Aa RAA Anne ANA A le} fi PAR VE f2 y ‘A DP;A4e SAN ARE a An TT 1AÂA RAR AA. A LT, AA Ma AR 2? PALAU eitii CE A Ven MEUTL OO [ LU “AE FR YEN \ 0 uR % rte : MAREN MY Fé $ Ÿ sd 7,5 . LA 2 VE MODE , ” KA A - 7 : PE 2 . CRE — EVT A | 1 ” . 2 = Dee LAVPEr TA 2 A ” . LAPS ë EYE PC es: ARS 7 CCR 9 2 Ÿ pe FLE Ê 2 À y” SEUSS ce ” LAERE - 2 - RAR A F Vie c 4 ef VE ut . LU ER 4 hd” ; SITÉE * À SU PV ve Et w? 45 er. > J 2 he ae AAA L- + si ” È à OPA PASS WE =ÿ ME RS AVENUE : AT : NY fi, AN. | TM At Né UVET 3 ss ae Near TE à ni Ms se Wu - | PE BE LE LAIT MES Far #3 PR PAPPCARRONRES teses me En REN LLMERE L ‘mr, re 5 AA i RAA ET La 5 _e ; l > «: PA ROERTE ÿE LUE re Es ‘ 7. à f Sidi LA CA ANT ns | . ; . JAVA LUE LES 2{ AX si 5 PT AS A | ñ 4, F4 > ! 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TRAVAUX L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS DE ROUEN, Dspuis sa fondation en 1744 jusqu’à l’époque de sa restauration , le 29 juin 1805. PRÉCÉDÉ DE L'HISTOIRE DE L'ACADÉMIE, per RATER SRE UT Faures à corriger dans le deuxième Volume. Pages. S 28 68 84 91 124 136 140 164 214 220 Zbid, Lignes, so. 34 ... 14 re 019 eleve 5 2 5 2 6 RÉCENT à 5 Poe nt2t + 30 ... 16 co... SI ose 10 Au-lieu de : CUT MNT polypieds. ... DÉSETVE de 0.8 æquO se... proderer..... foyers... terrière....s COMPOSÉS, « « » » CL AE LIEC tODeossoesse clarios...... aperilissvere Lisez : un, polypiers, réservée, æque, procurer, foyer. tarriére, comparés, sans, on. clarior, aperiris PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES BELLES. LETTRES ET DES ARTS DE ROUEN, Drpvis sa fondation en 1744 jusqu’à l’époque de sa restauration, le 29 juin 1803 ; PRÉCÉDÉ DE L'HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ; Par M. GOSSEAUME, D.-M., Meupre ET AncnivistTe DE L'AcADÉMiss AT TT TOME SECOND. 1751 à 1760. A A ROUEN, DE L’IMPRIMERIE DEP; PERIAUX, IMPRIMEUR pu Roï ET DE L'ACADÉMIE, 221 1816. | Fe out me, MR té du # Monts Fe #40 CRUE N À LE AOL “A Dr 0253 PONLX ic ur Ce ab me OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Mt du premier volume du Précis analytique des travaux de l'Académie , depuis son établissement en 1744 jusqu'à 17950 inclu- sivement , n’a pas été plutôt terminée que je me suis occupé à préparer les matériaux du se- cond volume, J'ai suivi dans la distribution des divers articles qui le composent le même ordre que j'avais établi dans la rédaction du premier. Je place en tête un exposé des événements remarquables et relatifs à l'Académie , qui ont eu lieu de 1751 à 1760 inclusivement ; ce qui me donne l’occasion de faire connaître l'esprit qui anima cette Compagnie, et les Sciences qu'elle cultiva spécialement durant cet espace de dix années. Je donne ensuite le Catalogue exact de tous les Mémoires présentés et lus dans les Séances par- (6) ticulières pendant le même intervalle de temps ; Catalogue qui, comparé à l'effectif de nos Mé- moires , fait connaître le nombre considérable de ceux que nous avons à regretter. Ce Catalogue est suivi de l'extrait des procès à verbaux des Séances publiques ; extrait qui se compose , 1° de l'indication des Mémoires dont la lecture a occupé ces assemblées solennelles ; 2° de l’annonce du sujet des prix à décerner à la Séance publique de lannée suivante, et de la proclamation de l’auteur qui a mérité le prix dans le concours de l’année présente ; 3° dunom des élèves studieux qui ont mérité des couron- nes dans les diverses écoles nées dans le sein de l'Académie. Viennent enfin les extraits des Mémoires eux- mêmes , extraits qui constituent le fonds de l’ou- vrage , et qui se partage naturellement en deux grandes sections : les Sciences et les Belles- Lettres ; les Arts , suivant qu’ils sont méca- niques ou libéraux, suivent la même classifica= ton. Les Poésies , s’il y a lieu , et les Eloges des Académiciens décédés , formeront un appendix à La section des Belles-Letires. Les premires Ey® s'y rangent naturellement. Les seconds pourraient se partager entre les Sciences et les Belles- Lettres , suivant le genre des travaux de l’Aca- démicien qui en est l'objet; mais la nature de cette espèce de composition, essentiellement oratoire , me paraît la placer invariablement dans le domaine des Belles-Lettres, à Ras. Ps Lee jee à def co 17 5 Le Fo. Al jé (Ha 1 « 4 SUITE DE L'HISTOIRE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS DE ROUEN, n P \ ey CAR. À EVE Ra MA nt As ne PR x AAA Ne ER ds DE LADA 1 k J Te M 1 17 MR Aer er AE Ve OA LAURE N N Rs t Le \ na VU r1N7 7 ORTr CPAM UC DM» (Ya w LA ee à 0 AL CE. | 4 -} 6 L SUITE DE LHISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , DES BELLES:LETTRES ET DES ARTS DE ROUEN: me (fe Événements remarquables qui la concernent AR À re jusqu'ici avait é'é une science à-pens près inconnue dans l'Académie ; aucun de ses mem“ bres résidants ne cultivait, avec des talents distin= gués , cette science sublime qui metle ciel én rapport avec nous, et nous fait connaître la marche et la dis- tance de cette multitude de corps lumineux qui pla- nent sur nos têtes et se balancent dans l'espace avec autant de régularité que de majesté. C'est à M. Pingré, chanoine regulier de la congrés T'onie IL, - A +3 _ (4) gation de France, que nous sommes redevables de ce nouveau bienfait ; et voici quelle en fut l'eccasion : nouvellement agrégé à cetre Société laborieuse et distinguée , il y avait apporté ure imagination vive et ardente qu’il était essentiel de bien diriger ; et on était encore dans des circonstances délicates où une tête un peu exaltée pouvait compromettre une con grégation entière. Je veux parler des matières du temps, controverse malheureuse à laquelle toutes les conditions de l’État prirent part, qui , des écoles thcolo- giques,-passa dans les cloïtres, troubla la paix de ces pieuses solitudes, et fit de la France entière une vaste arène où les passions combattirent avec fureur. IL eût été bien hasardeux de laisser au centre même de ce tourbillon un jeune homme plein d'esprit et de vivacité, incapable par conséquent de rester in- différent à cette lutte universelle, ét certain de figurer avec éclat dans le parti qu’il se füt proposé de dé- fendre. TS M. Pingré fut donc envoyé à Rouen, où il trouva des confrères de mérite ; et , cherchant à occuper utilement et conformément à ses goûts, on tui inspira le désir de se livrer sérieusement à l'étude de l'As- tronomie (1). Il demeura quelque témps au Mont-aux-Malades , a (1) IL existait alors à Mouen et au Mont-aux - Malades, qui n’en est presqu'’un faubourg, trois Prieurés de la con- grégation de France : celui de Saint-Lo, celui du Lieu-de- Santé et celui du Mont-aux-Malades, Le nom de M. Bouin, ancien Prieur de Saint-Lo, rappellera toujours l’heureux as- seinblage des talents et des vertus. Le Catalogue raisonné de Ja bibliothèque du Lieu-de-Santé , manuscrit précieux eon- servé dans la bibliothèque publique de cette ville, prouve, dans sou auteur, M. Marie, une érudition peu commune; et, si (5) retraite paisible, parfaitement bien située pour ce genre d'etude, et correspondit avec MM. ses con frères de Saint-Lo et du Lieu-de-Santé. Un obser- vatoire fut construit au Prieuré de Saint-Lo, et on y placa de bons instruments. M. Bouin, Associé de l'Académie en 1744, s'eugagea dans la méme car- rière, la parcourut avec honneur, et en inspira le goût à M, Dulague (1), qui bientôt devint son col- laborateur. Ce dernier fut payculenien: agrégé à l'A- cadémie dans la même année 1754. Nos séances académiques s LRU Ces ainsi d'ob- servations astronomiques nombreuses. Il est aisé de s’en convaincre en considérant que de deux cent quarante-six Mémoires relatifs aux sciences, et lus à nos séances pendant les dix années dont ce vo- lume expose les travaux, trente-cinq sont relatifs à l'Astronomie; c’est un septième à-peu-près, et, sur ce vombre , vingt-deux sont de M. Pingré (2). Appelé à Paris, ce savant estimable y prit un essor je ne craignais de blesser la modestie des Membres de cette congrésation, qui vivent encore et qui se trouvaient alors dans quelqu’une de ces trois maisons, j'en pourrais citer plusieurs qui soutiennent avec honneur la gloire littéraire de leur société. (1) M. Dulasue, dev enu professeur d’hydrographie à Rouen ;! s’est fait counaltre par des Éléments d’ hydrographie qui sont de? venus un Ouvrage classique. ( Foir l’Eloge de cet Académicien , par M. Vitalis, et inséré au Précis analytique de 1806. ) (2) Me défiant avec raison de mes forces , et craignant quelque erreur de ma part dans l’analyse de ces Mémoires , j'ai prié M. Meaune , notre aimable collègue , de vouloir bien me seconder dans cette partie qui lui est familière , et je publie avec reconnaissance que c’est à sa complaisance que nous devons les extraits des Mémoires sur Astronomie et les Mathématiques que ce volume renferme, AS (6) vapide, Tout le monde sait les places qu'il y 0e- cupa , les commissions importantes dont il fut chargé par le Gouverrement, et le talent supérieur avec lequel il s'en acquitta. 6. 2. Je placerai au nombre des événements importants pour lAcademie, la nomination de M. Lecat à la place de secréaire perpétuel au département des scien-e: , et celle de M. Maillet-Duboullay à celui des belles lettres : le premier, remplaçant M. l'Abbé Guérin, démissionnaire ; le second , remplaçant M. de Prémagny, pareillement démissionnaire. Avec des caractères très-differents, Pun et l’autre étaient faits pour honorer leurs places, et l'Académie ne pouvait avoir pour secrétaires des hommes plus remplis de connaissances et plus zélés pour sa gloire. J'äi, dans le premier volume de ces Précis analy- tiques, esquisse le tableau de M. Lecat, et donné une idée de 2 2 » LE ” (54) » Ce traitement suffit pour toutes les fistules sim- ples et même pour celles qui sont accompa- gnées de carie superficielle, en y joignant quel- ques précautions que je me propose de faire connaître en une autre circonstance; mais il faut avouer qu’il serait insuflisant pour les fistules ac- compagnées de grandes caries et de la destruc- tion des conduits naturels. » On était contraint alors d'employer la méthode suivie par nos pères dans le traitement de toutes les fistules , c’est-à-dire d'attaquer, soit par le fer, soit par le feu , les membranes et les os qui sou- tiennent le sac lacrymal; à pratiquer ainsi une ouverture dans les fosses nasales ; à entretenir ce’te ouverture par le tamponnement , et convertir ainsi la fistule externe en une fistule interne. Ce procédé extrêmement douloureux multiplie les accidents , inflammation , suppuration, fièvre etc. ; l'ouverture se referme facilement , etles premiers déférdres recommencent. C'est ce qui a suggéré l'idée d'introduire dans l'ouverture une canule dé plomb , et cette pratique a souvent réussi. Maïs la canule étant cylindrique, se dérangeait souvent , tombait méme par son propre poids , et l'ouverture se rebouchait. Des ‘corrections faites à la canule par M. Lecat, en ont rendu la pratique plus sûre ; lui-même va nous les indiquer dans l'histoire suivante, 2) »” ÿ) » Une de ces maladies, manquées deux fois de- puis quinze ans, par un des plus grands maitres de Paris, me fut confiée. Je sentis la nécessité d'introduire dans l'ouverture un canal de métal , dont le renflement par l'une et l'autre extrémité servit Xe ‘contenir invariablement à sa place ; mais il fallait établir cette ouverture , détruire la (55) » carie dont l'existence était plus que probable , 195r4 » et je n'avais à choisir que le fer ou le feu. Je: » me déterminai pour le dernier comme le moyen » le plus sür, le moins douloureux , le plus propre » à détruire la carie. Après avoir prémuni par de » peutes lames d’argent les parties que je devais » respecter, j'introduisis mon bouton de feu, Le » malade s’en aperçut beaucoup plus par le bruit » qui accompagne la brûlure que par la douleur ; » et l'opération était finie qu'il en redoutait encore » l’eflet, Quelques jours après je plaçai une canule » d’or , évasée en entonnoir par le haut et terminée » par le bas en manière d'olive. Cette formela ren- » dit stable , et le traitement fut couronné du plus » heureux succès. » N. B. J'ai donné quelque étendue à l'extrait de ce mémoire , parce que le procédé de notre illustre. confrère Jui fait vraiment honneur ; que , dès 1754 et depuis, il s’en est toujours servi avec avantage , et qu'il en a révendiqué publiquement l'invention dans une lettre adressée à M. Vandermonde , Jour- nal de médecine du mois d'avril 1759 Voir égale ment la Médecine opératoire de Sabatier , tome 2; page 478. Remarque sur une fracture de la mâchoire; par M. Lecat, » Aucun siècle na produit d'ouvrages aussi com- » plets sur. cette matière que le nôtre. Les excel- » lents écrits de MM. Petit et Duvernay sont con- » nus de tout le monde, et semblent à ce sujet » ne laisser rien à désirer, Cependant aucun de ces » grands hommes n’a fait mention de la fracture do » la mâächoire des deux côtés. C'est un fait rare, D 4 1751. » »” » (56) mais non pas inoui ; il s’est présenté à notre hôpital il mi a pas Jlong-temps. » Le nomme J.Bustel, de la paroisse Saint-Maclou , s'étant livré aux attraits d’une liqueur agréable et spiritueuse , perdit l'équilibre et tomba sur l'essien d'une voiture sur laquelle il était monté. Le menton supporta le poids du corps et tout l'eflort de la chûte. La mâchoire se cassa en deux endroits ; savoir : du côté droit, entre la dernière et avant-dernière dent molaire ; et, du côté gau- che, entre la deuxiême molaire et la canine. Cet infortuné ayant été conduit à l’Hôtel-Dieu hors l'heure des pansements , fut reçu et soigné par les chirurgiens internes. » Les autenrs prescrivent de grands bandages pour retenir en place les pièces de la mâchoire fracturée. Quelque habiles , quelque exprimentés que soient les élèves , les avis des grands maitres sont pour eux des lois qu'ils n’ont garde d’en- freindre , et il serait souvent dangereux qu'ils se donnassent cette licence. Cependant il y a peu de ces lois qui soient générales et absolues ; et le même esprit qui a conduit à les établir , doit aussi nous éclairer sur les modifications et excep- tions dont elles sont susceptibles. Au surplus on aurait tort d’exiger d'un élève des réformes aussi importantes, Les miens auraient donc pansé cette mâchoire dans toutes les règles; et vu la circons- tance particulière , ils auraient pansé fort mal. ILest facile de concevoir que toute compression extérieure eût tenda à rapprocher les branches séparées yers la langue; ainsi , après avoir soi- gneusement examiné l’état de la fracture , je sup- primai toute espèce de bandage. Ayant remis les pièces en situation, je liai avec des fils d'argent (57) » souples et forts, des fils d’or eussent été préfé- 175:°+ »” rables ; je liai, dis-je, de chaque côté les dents » de la pièce séparée avec les dents voisines du » corps de la mâchoire, et je serrai fortement cette » ligature. J'aurais pu fortifier cette réunion à l’aide » de petites lames d'argent appropriées , percées » de petits troux et assujetties ellesmêmes aux » dents ; mais cette précaution me parut inutile , » et le succès le plus complet de ma simple opé- » ration prouva qu’elle aurait été superflue. » La chirurgie retire de cette observation deux ” avantages : le premier regarde la nouveauté de » la fracture et la manière particulière de la traiter ; » le second est de confirmer cette vérité qu’il n'y » a rien de si dangereux et de si méprisable qu’un » chirurgien routinier qui ne fait que ce qu'il a » yu faire, et qui ne pense que par la tête d'autrui, » Kemarques sur laffection des pieds et des jambes, connue sous le nom d’humeurs froides; par M. LECAT. » Une maladie qui affecte différentes parties, forme , par cette seule différence , autant de ma- ladies, signalées par des caractères très-particuliers. Un érysipèle à la peau, qui mérite à peine quel- que attention , devient une maladie redoutable , s’'ii se porte sur la plèvre ou sur le poulmon. Si une dartre , une légère suppuration à la peau des jambes , accidents qui céderont au traitement le plus simple , viennent à attaquer la membrane ner- veuse qui revêt les os de cette partie , on la verra se gonfler peu-à-peu , changer de couleur, et, après plusieurs mois de secours et de remèdes tentés 27513 (58) .inutilement, les os eux-mêmes abscédes se carier ,. leurs sucs s’extravaser ; enfin, on verra se déve- lopper la maladie connue sous le nom d’humeurs froides ou spina ventosa. » Quand une pareille maladie attaque tout un os de la jambe et le pénètre jusqu’à la moëlle ,ou lorsqu'elle a son siége dans plusieurs os du pied , on a coutume d’emporter en entier le membre en proie à cette cruelle maladie, » Voici ce que dans ces malheureuses circonstances j'ai tenté de faire au profit de l'humanité. » En passant par le Pont-de-l'Arche, on me pré- senta un enfant de trois ans, nommé Charles Lehec | du village de Pitres, lequel avait tout le tibia de la jambe gauche en suppuration et d’une gros- seur considérable par les exostoses et excroissances osseuses dont 1l était chargé... Il y avait soixante jours que les chirurgiens traitaient cet enfant : ils avaient résolu l'amputation de cette jambe, et leur résolution était dans les règles. » Cependant ayant reconnu que le péroné et même les deux extrémités du tibia étaient perfaitement sains , et que l'enfant était d’ailleurs bien cons- titué ; je me proposai de lui conserver la jambe ar une opération dont je n'ai trouvé depuis qu’un. P } q seul exemple. » Convaincu par l'expérience que de grandes portions d'os enlevées , s'étaient régénérées , et. dans le système que les membranes qui revétent les os intérieurement et extérieurement sont le prin- cipe de cette régénération , je me proposai d’en- lever en entier non-seulement les exostoses, mais l'os lui-même carié: et vermoulu dans tout d'in- tervalie des articulations, en conservant la. moëlle de cet os et sa membrane interne, sur le secours desquels je comptais pour sa régénération. ÉD. “jé VS NET.) (59) » Je fis placer l'enfant à Rouen, dans mon voi- sinage > et je passai trois mois à exercer ma cha- rlté et toute l'adresse dont je suis capable, pour enlever ce tibia , tantôt avec des gouges, des ci- Seaux , tantôt avec des tenailles incisives. Je me gar- derai bien de décrire ces opérations réltérées "à Pas- pect desquelles le courage des chirurgiens les plus aguerris fait quelquefois naufrage , et que je wau- rais pas soutenu moi-même, si je n'eusse pas été le principal acteur. » Il suffit d'en présenter le résultat, et de dire que mes soins furent couronnés du succès le plus heureux. Non - seulement je tins ma promesse el levant le tibia depuis Ja tubérossité qui est au- dessous de la jarret ère jusqu’à la malléole, en conservant exactement la moëlle; mais, parfaite- ment secondé par la nature, j'eus le plaisir de voir se reproduire uu tibia tout nouveau, aussi solide et presque aussi bien fait que le premier. Cette partie et le pied jouissent de tous les mouvements naturels ; en un mot, on ne s'aperçoit à présent de l’affreuse maladie de cet enfant que par des cicatrices et quelques inégalités qui sont moins des désordres que le témoignage permanent d’une gné- rison singulièrement heureuse. » J'ai présentement’ à notre hôpital un enfant de douze ans , auquel la nature même s’eflorce de faire Popération que j'ai faite sur Lehec; le tibia, chez ce nouveau malade , est abscédé en entier, et il y a quinze jours qu'ayant découvert le mal, je tirai, avec les doigts seuls, deux pièces osseuses qui paraissent avoir formé la paroi antérieure de cet os. Nous serons peut-être obligés de prêter des se- cours un peu plus actifs pour la paroi extérieure ; mais si articulation n’est pas altérée , je ne deses- père pas qu’en nous prêtant de mutuels secours 1791* 1751. € 60 ) la nature et moi, on ne parvienne à sauver cette. jambe ainsi que la précédente. » Relativement à l’amputation que certaines circons- tances rendent inévitables , voici quels sont mes principes : on a des motifs de sy décider toutes les fois qu'en ne peut conserver la portion du pied qui s'articule avec la jambe, parce qu’en extir- pant seulement le pied , les articulations décou- vertes n’ont jamais de cicatrices assez solides pour supporter le poids du corps sur un pied artificiel ; mais tant que les os qui forment l'articulation de la jambe et du pied sont exempts de carie, ils con- servent la faculté de supporter le poids du corps; le malade alors peut conserver une jambe qui , quel- que défectueuse quelle soit, vaut toujours bien mieux qu’une jambe artificielle , quelle que soit sa perfection. » On peut encore se dispenser d’amputer la jambe dans toutes les caries du pied qui n’attaquent ni l'astragale ni le calcanéum. » C’est en suivant ces principes que j'ai extirpé presque la moitié du pied de Robert Petit, suivant sa longueur ; et si je termine heureusement cette cure, ainsi que je l'espère, j'aurai le plaisir de rendre à la société et à ses occupations , nn homme que, d’après les principes admis jusqu’ici , on eût im- pitoyablement mutilé. » Observation d’un calcul urinaire dont le noyau était ur haricot ; par M. Ponteau, Le chirurgien célèbre, auteur de cette observation ,, après avoir exposé que l’examen faisait reconnaitre dans divers calculs des noyaux très-singuliers , ra- conte qu'opérant Antoine Misard , par l'appareil la- téral, le calcul dont il faisait l'extraction , quoique PL US DS OR ET AS I OI NC VI (61) tiré en entier , se rompit néanmoins sous la tenette, ce qui donna lieu d'apercevoir dans son milieu un haricot autour duquel l'encroûtement s'était formé. Un procès-verbal, signé par plusieurs hommes de l'art, témoins de cetie opération , confirme l'énoncé ci-dessus. Sila déclaration du malade , qui assure n’avoir ja- mais fait aucune tentative pour introduire ce haricot par'le canal de l’urètre , est vraie, qu’elle est la route qu'il a suivi pour arriver à la vessie ? Tumeur monstrueuse d’un ovaire formant une hydropisie glareuse enkistée ; par M. LEcar. « N..., âgée de vingt-trois ans, éprouvait chaque année, au printemps et à l’automne , des maux de poitrine , sur-tout eutre les épaules , accompagnés d’une lassitude universelle et d'inquietudes dans les jambes : elle conservait cependaut un certain em- boupoint, En 1750, on s’aperçut que son ventre se tuméfiait; on concut des soupçons , mais le temps fit connaître qu'ils étaient gratuitement injurieux, » Une fluctuation bien sensible s'étant manifestée, je fis la ponction, et la réitérai trois fois à diverses époques ; toutes les eaux que je tirai étaient glaireu- ses, blanchâtres, les dernières un peu rembrunies. » Des examens réitérés m’ayant persuadé que la maladie principale était un sarcome fongueux de l'o- vaire , maladie. absolument incurable par les secours pharmaceutiques, j'engageai la malade à n’en faire aucun, lui déclarant que l'opération était le seul moyen curatif que je connusse , et encore ne dis- simulai-je pas le danger de cette opération. » La malade, effrayce de ce projet, appela un autre chirurgien, subit encore plusieurs poncuons 1752, (G2:) 2732. qui portèrentle nombre total à quatorze ; enbn ; elle succomba le 7 juin 1752. » Je fus averti de son décès; je demandai et j'obüns la permission de l'ouverture du corps. Je fs une incision à côté de lPombilic; il sortit un demi sceau d’eau roussatre. Ayant étendu mon incision, je découvris un vaste sac adhérent au péritoine iuférieurement près du pubis, et su périeurement vers le cartilage xiphoide. Tous les viscères étaient hors de ce sac et parfaitement sains. » L'hydropisie était donc enkistée; mais j'avais an- noncé un sarcome de l'ovaire, et j'avais cru recon- naître, par des observations précédentes, que les eaux épaisses et glaireuses, comme celle-ci , étaient le résultat de sarcomes de l'ovaire fermentés et fondus. Ayant donc détruit, avec assez de facilité , les diverses adhérences, je reconnus que la tumeur qui occupait toute la capacité du bas-ventre était l'ovaire droit qui repoussait tous les autres viscéres. J'en fis l’extirpation comme je l'aurais faite sur le vivant; je le pesai après avoir vidé les eaux glai- reuses de deux grands sacs, dont le plus petit était du diamètre de la tête; le reste pesait encore quatorze livres. J'ouvris la tumeur dans toutes ses dimensions : elle se composait de divers sacs rassem- blés en forme de grappe; les plus gros out été dés'« gnés , les autres variaient de la grosseur d’une pomme à celle d'une noix. Tous contenaient une eau glai- reuse plus ou moins épaisse. » Le principe de la tumeur, à l'aile de la matrice, m'avait pas plus d’une ligne d'épaisseur et six pouces de longueur. Il n'y avait ui vaisseau variqueux, ni vaisseau considérable, et l’inspéction des parties me persuada que, dans un sujet aussi jeune et aussi vigoureux, l'opération aurait pu réussir. fais un point diflicile aurait été d'abord de bien (63) ‘se reconnaitre dans la distinction de cette tameur ex- 1752. traordinaire, et la vaste étendue des sacs, très-propres à en imposer, pour des cavités naturelles et ensuite le danger de pratiquer l'énorme ouverture nécessaire pour exécuter une pareille opér ration, » Il n'est pas rare de rencontrer des maladies de l'u- térus et des ovaires ; j'en ai vu moi-même plusieurs , une entre autre qui avait avec celle-ci les plus grands rapports. Dans ces deux observations , l'utérus était sain ; les malades n'avaient eu aucune espèce de perte. comme il arrive dans les ulcères de l'utérus. Les deux malades s'étaient plaintes d'abord de démangeaisons et de cuissons dans ces organes ; d'une ardeur inquié- tante entre les épaules et au dedans des cuisses. Les lassitudes , les douleurs entre les épaules et aux extrémités seraient-elles donc les signes caractéris- tiques de l’engorgement des organes de la génération ? Une simple douleur de lassitude et de pesanteur et d'inquiétude , désignerait- elle spécialement les ex- croissances des ovaires? Et l’ardeur brûlante qui s'y joint annoncerait- elle leurs engorgements skirrheux et la dissolution du tissu et des vaisseaux de lPutérus qui donnent les ulcères et les pertes de cet organe? » Dans un mémoire sur les excroissances fongueuses et skirrheuses du bas-ventre , je propose des moyens chirurgicaux nouveaux de traiter ces maladies , et j’é- tablis la possibilité d’extirper ces tumeurs lors même qu’elles occupent l'utérus , circonstance infiniment plus grave que celle de l'observation présente, » S'il est important au bien public d'inventer des ressources, quoique dangereuses , dans des cas dé- sespérés, il serait bien plus avantageux encore de bien distinguer ces maladies naissantes , pour les op- primer dans leur principe. Il serait peut-être possible «le dissiper ces premiers nuages ; au lieu que lors- (64) 1732, Que l'orage est formé, la multitude des remèdes ne sert qu’à le faire éclater et hâter la pérte des ma- lades. Observation anatomique. — Canal déférent de l'utérus (1); par M. Lecar. « Le 15 janvier 1752, en disséquant l'utérus d’une : femme morte après un avortement, je trouvai dans le ligament qui attache l’ovaire à cet organe et que les anciens appelaient canal déférent, je trouvai, dis-je, du côté gauche, une cavité égale au moins au tuyau d’une plume de poule. Cette cavité ré- pondait d’une part à l'ovaire, et il y avait à son entrée deux ou trois œufs ou vésicules; l’autre ex- trémité du canal s’ouvrait dans des sinus qui s’ y ra- mifiaient vers la cavité de la vessie, Du côté droit je trouvai une même cavité, mais un peu moins grande; elle s'ouvrait du côté de l'utérus, entre autres dans un grand sinus qui cou- lait par la face externe latérale et inférieure de l'u- térus. Il y avait quelques filets de sang dans ce sinus, mais nul vestige de sang dans ceux du côté gauche. Chacun des ovaires de cette femme avait beaucoup de petites vésicules ovales parsemées de vaisseaux sanguins; les moindres étaient de la gros- seur d’un grain de chénevi allongé; il y en avait aussi de blanches, sur-tout à l’extrémité de l'ovaire (1) In vetere scholà hoc ligamentum passim pro canali ha- bilum est, per quem testis mulicbris semen suum effunderet, et eo ævo ductiüs ejaculantis nomine venit. Maller Phys. L. 28. $. 35. Ædnot, Editor, gauche , (65) gauche. Une de ces vésicules égalait la grosseur du ,,5%, pouce. Etait-ce une hydatide où une vésicule ovaire dégénérée ? » Je me garderai bien de conclure que cette construction soit universelle; mais cette observation servira à prouver qu'il peut y avoir des sujets chez lesquels il se rencontre une communication entre les ovaires et l'utérus par le canal deférent des an- ciens; ce qui donnerait encore la solution de ce probléme si difficile que nous oftre l'observation de M. /ieitbrecht, anatomiste , de l’Académie de Pe- tersbourg (1), qui a trouve dans une jeune femme qui avait eu un enfant, les deux extrémites des trompes fermées en eutier et point de vestiges de pavillon frange. Relation.de deux grossesses extraordinaires ; par M. Lecar (2). « Le sieur Pecquinat, homme d’affaires de M. lé Baron d'Openbeim, Brigadier des armées du Roi, épousa, le 8 janvier 1745, à l'âge de treute ans, uné (1) Lego eas lacinias, tubæ videlicet in fœmina de fuisse, et omisit in iconibus J. Schwammerdam. Haller ibid, Qui eundem Weetbrecht indicat ita ut nulla mentio tubarum obturätionis ha= beatur, Adnot, Editor, (2) Le Mémoire de M. Lecat, dont je présente ici le sommaire , est accompagné de cinq lettres de M. Beirier, de Creci en Brie ; d’un Mémoire qui parait être de M. Pecquinat, ais qui n’est pas signé; d’un Mémoire et d’une note dé 7 IT, 1751 à 1760, E (66) #53. demoiselle de Jouarre, près Meaux en Brie, àgéo de trente-neuf ans, » Environ deux mois après son mariage , madame Pecquinat eur les symptômes ordinaires de grossesse ; ils furent méme accompagnés d'oppression et de ‘maux de reins considérables qui lui firent perdre son embonpoint : elle fut saignée, et ces accidents se calmèrent. Vers le 25 juillet, terme d'environ quatre mois de grossesse, elle sentit remuer son enfant avec force, et elle continua &e grossir dans la proportion ordinaire. Son sein, considérablement augmenté , donna quelques gouttes de lait; elle fut saiguce en septembre, sixième mois de sa grossesse. À Ja fin d'octobre elle eut les jambes enflées et des varices, accidents assez ordinaires en pareil cas. » Le 23 décembre, terme naturel de sa gestation, elle fut prise de grandes douleurs de reins, et la sage-femme fut appelée. Le travail n'ayançant pas, elle fut saignée de rouveau.Le 27, leseaux percèrent et coulérent à la quantité de quatre livres environ. .» La matrône , appelée de nouveau , trouva le ventre descendu ; ; elle ne douta pas que Paccou- chement ne dûi s’opérer incessamment. A minuit les douleurs se calmèrent; le 28 elles recommencèrent de nouveau. On répéta la saignée : le ventre re monta et les douleurs s'évanouirent, Madame Pec- M. Terrède, maître en chirureie à Jouarre, toutes pièces justificatives de la relation ci-dessus, Un fil conteuu dans une de ces lettres donne la grosseur du ventre de madame Pecquinat, La longuear de ce fl est de six pieds deux pouces, La Dame alors était à cinq ans six mois de grossesse. ZVote de l'Éditeur. (67) Œuinat se remit en peu de temps de toutes sès 1753 fatigues, continua de grossir et de sentir les mouve- ments de son enfant, Les choses traiuant en lon- gueur, M, Pecquinat consulta M, le Chirurgien des Mousquetaires gris, qui F'assura de la réalité de la grossesse. M. Winslow étant venu à peu de dis tance de Jouarre , M. Pecquinat lui mena son épouse, Ce grand anatomisté la trouva grosse ; maïs le terme de seize mois où elle était alors lui fit croire qu’elle reportait trop loin le principe de sa grossesse. Frou- vant d’ailleurs cette dame dans un état de santé par- faite , il lui conseilla de s'abstenir de tout remède actif. » Toute l'année de 1550 se passa de même. Enfin, le 5 janvier 175r, le trente-quatrième mois de sa grossesse , les dou eurs recommencèrent et se cal: méèrent prompitement; elles reprirent du 6 au 7, à la suite d’une promenade assez longue : le ventre s’affaissa ; il survint un flux d'urine, et madame Pecquinat accoucha heureusement d’un garçon, après trois ans trois mois de grossesse » L'enfant cependant n'avait que la taille de ceux qui naissent vigoureux à neuf mois : il ne fut ac- compagné d'aucune mole, d'aucun corps, ni fluidé étranger ; mais, ne voulant ni téter ni avaler les ali- ments qu’on Jui présentait , il mourut le quatrième jour en rendant par la bouche un sang g'aireux. » Les couches de madame Pecquinat eurent les suites les plus heureuses, et durant quatre mois elle jouit de la santé la plus brillante. » A la fin de mai 1551 eile eut tous les signes d'uné nouvelle grossesse confirmée par l'accroïssement du ventre ; mais, comme si cette espèce de prodige était passé en habitude chez elle, elle a vu arriver lé terme de neuf mois non-seulement une fois, mais E 2 4 (68) 756, encore sept fois, sans aucun symptôme quiannonce un accouchement prochain; et voici soïxante-trois mois, ou cinq ans trois mois de,cette seconde grossesse, Une inutile envie d’acéoucher tous les neuf mois est la seule incommodité qu'elle éprouve, et l'on attend à quel- qu'une de ces révolutions un accouchement plus heureux encore que le prem'er. » M. Baron , célèbre médecin de Paris, a fait faire sur les lieux des informations juridiques de tous les faits que je viens d'avancer, et dont-on a dressé une espèce de procès-verbal signé d'un grand nombre de témoins , gens de l'art, magistrats; ainsi on peut en regarder toutes les circonstances comme absolument ceriaines. » Satisfait d'avoir exposé des phénomènes bien æxtraordinaires, je ne suivrai pas M. Lecat dans l'explication qu’il tente d’en donner. La nature est pleine de mystères, et l'œuvre de la reproduction des êtres est un secret qu’elle s'est réservé. J'adop- terai donc les conclusions de son Mémoire qui me paraissent d’une grande vérité : « On n'exigera pas de » moi, dit cet homme célébre, de remonter aux » causes premières; nous serions trop heureux si, » daunsl'explication des effets physiques, nous étions »# sûrs de remonter à leurs véritables causes se- # condes, » a (Et € 69 ) Odservationes aliquot circa opinionem , de partiums 175% potesiate vegetativa, et conversione in animal- cula ;j auctore BEyrR. » C'est-à-dire : Quelques Observations sur l’opinion de la puissance végétative des parties, et leurs con- versions en animalcules ; par M. Bexer, de Nimègue. « Ilest reconnu depuis long-temps, dit l’estimable auteur que je traduis, que-si on abandonne à la fermentation putride des portions de végétaux ou d'animaux préalablement plongées dans l’eau, peu de jours après on déeouvre dans ce fluide des ani- maleu'es de figure ronde où ovoide, transparents ; qui s'y meuvent avee celérité et s’accroissent avec le, temps, et de manière à différer singulièrement eutre eux pour la grandeur. » Quelques philosophes soupçonnèrent que ces animalcules étaient des parties detachées des substan- ces animales ou végétales, et que dans les éléments des corps il y avait une puissance végétative en vertu de-laquelle les parties d'un végétal, séparées par la putréfaction , s'auimalisaient et se, conver- ussaierit en animaux vivants 5 que ces NOUVEAUX ANI- malcules périssaient , et que de la résolution de leurs parties naissaient d'autres animaux beaucoup plus petits que les premiers, » Ce sentiment contrarie l'opinion d'autres phir losophes, qui estiment que l'air est rempli d'insectes infiniment petits; que, ces insectes déposent leurs œufs dans l’eau qui contient des substances putré- fiées , et que ces œufs sont le principe des inseetes que de bons microscopes y font découvwr, EZa 53 Co) » Les premiers, pour réfuter pleinement cette assertion , ont prétendu que les substances anima- les ou végttales , plongées dans l'eau et abandonnées ainsi à la putréfaction, présentaient les mêmes phé- nomènes dans des vases exactement fermés que dans des vases découverts. Ils eussent puissamment cor- roboré leur opinion, si cet énoncé était certain ; mais il fallait répéter ces expériences avec une at- tention scrupuleuse, pour en conclure authentique- ment. » Dans cette vue , j'ai tenté, dans les mois de mai, juin, juillet et août de. 1951 , et les mois de septembre et octobre de 1752, les expériences ci- après: | » Je me suis procuré un certain nombre de cris- taux de moritre dont les bords fussent bien unis. J'y ai adapté des couvercles en verre plat qui excédaient un peu le diamètre de mes cristaux. Où conçoit qu'en emplissant d'eau ces petits vases , et de manière que les couvercles touchent à l'eau , il sera au bout de quelques jours difficile d'en sé- parer les couvereles. » Je mis donc dans ces cristaux remplis d'eau, des fragments de feuilles de tilleul , de gramen , de mürier que javais sous la main, et préalablement fait euire , et je les couvris de mes petits plateaux de verre ;, mais je ne les scellai pas. # Dans de pareils cristaux je mis les mêmes subs= tances de l’expérience précédente , mais je ne les couvris pas; et, comme une petite portion d'eau se dissipait chaque jonr . je la remplaçais par quel- ques gouttes d’eau de pluie, » Dans d'autres cristaux," je mis du bouillon à la viande ; dans d’autres de la chair crue de veau, de mouton, des vers hachés; dans d'autres des (71) portions de poissons, perche, brochet ; je les em- plis d’eau bouillante et les couvris sur-le-champ. » Enfin , dans d'autres cristaux, je mis de pa- reilles substances , je les emplis d'eau, mais je les laissa découverts. » Lorsque la patréfaction fut bien constante , je pris une gouttelette de chacune des liqueurs, dans les vases qui étaient restés découverts, et la mis sur un verre plane ; à l’aide du microscope, je vis nager avec vivacité une infinité d’animalcules comme l'a- valent observéLeuwenhoek et autres physiciens avant moi. Dirigeant ensuite les mêmes expériences sur les liqueurs dont les vases ava'ent été couverts, je n'y découvris aucun animalcule vivant et nageant avec vivacité dans le fluide. » Je commencai à suspecter l'opinion relative à la puissance végétative des molécules des corps orga- nisés et leur conversion en animalcules. Néanmoins une goutte de bouillon délayée d’un peu d’eau, m'a présenté des animalcules vivants comme dans les premières expériences; mais examinant scropulense- ment et mes cristaux et leurs couvereles, je me suis convaincu que tous he closaient pas exactement , et qu'il était possible que des animalcules s’y fussent in- troduits du dehors, car dans ceux qui closaient par” faitement je n’en ai reconnu aucuns. . » Peut-être aurai-je employé un mauvais procédé, négligé quelque précaution ; cependant j'ai répété celle année ces expériences avec des vases qui fer- maient exactement , et je n'ai découvert aucun aui- malcule vivant. » Je me propose de recommencer mes expériences l'année prochaine , depuis le printemps jusqu'à l'au- tomne ; mais j'emploierai des vases d’une plus grande capacité , pour voir si de plus grandes masses d'eau É 4 17581 72 ) 4753. et de matières FES 1h ne présenteraient pas des résultats plus sensibles que de petites quantités ; et il faudra attendre jusqu'à ce temps, pour pronon- cer de quel côté se trouve la vérité. Lettre sur la Maladie de M. DeG.....; par M. Lecar. On vous en a imposé, Monsieur, quand on vous à rapporté que les huit chirargieus appelés en consul- tation pour M. deG. avaient désapprouvé ma conduite Ils ont fait précisément le contraire , puisqu ils ont déc aré que j'avais agi conformément aux règles de l'art, en gant de conserver la jambe malade , et que j'avasemp'oyétour les moyens propres à réussir. » ...... Le 24 juin 1555, à onze heures et demie du soir, M. de G. .…. , rapidement emporté par les chevaux qui trai aient son phaëton, et ne doutan Ta: qu ils n'eussent pris le mors aux dents, sauta hors de sa voiture et tomba à faux sur le pied droit, Il se lanxa cette partie si complettement , que le tibia , le péroné , l'astragale sor ürent tous trois de la peau de la longueur de deux travers de doigts du côté de Îa malléole externe, avecruptur des tels des mus- cles péroniers; le pied était replié vers le dedans de la jambe. » Je fus appelé sur-le-champ , et je trouvai un con- frère qui avait déjà prévenu le blessé, sur la nécessité de l'amputation qu'il croyait inévitable... Après un mür examen, je declarai que je ne trouvais point de necessité actuelle de faire cette amputation ; qu’il fallait réduirela lu xation, tenter la guérison complette, et attendre que les accidents nous imposassent la né cessité de prendre un parti aussi violent. « (75) M. Lecat expose ensuite d'une manière très-Inmi- 175% neuse , les circonstances qui rendent l’'amputation né- cessaire;et après avoirmontré que le malade n’était nul- lement dans le cas désespéré dont il s'agit, ei rapporté un bon nombre d'exemples de luxations plus graves , qu'on était parvenu à guérir sans amputation , il con- clut qu’il n'avait pas dû se déterminer à couper la jambe dans le me ment de l'accident... » Sur la seule rumeur qu’il y avait des gens de l’art qui eroyaient cette opération nécessaire , on appela un chirurgien de Paris, Il approuva publiquement, et dans vingt conversations , nos procédés... » .... Qu'il ait tenu , comme on le dit, un langage différent à quelques personnes, c'est ce que la bonne opinion que je dois avoir d’un homme d'honneur et d’un chirurg'en instruit m'empécheront toujours de croire. L » ... Malgré les accidents qui s'étaient manifestés durant les viugt premiers jours de la maladie, nous commencions à concevoir l'espérance d’une guérison parfaite... Le 34°, le malade abusa du régime : il survint un petit abcès sous l'ancienne plaie qui était presque fermée, Je profitai de l'ouverture pour son- der l’intérieur , je n’y reconnus aucun os découvert, et par conséquent aucun sujet de désespérer de la guérison. » [Il survint un érysipèle qui gâta un peu nos plaies; etilse fit le 45° une espèce de cui-de-poule au-dessous de la plaie de la malléole interne. J’en fis l'ouverture et sondai de nouveau l'articulation : je ne reconnus aucune dénudation. » De nouvelles erreurs de régime amenèrent un érysipèle nouveau , de nouveaux ulcères, des désor- dres enfin, assez graves pour faire perdre tout espoir de guérison et déterminer à l'amputation. CHÉEL 1754. (74) M. Lecat termine cette longue épitre , qui est une véritable dissertation chirurgicale , par les conclusions suivantes : « On sait que tous mes confrères m'ont approuvé dans l’une de ces décisions ; comme elles étaient toutes deux fondées sur des principes égale- ment solides, je suis certain qu’ils eussent appuyé la première de leurs suffrages , s'ils eussent été appelés dans ces premiers moments qui m'en ont fournis les motifs ; et je puis vous assurer, Monsieur, que je n’ai pas empêché qu’on ne les appelât.... Mes malades ne peuvent me faire un plus grand plaisir , que de m’as- sociermes confrères , sur-tout dans des cas aussi graves que celui-ci. — J'ai l'honveur d’être, etc. Corps trouvé dans le blanc d’un œuf frais ; par M. RiBaRD , négociant. Ce corps noirâtre, dur, réniforme, pouvait avoir six à sept lignes de longueur et trois et demie de lar- geur, De la partie supérieure et interne partait un petit cordon blanchâtre , de dix à douze lignes de longueur sur une ligne d’épaisseur ; telle est l’idée qu’en présente la figure jointe au mémoire dont j’ofire ici l'extrait, Mon intention , ajoute M. Ribard, était d'ouvrir ce corps , et de rechercher s'il ne renfermait rien d’or- ganique. Je l’avais en conséquence mis tremper dans un verre d’eau ; mais l’eau fut jetée par inattention, et avec elle disparut mon phénomène. Je supprime les explications que M. Ribard tente de donner de ce phénomène, parce que ce sont des hypothèses qui, bien qu’ingénieuses , ne sont accom- pagnées d’aucunes preuves. . (75) Observation d’un délire fébrile d’abord , et permanent 1754* après la guérison de la fièvre ; délire dont on a cru découvrir le principe dans les désordres du bas-ventre ; par M. LecaT, » N., maitre poticr à St.- Adrien , près le Port- St.-Ouen, tomba dans une maladie qu’on attribua au plomb dont se compose le vernis qu’on applique sur les vases de terre. » Cette maladie lui occasionna le délire qu’il con- serva lorsque la maladie fut terminée. » Il vint à l'Hôtel-Dieu pour une autre maladie, et en sortit guéri; mais il n’en resta pas moins fou. Il s'imaginait toujours couduire uné charrette ou des chevaux , et faisait incessamment le tapage d'un char- retier embourbé. » Après quelques mois il fut repris de la fièvre et mourut, » À l'ouverture de son corps, faite le 26 avril 1744, je ne trouvai rien d'extraordinaire dansle cerveau ; mais dans le bas-ventre ; je remarquai que toute la surface interne du colon était parsémée de taches violettes , noires comme de fortes ecchymoses. Les membranes musculeuse et nerveuse n’en étaient point atteintes. La vésicule du fiel, pâle, avait des taches pareilles ; tout le reste était sain. » Cette observation se joint à beaucoup d’autres, pour prouver que le principe du délire a souvent , ainsi que la folie , son siége dans le bas-ventre. » La dénomination d'hypocondriaque , que les an- ciens donnaient à certains malades attaqués de va- peurs, souvent bien voisine de la folie, prouve qu'ils avaient reconnu que ces dérangements avaient leur origine dans les organes nerveux situés au - dessous de la poitrine, (76) *754. Sur un Philtre d’une espèce singulière ; communiqué par M. LecarT. Si le radical de ce terme est le mot erAéw , j'aime, on peut donner le nom de philtre à tous les moyens que la passion et la crédulité ont mis en usage pour captiver un objet aimé , ou soumettre un cœur rebelle, Parmi ces moyens, il en est beaucoup de ridicules ; mais il en est aussi de dangereux : celui que M. Lecat communiqua à l'Academie , d'après une lettre de M. manqua de coûter la vie à celui quien fitl’essai.La ma- uière naïve dont cet'e lettre est écrite , m'engage à n’en changer les expressions que le moins qu’il me sera possible. « Un paysan des environs du Hâvre se présenta d'abord à M H, , et lui fit exhibition d'un #avaoc d'une noircéur et d’un volume prodigieux. Le malade répondit aux questions de l'examinateur , que c'était une bête qui Pavait morda tandis qu'il dormait, et son oncle donnant des témoignages de sa sagesse avec un certain air de naïveté, persuada M. du fait attesté par le pauvre affligé ; en conséquence , il obtint un billet pour être admis à l'hôpital... » Je faisais ma visite lorsque ce campagnard arriva, Je ne le crus point sur sa prétendue morsure, quoi qu'il m'en dit, et au premier coup - d'œil, je jugeai que la bére qui l'avait mordu portait une coille. » Sur-le-champ je fis prier M. le chirurgien de veuir pour lui faire des scaritications, . » En se disposant à inciser , l'opérateur s’aperçut d’une ligature vers le pubis et prit ses ciseaux pour la couper. Comment , dit-T au patient, c’est un lien de fer? 4h ! ow, c’est ma bague que jy aï boutée de- puis quatre jours. Pourquoi? repliqua le chirurgien. RS 073 Comme la bête était venimeuse , je craignais , répar- 1754* tit le paysan, que le venin ne gagnit le ventre. Nous employâmes la lime, nous fimes les incisions néces- saires..… Nous pansâmes avec l’eau-de-vie camphrée, le sel ammoniac, l'onguent de styrax , et le malade guérit heureusement dans l'espace de denx mois... » Ce n’est point la première fois, Monsieur ;, que pareille aventure est arrivée au Hâvre. Monsieur d'Erchigny , notre ancien Intendant, dit avoir connu un matelot à qui l'on fit , il y a quarante ans , Ja méme opération pour semblable cas... L'on est ici fort creédule ; on y croit aux sorciers , aux amulettes, aux talismans ; trop henreux si cette faiblesse n’était le partage que de la classe ignorante , et ne se rencon- trait quelquefois chez des hommes que leur naissance et leur éducation semblerait devoir en affrauchir, Mémoire sur les Fièvres malignes qui régnèrent à Rouen à la fin de 1553 et au commencement de 1554 ; par M. Lecar. A la fin de novembre 1755, on a vu commencer dans notre ville une maladie maligre dont les ravages se sont étendus jusqu'en fevrier 1754. L'importance de cette maladie m'a eugagé à en tracer ici le carac- tère ; et, pour mettre de l’ordre dans mon travail , je partagerai ce Mémoire en deux parties. Dans la première je décrirai non-seulement la ma- ladie régnante, mais je ferai voir les rapports qu’elle a avec celles des annees précédentes. Dans la seconde je moutrerai que ces maladies, que l’on nomme malignes , ne sont que des maladies externes, reportées sur l’intérieur. . 1954. (#8) PREMIÈRE PARTIE Les hommes de l'art qui ont exercé la médecine dans cette ville depuis long-temps, ont observé que depuis trente ans les fièvres malignes s'étaient singu- lièrement multipliées , que la température atmosphé- rique avait été excessivement sèche. Après l'été magnifique de 1745, on vit régner des flux de sang épidémiques accompagnés de fièvre vive, prostration des forces, dégoût et nausées , hocquet ; ces derniers, preludes d'une mort prochaine.Le siége du mal était l'estomac , les intestins et sur-tout le colon que l’on trouvait gorgé de sang noirätre. Peu de saignées au début, les délayants , les tem- pérants, les mucilagineu x avaient des effets salutaires ; les purgatifs et les irritants éta ent pernicieux. En 1754 cette maladie affreuse fut remplacée par des affections rhumatismales fébriles ; plusieurs se terminèrent par des dépôts phlegmoneux, érysipéla- teux et par des escarres gangréneu ses, En 49, 50, 51, il commença à régner des fièvres malignes dont plusieurs furent accompagnées de vives coliques. Une légère diarrhée était salutaire. Les ma- ladies s’étendaïent à quarante jours ; on trouvait des ecchymoses , des épanchements de sang à l'estomac et aux intestins. | Les petites véroles furent également fréquentes et dangereuses. En 1753 et 54, les fièvres malignes gastriques re- parurent épidémiquement et enlevèrent un grand nombre de malades. J'y distingue trois périodes : 1° à l'invasion, lassi- tudes, douleurs articulaires, lièvre , sueur; 2° fièvre continue ayec redoublements, maux de tête violents, (79) exacerbés avec la fièvre ; 5:toux, maux de gorge, nau- 1754* sées, langue sèche, noire, délire, stupidité, éruptions miliaires , mélancolie ,» terreur , voix extraordinaire, Durée. 50 — 40 jours. Traitement. Quelques saignées au premier début, dilutum de casse émétisé, de deux en deux jours ; uisanes simples, lavements pareils, Contre l’affaissement , l'eau sucrée et le vin, Convalescences longues, resséntimentslégers, mais prolongés, des divers symptômes de la maladie; pu= sillanimité. DEUXIEME PARTIE, ” J'ajouterai à l’histoire succincte que je viens de pré: senter , que j'ai trouvé dans les cadavres de ceux qui avaient suceombé, et dont j'ai fait l'ouverture , des signes évidents d'inflammation, de suppuration , de gangrène , beaucoup d'engorgements slanduieux. » Quand on sait qu'une simple inflammation exté- rieure peut produire la douleur , la fièvre’, le délire 4 la mort , que l'on reporte le même principe inflamma- toire sur des organes vitaux, et qu'onesume les ravages qu'il sera capabie de produire! . » Toute la malignité des épidémies consiste donc dans cette inflammation ardente attachée à des orga= nes très-nerveux et essentiels à l'existence , et les diverses espèces dépendent des diflérente degrés de V'inflammation , de la diversité et du nombre des par- es attaquées. L’inflammation portée en 1750, 57 et 45 sur les organes de la deglutition, a produit les es- quinancies gangréneuses sur les poulmons , les pé« ripreumonies malignes, etc, , etes En 1742, quelques-unes de ces maladies donnérent pour résultat des adherences de la plèvre et des poul- 1554. { & ) mons gorgés de sang. La douleur fixe au sternum ain diqué l’inflammation et la suppuration du pér'cardes » Dans l'épidémie de 1755 et de 1754, qui fait l'ob- jet principal de ce Mémoire , J'ai reconnu qre son principe était une inflammation herpétique artachce spécialement à l’estomac et aux intestins. Et comme l’herpes lui-même a divers degrés de férociteé, que la disposition du malade peut ajouter de son côté à l’'ac- tivité de la maladie , on voit comment et pourquoi ces affections peuvent devenir si rapidement mortelles, » Pendant la durée de l'épidémie , la nature sembla vouloir nous dévoiler son secret en nous montrant dans des érysipèles herpétiques à la face, l'ennemi désastreux qui avait fait tant de victimes. » En janvier 1-49 , j'eus occasion de suivre un ma- lade qui éprouva une éballition par plaques répan- dues sur la face et autres parties du corps. Les pla- ques disparurent et la fièvre se développa; elles se manifestèrent de nouveau et la fièvre ce:sa , justibant ainsi par des preuves sensibles , les principes que j'ai établis. » Ce qui sert encore à prouver que le principe oi à 2 mi était celui de l'épidémie dont il est ques- tion , c’est que le traitement qui a réussi est celui qui sert utilement à combattre l’herpes externe : la sai- gnée au début , l’émétique en grand lavage , et plu- tôt comme résolutif que comme vomitif , des boissons délayantes si analogues aux lotions extérieures , etc. » Il a été quelque fois nécessaires dans la circons- tance d'un aflaissement et d’une insensibilité univer- selle, d'employer de puissants excitants. C’est ainsi que j'ai sauvé un malade que l’on croyait perdu, en lui faisant prendre en une prise six onces d'eau de mélisse spiritueuse ; et un ecclésrastique véridique m'a assuré avoir préservé presque Lous ses parois- siens (81) siens , en leur faisant prendre intérieurement un petit 1754° verre d'esprit de térébenthine qui provoquait des sueurs abondantes, » Mais les exceptions ne sont pas la règle , et cet exemple n’est oflert que pour montrer que les res- sources de la nature sont infinies ; et que , conformé- ment à la maxime du père de la médecine, aux maux extrêmes il faut opposer les remèdes les plus puissants, Hipp. aph. . 1. 6, \ Observations d’Animaux vivants trouvés dans des blocs de pierre, et sans aucune communication sen- sible avec l’air atmosphérique ; lues à l’Académie par M. Lecar: En 1755 , le sculpteur du roi d'Espagne, exploitant un bloc de marbre de couleur rousse pour en sculp- ter un lion, trouva dans le centre du bloc deux ca- vités dans chacune desquelles il y avait un vers vivant et qui n'avait aucune issue au dehors. Ces in- sectes paraissaient s'être nourris de la substance même du marbre dont ils avaient la couleur. Un des deux tiré du bloc fut remis dans un autre morceau du méme marbre , et y a vécu trois mois. Le célëbre M. Ullon, compagnon de voyage de MM. nos académi- ciens envoyés au Pérou pour détermiver la figure de la terre, a été témoin oculaire de ce fait , et l’a mandé à M.le président de Robien ; qui la commu- niqué à M. Dubocage , notre associé ; par une lettre da 21 février 1754. Il serait difficile aux plus incrédu- les de révoquer en doute de pareils témoignages. La lecture que j'en fis l’an passé, à une de nos assemblées, rappela à M. Leprince, sculpteur, et l'un de nos collègues, une observation pareille. Tome IT, 1751 à 1760. F 1795 2755; (82) » Des maçons travaillant à Ecreteville , au châteat de M. De Larivierre-Lesdo, père de M. le président deValiquerville ,désirant partager en deux une pierre très-dure , longue de quatre pieds environ , sur deux pieds d'épaisseur, y firent une entaille tout au tour avec le ciseau , et achevèrent la séparation avec des coins de fer. La pierre éclata , et on fut bien surpris de trouver au centre une cavité de la grandeur d'une aveline , remplie exactement par un petit crapaud , qui, dès qu’il eut recu l'impression de Pair , se déve- Joppa de lui-méme et prit l'essor. » Peyssonnel, médecin-botaniste à la Guadeloupe, ayant été instruit qu’au fond d’un puits que l’on creu- sait au quartier Saint-Bertrand , île Grande-Terre, on avait trouvé des grenouilles vivantes, se fit descendre dans le puits , à soixante-dix pieds de profondeur. Ï assure qu’il avait fait travailler à la roche de ma- drepores qui s'y rencontre , et en avait tiré lui-même de petites grenouilles vertes. Il ajoute avoir appris que dans le même quartier , d’autres puits avaient offert le méme phénomène. Le fait suivant (1), qui m’a été communiqué par un témoin oculaire et bien digne de foi, vient se ranger dans la même classe. Un menuisier varlopant un morceau de bois refendu d’une poutre qui avait plus de cent ans de service , sans compter l’âge de l'arbre lors de sa première exploita- Uôn , aperçut sous la trace de sa varlope un chan- gement de couleur dans le bois, dans une longueur d’un pouce et demi et une largeur de plusieurs lignes. En poursuivant son travail il découvrit une cavité de laquelle sortit une mouche qui, se trouvant libre, s’envola aussitôt. M. Lecat continue ainsi: » Gudlt: à l'explication de (1) Note du Rédacteur, he. 2 (85) cés phénomènes, il faut convenir qu'ils présententles 1755: plus grandes difficultés. S'il ne s'agissait que d’expli- quer comment ces animaux ou leurs œufs ont pu se trouver enfermés dans là pâte de ces pierres encore molles , ou déposés sous l’ecorce de la plante jeune et recouverts par l'addition successive des couches corticales et ligneuses , on trouverait matière à disser- ter, et on pourrait dire des choses satisfaisantes, mais comment expliquerle développement du germe, l'accroissement et la prodigieuse durée de la vie de ces animaux, au-delà des bornes ordinaires de celles de leurs congénères soumis à l’action atmosphérique et parcourant librement tous les degrés de leurs déve- Joppement et même de leur métamorphose ? On sent qu'il est plus facile ici de s’égarer dans la vaste région des hypothèses , que de donner une solution claire , et propre à satisfaire la raison. « Second Mémoire sur les Fièvres , et les Fièvres malignes spécialement ; par M. LEcaT. Quoique ce second mémoire soit infiniment plus éten: du que le premier, l'extrait que j'en présenterai sera proportionnellement plus court, parce que le pre- mier , riche en faits et en observations , eût perdu de la moindre soustraction qu'on en aurait faite ; et que celui-ci, plein d'érudition à la vérité, mais d’érudition consacree à l'établissement et à la confirmation d'un système presque par-tout hypothétique, montre beau- coup plus la subtilité et la fécondité de son auteur, qu’elle n’établit des règles utiles de pratique. L'auteur a divisé son mémoire en huit sections. $. 1. Il y combat le sentiment des humoristes ex clusifs, classe de philosophes qui a long-temps pré= valu , mais dont la saine médecine a fait justice depuis F 2 ( 54 ) #755, long-temps. On peut en eflet dire du principe des ma* ladies, ce que le père de la médecine disait de ceux du corps humain : « Principium corporis mihi qui- dem nullum esse videtur |, sed partes omnes per æquo principium omnesque finis, Descripto namque circulo principium non invenitur ; eadem que ratio morborum in toto corpore. » De loc. In homine; c. 1. ÿ. >. En combattant un préjugé, dit notre estima- ble collègue à gardons-nous bien de donner nous- mêmes pee un autre. Les esprits éont sans doute le principe le plus universel de la santé et des maladies ; mais ils ne sont pas les seuls : le nombre et la variété des parties selides dont se compose le corps humain, les altérations multipliées dont elles sont susceptibles , montrent combien il serait injuste de les compter poûr rien dans la production et le développement de nos maladies. $. 5. Il est spécialement consacré à la pathologie des tumeurs inflammatoires et des maladies aiguës qu'elles produisent. On peut en déduire ces corollaires de pratique, que le principe des phlegmasies exté- rieures est le même que celui des phlegmasies inter- nes; mais que la sensibilité et l’importance de ces dernieres rendent les résultats beaucoup plus redou- tables, $. 4. Il contient une théorie des fièvres. » La dou- leur est le seul vice réel dans l’économie animale; et comme toute inflammation de parties nerveuses pro- duit la douleur, et que la douleur produit la fièvre , toûte inflammation la produit également ; l’agent prin- cipal es l'éréthisme douloureux... Les nerfs et leurs enveloppes sontles conducteurs du fluide sensitifetdu fluide moteur ; mais c'est dans les premiers que ré- side le pouvoir qui produit l’éréthisme... L’'aflluence ingale du sang et des esprits interceptés par ce même (85 ) éréthisme , donnent la raison du frisson ; la cessation : de l’éréthisme rétablit la chaleur. $- 5. Origine des maladies et particulièrement des maladies contagieuses. » Le fluide animal qui , lié à lâme par l'Étre- Suprême , devient l'instrument desmouvements et des sentiments , est lui-même intimement lie à unelymphe gélatineuse qu'on appelle suc nerveux. Cette gelée et son esprit sont généralement répandus dans l'air et dans tous les mixtes où nous les puisons.... La bonne constitution de ce fluide dépend de la juste consis- tance de cette gelée, que bien des causes peuvent vicier..…. Nous appelons substances contagieuses celles qui sont capables de produire cet effet : la marche irrégulière des saisons, les effluves des marais, les éruptions volcaniques , les putréfactions animales , les vapeurs des mines, etc., etc. 6. 6. Source de ces fluides contagieux. Ce paragra- phe commente en quelque manière les principes énoncés au précédent. Il montre que l’homme lui-. même est pour l'homme un principe terrible de des- truction. $. 7. Voies par lesquelles les principes contagieux s'introduisent dans l'économie animale. Ce sont les mêmes par lesquelles nous renouvelons sans cesse et nos solides et nos humeurs : les voies de la respira- tion et celle des aliments... La matière contagieuse introduite par les voies aériennes produira toutes les lésions possibles des poumons ; et, si leurs molécu- les sont assez subtiles pour pénétrer leurs tissus et s'insinuer dans leurs vaisseaux sauguins , quel sera le terme de leurs ravages? Le cerveau lui-même ne sera pas épargné ; et Ja lymphe gélatineuse et nervale, altérée dans l'organe même qui la prépare , portera F 3 " { 5 5 € 86 ) . Je désordre et la confusion dans toutes les parties de l'individu. » Les organes de la digestion présentent une route plus difficile, et plus de moyens d’atténuer et d’éner- ver le principe contagieux : on sait d’ailleurs que des poisons subtils , quand ils sont introduits par des bles- sures , peuvent être avalés impunément. Mais enfin , si le poison est assez actif pour triompher detouslesobs. tacles , il n'est plus de bornes à ses eflets désastreux. Ajoutez l'aflinité spéciale du délétère avec les es- prits de tel ou tel organe, et on aura un nouveau mo- tif de la préférence avec laquelle l'infection l'épargne ou l’envahit. 6. 8. La transpiration des esprits est un point de pathologie aussi important que celle des humeurs est peu digne de l'attention des praticiens. :» On attribue avec raison un grand nombre de ma. ladies à des transpirations supprimées , mais c’est de celle des esprits qu’il faut l'entendre. Les excrétions des humeurs se suppléent parce qu'il y a une circulation des humeurs ; mais les es- prits arrivés une fois aux houppes nerveuses , aux glandes cutanées , manquent de cette ressource. Ils s'y fixeront donc avec leur caractère de dépravation, tant qu’ils n’en seront pas enlevés par exhalation , et ils y exerceront toutes sortes de désordres. Les éruptions critiques sont les portions dépravées de nos esprits , portées au dehors par les mouyements victorieux de la nature... L'effet heureux de l'émé- tique , des purgatifs, des vésicatoires, est particulière- ment dû à l’enlèvement de ces esprits viciés ,; des houppes nerveuses de l'estomac, des intestins, de la peau... J'attribue à la même cause les éruptions produites par les passions violentes , la colère, la ter- reur ; et dans ces divers cas la guérison absolue ne (87 ) peut avoir lieu qu’autant que les esprits dépravés sont 1755, complétement enlevés, et qu’il ne reste plus d’éüin- celle capable d’occasionner un nouvel incendie. Polydædala Natura, c'est-à-dire : La Nature féconde en merveilles , etc. Ainsi commence une dissertation latine de M. Klinckenbergh,docteur médecin à Nimègue,adressée à l’Académie par M. Beyer , l’un de ses membres, et présentant l’histoire et la description d’un monstre né près de Nimègue , le 24 août 1756. L’épouse de J. Jacobs, demeurant au village d'Ha- tert, près Nimègue , après plusieurs couches heu- reuses , étant de nouveau enceinte de sept mois , sen- tit le 25 août, en rentrant à sa maison , les symptômes d'un accouchement prochain. A défaut de matrone elle appela sa voisine , femme sans expérience , qui apercevant les quatre pieds qui se présentaient à-la- fois, courat eflrayée chercher une autre voisine, et lui abandonna l’accouchée, le monstre et son placenta. Celle-ci fit la ligature du cordon ombilical qui était unique , et donna des soins à la mère qui n’a cessé de jouir ( jusqu’à la date de la dissertation ) d’une santé excellente. M. Klinckenbergh était alors dans le voisinage; et, conduit par la curiosité , il examina cet ayorton mons- trueux et en fit la description suivante : Il présente deux enfants de sexe féminin, parfaite- ment pareils en grandeur et intimement collés par le ventre. Deux poitrines où les paplles sont appa- rentes ; deux têtes , quatre mains, quatre pieds bien distinets; un seul cordon ombilical se présentait à la commissure inférieure des deux corps, et communi- quait avec eux. F 4 1756, 756. La Marti- nière, Dict, Géogr. ; ant. mesures. (88) La hauteur totale était de treize pouces et demi ,et lalargeur de sept pouces et demi, (Il s’agitici du pouce du Rhin , mesure un peu plus petite que celle de Paris, puisque le pied du Rhin est à celui de 5 comme 1390 sont à 1440. } M. Kliuckenbergh n'ayant pu déterminer le père à lui vendre cet avorton , obtint au moins la liberté de l'injecter et de le renfermer dans un vase plein d’une liqueur spiritueuse , afin que cet infortuné püt le montrer aux divers marchés et en tirer quelque bé- néfice. Lettre de M. l’abbé Jacquin à M. Lecat , sur la suffo- cation occasionnée par la vapeur du charbon , et les moyens de réparer ses funestes suites. Cette lettre formant une dissertation de trente quatre pages in-4° , est partagée en deux parties. Dans la première l’auteur expose longuement les phéno- mènes de la respiration. Il essaye de montrer dans la seconde comment elle est lésée par la vapeur qui s'exhale de la braise ou da charbon en combustion , et les secours que l’art peut administrer aux infor- tunés qui sont soumis à son action délétère. Je me contenterai d'exposer cette division sans analyser les raisonnements de l’auteur , parce qu’à l'époque à laquelle M. l'abbé Jacquin écrivait, on connaissait peu la nature de l'air : les gaz étaient ab- solument inconnus, et le mécanisme de la respiration , révélée par la chimie pneumatique , n’était pas même soupçonné, La première attention, dit M. l'abbé Jacquin, quand on est appelé au secours d’un asphixié par la vapeur du charbon , est de le retirer de l'appartement , s’il est € 89) possible, ou au moins d’en ouvrir les portes et les 1756. fenêtres pour y introduire de l'air respirable. On le débarrasse de tous les vêtements qui peuvent le géner , colliers, corps de baleine, ceintures , jarre- o tières ; on lui administre l'émétique, on introduit dans ses narines, sa bouche , ses intestins, la fumée de tabac ou la vapeur du fort vinaigre ; on en fait méme avaler sil est possible. On tente les sternuta- toires , on fait des frictions, on excite la sensibilité en chatouillant la plante des pieds. On tâche encore d’in- troduire de l'air respirable dans la poitrine ,etc,, etc. M. l'abbé Jacquin fait une grande distinction entre la suflocation qui surprend au moment de l'inspira- on , et celle qui surprend à celui de l'expiration, et exhorte à n'abandonner la malheureuse victime qu’a- près avoir tenté long -temps tous les secours connus, et s'être bien convaincu que toutes les ressources de l'art sont désormais inutiles ; des histoires authenti- ques paraissant prouver que des hommes estimés morts depuis bien des heures, ont cependant été rappelés à la vie. Maladies des années 1755 et 1756; par M. Lecar. Les maladies qui ont régné pendant lesmoisd’août, 1757, septembre et octobre 1555, ont été quelques fièvres irrégulières humorales qui se terminaient par des évacuations critiques. Quelques doux laxatifs associés aux délayants ont eu du succès, En novembre et décembre ; les mêmes maladies ont continué ; mais leur durée était plus longue ; quelques-unes sem- blaient prendre un caractère catarrhal, L'émétique donné au début a réussi. En janvier, février et mars 1756, les fièvres modé- «(90 ) 77574 rées pour l'intensité ont été compliquées d’éruptions érésipélateuses , de maux de gorge qui se terminaient par des sueurs critiques. Il a régné aussi quelques à péripneumonies plus humorales que sanguines : ces maladies ont été généralement assez bénignes. En avril, maiet juin, on a observé des péripneumo- nies bilieuses , des rhumes , des pleurésies , des fièvres continues et intermittentes ; la plupart étaient de courte durée. On a encore vu régner pendant ce trimestre et même en juillet, des coliques bilieuses vertés;les évacuations étaient symptomatiques etn'ap- portaient aucun soulagement. Elles étaient annoncées par des douleurs d’estomac assez vives. La saignée a réussi quand les accidents étaient aigus ; le régime doux et humectant convenait d’ailleurs. On a quel- quefois employé, utilement les doux émétiques , les minoratifs. Enfant d’une taille et d'une grosseur extraordinaires ; observation communiquée par M. d'Arcourt , capi- taine en second du vaisseau la Double-Union , et par M. Lecar. Cet enfant, âgé de neuf à onze ans , est fils de Pierre Tistaigne , mulätre de l’ile St. - Vincent. Il est d'une grandeur et d’une grosseur telles qu’il n’est personne qui ne lui donne vingt-cinq ans. Sa taille est de cinq pieds deux ou trois pouces, son embonpoint est excessif; mais sa graisse molle et demi- fluide éprouve dans tous ses mouvements une espèce de fluctuation désagréable à voir. La ceinture de sa cu- lotte , les poignets et le col de sa chemise forment des espèces de digues qui retiennent cette graisse et l'em= péchent de s’épancher. (91) Il avait les bras croisés lorsque je le vis, dit le capi- taine , et ils étaient presque entièrement cachés par la graisse de ses mammelles. Les personnes qui l'ont vu au bain n'ont encore assuré que les fesses lui tombaient presque sur les cuisses , et que la peau du ventre lui cachait presque les organes sexuels ; tout d’ailleurs annonce en lui un enfant; il s'amuse de tout les jeux de son âge ; il fume presque continuelle- ment. On m'a assuré encore qu’il prenait par jour environ vingt livres d'aliments , moyens bien suflisants pour entretenir et accroître ses dimensions extraordinaires. De l'Opération de la Hernie inguinale et crurale , par la dilatation graduelle de l’anneau et de l’arcade crurale ; par M. Leblanc, M°en chirurgie, à Orléans. Le titre seul de ce mémoire est presque suffisant pour faire concevoir une opération dont M. Leblanc west pas l’inventeur , et qui, suivant M. Sabathier , avait été pratiquée vers la fin du dix-septième siècle, par Thévenin. M. Leblanc cite quatre exemples de personnes qu’il a ainsi opérées avec le succès le plus complet. Les avantages que l'auteur attribue à cette méthode sont 10 d’être moins douloureuse ; 2° de re pas ex- poser aux mêmes dangers que l'incision ; 5° de pro- derer aux malades une guérison radicale. Je placerai à côté de ces promesses brillantes le jugement qu’en porte l’auteur de la médecine opéra- toire déjà êité. : » La réussite de cette opération ne peut rassurer sur les dangers auxquels seraient exposés Ceux sur qui on oserait la pratiquer. « 1757 Méd, opéra, Tome I. Ibid (92) 1757. Dissertation sur les maladies de l’ile Sainte-Marie. — Madagascar. Tel est le titre d'un mémoire de vingt - deux pages ‘in-4°, adressé à M. Lecat, et dans lequel l'auteur, M. TT... , présente entrois articles particuliers , l’his- toire d’une fièvre commune dans l'ile de Sainte-Marie ; celle de la crampe, et enfin une notice sur les coups de soleil , les flux de sang , etc. , également fréquents dans le même pays. : - La copie de la lettre de M. Lecat , en réponse à M.T...., annexée audit mémoire, lettre dans laquelle ce mémoire est apprécié, me dispensera d’en pré- senter un autre extrait, » Il n’y a guères que huit jours , Monsieur , que je vous ai écrit, et peut-être mes deux lettres arrive- ront-elles ensemble. » Je me plaïgnais dans ma précédente de votre lon- gueur , je ne vous ferai pas encore beaucoup de compliments sur votre diligence dans celle-ci. Depuis tant d'années vous n'ayez amassé un caméléon ! quel effort! Depuis un an, moi qui suis occupé comme un forçat , j'ai rassemblé trois mille coquilles et peut-être mille insectes, Si j'étais trois mois, durant la belle saison , dans le beau pays que vous habitez , j'en au-. rais des milliers dons l’eau-de-vie ou le tafa. » Je viens delire votre dissertation à l’Académie; je me suis bien gardé de communiquerletitre d'aspirant. Allons doucement, Monsieur ; pour aspirer à une place d’Académicien , il faug avoir donné d’autres preuves de son savoir et de ses mœurs, » La première des maladies dont vous donnez la description, cette fièvre maligne ardente que vous ne connaissez pas , est tout simplement la fièvre pu- (95) tride, souvent accompagnée d’éruption miliaire, qui depuis tant d'années règne dans l'Europe, à Rouen comme ailleurs ; et que nous guérissons avec... etc, » La seconde maladie que vous appelez crampe... est le Tecanos connu par tous les apprentis en mé- decine , et non pas le Tintanos, comme vous croyez qu’on l'appelle au Sénégal. Cette observation me prouve, mon cher , que vous ne lisez pas: si vous aviez votre Boerhaave dans la tête ( et peut-on se méler d'exercer la médecine ou la chirurgie sans cela} vous reconnaitriez ces malalies au premier coup- d’œil.... Si vous aviez de bons livres d'anatomie dans les mains , vous ne placeriez pas des glandes sous le péricarde pour y former l’eau qu'on y ren- coutre , ni dans la rate pour en composer ce viscère. Je vois par ce mémoire etle peu que vous avez fait pour mon cabinet, je vois, dis-je, que vous perdez votre temps; et vous aspirez à être Académicien! c’est bien là la vie, ma foi, que mène un homme qui a cette noble ambition. Ne pensez pas, Monsieur , que ces places s'accordent à si bon marché...... Je vous parle franc, comme vous voyez; mais si vous êtes homme à réflexion, vous reconnaîtrez à ces traits que je suis vraiment votre ami.... Nourrissez-vous sans cesse de la lecture des bons ouvrages d'anatomie et de physique ; faites des recherches solides , des expériences; méditez, comparez ; en un mot deve- nez un homme, et vous trouverez en moi un ami qui vous élevera jusqu’au troisième ciel ; mais sans ces conditions préliminaires ne comptez sur moi pour PT SE » J'oubliais de vous dire que j'ai découvert par plusieurs ouvertures de cadavres et par plusieurs ob- servations , que le Tetanos a pour cause une inflam- mation suppuratoire de la pie-mère. 1757 1757 27. C94) » À propos de la troisième espèce de maladie capi- tale de votre dissertation , coup de soleil , on a observé à l'Académie que vous n’aviez fait nulle description des symptômes de cette maladie qui doivent être trés- intéressants dans un pays ou elle est si fréquente et si funeste. » Le reste de la lettre renferme des exhortations et des conseils qui peignent de la manière la plus vive la passion de M. Lecat pour l'étude , son zèle pour les progrès de la médecine , et le tendre intérét qu’il portait à ses élèves. Maladie singulière. Le mémoire dont je vais donner l'extrait, manque de commencement et de fin , par la perte d’une feuille entière qui recouvrait les autres ; mais il ne laisse pas de présenter l’histoire d’une maladie singulière , avec des détails assez précis pour en donner une idée complete. Il paraît que la dame qui en est le sujet s'était pré- sentée à l’Hôtel-Dieu de Rouen, pour s'y faire opérer d’une prétendue hydropisie. Le rapport est fait par un homme de l’art, que je présume étre monsieur Thibaux , sans cependant en avoir la certitude. » M. Lecat était absent ; ce fut un de ses élèves qui la fit avec toute la dextérité possible et à l'endroit marqué par tous les bons praticiens ; mais il fut bien surpris lorsqu’au lieu de tirer de l’eau du ventre de la malade , comme il se l'était proposé , il ne vit sortir que du sang, et en si grande quantité que la malade mourut peu de temps après , sans que pour cela le ventre fût diminué de volume. » Un fait aussi extraordinaire détermina à faire C95) l'ouverture du cadavre pour en déterminer la cause. 17» On trouva que le foie occupait la région iliaque droite, et que le trois-quarts l'avait percé dans sa partie supé- rieure. Il était attaché à la partie inférieure d’une grosse vessie transparente pleine d’eau , et quioccupait presque toute la capacité du bas-ventre Cette vessie était supérieurement attachée au diaphragme, et , em génant son mouvement , paraissait être le principe de la grande difficulté de respirer dont se plaïgnait la malade ; importunité qui vraisemblablement avait pressé l’opération. » Ce jeune chirurgien, qui ne s'attendait pas à un pareil événement, me fit appeler , et je fus aussi sur- pris que lui. Nous fimes l'ouverture de ce sac; il en sortit au moins quatre pots d’une eau claire , sans odeur ni saveur, Ce sac avait l'épaisseur d'un écu de six livres, était très-dur et semblait être formé par le ligament large du foie. Ce viscère était dans un état naturel, mais plus volumineux que d'ordinaire ; tous les viscères abdominaux étaient parfaitement sains. Il résulte que la maladie était une hydropisie en- kistée ; que le déplacement du foie avait occasionné l'erreur funeste dont il est question, et que l'ou- verture seule pouvait donner la connaissance de cette maladie singulière. Pour ne rien omettre , il faut cependant observer que bien que la tuméfaction du ventre fût univer- selle, la fluctuation était obscure dans la partie in- férieure de l’abdomen ; que les cuisses ni les jambes wétaient enflées , que les urines étaient claires et abondantes; et dans les ascites , les urines sont ordi- hairement médiocres et briquetées , l’intumescence de l'extrémité inférieure souvent très - grande , et la fluctuation particuliérement sensible dans la partie basse de l'abdomen, Nyse 1757° Poir encore le traité des fluides ner- veux, etc. ; imprimé en 1765, (96) L'exposition ingénue d'une opération malheureuse est un avertissement nouveau de multiplier les re- cherches et les attentions lorsque les phénomènes de la maladie s'écartent des lois communes : l'applica- tion la plus légitime d’un principe avoué pouvant avoir les résultats les plus désastrueux, Lettre de 21. Lecat à M. Bordeu , Docteur , régent de la faculté de Médecine de Paris , sur le tissu cellulaire. » Monsieur , je vous savais un grand médecin , mais je ne vous croyais pas un anatomiste aussi distingué. Cette épithète est due à celui qui dirige cette pre- mière partie de notre art , à son véritable but, la pratique. Je vous en fais, Monsieur , mon sincère compliment , et je me félicite de m'être rencontré avec vous sur plusieurs points de votre doctrine sur le tissu cellulaire ; vous me dispenserez cependant de l'appeler corps mugueux. Ce que nous entendons par cette dénomination est si différent du tissu cellu- laire, que je n’aperçois pas la raison pour laquelle vous avez réuni ces deux épithètes..... » La pleure, le péritoine, etc. , sont selon vous, Monsieur, des productions du tissu cellulaire , tapé par les viscères qu’il renferme, J'ai eu le bonheur de voir tout cela dès mes premicres études anatomi- ques, et il y a au moins quarante ans, car j'en ai soixante-sept ; et depuis trente-un ans que j'ensei- gne publiquement} l’anatomie , je n'ai jamais manqué dans mes cours d'exposer cette doctrine. » Mais je ne sais, Mousieur , si je n'aurais pas été assez Co7) assez heureux pour porter mes vues un peu plusloin ; que vous , en assignant à ce Lissu sa vraie origine... » Dès que le tissu cellulaire est le produit d'un dépouillement de la tunique des nerfs, on a son ori- gine à la tête qui est doublée en dehors et en dedans de ces méninges mêmes, (1) On a cette même origine dans tous les veutres et dans toutes les parties que les nerfs pénètrent en se dépouillant sans cesse des James qui forment autant de tissus cellulaires... Ainsi Ja septième paire, la cinqnième , la huitième , don- nent les nombreux tissus cellulaires de la face ; l'in, tercostal , la huitième , la neuvième , la dixième , les cervicaux , ceux du col; le même intercostal , la hui- uüème ; les intercostaux épiniers, les plexus pulmoni- que, cardiaque, wsophagien ; fournissent les plè- vres cellulaires et vraies, Lés mêmes nerfs et leurs plexus sémi-lunaire , solaire , mésentérique , stoma- chique, hépatique , spiénique , rénaux , etc., don- nent le péritoiue tant vrai que cellulaire ; et comme il n'y a pas un muscle où il ne se porte des nerfs, pas un faisceau de ces muscles où il n’en entre encore , il y aura dans toutes ces parties des gaines cellulaires ; et les surfaces de ces muscles étant parcourues par ces nerfs de même que la peau, par-tout on rencon- trera ces tissus cellulaires ; tissus qui communiquent entre eux , parce que tous sont le produit d'un même arbre nerveux , les mêmes branches de cet arbre. Jene confonds pas ces-gaines communes ; avet les manches ni les caleçons aponévrotiques , ni avec leurs gaines intermusculaires, adhérentes aux os: ces fortes toiles sont la suite des aponévroses et des périostes ; les uns et les autres étant des productions de la dure: Pr +0: 1 reel PMP EN NE ERRRORERMERER (1) À durû matré fieri , ejus hominis est Divinatio, qui omniä ab eù matre deducat, Haller. Elem, phys. Vs, p+ 204 Tome IT, 751 à 1760: G 716. Voir l’Ou- wrage cité. (98) mére , vraie-mère des membranes et des muscles eux-mêmes. » Quant à la tension , aux étranglements, à l’action enfin que vous attribuez au tissu cellulaire, je vous avoue , Monsieur , que c’est de toutes les parties du corps humain celle que je crois la moins capable de ces propriétés, puisque ce tissu est ce qu’il yade plus mou , de plus lâche, de moins sensible , de moins irritable... C'est pour cela qu’il est si souvent le siége passif des divers dépôts..... » Vous lui faites l'honneur, Monsieur , de le regar- der comme le siége des crises , comme l’organe des rapports sympathiques entre les diverses parties... permettez moi de penser que c’est lui donner des at- tributions trop importantes. Pour trouver l'organe que vous cherchez , il faut remonter jusqu'aux nerfs.... » Vous avez grand raison, Monsieur, de croire que tousnos confrères sont dans l'erreur en cherchañt cette clé dans les vaisseaux liquoreux : c'est aux nerfs , encore une fois, qu’il faut s'adresser ; ces ca- naux immédiats de la vie sont aussi le siége du prin- cipe des maladies, qui n’est rien que la dépravation du suc nerveux, des esprits. Je ne suis ni le seul ni le premier qui ait professé cette doctrine ; tant mieux, ce que j'en publier ai encore aura plus de crédit contre la foule nombreuse des médecins humoristes, » C'est dans le systême nerveux, dans les houppes nerveuses, dans les glandes qu’il faut chercher les organes dépuratoires...... C'est des mammelons de la peau que sortent les éruptions varioleuses , érysi- pélateuses, etc. C'est dans les glandes , organes tout niérveux , qu'il faut chercher le siége de la parotide, du bubon, de l'anthrax , et ce sont les émonctoires de nos bons aieux qui en yalaient bien d’autres, .... € 99) » Je ne crois pas le tissu cellulaire plus propre aux i756 métastases... Ce n’est qu’un amas de cellules dépo- sitaires de l’huile qui forme la graisse... Elles ne sont encore telles que lorsqu'elles sont écartées par l'inter- position de quelque matière.... Donc les nerfs seuls sont les canaux cherchés. Eh ! qui pourrait les rem- placer dans cette fonction ? C’est le seul canal par le- quel les impressions se communiquent , se propagent, du tronc aux rameaux et des rameaux au tronc. Qui n'a pas vu la goutte, etc., sé porter en un clin-d’œil du pied à la main, et réciproquement ? » Je suis entièrement de votre avis, Monsieur > SU l'excellence de l'émétique dans l’angine et autres affec: tions sympathiques de celles de l'estomac. Les orga- nes de ces sympathies sont évidents , l'intercostal à la huitième paire , etc. , et les voies de communica- tion bien connues, ne céderont jamais la place à votre tissu muqueux, quelque éloquente que soit votre dissertation en sa fayeur.…. » Au reste, Monsieur, cette petite diversité d’o- pinion ne rabat rien de la haute estime et de la véné ration que j'ai pour yous, etc., etc. » Sans prendre aucun parti dans la querelle intentée par notre estimable compatriote , je ne puis me dé- fendre d’exprimer l'intérêt que cette lettre m'a ins- piré, et par la noble franchise avec laquelle elle est écrite , et par le ton de politesse qui se manifeste dans toute la suite de la discussion. ( More de l’éditeur. ) Observation relative &une Femme morte pour avoir été accueillie par un grand nombre de Sangsues ; par M. Lecar. La nommée Marianne ......, domestique chez un cultivateur à Ambourville , alla, le 22 avril 1755, & à ( 100 ) x757. laver , à la mare du Rond , quelques aunés de toile Dise. Les sangsues se portèrent en très-grande quantité à ses jambes; mais, étant sujette à une ophthalmie , Marianne ne vit dans l'opération de ces inséctes qu’un moyen propre à modérer cet accident, et les laissa sé gorger de sang. Une voisine l'ayant trouvée sans connaissance sur le bord de la mare, alla ayertuir M. le curé qui s'y rendit aussitôt. Il la trouva revenue de son évanouissement , et Jui fit prendre un peu de vin, On la reconduisit chez elle , et on s’occupa alors de la débarrasser de ces sangsues. Elle tomba de nouveau en faiblesse et périt vers les onze heures du matin. L'auteur de cette observation n’attribue pas à la seule succion des sangsues , la mort de cette infor- tunée ; mais encore à leur qualité vénéneuse. H en conclut la nécessité de n'employer jamais, pour l'usage chirurgical, des sangsues prises dans des eaux fangeuses, Il signale ces insectes dangereux par une grosse tête verdoyante , des raies bleues sur le dos. Les bonnes sangsues , au contraire, ont la tête petite , le ventre rougeñtre , le dos vert et quel- ques raies dorées. On les prend dans les mares dont l’eau est claire et souyent renouvelée par des courants. ( to71 ) Examen critique de la\-dissertation de M. HALLeR , sur les parties sensibles et irritables des animaux. Tel est le titre d’une dissertation de vingt-deux pages in-4 , très- finement minutée, dont l’auteur est M. Vannier, docteur, régent de la faculté de médecine de Bourges, On a tant écrit sur ce sujet et la matière est telle- ment épuisée , que ce serait répéter inutilement ce que tout le monde sait, que d'exposer en détail les arguments de M. Vannier; je me contenterai d’in- diquer la série des chapitres. L’auteur expose dans le chapitre premier l'état de nos connaissances sur la sensibilité et lirritabilité avant la publication de la dissertation de M. Haller. Le second est consacré à l'exposition de l'opinion de ce médecin célébre. Le troisième comprend les réflexions de M. Vannier sur les expériences de M. Haller. Le quatrième est destiné à la réfutation de l'opinion de M. Haller , sur la sensibilité. Le cinquième se propose la même tâche relative- ment à l'irritabilité. Dans le sixième, M, Vannier pose en principe que le gluten des fibres n’est pas le siége de lPirritabilité. Il établit dans le septième que lélasticité contribue beaucoup à l'irritabilite. Dans le huitième, que l'irritabilité dépend de la sensibilité. Et eufin , dans leneuvième , que l'irritabilité halle- rienne ne peut être d'aucune utilité dans l'art de guérir, G 5 1757a 1757° 758. € 102 ) Cette dissertation , toute en raisonnements , montre dans son auteur de l’érudition et une plume exercée ; mais elle laisse à désirer des expériences directes propres à infirmer ou à détruire celles de son adver- saire. Un défaut de beaucoup d'ouvrages polémiques est de ne pas déterminer clairement la valeur des ex- pressions que l’on emploie, et de regarder souvent comme synonymes des mots qui ont une acception différente. Si on suivait toujours cette règle de logique , on s’é- pargnerait bien des discussions , et l’on consacrerait à des observations utiles un temps que ne compen- sent pas toujours les plus brillantes spéculations. Lettre de M, Lecat à M. D....., sur les avantages de la réunion du titre de Docteur en médecine à celui de Maitre en chirurgie. | Je ne donnerai que le titre de cet ouvrage qui a été communiqué au public par la voie de l'impres- sion. Observations météorologiques , en 1757 et 1758, pen- dant. l’année académique ; par M. Lrcar. La plus grande élévation du baromètre, 28p.51., les 29 ot 31 fanvier 1758. Sa plus grande dépression, 7 p.71., les2r, 22 juil. Le jour le plus froid, 22 janvier, 8 d. 1/2 au- dessous de o, Le jour le plus chaud, 9 juin , 26 d. au-dessus. ts (105 ) Le jour le plus humide , 25 janvier , hygromètre , 1758. 14 d. au-dessus de o, Le jour le plus sec, en mai, 54 d. Le 12 août, M. Duboullay étant à Orcher, a ob- servé des colonnes de feu au couchant, La nuit du 27 au 28 octobre, on a ressenti au Hayre deux secousses de tremblement de terre. Le 9 décembre, ona senti à Montiviliers une com- motion pareille. Le 17 février, tempête, éclairs , tonnerre, grêle. L'année a été généralement sèche. MALADIES. En automne , quelques fièvres. L'hiver et le printemps, on a observé des périp- neumonies bilieuses , des rougeoles , des petites véroles. D’ayril en juillet , le mantelet catarrheépidémique a été presque universel. Il y a eu généralement peu de mortalité, Mémoire sur les Hermaphrodîtes ; par M. Lecar, Ce Mémoire , de quinze pages in-4° , contient un assez grand nombre d'exemples de prétendus herma- phrodites qui prouvent que la plupart d’entre eux étaient des femmes vicieusement conformées dans les organes sexuels. Un d’entre eux donna lien à un procès capital. Marie L..... jusqu’à sa quinzième année , avait été ré- putée fille et en Kvait porté les habits, A cette époque elle erut apercevoir en elle les signes de la virilité ; GG 4 C104) 1759. elle en fit part à une jeune veuve qui, après bien gJuiux60o1. (Voir Mém. de l’Acad. 117 50. des incidents peu essentiels à cette histoire, consentit enfin à l'épouser. Marie L..... à vingt-un ans prit des habits d'homme, et substitua à son prénom celui de Marin. La justice cependant prit connaissance de ce fait ; des visites furent ordonnées; Marin L...., déclaré fille et, d'après des qualifications infamantes , condam- née à être pendue et jetée au feu. Sur l'appel interjeté au parlement de Rouen à UN nouvel examen fut ordonné. De six médecins , deux chirurgiens et deux matrones nommés comme ex- perts , neuf déclarèrent Marin fille ; le seul médecin Jacques Duval, (1) d’après un examen approfondi , reconnut les organes de la virilité , et que Marin L..... n’était pas coupable, Une seconde visite ordonnée , les opinions furent de nouveau partagées. L'arrêt qui intervint condamne Marin à rester sous les habits de fille jusqu’à l'âge de vingt-cinq ans, ou que par justice il en ait été autre- ment ordonné , etc. J’oir , pour les détails, le livre que Jacques Duval publia alors sur ceite matière. En 1749, Michel-Anne Drouard subissait l'examen des comraissaires de l’Académie des Sciences de Paris, Indépendamment des bizarreries sexuelles dé- taillées aux Mémoires de cette société savante , M. Morand observe que chez Drouard le bassin est très- évasé , que la peau de la cuisse gauche est blanche et douce, et celle de la cuisse droite est brune et cha- grinée ; que Drouard a de la barbe , la poitrine ap- nee e ee (1) Agregé au collége des Médecins LE Rouen, en 1594 ; mort en 1616, C105) platie par le haut et point de gorge , qu’il est ainsi 1759+ par le haut, et même généralement par-tout , plus homme que femme, En 1744, mourut à la charité un homme qui pré: senta à ceux qui l’ensevelissaient des singularités assez particulières pour les engager à en donner avis aux chirurgiens de la maison , et M. Verdier fut prié d’en faire l'anatomie. Au-dessous du penil, muni de son urètre , était l’orifice du vagin. La matrice était munie de ses deux ligaments ronds ; mais elle n'avait que la trompe et l'ovaire du côté gauche. Du cûté droit seulement on remarquait un testicule extérieurement placé avec son canal déférent et ses vésicules séminales. Cet homme avait sans doute les éléments des deux sexes, bien qu'imparfaits , et forme déjà un degré de probalité pour la possibilité des hermaphrodites, L'histoire des enfants monstrueux conduit même à l'explication physique de ces phé- nomènes. » Dans le même temps on montrait à Rouen un enfant et un autre à Beauvais, qui étaient doubles par le haut et simples par le bas. L'un et l’autre avaient dans un bassin simple dou- bles organes génitaux , on en a vu plusieurs autres dou- bles par le bas. Il est tout aussi possible d’en voir qui soient simples par le haut et par le bas, et qui ne soient doubles que dans les parties de la génération. Le monstre de Rouen avait dans son bassin unique deux sexes féminins. Celui de Beauvais, deux sexes masculins. Il n’y aurait rien de plus merveilleux qu’il s’en trouvât un troisième qui unitles deux sexes diffé- rents ; et ce troisième , vraiment hermaphrodite , se- rait, comme tous les monstres , formé de la combinai- son des matériaux et des mouvements de deux œufs, dont le résultat est la suppression de toutes les par- € 106 ) :759. ties de l'un des embryons , à l'exception des organes de la génération. Le Mémoire de M. Lecat, qui contient la descrip- tion de l’enfant monstrueux ci-dessus , n'existe point dans nos archives ; mais nous avons de M. l'abbé Terrisse , théologien profond et littérateur aimable , une dissertation dans laquelle il répond à l'objection tirée de la difliculté de concilier les suites d’une pa- reille naissance avec le dogme de la résurrection. « Je ne me servirai, dit l’auteur , que des preuvestirées de laraïison. .. La raison est un don de Dieu qui ne peut devenir dangereux dans les mains de l'homme que par le mauvais usage qu’il en fait en voulant l’étendre au-delà de ses bornes... La certitude de la raison, dans les choses qui sont évidemment conçues , n’est pas moins fondée sur la véracité de Dieu que la certi- tude de la révélation ; et je ne crois pas m’avancer trop en disant que nous ne serions pas obligés de croire les choses surnaturelles si la raison ne démontrait pas, par des faits incontestables , que la religion qui enseigne ces vérités mérite toute notre créance, » C'estavec cette logique douce et persuasive que lau- teur discute ces diverses propositions. Le monstre dont il s’agit se compose de deux enfants : chacun était parfait dans son principe, et ce sont des acci- dents qui ont altéré leur intégrité primordiale. L’a- dulte qui meurt à cinquante ans contient une bien faible portion des parties élémentaires qui le consti- tuèrent , et le même pouvoir qui reproduira l'adulte parfait dont les principes disséminés ont reçu mille modifications nouvelles, reproduira dans son inté- grité l'homme parfait dans ses formes primitives, et qui ne s’est présenté à nous imparfait et mutilé que par des accidents étrangers à sa perfection originelle, Cr07) ones sms 0 De la communication entre les vaisseaux sanguins du Jœtus et ceux de sa mère; par M. Lecar. M. Lecat s'était beaucoup occupé d'expériences propres à démontrer la communication des vaisseaux uterins avec ceux du fœtus. Il en avait spécialement entretenu l’Académie dans les séances des 4 juillet 1752, 2 mai 1754 et 13 décembre 1558. Les trois Mé- moires relatifs à ces expériences ne se trouvent point dans nos archives ; ainsi il ne nous est pas possible de faire convaître la force des arzuments employés par notre habile collègue pour établir cette communi- cation. Le Mémoire nouveau dont j'ai énoncé le titre est destiné à en fournir une autre preuve. « Le5 décembre 1759, N..... accoucha à la gésine de l’'Hôtel-Dieu de Rouen; durantle travail le cordon ombilical se trouva engagé entre la tête et le bassin. On sentit assez long-temps le battement des artères om- bilicales dans la portion du cordon sortie. Le batte- ment cessa, et un quart-d’heure après l’accouche- ment fut terminé ; mais l'enfant était mort.» L'auteur poursuit : » Sila vie de l'enfant ne tient pas à la libre commu- nication de ses liqueurs avec celles de sa mère, je demande comment la suppression de cette commu- nication, par la compression du cordon ombilical , le fait-elle périr presque aussi promptement que si on l'étranglait ? » On sait que le fœtus ne respire pas dans le sein de sa mère , et qu’il a sa circulation à part. Dès qu'il respire on lie impunément le cordon. .... » Quand il respire , il introduit lui-même dans son sang cette influence de l'air qui est essentielle à sa vie, € 108 ) 1759: comme nous avons vu dans notre physiologie ; au liew que quand il ne respire pas encore, les liqueurs de la mère , qui respire pour lui , portent dans celles de ce fœtus cet air nécessaire. Ainsi, dès qu’on supprime cette transfusion... son cœur cesse de battre ; il n’y a plus de circulation , et l'enfant périt ». Observation médico-chirurgicale ; par M. Lamazuède , bachelier en médecine et professeur en chirurgie, à Lima. « Le 18novembre 1757 (c’est l’auteur qui parle) je fus appelé chez M... âgée de trente ans; je la trou- vai dans son lit , attaquée d'une fièvre lente accom- pagnée d’une grande difficulté de respirer , qw’il était naturel d'attribuer à l'énorme tuméfaction de son ventre. La fluctuation y décéla un fluide épanché, et je ne doutai pas que nous n’eussions affaires à une ascite. » Le cas étant urgent, je proposai une consultation, et la paracenthèse fut reconnue inévitable..... Mais quel fut mon étonnement lorsqu’au lieu d’un fluide séreux , je vis couler par la canule une liqueur lai- teuse et inodore , à la quantité de trente-cinq livres ? L’écoulement fut interrompu à diverses reprises par des paquets de poils qui bouchaient l'ouverture de la canule , et que je fus obligé d’écarter avec un stylet. Cette considération , jointe à l'exploration du ventre qui , débarrassé d’un fluide assez copieux, présentait encore à l'hypogastre une tumeur rénitente, me fit soupçonner la présence d’un corps organique , etmes soupçons se fixèrent sur la probabilité d'une grossesse extra-utérine. J’interrogeai..... Les réponses de la malade confirmèrent mon opinion, et je ne dus m'oc- ( 109 ) tuper que des moyens de la débarrasser d’an corps 17594 étranger dont le séjour devait avoir des conséquences funestes..... [L'opération césarienne se présentait naturellement ; mais je ne dus m’y décider qu'après avoir fortifié mon sentiment de celui de confrères éclairés , et particulièrement de M. de Jussieu qui jugea l'opération indispensable..... J'y procédai le premier décembre , sous les yeux des consuliants ; et ayant incisé les téguments et le péritoine , j'atteignis Ja tumeur élle-méme que j'ouvris dans toute sa lon- gueur. 1l en sortit un fluide de la même nature de celui que j'avais obtenu par la paracenthèse. J'aurais bien désiré de pouvoir enlever ce corps étranger ; mais son adhérence intime avec le péritoine , luté- rus, les intestins, etce., me fit sentir l'impossibilité de le faire sans blesser des parties délicates et importantes que j'avais le plus grand intérêt de ménager. Je remis l'intestin et l'épiploon en place ; je fis des injections vulnéraires et réunis les téguments par des sutures entrecoupées. Indépendamment du fluide ci-dessus , il sortit encore de la tumeur un morceau de la mà- choire inférieure avec deux dents incisives.... La malade avait soutenu l'opération avec un courage héroïque. Les quinze premiers jours qui la suivirent se passèrent sans de grands accidents; mais ceux qui succédèrent ne furent pas aussi heureux, La fièvre s'alluma , les douleurs s’accrurent , la soif devintinex- tinguible ; enfin la malade succomba le 2 janv. 1758, » Nous nous réunimes de nouveau pour en faire lou- verture , et nous reconnûmes qu'il eût été impossi- ble de faire l’extirpation de la tumeur sans porter à l’épiploon , au péritoine , à l'iléleum et au colon, enlin à l'utérus lui-même des atteintes funestes. » Cette tumeur fut enlevée avec l'utérus et ses an- nexes. Le sac dans lequel nous trouyàmes des cheveux { 110 ) 1759. des dents, au nombre de seize, des yeux, les débris 1749: 3756. enfin d’un fœtus presque entièrement désorganisé et détruit par la suppuration, était la trompe du côté gau- che : son extrémité utérine était entièrement oblitérée. » Les diverses portions de l'enfant étaient comme enchassées dans diverses cellules que l’on obser- vait à l'intérieur de la trompe ,; et tellemert adhé- rentes à sa substance , qu’il eût été impossible de les enlever sans les disséquer. » J'aurais bien des réflexions à faire sur cette maladie extraordinaire qui eût inévitablement con- duit la malade au tombeau; je les abandonne à la discrétion du lecteur judicieux , que je prie de peser les circonstances malheureuses dans lesquelles je me trouvais , avant que de me taxer de témé- rité et d'imprudence. » AAA AAA SCIENCES PHYSIQUES. Dissertation sur la couleur des Nègres ; par M. Pincré, Le but de lestimable auteur de cette disserta- tion est de prouver que tous Jes hommes ont une même origine, et que la couleur noire des Affricains est un accident dont la chaleur brûlante de leur climat est le principe. J'ouvre Ovide , dit M. Pingré , et jy lis à la fable de Phaëton : Indè etiam Æthiopes nigrum traxisse colorem Creditur. Ce qui prouve que dans les beaux siècles de Rome, et dans le temps où les lumières y étaient Carr 3 le plus répandues, on avait l'opinion que les noirs 1745, avaient été originairement blancs , et que l’impres- sion d'une chaleur extraordinaire et permanente était capable de convertir cette blancheur origi- nelle en une noirceur plus ou moins saturée, Je ne suivrai pas M. Pingré dans les explications quil prétend donner de ce phénomène ; cet homme ai- mable qui a brillé dans la carrière astronomique n’était pas physiologiste ; et il a proposé, sous ce rapport , des idées que l’état actuel de nos con- naissances ne permettrait point d'adopter. Réponse à la lettre de M, Dieres-Dumanoir , sur la couleur des Nègres ; par M. Lecar. Quoique la date de cette dissertation soit beau- coup plus récente que celle de la précédente , l'identité du sujet m’a déterminé à réunir ces deux notices. IL s'était engagé une querelle littéraire sur la couleur des nègres , et M, Lecat y avait pris une part tellement active qu’il composa ex pro- Jesso un petit ouvrage sur cette matière, Il avait donné le nom d'éthiops animal au pig- mentum nigrum de la choroide, et à celui qui colore l'épiderme des nègres. Ce fut un motif de dispute, et notre confrère défendit son sentiment avec chaleur. Si la comparaison de son éthiops animal avec lPéthiops minéral n’était pas d’une justesse rigoureuse , il soutenait avec raison que l’altération de la bile n’était pas le principe de la couleur des nègres , puisque la bile d'un nègre qui se porte bien est jaune comme celle d’un blanc, 1759 752. Henric. Co- hausen , lu- mennovum, etc, Trans. ph, t. A5,p-447: ( 112)! et que l’ictèré noir est une maladie grave pour l'Africain comme pour le Français; ajoutez que l'ictère noir est communément accompagné d’une teinte jaune que la peau des nègres n'offre pas. Les personnes curieuses trouveront dans les ou- vrages périodiques des années 1756 et suivantes , cette matière amplement discutée ; et ne liront pas sans intérêt la dissertation qué M. Lecat publia en 1765. C'est en parlantde cet ouvrage et de ses lecteurs ;, que l’auteur s'exprime ainsi : « Je férai mes eflorts dans l'ouvrage auquel je travaille , pour obtenir pleinement leur suflrage , et le vôtre sur-tout ; Monsieur , qui me flattera infiniment ». Sur les Incendies spontanés de l’Economie animale ; par M. Lecar. Ce Mémoire , lu à la séance publique de l'A- cadémie , le 1°" août 1752 , est partagé en deux parties , l'une historique, l’autre physique. PREMIÈRE PARTIE. Après quelques observations générales sur la pro- priété que le feu a de pénétrer tous les corps, sur la phosphorescence d’un grand nombre d'ani- maux, et de l'homme en particulier , l’auteur ex- pose sommairement des faits relatifs à son objet. 1° L'histoire d’une pauvre femme de Paris, très adonnée à la boisson des liqueurs alcooliques ; elle prit en feu dans son lit, et fut toute réduite en cendres , excepté son crane et l'extrémité de ses doigts. j « La comtesse Cornélia Baudi, de Césène , âgée de 62 ans, se portait assez bien. Un soir, à soæ per s ém3 ) per, elle parut pesante , assoupie... Elle se cou- cha et s'endormit... Le lendemain , sa femme de chambre, voyant que sa maitresse ne s'éveillait pas à l'ordinaire , entra ‘dans sa chambre et lui parla. N’en ayant point obtenu de réponse , elle donna du jour à sa chambre, et vit le corps de sa maî- tresse dans l'état déplorable qui suit : « À quatre pieds de distance du lit était un tas de cendres dans lequel on distinguait les deux jambes , une portion du crâne et trois doigts en charbon... La cendre était onctueuse , et l'air de la chambre était chargé d'une suie légère. La comtesse était dans l'usage de se frotter le .corps avec de l'e:prit de vin camphré, « Les mêmes Mémoires contiennent l'histoire d'une marchande de poisson de la ville d’Ipswich qui fut trouvée presque toute en charbon couvert d’une cendre blanchâtre. Les meubles voisins wavaient point été altérés, » Cette femme avait bu la veille, et largement, de l'eau-de-vie. » Je passai, dit M. Lecat , les derniers mois de 1724 et les premiers de 1725, dans la ville de Reims. J'étais logé chez le sieur ....., sa femme était continuellement ivre..... Cette femme , le 25 février, se trouva consumée dans sa cuisine , à un pied et demi du foyer. Tout son corps était réduit à une espèce de terre grasse , à l'exception d’une partie de la tête , d’une partie de l'extrémité infé- rieure et de quelques portions de gros os. » Cet accident donna lieu à un procès capital , dont les accusés sortirent enfin victorieux, mais après avoir éprouvé une pénible captivité et sup- porté le poids d’une procédure ruineuse. L'auteur ajoute à ces lustoires une relation qui Tome 1, 1551 à 1760. KR La as 1752, Crr4 ) lui a été communiquée par un respectable ecclé- siastique , voisin de Me de B..... » Cette dame , âgée de quatre-vingts ans, fort maigre , depuis plusieurs années ne buvait que de leau-de-vie : son ordinaire était quatre pots par mois. » Etant assise auprès de son feu , dans un fauteuil , sa femme de chambre la quitta un instant ; elle voit, en rentrant, sa maîtresse tout en feu. Elle demande du secours; on accourt , on s’empresse ; l’eau et tous les autres moyens sontinutiles-: tous les viscères , toutes les chairs sont consumés , et il ne reste 5 jninr 7892. J, de Méd, £ottis 59+ Pe Ed re re Ibid, dans le fauteuil que le squéletie enfumé. Le fau- teuil n’était qu’un peu roussi. ” » Ce qui me fait présumer , ajoute lanteur de ceue lettre, que l'usage de Feau-de-vie potrrait bien être la cause de cet accident , c’est un événe- ment. tout pareil , arrivé il y a trente ans à la porte de Dinan , dans des circonstances toutes pa- reilles. « Ici finit la partie historique du Mémoire de:M. Lecat. On peut ajouter à ces histoires, 10 celle de la combustion de Ml: Thouars , à Caen, et dont le procès-verbal, par M. Meville, est consigné dans le Journal de Médecine ; 2° la combustion de Marie- Avne Jauffret , femme Gravier, d'Aix en Provence. L'une et l’autre de ces malheureuses victimes avaient long-temps fait un usage abusif des liqueurs alcoo- liques ; 5° la combustion de la dame Julienne ; 4° le fait consigné dans les Mémoires de l'Académie des Sciences de Paris, 1751, page 75 ; et enfin, l'article Combustions humaines spontanées , du Dic- Tome 6. tionnaire des Sciences! Médicales. I faut observer que presque. toutes les per- & 125.) sonnes connues mortes victimes de ce funeste ac- cident , étaient des femmes âgées , extraordinaire- ment grasses ou maigres , toutes faisant un usage excessif de liqueurs spiritueuses ; que les seules parties épargnées quelquefois étaient les extrémités et le crâne ; que les viscères abdominaux , les poul- mons , elc. ; le cerveau, si difficiles à incinérer , avaient presque toujours été détruits par la com- bustion ; que le feu du foyer , lorsqu'il en a existé, a toujours été physiquement incapable d'opérer par lui-même la combustion d'un corps, humain ; et que les meubles les plus combustibles et les plus voisins du sujet malheureux de la combustion spontanée , ont été trouyés ou intacts ou tréslégè- rement altéres. D'où il faut conclure que le principe de Ja combustion était intime, plus particulièrement in- bérent aux viscères abdominaux et aux autres yis- eères, et que le feu extérieur n’a servi qu'à allu- mer le fluide comburant accumulé , et qui n’at- tendait qu'uue étincelle pour faire explosion. DEUXIÈME PARTIE. M. Marc, auteur de l'article du Dictionnaire des Sciences, Médicales | où il est question es com- bustions humaines spontanées , explique én peu de’ mots, et d’une manière satisfaisante, ce phéno- mène redoutable par l'accumulation du gaz hy- drogène dans les cellules de nos tissus ; gaz" capas ble de s’emflammer au moindre contact de la ma- tiére ignée. Cette combustibilité est déterminée par l'asthénie qu'occasionnent l'âge , les maladies , une vie inac- tive et les excès , l'abus des liqueurs fortes et FI 2 7 p 9 2 CL 1” 2 2 (116) . surtout de l’eau-de-vie..... Cet état peut donner lieu , dans certains cas, à la formation d’'ane masse de substance inflammable. .... » La substance combustible doit avoir la pro- priété de pénétrer aisément dans Îles cellules , de s’y accumuler et de ne rien perdre de sa combus- tibilité par le contact avec les liquides. Il n’est aucun corps qui réunisse mieux ces conditions que les gaz inflammables... La production du gaz hydrogène , durant la vie, n’étant pas douteuse , il doit être permis d’admettre son accumulation dans les tissus cellulaires; et on conçoit alors la rapidité de la combustion d’un corps abreuvé , sa- turé d'hydrogène ; et il suffit pour l’exciter du voisinage du foyer, de celui d'uve chandelle, d'une étincelle électrique même, excitée par quel- que circonstance que ce soit. M. Lecat, à l’époque où il écrivait, ne connais- sait pas les propriétés du gaz hydrogène et de ses diverses espèces, ce qui augmentera encore l'intérêt de Pexplication qu’il propose. Il établit d’abord que le feu pénètre tous les corps; quil est le principe de la fluidité; que les corps gras en contiennent de grandes proportions; que des étincelles électriques sortent en certaines circonstances des corps animés ; que nos humeurs desséchées , s'enflamment avec la plus grande fa- cilité ; que l'urine contient la matière du phos- phore ; que la bile et les calculs biliaires sont ex- trémement inflammables ; que la graisse hnmaine, par un long séjour dans les amphithéâtres, devient Jumineuse ; que si on lie les deux orifices d’un es- tomac, et qu’on le comprime en y pratiquant un petit trou d'épingle, la vapeur qui s’en échappe s’enflamme sion ea approche une bougie allumée... 117 ) qu'une femme mourante , au rapport de Borelli, 1752. vomit des flammes... que nous sommes ainsi pé- nétrés de matières combustibles ; qu’à ces phos- phores naturels nous en ajoutons de nouveaux , par l'usage continué des liqueurs ardentes , et qu’en pétrissant, pour ainsi dire, nos viscères avec des matières ignées, nous les disposons à s'enflammer avec plus de facilité. Il s’exhale continuellement de notre corps des matières subtibles qui lui forment une espèce d’at- mosphère; cette atmosphère, participant aux prin- cipes inflammables dont nous venons de parler , peut, au moindre contact d'une lumière, porter l’incendie jusque dans nos viscères les plus inti- mes : que ces matières inflammables soient ana- logues à celles des feux grégeois, et l'incendie ré- sistera à l'eau dont on se sert vainement pour l'éteindre. M. Lecat ne manque pas d'observer que ces ac- cidents étaient plus fréquents chez les femmes que chez les hommes ; et que la vie oisive contribuait singulièrement à l'accumulation , dans nos cellules, des matières inflammables. Il termine son Mémoire par la réflection suivante : » Ce phénomène a cela de consolant, qu’il est aisé de nous en préserver par l’abstinence peu difficile des excès qui ont coutume de l’occasion- ner... et la morale même peut tirer aussi de nos observations un avantage précieux. « H 5 722, ( n16) Description de la Tortue,le Luth; par M.DescROISILLES, Apothicaire à Dieppe. Te Mémoire dont je vais présenter l'extrait, est anonime , et ce n'est que par des recherches faites dans le registre de l'Académie que j'ai décou- vert quel en était l'auteur, ét que je puis le si- gnalér à la reconnaissance de l'Académie. Le #5 octobre 1752, à deux lieues de Dieppe, au nord-ést, et à une demi-lieue de la terre, il à été ptis un poisson extraordinaire, qui , eu égard. à sa fisare, parait devoir être rapporté aux tortues de mer. Aussi at-il été regardé d’abord comme ün vräi Carét, même par des navigateurs qui se prétendent connaisseurs ; mais comme le test dé notre tôrlüe est membranex , et celui du Caret écailléux ; il n’est pas permis de confondre des espècés 4? distinctes. M ; J'ai comparé la description de M. Déscroisilles avec eellé de M, le comte de Lacépède ; et fai reconnu entre elles une‘éntière conformité. Îl en est dé métié dé la figure dont M+ Descroisiles acconrpagie sa description et:,de celle de’ M. de Lacépède : ainsi il est hors dé doute que le poisson pêclié sar la éôte de Dieppé ne soit le Jurh ; on la tortue coriace de Linhé. | | Je ne répéterai point une description qu’on lira avec un double intérêt dans le Naturaliste français : je me contenterai d'exposer les dimensions de la nôtre. Elle était longue de six pieds sept pouces, la tête et la queue comprises. (ug) Sa largeur était de quatre pieds environ, et son 1754. épaisseur de trois pieds. Elle pesait de huit à neuf cents livres. | La longueur des nageoires antérieures était de trois pieds, leur largeur d’un pied. Les deux nageoires postérieures étaient plus petites que les précédentes, La queue exccdait de dix pouces le corcelet, qui en cachait une partie. Un filet tendu pour la pêche du hareng aurait été incapable d'arrêter un poisson pareil. Il s’em- barrassale col dansle cordage qui soutient le filet, et les pécheurs l'ayant apperçu à la pointe du jour, craignirent d'abord d'en aprocher; mais, rassurés enfin ,ils l’'amarrérent , et l'entrainèrent vivant jus- qu’au port. En lrexaminant , on s'aperçut qu'il avait sur le dos deux poissons qui y paraissaïent collés : c'était deux échénéis ou rémora , poisson sur le- quel Pline a deébité tant de fables. + À cette dissertation de M. Descroisilles, j'ai trouvé annexée une lettre de M. Feret à M. Pingré, qui contredit la description ci-dessus en n'accordant que dix-huit pouces d'épaisseur. Cette même lettre contient une particularité qui montre combien est grande la force des nageoires de cette énorme tortue: c’est que sans autre secours elle s’était trainée à plus de six pieds ; ce qui fait présumer ‘que, si elle eût été abandonnée sur le sable , à peu de distance de la mer, elle s'y serait replongée en peu de temps. | ( 120 ) 1755. Description d'un Mät et autres manœuvres, pour l’usage des Lunettes de trente pieds et plus. Quoiqu'il soit difficile de faire bien connaitre , par une simple description , et sans le secours des figures , une machine assez compliquée , j’essayerai de donner une idée de celle dont je viens d'offrir le titre. Elle consiste dans un mât de trente-cinq pieds de hauteur environ , élevé perpendiculairement, et solidement fixé à sa base par une bonne ma- çonnerie. Au uiers inférieur de sa hauteur , ce mât est coupé et réuni par une bonne charnière en fer, de manière à pouvoir s'élever ou s’incliner à vo- lonté. La pièce mobile est inférieurement terminée par une forte queue qui vient se fixer , au moyen d’une clavette ; à la base du mât ; et alors la per- pendicularité du tout est parfaite, L'extrémité supérieure de la pièce mobile est garnie d'une contre- poulie à pivot , et qui peut ainsi tourner à volonté, Cette poulie reçoit daus sa gorge, Ja, corde principale qui doit supporter et élever. la lunette ; mais elle ne remplit cette fonc- tion que, médiatement , en soutenant une double poulie , sur les gorges desquelles passent les cordes qui supportent réellement la lunette, à laquelle on peut, à ce moyen, donner tel degré d’incli- naison jugé nécessaire, Le balancement d’une lunette aussi longue , et sur laquelle le vent lui-même peut ayoir uue action CA2m) nuisible à l'observateur , ont déterminé à fixer au mât, par un fort tenon aux deux tiers de sa hau- teur totale , et perpendiculairement à son axe, une traverse en bois, de cinq à six pieds de longueur. L'autre extrémité de cette traverse en reçoit une second2 horizoniale avec le mât, et formant , avec la première , une double équerre, la lunette ainsi doublement appuyée et contre la traverse et contre le mât, conserve une fixité assez grande pour seconder tou‘es les intentions de l'ob- servateur, Conjectures sur l’usage de la marmite de Papin, adressées à M. de BuFFow ; par M. l'abbé VREGEON. L'auteur débute par cette question qu’il avait déjà soumise à M. l'abbé Nollet, et sur laquelle il demande le sentiment du Pline français. » Les sucs tirés des os par le moyen de la machine de Papin sont-ils d'un bon usage ? N'en doit-on pas craindre la dureté prématurée de ses os? N'en hâtent-ils point la parfaite solidité, cause prochaine de la destruction du corps animal? M, l'abbé Vrégeon joint à cette question la copie de sa lettre au savant professeur de physique ex- périmentale , et la réponse qu'il en reçut : réponse propre à rassurer notre consultant méticuleux sur les dangers d’une vieillesse prématurée. Son Mémoire ne dit rien de la réponse qu'il reçut de M. de Buffon ; mais il offre une anecdote d'un grand. ivtérét pour toutes les personnes qui, avec des démi-connaissances, se permettent de tenter des expériences dangereuses, 1753, 1754 1754 (1329 J'avais espéré trouver , à l’aide d’un microscope, dans mes bouillons aux os, des parties d’une con- figuration bien différente de celles des autres , et m'en étais promis des arguments irrésistibles. » Des g'obules sans nombre avaient été tout ce que j'avais pu assurer d'avoir vu. Je voulus ensuite forcer les eflets de ma machine ; je la forçai elle- méme ; et peu ne sen fallint que je n’en devinsse la victime. Quelques charbons ajoutés à la mesure ordiiaire firent bien de l'ouvrage : la marmite et son fourneau , emportés avec fracas , me firent prendre pour toujours la résolution de renoncer à mes expériences. » Combien de curieux imprudents n’en ont pas été quittes à si bon marché, et on payé de leur tête leurs tentatives indiscrètes. Tremblement de.terre du 1° novembre 1755. Voici l'extrait ane lettre de M. Dubocage à M. Lecat. « Vous êtes vous aperçus dans vos cantons, d’un tremblement de terre que nous avons res- senti dans le nôtre, vers les dix heures et demie du matin. Il n’a été cependant bien sensible que par le mouvement des eaux... C'était Pheure de la grand’messe , et je n’ai pu recueillir plus de trois observations , dont deux se sont faites chez moi. » La plus digne ‘de remarque, cependant , c'est que le bassin du Havre, dont vous connaissez la disposition ; étant alors plein d’eau , quoique la mer fût presque entièrement retirée , il se fit une agitation qui mit: tous les bâtiments en mouvement { 125 ) et les fit rouler comme s'ils eussent été en mer...... 17554 Cela dura à peine quelques minutes. ” A Bléville, qui n’est éloigné du Havre que d’une lieue, à la même heure , on vit l’eau de ma grande mare ui n’était annoncée ni dans les éphémérides , ni dans la connaissance des temps, devait avoir lieu , il a observe, le 5 janvier 1754 , l'instant de l'immersion de l'étoile, et a décrit les taches de Ja lune qui se sont trouvées sur son passage. M. Pingré a fait un grand nombre d'observations semblables dont il a présenté les résultats à l’Aca- démie de Rouen; c’est ce qu’affirme M. l'abbé Bouin , qui travaillait avec lui. On doit regretter que les archives de la compagnie ne possèdent que très- peu de ces observations, qui sont autant de ma- tériaux précieux que les savants aiment à conserver pour les employer au besoin. Neuvième Mémoire M. Pingré ayant publié pendant plusieurs années un Ætat du ciel , qui renfermait l'indication de 6353) phénomènes astronomiques et toutes les tables qui peuvent étre utiles aux marins ; à Communiqué à l'Académie une Introduction à l'État du ciel, où il rendait compte des motifs qui l'avaient déterminé à entreprendre ces longs et pénibles calculs, et de l'ordre qu’il avait suivi dans leur exposition. En comparant son Ærat du ciel avec les Ephémérides de Lacaille et la Connaissance des temps, calculée par Maraldi, M. Pingré trouve que ces deux der- niers ouvrages laissent plusieurs circonstances à désirer et dont la connaissance peut intéresser la géographie et la marine, Il Ini semble aussi que les calculs, étant dressés sur les tables de Cassini , offrent souvent moins de précision que les siens, qu'il a fondes sur les tables et les observations de Halley et de Lemonnier. Quant au plan suivi par M. Pingré , ilsuflit, pour le connaitre, de p?rcourir un des exemplaire de l'£tat du ciel qu'il a fait im- primer. Les mêmes savants qui avaient engagé M. Pingré à se charger des immenses calculs qu'exi- geait la publication de l'£rat du ciel , lui ont de- puis conseillé de les discontinner , afin qu'il pût consacrer ses talents à d’autres ouvrages. Dixième Mémoire. Ce Mémoire , sur les longitudes terrestres, est trés-étendu. L'auteur commence par établir des principes généraux pour fixer la position d'un point sur le globe : il s'attache à faire voir que l’angle entre les denx méridiens de deux pays est donné pir la différence des heures que l'on y compie au même instant; puis il fait connaître quatre mé- thodes pour déterminer la longitude, (154) Premitreméthode, par les horloges. — L'auteur ex= plique en détail, et par des exemples , comment on obtient l'heure sur un vaisseau par l'observation de la hauteut du soleil ou d’une étoile, et com- ment on conclut la longitude en comparant cette heure avec celle qu’indique l'horloge. Ce moyen, d’une facile exécution et le plus simple en théorie , paraît à l'auteur le plus défectueux dans la pra- tique. Long-temps après avoir porté ce jugement, M. Pingté à concouru avec les savants Fleurieu et Borda , à des expériences et des observations faites sur les frégates l'/sis et Za Flore pour déter- minér les longitudes en mer au moyen des mon- tres marines construites par Berthoud et Leroy , ét on sait que les résultats ont donné une grande précision. Deuxième méthode. — Elle consiste à observer l'heure du passage de la lune au méridien du lieu où l'on se trouve , et à comparer cette heure avec celle du passage du même astre au méridien de Paris. Cette dernière heure est calculée dans les Æphé- mérides. Au lieu du passage au méridien, on pourrait observer le lieu de la lune dans le ciel, à midi ou à une autre heure, de lendroit où l'on est. L'auteur , après avoir expliqué cette méthode, déclare qu’elle est absolument fautive dans la pra- tique , parce que les irrégularités du mouvement de Ja lune ne sont pas encore assez bien déter- rhinées. C’est en 1752 que l’auteur écrivait le Mé- moire dont il s’agit. Troisième méthode , par les éclipses de lune et des satellites, — Si l'on marque exactement l'heure à laquelle on observe dans un pays quelconque le commencement, la fnouunautre instant d'une éclipse, (155) et qu'on sache, par le moyen des tables, l'heure à laquelle le même phénomène a été observé à Paris , on aura la longitude de ce pays; mais en premier lieu, les éclipses de lune sont fort rares; en second lieu ,; dans les éclipses des satellites, qui sont assez fréquentes , il est difficile de bien déterminer l'instant précis de l'immersion ou de l'émersion , ce qui donne lieu à des erreurs assez fortes sur la longitude, Quatrième méthode , par les occultations du so- leil et des fixes par la lune. — Le commencement et sur-tout la fin d'une éclipse de soleil sont faciles à saisir ; il en est de même des occultations des fixes par la lune , parce qu’elles sont instantanées. Ces phénomènes, plus commodes pour l’observa- tion, dsnnent lieu à dés calculs très-longs lorsqu'on veut les faire servie à connaître la longitude. L’au- teur rejette les constructions graphiques comme moyen très-inexact; Ja méthode des projections, adoptée par Lacaille , et lés formules que propose ce savant astronome, lui paraissent offrir beaucoup d'inconvénients par leur extrême complication. M. Pingré, sans embrasser toutes les circonstances du probléme , croit être parvenu à trouver une mé- thode facile pour déduire avec certitude de deux observations correspondantes d’une même occulta- tion, ou de deux distances d’une étoile au centre de Ja lune, la différence de longitude des deux lieux où se sont faites les observations. Il suppose que la portion de son orbite que décrit la lune dans l'espace de trois ou quatre heures, est sensible- wmeut une ligne droite. Il regarde comme parfaite- ment connu Île rapport du demi-diamètre de la lune avec sa parallaxe , en quelque point que ce soit de son orbite : il consacre la dernière partie C2156 } de son Mémoire à expliquer en détail et avec beau-. coup de clarté la série des observations à faire , des précautions à prendre , des triangles sphériques à calculer pour obtenir le résultat que l'on cherche. L'auteur termine en observant que sa méthode sera d'autant plus exacte que les tables de la lune seront plus perfectionnées. Deux autres Mémoires sur les longitudes ont suc- cédé au premier travail, et ont été depuis refon- dus en un seul , qui devait être imprimé aussi parmi ceux de l'Académie. Après avoir fait sentir la nécessité de calculer fréquemment la longitude du vaisseau pour la sûreté de la navigation , la difficulté d’observer le passage de la lune a méri- dien, l’auteur établit deux méthodes pour déter- miner les longitudes en mer, l'une par les angles horaires de la lune, l'autre par l'observation d’ane distance de la lune au soleil ou à une étoile fixe. L'Etat du ciel, pour l'année 1957, ouvrage publié par M. Pingré, contient l'exposition de ces deux méthodes ; c’est pourquoi il paraît inutile d'entrer dans aucun détail à ce sujet. Aujourd’hui le fameux probléme des longitudes se trouve considérablement simplifié par la per- fection de la théorie de la lune, par l'exactitude des instruments d'observation et par l’extréme ré- duction des formules que les géomètres ont pro- posées. Pour s’en convaincre ïl suflit de con-. sulter les traités modernes de navigation et d’as- tronomie nautique. Quoi qu'il en soit , on doit des obligations à M. Pingré pour les longues recher- ches qu’il a faites sur un sujet aussi épineux. C157) Onzième Mémoire. L'auteur a présenté en 1756 un Mémoire sur la comète qui devait paraître en 1758 ou 1759. Il commence par des considérations genérales sur la difficulté de connaître les mouvements réels des comètes , d’après leur marche apparente dans le court intervalle de temps où elles sont visibles; puis il rapproche et compare les résultats de l'ob- servalion et du calcul relatifs aux trois comètes de 1531, de 1607 et de 1682; il en conclut avec Halley que ces trois comètes n'en font qu’une seule qui reparait tous les soixante-quinze à soixante-seize ans. Il explique les perturbations qu’une comète peut éprouver dans sa révolution; il rappelle diffé- rentes circonstances de l'apparition de ja comète observée en 1456, et pense que c’est la même que les trois déjà mentionnées ; il ne Jui paraît pas impossible que celle de 1580 soit encore la même ; enfin , en remontant , les comètes aperçues en 2506 et en 1230 pourraient n’en pas diflérer. Ainsi la comète qu'on attendait alors et qui a paru en 1756, était observée pour la huitième fois; pro- bablement on la reverra en janvier 1854. Suit l'ex- plication des circonstances les plus favorablés pour augmenter l'éclat et la grandeur apparente des co- mètes. Ce Mémoire n’est qu’une partie infiniment petite du travail de M. Pingré , concernant les comètes ; il en a présenté plusieurs autres sur le même sujet , mais qui ne se trouvent point aux archives de l’Aca- démie. Cette perte est heureusement réparée par la publication de la Cométographie du méme au- teur, ouyrage complet qui a paru en 1783, C 158 } L'Académie a également à regretter plusieurs ca- hiers sur la conjonction écliptique de Mercure , du 6 mai 1755 : les uns renfermaient les détails de calcul et un autre lobservation circonstanciée du passage de Mercure sur le disque du soleil; mais quelques-uns de ces Mémoires ont été imprimés parmi ceux de l'Académie de Paris. Douzième Mémoire. Un Mémoire très-étendu, présenté en 1951, con- tient l’exposition détaillée des mouvements appa- rents des planètes et des comètes, des résultats d'ob- servation sur la durée de leurs révolutions et la figure de leurs orbes , etc; puis une longue réfu- tation du systéme de Descartes , auquel on oppose les considérations de la pesanteur universelle au moyen de laquelle Newton a expliqué les phéno- mènes célestes. ...... Il parait que ce Mémoire n’était-pas destiné à l'impression , et qu’il n’a été composé que pour former une sorte de traité élémentaire propre à donner une idée de la doctrine de Newton. Il est le seu] qui ne soit pas mentionné dans le rapport précité de MM. Bouin et Dulague. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Analyse de quelques Mémoires sur les Mathéma- ques et l’Astronomie , présentés à l’Académie par divers auteurs, depuis sa fondation en 1744 jusqu’à 1760 inclusivement, Mémoire de M. LEMONNIER, sur l'Arithmétique. De tous les ouvrages relatifs aux mathématiques , qui ont été adressés à l'Académie depuis sa fon- dation jusqu’en 1750 , il n'existe qu'un Mémoire de feu M. Lemonnier, dans lequel il réfute diver- ses règles contenues dans les traités d’arithmétique sur l'intérêt simple ét composé et sur l’exécution des dispositions testamentaires qui dépendent de certains événements, L'auteur cite plusieurs exem- ples de questions mal posées et mal résolues dans les livres dont il s'agit ; il développe ensuite la théorie des annuités , à-peu-près telle qu’on la trouve dans les traités d’algèbre , et il indique la solution des divers problèmes qui s'y rapportent, L'auteur observe avec raison que l’on à eu tort d'introduire dans l'arithmétique des principes de jurisprudence étrangers à ceux du calcul, quand il s’agit d'exécuter les dispositions conditionnelles d'un testament : il compare plaisamment les arith- méticiens qui yeulent avoir des. règles pour tous les cas, aux apothicaires qui sont pourvus de pilules nommées pilulæ sine quibus. Voici un des exem- ples singuliers qu’il rapporte : « Un testateur a or- donné que si sa femme accouche d’un fils, ce fils ( 160 } aura les deux tiers et la veuve le tiers de la sut- cession ; si elle accouche d’une fille, cette fille aura Je tiers et la veuve les deux tiers de la succession. Or c elle accouche d’un fils et d'une fille , faut-il partager la succession entre le fils, la mère êt la fille, dans le rapport des nombres 4, 2, 1, ou bien dans le rapport des nombres 4,5, 2,? » Aprèsavoir discuté les raisons pour et contre , l'auteur conclut que celte question n'est pas du ressort de l'arithméti- que , et ajoute que, sil était appelé pour juge, il né pourrait s'empêcher en conscience , 1° de casser le testament ; 2° de renvoyer les parties à partage comme dans le cas d’un ab intestat ; 5° de cou- damnerle mort aux dépens pour n’avoir point pourvu à ce cas; 4° enfin, d’admonester les arithméticiens pour qu'ils bannissent désormais de leurs livres les prétendues règles testamentaires. Notice sur l’Architecture; par M. Leprince. L'Académie possède une notice en quatre pages sans signature , sans nom d’auteur , sur l’histoire et les progrés de l'architecture civile chez les Grecs, les Romains et en France. Il y a lieu de croire que cette notice est de M. Leprince , sculp- teur, qui la présenta vers 1749 , à la Compaguie. Extraits des Institutions astronomiques ; par M. LEMONNIER. Deux volumineux cahiers, extraits des Znstitutions astronomiques de M. Lemonier, se trouvent dans les (161) les cartons de l'Académie ; c’est un hommage qu’elle a reçu de l'auteur lobéqus il composa cet ouvrage quiest connu des savants et dont, par cette raison- là méme , il est inutile de faire l'analyse. ] Mémoire sur l’Arithmétique duo - décimale, M. Ballière présenta à l'Académie, en 1755, un Mémoire sur l'utilité de l'arithmétique duo-décimale. Il y rappelle tous les avantages qu'offre le nombre 12, dont le principal est qu'il a beaucoup de di- viseurs. Il fait voir que les quatre prerniéres règles et toutes les autres opérations sont aussi faciles dans ce système que dans l’arithmétique déci- male : il cite beaucoup d’exemples pris chez les anciens et les modernes, où les mesures et les objets à partager se divisent en douze et en seize parties égales. Il fait remarquer plus'eurs pro- priétés des nombre 9, 10, 11, lesquels, dans le système duo - décimal, se trouveraieut trans- portés aux nombres 11, 12, 13, Il pense que si les astronomes , les géomètres ; les physiciens em- ployaient cette manière de calculer, les peuples ne tarderaient pas à s’y habituer, et que ce chan- gement n'offre pas de plus grandes diflicultés que le passage des chiffres remains aux chiffres arabes, des mo'slunaires aux mois solaires, de l'année de dix mois à celle de douze mois, etc., ete. Les deux chiffres nouveaux , proposés par l'auteur , sont æ et =, pour exprimer dix et onze. Après avoir compté jüsqu'à 12 , on dit: Douze-un, douze-denx.:..., jusqu'à douze-onze ; puis vingt, vingl-un, vingt- deux..... jusqu'à vingt-onze ; continuant ainsi, on Tome IT, 1751 à 1760. L ( 162 ) a trente , quarante , cinquante; soixante , Seplanie , octante , nonante , dixante et onzante, Après onzante- onze vient cent; après onze cent onzamte-0n2e ; On compte mille, et ainsi de suite. On sait que cette question sur le meilleur choix d'une échelle arithmétique, a occupé d’'habiles ma- thématiciens, et que l'illustre Lagrange n’a pas dé- daigné de discuter les avantages et les inconvénients des divers systèmes d’arithmétique, dans les leçons qu’il a données à l’école normale. Mémoire de M. de Mairan , sur la balance des peintres ; par M. de Przes. Quelques questions de jeu proposées à Paschal , qui les résolut, ont donné lieu à Permat, à Huygens, aux Bernouilli , à Moivre, d'appliquer le caleul à l'attente des événements en matière de politique , de médecine , de morale, et de-là est né le calcul des probabilités, qui est devenu, entre les mains du célèbre Laplace, l'objet des plus savantes théories. M. de Piles a imaginé une balance des peintres , à l'aide de laquelle il essaie d'évaluer le mérite relatif des artistes les plus renommés. M. de Mairan a composé un Mémoire dans lequel il discute ce qui lui semble bon et défectueux dans la formation de cette balance , et c'est ce Mémoire qui va être analysé, M. de Mairan observe d'abord qu’il ne regarde les applications du calcul aux choses de goût que comme des approximations et des essais propres à nous diriger dans nos conjectures et nos juge- ments. ( 165 ) M. de Piles suppose un poids divisé en vingt parties égales : il re; résente par 20 la souveraine perfection inconnue aux hommes ; par 19 le plus haut degré dont on puisse avoir le sentiment et auquel personne west encore arrivé; par 15 le terme auquel sont parvenus les plus habiles ; par les nombres inférieurs qui suivent le mérite de ceux qui s’éloignent de plus en plus de la perfection. L’art de la peinture est divise par M. de Piles en quatre parties : la composition , le dessin, le coloris et l'expression. Dans cette table ou balance de M, de Piles, Raphaël réunit, pour les quatre parties, les nombre; 17, 18 , 12, 18, dont la somme 65 représente le mérite de Raphaël. Le Poussin est designé par les nombres 15, 17, 6, 15, dont la somme est 53,et ainsi des autres. Quand un pein- tre ne possède qu'à un degré très-faible et très- incertain le talent de l’une des quatre parties , on désigne ce degré par zéro. M. de noise sans considérer si les nombres assignés à chaque genre sont dans la proportion convenable pour chaque peintre, atiaque l'esprit de la méthode, et prétend que ce n'est pas la somme , mais bien le produit des nombres de cha- que colonne qui représente le mérite toal de l'homme. Il se fonde sur ce que Les qualités de l'esprit et les talents-se compliquent , se pénètrent mutuellement ; il compare la force des esprits mis en action à la force des corps mis en mouvement’! or, celle-ci a , pour éxpression , de produit de la masse par la vitesse. Il donne à ces considérations beaucoup de développements; il veut qu'on dési- gne par lé nombré 5e moindre degré de talent dans ehaqué partie , et non pas par zér0 ,' parce qu'on né peur: pas supposer ure ignorante absolue L 2 17° .. (164 ) dans cette partie, et que d’ailleurs, en suivant son procédé de multiplication , le facteur zero en- trainerait la nullité de mérite en peinture. Du reste, M. de Mairan rend justice au savoir de M. de Piles et à la juste appréciation qu'il a su faire de l’art de la peinture et des parties dont il se compose. Mémoire de M. DE VAUZzENVILLE , sur l’éclipse de lune du 4 février 1757. M. Alexandre de Vauzenville , correspondant de l'Académie , lui a adressé, le premier septembre 1756, le tableau détaillée de tous les calculs re a- tifs à l'éclipse de lune du 4 février 1757. L’auteur a joint à son Mémoire une figure qui représente les triangles qu’il a résolus pour obtenir avec exac- titude , sous le secours du méridien de Rouen, Vheure du commencement, de la fin, et la gran- deur de l’éclipse. ARCHITECTURE MILITAIRE. \ Des revêtements de maçonnerie en décharges ; par M. Duvivier, Brigadier des armées du Roi ,et Directeur des Fortilications. Peu versé dans cette belle partie de l’architec- ture , et craignant d’omettre quelque chose d’es- sentiel dans l'extrait de ce Mémoire , j'ai prié M. de (165 ) Boishébert , capitaine au corps royal du génie, 17°°* de vouloir bien suppléer ici mon insuffisance , et c'est à son obligeance que je dois le rapport qui suit : « Ce Mémoire est une critique des revétements usités dans toutes les fortifications. M Duvivier les trouve trop massifs , d'une construction vicieuse , et trop dispendieux ; il en considère toutes les parties relativement à la poussée des terres , et les distingue en parties mortes et non agentes, et en parties excédentes et inutiles. » Il conclut qu'il vaudrait beaucoup mieux avoir recours aux décharges , qu'il regarde comme très- économiques et plus propres à résister au canon. » Ces décharges consistent en voûtes de peu d'épaisseur poséesles unessurles autres, et pratiquées derrière le mur extérieur, auquel elles sont adhé- rentes , et dont la poussée se fait ee à la ligne de revêtement. » Il en résulte une résistance d'autant plus grande contre la poussée des terres, qu'on donne à ces voûtes plus de profondeur dans les terres sur les- quelles elles s'appuyent. » Ces äécharges, employées avec succès dans beau- coup de constructions anciennes et modernes, ont trou- vé des contradicteurs ; et il fnt décidé, ajoute notre estimable confrère , qu’elles ne devaient pas être employées dans les revêtements des pièces de for ; tification, » 5751, C 166 ) a DÉPARTEMENT DES LETTRES. BELLESs-LETTRES. Okiervations sur la cité de Limes , ou le camp de César, près Dieppe ; par M. Lecar. « J'ai dessiné la tombe et l'épitaphe d'un curé de Limes, servant actuellement de table d’antel à la chapelle de la Vierge dans lPéglise de Martin- Eglise , près Dieppe ; j'en ai faiv autant du camp dé César, près de la même ville; mais je rai jamais pu me déterminer à.croire que ce prétendu campaiw jadis été l'emplacement d’une ville , d'une cité. | » Quiconque a vu des villes ruinées, ou des forteresses de la date la plus ancierne , ne pourra jamais: les faire entrer en'comparaison avec Fen- ceinte dont il est question, et qui na jamais: été qu'un simple camp et um camp d'assez fraiche dare ,; où au moins assez fraichement réparé, La nature des retranchements ne peut s'assimiler au murailles et aux fossés profonds de nos anciennes forteresses , et l'assiette du camp, qui e:t une vaste pelouse sans aucuns débris de maçonnerie , éloi- gne toute idée d'une ville qui en aurait occupé la surface. » La preuve tirée du tombeau du curé de Limes n’est pas plus décisive. 1° 11 n’existe, dans le diocèse ; (167 ) de Rouen aucune paroisse de ce nom. J'ai com- pulsé les pouillés du diocèse depuis celui d'Odo- Rigault, de 1200 , et les registres des provisions , sans avoir rien trouvé qui énoncât une cité, un village de ce nom. (*) » 29 César n'est jamais venu à Dieppe ni dans ses environs ; mais il n’est pas improbable que des légions romaines y aient campé ; et il n’en. fau- drait peut-être pas davantage pour donner l'origine de cette dénomination. » On trouva, il y a environ trente-cinq ans, dans les terres voisines de ce camp , une bague d'or, ornée d’une grosse pierre fine gravée, et l'on æ’a assuré qu’elle avait tous les caractères d'une bague romaine. Elle fut donnée à M. de Pontcarré père, premier président du Parlement de Rouen. (**} » Le monument dont j’ai parlé d'abord , expri- mant clairement que Messire Viel, dont il recou- vrait la dépouille mortelle , fut curé de Limes et doyen d'Envermeu; et ne trouvant en Normandie aucune cité de Limes, j'ai cherché si l'Angleterre (*) IL existe dans le diocèse de Rouen , entre Vernon et la Roche-Guyon , sur la rivière d’Epte , près la Seine , une paroisse de Limais ou Limet ; mais le travestissement de ce nom en celui de Limes , serait une licence trop hardie, (**) Sans aller chercher bien loin le nom d’une cité qui jamais n’a existé dans cet endroit, ne suffirait-il pas , pour assigner une origine plausible de ce nom ZLimes , de se re- porter aux anciens usages des Romains qui désignaient ainsi les frontières ou les limites de l'Empire , et dont ils confaïent la garde à des légions? C’est le sentiment de la Martiniére , Dict, Géog. Voc, Luuss. L 4 1791 En 1716, ( 168 ) 751. ne me fournirait pas, sur ce sujet, quelque notion utile. Je trouve sur la frontière de Devonshire une petite rivière et une ville du nom de Lime , et plus communément nommée Lyme ou Lyme Regis. » Les grandes relations qui existèrent entre la Nor- mandie et l'Angleterre , depuis la conquête de ce royaume jusqu’à Charles VIl,rendraient extrêmement probable que Messire Viel, normand d’origine, aurait été pourvu de la cure de Lime en Augle- terre, et que , revenu en Normandie , il aurait été nommé doyen d'Envermeu. A son décès ses héritiers ; qui lui érigèrent un monument dans l’église de Martin-Eglise , avaient réuni fidèlement tous ses titres sans désignation particulière des temps et des Jieux. » Par cette simple explication, s'évanouit une diffi- culté qui n’en est une que par la fantaisie que l'on a eue de vouloir convertir un camp en une cité , et de trouver une ville de Limes où cette ville n’a jamais existé, parce que dans cet endroit un curé de Limes ,et doyen d’Envermeu, y aura été inhumé avec les qualifications indiquées. » (*) DEEE (*) Je trouve dans le premier Essai , de M. Noel, sur le département de la Seine Jnférieure , pages 87 et 88 , le para- graphe suivant : L A la droite de la route...... est un ancien camp appelé vulgairement la cité de Limes , ou le Camp de César. Ce mo- nument est dans une position très-avantageuse , étant au bord de la falaise, dont la mer baigne le pied , défendu par des fossés trés-profonds avec des owvrages en terre....... On a débité dans le pays plusieurs fables à cet egard ; mais la ver- sion la plus probable, est que ce camp a servi à recevoir les troupes anglaises commandées par Talbot, surnommé ke César ( 169 ) Réflexion sur ce qui pourrait contribwer à la perfection des édifices publics ; par M. DE LA BOURDONNAYE. « On a lieu d’être surpris, dit M. de la Bour- donnaye , que la Nation française , si distinguée dans les sciences et dans les arts, Nation qui , dans bien des genres , s’est montrée l'émule des Grecs et des Romains , et les a même surpassés dans quel- ques-uns, paraisse négliger de donner, à leur exemple, à la plupart des monuments publics la beauté, la grandeur, la magnificence qui leur con- viennent, et de transmettre à la postérité l’image des hommes célèbres qui l'ont illustrée. » Les anciens élevaient des statues au mérite et aux talents. Ils bâtissaient des arcs de triomphe à la gloire des guerriers célèbres ; ils dédiaient des inscripuons , faisaient frapper des médailles , et se servaient de tous les moyens imaginables pour rendre les bons exemples plus frappants, les perpétuer d'âge en âge, et exciter le désir de bien faire. » Si nous pensons comme les anciens , que l’ému- Jation est la source des grandes actions ; que le désir 1 des Anglais, qui fit le siége de Dieppe en 1442 , et que le nom de Camp de César lui en est resté. J'ouvre le dixMtme volume des Mémoires de l’Académie des inscriptions , et j'y trouve , dans le Mémoire de M, l’abbé de Fontenu , les éléments de la note ci-dessus, J'y trouve de plus les dimensions du camp de César : c’est un triangle eurviligne dont la falaise ferme le côté le plus, long. Il est de 800 toises ; le côté N.., est de 325 ; le troisième est sans mesure fixe. 1752» (170) 1782, de la gloire élève l'âme , et la met, pour ainsi dire, au-dessus d'elle-même ; si nous sommes persuadés que la grandeur et la majesté des édifices publics annonce la grandeur d’une nation , la noblesse de ses sen!iments, peut-on dire que nous agissions con- séquemment à nos principes? » Ici l'auteur examine tour-à-tour nos places publi- ques, nos temples, nos théâtres, nos jardins, n0s fontaines, et il n'y trouve que trop de motifs qui justilient la sévérué de sa critique. « Nos jardins , ajoute-t-il , en citant l’éloquent citoyen de Genève, sont ornés de statues et nos galeries de tableaux. Que pensez-vous que représentent ces chefs-d’œuvre de l’art exposés à l'admiration publique ? Les défen- seurs de la patrie, ou ces hommes plus grands encore qui l'ont enrichie par leur vertn? Non, ce sont les images de tous les égarements du cœur et de la raison, tirées soigneusement de l’ancienne mytho- logie, et présentées de bonne heure à la curiosité de nos enfans. » Cette pensée, que l’auteur n’applique ici qu'à l'éducation des enfants , est susceptible d’une ex- tension bien plus considérable. Faites voir à tout homme qui aimera la vérité la statue de Turenne , faite par Pigalle, elle l'intéressera bien autrement que le Mercure du même sculpteur..... Les grands talents ne devraient servir qu’à éterniser le souvenir des grands hommes..... M. Titon du Tillet nous a donné à ce sujet, dans son Parnasse français, une idée vraiment magni- fique , et il serait digne de la Nation française de faire exécuter en grand ce monument de sa gloire, propre à décorer l’une des plus magnifiques places de la capitade. #« J'aitoujours été étonné, dit M. delaBourdonnaye; CET ?) en parlant des obélisques , que nous ne trouvions 1752: pas à Paris un seul de ces monuments de l’archi- tecture égyptienne. Il a de la beauté , il a de la grandeur , et ne servit-il qu'à rappeler le souvenir de la plus ancienne nation policée dont l’histoire soit parvenue jusqu’à nous, ceue serait pas sans doute un orrement inutile ; mais je voudrais l'appliquer aux mêmes usages auxquels les Egyptiens l'appli- quaient, en l’isolant convenablement et traçant sur le pavé une méridienne ; ce serait d’abord un vérita- ble gnomon; et en l'ornant des emblêmes de l'as- tronomie , des chiffres on les bustes des hommes célè- bres qui se sont immortalisés dans cette science sublime, on en formerait un trophce d’autant plus précieux qu'il n’exciterait aucuns souvenirs amers et n'aurait été arrosé d’aucunes larmes, » En poursuivant ses recherches sur les divers monu- ments qui pourraient embellir nos villes, M. de la Bourdonnaye n'oublie ni nos guerriers célèbres ni nos illustres marins. I] prepose, au sujet de ces derniers , un monument d’une espèce toute parti- culière, Au milieu d'un vaste bassin s’élèverait un trophée maritime , orné de proues, d’ancres et au- tres attributs, Là figureraient les statues ou les bustes des Château - Renault , des Jean Bart , des Duguay-Trouin , des Tourville....... N'est-ce pas travailler en faveur de l'éducation de nos jeunes militaires, que de leur offrir l’image des hommes qui se sont illustrés en servant leur patrie ? Où trouyera-t-elle cette belle partie de notre histoire écrite d'un style aussi élevée; et ne sera-t-elle pas enflammée de la noble ardeur d'imiter de si beaux exemples ? Je terminerai cet extrait par les réflexions de M. de la Bourdonnaye sur le sanctuaire de la (172) 1792. Justice , à Paris... « Pourquoi ce lieu si res- pectable ne présente-t-il aucun des attributs qui conviendraient à la majesté des oracles qui s'y ren- deut? Au lieu de cet encombrement de boutiques , théâtre de la frivolité, que nous offre la grande salle, ne devrait-elle pas inspirer le recueillement et le respect pour Jes lois, en nous offrant les bustes ou les tableaux des Lamoignon , des Molé et autres magistrats célèbres, et ceux de ces hommes éloquents qui ont consacré leurs talents à la dé- fense de la vertu opprimée..... » C'est ainsi que l'on ürerait parti, pour l’avan- tage général , de ce qui na aujourd’hui que des usages bornés..... C'est ainsi que nous donnerions à tous les peuples une haute idée non-seulement des nos vertus militaires , de nos arts et de nos talents , mais encore de notre esprit et de notre sagesse, » Mémoire sur la vie de Léonard Aretin ; par M. l’abbe GoucerT, (*) Le vrai nom de Léonard était Bruni ; il prit celui d’Aretin , sous lequel il est beaucoup plus connu , de la ville d'Arezzo en Toscane , lieu de sa nais- sance. « Mathieu Palmier et Sozomène mettent dans leurs chroniques la naissance de Léonard , sous la date de 1570; Laurent Benincontri la rapporte à lan 1568. Je préfère à leur autorité, celle de Giannozzo (*) Extrait des lettres de cet auteur, (175 ) Manetti , l'ami et le panégyriste de Léonard , qui 175%? place cette naissance en 13 :9- » Lorsque Leonard vint au monde, l'Italie était en proie à plusieurs factions qui y causérent de grands désordres. » Enguerrand de Couci s'était emparé d’Arezzo. Ceux qui avaient échappé au glaive du vainqueur furent faits prisonniers; Léonard et son père furent du nombre..... Après divers événements, Enguer- rand ramena ses roupes en France, et le jeune Léonard revint à Florence où il crut trouver plus de tranquillité, et où tous les secours nécessaires, pour les besoins de la vie et pour ses études , vin- rent comme d'eux mèmes s'offrir à lui. » Jean de Ravenne , grammairien etrhéteur habile, le reçut au nombre de ses disciples , et l'élève com- mençail à peine à mettre à profit les talents de son maitre , qu'il apprit la nouvelle de la mort de son père. Cette perte était d'autant plus grande qu'elle le laissait sans ressources du côté des biens de la fortune. Lino Colacio Pierio Salutati, chaucelier de la République de Florence, et l’un des plus savants hommes de son temps , le prit sous sa protection, et voulut lui servir de précepteur et de père. « Je Ep. L. =. n'oublierai jamais, ce sont ses expressions, combien Ep. X£. je suis redevable à cet illustre défunt. Si j'eusse eté son propre fils, eût-il pu me témoigner plus de charité, plus de bienveillance et d'amour ? Si j'ai appris les lettres.grecques, c’est son ouvrage ; si j'ai fait quelques progrès dans les lettres latines , je les lui dois, ete. » Léonard passa de ces études à celle de la philosophie , et enfin à celle du droit, à laquelle, malgré son peu de goût, il se liyra sans réserve pendant quatre ans. +753. En 1399. C174) » Il était tout occupé de cette étude aride, iorsque Manuel Chrisol ras vint de Constantinople établit à Florence une éco'e de langue grecque. C'était au commencement du pontificat de Boniface IX qu'il arriva en Italie ; mais il ne se fixa à Florence que dix ans après. » Son école , en peu de temps, devint extrêmement célèbre; et Léonard s’empressa d'augmenter le nom- bre de ses disciples , et suivit ces leçons pendant trois ans. » Il avait formé avec le célèbre Pagge une liaison étroite, et celui-ci étant devenu secrétaire des lettres apostoliques, Léonard le pria de se souvenir de lui s’il trouvait l’occasion de lui être utile. Pogge vanta son esprit , la sagesse de sa conduite , et peu de temps après Léonard fut invité de se rendre à Rome avec assurance d'y être employé suivant ses talents. Il s y rendit le 25 mars 1404, fut admis à l'aud'ence du pape, et se fit écouter avec attention. Sa grande jeunesse seule devint un obstacle, et le pape le congédia avec des égards, Le bruit de cette dis- grace lui attira des concurrents du nombre desquels fut Jacques Angelo, de Scarparia, en Toscane , son condisciple sous Chrysoloras. Le pape , irrésolu , hésitait à se prononcer : son penchant le portait vers Léonard , un événement imprévu le tira de son irrésolution. » Le schisme commencé sous Urbain VI continuait; Innoncent VII avait pour compétiteur Benoît XIII, La voie de cession avait été proposée , et Innocent s'était engagé à la suivre si son concurrent consentait à s’y conformer; mais aucun des deux ne voulait commencer. Jean, duc de Bercy, écrivit, en 1405, à Innocent, pour l’exhorter à suivre la voie indi- (175) quée. Innocent VII communiqua cette lettre aux 1752. cardinaux , et tous furent d'avis qu'il en fallait faire deux copies , dont l’une serait remise à Leonard et l’autre à son concurrent ; que chacun ferait sa ré- ponse et que celui qui aurait le mieux réussi se- rait revêtu de l'emploi sollicité. » La réponse de Léonard fut prête au bout de deux jours ; elle plut er il obtint l'emploi qu’il désirait. Dès que Colucio eut appris cette nouvelle, il écrivit à Léonard pour l’en féliciter, etau pape pour l’en remercier et lui faire connaitre tout le prix du trésor qu’il venait d'acquérir. » Ce commencement de prospérité fut bientôt troublé par les agitations de Rome que les régents suscitaient : le pape fat obligé de se réfugier à Viterbe , d’où il ne revint qu’au mois de mars 1406. Léonard ne lPavait pas quitté : de nouveaux trou- bles s'étant élevés , le pape l’envoya chercher du secours au dehors, Il s’acheminait de Rimini vers Césène , quand il apprit la mort de son ami et de son bienfaiteur Colucio ; il en fut profondément aflligé. De retour à Rome le pape lui ofirit an évêché ; mais Léonard le refusa, » Le 5 novembre de la même année, il eut le malheur de perdre Innocent VII, mort d’une atta- que d’apoplexie, » Angelo Corrario Jui succéda sous le nom de Grégoire XIL, et conserva à Léonard son emploi de secrétaire. La vie de ce pape fut une suite conti- nuelle d'agitations jusqu’àla tenue du concile de Pise où lui et son compétiteur Benoît XIII furent déposés. » Léonard lui était resté invio!lablement attaché et avait fait preuve d’une rare prudence dans ces moments difficiles, 1752° C:76) » Pierre de Candie fut élu pape et prit le nom d'Alexandre V. , » Léonard était venu à Pise et y avait demeuré pendant la tenue du concile. Il eut de fréquentes conférences avec les PP. du concile; mais on ne trouve ni dans ses lettres ni dans ses écrits rien de détaillé sur tout cela. On voit seulement qu’on réussit à lui faire abandonner Grégoire XIT, pour l'attacher au nouvel élu dont il devint encore le secrétaire. » Alexandre V ne tint le saint siége que dix mois buit jours, et mourut à Bologne. Le cardinal Balthasar Cossa , qui avait été le principal moteur de toutes ses démarches, lui suc- céda sous le nom de Jean XXII, » Le mérite de Léonard lui était bien connu et il ne crut pas mieux faire que de le retenir au- près de lui dans le même emploi que ses pré- décesseurs lui avaient confié. Léonard y consentit ; mais à peine en avait-il commencé les fonctions , que la République de Florence, quine le perdait pas de vue, le nomma son chancelier , et lui en envoya les provisions. Il se vit donc obligé de quitter Bologne, au grand regret du pape et de ses amis , pour aller prendre possession de son nouvel emploi. Il ne l'avait accepté qu’avec peine et n’en remplit les fonctions que pendant quelques mois ; dès qu’il eut fait sa démission , il se hâta de retourner vers le pape qui s'était rendu à Rome vers le mois d’avril 1411. » Jusques-là Léonard avait porté l’habit ecclésias- tique et latonsure cléricale ; mais peu de temps après son retour à Rome , ayant changé de goût , par rap- port à la cléricature, il fit un nouveaur voyage à Florence (177) Florence et de là! à Arezzo , sa patrie, où il se 17 maria. Il eut de ce mariage un fils qu’il nomma Donat, et qui luia survécu. (*) » Les engagements qu'il venait de contracter ne le fixèrent cependant pas à Arezzo. Il retourna à Rome en 1412 , et suivit la fortane du pape jusqu’à la tenue du concile de! Constance. S’étant aperçu qu'on n’y était pas favorable au pape ,‘il quitta Constance et reprit la route de Florence. Jean XXII et Benoît XIII furent déposés par le concile , Grégoire y fit son abdication ; Othon Calonne fut élu pape dans la quarante -unième session et prit le nom de Martin V. Ce fut lui qui ferma le concile à la quarante-cinquième session , le 22 avril 1418. Au mois de février de l'année suivante , ce pape étant venu à Florence | Léonard alla lui présenter ses hommages et lui offrir ses services, Martiu lagréa comme ses prédécesseurs pour secrétaire des brefs apostoliques, Pogge avait disposé favorablement le : pape qui connaissait d'ailleurs le mérite de Léonard sc et celui-ci en témoigna à son ami sa vive recon-' naissance, oo SD REUT » Léonard, qui paraît ne s'être jamais servi de son crédit que pour faire du bien, en fitle plus. heureux emploi dans une circonstance assez délicate. : Le pape avait été insulté par quelques’couplets : trop libres que des jeunés gens chantaient pabli:! quement dans la ville, et s'en était plaint à Léonard avec amertume, Celui-ci mania si adroitement l’es- prit du saint Pêre, que non-seulement il parvint à lui fairé oublier cette offense ; maïs de plus , en mé? ? mioire des bons oflices que les magistras de Flotence (*) Le Dictionnaire de Morery dit qu’il véeut dans le célibat: : Tome II, 1551 à 1760. M 5 2 1752, En 1420, C178 ) lai avaient rendus , il érigea leur église en mé- tropole. » Léonard fut moins heureux avec Nicolo , au- quel. il avait voué une éternelle amitié, ei qu'une intrigue malheureuse parvint à brouiller avec lui. Pogge et Barbaro s’entremirent pour les réunir, Léonard si préta de bonne foi ; mais le retour de Nicolo ne fut pas aussi sincère. .+ On ne se haïssait plus ; mais on ne sortait guères de l'indifférence. «*) » Le pape , enfin , quitta Florence pour retour- ner à Rome, et Léonard s'excusa le mieux qu'il put et le Jaissa partir seul, se consolant avec ses amis et ses livres de l'abandon de la cour de Rome. 11 y retourna cependant en 1426 ; mais ayec la qualité d'ambassadeur de la République. Le dis- cours qu’il prononça à sa première audience fut extrémement applaudi. » Le 27 novembre dela méme année, il fut, pour la seconde fois ; nommé chancelier ou vice- chaucelier ; mais, peu de temps après, il fut reyèiu de .ceute dignité avec toutes ses attributions honorifiques, Sans négliger les affaires publiques il v’abandouna pas, ses études , et leur,eorisacra tous les instants quil. pur dérober à ses devoirs. 1l:se conduisit de manière à «mériter l'estime, générale ; fut. comblé d'honneurs ;: nommé. deux, fois à la magistrature du !décemyirat., et. aurait été élevé à, F#$ dignité 1! (‘) Nicolo était, fils d'un négociant et avait fait d’assez bonnes études. Sa.passion pour les livres était sans bornes ; il en ayait ras- semblé un si grand nombre de toutes les parties de l’Europe, qu'il avait formé , à ce que l’on prétend , la plus riche bibliothèque qu’un particulier püt alors posséder, [leu laissait l’usage à ceux qui avaient la volonté d’en profiter, : " 14 (179 ) de gonfalonnier , la première de la République, 1752: s'il eût vécu plus long-temps. Il avait reçu quel- ques années auparavant le droit de bourgeoisie ; et «’est pour cette raison qu'il appela quelque- fois Floreice sa patrie, - Le coucile de Bâle , transféré à Férrare et de Ferrare à Florence, avait vu la réaniou des Grecs et des Latins consommée par le fameux acte d'u- niou du 6 juillet 1739. » Il y a lieu de croire que Léonard ne demeura pas oisif pendant la tenue de ce concile ; mais l'his- toire ne nous a rien conservé de ce qu'il y fit. Vers ce temps, Alphonse, roi d’Arragon , qui aimait les sciences et ceux qui les cultivaient , tenta d'attrer Léouard auprès de lui. 11 s’en excusa sur son âge et sa mauvaise sauté, Il mourut à Florence en _1444+ âgé de 75 ans , en plaçant sa naissance, comme il a eté dit, en 1569. il laissa pour uui- que héritier son fiis Donat. » Ses funérailles, se firent avec beaucoup de solennité et aux dépens de la République. Sa tête fut couronnte de iauriers ; Gianozzo Manetti prononçà son oraison funèbre sur une estrade à la têée du cercueil. Toute la cour du pape , qui était alors à Florence , et les ambassadeurs des priuces près du saint-siége assistèrent x cette lugu- bre cérémonie. » Le corps de Léonard fut enfin dépoié dans l’église de Sainte-Croix , et l’on grava sûr sa tombe cette simple et honorable inscription : Postquam Leonardus e vit& migravit , Historia luget, Eloquentia muta est , Ferturque Musas tum græcas tum latines Lacrymas tenere non potuisse. M 2 1753 ( 180 j Mémoire sur la nécessité de travailler à l'Histoire de la province de la Normandie , ét sur les moyens d'y travailler avec succès ; par M. DupouLzax. Le titre seul de cet excellent Mémoire en indi- que le sujet et la division. « Deux motifs bien puissants, c'est M. Duboullay qui parle, doivent vous porter à l'entreprise que je vous propose : l’un est l'intérêt de votre Aca- démie , parce qu’il n’est point de moyen d'employer plus utilement tous ceux qui la composent ; l’au- tre est la richesse même du sujet, parce qu’il n’en est pas qui mérite plus de vous occuper. | » Il est dificile sans doute de se frayer des routes nouvelles dans la carrière des sciences , des lettres et des beaux arts , et ilest malheureux d’être réduits x répéter les idées et les experiences des autres,’ Pour obvier à ces deux inconvenients , il n’est point, je crois, de moyen plus eflicace que d’entreprendre un trayail commun qui , roulant sur des choses utiles et à la portée de sous les Membres , leur donne occasion d’appliquer leurs différentes con-! naissances, et fixe par-là cette incertitude que la vue d'une carrière trop vaste me manque pas de produire dans la plupart des esprits... I} ne s’a- gira que d'appliquer des connaissances acquises à des objets intéressants et utiles à la patrie, en sui- vant les différents genres qu'on aura choisis et dont on aura fait une étude plus particulière... » Mais quel sera le sujet de ce travail? Pouvez- vous douter , Messieurs, qu’il ne doive être con- sacré à la province dans laquelle nous sommes établis? C'est à faire connaître l’état passe et actue (181) de la Normandie que doivent tendre nos premiers 5753* efforts , et à amasser des matériaux pour nous mettre en état de publier un jour son histoire générale. . +. Et croyez-vous, Messieurs , qu’un, pareil travail ne soit pas fait pour intéresser nos judicieux con- citoyens? Prenez-en pour garant le succès de plu- sieurs Histoires récentes de provinces d'une impor- tance bien moins grande que la nôtre. Non , on ne connaîtra bien la France que lorsque les bonnes histoires particulières de chacune de ses provinces seront mises au ECM Voudriez-vous donc, Messieurs , laisser à d’autres une gloire..qui vous appartient? Doutez-vous que l’Histoire dela Normandie soit assez intéressante pour mériter qne vous lui consacriez vos travaux ? Serait-ce plutôt la difficulté de l'exécution qui vous arréterait ? Ce .sont deux prétextes qu'il est nécessaire de détraire, paree qu'ils pourraient refroidir cette ardeur ce zèle, sans lesquels on ne réussit jamais quand il s’agit d'ent reprises utiles et glorieuses, a j in De quelque ci qûté que l’on convidère: l'Histoire dela Normandie, on n'y. trouvera que des objets capables d’exciter l’'émulation. Vos ancêtres , Mes- sieurs, sont ces anciens. preux qui,;, pendant près d’un siècle, firens trembler toute l'Europe, for- _cèrent les rois de, France à sallier avec-eux et à leur céder uue de ses plus belles provinees. », Possesseurs d'un pays riche et fertile ; ils adou- cirent leurs mœurs et apprirent à connaitre Îles vertus et les devoirs de la société. Le premier de leurs ducs leur donnade lois dont plusieurs ont subsisté jusqu'à nous. Trop resserrés dans leur nouvelle patrie , les Normands conquirent et civilisèrent l’An- gleterre , et lui donnèrent les lois sages qui les avait rendus heureux. M 3 ( 182 ) » La gloire dans tous les temps fut leur idole chérie: Un: petit nombre de chevaliers normands forma etexécuta le projet de chasser les Sarrasins de la Calabre et de la Sicile , et fonda un empire qui Uentéun rang distingué parmi les puissances de l’falie. Prop resserrés encore dans les limites de l'Europe, ils portèérent jnsqu'au fond de lo- rient ,-la gloire de leurs armes; et les noms de Boëmond et'de Tancrède seront à jamais fameux dans Fhitroire:.... » Sous lé règne justement célèbre de Eouis-le- Grañd; lorsque la France, respectée detoute l'Europe par sa lpuisänce, devint, par la culture des lettres AA xl ne tiaut Le « etdes béañx arts, la rivale d'Athènes et de Rome, quelle ’féulé d'hommes sayants la Normandie ne “produisitselle pas ? Liftrature, éloquence , poésie , chimie , ‘antiquités industrie, commerce , Daviga- tion; dans ‘Presque toutes les parties la Normandie s’est illustrée et°a donné l'éveil à l'Europe en mar- chant dés prémières dans la carrière des beaux arts. :» » Si nous sentons l'importance du projet que j'ai Fhonneur1db vous proposer , rie différons donc pas, Messieurs à prendre les moyens les plus eflicaces pour Je-mettre à exécution. Il à ses obstacles, sans donte ; mais qu'elle entreprise importante est exempte de difficultés? Mais ces difficultés sont-elles insur- ‘montables ?Ah :craignons que le zèle ne nous manqguerplutôt que-le talent. Faisons au moins quel- -ques stentatives , avant que: dé prônoncer que ce travail est au-dessus de nossforces jet voyons si le splan- d'exéeution que je: wais avoir l'honneur de vous proposerne fera pas disparhitre la plus grañide parte de-ces difficultés: qui nous avaient d'abord ellrayésess so 1e 02 ebuse ,: » L'Histoire de la Normandié peut se diviser 271 " 19 ( 185 ) en quatre parties principales , l'Histoire civile ; l'His- 1753. toire ecclésiastique , PHistoire littéraire , l'Histoire naturelle. Chacane de ces quatre branches de- mande des talents différents et renferme des sous- divisions dont chacune suffit pour occuper plusieurs collaborateurs, C’est sous ce rapport que chacun de nous doit jouir de la plus grande liberté et choisir la partie la plus conforme à son goût et à son génie..... » Le premier pas que nous ayons à faire est de rechercher et de connaitre les sources où nous devons puiser, les livres, les manuscrits, les titres dont nous pouvons faire usage , les dépôts publics où nous pourrons faire des découvertes. Un ou- vrage préliminaire , très-important, serait donc un catalogue raisonné de tous les auteurs qui ont écrit sur la Normandie, des titres et manuscrits, des dépôts où ils sont conservés ; et ce travail impor- tant rentre pleinement dans les attributions d’un. de nos confrères qu'il me suffit de désigner ici par sa vaste érudition. » La géographie, la chronologie , la diplomatique et les antiquités sont, comme vous le savez , Mes- sieurs , les avenues de l'Histoire. Vous aurez , sous le rapport de la géographie , à fixer les limites anciennes de notre province , à déterminer la po- sition des villes , à rectifier les cartes anciennes et à en former de meilleures, à verifier si la mer se retire de nos côtes , si les rivières deviennent plus étroites et plus rapides ; à déterminer quel espace de terrain comprenaient les forêts , lors de l'invasion , et quelle immense quantité d’arpents ont depuis été rendus à la culture, etc., ete. » La chronologie et la diplomatique offriront des dates incertaines à fixer et à déterminer ; la ma- M 4 (184) 1755. uière de compter les années , an temps de nos anciens ducs, celle de dater les chartes , les sceaux et marques caractéristiques d'authenticité dans ces temps anciens ; les diplomes de la province et sur- tout la fameuse charte confirmée par tant de rois , ‘et:qui aurait besoin d'un bon commentaire. » La Normandie est remplie de monuments re- marquables par leur antiquité : une notice courte, mais exacte sur les édifices , les tombeaux, les ins- criptions , les médailles, serait d’une grande uti- lité pour en éclaircir l'histoire, . » L'Histoire civile serait divisée en trois époques : la première comprendrait les années qui se sont écoulées depuis la conquête de Jules-César jusqu’à l'invasion des Normands. La seconde commencerait à l'invasion et finirait à la réunion du duché de Normandie à la couronne ,:sous Philippe-Auguste. La troisième s’étendrait jusqu'à nos jours. Les mœurs, les coutumes , les lois, la religion , le gouverne- ment ; les guerres , les traités, les généalogies: de : nos ducs, les alliances, les établissements, etc. | donveraientlieu à des recherches savantes et propres à intéresser tous les genres de talents. » À cette branche se réunirait l'Histoire de l'an- cien, échiquier, celles du parlement , de la cham- bre des, comptes et autres juridictions; des hôtels: des monnaies , des officiers qui y sont attachés, des hôtels de ville , des gouvernements particuliers et des titulaires qui sy sont distingués: ». L'Histoire des hommes illustres de la Normandie, par leur bravoure dans la guerre, par leur sagesse dans le gouvernement ; par leurs lumières et leur équité dans. l'administration de la justice, serait une des parties la plus brillante de nos annales. » L'Histoire ecclésiastique.se traiterait suivant: la ( 185 y même méthode, pour ce qui concerne la métropole 1725. et les diocèses qui en relèvent ; les chapitres, les abbayes, les monastères, leurs priviléges et im- inunités ; les personnages qui les ont régis et qui se sont illustrés par leur sainteté, leurs écrits ;, leurs talents dans tous les genres. » L'Histoire littéraire comprendrait les établisse- ments formés en l'honneur des lettres, sciences et arts, colléges, écoles publiques, académies, bour- ses , les noms de leurs fondateurs, les maîtres qui s'y seraient distingués et les élèves fameux qui sy seraient formés, » L'Histoire naturelle se partage en deux grandes sections : la partie physique et la partie écono- mique. À la première appartient la description des animaux , des végétaux et des minéraux. La seconde a dans son domaine tous les usages que l'on en a fait dans le commerce et dans les arts; et , sous ce: double rapport, quelle province est plus recommandable par ses productions et par son industrie? Ses gras pâturages et ses plaines fertiles nourrissent un nombre infini de bêtes à cornes, de moutons, de chevaux excellents , source féconde d’an commerce très-étendu. Que d'amé- liorations possibles , par l'introduction d'espèces étrangères , le croisement des races, le soin des troupeaux ? Et combien nos laines, en particulier, peuvent acquérir de valeur par le simple éloïgne- ment des négligences qui les déiériorent? Nos vastes forêts fournissent à l'entretien de nombreu- ses usines, et sont pour nos chantiers de marine une ressource aussi abondante que facile. La super- ficie de notre sol n’est pas la source unique de nos richesses; ses entrailles recèlent des carrières de p'erres excellentes pour la bâtisse, des mines de ( 186 ) r plus précieuses que l'or, des eaux minérales que leurs vertus médicinales ont rendu célèbres... » Que de matériaux offerts à votre industrie lquelle immense variété d'objets propres à occuper tous les talents et à satisfaire tous les goûts.…... ! Si Ja difficulté de voir tout par vos yeux vous embar- rasse ; vous arrête ; formez-vous, Messieurs , dans toutes les parties de la province des collaborateurs laborieux ; associez-les à la gloire de cette entre- prise; faites des questions les plus épineuses des sujets de prix , et invoquez tous les savants de l'Europe à vous éclairer de leurs lumières ; mais ayez l'initiative, donnez l'exemple du travail : ce n'est qu’à cette condition qu’on mérite et que l’on obtient des secours. » Quand vous aurez réuni tous les matériaux nécessaires à la construction de ce vaste édifice , il ne sera plus question que d’en coordonner toutes les parties et ce sera l'ouvrage d'un petit nombre d'hommes sages, réfléchis, et dont la plume exercée relèvera la richesse du fonds par les grâces du style. Alors, Messieurs , vous pourrez vous flatter d’avoir élevé un monument national également imposant et utile, et vous aurez mérité cette considération précieuse sans laquelle aucune société savante ne peut subsister. 17953. fe Je ne ferai qu'indiquer un second Mémoire du même auteur , ayaut pour titre: Æssai de classi- fication des divers matériaux qui daivent entrer dans la composition de l’Histoire de Normandie , pour en faire la distribution entre Messieurs de l’Aca- démie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen. (187) Ce titre seul en fait connaître objet , et ce Mémoire 795: se refuse à toute espèce d'analyse, Dissertation sur l'état actuel des sciences et des beaux arts, et sur la possibilité de les perfection- ner; par M. Lecar. Cette dissertation , destinée à faire partie des lectures à la séance publique de 1753, ne pou- vait être qu'un ouvrage agréable, dont la variété et la succession rapide des objets faisaient le prin- cipal mérite. Après un hommage sincère rendu aux grands hommes qui ont illustré Athènes et Rome, l’au- teur passe au beau siècle de Louis XIV , et paye un juste tribut aux savants dans tous les genres qui l'ont immortalisé, I] arrive enfin à son siècle, et s’il est obligé de convenir que nous le cédons aux anciens par la vaste étendue des conceptions ; il montre que nous l'emportons sur eux par la correction et le fini. » Rendons justice à nos écrivains sans lesflatter, dit M. Lecat , la manière d’écrire de plusieurs d’entre eux, non-seulement a soutenu une partie de l'éclat qu'elle avait acquis dans le siècle précé- dent , maïs encore elle semble être devenue plus légère dans sa marche, plus circonspecte dans ses ornements , plus mesurée dans les essors de l'ima- gination, » L'astronomie , la physique , la mécanique, les sciences médicales , l’histoire naturelle, sont exa- minées tour-à-tour , et l'auteur montre qu'il n'est aucune de ces parties qui ne se soit agrandie et perfectionnée de nos jours. » Pour ayoir une idée (188 ÿ 1755, des succés de notre siècle dans l'étude de la na- ture, jetons les yeux sur un phénomène autrefois très-stérile et à peine connu de nos pères, l’élec- tricité, lequel forme seul aujourd’hui un corps de science aussi curieux en faits , aussi riche en vé- rités que pouvait l'être autrefois la physique toute entière. » Ces beaux jours si vantés de Périclès et d’Au- guste étaient, sur le mécanisme du corps humain, dans une ignorance dont rougiraient les derniers de nos élèves..... On ne connaissait ni le cours du sang ni celui du chyle : Harvée , Azellius, ou- vrirent les yeux sur les phénomènes de la circu- ation et de la chylification; Riolan , Bartholin, Malpighi, Ruysch, Winslow, Senac, Ferrein , Haller, etc. , élevèrent l'anatomie et la physiologie au rang des sciences les plus sublimes. Si an autre que M, Lecat eût été l'auteur de ce disconrs , on eût vu'infailliblement le nomde cet homme célèbre fgurer au milieu des noms illustres qu’il signale à la reconnaissance publique..... » La botanique et la chimie ont marché de front avec toutes les autres sciences , dans les progrès rapi- des qu’on vient de désigner. Lémery ayant arraché à Ja dernière le voile mystérieux dont ‘elle affectait de se couvrir , Pintroduisit chez les physiciens, dans le cabinet des curieux et dans les palais des grands. M. Lecat cite avec éloge les savants qui, de son temps, cultivaient avec honneur cette science magnifique. Qu’ eût-il dit s'il eût vu les chimistes de nos jours créer une nouvelle chimie , reléguer les éléments des anciens dans la classe des substances tomposées , et offrir, dans leur nomenclature, le précis de leur composition ? » On ne connaissait jadis Jes plantes que comme (189 ) le vulgaire les connaît, par leur port extérieur, et sur-tout par l'habitude de les voir. » L'illustre Tournefort les a étudiées en philoso- phe par leurs actions essentielles ; actions aualogues à celles qui distinguent vraiment entre eux tous les êtres vivants , et où ce grand homme a puisé les caractères distinctifs-de la vaste famille des végé- taux : méthode $i heureuse et si belle que des milliers de plantes découvertes tant par l’auteur même que par ses successeurs , se ‘ont venu ranger sous les genres et sous les espèces qu’il leur avait pré- parées. » La voie que Tournefort a ouverte à l'analyse, a conduit le célèbre Linnæus aux recherches savantes qu'il a faites sur les parties sexuelles des végétaux , et à fonder ce systême brillant qui balance la méthode naturelle de son devancier, » J'ai passé en revue les principaux objets de nos travaux; ils ont tous donné les signes les moins équivoques de la plus grande fertilité : l'exposé circonstancié des progrès que l’on a faits dans ce siècle, dans une seule de ces parties, nous aurait occupé plus de temps que je pouvais en consa- crer à cette revué. Nous ne sommes pas assez vains pour nous flatter de les égaler jamais ; mais nous avons leurs exemples pour preuve de la pos- sibilité de nos succès, et leurs noms présents à notre mémoire pour nous engager à les suivre. » 1752: 1755, 1754 C190 ) Plan de travail pour l’examen , le choix et la rédac- tion des Mémoires de l’Académie ; par M. DE La BouRDONNAYE. Je ne présenterai presque que le titre de ce Mémoire, qui prouve que depuis long-temps on s’est occupé de l’impression des Memoires de ji Aca- démie. L'auteur exige trois conditions : 1° un examen scrupuleux pour juger de la valeur de chacun ; 2° upe classificaion et une distineion de ceux qui doivent être imprimés en entier ou simplement par extraits. Il desire qu’une commission soit chargée de ce travail et que chaque auteur soit invité à faire le précis de son ouvrage ; 3° la rédaction à laquelle se rapporte l’ordre qui doit régner dans la composition de chaque volume, Une expérience de cinquanie ans a montré quel ayait été le résultat de ces commissions souvent renouyelées et toujours sans succ's. ( Voir, à ce sujet , le premier volume de ceite collection. Ob- servations préliminaires, ÿ " 2 LA Exposition d'un Monument ancien :; par M. BEYER P » P , D. M. à Nimèégue. « Messieurs , j'aurai l'honneur de vous entretenir aujourd’hui ( c’est l’auteur de cet intéressant Mé- moire qui parle ) d’un monument antique qui se voit au clocher du village de Doyeivert, sur la —— (191 ) rive droite du Wahl, à trois grandes lieues de 1754. Nimègue..... Je lisais il y a quelque temps, dans l'ouvrage de M, Cuper, Monumenta antiqua inedita, une description et une espèce d'explication de ce monument qu'il wa cependant pas vu , et je ne sais pourquoi je doutai qu'on eût bien informé M. Cuper, toachant le veritable état de ce beau reste de l’antiquité. » M. Muratori , qui n’a fait là-dessus que copier M. Cuper , ne m'a pas satisfait davantage. L'ins- cripüion de ce monument se lit chez ces Messieurs de cette façon : M. TRAIAN. IV GVM. ATTIVS. GAI SIONIS. F. VET. ALAE AFROR. T. P. I. » Mon doute ne pouvant s’éclaircir dans mon cabinet , j'allai sur les lieux ; et, après un mûr examen , je trouvai que l'inscription telle que M. Caper la rapporte est très - fautive ; ce qu'il est facile de vérifier en jetant les yeux sur linscrip- tion que M. Beyer dit avoir fidèlement copiée sur le monument lui-même. » Mais ayant que de la présenter ici, j’essayerai de décrire ce monument, ne pouvant en ofirir la figure. » Il est de pierre de quatre pieds huit pouces de hauteur ,'sur trois pieds deux pouces de lar- geur. Le pied est celui du Rhin, de Fr to chose plus court que celui de Paris. » La hauteur du monument se partage en trois parties inégales. Celle d’en bas est consacrée à l'ins- cripuon, 3754. (192 ) » Celle du milieu, la plus grande de toûtes, estspécia- lement remplie par un personnage sur un lit antique étendu , le tronc élevé et soutenu par des coussins. A ses pieds est une figure debout , les bras croisés, avec l'expression d’une vive douleur. J'estime que ce personnage est une femme. En avant , sur un gué- ridon à trois pieds, une patère et quelques objets que je ne reconnais pas; plus loin un support avec un vase pose dessus. Est-ce un vase de nuit, une lampe ? je, » Les personnages et les objets désignés semblent placés dans une espèce d’alcove surmontée par un attique formant la troisième partie de ce monument, et en même-temps la plus petite. À » Au milieu ‘ést une figure ailée accompagnée de deux lions en: regard, » Il est assez difficile d’imaginer sur quel fonde- ment M. Cuper a pris cette figure ailée pour un Triton. ; » Voici présentement l'inscription copiée scrupu- leusement par M. Beyer ; il est facile d'y recon- naître de grandes différences avec celle de M, Cuper. M. TRAIANIVC GVMATTIVS GAT SIONIS FVETALAE AFROR. T. P. I. »:Ce qui me parait certain , ’est que ce savant homme a fait de grands raisonnements sur une inscription qu’on lui avait mal copiée.. ; Au reste M, Beyer , dans son Mémoire, ne tente de donner aucune explication sur ce smonument, etne dit pas comment M. Cuper tente de l'expliquer. Sur ( 195 ) Sur la correspondance des Académies de province avec celles de Paris, et réciproquement ; par M. PAvioT. Ce discours exprime le vœu le plus sincère de voir s'établir une correspondance mutuelle entre les Académies de province et celles de Paris. M. Paviot regarde avec raison les Académies de Paris comme des Académies mères auxquelles les Académies de province ont le plus grand intérêt de s’affilier ; mais il montre également qu’il est possible que les Académies de province communiquent à celles de la capitale des observatiocs et quelquefois même des découvertes utiles. C’est ainsi que tout se tent dans la nature par un échange continuel de bien- faits, et que les plus petits ruisseaux concourent la formation des fleuves et des mers, qui leur rendent, en rosées et en pluies fécondes , l'aliment nécessaire à leur existence. Observations sur la Musique et sur le genre enharmonique ; par M. de PRÉMAGNY. 17954 « La musique est un art si charmant , une science 1755. si étendue dans ses principes et dans ses effets, qu’elle mérite bien qu’on fasse d’elle au moins une légère mention dans une Société où l’on s'occupe également des arts utiles et des arts agréables... » La musique > C'est-à-dire la variété des sons , est naturelle à l'homme plus spécialement qu’à Tomé If, 1751 à 1960. N (194 ) 1755, aucune autre espèce d’être animé ; et, à propre- ment parler , il n'y à point de monotonie dans Ja DAtUre..... » Mais ce qui n'est que l'effet d’une organisation purement mécanique et par conséquent toujours uniforme chez les animaux , devient, dans l'homme intelligent et capable de discerner , de juger , de combiner , un art méthodique , où le génie , aidé dn goût et du raisonnement , sait jeter des variétés infinies. Le passage pur et simple d'un son à un autre dépend uniquement de la construction de Vorgane de la voix : la distance des intervalles et le rapport des accords qui en naissent, est l'ou- vrage du jugement et de la réflexion, et l'homme seul possède la science de lharmonie....... Lui seul a su franchir les limites étroites où sa voix paraissait resserrée, en étendant la mélodie jusque dans les écarts de la modulation , et en unissant harmoniquement des sons qui semblaient faits pour se succéder plutôt que pour régner ensemble. » C'est de-là que nous est venue la connaissance des trois genres qui font la division ordinaire de la musique. Le diatonique , le plus simple de tout, parcourt les différents tons par la succession la plus naturelle , depuis le ton principal jusqu’à ses octaves, tant en montant qu’en descendant. Il n’a aucun rapport avec la parole ni avec la déclama- tion , quelque force et quelqu’étendue qu'elles puissent avoir: c'est nécessairement un chant, et chanter et parler sont des choses absolument diffé- rentes, | » Le second genre, appelé chromatique , qui, dans le modé mineur , s'écarte de la route ordi- naire du diatonique et procède par demi-tons , semble conséquemment se rapprocher un peu de (195) la parole , en imitant ses inflexions. Mais les règles 1755: rigoureuses auxquelles il est assujettis, son usage particulièrement borné à l'expression des chants plaintifs, tendres et touchants..... tout cela con- court à diminuer l’aflinité apparente entre ce genre et la parole, dont l'essence est de prendre libre- ment l’essor sans étre contrainte par les règles. » Ces deux genres, connus et pratiqués de toute antiquité , semblaient seuls partager la musique des plus grands maîtres, lorsqu'un célèbre musi- cien , Olympus , osa employer l’enharmonique , ignoré ou négligé de ses prédécesseurs. La dis- ünction qu'ils apercevaient entre le chant musi- cal et la voix naturelle, malgré ses gradations sen- sibles , les déterminèrent à n'en point confondre les limites. La parole s'élevait jusqu’à la belle décla- mation , mais elle en demeurait 1à.... Toute la composition musicale ne roulait presque que sur le genre diatonique et quelquefois sur le chroma- tique , parce que ce sont les seuls que la voix chantante et la plupart des instruments puissent admettre. On n’a pas d'exemple qu’on ait jamais donné à l'orgue d'autre division que celle des tons et des demi-tons , au lieu que l’enharmonique étend les divisions du ton jusqu’à neuf, ce qui est inexécu- table sur les instruments fixes..... » Il est cependant incontestable qu'Olÿmpus a introduit ce genre dans la musique , et l’a em- ployé avec le plus grand succès. Quelle en peut être la raison? La voici, si je ne me trompe : c'est que la déclamation des anciens était notée, et com- parable en cela au récitatif italien , et que la voix humaine, extrémement flexible, prend, au gré des passions , toutes les inflex'ons possibles , et pré- sente un exemple naturel et permanent du gerre = EN 2 1 / (196 ) 55, enharmonique ; ce qu’une oreille délicate observe facilement , sur-tout dans la déclamation des peuples qui donnent à leur langage beaucoup d’inflexions. Le gerre enharmonique appartient donc bien plus à la parole qu’à la musique..... De quelque ma- nière qu'Olympus l’exécutât, ce que nous ignorons entièrement puisque nous n'avons plus de musique ancienne , tâchons de le déméler dans la musique subsistante..... Les Italiens nous firent entendre les premiers , dans leurs longs récitatifs , cette es- pèce de composition amphibie qui n'est ni vraie déclamation , ni vraie musique. Il faut pour la connaître avoir assisté aux opéra d'Italie , et leur avoir accordé un attention que les Italiens eux-mémes lui refusent pour la donner toute entière à leurs arriettes..... » Pour nôus qui, comme Macrobe , trouvons le genre diatonique susceptible de toutes les expres- sions , nous déclamons nos scènes dramatiques et nous chantons nos scènes lyriques ; et, quand nous avons choisi entre parler ét chanter , nous n’admet- tons aucun mélange..... Il faut que le récitatif italien soit cependant éloigné de produire les grands effets de l'enharmonique des Grecs , quoique calqué sur les mêmes principes, puisque Rome même le dédaigne au point de déserter sitôt qu’il occupe la scène; et sil peut seul nous rappeler ce genre que Plutarque a vanté, ne voyons dans ces éloges qu'une exagération manisfeste. » ( 197 ) e Dissertation sur la mort d’Antiochus Epiphanes, Roi de Syrie ; par M. de PRÉMAGNY. Le point de l'histoire que je me propose d'exa- 1757. miner, dit M. de Prémagny, est également inté- ressant et difficile. Il s’agit moins de concilier les auteurs des deux livres des Machabées avec les auteurs profanes que de les concilier entre eux. Il est dit qu'Antiochus, en parcourant les hauts pays, apprit qu'à Elymaïde , ville de Perse extré- Mach. 1.C. mement opulente , il y avait un temple qui ren- VI, fermait d'immenses trésors qu'Alexandre y avait déposés; que, désirant s’en rendre maître, il tenta de s'emparer de la ville; mais qu'en ayant été repoussé , il revint à Babylone avec un grand dé- plaisir... Qu'il apprit encore en Perse que Lysias, son général , avait été battu par les Juifs..... et qu’il tômba dans un état de langueur qui le con- duisit au tombeau, l'an 149. Y 16. Et au deuxième livre des Machabées, il est dit que les Juifs écri- virent à leurs frères en Egypte, et après leur avoir succinctement raconté les malheurs qui leur étaient arrivés, l'an 169, sous le règne de Démétrius, ils ajoutent que l'an 188 Dieu les avait délivrés de dangers aussi grands qu'imminents ; car le chef y de leurs ennemis étant en Perse avec une armée immense , périt dans le temple de Nanée , ayant été trompé par le conseil frauduleux des prêtres ; car Antiochus étant venu avec ses amis pour épouser la déesse et recevoir de grandes sommes d'argent à titre de dot..... étant entré ayec peu de gens dans le temple , ils le fermèrent sur eux... et les assommérent à coups de pierre. Et enfin, au chapitre 9 du même livre, il est #S8ctseg, N 3 Cap. 1. .11etseq, 1755, Lettre des Juifs, . (198 ) écrit qu'en ce temps-là Antiochus revint de Perse aprés un succès honteux; car étant entré dans la ville de Persépolis , dans l'intention de piller le temple, le peuple avait pris les armes et l'avait mis en fnite..... Que revenant honteusement , et étant arrivé vers Echbatane , il reçut la nouvelle de la défaite de Nicanoc et de Thimotée ; et , trans- porté de colère, et croyant pouvoir se venger sur les Juifs de lPaffront qu’il avait reçu , il commanda à celui qui conduisait son chariot de hâter son vOyage..... mais qu'au moment où il méditait de faire de Jérusalem un monceau de ruines, Dieu l'avait frappé d’une plaie incurable. .... Que lors- que ses chevaux couraïient avec impétuosité , il tomba de son chariot et fut meurtri dans tout son corps..... Il était porté mourant dans une litière, et il sortait de son corps une foule de vers , ét ses chairs tombaient par lambeaux, et il exhahit uné puanteur si grande que son armée et lui-même ne pouvaient la supporter... C’est ainsi que cet impie finit sa vie dans les montagnes , éloigné de son pays. Joseph s'accorde parfaitement avec le premier livre des Machabées , au sujet de la ville d’'Elymais , de son temple , des projets d'Antiochus et de lar- rogänce de ce Prince. Ces versions diverses pré- sentent des difficultés de plus d'un genre. La première consiste dans la manière dont Antiochus termina sa vie. Suivant le premier livre des Machabées, il parait simplement avoir été repoussé d'Elymais, en âvoir conçu un grand chagrin et êtré mort simplement en revenant de Perse. La deuxième semble le faire périr dans le temple de Nanée, ( 199 ) Le chapitre 9 du même livre le fait revenir après une tentative infructueuse sur le temple de Persé- polis, et mourir en chemin dans des tourments affreux. La deuxième difficulté regarde le temple que le premier livre des Machabées place à Elymais , et que le chapitre 9 du second livre place à Persé- polis. La troisième roule sur le nom de la déesse que le premier chapitre du second livre des Machabées nomme Nance, et à laquelle les auteurs profanes donnent les noms de Diane et de Vénus. La quatrième est relative à Antiochus lui-méme. Tous ces événements sont ils arrivés à un seul prince ou à plusieurs monarques du même nom ? M. de Prémagny discute amplement ces divers articles, et montre à cette occasion beaucoup d'éru« dition. 11 ajoute en terminant : « S'il était néces- saire de faire un choix précis et déterminé , l'au- torité du premier livre me paraîtrait mériter la préférence sur le second, dont les expressions sem- 1755. Mach, 1, 2. Chap. 6, blent présenter un air d’exagération assez éloigné | de la simplicité de l’histoire, Notes du Rédacteur, — Si j'osais me permettre quelques observations, peut - être contribueraient- elles à faire disparaitre les contradictions apparentes que présentent ces textes divers. La première est relative aux livres des Machabées, dont le second ne doit être regardé que comme un recueil de fragments nécessaires pour renitre Le premier complet, 2° Il n’est pas possible d’atribuer à un autre Antiochus qu’à Epiphanes les événements dout il est question : le nom d’'Illustre que lui donue PEcri- N 4 Saci, préface des livres des Machabées, Much, Le: GE v 118 Ibid, CNE, 1755. V. 20. V. Calmet. Dict. et La- martiniére , Voc. Persé- polis. Mach. I, Tr, YYe Get 16, Mach. 1, 2, BF IX, Y. 3, ( 200 ) ture, et la date de sa mort qu’elle exprime pareille- ment ne permettent pas d'en douter, 5° Le nom de la ‘éesse adorée à Elymaïs est peu important ; l'Ecriture l'appelle Nanée ; Joseph , Diane : peut-être est-ce la même divinité connue sous divers noms, comme Diane , Hécate et Phébé. 4° Elymaiïs et Persépolis sont politiquement une même chose , la capitale de l'empire d’Elan où de celui des Perses. Ces deux noms désignent le même térritoire. Ce n’était certainement pas Alexandre qui avait evrichi le temple de Persépolis, lui qui avait fait de cette ville superbe un monceau de ruines. Aïnsi Persepolis est ici synonyme d'Elymaïs. 59 Quant à la fin d'Antiochus, rien ne prouve qu’il fut assassiné avec ses compagnons dans le temple d'Elymaïs ; l’Ecriture dit le contraire , en le faisant mourir dans la Babylonie , en lan 149 ; eton peut admettre qu’il ait été blessé à Elymais, qu'il ait conçu de son mauvais succès un grand déplaisir, qu'il soit tombé de voiture , qu’il ait été rongé par les vers et qu’il soit mort de la manière la plus déplorable. 6° Quant à son retour , en jetant les yeux sur la carte on voit que son voyage était bien dirigé ; en s’approchant de la Babylonie , il se débarrassait des montagnes de la Susiane , et en s’élevant vers Echatane, le Tigre et l’Euphrate lui présentaient moins de difficultés , et il revenait à Antioche par les hauteurs comme il était parti. Circà Ecbatanam ne signifie pas ici autour, mais vers , dans la direction, Aïnsi tout s'explique et se concilie. ( 207 ) Mémoire sur la première édition du Catholicum d’Espagne ; par M. Pincré. « Le collése de Clermont, dit M. l’abbé Sallier, possède un des plus anciens vocabulaires qui aient été mis sous la presse ; ce vocabulaire est connu sous le titre de Catholicum..... La bibliothèque du Roï en a acquis un exemplaire sur vélin, dont la date est de 1460; mais on ne saurait se dispenser d’avouer que le Catholicum du collége de Clermont est le plus ancien. Il est sans date et porte la mar- que caractéristique des livres imprimés par Jean Fust et Pierre Schoëffer, l'empreinte d’une tête de taureau sur le papier. » M. l'abbé Pingré ne par- tage point le sentiment de M. l'abbé Sallier ; et pour discuter avec methode, il cite d’abord le pas- sage suivant de Trithéme. « His temporibus.( 1450), in civitate Moguntin& Germaniæ propè Rhœnum..... inventa est-ars illa mirabilis imprimendi per Joannem Guttenberger , qui cum omnem penè substantiam suam pro inven- tione hujus artis exposuisset...... Consilio tandem et impensis Joannis Fust.... Rem perfecit inceptam, Tmprimis igitur characteribus litterarum in tabulis ligneis per ordinem scriptis , formisque compositis, vocabulariun catholicum numcupatum impresserunt. Sed cum iüsdem formis nihil aliud potuerunt im- primere eo quod characteres non fuerunt amo- vibiles.....,. Invenerunt modum fundendi formas omnium alphabeti latini litterarum quas ipsi matrices nominabant | ex quibus rursum Æneos sive stanneos characteres fundebant ad omnem pressuram suffi- 1755, 7 { 5 E 5 ( 202 }) * cientes , quos priùs manibus sculpebant. Et revera sicuti ante triginta fermè annos ex ore Petri Opi- lionis qui gener erat primi artis inventoris audivi , magnam à primo inventionis suæ hœc ars impres- soria habuit difficultatem..... Petrus autem mémo- ratus Opilio..... faciliorem modum fundendi cha- racteres , et artem complevit. » Ce récit paraît généralement authentique à M. Pingré ; mais n'a-t-il pas pu étre altéré dans quelques-unes de ses parties , et Trithéme qui, de son aveu, n’écrit que trente ans après le récit de Schoëfler , n’a-t-il pas pu oublier ou confondre quelques circonstances ?.... Trithême se trompe évidemment en faisant succéder immédiatement aux planches sculptées des caractères métalli- ques mobiles : des caractères mobiles en bois ont précédé certainement ces derniers... Le pseautier de 1457 fut imprimé de cette manière ; mais les inconvénients , inséparables de caractères pareils, les firent bientôtremplacer par des caractères plussolides. M. Pingré observe encore que l'impression du Catholicum anonyme est mieux soignée , la correc- tion plus parfaite, l'orthographe plus exacte, les caractères plus ronds : ces améliorations , jointes à quelques notes variantes, annoncent un degré de perfection, et par conséquent une édition pos- térieure. M. Pingré soupconrne que cet ouvrage anonyme est sorti des presses de Jean Mentel , imprimeur de Strasbourg , après l'époque de 1460..... La comparaison de divers ouvrages imprimés par Mentel , à-peu-près dans le même temps, le con- firme dans son opinion..... Quant à la tête de taureau qui, suivant M. l'abbé Sallier , est la marque caractéristique des ouvrages imprimés par ( 205 } Fust et Schoëffer , M. Pingré observe qu’elle se :755. rencontre sur un petit nombre de feuilles du Catholieum , et que la plupart des feuilles sont marquées d'une rosette. La tête da taureau d’ailleurs se trouve sur des livres sortis de presses différentes de celles de Schoëffer , d'où il conclut de nouveau que cet argument n'est pas assez solide pour entrainer Ja conviction. Ce qui décide absolument la question sur la marque du papier, c'est, ajoute M. Pingré, un petit in-4° intitulé : De remedio utriusque fortune , etc, dort le papier porte l'empreinte de la tête du taureau comme le Catholicum , et qui cependant porte qu’il a été imprimé à Cologne, chez Arnaud Ther Hoernen, l'an 1471. Il faut donc rayer du nombre des vérités, ces deux vers de Gabriel Naude : » Hæc duo sinescis , vitulinæ gloria frontis » Sculpta Maguntinum demonstrant cornua Faustum. Les feuillets de cet in-4° sont numérotés non au haut de la page, mais au milieu de la marge exté- rieure ; ce que je ne me rappelle pas d’avoir vu, dit M. Pingre, dans aucune autre édition ancienne. Dissertation où l’on examine si la signification variée d'un même mot dénote dans une langue de l’a- bondance ou de la stérilité ; par M. Barrière. « Dans le nombre presque infini de combinaisons que l’arrangement des syllabes a dû produire , il était impossible qu’il ne se rencontrât plusieurs mots semblables, La plus grande partie de ces res- 17 Bucoliq. 66, 5 5 "” ‘ ( 204 ) + semblances n’est due qu’au hasard : tels sont les mots qui ne diffèrent que par la façon de les écrire ; comme la plaine, qui dérive de planities et s'écrit par una, et pleine , féminin de l'adjectif plein, qui s'écrit par e. Populus , chez les Latins a la pre- mière syllabe longue lorsqu'il désigne un peuplier. 1 » Populusnin fluviis, Abies in montibus altis. Cette méme première syllabe est brève quand populus désigne le peuple. AEveid, 6, » Tu regere imperio populos Romane , memento. LE 340, » Il est une autre sorte de mots dont la res- semblance a été faite à dessein; je veux parler de ceux qui, plus ou moins éloignés d’une ori- gine commune , ont été appliqués par l’usage à des significations trés-différentes. Le mot de pied , par exemple, pour exprimer le pied d’un homme, d'un lit, d’un mur, etc., etc. Nous disons par métaphore , le ciel d’un lit, la peau d’une orange, un bouton de rose. Gemma chez les latins désigne également et le bourgeon d’un arbre et une pierre précieuse. » +. » L'abondance de ces sortes de mots dans une langue , est-elle un argument de sa fécondité ou de sa sécheresse ? _» La première idée qui se présente est de les bannir entièrement. Unelangue est pauvre, dira-t-on, lorsqu'elle manque de termes propres pour rendre les diverses idées que l’on veut exprimer... Elles occasionirient d’ailleurs une confusion très - désa- réable. D'où vient en effet la différence de nos traductions ; si ce n’est de l'équivoque des mots que l'on traduit. | ( 205 ) » 1] y a deux traditions mythologiques au sujet 1 du jardin des Hespérides. Strabon dit que le dragon veillait à la conservation des pommes d’or ; Diodore dit qu'il veillait à la conservation de brebis d’or ou dorées : l’un et l’autre traduit fidèlement le mot paror , ou sutvant le dilalecte dorique, uno, qui signifie également une pomme et une brebis. (*) » Les interprètes hébreux prétendent que le mot Jehova , suivant la ponctuation et la prononciation, peut exprimer celui qui est, celui qui a été, celui qui sera : c’est une très-grande prérogative de dé- signer tout-à-la-fois le passé , le présent....... Racine , sans doute , a fait allusiou à ce terme hébreu, lorsqu'il fait dire à Esther : » L’Eternel est son nom, le monde est son ouvrage. » Le principal mérite d'une langue étant la clarté, cette confusion inévitable que les mots semblables produisent, nuit à la clarté et par cela seul est un vice. On peut donc assurer que la langue qui possède le plus de noms propres est la plus riche. » Voilà des raisons sur lesquelles on peut se fonder pour condamner les mots semblables ; en voici d’autres qu’on pourrait leur opposer. Qu'il me soit permis de faire précéder quelques obser- vations sur le passage des mots d’une langue à une autre. (*) Ne serait-ce pas donner à cette fiction un sens très-naturel que de dire que les brebis étaient des pièces de monuaie et leur ensemble un trésor confié à ‘la garde d’un officier sévère, trésor qui tenta la cupidité d'Hercule. V, Dissertation sur l’hécalombe de Pythagore , Précis analytique, 1811, pp. 179 et 180, 7 5 1760, ( 206 }) Il ny avait dans l'origne qu’une langue com- mune à tous les hommes. Cette langue primor- diale a été altérée tant par la confusion arrivée à la tour de Babel que par les dialectes particu- liers des peuples divers qui se faisaient des mots nouveaux pour exprimer de nouvelles idées. Ces mots avaient quelque affinité avec les premiers mots communs à tous , de sorte qu’en possédant celte première souche on connaîtrait la généalogie de toutes les autres langues qui en sont dérivées. Elle était doric bien riche cette langueprimitive , la source et la clé de toutes les autres? Je suis disposé à croire au contraire qu’elle était très-pauvre. : :.- » Le P. Bougeant, dans son Amusernent philoso- phique sur l’âme des bêtes , dit que le dictionnaire des animaux doit être d’un petit volume ; que tous leurs discours se réduisent à l'expression d'un petit nombre de sentiments naturels qu’ils répèêtent sans cesse..... La langue des premiers ‘hommes devait étre de cette nature : elle n’offrait que des idées simples et naturelles...:. La vertu n’a pas de noms propres chez les Latins : virtus signifie la force et le courage , que les compagnons de Romulus estimaient le plus..... Les premiers philosophes ont regardé le pouvoir comme la mar- que distinctive de la divinité. Ils ont fait succes- sivement eutrec dans l'idée de Dieu, la bonté, la sagesse , etc., auxquelles les premiers n'avaient pas pensé. Les dieux de Cicéron sont bien plus parfaits queles dieux d’Homère , dit M. de Fontenelle, parce que de bien meilleurs philosophes ÿ avaient mis la main..... » Qu'on examine toutes les expressions méta- physiques et morales, on reconnaîtra qu’elles sont toutés empruntées des corps..... Quelquefois aussi ( 207 ) nous donnons aux mots étrangers que nous nalu- 1 ralisons une valeur plus forte que celle qu’ils avaent dans leur pays. Les Romains, en formant harba- ries de barbarus, ont attaché une idée odieuse à un mot qui, chezles Grecs, ne siguiliait qu'un étranger..... » Il résulte de ces observations que la plus an- cienne , la plus noble des languës par conséquent, contenait le moins de mots; que si on remontait à l'origine de chaque mot on parviendrait à une racine monosyllabe , par laquelle les premiers hommes exprimèrent de simples aflections...... Et si les langues orientales, que nous admirons avec justice , sont si remplies d'expressions figurées , c'est par le défaut d'expressions propres, et que c'est par cette disette même qu'elles l'emportent sur les nôtres. » La métaphore est d'une fécondité inépuisable : par elle on multiplie les idées , en faisant aper- cevoir à-la-fois les objets vrais et les objets de comparaison. ]l n’est point de roses sans épines, siguilie, dans le sens vrai, qu'il n’est point de plaisir sans peines; mais il est bien plus agréable de faire naître par une seule expression la double idée des peines et des épines, des plaisirs et des roses, ” » Nous perdrions beaucoup s'il fallait bannir de la langue ces expressions métaphoriques qui l'en- richissent considérablement. 11 faudrait renoncer à la poésie qui fait une langue à part chez tous les peuples , et dont le principal ornement consiste dans ces mots deétournés de leur signification naturelle. L'éloquence , sœur de la poésie, qui, comme elle, personnife les êtres insensibles, perdrait beaucoup dans cette réforme. La philosophie , uniforme dans en / 5 5 ( 208 ) 1755, sa marche , nous enseigne les vérités avec méthode et lenteur. L'éloquence nous transporte , et nous sommes persuadés avant que d'avoir réfléchi. Le nombre de ceux que la raison conduit est bien petit, si on les compare à ceux qui se laissent en- traîner par l'imagination ; n’est-il pas juste d’avoir égard au plus grand nombre , et de conserver le seul moyen qui nous reste pour leur faire con- naître et embrasser la vérité. Observations sur le rapport mécanique de la Musique à la Poésie, ou réflexions sur l’art d’ajuster des paroles sur un air , ou un air sur des paroles par M. BarziËre. » La poésie et la musique étaient vraiment sœurs chez les Grecs et les Latins : la quantité décidée de chaque syllabe favorisait beaucoup cette uuion. Un poëte, par exemple, à qui on demandait des vers pour une fête, pouvait dire au musicien : Je ferai des vers iambiques de quatre pieds, et j'en mettrai quatre à chaque strophe ; et le musi- cien qui savait le sujet de la fête pouvait faire une vingtaine d’airs qui tous étaient assortis à des paroles qu’il n'avait pas vues. Il suffisait à Horace, . lorsqu'il fut chargé du Poëme séculaire, de dire à son musicien qu’il ferait des vers saphiques. Nos hymnes sont une preuve de ce rapport : la même, suivant les fêtes, est soumise à des chants diffé- rents qui ne sont bizarres que quand la poésie est mal observée..... » J'examinerai notre langue sous ce rapport, lors- que j'aurai fait quelques remarques sur l’arrange- ment des phrases tant de la musique que de la oésie. Ë » Un ( 209 ) » Un air de musique est une période divisée en deux , trois ou quatre membres, qui sont eux- mêmes subdivisés en d’auires plus petits, La ponc- tuation s'exerce avec la même sévérité dans l'air et dans les paroles. Le point termine lair, les deux points se placent après le quatrième vers, dans les stances de huit vers ; les virgules après le deuxième et le sixième. Le repos est absolument le même dans les paroles et dans la musique. » Le repos n’est pas toujours au milieu du cou- plet. Dans celui : « Pôtre cœur, aimable Aurore ; il y à trois pensées renfermées chacune dans deux vers, » La poésie française, depuis Malherbe, est cons- tamment variée par les rimes masculines et fémi- nines; la voix se ralentit aux vers féminins, et se soutient dans les masculins ; et cette alternative prête à nos vers une grâce qui supplée à la quantité de chaque syllabe chez les Grecs et les Latins. La note destinée à exprimer une syllabe féminine doit descendre , et ce serait un défaut si elle montait. On peut s'en convaincre par le vaudeville du Devin du Village, dont le refrain est : C’est un enfant ; V’air est bon ainsi que les paroles; mais, isolément, leur union est défectueuse ; aussi persoune ne les chante suivant l'intention que Rousseau devait avoir. Il faut donc éviter de faire suivre un vers féminin par un vers dont la première lettre est une voyelle. » Dans la mesure à deux temps on appuie sur la première des quatre notes dont elle se com- pose; et lorsqu'on ajuste des paroles, la fin du vers doit être au commencement de la mesure, si le vers est masculin; s'il est féminin, les deux dernières syllabes seront les deux premières notes de la mesure..... Dans la mesure à trois temps ; Tome IT, 1751 à 17Go. (a) ( 210 ) 1757. la fin des vers est suffisamment indiquée par la difle- rente durée des notes... Dans l’une et dans l'au- tre mesures les notes longues désignent la fin des mots ; elle se rencontre toujours sur la dernière syllabe d'un vers masculin et sur la pénultième d’un vers féminin..... » Le poëte et le musicien doivent travailler de concert. Personne wignore combien Quinault et Lully étaient faits Pun pour l'autre : le dernier se plaisait à mettre en musique les vers du premier , qui , de son côté , faisait des vers sur les airs que la fantaisie suggérait à Lully. » Le talent des vers lyriques demande un goût particulier. Racine et Boileau, chargés de faire des vers à mettre en musique pour une fête que M. le marquis de Seignelayÿ donnait au Roï, en 1685, à Sceaux, firent l'Idylle sur la Paix, qui se trouve dans les œuvres de Racine. Cette pièce est belle et fait plaisir à la lecture et à la déclamation; mais Lully ne la trouva pas lyrique; et, désespérant de la mettre en musique, proposa M, Quinaualt à M. de Seignelay comme un jeune horme qui lui faisait de la poésie comme il la désirait Quinau't fut chargé du travail et son ouvrage fut préféré. Quel- ques personnes prétendent que cette concurrence fut la source des traits satyriques que Boileau lança contre Quinault..... » Il est plus aisé, toutes choses égales, de faire un air de musique que de faire un couplet... Le musicien répète sans obstacle la même phrase musi- cale ,et le compositeur des paroles ne peut la ré- péter que lorsqu'elle a assez de piquant pour pa- raitre nouvelle à chaque répétition. » Trois espèces de poëmes ont pour base la répé- tition : le couplet à refrain , le triolet et le roudeau... . f 211 ) » Je ne donnerai des exemples que des deux : derniers. TRIOLET. Quand nous avions frère François, C’était toujours nouvelle aubaine : /êrs Chaque jour était jour des Rois , Quand nous avions frère Francois, Il venait de chez le Bourgeois, Toujours besace ét panse plaine. Quand, etes i RONDEAU. De tous Les bergers du village , Tyrsis est le seul qui m'engage Et le seul qui ne m’aime pas. Mais si mon tendre cœur peut devenir volage , Tyrsis sera le seul que je n’aimerai pas, De tous les bergers du village, » La musique , la poésie et la grammaire tiennent ensemble par des chaines réciproques, et il en est ainsi de tous les arts. Les sciences se prêtent un mutuel secours, et nous persuadent de cette vérité qu'il est très-dificile de posséder une science sans avoir quelque teinture de chacune des autres. » Combien il importe à chacun de remplir les obligations que la société nous impose ; par M, Dusourtay. « Il n’est dans la nature aucun étre isolé ; une chaine immense les réunit et les met dans une dépendance mutuelle. Cette vérité, sensible dans ordre physique, le devient encore plus dans J'or- 0 2 PA EYE 1760, Cars } 1760. dre moral. La société n'a été formée que par un rapport réciproque de besoins et de secours, et chacun de ses membres recevant d’elle beaucoup plus d'avantages qu’il ne peut lui en procurer , notre propre intérêt nous met dans l'obligation de mul- tiplier nos eflorts pour bien mériter d'elle, » Le premier , le plus puissant de tous les in- térêts , celui auquel ils se réduisent tous , est celui d'être heureux..... Les espérances, les craintes , les désirs , les haines ont le bonheur pour objet. C'est ou l'espoir de lPacquérir ou la crainte de le perdre qui alimente les plus sublimes vertus ou les passions les plus violentes. » Cette félicité se compose des jouissances phy- siques et de la considération personnelle..... Ces deux sentiments sont légitimes s'ils sont dirigés par la sagesse; l'abus seul les rend vicieux et donne naissance aux trois grandes passions qui, réunies ou séparées , tyrannisent les hommes depuis la naissance jusqu’au tombeau : l'ambition , l'interêt, l'amour. » Après avoir montré qu'aucune de ces affections violentes n’est capable de nous rendre heureux , l’orateur poursuit : « Il est une loi sacrée et éta- blie par la nature elle-méme, et qui veut que les hommes ne puissent arriver au bonheur qu’autant qu'ils contribuent à celui de leurs semblables , et que ce qu’ils font pour l’avantage général soit la mesure de leur propre félicité. ...... Quel est le premier avantage de tout être pensant? N’est- ce pas de contribuer à cette harmonie générale qui seule entretient l’univers , en se montrant utile et remplissant avec fidélité la place qui lui est confiée ? Plus cette utilité devient générale dans son étendue et dans sa durée , plus elle donne de droits à la (213) reconnaissance universelle....... La fortune , l’es- 1760. prit et les talents sont autant de moyens qui doi- vent nous procurer une gloire durable ; mais ne confondons par les moyens avec la fin : c’est à l’em- ploi légitime que nous en faisons, et non à ces instruments de la vanité comme de la sagesse que sont dus le respect , la reconnaissance et labour..." » Voyez sur le front de l'homme de bien , ré- gner une sérénité pure, image de celle de son cœur : supérieur aux événements par la force de son courage , dévoué à l'humanité parce qu’il est homme , à la patrie par sa qualité de citoyen, il est seul libre parce qu’il n’obéit qu’à la raison et aux lois. Tous ceux que les passions entraînent ont autant de tyrans qu’il y a d'hommes qui peuvent nuire à leurs desseins..... Qui jouit mieux que Jui des plaisirs même des sens? Modéré dans ses désirs , il sait écarter cette foule de nécessités imaginaires qui doivent leur origine à un sot orgueil ; il use de tout et n'abuse de rien; il conserve ainsi la santé du corps sans laquelle il n’est point de plaisir, et celle de l'âme sans laquelle il n’est pas de bonheur. A qui l'amour réserve-t-il toutes ses douceurs , si ce n’est au plus tendre et au plus sensible des mortels, à celui qui mérite les respects de l'univers entier et qui voudrait que tous les hommes fussent heureux..... Adoré de la com- pagne estimable qui possède son cœur , honoré de ses enfants, qu’il rend semblables à lui par ses exemples plus encore que par ses instructions , sa maison est le temple de la paix, où le bonheur l'attend sans cesse. .... On objectera peut-être que la vertu n’exempte pas toujours des malheurs attachés à l'injustice des hommes ; mais les passions ellré- O0 53 1760, (214) nées en préservent-elles davantage? Depuis quand mettent-elles à l'abri de la haine ou de la riva- lité ? Tout n'est il pas égal des deux côtés, ou plutôt ‘tout n'est-il pas à l'avantage de l’homme vertueux ? N'a-t-il pas pour lui la justice de sa cause , et sa vertu ne lui donne-t-elle pas, pour supporter ses malheurs, une force et un courage que les passions ne donnent jamais? ........ In- soléntes dans le succès, les passions nous aban- donnént dans le malheur, nous livrent au mépris ét au désespoir... Vainement on objecterait encore que le scrupuleux observateur des devoirs de la société est un homme dé bonne foi qui joue en dupe avec des fripons : la sagesse, bien Join d’être incompatible avec la discrétion et la prudence, exclut les vices contraires; sans employer aucun des artifices des méchants , elle sait les dévoiler et les confondre....... Mais il est une philosophie supériéure à toute la sagesse humaine , qui nous môntre au-delx des bornes de la vie une félicité dont les douceurs de la vertu ne sont que de faibles prémices ; et c’est aussi le terme où une bouche profane doit s'arrêter. Qu'il me soit:seni- lemeut permis d’ajouter à ce tableau consolant , que , quelle que soit l'incertitude de notre vie, c'est toujours avoir assez vécu que d’avoir vécu utilement pour les autres, heureusement pour soi ; et qu'il west donné qu'au ‘sage de sentir qu’une nécessité: fondée sur la nature, nne nécessité sans exception, ne peut jamais être un . malheur dont ton ait droit de se plaindre, » J'ai peut-être donné un pea trop d’étendue à l'extrait de ce discours, qui, de l’aveu de M. l'abbé Térisse, juge bien compétent, à généralement: lé ton trop moral , pour un discours académique ; mais (215) je n'ai pu résister au plaisir d'en citer plusieurs 1760: morceaux dans lesquels l’auteur s'est peint au naturel, et donne une idée bien avantageuse de sa douce philosophie et de la bonté de son cœur. A ANTIQUITÉS. Extrait d’une lettre de M. Beyer à M. LECAT, Secrétaire de l’Académie. &@ see... J'ai l'honneur de vous envoyer l’em- 1756. preinte d’une pierre gravée qui m'est tombée en- tre les mains , qui me paraît antique et assez curieuse. On y voit la figure d’une femme qui s'appuie des deux mains sur un autel, et celle d’un homme qui lassaisit par derrière. (*) | » Je m'étais imaginé d’abord qu’elle nous repré- sentait l'aventure très-connue d’Ajax et Cassandre, dans le temple de Minerve ; mais si j'en dois croire un antiquaire de mes amis, c'est une de ces figures lascives qu'on nomme Spintriæ Tiberianæ , (**) et (*) J'ajoute ici que les deux figures sont entièrement nues. Un voile léger semble voltiger autour d’elles , sans les couvrir en au- cune manière. Le cordon ovale qui entoure Le tout, a onze lignes de hauteur sur huit de largeur, (t*) Les deux passages suivants, de Suétone, montrent l'idée qu’on doit se former de cette expression. .... Conquisiti puella- rum et exoletorum greges , monstruosique concubilüs reper- tores quos Spintrias vocant , etc. L. III, Tiber, Nero, Caæsar, Spintrias monstruosarum libidinum, ægrè, ne profundo mergeret , exoratus , urbe sub movit, L. IV. Cæsar, Caligula. O 4 1756 1754. Ann, 1755, CA 74 page a58, (216) dont Suétone parle dans la vie de Tibère , de Caligula et de Vitellius. Si je l'ose dire, je ne suis pas de son avis..... L'on sait que la prostitu- tion des femmes en l'honneur des Dieux fut très- commune dans le paganisme de l’ancienne Grèce ; ma pierre gravée serait-elle un monument de cet abominable acte de religion? ... J'attends de mes maitres les lumières nécessaires pour me décider sur cette question. (*) GÉOGRAPHIE. Dissertation sur l’Ingermanie ; par M. DusouLray. En rendant compte de la séance publique de l'Académie des sciences , belles-lettres et arts de Rouen, pour l’année 1753, et , en particulier , d’un Mémoire de M. Duboullay, sur l'utilité de travailler à l'Histoire de Normandie, et les moyens d'y travailler avec succès, le journaliste de Verdun s'exprime ainsi : « Pour montrer combien lPHis- toire de Normandie est intéressante , M. Duboullay ft un tableau en raccourci de tous les événements qu’elle renferme depais l'invasion des Normands, en 912. « Originaires des pays du nord, que les Romains “ J T0 Mémoi alo% aus (”) Je ne trouve rien dans nos Mémoires qui puisse servir à déterminer le vrai caractère de la pierre gravée ci-dessus ; et l’idée de l’antiquaire consulté par M. Beyer se lie facilement à la dé- pravation de Rome , sous les Empereurs cités, { Vote de l'Edit, ) C217) » nommaient Jngermanie , et qu’il ne soumirent 1754: » jamais , ces peuples surent toujours conserver » leur liberté. Après avoir fait trembler toute l'Eu- »,rope pendant près d'un siècle, ils forcèrent enfin » nos rois à les recevoir comme vassaux, » Une pote de l’auteur du journal, sur cet article, est ainsi conçue : « Plus d'un lecteur sera sans doute curieux de savoir quels sont les anciens auteurs Jatins Qaui ont donné le nom d’'/ngermanie au pays que les Normands , selon M. Duboullay, habitaient originairement. à » L'/ngermanie est la même province connue sous le nom d’/ngrie , où est la célèbre ville de Péters- bourg , aujourd'hui le séjour de la cour de Russie. Les Romains n'ont assurément jamais poussé leurs conquêtes jusques-lh, et sils ont connu la mer Baltique , ce n’est que par les relations des Ger- mains qui avaient connaissance des peuples qui habitaient sur les bords de cette mer. Il me semble que jusqu’à présent on a cru que les Normands étaient originaires du Danemarck; aussi tous les anciens historiens leur ont-ils donné le nom de Dani, I y a bien loin du Danemarck au lac La- doga , sur les bords duquel est située l/strie ou l'Ingermanie | dont je ne crois pas que les Romains aient jamais eu connaissance ; ainsi ils n’avaient garde de vouloir y aller soumettre des Normands qui n'y étaient pas..... » Je n'imagine pas , c'est M. Duboullay qui désormais va parler, que M. Bonamy ait prétendu m'attribuer l'ignorance de faits aussi connus que ceux quil semble vouloir m'apprendre dans sa note. Je savais certainement que l’/ngermanie ou fngrie moderne , est une province long-temps dis- putée entre la Suède et la Moscovie, cédée enfin i 5 4 (21:18) * à cette dernière par le traité d'Abo ; qu'on y a depuis bâti la célèbre ville de Pétersbourg ; que , selon tous ros anciens historiens , les Normands sont Danois d’origine, et enfin qu'il y a fort loin du Danemarck aux bords du lac Ladoga. Mais si M. Boaamy s'é'ait moins attaché à l'état et au wom moderne de ces parties de l'Europe , il aurait pu soupçonner que j'avais des raisons de penser que le nom d’/ngermanie , qui certainement n’est pes un nom moderne , et qui maintenänt est restreint à la seule province d'Ingrie, avait autre- fois une étendue beaucoup plus grande, et ren- fermait tout'ce que nous appelons les trois Royaumes du nord, que par succession de temps les autres parties ont pris des noms diflérents , et que le nom d’/ngermanie est resté à la seule province d’Ingrie. .... » Je nattacherai à prouver dans cette lettre , 1° que le Danemarck , la Norwége et la Suède étaient , au moins en grande partie, connus des Romains ; 2° qu’ils les comprenaient sous un nom commun dans l'ancienne Germanie ; 3° qu’il est très - probable que cest de là que vient le nom d'Ingermanie , autrefois commun à ces diverses contrées , et restreint aujourd’hui à la seule pro- vince d'Ingrie,. » La première et la seconde de ces propositions sont aisées à prouver : il ny a qu’à ouvrir Tacite et Pline, on y trouvera des passages si clairs et st formels, que je ne conçois pas comment M. Bonamy ne se les est point rappelés, -..» Tacite ; dont l'autorité est si grande sur tout ce qui concerne J’ancienne Germanie, la borne pax le Rhin , le Danube , de hautes montagnes qui la séparent des Sarmates: et des Daces ; et il ajoute : ( 219 ) « Cœtera Oceanus ambit , latos sinus et insularum immensa spatia complexus, nuper additis quibusdam gentibus er regibus quos bellum aperuit. W divise ensuite ces vastes régions en trois parties dont il tire les noms des trois enfants du premier fon- dateur Mannus.» Manno tres filios assignant è quorum nominibus proximi Oceano Ingævones , Medii Hermio- nes cœteri Istœvones vocentur, » Venant ensuite à la description particulière des peuples qui occupaient le nord de la Germanie , et auxquels le nom de Sueyi était commun, il montre que l'étendue de ce pays était alors fort grande , puisqu'il comprenait la Souabe , une partie de la Moscovie et de la Pologne , la Suède , la Laponie , la Bothnie , la Finlande , la Gothie. Parmi ces peuples, il nomme en particulier les Suions.« Suionum hinc civitates ipso in Oceano præter viros ; armaque, classibus valent, » (*) »A la description des régions indiquées, Tacite ajoute celle d’une mer qui aide à déterminer leur situation, et celle de plusieurs phénomènes propres à leur climat. Trans Suiones aliud mare pigrum ac propè im- (*) Le P. Brotier, dans une note sur le mot Suionum, ajoute : Suiones nunc, la Suède, les iles de Danemarck, Fa- nen , l'Angland, Zéland, Laland , etc. », Suionibus cimbrisque emersere ÎVormani qui lalè terrorem cireum tulere, et opi- mam Galliæ provinciam occupavere. Obs. Edit. Vide eliam Baudran , Dict. Géogr, Sub Focabulo Suiones. Codanus sinus nunc } la mer Baltique ; refertus tasulis quarum clærior Scandinavia hodie, la Suède ; la Norwége, est incompertæ Magnitudinis. Voir encore Lamartinière, Dict. géogr, D’Audiffret, Hist, et Géogr, ancienne ; la Germanie ancienne de Cluvier. 1754 Tacite, Bro- tieg T. IV. pp: 5. 6. Ibid.pag. 7. Ibid.p. 58. et seqr Vide etiam annotat.Cl. Brotier. Ibid. pP- 58% Ibid. p. 59. Brotier , an- not.in Tac. pag. 58, 1754, Hist, 1. IV. gap. 13. ( 220 ) motum , quo cingi claudique orbem hinc fides , quod extremus cadentis jam solis fulgor in ortus edurat. adeo clarus ut Sydera hebetet , etc. » Qui ne reconnaitrait ici la Mer Glaciale, les longs jours , les longs crépuscules , etc., qui parais- salent autant de prodges à des gens aussi igno- rants en physique que les Germains et les Romains ? » Pline n'est pas moins formel que Tacite : « {nci- pit indè clarios aperiti fama ab gente Ingævonum quæ est prima indè Germaniæ. Sevo mons ibi im- mensus , nec Riphœæis jugis minor immanem ad Cim- brorum usque promontorium efficit sinum qui coda- nus vocatur refertus insulis quarum clarissima Scandi- aavia , incompertæ magnitudinis...... Nec est minor opinione Eningia, etc. (*) » Maintenant ne sera-t-on pas étonné du doute manifesté par M. Bonamy , et les passages rap- poriés ne prouvent-ils pas que les Romains con- naissaient au moins une grande partie des trois royaumes du nord , qu’ils comprenaient sous le nom commun d'/ngévonie ? » Il me reste présentement à montrer que ce nom d’'Ingévonie et ceux d’Ingrie et d'Ingermanie sont les mêmes , et ont toujours été pris les uns pour les autres. | » À l'égard des deux derniers , cela n’est pas contesté , puisque ‘depuis tant de siècles ils se sont conservés les mêmes jusqu’à nos jours. Il ne sera guères plus difficile de prouver Pidentité des deux premiers , savoir l’Ingrie et l’Ingévonie ; car les mêmes peuples appelés par Tacite et Pline Inge- vones , se trouvent désignés , par Ptolomée , sous €) C'est-à-dire la Finlande. Lamartinière, Dict, géogr. ( 221 ) celui d’IZngriones ; et de-là tous les commentateurs 1754: et les géographes sans exception , ont conclu qu’/n- griones et Ingevones signifiaient la même chose. » Je me contenterai de citer Baudran, Cluvier, Ortelius, Lamartinière ; quant à ce dernier, il ren- voie du mot /ngermanie à celui d'germanland; de celui-ci au mot /ngrie, et enfin de ce dernier à celui d'/ngœævones ; preuve manifeste qu'il recon- nait que ces dénominations diverses désignent le même pays. M. Duboullay, conclut en s'adressant à M. Bonamy lui-même : «Je laisse maintenant À votre décision, Monsieur, et à celle du public, si je n'ai pas pu assurer aux Normands l'honneur de descendre des anciens Germains , si redoutables aux Romains; si je n’ai pas pu comprendre le Danemarck, dont ils sont originaires, dans l'ancienne Germanie ; si je mai pas eu de sufisantes raisons pour penser que les noms d’/ngrie, d’Ingévonie et d’Ingermanie désignent la partie de l'ancienne Germanie, qui compose aujourd'hui les trois royaumes du nord , et que ce m'est que par succession de temps que le nom d’Ingrie a été restreint à la petite province qui porte aujourd'hui ce nom ; enle; s’il n’est pas constant que les Romains , du temps de Pline et de Tacite, avaient des connaissances assez étendues sur la mer Baltique et les peuples qui habitaiert sur ses bords. 1758. ( 222 ) A GRAMMAIRE. Supplément à la Grammaire raisonnce » etc. ; par M. FROMENT, Chanoine de la Collégiale et Prin- cipal du Collége de Vernon , Correspondant de l'Académie. Je ne proposerai que le titre de cet ouvrage, parce qu’étant imprimé , chacun est le maître de le lire et de le juger; et que le but du précis que nous offrons au public, est particulièrement de lui faire connaître des Mémoires manuscrits que nous n'avons pas d’autres moyens de lui com- muniquer. Heureux si l'intérêt qu’ils inspirent le dédommage du temps qu'il consacre à les lire. L'ouvrage de M. Froment donna lieu à plusieurs critiques, et M. d’Acçarq , maître de pension à l'entrée de lEstrapade , à Paris, fut un de ses plus redoutables adversaires. Il est pareillement étranger à notre but d’entrer dans le détail de cette querelle: il nous suflira de dire que les feuilles de M. Fréron furent l’arène où se livra ce combat littéraire; et les personnes que ees sortes de luttes peuvent intéresser , trou- veront dans les volumes 1756 et 1557 de l'Année littéraire, de quoi satisfaire leur curiosité. Essai sur la nature et la définition de l’article ; par M. DusourLayx. Voici le titre d’un nouveau Mémoire qui se refuse entièrement à l'analyse. Des définitions , des dis- Cras5 y tinctions grammaticales ont besoin d’être lues avec 175$. att'ention , sans distraction , sans lacunes ; les exem- ples qui accompagnent les principes ne peuvent en étre séparés sans y répandre de l'obscurité ; ainsi il faudrait copier en entier pour se flatter de n'avoir rien omis d’essentiel. Quand , pour donner une aperçu de l'idée que M. Duboullay se forme de l’article, j'en présen- terais ici la définition et je dirais avec lui : « L'article est un prénom dont l’usage est de faire prendre les noms appellatifs qu’il précède dans une signi- lication spécifique et oppositive , cependant uni- verselle , et exclusive , signification collective dans l'article pluriel les ; individuelle distinctive dans l'article singulier Le et la ; » je risquerais beau- coup de ne pas être entendu, si je n’y joignais les explications dont chaque membre de cette défi- nition a un besoin indispensable, et c’est de cette glose que se compose le Mémoire en entier. Une critique de cette définition, par M. l'abbé Levasseur, donna lieu à une replique de la part de M. Duboullay ; j'ai cru devoir suivre; à l'égard de ces nouvelles productions , la conduite que jai tenue à l’occasion de la première. TT ÉCONOMIE RURALE. De l'utilité des Sociétés d'Agriculture ; par M. DusouLrayx. » Une de nos provinces dans laquelle l'amour ,,6,, { du bien public est le plus généralement répandu , a donné la première l'exemple d'une Société uni- _ { 224 ) 1700. quement occupée du commerce et de l’agriculture. Des établissements à-peu-près semblables se pré- parent dans différents lieux , par les soins du Gou- vernement ; l'exemple même que vous donnez au- jourd’hui , en associant l'agriculture à vos travaux, sera sans doute imité par d’autres Academies, et vos correspondances mutuelles acheveront de diri- ger le génie de la nation vers un _objet si essen- tiel et jusqu'ici trop négligé. » Telle a été en effet la marche de tous les siècles. Les connaissances les plus nécessaires mont rien, pour l'ordinaire d’assez brillant pour attirer nos premiers regards ; l'esprit comme la jeunesse com- mence par se livrer au plaisir ; les charmes de la poésie, ceux de l’éloquence........ voilà les premières passions qui l’entrainent. Se repliant ensuite sur lui-même, il embrasse des objets d’a- bord moins séduisants : l’agriculture enfin et le com- merce, deviennent à leur tour l’objet de ses re- cherches..... L'esprit devenu plus commun cher- che à se rendre plus utile, » L'Académie française fut fondée la première ; le cardinal de Richelieu en la formant, suivit, sans doute, alors le goût de la nation et le sien propre. Il est même aisé de voir, par la noblesse avec laquelle il exprimaït les volontés du trône, qu’il regardait la majesté du style et la grandeur des expressions comme un attribut presque essen- tiel de lautorité : peut-être aussi envisageait-il, dans la perfection de la langue , un moyen de plus de donner à la France, parmi les autres nations de l'Europe , cet ascendant que l'étendue et la profondeur de ses vues lui promettaient....: » Colbert, quelque-temps après , forma une nou- velle époque dans le gouvernement, €n accordant aux (225) aux sciences et aux arts, la même protection qué 1760: Richelieu avait accordée aux talents littéraires. Ce fut lui qui jeta les premiers fondements de l'Aca- démie des sciences. Il trouva la Nation instruite et puissante , il voulut lenrichir, et aflermir par le commerce cette grandeur que les conquêtes et les traités précédents lui avaient donnée. Il attira en France des fabricants dont le nom seul fait encore honneur à notre commerce. Il établit des manufactures , prit en main la balance du com- merce et apprit à la France l’art de la faire pen- cher en notre faveur par une juste distribution des droits d'entrée et de sortie ; enfin il eut en quelque sorte une nouvelle puissance par l’établis- sement d’une marine , qui depuis a été l'objet constant de la jalousie, de l'inquiétude et de Il haine de nos ennemis..... » Les mêmes faveurs accordées au commerce sem- blent aujourd'hui s'appréter pour lPagriculture , et l'établissement des Sociétés que le Gouvernement s'occupe de former , honorera sans doute un jour le ministère actuel , et lui assurera le mérite d’avoir connu les vraies richesses de l’état, et d'en avoir trouvé la véritable source..... » Il faut l'avouer, Messieurs ; l'agriculture en général est presque encore dans son enfance. Livrée dans plusieurs provinces à l'ignorance, à Pindigence et au mépris, elle n’a point acquis cette perfection qu'ont donné aux autres arts l'étude , l'estime et les récompenses qui leur ont été justement accor- (dées; on se contente de cultiver les cantons les plus fertiles, le reste est abandonné. La terre, il est vrai, n’ofire pas par-tout des dons faciles : cette mère bienfaisante s’arme souvent d’un front aus- tère ; il faut alors pénétrer jusque dans son sein Tome 11, 1751 à 1760. P ( 226 ) 1760. pour y trouver des trésors cachés sous une super- ficie aride. Des mélanges plus savants , les sucs mieux ménagés peuvent changer le sol le plus in- grat en un terrain fertile ; le sable , le limon , l’'ar- gile peuvent devenir le principe de nouvelles pro- ductions..... » Mais ces bienfaits, me direz-vous, Ô! labou- reurs, deviennent pour vous d'un trop haut prix: la terre que vous cultivez vous est trop étrangère , et la nécessité de la rendre à son propriétaire après un petit nombre d'années , etc. , retiennent vos bras et font avorter tous les projets d'amélioration , toutes les tentatives utiles ?....O ! mes concitoyens , pourquoi changer en douleur notre tendresse ? L'em- pressement du Gouvernement à étudier vos besoins ne montre-t-il pas le désir sincère de les faire cesser? Ces sociétés que l’on cherche à former dans les différentes provinces et dont vous êéies l’uni- que objet, ne prouvent-elles pas que le Gouverne- ment ne désire étudier vos besoins que dans l'espoir de les soulager ?...... Loin donc de vous laisser abattre , que l’espérance ranime en vous Vémulation et le courage ; prenez confiance dans les conseils que nous cherchons à vous donner ; sou- mettez l'habitude et les préjugés à des raisonnements et à des expériences nouvelles..... » Et vous, Messieurs, qui consacrez aux pro- grès de l’agriculture de précieux loisirs, que la simplicité et l’utilité de vos leçons en soient le prin- cipal mérite ; il s’agit ici beaucoup pius d’instruire que de se faire admirer , et ce serait trop peu que de hâter les progrès d’un art aussi nécessaire, il faut encore le faire honorer comme le plus compa- tible avec la simplicité des mœurs , la droiture, l'honnéteté, l'élévation des sentiments....... Mais (227) que dis-je , Messieurs, votre zèle n’a-t-il pas déjà éclaté par d’honorables sacrifices ? Les premiers mo- ments de l’arrivée de l'un des hommesles plus chers à cette province, dont la presence même ajoute à la solennité de votre assemblée , ont été marqués par l'abandon en faveur de l’agriculture, d’un de ces droits si précieux à la vanité, si contraire au bien de l’état. Ce trait, que tout bon citoyen se rappellera avec reconnaissance , m'a paru devoir être aujourd'hui consigné dans vos fastes, Puissent- ils étre souvent honorés par des traits semblables ; puissent-ils ainsi devenir les dépositaires des belles actions et des connaissances utiles ! SCULPTURE, Quels sont les Grands Hommes dont il conviendrait de placer les statues ou les bustes dans le jardin de l'Academie de Rouen ? Après avoir terminé les travaux du jardin de botanique qu'elle avait créé, élevé la bélle serre et les deux orangeries qui se marient d'une manière si régulière et si agréable , l'Académie s’occupa du soin d'embellir ces premiers travaux , et elle pre- suma que les bustes des hommes célébres qui avaient illustré notre cité devaient y figurer de préférence à ceux qui Jui étaient étrangers. L’em- barras ne pouvait se trouver que dans le choix ; et pour se déterminer avec plus de motifs solides elle proposa à ses propres Membres, cette quest'on : Quels sont les Grands Hommes dont il convient P'a 1760, 1754. Voy. Précis analyt. t. I, pages 26 et suiv, ( 228 ) 1784. de placer les statues ou les bustes dans le jardin de l'Académie de Rouen? M. l'abbé Saas présenta à ce sujet un Mémoire rempli d’érudition , dont le dernier résultat est la désignation des huit sayants qui suivent : « M. Legenäre, c'est M. l'abbé Saas qui parle , à titre de fondateur de l'Académie , aura la pre- mière place ; né à Rouen en. . . . . . ... 1059. Personne ne disputera au Grand Corneille Ja METRE bd dnonottteo iris es = « UND, Je proposerais Fontenelle pour la troisième . 1657. Lemery pour la quatrième. . . . . . . + 1645. Jouvenet pour la cinquième . . . . . . . . 1644. Auzouf pour la sixième. …, es 0.05 à 1020 Thomas Corneille pour la septième . . . . . 1625. Pierre Bardin pour la huitième . , . . . . . 1590. Il serait inutile d'exposer les titres des sept pre- miers à une pareille distinction. Ceux de M. Bardin , pour être peut-être moins généralement connus , n’en sont pas moins respectables. M. Bardiu fat un des fondateurs de l’Académie française ; il était membre de cette illustre Société dès 1634, et elle ne reçut ses lettres - patentes qu’en 1655, Il - mourut le premier Académicien , et le premier obunt les honneurs d’un éloge public dans cette Compagnie, Il eût peut-être semblé plus difficile d'exécuter noblement un pareil sujet, que de completter le nombre désiré d'hommes illustres à la mémoire desquels on se proposait d’ériger ces monuments. M. l'abbé Saas fait disparaitre toutes les diflicultés , en ajoutant que MM. nos Associés sculpteurs , aussi généreux qu’habiles artistes | s'étaient engagés à les fournir. C'est une anecdote trop honorable pour eux pour que je néglige de la consigner ici, et la ( 229 ) méme page contiendra le projet, le bienfait et la reconnaissance. M. Lemoine, en 1759, offrit à l'Académie le buste. de Fontenelle. M. Gois, en 1784, celui de Jouvenet. M. Calfieri, en 1785, ceux des deux Corneille. Ainsi se réalisait peu-à-peu le vœu formé par l'Académie , lorsque la révolution vint paralyser tous ses projets. Le même M. Caffieri offrit également à la Com- .pagnie, le buste du poëte Rotrou; et, quoique ce dernier ne fût pas normand d’origine, la célébrité de l’anteur de Venceslas en fit accepter l’offrande avec beaucoup de sensibilité. Indépendamment du buste de Voltaire, pour lequel l'Académie souscrivit en 1770, elle reçut en 1767 celui de M. Dubocage ; en 1764, celui de M. Lecat , par M. David; en 1788, celui de M. Sorel , par M. Drouin, et en 1790, celui de M. l'abbé Dicquemare , par MI Lemasson. Ces divers morceaux , enlevés à l’Académie par la révolution , ont été déposés dans le Muséum à l'ornement duquel ils contribuent. Porps ET MESURES. Réduction des Mesures de Rouen, pour les grains , à celles de Paris; par M. Pren pe LiEvRE. Tel est le titre d’un long Mémoire et d’une suite de lettres dans lesquels cette matière se trouve amplement discutée , avec indication des ouvrages PE 3 1754. 1757e ( 230 ) 1557. d’où sont tirées les preuves dont, l'auteur appuie ses asserltions, Ce Mémoire devient aujourd’hui d’un intérêt beaucoup moins considérable qu'il ne l'était lors de sa première rédaction , ainsi je me contenterai d’en exposer les résuliats. Le muid de grains, à Paris, contient quarante- huit pieds cubes , et se divise en douze septiers. Le septier contient quatre pieds cubes, et se divise en deux mines. La mine contient un pied cube ou trois boisseaux. Le boisseau , cinq cent soixante-seize pouces cubes , ou seize litrons. - Le litron , trente-six pouces. Le muid de Rouen contient douze septiers, ou quatre-vingt-seize boisseaux. Il revient à cent quatre- vingt douze boisseaux de Paris, ou un muid quatre septiers de Paris , moins cent quatre-vingt-douze pouces cubes, La mine de Rouen revient à une mine deux bois- seaux de Paris, moins huit pouces cubes, Le septier de Rouen, contenant huit boisseaux, est plus grand d’un quart que le septier de Paris, et contient seize boisseaux de Paris, moins seize pouces cubes, Le boïisseau de Rouen revient à deux boisseaux de Paris, moins deux pouces cubes. Le 23] ConNcouRrs. Quels sont les animaux venimeux qui se trouvent en France ? Quelle est la nature de leur venin? Quels sont les remèdes propres à le combattre ? Nous ne donnerons qu’un extrait fort abrégé du Mémoire de M. de Sauvages, D. M. et pro- fesseur de médecine à Montpellier, auquel le prix fut décerné , parce que ce Mémoire ne se trouve point dans nos archives, et que nous ne possédons d'authentique que l'extrait que M. Ballière fut chargé d’en faire, et qui fut lu à la séance publique de 1754. « Les animaux peuvent se diviser en six classes : 10 les quadrupèdes, 2° les oiseaux , 3° les poissons, 4 les amphibies, 5° les insectes, 6° les vers. » La classe des quadrupèdes ne présente aucun animal venimeux, sion en excepte ceux qui sont atteints d’une maladie contagieuse. Les piquants du porc-épic agissent d’une manière toute méca- nique, Les chauve-souris d'Amérique ne produi- sent que l’eflet des sangsues. L'urine très-âcre des chats, pendant le temps de leurs amours , n’a cepen- dant aucun caractère de poison. » Il en est de même des oiseaux qui peuvent nuire par leur bec ou leurs grifies , mais dont les humeurs n'ont rien de vénéneux. » Quant aux poissons, il en est un grand nom- bre qui sont pourvus d'armes redoutables ; mais les blessures qu'ils infligent ne sortent pas de la P 4 1754 1754. (252) classe des opérations mécaniques : cependant si nous les justifions sous ce rapport de toute accu- sation de venin, nous ne pouvons disconyenir que pris intérieurement ils ne produisent quelquefois des effets redoutables, Les œufs du brochet et du barbeau occasionnent le cholera-morbus. Le foie du chat marin (le squaleroussette ) excite un as- soupissement profond suivi d’une démangeaison uni- verselle et de la chute de l’épiderme. M. de Sauvages cite plusieurs faits analogues, dont il a été le témoin. » Les insectes suspects sont la cantharide , la guêpe , l'ichneumon , l'araignée , le scorpion d’eau et le scorpion ordinaire. » La cantharide est le plus dangereux des coléop- tères ; prise intérieurement ; même à de petites doses , elle excite des ardeurs d’urine. Chacun conrait ses qualités vésicatoires. » (1) » Les villosités de quelques espèces de chenilles produisent de vives démangeaisons ; mais aucune n’est venimeuse. » M. Valisnieri est persuadé qu’en Italie les scox- pions sont venimeux; mais en France on n’observe rien de pareil. u » La scolopendre de mer et celle de terre ne présentent aucun danger. » Dans la classe des vers, les sangsues , l’ortie et le lièvre de mer sont les seuls genres suspects. » Quant aux sangsues , le seul accident qu'elles (x) La guépe, et particuliérement Ja guépe-frelon , cause , par sa piqure, une douleur souvent trés-vive, Je l’ai vue suivie d’inflammation, fièvre, délire , et la traitai avec l’alkali volatil, comme les accidents résultants de la morsure de la vipère. (Wote du Rédacteur*) ( 233 présentent ne roule que sur l’excessive quantité de 1754: sang qu’elles pourraient faire perdre. » M. de Sauvages assure avoir manié, flairé , goûté le lièvre de mer sans en avoir éprouvé le moindre désagrément ; mais il observe que l’orue de mer exhale une vapeur subtile qui, comme celle de l'oignon , irrite, enflamme les yeux. » Ilne reste qu’à rechercher quels sont les amphi- bies dangereux , naturels à la France ; et après avoir montré que le prétendu venin de la salamandre, du lézard, du crapaud et de plusieurs reptiles, est une opinion populaire dénuée de fondement , M. de Sauvages conclut que la vipère est le seul serpent dangereux de la France. Nous ne répéte- rons point la description qu'il fait de ce reptile, de la manière dont il inflige ses blessures et insi- nue sont venin ; ce sont des objets trop connus pour en grossir inutilement cet extrait. » La seconde partie commence par des réflexions sur la nature des venins, et à ce sujet il est facile de s'égarer dans la région des hypothèses ; mais la portion principale roule sur la thérapeutique. » L'émétique , lorsque l'on est promptement ap- pelé en évacuant le délétère, s'il est recu dans l'estomac , procure un prompt soulagement. Les dé- layants au surplus , les mucilagineux , les narco- tiques même , administrés avec prudence, calment graduellement les accidents. » Quant aux venins introduits par la piqüre de Ja guèpe et la morsure de la vipère , les sudori- fiques , les stimulants qui réveillent l’action des solides sont les antidotes. C’est par des propriétés analogues que l’ammoniaque et l'eau-de-luce se sont acquis une réputation méritée. » On à proposé, dans ces circonstances, une infi- 1754 55, 1 LS] L Époypée, (254) nité de formules puériles et ridicules. Ce que peu- vent faire de mieux les personnes en proie à ces espèces de désordres est de consulter promptement un médecin éclairé qui les dirige prudemment dans la route qu’elles doivent suivre. » QUESTIONS PROPOSÉES. En quel genre de poésie les Français sont-ils supérieurs aux Anciens ? Dissertation qui a obtenu le prix ; par M. p& TEULIÈRES, de Montauban. « L'homme se plait à comparer la mesure de biens et de maux qui le distingue de ses sembla- bles : né avec un principe d’émulation, ou plutôt de jalousie , il ne saurait demeurer dans Flincer- titude des avantages qu'il a sur eux. Les particu- liers , les villes , les provinces , les nations même, éièvent sur un pareil parallèle le fantôme de leur prééminence. Osons nous servir de cette voie de comparaison , en faveur des modernes , contre ceux à qui l'erreur ou l'ignorance ont accordé une in- juste supériorité dans toutes les productions du génie. Il est temps de découvrir nos richesses et de dissiper le prestige qui grossitle trésor des An- ciens , en examinant s’il est quelque genre de poésie où nous leur soyons supérieurs....... C'est d'après les principes d'une critique judi- cieuse que M. de Teulières passe en revue tous les genres de poésies dans lesquels nous pouvons être comparés aux Anciens. » L’Épopée tient le premier rang parmi les poëmes. (259 ) On a cru pendant quelque temps la France in- capable d'enfanter des ouvrages de ce genre : la Franciade , la Pucelle et Clovis ne servirent qu’à confirmer ,cette erreur. Il a paru enfin, de nos jours , un homme qui a effacé la honte de sa patrie. Mais , le dirai-je? il règne dans la Henriade un style épique , soutenu avec trop de continuité, et un fond de couleur mâle qui n’est tempéré ni par des nuances, ni par des ombres. Il faut ce- pendant de la variété dans l'Épopée.... Le lutrin me parait être un modèle de style et de narra- tion..... Mais quel sujet à opposer à la destinée du pieux conducteur des Troyens , et aux fameuses dissentions du fils de Thétis et du chef des rois de Ja Grèce..... » Ésope est le père de l’Apologue. Ce sage de Phrygie, plus occupé à instruire qu’à plaire, n’a que le mérite de la fiction. Phèdre a plus d’élé- gance , mais presque autant de nudité. La Fontaine a réuni l'élégance , le riant des images et une naïveté inimitable. Les ornements semblent naître sous ses mains. Quel art! quelle variété ! quelle justesse !. ..…. Quelle gloire pour la France , d’avoir produit celui qui a posé le dernier sceau, et qui n’a pas encore eu de rivaux dignes de lui. » Théocrite a le premier écrit l'Églogue : il a du naturel; mais il est trop rustique. Moschus, par un excès de délicatesse, et Bion par un excès de raffinement , se sont éloignés de la simplicité pastorale. Virgile , qui a transporté dans ses Buco- liques des morceaux entiers du poëte de Syracuse » les a embellis à sa manière. Cet auteur sera toujours le premier aux yeux de ceux qui aiment des passions douces, des détails naïfs et des sentiments paisi- bles, Mais si on désire plus de tumulte dans les 1752: 755 La Fable, L'Eglogue. 1755, La Satyre, Le L: rique, ( 256 ) passions , plus d’agitation dans la conduite , on pré- férera Deshoullières..... Serait-il étonnant qu’une femme eût surpassé les Anciens dans des ouvrages de sentiment ? » Ce poëme serait-il uniquement consacré à satis- faire la malignité? Non sans doute; fait pour pré- senter la vertu anx hommes d’une manière piquante , elle se ressent de la destination des lettres qui ne doivent servir qu'au triomphe des mœurs. La phi- Josophie fait le principal caractère de ce genre, et le sa'yrique philosophe l'emportera toujours sur celui qui ne l’est pas. Jugeons, d’après ces maximes , Horace , Juvénal, Despreaux. » ..... Horace est un philosophe aimable qui mécrit que pour donner des leçons aux hommes ; s’il laisse échapper quelque plaisanterie , ce n’est que pour faire passer la gravité de ses préceptes : la morale , chez lui, est le fond de ses satyres, Je reste n’en est jamais que l'accessoire. On ne voit au contraire dans Juvénal , qu'un critique attaché à médire du genre humain, et qui fait partir sans cesse des traits amers d'une plume trem- pée dans le fiel. Boileau tient entre eux un juste imilien : son caractère n’est pas noir, mais il est sombre ; aussi a-t-il presque toujours imité la manière de Juvénal, qu’il a cependant surpasse en mélant dans ses satyres l’aménité , la philosophie et sou- vent la naïveté d'Horace...... Mais on aperçoit en lui, un homme qui lutte contre son propre caractère , qui cherche à devenir Horace, c'est-à- dire à être par imitation , ce qu'il n'est pas par vature, et qui, abandonné à lui-même , ne peut étre que Juvénal..... » Le poëme lyrique , dans sa première institution , fat employé à célébrer la Divinité. . .... Pindare en (257 ) détourna l'usage à des objets profanes ; mais sans 1755. avilir sa lyre... La Divinité ne dédaigne pas de voir à ses côtés la vertu et les talents. Ce poëte paraît d’abord plus sublime et plus élevé quil n'est en eflet. Sa manière est difficile à saisir , et cette difficulté a contribué à le faire paraitre tou- jours dans les airs. Sa prudence et son désordre consistent à exalter un héros en se jetant dans l'histoire d’un homme célèbre dont les vertus se retrouvent dans celui à qui il adresse ses vers... Cette manière de louer , sublime et délicate , n’ap- partient qu’à Pindare , et n’a été imitée par per- sonne. » Le poëte lyrique doit oublier qu'il est mor- tel : il doit s’élancer aux régions du tonnerre, s’abandonner au plus beau désordre , et tracer les images les plus frappantes; c'est ce que nous trouverons dans Rousseau , qui a marché le pre- mier sur. les traces de Pindare , et dans ce mo- derne . illustre que Rousseau avait déjà désigné pour son successeur. Ces noms célèbres appar- tiennent à notre siècle ; mais leurs noms, eulacés par les mains de la gloire, seront portés aux temps les plus reculés, et leurs productions iront se join- dre au petit nombre d'ouvrages enfantés par le génie et les grâces , et qui ne seront ensevelis que dans les ruines de l'univers. .... » Cette supériorité accordée aux Français , dans le lyrique destiné à chanter les Dieux etles Grands Hommes, est due aux anciens dans le lyrique employé à célébrer les jeux du Dieu d'Idalie, les plaisirs de Bacchus et les charmes de la volupté. Quoi de plus agréable dans ce genre que les poésies d’Horace et d’Auacréon ? Ce n'est pas qu’il n’y ait dans Rousseau des images riantes et gracieuses ; 17959. LaTragédie, ( 238 ) mais elles sentent trop le travail, et les vers qui les renferment sont faits avec trop d'exactitude, défaut qui fait disparaître la séduction et le pres- üge, et toujours considérable dans une partie dont la négligence et la facilité sont le principal mérite..... » Traçons le caractère de ceux qui se sont signalés dans la Tragédie, ayant de nous engager dans un détail de comparaison. Parmi les tragiques grecs , Eschyle joint à une noirceur de pinceau un coloris terrible. Sophocle réunit la majesté , ls pompe et l'élévation. Euripide, plus tendre, plus insinuant , plus pathétique , attendrit les cœurs, inspire la pitié et fait répandre des larmes. Les Romains, ces illus- tres rivaux des Grecs, ne paraissent ici que pour étaler leur faiblesse. ..…...... » Les Français ont été plus heureux. La barbarie et le mauvais goût exerçaient un em- pire tyrannique....... Corneille paraît avec une élévation d’esprit peu ordinaire à l'humanité, et tous les nuages se dissipent en sa présence. Né pour créer , et non pour suivre les traces des anciens , il peignit la grandeur romaine avec une force presque supérieure à Tacite. Il n'appartient qu'à ces deux hommes de déméler les intrigues de cabinet , les ressorts de la politique et les inté- rêts des nations. Il n’a appartenu qu'à eux d’être les organes des princes les plus habiles dans l'art de régner , de faire parler dignement les Césars, les Augustes. Corneille enfin a créé des beautes fort supérieures à celles des anciens....... Mais inca- pable de descendre, il a négligé la science du cœur, et il est méconnaissable quand il faut ex- primer la tendresse et le sentiment. » Corneille était le maître de la scène française lorsqu'on vit paraître Racine, auteur nourri de la ( 239 ) lecture des grecs. Né avec un génie perçant, propre à lire dans le cœur des hommes , leurs faiblesses , et à distinguer les plus délicates nuances de leurs passions , c’est lui qui a le plus inspiré la terreur et la pitié dont il avait étudié les sources dans Euripide avec qui il avait, si j'ose m'exprimer ainsi, une aflinité de génie. Que notre comparaison se borne à la distribution du sujet , aux caractères et à la diction....... » Nous regrettons beaucoup que les limites d'un extrait ne nous permettent pas d'offrir à nos lec- teurs les judicieuses observations de l'auteur de ce Mémoire : morcelées , elles perdraient leur enchaïi- nement et leur force; et, dans la nécessité d’abréger , nous nous contenterons d’en recueillir les conclu- sions. » Les tragiques grecs ont de grandes beautés ils excellent à peindre les passions et le sentiment ; ils possèdent l’art heureux de pénétrer dans les cœurs: la lecture d’Iphigénie, d'Euripide, m'a fait répandre des l’armes....... Il faut même avouer qu'il y a des morceaux plus touchants * que dans celle de Racine. Mais s'ils ont l'avantage de ce côté , nous avons plus d'art dans l'arrangement du sujet, plus de force , de bienséance et d'égalité dans les caractères et plus de noblesse dans la diction. Nous serions même plus parfaits dans ce genre ,; si nous n'avions avili, par des intrigues amoureuses, les sujets les plus relevés, et répan- du souvent un vernis de galanterie sur les farou- ches Brutus et les austères Catons de la République. » Son aurore , chez les Français, ne promit pas d’abord des jours fort Jumineux..... Mais parmi la foule des Grands Hommes qui illustra le siècle de Louis XIV , Molière parut , porta la Comédie 1955. * re scène du 5° acte. La 4° duac, La Comédie (240 ) 17554 au plus haut point de perfection, et procutra , dans ce genre , à sa patrie un degré de supériorité sur les anciens que personne n'osera lui contester. Mettons-les ensemble dans la balance, et par une exacte comparaison , fondée sur des principes so- lides , nous verrons que cet écrivain leur a été supé- rieur dans toutes les parties : genre de comédie, choix des sujets, ton, disposition, nœud, dénoue- ment, caractères, imagination, variété, force comi- que , bonne plaisanterie, style , perfection du dia- logue. Ces divers articles savamment discutés par M. de Teulières, offrent les plus heureux déve- loppements, et toujours à l'avantage du comique français. Les mêmes motifs qui nous ont guidés dans le chapitre de la tragédie , seront encore ici notre règle ; et dans l'impossibilité de présenter l’ensem- ble des preuves , nous passerons aux dernières con- clusions de l’auteur. « 11 résulte que nous sommes inférieurs aux anciens dans l'Épopée et le Lyrique anacréontique ; que nous marchons de pair avec eux dans l'Églogue , dansla Satyre et dansla Tragédie ; que nous leur sommes supérieurs dans la Fable, dans le Lyrique élevé et sur-tout dans la Comédie, où notre supériorité est si marquée qu’il faudrait étre téméraire ou aveugle pour oser nous la disputer.» Quelle est la cause des tremblements de terre , etc. ? Le Mémoire de M. Isnard , en réponse à cette question , mérita , au jugement de l'Académie , d’ob- tenir la couronne. Nous nous empresserions d’en donner un précis suffisamment étendu pour le faire connaître , (240) convaître ; mais l’auteur lPayant communiqué au public par la voie de l’impression , et l’Académie s'étant fait une loi de ne faire entrer dans son Précis analytique aucun ouvrage imprimé, nous nous en tiendrons à cette simple annonce. N. B. Nous possédons encore quelques Mémoires relatifs aux questions proposées par l'Académie , Sur le perfectionnement de la Tuble des affinités ; de Geoffroy ; e Sur le privilège de la fierte accordé au Chapitre de Rouen ; L é Sur l’Echiquier de Normandie. à! Mais, ou ces Mémoires sont incomplets, ou ils manquent des caractères propres à en ässurer Pau thenticité , et nous ‘avons préferé de en: point faire mention, da crainte de n'en dire que des choses inexactes où insignifiantes, et par cela seul peu agréables à leurs auteurs. ( Comment et à quelles marques les moins équivoques pouvons - nous reconnaitre les dispositions que la Mature nous a données Pour cerfaïnes sciences ou pour certains arts plurôt que pour d’autres ? Le Mémoire dont l'extrait suit, et qui a mérité la couronne , est de M, l'abbé Berrer. LE « Rien n’est sans doute plus capable de hâter les progrès des sciences et des arts que la con- naissance du genre auquel la nature nous a des- tinés. Comme elle varie ses dons à l'infini » et qu'elle assortit aux vues qu’elle a sur nous la distribution Tome IT, 1751 à 1560. Q 1797: 1750: ( 242 ) 1759, qu’elle en fait, nous marchons infailliblement à Quintil, 1. 2 CaP. Je grands pas dans les routes qu’elle nous ouvre, et le saccès le plus brillant couronne toujours les travaux où elle nous engage. » Que si, par méprise ou par indocilité , nous entrons dans une voie qu’elle ne nous a pointtraeée , combien d’écarts , combien de chutes nous y attendent ? . .... Mais peut - être sommes-nous encore beaucoup plus à plaindre qu'à blâmer. Il n'est pas si aisé de distin- guer les avances que la nature nous a faites..... Nous avons beau savoir en général qu'elle n'a pas moins multiplié les caractères des esprits que la forme des visages , nous sommes portés à croire que, nous avons la meilleure part à ses faveurs, Nous nous flattons qu’elle a mis en nous des dis- positions relatives au goût que nous épronvons... Quelle source d’erreurs! Nous prenons faussement pour une invitation de la nature les prétentions de notre orgueil et les conseils de notre vanité... La facilité de la composition serait-elle plus propre à nous indiquer les vues de la nature ? Comme il y a une stérile abondance, il y a une malheureuse facilité capable de tromper ceux qui s'y abandon- nent..... Les poëtes que nous regardons comme nos maîtres ont fait profession de rimer dificile- ment, et les auteurs qui ont travaillé pour l'immor- talité ont communément écrit de petits volumes... On ajoutera peut-être auf c’est conséquemment à la bonté de l’ouvrage qu’on reconnaitra les faveurs de la nature. » Mais qui appréciera sainement le travail du savant? Il semble que nous gagnons en amour-propre ce que nous perdons en mérite : les auteurs les moins favorisés par la nature sont les plus disposés à s'applaudir du partage qu'elle leur a fait ; leurs (243) minces productions les jettent dans l'enthousiasme , tandis qu’un génie supérieur pense modestement de lui-méme. » Le jugement d'un écri!, celui même d'un grand homme, ne supplée pas toujours aux lumières et à la sincérité qui nous manquent. Qui eût cru que le Grand, Corneille eût pu se meprendre sur les sublimes dispositions que la nature avait mises dans Racine pour parcourir avec le plus grand succés la carrière du théâtre ? Racine , qui a fait tant d'honneur à la Muse tragique , n'aurait jamais chaussé le cothurne sil eût docilement souscrit à l'avis de Corneille....... » On ne saurait nier que l'attrait que nous sen- tons pour une science ou pour un art ne soit comme Ja voix de la nature, et une sorte d’ins- uünct par lequel elle semble nous guider......., L'histoire des savants nous offre de nombreux exem- ples de cet enthousiasme naturel qui fut le pré- sage de leurs succès....... Il y a cependant ici deux conditions à observer: ce goût que l’on croit sentir doit premièrement être désintéressé, et c’est ici le sujet d’une discussion délicate. » 1 faut voir en second lieu si ce goût vif que nous sentons pour une science ou pour un art exclut en nous ou y soutient l'amour du travail qu'ils exigent : la nature, en nous prodiguant ses faveurs, na pas eu l'intention de nourrir notre indolence ; elle ne prétend que fournir un aliment à notre activité, par l’espoir du succés dont elle couronne notre trayail....... Les études des grands maitres furent toujours plus longues que celles des hommes ordinaires. ...... » Mais le travail ne coûte rien dans les genres pour lesquels la mature nous a formés: lPatrait Q 2 17 59e Labruyère L'abbé Du: bos. (244 ) 1759. réel surmonte ou prévient les dégoûts , et lés pro- J.-B, Rous- reau , Epit, à CI. Marot. grès qu’on fait empêchent de sentir les épiniés de l'étude. Lee » Il est généralement certain qu'un travail facile aide à reconnaître nos dispositions ; mais cette facilité a besoin d’être appréciée pour n'être point une indication équivoque. Distinguons le méca- nisme de chaque art, d'avec le génie qui en est l'âme : tout le monde peut broyer des couleurs, manier la palette et les pinceaux; mais il’ wap: partient qu’à ceux que la nature a fait peintres , de s’en servir dignement. Minerve à tous ne départ ses Jargesses : Tous savent l’art, peu savent les finesses. ‘» Le succès dans nos études est un nouvel in- “dice de la disposition que la nature a mise én “nous; mais il est bien important ici de se prémunir contre la prévention qui est en possession de nous avéugler lorsque nous discutons le mérite de nos ouvrages. C’est en les comparant avec les grands modèles que nous jugerons sainement de leur im- perfection ; c’est en nous sebtant animés du désir de les perfectionner, sans que les diflicultés nous découragent , que nous apprécierons nos dispositions. Nous les apprécierons de nouveau par la docilité avec laquelle nous recevons les conseils et la cri- tique. Notre docilité aux avis d’un connaisseur , ou à la décision du püblic , suppose en nous des organes qui se plient aisément aux besoins du genre : un joueur de luth, que les avertissements ne ra- mènent point au ton qu’il a manqué , a certaine- ment où une main dure ou une oreille fausse. .... » Le talent!, le goût et le succès sont ainsi trois ( 245 ) parties inséparables : elles sont l'indication et le 1759. garant l’une de l’autre, et toutes les trois annon- cent et constatent le genre et l'espèce du don que la nature nous a départi. Nos véritables dispositions , semblables au feu caché dans le sein des cailloux, sont quelquefois concentrées au fond de notre âme : un choc, que le hasard produit, suflit souvent pour les développer. L’habileté consisté alors à leur fournir un aliment convenable , et à écarter les obstacles qui pourraient les entraver. » Un goût factice peut en un instant nous abuser ; mais à la nature, seule appartient le droit de nous passionner pour un objet, et de nous faire triom- pher des difficultés qui l'environnent. » 1755. (246 ) PoËrsis. Ode $ur l'évablistément de l'École de Dessin de Ronen ; pièce qni a remporté leprix ; par M. GERMoN, Chanoiné régulier à Senlis. Nous ne possédons de cette Ode qu’une copie incomplette , et d’après laquelle il serait peut-être indiscret de hasarder des citations. Mais nous avons une copie correcte d'une Epître en vers du même auteur , dont nous citerons quel- ques fragments pour donner une idée de son style. C'est un Remerciment à l’Académie : Sages arbitres de la gloire , C'est pour publier vos faveurs , Que mon front, par vos mains , ceint d’immortelles fleurs , S’enorgueillit de sa victoire. J'ai senti naître dans mon cœur Le désir séduisant d’obtenir vos suffrages. ...... Et j'ai cédé bientôt à cet instinct flatteur....... Je n’enviai que cet honneur ; Et ces lauriers brillants que votre main dispense Furent la seule récompense A laquelle aspira mon cœur..... Élèves distingués des Zeuxis , des Appelles , Que vos crayons , votre art charmast Saisiesent tous les traits de ces Maitres célèbres (247) Qui , sauvant léürs nommé des ténébres 17316 Et de la nüit du monument , Ont su dônner une autre vie A ceux qui , chers à leur Patrie, Comme eux en furent l’ornement. De votre art , qu’en tous lieux on honore, on contemple , J’ai chanté les brillants effets. On a couronné mes essais : D'un cœur reconnaissant je vous donne l’exemple ; Surpassez ses efforts par d’éclatants succès. Le Goût et le Caprice; par M. l'abbé FoNTAINE. Cette pièce ayant été imprimée , nous nous dis- 1758, penserons de l’imprimer de nouveau ; nous nous contenterons d'en offrir un extrait fort succinct, pour donner une idée du faire de l'auteur : Par le Goût Homére inspiré , Lui rendit les premiers hommages ; Ce Dieu , jusqu'alors ignoré Des Grecs, enlevant les suffrages, , Dès qu’il parut fut adoré, Tempé , retraite fortunée , Beaux ombrages | vallons chéris Qu’arrosent les eaux du Penée , Jadis sur vos gazons fleuris, Quittant l’héroïque trompette , Pour enfler les doux chalümeuux , Q 4 1758. (248 ) Le Dieu du Goût prit la houlette Et vint conduire les troupeaux + Il chanta les plaisirs champêtres , Le printemps , les riches moissons , Et Théocrite , au pied des hêtres , Du Dieu répéta les chansons. 11 égaya de couleurs vives La volupté d’Anacréou , Et de l’amante de Phaon , Soupira les chansons naïves, Favoris d’Appollon ; de Mars, Scipion , Térence, Lélie, Au sein fécond de l'Italie Fondaient l’Empire des Césars , Quand des arts le brillant génie, Sur Rome tourna ses regards. .... } : Cherchant près du trône un asile } ‘ L’Eloquence adoucit les mœurs , Le Goût, rappelé par Virgile, D'Auguste gagna les faveurs . « se + 1,1 De la Raison peintre fidèle , Compagnon des Jeux et des Ris, Etdes Grâces heureux modèle, ! D'Horace il dicta les écrits, Mais bientôt féconde en chimères , ., La stupide cupidité PU LÉ Chassa le Goût , l’'Urbanité, Et fit régner sous les Tihères , ; Le vicetet le luxe effrontée +... ee! (249 ) Pétrarque, inspiré parles Grâces , 1758. Pleurantles beaux arts éclipsés, Le premier découvrit les traces De leurs monuments dispersés. . ... On vit la noble architectare Créer des chefs-d’œuvres nouveaux ; Et pour enrichir la Peinture, Le Goût excita la Gravure À reproduire ses travaux, Le poëte passe rapidement en revue le siècle des Médicis, celui de François I‘, et arrive à celui de Louis XIV, et les noms de Racine, Boileau, Rousseau , La Fontaine, Molière y sont célébrés dans de beaux vers. On ne lira peut-être pas sans intérét cette vérité aflligeante , mais confirmée par l'exemple de - tous les siècles : Quand les arts florissants arrivent Aux degrés de gloire éclatants Qui des peuples qui les cultivent Immortalisent les talents, Bientôt, livrés à la licence D'une coupable ambition , Ils touchent à leur décadence...,.., Suit la description du temple du Caprice, des Ministres légers de ce Dieu inconstant et frivole : De leur Dieu qui toujoufs varie, Semant les oracles divers, Les Songes avec la Folie, Se répandent dans l’univers. (250) +758, Ministres légers des toilettes, Ils portent les chiffres galants, Le voile des ptades discrettes, La calotte des froids pédants Et les ponpons de nos coquettes. Des boudoïirs le Caprice. s’insinue dans les cabi -sets des auteurs et infecte tous les genres de lit térature : Et sous un air simple et timide, Prenant du Goût le ton flatteur , Le Caprice en tous lieux décide, (“297 ) ÉLOGES HISTORIQUES. Eloge de M, Pigou; par M. de PRÉMAGNY- Messieurs, sil est flatteur pour nous de vous 1751% rendre compte de nos travaux annuels , notre satis- faction n'est que trop souvent mélée d’amertume , par l'obligation ôù nous nous trouvons de vous en- iretenir de nos pertes. Eh! qui pourrait voir sans doüléur disparaître des hômmés nés pour porter par- tout la lumière de lä sagesse ét l’ardeur del’émulation? Telle est l'impression malheuretise que nous avons éprouvée, Messieurs, lorsqu’ürne mort imprévue nous a eriléyé M. Pigou ; conseiller en la grand’chambre du Parlement , ancien mäire de cétte cité et ancien présidènt de cétte Académie. Quäranté années de magistrature ont été pour lui quarante années d’un travail assida : intérêts, plaisirs, amusements , tout a été constamment sacrifié au devoir, Parmi les Jouanges que l'on peut donner au magistrat, celle dé l'équité n’est qu'une louange commüne ; mais qne dans la force de la jeunesse on ait le courage de sacrilier à l’étude de sés devoirs le temps qu'il est si facile, si agréable de con- sacrer à ses goûts et à ses plaisirs, c’ést ui triomphe dont les grandès ânes seules sont capables. A qui cépendant un peu moins de ferveur eût-il été par- donnable ? Doué naturellement d’un esprit juste, d'un jugement solide, d'une mémoire admirable, M. Pigou aurait pu , sans porter atteinte à ses de- (252 ) 2751. Voirs, sans compromettre sa réputation , se per- mettre plus souvent-un délassement nécessaire , et se distraire de la sécheresse de la jurisprudence parmi les fleurs de la belle littérature qui avaient pour lui tant de charmes ; mais sa manière était de ne rien risquer : le temps était ce qu’il craignait le plus de voir échapper et dont la perte lui était le plus sensible. Ainsi, laborieux par goût et par devoir , acquérant chaque jour des connaissances qui ne seffaçaient plus, accessible aux parties , diligent dans lPexpédition, judicieux et ferme dans sés sentimeñts; il,était parvenu de bonne heure à inspirer le respect pour ses décisions, à mériter la confiance de ses collègues, et à faire admirer sa vigueur dans des occasions importantes. Nommé administrateur des hôpitaux, et obligé en cette qualité de surveiller les intéréts des pauvres, il dut se faire, au nouvel arrangement pour remplir cette fonction si précieuse à un cœur honnête, sans aucun détriment de ses premiers devoirs. Appelé par le vœu de ses concitoyens à la dignité de! maire , on continua d'admirer en lui un ma- gisträt qui, sans -aflecter d’empressement ni d’in- quiétude , toujours actif, toujours maître de son temps, le dispensait avec une sage économie , et se mettait ainsi de niveau avec les plus nombreuses occupations. Ce lieu méme ,.où éclatent aujour- d'hui nos regrets, nous rappelle une circonstance qui nous .rend encore sa mémoire plus chère : il était le chef du corps de ville , lorsque l'Académie espéra de jouir des bienfaits de M. l'abbé Legendre, notre fondateur ; la bienveillance de ce magistrat et, les soins, qu'il prit pour faire réussir le projet eu'assuréremt,le succès. C'est. ici, même et avec nous, Messieurs, que (255 ) Von peut dire qu'il a poussé jusqu'au scrupule le système d’exactitude: qu'il s'était fait pour tout ce qui avait Papparence du devoir. Ce qu'une vie toujours occupée lui laissait de moments, il les consacrait à nos séances ordinaires. Il aimait nos exercices ; son goût pour les belles-iettres, som discernement, son génie pénétrant brillaient égale- ment dans les sujets même qui lui étaient moins familiers. A Pentendre réciter avec grâce des mor- ceaux d’éloquence ou de poésie d'une grande éten- due , on eût pu crôire qu’il eût fait une continuelle étude de ces matières si agréables et si riantes; et ce n’était que l’heureux effet d’une mémoire mer- : veilleuse que les années n'affaiblirent jamais... :. Mais c’est peu de vous montrer, Messieurs, dans M. Pigou , le magistrat éclairé, judicieux et ferme, l'académicien laborieux , l’homme de lettres dis- tingué , il est dés vertus d’un ordre difléreut , étran- gères à la dignité dont on est revêtu, et non moins précieuses dans la société; on peut les avoir dans un degré inférieur sans cesser d'être un grand homme. Mais quel assemblage ravissint nous offre leur réunion? Vertus d'état pour le bonheur publie, véritus sociales pour la douceur et l'asrement de ses amis et de ses proches ; ce sont les derniers traits nécessaires au portrait de notre estimable collègue......... Rappelons-nous , Messieurs, ce fonds de sensibilité d’où partaient tant de marques évidentes d’un bon cœur, cette joie innocente et pure qu'il portait dans le commerce de l'amitié , cette satisfaction qu'il éprouvait à donner des con- seils utiles , cette activité à servir et à. obliger, cette gaieté naturelle qui parait ses moindres dis- cours, Ja variété de ses connaissances et de: ses talents, et nous demeurerons convaincus qu'ici la Ou. 1754 Eccl. Ce Le Ÿ. 1ret12. 2754. Vers 1550. (254) flatterie n’a aucune part à son éloge..... En con- sidérant combien sont rares des hommes si émi- nemment privilégiés, je suis tenté de dire de lui comme le sage : Beati qui te viderunt , et in ami- citié tuä decorati sunt. Nos vité vivimus tantum , post mortem non erit tale nomen nostrum. Eloge historique du P. Dumoustier , Récollet ; par M. l'abbé Saas. « Le R. P. Artus Dumoustier qui , à la tête de plusieurs de ses ouvrages , prend les noms latins d'Arturus à Monasterie , est aussi nommé par d’au- tres auteurs, Dumoustier : c’est en effet le même nom, nos ancêtres traduisaient le mot latin Honas- terium par les mots AMoutier ou, Montier. » Je trouve dans le Nobiliaire de Normandie, qu'un Guillaume Dumoustier, avocat au parlement de Normandie, obtint des lettres de noblesse , en 1580. Il paraît que le P. A. Dumoustier était d’une noblesse plus ancienne. Dans son ouvrage célèbre intitulé Meustria Pia , dans le dénombrement des abbés de la Croix Saint - Leufroy , il cite l'abbé Guillaume Dumoustier , puis ajoute : Familiä spec- tabili et antiqué inter Normannos à qu& me fateor duzxisse originem. » A peine A. Dumoustier eut-il atteint sa seizième année , qu’il entra dans l'Ordre de Saint François, suivant la réfcrme dite des Récollets , qui commença x Nevers, sur la fin du seizième siècle. Il y prit tellement l'esprit de son état, qu'il devint et fut toujours un des plus fervents religieux de son ordre. ( 255 ) » Il partagea tous les moments de sa vie entre 1754. la prière et l'étude et fit les plus rapides progrès dans la vertu et dans les sciences. Le P, Dumoustier ne tarda pas à être beaucoup plus connu qu'il n’eût voulu l'être. Ses supérieurs le firent gardien de la Charité-sur-Loïire ; et il était très-capable de remplir dignement cet emploi. Mais comme les soins qui en sont inséparables Jui dérobaient le temps qu’il destinait à l'étude, il fit tant d'instances auprès de ses supérieurs qu'ils le rendirent à ses travaux aprs une année d'administration. Il n'en - eut point d'autre depuis 1051 jusqu'en 1650 , et il jouit , pendant tout ce temps , de la liberté si favorable aux études. Il fit imprimer, dans cet in- tervalle , plus'eurs ouvrages à la tête desquels il prend le titre de predicateur des Récollets de la province de Paris ou de Saint-Deuis, dont le cou- vent de Rouen fait partie, Le P. Dumoustier précha à Paris et aï'llears; mais comme ses sermons n’ont pas éte imprimés, nous n'en pouyons porter au- cun jngement. » On fonda, en 1650, un couvent de Récollets dans la ville de Vetau, au diocèse de Bourges, et il était nécessaire de mettre à la tête de cet établissement nouveau, un homme d'une science et d'une piété éminente ; le P. Dumoustier en fut nommé le premier gardien ; mais il n'y demeura qu'un an. Ses supérieurs comprirent enfin qu’ils devaient le laisser le maître d’un temps qu’il cor- sacrait à la gloire de l'Eglise et de son ordre..... Il revint à Rouen en 1661, pour y faire imprimer son Histoire ecclésiastique de Normandie, et y mourut le 14 juillet 1662, âgé de 76 ans: » Nous donnerons ici une indication très-succincte des ouvrages du P. Dumoustier. 1630. 1754 ( 256 }) 10 La Piété française vers la Sainte Vierge Marie, etc. Paris, in-8° 1637. 2° Martyrologium Franciscanum. Paris , in-f° 1637. 3° Sacrum Gynecœum seu Martyrologium in quo Sanctæ ac beatæ totius devoti fœæmini sexus recen- sentur. Paris , in-fo 1656. 4° De la Sainteté de la Monarchie française, etc. Paris , in-8° 1658. 5° Wie de Saint Laurien, évêque de Séville. Paris, in-12 1656. G° Meustria Pia, etc. Cet ouvrage devait contenir 5 volumes in-4°, le troisième seul est imprimé ; les autres volumes manuscrits ont été déposés dans la bibliothèque des RR. PP. Récollets de Paris. N. B. Quoique le R. P. Dumoustier soit mort un grand nombre d'années avant la fondation de l'Académie , j'ai cru devoir réunir son éloge à ceux de nos estimables devanciers. L'ordre des matières l'y place naturellement , et sice savant et vénérable religieux eût existé lors de la fondation de l'Aca- démie , il en eût fait très-probablement partie, et en eût été l'un des principaux ornements. Eloge du P. Mercastel, de l'Oratoire ; par M. LECAT. « Jean-Baptiste Adrian de Mercastel naquit à Saint-Maurice, en Brai, le 6 mai 1669, de parents nobles et distingués dans la carrière militaire, Antoine de Mercastel , un de ses aieux, fut un de ces preux qui traversèrent les mers pour Ja conquête de la Terre Sainte. Sa mère eut sept fils, dont six prirent le parti des armes ; deux furent chevaliers de (257) de Malthe. Celui dont nous parlons ambitionna, 1754. dans la République des lettres, des titres moins environnés de dangers, peut-être plus düfliciles à obtenir. » Il fit ses humanités au collége de Vernon , et en sortit avec la réputation de poëte agréable. Ses parents l'envoyëérent à Paris faire sa rhétorique, d’où il passa à l’étude de la philosophie, sous le célèbre Pourchot, et put faire éclater le goût qu'il avait pour la géométrie, » Les vacances qui suivirent ce double cours ne furent pas perdues pour l'étude. Le jeune Mercastel trouva chez son père le cadet des denx chevaliers de Malthe qui, etant garde-marine à Brest, y était devenu algébriste. Les deux frères furent peu de temps ensemble; mais le bon emploi en allongea la durée, et les progrès du mathématicien novice furent tels qu'il parut avec intérêt, à son retour à Paris, devant le fameux P. Mallebranche. On désire ressembler à ce qu’on admire : M. de Mercastel ,que la piété portait déjà vers la retraite, entra dans la congrégation de l’Oratoire.A près trois ans d’études dans cette société, on l’envoya professer la philosophie à Rumilly, en Savoye. Après un second cours à Riom, en Auvergne, il fut ordonné prêtre en 1702, étant alors dans sa trente-quatrième année, et obtint une retraite dans le séminaire de Vienne, en Dauphiné, Il était heureux en rencentre de sa- vants de son goût : il y trouva, pour süpérieur, le’ P. Jacquemet , savant: profond dans la science des nombres, et put süivre sans réserve son goût dominant qui le portait vers le même genre d’étude, » En 19735, la mort d’un frère le rappela en Nor- mandie ; il passa une année dans la maison de l'Oratoire de Rouen, avec le P. Lami, savant uni- Tome IT, 1751 à 1760. R ( 258 ) 1954. versel. L'année suivante il alla à Dieppe , achever un cours de philosophie ; enfin ses supérieurs lui ouvrirent la carrière qui pouvait le flatter dayan- tage : ils l'envoyèrent à Angers avec le tre de professeur royal de mathématiques. Il professa pen- dant dix ans avec le succès le plus éclatant, et peui- être eût-il continue plus long-temps sans un évé- ment dont l'exposé fait bien connaitre son carac- tère. ILest des âmes si sensibles au doux charme de l'amitié, que les études les plus profondes ne sont presque que des distractions à ces affections délicates : et telle était celle du P, Mercastel. Il avait deux amis dans la maison d'Angers, qu’il avait entre- pris d'instruire , et à l’un desquels il destinait sa chaire : on les lui enleva tous les deux; il ne put supporter cette perte el quitta sa chaire. Alors, sans aucun titre et libre de tout embarras, il employa, son temps à finir son grand ouvrage des tables des nombres composés et composants qu’il avait comu- meneé à Vienne. Quelqu'utile que füt cet ouvrage, il me fut pas imprimé : l'auteur le communiqua à MM. de l'Académie des sciences de Paris, qui en firent l'éloge; et ce tribut glorieux suffit à notre savant. » La mort de sa mère, arrivée quelques années après , le rappella dans sa patrie. Il fixa son séjour à Ronen , partageant son temps entre les devoirs de son état et le plaisir d'instruire de jeunes gens ue sa haute réputation lui attirait en grand nombre. » Il publia, en 1725, un volume d’/astructions chrétiennes ; en 1724, des Réflexions sur la lecture et l'ortographe ; en 1752, une Arithmétique dé- montrée , volume in-12 de 216 pages , mais qui contient bieu plus de choses que beaucoup de gros volumes. En 1759, il fut élevé à la dignité de visiteur ; € 259 ) h étant alors âgé de soixante-dix ans. Il en remplit 1754, les fouctions durant trois ans , après lesquels il obüut de l'assemblée générale la permission d'en donner sa démission. Ce fut a ors qu’un loisir heureux lui fit concevoir le désir d'être avgrésé à notre société naissante. Il y fut reçu avec empre:sement le pre- mier decembre 1544 , cinq mois après l'obtention des lettres patentes, » L'Académie s'était fait une loi de lire et mé- diter les Mémoires de l'Académie des sciences , et de rendre compte de ses observations. Le P. Mercastel s'y soumit comme Îles autres; mais son premier rapport le trahit et montra non un élève , mais un maitre de la première force. Tout ce qui avait rap- port aux mathématiques fut analysé , discuté, et nos séances acquirent un double degré d intérét , par celui des Mémoires , objets des discussions, ét par celui des observations qu'ils firent naître. Au- cun de ces Mémoires ne sont parvenus jusqu’à nous, parce que , suivant l'expression du savant pané- gyriste , ces travaux ne s’étendaient point au-delà de l'utilité de la société même. » Le P. Mercastel , à l’âge de quatre-vingt-trois ans , eut une attaque d’apoplexie et fut paralysé du côté gauche. La nature seule le servit encore assez pour le mettre en état de reparaitre à nos assem- blées , où il avait toujours été fort assidu. Il profita de cette circonstance pour y déposer son ouvrage sur les’ nombres composés et composants, (*) () Nos registres font mention de la remise successive des deux volumes manuscrits qui composaient ceLouvrage, Que sont-ils de- venus ? Ont-ils péri dans l'inceudie du cabinet de M, Lecat?'(1®r vol. p, 49.) Ont-ils disparu de quelque autre manière? Ce qu’il y'a deconstant, c'estqu'ils n'existent pas au dépôt de nosarchives. R 2 1754 1756. ( 260 ) » Depuis cette époque sa vue s’aflaiblit de plus en plus, et ce n'était qu'une suite de l'extinction graduée de sa vie. Il termina sa carrière presque sans maladie , le 8 février 1754. 11 était alors dans sa quatre-vingt-cinquième année. » La religion , dans notre respectable confrère , se joiguit à sa bonté naturelle : elle avait présidé à toutes ses actions, dans ses plus beaux jours , et ne parut jamais avec plus d’édilication que daus les instants qui en ont terminé le cours. Eloge de MH. Moyencourt ; par M. Lecar. « Jean Moyencôurt naquit à Grainville-sur-Ry , diocèse de Rouen, le 24 février 1681. Il ne dut rien à sa naissance. Sa première éducation fut con- fiée à un oucle , cultivateur de la paroisse de Blainville , où il puisa les connaissances qu’une bourgade peut fournir, Il était vif etappliqné. Arrivé à l’âge où il faut choisir un état , l'étude de la chirur- gie fixa ses incertitudes. Il fut mis en apprentissage à Aumale où il resta trois ans. Il passa de-là aux écoles de Paris, dont le célèbre Petit commençait à changer la face, et auxquelles il a procuré une célébrité qu’elles soutiennent avec le plus grand éclat. » Après quelques années d’études dans la capitale , il vint se fixer à Rouen, travailla d'abord sous des maitres et obtint , en 1705 , un privilége pour le faubourg Bouvreuil. En 1718il fut admis à la maitrise , par cette longue suite d'examen que les chirurgiens appellent le grand chef-d'œuvre, » Il acquic en peu de temps l'estime due à beau- ( 261 } coup de capacité, et la vénération attachée à une 1754. Piété solide, à une probité sévère et à une charité inépuisable qui le rendait le père des malheureux. » Il fut élevé aux premières charges de sa com- pagnie et nommé, en 1735 , à celle de lieutenant du premier chirurgien du Roi. » Né dans le sein de l'agriculture, la botanique le rappelait à ses premiers loisirs. L'amitié de M. Dufai , botaniste fort instruit, lui procura le moyen de s’instruire dans cette belle partie de l’Histoire na- turelle, qui d’ailleurs a des rapports si intimes avec l'art de guérir. Ils parcoururent ensemble les én- virons de Rouen , et, enrichis de leurs! dépouilles , ils en décorèrent un petit jardin au faubourg Bou- vreuil : ce fut le premier berceau de l'Académie. » En 1756, M. de Moÿencourt transpôrta toutes ses richesses botaniques au vaste jardin de M. de la Roche , médecin ; et de fréquentes: excursions à la campagne en remplireut bientôt toute l'étendue. » Les infirmités commençant à mettre des bor- nes à son zèle, il se retira au Vaudreuil | dans une propriété qu'il y avait acquise ; propriété modique , mais sufisante à ses besoins et analogue à ses goûts. Ü y partagea son temps entre les exercices du jardinage et ceux de la religion. La faiblesse etun dépérissement graduel l’avertirent qu’il approchait de sa fin. Ii alla à sa paroisse se disposer au dernier et redoutable voyage. Il -assista encore le 8 août, au service que l’Académie fait celébrer tous les ans pour les Académiciens et ses bienfaiteurs dé- cédés; et le 10 du méme mois en le troûva: mort daus son lit. Il avait épousé , en 1515, mademoiselle Elisabeth-Reine Martin, de laquelle iln’ent point d’en- fants. Notre confrère était Âgé de soixante-quinze-ans cinq mois dix-sept jours, quand il mourut. Il aurait R:5 Précis anal, T, 1 p. 26. ( 262 ) 1756. poussé beaucoup plus loin sa carrière si les talents, la probité et le vœu des gens de bien étaient des moyens de la prolonger. ! Eloge de M. de Sacy ; par M. Dusoutray. « Messire Jacques-Raoul dé T'rmois, Chevalier , seigneur de Sacy, conseiller au parlement de Nor- cnrandie ; de l'Aradémie des sciences , etc., de -Rouen ; naquit en cette ville le 15 février 1686. I perdit dès’ l'âge le plus tendre une mère res- -peêiable: et M. de Sacy, son père , s'étant remarié, l'éducation de ce jeure enfant fut entièrement né- - rgligée. M.de Sacy, celui que nous regrettons, avait reçu de la nature un esprit juste et un cœur droit. Il eut le bonheur de sentir de bonne heure que le fonds le plus riche demeure stérile quand il n’est pas cuhivé, et s’'appliqua à réparer , par le travail et par l'étude , le peu de soin qu'on avait pris de .ses premières années. Le succès couronna ses efforts. À mesure qu’il éclairait et qu’il 6rait son esprit, la vertu ui paraissait plus aimable , et il sentait nedoubler son zèle pour tout ce qui peut contribuer ad: bonheur de la société, .»eGei fut avec ces dispositions généreuses qu'il entra dans la magistrature. Il ne s'était pas dissimulé - l'étendue de ses devoirs , les piéges nombreux tendus à la bonne foi , les erreurs presqtie inséparables de l'imperfection de nos connaissähées: Il sé prémunit autant qu'il lui fut possible pour s’en garantir , et sut réparer, aux depens de sa propre fortune, ün jugement erroné auquel il avait pris part. On conçoit qu'avec une sévérité dé principes pareille, M, de ( 265 ) Sacy fut inaccessible à tous les motifs humains, et que nul poids étranger ne fit jamais incliner dans ses mains la balance de la justice. » Tout ce qui pouvait contribuer À éclairer les hommes et adoucir les mœurs eut des droits assurés sur son zèle. Tels furent les principes qui firent désirer à M. de Sacy d'être reçu dans l'Académie , et'il fut un de ses membres qui con- tribuërent le plus à lui procurer une considération nécessaire à tout établissement nouveau. Il ne con- fondit point avec les sciences et les lettres les abus qui les déshonorent , et regarda toujours l’é- trange paradoxe qu'on à osé couronner de nos jours , comme le plus grand abus que l’on ait jamais fait de l'esprit et de l'éloquence. ” Assidu à nos assemblées, malgré le nombre et l'importance de ses occupations , vous l'avez vu, Messieurs, y écouter avec bienveillance, y parler avec sagesse , y louer ou y critiquer avec discer- nement, et faire goûter à tous sa vertu , sa politesse et la douceur de ses mœurs; et c’est ici le der- nier point de vue sous lequel je vais présenter le respectable confrère que nous regrettons. Quelque éminentes que soient les qualités de l'homme public, cest toujours par ses vertus privées qu’il faut appré- cier son véritable mérite ; c'est dans l'intérieur de ses foyers qu'on peut juger et ses vertus et ses faiblesses. M. de Sacy n'eut point à redouter une pareille épreuve : il gagnaït à être connu, et son extérieur modeste servait de voile aux qualités les plus éminentes. » Il épousa , en 1727, mademoiselle de Motteville, d'une famille distinguée par les dignités et la piété ; digne compagne de ses vertus, digne témoin de R 4 1756. (264 ) 1756 cette humanité bienfaisante qui lui donnait pour les malheureux des entrailles de père ; de cette applica- tion invariable à tous ses devoirs, plus difficile peut- être à ja faiblesse et à l’inconstance humaine , que des singularités éclatautes, presque toujours désavouées par la raison. Philosophe chrétien, M. de Sacy reçut avec résignation les peines dont la vie du sage méme n’est pas toujours exempte. Il regarda la vie comme la route et non le lieu du bonheur...: Ce fut avec ces sentiments qu’il supporta uue lon- gue maladie , qu’il vit la mort s'approcher à pas lents , et termina sa carrière le 27 novembre 1755; dus sa soixante-dixième année. Eloge de M. Dubocage-de-Bléville; par M. Lecar. « Michel-Joseph Dubocage, Seigneur de Bléville, Blevillot, Gaïinneville, Bondeville , Linières , etc., naquit au Hayre , le 5 mai 1707. » La famille Dubocage est une des plus anciennes du Havre. Le bisaïeul de notre confrère y tenait un ranghonorable , et les services qw'il y rendit lui méritèrent des bienfaits du Roi. Son aïeul mater- nel , Georges Boissaye-Dubocage, ingénieur et pro- fesseur d’hydrographie, fut chargé, en 1666, par Colbert , de la confection d’un canal de navigation du Havre à Harfleur. Le père de M At fat employé sur les vaisseaux de Sa Majesté ; il servit avec honneur sous Jean Bart , Duquesne, Tourville, Dugay-Trouin , et mérica une épée dont le Roi récom- pensa ses seryices. Il fut chargé de faire des recon- naissances Importantes relatives à la géographie » © ( 265 ) revint, après neuf années de navigation , avec des 1756. observations extrémement importantes. » Après avoir fait à Roneu de bonnes humanités, notre confrère , jeune alors, fils unique d’un père recommandable par de grands ialents et une égale probité , fut envoyé à Paris faire sa rhétorique, après quoi il revint au Havre apprendre le grand art du commerce , sous la direction d'un père qui en connaissait tous les principes. Il y fit de rapides progrès; et, de concert avec ce guide éclairé , con- tribua , en 1725, à sauver la France des horreurs de la famine. Chargé de l'introduction des grains au Havre et de leur régie, M. Dubocage père éprouva des fatigues qui altérèrent sa santé et le conduisirent au tombeau, le 10 mai 1727. » M. Dubocage , resté à la tête de fort grandes affaires , pensa de bonne heure à se marier: il épousa, en 1729, Mile Guerreau, fille de M. Guerreau , com- missaire ordonnateur , faisant les fonctions d'inten- dant de la marine , au Havre ; mariage parfaitement assorti par l'âge, les inclinations et les mœurs. » M. Dubocage, marchant sur les traces de son père, fit un commerce immense , et dont plus de trois cents vaisseaux expédiés dans le dernier semestre de 1749 et le prem'er de 1750 , peuvent donner la mesure. Ce commerce fut extrémement heureux, parce que le directeur fut habile : Ja prudence et l'activité sont des moyens presque assures d'enchainer la fortune. Il eut en 1740 et 1752 des expéditions pour l'entrée des grains étran- gers, presque aussi pressantes que celles de 1725, et qu: eurent un égal succès. » Pendant la guerre de 1741, le premier vais- sçau armé en course que la France ait vu sortir ( 266 ) 1756: dé ses ports , appartenait à M. Duüubocage. 11 eut l'activité de le mettre en mer trois jours après la déclaration de la guerre à l'Angleterre, La Cour, pleine de confiance dans ses talents et sa probité, äjouta à son armement trois de ses plus belles frégates. » Entourée d'eau de tous côtés , la ville du Havre éprouvait le supplice de Tantale, et manquait dans sou intérieur de bonnes eaux potables. M. Dubocage fut nommé échevin ; son zèle sarmontä toutes les difficultés: un aquéduc de plus d’une lieue fut cons- iruit, ét des eaux salubres coulèrent dans tous les quartiers. Sous son administration , des rues furent pavées , la police inconnue jusqu'alors fut établie, et, avec la propreté, fit régner la salubrité. C'est à lui que l'on doit une grande partie des or- nements de la belle entrée du Havre, et l’établisse- ment du chantier de bois à brûler. Les hôpitaux ne se sont pas moins ressentis de son activité et de sa raré intelligence : leurs revenus furent améliorés ; le travail, introduit dans l'hôpital des valides , diminua les charges en mulupliant lés ressources, etle Havre fut débarrassé du fléau de la mendicité , fardeau de l'État toujours incommode et souvent dangereux. » Tant d’occupations n'empéchaient point M. Dubocage de suivre son penchant pour les lettres : son père avait associé la guerre au commerce , le fils y joignit l'étude des sciences et des beaux arts. L'histoire naturelle fat le délassement de ses travaux, et lés ressources d'un commerce presque universel Jui proétrèrent à cet égard des facilités bien pré- cieuses ; il se forma un cabinet digne de la curiosité des étrangérs. Admis en 1740 dans notre Société académique , il ne trompa point nos espérances ; plusieurs de ses Mémoires ont occupé avec intérêt ( 267) nos séances. Je citerai les principaux, en 6bser- 1756. vant l'ordre chronologique : 1746. Sur le déplacement dés coquilles fossiles. — Pétrifications trouvées près du Havre. 1747. Expériences électriques et magnétiques. Mémoire sur la fontaine pétrifante du château d’Orcher. 17951. Mémoire sur les coralloides. 1753. Sur le port, la navigation et le commerce du Havre. 1754. Sur un vers trouvé vivant dans un bloc de marbre. 1756. Sur deux enfants d’une taille gigantesque, » M. Dubocage a publié ces divers ouvrages, et obtenu de Sa Majesté la permission de les Jui dédier. En 1755, M. Dubocage recut des lettres de no- blesse: c'était la digne récompense de ses travaux utiles et de services essentiels rendus à l'Etat. » Des chagrins domestiques , la perte d’enfants aimables , et sur-tout d'un fils de vingt-deux ans, de la plus grande espérance, plus encore que ses nombreux travaux , et que les ressources d’une religion éclairée ne purent affaiblir, portèrent une atteinte funeste à sa santé délicate. Ses dernières années , traversées par des maladies répétées, ne farent dans ses plus beaux jours qu'une longue convalescence. Il succomba enfin le 16 juin 1756, à peine Agé de 49 àns , universellement regretté de ses amis, d'une épousé digne de lui et de quatre enfants , dont un fils âgé de neuf aus. » Les gémissements des pauvres ont découvert ce que sa piété délicate avait caché à tout le monde des charités abondantes qu’il vérsait dans leur sein. 1750, on SJ ( 268 ) » Epoux toujours amant , toujours heureux, père tendre et tendrément aimé , ami sincère et libéral, que de titres à nos regrets! Mais il vivra toujours parmi nous, Messieurs, par le souvenir de ses vertus et la reconnaissance de ses bienfaits. Eloge de M. de Fontenelle ; par M. Lecar. « L'éloge de Fontenelle , prononcé dans les prin- cipales Académies de l’Europe , a fait connaître dans les plus grands détails cet homme justement célèbre. Ses ouvrages sont dans les mains de tous les hommes de goût ; c’est un motif de retrancher de la notice que nous présentons tout ce que per- sonne n’ignore, pour nous arrêter uniquement aux points qui sont moins connus. » Bernard Lebovier de Fontenelle naquit à Rouen le 11 février 1657, (*) de François |, avocat au parlement de Normandie , et de Marthe Corneille , sœur de Pierre et de Thomas. Il eut pour aïeux Pierre Corneilleet Marthe Lepesant de Bois-Guilbert , cette dernière ; d’une famille distinguée dans la ma- (*) La maison de M, de Fontenelle, rue des Bons-Enfants, quartier des Feuillants, est la cinquième porte à l’ouest de ce monastère; on y entre par une longue allée, et dans la cour est un puits décoré d’une charpente gothique assez belle, C’est principalement à cet indice donné par M. de Fonte- nelle, que jai reconnu cette maison. C’est aujourd’hui (1757) une suinguette, dont l'enseigne est le Paradis terrestre, ( {Vote de MW, Lecat.) (269 ) gistrature , et qui fait encore honorer par sesvertusun * 797 uomauquel se rattachent des souvenirs respectables. » Nous nous conformerons aux inteutions de M. de Fontenelle , en nous abstenant de parer son nom d'une noblesse de plusieurs siècles, » Il fit ses études au collége des jésuites de Rouen , avec un succès brillant. Il en fut quitte dans sa quatorzième année , et échappa à des maitres attentifs à se procurer des sujets propres à sou- tenir la célébrité de leur société. » À l'âge de treize aus , étaut encore en rhéto- rique , il concourut au prix de poésie latine, des Palinods , et meérita la couronne. » Pour complaire à ses parents , il se liwra à l'étude du droit, plaida une cause et la perdit. Il n'en fallut pas davantage pour le faire renoncer à un état qu’il avait pris sans goûl, et l'étude des sciences et des belles-lettres occupa désormais ses loisirs. » Thomas Corneille, son oncle et son parrain, le conduisit à Paris à l’âge de dix - neuf ans, et le logea chez lui. Il recueillit bientôt le fruit de sa réputation naissante , et l’accrut par son com- merce avec l'élite des savants et des beaux esprits de la capitale. Ses deux oncles y tenaient le pre- mier rang. » De retour à Rouen, son oncle Thomas lui en- voya le prologue et le plan de Bellerophon, que le jeune de Fontenelle composa. Ce premier essai le disposa à donner la même année l'opera de Psyché, dans lequel il imita si bien la manière de Quinault, que M. de la Mothe, si connaisseur en ce genre de poésie , V’attribua à ce dernier. Thetis et Pelce eut un pareil succès. C’en eût été assez pour la gloire de beaucoup d’autres , mais sa noble am- ( 270 ) 1957. bition ne.connaissait d'autres bornes que celles de 1683. 1684. l'empire des sciences et des beaux arts. » Il publia à vingt-six ans les Dialogues des morts, et peu de temps après leur critique apologétique , sous le titre de Jugement de Pluton. La Pluralité des mondes parut en 1686, » En 1689, Pierre Corneille termina une carrière glorieuse. M. de Foutenelle écrivit sou éloge. Il publia en 1685, la Question arithmétique sur Le nombre 9 ; en 1687, l'Histoire des oraëles et son Discours sur la patience , pièce de eoucours pour le prix de l'Académie française; en 1688 , ses Poésies pastorales ; en 1695 , Parallèle de Corneille et de Racine ; en 1696 , la Préface de l'analyse des infi- niment petits ; en 1727 ,les Eléments de la géométrie de l'infini; en 1752, il donna une édüion nouvelle du Dictionnaire des sciences et des arts, de Thomas Corneille ; en 1753, l'Eloge de M la Marquise de Lambert ; en 1752, la Théorie des tourbillons. Nous passons sous silence une infinité de poésies légères et autres produoions littéraires moius importantes pour considérer M; de Fontenelle académicien , et nous occuper de ses trayaux académiques. En 1691 , il fut reçu à l’Académie française, aggréga- tion qu’il sollicitait pour la quatrième fois. Le parti qu'il avait pris dans la querelle pour les anciens et les modernes lui avait, dit-on, suscité des ad- versaires puissants dans cette Compagnie. Depuis cette époque jusqu’en 1722 , M. de Fontenelle n'avait eu aucune occasion de parler dans l'Académie. Cette année il reçut le cardinal Dubois, et complimenta le Roi sur son sacre, en 1925. Il recut à l'Académie, M. Néricault-Destouches ; M. Mirabaud , en 1726; M. Bussi-Rabutin, évêque de Luçon, en 1732; enfin, M. de Vaurçal, évêque de Rennes, en 1749. (271) Directeur en 1727 , il devait recevoir encore M. de 17°7- Montesquieu : des circonstances particulières éloi- gnèrent la réception du nouvel Académicien ; et, lorsqu'il fut reçu en 1728, M. de Fontenelle n’était plus à la tête de l'Académie. » L'Académie des sciences , établie par ordre du Roi, sous le ministère de Colbert , en 1666, m'avait cependant été autorisée par aucun acte émané de l'autorité royale ; M. l'abbé Bignon , qui a rempli si dignement et si long-temps la place de président de cette illustre Compagnie , forma le projet de la constituer d’une manière plus authen- tique, et commença par l’enrichir des savants les plus renommés. M. l'abbé Duhamel qui , pour l’uni- versalité de ses connaissances , avait été nomme secré- taire de l’Académie , aprèstrente années d'exercice, demanda un successeur , en 16973; M. Bignon jeta les yeux sur M. de Fontenelle , l'émule , le com- patriote et l'ami de M. Varignon, M, de Fontenelle avait alors quarante ans. » Quelque laborieux que fût M. du Hamel, ses propres travaux l'avaient toujours dérobé à ceux de l’Académie. Débarrassé des détails hebdomadaires des séances , il entreprit de remplir un vide de trente années par un seul volume où les matières étaient nécessairement traitées d’une manière fort succincte. Cette histoire d’ailleurs était écrite en latin. » Les sciences , dit M. de Fontenelle, ne se servaient » ordinairement , comme dans l’ancienne Egypte, » que d’une certaine langue sacrée entendue des » seuls prétres et de quelques initiés. » Le nouveau secrétaire voulut qu’elles parlassent la langue com- mune. C'était un autre moyen d'étendre l'empire des sciences aussi bien que celui de la langue fran- çaise, Cette considération n'avait pas échappé à (2727 1757. M. Bignon , et le plus éclatant succès a vérifié la justesse de ses vues. » De ce moment le berger de Délos (*) quitta la lÿre et la musette, et travailla sans relâche, non- seulement à donner la collection des années cou- rantes, mais encore celle de toutes les productions de cette Compagnie depuis sa naissance. » Le premier volume qu'il fit paraître fut celui de l'Histoire et des Mémoires de 1699, année du renouvellement. La préface de cet ouvrage est un chef-dœuvre qui fut applaudi par toute l’Europe. Les trente-deux années précédentes ne parurent que long-temps après la mort de M. Duhamel, arrivée en 1706. Les ménagements dus à cet illustre prédécesseur eurent autant de part à ce long délai, que la difficulté de donner à des matériaux si nom- breux et si riches une forme (**}) qui méritt l'estime et le respect des connaisseurs. Tout le public instruit applaudit à la forme et à la richesse de l'exécution. On regarda comme un phénomène, que lHistoire des travaux les plus abstraits fût presque aussi facile à saisir que celle des mœurs et des caractères, et tout le monde s'empressa de lire des Mémoires qui non-seulement inspiraient (*) M. de Fontenelle était de l’Académie des Arcades de Rome, et cette Académie lui avait délégué l’ile de Délos pour la päture de ses troupeaux, | (*#) Tout le monde sait que chaque volume se partage en His- toire eten Mémoires, Cette Histoire consiste dans les extraits des Mémoires et les éloges des Académiciens décédés pendant le cours de chaque année. On trouve dans ces extraits un ordre et une clarté qui manquaient quelquefois aux Mémoires, et des vues nouvelles et profondes ajoutées à célles des auteurs, l'amour G23751) l'amour des talents et des vertus comme tous-les 1757» panégyriques, mais encore qui enrichissaient l’es- prit des connaissances les plus relevées , et où les épines se changeaient en fleurs. » Cet ouvrage, l'admiration du monde littéraire, embrasse soixante-quatorze années des travaux de l'Académie, dont cinquante-cinq ans sont de La mêmé Main, et ont été exécutés en quarante-quatre ans; en sorte que l’on peut dire de ce grand homme, qu’il avait été le dépositaire et l'interprète de presque toutes les découvertes et du savoir du siècle de Louis XIV. » Quelle que soit limmensité de ce travail, le la- borieux secrétaire ne s'était pas borné aux devoirs de sa place, il avait voulu contribuer à la collec- tion par ses ouvrages, et n’être pas accusé de n’a- voir fait qu'arranger les ouvrages des autres. L’as- tronomie , la géométrie, etc. , furent les domaines savants sur lesquels il se permit des excursions. » Après avoir enrichi le public de ses produc- tions en tout genre, pendant soixante-dix ans , dont quarante-quatre furent sacrifiés à l'Académie des sciences ; M. de Fontenelle crut avoir acquis le droit de se reposer. Mais ce repos ne fut que le changement d’un travail pénible en un travail plus facile : il prépara l'édition de ses œuvres qui parut en 1742. » L'Académie française ne le vit pas plutôt dé- barrassé du secrétariat des sciences, qu’elle le ré- clama de nouveau en le nommant son directeur. Il était à la cinquante-unième année de son aggré- gation : il avait vu renouveler toute cette Compagnie, et il n’y avait alors aucun de ses membres à la réception duquel il n'edt concouru. Il ouvrit la séance publique du 25 août 1741 par un discours Tome II, 1751 à 1760. (274) x757+ où la circonstance de sa réélection , l'élôge de l'Aca= Voir Précis aualyt. te page De démie et ses rapports avec celle des sciences , sont mauiés avec un art qui ne le cède en rien à celui qu'on admire dans les productions de ses plus beaux jours. Sorti de son directorat, il s'abandonna plus volontiers à de doux loisirs et aux agréments d'une société choisie dont il faisait les délices. » Il jouissait de cette aimable liberté si conforme à Ses goûts, lorsque nous eûmes Île bonheur de nous l'associer, ou plutôt de revendiquer sur les Académies de Paris une partie du patrimoine qu'elles nous avaient enlevé. Nous n’étions encore qu'une société formée par l'émulation, et nous nous crû- mes une Académie lorsqu'il nous fut permis de nous parer de son nom en l'inscrivant sur notre liste. En effet , il ne contribua pas peu à réaliser nos espérances , et il ne fut pas insensible à notre établissement : Le titre de votre Associé, nous écrivait-il, après lequel je n’en prévois ni n’en désire , semble me dire, d’une manière très-flatteuse , que mes compatriotes eux-mêmes , ceux dont je dois étre Le mieux connu , ratifient ce que d’autres avaient fait en ma faveur ; je m'imagine aussi qu'après des oyages en pays étranger, je viens terminer dans ma patrie une carrière toute académique. Devenu notre père par cette aggrégation et par l'amour si naturel de la patrie, ïl nous en a conservé toule sa vie la tendresse et l'intérêt. » Ce ne futque danssa quatre-vingt-huitième année que sa mémoire et son ouie perdirent de leur pre- mière vigueur. À quatre-vingt-quatorze ans il lisait encore, méme à la lueur d’une bougie, dansles plus petits caractères : mais cette faculté tomba tout-à- coup ; et, lors même que ses sens s’affaiblirent , il »'en coûta à ses amis que d'y suppléer pour trek (275) dé son génie les mêmes ressources : il fut Fontenelle 1767 jusqu’à la fin de sa vie. Nulle maladie ne précéda sa mort. Neuf jours avant il sentit une diminution totale de ses forces, et prévint son extinction par les devoirs de l'honnête homme ét du, chrétien. Elle fut totale le 9 janvier 1757, à cinq heures après imid', Il avait vécu cent ans moins trente - deux jours. » M, de Fontenelle ; né avec peu de passions et l’esprit le plus vaste, dut à cette heureuse com- binaison le degré de considération et de bonheur dont il n’« cessé de jouir, Il avait toute la sensibilité nécessaire pour goûter les plaisirs de Pamitié; mais hon pas assez pour ressentir les malheurs qui s’y mélent si fréquemment. Il dut aux sociétés les plus choisies comme les plus aimables ; cette politesse ; cette urbanité , ces grâces de style qui brillent dans ses ouvrages les plus abstraits. Il rend lui-même un hommage éclatant à ces aimables modèles de goût et de sensibilité, lorsqu'il dit : « Les personnes » de ce rang, lorsqu'elles sont nées avec de l’es- » prit, ont une langue particulière ; des expressions, » des tours que les savants seraient trop heureux » de pouvoir étudier chez elles. Pour les recher- » ches laborieuses, pour la solidité des raisonne- » ments , pour la force ,; pour la profondeur , il » ne faut que des hommes ; pour une élégance naive, » une simplicité fine et piquante, pour le sentiment » délicat des convenances , pour une certaine fleuc » d'esprit , il faut des hommes polis par le com- » merce des femmes. » » Sorti de Rouen avec ses seuls talents , il leur dut toute sa fortune qui montait à 21,000 livres de rente et 80,000 livres en argent, Il en fit quatre parts dans son testament ;, et mit au nonis S 2 (276) k757. bre de ses parents une amie respectable qui lui avait montré de l'attachement pendant les trente dernières années de sa vie. Eloge de M. A. S. Slodtz ; par M. Dusourray- « Antoine-Sébastien Slodtz, sculpteur dessinateur du Roi, associé régnicole de l'Académie royale des sciences , belles-lettres et arts de Rouen, naquit à Paris le 1° décembre 1695. 11 était fils aîné et élève de Sébastien Slodtz, habile sculpteur de la ville d'Anvers, et l’un des hommes célèbres du siècle de Louis XIV. Ce Grand Roi , dont les bienfaits allaient par-tout au-devant des talents , avait appelé à Paris le père de notre artiste , et lui avait con- fié plusieurs ouvrages importants. » L'exemple du père décida l'inclination du fils. Aux études ordinaires, ce jeune artiste fit succéder la lecture des meilleurs auteurs anciens et modernes. C'est à cette source qu’il puüisait la noblesse des pensées , la délicatesse du goût , la richesse de imagination, et cette philosophie douce qui lui a procuré une vie heureuse. » Il s’appliqua d’abord au dessin, la base de tous les arts , dont le but est de représenter les objets visibles , et il y fit les plus rapides progrès. 11 étudia l'architecture avec le même soin, et joi- gnit à ces études importantes celle des mathéma- tiques, la clef de toutes les sciences et de tous les arts. Cette ardeur à se procurer des connaissances necessoires , ne laisse aucune incertitude sur le soin avec lequel il se livra à l'étude principale qu’il gvait choisie. Ses premiers essais furent des entre- prises que leur importance fait réserver aux pre- C277) miers talents. Plusieurs figures en marbre et orne- ;7%7s ments d'architecture qu’il fit pour divers palais, la décoration de plusieurs églises de Paris, exécutée sur ses dessins, lui acquirent en peu de temps une réputation aussi juste que distinguée, Elle ne tarda pas à se répandre parmi les étrangers : le Roi de Portugal , informé de ses talents, lui com- manda® plusieurs grouppes de bronze pour des églises , et une boîte de pendule de douze pieds de hauteur, dont le sujet était le mariage du Prince du Brésil et de l’Infante d’Espagne. » Cette princesse y est représentée assise sur un trône magnifiquement paré de tapis et autres orne- ments traités avec une légèreté singulière. Sur le haut du couronnement on voit la Renommée qui annonce à l'univers cette union brillante ; près d’elle sont des génies qui ornent le trône de guirlandes, et le trône lui-même est soutenu par des Brasiliens. Des médaillons , placés sur des consoles , représen- tent les quatre parties du monde qui s'intéressent à cet événement. Au milieu est un grand cartouche en émail avec une inscription relative au sujet. La pendule est portée sur un grand socle de marbre d'Italie ; les ornements sont dorés d’or moulu, et Je fond est de Japis. Ce morceau, aussi ingénieux que brillant, fit l'admiration de Paris et de Lisbonne, et mérila à son auteur les plus grands éloges. » Lorsque les plus célèbres artistes se disputaient Phonneur d'élever un Hôtel-de-Ville digne de la capitale, M. Slodtz s’attira une distinction d'autant plus flatteuse qu’il avait un grand nombre de concurrents distingués dont les idées parurent s'éclipser devant la grandeur et la magnificence des siennes. Ce projet est demeuré sans exécution ; mais le modèle de, ca wonumeut , déposé au Louvre, y altira une foula S 5 | (278) 5757. de curieux : Fontenelle y conduisit plusieurs fois l'Académie française. Le Roi fit transporter le modèle à Compiègne et honora notre artiste des éloges les plus flatteurs. Il y joignit le titre de Dessinateur de son cabinet , place que M. Slodiz a occupée jusqu’à sa mort, Les dessins des fêtes, qu'il a donnés en grand nombre , ont tous été extrêmement goûtés. On est toujours surpris que ce même homme qui dans ses ouvrages légers répandait tant de finesse, tant de grâces, sût donner à des ouvrages plus importants tant de noblesse, de grandeur, et une si majestueuse simplicité. » Les ouvrages en grand nombre qui sont sortis de sa main fourniraient des matériaux beaucoup plus abondants pour son éloge, si son union intime avec M. Paul Slodtz , son frère , n'avait mis en commun tous leurs talents. Ils décoraient tous les ouvrages qui sortaient de leurs ateliers de cette modeste inscription : Les frères Slodrz. » M. Slodiz avait cultivé le commerce des Grands sans sy livrer cependant ; mais il en avait retiré cette politesse aisée , cet usage du grand monde qui ne s’'apprend qu’à celte école. Son abord froid écartait la foule; mais des amis choisis trouvaient en lui tout ce qui fait le charme de la société, un cœur sensible et une conversation que sa mémoire aussi ornée que fidelle rendait agréable et utile, Il savait encourager jusqu'à la médiocrité sans compromettre la délicatesse de son goût. Il mépri- sait les flatteurs au-dessus desquels il était trop élevé pour qu'ils pussent lui plaire. 11 m’honorait que la vertu et les talents qui, selon Jui, devaient se prêter un appui mutuel. Une telle vie était une solide préparation à la mort. L’innocence des mœurs donne seule le droit de l'envisager avec tranquillité. (279) Une maladie qui paraissait peu importante d'abord, devenue plus sérieuse , l’avertit de sa fin prochaine. 11 la vit approcher en philosophe chrétien, et mourut le 24 décembre 1754, âgé de cinquante-neuf ans. Il fut inhumé dans la paroisse de Saint-Germain- l'Auxerrois , et ses obsèques honorées de la pré- sence et des larmes des plus grands hommes de toutes les Académies. » Sa Majesté donna des regrets à sa mort , et accorda la place de dessinateur de son cabinet et la pension y attachée , à M. Paul Slodtz , son frère, associé comme lui à cette Académie, et professeur de celle de peinture et sculpture. Eloge de M. Gunz , premier Médecin du Foi de Pologne et Electeur de Saxe; Professeur d’ Ana- tomie et de Chirurgie à Leipsick, Président du collége de Médecine et Chirurgie de Dresde , des Académies de Paris, Stockholm et Rouen; par M. Lecar. « Juste-Godefroi Gunz est né à Koenigstein, en Misnie, l'an 1714. Ses parents n'épargnèrent rien pour son éducation, et la distinction avec laquelle il fit des études rapides annonça la célébrité qu’il s'est acquise. Les langues grecque , latine, française, anglaise lui étaient familières , et lui devinrent une ressource précieuse pour lire dans les originaux eux-mêmes les écrits des anciens et des modernes, et pour tirer de ses divers voyages le fruit que sans ce passe-port nécessaire on se flatterait vaine- ment d'en obtenir, » Il vint à Paris, et regarda cette grande ville du 5 4 17958+ ( 280 ) : 1758, côté que le plus grand-nombre des voyageurs mé- connaissent , celui de l’utilité et de la solidité. Il 6 y convainquit que la chirurgie n'est portée nulle part-à un aussi haut degré de perfection; il s’ap- pliqua particulièrement à cette étude , et entrelint depuis, avec les maîtres habiles qui sy distinguent , une correspondance très-active. » De retour dans sa patrie (il avait à peine vingt- quatre ans) il fut admis au nombre des profes- seurs de l'Université de Leipsick. Les exercices de son école eussent absorbé tous les instants de beau- coup d’autres que lui : il-trouva encore le loisir d'écrire. Le premier volume qu’il publia roule sur la taille; et je ne fus pas peu surpris de voir que dans la discussion des diverses méthodes , un savant du fond de l’Allemagne accordait à celle que je suis une prééminence que mes compatriotes , témoins de ses succès , refusaient de lui accorder. Ce fut le principe d’une correspondance que la conformité de nos goûts transforma bientôt en une amitié sin- cère. Les travaux de M. Gunz lui méritèrent bien- tôt des lettres de correspondant de l'Académie des sciences de Paris, et successivement des lettres d'associé. Il publia successivement des commen- taires sur quelques livres d’'Hippocrate. Il donna uue édition nouvelle des éléments de chirurgie de Platner, avec des notes. Platner avait été son maitre. Les sinus et les veines de la dure-mèére , les dis- tribations de l'artère maxillaire , celles de la veine- porte , larticulation de la mâchoire inférieure , le traitement des diverses hernies, enfin , plusieurs maladies de l'œil, furent objet de sesrecherches et de plusieurs brochures importantes dont il enrichit le monde savant, et il avait alors trente ans au plus. Ces ouvrages, dont il a déposé des exemplaires ( 28r ) dans notre bibliothèque , nous firent apprécier ses talents, et il fut aggrégé à notre Académie en 1746, . Il était alors âgé de trente-deux ans. » Tendre ami, comme l'était M. Gunz , il ne pouvait pas être insensible à des engagements plus tendres encore : il épousa cette même année une demoiselle que nous ne connaissons que sous le nom de Gräce Gunzine. Les lettres allemandes et Jatines qu'elie nous a écrites prouvent qu'elle était bien digne de ce nom. » La chaire de professeur ordinaire d'anatomie et de chirurgie étant devenue vaçante, M. Gunz y fut nommé, L'Académie de Stockholm , informée de ses succès, lui adressa des lettres d’aggrégation. Enfin sa réputation parvint jusqu’au trône : elle lui obtint seule à trente-six ans , auprès du roi de Pologne, électeur de Saxe , une place ordinairement dévo- lue à une tête blanchie par les années. Le Roi ajouta à cette faveur la place de président du collége de médecine et chirurgie établi à Dresde, quatre ans auparavant , avec la permission de conserver sa place de professeur , en se faisant remplacer par deux personnes ; et il n’en fallait pas moins pour remplacer M. Gunz. La fortune était venu le cher- cher dans son cabinet et au milieu de nombreux élèves, elle ne put lui faire perdre le goût de ses premiers travaux. Au milieu d'une cour brillante , il prépara une édition de Celse et d’Aëtius. Il ne Jaïssait échapper aucune sorte d'observation sur les maladies régnantes , et il en approfondissait la nature par l'examen anatomique. Dans un de ces recueils se trouvent les matériaux d'un traité des maladies des sinus maxillaires. » M. Gunz, au milieu d’une si belle carrière, à peine âgé de quarante ans , fut attaqué d'une fièvre n 7 58% ( 282 ) #758* maligne de la nature de celles qui ont aflligé cette province , et dont j'ai donné la description, Il fut en peu de jours la victime de ce terrible fléau , et mourut le 22 juin 1759, ne laissant de tant de travaux, à son épouse et à trois enfants , qu'une bibliothèque nombreuse et choisie , une superbe collection d'instruments de chirurgie , un grand nom et son exemple à suivre. Eloge de 21. Leboulanger , Associé de l’Académie ; par M. Dupourray. « Philippe Leboulanger, Associé de l'Académie royale dessciences, belles-lettres et arts de Rouen , se- crétaire du Roi, maître des requêtes de la Reine, premier secrétaire et premier commis de M. le comte de Saint-Florentin, naquit au commencement de ce siècle, au château de Mainnemare , près de la Ferté- en-Bray. M. Leboulañger , son père , était avocat et procureur fiscal de M. le marquis de Sommery ; son fils passa ses premières années à la campagne au milieu des travaux agricoles. Ce fut à cette école du travail, de la tempérance et de la sim- plicité des mœurs , que son âme acquit cette con- sistance ferme qu’elle conserva depuis. Il annonça dès ses premières années un esprit vif et pénétrant, ce qui détermina un de ses parents , professeur en droit dans l'Université de Paris, à l’attirer auprès de lui et à se charger de son éducation. Aux études ordinaires qu’il lui fit faire avec soin, il fit suc- céder un cours de droit. » Au sortir de ses études il fut placé chez ur notaire, où il se fit estimer par la justesse de son (283) jugement, son assiduité au travail, par la délicatesse 1758, des sentiments et sa bonne conduite. » M. Le Sachet, son oncle, premier secrétaire de M, de la Vrillère , alors secrétaire d'Etat, charmé des bons témoignages qu’on lui rendait de son neveu, le prit avec lui, pour le seconder dans son travail. Le jeune Boulanger répondit si bien à ses vues, et se fit connaître si avantageusement de M. de la Vrillère, qu’à la mort de M. Sachet , ce ministre jui donna sa place, quoiqu'il n’eût encore que vingt- sept ans. » Après la mort de M. de la Vrillère, M. le comte de Saint-Florentin , son fils, lui ayant succédé dans Ja place de secrétaire d'Etat, non-seulement il con- serva à M. Leboulanger celle de secrétaire, mais il y ajouta encore celle de premier commis de l’un de ses bureaux. » On saitquel poids immense ces postes de confiance imposent à ceux qui les occupent: plus exposés à l’im- portunité des solliciteurs , aux séducetions de toutesles espèces, parce qu’on les suppose moins inaccessibles que le maître, pour ne donnér aucune prise aux efforts multipliés de l’intérét et de l'ambition , il faut que l'âme d’un premier commis soit entourée d'un triple airain. Ge n'est qu’en rendant son tra- vail pénible qu’il parvient à alléger celui du ministre. J1 faut que sa sévérité écarte les frelons de Cour si adroits à se mettre à la place des citoyens utiles ; que son jugement distingue le talent modeste et Jes droits que la justice réclame au milieu d'une foule d’intrigants toujours actifs à se produire. M. Leboulanger était l'homme qui convenait à sa place. Sa franchise austère faisait ua contraste frap- pant avec la souplesse des flatteurs, et elle écartait Ja foule avide pour ne laisser approcher que l'homme (284) #758. utile à l'Etat, Uniquement sensible au bien public et à la gloire du Roi , inséparable de celle du Ministre, il trouvait sa récompense dans la pureté de ses vues et la confiance de son protecteur. » Après le bonheur de jouir de l'estime du Monar- que et du Ministre, rien ne le touchait plus vive- ment que l'amitié et le commerce des gens de lettres. Né avec assez de goût pour la rechercher, ayant acquis assez de lumières pour la mériter , son zèle pour le bien public contribuait à la lui rendre plus chère. » Dès qu'un petit nombre d'amateurs eut formé le projet d’établir dans la capitale de la Neustrie une association pour cultiver les sciences, les lettres et les arts, il employa , pour la faire réussir, un crédit dont il était avare ; et l’Académie , établie par les lettres patentes les plus honorables , crut lui devoir une place d’associé. Il y parut extrêmement sen- sible , et ne laissa échapper aucune occasion de lui donner des preuves d’un sincère attachement. » Vers la fin de décembre 1757 , il fut attaqué de la maladie qui le conduisit au tombeau. Il vit approcher la mort avec les sentiments d’un chrétien et la fermeté d’un homme irréprochable. Après trente années passées dans les emplois , il n’avaië nullement augmenté sa fortune ; il ne laissa que le peu de biens qu’il avait recueillis de la succes- sion de M. Sachet, son oncle : exemple rare d’in- tégrité, digne des plus grands éloges. ( 285 ) Eloge de M. l’ablé Guérin , ancien Secrétaire de l’Académie ; par M. Lecar. « Pierre Guérin naquit au village de Fresnay-le- Puceux , près de Caen, le 19 juin 1692. Jean Guérin, son père, avait des connaissances dans l'exploitation des bois , elles lui fournirent des ressources sufli- santes pour élever huit enfants, dont quatre garçons; Pierre était l’ainé,. » Un ecclésiastique voisin se chargea de lui en- seigner les éléments de la langue latine. Les progrès rapides de l'élève payèrent le maitre de ses peines et encouragérent le père à faire violence à sa for- tune pour le soutenir dans une carrière si bien commencée. Il fut bientôt en état d’être envoyé dans l’Université de Caen , où de grands maitres et beaucoup d’émulation développèrent un naturel heureux. 11 servit lui-même à exciter l'ardeur de ses condisciples , par sa supériorité dans tous les genres qu’embrassent les écoles. Il fut comme en- chanté du spectacle imposant que lui offrit la phy- sique : il en doubla le cours et passa à l’étude de la théologie. » Il'est desélèves distingués qui, devenus émules de leurs maitres , enseignent l'après-midi ce qu’ils ont apprisle matin : le jeune Guérin fut de ce nombre. Il compta au nombre de ceux auxquels il faisait des répétitions, M. l’abbé de la Farre, peu-à-près évêque , duc et pair de Laon. Ce seigneur, de- venu docteur de théologie, procura les moyens d'obtenir le même titre à celui auquel il devait ses succès, M. Guérin soutint ses examens et ses actes 1759. ( 286 ) t759. publics d'une manière si brillante , que les profés- seurs de l'Université désirèrent de l'avoir pour collègue. M, de la Farre tenta de son côté de s’at- tacher son docteur. Il refusa l'un et l'autre de ces avantages. Né timide et modeste , il n’aspirait qu'à une aisance médiocre et au bonheur de se livrer en liberté à son goût pour l'étude. » M, l’évêque de Bayeux avait les yeux ouverts sur tous les gens de mérite de son diocèse : il fut charmé que M. Guérin restât à Caen, et lui confia la direction du monastère des Petités Bénédictines , congrégation singulièrement distinguée. M. Guérin jouissait dans la solitude de la liberté qu'il ché- rissait; mais cette félicité ne fut pas de longue durée. Le digne prélat qui l'avait placé mourut ; M. de Lorraine qui lui succéda avec des opinions différentes de celles de son prédécesseur , trouva de l'opposition chez les Petites Bénédictines : on Pattribua au direc- teur, qui vint chercher la paix dans le diocèse dé Rouen. » Les lettres avaient procuré à M. Guérin l’état dont il jouissait à Caen, elles furent de nouveau sa ressource. Il avait refusé une chaire de théologie , Ja nécessité lui fit accepter une place de répétiteur dans une pension. Il s’associa ensuite avec plusieurs ecclésiastiques distingués pour en élever une bien supérieure à la précédentes » M. Guérin ne tarda pas à être connu: il devint le directeur des Jacobines, de Saint-Joseph et de l'hôpital général , fonctions qui lui procurèrent une honnête aisance. Un des premiers magistrats dé cette ville, le parent des Corneille et l'héritier de leur amour pour les lettres, y contribua par une pension. » M. Guérin fut nommé à la cure de Montérolier près Rouen ; mais il préféra sa liberté et continua ( 287 ) de se livrer à son goût pour l'étude. Toutes les 17594 sciences avaient des charmes pour lui : la bota- nique fut le principe de sa liaison avec M. de la eltuie, Roche, qui possédait un jardin agréable et destiné :, ;, pages à cette étude , aa faubourg Bouvreuil. 1,6et7: » Dans le même temps l’école d'anatomie com- mençait à se montrer au grand jour après avoir été obligée de se cacher dans les souterrains , précaution que les préjugés du peuple rendaient nécessaires. » M. Guérin forma le projet d'unir plus particu- liérement des hommes qui cultivaient des sciences si voisines et si analogues par leur but : il y réussit, et la Société académique , née de cette harmonie, le nomma son secrétaire. Quand elle fut devenue assez nombreuse pour en avoir deux , il fut nommé le secrétaire des sciences, Voir Précis » Ce savant estimable avait beaucoup contribué à la formation de l’Académie , celle-ci eut le bon- heur de coopérer à son avancement, Ses confrères le firent connaitre à M. de Tavannes , qui le nomma successivement vice-promoteur de son oflicialité ; \en 1742, chanoine de la cathédrale en 1745, et promoteur en 1755. Ces nouveaux devoirs enga- gérent M. Guérin dans l'étude du droit canon, Il s'y livra avec une application soutenue , et mesu= rant son travail beaucoup plus sur son zèle que sur ses forces , sa santé s'en trouva altérée. Il devint d’une sensibilité si grande que la moindre intem- périe de l'air, un simple bruit inopiné le jetait dans une vive agitation. Il fut sujet à de fréquentes douleurs arthritiques et rhumatismales qui pro- duisirent un tremblement général dans ses mem bres. Il commença dès 1750 à venir moins assi« duement à nos assemblées , et n'y reparut plus depuis le 25 noyembre 1551. I1 demanda alors un d ( 258 } b759. successeur qui cependant ne lui fut accordé qué le 8 août 1752. On se doute bien qu’il eut une grande part à ce choix (*), et il avait pour la pre- mière fois consulté la voix de l'amitié bien plus que les intérêts de l'Académie, | » Ses jours ne furent plus désormais qu’un tissu douloureux de maladies et de convalescences im- parfaites; tous les secours furent inutiles, la fièvre s'ailuma et acheva de ruiner cette fréle machine. IL se fit administrer les sacrements le samedi, veille de Pèques, et le lundi , à deux heures du maün, cet homme de bien n'existait plus. » Ses talents ne furent que l’ornement de ses vertus sociales ; sa vie privée fut en tout digne de son état. Il eut des amis, et sut les mériter par une complaisance facile et une sensibilité qu’il paya souvent de son propre bonheur. Eloge de M. Leprince , Sculpteur ; par M. Lecar. «Claude Leprince naquit à Rouen, le 28 avril1678, de Jean Leprince, (**) sculpteur, etde Jeanne Duhamel. Cette famille compte à Rouen, cinq cents ans de - L2 (*) M. Lecat fut son successeur. Al était bien digne , par ses grands talents et son zèle, d’occuper une place que M. l’abbé Guérin avait rendue si difficile à remplir. (**) Il nous reste un morceau estimé de ce sculpteur : c’est V'image de la Vierge que l’on voit à la porte Saint-Hilaire , du côté de la Ville, L'’ainé des enfants de Jean s’est établi à Strasbourg , où il a mérité une pension de la Ville, bourgeoisie (289) bourgeoisie dans l'exercice des arts libéraux ? sil est des titres plus fastueux il en est peu de plus honorables. Claude , au sortir de ses études, se livra sans réserve à celle de la sculpture. Son père fut son premier instituteur , et ne l’envoya à Paris que lorsqu'il fut en état de profiter des lecons et de l'exemple des plus grands maîtres. Il y fit de rapides progrès , et fut un des artistes choisis en 1708 pour les travaux de la chapelle de Versailles. Ce grand ouvrage dura trois ans ; le Roi lui en marqua sa satisfaction par une pension que les mal- heurs de la guerre ont fait supprimer. » La mort de Jean rappela son fils à Rouen : son projet était seulement de terminer les entre- prises de son père pour retourner ensuite à Paris. Les circonstances en décidèrent autrement, et notre jeune artiste se trouva chargé d'un si grand nom- bre d'ouvrages qui se suecédaient sans interruption; qu’il se détermina enfin à se fixer dans sa ville natale ; mais il ne perdit pas de vue la capitale des beaux arts. Tous les ans il retournait à Paris revoir ses maîtres et re.remper en quelque manière son génie dans les ate- liers les plus fameux. Il y fit l'acquisition du cabinet d’un sculpteur habile qui contenait en terre cuite les études des plus grands maitres. 11 consacra à l'aug- mentation de cette collection toute l'aisance que lui procurèrent ses talents. » En 1525 , il épousa Mlle Madeleine Luce, fille PERL PETRRSTNT ST PT ERNET EPEN ETS) BON PUR A Un autre, engagé dans l’état ecclésiastique, s’est distingué dans la ptinture, Un sculpteur de la même famille fut employé par la Czarine à la décoration de ses magnifiques palais, Enfin , une fille de Jean s’est fait connaître en Angleterre par des ouvrages estimés, Tome IT, 1751 à 1760. L 17998 { 290 ) +739. d'un notaire de Rouen , dont il n’a pas eu d'enfants, et qui lui a survécu, » Laborieux autant qu'habile, et d’une probité sévère , M. Leprince mérita l'estime des personnes les plus considérables de cette ville, 11 suflira de citer lesnsoms de MM. deGasville, dela Bourdonnaye, de Cormoulins, de Valiquerville, pour donner une idée de la dignité et du mérite de ses pro- tecteurs. » Indépendamment de beaucoup d’embellisse- ments qu'il exécuta dans des maisons particulières, à la ville et à la campagne , on lui doit les belles sculptures du Palais , celles de l’une des grandes salles de la chambre des comptes , celles de la porte Guillaume - Lion et la belle chaire à précher de la paroisse Saint-Michel. Ses talents lui susci- tèrent des jaloux : il essuya un procès relativement à ce dernier ouvrage , et le gagna avec intérêts et dépens. » Les travaux de la chambre dés comptes furent Poccasion d’une autre affaire dans l'instance de la- quelle on avança que Messieurs de cette Cour étaient extrêmement mécontents de Jui. I] se con- tenta de demander etilobtint de M. de Valiquerville, un certificat qui exprimait clairement la satisfaction de sa Compagnie. M. de Valiquerville joignit à ce témoigrage dicté par la justice, l’obligeance de faire signer le même certificat par un grand nom- bre de Magistrats des plus ES Er Muni de cette pièce, M. Leprince écouta roidement les incul- pations dont on essayait de le charger ; et, pour toute réponse il la présenta au président, La lecture d’une apologie aussi authentique ferma la bouche aux euvieux ,; et M. Leprince gagna son procès avec dépens et dommages, C291) » L'Académie, fondée en 1744, cherchant à se fortifier par de nouvelles aggrégations , jeta les Yeux sur M. Leprince, et, le 7 mai 1748, l’inscri- vit au nombre de ses membres. , » M. Leprince travaillait beaucoup plus pour la gloire que pour l'intérêt ; c'était le motif de cette attention , je dirai presque minutieuse , avec la- quelle il finissait ses moindres ouvrages. Avec un désintéressement pareil sa fortune ne pouvait étre que médiocre ; pour y suppléer on lui conseilla de mettre son bien à fonds perdu : « Ce que j'ai acquis par mon travail , répondit-il, je suis le maitre d’en disposer ; mais le bien que j'ai reçu de mes pères, appartient à mes neveux. » ” En 1757, notre confrère fut attaqué d'apo- plexie , fatal avertissement qui lui laissa toutefois une trève de deux ans. Pendant cet intervalle ses attaques se renouvelèrent ; enfin une maladie de quinze jours le conduisit au tombeau , le 25 août 1758. 11 était âgé de quatre-vingt-un ans. » M. Leprince était né avec une grande droiture {tune grande franchise. Fort d’une conscience irré- prochable , il disait quelquefois des vérités austères qu’il assaisonnait communément du sel de l'épi- gramme. Oflicieux , obligeant, il eut des amis ; il les choisit avec discernement , et mit tous ses soins à les conserver. » Fin pu TOME sEconND. 1759e. TABLE DES MATIÈRES. A ES DE L'ITISTOIRE DE L'ACADÉMIF, page 3 Evénements remarquables qui la concernent , ibid. lVouvelles Lettres-Patentes obtenues par l’Académie , en 1756, 10 Tableau des Membres de l’Académie , en 1757, 20 Liste des Mémoires lus à l'Académie, de 1751 à 1760 inclusivement , L 22 Séances publiques de l'Académie , 39 Suite du Précis analytique, Pt ‘DÉPARTEMENT DES SCIENCES. \ \ SCIENCES MÉDICALES. temarques Sur la fistule lacrymale; parM.Lecat, 5x — Sur une fracture de la mâchoire, par le même, 55 — Sur les humeurs froides , par le même, 57 Observations d’un calcul urinaire , dont le noyau était un haricot ; par M. Pouteau , 60 Tumeur monstrueuse d’un ovaire formant une hydro- pisie glaireuse enkistée ; par M, Lecat , Gt Observation anatomique; canal déférent de l’utérus ; par le même, 64 Relation de deux grossesses extraordinaires ; par le :méèine , 65 (294) Observationes aliquot circà opinionem , de partium potestate vegelativa, et couversione in animalcula ; 5 auctore Beyer , 6 9 Lettre sur la maladie de M, de C***; par M. Lecat, 72 Corps trouvé dans le blanc d’un œuf frais, par M. Ribard , 74 Observations d’un délire fébrile d’abord , et permanent après la guérison de la fièvre ; par M. Lecat, 75 Surun ahilére d'une espèce singulière ; parle mème, 76 Sur les fièvres malignes qui réznèrent à Rouen à la ffn de 1755 et au commencement de 1554; par lemmême , 77 Animaux vivants trouvés dans des blocs de pierre ; par le même, | 8t Second Mémoire Sur les fièvres malignes ; par le même , 85 Polydædala Natura, 87 Sur la suffocation occasionnée par la vapeur. du charbon; par M. l'abbé Jacquin, 88 Maladies des années 1755 et 1756; par M. Lecat, 89 Enfant d’une taille et d’une grosseur extraordinaires ; par MM. d’Arcourt et Lecat , 90 De l'opération de la Hernie inguinale et crurale ; par M. Leblanc, gt Dissertation sur les maladies de l’ile Sainte-Marie ; par M. T*** 92 Maladie singulière , 94 Lettre sur le tissu cellulaire; par M. Lecat, 96 Femme morte pour avoir été accueillie par un grand nombre de sangsues ; par le même, 99 Examen critique d'une dissertation de M. Hallers sur les parties sensibles et irritables des animaux ; par M. Vannier, 10£. Lettre de M. Lecat sur les avantages de la réunion du titre de Docteur en médecine à celui de Maitre en. chirurgie , 102 C 295 ) Observations météorologiques , faites en 1507 ct 1558, M. Lecat, 102 Mémoire sur les Iermaphrodites ; par leméême, 103 De la communication entre les vaisseaux sanguins du fœtus et ceux de sa mère; par le même, 107 Observation médico - chirurgicale ; par M. Lama- zuède, j 108 SCIENCES PHYSIQUES. Dissertation sur la couleur des nègres ; par M. Pin- gré, 110 Képonse à une lettre de M. Dieres - Dumanoir , sur la couleur des nègres; par M. Lecat, 111 Sur les incendies spontanés de l'économie animale ; par le même, 112 Description de la tortue le luth ; par M. Descroïilles, 118 Description d’un mät pour les lunettes de trente pieds et plus, | 120 Conjectures sur l’usage de la marmite de Papin ; par M. Vrégeon, 121 Tremblement de terre du premier novembre 1755, 122 emarque sur la lumière et le feu réfléchis par des mirOLrS , 123 Observation de sauterelles rendues par les voies in- Jérieures ; par M. Plainpel. 124 Curiosités naturelles des carrières d'Albert et de Vaux ; par M. l'abbé Jacquin, 126 Mémoires de physique ; par l'abbé Vrégeon, 128 Sur les tourbes de la province de Picardie ; par le P. Daire, 150 Nouveau sel polychreste ; par M. Descroizilles, 158 Cabestan perfectionné ; par M. Hoden, ibid Effets de la gelée sur la colle de farine ; par M. Lecat, 159 C 296 ) Divers Mémoires de M. Lecat; 14t Réponse à M. Jamard , 142 Réflexion physiologique sur la nature de l’âme; par M. Lecat, 149 ASTRONOMIE. Analyse de plusieurs Mémoires de feu A1. Pingré ; relatifs à l'astronomie et à la physique, 144 SCIENCES MATHÉMATIQUES: Mémoire sur l’arithmétique , par M. Lemonnier, 159 Notice sur l'architecture , par M. Leprince, 160 Extraits des institutions astronomiques , ibid Mémoire sur l’arithmétique duo-décimale , 161 — Sur la balance vs poinéres ; par M. de Piles, 162 — Sur l’éclipse de lune du À février 1757; par M. de Vauzenville , 164 ARCHITECTURE MILITAIRE: D Des revêtements de maçonnerie en décharge ; par M. Duvivier, 164 DÉPARTEMENT DES LETTRES. BELLES-LETTRES. Observations sur la Cité de Limes , ou camp de César ; par M. Lecat, 166 Réflexion sur ce qui pourrait contribuer à la perfec- tion des Edifices publics , 169 Mémoire sur la vie de Léonard Aretin ; par M. l'abbé Gouget, 172 | € 297 ) Mémoire sur lanécessité de travailler à l'Histoire de iè province de Normandie ; par M. Duboullay, 180 Dissertarion sur l’état actuel des sciences et des beaux arts , et Sur la possibilité de les perfectionner ; par M. Lecat, 187 Plan de travail pour l’examen , le choix et la rédac- tion des Mémoires de l’Académie ; par M. de la Bourdonnaye , 190 Exposition d’ur Monument ancien ; par M. Beyer, ibid Sur la correspondance des Académies de province avec celles de Paris et réciproquement ; par M. Paviot, 193 Observations sur la Musique et sur le genre enhar= monique ; par M. de Prémagny , ibid Dissertation sur La mort 4° Anthinrhne Epiphanes , roi de Syrie ; par le même, 197 Mémoire sur la première édition du Catholicum d’Es- pagne; par M. Pingré, 201 Dissertation où l’on examine si la signification variée \ d’un même mot dénote dans une langue de l'abon- dance ou de la stérilité ; par M. Ballière, 203 Observations sur le rapport mécanique de la musique à La poésie ; par lé même, 208 Combien il importe à chacun de remplir les obliga- tions que la société nous impose ; par M. Duboullay à 214 ANTIQUITÉS, Extrait d’une lettre de M: Beyer à M, Lecat, sur une pierre gravée, 215 GÉOGRAPHIE, Dissertation sur l’Ingermanie ; par M. Duboulläy , 216 V ( 298 ) GRAMMAIRE. Supplément à la Grammaire raïsonnée; par M. Fro- ment, 1 222 Essai sur la nature et la définition de l’article ; par M. Duboullay , à ibid ECONOMIE RURALE. De lutilité des Sociétés d'Agriculture, 223 SCULPTURE. Quels sont les Grands Hommes dont il conviendrait. de placer les statues ou les bustes dans le jardin de l’Avudemie de Kouen ? 227 Porps ET MESURES. Réduction des mesures de Rouen , pour les grains , à celles de Paris; par M. Pied-de-Lièvre, 229 Concours. Quels sont les animaux venimeux qui se trouvent en * France ? Quelle est la nature de leur venin ? Quels sont les remèdes propres à le combattre ? Prix rem- porté par M. de Sauvages , 23E Æn quel genre de poésie les Français sont-ils supérieurs aux Anciens ? Prix remporté par 27. de Teulières , 254 Quelle est la cause des tremblements de terre? Prix remporté par M. Isnard, 240 Comment et à quelles marques les moins équivoques ( 299 ) pouvons-nous reconnaître les dispositions que lanature par XL, l'abbé Bellet, PoËszreE. nous a données pour certaines sciences ou pour cer= tains arts plutôt que pour d’autres ? Prix remporté 241 Ode sur l'établissement de l'Ecole de Dessin de Rouen; Pièce qui a remporté le prix; par M. Germon, Remerciment à l'Académie ; par le méme, Le Goût et le Caprice ; par M. l'abbé Fontaine, ÉLOGcESs HISTORIQUES: Eloge de M. Pigou ; par M. de Prémagny , D TARN E TRI Du P. Dumoustier ; par M. l'abbé Saas, Du P. Mercastel; par M. Lecat, De M. de Moyencourt ; par le même , Pe M. de Sacy; par M. Duboullay, De M. Dubocage-de-Bléville ; par M. Lecat, De M. de Fontenelle ; par le méme, De M. Slodtz; par M. Duboullay , De M, Gunz ; par M. Lecat, De M. Leboullenger ; par M. Duboullay , De M. l’abbé Guérin ; par M. Lecat, De M. Leprince ; par le même, Fin DE LA TaABLe. FD ee LS ex Re à ‘ LA (PER | \æk #3 i 246 ibid 247 251 254 256 260 262 264 268 276 / 279 282 285 268 # A Pi ! 1 \ nt ÿ. [A " + Toi Ait 9 11 Œst 0 % te Gr M Vase} L'ahi 8 8 | + Hilo JU 69 ar of : sat ss pe 534 D The" [A : LE L L i 1,4% . - it . Le . ’ | LT core: ali sg anbrelän . ‘onis) dot, audda'l :.M eg à Su JS Si 4 rod 04 ; LA UT AA à, NAME TRES em De M0 LOS ADN VA EU LUE > | “ape 2 a " ù + : | A %* « M Das Use | a Lee MT * QUE 70h Day STAR OMEE 2 +œ 00h. [ES re L LEE Qu : . r ua 1 é 0 f E- éd: F * y rs 4 DC OPERA 1 à ne = Aie pee, cwbA Sd ri IT Ÿ pe à Vaud EN sai Ju rar: 4 . T “J . 4 FTe CCR « JADE ie” He % LTATTr Là Lu . a "r x } | [ i # "PE ’ es 3 LOC É us PH 9! 381F : VAUOQUAS \AE: A A” à —. 7 . - [A M 2 : EL Ad he Le age $e Ad NSMECMCE -e#ti 44} Pr AU LL C2 AT ñ aff. —. FRS A tu «a io ha poire ! £ là . 3 Wet PRE PR EPEEL Lee à sûù ù wi AA Ke pe : JA SAUTER HOME L QUE | LAC OPAOES GT ET PAR vus À he. NES Du * Ê : ; … ; = 5-,18 « ve Le ' ' FA à } L'ER va Le ‘Ps. 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