ne refpiroit que l'Empire d'Italie. Les Vénitiens ayant envoyé des Ambafladeurs au Mi- ^^^4- lanois à leur follicitation, ils n'en tire^ P- ^2.3. ^^^^ ^^^ ^^ réponfes vagues & ambi- guës. Les Florentins envoyèrent en même tems des Ambafladeurs à l'Em- pereur Sigifmond pour lui expofer les violences & les infidélitez du Duc à leur égard , ôc l'inviter à venir fe faire couronner en Italiç5lui offrant pour ce- la de l'argent ôc des troupes. Les FIo- Pendant toutes ces négociations An- rentins ge de Pergola ravageoit la Tofcane Ôç fontbatus.j^ Romagne & y prcnoit plufieurs pla- ces importantes. Cette année paflâ en diverfes efcarmouches , oii l'avan? tage fut afl!ez balancé pendant long- tems. Mais enfin les Florentins fuc- comberent, moins par le nombre que par une embufcade qui leur fut dreflee près de Fayence ils furent défaits en bataille rangée, piccinino L'année fuivante ne fut pas plus heu- quitte le reufe. Au bruit de la défaite des Flo- fcrvicedes i-g^tins plufieurs Villes embrafferent le tin7, pour P^^^i ^^ Philippe. Piccinino leur Gê- né-

Histoire de Florence. Lh. II. pt

îiéral rangea lui-même fous les en- entrer ifeignes du Milanois attiré par fes pro- dans celui melTes & rebuté par le peu de bonne ïfjP"'^ ^^ foi qu'il trouvoit dans les Decemvirs i^ij". de Florence. Dans cette extrémité il p. 2x4. fallut encore avoir une fois recours au Pape pour le prier de fe rendre arbitre p. xx^: de la paix. Ils envoyèrent auffi aux Ve- 1^8. nitiens qui ouvrant enfin les yeux à leurs propres intérêts écoutèrent leurs propofitions. Rien ne les y détermina Les Vc-; davantage que l'arrivée de François de nitiens Carmagnole * à Venilè, Ce Général "traitent avoit quitté le feryice du Duc de Milan pioren- pour pafler dans celui des Vénitiens, tins , à la Comme il avoit reçu plufieurs mccon- fpHidta- tentemens de Philippe qui même l'avoit cam^ voulu faire empoifonner à Trevife "f , gnole, il ne manqua pas l'occafion de s'en ven- ger, en animant les Vénitiens contre lui comme contre leur plus mortel en- nemi. Ils firent donc déclarer au Duc qu'ils étoient refolys à lui faire la guer- re,

Voyez l'Hiftoire de ce Général dans Philip- pe de Bergame. De Porcher il devint le plus grand Général de fon tems. Bergam. 372.373. Pogg. 219.

t Autrement Trevigni, Ville de l'Etat deVe- nife.

pz VoGGiAV!A. Part. III. ^

re 5 s'il ne desarmoit & s'il ne. Ce coït- tenoit dans {es frontières qu'il avbit beaucoup étendues par leur .fecours. Pendant ce tems la paix fe conclut en- tre les Vénitiens 6c les Florentins, aux* quels fe ]oignirent yfmedée * Duc de Sa- voy ej 6c la République de Sienne. Les Florentins donnèrent le commandement de leurs troupes à Nicolas de l'olentin y êc les Vénitiens celui des leurs à Car- magnole. Carma- Ce dernier commença la Campagne gnole af- p^^j. ^j-jg entreprife cohfiderable. Ce fut fe?& la i'attaque de la Ville de Brelfe place trés- prénd. bien fortifiée. Une partie de cette Vil- i42.<^' le étoit occupée par les Guelphes , 6c l'autre par les Gibelins. Ce fut à la fa- veur des premiers que Carmagnole y entra pendant la nuit avec une partie de fon armée, êc que s'étant rendu maî- tre du quartier des Guelphes il s'y for- tifia fi bien qu'on ne put l'en chafier. D'autre côté pour donner de l'occupa- tion au Duc, le Prince de Ferrare ra- vageoit le Parmefan. Si T'attaque fut des plus vigoureufes, la défenfe ne le

fut

* 11 fut depuis élu Pape au Concile de Baflc fous le nom de Félix V.

Histoire DE Florence. X/'y.//. pj

fut pas moins. Enfin la place fuç empor- tée après un fiège de huit mois. Cette conquête étoit difficile à garder, parce que Philippe empêchoit de toutes parts qu'on ne tit entrer des vivres dans la Ville. On prétend même qu'elle auroit pu facilement être reprife, fans la di- vifion des Généraux , qui donna le tems à Carmagnole de prendre quanti- té de places dans le BrelTan , & autour du Lac de Garde d'oii il faifoit entrer des munitions de bouche à BrefTe. De leur côté les Florentins , n'étant plus inquiétez par les troupes Milanoiies,eur rent le tems de recouvrer plufieurs de leurs places, & de reparer une partie de leurs pertes.

Le Pape avoir prolongé la guerre au- Le Pape tant qu'il avoit pu dans l'efperance que negotie la les Florentins fe rendroient à lui , en ^^^f^^'- haine du Duc de Milan, & fatiguez de lanois & ' la guerre ; Mais quand il vit l'inferiori- les FIo- du Duc de Milan, il écrivit aux uns ^^^ti^s,, 6c aux autres pour les exhorter à s'ac- commoder. Les y trouvant difpofez il envoya le Cardinal de S. Croix *, Evê-

que * Nicolas Albergoti : voyezfon Oraifon funèbre dans les Oeuvres dePogge p. 261. & fa Vie dans la première partie de cet Ouvrage, p. 68.

^4 P o G G I A N A\ Part. IIL

que de Bologne , aux Vénitiens pour lei rendre arbitres de cette paix. Ce Pre-» lat alla auffi à Milan , ayant trouvé le Duc difpofé à une reconciliation, i) alTembla à Ferrare les AmbafTadeurs de chaque parti j & y conclut une paix folemnelle. Brefle, Crémone, & Ber- game que les Florentins pofTedoient a-» vant la guerre furent cédées aux Véni- tiens, avec leurs territoires , & le Duc de Savoye garda ce qu'il avoit conquis. Le Duc de Milan à la follicitation du Cardinal avoit acquiefcé aux conditions de la paix 5 mais il parut par la fuite qu'il ne l'avoit fait que malgré lui , & de mauvaifc foi. En effet , lorfque Carmagnole alla de la part des Véni- tiens prendre poflefîion des Villes qui leur étoient tombées en partage , il n'y en eut aucune qui lui en voulut donner les Clefs. Le Légat s'en étant retourné à Rome fort imté de la perfidie du Duc, Le Mi- ce dernier recommença la guerre tout lanois re- ^ç. nouveau. 11 prit à fa Solde les trou- ceheucr'-P^^ que les Vénitiens avoient congè- re contre diées , 6c les détacha contre le Pais de les Veni- Mantoue , qu'elles ravagèrent impi- teH?. toyablemcnt.

rcntins. Les Vénitiens ôc les Florentins obli- gez

Histoire de Florence. Lîv. IL ^f

gez à reprendre les armes, levèrent en diligence une nouvelle armée, & en- voyèrent faccager le Milanois. Le Duc de fon côté faifoit mettre tout à feu 6c à fang dans le BrefTan. Il avoit d'ail- leurs fur le 5 une Flote qui s'empara de plufieurs places maritimes 6c entr'au- tres, de Cazal *. Ces conquêtes furent arrêtées par la valeur de François Bem- bo qui commandoit la Flote Vénitien- ne. Cet Amiral obligea les ennemis à lever le fiège de devant Verfel ^f , ou- vrit les pafTages du qu'ils avoient fer- mez , 6c donna la chafle à la Flotte Mi- lanoife. Carmagnole de fon côté ré(b- Carma- lut d'afîîeger Crémone afin d'être plus gnole af- à portée de reprendre les places du Bref- ^^^ê^ ^}^~- fan. Après avoir emporté la ForterefTe^e^e^J^ de Binafco fur l'Oglio pour faciliter le tranfport des vivres , des munitions de guerre 6c de toutes les chofes neceflai- res à un fiège j il alla camper fur le bord du à fix milles de Crémone. Ces progrès obligèrent le Duc à for- tir enfin pour la première fois de fa re-

trai-

* Cazal maggiore dans le Cremonois. t Place forte lur le , dans le Duché de Modene,

,ij6 P o G G I A N A. Part. m.

traite *, il avoit été renfermé juP- qu'alors, ne faifant la guerre que par fes Généraux i". Il réfolut de marcher vers Crémone, & campa avec une ar- mée de vingt mille hommes de bonnes troupes , à trois milles de l'armée Ve- Bataille nitienne. Le combat fut long 6c la vic- fangb.nte toirc il bien difputée , qu'elle ne de- S'î-f^ ^. mcura à pcrfonne ; les armées furent & les Ve- obligées de le retn^er par pure laflitude. niticns. Cependant le Duc de Savoye , & le

Marquis de Montferrat profitoient de l'abfence de Philippe pour piller juf- qucs aux portes de Milan'. C'eft ce qui l'obligea à retourner dans fon pais avec le peu de troupes qui lui reftoit. Car- magnole d'autre côté desefperant de prendre Crémone , attaqua Cazal , avec lelecoursdelaFlotteVeniticmie. Fran- çois Sforce ayant inutilement pnurfui- vi l'armée des Vénitiens s'en alla re- prendre Binafco. Mais s'étant aulTi-tôt retiré dans le Camp, Carmagnole re- prit cette place 6c fit jetter la Garnifon

dans

* 11 étoit retiré dans une ville appellée Ahbiat, p. 145.

I On ne remarque pas non plus que fes Pré- decefleurs ayent agi par eux-mêmes dans ces guerres.

fefisToiRE DE Florence. L/i'.//. p/

dans le fleuve ayant appris que Sforce en àvoit ufé de même. De Carma- Carma- gnole alla mettre le fiège devant Cazal ^j^°j^ ^.^^ dont la Garnifon fe rendit fans défenfe 2,ai , il bac à l'infu de Ton Commandante Après les trou- plufîeurs hoftilitez on en vint àuncom- P" Miia- bat décilîf 5 les Vénitiens remportè- rent une viétoire 11 complette qu'on ne doutoit point que Carmagnole eût voulu la pourfuivre, le Duc n'eût été entièrement dépouillé de Tes Etats. Mais P'^49' ce Général , dont la fidélité commençoit à chanceler, fit tant par fes lenteurs af- fectées qu'il donna le tems à Philippe de rétablir fbn armée. Au heu de pren- dre Crémone 6c d'aller droit à Milan , comme il le pouvoit alors, il amudi fes troupes aux places du Breflan, & à des courfes qui ne fervoient qu'à les fati- guer, fans incommoder beaucoup l'en- nemi.

Lo Duc commençoit à fe défier de Le Pape fes forces j il n'avoit pu lever aflez de "^§o<^i2 monde pour refilter à tant d'ennemis y gj^f^e le la plupart de fes meilleurs Généraux Milanois^ étoient morts > les fecours qu'il pou- '^^ ^^"^" voit avoir d'ailleurs ne venoient qLieJgj"^]^] lentement. Toutes ces raifons lui firent lentins, rechercher fécretement l'entremife du

Tom. IL G Pa-

5)8 P o G G I A N A. Part. ni.

Pape pour Elire la paix. Les Florentins

d'autre côté las de faire la guerre au

profit des autres Se commençant à (e

défier de Carmagnole , n'étoient pas

non plus éloignez de s'accommoder.

Le Cardinal de Sainte Croix fiât donc

encore envoyé par le Pape à Ferrare

le rendirent les Ambafiàdeurs de chaque

1418. parti. La Paix fijt conclue à condition

P' 2.51. qyg |g Y)uc f endroit aux Florentins ce

qu'il avoit à eux, & que BrefTe 6c le

BrefTan demeureroient aux Vénitiens

avec ce qu'ils avoient pris dans le Cre-

monois , aufii bien que Ëergame , &

tout (on territoire jufques à la rivière

d'Adde.

Guerres H n'eût tenu qu'aux Florentins de

de Luc- JQ^jji- Jes avantages de cette paix en

Ques avec ' ^ . '

les Flo- demeurant en repos. Mais des brouil-

remins. Ions qui ne cherchoient qu'à pêcher en eau trouble les enj^afferent dans une nouvelle guerre a cette occafion. Les Lucqiîois avoient été d'abord neutres dans cette guerre. Les Florentins a- voient même fait quelques démarches 2^7 P^^i-^i" ^cs engager dans leur parti en don- nant de l'emploi au fils de Paul de Gui- '/lis qui regentoit alors à Lucques. Ce Roitelet jugeant que le Duc de Milan

i"e-

Histoire de Florence. Zrj. //. pp

feroit fupericur, rejetta les offres des Florentins , & envoya du fecours à Phi- lippe dans l'efperance d'affermir fa do- mination par un fi puiflant appui. Les Florentins & les Vénitiens en furent fi indignez qu'ils ne voulurent pas que les Lucquois fufîent compris dans la paix qui fe fit enfuite. Après la paix Nfco- îao Forte- Braccio * Colonel dans les troupes de Florence, foit de fon pro- pre mouvement, foit animé par le peu- ple Florentin, fe mit à la tête de quel- ques troupes licentiécs pour aller rava- ger le païs de Lucques. Paul de Gui- nis fe voyant ainfi attaqué ii l'impro- vifte , envoya des Députez pour en fai- re des plaintes aux Florentins , & leur demander leur amitié , ou qu'au moins ils ne donnaffent point de fecours au Colonel, fuppofanf qu'il n'agiffoit pas par leurs ordres. Les Florentins répon- dirent qu'ils n'avoient point d'engage- ment avec eux, n'ayant pas été com- pris dans la paix , que le Colonel les avoit attaquez de fon propre mouve- ment , mais qu'ils n'étoient pas d'hu- meur

* Il étoit neveu du grand Braccio dont on a parle ailleurs.

G 2.

100 V oGGî AN A. Part. IIL meur à s'attirer pour l'amour d'eux l'ini- mitié d'un homme armé Se qui d'ail- leurs étoit de leurs amis. Le Lucquois comprenant le fens de cette réponfe en- voya inutilement implorer le fecoursdu Milanois Se des Vénitiens. Cependant le Colonel failîmt de grands progrès dans le Lucquois , écrivit aux Floren- tins qu'il ne tiendroit qu'à eux de fe rendre maîtres de Lucques , s'ils vou- loient lui envoyer quelque fecours. Le Duc de Milan de Ion côté, foit pour| gagner davantage leur amitié , foit pour les engager dans une nouvelle guerre, leur offrit de la Cavalerie & les autres fecours dont ils auroient befoin. Si les Florentins avoient des raifons plaufiblcs pour entreprendre cette guer- re, il y en avoit de plus fortes encore de vivre en paix avec une République à qui celle de Florence avoit de gran- des obligations 6c qui ne s'étoit attiré la guerre par aucune hollilité *. Après avoir long-tems balancé ces raifons on fe détermina pour la guerre.

On

* On ne pouvoit pas imputer l'entreprife de Paul de Guinis à la République qui le regardoit elle-même comme un Tyran.

HisT. DE Florence. Z/1^. 77. loi

On écrivit aufîî tôt à Nicolas Foite- Braccio de faire par autorité publique une guerre qu'il avoit faite jufqu'alors de fon propre mouvement, & on lui envoya de la Cavalerie 6c de l'Infante- rie pour le foutenir. Les Florentins en^ l^^ pj^, voyerent en même tems des AmbafTa- rentins deurs au Pape, au Duc de Milan, aux^"^'°y^"t Vénitiens 6c à leurs Alliez pour leur ren- baiïadeurs dre raifon de cette entreprife. Le Duc au Pape de Milan fut le (èul qui la loua 6c qui '^' à leurs offrit de la favorifer. Le Lucquois dci- f'^'^Po^r titue de forces ce de Iccours pour le te- fer les rai- nir contre un fi puifllmt ennemi , ta- fons de cha d'engager dans fon parti les Sicnois ^'^"^ à qui Florence étoit déjà fort fufpcâie. Le^fsiç, Avant que de fe déclarer , les Sicnois nois fe envoyèrent aux Florentins pour les dé- joignent tourner de cette guerre en leur repré- ^'^^^^ "^ Tentant que peut-être pourroient - ils contre les être contraints à fecourirLucques. Les Floren- Florentins répondirent qu'ils avoient""^* eu de bonnes railbns de faire la guerre à Paul de Guinis parce qu'il avoit (ê- couru le Duc de Milan *. D'ailleurs

ils'

* Voyez l'Apologie de cette Guerre dans la quatrième Lettre du cinquième Livre des Let» très d'Aretin.

G 5

IÔ2 PoGGiANA. Part. m.

ils témoigncrent vouloir garder inviola- blement l'alliance qu'ils avoient faite avec les Sienois -, Ces derniers envoyè- rent aulTi à Venife pour engager les Vé- nitiens à fe rendre Médiateurs entre Luc- ques 6c Florence & pour favoir s'ils vou- droient fecourir S;enne en cas qu'elle fût attaquée par les Florentins. La répon- fe des Vénitiens fut qu'étant alliez des Florentins ils ne pouvoient pas promet- tre du fecours contre eux aux Sienois. Quoique les Florentins enflent promis aux Sienois de ne point rompre avec eux , & que les Vénitiens leur enflent refufé du fecours en cas d'attaque, néan- moins gagnez par l'argent & par les promcflës des Lucquois ils prirent la 1430. rcfolution de leur envoyer du fecours p. i68. dont ils donnèrent le commandement à Antonio Petruccio ennemi particulier des Florentins. Ce Général paflà le refl:e de cette année à lever des troupes ^ à chercher des amis. Il fit bien auprès du Duc de Milan qu'il l'engagea à envoyer fecretement deux mille che- vaux à Lucqucs fous le commandement de François Sforce. Les Lucquois & les Sienois prirent ces troupes à leur folde afin qu'il ne parût p;is que le Duc

VQU-

HiST. DE Florence. Li'v. IL 105 voulût rompre avec les Florentins. A- vant que ce fecours fût arrivé les Géné- raux Florentins avoient mis le fîège de- vant Lucques & Tauroit aifément em- portée fans leur négligence & leur fé- curité caufée par le mépris qu'ils fai- foient de l'ennemi. Ceux de Lucques s'étant apperçus du peu d'ordre qu'il y avoit parmi les alTiegez firent une fortie fi à propos qu'ils mirent en fuite un des Généraux Florentins. La défaite au- roit été entière fi l'autre Général étant venu à fon fecours n'eût fait rentrer les aflîegez dans la ville. Les deux Géné- raux defcfperant du fuccés du fiége ré- folurent d'attaquer la ville d'une autre manière par le confeil d'un des habiles Ingénieurs de ce tcms-là (a) , en y fai- (-3) ^Mx- faut déborder les eaux de la rivière delippoBru- Sercbia dont elle efl: baignée par lei^ellefco. moyen d'un grand fofie & de plufieurs ruifreaux qui fe rendoieiit dans la pla- ce par divers endroits. Mais les ailie- gez rendirent cette tentative inutile en élevant vis-à-vis , des terrafles & des digues qui repoufibient l'eau du côté des afllégeants. Ils en furent tellement incommodez qu'il filut abandonner le fîège. Les Lucquois fortis de la ville, G 4 rui-

î04 PoGGîAytA. Part. II/.

ruinèrent les travaux de l'armée Flo« rentine , reprirent plufieurs de leurs pla- ces ôc allèrent ravager le Florentin. Le Duc Pendant ce tems-là les Ambafladeurs

de Milan ^q Venife & de Florence étoient à Mi- donne le- 1 * 1 1 TA j cretement ^^'"^ P°^^" empêcher le Duc de rien en- du recours treprendre en faveur de Lucques. Ce à Luc- Prince inconftant 6c difîimulc promit ^"^^' aux Florentins & aux Vénitiens de de- meurer ferme dans l'alliance qu'il avoif faite avec eux &: pour les en mieux per- fuader il fît mine de congédier les Offi- ciers qu'il avoit encore à fès gages. Il engagea fecretement le General Fran- çois Sforce à lui demander la permif- fion d'aller dans le Royaume de Na- plcs contre le Roi Alphonfe qui fe dif- pofoit à faire la guerre auMilanois. Ce Général pour mieux jouer fon rôle après avoir reçu du Duc une bonne fomme d'argent pour lever du monde, s'en al- la à Parme oîi feignant d'attendre fes gens , il engagea les Officiers que le Duc avoit fiit fe*nblant de congédier à le fuivre fous prétexte de la guerre de Naples. Quand il eut aflemblé une afîèz bonne armée , au lieu de prendre le che- min de Naples il prit celui de Lucques. i,^) y^nt9- / N jj ^m-j-e Général fort ennemi des

nio Pon- V / T?i

$&4ersc. flQ-

HiST. DE Florence. Liv. IL lof Florentins, avoit déjà pris les devants avec huit cens chevaux du Duc & s'étoit emparé de la plupart des Forts que Forte-Braccio.avoit pris fur les Luc- quois. Nicolas Forte-Braccio étant ve- nu à la rencontre de Sforce pour lui li- vrer combat, le bâtit & reprit aifémenc ce que les Florentins avoient de places dans l'Etat de Lucques. Cependant Paul de François Sforce rebuté de l'avarice & Guinis, de l'ingratitude de Paul de Guinis qui ^""7" lui avoit refufé de l'argent, follicité Lucoues, d ailleurs par les Florentins à l'abandon- en eft ner,re joignit par la permiffion du Duc f'^f ^^ avec les Sienois pour fe défaire de lui. nois' Il y avoit d'ailleurs dans l'armée Flo- ' rentine des gens qui par des Lettres fup- pofées animoient François Sforce & Paul de Guinis l'un contre l'autre en leur faiiant à tous deux de fliufles con- fidences. Ce qui fit refondre François Sforce de concert avec les Sienois à porter ceux de Lucques à fe révolter contre Paul de Guinis co.nme contre un Tyran. L'intrigue réuffit à fouhait. Pecruccio Général Sienois entra avec des Soldats dans la ForterelTe fous pré- texte de quelque négociation, prit le

106 ToGGi AiJ A. Part. IJI.

Tyran dans fon lit 6c le fit conduire I Milan. LesFlo- Les Lucquois ayant recouvré leur rentins re- liberté envoyèrent à Florence pour de-

k S ^^^^n'^^^' ^^ P^^^ ^ ^^^^^ RépubUque. Mais devant les Florentins la leur refuferent avec Lucques. beaucoup de fierté, fe flattant de pou- P- 2.74- voir aifément fe rendre Maîtres de Luc- ques par la retraite de François Sforce. Ils allèrent donc afTieger cette Ville qui preflee par la famine n'auroit pas pu refiftcr long-tems fans les intrigues du Duc de Milan. Afin de n'être pas accufé d'infidélité il engagea fourde- Les G e- ment les Génois à prendre Lucques en nois fe- leur protection, & à envoyer une Am-

î^"'^"' balîlïde aux Florentins pour les porter Lucques. , ^^^^^ ^^ ^^.^^ ^^ ^^^^^^^ ^^^ y -j^^ ^^j

leur étoit alliée. Les Ambafladeurs de Gènes furent reçus avec beaucoup de hauteur par les Florentins. On les trai- ta d'efclaves du Duc de Milan, & pour toute réponfe on leur demanda s'ils a- voient eu ordre de leur Maître de faire cette démarche. Ils fe retirèrent fort irritez,menaçant de taire connoître bien- tôt s'ils étoient efclaves ou libres. En effet aufli-tôt après leur retour les Gé- nois

HisT. DE Florence. Z/i;. 77. 107

nois envoyèrent NicolaoPiccinino Gé- néral du Duc de Milan au fecours de Lucques.

Les Vénitiens cependant apprenant les infraélions du Duc envoyèrent des Ambaflàdeurs à Milan pour lui en faire leurs plaintes. Il répondit avec Ton arti- fice ordinaire qu'il n'avoit point de part au fecours que les Génois ^avoient en- voyé à Lucques , & que bien qu'ils fu^nt fous fa domination ils avoient pourtant félon leurs conventions la li- berté d'alliller leurs amis, comme per- fonne ne pouvoit non plus empêcher les Vénitiens de fecourir les Florentins. Quoique cette réponfe ne fatisfît pas les Vénitiens, ils firent femblant de s'en contenter jufqu'à la première occafion d'en témoigner leur reifentiment. Ce- pendant les Florentins continuoient le fiège de Lucques avec tant d'incom- modité , à caufe de la rigueui' de la fai- fon * , que la plupart défertoient. Picci- nino d'autre côté qui étoit campé fur les bords de la Serchia attendoit l'occa- fion de pouvoir pafTer la rivière pour fe- courir la place. Les Florentins eux-mê- mes

? C etoit au cœur de l'hyver.

to8 ToGGiAys A. Part. III.

piccininonicsja lui fournirent. Piccinino avoit fait lever fur le bord de la rivière des bêtes de ïe fiègede^Qj^j^ç chargées de bled qu'il deftinoit & balles ^^^ afliegez extrêmement prefTez de la Floren- faim. Un des Officiers (a) Florentins ^l^l'r ^"^ connoifToit tous les endroits guea- ^(a) ara- j^|^^ ^^^^ ^^ rivière amorcé par refpe-

rance de ce butin. Piccinino fans per- dre de tems ayant fait pafler toute fa Cavalerie par le même endroit attaqua l'armée Florentine qui étoit en dt^r- dre,la battit dos & ventre, mit en fui- te tous les Officiers, & fit lever le fiè- ge *. On n'attribua pas tant cette derou^ te à la furprife qu'à la difcorde des Gé- néraux qui facrifierent l'armée à leurs jaloufies particulières. Les fuiards qui s'étoicnt retirez à Pife y répandirent une fi grande conllernation , que fi Pic- cinino y fût. allé fur le champ, il auroit pu fe rendre Maître de la Ville fans coup ferir, & piller de tout' le Florentin. C'étoit l'avis des Génois, mais ce Gé- néral n'en ayant point d'ordre du Duc de Milan fe contenta de pourvoir à la fureté de Lucques 6c de la garantir d'un

nouveau fiëge.

Ce

* Le Général de cette armée s'appelloit Gui-, dantonio Ieretra}}o , Comte d'Uibin, p. 2.76.

HisT. DE Florence. Liv. IL lop Ce desaflre ne fit pas perdre coura- ge aux Florentins qui donnèrent tous les ordres neceflaires pour lever une nou- velle armée. Cependant comme ils a- voient lieu de craindre que les Sienois ne donnalîcnt du fecours à Lucques , ils leur envoyèrent des Ambafladeurs pour tâcher de les en détourner. Mais les Sienois s'étoient déjà liguez avec Phi- lippe, avec les Génois, & avec Louis Prince de Piombino * qui par les con- feils de Martin V. s'étoit détaché des Florentins fes Tuteurs 6c Tes bienfai- teurs. La mort de ce Pape qui étoit Mort de ennemi des Florentins étant arrivée dans Martin V;

cts entrefaites releva beaucoup leurs ef- ^ ^K^"

1, '- ' \ TT tiondEu»

perances, comme cl autre cote les Ve-gg^g iY^ '

nitiens furent fort encouragez par l'élec- tion d'Eugène IV. leur compatriote. En effet il ne fut pas plutôt fur le fiège Pontifical qu'il déclara qu'il regarde- roit comme fes ennemis ceux qui trou- bleroient la paix de l'Italie. Il envoya même le Légat de Bologiie à Sienne dont il avoit été Evéque, pour détour- ner les Sienois de prendre les armes.

Ce-

* Piombino eft une Prin :ipauîé entre le Pi- fan & le Sienoifi fur la côte de Tofcane.

Les Flo- rentins recom- mencent le fiègede Lacques parle fe- cours du Pape.

Les Flo- rentins re- nouvel- lent allian- ce avec les Véni- tiens.

Carma- gnole cft battu par le Mila- nois.

1 1 o P o G G I A N A. Part. liL

Cependant il accorda aux Florentins un fecours de mille chevaux * qui les mit en état de recommencer le fiègede Luc- ques pendant que les Génois infertoient le port de Pife.

Comme le Duc de Milan ne refpi- roit toujours que la guerre malgré l'in- clination que le Pape témoignoit pour la paix, les Florentins renouvellerent alliance avec les Vénitiens , & s'aflbcie- rent le Prince de Montf errât & Roland Pallavîcin. Ils ordonnèrent en même tems à Carmagnole de porter la guerre dans le Milanois avec l'armée qu'il avoit dans le Breilàn; mais ce Général fur- pris dans une embulcadc par les troupes du Tolentin ôc de François Sforce, fut mis en déroute ôc contraint à fe re- tirer du côté de Crémone avec le refle de fon armée. Piccinino d'un autre cô- té lailTant les places qu'il avoit conqui- (ès dans l'Etat de Lucqucs s'alla jetter dans le Pifan pour porter la terreur chez les Florentins. De il alla cam- per aux environs de Voltcrra "f il

prit

* Us étoient commandez par Michelet Cuti- niola. j Ville de la Tofcane dans le Pifan.

WisT. DE Florence. Lw. IL î i i prit plufieurs places, pendant que les Sienois faifoient des courfès dans la Tos- cane.

Cependant Carmagnole prefToit vi- Ilaffiegè vement le liège de Crémone , & les Crémone, troupes du Duc étoient fort affoiblies par la defertion de Nicolas Tolentin, qui avoit pris parti chez les Florentins. Il fallut donc rappeller Piccinino de la Tofcane pour venir au fecours du Mi- lanois. Jamais la Fortune ne fe montra plus riante aux Florentins. Les Véni- tiens leurs Alliez avoient une grolTe ar- mée fur pied, & une belle Flotte en mer. D'autre côté Alheric Comte de Cuni que les Sienois avoient envoyé con- tre la Tofcane, fut battu par Mkhelet^ 6c enfuite rappelle par Philippe à qui il étoit extrêmement fufpeét. Cette prof- perité fut néanmoins troublée par la delcrtion d'un de leurs Généraux (a) qui (a) FortC'i s'empara de Città di Cafiello *, ëc parBraccio. la trahifon de Carmagnole qui laifîà bat- tre par trois fois la Flotte Vénitienne faute de la venir fecourir. Jamais com- bats ne furent plus opiniâtres ni plus

lan-

. * Ville de l'Etat de TEglife au couchant de la Tofcane.

tîz VoGGiAiJ A. Part. I/L

(ànglans que les deux qui fc donnèrenfe La Plot- pendant deux jours confecutifs. De te Vcni- foixante vaifTcaux qu'avoient les Véni- tienne eft |-jgj-j5 jj j^'gj^ échapa que cinq , tout le

relie tomba entre les mains de l'enne- mi. On en conduifit trente des plus . grands à Pavie Philippe fe repaiflbit avec plaifir d'un fpeâiacle d'autant plus agréable que les Vénitiens lui étoient de beaucoup fuperieurs 6c en nombre & dans l'art de la Marine.

Les Vénitiens fans perdre courage équippent en diligence, une nouvelle Flotte qu'ils envoyent contre les Gé- nois pour fe venger du fecours qu'ils La Flot-avoient donne au Duc fur le Pô. Cette te de Gc- Flotte ne fut pas plutôt à portée qu'elle ba«uë par^^^^^ combat à celle deGencs que com- celle des mandoit François Spinola. La vi6toi- Veniticns.re fut long-tems difputée, mais elle fe déclara enfin pour les Vénitiens ,'fur tout par le fecours des vaifleaux Florentins. Cependant le Général Micbelet agif- foit avec fucccs dans la Tofcane. Il re- prit pour les Florentins plufieyrs places de Volterra & du Pifan fur le chemin de Florence , pendant qu'un autre de leurs Généraux fviifoit des courfes fur leurs Voiiïns aux environs de Lucques.

Il

tlisT. DE Florence. Liv. H. 113

Il n'en étoit pas de même dans le Mi- Perfidie lanois. Le perfide Carmagnole laiifoit de Car- échaper toutes les occailons d'y avan- ^ç^^ ^ cer les affaires des Vénitiens. Il eût in- fupplice. failliblement pris Crémone, s'il eût vou- lu faire avancer fon armée pourfoûtenir les Soldats Vénitiens qui en av oient dé- jà efcaladé une partie. D'autre côté Piccinino Général Milanois , après avoir pillé le Montferrat allié des Florentins, prit aux Vénitiens quelques places fur le à la barbe de Carmagnole qui ne daigna pas les fecourir. Les Vénitiens 143 2i furent long-tems obligez de diiîimulerP«2->^< ces trahilons de peur qu'il ne leur fit encore plus de mal. Enfin on tint con- tre lui un Confeil de deux cens perfon- nes qui délibérèrent pendant huit mois avec un fecret admirable fur la peine qui lui devoir être infligée. Quand la refolution fut prife on le manda à Ve- nife fous prétexte de négocier la paix. Dès qu'il fut proche de la Ville la No- blefle alla au devant de lui & le con- duifit en pompe au Palais du Duc. Toute la journée le pafia en compli- mens & en honnêtetez réciproques. Mais le foir quand ceux qui l'accompagnoient fe furent retirez, on le mit en prifon

tom. IL H

114 PoGGi AN A. Part. IIL

on lui donna la queftion , & ayant été convaincu par fes propres Lettres & par la depofition des Miniftres de fes perfidies il eut la tête coupée dans la place publique. Ainfi périt un des plus grands Généraux de fon tems.

On avoit commencé à traiter de la paix , mais le fupplice de Carmagnole fit prendre aux Vénitiens la refolution de continuer la guerre. On en donna la conduite au Duc de Mantoùe 6c à deux ou trois Sénateurs. La maladie de Piccinino, qui avoit été bleffé d'une flè- che empoifonnée , recula beaucoup les affaires du Duc, les Vénitiens s'en étant prévalus pour recouvrer les places que Carmagnole avoit laiiTé prendre. On n'agiflbit pas avec moins de fuccès dans le Florentin. Le Général Tolentin , qui étoit rentré dans le ièi-vice de Florence, s'étant joint à Michelet ils reprirent Les Mi- dans le Pifan & dans le Sienois les pla- lanois ba- ces qu'ils y avoient perdues. Ils allèrent tus près cnfuite attaquer du côté de Volterra un terra. S^'^^ corps de Cavalerie que Philippe y avoit envoyé pour fe jetter dans le Flo- rentin. Cette armée fut défaite en ba- taille rangée. L'Empe- L'Empereur Sigifmond arriva cette

an-

HisT. DE Florence. Li-v. IL iif année en Italie pour fe faire couronner reur Sigif- à Rome félon la coutume de ce tems-là. ^o"'^ ^^~. La préfênce de ce Prince donna pendant j[^|^jg ^ quelque tems de l'inquiétude aux Flo- inquiète rentins qu'il n'aimoit pas. Sollicité par les Fio- le Duc de Milan & par les Sienois iV^f'^l' laiflbit faire des courfes dans le Floren- p, -^c/^. tin aux Hongrois, aux Bohémiens 6c aux Allemands qu'il avoit amenez avec lui, mais ils furent diffipez fms peine par les Florentins. Après que l'Empe- reur eut quitté le voifinage de Luc- ques,les Florentins allèrent mettre tout à feu & à fing dans le Sienois, pendant que les Vénitiens failbient dans le Mî- lanois des conquêtes qui obligèrent le Duc à rechercher la paix par l'entre- Le Duc

mife du Ferrarois. Elle fut conclue à ^^ ^^i'^n ■r-. 1, . r fait la paix

rerrare d une manière avantageule pour ^vee les les Florentins. Cependant le Duc de Floren- Milan incapable de vivre en repos enle- ^^"^• va au Pape toute la Marche d'x^ncone, p^Iq^/ feignant d'en avoir ordre du Concile de Bafle. Dans ce même tems les Ro- Le papc mains s'étant révoltez contre Eugène chaiTé de IV. à la follicitation du Duc, il fut R^"^!. obligé de s'enfuir de Rome deguifé en ^^^^^ Benediétin, & fe retira à Florence. De il alla à Bologne & à Fcrrare il H 2 vou-

ii6 PoGGiANA. Part. m. vouloit tenir un Concile contre celui de Bafle 5 mais la pelte l'obligea de le trans- Concile ferer à Florence oii il invita les Grecs "^ ^'^' pour travailler à leur union avec l'Egli- Latine, Pendant ce tems Bologne s'étant foulevce contre le Duc, le Pa- pe y envoya Tes troupes avec celles des Vénitiens & des Florentins pour la re- Les Flo- couvrer. Ces derniers dans cette occa- rcntins {]on furent battus par le Général Pic- vant^Bo-" ^"^"^°- ^^ Général Tolentin fut em- lome. mené prifonnicr ii Milan après s'être défendu vaillamment. La République de Gènes lafTe de la domination Tyran- nique du Duc avoit auili fecoué le joug.

- H^^P"^ Le Duc, après avoir fait des efforts inu- de Milan -i ' f -n-

viole la ^^^^^ pour la recouvrer , envoya riccnii-

paix avec no contre les Florentins fans avoir au-

les Flo- cun é2;ard à une paix qui ne fiifoit que rentins. v^ ^ ■■ r^ r^ '^ ^

,^^^ G être conclue. Ce General pour mieux

p. 304 couvru" ion jeu hiiloit lemblant d avoir quitté le parti de Philippe, & d'aller dans le Royaume de Naples au fecours d'Alphonfe, fur lequel le Duc de Mi- lan avoit remporté une viftoire par le fecours des Génois. Mais François Sfor- ce que les Florentins avoient f<\it venir garda il bien tous les pafiages de l'Ar-

no

HisT. DE Florence. Liv. IL nj no * que Piccinino deferperant d'en ap- procher le retira du côté de Lucques, il pafla l'hyver fort mal à fon aife. L'année fuivante il alla à Parme afin 1437. d'y rétablir fon armée qui avoit beau- coup fouffert , & d'y fliire provifion de vivres pour fecourir Lucques. Cette Ville étoit vivement preflee par les Florentins qu'elle alloit fe rendre lors- que Piccinino arriva dans le Lucquois. Cependant comme il ne pût approcher Piccinino de la Ville il alla mettre le fiège devant ^^"" ^' Barga -\ il fut entièrement défait 03, après un combat fort opiniâtre.

Cependant le Duc de Milan avoit remporté plufieurs avantages conlîdera- bles fur les Vénitiens. Piccinino leur Siège de avoit enlevé plufieurs places dans leBergame, Bergamasque & il tenoit le fiège devant la capitale de ce Pais \. C'eil ce qui obligea les Florentins à envoyer Fran- çois Sforce à leur fecours. Il alla fe

pof-

* Rivière de la Tofcane qui baigne la Ville de Florence.

t Petite Ville du Florentin fur la rivière de Serchio.

1 Bergame , Ville de l'Etat de Venife à quel- ques milles de Milan.

H 5

ïî8 Vqggïana. Parf.III.

poflcr à Rcggio * afin d'être à portée de piller le Parmefan , ôc d'obliger Pic- cinino à lever le flège de Bergamc Le flège comme il fît. Le ficge de cette place ^^ *^"j, étant levé, Sforce revint à Lucques, fevé. V^^^' ^^ ernpêchcr l'approche à Picci- nino. Mais comme il manquoit de mon- de, & fur tout de Cavalerie, les Véni- tiens lui envoyèrent cinq cens chevaux pour le mettre en état de mieux refiller à l'ennemi.

Il y a une chofe remarquable dans ces guerres d'Italie; C'eft qu'on ne pou- voit jamais compter fur la fidélité des Généraux , parce que dès le moindre mécontentement ils le livroient au plus offrant , & trahifToient indignement leurs Maîtres. On l'a vu dans Augut , dans Piccinino , dans Rodolphe Varane , dans Carmagnole , & dans François Sfor- ce , qui , comme on l'a dit , avoit quitté le Duc de Milan pour fervir les Floren- tins. Il étoit alors aétuellement àlaSol^ de des Vénitiens , mais comme ils refu- ibient de le payer, parce qu'il n'avoit pas voulu pafTer le fous prétexte

de

* Regium Lepidum^ Ville de la Lombardie entre Parme & Modene.

HisT. DE Florence. Liv. H. i ip -jde quelque convention avec le Duc, ils François aliénèrent tellement l'erprit de ce Gé- Sforce néral qu'il penfoit à reprendre les inte- p"r" des rets de fon premier Maître. On pré- Vénitiens. tend même que les Vénitiens lui avoient déjà donné Ton congé. Comme la per- te d'un tel Général étoit d'une fâcheu- fe importance, fur tout s'il prenoit le parti du Milanois , les Florentins envoyè- rent le Grand Cofme de Médias à Ve- nife, oii il étoit fort confideré *, pour tâcher de reconcilier Sforce avec les Vénitiens. N'ayant pas réuffi dans cet- te Ambaflade il s'en alla à Ferrare Eugène IV. ténoit fon Concile.

Quoique les Florentins 6c les Veni- Les Flo- tiens fuffent alliez , il ne laiflbit pas'^^"""^ pourtant de furvenir entre eux bien des p^j^ avec fujets de méfiance. Jaloux de l'aggran- le Mila- difîement les uns des autres ils fe traver- ^^ois. foient fms cefle tout autant qu'ils pou- voient le faire fins blefîer les bienfean- ces de leur confédération. Les Véni- tiens

* 11 avoit été relégué pendant trois ans de Flo- rence à Venifc il s etoit acquis l'amitié de cet- te République. Voyez la Lettre de confolation que lui en écrit Pogge , & celle qu'il lui écrivit pour le féliciter de Ion rappel. Elles ne foitt point dattées. Po^g. o^. p. 312,, 339-

H 4

Ï20 VoGGiAiJ A. Part. III.

tiens avoient fait tout ce qu'ils avoiene pu pour engager S force à iquitter Luc- ques, fous prétexte de les fecourir, de peur que les Florentins ne fe rendilTent maîtres de cette Ville. Ces derniers de leur côté n'avoient pu fe réfoudre qu'à la dernière extrémité à envoyer ce Gé- néral à leur fecours. Les Florentins d'ailleurs étoient las de faire des guer- res au profit de leurs voifins fans rien acquérir pour eux-mêmes. La conquê- te de Lucques pour laquelle ils avoient fait tant de préparatifs ,. de dépenfcs , & de pertes leur avoir manqué par les intrigues des Vénitiens. Piccinino étoit dans la Romagne Florentine il avoit pris * Oriolo , ôc d'oti il fe propofoit de pafler en Tofcane. Dans cette fitua- tion ils ne crurent pas devoir rejetter les propofitions de paix qui leur furent faites par l'cntremife de Sforce après réconciliation avec le Duc de Milan fous des conditions fort avantageufes. Les Lucquois furent renfermez dans cette paix -, Le Duc d'ailleurs ayant re- tiré fes troupes du voifinage de la Tof-

ca-

■^ Petite Ville de l'Etat deTEglife entre Faycn- tt ôc Modene.

HisT, DE Florence. Lh. IL iix cane, la tranquillité y paroifToit entiè- rement rétablie. Mais l'inconllance ôc l'infidélité ordinaire du Duc de Milan trompa de fi belles efperances, comme on le verra bientôt.

Piccinino ayant quitté la Tofcane Hoftili- alla faire des conquêtes ailleurs. Il prit te?, du Ravenne^ Forîi^ Imola^ Bologne^ con- ^''J"ojs tre la parole qu'il avoit donnée au Pape Vénitiens. de le rendre maître de cette dernière p. 312. Ville. Pendant qu'il faifoit ces acquifi- 3'4' tions, 6c qu'il ravageoit tout le Cre- monois , le Duc de Mantoue quitta le parti des Vénitiens qu'il accufoit de l'a- voir voulu empoifonner , & fe rangea dans celui du Duc de Milan. Gatta qui Rit mis en la place du Duc de Man- toue enlevoit à Piccinino toutes Tes con- quêtes au delà du Pô. Mais ce dernier étant allé repafier le à grandes journées reprit d'abord Cazal qui ap- partenoit alors aux Vénitiens. S'étant joint au Duc de Mantouë, ils allèrent dans le Brefil^i oij la crainte de perdre leur moiffon obligea la plupart des Vil- les à fe rendre. Cependant Gatta s'étoit avancé du côté de Brefiè oi^i il étoit à craindre qu'il n'arrivât quelque révolte par les faftions des Guelphes ôc de^ ^ H j- Gi-

iiz VoGGiAViA. Part. IIL

Gibelins. Mais Francifco * Barhar9 qui y commandoit pour les Vénitiens , fit fi bien par fa prudence, par fa fer- ■r439' meté, & par fon Eloquence, qu'il enr p. 316. gagea les deux partis à s'unir pour leur commune défenle. Comme de leur cô- té Piccinino 6c le Duc de Mantouc fei- foient de grands progrès dans le Vero- nois 5 Gatta refblut de les aller atta- Combat quer. Le combat dura tout le jour &

entre les ^iQ fijt interrompu que par la nuit fans Milanois , r. ^ ^ j 1 '^^^ -^ '.'

& les Ve- 9*^ ^^^ P^^ lavon- de quel cote avoit ete hitiens. l'avantage. Cependant les Vénitiens mi- rent fur le une Flotte de cent foixan- te vaillcaux pour entrer dans le Man- touan , & obliger le Duc à venir défen- dre fon propre pais. Ils en donnèrent le commandement à Pierre de Lorete qui avoit battu la Flotte Genoife.

Comme Piccinino fe difpofoit à for- mer le fiège de Vérone pour faciliter celui de Brefle, Gatta ayant mis bon- ne garnifbn dans cette dernière place alla par des chemins 'Impraticables au fecours de Vérone ,& fit quitter à Pic- cinino le deflein de l'attaquer. Le Mi-

la-

* On en a parlé dans la première Partie de cet Ouvrage, pag. 76.

HisT. DE Florence. Liv. IL 125

lanois profitant de l'abfence de Gatta , alla mettre le liège devant Brefle. Les Siège de afîiegez firent d'abord une fortie qui ^^^flc.^ mit de ce côté-là les aiîiegeants en de- route 5 après en avoir fait un grand carnage. Piccinino outré de les voir rentrer victorieux dans leur Ville, pref- le fiège avec une telle vigueur que les Citoyens delérperant de leur falut parloient déjà de capituler j Mais Fran- tïfco Barharo releva tellement leur cou- rage par Tes difcours , par iîr valeur, & par ia bonne conduite , que tout le monde promit de périr plutôt Ibus les ruines de la Ville que de la rendre. Il pofta du monde dans tous les lieux ex- pofez à quelque infulte \ Ceux dont la fidélité pouvoit être fuipe6l:e, il les mit adroitement dans les endroits de la Vil- le oii il n'y avoit point à craindre de trahifon. Il prenoit d'ailleurs un foin particulier des malades , & faifoit enterrer les morts aux dépens du Pu- blic. Il fe donna pendant plufieurs jours divers combats fanglants entre les afîîegeants & les afîiegez qui fe y^iji^^re battoient de deflus les ruines de leurs jçs fem- tours 6c de leurs murailles. Les fem- mes de

mes ^i^effe.

1^4 POGGIANA. i'^r/. 7/7.

mes * donnèrent dans cette occafion un exemple extraordinaire de leur courage 6c de leur amour pour la patrie. Elles prirent toutes les armes , 6c fe parta- geant en diverfes compagnies elles ne ïè battirent pas avec moins de valeur & d'intrépidité que leurs maris. Après avoir eflliyé mille travaux pendant le jour, on paObit la nuit à réparer ce que les ennemis avoient détruit, 6c à éle- ver des remparts qui tinflent lieu de mu- railles. Pour furcroit de mifere , la pefte étoit dans la Ville , 6c on y man- quoit d'eau , l'ennemi en ayant détour- né le cours. Piccinino voyant l'inutili- té de fcs efforts contre des gens qui ne pouvoient être rebutez ni par les tra- vaux, ni par la pefte, ni par la fami- ne , ni par le carnage de leurs Citoyens, réfolut d'entrer dans la Vaille avec tou- te fon armée par la ruine d'une tour. Apres un combat furieux Piccinino fut contraint de fe retirer avec perte pour aller attaquer la Ville par un au- tre endroit. Il fut reçu par tout avec

tant

* Elles avoient à leur tête une Dame de qua- lité nommée Brayda de la Maifon des Avo^ara. /.31Z.

HiST. DE Florence. X/i^. //. iif

tant de vigueur de la part des aflîe- gez 5 que defetperant d'en venir à bout 6c craignant d'ailleurs la révolte de l'armée lalFe d'être la viélimc de fon opiniâtreté, il fallut qu'il levât enfin le picaninâ fiége au mois de Décembre, le conten- levé le ^ tant de laifTer quelque Cavalerie dans^iègede les places qu'il avoit prifes, afin d'em- ^^^^5 pêcher qu'il n'entrât des vivres dans la Ville. Il prit encore dans cette vue d'autres précautions qui furent rendues inutiles par la merveilleulè induftric des Vénitiens , qui en coupant Se forêts * 6c montagnes , trouvèrent moyen de faire tranlporter fur le Lac de Garde des vaifieaux chargez de grain pour ra- vitailler Brefle.

Quoique cette campagne eût été vantageufe aux Vénitiens ils ne s'en- dormirent pas pourlafuivante. Le Duc de Milan leur étoit fuperieur en forces, & ils ne doutoient point qu'au prin- tems il ne vînt attaquer Vérone ou Vi- f^«^(?, comme il le fit en effet. C'ell: ce qui leur fit prendre la réfolution d'avoir

re-

* Voyez la defcription de ce tranfport. PcggCy Hift. Florent, p. 317. 3Z8. L'invention en étoit due à un Ingénieur de Crète nommé ^arhle.

îi6 PoGGiANA. Part. III. recours aux Florentins, pour faire re° venir François Sforce à leur fecours 6c. de renouveller leur alliance enfemble, ce qui s'exécuta parl'entremifed'Euge- Piccininonc IV. Cependant Piccinino refolut âffiége d'entreprendre avec le Duc de Mantouë ment Ve- ^^ fiégc de Vérone avant que Sforce tone. pût la lecourir. Mais à peine le fîcge étoit-il formé, que l'arrivée de ce Gé- néral l'obligea de ie retirer avec fon ar- mée, content d'avoir pris des mcfures pour lui couper tous les paflàges de cette place.

Sforce après avoir repris làns beau- coup de peine la pliipart des places du Veronois & du Vicentin s'alla camper fur les bords de l'Adige pour être en état de fournir des vivres à Brefle, ex- trêmement preflee de la faim , aufîî bien que de la pefte. Piccinino ne negli- geoit rien pour empêcher qu'elle ne fût fecouruê. Il bâtit même une petite Efcadre que les Vénitiens avoient fur le Lac de Garde pour envoyer des vi- vres à cette Ville. Mais cette Efcadre fut bientôt reparée par la diligence de Sforce qui occupa toutes les places qui environnoient le Lac. Pour s'oppoier à ces conquêtes Piccinino s'alla camper

à

HiST. DE Florence. Lîv. IL 1 27 à l'extrémité du Lac qui regarde le u eft bat^^ Trentin. Après plufieurs Efcarmouches tu par les on en vint enfin à un combat décifif "^^î^cn^ Piccinino fut défait , 6c mis en fuite *.

Le Général Milanois voyant qu'il ne pouvoit tenir contre Sforce , quitta le Lac & s'en alla à Vérone dont il fc rendit maître par la trahifbn des habi- tans. Sforce étoit alors dans le Trentin li prend occupé à reprendre des places qui s'é- Vcronc, toient révoltées. Dès qu'il eut appris que Piccinino s'étoit emparé de Véro- ne, il alla en diligence avec fon armée pour la recouvrer , traverlant avec une fatigue incroyable des montagnes tou- tes couvertes de neige j fon arrivée re- pandit la joye dans la fortereiïë qui te- noit encore. Cependant les ennemis fortirent de la Ville pour lui livrer com- bat. Piccinino fut battu encore une fois, 6c obligé de fe retirer la nuit avec îeDuc deMantouë. Sforce après avoir çforceW recouvré Vérone s'en retourna fur le recouvre. Lac de Garde , 6c y fit équiper une après a-

Flot- "^^'^ ''^"^

Piccinino,

* Quelques Hiftoriens difenr , qii'afin ou'il ne fût pas pris priionnier un Soidat l'emporta' fur fes épaules dans un fac comme fi c'eût été des hardes. p. 334.

Ï440. p. 338. 339-

Perfidie du Cardi- nal Vitte- lefchi Lé- gat de Florence à l'égard des Flo- rentins.

128 P o G G I A N A. Part. ni. Flotte pour faire entrer dans BrefTe des munitions de guerre & de bouche. Pic- cinino chailé de tous cotez réfolut de repaffer le pour aller en Tofcanc dans refperance que les Florentins rap- pelleroient Sforce à leur fecours , fur tout dans une conjonéture ils en a- voicnt grand bcibin, ayant un redou- table ennemi dans la perfonnede Jean Vitelkfchi , Cardinal , Légat de Flo- rence , 6c favori du Pape.

Les Florentins av oient donné à ce Prélat vingt mille écus d'or, à condi- tion que pafTànt l'Apennin avec les troupes il iroit les fecourir eux & les Vénitiens, contre Philippe Marie. Mais au lieu de faire cet ufage de leur argent, il l'employa à aflieger Foligno *. Les Florentins s'en étant plaints au Pape s'attirèrent l'indignation du Cardinal j qui d'ailleurs en vouloit à François Sforce parce qu'il l'avoit chafle de la Marche d'Ancone. Il traita donc à l'in- fu du Pape avec le Duc de Milan à condition qu'il envoyeroit Piccinino attaquer Florence , qu'il ne croyoit pas

en

* Ville de l'Etat de l'Eglife dans le Duché de Spolctc. Elle appartenoit aux Florentins.

ttisf. fiE Florence. Lh. IL 1 10 en état de fe défendre -, On découvrit par des Lettres interceptées que fon dcflein étoit de faire mourir Eugène IV. ôc de fe faire élire Pape après avoir dompté les Florentins ; mais ces der- niers prévinrent fes mauvais defîcins. Un Ce Car« jour qu'il étoit forti de la Ville il fut dinal arrêté 6c reçut même un coup dont il ^'^-}^^^ . mourut peu de jours après. Cependant Piccinino entra dans le Florentin avec quantité de profcrits de cette Républi- que qui lui fervoicnt de Confeil contre leur Patrie. Les Florentins avoient alors peu de troupes & ils étoient li prefTez de la faim que le Général Mi- lanois avoit voulu profiter de l'occafion qu'il avoit de leur couper les vivres au lieu de s'amufer à piller, il auroit pu fe rendre maître de la Ville , fans beau- coup de peine. Mais l'alliance qu'ils fi- Les FIo-^ rent avec lePape,au(îi bien que les Ve-rentias nitiens, contre le Duc de Milan mit les ^ ^^^'^"^ uns & les autres en état de lui refifler.p^pe con-

La mort de Vitellefchi donna beau- tre le Mi- coup d'inquiétude à Piccinino parce '^"oi** qu'il avoit compté fur les troupes de ce Cardinal. Il ne fe fentoit pas affez fort avec les iiennes , êc il avoit honte de reculer. " If prit donc le parti d'aller:

l'o/n. IL I dans

130 PoGGiAN A. Part. IIL

dans le Cafentin * dont une partie étoit Trahifon occupée par le Comte François de Pop* du Comte^i ^ que les exilez portèrent à fe revol- Poppi. ^çj. çQj^i-j-e les Florentins en lui promet- tant de lui donner tout ce territoire. Pendant que Piccinino s'amufoit à de petites captures , il donna le tems aux Florentins de fc renforcer. Les trou- pes du Pape commandées par Louis \ Archevêque de Florence , arrivèrent dans l'Aretin oli elles furent jointes par celles des Florentins. D'autre côté François Sforce ayant pafTé le Mincio reprit toutes les places que Piccinino avoit conquifes fur les Vénitiens 6c rem- porta plufieurs avantages fur Tennemi.

Après la jonftion des troupes Flo- rentines & de celles du Pape on réfolut de marcher contre Piccinino qui s'étoic rendu maître de Peroufe ^ qui fe difpo- foit à afîieger plufieurs autres places. L'armée Florentine campa du côté de Borgo di San Sepulcro \ , Piccinino la vint joindre à grandes journées. Les

ar-

* Petit pais de la Tofcane à l'Orient de Flo- rence.

j Louis Mediarota. Il fut depuis Cardinal.

^ Ville de la Tofcane fur le^ Tibre à douze lieues de Florence.-

HisT. DE Florence^ Liv: IL xi, \

armées étant en préfence , on fe battit

long-tems avec un avantage à peu près

égal i mais la Cavalerie de Piccinino piccinino

ayant plié, toute fon armée fut défaite, battu par

& il prit lui-même la fuite. Ce Gêné- ^^^ ^J.^"'

rai fut fi honteux & fi mortifié de cet- p" ^

te défaite qu'il voulut par deux fois fe des Flo-

paller fon épée au travers du corps, 6c rentins*

il l'auroit fait s'il n'en avoit été empê- Jf^lf* . , r r\ -1 . . r tourne à che par ion fils qui ne le quittoit point. Milan»

Il s'en retourna à Milan ou il avoit été rappelle plufieurs fois par le Duc dont les affaires alloient en décadence. Pic- cinino difoit lui-même que c'en étoit fait de Philippe fi les Florentins avoient retenu les Officiers & les Soldats vété- rans qu'ils avoient pris prifonniers , au lieu de les renvoyer, comme ils firent. Après cette viétoire, l'armée marcha dans le Cafentin , 6c en reprit toutes les places. Le Comte de Poppi fut affie* dans propre ville 6c obligé de fe rendre, trop heureux d'avoir obtenu la vie 6c la liljprté après une fi infignetra- hifon *. Piccinino cependant leva

prompt

* Ce fut le dernier d'une famille très-noblè & très- ancienne qui avoit fleuri en Italie pendatii 4G0. ans. p. 350.351.

I %

t^z VoGGJAt^ A. Part. IIL

promptement une armée pour tâchei' de relever le Duc des pertes qu'il fai- foit tous les jours par les conquêtes de 144 1. Sforce. Il entra en campagne dès le P-353* commencement de l'année, enleva fur rOglio plufieurs places aux Vénitiens, pendant que François Sforce demeu- (a)Dansle î"oit fms rien faire à Pefchiera (a) amu- ycronois. par des efperances de paix. Dès qu'il eut appris les progrès inopinez de Pic- cinino il raffembla au plus vite fes trou- pes difperfées en diverfes villes pour hi- verner. Le Duc Pendant ce temps-là le Duc de Mi- dc Milan j^j-j p^^j. f^jj-g diverfion traita avec Al- traiteavec,- r j tvt 1 t

Alfonfc ^^^^^ ^°^ ^^ Naples pour 1 engager a Roi de reprendre dans la Pouille plufieurs pla- Naples. ces que fon Père y avoit pofi^edées, 6c qui appartenoient alors à Sforce , efpe- rant qu'il viendroit les défendre. Alfon- fe n'eut garde de manquer cette occa- fîon i mais Philippe n'en profita pas. Sforce aima mieux perdre {ç:s propres Villes que de diminuer ies troupes pour les aller fecourir. Il marcna avec une armée de vingt cinq mille hommes à Cignano * bourg du Brefian oii étoit

Pic- * A douie milles de Brefle,

HiST. DE Florence. Liv. IL i j ^ Piccinino avec treize mille feulement. Quoiqu'il s'y fût fi bien fortifié qu'on ne pouvoir l'attaquer fms grand dan- ger , Sforce ne laifili pas de lui livrer Combat combat -, mais comme il perdoit beau- ^"^''^ 1^.^ coup de monde , parce que l'ennemi ^ 'le," vc- avoit rendu les chemins impraticables il nitiens. aima mieux faire une retraite honora- ble que de- hazarder fon armée, con- tent d'avoir forcé les retranchemens de Piccinino, & de l'avoir réduit à la ne-

celîîté de combattre. Une aétion de n t,

j ,, Belle re*

cette vigueur donna une telle reputa- traite de '

tion à Sforce qu'on fe rendoit à lui de Siorce.

toutes parts. Il étoit occupé au liége

d'une place* importante dans le Berga- * Marti-

mafque, lorfqu 'ayant reçu la nouvelle '^^"i"»

d'une trêve conclue entre le Duc & Trêve

les Vénitiens, il leva le fiëge 6c mit bas, *^*^ ^^

les armes. Ce fut un grand plaiiïr de

voir ces deux Généraux s'embrafîér

cordialement 6c fe féliciter l'un l'autre

de leur bravoure , après s'être battus

avec tant d^nimofité. ; ;^ '

La paix fuivit de près la trêve. Cha- cun rentra en pofTeflion de ce qu'il avoit perdu , les Génois furent compris dans l'alliance, 6c François Sforce eut Cré- mone , le Cremonois ôc Pontremo*

i^4 VoGGiAvi A. Part. m.

François le ^ ^ pour la dot de Blanche fille du Sforce Duc de Milan qu'il èpoufa auffi-tôt a-^

fiiie^du * p^^^ ^^ p^^^* ^^ "'y ^^^ ^"^ ^^ ^^P^ ^^^

Duc de ne trouva pas fon compte à ce Traité Milan ,& quoiqu'il y eût (ts Légats > Il fe plai- *:rahi g^^j^ hautement de ce qu'on ne lui avoit

par

beau-pere.pas rendu Bologne & les autres Villes de la Romagne , & il s'en prenoit à Sforce qui avoit été l'arbitre de cette paix. On prétend néanmoins que Sfor- ce fit ce qu'il put pour faire avoir Bo- î44i. logne à Eugène IV. mais que Philippe

F- 3 59' qui ne demandoit pas mieux que d'avoir une occafion de brouiller, n'y voulut jamais confentir. Quoiqu'il en fbit, Sforce s'en alla avec fa nouvelle époufe dans la Marche d' Ancone dont il pofle- doit une grande partie, ne s'attendant pas, après une paix fi folemnelle , d'y être pourfuivi par les intrigues de Phi- lippe fon beau-pere.

Ce Duc , à qui fon gendre étoit fufpeét parce qu'il favorifoit les Vénitiens, fît ?444' propofer au Pape de l'en chafler , lui offrant pour cela des troupes 6c de l'ar- gent. Le Pape irrité contre Sforce de

ce

* Petite Ville dans la Tofcane fur les confins (de Gçnes & de I^rme,

HiST. DE Florence. Zz^'. //. 135* ce qu'il n'avoit pas eu Bologne, à ce qu'il prétendoit p^r la faute de ce Gé- néral, n'eut pas de peine à fe refoudre à faire éclater fon refîèntiment. Pour en venir à bout il s'allia avec le Duc , 6c avec Alfonfo Roi de Naples qui crai- gnoit que Sforce ne vînt reprendre les places qui lui avoient été enlevées l'an- née précédente. Alfonfe vint dans la Sforce eft Marche d'Ancone,en chafTa Sforce, ^cf^'^^Jj^^^^ la reftituaauPape. Eugène non content d'Ancone de cette acquiiîtion méditoit la guerre par le Roi contre les Florentins qu'il accufoit d'à- ^.^ ^'*" voir donné du fecours à Sforce contre lui. Il fembloit pourtant qu'ils duffent être quittes de leurs allarmes par la mort Mort d'Eugène IV. arrivée en 1446. 6c par^'Eugene

celle de Philippe Duc de Milan en {7'^'^'»

-1 j 1 T> .Duc de

1 447. mais ils trouvèrent dans le Roi Milan.

de Naples un ennemi auquel ils ne s'at- tcndoient pas.

Ge Prince qui étoit à Tivoli * , * avoit Alfonfe été en fufpens après l'éleétion de Ni-j^"^^}^^ colas V. s'il fe retireroit, ou s'il pouf- j-g^tins ferpit le projet d'Eugène contre les par le Sic- Florentins. Dans cette fituation deux"^^^-

c:„_ 1447.

^^^ p. 60.

* Ville de la Campagne de Rome à feizc mil- les de cette Capitale.

14

1^6 PoGGIANA. P^r/. ///. -

Sienois * mécontens, l'étant allé trou- ver lui periliaderent d'attaquer Floren- ce par Sienne , dont ils s'engageoient à le rendre maître. Il arriva en même tems que le Général Simonette quitta le parti des Florentins pour prendre celui du Roi , ce qui redoubloit (es efperan- ces. Elles furent pourtant vaines i les Sienois lui reluferent l'entrée de leur Ville , laiflant feulement à fon armée la liberté de prendre des vivres dans le Pais, pour aller enfuite piller le Flo- rentin. Les Florentins fe voyant ainfi attaquez à Timprovifte prirent toutes les mefures néceflîures pour fe défen- dre. Ils levèrent en diligence des trou- pes pour garder leurs frontières du côté des Sienois & appellerent à leur fecours i7W<?r/V Comte d'Urbin leur ami 6c leur allié, qui vint promptement avec mille chevaux 6c huit cens fantalîins. Alfonle ne fit autre chofe cette année que de prendre quelques places de peu d'impor- tance fur le Florentin , & fe retira en quartier d'hiver à Piombino place -)" que

Re-

* L'un d'eux ctoit Antonio Pctruccio, ennç-^ STii des Florentins.

f Place maritime entre le Sienois & le Pifan, fgus la proteâion dçs Floientins,

HisT, DE Florence. Liv. II. 1 37

Renaud des Urfins qui y commandoit i44§. avoit très-bien munie de toutes chofes par le fecours des Florentins qui y a- voient envoyé des troupes par mer 6c par terre. Après avoir paflè tout l'été à ce fiège, il fut enfin obligé de le le- ver, &; de s'en retourner à Naples avec les foibles refies de Ton armée. L'année ^,,^ fuivante par l'entremife de Nicolas V. p. 366, on fit une paix qui ne dura pas long- tems.

Le Duc de Milan étant mort fans cnfans , oc les Milanois ayant recouvré leur liberté, ils ne penfoient qu'à vivre en repos , lorfqu'ils furent attaquez par les Vénitiens qui jugèrent l'occafion favorable pour s'emparer de la Gaule Cifalpine. Ils y avoient déjà pris Plai- fance ôc Lodi , par le moyen des Guel- phes qui leur livrèrent ces villes. Dans cette extrémité les Milanois appelle- rent à leur fecours François Sforcc qui étoit dans leur voifinage. Ce Général mit d'abord le liège devant Plaifance les Vénitiens avoient mis une forte garnifon &: fait bâtir deux Citadelles. Il la prit en un feul combat dans lequel Sforce }1 manqua d'être tué parce quefonche- Fend val étant tombé fous lui il étoit accablé fj 'les Ve^ I S denitiens,

138 l^oGGi AN A. Part. III.

de pierres & de flèches. Enfuite ayant pafle l'Addc il bâtit & mit en déroute l'armée des Vénitiens devant Caravag- gio *. Après cette viétoire il fe difpo- foit à prendre Brcfîè que les Vénitiens n'étoient plus en état defecourir. Mais les Milanois eux-mêmes craignant que Sforce devenu trop puifTant ne les op- primât, empêchèrent lécretement qu'il ne tlt cette conquête, La mésintelli- gence s'étant mile entre eux 6cleur Gé- néral , les Vénitiens en profitèrent pour traiter avec lui. Ils lui promirent, ou- tre la Ville de Lodi , treize mille écus d'or par mois pendant trois ans , 6c trois mille hommes de Cavalerie s'il vouloir Sforce le déclarer contre les Milanois. Sforcé

reprend touiouis inconltant accepta le parti, 6c le parti ,/ •* ^ 1 ' j r " ^ -i 1

des Veni-^ étant mis a la tête de les troupes il al-

tiens. Les la former le fiège de Pavie "f , efperant

Milanois d'en venir aifément à bout parce que

&les Ve- 1 / . ,/. ^ ^ r

ritiens fe ^^^^^ place etoit déjà extrêmement prel-

liguent fée de la faim. Mais les Vénitiens ai- contre lui, merent mieux fe liguer avec les Mila- nois contre Sforce, que de lui laiflér

fai-

* Bourg du Milanois célèbre par cette victoire. I Pavie Capitale du Pavefc à quelques mil- les de Milan,

HiST. DE Florence. Lîv. II. i^p

faire une conquête de cette importan- ce.

Une puifTante Ligue auroit réduit Sforce en fumée les projets ambitieux de Sfor- PF^"^ ^^' ce fans le fecours de Cofme de Médias fecours de l'un des plus grands Capitaines, & une Cofme de

des meilleures têtes de fon tems. Encou- Medicis , X ^ ^1 -M ^ r^ oc devient

rage par un tel appui , il continua le lie- y^^^ ^^

ge de Pavie & prit enfin cette Ville Milan. par compofition. Cette conquête le 1449. rendit maître de tout le Milanois. 11 P"^ ^^^' s'en mit en polTeflion , & prit le nom de Duc de Milan. Les Vénitiens allar- mez d'un voifinage fi redoutable réfo- lurent de faire alliance avec le Roi de Naples &: avec les Florentins , s'ils vou- loient y entrer, afin de chafler Sforce, & de joindre le Milanois à leur Etat. Cofme de Medicis qui avoit la princi- Les Flo- pale autorité à Florence, voyant bien rentins rc- que les Vénitiens ne recherchoient l'ai- ^"^^"^ ^^ liance des Florentins que pour s'aggran- ^,^^(1 j^g ' dir dans l'occafion à leurs dépens fit ré- Vénitiens. pondre à l'Ambalïïidcur de Venife que tout étant en paix il n'étoit pas befoin de faire de nouveaux Traitez. Les Vé- nitiens irritez de cette réponfe firent chafier par un Edit public tous les Flo- rentins de leur Ville , & le Roi d' Arra-

gon

r^o VoGGi AN A. Part. III.

gon en fît de même à leur follicitation. Les Florentins ne dévoient pas être fur- pris de cette démarche des Vénitiens puifqa'ils av^oient donné du fecours à Siorce, 6c qu'ils ravoi:"nt félicité de la nouvelle dignité par une Ambaflade.

145 1. Cependant ils envoyèrent des Arnbaiïâ- deurs pour s'en plaindre comme d'une rupture & pour faire en même tems des propofitions de paix. Mais ces x\m- balllideurs ne furent pas même écou- tez , fous prétexte que les Vénitiens étant en alliance avec le Roi de Na- pies, ils ne pouvoient traiter avec pcr- fonne à fon infu.

Guerre ^^ fallut donc fe préparer à une nou- entre les velle guerre. Pour en foûtenir le poids Florentins jes Florentins par le confeil de Cofme

. .^" ' de Medicis dont l'avis l'emporta, re- nouvellerent alliance pour dix ans avec le nouveau Duc de Milan. D'autre côté les Vénitiens avoient pour Con- fedcrez le Roi de Naples, & les Prin- ces de Savoy e , du Montferrat & de Carpi *. Le Roi d'Arragon devoir at- taquer les Florentins pendant que les Princes qu'on vient de nommer agi-

roient * Principauté dans le Duché de Modene,

HisT. DE Florence. Liv. II. 141 roient contre les Milanois. Ayant donc aflemblé leur armée ils allèrent d'abord attaquer le Cremonois dans le tems de la moifîbn. Mais Sforce après avoir pris plufieurs places fur les Vénitiens & avoir pafTé l'Oglio avec Ton armée marcha contre eux dans le deflein de leur préfenter le combat. Se Tentant trop foibles pour l'accepter, ils s'allè- rent retrancher entre Brelîè & Berga- me dans des marais Sforce ne pou- voit pénétrer. Apres avoir pris plu- lîeurs Villes dans le BrelTan Sforce s'alla camper vis-à-vis des ennemis pour tâ- cher de les attirer au combat , mais il n'y eut pas moyen de les faire ïbrtir de leurs retranchemens. Alexandre Sforee frère du Duc fit même dans cette Cam- pagne une perte aflez confiderable. E- tant parti pour aller à Lodi avec mille chevaux dans le deflein de couvrir ce païs-là 5 il fut furpris en chemin par une embufcade. Une partie de fa Cavale- rie fut taillée en pièces ou faite prifon- Riere. Le refte s'échapa comme il put. Mais il fe vangea bien tôt de cet affront. Ayant fu que les gens qui l'avoient LesVe» furpris s'étoient retirez dans des lieux "^^'^"^ marécageux 5 il raflcmbla autant de tus paf îc

mon- Milanois.

Les Flo- rentins attaquez par les Napoli- tains 8c par les Vénitiens ont re- cours au Roi de France.

142 PoGGtA^TA. Part. m.

monde qu'il put , 6c ordonna aujc gens de pied de prendre avec eux des fagots de (arment & d'arbuftes pour pou voir jetter dans le marécage. L'ayant pafle pendant la nuit ils trouvèrent les ennemis endormis & mirent le feu dans leurs tentes. La pl^.is grande partie fut mifcrablement confumée dans les flam* mes,& les autres s'enfuirent nuds& fans armes. Alexandre ravi d'avoir fi bien pris fa revanche s'en alla rejoindre le Duc fon frère.

Cependant le jeune Ferdinand * fils d'Alfonfe Roi de Naples étoit dans le Florentin avec une armée d'environ quinze mille hommes occupant plu- fîeurs places ôc faifant de grands dégâts par tout le pais. D'autre côté la Flote d'Alfonfe faifoit des conquêtes mariti- mes. Les Florentins avoient de bons Généraux , mais trop peu de troupes pour pouvoir réfîfter à l'effort des Vé- nitiens 6c des Napolitains joints enfem- ble, d'autant plus qu'ils ne pouvoient

ti-

* Ce Prince commandoit fous Frédéric Com- te d'Urbin. Il faut ou que ce dernier eût change de parti, ou que ce fût un autre qui portât les mêmes noms; C'eft à celui ci que le fils de Pog- gc dédia rHiftoire Florentine de fon père , comme on l'a dit dans la première Partie de cet Ouvrage,

HisT. DE Florence. Lh. IL 143 tirer aucun lecours du Milanois occupé à défendre fon propre païs. Ils envoyè- rent donc des Ambafladeurs (a) à Char- (a) Ange- les VII. Roi de France pour lui deman- î^ ^'^^*' der du fecours, lui offrant de leur côté pra^ncifco de l'ailifter à mettre René d'Anjou enVenturio. poflèfîion du Royaume de Naples. Cet- te Ambaflade ne fut pas inutile. Car le Roi de France apprenant que le Duc de Savoye fe difpofoit à aller attaquer le Mi- lanois envoya en diligence douze mille chevaux menacer le Duc de lui déclarer la guerre , s'il ne mettoit bas les armes.

Le Savoyard intimidé par cette dé- claration , laifla le Milanois en repos ou 5 au moins , ne le traveifa qu'indi- reftement, comme il fit, en obligeant Palavic; René d'Anjou à changer de route pour L.. VI. aller en Italie. P;3i^.

L'Année fuivante René d'Anjou , & René cnfuite Louis Dauphin de France étant d'Anjou entrez en Italie pour fecourir le Mila- ^ "^,^^ ^^ nois 6c les Florentins , les Vénitiens fccounr""^ penferent aux moyens de terminer la les Flo- guerre. Comme ils fe tenoient tou- rentins. jours retranchez dans leurs Marais du Breflan , François Sforce les avoit inu- tilement provoquez au combat pendant tout l'été. Mais enfin comme ils man-

quoient

t44 VoGXiiAt^ A. Part. I/I.

quoient de vivres & qu'ils craignoient d'ailleurs d'y être forcez par deux ar* mées qui les tenoient prefque inveftis, ils prirent la réfolution d'aller dans le Veronois, près du Lac de Garde. Cet- te retraite donna occafîon au Duc de Milan de recouvrer quantité de places dans le Breflan , 6c fans la rigueur de la faifon il auroit pu reprendre BrefTe mê- me. Les Florentins ayant de leur côté levé une bonne armée avoient repris la plupart des Villes 6c des Forts qui leur avoient été" enlevez par les Napolitains. Il quitte Cependant René d'Anjou quitta l'Italie ^^ ^^' pour s'en retourner en France au grand regret du Duc de Milan. Pour les Flo- rentins, ils n'en furent pas aufîi fâchez. Ils avoient recouvré prefque tout leur païs, &il n'étoit pas de leur intérêt que le Duc de Milan devînt trop puifTant.

Toutes les troupes de part 6c d'autre étoient en quartier d'hy ver oîi on ne ref- piroit que la fin d'une guerre dont la plu* part étoient las. Nicolas V. profita de cette difpofition pour tâcher de pacifier l'Italie dans le defiein d'envoyer du fe- cours aux Chrétiens contre les Turcs. Il fe fit donc envoyer des Ambafiadeurs de chaque part pour en traiter. Mais

le

HiST. DE Florence. Liv. IL I4f

le Roi Alfonfe en parut fi éloigné, & faifoit des propolitions fi derailonnables au gré des uns & des autres, que pour lors on ne put rien conclure. Un Religieux Vénitien , nommé Léonard Camerte , fut plus heureux que le Pape dans cette ne- gotiation. Les Vénitiens jugeant bien qu' Alfonfe ne cherchoit à prolonger la guerre que pour s'aggrandir aux dépens de Tes voifins , envoyèrent à Ion intû ce Moine au Duc de Milan pour fonder fès intentions fur la paix ou fur la guerre. Léonard trouva le Duc difpofé à la paix j Il en régla (ecretement avec lui les con- ditions par ordre des Vénitiens. Quand on fut convenu de tout ils envoyèrent à Milan Paul Barbe (a) neveu du Pape , 1454. pour en traiter publiquement, de con-P- 3S^- cert avec les Florentins qui avoient aufli i^^"^?^^. un Ambafladeur à Milan. Cette paix fut le Duc de conclue au mois d'Avril de 1 4^4. à con- Mihn , dition que chacun reprendroit ce qu'il ^" ^'^^'" pofledoit avant la guerre &quc les exi-j^g ^[0- lez 6c les priibnniers rappeliez & misenVentins Liberté rentreroient dans leurs biens. On ^'^^''^ '-^ envoya cependant des Ambaffadeurs de|^^|^^^^^^-_ part & d'autre au Roi de Naples pourfc duP> Tom. LL K luipe.

(a) Frère de Pierre Barbe qui fat depuis Pauï Ibus k nom de Paul II.

r4'5 P o G G 1 A N A . Part. III. lui donner avis de ce qui s'étoit paflc. Le Pape qui de fon côté deiiroit ardemment d'aller au devant de tout ce quipourroit troubler une fi heureufe union, envoya le Cardinal Capranka^^ct Monarque, pour l'engager à s'y joindre. Alfonfe qui ne rcfpiroit que la guerre, Se mécontent d'ailleurs d'avoir été négligé dans la paix, fut long tems combattu. Mais il feren- 1455. dit enfin aux raifons ^auxinftancesdes Ambafiadeurs. La paix fut donc confir- mée à Naples , fous les mêmes conditions qu'à Milan, à la réferve de quelques pe- tits changemens qu'on y fit en faveur d'Alfonfe. Machiavel rapporte qu'il fe réferva la liberté de faire la guerre aux Génois-, à Sigif^nond Malatejta , & à JJlor Prince de Fayence. L'événement fit voir que cette clauCe n'étoit que pour laifler des femences de guerres en Italie. Le Pape entra dans cette alliance en qua- lité de Médiateur & d'Arbitre &: il fut refolu qu'il feroit Juge des démêlez qui pourroient furvenir entre les Alliez 6c que perfonne ne prendroit les armes fins fon confentement *.

» ici finit l'Hiftoire Florentine de Pogge qui fur- vecut quitte ans à cette paix. On peut en voir la luitc tiausTHiftoireFlorcntiiiedeNicolas Machiavel.

FIN de la III. Part. ^f« P o G G i a n a.

POG-

POGGIANA.

Quatrième Partie,

Contenant les bons Mots de P o g-

G e é^ des Hommes lUuflres

de fin tems.

K 1

AVIS

Sur les bons mots de P o g g e.

^^^î^ Es Recueils de bons mots font T ip crim ufage fort ancien. Il a ^^fjTJi^^ paffé des Orientaux aux Grec s ^ des Grecs aux Romains, fuies Ce far avoit fait un Livre ^'Apo- phthegmes , ou il marquoit foigncufe- ment les bons mots de Ciceron. Ce feroit une chofe bien curieufe de voir un Cice- roniaiia de la façon de ce Héros qui ne fe diftingua pas moins par les belles Lettres que par fa valeur. Audio Ciciarem, cum volumina jam confecerit à^cCpôcyf^ftTwv, Epid, ad Il quod adferatur ad eum pro meo, quod &"V'' ^• meum non fit, rejicere iblere. Comme ^^^' ^' Céfar a pa£e pour un homme judicieux ^ de bon goût ^ peracre judicium, ces mots fer oient apparemment mieux choifis^ que ceux qu^ avoit recueillis V affranchi de Ciceron^ dont ^lintilien dit ^ ^/^'// y^- Quint. L, 7'Qit à fouhaiter^ qu'il n'en eût pas mis ^•^* '^' K 3 en

ifo AVI S.

en fi grand nombre , 13 qii'il eût fait pa^ Yoitre plus de jugement dans le choix , que de travail dans la compilation. Les bons mots de Ciceron dévoient être fort plaifans^ car il et oit grand rieur.

On apprend de Suétone^ qu'Hun certain

Grammairien .y nommé Caïus IS'IelKTus,

Efclave de Mécénas , avoit fait plufieurs

volumes de bons mots , fous le titre de

Libelli Badincrics, ou.^ Plaifanteries, que Mon-

ineptia- ji^j^.. ^/^ /^j Monnoye a appelle , le Soti- Her de Melifius, norn qu'il donne aufji aux bons mots r/'Hieroclès. Si ces Re- cueils fubfifloicnt encore , je les termine- rois en Ana, 6? laijjcrois au peuple de Paris [on Sotilîer. Monfieur de la Mon-- mye ne nous apprend pas quiétoitcet Hic- r oc lès y dont il rapporte un Conte en fort Vie jolis vers François. M. Daeier , qui en a

d'Hiero- traduit q:ielques mots fort ingénus ^ le

clés p. (^)-Qit différent du Philo fophe , Commen- tateurde pythagore y appuyé fur la dif- férence du file.

Suétone nous apfrend un peu plus de Suet. de nouvelles de Melifins. Voici ce qu^il en

Illuftiib. dit. Cétoit un Gentilhomme de Spolete^

Gram- ■^. ^^^^ ^ eau le de la mesintcllizencc

mat D

72.0." ' ^^^^^'^ fi''^ P^^^ ^ fi ^'*'''^ 5 ^^'^ ^^ ^'^^'^' peur d'être expofé dans fon enfance. Il

fi

AVIS. ifi

fe trowva néanmoins quclcun , gui prit foin de fon éducation^ ^ qui lui ayayit fait faire de bonnes études , en fj pré- fent à Mécénas comme d'un habile Gram- mairien. Il porta même le nom de Mécér nasi^ eut une grande part dans fon ami- tié. Il entra comme Efclai-e chez ce fa- 'vori d'' Augufte , 6? il préféra fous un ici Maître fa condition d'Efcla-ve à fa naiffance ^ quoique fa mère le redeman- dât. Cependant Mécénas l'affranchit. Devenu Affranchi il guigna les bonnes grâces d' Augufte^ qui le fit fon Bibliothc- caire. A Page de foixante ans il fe mit à compofer ces Recueils de plaifanteries ^ dont je viens de parler ^ libellos incptiii- iam,qiii nunc jocorum infcribuntur *. // mit la dernière main à cent cinq volu- mes ou feuilles (libellos) de ces plaifante- riesj (^ y en ajdûta dans la fuite plu- ficurs m-Ures. Il fit un autre Ouvrage fur lequel f alléguerai les propres paroks de Suétone de peur de me tromper. l'Vcit & novum genus Togataium "j", infcripHt-

* Le Savant Heinfius a cru que ces plaifantc- ries croient tirées des Fables d'Eibpe. Voyez la note fur Ovide de Pont, L. IV. Fl. ult. j^. 29.

t TogatA étoient des efpeces de Comédies. Voyez Suetonc Ncron. H.

K 4

tfi AVI S.

que Trabcatas. 'je croi que pour ne pas fnultiplier les êtres fans necejfité ^ comme fait ici Moreri , on peut compter que c'efi ce même Mcliffus dont parle Ovide , com- me d'un Poète Comique.

Mufaque Turrani Tragicis innixa cothurnis , Et tua cum focco Mufa, Meliffc, levis *.

On peut juger que les bons mots de Pogge itoient à peu près du même caractère , que ceux de Meliffe ^ d'Hieroclês ,. par ce qu'il en dit lui même dans fa Préface. Du tems de Martin V. élu Pape au Concile de Confiance en 1417- quelques perfonnes d'efprit.^ entre le [quelles et oient Pogge Florentin, Antonio \^w{c.o .^com- me lui , Secrétaire de ce Pape , Cincio Romain ^i^ Razello de Bologne ^avoient pratiqué dans le Vatican un petit réduit ^ oii ils s'' affemhloient pour parler librement de toutes chofes de tout le monde. Ils appelloient cet endroit Buggiale, ce qui enr Italien fignifie , un lieu de recréation , ou Von débite des fables ^ des bagatelles^

* Ovid. de Pont. El. ult. On peut voir la note de Heinfius fur cet endroit d'Ovide. On y trouvera quelques édairciffemens fur Meliffus.

AVIS. . if^

^ oùVonfe divertit aux dépens de qui il appartient. On y difoit des nouvelles^ on y f ai f oit des contes ^on frondoit contre tout ce que l'on n'approuvoit pas ^ ^ on ap- prowvoit fort peu de chofes j fur tout on n'y épargnoit pas le Pape ^ qui pour V or- dinaire et oit mis le premier fur les rangs. Cefi de cet endroit que font fortis la plu- part des bons mots , ^ des rencontres qui fuivent. Ils ne font pas tous de Pogge^ mais comme c'efl lui qui les a tous recueil- lis^ on a cru qu^ il et oit jufle de les met- tre fur f on compte.

Il a fallu au refîe beaucoup de choix pour faire ce petit Recueil .^parce que par- mi les Facéties de Pogge il y a quantité d' obfcenitez- , d'ordures i^ de pauvretez ; fort fouvent vrai Sotilier. // a tâché de faire fon apologie là-defjus , mais il fs défend mal. Il efi bien permis quelquefois de dire la vérité en riant ,

----- ridendo dicere verum Quis vetat ? mais il n' efi jamais permis de blefferV hon- nêteté y la pudeur. Je ne fai même f les habitans de Tai'ente^^(?Corenza*/'û//r K f qui

* A facetis&humanis.ficutLuciliusàConfen- tinis & Tarentinis , legi ciipio. loi. I. Voyez Ci- ceron dt Un, bon, o" mal, L. I. 31. 51.

îf4 AVIS.

qui Poggc fait prof effion d'écrire cesCori' tes^tout plaifans qu'ils étaient ckleurnsi' turel , lui auroient pardonné la licence qu'il s'efi donnée ici. On peut bien delaf- fer (^ amufer fon efprit après un grand (a) ^^^ctx.fra'uail^ comme faifnent Scipion {a) l^ de Urat. L^gjj^s^ y^-^i^ ji j^^mf q^^ /^j amufemens

p. '310. [oient innoce ns honnêtes^ comme Vé- tcient les leurs.

Pcgge efl d'autant plus coupable de s'ê- tre émancipé comme il a fait ^ que lorf- qu'il ra'majjà ce Recueil il ctoit dans un âge , oh il n'y a plus que le retour invo- lontaire à l'enfance , qui puijfe faire ex- cufer les fotifes ^ les folies. Cependant il par oit charmé de ces Contes 13 il s'en ap- Pogg. plaudit dans fon Inve^tii-e contre Laurent Op. p. Valle^ qui les ai) oit critiquez.. Il pré - ^^^' tend rnème qu'ils faifoicnt ks délices des

Savans^ t3 qit'on les lifoit avec avidité dans toute l'Europe. Ce bel Efprit nous donne ici un grand exemple de l'aveugle- ment des hom'mes fur leurs propres dé- faut s {3 fur leur s propre s Productions. An- toine de Palerme fon ami , homme à bons ou à mechans mots^ avoit fait rm Pocmc licentieux , fous le titre ^'Herma- phrodite. Dans une Lettre que Pogge hi écrit là-dcfjus^ il fait ?nain bajjé fur

tes

AVIS. iff

les Anciens qui ont écrit des ohfcenitez , comme Catulle, Martial ^c. fans épar- gner même les Platons ^ les Gâtons, chez qui la gravité Pbilofopbique a quel- quefois foujfert de grandes éclipfes. Il n'ell point permis à un honnête hom^ me, dit Pogge^ de badiner comme un valet, ni à un homme d'cfprit de le faire comme un bouffon *. Il exhorte en mê" me tems fon ami à fe corriger de ce défaut, Ainfi Pogge s''efl fait par avance fon pro' ces à lui-même ^ fans attendre celui que lui ont fait là-dejfus le Grand Erafme l^plu- fteurs autres^ avec beaucoup de raifon.

On trouvera fans doute que parmi ces bons mots ^ il y a bim des jeux de mots^ mais on doit confiderer que c'^étoit le goût de ce tems-là , ^ il n'eft pas indigne d'un homme de Lettres^ de connoître les dif- férons goûts de chaque fecle. D"" ailleurs quoique les bons mots , qui confiflent dans les chofes mêmes ^ foient de beaucoup pré- férables à ceux qui ne roulent que fur des paroles^ ou des tours de phrafe ^il ne faut pourtant pas toujours rejetter ces derniers

avec

* Diverfa funt gênera jocandi , aliud liberum hominem, aliud fer vum decet, aliud facetum, aliud fcurram.

if6 AVIS.

a'vec trop de chagrin, ^and un jeu dp mots n^efl point médité , quil coule de fouace 5 ciu'il fe dit à propos ^ fur le champs qu'il na rien de trii)ial i^ de bas^ mais qu^ au contraire il a je ne [ai quel air nouveau , il plaît toujours ^ isS il plaira dans tous les fiecles. Si l'on retranche les jeux de mots des bons mots des plus grands hommes^ il en rejlera fort peu. ^l'on lij} non feulement Plutarque , Diogenc La'érce , Jthenée , Aulugelle Isj les autres Anciens^ mais même les Modernes qui ont fait de pareils Recueils .^ on y trouvera quantité de mots qui pour n'être que des pointes ne laiffmt pas de faire plaiftr. Un bon mot qui confifle dans la chofe mê- me peut avoir de la fine£e , de la for ce ^ du fel 6? même de la fublimité ^ attirer V ad- miration^ obliger ou off enfer plus vivement^ mais le jeu de mots a V avantage de di- vertir. En un mot , ceux qui ne parlent que par pointes font ridicules i^ méprifa- hles ; mais la délicatefj'e de ceux , qui n'eu faur oient fouffrir aucune , quelque bien placée qu'elle f oit ^ approche beaucoup du précieux.

On ne peut pas dire que ces bons mots le foient tous également^ s'il y en a beau- coup qiçi tirent d^ eux-mêmes leur agré- ment

AVIS. if7

ment £s? leur fel^on en trouvera aujjl qui ne mériter oient pas grande attention ^fans le relief que leur donne le cara^ere de ceux qui les ont dits. Ce que dit un Pape^ un Empereur^ un Cardinal^ un Prince^ un homme illuftre dans la République des Lettres , fait u??e toute autre impreffion que ce que diroit un homme du commun. §uand un bon mot ejî en même tems un trait d'HiJiaire , on fait aifément grâce à ce qui peut lui manquer du côté de la force ^ du fel. On trouvera au refle ici une afjez grande ;varieté. Papes ^ Empe- reurs^ Rois^ Princes^ Ecclefiajiiques ^ Gens de Juftice ^ Bourgeois^ P ai fans ^ tout y vient fur les rangs.

On a éclairci ces bons mots autant qu'on Tapu^ par de petites notes fur les tems^les lieux ^ les perfonnes ^pour don- ner du jour à la narration. Il a falu auffi remplir des lacunes ^ fuppléer des circonftances , fans lefquelles le récit eut été obfcur ^ fans nulle grâce. On a cor- rigé quantité de groffes fautes d' impreffion i^ changé je ne fii quel tour barbare que Pogge n'avoit pas encore perdu malgré fiz peliteffe^ ou^ que., peut-être^ il avoit pris exprès , pour être mieux entendu des gens de fon tems. On n'a pas négligé non

plm

ij8 AVIS.

plus de marquer dans Voccafion les bons mots des autres , quand ils ont du rapport à ceux de Pogge *, On ejl même entré quelquefois dans la difcujfion de certains faits ^ lors qu''ils ont paru de quelque im' p or tance. Ce Recueil auroit pu groffir davantage. Mais on ne s'ejl pas trowvé d'humeur à fe fatiguer en 'voulant fe dc' lajj'er^ pour ne pas imiter la plupart des hommes^ dont les amufemens font dc '-je- ritables travaux^ ^ f-^'^V^ fofit de leurs plaiftrs une affaire fer ieufe (^pénible.

* On en a tiré , par exemple , de Plutarque . d'AulugelIe , d'Antoine de Paleime , d'/ïneas Sylvius, & de quelques autres.

RE-

Ïf9

RECUEIL

DES BONS MOTS

DE P O G G E,

Et des Hommes ilhijires de fon tems.

I.

Miiii^^N prétend que la tête tourna Pogg.Op^ O g à Urbain VJ. après fon élec- P- ^^S-. W^Mk ï^io" ^u Pontificat *. Un jour ^^iS^ ç^yg quelcun s'opiniâtroit a. lui demander quelque grâce qu'il ne vouloit pas accorder , Vous a-vez uns méchante tête., dit -il au folliciteur. CV7?, répondit l'autre, ce que tout le monde dit de vous , Saint Père.

Ce Pape, nommé Bartholomée de Pri" gnano , étoit Archevêque de Bari avant

fon éleftion. Il agifToit envers tout le monde avec tant de hauteur, de violen- ce & d'impetuofité qu'au rapport de Théodoric fon Secrétaire on le prcnoic communément pour un fou. Les Car-

di- * 11 fut élu par violence à Rome en 1378. en h place de Grégoire XI.

i6o P o G G I A N A. Part. IV.

dinaux qui l'avoieiit élu furent obligez d'en mettre un autre en fa place fous le nom de Clément VIL ce qui fut l'ori- gine du grand Schifme d'Occident. Othon Duc de Brunswich Se Prince de Tarentc, époux de Jeanne Reine de Na- ples, tenta inutilement de le reconcilier avec les Cardinaux, pour prévenir le Schifme. Il traita ce Prince , plus grand encore par fes rares qualitez que par fa dignité, avec un fouverain mépris. Un jour qu'ils mangeoient enfemble l'or- gueilleux Pontife laiffa fi long tems ce Prince à genoux lui préfentant à boire, qu'il fallut qu'un de fcs Cardinaux lui dit, Saint Pere^il eft tems que Vous bu- l'iez. Comme le Pape ne vouloit en- tendre à aucune propofition de paix, Othon dit un jour , vous verrez que notre S. Père ne fera pas Urbain, mais T u R B A I N. Cependant tout mécontent qu'il étoit d'Urbain il de- meura toujours dans fon obédience, quoi- que la Reine fon époufe s'en fût fous- traite.

II.

p. 419. Comme on fe plaignoit à Confiance qu'il n'y avoit point de liberté dans le

(a) Tenu Concile (a) , un Evcque d'Anf^letcr- . re

Recueil DE BONS MOTS. i6i

rc prouva fort plaifamment en bonne compagnie, qu'il n'y avoit rien de plus libre que cette Ailèmblée. Une certaine fille de Conllance , diibit-il, le trouva grofle pendant le Concile. Son frère s'en étant apperçu , lui demanda , le poi- gnard à la gorge , qui l'avoit débauchée. C'efiy dit-elle, P ouvrage du Concile ^i^ c'efl de lui que je fuis grojje. Cette ré- ponfê ayant appaiie le frère , par véné- ration pour la fainte Alîemblée -, §ue les autres^ dit-il, demandent quel privi" lege ils voudront , pour moi je ne veux que celui de jouer aux autres femmes le tour qu'on a fait à mafœur.

III. Un autre faifant peu refpeétueufemcnt à l'Empereur Sigilmond des plaintes fur le défaut de liberté à Conllance : // faut bien , répondit cet' Empereur, qu'on y foit bien libre ^ puis que vous y parlez ft librement .

IV. Eugène IV. ayant fait Cardinal jin- En 143 1? gelotto Fufco Romain ÔC Evéque de Ca- ve, un Prêtre de Rome, nommé Lau- rent ^a\ rioit à gorge déployée. On lui demanda ce qu'il avoit à rire de fi bon cœur, Puifque Von commence , dit-il , à T'om. II. L fai"

i6i VoGGiAUA.Part.IK

faire des fous Cardinaux^ fefpere ([ue je le ferais fuis que je ne fuis pas moins fou qu'Jngelotto.

A propos d'Angelotto , on ne fera

peut-être pas, fâché , que je rapporte

ici la fin tragique de ce Cardinal. Les

riches avares font quelquefois expofez

à de grands malheurs. i\ngelotto étoit

l'un & l'autre, il étoit riche &: avare.

On dit même qu'il poufToit l'avarice

Auberi, jufqu'à aller la nuit dérober les brides ^

Hilt.des 'i^^ chevêtres dans les établesde fesvoiftns^

T 'n"p i^ qu'' ayant été une fois pris fur le fait

165. ' par un Palfrenier^ il reçut incognito de

rudes bafionnades. ,

Auberi veut que ce foit unemcdifan- ce de Garimbert , je le veux bien aufîî. Quoi qu'il en foit, un jour que tous {ç^ domelliques étoient fortis à la referve de fon valet de chambre, nommé An- tonel de la Roche ^ qui étoit élevé chez lui comme l'enfant de la maifon , le Cardinal s'endormit profondement fur fon lit. Le fcelerat de valet de chambre voulant profiter de l'occafion fc refolut ' à tuer fon maître ÔC fon bienfaiteur pour avoir fon argent. Il prit une dague 6c une épée dont il le perça coup fur coup, & pour l'achever il lui caflà la tête avec

un

ReCITEIL r>E BONS MOTS. I(î$

un râteau d'argent, dont le Cardinal fc Icrvoit lui-même pour nettoicr ion parc. Antonel de la Roche, ayant pris tout ce qu'il voulut dans la maifon, alla tout baigné de larmes chez un neveu du Car- dinal lui annoncer l'afTaflinat de ion On- cle 5 Ils coururent cnfemble à l'Hôtel du Cardinal, ù qui ils prouvèrent enco- re quelques reftes de vie. Comme le meurtrier fe tenoit à une fenêtre jettant de grands cris, le Cardinal qui ne pou- voit plus parler , montra de la main cette fenêtre à fon neveu , voulant lui défîgner par celui qui avoit fait le coup. Voyez , dit effrontément l'aiîlif- fîn, ilfaitfigmque les meiirtrieu font entrez par la fenêtre. Cependant il fut arrêté fur cet indice 5c ayant avoué fon crime , il en reçut la jufte punition. Cela arriva en 1444.

Ce Cardinal étoit un homme de fort peu de mérite, 6c qui n'avoit l'efprit tourné qu'à la médifance. Un jour que le Pape Eugène IV. étoit à Florence, un jeune garçon de dix ans lui vint fai- re la révérence. Cet enfant lui fit un difcours grave & fpirituel , & répon- dit à toutes (es quelHons avec une jui* tclTe au delTus de fon âge. Cejl rordi- L z nah

A

164 PoGGiANA. Part. IV.

naire , dit là-delTus Angelotto , que ces efprits précoces deviennent fliipides , dans un âge plus avancé. Il faut donc , dit h 5, jemie garçon au Cardinal , que vous 55 ayez été bien fage dans votre enfance. C'eft la coutume à la Cour de Ro- me que quand le Pape a nommé un Cardinal, il demeure (ans parler dans le Confîfloire des Cardinaux jufqu'à ce que Sa Sainteté lui ait ouvert la bouche. On demandoit un jour au Cardinal de St. Marcel ce qui s'étoit pafle dans le Con- fiftoire. On a, dit-il ^ouvert la bou- che au Cardinal Angelotto ". // va- loit bkn mieux , dit Pogge qui connoif- foit Angelotto pour un medifant , // va- lait bien mieux , lui mettre une bonne Jerrure à la bouche , que de la lui ouvrir, V. p. 4Z0. La plupart des habitans de Gaycte *, gagnent leur vie par la marine. Un d'en- tre eux qui ctoit fort pauvre fe mit en mer pour amafTer quelque argent , laif^ {ânt à fa femme le foin de gouverner fon petit ménage. Comme elle étoit jeu- ne, jolie 5 6c tendre , clic ne fut pas

long-

* Ville Epifcopaje dans le Royaume de Na- ples il y a un beau port.

Recueil DE BONS MOTS. ï6f ïong-tcms (ans fe confolcr de l'abfencc de Ion mari. De retour au bout de cinq ans fon premier foin fut d'aller voir fa femme. ^11 fut agréablement furpris de trouver fa maifon, toute reparée Ôc fort agrandie. Comment^ dit-il, ont pu fe faire ces réparations? C'eft, répon- 5, dit-elle , une grâce que Dieu m'a faite *'. Le mari en remercia le Ciel. Entrant plus avant dans maifon, il voit un lit & des meubles d'une pro- preté au delà des ficultez de l'un & de l'autre. Ce lit ^ ces meubles d'où font- ils venus"^ De la même grâce ". Pen- dant que le mari benifToit la bonté du Ciel envers lui, il vint un joli petit gar- çon, d'environ trois ans, flater mè- re. A qui eft cet enfant ? demanda le mari, Amoi^ dit la mère, le Ciel 7?re Fa auffi donné, A h pour le coup , dit-il , ' le Ciel efl trop foigneux de m'' avoir donné des enfans en mon abfcnce.

Il y avoit à Milan un Médecin qui p. 421. entreprenoit de guérir les foux en un certain efpace de tems. Pour y réuflir il attachoit le fou jufqu'aux genoux, ou plus avant , lèlon le degré de folie , à un pieu dans une mare fort puante, qu'il L 5 avoit

1^5 VoGGiKVi A.. Part. IF.

avoit dans fa cour, Se le laiflbit, fans manger, jufqu'a ce qu'il donnât quel- ques marques de Raifon. Un jour on lui en amena un qu'il mit dans l'eau Juf- qu'aux cuifles. Quand il eût été quinze jours, il pria le Médecin de l'en tirer j ce qu'il fit à condition qu'il ne fortiroit pas de la cour. Il vint par hazard, un Cavalier qui avoit des oi- feaux & des chiens de chafle. Comme le fou ne fe fouvçnoit plus de ce qu'il avoit vu pendant fa démence -, Appre- nez-moi , je 'VOUS prie , dit - il au Cava- lier, fur quoi l'ous êtes monté .^iy à quel lifage vous fert cette monture ? C'cft 5, un cheval pour aller à la chafTe, re- pondit le Ca\'alier. Ce que tous te- nez fur le poings comment l'appelle-t-on^ . (^ qu'e^faites-iwus? C'cll: un Eper- 5, vier pour prendre des perdrix ". Et qu''ejî'ce que vous avez autour de vous ? 5, Ce font des chiens pour faire partir le Gibier ". Alais combien vous re- vient-il par an de ce gibier ^pour la captu- re duquel il faut tant de préparatifs? 5, Fort peu de chofe , dit le ChafTeur, peut-être fîx ducats ". Et la depenfe du cheval^ des oi féaux {^ des chiens^ à quoi monte-t-elle ? A cinquante ". Ha /

4i.Ç

ReCUEILDE BONS MOTS. 167

dit alors le fou , fuyez-vous-en , je vous prie, au plus vite, avant que le Méde- cin vienne ; car s'^il vous entendoit , il vous mettroit dans la mare jufqu' au men- ton.

L'Hiftoire nous apprend quedutems de Néron , il y avoit un Médecin , nommé TheJ/alus, qui jettoit ies mala- des dans de Teau froide au plus fort de riiyver. Il n'ctoit pourtant pas l'inven- teur de cts bains, u'intonius Mu fa fon prédeceflèur les avoit ordonnez d Ho- race, témoin ces vers. ,.^°,"\

hp. L. I.

lipift.XV. Nam m'îhî Bâtas i'^if'

Mufa fuptrvacuas Antonius , v txmen illis Mefacit invifum , geitda quum perluor unda Per médium frigHs.

J'apprends de Mr. Dacier qu'Anto- nius Mufa avoit tué le jeune Marcellus par fes bains froids. ^On appelloit ceux qui fe baignoicnt dans l'eau froide pfy- chrolytes. Seneque étoit de ce nombre. Senec. Pline ne goiitoit pas cette ordonnance. EP;5 3- Il ne faut point douter , dit-il, que tous ^^' ces Médecins ne trafiquent de notre vie pour acquérir de la réputation en inventant quelque chofe de nouveau.

L 4 C'étoit

I6S VoGGiAV! A. Part, ir.

C'étoit un bon mot de Sidonius A-- pollinaris. Un Médecin malhabile 6c affidu tue fon malade fort officieufe- ment.

VII. ^.4Z2. Il y avoit àConilanceun jeune Gen- tilhomme Gafcon, nommé Bonac^ qui fe le voit tous les jours fort tard. Com- me fes camarades le railloicnt de fa pa- efîe. J'ai,^//-/7, tous les matins un , plaidoyer à entendre entre la Pareflc, , & la Diligence. Celle-ci m'exhorte , à me lever, pour m'occuper à quel- , que chofe d'utile: L'autre lui fou- , tient qu'il fait fort bon dans un bon , lit bien chaud , & que le repos vaut , mieux que le travail. Pendant qu'elles 5 difputent ainfi je les écoute jufqu'àce , qu'elles foient d'accord ^ & c'cll: ce , qui fait que je fuis fîlong-temsaulit. VIII

42.5' Il y avoit dans quelque Ville du Mont Apennin un Prêtre fi ignorant que ne fâchant pas même les fêtes de l'année il ne les annonçoit point au peuple. Etant allé un jour à T'erranova *, la veille des

Ra-

* C'eft une Ville proche de Florence na- quit Poggc.

Recueil DE BONS MOTS. i6p Rameaux , & voyant les Prêtres qui fàifoicnt provifion de branches d'olivier 6c de palmier, il s'apperçut qu'il n'avoit ni obfervé lui-même, ni fait obferver le Carême à Tes Paroiflîens. Huit jours après étant de retour il fit auffi amafler des rameaux le Samedi , & le lendemain il dit à fon peuple. C'eft aujourd'hui le jour des Rameaux -, dans huit jours 55 ce fera Pâques 5 cependant il faut fai- 55 re pénitence toute cette (cmaine 5 &: 55 on ne jeûnera pas plus long-tems cet- 55 te année 5 parce que le Carême efl 55 arrivé fort tard 5 à caufc du froid 6c 55 des mauvais chemins. IX.

Quelques-uns des Paroifîîens du me- Ibid, me Curé furent envoyez à Arezzo * acheter un Crucifix de bois pour met- tre dans leur Eglife. L'ouvrier auquel ils s'adreflercnt voyant en eux des gens flupides, qui refTembloient plus à des bêtes qu'à des hommes 5 voulut fe di- vertir à leurs dépens. Il leur demanda s'ils vouloient avoir un Crucifix vivant, ou 5 un Crucifix mort ? Les bonnes gens ayant délibéré entre eux 5 répon-

di-

* Ville du Florentin proche de Florence.

170 VoGGiAN A. Part. IF. dirent qu'ils aimoient mieux un Cruci- fix vivant, parce que s'il n'agréoit pas à la Paroifîè, on pourroit toujours le tuer; au lieu que fi on en portoit un mort, on ne pourroit pas le faire re- vivre.

X. ^p.43T. BoniFicelX.* étoit Napolitain de la Papc"cif " Maifon des Tor,:aceIIL On appelle de ce ,1389. nom en Ittlic,un certain fiirci fait avec du foye de cochon. Ce Pape entrant un jour à Pcrouic, accompagné de fcs frères & de fcs parens qui étoient en grand nombre > Le peuple dcmandoit qui étoient les gens qui le fuivoient j Les Pe- ce font , répondit-on , des TomacdU. Ho roufins hQ ^ (jjt; uj-, plaifant , il falloit que ce pour?tre cochon-là eût un foye bien grand pour naturelle- cn faire tant de Tomacelli. mentplai- X I.

^^?^.', Le Curé d'un A'illaî^e de Tofcane

Ibid. . , . ,1 -^ t.

avoit un cnicn qu il aimoit beaucoup.

Le chien étant mort le Cure l'cntena

dans le cimetière. L'Evêque qui n'igno-

roit pas que le Curé étoit riche , en ayant

A eu avis, le fit venir dans le dcHcin de

le condamner ^ une bonne am aride. Le

Curé connoiflbit bien le caraéterc de

l'Evéque. Il va le trouver, avec une

cin-

Recueil DE BONS MOTS. 171

cinquantaine de Ducats. D'abord l'Evê- que menace le Curé de le faire mettre en prifon , comme un profane 6c un impie. O fi vous favicz, Monfci- gneur 5 combien ce Chien avoit d'cf- 5, prit , vous conviendriez avec moi qu'il méritoit bien d'être enterre a- vcc des hommes : Il en a marqué pendant toute fa vie , mais fur tout 5, à fa mort ". §u' a-t -il donc fait ? dit l'Evcque. Il a fait, dit-il^ fon Tef- tament , 6c fâchant que vous n'étiez 5, pas fort à votre aifej il vous a légué ces cinquante Ducats que je vous ap- 5, porte ". L'Evcque accepta le pre- fent 5 approuva la fepulture ; 6c donna l'abfolution au Prêtre, XI. Il y avoit à Cingoli Bourg dans la Mar- che d'Anconc, un homme fort riche, & fur tout fort pécunieux. Le Sei- gneur de ce lieu avide du bien d'autrui, chercha querelle au Bourgeois, le fit venir chez lui , &: le menaça de le faire pendre, lui difant qu'il avoit confpiré contre lui. Le bon Bourgeois de nier le fait de toute fi force. O///, dit le Seigneur, vous cache'z chez l'ous ceux à qui j'en veux. Le Bourgeois voyant

bien

172 VoGGiAT^iA. Part. IF. bien qu'on en vouloit à Ces Ducats, dit au Tyran qu'il n'avoit qu'à envoyer chez lui Tes gens, & qu'il leur remettroit fcs ennemis cachez. Il donna Ton argent, en difant j prenez^ 'voila les prétendus ennemis de Aionfeigneur ^ qui ont été en- core plus les miens.

XII.

p.432''' Les Equivoques font quelquefois un jeu aflcz plaifant. Un homme ayant perdu tout fon argent au jeu pleuroit à chaudes larmes. Quelqu'un l'ayant ren- contre dans cet état, lui demanda ce qu'il avoit à pleurer. Je 71' ai rien^ dit- il î 5, Puifque vous n'avez rien, pour- quoi pleurez-vous donc "? Cejljuf- tement parce que je n'ai rien que je pleu- re. Si l'autre l'entendit, il fit au moins . fcmblant de ne l'entendre pas , & le lailTa fans lui rien offrir. X i 1 1.

îbid. Un jour de S. Etienne un Moine de-

voit faire le Panégyrique de ce Saint. Comme il étoit déjà tard les Prêtres qui avoient faim craignant que le Pré- 1^ dicateur ne fût trop long, le prièrent

à l'oreille d'abréger. Le Religieux mon- te en chaire, 6c après un petit préam- bule j Mes frères^ dit-il, il y a aujour- d'hui

Recueil DE BONS MOTS, ty^

d'hui un an que je vous dis tout ce qui peut dire touchant le Saint du jour. Comme je n'ai pas appris qu'il ait rien fait de. nouveau depuis^ je n^ai rien non plus à Ajouter à ce que j'en dis alors. Là-delTus il fit le figne de la croix ôc s'en alla. XIV.

Grégoire .XII. avoit juré avant (on p. ^^.^ Eleftion de céder le Pontificat pour terminer le Schifme. Quand il fut Pa- ' pe 5 il éluda l'exécution de fa promcflc par mille tergivcrfations. Fous verrez , dit là-deiTus le Cardinal de Bourdcaux^ à Poggc, que le Pape nous montrera le derrière -y comme fit cet impofieur au peU" pie de Bologne , qui s'étoit afjemhlé pour le voir voler ^ comme il V avoit promis. XV.

Dante ^ Aïïigeri célèbre Poète Flo- p. 436, rcntin du XIII. fiècle étoit pauvre, & ayant pté exilé de fa patrie, ne vivoit que fort maigrement à Vérone aux dé- pens d'un Prince de la Scala (a) nommé (a) Au^ Canis. Ce Prince avoit auprès de lui un ^^^"?*^"ï autre Florentin qui étoit un homme ^'^^"^^''' tout à fait méprifable ôc qui ne pou-

voit

* Voyez l'éloge de Dante dans Paul Jovc p. 7»' & dans Pogge àt Infdic. Priràp.

§74 PoGGiANA. Part. IV. voit fcrvir que de jouet. Cependant La S cala le combloit de biens 6c laifToiE Dante dans la mifere. D'oii vient, j, dit un jour le fou à Dante .^ que vous êtes pauvre, vous qui êtes (i habile homme, & que je fuis riche, moi, qui ne fuis qu'un ignorant & un fou ? ^e deviendrai riche , dit-il , quand fau' rai rencontré un homme de moncaraUere^ coynme "vous en avez trouvé un du vôtre. Peut-être ne fera-t-on pas fâché devoir l'Epitaphe que Dante le fit lui-même, comme elle cil dans Paul Jove.

^ura Monarchu, Superos , Phlegethontay Lacufquê Lujlrando cecïnï , voluerunt fata quoufque. Sed quia fars cejfit melioribus hofpita taftrit, Auéîoremque fuum pttitt filkior aflr'ts , Hic claudor Dantes , patriis exttrris ab oris , flucm genuit parwl FUreatia mattr amoris.

J'ai ouï dire que les Italiens ne citent jamais le Poète Dante, fans mettre la main au chapeau. Cependant la plupart des mots que Pogge en rapporte ne ré- pondent gueres à cette haute réputa- tion. Il faut pourtant les mettre ici poui" faire honneur au nom de Dante. P'437- Un jour qu'il étoit accoude fur l'Autel

d'une

Recueil DE BONS MOTS. 175* d'une Eglifc de Florence , fans doute dans quelque rêverie Poétique, un fâ- cheux le vint inteirompre. Quelle eft 5 lui dit Dante , la plus groiTe de toutes les bêtes " ? Cefi P Eléphant^ dit l'importun. Eb bien! Eléphant ^ re" tirez-vous, & ne troublez pas des mé- ditations plus importantes que ce que vous avez à me dire.

Marot a fait à peu prcs le Conte en Vers.

Bien , laiflcz-moy , ce difoit une A un Sot qui luy defplaifoit : Ce lourdaut tousjours m'importune : Puis j'ouïs qu'elle luy difoit ,

La plus greffe bcfte qui Ibit Monfieur , comme eft ce qu'on l'appelle ? Un Eléphant, Madamoifelle , Me femble qu'on la nomme ainfî , Pour Dieu (Eléphant, ce dit-elle) Va t'en donc, laiffe moy iey.

même Oeuvïw de Clé- ment Ma-; rot.p.373j' Edit de Rouen, 1601,

Dante avoit une femme dont les ga- lanteries faifoient beaucoup d'éclat. Ses amis lui reprochant fouvent fon indul- gence , 6c le peu de foin qu'il avoit de fa réputation , il querelloit fa femme : Elle de pleurer, de crier à la calomnie»

Les

tyS VoGGïAUA. Part. IF.

Les amis de Dante étant revenus à la charge , Dif es-moi , je vous prie , qui de vous ou de ma femme doit mieux fa^ voir fa vie} C'eft elle, rcpondit-on: Eh bien , elle foutient que vous en avez tous menti j Ne me rompez donc plus la tête.

Le même Poète étoit un jour à ta- ble entre les deux Seigneurs de Vérone, qui s'appelloient Canis'^ c'ell-à-dirc , Chien. Les valets fe divertiflbient à mettre tout doucement tous les os aux pieds de Dante. Quand on fe fut levé de table, tout le monde étant étonné de ne voir des os qu'en fa place > Il n'eft pas furprenant , dit-il , que les chiens aycnt mangé leurs os , pour moi je ne fuis pas un chien.

Puis qu'on a eu pccallon de parler

des Princes de la Scala ou des Scaligers,

Seigneurs de \'^erone, on donnera ici

un Mémoire curieux fur cette maifon ,

Mr. Vin- qui m'a été communiqué par un habile

ecnt, Paf-]yjj[j^i(^j-e; ^q y^q^ .^^^-jis qui l'apporta de

Berlin. Vérone à fon retour d'Italie, il etoit allé en qualité de Chapelain de Mada- me la Générale du Hamel , dont le ma- ri commandoit les troupes de la Répu- blique de Vcnife en Moréc. Au relie

le

ReCITEILDE BONS MOTS. \JJ

le grand Jofeph Scaliger prétendoijt être de cette Mailbn , ëc il y a beiyjcoup d'apparence qu'il enétoit, quoiqu'on le lui ait conte fié.

Mémoire touchant la Mai fort

^(fj Se ALI G ERS.

Les Ancêtres des Scaligers Prin- 5, ct& de Vérone tenoient des le lo. y, fiêcle un rang confîdérable parmi Noblefle de cette Ville , mais ils j, n'avoient pas encore eu des Emplois diflingucz.

5, Le premier de cette illuftre famil- le, qui eut quelque part au Gouver- 5, nement de Vérone, s'appelloit Mafti' ,5 no délia Scala. Il fut élu Podeftat l'année iz6o. Sa droiture, & fon ixCéi ^, intégrité lui gagnèrent l'eltime , & l'afFcélion de tous les gens de bien. Mais quelques fcélérats qui crai- gnoient la fevérité de ce Magiftrat, l'aflafîînérent dans le tcms qu'il paf- foit à fbn ordinaire devant la Pla- ,) ce qu'on nomme la Place des Set- gneurs.

Les Veronois ayant puni les Afîàf-

5, fins du dernier fupplice , élevèrent

Tm, IL M jil'

tjS POGGIANA. P^r/. //^.

5, Albert Scaliger à la charge de Capi^ 1278. ^j /(^i;^^ Général. Il l'exerça pendant 11. ans avec beaucoup de prudence, ôc de valeur. Après avoir rendu des 5, fervices importans à la République, Albert mourut d'hydropiiîe le 10. 5, Septembre i 301. 1301. Barthelemi Scaliger fon fils aine

lui fucccda dans Tes emplois , mais Vérone n'eut pas le bonheur de le poOedcr long tems 5 il mourut au mois de Mai 1 303.

Cette mort prématurée remplit les Veronois de confternation , & de 5, douleur. La perte de ce Général leur 5, étoit d'autant plus fenlîblc qu'ils a- voient efpéré que par fon fecours ils leroient à l'abri des guerres Civiles qui defoloient alors l'Italie.

On ne trouva point de meilleur moyen de reparer cette perte qu'en ,5 partageant le Gouvernement de Ve- 5, rone entre les deux fils de ce Barthéle- 1304. mi, Tavoir Alboin^ & Canefrancefco, Alboin avoir plulieurs bonnes quali- 5, tez , mais nulle inclination pour les armes. Bien différent, à cet égard, 5, de Canefrancefco qui fembloit n'être ,5 que pour la guerre. Pour profiter

de

55

Recueildebonsmots. 17P

^^ de cet avantage il propofa à Ton frère 5, aine de lui céder (ii part du comman- dément des troupes. Alboin qui ne ,5 foupiroit qu'après le repos accepta 55 cette propofition. Ilyconfentitavec ^, d'autant moins de peine , que Ton 55 frère n'ayant point d'enfans , cet ^5 emploi devoit rentrer naturellement 5, dans £\ famille.

Alors Canefrancefco fe trouvant 5^ fêul à la tête des troupes marcha ,^ droit à Vicence, qui n'étant pas en 5, état de lui refifter long-tems fe fou- mit au Vainqueur. Padouc, 6c Tré- vife furent auffi contraintes deferen- 5, dre.

Ce Conquérant enflé du fuccès de

55 les armes, prit le furnom de Grand ^

55 changeant fon nom de Canefrancefco,

55 en celui de Canegrande qu'il porta

35 toujours dans la fuite. Il méditoit

55 de nouvelles conquêtes , quand la

55 mort vint terminer fes jours le 22.

55 Juillet 132,8. On fit fes obféques

55 dans Vérone avec tout le deuil , ôc

,5 tous les honneurs qui lui étoient dûs.

55 Son corps fut inhumé dans l'Egli-

55 fe de Ste. Marie antique , & l'oii

55 grava fur fon tombeau en carade-

M 2r „' re?

l8o PoGGJAfJ A. Paft. IF.

5, res Gottiques cette Infcription La,- 5, tine.

5/ Canis hic grandis ingentia facîa peregit , ,, Marchia teftis adefi quam f*vo Marte fubegit; Scaligeram qui laude Domum fuper aflra tulijfet Majores in luce morasfi Parca dtdijfet. Hune Juli gemiaata dits undtna peremity ^am lapfis Jeptem tjuater annis mille trecentis.

Depuis que le Pape Benoit XII. 5, avoit reconnu les Scaligers pour Prin- ces légitimes de Vérone , la Souve- raineté étoit héréditaire dans leur famille. Canegrande étant donc mort 5, iàns cntims , il fallut reconnoître pour lés fuccefleurs y///'«?r/ , èc Alaf- tmo 5 (es neveux. 1319. 5, Le principal foin d'Albert fut de maintenir la paix , & l'ordre dans Vérone. MalHno plus guerrier que 5, fon frère, prit fur lui le commande- ment de l'armée. Il livra plufieurs 5, combats dont il fortit prcfque tou- jours viftorieux. Ce qu'on admira 5, le plus en lui , c'eft qu'il fut allier en la perfonne la valeur, & la pieté. Vérone jouît pendant 22. ans du 55 fruit de fcs travaux > & de fcs ex-

ploits

Recueil DE BONS MOTS. i8i ^5 ploits militaires. Couronne (buvant 5, des mains de la Vi6toire, il expira le 3. Juin I3fi. Il laifla trois fils, Canegrande , Canjignorio , & Paul Alboin. Il fut enterré comme Tes Prédecefîeurs dans l'Eglile de Stc. Marie. On lit gravei" cette Epiraphc 55 fur Ton tombeau.

ScaligerA, de gentt fut, etïebrique fer char ÏHotnine Majiin'ms. Claras daminabar in urles y Me Dominum Verona fHum , me Brixia v'tAit : ,, Primaque cum LucÂ,cum Itltro^Marchia tôt a. Jitra dabam populis aquo libramine no/iris >, Omnibus, crjidei Chrifii fine fine fequutor, ff Occubui primo pofi annos mille tre:entos Et decies quinos : Lux ibaf tertià Juni,

Canegrande (on fils aine lui fucce- 13 jr. da. Il étoit Gendre de l'Empereur Louis de Bavière.' On peut voir par jufqu'à quel degré de grandeur la Maifon des Scaligers s'étoit élevée, puis que les plus grands Monarques s'allioient avec elle. ,5 La Domination de Canegrande fut de courte durée. Il fut all'ifliné par Canfignorio fon frère Tan i3fp. ï3S9- L'Autorité Souveraine dei^Scaligeis M 3 etoit

iSz PoGGiANA. Part. IV, ctoit trop bien établie pour laifler à 5, la JulHce ordinaire la liberté de faire 5, le procès au Parricide. On fut con- traint de le proclamer Prince de Ve- 5, rone , & des Villes que fes Prédc- cefleurs avoient conquifcs.

Les rares qualitez de Canfignorio 5, firent prefquc oublier le crime qu'il venoit de commettre. On trouvera fon Eloge dans TEpitaphc qu'il or- 55 donna de graver fur fon tombeau.

Scai/ger hÀc nitidâ cubo Canjignorius arcdp ,y Urbibus opîatus Latii; fine fine Monarchuy j, Me ego jum gemin& qui gtntis fceptra tenebam , '^ufiuiàque meos tnixta pïetate regebam. ,, Inclyta eut virtus ; cui pax tranqudla , fidetquc y, Inconcuffa, dabunt famatn per fula diesqu*.

Si îa Domination àcs Scaligers ne 55 fut pas éteinte par la mort de Can- 55 lignorio , elle en fut au moins cx- 55 tremement affoiblie. ^375. 5, De deux de fes fils qui lui fuccc- 55 dercnt5 Barthekmi^^ Antoine *, le 5, premier fut maiTacré en 1381. par 55 les ordres de fon frère. Les Fratrici-

des * Philim)e de Bergame dit qu'ils étoienç fiU raturels de Scuncrio Prince de Vérone.

ReCUEILDE BONS MOTS. 185

55 des étoient prefque aufîi fréquents dans cette Maiibn qu'à la Porte Oc- 55 tomane.

5, La Juftice Divine ne laiflàpasim- puni le crime d'Antoine. Sa vie fut 55 un tifTu perpétuel de rev^ers & d'in- fortunes. Jean GaleaJJe Duc de Mi- lan le vint attaquer avec tant de vi- 5, gueur qu'il l'obligea de prendre la 1387. fuite , & de fe réfugier à Vcnife. ff^^S- ,

JLa mort de Galealle arrivée peu ., g.^ de tems après fembloit avoir terminé les malheurs d'Antoine. Mais au lieu d'être rappelle, comme il avoit fu- 5, jet de s'y attendre, il eut encore la mortification de voir qu'on lui prc- 5, fera Guillaume Scaliger.

Ce dernier fut encore plus mal- heureux que fon Compétiteur. Dix jours après fon élévation l'an 1404, 1^04. il fut empoifonné par François de ,5 Carrare Seigneur de Padoiie.

Ainfî finit , avec Guillaume , la Domination des Seigneurs delk Sca- la, après avoir duré l'efpacc d'envi^ ron 144. années.

François de Carrare, n'avant plus

de rival à craind re, s'empara du Gou-

55 vcrnement de Vérone. Il ne jouît

M 4 5) pas

184 POGGIANA. Part. IV. pas long-tems du fruit de Ton parri- cide. Les Vénitiens le vinrent atta- quer dans Vérone qui leur ouvrit les portes, pour fe délivrer de cet Ufur- 55 pateur. Le Duc de Milan jaloux de 55 cette conquête la leur voulut enle- 5, ver. Pour décider par les armes du 55 fort de cette Ville qui étoit comme 55 au pillage , on en vint aux armes. 55 La victoire balança quelque tems;

^455. 5, mais enfin elle fe déclara pour les 5, Seigneurs de Venife.

55 Leur nouveau Gouvernement fut

1509. 5) ^^*^2, paifible jufqu'à l'an ifop. Il 55 fut alors intcnompu par l'Empereur 55 Maximilien qui fe rendit Maître de 55 Vérone , ôc qui la pofieda jufqu'à 5, l'an 1^17. Mais enfin il fut obligé 5, de la céder au Sénat de \"enife qui la ,5 gouverne encore.

A Berlin le 19. d'Avril 17 19.

'Vh Ber- On apprend de Philippe deBergamç ipw. p. que pievi-e Paul Verger de Capo d'Illna avoit écrit la Vie des Scaligers. XVL

P''437- ^" Domcfiique du Duc d'Orléans qui n'avoit que des inclinations baflei,

l'ayant

ReCUEÎL DE BONS MOTS. iSf

l'ayant prié un jour de le faire noble, ^e pourro^Êfien , dit le Duc , "uous fai'> re riche , mais pour noble ctîa eji im- pojfibîe. Cela revient à un mot de l'Em- pereur Sigifmond. Ce Prince ayant an- hobli un Do<5teur, celui-ci s'alla met- tre au rang des Nobles , au lieu de fe met- tre comme à (on ordinaire parmi les Dofteurs. Ceji un grand foii^dk VEm- Hift du pereur, je puis tous les jours faire mille Conc. de Gentils-hommes , ^ dans mille ans je ne Conft. faurois faire un homme do£le. p.40'*

XVII. Il y a un endroit dans le Royaume de Naplcs fort cxpofé aux aflafîins & aux voleurs. Un Berger de cette con- p. 439. trée alla un jour fe confefTer d'avoir avalé quelques goûtes de lait un jour de jeûne 5 comme s'il eût commis un grand crime. Le Confefleur lui ayant deman- dé s'il ne fe fentoit point coupable d'au- tre péché. iV(9» , dit le Berger. Mais, dit le Confejfeur , ne vous ell-il ja- mais arrivé de vous joindre avec vos 5, camarades pour dépouiller & pour aflaiTiner les pallans "? Oh! dit-il, cela nous efl ordinaire , i^ nous n^en fai^ fons point de confcience.

M f XVIII,

iS6 VoGGiAT^ A. Part. IF. XVIII.

En 1376. Pendant la guerre que Qjfegoire XI.

P'43J- eut avec les Florentins i Bologne fut aiîiegée par les troupes Bretonnes, que ce Pape avoit envoyées contre eux. Elles avoient à leur tête Robert Cardi- nal de Genève qui en i 378. fut fait Pa- pe fous le nom de Clément VII. Le Légat afliegeoit la place oii s'étoit ren- fermé Rodolphe Far an de C amer i no *, Généial Florentin , pour la garder , 6c pour empêcher qu'il n'y arrivât quel- que fedition. Il fe fiiifoit des forties itz il fe donnoit des efcarmouches. Lin jour le Cardinal Légat envoya un hé- raut à Rodolphe lui demander pour- quoi il ne fortoit pas de la place pour combattre ? Je n^ en fors pas , lui fît-il di- re, afin que vous n'y entriez pas.

Ce Général Florentin a pafle pour un homme de prudence & de valeur, mais de fon propre aveu il étoit fort inconllant. Quand onle luireprochoir, il ne répondoitmitre chofe, fi ce n'cll, qu'il lui étoit impojfible de dormir long- tems fur un ?nême coté.

XIX.

* Ville de l'Etat de l'Eglifc dans la Marche d'Anconc.

Recueil DE BONS MOTS. 1S7

XIX.

Dan^la guerre dont on vient de par- En 1377. îer, Rodolphe ayant quitté les Floren- ?• 43*^- tins pour (c ranger dans le parti du Pa- pe 5 il fut peint à Florence , la tête renvcrfée, comme on y effigie les traî- tres. Cependant on ne lailîbit pas de traiter avec lui de la paix avec le Pape. Ayant fu qu'il devoit venir chez lui des Députez de Florence à ce fujet, il fe mit au lit, fît fermer les fenêtres de fa chambre, allumer du feu, & fe cou- vrit de bonnes fourrures. Les Députez lui ayant demandé ^'il étoit malade: Je fuis ^ dit-il, tout morfondu d'avoir été fi îong-tems tout nud la nuit dam vos pU' ces publiques.

XX. Le même Général , voyant un jour Ibid. les habitans de la Ville de Camerino fe divertir à quelque combat , fut blelfé légèrement d'une flèche tirée contre lui fins y penfcr. Comme on condam- noit celui qui avoit fait le coup à lui couper la main , il commanda qu'on le laiflat aller, en difmt quo la fentence au- rait pu être utile avant qu'il fut hlefjé. XXL Lorfque Louis Duc d'Anjou alla en

Ita-

î88 VoGGiA-t^ A.. Part. IF. Italie pour prendre poflciîîon du Royau- 5!n 1410. me de Naples dont Jeanne 4^ Sicile p. 440. l'avoit fait héritier , il porta avec lui quantité de pierreries. Un jour qu'il les montroit au Général Rodolphe, ce dernier lui demanda combien on efti- moit ces Joyaux , ôc à quoi ils fer- voient. On en foit grand cas, dit le Duc d'Anjou : mais cela ne rapporte 55 rien ". yaime donc mieux ^ dit Ro- dolphe 5 deux grojfjes pierres que j'ai chez moi^ elles ne vnont coûté que dix Florins^ y elles ra' en rapportent deux cens par an. C'étoit des meules de moulin. XXII. p. 441. Un habitant de Camerino étant prêt

à partir pour faire , difoit-il 5 le tour du Monde: Vous n'avez feulement , lui dit Rodolphe, qu'à aller à Macerata * vous y verrez tout ce qu'on peut voir au monde i de la Terre 5 de l'Eau, des Coteaux, des Vallées, des Montagnes, des Plaines, des Bois, des Forêts. A^ous ne verrez rien autre chofe en courant tout le Monde.

C'ell à peu près le même Conte qui

a

Petite Ville de l'Etat de l'Fsiife proche Ca-^ merino qui eft aufii du même Lur.

Recueil DE BONS MOTS. i8p a été mis depuis peu en vers par un Au- Voyez les

tCUr anonyme. Nouvelles

-' Litterat-

ODE. Février

D'où vous vient cette folle envie De voir les pais étrangers, Et d'aller par mille dangers Rifquer d'accourcir votre vie .-* Contemplant de votre maifon La Seine en de vaftcs Campagnes , Et fur les fins de l'horifon Le Ciel joint avec les Montagnes ; Croyez, fans changer de Zenit, Que c'eft le Monde finit.

Dans un petit coin de la France Vous le voyez en raccourci : Ailleurs c'eft de même qu'ici , Du moins c'eft peu de différence. Partout vous vous trouverez , Après des travaux difficiles, Comme vous êtes, vous verrez Des Fleuves, des Champs & des Villes, Qui ne méritent pas le foin De les aller chercher fi loin.

Vous brûlez de voir l'Italie, Et depuis long-tcms entêté, Vous nourriflez cette folie.

Pcn-

rpO PoGGIANA. Part. IV. Penfcz-vous y voir de vos yeux Les anciens Vainqueurs de la Terre ? Non , au lieu de ces Demi-Dieux^ Ce font des racleurs de Guiterre, pour des Héros, des Arlequins, Et pour des Brutes , des Tarquins.

Je le répète, 8c vousfouvienne,' Que je vous l'ai prôné toujours : Rome, l'objet de vos amours, N'elt qu'un Iquelette de l'ancienne. La fameufe & vieille Cité, Dont à peine on voit quelque trace De ce qu'elle a jadis été, N'a plus que le nom & la place. Le Tibre eft fon feul monument. Qui relie & coule trilkment.

Ses Arcs pompeux, fes Bains faperbtt,' Ses Tours, fes Cirques orgueilleux, Et fes Aqueducs merveilleux , Sont couverts de ronces & d'herbes. Les blocs de marbre répandus Dans d'épaifles touffes d'épines Tant d'cxcellens monceaux perdus, Sous les effroyables ruines , Quand leur afpecl vient vous faifir. Font plus d'horreur que de plaifir.

Les Châteaux de Tibur, de Baycî, Dans les Hiftoircs fi vantez ,

S^

Recueil DE BONS MOTS, tpf

Ne font aujourd'hui fréquentez , Que des Hiboux & des Orfraycs. Broffant des fentiers malaifez , On trouve dans ces Champs funeftes, Des troncs fecs , des canaux brifez Qui font les miferablcs reftes Des Parcs charmans , les Héros Goutoicnt le frais & le repos.

Pour voir dans Rome triomphante. Les Scipions & les Céfars , J'aurois pu franchir les hafards Qu'un pénible voyage enfante; Pour y voir le fagc Sénat Qui gouvernoit ce grand Empire ; Pour y voir la pompe & l'éclat De l'or, du jafpe & du porphyre; Enfin fes ornemens divers, Dépouilles de tout l'Univers.

Mais pour voir des pans de murailles Et de pitoyables débris , Quitter votre Epoufe, Paris, Et l'incomparable Verfailles, Paffer des Mers, grimper des Monts, Que la Nature nous oppofe: De bonne foi nous vous fommons De nous en dire une autre caufe , Ou de nous laiffer perdre a tous Les fentimcns qu'on a de vous.

Je

jpa VoGGiA^n A. Part. IF.

Je vais droit à votre penfée; Vous voulez repaître vos yeux , Non des mafures , mais des lieux telle aftion s'eft paflec. Camille fur les Gaulois, Vengea fa Patrie enflammée: Codés fur un pont de bois Arrêta feul toute une Armée Et d'autres lieux, malgré le tems. Connus par des faits éclatants.

Sans s'embitalTer la cervelle , Ni prendre le foin d"y rêver. Gens attitrez vous font trouver L'ancienne Rome en la nouvelle. Pompée avoit fa maifon ; C'eft ici qu'habitoit Salluftc ; logeoit Brutus , Pifon : Ici fut le Palais d'Auguftej Et mille autres abfurditez De ces Rêveurs d'Antiquitez.

A chaque mot , chaque fadaife De l'Antiquaire prétendu , Je vous vois furpris , éperdu , Rouler les yeux , treflaillir d'aife. Vous donnerez entier crédit A ces fâbuleufes fornettes , Et pour retenir ce qu'il dit. Vous l'écrirez fur vos Tablettes :

Tout

Recueil DE BONS MOTS, ipj

Tout nous paffc pour vérité , Quand notre goût en eft flatté.

Si la Peinture vous attache , Rome aura pour vous de réel Les Ouvrages de Raphaël , De Michel Ange & du Carachc» Mais banniflant les préjugez , Qui.ks élèvent fur les autres. Ces vieux Peintres fi louangez. Comparez à beaucoup des nôtres j N'auront que l'avantage heureux D'avoir le droit d'aincz fur eux.

Vous dévorerez de la vue Jufqu'aux moindres traits de leurs mains j Le nom des vieux Peintres Romains Eft un reffort qui vous remue. Je le fai , mais que la Raifon Sur votre palîion l'emporte; Pourquoi quitter votre Maifon ? De Troye eft prcfquc à votre porte. Et l'ami Bouys , fans le vanter , Devroit aflez vous contenter.

Puifqu'enfin ni moi , ni perfonne Ne pouvons arrêter vos pas. Adieu donc, mais n'oubliez pas Deux bons avis (que je vous donne.

IP4 VoGGiAî^ A. Part, IF. Quand vous ferez à caqueter , Gardez que rien ne vous échappe» Qu'on puide mal interpréter, Ni des Cardinaux, ni 4u Pape; Et pour la Conftitution , Montrez pleine ibunniflion,

XXIII.

p. 442. Pendant la paix que les Vénitiens fî- Vcrs le j-gj^^ pQUj. (ijx ans avec Philippe Duc de ccmcT' Milan, la guerre s^alluma entre les Flo- du 15. rentins & ce Duc. Les Vénitiens profi- fiède. tant de Toccalion lui enlevèrent quel- ques places. Ce qui le contraignit de quitter la guerre de Florence pour dé- fendre fon pais. Un Vénitien ayant dit là-deflus à un Florentin : f^ous neus de- vez votre Liberté. Vous ne nous avez 5, pas délivrez, dit le Florentin^ mais nous vous avons rendus traîtres. XXIV. Un homme d'Ancone , grand par- leur , déplorant un jour fort tragique- ment la décadence de l'Empire Romain, comme c'eût été un événement tout nouveau, Antonio Lufco Secrétaire de Martin V. ami de Pogge, & homme d'efprit dit - defTus en riant : Cet n homme me fait fourccir de ce Mila-

99 Qois

Recueil DE BONS MOTS. Ip^

5, nois qui ayant entendu raconter la ), mort de Roland arrivée depuis envi- 5, ron fêpt cens ans , s'en alla tout éplo- 5, dire à fa femme: Ah! quel mal- 55 heur ! on vient de m^ apprendre lot mort 55 de Roland qui défendait fi bien Us 5, Chrétiens.

XXV. Un de ces Chanteurs d'Italie qui les Ibid. jours de iiit récitent au peuple les ac- tions des grands hommes, annonça un jour que le lendemain il chanteroit la mort d'He^or. Un homme fîmple qui étoit dans la foule alla la bourfe à k main trouver le Chanteur, le priant ins- tamment de ne pas taire mourir fi tôt un fi grand Héros. Le Chanteur diffé- ra autant de jours que la dupe eut de l'argent pour lui payer fes délais. Enfin l'argent ayant manqué , il fallut que le pauvre homme entendît , à fon grand regret, raconter la mort d'Heétor. XXVI. Il y avoit à Florence un Gentilhom- p. 443. me qui avoit une fort méchante fem- me, & fur tout fort babillarde. Elle n'alloie jamais à confefie qu'elle ne ré- vélât au Curé tous les péchez de fon mari. Le Curé en reprenoit fouvent le N z ma-

ip6 PoGGiANA. Part. IF.

mari. Mais ce dernier étant allé aufîi à Confefle au même Prêtre j Je ne viem jpas 5 lur dit-il , pour me confejfer , mais pour vous dire que cela n'efi pas nécejjai- re^ parce que ma femme vous fait fou- "jent toute ma Confejfion. XXVII. Ibid. Un certain fainéant de Florence , hom- me fans profcfîion 6c fans bien , ayant ap- pris qu'un Médecin avoit compofé des pillulcs, qui lui faifoient gagner beau- coup d'argent , fe mit aufîi à en faire en grand nombre. Il les donnoit indiffé- remment pour toute forte de maladies-, c'étoit une felle à tous chevaux. Com- me elles réufîîffoicnt quelquefois par ha- zard, il paffa bien-tôt pour un grand Médecin. Un jour un homme de la Campagne qui avoit perdu fon une lui demanda s'il n'avoit point quelque re- mède pour le lui faire retrouver. 0«/, dit-il , lions n'avez qu'à avaler Jix de mes pillules. Il les avale & s'en va. Etant en chemin pour s'en retourner , les pillules operoient bien fort, il falut fc détourner dans un endroit maréca- geux , oij il y avoit des rofeaux. il ap- , perçut fon âne qui paifîbit. Là-defTus ne ' doutant point dcreffct des pillules, û

s'en

Recueil DE BONS MOTS. 197

s'en alla publier par tout qu'il avoit trouvé un grand Médecin , qui non feu- lement gueriflbit les maladies , mais qui fàifoit retrouver les ânes à ceux qui les avoient perdus.

XXVIII. Antonio Lufco dont on parloit tout p. 444- à l'heure étoit un homme à bons con- tes. Il dit un jour qu'étant allé à Sienne avec un Vénitien fort fimple peu ac- coutumé à monter à cheval ils couchè- rent dans une auberge il y avoit quantité de Cavaliers. Quand il fallut partir chacun prend fon cheval fans que le bon Vénitien branlât de fa place. An- toine lui ayant demandé a quoi il s'amu- foit pendant que tous les autres étoient déjà à cheval. Je fuis, dit-il^ prêta 55 partir, mais comme je ne faurois re- 5, connoître mon cheval entre tant d'au-» très, j'attens que tout le monde (bit parti, parce que celui qui reliera fera 55 le mien.

XXIX.

Il y avoit à Rome un Cardinal * nom^ p. 445 .

me

Il faut que ce foit Thimâs Brancatîo Napo- litain, neveu de Jean XXI II. & à peu près de mê- me humeur que fon oncle. Ce Cardinal desho- nora fa famille & fa dignité par Tes mauvaifes N 3 mœurs.

;v

ip8 VoGGiAi^A. Part. IF. me le Cardinal de Naples, homme fans efprit& fans mérite. Ilrioit toujours &, comme on peut juger, le plus fou vent fans fujet. Un jour revenant d'auprès du Pape quelqu'un qui le vit rire dit à fon voifin : Fous l'efrez ■qWil rit de la fotiifè du Pape d'avoir fait un homme comme lui Cardinal,

XXX. Ibid. Le Concile de Conftance envoya en

IXpagne deux Moines noirs * à Benoit XIII. pour l'obliger à renoncer au Pon- tificat 6c pour les citer devant ce Con- cile. Des que cet Antipape les vit : Ce mot ^'^^'^î dit-il, deu:x corbeaux qui vien^ eft rap- nent fondre fur moi. il n''sji pas furpre^ porté dans j^^ant . lui repartit un des Pères, oue des Conc.dt corbeaux je jettent Jur un cotps morî^ Ctnft. lui reprochant par qu'étant condam- p. 452" ne par le Concile , il ne devoir plus être regardé que comme un Cadavre. Comme ce même Antipape défendoit fes droits avec chaleur devant ces deux Ab- bez : Cefl ici^ crioit-il, c'ejî ici qu^eji V JÎrche de Noé ^ voulant dire, l'Arche

de

mœurs, & par fes extravagances au rapport de Ciaconius & d'Aubcri. * C'ell ainû (ju on appelle les Bcnedictiss.

ReCUEILDE BONS Mots. Ipp

de r Alliance, // eft vrai y lui dit un des Benediâ:insi qu'il y avoit bien des bêtes dans V Arche de Noé,

XXXI. Deux hommes allèrent chez un No- p. 448. taire pour faire drefTer un contrat de vente j Ce Notaire qui avoit vu des formulaires de Contrat, mais qui n'en avoit jamais fait , leur demanda Icuns noms. L'un dit qu'il s'appelloit Jean^ l'autre Philippe, Ce Contrat, dit- il, ne feroit pas valable. Dans tous ceux que j'ai vus le vendeur s'appelle Cûnrard,^V2.ch.çX.znxTttius ". Com- me il n'en voulut pas démordre, quel- que raifon qu'on lui dît , il fallut que les contra^tans allafîent chercher ailleurs un Notaire, non fans bien rire de I4 fimplicité de celui-ci.

X X X i r.

Les Florentins envoyèrent un jour Vf»^. à Jeanne Reine de Naples un Doa:eur en Droit qui n'étoit rien moins que doâe, mais qui avoit grande opinion de lui Se fur tout de (a bonne mine. Le premier jour l'Envoyé expofa Com- miffion. La Reine lui promit audience pour le lendemain, 6c il ne manqua pas de s'y îïouver. Comme il y avoit du N 4 mon-

iôo PoGGïAVA. Part. IF. monde dans la chambre, après quelques entretiens , U témoigna à la Reine , qu'il avoit des. ordres fecrets qu'il ne pouvoit lui communiquer qu'en parti- culier. L'ayant fait entrer dans fon ca- binet 5 il lui fit une déclaration d'amour. Cet Article et oit-il aujji dans 'vus ïnjlrucr iions^y lui dit la Reine fans s'émouvoir, & le renvoya fort tranquillement. XXXIII. !P- 451- ' On fe plaignoit affez généralement dans le fiècle de Pogge que les Papes n'é- ievoient aux Charges Ecclefiaftiques que des ignorans , des fous , & des gens de mauvais caractère à toute forte d'égards. Antonio Lufco ayant dit là-deflus que ce h'étoit pas plus le vice des Papes que des Seigneurs fecuhers conta cette Hif- (a) Ils'ap- toire. Un Prince de Vérone (a) aveit, Pfjl^'^ dit-il 5 auprès de lui un Ecclefiaftiquc, ^ *** nommé k Noble ^ fort ignorant, mais bouffon, à qui il donna des bénéfices confiderables. Ce Prince ayant envoyé iin jour une Ambafiade à l'Archevêque (b) Ce- Be Milan (b) , le Noble s'y joignit. Le ^!f J^^". dernier ayant plû à l'Archevêque par YUcojiiti. j-^ ^jifcours fecetieux,le Prélat dit qu'il feroit bien aife de pouvoii lui accorder quelque grâce. Le Noble lui demanda

unç

Recueil DE BONS MOTS, tôt

une Charge d'Archiprêtre qui ctoit va- cante. Bon , dit l'Archevêque en fc moquant de lui , ce n'eft pas une dignité pour un ignorant comme vous. Je fais, dit-il^ à la mode de mon 5, pais. Car à Vérone il n'y a que les ignorans qui parviennent. XXXIV.

Un Moine çonfefîànt une jeune veu- Ibid, ve fort jolie en devint tout à coup amou- reux. Comme il craignoit de fuccom- ber à la tentation , il abrcgeoit autant qu'il pouvoit la confeiîîon. Enfin la veuve le pria de lui impofcr telle peni- tence qu'il voudroit. Helas! dit -il, iefi vous qui me Vavez donnée. XXXV.

La Ville de Peroufe ayant envoyé p. 454; des Députez à Urbain V. qui étoit à Avignon 5 ils trouvèrent ce Pontife ma- lade au lit. L'Orateur de l'AmbafTade lui fit un long difcours, fans fe mettre en peine de fon indifpofition 6c fans rien dire qui allât au fait. Quand il eût fini, le Pape leur demanda s'ils avoient quel- que autre chofe à propofer. Comme ils s'étoient apperçus de (on ennui > Nos ordres portent de vous déclarer que fi vous ne- nous accordez fur le champ ce N y qm

i02 Po G G I A N A. Part. IV, ,

que nous vous demandons y notre Orateur *vous fera encore le même difcours , aiiant que nous partions d'ici. Là-delTus il leur fît donner au plus vîtc leur expédition. XXXVI.

p.4j6. Deux Juifs de Venifc étant allez à Bologne , l'un d'eux y mourut. L'au- tre voulant emporter le corps de Ton camarade à Venifc le coupa en pièces , le fit bien embaumer , & le mit dans un tonneau. La nuit un Florentin qui

v/ étoit près du tonneau , attiré par U y{ bonne odeur des aromates ouvrit le ton- neau & trouva la viande de fi bon goût qu'il en mangea tout fon fou. Le len- demain le Juif voulut emporter fon ton- neau. Mais il fut bien furpris de le fen- tir fi léger i II s'en plaignit. L'affaire examinée il fe trouva que le Florentin étoit devenu le Scpulchrc d'un Juif. XXXVII. Ibid. Fridcric II. avoit pour Secrétaire un fort habile homme Italien , nommé Pierre des Vignes , dont on a un bon nombre de Lettres fous le nom de cet Empereur. Ses ennemis l'ayant calom- nié auprès de fon Maître , il fiit alTez crédule & en même tcms afTcz inhu- main pour lui faire crever les yeux. On

pré-

ReCTTEIL DE BONS MOTS. 20$

prétend qu'il s'en repentit & que mê- me, il le fit fon Chancelier. Comme Fridcric avoit befoin d'argent pour poufl'er la guerre qu'il faifoic au Pape, Alexandre III. qui l'avoit excommu- nie, il conlulta là-defTus Pierre des Vi- fnes qui lui conlcilla de lervir des iens de l'Eglife pour lever une armée & pour la payer. Le confcil fut goCitc. Frideiic, qui étoit alors à Pife, pilla tout l'or ôc tout l'argent des Eglilcs de cette Ville, ôcen fit une groUc fom- me. La capture étoit d'autant plus de haut goût que c'étoit Alexandre IL Voycr dont Alexandre IIL iliivoit bien kstra-'^-'ie'^"5

ces qui avoit enrichi la Cathédrale de ^ j.^^^T r ) u Q. . ged Italie

les pms beaux ornemcns , oc entre au- de Dom

très d'une ceinture d'or qui en faifoit le Mabillon. tour. Après cette exécution Pierre desP- ^^^' Vignes dit à fon Maître. Je mt fuis bien n^angé du nml que l'ous m'avez, fmt. En nC étant la vue vous vous êtes rendu odieux aux hommes^ ^ envous faifant commettre et Sacrikge^ je vous ai attira la coîer-e de Dieu, f^ous allez voir vos af- faires tourner tous les jours de mal en pis.

S'il étoit bien fur que Dieu s'inte- reflat beaucoup à la confcrvation des

orne-

2:04 PoGGi AN A. Part. IP^. ornemens fupcrflus dctantd'Egli{cs,ou pourroit dire que Pierre des Vignes fut Prophète , car Frideric fut enfin obligé à Icfoumettreignominieufcment au Pape. Je ferai une petite digrefîion au fujet de ce célèbre Chancelier de Frideric II. I . On voit pr le récit de Pogge que Pierre des Vignes étoit Italien, ik non AUeman , comme l'ont dit Iriîheme & après lui quelques Moder- nes. Cela paroît aufîî par quelques Let- tres qui Ibnt parmi celles de Pierre des Vignes & entre autres par une que lui écrivit le Chapitre de Capoue oii cette Eglife le regarde comme fon enfant auflî bien que comme fon protefteur *. i . On peut juger aufîî par le témoignage de Pogge , que Pierre àcs Vignes étoit innocent, & que comme un autre Bel' lifaire, il fuccomba fous la calomnie de fcs ennemis , qui dévoient être en grand nombre, fur tout en Italie, oii il foute- noit vigoureufcment le parti de l'Em- pereur contre les Papes. II eft vrai que Ad ann. Matthieu de Paris qui florilToit environ fMS- un

* Epifi. Petr. de Vin. L. III. 43. Voyez auffi la Lettre 4c. du même livre il eft appelle en,' fart de Capoue.

RECtTEILDEBONSMOTS. 20):'

un (lècle après la mort de Pierre des Vignes, dit que celui-ci fut convaincu d'avoir voulu faire cmpoifonner l'Em- pereur par fon Médecin, Se qu'il fut porté à cet attentat par de grolTes fom- mes d'argent que le Pape lui donna. Mais il femble plus naturel de s'en rap- porter à Poggc fur un fait arrivé en Italie, qu'à un Auteur A nglois tel qu'é- toit Matthieu de Paris. D'ailleurs il y a des Auteurs à peu près contemporains & alléguez par Henri de Sponde qui fou- ^j ^^^-^ tiennent que Pierre des Vignes fut la 1249. n. vidimc de la jaloufie que les Courti- J!^°J["^* fans de l'Empereur avoient conçue du p,èn/des crédit de cet habile Miniftre. En effet Vignes à toutes les préfomptions font pour un 1* tête de fi grand homme qui pendant fi long- [^^ ^^^' tems avoit défendu fon Maître avec tant de courage & de fermeté. Nemo repen- te fuit turpijfimus. 3- A l'égard de cet- te particularité que l'Empereur fe re- pentit de fon injuflice & de fa cruauté, qu'il reprit Pierre des Vignes à fon fer- vice , que même il lui donna un poftc plus éminent , Se qu'il lui témoigna plus de confiance que jamais, ou Pog- ge fe trompe , ou tous les autres Hiflo- * riens qui difcnt unanimement que de- puis

Z05 POGGIANA. P^r/. /^.

puis 1 24f . qu'il lui fît crever ks yeux jufqu'à 1 24p. qui fut le dernier de Éi vie, rErr>pcreur le fit, pour ainfi dire, mourir à petit feu Ipfaifant traîner igno- iRinieuiêment , dam toutes les vjlles d'Italie afin qu'elles fuflent témoin de fon fupplice , le livrant à la merci de fes plus mortels ennemis , ou , félon d'autres, le retenant dans une duie pri- fon à Capouc ou à San Miniato j l'on prétend qu'il fe tua lui même de defefpoir, quoique d'autres difent qu'il le fit publiquement. Je voudrois bien que le récit de Pogge fur le repentir de l'Empereur fût véritable pour l'hon- neur de ce Prince & pour la juftifica-* tion de Pierre des Vignes dans l'efprit de la poftcritc. Mais un feul Hiftorien ne (âuroit balancer l'autorité unanime de tous les autres , fur tout Pogge n'ayant pas vécu dans le tems , & n'al- léguant point de preuves de ce qu'il a- vance.

XXXVIII. p. 457. Un Chevalier Napolitain, que La- diflas Roi de Sicile avoit fait Gouver- neur de Peroiflc , reçut un jour deux Lettres , l'une d'un Marchand qui lui demandoit le payement de quelque det- te.

Recueil DE BONS MOTS. 207 te, l'autre de ft femme qui le prioit de venir bientôt îa confoler de fon abfen- cc. Il répondit au Marchand qu'il le pay croit dans peu. A l'égard de fa fem- me il lui écrivit une Lettre la plus ten- dre du monde, & en termes libres ÔC même libertins. Il addrefla par mégar- de à fa femme la Lettre pour le Mar« chand , & au Marchand la Lettre pour femme. La femme comprit bien qu'il y avoit de la méprifc, ce prit en patience le chagrin que lui donnoit 8c la bévue & la dette de fon mari. Mais le Marchand fe croyant joué par une Lettre ridicule, oii on lui promettoit des careflcs au lieu d'argent, s'en alla tout en colère montrer cette Lettre au Roi qui n'en fit que rire. Le Marchand fc croyoit moque du Chevalier, & il le fut en effet de toute la Cour. X X X T X. Du tems de Francifco Carrario * Prin- p. 459^ ce dePadoue il y avoit dans cette Ville- unHcrmite en grande odeur de Sain- teté , mais dans le fond franc hypocri- te. Apres avoir débauché pluficurs fem- mes

II y en a eu deux de ce nom , le Pcre & le fils, fur U fia du 14. ficdc. ?OQgc,lii/l. Fhrtnt,

Ao8 VoGGiAtJ A, Parf. IjT. mes fous prétexte de les confeffer, comédie devint enfin publique. Il fut arrêté 6c mené devant le Prince qui fit auffi-tôt venir fon Secrétaire pour écri- re la confefiioii du Moine. On lui de- manda les noms de toutes les femmes qu'il avoit feduites , il en nomma un bon nombre. Comme le Secrétaire fedi- vcrtifibit à cette énumeration il prefToit l'Hermite avec menace, de n'en omet- tre aucune, jijouiez donc ylui dit-ïi^vo* ire femme à cette lijle. La plume tom- ba des mains au Secrétaire ^ & le Duc fe moqua de lui de s'être attire cette mortification par fon avidité à (avoir les fautes d'autrui.

X L. p. 450. Les Faftions des Gibelins^ partifans ^V'a' ^^^ Empereurs, & des Guelphes qui é- ^lor. ' toient pour les Papes, defoloientl'Italicj p. ijp. 6c fe pilloient fans quartier l'une l'au- tre. Un Général*s'étant emparéde Pa- vie par le fccours de la fàétion Gibeline ne pilla d'abord que les Guelphes, mais après leur avoir tout pris il fe jetta aufiî fur les biens des Gibelins. Ceux-ci lui

en

* C'ctoit Frangi Canis Prince de Scali, yoyciHifi.Flfr.p. i6ot

Recueil DE BONS MOTS, zog

eh ayant fait des plaintes, îl eji 'uraî^ dit-il, mes enfans^ vous êtes Gibelins^ mais les biens font Guelphes. XLL

Un Prêtre voyoit la femme d'un Ber= p. 461.' ger & en eut un garçon. Quand il com- mença à être grand, le Prêtre le deman- da au Berger pour prendre foin de fon éducation. Non nom, dit le Berger, // faut qu'il demeure dans lamaifon. Je fe- rois bien mal le compte de mon maître fi fen ufois à V égard des agneaux qui naïf- fent dans fa bergerie comme vous voulez que fen ufe à V égard de cet enfant. X L 1 1

Dans un Confeil tenu à Peroufe un Ibi4' Paiïân ayant demandé quelque grâce, trouva beaucoup d'oppolîtion de la parc d'un des Citoyens. Le lendemain le Paï- fan bien confcillé mena au Citoyen trois ânes chargez de bled. Le prefent fut bien reçu ,- & le Citoyeii. plaida forte- ment la caufe du Païfan. Voyez ^ dit quelqu'un là-delTus, comme les ânes font éloquenSo

X L 1 1 1

Il y avoit à Viccnce un grand ufurier p. 463,' qui néanmoins déclamoit fans cefle con- tre les ufuriers Se prioit inftamment un

^om. IL O Pré«

2.10 PoGGiM^A.Part. IF. Prédicateur de grande autorité dans Ville de ne point épargner ces gens-là. Le Prédicateur qui connoiflbit l'hom- me ne pouvoit pas comprendre quel in- térêt il avoit à le preflcr là-deflus avec tant d'importunitc lui qui faifoit pro- feflîon d'ufurtf. Il lui en demanda la rai- fon. Cfft^ àit-'û^ qu'il y a fant cTufu' riers dans la Fille que je ne gagne rien-, au lieu que fi par vos prédications 'vous pommez corriger ce vice tout le monde 'vien- dra chez moi,

X L 1 V. f. 467. Un pauvre Batelier qui n'avoit rien gagné de tout le jour s'en retournoit tout trifle chez lui , lorfque quelqu'un l'appella pour le pafler dans fa barque. Le trajet (c fitgayement. Mais le Bate- lier ayant demandé fon payement , le paflager protefta qu'il n'avoit pas un fol fur lui 5 mais qu'il lui donneroit un con- feil qui lui vaudroit de l'argent. Bonf dit le Batelier, ma femme B mes enfans ne vivent pas de confeil. N'en pouvant tirer d'autre raifon, il demanda enfin quel étoit donc ce confeil ? C'f/? , dit-il . de ne jamais pajfer perfonne fans vous faire payer par avance.

XLV

Recueil DE BONS MOTS, lit XLV.

Un certain Milanois, foit par bêtifc P* 468; îôit par ollentation , avoit écrit tous Tes péchez dans un gros Livre qu'il porta à Ion Père ConfefTeur. Le Père qui étoît homme d'efprit effrayé de la groflèur du volume fe contenta de faire quelques queftiônS aU Pénitent & puis lui décla- ra qu'il lui donnoit l'abfolution de tout ce qui étoit dans fon Livre. Celui-ci lui ayant demandé quelle pénitence il lui impofoit. Délire^ dit-il, pendant un mois ce Livre-là fept fois par jour. Il eut beau crier à l'impofîibilité, il fallut qu'il en paflat par là.

XLVL Il feroit à fouhaiter qu'on imitât à P-47ô^' l'égard de tous les médifans la conduite d'un Moine Auguftin de Florence. Il II s'appela enféignoit la jeunefle avec beaucoup de îf'^Tii^?*'^ fuccès. Un de les Ecoliers qui avoit fait gjj^ *^' de plus grands progrès que les autres s'at- tira l'envie de Tes camarades. L'un d'en- tre eux alla trouver le Précepteur, & lui dit qu'un tel ctoit un ingrat Se qu'il parloit mal de fon Maître. Depuis quand le connoijfez'vous ^ lui dit le vénérable vieillard ? Depuis un an , dit l'autre, 9) Il faut que vous vous croyiez bien O % j5 ha«

lit VoGGiAiJA. Part. IF.

5, habile & que vous me preniez pouf un grand lot fi vous vous imaginez ' que depuis dix ans je ne connois pas mieux le caraûere & les moeurs de ce jeune homme que vous qui ne le ,. connoilTcz que depuis un an. " XL VIL

Ibid, On demanda un jour a ce même Re- ligieux ce que fignifioient les deux poin- tes qui font aux mitres des Evéques. Vumi dit-il, figmfie l'Jncien (^ F au- tre le Nouveau "teftament que les Eve- t^nes doivent favoir par coeur. Mais que rignificnt,continua-t-on , les deux elpe- ces de counoyes qui pendent à la mitre derrière le dos. Cela veut dire que les Evêques ne favent m le Vieux ni le Nou- veau Tefliti/ie7iî.

X L V 1 1 L " ^. 47 r : Un Grand d'Efpagne avoit un fils fi médiÉiot qu'il fiit oblige de Im défen- dre de jamais ouvrir la bouche. Le Pè- re & le Fils fc trouvèrent un jour en- femblc au diner du Roi & de la Rei- ne d'Eïpagnc. Cette PrincdTc qui paf- foit pour être fort galante croyant le ieune homme fourd aufii bien que muet pria fon Père de le lui donner pour la ibrvir. Le Pcre y confentit, le fils tut

te-

Recueil DE BONS MOTS. 115

témoin des intrigues de la Reine pen- dant deux ans. Au bout de ce tems-là le Roi demanda au pcre 11 fon fils étoit muet de nailTance, ou par quelque ac- cident. Cen'efi^ dit-il, ni l'un ni TaU' trcy mais je lui ai défendu de parler 4 caufe de fa mauvaife langue. I_,e Roi or- donna au père de permettre à Ion fils de pr©noncer feulement quelques mots. Le perc s'en défendit long-tcms,difant qu'il pourroit en arriver du fcandale. Enfin le fils eut permiiîîon de parler & fe tourna vers le Roi , Sire , dit-il , ^'ous avez la plus impudique ^ la plus mé- chante de toutes les femmes. Le Roi confiis lui défendit de rien dire davan- tage.

X L I X. Un François & un Génois qui avoicnt p, 47^: tous deux une tête de bœuf dans Icui's armes prirent querelle là-defl'us. Le François appella le Génois en duel & ce dernier accepta le défi. Comme ils ctoient fur le point de fe battre, le Gé- nois demanda , quel étoit le fujet de leur démêlé. C'ell , dit le François, parce que vous avez ulurpé mes aimes. f'^ous vous trompez , dit le Génois , vos €rmes font une tête de boeufs les mien- O 3 m

2Ï4 V o G Giw^K. Part. IV.

nés font une tête de Vache. Ainfî finit le combat.

L. ©.'474,' Le Capitaine d'un vaiffeau Anglois fe voyant en danger de faire naufrage voua à la Vierge Marie un cierge auffi grand que le mât du navire , s'il en echappoit. Quelqu'un lui reprefenta qu'il n'y avoit pas aflez de cire en An- gleterre pour accomplir le vœu : Pro' mettons toujours^ dit-il, fi nous échap^ fcns du danger^ il faudra bien que la bonne Damefe contente d'un -petit cierge, LI. p. 471; ^" citoit un jour à Venifc dans un Plaidoyer la Novelk & la Clémentine *-. Le Juge qui ctoit fort ignorant avoit chez lui deux femmes de ce nom. Il s'imagina que l'Avocat les appelloit en témoignage & le cenfura aigrement de citer deux concubines dans une Aflem- blée fi grave.

LII. » 476. ^^ Egyptien qui étoit en Italie eut un jour la curiofité d'aller entendre la Mete. On lui demanda fon fcntiment

fur

KovelU Conftitutions de Juftinien , C/rwf »«= JM Conftitutions de Clcmcnt

Recueil DE BONS MOTS, aif fur cette cérémonie. Il en approuva tout à ur).e çhofc près. Ceft , dit-il , ^«V/ n'y a point de charité^ car f ai vu un homme qui mangeoit ^ bu"joit tout feul fans rien donner aux autres qui de- ^voient avoir faim ^ foif auffi bien ^ue lui,

LUI,

Un EvêqueEfpagnol envoya (on va- Ibitï- let un vendredi acheter du poiflbn. Le valet n'en trouva point au marché, *

mais il apporta deux perdrix. L'Evê- que lui ordonna de les rnettre en bro-^ che & de les lui fervir. Le valet lui re- préfenta qu'il n'étoit pas permis de manger de la viande ce jour-là. Ne Ce mot fais-tu pas ^ dit le Prélat, que je fuis ^^^^^^ Prêtre ^ que par confequent il ^^ 7^^^ nouvelles plus aifé de faire d'une perdrix un poifjon^ & a été qu'il ne me Veft de changer le pain dans tire de le corps de Chrift. Là-defîlis il fît le^^SS^r fîgne de la croix , & ayant commandé que les perdrix devinflent poifTons, il •'

les mangea comme tels.

Liy.

La plupart des gens qui fe divertîf- î^^î» fent des fous font aufîi fous qu'eux. Un ^^^^^^^, Archevêque de Cologne avoit un fou rac a imi- qu'il fâifoit coucher avec lui. Le Pré- ceci O 4 lat^ansfon

li6 VoGGiAi^ A. Part. ly,

Matthieu lat ayant un jour une Nonain à côté de «Sareati, lui , le fou tout étonné de fcntir quatre jambes demanda à qui elles étoient. El- les font toutes quatre à moi , dit l'Ar- chevêque, le bouffon au même inftant court dans la rue, 6c crie tout haut"^ •venez voir un nouveau monjîre j notre Ay - chevêque en quadrupède. LV. p. 45J. Le Cardinal de Bourdeaux fît autre- fois ce conte à Pogge. Un Bourdelois fe retira un jour chez lui, fe plaignant fort d'un grand mal de jambes. La fem- me la lui frotta , & la lui enveloppa bien. Comme il crioit toujours les hauts cris, on alla chercher le Méde- cin. Celui-ci ayant touché la jambe prétendue malade , afTura qu'il n'y avoit pas le moindre mal -, Ceft donc l'autre , lui dit le Vifionnaire. L V I. ?♦ 459' Quelques Frères mineurs étoient al- lez chez un Peintre pour faire faire le portrait de S. François d'Afîife *. Ils furent tout un jour à débattre en fa préfence , pn le peindroit ftigma-

ti-

* Moine fatiatiqae du trciiicme fièdc , cano- giilii par Innocent III,

Recueil DE BONS MOTS, iij

tifé * , ou prêchant , ou fous quelque autre attitude. Lorlqu'ils fe furent retir- iez pour s'aller coucher , le Peintre qui crût qu'ils s'étoient moquez de lui, pei- gnit S. François joiiant de la flûte. D'autres difent pendu à un gibet, Jls voulurent faire pendre le Peintre , mais jl avoit gagné au pied. L V 1 1.

Il n'y a point de lieu le jugement p. 433; 6c la bienfeance foicnt plus neceflaires qu'en Chaire. Un Prédicateur prêchant à Tivoli contre l'adultère avec beau- coup de véhémence, s'emporta folle- ment jufqu'à dire qu'il aimeroit mieux connoître dix filles qu'une femme ma- rj

riée. Il y a^ dit (|lielqu'un là-defTus, bien des gens de votre goût. LVIII.

C'efl une coutume en Hongrie qu'a- p. 46*, \ près la Mefle tous ceux qui ont mal aux yeux s'approchent de l'autel pour (z faire verfer de l'eau du calice par le Prê- tre officiant , qui prononce en même tems quelques paroles de l'Ecriture en

Hon-

Les Stigmates font les marques des playes de notre Seigneur que les Cordcliers prétendent qu'il avoit imprimée, fur le corps de leur S, Fraaj cois, .

? Or

iti8 PoGGïAfi A. Part. IF.

Hongrois pour leur fouhaittcr la con*. valefcence. Un Prêtre Florentin , qui fc trouvoit en Hongrie, ayant un jour dit la Mefle en prefcnce de l'Empereur Sigifmond , plufieurs gens qui avoient mal aux yeux s'approchèrent du Prêtre, afin qu'il y répandît de l'eau du calice félon la coutume. Le Prêtre qui crût que les yeux ne leur pleuroient que pour avoir trop bu la veille , leur verfa de l'eau & leur dit en Italien , Mourez plutôt de Tépée que de trop hoire. L'Em- pereur en rit 6c en ayant fait le conte à, table, tout le monde en rit auffi, hor- mis ceux qui avoient mal aux yeux.

p ^j La coutume ô^l'éducation mettent beaucoup de différence entre les hom-r mes. Un homme fort riche allant en hyver à Bologne, fourré depuis la tête ^ufqu'aux pieds rencontra , un jour qu'il fàifoit un froid horrible un pauvre Paï- fan qui n'avoit fur lui qu'un méchant juflaucorps. Le Voyageur lui deman- da s'il n'avoit pas grand froid. Non, lui dit le Païfan d'un vifage fort gai. Comment cela fe peut-il ? je gelé fous mes peliflcs. Ah , dit le Païfan , ft comme moi vous portiez tout ce que

^OÎtS

Recueil DE BONS MOTS. Zip

vous avez d'habits vous n'auriez point froid.

LX. Il y a des exemples de fîmplicité fort p. 45»* fînguliers ôc fort facétieux. Un Païfan de Pergola , petite Ville de l'Etat de l'Eglife dans le Duché d'Urbjn, eût bien voulu marier fa fille à un de fcs voifîns. Le yoilîn n'y vouloit point entendre parce qu'il la trouvoit encore trop jeu- ne pour être mariée. Oh^ dit le père, die e fi 'bien nubile ^ car elle a déjà eu,

trois enfans du Vicaire de notre Curé.

LXI. En voici un autre exemple. Un Vc- 'p, 4^4^ nitien homme fort fîmple, étoit mon? à cheval pour aller à la Campagne \ Il avoit derrière lui fon valet à pied. Le cheval donna un coup de pied au valet, qui de colère prit une pierre & la jetta contre le dos de fon maître croyant la jetter au cheval. Le maître

crut, que c'étoit le cheyal qui lui avoit donné un coup de pied. Cependant comme le valet ne pouvoit pas marcher fort vîte 1g maître le querelloit i Je ne faurois, dit-il, marcher plus vîte, vo- tre cheval m'a blefle. Oh, dit le Veni- ^eq, ce n'eft rien, c'ell une bête fort

2.10 VoGGiAJ^ A.. Part. IF. vicicufc, elle m'a aufli donné un coup de pied dans les reins. L X 1 1. jp. 488. Un de ces Moines quêteurs qui vont par le pais demandant l'aumône pour S. Antoine de Padoue , avoit tiré une bonne quantité de bled d'un PaiTan , fur la promeflc qu'il lui avoit faite qu'il profpereroit cette année -là, & qu'il ne perdroit pas une de Tes brebis. Le Paiiân , fur la parole du Religieux laif* errer fes brebis à l'avanture, il vint un loup qui en mangea plufieurs. Le quêteur revint l'année fuivante & rede- manda du grain. Mais le Païfan lui en refufa & fe plaignit qu'il l'avoit affron- té ôc que le loup avoit mangé lés bre- bis. Oh , dit le Moine , je ne m'en éton- ne pas , il ne faut point vous fier au loup, e'elt une méchante bête qui n'a point de parole. Elle tromperoit non feule- ment S. Antoine, mais notre Seigneur Çi elle pouvoit.

Antoine furnommé de Padoue, par- ce qu'il étoit Profefleur en Théologie dans cette Ville & qu'il y mourut , étoit un Moine Francifcain , Originaire de Lisbonne. Il fut canonifé par Gregoi- l^elX. dans le XIU"^«. fiécle. Voici fe

HeCUEIL DE BONS MOTS, iil

jugement que Poîydore Vergile Auteur Polyd, Italien faifoit des Moines de ce nom^^SJï* fur la fin du XV'"^ fiècle, & par con^ ^'yH' ièquent avant la Réformation, Ceflyp.^66. y

dit-il, une racaille de gens qui pillent le fl

peuple Chrétien avec autant d'impudence que d'impunité. Ils portent la lettre Tp peinte fur leur poitrine , pour être rer connus Difciples de S. Antoine , ^ pour demander r aumône fous ce prétexte. En certaines fatfons de Vannée on leur don- ne des porcs qu'ils mènent de village en mllage afin qiCon les murrijfe en Thon- neur de S. Antoine , à qui cet animal (^ plufieurs autres font confacrez. L X I ï I, Un Voyageur ayant fait bonne cheré p^ .g, . dans un cabaret , l'Hôte lui demanda Ton payement. Le Voyageur dit qu'il n'a- voit point d'argent, mais qu'au lieu de cela il lui chanteroit les plus jolies chan- {bns du monde. Le Cabaretier répon- dit qu'il vouloit de l'argent & non des chanfons. Mais je vous en chante une qui vous plai(è,ne la prendrez- vous pas

Eour argent comptant ? A la bonne eurCjdit l'Hôte. Il lui en chanta plu- fieurs qui ne lui plurent point. Enfin îf Chanteur mettant la main à la bourfc

€om'

îii VoGGiAN A. Pari. IF.

comme s'il eût voulu la délier; Pour cette fois je m'en vais vous en chanter une qui fera de votre goût. Il fe mit à en chanter une qu'on appelle en Ita- lien la Chanfon du Voyageur. Mettez la main à la hourfe i^ payez VHote, Gel-' le-ci vous plait-elle? Oz/i, dit l'Hôte. Vous êtes donc payé ^diix. le Voyageur 5& S'en alla.

LXIV. \f, 468. Un Do6tcur de Milan fort ignorant S'imaginoit que les oifeauxfuyoientnort aii fon de la voix, mais uu fens des pa- roles que l'on prononçoit. Il eut un jour Ja curiofité d'accompagner un Oi- felcur qui alloit prendre des oilêaux au filet. Celui-ci lui recommanda fort de ne point parler. Mais dès qu'il vit des oifeaux afTemblez il crut devoir en avertir l'Oifeleur ; les oifeaux de s'envo- ler. L'Oifeleur le pria encore une fois de ne dire mot, & il le promit. Les oifeaux revinrent 6c le Dofteur cria en Latin : Foila des oifeaux. Comme l'Oi- fèleur lui en faifoit des reproches , je ne croyois pas^ dit-il, que les oifeaux enten» àiffent le Latin.

LXV. Un homme de Peroufe fort obéré

s'en

p. 473.

Recueil DE BONS Mots, ii^

s'en alloit dans la rue tout melancholi- que. Quelque paffant lui demanda quel étoit le fujet de fa trifteflc. Je dois^ dit-il, & je ne faurois payer. Boni lui repartit l'autre, Laijez cette inquiet U' de à 'votre Créancier.

LXVI.

Un certain boufon connu de Poggé, p. 4761 demanda à un Religieux lequel étoit le plus agréable à Dieu de dire ou de fai- re. Le Religieux répondit que c'étoit de faire. Il y a donc plus de mérite, dit le boufon i à faire des Patenôtres * qu'à en dire.

L X V 1 1.

Il n'y a rien de ordinaire que de p. 48 ij Voir les Fanfarons de bravoure faigner du nez dans l'occafîon. Lorfque l'Em- pereur Frédéric II. mourut en Italie -f", la guerre y étoit allumée de tous cotez. Un jour bataille un Officier de dif-

tinc-

* Les Patenôtres font des chapelets avec Icf- quels on recite le Pater.

t 11 mourut en 1159. dans la Fouille au Royau- me de Naplès proche de Luceria , & non à Sien- ne proche de Florence , comme le dit Pogge.ne penfant pas qu'il y a auffi dans la Fouille un en- droit qui s'appelle Florence, ou Florenzola. Stru-v, Synt. Hifi. Germ, DifT, XX,

zz4 PoGGiANA. Part. IV.

tinébion fut des premiers à cheval fai- lânt de grandes rodomontades Ôc re- prochant aux autres leur lenteur 6c leur lâcheté, y irai , difoit-il , contre renne- mi quardje den^rois y être [euh II fit en- viron un mille aii grand galop. Mais comme il vit revenir du combat, qui avoit déjà commencé , des Soldats cou- verts de bleflures j il fe mit à n'aller que ie pas. II s'approcha enfin pas à pas , mais entendant les cris des deux armées, éc voyant que le combat étoit furieux, il s'arrêta tout-à-coup comme s'il eût été pétrifié. Quelqu'un qui l'avoit en- tendu fe faire tout blanc de fon épéc, lui demanda pourquoi il n'avançoit pas. JefenSi, dit-il, que je ne fuis pas intrépide comme je me croyois. LXVIII. I'. 48 j. Un Tyran qui ne cherchoit qu'à fàî- gner (qs Sujets en exigeoit d'eux des chofes impofTibles fous de grofles pei- I nés. Il commanda à l'un d'eux d'ap- yJr prendre à lire à un âne. L'autre n'ofant /\ ' refufcr demanda dix ans de terme pour pouvoir exécuter cet ordre, il les ob- tint. Comme on le moquoit de lui d'a- voir entrepris une choiê auiîi impofîi- blc, Laijfsz-moi faire ^ dit-il, y> n'ai

rien

ReCÙEILDE BONS MOTS. 22^»

rien à craindî-e , avant ce tems-là ou je Tîourrai^ ou Pâne^ ou mon jnatTre tnour- ront.

LXIX

Un Curé annonçant au peuple la fc- P- 4Î<5o te de V Epiphanie, Je nefai^ dit-il, Jt f' ^P*" ('eji un homme ou une femme ^ mais c'efi eft com- une grande folemnité. muné-

LXX. ^JJ^t^l^

Il y a beaucoup de gens qui pour Rofg. * lâuver les apparences font commettre Ibid, par d'autres à leur profit des crimes qu'ils ont honte de commettre eux-mê- mes. Un homme qui avoit befoin d'ar- gent alla pour en emprunter fur gage chez un vieux Bourgeois qui avoit fait métier d'ufure, mais qui feignoit d'y a- voir renoncé. L'emprunteur portoit pour gage une croix d'argent, q>\x on prétendoit qu'il y avoit un morceau du bois de la vraie croix. Le rufé vieillard répondit qu'il ne fe mêloit plus de ce mauvais trafic , mais qu'il avoit un pen- dart de fils qui pourroit lui faire fon af- ^ faire. Il le fait conduire chez fon fils par fon valet. Apeineavoit-il fait quel- ques pas que le vieux ufurier cria au va-» let : Au moins ^ dites à mon fils qu^il rab' bâte de lafomme ce que pefe le bois.

rom, IL P LXXI

ti6 P o G G I A N A. Part. IF. LXXI.

îbid. Un Chevalier de l'Ordre de la Toi- fon d'or étant venu en Ambaflade à Flo- rence faifoit parade de plufieurs chaînes qu'il avoit à Ton col. Un homme d'el- prit dit là-defllis : On fe contente d'une chaîne pour les autres fous , mais celui-ci en 'veut avoir plufieurs.

LXXII.

Ibid. Il y a des gens qui goguenardent 6c profanent jufqu'au dernier foupir. Un Religieux qui étoit allé voir un hom- me de ce mauvais caraétere au lit de la mort lui difoit entre autres chofes, que Dieu avoit accoutumé de châtier ceux qu'il aime. Je ne ni" étonne donc pasj dit le malade , Ji Dieu a fi peu d'amis puis qu'il traite fi mal ceux qu'il aime *. LXXIII.

Ibid. Il y a de faux penitens qui femblent n'aller à confefTe que pour moquer de la Religion ôc du Confcfleur. Quel- quefois même le Confefleur & le Péni- tent ne valent pas mieux l'un que l'au- . tre. On voit des Confefleurs qui abfol-

vent

* Voyez une femblablé impieté dans la note fur Dam on de la première Satyre de Dcfpreaiix au fujet de M. Caii^drc.

ReCUEILDE BONS MOTS. ZlJ

vent leurs Penitens , dépens compenfez , à l'exemple des Juges qui mettent quel- quefois les plaideurs hors de cour 8c de procès comme II devant Dieu le péché de Tun pouvoit expier celui de l'autre. Un Pénitent alla dire un jour à Ton Con- felTeui' qu'il avoit volé fon voifin, mais que ce même voifin l'avoit volé auffi. Ce même homme lui dit encore : J'ai 3, battu un homme , mais il s'eft bien 55 revenché ". bien ^ dit le Prêtre, Vun ejk compenfé par P autre. 5^ J'ai en- 55 core à me confefTer d'un grand pé- ché, dit l'Hypocrite, mais je n'au= ^, rai jamais le courage de vous l'avouerj 5, parce qu'ilvous regarde de fort près". Après avoir long tems balancé, il fe ren- dit aux inftances du Prêtre. ^5 J'ai, ^, dit-il, abufé de votre fœur "j (^ fnoi^ dit le Prêtre , plus d'une fois de votre mère. Ainfi nous 'voila quitte à quitte.

LXXIV. On débite quelquefois au peuple des p.'47d; miracles qui portent avec eux leur ré- futation , mais dont la fingularité mé- rite quelque attention. Pogge témoi- gne qu'étant un jour à Rome au Ser- îïion qu'un Augufiin faifoit dans TEgli- P ^ fe

n

2^8 PoGGIANA. Part. Ip''.

fe Latran, ce Moine pour engagef le peuple à la pénitence raconta publi- quement un miracle qu'il difoit avoir vu 5 il y avoit fix ans j Etant un jour, difoit - il , avec les autres Religieux dans la Bafilique de Latran à dire ma- tines , il fortit d'un tombeau , dans lequel depuis environ quinze jours on avoit enterré un Citoyen Romain, une voix qui appelloit les Religieux. Elle le fit entendre plulîeurs fois inu- tilement parce quelesMoinesétoient trop effi^yez. Mais enfin s'étant raflurez ils allèrent la voix les ap- pelloic. Le mort leur cria de ne rien craindre, mais d'ôter la pierre 6c d'al- ler chercher un calice. Ce qu'ayant fait le mort fe leva , & rejetta dans le calice l'hoflie confacrée qu'il avoit prife avant fa mort , & leur décla- ra qu'il étoiî damné & qu'il fouf- froit des tourmens horribles pour avoir connu fa mère & fa fille , 8c ne s'être pas confefle de (ts crimes après quoi il fe recoucha ". Poggc ne dit point fon fentiment fur ce mira- cle prétendu. Le mien eft que la plus grande grâce que 'l'on puifle faire au Moine, c'eft de croire qu'il avoit vu

ce

Recueil DE BONS MOTS, tzp ce miracle en fonge, & qu'à force de le raconter , il s'étoit perfuadé qu'il ptoit véritable.

LXXV.

Il y a dans la Romagne un Bourg

gppellé Pera qui appartenoit autrefois

aux Génois, & la plupart des Am-

bafladeurs Chrétiens en Turquie font

aujourd'hui leur refidence. Quelques

Génois étant allez à Conftantinoplc

pour y negotier furent infultez par des

Grecs qui tuèrent les uns 6c blelîerent

les autres. Le Conful des Marchands

Génois en porta des plaintes à l'Em- Ce pou-

pereur des Grecs; Ce Prince pour tou- y?.'^^^/* I •,..• r:^ r 1 .. Michel

te punition nt rater le menton aux cou- pajcoio.

pables, ce qui efl une grande ignomi-gueou nie en ce païs-là. Le Conful fe croyant Andronic infulté par une punition qu'il trouvoit *^^ '^ ^ légère permit aux Génois de fe vangcr eux-mêmes. Ils allèrent donc à Conftan- tinoplc & firent main bafle fur plu- fîeurs Grecs.

L'Empereur s'en plaignit au Con- p. 474. fui qui étoit à Pera , & ce dernier pro- mit d'en faire bonne juftice. Il fit en effet amener un jour les coupables dans la place publique, comme s'il eût vou- lu leur faire couper la tête. Tout le P 5 mor\-

ij^o VoGGiAi^ A. Part. IP^.

' niondey accourut, Grecs 6c Latins. Les Prêtres s'y trouvèrent avec leurs croix pour conduire les ibppliciez au cimetière. Le Conful ayant fait faire filence ordon- na qu'on raiât le derrière aux coupables, difant que c'étoit , & non au menton que les Génois avoient de la barbe. LXXVI. p. 47Z. Du tems d'Eugène IV. il y avoit quantité de courtifannes à la Cour de Rome & cette Cour étoit fort effémi- née. Un Cardinal Grec y étant venu avec fa longue barbe on lui confeilla de la faire rafer pour fe conformer à l'ufage. iVo;? «o^ï, dit le Cardinal Ange- lot, il faut bien qu'il y ait un bouc par- mi tant de chèvres.

LXXVIL '■■ ». 465. Un Notaire de Florence, qui avoit i peu de pratique, s'avifa de cette friponr

nerie pour gagner de l'argent. Etant allé trouver un jeune homme dont le père étoit mort, il lui demanda s'il a- voit été payé d'une certaine fomme que fon père avoit prêté à quelqu'un qui étoit mort auffi. Le jeune homme dit qu'il n'avoit point trouvé cette dette parmi les papiers de fon père. J'en ai ^5 fait moi-même l'obligation & je l'ai

5?

en-

Recueil DE BONS MOTS. 2^r

entre les mains , il ne tient qu'à vous de l'acheter ". Le jeune homme acheté le faux aâ:e 6c fait afligner le fils du prétendu débiteur. Celui-ci foûtint qu'il paroiflbit par les Livres de fon Pè- re qui étoit Marchand, qu'il n'avoit ja- mais rien emprunléjÔc alla trouver leNo- taire pour l'accufcr d'avoir fait un faux aéle. Vous n'étiez pas au monde, 35 dit le Notaire , quand cette fomme 5, fut empruntée. Votre père la rendit 55 au bout de quelque tems & j'en ai 55 chez moi la Quittance ". Le jeune homme la racheta 5 6c le Notaire par ce moyen tira de l'argent des deux cotez. LXXVIII. Martin V. comptoit un jour que le p. 44S' Légat de Bologne ayant traité de fou un Doéleur qui follicitoit quelque grâ- ce avec importunité5 le Dofteur de- manda au Légat quand il l'avoit furpris à foire Taétion d'un fou. iLe Légat lui marquoit une certaine occafion ou il prétendoit qu'il avoit fait une folie. Vous vous trompez 5 dit l'autre 5 je n'en ai fait que quand je 'vous ai fait Docteur , car vous rfen étiez pas capable *.

P 4 LXXIX,

^ Il faut que ce foit BalthazarCoffaqui fut de- puis Jean XXIll.depolé au Concile dcConftancç,

t^l POGGIANA. P^r/. //^.

LXXIX.

9.441? A trompeur trompeur 8c demi , dit le Proverbe. * Un Renard voyant des poules juchées avec leur Coq dans une cour tâchoit de les attirer par de belles paroles. J'^^y dit-il, une bonne mu- 'velle à vous apprendre , c''ejl que les anp- fiiaux ont tenu un grand Confeil^ 6? on} fait entre eux une paix éternelle. Defcen- dez 5 dit - il 5 célébrons de bonne amitié cette paix. Le Coq plus fin que le Re- nard fe drefle fur les ergots regarde de tous cotez, ^e regardez-vQus? dit le Renard. Je regarde deux chiens qui s'avancent , & le Renard de fuir à tou- tes jambes. Eh^ dit le Coq, la paix eji faite entre les animaux. Oh , dit le Re- nard , peut-être que ces deux chiens fCen favent pas encore la nouvelle. LXXX. \ f . 43*» Un Paifan étant monté fur un châ- taignier pour fecouer des châtaignes

tomba en defcendant 3c fe rompit une côte. Si vous m^ aviez confulté ^ dit quelque mauvais plaifant qui trouva

là,

* La Fontaine a imite cette Fable , mais il a omis la repartie du Renard fugitif qui a beau-; éoup de feli -

Recueil DE BONS MOTS. 2,3$

là, ce malheur ne vous fer oit pas arrivé^ tnais mon Confeil pourra vous fervir, pour l'avenir. Cefi de ne defcendre ja- inais plus vête que vous êtes monté, LXXXI.

Un certain Nicolas homnie favant , p. 4^9. mais d'un efprit fatyrique & d'une lan- gue fort mal apprife , fe moquoit un jour d'Eugène IV. en ces termes. Je 5, fuis le plus malheureux de tous les 5, homrnesi C'eft aujourd'hui le regnç 5, de la Folie , le Pape avance tous les 55 jours des fots & des fous. ^ Je fuis le 5, ieul pour qui il ne fait rien. C'eft, difoit-il , fa faute , car j'ai tout le -5 mérite qu'il faut pour parvenir. LXXXII.

Un certain Abbé fort gras & d'une Ibid, grofleur excefîive allant un foir afl'ez tard à Florence demanda à un Païfan , s*il entreroit bien dans la Ville. Oui^ 4it le Païfan , qui jouoit fur l'çquivo- que du mot entrer^ puis qu'un chariot de foin y entre bien.

LXXXIII.

On trouvem ici le caraftci'C de bien

des gens. Un Seigneur de Rome étant

allé a Florence pour y entrer en poffef-

iion de quelque charge tint tout un jour

P f les

134 PoGGiANA. Part. IV. les principaux de la Ville à ne parler que de lui. Il leur difoit qu'il avoit été Sénateur Romain , & leur racontoit avec emphafe tout ce qu'il prétendoit qu'on avoit jamais dit ou fait à fa gloire. Après cela il rendoit compte de fon Voyage , comment il ctoit parti de Rome , & par qui il avoit été accom- pagné à fon départ, puis il difoit que la première journée il étoit arrivé à Su- tri , 6c racontoit ce qu'il y avoit fait jufques aux moindres choies. Il s'étoit déjà pafTé plufieurs heures fans que fa narration l'eût conduit à Sienne. Un des auditeurs ennuyé , comme tout le relie de la compagnie, de la longueur d'un difcours li làlhicux & Il inlipide, lui dit à l'oreille , qu'il étoit tard & que s'il ne hâtoit fon Voyage pour ar- river à Florence, il manqueroit l'affai- re imponantc qui l'y avoit fait venir. Il profita de l'avis 6c conclut en difanti Enfin je fuis arrivé à Florence. LXXXIV. On infîjgeoit^ à Terra No'ua une cer- taine peine à ceux qui jouoientauxdez. Un homme de la connoiffance de Pog- ge avant été furpris à y jouer fut mis en prifon. Comme on lui dcmandoit

u

Recueildebonsmots. 23f la caufe de fa détention. C'eft^ dit-il, notre Juge qui m'a fait mettre ici parce que /ai joué mon argent j Je ne [ai ce qu'il m'auroit fait Jifav ois joué le ften. LXXXV.

Qiielqu'un difoit mille plaifanteries dans le Palais du Pape Eugène IV. ,5 Savez vous, lui dit-on, qu'on vous prendra pour un fou ". yenjerois ravi^ dit-il, c^efi le f cul moyen de s'a- vancer auprès de ceux qui gouvernent au-^ jourd'bui.

LXXXVI.

Un Prédicateur prêchant à Pcroufc, dit à fes auditeurs fur la fin de Ton Ser- mon. Mes Frères^ toutes vos femmes m'ont protejîé à confejfe qu'elles avoient été fidèles à leurs maris , ^ vous de VO" tre coté vous avez confejfé que vous aviez tous connu les femmes d' autrui. Dites- tnoi donc , je vous prie , qui des femmes ou des maris a dit la vérité. LXXXVII.

Le Cardinal de Bar Napolitain avoit un Hôpital à Verceil *, dont il tiroit fort peu de profit parce qu'iUvoit beau- coup de malades à entretenir. Il en- voya

* C etoit Landolphe de Maramaur dont il ell parlé dans le Concile de Conftance.

2.^6 VoGGiA^ A. Part. IF. yoya un jour l'Intendant de fa maifon pour en recevoir les rentes. Cet Offi- cier voyant un nombre prodigieux de malades qui confumoient tout le rêver nu de Ton maître s'avifa de ce tour. Il fe deguifa en Médecin & fit aflemblcr tous les malades 5 vifita leurs playes & leur déclara qu'on ne pouvoir les guérir qu'avec un onguent de graifle humaine. Il faut donc , leur dit-il, que des au- jourd'hui vous tiriez au fort entre vous à qui fera cuit dans de l'eau bouillante pour le falut de tous les autres. A ces mots tous les malades effrayez vuiderçnt jncelFamment l'Hôpital.

LXXXVIII. On croit ordinairement que la dif- traftion eft une marque d'efprit. Cette marque cil: au moins bien équivoque 6c ç'cft auffi fouvent une marque de ftu- pidité. Les Païfans les plus grofliers ont leurs dillraétions auffi bien que les plus grands cfprits. Un Paifan de Terra Nova, nommé Mancini, gagnoit fa vie à mener du bled dans les Villes du voir finage. Un jour qu'il rerenoit du mar- ché il monta fur le plus beau de lès àne3 dont il la voit bien le compte. Approchant de fa maifon il s'apper^'ut qu'il lui en

(liant

Recueil DE BONS MOTS. 237 manquoit un, ne comptant pas celui qu'il montoit. Il retourne fur fcs pas & court fept milles de chemin demandant fon âne à tout le monde. Point de nouvelles. Il s'en retournoit fort trifte de fa perte^ lorfqu'étant defcendu de deflus fon âne, fa femme l'avertit que c'étoit celui qu'il cherchoit.

LXXXIX.

Un autre Païfan , après avoir labou-^ jufqu'à midi, fe mit avec charrue fur un âne , pour ne pas fatiguer fes bœufs à la traîner. S'appercevant qu6 l'animal fuccomboit fous le poids il defcend , met fa charrue fur la tête , 6c remonte en difant à fon âne : 'Tu mar- cheras bien à prefent^ ce rCefl pas toi qui porte la charrue , c^eji moi. La diftrac- tion eft certainement une abfence d'cA prit , un défaut , une impoliteffe dont tout homme qui veut être fociable doit fe corriger foifflieufement. XC. Il y avoit dans une Ville proche de, Boulogne un Podefiat ou autrement un Juge fort ignorant. Il vint un jour plai- der devant lui deux hommes dont l'un dcvoit à l'autre. Le Créancier ayant amande fa dette, le Podeftat fe tour-

noit

i^S VoGGi A j^ A. Part. IF'. noit du côté du Débiteur Se le querel- loit de ce qu'ii ne payoit pas ce qu'il devoit. Le Débiteur de nier la dette & le Juge de fe tourner veis le Créancier èc le blâmer de demander ce qui ne lui étoit pas dû. Les ayant ainfi balotez pendant long-tems au lieu de demander des preuves & des témoins , les ren- voya avec ce jugement : P^ous avez , dit-il 5 tous deux perdu ^ gagné. XCL

Un Florentin qui avoit été ablênt de chez lui pendant un an , trouva fa femme en couche à ion retour. Le ma- ri confus & fâché va trouver une ma- trone ^ & lui demande fl une femme pouvoit porter fon fruit douze mois. 0«i, dit-elle, ft par bazard votre fem- me a vu un âne le jour qu'elle a conçu ^ elle n'accouchera qu'au bout d'un an com- me font les âneffes. Le bon mari prit cette rcponfe pour argent comptant & s'en retourna chez lui tout réjoui. XCIL /

Un Prédicateur prêchant le jour de la fête de St. Chriftophore * , c'eft-à-

dire ,

, * Ccft St. Chriftophle.L'Eglife Romaine célè- tjtè deux Saints de ce nom. L'un le i8. Juillet

Recueil DE BONS MOTS. 2,39

dire , porte-ChriJi ^ àtm-nnàd. plufieurs fois à lès auditeurs qui étoit celui qui avoit eu cette gloire de porter J. C- C étoit un âne^ répondit quelqu'un qui s'ennuyoit de fes queftions.

Un jour une grande Princefîe d'Al- lemagne demandoit à un homme de fa- voir & d'e{prit ce que vouloit dire l'Hiftoire de l'âne deBalaam dont il eft parlé dans l'Ecriture , parce qu'elle trouvoit l'Hilloire peu vraifemblable. G étoit une ânejfe , Madame , dit l'inter- rogé. La Princefle en rit & la queftion demeura là.

X C 1 1 1.

Il y a des faits qui paroifTent incroya?- bles 5 mais qu'on ne fauroit pourtant guère fe difpenfer de croire fans incivi- \^ '

lité quand on examine le caraélère des ^

témoins qui en dépofent. Ce que Pog- p. 4S5; ge raconte d'un homme qui fut deux ans fans boire ni manger quoique ce foit cft dans ce rang. Il s'agit d'un Prêtre de Noyon qui exerçoit àRomekchar-

qui cft le jour qu'on prétend que St. Chriftophic fut martyrifé fous Decius j l'autre le 20. Août jour l'on prétend auffi que St. Chriftophic foufFrit le Martyre dans le neuvième Siècle pen- dant la pcrfecution des Sarrafins. Baronii Martyr,

^40 PoGGiANA. PàrL IF. gc de Scripteur de la Chancelcrie Apof^ tolique fous le Pontificat d'Eugène W. Get homme étant allé faire un Voyage dans fa patrie y tomba malade d'une grande Ôc longue maladie qui étoic accompagnée de (ymptomes finguliers. Qi^ielques années après il retourna z Rome fous le Pontificat de Nicolas V. exercer la même charge. il racon- toit à plufieurs graves perfonnages de la Cour Romaine qu'étant relevé de fa maladie il avoit été deux ans fans man- ger ni boire, quoiqu'il eût cflaié fou- vent de faire l'un Se l'autre. Cet hom- me paroifibit de fort bon fens , hom- me de bien , & n'avoit point du tout l'air ni d'un impoltcur ni d'un polTedé, comrhe quelques-uns le croyoient. Tout le monde couroit à lui de toutes paits pour l'interroger là-defllis & Pogge témoigne l'en avoir fouvent entretenu. Il avouoit lui-même qu'il ne l'auroit jamais cru s'il ne l'avoit pas expérimen- té dans fi perfonne. Ceux qui raifon- noient le mieux là-dcfTus jugeoient que la même humeur melancholique qui le rongeoit lui fourniffoit de la nourritu- re. Pogge ajoute ici qu'il avoit lu dans les Annales de France au neuvième fiè-

clc

Recueil 6e BONS Mots. 241

cle fous l'Empereur Lothairc & le Pa- pe Pafchal, que la même chofe étoit ar- rivée à une fille de Toul en Lorraine, qui d'abord avoit été ^ix mois fans man- ger de pain, & enfuite trois ans fkns boire ni manger, & qui étoit revenue à fon premier état.

yÊneas Sylvius raconte à peu près la Corii» même Hiitoire , mais avec quelques ii^^nt. in circonflances différentes, i . Il dit que P'^- J^ cet homme qui etoit Prêtre fut quatre fonf.p. 3^5 ans fans manger, mais qu'il mangeoit38. pourtant un peu , quand il étoit invité chez des Evéques. 2. Que ce même homme étant à Sienne dit à Léonard d'Imola , qu'il s'en alloit à la Cour de Rome, qu'il y fouffriroit , mais qu'il n'y périroit pas. 3. Qu'étant à Rome, il y fut en admiration ôc en odeur de làinteté pendant un afîèz long-tems, mais qu'enfin il fut mis en prifon 6c foiietté^ parce ^ dit fort bien ^neas Sylvius , q^ue tout ee qui tient du prodige eftfufpe^.

X G I V.

Un Prédicateur prêchoit un joUr fur .

l'Evangile de la multiplication des pains. -jr

Au lieu des cinq mille hommes que J. C. repût il n'en nomma que cinq cens. Ce-

Tom. IL O \m

t^z VoGGiAt^ A. Part. IF.

lui qui le fouffloit lui dit tout bas j il

faut dire cinq mille. Taisez-vous, Sot^ repartit l'Orateur, on aura encore ajjez de peine à en croire cinq cens.

xcv.

Quelcun demandoit un jour à Ro- dolphe de Camerino, dont on a parlé ailleurs , un cheval il accompli qu'il étoit impolîible d'en trouver un tel dans aucune écurie j Rodolphe fit tirer de k Tienne une cavalle & un étalon , & dit à cet homme : Tenez , vous n'avez qu'à faire faire un cheval à votre fantaifie, X C V I.

Deux hommes avoient un procès en- femble i l'un d'entre eux donna au Ju- ge un baril d'huile^ 6c l'autre un co- chon. Le Juge prononça pour celui qui lui avoit fait préfent de l'animal. L'autre lui en a}^ant fait des plaintes il répondit qu'il étoit entré dans fa mai- fon un cochon qui avoit rompu le baril d'huile, & que cela lui avoit fait ou- blier fa caufe.

X C V IL

Un Prédicateur, qui au lieu de par- ler fembloit rugir 6c braire, apperçût une femme qui pleuroit à fon Sermon. S'imaginant qu'elle en étoit touchée il

1*

Recueildebonsmots. 24.'^ îa fit venir chez lui pour favoir le fujet de Tes foupirs & de Tes larmes dansJa vue de lui donner quelque conleil ou quelque confolation. Helas! dit-elle, mon Père , en vous entendant il me fem- hloit reconnoître la voix d*un âne* que won mari m'avoit laijjé en mourant pour gagner ma vie , i^ que j^ ai malheur eufe-' ment fer du. Ceft ce qui me faifoit pleU' rer.

% XCVIII. Il n'y a rien de plus équivoque que les apparences de la Vertu , & fouvent rien de plus inutile que le grand Savoir, au moins par rapport aux mœurs. Jean André étoit au quatorzième fiècle un des célèbres Doéteurs en Droit Canon qu'il y eût en Italie. Sa femme le trou- va un jour badinant avec la fcrvantC5 ^'efi devenue , lui dit-elle , votre Sa-- fience? Je Pat donnée^ dit-il, à cette fille.

Jean André vivoit fous Frédéric II, Mainfroi Roi de Sardaigne fils de cet Empereur avoit remporté une viétoire fur les Génois qui tenoient le parti du Pape, & fait quantité de prifonnierSç entre lefquels étoient trois Légats du Pape & une grande quantité de Prélats

4ié,

144 Po G Gi A N A. Part. IV. d'Italie. Le Roi fit demander à l'Em- pereur ce qu'il vouloit qu'on fît de tous Voyez ces Prélats , il lui envoya ce diflique de

P^^^"" la façon de Jean André,.

Jean An- ^ j 7

Otrtnes Pnlati Papa mandante vocati Et Legati vtniant hue u/^ue ligati.

X C I X.

La jaloufic eft une fureur capable de porter les hommes aux dernières extra- vagances, & aux plus grands crimes. Un habitant de Gubio dans le Duché dCUrbin en Italie, foupçonnant la fidéli- té de fa femme, fit par jaloufie pour s'en cclaircir ce que l'Hiftoire Eccle- fîaftique nous apprend qu'Origeneavoit fait par dévotion.

C.

Un Curé de Florence recevant les offrandes de fcs Paroiffiensavoit accou- tumé de dire, Vous en recevrez une fois autant y ïa Vie Eternelle. Je fereis bien content , repondit un vieux Gentil- homme Whtmn^Jî feulement on me ren- doit le capital.

CL

Le Cardinal d'Avignon étoit un hom- msd'un grand mérite, mais extrême- ment

ReCVEIL DE BONS MOTS. 24^

lîîcnt fàftueux. Il ne marchoit jamais fans un beau cortège, & quantité de chevaux de main fuperbemcnt harna- chez. Le Roi de France lui demandant un jour fi les Apôtres marchoient en grande pompe : Non^ dit-il, mais de leur tems Us Rois ne viveient pas non plus comme aujourd'hui , puis qu'ils et oient Bergers^ ^ qu'ils gardoient des troupeaux.

La rcponfe eût mieux valu le Car* dinal eût pris les chofes de plus haut. Il falloir qu'il crût le Roi bien igno^ rant, ou qu'il le fût lui-même beaucoup pour ne favoir pas que du tems des Apq- tres les Rois ne vivoient rien moins qu'en Bergers.

CIL

Quelques Religieux s'cntretenoient un jour de l'âge &; des actions de notrç Seigneur, & difoient qu'il avoit corn" mencé à prêcher à la fin de fa trentiè- me année. Un ignorant de la troupe leur demanda quelle avoit été la pre- mière aétion de Jefus-Chrifl ïiprès ar voir atteint l'âge de trente ansj Com- me ils hefitoient là-dcffus , voîfs voila- bien emharajfez^ leur dit-il,, avec tout votre favoir. Ce qu'il fit d'abord ce

i.4^ PoGGïAN A. Part. IK

fut d'entrer dans [on année trente 13- unième.

ciir.

Un Banquier de Florence étoit allé négocier à Avignon , dans le tems que les Papes y réfîdoient. Etant venu à Rome on lui demanda des nouvelles des Florentins d'Avignon. Ils font gais {^ gaillards^ dit-il, il n^y en a -pas un qui en un an n'y devienne fou. Un autre Florentin qui vouloit venger les compatriotes, lui demanda combien il y avoit rcjournc -, fix mois feulement ^ répondit-ii. Vous êtes bien habile .^ lui dit-on, car 'vous ai'ez fait en fix mois ce que les autres ne font qu'en un an. CIV. Un jeune homme de Florence devint amoureux d'une Dame de qualité, 5c d'une grande vertu. 11 la fuivoit dans toutes les Eglifes pour lui faire un com- pliment qu'il avoit préparé. Un jour qu'elle prenoit de l'eau bénite, il crut Toccafion favorable, mais comme il a- Voit oublié fon compliment , il ne put lui rien dire, ce n'eft , Madame^ je fuis "votre feruiteur. J'a i , lui- dit-elle , njfez de fer'viteurs chez moi pour balayer ja chambre^ ^ faire tout P ouvrage de la ifiaifon. CV.

Recueil DE BONS MOTS. 247 CV.

Un Prédicateur voulant faire enten- dre à Tes Auditeurs que pour juger de la converfion de quelqu'un , il falloit regarder aux œuvres & non aux paro- les & aux larmes, raconta cette fable.. Un homme prcnoit des oifeaux dans 5, une volière & les étrangloit avec Tes doigts. Il (e bleiïa par quelque ac- 5, cident & il pleuroit de douleur. Un 3, des oifeaux qui s'en apperçût dit à fes Camarades, prenons courage ^ il a> ptîé de nous, O ! dit le plus vieux 55 & le plus expérimenté d'entre eux^ ., ô mes enfans^mregardezpas à fes yeux^ 35 regardez à fes mains. CVI.

Pendant la guerre de Grégoire XI. avec les Florentins la Marche d'Anco- ne, & prefque toutes les Provinces de l'Etat Ecclefiaftique fe révoltèrent con- tre ce Pontife. Un Orateur d'Anconc étant envoyé à Florence pour remer- cier les Florentins de ce que par leur iccours ils avoient recouvré leur liberté, le mit à déclamer avec fureur contre le Pape , contre fes Miniftres , Se fur tout contre les Grands Seigneurs, les Ducs, les Gouverneurs des Provinces ' qu'il Q.4 ti'^"

148 P o G G I A N A. Part. IV. traicoit tous de Tyrans. Rodolphe de Camerino alors Duc de Florence , qui ^oit préfent , ofFenfé de cette hardielîc demanda à l'Orateur de quelle profef'' fion il étoit. Il répondit qu'il étoit Docteur en Droit Civil, & qu'il avoir étudié les Loix pendant dix ans. Vous auriez bien fait , dit Rodolphe , d'en employer un à étudier la difcretion. CVII.

Il y avoit à Rome deux Prédica- teurs, dont l'un étoit long & l'autre court. On difoit de celui qui étoit long, qu'il n'étoit pas capable d'être court, éc de celui qui étoit court qu'il n'avoit pas le moyen d'éire long, G VIII.

Il n'y a point de tems plus mal em- ployé, & cependant il n'y en a point qui fe paiïe plus agréablement que celui l'on fait des châteaux en Efpagne. Si ce pafTc-tems étoit volontaire , il donneroit un grand ridicule , mais com- me il ne l'efl; pas , c'eft autant de pris fur l'ennemi. L'ennemi , c'eft l'En- nui.

CIX.

Il y avoit à Rome un Moine Domi-

^caiin qui cxpliquoit Virgile à la Jeu-

' ' ' neiîc.

Recueildebons mots. 24P

nèfle. Quand il rencontroit quelque mot qu'il n'entendoit pas, il fàifoit âCf croire à fes écoliers que ce mot fîgni- fioit un certain oifeau de l'Arabie. C'cft ainfi, dit Pogge, que Laurent Valle donne le change pour couvrir fon igno- rance. Quand il eft convaincu de quel- que faute il la rejette fur le Copifte.

ex.

Le Cardinal Capranica, dont on a par- lé au commencement de cet Ouvra^ ge, n'aimoit point les vifites inutiles. Quand il venoit quelques Courtifans lui rendre vifite fans avoir aucune afFaif rc à lui propofer, il leur demandoit ce qu'ils vouloient , Nous venons , difoit^ on, vous vifiter. Eh bien, répon- doit-il en prcfentant le bras, voyez donc fi j'ai la fièvre,

CXL

Ce même Cardinal fortant du Con* clave oii Alfonfe Borgia , qui étoit Ca- talan , fut élu Pape , fous le nom de Calixte III, rencontra un mendiant qui lui demandoit l'aumône difant qu'il ve- noit de fortir d'encre les mains des Ca- talans. Cefi vous^ dit le Cardinal, qui nous devez donner V aumône , vous forr Sez d'entre les mains des Catalans •, £s?

$,fo VoGGiA-i^ A. Part. IF.

four nous , nous y fommes aUuelUr ment.

Ce mot n'eft pas rapporté par Pog- ge le Père, mais par Baptifte fon fils. M. Auberi , qui le rapporte de Garim- bertjen doute /J^r^f, dit-il, que Calixtt IlL étoit de Valence ôc non pas Cata- lan. Cet habile homme ic trompe. Ca- lixte étoit Catalan , & avoit fait fcs études à Lcrida, mais il avoit été Eve- que de Valence.

ex II.

Le Cardinal Capranica étoit un Pré- lat fort généreux. Il . ne vouloit point qu'on le remerciât des bons offices qu'il reiidoit, 11 ne fc fâchoit pas même qu'un autre s'en fit honneur quoi qu'il li'y eut point de part. Il obtint de Ca- lixte III. que Pogge leroit confirmé dans fa charge de Secrétaire. Le Préfi- xent de la Chancelerie s'en fit honneur & envoya l'expédition à Pogge comme de fa propre part. Capranica le fut; ^''importe , dit-il , pour'uâ que Pogge fait accommodé ?

G X 1 1 1.

Pogge étoit ennemi juré de l'avarice ^ des avares qu'il rcgardoit comme les ennemis du public & d'eux-mêmes. Un

^ ; m-

J

Recueil DE BONS MOTS, ifi

Médecin demandant à un avare qui étoit tombé malade, ce qu'il mangeoit. Dii hœuf^ lui dit l'avare 5 £57* ^pourquoi pas des poulets'^ repartit le Médecin. Ils m conviennent pas à ma nature , dit le Ma- lade , parce qu'ils font trop chers. \Jr\ de fès amis lui en envoya, & il en man- gea avec avidité.

C X I V.

. Un homme de Peroulè avoit envoyé par un efclave à un de Tes amis une cor- beille de figuQs,avec une Lettre. L'ef- clave mangea une partie des figues en chemin. Comme la Lettre marquoit la quantité qu'il y en avoit dans la cor- beille, on lui en fit des reproches, mais il jura que la Lettre avoit menti 6c qu'il n'étoit pas un voleur. Son maî- tre l'envoya une autre fois avec le mê- me préfent accompagné d'une Let° tre, le Valet la cacha fous une pierre, pendant qu'il mangeoit les figues, «'imaginant , qu'elle les lui avoit vu manger l'autre fois. On l'accufa encore 4'avoir mangé des figues, mais il foutint que non , & que quand même il l'auroit feit , la Lettre n'auroit pas pu le voir

parce qu'il l'avoit cachée. Il fallut le.

défabufer à bons coups de fouets. ' ;■

cxv.

zyz VoGGiA^Vi A. Part, IF.

cxv.

p. 305;. Pogge dans fon Traité du malheur des Pnnces rapporte un fort bon mot que Lucien met dans la bouche de Plw tus Dieu des richefles. On fe plaignoit à cette Divinité de ce qu'elle ne fe trou- voit prefque jamais chez les honnêtes gens. Je fuis aveugle^ dit Plutus, les bons font rares ^ les mechans font la fou-

^k j faut-il s'étonner que je me rencontre plus fowvent avec eux ?

C X V I. François Sforcc, qui de fîmple Sol- dat étoit devenu un des plus grands Ca- pitaines de fon tems, avoit accoutumé de dire que quand on avoit trois enne- mis fur les bras, il falloir faire la paix ^vcc l'unj trêve avec l'autre, ôc atta- quer le troifièmc ^.

CXV IL Mots Tous les gens de Lettres doivent cher /Auiu- rir la mémoire de Pifillrate Tyran ^"^•"^ d'Athènes qui vivoit dans la foixante- TARQiiÊ. troiiîème Olympiade , un peu plus de deux cens ans avant la fondation de Ro- me 5 & un peu plus de cinq cens ans

avant

Ammirato , Diflert. politic. ia Tacitum. IÇIII.Diff.lV,

Recueil DE BONS Mots, i^'^

avant J. C. C'étoit un homme d'efprit fort éloquent, bien verfé dans les Scien- ces 6c dans les Difciplines qui avoient vogue en ce tems-là. Ciceron (a) nous (a) pe apprend que ce fut lui qui mit dans Orat. L. l'état nous les avons les Oeuvres d'Ho- ^^^' ^- î'î- mère , que Lycurgue avoit apportées en Grèce (b). Pifiltrate fut le premier (b)^ijan- qui introduifit à Athènes l'ufage dcsBi- var. Hift.* bliotheques publiques (c). Depuis ce XIÏI. 14. tcms-là les Athéniens furent fort foi- tt'^t^-'^^^ gneux d'entretenir & d'enrichir les Bi- bliothèques jufqu'au tems de Xerxès qui après avoir fait brûler la Ville fit emporter tous les Livres en Perfe; Ils furent cnfuite renvoyez à Athènes par Seîeucus Nicator lorfqu'il fucceda à A- lexandre le Grand. L'exemple de Pi- fîftrate fut imité par Eumenès An dus ^ Roi de Pergame qui fît une Bibliothè- que de deux cens mille volumes dont Marc Antoine fit préfent à la Reine Cleopatre (d). Les Ptolomées avoient (d) piuf, beaucoup enchéri fur les Bibliothèques vit. Marc, de Pergame, puis qu'ils avoient afTem- ■'^"'^• blé à Alexandrie julqu'à fept cens mil- ^* ^'*'' le volumes. Cette Bibliothèque fut brûlée pendant la guerre de Cefar & de Pompée.

CXVIII,

2^4 P (5 G G I A N A. Part. IV. CXVIII.

(a) Agel. Varron dans Ton Poème (a) des bons y II. i6. morceaux avoit fait l'énumeration de ceux que les friands de Rome faifoient venir de loin. Le Paon venoit de Sa- (h) Atta- mos, le Francolin (b) de Phrygie, les ^'"* Grues de l'ifle de Melos *, le Chevreau

del'Epire, \tThon de Calcédoine, la Lamproye d'Efpagne^ la Merlue ou le ^ {*) '^f'^'Cabilhau{c) de quelque endroit de Phiy- - gie, les Huîtres de Tarentc, le Péton-

cle de Chio \ , un autre poifTon à co- (d) Plin. quille nommé Elops (d) , de Rhodes j Liv.IX. j^ Scaricot \ de Cilicie, les Noifettes, de quelque Ifle de la mer yEgée , la Palme d'Eg\'pte, une forte de Gland ^ d'Ibere. Les Romains de ce tems-làqui cherchoient des friandifes fi loin , n'é- toient pas du goût d'Euripide qui ré- duit les hommes au pain & à l'eau, comme alimens faciles à avoir ÔC dont On ne fe rebute jamais. CXIX. ' Il faut bien fe garder d'offenfer ccs*gen5

qui

* Horace & Pline témoignent qu'on fertoit des Giues fur les tables des Romains.

\ Peùîunculus. C'cft un petit polifon à coquil- le dentelée. Voyez Hor. Sat. Lib.Il.Sat.IV. 34.

t Pline le met entre les principaux poiiTons de mêr. Liv.IX. C. 17,

Recueil DE BONS MOTS. 2^5*

qui peuvent vous anéantir ou vous im- mortalifer dans leurs Ouvrages tels que font les Poètes. Virgile avoit loué le bon terroir de Noie dans la Campanie. Mais les habitans de cette Ville n'ayant pas voulu lui permettre de faire conduire de leurs eaux dans fa terre 5 il effaça Nola èc mit un autre mot en fa place *.

cxx.

Les mauvaifes nouvelles ôtent (bu- vent l'appétit. Pendant la guerre que le Duc de Milan eut avec les Floren- tins , il étoit pourvu d'un excellent Cui- fînier, qu'il avoit même envoyé en France , pour apprendre fon métier. Un jour que le Duc reçut quelque fâ- cheufe nouvelle de l'Armée , s'étânt mis à table , il ne trouvoit rien de fon goût. Il fit appeller le Cuifinier & le traita d'ignorant 6c d'empoifonneur. Si les Florentins vous ont ôîé l' appétit^ dit le Cuifinier, ce n'efi pas ma faute.

Il y a eu dans ce fîècle-là & dans le

fui-

Agell. Liv. VII. C. 10. Virg. Gcorg. II. 224, Ce Poète mit Ora au lieu de Nola :

Talem dives arat Captta , c^ vicina Vefevo

Orzjugo.

t Voyez la defcription de cette guerre dans FHiftoife Florentine dePoggefvirl'an 1369, p. ^60 37. 38« 59.

tf6 VoGGïA¥!A. Part. IF. fuivant plulieurs Ducs de Milan, qui ont fait la guerre aux Florentins avec des fuccès différents. Autant qu'on en peut juger par l'Hifton-e, il s'agit ici, ou de Bernabo dont l'Armée fut batuë par les Florentins en i 369, & fur qui ils' prirent San Aliniato petite Ville de la Tofcane , ou , de Jean Galeas , qui quelques années après fit une longue guerre aux Florentins , il eut fou- vent du defTous, ou, enûn de Philippe Galeas^ qui quoique fuperieur fut ba- tu plus d'une fois par les Florentins au commencement du quinzième Siècle.

Quoiqu'il en foit , ce Cuifinier qui étoit homme à bons mots, voyant une autre fois le même Duc tout penfif à table, y^ ne Tn" étonne pas .^ dit-il, à quel- qu'un qui ctoit auprès de lui , qii'il foit fi rêveur , il a dans la tête une chofe im- fojfible ' c^eft de contenter T ambition dé' mefurée de fon favori ^ (^ la fienne pro" pre.

CXXI.

Antonio Lufco intime ami de Pogge fut comme lui Secrétaire de Martin V. Ce Pontife en faifoit tant de cas, qu'il l'employoit aux Négociations les plus importantes , comme il fit , lorfqu'iJ

l'en-

Recueil DE BONS MOTS, ify

l'envoya en 142,3. à Philippe Duc de Milan , pour l'engager à faire la Paix avec les Florentins. Cet Antoine étoit d'ailleurs homme d'efprit & heureux cnfbons mots. Martin V. lui ayant ordonné de faire une certaine Lettre, & de la communiquer à un homme en qui le Pontife avoit beaucoup de con- fiance , & qui étoit auffi ami d'Antoi- ne 'y il trouva fon ami à table la tétc échauffée d'un Vin , qui l'avoit rendu de mauvaifè humeur. Il blâma aigre- ment la Lettre d'Antoine, & dit, qu'il la fàlloit faire tout autrement. Je ^, ferai , dit Antoine à quelqu'un , à 5, l'égard de cette Lettre , comme le Tailleur du Duc Jean Galeas à ^, l'égard de fa robe de chambre. 5, Ce Duc après avoir bien foupé troif- 5, vant fa robe de chambre trop étroi- 9, te, fit venir fon Tailleur pour la ré- ), largir. Le Tailleur la pendit queK 5, que part fans y faire un point d'ai- j, guillc, & l'ayant raportée le lende- ), main , le Duc la trouva fort bien. )) Il en fera de même. de ma Lettre j dit Antoine.

CXXL Un Cardinal , qui étoit à la tête des Ce dois Tom, IL R trou-^t«^el®

5J

2f8 VoGGïAVSA. Part. IF. Cardinal troupes de Boniface IX. dans la Mar* Caprani- che d'Ancone , fe trouvant dans une ^^' occafion il falloit vaincre ou mou-

rir, promettoit à fcs Soldats, que s'ik remportoient la vid:oire , ceux qui (c- roient tuez au combat dineroient ce jour-là même avec Dieu & avec les Anges. Ils allèrent au combat avec al- legrelîè j mais comme le Cardinal ne s'cxpolbit point : D'où vient , lui dit un Soldat , que vous ne vous met- ,5 tez point en devoir de participer à 3, ce repas celcfte , auquel vous nous 5, invitez? CV/, dit-il, qu'il n'efi pas tems de dirm' pour moi , parce que je f^^ ai pas faim.

CXXII. •Le Patriarche de Jérufalem, qui étoit à la tête de la Chancelcrie Apoftoli- que, aflembla un jour les Avocats pour quelque affaire. Il s'éleva une difpnte, ce Patriarche dit des paroles fort rudes à ces Avocats. L'un d'entre eux ayant répondu avec fermeté , le Preû- dent lui dit , Vous avez une méchantt 'tête. Cela efi vrMt^ répondit-il^ car fi nous avions une bonne tête , vt que mous voyons n arriver oii pas.

CXXIII,

ReCUEILDE BONS MOTS. 2fp

CXXIIL

Un Evêque d'Arezzo de la connoil^ fance de Pogge aflembla un jour Tes Curez en Synode , & leur ordonna d'apporter leurs ornemens facerdotaux , appeliez en Italien Cappe cette. Un pauvre Curé qui n'avoit point ces or- nemens , étoit fort en peine comment il fe tireroit d'affaire. Sa Servante le voyant tout chagrin , lui demanda ce qu'il a^it; Notre Evêque, dit-il, nous a commandé d'apporter nos chap- pes & nos roquets & je n'en ai point. Bon ! dit-elle , vaus u'a'vez pas bien- compris fa penfée , il 'vous a demandé des chapons cuits. Le Prêtre la crut , Cetto

porta des chapons cuits à l'Evêque , ^'^ Italien

1 r L- n /- j- lignine

qui le reçut tort bien. Ferjonne^ dit- ^^-^^

il 5 n'a mieux entendu mon Mandement que celui-ci.

CXXIV. L'avarice eft une paflîon fort ingc- nieufe. Dans une des guerres de Phi- lippe Bernabo avec les Florentins, ceux-ci avoient publié un Edit , par le- quel ils condamnoient à mort quicon- que parleroit de paix. Un Florentin qui étoit dans la place publique , fut a- bordé par un Frerc mendiant en ces R z ter-

i6o FoGGiA'N A. Part. IK

termes, Paix vous foi f. 'N e favez-vous pas que c'eji un crime capital que de par- 1er de paix ? Retirez-vous au plus vite de feur que je ne pajfe pour votre com- plice^ dit-il 5 & le quitta fans lui rien donner.

cxxv.

C'ell: un grand art de reprendre les fautes d'autrui avec modeftie. Le Con- fefleur de Bernabo Vicomte ^ Milan furprit un jour ce Seigneur etrflagrant délit avec une Courtifanne. Bernabo plein de dépit & de confulîon d'avoir été pris fur le fait , demanda au Con- feffeur ce qu'il feroit s'il fe trouvoit au- près d'une telle femme. Je fai bien , dit-il 5 ce que je ne devrais pas faire ^ mais je ne fai pas ce que je fer ois. CXXVI.

Dans le tems de la guerre de Gré- goire XII. contre les Florentins la Vil- le de Pcroufe leur envoya demander du fêcours contre le Pape. L'un des Orateurs commença fa harangue par ces paroles, donnez-nous de votre huile. Un de (es Collègues lui dit, ce n'eft pas de Thuile , ce font des Soldats qu'il nous faut. Mais, dit l'Orateur, ce font desparoles de V Ecri- ture. Bon! dit l'autre , r^us femmes les

enne-

Recueildebonsmots. z6t

ennemis de VEglife , 13 'vous appeliez r Ecriture Sainte à notre fecours? CXXVII. Les gens fimples & ignorans ont quelquefois des raffinemens fort ridicu- les. La République de Florence avoit envoyé des Ambalfadeurs en France j Ils allèrent en paflànt faluer Bernabo Prince de Milan. Ce Seigneur leur de- manda d'abord qui ils étoient. Nous fommeS'i ne veus dcplaife ^ Monfeigneur^ Citoyens ^ AmbaJJadeurs de Florence. Ils furent congédiez avec beaucoup de civilité. Mais ils ne furent pas plutôt arrivez à Verccil que repayant dans leur efprit cts paroles , ne vous deplaife^ ils jugèrent qu'ils n'avoient pas s'en fêrvir, parce que foit que cela plût ou que cela déplût au Duc , ils n'en étoient pas moins Citoyens & Ambafladeurs de Florence. Ils retournèrent donc à Mi- lan & déclarèrent au Prince qu'ils avoient eu tort de foûmettre leur caraétere à fon bon plaifir. Bernabo qui d'ailleurs n'étoit pas de fort belle humeur, en rit de tout fon cœur, & leur dit qu'il lui plaifoit bien qu'ils fuflent Citoyens ÔC Ambafladeurs de Florence,

R 3 CXXVIIL

162. VoGGJAN A. Part. IF. CXXVIII.

Un jeune homme de Florence d'un fort petit génie difoit à un de Tes amis , qu'il avoit mis à part mille florins pour voyager afin de fe faire connoître dans le monde. F'om feriez bien mieux d'en mettre à part deux mille pour n^étre point connu ^ lui repondit fon ami. CXXIX.

Jean Augut étoit un des plus grands Généraux de fon tems, homme de tê- te & de main , auiTi verfé dans les rufes de la guerre que dans les exploits mili- taires. 11 fc trouva un jour renfermé avec l'x^rmée des Florentins qu'il com- mandoit, entre l'Armée Milanoife de beaucoup inférieure à la fienne, & la rivière de POglio dont le partage étoit très- périlleux , à caufe du voifmage.de cette armée. Jaques de Ver * Général Milanois fâchant la fituation du Géné- ral Florentin , lui fit préfent d'un Renard enfermé dans une cage , comme pour l'infulter de ce qu'il s'étoit laifie mettre en cage, tout fin Renard qu'il étoit. Augut reçut le prefent de la meilleure

gra*

Sur Jaques de Ver, voyei Philippe de Bcr» gamc. Fol 35(5. b.

Recueil de bons mots. i6^ grâce du monde , oc envoya dire au Mi- lanois , que le Renard trouveroit bieq un endroit pour fortir de fa cage , com- me il le fit en effet, par une des belles re- traites 5 dont l'Hiftoire ait jamais parlé *.

cxxx.

Il y a des gens d'avec qui l'on ne (brt jamais fans être pleinement convaincu de l'exiftence du vuide. CXXXI.

Qu'eft-ce qu'un Syjlême ? demandoit un jour une Dame. Cefi un fagot d'idées bien lié ^ bien arrangé^ lui répondit- on en badinant. J'ai trouvé depuis dans Aulugelle , que Democrite avoit pris la réfolution d'enfeigner la Philofophie à Protagoras^ parce qu'il lui avoit vu ar- ranger ôc lier avec art un fagot.

CXXXII. * Un Florentin connu de Pogge avoit pi 404J bcfoin d'un cheval. Il en trouva un qu'on lui voulut vendre vingt-cinq Du- cats. Je vous en donnerai quinze comp- tants, dit- il au Maquignon, & je ferai votre débiteur du relie. Le Maquignon y confentit. Quelques jours après^ il R 4 alla

Pogg. Hifi. FUr. L. III. p. lïo, Abjegé cette Hiftoire. p. 41,

z64 P o G G I A N A. Part. IV. alla demander {t% dix Ducats. Il faut^ dit l'acheteur, vous en tenir à nos con- ventions. Je vous ai dit que je vous devrois le rclte,^: je ne vous le devrois plus, fi je vous le payois. CXXXIII. p .ij8. Il y avoit à Florence un fi grand men- teur, que jamais il n'étoit forti une vé- rité de (a bouche. Un homme qui le connoiflbit fur ce pied-là, lui dit. Vous fnentez^ d'aufll loin qu'il le vit. Com- ment mentirois-je , repartit-il , je n^al pas ouierî la bouche. Je veux dire, que dès que vous l'ouvrirez vous men- tirez.

CXXXIV. p. 480. Il y a des chofcs qu'un Catholique Romain ne regarderoit que comme une médifance, fi c'étoit un Huguenot qui les dit. Pogge raconte que dans un tems oii l'Italie étoit menacée de la pefte , un Charlatan de Moine vendoit des amuletes (a) par Icfquels il promet- toit qu'on feroit garanti de la pelle en les pendant au col ; mais en même tems il défendoit de les ouvrir pendant

quin-

(«) BiHets ou brefs il y aK)it âcs paroles q%

f es caractères. ' ' .:< '^ ' ' ' "

Recueil DE BONS MOTS. z6f

quinze jours. Quand il eut fait moiflbn , il fe retira. On ouvrit les billets 5 6c on y trouva ces mots qui découvroient tout enfemble l'impoftu- re, l'impiété & leffi-onterie du Moi- ne : Femmes y quand vous filez ^Ji votre fufeati vient à tomber , ferrez bien le derrière en le ramajfant.

cxxxv.

Pogge nous aflure qu'un certain Ro- p.46oi main de fa connoilîance étant monté fur une muraille prêchoit à des ro- fèaux, comme fi c'eût été des hom- mes. Là il difcouroit de l'état de la Ville & des Citoyens. Il fe leva un petit vent, qui agi toit les rofeaux. Le fou de Prédicateur s'imaginant que c'é- toient des hommes qui lui faifoient la révérence pour le remercier de fon Ser- mon : Mejjieurs les Romains , dit- il , foint tant de révérences , je fuis le moin- dre d" entre vous. Pogge dit, que cela pafla en proverbe.

CXXXVL

Il y a des gens qui ont le (êcret de Ibid» trouver leur profit dans les confeils qu'ils donnent aux autres. Il y a une Ville dans la Marche d'Ancone c'eft k coutume d'inviter fbn voifin , R ^ quand

l66 VoGGiAVi A. Part. IF.

quand on a tué un cochon. Un Bour- geois de cette ville , qui auroit bien voulu éviter cette dépenfc, alla pren- dre conleil d'un de ks compères, qui lui confeilla de dire qu'on lui avoit volé Ton cochon. Le donneur d'avis ne man- qua pas d'aller lui - même la nuit enle- ver le cochon de fon compère. Le pau- vre Bourgeois qui avoit été volé, s'en alla dès le matin faire (es condoléances chez le compère , 6c jura (es grands Dieux, que fon cochon lui avoit été volé. Vous faites bien de parler ainli , lui dit le voleur, c'ell ce quejevou» avois confeillé.

AVIS

î(î7

AVIS

Sur les bons mots

D'iENEAS SYLVIUS.

ANTOINE DE PALERxME,de l'illuf^ tre famille desBcccadelli de Bolo- gne, fut un des premiers hommes de Let- tres, 6c un des plus beaux cfprits du qua- torzième 6c du quinzième liècle. Il étoit Jurifconfulte de profeiîîon , mais il fut aufîi Théologien, Orateur, Hiftorien, Poète 6c très-excellent Humanifle, Ses talents 6c Tes vertus lui attirèrent l'efti- me 6c les bonnes grâces de plufîeurs Grands Seigneurs, qui fc firent hon- neur de fon amitié. L'Empereur Si- gifmond lui donna, félon l'ufage de ce tems-là , la couronne de Laurier , en qualité de grand Orateur 6c d'excellent Poëte. Philippe M;iric Duc de Milan

avoit

2<58 VoGG\A-i^\. Part. IF. av'oit pour lui une elHme,qui alloitjufi qu'à la tendicffe. Il lui faifoit une pen- fion de huit cens Ducats d'or pour en- feigner les belles Lettres à la jeunefle, & il fe mit lui-même au rang defesDif- ciples. Il les enfeigna aufîi à Alphonfe Roi d'Arragottjdc Sicile & de Naples, qui en fit non feulement fon Précep- teur, mais fon Confeiller 6c même fon ami intime. Ce Prince le combla d'hon- neurs, de dignitez & de bienfaits, 6c l'employa à plufleurs AmbafTades impor- tantes. Entre autres marques de dilHnc- tion, il lui permit d'avoir les mêmes armes que lui fur fon cachet , comme cela paroît par une patente de i4fo. écrite de la propre main du Roi. Il n'eut pas moins de part à la faveur de Ferdinand fils ôc SuccefTeur d' Alphon- fe. Antoine avoit érigé à Naples une belle Académie d'oi^i il eii forti quanti- té de grands pcrlbnnages. Il mourut dans cette Capitale en 1471. âgé de 78. ans. Il s'étoit fait lui même cette Epitaphc ;

É)«xnVe, Piérides, alium qui pkret âmertSx ^iritt qui Re^um fyrtiafa^a canat.

Recueil DE BONS MOTS. 25p

Me Fater ille ingens hominum facîor atque Rg'^ demptor Evocatf CT* fedes donat Adiré piat»

Il compofa plufieurs Ouvrages tant en vers qu'en profe. On a parlé ailleurs de fon Hermaphrodite^ pièce obfcene, qui ne fauroit faire honneur, quelque bien écrite, qu'elle puiflè être. Une de fes principales produétionsi font les Dits^ les Faits d Alphonfe Roid^Arra- gon , Ouvrage qui lui valut mille Du-^ cats d'or *=. tÎLneas Sylvius Evéque de Sienne & cnfuitePape fous le nom de Pie II. fit des Commentaires ou plutôt des Remarques 6c des Réflexions fur ces bons mots d' Alphonfe , recueillis par Antoine dePalerme. Il lesmetaudeiTus de ceux des Anciens.

Ces Reflexions d'iEncas Sylvius mar- quent en lui deux exccllens cara6beres, celui d'un bon Citoyen & d'un bon E- vêque , & celui d'un homme animé d'un grand zcle pour le Chrillianifme. Comme il ctoit tout enfemble & Ci- toyen

* Tout ceci eft tiré de la Bibliothèque Sid- lienned'AntoniusMongitor, Dodteur en Théo- logie à Palerme,

270 "PoGGiAysA. Pari. IF. '^ïn.Sylv. toyen 8c Evêque de Sienne, la plupart Corn- de (es Reflexions roulent fur le falut & ?}P"'^-à" la délivrance de i^à Patrie &de fon Eeli- Fadt. Al- ïC ^lors opprimée par la Ligue qu Al- fonfi.p.8. phonfe avoit faite avec le Duc de Mi- lan contre Venife 6c Florence. Le Roi jiîphonfe^ difoit-il, inar chant à U tête de fon armée contre Us Vénitiens i3 Us Florentins , rencontra Us Ânibéiffadeurs ces deux Républiques , qui venoient an devant de lui pour lui demander la paix , t^ il la leur donna. Ne la donnera-t^ il point aux Sienois , qui fe font décla* rex vaincus , ^ qui ont imploré fa clé- mence avant même qu'il eut pris les ar- mes ? Cet aUe de clémence lui acquerroit d'autant plus de gloire , que comme Us Vénitiens ^ Us Florentins font beaucoup plus puiffans que les Sienois , on pourroit croire que U Roi n'a donné la paix aux premiers^ que dans la crainte de ne pou- voir les vaincre. Au lieu que s'il la don- ne aux Sienois on ne pourra l'attribuer qu^à fa généroftté. C'cll: ainfi qu'iï;,neas Sylvius ne perd aucune occafion de mar- quer dans ce petit Ouvrage fon amour pour fon Eglife & pour fa Patrie , 5c c*efî: même par qu'il commence Ces Remarques fur la pièce de fon ami.

La

Recueil DE BONS MOTS, lyt^ La guerre dont on vient de parler mcttoit en feu toute l'Italie , 6c empê- choit le Pape , le Roi de Naples 6c les autres Puifîlmces voifines d'aller fecou- rir les Chrétiens contre les Turcs. C'ell le fécond objet d'JEneasSylviusdansies Remarques. Entre autres aéfcionsdegé- nérolîté d'Alphonfe , Antoine de Pa- lerme racontoit qu'un jour ce Monar- que s'expofa au danger de périr pour fauvcr une Qalereoù il n'y av oit pas plus de deux cens perfonnes. ^e ne fera-t-il point ^dit-\z defllis ^neas Sylvius , />o^^r fauver la najjelk de J. C. prête à périr par la fureur des Turcs? Pour exculer Alphonfè de ce qu'en faveur de Philip- pe Duc de Milan il avoit entrepris la guerre contre les Vénitiens , Antoine de Palerme difoit , que ce Monarque avoit de grandes obligations * au Duc. Il en a bien plus à J. C, dit là-delîus JEnc'às Sylvius , ^ue n'entreprend-il donc Ja guerre contre les Turcs ennemis du nom Chrétien ? En eifet Alphonfè donna la

paix

* Le Duc ayant pris Alphonfè prifonnier dans une guerre, lui rendit genereulement la liberté, fans exigeraucune rançon. ,<<»»»> jm^. Differt. PoUf, in Tacit. L. V. Diic. 7.

zjz VoGGiAVi A. Part. jy.

paix à l'Italie, marcha contre Mahomet a la tête d'une grofle armée , & en re- vint triomphant. Cet échantillon nous infpire l'envie de faire part au Public de quelques traits & de quelques bons mots, qui fe trouvent dans cette pièce du Pré- lat de Sienne.

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BONS

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•t^ f^ vS y«S vS -^ -T<S V^S V^ -/S -/^ -f<S -/*> -^ -^ t'^

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BONS MOTS

D'iENEAS SYLVIUS.

L

SI les Gots 8c les Lombards avoient >J^n.Syl?J eu des Alphonfes pour Rois, nous au- mem'in rions Tite Live tout entier, & onn'au- Di(fi.& roit point à regreter la perte d'aucun Fad. AI»

ancien Auteur, P^°"^^ ,

Reg. p. si

IL

Alphonfe approuvoit fort ce mot^ qu'il avoit lu dans la Préface d'une Ver- iion Françoife des Livres de S. Augulr tin de la Cité de Dieu, ^u'un Roi fans heures eji un âne couronné. Ce mot eft bon pour encourager les Princes à étu- dier, mais il eft fort outré. Un Roi peut avoir des qualitez héroïques Sc régner dignement fans favoir ni A iiiB.

tom, IL È lit

Z74 PoGGiANA. Part. IJ^.

III.

îbid D < Il faut que les Harpies foient en grand ' nombre, car je n'ai jamais vu de Cour

cil il n'y eût ûe ces oifeaux-là. IV. I».,, Il faut qu'un Roi furmonte coura- "' geufement tous les obftacles dans une cntreprife julte , mais quand elle ne l'eft pas, il y a plus de grandeur à s'en dédire qu'à y perfîller. Alors il eft plus glorieux d'être vaincu qus de vaincre.

y- V

^ m j^neas Sylvius étoit à table à Vien-

' ' ne chez Julien Cardinal de St. Ange qui préfida au Concile de Bafle. Com- me on s'entretenoit de ce Concile ilfur- vint tout à coup un petit tremblement de terre. L'Anibaffadeur de Cologne qui étoit des conviez avoit déjà quitté la table, & entrainoit tous les autres, lorfque le Cardinal Julien leur dit d'un grand fang froid : O mes amis , pre- Tiez courage , nous parlions tout à T heu- re du Concile de Bafle. H a fait trem- bler toute la terre , mais il ne Va pas renverfée.

VI. ^ .^' Il y avoit à Cologne un Peintre fort ^•'^- ^ habi-

Recueildebons mots. Ijf îiabile, mais parefîeux & yvrogne. Il avoit engagé au cabaret plulîeurs ima* ges de notre Seigneur. Comme on lui demandoit pourquoi il ne les vendoit |5as. C'eft, dit-il, que j'aime mieux être Chrétien que Juif. VII.

François Philelphe envoya des Saty- res de fa l-açonauRoiAlphon{è,^neas Sylviusdifoit là-defTus ; Apparemment ^5 Philelphe a lu ce que les Anciens ont ), écrit du Poète Grec Oppicn, qui ayant 55 envoyé à Antonin le pieux Ton Poème Voffius 5, lur la nature des pafîions , reçut upe prétend 5, pièce d'or pour chaque vers. Amonln

VIII. Caracalla.

Marian Socin^ célèbre Jurifconfulte C'étoit du quinzième fîècle, négligea beaucoup g^*"'!" fès études depuis qu'il fe fut' marie, rnéréfiar- Comme on lui alleguoit l'exemple de queFauf- Socrate , qui depuis fon mariage n'avoit t^ Socin* J)as moins étudié qu'auparavant. Je n'en fuis pas furpris , dit-il, Xantippe étoit laide ôc méchante , ma femme eft bon- ne & d'une â:rande beauté. ^ IX.

s. Bernardin de Sienne dont on a parlé ailleurs, difoit qu'il n'étoit per- dis de prêter à intérêt , qu'à ceux S % qui

%jS 1? oGGi AS A. Part. IF^

qui n'avoient pas le moyen de rendre le capital.

X.

Quelques Grands de Hongrie étant entrez un jour dans le Palais de Sigif- mond leur Roi à defTein de le prendre prifonnier ou de le malTacrer, ce Prin- ce s'avança vers eux, & leur dit, Y a-t-il quelcun d'entre vous afTez har- di , pour mettre la main fur moi ? Quel mal ai -je fait pour mériter la mort? Mais fi tel eft votre deflein, j, qu'un d'entre vous s'avance & fc bat- 3, te feul à feul avec moi , s'il en a le courage ". Un langage fi magnani- me les fit retirer tous. XL

L'Empereur Frédéric ayant été cou- ronné à Rome, alla rendre vifite à Al- phonfc Roi de Naples. Quand il fut de retour en Allemagne, on lui deman- da ce qu'il avoit vu de plus mémora- ble dans fon Voyage. J'ai vu y dit-il y jilphonfe qui eft U plus grand (^ le plus prudent des Rois qui régnent à prefent. Comme on n'approuvoit pas qu'étant Empereur , il eût été rendre vifite à un Roi. Il eft mai y dit-il, que r auto- rité d'un Empereur eft plus grande que

6ei*

Recueil DE BONSMOTs. 2,77 celle d'un Roi , mais Alphonfe efi plus grand que Frédéric.

XII.

On apporta un jour à l'Empereur Sigifmond quarante mille Ducats d'or, qu'il fit mettre dans la chambre il devoit coucher. Etant au lit il révoit avec tant d'inquiétude fur l'emploi qu'il feroit de cet argent, qu'il ne put jamais attrapper le fommeil. C'ell: ce qui lui fit prendre la reiblution de mander ami- nuit Tes Miniflres d'Etat & Tes Généraux. Ils vinrent fort allarmez d'un ordre fi ex- traordinaire. Dés qu'ils furent entrez dans la chambre, l'Empereur ouvrit fon coffre & leurdilîribua cet argent. Vous n'avez, leur dit- il enfuite , qu'à vous retirer j je m'en vais dormir tranquile- ment , puifque ce qui m'avoit 6té le fommeil ell forti avec vous. XI II.

L'Empereur Frédéric III. n'avoit jamais goûté de vin non plus qu'Eleo- nor fon Epoufe. Les Médecins ayant confeillé à cette Impératrice d'en ufer pour avoir lignée, Frédéric dit qu'il ai- moit mieux que fa femme fût llerile, que fujette au vin. Quand on le rap- porta à Eleonor j Quoique j'aime mon S 3 Epoux

âjS PoGGiANA. Part, IF, Epoux à l'égal de la vie, dit-elle, 6c que je lui obeïfTe toujours avec plailîr, j'aiinerois mieux mourir qu'obcir, s'il me commandoit de boire du vin. XIV. Il y a dans la vie de cet Empereur des traits de clémence & de generofité fort remarquables. Après la mort d'Al- bert Roi des Romains , les Ele6teurs s'afTemblerent à Francfort pour éli- re un Empereur. Un certain Jean de Gers Weftphalien , qui avoit été Protonotaire de Sigifmond, y alla pour s'oppofer à l'éleélion de Frédéric , con- tre qui il inventoit mille calomnies. Frédéric fut néanmoins élu. Mais com- me il alloit à Rome pour y recevoir la Couronne Impériale , Gers écrivit à Ni- colas V. pour empêcher ce Pape de couronner l'Empereur. Ce Prince fut tout cela , mais au lieu de s'en vanger , il laifTa Gers jouir paifiblement de fcs biens à Vienne , fans lui témoigner ja- mais le moindre reffentiment. XV. Le même Prince étant allé à Aix la Chapelle pour fe faire couronner , Al- bert Ton frère fe ligua contre lui avec les Comtes de Cillei. Ils lui enlevèrent

Recueil DE BONS MOTS, zjp

h Carniole , les Villes de Lauhach , de Kreinsbourg , de Triefte , 6c fouleverent la Carïnthie 6c la Stirie. Comme fes amis lui confeilloient de différer le def- fein de fon Couronnement pour aller dé- fendre fon patrimoine, lui difant que l'Empire étoit l'affaire du public, que la défenfc de fon pais étoit la fîenne pro- pre , il répondit , qu'il vouloit faire les affaires du public par lui-même 6c les fîenncs par procureur ; il fe contenta d'envoyer des troupes 6c des Généraux contre fes ennemis , 6c continua fa rou- te. Après fon couronnement il trouva que fon frère 6c les Comtes avoient été battus. Il fit venir fon frère, lui par- donna, 6c le rétablit dans (ts Etats , con- tent de lui avoir reproché fon infidélité. XVI. Les anciens Comtes de Wirtemberg étoient déjà puifîàns 6c redoutables dans le quatorzième lîècle, quoiqu'ils n'euffent pas encore la qualité de Prin- ces. ^Eneas Sylvius les taxe de rébel- lion contre l'Eglife 6c contre l'Empire, Un Gentilhomme qui avoit été fort avant dans leurs intérêts quitta leur par- ti ôc s'étant retiré à la Cour de l'Em- pereur Henri feptième, il ne celToit de S 4 me-

|,8o PoGGtANA. Part. IV.

médire d'eux comme de brigands & de rebelles a l'Empire & à l'Egliiè. Taifez- hjoîis , fourbe , dit l'Empereur, on ne vous croiroit pas.y fi "vous les louie7. ^par" ce qu'on les connaît bien , mais on ne vous croit pas non plus , quand vous les blâmez^ après avoir été fi fort de leurs amis.

XVII.

On lui rapporta un jour, que qucl- cun avoir médit de lui? Ne favez- 35 vous pas, répondit-il, qu'il ell: d'un 5, Prince comme d'un blanc toujours 3, en bute à des flèches ? La foudre 5, tombe fur les édifices élevez , ôc pafle 5, les petits. Nous fomraes encoretrop 5, heureux quand on ne nous attaque J5 que par des paroles. XVIII.

Alphonie, difoit ^neas Sylvius,cft non feulement favant lui-mçme, mais îl aime les Savans. Chofe rare dans no- tre fîècle, où. la plupart des Rois ref- femblent aux Norciens * , qui ne veu- lent point recevoir de gens de Lettre? dans leur Confcii,

XIX.

■* }i?orck , Efpece de petite République fur Içi Serres du Pape dans ie,.guch4 de Spolete. '' '

Recueil DE BONS MOTS. i8ï XIX.

Le Roi Aiphonfe ayant trouvé une p. u; Médaille de Néron , oii il s'attribuoit ' la gloire qu'on a donnée à Augulle d'a- voir fermé le Temple de Janus, c'eft- à-dire, donné la paix à l'Univers , trai- I

toit Néron de fou, de fe repaître d'une 3

gloire qu'il n'avoit point acquife. v^- '■'■>

tieas Sylvius concluoit de que ce fe- -

roit mal faire fa cour à Aiphonfe, que ^

de lui donner de faufles louanges. La l

confequence n'eft pas toujours jufte. jj

Il n'y a fouvent point de gens qui la- vourent mieux la flaterie que ceux qui déclament le plus contre elle. Au moins cft-ce un aveu que l'Empereur Sigif- mond faifoit de lui-même. Cependant l'Hiiloire dit que ce même Empereur l

donna un jour de bons foufflets à quel- ^

cun qui le loiioit excelîivement. Pourr ■•,

^uoi me battez-'VQus? lui dit le flateurj 3

Pourquoi me mordez-vous ? répliqua Si- f,

gifmond. ^

X X.

Tout le monde fait le Proverbe Ita- p. i6j 'K

lien , T'îi ^ri'aduU , ma tu mi piace ^ ;'

5, Vous me flattez , mais vous me faites V?

5, plailîr ". Mais tout le monde ne -^i

(ait pas que c'étoit le proverbe favori ^

282 "PoGGiAN A' Part. IF. de Jean XXII J. Je n'ignore pas , di* foit-il 5 que tout le bien qu'on dit de moi ejî faux 5 mais je F écoute ai-ec plaifir.

XXL |>j.3ef. iîlneas Sylvius , qui fut depuis Pape fous le nom de Pie II. fut fait Secré- taire de l'Empereur Frédéric III. par la faveur de TEvêque de Chiemzée *. Cet Empereur donna à l'Evêque quel- ques Lettres d'^neas Sylvius à exami- ner. Le Prélat les barbouilla en quel- ques endroits, fans y rien corriger, que par ci par & même quelquefois mal à propos, ^neas Sylvius en ayant fait des reproches à l'Evêque 5 Je n'en ai ufé ainfi , dit ce dernier , qu'afin que vous 'vij/îez que fai lu 'vos Lettres , ^ de peur que 'vous ti'entrajfiez en défiance de votre Ouvrage , comme vous auriez pu faire ^fi je n^y avois rienremarqué . C'ell ainfi qu'yEneas Sylvius dit à Antoine de Palerme , qu'il en avoit ufé à l'égard de fon Ouvrage fur les faits & les dits d'Alphonfe.

XXIL Il n'y a point d'homme au monde, qui ne foit hypocrite en quelque chofe.

yille Epifcopale du Cçrde de B^viçrf,

ÏIeGUEIL DE BONS MOTS. 285

ÎL,e Comte Gafpard de Schiick , qui a-î voit été Chancelier de trois Empereurs, difoit à Frédéric III. qu'il vouloit fe retirer du monde , parce qu'il étoit rem- pli d'hypocrites & de fourbes. Il fau- dra donc 5 lui dit cet Empereur , que vous vous retiriez aux 'Terres Auflrales inconnues 'f encore y aura-t-il de rhypo- çrifie^ quand vous y ferez ^ à moins que vous ne foyez un Dieu , ^ non pas un homme *.

XXIII. Alphonfe Roi de Naples & de Sicile, eut un jour la curioiité d'aller entendre le Jeudi faint, un Moine Dominicain prêcher fur l'Euchariftie "f. Après le Sermon, le Prédicateur croyant n'en avoir pas encore aflez dit^propofâ plu- fîeurs queltions fort vaines & fort iub- tiles fur ce Sacrement. Le Roi lui en fit une à fon tour. Mon Père y lui dit- il 5 ces jours paffez quelcun ouvrit un vafe d'un or très-pur (^ qui étoit bien fermé. On avoit mis une hojlie dans ce vafe y 13 il n'y trouva rien qu'un ver.

Le

* TJltrh Saursmatas Szc Juven. Sat. II. t. j On ne dit pas où. Le Moine ctoit Siciliea ^ s'appelloit Antoine Antonin.

2,84 VoGGiAT<iA. Part. IF.

Le ver ne pouvoit s'être engendré de VoTy qui , comme je l'ai dit , étoit très-fin , ^ le vafe d'ailleurs étoit fermé de tous cotez. Il ne pouvoit pas non plus naître des accidens , puis qu'ils étoient fans fujet. Il falloit donc que le ver eût été produit du corps de Jefus-Chrifi. Mais de la fub fiance de Dieu , il ne peut rien fe produire que Dieu. Donc un ver efi Dieu. Répondez à cela. Le Moine n'eut rien à répliquer. Mais k compagnie en conclut que le Roi avoit fort bien fait de vil'iter l'école àcs Dominicains , pour y reprimer les fubtilitez de la Scholafti- quc, qui ne fert le plus fouvent qu'à profaner la Religion, à l'expofer aux railleries des libertins, & dont les con- fequences font quelquefois non feule- ment des extravagances, mais des im- pietez ôc des blafphemes. XXIV. Tout le monde fait quel étoit le caraétère de l'Empereur Wencellas Roi de Bohême. Un de (es grands vi- ces étoit l'yvrognerie. Si jamais^ di- foit-il , /'/ m' arrive de piller les villes d' Italie .^ fen donnerai tout le butinâmes Soldats^ y ne me referverai que le vin^ ptais fi quelctm entre dans ma cave fam

mon

Recueil DE BONS MOTS. tSf

Pion ordre , je lui ferai couper la tête. On n'ignore pas non plus que cet Em- pereur tilt dépofé par les Eleétcurs, 6c c'eft même une grande quellion en Po- litique, fî ce fut légitimement. Quoi- qu'il en foit , Robert de Bavière * ayant été mis en fa place, toute l'Allemagne le reconnut hormis ceux de Nurem- berg. Combattus qu'ils étoient entre la crainte de violer leur ferment , & celle Je s'attirer à dos le nouvel Empe- reur , ils envoyèrent à Wencellas le prier de les dégager de leur ferment de fidélité, lui offi'ant pour cela vingt mille Ducats. Je 'vous en dégage ^dït-ïi, pour- 'VU que 'VOUS m'envoyiez quatre charioti de 'vin de Baccara.

XXV. C'efl: une grande honte aux Prêtres d'Italie, difoit iEneas Sylvius, de n'a- voir jamais lu une feule fois , le Nou- veau Teftament. Parmi les Thabori- tes , il n'y a pas une femme qui ne puis- fe rendre raifon du Vieux ôc du Nou» veau. Il leur rend encore ce témoigna- ge

Jofle Duc de Moravie fucccda àWenceflas, mais il ne vécut que fix mois, depuis fon élec» iàoB.

i,26 VoGGiA^A. Part. IV.

ge qu'ails avoient exterminé à Prague tous les cabarets & les lieux de débauche; XXVL p. xzî yean Cor'vin Hunniade Cornte de

Bijîriks^ Gouverneur du Royaume de Hongrie, Général des Armées de La- dillas , fut un des grands Capitaines du quinzième (lècle, la terreur & le fléau des Turcs, l'appui des Chrétiens. Il n'étoit pas de naiflance. Un jour Ulr'ic Comte de Cilîei lui envoya dire, qu'il auroit bien voulu avoir une conférence avec lui. Je le 'veux bien ^ dit Hunnia- de , pouyjâ que 'vous "veniez dans mon camp. Je n'en ferai rien, dit Cilleiy 5, je fuis Prince, de Prince, & vous 5, n'êtes qu'un homme nouveau, anno- 5, bli de nos jours ". Ce n'eft pas à vos ancêtres^ répliqua Hunniade, que je me compare 5 Ceji à vous. Vous n'avez vo- tre nohlcjje que par le fang^je Pai acqui- fe en combattant pour la Religion Chré- tienne .^ 13 je prépare à ma pojierité plus de gloire , que vos ancêtres ne vous en ont pu donner. La race des Comtes de Cillei va finir en vous , fans que vous Vayez il- lujlrée par aucune belle action ^ £5? celle des Comtes de Bijiriks commence glorieu" Cernent en moi.

XXVIL

Recueil DE BONS MOTS. 2S7

XXVII.

Théodoric Archevêque de Cologne, étoit un des grands Prélats de fon tems. Un jour l'Empereur Sigifmond lui de- manda , par quel moyen on pouvoit être heureux. Il ne faut pas Vefperer dans ce monde , dit le Prélat. Mais , con* tinua l'Empereur, quel chemin èut-il prendre pour arriver au bonheur celeile ? Il faut marcher droit , répliqua Théodo- ric. Qu'entendez - vous par marcher droit ? demanda Sigifmond. Il faut tou- jours vivre comme vous promettez de fai- re , quand vous avez la goûte ou la gm- velle^ ou ([uelque grande maladie. XXVIII. Amédée Duc de Savoye élu Pape au Concile de Bafle fous le nom de Félix V. offrit en mariage à l'Empereur Fré- déric fa fille, qui étoit jeune & belle avec deux cens mille Ducats de dot. Frédéric eut horreur de cette propofî- tion. Les autres , dit-il , vendent le Pon- tificat^ celui-ci le veut acheter. XXIX. Un jour que les Courtilâns de Sigif- ^^, îïiond fe plaignoient de la médifance des Allemands , qui ofoient mal parler de leur Prince i Eft-il furprenant ^ dit- il

i§8 IP o G GïA-iJ A. Part. IF.

À en fouriant , qu'ils parlent maî^ puis que nous faifons mal ?

Un Religieux prêchant devant l'Em- pereur Albert , ce Prince s'endormit. Le Prédicateur demanda là-deiïus au peuple, s'il croyoit qu'il y auroit des Princes fauvez. Après avoir rendu la chofe fort difficile ôc fort douteufe> p. 3t. Fous vous trompez^ dit l'Empereur, <?» peut efperer k falut des Princes qui meu- rent au berceau après avoir été baptifez. ^XXXI. ^

Ibid. Zifca, Général des Huffites,âvoit per- du un œil dans (on enfance en jouant avec fes camarades 5 il perdit l'autre au fîége de quelque place. Tout aveugle qu'il étoit il battit diverfes fois les Bo- hémiens & les Allemands. Etant au lit de la mort on lui demanda , ce qu'il vouloit qu'on fit de fon corps après fa mort. Jettez-Ie, dit- il ^ aux bêtes 5, fâuvagcs , après en avoir pté la peau 5, dont vous ferez un tambour pour 5, vous en fervir à la guerre. Les en- ^, ncmis n'ont pu foutenir ma vuëpcn- 5, dant que j'ai vécu , ils ne foutien- dront pas non plus le fon de ce tam-

bour.

XXXIl

Recueil DE BONS MOTS, i^p I

XXXIL

: Frédéric , Comte de Cillei , étoit un p. si ï

homme perdu de débauches. Il tua ia

femme pour s'abandonner tout à fbn \

aife à des concubines. A l'âge de qua- l

tre-vingt-dix ans , un de fes amis lui

ayant dit , qu'il étoir tems de penfer à

la mort, c'eil ce que je fais aétuelle-

ment , répondit il , car j'ai ordonné

qu'on mît cette infcription fur mon

tombeau : C'efi ici pour moi la porte des

Enfers. Ce que/y trouverai^ je n'enfai

rien. J'ai eu de grands biens j dont je m

remporte rien^ non plus que de ce ^uej^ai

hu (^ mangé ^ ^ de ce qu'une 'volupté in-

fatiable a englouti. Voilà, lui dit fon

ami, l'épitaphe d'un Sardanapale, plus

digne , au jugement d'Ariftote , d'être

écrite fur le fepulchre d'un bœuf, que

fur celui d'Un homme.

XXXIIt

Dante étoit un homme fort appliqué p. it\ \ à ce qu'il méditoit, & à ce qu'il lifoit. Un jour qu'il étoit allé à un fpeétacle public , il entra dans la boutique d'un Libraire, d'oîi on pouvoit tout voir. Il trouva fous fa main, un Livre de fon goût, qu'il devOTa avec un fi grand ap- pétit , qu'à fon retour il jura , qu'il

^om, IL T n'avoit

>f

ill

n'avoit rien vu , ni rien entendu de ce qui s'étoit paffé 8c de ce qui s'étoit dit fur la place. Je connois un homme , qui étant allé à l'Eglife de S. Pierre à Genève pour voir l'éleétion des Sena- teurs , s'enfonça 11 profondement dans la leéture des Méditations du P. Male- Ir anche , qu'il ne regarda pas l'éleûion , & ne put au fortir de dire , com- ïnent elle s'étoit faite. Je doute fort qu'il foit à préfent de ce goût-là. XXXIV. Ce qu'on appelle le Martyre eft une preuve foit équivoque de la vérité d'une Religion y S. Auguflin avoit raifon de dire, que ce n'eit pas le fupplice qui fait le Martyre , mais la caufe. Albert 5 Duc d'Autriche, perfecuca cruellement les Juifs avant que d'être Empereur. Il avoit même donné un Edit par lequel il ordonnoit de les ftire tous mourir dans fes Etats , s'ils n'embrafToient le Ghriftianifme. Plufieurs fe fàifoient baptifer par la crainte du Tupplice. Il y en eut un de ceux-là^ que Frédéric III. qui fut depuis Empereur , prit en grande amitié qu'il vivoit avec lui com- me avec un frère. Quelques années après * îc Proicly te gagné , à ce qu'on prétend j

Recueil DE BONS MOTs^ 2pî

par argent , déçlaia qu'il vouloit re^- prendre fa première Religion. Le Prin- ce n'oublia rieii.pour l'en détourner, cclaireilîèmens, exhortations, promef- ics, menaces, prières, larmes, il mit tout en œuvre, mais inutilement. En- iin il fut obligé avec beaucoup de re- gret à l'abandonner à fa mauvaife def- tinée. Le Juif condamné au feu fut con- duit au fupplicc fans être enchaîné. Comme il l'avoit demandé. Dès qu'il vit le bûcher, il fe mit à chanter un hymne en Hébreu, le jettâ lui-même dans les flammes, ôc en fut confume fans difcontinuer de chanter les loiian- gcsde Dieu.

XXXV.

Quand Zifca pilloit les villages j ue fc refervoit du butin quç les toiles d'araignée. Ç'eft ainfi qu'il appelloit les jambons & les faucifles ^ qui pen= doicnt au plancher des Pajfans. X3CXVL

Albert Duc d'Autriche eut de îon= gucs guerres avec les Bohémiens avant que d'être Empereur. tJn jour qu'on lui demandoit à qui il vouloit donner le commandement de fon Armée : $i 'vous "HOukz^ dit-il, un autre Chef que moi ^ T % vous

"v

îpi VoGGiA)^A.Part. IF.

vous fi' avez que faire de nCappeîkr Dus d'Autriche.

XXXVII.

Dans le combat qui décida de l'Au* triche en laveur de l'Empereur Rodol- phe & oii fut tué Ottocarus Roi de Bohême fon concurrent , l'Armée de l'Empereur fouffroit beaucoup de la fbif. On enleva à un Païfan un vafc plein de bière, qu'il pôrtoit aux moif- fonncurs, 6c on le prefenta à l'Empe- reur pour fe defalterer. Rendez .^ dit-il, cette cruche.^ ce rî'eji pas moi qui aifoify c'efi mon armée.

XXXVIIL

Frédéric Duc d'Autriche, furnom- le Vieux, oncle de l'Empereur Fré- déric III. prenoit fouvent plaifir à fc déguifér en Villageois, 6c alloitfe louer aux Païfans pour labourer, moilTonner êc travailler comme eux. il s'entre- tenoit avec eux fur tout ce qui le pafToit à fa Cour, fe mettant lui-même fur les tangs fans être connu , il entendoit tout ce qu*Gn difoit de lui. Quand on \ai demandoit la raifon de cette condui- te. C^/?, à\l-\\^quefanscelajemfau' rois apprendre aucune veiiféfur moncha-» pitre.

XXXIX.

Recueildebonsmots. zpy

XXXIX.

Le Roi Alphonfe étoic un Prince p. 41.; fort libéral envers les Qens de Lettres , il n'y avoit que les Allrologues à qui il ne faifoit aucun bien j il ne les foufroic pas même à fa Cour, \Jr\ jour qu'on lui en demandoit la raifon, quelqu'un ré- pondit pour lui : Comme il n'y a que des fous quife mêlent de régler les Aflres^^ que les fages font au deffpcs de leurs influe nr ces^ c'efl aux Princes qui ne font pas fa- ges à honorer les Afîrologues^ 13 non h un Prince f âge ^ comme Alphonfe. ■•

X L.

Pierre de Montalcino étoit un Aftro-. ibid. logue célèbre au commencement du quinzième fiècle. Pendant le Concile de Conftance il publia une l^ophetie, cil il prédifoit que Sigirmondferoit cou- ronné à Rome cette année-là , & que Jean XXIIL fc rctircroit du Concile avec gloire. Le premier de ces évene- mens n'arriva que plufîeurs années après, & le fécond fut tout oppofé à la prédic- tion. Comme on le reprochoit à l'Af- trologue, Cefl^ dit-'û,quefavois à ju- ger de deux fous^ dont je défier ois Pto-i

2.]P4 POGGI ANA. P^r/. //^.

îomée * lui-mêniç , de rien f redire lufie.

Duché en Un Duc de Troppau àvôit cpoufé quel' Silefie aux q^g Princefle Lithuaniene. Gomme il [J^^Q^^.^ alloit au devant d'elle , il apperçut à vie. fuite un jeune homme bien fait & vi-

P' 44* goureux, couché mollement fur lefdu« vet dans une calèche fufpendue. Ne fa- chant c'étoit fon frère ou quelcun de fes parens 5 il voulut s.'en éclaircir. C'eft 5 lui dif-on^ la coutume en 35 Lithuanie, que les femmes de qua- lité tiennent chez elles , un ou plu- 5, fleurs hommes, pour faire les fonc- tions du mari , en cas qu'il- dçviennc 3, malade ou qu'il foitabfent ". Le pre- mier mouvement du Duc fut de faire déchirer le jouvenceau par les chiens, mais il contenta de (e renvoyer chez Jui au plus vite.

XL II. ïb|d. Quelque Gentilhomme rodomont méprifoit un jour lesMagiftrats en pré- lênce de Sigifmond, & témoignoit ne fgire cas que des gens de guerre : îW- ■•::■/. fez^

' "^ fclàude Ptolomée , Mathématicien & Mio^ ffi©î^c cdebrc dans le fecciKl iiède, ' ^'- •'*,

Recueil de bons mots, zpf

feZ'Vous^ fanfaron ylui dit l'Empereur, ^

ceux qui gouvernent le faifoient jufîe' ment , nous n'aurions point hefoin de gens de guerre.

XLIII.

On apporta un jour à Frideric III. ^bidL^ des Lettres que Galpard de Schliek (on Chancelier écrivoit en Hongrie. Com- *

me on lui confeilloit de les ouvrir, par- ce qu'on foupçonnoit qu'elles contc- noient quelque projet de trahifon. Je croi^ dit l'Empereur, que Gafpard eft honnête homme , ^ qu'il nCefi affection" né. Si je me trompe , faime mieux , que mon erreur fe découvre d'elle-même^ qua . f

par mes foins ^ ma défiance. XL IV.

Vitolde Duc de Lithuanie préten- «.45,45. doit que le peuple devoit être fujet aux Loix, mais que les Loix dévoient être airujetties* au Prince. C'ell pour cela qu'il afFeftoit de fe mettre au deflus des |!

Loix ÔC des coutumes de fon païs. Il '•)

ordonna par un Edit à tous les Sujets, ^

de fe faire rafer, contre leur ufage, 6c ^

laiiîa croître fa barbe, pour fe diflin- -^

guer par cette prétendue marque de ^■

Majeftc, Le projet ne réiifîit pas. Les |^

Lithuaniens proteflercnt , qu'ils per- j|

T 4 droienï %

%

2.p6 PoGGiAN A. Part. IF^.

droient plutôt leur vie que leur barbe. Le Duc fe fît donc rafer, êc défendit â tous fes Sujets de le faire fur peine de la vie. Lequel eft le plus bizarre, du Prince ou des Sujets? C'eft une efpece de Tyrannie au Prince de gêner fes Su- jets fans neceffité & fans fruit. C'eft une opiniâtreté & une rébellion aux Su- jets, de ne pas obéir dans une chofe indifférente. '

XLV. '

fe. 4?. Il mourut en Autriche à l'âge de p 3 .

ans un homme qui ayoit toujours vécu dans les plaifirs Se dans le vice , fans que fa fanté ni fa fortune euffent jamais fouffert la moindre atteinte. Ceji , difoit là- defTus l'Empereur Frideric III. une frewue d'une autre vie. Car s'il y a un Dieu jufie qui gouverne le Monde , conp- me la Raifon 6? l<^ Religion nous rap- prennent , il faut que les âmes au fortir du corps ^pajfent dans d'autres lieux pour recevoir leur peine ou leur recompenfe ^ puis qu'en ne la reçoit pas dans ce monde, XLVL Un Bourgeois de Prague prêta un

<jp.49.' jour cent mille Ducats à Charles IV. qui lui en fit fon billet. Le lendemain îc Citoyen invita l'Empereur à dîner ^ '\ ' ~ ^ ^ . ayec

ReCUEILDE BONS MOTS. lOJ

avec un bon nombre de grands Sei- gneurs. Quand on fut au deflert le Bo- hémien fe fit apporter le billet de l'Em- pereur dans un bafîin d'or, & lui dit, Sire ^ les autres mets^ que j'ai prefente-z.^ ont été communs à toute la compagnie^ celui- ci fera pour votre Majefté feule. Je \'ous donne ce que je vous ai prêté ^ ^ je vous rends votre billet.

XLVII.

On raconte de l'Empereur Charles IV. une aftion d'une clémence 6c d'une grandeur d'ame peu commune. On vint un jour lui donner avis , qu'un certain homme gagné par une fomme d'argent que lui promettoient quelque^ ennemis de ce Prince, avoir refolu de l'alTaffiner ou de l'empoifonner. Il fit venir cet homme chez lui ëc ne fe ven- gea de Ton mauvais defTein , qu'en le comblant de bienfaits. Il méfait^ dit- il , de la peine que vous n'ayez pas le moyen de marier votre fille qui^ déjà grande. T^enez , voilà mille DucMs pour fa dot. On peut juger de la furpriîe & de la confufion de ce traître, qui s'en alla fe dédire de foia criminel engage- ment,

- Xf xLvm,

zpS VoGGiAYf A. Part. IF. XLVIII.

Le même Empereur aimoit les Let- tres & les Savans. C'étoit lui, qui en 1 347. avoit fondé l'Univerlité de Pra- gue. Il alla un jour entendre foûtenir •quelques Thefes , & il y prit tant de plai- iîr, qu'il y demeura quatre heures en- tières. Les Courtifans ennuyez & im- patients, l'avertilToient qu'il étoit tems d'aller dîner. Cejl^ leur dit-il, ici mon repas.

XLIX. P: ^7. L'Empereur Frideric III. difoit que les Princes durs & cruels dévoient ex- trêmement craindre la mort , parce qu'ils trouveroient dans l'autre vie, un Juge auflî impitoyable , qu'ils l'avoient été dans celle-ci.

L.

Ibid. Le même Empereur difoit, qu'il lui

étoit impoffible de fe plaire avec des

fots ou des fous, & qu'il haïlToit com^

me la mort les gens fuperbes & glorieux.

C'ell W moyen de fc bien ennuyer dans

^ le Monde. Il ell partagé entre la fotife

>• ^^ ou*îa folie , & l'orgueil , & fouvent

ces deux caraftcres y font réiinis. Pour

peu qu'on ait d'efprit , de favoir , de

mérite 2c de (juel(juc diUinftion que

^ ' " ' '- '*,, .- ce

Recueil bons mots. 29^ ce (bit 5 c'eft un orgueil ou une fatuité iniupportable. Les lots fourmillent.

Un mérite orgueilleux c'eft un bel oeillet qui crevé.

LI.

St. Bernard Abbé de Clcrvailx étoit^ p. i^j un Moine d'une grande abilinence. Un jour qu'il avoit des hôtes chez lui fon jiofpitalité lui fit pafler les bornes de fa tempérance ordinaire. Ses Moines lui en firent des reproches. Ce n'efi pas maij dit-il, c'eji la charité qui a bu ^ mtingé.

LII.

Sigifmond Roi de Hongrie & de- p. y^; puis Empereur , avoit été arrêté pri- fonnier par les Grands de fon Royau- me. Il étoit garde par deux Gentils- hommes de la Maifon de Gara^ dont il avoit fait mourir le père, & quj é-^ toierit proches parens du Comte de'Cil- lei. Pour obtenir fa liberté il promit cL'époufer Barbe fille de ce Comte, ôc il tint parole. L'Hiftoire nous repré- ,|_

fente cette Princefle , d'une galante- '

rie qui alloit jufqu'à la proftitution. Lors que l'Empereur fon mari fut mort p. ip» pn l'exhortoit à imiter l'exemple de -la ehafte tourterelle. Si vous 'voulez , dit*

elle,

3;ÛO VOGGI AN A. Part. IV.

elle 5 me propofer des bêtes pour mode' /ip, propofez-moi les pigeons (^ les moi- neaux..

LUI.

J'ai lu dans un vieux Manufcrit, qu'au Concile de Confiance , l'Elec- teur de Saxe ordonna à fon Confeiller de lui faire une lifte exafte de toutes les Courtifanncs qui étoient alors dans la ville. Il le fit, autant qu'il put, car il yen avoit beaucoup. Comme l'Elec- teur fe plaignoit qu'elle étoit incom- plète. Si vous 'voulez^ dit-il, que je les y mette toutes , il faut donc y mettre la. première. \\ entendoit par-là l'Impéra- trice Barbe.

L I V.

iEncas Sylvius difoit que fi quelcua devoit être content des faveurs de la fortune, c'étoit Alphonfe , puis qu'il pofTedoit les Empires de trois Divinitez. Dans l'Efpagne celui de Pluton^ dans la Sicile & dans les Ifles voifînes celui, de Neptune , & dans l'Italie celui de Jupiter *.

LV.

ZAÙn étoit un des titres de J^ipiter, I?«/'/«|

Re^SÙEIL bE BONS MOTS. ^0% LV.

Jaques Archevêque de Trêves étoit un Prélat d'un grand mérite, mais fort ambitieux & d'une avidité infatiablc. Etant un jour auprès de Frideric IIL il failoit demande fur demande à cet \

Empereur. Si vous ne mettez fin , dit'* il, ^ vos demandes^ je trouverai bieri'^ tôt le commencement de mes refus, LVI.

C'eft un grand mot de Metellus. AulugclJ j, Les Dieux peuvent beaucoup , dit- ^' ^* ^.i^ 5, ;7, mais ils ne doivent pas nous ai- ,5 mer plus, que ne nous aiment nos j, parens. Or nos parens nous deshé- 5, ritent à la fin , quand nous leur des^- 5, obéïflbns continuellement . Qu'avons» 3, nous donc à attendre des Dieux , fi 5, nous perfevcrons dans notre mauvais 5, train? Il n'eft pas jufte que les Dieux 5, foient favorables à des gens qui font ^, ennemis d'eux-mêmes. Les Dieux 5, aiment la vertu, mais ils ne la don- ;), nent pas par force.

L V 1 1.

Fabrice Général Romain n'étoit pas Aulug;

riche. L.I.C. 143

. ,.,. ' ?

immortalti virtuttm «ffrobare , non ad^^ \

hihtrt dehtnu *

pz VoaGiANA. Part ^ IF. riche. Les Samnites qui favoient cela, hii envoyèrent des préfens confîdera- bies , pour lui témoigner leur recon- noiflance de ce qu'il leur avoit donné la paix. Il ne les accepta pas, mais por- tant les mains aux oreilles, aux yeux, au nez, à la bouche, à l'eftomach, il dit aux Ambafîadeurs des Samnites, que tant qu'il fauroit commander à tout cela 5 // n'aurait befoin de quoi que ce Coiî, ^n,:, LVIII.

■?!(!. L.;L . C'eft un bon mot d'Aulugdle. U ne t.» I ^aut pas que la Langue flotte dans la bou-r ch^. Il faut qu'elle fi)it tellement encbaU née avec Vefprit^ qu'il ne lui échappe rien ^ue par f on erdre^

- iO /.*"<*J: L I X.

id.L.II... G'étoit une grande fotilc à Socrate C 1. 1 de demeurer comme il failbit fouvent, au rapport d'Aulugelle , des journées tutiéirs debout comme un piquet dans la même pollure fans branler &:fanscilr 1er Jes yeux , pour s'accoutumer à la patience. Il cft vrai qu'ayant une aufîi méchante femme que Xantippe, il cri avoit grand befoin.

L X. . ^ ^ ïd.L.II. /Un Proconful Romain étoit allé à ^' 2" Athènes avec fon Père qui n'étoit que

par=

Recueil DE BONS MOTS. 90$ paiticulier, pour vidter le Philofophc Taurus. Dès qu'ils furent entrez, Tau- rus préfenta au père la feule chaile qui étoit dans fa chambre. Le père la re- fulà, & dit qu'il fàlloit la donner à foHi fils parce qu'il étoit Magillrat. AJfeyez- *vous toujours fans péjudice^ dit -il au père, en attendant que nous examinions ^ lequel des deux doit s''aJfeoir le premier , ou du père qui n'eft que particulier^ ou du fils qui eft Magifirat. Le pcrc s'afîit & Taurus décida, que dans les occa- iîons publiques un perc particulier de- voit relâcher de fon droit en faveur de la Magiftraturc de fon fils , mais que hors de , la nature reprenoit fcs droits. LXL Autrefois les Romains kiflbientcroî^ îre leur barbe *. Ce ne fut qu'en 4^4. de la fondation de Rome qu'ils firent venir des Barbiers de Sicile, au rapport de Pline \. Depuis ce tems-là ils fe ra- foient grands & petits ^ ôc ils commen- çoient de le faire à l'âge de 20. ans^ comme l'Hiflodrc dit que firent Cali-

gu-

Agcll. L. III. c. 4. Pitifc. Lcx. Ant. Rom. fab voce Barba. t Plia. Hift. Nar. L. VII. p. 107,

304 P o G G I A N A. Part. IF, gula & Néron. Adrien changea ccttî coutume, il laiiTa croître fa barbe ôcles autres Empereurs l'imitèrent. LXÏI. C'étoit une belle action ^ que celle Âgell.L.de Cadicius Tribun dans l'armée des III. c. 4. Romains , lors de la première guerre de Carthage. L'Armée Romaine étoit enveloppée par la Carthaginoife, dans un endroit elle ne pouvoit éviter d'être taillée en pièces. Le Tribun pour la fauver confeilla au Conful de détacher 400. hommes pour aller oc- cuper une certaine colline qu'il lui mon- troit ^ afin que pendant que l'ennemi s'amuferoit contre ce détachement, l'armée pût écHapper. Fort bien ^ dit le QoniuX^mais qui efi-ce qui 'voudra me- ner ces 400. hommes à la boucherie? C'est moi, répondit le Tribun. Je 'Veux bien me facrifier pour vous 6? pour la République. Allons , mes amis , dit-il fur le champ aux Soldats,/"/*?/? necejfai- re d'aller 6? il n'efi pas nccejfairi d'en revenir. Le Ihatageme réùfîit. Les ennemis donnèrent dans le piège , & les 400. hommes fe défendirent aiîèz long-tcms pour donner à l'armée Ro- maine celui de fc retirer. Il n'en échap- pa

/

Recueil DE BONS MOTS, ^of pa que le Tribun , qui fut reconnu en- tre les blcfTez. Caton êc Seneque ont Senec. comparé cette a6lion à celle de Leoni- ^P* ^^* das dont il efl parlé dans Hérodote. Herodot| Mais Caton fe plaint , que l'adion de p * ^1 Leonidas, & des 300. hommes qui pe* rirent avec lui aux Thermopyles a été célébrée par des monumens & des fta- tues 5 & tranfmife à la pofterité par l'Hiitoire , au lieu qu'on n'a prefquc point parlé de celle de Cœdicius. LXIIT.

On difoit à Rome des gens malheu- Agdl. L; rcux , qu'ils avoient le cheval de SejuSy III. c. gi, ' Hahet equum Sejanum. Voici l'Hilloi- re ou la Fable de ce cheval. Un cer- tain Cneius Sejus avoit lîn cheval d'une beauté extraordinaire , qu'il préten- doit être de la race des chevaux de Diomede. Mais il y avoit cette fatali- té attachée à ce cheval , que tous ceux qui le pofTedoient faifoient une fin mal- heureufe. En effet Marc Antoine fie trancher la tête à Sejus maître du che- val. Dolabella qui l'avoit acheté trois mill» Ducatons fe tua lui-même pour ne pas tomber entre les mains de Caf- fîus. Ce dernier qui hérita de ce cbe-

Tom. II. V Vât

^o6 PoGGiANA. Part. IV.

val en fit de même aufîî bien que Marc Antoine qui voulut l'avoir après avoir vaincu Caflîus.

L X I V. Agell. On difait aulîî à Rome d'une cho- îbid. ^-ç qjj- pQftoit malheur , c'efl For de l'ouloufe , parce qu'un Conful Romain nommé depio ayant pillé Touloufe,, tous ceux qui touchèrent l'or qu'on trou- va dans les Temples de cette ville, pé- rirent miferablement.

L X V. On peut dire de la plupart des Pré- dicateurs , qui décident en chaire de toutes chofes fi à leur aife , parce que perfonne ne les contredit , ce que di- Agell. foit un célèbre Rhéteur * d'un homme ÎX. 15. qui ayant difputé tout feul dans une harangue, s'en alloit fort content de lui-même , lâns attendre le jugement de fes auditeurs, "f Ce jeune hojnme efi fort éloquent fans contradiSîlon. LXVI. Plutarque comparoit les oreilles d'utî curieux à des ventoufes , qui attirent tout ce qu'il y a de mauvais.

LXVII.

* Antoine Julien , Rhéteur & bel efprit di* tems d'Adrien.

\ Adolefcens bit fmc controverjïa difertus eji.

I

RecueiLdsbonsmots. JÔJ LXVII.

Ce même Philofophe appelloit fort P'utarcîî^ agréablement l'adultère, la curiofité des ^°^^J' plmfirs cl autrui. ^2.0

LXVIII.

Cefl une archive fort ennemie des Mu [es (^ des Grâces , qu^une tête qui ne fe remplit que des défauts i^ des foti- [es d"" autrui. C'cfl encore un mot de Plutarque.

V\^ du Recueil de bons Mots,

V 1 su-

SUPPLEMENT.

OiV a'voit refolu d" abord de donner à la fin de cet Ouvrage^ les Lettres dePoggeqtiife trouvent manufcrites dans la fameufe Bibliothèque de Wolffenbutel ^ qui n'mt pas encore nju le jour , au moins que Von fâche. Mais on a changé de def- fein parce qu'il n'y a presque aucune de ces Lettres , dont on n'ait eu occafton de parler dans la Vie de Pogge. Pour tenir parole on fe contentera de mettre ta en forme de Supplément la Lettre de Pogge à Jean Guarin * de Vérone^ fur la dé- couverte de^iintilien^ celle de Francifco Barbaro à Pogge fur le même fujet^ ^ la Lettre déCincioà Pogge pour le felui- ter fur V augmentation de fafawAlle. On y a joint rOraifon funèbre de Chryfo- lore , que fit André Julien , Noble de Venife^ à la follicitation de Guarin,

* Jean Guarin étoit un des Savans hommes du quinxièrae fiècle. Il fut Critique , Orateur, Phi- lofophe. Il polTedoit parfaitement le Grec & le Latin, lltraduifiten Latia la Géographie de Stra- bon & quelques Vies de Plutarque Philippe de Bergamc dit que Guarin avoit publie plulieurs Lettres , qui étoient- autant de monumens de fon Efprit & de fon Savoir. Il mourut à Ferrarc fort âge.

Epist. Poggii ad Gvar. 30^

I.

EPISTOLA POGGII AD G U A R I N tJ M, in quafcrihit Quintilianum fefe apud Monafleriiim S. Gain , ac Afconium Pedianum

adifi'venijfe ^ oh quod comrnuni Rh^tO' rum utilitati gratulatur.

•pOGGIUS GUuiRINO VF.RONENSI Sal. p]. d. Licet intcr quoridianas occupa- tioncs pro tua in omnes humanitate & bcni- volentia fingulari commodumfcmpertibimea- rum litterarum advcntum effe non ignorem , tamen ut hifce perlegendis prsecipuam quan- dam piseftes attentionem. Te majoreminmo- dum obfecro : non quidem ob eam caufam , ut aliquid in me fit , quod vel fumme otiofus requiratj fed propter rei dignitatera , de qua fcripturus fum; quam cette fcio, cùm lis lon- ge peritiflimus,non parvam tibi ccterifque ftu- diofis hominibus efle allaturam animi jocundi- tatcm. Nam quid eft (per Deum immorta- lem!) quod aut tibi, aut ceteris viris pofîit cffe jocundius , gratius , acceptius , quam cogni- tio earum rcrum,quarum commercio dodio- res efficimur.&quod majus quiddam videtur, elcgantiores?Nam cùm gencri humano rcrum parcns natura dcderit intcllcdum ac rationem} tanquam egregios duces ad bene beatcquc vi- vendum , quibus nihil queat praeltantius exco- gitari; tamen haud fcio, an fit omnium prœ- ftantiffimum , quod ea nobis elargita eft ufunfi jàtquc rationem diccndi, fine quibus nec ratio V3 ipfa.

210 Epistola Poggii

ipfa, ncque intellecftus quicquam ferme vala- ient. Solus cft enim fermo, quo nos utentcs ad expriipendam animi virtutem arcliquisani- mantibus fcgrcgamur. Permagnaigitur habcnda eft gratia tum reliquorum liberalium & artium jnventoribuSjtum vel prsecipue his,qui dicen- ■di prîecepta ac normam quandam perfcde lo- quendi fuo ftudio 6c diligentia nobis tradide- rant. Effecerunt enim ut qua in re homines ceteris animantibus maxime prseftant, nos ipfos & homines antecelleremus. Hujus autem fcr- monis ornandi atque excolendicumraultiprse- clari.ut fds,fuerint Latinse Linguse audores, tum vel praecipuus aique egregius M. Tabhu G}uintiiianM : qui ita difcrte , itaque abfolutc fumma cum diligentia exequitur ea,qu2e per- tinent ad inftituendum perfeftiffimum orato- rem, ut nihil ei vel ad fummam dodlrinam , vel fingu'arem cloquentiam mec judicio de- cITe videatur: quo uno folo, etiamfi Cicero Romans parens eloquentiae deeffet ,perfeftam confequeremur fcicntiamreftedicendi. Isvero apud nos antca (Italicosdico) italaeeratuserat, ita circumcifus, culpa,ut opinor ,temporum, ut nulla forma jnullus habitus hominisin eo re^ cognukeretur. Tute hominem vidifti haiftcnus

îacerum cruâeliter ora ; Qra, manufque amhas pcfulataque tewporay

raptis Aurihus v truncas inhoneflo vulnere nares.

Dolendum quippe erat & aegre ferendum ,nos tantam in hominis tam eloquentis fœda lace- ratione jacturam oratorisefacultatisfeciffe. Sed quo plus tune erat doloris & moleftiae ex ejus viri mutilatione, co magis nunc eft congratu- landum.cum fit in priftinumhabitumacdigni- ' tatcm,

AD GuARIMUM. ^II

tatem, in antiquam formam atque integram Taletudinern noffra diligentia rcftiturus. Nam M. Tullius magnum prae fefertgnidium pro M. Marcello reftituto ab exfilio; & eo quidem tempore, quo Romae plures erant Marcelli û- miles , domi forifque egregii ac prœftantes vi- h: quid nunc agere dodli homines debent & pr^efercim ftudiofi eloquentise ,cum fîngularïf- fimum lumen Romani nominiSjquo exftincto Diliil prster Ciceronem fupererat, &: aim mo- do fimili lacerum ac difperfum non tantum ab exfilio.fed ab ipfo picne interitu * revocaveri- înus? Nam me hercule ! nifi nos auxilium tii- îilTemus, neceife erat illum propedicm inreri- turum. Nam néquc eft dubium virum fplen- didum , mundum , elegantem , plénum mori- bus , plénum facetiis fœditatem illius carceris, fqualorem îoci,cuftodum fsevitiam dintiusper- peti non potuilTe. Mœdus quidem ipfe er?.t ac fordidatus, tanquam morti rei foleb.int : fqua- lentem barbam gerensacconcretospulverecri- nes: ut ipfo vultu atque habitu fateretur ad immeritam fententiam fe vocari. Videbatur manus tendere.implorare Quiritum fidem ,ut fe ab iniquo judice tuerentur; poftul<ire & in- digne ferre quod qui quondam fua ope, fua eloquentia multorum falutem confervaffet, nunc neque patronum quempiam inveniret, quem mifereretur fortunarum fua ru m » neque qui fuae confuleret faluti , aut ad injuftum rapi lupplicium prohiberet. Sed quia temereperfje- pe eveniunt, quae non audeas optare, ut in- quit Terentius nofter , fortuna quidam fuit cum fua , tum maxime noftra, ut cum elTe- mus Conftantiae otiofi, cupido incefferet vi- fsndi ejus locijquo illc reclufus tenebatur. Ëll

aa- * In avitam patriam , addit Mabillon.

V 4

^12, Epist. Poggii ad Guar.

autcmMonaftcrium S.Galli propeurbcm hanc millia paffuum XX. Itaque nonnuUi animi îaxandi , & fimul pcrquircndorum librorum , quorum magnus numerus cffe dicebatur , gra- tia co perrcximus, Ibi inter confertiffimam li- brorum copiam quos longum effet recenfere , ^intiilanum * compcrimus, adhuc falvum & incolumem, plénum tamcn fîtu , & pulvere t fqualentem. Erant enim non in Bibliotheca libri illi, ut eorum dignitas poftulabat, fed in teterrimo quodam & obfcuro carcere , fundo fcilicct unius turris,quo \ nec capital, quidam rci damnati retrudereniur. Atqui ego pro cer- to exiftimo , fi eflent qui haec barba rorum er- gaftula, qijibus hos detincnt viros, rimarentur ac cognofcerent more majorum , fimilem for- tunam experturos in multis,de quibus jamcft conclamatum. Repcrimus prseterea libros très primos & dimidiatum quarti C. Valerii Tlacci Argonauticon , & expofitiones tanquam thema quoddam fuper ofto Ciceronis Orationibus fj. Afconïi Pediani, elocjucntiffimi viri,de quibus ipfc meminit Quintilianus. Haec mea manu tranfcripfî & quidem volocitcr, ut ea mitte- rem ad Leonardum Aretinum & Nicolaum Florentinum. 4- Habes, mi fuaviflimc Guari- rc , quod ab homine tibi deditiffimo ad prae- fcns tribui potcft. Vellcm potuiflem eiiam li- brum tranfmittere ; fed Leonardo noftro fatis-

fa-

* %eperimus Mabill,

î \efertHm Mabill.

X Ne vita (jitidem damniti detrudermtur ,M^\\\. nt ca- pitales quidem rei , Menag.

\ Audit Mabillon : ^«/ ckt/jM me hujus thefattri adin- ventianem cognovijfent , multisft me verbis ^luintilian:im fer fi'.As literds /juimprimum ad eos mitti contenderunt.

^<ec in noftio codice deûdeiantui.

Eptst. Fr. Barbari. ^15

faciendum fuit. Verumfcis, quo fit in loco, ut fi cum voles habere , puto autem te quam- primum velle , facile id confequi valeas. Vale & mc,quoniam id mutuofit ,ama.Conftanti3B XVII. Kl. Jan. Anno Chrifti M CCCCXVII.

I I.

EPISTOLA FRANCISCI BARBARI AD POGGIUM,

in qua multas hijîorias adfuum propo^ fîtum adducit , cum eum oh doStrin^fiia elegantiam laudet i^ ■poîijjimum , q^uod ex Germania aliifque locis variais uù-r lia in humanitatis jiudio attulerit^ oh quodftbi ^ gratias agit , idque indies magis ac magis cureî^ hortatur.

ETfî prîEclari fadi tui confcientia & erudi- torum hominum,de quibus bcne meritus es , tanta etiam voluntate contentus fis ; ta- men pro ca litterarum neceffitudine, qua non mediocriter devinéli fumus , noftra intereiïe putavi tibi gratias agere ,ut humaniffimum hoc officium tuum minime filentio praeterircm : cùm illorum indicium librorum ad nos dimi- fifles, quos opéra & diligentia tua nobis & poftcris recuperafti , ut privatim & publice maximo gaudio &gratulationefrueremur. Ni- hil enim prope gratius ac jocundius indicari potuiffet, quam id,quod communiter adlau- dem tuam , quse (ut débet) nobis cariffima ed, V ^ &

ji4 Epist. Fr. Barbarî

& ad humanitatis & dodrinse amplitudincm maximum in modum pertineret. Quis tantum in bonos omnes fiudium.totprocommuniuti- litate labores , tôt immortalia bénéficia , nifi ingratus efle & haberi velit, taciuis eogitare polTet , non inteÏÏigo. Tu Reipublicae caufa quid faduius elTcs tacile declaralliicumtenon vis hyemis, non nives, non longitudo itinc- ris, non afperitas viarum , ut monumenta II- terarum e tenebris in lucera erueres, reîarda- runt. Tu TennUianum, tu Marcum . Fahlutn Glu'mtllianunf , tu ^ Afeonium Pcdianum , tu Lucretimn y S'ilUim Italiçum , Marcellinum, tu M^niU!*nt Ajironéiiintn , L Septim. l'alerium Flac- ■CHm , tu Caprum , llutychium , Probum , Gram- tnaticos, tu complûtes alios Bartholomxo Col- Icga tuo adjutore vel fato fundos vitadonafti?, vel longo , ut ajnnt , poftliminio in Latium re- ^uxiftis. Quo faftum eft , ut in medio defide- î-ii tui eùm a me abefîcs, te potiffimum ifthic efle gauderem. Quidni, cum nihil tibi prope- îTiodum honorificentiiisac doxflis viris acceptius affcqui potuilTes, quam ut antcquàm pofiuia- res, majora quam vellcs plura quam fperares vetuilatis monumenta in Iqualore latentia ad cruôitoium hominum eonfpedhim retuliffes. Lycurgo fum.mo viro glori^e datum cil, cum primus Homerum variis in locis per fiuiia dif- f eifum , quem apud Creophyli pronepotes in- tègre fervatum invenerat , ex Afia totum ia Graeciam reportaflTet. Si quid illi doélilîimiho- mines, ubicunque funt , fapiunt, nonne civi- cam tibi coronam , quae vitae ac falutis a te reftitutae tcftimortio lit, debent, cum tua vir- tute fadum lit , ut deinceps immortalitatem facile fperarc poffint: praefertim cum non mo- do clariffimi viri , fed etiam infimus quifque ^çivis confervatorcs fuos hoc honore dignos ju-

di"

AD POGGÏUM. ^îf

dicarit. Aefculapium inter Deos relatum acce- pimus , peftquam cam alios nonnullos , tum. Hippolytum fupremum vitse diem fundum , aliquot tamen poft annos moriturum , ab infe- ris revocavit: cui fi popiili , nationes, provin- cise; facras sedes dicaverunt, quid vobis (nifl hoc confuetudo jam pridem3bolevilTet)taciun- dum putarem , qui tôt illullres ac fapientiffi- mos viros mortuos in perpetuum refufcitaftis ? quorum ingeniis ac inlîituns non folum nos, fed etiam pofteri bene dicere ac honefte vive- re poterunt. Si his, qui caftella , urbes, pro- vincias, receperant, triumphuna dari majores nortri cenfuilfent , & ego dignitate ac auftori- tate & gratia tantum pofTcm , quantum hi, qui fuerunt ampliffimi in literario lenaiu &insede Mufarum , te triumpho digniffimum decerne- rem;quippe cum eorum dodtrina & ratio hu- mano generi longe plus adjumcnti afFerre pof- fit,quam aliquorum illuflrium ducumres gélose attulerunt. Nam ut hae paucos indices aliquan- do ut unam civitarem & unam interdum pro- vinciam ab imminentibus pcriculis cum magna mortalium occafione deliberaverunt & afruga- litate ad omne libidinis genus plerumque con- verterunt ; fie humanitateni & dilciplinam , quse ad bene beateque vivendum i!cornatedi- cendum accommodatœ funt, non modo pri- vatis rationibus, fed uibibus, nationibus,uni- verfis denique hominibus non médiocres mili- tâtes afferre polTe dubitandum non eft. Athe- nienfes enim cùm Apollinem opinione fua fa- pientiffimum Deum- confulerent , refponfum retulerunt: Se prœrtantiffimos cives habituros, quod optimum ac pulcherrimum effet, !ibe- rorum fuorum auribusimponerent. Quod cum doélrinam, quse libero homine digna, liberos f^cit, prsetenderetj id Indorum gemmas maie

3 1 6 Epist. Fr. Barbari

& aurum interprétât! funt; cùm id nonadpror bitatem , non ad continentiam , non ad conf- tantiam, fed ad avaritiam, cupiditatem , libi- dinem ac levitatem propenfiores reddat. Cato ille perfecSus , Ciceronis fcntentia, Stoicus, cum ex Afia Athenodorum graviffimum Phi- lorophum deduxiflet, plus fibi gloriae, quam Cn. Pompeio ac L. Lucullo deberi cenluit, quod inermis ex Afia honeftiora fpolia retulif- fet, quam ipfi maximis copiis, magnis rebui gefliSjelTent confecuti. Ex quibus ille fuperior Mithridatico belle , cum Pofîîdonii dodiffimi viri vifendi ac falutandicaufa domum veniffet, forés percuti de more a lidore vetuit, ac faf- ces litterarum domicilio fubîpi{it;is cujus im- perio ortus occafufque parère didicerat. Quid multa ? Nonne Ca^far Didlator M- Tuliium hoftem quondam fuum omnium triumphorum majorem lauream adeptum efle confelTus eft? Quid quod majores noftri eadem corona Poe- tas & eos, qui triumpharent ,dignos eiïe cen- fuerunt?Innumerabilia exempla lunt,quae hic . loci , ne infinitus lîm , prsetermitto. Nec ab honore collegse & tuo quifpiam alienior efle débet, quod M. Marcellus & P. Scipio curru triumphali invedi non funt, cum Syracufas & Hifpanias fine magiftratu in poteftatem rcde- giflentjquod te & Bartholomaeum adhoc mu- nus obeundum furami & honeftiffimi ecclefiae Romanse Pontifices delcdios publice dimife- Tunt. Quod fi Q. Fulvio Capua capta & Opi- mio Fregellanis ad deditionem compulfis tnum- phus decretus non pro recuperatis , quae ali- quando Reipublicae fuiflent , laurea decerni jus effet; quis ita de rcbus maie fentiet, ut vos Tel honore ftatuas dignos non putet , cum Olympionicis qui nunquam ex fe,fcd ex late- fibus & latcratis fuis nobilitati funt , ftatuas

ÀD PôGGÎUM. ^17

dicatas acccperit , vos autem ingenio & induftria ea perfeciffe cognofcat , quse nifî per homines & peritos & diligentes effici non potuiffent. Praeterca Sex. Pacuvius Taurus, ^dilis plcbcius* cùm unam Sibyllarum ftatuam.duasautemM. MeflTala ,quae juxta roftra pofitae fuerant, refti- tuiflent.ôc pleriquc facras aedes ac privatas domos refeci(rent,nonmediocremlaudemadepti funt; Vos vero quid non eftisconfecuti,cum Orato- res , Poetas , Hiftoricos, Aftronomos , Gramma- ticos,qui jam fine uUadubitationedeletierant, reftituiflctis? Profedo non ufitatus honos ac per- vulgatus vobis tribuendus eft , fcd novi lïngu- gularefque debentur. Ignominia econtra no- tandi funt illi Germani, qui clariffimos viros, quorum vita ad horum memoriam fibi com- mendata elfe debuit, quantum in fe fuit, vi- vos diuturno temporefepultostenuerunt;quod fi prudenter facflum eft, quid negligentius ? fi ex fententia , quid crudelius? An quifquam ita invidus effet, ut vos exornari nimium a me cenfeat?Quos autem orno ? Eos nempe, qui hujus littcrariae reipublicae plurima adjumenta atquc ornamenta contulerunt. Liberopatrive- teres aram dicare, templa collocare, & heca- tombas faccre voluerunt, qui reperiundi vini ufus audtor fuiffet, quod pîerumque libidinis, furoris , infanise inftrumcntum eft. Nos vero praeftantiffimorum librorum inventoribus vel mediocrem honoris gradum negabimus ? Pro- fcdo li majores noftri novitati invidiffent;nec virtutem, nec induftriam multis ac prseclaris monumentis honcftaflent, nobis tôt bene di- ccndi praeccptâ , tôt bene vivendi exempla de- fuiffcnt. Conftat ftatuam C. Terentise fivc Suf- fecise virgini Veftali dccretam fuiffe,ut pone- retur ubi vellet,quia nefcio quid campi Tibe- rini gratificata effet Populo Romane : quœ fe-

mi-

^iS Epist. Fr. Barbarî

mina fi hoc fortunse munere tanto honore do» nata eft , quis iniquum putarit , fi tibi & colle- gae non loricatam , non equeftrem , non inau- ratam , fed togatam & aeream in sedc Camœ- narum decernerem. Vcllem, Poggi cariffime , ut omnes vel exemplo mco curam & induf- triam , ac diligentiam tuam in imitationem dignam , non invidiam putarent. Profcdo nili hic honeftiffimus prorogandi memoriam homi- num mos prorfus fublatus & antiquatus effet , honorificentiffimis verbis hujus monumcnti caufas complederer iprefcriptura,f€dquoniam hanc vcniam nobis 'ôc aetatis noftrœ & rcipu- blicse ftatus non praebet, vel fenioris illius Ca- tonis mei confilio contentus eris , qui Tuas res geftas non marmoreis ac argenteis imaginibus, quae tempeftate & vetuftate intercunt , fed diuturna civium fuorum memoria in perpc- tuum commendavit. Haec fi tecum cogitabis, sequiori animo & majori confolatione noftro- rum temporum injuriam feres. Quid cnim magnificentius ac praeclarius affequi poteras, quam immortalia haec tua mérita nonlaterein tenebris , nec effe abdita ; fed cum in lace Eu- ropae tum in oculis Germanise provinciae, at- que in auribus omnium gentium & nationum cffe pofita ? Quantum & illud eft,quod in hoc comrauni gaudio vobis omnes gratulantur,vo- bis gratias agunt , quod curas veftras in Reipu- blicœ dignitatem ac utilitatem defixiftis? Quo iît, ut fperem , quemadmodum cerafa Lucul- liana , Zizypha Papiniana , cum alter e Ponto poft Mithridaticam viétoriam , alter e Syria in Jtaliam deiuliffet, & quemadmodum mala ab Appio e Claudia gente Appiana & pira a Mal- lio Malliana cognominata funt; fie haec litte- rarum fcientia,quîe veftra ope ac opéra eGer- mania in Italiam deferetur , aliquando & Pog- gi?-

AD PoGGÎÛÎvf. 51P

giana & Monte-Politiana voeabuntur. Cur au- îem id fpercm?Quo4 fi peregrini quidanj fru- tkes, retentis vocabuUs , tranfmigratianis fux aucloribus aeternam mcmoxiam propagaverunt, «juid de vobis cxfpeftari par eft , qui hos ho- ncftiffimos &C fingularcs Jaumanitatis & difcipli- nae frucflus ad nos attuljfiis. Accedet ad gra- tiam, cum uberrimara laborum tuorum mer- cedem fufcepturus fis , fi quando , quod maxi- me vellcm.is in univerfam rempublicam fum- mam poteftatem habebit, cui in dodrina, cui in virtute, cui in laude percipienda abineunte setate plurimum ftudii fuit & temporis, Erit enim fapientis PontificisMax.beneficiisveftrana memoriam perfequi ôc magna vobis praltare , quandoquidem non parva in hoc génère a vo- bis accepit, quse eo majora judicio meo cen- fcri debent, quo minus erant exfpedata. Sen- tentiam de te & coUega non levem ôcrepubli- ca dignam dixiffe videor:fi quistameneoruma qui favcnt laudi tuae , honorificentiorem dixe- rit , in eam me iturum facile recipio ; hac ta- men mea te contentum fore exiftimo , cum pro tua fingulari prudentia eum honeftum tibi triumphum videri putem , cum bene de repu- blica meritis , verbis teftimonium , ac confenfu fpeélatiffimorum hominum datur. Hase ha<fte- nus. Reliquum eft, ut te moneam & horter, ut incumbas toto animo & ftudio omniineani rem, & reliquam illara percgrinationem , ad quam, ut ad optimum ac dodiffimum Guari- Bum Veronenfem fcripfîfti , probe te compa- ravcras,ne ullam publicae & amplificandas tuae dignitatis occafionem déferas ac praetermittas. Majus enim quoddam a te Romanae litterge, quam adhuc prseftiteris exfpedant , quod la eam fpem abduélae funt, (ad hoc enim natus fiffe vidcris ) ut per te Ckeronïs de Republica 9

j 20 Epist. Fr. Barbari

8c Varronîs divinarum ac humanarum rerum ; & Crifpi , & Ltvii libros , & Catonîs Origincj (ut ceteros omittam) recepturae fint. Quare, Poggi fuaviffime, perge, ut cœpifti: nihil tibi fit antiquius , quam quod in his ftudiis & li- beralifljmis artlbus conducere judicabis. Hi la- bores quietem , & hsec impenfa gloriîe & for- tunae tuae frudlum quamampliffimumreddent. Quod eo diligentius tibi faciundum eft, quod ôc valitudo Bartholomaei noftri hoc tibimunus magis neceffarium cfficit. Cum enimilliusope- ram ac vigilantiam non parum his Htteris alla* turam fperarcm, nefcio quo cafu fuo, & fato noftro magna ex fpe decidimus. Quamobrenl omnes in te converfî fumus, qucmadmodum vedores fseva tempcftate vexati & cunélis na- Valibus armamentis nudati oculos in facram anchoram vertere foliti funt. Tu igitur folus pro tua cetera diligentia tantum proficis, ut hac tua cura & induftria Bartholomaei valitudi- ncm ad hoc munus minus graviter feramus, quse certe literatis hominibus permolefta eft. Id vero nifi tu conficias , quis alter exfpeélatio- .ni noftrae refpondeat, nefcio i & tu communi militari & tuae dignitati defuiffc videberis. Quam quidem ad rem ut commodius navare operam queas, quaecunque invencris , modo digna judicaris , ut fcribi cures , & rogo & oro : quid invenilTe enim prodeft, nifl inventis uti hceret. Nam ut illud plerumque fortunae, fie hoc virtuti attribui juftis ex caufis folet : nec indecorum erit beneficium tuum tueri , cujus fundamenta non opinione folum feceris , fed re quoque ipfa auxeris & confirmaveris. An- dronici Rhodii vêtus vocabis exemplum : nam cum Sylla Apelliconis BibUothccam Athenis Romam mifilîet, eique Tyrannionem Gram- maticum praefeciffct , Andronicus adhibitis li-

bïa-

adGuarinum. ^2t

brariis êc Ariftotelis & Theophrafli libros , qui |)3ene ignoti erant, conrcripfit, eofque dodif- limis hoininibus mifit , unde ferme reliqua omnia exempla nata funt;&:ipfeâpudpoftirros diligentJa fua nobilitatuseft: quod tibi quoque faciundura effe judico. Ita enim videri videor: omnes qui favent Poëtis , Oratoribus , Hifto- ricis, Philofophis, Mathematicis< qui Latinis denique literis dediti funt, tuas in laudes cer- taturos,quod non parvi genus ornamcnti cen- feo. M. Vanonis , librorum , qui primo Ro- mas conftituti funt, curam habentis, ab Afi- nio Pollione imago pofita eft, quas fibi, judi- cio meo, non minus honoris attulit, cum a principe oratore ac cive amplifTimo fibi collo- cata effet , quam cum eundcm claffis praefcc- tum Pompejus ille Magnus con/edlis piratis navali corona donavit. Quodii fortiinarum tuarum ratio impedimento fit, hujus impenfae partem in me & alios, qui veteris fcripturse veftigia colimus , arbitratu tuo conféras: tibi. enim non modo velut cenfori parendum fta- tui , fed extra ordinem munus hoc fîtie pro- vocatioric dccrevi. Quare voluntati meae, & honeftiffimae peritorum omnium expecftationi fatisfacies. Quod de tanto fingulari in nos amore fcribis, gratiffimum eft: hune & tu fo- Vebis , & ego quibufcunque potcro rébus au- gebo. Vale. Ex Venetiis pridic Nonas Juliaa Anno Chrifti M. CCCC. XVU.

(Tem. il, X ni]

322, CiNCII EpISTOLA III.

CINCII EPISTOLA AD POGGIUM.

/-^INCIUS POG GIO SANCTISSÎ- ^MIDOMINI NO S TRI PAPE^ SECRETARIO. Sal. pi. d. Jam pridem cum eflem in palacio apoftolico unà cum gra- vibus viris ,fermoque de felicitatc humana in- ter nos cafu haberetur, AntoniusdePifcianun- ciavit te ex jufta f uxore, uno filiolo auftum fuiflTe , que denunciacio cundis aftantibus gra- tiffima profef^o extitit. Omncsque uno ore gratulantes ©ptavimus , ut is perpétue confo- lacioni , ornamen''o prefidioque tibi fit. Ego veto cum mecum ipfe cogito puerum hunce:: tb viro doL^iffimo comprobateque vite , equc tua conjugc honeftiflîma mulierenatum fuiffe, minime dubitandum eflc arbitrer , cum ad doc- trinam ."honeftatem eximiafque virtutes & lau- des fua natura difpofitum efie. Qui cum tuis uxorifque tue domefticis inftitutis & moribus cxcultus fuerit , educabiturque preterea Flo- rencie, que urbs miris ingeniis,miraquc doc- trina & precipua ncgociandi induftria ita flo- ret , ut omni génère laudum aut ceteras urbes fuperet, aut cette à nulla alla fuperetur , & fe ipfam veram Romani populi filiam ac he-

rc-

* On a fuivi par tout l'Orthographe de l'Auteur de cette Lettre; mais on y a ajoute la ponûuation, qui s'y trouve rarement félon la coutume de ce tems-là, ou qui y eft mal placée.

t Pogge avoic eu des bâtards, comme on l'a vu dans fa Vie.

AD POGGTUM. ^Z^

redem efle oftendat.michi perfuadeoeum vir- tutum difciplinarumque ornamenta fufe cu- mulateque adepturum eflTe. Inherebit bonita- ti fue nature , parentuni inftituta ultro coni- plcdetur, mores patrios ac doftrinnm avide arripiet. Neque enim lldera ipfa celorumquc influxusacfortuna,quchumanarum rcriira do- mina eiTe dicitur, prell-intcs hominum natu- ras bonarum artium ftudiis 8c optimis morum inftitutis roboratas pcrvertcre ac depravare poffunt. Quamquam Homerus auream illam catcnam iingat,à celo ad terramufquevenien- Homer, tem; quam quom homines dcorfum trahereHiad. 0- conantur,ab ipfa pocius tradi funt. Hancqui- ^- ^^- ^^ deni catenam poëta fatum appellat, ut inteiii- gamus humanas adiones faio inferiorcs efle, nec ejus vi ac neceffitati ullo modo refiftere pofle. Allufit fortafle poëta multitudinis judi- cio, aut profedo ita credidit, cum nonnulli etiam Philofophi non minuti quidem hanc de fato opinionem pertinaciter tenentes ab ea ra- cionibus abduci minime potuerunt. Que cum itafint, cape à tencris, ut dicitur, unguicu- lis hujus tue imaginis curam , in eaquc grada- tim alenda tantum ftudium , tantamque dili- genciam adhibeas , quantam flagitat paternà caritas. Quod li forte initituifti, ut tua uxor hianti filio ubera non tradat, ut ad amplian-* dam fobolem fecundior exiftat, 5c in valctu- dine facilius conferretur, incumbito omnino ut nutricem habcat corpore robuftam , com- plexionis natureque bonitate prcftantem , que eciam ingenuos ac libérales mores habeat. Quantam autcm in educandis pueris nutrices yim habeant , quantumve aut earum probi- tate ad virtutcm eos inclinent, aut improbi-. tatc ad vicia impellant , noller poèta déclarât cantibns

5 2.4 CiNcii Epistola

Virgil. Hircaneque admorunt ubera tigres.

jEiieid.L. Quom autem adoleverit, eniterc,ut omnis IV. ;i^. 367.q^5 £{-35 (jg fe jpCa contenta fit, utque fermo- lïes aftionesque etati confoncnt , ad quantum puericiam ado'iefcencia , adolefcenciam~juvcn- ra , juventam grandior etas annisruperat;tan- tum prudencia ceterisque virtutibus excellât, ut per omnem vitam animo ac corpori armo- nia quedam apte refpondeat, & continue ma- jor virtutum fuarumfplendorappareat. Verum quia nichil virtuti ac racioni magis répugnât, nichilve magis adverfatur quam corporis vo- luptaSjComprimenda profedto eft, & adhiben- da curacio ne per vifcera ferpens artusacmen- teni enervet. Tantum autem fibi tribuendum eft quantum ad confervandam naturam perti- nct. Sed ejus infidie tanquam callidi hoftis, cvitande funt. Habet enim titillaciones venc- natas quidem fuavitatem quandam prc fe fe- rentes, que nifi moderacione vite, curis, vi- giliis & exercitacionibus , modico cibo , & perfico, ut dicitur, nafturcio * reprimantur, co trahimur, ut racio ipfa que hominis auriga eflc débet, ^ tamquam regina in arce mentis dominari, voluptate vifta proftrata jaceat : & cum ab extenuato eciam nature luminc ali- quando excitata fe ipfam crigere volucrit, in ipfo conatu rurfus cadit , & turba viciorum apum in morem veniencium duce voluptate obruitur. Preclare itaque Hercules t volupta-

tern * Ndflunium Verficum , c'eft du creflbn de Petfe. Xe- nophon Cyrop.td. L. I. p. 4. 8c Ciceion TuO^kI. L. j. c. î4. nous apprennent que les Perfes ne donnoiei/t que de ce creflon à leurs enfans avec le pain. Cecrc plante ett un prefervatif.

t Voyez ce choix d'Hercule dans!Xenophon , Mt- tnorah. L. ll.p.583. Un lavant Seigneur Anglois, qui eft mo:c en Italie, avoit fait le deHeÎA dv ce choix

d'Hei-

AD POGGÏUM. ^If

tcm eft afpernatusjejufquc delicias pro nichilo putavit, Intcllexit enim vir ille, quem ob fua- rum virtutum excellenciam fortitudinifquf;

f)reftanciam gentilitas Deorum in numéro col- ocavit , viam illam quam virtus fuadebat, .quamquam difficiiem , afperam , laboribus anxietatibusque plenam , contineie tamen in fe felicitatcm , ik demum parituram eiTc leti- ciam atquc jocunditatcm nullo unquam tem- pore defuturam. Quemadmodum apud Hefio- durn * eft,

^Itcram vero viam quam voluptas ingre- diendam effe alliciebat , fimileni elle puta- vit hiftrionibus , qui cum abjecfli obfcuriquç homincs fint, fimulato vultu He(ftorem , Aga- meranonem rcferunt. Ita voluptas vultu blan- da déliais mulcet, que plerunque in- dolores converfe perniciofam ejus naturam oftendunt. - Ex his igitur ambabus viis tamquam ex diver- fis fontibus , felicitatem miferiamquc nafci reéle arbitratus eft. Sed neicio quo p,i(5îo à gratulacione ad vite reftitucioncm (a) ac pre- /'3^pQ^(-^J^ cepta oracio defluxa eft. Ègo vero , mi Poggi, {njh„'.tio~* non ita tui ignarus fum,ut hocfcribcns te pre-«f««. ceptis Philoibphie ab adolefcencia admoduni eruditum excitare velim, & cantate erga fî- îium ardentem ardenciorem efficcre , qui fum- mo amorc filium profcqueris, ut bonarum ar- '"

tium Difciplina , maximarumque rerum expe-

d'Hercule, tiré de Xenophon, qui a paru au Public d'un très bon goût. On ne fait s'il a ete exécuté.

* Hefîod, Op. & Dier. 2S9. On a mis ce vers d'Hc- flode en la placc de la copie fautive ({ui paioit di»s wttc Lettic^

X3

^i6

CiNCii Epist ad Pogg.

riencia ac cxemplo vite vel tuum vel alios adolefcentes ad redam vivendi viam facile in- duccre potes. Scd quia hic eft amicorum mos, hoc munus , ut eos qui nobis benevolcncia conjundi funt, nonnunquam ad preclara opé- ra hortemur, que tamen ipfos efFcdluros effe non duhitamus , & fi quid rerum expetenda- rum aut à natura aut a fortuna fibi iributum r\ cft, fimul congratulemur, ut majori efferan-

tur leticia intelligentes in fuis laudibus eadem fentire, que amici fenciunt,& ampliori etiam gaudio extoUantur, cum percipiunt fuis feli- cibus cvcntus eos quos diligunt , aut cque aut cette prope gratulaii Extremum eft ut ad nos qui defiderio tuo vchementer movemur pro- pere proficifcaris. Quom autem advenetis na- talicia tui fitii folempni in conviviocelebtatuti. (*) Forfan, Ubi tu hujus fympofii ptincipis (a) una cum fnnce^i. grecorum Jatinorum Phjiofophorum cctuade- ris, niultaque, ut in conviviis fieri folet, in médium ponentut ,piefertim difputacio devo- luptatis natuta, que profedo patronos habebit acetrimos, cum in defenlionc fue caufe epu- latum fuavitaïc ,crebfispoculis fenfibus jocun- ditatem ita intundet ut in blanda qunfi merce- de allccfti pto ipfius dignitate tuenda acucius difputabunt. Ego eciam qui banc ipfam vo- luptatem acerbiffimis verbis infedatus fura , ab hominibusque exterminandam efTc cenfui, foftaffis eam in graciam rediffe profitebor. Es

îperraria. Id. Odobris.

IV.

Man. Chrys. Orat.Funeb. 327

I V.

ANDREA JULIANI/^r^ MA-

NUELE CHRYSOLORA

FUNEBRIS ORATIQ

incipit.

cl quis veftrum eft,Viri doâ:iffimi , qui fort? admiretur , quod ego , qui neque ingenio nequc eloqucntia is fim ,qui in Manuelis fune- rc laudes nedum Orationernea ornare,fedpc- ne vcrbis referrepoffim: inter vosprimumfpçc- tati atque optimi Viri hujus virtutes immenfas aufus fim enarrare. Hanc totam in Guarinam noftrum caufam vertat , eft fua potius benevo- îentia folita, quam aut auftoritate mea, aut aliqua orandi facultate, quas in me nullas effe fcntio addudlus, hoc mihi dicendi onus adje- cit , cui ex ea amicitia , quse mihi cum i!lo jam diu eft, haud aequum elTe cenfui , merem fuis in lacrymis negare. Majorem tameninmodum cupiebam , quod cum de Manuele defundo laudationem audituri fuiiTetis, non mei, fed ipfius Guarini Oratio fuiflfet, qui cum magna dicendi copia , tum exercitationis vi praeditus fit: fententia mea hanc fibi rem vendicaredc- buiiTet. Tamen ,quoniam, chariflimi velutpa- tris atque fuaviffimi Praecepîoris morte lachry- mae, ut videtis, hoc fieri vetuerunt, ad me hanc rem detulit, non, quod in dicendo aut doâ:ior,aut uberior vcrbis lim ,qui mihi fem- per Praeceptores & Magiftri fuiftis: fed quia hu- jus ornatiffimi viri laudes mecum forte faepius, quam vobiscum communicarc folituserat. Ve- ïum neque mihi untum aiTuftierem , Viri lite,- X 4

^zS Manuel. ChrysoLor^

îatiffimi , ut Manuelem Chryfoioram laudatiQ- ne mea diuturniorem famamconfecuturumpu- tarem, niii integerrimam ejus in oinni paite setat:s vitam , lummam religionis fcientiam , fidem , contineniiam confpicerem , quse etli non orando ,enumer2ndo certe non minimam fibi gloriam vendicarc potuerunt. Quod enim genus orationis, quae copia, quae dicendi aut fcri- bcndi auéloritas hujus nobiliffimi Viri clanffimi- que Philolbphi, fatis ornate, i"atis digne com- memorare poffit ? Quas ipl'o potius vivo, quam mortuo, utinain rcferrc nobis cuntigllFct. Sed in- ceriusatqueinopinatuscafus hanc optatiffimam nobis voiuptatcm intercepit Nam cum fummus Pontifex Conitantiam ire coniiituiflet , non- nuUolque furamae auftoritaiis Viros & fapien- tiïe .nque erga hanc noftr.ini religioneminfigni quadam pietatc afFcftos fibi delegifTct, Manue- lem inter plurimos haberc conllituit , qui in hanc laudatiflîmam rem, ncceflariumque ne- gotium ira omnem curam, ftudium, diligen- tiamque contuiit, ut neque vim uUara jnequc iBlîdias, neque metus pcrfpicere, nec fenedu- (a) Forfan. tis fu3e incommoda aut hhoxcs extimare (a) vi- ^j^tinieic. deretur. Quo circa hujus tam diu agitatae, di- vifae laccrataeque religionis noilrae divino pro- pe afFedu permotus Pontificibus maximis,qui ipfius gravitatem, prudentiam & vitam, tan- quamccelefte oraculum venerabantur,Concilii fententias, quantum in fe fuit ,fufcipiendas fore fuadere conatus eft. Etutcaeterorumbonorum judicus adhaereret, omnem itineris longitudi- nem, frigora , hyeraes, viarum afpcritates ar- que mortcni , fi opus eflet , perferre infiituit. Qua^ cum , utcogitaret, perfeda fuiflentjin- ^ veteratos Graecorum erroresad Romanamreli- gionem fua opéra acdiligentiadeduxiflet. Quo (juideiii o$ciQ orflnilaudcatque honore dignit

Oratio Funebris. ^ip*

fimo quid majus fieri , aut divinius cxcogitari poterat ? Quam coronam , quas ftaiu<>s huic yirOfCui nuHus honos,nifi débitas, nulia gra- tis , nifi digniffima , reddi poterat , homiiies , fi in \uta diutius tuifletjftatuilîent? Ipfemedius- fidius non folum urbes , fed ipfi prope oicam 3gri, colles, & fi non pare.s maximos certc honores Manueli decrevifieni bed cum prae- ter fuam opinioncm atque omnium bonorum judicium, communem omnium libcriatem de- fcffam videret.ëc ad unius voluntatem redaéla omnia jtandemque Pontificem fuum ad fugam redaélum affiduis fcbribus oblefTus e(t, paucos poft dies,dolore magis urgente, quam morbo, cxceflit e vita. Imo, fi diligentcr aitendereac verc judicare voluerimus, adeam accellit vi- tam, ad quam majores noftri fuos illullres Vi- ros afcendilfe arbitrabantur, qui cum fuis curis ac molcftiis folutifuerantjfupcriorum'immor- talium coetum adiré affirmabant, quibus non modo ftatuas, verum etiam aras ac templa de- dicabant. Eorum fententias fiquisnoftrum vc- lut facinus probarit: nefcio, cur non Manueli noftro inter ipfos fuperos conftitutum locum iudiccmus,pr2efertim cum totius ante adlaevi- fuae mores confpexerimus,oranemqueprae- tcriti temporis ac pueritiae raiionem recordari voluerimus, quam demum adolefcens incredi- bili penè virtute fummam fuiffe declaravit. Quis enim eft, qui tam fingulari humanitate, verecundia , modeflia adolcfccntiam fuam or- naverit, qui eo œtatis tempore omncs libidi- nes propulfavit ? qui omnem fui corporis par- tem illsefam fandtiffimamquc fervaverit ? qui tcneris adhuc annis fe fie ad Philofophiam, li- beraliumque fcientiarum ftudia contuiit , ut ado- lefcens inter Philolbphos &doctrina& vita nu- mcrarctur? Hoc, Viri optimi, paucis conti^ ^ 5 ^giffe

2^0 Manuel. Chrysolor^e

gifle legimus. Platonem namque & Ariftotelcra àliquot poft adolefcentiae fuae annos Philofo- phiae operam dedifle confiât .quorum codiccs, quos in ieneftutc e média Philofophia hauftos Jcripferunt, hic adolefcens magno tludio con- ' fecutus eft,ut csetcras demum setatis fuœ par- tes clariflîmis virtutibus nedum ornaret, fed ut numquam etiam hominum mcmoriaeycllipof- fent ,eftecit. Hifuntgradus, Viriclariflimi ,qui ad dignit.îtes, qui ad honores, qui ad famam liberos afcenius parant. Hsec funt ea virtutis clementa, quœ non fummis ac nobihffimis vi- îis folum, vcrum etiam infimis, immortalcnçi gloriam vendicant. Hujus nimirum adolefœn- tiam omnes vos femperprobafliç,quitamegre- gic tradu(5la futurae feneélutis fuae fundamenta his moribus ac vita jeccrat, & quse ufque ad pofteros ipfius cineres , fibi pudicitiam , caftita- îcmque fervarat , quam feculorum nofircrum memoria, hteratorum virorum commendatio- nes, hominum lingu?e divinis laudibus celebra- bunt. Pari deinde virtute,animo,cura,omnis avaritiœ impctus propulfavit, quœ non folum privatos pcnatcs, verum etiam civitatcs, pro- vincias, omniumque virtuium ornamentacor- rumpit. Ab fe enim praeclareadum ,exiftima- bat, cum minus pecunias,muUum gloriae do- mura reportafl'et Quanta fide, quanta integri- îate ration:s pecuniam exEuropa exa(îlam(quam totam pêne illuflravit) cum ex Byzantii obfidio- ne Icgatus ad ipfius Principes miffuseflct ,Im- peratori fuo defignavit , qui Principes , cum bclli îieceffitate addu(n:i tum maxime dignitate, fa- pientia ac auftoritate hominis moti magnam auri partem contu'erunt. QuainlegationeMa- îiuelis fapientiam atque fidem admirati maxi- snis faepe prœmiis , cum ipfuir. ad fe duccre co- siati funt , ut fuis in rébus gercndiSj confiliifque

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DrATIO FuNEBRIS. 3 2[ r

'opiendis tanti Viri prudentia dulciffimaque hominis familiaritateuterentur. Sedutabomni libidine corpus : ita ab omni lucri fufpicione animum femper averfum habuit. Quemadmo- dum enim ille ipleTranfalpinaevoluptates nul- lam in ipfum luxurise furpicionem inferre po- tuerunt , fed continentiœ potius fuse cui (ftis exemplum atque experimentum cxtitere: Ita illum ncque auri fitis,neque glorise aut hono- ris cupiditas, neque anibitio u.la ab inftituto opère retardavit. No|| retertam clariffimis Vi- ïis atque optimis artibus Italiam ad quietem clegit: non imminenti deniqut' bello oblatum otium antepofuit: ied tanta abllmentia conti- nentiaque ufus eft , ut tjuse cgetcn magnope- re optare videntur, ab Te ea ipfa fpernenda ju- dicaverit, adeo ut non ex Byzantio antiquif- fima civitate Augullorum urbc, aut ex patri- tia famiha ortum ied velut e cœlo demiffum hommes intuerentur. Qua vero caeteris in ré- bus moderatiT:>ne, huinanitate, clementia ufus fit, facile omnes intelligunt. Nec fcio , an Xenocratem , aut Tarentinum Architam , aut reliquos homincs inPhilofophiaclariffimos Manueli non modo anteponere ,fednec3equa- re poffimi qui cum aliquando ab semulis at- que invidis detradtum (u^ dignitati apud Im- J)eratorem intellexiilet , non modo in eos, cum facile poffet , ultus cft , fcd ultro ie in pe- riculiseorum defenforem patronumque confti- tuit. Ampla hseclaus ,'memoriaC.hryfolor2rum nominis dignitas atque gloria ,&:ut mododixi , quae ex mortalibus hominibus fuperorum im- imortalium cœtus auget. Sed liberalitati ejus quam aliam comparabimus? Difficillimum eft judicare utrum majore laude dignus exUlime- tur, an ca , qua in fuos , aut in alios ufus fit. Cujus rei teftes quam plurimi , nifi nota haec

532. Manuel. Chrysolor^

vobiseffent .adduci poflent,unum tainenGua- rinum nollrum dicam , qui cum Graecarum Jiterarum , in quibus nunc peritiffimus eft, M'iiuelem fibi praeceptorem delegiffet, ab eo non modo dodtiina Ik moribus ornatus fuit, fed multis aliis perpetuis ac maximis beneficiis faepenumero adjutus. Quod non minus in omncs , qui vcl' artibus luis vel opibus eguif- fent, fecilTe conftat. Quot enim , cum aut fcientias, aut alicui lludiolse re'i operam darc jnftituiirent, egeftate ir^editi , fi Manuel de- fuiffet ,incepta nondum*e , defecilTent ? Quan- ta vero pietate, mifencordia fuerit? non gra- tiffiraa lolum in parentes ôc neceflarios, bé- néficia in cives fuos, in patriam divina prope mérita déclarant; verum etiam in noilram re- ligionem , immoriaiiique Dei cultum, hono- relque agendos , aflîduique labores , poftrc- moque haec legatio demonltravit. Quaeaman- di ratio ? Illud ego v;fus fum diccrc , quod faepius a fapieniifiimis atque optimis viris au- divi, cum in Termonem de Manuelis amicitia incideremus. Neminem umquam aut bencvo- leniia in omnes , aut amicitia in bonos viros ipium antcccffiire, neque qui in comparandis aut coniervanais amicitiis majorem diligen- tiam adhibent. Nec id folum libi iplî perfuade- bat: verum etiam cum nihil ipfi tam virtuti confentaneum , tam jucundum, tam necefla- rium & iecundis Se adverlîs rébus exiftimaret, omnes quantum poterat, notos & necelTarios hortabatur, ut caeteris rébus humanis amici- tiam antcponerent. Nihil etiam vel ad augen- dam g oriam vel ad propriam communemquc omnium uniitatem confervandam majus ne- que viro bono dignius a natura dari polTe di- cebat. Hi lunt, Viri clariffimi , humanitatis U iapientlK frudus , & expreiTa hisec fign?

yiç-

OratioFunebris. ^^i'

Virtutis, communique hominum confenfu di- "vina naturjB commendatio. Quae etiamfi mor- te hac exringui non valeant , tanti viri con- fuetudine nos tamen orbatos video. Quorum omnium noftrum dolorem , amicorum & ne- ceffariorum ludtus , mœrorem patrise, domus Chryfolitarum calamitatem , quo paélo poffini fine lachrymis referre non video. Ea cnim setate nobis ereptus eft , qna bonis artibus, optimis difdplinis, & Grœcis &c noftris, haud parum prodelFe poterat. Nam ut primum ab his fe curis , quod toto animo conceperats* folvi{ret,omnem ad fcribendi ftudium operam atque otium contuliflet. O gravcm atque îicerbum diem hune, qui non folum domefti- cis ac civibus tuis , verum etiam externis, hanc tuam mortem nuntiavit ! O lugubres Epiftolse nuper hic per'eétte , lachrymarum atque triftitiae plenas ! O fors hominum igna- la inteftabihfque fortuna , quam repente ea congratulatio , cupiditas ac voluptas, quas tui jucundi i'editus expeélatiopauloante tuis omni- bus afferebat, ad lachrymas conciderunt,quaB nos undique ad ludus noftrofqus erroris dup- plicant, & inprimis chariffimi neceiîarii tui^» Viri ornatiffimi , atque illa tua nobiliflima fa- milia digniffimi JohannisChryfolorae, lachry-- mae movent, quae certe me plurimum ad di- cendum impediunt , cui quid infehcius acci- dere , aut acerbius inferri poterat , nefcio. Hic eft qui generis tui dignitatem , Itudia, honores , casteraque paternae familiae tuac ornamenta , lacerata peneque extincfta , non modo Clara fobole , fed optimarum artium difcipliha, quas a te olim didicerat, favente Deo reficiet. Sed omittamus nunc de Johanne dicere , cujus humanitas , fcientia , incredibi- lii virtus ac lapientia alios ûbi locos veodicare

534 Manuel. CHRYsoLOR.ïi poterunt, & ad id noftra redeat oratio, quod fuperius dicendum erat , cum Manudis Itu- dium 6i induftriam coniinemorarem. Cujus ingenium ego ipfe, qui nihil de eo majus aut admirabilius , quamquair. antea audiveram , affern poffe credcbam , faepius ac vehemen- ter admiratus fum. Nam cum jam grandis effet, nullius Praeceptoris auxilio noftras per- didicit litcras , neque fibi oneri vifum eft, cum tôt annis Philofophise ftudio vacaffet , ad puerilia literarum eleraenta reverti , com- modum atque orium afpernari , fomnum ac voluptates omnes rejicere , totumque id tempus, quod ad res fuas familiares obeun- das , quod ad ipfam corporis requiem dari oportebat, omnem in hanc noftram fcientiam perdifcendam contulit. In qua paulo poil tan- tum profecit, ut dofliffimis literatifque Viris noftriseum aequare Latini minime dubitaverint, quod haud noitrarum folum illuftrandaruni caufa, quas clarifîîmis Philolbphis , eloquen- tiflîmis oratoribus , fummifque bonarum ar- tium dodoribus refertasaudierat ,verumetiarti ad fuam & propagandam & confervandam fcientiam , feciffe vidctur. Nam cum Graecus fuerit, multis veftrum patere video, ut cre- dere incipiatis , Graecos homines , omnium quondam fcientiaf um , omnium bonarum ar- tium , omnis vitae , optimarumque rerum omnium inventores , praeceptores , magiftros fuiffe , cum Manuelis nolhi vitam perfpicitis, qui omnibus in rébus ita irreprenfus vixit, ut bene beateque vivendi cunélis fe fpeculum ex- hibuerit. Quod quidem mccum revolvo, ta- men vobis , fpeétat.Iîimi Viri , mihique per- fuadeo , aequo animo Manuelis mortem effe perferendam , qui ita ex hac noftra vita ex- ceflit , ut immortalem ipùus animum & ad

tht-

OrATIO FUNEBRIS. ^^f

ineliora proficird , & nobiscum femper arbi-

trari poffimus. Sed quo nunc te vertes, Grae-

cia? quas parabis hchrymas? Philofophorum

omnium tuojum gcnus Manuelis morte mihi

pcne fepultum videtur. Cui poft hune vacuas

fcalas trades ? cui veteres tuorum illuftrium

virorum annales , cui quondam dx majonbus

tuis artem Philofophicam affignabis ? quein

lîbi haeredem inftitues ? Te ipfam lugere opor-

tet. Nihil enim mali accidifle Manueli, fed

tibi arbitrer, & li quid accidit, tui folum in-

fortunii mœrore accidit. O Socratis fapientia j

o Platonis divinum ingeniuml Ariftotelis ad-

mirabilis cundlis in rébus ordo , Demofthenisi

eloquentia ,omniumque Philofophorum Athe-

nicnlium gympnafia , cui nunc ex vefiris tôt

vigilias , labores , famam committes ? Quid

infortunii tibi , infelix Grsecia , addi poterat , nilî

ut tôt Regibus exadlis , tôt urbibus everfis,

tôt rébus publicis deletis , tanti quoque Philp-

fophi decorem amitteres? Scd cum nihil hac

re certius homini a natura datum fit, neque

reliquis in rcbus noftris fempiterhum aliquid

aut diuturnum fecerit, compofitis animis fe-

renda funt* omnia. Unum tamen perfuadere

tibi non omittam. Quoniam Illulbiffimorum

Imperatorum atque horum Virorum , quos

nunc dixi, femper fedes ac domicilium fuifti,

ut non folum huic locum ftatuas aut ea cor-

porum fimulachra erigas, quse prseteritis ho-

minibus dedicabas ad fuarum immortalem me-

moriam virtutum eas conftituas effigies , quae

apud futura fecula fempiternam de fe laudeni

praedicant. Et ne hoc tam claro Viro minus

ttiam grata videare, immortalem ipfius me-

moriam cole. Cole continentiam , moderatio-

iicm, humanitatem; cole liberalitatem , quam

m propin<juos, in amicos, in patriam geffit;

cole

33<î MaN. ChRYS. OrAT. FUNEB.

cole ftn-ituni, dodrinam, divinarum huma- îiarumque rerum fcientiam hominis tui. Vos auteiTi Viri eloquentiffimi , ejus, cujus opéra, vos noihseque literae tantum funt illuftratae, rec-rdàtione ac defiderio amiciffimi, inquam» Manuelis nollri gloriam , nomenquc totis ani- iTiis arque ore celebretis. Nam cum omnibus rébus tcrminos, licct incertos, natura pofue- rit , horum tamen virorum aetcrnam apud mortales famam , nifi intercidcrit negligentU fcriptorum , ingénia artefque refcrvant.

FIN de la IV. & dernière Partit

duFoGGlfiK K.

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