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PRECIS
D'ANATOMIE
PATHOLOGIQUE
Par g. ANDRAL,
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PRC^ESSEUR A LA FACCLTE DE MEDECINE DE PARIS,
Jlfiiibre de rAcacIéiilio royale de Médccîiie, du Conseil de SaliibrUé du Bureau Central des hôpitaux , elc.
TOME SECOND. - IP Partie.
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sG'flêS®*»— — =>
PARIS,
CHEZ GABON, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
Rue de l'Ecole-de-Médecine , n° lo;
MONTPELLIER, MÊME MAISO.\; BRUXELLES, au Dépôt de Librairie médicale française*
IÔ29.
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AVIS AU RELlEt'R.
Le second volume étant divisé en deux parties, substituez cette demi- feuUh aux pages 4'>9, 4^0) 46» , 462, 4^5 et 4^4 de la feuille 29 dudil Volume.
Prenez te faux titre dans la feuille 3; du tome premier.
PRÉCIS
DANATOMIE PATHOLOGIQUE.
APPAREIL RESPIRATOIRE.
Une surface d'uoe étendue lros-consid«rable que parcourent des vaisseaux sanguins et des nerfs, et^ qui se trouve en contact perpétuel avec l'air extérieur ^ telle est la disposition générale de l'appareil respira- toire. Modifier le sang par l'air, éliminer du sang certains principes, en absorber d'autres, tel est le but de cet appareil.
L'appareil respiratoire cxbale et absorbe dans toute son étendue; au contraire , l'air qui le parcourt ne commence à agir réellement sur le sang que là où commence à exister une grande multiplicafîon des surfaces. De là , dans cet appareil , deux parties dis- tinctes, sous le rapport de l'action respiratrice : l'une,, qui sert seulement à conduire l'air sans le modifier d'une manière notable , est composée de canaux , larges , mais peu nombreux [}) ; l'autre , dans laquelle.
(i) Toulcfuis, dans ces canaux mêmes, on trouve en certain^ poinjs , et plus ou moins marquées suivant les sujcls, des espèces deiamcs qui s'c4évent de leur surface, et sur lesquelles se répand u;i réseau vasculairc Utislin; CCS lames sont analogues aux cloisjns incjiiiplites q>ii ^^'•l^Axn*'
^9.
46o l'i'.Écxs
le saiigot l'iiir se aiodifieiit niiiUîeJIemr^nl , n'esl que la continiialion de la premiL-re ; seulenient les conduits y deviennent beaucoup plus pelits et beaucoup plus nombreux, et chacun d'eux se termine par un ren-? flement en cul-de-rsac, qui constitue la vésicule pul- monaire.
Les vésicules pulmonaires et les petits conduits dont elles sont la terminaison , réunis par du tissu cel- lulaire dans lequel rampent les vaisseaux et les nerfs qui se distribuent à ces vésicules, voilà ce qui cons- titue le parenchyme pulmonaire.
La disposition que je viens d'indiquer peut être démontrée de plusieurs manières :
1°. En poussant du mercure dans les bronches, Ileisseissen a transformé le poumon en un assemblage de vésicules dont chacune était distendue oar un iirlo- bule mercuriel , et qui ne communiquaient poiîit les «nés avec les autres.
2°. En examin?nt au soleil un poumon qui contient peu de sang, on observe à sa surface une innombrable quantité de très-petites vésicules reuiplies d'air, que sépare du tissu cellulaire.
5^ Si, sur des poumons exsangues, l'on pousse doucement l'air vers leur bord tranchant, on voit se dessiner de pelits conduits pleins d'air, qui, latéra- lement et à leur extrémité , présentent une série de renftemens semblables les uns aux autres, ne com- muniquant point ensemble, qui se reproduisent de la mcMue façon toutes les fois qu'on répète l'expé-
tlç la surface interne de la jioch«; vêsiciileiisc qui elicz les girnoiiillcs le- préseiile le poumon. Ces latiii.'ï ne di iv<Mit-.-ll(s j'as déjà dans les lîieacî.ei, sçrvir à la res|Mral!ij:i t
d'aNATOMîE rATHOLOGIQl E. 4^*
rience, et qui sont exactement pareils aux renflemens pleins de mercure qu'on trouve représentés dans les Planches de Reisseissen. Ge sont là évidemment les vésicules pulmonaires. Celte disposition est surtout facile à constater dans les cas où le tissu du poumon est raréfié. M. Ileynaud et moi , nous l'avons plusieurs fois observée chez l'homme; mais nous l'avons encore mieux vue sur quelques animaux mammifères, parti- culièrement sur des singes.
4^ Dans certains états morbides, les vésicules pul- monaires se dilatent, deviennent très-apparentes, et il est alors de toute évidence que ia structure du poumon est effectivement celle que les modes précé- dens d'investigation nous avaient déjà portés à ad- mettre.
Le tissu cellulaire ne sépare pas seulement les unes des autres les, vésicules pulmonaires ; il isole encore un certain nombre de bronches, qui, dans leurs ra- meaux, ne communiquent plus qu'avec quelques autres, dont la réunion constitue un lobule. Les lobules sont pour les lobes ce que sont ces derniers pour la lotaîité du poumon. Il est important que nous fixions notre attention sur celte sorte d'isolement anatomique des vésicules elles-mêmes , puis des lo- bufeSj et enfin des lobes, parce que nous verrons que souvent aussi ces diverses parties s'isolent com- plètement dans l'état morbide; et ici , l'aiiatomie nous aidera à comprendre comment une vésicule ou un lobule peuvent s'alfecter , sans qu'il y ail affection simullanée des vésicules voisines ou des autres lobules. . Le nombre des vésicules jUilmonaires n'esl pas le* même cliez lous les hommes ; du nombre variable
4fe PRÉCIS
de ces vésicules résulte la densité également variable' du poumon. Les vésicules sont d'autant plus multi- pliées que , dans un temps donné, il y a plus de sang à viviQer. Aussi le parenchyme pulmonaire a- t-il son maximum de densité chez lès animaux dont la circu- lation est habituellement plus rapide , tels sont les oiseaux; i[ est au contraire à son minimum de densité chez les animaux dont la circulation est très-lente, ou chez lesquels toute la masse du sang ne doit pas à chaque tour circulatoire traverser les poumons ; tels sont les reptiles. Les mammifères eux-mêmes ofiVent de grandes diflerences relativement à la den- sité de leur poumon , ou , en d'autres termes , rela- tivement au nombre de leurs vésicules respiratoires : ainsi, chez le cheval, celte densité 'est extrême; chez le chien , elle est encore assez considérable ; chez ces deux animaux elle est normalement beaucoup plus grande que chez l'homme. Enûn , chez l'homme lui- même , cette densité du poumon varie non seulement suivant ks dîfl'érens individus, mais encore, dans le même homme , cette densité se trouve singulièrement modifiée par l'âge et parles maladies. Dans l'enfance, le poumon humain a le pins grand nombre possible de vésicules; à cet âge il a par conséquent son maxi- mum de densité , il ressemble alors an poumon du cheval. Dans la vieillesse, au contraire, le nombre- des vésicules est beaucoup moindre, et le poumon jaréfié se rapproche alors du poumon des reptiles : on y trouve de larges cellules dont les cloisons in- complèles ne semblent être autre chose que des débris des parois bronchiques et vésiculaires. Nor- male chez le vieillard, cette atrophie pulmonaiie-
d'anatomie pathologique. 4^5
yeut se montrer à d'autres époques de la vie, et elle constitue alors un état morbide que nous étudierons plus bas.
De ce qui vient d'être dit se déduit une division assez naturelle des maladies de l'appareil respiratoire : dans l'ordre pathologique , comme dans l'ordre phy- siologique, cet appareil présente deux parties dis- tinctes, l'une qui apporte l'air au sang, et l'autre où ce sang s'élabore. Toutefois, dans ces deux parties, le siège des lésions est le même. Pour les vésicules comme pour le larynx , ce siège ne peut être que dans les divers élémens anatomiques qui composent leurs parois , ou dans la matière que contient leur
cavité, ou dans le tissu cellulaire qui leur est exté- rieur. Mais la forme du larynx ou d'une grosse bronche
n'est pas la forme d'une vésicule : de là , différence de forme dans la lésion. Les élémens anatomiques des canaux aèrifères ne sont pas ceux des vésicules élaboratrices : de là , difierence dans la nature même des lésions. Enfin , les fonctions des deux parties sont essentiellement différentes : de là , différence dans l'importance de leurs états morbides et dans les symptômes qui les annoncent.
4^4 rnÉcis
SECTION PREMIÈRE.
MALADIES DES CONDUITS AÉRÏFÈRES.
Je comprends sous ce litre les maladies du larynx, de la trachée-artère et des bronches, jusqu'au point où le scalpel ne peut plus les suivre. Au-delà de ce point commence le parenchyme pulmonaire.
CHAPITRE PREMIER.
LÉSIONS DE LA MEMBRANE MUQUEUSE.
Les états morbides de cette membrane sont iden- tiques depuis la glotte jusqu'aux petites ramifications bronchiques. Partout ce sont des altérations, soit dans sa circulation capillaire, soit dans sa nutrition , soit dans sa sécrétion ; partout les mêmes causes con- courent à produire ces altérations diverses, et je crois qu'on en prend une idée plus large et en même temps plus exacte, en ne séparant pas, dans la description, celles de ces altérations qui ont leur siège dans le larynx ou dans la trachée, de celles qui résident dans les bronches. Une fausse membrane, par exemple,
D*ANATOMIE PAT1I0L0GIQU£. • 4^5
ne change pas de nature , parce qu'elle s*esl produite dans ces dernières au lieu d'avoir envahi l'organe de la voix; seulement, dans ces deux cas, les symp- tômes diffèrent.
APiTICLE PHEMIER.
LÉSIONS DE ClRCTîLiTffns.
La membrane muqueuse des voies aériennes est ■souvent frappée d'une hyperémie , dont les caractères anatomiques se rapprochent, à beaucoup d'égards, de ceux qui appartiennent à l'hyperémie de la mem- brane muqueuse gnstro-intestinale. Seulement, on n'y trouve pas les formes de congestion sanguine, qui, dans l'intestin , résultent de Finjection des villosités.
L'hyperémie de la membrane muqueuse du larynx, de la trachée et des grosses bronches , appartient le plus souvent à une irritation ; mais il n'en est plus de même dans les bronches plus petites : l|i , elle est fré- quemment le produit d'une slase toute mécanique <lu sang, soit que cette stase survienne après la mort par l'accomplissement des lois de la pesanteur, soit qu'elle ait lieu pendant l'agonie ou même plus long- temps avant la mort chez les individus dont les forces circulatoires sont affaiblies , soit enfiii qu'elle soi! causée pendant la vie par un obstacle mécanique au libre retour du sang vers les cavités gauches du cœur.
Il faut distinguer ces différentes espèces d'hype- rémies de la couleur rouge ou brune que la putréfac- II. 5o
ifi6 ♦ PilEClS
lion produit très-facilement et Irès-promptcmentdans la membrane muqueuse des bronches. Il ne faut pas non plus oublier que , dans les petites bronches, dont les parois sont minces et transparentes, la teinte rouge des parties subjacentes pourrait aisément en imposer pour une hyperémie de la membrane muqueuse.
L'hyperémie de la membrane muqueuse des voies aériennes peut être générale ou partielle.
L'hyperémie générale s'établit quelquefois tout- à-coup, et elle peut être accompagnée de tous les accidens de l'asphyxie. On a rapporté plusieurs ob- servations d'individus qui, sans cause connue ; ont été pris brusquement d'une dyspnée dont l'intensité toujours croissante les a rapidement entraînés au tombeau. A l'ouverture de leurs cadavres , on n'a trouvé d'autre lésion qu'une rougeur générale très- prononcée de la membrane muqueuse des bronches dans toute son étendue. Pourquoi une simple con- gestion pulmonaire ne tuerait-elle pas aussi bien qu'une simple congestion cérébrale? Cependant n'ou- blions pas que nous ignorons la cause sous l'influence de laquelle vient ainsi à s'hyperémier le poumon ou le cerveau. N'oublions pas, en outre, que les mêmes accidens, soit vers la poitrine, soit vers l'encéphale, peuvent survenir, sans qu'à la nécropsie il soit tou- jours possible de les expliquer par l'existence même d'une simple congestion sanguine.
L'hyperémie générale s'établit plus souvent d'une manière moins aiguë que dans le cas précédent, et alors il en résulte des symptômes beaucoup moins graves. La rougeole est constamment accompagnée d'une hyperémie de ce genre , et dans les fièvres con-
d'anatomie pathologique. /j67
li-nues une des lésions Jes plus fréquentes qu'on ob- serve , c'est aussi une hyperémie générale de la mem- brane muqueuse des bronches. Dans la rougeole , elle existe également dans le larynx et dans la trachée.
L'hyperémie générale de la muqueuse des voies aériennes existe rarement à l'état chronique.
L'hyperémie partielle de cette membrane est beau- coup plus commune que son hyperémie générale. Elle présente , sous le rapport de son siège , les va- riétés suivantes, qui ont de l'importance sous le rap- port de la différence de symptômes qui en résultent.
1°. Le larynx et la trachée-artère peuvent être rouges, tandis que les bronches sont blanches, et vice versa. Dans la trachée, on observe quelquefois une singulière disposition de l'hyperémie : la trachée n'est rouge que d'un côté , et cette teinte insolite cesse brusquement sur la ligne médiane, comme certains érysipèles de la face dont cette ligne forme aussi la limite rigoureuse. J'ai trouvé cette disposition dans plusieurs cas où il n'y avait qu'un poumon affecté, et c'était du côté correspondant à celui-ci qu'existait la rougeur de la trachée. La maladie ne semble-t-elle pas, dans ce cas, établir dans la trachée unique de l'homme la division en deux conduits qui existe nor- malement chez d'autres animaux.^
2^ Les grosses bronches peuvent être rouges, et les petites blanches.
5°. Les petites bronches peuvent être seules hype- rémiées , tandis que dans celles d'un plus grand calibre on ne découvre aucune trace de congestion. L'hype- rémie des petites bronches, pour peu qu'elle soit étendue , donne lieu à des symptômes graves , tels
5o.
/^6S PRÉCIS
que dyspnée intense, fièvre, etc. Avec ces symp- tômes il est des cas où la toux est très-peu consi- dérable.
4". En comparant cntr elles les bronches des dif- férens lobes sous le rapport de la fréquence respec- tive de leur irritation , M. Broussais a été conduit à admettre que ce sont les loLcs supérieurs dont les bronches sont le plus souvent frappées d hyperémie.
Si 1 on examine Thyperémie des condnils aérifères dans ses rapports avec les maladies du parenchyme pulmonaire, on trouve qu'elle n'est liée nécessaire- ment à aucune de ces maladies. Ainsi il n'est pas très- rare de trouver, diins la pneumonie aiguë , la trachée- artère et les broncîies d'une blancheur parfaite. Cela est encore plus commun dans les cas de pneumonie chronique. Lorsque de nombreux tubercules parsè-: ment le parenchyme pulmonaire , il arrive souvent qu'on ne trouve dans les bronches aucune trace de rougeur ; d'autres fois les grosses bronches sont pâles, mais celles d'un moindre calibre présentent une rou- cjeurplus ou moins vive. Lorsque ces tubercules sont ramollis ou transformés en cavernes, il est beaucoup plus rare de ne pas observer de rougeur dans les bronches. L'on a constaté qu'en pareil cas les bron- ches les plus rouges étaient celles quiéîaient situées le plus près des excavations tuberculeuses ; mais celles qui en sont le plus éloignées peuvent aussi par- ticiper h cette rougeur, quisouvent alors s'étend éga- lement à la trachée et enfin au larynx. Du reste, dans^ ces dilTérens cas, tantôt l'hyperémie marche de l'ex- térieur à l'intérieur; commençant par le larynx, elle se propage successivement à la trachée, aux grosses
d'anatomie rATnoLOGiQUË. 469
bronches, aux peliles bronches, et atteignant enfin <îeux des conduits aérifères que le scalpel ne peut plus suivre , elle gagne le parenchyme pulmonaire pro- prement dit ; tantôt , au contraire , existant d'abord dans les derniers rameaux bronchiques , elle gagne lentement ou rapidement les bix)nches plus volumi- neuses, puis la trachée-arlère et le larynx.
ARTICLE II.
LÉSIONS DE NITRITION.
La plus remarquable de cos lésions , en raison des accidens qui en résultent et des divers groupes des symptômes spéciaux qu'elle produit , c'est l'augmen- tation d'épaisseur.
L'épaississement de la membrane muqueuse des voies aériennes est de deux espèces : ou il dépend prin- cipalement d'un engorgement sanguin de la membrane (épaississement par hypcrémie . et dans ce cas il n'y a qu'une apparence d'hypertrophie] ; ou il résulte d'une activité réellement plus grande de la nutrition du tissu membraneux (épaississement par hypertropliie). La première espèce d'épaississemcnt peiil -"oir lieu dans toute l'étendue de la membrane larvago- bronchique ; mais elle est surtout remarquable en deux points , savoir, dans le larynx et dans les petites bronches.
La tuméfaction de la portion de muqueuse qui ta- pisse les lèvres de la glotte peut être assez considé-
47 o rnÉc[.s
rabîc , surtout chez ics enfcins , où cette ouvorture est très-petite 5 pour l'obstmer à-peu-près complète- ment , apporter obstacle à la libre entrée de l'air dans le larynx, et produire tous les symptômes de croup, sauflexpectoration membraniforme. Les cas du croup où l'on ne trouve après la mort d'autre lésion dans le ^larynx qu'une semblable tuméfaction , sont peul-ètre même les cas les plus communs. Par elle , d'ailleurs , on 'explique mieux que par la seule présence d'une pseudo-membrane, d'une part la dyspnée , et d'autre part la modification que présentent dans le croup la toux et la voix , ainsi que le bruit particulier que fait entendre la colonne d'air, chaque fois qu'elle traverse le larynx.
La membrane muqueuse des petites bronches peut se tuméfier d'une manière aiguë, comme celle dti larynx , de telle sorte qu'il en résulte, comme dans celui-ci , une obstruction complète ou incomplète des conduits aérifères d'un certain nombre dé lobules. Cette tuméfaction peut avoir son siège soit dans le corps même de la membrane, soit dans les lames qui s'élèvent de sa surface. Il en résulte une dyspnée considérable, et la transformation subite d'une ma- ladie légère en une affection des plus graves.
L'épaississement de la membrane laryngo- bron- chique, par hypertrophie de son tissu, est très-fré- quent chez les individus qui ont une toux ancienne. Chez eux , cet épaississement peut exister en divers points qui méritent d'être notés, en raison des variétés de phénomènes qui peuvent en résulter. Ainsi dans le larynx l'épaississement de la membrane muqueuse peut en occuper la totalité, ou être borné, i". à Icii-^
d'ANATO-MIE PATIIOLOGIQUK. firi
trée du îarjnx ; 2^ aux cordes vocales ; 5°. aux cavités ventriculaires ; 4**' ^ux deux faces de 1 epiglotte. Dans la trachée, cette hypertrophie de la muqueuse n'offre rien de particulier à note r ; mais dans les bronches elle doit être distinguée en celle qui occupe la muqueuse des grosses bronches, et en celle qui est bornée à la muqueuse des petites bronches. Dans ces deux cas l'hypertrophie peut avoir spécialement heu , i^ dans le trajet même d'une bronche ; 2^ à ses points de di- vision ou à son orifice. Dans ces bronches, enfin, le corps même de la muqueuse ou ses lames peuvent en être particulièrement le siège.
' J'ai cherché ailleurs (i) à démontrer qu'une grande parlie des variétés infinies qu'est susceptible de pré- senter le raie bronchique dépend des variétés d'é- paississement que peut offrir la membrane muqueuse des voies aériennes ; un très-léger changement dans l'épaisseur normale de cette membrane produit sou- vent les plus grandes modifications dans le bruit d'ex- pansion pulmonaire , de telle sorte qu'en pareil cas il n'y a le plus ordinairement aucun rapport entre l'intensité du désordre fonctionnel et celle du désor- dre organique.
L'hypertrophie n'a pas seulement pour effet d'aug- menter le nombre des molécules qui doivent norma- lement entrer dans la composition d'un tissu; elle peut encore changer le mode même d'arrangement de ces molécules, et transformer le tissu qu'elle a frappé en un autre tissu, d'après les lois que j'ai posées
(i) Clinique DIcdicalc.
472 PRÉCIS
ailleurs (i); ou bien , sans produire celte transforma- tion, l'hypertrophie peut donner au tissu où elle a son siège une organisation plus compliquée. On a ob- servé ce dernier cas pour la membrane muqueuse des bronches. Chuz un individu qui présentait depuis long-len>ps tous les signes d'un catarrhe chronique, M. Reynaud a trouvé une bien remarquable modifi- cation dans la membrane muqueuse bronchique : elle étaiî; devenue semblable à la membrane muqueuse gastio-iatestinale , et, comme celle-ci, elle était hé- rissée de vlilosilés nombreuses; on eût été tenté de penser qu'en déposant des alimens sur cette mem- brane vUleuse f elle les aurait digérés.
L'hypertrophie de la membrane muqueuse des voies aériennes peut encore se présenter sous d'autres formes que celles qui viennentd'être décrites. Bornée à un point circonscrit , elle peut dans ce point donner naissance à des tumeurs qui font, au-dessus du ni- veau du reste de la muqueuse, une saillie plus ou moins considérable. Ces tumeurs ont été plus souvent observées dans le larynx que dans les autres parties du tube aérien. J'ai vu, il y a quelques années, à la Charité, un larynx dont l'ouverture supérieure était en grande partie obslruée par une végé(alion blan- châlre, mamelonnée, ayant la plus exacte ressem- blance avec une tôte de choufleur, et se continuant intimement par une large base avec la membrane muqueuse. M. Ferrus a montré une pièce à-peu-près semblable à l'Académie Royale de Médecine,
(i) Tom. I de cel ouvrage.
d'anatomie pathologique. 47^
L'hvperlrophîe se préseuile encore avec une autre forme, lorsqu'elle attaque isolément les nombreux follicules qui parsèment la membrane muqueuse laryngo-bronchique. Alors apparaissent à la surface interne de celte membrane des corps granuleux, ar- rondis, blancs, rouges, ou d'un brun plus ou moins foncé, présentant souvent deux cercles colorés, l'un à leur centre , l'autre à leur circonférence , et entourés d'une membrane muqueuse saine ou maiade. On a pris souvent ^oit pour des tubercules, soit pour le produit d'une éruption spéciale , et surtout de l'érup- tion variolique , de simples follicules qui étaient seu- lement plus développés que de coutume.
L'atrophie de la membrane muqueuse des voies aériennes doit avoir lieu quelquefois; mais elle n'a pas encore été observée : très-fréquemment on la trouve ramollie, mais ce ramollissement n'a rien de spécial, et tout ce que j'ai dit sur le ramollissement de la membrane muqueuse gastro-intestinale lui est à-peu-près applicable. C'est surtout dans le larynx qu'a été étudié ce ramollissement. Dans cet organe, on le voit souvent exister au niveau des cordes vo- cales ou au fond des ventricules. En pareil cas, le ligament thyro-aryténoïdien montre à-peu-près à nu ses fibres resplendissantes; elles ne sont plus recou- vertes que par une pulpe blanche ou rouge , d'inégale épaisseur , et dont , en plusieurs points , on ne trouve plus même de vestige. Le ramolhssement de cetle portion de la muqueuse du larynx se lie cous! ani- ment à une altération de la voix. Chez des individus qui depuis long-temps ont la voix éteinte ou enrouée, on [est étonné de ne trouver parfois dans le larynx
474 PRÉCIS
d'aulre lésion que ce ramollissement partiel cie Ja muqueuse.
La membrane muqueuse des voies aériennes est susceptible de s'ulcérer comme la membrane des voies digestives. Ces ulcérations peuvent avoir leur siv^ge dans le larynx , dans la trachée ou dans les bronches. Etudions- les tour-à-tour dans ces trois parties.
Les ulcérations du larynx sont phis fréquentes que celles de la trachée et des bronches. Presque toutes les fois , d'ailleurs , qu'on trouve sur un cadavre des ulcérations dans le larynx , on en retrouve aussi dans le parenchyme pulmonaire. 11 est donc très-rare de pouvoir observer isolément l'influence que les ulcé- rations du larynx sont susceptibles d'exercer par elles seules sur réconomie. La plupart du temps la maladie que l'on désigne sous le nom de phthlsie laryngée n'est autre chose qu'une affection pulmonaire accom- pagnée d'un état morbide du larynx, et dans laquelle les symptômes de la maladie du larynx sont prédo- minans et masquent les autres, bien que ce soit sur- tout de l'affection du poumon que dépendent le dé^ périssement, la fièvre hectique , les sueurs, etc.
Les ulcérations du larynx occupent, dans cet or- gane , divers points qui ne sont pas indifférens k> noter, puisqu'il en résulte pour la voix des modifi- cations diverses. Ainsi elles peuvent avoir pour siège, 1**. l'épiglotte , dont elles envahissent l'une ou l'autre face; 2®. les cordes vocales; 5^ les ventricules; 4°. l'angle rentrant que forment par leur union en avant les deux pièces du cartilage thyroïde ; 5°. en arrière la portion de muqueuse située entre les deux carti*
d'anatomie pathologique. 47^
la'^es aryténoïdes; 6". les différentes parlies de la mii- queuse située hors de ces points, dans chacun des- quels il faut d'abord s'occuper de chercher les ulcé- rations toutes les fois qu'on ouvre un larynx que l'on croit malade.
Le nombre et la grandeur des ulcérations du larynx varient à l'infini. Quelquefois on n'en trouve qu'une seule très- petite dans un larynx qui paraît d'ailleurs sain. D'autres fois la surface interne du larynx est comme criblée d'ulcérations , et en pareil cas elles peuvent être ou égales ou inégales en forme comme en étendue. Enfin il est des cas où l'on ne découvre à l'intérieur du larynx qu'une seule, mais vaste ulcé- ration, qui occupe la moitié ou les trois quarts de l'or- gane ; il est des cas où dans tout un côté du larynx on ne trouve plus aucune trace de muqueuse.
Les ulcérations de la trachée artère sont plus com- munes à sa partie postérieure que dans les autres points de sa périphérie. Comme ces ulcérations s'ob- servent d-peu-près exclusivement chez les phthisi- ques, l'on avait pensé que cette sorte de lieu d'élec- tion des ulcérations vers la partie postérieure de la trachée dépendait du séjour plus prolongé ou plus fréquent des crachats sur cette partie; mais il s'en faut que cette assertion soit prouvée. Dans quelques cas on a vu les ulcérations de la trachée n'occuper exactement qu'un des côtés de ce conduit , et ce côté malade correspondre au poumon le plus gravement afl"ccté.
Dans les bronches, les ulcérations sont moins com- munes que dans le larynx , mais moins rares que dans la trachée. Elles ne présentent d'autres parli-
47^ ruÉcis
cularités à norer que leur seule existence. Elles sont 4i'aii!curs assez rares pour »ju'on ait pu ouvrir un assez î;rand nombre Je cadavres sans les rencontrer une .seule fois.
Les ulcérations de la membrane muqueuse des voies aériennes ont ordinairement pour fond les tissus qui, dans les diverses parties du conduit , lui sont .siibjacens. Quelquefois la couche mince de tissu cel- lulaire interposée entre la muqueuse et les autres tissus acquiert une grande épaisseur et forme le f )nd do l'ulcération ; mais dans d'autres cas l'ulcéra- tion, qui d'abord n'avait envahi que la muqueuse, sélend en profondeur ; les tissus subjacens sont tour-à-tour détruits, et il peut enfin en résulter une perfora'.ion du conduit aérifère. Cette perforation donne lieu à des phénomènes différens, suivant le point où elle a lieu. Ainsi elle peut faire communi- quer directement l'intérieur du conduit avec l'exté- rieur: on a vu, par exemple, quelques cas de fistules s tuées à l'angle de réunion des deux pièces du car- tilage thyroïde. En pareil cas, la voix ne peut se pro- duire que lorsqu'on place un obturateur au-devant de l'orifice fistuleux. L'existence de cette fistule ne s'oppose pas d'ailleurs à ce que des efloris soient pro- duits, comme on pourrait le croire d après la théorie de l'efTort proposée par M. Bourdon. A l'appui de celte assertion , je rappellerai ici un fait que citait souvent Béclard : il a vu un cheval corneur qui ne respirait qu'au moyen d'une ouverture pratiquée à la trachée, et qui néanmoins traînait seul des charriots pesamment chargés.
Au lieu d'établir une communication directe avec
d'aNATOMIE rATIIOl.OGIQl K. /jj'j
l'air extérieur 5 la perforation du c >nduit acrii'ère peut faire communiquer ce conduit avec un autre oriJjane, soit naturellement creux, comme l'œsopliage ou l'aorte , ou la plèvre , soit accidentellement creusé d'une cavité, comme les ganglions bronchiques ., ou le parenchyme même du poumon. Toutes les fois qu'on trouve , dans ce dernier, une excavation qui commu- nique avec une bronche, on est porté à admeUre que l'excavation pulmonaire a précédé la perforation de la bronche : il en est ainsi dans le plus grand nombre dos cas, mais non pas dans tous, et parfois il m'a semblé, en examinant avec soin les dispositions de certaines ulcérations du poumon, qu'elles avaient eu leur point dé départ dans une bronche ulcérée et perforée. Au- jourd'hui, dès qu'on trouve une cavité dans le pou- mon , Ton admet presque toujours qu'elle a succédé à la fonte d'une masse tuberculeuse ; mais il s'en faut qu'on en ait la preuve dans tous les cas.
Le paragraphe précédent vient de nous montrer un cas dans lequel, au lieu de s'opérer de dedans en de- hors, la perforation des conduits aérifcres s'est accom- plie de dehors en dedans; c'est àl'extérieur du conduit qu'a commencé l'ulcération , qui , en dernier lieu seulement, a envahi la membrane muqueuse. Mais ce cas n'est pas le seul. Ainsi l'aorte malade s'ouvre beaucoup plus souvent dans la trachée ou dans les bronches, que ces conduits ne s'ouvren t dans î'aor te. Le double perforation qui fait communiquer l'œsophage et la trachée, commence aussi souvent parle premier de ces canaux que par le second. Un état de suppuration ou de tuberculisation des ganglions bronchiq'jes pa- raît t'tre souvent le po'nt de départ de fa perf >ralion
47^ PRÉCIS
des bronches qu'ils entourent, et à travers lesquelles s'évacue le produit de sécrétion morbide dont ils ont été le siège. J'ai rencontré une fois un abcès du corps thyroïde, qui coïncidait avec une destruction com- plète des tissus fibreux et cartilagineux de la trachée ; le pus n'était plus séparé de la cavité même de la trachée que par la membrane muqueuse de ce con- duit; il est très-vraisemblable que si l'individu eut vécu plus long-temps, cette membrane se serait dé- truite à son tour, et l'abcès du corps thyroïde se serait vidé dans les voies aériennes. M. Portai a cité , dans son Traité de la Plitldsie pulmonaire (i), un exemple de perforation de la trachée, qui livra pas- sage à des hydatides formées dans le corps thyroïde. Une mort prompte par asphyxie en fut la suite.
ARTICLE III.
LESIONS DE SECRETION.
Ces lésions peuvent porter i\ sur la sécrétion ga- zeuse ; 2°. sur la sécrétion perspiratoire ; 5**. sur la sé- crétion muqueuse.
Les altérations de la sécrétion gazeuse sont encore inconnues. On peut toutefois soupçonner que , dans certaines maladies, il y a changement dans la pro- portion des divers gaz qui normalement sont exhalés par la membrane muqueuse des voies aériennes. On peut d'autant mieux le soupçonner, que sous l'in-
(i) Tom. 11 , pag. 357.
d'anatomie pathologique. 4 "9
fluence d'autres conditions, telles que celles de Tàj^e ou de la température extérieure, on voit varier dans ses proportions la quantité d'azote qui sort du pou- nion à chaque expiration.
Les altérations de la sécrétion perspîratoire ne sont guère mieux connues que celles de la sécrétion ga- zeuse. Peut-être son augmentation donne-t-elle lieu à quelques-uns de ces flux séreux dont la membrane muqueuse des voies aériennes est quelquefois le siège. Alors le sérum , exhalé ordinairement à l'état de va- peur, sortirait liquide en raison de son extrême abondance. J'ai cité ailleurs (i) le cas d'un individu chez lequel une énorme quantité de sérosité fut rendue tout-à-coup par les bronches , en même temps qu'eut lieu chez lui la résorption d'un hydrothorax. On a dit que, dans quelques cas de suppression to- tale de la transpiration cutanée par suite de certaines maladies de la peau, la vapeur puUnonaire était aug- mentée de telle sorte , qu'elle sortait communément de la poitrine comme un nuage, qui, s'élevant jus- qu'au ciel du lit , en retombait sous forme d'abon- dante rosée (2).
La sécrétion muqueuse des voies aériennes est celle dont les altérations sont jusqu'à présent les mieux connues.
Le mucus fourni par la membrane laryngo-bron- chique peut être modifié dans sa quantité ou dans ses qualités.
Son augmentation de quantité peut avoir lieu de
(i) Clinique Médicale.
(2) Alibert, Précis dçs maladies de la pcwi , article îchlyose.
48o ï'iiÉcïs
deux manières, soit cbroniquement, soît d'une ma- nière aiguë. Rejeté en dehors, il constitue la ma- tière de l'expectoration; et c'est alors à la séméiologie à la décrire sous ses aspects inGniment variés. INous ne devons ici nous occuper que des cas où , retenu dans les bronches et trouvé après la mort dans ces conduits, le mucus peut rendre compte des accidens o])servés et même de la mort. Le cas le plus remar- quable de ce genre est celui où tout-à-coup une telle quantité de mucus vient à être sécrétée par les bron- ches , la trachée et le larynx, qu'il les remplit; le conduit aérifère s'oppose à la libre entrée de l'air , et produit rapidement ainsi la mort par asphyxie. Cela a été ob- servé chez les adultes , et surtout chez les enfans. On a décrit, sous le nom de croup, quelques états morbides où Ton observait effectivement quelques- uns des étals morbides qui le caractérisent, et où, à l'ouverture des cadavres , on ne trouvait autre chose qu'une accumulation considérable de mucosités dans toute l'étendue des voies aériennes (ij.
INous ne décrirons point toutes les modifications de qualités que peut présenter le mucus laryngo- bronchique ; celte description est du ressort du séméiologiste. Nous dirons seulement que ce mucus peut tantôt se fluidifier beaucoup, et devenir sem- blable à du sérum , tantôt acquérir une viscosité telle qu'il adhère aux parois des bronches , s'accumuler en
(i) M. Blaud qui a fort bien vi que le mot croup devait plutôt cxpiinier «n ensenihle de symptômes identiques» qu'une lésion anatomique cons- tajjte, a étabH trois variité» de celle maladie d'après la nature des pro- duits fournis parla membrane muqueuse iiritée. Il a désigné celle dont il est question dans ce paragraphe, sous le nom de fro«/> myxagcne ^_ et les <îcux aulics sous les noms de croup puo^cne et mcnir.gogcne.
d'ANATOMIE PATHOLOGIQl E. /|8i
un point de leur étendue, et y forme parfois une sorte de bouchon qui s'oppose à l'entrée de l'air, et peut devenir une cause de dyspnée assez intense pour que la mort en soit le résultat (i).
Dans ces cas divers le mucus n'est encore que modifié dans ses qualités, mais on le reconnaît en- €ore. Il est d'autres cas où , perdant peu-à-peu toutes les qualités qui le caractérisent^ il finit par se trans- former en un liquide tout dififérent; et , par exemple, au lieu de mucus, on peut trouver dans les voies aériennes un liquide qui a tout-à-fait l'aspect du pus. On l'y trouve , sans qu'il y ait d'ailleurs dans les voies aériennes aucune trace d'ulcération. Il est même quel- ques cas où , bien que pendant long-temps un liquide purîforme ait été expectoré > on ne découvre après la mort , dans la membrane muqueuse des voies aériennes, aucune lésion appréciable : elle n'est pas même rouge. Ainsi dans ce cas la lésion de sécrétion se montre isolément des lésions de circulation ou de nutrition.
Enfin , au lieu de mucus ou de pus, on trouve dans les voies aériennes, bien plus souvent que dans toute autre cavité muqueuse , des concrétions membrani- formes qui en tapissent la surface interne d'une ma- nière partielle ou générale.
Ces concrétions membraniformes sont-elles le ré- sultat de l'irritation des voies aériennes, portée au plus haut degré possible? cette question mérite que nous nous y arrêtions quelques instans. D'abord, il est certain qu'en portant à l'intérieur des conduits
(i) Clinique Médicatc.
II. 3i
/jS2 PRÉCIS
aérifèrcs un agent très- irritant, on y détermine la formation rapide de pseudo-membranes. Ainsi elles ont été le résultat de l'inspiration prolongée du chlore ei de l'ammoniaque. On en a également déterminé la formation en injectant dans le larynx ou dans la trachée d'animaux de l'acide sulfurique affaibli, de l'alcohol, de l'huile de térébenlhine, du deuto-chlorure de mer- cure , etc. Cependant, remarquez que toutes les fois que Ton soumet la membrane muqueuse des voies aériennes à l'action d'un de ces irritans, on ne dé- termine pas constamment la formation d'une pseudo- iiiembrane ; il faut donc , de la part de l'individu, une prédisposition. Mais si cette prédisposition est très- prononcée, qu'arrivera-t-il? c'est que sous l'influence •d'une irritation moins forte, et même très-légère, des concrétions membraniformes pourront prendre naissance dans le larynx, la trachée ou les bronches! Si, au contraire, la prédisposition est nulle, vainement l'irritation la plus intense sera-t-elle artificiellement produite, ou naîtra-t-elle spontanément : aucune pseudo-membrane ne se développera.
Ainsi donc l'existence des concrétions membra- niformes à l'intérieur des voies aériennes ne saurait s'expliquer uniquement par l'intensité de l'irritation <jui en a précédé la formation. Loin de là , elles se înontrent dans des cas on tout semble annoncer que cette irritation a été très -peu considérable. Est-ce parce que les enfans sont sujets à avoir des irritations des voies aériennes plus intenses que les adultes , que, chez les enfans , la formation des concrétions mem- braniformes dans le conduit aérifère est beaucoup plus commune ? non , sans doute ; c'est parce que
d'a-N'ATOMIE rATlIOl/JGlQl]]?. i{33
chez les enfaos il y a, aiitécédemment à rirritation , un« certaine disposition générale qui imprime à cette irritation tels symptômes, telle marche et telle ter- minaison. A quelle autre cause qu'à cette disposition générale rapporterez-vous ces plaques pultaeées qui recouvrent la langue et les parois de la bouche vers la fin d'un certain nombre de maladies chroniques? est- ce parce que deux vésicatoires ont différens degrés d'irritation, que l'un ne sécrète que du pus, tandis que l'autre se couvre d'une concrétion épaisse, sem- blable à une couche de lard? Rien ne le prouve : mais ce que tous les praticiens savent ^ c'est que cette différence du produit sécrété coïncide beaucoup moins avec certaines nuances de l'irritation cutanée qu'avec certaines conditions générales de réconomie , que l'observation apprend à connaître. Il y a si bien , chez beaucoup d'enfans, une cause générale qui pré- side au développement des pseudo-membranes des voies aériennes, que , chez plusieurs, en même temps que des concrétions membraniformes se produisent dans le conduit aérifére , il en apparaît d'autres simul- tanément dans les fosses nasales , dans le tube digestif, au pourtour de l'anus, dans l'intérieur du conduit auditif, et dans tous les points où la peau a subi une légère solution de continuité. Dans ces derniers temps on a insisté , avec raison et avec profit pour la science , sur le travail local qui, dans les voies aériennes, pré- cède ou accompagne la formation des concrétions membraniformes; mais dans ce travail ne gît pas tout le secret de leur production ; il faut maintenant pren- dre la question sous un autre point de vue : il faut rechercher si , chez les enfans atteints du croup , il n'y
5ip
484 PRÉCIS
a pas des conditions géiicrales d'innervation ou d'hu- matose, qui sont les causes principales de la forma- tion des pseudo- membranes. Tantôt ces conditions donnent elles-mêmes naissance à l'hyperémie d'inten- sité variable , à la suite de laquelle apparaît la concré- tion; tantôt ces conditions se manifestent par la pro- duction d'une pseudo-membrane à l'occasion d'une hyperémie qu'une autre cause a développée. De tout cela que conclurons- nous sous le rapport de la pra- tique? c'est qu'il s'en faut qu'il soit démontré que, dans toute hyperémie des voies aériennes terminée par la formation de pseudo-membranes, l'indication unique et constante soit de pratiquer d'abondantes saignées. Employées modérément, elles sont, en pareil cas , d'une immense utilité pour combattre l'affection locale; mais leur excès peut favoriser la disposition générale dont l'aflection locale n'est souvent qu'un effet.
Les concrétions raembraniformes du conduit aéri- fère varient beaucoup en épaisseur et en consistance. Les unes sont tellement minces, qu'elles laissent aper- cevoir au-dessous d'elles la membrane muqueuse ; d'autres ont plusieurs lignes d'épaisseur; elles sur- passent de beaucoup celle de la membrane mu- queuse. Sous le rapport de leur consistance , on en voit qui en ont une si faible, qu'en cherchant à les soulever en un point avec l'extrémité d'une pince , on les réduit à l'état liquide, tandis qu'il en est d'au- tres qu'on peut tirer et ciétacher dans une grande partie de leur étendue sans les rompre.
Shwilgué a trouvé les fausses membranes des voies aériennes formées par de l'albumine unie à une cer-
d'ANATOMIE rATUOLOGIOUE. 4^'^
faine quantité de carbonate de soude et de phos- phate calcaire ; d'autres affirment y avoir constaté l'existence de la fibrine. ( Bretonneau. )
Les concrétions membraniformes du conduit aéri- fère ne présentent le plus souvent aucune trace d'or- ganisation ; quelques auteurs disent cependant y avoir observé des vaisseaux qui, sous forme de filamens, se rendaient de la concrétion à la membrane subja- cente. Il ne faudrait pas prendre pour un résultat d'organisation , soit certains prolongemens qui unis- sent la pseudo-membrane et la muqueuse, et qui ne sont autre chose que cette pseudo-membrane elle- même qui s'enfonce dans les follicules, soit des taches rouges qui sont quelquefois disséminées à sa surface , et qui résultent d'un travail d'hémorrhagie dont la membrane muqueuse a été le siège. Je ne m'arrêterai point à discuter la valeur des faits, très-peu nombreux jusqu'à présent, dans lesquels on a dit avoir vu les ' pseudo-membranes du conduit aérifère véritablement organisées ; je rappellerai seulement qu'en théorie la possibilité de cette organisation doit être admise.
Les concrétions membraniformes des conduits aé- rifères peuvent se former dans quatre points princi- paux de ce conduit : i°. dans le larynx; 2°. dans la trachée artère ; 5°. dans les grosses bronches ; 4"- dans les bronches d'un petit calibre. Dans chacun de ces points elles peuvent exister sous forme de plaques isolées les unes des autres, ou constituer une couche non interrompue. Il est enfin des cas où ces concré- tions occupent simultanément toute l'étendue des voies aériennes. Tantôt, commençant parle larynx, elles s'étendent plus ou moins rapidement jusqu'aux
486^ PRBCl?»
dernières ramifications bronchiques ; tantôt , prenant d'abord naissance dans les plus petites bronches , elles gagnent successivement les bronches plus volumi- neuses , la trachée et le larynx. Elles peuvent aussi s'être formées d'abord hors des voies aériennes, et ne s'y développer qu'après avoir envahi les fosses nasales, la bouche, le voile du palais et le pharynx*
Nous avons vu plus haut que c'est surtout dans l'enfance que sont communes les cor^crétions mem- braniformes des voies aériennes. Elles ne sont pas mome également fréquentes à toutes les périodes de cet âge. Ainsi , on les observe très-rarement avant la fin de la deuxième année; cependant, dans ce premier âge, il y a dans d'autres portions de mu- queuses une disposition remarquable à la formation des pseudo-membranes ; rien de plus commun que de les voir se développer alors dans les fosses nasales, dans la bouche , le pharynx , l'œsophage ; pourquoi s'arrètent-elles à l'entrée du larynx?
Les pseudo-membranes des voies aériennes coïn- cident le plus souvent avec un état morbide dont la marche est aiguë. Quelquefois, cependant, la maladie est chronique > soit par ses symptômes, soit par sa durée. Cela peut avoir lieu chez les enfans, tant que chez eux la pseudo-membrane n'existe ni dans le larynx, ni dans les petites bronches; cela p<?ul aussi avoir lieu chez l'adulte, dans le cas môme où la pseudo-membrane existe dans le larynx. Du reste , excepté dans les cas où la pseudo-membrane du larynx est fort épaisse y la dyspnée qui raccompagne dépend beaucoup moins de sa présence que do la luméraclioa de la membrane qu'elle recouvre, et souvent de la
d'anatomie pathologique. i\S'j
Gonlractioiy spasniodiqiic des muscles constricteur.^ du larynx. La pseudo-membrane produit surtout la suflocation par ellc-môme , lorsque , développée dans les dernières ramifications bronchiques, elle s'inter- pose entre l'air et le sang, et empêche ainsi la vivi- ficatîon de celui-ci.
Les concrétions raembraniforuies des voies aé- riennes ne sont pas une maladie propre à l'espèce humaine. On lit dans le Journal de médecine vétérl^ naire ( année 1825 ), l'histoire d'une vache qui fai-» sait entendre un bruit semblable au bruit que font en respirant les chevaux corneurs ; elle avait une sorta de toux convulsive , qui paraissait causée par la pré-»- sence d'un corps étranger engagé dans la trachée. L'animal succomba, et à l'ouverture du cad.avre oa trouva la surface interne du larynx tapissée par une pseudo-membrane épaisse. Les mêmes observations ont été faites sur des chevaux.
Laennec a rencontré, une fois, dans la bronche gauche d'une phthisique, une concrétion qui la rem- plissait presque entièrement, laissant à peine une demi-ligne d'intervalle entre elle et les parois de la bronche. Cette concrétion différait par sa nature , comme par son aspect , des concrétions membrani- formes ordinaires ; elle ressemblait aux concrétions polypeuses du cœur et des artères , et l'on voyait s'y ramifier un grand nombre de petits vaisseaux sanguins bien formés. Cette concrétion ne parut être autre chose à Laennec qu'un caillot de sang arrêté dans une bronche, pendant une des hémoptysies qu'avait eues la malade.
Des concrétions bien ditTércntcs des précédentes
4^38 rRÉcis
par leur aspect , par leur composition chimique , peu- vent encore se rencontrer dans le conduit aérifère : ce sont les concrétions calculeuses. Essentiellement formées de phosphate calcaire , ces concrétions ont deux origines: l'une hors du conduit aérifère , au sein - même du parenchyme pulmonaire, d'où ils sont éli- minés à travers les bronches ; l'autre dans le conduit aérifère. On les trouve, i°. dans les petites ramifica- tions bronchiques, dont parfois elles représentent exactement la forme ; 2°. dans les bronches d'un plus gros calibre ; 5**. dans le larynx. On en a vu quel- quefois qui étaient logées dans les ventricules de cet organe.
La cause qui détermine dans les bronches la for- mation d'un calcul n'est pas plus connue que celle qui partout ailleurs leur donne naissance; mais, à coup sûr, l'hypothèse de l'irritation ne suffit pas pour ex- pliquer leur production.
L*on a trouvé des hydatides dans les voies aériennes. Mais, comme les calculs, tantôt elles n'y sont pas nées, elles viennent soit du parenchyme même du poumon, soit de la plèvre, soit du foie, soit du corps thyroïde , comme nous en avons cité plus haut un exemple ; tantôt, au contraire, elles sont nées dans le conduit aérifère. On a vu un sac hydatique , déve- loppé à l'intérieur des ventricules du larynx , faire saillie dans sa cavité , et déterminer les symptômes auxquels donne ordinairement lieu la présence d'un corps jLUranger dans le larynx.
Enfin, au lieu de mucus ou des produits morbides qui le remplacent, la membrane muqueuse des voies aériennes peut laisser échapper de ses vaisseaux du
d'anatomie pathologique. 489
sang en nature. L'anatomie ne permet pas de douter qu'un certain nombre d'hémoptysies n'aient unique- ment leur cause dans une simple exhalation sanguine de Ja surface interne des bronches ; on ne trouve du moins aucune autre altération chez un certain nombre d'individus qui succombent au milieu d'une hémo- ptysie ; il arrive même souvent que chez eux on n'ob- serve qu'une rougeur peu considérable des bronches. Lorsque l'hémorrhagie a lieu dans les petites ra- mifications bronchiques , il peut arriver qu'une partie du sang exhalé s'amasse et se coagule dans ces rami- fications; il en résulte pour quelques lobules pulmo- naires une coloration brune ou noire avec coloration de leur tissu; je crois que telle est l'origine la plus commune de la lésion désignée par Laennec sous le nom d'apoplexie pulmonaire. On observe, dans ce cas , en un certain nombre de points du poumon , des masses dures et noires, plus ou moins exactement circonscrites. On ne les trouve à-peu-près exclusive- ment que chez des individus qui sont morts pendant une hémoptysie ; quelquefois, cependant, j'ai trouvé une semblable lésion dans les poumons d'individus qui n'avaient jamais craché le sang. Les hémoptysies qui surviennent pendant le cours d'une affection or- ganique du cœur sont celles où l'apoplexie pulmonaire a été le phis souvent rencontrée. Du reste ,\ cette apo- plexie ne me paraît pas devoir être considérée comme le point de départ de l'hémoptysie : elle n'est qu'une lésion purement accidentelle, qui dépend de la stase et de la coagulation du sang dans un certain nombre de petites ramifications bronchiques ; l'hémorrhagie elle-même a son siège dans une beaucoup plus grande
otcndue de la menibrane muqueuse des voies aé- riennes. Il y a une autre espèce d'hémorrhagie qui a< son siège dans le parenchyme môme du poumon , qu'on pourrait appeler à plus juste titre apoplexie pulr monaire, et de laquelle nous parlerons plus bas.
CHAPITRE II.
LÉSIONS DES TISSUS SUBJACENS
A LA MEMBRANE MrQl'ErSB.
Les divers tissus subjacens à la membrane mu- queuse des voies aériennes présentent , comme cette membrane , un certain nombre d'altérations que nous allons tour-à-tour étudier.
Le tissu cartilagineux qui entre dans la compo- sition des parois du conduit aérifère subit les alté- rations les plus fréquentes, là où il est le p!us déve- loppé , c'est-à-dire dans le larynx. Si , dans cet organe , nous étudions les divers états morbides que sont sus- ceptibles de présenter les cartilages, nous trouverons d'abord que ces états morbides ne sont pas rares dans l'épiglotte. Ce cartilage perd souvent sa forme nor- male, cô qu'il peut devoir moins à une altération^ propre de son tissu qu'à l'épaississeraent de la mem- brane muqueuse qui le recouvre, ou du tissu cellu- laire situé au-dessous de cette muqueuse. Son ossifi- cation , bien que très-rare, a été observée ; il peut être beaucoup moins mobile que de coutume; et ne plus s'abaisser que diflicilemeut ou incomplètement sur l'ouverture supérieure du larvnx. D'autres fois oa
d'anato.mie pathologique. 49^
n'en trouve plus que des rudimens, détruit qu'il n élc par une ulcération dont le point de départ a été soit en lui, soit dans la membrane muqueuse qui l'enveloppe.
Les autres cartilages du larynx présentent à-peu- près les mêmes lésions que l'épiglotte : ainsi , on les voit souvent s'ulcérer, devenir inégaux à leur sur- l'acc, tendre à se détruire. Cette ulcération peut s'ac- complir par suite de l'ulcération des parties molles qui les recouvrent ; d'autres fois elle est primitive ; du pus s'amasse alors au-devant du point ulcéré, et il s'établit un trajet fistuleux dont une ulcération de la membrane muqueuse du larynx forme l'orifice externe.. Ce trajet aboutit quelquefois à la surface extérieure du larynx. Dans quelques cas on l'a vu avoir son origine dans une des articulations qui unissent entre eux les divers cartilages ; cette articulation était pleine de pus, ses ligamens étaient détruits, et les surfaces articulaires plus ou moins altérées.
L'ossification des cartilages thyroïde et cricoïde est un phénomène normal chez les vieillards; mais celte ossification peut se faire prématurément , et elle cons- titue alors un état morbide. Je ne sache pas que l'os- sification des cartilages arythénoïdes ait jamais été observée.
Les cerceaux cartilagineux de la trachée artère sont rarement lésés. Ils ne présentent guère d'autre allé- rahon qu'une ossification plus ou moins générale de leur tissu.
Quant au tissu cartilagineux des bronches , il est assez fréquemment altéré. D'abord son hyperirophie n'est pas rare; alors, non seulement il devient beau-
492 PRÉCIS
coup plus apparent, mais sa forme et sa disposition changent : là où ordinairement on n'aperçoit plus que de simples grains cartilagineux, on retrouve des cer- ceaux incomplets comme dans les grosses bronches et la trachée.
Au lieu de s'hypertrophier , les cartilages bron- chiques peuvent s'ossifier au point de représenter, dans l'épaisseur des parois des bronches, des masses dures qui ressemblent à de petits calculs. Un genre beaucoup plus rare d'ossification des parois bronchi- ques est le suivant. Chez un vieillard, mort à Bicêtre, nous trouvâmes , M. Reynaud et moi , le parenchyme pulmonaire rempli de masses dures , véritablement pierreuses. En incisant sur ces masses , nous nous aperçûmes qu'elles n'étaient point constituées par de simples concrétions calcaires^ disposées sans ordre comme sans forme au milieu du poumon. Là où nous avions senti une résistance comme pierreuse, la dis- section nous montra que le parenchyme pulmonaire était remplacé par un nombre infini de filamens os- seux , semblables aux branches d'un arbre , et dont les rameaux latéraux présentaient une série de rcnflemens. Ces filamens étaient , pour la plupart, creusés d'une petite cavité qui se continuait dans leurs divisions et dans laquelle on ne pouvait introduire autre chose qu'un cheveu. Qu'étaient ces filamens? Nous pensons qu'ils représentaient les dernières ramification s bron- chiques dont les parois s'étaient ossifiées (i).
(i) .T'ni Irouvé plus récommoiit le poumon d'une femme de qualre- \iiigt-six ans parsemé d'un grand nombre de concrétions donl les unes étaient carlilagiueiisc.-! , et donl les autres étaient osseuses. Je me suis
d'ANATOMIE PATIIOLOGIQIE. /,q3
Une autre altération des cartilages bronchiques , c'est leur tendance à se détruire , et à se briser en fragmens, qui viennent saillir, comme des arêtes, à la surface interne des bronches. Ces fragmens peu-^ vent se détacher, devenir libres dans la cavité bron- chique , et être expectorés.
Le tissu fibreux qui entre dans la composition des parois du conduit aérifère n'a présenté jusqu'ici que deux espèces d'altérations dignes d'être notées : l'une de ces altérations est son ramollissement; il faut sur- tout en tenir compte dans le ligament thyro-aryté- noïdien ; car, du ramollissement de ce ligament ré- sultent les plus graves altérations de la voix. 11 perd alors sa couleur brillante, et devient terne , puis se résout en tissu cellulaire, ou en pulpe inorganique, qui ne tarde pas à disparaître en laissant à nu le mus- cle ihyro-aryténoïdien.
Le tissu fibreux des parois du conduit aérifère peut aussi s'hypertrophier , et il en résulte , pour les bron- ches surtout , un véritable épaississement de leurs parois.
Le tissu musculaire qui, chez certains animaux , est si développé depuis le larynx jusqu'aux bronches, dans les premières divisions desquelles on le suit très- facilement , n'est guères apercevable chez l'homme que dans lelarynx etdans quelquespoints delà trachée. Mais, dans l'état pathologique , j'ai quelquefois constaté que, chez l'homme aussi, le tissu musculaire existe dans les parois des bronches. Dans ce cas, il est vrai-
assuré que ces concrétions étaient dues à la transformation des parois des dernières ramifications bronchiques en tissu cartilagineux et osseux.
/l94 ruLcis
semblable que la maladie ne fait que développer dans
les bronches un tissu qui y existait à l'état rudimen-
tairc.
Dans le larynx, où le tissu musculaire est arrangé en faisceaux distincts qui y remplissent de si impor- tantes fonctions, ce tissu présente quelques altéra- lions qui jouent un rôle important dans les maladies du larynx. Ainsi, il est des cas où Ton trouve les muscles de cet organe atrophiés, ramollis, plus ou moins complètement détruits; ailleurs, ils sont infil- trés de mucosité, de pus, de malière tuberculeuse. Dans quelques cas d'aphonie complète, où en exa- minant la surface interne du larynx on n'avait d'abord découvert aucune lésion, il m'est arrivé de trouver la cause de la perte de la voix, en cherchant au fond des ventricules le muscle ihyro-aryténoïdien, dont je trouvais les fibres tantôt notablement atrophiées , et tantôt écartées par divers produits de sécrétion mor- bide (pus ou tubercule ).
On a beaucoup parlé autrefois de la dilatation va- riqueuse des veines du conduit aérifère; on a attribué à cette dilatation un certain nombre d'hémoptysies. Je n'ai jamais rien trouvé de semblable.
On a vu quelquefois des tumeurs de diverse nature exercer une compression plus ou moins forte sur les nerfs qui se dislribuent aux parois aériennes, et pro- duire ainsi des accidens semblables à ceux qu'aurait déterminés une lésion môme des parois du conduit aérifère. Je crois d'ailleurs que ce sont là les seuls cas dans lesquels on ail saisi quelque désordre dans l'arrangement matériel de ces nerfs. Mais sans qu'ils soient a! loi es d'(uie manière appréciable par nos
d'aNATOMIE rATIIOLOGIQiE. 49^
moyens actuels d'investigation, ces nerfs peuvent pro- duire dans les voies respiratoires un certain nombre de désordres fonctionnels sur lesquels nous revien- drons plus bas.
Les diverses parties dont nous venons d'examiner les lésions sont unies entr'elles par un tissu cellulaire , qui lui-même joue un rôle important dans les maladies du conduit aérifère. Dans le larynx , ce tissu cellulaire s'hyperémie assez fréquemment , il s'hypertrophie , s'épaissit , s'indure , et revêt l'aspect squirrheux : par ^on épaississemeiit il diminue le calibre du larynx, il gène le jeu des muscles , et altère la forme et les mou- vemens de l'épiglotte. Ce tissu cellulaire peut encore s'infiltrer de sérosité , et l'œdème de la glotte, si bien décrit par Bayle , n'est autre chose qu'une infiltration séreuse considérable du tissu cellulaire situé entre les replis de la membrane muqueuse qui circonscrivent l'ouverture supérieure du larynx; de là résulte le sou- lèvement de cette muqueuse , et l'obstruction plus ou moins complète du larynx. Cet œdème peut survenir / comme maladie idiopathique , mais ce cas n'est pas le plus commun, et ordinairement il se lie à un état d'hyperémie aiguë de la membrane muqueuse du la- rynx ( 1 ) ; souvent, enfin , il se montre pendant le cours des aflections chroniques de cet organe. Il peut s'éta- blir lentement, ne devenir jamais très-considérable, et ne pas gêner notablement la respiration. D'autres fois il survient tout-à-coup , acquiert tout-à-coup aussi un grand développement, et produit rapidement la mort, au milieu d'un état d'asphyxie.
(i) Bouillaud , .^rcliivçs dç Médecine ^ ii^ynuï 1^26.
49^ PRÉCIS
D'autres produits de sécrétion morbide peuvent encore se former dans le tissu cellulaire des parois du conduit aérifère. On y a observé du pus tantôt infiltré, tantôt réuni en petit foyer. M. Bouillaud a cité un cas fort remarquable d'abcès sous-muqueux du larynx (i). J'ai vu un cas dans lequel un des ventricules du larynx était occupé par une tumeur fluctuante qui faisait saillie dans l'intérieur du larynx; une incision légère en fit jaillir du pus. Enfin, dans ce tissu cellulaire se dépose aussi de la matière tuberculeuse ; c'est surtout dans l'épaisseur des parois du larynx qu'on la ren- contre sous forme de petites masses isolées. J'ai trouvé une fois, sur un enfant dont je fis louverture avec M. le docteur Fauconneau Dufrène , un exemple fort remarquable de sécrétion tuberculeuse dans le tissu cellulaire qui unit les principales bronches au parenchyme pulmonaire. Les parois de ces bronches étaient comme doublées par une couche de matière tuberculeuse épaisse de plusieurs lignes. En aucun autre point du poumon il n'y avait de tubercule. L'en- fant était mort pendant le cours d'une coqueluche.
CHAPITRE m.
CHANGEMENS DE DIMENSION
DES CONDUITS A-ÉRIFÈRES.
Les différentes lésions que nous venons de passer en revue , celles qui ont leur siège dans la membrane
(i) Journal complémentaire -^ juillet xSa^.
d'aNATÔMIE PATIIOLOGIQLÈ. 497
iiiiiqueuse, comme celles qui oqI lieu au-dessous de Celte membrane, ont souvent pour effet de changer les dimensions du conduit laryngo bronchique. Ces dimensions peuvent se trouver ainsi ou diuiinuées oïl
augmentées.
La diminution de capacité des conduits aérifères reconnaît spécialement les causes suivantes :
1°. L'épaississement de la membrane muqueuse ; il peut en résulter un rétrécissement notable du con- duit, soit dans le larynx, là surtout où existe la glolte, soit dans les petites bronches;
iî*'. La présence d'une pseudo-membrane ed un point quelconque du conduit; la diminution de ca- libre qui en résulte n'est réellement considérable que dans le larynx des enfans , et dans les petites bronches soit des enfans, soit des adultes;
5". Un corps étranger, soit né dans le conduit (cal- culs, hydatides, débris des cartilages, mucus solidifié^ caillot sanguin) , soit introduit du dehors ;
4°. La compression d'un point du conduit par une tumeur située autour de lui , le développement inso- lite du corps thyroïde produisent souvent une dé- formation considérable de la trachée et en diminuent singulièrement le calibre ; une tUQieur anévrysmale peut produire le même effet sur la trachée et sur les bronches; enfin, une cause fréquente de la diminu- tion de capacité de ces dernières, et même de leur oblitération , c'est la compression qu'exercent parfois sur elles les ganglions lymphatiques qui les entourent à leur entrée dans le poumon. Nous en avons cité plus haut un exemple remarquable.
L'augmentation de capacité des conduits aérifères IL 52
49^ PKÉCIS
n'est connue que depuis les belles recherches de Laennec sur ce sujet; elle ne peut guère avoir lieu que dans les bronches , et c'est surtout dans les bronches d'un petit calibre que celte augmentation de capacité produit des lésions qui pourraient être prises facilement pour des altérations d'une tout autre nature , et en particulier pour des abcès ou pour des excavations tuberculeuses creusées dans le parenchyme du poumon. i
La dilatation des bronches n'est pas toujours une lésion dont la forme soit identique, et plusieurs es- pèces doivent en être admises , spécialement fondées sur ces différences de forme.
Dans une première espèce , on voit un ou plusieurs rameaux bronchiques présenter dans toute leur éten- due , et d'une manière partout uniforme, une aug- mentation notable de leur calibre. Des rameaux qui, dans l'état normal , recevraient à peine un stylet très- fin , acquièrent le volume d'une plume ordinaire , le surpassent souvent, et quelquefois même se dilatent assez pour admettre un doigt dans leur intérieur. Rien de plus commun que de voir en pareil cas une bronche , d'un médiocre calibre, donner naissance à des rameaux qui sont beaucoup plus considérables qu'elles. Ces rameaux dilatés se montrent souvent à la périphérie du poumon, où ils se terminent en une sorte de cul-de-sac, sur les parois duquel on peut toutefois découvrir presque toujours les orifices d'un certain nombre de bronches très-petites. Ces bronches dilatées aboutissent souvent vers le sommet du pou- mon , soit à une portion du parenchyme pulmonaire, dure et noir^; soit à des masses fibreuses ou carlila-
D'ANATOmÊ PATIIOLOGIOUE. /jÇ>ê)
ojneuscs , soit à une concrétion calculeuse, qui tan- tôt existe en dehors de la cavité de la bronche , et tantôt est contenue dans l'espèce de cul-de-sac par lequel cette bronche paraît se terminer.
Une seconde espèce de dilatation des bronches est celle dans laquelle un de ces conduits offre en un point seulement de son étendue un renflement con- sidérable qui représente, là où il existe, une cavité accidentelle qu'on dirait , au premier coup-d'œi! , creusée dans le parenchyme du poumon. La méprise serait facile dans le cas où c'est vers le sommet dn poumon, là où existent ordinairement les exca- vations tuberculeuses, que la dilatation s'est effectuée. On pourrait surtout la prendre pour une de ces ca- vités à parois lisses qui semblent être le résultat de la guérison d'une caverne. La cavité produite par ce renflement bronchique peut varier de capacité de manière à pouvoir admettre tantôt un grain de che- nevis tout au plus, et tantôt une amande ou une noix; plusieurs bronches peuvent offrir, dans le même poumon , une semblable dilatation. Celles qui en sont affectées peuvent être continues ou contigues l'une à l'autre, et alors elles forment, par leurs communica- tions entre elles, une sorte de clapier plein de mu- cosités puriformes, et dans ce cas encore on pourrait croire à l'existence d'une excavation tuberculeuse mul- tiloculaire.
Enfin, dans une troisième espèce, les bronches se dilatent de manière à présenter, dans l'étendue d'un ou plusieurs rameaux, une série de renflemens fusi- foi^mes en-deçà et au-delà desquels le rameau aérifère reprend son calibre accoutumé. Ceg renflemens ont
02.
SoO PRÉCIS
ordinairement des parois mincôset transparentes â tra- vers lesquelles s'aperçoit la matière muqueuse ou pu* riforme qui les remplit : on en trouve souvent, dans un seul poumon, un assez grand nombre; et lors- qu'on l'incise , il semblerait d'abord que ce poumon est parsemé de petits abcès. Il m'a paru que cette troisième dilatation des bronches était plus commune dans l'enfance qu'aux autres âges.
Dans les différentes espèces de dilatation des bron- ches qui viennent d'être étudiées, la texture de leurs parois ne reste pas la même ; les unes sont accom- pagnées d'une hypertrophie plus ou moins considé- rable de ces parois; les divers élémens anatomiques qui entrent dans leur composition deviennent plus' prononcés. D'autres espèces de dilatations coïncident, au contraire, avec une véritable atrophie des parois de la bronche dilatée; ces parois sont réduites à n'être plus constituées que par une membrane très-mince où Ion ne reconnaît plus aucune trace ni de tissu fibreux, ni de tissu cartilagineux.
Ainsi, sous le rapport de la disposition des parois bronchiques , il faut admettre trois espèces de dila- tation :
P^ Espèce. Dilatation avec état naturel des parois bronchiques.
IP. Espèce, Dilatation avec augmentation d'épais- seur des parois bronchiques ;
IIP. Espèce, Dilatation avec diminution d'épaisseur des parois bronchiques.
La dilatation des bronches ne s'observe guères que chez les individus qui ont depuis long-temps une toux
d'anatomie pathoiogiole. 5oi
plus ou moins pénible , avec ou sans expectoration ( i ), Un des individus atteints de dilatation des bronches, dont les observations se trouvent consignées dans l'ou- vrage de Laennec , était une femme qui mourut à Tâge de soixante-douze ans , et qui, depuis l'âge de seize ans, offrait la plupart des symptômes de la phthisie pulmonaire. On ne trouva cependant aucun tubercule dans les poumons, mais seulement un grand nombre de cavités qui étaient dues à des dilatations de bron- ches. Les plus grandes de ces cavités auraient pu con- tenir l'extrémité du pouce ; elles se continuaient avec les bronches qui , vers l'endroit où leurs parois cessent d'être cartila2;ineuses , se dilataient considérablement et devenaient de plus en plus larges jusqu'à leur ter- minaison au voisinage de la surface du poumon.
La dilatation des bronches s'effectue quelquefois dans un espace de temps assez court. On l'a trouvée très-marquée chez plusieurs enfans qui , pendant les deux ou trois derniers mois de leur vie , avaient eu la coqueluche, et qui auparavant n'avaient jamais toussé.
Lorsque la dilatation des bronches est peu consi- dérable , elle n'exerce aucune influence sur le paren- chyme pulmonaire; il n'en est pas de même lorsqu'elle est portée à un haut degré : alors le tissu qui l'envi- ronne est condensé , revenu sur lui-même , il contient beaucoup moins d'air que de coutume. Bien souvent aussi la dilatation des bronches coïncide avec un état d'indnralion grise ou noire des portions de paren- chyme pulmonaire qui les entourent.
(i) Voyez à l'appui de ceUe assertion !eâ o|jservalion5 paiticulières con- çigiisics dans la Clinique Médicale.
5o.2 Pr.FXI5
SECTION DEUXIÈME.
MALADIES DU PARENCHYME PULMONAIRE.
Nous avons déjà essayé de réduire en quelque sorte ce parenchyme à ses élémens ; nous y avons trouvé trois parties distinctes : i°, des cavités, vraisembla- blement closes de toutes parts (vésicules ou cellules auxquelles aboutissent les dernières ramifications bronchiques); 2°. les parois de ces cavités, composées d'une membrane mince sur laquelle se ramifient, dans un état de finesse extrême, des vaisseaux et dos nerfs ; 5°. le tissu cellulaire interposé entre ces parties.
Les états morbides divers qui se montrent dans le poumon ne peuvent avoir leur siège que dans l'une ou l'autre des trois parties qui en définitive constituent tout le parenchyme pulmonaire. Ces états morbides, quelle que soit leur diversité d'apparence, peuvent donc tous être ramenés aux mêmes états morbides qui frappent un conduit organique quelconque ; la seule différence , c*est qu'ici, au lieu d'un seul conduit qui présente des parois bien isolées, dont l'état'pcut être facilement constaté, il y en a des milliers dont les parois se confondent. Tous ces états morbides ont un effet commun trcs-important , celui de diminuer la surface que le sang doit normalement préscnler à
d'anatomie pathologique. ' 5d5
Tair. La dîmînulioii de celte surface peut dépendre de deux conditions, ou de la diminution du calibre des cavités, ou de la diminution du nombre des pa- rois. Une simple hyperémie donne naissance à fa pre- mière condition; l'alropbie du tissu pulmonaire pro- duit la seconde. C'est de cette diminution de surface que dépendent la plupart des symptômes soit locaux, soit généraux , qui accompagnent les maladies du parenchyme pulmonaire.
Si Ton soumet à la dessiccation des portions de pou- mons qui présentent fes altérations les plus différen- tes, on voit le parenchyme se réduire à un assem- blage de conduits et de cellules, au milieu duquel on peut distinguer les altérations qu'ont subies soit l'in- térieur des cavités de ces conduits et de ces cellules, soit leurs parois, soit le tissu cellulaire qui les sépare. Lorsqu'on a étudié de cette manière un certain nom- bre d'états morbides du poumon , et qu'on les a ainsi ramenés à quelques altérations semblables à celles qui peuvent frapper tout conduit entouré de tissu cellulaire , l'induction porte à y ramener les autres états morbides qu'on ne peut soumettre à un sem- blable genre de recherches; et en définitive toutes les maladies du parenchyme pulmonaire , dans lesquelles l'anatomie peut saisir quelque altération de l'organe, se réduisent aux lésions suivantes, qui sont toujours des lésions de circulation capillaire, de nutrition ou de sécrétion.
io4 VUKCIS
CHAPITRE PREAJIER. LÉSIONS DE CIRCULATION.
Dans le poumon , comme partout ailleurs , le sang qui parcourt les reseaux capillaires peut être en quan- tité plus grande ou plus petite que de coutume. De là, pour le poumon , deux états morbides difFérens, l'hyperémie et l'anémie.
ARTICLE PREMIER.
HYPERÉMIK DV POUMOÎi.
Il n'est pas d'organes que Ton trouve, après la mort , plus souvent hyperémiés que le poumon. Toutes les fois qu'un individu meurt, ayant encore une certaine quantité de sang, on en trouve son pou- mon gorgé, surtout postérieurement , lorsque le ca- davre , comme c'est le cas le plus habituel , est resté couché sur le dos. Dans les cas même où la mort a eu lieu dans un état d'anémie générale , on retrouve, encore le plus ordinairement une congestion sanguine dans les parties les plus déclives du parenchyme pul- monaire. Celte congestion est plus considérable dans, les cas où il y a eu une longue agonie , et dans ceux où une gène mécanique à la circulation pulmonaire, produite par une allection organique du cœur, a amené la mort |)ar asphyxie.
4 1. — 1 *J
b'ANATOMlE PATHOLOGIQUE. 5o5
Il en est donc du poumon comme de Tinteslin : dans le premier de ces organes comme dans le second , peut se montrer sur le cadavre une accumulation de sang qui n'a joué aucun rôle dans la production des phéno- mènes morbides, et qui s'est produite soit pendant les derniers instans de la vie, soit après la mort. Dans le poumon, comme dans l'intestin, une simple conges- tion sanguine , surtout lorsqu'elle occupe les parties les plus déclives, ne saurait suffire pour porter à affir- mer que , là où elle existe , a eu lieu pendant la vie un travail d'irritation. L'altération de consistance peut- elle fournir en pareil cas un plus sûr moyen de dis- tinction? Je ne le pense pas. Il m'avait long-temps semblé que , lorsqu'en même temps qu'un poumon est rouge , gorgé de sang à sa partie postérieure , on le trouve dans ce môme point ramolli et friable , c'était une preuve que l'hyperémie était un produit d'irrita- tion. Mais je ne crois pas que cette opinion puisse être soutenue, et il m'est démontré maintenant que, toutes les fois que le sang est accumulé dans le poumon en assez grande quantité pour que cet organe vienne à contenir plus de sang que d'air , c'est avec la plus grande facilité que le dpigt qui presse sur le paren- chyme pulmonaire s'y enfonce et l'écrase. On com- prendra aisément la raison de ce fait, pour peu qu'on réfléchisse que, lorsque le poumon contient beaur coup plus d'air que de sang, les parois bronchiques , pressées par le doigt, pressent à leur tour sur le fluida compressible avec lequel elles sont en contact ; cîlcs fuyent donc véritablement devant le doigt, en com- primant ou chassant l'air , et elles échappent ainsi à la cléchirure. Mais, supposez que dans le poumon il y
5oG rniicjs
ail beaucouj) plus cîc sang que d'air, ce fluide élas- tique se trouve remplacé par un fluide à-peu-près iu- coinpressible ; dès-lors le tissu pulmonaire ne peut plus fuir devant le doigt, et la pression le déchire.
Cependant il est des cas où les symptômes qui ont existé pendant la vie ne permettent pas de douter que l'hyperémie pulmonaire n'ait aussi existé pendant la vie , et n'ait reconnu pour cause une irritation du poumon. Ainsi , dans ce cas , c'est la nature des symp- tômes qui éclaire sur la nature des lésions que dé- couvre l'anatomie.
L'hyperémie active du poumon présente deux degrés, et ce n'est qu'avec le premier que peut être confondue l'hyperémie , soit passive , soit mécanique, soit cadavérique , de cet organe.
Dans un premier degré , qui répond à cet état que les auteurs ont désigné sous le nom d'engouement ^ les bronches sont encore perméables à l'air. Le paren- chyme pulmonaire est d'un rouge brun ou vermeil ; si on l'incise , on voit couler sur les lèvres de l'incision un liquide sanguinolent mêlé h de l'air, spumeux. Si .on le presse , on le trouve friable , et cette friabilité s'y montre d'autant plus grande qu'on trouve moins spumeux le liquide qu'on en exprime. A mesure que diminue la quantité d'air mêlée au sang qui s'écoule, la crépitation devient aussi de plus en plus faible. Du reste, il ne faut pas oublier que les poumons qui ont une grande densité crépitent très-peu ; dans ce cas se trouve le poumon des cnfans, et celui de beaucoup d'animaux, du chien, par exemple. Je note ces faits, j)arce que Ihabitude de ne voir que des poumons d'hommes adultes pourrait porter à regarder comme
b'ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 50^
un état Qiorbide ce défar.i de crépitation que pré- sente le poumon de l'enfant on de plusieurs animaux.
Cependant, à mesure que le sang vient à remplacer l'air, les parois des petites bronches et des vésicules , ainsi que le tissu cellulaire intermédiaire, se tumé- fient de plus en plus, et enfin il arrive un moment où ces cavités ne sont plus perméables à l'air, ou ne le sont plus que dans quelques points. Alors, existe le second degré d'hyperémie , qui répond à cet état que les auteurs ont désigné sous le nom d'/iépati- sation. Le poumon ressemble effectivement assez, en pareil cas , au parenchyme du foie. Si on l'incise , on voit s'en écouler du sang en petite quantité , mais pas une bulle d'air; si on le presse, on le déchire avec facilité, et son tissu paraît être devenu très-friable; coupé par tranches et jeté dans l'eau, il ne surnage plus. Tantôt il présente un aspect comme grenu, soit à la surface d'une coupe qu'on a faite, soit lorsqu'on Ta déchiré; tantôt cet aspect grenu manque, et à la coupe on ne trouve plus qu'une surface parfaitement lisse. L'aspect grenu me semble dépendre de la tu- méfaction qu'ont subie les vésicules pulmonaires : un degré de plus dans cette tuméfaction peut le faire dis- paraître en rapprochant davantage les vésicules , et en les confondant.
En soumettant à la dessiccation un poumon qui présente l'un des deux degrés d'hyperémie dont il vient d'être question, soit Tengouement, soit l'iié- patisation, il est facile de se convaincre que les alté- rations que le poumon subit en pareil cas se réduisent à celles que nous venons de signaler. Ainsi, lorsqu'il n'y a que simple engouement, on n'observe au!rc
5o8 piîÉcis
chose qu'une leinte rouge , jaune ou brune, dans les parois des bronches capillaires ; quelquefois même on ne retrouve pas cette roui|;eur, et un poumon qui était fortement engoué ne paraît pkis , une fois desséché, difl'érer d'un poumon sain. Lorsque c'est un poumon hépatisé qu'on a soumis à la dessiccation, on trouve constamment de la rougeur da^s les parois des bron- ches capillaires et des vésicules; mais de plus, ces parois ont acquis une épaisseur insolite , et il en ré- sulte en certains points une diminution notable des cavités destinées à recevoir l'air , et en d'autres points une oblitération complète de ces cavités. Qu'il y ait d'ailleurs épanchemenl de sang dans la trame des parois bronchiques, ou simple stase sanguine dans les vaisseaux de ces parois, c'est ce qu'on ne peut pas dire; mais ce qu'il y a de certain, c'est que l'état morbide connn sous le nom d'hépatisation pulmo- naire n'est autre chose qu'un engorgement sanguin ponsidérable des parois des bronches capillaires et des vésicules, engorgement qui a pour effet d'en dimi- nuer ou d'en oblitérer les cavités. 11 est rare d'ailleurs que dans les parties mômes où l'hépatisation semblait la plus complète, on ne trouve pas çà et là quelque petit ramuscule bronchique encore perméable à l'air; il arrive même quelquefois qu'au milieu d'un lobe qui semble j^artout hépatisé, la dessiccation fait re- connaître quelques points où non seulement il n'y a pas diminution du calibre des bronches capillaires, ?ijais où existe uue dilatation notable de la cavilé de f:e& bronches et de ces vésicules sans qu'il y ait hype- féinic (le leurs j)iuois.
Les deux degrés d'hypcréuiie dont nous vexions
b'anatomie pathologique. 5o9
d'étudier la forme et la nature , présentent trois va- riétés importantes sous le rapport de leur étendue. Dans Tune de ces variétés, l'hyperémie existe dans un lobe entier qui, à-peu-pros partout, est engoué ou hépatisé (hyperémie lobaire). Dans la seconde va- riété, quelques lobules, séparés les uns des autres par des lobules sains , sont le siège de l'hyperémie (hyperémie lobulaire ). Enfin, dans la troisième variété, ce n'est même plus un lobule entier, ce soni quelques fractions de ce lobule , ou en d'autres ter- mes, ce sont quelques-unes des vésicules qui le com- posent , qui seules sont hyperémiées (hyperémie vésicuiaiie ). Cette dernière variété peut n'exister qu'en un pelit nombre de points , ou se montrer sous forme de granulations rouges, très-multipliées, qui parsèment tout le parenchyme pulmonaire ; il en est de même de la seconde variété.
Dans lé poumon, comme partout ailleurs, la gan- grène peut succéder à toute hyperémie , soit méca- nique , soit vitale , assez considérable pour gêner ou empêcher l'aiïlux du sang artériel. Pour cela il n'est pas nécessaire qu'une forte irritation ait existé t qu'une cause quelconque retienne le sang dans les capillaires d'une partie, et surtout s'oppose à ce que les artères y apportent du sang , la gangrène poitrra survenir; chez certains individus c'est avec une éton- nante facilité qu'une légère stase sanguine peut être suivie de gangrène; enfin, il ne faut pas oublier que ce qui, chez ces individus, résulte d'une disposition particulière de l'économie , peut aussi être produis par l'introduction de certaines substances daas les^
5io pPiiiicis
voies circnlaloircs ( seigle ergote , venin de carlains repliles, elc. ).
La gangrène cliî poumon se montre sous l'inilnence de plusieurs des conditions qui viennent d'être rap- pelées. Ainsi, elle peut survenir à la suite d'une irri- tation pulmonaire intense qui a produit une forte hy- percinie , un état d'bépatisation (i). D'autres fois elle prend naissance sans qu'on ait observé aucun signe d'irritation préalable; d'autres fois enfin, l'irritation qui la précède est chronique, peu intense, et dans mille cas elle existe sans qu'il en résulte rien de sem- blable. C'est ainsi que le parenchyme pulmonaire vient quelquefois à être frappé de gangrène, soit au- tour d'excavations tuberculeuses, soit autour de bron- ches qui , depuis long-temps, sont le siège d'un travail d'irritation chronique.
La gangrène du poumon, quelle que soit son ori- gine , se présente sous les formes suivantes.
Dans une première forme elle n'est pas circons- crite. A l'intérieur du poumon sont disséminés un cer- tain nombre de points , où le parenchyme pulmonaire est remarquable , i'*. par l'odeur gangreneuse qu'il exhale; 2°. par la couleur brune ou livide qu'il pré- sente ; 5°. par la diminution de sa consistance.
Dans une seconde forme la gangrène est, au con- traire, exactement circonscrite ; en un point de son étendue le parenchyme pulmonaire est alors trans- formé en une escarre qui, là, comme partout ailleurs, tend à se borner et à être éliminée. Pour cela, un
(1) Clinique Midicalc.
d'anatomie PATiioLor.ioiE. 5rï
travail de suppuration s'établit autour d'elle, quel- ques bronches se perforent, et l'escarre, réduite en deliquiiim , est rejetée au-dehors avec la matière de l'expectoration. Il reste , alors, dans le poumon , à la place occupée par l'escarre , une cavité ulcéreuse , remplie d'un liquide grisâtre , d'où s'exhale une odeur des plus fétides. Aucune fausse membrane ne tapisse ordinairement les parois de cette cavité, et autour d'elle le parenchyme pulmonaire peut être sain ou altéré.
Il est une autre espèce d'hyperémie pulmonaire, dans laquelle le sang, au lieu de s'accumuler seule- ment dans les parois des bronches et des vésicules, sort, s'épanche de manière à déchirer ces parois, et s'amasse en caillots dans une cavité qu'il a lui-même creusée au milieu du parenchyme du poumon. Yoilà la véritable apoplexie pulmonaire, bien diiTérentc de celle dont nous avons parlé précédemment, dans la- quelle il n'y avait autre chose qu'une certaine quan- tité de sang accumulée et coagulée dans les bronches. Ici, au contraire, la substance pulmonaire est déchi- rée parle sang sorti de ses vaisseaux, comme se dé- chire en pareille circonstance la substance cérébrale. L'hémorrhagie peut être assez considérable pour que la plus grande partie de l'un des poumons ne repré- sente plus qu'une sorte de bouillie où l'on ne distingue plus qu'un reste de parenchyme , et du sang épanché , ea partie liquide , et en partie coagulé. Cette hémor- rhagie peut s'effectuer très-rapidement, et entraîner la mort en quelques heures, ou en moins de temps encore. D'autres fois , s'accomplissant plus lentement ou occupant un moindre espace, elle ne détermine
■s-
5l2 PRECIS
pas d'aussi graves accidens, elle peut donner ]ieu à une hémoptysie qui n'est suivie de la mort qu'au bout de quelques jours. En même temps qu'il se fait Jour à travers les bronches , '\e sang peut aussi passer de l'intérieur du poumon dans la plèvre, par suite d'une déchirure du parenchyme. Enfin, il est des cas où, comme dans l'hémorrhagie cérébrale, on observe une série de phénomènes qui ont pour but, ou, si l'ori veut, qui doivent avoir pour résultat la résorption du sang épanché et la guérison. C'est ce qui paraît avoir lieu dans les cas où Ton a vu une apoplexie pulmo- naire entourée par un kyste bien organisé (i) , dont la surface interne éJait vraisemblablement destinée à devenir un agent d'absorption.
Au lieu de se résorber, le sang épanché dans le parenchyme pulmonaire tend d'autres fois à y prendre en queloue sorte droit de domicile en s'organisant, et devenant une partie vivante OiJ peuvent s'accomplir des actes de nutrition et de sécrétion.
ARTICLE IL
AKEMiE ïtv poraios.
II est certains cadavres sur lesquels on trouve le parenchyme pulmonaire complètement exsangue. Cela n'annonce pas un état plus sain du poumon que celui où on le trouve plus ou moins gorgé de sang. Cette anémie peut dépendre de trois circonstances;
(i) Bouillautl , Archives de médecine ^ novembre xSaG,
d'anatomie pathologique. 5i5
1*. Du genre de mort. On trouve, par exemple, dans un pareil état , les poumons des animaux morts d'hé- morrhagie.
2°. D*une diminution dans l'acte de l'hématose. C'est ce qui arrive dans beaucoup d'afifections chroni- ques où Ton ne trouve pas plus de sang dans le pou- mon que dans les autres organes.
3°. D'un étatd'atrophie du parenchyme pulmonaire. C'est ce qui peut avoir lieu à tous les âges; mais c'est particulièrement ce qu'on observe chez beaucoup de vieillards. Au premier aspect , on est porté à regarder comme constituant le type de l'état sain, ces poumons décolorés ; mais un examen plus attentif fait recon- naître que dans ces poumons où il y a si peu de sang, il y a aussi une diminution morbide de densité ; c'est du tissu cellulaire qui existe à la place d'un certain nombre de vésicules.
CHAPITRE IL LÉSIONS DE NUTRITION.
Si l'on accepte comme exacts les faits consignés dans le précédent chapitre , il faudra tirer de ces faits la conséquence que les diverses lésions de nutrition dont le poumon peut être le siège, ne doivent être autre chose que des lésions de nutrition des parois des vésicules pulmonaires, ou du tissu cellulaire in- terposé entre ces vésicules. Dans le poumon , d'ail- leurs, comme dans tout autre organe , ces lésions II. 35
5i4 ruÉcis
consistent dans une accumulation , une diminution ou une perversion de la nutrition normale. A l'aug- mentation d'activité de la nutrition du poumon se rapporte l'hypertrophie de son parenchyme; à la diminution d'activité de cette nutrition se rapporte l'atrophie , et de sa perversion dépendent plusieurs transformations des parois des vésicules, ainsi que du tissu cellulaire intervésiculaire , ou interlobulaire.
Ces transformations sont peu nombreuses. C'est du tissu fibreux ou cartilagineux qui prend la place du tissu cellulaire; c'est quelquefois une matière ossi- forme qui constitue les parois vésiculaires. ( Nous en avons cité plus haut un exemple. ) Dans ce qui suit, nous allons nous occuper spécialement de l'hy- pertrophie et de l'atrophie du tissu pulmonaire , et nous essayerons de montrer comment à ces seules altérations de texture peuvent se rapporter un nombre considérable d'altérations de forme.
ARTICLE PREMIER.
HTPERTROPniE DU POUMON,
Le poumon présente deu^ sortes d'hypertrophie : dans l'une , il y v^ simple augmentation de densité du parenchyme , sans modiftcalion de sa consistance ; dans l'autre espèce , celle consistance est augmentée, et l'hypertrophie existe avec induration du tissu pul- monaire.
La première espèce d'hypertrophie me paraît être
d'anatomie rATH<}Lo(;h^)rr.. 5i5
le resultatd'une aiigmentalion de nombre dos cloisons qui divisent en cellules ou en vésicules les dernières ramifications bronchiques, en même temps qu'il y a ampliation de ces cavités ; ce n'est pas seulement l'aspect du poumon qui milite en faveur de celte opi- nion , ce sont encore les circonstances dans lesquelles survient cette hypertrophie. Ainsi, Laentiec a remar- qué que, dans un grand nombre de cas où l'un des poumons n'est plus apte à remplir ses fonctions , comme dans les épanchemens d'air ou de liquide au sein d'une des plèvres, et surtout après le rétrécisse- ment d'un des côtés de la poitrine qui suit parfois la résorption d'un épanchement pleurétique , le pou- mon du côté sain acquiert nn volume manifestement plus grand que le volume de son état normal. En. pareil cas , le poumon présente un tissu manifeste- ment plus dense et plus compact; il ne s'affaisse pas lorsqu'on ouvre la poitrine : il acquiert de la ressem- blance avec le poumon de l'enfant ou avec le poumon des chevaux.
Cette espèce d'hypertrophie peut s'effectuer en très-peu de temps. Laennec l'a vue très-prononcée chez un homme qui, six mois avant sa mort, avait eu un épanchement pleurétique à la suite duquel le côté affecté de la poitrine s'était rétréci de moitié.
La production de cette hypertrophie résulte de l'accomplissement d'une loi en vertu de laquelle tout organe double devient le siège d'une nutrition {)lus active, lorsque son congénère cesse d'agir. Ici encore c'est l'activité plus grande de la fonction qui entraîne l'accroissement d'activité de la nutrition.
L'hypertrophie du parenchyme pulmonaire, sans
53.
5 î 6 PRÉCIS
induralion proprement dile , présente une variété digne de toute notre attention : c*est celle dans la- quelle, en même temps que les parois des bronches capillaires et des vésicules sont plus épaisses que de coutume , leur cavité est notablement agrandie. On peut facilement s'en assurer parla dessiccation. Si alors on coupe le poumon par tranches, on trouve partout, ou en quelques points seulement , d'une part des cavités beaucoup plus grandes que dans l'état normal, et, d'autre part, des parois qui sont aussi beaucoup plus épaisses. Cette altération, qui constitue une des variétés de l'emphysème pulmonaire, se trouve très- fréquemment chez les individus atteints de catarrhe pulmonaire chronique. Chez ces individus, la dila- tation d'un certain nombre de vésicules avec hyper- trophie de leurs parois, coïncide assez souvent avec la diminution de capacité, ou même avec l'oblitéra- tion d'autres vésicules, dont les parois ont augmenté d'épaisseur aux dépens de la cavité qu'elles circons- crivent. Ainsi , l'hypertrophie des parois du cœur coïncide tantôt avec une dilatation de ses cavités , et tantôt avec leur rétrécissement.
Mais c'est surtout dans les cas d'hypertrophie du pou- mon, avec induration de son tissu, qu'a lieu l'oblitéra- tion des vésicules aériennes. Alors, en examinant un poumon desséché, ce n'est plus dans quelques points seulement qu'on n'aperçoit plus de trace de cavité, ^'est dans une bien plus grande étendue. On ne voit plus partout qu'un tissu solide, et qui n'est manifeste- ment formé par autre chose que par les cloisons ordi- naires, augmentées d'épaisseur et de consistance. Çà et là seulement apparaissent quelques petites cellules,
d'anatomie pathologique. 5i7
rudi mens des cavités normales. Ainsi, l'effet de l'hy- pertrophie avec induration du parenchyme puhno- naire, comme de son hyperémie portée à un certain degré , est de rendre ce parenchyme imper méable a 1 air.
L'induration du poumon s'accompagne de diverses colorations de son tissu. Très-rarement il présente en pareil cas une teinte rouge. Le plus souvent il offre une couleur jaunâtre , grise , brune , et même noire. L'induration noire du parenchyme pulmonaire n'est autre chose, à mon avis, que son induration Jaune ou grise avec une autre nuance de couleur; on peut saisir tous les intermédiaires par lesquels ces diverses teintes se transforment les unes dans les autres , et il n'y a aucune raison pour admettre que , là où le poumon s'est coloré en noir en même temps qu'il s'est induré, il y a formation d'un tissu nouveau qu'on a appelé mélanose. Car, alors, pourquoi ne ferait-on pas aussi un tissu accidentel d'une autre portion de poumon, qui, indurée et imperméable à l'air comme la précédente, n'en diffère que, parce qu'au lieu d'être noire , elle est jaune ou grise?
L'induration pulmonaire , sans différer par sa na- ture, diffère tellement par sa forme et son aspect ex- térieur , suivant qu'elle occupe un lobe , un lobule ou une fraction de lobule, que cette seule variété de siège a fait croire à des variétés de lésion. C'est ainsi que Bayle a regardé comme un tissu accidentel, qu'il a désigné sous le nom de granulation , l'induration grise de quelques vésicules isolées. Ces vésicules indurées ressemblent effectivement à de petits grains qu'on trouve disséminés en plus ou moins grand nombre
5l8 PRÉCIS
dans retendue du parenchyme pulmonaire; le terme de granulation est donc exact, comme servant à ex- primer une forme d'altération , et sous ce rapport il doit être conservé; quant à la nature de laltération, il suffit d'une dissection attentive pour reconnaître que les granulations pulmonaires de Bayle ne sont ni un tissu accidentel sut generls , comme il le pensait, ni le premier degré du tubercule, comme 1 ont admis MM. Laennec et Louis , mais qu'elles consistent dans, l'induration de quelques vésicules. Avant d'être dures et grises, elles ont été molles et rouges, et dans ce premier état qui pourrait ne pas admettre qu'elles ne sont autre chose qu'une agglomération de quelques vésicules hyperémiées ? Y a-t-il dans un lobe entier production d'un tissu accidentel, parce que, d'abord mou et rouge , il est ensuite devenu dur et grisâtre ? Or, ce qui arrive à un lobe dans sa totalité peut aussi arriver à quelques vésicules ; la lésion est seulement moins étendue ; mais , du reste , sa nature est la même.
On peut s'assurer de la nature des granulations pulmonaires, soit en les examinant sur un poumon frais (i), soit en les étudiant sur un poumon des- séché. Dans ce dernier cas, voici ce qu'on observe, si le poumon qu'on a fait dessécher était sain dans l'intervalle des granulations.
En un grand nombre de points l'on découvre de petites masses arrondies ou allongées, d'un gris opa- que, et assez friables. Autour de ces masses, le tissu
(î) Je ne pourrais que répéter ici ce que j'ai dit ailleurs [Clinique Mé- dicale) sur le procédé anatomique à suivre pour s'assurer de la nature des granulations pulmonaires sur des poumons frais. Je renvoyé donc à cet.
ouvrage.
D*ANATOMtE PATHOLOGIQUE. 5 10
pulmonaire est tantôt parfaitement sain ; tantôt les parois des bronches et des vésicules sont épaissies, et elles ont pris une teinte grisâtre semblable à la teinte de la masse. En quelques points , ces parois épaissies semblent se détacher de la masse comme des pro- longemens rayonnes. Plusieurs des vésicules, dont les parois sont ainsi' épaissies, sont dilatées d'une manière remarquable. Ailleurs , au lieu de cet épais- sissement et de cette teinte grise des cloisons, on ne trouve rien autre chose qu'une légère teinte rosée ou jaunâtre sans épaississement. Ailleurs, au contraire, l'épaississement des parois est très-considérable, et la teinte grise de leur tissu est en raison directe de leur épaississement. Là où cet épaississeujent est con- sidérable, les vésicules ont perdu leur forme régu- lière ; elles tendent à s'effacer. Supposez un degré de plus dans l'épaississement de leurs parois : elles ne présenteront plus de cavité, et à leur place on ne trouvera plus qu'une de ces niasses grisâtres homo- gènes qui constituent la granulation.
Ainsi donc, les granulations puhnonaires se for- ment par la succession des altérations suivantes :
1*. Les parois des vésicules s'injectent.
2°. Elles se tuméfient , en restant rouges.
5". Elles perdent la teinte rouge , en acquièrent une grise , et en même temps s'épaississent de plus en plus.
4"". Pendant que cet épaississement a lieu , la cavité de la vésicule subit plusieurs changemens : tantôt elle s'agrandit, tantôt elle diminue, tantôt elle s'efface entièrement. Alors , la granulation est formée. Mais ce n'est pas tout, et à l'une o!i à l'autre de ces pé-
52 O r RÉGIS
riodes de formation , les parois des bronches, au lieit de continuer simplement à s'épaissir, peuvent ou s'ulcérer , ou sécréter soit du pus , soit du tuber- cule , etc.
Pour constater tout cela, il ne faut que dessécher un poumon, le couper par tranches, et l'examiner au soleil.
Le tissu cellulaire , qui sépare les uns des autres les divers lobules pulmonaires, s'indure quelquefois, soit isolément , soit en même temps que les lobules eux-mêmes. Il devient alors beaucoup plus apparent que de coutume ; il acquiert en même temps une grande densité et une dureté comme fibreuse. Il forme au milieu du parenchyme pulmonaire des cloisons épaisses, des intersections, qui ressemblent parfois à des aponévroses ; enfin , au lieu de se montrer sous forme de simples lignes, il peut représenter des lames plus ou moins larges , des masses plus ou nioins épaisses, qui resserrent dans un espace de plus en plus petit les lobules eux-mêmes, de telle sorte que, dans ce cas, en même temps que le tissu cellulaire in- terlobulaire se développe , le tissu propre du poumon tend à s'atrophier. Voilà ce qui arrive dans un certain nombre de cas, tandis que dans d'autres cas, au con- traire , l'hypertrophie du tissu cellulaire interlobulaire coïncide avec un simple état d'induration des lobules.
L'induration du parenchyme pulmonaire , quel qu'en soit le siège , peut persister pendant un temps très-long, s'en s'accompagner d'aucune autre alté- ration. Mais elle peut aussi être suivie de lésions di- verses qu'on a prises souvent pour l'état morbide principal, bieti qu'elles ne soient que sccoiidakes ;
d'anatomie pathologique. 52 1
c'est ainsi qu'au milieu d un lobe induré dans sa tota- lité, on rencontre parfois quelques tubercules. Leur petit nombre ne permet pas de penser qu'ils aient alors causé l'induration qui les entoure. Dans ce cas , la lésion de nutrition a commencé , et la lésion de sé- crétion n'a été que consécutive. J'insiste sur ce fait, parce que je crois que la sécrétion tuberculeuse a été prise trop constamment dans le poumon comme y étant toujours le phénomène principal , celui autour duquel on devait grouper tous les autres , parce qu'ils en dépendaient. J'en dirai autant de l'exhalation de la matière colorante noire qui si souvent vient à teindre un poumon induré ; cette exhalation n'est non plus ici qu'un phénomène secondaire. Pas plus que le tubercule, elle n'est le point de départ ni des lésions trouvées sur le cadavre , ni des accidens ob- servés pendant la vie.
Les anciens anatomistes décrivaient sous le nom d'ulcères du poumon les excavations qui, dans ces derniers temps, ont été regardées comme le produit d'une fonte tuberculeuse. Cette dernière opinion est exacte dans un assez grand nombre de cas, mais non pas dans tous. Il m'est arrivé plus d'une fois de trouver, au milieu du parenchyme pulmonaire induré, une ou plusieurs cavités ulcéreuses, sans qu'il y eiàt nulle part aucune trace de tubercules, ou bien, si l'on en trouvait, ils étaient très-petits, très-peu nombreux, et ne prouvaient pas plus que l'ulcère avait succédé au ramollissement d'une masse tuberculeuse , que les tubercules qu'on trouve assez souvent au pourtour ou au fond des ulcérations intestinales ne peuvent servir à démontrer que ces ulcérations ont été produites
52 2 PRÉCIS
par le ramoliissenient d'un tubercule sous-muqueux. llien ne jDrouvait non plus que ces ulcères pulmo- naires eussent été précédés de la formation d'une escarre. Ainsi, le parenchyme du poumon peut s'ul- cérer primitivement. Tantôt l'ulcération est unique , et plus ou moins considérable; tantôt 11 y a un grand nombre d'ulcérationsdisséminées dans le parenchyme. L'induration qui les entoure en précède souvent la formation , mais elle peut aussi la suivre.
ARTICLE IL
ATftOPHIE DU POUMON.
Toutes les fois qu'une cause quelconque s'oppose pendant un certain laps de temps à la libre entrée de l'air dans les vésicules pulmonaires, ces vésicules diminuent de nombre, et le parenchyme du poumon subit une véritable atrophie. Ainsi cette atrophie est constante chez les individus qui ont eu pendant long-temps un épanchement pleurétique ; des tuber^ cules produisent souvent le même effet : il en est de même de l'hypertrophie du tissu cellulaire décrite dans l'article précédent. J'ai cité plus haut le cas re- marquable d'une atrophie du [joumon dans un cas où la bronche qui s'y distribue était à-peu-près com- plètement oblitérée.
Je serais porté à croire que chez les vieillards existe parfois une alrophie des poumons assez considérable pour qu'il en résulte un notable rétrécissement de
d'anatomie pathologique. 523
la poihine. Ce qu'il y a de certain , c'est que chez beaucojip de vieillards décrépits on trouve le thorai^ beaucoup moins développé dans ses difFérens diamè- tres qu'il ne l'est à aucun autre âge. Chez ces vieillards le poumon paraît effectivement peu volumineux, il contient très-peu de sang, il est dune légèreté re- marquable, et son tissu paraît comme raréfié.
Dans ces divers cas , c'est uniquement par la dimi- nution de volume du poumon , et par la raréfaction apparente de son tissu, que nous pouvons juger de l'atrophie qu'il a subie. Mais l'atrophie de cet organe peut encore être démontrée par l'examen de sa struc- ture intime. En faisant dessécher un poumon ainsi raréfié , et qui , avant cette dessiccation , présente déjà à sa périphérie un ou plusieurs points où à la place du tissu vésiculeux ordinaire on ne trouve plus que quelques larges cellules pleines d'air, on arrive à reconnaître un notable changement dans la disposi- tion des dernières ramifications bronchiques, et des vésicules auxquelles elles se terminent. Ces bron- ches et ces vésicules ne forment plus des cavités sé- parées les unes des autres par des parois complètes. D'abord ces parois sont réduites à uji état d'amincis- sement extrême; quelques-unes paraissent simple- ment perforées en un ou plusieurs points de leur étendue ; d'autres sont comme irrégulièrement déchi- rées ; ailleurs on ne trouve plus à leur place que des lames ténues , ou enfin de minces fîlamens qui tra- versent en divers sens des cavités plus ou moins lar- ges, etdont l'une des extrémités est sovuent flottante. J.à où ces altérations existent, on ne trouve [)lus , k proprement parler, ni bronches, ni véhicules,
524 PRÉCIS
luais seulement des cellules de diflerens diamètres, que séparent souvent en plusieurs loges des cloisons incomplètes, des lames sans disposition régulière, ou de simples filamens qui eux-mêmes tendent à se dé- truire. Plusieurs de ces cellules ne sauraient mieux être comparées qu'au poumon des batraciens, et toutes s'en rapprochent comme d'im type d'organisa- tion vers lequel , en pareil cas, le poumon de l'homme semble descendre.
Ainsi des lésions très-différentes par leur nature , l'hypertrophie d'une part, et l'atrophie de l'autre, peuvent produire dans le poumon des effets identi- ques. Toutes deux peuvent transformer en de larges réceptacles les petites cavités où l'air vient ordinaire- ment vivifier le sang. Mais dans le cas d'hypertrophie , il y a seulement dilatation des vésicules sans déchirure de leurs parois, si ce n'est accidentellement ; dans l'atrophie , au contraire , de larges cavités ne se for- ment que parce que plusieurs vésicules viennent à se réunir en une seule , par suite de la disparition de leurs parois. De là cette différence notable que , dans le premier cas, le nombre des surfaces sur les- quelles le sang rencontre l'air reste le même, tandis que , dans le second cas , le nombre de ces surfaces diminue singulièrement. Aussi , dans ces deux cas , la gêne de la respiration ne doit pas être la même ; il est facile de prévoir que c'est dans le second cas que la dyspnée sera nécessairement plus considérable. Il est une seule circonstance qui , malgré la diminution du nombre des surfaces d'élaboration du sang, em- pêche la respiration d'être gênée : c'est la diminution de la masse même du sang, ou , ce qui revient au
d'aNATOMIE PATHOLOGIQLr:. 525
même, la diminution de la rapidité de son cours. Or, le! est précisément le cas des vieillards ; et voilà pour- quoi chez la plupart d'entre eux une atrophie consi- dérable du tissu pulmonaire, loin d'être chez eux un accident, est un résultat de cette loi qui établit un rapport constant entre la quantité de sang à vivifier dans un temps donné, et l'étendue des surfaces sur lesquelles l'air peut rencontrer ce sang. Voilà pourquoi le poumon a son maximum de densité chez les enfans et chez les animaux dont la circulation est très-rapide ou qui font beaucoup de sang; voilà pourquoi, au contraire, cette densité se trouve à son maximum et chez le vieillard, et chez les animaux qui à chaque tour circulatoire ne reçoivent dans leur poumon qu'une petite partie du sang que contient l'arbre cir- -culatoire.
Cependant il est un certain nombre de vieillards <jui respirent difficilement , et chez lesquels cette dyspnée ne paraît liée à autre chose qu'à une atrophie du tissu pulmonaire plus considérable qu'elle ne doit être à cet âge. Enfin , ce qui est le plus souvent normal chez le vieillard peut survenir accidentelle- ment chez l'homme jeune ou adulte , et chez lui il en résultera constamment une dyspnée plus ou moins considérable.
L'atrophie des vésicules pulmonaires peut être la seule lésion que l'on observe dans le poumon ; mais d'autres fois elle coïncide avec d'autres altérations. Assez fréquemment , par exemple , en même temps que certaines portions du parenchyme sont remplies de tubercules , il en est d'autres où la dessiccation fait reconnaître une destruction plus ou moins étendue
526 PRÉCIS
des parois des vésicules par atrophie de leur lissn. Ainsi donc , en même temps que le poumon sécrète du tubercule , il tend à s'atrophier. D'autres fois , d'ailleurs, on trouve bien encore dans un poumon tuberculeux une notable ampliation des vésicules; mais cette ampliation n'est plus le résultat de la destruction des parois vésiculaires et bronchiques; on trouve seulement dilatées et les vésicules et les bronches.
La transformation des vésicules pulmonaires en larges cellules, soit par simple dilatation de la cavité de chaque vésicule , soit par destruclion de ses parois , est la lésion qui a été décrite sous le nom à'cmpkysème j)ulmonalre ^ expression impropre , qui conviendrait mieux dans le cas où il y a simplement infiltralion d'air dans le tissu cellulaire , cas dont nous nous oc- cuperons plus bas.
Nous n'aurions donné qu'une théorie incomplète de cet emphysème pulmonaire, si, à ce que nous venons de dire, nous n'ajoutions qu'il peut aussi, dans un certain nombre de cas, se produire simple- ment d'une manière toute mécanique : c'est de la sorte qu'il nous paraît se former souvent chez les chevaux , où l'emphysème pulmonaire est très-fré- quer.t, et chez lesquels il me semble être la suite des violens efforts auxquels ces animaux sont si souvent forcés de se livrer. J'ai examiné plusieurs fois des poumons emphysémateux de cheval , et je me suis assuré que chez lui l'emphysème pulmonaire consiste : i". dans une simple dilatation des petites bronches et des vésicules; 2". dans une rupture de leurs parois; 5**. dans une infiltration d'air à travers le tissu ccllu-
D'ANATOmE PATHOLOGIQUE. 52 7
îgire interlobulaire : la première de ces altérations paraît précéder la seconde , et la dernière n'est que la suite des deux autres. N'est-ce pas aussi d'une ma- nière toute mécanique que l'emphysème pulmonaire peut survenir chez les hommes atteints d'anciens ca- tarrhes 5 et qui sont tourmentés par de violentes quin- tes de toux? La distension forcée d'un certain nombre de vésicules, par de l'air ou par des mucosités, ne peut-elle pas en produire la dilatation permanente ? Il suffit pour cela que l'élasticité dont jouissent nor- malement les parois des vésicules soit vaincue et ne puisse plus s'exefcer. Or, cel^ peut également arriver, et par suite d'une distension violente ou prolongée de ces parois, et par suite d'une altération primitive de leur texture. 11 serait fort intéressant de s'assurer si les ouvriers que leur profession oblige à faire habi- tuellement de grands efforts, ne sont pas plus sujets que les autreshommesàremphysèoie pulmonaire (i). Lorsque l'emphysème pulmonaire est peu considé- rable, la simple inspection du poumon frais ne peut le faire reconnaître qu'à des hommes exercés ; il faut alors soumettre ce poumon à la dessiccation. Et je crois que plus d'une fois il a dû arriver qu'on a re^ gardé comme très-sains de ces poumons emphyséma- teux trouvés chez des individus asthmatiques. En , pareil cas on a du long-temps regarder comme essen-
(i) Mon savant et honorable confrère et ami M. Parent-Diichâtelet m'a dit tenir d'uji médecin de l'hôpital de Fontainebleau, où meurent beaucoup de car«iers, qu'on trouve souvent , en ouvrant les cadavres de ces ouvriers, leurs poumons emphysémateux. Je cite ce Tait pour engager les médecins qui en auraient l'oGcasion , à entreprendre des recherches sur ce point.
52 8 PRÉCIS
tielle une dyspnée à laquelle lanatomie a trouvé maintenant une cause organique.
Si l'emphysème est plus consfdérable , il ne peut écliapper à la simple inspection ; il se présente d'ail- leurs sous deux formes : tantôt ce sont des espèces de vessies qui font une saillie plus ou moins forte au- dessus du niveau de la surface extérieure du poumon ; tantôt aucune saillie n'existe , mais seulement l'on aperçoit au-dessous de la plèvre un ou plusieurs points où de larges cellules ont remplacé les vésicules ordi- naires. Il est des cas où ces cellules ne sont pas ap- préciables extérieurement , et elles existent à l'inté- rieur même du poumon , où je les ai vues , chez le cheval , constituer des cavités véritables.
CHAPITRE III.
LESTONS DE SÉCRÉTION.
On trouve dans le poumon les mêmes produits de sécrétion morbide que ceux qui se forment partout ailleurs ; mais ces produits ne s'y montrent pas tous avec une égale fréquence. Ainsi , il est assez rare de rencontrer du pus en foyer dans le poumon , tandis que c'est l'organe où se déposent le plus souvent du tu- bercule ou de la mélanose. Les produits de ces diverses sécrétions ne peuvent exister qu'en trois points :i°. dans la cavité des vésicules; 2*. dans leurs parois; 3". 'dans le tissu cellulaire intervésiculaire ou interlobulaire. Parmi ces produits il en est qui déjà ont été décrits.
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d'aNATOMIE rATHotoGIQLE. 629
Telle est la mélanosc. Les parliciilarités qu'elle pré- sente dans le poumon, sous le rapport de son siège , de ses causes , de sa nature , ont été signalées dans le premier volume, lorsque j'y ai traité de la mélanose en général.
Les concrétions calculeuses, composées, dans le poumon comme ailleurs, de phosphate calcaire, pré- sentent peu d'intérêt comme affection isolée : elles existent rarement dans le poumon sans autre altéra- tion ; elles coïncident presque toujours avec des tu- bercules, et paraissent en être une des terminaisons. Elles ne se montrent le plus ordinairement qu'au sommet du poumon ; tantôt elles y sont mêlées à de la matière tuberculeuse, sous forme de masses ou de petits grains , semblables à des grains de sable ; tantôt elles existent sans mélange de tubercules, entourées le plus souvent d'un parenchyme pulmonaire noir et induré; tantôt, enfin, elles sont contenues dans une cavité qui semble être une ancienne excavation tuberculeuse.
Enfin, qu'avons-nous à dire des enlozoaires qui, parfois, ont été rencontrés dans le poumon? Rien autre chose que ce que nous aurions à en dire dans tous les autres organes. Les seuls entozoaires qui ayent été jusqu'à présent observés dans le poumon de l'homme sont des acéphalocystes. Là , comme partout ailleurs, ces êtres sont renfermés dans des kystes de grandeur variable, autour desquels le pa- renchyme pulmonaire peut être ou simplement re- foulé , ou atrophié , ou induré. On a vu un lobe entier du poumon transformé en un vaste kyste hy- datique. Dans un cas, que j'ai cité ailleurs, les acé- II. « 34
53o VKÉCIS
phalocysles avaîent un siège bien remarquable ; elles existaient dans l'intërieur même des veines pulmo- naires considérablement dilatées (i).
Je ne ferai non plus qu'indiquer deux autres altéra- tions dont le tissu cellulaire du poumon peut ^tre le siège. L'une de ces altérations consiste dans une ex- halation de sérosité qui a lieu au sein du tissu celki- Jaire, intervésiculaire ou inlerlobulaire. Cette alté- ration, décrite par Laennec sous le nom d'œdéme du poumon , est tantôt idiopathique; tantôt elle coïncide avec un état général de leucophlegmatie. M. Billard l'a vue quelquefois coïncider, chez les enfans nouveau - nés, avec l'endurcissement du tissu cellulaire ; tantôt elle est consécutive, et se montre à la suite d'un certain nombre d'hyperémies aiguës du parenchyme pulmonaire.
L'autre altération consiste dans un épanchement de gaz au sein du tissu cellulaire interlobulaire. C est cet épanchement qui a été décrit par Laennec sous le nom d*emphysème interlobulaire. Tantôt cet em- physème est le produit d'une exhalation gazeuse ; tantôt l'air qu'on trouve dans le tissu cellulaire inter- lobulaire n'y est pas né; mais il y a été introduit par suite de la déchirure de quelque vésicule pulmo- naire.
Deux altérations de sécrétion me restent à décrire avec quelque détail: l'une est la sécrétion du pus dans le poumon, et l'autre est la sécrétion du tuber- cule dans ce môme organe.
(i) eu H in ne Médicale , tom. III. i
d'aNATOMIE l'ATHOLOGIQUE. 55 1
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§. I. SÉCRÉTION DU PTJS.
Le pus que Ion trouve dans le parenchyme pul- monaire s y montre sous deux formes, soit infiltré, soit réuni en foyer.
L'infiltration du parenchyme pulmonaire par le pus est beaucoup plus commune que la formation d'abcès dans ce parenchyme. L'infiltration purulente peut occuper tout un poumon , ou seulement quelques lobules isolés. Là où elle existe , on trouve presque toujours des traces de cette hépatisation rouge qui a été décrite plus haut, de telle sorte que dans pres- que tous les cas l'infiltration purulente succède dans le poumon au plus haut degré d'hyperémie. Cette infiltration peut se faire très-rapidement; on l'a vue, par exemple, bien formée quatre jours seu- lement après qu'avaient commencé à apparaître les premiers signes d'une hyperémie pulmonaire.
Le parenchyme pulmonaire, infiltré de pus, pré- sente une couleur grisâtre, comme cendrée; aussi, par opposition à l'hyperémie au second degré, qu'on a appelée hépatisation rouge, l'infiltration purulente du poumon a reçu le nom d'hépatisation grise. En pressant légèrement le parenchyme pulmonaire in- filtré de pus, on voit s'écouler ce liquide en quantité plus ou moins abondante ; d'autres fois il est néces- saire d'inciser le tissu de l'organe pour arriver à ce résultat. En exprimant le pus qui infiltre le poumon, il arrive souvent qu'on lui rend la couleur rouge de l'hyperémie au second degré, de telle sorte qu'on
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acquiert ainsi la conviction que l'hépatisation grise n'est que cette hyperéuiio, plus une sécrétion puru- lente. En pareil cas, la consistance du paroncbyrae pulmonaire est notablement diminuée ; il s'écrase sous le doigt avec la plus grande facilité, et quel- quefois même il est tellement ramolli, qu'il suffit de le presser légèrement pour le réduire en une bouillie grisâtre, où l'on ne retrouve plus aucune trace de ma- tière organisée. On peut aussi, en pressant de plu- sieurs points vers un seul , faire écouler vers celui-ci, à travers le parencbyme décbiré, une certaine quan- tité de pus, et déterminer ainsi sur le cadavre la for- mation d'un abcès.
Lorsqu'on examine à la loupe un poumon infiltré de pus, l'on arrive aux résultats suivans :
Il est des cas où partout l'on ne trouve autre cbose qu'une innombrable quantité de petites granulations grisâtres, de forme pareille et d'égal volume , pressées les unes contre les autres. Que peuvent être ces gra- nulations , sinon les vésicules pulmonaires? noter d'ailleurs que ces mêmes granulations se retrouvent dans l'hyperémie au second degré ; seulement elles sont rouges dans un cas et grises dans l'autre. D'au- tres fois, on n'observe plus qu'une surface tantôt ru- gueuse, tantôt lisse , sans granulation distincte. Dans ce cas, les granulations de l'état précèdent ou ne sont pas encore suffisamment développées, ou le sont iné- galement, ou bien elles sont arrivées au point de se toucher plus intimement et de se confondre en une seule masse. Enfin , dans les points où , à l'œil nu, le paiencliyme pulmonaire , privé de sa consistance ,
d'aNATOMIE rATHOLOGlQUE. 533
paraît comme macéré dans une grande quantité de pus qui s'écoule en nappe par l'incision , l'cxameri javec la loupe découvre dans ce parenchyme, en sup- puration, une altération bien remarquable. A la place des cavités fermées que représentent dans l'état nor- mal les vésicules et les bronches très-fines qui y abou- tissent , on ne trouve plus qu'un tissu à larges mailles, semblable à celui qui existe dans ces cas d'atrophie du poumon que nous avons décrits plus haut ; ce sont des lames ou des filamens qui s'entrecroisent en sens divers , et qui semblent comme se perdre dans le pus, qui les baigne de toutes parts. Il est bien évident que dans ce cas il y a destruction réelle du parenchyme pulmonaire, et que si, en pareille circonstance, le pus se réunit en foyer, il n'y a pas seulement, dans le Jieu qu'il occupe, refoulement du tissu du poumon. Si l'on examine les divers ordres de va^isseaux qui aboutissent à la portion de parenchyme pulmonaire infiltrée de pus , on trouve que dans le plus grand nombre des cas les bronches sont rouges , bien que le contraire ait aussi été quelquefois observé. Qiiant aux artères et aux veines, elles restent le plus ordi- nairement saines ; dans quelques cas, cependant, elles sont aussi malades, et parfois même ce sont ces vaisseaux qui sont le siège principal de h sup- puration. Ainsi , chez un individu doiîl un certain nombre de lobules pulmonaires paraissaient être en infiltration purulente, j'ai trouvé avec M. Reynaud un caillot sanguin mêlé de pus dans les principales branches de Tarière pulmonaire , dont les parois avaient acquis une friabilité exlrcme. Dans les braii-r
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elles plus petites de ce vaisseau , on ne trouvait plus de sang , mais seulement du pus. On suivait ces branches pleines de pus dans tous les lobules où paraissait exister l'infiltration purulente, et c'était sur- tout à la présence de ce produit morbide dans les petits rameaux de l'artère pulmonaire que semblait dû l'aspect gris des lobules; mais ce qui , dans ce cas, ne me parut pas moins important à noter, c'est que dans un même rameau on voyait trois matières d'as- pect différent , le sang , la fibrine blanche et le pus , se confondre de telle sorte qu'il semblait qne ce fût le sang lui-même qui , après s'être dépouillé de sa ma- tière colorante, s'était transformé en pus par suite d'une altération de sa partie fibrineuse.
Il est aussi quelques cas d'hépalisation rouge qu'un examen attentif porte à distinguer de l'hépatisation ordinaire , et qui en diffèrent réellement par le siège même de l'altération. Dans certains lobules ainsi hé- patisés, on trouve, en les incisant, que les orifices bronchiques , loin d'être oblitérés, restent, au con- traire , béans et semblent même plus dilatés que de coutume ; il ne paraît pas que leurs parois soient no- tablement épaissies; mais les vaisseaux sanguins (soit artères, soit veines) sont remplis d'un sang coagulé. Supposez celui-ci sans matière colorante , privé de sa consistance normale, et enfin redevenu liquide, ne verrez-vous pas se reproduire l'altération signalée dans le précédent paragraphe, et ces deux états ne vous paraîtront -ils pas deux degrés différens d'un même état morbide? Si, au lieu de s'être tout-à-fait liquéfiée , la fibrine n'a perdu qu'une partie de sa
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d'anatomie pathologique. 535
consistance, n'en résultera-t-il pas, au lien d'une in- filtration purulente ^ une apparence d'infiltration en- céphaloïde ou tuberculeuse?
La réunion du pus en foyer au milieu du paren- chyme pulmonaire , de manière à ce qu'il en résulte un véritable abcès , est un cas très-rare d'anatomie pathologique , et l'on a lieu de s'étonner qu'après avoir dit qu'il n'avait eu occasion de voir que très-rare- ment des abcès du poumon sur le cadavre , Laennec ait établi que chez l'homme vivant ils étaient assez communs. Il dit avoir constaté dans une seule année l'existence de vingt abcès du poumon par l'ausculta- tion. Il me paraît évident qu'une erreur complète a été ici commise par Laennec : c'est dans ce cas l'ausculta- tion qui l'a trompé.
M. Sestier , interne à l'hôpital des Enfans-Trouvés, m'a montré le poumon d'un enfant nouveau-né , dont tout le parenchyme était parsemé dé vastes et nom- breux abcès ; ils ne ressemblaient en aucune façon à des excavations tuberculeuses. Rien de pareil n'a jamais été observé à d'autres âges.
Mais ce n'est pas seulement à la suite d'une hy- perémie aiguë du poumon , que des abcès peuvent se former dans le parenchyme de cet organe ; plus fré- quemment peut-être ces abcès y prennent naissance, dans des cas où le poumon ne semble que recevoir dans son tissu une certaine quantité de pus qui s'est formé hors du poumon, et qui y a été apporté avec le sang. Dans ces derniers temps on a assez souvent rencontré dans le poumon , à la suite de grandes opé- ration», des foyers de pus variables en grandeur et en nombre, et sans qu'autour d'eux le tissu pulmo-
556 rr.Écis
naire parût avoir subi la moindre aîtéralion. On a éga- lement rencontre de semblables foyers chez des in- dividus dont plusieurs autres organes , éloignés du poumon, contenaient aussi du pus. Quelquefois aussi, en pareille circonstance, on a trouvé , au lieu d ab- cès, un certain nombre de lobules pulmonaires en in- filtration purulente.
L'examen de ces cas divers me porte à les ranger dans d?;ux classes : dans les uns, il semble que le pus, formé ou introduit dans le torrent circulatoire, en est sorti comme à travers un filtre dans le parenchyme pulmonaire, où il peut soit s'infiltrer, soit se réunir en foyer. jN 'est-ce pas ainsi que le mercure, injecté dans la veine crurale d'un chien , parcourt tout l'arbre circulatoire sans se séparer du sang, et n'abandonne ce liquide que dans le poumon? Dans d'autres cas', une cause inconnue altère le sang, le coagule dans les vaisseaux pulmonaires, et le transforme, dansles rami- fications de ces vaisseaux, en une matière purulente. Dans ce second cas il n'y a pas d'abcès.
Je me suis d'autant plus volontiers arrêté sur ces faits, qu'ils prouvent, avec beaucoup d'autres, que. la suppuration d'un organe ne trouve pas toujours sa cause dans l'état de l'organe lui-môme. Il n'est donc pas possible, dans l'état actuel de la science, de déduire du seul fait de la présence du pus dans un organe la démonstration que l'état morbide appelé inflammation a existé dans cet organe.
d'aNATOMIE rATIIOLOGIOLE. 557
§. II. SÉCRÉTION TUBERCULEUSE.
Les tubercules développés dans le poumon cons- tituent, d'après la plupart des modernes, le caractère anatomique de la phtliisie pulmonaire. Donnant à ce terme une acception plus large, Bayle avait désigné sous le nom de phtliisie toute maladie dans laquelle le poumon est le siège d'une altération qui a pour suite l'ulcération du parenchyme pulmonaire. Ainsi, il avait admis six espèces de phthisie , savoir :
1°, La phthisie tuberculeuse ;
2°. La phthisie granuleuse ;
5^ La phthisie avec mélanose ;
4". Ïj3( phthisie calculeuse ;
5°. La phthisie cancéreuse ;
6°, La phthisie ulcéreuse.
En créant ainsi des espèces de phthisie d'après Is^ nature des altérations dont le poumon est le siège, Bayle aurait dû , pour être conséquent avec lui-même , les multiplier encore davantage; pourquoi n'a-t-il pas admis une phthisie avec hydatides, par exemple, aussi bien qu'une phthisie avec mélanose? A-t-il voulu n'at- tacher le mot phthisie qu'aux cas où il y a production nouvelle dans le poumon? Telle n'a pas été sa pensée , car, dans sa doctrine même, il n'y a aucun produis nouveau dans la phthisie ulcéreuse ; s'il a voulu, au contraire , employer l'expression de phthisie pour tous les états morbides du poumon accompagnés da consomption, pourquoi n'a-t-il pas fait aussi une espèce de phthisie avec simple induration du parenchyme
5 58 ' vwicAs
pulmonaire? car cette induration, sans autre lésion ^ peut produire des symptômes de consomption : que dis-je?une simple hyperëmie chronique des bronches, avec sécrétion abondante , peut donner naissance à tous les symptômes de la phthisie.
L'expression de phthisie n'indiquant donc qu'un symptôme auquel peuvent donner lieu des altérations fort différentes les unes des autres, Laennec a pensé qu'il pourrait être utile de ne la prendre que comme synonyme d'une de ces altératioas, et la phthisie n'a plus été pour lui qu'un mot réservé à exprimer seulement l'état morbide produit par la présence du tubercule dans le poumon.
Cependant, les tubercules que l'on trouve dans le parenchyme pulmonaire sont loin d'avoir été toujours, chez les phthisiques, la cause principale des accidens. Il est effectivement des cas où , dans un lobe pulmo- naire induré en totalité , on rencontre à peine quelques tubercules épars. Dans ce cas, y a-t-il eu phthisie? Non, si l'on réserve ce mot pour les cas où la cause des acci- dens réside dans les tubercules ; car il est bien évident que , dans le cas que nous venons de citer , et qui est loin d'être rare, les tubercules n'ont été > qu'une lésion secondaire, développée au milieu d'une altération du poumon plus ancienne et plus grave. N'attachons donc pas plus d'importance aumot phthisie qu'à beaucoup d'autres mots par lesquels on a désigné la plupart des états morbides; car ces mots, ayant tous une signiûcation arbitraire , ne peuvent avoir non plus qu'une valeur mobile et continuellement chan- geante. Nous ne nous occuperons donc pas à déterminer
d'anatomie patuologique. 539
la valeur du uiot plithisie, pas plus que nous n'avons discuté la valeur des mots pneumonie , bronchite , etc. y çt , après avoir rappelé, comme un fait historique, qu'on désigne le plus généralement aujourd'hui sous le nom de phthisie la maladie produite parla présence de tubercules dans le poumon , nous nous occupe- rons de décrire ce que ces tubercules, dont l'histoire générale a été tracée dans le premier volume, pré- sentent de spécial dans le poumon.
Dans cet organe , comme dans tous les autres , les tubercules se présentent sous forme de petites masses blanches et friables, qui , au bout d'un temps plus ou moins long, se ramollissent, et tendent à être élimi- nées du poumon , laissant à la place qu'ils occupaient une cavité ulcéreuse qui le plus souvent s'étend de plus en plus , d'autres fois reste stationnaire , et dans un petit nombre de cas se cicatrise.
Il est rare qu'on ne trouve dans le poumon qu'un seul tubercule ; il est rare aussi que, lorsqu'il y en a dans un poumon , on n'en découvre pas aussi dans l'autre. Cependant des cas de ce genre ont été ob- servés. C'est surtout dans les lobes supérieurs qu'ils se développent , là où , d'après M. Broussais , l'irri- tation des bronches est aussi la plus fréquente.
Sous le rapport de leur siège , les tubercules peu- vent encore être distingués en ceux qui sont situés à l'intérieur du poumon , et en ceux qui, développés tout-à-fait à sa périphérie, sont visibles à travers la plèvre , qu'ils peuvent irriter et perforer. Des épan- chemens pleurétiques rapidement mortels ont été dus plus d'une fois à ce genre de cause.
54o PRÉCIâ
Une fois développe , le tubercule pulmonaire peut affecter diverses espèces de terminaisons :
1*. 11 devient une masse calcaire qui n'a plus beau- coup d'inconvéniens pour l'économie ;
â*. Il se ramollit , et se transforme en une cavité qui est vulgairement désignée sous le nom de caverne.
Les dimensions des cavernes sont très-variables; il
en est qui recevraient à peine une noisette ; il en est
d'autres qui occupent la place de tout un lobe. Elles
sont uniques ou multiples; elles restent isolées les
unes des autres , ou communiquent ensemble par des
trajets fîstuleux de forme et de grandeur variables.
Les unes sont situées plus ou moins loin de la surface
extérieure du poumon ; les autres sont si près de sa
périphérie, qu'entre elles et les côtes il n'existe plus
parfois qu'une couche très-mince , presque transpa-
ïenle y de parenchyme pulmonaire; cette couche
s'affaisse au moment où l'on détache le poumon des
t.
côtes. Un pareil affaissement n'a pas lieu pendant la vie, parce que, presque toujours, là où existe une caverne superficielle, des adhérences celluleuses in- times unissent entre elles les plèvres costale et pul- :^lanaî^e. Enfin , le reste de tissu pulmonaire qui constitue à la caverne une paroi très-mince peut finir lui-même par se détruire , et alors deux cas se pré- sentent : la paroi détruite peut être suppléée par des adhérences solides qui circonscrivent dans un étroit espace la communication qui s'est établie entre l'ex- cavation tuberculeuse et l'intérieur de la plèvre; alors aucun nouvel accident n'annonce cette communi- cation. Mais traulres fois il n'en est pas ainsi , el , au
-DANATOMIE PATHOLOGIQUE. 54*
iîioment où se perfore la paroi de la caverne , la ma- tière qu'elle contenait s'épanche clans la cavité de la plèvre, et il en résulte d'abord un pneumo-thorax, puis un épanchement de liquide. Une très-petite ca- verne, pourvu qu'elle soit située près de la périphérie du poumon, peut produire cet accident, qui le plus souvent entraîne la mort en très-peu de temps, maïs qui quelquefois, cependant, n'est devenu mortel qu'au bout de vingt-cinq à trente jours. ^
L'intérieur des cavernes est ordinairement traversé par des brides, dont les deux exirémilés adhèrent à ses parois. On trouve dans ces brides : l^ du tissu pulmonaire induré; 'Si°, des vaisseaux dont la cavité «st presque toujours oblitérée; tantôt ils sont trans- formés en un cordon fibreux, dans lequel on ne peut plus découvrir aucune trace de cavité; tantôt à leur centre existe encore un très-petit canal que rem- plit Ordinairement un peu de sang coagulé; ce n'est que dans quelques cas qu'on trouve le canal plus considérable, et qu'au moment où on incise le vais- seau, on voit du sang s'en écouler. Certaines hémop- tysies reconnaissent pour cause la rupture d'un de ces vaisseaux restés perméablei au sang. Quelquefois on trouve rompues les brides dont nous venons de parler, et une de leurs extrémités flotte libre au mi- lieu de la caverne.
Les parois des cavernes sont constituées parle pa- renchyme pulmonaire , tantôt très-sain, tantôt rem- pli de tubercules à différens états, tantôt induré en gris ou en noir. La surface de ces parois présente le plus souvent le parenchyme pulmonaire à nu , ou recouvert seulement d'une couche membraniforme,
542 TRÉCIS
non organisée, qui ne semble être autre chose que la partie la plus concrète de la matière purulente con- tenue dans la caverne. C'est à-peu-près exclusive- ment dans quelques circonstances que nous indi- querons plus bas, que des pseudo-membranes, d'une autre nature, soit fibreuses, soit cartilagineuses, vien- nent à tapisser les parois des cavernes. En un ou plu- sieurs points de la surface de ces parois existent des ouvertures, par lesquelles l'iatërieur de la caverne communique avec les bronches, et qui ne sont autre chose que le résultat de la perforation des parois de ces derniers conduits. De nombreux vaisseaux san- guins rampent aussi sur la surface des parois de la caverne ; mais bien différens des bronches , ils restent presque toujours intacts.
La matière conteuue dans les cavernes n'est pas toujours la même. Le plus souvent c'est un pus blan- châtre ou grisâtre, au milieu duquel sont suspendus de nombreux grumeaux qui ressemblent à des débris de tubercules. D'autres fois, c'est un pus homogène, Variable en consistance et en couleur. On y trouve aussi du sang, soit liquide, soit coagulé. J'y ai ren- contré des fragmens de parenchyme pulmonaire libres de toutes parts. Enfin, on y observe des concrétions calculeuses , également libres de toute adhérence. Ces concrétions s'y sont-elles formées? se sont-elles détachées des parties environnantes du tissu pulmo- naire ?
Les cavernes ne sont pas dues au simple refoule-' ment du parenchyme du poumon. Ce parenchyme est détruit réellement ; c'est un véritable ulcère qui, grandissant sans cesse, n'est bientôt plus en rapport
D ANATOMIE PATIIOLOGIQUli. 545
de dimension avec la masse tuberculeuse qui l'a pré- cédé.
Les Anciens pensaient que cet ulcère était suscep- tible de se cicatriser; de nos jours on a commencé par nier la possibilité de cette cicatrisation ; puis, les recherches de Laennec sont venues nous apprendre que l'opinion des Anciens était fondée non seulement en théorie, mais encore en fait, et qu'effectivement, dans un certain nombre de cas , une excavation tu- berculeuse peut se cicatriser. Yoici, à cet égard, ce qu'a montré l'observation.
Lorsqu'une caverne tend à la guérison, les bornes de l'ulcération se marquent par l'apparition d'une membrane fibro-celluleuse qui en tapisse les parois , tandis qu'à l'intérieur la sécrétion purulente a été remplacée par l'exhalation d'une sérosité limpide. A ce degré en succède un autre où la membrane fibro-celluleuse change de caractère : la couche fi- breuse s'épaissit et tend à devenir cartilagineuse ; la couche celluîeuse prend l'aspect de la membrane mu- queuse qui tapisse l'intérieur des bronches, et avec laquelle on la voit se continuer; une ou plusieurs ouvertures à bords lisses établissent une communi- cation entre les bronches et la cavité accidentelle. Cependant le travail de réparation n'en reste pas là, et deux séries de phénomènes ont lieu : tantôt ies parois de la caverne s'agglutinent^ sa cavité s'efface, et l'on ne trouve plus à la place qu'elle occupait qu'une ligne cellulo-fibreuse, à laquelle aboutissent de larges tuyaux bronchiques qui tout-à-coup s'oblitèrent en se confondant avec celte ligne. Tantôt la couche fi- breuse ou cartilagineuse , développée autour de la
544 PRÉCIS
caverne i augmente d'épaisseur; elle se transforme en masses amorphes qui prennent la place de la ca- vité, et auxquelles aboutissent encore des bronches, comme dans le cas précédent. Enfin , dans quelques circonstances il paràîtrail qu'une caverne s'est fermée par l'accumulation d'une certaine quantité de phos- phate calcaire, là où elle existait; du moins, en a-t- on cité des cas, chez des individus qui, ayant offert, plusieurs années avant leur mort , les signes les plus évidens d'une excavation tuberculeuse , et ayant ce- pendant guéri, ont présenté dans leur poumon, là où avaient été entendu et la pectoriloquie et le gargouillement, de simples amas de phosphate cal- caire. On a aussi trouvé ces mêmes amas chez d'au- tres individus qui, plus ou moins long-temps avant leur mort, avaient échappé à une maladie qui avait présenté tous les signée rationnels de la phthisie pul- monaire.
Ces diverses traces de cicatrisation des cavernes pulmonaires ont été trouvées dans trois circonstances principales :
1°, Dans des cas semblables aux précédens, où à une époque quelconque de leur vie les individus avaient eu une maladie grave de l'appareil respira- toire, qui avait été regardée comme une phthisie.
2°. Dans des cas où les malades, ayant eu jadis une première maladie de poitrine dont ils avaient guéri, avaient été frappés de nouveau par une ma- ladie du même genre , à laquelle ils avaient suc- combé.
5". Dans des cas où, depuis le premier jour où ils ont toussé , les malades lî'ont cessé de dépérir.
D'ANATOMIE rATIIOLOGIQl'E. 5^5
Alors, en même temps qu'une caverne se cicatrise, d'autres se forment.
Ainsi, après la cicatrisation d'une caverne, la ma- ladie peut continuer à marcher par la formation de nouveaux tubercules et de nouvelles cavernes, ou se suspendre pendant un temps plus ou moins long, ou guérir complètement pour ne plus revenir.
Les traces de cicatrisation des cavernes n'ont été rencontrées jusqu'à présent que dans les points où ces cavernes sont les plus fréquentes, c'est-à-dire, dans le sommet des poumons. En pareil cas, ce sommet est le plus ordinairement afl'aissé , revenu sur lui- même et comme raccorni ; il y a dans ce lieu une di- minution évidente du volume des poumons ; des pa- quets de fausses membranes celluleuses comblent le vide que devrait produire cet affaissement, ou bien les parois thoraciques s'affaissent pour se mettre en contact avec le poumon atrophié.
Une fois déposés dans le parenchyme pulmonaire , les tubercules ne peuvent-ils en être chassés qu'a- près s'être préliminaire ment ramollis et transformés en cavernes ? Encore durs ou à l'état de crudité , comme l'on dit, ne peuvent-ils pas quelquefois être résorbés? pour préparer la solution de cette ques- tion, qui est encore indécise, je citerai les faits sui- vans.
En examinant des poumons tuberculeux, il m'est ar- rivé quelquefois de trouver des tubercules qui me frap- paient par leur forme singulière. Arrondis, comme de coutume, dans une partie de leur étendue, ils se ter- minaient par une sorte de prolongement caudal , au milieu duquel était creusé un sillon. De grosses II. 35
Lronclies exislaiont dans leur voisinage. Ponrqnoî cette forme insolite ? Pourquoi celte partie rétrécie et canaliculée ? Eu examinant ces tubercules avec M. Reynaud, nous nous demandions si, comme tout tubercule, ils n'avaient pas été d'abord arrondis dans la totalité de leur étendue ; plus tard, seulement, leur partie Centrale n'avait-elle pas peu-à-peu disparu, soit qu'elle eut été résorbée, soit qu'elle eût passé, molécule à molécule , dans les bronches voisines; de là , rapprochement des portions non résorbées , trans- formation de la masse arrondie en un corps allongé, et production d'un sillon médian. Ce sont là des re- cherches à poursuivre.
Les portions de parenchyme pulmonaire qui en* tourent les tubercules présentent difFérens états.
l^ Ce parenchyme peut être parfaitement sain ; il en est ainsi dans beaucoup de cas où il ne contient encore que des tubercules à l'état de crudité. Cet état sain est plus rare dans les cas où les tubercules ^ont déjà ramollis, ou lorsqu'ils sont remplacés par des cavernes.
2°, Le parenchyme pulmonaire peut être emphy- sémateux; dans ce cas, qui est assez fréquent , il faut admettre deux variétés : tantôt dans les porlions de poumon qui entourent les tubercules, on trouve sim- plement des vésicules dilatées , ce qui établit une sorte de respiration supplémentaire, et tantôt leur dilatation n'est qu'apparente, et les larges cellules qui entourent les tubercules sont le résultat de l'a- t rophie d'un certain nombre de parois broncliiques '^u vésiculaires.
5". Le parenchyme pulmonaire peut être devenu
d'anatomie pathologiquk. 547
imperméable à l'air, par l'induration et l'épaississe- ment des parois des vésicules. Ailleurs, il est comme infiltré de sérosité ou d'un liquide gélatiniforme. Laennec admettait que l'état d'induration que pré- sente le parenchyme pulmonaire autour des tuber- cules était le produit d'une infiltration du tissu du poumon par la matière tuberculeuse. Il attribuait à cette infiltration l'imperméabilité du poumon à l'air, sa couleur grise, sa dureté. « En pareil cas, dit-il, » lorsqu'on coupe le poumon par tranches minces , » les lames enlevées, presqu'aussi fermes qu'un car- » lilage, présentent une surface lisse et polie, et » une teinte homogène , dans laquelle on ne dis- » tingue plus rien des aréoles pulmonaires. » Mais dans cette description voit-on autre chose que la des- cription du plus haut degré de l'induration des parois des vésicules et des petites bronches? Quelle analogie V a-t-il aussi entre la matière tuberculeuse , et l'infiltration gélatiniforme qui existe souvent autour des tubercules, et que Laennec regarde encore comme une infiltration tuberculeuse, qu'il désigne sous le nom d* infiltration tuberculeuse gélatiniforme.
L'induration des poumons n'a lieu souvent que long-temps après la production des tubercules; elle se produit surtout , lorsque les cavernes commencent à se former: d'autres fois, cependant, elle précède la sécrétion tuberculeuse, et loin d'en être regardée comme l'effet, elle doit alors être au moins considé- rée comme la cause occasionelle de leur dévelop- pement. Est-il possible de raisonner autrement dans ces cas, par exemple, qui ne sont rien moins que rares, dans lesquels, au milieu d'un lobe entier, de-
35.
548 piiÉcis
venu imperméable à l'air, apparaissent seulement quel- ques points tuberculeux? Mais un cas encore plus commun , c'est celui où , au milieu du parenchyme pulmonaire, on trouve un certain nombre de lobules, soit encore perméables, mais gorgés de sang ou in- filtrés d'une sérosité louche ou transparente , soit devenus imperméables. Au sein de quelques-uns de ces lobules se montrent quelques grains tuberculeux; mais dans les autres lobules malades il n'y en a au- cune trace, et de plus, on n'en trouve nulle part ailleurs que dans ces lobules. La conséquence de ces faits est facile à tirer ; mais ce n'est pas tout : au lieu d'un lobule entier il peut se faire que les divers états morbides signalés tout-à-l'heure u'exislent que dans cjuelques-unes des vésicules , dont l'ensemble com- pose un lobule , et c'est souvent au sein seulement de ces vésicules altérées que se montrera du tuber- cule.
Dans ces cas divers, Tinspection du poumon frais suffit seule pour montrer qu'autour des tubercules il y a altération du parenchyme pulmonaire. Mais nos recherches à cet égard ne peuvent- elles pas encore aller plus loin? et, dans les cas où, au moment de la nécropsie , le poumon paraît très-sain dans les inter- valles des tubercules, nous est-il possible cependant d'y démontrer la présence d'un certain nombre d'al- térations de la plus haute importance sous le rapport de l'origine de la sécrétion tuberculeuse? Soumettez à Ja dessiccation un poumon qui contient des tuber- cules avec apparence d'état sain du parenchyme autour d'eux, examinez plusieurs tranches de ce poumon, vous trouverez un certain nombre de vésicules dont la ca-
d'anatomie pathologique. 549
vite est dilatée, et dont les parois, notablement épais- sies , présentent une teinte jaunâtre particulière , soit ponctuée, soit uniforme ; en quelques points de ces parois l'épaississement est plus considérable, la teinte jaunâtre plus foncée ; en d'autres points , enfin on dis- tingue dans ces parois de petits corps arrondis, éga- lement jaunâtres, qui sont évidemment des tuber- cules (la teinte jaune n'est vraisemblablement devenue telle que par la dessiccation). Voilà donc un certain nombre de lésions qui précèdent la sécrétion tuber- culeuse, et dont on né peut avoir aucune idée, si l'on n'a examiné le poumon par le procédé de la des- siccation.
Suffit-il donc d'une hyperémie des parois bronchi- ques et vésiculaires pour produire dans le poumon la sécrétion tuberculeuse ? cette hyperémie me semble être le phénomène qui , dans le poumon du moins, pré- cède le plus fréquemment l'apparition des tubercules; mais elle ne peut en être jamais considérée que comme une cause occasionelle qui serait sans inlluence, s'il n'y avait pas d'autres élémens qui concourussent à la production des tubercules. D'ailleurs cette hyperémie n'est-elle pas souvent elle-même un effet, non du tu- bercule qu'elle précède , mais d'une cause qui ne lui donne naissance que pour produire le tubercule?
Pour embrasser dans lout^ son étendue la question de l'étiologie des tubercules pulmonaires, il faudrait discuter toutes les influences qui , placées en nous ou hors de nous, doivent en être réellement consi- dérées comme la cause eOiciente.Mais ce serait nous écarter du but de ce livre , où je ne cherche pas à résoudre la question de la nature et des causes des
5or^ pRÉeis
maladies , mais où je veux seulement montrer quelle part peut avoir l'anatomie pathologique dans la solu- tion de cette question. Or, elle nous apprend que dans les points du poumon où l'on trouve des tuber- cules, il est des cas où l'on ne trouve aucune altéra- tion appréciable, qu'il en est d'autres où les lésions que l'on rencontre ne peuvent être considérées que €omme s'étant développées à la suite des tubercules ; et qu'enfin il est des cas qui ne sont pas les moins nombreux, où ces lésions ont évidemment précédé les tubercules, et doivent être regardés comme ayant concouru à leur production. Ces lésions sont particu- lièrement les suivantes:
1^ L'hyperémie des bronches d'un certain calibre;
2*. L'hyperémie des petites bronches et des vési- cules , sans oblitération de leur cavité ;
5*. L'hyperémie de ces mêmes parties^ avec épais- sissement considérable des parois et oblitération des cavités.
Dans ces deux cas, l'altération peut exister dans tout un lobe, dans quelques lobules , ou seulement dans des fractions de lobules.
4°. Un épanchement de sang dans le tissu du pou- mon. Ce sang se coagule , devient une partie vivante et sécréle du tubercule.
Dans ces derniers temps, le professeur Cruveilhier, en se livrant à une série de recherches fort impor- tantes sur les dillérens phénomènes qui suivent l'in- jeclion du mercure dans les vaisseaux, a trouvé qu'en injectant ce mêlai daits Tarière réuK)rale d'un chien, on déterminait dans le tissu cellulaire la forn)ali(>ii d'un grand nonibie de pelits corps blancs, arrondis,
DANATOMIE PATHOLOGIQUE. 55 1
au centre desquels existait un globule mercuriel ; ce globule était entouré d'un pus concret , caséifonne. En poussant du mercure dans les bronches, M. Cru- veilhier a obtenu le même résultat: des grains blancs, formés par une matière purulente concrète , et avec un globule mercuriel à leur centre , se sont également montrés dans le parenchyme pulmonaire , où ils sem- blaient spécialement occuper les dernières extrémités , de l'arbre bronchique, ou, en d'autres termes, les vésicules. M. Cruveilhier pense qu'il a ainsi déterminé artificiellement la formation de tubercules. Ces expé- riences ont été répétées par le docteur Lombard de Genève, dont j'ai déjà cité ailleurs les intéressantes recherches sur les tubercules : j'ai disséqué avec lui les poumons des animaux dans les bronches desquels du mercure avait été injecté, et voici ce que nous avons observé : le mercure contenu dans les petites bronches y était enveloppé par une couche épaisse d'un mucus puriforme, tout-à-fait liquide en certains points, et en d'autres points assez semblable à la fausse mem- brane du croup , lorsqu'elle n'est encore qu*à demi- solide. En plusieurs endroits les parois bronchiques étaient déchirées, et le mercure , épanché dans le parenchyme pulmonaire , y était entouré d'une ma- tière purulente : nous ne vîmes rien autre chose. Ces animaux furent d'ailleurs examinés à des distances va- riables du Jour où ils avaient été soumis à l'expérience. Je ne doute pas qu'en examinant un grand nombre d'animaux soumis à ce genre d'expériences, on ne trouvât dans les pouuions de quelques-uns de véri- tables tubercules; mais ces tubeccules ne seraient-ils pas alors le produit d'une disposilon .spéciale iiike
552 PRÉCIS
en jeu par rirrilation artificiellement déterminée dans Jes bronches?
Les individus qui meurent avec des tubercules pulmonaires présentent, à l'autopsie, diverses lésions dont les unes sont tout-à-fait accidentelles, et dont les autres coïncident si fréquemment avec un déve- loppement de tubercules dans le poumon, qu'on est porté à croire qu'il y a un rapport de causalité entre ces lésions et les tubercules dont le poumon est le
siège.
D'abord, la lésion la plus remarquable est la for- mation de tubercules dans un grand nombre d'or- ganes qui n'ont avec le poumon aucun rapport de texture ou d'action. C'est surtout dans l'enfance qu'a lieu fréquemment ce développement simultané des tubercules dans plusieurs organes : il a lieu aussi chez les animaux des pays chauds qui viennent mourir dans nos climats. ( Voyez Tome I" , le chapitre sur les Tubercules, )
Les lésions diverses qui coïncident avec les tuber- cules pulmonaires doivent être cherchées dans les voies respiratoires ou hors de ces voies.
Les lésions des voies respiratoires résident :
1°. Dans le larynx, dont les ulcérations ne se mon- trent même presque jamais que comme une compli- cation des tubercules pulmonaires.
2*. Dans la trachée, qui parfois ne présente de la rougeur et des ulcérations que du côté correspondant à celui des poumons, où les tubercules sont les plus nombreux ou Icîf plus avancés.
3". Dans les bronches, qui, bien que souvent rouges, offrent quelquefois un état de bianclieur qui
D ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 555
diminue dans les petites, et qui contraste avec les al- térations graves dont le parenchyme pulmonaire est le siège.
4°. Dans le parenchyme pulmonaire autour des tubercules. Les lésions qu'il éprouve en pareil cas ont été sign»alées plus haut.
5°. Dans la plèvre. Chez presque tous les individus atteints de tubercules pulmonaires on trouve des adhérences intimes des plèvres costale et pulmonaire. Ces adhérences sont d'autant plus intimes que la ma- ladie est plus avancée ; elles sont toujours plus fortes vers le sommet du poumon. Quelques-uns de ces malades succombent soit à un épanchement pleuré- tique intercurrent , soit à un pneumo-thorax , produit par l'ouverture d'une excavation tuberculeuse dans la plèvre.
Les diverses parties qui ne dépendent pas de l'ap- pareil respiratoire se présentent le plus ordinaire- ment dans l'état suivant chez les individus atteints de tubercules pulmonaires (i).
A. Appareil circulatoire.
L'augmentation de volume du cœur est rare chez les individus atteints de tubercules pulmonaires. Sur cent douze cas M. Louis ne l'a observée que trois fois. La diminution de volume du cœur est au con- traire assez fréquente ; elle peut exister avec ou sans amincissement des parois. Le tissu du cœur conserve d'ailleurs le plus ordinairement une bonne consis-
(i) Louis j Recherches sur la phihlsic pulmonaire, cl Clinique Médicale.
554 PRÉCIS
tapce. L'aorte est souvent aussi diminuée de volume.
On a beaucoup parlé des altérations du système lymphatique chez les phthisiques. Tout ce qu'on a dit à cet égard a été bien plus souvent un résultat de la théorie que de l'observation. L'altération de la quantité ou des qualités de la lymphe n'est prouvée par aucun fait ; la seule lésion qu'ayent présentée quel- quefois, chez les phthisiques, les vaisseaux lympha- tiques, c'est la présence d'une matière d'apparence tuberculeuse dans la cavité de quelques-uns d'entre eux. Quant aux ganglions lymphatiques , ils sont eux- mêmes beaucoup moins souvent altérés qu'on ne l'a pensé. Ainsi, chez un grand nombre d'adultes qui jneurent de TafiTection tuberculeuse du poumon, il n'existe aucune aiTection appréciable de ces ganglions : chez les enfans, on les trouve en pareil cas plus sou- vent malades; ils sont tuberculeux comme le poumon.
La rate n'offre rien de particulier à remarquer chez les phthisiques. INous avons déjà traité des circons- tances particulières que présente dans cet organe le développement des tubercules.
B. Jp pareil digestif.
C'est cet appareil qui, sans contredit, se trouve le plus souvent affecté chez les individus aiteints de tubercules pulmonaires. Le ramollissement de lu membrane muqueuse gastrique , une hypcrémie de diverses parties de l'intestin , des ulcéralions dans l'intestin grêle avec production fréquence de tuber- cules autour d'elles ou dans leur fond , telles sont les lésions (jui se Irouveiil chez un si grand nombre de
d'anatomie pathologique. 555
phlhisiques , qu'on serait porté à admettre qu'elles lont partie constituante de la maladie. Ces lésions peuvent précéder ou suivre l'affection pulmonaire; d'autres fois il y a coïncidence dans le développement de leurs symptômes.
On a dit que la fistule à l'anus était une compli- cation fréquente des tubercules pulmonaires. Je n'ai pas vu que les faits justifiassent cette assertion.
C. appareils sécréteurs.
Le tissu cellulaire se dépouille de graisse ; il ne devient que très-rarement le siège d'une infiltration séreuse. Rarement aussi trouve-t-on des épanchemens aqueux dans les diverses membranes séreuses. Presque toujours, comme nous l'avons déjà vu , la plèvre s'ir- rite , et se couvre de fausses membranes au milieu desquelles se sécrète souvent du tubercule. La per- foration de l'intestin est, chez les phlhisiques , une cause assez fréquente de péritonite.
La dégénération graisseuse du foie a été constatée par M. Louis chez un tiers des phthisiques qu'il a observés ; de plus , sur quarante-neuf foies gras, qua- jante-sept appartenaient à des phthisiques. Ainsi, cette altération est commune chez les phthisiques, et elle n'existe à-peu-près exclusivement que chez eux. Paraissant liée à la présence des tubercules dans le poumon, elle ne se montre qu'un certain temps après le développement de ces tubercules ; car on n'observe l'état gras du foie que lorsque les tuber- cules sont déjà ramollis ou transformés en cavernes.
Telle est la seule alléralion notable que présente
556 iMiÉcis
Je foie chez les plilliisiques. Je n'ai observé rictère chez ces malades, que dans un cas où après la mort je trouvai les canaux biliaires comprimés par des masses tuberculeuses. La bile n'offre rien de constant dans son aspect; les calculs biliaires m'ont paru être très-rares chez les individus atteints de tubercules pulmonaires.
L'appareil de la sécrétion urinaire s'est montré à M. Louis dans son état sain chez les trois quarts des sujets. Chez l'autre quart existaient des lésions di- verses qui ne présentaient rien de spécial. Je n'ai trouvé non plus que très-rarement l'appareil ordinaire aflecté chez les phthisiques.
D. jéppareil nerveux.
Il ne présente rien de spécial chez les phthisiques. On trouve seulement les centres nerveux pâles et mous comme dans la plupart des maladies chroniques. L'action de ces centres est elle-même rarement trou- blée ; chez quelques-uns cependant on observe , peu de temps avant la mort, un état de délire qui ne m'a paru pouvoir être expliqué par aucune lésion appré- ciable de l'encéphale.
E. Appareil locomoteur.
Il est peu de maladies où les muscles s'atrophient aussi complètement que dans les cas de ces tubercules puhnonaires. On y voit rarement des tubercules. Ou ne doit regarder encore que comme une hypothèse
d'aNATOMIK PATHOLOGIOrE. ^"Srj
lopinion récemment émise par x\L Larcher, que, dans la plilliisie, les os contiennent moins de phosphate calcaire que de coutume.
L'observation a appris qu'il y a une fréquente liai- son entre l'existence des tumeurs blanches des articu- lations et le développement des tubercules pulmo- naires.
Si de ces détails nous cherchons à remontera quel- que chose de général sur la nature et les causes des lésions diverses qui compliquent si souvent les tuber- cules pulmonaires , nous trouverons que ces lésions peuvent être principalement rapportées à trois chefs.
i". A la môme cause qui dans le poumon produit les tubercules. Cette cause se révèle soit parla pro- duction de tubercules dans d'autres organes , soit par le développement des lésions diverses qui caracté- risent l'affection scrophuleuse. Ces lésions manquent dans les cas assez nombreux où dans le poumon même les tubercules ne sont pas le produit de cette cause. Les anciens avaient saisi cette distinction, lorsqu'ils avaient divisé la phthisie pulmonaire en phthisie con- génitale et en phthisie accidentelle.
2°. A l'altération consécutive de l'hématose. Cette altération ne doit- elle pas nécessairement exister toutes les fois que le poumon, rempli de tubercules, est devenu, dans la plus grande partie de son étendue, imperméable à l'air?
3". A la répétition de l'hyperémie pulmonaire sur différens organes.
558 PRÉCIS
CHAPITRE IV.
LÉSIONS DE L'INNERVATION.
Nous venons do passer en revue les altérations di- verses que l'analomie a jusqu'à présent découvertes dans le poumon. Par ces altérations est -il possible d'expliquer tous les désordres fonctionnels dont l'ap- pareil respiratoire est le siège? Je ne le pense pas^ et il est un certain nombre de ces désordres dont oa ne saurait expliquer la production qu'en admettant une lésion primitive de la portion d'innervation qui, dans les voies respiratoires, préside au développement des actes vitaux.
N'y a-t-il , par exemple , dans la coqueluche d'autre lésion que celles que nous trouvons sur le cadavre? Mais rien de plus variable que les altérations qu'on observe en pareil cas dans les voies respiratoires. D'abord, chez certains enfans on ne découvre autre chose qu'une rougeur plus ou moins vive de la trachée ou des bronches. Chez d'autres, les bronches sont dihitées,et leurs parois sont hypertrophiées ou amin- cies. Chez d'autres existe un emphysème pulmonaire ; ailleurs, des tubercules sont disséminés dans le 'pa- renchyme du poumon, ou spécialement déposés le long des grosses bronches. Enfin, M. Breschetavu deux fois, chez des enfans morts pendant une coque- luche, les nerfs pneumo-gastriques ronges et tuméfiés. Mais rien de semblable n'a été trouvé par M. Billard» qui , dans des cas de coqueluches , a souvent examiné
.' 4 :\T ♦Tz-vATT^ M KTfir^T nr mm? rC
I) ANATOMIE PATITOLOrrrOUT- . bjQ
)e nerf de la huitième paire, sans pouvoir y décou- vrir aucune lésion.
De ces altérations diverses i! n'en est pas une qui puisse être considérée comme la cause de la coque- luche : les unes sont souvent accidentelles, d'autres existent dans toute espèce de catarrhe ; d'autres pa- raissent être un effet de la maladie; ainsi, n'est-ce pas aux efforts répétés delà toux, au mode particulier d'inspiration et d'expiration qui accompagne les quintes, qu'il faut attribuer la dilatation des bronches et de l'emphysème ?
Il est d'autres toux pour la production desquelles la modification de l'innervation joue un rôle encore plus exclusif que dans la coqueluche. Ainsi, un des phénomènes qui, chez certaines femmes, accompa- gnent les attaques d'hystérie , ce sont des quintes de toux , infiniment variables sous le rapport de leur du- rée, de leur intensité et de leur forme.
Parmi les modifications nombreuses que la voix peut subir, il en est plusieurs qui reconnaissent aussi pour cause une modification de l'innervation. N'a-t-on pas vu des individus, fortement ébranlés par une émo- tion morale, perdre toul-à-coup la voix; n'en a-t-on pasvud'autres chez lesquels, en pareille circonstance, la voix perdait subitement son timbre accoutumé? Comment expliquer autrement que par le jeu désor- donné des muscles du larynx, ces cris bizarres que poussent souvent les femmes hystériques, au milieu de leurs accès? Il y a , en pareil cas, convulsion des muscles du larynx , comme des muscles des membres. D'autres fois ces muscles se contractent spasmodique- ment, et il peut en résulter un état subit de sufibca-
56o PRKCIS
tîon dont la femme rapporte très-distinctement le siéffe au larynx.
Mais ce n*est pas dans le larynx seulement que peuvent se produire des dyspnées dont la cause ne saurait être attribuée à autre chose qu'à une modi- fication de l'innervation. Quelque utile effort qu'ait fait dans ces derniers temps l'anatomic pathologique pour rapporter toutes les dyspnées à une cause orga- nique appréciable sur le cadavre , elle n'est pas par- yenue à les expliquer toutes par les lésions qu'elle découvre, et plusieurs me paraissent résulter encore d'une modification de l'innervation ; en d'autres termes, il y a des dyspnées qu'il faut considérer comme des névroses pulmonaires. Quand même on n'arriverait pas à cette conséquence soit par l'examen des symptômes, soit par les ouvertures des cadavres, n'y serait-on pas conduit par les seuls faits physiolo- giques? Ne sait-on pas qu'en coupant sur un animal les nerfs pneumo-gastriques au-dessous des rameaux laryngiens , on apporte obstacle à la transformation du sang veineux en sang artériel? Vicieusement in- fluencé par son système nerveux, le poumon respire mal , comme, en pareil cas, l'estomac digère mal (i).
(i) J'ai cité dans la Clinique Médicale quelques cas de dyspnées mor- telles , dont les unes ne furent expliquées par aucune lésion d'organe , et dont les autres avaient été produites par une tumeur cancéreuse qui avait comprimé et désorganisé les nerfs pneumo-gastriques. Dans un de cea cas le malade avait présenté la plupart des symptômes généraux qui anaoïv cent ordinairement une affection organique du cœur.
#
t) ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 56 1
SECTION TROISIEME.
CORPS thyroïde.
Je n'ai d'autre raison de parler ici de ce corps 5 dont les fonctions sont aussi inconnues que la struc- ture , que parce qu'il est comme annexé au conduit aérifère , sans en être une dépendance , et parce que je ne pourrais en parler ailleurs.
Les lésions qiii ont été jusqu'à présent observées dans le corps thyroïde sont les suivantes :
1°. Tuméfaction aiguë de sa substance, par simple byperémie , due soit à une stase sanguine dans son intérieur 5 soit à une infiltration séreuse de son tissu. On voit quelquefois une semblable tuméfaction sur- venir à la suite dé violens efforts; elle peut alors se montrer subitement. Elle s'établit un peu plus lente- ment 5 mais encore d'une manière aiguë , chez des individus qiii sont soumis à certaines conditions hygié- niques défavorables. Ainsi , M. Coindet de Genève a parlé d'un régiment, composé de jeunes recrues, qui furent presque tous atteints d'une tuméfaction consi- dérable du corps thyroïde peu de temps après leut* arrivée à Genève , où ils buvaient tous de l'eau d'une même pompe ; ils changèrent d'habitation et de bois- IL 56
562 PRÉCIS
son , et le corps thyroïde reprit prompteinent ses^^di- inensions ordinaires.
2°. Augmentation de volume du corps thyroïde par hypertrophie de sa substance. Cette hypertrophie peut être assez considérable pour qu'il en résulte la formation d'une tumeur divisée en plusieurs tobes, comme le corps thyroïde lui-même, qui occupe tout le cou, descend jusqu'au-devant de la poitrine, et peut quelquefois gêner la respiration d'une manière notable.
L'hypertrophie du corps thyroïde n'est qu'un phé- nomène peu important pour le simple anatomisle, et son histoire mérite peu de l'arrêter long-temps. Mais pour celui qui étudie les causes des maladies, il n'en est plus de même : cette lésion ne se présente plus à lui comme une simple lésion locale, il la voit se lier à une modification profonde de la constitution toute entière, il la voit se produire sous l'influence de causes qui agissent sur des populations entières , et qui dans beaucoup de pays rendent cette affection endémique.
5°. Augmentation de volume par développement de productions accidentelles à l'intérieur du corps thyroïde. Ces productions sont très-variées. Les unes sont liquides : ce sont des matières semblables à de la sérosité , à de la gelée, à du miel , à du suif, qui tantôt infiltrent simplement la substance de ce corps, et qui tantôt y sont contenues dans des cellules plus ou moins multipliées. On y trouve aussi des produc- tions solides, des masses fibreuses, cartilagineuses et enfin osseuses. J'ai vu un corps thyroïde transformé en un kyste à parois osseuses , que remplissait une
d'anatomie pathologique. 565
substance semblable à du miel. Du reste, ces cellules, ces kystes, ainsi que le liquide gélatineux qu'on y rencontre , ne paraissent être que t'exagéralion du tissa normal du corps thyroïde, qui, dans son état naturel, semble composé d'un nombre infini de gra- nulations d'où Ton exprime un liquide visqueux. Le premier effet de la simple hypertrophie du corps thy- roïde est de rendre plus manifestes et ces granulations, et le liquide dont elles semblent être l'organe sécré- teur. Ces granulations se transforment d'abord en simples vésicules à parois membraneuses ; puis la tex- ture de celles-ci se modifie, et en même temps s'altère aussi le liquide qu'elles fournissent. C'est ainsi que dans l'ovaire, un certain nombre de productions, les plus différentes les unes des autres, reconnaissent pour point de départ un trouble apporté dans la nu- trition et dans l'exhalation des ovules.
4". Augmentation de volume par dégénération squirrheuse. Cette altération est plus rare dans le corps thyroïde que les précédentes.
Les diverses lésions que nous venons de passer en revue sont ordinairement confondues sous le terme générique de goitre. Ainsi donc , par cette expression , on a dénommé des lésions fort différentes dont la terminaison ne saurait être la même , et qui ne peu- vent céder au même mode de traitement. L'iode, qui dans ces derniers temps a été regardé comme un spécifique contre le goitre, ne peut certainement triompher avec une égale facilité de ses diverses es- pèces ; et s'il a ramené à leur volume naturel des corps thyroïdes augmentés de volume soit par hyperémie , soit par hypertrophie, soit par infiltration séreuse,
36.
564 PRÉCIS
gélatineuse , mélicérique , etc. , il n'est pas vraisem- blable qu'il fît également disparaître des goitres ou bronchocèles spécialement constitués par de la ma- tière osseuse ou squirrheuse. Ajoutons encore qu'on a souvent confondu avec une augmentation de volume du corps thyroïde lui-même des tumeurs produites par le gonflement du tissu cellulaire qui l'entoure^ ou des ganglions lymphatiques du voisinage.
d'anatomie pathologique. 565
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APPAREILS D£S SECRETIONS.
Tout organe de sécrétion se réduit à une surface plus ou moins étendue où un liquide se trouve séparé du sang. Doit-elle être peu considérable? cette surface reste plane ; doit-elle offrir une plus grande étendue? elle commence à devenir concave et à se creuser en cavité. Tantôt elle ne présente encore qu'un seul en- foncement; tantôt elle se divise en deux ou trois; tantôt enfin les enfoncemens se multiplient, et ils s'allongent en canaux, sans cesser toutefois de se ter- miner chacun en un cul-de-sac. Cette dernière dis- position est évidente chez les animaux inférieurs. Chez eux, en effet, certains organes sécréteurs, qui chez l'homme ne forment qu'une masse homogène , perdent l'aspect parenchymateux, et ne sont plus constitués que par un assemblage de canaux fermés à une de leurs extrémités, comme un cul-de-sac; tel ebt le foie des insectes ; ou enfin ils ne sont plus formés que par un seul conduit plusieurs fois con- tourné sur lui-même; tel est le testicule de l'ascaride lonihricoide.
La connaissance de ces faits peut être de quelque iinportance pour nous éclairer sur le mode de foruia-^
5G6 rnKcis
tion et sur la nalore de plusieurs élaî> morbides des organes de sécrétion.
Nous avons parlé, dans le premier volume de cet ouvrage, soit des causes qui, existant hors de l'or- gane lui-même, peuvent en modifier la sécrétion, soit de rinfluence que peut exercer sur toute l'éco- nomie Faltération de la sécrétion la plus simple et la moins importante en apparence. Ainsi , voilà des classes entières de maladies dont la cause ou le point de départ ne saurait nous être révélé par l'anatomie pathologique. Bien plus, l'organe même dont la sé- crétion a été troublée pendant la vie, peut se mon- trer , après la mort, exempt de toute altération ap- préciable. Keconnaîtrez-vous après la mort que la peau d'un phthisique se couvrait chaque jour d'une sueur abondante ?
Déjà aussi nous avons dit que les diverses substance.^ sécrétées ne pouvaient normalement se séparer dn sang que dans des organes particuliers dont la spé- cialité de texture entraînait la spécialité de sécrétion. Cependant nous avons tix)uvé, comme faisant excep- lion à la loi précédente, ce fluide perspirable qui se forme partout où existe une molécule vivante. Toute- fois ce fluide lui-même se forme d'une manière plus appréciable dans le tissu cellulaire et dans les mem- branes séreuses. L'exhalation de ce fluide paraît être même la principale fonction de ces parties ; aussi ai-je cru devoir ranger leurs maladies parmi les ma- ladies des appareils de sécrétion. Toutefois, ayant déjà parlé (tome I". ) de leurs principales altérations,, je ne ferai ici qu'eu présenter le tableau général. Je ne dirai rien non plus des maladies des follicules ,
n*ANATOMlE PATHOLOGIQUE. 567
parce que la description des étais morbides de ces petits ofo^anes sécréteurs ne saurait être séparée de la description des maladies des membranes tégumen- taires. Je n'aurai donc à insister avec détail que sur les maladies des organes glandulaires proprement diis.
568 PRÉCIS
SECTION PREMIERE.
MALADIES
DES APPAREILS SPÉCIAUX DE SÉCRÉTION PERSPIRATOIRE. (Tissu cellulaire et membranes séreuses.)
Consrdéré hors des organes dont il constitue la trame, et dans lesquels il paraît être le point de dé- part de tant d'altérations diverses (soit de nutrition, soit de sécrétion), le tissu cellulaire présente des lésions qui ne diffèrent en rien des lésions des mem- branes séreuses. Qu'est-ce en effet qu'une membrane séreuse , si ce n'est une grande vacuole de tissu cel- luîaire ?
Dans le tissu cellulaire comme dans les mem- branes séreuses, les altérations peuvent être pré- sentées , soit par l'élément solide qui les constitue , soit par le fluide qui remplit leurs cavités. Les mem- branes séreuses elles-mêmes sont beaucoup moins' souvent altérées dans leur tissu proprement dit que dans la couche celluleuse qui en tapisse la surface externe.
d'anatomie pathologique. 5O9
CHAPITRE PREMIER.
LÉSIONS DU TISSU SÉCRÉTEUR.
Dans la plupart des cas où les produits morbides qui existent à l'intérieur d'une séreuse attestent l'état morbide de cette membrane elle-même, son tissu ne présente aucune lésion appréciable. Très- rarement on y a rencontré quelques vaisseaux rouges; rarement aussi on l'a trouvé épaissie ; un peu plus souvent ce tissu s'est montré ramolli et friable.
Dans beaucoup de cas où la membrane séreuse ne présente aucune lésion, le tissu cellulaire sous-sé- reux est assez souvent le siège d'une injection plus ou moins vive qui coïncide fréquemment , mais non pas constamment, avec un épanchement morbide dans la cavité de la séreuse. Quelquefois, au lieu d'une simple injection, il présente des extravasalions san- guines, des ecchymoses; tantôt celles-ci paraissent liées à un travail d'byperémie active ; tantôt elles semblent être le résultat d'un obstacle à la circulation veineuse.
Le tissu cellulaire sons-séreux devient aussi le siège d'un certain nombre d'altéra lions de nutrition. Ainsi il s'épaissit, s'indure , et alors il se présente, en dehors de la séreuse, sous forme d'une couche blanche ou grisâtre d'une grande densité , criant sous le scalpel, et présentant, à un certain degré d'endur- cissement, une ressemblance parfaite avec le llssu scfiiirr/ietfx des auteurs. C'est une altération semblable* à celle que nous avons déjà étudiée dans le tissu
570 ruÉcLs
cellulaire sous-muqiieux, et qu'on observe aussi soit dans le tissu cellulaire sous-cutané , soit dans le tissu cellulaire intermusculaire, partout enfin où apparaît du tissu cellulaire libre. Dans ces divers points la lésion est identique, et cependant des noms différens lui ont été imposés : ce qui a été appelé squln^he dans^ l'estomac , ne l'a plus été dans le tissu cellulaire sous- séreux ou sous-cutané.
Au lieu de s'indurer simplement , le tissu cellu- laire sous-séreux tend assez souvent à changer de nature : il se transforme en tissu fibreux ou carti- lagineux , et enfin il s'ossifie. Ces transformations peuvent n'exister qu'en quelques points épars d'une membrane séreuse , ou en occuper toute l'étendue. De semblables transformations ont été trouvées à la face externe de toutes les membranes séreuses. Ainsi Ton a rencontré quelquefois une grande partie de la surface convexe des hémisphères cérébraux recou- verte par une large plaque cartilagineuse ou osseuse, semblable à une voûte. Des plaques du même genre ont été encore observées dans la grande faux céré- brale et dans la tente du cervelet. Dans le canal vertébral, le tissu cellulaire sous -arachnoïdien qui est en contact avec la moelle est quelquefois par- semé d'un certain nombre de taches blanches ^ qui ont la consistance de l'os , mais plus souvent du cartilage. On a vu la plèvre costale séparée des cotes dans une grande partie de son étendue par une membrane cartilagineuse ou osseuse , et lorsque le poumon a été refoulé vers la colonne vertébrale par un épanchement pleurétique , il n'est pas rare de le trouver comme emprisonné par une cloison
D*ANAT0MI5 FATIIOI.OGIQUK. 57 1
de substance cartilagineuse ou osseuse, qui s'oppo- serait invinciblement à ce qu'il reprît son volume primitif, quand même l'epanchement viendrait à disparaître. Des plaques cartilagineuses ou osseuses sont parfois aussi interposées entre le tissu du cœur et la lame séreuse qui le recouvre. Les taches blanches qu'il n'est pas rare de rencontrer à la surface extérieure du cœur, ont également leur siège dans le tissu cellu- laire sous-séreux.
La transformation cartilagineuse ou osseuse ne se montre pas avec une égale fréquence dans toutes les parties du tissu cellulaire sous-péritonéal. Ainsi je ne sache pas que cette transformation ait jamais été obser- vée dans la couche celluleuse qui unit le péritoine au tube digestif, excepté dans des cas de hernie. Au con- traire, cette transformation n'est pas rare autour de la rate, à la face supérieure du foie, ou inférieure du diaphragme. La plupart des cas de transformation osseuse de ce muscle, dont il est question dans les auteurs, ne me semblent être autre chose que des cas dans lesquels une couche de matière osseuse en tapissait l'une ou l'autre face (1).
(i) Au moment où je corrige cette épreuve , M. le docteur Tavernier me remet la note suivante :
Chez un homme d'une soixantaine d'années, dont nous fîmes derni«;re- ment l'ouverture, M. Goupil et moi , nous trouvâmes , dans l'épaisseur de la porîion droite du diaphragme , une plaque osso-cartilagineuse , de forme irrégulièrement quadrilatère, et de l'étendue de trois pouces à trois pouces et demi. Cette plaque pouvait être isolée de la plèvre et du péiitoine ; elle était bien évidemment formée aux dépens des tissus musculaire et fibreux du diaphragme , dont on n'apercevait aucun vestige dans ce point. Osseuse à son centre, dansl'élendue d'un pouce à-peu-près, elle devenait cartila- gineuse en approchant de ses bords, qui, plus minces, avaient l'aspect du
S72 pnÉcis
Enfin cette môine transformation a été observée dans la tunique vaginale.
De nombreuses altérations de sécrétion peuvent aussi avoir leur siège dans le tissu cellulaire sous-séreux. Ces altérations sont spécialement les suivantes :
1°. Une accumulation de sang en nature. Elle est tantôt peu considérable , et elle représente de petites taches qui paraissent n'avoir donné lieu pendant la vie h aucun accident ; tantôt l'hémorrhagie est plus abondante, et elle peut avoir été la cause de la nia- ladre et de la mort ; ainsi quelques apoplexies recon- naissent pour cause un épanchement de sang opéré dans le tissu cellulaire sous-arachnoidien de la con- vexité des hémisphères.
2^ Un épanchement de sérosité autour des hémi- sphères cérébraux. Cette sérosité, pour peu qu'elle soit abondante , soulève l'arachnoïde et doit tendre à comprimer le cerveau. Elle a quelquefois un aspect gélutiniiorme et assez de consistance pour qu'elle ne s'écoule pas après qu'on a incisé l'arachnoïde. Du reste, autour du cerveau et de la moelle, existe nor- malement un liquide, dont les belles recherches de M. Magendie ont récemment démontré l'importance. Ce liquide est tellement abondant, pendant la vie, autour de \<x moelle, que , lorsque sur un animal vi- vant l'on enlève la paroi postérieure du canal ver-
tisso fibreux, et se confondaient peu-à peu avec les parties saines du di.'iphragme.
Cet honiine présentait d'ailleurs quelques autres points d'ossification clans les anneaux de la trachée artère , à la naissance de l'aorte , etc.
Dans ce cas il semble évident que le diapluagtne lui -mêuic elait le siég^î dc-l'i l.ani>i\niialion lartiLigineuse et osseuse.
D^ANATOMIE PATIIOLOGIOI E. ^'jT)
i<^bral , près de l'occiput , et qu'on incise raraclinoïcle distendue par ce liquide, on le voit jaillir h plusieurs pouces de hauteur. La quantité du liquide cérébro- spinal est en rapport inverse du développement de la masse nerveuse encéphalo-racbidienne. M. Magen- die a constaté que chez beaucoup de vieillards, dont le cerveau paraît s'atrophier , ce liquide se trouve à son maximum d'abondance. Qui peut dire maintenant jusqu'à quel point un simple dérangement dans les proportions du liquide cérébro-spinal , soit en plus , soit en moins, ne peut pas apporter dans l'exercice des fonctions nerveuses un trouble bien plus grand que telle autre lésion beaucoup plus considérable en apparence?
Dans le tissu cellulaire subjacent aux autres mem- branes séreuses , il n'existe normalement aucun li- quide ; l'accumulation de sérosité dans ce tissu y an- nonce donc constamment un état morbide. J'ai trouvé assez souvent le tissu cellulaire sous -pleural creusé par des aréoles que remplissait un liquide gélatini- forme. Tantôt c'était là la seule lésion, tanfôtil y avait en même temps épaississement, induration, aspect lardacé de ce tissu cellulaire.
3*. Dans certaines portions du tissu cellulaire sous- séreux existe normalement une certaine quantité de graisse. Lorsqu'elle est très-abondante , elle pousse au-devant d'elle la membrane séreuse , et fait saillie dans sa cavité comme une sorte de frange. Quelque- fois cette graisse s'altère ; elle acquiert une dureté insolite , et chacune de ses vésicules apparaît sous la forme d'une granulation grisâtre, demi-transparente, d'une consistance assez grande pour qu'on ne puisse
5^4 PRÉCIS
plusTëcraser sous le doigt. En s'iigglomérant , ces vé- sicules peuvent constituer des tumeurs plus ou moins considérables qui se divisent en granulations, comme le tissu du pancréas. J'ai rencontré des tumeurs de ce genre dans l'épaisseur du grand épiploon ; c'est en- core là une des espèces d'altérations qui ont été con- fondues sous le nom de squirrlie ou de cancer.
4*. Du pus infiltre quelquefois le tissu cellulaire sous -séreux ; on l'y trouve amassé en foyer. C'est même presque toujours dans le tissu cellulaire sous- arachnoïdien , et non dans la cavité même de la sé- reuse , que se forme le pus qu'on trouve étendu en couche plus ou moins épaisse à la surface des hémi- sphères cérébraux. Au contraire, dans les autres mem- branes séreuses, on rencontre bien plus souvent du pus à l'intérieur de la membrane qu'on n'en ren- contre à sa surface extérieure. C'es^t en général dans les points où le tissu cellulaire sous-séreux a la plus grande laxité, que la formation du pus a lieu le plus fréquemment. Ainsi , autour des plèvres le seul point où se forment les abcès, c'est le médiastin antérieur. Ainsi les ligamens larges de l'utérus sont souvent le siège de collections purulentes, soit isolément, soit en même temps que du pus s'est épanché dans la ca- vité péritonéale.
5**. D'autres produits de sécrétion morbide ont été rencontrés dans les diverses parties du tissu cellulaire -sous-séreux. On y a vu de la mélanose; mais le produit morbide qui s'y est montré le plus fréquemment , c'est le tubercule. C'est surtout dans la plèvre et dans le péritoine qu'on l'observe le plus souvent. Dans la plèvre, il parsème souvent des portions de tissu cel-
d'anatomie tatuologique. 5^5
kilaire considérablement épaissies. Dans le péritoine, une innombrable quantité de grains tuberculeux parsèment souvent à-Ia-fois Tépiploon, le péritoine qui revêt les parois abdominales , et celui qui est étendu sur les dififérens organes. Dans le tissu cellu- laire sous-séreux des intestins , on trouve surtout de nombreux tubercules vers les points qui correspon- dent à des ulcérations intestinales.
CHAPITRE II.
LÉSIONS DU LIQUIDE SÉCRÉTÉ.
Soit que les diverses lésions qui viennent d être passées en revue existent ou non , la cavité même de . la séreuse peut contenir diverses productions mor- bides, gazeuses, liquides ou solides.
Les gaz que Ton trouve dans les cavités des mem- branes séreuses sont quelquefois un produit de sécré- tion du tissu même de ces membranes ; mais ce n'est pas là le cas le plus commun , et bien plus souvent ces gaz ne sont pas nés dans la séreuse même , et ils y ont été accidentellement introduits. C'est ainsi que dans presque tous les cas de pneumo-thorax le gaz con- tenu dans la plèvre est de l'air atmosphérique qui a passé de l'intérieur des bronches dans la plèvre , par suite de la perforation des parois d'une excavation tuberculeuse située tout près de la périphérie du poumon.
L'existence de gaz dans le tissu cellulaire résulte
5-6 , VRÊcis
souvent aussi d'une plaie du parenchyme pulmonaire5 à travers laquelle l'air va s'infdtrer dans tout le tissu cellulaire sous-cutanë. Quelquefois, cependant, l'on observe le développement spontané de l'emphysème: tantôt il reste partiel , tantôt il est général. De pareils .cas sont d'ailleurs rares, et les conditions qui les font naître sont encore bien peu connues.
Lés substances liquides ou solides qu'on trouve dans la cavité des séreuses sont principalement :
1°. De la sérosité en quantité variable : tantôt elle présente une composition analogue à celle du sérum du sang ; tantôt elle en difl'ère par sa proportion d'al- bumine , qui est ou plus abondante , ou plus rare que Talbumine du sérum du sang.
s". Cette même sérosité unie à une certaine quantité de la matière colorante du sang.
5". Du sang en nature. Le péritoine et la plèvre sont surtout assez fréquemment le siège d'hémorrha- gies véritables.
4^ Du pus qui remplit souvent la cavité d'une sé- reuse, dont le tissu ne présente pas même de lésion appréciable.
S**. La matière spontanément coagulable et organi- sable qui produit les pseudo-membranes.
Le plan adopté dans cet ouvrage m'a obligé de dé^ crire ces pseudo-membranes dans le tome I ; je ne puis donc ici qu'y renvoyer.
J'ai aussi indiqué ( tom. 1) les conditions diverses sous l'influence desquelles la sérosité s'accumule , soit dans les membranes séreuses, soit dans le tissu cellulaire. Je ne parlerai ici que d'une variété de Viiifiitralion séreuse du tissu cellulaire > qui est connue
d'ana-comie pathologiqlk. ' 577
depuis long-temps sous le nom d'eîuiurcissemenl du tissu cellulaire des nouveau-nés.
Cet endurcissement n*est autre chose que le résuilnt d'une accumulation de sérosité dans le tissu cellulaire sous-cutané et inlermusculaire des enfans nouvelle- ment nés. Plusieurs présentent cet endurcissement en venaat au monde; chez d'autres, il se manifeste très-peu de temps après la naissance. On ne trouve dans le tissu cellulaire rien autre chose que de la séro- sité accumulée qui y reste à l'état liquide. Souvent il y a en même temps infiltration de sérosité dans d'au- tres parties du tissu cellulaire. M. Billard a constaté l'existence de cette infiltration dans le tissu cellulaire sous-péritonéal,dans celui qui remplit les médiastins, dans les plexus choroïdes. Quelquefois aussi l'endur- cissement du tissu cellulaire coïncide avec un œdème du poumon*
1/infiltration séreuse sous-cutanée est souvent par- tielle , bornée, par exemple, aux mains, aux jambes ou aux pieds. D'autres fois, elle est générale, et, dans ce cas, tan Lot commençant en un point, elle envahit successivement toute la périphérie du corps , tantôt elle se montre simultanément dans tous les points de celte périphérie.
L'endurcissement du tissu cellulaire des nouveau- nés coïncide chez eux avec un état de plénitude re- marquable du système circulatoire : les principales veines intérieures sont gorgées de sang; l'enveloppe cutanée est souvent remarquable par sa décoloration complète; d'autres fois la peau présente, au contraire, une rougeur qui est en rapport avec l'élat de pléthore , générale. D'autres fois , enfin, elle offre une teinte II. 37
57^:^ ' rnECfs
jaune très-prononcce ; sur soixanîe-dix-sept en fans
atteints d'œclème , M. Billard cii a observé trente
ictériques.
La mort peut survenir chez les nouveau - nés at- teints de l'endurcissement du tissu cellulaire , sans qu'on trouve de lésion grave dans aucun organe ^ seu- lement on observe dans les divers réseaux capillaires ime congestion considérable. Mais le plus souvent l'ouverture des cadavres montre l'existence de quel- que afl'ection du cerveau , des poumons ou du tube digestif, qui doit être regardée comme la principale cause de la mort.
On a cherché dans différentes lésions la cause de l'endurcissement du tissu cellulaire des nouveau-nés; mais, d'une part, aucune de ces lésions n'est cons- tante, et, d'autre part, elles peuvent toutes exister, sans être accompagnées d'endurcissement du tissu cellulaire (i).
Ainsi , l'on a attribué cet endurcissement à l'état morbide du foie; mais cette opinion ne saurait être .soutenue , car sur quatre-vingt-six enfans M. Billard n'a trouvé le foie malade que dans vingt cas : dans onze il était le siège d'une assez forte congestion san- guine ; dans cinq cas, il était de plus très-friable, et la bile était presque concrétée. Enfin, dans les quatre autres cas, il était, au contraire , augmenté de consistance , et il avait une couleur ardoisée.
Attribuerons-nous avec d'autres auteurs l'endur- cissement du tissu cellulaire des nouveau-nés à l'état morbide des poumons? Pas plus qu'à l'état du foie,
(i) Billard , nper. cil.
d'anatomte pathologique. 5 79
carsur soîxanle-dix-sept enfans œdémaleux, quarante- liois ont présenté à M. Billard un état très-sain des poumons. Chez les trente-quatre autres il y en avait quinze dont le poumon était le siège d'une congestion passive opérée pendant l'agonie ou après la mort ; chez douze autres le poumon présentait une con- gestion sanguine active, et chez sept autres il y avait liépatisation pulmonaire.
Quelques faits intéressans, cités par M. Breschet, avaient porté ce savant analomiste à admettre que la persistance du trou botal après la naissance pouvait être considérée comme la cause de l'œdème des nou- veau-nés. Mais des faits plus nombreux, cités par M. Billard, ne permettent plus de soutenir cette opinion.
Enfin , un autre auteur, M. Denis (0 , n'a vu autre chose dans l'œdème des nouveau-nés qu'un résultat sympathique d'une irritation gastro-intestinale, et il l'a appelé phlcgmasie entera -cellulaire. A cela, nous répondrons que chez les enfans qui meurent avec un endurcissement du tissu cellulaire , on ne trouve pas plus constamment le tube digestif malade que le foie , le poumon ou le cœur. On ne trouve même pas chez eux des traces plus fréquentes d'irritation gastro- intestinale que chez les enfans qui meurent avec toute autre maladie.
L'endurcissement du tissu cellulaire des nouveau- nés ne peut donc être rapporté , dans l'état actuel de la science, à l'affection constante d'aucun organe; ce qu'il y a chez ces enfans de plus constant , quoique ce
(1) Recherches d'anatomic et de physiologie pathologique sur plusieurs ?na- ladics des nouveau-nés,
07.
58o ' PRÉCIS
fait lui-uièuie ne .^oit pas sans exception , c'est un état d'hyperémio générale de tous les tissus : partout où l'on porte le scalpel , on voit , dit M. Billard, ruisseler du sang veineux, l^a peau est en même tcLips très- sèche : fortement tendue sur le tissu cellulaire tu- méfié , elle semble avoir cessé de transpirer ; aussi , dans beaucoup de cas, voit-on Taedème disparaître rapidement à la suite de l'emploi de frictions irri- tantes et d'applications chaudes sur la peau qui pro- duisent une transpiration abondante.
Il paraît donc que la suppression de la perspiration cutanée joue un rôle dans la production de l'endur- cissement du tissu cellulaire des nouveau-nés. Aussi a-t-on observé que cet endurcissement est infiniment plus fréquent dans les saisons froides et parmi les enfans des classes pauvres. Toutefois, ce point lui- même mérite encore de nouvelles recherches. Ainsi , il résulte d'un travail fait par M. Billard, que pendant l'anhée 1826 le mois de mai a été, après le mois de novembre , celui où l'on a reçu à l'hôpital des Enfans- Trouvés le plus d'enfans œdémateux. Ce n'est pour- tant pas dans le mois de mai que l'influence du froid doit se faire le plus sentir. Cela tient-il à quelque circonstance particulière à l'année 1826? Il serait faeile de s'en assurer , en faisant un relevé semblable dans le même hôpital pendant un certain nombre d'années.
L'endurcissement du tissu cellulaire , par infiltra- tion séreuse de ce tissu , doit être distingué d'une utre espèce d'endiu'cisseinent dans lequel , au lieu de sérosité , on trouve la graisse sous-cutanée d'une consistance remarquable , et comme figée. Mais ce
d'anatomie PATUOIOGIQUE. 58 l
n'est ordinairement que pendant l'agçnie, ou même après la mort , que survient cet endurcissement par- ticulier du tissu adipeux, dont les causes sont encore inconnues (i ). -
(i) J'ai parlé dans le tome I des recherches chimiques faites par M. Che- vreul , sur les altérations des liquides chez les nouveau-nés aMeints de l'endurcissement du tissu cellulaire.
582 FUÉCIS
4
SECTION DEUXIEME.
MALADIES DES APPAREILS
DE SÉCIiÉTION GLANDULAIRE,
N'ayant l'intention de m'occuper dans cet ouvrage que de Tanatomie pathologique des organes dont les maladies sont du domaine de la médecine proprement dite, je ne vais spécialement traiter dans cette section que des maladies de l'appareil hépatique et de l'ap- pareil urinaire. Quant au pancréas, je me contenterai de dire ici qu'il est infiniment rare de le trouver al- téré. Quelquefois je l'ai trouvé plus rouge que de coutume , et dans d'autres cas d'une densité remar- quable. Sur quelques cadavres il était comprimé et comme atrophié par des masses squirrheuses ou tu- berculeuses développées autour de lui ou entre ses grains. Une seule fois, j'ai trouvé une par.tie du pan- créas ( c'était son extrémité hépatique ) , transformée en une masse d'un blanc grisâtre, dure, homogène^ dans laquelle ne pouvait être reconnue aucune trace de l'organisation normale de cette glande. Une autre fois, j'ai rencontré au milieu de son corps deux petits abcès, isolés l'un de l'autre, dans chacun desquels une noisette aurait pu être placée ; mais, en générai, on peut aiïirmer que le pancréas est un dvs organes
b'aNATOMIE rATIIOLOGlQUE. 583
dont les altérations sont les moins communes. Ce n'est donc que par hypothèse qu'on a fait jouer un rôle important à cet organe dans certaines affections gastriques , où l'on a cru pouvoir attribuer le déran- gement de la digestion à un dérangement de la sé- crétion du pancréas. Je n'ai pas vu qu'il fût modifié d'une manière appréciable , soit dans les diverses ma- .ladies du tubq digestif, soit dans celles du foie.
CHAPITRE PREMIER.
MALADIES DU FOIE ET DE SES ANNEXES,
Ces maladies ont leur siège dans la substance mùme du foie, ou dans ses voies d'excrétion.
ARTICLE PREMIER.
MALADIES PU PARENCHYME DU FOIE.
La plupart des états morbides de ce parenchyme ont élé décrits sous le nom d'hépatite aiguë ou chro- nique ; mais cette expression porte avec elle un sens encore plus vague que les expressions de gastrite ou de pneumonite. Ici encore je vais me contenter de décrire les diverses altéra lions dont le foie peut être atteint, sans leur imposer de nom spécial, et on me bornant à discuter hi nature et les causes de chacune de CCS altérations.
584 PRÉCIS
Lorsqu'on examine avec quelque soin un cerlain nombre de foies, Ton y reconnaît l'existence de deux substances: l'une iQugeâtre, où se ramlBe surtout le système capillaire de l'organe ; l'autre blanche ou jaunâtre , qui semble surtout destinée à l'accomplis- sement de la sécrétion biliaire.
Dans l'état normal ces deux substances sont dis- tinctes ; mais il faut cependant une certaine attention pour les reconnaître. Lorsque plus de sang que de coutume vient à stagner dans le foie , la distinctioa des deux substances s'efïace , et le foie présente par- tout une teinte rouge uniiorme. Lorsqu'au contraire le foie contient moins, de sang que de coutume, la substance jaune devient plus apparente, et quelque- fois la substance rouge vient elle-même à se déco- lorer. Alors, dans sa totalité, le foie présente une teinte blanchâtre où les deux substances peuvent encore être reconnues.
Ces diverses nuances de coloration peuvent être dues, i"*. à la gêne mécanique de la circulation vei- neuse ; alors le foie est uniformément rouge ; 2**. à la diminution de la masse totale du sang ; alors le foie se montre plus ou moins complètement décoloré ; 3". à certaines affections du foie lui-même, d'où peut résulter, pour cet organe comme pour tous les autres, un état d'hyperémîe ou d'anémie.
Ainsi, un simple cliangement dans les proportions du sang suffît pour faire varier notablement l'aspect du foie, en produisant divers degrés d'hyperémie ou d'anémie dans les deux substances qui le coinposent;, mais ce n'est pas tout : l'aspect du foie peut encore, singulièrement varier en raison des cliangcmens de.
d'ana-tomie pathologique. 585
texture qui peuvent survenir dans l'une ou dans l'autre
de ces substances.
• La substance blanche peut, par exemple, s'hyper- trophier d'une manière isolée ; cette hypertrophie présente deux degrés : dans l'un , on trouve l'intérieur du foie parcouru par des lignes ou des circonvolutions d'un blanc jaunâtre beaucoup plus prononcées que dans l'état normal. Dansuu autre degré, le foie, tant .à l'intérieur qu'à l'extérieur, est parsemé de granu- lations nombreuses, soit isolées, soit agglomérées, remarquables par leur couleur assez semblable à celle d'une cire un peu Jaune. En disséquant avec soin des foies où existent ces granulations, il m'a paru évident qu'elles n'étaient autre chose qu'un résultat de l'hy- pertrophie de la substance blanche du foie. Le doc- teur Boulland ( i ) a très-bien démontré qu'il ne fallait qu'une exagération de la structure normale du foie , un développement insolite des acin'i, pour donner au foie l'aspect granuleux. Ainsi, pour les granula- tions hépatiques comme pour les granulations pul- monaires , il n'est pas besoin d'admettre la production d'aucun nouveau tissu ; dans toutes les deux, c'est une simple modification de forme qui résulte d'une modification dans la structure d'une des parties cons- tituantes de l'organe. Dans le foie comme dans le poumon, c'est la partie où s'accomplit spécialement la fonction qui, par son hypertrophie, produit la forme de granulation ; dans le poumon , c'est la vé- sicule ; dans le foie, c'est Vacinus.
Ce n'est point ainsi qu'ont toujours été considérées
{i.) Mèmciresilc la Scciité mùJicaU d' émulation , lom. IX.
586 piiÉci&
les granulations du foie. Ces petits graips , semblables à des grains de cire jaune , avaient été regardés par Laëhnec comme uii» tissu accidentel créé de toutes pièces dans le foie comme, une hydatide; ce tissu , il l'avait appelé cirrhose en raison de sa couleur» Ce que j'ai dit dans le précédent, alinéa me semble réfuter sufTisamment cette opinion.
En même temps que la substance blanche du foie se développe de manière à donner naissance aux gra- nulations qui viennent d'être décrites, la substance rouge peut rester dans son état naturel ; mais d'autres, fois elle s'altère, soit dans sa couleur, qui est sou- vent alors très-pale ou d'un vert olive, soit dans son volume , qui peut également augmenter ou diminuer. Y a-t-il augmentation de ce volume , le foie, dans sa totalité , présente une masse plus considérable. Ce volume est-il au contraire diminué , le foie devient beaucoup plus petit que de coutume; il s'atrophie, et en même temps il présente dans sa forme les mo- diiications les plus bizarres, qui dépendent, d'une part, des variétés de retrait que peut présenter la substance rouge, et d'autre part , de l'inégalité d'hy- pertrophie de la substance blanche. Laënnec avait fort; bien remarqué que la cirrhose était souvent ac- compagnée d'une atrophie plus ou moins considérable du foie, d'un état de ratatinement de cet organe. En s'atrophiant, la substance rouge du foie devient infini- nient moins vasculaire, les, injections la pénètrent beaucoup plus difficilement , et il semble que dans cerlairis cas elle soit transformée en grande parlie en tissu cellulaire ou cellulo-libreux. L'ascite accom- pagne presque conslamment cet état du foie=
d'anatomie pathologiql'e. 5S7
Indépendamment des divers degrés d'hyperémie ou d'anémie que peut présenter la substance rouge, indépendamment de son atrophie , dont il vient d'être question , la substance rouge du foie est susceptible de présenter une hypertrophie fort remarquable, lï en résulte à l'intérieur du foie des petites masses dures, et rouges qui se distinguent du parenchyme environ- nant par leur consistance plus grande et par leur couleur plus foncée. Ces masses peuvent être inégales en forme et en volume , ou bien être distribuées dans le foie de telle sorte qu'il en résulte une division de cet organe en un certain nombre de lobules sem- blables.
Que, si, après avoir étudié tes altérations diverses que peut subir isoiément.chacune des deux substan- ces du foie, nous arrivons à étudier d'une manière • générale les altérations de toute sa masse, nous y trouverons, comme partout ailleurs, des lésions de circulation, de nutrition ou de sécrétion.
§. I. LÉSIONS DÉ CIRCULATION.
I/hyperémie du foie est un des état^ morbides que présente le plus fréquemment cet organe. Tantôt cette hyperémie est générale , alors le foie est par^ tout d'un rouge uniforme ; son volum^e est augmenté , et sa consistance peu changée, lorsque l'hyperémie est simple. Cette hyperémie est souvent partielle; alors, en un certain nombre de points, on trouve comme des taches rouges, variables en forme et en grandeur, qu'entoure un parenchyme plus pale.
Trois espèces d'hyperémie du foie doivent êtrç
58S ' PRÉCIS
admises , relativement aux conditions de 1 économie dans lesquelles elles surviennent.
Une première espèce d'hyperémie est celle qui ré- sulte d'un travail d'irritation dont le foie est devenu le siège. Cette irritation est tantôt idiopathiqne , et tantôt elle est la suite d'une irritation primitivement fixée sur le tube digestif.
Une seconde espèce d'hyperémie , dont le foie me paraît susceptible , est celle dans laquelle le sang s'ac- cumule d'une manière toute passive au sein du paren- chyme hépatique , comme il s'accumule dans les gen- cives des scorbutiques.
Enfin la troisième espèce d'hyperémie du foie est purement mécanique ; elle s'observe dans les cas où un obstacle quelconque s'oppose à la libre entrée du sang dans 1rs cavilés droiles du cœur; le sang stagne alors dans les veines sus-hépatiques , et engorge le foie.
Les congestions du foie, par cause mécanique , sont fort communes chez les enfans naissans; ceux qui meurent dans un état d'asphyxie ont le foie tellement gorgé de sang, que quelquefois ce liquide est répandu en couche sur la surface convexe du foie, au-dessous des membranes enveloppantes de l'organe. M. Billard a vu môme, chez plusieurs enfans, un épanchement de sang dans l'abdomen résulter de cet état de tur- gescence du foie.
Au lieu de s'accumiiler dans les capillaires hépa- tiques, le sang peut s'échapper des vaisseaux qui le Contiennent, s'éjiancher dans le parenchyme du foie, el produire ainsi niio sorle d'ajioplexie hépatique. Il est de ces hcnioirhagies qui sont dues à la rupture
d'aNATOMIE PATITOroGIQLE. 689
d'un des vaisseaux considérables qui se distribuent dans le foie. J'ai vu , par exemple , une hémorrhagie de ce genre résulter de la perforation d'une des prin- cipales branches de la veine-porte hépatique ; autour de la perforation existait un ëpanchement sanguin qui s'était fait jour , à travers le parenchyme hépatique déchiré 5 jusque dans la cavité péritonéale (i). Mais d'autres fois on ne découvre d'altération appréciable dans aucun vaisseau : tout ce qu'on observe, c'est un amas de sang liquide ou solide en un ou pkisieurs points du foie. C'est ce qui avait lieu dans un foie qu'a bien voulu me montrerM. PiuUier; il contenait en di- vers points de son étendue des collections sanguines, semblables à celles qui constituent les hémorrhagies cérébrales. Parmi ces collections, les unes étaient formées par du sang entièrement liquide , les autres par du sang à demi-coagulé, semblable à de la gelée de groseille. D'autres, encore plus solides, présentaient à leur centre des fragmens de fibrine durs et décolo- rés. En examinant ce foie , je me demandais si cette fibrine décolorée ne pouvait pas être considérée comme l'origine d'un certain nombre de productions accidentelles, encéphaloïdes ou autres, dont le foie est assez souvent le siège. Cette conjecture me parut fortifiée par l'examen d'un autre foie , qui me fut montré peu de temps après par M. Reynaud. Sur ce foie on observait les altérations suivantes :
i". Plusieurs épanchemens d'un sang tout-à-fait liquide.
(i) Lea détails de cette observation sout consignés dans la Clinique Médicale.
590 rp.Kcis
»
2". Des collections d'un sang plus concret et en- core coloré.
5". Des amas de fibrine décolorée, ayant la con- sistance et l'aspect des caillots blancs et durs du cœur et des artères.
4". Une matière de consistance variable , d'un rou^e pâle en quelques points, d'un gris sale en d'autres, ailleurs verdâtre, jaune ou blanche , friable en plus d'un point , comme de la matière tuberculeuse qui commence à se ramollir.
Ces diverses matières , depuis le sang liquide jus- qu'à la matière friable dont il vient d'être question en dernier lieu , n'étaient manifestement que des transformations diverses d'une même substance ; et cette substance était du sang.
5^ Un grand nombre de petits vaisseaux étaient remplis par une matière jaune ou grisâtre , friable, semblable à celle qui était épanchée en plusieurs points du parenchyme hépatique.
6*. Dans les branches les plus considérables des veines sus-hépatiques existait une grosse masse de matière friable, s'écrasant sous le doigt, d'un jaune verdâtre, semblable à une masse encéphaloïde. Elle n'adhérait pas aux parois veineuses, qui étaient épais- sies d'une manière notable. Toutefois, en plusieurs points l'on apercevait des espèces de brides qui par une de leurs extrémités adhéraient aux parois vei- neuses, et par l'autre à la matière morbide contenue dans la veine.
"/, Au-dessus du point où existait celte matière morbide, la veine présentait un rétrécissement no-
n*ANATOMlE PATÏïOl.Or.TOrE. 59 !
table , et il semblait qu'une adhérence tendît à s o- pérer entre ses parois.
Ainsi ces faits viennent encore confirmer ce que nous avons déjà dit dans plusieurs endroits de cet ouvrage, savoir, que le sang en s*^agnation dans les Vaisseaux ou hors des vaisseaux peut se modifier lui- même , changer d'aspect extérieur comme de tex- ture interne, devenir une encéphaloide, un tubercule, un fungus hématode , etc.
IN'oublions pas que dans le dernier cas cité il y avait une altération notable des veines elles-mêmes; remarquons surtout ce remarquable épaississement d'une des grosses veines hépatiques , précisément au-dessus du point où elle était remplie par une matière d'apparence encéphaloide.
§. II. LÉSIONS DE NUTRITION.
Parmi les lésions de nutrition du foie , les unes ont pour efl'et de changer son volume (hypertro- phie ou atrophie), et les autres modifient sa con- sistance (ramollissement ou induration).
L'augmentation du volume du foie par hyper- trophie de son tissu doit être distinguée de son augmentation de volume par simple liyperémie.
L'hypertrophie du foie pourrait être distinguée en plusieurs espèces , en raison des variétés de cou- leur, de consistance , de forme que le foie peut pré- senter.
Ainsi, relativement à la couleur, l'hypertrophie du foie peut coïncider, i°. avec une extiéme pCdeur du tissu de cet organe ; 2". avec une teinte rouge
592 PRÉCIS
beaucoup plus prononcée que de coutume; S**, avec diverses teintes anormales : certains foies hypertro- phiés offrent , par exemple une coloration grise. D'autres sont d'un vert foncé , d'autres ont une cou- leur brune , qui est même noire en quelques points. - Relativement à la consistance , il faut distinguer trois espèces d'hypertrophie du foie ; l'une avec con- servation de la consistance normale de l'organe ; la seconde avec augmentation de cette consistance, et la troisième avec diminution de cette consistance.
Enfin, relalivement à la forme , l'hypertrophie du foie doit être distinguée en celle qui, portant égale- ment sur toutes les parties du foie , n'en altère pas la conformation , et en celle qui , atteignant spéciale- ment l'une des substances du foie, ou coïncidant avec l'atrophie de l'autre substance , donne lieu à l'aspect lobuleux, mamelonné ou granuleux du foie.
L'hypertrophie du foie peut avoir Heu en même temps dans les trois lobes, ou être bornée à un seul. Tantôt c'est le lobe droit qui est surtout hypertro- phié , à lui seul il constitue presque tout le foie , et le lobe gauche n'apparaît plus alors que comme une languette mince surajoutée à l'autre. Tantôt, au con- traire , c'est le lobe gauche qui est spécialement aug- menté de volume ; alors le foie vient à faire une saillie considérable dans l'hypochondregaTiche ; et , à travers les parois abdominales, on pourrait, dans plus d'un cas , le prendre pour la rate ; d'autres fois c'est seule- ment vers l'épigastre qu'on sent une tumeur qui ap- partient au foie, et qui, par sa situation, pouirait en imposer pour une tumeur de l'estomac. Quant au lobe de Spigel , je n'ai pas vu que l'observation cou-
d'aNATOMIE l'ATHOLOGIQUl-. Sqo
firmât ce qui a été dit sur la fréquence de son aug- mentation cie volume , les autres lobes du foie n étant pas hypertrophiés.
Le foie du fœtus et des très -jeunes enfans est réellement dans un état d'hypertrophie, relative- ment au foie de l'adulte. On sait qu'à mesure que l'enfant s'éloigne de Tinstant de sa naissance, le foie diminue graduellement de volume, cesse de s'étendre dans une partie de l'abdomen , et se retire derrière les côtes, au-dessous desquelles i! ne descend plus que dans l'état pathologique. Cependant il est des cas où cette sorte d'atrophie normale ne s'accom- plit pas, et le foie conserve pendant toute la du- rée de l'enfance, ou même pendant toute la vie, l'excès de volume qu'il avait au moment de la nais- sance. Mais ce phénomène n'est pas un phénomène isolé ; il se lie à d'autres perversions de nutrition , qui fondent cette manière d'être à laquelle on donne le nom de constitution scrophuleuse. En môme temps que le foie reste plus volumineux qu'il ne devrait être, les ganglions lymphatiques présentent aussi un excès de développement , le corps thyroïde se tu- méfie , la lèvre supérieure est remarquable par son volume, les os longs se gonflent à leur extré- mité, etc., etc. Ainsi, dans ce cas, l'hypertrophie du foie se produit sous l'influence d'une cause qui agit en même temps sur bien d'autres parties; elle est un des signes locaux d'une affection véritable- ment générale. Yoilà le point de vue qui, dans ce cas, me semble le plus important sous le rapport de la science comme sous celui de la pratique. C'est dans ce point de vue que ne se sont pas placés ceux qui, IL 38
594 PRÉCIS
tendant sans cesse à la localisation des maladies, croyant avoir tout expliqué , lorsqu'ils rapportent en pareil cas l'hypertrophie du foie à ce qu'ils ap- pellent nne irritation nutrilîve. Pour eux , l'état du reste de l'économie est secondaire ; pour moi , il est tellement la chose principale , que c'est dans cet état général que je trouve la raison de l'hypertrophie du foie 5 ou du moins c'est cet état qui m'aide à en comprendre la nature.
En m'occupant des altérations que peuvent pré- senter les deux substances du foie , j'ai été amené à parle(r de l'atrophie de cet organe ; nous avons vu alors qu'elle dépendait souvent de l'atrophie isolée de l'uno ou de l'autre des substances du foie. De là différens aspects qui ont été signalés.
Considérée dans la totalité de .l'organe , l'atrophie du foie doit être distinguée en celle qui affecte si- multanément les trois lobes, et en celle qui est bornée à l'un d'eux.
Cette atrophie peut coïncider avec un état d'in- duration ou de ramollissement du foie.
j^e foie atrophié diminue le plus ordinairement de volume ; mais cela n'est nullement nécessaire ; il peut être aussi volumineux que dans son état nor- mal , surpasser même ce volume , et cependant avoir subi une atrophie considérable ; mais alors, à mesure qu'a disparu le tissu propre du foie, il a été rem- placé par du tissu cellulaire. En pareil cas, l'organe , privé de ce qu'il a de spécial dans sa texture , est réduit à sa trame primitive, et l'on trouve dans le foie de larges places où il n'y a plus qu'un tissu cellulaire assez dense. Mais dansée tissu cellulaire, une orga-
D ANATOMIE rAl[ÎOL0GIQLE. 595
nlsation plus corapliquëe peut s établir ; de là, la formation de kystes séreux, d'hydatides , qui, loin d'annoncer alors une augmentation de Taction orga- nique de la partie où ils apparaissent , sont peut-être liés à une diminution de cette action. INe pouvant pas s'élever jusqu'à reproduire le parenchyme hépa- tique , le tissu cellulaire marque en quelque sorte sa tendance à l'organisation, en devenant un kyste séreux.
L'induration du foie a depuis long-temps fixé l'at- tention des observateurs. Elle coïncide fréquemment avec un état d'hypertrophie et même d'atrophie du parenchyme hépatique ; mais elle peut aussi exister avec un état normal du volume du foie. £n même temps qu'il est induré , il peut être coloré en un rouge plus ou moins foncé, en gris, en vert, en brun.
Le ramollissement du foie est au moins aussi fré- quent que son induration. Ce ramollissement pré- sente deux degrés : dans l'un , on ne s'aperçoit de la diminution de consistance qu'a subie le parenchyme hépatique , que lorsqu'on le presse entre les doigts ; on voit alors qu'il s'écrase et se réduit en pulpe avec une extrême facilité. Dans un second degré de ramol- lissement, beaucoup plus rare que le précédent, on s'aperçoit, par la simple vue, de l'existence de ce ramollissement; le tissu du foie, véritablement liqué- fié , présente un aspect semblable à celui qu'on lui donne par une macération prolongée : on trouve dis- séqués en quelque sorte sa trame celluleuse et son appareil vasculaire , dont les dernières extrémités, divisées comme les filamens d'une houppe , et privées de leur moyen d'union , flottent au milieu d'une pulpe
38.
596 PRÉCIS
' rouge ou grise, qui ne semble être autre chose que le parenchyme hépatique revenu à l'état liquide.
Le foie ramolli peut avoir sa couleur ordinaire ; d'autres fois il est hyperémié , et par conséquent rouge ou brun; d'autres fois, enûn , il est au contraire décoloré d'une manière remarquable : il semble qu'en même temps que son tissu a perdu sa consistance accoutumée , il s'est moditlé de telle sorte , qu'il a cessé de livrer passage à la matière colorante du sang, dont on ne trouve plus de traces que dans les gros vaisseaux de l'organe ( 1 } .
§. III. LÉSIONS DE SÉCRÉTION.
Les expériences de M. Braconnot ont démontré que le foie contient normalement une petite quantité de matière grasse; normalement aussi cet organe sé- crète plus ou moins abondamment un autre principe gras qu'on retrouve encore ailleurs, et qui est connu sous le nom de cliolestérine.
Ces matières grasses viennent-elles à être sécrétées en quantité plus considérable que de coutume , ou sont-elles modifiées dans leurs qualités : il en résulte pour le foie quelques états morbides.
M. Vauquelin a constaté que dans les foies gras existe un principe huileux, auquel ces foies doivent leur aspect et la propriété qu'ils ont de graisser le scalpel. On peut facilement en retirer cette huile par
(1) J'ai essayé de faire ressortir les principales variétés trinduiation ou do ramollissement du l'oie dans plusieurs observations de la Clinique Médicale (Maladies do rabdomen).
d'anatomie pathologique. 597
rébullllion. Tantôt on en retira à- peine quelques gouttes ; tantôt la matière grasse est si abondante qu'elle occupe plus de place que le parenchyme hé- patique lui-même. Ainsi , dans un foie gras, M. Vau- quelin a trouvé, sur loô parties :
Huile 0,45
Parenchyme 0,19
Eau 0,36
N
100
Les portions de parenchyme hépatique infiltrées de matière grasse sont remarquables par leur cou- leur semblable à celle de la feuille morte , et leur consistance est diminuée. Dans ces portions il ne semble plus y avoir de sang, ou du moins on n'y trouve plus de trace de la matière colorante de ce liquide. Tantôt le foie, dans toute son étendue, est le siège de cette sécrétion graisseuse; tantôt elle n'existe que dans quelques points épars.
Au lieu d'être infiltrée dans le parenchyme hépa- tique , la matière grasse est quelquefois réunie en masse en un point quelconque du foie ; elle y est dé- posée comme s'y dépose du tubercule ou du pus. Il en résulte des masses morbides grises ou blanches, refoulant autour d'elles le parenchyme hépatique, et présentant à l'œil et au toucher toutes les propriélés de la graisse. On a trouvé de ces masses graisseuses entièrement formées de choies té rine.
Les causes sous l'influence desquelles le foie de- vient le siège d'une sécrétion de matière grasse sont encore inconnues. On n'a émis qu'une hypothèse,
39^"^ PRÉCI5
lorsqu'on a dit que la dégénéraliou graisseuse du fore était le produit d'une irritation de cet organe. Car ou pourrait tout aussi bien soutenir que cette dégéné- ration graisseuse , loin d'avoir été précédée par un état d'irritation du foie, est survenue parce que la nutrition de cet organe est devenue moins active ; et cette dernière hypothèse serait d'autant plus soute- nable, qu'elle se déduirait d'une grande loi de l'éco- nomie en vertu de laquelle, toutes les fois qu'un organe tend à s'atrophier, une matière grasse vient à se sécréter autour de cet organe ou à la place même de ses molécules.
Nous avons déjà eu occasion de faire remarquer que presque tous les cas de dégénération graisseuse du foie s'observent chez des phthisiques , c'est-à-dire chez des individus dont le sang n'est plus convena- blement élaboré, et dont l'exhalation pulmonaire ne peut plus s'accomplir eomme dans l'état normal. Serait-ce parce que chez les phthisiques une suffisanle quantité d'hydrogène cesse d'être expulsée par la mu- queuse bronchique sous forme de vapeur aqueuse , que chez eux ce principe vient à se séparer en excès de la masse du sang au sein du parenchyme hépa- tique? de là , formation de matière grasse dans le foie. Je ne donne cette opinion que comme une pure hy- pothèse, mais qui me semble mériter la peine qu'on s'occupe de la vériGer par de nouvelles recherches. Ce ne seraient pas là d'ailleurs des recherches isolées; elles se lieraient à d'autres, où l'on déterminerait jusqu'à ([uelpointlamélanose pulmonaire reconnaît pour cause un défaut convenable d'élimination du carbone par Il membrane muqueuse des bronches; jusqu'à quel
D ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 599
point la plus grande fréquence de la gravelle , dans les lieux ou dans les temps où règne une tenipéralure froide et humide , dépend de ce que, sous l'influence d'une telle température , moins d'azote que de cou- tume est éliminé du sang à travers le poumon. Ainsi , une légère différence dans les proportions de quel- ques-uns des principes gazeux qui normalement doi- vent sortir de l'économie avec l'air expiré, telle est peut-être l'origine d'un certain nombre de lésions de sécrétion , dont les théories régnantes nous portent à ne placer le point de départ que dans l'organe môme où a lieu la lésion, et hors duquel nos sens ne nous en font découvrir aucune.
Plusieurs produits morbides, sans analogues dans l'état sain, peuvent se développer dans le foie.
Ainsi du pus, soit infiltré, soit en foyer, se ren- contre quelquefois au sein du parenchyme hépatique.
Les abcès du foie sont assez rares pour que quel- ques auteurs modernes, versés dans les connaissances d'anatomie pathologique, en aient révoqué l'exis- tence en doute. Très-rares effectivement dans notre pays, les abcès du foie sont au contraire assez com- muns dans les climats très-chauds , et les ouvrages qui ont été écrits sur les maladies des Européens dans les Indes en contiennent de nombreux exemples (1).
Le pas du foie ne diffère pas, comme on Ta dit, du pus des autres parties du corps; il n'a pas surtout ci'lte couleur lie de vin qu'on lui a attribuée , parce qu'on l'a confondu sans doute avec d'autres produc- tions morbides, et particulièrement avec la matière
(i) Rcsearclics on ihc diseuses oflndlu , by Jamea AniiOi.ky.
6oO IMIÉCIS
enccplialoïde. Toutes les fois que f'aî trouvé du pus dans le foie , il était blanc et consistant comme le pus d'un phlegmon.
Parmi les foyers purulens dont le foie peut devenir le siège , il en est qui sont tellement peu considé- rables, qu'il semble qu'une gouttelette de pus a été déposée en un point du parenchyme hépatique. Il en est d'autres qui occupent tout un lobe , et même la presque totalité de l'organe. On en trouve quelquefois plusieurs, qui tantôt communiquent ensemble par des trajets fîstuleux, et qui tantôt restent parfaite- ment isolés. Les parois de ces abcès sont souvent constituées par le tissu même du foie; dans d'autres cas, une pseudo-membrane celluleuse ou pseudo- muqueuse tapisse ces parois (i).
Le pus, accumulé dans le foie, tend à en sortir par des voies diverses. Les voies par lesquelles on a dit que le pus formé dans le foie pouvait être évacué hors de cet organe , sont les suivantes :
\°, Un trajet fistuleux ouvert à travers la peau de l'abdomen , celle des côtes et de l'aisselle.
2°, Le diaphragme et la plèvre peuvent se perforer, et l'abcès s'ouvrir dans la cavité de la plèvre.
5**. Le diaphragme, la plèvre et le parenchyme pulmonaire lui-même peuvent se perforer, et le pus être évacué à travers les bronches. Il faut pour cela que des adhérences se soient préliminairement éta- blies, d'une part, entre le foie et le diaphragme, et d'autre part, entre le diaphragme et le poumon par l'intermédiaire des plèvres.
( I ) Louis , Mémoire sur les abcès du foie rlans le Uêpcrloîrc (Vanaiomlc, ete». -^ Clinique Mrd''calc ( Maladies de l'abdomen ).
d'aNATOMIE PATHOLOGIOIE. ^ 60 !
4°. Quelques abcès du foie s'ouvrent dans la cavllé du péritoiue.
S**. D'autres se frayent une issue dans le tube di- eestif , soit dans l'estomac , soit dans le duodénum , soit dans le colon. On a dit qu'une guérison complète pouvait résulter de ce mode d'évacuation.
ô*". On a vu des collections purulentes, formées dans le foie , non loin de la vésicule du liel , se vider 3ans cette poche , et passer de là dans les canaux bi- liaires.
'-^ On a cité un cas de communication d'un abcès du foie avec l'intérieur de la veine cave ;
8". On a recueilli un cas d'abcès du foie ouvert dans le péricarde. Ce cas, qui a été rapporté par le doc- teur Smith, d'après un journal américain (1)? a été observé sur une négresse âgée de trente-cinq ans. Un abcès énorme occupait la presque totalité du foie. Cet organe adhérait intimement à la partie gauche du diaphragme. A travers la partie adhérente de ce muscle existait une ouverture accidentelle qui faisait com- muniquer l'abcès du foie avec le péricarde ; la cavité de ce sac contenait environ deux pintes d'un liquide purulent semblable à celui qui existait dans le foie. Des pseudo-membranes tapissaient la surface interne du péricarde.
On peut rapporter à quatre chefs les cas dans les- quels on a trouvé du pus dans le foie.
Le premier chef comprend les cas d'abcès qui se sont formés dans le foie à la suite d'une irritation spontanée de cet organe, soit primitive, soit consé-
(1} La Clhuquc cks hùpilatix , tom. I, n". -i. •■
6o2 rKÉcis
cutivé à une irrilalion gastro-intestinale. Nous avons déjà dit que ces cas sont très-rares, du moins dans nos climats.
Au second chef se rapportent les cas où l'irritation du foie , au lieu d'être le produit d'une cause interne , a été la suite d'une violence extérieure qui a agi direc- tement sur la région hépatique.
Sous un troisième chef se ransirent les cas où l'abcès du foie a suivi une irritation par cause externe, mais qui a lieu primitivement non plus sur le foie lui- même , mais sur le cerveau. Du reste , la question de la formation des abcès du foie à la suile des plaies de tête a encore besoin d'être éclaircie par de nou- velles recherches.
Enfin, le quatrième chef embrasse ces cas qui, observés par les anciens , puis rejetés par un so!i- disme exclusif, viennent de reprendre place dans la science ; ces cas sont ceux où le pus que l'on trouve dans le foie paraît y avoir été apporté avec le sang par une véritable métastase. Ce sont ces cas où , en même temps que l'on trouve au sein du parenchyme hépa- tique une ou plusieurs collections purulentes sans aucune altération appréciable du tissu du foie autour d'elles, on rencontre des collections semblables dans plusieurs autres parenchymes. C'est le même fait que nous retrouvons , chaque fois que nous parlons du pus d'un parenchyme quelconque. Du reste, c'est dans trois circonstances différentes que se montrent ces collections de pus. Tantôt c'est chez des individus qui , depuis un temps plus ou moins long , ont en eux un foyer de pus; tantôt c'est immédiatement après que cet ancien foyer a été tari ; tantôt enfin , c'est après
d'aNATCMIE i'ATIIOLOGîQUE. GOJ
qu'une opération chirurgicale a établi une suppura- tion en un point quelconque du corps. Dans ces trois circonstances on peut se rendre compte des collec- tions purulentes qu'on trouve simultanément dans le foie et dans beaucoup d'autres organes , soit en ad- mettant une métastase du produit morbide, soit eu supposant que par cela seul que du pus sécrété long- temps en un point de l'économie vient à ne plus s'y former, l'économie , habituée à cette sécrétion mor- bide, la reproduit ailleurs; soit enfin en supposant qu'il est certains individus chez lesquels une suppu- ration ne peut s'établir en un point du corps, sans qu'elle tende à s'établir aussi en d'autres points.
On a décrit sous le nom de cancer du foie une al- tération de cet organe, dans laquelle certains pro- duits morbides se distinguant par des caractères phy- siques bien tranchés, viennent à se déposer dans le parenchyme hépatique. Ces produits sont ceux que nous avons décrits dans le premier volume sous les noms de matière encépkaloïde et colloïde. Il en résulte dans le foie des masses de volume variable , tantôt d'un blanc uniforme , tantôt d'un blanc mêlé de rouge. Leur consistance n'est pas la metne : les unes sont plus dures que le parenchyme qui les entoure; les autres ne présentent plus qu'une bouillie grisâtre , au milieu de laquelle une plus ou moins grande quantité de sang est souvent épanchée. Ces masses occupent assez fréquemment la plus grande partie du paren- chyme hépatique; entre elles, on trouve à ])eine quelques vestiges du tissu normal du foie. Elles peuvent faire saillie à Textérieur de l'organe; elles donnent alors au foie un aspect comme bosselé, qui
6o4 rr.écîs
parfois est appréciable à travers les parois abdomî-
Dales.
Il résulte de quelques faits cités plus haut, que ces masses dites cancéreuses du foie peuvent reconnaître pour origine un épanchement de sang , qui une fois coagulé au sein du parenchyme hépatique, y subit ]€s altérations diverses que nous avons signalées. Mais il s'en faut qu'il soit prouvé que telle est l'originx} constante des tumeurs cancéreuses du foie. Tout ce qu'il est souvent possible de saisir , c'est d'abord l'in- filtration d'une fraction du parenchyme hépatique par une matière blanchâtre, avec injection plus ou moins vive de ce parenchyme , dans le point même de l'in- fiîtration ou autour de lui. Peu-à-peu la matière blan- châtre devient de plus en plus abondante, le tissu du foie cesse de se dessiner au milieu d'elle, mais on peut encore l'y retrouver soit par la dissection ; soit par la macération ; souvent alors on reconnaît que les vaisseaux qui traversent la masse morbide , et qu'on aurait pris d'abord pour des vaisseaux de nou- velle formation développés dans son sein , appartien- nent au foie lui-même. Ils sont une des sources des hémorrhagies qui, arrivent souvent au milieu de ces masses, à une certaine période de leur existence.
Il est inexact de dire qu'autour de ces masses il ny a que refoulement du parenchyme hépati- que ; ce parenchyme subit en pareil cas une véritable atrophie : sa nutrition diminue d'activité en môme temps que la sécrétion morbide dont il est le siège devient de plus en plus considérable. Il peut aussi sirritcr, s'hvperémier autour de chaque masse can- céreuse, soit d'une manière continuelle, soit par inter-
d'aXATOMIE PATIIOLOGIQIE. Co5
valles. Souvent alors il sécrète du pus , ou s'ulcère , et quelquefois le résultat de cette ulcération est la communication d'une masse encéphaîoïde avec l'in- térieur du péritoine ou du tube digestif.
Au lieu des produits morbides qui viennent d être indiqués, on a trouvé dans le foie une matière blanche et friable qu'on a appelée du tubercule ; la sécrétion de cette matière est assez rare dans le foie : tantôt elle y existe seule ; tantôt elle y est mêlée à de la matière encéphaîoïde dont elle se distingue par sa couleur et par sa consistance. Quelquefois aussi , mais encore plus rarement^ le foie vient à sécréter de la mélanose.
Enfin, dans le foie plus souvent que dans !a plupart des autres organes, se développent des acéphaio- cystes. Elles occupent dans l'intérieur de cet organe des kystes , dont les dimensions sont quelquefois telles, que le foie se trouve presque transformé dans sa totalité eu une vaste poche où nagent, au milieu d'un liquide variable, de nombreuses hydatides. Ttes parois de cette poche sont le plus ordinairement constituées dans le foie par une membrane fibreuse qu'on peut séparer du tissu du foie sans le déchirer. Souvent la poche hydatique est très-près de la sur- face extérieure du foie; elle peut faire une sa«ilie plus ou moins considérable au-dessus du niveau de celte surface , et devenir appréciable à travers les pa- rois abdominales qu'elle soulève (i).
Les kystes hydatiques du foie peuvent s'ouvrir, i". à l'extérieur à travers les parois abdominales ; 2°. dans
(i) Clinique Mi dica le.
6o6 ' rnÉcis
la cavrto chi péritoine; 5°. dans l'intérieur du tube digestif; 4"' ^^ns la plèvre; 5°. dans l'intérieur même des bronches, d'où elles sont chassées au- (lehors par l'expectoration.
Il n'est presqu'aucune des altérations du foie qui viennent d'être décrites qu'on n'ait désignées sous le nom à'hépatite. A mon avis, il n*en est non plus presque aucune qui ne puisse résulter d'une irritation qui a eu pour premier effet de déterminer une hy- perémie du foie. En veut- on une preuve évidente : quatre individus éprouvent sur la région même du foie une violence extérieure (i) : chez l'un un abcès se développe dans le foie ; chez le second, cet organe devient cancéreux; chez le troisième, il se remplit d'hydatides ; et chez le quatrième il s'atrophie. Dans ces quatre cas l'irritation a été manifestement le j)oint de départ des altérations du foie. Mais quel a été son rôle : elle a dérangé le mode normal de nutrition du foie ; là s'est bornée son influence , la prédisposition de l'individu a fait le reste. D'un autre côté, je ne sache pas une altération de nutrition ou de sécrétion du foie, pas même une collection de pus dans son parenchyme , qui puisse être con- sidérée comme ayant sa cause nécessaire dans un travail antécédent d'irritation; Je n'en connais pas une de laquelle on puisse dire qu'une hyperémie en a nécessairement précédé la formation. Qu'exprime donc le mot hépatite? rien autre chose que le lien commun qui unit souvent les unes aux autres les diverses lésions de nutrition ou de sécrétion que le
(i) Clinique Midicalc,
d'anatomie pathologique. 607
foie peut éprouver. Mais ce lieu n'est ni constant ni nécessaire ; et si nous venons de voir tout-à-1'heurc un cas où une hyperémie du foie par violence exté- rieure a été suivie de la formation d'hydatides, je pourrais citer bien d'autres cas où rien ne montre un pareil point de départ , et où par voie d'analogie Ton arriverait au contraire à admettre que le développe- ment de ces entozoaires se trouve lié dans le foie à une diminution dans l'activité de la nutrition nor- male de cet organe.
ARTICLE II.
MALADIES DES VOIES d'eXGRÉtION DE LA BILE.
Les canaux qui transmettent la bile dans le duo- dénum, la vésicule qui lui sert de réservoir, sont sus- ceptibles de diverses altérations dont les principales peuvent être ramenées aux suivantes. Ces altérations ne produisent d'accident pendant la vie , que lors- qu'elles donnent lieu à la diminution de calibre des canaux ou de la vésicule.
Sous l'influence d'une simple hyperémie, la mem- brane muqueuse qui tapisse la surface interne des canaux biliaires se tuméfie parfois, au point qu'il en résulte d'abord un rétrécissement , puis une obstruc- tion complète de la partie du canal où a lieu cette hyperémie. J'ai vu des cas où telle a été la cause d'ic- tères qui duraient depuis un temps plus ou moins long. En pareil cas le point de départ de l'hyperémie
(3q8 v)\vx.i^
peut elre dans les canaux eux-mêmes ou dans le tube digestif. De ce tube, l'irritation se propage alors au canal cholédoque , comme de l'urèthre on la voit sou- vent se propager au conduit déférent et aux canaux séminifères.
Lorsque l'obstruction existe dans le canal cholé- doque 5 il arrive souvent que les autres canaux, ainsi que la vésicule , présentent une dilatation qui peut être portée au point qu'il en résulte au milieu du foie de véritables cavités accidentelles remplies de bile.
Frappées d'irritation chronique , les parois des canaux biliïiires peuvent subir une hypertrophie plus ou moins considérable , et en même temps leur cavité reste la même ou se dilate. D'autres fois cette cavité s'efface complètement, et le canal se trouve trans- formé en un cordon fibreux. Cette transformation a été vue dans le canal cholédoque et dans le cystique.
Lorsque les canaux biliaires sont oblitérés depuis long-temps, la vésicule du fiel, d'abord dilatée, re- vient ensuite sur elle-même ; la bile qu'elle contenait est résorbée , et on ne trouve plus dans le reste de cavité qu'elle présente , qu'une petite quantité de mucosités ou bien quelques calculs qui la remplissent toute entière.
Irritées d'une manière aiguë ou chronique , les parois des canaux biliaires tendent parfois à se ra- mollir ou à s'ulcérer ; enfin elles se perforent , et il en résulte un épanchement de bile dans la cavité du péritoine. La perforation arrive quelquefois derrière un point où le canal est oblitéré.
La vésicule présente les mêmes altérations que les canaux ; il en résulte seulement d'autres for-
d'anatomie pathologique. 609
mes de lésion : ainsi on a trouvé ses parois ron- ges, ulcérées , ramollies , perforées. Le résultat de cetfe perforation a été tantôt un épanchement de bile dans le péritoine , tantôt un écoulement de ce liquide au-dehors à travers la peau qui s'est perforée en même temps que la vésicule; il faut, pour que cela ait lieu , que des adhérences se soient préliminairement établies entre la vésicule et la peau.
D'autres fois on a constaté l'existence d'une hyper- trophie notable des parois de la vésicule; alors les plis de la muqueuse disparaissent , un tissu cellulaire condensé , semblable à du tissu fibreux , est interposé entre la muqueuse et la séreuse ; enfin dans ce tissu cellulaire il me semble en pareil cas avoir trouvé de véritables faisceaux charnus; ainsi, en beaucoup de points de l'économie nous trouvons qu'un des effets de l'hypertrophie est de faire paraître des fibres mus- culaires là où dans l'état normal on ne les observe pas chez l'homme , mais où très-vraisemblablement elles existent à un état rudimentaire.
La vésicule du fiel peut acquérir un volume consi- dérable en même temps que ses parois s'hypertro- phient. D'autres fois elle se montre aussi très-dilatée, elle dépasse de beaucoup le bord tranchant du foie, sans que ses parois paraissent être altérées; elles ne sont que distendues, mais cela n'a guères lieu que dans les cas où une obstruction du canal cholédoque oblige la bile à s'accumuler dans la vésicule.
L'atrophie de la vésicule présente deux degrés: dans le premier, sa cavité existe encore, mais elle est extrêmement petite; dans le second degré, toute espèce de cavité a disparu ^ et le canal cystique , par-
n. 09
()10 VRKCIS
venu au point où existe ordinairemenl la vésicule, se perd dans une masse celluleuse plus ou nioins dure.
Celte atrophie survient souvent sans cause connue; «lie est le résultat d'un obstacle à l'arrivée de la bile dans le canal cystique ; alors ne remplissant plus de fonctions, la vésicule tend à disparaître, rentrant en cela dans la loi qui produit l'atrophie de tout organe devenu inutile, du thymus, des capsules surrénales, etc. Dans d'autres circonstances, c'està la suite d'une irri- tation que la vésicule du fiel vient à subir une atro- phie telle, qu'elle finit par disparaître. J'ai cité ailleurs îe cas remarquable d'un individu qui , un certain temps avant sa mort, avait rendu par une ouverture fistuleuse survenue spontanément à l'hypochondre 4roit , du pus et des calculs , et chez lequel , à louver- ture du cadavre , on ne trouva aucune trace de vési- cule biliaire (i).
La vésicule devient parfois le siège de diverses sé- crétions morbides , i''. dans l'intérieur même de sa cavité, où à la place de bile on trouve du mucus, des calculs, du sang, du pus; 2^. dans l'épaisseur même de ses parois, qui assez souvent s'infiltrent de séro- sité ou deviennent le siège soit d'une sécrétion tuber- culeuse , soit d'une sécrétion calcaire. Quelquefois^ en effet , l'on a trouvé les parois de la vésicule en grande partie ossifiées.
La vésicule du fiel présente en outre quelques aber- rations congénitales de nutrition. Ainsi elle manque parfois complètement, et en pareil cas le foie de l'homme , privé de vésicule, redevient semblable au
(i) Clinique Médicale,
D'aNATOMIE PATITOrOGIOUE. 6| I
foie de certains îmîmanx qui en sonl aussi dépourvus. D'autres fois, elle piésente à son intérieur une divi- sion en plusieurs loges. Dans quelques cas elle reçoit directement son canal du foie lui-même, et donne naissance à un autre conduit qui va s'ouvrir isolément dans l'inteslin. Il y a d'ailleurs dans la conformation des divers canaux biliaires quelques variétés dignes de remarque. Ainsi, pins d'une fois, l'on a Irouvé deux cholédoques , qui tantôt s'ouvraient tous deux dans le duodénum, tandis que d'autres fois l'un de ces canaux allait se terminer à l'estomac. Dans d'au- tres cas où il n'y avait qu'un seul cholédoque , on l'a vu aboutir a l'estoniac, et, s'il faut en croire un ancien auteur, cette insertion insolite du canal cholédoque aurait coïncidé , dans un cas , avec un état habituel de boulimie. Dans d'autres cas, enfin, le canal cho- lédoque s'insérait bien au duodénum, mais non plus à sa place accoutumée ; c'était immédiatement au- dessous du pylore qu'on en trouvait l'orifice.
ARTICLE III.
At.TER4TI0NS DE LA BILE.
Aucun rapport ne saurait être établi entre les alté- rations du foie, telles que l'analomie nous les dé- couvre, et les altérations de la bile appréciables par nos divers moyens d'investigation. Ainsi, dans la plu- . part des cas où le foie présente une des lésions nom- breuses ci-dessus décrites , la bile qui remplit les canaux et la vésicule ne paraît altérée ni dans sa
59,
6l2 PRÉCIS
cfUtinlité, ni dans ses qualités. Dans d'autres cas, au contraire , où l'anatomie ne montre dans le paren- chyme hépatique aucune trace d'altéralion, on trouve la bile soit plus abondante ou plus rare que de cou- tume, soit avec des qualités différentes de celles qui constituent son état normal. J'ai été quelquefois frappé de l'énorme quantité de bile qui distendait le tube digestif , dans des cas où une légère hyperémie existait à peine dans ce tube , et où le foie ne pa- raissait en aucune façon altéré.
Pourquoi cette absence de lésion de l'organe sécré- teur, dans les cas de lésion du liquide sécrété ? C'est que dans le foie, comme dans tout organe destiné à séparer du sang un liquide quelconque , les altéra- tions de texture, les plus graves en apparence, ne sont pas celles qui exercent toujours sur l'acte de la sécrétion la plus grande influence ; la lésion de cette sécrétion semble liée surtout à d'autres lésions qui nous échappent, et de plus , dans le foie comme dans tout autre organe sécréteur, c'est souvent dans d'au- tres lésions que dans celles de l'organe sécréteur lui- même qu'il faut chercher la cause du vice de la sé- crétion. Ainsi il est démontré, par les expéjiences de M. Magendie, qu'en modifiant la nourriture d'un animal, on modifie à volonté la composition de la bile. Yoilà un cas bien tranché où il y a modification de la bile , parce qu'il y a eu d'abord modification du sang.
Les altérations que la bile est susceptible d'éprouver dans ses qualités peuvent être reconnues, i''. par la simnle inspection; s**, par les expériences physiolo- «riques ; 5". par l'analyse chimique.
Des expériences faites sur les animaux vivans ont
D*ANATOMiE PATlîOLOGIQi:E. 6 1 5'
depuis long-temps appris que, de différentes biles prises sur divers cadavres , il en est qui , introduites dans le corps vivant , ne produisent d'autre inconvé- nient que celui d'une irritation peu considérable , tandis qu'il est d'autres biles qui déterminent des ac- cidens beaucoup plus graves et causent une mort plus ou moins prompte. Il est certaines biles que l'on peut impunément toucher et goûter ; il en est d'autres qui déterminent sur la langue et sur les lèvres des pustules, des ulcérations, etc. Ainsi voilà dans la bile des altérations graves , dont la connaissance ne saurait nous être donnée par l'anatomie.
Les altérations de qualité que la simple inspection nous fait découvrir dans la bile se réduisent à des altérations de couleur et de consistance. Ainsi, on la trouve avec toutes les nuances de couleur, depuis le noir le plus foncé jusqu'à une teinte blanchâtre à- peu-près transparente, semblable à celle d'une eau légèrement trouble. Sa consistance est aussi très-va- riable : tantôt on la prendrait pour une poix épaisse; elle est gluante et visqueuse ; tantôt elle coule comme de l'eau. D'ailleurs , ces différentes variétés de bile se rencontrent avec tous les états morbides possibles, et jusqu'à présent il n'a pas été possible de les ratta- cher soit à des états spéciaux du foie, soit à certains groupes de symptômes.
L'analyse chimique a montré que les différent prin- cipes qui entrent normalement dans la composition de la bile varient beaucoup en proportion. 11 est des cas où l'on n'a trouvé à-peu-près autre chose dans la bile que de l'eau et de l'albumine ; c'est ce qui a été souvent observé dans les cas de foie gras. D'autres
6l4 PRÉCIS
fois c'est ou la matière jaune , ou la résine, ou la cholestérine qui est le principe prédominant. Les causes qui font ainsi varier la composition de la bile restent à découvrir.
C'est d'un changement dans la proportion des prin- cipes qui composent ordinairement la bile que ré- sulte la formation des calculs biliaires. Ces calculs peuvent exister en trois lieux principaux : i^ à l'in- térieur même du foie, où ils sont contenus dans les ramifications du conduit excréteur de la bile ; 2°. dans les t-rois grands canaux d'excrétion ( hépatique , cys- tique et cholédoque ); 5°, dans la vésicule. Ce der- nier réservoir peut contenir de nombreux calculs, sans qu'il en résulte aucun accident appréciable; au contraire , un seul calcul situé dans les canaux hépa- tique ou cholédoque peut, par l'obstacle qu'il ap- porte au cours de la bile, produire l'ictère, que ne déterminent pas les lésions isolées de la vésicule.
Le volume des calculs biliaires çs.t très-variable : les uns ressemblent à des grains de sable ; les autres égalent la grandeur d'une noix ou d'un petit œuf de poule. Leur nombre est en général en raison inverse de leur volume. Des formes diverses qu'ils présen- tent, la plus remarquable est la forme à facettes , qui existe toutes les fois que plusieurs calculs existent à-la-fois dans la vésicule. On en trouve quelquefois qui sont hérissés de nombreuses aspérités, et qui sous ce rapport ont de la ressemblance avec les calculs de la vessie formés d'oxalate de chaux. Ils oQVent trois couleurs principales , une blanche , une jaune et une noire. Il est très-commun de voir des calculs biliaires, noirs à l'extérieur, être jaunes intérieurement. Ou^l-
d'ANATOMIE PATIIOLOr.IOUE. GiS*
ques-uqs ont une cassure brillante et demi-transpa- rente.
Considérés sons le rapport de leur composiliorfe chimique, les calculs biliaii:es présentent cinq va- riétés.
Une première variété de calculs est composée de la matière jaune de la bile ; UTie seconde , de la matière résineuse; une troisième, de cholestérine ; une qua- trième, de picromel (i) ; enfin une cinquième variété comprend les calculs formés de phosphate de chaux. J'ai trouvé deux fois de semblables calculs dans la vésicule ; mais c'était dans des cas où l'oblitération du canal cystique ne permettait plus depuis long- temps à la bile d'arriver dans la vésicule; c'était au milieu du mucus qu'elle contenait que s'était formée une concrétion de phosphate calcaire.
Au lieu de bile ou de matières formées aux dépens de la bile , on a trouvé dans les voies d'excrétion de ce liqiiide , i°. du mucus et du pus, nous eu avons déjà parlé; 2\ du sang; 5°. des entozoaires qui tantôt nés dans le tidjc digestif, se sont intro- duits dans le foie ( ascarides lombricoïdes ), et qui tantôt ont pris naissance dans les canaux biliaires eux-mêmes (douves du foie ).
Dans les cas où la matière jaune de la bile cons- titue par sa présence dans la plupart des solides et des liquides, la maladie connue sous le nom d'ictère, existe-t-il toujours dans les canaux biliaires un obs- tacle à l'écoulement de la bile dans le duodénum?
(i) L-e f>ioressenr OiTih» a prouvé le premipr qu'un cntain nombre de calciilt» biliaiies élnient csc.tnliclk;mtnt couipoirt;» de i^iciuiuel.
6l6 PRÉCIS
cette opinion ne peut plus être soutenue aujourd'hui. Bien des fois en effet on a trouvé ces canaux parfaite- ment libres chez des individus morts avec un ictère (i). D'ailleurs rien n'est plus variable que l'état dans lequel on trouve le foie en pareil cas : des nombreuses alté- rations que l'anatomie y découvre , il n'en est aucune qui ne puisse être accompagnée d'ictère ; mais il n'en est non plus aucune qui le produise d'une manière constante ; il est même des cas où , sur des cada- vres d'individus ictériques , on ne trouve dans le foie et ses annexes aucune sorte de lésion appréciable ; et dans plusieurs de ces cas il est permis de douter que le foie ait joué quelque rôle dans la production de l'ictère. Il s'en faut, du reste ^ que la coloration jaune de la peau doive être considérée comme ne pouvant reconnaître pour cause que la présence des matériaux de la bile dans le sang. Dans plus d'un cas la teinte ictérique de la peau ne paraît être que le produit d'une suffusion sanguine dans son tissu. Telle paraît être surtout la nature de l'ictère des nouveau-nés. On peut voir alors la teinte rouge de la peau se transformer peu-à-peu en une teinte jaune qui s'efface à son tour , et est remplacée enfin par la couleur naturelle de la peau. On n'a trouvé dans le foie des nouveau-nés aucune lésion constante qui pût rendre raison de ces ictères. Chez de petits enfans morts ictériques, l'on dit avoir rencontré le foie gorgé de sang ; mais on l'a trouvé au moins aussi souvent dans cet état chez des enfans qui n'avaient pas d'ictère.
(i) Clinique Médicale.
d'anatomie patiiologtque. 617
CHAPITRE ÏT.
iMALADIES DE L'APPAREIL LRINAIRE.
Si l'on a égard à la grande activité des fonctions de cet appareil , si Ton se rappelle que les reins sont un émonctoire continuellement ouvert, par le- quel s'échappent de l'économie , à l'aide d'un travail d élimination , la plupart des substances non assi- milables qui y ont été introduites , on sera conduit en théorie à admettre que l'appareil urinaire est un de ceux dont les altérations doivent être les plus fréquentes. Voyez de plus avec quelle rapidité mer- veilleuse toutes les influences qui tendent à modifier l'homme apportant du changement dans la sécrétion urinaire. Il n'est presque pas une maladie aiguë ou chronique dans laquelle il n'y ait altération de l'urine , soit en quantité, soit en qualité. Les diverses qualités des alimens et des boissons ne la laissent jamais en quelque sorte semblable à elle-même. La moindre variation atmosphérique suffit pour altérer la propor- tion de ses principes constituans; une simple émo- tion morale suffit pour la rendre semblable à de l'eau ou pour en accélérer l'excrétion. On sera, je crois, long-temps sans savoir pourquoi , dans les afl'ections dites nerveuses, dans l'hystérie, par exemple , l'urine pâlit d'une manière si remarquable, et devient pa- reille à l'eau de roche la plus limpide ; et cependan!\, au milieu de ces causes continuelles de perturba-
6l8 V PRÉCIS
lion , l'appareil urinairç , modifié sans cesse dans son acie de sécrétion n'est pas très-l'réquemment altéré dans son organisation , ii l'est certainement beaucoup moins souvent qu'on ne serait porté à le penser , en n'ayant égard qu'au trouble si iVéquent de ses fonctions. Dans, la plupart des maladies soit aiguës soit chroniques, l'ouverture des cadavres ne montre dans les reins aucune altération appréciable ; le reste de l'appareil ne se montre pas plus souvent lésé, de telle sorte que voilà encore un cas oiï le trouble des fonctions d'un organe ne nous est pas révélé sur le cadavre par ses désordres matériels.
ARTICLE PREMIER.
MALADIES DES REINS.
g. I. LÉSIONS DE CIRCULATION.
L'hyperémie des reins s'observe quelquefois sur le cadavre. Cet organe est alors remarquable par la grande quantité de sang qui le gorge, et qu'on voit en ruisseler lorsqu'on l'incise. Celte hyperémie peut exister dans les deux reins , ou dans un seul. Elle peut être, dans un seul- rein, générale ou par- tielle , bornée à l'une de ses deux substances, ou étendue à toutes deux. Dans ce dernier cas, les deux substances cessent d'être aussi <lisliiictes l'une de l'autre. Portée à uu Irès-buut degré, l'iiyperémie
d'anatomie pathologique. 619
des reins peut donner à ces organes une teinte brune, semblable 9 la couleur du chocolat.
J'ai observé ^ne hyperémie très-considérable des reins, sans autre altération de leur texture, sur un individu mort pendant le cours d'un diabète.
L'anémie incomplète des ^eins est un état assez ordinaire dans les cadavres d'individus qui succom- bent à des maladies chroniques. Plus complète, cette anémie devient par elle-même un véritable état mor- bide, mais qui jusqu'à présent n'a pu être rattaché à aucun désordre fonctionnel appréciable pendant la yie ; cette anémie est assez commune chez les hydro- piques. Le rein est alors remarquable par son extrême pâleur; on en exjirime à peine quelques gouttes de sang. Tout un rein peut être ainsi frappé d'anémie. D'autres fois la substance tubuleuse présente sa colo- ration normale, et la substance corticale est seule privée do sang; d'autres fois une disposition inverse a lieu. Enfin, il est des, cas où dans la substance d'un rein l'on trouve quelques points seulement , dont la décoloration complète tranche avec la teinte plus ou moins rouge du reste de l'organe. Ces points isolés,, souvent au nombre de trois ou quatre dans un même rein, existent le plus ordinairement dans la substance corticale, et surtout vers la périphérie de l'organe. Essaye-t-on, ainsi que l'a fait le docteur Bright (i), d'injecter en pareil cas les vaisseaux du rein : on voit quelquefois l'injection pénétrer le rein comme
(i) Reports of médical cases sclcctcd w'tlh a v'tew ofillusiraling (hc symp- tômes and cure of diseuses hy a rcfirencc to morbid anatomy, by lUcUailU Biighl. Luudon , iS'j;-, in 4°.
620 PRKCIS
de coulnme, excepté dans les points décolorés, où elle s^arrête, comme si dans ces points il y avait oblltéralion des vaisseaux.
- Au Heu d'une teinte d'un blanc mat, on trouve quelquefois dans les reins, et avec une quelconque des dispositions précédentes, une couleur d'un jaune fauve, soit unilorme , soit mêlée à des points tantôt rouges et tantôt blancs. Je crois que cette teinte insolite n'est qu'un degré d'anémie moins avancé que le précédent.
L'anémie des reins, soit partielle, soit générale, avec teinte ou blanche ou fauve de leur tissu , est accompagnée parfois d'un état de mollesse et de flaccidité de leur substance. Dans d'?,utres cas , au con- traire , en môme temps que les reins sont décolorés complètement, ils présentent une fermeté insolite , une induration telle, qu'on serait tenté de croire que leur tissu passe à l'état cartilagineux.
On a long-temps répété que les reins des diabé- tiques présentent , comme altération principale, une pâleur extrême de leur tissu. Je viens de citer tout-à- l'heure un cas dans lequel, à la suite d'un diabète, les reins furent au contraire trouvés dans un état d'byperémie. Dans un autre cas où la mort survint également pendant le cours d'un diabète , les reins n'étaient pas hyperémiés; mais ils n'étaient pas non plus dans l'état opposé ; ils avaient leur aspect normal. Nous verrons plus bas d'autres cas de coïncidence de diabètes avec une hypertrophie du rein. Parmi les observations relatives à des ouvertures de cadavres de diabétiques, qui ont été publiées depuis une
d'anatomte pathologiqim:. G2ï
dixaîne d'années, il n'en est aucune , à ma connais- sance , dans laquelle les reins aient présenté cet état d'anémie dont on a tant parlé.
§. II. Lésions de nutrition.
On trouve quelquefois les reins beaucoup plus vo- lumineux que de coutume. Si en pareil cas on en examine la substance, on n'y découvre d'ailleurs au- cune altération. Cette hypertrophie simple peut exis- ter dans un seul rein ou dans les deux. Lorsqu'un de ces organes manque, ou est plus petit que de coutume , l'autre rein présente souvent un volume insolite. J'ai vu un cas où l'hypertrophie d'un des reins coïncidait avec l'existence de deux artères ré- nales qui naissaient isolément du même côté de l'aorte, M. Luroth (i) de Strasbourg a recueilli un fait sem- blable à la clinique du professeur Lobstein. Déplus, dans ce cas , le rein hypertrophié , outre ses nerfs ordinaires provenant du ganglion semi-lunaire et du petit spîanchnique, recevait plusieurs filets du deuxième ganglion lombaire. L'hypertrophie des reins est une des lésions les plus communes qu'on ait rencontrées dans les cas de diabètes (2).
Ne faut-il pas rapporter à une exubérance de nu- trition des reins ces cas de vices de conformation où ces deux organes se trouvent réunis par une partie intermédiaire, qui présente une texture analogue à la leur, et est jetée comme un pont en travers de la
(i) Bépertoire d'anatomic , de. , rédigé par M. Breschet , tom. IIL (2) Opcr. cit.
622 PRÉCIS '
colonne vertcbrale? Celle espèce de lobe moyen pré- sente dans sa disposition plusieurs variétés. Tanlot c'est une simple bande dont l'intérieur est conslitiié par une substance rougeâtre , et qui n'a aucun vaisseau particulier. Tantôt ce lobe moyen reçoit des vaisseaux spéciaux qui viennent directement pour lui de l'aorte et de la veine cave , et l'on voit s'en détaclier un con- duit qui ressemble à un uretère. Ce conduit, double ou simple, va le plus souvent se terminer aux uretères naturels ; d'autres fois il va se terminer dans la vessie. Dans ce dernier cas il y a véritablement un troisième rein surajouté aux deux autres.
Plusieurs auteurs ont décrit dans le rein des gra- nulations situées au milieu de la substance corticale; les uns les ont regardées comme des organes sécré- teurs de l'urine , les autres comme constituées par un amas de vaisseaux entrelacés. Quoi qu'il en soit de cette double opinion, toujours est-il que des granu- lations semblables à celles qui ont été décrites dans les reins comme une disposition normale par Malpigbi et autres, s'observent quelquefois comme constituant im véritable état morbide. Les reins offrent alors , soit à leur surface externe , soit à la surface des coupes pratiquées à l'intérieur de leur substance , un nombre plus ou moins considérable de granulations , pareilles à celles qu'on rencontre assez souvent dans le foie. Dans ces deux organes, ces granulalions ne sont-elles qu'un résultat de l'hypertropbie d'un de leurs élémens analomiques? Pour le foie, on peut le soutenir; pour les reins, de nouvelles recberches sont nécessaires, afin de pouvoir même donner à cette opinion quel- que degré de probabilité. Du reste , je ne crois pas
d'anatomii: pathologique. 6^5
qiip, dans l'ctat acUiel de la science, on puisse dire d'une manière posilive ce crue sont ces granulations. Ce n'est donc que provisoirement , et par hypothèse , que j'en parle en traitant de l'hypertrophie du rein.
L'état granuleux des reins envahit beaucoup plus souvent leur substance corticale que leur substance tubuleuse. Le docteur Bright (i), qui a bien décrit cet état, n'a fait représenter les granulations que dans la substance corticale ; cependant j'ai vu un cas où la substance tubuleuse était aussi occupée par elles.
Ces granulations représentent de petits corps blan- châlres , durs, de volume inégal , assez régulièrement arrondis. Tantôt elles sont peu nombreuses, et dis- séminties au milieu de la substance du rein , qui n'est pas du reste altérée. Tantôt elles sont pressées les unes à côté des autres, et à peine , dans les intervalles qu'elles laissent entre elles , retrouve-t-on quelques traces de la substance corticale ; on les voit même s'avancer entre les cônes de substance tubuleuse et en occuper les intervalles. 11 est des cas où elles font une saillie notable à l'extérieur de l'organe, et elles sont visibles à travers son enveloppe fibreuse ; d'autres fois elles ne sont apparentes qu'à l'intérieur du rein.
Dans les divers cas d'état granuleux du rein , ob- servés par le docteur Bright, la composition de l'urine était altérée par son mélange avec une certaine quan- tité d'albumine , et il y avait en mtMue temps hydio- pisie , sans que le cœur ni le foie fussent altérés. Avant que M. Bright n'eut fait connaître le résultat de ses recherches sur ce sujet (1827), j'avais publié dans le tome 111 de la Clinique médicale (paru en 1826)
(») Opcr. cit.
une observation d'état granuleux du rein coïncidant avec une hydrôpisie , sans altération appréciable d'aucun autre organe (i). Il est d'ailleurs assez diffi- cile de se rendre compte comment un pareil état du rein peut donner lieu à la formation d'une hydrôpisie.
rSous venons de passer en revue les principales variétés d'hypertrophie que les reins peuvent pré- senter : ces organes sont aussi susceptibles de s'atro- phier. Cette atrophie doit être distinguée en celle qui , frappant la totalité de l'organe, en produit nécessai- rement la diminution de volume, et en celle qui, n'ayant lieu que dans une partie de sa substance , coïncide également avec la conservation, la dimi- nution ou l'augmentation normale du rein.
L'atrophie générale du rein ne présente d'autre caractère anatomique qu'une diminution de son vo- lume ; cette atrophie peut exister dans les deux reins ou être bornée à un seul. Chez un individu qui mourut à la Charité sans avoir jamais présenté aucun signe de lésion des voies urinaires, je trouvai les reins d'un volume fort inégal. L'un d'eux avait ses dimen- sions ordinaires; mais l'autre oGVait à peine la gran- deur du rein d'un fœtus qui vient de naître ; sa struc- ture n'était d'ailleurs nullement altérée. L'artère et la veine de son côté étaient sensiblement plus petites que les mêmes vaisseaux du côté opposé.
J'ai vu, dans quelques cas, cette atropfiie géné- rale du rein coïncider avec l'existence d'une tumeur qui le comprimait , ou d'an foyer de suppuration formé autour de lui. Je l'ai trouvé réduit à un très- petit volume chez une femme qui portait une énorme
(i) Clinu}uc Mùdicalc , tom. lll,pag. 667 (l'f cdilion).
d'ajsato.mie pathologique. 625
Inmcnr bydatlque entre le foie et le rein. Cc!iii-ci était caché par la tumeur, et Ton crut d'abord que c'était le rein lui-même qui la constituait (1). En pareil cas il est bien évident que l'atrophie du rein est acquise, soit qu'elle résulte d'une compression toute mécanique , semblable à celle qui atrophie un os que presse un anévrysme, soit qu'elle dépende de ce que la nutrition , devenue plus active ou se déran- geant d'une manière quelconque dans les parties qui l'environnent, devient par cela même moindre dans la substance même du rein. Dans d'autres cas , comme dans celui que j'ai cité dans le précédent paragraphe , il est impossible de décider si l'atrophie du rein s'est réellement développée après la naissance , ou si elle n'est pas congénitale.
Il est enfin des cas où non seulement un des reins se montre beaucoup plus petit que de coutume , mais où l'on ne trouve plus aucune trace de l'un de ces organes. J'ai vu deux cas de ce genre. L'un me fut présenté par une femme de soixante ans , qui suc- comba à une péritonite chronique, avec abcès dans les ovaires et tubercules dans les poumons. Le rein droit présentait son aspect habituel ; mais vainement chercha-t-on le rein gauche : il n'y en avait aucun vestige. Sa place ordinaire était occupée par le colon descendant. L'artère rénale gauche manquait com- plètement. Cherché à la surface interne de l'aorle , son orifice môme n'existait point. Cependant on trou- vait à sa place ordinaire la capsule surrénale gauche bien développée ; ainsi l'existence de celle cap-
(i) Voyez les détails de ce fait dans la Clinique FJciiicidc.
11. /|0
626 vnicis
suie n'est pas nécossaireinent liée à celle du rein. L'autre individu chez lequel je n'ai non plus trouvé qu'un seul rein , était un jeune homme de vingt-trois ans, qui entra à l'hôpital avec une hydropisie , dont la cause organique fut vainement cherchée. Un érysipèle phîegmoneux de la cuisse droite, terminé par gan- grène, l'entraîna ap tombeau. Le péritoine contenait une abondante sérosité limpide ; il y en avait une petite quantité dans la plèvre et dans le péricarde; tout le tissu cellulaire sous-cutané , et une grande partie du tissu cellulaire sous-muqueux du tube di- gestif, étaient infdtrés de sérosité. Etat sain des poumons, du cœur, des gros vaisseaux, du canal thoracique , du foie et de la rate. Au contraire , l'ap- pareil urinaire était loin d'être dans son état normal. Le rein droit était remarquable par son volume; sa substance corticale était remarquable par son extrême pâleur, et de plus, on y découvrait un certain nombre de ces granulations blanchâtres précédemment dé- crites ; disposées à la suite les unes des autres, elles constituaient par leur assemblage des séries de lignes droites qui de la périphérie du rein se rendaient vers la base des cônes de substance tubuleuse. La substance de ce rein était généralement molle. Le rein gauche manquait complètement. A la surface interne de l'aorte, là où l'artère rénale prend ordinairement naissance, on apercevait un très-petit orifice d'où naissait un vaisseau presque capillaire qui allait se perdre dans le tissu cellulaire, qui occupait la place du rein. A la surface interne de la vessie , dans le point où s'ouvre ordinairement l'uretère gauche, on trouvait , comme dans l'aorte, l'orifice très-petit d'un
d'anatomie pathologique. 627
conduit qui, à peine né, se terminait en ciiî-de-sac. Je n'ai pas noté dans ce second cas l'état de la cap- sule surrénale.
Je n'ai voulu omettre aucun des détails qu'on vient de lire , parce que tous me semblent avoir quelque portée. L'indépendance d'existence de la capsuie sur- rénale, l'absence complète d'une des artères rénales, dans un cas, son état rudimentaire dans l'autre cas, l'état également rudimentaire de ^uretère qui avait commencé à se développer du côté de la vessie, sont autant de circonstances dignes de remarque. Quant à l'état du seul rein qui existât , dans un cas il était sain; dans l'autre, il était granuleux^ et c'est seu- lement dans ce second cas qu'il y eut une hydropisie , dont aucune aulre lésion ne put rendre compte.
Il est encore un autre cas , plus commun que les précédens, dans lequel on ne trouve non plus qu'un seul rein, mais il n'est pas à sa place accoutumée : il est couché au-devant de la colonne vertébrale. Dans tous les cas de ce genre que j'ai eu occasion d'exa- miner, cette existence d'un seul rein n'était qu'ap- parente, et l'on pouvait plus ou moins facilement y retrouver les élémens de deux reins rapprochés et confondus sur la ligne médiane. C'est le cas des monstres cyclopes, chez lesquels, dans une seule cavité osseuse, située aussi sur la ligne médiane, on peut presque toujours retrouver les deux élémens de deux yeux confondus en un seul.
A-t-on quelquefois observé chez l'adulte une ab- sence complète des deux reins? Je n'en connais qu'un exemple, qui a été rapporté par Klein , et encore ce cas ^ est-il pas bien concluant : il me semble plutôt
40.
628 PÏIKCIS
indiquer un simple état rudimentaire de ces organes. Klein dit en effet avoir vu un cas où les deux uretères se terminaient à leur extrémité supérieure, en se di-^ visant chacun en trois on quatre petits culs-de-sac , sans existence du parenchyme rénal autour d'eux. Il eût été bien intéressant de savoir si ces reins, qui paraissaient réduits à leur appareil d'excrétion , four- nissaient encore de l'urine.
Chez les fœtus même , dont le développement s'ac- complit d'une manière anormale , les reins se retrou- vent presque toujours. Ils existent alors en l'absence de la plupart des autres organes, et leur absence est beaucoup plus rare, par exemple, que l'absence du cœur ou du foie. Il est des fœtus acéphales chez les- quels, dans les trois grandes cavités, il n'y a d'autre organe distinct qu'un intestin rudimentaire et l'ap- pareil urinaire. Toutefois Fleishmann a rapporté un cas d'absence complète de cet appareil , chez un fœtus âgé de sept mois, qui n'avait en même temps ni anus, ni organes génitaux , ni membres inférieurs , mais chez lequel le cœur, le foie, et tout le tube digestif jus- qu'au-dessus de l'anus, étaient bien conformés.
Les reins présentent quelquefois un vice de situa- tion qui pourrait en imposer pour une absence de ces organes : c est lorsque l'un d'eux est silué dans l'hypogastre , sur les parties latérales de la vessie. J'ai vu un cas de ce genre : l'artère rénale ne naissait plus en son lieu accoutumé , elle était fournie par l'artère hypogastrique ; l'uretère, très-court, allait s'insérer, comme d'ordinaire , à l'un des angles du trigone vé- sical. La circonstance la plus remarquable de cette observation est san5 doute le lieu de la naissance de
l
d'anatomie pathologique. 6^9
l'arlère qui se distribuait au rein. Elle prouve que le point de Tarbre circulatoire d'où se détache une artère importe peu au développement et à raccomplissetnent des fonctions de l'organe auquel cette, artère se dis- tribue (i). Est-ce d'ailleurs cette naissance insolite de l'artère qui détermina la situation insolite du rein? c'est ce que ne manqueraient pas d'affirmer les per- sonnes qui pensent que le développement d'un organe, ainsi que le lieu qu'il occupe, sont subordonnés à l'existence et à la position des artères qui lui appor- tent le sang. J'ai déjà agité cette question , qui me semble à-peu-près insoluble ; car on pourrait égale- ment soutenir que c'est parce que le rein s'est déve- loppé dans l'hypogastre , que l'artère hypogastrique a donné naissance à la rénale; mais, dans l'une et l'autre opinion , l'on ne s'appuierait que sur une hypothèse.
Arrivons maintenant au cas où l'atrophie des reins, au lieu d'être générale , n*est que partielle et ne porte que sur une de leurs substances. Les cônes de subs- tance tubuleuse ne deviennent, à ma connaissance, le siège de cette atrophie que lorsque , comme dans le cas de Klein rapporté plus haut , les reins sont réduits à n'être plus constitués que par le bassinet divisé en quelques culs-de-sac. La substance corticale, au contraire, s'atrophie assez fréquemment d'une ma- nière isolée. Alors, les cônes de substance tubuleuse touchent parleur base l'enveloppe fibreuse du rein,
(i) S'il en est ainsi , pourquoi l'artère spermatlque naît-elle de l'aorte si loin (lu lieu où existe le testicule ? A cela la réponse est facile : c'est qu'il y a une époque où le testicule se trouve précisément situé tout près du point d'oiigine de l'artère spernialiquc.
65o PRÉCIS
ou bien elle n'en est séparée que par une couche très-mince de Tautre substance ; entre ces cônes exis- tent des enfoncemens, qui sont le résultat de la dis- parition de la substance corticale. Dans ce cas, le rein de l'adulte semble rétrograder vers l'état dans lequel se trouve le rein chez le fœtus; d'autres fois on peut admettre qu'arrêté dans son développement, le rein n'est jamais sorti de cet état rudiment^ire.
Au lieu d'être simplement augmentées ou dimi- nuées de nombre, les molécules qui constituent le parenchyme du rein peuvent être altérées dans leur consistance : de là , pour le rein, comme pour tous les autres organes, un état de ramollissement et un état d'induration.
Le ramollissement du rein coïncide souvent avec une hvperémie plus ou moins considérable de sa subs- tance; la coexistence de cette augmentation de fria- bilité et d'un afflux sanguin insolite annonce dans le rein un travail d'irritation; et ici les symptômes peu- vent aider à confirmer cette sorte de diagnostic ana- tomlque. Quelquefois, en effet, j'ai trouvé les reins d'un rouge intense et presque pulpeux ( le doigt s'y enfonçait comme dans certaines rates très-molles ) chez des individus qui, plus ou moins long-temps avant leur mort , avaient éprouvé des douleurs à la région des reins et avaient rendu des urines sangui- nolentes ou purulentes. J'ai rencontré ce ramollisse- ment rouge porté au plus haut degré chez un homme dont les reins contenaient de gros calculs. J'ai éga- lement vu ce même ramollissement coïncider avec diverses altérations chroniques de la vessie , telles qu'épaississemenl et coloration brune de sa membrane
d'anatomie pathologique. 65 l
muqueuse, sécrétion puriforme de ses follicules, etc. D'après ces faits, le ramoliissement rouge des reins doit être considéré , dans l'élat actuel de la science , comme un des caractères anatomiques de la néphrite.
11 est une autre espèce de ramollissement, dans lequel la substance du rein, en même temps qu'elle est ramollie, est remarquable par son extrême pâleur ou par une teinte grise insolite. J'ai trouvé ce ramol- lissement, avec décoloration de la substance du rein, chez des individus dont les voies urinaires n'avaient pas offert le moindre signe de maladie. Quelle en est la nature? quelles en sont les causes? Un travail d'ir- ritation en est-il encore le point de départ? on peut le supposer; mais on ne saurait le prouver. Attendons à cet égard que de nouvelles recherches viennent nous éclairer.
L'induration de la substance du rein présente deux espèces, comme son ramollissement : une induration avec hyperémie , et une induration avec décoloration du tissu rénal. La première espèce est le plus souvent accompagnée d'un état d'hypertrophie de l'organe; la seconde espèce peut coïncider avec une augmen- tation de volume du rein; mais d'autres fois, au con- traire, ce volume est diminué. L'induration blanche du rein offre deux degrés : dans l'un sa substance est seulement beaucoup plus ferme que de coutume ; mais elle a encore sa structure normale. Dans un autre degré, qui semble n'être que l'exagération du pré- cédent, le tissu du rein est devenu tellement dur, tellement serré , et il est en même temps si complète- ment décoloré, qu'il semble passer à l'état cartilagi- neux. J'ai rencontré quelquefois ce second degré
632 pr.Ècrs
d'induration bornée à deux ou trois cônes de suLs- tance tnbuleuse ; cette substance était d'une den- sité remarquable, d'un blanc nacré, et toutefois l'on y distinguait encore les canaux parallèles et contigus qui la constituent en partie.
g. III. LÉSIONS DE SÉCRÉTION.
Sous ce titre je comprends, comme pour les autres organes, les divers produits morbides qui semblent se déposer dans le parenchyme du rein par un procédé analogue à celui qui , dans toute molécule vivante , donne naissance à l'exhalation perspiratoire. Ce n^est donc point des altérations de l'urine qu'il s'agit ici; j'en traiterai plus tard. Ces produits morbides sont les suivans :
i". Sérosité. A la place d'une partie de la substance corticale du rein on trouve assez souvent de petits kystes à parois séreuses, qui adhèrent faiblement au tissu rénal, et qui contiennent un liquide lim- pide et incolore. Ordinairement peu considérables et faisant une légère saillie au-dessus du niveau de la surface extérieure du rein , ces kystes sont suscepti- bles d'acquérir parfois un énorme développement. A mesure qu'ils s'accroissent, le parenchyme du rei-n s'atrophie, et il arrive souvent qu'à sa place l'ouverture des cadavres ne montre autre chose qu'une vaste poche séreuse, dont la cavité est fréquemment di- visée en [)lusieurs loges. Dans tout cela, quel rôle joue l'irritation? aucun qui soit démontré. Loin d'ad- mettre en pareil cas un travail antécédent d'irritation, il y aurait [)eut-étre plus de raisons physiologiques ou
d'anatomik pathologique. 633
anatomiques pour supposer que la transformation par- tielle ou générale du rein en kystes séreux est le pro- duit d'une diminution dans l'activité normale de la nutrition de l'organe. J'en dirai autant de quelques cas dans lesquels , en certains points de la périphérie du rein, où extérieurement existait une dépression notable, j'ai trouvé des masses d'un tissu cellulaire dense, de plusieurs lignes d'épaisseur, qui présentait parfois tous les caractères du tissu fibreux i on eût dit d'une cicatrice.
2°. Matière grasse. J'ai trouvé quelquefois des reins dont la substance corticale, pâle ou jaune , graissait notablement le scalpel avec lequel on l'incisait. Pour produire cette sécrétion morbide , y a-t-il eu sthénie ou asthénie? vraisemblablement pas plus Tune que l'autre; ou bien si vous admettez, par exemple, que l'irritation l'a produite , accorder au moins qu'il y avait chez l'individu prédisposition spéciale.
3°. Matière purulente. On sait depuis long-temps que des abcès peuvent se former dans le rein d'une manière aiguë ou chronique. Tantôt ces foyers puru- Icns sont peu considérables, et le parenchyme de l'organe en est à peine altéré ; tantôt, au contraire, on ne trouve plus , à la place du rein , qu'une poche remplie de pus; cette poche, le plus souvent multi- loculaire , peut être plus volumineuse que le rein lui-même, et produire une tumeur appréciable à tra- vers les parois abdominales. D'autres fois, au contraire, le rein , transformé en un kyste purulent , est en même temps singulièrement diminué de volume. Je n'ai ren- contré ce dernier cas que lorsque, autour du rein malade, existait un foyer de suppuraîion dans le tissu
654 PRÉCIS
cellulaire , ou une péritonite partielle qui avait comme emprisonné le rein au milieu de pseudo-membranes épaisses. Lorsque la poche purulente est multilocu- laire, les cloisons qui la divisent en plusieurs loges Êont souvent constituées par un tissu dur, comme lardacé , dans lequel on ne reconnaît aucune trace du tissu normal du rein.
Le pus, formé dans le rein , peut sortir du paren- chyme de cet organe , et arriver soit au dehors, à travers les lombes, soit dans l'uretère, soit dans la cavité du péritoine. Quelquefois même on a vu des abcès des reins communiquer avec l'intérieur du colon.
Au lieu d'y être rassemblé en foyer, le pus formé dans le rein ne fait, dans certains cas, qu'en infiltrer la substance. On trouve alors dans cette substance plusieurs points décolorés , dont on exprime plus ou moins facilement une matière puriforme. Ces points constituent au milieu du parenchyme des mas- ses blanchâtres , assez semblables à des masses tuber- culeuses ; aussi les a-t-on souvent décrites sous ce dernier nom. L'existence de cette infiltration puru- lente des reins, bornée ainsi à un certain nombre de points circonscrits, coïncide quelquefois avec la pré- sence de foyers purulens, i°. dans d'autres organes; 2^ dans les veines. Entr*autres cas de ce genre que je pourrais rapporter ici , je citerai celui d'un garçon de seize ans, dont la fosse iliaque droite était le siège d'un vaste abcès avec dénudation de l'os. Un caillot ancien, mêlé à une matière noirâtre, tout-à-fait diÛé- rente de la fibrine, remplissait la veine cave inférieure, dont les parois étaient notablement épaissies. Dans
d'anatomie tathologique. 655
)'un des reins existait une masse blancliâtre , qui n'é- tait évidemment autre chose que le tissu du rein in- filtré de pus. Je citerai encore un autre cas bien re- marquable, récemment recueilli à l'hôpital Beaujon , dans le service de MM. Marjolin et Blandin (i). Le sujet de cette observation était un maçon, âgé de vingt-cinq ans, qui fit une chute dans laquelle il se fractura la colonne vertébrale, vers le milieu de la région lombaire , ainsi que l'un des avant-bras. Les jours suivans , alternative de rétention et d'inconti- nence d'urines, suppuration abondante dansl'avant- bras fracturé , deux ulcérations à la région lombaire et au sacrum, langue sèche et noire , petitesse du pouls, mort quatre jours après l'accident. A l'ouver- ture du cadavre, on trouva la moelle rouge, ramol- lie et entourée d'une couche purulente vers î^a région lombaire , une vaste suppuration dans le membre thoracique gauche , du pus dans les veines lombaires et dans la veine rénale gauche, qui passait chez ce sujet entre l'aorte et le rachis. Ces veines contenaient non seulement du pus dans leur cavité, mais encore ce liquide était infiltré dans l'épaisseur de leurs tuniques. La veine cave inférieure était remplie d'une espèce de% détritus rougeâtre qui ne ressemblait en rien aux cail- lots ordinaires. De plus on trouva et dans le pou- mon gauche et dans le rein du même côté des mas- ses, isolées du reste de l'organe, les unes rouges, les autres jaunes'ou blanchâtres. C'étaient manifeste- ment des portions circonscrites de ces deux organes,
(i) Journal hebdomadaire , tom. II, pag. ^5 ; Observation recueillie par M. GilleUe.
656 pr.Écis
dont les unes n'étaient encore que le sicge d'une hy- , perémie considérable , et dont les autres étaient déjà infiltrées de pus.
4°. Matière colloïde ou gé lut Ini forme. J'ai trouvé une fois toute la substance corticale d'un rein trans- formée en une matière semblable à une gelée bien prise ou à une forte dissolution d'amidon. Aucun siîjne de maladie des voies urinaires n'avait annoncé cet état.
5°. Matière encéphaloide. Son existence dans le rein a été plus d'une fois constatée. Tantôt elle y forme de petites masses qui ne modifient ni la forme, ni le volume de Torgane , et qui sont, ou non , visibles à son extérieur. Tantôt cette même matière constitue dans le rein des tumeurs consi- dérables, qui donnent à cet organe un volume beau- coup plus considérable que son volume naturel. J'ai vu un cas où l'un des reins, transformé presque dans sa totalité en matière encéphaloide, était devenu au moins aussi gros que le lobe droit du foie. La tumeur qui en résultait paraissait surtout pendant la vie oc- cuper l'hypochondre gauche , et elle avait été prise pour une tumeur de la rate.
La matière encéphaloide existe souvent dans les reins , sans qu'on en trouve en mpme temps dans d'autres organes; le cas contraire peut cependant arriver. Tantôt elle paraît comme une matière dé- posée au milieu de l'organe , dans son parenchyme mC'me ; tantôt elle se présente sous un autre aspect, et son origine peut être moins appréciée ; deux fois en eiîet,en examinant avec quelqu'attention des reins remplis de masses enccphaloïdes, j'ai trouvé d'abord
:
d'anatomik PATiiorxjr.iQLE. 637
que la veîne rénale contenait im sang coagulé , en partie décoloré , d'une friabilité remarquable en plusieurs points, et semblable à un pus sauieux en quelques autres. Ce sang altéré se retrouvait dans un Grand nombre de ramifications de la veine, et enfin, là où d'abord je n'avais vu autre chose qu'une masse morbide qui avait remplacé le tissu du rein , une dis- seclion plus minutieuse me fît reconnaître une grande quantité de petits vaisseaux que remplissait une ma- tière semblable à celle qui existait dans la veine rénale. C'étaient ces vaisseaux a^domérés et remplis d'un sang altéré qui paraissaient constituer au moins la plus grande partie des masses encéphaloïdcs. Nous avons déjà vu que telle était aussi la nature de plu- sieurs de ces masses dans d'autres organes , tels que le poumon , le foie , la rate. En voyant le même fait se reproduire ainsi , nous lui accorderons nécessairement plus de valeur. J'ai vu un cas où en même temps que le foie , la rate , les ganglions lymphatiques préverté- braux , et enfin le rein droit , contenaient en grand nombre de ces masses encéphaloïdcs, la veine cave inférieure, la veine porte, la veine splénique , enfin la veine rénale droite, et de plus les veines iliaques primitives, iliaques externes et fémorales, conte- naient un sang coagulé , ayant en certains points une teinte lie de vin, complètement décoloré en d'autres points. M. Bouillaud a vu un cas à-peu- ' près semblable ; le rein droit, gros comme la moitié d'un foie ordinaire , représentait une tumeur qui s'étendait depuis la fosse iliaque jusqu'au foie. De la matière encéphaloïde avait presque partout remplacé
638 vwicis
sa substance. La veine cave était distendue par une matière pultacée de couleur lie de vin , à-peu-près analogue à la substance qui occupait le rein. Une matière semblable remplissait les veines émulgentes. Les grosses veines du bassin et des membres inférieurs étaient complètement oblitérées par des caillots fibrineux, blanchâtres, et de consistance pultacée. Parmi les nombreuses interprétations qui pourraient être données des faits que nous venons de citer ^ une de celles qui se présentent , ne serait-ce pas de penser que ce même sang coagulé, qui rem- plissait les grosses veines dans plusieurs des cas pré- cédens, était la matière qui, accumulée dans des vaisseaux d'un moindre calibre , y produisait la subs- tance encéphaloïde ? Déjà dans d'autres endroits de cet ouvrage nous avons posé cette question , à la- quelle les faits précédens nous ont encore ra- menés.
6°. Matière tuberculeuse. Son existence dans les veines est assez rare : elle ne s'y montre le plus ordi- nairement que dans les cas où il y en a aussi dans d'autres organes. Je ne me rappelle avoir rencontré qu'une seule fois une grosse masse tuberculeuse dans un des reins , sans qu'il y en eût en même temps ailleurs. Les tubercules des reins peuvent se déve- lopper plus particulièrement : i°. dans la substance corticale ; 2". dans la substance tubuleuse ; 5°. im- médiatement autour des calices et du bassinet qu'ils ' entourent sous forme de couche. Je ne sache pas qu'on ait encore vu de tubercule, développé dans le parenchyme du rein , se frayer un espace à travers
d'aNATOMIE l'ATlIOLOGIQlE. 0^9
les parois du bassinet , et être expulsé au-dehors avec l'ovaire ; mais ce cas peut se présenter.
On trouve quelquefois dans les reins, soit seule, soit mêlée à d'autres altérations . une substance blanche, de consistance variable, qui ressemble beaucoup au tubercule , et qui cependant ne paraît pas être de même substance que celle à laquelle, dans le poumon , par exemple , on a donné ce nom. Il est de ces variétés d'altérations qui constituent en quelque sorte des individualités , pour lesquelles une description générale ne suppléera jamais à une obser- vation particulière. En voici un cas, que je crois en conséquence devoir rapporter dans tous ses détails.
Une femme de moyen âge meurt à la Charité avec tous les symptômes de la phthisie pulmonaire. On trouve en effet des cavernes dans les poumons, avec un épanchement pleurétique d'un côté. Les gan- glions lymphatiques du bassin sont tuméfiés ; leur tissu est homogène, dur, d'un blanc nacré. Ils re- présentent par leur assemblage de volumineux cha- pelets. De plus, le rein gauche offre l'état suivant : la substance corticale, tant celle qui existe à la péri- phérie de l'organe que celle qui se prolonge entre les cônes de substance tubuleuse, paraît d'abord saine; cependant en l'examinant avec plus d'attention on aperçoit épars çà et là dans son intérieur de petits grains blancs, dont les uns sont sphériques , et les autres oblongs ; plusieurs sont placés à la suite les uns des autres , constituant comme de petites traînées de granulations blanches et assez dures, étendues depuis la base de quelques-uns des cônes de la subs- tance tubuleuse jusqu'à l'extérieur du rein. Ces gra-
64 o riiÉcis
nnlalions ne ressemblenl pas à celles dont M. Brlglit a donné la descriplion ; si on peut les comparer à quelque chose, c'est h une sorte de pus concret. Trois cônes de substance tubuleuse sont entièrejnent transformés en une substance nouvelle , composée elle-même de deux parties : la plus extérieure, qui occupe la périphérie du cône, est d'un blanc nacré , homogène, dure, tout-à-fait semblable à la malière qui dans les ganglions pelviens a remplacé leur tissu naturel. Vers la partie moyenne de ces mêmes cônes on trouve une matière d'un blanc jaunâtre, demi- fluide , assez semblable à du plâtre délayé dans l'eau. Cette substance plâtreuse existe encore , sous forme de plaques, autour de plusieurs calices et du bas- sinet. Elle les sépare du tissu propre du rein.
y". Entozoalrcs. Outre quelques cas où des acé- phaiocystes ont été trouvés dans les reins , je rap- pellerai les cas, très-rares chez l'homme , mais plus communs chez les animaux , et en particulier chez le chien, où les reins sont transformés en une vaste poche, au milieu de laquelle existe un entozoaire de la même classe que l'ascaride lombricoïde , présentant une organisation aussi parfaite que ce dernier, et que Ton connaît sous le nom de strongle.
ARTICLE II.
malaimes des voies d'e:;crétion de lVrine.
Ces maladies peuvent avoir leur siège dans les calices , le bassinet, les uretères , la vessie et Turèthre.
D^ANATOMIE PATUOLOGIQlJt. 64 1
Les maladies de cette dernière partie de l'appareil étant du domaine exclusif de la chirurgie, nous ne nous en occuperons que légèrement.
§ I. Maladies des calices -, du bassinet et des caEiÈRES.
La membrane muqueuse de ces divers conduits s'hyperémie quelquefois. On ne trouve souvent autre chose que cette hyperémie chez des individus qui, depuis un temps plus ou moins long , rendent des urines puriformes ou sanguinolentes, et qui éprou- vent une douleur, variable en intensité, à la région des reins et dans le trajet des uretères.
Cette même membrane muqueuse peut s'épaissir soit dans toute son étendue , soit partiellement ; de là peut résulter une oblitération permanente ou pas- sagère du conduit qui transmet Turine des reins dans la vessie. J'ai trouvé une fois dans un bassinet une tumeur fongueuse, rouge , molle, à large base, du volume d'une petite noix, et qui semblait n'être autre chose qu'une végétation de sa membrane muqueuse*
M. Louis a cité un cas dans lequel existait une hypertrophie notable des parois des calices du bassi- net et des uretères , avec augmentation de leur cavité. Ces parois avaient plus du double de leur épaisseur normale, et le volume des uretères était triplé. En même temps qu'existait cette hypertrophie, les reins ^ d'une pâleur remarquable, étaient réduits à la moitié de leur volume ordinaire.
Comme toutes les autres membranes muqueuses, celle dont nous étudions actuellement les lésions peut sécréter du pus, sans être pour cela nécessairement IL 41
6^1 2 PRÉcrs
nicéroe. Je l'ai vue couverle d'une couche couenneiisè cpaisse , semblable à la pseudo-membrane du croup. M. J.ouis a cité un cas dans lequel toute la surface interne des uretères était tapissée par une couche de matière tuberculeuse , ayant d'une demi-ligne à une ligne d'épaisseur, très-ferme du côté où elle touchait les parois de Turetère , molle et friable dans son côté libre. Cette même matière existait dans le bassinet. Le parenchyme même du rein était en grande partie occupé par de la matière tuberculeuse ; il y en avait aussi dans les poumons (i).
Le calice, le bassinet et les uretères sont suscep- tibles de se dilater à un point extrême , dans les cas où un obstacle quelconque s'oppose à la libre arrivée de l'urine dans la vessie. 11 est fréquent de trouver les uretères notablement dilatés dans beaucoup de cas d'affections de l'utérus, dans lesquelles la cavité de la vessie est rétrécie par des tumeurs développées autour d'elle.
Si , au contraire , l'obstacle qui empêche le libre écoulement de l'urine est situé près des reins , la portion d'uretère située au-dessous de l'obstacle se rétrécit et peut même s'oblitérer complètement.
L'uretère présente en outre un certain nombre de dispositions anormales qui se sont formées avec l'être lui-même , et qui sont liées à une aberration de dé- veloppement. Comment les expliquera-t-on par la dichotomie brownienne?
Ainsi, l'on a vu les deux uretères unis entre eux par un canal transverse. Quelquefois il part d'un
nÇi) Recherches sur la phthislc, pag, 129.
n'ANATOMTE PATHOLOGIQUE. 64^
mémo rein deux urelères . qui peuvent s'ouvrir isolé- ment dans la vessie, mais qui îe pius souvent se réu- nissent en un seul conduit avant de verser i'urine dans ce réservoir.
Lorsque la vessie manque , ou n'existe qu'à un état rudimentaire, les uretères se terminent ailleurs que dans la cavité de cet organe. Ainsi on les a vus s'ou- vrir, i\ à l'ombilic; 2°. dans le rectum; 5**. dans le vagin; 4*» dans l'urèthre. Dans plusieurs de ces cas le calibre des uretères a été trouvé singulièrement aug- menté, comme si, en l'absence de la vessie , ils ten- daient à former un réservoir supplémentaire. C'est ainsi que , dans les cas d'absence de la vésicule du fiel , on voit quelquefois les conduits biliaires se di- later d'une manière insolite.
§. II. Maladies de la. vessie.
Cet organe est un de ceux que l'on trouve le plus souvent altérés chez les individus qui succombent à des maladies aiguës ou chroniques, autres que celles des voies urinaires. Cette assertion , que je déduis de mes propres observations , se trouve confirmée par les recherches récentes de M. Louis, puisque sur cinq cents sujets morts de toute espèce de maladie, il n'a trouvé que six fois la membrane muqueuse vé- sicale injectée , sans ramollissement ou épaississement. Plus rarement encore y a-t-il rencontré un état d'ul- cération. Un seul individu lui en a offert une très- petite ; c'était un homme mort de fièvre typhoïde. La rareté des lésions trouvées sur les cadavres des indi^ vidus qui succombent à ce genre de maladie contraste
41.
644 PKÉCIS
d'une manière remarquable arec la fréquence des rétentions d'urine qu'on observe pendant leur cours.
A. Lésions de circulation,
La membrane muqueuse vésicale , frappée d'hy- perémie , présente plusieurs nuances dans sa colo- ration. Ainsi , elle peut être parcourue par de nom- breux vaisseaux qui lui donnent une teinte d'un rouge vermeil : tantôt cette teinte est uniformément ré- pandue sur la membrane, tantôt elle n'y existe que par plaques isolées qui représentent parfois comme des taches d'un beau rouge disséminées à la surface interne de la vessie; tantôt enfin cette injection est encore plus circonscrite ; elle se montre sous forme de petits points rouges séparés les uns des autres : si on examine avec quelque attention chacun de ces points, on trouve qu'ils sont constitués par un cercle rouge qui circonscrit un espace blanc dont le centre est légèrement déprimé. Ce genre d'injection paraît appartenir aux follicules; il est semblable à une des variétés de l'injection folliculaire du tube digestif.
Il est un autre genre de coloration qui s'observe quelquefois à la surface interne de la ves&ie, dans les cas d'affection chronique de cet organe : c'est une teinte brune et même noire. Cette teinte coïncide ordinairement avec un épaississement des parois de la vessie. Dans tous les cas où je l'ai rencontrée , elle m'a paru être le résultat d'une irritation chronique de la membrane muqueuse vésicale.
(i) Faits relatifs aux lésions de la membrane muqueuse de Iave5ste;r par M. Louis, Répertoire d'anaf. , etc. , fom IV, pag. 37.
» ANATOMIE VATHOLOGIQUE. 645
On a beaucoup parlé de l'état variqueux des veines de la vessie. Je crois que cette lésion est au moins beaucoup plus rare qu'on ne l'a dit.
B. Lésions de nutrition.
Ces lésions peuvent frapper isolément chacune de* tuniques dont se composent les parois de la vessie , ou exister dans toutes à-la-fois.
Une de ces lésions les plus communes est l'hyper- trophie. Étudions-la d'abord dans la membrane mu- queuse.
L'hypertrophie de la membrane muqueuse vésicale s'annonce par une augmentation plus ou moins con- sidérable de son épaisseur : tantôt elle a en même temps sa couleur normale ; tantôt elle est rouge , grise , brune ou noire. L'hypertrophie de cette membrane peut être partielle , et de cette hypertrophie résulte à l'intérieur de la vessie la production de tumeurs, de végétations , d'excroissances fongueuses , semblables à celles que nous avons étudiées dans l'intestin. Con- sidérées sous le rapport de leur texture , ces tumeurs présentent de nombreuses variétés : les unes sont constituées par un tissu dur , homogène , dans lequel on n'aperçoit pas de vaisseaux ; d'autres sont formées, par un tissu mou , éminemment vasculaire ; d'autres ressemblent tout-à-fait à un simple prolongement de la muqueuse. Ainsi, dans son hypertrophie, cette membrane , comme toutes celles du même genre , présente deux variétés : l'une dans laquelle elle aug- mente de volume ou d'épaisseur , mais sans que sa texture normale soit altérée en aucune façon , et une
646 PRÉCIS
autre variëtë dans laquelle cette texture n*est plus la même. M. Louis a décrit une lésion de la membrane muqueuse delà vessie, qui ne se rapproche de la lésion qui nous occupe maintenant, que parce qu'il y avait aussi, dans le cas qu'il a relaté, production de tu- meurs à la surface interne de la vessie; du reste , il serait fort difficile de déterminer la nature de cette lésion , qui va encore nous montrer un exemple de l'impossibilité de faire rentrer dans aucune des clas- sifications admises par les divers auteurs qui se sont occupés d'anatomie pathologique toutes les lésions que nous découvre l'ouverture des cadavres. Yoici la description de M. Louis (i).
« La vessie offrait à sa surface interne des produc- tions réunies et confondues , pour ainsi dire , sur trois rangs à-peu-près concentriques, qui occupaient le tiers environ de la surfiace de l'ors^ane à son bas fond. Ce qui frappait d'abord , c'étaient des vésicules pyi'i^ formes, demi-transparentes, d'un blanc mat dans quelques points seulement , contenant un fluide jau- nâtre et assez transparent, ayant deux à trois lignes de hauteur, une ligne à une ligne et demie à leur grosse extrémité qui était libre , et une demi-ligne à une ligne à l'extrémité adhérente. A ces vésicules se trouvait réuni un plus grand nombre de petits corps de même forme, d'un rose tendre, membraneux, non transparens, déprimés sur deux faces opposées , et comme flétris , appréciables dans l'eau seulement , un peu moins volumineux que les vésicules, ne con- tenant pas de liquide. Trois d'ejitr'eux, exactement
(i) Recherches sur (a phthisic.
D*ANATOMlE VATlIOLor.lQUE. 6f[']
divisés à leur partie moyenne , ofîlVaient à leur cen4re une ligne d'un blanc opaque qui en formait comme l'axe et se continuait avec le tissu sous-muqueux , tandis que la membrane qui en faisait l'enveloppe
était un prolongement de la muqueuse vésicale
Parmi ces petits corps, Irès-rapprochés , le plus ordi- nairement distincts, quelques-uns étaient réunis deux à deux dans la moitié de leur longiieur , et semblaient comme bifurques par leur extrémité libre, n
Les intéressantes recherches de M. Gendrin ont montré la grande dillérence qui existait entre la mem- brane interne des voies digestives et les autres mu- queuses sous le rapport des villosités : la première seule en est pourvue dans l'état normal, ou du moins, dans cet état , elles ne sont distinctes que sur celte membrane. Ce qui devrait porter à croire qu'il n'y a pas, dans les muqueuses autres que la digestive, ab- sence réelle de ces villosités , mais que seulement elles y sont infiniment peu déveloj)pées, c'est que , dans dans certains cas morbides, elles y deviennent appa- rentes. Nous avons déjà vu un cas où , sur la membrane muqueuse des voies aériennes, ces villosités étaient devenues très-manifesles. Une hypertrophie de ce genre a aussi été vue à ia surface de la membrane muqueuse vésicale, et c'est encore aux recherches de M. Louis qu'on doit la connaissance de ce fait. Chez un individu qui, depuis six ans, était afl'ecté d'héma- turie , sans douleur à Thypogaslre et sans diminution de l'embonpoint, il a trouvé la surface interne de la vessie recouverte d'un tissu qui flottait dans l'eau et s'y divisait en nombreux filamens de cjuatre à sept lignes de longueur. Ces iiiamcns, d\aiQ belle couleur
6[iS PRÉCIS
rouge, occupaient les quatre cinquièmes de la surface de la vessie. Ils étaient agglomérés les uns à côté des autres, excepté en quelques points où ils formaient comme des houppes isolées. A quoi comparer ces filamens, si ce n'est à des villosités hypertrophiées?
Dans l'état normal, les follicules de la vessie ne sont guère plus apparens que ses villosités; mais, dans l'état morbide , ils s'hypertrophient aussi , et deviennent très-manifestes. Ils apparaissent alors sous forme de petits corps arrondis, diversement colorés, souvent pourvus d'une double couronne vasculaire, dont l'une occupe leur périphérie , et l'autre le pour- tour de leur orifice central. Ils ont en un mot la même disposition que les follicules intestinaux. On les trouve surtout très-développés chez les individus qui , plus ou moins long-temps avant leur mort, ont rendu des urines fortement chargées d'une matière muqueuse ou purulente.
Le tissu cellulaire sous-muqueux s'hypertrophie et s'indure au moins aussi souvent que la membrane à laquelle il sert de soutien. Peu considérable, cette hypertrophie n'a d'autre eiTet que d'augmenter lé- gèrement l'épaisseur des parois de la vessie ; plus forte et circonscrite, elle constitue des tumeurs qui font saillie à l'intérieur de la vessie, et peuvent en reni^ plir à-peu-près toute la cavité.
Cette même lésion peut se produire dans les autres couches celluleuses qui entourent la vessie : c'est ainsi qu'un certain nombre de tumeurs dures, dites squir- yheuses, qui diminuent à-la-fois le calibre et du rectum et de la vessie, ont leur origine dans un dévelojipc- ment contre nature avec induration du tissu cellulaii
^
d'ai^atomie pathologique. 6/19
placé entre ces deux organes. La même altération peut frapper le tissu cellulaire qui, chez la femme, sépare la vessie des organes génitaux.
La tunique musculaire de la vessie peut être éga- lement frappée d'hypertrophie : du développement anormal d'un certain nombre des faisceaux de cette tunique résulte une disposition particulière de la sur- face interne de la vessie , qui prend alors le nom de vessie à colonnes. Deux variétés doivent être ici dis- tinguées : dans l'une d'elles, on voit seulement de gros faisceaux charnus qui soulèvent en quelques points, et suivant des directions diverses, la mem- brane muqueuse. Dans une autre variété, la surface interne de la vessie présente un aspect tout-à-fait analogue à celui de la surface interne du cœur. C'est le même entrecroisement de fibres ; ce sont les mêmes mailles et les mêmes aréoles ; et , comme dans le cœar, cet aspect maillé et aréolaire est entièrement dû à des plans charnus qui s'enlacent en sens divers. Dans les divers cas que nous venons d'examiner, l'hypertrophie de la muqueuse vésicale Ou des tissus subjacens est le résultat d'une maladie développée depuis la naissance ; il est d'autres cas où c'est pen- dant que se développait l'être lui-même, que la vessie semble avoir été le siège d'une exubérance de nu- trition , en vertu de laquelle des cloisons insolites sont venues à se former dans sa cavité. Tantôt ces cloisons sont incomplètes ; tantôt, plus considérables , elles séparent en deux ou trois loges la cavité de la vessie. Elles occupent souvent la ligne médiane , et il en ré- sulte comme une double vessie , dont chacune reçoit un uretère. Toutes deux peuvent s'ouvrir immédiate-
65o PRÉCIS
ment dans l'urèthre; d'autres foîS une seule coiniuu- nique directement avec lui ; l'autre ne peut verser l'urine à l'extérieur qu'à travers une ouverture cen- trale dont est percée la cloison complète , qui sépare en deux loges d'égale grandeur l'intérieur de la vessie. On a vu plus d'une fois des calculs contenus daas ces. loges auxquelles on a donné le nom de vessie surnu^ méraire. Mais ce dernier nom a été plutôt imposé à un autre cas dans lequel la vessie présentant sa cavité ordinaire, couimunique par une ouverture plus ou moins large avec une autre poche qui lui est comme sur-ajoutée, et sur les parois de laquelle on peut suivre la continuation des diverses tuniques qui en- trent dans la composition des parois mêmes de la ves- sie. J'ai vu une de ces poches surnuméraires qui auraient pu admettre facilement un gros œuf de poule.. Des calculs peuvent également se loger dans ces po- ches.
La vessie est susceptible de divers degrés d'atro- phie , dont les uns ne sont survenus qu'après la nais- sauce, et dont les autres sont liés à un défaut pri- mordial de développement. Cette atrophie peut ne consister qu'en un simple amincissement des parois de la vessie ; cet amincissement dépend surtout du peu de développement de la tunique charnue, qui laisse môme de larges espaces où elle manque com- plètement , et à travers lesquels fait hernie la mem- brane muqueuse.
Au lieu de présenter un simple amincissement de ses parois , la veine peut offrir une absence con)p!èle d'une portion de ces mêmes parois. C'est presque tou- jours on pareil eus sa portion antérieure qui njauque,
D*ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 65 l
et ce vice de développement coïncide avec un état d'imperfection soit seulement des parois abdominales qui présentent un défaut de réunion depuis l'ombilic jusqu'au pubis, soit de ces parois et des os pubis qui restent séparés , soit enfin de ces parties et des organes génitaux eux-mêmes, qui sont ou absens , ou rudi- mentaires , ou ma! conformés. Les corps caverneux, par exemple, peuvent être divisés en deux parties dans toute leur étendue , le canal de l'urèthre peut être découvert à sa partie supérieure, etc.
Les individus chez lesquels manque la paroi an- térieure de la vessie sont affectés de vice de confor-^ mation , connu sous le nom (ïextrophle de la vessie, lis présentent vers la partie inférieure de l'abdomen, à la place ordinairement occupée par la ligne blan- * che et les muscles droits , ou la symphyse du pubis , une tumeur rouge, d'aspect muqueux, dont les bords se continuent avec la peau , et de deux points de la- quelle on voit sourdre l'urine. Cette tumeur n'est autre chose que la paroi postérieure de la vessie pous- sée en'avant.
Nous avons déjà parlé des cas rares dans lesquels la vessie manque complètement; nous avons noté aussi les différens points où en pareil cas les uretères vont verser l'urine.
La membrane muqueuse de la vessie présente quelquefois une consistance beaucoup moindre que celle de son état normal. M. Louis (i) l'a trouvée très- molle , sans qu'elle fût en xaiême temps injectée, et
(0 Opçr. cit.
()52 vntcis
sans qu'il y eût d'ailleurs aucune autre altération dans la vessie.
Quelquefois aussi les parois de cet organe se ra- mollissent dans leur totalité , comme se ramollissent les parois de restomac. Alors il suffit de la traction la plus légère pour en opérer la rupture, et pendant la TÎe il peut en résulter une perforation, dite sponta-. née, de la vessie, analogue aux perforations du même nom , dont l'estomac est plus fréquemment le siège; et ici ce n'est plus à l'action corrosive du suc gastrique qu'on peut attribuer et le ramollissement et la per- foration.
Enfin la vessie , comme tous les autres organes creux, peut être le siège d'ulcérations qui n'en oc- cupent que la membrane muqueuse , ou qui , s'é- lendant en profondeur, se terminent par une solu- tion complète de continuité des parois de l'organe. Alors tantôt l'urine s'épanche dans le péritoine, tan- tôt elle s'échappe directement en dehors à travers une fistule qui tire son nom du liquide auquel elle livre passage; tantôt elle s'écoule à travers le rectum et le vagin. Souvent, d'ailleurs, c'est par l'un ou l'autre de ces conduits que l'ulcération commence, et ce n'est que consécutivement que la vessie en de-
vient le siège.
C. Lésions de sécrétion.
Elles peuvent exister, i*. à la surface libre de la membrane muqueuse ; 2". au-dessous d'elle.
La membrane muqueuse peut fournir quatre li-
d'anatomie pathologique. 655
quides principaux ; savoir : un mucus plus ou moins altère sous le double rapport de sa quantité et de sa qualité, du sang, du pus, et enfin une matière con- crescible qui se dépose sous forme de pseudo-mem- brane à la surface interne de la vessie. J'ai vu deux fois cette surface interne tapissée presque en totalité par une couche couenneuse , de plus d'une ligne d'épais- seur, d'un blanc sale , sans trace de vaisseaux , et sem- blable aux pseudo-membranes des voies aériennes.
Dans l'épaisseur même des parois de la vessie on a trouvé du pus infiltré ou réuni en foyer, de la matière tuberculeuse 5 encéphaloïde et mélanique. Une fois j'ai rencontré , au-dessous de la muqueuse qu'il sou- levait un kyste séreux du volume d'une noix.
§ IIÏ. Maladies de l'crèthre.
Nous ne devons en présenter ici qu'une rapide es- quisse.
Parmi ces maladies, qui sont toujours le résultat de lésions de circulation , de nutrition ou de sécrétion , il en est qui se rattachent à un vice de développement du fœtus. Dans les maladies de cet ordre, nous trou- vons , 1°. l'occlusion du canal de l'urèthre , occlusion dont la cause peut résider soit dans le prépuce , soit dans l'urèthre lui-même, dont les parois sont agglu- tinées , ou dont une membrane , semblable à un dia- phragme , interrompt la continuité.
2°. L'ouverture insolite de ce canal , soit qu'en même temps l'ouverture naturelle manque ou existe.
Cette ouverture insolite peut consister dans un sim- ple orifice placé sous le gland. D'autres fois beaucoup
654 PRÉCIS
plus consîfîrrable , olle se présente sons forme d'une ^ouHiiTC qni rèjijne tout le long de la lace inlcrieure du pénis. D'autres fois , enfin , cette gouttière s'étend sous le scrotum, qui est fendu comme le pénis. Si alors les testicules sont restés dans l'abdomen , si le pénis est petit et imperforé comme un clitoris , les deux côtés du scrotum divisé présentent quelque ana- logie avec les lèvres de la vulve, et il en résulte une apparence d'hermaphrodisme.
En même temps que l'urèthre présente un de ces vices de conformation, il arrive souvent que l'ou- raque se conserve , et que l'urine sort par l'om- bilic. On a vu aussi l'ouraque persister dans des cas où aucun autre vice de conformation n'était apparent d l'extérieur.
Les maladies de l'urèthre , survenues après la nais- sance , peuvent consister d'abord dans une simple modification de la circulation capillaire de sa mem- brane muqueuse. Ainsi on la trouve rouge , mais le plus ordinairement sans aucune trace d'ulcération , chez les individus qui succombent , pendant qu'ils ont un écoulement purulent, quelle qu'en soit la source. Ajoutons cependant que, dans quelques cas d'écoulemens soit très-récens, soit, au contraire, très-anciens , la membrane muqueuse uréthrale , exa- minée après la mort, ne présente aucune rougeur: ainsi lorsqu'un individu succombe pendant le cours d'une angine, il arrive souvent, ainsi que Bichat l'avait remarqué , que le pharynx , rouge pendant la vie , se montre pale après la mort. Ainsi chez les individus qui sont atteints d'un catarrhe chronique, soit des intestins, soit des bronches, j'ai trouvé plus
d'aNATOMTE PATHOLOnTQUK. 655
d'une fois parfaitement blanche la membrane mu- queuse des voies digestives ou aériennes (i).
Soit dans sa me' 'Drane muqueuse, soit dans les tissus qui lui sont su^^jacens, l'urèthre présente un certain nombre de lésion*; de nutrition , dont le ré- sultat le plus commun est de déterminer divers de- grés de rétrécissement du conduit.
Les lésions dénutrition qu'on remarque particuliè- rement dans la muqueuse sont : l^ son épaississement ; 2°. des végétations ou excroissances qui s'élèvent de sa surface (Morgagni, Swediaur) ; 5°. des granulations semblables à des poireaux qui parsèment cette même surface (Hunter ) ; 4"- des cicatrices d'ulcération (Du- puytren); 5^ des brides transversales ou obliques qui s'étendent d'un point des parois du canal au point op- posé ; 6®. une augmentation de volume des foiiicules muqueux; 7°. une dilatation contre nature, ou d'au- tres altérations des sinus qui existent normalement à la surface interne du canal de l'urèthre.
Les lésions de nutrition qui existent au-dessous de la muqueuse sont surtout de nombreuses variétés d'épaississement et d'induration du tissu cellulaire sous-mu queux.
Dans ces divers cas un simple rétrécissement peut être momentanément changé en une oblitération com- plète par la production d'une hyperémie passagère de la membrane muqueuse.
§ . IV. Altérations de l'urine. Le liquide sécrété par les reins présente dans son
(i) Clinique Mcdicalc.
656 pRÉcts
aspect d'innombrables variétés , qui sont surtout du ressort de la séméiologie, et dont nous ne devons pas nous occuper ici. Arrêtons-nous seulement sur les grands changemens que l'urine peut présenter dans sa composition , et qui constituent véritable- ment , si l'on peut ainsi dire , l'anatomie pathologi- que de ce liquide.
Les changemens que l'urine est susceptible d'é- prouver dans sa composition peuvent se rapporter à trois classes.
La première de ces classes comprend les cas où il y a simple changement dans la proportion des prin- cipes qui normalement consliluent l'urine.
La seconde classe comprend les cas où il y a dans l'urine addition de nouveaux principes, mais de prin- cipes qu'on retrouve dans le sang , soit en état de santé , soit en état de maladie.
Enfin dans la troisième classe viennent se ranger les cas où les nouveaux principes qui composent l'u- rine ne se trouvent plus dans le sang.
Je vais parler de chacune de ces classes dans trois articles distincts.
A. Altération de l'urine ^ par changement de propor- tion de SCS principes constituans.
L'eau qui existe dans l'urine comme dans tous les liquides animaux est, de tous ses principes, celui dont les proportions sont plus sujettes à varier. Lorsque cette variation de proportion n'a lieu que dans de cer- taines limites, elle est compatible avec un bon état de santé ; au-delà de ces limites elle se lie à un état morbide , dont elle est ou l'effet ou la cause. Il est
b'ANATOMIE PATHOLOGIOIJE. 65^
des îndîvîdns chez lesquels , soil habituellement , soit par intervalles, l'urine a'est presque exclusivement composée que d'eau et d'une très-petite quantité de matière animale; c'est là le caractère chimique du diabètes non sucré.
L'urée peut aussi présenter dans quelques cas des Variations remarquables dans ses proportions. Plu- sieurs fois on l'a vue exister dans l'urine en quantité beaucoup plus abondante que de coutume; on peut s'assurer facilement de cet excès d'urée par la quan- tité insolite que précipite l'acide nitrique, ajouté à une quantité d'urine égale à la sienne (i). En pareil cas l'on observe une activité plus grande dans la sé- crétion de l'urine; le flux qui en résulte a été con- fondu avec le diabètes.
D'autres fois i au contraire, la quantité d'urée que doivent fournir les reins est notablement diminuée ; l'acide nitrique précipite à peine de l'urine quel- ques petits cristaux d'urée. Des analyses déjà un peu anciennes ont fait long-temps admettre que , dans les cas de diabètes sucré ou non sucré j il y a dans l'urine absence complète de son principe immédiat. Des recherches plus récentes faites par M. Barruel aîné (2) ont démontré que l'absence de l'urée dans les cas de diabètes n'est pas au moins aussi constante qu'on l'avait dit. Il en a trouvé en efl'et une certaine quantité dans une urine qui contenait en même temps de la matière sucrée; ainsi la présence de l'une de ces matières dans l'urine n'exclut pas nécessaire- ment l'autre
(1) Pront.
(a) Journal de chimie mèdicaUé
653 rî.Écis
Soit, qu'ainsi que l'admeUent la phiparl des chi- mistes, il y ait normalement une certaine quantité d'acide uriquc libre dans l'urine, soit que, comme le pense M. Prout , cet acide s'y trouve combiné norma- lement avec l'ammoniaque (i), toujours est-il que , dans certains états morbides, cet acide urique existe dans l'nrine à l'état libre, et que, trop abondant pour pouvoir se dissoudre dans l'eau que contient l'urine , il s'y mon Ire sous forme solide. La malière de la grave! le est presque constamment formée par cet acide urique ; plusieurs calculs sont aussi com- posés par lui.
Il est, au contraire, d'autres cas où l'on ne trouve plus dans l'urine de trace d'acide urique ; c'est ce qui a lieu dans le diabètes, dont le caractère chimique paraît être beaucoup plus constamment l'absence de l'acide urique que celle de l'urée.
Les causes sous l'influence desquelles un excès d'a- cide urique se forme dans l'urine, ont été dans ces derniers temps mises au jour par M. Magendie (2) , j'en ai déjà parlé dans d'autres endroits de cet ou- vrage.
L'acide lactique, dont M. Berzélius admet l'exis- tence dans l'urine comme dans la plupart des liquides animaux, n'a pas encore été vu altéré dans ses pro- portions.
Il n'en est pas de môme de l'acide phosphoriquc. D'après M. Prout, c'est parce que les reins ne le
(1) D'après M. Prout, ce serait à l'urale d'ammoniaque que l'urine, sortie récemment du corps, devrait I(\ propiiélô de rougir la teinture de tournesol.
(a) Recherches sur la gravclle.
d'ANATOMIE l'ATIIOLOGIOrE. 65()
forment plus en suffisante quantité, que les sels dont il est le radical, se transforment en sels neutres ou en sous-sels, et se précipitent pour former des concrétions calculeuses. De là l'origine des calculs formés soit de phosphate de chaux^ soit de phosphate
ammoniaco- magnésien.
Les alcalis, qui entrent dans la composition de l'urine (potasse, soude, chaux, ammoniaque j^ peuvent y exister eii quantité surabondante ; il n*en résulte aucun inconvénient , si c'est la potasse ou la soude; si c'est la chaux, il y aura précipitation des sels qu'elle forme avec l'acide phosphorique ; si c'est enfin l'ammoniaque, il y aura également préci- pitation des sels terreux qui , en l'absence de cet excès d'ammoniaque , sont maintenus en dissolution dans l'urine.
B. réitération de C urine par addition de noiivenwfà principes , quon retrouve dans le sang.
Ces principes sont de deux espèces : les uns font partie constituante du sang, les autres n'y existent qu'accidentellement.
Les principes de la première espèce sont l'albu- mine , la fibrine, et la matière colorante du sang.
L'urine, dans son état normal, ne contient pas la moindre trace de ces trois principes. Mais il est des cas morbides où on les y rencontre soit isolés , soit réunis en proportion variable.
La présence de l'albumine dans l'urine s'y recon- naît facilement par le précipité qu'y fait naître la cha- leur ; on obtient ainsi un caillot plus ou moins ferme
42.
66o rni^cîs
<|ni a Ions les caractères de l'albumine congnlee. En pai^il cas , l'urine est ordinairement pale, quelquefois opalescente au moment de son émission. Tantôt la quantité d'urine est en même temps augmentée ; tan- tôt elle est diminuée. Nous avons Vu plus haut qu'un des signes qui , d'après M. Brigth , peuvent révéler* pendant la vie l'existence d'un état granuleux des reins , c'est l'état albumineux des urines. La présence de l'albumine dans l'urine n'y exclut pas l'existence de l'urée.
Les reins peuvent aussi séparer du sang une cer- taine quantité de fibrine. M. Prout en a vu un exemple remarquable chez une femme âgée de trente ans, d'un appétit vorace , et qui d'ailleurs se por- tait bien. L'urine qu'elle rendait était presque en- tièrement formée par une masse d'un Jaune pâle^ peu consistante, composée d'une partie séreuse qu'on en exprimait, et d'une partie solide qui avait tous les caractères de la fd^rine du sang.
On a dit que dans certaines bydropisies l'urine contenait une grande quantité de matière fibri- neuse. La cause de ces hydropisies résiderait-elle dans l'altération des fonctions des reins ? serait-ce parce que ces organes viendraient accidentellement à sous- traire au sang une grande partie de sa fibrine , que des collections séreuses tendraient à se former de toutes parts? le rein, en séparant du sang la fibrine, agirait alors comme une saignée qui, trop abondante ou trop souvent répétée , dispose aussi à l'hydropisie.
Enfin, avec l'urine peut s'échapper, en quantité variable, la matière colorante du sang. Celte matière peut se mêler à l'urine, soit dans les reins mêmes,
d'anatomic pathologique. 661
d'où elle se sépare du sang avec les divers éiémens de l'urine, soit dans la vessie >, où elle est exhalée par U membrane muqueuse de cet organe. L'exhalation de ia matière colorante du sang est souvent le produit d'une irritation des. reins ou de la vessie; elle est alors le symptôme d'une lésion toute locale. Mais^ d'autres fois cette exhalation n'est qu'un des phéno- mènes par lesquels se traduit une disposition mor^ Lide générale, en vertu de laquelle le sang tend k s'échapper de toutes parts des conduits qui le ren- ferment. C'est ce qui arrive dans le scorbut, dans certaines formes de typhus, etc.
On rencontre encore dans l'urine quelques autres principes insolites, qui diffèrent des précédens, en ce qu'ils n'existent non plus dans le sang^que d'une ma- nière accidentelle. Ces principes sont de deux sortes : les uns viennent du dehors; ils ont été introduits dans le sang soit avec les alimens, soit avec les boissons, soit avec l'air inspiré ; l'économie s'en débarrasse par la sécrétion rénale. Ces principes sont très-nombreux ;. ce sont surtout des matières colorantes ou odorantes. D'autres principes sont les éiémens de divers liquides sécrétés qui sont restés dans le sang, ou qui y sont rentrés , et qui en sortent avec l'urée par la voie deS; reins. Celui de ces principes qu'on y a le plus sou- vent rencontré, c'est la matière jaune de la bile ; ou dit aussi y avoir trouvé la matière caséeuse.
662 VUÉCJS
C. Altération de Vurine par addition de nouveaux, principes quon ne retrouve pas dan% le sang.
Ces principes sont particulièrement les suivans :
1°. Des matières acides. Parmi elles se trouve l'acide oxalique, qui n'existe normalement ni dans la sang, ni dans l'urine. Cet acide s'empare de la cbaus^ qu'il trouve toute formée dans le liquide rénal ; de là, la production d'une espèce particulière de calcul , composée d'oxalate de chaux. Dans quelques cas cités par MM. Prout (i) , Magendie (2) et R.a- tier (3), l'exislencc de l'acide oxalique dans l'urine a été le résultat manifeste de l'emploi , comme ali- ment, d'une grande quantité d'oseille. D'autres fois c'est sans cause connue que les reins viennent à former cet acide. Dirons-nous alors avec Berzélius, que la formation de l'acide oxalique dans les reins çst le résultat d'un simple accroissement d'activité des fonctions de ces organes, fonctions qui consis- teraient principalement dans un procédé d'acidifi- cation ?,
Brugnatelli dit avoir trouvé dans l'urine de l'acide hydrocyanique.
2^ Desoxides, dont on ne trouve nulle part ailleurs les analogues, et qui ont été désignés sous les noms d'oxides cystique et xanthique.
5**. Des matières colorantes. La teinte naire de quelques urines a été attribuée par M. Prout à la
(1) Oper. cil.
(">) Journal de physinto^ir.
;')> Journal licidowadulre,
V, •
d'anatomie pathologique. 665
présence de l'acide mélanique dans ce liquide , sa leinte rouge à celle de l'acide purpurique. Quelque- fois on a trouvé l'urine colorée en bleu, et, dans un cas de ce genre , M. Julia Fontenelle (i) y a décou- vert l'existence de l'hydrocyanate de fer.
4". Une matière sucrée, semblable au sucre de raisin. Cette matière constitue le caractère chimique du diabètes sucré. Quelques chimistes avaient avancé que, lorsque cotte matière exislaiJ: dans l'urine, on la retrouvait aussi dans le sang : des recherches plus récentes portent maintenant à admettre que , quelle que soit la quantité de matière sucrée qui existe dans l'urine , le sang n'en contient pas; je pense qu'il y a encore quelques recherches à faire sur ce point. La cause sous l'influence de laquelle une matière sucrée vient à se former dans l'urine , n'est pas connue.
5°. Une matière grasse. M. Prout a trouvé une fois dans l'urine une subslance semblable à du beurre.
6". Des poils. L'existence de celte production dans l'urine, déjà signalée par d'anciens observateurs, a été mise hors de doute par les faits de ce genre qui ont été récemment publiés par M. Magendie. Ces j3oils étaient unis à une certaine quanlité de matière saline. J'ai observé moi-même avec M. Magendie un des deux cas qu'il a rapportés dans son ouvrage (2) : \m grand nombre de petits poils , longs d'une ligne à plus d'un pouce, étaient mêlés àunepoudreblanclic, ([ui fut trouvée composée de beaucoup de phosphnfe de chaux, d'un peu de plio.-phale dt? magnésie et de
(1) Archives dcmcdcclnc , lomc II . prsgc io4.
(.<) iicchcrchcs iiir la ^raidie , pa.- M.igciuiic , 2" éJilini,
GG4 PRKCfS
quelques traces d'acide urique. L'individu qui a pr4-~ sente ce cas était un vieillard, qui vivait d'une ma-i DÎère sobre. II rendait par jour, dit M. Magendie ^ Vine telle quantité de celte matière saline pileuse, qu'il en remplissait en quelques jours des boîtes de U grandeur d'un litre. Un second malade, observé par- M. Magendie , expulsait avec ses urines des concré-- tions velues à leur surface.
Dans ces nombreuses altérations de l'urine , quel est l'état de son orsjane sécréteur ? Examiné sur le cadavre, il peut présenter l'une des lésions précé- demment étudiées ; mais d'autres fois il paraît sain , et cependant le liquide qu'il sépare du sang n'est plus dans son état normal. C'est que bien souvent ce n'est pas dans le rein qu'il faut chercher la cause des mo- difications de l'urine. Cette cause , il faut la chercher tantôt dans le sang , tantôt dans l'innervation , tantôt dans le mode d'accomplissement des diverses fonc-. tions d'assimilation ou de désassimiiation , tantôt enfin dans les qualités mêmes de l'air et des alimens. De tout cela, rien ne nous est révélé par la simple inves-. ligation anatomique.
Les différens principes qus nous avons passés eu revue dans cet article et dans les deux précédens , ap^. portent plusieurs changemens dans les propriétés phy». siques de l'urine. Tantôt ils n'en altèrent ni la liqui-^ dite ni la transparence ; tantôt ils la troublent ou \i\ colorent d'une manière insolite; tantôt enlin ils y constituent des corps solides qui, à l'état purulent , prennent le nom de graviers, et celui de calculs lors-, qu'ils sont réunis en masses pius ou moins considé-. ral)les. Sur les cadavres , on trouve des culculSj,
D'ANAr03IIE PATHOLOGIQUE. 665
1^ dans les calices et dans le bassinet, qu*ils disten- dent, et dont ils représentent la forme ; 2°. en divers points des uretères ; .V. dans la vessie, où ils sont soit libres, soit enchatonnés ; 4°. dans l'urèthre.
Les matières élémentaires que l'on a trouvées jus- qu'à présent dans ces calculs a soit isolées, soit com- binées les unes avec les autres , sont au nombre do onze : savoir, l'acide urique, l'urate d'ammoniaque , le phqsphate de chaux, le phosphate ammoniaco-i magnésien , l'oxalate de chaux, la silice, l'oxide cys- tique , l'oxide xanthiquc, une matière muqueuse j^ \ifte matière librineuse , une matière pileustî^
— . — ^ j^-t.
666 PRÉCIS
APPAKEIL DE LA GENERATION.
Un assez grand nombre de maladies de cet appareil étant tout-à-fait du domaine de la palliologie externe , nous nous y arrêterons peu , n'insistant, selon notre nsa«i;e, que sur les lésions dont la description nous paraîtra se lier d'une manière plus directe à l'étude des maladies (jui sont l'objet .«spécial de la pathologie interne (i).
SECTION PREMIEUE.
MALADIES
DlîS ORGAMiS GÉNITAUX Dli l'hOMME,
Jetons un coup-d'œll rapide sur les Ksions qui peu- vent frapper les diverses parlies dont l'ensemble
constiUie ces organes.
(i) L'histtùrc de riicif)»ai)liroili!«:«e cl dos principaux vijcs de confoi- iiialion de l'appaicil grni'.al a êlO liajéc d'uuc iiianicic géncKile dans le
d'anatomie pathologique. 6G7
Indépendamment de l'état d'hyperémie qu offre assez souvent le testicule , avec tuméfaction plus ou moins considérable de son tissu , cet organe peut pré- senter, soit dans sa propre substance, soit dans ses enveloppes, un certain nombre d'altérations de nu- trition et de sécrétion que nous allons successivement passer en revue , en les suivant tour-à-tour dans les divers tissus qui composent le testicule , depuis son enveloppe cutanée jusqu'aux canaux séminifères.
1**. Enveloppe cutanée du testicule. La plus remar- quable altération qu'elle présente est une induration considérable de son tissu , avec ulcération consécu- tive; c'est la maladie qui a été décrite en Angleterre sous le nom de cancer des ramoneurs,
2\ Dartos. Cette couche fibro-celluleuse devient parfois le siège d'altérations tout-à-fait analogues à celles que nous avons déjà si souvent étudiées dans les diverses parties du tissu cellulaire subjacent à des membranes. Sous la peau du testicule , comme sous la muqueuse de l'estomac, ce tissu cellulaire s'épaissit, s'indure, sécrète de la lymphe plastique, du pus, du tubercule , et forme une tumeur qui en a souvent im- posé pour une affection de la substance même du teslicule. Plusieurs sarcocéles ne paraissent consister en autre chose qu'en ces divers modes d'altération^ du dartos.
5°. Tunlc/ue vaginale. Les lésions d ^ cette mem- brane séreuse ne diffèrent pas de celles qu'on trouve dans toutes les autres membranes de même nature. Ainsi on peut y rencontrer une certaine quantité de sérosité lim[)ide ( hydrocèle ), sans qu'il y ait dans la membrane même aucune sorte d'altératijn appré-.
66^ PRÉCIS
ciable. Tan lot alors la cause de cette colleclion se'-, reuse nous reste inconnue ; tantôt nous trouvons cette cause soit dans un obstacle au libre retour du sans; veineux le long du cordon testiculaire , soit dans une lésion organique développée dans le testicule lui- même ; ainsi , des tubercules encéphaliques pi'odui,sent souvent rhydrocépbale. Au milieu de la sérosité ac- cumulée dans [a tunique vaginale , on a quelquefois rencontré une certaine quantité de çholestérine qui apparaissait sous forme de paillettes d'un jaune bril- lant , nageant dans le liquide; fiiit important, puis-. qu'il démontre que la cliolestérine n'est pas un pro- duit de sécrétion propre au foie. Il s'en faut que dans toute hydrocèle la tunique vaginale ne contienne que de la sérosité pure. On la trouve souvent, comme toute membraneséreuse, remplie d'un liquide trouble, floconneux, purulent; sa surface est parfois couverte de couches membraniformes , et des adhérences en réunissent intimement les différens points.
4". Tunique albuginée. Elle joue un rôle important dans quelques maladies du testicule. Quelquefois, en eiTet, c'est celte tunique seule qu'on trouve affectée, dans des cas où pendant la vie une tumeur du testi- cule, dure, bosselée, douloureuse, avait fait croire à l'existence d'une dégénéralion du parenchyme tes- ticulaire. En pareil cas, tantôt on trouve celte tunique simplement hypertrophiée et indurée ;, tantôt on la trouve passée à l'état cartilagineux, et môme osseux en quelques points. 11 est vraisemblable qu'ici, comme dans les cas où une membrane {ibreusc double uno. membrane séreuse , les altérations qui paraissent s'y fonner ont plus parliculicrcmcnl leur siège dans le
n*ANÀTOMTE PATHOLOGIQUE. 66g
iîssn cellulaire qui sépare ces deux membranes. C'est, par exemple, clans ce tissu cellulaire qu'existent cer- tains abcès qu'on trouve quelquefois au-dessous de la tunique vaginale , et qui^ cependant, situés à la pé- riphérie du testicule, paraissent n'avoir fait qu'en refouler le tissu, sans l'envahir. J'ai trouvé une fois Une couche tuberculeuse qui était ainsi interposée entre la tunique vaginale et la tunique albuginée. Une autre fois, j'ai vu la porlion de tunique vaginale qui recouvre le testicule soulevée en un point de son étendue par une concrétion calculeuse , du volume d'une noisette , et qui n'intéressait en aucune façon la substance même du testicule, dont la séparait la timique albuginée restée intacte. Dans la plupart des cas où il y a altération soit de cette dernière tunique , soit du tissu cellulaire qui l'unit à la membrane sé- reuse , une hydrocèle s'établit, mais souvent peu considérable.
5". Parencliyme du testicule. Les altérations prin- cipales qu'on y a découvertes sont les suivantes :
A, Un simple état d'hyperémie avec tuméfaction plus ou moins considérable de la substance.
B, Un état d'induration grise ou blanche du pa- renchyme , avec possibilité de distinguer encore les conduits séminifères.
C, Cette même induration , avec disparition des conduits séminifères ; le testicule représente alors une masse homogène, dure, où l'on ne trouve plus aucune trace de son organisation primitive. Cette in- duration est tantôt générale, et tantôt partielle : dans ce dernier cas , il n'y a souvent que l'épididyme qui en est le siège.
B'JO PRÉCIS
D, L'existence an milieu du testicule de massée encéphaloidcs , avec tous les degrés de dureté ou de ramollissement.
E, Le développement d'un tissu érectile accidentel, qui tantôt n'occupe que quelques points isolés de l'organe , et tan tôt en a envahi la totalité. J'ai rapporté ailleurs avec détail le cas d'un individu qui mourut à la Charité , quelques mois après avoir subi la castra- lion pour une tumeur érectile du testicule , et dans le poumon duquel je trouvai de nombreuses masses rongeâtres , composées aussi d'un tissu érectile ana- logue à celui qui avait envahi le testicule.
F. Des collections purulentes , qui dans certains cas constituent la seule lésion, et dans d'autres ne font que terminer une des altérations précédentes.
G. De la matière tuberculeuse. Elle existe dans lé testicule avec tous ses aspects; tantôt dure, dissé- minée sous forme de petits grains isolés , ou réunie en grosse masse qui fait saillie à l'extérieur; tantôt ramollie , et transformée en une matière liquide qui, là comme partout ailleurs, tend à se faire jour au- dehors, à l'aide d'ouvertures fistuleuscs dont les en- veloppes testiculaires deviennent le siège.
M. Reynaud m'a dit avoir trouvé récemment dans un testicule de petites granulations grisâtres, demi- fransparentes, dures comme du cartilage , semblables en un mot aux granulations pulmonaires. Ce fait ten- drait à prouver que les granulations du poumon peu- vent être constituées par autre chose que par l'indu- ration chronique des vésicules pulmonaires. C'est une recherche à poursuivre dans le testicule.
Le canal déférent présente, comme altérations prin-
n ANATOMÎE PATHOLOGIQUE. 67^
cipales, une oblilt'ralion de sa cavité, une dilatation de cette même cavité avec ou sans épaissicsement de ses parois, l'existence d'un liquide purulent à son intérieur, et autour de lui le développement d'une couche de matière tuberculeuse qui lui forme comme une enveloppe accidentelle. J'ai vu un cas de ce genre chez un individu dont le testicule était rempli de tubercules. Il est vraisemblable que dans le tubercule aussi la matière tuberculeuse s'était développée en dehors des canaux séminifères.
Les vésicules séminales sont parfois imparfaitement développées. Meckel parle de cas où il n'y en avait qu'une. On a trouvé de la matière tuberculeuse dans leurs parois , du pus dans leur cavité ; d'autres fois on y a rencontré des calculs ; une communication accidentelle s'établit dans quelques cas entre elles et l'intérieur de la vessie.
La proslate augmente souvent de volume, sans présenter d'autre altération qu'une simple hypertro- phie de son tissu. Celte hypertrophie peut être géné- rale, ou bornée soit à l'une de ses parties latérales, soit à sa partie moyenne ( Lobe médian de Home ). Au Heu d'être simplement hypertrophiée , la prostate , en augmentant de volume, perd souvent son aspect normal ; son tissu ne présente plus qu'une masse ho- mogène, dite squirrheuse. Des corps fibreux, carti- lagineux, ossiformes, semblables à ceux de l'utérus, s'y développent fréquemment. Enfin, elle peut de- venir le siège de collections purulentes. Dans plu- sieurs cas de suppuration de la prostate , on a obrervé tous les symptômes des fièvres graves , bien qu'il n'y
672 • PT\ÉCIS
eut pas on incarne temps de lésion p;astro-intestinaIe(î\ Il nous resterait à parler ici des lésions diverses qui peuvent atteindre le pénis; mais de quel profit serait-il pour la science , qu'à la suite d'une foule d'au- teurs nous donnassions la description, déjà si com- plètement faite , de l'épispadias , de l'hypospadias , du phimosis, du paraphimosis , des diverses altérations de nutrition du gland, de ses ulcérations, de ses ex- croissances variées, enfm de la dégénération squir- rlieuse ou cancéreuse des corps caverneux? Ici, comme ailleurs , l'expression de cancer a servi sans doute à désigner des lésions de texture fort différentes les unes des autres, mais qui toutes ont une fin com- mune , sont liées à un même état général de l'éco- nomie, et, une fois développées, exercent sur cette même économie une influence identique. Toutefois, il est ici un fait important et qu'il ne faut pas perdre de vue sous le rapport de l'étiologie de ces lésions, c'est que laplupart reconnaissent au moinspour cause occasionelle manifeste l'irritation dont le gland est habituellement le siège , chez des individus affecté» d'un phimosis à divers degrés (2).
(1) Clinique Médicafè.
(2) Consultez sur lecnncer du pénis un excellent Mémoire de M^ Burct| inséré dans le Journal hebdomadaire , tome I«
D*ÀKATOMIE PxVTlIOLOGlQlE. * 6^3
SECTIOiN DEUXIEME.
MALADIES
DES ORGANES GÉNITAUX bÉ LA FEMME.
Nous allons successivement étudier !ès maladies :
î°. De l'Utérus.
2^ Des Trompes.
5^ Des Ovaires.
4\ Du produit de la Conception cl de ses annexes»
CHAPITRE PREMIER.
MALADIES DE L'UTÉRUS,
Parmi les lésions que l'ouverture des cadavres dé- couvre dans cet organe, quelques-unes sont spéciale- ment du domaine de la chirurgie ou de l'obstétrique; elles consistent, soit dans divers déplacemens du corps ou du col de l'utérus, soit dans des altérations de conformation qui sont le plus généralement con- génitales. Nous ne ferons ici que les indiquer très- sommairement. Ces lésions sont les suivantes :
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l^ L'obli(/Liilé de l'utérus. Cet état peut exister sans cause connue ; d'autres fois il est le résullat d'ad- hérences contre nature, qui unissent l'utérus aux' parties latérales du bassin et l'obligent à s'incliner du côté où elles ont lieu.
2°. La rétroversion de l'utérus. Le fond de l'or- gane se trouve alors dirigé en bas et en arrière , et son orifice vaginal en haut et en devant. Cet état est beau- coup plus commun dans l'état de grossesse que dans l'état de vacuité de la matrice.
3". Uantêversion de Cuiérus. C'est la disposition annexe de la précédente.
4"- L'inversion de l'utérus. Cette lésion est carac- térisée par le renversement de l'organe qui se retourne sur lui-même, de telle sorte que sa face interne de- vient externe : il y a toujours dans ce cas un prolap- sus plus ou moins grand du corps utérin ; mais tantôt il fait seulement une légère saillie au devant du col , tantôt il paraît hors du vagin; la tumeur qui en ré- sulte ne présente aucun orifice, ce qui la distingue de celle qui est formée par un simple prolapsus. Le renversement de l'utérus n'arrive guères que dans les cas où il y a à-la-fois distension de sa cavité et amin- cissement de ses parois. Outre les cas de renverse- ment qui se produisent pendant l'accouchement, il en est d'autres qui coïncident avec le développement de productions accidentelles d'un volume considé- rable dans la cavité utérine.
5°. La chute de l'utérus. Dans cette lésion l'uté- rus est entraîné dans le vagin , puis hors de ce con- duit, et il vient former tumeur entre les cuisses. On retrouve presque toujours sur cette tumeur l'orifice
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du col. L'inversion du vagin est la cause la plus fré- quente de la chute de l'utérus.
6\ La hernie de l'utérus, soit vide, soit chargé du produit de la conception.
■^^ L'état biloculaire de l'utérus. Cet état présente plusieurs variétés. Dans une première de ces variétés, l'utérus, vu extérieurement, offre deux cornes, comme l'utérus de la plupart des mammifères; exa- miné intérieurement, il est divisé dans son col en deux loges par une cloison , et chacune de ces loges aboutit à l'une des cornes qui terminent supérieure- ment l'orijane. Dans une seconde variété , la cloison de la partie n'existe pas, le col est simple , mais le corps continue à se terminer supérieurement par deux cornes. Dans une troisième variété, l'aspect bicorne disparaît , et à l'intérieur l'utérus a sa conformation normale ; mais sa cavité est encore divisée en deux loges par une cloison , qui se termine plus ou moins près du col. Enûn , dans une quatrième variété , l'é- tat biloculaire de l'utérus n'est qu'apparent; il pré- sente vers son bord supérieur une échancrure mé- diane plus ou moins profonde, qui lui donne encore un aspect bicorne ; mais à l'intérieur de l'organe on ne retrouve aucune trace de division. La cloison, que nous avons vue dans les trois premières variétés sépa- rer en deux loges la cavité utérine, peut se prolonger dans le vagin jusqu'à son orifice vulvaire. Elle y est formée spécialement par un adossement de la mem- brane muqueuse , dont on peut facilement faire glis- ser les deux feuillets l'un sur l'autre (i).
(i) Cassan , Observation d'une duplicité de l'utérus cl du t"û§fw. (Archives de uicdecine , tom. VI , pag. 192.)
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L'état biloculairc de rutérus ne s'oppose pas au dé- veloppement du produit de la conception. Une femme qui présentait ce vice de conformation, avait eu un enfant, qui était venu à terme, mais qui mourut en naissant, après un accouchement laborieux (1). Une autre femme, dont M. Ollivier (2) a rapporté l'histoire, devint cinq fois enceinte. Le premier accouchement fut très-laborieux ; l'enfant vint mort. Aux trois gros- sesses suivantes les enfans vinrent seulement deux fois vivans. Enfin, devenue enceinte une cinquième fois, et arrivée au [erme de sa grossesse, elle fui prise tout-à-coup des signes d'une péritonite aiguë , à la- quelle elle succomba. A l'ouverture du cadavre , on trouva rompu celui des lobes de l'utérus qui contenait le fœtus.
8". Le dé velop peinent incomplet de l'utérus. Ici , encore, existent plusieurs varioles. Dans l'une d'elles, l'utérus conserve un certain volume; mais l'une de ses moitiés manque, et il n'y a en même temps qu'un ovaire et qu'une trom[)e. Dans un cas de ce genre, ob- servé par Chaussier (5) , la femme avait eu plusieurs enfans, qui étaient venus à terme. Dans une aulre variété, l'utérus est tellement petit qu'il faut quelque attention pour le retrouver. Le vagin se termine à un petit renflement creux, auquel aboutissent les trom- pes. D'autres fois le col a ses dimensions accoutumées, et il surpasse de beaucoup le corps en volume. M. Lauth , de Strasbourg, a cité un cas dans lequel à un col assez bien conformé , venaient aboutir presque
(1) Bérard joune , Clini<^iie des hôpitaux ^ de., tom. I , n° jj,
(a) Archives dG médecine , toni. VIll , pag. 2i5.
(3) Etillclint de la Faculté de viédiicinç ,<n\néQ 1817, pag. ^^y»
d'aiXAtomie pathologique. 6-"^
îmmédialementJes trompes; ellesn'oncîaieril séparées que par une petite cavllè à parois minces, niembra- îieuses. On ne trouvait qu'un rudiment d'ovaires. Le bassin de celte l'emme se rapprochait d'un bassin d'homme, et la mammelle était conformée comme chez celui-ci (i),
9°. L'absence complète de Caler is. Elle a été ré- cemment constatée càTHotel-Dien, par M. Dupuytren, sur une fille devingt-septans. Le vagin avait tout au plus un pouce de profondeur. Derrière le cui-de-sac qui le terminait, existait k rectum; au-dessus de la vessie et derrière elle, on trouvait les ligamens larges, qui conte- naient dans leur épaisseur des trompes volumineuses et des ovaires bien développés. A l'endroit de réunion des deux trompes , existait un petit leriflement , qui n'of- frait ni cul-de-sac, ni cavité, et qui ne ressemblait eu rien à l'utérus (2). Gliez cette femme, les mamelles étaient bien développées, les parties génitales exté- rieures bien conformées, et rien ne rappelait la cods- titution masculine. Elle n'avait jamais été réglée.
10". Uoblitèralion des d'wcrs orifices de C utérus. Chez quelques femmes on trouve exactement fermée l'ouverture de communication des trompes avec laca- vité utérine. Tanlot celte absence d'ouverture est due à la simple continuation de la membrane muqueuse au-devant d'elle ; tantôt c'est une membrane particu- lière qui la bouche, comme une sorte de diaphragme, et derrière ç\\q on retrouve la cavité de la trompe; tantôt, enfin , cette cavilé manque elle-même du côté de l'utérus, dans l'étendue de quelque lignes. J^e col
(1) Répertoire d'anaioutu i^aihol.i^i'iuc ) etc. ^ loin. V, pag. 99. ,
(2) Ibiilçm.
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peut être aussi oblitrré, soit parce qu'une membrane en bouche l'oritice vaginal ou utérin , soit parce que ses parois mêmes sont agglutinées d'une manière plus ou moins intime. Quelquefois, en môme temps que ]es deux orifices du col sont réduits à une petitesse extrême, sa cavité est au contraire agrandie, ou du moins elle conserve ses dimensions normales.
Les altérations de l'utérus, que nous allons mainte- nant étudier, et qui sont plus spécialement du do- maine de la pathologie interue , sont, dans cet organe, comme partout ailleurs , des altérations de circula- tion, de nutrition ou de sécrétion. Dans cet organe , comme ailleurs , tantôt ces altérations diverses sont liées à un travail plus ou moins intense d'irritation antécédente ; tantôt cette irritation ne peut pas plus être admise par l'anatomie pathologique que par l'é- tude des symptômes. Quel fait, par exemple, autorise à en supposer l'existence dans les cas de développe- ment de tumeurs fibreuses?
L'hyperémie de l'utérus s'observe quelquefois sans autre lésion de cet organe ; elle peut en occuper toute l'épaisseur , ou être bornée à sa surface interne. Dans ce dernier cas, la membrane muqueuse qui tapisse les parois de la cavité utérine s'injecte de sang, et, se séparant du tissu qui lui est subjacent , elle devient on ne peut plus évidente.
L'utérus est chaque mois, chez les femmes pu- bères, le siège d'une hyperémie qui chaque mois aussi se dissipe sans qu'il en résulte aucun désordre. Ce- pendant, chez un certain nombre de femmes, chaque retour de cette hyperémie mensuelle est accompagné de douleurs à la région ulérine, et souvent d'un mou-
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vement fébrile : à cela se bornent tous les accldens. Mais, si au lieu d'être le résultat d'un acte physiolo- gique, c'est une hyperémie morbide qui survient, alors des troubles sympathiques beaucoup plus graves se manifestent , et cependant l'hyperémie n*est pas plus considérable que celle qui est produite par le re- tour des règles. Ainsi , chez plusieurs femmes mortes peu de temps après leurs couches , d'une péritonite aiguë , dont le point de départ manifeste a été une irritation de l'utérus, on ne trouve autre ciiose dans cet organe qu'une rougeur, souvent médiocre, soit de son tissu propre , soit seulement de sa surface interne. Mais d'autres fois , le point de départ restant le même, de plus graves effets se produisent; le tissu de Tuté- rus se tuméfie , il se modifie dans sa consistance , ou il suppure.
La tuméfaction du corps de l'utérus ou de son col est d'abord le simple résultat de la congestion san- guine considérable dont cet organe est le siège ; elle peut disparaître avec cette congestion elle-même; mais d'autres fois elle lui survit, et alors l'organe, en même temps qu'il reste plus volumineux que de coutume, acquiert une grande dureté, ou bien il se ramollit ; car la même cause peut donner lieu à ces deux effets opposés.
L'induration de l'utérus ne s'opère que lentement. Au contraire, son ramollissementpeutavoir lieu dansun très-court espace de temps. Souvent, chez des femmes qui succombent très-peu de jours après que des signes d'iiritation se sont manifestés du côté de l'utérus, on trouve ses parois tellement ramollies , qu'en les tiraillant faiblement, ou en les pressant yssez légèrement avec le
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doigt, on les perfore ; quelquefois même la friabilité des parois utérines est devenue telle, que, pendant la vie, elles se rompent spontanément , surtout lorsque l'utérus contient le produit de la conception qui pèse mécaniquement sur ces parois sans résistance : ainsi §e perfore spontanément leslomac ramolli.
En même temps qu'il perd de sa consistance , le tissu de l'utérus vient quelquefois à suppurer. Le pus qu'on y trouve peut y être infiltré ou réuni en foyers uniques ou multiples , dont la grandeur varie depuis le volume d'un petit pois ou d'une tête d'épinglç jusqu'au volume d'une grosse noix. Il est des cas où tout le tissu de l'utérus semble comme macéré dans une énorme quaniité de pus; à peine trouve-t-on au milieu de ce liquide quelques fibres déchirées et sans consistance. Autour du pus , le tissu de l'utérus con- serve cependant, dans certains cas, toute sa fermeté; tantôt il est d'un rouge vif, violacé; tantôt il est gri- sâtre, d'une teinte feuille morte, ou môme d'une pâleur remarquable!.
Considéré relativement à son siège , le pus peut exister dans l'épaisseur du tissu de l'organe ou dans sa cavité. Dans le premier cas , la suppuration peut avoir son siège au sein môme du parenchyme de l'utérus , ou dans ses veines; souvent alors celles-ci sont assez dilatées pour qu'il soit facile de les confondre avec des cavités accidentelleSo Ordinairement il y a un grand nombre de veines utérines que l'on trouve ainsi pleines de pus; ces veines le portent dans celles du voisinage, et il n'est pas rare alors d'en trouver aussi dans la plupart des veines hypogastriques , dans la veine cave, et enfin dans divers parenchymes orga-^
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»Ic[ues , où il est déposé à mesure que de l'ulérus il a cbeminé avec le sang dans les diverses parties de l'arbre veineux.
On trouve plus rarement du pus dans la cavilé de l'utérus que dans le tissu inêinô de cet organe. Dans la plupart des cas où cette cavité contenait du pus, il m'a semblé que l'état morbide qui lui avait donné naissance n'avait pas eu une marche aiguë, comme dans les autres cas dont il vient d'être question. Quel- quefois même aucun symptôme n'avait été observé du côté de l'utérus ou de ses annexes. Dans ce cas, par exemple , se trouvait une vieille femme qui mou- rut à la Charité de phthisie pulmonaire, sans avoir jamais rien accusé du côté des voies génitales. Nous trouvâmes l'utérus rempli de pus : une couche blan- châtre, membraniforme , semblable à la fausse mem- brane du croup, en tapissait la surface interne ; au- dessous de cette couche la muqueuse était vivement injectée. Chez une fille de vingt ans . qui jamais n'a- vait été résflée , et chez laquelle d'ailleurs rien non plus n'avait porté à soupçonner l'existence d'une affec- tion de l'utérus, une membrane rougeâtre, organisée, recouvrait la muqueuse utérine, à laquelle elle adhé- rait par des filamenscellulo-vasculaires, et la couvrait dans sa totalité. On eut dit d'une membrane caduque , très-développée , vivement injectée , et en quelque sorte plus vivante que de coutume. Cette membrane passait, sans s'interrompre, au-devant de l'orifice des trompes et de celui du col utérin : ces deux orifices se trouvaient ainsi oblitérés par elle. Elle constituait ainsi les parois d'une poche sans ouverture, que rem- plissait un pus de bonne nature.
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Telles sont les lésions principales que présente l'u- térus, lorsqu'une irritation aiguë Ta frappée. Portons maintenant nos regards soit sur plusieurs de ces mêmes lésions survenues sans irritation antécédente appréciable, soit sur d'autres lésions qui sont le ré- sultat d'une irritation lentement développée, ou même qu'aucune irritation n'a précédée d'une manière au moins appréciable.
Parmi ces lésion.s , nous retrouvons le ramollisse- ment de l'utérus. Nous venons de voir des cas où ce • ramollissement coïncide avec un état d'hyperémie aiguë de l'organe ; il est d'autres cas où cette lésion se présente d'une nianière toute différente. On ouvre quelquefois des cadavres de femmes qui sont mortes d'une maladie étrangère à l'utérus^ et l'on n'est pas peu^ étonné de trouver cet organe d'une pâleur et d'une flaccidité remarquables. On le déchire aussi facilement que le tissu de la rate; en certains points il ne présente même plus qu'une sorte de pulpe demi-liquide. Tantôt ce ramollissement est partiel, tantôt il est général, et dans ce dernier cas il y a ' souvent en même-temps un notable amincissement des parois de l'organe. Une semblable lésion est-elle le résultat d'un travail d'irritation? A-t-elle été pré- cédée d'un état de congestion sanguine ? Ce ne se- rait que par hypothèse qu'on l'allirmerait. Est-elle un produit d'atonie ? On ne saurait non plus le dire. Ainsi, à mesure que nous avons parcouru le cercle de nos recherches, nous avons vu , à chaque pas en quelque sorte, se reproduire l'insuffisance ou la fausseté de la théorie, qui consiste à expliquer tous les désordres organiques par un excès ou par un
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défaut de la stimulation normale. Quoi qu'il en soit , rappelons ici que la plus grande analogie existe entre cette espèce de ramollissement de l'utérus, et un de ceux que nous avons déjà trouvés dans le cerveau , dans le cœur, dans le foie, dans l'estomac, dans les reins, sans pouvoir davantage en pénétrer la cause.
Il est encore une autre espèce de ramollissement de l'utérus, qui en frappe beaucoup plus souvent le col que le corps , et dans laquelle son tissu se trouve transformé en un putrilage noir et très-fétide. Ce ra- mollissement putrilagineux est quelquefois la seule lésion que l'on rencontre dans l'utérus ; il peut oc- cuper, l^ quelques lignes seulement de la partie la plus extérieure du col, et derrière lui on ne trouve plus de lésion; 2°. tout le col ; 3°. une certaine partie du corps. D'autres fois cette espèce de ramollisse- ment survient à une certaine période des ulcérations du col utérin , ou bien elle s'établit autour de pro- ductions encéphaloïdes développées au sein de l'uté- rus. Est-ce là un état gangreneux? mais ce mot est bien vague , et n'apprend rien. Est-ce cet état que Boër a désigné sous le nom de putrescence de l'utérus?
Au lieu de se ramollir de l'une ou de l'autre des manières qui viennent d'être indiquées , l'utérus peut subir en divers points de son étendue une modifi- cation telle de nutrition , qu'il en résulte une ulcé- ration.
Une des variétés de la maladie connue sous le nom de cancer de L'utérus, n'est autre chose que l'ulcération du col de cet organe , sans que cette ulcé- ration ait été précédée d'aucune de» productions ac-
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cidentelles appelées tissus sqiiirrbeiix el encéplia- Joïde. Une tnmcf'actioii du col utérin , qui souvent même n'est que très-légère , et qui d'autres fois pro- duit à la surface extérieure du col ainsi que du vaj^jin , des inégalités, des bosselures plus ou moins marquées, voilà tout ce qui précède cette ulcération. Une fois qu'elle a pris naissance, tantôt elle reste plus ou moins long-temps stalionnaire, et tantôt s'étendant en profondeur, elle produit la destruction totale du col de l'utérus. Arrivée à ce point, elle le franchit , ou s'arrête, et îa ligne de démarcation entre les parties ulcérées et les parties saines est marquée par le point même qui sépare le corps de l'utérus de son col. De très-vives douleurs accompagnent sou- vent une ulcération très-superficielle du col utérin, tandis que d'autres fois une ulcération , qui a eu pour résultat une destruction complète du col , est à-peu- près complètement indolentCo
En s'étendant en profondeur, les ulcérations du col utérin et surtout celles du vagin donnent lieu à une double perforation de ce conduit d'une part, et d'autre part du rectum ou de la vessie. De là, la for- mation de ces fistules vésico-va^inales , ou recto-va- ginales, qui sont si communes dans les cas de can- cers utérins.
Il est une autre variété du cancer de l'utérus , dans laquelle l'ulcération n'est que consécutive, et qui pré- sente pour caractère anatomique le développement, au sein du tissu de l'utérus, de la matière encépba- luïde. Celte matière peut se déposer, i". dans le col seulement ; 2°, dans le corps de l'utérus, le col restant paifai'emcnt intact ; 7f. dans ces deux parlies à la
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fois; .^j"** enûn clans le tissu cellulaire qui unit l'iUorus aux parties environnantes, et spécialement au rectum et à la vessie. Dans ce dernier cas , surtout, on trouve autour du col utérin et du vagin de volumineuses tumeurs qui compriment tantôt le rectum , et tantôt la vessie; il est de ces tumeurs qui font à l'inté- rieur de ce dernier organe une saillie si considé- rable , que sa cavité en est à-peu-près complètement effacée ; en pareil cas , on trouve ordinairement les uretères considérablement dilatés. Le développe- ment de la matière encéphaloide est plus commua dans le col que dans le corps , et souvent l'on trouve celui-ci parfaitement sain, dans des cas où d'énormes masses encéphaloîdes tuméfient et défor- ment le col. On voit de ces masses qui sont de cinq à six fois plus volumineuses que le corps même de l'utérus.
La production morbide dont il vient d'être ques- tion ne peut exister dans l'utérus , sans qu'il en ré- sulte, pour l'ensemble de l'économie, les désordres les plus graves ; la mort en est , au bout d'un temps plus ou moins long, l'inévitable résultat. Il est une production accidentelle , qu'on a long-temps con- fondue avec la précédente, et qui, différente d'elle par ses caractères anatomiques , en diffère surtout par son innocuité , si l'on peut ainsi dire. Je veux par- ler des tumeurs fibreuses de l'utérus. Tandis qu'une masse encéphaloide , à peine grosse comme une noix, ne peut exister impunément en un point de l'utérus, on voit au contraire ces tumeurs fibreuses acquérir un volume énorme, surpasser en dimension l'organe
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môme dans lequel elles ont pris naissance, sans qu'il résulte de douleur, sans altération du mouvement nutritif général , sans qu'aucun phénomène sympa- thique, en un mot, en soit le résultat.
Les tumeurs fibreuses de l'utérus ont , dans cet organe, la même structure que partout ailleurs (i). Elles sont composées de fibres roulées sur elles- mêmes, pelotonnées, constituant un lacis inextri- cable. Elles sont divisées en plusieurs lobules séparés par un tissu cellulaire assez lâche, dans lequel rampent des vaisseaux. Tel est le cas le plus commun ; mais quelquefois à côté de tumeurs qui ont la structure que je viens d'indiquer, on en trouve d'autres d'une disposition différente, et que cependant on appelle aussi des lumeurs fibreuses, bien qu'on n'y trouve plus de trace de tissu fibreux proprement dit. Ces lumeurs sont composées d'un ensemble de granula- tions qui , par leur disposition , rappellent assez bien l'aspect du pancréas. Chaque granulation peut se di- viser en grains plus petits, et dans l'intervalle de chacune est interposé un tissu cellulaire plus ou moins vasculaire.
La couleur des tumeurs fibreuses n'est pas toujours la même ; on peut en distinguer trois nuances prin- cipales, une rougeâtre , une blanche, et une jaunâtre.
Leur volume est très-variable ; il est de ces pro- ductions fibreuses qui égalent à peine le volume d'un petit pois ; il en est d'autres qui surpassent la grosseur de la tête d'un fœtus à terme. Il en résulte alors l'exis-
(i) rnycz leur desciiplloa dans le tome I.
d'aNATOMIE PATiiOLOlîIQLE. GS'J
tence d'une tumeur qui tantôt fait saillie dans le vagin, et qui tantôt peut être reconnue à travers les parois abdominales.
La forme des corps fibreux de lutérus est ordinai- rement globuleuse ; ils sont parfois mamelonnés à leur surface, ou comme divisés par des scissures. Leur nombre est indéterminé : dans certains cas on ne trouve qu'un seul de ces corps ; dans d'autres cas il y en a plusieurs qui sont disséminés en divers points de l'utérus ; souvent même , lorsque cet organe ea contient plusieurs, on remarque dans ses annexes une tendance à la production de ces mêmes corps ; ainsi , l'on en trouve en même temps dans les ovaires, et jusque dans l'épaisseur des ligamens larges.
Tous les corps fibreux de l'utérus n'ont pas le même degré de densité. Les uns ont une certaine mollesse; ils sont doux au toucher, et se laissent comprimer jusqu'à un certain point; d'autres sont beaucoup plus durs, et ce n'est qu'avec une certaine peine que le scalpel parvient à les diviser; mais, pour peu que cette dureté augmente, on observe un changement dans leur structure : l'aspect fibreux cesse d'être par- tout aussi évident; en beaucoup de points il est rem- placé par l'aspect cartilagineux ; en d'autres points enfin on trouve des masses ossiformes , ou plutôt semblables à des fragmens de pierre calcaire. Celte pétrification des corps fibreux de l'utérus commence ordinairement par leur centre ; autour du lieu où elle existe , le tissu du corps fibreux a souvent une couleur jaunâtre fort remarquable ; peu-à-peu elle s'étend à d'autres points de la tumeur, et dans quelques cas, assez rares à la vérité, elle finit par l'envaliir toute entière.
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Considérés sous le rapport de leur siège , les corps fibreux de l'utérus doivent être divisés en trois espèces.
La première espèce estsituée en dehors de l'utértis, entre la tunique péritonéale et le tissu propre de cet organe. Les corps fibreux qui ont un pareil siégé ne prennent jamais leur développement du côté de l'uté- rus , ils n'exercent sur lui qu'une compression légère ; mais ils s'étendent du côté de l'abdomen, dans lequel ils vont constituer des tumeurs plus ou moins consi- dérables.
La seconde espèce est logée dans l'épaisseur môme du tissu de l'utérus. Mais tantôt les corps fibreux de cette seconde espèce sont encore situés assez près de la surface extérieure de l'organe , et c'est surtout dans ce sens qu'ils tendent à s'accroître ; tantôt ils sont logés tout près de la cavité utérine , et ils se déve- loppent particulièrement de ce coté ; tantôt, enfin, c'est au centre même des parois de l'organe qu'ils existent , et dans ce troisième cas Ton observe qu'ils restent plus long-temps stationnaires que dans les deux autres cas. Ces tumeurs occupent bien plus sou- vent le corps même de l'utérus que son col.
La troisième espèce laisse intacte, comme la pre- mière, le tissu propre de l'utérus; elle se développe entre ce tissu et la membrane muqueuse, qu'elle contribue à rendre plus apparente que dans l'état normal , en la détachant des parties subjacentcs. Jamais on n'a vu d'ailleurs ces corps fibreux prendre naissance au-dessus même de la membrane muqueuse. Mais, à mesure qu'ils grossissent, ils la poussent au- devant d'elle ^ s'en entourent comme d'une enveloppe, et viennent faire saillie à l'intérieur de la cavité uté-
D'ANATOMTE FATITOIOGIQUE. 689
vinc , soit seiileaient dans îa cavité du corps , soit dans celle du col; quelquefois enfin ils sortent de cette dernière cavité , et se montrent dans le vagin. A me- sure que le corps fdjreux grandit , il tend à aban- donner le lieu qu'il occupait primitivement: il arrive souvent une époque où il ne se trouve plus même en contact avec le tissu de l'utérus; il en est séparé parla membrane muqueuse elle-même qui, continuant à lui servir d'enveloppe , forme de plus, derrière lui , un prolongement qui lui sert de pédicule. Ceiui-cî n'appartient donc pas au corps fibreux; il s'est formé d'une manière toute mécanique, et sa texture est celle de la membrane muqueuse elle-même : ce pé- dicule muqueux n'existe d'ailleurs que dans un cer- tain nombre de cas; il peut être large ou étroit, Ions; de plusieurs lignes ou très-court, pourvu ou non de vaisseaux distincts; sous ce dernier rapport, il par- ticipe à toutes les variétés d'état des membranes mu- queuses»
Les trois espèces de corps fibreux que nous venons d'étudier ont toutes le même mode d'union avec le tissu de l'utérus. Ceux qui sont développés à sa péri- phérie, comme ceux qui existent à sa surface interne ou qui occupent l'épaisseur de ses parois , ne sont unis au parenchyme utérin que par des liens celluleux très-lâches , de telle sorte que c'est avec la plus sjrande facilité qu'on les enlève , sims déchirer en rien le tissu de l'utérus. Lorsqu'ils sont peu considérables, cet organe ne s'éloigne pas de son état normal. Sont-ils au contraire plus volumineux? il en résulte pour l'uté- rus deux modifications principales , dont l'une porte sur le volume même de l'organe et l'autre sur sa tex- IL zJ4
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ture. Le volume de l'utérus devient souvent très- considérable , dans les cas où des corps fibreux se sont développés à sa surface interne ; sa cavité s'agrandit, comme s'il portait le produit de la conception : en même temps, dans ce cas comnie dans celui où c'est dans l'épaisseur même des parois Ktérines que le corps fibreux s'est formé , le tissu de l'organe change d'as- pect ; mais l'aspect qu'il revêt n'est point morbide , c'est celui qu'il présente lorsqu'il contient un fœtus. Il n'a plus sa texture homogène, des fibres distinctes s*y dessinent; ces fibres sont rougeâtres, charnues, telles en un mot qu'elles apparaissent pendant la gros- sesse. Quant à la membrane muqueuse , elle ne pré- sente rien de constant : il est des cas où on la trouve pâle et sans aucune altération appréciable; il en est d'autres où elle est plus ou moins vivement injectée. J'ai trouvé quelquefois , chez des femmes dont l'uté- rus contenait plusieurs corps fibreux , la cavité de la matrice remplie d'un sang liquide ou en partie coa- gulé. Au-dessous de ce sang, la membrane muqueuse gastrique ne paraissait point altérée; elle était seule- ment plus ou moins rouge. Ainsi , lorsque des pro- ductions accidentelles viennent à se développer au- dessous des membranes muqueuses gastrique ou pulmonaire , on les voit fréquemment aussi devenir le siège d'une exhalation sanguine.
Les corps fibreux ne se développent pas dans l'utérus -avec une égale fréquence à tous les âges. Il est très-rare qu'on les y trouve avant l'âge de trente ans; ils sont au d contraire Irès-communs chez les vieilles femmes. Bayle ; a calculé que sur cent cadavres de femmes mortes ^, après l'âge de trente-cinq ans, il en est au moins
n'ANATOMlE PATHOLOGIQUE. 6qI
Vingt , qui présentent dans l'utérus un développement de tumeurs fibreuses ; on a cru remarquer qu'elles étaient plus fréquentes chez les femmes qui n'avaient point eu d'enfans, ou chez celles qui étaient restées
vierges.
Au lieu de ces corps fibreux , on rencontre quel- quefois dans l'épaisseur des parois de l'utérus des kystes séreux , de grandeur variable, dont il serait fort difficile d'assigner l'origine. Ces kystes s'observent surtout vers le col de l'organe. 11 est des cas où ce col est rempli d'une infinité de ces kystes , qui sont tous îrès-pelits, d'égale diamètre, et implantés, par cen- taine, dans le tissu du col. Quelques-uns font une légère saillie au-dessous de la muqueuse.
Je n'ai rien à dire de particulier sur la matière tu- Lerculeuse qu'on trouve parfois déposée au sein du parenchyme de l'utérus, si ce n'est qu'on l'y observe très-rarement et dans les cas surtout où beaucoup d'autres organes contiennent aussi de cette matière.
Les diverses productions morbides qui viennent d'être passées en revue ont pour caractère commun d'être situées en dehors de la cavité utérine , et par conséquent au-dessous de la membrane muqueuse qui en tapisse les parois. Mais dans cette cavité elle- même se montrent des produits divers qui reconnais- sent, pour point de départ, un état morbide de la membrane muqueuse. JNous avons déjà vu que celte membrane peut sécréter soit du pus , soit une matière concrète et plastique qui s'étend sur elle comme une couche avec ou sans apparence d'organisation. Mais ce n'est pas tout : de la surface interne de la mem- brane muqueuse s'élèvent des productions qui lui
44.
6o2 rr.rcfs
îHhorout pins ou moins intimement, et rrni , se rap- ])roc])ant par ce caraelère commun , diflerent d'ail- leurs Ijeaucoup les unes des autres, lantpar leur cri*- gine , que par leur disposition intime.
Que si d'abord nous considérons spécialement ces productions sous Je rapport de leur origine , nous en reconnaîtrons deux espèces. Les unes n'ont été d'abord qu'un simple caillot de sang, qui , déposé à l'intérieur de la cavité utérine, a revêtu peu-à-peu une organisation et une forme , et s'est enfin uni à la muqueuse ; là comme partout ailleurs, le sang devi'^nt un tissu (i). D'autres productions paraissent résulter
(i) Au moment où je corrige cette feuille, Je viens d'ob*5ervier à l'hôpilal CiOchin un cas qui me paraît bien dij^ne d'intért-t, comme propre à inoii- lier les diverses transformations que peut subir le sang déposé en caillot dans tine des cavités naturelles du corps. Voici ce cas ;
Chez ur)e femme qui succomba à uneascite, je trouvai une sérosité rou|i;eâtre épanchée dans l'abdomen et dans les deux côtes du thorax. Les deux plèvres étalf^nt couvertes d'un grand nombre de petits corps, arrondis, de volume variable. Plusieurs n'étaient autre chose que de simples caillots de sang apposés sur la membrane séreuse; d'autres ressemblaient encore « un cnagulum. sanguin , mais à un coagulum btîaucoup plus anciennement formé. Parmi ces derniers, les uns étaient encore r Juges; les auties pré- sentaient «ne teinte rose pâle; d'autres, enfin, étaient d'un blanc mat. Ils adhéraient plus iiilimemenlà la séreuse; ils y tenaient par des prolon- gemensi, soit simplement celluleux , soit réellement vasculahcs. Enfin quatre ou cinq de ces petits corps étaient remplis d'un liquide comme laclcscent.
Dans ie péritoine des corps sembî^ibies parsemaient divers points de la séreuse. Mais sur cette niembriane un petit nombre seulement ressem- blaient encore à du sang coitgulé : la plupart avaient passé ce degré , et presque tous se piésenlaicnt sous fornie de i)elile.s masses grises ou blan- ches remplies presqu<; toutes d'une matière semblable à un lait très-épais.
Qurlqufs-uns des vaisseaux lymphatiques qui rampent entre les tuni- ques intestinales , d'autres qui aboutissaient aux ganglions bronchiques , étaient distendus par une matière semblable à celle qui remplissait les corps que je viens de décrire.
Un examinant attentivement ces corps , soit dans le thorax, soit dans
DANÂTOMIE PATHOf,or,iaUE, 0()J
<l*une altération même de nutrition de la membrane muqueuse. Il est facile , dans un certain nombre de cas, de distinguer cette double origine; mais à me- sure qu^eiles s'éloignent de leur point de départ , ces deux espèces de productions se confondent, et ou ne peut plus les séparer que par la théorie.
Etudiées sous le rapport de leur disposition et de leur forme , les productions qui nous occupent se présentent en général comme des végétations poly- peuses qui font à l'intérieur de l'utérus une sailli^e plus
ou moins grande.
Plusieurs de ces véiifétalions ressemblent exacte- ment à un simple prolongement de la membrane muqueuse, dont elles partagent toutes les variétés d^aspect. Tantôt elles sont très-courtes, tantôt elles ont une longueur remarquable. On en voit , par exemple , qui y partant du fond de l'utérus, traversent d'arrière en avant toute la cavité du corps et du col , et vont pendre, par leur extrémité libre, dans l'intérieur du vagin. Quelquefois, ainsi que M. Bérard aîné en a rapporté d'intéressxms exemples (Thèse, 182G), l'extrémité libre de la végétation vient à contracter des adhérences avec un point des parois du col uiérift ou du vagin , et alors cette végétation se trouve hxée par ses deux extrémités. Ces végétations peuvent n'a-
l'abdomen, il m'a paru évident que tous, identiques à leuv point de dé- part, consistaient en caillots sanguins, qui peu-à-peu avaient pris une texture, et qui enfin étaient devenus le siège d'un travail de sécrétion morbide. Ce cas peut être rapproché de beaucoup d'autres que j'ai cités dans cet ouvrage. Il ofiVe de plus une particularité remarquable, c'est la présence , dans une partie de l'appareil circulatoire , de celle même ma- tière qui avait été sécrétée à l'inlérieur de^ ^rauululious lUoraciquca et suilout abdominales.
694 VRKCIS
Toir que répaisseur de la membrane muqueuse Je kquelle elles se détachent ; d'autres fois elles sont beaucoup plus épaisses, elles peuvent être molles , comaie elles, ou présenter une dureté beaucoup plus grande ; tantôt quelques vaisseaux les parcourent à peine; ti.ntot elles sont remplies de vaisseaux nom- breux, qui sont très- fins ou remarquables par leur gros calibre; elles sont quelquefois spongieuses, et comme pourvues d'une sorte de tissu érectile. Cet aspect n'existe souvent que vers leur extrémité libre, tandis qu'à leur extrémité adhérente on n'observe rien qui diûere de la muqueuse môme dont elles se détachent.
D'autres végétatîonsprésentent une disposition plus compliquée ; il n'y a plus seulement , comme dans les précédentes, un tissu , d'apparence muqueuse, qui ne varie que sous le rapport de son épaisseur , de sa consistance , de son injection ; il y a autre chose que ce simple tissu muqueux. Quelques-unes de ces vé- gétations présentent une masse rougeâtre creusée de loges diversement figurées et qui contiennent diiférens liquides. Chez une femme , avancée en âge, j'ai Irouvé l'une de ces végétations ayant la disposi- tion suivante : deux substances la composaient ; l'une, blanche, comme demi-cartilagineuse, constituait les parois de loges nombreuses dans lesquelles était comme di'posée l'autre substance, semblable à une gelée de viande incolore et très -peu consislante. Cette tumeur, du volume d'une noix, ne tenait à l'utérus que par un étroit pédicule. Le col utérin était comme criblé de petites loges, dans lesquelles était contenue cette même substance gélaliaiforme. Chez
d'aNATOMIE PATlfOr.OGIQUE. Gç)3
une autre femme, âgée de soixante-six ans, j'ai trouvé le fond de l'utérus occupé par un corps raugeâlre, f très- vasculaire , ayant à -peu -près le même volume que le précédent. Il adhérait intimement à la mem- brane muqueuse utérine. Il oflrait un grand nombre d'aréoles remplies d'un liquide incolore , séreux, légèrement visqueux. Les parois des aréoles étaient constituées par un grand nombre de Qlamcns ou de lames, dont les unes étaient rouges, et dont les. au- tres, d'un blanc mat, avaient une texture fibreuse. Il y avait un corps fibreux développé entre l'utérus et le péritoine. Les loges que nous venons de voir disséminées au milieu du tissu des tumeurs précé- dentes, peuvent se montrer comme des kystes que ne réunit plus aucune substance intermédiaire, et qui tiennent seulement les uns aux autres par des es- pèces de branches cellulo-vasculaires auxquelles ils sont comme appendus. Plus d'une fois à la surface interne de l'utérus, à laquelle elles adhéraient par un pédicule large ou étroit, j'ai trouvé de ces végé- tations dans lesquelles on ne voyait autre chose qu'une foule de petites vésicules, remplies d'un liquide trans- parent , pressées les unes contre les autres, et soute- nues par une sorte d'arbre cellulo-vasculaire. Cette production m'a paru dans plus d'un cas complètement indépendante de l'existence d'un placenta. C'est là ce qui a été appelé l'acéphalocyste en grappe [aceplia^ tocystls racemosa de quelques auteurs).
Dans ces végétations si variées qui s'élèvent de la surface interne de l'utérus et en remplissent la ca- vité, du phosphate calcaire vient quelquefois à se déposer. J'en ai vu un exemple remarquable. C'était
6()6 PRÉCIS
chez une femme de mo3^en âge, dont rutériis prê^ sentait, implanté sur \\m des points de sa surface interne , un corps pyriforme, qui ne tenait à la mu- queuse utérine que par un assez mince pédicule. De jiombreux vaisseaux le parcouraient; il était constitué par un tissu comme charnu; vers son centre existait une concrétion dure, rugueuse à sa surface, et sem-- blable à un amas de phosphate calcaire. Il paraît qu'on a trouvé quelquefois de semblables concrétions librCvS. dans la cavité de l'utérus, et que dans d'autres, circonstances ces concrétions en ont été expulsées pendant la vie. Dans un cas qui a été rapporté par Brugnatelli, on trouva au milieu de la cavité uté- vine un calcul pesant deux onces , qui avait pour noyau un morceau de tibia d'un poulet. Le calcul était formé de phosphate calcaire. Le même auteur a rencontré dans l'utérus un autre calcul formé de phosphate de chaux et de phosphate ammoniaco--
inagnésien.
Au lieu de sécréter des liquides sans analogues dans l'état sain , ou de s'altérer dans sa nutrition suivant l'un des modes qui viennent d'être indicrués, la membrane juuqueuse de l'utérus peut simplement sécréter en pi us grande quantité que de coutume le liquide qu'elle est destinée à fournir. Si l'orifice utérin est libre, ce liquide s'écoule en dehors à mesure qu'il est sécréîé; quelquefois cependant il s'accumule en certaine quan- tité dans la cavité utérine, avant d'en franchir l'orifice vaginal , et ce n'est que par intervalles qu'il s'écoule au dehors comme par (lots; en pareil cas sa viscosité nor-^ niale est diminuée, et il ressemble plus à delà sérosité qu'à du mucus. Mais il est un autre cas plus rare que
d'aNATOMIE rATllOLOGlQllE. 697
les précédens, où une cause quelconque a oblitéré l'orifice du col utérin : alors une grande quantité de liquide peut s'accumuler dans la cavité de la matrice, et on le voit se développer , comme s'il existait una grossesse. C'est à cette affection qu'on a donné le noui d'hydropisie de l'utérus ou d'hydromètre. Dans un cas récemment observé par le docteur Thomson (i), une femme entra à l'hôpital, se plaignant d'éprouver depuis six semaines des douleurs dans l'abdomen; de- puis la même époque elle s'était aperçue de l'exis- tence dans cette région d'une tumeur qui avait fait de rapides progrès. Cette tumeur se dessinait très- bien à travers les parois de l'abdomen ; semblant s'é- lever de derrière le pubis , elle se faisait sentir à l'hy- pogastre, dans les deux régions iliaques et jusqu'un peu au-dessus de l'ombilic : on eût dit de l'utérus d'une femaie dont la grossesse était déjà fort avancée. Celte tumeur resta stationna're pendant les six mois suivans ; la malade succomba alors à une gangrène d'une des extrémités inférieures. A l'ouverture du cadavre, on trouva dans l'abdomen l'utérus dévelop- pé , comme s'il avait porté un fœtus à terme. A peine l'eût-on incisé , qu'il en sortit environ dix pintes d'uu liquide brunâtre, que la chaleur coag-.da en partie : l'utérus ne présenta d'ailleurs d'autre altération qu'une oblitération complète de son orifice vaginal.
Enfm des gaz peuvent s'accumuler dans la cavité utérine , et produire une distension de cet organe qui peut encore en imposer pour une grossesse. Le plus îiouvent cette accumulation de c;az est le résultat de
(i) Mediçc-çhiruri^icalTransacliQnr, of Londuti , vol. XiU.
698 ' VWÉC.IS
la décomposUîon de caillots sanguins au sein de la cavité de la matrice. Mais d'autres fois une semblable cause n'existe pas, et il paraît alors que la membrane muqueuse utérine devient le siège d'une véritable exhalation gazeuse , pareille à celle qui a lieu si sou- vent à la surface de la membrane muqueuse des voies digestives. On a noté quelques cas dans lesquels, en même temps qu'existaient tous les signes d'une irri- tation intense de l'utérus (métrite aiguë), des gaz s'échappaient en grande quantité par la vulve. Dans ce cas, l'exhalation gazeuse de la muqueuse utérine se trouve liée à son irritation , comme souvent l'irri- tation de la muqueuse des voies digestives y déter- mine une exhalation de gaz. Mais dans l'utérus comme dans l'intestin, il est aussi de ces cas où, sans bype- rémie antécédente , et sous la seule influence d'une modification de l'innervation', des gaz viennent à être exhalés, et c'est même dans ce dernier cas que leur production est la plus abondante.
CHAPITRE II.
MALADIES DES TROMPES.
Ces maladies, peu nombreuses, sont importantes à connaître , parce que toutes peuvent avoir une glande influence sur le développement du produit delà conception. Ces maladies sont spécialement, 1**. des adhérences contre nature de l'extrémité libre des lombes ; à**, divers changemens de capacité de leur
d'anatomie pathologique. G99
conduit ; 5°. la présence de productions morbides dans leurs parois ou dans leur cavité.
J'ai rencontre quelquefois , et les auteurs ont cité beaucoupdefaitssemblables, le morceau frangé, qui en dehors termine la trompe, plus ou moins intimement adhérent à l'ovaire; tantôt il n'y avait d'autre lésion que cette adhérence elle-même ; tantôt elle n'était qu'un des accidens d'une péritonite aiguë ou chronique.
L'augmentation de capacité de la cavité des trompes n'a guéres lieu que lorsqu'un liquide morbide vient à s'y accumuler. Son oblitération n'est pas très-rare ; elle peut avoir lieu, 1®. dans toute l'étendue de la cavité de la trompe ; 2°. vers sa partie moyenne seu- lement ; 5°. à son extrémité utérine; li", à son extré- mité ovarienne. Une membrane placée de champ, et qui constitue à l'intérieur de la trompe comme une sorte de diaphragme , une membrane accidentelle qui, tapissant l'intérieur de l'utérus, passe, sans s'in- terrompre, au-devant du point de communication de la cavité de la trompe avec celle de l'ulérus, diver- ses altérations de texture du morceau frangé , enfin une agglutination, soit acquise, soit primordiale, des parois mêmes de la cavité de la trompe : telles sont les causes qui le plus ordinairement en déter- minent l'oblitération générale ou partielle.
De la matière tuberculeuse ou encéphaloïde , des kystes séreux, des concrétions caîculeuses, peuvent se former dans l'épaisseur des parois des trompes. Dans leur cavité peut s'accumuler une énorme quan- tité de mucus ou de sérosité ; c'est là ce qui constitue la maladie qui a été décrite sous le nom d'hydropisie des trompes. La condition de son existence est Toc-
•JOO PRECIS
clusion des deux orifices de la irouipc. Sa cavité peut en pareil cas s'agrandir singulièrement, et il en ré- sulte parfois des tumeurs qui ont un volume énorme, et qui contiennent plusieurs livres de liquide.
Au lieu de sérosité, c'est du pus qu'on a plus d'aune fois rencontré dans la cavité des trompes. Tantôt ce pus est en petite quantité; les dimensions de la trompe sont augmentées, sa cavité est dilatée, une plume ordinaire^, par exemple , peut y être facilement intro- duite ; mais il n'en résulte aucune tumeur. Tantôt l'accumulation de pus est plus considérable, et la trompe, remplie par ce produit morbide, s'agrandit au point qu'une tumeur volumineuse prend naissance sur l'un ou l'autre côté de l'utérus. En pareil cas , un vaste abcès peut exister dans la trompe, sans qu'il y ait maladie ni de l'ovaire ni de l'utérus; d'autres fois, ces trois parties sont simultanément ail'ectées.
La collection purulente , formée dans les trompes, peut s'évacuer, i°. dans le péritoine lui-même ; 2°. dans l'épaisseur des ligamens larges, et fuser ainsi plus ou moins loin dans le tissu cellulaire sous-péritonéal ; 5°. dans l'utérus; 4°. dans ({uelques-uns des organes creux situés près des trompes, comjne dans la vessie et surtout dans le rectum. J'ai obseivé cette année à la Charité , pendant que j'y faisais le service , un exem- ple de communication d'un abcès de la trompe avec le rectum. Yoici la description de la pièce , telle qu'elle a été faite par M. Dalmas, avec toute l'exin;- lilude et to-ut le talent qui caractérisent ce jeune observateur (1).
(1) Journal hebdomadaire (la mckcinc, loinc I, page ii4« Dans un aulrc
d'ANATOMIE rATITOLOr.lQUE. ^01
Dos adilérenccs intimes unissaient l'intestin rectum avec une tumeur placée sur le côté gauche de l'u lé- rus le rectum 5 incisé par le bord opposé à celui
où il adhérait à la tumeur, offrit à sa surface interne une perforation circulaire capable d'admettre tout- au-plus un tuyau de plume, et par laquelle il com- muniquait avec la tumeur ou poche indiquée. On s'en assura mi^ux encore, en comprimant légèrement cette dernière; le liquide purulent qu'elle contenait passa sur-le-champ dans la cavité intestinale. C'est à celle communication que correspondaient les adhé- rences les plus intimes ; elle était placée à-peu~près au niveau du détroit supérieur du petit bassin , sur la symphyse sacro-iliaque gauche, et plus tard, quand tout le gros intestin fut détaché, on constata que celte communication était à huit pouces de l'anus, à l'extrémité supérieure du rectum. Quant à la tu- meur , ainsi ouverte dans l'intestin , elle était alors molle , ridée , sans autre ouverlure à sa surface libre ; elle se prolongeait dans le petit bassin, dont elle oc^ cupait le quart postérieur gauche; elle soulevait et refoulait le rectum , en Ijaut et à droite, de manière à lui donner la forme d'un arc de cercle dans la con- cavité duquel elle était logée. Sur son côté supérieur et interne , tout près de la matrice, on distinguait la portion utérine de la trompe ; mais un pouce en de- hors tout paraissait confondu. Du côté droit , on voyait qu'il existait des désordres du même genre , seulement moins avancés; la trompe était plus volu- mineuse et plus considérable que celle du côté opposé,
endroit de ce volume, j'ai par méprise donné ce cas comme un exem- ple de communicaliou d un abcès de Vovaire avec le rectum.
^0 2 PRECIS
et elle était soulevée par une tumeur qui paraissait être l'ovaire.
La pièce ayant été détachée , on reconnut que la tumeur, ouverte clans le rectum , et située sur le côté gauche de la matrice, qui offrait à son sommet la partie interne de la trompe gauche, n'était autre chose que cette trompe elle-même considérablement dilatée et suppurée. La cavité de portion de trompe, encore rcconnaissable à sa forme flexueuse , communiquait évidemment avec celle de la poche, non par un petit pertuis, par une fente, mais par un élargissement progressif, quoique rapide ; d'ailleurs, la continuité de la membrane noirâtre de la portion non dilatée avec celle qui tapissait la poche était évidente. Enfin, derrière ce vaste foyer, on retrouvait une tumeur moins considérable, du volume d'une noix, à parois manifestement fibreuses , de la couleur et de l'aspect que l'on connaît à l'ovaire. A l'ouverture , il s'en écoula un pus de bonne nature , qui n'avait aucune commu- nication avec celui qui restait encore dans la tumeur formée par la trompe.
A droite , il existait une disposition en quelque sorte inverse : la trompe était bien , comme à gauche , dans un état de suppuration; comme à gauche, elle s'élargissait progressivement de l'utérus vers son pa- villon, et là il y avait, comme à gauche encore, une collection purulente assez considérable ; mais ici , c'était l'ovaire qui était le plus profondément affecté ; c'était cet ovaire , plein de pus, et non pas la trompe , qui formait tumeur.
d'anatomie pathologique. ^o3
CHAPITIIE m. MALADIES DES OVAIRES.
Parmi les altérations assez nombreuses que pré- sentent ces organes , les unes semblent atteindre spé- cialement la membrane fibreuse qui les enveloppe extérieurement, les autres ont plus particulièrement leur siège dans le parenchyme même des ovaires; quelques-unes paraissent surtout exister, ou du moins avoir eu leur point de départ dans les vésicules dis- séminées à l'intérieur de l'ovaire ; il en est enfin aux- quelles on ne peut assigner un siège aussi précis, et qui envahissent simultanément les diverses parties constituantes de l'organe.
Les ovaires sont assez fréquemment le siège d'une hyperémie aiguë ou chronique, d'où résulte une rou- geur plus ou moins active de leur parenchyme, tantôt générale , tantôt occupant surtout les parois des petites loges , où sont contenus les ovules , qui paraissent comme entourés d'une sorte d'auréole rouge ou brune. Pour peu que la congestion sanguine de l'ovaire soit considérable, cet organe se tuméfie, et au bout d'un temps très-court il acquiert souvent un volume énorme. Alors , pendantla vie , on reconnaît au-dessus du pubis une tumeur , qui , placée d'abord sur les côtés de la ligne médiane , s'en rapproche à mesure qu'elle s'accroît; on la voit quelquefois augmenter avec une rapidité extrême; elle peut s'élever de plu- sieurs travers de doigt au-dessus du détroit supérieur du bassin ; plus ou moins mobile, d'une forme assez
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régulièrement arrondie , elle pourrait être assez facî-* leuient prise pour l'utérus développé et incliné adroite ou à gauche. Il peut arriver que les deux ovaires viennent ainsi à se tuméfier simultanément. Si après la mort on examine ces ovaires ainsi augmentés de volume , on trouve leur tissu rouge , gorgé de sang et friable. Dans quelques cas, du sang est épanché au milieu de ce tissu. D'autres fois , on y trouve du pus, soit infiltré, soit réuni en foyers plus ou moins considérables.
La suppuration des ovaires ne coïncide pas cons- tamment avec un état d'hyperémie aussi considérable que celui qui vient d'être décrit. Loin de là, il est des cas où ce n'est que sourdement, sans tuméfac- tion appréciable de l'ovaire , et quelquefois même sans véritable douleur , que l'ovaire se transforme peu-à-peu en une poche pleine de pus. En même temps qu'a lieu cette suppuration , la capsule fibreuse de l'ovaire peut s'altérer , se ramollir, se perforer enfin , et , si aucune adhérence n'a été antécédemment établie entre l'ovaire et les organes voisins, le pus, formé dans l'ovaire , se répand dans le péritoine. Si, au contraire , des adhérences existent entre l'ovaire d'une part, et l'utérus, le vagin, la vessie , ou une portion de l'intestin d'autre part , les parois de ces différens organes s'altèrent simultanément ou consé- cutivement, elles s'ulcèrent de dehors en dedans, et l'abcès de l'ovaire s'ouvre enfin dans leur cavité. J'ai constaté l'existence d'une pareille communication entre un ovaire et la vessie sur le cadavre d'une Jeune femme, trente-sept jours après qu'elle était accou- chée.
d'anatomie pathologique. ^o5
Les abcès de l'ovaire acquièrent quelquefois un volume très-considérable. Une femme portait dans l'abdomen une tumeur qui fut considérée pendant la vie comme une hydropisie enkystée de l'ovaire. A l'ouverture du cadavre , on trouva que cette tumeur était effectivement constituée par l'un des ovaires : elle occupait toute la cavité abdominale, et pesait dix-sept livres ; mais elle ne ressemblait en rien aux tumeurs que l'on connaît sous le nom d'hydropisie enkystée de l'ovaire. Ce n'était autre chose qu'une vaste poche , que remplissaient vingt pintes de pus ( i \
Soit que l'ovaire, irrité, ait été d'abord le siège d'une hyperémie active appréciable pendant la vie , soit qu'aucun symptôme n'ait aunoncé cette hype- rémie , de nombreuses altérations de nutrition ou de sécrétion se forment souvent dans cet organe. Ainsi, en les étudiant de l'extérieur de l'ovaire vers son in- térieur, on trouve d'abord sa membrane fibreuse, tantôt hypertrophiée et constituant l'organe presque en totalité , tantôt transformée en tissu cartilagineux ou osseux.
Le parenchyme même de l'ovaire peut aussi s'hy- pertrophier, d'où résulte une augmentation plus ou moins notable de son volume et de sa densité. D'autres fois , au contraire , il s'atrophie : alors , à ia place de l'ovaire on ne trouve plus qu'une petite masse cci- lulo-fibreuse qui se confond presque avec le tissu des ligamens larges. Cette atrophie n'est d'ailleurs un état morbide que lorsqu'elle a lieu prématurément;
(i) Tlic norili amcrlcan nicd'tcnl and suvf^ical journal ^ 182G. Observai ion du doctcnv Tavlor de Philadelphie.
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706 PRÉCIS
car dans la vieillesse elle est si commune, qu'elle peut être considérée comme un état physiologique. Alors elle ne semble pas plus être une maladie , que ne l'est la diminution graduelle du thymus après la nais- sance, ou la disparition de la plupart des ganglions lymphatiques dans la vieillesse ; tous ces organes se flétrissent , parce qu'ils n'ont plus de fonctions à remplir.
Dans ce même parenchyme de l'ovaire se montrent souvent des formations nouvelles : tantôt ce sont des masses encéphaloïdes qui , en même temps qu'elles se sont développées , ont fait disparaître le tissu pri- mitif de l'organe ; tantôt ce sont des corps fibreux qui, à leur origine ayant à peine le volume d'un grain de millet, augmentent de plus en plus, et finis- sent par surpasser de beaucoup la grandeur de l'ovaire, dont on ne reconnaît plus aucune trace. De ces corps fibreux, les uns sont développés au milieu môme du parenchyme de lovaire , les autres n'existent qu'à sa surface, et souvent ils n'adhèrent à la membrane d'enveloppe que par un pédicule mince et long. Dans l'ovaire, comme dans l'utérus, ces corps fibreux peuvent être mêlés à des masses amorphes de matière cartilagineuse ou osseuse.
Les vésicules , disséminées au milieu du paren- chyme même de l'ovaire, sont parfois le siège prin- cipal de l'altération. Tantôt autour d'elles ou dans leur intérieur s'exhale du sang , ou se sécrètent di- verses matières colorantes (i). Tantôt ces vésicules se distendent, s'agrandissent; elles se transforment en
(i) Vo'^cz I sur ce sujet , l'article sur la Mclanosc , tome I.
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d'aNATOMIE rATlIOLOGlQUE. ^07
vastes poches infiniment variables sous le rapport de leur grandeur, de leur nombre , de la composition anatomique de leurs parois et des qualités du liquide qu'elles contiennent. C'est là, à proprement parler, la maladie qui est connue sous le nom d'hydropîsie enkystée de l'ovaire.
' Le premier degré de cette maladie semble être l'existence , au sein de l'ovaire , d'un ou de plusieurs petits kystes séreux, à parois transparentes, remplis d'un liquide semblable à de l'eau, et dont quelques- uns font une légère saillie à la surface extérieure de i organe. Ces kystes, sans changer de nature , peuvent devenir plus volumineux , occuper la moitié , les trois quarts ou la totalité de l'organe, qui alors conserve encore ses dimensions normales , ou commence à en acquérir de plus considérables. Dans cet état , l'ovaire ne représente plus souvent qu'une seule poche pleine de sérosité limpide; d'autres fois cette poche n'est plus unique , elle est multiloculaire.
Tous ces changemens ne nous offrent encore qu'un accroissement dans les dimensions des vésicules nor- males de l'ovaire et dans la quantité du liquide qu'elles exhalent ; du moins est-ce ainsi qu'on peut les con- cevoir. Mais ce n'est pas tout : au lieu de ces poches simples ou multiples, à parois simplement celluleuses ou séreuses, on trouve souvent, dans l'intérieur de l'ovaire , d'autres poches dont les parois ont une fout autre texture : tantôt elles sont constituées par des masses de tissu fibreux, cartilagineux ou osseux; tantôt de la matière encéphaloïde les forme en grande partie. Ces parois peuvent offrir alors une grande épaisseur ; les cavités elles-mêmes s'agrandissent de
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plus en plus, et il en résulte une tumeur qui, dépas- sant rhypogastre , peut aller remplir toute la cavité abdominale , refoulant derrière elle le paquet intes- tinal , et touchant en haut la rate , le foie et le dia- phragme. Examinée extérieurement , cette tumeur est le plus souvent bosselée , inégale ; elle présente parfois , en certains points de son étendue, des ren- flemens considérables, puis des espèces d'étrangle- mens. En quelques endroits elle donne une fluctua- tion évidente ; en d'autres, elle offre une dureté et une densité égales à celles de la pierre. J'ai vu un cas dans lequel la partie supérieure d'une de ces tu- meurs, située dansl'hypochondre gauche, représentait une vaste poche fluctuante qui était séparée du reste par un appendice étroit et dur au-dessous duquel elle se dilatait de nouveau, pour se terminer dans la région iliaque droite. Pendant la vie il semblait que deux tumeurs distinctes et indépendantes l'une de l'autre existassent dans l'abdomen ; la nature de celle que l'on sentait vers la région iliaque droite ne pouvait être douteuse; mais il n'en était plus de même de celle tjui occupait l'hypochondre gauche : elle ressemblait beaucoup plus à une tumeur de la rate ou du lobe gauche du foie, qu'elle ne paraissait être une dépen- dance de la tumeur de l'ovaire droit.
Les poches qui existent à l'intérieur de ces tumeurs Tie sont pas toutes d'égale grandeur. Dans presque tous les cas que j'ai eu occasion d'examiner, il y en avait une , beaucoup plus considérable que les autres , qui occupait la partie la plus antérieure de la tumeur, et qui aurait pu souvent recevoir la tête d'un enfant de six mois à un an. Est-ce le hasard qui m'a le plus
d'anatomie pathologique. joiy
souvent offert cette disposition, ou est-elle la plus générale?
Quelque différente que soit la composition aaato-. inique des portions de substance solide situées entre les poches , la surface interne des parois de ces der- nières est constamment revêtue d'une membrane identique , lisse, mince , plus ou moins injectée, sem- blable à une séreuse ; et cependant cette membrane, d'apparence partout identique, fournit le plus ordi- nairement dans chaque poche un liquide différent; ainsi , dans ce cas , la spécialité d'action ne nous est pas révélée par la spécialité de texture.
Rien n'est en effet plus variable que la nature du liquide qui remplit les loges de l'ovaire atteint d'hy- dropisfe enkystée. Il y a souvent dans un même ovaire autant de liquides différens qu'il y a de loges, et, parmi ces liquides, il en est plusieurs qu'on ne trouve seulement que dans l'ovaire. De la sérosité pure , du sang liquide ou en caillots , du pus , di- verses matières grasses de consistance très-variable, des matières colorantes très-diverses, qui ressemblent souvent à une décoction de chocolat, se trouvent souvent sécrétés dans le naême ovaire , et souvent aussi il n'y a qu'une paroi mince qui sépare la loge où est contenue du pus ou de la sérosité , de celle qui renferme une matièr-e semblable à du suif, ou des touffes de poils.
Cette dernière production se montre effectivement quelquefois dans les hydropisies enkystées de l'ovaire ; mais ce n'est pas dans cette affection qu'on l'a observée le plus souvent. Lorsqu'on'^'cncontré des poils dans l'ovaire, ils étaient constamment plongés au milieu
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d'une masse de matière suifeuse développée au sein même de l'ovaire ou autour de lui , et il n'y avait dans cet organe aucune autre altération»
L'existence d'une matière suifeuse, souvent sem- blable à une masse de cérumen, voilà donc le seul produit constant qu'on trouve dans l'ovaire toutes les fois que des poils s'y sont développés. Avec ces poils , mais non plus d'une manière constante , on peut trouver dans l'ovaire des dents, des fragmens de ma- tière osseuse ou des rudimens de peau.
Ces poils sont intimement mêlés à la matière grasse; tantôt ils sont isolés les uns des autres ; tantôt ils sont réunis en touffe inextricable. Leurs deux extrémités sont le plus ordinairement pareilles ; dans les cas que j'ai eu occasion d'observer moi-même, je n'y ai ja- mais découvert la moindre apparence de bulbe. Toute- fois ce bulbe y a été constaté par quelques observa- teurs. Meckel dit en avoir bien constaté l'existence : dans l'un des cas qu'il a vus, les poils , courts et iso- lés, étaient presque implantés dans les parois du sac qui formait Tenveloppe de la tumeur (i). Il rapporte , d*après Tumiati , un autre cas dans lequel les poils présentaient à l'une de leurs extrémités une racine ovale, blanchâtre , couverte d*une peau fine , qui ne recouvrait que le bulbe : il y avait là pour ce bulbe - un véritable sac; le bulbe était séparé des parois du sac par un liquide oléagineux. Hors du sac , le bulbe était encore couvert d'une membrane mince, termi- naison d'une véritable gaîne qui enveloppait le poil
(i) Mémoire sur tes poils et tes dents qui se développent accidentellement dam le corps , par Fr. ]M«;f kel , clans le Journal complémcn'.airc , riàivjVu' 1 \' et 1 5'.
D*ANATOMIE PATHOLOGIQUK. 71I
dans toute son élendae. Toutes ces parties étaient même plus développées que dans les poils ordinaires. Il me semble que relativement à l'absence ou à la pré- sence de ce bulbe deux cas doivent être distingués : s'il n'existe autour des poils qu'une masse de matière grasse , les poils y sont libres par leurs deux extré- mités , on les en retire sans rien arracher ; dans ce cas ils n'ont pas de bulbe. Que si, au contraire , ils vont se terminer à une membrane dont l'aspect est plus ou moins analogue à celui de la peau , ils s'y im- plantent, et dès-lors ils sont pourvus d'un bulbe. C'est ce qui vient encore d'être constaté par M. Rey- naud, dans un cas qu'il a récemment observé à l'hô- pital de la Charité (1) , et sur lequel nous reviendrons plus bas. Meckel admet comme vraisemblable que les poils commencent toujours par adhérer à un kyste, et que par conséquent tous ont d'abord une racine pourvue d'un bulbe , qui plus tard se détruit , ou reste implantée aux parois du kyste ; mais pourquoi ces poils ne se développeraient -ils pas de prime -abord dans la substance graisseuse?
Les poils développés dans l'ovaire varient beaucoup en longueur. Les uns sont à peine longs de quelques lignes; d*autres ont quelques pouces; d'autres ont plus d'un pied de longueur; tels étaient plusieurs de ceux observés par M. Reynaud dans le cas déjà cité. Enfin Tyson, cité par Meckel , dit avoir vu de ces poils qui avaient jusqu'à deux pieds et trois pouces de long. De ceux que j'ai eu occasion d'observer moi- même, les plus longs avaient à peine six pouces.
(i) Jourrtal hebdomadaire d« médecine y tome I , pag<i f\jo.
'jm rniLcis
Ces poils, plus semblables eu général aux cheveux qu'aux poils des autres parties du corps, présentent toutes les nuances de couleur de ces cheveux eux- mêmes; mais ils ne sont pas toujours d'une couleur analogue à celle des cheveux de la femme chez la- quelle on les trouve ; ils peuvent même ea différer sous plusieurs autres rapports. C'est ainsi que chez une négresse (i) qui portait dans le mésentère un kyste à parois cartilagineuses, rempli d'une matière sébacée au milieu de laquelle existaient des poils nombreux, ces poils différaient totalement de la chevelure lanugineuse et noire de cette femme. Ils étaient lisses , doux au toucher , blonds ou roux > quelques-uns argentés comme ceux d'un enfant de la race blanche. On peut d'ailleurs trouver dans un même kyste des poils de diverses couleurs.
D'après Meckel (3), on a trouvé trois fois plus sou- vent des poils dans l'ovaire droit que dans le gauche..
Le développement des dents , au milieu de l'ovaire, y est p!u5 rare que celui des poils. Dans presque tous les cas où on les y a rencontrées, elles étaient im- plantées dans des fragmens de matière osseuse ou cartilagineuse, qui tantôt ne présentaient autre chose que des masses amorphes,, et tantôt semblaient être les débris ou les rudimens d'os maxillaires, garnis d'alvéoles. Meckel pense que ces dents accidentelles naissent, comme les dents ordinaires, dans des cap- sules que remplit un liquide gélatineux. Dans un cas qu'il a observé, il a trouvé , au milieu du kyste , une petite dent machelière très-bien développée, et do:
(1) Clinique Midicalc , Maladies de l'abdomen.. (y.) Mcnioirc ciic.
d'xVXATOMIK PATI[0LÔ(JI0UE. -jiâ
plus , trois capsules de grandeur différente, dont deux renfermaient seulement une matière fluide , tandis que dans la troisième on discernait un germe den- taire non encore ossifié. Meckel établit encore que dans les dents accidentelles , comme dans les dents ordinaires, les couronnes naissent avant les nictnes ; toutefois il soutient avec Blumembach , contre l'opinion de Baillie , que ces racines ont été vues bien développées dans un certain nombre do cas.
La substance osseuse qu'on rencontre parfois dans l'ovaire , mêlée à des poiis ou à des dents , ne semble être souvent autre chose qu'un débris du squelette d'un fœtus développé hors de l'utérus ; car on peut en reconnaître et en analyser très-distinctement plu- sieurs pièces. Mais, d'autres fois, on ne trouve rien de semblable, et ce qu'on n'observe ne ressemble pas plus à un débris de squelette que n'y ressemblent les masses ossiformes développées au sein des corps fibreux de l'utérus; et cependant, dans ce second cas , comme dans le premier, on trouve aussi des poils et quelquefois des dents.
Quant aux rudimens de peau , qui quelquefois aussi ont été trouvés au milieu des kystes pileux de l'ovaire, se lient- ils constamment à la formation avortée d'un fœtus? Le cas observé par M. Reynaud fournit de précieux élémens à la solution de cette question. Depuis long-temps cet excellent ami m'a permis de regarder ses travaux comme les miens, et , en trans- crivant ses paroles dans ce qui suit , il me semble presque que c'est un fait que j'ai recueilli moi-môme; car, dans ce dernier cas, je n'y aurais pas une foi
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plus grande, et je n'en répondrais pas avec plus d'as- surance.
Après avoir décrit la masse de poils contenus dans l'ovaire , M. Reynaud continue en ces termes : o Nos recherches ultérieures furent dirigées dans le but de découvrir dans un point quelconque de cette masse pileuse quelques débris de fœtus, ou au moins une partie douée de vie, qui pût en être regardée comme l'organe formateur.
» D'un point de la surface interne de la poche par- tait, en s'enfonçant au milieu du peloton de cheveux, une espèce de pédicule fibreux; nous le suivîmes en écartant avec précaution les parties environnantes, et nous vîmes bientôt qu'il aboutissait à un corps très- irrégulièrement arrondi, du volume d'une noisette, osseux dans son centre , recouvert d'une membrane, et se terminant en une pointe , d'où partaient deux prolongemens fibro-celluleux très-résistans , qui al- laient s'insérer chacun séparément à un point de la poche diamétralement opposé à celui d'où partait le pédicule fibreux. La membrane qui recouvrait ce corps avait dans une grande partie de son étendue l'aspect d'un morceau de cuir chevelu de certains enfans affectés de teigne, lorsque les croûtes en ont été détachées au moyen de lotions quelconques ; sa surface libre était humide, rougeâtre, grasse au tou- cher, et un assez grand nombre de cheveux y étaient implantés. Si on les arrachait, on amenait au-dehors le bulbe de leur racine; parmi eux se trouvaient les plus longs et les plus colorés; d'autres plus courts et plus blonds s'y inséraient également; dans leurs in- tervalles, existait une niullitude d'enfoncemens assez
i>'anatomie pathologique. -j 1 5
seQiblables aux tumeurs de la peau, là où sa sécrétion sébacée est très- abondante. Au-dessous de cette couche dermoide existait un panicule graisseux trcs- mince, mais très-distinct, et ressemblant parfaite- ment à celui qui revêt la face interne de la peau du crâne, c^était dans son épaisseur que se voyaient les bulbes pileux. Le tout adhérait très-intimement à la masse osseuse presque informe , dont il serait diffi- cile de donner une description qui pût rappeler en rien la forme d'un squelette de fœtus. C'est vaine- ment que nous avons cherché à trouver la moindre analogie de forme entre quelques portions de cette masse et des pièces du crâne ou d'autres parties. Elle était irrégulièrement arrondie , convexe dans un sens, concave dans l'autre; des sillons plus ou moins profonds la partageaient en plusieurs parties , entre les- quelles pénétraient des prolongemens fibreux. Sur quelques-uns de ses points se voyaient des saillies cartilagineuses, arrondies ou allongées; du côté de la concavité , la portion de membrane qui la recou- vrait avait des caractères différens de ceux que nous avons indiqués plus haut; elle était semblable à une séreuse , aucun cheveu ne s'y implantait : l'extrémité d'un tube, introduite au-dessous d'elle au moyen d'une petite ouverture , a permis de la distendre par l'insufflation , et de la développer sous forme d'un sac se prolongeant en un cul-de-sac dans la moitié des deux cordons fibreux dont nous avons parlé ; sur l'un de ces cordons rampaient très-distinctement deux ou trois vaisseaux sanguins qui se portaient vers la petite masse, et des ramifications très-ténues et nombreuses se distribuaient à la face interne de la portion du té-
^î6 PRÉCtS
gainent clans laquelle les cheveux étaient implantés.. )) Nui doute que dans un certain nombre de cas ces masses graisseuses de l'ovaire, avec jjrésence de poils, de dents, de substance osseuse, de tissu cutané, ne présentent plusieurs élémens distincts du corps d'un fœtus, arrangés dans l'ordre même suivant lequel ces élémens se coordonnent ordinairement dans l'u- térus pour constituer ce fœtus. Mais la seule pré- sence de ces divers élémens au sein de l'ovaire ne me semble pas prouver que dans cet ovaire ait com- mencé à se former un fœtus dont ces masses grais- seuses, etc. , sont un rudiment ou un débris. D'abord des masses semblables ont été vues chez des Jeunes, filles encore loin de l'époque de la puberté ; on les a retrouvées dans d'autres parties que dans l'ovaire, soit chez la femme, soit chez l'homme lui-même., Ajouterai-je que des observations récentes tendent à prouver que chez l'homme la sécrétion des poils peut se faire ailleurs que dans l'enveloppe cutanée? C'est ainsi que ces poils paraissent avoir été sécrétés par les reins eux-mêmes, dans ces cas de gravelle que M. Magendie a fait connaître , et où des poils étaient mêlés aux petites concrétions rendues par les nra- lades. Chez certains animaux (quelques mollusques) ne trouvons-nous pas, comme un état normal , l'im- plantation des dents, à la surface interne de l'esto- mac? N'a-t-on pas vu également chez les oiseaux, mais comme un fait de l'état morbide, des plumes développées au sein d'un kyste situé dans une des cavités splanchniques (i)? Ruysh dit avoir trouvé dans
(0 Mcckcl cite, d'après Pcuada , uu cas de ce genre. Cet auteur renr
d'anatomie pathologique. 'jin
îestomac d'un homme adulte une tumeur athéroma- teuse , qui contenait un os informe , quatre dents molaires et un paquet de poils. Meckel parle d'un cas dans lequel , chez un autre homme adulte , on trouva dans la poitrine, appuyé sur le diaphragme , un kyste plein de matière grasse au milieu de laquelle étaient des poils arrangés en touffe, et plusieurs pièces os- seuses. Le même auteur cite l'exemple d'un kyste qui s'était formé dans le foie d'un hydropique ; ce kyste contenait une matière semblable à de la graisse, beau- coup de poils , et de plus une masse cartilagineuse amorphe , qui en beaucoup de points de son étendue présentait des points osseux.
Le docteur Gordon (i) a trouvé dans la poitrine d'une femme une tumeur qui , faisant saillie pendant la vie derrière les parois thoraciques, qu'elle soule- vait, avait été prise pour un anévrysme. Cette tu- meur représentait beaucoup plus l'image des débris d'un fœtus que les précédentes. Elle occupait le mé- diastin antérieur, et adhérait très-fortement au ster- num. Elle contenait une matière sébacée mêlée à des poils ; de plus on y voyait une portion d'os qui offrait quelque analogie avec l'os maxillaire supérieur; elle présentait une sorte de bord alvéolaire avec les sept dents , dont deux canines , deux incisives et trois molaires. Parmi ces dents, les unes étaient implantées au bord de l'os ; les autres , entourées d'une capsule
contra tians le thorax d'une jeune poule, au-devant du cœur et des gros vaisseaux qui en partent , un kyste rempli de graisse , au milieu de laquelle étaient implantées trente-trois plumes divisées en deux faisceaux. (Mé- moire cité. )
(i) Mcdico-clûrur^icat Transactions, vol. XIII.
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vers leur raciae , se terminaient à une masse de ma- tière d'apparence graisseuse (i). L'auteur de l'obser- vation crut reconnaître dans cette masse quelques traces de la membrane palatine. Si l'on admet que la tumeur décrite par le docteur Gordon contient réelle- ment un débris de fœtus, on ne peut s'en rendre compte que par la théorie de la monstruosité par in- clusion , sur laquelle M. Ollivier a publié dans ces derniers temps un mémoire riche de faits et d'ingé nieux aperçus (2).
CHAPITRE IV.
MALADIES DES MAMELLES.
Les limites que je me suis imposées dans cet ou- vrage me dispenseraient de parler de ces maladies qui sont du domaine de la chirurgie; cependant l'élude de quelques-unes de ces maladies est spécialement propre à jeter du jour sur la nature d'un certain nom- bre de lésions que nous ont offertes plusieurs organes intérieurs, et spécialement sur la nature anatomique
(1) La matière sébacée , qui, normalement, doit se former autour de la peau du foetus, deviendrait-elle, par le seul fait d'une augmentation insolite de sa quantité . l'origine de la matière grasse qu'on rencontre cons- tannnent dans les kystes de la nature de ceux que nous étudions en ce moment? Cette augmentation aurait-elle lieu par cela seul que ne s'accom- plissent pas d'autres sécrétions ou d'autres nutritions? ici encore ne serait- ce , comme dans bien d'autres cas, qu'une sécrétion normale modifiée, et non une production nouvelle ?
(2) Archives de médecine. / o\cz aussi dans le même recueil un Mémoire de M. Brcsthet sur les Dip!oi;cncsis par pcnctralion.
d'anatomie pathologique. n]g
des affeclions squirrheuses. Je ne vais donc surtout parler ici des maladies de la mamelle , que pour constater jusqu'à quel point les principes qui nous ont guidés dans la détermination de la nature anato- mique des lésions qui frappent les organes internes sont encore ici applicables. Je déclare d'ailleurs que je n'ai par moi-même observé sur le cadavre qu'un petit nombre d'affections de la mamelle (ij. Je dé- clare, d'un autre côté, que je ne puis suppléer à ce défaut d'observations par les observations qu'ont pu- bliées les auteurs; car toutes manquent de détails |: anatomiques sufTisans et en rapport avec l'état actuel de nos connaissances en anatomie pathologique. Je me bornerai donc h dire ce que j'ai vu , et à soumettre au lecteur les conséquences théoriques auxquelles je
suis arrivé.
Les diverses altérations des mamelles , que j'ai eu occasion d'observer sur le cadavre , m'ont paru toutes pouvoir se ramener soit à des modifications dans la nutrition des divers élémens anatomiques qui entrent dans leur composition, soit à des sécrétions morbides opérées dans le tissu cellulaire qui existe en si grande abondance au sein des mamelles ou autour d'elles. Presque toutes ces altérations ont été dési- gnées sous le terme commun de squirrhe ou de cancer mammaire.
Je vais m'occuper lour-à-tour de ces deux classes d'altérations.
(i) Parmi ce petit nombre de cas il en est plusieurs dont je dois la communication à M. Ileynaud : non seulement il m'a montré les pièces; mais il a bien voulu ra'ea remettre par écrit d'excellentes descriptions.
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Je vais (l'abord traiter des altérations qui porlent spécialement snr la nutrition de l'organe.
La plus siuiple de ces altérations consiste dans une induration de la glande mammaire. Dans cet état, le tissu de la glande est parfaitement reconnaissable ; sa densité est seulement augmentée , et on l'incise avec une certaine difficulté. Le tissu cellulaire qui entre dans la composition de la glande ne présente non plus rien d'insolite. Tantôt cette induration est géné- rale , tantôt elle n'occupe qu'un certain nombre de points de la glande, isolés les uns des autres. Ces points indurés peuvent eîre plus saillans que le reste de la glande , qui présente alors au-dessous de la peau des bosselures plus ou moins nombreuses.
Quelquefois cette induration a spécialement son siège dans les parois des conduits galactophores , qui sont hypertrophiées. En disséquant certaines ma- melles plus dures que de coutume , mais dont le tissu n'est pas d'ailleurs autrement altéré, j'ai trouvé, à la surface des coupes que je pratiquais, un grand nombre de trous arrondis , tous semblables les uns aux autres , et qui étaient les orifices d'autant de conduits qui étaient manifestement les conduits galactophores plus apparens que de coutume ; leur cavité était beaucoup plus dilatée que d'ordinaire, et leurs parois avaient acquis une remarquable épais- seur. Ces parois étaient jaunes, d'une texture comme fibreuse ; et une fois j'y ai trouvé un certain nombre de points cartilagineux et même osseux. Cette altéra- tion particulière des conduits galactophores m'a sem- blé surtout fréquente chez les femmes avancées eu
d'anatomîe pathologique. .^21
âge. Dans les cas qvie j'ai observés, le mamelon, loin de participera l'hypertrophie des conduits qui doivent normalement y aboutir, avait disparu , et les conduits, en y arrivant, semblaient s'oblitérer.
En s'iiidurant, la glande mammaire peut diminuer de volume. On retrouve encore dans ce cas les élé- mens anatomiques qui normalement constituent la ghmde ; mais son tissu est beaucoup plus dense , beau- coup plus serré , et surtout beaucoup plus sec : on n'y trouve plus aucun vestige de graisse, et le tissu cellulaire est à peine visible. On peut y: retrouver, comme dans le cas précédent, les conduits galacto- phores dilatés avec épaississement de leurs parois. Déjà nous avons vu dans d'autres organes une sem- blable induration de leur tissu coïncider avec une diminution réelle de leur volume; c'est surtout dans le foie que nous avons constaté ce genre d'alté- ration.
Une autre espèce d'induration de la glande mam- maire , avec augmentation ou diminution de son vo- lume , est celle dans laquelle il y a hypertrophie pré- dominante du tissu cellulaire , et disparition plus ou moins complète du tissu normal de la glande. Dans ce cas, la glande mammaire , à la surface de chaque coupe qu'on y pratique, présente des cloisons d'un blanc mat ou d'un blanc nacré, fibro-celluleuses, et souvent comme tendineuses. 11 en résulte un cer- tain nombre d'intersections qui partagent la glande en lobes , en lobules et en grains ; alors son tissu prend parfois un aspect granulé , et on le prendrait aisément pour le tissu du pancréas ou d'une glande salivaire. D'autres fois ce n'est plus cet aspect granulé II. 46
•joa riiFxis
qu'on observe, *il n'y a plus de trace du tissu glan- dulaire, et à sa place, tantôt on trouve des masses fibro-cclluleuses qui , à mesure qu'elles se sont dé- veloppées , semblent avoir atrophié le tissu glandu- laire ; tantôt on ne découvre plus qu'une masse homo- créne, dure, sans organisation apparente, qui paraît être du tissu cellulaire arrivé à son maximum de con- densation , et qu'on appelle du squirrhe. Ces alté- rations diverses peuvent avoir envahi tout une ma- melle , ou n'en occuper qu'une partie.
Les parties de la glande devenues malades peuvent se continuer par des liens nombreux avec les parties restées saines , ou s'en séparer complètement à l'aide d'une enveloppe fibro-celluieuse d'épaisseur variable, qui est à la totalité de la masse morbide ce qu'est cha- que cloison cellulaire au lobule ou au grain qu'il c r- conscrit. Souvent de la surface interne de cette en- veloppe commune on voit partir un grand nombre de prolongemens, de même nature qu'elle, qui vont se répandre dans la glande ; d'autres fois, ces prolonge- mens sont peu apparens; quelques filamens cellulenx qui se brisent avec la plus grande facilité, tel est le seul moyen d'union de la tumeur avec son enveloppe ; en pareil cas on l'en sépare très-aisément, sans que rien paraisse déchiré ; il semble que ce soit une noix que l'on relire de sa première enveloppe ; aussi dit-on alors qu'on en fait Venue lé at ion. Si c'est toute la glande qui est indurée , on la voit également s'entourer par- fois d'une enveloppe celluleuse beaucoup plus dense et plus dure que celle qui ordinairement en marque les limites : cela arrive surtout dans les cas où la glande iadurée a en même temps diminué de volume. D'au-
1res fois, loin qu'ait eu lieu celte sorle d'isolement, la glande malade contracte, au contraire, des adhé- rences beaucoup plus intimes que de coutume , soit avec la peau , soit avec les parties situées au-dessous d'elle. Dans ce dernier cas , ce n'est plus seulement !e tissu cellulaire qui entrait dans la composition de la glande elle-même, qu'on trouve altéré ; le tissu cel- lulaire des environs l'est également, et, comme celui de la glande, il se transforme en masses dures, qui prennent un aspect fibreux, cartilagineux ou squir- rheux. Cette altération peut s'étendre d'une part jus- que dans le tissu cellulaire de l'aisselle, et d'autre pa^t jusqu'à la surface même des os. Souvent alors le périoste de ceux-ci s'altère, et le résultat de cette altération est une maladie de l'os lui-même qui perd sa consistance^ se carie, se nécrose et se détruit. Ce- pendant ce qui a lieu vers les parties profondes a lieu aussi , plus ou moins promptement , vers les parties superficielles , vers la périphérie cutanée : il arrive un moment où la peau commence à participer à l'alté- ration de la couche celluleuse qui en revêt la surface interne; ordinairement elle ne devient malade que lorsque, par suite de la lésion du tissu cellulaire qui lui est subjacent , elle a perdu toute mobilité au- dessus de la tumeur, avec laquelle elle semble faire corps. Sur cette peau se développent souvent de nom- breux boutons arrondis et durs , dans lesquels on ne voit autre chose qu'une induration circonscrite du derme, induration qui semble être de même nature et reconnaître la même cause que l'induration des li.— sus subjacens; et ce qu'il y a de bien reiiiarquable , c'est que, dans un espace de temps souvent très-court, '
46.
•J24 ruÉcrs
la peau de tout le corps vient à se couvrir de sembla- bles boutons. Ce n'est pas tout : examinez alors les organes intérieurs, et souvent dans plusieurs d'entre eux vous retrouvez ces mêmes masses blanches et dures qui se sont développées sous vos yeux dans la glande mammaire et dans le tissu de la peau. Sou- vent enfin l'époque de leur formation coïncide d'une manière évidente avec Tépoque de l'ablation de la tumeur du sein. Ainsi , dans ce cas encore , agit par- tout une cause, qui partout donne naissance à un produit identique comme elle-même. Quoi qu'il en soit, une fois que la peau qui recouvre la tumeur mammaire a contracté avec cette tumeur des adhé- rences plus ou moins intimes , elle s'irrite à son tour, rougit, se ramollit et s'ulcère, soit en un seul point*^ soit en plusieurs qui plus lard se réunissent en un seuh Tantôt cette ulcération reste long-temps stationnaire ; tantôt elle augmente rapidement , soit seulement en superficie, soit à-la-fois en superficie et en pro- fondeur. Il est de ces ulcérations qui sont bornées à la peau seule; j'ai vu quelquefois leur fond consli- tué par un détritus noir et fétide , semblable à celui qui existe au fond de certains ulcères du col utérin. (]e détritus n'occupe que quelques lignes de profon- deur, et au-dessous de lui on trouve la tumeur d'un voMge violacé dans une couche très-superficielle, puis incolore et dure un peu plus profondément. Je n'insis- teiai point ici sur l'aspect varié de ces ulcérations, non j)lus que sur les accidens qui les accompagnent; tout cela a été suffisamment décrit dans les livres de chirur- gie. Si l'on réfléchit que de semblables ulcérations ne surviennent que lorsi^u 'au-dessous de la peau existent
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des, altoralions graves qui ne tendent qu'à s'accroître, on concevra facilement pourquoi ces ulcérations elles- mêmes ne peuvent en aucune façon tendre à la gué- lison: pour que cette guërison s'accomplisse, il faudrait commencer par guérir l'altération profonde quiacauaé les ulcérations; aussi, s'il arrive quelquefois que quel- ques-unes de ces ulcérations se cicatrisent, d'autres se forment à côté d'elles , ou les mêmes se rouvrent plus tard. Toutefois l'on a vu chez quelques femmes une cicatrisation durable s'opérer; mais alors la tumeur elle-même s'était spontanément modiùée : réduite à un plus petit volume, et en quelque sorte atrophiée, elle ne représentait plus qu'une petite masse dure, qu'entourait vraisemblablement une enveloppe cel- hilo-tibreuse , et qui dès-lors ne tendait plus à fdire participer à son état morbide les parties environnantes. 11 paraît qu'un des plus heureux efiets de la compres- sion , à laquelle M. Récamier a si souvent recours dans le traitement des maladies qui nou5 occupent, est de réduire à ce petit volume d'énormes masses squirrheuses, et de faire disparaître l'induration ou le simple engorgement du tissu cellulaire environ- nant, d'isoler ainsi la tumeur, et de la rendre telle- ment énucléable, qu'une fois la peau incisée , il a sou- vent suffi à M. llécamier du simple doigt pour la dé- tacher et l'enîev.er.
En même temps que la peau se ramollit et s'ulcère, et le plus souvent même avant que cette ulcération n'ait eu lieu, la masse squirrheuse subit un change- ment notable : des vaisseaux commencent à la par- courir j on les voit surtout se ramifier dans les cloisons celluleusesou fibreuses qui partagent en lobules l'iur
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teneur de la tumeur; peu-à-peu cette tumeur perd sa dureté première ; des liquides séreux , gélatineux, sanguinolens , purulens, l'infiltrent de toutes parts t d'abord il faut l'inciser et la comprimer pour en faire «ortir , par expression , une matière liquide qui n'y est pas encore rassemblée en foyer , et qui donne seulement à la totalité de la tumeur un aspect plus humide. Quelquefois on trouve comme des traînées d'une matière crémeuse qui remplit les inleryalles cellulaires et cerne les lobules. Plus tard, cependant, cette matière devient de pins on plus abondante; elle se réunit en vastes foyers, et toute k tumeur ne paraît plus alors qu'un détritus de matières moitié so- lides et moitié liquides, où peuvent s'observer, dans leurs diverses nuances, toutes les variétés de pro- ductions accidentelles, depuis la simple sérosité oiu l'exhalation sanguine^ jusqu'au pus du phlegmon , au tubercule, à l'encéphaloide ou à la mélanose.
Dans les diverses formes d'altérations que nous ve- nons d'étudier , nous n'avons vu jouer aux vais- seaux sanguins qu'un rôle secondaire; ce n'est en effet qu'à une certaine période de l'existence de la tumeur squirrheuse, que, dans cette tumeur, des vais- seaux se dessinent; jusque-là, il semble qu'en même temps que s'est développé l'élément cellulaire, il y a eu une sorte d'atrophie des vaisseaux, ou, du moins, s'ils ont continué à exister, ils restaient vides de sang. Mais il est un autre état morbide de la ma- melle , où la lésion de nutrition porte spécialement sur ces vaisseaux sanguins : alors ils se développent de tontes parts en innombrable quantité, et si le tissu cellulaire végète at^ même temps qu'eux, il semble
n*ANATOMIE PATHOLOÛÎQIE. "ja;
que ce ne soit en quelque sorle que pour founiir un soulien au réseau vasculaire immense qui, à lui seul, constitue la plus grande partie de lahinieur. L'incise-t- on , elle présente quelque analogie avec le tissu de la rate; la peau qui la recouvre s'ulcère plus ou moins rapidement , et au fond de l'ulcération se produisent sans cesse d'abondantes hëmorrhagies. J'ai observé récemment sur un homme un exemple remarquable de ce genre de tumeur. Cet individu , âgé de soixante ans environ, se présenta à la consultation du Bureau central pour être admis dans un hospice ; il venait delà campagne. La partie antérieure droite du thorax> était recouverte par une tumeur grosse comme la tête d'un enfant de douze ans, molle, douloureuse, et que le moindre contact faisait saigner abondamment. On eut dit d'une énorme tête de champignon , parcourue par une innombrable quantité de linéamens. rouges. Cet homme me dit que, quelques années aupara-^ vaut , il avait été mordu au mamelon même par^iui cheval; pendant les premiers temps qui suivirent celte morsure, une tache rouge avait j)aru dans le point mordu et autour de lui; peu-à-peu cette taclje avait pris du relief, et elle s'était eiiGn transformée en nne grosse tumeur, qui incommodait surtout le malade par la grande quantité de sang qui journel-^ lement s'en échappait; Cet homme était accompagne de son fils, qui avait reçu, dix-huit mois aupara-^ Ivant, un coup peu violent sur l'une des pommettes : là existait une petite excroissance rougeâtre , ayant tous les caractères du tissu érectile accidentel. Tel aussi ,. nous disait-il, avall. élé^ dans les comuicncemcuM.^
-28 PRÉCIS
l'aspect de la tumeur de son père, et il craignait pour lui la uiêine dégénération.
Enfin il est des cas où les tumeurs de la ma- melle ont leur siège primitif dans l'appareil lympha- tique de cet organe. En un ou plusieurs points de son étendue on trouve des ganglions plus volumineqjs; et plus durs que de coutume , tantôt rouges, tantôt d'un blanc mat, ou d'un gris demi-transparent; au- tour d'eux il n'y a aucune lésion appréciable : mais plus tard ces ganglians lymphatiques peuvent se mul- tiplier, grossir, se rapprocher ; le tissu celullaire qui les entoure peut s'altérer aussi , et il en résulte enfin une maladie qui a tous les caractères de celles que. nous avons indiquées dans les paragraphes précédens, bien que dans le principe elle en diflférât par son siège.
Dans tout ce qui vient d'être dit , nous avons vu au point de départ de simples lésions de nutrition compliquées plus lard de lésions de sécrétion. Mais ces dernières peuvent constituer à leur tour l'altéraliou prédominante , celle au moins qui , étant la plus ma- tériellement appréciable, doit servir à fonder le ca- ractère an atomique de la maladie. C'est le tissu cel- lulaire qui est à-peu-près exclusivement le siège de ces lésions de sécrétion. A la suite d'un travail d'irri- tation aiguë ou chronique , on voit , par exemple , du pus s'y former , et l'histoire des abcès du sein a été si souvent tracée qu'il serait lout-à-fait inutile dy insister ici. Dans ce même tissu cellulaire se dévelop- pent des kystes qui contiennent soit une simple sé- rosité, soit une matière gélatineuse , colloïde ou ea-
d'anatomie pathologiqle. --29
cephaloïde , soit de la matière tuberculeuse , soit des Lvdatides.
Ainsi , en définitive , si nous cherchons à apprécier la part que prennent, dans la production des lésions organiques de la mamelle , les divers ëlémens ana- tomiques qui entrent dans sa composition , nous voyons , suivant les cas , prédominer dans ces lésions , 1°. l'élément cellulaire; 2\ l'élément vasculaire san- guin; 5°. l'élément vasculaire lymphatique; 4°. l'élé- ment glandulaire lui-même. Nous ne savons rien sur le rôle anatomique joué par l'élément nerveux. Voilà, dans l'état actuel de la science , jusqu'où peut aller l'anatomiste; mais ici encore son scalpel ne lui découvre qu'une partie de ce qui est ; elle ne lui révèle que le moins important; elle ne lui montre qu'un effet. Aussi l'expression de cancer des ma- melles est devenue pour le simple anatomisle une expression vague et de peu de valeur ; pour le prati- cien, au contraire, elle a encore un grand sens, et il ne peut l'abandonner , car elle ne lui représente pas seulement la lésion locale dont s'occupe l'anato- miste, elle lui rappelle qu'avant la manifestation de cette lésion il y avait chez l'individu une prédispo- sition à la contracter; qu'une fois que celte lésion s'est manifestée , toute la maladie ne réside pas dans ie point même où elle a apparu; que la cause qui l'a produite en un point , tend à la produire en mille autres ; qu'en détruisant la lésion locale , ce n'est véritablement en quelque sorte qu'un symptôme de la maladie qu'on détruit; mais ce n'est point la maladie elle-même qu'on enlève : loin de là, on la rend ainsi quelquefois plus dangereuse , et plus promplemciit
^oo ruEcis
iiiîicstc. Car ce li'osl souvent qu'après Tablalion d'uii> cancer que , latente jusqu'alors, la diat/ilse de\\en\t manifeste, et que de toutes parts des cancers se pro- duisent sur le cadavre. Au point où en est arrivée la science , ranatomiste doit souvent hésiter pour ap-i pliquer le nom de cancer à telle ou telle espèce de production morbide; et cependant, avant la mort, il avait suffi au praticien, pour en diagnostiquer la na-.- ture , de l'existence de cette teinte jaune paille _, si re^ marquable , que Texpérience lui a appris n'exister que chez les individus cancéreux. Dans l'hypothèse du cancer considéré comme affection toute locale , peut-on expliquer cette teinte? De quelle valeur esh donc une hypothèse qui ne permet pas de se rendre compte d'un fait aussi important?
CILIPITRE V.
MALADIES DU PUODUIÏ DE LA CONCEPTION.
Elles peuvent avoir leur siège soit dans les annexes du fœtus , soit dans ce fœtus lui-même.
La membrane de l'amnios exhale quelquefois une quantité de sérosité beaucoup plus abondante que de coutume ; de là une espèce particulière d'hydropisie dont tous les livres d'accouchement contiennent \^ description. De la sérosité peut aussi s'accumuler clans le tissu cellulaire très-fin qui unit l'une à l'autre les membranes ainnioa et chorion ; du sang soit li- quide , soit coagulé, peut également s'épnnchcr entrq
d'anatomi^ pathologique. 'jSl
ces deux membranes. M. Deneux a vu des cas de ce genre. Cette même membrane peut devenir le siège d'un travail d'irritation, dont un des résultats est la formation d'adhérences qui unissent entr'elies les deux lames de l'amnios, et peuvent devenir pour le fœtus, d'après M. Geoffroy-Saint-Hilaire, la cause d'un certain nombre de vices de conformation.
On a constaté dans le placenta l'existence d'un assez grand nombre d'états morbides. Indépendamment des adhérences contre nature qu'il contracte quelquefois avec l'utérus, de son implantation au col , et de quel- ques déviations de sa forme normale, le placenta a présenté aux observateurs la plupart des lésions de nutrition ou de sécrétion dont nous avons vu des exem- pies dans les différens organes. Ainsi on le trouve quelquefois hypertrophié , et , d'après M. Desor- meaux (i) , une des variétés de la môle charnue des auteurs n'est autre chose qu'un placenta en hyper- trophie.
D'autres placentas sont, au contraire, remarquables par leur extrême petitesse ; ils sont comme flétris, desséchés, véritablement atrophiés; c'est là pour le fœtus une cause d'arrêt de développement et de mort.
M. Desormeaux a trouvé plusieurs fois des placentas dont le tissu était converti en une substance de cou- leur blanche jaunâtre , semblable à celle des ligamens jaunes. Dans cette substance, d'apparence homogène, sans trace d'organisation, on ne découvrait plus au- cun vaisseau, ou bien les branches vasculaires qu'on
(i) Dictionnaire de médecine^ par MM. Adcloa . Aiidial , BccIarJ , clc, article OEuf. (Palliulogie. )
y rencontrait encore avaient un volume beaucoup, moindre que de coutume. Cette singulière transfor- marioii peut être partielle, ou occuper la presque tota- lité duplacenta. Pour peu qu'elle occupe une grande étendue, il en résulte un état dedépérisseujent du, lœtus, puis sa mort et l'avortement.
Quelques auteurs disent avoir trouvé du pus dans le placenta ; on y a aussi rencontré d'autres produits de sécrétion morbide : ainsi M. Lob^tein a vu quel- quefois des placentas parsemés d'espèces de cordons osseux , qu'il croit n'être autre chose que des vais- seaux dont les parois se sont ossifiées. Plusieurs obser- vateurs ont cité des cas de concrétions calculeuses. trouvées dans le placenta; et M; Desormeaux a vu toute la face utérine du placenta recouverte par une couche calcaire. Ainsi la courte durée de l'existence du placenta ne le met pas à l'abri de la formation de ce genre de produits, qui partout ailleurs ne se déve- loppe que si lentement.
Au nombre des productions morbides qui prennent quelquefois naissance sur la face ulérine du placenta, et qui semblent y occuper la place d'un fœtus qui ne , s'est pas développé, il faut placer un amas de vésicules dont nous avons déjà parlé, et qu'on a désignées sous le nom d'acéphalocystesen grappes. Quelques auteuisonL pensé que ces vésicules pourraient bien n'être au Ire chose qu'un produit de la dilatation des vaisseaux superficiels du placenta; ce qui semblerait appuyer cette opinion, c'est la disposition normale elle-même de ces vaisseaux. Voici en effet la description qu'en, donne M. Desoinieaux : lin examinant, avec M. Vel- pcau 5 dc^ œufs humain:: d'un mois à six, semaines^
d'anatomie pathologique. ^55
il dît avoir Tcconnu , soit à l'œil nu, soit avec une loupe dont le grossissement est du double , que l'ex- trémité d'une infinité de ramuscules vasculaires nés de branches plus ou moins considérables (ramuscules iatéraux^ comme il les appelle), présenle un renfle- ment subit, arrondi ou ovale, qui offre l'apparence d'une vésicule ; ces renflemens existent aussi en grand nombre sur la continuité de ces ramuscules, de sorte que ces rameaux vasculaires présentent l'aspect d'une grappe de groseilles , ou , pour mieux dire , d'une des grappes de vésicules dont l'ensemble compose la môle hydalidique; en certaines parties la surface de ces œufs ressemble complètement, mais en infini- ment pelit, aux grosses môles hydatidiques ; cette disposition est si fréquente qu'on serait tenté de la regarder comme naturelle à cette époque du déve- loppement de l'œuf. Ces renflemens paraissent bien formés par les vaisseaux eux-mêmes, ec ne peuvent être regardés comme des hydalides, jeunes encore, adhérentes aux vaisseaux ou à des pédoncules qui leur seraient propres. L'examen de ces pièces fait natu- rellement naître l'idée que la môle hydatidique n'est que le produit de cette disposition , soit naturelle , soit morbide , portée au plus haut point de dévelop- pement. (]) »
Les maladies de l'embryon et du fœtus sont nom- breuses. Pendant les neuf mois que le nouvel être passe dans le sein de sa mère, Ton y a découvert la plupart des lésions qui ont été observées pendant le
(i) Dictionnaire de médecine , article cité.
'-'^' PRÉCIS
Cours fie la vie extra-utérine; de plus il présente une raullitude de vices de conformation qui ne se pro- duisent que pendant la vie intra-utérine. Ces vices de conformation résultent la plupart d'un défaut ou d'un excès de développement des différens organes du fœtus. Ayant déjà indiqué les principaux, soit dans le premier volume , soit dans le second, en décrivant en particulier les maladies des divers appareils, nous n'y reviendrons point ici. Déjà aussi en divers en- droits de cet ouvrage nous avons parlé de plusieurs états morbides du fœtus, des variétés d'hyperémies que l'on trouve quelquefois dans ses organes, des altérations diverses de nutrition ou de sécrétion qu'on y rencontre; je ne vais donc en présenter ici qu'un tableau général.
Le tube digestif offre souvent chez les fœtus mort- nés une injection sanguine plus ou moins vive ; mais les causes qui peuvent produire cette injection pen- dant le travail de l'accouchement sont si nombreuses , que la seule existence de cette injection n'est pas suffisante pour démontrer que dans l'intestin du fœtus a existé un travail d'irritation. Dans d'autres cas, cet intestin a été trouvé notablement ramolli , et sa sur- face interne , au lieu d'elre plus ou moins colorée , était d'une pâleur remarquable. Chez le fœtus , cette grande pâleur des voies digestives me semble an- noncer plus sûrement un état morbide que leur coloration. Chez un enfant mort six jours après sa naissance, et venu au monde maigre, pâle et très- petit, M. Billard a trouvé dans le duodénum une végétation de la muqueuse, qui certainement s'était
d'anato3iie pathologique. r.35
dcvelopp^ée avant la naissance (i). Chez un autre en- fant, également âgé de six jours, il a rencontré im enduixiissement squirrheux du tissu cellulaire sous- muqueux de l'intestin. Nul doute que cette altéra- tion ne se fût aussi produite avant sa naissance. Chez des enfans morts le lendemain ou le surlendemain de leur naissance , le même observateur a constaté un état de tuméfaction , avec rougeur, des glandes agminées de Peyer, un commencement d'ulcération de quelques-uns des follicules isolés de Brunner, entin de simples plaques rouges circonscrites avec friabilité de la muqueuse.
L'appareil circulatoire présente aussi chez le fœtus quelques lésionâ dignes de remarque. Un fait que la 'théorie n'aurait pas prévu, c'est que l'irritation du péricarde, terminée par la formation de pseudo-mem- branes ou d'un épanchement purulent dans sa cavité, est une maladie assez commune chez le fœtus , plus peut-être qu'elle ne l'est chez l'adulte (2). Dans un des cas observés par M. Billard , des adhérences très- solides unissaient les deux feuillets du péricarde 5 et attestaient l'ancienneté de la maladie. M. Billard (5) a trouvé chez une iille de deux jours une dilatation considérable des cavités droites du cœur, avec amin- cissement extrême de leurs parois. Chez un garçon de deux jours, il a vu un anévrysme du canal artériel, qui ressemblait à un gros noyau de cerise : des cail- lots fibrineux, pareils à ceux qui existent dans les sacs anéviysmatiques, en remplissaient l'intérieur, et ne
(i) Opcr. cit. , page 3j3. (2) Ibidem , page 5G9. (5) Ibid. , page 565.
"^)G PRÉCIS
y
laissaient au sang qu'un étroit passage. Enfin ce sang lui-même est quelquefois altéré chez le fœtus dans ses propriétés physiques. M. Billard a signalé quelques cas dans lesquels, chez des enfans morts peu de jours après leur naissance dans un état de décoloration gé- nérale avec marasme complet, on n'a trouvé partout , au lieu de sang, qu'une matière liquide semblable à du chocolat (i).
L'appareil respiratoire est un de ceux où l'on a rencontré chez le fœtus les lésions les plus graves. Ainsi plusieurs observateurs ont cité des cas de pou- mons hépatisés chez des fœtus mort-nés, ou chez des enfans morts peu d'heures après qu'ils étaient venus au monde (2). J'ai vu deux cas de ce genre : le poumon droit, dans sa presque totalité , offrait une hépatisation rouge aussi prononcée qu'on peut l'ob- server chez l'adulte. J'ai trouvé sur un autre fœtus des foyers purulens disséminés à l'intérieur d'un des pou- mons. Quant aux tubercules , j'ai déjà eu occasion de parler de leur extrême rareté dans le poumon du fœtus. Dans la plèvre, comme dans le péricarde , on a trouvé des fausses membranes , des épanchemens de sérosité , de sang ou de pus.
Parmi les appareils de sécrétion , on trouve assez fréquemment altérés chez les fœtus :
1°. Le lissu cellulaire (œdème des nouveau-nés; j'en ai déjà parlé. )
2°. Les membranes séreuses. J'ai signalé tout-à-l'heurc la nature des altérations que présentent souvent chez le fœtus le péricarde et la plèvre ; ces mêmes altéra-
(i) Oper. cit., page 56 j, (jt) Ibidem , paj^e 652.
D*ANAT0M1E l'ATIIOLOGIQl T. 'j7)'J
fions se retrouvent aussi frëquemment dans le péri- toine. J'ai vu chez un enfant mort deux jours après sa naissance tout le paquet intestinal soudé par des adhérences celluieuses intimes et très -consistantes.
3^ Le foie, dont i'hyperémîe, avec ou sans épan- chementde sang, est commune pendant le cours de la vie intra-utérine, et dans lequel on a quelquefois rencontré des tubercules (Husson, Dupuy. )
4** Les reins, qui, chez plusieurs fœtus, ont été trouvés transformés en de vastes poches remplies de sérosité ou de matière puriforme. Cette alléralion des reins est ordinairement liée à cet â^e à un état d'ohli- îération complète ou incomplète des voies d'excrétion de l'urine (uretères, ou urèthre). M. Desormeaux (ij a rapporté , d'après Hoffmann , l'histoire d'un cas do concrétion calculeuse, du voluaie d'un gros noyau de pêche, trouvée dans la vessie d'une fille morte trois semaines après sa naissance. La mère offrait tous les symptômes d'un calcul rénaL
Je parlerai , en traitant des maladies de l'appareil cérébro-spinal , des états morbides de cet appa- reil chez le fœtus. Divers degrés d'hyperémie active ou passive, des épanchemens de sang dans les centres «erveux ou autour d'eux, un ramollissement de la^ substance de ces centres accompagné quelquefois d'une remarquable odeur d'hydrogène sulfuré , des foyers purulens dans l'encéphaîe, une accumula- tion plus ou moins considérable de sérosité dans ses' ventricules, et de plus de nombreux vices de confor-
(«) Arlicîe ûC//y"( PulIiO^ogic) du Dict'enna'rc de mé.lcùnc-
"• 'Al
-%*
rj8 PRÉCIS
mation dépendant la plupart d'un arrêt de développe- ment , tels sont les principaux états morbides (jui ont été signalés.
Rappelons encore que le tégument externe du fœtus est le siège de plusieurs états morbides , analo- gues à ceux qu'on y observe chez l'adulte (variole, rougeole, pemphygus, ulcérations dites syphilitiques), et que dans l'appareil locomoteur ont été vues plus d'une fois des luxations et des fractures , dont la cause est encore inconnue.
Quant aux organes qui n'existent en quelque sorte que pour le fœtus, ou qui du moins ont chez lui leur maximum de développement , on les a vus égale- ment malades. Ainsi M. Yéron ( i) a rapporté des cas de suppuration du ^thymus, et j'ai trouvé moi-même chez un fœtus une des capsules surrénales pleine de pus. On pourrait croire aussi que les ganglions lym- phatiques , en raison de leur grand développement dans l'enfance , doivent être chez le fœlus plus sou- vent malades que d'autres parties, qui n'auront que plus tard une certaine activité de nutrition et de vie. Mais les ganglions lymphatiques n'ont pas chez le fœtus le grand développement qu'ils acquièrent peu de temps après la naissance ; ce développement n'a môme guères lieu qu'après la première année , et il y a une coïncidence enire le défaut de développe- ment de ces ganglions , pendant cette première épo- que de la vie, et l'extrême rareté de leurs altérations à la même époque. Du reste , pour tous les autres
(i) Wéiiioîic lu à i^AcaiJéinic royale de Médecine,
D ANATOMIE PATHOLOGIQUE. JOQ
organes une semblable coïncidence est loin d'être constante : ainsi le poumon, inactif jusqu'à la nais- sanccj est cependant un des organes qu'on a trouvés le plus souvent malades chez le fœtns. L'étude des divers états morbides du fœtus peut aussi nous ap- prendre que les altérations diverses dont nos organes sont susceptibles peuvent se produire spontanément et sans le concours appréciable d'aucune influence extérieure.
Le produit de la conception se développe quelque- fois en d'autres lieux que dans la cavité utérine; on dit alors qu'il y a grossesse extrà-utérine. Dans l'état actuel de la science, quatre espèces de grossesse ex- trà-utérine doivent être admises. L'embryon peut en effet se développer, i''. dans la cavité péritonéale; 2°. dans l'intérieurde l'ovaire ; 5°. dans la cavité de la trompe; 4°' dans l'épaisseur môme des parois de l'u- térus. Les trois premières espèces de grossesse extrà- utérine sont connues depuis long-temps; de ces trois espèces, la grossesse tubaire est plus commune que les deux autres. La quatrième espèce a été récem- ment établie dans un mémoire de M. Breschet (i), où il a rassemblé les faits recueillis soit par lui-même , soit par d'autres observateurs, tels que Schmidt, Albert, Hederich, et ^L Dance : depuis la publica- tion de ce travail , et l'intéressant rapport de M. Geof- froy St. Hilaire (s), auquel il a donné lieu, deux nouveaux faits de ce genre ont été recueillis , l'un par M. Ménièrc (3) , et l'autre par ivL Gaide à l'hô-
(i) Répertoire d'analomic , tome I.
(2) Ibid.^ tome I,
[0) Archives de médecine , touic IL
47. ■
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7 40 PRFXIS
j)ital Sf. -Antoine clans le service do M. Rayrr (« ) ; do telle sorte qu'aujourd'hui on possède neuf faits bien authentiques qui attestent que le produit de la conception peut quelquefois se développer, au moins jusqu'à «ne certaine époque, au sein même des pa- rois utérines.
Lorsque î'enibryon a pris son développement dans le péritoine . il y est constamment entouré d'un kyste à parois plus ou moins épaisses. Lorsqu'il oc- cupe l'ovaire, cet organe se trouve transformé en une vaste poche qu'on ne reconnaît ôtre l'ovaire, que parce qu'elle existe dans le lieu où l'on rencontre or- dinairement l'ovaire, et que d'ailleurs l'on n'en dé- couvre nulle autre trace. Lorsque c'est la trompe qui loge le fœtus, elle présente, là où ce fœtus existe, une dilatation considérable, au-delà et en- decà de laquelle on la voit se continuer avec sa forme et ses dimensions accoutumées. Lorsqu'on fin c'est dans l'épaisseur même des parois de l'ulérus que la grossesse a Heu , on trouve dans la propre substance <je cet organe, à l'un de ses angles, près do l'insertion de la trompe, une poche dont les parois sont formées par le tissu même de l'utérus plus ou moins modifié. Des neuf cas de grossesse de ce genre qui ont été jusqu'à présent recueillis, six ont eu lieu du côté gauche , et trois seulement du côté droit. La poche accidentelle où est logé le fœtus n'a aucune espèce de communication soit avec la cavité de l'uté- rus, soit avec celle de la trompe correspondante. L'orifice utérin de cette trompe est oblitéré, circons-
(x" Journal hebdomadaire f tome I.
d'aNATOMIL PATIIOLOGIOl K. "-/^ I
tance qu'il ue faut pas perdre de vue dans la dcter- uiination des causes qui ont pu produire cette espèce de grossesse.
Les embryons qui se développent soit dans l'épaisseur des parois utérines , soit dans la cari té de la trompe , u'y arrivent jamais à terme ; peu de mois après la conception , la poche qui jusqu'alors les avait con- tenus vient à se déchirer, ils tombent dans la cavité du périloiue, et une irritation mortelle de celle membrane en est le résultat presque inévitable.
Dans les deux autres espèces de grossesse , le fœtus peut arriver jusqu'à terme: à cette époque les femmes éprouvent tous les phénomènes qui ordinairement précèdent raccoucbement , puis plusieurs cas peu- vent se présenter: i°. au milieu de ces phénouiènes la mort peut survenir; li". ils disparaissent, le fœtus. meurl, et il peut rester indéfiniment, sans occa- bioner aucun accident^ dans l'abdomen de la mère; 5**. au bout d'un temps plus ou moins long, des dé- bris de ce fœtus sont expulsés par diverses voies , tantôt par le rectum, tantôt par une ouverture listu- leuse qjii s'est spontanément établie en un point des paroib abdominales : au milieu de ce travail d'expul- sion , la mort peut survenir, mais d'autres fois ce
Iravail est suivi du retour à une santé partaite.
Les changemens que subit le fœtus , lorsqu'il sé- journe long-temps soit dans l'ovaire, soit dans le pé- ritoine , sont dignes de remarque. 11 est d'abord des caS'OÙ le squelette seul continue à se développer ; à l'ouvertuie du cadavre on ne trouve que ce squelette, aussi complètement foi nié qu il le serait chez un enfant: naissant: seulement les os qui le composent sont ru-
•j42 PRÉCIS
marquables par leur petitesse, et, entassés à côté les uns des autres , ils n'ont plus leurs rapports accoutu- més. Dans d'autres cas, on ne trouve plus que des débris de ce squelette avec des dents, des morceaux de peau , des poils, le tout plongé dans une matière grasse plus ou moins abondante. Dans d'autres cas enfin, on rencontre , au milieu d'un kyste , un fœtus pourvu de toutes ses parties , et aussi bien conformé qu'un fœtus à terme. Un cas de ce genre bien remar- quable a été consigné dans un journal américain (mai 1828), et traduit dans le tome onzième du Journal des Progrès et institutions médicales. Ce cas est relatif à une femme qui porta pendant quarante ans dans l'abdomen un fœtus à terme très-bien con- formé , qui au bcut de ce temps n'avait subi que des altérations peu importantes. Cette femme, morte en 1825, à l'âge de ^S ans, était devenue enceinte en 1 795 de son septième enfant. L'accouchement n'eut pas lieu, et elle jouit d'une bonne santé jusqu'à sa mort, qui fut due à une dyssenterie. A l'ouverture du cadavre, on Irouva dans l'abdomen une tumeur osseuse qui adhérait aux parois abdominales et aux intestins, et qui ne présentait aucune ouverture; elle était située au bas de la région épigastrique. Cette tumeur était un kyste à parois osseuses, qui contenait un fœtus paraissant à terme, et bien déve- loppé. Il adhérait aux parois du kyste par plusieurs points de son corps, sa position ressemblait exacte- ment à celle du fœtus contenu dans l'utérus. Il était long de onze pouces et demi , les muscles et la peau étaient j>lus fermes et plus consislans que dans l'état ordinaire, la peau clail mhne en gran le partie ossi^
d'anatomie pathologique. n^5
fiées excepté dans les points où elle était recouverte par ks plis des bras et des cuisses. Le cuir chevelu ^tait ossifié dans sa totalité; on distinguait quelques traces de cheveux et des débris de cils. Le cerveau avait l'aspect d'une masse pulpeuse, molle, de cou- leur cendrée. Les organes thoraciqueset abdominaux étaient très-bien conservés; on les eût pris pour ceux d un enfant nouveau-né. L'intestin contenait du mé- conium , noir et consistant comme de coutume. La langue était ferme et de couleur cendrée, les ongles étaient complètement développés. On ne put aper- cevoir aucune trace de cordou ombilical ni de pla- centa.
Dans tous les cas de grossesse extrà-utérine, l'u- térus, vide du produit de la conception, éprouve ce- pendant une partie des modifications qu'il subirait s'il avait reçu l'embryon. Ainsi son volume augmente, son tissu prend une apparence musculaire , et à s^ surface interne se forme une membrane caduque. J'ai trouvé cette membrane très-développée, etparcourue par des vaisseaux beaucoup plus considérables et plus nombreux que dans les grossesses naturelles , dans l'utérus de la femme dont M. Gaide a rapporté l'his- toire. En pareil cas , on voit aussi pendant la vie les mamelles se tuméfier , et la sécrétion du lait s'ac- complir.
7'|^| PRÉCIS
APPAREBL DE L'INNERVATION.
Si la variété des dtisordres fonctionnels d'un or- gane se trouvait en rapport constant avec la variété de ses désordres de texture , aucune partie ne devrait oiTi'ir de plus nombreuses lésions que les centres ner- veux ou que les cordons qui en partent; cependant il n'en est point ainsi : ces lésions ne sont qu'en assez petit nombre j bien souvent elles ne sont nullement. en rapport avec la nature ou l'intensité des symptô- mes. Plus d'une fois on ne rencontre même aucune espèce de lésion dans ces centres ou dans ces cordons^ bien que pendant la vie leurs fonctions aient été gra- vement dérangées. II est cependant très-vraisemblable que ces lésions existent; mais elles nous échappent, et comme il est peu de désordres fonctionnels du cerveau et des autres parties du système nerveux qui ne puissent ainsi exister sans lésion appréciable, il s'ensuit que , dans les cas où l'on trouve quelque lésion, il faut être très-circonspect pour lui attribuer les désordres fonctionnels ; car la lésion appréciable est souvent purement accidentelle , secondaire ou consécutive; et c'est une autre lésion que nos sens, ne nous font pas découvrir, qui dans bien des cas a causé le trouble de la fonction, ^'*e qui fortifie celto
î) ANATOAilE PATHOLOGIQUE. ^4^
jQîanîère de voir, c'est que celle même lésion à la- quelle, dans un cas, on attribue tel symptôme, se montre absolument identique dans vingt autres cas où les symptômes les plus diffcrcns les uns des autres se sont manirestés : c'est qu'on la retrouve dans d'autres circonstances où il n'y a eu même aucun trouble des fonctions nerveuses; c'est qu'enfin , si pour expliquer les symptômes les plus diiTérens ,. on ne découvre plus d'une fois qu'une même espèce de lésions, il arrive aussi que pour expliquer des symptômes identiques, on trouve les lésions les plus diverses.
Ainsi donc , dans l'état actuel de la science , ce n'est qu'avec une grande réserve qu'on peut expliquer par la nature des lésions trouvées sur le cadavre, les désordres fonctionnels que les centres ou les cordons nerveux ont présentés pendant la vie ; malgré les im- portans travaux récemment entrepris sur ce point, iî y a encore ici dans la science une grande lacune à remplir.
Si la diversité des désordres fonctionnels du cer- ^ veau etde ses dépendances ne peut toujours s'exi)]iquer par la diversité même de la nature des lésions que découvre l'anatomie , peut-on toujours s'en rendre compte parla diversité du siège de ces lésions?
Oui , dans quelques cas , mais non pas dans tous ; et ici encore il reste à combler des lacunes nombreuses. L'anatomie pathologique n'a encore que rarement confirmé les résultats auxquels ont conduit, relati- vement aux fonctions des diverses parties des centres nerveux, soit la physiologie expérimentale, soit l'a- îiialomie comparée. Souvent, au contraire, elle a in-
^'46 PRÉCIS
firme ces lesullals. Je ne pense pas que dans 1 état actuel de la science , les faits fournis par Tanatomie pathologique puissent donner autre chose que de sim- ples probabilités sur les fonctions des diverses parties des centres nerveux. Du reste, qu'a encore fait autre chose dans la plupart des cas la physiologie expéri- mentale (i)?
SECTION PREMIERE.
MALADIES
Djis cëntrks nerveux de la. vie de relation.
CHAPITRE PREMIER.
LÉSIOÎSS DE CIRCULATION.
AraiCLE PREMIER.
DYrEREMIE.
Etudiée soit dans les centres nerveux , soit dans les nerfs, riiypcrémie présente deux degrés, Tun
(i) Ou trouvera dans la Clinique Médicale^ 2« édilioii (Maladies dn cerveau ) , plusieurs obseivalions qui pourront servir à montrer jusqti'a jjuel point les dunnées de l'aaaloaiie pathologique peuvent éelaiier ces «jue-s lions.
:
d'akatomie PATIIOLOGIQVE. -j/j^
dans lequel le sang Jislcnd les réseaux capillaires , sans en être sorti, et l'autre dans lequel il s'est épanché dans la substance nerveuse.
§. I. Htpei\Émie au premier degré j ou sans épancrebient
DE SANG.
L'existence de cette hyperémie n'est pas toujours facile à bien apprécier; cela vient de ce que dans l'axe cérébro-spinal, comme dans les cordons nerveux, rinjection varie, sans qu'il y ait état morbide, i". sui- vant les parties que l'on examine ; 2**. dans une memVi partie , suivant diverses circonstances , telles que l'âge, la maladie qui a eu lieu, le genre de mort. 11 faut donc que nous arrêtions d'abord notre attention sur ces causes de variétés d'injection (1).
Examinerons-nous d'abord sous ce point de vue les deux substances qui entrent dans la composition des centres nerveux? Nous trouverons que chacune de ces substances , examinée en des points diiTérens, présente dans sa coloration des nuances assez remar- quables, qui ne sauraient être regardées comme des états pathologiques, et qui dépendent du nombre ou de la grandeur des vaisseaux dansées diiTérens points. x\insi , par exemple, la substance grise qui revêt les hémisphères cérébraux se montre ordinairement plus injectée dans les anfractuosités que sur les circonvo- lutions. Comparée dans les hémisphères à la subs-
(1) Cazaiivieilh , Recherches analoyn'ico- pltyslolo^^lques sur Ccnccphalc , consiilcrê chez Cadolcsccnl , l'adulte et le vieillard. Cttte cxccllenle llièst; , soiilcniie à la Faculté de Alédccine de Paris , en 1827, m'a l'oiuni la plii- Pi'4it des fails relatifs aux vanétés de coloraliun de i'cr.céj[)liale suivant les iiijes.
^43 Î'KÉCIS
tiuice blanche, la subslauce gri^c paraît en ^éncr.il beaucoup moins vasculaire, ou du moins les vaisseaux y sont infiniment moins apparens.
Chez radolescent et chez l'adulte , la couleur de la substance grise des hémisphères a été comparée par M. Cazauvieilh h la couleur que présente une légère décoction de café mélangée avec beaucoup de lait. Des points rouges qui résultent de la déchirure des vaisseaux méningo-céphaliques en parsèment la surface libre, et son intérieur est traversé par un cer- tain nombre de ramuscules vasculaires. Chez le vi il- lard la substance grise des hémisphères pâlit et de- vient plus cendrée 5 puis, dans la vieillesse avancée, cette substance acquiert une légère teinte jaunâtre. Toutefois il est des individus , encore peu avanc<*.s en âge, chez lesquels se montre prématurément cette même teinte jaune. Du reste, dans la substance cor- ticale des hémisphères existent trois couches dis- tinctes par leur couleur, et que l'on peut facilement apercevoir p:\r une coupe horizontale faite à une cir- convolution. La première est d'un gris blanchâtre ^ la seconde, très-mince, semblable à une bandelette , est d'un blanc sale; la troisième enfin, c|ui est la plus épaisse , est d'un gris de plomb ; c'est dans cette der- nière couche que les vaisseaux sont ordinairement le plus apparens. Il résulte des recherches de M. Cazau- vieilh,que la couche intermédiaire, très-peu vasculaire, n'est pas également visible dans tous les cerveaux, ni dans toutes les circonvolutions d'un même cerveau : or, qui sait quelle peut être l'importance du plus ou moins grand dévelo])pemenl de cette couche , soit dans l'éUît de santé , soit dans l'état de maladie? La
B^ANAtOMIK PATIIOLOGlOtlî. '^ f^C)
couleur de la substance blanclie des [lémîsplières est d'un blanc de lait chez radolescent et chez l'adulte.
A dater de cinquante ans cette couleur devient de plus en plus mate, et enfin dans la vieillesse la subs- tance blanche tend, comme la grise , à devenir lé- gèrement jaunâtre.
Cetle substance contient plus de vaisseaux chez l'enfant que chez l'adulte, et chez l'adulte que chez le vieillard; d'où il suit qu'un cerveau de vieillard , qij'on trouverait injecté comme celui d'un enfant, de- vrait être considéré comme étant dans un état mor- bide. Du reste, il est quelques points de la subs- tance blanche des hémisphères, comme en avant de la base des couches optiques et en dehors du nerf de ce nom , où normalement l'on trouve de gros vaisseaux pleiïis de sang, dont la présence en d'au- tres points constituerait un état pathologique.
Dans les couches optiques, l'écorce blanche exté- rieure doit être normalement d'un blanc plus pur que ne l'est la substance blanche des hémisphères; de pe- tits vaisseaux, pleins de sang, rampent quelquefois à sa surface, sans qu'il y ait pour cela maladie. La substance grise intérieure est pâle et rosée en quel- ques points,, chez les adolescens ; plus tard, elle de- vient d'un gris phis foncé, et enfin chez le vieillard elle présente une légère teinte jaunâtre.
Dans les corps striés , la substance grise extérieure doit être normalement plus foncée que la substance grise intérieure des couches optiques. On v remarque de petites plaques rosées, et quelques points rouges; des vaisseaux assez considérables la parcourent. La substance blanche de ces corps est moins vasculaire
700 PRÉCIS
que leur substance grise; toutes deux prennent danâ la vieillesse une teinte Jaunâtre.
Le corps calleux a une couleur d'un blanc un peu moins pur que la partie médullaire des hémisphères, ÎI contient généralement trés-peu de sang, de telle sorte que, lorsqu'en l'incisant , on en voit suinter un certain nombre de gouttelettes sanguines, on n'ob- serve plus un état tout-à-fait normal.
La voûte à trois piliers est infiniment peu vascu- laire; aussi doit-on la trouver d'un blanc uniforme. Il en est de môme des tubercules mamillaires , et de l'enveloppe blanche des cornes d'Ammon.
Le cervelet présente à l'intérieur une teinte d'un gris rougeâtre, qui dépend peut-être de la position déclive qu'occupe ordinairement le cervelet dans les cadavres. Je ne sache pas qu'on ait constaté si sur les animaux vivans la substance corticale du cervelet est aussi plus colorée que celle des hémisphères céré- braux. Quant à la substance blanche du cervelet , elle est ordinairement parcourue par moins de vais- seaux que ne l'est la substance blanche des hémi- sphères cérébraux. Cependant, aux environs du corps rhomboïdal , il est assez ordinaire de trouver de gros vaisseaux qui laissent échapper, à l'incision, le sang qui les distend.
La protubérance annulaire est en général parsemée de points rouges moins nombreux et surtout moins volumineux que ceux que l'on trouve dans les hémi- sphères cérébraux. La substance blanche qui la com- pose est combinée avec une autre substance dont la couleur est d'un gris pâle , d'un gris noir , ou d un gris tirant sur le jaune, suivant les âges.
d'anatomie pathologique. ^^l
tes tubercules quadrijumeaux offrent, dans l'état naturel, une teinte d'un blanc moins net que d'autres parties du cerveau également composées à l'extérieur de substance médullaire ; à leur intérieur la substance grise présente une teinte rougeâtre.
11 est très-commun de trouver rouge la glande pi- tuitaire , surtout dans sa partie antérieure* Il m'est arrivé quelquefois d'y rencontrer épanchée une ma- tière semblable à de la lie de vin, chez des individus qui n'avaient présenté aucun symptôme cérébral. Etait-ce un état pathologique?
La substance blanche de la moelle épinière est ordinairement d'un beau blanc laiteux , on n'y voit qu'un assez petit nombre de points rouges. La subs- tance grise centrale est souvent légèrement rougeâtre.
Chez les individus qui succombent à une maladie aiguë , les différentes parties de l'axe cérébro-spinal sont plus injectées que chez ceux qui meurent à la suite d'une maladie chronique. Un même degré d'in- jection devrait donc être considéré comme un état pathologique dans le second de ces cas, et comme un état sain dans le premier. Cette injection, est aussi beaucoup plu5 prononcée dans les cas où les malades sont morts dans un état d'asphyxie.
Enfin , après la mort , deux causes peuvent rougir d'une manière notable la masse encéphalique. L'une de ces causes est l'exposition prolongée du cerveau à l'air, lorsqu'on l'a dépouillé de ses membranes , ots; qu'on en a coupé quelques tranches; la seconde de ces causes , c'est la position déclive à laquelle le crâne peut se trouver soumis. Toutes les fois que j'ai exa- miné le cerveau sur des cadavres dont !a tête avait
73 2 PRECIS
'été maintennc pendante durant un certain nombre d'heures, j ai trouvé la substance médullaire du cer- veau parsemée d'un très-grand nombre de points rouges. C'est là l'hyperémie par bypostase , dont il a été déjà question en d'autres endroits de cet ouvrage.
L'axe cérébro-spinal peut donc présenter , comme toutes les autres parties du corps, divers degrés d'in- jection et de rougeur, qui sont indépendantes d'un état de maladie, et à la production desquels l'irrita- lion ne concourt en aucune manière. Etudions main- tenant les cas où, sous l'influence d'un travail d'irri- tation , la substance nerveuse vient à s'hj^perémier. Il en résulte pour cette substance des colorations qui diffèrent et par leurs formes et par leurs nuances,
La plus commune de ces colorations est la colora- tion rouge. On doit en admettre deux espèces : i\ une coloration rouge pointillée ; 2°, une coloration rouge uniforme.
La rougeur pointillée de l'encéphale est surtout remarquable dans la substance médullaire ; on dirait, en pareil cas, dit M. Lallemand , que des grains de sable rouge ont été déposés sur une surface blanche ; aussi donne -t -il à cette rougeur pointillée le nom d'injection sablée. Cette rougeur n'est que l'exaspé- ration du pointillé que présente si souvent , sans état morbide, la substance blanche de l'encéphale.
La rougeur pointillée peut être générale ou pnr- tielle*, elle se montre souvent tiès-prononcée autour des épanchemens de sang. Lorsqu'elle est très -in - tense , elle donne à la substance nerveuse une teinte rosée, et on la voit alors tendre à passer à l'état de col oration rouge uniforme.
d'a"natomie pathologique. ^53
Cette espèce de rougeur ne peut être décidément considérée comme Je résultat, d'une hyperémie active du cerveau que lorsqu'elle est très-prononcée , et encore, dans ce cas même, faut-il toujours avoir égard aux circonstances au milieu desquelles la mort est survenue , ainsi que nous l'avons dit plus haut.
La seconde espèce de coloration rouge du cerveau , ou la rougeur uniforme, est, bien plus rarement que la précédente , le signe anatomique d'une hyperémie active. Cette rougeur n'est jamais générale ; elle peut exister dans l'une ou dans l'autre des deux substances qui composent l'axe cérébro-spinal. Dans la subs- tance blanche elle ne se montre que rarement ; dans la plupart des cas où on l'y a observée , c'était au voisinage d'un épanchement de sang ancien ou récent. Elle peut cependant exister dans la substance blan- che sans qu'il y ait eu hémorrhagie. Cette substance présente alors tantôt une couleur rose peu intense , tantôt une teinte d'un rouge foncé, qui parfois a pu être exactement comparée à la teinte du bois d'acajou. La rougeur uniforme peut aussi exister dans la subs- tance corticale ; elle présente alors soit une teinte d'un gris plus rougeâtre que de coutume, soit une couleur rouge écarlate. Cette rougeur avec ses divers degrés a été vue i®. dans la substance grise des cir- convolutions, tantôt les occupant toutes, tantôtbornée à quelques-unes ; 2°. dans la substance grise dissé- ^minée en divers points de la masse cérébro-spinale.
En raison de ses diverses nuances, la rougeur uni- forme de la substance cérébrale a été désignée sous les noms de couleur rouge amaranthe , violette , lie de IL 48
^54 riiKCîs
vin , chocolat , teinte d'acajou. D'autres fois celle rougeur devient brune ou verdalre; d'autres fois enfin on trouve certaines parties du cerveau , celles surtout qui entourent des foyers apoplectiques, teintes en diverses nuances de jaune. Mais conimeon voit souvent en un même endroit du cerveau cette couleur jaune se transformer insensiblement en diverses nuances de rouge, il faut en conclure que cette couleur jaune appartient, comme larouge , à une injection sanguine. Pour que ces diverses nuances de coloration ayant lieu, que faut-il d'ailleurs autre chose que de sim- ples changemens dans la proportion de la matière colorante du sang?
Nous avons déjà vu, dans plusieurs tissus, la teinte rouge de Tirritation aiguë se transformer, sous l'in- fluence de diverses causes, en une teinte brune, ou ar- doisée. La même chose a lieu quelquefois dans le cerveau. M. Billard, dont le nom se rattaciie à tant d'intéressantes recherches sur l'anatomie pathologi- que, a constaté l'existence de cette teinte ardoisée dans la substance corticale des hémisphères cérébraux chez deux individus qui avaient présenté tous les signes d'une irritation chronique du cerveau. Chez un troisième individu, dont il rapporte aussi l'obser- vation , la mort eut lieu trois jours seulement après une chute sur la tête. C'était un enfant de vingt- deux mois dont une roue de voiture écrasa la jambe : il éprouva d'abord une fièvre violente avec grande agi- talion, puis un coma profond au milieu duquel il succomba. Chez cet enfant, outre une turgescence très-remarquable des hémisphères cérébraux, l'on
D'A.\ATOiIIE PArnOLOGIQlE. ^55
trouva la substance corticale d'une couleur ardoisé^ qui différait tout-à-fait de sa couleur grise naturelle. Cependant, avant son accident, cet enfant n'avait jamais présenté le moindre trouble fonctionnel du côté du cerveau ( i ),
Au lieu d'exister uniformément sur toute la subs- tance corticale des hémisphères, la coloration ardoi- sée peut être bornée à quelques points de cette subs- tance. MM. Billard et Bérard Jeune ont trouvé au devant d'une ancienne cicatrice d'apoplexie qui avait son siège dans le corps strié , une tache ardoisée qui , commençant à la partie antérieure du centre ovale de Yieussens, se rendait à la superficie du lobe anté- rieur, en devenant de plus en plus foncée; en sorte qu'elle ressemblait d'abord à une couche d'encre de Chine étendue sur la substance blanche , et finissait , en gagnant la substance corticale, par acquérir une coloration d'un gris ardoisé trés-foncé. La substance corticale était dans le point correspondant comme rongée et déprimée dans une étendue d'un demi- pouce à peu-près (2).
L'hyperémie des centres nerveux, sans épanche- ment de sang, se montre à tous les âges; mais elle est sur-tout fréquente aux deux extrêmes de la vie , chez l'enfant naissant et dans la vieillesse. Chez l'en- fant, elle est le résultat de la grande quantité de sang que reçoit le cerveau dans les innombrables vaisseaux dont il est alors pourvu. Dans la vieillesse, le cerveau reçoit beaucoup moins de sang que dans l'enfance; mais ce sang y est bien souvent envoyé d'une manière
(1) Archives de me JcciTie , tom. IX, pag 492' {2) Ibidem-
A8.
' tSS , PRÉCIS
;
trop violente ou irrégulière, et comme en saccades, par le cœur si souvent hypertrophié à cet âge. Il s'y distribue péniblement ou inégalement à travers des artères dont les parois altérées ont ordinairement perdu une partie de leur élasticité; enfin il n'en re- vient que difficilement à travers des veines dont la dilatation annonce le défaut de ressort.
Quelle que soit l'époque de la vie à laquelle elle survienne, l'hyperémie des centres nerveux peut sur- venir de trois manières : i*. elle peul acquérir tout-à- coup son plus haut degré d'intensité, et donner lieu à des symptômes d'apoplexie qui entraînent rapide- ment la mort; 2°. elle peut ainsi revenir subitement à plusieurs reprises, dans les intervalles desquelles la santé cesse d'être altérée; enfin une dernière fois Fhyperémie revient plus considérable, et la mort en est le résultat; y. dans d'autres circonstances l'hype- rémie ne parvient que graduellement à un certain de- gré d'intensité, et alors, au lieu des symptômes d'une apoplexie, on observe ceux d'une encéphalite (1).
L'hyperémie des centres nerveux, soit avec rougeur pointillée , soit avec rougeur uniforme , est souvent la seule altération que présentent ces centres-; souvent elle produit les mêmes symptômes que ceux que l'on rapporte ordinairement à une hémorrhagie ou à un ramollissement. D'autres fois elle coïncide avec celui- ci ; d'autres fois enfin elle paraît être le prélude d'une hémorrhagie ; et dans le même lieu où elle existe, on trouve à côté d'elle des épanchemens sanguins plus ou moins considérables. Enfin l'hyperémie du cervea-u:
(1) BouiUaud , Traité sur Cencèpl<*>lUc,
d'ANATOMIE PATnOtOCIQ,UE. -y 5 7
coïncide souvent avec une augmentation de densité de sa substance , qui en pareil cas est quelquefois aussi véritablement tuméfiée.
Dans la plupart des cas d'hyperémie delencéphale, les membranes qui l'enveloppent, et surtout la pie- mère, sont également congestionnées. Tantôt une certaine quantité de sérosité trouble ou limpide est épanchée soit dans les ventricules, soit dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la convexité des hé- misphères. Tantôt, au contraire, les différentes sur- faces intérieures ou extérieures de la masse encépha- lique sont privées de l'espèce d'humidité qu'elles pré- senteat ordinairement, et l'arachnoïde en particuher est remarquable par sa sécheresse.
§ II, HïPERéailE AU SECQÎîD DEGRE, OU AVEC ÉpAHCHEMBKT
DE SAKG«
L'hémorrhagie des centres nerveux a depuis long- temps fixé l'attention des observateurs; il n'est guères de point , dans ces centres , où Ton n'ait vu aujour- d'hui des épanchemens de sang.
Cette hémorrhagie peut être divisée en trois espèces suivant qu'elle a lieu à la surface extérieure des centres nerveux, dans les cavités qui en occupent l'intérieur, ou dans l'épaisseur même de la substance nerveuse.
Les hémorrhagies de la première espèce peuvent être divisées en deux sortes : dans les unes, une petite quantité de sang est épanchée au-dessous de la pie-mère dans une ou deux anfractuosités, et on n'en trouve pas ailleurs; dans les autres, le sang est épanché à la périphérie de l'axe cérébro-spinal, où il représente uue couche uniforme, plus ou moins
épaisse , qui parfois s'étend sur tout un hémisphère cérébral , ou qui enveloppe la moelje. Ainsi , chez phisieurs nouveau-nés, qui meurent dans un état apoplectique, on trouve souvent autour du cer- veau ou de la moelle une couche de sang Uquide ou coagulé qui, en raison de son épaisseur variable^ exerce sur ces centres une compression plus ou moins forte. Aux autres époques de la vie cette espèce d'hémorrhagie est une lésion assez rare.
Leshémorrhagies de la seconde espèce, ou celles qui ont lieu à l'intérieur des ventricules , ne sonl guèresplus communes que les précédentes. On trouve souvent, à la vérité, dans les cas d'apoplexie, du sang épanché dans les ventricules; mais cet épanchement est presque toujours le résultat de la déchirure de leurs parois, d'où est résultée la communication de la cavité ventriculaire avec la cavité accidentelle que le sang s'est creusée en s'épanchant dans la substance du cerveau.
C'est effectivement dans la substance même des centres nerveux que l'hémorrhagie a lieu le plus souvent. Sur 5^2 cas d;'hémorrhagies cérébrales que j.'ai trouvés consignés dans les ouvrages, j'en ai compté :
Bans la partie des hémisphères cérébraux située au niveau des corps striés et des couches optiques, et
à-la-fois dans ces deux corps 202
Dans les corps striés 61
Dans les couches optiques 5S.
Dans la portion des hémisphères située au- dessus du centre ovale de Yieussens. 27
Dans les lobes latéraux du cervelet i(y
Au-devant des corps striés. 10
D ANATOMIK PATHOLOGIQUE. J^g^
Dans le uiésocëphale g
Dans la moelle épinière 8^
Derrière les couches optiques (lobe post. ). . -j
Dans le lobe médian du cervelet. ..... 5
Dans les pédoncules du cerveau. ...... 5
Dans un pédoncule du cervelet. ....... i
Dans leséminences olivaires i
Dans la glande pituitaire l
Dans les parties blanches centrales. .... o
îlien n'est plas variable qu.ela grandeur des cavités que creuse le sang en s'épanebant dans la substance nerveuse. Parmi ces cavités, les unes pourraient à peine admettre un petit pois; les autres peuvent occuper la place de presque tout un hémisphère. Lorsque répanchement formé dans Tun des hémi- sphères est considérable , il produit le plus ordinai- rement la rupture des parois des ventricules latéraux;, souvent aussi en pareil cas le septum médian se trouve déchiré, la voûte n'existe plus qu'en débris, et à la place de ces parties se montrent de gros caillots de sang. D'autres fois l'épanchement se fait jour à l'exté- rieur du cerveau, et le sang vient se répandre dans la cavité de l'arachnoïde.
Le nombre des épanchemens sanguins est aussi variable que leur étendue. Tantôt on n'en trouve qu'un seul , tantôt deux , tantôt un plus grand nom- bre. Chez un individu qui mourut peu de temps après avoir fait une chute, et après avoir d'aillears-
^6o PRÉCIS
présenté tous les symptômes de la commotion céré- brale , j'ai trouvé, en un grand nombre de points de la masse encéphalique, de petits épanchemens sanguins tous semblables par leur forme et leur grandeur : chacun d'eux aurait pu à peine admettre un très-petit pois. On n'aurait pas découvert ces épanchemens sans une dissection attentive du cerveau, et ce cas eût été grossir le nombre de ceux où l'on dit n'avoir rien découvert dans le cerveau d'individus morts avec les signes d'une commotion cérébrale.
Lorsqu'on trouve plusieurs épanchemens de sang dans un même cerveau , il est rare qu'on les rencontre tous dans le même état : les uns sont anciens et n'exis- tent plus qu'en vestiges; les autres sont un peu plus nouveaux; d'autres enfin sont plus nouveaux encore, et doivent être regardés comme la cause des derniers accidens. Lorsqu'on découvre ainsi dans l'encéphale plusieurs épanchemens dont la formation n'a pas évi- demment la même date , l'histoire des syraplômes apprend que plusieurs attaques d'apoplexie ont en lieu, et chacune d'elles répond à un des épanche- mens cérébraux.
Certains épanchemens existent fréquemment seuls; tels sont ceux qui se font dans les diverses parties des hémisphères cérébraux; d'autres, au contraire, ne se montrent le plus souvent que lorsqu'en même temps il y a ailleurs du sang épanché. C'est ainsi que dans la plupart des cas où l'on a trouvé sur les cada- vres une hémorrhagie du cervelet, on a trouvé en même temps un épanchement sanguin dans les hémi- sphères cérébraux.
d'anatomie pathologique. 761
Il résulte des recherches faites par M. Pvochoux et par d'autres, sur la fréquence relative drshémorrhagies cérébrales aux différens âges, que ces hémorrhagies deviennent surtout communes après l'âge de cin- quante ans, et que c'est surtout de soixante à soixante- dix ans qu'on les observe le plus souvent. Cependant on en a des exemples à tous les autres à^es. M. Bil- lard en a cité un cas observé sur un enfant mort dans un état apoplectique , trois jours après sa naissance ; on trouva , à l'ouverture du cadavre, un épanchement sanguin situé dans l'épaisseur de l'hémisphère gau- che sur les parties latérales des corps striés (1). M. Serres a constaté l'existence d'une hémorrhagie cérébrale chez un enfant de trois mois (2). M. Guer- sent a aussi vu une fois celte hémorrhacie dans le premier âge (5). Le docteur Payen a rapporté dans sa thèse l'histoire d'une fille de douze ans qui pré- senta, dans la portion cervicale de la moelle , un caillot sanguin du volume d'un haricot (4). J'ai vu moi-même un jeune garçon de douze ans qui , jouis- sant d'une bonne santé, tomba tout-à-coup frappé d'une attaque d'apoplexie qui , en quelques heures, l'entraîna au tombeau. Je trouvai au milieu d'un des hémisphères cérébraux un énorme caillot de sang.
Le sang que l'on trouve épanché dans les centres nerveux se présente avec un aspect bien différent , suivant qu'on l'examine à une époque rapprochée ou
(i) Traité des maladies des en fans ^ P^g* 600.
(2) Dictionnaire de médecine, par MM. Adelon , Andial, Béclarrl, etc., article .4popl€jcie*
(ô) Ibidem.
{/() Essai sur l'encéphalite, eonsidcrée spécialement dans l'emfancc , dans les tliéscs da iSaG, n' 21.
y62 rnÉcis
éloignée du nioment où il est sorti de ses vaisseaux. Dans les premiers temps il ressemble à une gelée- de groseille mal prise, et autour de cette gelée une partie du sang se montre encore entièrement liquide. Un peu plus tard, douze ou quinze jours, par exem- ple, après latïaque , le caillot est plus consistant eh mieux circonscrit dans une cavité ; plus tard encore il se décolore , blanchit ou jaunit ; autour de lui l'on, trouve épanchée une certaine quantité d'un fluide roussâtre. La cavité qui le contient présente des pa- rois lisses que tapisse une membrane mince. Autour de cette cavité la substance cérébrale offre tantôt un aspect naturel ; tantôt elle est modifiée sous le double rapport de sa couleur et de sa consistance. Ainsi , suivant les cas, sa couleur est rose , rouge , brune ou jaune : sa consistance est souvent diminuée et quel- quefois augmentée.
Cependant , à mesure qu on ouvre des cadavres à une époque de plus en plus éloignée de l'instant où l'apoplexie a eu lieu , on cesse de retrouver dans l'en- céphale des caillots sanguins ; mais à leur place on rencontre l'un des états suivans :
1**. Une cavité, ordinairement assez pelile, arron- die ouoblongue, souvent anfractueuse, tapissée par une membrane jaunâtre qui ressemble à une séreuse et remplie par un liquide séreux ou par une matière comme gélatiniforme.
2". Cette même cavité des parois de laquelle on voit se délacher un certain nombre de lilamens , qui tantôt marchent parallèles les uns aux autres, et tantôt s'entrecroisent en sens divers, de manière à consti- tuer au sein do la cavité un \érilab!e réseau, qui
1>*ANAT0M1E PATHOLOGIQIE. 765
ressemble assez bien à du tissu cellulaire infiltré de
sérosité.
5°. Peu-à-peu celte cavité s efface , et suivant Je mode de rapprocbement de ses parois, il en résulte soit une simple cicatrice linéaire, soit une cicatrice avec froncement et dépression de la substance céré- brale. Dans certains cas, vraisemblablement lorsque la cicatrice est encore récente, on peut facilement, avec le manche d'un scalpel , en écarter les bords et refaire la cavité; on trouve alors dans les parois de cette cavité vme couleur jaune fauve, qui ne s'étend pas dans la substance nerveuse environnante. Dans d'autres cas les bords de la cicatrice ne peuvent plus être ainsi écartés; elle est très -solide, et sa consis- tance est souvent comme fibreuse.
*
On ne peut établir aucune donnée fixe sur le temps que met une cavité apoplectique à se cicatriser. On a dit que cette cicatrisation était beaucoup plus lente à s'opérer dans les cas où l'épanchement de sang s'é- tait fait transversalement aux fibres cérébrales, que dans le cas où il s'opérait parallèlement à ces fibres.
Je viens de décrire le mode de terminaison le plus commun des hémorrhagies cérébrales, lorsque les malades guérissent. Bien décrite dans ces derniers temps par MM. Riobé , Rocheux et autres , la cica- trisation des cavités apoplectiques avait été déjà vue , par d'anciens auteurs, et Wepfer, en particulier, en décrivant les lésions trouvées dans le cerveau d'un in- dividu mort un certain temps après avoir eu une atta- que d'apoplexie , s'exprime en ces termes: conn'ivebat çavcrnida et jam inter se coaicsccbant parletcs.
Au lieu de se résorber, le caillot sanguin épanché
764 PllÉCÏS
au sein des centres nerveux peut se solidifier , s'orga- niser , et devenir une sorte de tissu accidentel auquel les artères encéphaliques apportent la nutrition et la vie. Je fonde du moins cette assertion sur le cas suivant : Un individu est frappé d'une attaque d'apo- plexie ; il reste pendant plusieurs années hémiplé- gique , et succombe aune autre maladie dans les salles de la Charité : on l'ouvre et on trouve , dans un des hémisphères cérébraux, une masse d'un rouge pâle, d'apparence fibrineuse , parcourue par de petits vais- seaux qui s'anastomosaient avec les vaisseaux du cer- veau ; autour d'elle la substance nerveuse avait son aspect normal. Cette masse n'était point enkystée. Est-ce dans ce cas le caillot, produit de l'ancienne apoplexie, qui s'est organisé? plus tard, n'aurait-il pas pu devenir une masse dite squirrheuse, encépha- loïde, etc.
L'ouverture des cadavres des individus qui suc- combent à une hémorrhagie cérébrale montre, en même temps que cette hémorrhagie, diverses lésions, soit dans la pulpe nerveuse elle-même, soit hors de cette pulpe.
Il y a long-temps que les analomistes avaient re- marqué qu'autour des épanchemens apoplectiques la pulpe nerveuse est bien souvent ramollie ; on attri- buait généralement ce phénomène à l'épanchement de sang lui-même; on le regardait comme simplement consécutif : mais les travaux de M. Lallemand ont aujourd'hui démontré que le ramollissement de la pulpe nerveuse , loin de suivre toujours l'épanche- ment de sang, le précède souvent, et en est une des causes. On peut suivre dans une portion ramollie de
-^'anatomie PATiioroGiQui. 765
la substance encéphalique tous les degrés par lesquefs passe une simple injection sanguine pour se trans- former en un épanchement sanguin plus ou moins considérable ; on voit dans celte portion cet épanche- ment commencer sous forme de petites plaques rou- ges qui tendent à s'agrandir, à se réunir, à se multi- plier. Ainsi donc un certain nombre d'hémorrhagies cérébrales sont précédées par un ramollissement de la pulpe nerveuse ; mais ce ramollissement ne les pré- cède pas nécessairement toutes; car on ne le retrouve pas dans tous les cas. D'autres fois la nature des symp- tômes paraît indiquer que le ramollissement qui en- toure un épanchement sanguin ne s'est formé qu'un certain temps après celui-ci. Mais dans ce cas même il n'est pas, comme on l'a dit, le résultat tout méca- nique de la macération de la substance nerveuse par le sang; cette macération n'a guère lieu que lorsque l'épanchement, très - considérable , brise et réduit en bouillie les parties de la substance encéphalique où il s'accomplit. Hors ce cas, les ramollissemens secondaires qui entourent un épanchement sanguin, doivent être considérés comme le produit d'un tra- vail d'irritation , semblable à celui qui a lieu autour de tout corps étranger. A mesure que l'épanchemenfe se résorbe , et que la cavité qui le contenait tend à se cicatriser , la substance nerveuse environnante cesse d'être injectée et reprend sa consistance : quel- • quefois même elle acquiert une dureté insolite.
Ainsi, en résumé, le ramollissement qu'on trouve souvent autour des épanchemens sanguins de l'encé- phale peut se produire , 1°. avant l'hémorrhagie ; 2*. après l'hémorrhagie, et dans ce second cas résulter
DU d'une action mécanique exercée par le sang surU substance nerveuse, ou d'une irritation de cette subs- tance.
Hors de la pulpe nerveuse existent aussi des lé- sions qui ont un rapport plus ou moins direct avec i'hémorrhagie. Quel est l'état des vaisseaux qui por- tent le sang dans la substance encéphalique ou rachi- dienne ? Dans un grand nombre de cas on n'y dé- couvre aucune trace d'altération , et l'on est réduit à admettre que I'hémorrhagie a été le résultat ou d'une simple exhalation sanguine , ou de la rupture des vais- seaux capillaires. Souvent, bien qu'on ne découvre pas plus que dans le cas précédent le vaisseau qui, par sa déchirure , a produit I'hémorrhagie , on trouve cependant tout le système circulatoire de l'encéphale dans un état qui n'est plus son état normal : la plu- part des artères grandes, moyennes et petites, sont transformées en canaux osseux, dont ies parois , en- croûtées de phosphate calcaire , ont perdu toute élas- ticité et se laissent rompre avec la plus grande facilité dès qu'on exerce sur elles une traction légère , ou qu'on les distend faiblement. Un pareil état des artères cérébrales est très -commun chez les vieillards; et c'est aussi à cet âge que les hémorrhagies cérébrales sont les plus fréquentes.
Enfin , dans le plus petit nombre des cas , l'on a dé- couvert , sur les parois de la cavité creusée par le sang épanché, le vaisseau plus ou moins considérable qui avait fourni le sang. Tantôt ce vaisseau rampait à la surface même de ces parois ; tantôt il était situé assez loin de la cavité : c'est ce qui a été vu dans le cas sui- vant : à un point des parois d'un foyer apoplectique,
"d'anatomie pathologique. 763;
situe clans une couche optique, adhérail par une de SCS exlrémités le caillot qui le renq:>lissait. En incisant avec précaution la substance cérébrale, on suivit ce caillot, de la grosseur d'une plume de corbeau, jus- qu'à la base du cerveau , où il adhérait à l'une des divisions de l'artère choroïdienne : c'était cette arté- riole dont la rupture avait donné lieu à riiémorrhagie, dont la trace principale se trouvait loin d'elle (1).
Quant aux épanchemens de sang qui ont lieu à la surface extérieure des centres nerveux, les uns pro- viennent aussi des capillaires , dont on ne peut saisir la lésion ; d'autres sont dus à la rupture de quelques- uns des vaisseaux considérables qui rampent à l'ex- térieur de l'encéphale ou de la moelle. Ainsi, M. Ser- res (2) a vu une attaque d'apoplexie résulter de la perforation de l'artère basilaire qui , non loin de sa bifurcation supérieure, présentait une poche anévrys- malique capable de contenir un œuf de poule. Le sang sorti de cetle artère s'était introduit dans les ventricules. Dans un autre cas, cité par le même au- teur, et où la mort suivit également de près une attaque d'apoplexie, l'épanchement du sang avait sa source dans une perforation de l'artère communicante anté- rieure du cerveau.
On a dit que l'hypertrophie du cœur était une des lésions qu'on rencontrait assez ordinairement chez les apoplectiques, et on l'a regardée comme une des causes de l'hémorrhagie cérébrale. J'ai constaté pour ma part cette coïncidence un assez grand nombre de
(1) Michclct , Lss l sur les rotigcitrs de la substance c.rc'yralc ( Thèses de 1827, "" ^9*)
(2) Archùes ({( wé'lccinc , lonitX,pag 4 '9-
•^65 PRECIS
fois pour que je croie pouvoir en conclure que l'hy- pertrophie du cœur peut contribuer à la production des épancheuiens sanguins du cerveau. Au nombre des signes de l'hypertrophie du cœur, tous les au- teurs ne placent-ils pas les accidens qui accompagnent les congestions cérébrales , telles qu'injection de la face, ëtourdissement ,etc. ? Cependant il résulte des recherches de M. Rostan qu'il s'en faut que toutes les femmes apoplectiques qui succombent à la Sal- pêtrière aient une affection du cœur, et sur qua- rante-deux apoplectiques dont les cadavres ont été ouverts par M. Ptochoux , trois seulement lui ont pré- senté un état anévrysmatique du cœur. Je crois que le résultat auquel est arrivé M. Rochoux à cet égard ne doit pas être adopté sans examen. A l'époque où il a fait ses recherches , on n'appelait anévrysme du cœur que les lésions de cet organe dans lesquelles son volume était augmenté. Or ce n'est pas là la lé- sion du cœur qui se montre le plus fréquemment chez les apoplectiques, mais bien cette espèce d'hy- pertrophie dans laquelle, sans augmentation du vo- lume de l'organe , ses parois ont subi un accroisse- ment d'épaisseur aux dépens de sa cavité; et à moins que M. Rochoux ne nous dise que , dans l'expres- sion d'état anévrysmatique du cœur, il a compris cette espèce d'hypertrophie , ses recherches à cet égard perdront une giande partie de leur valeur.
-»
D ANATOMIE PATUOLOGTQUE. ni^g
ARTICLE II.
ANEMIE.
L état anémique des centres nerveux a peu fixé jus- qu'à présent l'attention des observateurs. M. Billard a parlé de quelques cas dans lesquels il a trouvé complètement décolorée la substance corticale des hémisphères cérébraux. Elle était tellement blanche et pâle , que la surface du cerveau avait quelque res- semblance avec de la cire modelée; du reste, il ne signale point les symptômes qui pourraient se ratta- cher à cet état (i).
L'anémie des centres nerveux se produit sous l'in- fluence des mêmes causes que celles que nous avons assignées en général à toute anémie (tom. I ). Elle peut être bornée au cerveau , ou coïncider avec un état d'anémie de tout le corps. Elle s'observe soit dans les maladies chroniques , soit dans certaines ma- ladies aiguës , où les symptômes semblaient annoncer un état d'irritation du cerveau, et où l'on n'est pas peu étonné de trouver, au contraire, cet organe d'une pâleur remarquable. Nous avons déjà eu occasion de nous arrêter sur ces faits , que nous nous bornerons ici à rappeler. Toutefois, au moment où j'écris ces lignes, je lis dans un Journal de médecine un fait qui confirme trop pleinement d'aiitres faits que j'ai cités ailleurs, pour que je ne le rapporte pas ici. Ce fait me paraît très-bien faire ressortir jusqu'à quel point, en
(i) yircltives (le médecine ^ loin. IX, pag. 495.
II. 49
*j^Q vnixis
privant le cerveau de ses excitans accoulumés, on peut produire précisément les mêmes effets que ceux auxquels on donnerait lieu en augmentant la quantité de ces excitans.
Un homme très-adonné à l'ivrognerie, fut jeté en prison pour cause de vol, et réduit tout-à-coup au ré- gime du pain et de l'eau. Dès les premières semaines de ce nouveau genre de vie, on observe du trouble dans les facultés intellectuelles du prisonnier; son embonpoint et ses forces déclinent, sa figure pâlit et exprime l'abattement: il passe les nuits dans l'insom- nie ; plus tard, il survient un délire, qui, d'abord tranquille, devient ensuite déplus en plus furieux; il croit voir des figures horribles qui le jettent dans des angoisses continuelles: il pousse des cris perçans. Le docteur Hausbrandt , appelé à examiner le ma- lade, apprend quelles étaient ses habitudes avant son entrée en prison , et soupçonne que l'entière abs- tinence des liqueurs alcooliques est la cause de son dé- périssement et de sa manie. En conséquence , il pres- crit l'administration deux fois par jour d'une petite quantité d'eau-de-vie : les accidens cérébraux ne tar- dent pas h se dissiper, l'embonpoint et les forces re- viennent ensuite peu -à- peu, le malade recouvre en- fin sa première santé , et la conserve pendant tout le temps de sa détention (i).
(i) Journal des progrès , etc. , tom. I , pa». 268.
d'aNATOMIE I^ATIÎOLOGTQUE. ^^\
CHAPITRE II.
LÉSIONS DE NUTRITION.
La nutrition des centres nerveux n*est pas la même sur tous les individus , elle varie surtout d'une ma- nière notable suivant les âges; de là résultent dans la forme , dans le volume et dans la consistance de ces centres, des modifications qu'il importe de connaître, afin de ne pas les rapporter à un état morbide.
Les hémisphères cérébraux sont loin d'être tou- jours symétriques : il n'est péis très-rare de trouver différentes par leur volume ou parleur forme les cir- convolutions correspondantes des deux hémisphères cérébraux. Il ne résulte de cette diÛerence aucun dé- sordre fonctionnel appréciable.
Tout le monde sait que le volume du cerveau varie beaucoup suivan t les individus. Considéré aux différcns âges, le cerveau présente une augmentation dans son volume depuis la naissance jusqu'à l'adolescence; depuis cette époque jusqu'à la vieillesse ce volume reste stationnaire ; enfin, dans la vieillesse, le cer- veau perd de ses dimensions : ce dernier cas est le plus général ; mais il n'est pas constant. Comparé chez un adulte et chez un vieillard, le cerveau présente clans ses diamètres, mesurés au niveau du centre ovale, la moyenne proportionnelle suivante (i) :
ADULTE. VlEILLAUn.
Diamètre lotigitudinal. ... G pouces 4 lignes* 6 pouces une ligne. Diamètre transversal. . , . . 5 pouces. 4 pouces lo lignes*
(i) Cazauvieil!) , Oper. cit.
49'
772 PRECIS
En pesant avec la balance hydrostatique des cerveaux d'adultes et de vieillards , M. Desmoùlins a trouvé que chez les individus âgés de plus de soixante-dix ans^ la pesanteurspécifique du cerveau était d'un vingtième à un quinzième moindre que dans les adultes (i).
La moelle épinière diminue aussi de volume chez le vieillard ; elle est chez lui plus courte et plus mince, et les racines des nerfs qui en émanent sont aussi moins grosses (2).
Les circonvolutions des hémisphères cérébraux sont à peine prononcées au moment de la naissance; elles ne se développent guère que vers la fin de la première année : dans la vieillesse, elles deviennent de nouveau moins marquées dans le double sens de leur épaisseur et de leur longueur. La moyenne de leur épaisseur étant, chez l'adulte, de trois à cinq lignes, n'est plus que de deux à trois lignes chez le vieillard. Du reste , rien de plus variable chez les dif- férens hommes que le nombre, la longueur et l'é- paisseur des circonvolutions ; rien de plus variable non plus que la largeur et la profondeur des anfrac- tuosités. Il s'en faut d'ailleurs que les cerveaux les plus volumineux soient toujours ceux dont \cs circonvolu- tions sont les plus prononcées (5).
Quelques autres parties de l'encéphale présentent encore, suivant Ijs âges, des différences de volume que le médecin doit connaître. Qui peut dire, en effet, si le volum.e d'une de ces parties conservé chez le
(i) Anatomle des systèmes nerveux des animaux à vertèbres, par Dcs- »ioulius , toin. II , pag. 620.
(2) OUivler, Traité de la moelle cpinièTe , lom, II , pag. 720. Ç>) Cazauvicilh, O/jjr. cif.
i>'anatomie pathologique. 7^3
vieillard tel qu'il était chez Taduite , ou diminué pré- maturément chez ce dernier, ne cause pas plus d'un désordre fonctionnel ou n'y dispose pas? Cette même remarque se présente à chaque pas que l'on fait dans l'étude du cerveau , dans le but d'y chercher les causes des maladies. Comment affirmer que les désordres fonctionnels du cerveau existent sans lésion apprécia- ble de l'organe, parce que l'ouverture du cadavre n'en démontre aucune, lorsque , malgré tant de tra- vaux, nous connaissons encore si peu la disposition normale de ces différentes parties, et les variétés de cette disposition ?
La mxDyeniîe proportionnelle de la longueur est la suivante (i):
Al)OLESCEJ!S. ADULTES. VIEILLARDS-
Couches optùiaes :
I pouce 5 lignes et demie, i pouce 6 lignes, i pouce 4 ligues el demie.
Corps striés :
a pouces 6 lignes* 2 pouces 6 lignes. 2 pouceà 4 lignes et demie.
Corps calleux :
5 pouccs4 lignes et demie. 3 pouces 5 lignes. 2 pouces 7 lignes,
Mésocéphate :
Longueur, ao lignes. 11 lignes. ip lignes et demie.
Largeur, I pouce. i3 ligues. i pouce.
Cervelet, Longueur , 2 pouces 2 iig. 2 pouces 3 lignes. 2 pouces 3 ligues. Largeur, 3 pouces 9 Iig. 3 pouces clignes. 3 pouces 9 lignes.
Ainsi, de ces différentes parties de l'encéphale iK n'y a que le cervelet dont le diamètre reste le même dans la vieillesse qu'aux autres époques de la vie,
(4) Cuiauvieiili, Opcr. cii.
774 ^ PRÉCIS
Lo volume des centres nerveux diminue-t-il dans le cours des maladies chroniques, cooame diminue alors le volume du système musculaire? Il résulte des re- cherches faites à cet égard par M. Desmoulins , que le cerveau que les progrès de 1 âge atrophient , ne perd au contraire rien de son étendue dans ces mala- dies , et quel que soit le marasme auquel soient ar- rivés les individus. Dans tous les cas,, il a reconnu dans le cerveau la môme pesanteur spécifique. Ainsi , dans les maladies chroniques accompagnées d'uu amaigrissement considérable , il arrive une époque où la masse du système nerveux qui reste la même que dans l'état de santé , n'est plus en rapport avec la masse des autres systèmes qui a diminué. De là peut- être la cause de cet état de sur-excitation nerveuse qui est si commune à une certaine période des mala- dies chroniques.
Étant connues les variétés de nutrition que présen- teront les centres nerveux, sans que pour cela ils puis- sent être considérés comme malades , étudions les. lésions qu'elle peut subir.
ARTICLE PREMIER.
HYPERTROPHIE DES CENTURS NERVEUX..
L'hypertrophie réelle de ces centres doit être dis- tinguée de l'augmentation de volume que produit en eux toute hvp"réiîiie un peu considérable. Dans l'iiy^
d'axatomie r.\TiioLot;iQi;E. j'^b
portroplïie , ce n'est pas plus de sang que de coiUiime qui force ies molécules nerveuses à occuper un plus grand espace, ce sont les molécules elles-mêmes, dont le nombre s'est accru.
L'hypertrophie du cerveau paraît avoir être vue par Morgagni ; il parle de cas dans lesquels le cer- veau lui a semblé trop volumineux relativement à la capacité de son enveloppe osseuse, qui avait une grandeur ordinaire. Laënnec a également signalé cet état: en ouvrant des cadavres d'individus qu'il avait re- gardés comme atteints d'hydrocéphale interne, il rap- porte n'avoir trouvé qu'une très-petite quantité d'eau dans les ventricules, tandis que les circonvolutions du cerveau , fortement aplaties , annonçaient que ce viscère avait subi une compression qui ne pouvait être attribuée qu'à un volume trop grand , et par conséquent a une nutrition trop active de la masse cérébrale (i). Chez plusieurs enfans épileptiques , chez d'autres qui avaient eu des convulsions au mi- lieu desquelles ils avaient fmi par succomber, on n'a quelquefois trouvé autre chose que cette même dis- proportion de volume entre le crâne et le cerveau, disproportion qu'annonçait l'aplatissement des cir- convolutions, qui étaient en môme temps pressées, et comrne entassées les unes à côté des autres. ^
L'hypertrophie du cerveau présente les caractères anatomiques suivans (2) : les circonvolutions sont rapprochées et aplaties; on ne voit plus aucun inter- valle entr'elles ; il semble que les méninges, immé-
(1) Journal de Corvisart , etc. , toni. II, pag. 6G9,
(a) Dance, Observations pour servir à l'hisioire de l'IiypertropMc du cer- veau, dans h Répcr loi rc d'analomic, tiV. ,lom. V.
nnQ PKÉCIS
diatemcnl appliquées sur le cerveau, soient devenues trop étroites pour le contenir. La substance nerveuse est ferme, et oppose à la traction une résistance inaccoutumée; elle contient peu de sang, et lors- qu'on l'incise, on est frappé de la sécheresse des coupes. Les ventricules sont comme effacés , et les surfaces encéphaliques sont privées de leur humidité ordinaire. Du reste , la texture du cerveau n'a subi aucune altération.
L*hypertrophie du cerveau, le plus souvent géné- rale et étendue à la totalité des deux hémisphères, est quelquefois partielle : ainsi , j'ai vu un cas dans lequel la couche optique droite ayant ses dimensions ordinaires, la couche optique gauche présentait un volume plus considérable d'un quart que le volume de sa congénère. Aucun symptôme particulier n'a- vait annoncé pendant la vie cette inégalité de déve- loppement des deux couches optiques.
On n'a pas encore recueilli d'exemple d'hypertro- phie du cervelet.
On a observé, au contraire, quelques cas d'hyper- trophie delà moelle épinière, soit dans toute son étendue , soit dans quelqu'une seulement de ses par- ties. L'hypertrophie de la moelle épinière s'annonce par son augmentation de volume , avec fermeté de sa substance , sans qu'elle soit hyperémiée. Elle remplit alors toute la cavité de la dure-mère , et elle est exac- tement appliquée sur les parois osseuses du canal ver- tébral. Laënnec a observé cette hypertrophie dans toute l'étendue de la moelle ; je l'ai vue bornée à la région cervicale chez un enfant épilcptique , et le doc- teurHulin a citéun cas dans lequel cette hypertrophie
D ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 777
existait depuis le trou occipital jusque vers le milieu de la région dorsale (1).
On a vu l'hypertrophie de la moelle épinière coïn- cider avec un défaut de développement du cerveau et d'autres parties du corps. Tel est le cassuivant^^ dont on doit la connaissance à M. Ucelli de Florence : chez un fœtus âgé de six mois environ , les hémi- sphères cérébraux étaient remplacés par un sac plein d'eau ; les parties de la base existaient seules; cepen- dant la moelle épinière avait au moins un volume dou- ble de celui qu'elle présente ordinairement chez un fœtus de cet âge. Cette moelle avait d'ailleurs sa tex- ture normale. Il n'y avait aucun vestige d'œsophage, d'estomac , de poumon , de foie et de rate ; un seul rein existait, remarquable par son volume; deux seules cavités (une ventricule et une oreillette) cons- tituaient le cœur; un intestin fort court formé à son extrémité supérieure composait tout le tube digestif; il n'y avait pas de membres thoraciques (2).
L'augmentation de volume de la moelle épinière par hypertrophie de son tissu doit être distinguée de son augmentation de volume par hyperémie ; il en est à cet égard de la moelle comme du cerveau.
Faut-il rapporter à une hypertrophie de la moelle épinière quelques cas cités par M. Olivier, dans les- quels il a vu cette moelle acquérir plus de volume im- médiatement au-dessus du point où elle avait éprouvé une forte compression? M. Olivier a trouvé, au-dessus du point comprimé, un renflement bulbeux très-pro- noncé.
(») Bibliothèque Mcdlcale^ janvier 1828.
(i) Clinique de l'hôiufal SaintcI\Iariç de Florence , iS;i3,
'J'jS PRECIS
L'hypertrophie des centres nerveux existe sou- vent sans augmentation bien appréciable des dia- mètres de l'enveloppe osseuse qui les protège. Quel- quefois, cependant, cette augmentation est portée au point que le crâne développé, outre mesure , ressem- ble aux crânes des enfiins hydrocéphales. M. Scou- tetten a observé un cas de ce genre , chez un enfant âgé de cinq ans (t). La tête de cet individu égalait •celle d'un adulte fortement constitué. La boîte os- seuse fut trouvée épaisse d'une ligne et demie à deux lignes. La dure-mère adhérait fortement aux os du crâne ^ la masse cérébrale remplissait exac- tement la cavité crânienne ; c'étaient surtout les hémi- sphères, dont la partie supérieure et postérieure avait acquis un développement outre mesure. Aussi, pour parvenir aux ventricules, fallut- il faire une inci- sion perpendiculaire de près de trois pouces, tan- disque des mêmes parties à la base du crâne il n'y avait qu'un pouce d'épaisseur. Cet enfant n'avait présenté rien d'insolite dans les fonctions cérébrales ; son intelligence en particulier n'était ni plus ni moins développée que l'intelligence des enfans de son âge. A ce propos, on peut remarquer que la partie anté- rieure des hémisphères était celle qui avait le moins pariicipé à l'hypertrophie; il est à regretter que l'é- tat des circonvolutions n'ait point été noté. Cet enfant succomba , d'une manière tout accidentelle , à une ini tation gastro-intestinale.
En étudiant dans les différens organes la part que prend à leur altération chacun des tissus qui les
(i) Anhivcs de médecine , Inm. V 1 1 , pa^. 5i.
d'aNATO.MIE PATIIOLOGIQIE- 77^)
composent , nous avons souvent rencontré le cas dans lequel on trouve à-la- fois, d'une part atrophie du tissu propre de l'organe, et d'autre part hyper- trophie des tissus communs élémentaires qui en constituent la trame primitive , savoir, du tissu cellu- laire et des vaisseaux. Des altérations de ce genre ont été observées dans l'axe cérébro-spinal. Ainsi j'ai trouvé une fois une des couches optiques et ses envi- rons transformés en une substance cellulo-vascuîaire, assez semblable au tissu de la rate, et dans laquelle on ne découvrait plus aucun vestige de substance nerveuse. De ce cas me paraît se rapprocher un autre cas qui a été publié dans les Transactions pliilosoplii- (jues de la société royale de Londres (année iSsS), sous le titre de Fungus liématode du cerveau. Les couches des nerfs optiques, est-il dit dans cette observation, étaient converties en un tissu fongueux; à leur inté- rieur, elles ressemblaient à une masse de sang coagulé, comme celui qu'on trouve dans l'intérieur de la rate.
C'est encore à une hypertrophie du tissu celiulo- vasculaire de la moelle épinière que me paraît devoir être rapportée l'altération suivante (i).
Chez une femme âgée de trente-six ans, la face antérieure de la moelle épinière fut trouvée cou- verte, depuis la sixième paire cervicale jusqu'à la troisième dorsale , par une masse celluîo-vasculaire , d'un rouge jaunâtre, unie à la moelle par continuité de substance; elle semblait particulièrement naître du sillon antérieur latéral gauche. Dans cette masse
(i) /oarna/ (/c /7/i)'5!o/o^m'c , par Magcndie.
780 PRÉCIS
fongueuse on ne distinguait que deux élémens ana- toniiques, savoir de nombreux vaisseaux sanguins, et des filamens celluleux arranges en réseau. La moelle épinière et les racines antérieures des nerfs étaienli. fortement comprimées.
ARTICLE IL
ATROPHIE DES CENTRES NERfEUX.
Celte atrophie présente plusieurs degrés, depuis< une légère diminution du volume normal des centres nerveux, soit dans leur totalité, soit dans quelqu'une de leurs parties, jusqu'à l'absence complète de ces cen très ( 1 ).
L'atrophie ne se montre pas avec une égale fré- quence dans toutes les parties de l'axe cérébro- spinal; on peut établir en principe général qu'on l'observe plus souvent dans les parties de cet axe qui arrivent les dernières à leur entier développement. Ainsi la moelle épinière est formée avant le cerveau, et l'atrophie de la moelle est plus rare que celle de la masse nerveuse intrà- crânienne. Dans l'encé- phale, les circonvolutions sont la partie qui se déve- loppe en dernier lieu; elles ne sont encore qu'ébau- chées à la naissance, et les circonvolutions sont aussi la partie dont l'atrophie est la plus fréquente.
(i) Quelques auteiirs onl désiîjné celte atrophie sous le nom d'a^éncsic. Voyez Archives de mcdccinc, loin. XI V, un excellent Mémoire 6ur Va^ç- nésic cérébrale , par M. CazauvieilU,
D*ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 'jSl
Nous allons passer successivement en revue ces divers degrés d'atrophie , ainsi que les points des centres nerveux où elle a été spécialement observée.
Les hémisphères cérébraux ont été vus plus sou- vent atrophiés qu'aucune autre partie de ces centres; ils peuvent l'être soit partiellement, soit dans leur totalité.
L'atrophie partielle des hémisphères cérébaux peut frapper,
1°. Les circonvolutions : tantôt elles sont seule- ment plus petites et moins nombreuses que de cou- tume, soit des deux côtés, soit d'un seul côté, soit enfin en quelques points isolés de ce côté. Tantôt elles n'existent même pas. M. Jadelot a présenté à l'Académie royale de médecine le cerveau d'un idiot, âgé de cinq à six ans : on ne voyait sur les hémisphères aucune trace de circonvolutions ; je n'y observai au- tre chose qu'une couche uniforme de substance mé- dullaire recouverte d'une couche mince de substance grise ; on eût dit du cerveau d'un lapin, ou d'un fœtus non encore à terme.
2°. Toute la partie supérieure des hémisphères cé- rébraux depuis leur surface extérieure jusqu'à la voûte des ventricules. Tantôt toute cette portion de masse nerveuse est remplacée par une poche séreuse qui n'a aucune communication avec les ventricules, et ceux-ci ne sont pas à découvert ; tantôt on n'ob- serve rien de semblable , et au-dessous des ménin- ges on aperçoit à nu, sans qu'aucune incision ait été pratiquée , les diiférens objets (couche optique, corps striés, etc.) contenus dans la partie supérieure des ventriculips latéraux; d'autres fois l'atrophie n'est pas
-82 pnÉ(:i5
aassi considérable , el Voa Iroiive seulement qu'un des hémisphères cérébraux est plus petit que l'autre. D'autres fois enfin, il n'y a qu'un des lobules de ces hémisj)lières qui a éprouvé une diminution de nutri- tion , ou qui même est absent. Ainsi l'on a constaté plusieurs fois cet état de petitesse extrême , ou une absence complète du lobule postérieur: en pareil cas, le cervelet n'était plus recouvert par le cerveau, et cette disposition anormale rappelait l'état naturel de l'encéphale de la plupart des aniîuaux , chez lesquels les hémisphères cérébraux ne s'avancent pas au-des- sus des hémisphères cérébelleux. Le lobe antérieur peut aussi être absent, ou au moins beaucoup plus pe- tit que d'ordinaire ^ enfin il est des cas où l'on a vu l'atrophie porter spécialement , et même exclusive- ment, sur le lobe moyen.
5°. Les couches optiques et les corps striés. Ces deux renflemens peuvent présenter d'abord une sim- ple diminution de volume; on ne peut en douter, lorsqu'on trouve ceux d'un côté plus petits que ceux du côté opposé. Tantôt , c'est aux dépens de la substance grise qu'a lieu plus particulièrement cette atrophie; tantôt, c'est an contraire aux dé- pens de la substance blanche, et de cette seule dif- férence il peut en résulter une dans les symptômes. Au lieu d'être simplement diminués de volume, les deux renflemens en question peuvent avoir complè- tement disparu , soit qu'ils aient été remplacés par un îiyste séreux, soit qu'on ne trouve rien qui les rem- place. Dans le premier cas, la masse des hémisphères cérébraux peut exister ou manquer; dans le second cas, elle est constamment absente, et au-^elà des
D'A^ATOMlE FATIIOI.OGIQUE. ^85
pédoncules cérébraux on ne trouve plus antre chose que quelques fibres éparses qui vont s'épanouir dans un tissu membraneux , semblable à celui qui, dans les premiers temps de la vie intrà-utérine , marque la place où plus tard se développeront les hémisphères cérébraux. 11 est bien clair qu'en pareil cas les parties blanches cenlrales du cerveau manquent comme ses hémisphères ; il n'y a donc plus de cerveau propre- ment dit: ce qui n'empêche pas toutes les autres par- ties nerveuses contenues dans le crâne d'être très-bien développées; ainsi le mésocéphaîe, le cervelet, peu- vent avoir, en l'absence du cerveau, leur aspect ac- coutumé.
4^ Les parliesblanches centrales du cerveau. Elles peuvent être imparfaitement développées dans le cas où , dans les hémisphères, n'existe aucune altération. C'est ainsi que quelquefois le corps calleux atrophié ne se présente plus que sous forme d'une membrane très-mince ; Reil en a constaté l'absence complète chez une femme idiote , âgée de trente ans. Les deux hémisphères cérébraux ne communiquaient que par- les commissures antérieure et postérieure. Cette femme présentait accidentellement une disposition analogue à celle qu'on retrouve chez plusieurs anir maux (oiseaux et reptiles) , chez lesquels normale- ment le corps calleux n'existe pas , non plus que la voûte à trois piliers.
Les diverses parties qui entrent dans la composi- tion du cerveau peuvent donc toutes éprouver isolé- ment une atrophie plus ou moins considérable; cha- cune d'elles peut disparaître , et les autres persister. Elles peuvent toutes aussi manquer simultanément ,
^84 PRÉCIS
et alors il n'y a point de cerveau , disposition qui rap- pelle celle de certains animaux , chez lesquels aussi manquent complètement les diverses parties dont la présence est nécessaire pour qu'on puisse admettre l'existence d'un cerveau proprement dit.
Nous venons de passer en revue les différens de- grés d'atrophie que peut présenter le cerveau, et en le suivant dans ses dégradations successives, nous l'a- vons vu enfin disparaître. Mais soit en avant, soit en arrière de ce cerveau , existent d^ns le crâne d'autres parties nerveuses, dont les unes, rudimentaires chez l'homme, ne sont évidentes que chez certains ani- maux, et dont les autres, au contraire , qui normale- ment sont Irès-développées chez l'homme, peuvent dans l'état morbide redevenir chez lui rudimentaires comme elles le sont chez d'autres animaux. Enfin parmi ces parties il en est qui, non appréciables chez l'homme , lorsque le cerveau est bien développé , viennent à se montrer d'une manière plus manifeste dans les cas où le cerveau reste imparfait. C'est ce qui arrive aux lobes olfactifs. Placés chez tous les animaux au-devant des lobes cérébraux, et les sur- passant souvent en volume, ces lobes se confondent chez l'homme avec la partie antérieure des lobes cé- rébraux; mais ces derniers viennent-ils à manquer, il arrive quelquefois qu'à la partie antérieure du crâne se montrent deux petites masses de substance ner- veuse, d'où l'on voit partir les nerfs olfactifs, et qui bien évidemment ne sont autre chose que les lobes olfactifs : en pareil cas l'indépendance de leur exis- tence, manifeste chez les animaux dans l'état normal, se trouve démontrée chez l'homme par l'état morbide.
d'anatomie PATHOLOGIQUK. '^85
En arrière des lobes cérébraux et de leurs commis- sures on trouve un certain nombre de lobes, dont les uns sont plus développés chez les animaux que chez l'homme , où souvent mêm e ils sont remplacés par de simples cavités, et dont les autres, au contraire, ont acquis chez l'homme un bien plus grand développe- ment (lobes latéraux du cervelet). Bien souvent on a vu chez l'homme une évolution imparfaite des parties pat' lesquelles son encéphale se distingue spécialement de celui des autres animaux; mais jamais, que je sache , on n'a vu chez lui sortir de leur état rudimen- taire les parties de l'encéphale qui , chez les animaux , ont un plus haut degré de développement. Ainsi , par exemple , jamais chez l'homme les tubercules quadri- jumeaux ne se sont montrés sous forme de lobe creusés d'une cavité, comme chez les oiseaux; jamais chez lui l'on n'a vu l'origine du nerf pneumo-gastrique cachée dans un renflement assez considérable pour constituer un lobe spécial, comme cela a lieu encore chez beaucoup d'animaux ; jamais non plus l'on n'a vu un autre lobe recouvrir le quatrième ventricule, comme on l'observe chez les animaux; et à mesure que 5 sous l'influence d'un état morbide, décroissent chez l'homme les lobes latéraux du cervelet, on n'a pas remarqué que son lobe médian acquît chez lui ce développement qui , chez les animaux, devient d'au- tant plus considérable que les lobes latéraux sont restés plus petits.
On a quelquefois constaté une simple diminution dans le volume d'un des lobes latéraux du cervelet. M. Hutin a cité un cas dans lequel le centre médul- laire des hémisphères cérébelleux élait environ d'un II. 5o
tiers moins volumineux que de coutume. « La suÎ3S- lance blanche , qui occupe naturellement le milieu du corps rbomboidal , n'exislait plus, de sorte que les bords festonnés de cette partie , rapprochés du centre, ne formaient plus qu'un petit corps pisiforme très-dur, d'un gris brunâtre. » (i)
Au lieu de cette simple diminution de volume, les hémisphères cérébelleux peuvent , comme ceux du cerveau, ne plus présenter qu'une cavité dont les parois sont constituées par une lame plus ou moins mince qui tient aux corps restiformes, dont elle semble cire un épanouissement. Alors se trouve reproduite accidentellement la disposition normale du cervelet soit chez certains animaux, soit chez l'homme lui- même à une certaine époque de sa vie embryonnaire.
En pareil cas le lobe médian du cervelet ne se forme pas non plus, sa grande commissure manque également (protubérance annulaire), et alors se montrent à nu les deux faisceaux de hbrçs longitu- dinales qui constituent les pédoncules cérébraux. (]e cas pathologique ne fait d'ailleurs que reproduire la loi en verlude laquelle , dans la série animale, la pro- tubérance annulaire se développe en raison directe des hémisphères du cervelet , et en raison inverse du lobe médian de cet organe (2).
Les tubercules quadrijumeaux peuvent persister en l'absence à peu-près complète du cerveh't; et à cela rien d'étonnant : car, dans la série animale, ce n'est pas avec le développement du cervelet qu'est
(1) Bibliolhcque Médicale , janvier iS24«
(2) Scires, Anniomic compare» du cerveau.
n'ANATOMIE rATIlOJ-OGlQUE. ^87
en rapport celui des tubercules quadrijumeaux, mais avec le développement de la moelle ( 1 }.
La glande pinéale , qui existe dans les quatre classes des vertébrés (2) , présente chez l'homme de nombreuses ditlérences individuelles dans son volume. Elle est parfois réduite à des dimensions tellement peu considérables que cette atrophie équivaut presque à zéro d'existence. On l'a vu chez un idiot être rem- placée par une petite granulation qui égalait à peine un grain de millet, et à laquelle venaient aboutir, comme de coutume, les deux fdets médullaires des couches optiques. Les variations de volume dans la glande pinéale n'entraînent nécessairement aucun dérangement dans la nutrition des autres parties du cerveau.
Nous venons de voir successivement diminuer de volume, puis disparaître, les différentes masses ner- veuses contenues dans la cavité crânienne, et le cas extrême que nous ayons rencontré est celui où de ces masses nerveuses il ne reste plus que le bulbe rachi- dien. Poursuivons dans le canal vertébral l'étude de cette dégradation de l'axe cérébro-spinal. Ici un premier fait va vous frapper : la moelle épinière peut exister, bien que toutes les parties contenues dans le crâne ne se soient pas formées; mais aucune de , ces parties n'existe , dans le cas où il n'y a pas de moelle épinière. Ainsi l'anatomie pathologique mon- tre 5 comme l'anatomie comparée et comme l'em- bryologie, la dépendance dans laquelle les centres nerveux intrà-crâniens se trouvent du centre nerveux
(1) Serres , Anatom'te comparée du cerveau,
(2) Idem.
,5o.
^^8 PRÉCIS
iatrà-vertébralsous le rapport de leur développement. Des faits nombreux ont prouvé que la moelle épi- nière peut manquer aussi complètement que l'encé- phale : dans ces cas, où il ne reste plus aucun vestige des centres nerveux, un liquide plus ou moins abon- dant remplit les cavités qu'occupent ordinairement ces centres; des membranes, semblables aux mé- ninges, constituent les parois de ces cavités, et à ces parois se terminent des nerfs.
Sans manquer complètement , la moelle épinière peut présenter un certain nombre de vices de con- formation, dont plusieurs rappellent lesdifférens états transitoires par lesquels elle a passé pour devenir ce qu'on ia trouve chez l'adulte, et qui tous résultent d'un développement qui s'est arrêté ou qui a rétro- gradé.
Ainsi les deux cordons séparés dont la moelle est composée dans les premiers temps de sa formation peuvent ne pas se réunir, parce qu'il ne se déposa pas de substance grise dans l'espace qui les sépare. Il en résulte une division anormale de cette moelle en deux parties latérales dans une portion plus ou moins grande de son étendue. Toutes les fois que ce vice de conformation a été observé, il y avait en même temps anencéphalie.
Les deux cordons séparés, qui composent primi- tivement la moelle, forment, en se réunissant, une gouttière qui plus tard devient elle-même un canal ; permanent chez beaucoup d'animaux, ce canal est ordinairement oblitéré chez l'homme à l'époque de la naissance; mais il peut persister, et de là résulte, dans l'intérieurde la moelle et à son centre, l'existence
d'anatomie pathologique. -^^g
d*une cavité , dont la production semble liée à l'ab- sence de la substance grise centrale. Tantôt ce canal coïncide avec d'autres vices de conformation , tels qu anencéphalie, spina-bifida ; tantôt il existe, sans autre altération. Toutes les fois qu'on a observé ce canal , il commençait à la partie supérieure de la moelle, et semblait former la continuation de la ca- vité du quatrième ventricule. Il se prolongeait d'ail- leurs plus ou moins bas. On l'a vu borné à la région cervicale , et d'autres fois on l'a retrouvé jusques vers le milieu de la région dorsale; il n'a guères été ob- servé beaucoup plus bas. Son diamètre est très- variable : tantôt un stylet fin aurait pu à peine y être introduit; tantôt il aurait pu admettre une plume à écrire. Ce canal a été rencontré à tous les âges, chez des fœtus à terme ou près du terme (Portai, Ollivier); chez un enfant d'un an (Rachetti); chez des adultes (Morgagni, Senac, Portai , Calmeil, etc.).
Outre un canal central , quelques anatomistes ont avancé que dans la moelle existaient deux autres canaux, qui en occupaient chacun une partie laté- rale. L'existence de ces canaux n'est pas, comme on l'avait cru d'abord, une disposition de l'état sain; mais on l'observe quelquefois comme un état mor- bide, ainsi que M. Calmeil vient de le démontrer (i). Il a effectivement retrouvé les canaux latéraux de la moelle , décrits à tort par Gall comme une dispo- sition de l'état sain, sur l'animal et sur l'homme. Le premier cas rapporté par M. Calmeil a été observé par lui sur un mouton : au centre de chaque moitié
(i) Sturnui dts progrès ei des (nstiiuiions médicales.
de la moelle étaient creusés deux conduits dont les parois fermes et lisses étaient constituées par une lé^ gère coucke de substance grise. Ces conduits exis- taient depuis le commencement de la moelle Jusqu'au niveau du renflement des membres thoraciques. Leur existence semblait dépendre de ce qu'une quantité de substance grise, moins abondante que de coutume, avait été sécrétée. Chez deux aliénés, M. Calmeil a retrouvé aussi les canaux latéraux; chez l'un , ils exis- taient dans toute l'étendue de la moelle ; chez l'autre , ils ne purent être suivis au-delà de la portion cervicale. Enfin, chez un troisième aliéné, non seulement ces deux canaux latéraux étaient très-distincts , mais au centre même de la moelle apparaissait un troisième canal, limité en avant par la commissure grise, en arrière par le raphé de la scissure postérieure, et sur ]es côtés par deux cloisons minces qui le séparaient des canaux de la moelle.
Dans ces cas divers , l'exislence (ont accidentelle des canaux de la moelle ne sembîe-t-elle pas due, soit au défaut de développement d'une certaine quan- tité de substance nerveuse, soit à son absorption? ^"est-ce pas là une véritable atrophie de la moelle? Toutefois, si chez l'homme c'est là une atrophie, il Tie faut pas oublier que dans la série des animau:^ l'existence d'une cavité à l'intérieur d'une partie queU conque des centres nerveux est un indice de l'activité plus grande des fonctions de celle partie: ainsi, chez les animaux dont la moelle épinière a une action plus énergique que chez l'homme, la moelle épinière est creusée d'un canal; chez ces animaux aussi les tuber^ cules quadrijumeaux transformés en deux gros lobes
r> ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 'JÇ)\
ont une cavité intérieure , tandis que chez eux, au con- traire, on voit disparaître les ventricules des hémi- sphères cérébraux. Ainsi , chez l'homme , comme chez tout animal, l'activité des fonctions des centres ner- veux dépend beaucoup moins de leur masse que de l'étendue de leur surface.
Une autre espèce d'atrophie de la moelle épinière est celle dans laquelle elle ne présente d'autre lé- sion qu'une simple diminution de volume. M. OUivier a constaté deux fois l'existence de cette atrophie dans toute l'étendue de la moelle (i). Dans un des cas qu'il rapporte , le volume de la moelle , qui_ avait d'ailleurs sa consistance ordinaire, était réduit à la moitié environ de son volume normal; le renflement lombaire était à peine marqué. Dans l'autre cas, la moelle épinière était diminuée d'un tiers dans toute son étendue. Il cite, d'après M. Magendie, un troi- sième cas, dans lequel la moelle , beaucoup plus petite que de coutume, était en même temps très-dure.
L'atrophie de la moelle épinière peut être partielle. M. Ollivier a vu un cas dans lequel au niveau de la neuvième vertèbre dorsale existait un rétrécissement tel , que son diamètre n'était plus que de trais lignes et demie transversalement, et d'un peu plus de deux lignes seulement d'avant en arrière. M. Hulin (2J a vu cette atrophie bornée à la partie antérieure de la moelle chez un individu atteint d'une carie verté- brale; la moelle était atrophiée par suite de la com- pression qu'exerçaient sur elle les vertèbres malades. Toute la substance blanche do la partie antérieure
(i) Oprr. clt, [">.) Opir. cil.
^Cj2 PRÉCIS
avait disparu , et la commissure grise centrale se trou- vait à découvert. Dans un autre cas, le même obser-*- vateur a vu l'atrophie porter spécialement sur le renflement lombaire. Dans le point occupé par ce renflement, la moelle était réduite au volume d'une plume ordinaire. Enfin chez un autre individu , éga-^ ment observé par M. Hutin, l'atrophie portait à-la- fois sur les renflemens brachial et lombaire. Le ren^ flement brachial était diminué d'un bon tiers de son volume dans son côté gauche, et le renflement lom- baire offrait cette même diminution dans son côté droit.
Les enveloppes osseuses qui protègent l'axe céré-^ bro-spinal indiquent le plus souvent, par leur con- formation vicieuse , les différens degrés d'atrophie qu'a subis l'encéphale. Cependant il s'en faut que ce principe soit sans exception. J'ai vu un cas dans le^ quel la partie supérieure des hémisphères cérébraux avait été remplacée par une poche remplie d'un li- quide séreux ; cependant le crâne était bien con- formé. Des faits semblables ont été cités par M. Bres^ chet (i) et par M. Billard (2).
Des degrés d'atrophie , beaucoup moins considé- rables que ceux qui conslituent l'anencéphalie et l'a- céphalie, peuvent être annoncés par la conformation du crâne. Un hémisphère cérébral n'est-il qu'impar- faitement développé : souvent la portion du crâne qui lui correspond est notablement plus déprimée que celle du côté opposé.
(1) Diclionnnhe de médecine, par Mil, Adelou , Andral , Bcclard, etc., article Hydroccphadc. {1} Oper. cit., ^ ag. 59 >.
d'anatomie pathologique. ^93
Les nerfs qui aboutissenl aux parties atrophiées de l'axe cérébro-spinal n'offrent pas toujours les mêmes conditions. Tantôt d'une moelle épinière atrophiée se détachent des nerfs aussi volumineux que dans l'é- tat normal; dans les cas même où la moelle manque complètement, on peut trouver ses différens nerfs implantés sur les méninges auxquelles ils se terminent. Tantôt, au contraire , les nerfs rachidïens s'atrophient en même temps que la moelle elle-même; et quelque- fois on les a trouvés à leur origine presque réduits à leur seul névrilème; mais plus loin ils reprenaient leur volume accoutumé.
Dans les cas d'atrophies partielles, les parties du corps qui reçoivent l'excitation des portions atro- phiées du cerveau sont souvent elles- mêmes atro- phiées. C'est ainsi que, dans presque tous les cas où l'un des hémisphères cérébraux est atrophié , on trouve moins développés que de coutume les mem- bres du côté opposé ; mais en pareil cas on peut se demander si ce moindre développement est le résultat direct de l'influence exercée par le cerveau sur la nu- trition des muscles, ou bien si l'atrophie de ceux-ci ne résulte pas tout simplement du repos complet au- quel ils sont condamnés. Cette dernière opinion me paraît d'autant plus vraisemblable que , dans les cas où manque complètement tout l'axe cérébro-spinal , on a vu cependant plus d'une fois toutes les autres parties du corps parfaitement bien développées. D'autres fois, à la vérité, chez les individus qui viennent au monde sans encéphale et sans moelle épinière, on trouve des arrètsde développement en beaucoup d'autres points: mais il y a là simple coïncidence , et il est bien évident
ro4 PRÉCIS
79f
qu'alors l'iin perfection du cœur ou du tube dîgestîf ^ par exemple, dépend de la même cause qui a nui au développement du cerveau ou delà moelle. Cepen- dant, dans les cas où avec l'encéphale ont disparu le crâne et le foie (acéphalie), il est un organe qui man- que presque toujours : c'est le cœur. M. Serres est le seul observateur qui Jusqu'à présent ait trouvé un cœur chez un acéphale. Jamais dans les cas d'acépha- ]ie on n'a trouvé de poumon, lors même que le thorax paraissait extérieurement bien conformé. Au contraire, on trouve toujours quelque rudiment du tube digestif et des organes urinaires. Cela prouve-t- il que la présence du cerveau est nécessaire au dé- veloppement du poumon et du cœur, et non au dé- veloppement des appareils digestif et urinaire ? En aucune façon : si l'on trouve chez les acéphales quel- que vestige d'intestin et d'organe urinaire, c'est qne dans l'ordre de développement des organes, la vési- cule ombilicale et l'allantoïde apparaissent avant les centres nerveux; ces deux parties avaient donc com- mencé à se développer, avant que n'eût agi la cause qui détermine l'arrêt du nivus format iv us ; c'est alors cette môme cause qui oblige l'intestin à persister dans son état rudimentaire, et qui en même temps s'oppose à tout développement des centres nerveux, à une époque où cependant existent déjà des nerfs. Comment alors pourraient se former et le cœur et le poumon quij dans l'ordre normal de développement, no doivent se montrer qu'après la première appari- tion des centres nerveux? Le cas de M. Serres ne peut être regardé que comme une exception à ces lois.
d'anatomie pathologique, rqS
L'atrophie des centres nerveux ne saurait être rap- portée à l'influence d une seule cause.
1°. Elle peut survenir sans cause connue, soit à une époque où les organes ne sont pas encore formés, il y a alors arrêt de développement, soit plus ou moins long -temps après la formation complète de ces or- ganes. Dans ces deux cas, tout ce qu'on a saisi c'est Je phénomène lui-même; c'est une modification de nutrition, ou du nisas formativus des Allemands.
2°. L'atrophie des centres nerveux peut suivre un travail d'irritation dontcescentresont été le siège. Il y a eu d'abord hyperémie; puis, une fois la nutrition déviée de son type normal , un état d'atrophie a pu en ré- sulter chez l'un , comme chez un autre serait survenu un état d'hypertrophie. Ainsi, chez des individus qui long -temps avant leur mort ont eu tous les signes d'une hémorrhagie cérébrale, on a plus d'une fois rencontré, à l'ouverture de leurs cadavres, quelque partie de l'encéphale, et spécialement le corps strié ou la couche optique , singulièrement diminués de w volume , et transformés en une sorte de cavité sé- reuse. Si l'on ne peut douter que certaines anencé- phalies ne soient le résultat d'un simple arrêt de dé- veloppement, il en est d'autres qu'il semble plus fa- cile d'expliquer en admettant, comme leur cause, une irritation des méninges. S'il est vrai que la subs- tance cérébrale soit le produit d'une sécrétion de la pie-mère, qui ne voit que cette sécrétion peut être troublée , anéantie ou modifiée par une irritation de la pie-mère? Mais ici comme partout ailleurs, le même efl'et peut être produit par plusieurs causes, et l'irri- tation n'est qu'une de ces causes,
ygG PRÉCIS
3'. Quelques atrophies des centres nerveux sont le résultat d'une compression mécanique exercée sur eux. Ainsi des tumeurs développées dans l'intérieur du crâne, et pressant sur une partie du cerveau, ont fait quelquefois disparaître , ou ont du moins réduit à un volume beaucoup plus petit les circonvolutions avec lesquelles elles étaient en contact. Un des effets de la carie vertébrale est de déterminer l'atrophie de la portion de moelle épinière sur laquelle appuient les vertèbres déplacées. Dans un cas qui a été publié par M. Vingtrinier, un des lobes du cervelet, comprimé par une tumeur née dans la fosse occipitale, avait perdu la moitié de son voîume , sans présenter d'ail- leurs aucune altération de texture (i).
4*. Enfin le défaut d'exercice des fonctions dé- parties aux centres nerveux détermine dans ces cen- tres une diminution de nutrition , et peut être ainsi une des causes de leur atrophie. Condamné à l'immobilité, un muscle ne s*atrophie-t-il pas également? Il n'est donc pas évident que l'état d'atrophie dans lequel on trouve communément le cerveau des idiots soit la cause de l'idiotisme : il n'en est peut-être qu'un effet.
ARTICLE III.
^ RAMOLLISSEMENT DES CESTRES NERVEUX.
Les travaux de MM. Lallemand , Rostan, Bouil- laud, etc., ont fait connaître, dans ces derniers
(i) archivât de n:cdicmc , tome V , page ^9.
d'aNATOMIE PATlIOLOGtQllE. rg^
temps , cette lésion qui déjà avait été bien indiquée par Morgagni.
On connaît sous le nom de ramollissement des centres nerveux un état dans lequel ces centres pré- sentent dans leur consistance une diminution assez notable pour que la substance nerveuse paraisse tendre à une sorte de liquéfaction. On ne désignera donc pas sous ce nom l'état du cerveau de l'enfant nais- sant, qui , normalement, doit être infiniment moins consistant que le cerveau du vieillard; on ne regar- dera pas non plus comme atteint de la lésion qui nous occupe, le cerveau, généralement peu consis- tant des individus qui succombent à une maladie chronique. Enfin il ne faudra pas oublier que les différentes parties de l'axe cérébro-spinal ne présen- tent pas physiologiquement le même degré de con- sistance , de telle sorte , par exemple , qu'un méso- céphale qui ne serait pas plus dur qu'un lobe céré- belleux, devrait être considéré comme ramolli. Pour peu qu'un certain laps de temps se soit écoulé de- puis l'instant delà mort, la moelle épinière , dé- pouillée de ses enveloppes, est remarquable par son état presque liquide : si en ouvrant le racbis on n'a pas pris toutes les précautions convenables, on peut facilement, par les coups portés sur elle, diminuer encore sa consistance déjà si faible , et ainsi peuvent se produire artificiellement après la mort un certain nombre de ramollissemens de la moelle ; il est im- portant qu'on soit prévenu de ces causes d'erreur pour les éviter.
Le ramollissement des centres nerveux présente plusieurs degrés : dans un premier degré , on ne s'a-
.-oS PRECIS
perçoit du changement de consistance du tissu nerveux que lorsqu'on le touche , ou lorsqu'on passe au-dessus de lui le dos d'un scalpel. Dans un second degré, la difïïuence de la substance nerveuse est appréciable à l'œil. Dans nn troisième degré , cette substance est devenue tout-à-fait liquide, on n'en reconnaît plus la texture; à sa place on trouve une sorte de cellulosité qui semble être la trame primitive de l'axe cérébro- spinal. Enfin , dans un quatrième degré cette trace même n'existe plus , et entre les deux sections de l'axe cérébro-spinal qui unit ordinairement la partie ra- mollie 5 existe une véritable solution de continuité. Je rappellerai ici deux cas de ce genre fort remar- quables. Dans l'un de ces cas , qui a été observé par M. Rullier, il y avait un ramollissement tel de la fin de la moelle cervicale et du commencement de la dorsale, qu'on ne voyait plus dans toute celte étendue que des filamens celluleux suspendus au milieu d'un liquide ; en arrière seulement existait une lame mince qui continuait la communication entre les deux portions de la moelle (i). Dans un autre cas, qui a été publié par M. Yelpeau (2), la solution de con- tinuité était encore plus complète : au moment où Ton souleva le mésocéphale , on fut tout étonné de voir que le prolongement raclildlen qui en part ne tenait à rien. Depuis le bord inférieur du mésocé- phale jusqu'au bas des pyramides, une matière !out-à- lait liquide, qui ne ressemblait plus à la substance nerveuse, occupait la place du bulbe rachidien ; il n'y
(i) Journal de physiologie cxpcrlmcnlalc , pnr M. Magendic. (2) Anhiics de lUcdcciuc, toni. VU, pag. 52.
t
1> ANATOMIE PATftOLOOIOrE. ^C)()
avail plus même , dans loutt: cette étendue , ni arach- 11 ci :1e ni pie-mère.
Le ramollissement des centres nerveux est loin d'être toujours identique sous le rapport de la couleur. Il peut exister, i°. avec un état normal de la couleur de la substance nerveuse ; 2°. avec diverses teintes de cette substance; 5°. avec sa décoloration.
La conservation de la couleur normale a lieu sm*- tout dans les cas où le ramollissement a son siège dans la substance médullaire. J'ai trouvé plus d'une lois réduits en pulpe difiluente les parois des ventri- tricules latéraux, Tenveloppe extérieure des couches opti([ues, le corps calleux ou la voûte à trois piliers, sans que la couleur ordinaire de ces diverses parties fût altérée en aucune façon.
Les teintes insolites que peut prendre la substance nerveuse ramollie sont spécialement les suivantes, que l'on voit sans cesse se nuancer et se confondre les unes avec les autres : teinte rosée, rouge ama- ranthe , rouge brun , lie de vin , violet, jaune, jaune verdâtre , gris clair, gris foncé.
Enfin la suVjstance nerveuse, en même temps qu'elle se ramollit, peut se décolorer; elle présente alors une teinte d'un blanc mat , semblable à celle du lait ; elle a parfois une sorte de brillant remarquable.
On peut trouver dans ces parties ramollies , 1^ des épanchemens de sang, qui tantôt sont très- peu considérables relativement au raniollissement au milieu duquel ils sont disséminés , et qui tantôt sont beaucoup plus considérables que ce ramollissement lui-même; 2*. du pus, qui peut y êtreinfdtré ou ras- semblé en foyer. M. Lallemand pense que dans tous
SOO PRÉCÏS
les cas de raniollissemens blancs , cette teinte est le résultat d'une infiltration purulente. Je ne saurais partager cette opinion, qui n'est pas non plus celle de M. Rostan, car dans plusieurs de ces raniollis- semens blancs l'inspection ne fait rien découvrir qui ressemble à du pus. Y a-t-il du pus dans les mem- branes d'un estomac dont les parois sont en même temps ramollies et décolorées?
Le plus ordinairement inodore, le ramollissement des centres nerveux présente quelquefois une odeur de gaz acide hydrosulfurique , qu'avaient probable- ment constaté les anciens auteurs, dans leurs obser- vations de gangrène du cerveau. M. Billard a observé cette odeur cbez un enfant de trois jours, mort avec un endurcissement du tissu cellulaire. La pulpe céré- brale était réduite en une pulpe rougeâtre et flocon- neuse qui s'écoulait de tous côtés lorsqu'on incisait l'aracbnoide, et qui répandait une odeur d'hydrogène sulfuré très-prononcée. Ce ramollissement s'étendait jusqu'aux ventricules latéraux, où se trouvait une assez grande quantité de sang épanché ; le reste du cerveau était ramolli et d'une couleur violacée; mais il était loin d'être difïluent comme la partie des hémisphères supérieure aux ventricules (i).
Il n'est aucune partie des centres nerveux dans lesquelles n'ait été observé le ramollissement : toute- fois les points où on le rencontre le plus souvent sont les mêmes que ceux où l'hémorrhagie est aussi la plus commune (couches optiques, corps striés, et envi- rons de ces deux ganglions). Bien plus souvent aussi
\
{l) Oper. cit. y pog, 6oi.
d'aNATOMIE PATHOLOGIQUt:. Soi
il €xlste dans la substance grise que dans la substance blanche.
Dans les hémisphères cérébraux le ramollissement peut frapper :
1°. La substance corticale qui unit les circonvo- lutions, la substance qui est au-dessous d'elle restant intacte. Ce ramollissement partiel mérite d'autant plus d'être signalé, qu'il échappe facilement à l'investiga- tion , lorsqu'on n'est pas prévenu de la possibilité de son existence ; il accompagne fréquemment l'hy- perémic active des méninges. Lorsque ce ramollisse- ment existe, la substance corticale s'enlève avec la pie- mère, qu'on cherche vainement à en détacher; cette substance est en même temps plus rouge, et quel- quefois, au contraire, plus pâle que de coutume.
2°. Une partie plus ou moins étendue de la masse de substance nerveuse, située au-dessus des ventri- cules latéraux. Cette masse peut être ramollie dans sa totalité, ou elle peut n'avoir perdu sa consistance qu'en quelques points très-petits, et isolés les uns des autres. Plus d'une fois, pour expliquer des symp- tômes très -graves , on n'a trouvé aulre chose dans le cerveau qu'un ramollissement qui occupait à peine la place suffisante pour contenir une fève ; les symp- tômes qui coïncident avec cette légère lésion étaient cependant les mêmes que ceux qui coïncident dans d'autres cas avec le ramollissement de tout un lobe. Lorsqu'un hémisphère est ramolli non loin de sa surface extérieure , il arrive souvent que les circon- volutions sont déformées, aplaties, et quelquefois même elles semblent comme fluctuantes.
<")". Le^ parois des ventricules latéraux. J'ai trouvé IL 5i
/
r[uelqiiefois une couche de substance nerveuse , ra- mollie et diffluente, étendue sur ces parois en même teuDps qu'un liquide trouble occupait la cavité ven- tricuiaire.
4°. Les couches optiques. Tantôt elles sont seule- ment ramollies à leur surface exlérieure : Técorce blanche qui les enveloppe , réduite à l'état d'une pulpe dilïluente, n*existe plus qu'en débris, et en beaucoup de points elle laisse voir à nu la subs^ance grise intérieure ; tantôt c'est dans cette substance grise que le ramollissement a spécialement son siège. Dans un cas où avait lieu ce ramollissement, M. Lal- Icmand a vu une pseudo-membrane, semblable à une couenne molle , large de cinq à six lignes , qui , éten- due sur la surface de la couche optique ramollie , allait adhérer au septum lacidum.
5°. Les corps striés.
6". Les parties situées au niveau et en dehors des deux ganglions précédens.
'j". La corne d'Ammon et le renflement qui se voit à l'intérieur de la cavité digitale des ventricules la- téraux.
8". Les commissures cUs hémisphères (^ corps calleux , voûte à trois piliers^ septum lucidum). Le ramollis- sement de ces parties est souvent tel, qu'à leur place on ne Irouve plus qu'une bouillie blanchâtre. Le corps calleux peut avoir conservé sa consistance ac- coutumée, dans des cas oij la voûte s'enlève comme une pulpe de la surface de la toile choroïdienne. Ses piliers sont ordinairement moins ramollis que son
(i) Observations do maladies cércbrates , par A. M . Chnmbeyion. (Thèse* de la Facullt, iSaG, n" 2o5.)
n'AiXATOMlE PATHOLOGIQUE. 8o5
corps. Le pilier antérieur surtout conserve souvent une grande consistance , bien que le reste de la voûte n'existe réellement plus, et on suit très -bien ce pilier, comme de coutume , jusqu'aux tubercules pisi- formée. Le ramollissement de la voûte et du septum coïncide souvent avec l'existence d'un épancbement séreux dans les ventricules. Souvent alors la subs- tance nerveuse de la voûte a tellement perdu sa cohé- sion , qu'on ne trouve plus à sa place que des molé- cules qui flottent éparses au milieu de la sérosité.
Le ramollissement des autres parties de Taxe cé- rébro-spinal est moins fréquent que le ramollissement du cerveau proprement dit. Cependant on l'a observé dans le mésocéphale , dans les diverses portions du cervelet , et enfin dans la moelle épinière.
La moelle épinière a été vue quelquefois ramollie dans toute son étendue ; mais le plus souvent elle ne l'est que dans vjuelques-unes de ses parties. Ceux des points de la moelle épinière qui, en raison des symp- tômes spéciaux qui peuvent en résulter, doivent être distingués sous le rapport de leur ramollissement . sont particulièrement les renflemens qui la terminent supérieurement, sesparlies antérieures et postérieures, et enfin ses portions cervicale , dorsale et lombaire.
De plus, les deux substances qui entrent dans la composition de la moelle épinière peuvent se ra- mollir isolément. Quelquefois, par exemple, on a vu ce ramollissement porter spécialement sur la subs- tance grise intérieure , et par suite de la liquéfactiofi de cette substance on a vu se produire dans l'inté- rieur de la moelle des canaux accidentels , qui avaient la situation et la forme de la substance grise , dont
5i.
i
•Sotf PRÉCIS
iis occupaient la place. J ai disséqué avec M. Reynatid deux moelles épinières ainsi creusées de canaux qui avaient remplacé toute la substance grise. M. Cham- beyron a consigné dans sa thèse une observation de ramoinssement de la moelle épinière , qui avait aussi donné lieu à la formation de cavités accidentelles remarquables par leur disposition. Sur la face posté- rieure de la moelle , dit M. Chambeyron, se trou- vaient deux fentes longitudinales, parallèles, situées chacune sur un des faisceaux latéraux, commençant à un pouce au-dessous des pyramides, et s'étendaat trois ou quatre pouces plus bas. En pénétrant dans ces fentes , on découvrait deux cavités également longitudinales et parallèles, occupant les deux tiers inférieurs de la région cervicale. Au niveau de la pre- mière vertèbre dorsale, ces deux cavités n'en for- maient plus qu'une seule, qui, située sur la ligne médiane, envahissait le tiers supérieur de la région dorsale. Le tout ensemble constituait une cavité con- tinue, en forme d'Y, d'un diamètre égal à celui d'une plume d'oie , divisée supérieurement par une cloison médiane. Les parois de cette cavité étaient formées par la substance grise , ramollie , comme pul- tacée, offrant une couleur nuancée de blanc, de rouge et de jaune.
Le ramollissement des centres nerveux peut exister en un seul point ou dans plusieurs points à-la-fois. Dans les hémisphères il peut être double ; enfin , il peut s'être formé, soit à-la-fois, soit successivement, dans le cerveau proprement dit, et dans les autres parties de l'axe cérébro-spinal.
Au lieu d'être partiel , ce qui est le cas le plus or-
d'anatomie pathologique. 8o5
dînaire , le ramollissement peut être tellement goné- nal , que les centres nerveux, dans leur totalité, ne représentent plus qu'une bouillie ou une pulpe pres- que liquide, où aucune Iraec d'organi>sation n'est plus apparente. Ce ramollissement général est rare chez l'adulte , où cependant il a été quelquefois observé ; il est plus commun chez l'enfant naissant. Sur trente cas de ramollissement pultacé de la pulpe cérébrale ^ M. Billard a trouvé dix cas dans lesquels ce ramollis- sement existait en même temps dans la totalité du cerveau et de la moelle épinière. Dans ces dix cas, ïe ramcliissement coïncidait avec une odeur d'hydrogène sulfuré. Les enfans chez lesquels fut rencontrée celte altération avaient vécu quelques jours. Tous avaient eu une respiration pénible et incomplète ; leurs mem- bres étaient restés flasques et immobiles, les balte- mens du cœur et du pouls avaient été à peine per- ceptibles. Du reste , chez ces petits enfans , on ne trouve que très-rarement la moelle épinière ramollie, sans que le cerveau le soit aussi; au contraire , le cer- veau est souvent le siège d'un ramollissement tès-cou- sidérable sans que la moelle y participe..
Le ramollissement des centres nerveux se montre à tous les âges. Il est très-commun chez les vieillards, ainsi que le démontrent les recherches faites sur ce sujet par M. Rostan à la Salpétrière : dans cet établis- sement le ramollissement du cerveau se présente , d'après M. Rostan, plus souvent que l'apoplexie san- guine (0. Les faits rassemblés par M. Lallemand , et
(i) Uecherclics sur (c ramollis remen*. du cerveau , par L'oii Rusîaru
8o6 rRÏ:(:is
ceux qui cl<^piii.s ont été publiées par divers obsenn- Icnrs, prouvent que chez l'adulle aussi le ramollisse- nieiit du cerveau est une maladie fréquente, quoi'- qii'elle le soit moins que dans la vieillesse. J'ai re- cueilli à la Charité quelques cas de ramollisseniens cé- rébraux sur des sujets âgés de dix-sept à vingt ans. De deux à quinze ans , le ramollissement des centres nerveux devient de nouveau plus fréquent , ains^i qu*ont pu s'en assurer tous ceux qui ont suivi l'Hôpital iles Enfans. Enfin, les travaux m(^uie de M. Billard montrent que dès les premiers jours qui suiverU la naissance , \<^s centres nerveux sont susceptibles de se ramollir, et qu'alors même ce ramollissement est pins considérable et plus général qu'ii aucune autre épo- que de la vie. H est vraisemblable que dans plus d'un cas il commence môme avant la naissance.
Quelle est la natiu^e et quelles sont les causes du ra- mollissement cérébral? Pour qui n'a lu que l'ouvrage si remarquable du professeur Lallemand sur cette maladie , il parait démontré que le ramollissement clés centres nerveux est le résultat constant et né- cessaire d'ufie irritation aiguë ou chronique de ces centres. M. Lallemand a fait ressortir avec un rare talent les cas nombreux dans lesquels on peut suivre de l'œil et du toucher, en quelque sorte, les degrés divers d'irritation de la pulpe cérébrale ; il l'a mon- trée tour-à-tour d'abord simplement injectée , pui^ injectée et ramollie , puis infiltrée de pus , puis enfin creusée de foyers purulens. Dans tous ces degrés ce sont les mêmes désordres que ceux qui, |)artout ail- leurs, se succèdent ou coïncident, lorsqu'une partie quelconque devient le siège d'une iiritation plus ou
\
DA.NATOMIK PATHOLOGrQUE. 807
moins vive. Lorsqu'après avoir mt^dité ces faits, ou en vient à Tobservation de la nature , on recojuiait j.ouvent toute la fidélité du tableau tracé par M. Lal- iemand, et avec lui Ton ne peut se refuser à admettre que le ramollissenient des centres nerveux, produit d'un travail d'irritation, peut être précédé de divers degrés d'hyperéune, et suivi d'épanchement de sang ou de formation de pus. Mais celte théorie esî-elle dans tous les cas l'expression de la vérité, ou n'em- bnisse- t-elle qu'un certain ordre de faits? Etudiez rouvra;]:e de' M. llostan , méditez sur les faits nom- breux qui y sont consignés , sur les réflexions pleines de sens et de sagacité qu'il y a jointes, revenez de nouveau à observer la nature, et, vous dépouillant de toute idée préconçue , tkmandez-vous s'il reste pour vous démontré que tout ramollissement du cer-. veau soit le résultat d'une irritation de cet organe : vous resterez au moins dans le doute. Dans beaucoup de cas, vous ne trouverez aucune trace de congestion sanguine, il n'y aura non plus aucune infiltration de pus, aucune sécrétion morbide; une diminution de consistance, voilà tout ce que vous observerez. Or, ce n'est que par hypothèse qu'on admet un lien né- cessaire entre le ramollissement et l'irritation. Est-ce d'après la nature des symptômes que vous admettrez l'existence constante et nécessaire de cette irritation avant tout ramollissement cérébral? Mais nous l'avons déjà vu bien des fois : des désordres fonctionnels identiques ne sauraient prouver l'existence d'une lé- sion identique. Ce n'est donc plus que par analogie x qu'on peut établir dans tous les cas que le rauio lis se ment de l'encéphale est un produit de l'iii [talion d^
8o8 PRECIS
cet organe; mais de l'analogie, comme Ta fort bien dit M. Rostan à propos de ce ramollissement , il ne peut 7iaître tout an plus que des probabilités , et des pro- babilités j dans aucun cas^ 7ie sauraient être des preuves. Au reste, dans l'état actuel de la science il serait fort difficile de dire , sans émettre à son tour une hypo-^ thèse, quelle est lacause du ramollissement des centres nerveux dans les cas où W ne paraît pas succéder à une irritation. C'est là encore un de ces cas où il faut reconnaître une perversion àe l'acte nutritif, et où certainement la dichotomie brownienne ne peut rien expliquer qu'en faisant une supposition. Ce n'est en effet qu'une conjecture qu'a faite M. Rostan , lors-- qu'il a dit que le ramollissement du cerveau lui pa- raissait être une destruction sénile, offrant la plus grande analogie avec la gangrène de la vieillesse. Mais certainement cette hypothèse pourrait être souvent tout aussi bien soutenue, que celle dans laquelle oa attribue toujours le ramollissement à une irritatioa..
ARTICLE IV.
INDURATION DES CENTRES NERVEUX.
Les centres nerveux présentent quelquefois , soit dans toute leur étendue, soit seulement en quelques points, une augmentation remarquable de leur con- sistance accoutumée.
Cet accroissement de consistance présente plu- sieurs degrés.
Dans un premier degré, la subslq^^nç^- nerveuse se
D*ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 809
montre semblable, sous le rapport de sa consistance, à un cerveau qu'on a maintenu plongé pendant quel- que temps dans de l'acide nitrique affaibli.
Dans un second degré , îa substance nerveuse est ferme comme de la cire, ou comme un morceau de fromage de Gruyère.
Dans un troisième degré , elle acquiert la consis- tance et l'élasticité d'un fibro-cartila^e.
Dans les deux derniers degrés, la substance ner- veuse contient généralement peu de sang; elle est, au contraire, remarquable par sa blancheur comii^e nacrée. Dans le premier degré, elle est souvent aussi peu injectée , et même exsangue; mais d'autres fois, elle est, au contraire, le siège d'une h^-perémie assez considérable, et de nombreuses gouttelettes de sang s'en écoulent lorsqu'on l'incise.
L'induration des centres nerveux est générale ou partielle.
L'induration générale n'a été vue jusqu'à présent que sous la forme du premier degré. Tout l'encéphale est remarquable , en pareil cas, par sa grande fermeté. Cependant cette fermeté n'est pas égale dans tous ses points. Ainsi elle est ordinairement peu prononcée dans la substance corticale des circonvolutions; elle est^ en général , plus marquée dans la substance blanche que dans la grise; elle est très-remarquable dans les parties blanches centrales du cerveau, ainsi qu'à l'o- rigine des différens nerfs. Dans certains cas, l'injec- tion sanguine n'existe qu'en quelques points, et hors de ces points la densité de la substance cérébrale est aussi considérable, bien qu'on n'y retrouve plus au- cune trace d'hyperémie.
5lO PRECIS
L'induration générale du cerveau a été trouvée particulièrement chez quelques individus morts avec tous les symptômes de la fièvre dite ataxique (i). Je l'ai aussi observée chez deux individus qui maniaient Je plomb, et qui succombèrent dans un état de con- vul.ûons générales.
La moelle épinière peut, comme le cerveau, pré- senter dans toute son étendue une notable augmon- lation de sa consistance. M. Billard a trouvé une fois cet endurcissement si prononcé chez un nouveau-né, <^ril put soulever avec la moelle privée de ses mem- branes , un objet qui pesait à-peu-près une livre. L'enfant avait eu des convulsions des membres ; des pseudo-membranes épaisses tapissaient les méninges. L'endurcissement de la^ moelle , comme celui du cer- veau , a spécialement son siège dans !a substance blan- che, et le plus ordinairement la substance grise cen- tiale n'y participe pas.
L'induration partielle des centres nerveux a été le plus souvent observée sous la forme du second et du troisième degré; c'est une afleclion chronique, tan- dis que l'induration générale parait être le plus sou- vent une alfection aiguè.
Cette induration partielle a été vue dans différens points des centres nerveux. Les circonvolutions céré- brales en sont quelquefois atteintes. Sur une petite iille de trois ans environ, j'ai trouvé ces circonvolu-
(i) Gaudet , Richerchex sur C endurcissement (général de l'cnccphalc, con- sidéré coninw i'iine des causes walcriclles des fièvres dites ataxiquns. (Thèses ôv. la Faculté, 182.5, n" 91.) — Bonillaud, Observations sur rindurutinti i^cnérale de la iubstance du cerveau . etc. {^A chivts de médecine , toin. VIII .
i^ag- 4/70
(2) Oper. cit., pag. 614.
n'ANATOMîE PATlIor.OGIQLE. 8l î
lions devenues semblables à du h'omaire de Gruvèro; elles en avaient la couleur et la consistance. Le reste fie l'encéphale ne présentait aucune lésion. Quelque- fois les circonvolutions de la convexité des hémisphè- res sont intactes, et ce sont celles de la base qui sont le siège de l'endurcissement. Pour peu que cette in- duration soit considérable, la substance grise dispa- raît, ou du moins à peine la distingue-t-on de la subs- tance blanche. Toutefois, dans un cas cité par M. Lal- leniand, l'induration n'existait que dans la substance corticale de cjuelques circonvolutions, cette indura- lion occupait seulement l'étendue d'une pièce de trente sous , et au-dessous d'elle la substance blanche était notablement lamoUie (i).
On a vu une induration semblable dans le centre même de ia substance médullaire des hémisphères cé- rébraux. Ainsi, chez une femme morte dans un état de démence , M. Se. Pinel a rencontré au milieu de ces hémisj)hères , non loin du ventricule, un endurcisse- ment de la substance médullaire, qui, dans ce cas, lui a paru semblable à du blanc d' œuf durci , mais plus résistant. Chez le même individu existait dans tout le contour du bord postérieur et inférieur du cervelet un endurcissement presque fibro-cartilagi- neux de la substance. La partie endurci<î était jau- nâtre, extensible, élastique ; on l'eût volontiers co.^n- parée à un morceau de cuir d'un blanc jaunâtre. M. Payen (2) a trouvé , chez une ûlle de six anSj vers
(1) Oper. cit. , pag. 26.
(2) Dissertation inaugurale. Celle thèse, pleine de faits remarquables sur les maladies du cerveau considéiées chez les eafans , est due à un des aiicieiis itlternes les plus dislingues des hôpitaux de Paris, aujuuid'hui médecin à Orléans.
8 1 2 PRÉCIS.
le tiers postérieur de l'iiémisphcrc gauche du cerveau- une dépression due à une circonvolution beaucoup plus dure que de coutume, couiuie ratatinée; elle ressemblait à de la cire pressée entre les doigts; elle était rosée à sa surface, un peu Jaunâtre dans son épaisseur, et enfoncée entre deux autres circonvo- lutions saines. Ainsi, dans ce cas, l'endurcissement d'une circonvolution coïncidait avec une diminution. de son volume. L'observateur exact qui rapporte ce fait n'a pas manqué dé noter que les membranes qui recouvraient la circonvolution endurcie étaient épaisr- sies, blanches, et en marquaient le trajet. Cette fille, d'un caractère triste, mais d'une intelligence très- développée, avait depuis sa naissance une contracture du poignet et du pied droit, avec atrophie légère et hémiplégie incomplète de ce c5té. Dans un cas rapr porté par Jœger, l'induration était bornée aux parois de la corne postérieure des ventricules latéraux ; J^ la consistance du cerveau était telle qu'on avait peine à la couper.
L'induration partielle des centres nerveux coïn- cide souvent avec d'autres altérations de ces centres : c'est ainsi qu'on trouve quelquefois notablement enr durcies àes portions de substance nerveuse qui for- ment les parois d'anciens épanchemens sanguins , ou celles qui existent autour d'un certain nombre de productions morbides.
Les causes sous l'influence desquelles les centres nerveux augmentent de consistance aux degrés diveis. que nous venons de signaler, sont encore obscures. 'J'outcfois lorsqu'on réfléchit que l'induration géné- rale uu premier degré, goit de l'encéphale, soit de la.
D'aNATOMIÈ rÂtHOLOGIQi:E. 81 5
tnôeîîe, est le plus souvent accompagnée pendant la vie de tous les symptômes qui caractérisent une irri- tation des centres nerveux, et que, de plus, après la mort on trouve souvent des traces d'irritation des méninges, et enfm une injection plus ou moins vive de la substance nerveuse elle-même , on est porté à penser que cet endurcissement est aussi un résultat de l'irritation de cette substance ^ ou, si l'on veut, un degré d'encéphalite (1).
Quanta l'induration partielle, elle peut être, comme l'induration générale, un résultat d'irritation. L'exis- tence de cette induration autour des anciens foyers apoplectiques ou de plusieurs productions morbides, j'état des méninges , qu'on a trouvées épaissies et in- filtrées près des points indurés, pourraient en être donnés comme des preuves. Du reste , dans le plus grand nombre des cas d'induration partielle observés jusqu'à présent, ce n'est que par hypothèse que peut être admise, comme sa cause , une irritation antécé- dente. Ici encore nous nous bornerons donc , jusqu'à plus ample informé, à rapporter l'induration partielle du cerveau à une perversion de l'acte nutritif, tout en reconnaissant que l'irritation peut être un des élémens de sa production , comme elle peut con- courir au développement de toutes les altérations possibles de nutrition ou de sécrétion.
M. Lallemand a émis l'opinion que l'induration partielle ducerveau doitêtreconsidéréedans quelques cas comme un mode de guérison des ramollissemens
(1) Bouillaud , Archives de médecine^ ton). Tltl. f^oycz aussi son Traite sur t'cncèphalite.
_'__ _ I .
8i4 PRECIS
crrrbranx (i). C'est là un point à cclaircir par d^. neu- ve lies reclicrclies.
ARTICLE V.
lacÉRATIONS DES CENTRES KERVEFX.
/
Lorsqu'une hémorrbagie s'est effectuée à rinlérienr de la substance cérébrale, lorsque du pus s'y est amassé en foyer , ou que des productions morbides de diverse nature s'y sont développées, il y a sou- vent véritable solution de continuité du cerveau : il en est encore de même lorsque le cerveau a subi en quelque point de son étendue un ramollissement considérable. INous avons vu précédemment un cas dans lequel le bulbe rachidien se trouvait complè- tement séparé du mésocéphale. Un autre cas non moins singulier, et qui jusqu'à présent n'a pas d'a- nalogue dans la science, est celui qui a été rapporté par Morgagni, et dans lequel on trouva le corps strié d'un côté complètement séparé de la substance cé- rébrale environnante : striatum corpus ah rcliquo cere^ bro omninb separaluîn inventum est (2). \
Ce n'est pas de ces ulcérations consécutives dont je veux parler ici. Il en est d'autres qui existent sans aucune autre altération, comme une ulcération intes- tinale. On trouve quelquefois, soit à la surface exté- rieure des hémisphères cérébraux, soit à la surface des
(1) Lalle-iiainl , Lctirolf, pag. 5i4.
[■a) Pc scilib. et cuits, inorhor. , épist. xi , § 2.
d'aXATOMTE P\IH<)l.O(MQUE. SlS
corps Striés et surtout des couoîies optiques, clos points où la substance nerveuse est superficiellement détruite; il en résulte une ulcération de forme et de grandeur variables. Tantôt on n'en trouve qu'une seule; tantôt il y en a un grand nombre. t)u reste, il faudrait prendre garde de confondre ces ulcérations avec les solutions de continuité qu'il est parfois très-facile d'o- pérer dans la substance torticale des circonvolutions, lorsque cette substance est ramollie; alors, en enle- vant la pie-mère, on enlève aussi avec elle des por- tions circonscrites de cette substance, et l'on produit ainsi une apparence d'ulcération.
M. Scoutetten a publié quelques cas intéressans de ces ulcérations cérébrales (i). Un soldat , âgé de vingt-quatre ans , succomba avec tous les signes d'une double irritation du tube;digeslif et de l'encéphale. Le début de sa maladie avait été marqué par une douleur sus-orbitaire extrêmement vive , qui persista jusqu'à la mort; elle lui arrachait continuellement des cris aigus. A l'ouverture du cadavre, on trouva sur la partie inférieure du lobe antérieur d'un des hémi- sphères cérébraux, un ulcère de treize lignes de lon- gueur, sur sept en largeur, d'un aspect jaunâtre; la surface de cet ulcère était dure et sèche, ses bords inégaux et dentelés. La substance cérébrale sous- jacente était saine, ainsi que le reste de la masse en- céphalique ; mais partout l'arachnoïde était vivement injectée, et elle était détruite dans le point qui cor- respondait à l'ulcère. Dans un autre cas cité par M. Scoutetten, aucune douleur de tète n'avait existé;
(i) Archives de médecine, lom. VII, pîtg. 35,
s 1 6 riiÉcis
la mort fut le résultat d'une irrîlalîon gaslro-inles- tinale , qui dans les derniers temps donna lieu à du délire. A la partie la plus reculée du lobe postérieur du cerveau existaient deux petites ulcérations qui n'in- téressaient que la substance grise : l'une de ces ulcé- rations était longue de six lignes, et de forme ovale ; l'autre, déforme linéaire, n'avait qu'une ligne de largeur. Autour d'elles la substance cérébrale était injectée; cette injection devenait d'autant plus pro- noncée qu'on examinait le cerveau plus près de l'ulcération ; la substance grise avait une couleur lie de vin.
CHAPITRE III. LÉSIONS DE SÉCRÉTION.
Les centres nerveux sont susceptibles de devenir le siège de nombreuses productions morbides , qui toutes peuvent être rapportées à une altération de la sécrétion perspiratoire(i) , qui a lieu dans ces centres comme dans tout tissu. Ici , comme partout ailleurs, cette altération de sécrétion suit manifestement, dans un certain nombre de cas , une augmentation de vita- lité, une irritation, d'où est résulté un afïlux insolite
(i) Je sais bien qu'en attribuant l'origine des sécrétions morbides , dont les parencbynies organiques peuvent être le siège , à une altération de leur sécrétion perspiratoire , je n'émets en définitive qu'une hypothèse ; et si je m'en sers, c'<,'st parce que, dans l'état aclurl de la science, cette hypo- thèse, en rapport avec les laits connus , nie paraît propre à les lier et à les thioriser.
D'AiNATOMIE PATHOLOCIQLE. 8i^
de sang, et une vicieuse séparation de ses mafcriaux ; comme partout ailleurs j il n'est aucune de ces alté- rations de sécrétion qui ne puisse reconnaître ce point de départ ; mais aussi, comme partout ailleurs, il n'en est presqu'aucune pour laquelle ce point de dépHrt doive être regardé comme constant et né- cessaire.
# Les produits de sécrétion morbide se présentent dans les centres nerveux sous trois étals :
I" Etat, Combinaison intime du produit sécrété avec le tissu nerveux molécule à molécule. (Produc- tions morbides infiltrées. )
IP Etat, Existence du produit sécrété dans une cavité accidentelle, dont les parois sont formées par la substance nerveuse elle-même, qui autour de la cavité présente le plus ordinairement différentes altéra- tions. (Productions morbides non enkystées. )
IIP Etat. Existence du produit sécrété dans une cavité accidentelle, dont les parois sont constituées par une ou plusieurs membranes de nouvelle for- mation. Autour de cette cavité la substance nerveuse est le plus ordinairement saine. (Productions morbides enkystées.)
Les parois des kystes qui emprisonnent les pro- ductions morbides des centres nerveux sont loin d'être identiques. Les tissus qui entrent dans leur composition sont le tissu vasculaire , le tissu cellu- laire, le tissu séreux, un tissu cellulo-vasculaire qui a souvent la plus grande ressemblance avec le tissu inuqueux, le tissu séreux, le tissu fibreux, le tissu carlilngineux, le tissu osseux. Ces différens tissus peu- vent exister isolés ou réunis dans un même kyste,
II. 52 '
8i8 pni^cis
L'époque où ce kyste est eoQiplètement formé est souvent aussi l'époque où des productions morbides ^ qui jusqu'alors avaient manifesté leur existence par des symptômes plus ou moins graves, ne s'annoncent plus par aucun accident; cela tient bien certainement à ce qu'autour du kyste la substance nerveuse , restée malade jusqu'au moment de sa formation , a repris son état sain. De là se déduit la conséquence que 1^ gravité et la nature des symptômes auxquels donne lieu un produit morbide quelconque développé dans les centres nerveux, dépendent moins du seul fait de l'existence de ce produit morbide , que des condi- tions organiques ou vitales dans lesquelles se trouve Ja substance nerveuse qui l'entoure.
La différence de nature des produits morbides qui se développent dans les centres nerveux établit dans ces produits une division toute naturelle que nous allons suivre , en consacrant un article spécial à la description de chacun de ces produits , telle du moins qu'elle peut être faite dans l'état actuel de nos con- naissances , qui présente encore sur ce point un grand nombre de lacunes.
ARTICLE rUEiMIER.
EXHALATION DE SÉROSITÉ DANS LES CENTRES NERVEUX Ot
AUTOUR d'eux.
Déjà plusieurs fois nous avons eu occasion de parler des belles recherches de M. Magendie sur le liquide cérébro-spinal. La connaissance de ce liquide, de
n'ANÀTOAÎîF PATITOtOCTOrE. S \ Ù
son sit'ge , de sa narine, de ses variétés de qnanlité , de qualité et de situation, peut conduire, en patho- logie , à la découverte de tant de faits importans, qu'il nous semble indispensable de rappeler ici quel- ques points de son histoire. Avant que M. Magendie n'eijt fixé l'attention des physiologistes sur Texîs- tence de ce liquide, avant qu'il n'en eût déterminé les fonctions, qui aurait pensé que les accidens les plus graves peuvent tout simplement résulter de quel- que différence en plus ou en moins dans la quantité de ce liquide? C'est cependant ce qui a été observé : M. IMagendie soustrait ce liquide, et il voit l'animal tomber tout-à-coup dans un état singulier d'hébéte- ment et de stupeur ; ces phénomènes ne cessent que lorsque le liquide s'est reproduit, ce qui arrive aa bout de quelques jours; ils sont d'autant plus mar- qués que l'animal est plus âgé. Un autre animal , après la soustraction de ce liquide cérébro-spinal , tomba dans un état de fureur maniaque, qui ressem- blait â la rage ; cependant il n'était pas hydrophobe. En menaçant de mordre il commençait le mouve- ment de s'élancer en avant , mais aussitôt il se redres- sait, et se renversait en arrière (i). En accumulant artificiellement ce liquide dans la cavité rachidienne^ M. Magendie a produit la paralysie. En l'injectanè refroidi dans le canal vertébral (après l'en avoir re- tiré), à la température de lo", il a fait naître chez les animaux un tremblement et une paralysie passa- gère. Au contraire , il ne survient rien de semblable si , après l'avoir retiré , on l'injecte dans le rachis à
(i) Desnioulins , OpeVi cU. , tom. II , pag. 558.
52.
620 . rriEcis
une température égale à celle qu'il a ordinaire- ment (3 1°).
La quantité ordinaire du Tîqnide cérébro spinal est de deux onces. De sa diminution résultent peut-être tin grand nombre d'afifections nerveuses pour l'expli- cation desquelles on n'a trouvé jusqu'à présent dans les centres nerveux aucune lésion appréciable, ou que l'on a rapportées à des altérations qui n'en sont peut être pas la véritable cause. Yoilà donc dans les centres nerveux une inconnue dont l'élimination peut changer la face de bien des questions ; mais dans les centres nerveux, combien n y a t-ii pas encore de semblables inconnues à éliminer! Tous nos travaux actuels ne sont donc que des travaux provisoires. L'augmentation du liquide cérébro-spinal est la cause d'un certain nombre d'épanehemens séreux , soit à l'intérieur des centres nerveux, soit dans leurs ven- tricules; car M. Magendie s'est assuré qu'une com- munication normale existe entre la cavité spinale sous- arachnoïdienne, ou a son siège principal le liquide dont il s'agit, et le quatrième ventricule, et que par celui-ci il se répand dans les autres ventricules du cerveau. Cette communication existe vis-à-vis la fin du quatrième ventricule, à l'endroit désigné communé- ment sous le nom de bec de plume. L'ouverture qui établit cette communication est arrondie^ de deux à trois lignes de diamètre ; on la trouve entre les deux artères cérébelleuses postérieures. Dans plusieurs cas d'épanehemens séreux à l'intérieur des ventricules, M. Magendie a constaté que cette ouverture était no-r tablement agrandie, ainsi que l'orifice de Sylvius. Il pense que la quantité du liquide ne peut dépasser
d'anatomie pathologiole. 821
deux onces , sans qu'il en résulte des accidcns. La maladie des chevaux connue des vélérinaires sous le nom à' immobilité y Qi doiil le principal phénomène est l'impossibilité de reculer, a coïncidé, dans un cas observé par M. Ma^endie , avec une accumulation in- solite du liquide cérébro-spinal dans les ventricules ;. c'est \q même phéjiomènc que M. Magendie a produit en coupant les corps striés.
D'abondanles collections de sérosité peuvent se faire dans la substance même des centres nerveL'x,; ou dans les membranes qui les entourent.
La sérosité qui s'épanche dans la substance ner-' veuse elle-même peut s'y trouver infiltrée, ou con- tenue dans une caviîé. M. Guersent a signalé chez les enfans un état dans lequel diverses parties du cerveau étaient ramollies par la quantité considé- rable de sérosité qui en infdlrait la substance, et qu'on pouvait facilement en exprimer. Le siège de cette infiltralion se trouve le plus souvent dans les parties blanches centrales qui réunissent les deux hémisphères cérébraux (corps calleux, voûte à trois piliers, sfptum incdlan). La substance blanche qui constitue la couche la plus superficielle des parois des ventricules est quelquefois aussi atteinte de ce ramollissement par infiltration séreuse ; on le retrouve, mais beaucoup plus rarement, dans les couches op- tiques, dans les corps striés, dans la masse même des hémisphères. Dans la plupart des cas de ce genre observés j ar M. Guersent, il existait en même temps un épanchenient considérable de sérosité dans les ven- tricules; ce[)endant il peut avoir lieu sans cet épan- chemcnl, ce qui prouve qu'il n'est pas lo résultat..
82 2 PRÉCIS
liîécaniqne de la luacération de la substance par le liquide épanché. J'ai rencontré plusieurs fois un pa- reil état cbe? les adultes; chez eux, mes observations, m'ont conduit à établir, sous \e rapport du siège, trois variétés d'infiltration séreuse de l'encéphale :, l'une existe dans les parties blanches centrales du cerveau; la seconde dans les couches optiques et dans les corps striés ; et la troisième dans la masse môme des hémisphères. Je n'ai pas vu qu'aucun symp- Ijôme particulier coïncidât avec l'existence de cet œdème cérébral^ quel qu'en fût le siège : la même remarque a été faite sur les enfans par M. Guer- sent(i).
La sérosité qu'on trouve rassemblée dans une ca- vité creusée au sein de la substance nerveuse ne s'y épanche le plus souvent qu'à la suite d'un certain nombre de lésions que nous avons signalées plus haut, comme, par exemple, à la suite d'un épanche- ment de sang. Une membrane s'organise autour du caillot sanguiii , et c'est celte membrane qui fournit ia sérosité. D'autres fois , à la place d'une porUon. atrophiée de l'encéphale , on trouve un vaste kysle rempli de sérosité. Aux cas de ce genre que nous avonsdéjà cités, nous en ajouterons un que M. Cham- beyron a fait connaître (2). Chez une fille de seize ans, dont les ventricules cérébraux étaient distendus >ar une très- grande quantité de sérosité, et dont h; lobe médian du cervelet était occupé par une masse tuberculeuse, le quatrième venLiicule se continuait
(1) Dictionnaire de iitiilccitie , par MM. Adcloii , Amiral , licclaid , tlt. , (•2) Opar. cit. , l'H'^i 53.
d'anatomie pathologique. 82\>
avec une cavité accidentelle qui existait dans l'hé- misphère gauche du cervelet, et qui contenait à-peu- près deux onces de sérosité; une cavité semblable, mais moins grande , occupait l'hémisphère droit.
La sérosité épanchée sur les différerH:es surfaces des centres nerveux peut avoir son siège, i°. entre la dure-mère et les parois du crâne ; 2°. entre l'arach- noifde et la dure-mère; 3". daUsS la grande cavité de î^arachnoïde , autour de l'encéphale; 4°« dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien (pie-mère); 5^ dans les dif- férens ventricules, et Jusque dans celte cavité, très-peiv, appréciable dans l'état sain, qui existe entre les deux lames du septum lucidum. M. Breschet a plus d'une lois constaté chez des enfans de six mois à un an 1 existT'nce d'une véritable hydropisiede ce cinquième ventricule (i).
Rien de plus variable que la quantité de sérosité qui peut s'épancher dans ces divers points; cette quantité varie depuis quelques gros jusqu'à plusieurs, livres. Elle n'est jamais très- considérable lorsque l'épanchemcnt est le résultat d*une affection aiguë.
Tant que l'épanchement de sérosité n'est pas très- abondant, les cavités du cerveau sont peu agrandies; sa substance peut être phis ou moins comprimée, mais elle reste intacte. Lorsqu*au contraire l'épan- chement est tellement considérable qu'il tend k remplir seul toute la cavité du crâne, la substance cérébrale se déforme d'abord, puis disparaît. Dans certains cas la masse des hémisplières cérébraux est: réduite à une lame milice, semblable à ceHe qui la
(1) Dic.lonnaue de médecine^ elc. , article Ifytrociphnfc chronhjuc.
g24 riiÉcis
constituait clans les prt;;uiiers temps de la vie em^ bryonnaire. Dans d'autres cas on ne trouve même plus de vestige de cette masse nerveuse , et toute la partie du cerveau située au-dessus des venlricules est remplacée par une poche pleine de sérosité , les parois de cette poche sont constituées par les ménin- ges. Dans d'autres cas la destruction de l'encéphale est encore pljs profonde; mais alors ces cas rentrent dans ceux d'anencéphalie, dont nous avons parlé plus hc^ut.
Lorsqu'à l'intérieur du crâne la sérosité tend ainsi à prendre la place de la substance nerveuse , le crâne augmente le plus ordinairement de dimensions, et les têtes des hydrocéphales sont connues même des p îrsonnes étrangères à la médecine. Cependant il est des cas où la tête conserve ses dimensions normales ; il en est d'autres où cette tête, loin d'être augmentée de volume , est au contraire notablement plus petite que dans l'état normal. Quant aux os qui composent les parois du crâne , ils sont souvent dans leur état naturel; d'autres fois ils sont extrêmement minces, et de larges intervalles cartilagineux les séparent les uns des autres ; d'autres fois enfin ils ont acquis au contraire une excessive épaisseur. Aucun rapport constant, soit de forme, soit de nutrition , ne saurait donc être et bli entre l'état de l'encéphale et celui de son enveloppe osseuse.
L'épanchement de sérosité , qui n'est pas assez con- sidérable pour déformer la substance encéphalique , peut se former à toutes les époques de la vie, soit d'une manière aiguë , soit d'une manière chronique. Il ( oincide souvent avec diverses lésions de l'enccDhale
^ D*ANATOMIE l'ATIIOlOGIQUE. 8^5
OU des méninges, appréciables sur le cadavre, et il peut, dans un certain nombre de cas, ôlrc regardé comme le résultat de ces lésions. Une injection plus ou moins vive de la substance nerveuse ou de ses en- veloppes , un ramollissement de la pulpe encépha- lique, un foyer apoplectique récent ou ancien, une produclion accidentelle développée au sein dn paren- chyme cérébral , telles sont les lésions qui précèdent ou accompagnent dans bien des cas l'épanchement séreux des surfaces encéphaliques. D'autres fois, ce- pendant, on ne découvre rien autre chose dans l'en- céphale et ses annexes qu'une grande quantité de sérosité limpide. Du reste il faudrait se garder de con- sidérer comme le produit d'un état morbide , la petite quantité de sérosité que Ton trouve habituellement accumulée dans les ventricules cérébraux.
Cet épanchement de sérosité peut s'elFectuer en quelques heures, et il en résulte alors la maladie très-réelle, mais beaucoup plus rare qu'on ne l'avait pensé, qui est connue sous le nom d'apoplexie séreuse. Il peut se former en un petit nombre de jours, et l'on observe dans ce cas l'ensemble de symptômes qui ont été décrits sous le nom d'hydrocéphale aiguë. Mais le rôle que joue l'épanchement de sérosité dans la production des symptômes est loin d'avoir encore été bien déterminé; d'une part, en effet, l'on trouve souvent, dans les ventricules, sur beaucoup de cada- vres, une quantité de sérosité an moins égale à celle que l'on rencontre dans la maladie appelée hydrocé- phale aiguë , et cependant aucun des symptômes de cette maladie n'a existé; il n'y a eu même ancun ac- cident cérébral ; d'une autre part, l'on observe non
S26 pr.ÉGis
moins souvent tous les symptômes de l'Iiydrocéphale aiguë, dans des cas où après la mort on ne Iroure dans les ventricules ou ailleurs aucun épanchement notable. Il ne semble^ donc pas que l'essence même de la maladie réside dans cet épanchem^nt , qui n'en est qu*un d«s caractères anatomîques Ç\),
On a décrit dans ces derniers temps, sous le nom d'hydrocéphale chronique des vieillards, une maladie caractérisée par l'aflaiblissement graduel des diHé- rentes fonctions cérébrales , et dans laquelle , dit-on , l'ouverture des cadavres ne montre d'autres lésions qu'une accumulation considérable de sérosité soit dans le tissu cellulaire sous-ar<ichnoïdien des surfaces extérieures de l'encéphale , soit dans les ventricules. L'épançhement de sérosité , qui est assez considé- rable pour entraîner la déformation ou la destruction de l'encéphale, est le plus ordinairement une affec- tion congénitale, bien que quelquefois on l'ait vue se développer après la naissance. Les causes qui lui don- nent naissance sont encore peu connues; si dans quelques cas on a cru pouvoir établir qu'il avait suc- cédé à une irritation des méninges ou de l'encéphale, il faut avouer que, dans le plus grand nombre des circonstances, on en ignore le point de départ. On n'exprime que le fait lui-même , lorsqu'on dit qu'il y a coïncidence, en pareil cas, entre l'arrêt de dévelop- pement du cerveau , et une exhalation plus abondante <jue de coutume de ses membranes enveloppantes. Mais quelle a été la lésion première? est-ce parce
(i) Une dos £rrandf;s erreurs de plusienis throrie» inrdicales , cVst d'avdir conlondii la viil»;m d'une It sion cuniuie caiactèie aiialouiitjuc d'une maladie a\ec sa valeur coinnie cause.
d'aNATOMIE PVTÎIOLOGIQLïï. S2T^
que l'encéphale ne s'est pas développée, qu'une quan- tité insolite de sérosité est venue en occuper la place? est-ce au contraire parce que d'abord cette exhalation a été trop abondante, que la substance nerveuse ne s'est pas formée ?
L'accumulation de sérosité dans les, membranes de la moelle épinière , ou au sein même de cette moelle , a été désignée sous le nom iVliydromcliis. Dans celte maladie, tantôt le liquide est épanché seulement , soit dans l'arachnoïde , soit entre cette membrane et la pie-mére ; tantôt il occupe la place de la moelle elle- même imparfaitement développée. ' •
On distingue deux espèces d'hydrorachis : l'une est accidentelle, acquise, ne survient en un mot que. plus ou moins long-temps après la naissance; l'autre, est congénitale. Chacune de ces espèces comprend deux variétés : dans la première , ks parois osseuses du r'açhis sont intactes ; dans la seconde , elles sont divisées. Cette division d^i rachis, très-commune dans le cas d'hydrorachis conj'énitale , a été aussi quel- quefois observée dans les cas d'hydrorachis survenue après la naissance chez les adultes.
L'accumulation de sérosité dans le canal vertébral avec scissure des parois de celui-ci, a été désignée pour la première fois, par Tulpius, sous le nom do spina-blfida : on la trouve quelquefois désignée dans les auteurs sous le nom de tumeur lombaire , parce que c'est aux lombes qu'elle a son siège le plus fréquent. Béclard a proposé de désigner ce vice de conforma-, lion par le terme cVatélorac/iidie.
La cause la plus fréquente de cette maladie parait devoir être rapportée à un arrêt dans le déveîo[)pe-
b2S PRECIS
t
ment des parois osseuses du racliis , lequel se trouve lié, soit avec uq état d'bydropisie des enveloppes membraneuses de la moelle, soit avec un aulre arrêt de développement de celle-ci , qui reste liquide , comme dans les premiers temps de sa formation. Dans Jes cas rares où le spina-bifida a été observé chez l'adulte, il semble qu'il faille admettre dans les ver- tèbres une altération secondaire de nutrition ou un travail de résorption qui les ramène à leur état primitif de développement. Salzmann et Camper ont vu le spina-bifida exister chez plusieurs enfans issus d'une • même mère. Dans le cas de Salzmann, le second enfant avait été mis au monde quinze mois après le premier; dans le cas de Camper, c'étaient deux ju- meaux.
Le spina-bifida est caractérisé extérieurement par la présence d'une ou plusieurs tumeurs situées sur le trajet de la colonne vertébrale. Dans le plus grand nombre des cas elles ont leur siège à la région lom- baire , assez souvent au sacrum , plus rarement au dos, et plus rarement encore vers la nuque. Leur grandeur est très-variable : on en a vu qui égalaient à peine le volume d'une noisette; quelquefois même on n'observe pas de tumeur, à proprement parler, mais seulement une légère saillie de la peau qui est transparente, et qui douîie une sensation de fluctua- tion; d'autres tumeurs égalent la grosseur de la tète d'un jeune enfant ; il est des cas où la tumeur est moins remarquable par son volume en un point dé- terminé que par sa grande étendue. Ainsi , par exem- ple , lorsque le rachis est ouvert dans toute sa partie postérieure, on voit la peau ou d'autres membranes
b'ANATOMiE PATHOLOGIQUE. 829
faire le long de l'épine une saillie uniforme ou inégale, qui représente la paroi fortement convexe d'un canal. La forme de ces tumeurs n'est pas plus constante que leur situation et leur grandeur : les unes sont glo- buleuses, les aulres allongées, ovoïdes; tantôt c'est à leur base qu'elles offrent la plus grande largeur; tantôt, au contraire , cette base n'est constituée que par un étroit pédicule. Cette dernière circonstance t.»xiste surtout -, lorsque l'ouverture des vertèbres est très-peu considérable. Quand il existe plusieurs tu- meurs, la pression exercée sur l'une d'elles ne la di- minue ordinairement qu'en augmentant le volume des aulres, ce qui prouve leur libre communication. Le plus souvent aussi, le siège de la tumeur étant dans la région lombaire , son volume s'accroît par la posi- tion verticale du malade.
Les parois de la tumeur da spîna-bifida ne pré- sentent pas toujours la même composition anato- mique. Dans certains cas, elles sont formées de de- bors en dedans, 1°. parla peau , que l'on a trouvée, suivant les cas , très-saine, épaissie , amincie en totalité ou partiellement, ulcérée, tendant à se gangrener, couverte de fongosités, et quelquefois de touffes de poils ; 2**. par les membranes rachidiennes. D'autres fois la peau n'existe pas : alors les méninges, qui forment seules les parois , ou bien sont dans leur état à-peu-près naturel, ou bien elles sont rouges, engor- gées , épaissies.
Le liquide contenu dans la tumeur , et qui com- munique librement avec ce^lui que renferme le canal racbidien , peut être étudié sous le rapport de son siège, de sa quantité et de sa nature : son siège est
8jb . PRKCIS
varia])Ie. Ainsi on l'a vu sitao , i*. dans la cavité de l'arachnoïde ; 2". entre l'arachnoïde et la dure-mèrC ; 5**. entre l'arachnoïde et la pie-raère ; 4°» entre cette dernière membrane et les parois osseuses du rachis ; 5". dans un canal creusé au milieu de l'épaisseur de la moelle ( Brunner , Otto , Portai , Meckel ) ; 6^ enfin Lechel l'a vu renfermé dans un kyste particulier , placé en dehors de la dure-mère, qui, non plus que les autres méninges, n'avait subi aucune altération. Au rapport des auteurs , là quantité de ce liquidis peut varier depuis quelques onces jusqu'à six ou sept livres. Enfin, sa nature n'est pas toujours identique : on l'a trouvé limpide comme de l'eau de roche, légè- rement trouble , floconneux , Sanguinolent , puri- forme. Les analyses qui en ont été faites, dans le cas où ce liquide ne paraissait composé que de sérosité , ont montré qu'à l'instar du liquide des hydrocéphales, il contenait une moindre proportion d'albumine que le liquide des autres hydropisies.
L'état des pièces osseuses du rachis est de la plus , haute importance à considérer. Leur altération peut être envisagée sous deux rapports : 1**. sous celui du nombre de vertèbres qui sont simultanément divisées; 2^ sous celui du degré de division de chaque ver- tèbre en particulier. Sous le premier rapport , le spina-biûda a été distingué en complet et en incom- plet : il est complet , lorsque toute la partie posté- rieure de la colonne vertébrale est fendue, ainsi que le sacrum et le coccyx. Ce cas est très-rare ; mais assez souvent on trouve cette fente presque complète , existant, par exemple, depuis l'atlas jusqu'à la der- nière vertèbre , depuis les dernières vertèbres cer-
DANATOMIE PATIIOLOGIOUE. 85 i
vica^es jusqu'au commencement du sacrum, etc. Le spina-bifida est incomplet, si la fente n'existe que dans une partie circonscrite du rachis; ainsi on l'a distingué en spina-bifida cervical, dorsal, lombaire , sacré , coccygien. Dans chacune de ces régions la division peut n'exister que dans une seule vertèbre, ou s'étendre à plusieurs. Souvent , par exemple , dans le spina-bitida lombaire , la cinquième vertèbre esfe seule divisée; ailleurs, on n'a trouvé dans toute lu colonne d'autre vice de conformation que l'absence de l'arc postérieur de l'atlas. Le spina-bifida des vertèbres lombaires est incomparablement le plus commun de tous : viennent ensuite successivement, par ordre de leur fréquence , le spina-bifida du dos , du cou et du sacrum. Quant à la division du coccyx y on ne connaît qu'un seul cas rapporté par Genga , dans lequel elle ait existé isolément.
Quel que soit le nombre des vertèbres divisées > cette division présente plusieurs degrés, qui ont été ramenés par Fleischmann à trois principaux :
Premier degré. Existence de tous les éiémens de la vertèbre , simple défaut de rapprochement entre ses deux- arcs latéraux. — Ruisch a cité un cas de ce genre , dans lequel les arcs latéraux de chacune des trois der- nières vertèbres lombaires n'étaient séparés de ceux du côté opposé que par un espace large de trois lignes : alors les apophyses épineuses paraissent comme fen- dues dans leur longueur. Ce premier degré ne s'ob- serve qu'assez rarement.
Deuxième degré. Evolution imparfaite des deux arcs
8j2 précis
latéraux, — On voit alors manquer successivement l'apophyse épinense , les lames vertébrales , les apo- physes articnlaires et transverses , et enûn la vertèbre se trouve réduite à son seul corps. Ce second degré s observe plus fréquemment que le premier.
Troisième degré. Sépa?'alio7i du corps même de lu vertèbre en deux parties. — Wepfer a vu toute l'épine dorsale ouverte de cette manière ; on a également constaté l'ejtistence de ce même vice de conformation dans une ou plusieurs des vertèbres lombaires. Ce degré est d'ailleurs plus rare que les deux précédens.
Quelquefois ce n'est point à travers une vertèbre divisée que se forme la tumeur de l'hydrorachis ; celte espèce de hernie s'effectue à travers un intervalle que laissent accidentellement entr'elles la dernière vertèbre lombaire et la première pièce du sacrum. ( Mohrenheim , Portai. )
Au milieu des remarquables altérations que su- bissent, dans le spina-bifida , les enveloppes mem- braneuses et osseuses de la moelle épinière, quel est l'état de celle-ci? A cette question on ne saurait faire une réponse générale; car, suivant les cas, on l'a trouvée saine ou altérée. D'après Meckel , les cas dans lesquels la moelle a été rencontrée parfaileinent saine, doivent être considérés comme les plus rares. Ses dé- viations de l'état normal sont relatives à sa situation, à sa structure , à son absence complète. Sa situation est quelquefois fort remarquable : elle est chassée hors du canal vertébral , et vient se loger dans la ca-^ vite même de la tumeur ; ce fait a été surtout cons- taté vers la région lombaire : les nerfs qui partent de
h'AtV^TÔMîE PATÎTOtOGIQUÏ". S53
iwoeile sont alors sini^iilièremont devics de leurs rapports et de leur, position naturelle. On a vu la queue de cheval entièrement contenue dans la tumeur lombaire, les nerfs qui la composent séparés les uns des autres , nageant au milieu de la sérosité ou appli- qués sur les parois de la tumeur.
Quant aux altérations de texture que subit dans ce cas la moelle épinière , elles sont nombreuses. Ainsi on l'a vue diminuer de volume , notablement ramollie et réduite en pulpe , plus ferme que de coutume, comme entourée de vésicules hvdatiformes , intime- ment adhérente à ses enveloppes , incomplètement divisée en deux parties, étalée en une sorte de mem- brane , etc. Ces diverses altérations n'existent le plus souvent que dans les points correspondans à ceux où les vertèbres sont divisées.
Enfin , quelques auteurs disent n'avoir trouvé dans certains cas de spina-bifida aucun vestige de moelle épinière. jMeckel pense que, dans ces cas, ou bien la moelle s'était ramollie et liquéfiée, comme il vient d'être dit, ou bien qu'elle n'avait jamais existé.
L'hydrorachis congénitale avec division des vertèbres peut constituer la seule affection dont l'individu soit atteint, ou bien être compliquée , i°. avec d'autres affections du système nerveux, telles qu'hydrocé« phalie , anencéphalie, acéphalie ; 2". avec différens vices de conformation d'autres organes , tels qu'ab- sence do la paroi antérieure de l'abdomen , extro- version de la vessie, hypospadias, iraper/bration de l'anus , bec-de-lièvre , transposition générale des vis-* cères, etc.
II.
834 rMxis
ARTICLE Ih
StCRETlON PURULENTE.
Du pus a été souvent rencontré dans les centreîi nerveux; l'encéphale en particulier peut être même considéré comnie l'un des parenchymes où l'on à le plus fréquemment trouvé celte production mor- bide.
Le pus déposé dans les centres nerveux s'y montré soit infiltré , soit rassemblé dans une cavité.
L'infiltration purulente des centres nerveux est constamment accompagnée d'un état de ramollisse- ment de ces centres; nous ne pensons pas d'ailleurs que tout ramollissement blanc doive être regardé comme le résultat de la suppuration de leur substance; déjà nous avons réfuté cette opinion du professeur Lallemand.
Le passage de l'infiltration purulente à la réunion du pus en foyer est marqué par la présence de pe- tites gouttelettes de pus qu'on trouve disséminées en nombre plus ou moins considérable dans une por- tion de substance nerveuse le plus ordinairement^in- jectée et ramollie. Peu-à-peu ces gouttelettes se multiplient, s'étendent, se réunissent; les parties so- lides qui les séparent se ramollissent de plus^'en plus, et semblent comme se dissoudre dans le pus ; au mi- lieu de ce liquide flottent des espèces d'appendices, ou des débris de celte substance, qui ne tiennent que par des pédicules d'une faible consistance au reste de la masse nerveuse. 11 existe alors une cavité encore
d'aNATOMIE FATn()LO(.;TQl]E. §35
mal dessinée et mal circonscrite, au sein de laquelle le pus est logé comme dans des espèces de clapiers. Plus tard, ces clapiers disparaissent, et le pus se trouve contenu dans une cavité dont les parois sont bien marquées. Mais d'abord ces parois ne sont constituées par autre chose que par la substance nerveuse elle- même; puis Ton observe successivement à leur sur- face , 1°. une substance cellulo-vasculaire, soit unifor- mément répandue sur toute leur étendue , soit n'exis- tant que par points isolés, et sous forme de granula- tions; 2°. une véritable membrane, mais encore molle, floconneuse, et pouvant être séparée de la substance nerveuse; 5". une membrane plus ferme, présentant une org^anîsation plus distincte, et assez résistante pour pouvoir être détachée, soit par lambeau, soit tout d'une pièce , du tissu subjacent. Une fois arri- \ée à ce développement, cette membrane peut pré- senter les dispositions les plus variées. Quelquefois elle offre à sa surface interne des filamens qui en aug- mentent l'étendue et qui flottent dans l'eau comme des villosités. Dans quelques cas on la trouve compo- sée de plusieurs feuillets , dont chacun semble cons- tituer une membrane distincte. A.insiM. Lallemand(i) a trouvé au sein d'un des hémisphères cérébraux du pus contenu dans un kyste, dont les parois fort épaisses étaientcomposées de deuxmembranesquiparaissaîent être isolées l'une de l'autre dans la plus grande partie de leur étendue. De ces membranes, l'interne était d'un blanc rougeâtre , et offrait à l'intérieur l'aspect d'une membrane muqueuse légèrement hyperémiée ;
(i) Recherches analomicopatholo^'iqites sur l'Encéphale^ lettre iv, pag. Sq.
55.
S7)6 rnt:cis
rexterne avait une apparence fibreuse. Dans un antre cas cit(^ par le môme auteur (i), les parois du kyste étaient compostées de trois membranes : l'une , exté- rieure, extrêmement fine, celluleuse , adhérait à la substance cérébrale; l'autre, moyenne, était consis- tante et plus épaisse ; l'interne avait un aspect velouté semblable à celui des membranes muqueuses , et pré- sentait à sa surface des villosités marquées.
La substance nerveuse ne se présente pas toujours dans le même état autour des abcès. Sous ce rapport, deux espèces d'abcès doivent être distingués : les uns, récens, et à peine enkystés, sont presque cons- tamment accompagnés d'altérations diverses de lu substance qui les entoure; cette substance présente en général différentes nuances d'hyperémie et de ra- mollissement. D'autres abcès anciens, et séparés par une membrane bien distincte, de la substance ner- veuse , existent souvent sans qu'autour d'eux cette substance soit en aucune manière altérée. En pareil cas , des abcès considérables peuvent exister dans l'en- céphale, sans qu'aucun accident en révèle l'exis- tence ; la substance nerveuse s'est en quelque sorte accoutumée à leur présence, comme celle de tout corps étranger, et ce n'est qu'à l'ouverture des ca- davres qu'on apprend qu'il existait un état morbide du cerveau. Nous verrons plus bas qu'il en est égale- ment ainsi d'autres productions morbides dévelop- pées dans cet organe. Mais il peut arriver que , restée long-temps saine autour d'un abcès enkysté , la subs- tance nerveuse finisse par s'irriter , s'hyperémier ,
(i) Ibidem^ pag. 4»-
à
d'anATOMIE PATMOLOGIfVLli. 857
se ramollir, et alors apparaissent des accidcns variés qu'on ne saurait rapporter à l'abcès lui-niôme ; car la nature de la membrane qui cerne le pus prouve que cet abcès existait long -temps avant la manifestation de ces accidens ; ils ne peuvent donc ôlre attribués qu'à l'irritation nouvelle qui s'est établie autour de l'abcès.
Le pus des centres nerveux n*a pas un autre as- pect que le pus des autres parties du corps; comme celui-ci, il présente dans ses qualités (couleur, con- sistance , etc. ) des variétés nombrtîuses , qui dépen- dent à-la-fois et de l'état môme du centre nerveux , et des dispositions générales de l'individu. M. Lallemand a signalé dans la couleur du pus de l'encéphale les^ nuances suivantes : couleurs verdâtre, jaune-verdâtre^ blanche-jaunâire, grisâtre, jaune-grisâtre, gris-blan- châtre , blanche sale, et enfin tout-à-fait blanche.
Le pus du cerveau a été trouvé quelquefois d'une grande fétidité (i), ce qui détruit l'opinion de ceux qui pensent que le pus ne devient fétide que lorsqu'il séjourne dans un Keu où il est en contact avec l'air.
Le pus, formé primitivement au sein de la subs- tance encéphalique, se fraie dans quelques circons- tances une issue iiors de cette substance ; ainsi on a vu quelquefois des abcès des hémisphères cérébraux s'ouvrir dans les ventricules. Chez plusieurs indivi- dus, en même temps ([ue du pus se disperse prè^ de la périphérie de l'encéphale , les os voisins s'allèrent et se détruisent : l'on a vu de la sorte des abcès du cer- veau se vider dans les Ibsses nasales par suite de lades-
(i) Rtchc} ches aitaloivicopalholo^lquai sur l'tncèpluilc , leUre iir^ P- ^^^^ — I^ettre îV; pag. \i.
S7)8 vwr.cis
tiMiclion clelalauiecril)l(ie de rcfhmoH]e,clansroreiIfe, ])ar suite de la destruction d'une partie du rocb.er. Tou- tefois , dans ce dernier cas, ce n'est pas toujours l'ab- cès du cerveau qui est la lésion primitive; et souvent, ainsi que l'ont démontré les travaux de MM. Itard et Lallemand, cet abcès lui-même n'est que la suite d'une maladie de l'appareil de l'ouïe.
C'est dans les hémisphères cérébraux que les col- lections purulentes ont élé jusqu'à présent le plus fréquemment rencontrées, et en particulier dans la partie de ces hémisphères située au-dessus ou au niveau du centre ovale de* Yieussens. On a cité un cas d'abcès qui avait son siège immédiatement au- dessous de la corne d'Amnion , \\n autre qui existait en un point des parois de la petite corne postérieure d'un des ventricules latéraux, au-dessous de l'émi- nence unciforme qui fait saillie à l'intérieur de cette cavité (i).
Moins souvent c^ue le cerveau proj>rement dit , le cervelet présente des collections de pus .soit dans ses hémisphères, soit d^ns son lobe n)édian ; on en a trouvé aussi dans l'intérieur du mésocéphaîe ; enfin, dans un cas unique jusqu'à présent, on a vu les tuber- cules quadri jumeaux et la glande pinéale entièrement détruits et remplacés par un abcès (2).
Quant à la moelle épinière, on y a rencontré assez souvent du pus infiltré; mais, à ma connaissance , on n'y a pas encore découvert de pus rassemblé eu foyer (5).
(i) The nortb amcrican mcdlenl and sar^lcal journal , i8xS.
(2) loi fient,
(7)) Oliivicr j O/ur. vit.
d'anatomie pathologique. 85()
ARTICLE III.
SÉCRÉTION TLBERCllLE^.SR,
Les tubercules des centres nerveux ont été décrits dans ces derniers temps avec exactitude par M. Gen- drin (i) et par M. Léveillé ne^eu (2). M. Ollivier a aussi consigné dans son Traité sur la moelle épinicre des observations pleines d'intérêt sur cette production morbide. Enfin plusieurs élèves des hôpitaux en ont rapporté des cas dans leurs dissertations inaugurales.
Il résulte de ces divers travaux que les tubercides des centres nerveux sont beaucoup plus fréquens dans l'enfance qu'à aucune aulre époque de la vie. Pour |)eu que l'on ait suivi pendant un certain nombre de mois l'hôpital des EnCans malades, on aura cer- tainement vu quelqqes cas de tubercules encéphah- ques ou rachidiens : à l'hôpital des Enfans-Trouvés , où l'on ne reçoit que les enfans naissans ou qui ont n)oins de deux ans , on voit très - rarement des tubercules du cerveau ; il en est de meuie dans les hôpitaux d'adultes , et chez ces derniers ils sem- blent être encore moins rares que chez les très- jeunes enl'ans. Chez les phthisiques adultes, les tu- bercules des centres nerveux sont loin d'être com- muns, dans les cas mêmes où chez eux on trouve tuberculisés, en même temps que le poumon, la phipart des organes,
(1) Sur (es lubcrcuks du cerveau et de ia moelle, broch. in-5".
(2) Rcchtrclics sur tes tubercules du. cerveau, (Thèse, 1824.)
84o PRÉCIS
Les tubercules sont beaucoup plus fréquens dans les hémisphères cérébraux que dans aucune autre partie des centres nerveux : dans ces hémisphères ils occupent indifféremment la substance corticale et la substance médullaire; quelquefois ils semblent comme interposés entre ces deux substances , et il est difficile de dire à laquelle ils appartiennent. Dans quel- ques cas, bien que logés dans la substance corticale, ils ne paraissent pas s'y être primitivement dévelop- pés; il semble que, nés dans la pie-mère, ils aient exercé, à mesure qu'ils ont grossi , une compression sur le cerveau , dîms la substance duquel ils ont pro- duit une cavité superficielle. D'autres tubercules pa- raissent avoir existé d'abord entre deux circonvolu- tions qu'ils ont écartées, et dont ils ont peu-à-peu déprimé la substance.
Dans un cas qui a été rapporté par M. Bérard aîné, une masse tuberculeuse s'était développée à la base du cerveau, au-dessous du lobule antérieur; d'une part elle avait envahi ce lobule inférieurement , et d'autre part elle avait déterminé la destruction de la lame criblée de l'ethmoïdco
Les points où, après la masse de substance ner- veuse située au-dfssus du centre ovale de Yieussens, Ton a le plus souvent rencontré des tubercules , sont le cervelet, le mésocéphale , le bulbe rachidien, di- verses parties de la moelle épinière (plus fréquem- ment dans la portion cervicale de celle moelle qi]^^ dans ses porlions dorsale et lombaire), les pédon- cules du cerveau et ceux du cervelet, la couche op- tique, le corps strié, le corps pituitaire , la commis- sure même des couches optique.^. On peut voir, d'ui
d'aNAT03I1E PATUOLOCIQUE. 84 1
près Tordre de cette énuméralion , que les parties des centres nerveux qui sont le siège le plus fréquent soit d'hyperémies, soit de ramollissement, ne sont pas celles où apparaissent le plus souvent les tubercules.
Les tubercules des centres nerveux se développent généralement en petit nombre chez un même sujet; il n'est pas rare de n'en trouver qu'un seul : en aucun cas , ainsi que l'a remarqué M. Gendrin , on n'en trouve autant dans l'encéphale qu'on n'en rencontre ordinairement dans les poumons des phthisiques.
La forme de ces tubercules est semblable à la forme des tubercules qui se développent dans toutes les au- tres parties du corps ; leur surface est quelquefois inégale, bosselée, et on les voit se diviser en lobes que séparent des cloisons celluleuses (Léveiîlé).
Leur volume varie depuis celui d'un grain de millet jusqu'aux dimensions d'un œuf de poule. On en a môme vu de plus considérables : on a observé des cas, par exemple, où le cervelet, soit dans sa totalité , soit dans l'un de ses hémisphères, était envahi par une masse tuberculeuse qui ne laissait plus voir aucune trace de substance nerveuse.
Les tubercules des centres nerveux ne sont pas toujours en contact immédiat avec la substance de ces centres; très-souvent ils en sont séparés par une membrane d'organisation variable, qui les entoure de toutes parts, et qui leur forme un véritable kyste. Bayle (0 a décrit un cas de ce genre : il trouva chez un phthisique, dans la moite gauche du bulbe rachi-
(i) Recherches sur la plithUlc pulmonaire-, obs. viii.
§>\2 VnàCASt
lîion , un peu au-dessus des éminenGes pyramidales etoiivaires, un corps presque rond, de la grosseur d'uu petit pois, isole, çonligu et non contiuu à la substance médullaire qui l'environnait de toutes parts. Ce corps était d'un blanc jaunâtre.... C'était un kyste à parois très-épaisses , qui contenait dans son inté'- rieur up petit noyau tuberculeux, opaque, d'un blanc terne et jaunâtre. M. Gendrin a établi que tous les tubercules cérébraux étaient enkystés , et M. Léveillé a soutenu la même opinion. « Lorsqu'on fait , dit ce dernier auteur , à la surface d'un tubercule encore cru, une légère incision, on enlève une membrane peu épaisse, qui, se déchire facilement, et dans la- quelle on ne peut distinguer de fibres. La surface ex- terne de celte membrane adhère par tous ses points à la substance cérébrale; sa face interne présente des fjjaraens, des brides qui s'enfoncent entre les lobes du tubercule, auquel elle n'adhère que par quelques filets que l'on peut rompre au moindre eObrt. Quand les tubercules sont anciens, cette membrane est quel- quefois séparée du cerveau par une séreuse acciden- telle qui les isole. De sa face interne se détachent dos prolongemens qui forment à l'intérieur du tubercule, des cellules dans lesquelles M. Léveillé pense que la matière tuberculeuse est déposée. Cette membrane <\st, dans quelques cas, d'une remarquable épaisseur; «Ile présente l'aspect du tissu fibreux, cartilagineux, et même osseux (Gendrin). A mesure que le tuber- cule se ramollit, le kyste devient de plus en j)lus apparent. Outre la membrane qui forme ce kvslc, il y en aurait une autre, d'n[)rès M, Léveillé, qui cous-
d'aNATOMIE PATIIOLOGIQLE. 8/|5
filucrnil au tubercule une enveloppe propre, el qui ioruierait spécialement les cloisons qui séparent le tubercule en plusieurs lobes.
La porlion de substance nerveuse qui entoure les tubercules est souvent parfaitement saine; d'autres fois elle a subi différentes espèces d'altérations; ainsi on la trouve hyperéuiiée , ramollie, ou bien détriite, et comme atrophiée. De ces lésions diverses dépendent surtout les accidens qui se manifestent chez les indi- vidus dont l'encéphale contient des tubercules. Si, chez un certain nombre de ces individus, et parti- culièrement chez les enfans , des tubercules varia])les en nombre et en volume ont été trouvés dans les centres nerveux, sans que, pendant la vie, aucun syliiptome ait jamais révélé quelque lésion du côté de l'axe cérébro-spinal, cela a dépendu souvent de l'état d'intégrité dans lequel se trouvait la substance nerveuse autour des tubercules. D'autres fois on ob- serve des accidens intermiUens, et cela peut s'exj)!i- quer encore par l'intermittence même des lésions qui ont lieu autour des tubercules. Ainsi un tubercule ne produit pas par lui-même des convulsions, mais il les déleimine par la congestion périodique dont il favorise le développement dans la subsance nerveuse environnante.
^
844 piiiio^
ARTICLE IV.
PRODUCTIONS SQl'IQRHEl'SB Eï ENCÉpUALOÏDE.
Nous n'avons rien de spécial à dire sur ces pro-- ductions considérées dans les centres nerveux. Elles y présentent en effet les mêmes caractères et la même disposition que partout ailleurs. Elles occupent ordi- nairement une assez jurande étendue de ces centres, comme la plus grande partie d'un hémisphère céré- bral , ou la presque totalité d'un des lobes du cer- velet. Développées quelquefois dans les membranes mômes qui enveloppent les centres nerveux , elles exercent sur eux une compression plus ou moins grande. Elles coïncident souvent avec de semblables productions développées dans d'autres organes.
La cause y sous l'influence de laquelle se forment ces productions, n'est pas plus connue dans les cen- tres nerveux que partout ailleurs. Toutefois , dans ces centres, comme dans la mamelle ou dans le foie, on les voit quelquefois se développer à la suite de violences extérieures. Nous avons cité ailleurs le cas d'un individu chez lequel un coup porté sur l'hypo- chondre droit fut la cause au moins occasionelle d'une dégénéral ion encéphaloïde du foie. De ce cas nous en rapprocherons un autre dans lequel ce fut aussi à la suite d'un coup avec plaie' que le cerveau devint le siège d'une dégénérescence encéphaloïde et squir- rheuse. Le sujet de celte observation est lui militaire âgé de cinquante-deux ans, qui, plusieurs années après avoir rcru un coup de sabre sur le coté gauche
d'aNATOMIE PATIIOLOCIQTiE. 8/|5
xlu ciano , et un coup de pied de cheval sur le parié- tal droit^ fut atteint de divers symptômes d'une nffec- tion cérébrale, tels que céphalalgie continuelle, vertiges, amaurose , somnolence, mouvemens épilep- tiformes, et enfin paralysie du côté gauche. A l'ou- verture du cadavre, on trouva que le lobe antérieur de l'hémisphère gauche du cerveau était converti dans une étendue de deux pouces en longueur et d'un pouce de largeur, en une masse squirrheuse , au milieu de laquelle existait une substance puri- forme , qui contenait quelques hydalides. Le corps slrié participait h la dégénération squirrheuse.
Tel est en abrégé le cas qui a été rapporté par le docteur Wedmeyer de Hanovre (i). Mais que de ré- flexions n'inspire-t-il pas î dans combien de circons- tances des coups de toute sorte n'ont-ils pas été portés sur le crâne, sans qu'il en résullât rien de semblable à ce qui fut observé ici ! de plus, la lésion était com- plexe ; à côté de la masse squirrheuse existaient du pus et des hydatides. Chez cet individu, la violence extérieure ne me paraît donc avoir agi tout au plus que comme cause occasionelle. Une autre circonstance bien remarquable de cette observation , c'est l'exis- tence de la paralysie du même côté que la lésion du cerveau.
(i) Revue Médicale^ 1826, tom. I , pag. \ôj.
846 P1\ÉCTS
ARTICLE V.
Productions graisseuses.
Lachimie à démontré que dans l'encéphale existent normalement plusieurs matières grasses. Sont-ce ces matières qui, surabondamment sécrétées, ou alté- rées dans leurs qualités, sont Torigine de quelques productions morbides, forméespar une matière grasse, qu'on a quelquefois rencontrées dans les centres ner- veux? M. le docteur Leprestre (i) a publié un cas de ce genre : dans la partie gauche du mésocéphale d'un adulte était développée une tumeur volumineuse , mamelonnée, d'un aspect brillant comme celui de certaines coquilles. Cette tumeur était formée de couches concentriques , unies entr'elles par des lames de tissu cellulaire; on n'y voyait encore aucune trace de vaisseaux; sa densité était plus considérable que celle du cerveau; elle ressemblait tout-à-fait à une masse d'adipocire. Cette ressemblance est d'autant plus remarquable , que , dans ces derniers temps, Gonelin a avancé que dans le cerveau de l'homme existait naturellement une certaine quantité de cho- lestérine.
Une tumeur, de nature semblable à la précédente, a été trouvée par M. Dalmas (2) dans le cerveau d'une jeune fille qui mourut dans une des salles de cli- nique de la Faculté, deux heures après y être entrée.
(i) Observations sur des altérations organiques du cerveau, recueillies dans les salles de M. Doininel , chirurgien en chef" de ITIôlcI-Dieu de Caen, par F. Leprestre. {Archives de médecine^ tom. XVI H, pag. 19.)
(2) Journal hebdomadaire de médecine , tom. I , pag. 532,
d'anatomte pathologique. 8^7
Au milieu de la base du crâne, sur la selle turcicjue, existait, dit M. Dalmas, dont je transcris textuelle- Dient la description , une tumeur du volume d'un œuf de poule, qui faisait saillie, en haut, dans le troisième ventricule , écartant les organes qui con- courent à la formation de cette cavité, et se confon- dant en bas et en arrière avec la substance médul- laire des corps striés, des couches optiques, de la voûte à trois piliers , de la commissure antérieure et des tubercules pisiformes. Vue par en haut, cette tumeur était d'un blanc mat, ressemblant assez, par ses propriétés physiques , au blanc de baleine ; en bas, sa substance, beaucoup plus transparente, na- crée , était hérissée d'une multitude de granulations qu'on ne peut mieux comparer qu'à des perles. Ces granulations avaient d'une ligne à une ligne et demie de diamètre , ne contenaient aucun liquide , et parais- saient, comme tout le reste, formées d'une matière homogène , sans trace d'organisation.
L'analyse chimique, faite par M. Barruel, a démontré dans cette masse une grande quantité de matière grasse, et une autre matière qui a paru être de la cholestérine.
Enfin on trouve , dans le n*. 55 du tome I" du Journal Clinique des hôpitaux^ la description d'une tumeur cérébrale formée essentiellement , comme les deux précédentes, de matière grasse.
A
84S PRÉCIS
. ARTICLE VI.
tRODtJCTIONS ÎFinREtSES, CARTILJlCINEUSES ET OSSEtJSE^é
Ces productions diverses se développent le plus ordinairement autour des centres nerveux, dans leurs membranes d'enveloppe. Ainsi , des tumeurs fibreuses s'élèvent souvent d'un point de la dure-mère, sem- blent en être comme des végétations . et, acquérant un volume considérable, vontexercer sur l'encéphale une compression plus ou moins grande. Parmi ces tumeurs, les unes sont situées à la base du crâne ; j'en ai vu une de ce genre , grosse comme un œuf de poule, qui reposait sur une des fosses temporales. Les autres sont en rapport avec la voûte du crâne ; souvent alors les os de cette voûte sont détruits, et la tumeur pa- raît à l'extérieur.
De larges plaques cartilagineuses ou osseuses par- sèment assez souvent les méninges; nous en avons parlé ailleurs. On a vu quelquefois la tente du cer- velet transformée ainsi dans sa totalité en une voûte cartilagineuse ou osseuse.
Ces mêmes productions peuvent se développer dans la substance même des centres nerveux. J'ai trouvé une fois, au milieu d'un des lobes cérébraux, une tumeur fibreuse, tout-a-fait analogue aux tu- meurs fibreuses de l'utérus; elle avait la grosseur ^ d'une petite noix , assez près d'elle existait un foyer « apoplectique. On n'observa d'autre symptôme pen- dant la vie que ceux qui accompagnent ordinairement une hémorrhagic cérébrale.
d'anatomie pathologique. 8^9
En ouvrant avec M. BlanJin le cadavre d'une pelite fille morte à l'hôpital des Enfans , j'ai trouvé vers le centre d'un des lobes latéraux du cervelet une demi- douzaine de petites concrétions, dures comme de la pierre , de forme irrégulière , semblables à des es- quilles. Autour d'elles existait un léger ramollissement de la substance nerveuse. Aucun symptôme spécial n'avait annoncé pendant la vie cette singulière alté- ration. ^
M. Thion, médecin à Orléans, a fait connaître à l'Académie un cas fort remarquable de transformation cartilagineuse et osseuse du cervelet, qu'il a eu oc- casion d'observer sur une vache. Un des lobes du cer- velet était transformé, dans la plus grande partie de son étendue , en une masse ovoïde , fort dure , qui résistait au bistouri; intérieurement elle offrait des espèces d'arborisations cartilagineuses qui , vers la pé - riphérie, se terminaient à des points osseux.
ARTICLE VII.
ENTOZOAIRES.
Plusieurs espèces d'entozoaîres ont été rencontrées dans les centres nerveux. D'abord plus d'une fois l'on a trouvé, soit dans la substance du cerveau, soit dans celle de la moelle épinière , des acéphalocystes. L'on y a vu aussi des cysticerques ; j'en ai trouvé dans i'encéphale d'un homme de moyen âge , dont l'obser- vation a été consignée par M. Fauconneau -Dufrêne 11. 54
85 0 PRÉCIS
dans sa thosc. Ces cysticorqiics occupaieni surtout les circonvolutions des hémisphères , et entr'eux la substance cérébrale était saine. M. Calmeil a Irouvé ces mômes cysticerques dans le cerveau d'un indi- vidu âgé de quarante-sept ans, qui , à la suite d'excès de tout genre , d'une syphilis et d'un traitement mer- curiel, fut pris de manie et d'un délire fébrile, au milieu duquel il succomba. M. Calmeil décrit de la manière suivante l'état dans lequel fut trouvé l'en- céphale : « Dans le tissu celkilaire sous-arachnoidien , vers la partie moyenne supérieure d'un des hémi- sphères, nous rencontrons un ver vésiculaire gro^ comme unpois. La pie-mère s'enlève sans diflicuité. Sur le lobe moyen du côté gauche , entre deux circonvolu- tions, nous trouvons un second ver vésiculaire entiè- rement libre. A quelque distance de là, non loin du lobe postérieur 5 nous apercevons une troisième vési- cule de la grosseur d'une graine de raisin; cette vési- cule, qui paraît entièrement sphérique, est transpa- rente et enchâssée dans la substance cérébrale. L'une de ses faces fait cependant saillie au niveau des circonvolutions ; l'autre face est enveloppée dans un kyste où elle se trouve logée comme dans une petite poche ; en pressant sur le kyste l'hydatide est expulsé au dehors; elle ressemble à une petite vessie remplie de liquide, terminée par une sorte de col ou de goulot cylindrique, charnu, vivant, susceptible de s'allonger et de se contracter sur lui-même. Deux autres cysticerques libres s'échappent d'une circon- , volution de l'hémisphère droit. En pratiquant quel- ques incisions dans la substance grise , on met à dé- couvert deux globules arrondis et comme gélatineux,
d'aNATOMIE l'ATlIOLOGIQlK. 85 l
qu'on parvient facilement à isoler de leurs kystes, dont la composition offre une certaine solidité; ces globules offrent la même organisation que les précé- dens. En continuant à diviser cette moitié de l'encé- phale , on trouve encore deux autres cystîcerques : l'un d'eux fait saillie au dessous de la membrane ven- triculaire , entre la couche optique et le corps strié; l'autre est logé profondément entre les deux tuber- cules quadrijumeaux du côté gauche (i). »
Les acéphalocystes et les cysticerques sont jusqu'à présent les deux seuls entozoaires qu'on ait trouvés dans le cerveau de Tliomme. Chez les animaux, d'autres entozoaires s'y rencontrent ; le plus connu d'entr'eux est le polycéphale ou cœnure cérébral , qui se développe fréquemment dans l'encéphale des moutons, et que les vétérinaires regardent comme la cause la plus commune du tournis. M. Dupuy a ren- contré un de ces cœnures au milieu de la portion lom- baire de la moelle d'un agneau; il n'y avait eu d'autres symptômes qu'une paraplégie.
j(i) Journal hebdomadaire de mcdecinc , tom. I , pag. 4^.
-N
54.
852 PRÉCIS
SECTION DEUXIEME.
MALADIES
DES NJîRFS DE LA VIE DE RELATION.
L'anatomie palliologique est encore peu riche en faits relatifs aux altérations des nerfs. Dans beaucoup de cas où pendant la vie le siège de la maladie avait résidé d'une manière non douteuse dans ces nerfs , l'ouverture des cadavres n'y a montré aucune lésion appréciable. J'ai examiné plusieurs fois les nerfs , dans des eas de sciatique ancienne ou récente ; je n'ai jamais pu y découvrir la moindre altération, si ce n'est dans un seul cas, où le tronc nerveux, qui pendant la vie avait élé le siège de la douleur, était notablement injecté. Chez une femme qui, pendant les derniers mois de sa vie, avait eu constamment à la nuque , à l'occipital et dans larégion latérale gauche du cou, des douleurs très-vives, qui présentaien t tous les caractères des douleurs névralgiques, j'ai suivi avec la plus grande attention les nerfs des plexus brachial et cer- \ical, dans leurs troncs et dans leurs rameaux, sans pouvoir rien y découvrir. J'ai aussi examiné sur plu- sieurs cadavres des nerfs de membres qui étaient le siège de douleurs rhumatismales au moment de la mort ; je n'ai pas plus trouvé d'altération dans ces
d'anatomie pathologique. 855
nerfs que dans les cas de névralgie sciatique. Je les ai disséqués avec tout le soin possible chez quelques individus atteints de la colique de plomb, et morts avec une paralysie des membres supérieurs, et je n'ai pu saisir aucune lésion dans les divers cordons ner- veux qui se distribuent à ces membres. Enfin, dans la maladie épîdémique qui a régné à Paris tout l'été dernier (1828) , et dans laquelle un des symptômes prédominans était une exaltalion de la sensibilité des mains et des pieds, suivie d'une diminution plus ou moins grande de cette sensibilité , quelques ouver- tures de cadavres ont été faites, et aucune lésion ap- préciable n'a été trouvée, à ma connaissance, dans les nerfs des membres , si ce n'est dans un seul cas, que j'ai vu moi-même. Dans ce cas, un des nerfs scia- tiques était plus rouge , plus injecté que de coutume. Celte injection n'existait que dans le tronc du nerf; les rameaux qui en partent avaient leur blancheur ac- coutumée , et cependant c'était seulement aux extré- mités de ces rameaux qu'avait lieu la douleur ; de plus, les deux pieds étaient également affectés, et un seul nerf sciatique était rouge.
Quelque rares que soient les lésions des nerfs ap- préciables par l'anatomie pathologique, quelque peu proportionnées qu'elles soient souvent avec les dé- sordres fonctionnels que ces nerfs ont présentés pen- dant la vie, la science possède cependant un certain nombre de cas remarquables de ces lésions; nous allons les passer successivement en revue.
~\
854 PRÉCIS
CHAPITRE PREMIER.
LÉSIONS DE CIRCULATION.
L'hyperemie des nerfs a été artificiellement déter^ minée chez les animaux par plusieurs expérimenta- teurs (i). En piquant un nerf, en le soumettant à une contusion plus ou moins forte, en l'exposant sim- plement à l'air, on fait rougir son tissu , et l'on ob- serve dans le nerf les phénomènes suivans : l'injection paraît surtout exister dans les petits tubes névriléma- tiques que l'on trouve couverts de vaisseaux tant à leur surface interne qu'^à l'externe ; ces vaisseaux en pénètrent perpendiculairement la substance. Cet état d'injection du névriième est facile à constater, d'après M. Gendrin, en faisant macérer un nerf dans une solution alcaline fort étendue : par ce moyen , la pulpe nerveuse est détruite , et l'on peut mieux ob- server le névriième , resté seul intact. Toutefois, dans les cas d'hyperémie des nerfs déterminée par une ma- ladie, ce n'est pas seulement le névriième que l'on trouve injecté ; la substance nerveuse elle-même l'est également; c'est au moins ce qui résulte du fait sui- vant, rapporté par Reil : Chez un homme mort du typhus, et qui avait souffert de très-vives douleurs dans les nerfs, ceux-ci étaient très-colorés par le sang; le névriième ayant été détruit par l'acide nitrique, fi pulpe du nerf parut jaune; le sang avaitpénétré jusque
(i) C'cndrin, IHsloirc anatom'ujiic des ivfammaùons , toni. II , pag-- il9'
d'anatomie pathologique. 855
dans la substance nerveuse , el lui avait donné sa cou- leur (i).
Lorsqu'un certain temps s'est écoulé entre le mo- ment où le nerf a été le siège de l'irritation légère qu'on y a artificiellement déterminée , et le moment où on l'examine 5 on trouve sa substance Jaune, au lieu de la trouver rouge , comme peu de temps après l'expérience. Les nerfs pneumo-gastriques d'un chien furent légèrement contus par Béclard (2) à l'aide des mors d'une pince : vingt -quatre jours après cette expérience l'animal mourut. L'un des nerfs fut trouvé d'un blanc jaunâtre dans le point où la lésion avait été faite; là aussi il était un peu augmenté de volume; au-dessus et au-dessous de ce point il était légère- ment injecté. L'autre nerf présentait un renflement plus considérable ; il était plus injecté au-dessus et au-dessous du renflement ; mais il n'offrait aucune teinte jaune.
En déterminant dans un nerf une irritation plus forte, M. Gendrin a vu dans ce nerf l'iiyperémie s'ac- croître , et le cordon nerveux se convertir en un cordon rouge foncé , comme spongieux, dans lequel on ne pouvait plus distinguer ni la substance médul- laire , ni les gaines névrilémaliqucs (5). Une circons- tance assez remarquable de cette expérience , c'est que, si en mettant le nerf à nu et le laissant exposé à l'air, on n'a pas soin de le détacher des parties en- vironnantes , et même d'en isoler les faisceaux, le
(r) IJescot , Dissertations sur (es affations locales des nerfs. (Tlièse sou- teiuic sous la |^>résidence de BécIarJ , annéç 1822 , pag. 92.) (?.) Doscot , Opcr. cit. , paj^. 7>j. {?)) Opcr. f/f. , tom. Il, [la^j. 149.
856 ruÈcis
nerf ne s'allore que Irès-peu : le tissu cellulaire qui l'entoure se congestionne ; du pus se forme dans ce tissu cellulaire , et au milieu de celte couche puru- lente on trouve le nerf à-peu-près intact. Tout au plus est-il rougi à sa périphérie , ou quelques vais- seaux ont-ils pénétré dans le tissu cellulaire qui en sépare les diverses fibrilles.
L'iiyperéniie des nerfs, résultat d'une irritation morbide , a été observée plus d'une fois chez l'homme. Des recherches récentes, et spécialement celles de M. Martinet (i), ont démontré que si, dans beau- coup de névralgies, le nerf se montrait» après la mort dans son état normal, il en était d'autres à la suite desquelles on trouvait , dans les nerfs qui en avaient été le siège 5 une injection vascuiaire très-manifeste; mais ces recherches n ont pas prouvé qu'en pareil cas l'injection ait précédé la douleur : leur auteur pense toutefois que les douleurs de nerfs, accompagnées d'hyperémie de ces nerfs et d'autres lésions appré- ciables sur le cadavre, diffèrent de celles qui sont liées à une névralgie dite essentielle, en ce que dans celle-ci la douleur ne s'exaspère pas toujours par la pression , que sa nature est variable , et qu'elle s'ac- compagne constamment de rémissions , tandis que dans la névrlLe on observe les phénomènes contraires. Je crois que si l'on accordait une grande confiance à ces caractères distinctifs, l'on pourrait plus d'une fois s'égarer, croire à une névrite ^ quand il n'y a qu'une névralgie ^ et vice versa. Mais pendant la vie il est un autre caractère , qui ressort des observations même
(ï) Mémoire sur l'Inflammation des nerfs, par L. Marliiicl , Ikvui Mèdlcidc , 11-24.
d'anatomie pathologique. 857
de M. Martinet, et qui, lorsqu'il existe, annonce d'une manière non douteuse un état d'hyperémie considérable du nerf douloureux : c'est le gonflement de ce nerf, qui se dessine, comme un cordon, au- dessous de la peau. M. Martinet a constaté deux fois cette augmentation de volume dans le nerf cubital , qui égalait en grosseur le petit doigt, et simulait un cordon tendu le long du bras. Une douleur vive dans le trajet du nerf affecté, des mouvemens convulsifs, suivis de paralysie , dans les muscles où le nerf cubital distribue ses rameaux , tels furent les principaux phé- nomènes observés; la guérison eut lieu dans les deux cas. Chez un homme (1) qui, à la suite d'une course forcée, fut pris de douleurs très-vives à la portion postérieure des deux cuisses, dans le trajet des nerfs sciatiques, M. Martinet trouva ces nerfs notablement augmentés de volume; leur tissu était dur et résistant. Les fibrilles nerveuses étaient pénétrées par une mul- titude de vaisseaux sanguins qui donnaient au nerf une couleur d'un rouge foncé ; entre ces fibrilles était épanché un liquide séroso-sanguinolent. Chez un autre individu, atteint d'une douleur scialique que le mouvement et la pression exaspéraient, M. Mar- tinet trouva le nerf sciatique d'un rouge violacé ; un sang fluide était interposé entre ses filets. Une alté- ration à-peu-près semblable a été vue par M. A. Gou- pil (2) dans le nerf crural. Il avait un volume double de celui du nerf du côté opposé. Sa couleur était violacée, et des ecchymoses, grandes comme une
(1) Cet lîomnie était un conscrit rôfiac taire , cfuî , après une coiujje forcée, tomba entre les mains <1es gr-ndaimes. (9,) îbidinx.
858 PRÉCIS
tête d'ëpitigle, le parseuitiient. Celte hyperémie élalt à-peu-près exclusivement bornée à la partie supérieure du nerf; le plexus lombaire était exempt de toute altération. Pendant la vie , une douleur vive avait existé dans le trajet du nerf crural. La mort fut le résultat d'une péritonite. Avant l'invasion de celie-ci , il y avait un léger mouvement fébrile , qui le soir s exaspérait, ainsi que la douleur. M. Gendrin a éga- lement cité cjuelques cas fort intéressans d'hyperémie des nerfs , observés chez des individus qui avaient présenté , pendant la vie , des signes de névralgies. Dans tous les cas qu'il rapporte , c'est le nerf sciatique qui a été trouvé affecté : une couleur rouge ou vio- lacée , soit uniforme , soit avec conservation d un aspect vascuîaire, existant également à l'intérieur du nerf et à sa périphérie, de petits caillots de sang disséminés à l'intérieur du nerf, la transformation de son tissu en une substance spongieuse , molle et comme carnifiée , une augmentation plus ou moins considérable de son volume , telles sont les altéra- tions qui se sont offertes à l'observation de M. Gen- drin (i). Les différens auteurs que je viens de citer ont également vu du pus dans les nerfs ; nous y reviendrons plus tard.
11 est quelques cas où l'on a vu les nerfs qui se distribuaient à des parties atteintes d'une irritation cbronique , participer à cette irritation et s'hyperé- inier chronîquement. Sur un ancien ulcère variqueux de la jambe , M. Gendrin a trouvé le nerf sa])]iène au moins triplé de volume, friable, et très-injecté ; il
(>) Oper, cit. y \om. H , l>a},'. » 13 el suiv.
d'anatomie pathologique. S59
€lalt parcouru par une multitude de vaisseaux vari- queux (1).
Des recherches récentes tendraient à faire ad- mettre qu'en déterminant artificiellement une hype- rémie dans les nerfs qui vont porter la vie à quelques organes , on produirait dans ces organes une hype- rémie pareille à celle qui aurait d'abord existé dans leurs nerfs. Est-il vrai qu'en irritant le pneumo-gas- trique , on donne naissance à une irritation de l'es- tomac , tandis que les poumons , auxquels ce nerf se distribue également, n'en éprouvent aucune influence? Est-il vrai qu'on produit une hyperémie du testicule en irritant les nerfs spermatiques ? Les remarquables altérations qu'éprouve le globe de l'œil à la suite de la section du nerf de la cinquième paire, sont-elles tout simplement le résultat de l'irritation qui de ce nerf , où elle a d'abord été produite, s'est propagée à l'œil? Sur ces divers sujets la science attend encore de nouveaux travaux.
Nous avons vu , dans un précédent paragraphe , qu'une irritation légère , déterminée artificiellement sur un nerf, produit quelquefois dans le tissu de ce nerf une coloration jaune. Cette coloration est la principale lésion qui ait été observée dans un cas fort remarquable, dont on doit la connaissance à M. Ser- res , et où l'existence de cette coloration insolite dans la cinquième paire coïncida avec l'apparition des divers phénomènes que M. Magendie produit à volonté sur les animaux, en coupant chez eux celte même paire de nerfs. Soit qu'on pense que l'altéra-
(1) Oper, cit. , tora. II , pag. 1 '5 et suiv.
86o PRÉCIS
lion que présenta dans ce cas le nerf trijumeau suffise pour expliquer les phénomènes observés pendant la vie, soit qu'on ne le pense pas, et qu'on doute si réellement la cause des désordres fonctionnels a été trouvée par le scalpel, l'observation me paraît de na- ture à devoir être ici reproduite dans son entier; en ayant tous les détails devant les yeux, le lecteur pourra en tirer la conséquence qui lui paraîtra la plus raisonnable.
Joseph Hubertin, âgé de vingt-six ans , entra à la Pilié le 29 septembre 1820. Ce malade était affecté d'épilepsie depuis deux ans; les accès étaient constam- ment précédés de convulsions du côté droit ; outre cela, l'œil droit était attaqué d'ophthalmie chroni- que , qui devint aiguë vers le mois de décembre ; une opacité commençante de la cornée se fit remar- quer; l'ophthalmie disparut, mais l'opacité de la cor- née augmenta de plus en plus, de sorte que la perte de la vue en fut le résultat inévitable. Dans le mois de janvier, l'œil droit perdit sa sensibilité. Pendant ce temps-là les accès d'épilepsie et les convulsions du côté droit ne diminuaient pas de fréquence ; la santé du malade s'aflaiblissait. Du i5 au 20 juin, les gen- cives s'enflammèrent d'abord à la mâchoire supé- rieure, puis à l'inférieure. Dans le mois de juillet, l'affection des gencives fit des progrès; elles présen- taient un aspect scorbutique ; elles étaient boursouf- flées ; les mouvemens de la mâchoire et des joues n'étaient point altérés.
Yoici les phénomènes que l'on observa le 10 août, et les expériences qui furent tentées devant un assez grand nombre d'élèves.
d'anatomie pathologique. 86 1
M. Dimbarre ( interne dans la division de M. Ser- res) frotta l'œil droit avec les barbes d'une pkime à écrire; le malade n'en eut aucun sentiment, il n'y eut point de clignotement des paupières ; la face in- terne de ces dernières parties était également insen- sible. La même expérience sur l'œil gauche pro- duisit une vive sensation et un clignotement long- temps prolongé. On réitéra deux ou trois fois cet essai, parce que le malade n'en parut pas fatigué, et que cette insensibilité de la conjonctive , de la cor- née et de la face interne de la paupière, jointe à l'immobilité complète du globe de l'œil et de ses dé- pendances , excitait un vif étonnement parmi les as- sistans.
On passa ensuite aux fosses nasales ; on intro- duisit la plume dans la narine droite; on l'agita dans tous les sens : le malade y fut complètement insensi- ble. On passa à la narine gauche ; la sensibilité la plus vive se manifesta dès son introduction. On présenta à la narine un flacon contenant de l'ammoniaque li- quide; le malade en ressentit une faible impression après une forte inspiration ; à gauche , l'approche du flacon ne put même être supportée.
On vint à la bouche : on constata de nouveau l'altération profonde des gencives du côté droit , beaucoup plus affectées que celles du côté gauche; la langue ne parut pas sensiblement altérée , le ma- lade la portait hors de la bouche en ligne directe. Da sulfate de quinine réduit en poudre fut appliqué sur ia partie droite de la langue ; le malade ne le sentit point , ne le dégusta point ; on en mit sur le côté gau- che, il le cracha aussitôt. Interrogé sur la saveur qu'il
862 PRÉCIS
lui avait trouvée , il en désigna ramertiime pnr le
terme de cklcolui ^ usité parmi le peuple -■
L'ouie se conserva du côté droit et du côlé gauche jusqu'au 5 ou 4 août; mais vers le 5 ou le 6, il devint presque sourd de l'oreille droite. Informé par le ma- lade de ce nouvel accident, je fis appliquer un vési- catoire à la nuque.
Le y, le 8 et le 9, la surdité diminua , mais la santé s'altérait de jour en jour; il mourut dans la nuit du II au 12.
L'auptosie fut faite devant jMM. Serres, Magendie, Lisfranc, Georget, etc.
Yoici ce que Ton trouva de plus remarquable. La dure -mère était détachée de la fosse sphénoïdale droite; le ganglion du nerf trijumeau de ce côté était dans un état insolite ; il était boursoufïlé , d'un gris jaune, une petite quantité de sérosité en séparait les granulations.
A sa partie interne, la portion du ganglion d'où se détachait le nerf ophthalmique était rouge, injec- tée ; cette injection et celte rougeur étaient partagées parla dure-mère, qui la recouvrait. En arrière du ganglion , les faisceaux nerveux étaient isolés par une petite quantité de sérosité. Les faisceaux internes étaient d'un blanc plus mat que les externes, les uns et les autres étaient un peu ternes; cette disposition faisait ressortir les faisceaux musculaires du nerf tri- jumeau, qui, parfaitement sains, occupaient le côté interne du nerf, et qui passaient au-dessous du gan- :glion , après avoir dépassé la ligne supérieure du rocher. Tout-à-fait en arrière, le tronc du nerf qui débordait dans la fosse occipitale était jaune comme
d'aN\TOMIK rATIlOLOGIQUE. 865
le ganglion lui-même ; cette couleur se remarquait dans l'étendue de deux lignes environ. 11 est à re- marquer encore que les filets musculaires ne parta- geaient point cette altération ; ils étaient dans leur état ordinaire, en arrière comme en avant.
L'altération du ganglion et son hypertrophie se prolongeaient en avant sur trois principales divisions ; le nerf ophthalmique paraissait le plus anciennement afl'ccté , le nerf maxillaire inférieur était un peu plus altéré que le supérieur. Ces trois nerfs élaient d'un jaune terne jjdont la coloration contrastait avec celle des nerfs opposés , qui étaient découverts. Ils con- servaient cette couleur jusqu'à leur sortie du crâne; au-delà, le nerf ophthulmique la perdait avant d'ar- river à la fente sphénoidale : le nerf lacrymal, le nerf frontal et le nerf nasal nous offrirent du reste leur , structure ordinaire. La couleur jaune du maxillaire supérieur disparaissait tout-à-fait dans la fosse sphéno- maxillaire les rameaux orbitaires , dentaires anté- rieurs, postérieurs et supérieurs, et les branches du sous-orbitaire , disséqués avec soin, ne présentèrent aucun changement dans leur texture ni dans leur organisation ; la troisième branche du nerf trijumeau, ou le nerf maxillaire inférieur, conservait son bour- soufflement et sa couleur jaune dans le crâne, et en partie dans son trajet dans la fosse zygomatique : dans celte fosse, il paraissait divisé en deux parties par l'altération dont il avait été le siège; la partie in- terne conservait encore la nuance jaune du tronc, l'externe ne différait pas du nerf du côté opposé. De la première partaient les rameaux dentaire inférieur, lingual et auriculaire ; de l'autre se détachaient plus
864 PRÉCIS
spécialement les rameaux temporaux profonds, les ptérygoïdiens, le masséterin et le buccal. En dissé- quant ces derniers rameaux d'avant en arrière , on aperçut qu'ils correspondaient aux faisceaux intacts qui se remarquaient au côté interne et inférieur du ganglion de Glaser (i).
Le nerf optique droit était, en arrière de l'œil , un peu moins volumineux que le gauche. Dans le reste de leur trajet ces deux nerfs étaient identiques.
La cornée de l'œil droit était opaque et épaissie dans toute son étendue. L'iris adhérait 4 sa face pos- térieure , ce qui détruisait l'espace désigné sous le nom de chambre antérieure, La pupille était contractée ; la face antérieure de l'iris était couverte d'une fausse membrane blanchâtre , qui adhérait à la face posté- rieure de la cornée. Sur cette dernière on apercevait plusieurs petits vaisseaux formant deux demi-cercles. La choroïde était un peu rougeâtre ; l'humeur vitrée paraissait moins transparente que dans l'œil gauche.
La membrane muqueuse nasale était un peu in- jectée à la ixarine droite, principalement dans la por- tion qui correspond au cornet nasal inférieur.
Les gencives étaient noires du côté droit à la m.â- choire supérieure et inférieure. Son tissu , mou , bour- soufflé , se déchirait avec la plus grande facilité. Les dents étaient tout-à-fait déchaussées en 'haut et en bas ; le tissu osseux formant les alvéoles supérieures et inférieures était comme injecté. A gauche, le tissu
(i) A cette occasion , M. Serres remarque que cet isolement des bran<- rhes musculaires, produit par la maladie, est un fait d'autant plus impor- tant , que dans l'état sain il s'en faut qu'un pareil isolement puisse tire nellement démonlié.
D*ANATOMIE PATHOLOGIQLE. 863
des gencives était brun, un peu ramolli; maisralléra- tion était bien moins profonde que du côté opposé.
La langue ne présenta d'abord aucune traCe d'alté- ration à sa superficie ; mais disséquée avec soin , le tissu muqueux parut un peu plus mou à droite qu'à gauche,
L*oreille droite ne présenta aucune lésion sensible, soit dans son appareil osseux interne, soit dans ses nerfs. Le nerf acoustique , la portion dure de la septième paire dans Taqueduc de Fallope , la corde du tympan , étaient dans leur état normal.
L'encéphale fut examiné avec le même soin que les parties dont nous venons de présenter l'état inso- lite, (/e qui d'abord frappa les regards, fut le côté droit de la protubérance annulaire , correspondant à l'insertion du nerf trijumeau altéré. iS la place de ce nerf qui s'était détaché en soulevant le cerveau , on trouva une matière gélatineuse. Jaune, analogue à celle qui existait à l'extrémité du nerf, restée libre au niveau du bord supérieur du rocher. Ecartant ensuite les faisceaux transverses du ponl , M. Serres, suivit les traînées de cette matière jaune , dans l'é- tendue environ de deux lignes : en même temps , il remarqua , au côté interne de la matière gélatineuse, deux petits faisceaux blancs, intacts, qui furent mis à découvert jusqu'au bord supérieur du bulbe rachi- dien. Ces faisceaux étaient la continuation des fais- ceaux médullaires qui existaient sur le côlé interne du ganglion sphénoidal de la cinquième paire. Les filets musculaires étaient donc sains dans toule leur étendue, ils paraissaient n'avoir point participé a l'al- tération profonde dont le nerf trijumeau de ce côté IL 55
^66 PRÉCIS
avait été atteint. Du côté gauche, le nerf de îa cin- quième paire était dans son étal normal.
En outre, l'hémisphère gauche du cerveau était ramolli, h'gèrement jaune à sa surface supérieure, principalement en avant et en arrière. Sa face infé- rieure était tellement adhérente à la dure-mère , qu'une petite parlie de la substance corticale resta aitachée à cette membrane , an moment où on sou- levait l'encéphale pour en considérer la base. Tout le lobe moyen et postérieur parut alors ramolli et jaune ; cette altération s'étendait dans la profondeur du lobe jusqu'au niveau du demi-centre ovale du côté gauche. La couche optique et le corps strié du même - côté étaient un peu plus mous que du côté opposé. L'hémisphère gauche du cervelet offrait une altération analogue à celle de l'hémisphère cérébral du même côté ; elle était néanmoins beaucoup moins profonde. Le ventricule latéral gauche était plus étendu que le droit ; la glande pinéale était plus volumineuse et plus dure que dans l'état normal.
'' Les deux poumons étaient tuberculeux à leur sommet.
d'anatomie pathologique 867
CHAPITRE IL LESIONS DE NUTRITION.
ARTICLE PREMIER.
HYPERTROPHIE.
Bichat avait cru observer que les nerfs des parties dont la nutrition est altérée , de celles surlout qui sont devenues cancéreuses, sont eux-mêmes augmentés de volume , hypertrophiés. Depuis Bichat , quelques auteurs ont fait la môme remarque 5 mais de pareilles recherches sont bien difficiles, et lorsqu'on est porté à penser que lés nerfs d'une partie quelconque sont hypertrophiés, il serait bon de ne l'affirmer, que toutes les fois qu'on aurait en même temps sous les yeux ces mômes nerfs disséqués sur un autre sujet; car, en analomie aussi , il y a la part de l'imagination , et sou- vent, avec la meilleure foi possible, on a cru voir ce qu'on cherchait à voir. Parmi les cas nombreux où il me paraît bien démontré que les nerfs d'une partie malade se sont réellement hypertrophiés , on peut citer les deux suivans :
1"^ Cas, Chez un vieillard qui portait à l'une des jambes une vaste et ancienne ulcération , le nerf sa- phène, situé sur les bords de cette solution deconli- uuité, était au moins triplé de volume; il envoyait à l'ulcération un très-grand nombre de filets, qui,
55.
^6S ~ PRÉCIS
épaissis et injectés, se confondaient avec les parois des rameaux variqueux de la veine saphène , ainsi qu*avec le tissu induré des bords et du fond de l'ul- cération ; le tronc même de la veine saphène était aussi augmenté de volume, et «es parois avaient ac- quis une épaisseur insolite. A mesure qu'on s'éloi- gnait de l'ulcère , on voyait le nerf saphène reprendre son volume ordinaire (i).
11°. Cas, Une femme portait à la jambe un ancien ulcère fongueux, qui était le siège de vives douleurs, dont chaque nuit augmentait l'intensité. L'amputa- tion ayant été faite, voici dans quel état on trouva la parlie malade : le nerf poplité externe avait acquis un beaucoup plus grand volume inférieurement que su- périeurement; on le suivait jusque près de l'ulcère , avec le tissu duquel il se confondait. Du nerfpéro- m\ev naissaient plusieurs branches, dont le volume était aussi singulièrement augmenté. Ce nerf lui-même, ainsi que le tibial antérieur, étaient entourés d'une membraue cellulaire , remarquable par sa densité , et dans laquelle de nombreux vaisseaux se distri- buaient. Avec cette hypertrophie de plusieurs nerfs coïncidait une hypertrophie notable de la peau et des os eux-mêmes, qui étaient augmentés de volume, sans présenter aucune autre altération. Les muscles, au con- traire, avaientsubi une atrophie telle, qu'on €n retrou- vait à peine quelque trace. Au fond de l'ulcère se voyait un plexus sanguin, dans lequel se rendaient plusieurs branches nerveuses; en beaucoup de points
(i) Gcndrin, Oper, cil. , totn, II , pag. 1-7,
d'anatomie pathologique. 869)
de ce plexus on retrouvait tous les caractères du vé- rilable tissu érectile (1).
On a trouvé quelquefois dans les nerfs des reufle- m^ns partiels de leur substance , qui semblent n'être autre chose qu'un résultat de leur hypertrophie cir- conscrite. Ces renflemens étaient surtout remarqua- bles par leur grand nombre sur le cadavre d'un crétin, é de trente-trois ans., dont l'autopsie fut faite par le docteur SchifFner, médecin du grand hôpital civil de Vienne. Les centres nerveux n'offraient rien de particulier; mais il n'en était pas de même des cor- dons nerveux. Ainsi la troisième branche de la cin- quième paire présentait dans tous ses rameaux des renflemens gros comme des pois ordinaires. La bran- che de la cinquième paire , qui accompagne le filet du nerf vidien dans le canal carotidien , formait de chaque côté un ganglion de la grosseur d'une noisetlC; Laportion dure delà septièmepaireoifraitdesganglions gros comme des pois; on voyait également quelques renflemens oblongs le long de la huitième paire. Au cou, les rameaux laryngés de cette môme paire , ses branches anaslomotiques avec le grand sympathique et quelques branches musculaires, étaient très-ren- flés. Les rameaux qui se rendent aux plexus œsopha- gien etpulmonaire présentaient aussi de petites saillies grosses comme un pois. De semblables saillies se montraient grosses comme des noisetles , sur les nerfs
(1) S>\an , Obsertalions on some points rclaling io the ncrvons System, Li)n,don , iSaa, chap. m.
Dans un autre cas d'ulcère à la jambe, cilé par le mCinc anirnr, avrc vives douleurs dans le nerl' poplité , on trouva aussi augmenlOs dt volume hi!à neris sciatiqne , sapliène cl poplité.
870 pnÉcis /
(lu plexus brachial. On retrouvait des renflemens moins nombreux, mais plus gros, sur les nerfs du dos, des lombes f et sur ceux qui se ramifient le long de la crête iliaque. Les nerfs des extrémités of- fraient également de fort gros renflemens dans leur trajet (1).
ARTICLE II.
ATROPHIE.
L'atrophie des nerfs n'a gnères été vue que dans les cas où les parties auxquelles ils se distribuent avaient elles-mêmes subi une diminution dans l'activité de
11
leur nutrition normale ou de leurs fonctions ; c'est surtout dans le nerf optique que cette atrophie a été vue et étudiée.
Dans la plupart des cas où un œil a depuis long- temps perdu la faculté de transmettre au cerveau l'im- pression des rayons lumineux, on trouve, dans la structure du nerf optique , de remarquables change- mens. Parmi ces cas, il peut y en avoir sans doute, où la lésion primitive a élé dans le nerf optique lui- même ; mais ces cas paraissent être les moins nom- breux, et presque toujours cette lésion du nerf est consécutive. Ainsi elle existe chez des individus dont les yeux n'ont autre chose qu'une taie ou une cata- racte. On l'observe également dans les cas où par la suite d'une violence extérieure l'œil a élé crevé .
(j) The london mvtfical and pitysical journal . 182É».
D*ANATOMlE PATHOLOGIQUE. S7I
el réduit à un uioignou , dans lequel il n'y a plus de vision possible. Plus Faltiération de l'œil est ancienne, pins la lésion du nerf optique est elle-même considé- rable. Yoilà donc encore un cas dans lequel la lésion trouvée après la mort ne peut être considérée que comme un simple effet.
L'atrophie du nerf optique, que nous prenons ici comme type de l'atrophie de tous les autres nerfs , présente les caractères suivans : son volume est di- minué 5 au point de ne plus présenter quelquefois que le tiers, le quart ou le cinquième du volume normal. Sa substance médullaire disparaît, et l'on ne trouve plus à l'intérieur du nerf qu'une matière grise demi- transparente ; souvent , à mesure que disparaît lu substance nerveuse , le névrilème acquiert plus d'é- paisseur et plus de cosisistance , il en résulte pour le nerf l'aspect d'un cordon fibreux et presque cartila- gineux; d'autres fois on n'observe rien de semblable, et, à la place du nerf, Ton ne trouve autre chose qu'une simple gaine membraneuse à parois minces^ transparentes, et dans la cavité de laquelle on trouve une sorte de cellulosiîé à moilié liquide. Pour peu que la ditninution de volume du nerf soit considéia- ble , le trou par lequel il pénètre dans l'orbite dimi- nue aussi de diamètre ; de même que tend à s'effacer la cavité orbitaire elle-même, dans les cas d'atrophie considérable du globe de l'œil. C'est la répélition de ce qui a lieu pour la totalité des parois crâniennes, lors.(}ue la masse encéphalique vient elle-même à s'alrophier.
L'alrophie du nerf optique s observe bien plus com- munément dans la partie de ce neif compiise entro
872 PRÉCIS
l'œil et le point de rentrecroisement qu'au-delà de cet entrecroisement. Dans les cas où l'atrophie se con- tinue au-delà de ce dernier point, c'est toujours dans le nerf qui se rend à la couche optique du coté opposé à celui où existait l'atrophie en deçà de l'en- trecroisement ; celui-ci, qui est de toute évidence dans les reptiles et dans les poissons, où les nerfs opti- ques s'entrecroisent en passant l'iin au-dessus de l'au- tre sans se toucher, se trouve donc démontré chez les mammifères par ce fait pathologique. Quant aux cou- ches optiques, elles sont très-rarement altérées, dans les cas mêmes où l'atrophie des nerfs optiques est la plus considérable possible. Toutefois Wrolik a rapporté un cas observé sur un jeune garçon de quatorze ans , aveugle depuis le quatrième mois de sa naissance^ et où les couches optiques n'avaient pas le tiers de leur volume accoutumé ; les nerfs optiques étaient aussi atrophiés derrière l'entrecroisement v et au-devant de lui. D'un autre côté, remarquons ici en passant que la cécité ne suit que rarement les nombreuses et fré- quentes altérations dont la couche optique est le
siège.
Pourquoi , au contraire , voit-on quelquefois Tamau- rose coïncider avec certaines altérations du cervelet , comme , par exemple , avec un développement de tubercules dans un de ses lobes latéraux?
L'atrophie du nerf optique ne se développe quel- fois que très-lentement à la suite de la perle d'un des yeux. Je n'ai trouvé plus d'une fois aucune trace de cette atrophie dans des nerfs optiques qui apparte- naient à des individus dont la vue était perdue depuis plusieurs années. M. Magendie a trouvé celte atro-
d'anatomik pathologique. 8;5
phie à peine sensible sur une fille borgne depuis sept ans. Sur un autre individu, borgne depuis trente ans, il a trouvé le nerf optique atrophié en avant de len- trecroisement, mais pas au-delà. Il est, au contraire, d'autres cas où, examiné peu de temps après qu'un ac- cident a entraîné la perle de l'œil, on trouve déjà le nerf optique atrophié d'une manière notable. 11 résul- terait des observations el^ des expériences de Sœm- mering et de M. Magendie, que l'atrophie du nerf op- tique, très-lent à s'effectuer chez l'homme, s'effec- tuerait plus rapidement chez les autres mammifères, et encore plus rapidement chez les oiseaux. Ainsi , d'après M. Magendie , un an ou même six mois seule- ment après la perte d'un œil , chez les chiens et les chats, on trouve le nerf optique atrophié et jaune, mais entre l'entrecroisement seulement et le globe de l'œil. Enfin chez les oiseaux, l'atrophie du nerf op- tique est encore bien plus rapide. Trente, vingt et même douze jours après avoir rendu opaque la cor- née transparente par la section du nerf de la cinquième paire , M. Magendie a constaté l'atrophie et la colora- lion jaune du nerf de l'œil devenu inactif. Cette atro- phie se continuait au-delà de la jonction des deux nerfs jusqu'au lobe optique (i) : ce lobe lui-même était atrophié ; il n'y avait plus dans la gaîne fibreuse du nerf aucune trace de substance médullaire ; un tissu cellulaire jaunâtre l'avait remplacée. Ces divers faits sembleraient prouver que l'atrophie du nerf optique s'accomplit d'autant plus rapidement que la faculté de
(0 11 ne faut pas confondre ce h bc avec la couche oblique des njani- niiicrcs. ^
8-4 ?T\ECIS
la vision v'tatt plus énergique chez l'être qui vient à en être privé.
Toutes les fois que le nerf optique s'atrophie , la nutrition cie la rétine doit tendre aussi à diminuer; mais une circonstance assez. digne de remarque , c'eat que derrière Ja toile mince qu'elle représente alors, i)i\ trouve parfois une production osseuse acciden- lelle, interposée, commq^une capsule, entre elle et Ja choroïde.
La diminution de volume de la rétine, par suite de Tinactivité de l'œil auquel il se rend, a été mise en évidence par un travail fort curieux de M. Desmou- }ins, dans lequel cet anatomiste a montré que la ré- tine naturellement plissée de certains oiseaux, à lon- gue vue perd ses plis, et devient lisse comme la ré- tine des mammifères , lorsque chez ces oiseaux la vue s'exerce moins, ou se perd (i).
On a observé l'absence complète des nerfs opli- fjues chez des fœtus venus au monde sans yeux, bien que dans plusieurs cas de ce genre les couches oplir f[ues et les tubercules quadrijumeaux présentassent leur conformation normale. On a également observe que dans les cas où manquaient les fosses nasales, les nerfs olfactifs n'existaient pas. Tiédemann a remarqué que l'absence de ces nerfs coïncide ordinairement avec une im[)erfection de développement des cornes d'Ammon , de la voûte à trois piliers et des corps striés. Dans les cas où les yeux se développent, mais d'une manière irrégulière , et hors de leur {)lace ac-
(i) DcMnoulJns , Opcr. cit. , loin. II , pag. 6iSi.
d'axatoxjie pathologique. 8-5
coiitumée, que devient le nerf optique? Chez un chien cyclope disséqué par M. Magendie, ce savant . n'a trouyé aucune trace de nerf optique , bien qu'il existât une rétine; ainsi la formation de cette mem- brane serait indépendante de l'existence du nerf op- tique. Ce nerf a été d'ailleurs rencontré , soit simple , soit double, dans plusieurs autres cas de cyclopie.
On n'a pas encore fait de recherches suffisantes pour s'assurer si , dans les, cas de surdité , il arrive au nerf acoustique la même altération de nutrition qu'au nerf optique. Plusieurs fois on a trouvé plus petites que de coutume les racines antérieures ou posté- rieures des nerfs rachidiens dans certains cas de pa- ralysie. On a aussi examiné en pareille circonstance les nerfs mêmes des membres paralysés ; mais ici l'observation n'a point confirmé les résultats auxquels aurait conduit la théorie. M. Cazauvieilh (i). dans ses exactes recherches sur l'agénésie cérébrale . a examiné avec soin les nerfs des membres. Tantôt il a trouvé également développés les nerfs des meuîbres atrophiés et ceux des membres sains; tantôt même les nerfs des membres atrophiés et privés de mouve- ment lui ont paru notablement plus gros et en môme temps d'une couleur plus jaune que ceux des mem- bres sains. Du reste , il eût été bon de s'assurer de quoi dépendaient et cet excès de volume et cette couleur jaune. Y avait-il réellement augmentation de la substance médullaire du nerf? élait-ce simplement l'enveloppe névrilémalique qui se trouvait épaissie , comme nous l'avons vu dans certains cas d'atrophie.
(i) Oper. cit.
8^6 PRÉCIS
du nerf optique, qui dans ce cas aussi aufail pu pa- raître plus gms ? y avait- il à rinlorieur du nerf un liquide infiltré , qui pouvait en augmenter le vo- lume, bien que ce nerf contînt réellement moins de substance conductrice du sentiment et du mouve- ment? Pour ma part , j'ai cherché plusieurs fois à cons- tater l'état des nerfs dans des membres paralysés, soit récemment, soit depuis plusieurs années, par suite d'une affection cérébrale; je n'y ai jamais dé- couvert aucune atrophie sensible ; mais je ne les ai, pas non plus trouvés plus volumineux.
Des tumeurs de diverse nature développées autour des nerfs peuvent les comprimer et en déterminer l'atrophie d'une manière toute mécanique. J'ai vu les nerfs pneumo-gastriques et diaphragmatiques ainsi comprimés et atrophiés par une tumeur cancéreuse formée autour d'eux. Il en était résulté une gène con- sidérable de la respiration , qui avait fait croire à l'existence d'une affection organique du cœur (i).
(i) Clinique Médicale ^ tome IV de la i" cdition , et tome I de la 2*. Une observation analogue à celle que j'ai rapportée dans la Clinique a été récemment recueillie à l'Iiùpital de la Pitié , dans le service de M. Serres, Je crois devoir la consigner ici, en engageant le lecteur à la rappruther de celle que j'ai déjà publiée.
Une femme, âgée de soixante-sept ans, éprouvait depuis un grand- nombre d'années, tous les symptômes propres aux affections du cœur. La maladie, survenue lentement, avait été précédée de douleurs d'abord par accès et peu vives, puis plus intenses et plus fréquentes , dans le thorax , douleur qu'elle di;<ait nsseulir dcnière le sternun» et à la base de la poi- trine ; successivement rapi)étit a diminué, en même temps que la respi- ration est devenue jiénible , «ît des palpitations se sont fait sentir.
Depuis deux mois qu'elle < bt soumise à notre examen , voici et* que nous avons observé : la respiration est courte, précipitée, le cœur est le siège de palpitations vives et par accès, le stéthoscope ne fournit pas de signe notable, ri l;j percussion donne un son clair. La face pré-^enle le caiaclère qu'on lui connaît dans les alTtctiuns du cœur. Les jugulaires offrent un
d'ANATOMIE PATHOLOGIQtK. 877
On a vu plusieurs fois les nerfs optiques déformes, atrophiés, réduits à une gaine membraneuse par di- verses productions accidentelles. M. Sanson , chirur- gien de l'Hôtei-Dieu , a récemment montré aux élèves qui suivent cet hôpital un cas de ce genre fort remar- quable. C'était un kyste osseux , gros comme une noix, implanté sur la selle turcique. Ce kyste reposait sur l'entrecroisement des nerfs optiques, dont on ne trouvait plus de trace; on ne retrouvait ces nerfs que dans la cavité orbitaire. L'individu qui présenta cette altération était atteint d'une cécité complète , que compliquait une violente céphalalgie. Cependant, de temps en temps, le malade recouvrait légèrement ta vue. Comment expliquer ce reste de vue avec l'état dans lequel furent trouvés les nerfs optiques? étaienl- iîs simplement atrophiés , sans être détruits complète- ment? étendus .en membrane «ur la périphérie du
gonflement sans battcmens , le pouls est petit. En outre, elle éprouve dans la poitrine , derrière le thorax et à la base, le long des attaches du dia- phragme , des douleurs vives, revenant par accès; elles forment pour la malade le symptôme principal ; l'oppression, quoique forte, n'est rien auprès de ces douleurs. Les deux membres supérieurs sont violacés et œdémateux , les inférieurs conservent leur volume normal. La voix est faible, mais elle n'est ni enrouée, ni sifflante.
L'appétit est presque nul , quelques onces d'alimens lui suffisent. Ce- pendant pas de douleur à la pression sur l'épigaslre; la douleur qu'elle y éprouve habituellement se confond avec celle qu'elle ressent à la base de la poitrine, car elle offre le même caractère d'intermittence. Il n'y a pas de vomisscmens , le peu qu'elle prend est digéré; la déglutition n'est pas généc. Cette femme est dans un état de marasme squelettique.
Tel est l'ensemble des phénomènes offerts pendant le cours de cette maladie, qui a été soupçonnée être un anévrysme de l'aorte, ou quelque tumeur développée dans le thorax, et comprimant les vaisseaux sous-cla- viers et les "nerfs contenus dans cette cavité. En effet, l'œdème borné aux membres' supérieurs et coïncidant avec des symptômes d'affection du eœur, indiquait bien que le tioubic dans la circulation du cœur n'était
87^ PlîÉGTS
kyste , comQie les nerfs qui entourent un sac ané- vrysnial, ont-ils échappé à l'investigatioii (1)?
On lit dans le Journal de physiologie de M. Ma- ^^/k/îV (janvier 1825), une observation de Béclard (2) , relative à un individu chez lequel les nerfs olfactifs avaient couiplctenient disparu , compriinés qu'ils avaient été par une masse tuberculeuse développée à la base de l'encéphale. 11 y avait en même temps alté- ration des nerfs optiques; ces nerfs paraissaient creux
que consécnllf à quelque lésion qui portait en même temps son influence sur les vaisseaux qui vont aux membres supérieurs, et l'espèce de nevralgit; des nerfs diaphraj^matiques confirmait celle opinion, qui n'a été émise qu'à la suite de longs tàtonnemens.
Ouverture du cadavre. Maigreur au plus haut degré ; les membres su- périeurs seuls sont infiltrés. Quelques ganglions lymphatiques indurés so rencontrent dans le tissu cellulaire du cou. La poitrine ouverte, on trjuv«î le médiastin antérieur , l'intervalle des bronches, les artères qui partent de la crosse de l'aorte , lés veines qui reviennent des membres supérieurs , entourés de masses squirrheuses encore à l'état cru, et comprimant les , vaisseaux qu'elles avoisinent. Ces masses également répandues sous la con- cavité de la crosse aoi tique , étaient plus nombreuses à gauche qu'à droite; mais ce qu'il y avait de plus remarquable dans leur disposition , c'est qu'elles enveloppaient les nerfs pneumo gastriques droit et gauche , celui- ci surtout, et le nerf diaphragmatique gauche, dans diflérens points de leur étendue. Ces nerfs étaient seulement entourés , comprimés; leur orga- uisation n'était nullement altérée; on pouvait, par la dissection, les dé- tacher entièrement, et alors ils paraissaient sains.
Les poumons n'oCTraient aucune altération , si ce n'est le droit, qui pré- sentait à son sommet une excavation non tuberculeuse , remplie par du sang livide , coagulé en partie.
Le cœur n'était ni hypertrophié, ni dilaté, mais la substance en était manifestement ramollie et d'un rouge livide. Les vaisseaux, tant artériels que veineux, qui passent sous les clavicules, étaient comprimés par ces tumeurs, qui gênaient ainsi la circulation.
Les organes digestifs n'ont présenté pour lésion qu'une diminution dans leur volume, sans altération notable de leur couleui et de leur consistance. { Lanccllc française , tom 1, n" 17.)
(i) Journal cUn'ufue des hôpitaux , tom. I , n" 89.
(2) Celte observation a été rédigée })ar M. Bérard aine, qui en a con- signe dans sa thèse les inlciessans détails.
d'aNATOMTE PiTHOLOGIOUK. (S'"^
à leur intéritMir, ce qui dépendait vraisemblaHemeut du raniollissement extrême de leur substance médul- laire ; leur commissure était également ramollie. Le malade était affecté depuis deux ans d'amaurose corn- piète , avec céphalalgie sus-orbitaire. Comme l'indi- vidu précédent, il recouvra une fois la vue , et aper- çut distinctement les objets qui l'entouraient ; mais ce retour de la vue ne fut que momentané. Comment se rendre compte de ce fait? comment, en présence en quelque sorte d'une lésion constante et aussi grave , la fonction peut-elle ainsi se rétablir d'une manière fugitive? Du reste, une autre circonstance fort im- portante de cette observation , c'est que, malgré l'ap- parence de destruction complète des nerfs olfactifs, le malade avait conservé l'odorat , comme les animaux chez lesquels M. Magendie coupe ces mêmes nerfs, en laissant intacte la cinquième paire.
Un autre cas d'atrophie d'un nerf, non moins re- marquable que les cas précédent, est celui qui a été publié par M. Billard (i); dans ce cas , l'atrophie ré- sidait dans le nerf facial, dont le tronc et plusieurs branches avaient complètement disparu au milieu d'une tumeur lardacée qui occupait la région paro- tidienne. Ce cas est d'autant plus digne d'attention que les phénomènes observés pendant la vie furent semblables à ceux qui ont été produits par Ch. Bell , sur les animaux, en coupant chez eux le nerf facial , c'est-à-dire , la conservation de la sensibilité et l'abo- lition de la molilité. L'intérêt de ce fait m'engage à le consigner ici avec détail.
(j; .irrhives de médecine, loin. VI, pag. ."î^J.
88o pRéeis
La femme BouHIé, âgée de soixante ans, d'une laille petite et d'une faible constitution, portait à la ré<Tionparotidienne du côté droit une tumeur abcédée depuis un mois , survenue sans cause connue , mais après de longues souffrances dans cette partie , lors- qu'elle entra le i*'. mai à l'hôpital d'Angers. Cette plaie n'offrit de remarquable que l'abondance et la fétidité du pus qui s'en écoulait. La mâchoire infé- rieure était libre, et la face avait son expression na- turelle. On appliqua des topiques émolliens sur la partie malade. A la fm de mai, la région parolidienne était déprimée , le pus coulait toujours en abondance, et on découvrait au fond de la plaie l'extrémité mas- toïdienne du muscle digastrique. La malade présenta en outre les symptômes évidens d'une phthisie pul- monaire , tels que toux continuelle , crachais puru- lens, fièvre hectique quotidienne, sueurs abondantes, marasme progressif, pectoriloquie à la partie supé- rieure du poumon gauche. Dans le cours du mois de juin , on vît s'accroître les symptômes de la phthisie. L'amaigrissement devint extrême , et la région paro- lidienne s'enfonçait davantage à mesure que le pus s'écoulait. Ce pus était toujours fétide, assez épais, et devenait moins abondant que d'abord. Le i". juil- let , l'état de la malade avait éprouvé des changemens notables. En effet , l'échancrure parotidienne était très-profonde ; la plaie se trouvait au milieu d'un en- foncement borné antérieurement par la branche de la mâchoire inférieure, et postérieurement par le bord du sterno-mastoïdien. Cette plaie avait un demi- pouce de long sur quatre lignes de large ; elle était allongée , ses bords renlrans durs et violacés , et le
î)*ANATOMIE PA'TIiOLCGIQrE. 88 1
fond était comble de fongosilés roui^es et saignantes, qui empêchaient alors de distinguer le ventre posté- rieur du muscle digastrique. Il s'écoulait une très- petite quantité de pus presqu'inodore. On soupçonna que la parotide avait fourni les matériaux de la sup- puration abondante qui venait d'avoir lieu, et que le vide de l'échancrare paroîidienne était le résultat de la désorganisation et de la disparition de cette glande. Pendant ce temps, l'aiTection pulmonaire faisait tou- jours des ravages , et minait insensiblement les forces de la malade. Pendant ce temps aussi, on s'apercevait que sa figure prenait une expression toute particulière ; le côté droit de la face était paralysé, les traits de ce côté n'avaient plus de mobilité. Cet état n'arriva pas tout-à-coup ; ce fut dans les derniers jours de juin qu'on le remarqua pour la première fois ; il devint progressivement plus marqué jusqu'au i". juillet , époque où la figure de la femme Bouille offrait l'ex- pression suivante :
i''. Le globe de l'œil du côté droit jouissait de toute sa mobilité , ainsi que la paupière supérieure ; mais la paupière inférieure était tombante et renversée en dehors ; la conjonctive qui la tapisse était devenue rouge et tuméfiée : cet œil était toujours larmoj'ant.
2^ Le nez était tiré à gauche; l'ouverture nasale du côté droit était rétrécie, tandis que celle du côté gauche se trouvait dilatée par la contraction libre des muscles de ce côté de la face.
o''. La bouche présentait surtout une déviation
remarquable. La conmiissure des lèvres du côté droit
était pendante et dirigée vers la partie inférieure de
la face , tandio que celle du côté gauche était tiraillée
Ll. 56
88 â PRÉCIS
en haut el à gauche; il en rcsuhait que le milieu de la bouche n'occupait plus la ligne médiane de la face , et que le grand diamètre de l'ouverture buccale était oblique de bas en haut et de gauche à droite. L'os maxillaire inférieur n'avait subi aucun déplacement ; la langue était aisément tirée en dehors , et ne se dé- viait ni à droite ni à gauche en sortant de la bouche.
Quand la malade parlait, quand elle riait, et sur- tout dans l'action de bâiller, sa physionomie prenait l'expression la plus bizarre ; la face était, du côté droit, immobile et morte , tandis que l'action musculaire du côté gauche, fort développée , donnait à cette partie de la face une mobilité remarquable. Dans l'action de parler , on voyait le buccinateur du côté malade s'enfler et se désenfler alternativement comme les parois d'un soufllet. Durant le sommeil , la paupière supérieure était abaissée sur l*teil , tandis que l'infé- rieure était toujours tombante et renversée. Lors- qu'on pinçait la peau du côté droit, on y déterminait de la douleur ; la sensibilité de cette partie du visage était même assez développée , pour que le tiraillement des emplâtres agglulinatifs qu'on employait au pan- sement de la plaie causât quelque douleur à la ma- lade. M. Billard tira parfois légèrement quelques poils qui ombrageaient la lèvre supérieure , tandis que la malade dormait : celle-ci s'éveillait en sursaut et lui adressait des reproches.
En considérant que la femme Bouille portait tou- jours du côté gauche de la bouche les alimens qu'elle voulait soumettre à la mastication, bien que le mou- vement de la mâchoire inférieure fut aussi libre du côté droit que du côté gauche, M. Billard pensa que
d'anatomie pathologique. 883
la contraction des niugcles masticateurs, voisins de la partie ulcérée , était douloureuse, et que c'était la raison pour laquelle la malade avait choisi le côté gauche pour la mastication.
Tel fut l'état de la malade pendant le mois de juillet , à la fin duquel la plaie était guérie. Les bords en étaient durs et semblables à ceux d'un ulcère scro- phuleux cicatrisé. Il existait entre la branche mon- tante de l'os maxilfaire et le bord antérieur dusterno- mastoïdien , un vide assez profond pour y loger le pouce. Malgré cette amélioration de la plaie, la ma- lade tombait dans le marasme ; elle toussait beaucoup et crachait du pus en abondance. Enfin elle succomba au progrès toujours croissant de sa phthisie, le 5o juillet 1824. Pendant ses derniers instans, la respi- ration était convulsive ; les deux yeux fort agités dans leurs orbites ; les muscles du côté gauche de la face se conti^actaient avec force, tandis que ceux du côté droit restaient dans l'immobilité. Ce défaut de con- cordance dans l'action musculaire, et le tiraillement convulsif de la bouche et des narines vers le côté gauche, donnaient à la figure de cette femme une expression effrayante.
L'ouverture du cadavre fut faite seize heures aF)rès la mort. — L'extérieur du cadavre n'était remar- quable que par une maigreur extrême.
Tête. — La substance cérébrale était saine , les veines de la périphérie de l'organe étaient très-en- gorgées, il y avait beaucoup de sérosité dans les ven- tricules. On coupa les origines des nerfs avec ména- gement.
Fiice. ( Région parotidienne du côté droit. ) — A.
56.
884 pnÉcis
l'exlériour, cette région présentait l'excaration indi- quée pins liant. La peau était très-adhérente aux parties sôiis-jacentes , les bords cicatrisés de la plaie étaient durs. La peau ayant été disséquée, on trouva l'échancrure parotidicnne vide, aucune portion de la parotide ne s'y montrait clans l'état naturel; mais à la partie moyenne du niasséter, ainsi qu'au niveau de l'angle de la mâchoire inférieure, on trouvait quel- ques vestiges endurcis de cette glande. Au fond de l'échancrure se voyaient Tarière carotide externe et les divisions qui en partent. Ces artères étaient envi- ronnées par quelques granulations rougeâlres, dures, squirrheuses , cl qui semblaient être des vestiges de la parotide. Le digastrique était encore assez recon- naissabîe ; mais les muscles aui s'attachent à l'apo- phvse styîoïde étaient confondus dans une masse lar- dacéCj de manière cju'il était impossible de les dis- tinguer entr'eux à leur inserlion styloïdienne. On trouvait non loin d'eux la veine jugulaire externe restée intacte, et située plus en dehors et plus en avant vers l'angle de la mâchoire inférieure. Derrière cette masse lardacée on trouvait dans l'état sain la veine jugulaire interne, le ganglion cervical supérieur du 2;rand sympathique et l'artère carotide interne ; le tissu cellulaire qui les environnait n'avait subi aucune altération.
En cherchant à découvrir le tronc de la septième paire et ses premières divisions, on trouva, i°. au sommet de l'échancrure parotidicnne , le rameau auriculaire postérieur; il rampait comme à l'ordinaire à la partie extérieure de l'apophyse mastoïdienne et derrière le pavillon de roroillc ; mais il ne fut pas
'i-
d'aNATOMIE PATHOLOGIOIE. 885
possible de trouver son point d'inseriion au tronc du nerf facial. Les autresdivisions de ce nerf, telles que celles qui vont au digastrique et aux muscles de l'a- popliyse styloïde , n'étaient plus reconnaissables. 2°. A rextréniité inférieure de l'échancrure paroti- dienne, on voyait le tronc du nerf spinal qui était interrompu au niveau du bord antérieur du stcrno- masloidien.
5". Au milieu des restes de la parotide , qui se ren- contraient au tiers inférieur de la face externe du masséter, on découvrit le tronc du nerf facial; son extrémité élait comme effilée, et adhérait immédia- lement au masséter. I! se divisait ensuite en deux branches, une inférieure et l'autre supérieure. Ces deux branches fournissaient les rameaux accoutumés, lesquels te rendaient sans interruption i* la région temporale, aux paupières, aux ailes du nez, aux muscles de la région malaire et de la fosse canine, ainsi qu'à l'orbiculaire des lèvres. Nul d'enlr'eux n'a- vait souffert d'altération, ils étaient d'une blancheur éclatante. Les muscles de la face n'étaient point atro- phiés. 4^. Les rameaux nerveux appartenant à la cin- quième paire, et sortant comme à l'ordinaire par le trou sous-orbitaire , formaient leur plexus accoutumé dans la fosse canine et présentaient un état d'intégrité aussi parfait que celui des rameaux du nerf facial, 5". M. Billard disséqua la portion dure de la septième paire à travers le rocher : elle se montra saine jusqu'à sa soi lie par le trou stylo-mastoïdien; là commençait son interruption, de sorte qu'il manquait au nerf facial une portion de son tronc d'une longueur égale à la largeur de l'échancrure paiotidieHue.
886 i PRÉCIS
Poitrine. — Le cœur et le poumon gaucT)e étaient sains ; mais le jDOumon droit était farci de tubercules r une caverne purulente communiquant avec les bron- ches, assez grande pour loger un œuf de pigeon, occupait le lobe supérieur. L' abdomen ne présenta rien de particulier.
CHAPITRE m. LÉSIONS DE SÉCRÉTION.
Au milieu d'un nerf hyperémié on trouve souvent divers produits de sécrétion morbide qui en séparent les filets, ou qui occupent leur place. Ces produits sont liquides ou solides. Les produits liquides sont du sang, de la sérosité ou du pus. L'infiltration sanguine des nerfs a déjà été indiquée dans l'un des précédens articles. L'infiltration séreuse des nerfs a été depuis long-temps signalée par Cotunni, qui a fait jouer un rôle important à cette infiltration dans la production des névralgies ; il l'a rencontrée dans le nerf scia- tique , à la sîiiLe de douleurs qui avaient leur siège dans ce nerf.
La suppuration des nerfs a été décrite par M. Mar- ^ tinet et par M. Gendrin. Ces deux médecins en ont 9 rapporté des cas observés sur des individus qui avaient offert de vives douleurs dans le trajet d'un gros nerf. Dans l'une des observations de M. Martinet, il n'y avait de pus que dan^ l'intérieur même du nerf (c'était le nerf sciatique). Dans un autre cas, une abondante suppuration existait autour du nerf (c'était
d'aNATOMIE PATlIOLOGlQUr. ^887
encore le scialique), et il n'y en avait qu'une petite quantité qui fût infiltrée entre les filets mêmes du cordon nerveux. On avait obsei'vé pendant la vie tous les symptômes d'une sciatique. Le malade était un enfant de douze ans.
On lit dans le Journal générai de médecine (i) un cas de suppuration du nerf optique. Ce nerf paraissait sain à l'extérieur ; mais intérieurement , depuis la com- missure jusqu'au globe de l'oeil, il était rempli d'une matière puriforme d'un blanc sale. L'individu sur le- quel ce fait a été recueilli était un homme âgé de quarante ans, qui mourut à l'Hôtel-Dieu d'une fièvre adynamique. Depuis six mois il avait perdu l'usage (le l'œil gauche; la cécité de ce côté s'était établie d'une manière lente ; il avait eu long-temps de violens maux de tète. L'œil paraissait sain ; l'iris jouissait de toute sa mobilité.
Les produits accidentels solides qu'on trouve dans les nerfs consistent en des tumeurs de forme , de grandeur et de texture variables , où l'on a retrouvé les caractères des diverses productions morbides dites cncéplialoïdes j, tuberculeuses ^ squlrrheuses ^ etc.
Il n'est guère de nerfs dans lesquels de semblables tumeurs n'ayent été observées. Nous allons en citer un certain nombre d'exemples, qui en feront res- sortir les principales variétés.
D'abord l'on a trouvé sur le trajet des différens nerfs des membres des tumeurs dont le volume va- riait depuis celui d'un grain de millet jusqu'à celui d'une orange, et même plus. Ces lumeurs sont dures
(0 loin. L, Cbsit'vjiit'H de M. G.dLneux.
I.
8S8 PRÉCIS
ot Irès-douloureuses , surtout lorsqu'on les lirailîc clans le sens du trajet même du nerf. Examinées après la mort , on les trouve composées d'une substance dure , semblable à du squirrhe ou à du cartilage ; du reste, ce n'est point le tissu même du nerf qui est transformé en cetle substance; ses filets sont écartés les uns des autres , et répandus autour d'elle comme des rubans. D'autres tumeurs sont essentiellement formées par un amas de petits kystes qui renferment une malière semblable à de la gelée ; d'autres sont constituées par un kyste unîqiie et plus volumineux, qui contient une matière variable , et dont les parois ont une texture fibreuse ou cartilagineuse. Un seul nerf peut offrir dans son trajet plusieurs tumeurs sem- blables, qui ressemblent alors à des ganglions. Un cas de ce genre a été vu par M. Dupuytren. Ayant enlevé une petite tumeur cancéreuse dont la ja?ijbe était le siège, il vit que cette tumeur n'occupait que le nerf tibial postérieur , qui présentait une série de nodo<^ités semblables à des grains de raisin.
La plupart des nerfs des membres ont présen'é ilo.i> linueurs du genre de celles dont il vient d'être ques- tion. M. Dupuytren en a trouvé une , de la grosseur d'une noix, située dans la fosse canine , et qui avait son siège dans le nerf sous-orbitaire. Il a vu dans un autre cas le nerf trifacial transformé en matière en- cépbaloïde. D'autres observateurs ont également vu des tumeurs squirrhcuses développées dans ce même nerf trifacial , et jusque dans le ganglion spliéno- palatin (i^\
d'aNATOMIE PATnOLOGIQDEr 889
Chez nn homme , privé de la vue du côté gauclie depuis deux mois, on trouva au milieu du nert opti- que un petit tubercule d'une consistance assez dure , d'une couleur grisâtre et un peu plus gros qu'un grain de chenevis (i).
M. Bérard aîné a vu un Cc'^s dans lequel le nerf diaphragmatique droit semblait interrompu dans sa continuité par un tubercule noirâtre, de la grosseur d'un petit pois et d'une dureté squirrheuse. En dis- séquant cette petite tumeur, on apercevait quelques stries blanchâtres, qui semblaient continuer la subs- tance médullaire du nerf à travers le tubercule ; mais cette continuité n'était pas évidente. I/individu avait présenté les symptômes de l'asthme , et l'ouverture du cadavre ne fit reconnaître dans le poumon d'autre lésion qu'un léger emphysème (2).
Chez un individu atteint d'éléphanliasis , le profes- seur INœgèle trouva dans la disposition suivante le nerf tibial du membre aflecté. Ce nerf, plus volumi- neux que de coutume, augmentait de diamètre dans sa partie inférieure. 11 présentait tant à sa surface que dans son intérieur des nodosités de forme ronde ou ovale. Ces nodosités étaient autant de petits kystes que remplissait un liquide clair et limpide en cer- tains points, épais et trouble en d'autres points. Des fdets nerveux aboutissaient aux parties supérieure et inférieure de chaque renflement ; d'autres l'entou- raient; mais à l'intérieur du nœud, toute apparence de substance nerveuse disparaissait (3).
(i) Journal i;cntral de médecine , toni. L.
(r>.) Df'scut , Oper. cit. , pag. 128.
(r^) Archives de Mi'd.c /ir , tini. XI I î , [og. /(ô:.
890 rancis
Il se développe quelquefois dans le tissu cellulaiio .sous-culané de petites tumeurs obrondes , lenticu- laires ou aplaties , d'une grande dureté, qu'on a mal- à-propos confondues , sous le rapport de leur nature , avec les tumeurs que nous venons de décrire ; elles s'en rapprochent à la vérité par les douleurs vives dont elles sont ordinairement le siège ; mais elles s'en éloignent complètement par leur nature. Si en eÛfel; on les dissèque, on voit qu'elles ne sont développées dans l'épaisseur d'aucun nerf; seulement quelques filets nerveux peuvent leur être accolés. Elles sont composées d'un tissu fibro-celluleux ou fibro-cartila- gineux ; d'autres fois on n'y distingue aucune trace d'organisation; elles ressemblent à la matière homo- gène, connue sous le nom de sqiiirrlie. Elles sont constamment entourées d'une enveloppe cellulo- fibreuse , dense , opaque , qui exerce sur elles une compression plus ou moins forte , et peut concourir à la production des vives douleurs dont elles sont le siège , en produisant une sorte d'étranglement ana- logue à celui que détermine une aponévrose étendue sur des parties qui se tuméfient. Le volume de ces tumeurs varie depuis celui d'un grain de blé jusqu'à celui d'une fève de marais. M. Dupuytren , qui, l'un des premiers, a distingué ces tumeurs de celles qui se sont formées aux dépens mêmes d'un nerf, et qui méritent seules le nom de névrômes ^ les a vues non seulement sous la peau, mais encore dans d'autres parties : ainsi il en a souvent rencontré de semblables dans les mamelles , où elles étaient la cause d'in- supportables douleurs (i).
(1) Consultez sur ces tumeurs une bonne thèse, soulenue h îa Faciale
\
1
d'anatomik patoologiqle. ^gi
Est-ce de ces inmenrs ou d'un véritable névrôme qu'il faut rapprocher Je cas suivant, dont on doit la connaissance à Béclard? Un élève en médecine fut pris d'un accès d'arthritis au gros orteil , quelque temps après avoir couché dans un lieu très-humide. Bientôt on vit apparaître sous la peau qui recouvre la veine saphène interne et le nerf du même nom, une tumeur dure , grosse comme un grain de blé , et qui , toutes les fois qu'elle était touchée, occasionait une douleur semblable à un choc électrique , qui s'éten- dait sur le pied et vers la Jambe. Ce jeune homme changea d'habitation , et la tumeur disparut ainsi que la douleur.
de Médecine, en janvier 1S28, par M. Jaumes, intitulée : Dissertation sur une espèce de tumeur squirrlicu^e enhyslèe , attribuée mal-à-propos à une çffcciion des nerfs.
i^C)2 ^ Pr.KClS
SECTION TROISIEME.
MALADIES DU NERF SYMPATHIQUE.
Peu de lésions, appréciables par l'anatoniie , ont éce jusqu'à présent constatées dans le système ner- veux ganglionnaire ; j'ai souvent examiné ce système avec soin chez des individus morts de maladies di- verses; je n'y ai rencontré que deux fois une altéra- tion ; c'était une vive rouircur des 2;an2;lions semi- lunaires. 11 y avait eu pendant la vie des symptômes dits aiaxiqucs j, et dans l'un de ces deux cas la mort avait eu lieu au milieu d'un él^at de roideur tétani- que (i). Ce qu'on sait sur l'anatomie pathologique de ce système se réduit à ce qui suit.
M. Lobstein (2) a trouvé dans deux cas les gan- glions semi-lunaires fortement colorés en rouge. L'un de ces cas lui a été offert par une jeune femme qui r.vail eu pendant plusieurs mois de conliiiuels vomis- semens. jj'eslomac fut trouvé sain ainsi crue les in- testins. Les izaniîlions semi-lnnaires étaient d'un rouî^e intense. L'autre cas observé par M. Lobstein a été recueilli chez une jeune fdle de six ans morte pendant le cours d'une coqueluche , avec des vomissemens e^t
(1) Ce» faits soni consif^.u'.s dans la Clinique Môdicalc.
(?.) ÏM nervi syyvpailiclici fabricà , ush cl morûis , aial. J. F. Lobslcin ,
d'aNATOMIE rATIîOLOGIQUE. Sç)'')
des iiiouveLuens convulsifs; ia moitié droite du plexus solaire était très-rouge.
Le docteur Aronssohn (i) a trouvé les ganglions semi- lunaires vivement injectés chez un homme mort du tétanos. 11 les a rencontrés dans le même état chez un individu mort au bout de trois ans de vomisse mens et de diarrhée.
En examinant le cadavre d'un enfant de dix ans^ mort à la suite de la disparition d'un exanthème mi- liaire, au milieu d'un grand état de dyspnée , M. Lobs-^ tein a constaté un état inflammatoire des neuvième et dixième ganglions thoraciques. Malheureusement il ne décrit pas ce qu'il appelle un état inflammatoire (2). Sur le cœur d'une femme phthisique , M. Lobslein a vu un des principaux nerfs cardiaques rouge, tu- méfié et ramolli.
Dans les cas qui viennent d'être cilés , la lésion consiste surtout dans une hyperémie des ganglions ou des nerfs qui en partent. Il est d'autres cas où l'on a constaté l'existence d'un état d'hypcrlropJiie de ces parties. Ainsi M. Lobstein dit s'être assuré que les nerfs qui constituent le plexus surrénal étaient beau- coup plus volumineux que de coutume, chez un in- dividu dont les capsules surrénales avaient elles- mêmes acquis un volume insolite ; ces capsules étaient en même temps tuberculeuses (5).
{i) Denervi syutpailicilci fabricâ, usti ,et morbis , auct. J. F. Lobstein ^
pag. i47-
(2) Ibicl. , pag. i53.
(5) Traité d'Jnat. paihoL Le tome I*" de cet ouvrage a paru pendant l'impression des dernières ieuilles du mien ; je regrelle beaucoup qu'il n'ait pas été publié plus tôt, je n'aurais pas manqué de profiter des l'ait» pleins d'intérêt qui y sont consignés.
894 PRÉCIS
Le docteur A. Duncan (1) a cité un cas de diabètes dans lequel il lui a paru évident que le nerf syuapa- tbique avait trois ou quatre fois son volume ordinaire depuis son entrée dans l'abdomen jusqu'à sa termi- naison vers le bassin.
Sur un cadavre de crétin ,, dont les nerfs de la vie animale présentaient une disposition fort remar- quable que j'ai précédemment indiquée , le doc- leur SchifTner (2) trouva que les ganglions du grand sympathique , situés le long de la colonne vertébrale , étaient d'un volume beaucoup plus grand que de coutume. Au niveau de la sixième vertèbre, le nerf sympathique du côté gauche avait un ganglion de la grosseur d'un œuf de poule comprimé.
Dans une thèse sur l'idiotisme, soutenue en 1819, M. Cayre avait déjà parlé de l'excès de développement que lui présenta le système ganglionnaire chez un idiot de naissance. Les ganglions cervicaux avaient un vo- lume trois fois plus grand que de coutume; ceux du thorax étaient aussi plus gros que dans l'état sain : il en était de même des ganglions semi-lunaires (5),
Enfin un état d'hypertrophie d'un des ganglions cervicaux, à-peu-près semblable à celui signalé par Schiffner, vient d'être représenté par M. Gruveilhier dans une de ses belles planches d'anatomie patholo- gique (4). Les ganglions cervicaux , beaucoup plus
(1) Reports oftlie practice in the cUnical wrards of infirmery of Ediirx' Lur^ , 1S18.
(:>) Archives de Médecine, toni. II.
(5) Belliomme , Essai sur l'idiciie ( Tlièscs de i8i4-)
(i) Planches d'anatomie patho'o^itfue , cic, , par CruveUIiicr , iii-fulio, 1"" iiviaisan. Cet ouvraf^c surpasse de beaucoup, par la beauté des des- tins, tout ce qui a été fait jusqu'à piOscnt en aualoiuie pathologique; il
d'aNATOMIE PATilOLOGIQUE. SqS
tléveloppés que de coutume, représentaient de volu- mineuses tumeurs , qui furent prises d'abord pour des ganglions lymphatiques malades. Ils paraissaient n'être plus constitués que par du tissu fibreux. Ainsi, dans ce cas , les divers élémens anatomiques des gan- glions ne présentaient pas tous un excès de nutrition ; c'était surtout leur tissu cellulo-ûbreux qui s'était développé , tandis que la substance nerveuse s'était plutôt atrophiée. Il est à regretter que dans ce cas l'on n'ait eu aucun renseignement sur les symptômes.
remplit une grande lacune de notre littérature médicale, et nous n'aurons j'ius rien à envier en ce genre à l'Angleterre et à l'Allemagne. '
FIN DU SECOND ET DERNIER VOLUME.
Sg6 TABLE
TABLE
DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LES PREMIÈRE ET DEUXIÈME PARTIES
DU SECOND VOLUME.
DEUXIÈME PARTIE.
Analomle patlio logique spéciale.
Appareil Digestif.
APPAREIL DIGESTIF Pjr. i
SECTION PREMIÈRE.
Maladies de la portion sous-diaphragiuallque da lube digeslif. a
CHAPITRE PREMIER.
Du lubc digeslif dans Vélat sain . 4
CHAPITRE II.
Du lubc digestif ffotisidéré dans l'étal de maladie 53
Aux. I. Lc''slon de circulation 55
^. I. Hyperémie du tube digtslif ib.
§. 11. Anémie du tube digeslif l\^
/
DES MATIÈRES. 897
Art. II. Lésions de tmtiition. . . . . . . . , 4^
§. I. Hypertrophie dn tube digestif.' .... ib.
A. Hypertrophie de la membrane muqueuse. 4?
B. Hypertrophie des tissus subjaccns à la mem-
brane muqueuse. . ...... 58
§. n. Atrophie du tube digestif 74
§. iïl. Ramollissement du tube digestif 76
I. Du ramollissement isolé de la membrane
muqueuse 77
n. Ramollissement de toutes les tuniques des
parois gastro-intestinales 85
'S. IV. Ulcérations du tube digestif. ..... 90
§. V. Perforations du tube digestif io4
§. VI. Ghangemens de capacité du tube digestif,
consécutifs à diverses lésions de nutrition. 118
§.VII. Lésions congénitales de nutrition. . . . i5i
A. Vices de configuration. ■ |i35
B. Vices de dimension i54
C. Vices de situation 109
D. Occlusion des ouvertures naturelles . et
communication contre nature des intes- tin? 145
Art. m. LésioHS de sécrétion i45
§. L Produits de sécrétion morbide sus-muqueusc!, ib.
A. Produits de la sécrétion normale augmentée
en quantité ib.
B. Produits nouveaux i5o
§. II. Sécrétions morbides sous-muqueuses. . . 171
Art. IV. Entozoaires du tube digestif 18
o
I. Ascaride lombricoïde. ....... ib»
II. TricGcéphale. . 184
ni.Oïyure. . i85
IV.Tœnia 18G
Art. V. État du tube digestif dans les diiTérens cas où il y a eu pendant la vie Ir ouMe de ses
fonctions. 188
II. 57
S.gS TABLE
§. I. Ktat du tube digestif dans les divers désor- dres fonctionnels de cet organe. . . . 190 §. il. État du tube digestif dans les fifcvres. . . 211 §. III. Étak du tube digestif dans les maladies des
differens organes 2 20
SECTION IL
Maladies de la portion sus-diaphragmatique de l'appareil
digestif 229
• CHAPITRE PREMIER.
Lésions acquises de la portion sus-diaphragmatique du tube
digestif. 202
Abt. I. Lésions de la bouche et du pharynx. . . ib.
Art. II. Lésion de l'œsophage 244
CHAPITRE IL
Léti'ions congénitales de la portion suS-diaphragmatique du
tube digestif 248
Appareil Circulatoire.
APPAREIL CIRCULATOIRE. . . : v . . . . . . 276
SECTION PREMIÈRE.
Maladies du cœur ib.
CHAPITRE PREMIER. Lésions de circulation 276
CHAPITRE H.
Lésions de nutrition 28 îi
Art. 1. Lésions de nulrilion qui sopposent à la libre
circulation du sang dans le cœur. . . . ib.
DEJ^ MATTKRES. 899
A. Obstacles dans les orifice? du cœur. . . aqtî
U. Ohslacies dans les artères 204
C. Obstacles dans les réseaux capillaires. . , ib. Akt. II. Lésions de nutrition qui ne changent pas les
dimensions du cœur 908
§. I. Induration » j, . . 200
§. II. Ramollissement, ...*..*.. ih,
§. III. Solutions de continuité 3o3
CHAPITRE m.
Lésions congénitales de nutrition . 3oq
§. I. Absence du cœur, ou acàrdie 3io
§. II. Développement incomplet ou irrégulier du
cœur. ( Atélocardie. j 3ii
§. III. Excès de développement du cœur. . . **. oi5
§. III. Vices de direction du cœur 014
§. IV. Changement de situation du cœur. (Ectopie
du cœur 3 1 5
CHAPITRE ÏV,
Lésions de sécrétion 016
Art. I. Lésions de Texhalation graisseuse du cœur. 017 Art. II. Lésions de l'exhalation perspiratoire du
cœur 5i8
§. I. Lésions de l'exhalation perspiratoire dans le
parenchyme du cœur 519
§. II. Lésions de l'exha'ation perspiratoire dans les
cavités du cœur 202
CHAPITRE V.
Lésions du sang contenu dans les cavités du ( œur. . . . 553
CHAPITRE VI.
/
\
Lésions de l'innervation du cœur. . . . . . . . . . 545
57.
90 o TxVTîlî:
SECTION IL
Maladies dos artères 55 o
CHAPITRE PREMIER. Lésions de circulation iO.
CHAPITRE II.
Lésions de nutrition 550
T. Agrandisseaicnt du calibre des artères. . 56o
II. Rétrécissement des artères. . . . . . 067
m. Oblitération des artères. ...... Sjîî
CHAPITRE III. Lésions congénitales de nutrition. ......... 076
CHAPITRE IV. Lésions de sécrétion 078
CHAPITRE V.
Lésions do l'innervation des artères. , 089
SECTION III.
Maladies des veines 092
CHAPITRE PREMIER.
Lésions de circulation 094
CHAPITRE H.
Lésions de nutrition. . 095
CHAPITRE IIL ï^'sions de sécrétion .... 4')^
D!-S MATIERES. C)0 1
SECTION IV.
Maladies (le la raie. .... ....o .... 4 16
CHAPITRE PREMIER
*
Maladie» de la raie ayant leur siège dans la inalière qui rem- plit les cellule? 420
Art. î. Changement de consistance de la raie. . ib
Art. II. Changement de voluni*^ 4^2
AiiT, lU. Changemens de couleur 4^4
Art. IV. Productions nouvelles. '. 4 '^8
CHAPITRE H. '
Maladies de la rate ayant leur siège dans son lissu fibrcuï. . 4-^5
CHAPITRE m.
Causes et nature des altérations de la rate . ^ô\
SECTION M..a,un..
Maladies de l'appareil de la circulatiou de la lymphe. . . 45S
CHAPITRE PREMIEH.
Levions des vaisseaux lymphatiques ! .... 409
H .T,-?/
CHAPITRE if. Lésions de la lymphe . . . 4^0
CHAPITRE lij. ■ '"'"''
Lésions des ganglions lyniph jTKjues . 446-
^ Appareil FiCspiratoire.
APPAREIL ÎU:^PniAT01UE. /^^,
902 TABLE
SECTION PREMIÈRE.
Maladies des conduits aérifères 4^4.
CHAPITRE PREMIER.
Lésioris de la membrane muqueuse iO,
Art. I. Lisions de circulation 465
Akt. il Lésions de nutrition 469
Akt. llj. Lésions (i. sécrétion 4?^
CHAPITRE II. Lésions des tissus subjacens h la membrane muqueuse. . . /\i)0
CHAPITRE Hl. Changemens de dimension des conduits aérifères 49^
SECTION II.
Maladies du parenchyme pulmonaire 5o2
CHAPITRE PREMIER.
Lésions de circulation 5o4
Art. I. Hypercmie du poumon ib.
Art. II. Anémie du poumon, i 5 1 2
é
CHAPITRE II.
Lésions de nutrition 5io
Art. I. Hypertrophie du poumon 5i4
Art. h. Atrophie du poumon 62^4.
CHAPITRE IH.
Lésions de sécrétion 628
§. I. Sécrétion de pus. . . . . . . . . 53 1
§. 11. Sécrétion tuberculeuse 55^
Di:S MATIERES. Ç)OJ
CHAPITRE IV. Lésions de l'innervation. . , 553
SECTION IIL
Corps thyroïde. 56 1
Appareils des Sécrétions.
APPAREILS DES SÉGRÉTIOAS. ........ 665
SECTION PREMIÈRE.
Maladies des appareils spéciaux de sécrétion perspiratoire.
(Tissu cellulaire et membranes séreuses.) 568
■' - • <
CHAPITRE PREMIER. Lésions du tissu sécréteur 669
CHAPITRE H. Lésions du liquide sécrété SyS
SECTION II.
Maladies des appareils de sécrétion glandulaire 682
CHAPITRE PREMIER.
Maladies du foie et de ses annexes 585
Art. I. Maladies du parenchyme du foie ib.'
§. 1. Lésions de circulation. ... ... 587
S. II. Lésions de nutrition 5yi
5. III. Lésions de sécrétion 5<)6
Aur. II. Maladies des voies d'excrétion de la bile. . 607
Arx. IIL AUéralions de la bile 6 n
904 TABLE
CHAPITRE IL
Maladies de l'appareil uiiriairc 617
Art. 1. Maladies des reins, 618
§. I. Lésions de circulation. . . • , . , ib.
§. IL Lésions de nutrition. 621
§. IIL Lésions de sécrétion 602
Art. il Maladies des voies d'excrétion de l'urine. . 64© §. L Maladies des calices , du bassinet et des ure- tères. 64 1'
§. IL Maladies de la vessie. 645^
A. Lésions de circulation.^]. 644
B. Lésions de nutrition 645
G. Lésions de sécrétion 662
§. III. Maladies de l'urèthre 653,
§. IV. Altérations de l'urine 655
A. Altération de l'urine, par changement de
proportion de ses principes conslituans. . 656'.
B. Altération de l'urine par addition de nou-
veaux principes , qu'on retrouve dans 1g
sang 669
G. Altération de l'urine par addition de nou- veaux principes tpi'on ne retrouve pas dans
le sang 662
Appareil de la Génération.
Al'PAUEIL DE LA GÉNÉrxATION 606
SECTIOIN PrxEMIÈRE.
Maladies des organes génitaux de 1 homme 6G7
SECTION II.
Maladies des organes génitaux de la femme 6;S
DES MATIERES. , 903
CHAPITRE PREMIER. IVIaladies de Tutérus G78
CHAPITRE II. Maladies des trompes 698
CHAPITRE m. Maladies des ovaires 700
CHAPITRE IV. Maladies des mamelles . 718
CHAPITRE V. Maladies du produit de la conception 700
Appareil de rinnervation.
APPAREIL DE L'INNERVATION. 744
SECTION PREMIÈRE.
Maladies des centres nerveux de la vie de relation. . . . 746
CHAPITRE PREMIER.
Lésions de circulation ib.
Art. ï. Hyperémie • . • 7 . . ih.
§. I. Hyperémie au premier degré , ou sans épan-
chement de sang 747
§. II. Hyperémie au second degré , ou avec épan-
chement de sang. . . . . . . . 767
Art. IT. Anémie 769
CHAPITRE H.
Lésions de nutrition yyi
Art. I. Hypertrophie des centres nerveux. . . . 774
Art. h. Atrophie des centres nerveux 780
Art. III. Ram€rllisscment des centres nerveux. . . 796
906 TABtE DES MATfÈP.ES.
Art. IV. Induration des centres nerveuT. . . . 808 Art. V. Ulcération des centres nerveux 8i4
CEIAPITRE III.
Lésions de sécrétion 816
Art. I. Exhalation de sérosité dans les centres ner- veux ou autour d'eux 818
Art. II. Sécrétion purulente 854
Art. III. Sécrétion tuberculeuse 809
Art. IV. Productionè squirrheuse et encéplialoïde. . 844
Art. V. Productions graisseuses 84<3
Aut. VI. Productions fibreuses, cartilagineuses et os- seuses 848
Art. VII. Entozoaires . , .' 849
SECTION ]I.
Maladies des nerfs de la vie de relation 862
CHAPITRE PREMIER; Lésions de circulation. . . . -. 854
CHAPITRE II.
Lésions de nutrition 867
Art. I. Hypertrophie. . ib.
Art. II. Atrophie. ... . . . . . , . . . 870
CHAPITRE m. Lésions de sécrétion é 8SG
SECTION III.
Maladies du nerf grand sympathique. . ; 892
FIN DE LA TABLE.
Imprimerie do GUEFFIER, rue Rlazarine, n° 25.
FAUTES A COnRIGER.
TOMB I^"".
Page 1 10, ligne 18 , à deux cerveaux. El à, etc. , lisez : à deux cerveaux et à , etc.
Ibid. s ligne 21, des cerveaux, on ne, etc., W&ez des cerveaux; on ne, etc.
Page xii, ligne 2, au lieu d'évacuation, lisez évolution.
Page 112 , ligne 10, enlevez la virgule entre les mots cérébrales posté- rieures.
Page i38, ligne 12, vertébrés, lisez terfcirc^.
Page 4^1 ligne 11 , au lieu de sur six cas , lisez sur soixante-six cas.
Page 538, ligne 19, supprimez la phrase commençant par le même observateur y etc. , qui est une répétition de- la phrase précédente.
TOME II.
Page 33, </«66, Visqz tube^
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BOSTON PUBLIC LIBRARY
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