A GRAN Z SAS È MALE AA x L'af à AAA ES à A Ve ANA AAA 1) FA p Le 14 ca tp -r@let | rs Won: AQU 1994 AA à À à, An A AA a fans: E f SARA RARE 24° 12n | NA PLAT ALA PALIN ON ANAAS LNAAR A ARARAA A An APARA AN ANOA DEC AATR A NM A AA AA; PECA AAA ns se MA anataes FOR sf A sr AAA are f ‘A : 148 2.14 1044 FA NRAA SATA DA AEAR LA à ni 2 vu nn AMAR ARTE PAU Anne ANA AARAS or FAAAAA ou MR PAT ARENE ni RARE TARA AA pie CRAN 2H AN nero ) US A] AAA AY YAA NA ; ra AA AAA RARE à AA AAA R À f À NA f 4 À à , £ AK À £ à MAT A "= : 4 PNR AAA A RDA AE NES y AAA À ñ Ra ANA NA Na MBA R RADAR RA RAR TATARA À A À AÂAA LR ASAS AAA AA HE AÀ A ; \,. «A A '# A Ve f ALAIN " MM LS AA AA A 1: VA TT AMAAc AE MA A4 ANA Aa CARO MAG Pan s CAANPAROTÉR ER APS a 7" |A ENAA A à à: AURA à Aa A AA, TRICOT Ta” RAF AP AAA AR AM RAA AR ARS T À Pa. un À 7 AN A AR #. 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ARR PTE £ ET COQARR Ga nr CLAAS M Ann x lala LR AN ARRR EAN A FRE AR F* PMP TE A p F " pe nanannn A APCE n SAAAAAAA ! “aus AE Ar AARA x ANT an CG6RRA FRA AAA AA TR ARA RNA ñ A ñ M AT MMA | nf | : S 8 AE en 2 Anar ARAP AREA af | NAnnAARLRARR Re 2e AAA" Aa % PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE LE À CA D'EMIEÉ DES SCIENCES , BELLES - LETTRES ET ARTS DR RIOA UE NES PENDANT L'ANNÉE 1000. fan œ ë aa) \ A? (A L ” MAY D LA ns ‘ 49 4 re ñ AE EAU 0: à F L Le ñyl h13 :: AA. | AG # MES LEUR k, nr, U A ù j'en 74: | “or adarax ds dax LÉ ARTE F3 5 or À | Re ‘NS UT * Er TR ne < à y Herr. Ÿ .WY NUM w É \ Le, “ Lai 1 1 RS | ED M 1 ) Le L “ £ +. : ] + FT | \ (anus Pie r 3 A LT ' “* ES AE RE ACT JS Arr se Pit PM x L « ; FA " À V4 Û | Ÿ:08 4 ra « TA IL 1 ' 4 e A Li : nt raÛ 1 A4 c da +! , + ” ; VAT N PAS 4 ‘ Al 7 a'rer E ) \ P » rte e A w 2 ? » * À L { ; : f v: PRÉCIS ANALYTIQUE D'E S\T R AIVAAULX DE L'ACADEMIE DES SCIENCES , BELLES- LETTRES ET ARTS MODE À OL CPEENT, PENDANT L'ANNÉE 1809. Ex > 2 > a NS, A Poeme, À Dre Ÿ des Sciences, Belles-Lettres #° En Ÿ $ L7% ax TR V''% er arts x WA vr + ÊCE “as de Rouen. Le AS Mo AR OUEN De l'Imprim. de P. Perraux, Imp. de l'Académie, rue de Ja Vicomté , n° 50, LA 217 ENITI | d 1 Se Sd \ | PHOURTETAS | Va à u PC M À * 1. à ce # à ES RS ire va Fe É Fa L S ( 4 \ si t | : EE x # ( n j è : L : \A “ | Le HAL LACET MS 11 | L ’ CAES ‘é: à L : . M2 EL Le 27e U LC: D Bi RS VO à Et ; ve a « - * V4 LORPERT b. L É nas Ce LE . 3) SN A, Lis |: » » PEN PL. , "LA / v = te sou {> mi » RS eZ s % j % NET 4 34 QE. nn “ - v + J sx Mas { % r à Dour * LA # € | L ARE DOM :-A. -/ h. CNE en À ‘ e , \ * “1 > 110 MUNAEIPSE. Li à coul, x Ga 003 Ch en HICL € M CLR’ j : D v PO ; | + 4 LS ROM T Gi A auf nt ot p cer” Ç F. 4 Er ’ k 1 F f RL Ar v v À J + a: . Ve we 17 UP LÉ #t UE » PRÉCIS ANALYTIQUE D, ES. TR AL V : AU, X DE. LAC A DÉMIIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉ%AE 1809, D’arrEs le Compte qui en a été rendu par MM. les Secrétaires, à la Séance publique du 9 Août de la méme année. DISCOURS * Prononcé à l’ouverture de la Séance publique par M. l'Abbé Basrox, Vice-Président. LA 1 peherNe En acceptant l'honneur de vous présider, pendant le cours de cette année , lorsque le Chef de l'Aca- démie serait enlevé à vos séances par le soin des affaires de ce vaste département, je ne pensais pas S, publ. 1809. C2) que des circonstances imprévues m’'imposeraient le devoir de le remplacer dans cette séance solemnelle. Pour nos séances ordinaires , il ne me fallait que du zèle, de l'assiduité, de l'attachement aux règles, et cette fermeté qui les maintient , sans manquer aux égards : je me rendais le témoignage de pouvoir aller jusques-la. Mais, aujourd'hui, il faudrait, aux qualités que je viens de dire, joindre des grands talents , et ils me manquent. La tâche que je dois remplir en ce moment, me paraît d’autant plus difficile que les mesures prises par l'Académie pour multiplier et perfectionner les travaux de ses membres , semblent exiger davantage de celui qui porte la parole en son nom, devant une nombreuse réunion de personnes judicieuses , dont Popinion , au sortir de cette enceinte , ira former l'opinion publique. Plaignez-moi donc, MESSIEURS ;, d'avoir contracté une dette que votre Président pouvait seul acquitter d'une manière digne de cette assemblée et de vous. Ce n’est pas que plusieurs sujets intéressants ne se soient présentés à mon esprit, et n’aient , tour-à- tour , sollicité son attention : mais ils m’effrayaient dans la proportion de leur grandeur ou de leur uti- lié. Neufs, je n'aurais pu que les ébaucher ; anciens, je n'aurais pas eu l’art de les rajeunir. On a dit, et l'on répétera sans doute encore plus d'une fois , que l'écrivain qui aurait bien choisi, (5) bien étudié sa matière , la disposerait naturellement dans un bel ordre, dont les jours seraient agréa- blement distribués , et auquel l'éloquence commu niquerait la vie qu’elle donue à tout ce qu’elle touche. Je ne puis souscrire à cette maxime. Non, il ne suffit pas de bien choisir, ni même de bien concevoir, pour bien exprimer. L'ouvrage sera froid , si lima- gination ne s'associe pas au'jugement pour le faire. Un esprit clair et méthodique n’osera se permettre äucune de ces hardiesses qui brusquent les règles, de ces élans qui les froissent, de ces tournures in- solites qui les déconcertent : et ces irrégularités sont, en partie, l'ame de l'éloquence. On est compris sans elles, quand on a parlé ; sans elles, on n'’entraine pas, quand on parle. En généralisant cette idée, je crois pouvoir dire que, pour bien traiter un sujet, il faut , après en avoir fait choix, l'approfondir , sans doute , le con- sidérer sous toutes ses faces, dans tous ses rapports; mais qu'il faut encore avoir le génie propre à la chose , et n'être dépourvu ri du tact qui adoucit les aspérités du génie, ni de ja sagesse qui en gou- verne les écarts. | Une courte énumération démontrerait, MESSIEURS, qu'il n’est point d'art on de science à l'abri de cette nécessité, Tel guerrier dissertera sur l’art militaire , comme Folard , et ne commandera point une armée , sur- A 2 (4) tout ne vaincra pas Comme un autre guerrier que je m'abstiens de nommer, parce qu’en ce moment tout le monde le nomme. Aristote prescrira , en maître , les règles du poëme épique : mais il est besoin qu'Homère le compose... 1l tracera le plan d’une boune tragédie: mais la pièce ne sera que régulière , si Sophocle ne l'exécute pas... Il traitera savamment de ce qui constitue le parfait orateur : mais il faudra que Démosthène monte à la tribune. Notre Despréaux n’a pas fait une ode supportable; et il wa pas moins bien parlé de l’ode que de la satyre où il excellait. Pour peu qu'on ait de goût et de littérature , on saura se dire à soi-même et apprendre aux autres, comment une fable doit être faite pour ressembler à celles de La Fontaine : mais quand , à la suite de cette instruction, celui qui la donne et ceux qui la reçoivent , essaieront de faire converser ensemble Ja Cigale et la Fourmi, le Renard et le Corbeau , on reconnaitra que l'idiome des animaux est presqu’en- tiérement perdu ; et que Jean, qui s’en alla comme il était venu , mangeant son fonds avec son revenu, na pas plus laissé de successeur que d’héritier. Insensiblement, Messieurs, je ferais ce que j’ap- préhende de faire , un discours , si j'interrogeais toutes les sciences et tous les arts. La réponse serait unanime. Des preuves et des exemples sans nombre (5) établiraient victorieusement qu'on peut bien choisir son sujet, le bien concevoir , et le mal exécuter. C'est, me dira-t-on peut-être, qu'on a négligé le précepte d'Horace , qui recommande aux écrivains de n’entreprendre que des ouvrages proportionnés aux forces qu’ils ont ou reeues de la nature, ou acquises par le travail : qu’on n’a point, quoiqw’il le recommande expressément , essayé long-temps et à diverses reprises , si les épaules ne s’affaisse- ront pas sous le poids dont on les charge... En théorie , cet avertissement m'’a toujours paru d'une sagesse admirable ; maïs, dans la pratique, il me semble environné de difficultés qui rendent problématique son utilité. Comment , par exemple , saurai-je qu’un sujet est proportionné à mes forces , si je ne l'ai pas traité? Comment m’assurerai-je qu’un genre d'écrire me convient plus où me convient moins que les autres , si tous n’ont pas été la matière de mes ten- tatives ? Et si ces tentatives , ces essais, doivent du- rer long-temps et se réitérer souvent, pour m’assurer que le fardeau ne m’accablera point, l’âge d'écrire ne passera-t-il pas, toutes les heures de loisir ne seront-elles pas consumées , avant que je puisse me dire prudemment : Voilà le genre, voilà l'ouvrage auquel il faut que je m’arrête ? Quand on s'imaginera tenir l'objet qu’on cherche, le tiendra-t-on en effet? Tous les auteurs qui ont 3 ; (6) écrit sans avoir les talents nécessaires pour traiter dignement leur sujet, ne doutaient pas qu’ils n’eus- sent mis la main sur celui qui convenait à leurs for- ces. Pradon s'était persuadé de très-bonne foi que son génie valait au moins le génie de Racine, pour accommoder au théâtre les crimes de Phedre et la vertu d'Hippolyte. Le père de Mérope crut , avec la même simplicité, qu’il pouvait composer un opéra comme Quinault, et l'histoire comme Bossuet. L'événement ne désabuse pas toujours. De même qu'on s’obstine souvent à blâmer un bon ouvrage, parce qu’un autre l’a fait, et que nous sommes na- turellement envieux : de méme continue-t-on sou- vent de voir d’un œil favorable et de priser beau- coup un ouvrage absolument tombé , parce qu’il est le nôtre, et que l'amour propre érige en jaloux le censeur éclairé qui en a découvert et montré les defsuts, Rien donc de moins applicable que le précepte de choisir un sujet qui n'excède pas les forces de l’é- crivain; rien de moins utile au fond que l’espèce de noviciat établi par le Législateur des Muses latines. Pour retirer quelque fruit de la règle et de l'épreuve, il faudrait se connaître ei ne pas trop s’estimer : un succès attaché à cette double condition paraîtra fort incertain à l'homme qui étudie les hommes , même sans sortir de son propre cœur. { La vérité est qu’on écrit par instinct ou par fantai- (7) sie, par une impulsion secrette ou par circonstances, On choisit de même ses sujets. La diversité des ta- lents fait le reste, Tel poëte s’est trainé toute sa vie sur les pas de Corneille ou de Molière, qui eût com- posé une Chartreuse , un Vert-Vert , si, par ha- zard , il s'était mis à la suite de Gresset. Tel homme qui n’a jamais rien écrit, qui n’a jamais eu la pensée d'écrire , aurait, en devenant auteur, surpassé les écrivains les plus célèbres. Il a toujours ignoré sa valeur : une occasion propice la lui aurait révélée. Juvenal est allé jusqu’à dire que si la nature refuse toute assistance au poëête ; lindignation sera sa muse. Un sentiment plus doux et plus tranquille m'aurait fixé , Messisurs , à un sujet qui me sembiait naître de cette réunion elle-même. La crainte de le gâter ma soutenu contre la tentation de m'en occuper et de vous en entretenir avec une juste étendue : mais je succombe , et presque volontiers, à celle de vous exposer rapidement quel il était, et de quelle ma- nière je l'avais envisagé. Une fois, chaque année, l'Académie ouvre ses portes au public , l'invite à venir entendre Je compte rendu de ses travaux , et la lecture de divers mor- ceaux particuliers, qu’elle juge propres à le dédom- mager du sacrilice et de l'attention de quelques heu- res. Le public, sensible à cette marque de coutiance, s'empresse d'y répondre ; et la salle se remplit d’'au- À 4 (8) diteurs , députés , en quelque façon , de toutes classes de la société. Je partais de cette considération. Elle etait mon texte ; et j'en concluais que cette séance et toutes celles qui lui ressemblent, supposent une espèce de contrat entre le public et l'Académie ; par consé- quent des obligations réciproques , des clauses qu’il importe de connaître et de ne pas négliger. Dès-lors, la partition de mon sujet se présentait naturellement : j'aurais exposé ce que l'Académie doit au public, et ce que le public doit à l'Académie dans une séance solemnelle. A la tête des devoirs de l'Académie envers le public, j'aurais placé l'obligation de ne le point Jlatter. Une objection se serait élevée. Je choque toutes les idées reçues : je contrarie un usage uni- versellement établi et qui a force de loi. La simple politesse exige , quand on parle au public, qu’on lui adresse un compliment. Les tournures en seront variées; on y mettra de l'esprit, de l'agrément , de la finesse : mais il en faut un. Permis d’énoncer qu’on n’en fait pas , qu’on n’en veut pas faire ; mais il faut que les phrases qui expriment ce mensonge inno- cent , soient tissues de manière à ne tromper per- sonne , et laissent entrevoir, par leur arrangement, que cette protestation elle-même est un compliment délicat, et que la gaze dont il est couvert, l'embel- lit sans le cacher, en adoucit les teintes et ne les (9) efface pas. Il est donc indispensable de flatter le public quand on parle devant lui..., sur-tout quand il fut appelé..., sur-tout encore sil est composé, en partie, de personnes tellement accoutumées au parfum des louanges , qu’elles le remarquent à peine quand on le leur offre, et qui n’en sont que plus disposées à s’appercevoir de son absence. À ce sophisme adulateur j'aurais répondu que la dignité des corps littéraires ne leur permet, sous aucun prétexte , de tendre au succès par le manége. Les succès obtenus par cette voie , flétris dans leur principe, n’ont qu'un moment de durée, et s’éva. nouissent avec l'illusion qui les causa. J'aurais ajouté que le vrai mérite reçoit la flatterie comme une imprudence qui l’avertit qu’on veut sur- prendre son approbation et qu'on ne s’en croit pas digne, Ce moyen ne réussit, selon ses intentions , qu'auprès de l'ignorance et de la vanité ; et le public éclairé s’offenserait d'entendre l'adulation mandier son suffrage. Entretenons-le de vérités utiles. Voilà , aurais-je dit, le grand devoir d’une Académie qui appelle le public à ses séances. Personne , je le pense du moins, n’eût regarde cette assertion comme une chose nouvelle. J'aurais paru ne faire que rappeler le souvenir d’une maxime parfaitement connue. Dèés-lors , il fallait que mes preuves ne fussent ni longues ni multipliées. La pre- Cro) lixité n’a pas d’excuse , lorsqu'au premier mot les esprits sont d'intelligence, Aussi me serais-je contenté d'observer qu’on ne forme pas un cercle nombreux d’auditeurs instruits ou avides d'apprendre , pour ne lui parler que de bagatelles ; que deux ou trois heures sont d’un assez grand prix pour qu’il ne soit pas permis de ne les point employer utilement ; que si la faute contre laquelle je m’élève , a été commise quelquefois, une Compagnie savante, rendant le compte annuel de ses travaux , et en offrant quelques échantillons, ne la doit pas renouveller; que son exemple serait contagieux , et qu’il accréditerait la pensée bien fausse que les occupations de cette société mont pas toute la valeur qu’on leur suppose. Je me serais un peu plus étendu en esquissant le tableau de ces vérités utiles que l'Académie doit offrir au public. Les circonstances ne souffrent pas qu’on y admette les vérités trop abstraites ; les vérités dont la certi- tude ne peut être démontrée que par une longue et pénible discussion ; les vérités qui exigent des calculs profonds ou d’autres opérations compliquées que leur nature réserve au silence de la méditation ,; aux loisirs et à la solitude du cabinet. Je l'aurais com- posé de vérités physiques , celles , par exemple, qui ont des rapports plus ou moins directs avec la santé, la vie; de vérités morales dirigées contre le Cu) vice, et propres à servir d’égide à la vertu; de vérités mixtes qui participent aux premières et aux secondes, et dont les rameaux, quoique différents, s’entrelacent pour le bonheur ou le soulagement de l'humanité ; de vérités relatives à l’histoire , au langage , aux bienséances , aux arts, etc. Telles sont les vérités qu'une Académie peut et doit faire goûter à ses auditeurs. Elle n’atteindra ce but qu’en accomplissant un troisième devoir, celui de rendre ces vérités aussi agréables pour le public qu’elles lui sont utiles. La vérité, aurais-je dit, si elle n’est pas présentée avec art , et sous un jour favorable , ne produit aucun effet salutaire sur la plupart de ceux qui l'é- coutent, Rarement passe-t-elle au-delà de l'oreille qu’elle a frappée. La distraction s’en empare , et l'ennui achève de l’étouffer. Ainsi un diamant brut n’a de valeur que pour l'homme qui s y connaît par- faitement ; mais sil est taillé, poli, le feu s'échappe de son sein, jaillit de toutes ses faces , et force l'œil le moins connaisseur à l’admirer. Des vérités offertes à une assemblée qui nous a assez estimés pour céder à notre invitation , devien- nent agréables par le choix , la variété , les con- trastes, sur-tout par les formes. Il est des formes générales qui plaisent universel- lement ; entre les autres, et plus qu'aucune autre, la briéveté. Elle ne consiste pas à ne dire que peu (2) de paroles, mais à n’en dire que ce qu'il faut; car un discours de quelques minutes ( et je crains bien, en ce moment, de parler contre moi ) peut être excessivement long , tandis qu’un discours de plu- sieurs heures pourra faire regretter qu’il ait fini sitôt. Il est aussi des formes particulières qui convien- nent à chaque vérité, et sans lesquelles le public n’y trouverait presqu’aucun intérêt. N’écrivons pas les vérités de l’histoire en style de roman, les véri- tés morales en style épigrammatique. Que les vé- rités renfermées dans un conte , une fable, aient un air de facilité, de candeur, d'abandon. La gra- vité leur siérait mal, la prétention encore davan- tage. Dans les grands sujets, de l'élévation, mais point d’enflure ; de l'abondance , et point de luxe; de l’élocution sans afféterie ; de la noblesse dans les idées , dans l'expression , mais qui tienne toujours à côté de soi la modestie. En personnifiant la vérité , j'aurais voulu , pour la rendre intéressante , qu’elle fût parée d’une ma- nière assortie à sa taille , à sa physionomie, à son état. Une vérité champêtre ne portera point un ha- bit de cour ; et celle dont le séjour est à la ville, qui doit se montrer dans les grands cercles, n’y paraïtra pas vêtue comme une bergère. Les devoirs du public à l'égard de l'Académie, me parurent , en les considérant de près , beau- PP PE (15) coup plus difficiles à traiter. Celui qui dit à ses au- diteurs : Voilà ce qu’on vous doit , a plus d'un avan- tage sur celui qui leur dit: Foilà ce que vous devez. Ou si c’est le même orateur dont le cadre exige qu’il énonce , l'une après l’autre , ces deux propositions , il ne peut manquer, fussent-elles également vraies, d’avoir plus de peine à exposer et à soutenir la se- conde que la première.... J'aurais vraisemblable- ment , Messieurs , débuté, dans ma seconde par- üe, par cette réflexion dont la franchise r’eût pas déplu ; et j'aurais demandé au public, pour lP'Aca- démie , de venir à notre réunion ayec un sentiment de bienveillance ; d'y être avec une indulgente at- tention; d’en sortir avec une sorte de reconnaissance. C’eùt été demander beaucoup , mais non demander trop. C'eût été demander des choses précieuses, mais faciles à donner , et dues. | On assure { mais nous sommes loin de le garantir, et nous nous efforcons de ne le pas croire ) que des hommes , d’ailleurs estimables, mus par de petites passions qu’ils ne se soupçonnent pas ou qu'ils se dissimulent , apportent quelquefois à nos réunions un sentiment opposé à la bienveillance. On les ac- cuse d’avoir pris leur parti ayant qu'ils aient rien entendu ; ils critiqueront. Ce serait pour eux une vraie peine que de n'avoir pas quelque chose à re- prendre. Mais ce malheur , ils ne le craignent pas; et, ayec leur disposition, il n’est réellement pas à C14) craindre. Elle leur montrera des défauts par-tout. S'il n'y en avait pas, elle en créerait ; et quoi de plus facile, même à la médiocrité, que de créer des défauts ? Elle en imagina dans PAthalie , et réussit à égarer la multitude. Qu'il y ait ailleurs des hommes tourmentés par leur jalousie plus encore qu’ils ne tourmentent les autres, je le croirai, puisqu'on le veut; mais il est difficile de penser qu’il y en ait parmi nous, dans cette enceinte , dans nos villes laborieuses et com- merçantes , pour qui, à parler en général, les tra- vaux et les prétentions littéraires ne sont que des occupations de seconde ligne. Les misantropes de l'empire des sciences et des lettres n’habitent point au milieu d’une cité où tout est comptoir , aielier, manufacture , et la feuille nourricière du ver de l'envie , n’y croit pas en assez grande abondance pour les y fixer. Ici, Messieurs , nait spontané- ment et se propage en tout sens un sentiment d’af- fection pour des hommes dont, au moins, les in- tentions sont louables, qui soumettent au jugement de leurs concitoyens le fruit de leur zèle et de leurs loisirs, l'emploi des moments dérobés , non pas aux devoirs de leur état, mais à des amusements qu'ils eussent pu , comme tant d’autres, innocemment goüter , et qui trouveront la récompense de leurs peines , et plus que Péquivalent de leurs privauons, dans la bienveillance que je réclame pour eux, et qui ne leur sera pas refusée, C15) Îls ont, auraïs-je dit, un droit égal à l'attention et à l'indulgence. Droit à l'attention. Pourquoi venir, si l’on n’é- coute pas? Comment jugera-t-on, si l’on n’a pas écouté? Je demande comment on jugera sainement, avec connaissance de cause, et d’une manière im- partiale? Car je n’'ignore pas que la légéreté et la précipitation ne s’abstiennent pas de juger , lors même qu’elles n’ont rien entendu ; mais de pareils jugements ne se comptent pas, quoiqu’ils nuisent souvent. Droit à lindulgence. Les bons esprits et les ames honnétes l’'accordent toujours, et shonorent de leur facilité. Est-on modeste , on est indulgent. On com- pense les défauts par les beautés. Si l’on croit ap- percevoir moins de celles-ci que de ceux-là , on désarme sa propre sévérité, en pensant à l’incerti- tude et à la variété des jugements que portent les hommes sur les ouvrages d'esprit; à la difficulté de bien saisir , dans une lecture rapide , l'ensemble d’un sujet et ses détails. On se défie de soi, de ses lumières ; on craint d'avoir mal compris........., L'indulgence est de toutes les dispositions de l'ame la plus ingénieuse pour excuser , atténuer des fautes. Elle prépare , aurais-je dit en finissant , cette sorte de reconnaissance que le publie doit à l'Académie, eu quittant le lieu qui les avait réunis, (16) Si l'Académie a procuré à ses auditeurs quelques instants de plaisir; si elle les renvoie plus riches de quelques vérités; si les bords du vase dans le- quel elle leur a offert un mélange de saine morale , de bonne littérature, de sciences et d’arts utiles, ont été imbibés d’une saveur assez agréable pour exciter à y porter les lèvres, et que le breuvage salutaire ait pénétré jusqu’à l'ame, la reconnaissance est incontestablement due. C’est ie salaire de tout bienfait,. Mais si tout n’a pas été plaisir dans la séance ; si tout ny a pas été traité avec la perfection dont les sujets étaient susceptibles , et que l'intérêt ne se soit pas toujours également soutenu ; si, d'espace en espace ;, la coupe n’a pas été attrayante : nim- porte, la dette d'une sorte de reconnaissance me parait être encore là. Les efforts qu’on a faits et les peines qu'on a prises, en réclament le paiement et l'obtiennent. De temps immémorial , il fut convenu , entre les cœurs reconnaissants, que le succès ne met point le prix aux actions , et que les uns sau- ront toujours gré du bien que les autres auront voulu faire. Tel est, Messreurs, le sujet auquel j'aurais donné la préférence , si j'avais osé en développer un. L’at- tention qu’on a bien voulu accorder à ce faible essai, semble me promettre que la bienveillance et lin- dulgence que j'ai sollicitée pour mes collègues, s’é- tendront jusqu'à moi. SCIENCES (17) MOULE N CE SET ARTS. RAP UP OR T Fait par M. Virazrs , Secrétaire perpétuel de l’Académie , pour la classe des Sciences. MINE SUSUT EUR 3; Plus les fonctions que je remplis en ce moment sont importantes ; plus je dois craindre de ne pou- voir m'en acquitter d’une manière’ digne de l’Aca- démie et de l’assemblée respectable devant laquelle j'ai l'honneur de parler. Témoin assidu de vos travaux, il me sera facile d'en écrire fidèlement lhistoire ; mais, pour don- ner des formes élégantes |, un coloris gracieux au tableau que je vais tracer , il me faudrait des ta- lents que je n’ai pas reçus de la nature , ei que je regrelterais bien plus encore de ne pas posséder si je n’étais rassuré par cette extréme bienveillance à laquelle vous m’ayez , pour ainsi dire , accou- tumé, B 4 (18) Forcé, par la briéveté du temps qui m’est accordé, de me renfermer dans des bornes très-étroites, je tâcherai du moins d'éviter la sécheresse presqu’in- séparable d’une analyse rapide, en puisant, dans les ouvrages dont j'ai à rendre compte les traits les plus propres à donner une idée exacte de leur ca- ractère , ainsi que du mérite et des talents de leurs auteurs. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Vous avez reçu , Messieurs , de M. Francœæur , examinateur de l’école polytechnique , aujourd’hui membre non résident de l'Académie , un Mémoire sur les intersections du cône , du cylindre et des autres corps engendrés par la révolution des courbes du second degré, autour d’un axe, lorsque ces corps sont coupés sur un plan. M. Lhoste , au nom de la commission chargée d'examiner ce mémoire, vous en a rendu compte de la manière la plus intéressante et la plus propre à faire juger de la méthode du savant auteur de cet ouvrage. » On n’y rencontre point , dit M. le rapporteur, ces démonstrations incohérentes qui ne sont que trop familières aux écrivains qui , esclaves de la rouune , ont voulu, pour ainsi dire , amalgamer les méthodes anciennes ayec les nouvelles. Par-tout on Ç19) reconnait le géomètre profondément versé dans la- nalyse. » La commission désire , pour l'avantage des jeu- nes gens qui se livrent à l'étude des mathémati- ques, que M. Francœur veuille bien écrire , d’a- près les bases posées dans son mémoire , un traité élémentaire de géométrie analytique. « — Le méme a fait hommage à l’Académie d’un exemplaire de l'ouvrage qu’il vient de publier sous ce titre : Cours complet de Mathématiques pures , dédié à S. M. Alexandre [7 , Empereur de Russie. Cet ouvrage est destiné aux élèves des écoles normale et polytechnique , et aux candidats qui se prépa- rent à y être admis. — M. Prudhomme , professeur aux écoles de na- vigation de Caen , membre de plusieurs Sociétés savantes, vous a adressé un écrit intitulé : des Comètes en général , et en particulier de la Comète qui a été observée en septembre , octobre et décembre de l’année 1807. Dans un rapport que vousl’aviez chargé, MssiEURS, de vous présenter, M. Letellier s'exprime ainsi: » M. Prudhomme , après avoir donné des idées générales sur la nature des comètes , se demande si elles sont habitables , et il whésite pas à se dé- clarer pour la négative , fondé sur ce que les habi- tants de ces astres seraient exposés à des vicissitudes pra (20) extrêmes de chaud et de froid , de lumière et de ténèbres. « Notre confrère combat cette opinion , et appuie l'opinion contraire de raisons qui la rendent très- probable. Si, en admettant une constitution et des organes appropriés dans leurs habitants , on ne peut se refuser à croire que les planètes puissent être habitées , pourquoi , dit-il, ne pourrait-on pas en dire autant des comètes ? L'auteur du mémoire, continue M. le rapporteur, passe ensuite en revue le.nombre des comètes ob- servées jusqu'à ce jour, et il pense qu'on ne peut le fixer d’une manière certaine...... . Il termine son catalogue par la comète découverte en 1807, et qu'il a observée Jui-méme , pour la première fois , le 17 septembre de la même année , à Portmort, sur les rives de la seine. Aprés avoir assigné les éléments de cette comète, M. Prudhomme présente quelques observations sur la nature des queues de ces astres , et il prouve que les comètes ne sont pas des corps lumineux. Il ré- fute , à cette occasion , l'opinion d’un astronome allemand qui a prétendu qu'on devait les ranger dans la classe des nébuleuses. Vous avez adopté, Messieurs, les conclusions de M. le rapporteur , en regardant le mémoire de M. Prudhomme comme un monument de son zèle pour les progrès de la cométographie. (31) = M. Bonnet , caissier de la monnaie de Rouen, a fait hommage à l'Académie de plusieurs exem- plaires d'une brochure intitulée : $ystéme impérial des Poids , Mesures et Monnaies ; ou Essai sur une nouvelle mesure déduite de la grandeur de la terre. L'auteur développe , dans cet ouvrage, les idées qui servent de base au mémoire manuscrit qu'il a présenté , l'année dernière , à l'Académie. Le mé- moire imprimé contient des notes qui ne peuvent manquer d’intéresser beaucoup le lecteur. = M. Lemasson , ingénieur en chef de premiére classe , au corps impérial des ponts et chaussées, a lu un Mémoire descriptif des Travaux à faire pour l’embellissement de la ville de Rouen et l’amélioration de son port, Notre confrère , à l'aide d’un plan colorié qu’il a joint à son mémoire , développe d’abord le pro- jet qu’il a conçu , et qui a été approuvé par M. le directeur général des ponts et chaussées , de re- dresser le port, et de le décorer par des façades élégantes et des galeries publiques. Il parle ensuite du projet de pont en maçonnerie qu'il propose de construire à la pointe d'aval de V'Isle-de-la-Croix , vis-à-vis la porte Jean-le-Cœur. Ce pont serait jeté sur les deux bras du fleuve , et présenterait non-seulement l'aspect de deux ponts, mais il en formerait véritablement deux , puisqu'ils B 35 (22) auraient chacun deux culées, deux piles et trois arches. Le pont dont il s’agit serait plus central que celui qui avait été d’abord proposé dans l'axe de la grande rue S. Sever , à l'aval des rüines du pont de lImpératrice Mathilde , et permettrait un plus grand développement pour les quais du bassin destine aux navires.... Elevé an-dessus des hautes eaux de 1740, il donnerait, en tout temps, une communication sûre et facile entre la ville, les fauxbourgs et l’Isle-de-la-Croix. En exhaussant le sol de cette Isle au niveau des quais de Paris, on pourrait y bâtir des maisons et des magasins, y percer des rues et pratiquer des quais au pour- tour. M. Lemasson indique les obstacles qui s'opposent à la construction d’un deuxième pont que le public désirerait , dit-il, voir établir vers le bas de la ville , et dont il avait lui-même, dans son premier projet général du port , fixé l'emplacement vis-à- vis le boulevard Cauchoise. Notre confrère conclut qu’il faut s'en tenir au double pont de l'Isle-de-la- Croix. Pour rendre les abords de ce pont faciles et di- rects, l'auteur du mémoire offre deux moyens, dont le plus avantageux , suivant lui, serait d’ou- vrir , dans l'axe de chaque pont , une rue en ligne droite, large de 12 mètres. L'une de ces rues irait au corps de garde de S. Sever , l’autre tomberaït (25) dans la direction de la première rampe de la côte Beauvoisine , au haut du jardin des filles Sainte- Marie. Les indemnités à accorder , pour le perce- ment de ces deux rues, seraient peu considérables, M. Lemasson cite pour exemples, Mantes, Orléans, Tours , Moulins, Saumur , qui ont de grandes et belles rues dans l'axe de leurs ponts. Vous avez, Messieurs , applaudi aux projets de M. Lemasson, et vous avez formé des vœux pour leur prompte et entière exécution. MÉCANIQUE. Organe d’un commission que vous aviéz nommée à cet effet, M. Leboullenger vous a fait un rapport intéressant sur les machines de M. Biard , destinées à fabriquer des toiles d’une grande largeur. Avant de se livrer à l'examen de ces machines, M. le rapporteur a rappelé les procédés usités jus- qu’alors pour fabriquer les toiles, et est entré, à ce sujet, dans des détails qu’il a rendus avec autant de clarté que d’exactitude. Il compare la marche ordinaire avec celle qui a été imaginée par M. Biard, et il conclut que M. Biard a complètement résolu ce probléme : Faire une toile de telle largeur qu’on voudra , en n’employant à sa confection qu'un seul homme , de manière , 19 à rendré le tissu parfaite- ment égal et indépendant de l'adresse de l’ouvrier ; 2° à obtenir ces résultats par un mouvement assez B 4 2 (24) rapide pour que le prix de la façon des toiles ainsi fabriquées soit le moindre possible , relativement à leur largeur. MM. les commissaires, en payant aux métiers de M. Biard le tribut d’éloges qu'ils méritent , regret- tent cependant que les percussions de la chasse y soient un peu trop brusques ; c’est un leger défaut, disentils , que M. Biard peut aisément faire dis- paraitre. M. Leboullenger termine son rapport en rappe- Jant les marques honorables de bienveillance et les moyens d'encouragement que M. Biard a reçus du premier Consul, lors de son passage à Rouen en l'an 12 : époque mémorable, et qui restera à jamais gravée dans nos cœurs reconnaissants. SCIENCES , PHYSIQUES. M. Lebouvyer-Desmortiers , l'un de nos membres non résidants , a fait hommage à l'Académie d’un exemplaire de ses Recherches sur la construction et les effets du Briquet pneumatique. Un armurier de Saint-Etienne , dit l'auteur , faisant jouer , dans l'obscurité , uve pompe à vent, apperçut une étincelle à l'extrémité ; il en approcha sa pipe ou de l'amadou et parvint à l'allumer. M. Molé, physicien de Lyon, répéta l'expérience 0 des (25) avec le même succès, et en fit part à l'Institut na- tional, qui nomma des commissaires pour verifier le fait. MM. les commissaires n'ayant pu réussir à reproduire le phénomène , M. Dumotiez , connu par ses talents pour la construction des instruments de physique , fit des essais, obtint l'inflammation , et recounut qu’elle dépendait du desré de vitesse dans la compression de l'air. Il ne s'agissait plus que de savoir avec quelle quantité d’air on peat allumer l'amadou , et de ré- duire l'instrument aux plus petites dimensions pos- sibles : c’est ce que notre confrère a déterminé. M. Lebouvyer recherche ensuite la cause de Pin- flammation dans le briquet pneumatique. Cette inflammation n’a lieu qu'en observant cer- tains rapports entre la longueur du tube et son diamètre. Suivant l'auteur , elle ne dépend point de l'électricité, mais elle lui parait produite par la décomposition de l'air , occasionnée par la seule force de compression : le calorique mis en liberté , dans cette circonstance , détermine un dégré de température suffisant , au jugement de notre con- frère , pour allumer l’'amadou au moyen de l'oxi- gène. Par une lettre , adressée depuis à l'Académie , M. Lebouyyer annonce que l'on a fait, contre l'expli- cation qu'il donne du phénomène , des objections (26) auxquelles il a , dit-il, répondu par la voie du jour- pal de physique (1). = M. Sage , de l'Institut de France , fondateur et directeur de la première école des mines, vous a fait remettre une brochure qui a pour titre : de la Nature et des Propriétés de huit espèces d’E- lectricité. ‘ L'auteur indique ainsi lui-même ( page 4), le but de son ouvrage. » Il me parait qu’il y a huit espèces d'électricité distinctes par leurs propriétés , savoir : l'électricité atmosphérique , artificielle , métallique , des ani- maux atmosphériens, torpique , gymnotique , végé- tale, minérale, qe em QG) M. Deluc ( Biblioth. brit, , juillet 1809 } , pense que la cause de l’ignition dans cet appareil dépend de la conden- sation non de l'air , mais bien du calorique ; ce qui explique pourquoi l’opération exige une grande rapidité. Si le piston est enfoncé lentement , l’amadou ne s’allume point , parce que le feu condensé a le temps de s'échapper au travers des pores du cylindre de la pompe. Du reste , M. Deluc prouve que l'air comprimé dans Vinstrument par le piston , n’arrive pas à une grande densité , puisque le piston est loin de remonter jusqu'au point de départ. Une grande partie de l’air, dit ce physicien , est donc chassée dehors pendant qu’on refoule ; et il le faut bien pour l'effet , car si le piston n’atteignait presque jusqu’au fond de la pompe , l’ignition de l’amadou n'aurait pas lieu, pompe ; 115 C2) — M. Azaïs, de Versailles, vousa prié, MESSIEURS, d'agréer un exemplaire de son Systême universel. » Cet ouvrage , dit auteur dans une lettre adres- sée à l'Académie , contient lPexposition précise et méthodique du principe sur lequel toute la phy- sique repose. Ce principe , nécessairement unique comme l'univers qu'il régit, doit cependant se par- tager sans cesse en deux exercices constamment balancés l'un par l’autre. La gravitation et l'expan- sion sont les deux effets généraux qui comprennent , dans leur opposition , leur combinaison et leur en- semble , tous les cffets secondaires «. C'est dans l'ouvrage même qu’il faut lire le dé- veloppement des faits sur lesquels l’auteur appuie son système, = Le docteur Louis Valentin , de Marseille , membre de plusieurs Sociétés et Académies natio- nales et étrangères, vous a adressé , MESSIEURS , une petite brochure intitulée : Seconde et troisième Notices sur les Progrès des Sciences physiques et na- turelles , et sur les Etablissements de Bienfaisance , dans les Etats-Unis d’ Amérique. 7 Une note de l’auteur apprend que ces deux no- tices sont insérées dans le tome 8 des mémoires de l'Académie de Marseille. En les lisant, on est bientôt convaincu qu’elles sont dignes de la place honorable qu'elles occupent dans les actes de cette Académie. (28) Hris 0 0 1.R €. -N A TU R E L L'E. M. Deu a communiqué à l'Académie le plan d'un Dictionnaire des productions de la nature et de l’art gui entrent dans le commerce de la France avec l'Etranger. » Chargé par état, dit M. Deu , de tenir la main à l'exécution des réglements relatifs au tarif des douanes impériales , je dois veiller à ce que les vé- rificateurs aient les connaissances nécessaires pour remplir les fonctions de leur emploi. Ils consultent , pour les drogueries et épiceries , les dictionnaires de Lemery et de Pomey. Mais ces dictionnaires très- anciens ne parlent point des produits de la nature soumis aux procédés de l'art..... Ils sont d’ailleurs fort au-dessous des connaissances actuelles. .... « » M. Magnien , administrateur des douanes , s'oc- cupait depuis long-temps de l'étude approfondie du tarif..... Il me fit part du projet d’un dictionnaire descriptif des produits de la nature et de l'art qui entreut dans le commerce de la France avec l’étran- ger..... Je saisis ayec empressement la proposition qu'il me fit de me charger de la description des substances. « ! » Tous les objets tarifés font partie des trois règnes de la nature ; c’est-à-dire qu’ils se trouvent parmi les minéraux , les végétaux ou les animaux. « (29) Notre confrère présente un apperçu rapide de chacune de ces classes ; et , afin de vous mettre , Messieurs , plus à portée de juger de la marche qu'il a suivie , il vous a donné lecture de quelques articles pris au hasard dans l'ouvrage dont il vous a annoncé , au surplus, que l'impression était très- avancée. L'ouvrage dont M. Deu vous a communiqué le plan , vous a paru devoir étre aussi intéressant qu’u- tile , et vous ne doutez point qu’il ne fasse autant d'honneur à l'Académie qu’aux talents de son savant et modeste auteur. — Dans la séance du 21 juin , M. Jamard a lu un écrit très-étendu , et qui a pour ütre : Doutes sur le genre sexuel du bled-froment. L'auteur annonce que ces doutes lui ont été ins- pirés par M. Fortier , cultivateur éclairé , que sa grande réputation avait fait nommer membre de l'ancienne société d'agriculture de Rouen. Suivant M. Fortier, le bled west point produit par une plante du genre hermaphrodite , comme on le croit communément , mais par une plante qui, dans son espèce , porte des tiges mäles ou des tiges femelles , sur des souches ou sur des pieds différents. M. Jamard , après avoir indiqué les différences qui existent entre les tiges mâles et les tiges femelles , developpe les raisons sur lesquelles M. Fortier fonde (50 ) son opinion. Notre confrère ne dissimule pas qu'on peut leur opposer de fortes objections ; et il rapporte de quelle manière M. Fortier croit pouvoir y ré pondre. Appuye sur un fait qui semblerait prouver que les fleurs de l'épine-vinette sont nuisibles à la fructifi- cation des grains (1), M. Jamard en conelut que les idées de M. Fortier pourraient bien avoir quelque chose de vraisemblable, » Je ne nie rien , je n’affirme rien , dit sagement notre confrère : je désire seulement engager les bo- tanistes à s'occuper d’une question qui peut inté- resser beaucoup l'agriculture «. M. Jamard propose , dans ce dessein , une ex- périence qui lui paraît décisive pour lever ou pour confirmer les doutes qui font l’objet de son mé- moire. CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES. Dans la séance du 16 novembre 1808, M. Jitalis a eu l'honneur de présenter à l'Académie une bou- teille de sirop de raisin , préparé par la méthode de M. Proust. Ce sirop évaporé jusqu’au 34° degré de l'aréomètre EEE (1) Les auteurs du nouveau Dictionnaire d'Histoire natu- relle , édition de Deterville , ne sont pas de cet avis, #oyez an wot Epine-vinette. C3) de Baumé , a fourni du sucre concret , de couleur brune , et mélé de beaucoup de tartrite calcaire. M. Vitalis a observé que du sirop de raisin , con- centré seulement au 30° degré de l’aréomètre , s’est refusé à la cristallisation , depuis l'époque de sa pré- paration , c’est-à-dire depuis le 22 octobre 1808 , jusqu’à ce jour. Le même sirop a donné plusieurs dépôts succes- sifs de tartrite calcaire dont il paraît très-diflicile de pouvoir débarrasser entièrement la liqueur. = Au mois de mai dernier, M. Robert , pharma- cien en chef de l'hospice d'humanité , a donné lec- ture d’une Motice très-bien faite sur le Sucre de raisin. Le but de cette notice était de faire connaître à l'Académie le résultat d’une expérience particulière qui prouve , dit notre confrère , la réalité des res- sources que l’on peut attendre du raisin , puisquà Rouen, où ce fruit mürit à peine, il a fourni un vrai sucre concret dont il a été mis deux échan- tillons sous les yeux de la Compagnie. De ces deux échantillons , l'un avait une cou- leur brune et était en consistance de rob ; l’autre était sec jusqu’à la pulvérulence et avait été amené , par un seul terrage , à une couleur Jésèrement fauve. Il est cependant mélé de tartrite de chaux, et encore empâté de sirop. (52 3 Les raisins qui ont dohné ce sucre provenaient d'une vigne exposée au midi, il est vrai, mais tei- lement abriée , que le fruit ne vient jamais en maturité, Le moût ayant été saturé par la craie , fut sou- mis d’abord à une évaporation de 35 degrés , échelle de Baumé , terme de concentration le plus favo- rable , suivant Proust et les auteurs qui ont écrit après lui, à la cristallisation du sucre, Cependant une portion de ce sirop ;, quoique con- servé dans une étuve, se refusa constamment à la cristallisation , tandis que le méme sirop concentré à 4o et même à 45 degrés de l'aréomètre, prit la forme concrete en moins de deux mois. Il suit des expériences faites par M. Robert , 1° que la maturité du raisin, exigée par les auteurs comme une condition essentielle pour en obtenir du sucre concret , ne paraît pas tellement nécessaire qu’on ne puisse se dispenser d’y avoir égard ; 2° que l'on peut porter au-delà de 55 degrés la concen- tration du moût, et que l’évaporation jusqu’à 40 et même 43 degrés de l'aréomètre , bien loin de nuire à la cristallisation , semble au contraire lui être très-fayorable ; 50 qu'en terrant le sucre de raisin , suivant la méthode de Poggi, on parvient , dès la première fois , à lui enlever une grande partie de sa matière colorante , et à le rapprocher , sous ce rapport , de la moscouade fouruie par le suc de la canne à sucre. M. EN 7) (533) M. Robert pense néanmoins que le fait unique dont il donne ici connaissance ne suflit pas pour mériter à la méthode qu'il a suivie la préférence sur celles qui out été décrites par les auteurs qui ont créé cette nouvelle branche d'industrie. Notre confrère se propose, par cette raison , de faire de nouveaux essais dont il a promis de rendre compte à l'Académie. = M. Dubuc , pharmacien à Rouen , vous a - présenté un Mémoire concernant le Sucre liquide qu’il a extrait du suc de pommes et de poires. L'examen de ce mémoire, que vous aviez renvoyé À une commission , a donné naissance à un excel- lent rapport que nous devons à M. Robert. Les conclusions de ce rapport, et qui ont été adop- tées par l'Académie , sont : 1° Que les résultats obtenus par M. Dubuc con- firment une partie de ceux qui ont été annoncés par M. Cadet de Vaux. 2° Que la modification apportée dans la manipu- lation , par le pharmacien de Rouen , est une amé- lioration faite au procédé général , en ce qu’elle four- nit une application aussi utile qu’agréable aux sirops de pommes de l'ancienne Normandie , qui, dans la conserve mucoso-sucrée qu’'iis nous ofrent , présentent , en ce moment , un moyeu facile de venir au secours de la classe indigente et des étas blissements de charité. GC (34) 30 Que le travail de M. Dubuc mérite une con- sidération particulière , et que l'auteur , en con- tinuant ses recherches sur une matière aussi impor- tante , rendra un véritable service à ses concitoyens. = Le même membre ( M. Dubuc ) vous a soumis depuis un second Mÿmoire sur l’extraction et sur les usages du sucre liquide des pommes et des poires , avec l'analyse de cette substance compa- rée à celle de la melasse du commerce. Ce nouveau mémoire est divisé en trois parties. La première est consacrée à la description d'un grand nombre d'espèces de fruits sur lesquels le temps ‘et les circonstances ont permis à l’auteur de faire de nouvelles expériences pour en extraire le sucre. M. Dubuc y détermine aussi la densité et la qualié que cette liqueur sucrée doit avoir pour être de bonne garde et commercable. L'auteur y donne encore un nouveau procédé , au moyen du- quel on obtient des pomines et des poires une ma- tiére bien sucrée , presque incolore et très-agréa- ble au goût. Dans la seconde partie ; notre confrère rend compte des essais qu’il a faits pour reconnaître et déterminer Ja quantité de substance gommeuse ou mucilagineuse , de malate ou de citrate calcaire que contiennent ces différents sucres liquides, tous pré- parés par les procédés indiqués dans son premier €35) mémoire , et obtenus de toute espèce de pommes et de poires. Dans Ja troisième partie, M. Dubuc rapporte un grand nombre d’éxpériences faites avec la matière mucoso-sucrée pour la préparation des aliments ou de certains médicaments. Il résulte de ces expé- riences que les sirops de pommes et de poires peu- vent, dans une infinité de cas , remplacer avanta- geusement le sucre ordinaire. = M. Parmentier, membre de la Légion d'hon- neur , et de FInstitut de France , et que l'Académie se félicite de compter au nombre de ses membres non résidants, nous a fait parvenir, dans le cours de cette année, et à différentes époques , la pre- mière et la seconde édition de son Jnstruction sur les moyens de suppléer le Sucre dans les principaux usages qu’on en fait pour la médecine et l’économie domestique. Ces moyens consistent dans l'emploi des sirops et des conserves de raisin , et ils sont développés avec une clarté bien propre à en faciliter la pratique aux bonnes ménagères des villes et des campagnes, auxquelles notre respectable confrère semble adres- ser particulièrement son ouvrage. L'auteur est bien éloigné de penser qu’on puisse retirer des sirops de pommes, soit pour l'usage de la médecine , soit pour l’économie domestique, les avantages qu’on s'en était promis. Suivant lui, des « C a (36) expériences répétées dans les hospices de Paris, ont irrévocablement prononcé sur ce point. = M. Sage vous a adressé une brochure sur les Mortiers ou Ciments. L'auteur examine , dans cet ouvrage , la cohésion que contracte la chaux avec les matières minérales , végétales où animales, et en déduit des règles pour Ja composition des mortiers les plus propres à re- sister à l’action de l'air et de l’eau. M. Sage termine sa brochure par l'exposé des moyens qu’il a employés pour naturaliser en France la minéralogie et ia métallurgie. = M. J’italis vous a communiqué des Observa- tions sur quelques Médicaments employés dans le traitement des maladies siphilitiques. auteur observe d’abord que, parmi les prépa- rations que l’on propose chaque jour pour combat- tre les maladies siphilitiques , il en est un grand mombre qui n’offrent à l'art qu'un vain appareil, un luxe inutile et trompeur.... Il fait voir que les robs prétendus anti-siphilitiques ne sont que des modifications du sirop de Velnos ou du sirop de Cuisinier.... On les administre ayec ou sans mer- cure , suivant les indications à remplir.... Le mu- riate oxygéné de mercure qu’on ajoute au sirop de Cuisinier , à la dose de 6, 8 ou même 12 grains, sur 20 onces de sirop, donne des signes de sa pré- (37) sence au moyen du sulfure hydrogéné d'ammonia- que, même au bout de huit ou dix jours de pré- paration : ce qui explique la celérité avec laquelle agit le médicament ainsi préparé , et les succés qu'on obtient de son usage dans la siphilis con- firmée. — Le même membre a soumis au jugement ds l'Académie l'analyse d’une Liqueur anti-vénérienne qui se débite à Rouen, et dont quelques médecins l'avaient invité à rechercher la composition. » Cette liqueur , dit M. Jîtalis, a une couleur légèrement fauve , une saveur très-sensiblément acide , une odeur aromatique analogue à celle du camphre et de l'huile volatile d’anis. Elle marque quatre dégrés à l’aréomètre de Baumé. Il s'en pré- cipite spontanément , et en peu de temps, une ma- tière grisâtre , pulvérulente et insoluble dans l'eau ; la liqueur acquiert alors plus de limpidité et perd peu à peu sa couleur , eflets qui dépendent évidem- ment de l’oxigénation subie par une portion de l’ex- tractif dissous dans la liqueur. » Elle rougit la teinture de tournesol et le sirop de violette. » L'hydro-sulfure d'ammoniaque ny occasionne aucun précipité , d’où il suit qu’elle ne contient aucuue substance métallique. » Une lame de cuivre bien décapée , plongée dans GS C 38) la liqueur pendant quelques minutes , et mouillée en- suite d’une gouttelette d'acide nitrique, ne blanchit pas. La liqueur anti-vénérienne ne contient done pas de mercure, ce que l'on savait déjà par l’ex- périence précédente, » Le nitrate d'argent y forme sur-le-champ un précipité blanc qui noircit bientôt et ne se dissout pas dans lacide nitrique pur. La liqueur contient par conséquent de l'acide muriatique. » Cette liqueur, chauffée dans une phiole à goulot très-étroit , a laissé échapper des vapeurs qui s’en- flammaient à l'approche d'une bougie allumée : preuve certaine de la présence de Palcool. » L’acide sulfurique concentré , versé dans la liqueur , en dégage sur-le-champ des vapeurs ru- ülantes ; l'acide , en se portant au fond du vase , per son excès de pesanteur spécifique , y forme une espèce de globuie de couleur rose ; phénomène que l'on pourrait attribuer à l’action de l'acide sur Phuile volatile de camphre et d’anis. ( Annales de chimie , tome 67 , page 295.) » Pendant l’évaporation d'une once de cette li- queur jusqu’à consistance d'extrait , il s’est dégagé une vapeur piquante et acide , car elle rougissait le papier teint avec le tournesol ; à mesure que la liqueur avançait vers cette consistance , la matière s’est boursouflée de plus eu plus. (39 ) » Cette matière extractive, d'un beau jaune clair, pesait 26 grains ; elle rougissait promptement , non, seulement la teinture de tournesdl , mais encore de sirop de violette. Elle était déliquescente à l'air. Expo- sée au feu dans un creuset de porcelaine , elle s'est boursouflée considérablement à la première impres- sion du feu ; il y a eu scintillarion , dégagement de vapeurs piquantes et acides , et, sur la fin, il s’est fait sentir une odeur légèrement empyreumatique : la couleur jaune a disparu et a été remplacée par la couleur noire, due à la formation d’un charbon léger et facile à incinérer. Les cendres recueillies avec goin pesaient 2 grains 3 » elles offraient une couleur rose ou plutôt légèrement vineuse , assez semblable à celle dn tartre rouge. Elles verdissaient le sirop de violette. Parmi les cendres , on a trouvé une très-petite portion de matière saline poreuse et qui paraissait avoir subi la fusion ignée. L’exi- guité de son volume ne m'a pas permis d'en cons- tater la nature. Je présume que cette matière sa- line était du muriate de potasse , sel que contient assez abondamment la décoction de salsepareille , d'après les expériences de M. Boullay. » La liqueur anti-vénérienne dont il s’agit contient donc : 1° une matière extractive végétale ; 2° de l’al- cool ; 3° de l'acide muriatique ; 4° du nitrate de potasse ; 5° du muriate de potasse ; 60 un arôme qui parait-être celui et du camphre et de l'anis. G 4 C40) On peut donc la recomposer comme il suit : Décoction de salsepareille à quatre dégrés de l'aréomètre.......... une pinte. Alcool muriatique du codex,quatre gros. Eau-de-vie camphrée..... deux gros. Huile volatile d’anis...... quelques gouttes. Nitrate de potasse........ trois gros. » Une liqueur aïnsi composée offre tous les carac- tères de la liqueur anti-vénérienne soumise à l’exa- men ; elle en diffère cependant beaucoup par la modicité du prix auquel on pourrait la fournir com- parativement au prix de la liqueur anti-vénérienne , quiest, dit-on, de vingt-cinq francs par bouteille. » Nous laissons aux médecins à prononcer sur le mérite de cette liqueur , et à déterminer les cas de maladie siphilitique où il conviendrait de l'em- ployer ; on assure que l’auteur s’en sert sur-tout dans le traitement de la blennorhagie : la dose est d'une cuillerée deux ou trois fois par jour. « La liqueur anti-vénérienne , dont M. Vitalis vient de parler , lui en rappelle une autre qui a de l'a- valogie avec la précédente , et que quelques pra- üciens conseillent dans la blenuorhagie; en voici la formule : C4) Eau de menthe ou de melisse.. douze onces: Sirop diacode .... L de chaque , une once. de nerprun... f Alcool muriatique du codex .... un gros£. Eau-Ge-vie camphrée........... un gros. Le but de l’auteur, en publiant ses observations et l'analyse de la ligreur anti-vénérienne sa été, 1° de mettre en garde contre les nouveautés qui cherchent chaque jour à s’'introduire dans nos phar- macopces siphiltiques , qui n’offrent déjà que trop de préparations quelquefois peu utiles , et souvent dangereuses ; 2° de fixer l'opinion sur certains mé- dicaments dont l'efficacité pouvait paraître douteuse ; 3° enfin, de mettre le praticien à portée d’appré- cier certaines liqueurs anti-vénériennes dont les élé- ments leur étaient inconnus. SCIENCES MÉDICALES. M. Besnard , docteur médecin , vous a commu- niqué des Observations très-importantes pour l'art de guérir, et qui tendent à prouver que le muriate oxigéné de mercure, donné dans une décoction de salsepareille sans matière sucrée , n’agit point avec la même promptitude et la même énergie que ce même sel 2Aministré dans un sirop purement ex- tractif, Noire confrère a choisi les cas pathologiques qui offraient le plus de similitude , et il s’est con- (42) vaincu que 18 grains de sublimé dissous dans le sirop de Cuisinier, suffisaient pour faire disparaître les symptômes siphilitiques les plus graves, tandis que la guérison, dans les mêmes circonstances, en a exigé 40 grains lorsqu'on associait le muriate oxi- géné mercuriel à la tisane de Sels. M. Besnard conclut de ces faits que le muriate oxigéné de mercure donné à la dose de 6 ou 8 grains, sur 18 ou 20 onces de sirop ‘de Cuisinier , ne parait pas décomposé par l'extractif, ainsi que Va annoncé M. Boullay , pharmacien de Paris ( Recueil périodique de la Société de Médecine , tome 10). Il presume que la matière sucrée défend le sublimé contre les réactifs qui pourraient déceler sa présence. À lappui de son opinion il cite des expériences de Buquet , et il fait remarquer que, d’après les conjectures de M. Berthollet , le préci- pité mercuriel provenant de la décomposition du su- blimé, par la décoction de quinquina , est devenu entre les mains du D. Thootin , médecin anglais , uvre arme puissante pour combattre les maladies vénériennes accompagnées des symptômes les plus effrayants. Enfin, M. Besnard appelle de nouveau l'attention des chimistes sur la décomposition annoncée par M. Boullay, et il les invite à faire les expériences convenables pour s'assurer de Ja vérité des faits, = M. Godefroy , au nom d'une commission (45) formée pour cet objet, vous a fait un savant rap- port sur un ouvrage qui vous avait été adressé par M. Hernandez, professeur à l’école de méde- cine de la marine à Toulon, et aujourd'hui mem- bre non résidant de l'Académie , sur la question suivante , que la Société de médecine de Lyon avait mise au concours le 14 frimaire an 14: n Quels sont les signes diagnostics et prognostics » que peut fournir , dans les maladies aiguës et » chroniques , l’état de la langue , des lèvres et » des dents ? Quelles conséquences doit-on en » déduire pour la pratique ?« M. Godefroy conclut que l'ouvrage a paru à la commission digne de la palme qui lui a été décernée par la Société de Lyon, et qu'il annonce des con- naissances solides et un talent réel. = M. Vigné , docteur médecin , vous a pré- senté un Æssai sur Le sentiment d'horreur qgu’inspire la mort, Notre confrère considère la mort sous le rapport physique et sous le rapport moral. Sous le premier de ces rapports , il n’est rien, suivant M. Vigne, de plus affreux que la mort , _et elle doit être pour chacun de nous un objet de tristesse et d'horreur. C’est dans le livre de la nature , dit-il , c’est auprès des mourants , c’est dans le sein de la mort même , c’est encore dans C44) les meilleurs ouvrages que nous possédions sur la science médicale , que je puiserai mes preuves. L'expérience nous apprend , continue l’auteur, que l'enfant , l'adolescent , l'adulte , le vieillard ne voient Je plus souvent terminer leur existence qu’a- près avoir été en proie à la douleur la plus vive. Il en appelle aux gestes effrayants , aux plaintes, aux gémissements des moribonds. — En consultant , ajoute-t-il , les exemples d'autopsie cadavérique que lon trouve dans les ouvrages de Morgagni , de Lieutaud , de Stoll, de Portal , il est impossible de ne pas reconnaitre que la mort est presque toujours précédée par la douleur , que l'homme meurt affaissé par le poids de la douleur. Suivant Buffon , la mort est un spectre qui nous épouvante de loin, et qui disparait lorsqu'on vient à s’en approcher. Notre confrère convient de la vérité de cette assertion , s’il ne s’agit que de l'instant ou s'opère la séparation de l’ame d’avec le corps ; mais il lui semble nécessaire de tenir compte de ces moments douloureux , funestes avant- coureurs de la mort, de ces tourments quelquefois excessifs qui amènent la dissolution de notre être , et dont le moribond ressent toute lamertume et prévoit les fatales consé- q uences, Combien d’ailleurs de personnes échappées à la mort ; dit M, Vigné , ont rendu compte des C4) souffrances qu’elles avaient endurées jusques sur le bord de la tombe ? La crainte de la mort, déjà trop bien fondée sur la considération des accidents précurseurs, s'accroît encore par l’accablante perspective de notre des- truction..... O mort ! s’écrie ici M. Vigné , si tu m'étais si redoutable , le Tout-Puissant t'aurait-il fait linstru= ment de sa vengeance ? Aurait-il, dans sa colère, menacé le premier homme de devenir ta victime ?... Mais si je wai pu , continue l'auteur , affaiblir les craintes que la mort doit inspirer, qu'il n'est doux de la faire envisager comme le commencement d'une autre vie après laquelle soupire l'ame du juste !....,. Qu'il m'est doux de penser que le té- moignage d'une bonne conscience , nous éleyant au-dessus de nous-mêmes , dans nos derniers mo- ments , nous rend presqu’insensibles à l'aiguillon de Ja douleur , et adoucit le coup fatal qui tranche le fil de nos jours! = Le même membre vous a donné lecture d’un écrit qui a pour titre: Réfutation des Assertions de M, Boyveau-Laffecteur | sur le Mercure employé comme anti-siphilitique. M. Vigné se propose ici de venger le mercure des reproches graves que lui adresse M. Boyveau- Laffecteur , dans son traité des maladies véné- riennes, ( 46 ) A l'opinion de M. Laflecteur , notre confrère oppose l'expérience de plusieurs siècles , le sent- ment des médecins les plus éclairés, des praticiens les plus habiles. Est-il certain d’ailleurs que le rob de M. Laffecteur ne contient point de mercure ? Ce rob est-il aussi infaillible que le prétend son auteur ? M. Vigné discute ces deux questions ayee beaucoup de sa- gesse et de sagacité , et il conclut, de faits nom- breux qui se sont passés sous ses yeux à l'hospice général de Rouen , ou qu'il a rencontrés dans sa pratique ; 1° qu’on ne peut contestér au mercure son efficacité dans le traitement de la siphilis con- firmée , toutes les fois qu’il est administré par des mains sages et prudentes ; 2° qu’on doit le préférer au rob de M. Laflecteur jusqu’à ce qu’il soit prouvé démonstrativement que ce rob , purement végétal , si on en croit l'auteur , procure une guérison plus prompte et plus sûre que celle qu’on obtient en se servant du mercure et.de ses diverses préparations. Après avoir vengé le mercure des incuipations injustes que lui fait M. Boyveau , notre confrère condamne , avec raison , tout ce qu’on appelle secrets , en médecine. Je ne sais rien , ditil , de si redoutable pour l'espèce humaine que ces pré- parations obscures avec lesquelles on abusa toujours de son aveugle crédulité. .. Que n'existe t-il un secret utile à l'humanité souffrante , et que ne puis-je en être possesseur ! Je l’offrirais aussi-t0t à ma patrie, : C47) au monde entier : plus heureux mille fois d'avoir pu donner cet exemple , que d'être parvenu à la plus haute fortune. On reconnaît aisément , dans cet élan d'un cœur généreux , le noble désintéressement dont M. Vigné donne tous les jours tant de preuves dans l’exer- cice d’une profession qu’il honore autant par les qualités de son cœur que pat l'étendue de ses con- naissances médicales, — Le même membre vous a fait connaître , dans une analyse très-exacte , la Dissertation qui a été Soutenue aux écoles de médecine de Paris , Sur la pleurésie bilieuse ou gastrique ; par M. Boismare , docteur médecin , qui en avait fait hommage à l'Académie, L'auteur, dans cette dissertation , se propose de Prouver que la maladie connue sous la dériomina- ion de pleurésie bilieuse , n’est Pas toujours une complication de la pleurésie avec une affection bilieuse ; mais que souvent les symptômes pleu- rétiques ne sont que sympathiques ou épiphéno- mênes d’une affection bilieuse intense. = Vous avez reçu | Messigurs » de la Société de médecine du departement de l'Eure » les nu- méros.12 , 134 14 et 15 du Bulletin des Sciences médicales , publié par les membres du comité cén- tral de cette société. Vous ayez entendu avec plaisir , dans quelques. (48) anes de vos séances , la lecture de plusieurs ar- ticles extraits de cet intéressant recueil. Je citerai particuliérement ici, 1° un Mémoire de M. Maheux, docteur médecin à Evreux , sur l'utilité de la poudre de charbon , employée à l’extérieur , dans la gan- grène ; 2° des observations du même auteur de deux croups aigus et d’une ouverture de cadavre prou- yant que le croup n’est pas une maladie intlamma- toire ; 3° un fragment du discours prononcé par M. Chaussier , médecin en chef de l’hospice de la Materuité à Paris , à la distribution des prix faite aux élèves sages-femmes de cet hospice , le 24 juin 1808. — M. Lamauve , docteur médecin , a lu un mé moire qui a pour titre: de l’Aritère épigastrigre, considérée dans un état pathologique , relatif à la hernie inguinale , et des moyens de s’assurer de sa position pour éviter le danger de la couper dans l'opération chirurgicale. Après avoir donné une idée précise de la pasi- tion respective de l'artère épigastrique , du chan- gement de ses rapports dans l'état pathologique , des variations qu'elle éprouve dans la formation des tumeurs herniaires , l’auteur fait voir que, dans les hernies inguinales , cette artère est constamment adhérente au cordon spermatique , et que la posi tion de ce cordon , qui est toujours facile à connaître , indique sûrement la position de l'artère : d'où M. Lamauve Let, à L'on CR (49 ) Lamauve conclut le moyen aussi sûr que facile d’é- viter la section de cette dernière. » Je crois, dit notre confrère , en terminant son memoire, avoir fourni , sur une maladie aussi fré- quente que meurtrière , quelques réflexions qui peuvent tourner autant à l'avantage des malades qu'aux progrès de l'art , en éclairant un point de doctrine qui me paraissait obscur. À la suite de l'analyse du mémoire de M. Lamauve, M. Godefroy , qui en a rendu compte à l'Académie, s'exprime ainsi : » Il n’est pas ici question de pro- noncer sur le mérite du mémoire de M. Lamauve ; ce mérite nous paraît aussi incontestable quele talent de l’opérateur...... Mais l’auteur, plein de son sujet , pénétré du meilleur procédé à mettre en usage , ne nous a-til pas présenté comme nouveau ce que d’autres ont dit avant lui? Au moins est-il vrai de dire que ses judicieuses réflexions se rap- portent absolument à celles que des auteurs d’un mérite distingué nous tracent dans leurs écrits. La confusion règne à la vérité, dans quelques au- teurs même modernes , lorsqu'il est question de donner des préceptes sur le débridement de l’an- neau. Verduc , Heiïster , Garengeot et Bertrandi veulent que lincision de l'anneau monte oblique- ment en dedans , et qu’elle porte sur son pilier supérieur et interne. Sharp et Delafaye disent pre- cisément le contraire. Ils veulent que le débridement D + (50) se fasse en-dehors. M. Sabbatier lui-méme ne “pré- sente rien de positif et d’exact. « » Bichat, qu’une mort prématurée a enlevé à la science médicale, mais à qui ses ouvrages, enfants heureux du génie , assurent des droits à l'immortalité, Bichat , dans ses œuvres chirurgicales de Desault , s'exprime ainsi : » Le débridement de l'anneau sup- » pose deux choses ; 1° le lieu où on doit le faire ; » 20 la manière de le pratiquer. Le lieu du débri- » dement doit être principalement déterminé par l'ar- » tère épigastrique , qu’il faut chercher à éviter. .... » Il faut trouver , ditil , une règle qui puisse, dans » l’opération ,| nous servir de suide invariable , et » nous mettre , quel que soit le lieu de l'artère , à » l'abri de sa lésion. « Desault tirait cette règle de Ja situation du cordon spermatique par rapport à la tumeur. N'est-ce pas là l'idée de M. Lamauve ? La connaissance de la situation du cordon spermati- que n'est-elle pas chez notre confrère , comme elle le fut chez Desault, le moyen propre à éviter la section de l'artère épigastrique ? Richerand qui, jeune encore, a mérité de s'asseoir parmi les pro- fesseurs de l'école , assigne à l'artère épigastrique sa place au même lieu où se trouve le cordon sper- matique qui l'indique et prévient sa lésion. Enfin, je citerai l'autorité du professeur Boyer , qui , dans ses cours particuliers , nous répétait : Recon- naissez la situation du cordon et incisez toujours du côté opposé à celui où il se rencontre. (51) »Si lé mémoire de M. Lamauve n’ajoûte réellement pas à la science , s'ilne porte pas une lumière nouvelle sur un poiut qu'avait éclairé le génie de Desault , il n’en reste pas moins démontré que cet ouvrage fait honneur à son auteur , qu'il donne Ja me- sure de l'étendue et de la solidité de ses connais» sances , et qu’il ne peut que rappeler un précepte essentiel. ASGUR CU EUTOU RUE: Vous avez reçu de M. Sylvestre | membre de l'institut, et secrétaire de la Société d'agriculture du département de la seine, une lettre circulaire dont l'objet est d’inviter les Sociétés savantes des dépar- tements , à faire les frais de l'entretien d’un ou de plusieurs élèves à l'ecole d’Alfort, pour suivre le cours qui y est professé par M. Yvart. Les frais ne sont, pour chaque élève , que de 354 francs par an. Deux années suffisent à un jeune homme, doué d’une intelligence ordinaire , pour acquérir les notions générales de théorie et de pratique agricoles dont se compose le cours, et être en état de diri- ger ensuite lui-même une exploitation. A la lettre de M. Sylvestre étaient joints ; 1° le Programme de la Séance publique de la Société , du dimanche , 9 avril 1609 , où l’on trouve l’ordre des lectures, la notice des récompenses et des mé- dailles d'encouragement qui ont été décernées, et D 2 C5) Pexposé des sujets de prix pour les années 1810 , 1811 et 1812, 2° l'Annuaire de la Société d’agricul- ture pour l'année 1809 , contenant l’organisation et l'état de la Société , avec le nom des membres re- sidants , associés ou correspondants, Rien ne vous eût été plus agréable, Messreurs, que de pouvoir vous rendre à l'invitation de la célèbre Société d'agriculture de Paris ; mais les fonds dont vous pouyez disposer sont si peu considéra- bles que vous n'avez pu y répondre que par l’ex- pression de votre reconnaissance et de vos regrets. — La même Societé vous a adressé , le 15 juillet 1809 , une lettre circulaire qui a pour objet de demander à l'Académie des renseignements pour la rédaction d’un ouvrage sur l’A4rt de conserver les Substances alimentaires , tels que les grains , les farines , les légumes , les racines , les herbes pota- gères, les fruits proprement dits , les poissons, le lait , le beurre , le fromage, les œufs , les viandes d'oiseaux ou de quadrupèdes , etc. L'Académie s'est montrée sensible au nouveau témoignage d’estime qu'elle a reçu de la Société d'agriculture du département de la Seine , et chacun de vous s’empressera, sans doute, Messieurs , de répondre à l'appel honorable fait à vos lumières sur un point qui touche d'aussi près les besoins du commerce , de la marine et de l’économie do- mestique. (53) INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE. M. Lancelevée vous a présenté quelques Ré/lexions sur l’état actuel de nos fabriques. Nous ne sommes pas encore , dit notre confrère , très-éloignés du temps où la profession de fabricant obtenait si peu d’estime et de considération, dans la société , que le fils, rougissant en quelque sorte de l’état exercé par son père ; y renonçait aussi- tôt qu'il en avait le pouvoir , et se privait ainsi de tous les avantages que lui aurait assurés une expé- rience d'autant plus précieuse que les sciences n’a vaient pas encore pénétré dans nos ateliers. Les idées sont heureusement changées aujour= d'hui à cet égard , et les arts industriels sont gé- néralement regardes comme un des éléments les plus essentiels du bonheur et de la prospérité pu- blique. Notre confrère observe que des réglements pro- hibitifs ne tendraient qu'à etoufler le germe de l'industrie et à enchaîner ses moyens. En lui laissant au contraire une liberté raisonnable , le gouverne- ment est parvenu à couvrir le sol de la France de riches ateliers et de superbes manufactures. Cet heureux résultat avait été préparé par des savants du premier ordre , tels que Réaumur et Bacon. .... On doit aussi de la reconnaissance à D 3 (54) toland de la Platière, et pour les écrits qu'il nous a laissés , et pour le zele avec lequel il travailla à perfectionner les arts et métiers, à la description desquels on sait qu'une bonne partie de l'Encyclo- pédie fut d’ailleurs consacrée. Mais cet ouvrage n’est pas à la portée de tous ceux qui auraient besoin de le consulter , et c’est sans doute ce qui avait inspiré à Vaucanson le projet d’une école de mécanique-pratique. Bientôt la France s'enrichit de la fameuse ma- chine d’'Arkwrigth , et déjà nos filatures de coton rivalisent avec celles de l'Angleterre. L'industrie était prête à succomber sous les coups du vandalisme révolutionnaire , si Napoléon 8e l'eût : protégé de son bras tout puissant. Graces éternelles lui en soient rendues au nom des sciences et des arts, s’écrie ici M. Lancelevée ! Puissent les lettres chanter dignement sa gloire et ses bienfaits ! Notre confrère rappelle ensuite les services nom- breux et importants rendus à l'industrie nationale, par la célèbre Société d'encouragement , établie à Paris sous les auspices du Gouvernement, et com- posée des savants les plus distingués , des artistes les plus habiles dans tous les genres..... En parlant du dépôt de machines qui appartient à cette So- ciété ,; notre confrère exprime le vœu d'en voir former un au milieu de lindustrieuse cité que nous habitons , et il pense qu’il serait digne de l'Acadé- (55) mie de solliciter la fondation de cet établissement , le seul qui manque à nos moyens d’instraction , puisque nous possédons déjà une excellente biblio- thèque , un Musée assez riche en tableaux, une Académie de dessin , des Cours de botanique et de chimie appliqués aux arts. = La Société académique de Cherbourg nous a envoyé deux imprimés dont le premier a pour titre = Notice des principaux Ouvrages présentés à la Société académique de Cherbourg , depuis le 19 mai 1608 jusqu’au 27 septembre de la même année ; et le se- cond : Notice des Ouvrages présentés à la Société académique de Cherbourg , depuis le 27 septembre 1808 jusqu'au 4 mai 1809 , et des Mémoires qui onë été lus dans la séance publique, Nous regrettons que ces notices, qui ne contien- nent que le titre des mémoires , ne soient pas assez étendues pour nous permettre de faire mieux con- naître les trayaux de la Société académique de Cherbourg. Depuis quelques années la classe des sciences avait perdu un assez grand vombre de ses mem- bres qu'il ne lui avait pas encore été possible de remplacer. Des circonstances favorables vous ont permis, cette année, Messieurs , d'associer à vos travaux s D 4 C56) pour la classe des sciences, des hommes auxquels il sera facile de justifier votre choix. Déjà une heureuse innovation dans les usages de VAcadémie , a mis nos nouveaux confrères à portée de faire connaître l’objet de leurs études particu- lières, l'étendue de leur zèle et de leurs talents. Rien ne m'est plus agréable que de pouvoir en fournir la preuve par l'analyse succincte des discours qu’ils ont prononcés la première fois que nous avons joui du plaisir de les voir prendre séance parmi nous. ANA1xsE du Discours de réception de M. Dusvc, Pharmacien. Après avoir exposé les motifs qui lui avaient ins- piré, depuis long-temps, le désir d’appartenir à l'Académie de Rouen , notre nouveau confrère re- mercie celte Compagnie savante de la bienveillance avec laquelle elle a daigné lui ouvrir ses portes. Pressé, par la reconnaisance , de chercher à se rendre digne du titre honorable qu'il vient de re- cevoir , M. Dubnc annonce qu'entrainé par goût vers l'étude de la chimie , et livré par état à la pratique de ses opérations , il essaiera de défricher quelques portions du vaste domaine de cette science. Il croit devoir se contenter ici de rappeler les prin- cipaux traits de l'excellent tableau que le célèbre (57) Fourcroy a tracé de l'origine , des progrès et de l’état actuel de la chimie. L'auteur parle ensuite des services que la chimie a rendus aux sciences ‘et aux arts, et, parmi ces derniers, à la pharmacie et à la teinture en parti- culier. M. Dubuc termine son discours en se félicitant d’avoir obtenu une place dans une Compagnie dont teus les membres offrent la réunion la plus par- faite des qualités de l'esprit et du cœur , et prési- dée par un Magistrat si digne par les connaissances variées et profondes de diriger l'ensemble de ses travaux. AxAzyss du Discours de réception de M. Brar», Mécanicien. Notre confrère s'attache à prouver que les scien- ces, les lettres et les arts sont les véritables sources de la richesse et du bonheur. Ce sont les sciences et les arts, dit-il, qui ont forcé la terre à ouvrir son sein et à se couvrir de riches et abondantes mois- sons ; ce sont les arts qui ont transformé la toison de la brebis en ces tissus ingénieux qui nous ga- rantissent des rigueurs du froid. Depuis que l'homme cultive les sciences et les arts, il trouve, dans des maisons élégantes et commodes , un abri qu’il était réduit à chercher autrefois dans le creux des ro chers ou dans la profondeur des cavernes. ( 58 ) Le bienfait des sciences, continue l’auteur , se fait sentir non-seulement dans nos besoins particu- Llers , mais il est encore plus remarqué dans nos relations sociales. Les sciences ont rendu faciles les communications entre les peuples les plus éloignés, en traçant des routes, en nivelant des terreins, en abaïissant des montagnes , en creusant des canaux... C’est donc aux sciences que l’on doit l'abondance, les richesses , les trésors que le commerce répand dans toutes les classes de la société. Ce n’est pas en lui procurant des richesses que les sciences rendent l'homme heureux. Le bonheur prend sa source dans des idées d'ordre et d’har- monie, et ces idées c’est encore aux sciences que nous en sommes redevables.... Après avoir rendu aux sciences l'hommage qui leur est dû , il paie aux belles-leitres le tribut qui leur appartient à tant de titres. Les lettres étendent le champ de l'imagination et en développent la puissance ; elles donnent de l'exactitude et de l'é- pergie aux pensées, du brillant et du coloris aux expressions; elles sont, pour tous les êtres doués de raison, le moyen le plus puissant de commu nication. ... M. Biard nous présente ensuite les arts comme le plus beau domaine de l'homme, comme le plus riche présent qu'il ait reçu de la Divinité. L’archi- tecture , la poësie, la musique , fixent un moment l'attention de notre confrère. (59) Les arts chimiques et mécaniques, ajoute-t-il, offrent des beautés d'un autre caractère. En péné- trant dans les secrets de la nature, en étudiant ses lois, en combinant les moyens qu’elle met à notre disposition , le chimiste et le mécanicien arrivent tous les deux , quoique par des routes diverses, au but d'utilité que chacun d’eux s’était proposé. M. Biard termine son discours en offrant au sa- vant et respectable Magistrat qui préside l'Académie, et aux membres qui la composent , l'hommage de sa reconnaissance et de son dévouement. Axaiyxss du Discours de réception de M. BoismAxr, Docteur Médecin. Notre confrère s'est proposé , dans ce discours, de présenter à l'Académie quelques réflexions sur l'aliénation mentale. Son but n’est point de traiter des différents genres de folie, mais de ne consi- dérer cette maladie que comme idiopathique ou purement nerveuse. La folie nerveuse est celle qui, marquée par le trouble des fonctions de l’entendement seulement , et sans aucun vice organique sensible , peut être regardée comme louvrage de l'homme, attendu qu’elle résulte de ses mœurs et qu'il est en son pouvoir de l’éviter. ( 60 ) e Cette espèce de folie attaque également les deux sexes, mais rarement avant l'âge des passions... Son développement peut être favorisé par l'étude des sciences abstraites, par la culture des beaux- arts, tels que la peinture, la poésie, la musique, et en général par toutes les causes qui peuvent exalier l'imagination... Elle est aussi déterminée par les excès de la table, l'abus des liqueurs for- tes, des narcotiques , etc. Mais les travaux intel- lectuels trop long-temps prolongés, les chagrins profonds , les grandes passions telles qu'un amour contrarié , la jalousie , l'ambition , l'avarice , la co- lère , la débauche, sont les causes les plus com- munes de la folie nerveuse , qui s’observe plus par- ticulièrement chez les personnes douées d’une constitution mélancolique... Une éducation soignée, et dirigée par des parents ou des instituteurs vertueux, paraît à l’auteur le plus sûr moyen d’en garantir les individus , comme la douceur lui semble devoir présider au traitement de ceux qui en sont attaqués , sauf les cas où la sévérité devient nécessaire pour mettre les furieux hors d'état de nuire. M. Boismare , après avoir félicité l'Académie de trouver , dans le sage et vertueux Magistrat qui la préside , le protecteur de l'humanité souffrante jus- ques dans les asiles de la pauvreté, prie cette Compagnie savante d'agréer l'hommage de sa ros- (61 ) pectueuse reconnaissance pour la faveur qu’elle à, dit-il, daigné lui accorder en l'appelant à partager ses nobles et utiles travaux. AxAzyss du Discours de réception de M. Boxer, Cuissier de La Monnaie de Rouen. Je ne me fais point illusion, dit M. Bonnet , sur les titres qui me procurent l'avantage de siéger à l'Académie... Ma jeunesse m’avertit que je ne dois les honorables suffrages de cette Compagnie sa- vante qu’au soin qu’elle prend d’exciter Pémulation et d'encourager ceux qui se livrent à l'étude des sciences... Je nabuserai point, continuet-il, de l'attention qu’elle veut bien m'accorder en ce mo- ment ; mais s’il est des bornes pour le discours, il n’en est point pour la reconnaissance , et celle que je dois à l'Académie aura la durée de ma vie toute entière. La nature, en disposant autour de l'homme tous les éléments nécessaires à ses besoins , lui a laissé le soin de les combiner entr'eux, de manière à en tirer le parti le plus utile et le plus avantageux pour son bonheur et pour celui de ses semblables. De là l'étendue immense de la carrière ouverte à l'industrie... Parmi les arts qui ont occupé les premiers efforts CG) de l'homme, il en est un sur lequel notre confrère demande à l'Académie la permission de fixer un moment son attention : c'est la Métallurgie. L'or et l'argent, par la résistance qu'ils opposent aux causes de destruction qui agissent sur les au- tres substances métalliques, indiquaient , pour ainsi dire , d'eux-mêmes l'emploi que l’on pouvait en faire pour faciliter les échanges et transmettre à la postérité l’image des grands hommes et le sou- venir des événements les plus remarquables. De là l'art monétaire et la numismatique. La science des médailles , remarque notre con- frère , a été, de tous temps, cultivée par des per- sonnages du premier rang, par des amateurs très- distingués , par de graves Magistrats même qui la re- gardaient comme la source d’une instruction aussi agréable qu’'utile ,; ou comme un noble délas- sement de leurs pénibles travaux... Les médailles sont des monuments authentiques de l'histoire des différents peuples qui ont figuré sur la scène du monde... Elles offrent à nos resards les traits de ces hommes appelés à gouverner les empires , et qui se sont illustrés ou par leurs triomphes ou par leurs vertus ; elles sont les témoins impérissables de la gloire des nations : elles retracent le souvenir de leur systéme politique et religieux. Notre confrère passe ensuite à des considérations sur Pari monétaire. Regrettant de ne pouvoir entrer (63) dans l'examen du nouveau systême de la France pour les monnaies, il donne du moins un apperçu des avantages qu’il présente, et montre le degré de perfection porté dans les machines qui servent à la fabrication des espèces... M. Bonnet regarde comme un vrai bonheur pour lui d’être admis à la communication des lumières de l'Académie , an moment où les amis des sciences et des lettres jouissent, sous la protection du Héros qui nous gouverne , de la considérat'on due à leurs utiles travaux. 1l s'applaudit de trouver , dans M. le Président de l'Académie , un Magistrat aussi dis- tingué par ses yertus que par ses connaissances... Si j'ambitionne quelques succès , dit-il en termi- nant son discours, c’est pour me rendre plus digne de votre estime, et vous donner un témoignage plus éclatant de ma profonde reconnaissance. Tel est, Messieurs, l'apperçu rapide des travaux qui ont occupé la classe des sciences pendant le cours de l’année académique , et que je ne pouvais mieux terminer qu’en exposant à vos regards la perspective agréable que nous offre , pour la suite, la réunion des eflorts de nos nouyeaux confrères à ceux que nous n'avons jamais cessé de faire pour nous rendre utiles à nos concitoyens et mériter de plus en plus leur estime et leur bienveillauce. (64 ) PRIX PROPOSÉ POUR 181. L'Académie avait proposé , l'année dernière , pour sujet de prix , la question suivante : » La Phthisie pulmonaire est-elle plus fréquente de » nos jours qu’elle ne l'était autrefois ? Dans le cas » de l'affirmative , toutes les espèces de Phthisies » pulmonaires ou quelques-unes seulement sont-elles » devenues plus fréquentes , et par quelles causes ? n Quels sont , s’il en existe , les moyens d’anéantir » ces causes ? «. Quatre mémoires ont été envoyés au concours. Sur le rapport de ses commissaires , l'Académie a jugé que le mémoire enregistré sous le numéro 4, et portant pour devise : Persons who are , etc. , mé- ritait le prix. Le billet cacheté joint à ce mémoire, ayant été ouvert , en présence de l'assemblée, M. le vice-président a lu le nom de M. J.-F. Hernandez, docteur en médecine , et professeur de l'école de médecine de la marine , à Toulon , auquel il a été arrêté que la médaille d’or , de la valeur de 5oofr. , serait envoyée. L'Académie s’est félicitée de trouver dans l'un de ses membres non résidants celui qu’elle devait couronner. . À . L'Académie a cru devoir accorder une mention honorable (65) hororable aux mémoires enregistrés sous les numé- ros 5 et 1 , dont le premier a pour devise cette pensée de Sydenham : Semper enim existimavi , elc., et lautre , ces deux vers latins : Circuit irquirens quem devoret horrida Phthisis : Devorat inñiumeros ; pueri , Vigilule , paveles “L'Académie regrette, pour l'auteur du mémoiré enregistré sous le numéro 2 , et qui a pris pour de- vise ces deux mots : Experientia , observatio ; qu'il n'ait pas complètement résolu la question qu’elle avait proposée. L'Académie propose, pour sujet du prix à décer- ner daus sa séance publique de 1811, la question suivante : » Etant donnés un volume d’eau ef sa chüte , » déterminer La position et les dimensions de la » roue , soit à aubes , soit à augets, qui doit pro- » duire le plus grand effet possible. « L'Académie désire sur-tout que l’auteur s'occupe de rendre facilement applicables à la pratique les conclusions qu'il pourrait déduire de la théorie, et principalement de l'expérience. L'auteur aura soin de joindre à son mémoire , les plan, coupes et profils nécessaires, Le prix sera une médaille d’or de la valeur de francs, qui sera décernée dans la séarce pu ique de 1811. E (66) L'auteur mettra en tête de son mémoire une de- vise qui sera répétée sur un billet cacheté ; où il fera connaître son nom et sa demeure. Le billet pe sera ouvert que dans le cas où le mémoire aura remporté le prix. Les académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les mémoires , écrits en français ou en latin, devront être adressés , francs de port, à M. Vitalis, secrétaire perpétuel de l'Académie pour la classe des sciences , ayant le premier juin 1811; ce terme sera de rigueur. Dsériz#RATION de l’Académie concernant l’impression P . des Mémoires relatifs aux Sciences , qui ont été présentés pendant le cours de l’année 1809. Dans sa séance du 13 décembre 1809 , l'Académie, sur le rapport de la commission nommée pour cet objet , a délibéré qu'aucun des mémoires ne se- rait livré en entier à l'impression. Les motifs qui ont déterminé l’Académie , sont que plusieurs de ces mémoires ont été publiés par les auteurs , ou qu’ils ont été insérés dans les ouvra- ges périodiques qui suivent le mouvement des sciences , tels que les Annales de chimie, le Bulletin de la Société de pharmacie de Paris , celui de Société médicaie d’Evreux , etc. , TABLEAU GÉNÉRA1I dés Observations météorolos giques faites à Rouen pendant l’année 1809 ; par M. J.-B. Virazis, Professeur de Cliünie appliquéè aux Arts, SIX PREMIERS, MOIS. AN 1809. JANVIER. FÉVRIER MARS. AV R'ILL. MAI. TURIN (Les principaux phénomènes sont indiqués par une apostrophe. ) oo TE (ax imum + + + || 28 pouces o lignes o les :6 et 17. || 28 pouces 4 lignes 1 le 26. 28 pouces 4 lignes 5 le 8. 28 pouces 3 lignes 8 le 6. 28 pouces 4 lignes o le 7. 28 pouces 4 lignes 6 le 25. AN M True 0e || 20 10 o le 8, 27 5 ole 11, 27 5 6 le 26. 27 4 o le 16, 27 7 4 le 1°, ES COR CL 6 Get THERMOMÈTRE Maximum. : « «|| degrés o les 25, 26 et 27. 11 degrés o le 15. 12 degrés 0 le 25. 11 degrés o le 27. 20 degrés o le 14, 19 Lo dé ce 1 o le 1°, Nas : “Minimum . - «+ .||-6 o les 1Bet 10. I 4 le 27. o o les 8, get 10. —1 o le 5. 4 o le 2. 9 o le 10, HYGROMÈTRE } Maximum . . . || 88 degrés le 5r. go degrés le 19. d 90 degrés le 29. 90 degrés le 15, 86 degrés le 3. 86 degrés les 6 et 14. DE gd ‘Minimum . . . .|| 65 les15,15et17. 55 le 22. 62 les 2 et 12. 50 le 12. 44 le 11, 48 le 2. s VENTS DOMINANTS . . « +. . . . . « . . « « | 5-0., O.-S.-O., N.-E., S.-S.-O. \.= Fa A .:S.- S:-0,,-E.,-N.-E. N.-L., N., S-O. S. -E. N., S.-0:, O. RTS (Venttempêtueux le 8 je RE Nb) SON -BE RER (Vent tempétueux les 14 et 16 ). NS ISE0; (Vent tempétueux le 5 ). SN Ci NN he. EE RER AL LR) VE Re JOURS DE PLUIE... . en... lu -us reel l: 23: 731025 0 10% 145019, 20), 21, 5,4,5,6,7,8,0,10,11,12,15, 5 245120, 285101 10, 110,15 04,000 10% 17: 16; ||1;2; 4, 19; 20,27: 20, 50: 4, 5, 0317305 010, El 22, 24, 26, 29, 14, 18, 20. 20, 21,22, 25, 27, 30. | 00 LS ne Jours DE NEIGE, . PSS. terre a 0 MÉRRROEE Néant, Néant. D papa Néant. Néant, MR RE RES De NS Pen Pise OMIS © © || ITOURSÉÈDENGRÉEE 0 0 Mie eee il 10: Néant. Néant, DU; 10: Néant. Néant. a "27 CE mm | A ——————— no Quantité d’e: e pluie e je È : UDOMÈTRE.... ÿ Quan Fe eau de pluie, de neige 5 pouces 4 lignes 5/16. 1 pouce 1: ligne */\6. o pouce 8 lignes 14/16, 1 pouce 2 lignes :/\16. o pouce 6 lignes 7/16. 1 pouce 2 lignes 14/16. et grêle, « + 4 » > » +. : & ———_—_—_—_ "À UUUOO_'U - ÎUÎ_ _ _ À A ————€———€. €. || rc (FOURS IDE NCELEE. 2-1. 0 DU 23. Néant. | BÉTOP T0: ADO ET Néant. Néant. | 0m JOURS DE BROUILLARD. . . , . . . . .. 111,195 820: 19°, 27,28. _ 1, 9519» 213;.22;.275 20% 24, 26, 28, 29, 30. 6,7, 11. 16, Le — —————__———.. EE | 2 ———————— oo | Jours DE TONNERRE . . éant. | Néant. Néant. 145 17 1026: 6. Actes de l’Académie 1809. ( page 66 bis ). ; TABLE AU cÉNÉRAz des Observations météorologiques faites à Rouen pendant l’année 1809 ; par A. AN ne M de 9 Se Maxi BAROMÈTRE . . fHarimagn | Minimum . 5 VE 1809. JUUVI-L-LHE NT. lignes o le 24. 8 le 4. 18 pouces 3 on n : / THERMOMÈTRE à Mencune 1) Maximum Échelle de Réaumur, | Minimum CRU 22 degrés oo le 25, 11 o du 19 au 23 incl, SX D E RNIVE R°S MOTS: | 28 pouces AOVUNE. 2 lignes 8 le 29. 7 5 le 6, 10 21 degrés 2 le 10, o le 4, SEPTEMBRE 28 pouces 2 lignes 1 le 16. 27 4 9 le 8. 18 degrés o les 1°° et 5. 5 o les 28, 29 et 30. OCT OBRE. er 28 pouces 4 lignes o le 2. 27 Il o le rr, ————_————————— 14 degrés le 2 1 le 5 5 HYGROMÈTRE px Saussuns.d | Minimum VENTS DOMINANTS. . fMarcimun. OT 86 degrés le 9. Jouns p8 rLuin,, , Total pour l’année 155 jours, Totale, ie 00 jours. JOURS DE NEIGR . . : Néant, Jours DE GRÊLE. . .« T1 . Dana deudh lie, nage UDOMÈTRE, L et grêle . 7 jours. 21 pouces 0 1, 15/16, Jours DR GELÉE , . . Total... .... 16 jours, a JOURS DE BRUMK ET RROUILLARD, futal bo jours. a —— Jouns DK TONNERRE, oral, ,,,,,. 11 jours. Néant, 1 pouce 10 ligne 2/16 )1 82 degrés le 7. Non observé 5 le 11, | depuisle14. 100 degrés le 20, F Non obs. pend. 70 le 28, | des 14 pr. jours. 100 degrés le 6, 66 le 1e", Néant. 2 pouces o lignes 9/16. | CES OMS! | (Fort vent le 25.) | N.-E., S.-E., N-O. ers PNR STE Lee 17,2, 4, 5,6,75 8°, 93 10,11, 15,173 18, 20,21,22,25,24,25',26,27,28, 50. Néant. Néant. Néant, 1,15, 29, Néant, 3 pouces 7 lignes Néant. Néant. Néant, Néant. 10, 11,12, 13, 14, 45, 16, Néant. J.-P. Virazts, Professeur de Chimie appliquée aux Arts. NOVEMBRU. 2 7 | 28 pouces 5 lignes 0 le 20. 28 pouces 1 ligne o le 7. 8 le 26. 26 di 5 (ab,rem. le 17), 9 degrés 2 le 10. o les 25 et 29, 27 4 8 degrés o le 13. —1 o le 20. 1 92 degrés les 26 et 50. 95 degrés les 5, 6,7. les 1,10 et 20, 70 les 5, 8, 12, 15, 16, 18,29.| 70 5.-0,, 0.-N.-0,, 0.-5.-0., N.-0: 0.-N.0., N., N-0., NE. (Vents violents les 14, 17, 18,) 19,2, 5,4,6, 7,8, 0, 10, 12, 16',17,18, 1,4,6,714,1516,17, 18,21, - 19, 20, 21, 25, 24, 25, 20, 27, 29, 504 29, 25,24), 26, 17, 19: Néant. tp eetgegeegenngueæs, || qqn 15 , 16. Néant, a ——_—_—_—_————_—————_— 1 pouce 10 lignes 7/16. 5 pouces y lignes 5/16. 2H: Néant, 1, 15,21,25,28, 29,50. Néant, (67) RE LE S.- L'EYT.T RES, R 2 AP) BL OCR: 07 Fait par M. Gourpix, Secrétaire perpétuel de l’Académie, pour la classe dés Belles-Lettres. MoORiSus LE DARtS Quoique la classe des lettres et des beaux-arts offre des divisions moins marquées que celle des sciences, dont M. Vitalis, mon collègue, vient de vous entretenir, cependant, pour mettre en quel- que sorte plus d'ordre dans les nombreux travaux dont j'ai à vous parler, je crois devoir en intro- duire quelques-unes, qui, sans être rigoureuses , vous feront mieux convaiître les divers objets qui ont exercé la plume de mes collègues. Par cette méihode , l'assemblée nombreuse, choisie et éclai- rée , qui me fait l'honneur de mécouter , pourra porter sur nos travaux un jugement plus sûr et mieux motivé. Mais avant , il est de la justice comme de la re- connaissance de l'Académie, de vous faire connaître “quelques ouvrages qui lui ont été adressés, E 2 C6 ) = M. Duval Sanadon avait, dès 1775, envoyé à l'Académie des Vers sur l’origine du Prieuré des Deux-Amants. L'auteur ayant bien voulu redonner une nouvelle copie de sa pièce , M. Gosseaume en a proeuré un extrait assez étendu pour qu’on y reconnût un véritable talent et qu’on en entendit la lecture avec le plus grand plaisir. On y retrouve, en effet, le naturel de Chapelle , l'heureux abandon de Chaulieu et de la Fare, et peut-être plus en- core , la bonhomie et la touche de La Fontaine. On croirait que ce morceau de littérature appar- tient aux plus beaux instants du siècle de Louis AIN: = M. Feret nous a adressé des vers latins sur la translation du corps du Cardinal de Joyeuse. Cette pièce est imprimée, et le public a prononcé sur son mérite littéraire. — M. Angerville , conseiller de préfecture et président de la Société libre d’émulation de cette ville, nous a envoyé plusieurs exemplaires de l’ex- cellent discours qu’il a prononcé à l'ouverture des séances de cette Société. — Nous ayons reçu de celle des sciences et arts du département de la Loire-Inférieure , le compte rendu de sa séance publique ; | De l'Académie des Jeux floraux , non-seulement l'annonce des sujets de prix qu’elle propose , mais LA (69 ) encore la collection des pièces qu’elle a couronnées l'année dernière; De Ja Société de Besancon, les détails intéressants de sa séance publique ; De l'Académie de Dijon, le programme des prix qu’elle propose. Nous regretutons bien sincèrement que les bornes qui nous sont prescrites nous empêchent d'entrer dans des détails sur les travaux de ces différentes Sociétés. = Enfin, la Société établie dans cette ville pour le progrès du commerce et de l’industrie, nous. a adressé deux exemplaires de lEssai sur l’origine et les progrès de l’art de la TFeinture en France , et particulièrement de l’urt de teindre le coton en rouge- des-Indes, par M. Vitalis; l'Académie n’a pu qu'être très-sensible à la justice qu'une Société aussi éclai- rée rendait au travail de l’un de ses Secrétaires. Passons aux travaux des membres de l'Académie. ÉLOQUENCE. = M, Savore Rollin , Président, n'ayant pu, à cause. des importantes occupations d'une grande adminis- tration , ouvrir, par un discours particulier , la première séance de l'année académique , en a dé- _ dommagé la Compagnie par la lecture de celaf E 5 (ro) qu'en sa qualité dé Préfer de ce département ; il venait de prononcer à l'ouverture de l'examen pour l'admission des mL V'école polytechnique. » Messieurs , | » Je vous ai réunis pour assister à l'ouverture des examens qui vont avoir lieu pour l'admission des élèves à l’école impériale polytechnique. » Gette école, dès sa naissance, a été célèbre dans le monde savant par l'étendue , la perfection de son enseignement et la haute réputation des pro- fesseurs qui y ont successivement préside. Aujour- dhui son organisation , lutile et noble destination de ses élèves , la protection spéciale de S. M. l'Empereur , sous les yeux duquel elle fleurit , tous ces titres lui assurent le premier rang parmi nas insütutions de l'instruction publique. Jai voulu si-. gnaler , autant qu’il est en moi, tous Ces avantages ; jai voulu contribuer à Îles rendre sensibles aux jeunes gens , aux pères @e famille et aux institu- teurs : enfin, j'ai cru remplir les vues du Gouver- mement en faisant moi-même l'ouverture de ces examens , et en y appelant toutes les personnes qui, par leurs fonctions ou la nature de leurs étu- des, peuvent contribuer à l'intérêt et à la solemnité de cette cérémonie. » L'école polytechnique , Messieurs , n’est point une de ces institutions telles que les capitales en (71) ont offert quelquefois des exemples, qui, placées au premier rang par des priviléges plutôt que par des services, ne répondent aux faveurs du Gou. vernement que par des prétentions, et n’obtien- nent jamais d'autre éclat que celui qu’elles tirent de la protection du Souverain. La plus grande gloire de l’école polytechnique lui est personnelle; elle lui vient de cette nombreuse suite d'élèves qui sont sortis de son sein. Quelques-uns ont déjà rendu Jeurs noms célèbres dans l'Europe ; plusieurs oc- cupent , dans leur patrie, des places éminentes, récompense de leurs services : tous font rejaillir ; sur l’école qui les a formés , l'honneur et la con- sidération qu’ils se sont acquis. » C'est même un sujet d’étonnement lorsqu'on con- sidère la multitude d'hommes distingués dans tous les genres, qui s'honorent du titre de ses élèves, de réfléchir qu’elle a à peine quinze ans d'exis- tence. Mais elle offre cela de particulier dans son histoire, qu’elle n’a pas eu d'enfance. Née au mi- lieu des orages politiques, ses premiers fondateurs furent les premiers savants de la France , et ils se servirent , pour répandre et pour perfectionner Îles arts utiles, de toute l'énergie , de toute l'activité, de tout l'enthousiasme qui caractérisa cette époque» et qui, hors l'enceinte de cet asile des sciences, était dirigé par des cœurs moins purs et vers de moins nobles usages. E 4 (72) » Depuis ce moment on a vu , chaque année ;, sortir de dessus ses bancs des essaims de jeunes savants qui se sont répandus dans nos armées, dans nos ports, sur nos routes et dans nos lycées. Par- tout ils ont porté cette aptitude éclairée qui sim- plife et perfectionne tous les objets auxquels elle s'applique , et qui elle-même n’est qu'une conti- nuelle application des théories de la science. C'est là le plus grand service que pouvait rendre l'école impériale polytechnique , de resserrer à jamais , par son enseignement, lesnœuds qui doivent unir les sciences spéculatives et les arts appliqués. » Ce fut un spectacle nouveau dans l’histoire mo- derne des sciences , de voir des hommes dont les noms se plagaient naturellement à la tête de l'Eu- rope savante , descendre des hauteurs de leurs spé- culations pour se livrer à toutes les pratiques des arts, créer des artistes, des savants et des officiers, partager leur temps entre les méditations , les ex- périences et les fatigues de l’enseignement, et trans- porter, en un mot, dans leur vie et leurs habitudes, l'activité à laquelle, jusques-là , leur pensée seule ayait été accoutumée. » Cette heureuse influence s'est propagée. C’est à elle que nous devons cette destination plus active que l'on remarque parmi les savants qui, de nos jours, appliquent eux - mêmes le savoir à tout ce qui est utile, et prouvent, par des résultats, les (73 ) avantages de l'étude à cette partie du publie qui nent connaitra jamais les charmes et qui n’en ap- précierait pas autrement l'utilité. On les voit dans les carrières de l’industrie ; de l'administration , de l'instruction publique ; ils se montrent dans les camps , dans les ateliers, et par-tout ils joignent à l'éclat de la science celui des services rendus à l'Etat. » Cet aspect du monde savant v’appartient qu'à l'époque où nous vivons. Cette observation est une de celles qui Jui fait le plus d'houneur. » Je me félicite de ce que la présence ici de M. l'Examinateur m'a fourni l’occasion d’en faire la yemarque. » Les jeures gens qui m'écontent et qui sont ve- nus pour Coucourir , n’ont pas dû se dissimuler que le titre qu’ils ambitionnent devient tous les ans plus recherché, plus disputé , et, je dois le dire, plus difficile à obtenir. C'est done avec cette con- viction, jeunes élèves , que vous avez dû vous préparer à cet examen qui fait lutter ensemble des rivaux de toutes les parties de la Frauce. Vous serez d'abord interrogés sur les mathématiques ; elles forment la base de linstruction requise pour être admis à l’école polytechnique ; elles sont l'instru- ment nécessaire à tous ceux qui se destinent aux services publics. L'étude des éléments aura suffi Pour vous donner une idée des nombreuses ap- C74) plications que l'on peut faire de cette belle scrence > dont les propriétés sont si universelles qu’elles semblent participer de celles de l'étendue qu’elle mesure. » La géométrie aura, la première, fixé votre attention ; elle vous aura intéressés par la variété de ses combinaisons et l'évidence de ses découver- tes , qui est telle que ,; quelquefois sans doute, vous vous serez étonnés de ne les avoir pas faites vous-mêmes sans le secours de la science. En effet tout ce qu'elle vous a révélé était en vous. Nous raissons tons géomètres. Ceux qui obtiennent ce titre n’ont d'autre avantage que d’avoir exercé leur esprit à reconnaître et rassembler toutes les notions que nous possédons sur l'étendue. Mais le génie qui guide dans les démonstrations appartient tout entier à la science. Vous aurez remarqué cette sine gularité que la géométrie , cette science des corps, opère continuellement sur des abstractions ; elle assemble , elle divise, elle combine des idéalités, et la nature physique , qui est passive , semble obéir à ses calculs , tant l'application de ses dé- couvertes est rigoureuse. C’est cet esprit d’abstrac- tion par excellence qui faisait dire à Pascal que toute la puissance de l’esprit se montrait dans la première page d’un livre de géométrie. C'est sans doute aussi dans ce sens qu’il faut entendre ce qu'on nous raconte de l’euthousiasme de cet ancien, RS cé ce ones, ot tente tnt ne ut nt ÉeL - Eee se EE D | 4 (75) à la vue de quelques figures géométriques tracées sur le rivage d'une île étrangère. ’ « » Vous avez oui parler, jeunes élèves, de l’en- thousiasme de cet autre géomètre , qui, pour sou- lever le globe entier, ne demandait qu’un point d'appui. La partie de la statique que vous avez yue jusqu'à ce jour, a suffi pour vous expliquer la pensée de ce philosophe. Cette étude vous servira d'introduction à celle de la mécanique, et vous marcherez de prodiges en prodiges. » Une autre branche des mathématiques, qui fut Jong-temps inconnue , long-temps aride et négligée, et qui, dans le siècle dernier , sembla recevoir une. nouvelle création , tant ses procédés furent simplifiés et ses applications mulipliées , l'algèbre a dû aussi faire partie de vos études. L’algèbre, cet appui de l'esprit de recherches , a doublé ses forces dans toutes les carrières où elle l'a guidé, Aussi, aujourd'hui, toutes les barrières sont-elles tombées deyant elle. 11 n'est pas une branche des mathématiques qui n’ait reça son application , et elles se sont toutes agrandies par ses calculs. Elle a prêté ses formules et sa rigoureuse exactitude aux sciences physiques. Depuis ce moment elles ne s’égarent plus. La subtile métaphysique elle- même à souvent emprunté son langage et son ap- pui. Heureuse si ses débiles mains lui permettaient de porter ce fil à travers tous les dédales où elle s'engage ! - (76) » L'algébre est remarquable par l'étendue de ses recherches ; elle ne l’est pas moins par les procédés qu’elle emploie ; vous avez pénétré dans l'esprit de ces équations algébriques qui n’offrent à la pensée que des traductions diverses d’un même énoncé , et dont la dernière cependant contient la solution cherchée. La première fois que vouslesemployâtes, vous dûtes être surpris de la puissance de la science , en la voyant s'emparer de l'inconnue , la traiter comme une quantité positive , la soumettre à ses opérations , et, après des combinaisons plus ou moins longues , la forcer de se révéler elle-même. Vos jeuues imaginations ne se rappelaient-elles pas alors ce géant de la fable qui , vaincu, atterré , n’avouait son nom et sa nature qu'après avoir pris mille formes diverses pour échapper à son vainqueur ? » J'aime à vous parler , jeunes élèves , la langue de vos études ; j'aime à parer mes discours des cou- leurs de l'antiquité : elles plaisent à la jeunesse ; elles sont brillantes cemme les pensées Ge cet âge. Vous n’y êtes point étrangers , puisque Îles belles- lettres ont dà faire partie de vos études ; elles auront eu de l'attrait pour vous. Les jeunes mathématiciens comptentordinairement pour des heures de récréation Je temps qu'ils leur consacrent. Ah ! conservez toute votre vie le goût des lettres , ce goût de toutes les jouissances de l'esprit, et, puisque la langue de Ci- céron doit vous être familière , apprenez par cœur l'éloge qu'il en fait, 11 a révélé la pensée de tous 7702 ceux qui, dans tous les siècles. et dans tous Îes pays , les ont cultivées et leur ont dû les moments les plus heureux de leur vie. » Je ne vous parle pas de l'obligation où vous étes d'écrire correctement la langue francaise ; il est si honteux d'ignorer sa propre langue que je vous fcrais injure en regardant comme une difficulté l'exai men que vous devez subir à ce sujet. » Le dessin, qui est une extension du langage ou au moins un supplément à l'art de peindre la pensée, le dessin fait encore partie des études de Pécole poly- technique. Son étude est utile et peut-être trop né- gligée dans toutes les conditions de la société ; elle est indispensable et exigée dans eelle que vous embrassez. » Voilà, jeunes élèves , le cercle danslequel seron A renfermés les examens que vous allez subir, Il est vraisemblable que , dans le nombre de ceux qui se présentent cette année au concours , tous ne seront pas admis. Que ceux à qui la palme aura été refusée ne voient dans cette circonstance qu’une raison pour redoubler de travail afin de se pré- senter avec plus d'avantage aux examens de l’année prochaine! » Ceux qui auront mérité le suffrage de M. l’Exa- minateur , auront la perspective prochaine d'entrer au service de létat. Cette nouvelle destination leur imposera de nouveaux devoirs , et doit appeler leur attention sur des objets plus sérieux que ceux qui (78) les ont occupés jusqu'à ce jour. Qu'ils ne peruen jamais de vue que , dans la carrière où ils sont près d'entrer , et sous le règne du grand Prince qui nous gouverne , il n’est qu'un moyen de s'avancer , “ { qu'une seule voie ouverte à l'ambition , c’est celle | de l'honneur, de la probité , des bons et loyaux services. Toute autre route égare et perd ceux qui la suivent. Que cette vérité soit la règle constante de vos actions. Jeunes gens , si dans le monde vous entendiez d'autres maximes ; si l’on vous citait des succès obtenus par lPintrigue , ou des services restés sans récompense , méfiez-vous de ces exem- ples, méfiez-vous même de ceux qui les débitent. Se montrer morose et frondeur à l'époque où nous! vivons, c’est perdre tout crédit auprès des ames généreuses et des cœurs sensibles à la gloire. » Sans sortir de l’enceinte de l’école où vous allez# habiter, vous trouverez dans celui qui la gouverne, À et vous aurez continuellement sous les yeux un exemple de la considération personnelle , de la for-A tune et des dignités qui peuvent devenir la récom pense d’une vie toujours pure , toujours active ets toute consumée dans d’utiles travaux. Cet exempie” vivant parlera pius haut que mes discours , et je m'en félicite. » Préparez-vous donc avec ardeur à votre nouvel état ; soyez toujours fidèles à l'honneur, et prospérezh sous le règne du grand Narozson : c'est la plus! VRAE.? noble ambition qui puisse faire battre vos jeunes Cœurs. = M./labbé Baston , vice-président , invité par l'Académie de faire le discours de clôture du même examen, s’en est acquitté de la manière suivante : » Messieurs , » Dire que l’honneur alimente les sciences et les arts , c'est énoncer une vérité bien commune, mais bien féconde et bien prouvée. Le premier qui la fit entendre , donna une importante Jlecon à ceux qui gouvernent les hommes. 1] leur révéla le moyen le plus sûr , et en même-temps le moins dispen- dieux, de diriger vers les grandes découvertes , le génie impatient et comme tourmenté du besoin de se frayer une route nouvelle ; il leur apprit lu- nique mais infaillible méthode pour conduire gra- duellement à la perfection et la science dont les éléments seraient à peine connus, et l'art qui ne serait encore qu’ébauché. » Ayant que l'honneur parle aux savants etaux ar- istes, l'intérêt seul les guide , et il west pas au ouvoir de lintérét de produire de grandes choses. le doute même que son caractère lui permit d'y ispirer. Cet agent.ne manque point d’activité , sans loute ; mais s'il fait des pas à la suite du profit, s'il y court ayec un ardeur souvent trop vive , Il s'arrête vaturellement dès qu'il Pa obtenu. Aucun (So) motif ne lui reste pour aller au-delà. Les clans créa= teurs ne sortiront jamais d'un sentiment qui calcule et qui rampe. Réservés à amour de la gloire , ils ont leur source dans l'honneur, L » L'honneur ne se contente pas de hâter l'exis- tence et la perfection des sciences et des arts ; il travaille encore, avec une constance opiniâtre et des succès qui la justifient , je ne dirai pas à leur” con- servalion ; parce que je dirais trop peu , mais à leur propagation , à leur multiplication: Semblable à un cultivateur économe et habile, il en place les boutures dans toutes les ames qui y sont propres , et veille à ce qu'elles ne s'ÿ dessèchent pas. Souvent il les voit s'améliorer dans le nouveau terrein qu’il a choisi pour interroger l'expérience. » Bientôt disparaissent de la surface de fout un empire , les ronces de l'ignorance , du tâtonnement, des procédés inexacts et des fausses théories. Suc- cèdent à leur place des connaissances vastes et pro- fondes ; des principes inébranlables , sur lesquels on ue craint plus de bâtir; une marche ferme et assurée qui va droit à la vérité ; des méthodes pré- cieuses par leur simplicité, leur précision ; des sys- têmes , un ensemble , où tout est lié | où tout se correspond , dont les parties, disposées dans un ordre symméirique et naturel , ne présentent plus, : comme autrefois , uu labyrinthe, immense , dans lequel cenx qui cherchent le vrai par instinct, erraient | | $ C&r) erraient à l'aventure , égarés à chaque pas par les hachures et les sinuosités des routes dont il était formé ; mais offrent un portique spacieux et pro- longé , brillant de tous les feux du savoir et de l'intelligence , et par lequel , d'arcade en arcade , on tend au but qu’on se propose , avec la certitude d'y arriver. » Un écrivain célèbre , dont je voudrais n'avoir à citer que des morceaux vrais et décents , a dit » que n l'éloquence est née avant les règles de la rhéto- » rique , comme les langues se sont formées avant » la grammaire. « C'est ainsi, Messieurs , que les arts ont commencé d’être , lorsque les sciences n'étaient pas encore. Mais de même que l'éloquence, sortie du berceau , combinant quelques idées , hasardant des expressions neuves, fortes et entrai- nantes y produisit, créa insensiblement les règles , dont elle reçut à son tour le poli des grâces , la force et la vehémence de l’élocution , tous les effets d’une disposition sage ou hardie : de même encore qu'une langue bornée d'abord à quelques sons de première nécessité , fit, sans s'en appercevoir , des efforts pour s'adoucir , se soustraire à l'indigence , sema , pour ainsi dire , les régles du discours, qui , écloses , se fortifièrent par Pobservation , se perfectionnèrent par la critique , se fixèrent par l'usage , et donnèrent à la langue , leur mère , du nombre et de la fluidité , du nerf et de le- Jégance , sur-tout de la netteté , de la clarté , et EF C8: ) toutes ces autres richesses grammaticales qui cot#i4 posent son trésor : de même aussi les arts , par les nombreuses imperfections de leur premier âge ; appelèrent à la vie les sciences qui leur rendirent au ceutuple ce bienfait, et surent en former des frères dignes d'elles et de leurs soins. Mais , sans l'honneur , saus ses illusions salutaires , sans le secours de ce prestige enchanteur qu’il répand autour de luï, et dont les ondulations vont chercher au loin les ames froides pour les échaufer , les ames lentes et paresseuses pour les aiguillonner, les ames égoïstes pour les attacher à leurs semblables et à l'ordre général : les arts n’auraient jamais dépassé les bornes de la médiocrité , les sciences seraient presque toujours et presque toutes descéndues dans le tom- beau de leurs inventeurs , pour ressusciter peut- être , mais pour mourir de méme à différentes épo- qués , Où quelques hommes extraordinaires, épars ca et là, auraient, par les jets d’une lumière in- termittente , brillé dans la nuit des siècles et ramené l'obscurité en disparaissant. » Que l'honneur s'asseye à côté du savant et de l'artiste ; qu'il les encourage , leur montre la cou- ronne qui ceindra leurs têtes aussitôt qu'ils l'au- ront méritée , et tout s'anime et se perpétue , tout se développe ; Ja carrière s'étend et les pas s’agrandissent. La génération qui suit prend les sciences et les arts au point où la génération pré- €s5) £édente les avait laissés , et en livre le dépôt , avec des accroissements ; à une troisième génera- tion ,; qui fera pour un autre ce qu’on à fait pour elle. Les augmentations pourront n'être pas rapides. On séra sensiblement demain ce qu’on était hier : mais , après un laps d'années plus ou moins long , on aura une prodigieuse multitude de changements successifs , dont chacun n'introduit aucune variété apparente , dont la collection laisse À peine subsistér quelque ressemblance. » Cet honneur dont je parle , Messieurs , cet honneur si puissant sur une ame ardente et fran- çaise, n’opère pas immédiatement et par lui-même toutes les merveilles que je viens de décrire. Comme les autres souverains , il a des ministres qui tra- yaillent sous ses ordres et lui rapportent leurs succés. Il en est un ; le seul dont il me convienre de vous entretenir en ce moment , Messieurs , l’hon- neur lui confie spécialement la jeunesse , portion précieuse de son empire , l'objet et le fondement de ses espérances pour l'avenir : c'est l'émulation. » Ne balançons pas à le croire: l'émulation est une vertu ; et , parmi les vertus utiles , ‘on en compterait peu qui eussent droit d'être placées avant -elle. Ne la confondons pas avec la rivalité qui ap- partient à l'ambition et qui peut rarement se dé- Æfendre,d'être un défaut. Repoussons encore plus oin de nons la pensée de rabaisser l'émulation au F 2 C8) niveau de l'envie , ou d’établir entr’elles quelques rapports de liaison et d'intimité. » On attribue à un des plus célèbres philosophes de l'antiquité d’avoir dit que l'envie est fille de l’é- mulation. Je doute que ce mot soit jamais sorti de la bouche d'un homme auquel ses contemporains donnèrent le surnom de divin, que la postérité lui a conservé. Mais eût-il une origine aussi distinguée, nous devrions, par égard pour l'illustre grec , sup- poser qu’il sommeillait quand il le prononça. Le vice peut venir après la vertu , usurper son rang ; mais il est impossible qu'il naisse d'elle. On ne voit point de ces enfantements monstrueux dans l’ordre moral. Si vous apperceviez un vice qui semblât avoir été formé au sein d’une vertu , concluez-en que cette malheureuse mère , à l'instant qu’elle conçut son indigne fils, n'avait plus d’une vertu que l'apparence. » Je ne blâme guère moins que le mot de Platon, le doute d’un philosophe moderne qui, ayant traité l'envie de passion honteuse , se permet d'ajouter : : » Peut-être l'émulation n'est-elle qu'une envie qui » se tient dans les bornes de la décence «, Ce ju- gement est un arrêt de mort contre lémulation , et la teinte d'incertitude qui l'accompagne , n’empêé- cherait pas qu'il ne fût exécuté. Quelle ame hon- # néte oserait s'abandonner aux mouvements de l'é- M mulation , gai est peut-être une passion hongeuse, et | qui ne diffère de l'envie sans pudeur , que parce . PAUL 8) qu’elle se couvre d'un masque décent , mais hypos crite | " » Loin de nous, Messieurs , toutes ces pensées, tous ces soupçons défavorables à l’émulation. La ri- valité travaille k écarter un concurrent pour obte- mir la place que plusieurs ambitionnent et qu'un seul peut avoir ; l'envie s'applique à flétrir le meé- rite qu’elle désespère d’égaler : l'émulation ne songe à nuire à personne , et personne ne lui fait om- brage. 11 est dans ses principes , il tient à sa na- ture , que qui mérite le plus soit le mieux traité. Une place qu'on lui donne , une récompense qu’elle reçoit , une marque de distinction dont on la dé- . core , ne la flatteraïent point , si la main distributrice wavait pas été juste. Il lui sera toujours plus agréa- ble d’avoir mérité sans obtenir , que d'avoir obteru sans mériter. A-telle devant les yeux un objet qui la surpasse en grandeur , en talent ? Cetie vue l'en- flamme ; elle tend toutes ses facultés et s’eflorce d'atteindre à la grandeur , au talent qw’elie admire , ‘qui la rend mécontente d’elle-même ; et quaud eile y touche, le désir d'aller plus loin se fait sentir , et elle y cède. Mais il est au-dessous d'elle d'em- barrasser la marche de celui qui fat san modèle ; et si , regardant derrière soi, elle le voit multiplier ses efforts pour reconquérir la supériorité qu'il a perdue , elle applaudit et redouble les siens pour de copserver. « 86» » La conséquence des principes que j'ai posés me paraît être que l'instruction de la jeunesse fleurira toujours dans la proportion de l'émulation qu’on saura exciter et entretenir au milieu d'élle: que , par lPémulation , on tirera de chaque esprit tout ce qu’il est capable de produire : que l'émulation four- nira un moyen ordinairement sûr de connaître, peu après le début , ce qu’on peut attendre d’un élève , sa portée , la moisson qu’il est raisonnable d'espérer de cette terre vierge, en la defrichant : de sorte qu’il ne faudra plus user plusieurs années d'un temps précieux , employées à des études pour les- quelles l’aptitude du sujet est un problème que l'épreuve ne résout que très-tard quand l’émulation n’y est pas jointe. » De là l'avantage de l'éducation publique sur l’é- ducation solitaire et privée : de là l'avantage de ras- sembler un grand nombre d'élèves , travaillant en- Semble , s’observant et se jugeant les uns les autres par comparaison , s’encourageant par l'exemple , faisant servir l'amour-propre à quelque chose de bon , et transformant ainsi un défaut moral en une qualité physiquement utile. Des esprits dans leur première verdeur ressemblent (si j'ose le dire) , à ces bois pleins de sève que la cognée vient d'abattre : on ne les enflamme qu’en les amoncelant. - » Le Gouvernement l'a bien senti; de toutes parts il appelle l'émulation au secours de ses établisse” } (87) ; ments ; il lui recommande toutes $es institutions ; il les met , en quelque sorte , sous sa protection. » Pour nous convaincre du haut prix que Sa Majesté l'Empereur et Roi attache à l'éemulation , ministre de l'honneur auprès de la jeunesse qui se dévoue à la culture des sciences et des arts, il ne faudrait que limportante acuüon qui m'appelle à parler devant vous ,; MEssiEURS. Un examen solem- nel qu'ouvre, par l'ordre et au nom du Prince , un Magistrat plus distingué encore par ses talents que par sa place, et moins recommandable par la fa- cilité qu'il a de faire le bn que par Pinclination paturelle qui l'y porte..... Un examen que ferme une Compagnie savante , à laquelle on ne repro- chera pas le choix de son organe , si la bonne volonté , le zèle du bien public , l'intérêt le plus vif et le plus vrai pour ses jeunes compairioles » peuvent suppléer léloquence qu'il n'a prs-..... Un examen auquel sont invités les chefs et tous les membres éclairés d'une grande cité , tous les maîtres et tous les disciples. .... Un examen confié à un homme rare par létendue-et la variété de ses connaissances ; plus rare encore par sa rigou- reuse équité , sa scrupuleuse impartialite , sur-tout extrémement rare par cette bonté touchante avec Jaquelle il rassure la timidité , aide une mémoire vacillante , demande des développements et les in- dique , interroge la réflexion , le jugement : plus jaloux de découvrir de quoi l'on est capable qua F 4 x (58) L AO ce qu’on a déjà fait , et riche de tous les moyens : nécessaires à ce discernement , réservé par la na- ture aux hommes supérieurs..... Enfin, un exa- men qui doit introduire dans la première école de l'empire français , ceux des élèves qui auront le plus glorieusement subi cette épreuve : leur donner de nouveaux émules , recueillis comme eux dans tous les départements de notre France , vainqueurs comme eux des compagnons de leurs premières études , et à ce titre incomparablement plus for- midables , plus difficiles à égaler, à surpasser , que les athlètes que jusqu’à présent dls ont eu à com- battre..... Ou l’émulation est une chimère , un vain nom , ou les principes s’en trouvent dans la réunion de tant de circonstances propres à la faire naître et à l’entretenir..... Ou une ame est abso- lument inaccessible à ce beau feu qui vivifie , épure, agrandit les facultés intellectuelles , ou tant d’é- uucelles génératrices , se combinant , se confondant ensemble , l'y allumeront, l'y nourriront , et chaque jour en augmenteront l'activité. » Vous, que le Souverain, sur le témoignage qui lui sera rendu et de ce que vous êtes et de ce que vous pouyez devenir , séparera de vos égaux, pour vous introduire dans une nouvelle et plus laborieuse carrière , vous l’éprouverez. Oui, acceptez-en l’augure , vous éprouverez qu’il est impossible de recevoir les leçons des premiers mai- (89) | tres de l'Europe , et de ne pas brûler du désir de n’en rien perdre : impossible d’être environné de travailleurs infatigables , et de ne pas regarder l'oisiveté comme une maladie , la perte du temps comme un opprobre : impossible de voir une foule de condisciples, déposés comme vous au pied de ia montagne vers le sommet de laquelle la science et l'honneur vous attendent, monter avec vitesse , gravir courageusement ; braver et vaincre toutes les diffi- cultés ; et de ne pas céder à lindomptable senti- ment qui ordonre non-seulement de les suivre , mais encore de les précéder. Eu produisant de pa- reils effets , l'émulation ne fera point un prodige ; le prodige serait , au contraire , qu’elle ne les pro- duisit pas. » Vous remplirez donc honorablement votre des- tinée. Votre patrie s’enorgueillira de vous compter au nombre de ses enfants. Le bruit de vos succès viendra tempérer la douleur de vos mères , qui auront versé des larmes sur votre départ, qui en verseront encore sur votre absence : et vos pères, aussi aimants , mais moins sensibles , se réjouirout d’entrevoir qu'au moment où ils quitteront la scèue de la vie , leur rôle passera en de bonnes maïus. » Cependant les années d'étude s'écouleront , et avec rapidité. Le temps n’est long que pour ceux qui le perdent. Bientôt arrivera le moment des re- tcompenses, et, à la satisfaction de vous en étre Ego } rendus dignes, se joindra celle de les recevoir d’un Prince qui commença sa glorieuse carrière par en mériter de semblables. » Que le talent qu'il aura déposé entre vos mains, profite à l'empire frangais , il est content , il n’en demande pas davantage. Mais votre cœur , plus exigeant que lui, vous commandera de porter assi- duement aux pieds du trône le tribut de votre fidélité, de votre reconnaissance, Il vous le comman- dera , et vous obéirez ; et la douceur qui accompa- gnera l’obéissance vous sera un sûr garant que vous aurez fait un acte de vertu. « = M. D'Ornay , académicien résidant, a examiné: cette question : » Quelles sont les vertus qui honorent le plus l’espèce humaine ? » À la lecture de cette belle question, dit notre collègue , je me suis arrêté comme par inspiration ; un sentiment sublime et doux s'est aussitôt emparé de moi. J'éprouvais déjà une sorte de bonheur dif- ficile à exprimer, mais délicieux à éprouver ; je men demandais la raison , elle se présentait d’elle- même ;, j'allais parler de vertus. » La vertu est un mot abstrait et métaphysique que l’on prononce fréquemment , et toujours avec un plaisir mélé de respect ; mais dont peu de per- sonnes se font une idée exacte , parce qw'il échappe à la définition. » Il en est de la vertu proprement dite ,; comme Co) de la Divinité, dont elle est , au surplus, une des plus belles émanations. » Au seul nom de Dieu , chacun se prosterne ; mais personne n’a pu encore se faire une idée juste, ni donner une définition exacte de cet Etre des Êtres, L'immeusité sans bornes, la toute-puissance , Ja préscience indéfinie, la justice , la bonté dans leur plus grande étendue , sont bien certainement ses attributs principaux , mais ne sont pas l'Étre suprême : le mot é/re n’est pas même le mot pro- pre , mais nous n’en avons pas d’autres. » Il en est à-peu-près de même de celui vertu; ce qu’on peut dire de mieux à cet égard, c’est que la vertu, prise dans sa plus grande acception , est la réunion , le concours , l'ensemble de toutes les WDETÉUS nus reure » Le domaine des vertus , heureusement , est très-étendu ; leur nomenclature est aussi ample qu'elle est intéressante; mais, par uue fatalité sin- gulière , chaque vertu a un vicè ‘qui lui est opposé, et qui , trop souvent , remporte la victoire dans le combat conuinuel que l'homme a à soutenir contre les passions............. » En sorte que l’homme paraît destiné à faire le voyage de la vie sur un sentier glissant , ayant d'un côté l'empire des vertus , et de l'autre celui des vices , avec cette différence importante que des approches du sol occupé par les vertus sont | Cg2) | souvent âpres et difficiles, et que celles des vices sont parsemées de fleurs séduisantes ; maïs ces fleurs sont trompeuses et cachent des pièges perfides dont il m'est presque plus possible de se débarrasser quand une fois on a eu le malheur d'y tomber. » Pour le diriger dans cette route périlleuse , l'hom-. me a reçu du ciel deux guides sûrs et fidèles; l’un est la raison et son flambeau ; l'autre est l’intérét personnel , le plus puissant de tous les agents. » La raïson nous aide à dissiper les nuages qui, trop souvent , nous cachent la vérité et la vertu, et nous en fait appercevoir tous les charmes et toute Ja sublimité. L’intérét personnel, quand il est bien di- rigé , nous conduit avec certitude au temple du bonheur. » En effet, il n’est pas diffcile de prouver à l'hom- me le plus adonné à ses passions, que son intérêt personnel , son bien-être, sa félicité solide et dura- ble, lui dictent impérativement d’être bon , juste et bienfaisant........... » Je voudrais, en conséquence , que ce véhicule ardent , ce principe tout-puissant de l'intérêt person- nel, habilement dirigé , servit de base à l'éduca- üon publique et particulière ; que dès l'âge le plus tendre on le mit continuellement sous les yeux des jeunes gens, quels que soient leur sexe , leur état et leur destination ; que, dans toutes les occasions, on leur fit sentir qu'il est de leur intérêt comme de C95) eur devoir , d’être bons, justes et bienfaisants , de pratiquer sans cesse les vertus sociales, les vertus morales , les vertus sublimes qui font la gloire et la récompense de ceux qui les exercent. » S'agit-il de corriger un jeune élève de l'orgueil, de la colère , de la vengeance , vices ordinaires de l'enfance , et qu'il est si important de ne pas laisser prendre racine dans le cœur humain ? Qu'on lui mette sous les yeux l'indignation , le mépris , la punition qu'il mériterait de leur part s'il en était l'objet. » Si cela ne les corrige pas , les punitions les plus rudes et les plus humiliantes n'auront certainement pas plus d'effet ; et la plus mauvaise des corrections est celle qui humilie et qui dégrade l’homme. Ce que je propose , au contraire , agrandit l'ame, * élève l'homme au-dessus de lui-méme et le dispose au dévouement et à l'héroïisme. » S'agit-il, au lieu de corriger d'un vice capital de faire faire une bonne action ? Qu'on mette toujours en jeu cet intérêt personnel purifié et amélioré , qu’on fasse bien sentir la gloire et même le bénéfice qui en résultera , la belle réputation qu'on acquerra parmi ses semblables , et combien il serait satisfaisant pour soi que ces actes magnanimes s'exerçassent à notre égard , sans doute alors on se sentira pressé du doux besoin de les pratiquer envers les autres........... » De tout ce qui précède, il résulte cette vérité im- ‘ C94) portante ; que la pratique des vertus ; nôn-seule+ ment honore l'espèce humaine , mais lui est infi- niment profitable. « » L'empire des vertus une fois établi comme base du bonheur public, ainsi que du bonheur indivi- duel , il ne s’agit plus que de choïsir et d'indiquer celles qui honorentle plus notre espèce , et, à coup- sûr , ce seront celles qui lui seront le plus utiles. » Sans doute il est heureux d’avoir à parcourir le cercle brillant des plus sublimes facultés de notre ame , et d'y porter la joie et la félicité parfaites , en prenant pour principe fondamental l'intérêt même de celui qui se livre sans réserve à leur douce impulsion. » Il est des vertus brillantes et majestueuses , qui laissent après elles de longs et de grands souvenirs. » Telles sont : la bravoure dans les combats livrés pour une belle cause , la générosité envers les eñre- mis terrassés , la magnanimité dans le bon usage de la victoire , le pardon généreux des grandes offenses. » Mais ces vertus sublimes ne sont pas à la portée de tous ; l'occasion de les manifester est même assez rare. » Il est des vertus moins éclatantes, accessibles à un plus grand nombre : le dévouement à la chose publique ; le sacrifice généreux de son temps , de toutes les facultés de son être , de sa vie même, pour le bien de ia patrie. C95) _»Ces vertus ne sont encore le partage que d'un petit nombre de personnes assez heureuses pour être à portée de lui offrir de pareils sacrifices. . » Ici, MESstEURS , je n'arrête, je vois que je com- mets une erreur. Non , la pratique des vertus, même les plus élevées , n’est point le partage exclu- sif: de certaines classes privilégiées , de quelques êtres favorisés par les évènements. » Celui qui , dans le silence , souvent même dans l'obscurité , se voue au soulagement des misères humaines ; celui qui , par des bienfaits cachés , ou connus seulement de celui qui en est l'objet, lui assure l'existence , l'honneur et la liberté, sans doute , tous ces hommes vénérables doivent être elas- sés parmi les êtres heureux qui honorent l'huma- nité par leurs vertus........... » Toutes les vertus sont donc , à peu de chose près, également utiles et recommandables. Mais veut-on absolument déterminer quelles sont celles qui em- bellissent , qui distinguent , qui honorent le plus l'espèce humaine? Je ne balance pas à dire que ces vertus sont le courage, la justice , la bienfaisance. » Veut-on des exemples de cette force d'ame qui élève l'homme au-dessus de Ini-même , et le fait af- fronter les dangers et la mort même pour le salut public ? n De cet amonr de ses devoirs qui dédaigne (96) les craintes , les périls , les faiblesses humaines quand il s'agit d’être juste ? » De cette sainte humanité, de cette douce bien- faisance qui répand tant de charmes dans les cœurs qui se livrent à son heureuse impulsion ? » L'histoire ( que le ciel en soit loné ! }) en fournit un grand nombre. Qu'il me soit permis d’en citer quelques-uns que je puiserai dans les annales ancien- res, et, par préférence , dans celles de notre propre nation. » Un gouffre épouvantable s'ouvre au milieu de Rome ; l’oracle a dit qu'il ne se fermera que quand on aura jeité dedans ce que la patrie a de plus pré- cieux. Curtius , persuadé que la patrie n’a rien de plus précieux qu'un bon citoyen , s’élance , tout armé , dans l’abime embrasé, Voilà l'enthousiasme du courage porté au plus haut point d’exaltation où l'homme puisse atteindre. » Un père infortuné est condamné à périr de be- soin au fond d'un noir cachot. Une fille tendre et reconnaissante y penètre et l’alimente de son lait ; voilà l'amour filial dans toute sa pureté , dans toute son énergie. » Le tyran de Syracuse, condamne à la mort Da- mon, excellent citoyen, dont là vertu lui portait om- brage ; celui-ci demande quelques jours pour aller mettre ordre à ses affaires. Denis y consent à la caution (97) cantion de Pythias , qui s'offre de payer de sa tête si son ami ne revient point. « » Le jour fatal arrive , le clepsydre va marquer l'heure du supplice. Damon ne revient point : Pythias se présente pour subir la mort à sa place ; le bour- reau a le bras levé.... Arrête ! arrête ! s’écrie de loin Damon , qui accourt en grande hâte....4« » O douce et puissante amitié, voilà de tes prodi- ges ! on pourrait dire méme que ce combat de gé- nérosité outre-passe les bornes de l'humanité , si quelque chose était impossible au plus beau des sentiments qu’elle puisse éprouver. « » Un archer ennemi dirige son arc contre le Roi (Philippe-Auguste). D'Esting n'a que le temps de se placer devant lui. Il reçoit le trait et meurt; mais il a sauvé son Roi. Quel magnifique exemple de dévouement à la personne de son prince ! « » Louis XIV , le plus absolu de nos Rois, celui à qui on craignait le plus de déplaire , et qu’on osait le moins contrarier , avait accordé des lettres de grace pour un crime vil et atroce, qui n'en était pas digne ; il les adresse au Chancelier Voisin pour les sceller; il s'y refuse. Un nouveau message le Jui ordonne impérativement ; le Chancelier , ne con- sultant que son devoir et sa conscience, refuse de nouveau. Le Roi le mande à Versailles et lui enjoint d'apporter les sceaux ; il ordonne en personne à ce G M.Perriers, connu par ses grands ta- lents dans la partie hy- draulique. (98) premier magistrat d’obéir à sa volonté expresse ; il résiste. Le Roi avec vivacité , prend les sceaux , scelle lui-même les lettres de grace et remet les sceaux à son Chancelier : je ne les reprends pas , Sire Sr sont pollués. Le Roi outré, mais d'une belle et sainte colère , prend les lettres de grâçe , les déchire et les livre aux flammes : maintenant je les reprends, dit le Chancelier avec gravité ; le feu purifie tout. Le Roi sort en prononçant ces paroles remarquables : quel homme ! quel homme ! « » C'était un homme , en effet, et , certes un bien grand homme. Voilà l'amour de la justice et de son devoir bien énergiquement prononcé. « » Un citoyen recommandable par ses convaissances utiles et par ses vertus sociales , tombe dans la Seine au port de Rouen. Un particulier s'élance dans l’eau et parvient à le sauver ; il veut récompenser libéra- lement sonlibérateur ; celui-ci, plusgénéreux encore, refuse ce juste témoignage de gratitude. N'est-ce pas ici Pamour de l'humanité dans toute sa sublimité , et d'autant plus admirable que ce libérateur était de la classe indigente ? « » Un conseiller gu Parlement de Normandie ( Y. Guenet-de. Louis ), est nommé rapporteur d’un pro- cès dont dépend la fortune d’une des deux parties. Sur son rapport et son, ayis, l'une des deux obtient le gain entier de son procès, M. G..... en remet: C 99 ) tant les pièces, en trouve une qui lui avait échappé , et qui opérait la libération entière de celui qui avait succombé, Ce grand magistrat, ne consultant que son devoir et sa conscience , vend une de ses terres, indemnise le perdant de tous ses frais , se démet de son office , et renonce à un état honorable auquel ses vertus l'appelaient , mais que les erreurs, même involontaires , rendent si périlleux. Ne reconnait-on pas ici l'amour de la justice dans ce qu’il peut offrir de plns respectable? « » Mais lorsque l'esprit religieux anime de son souffle divin ces vertus déjà si admirables par elles- mêmes , c’est alors qu'elles reçoivent un nouvel éclat, et qu’elles élèvent l'ame jusqu'aux régions célestes où leur récompense les attend.« » Quel autre motif, en effet , peut animer ces utiles solitaires qui consentent à passer leur vie en- tière sur ces monts sourcilleux , couverts de neiges et de glaces éternelles , où aucun oiseau ne se mon- tre dans les airs , où aucun quadrupède , aucun reptile n'habite la terre , où aucun végétal n’en dé- core la surface , où l'air est si vif que l'on peut à peine le respirer pendant quelques mois de suite, et tout cela pour procurer l’asyle et les secours nc- cessaires à ceux qui ont des motifs puissants pour franchir ces monts escarpés et d’un aspect effrayant, sans autre but que de sauver tous les ans la vie à Ga Les Reli- gieux de S. Bernard et de S. Fran- çois , qui desservent les hospices Mont- Cénis , du Mont-Saint- Bernard, du Mont-Saint- Gothard et autres, du La peste de Marseille en 17 { 100 }) plusieurs personnes , et sans aucune récompense de ce monde ! » Quel autre motif peut inspirer ces vertueuses cé- nobites qui, oubliant la faiblesse de leur sexe , se livrent courageusement au soulagement des mi- sères humaines et consentent à vivre perpétuelle- ment avec les malades , les morts et les mourants, sans s'informer de la gratitude des hommes , et sans s'occuper des évènements de ce monde auquel elles ont religieusement renoncé ! » Quel autre motif a pu guider ce prélat vénérable, à jamais précieux à l'humanité , à qui la France et Marseille en particulier devraient élever des autels ! » Une peste affreuse afflige cette ville malheu- reuse ; les rues , les places publiques , les temples, les portiques sont jonchés de morts et de mourants 3 on w'entend dans les airs que des cris de douleur et de désespoir. Peu de personnes sont en état de soulager les autres, aucune ne lose , la calamité est à son comble. » Le digne évêque du lieu , Pimmortel Belzunce, bravant tous les dangers et une mort presque cer- taine , porte par-teut des secours , des consolations et des bienfaits. » Quel plus bel exemple de l'amour de ses devoirs et de ses semblables ! Certes , on reconnait ici la bienfaisance , échauffée , ennoblie , exaltée par une C 101 ) religion sainte , et portée à un dégré de sublimité qu’elle seule est capable d’inspirer. » Entraîné par la beauté de mon sujet, j'allais éten- dre bien davantage le nombre des éxemples des hautes vertus dont notre ame est susceptible quand elle est échauffée par un motif puissant et magna- nime , et je n'aurais pas eu besoin de les chercher ailleurs que dans notre propre nation ; mais j'ai déjà abusé , peut-être, de votre indulgence, Messieurs ; il est temps de vous rendre à vos utiles occupa- tions , à des lectures plus importantes. » Heureux si ce faible essai, sur une aussi belle matière, a pu vous intéresser quelques instants ! Heureux si vous trouvez que j'aie prouvé que, de toutes les vertus , celles qui honorent le plus l’es- pèce humaine , sont le courage , la justice et la bienfaisance ! Heureux enfin si j'ai bien saisi le sens de ces belles paroles que j'ai prises pour épigraphe, et que j'ai puisées dans un de nos plus anciens livres canoniques | Bene fac... et invenies retributionem magnam: Ecclesiast. = M, Lézurier de la Martel , dans son discours de réception , fait sentir l'union qui règne entre le commerce , les arts, les sciences et les belles-lettres, » Voyez, dit-il, Messieurs , comme les sciences G 3 { 102) ont toujours fixé leur séjour là où le commerce lio- voré avait réuni les hommes, adouci les mœurs ! » Quel asile avaient choisi les mages , les prêtres de Brahama? Sur quel point du globe la plus an- cienne université du monde est-elle établie? » Là où le commerce est le plus florissant, où l'industrie est depuis mille ans fort au-dessus de tout ce que les arts de notre Europe ont pu pro- duire jusqu’à ce jour, non loin du royaume de Cachemire, à l'entrée de la presqu'ile de l'Inde, sur les bords du Gange, à Benares. » Athènes fut en méme-temps la plus sage , la plus savante , la plus commerçante ville de son siècle. Lorsqu'elle eut été victorieuse du grand roi , elle abattit les forces maritimes de la Syrie , de l'ile de Chypre et de la Phénicie. Le séjour des sciences et des beaux arts fut aussi celui du commerce. » Athènes, dit Xénophon, a l'empire de la mer ; » mais comme l'Aitique tient à laterre, les enne- » mis la ravagent tandis qu’elle fait ses expéditions » au loin, Mais si les Athéniens habitaient une ile, » et s'ils avaient en outre l'empire de la mer, ils » auraient le pouvoir de nuire aux autres sans qu’on » püt leur nuire, « » Affreux phénomène , dont nous sommes au- jourd’hui les témoins, dont nous sommes encore la victime ! | (:1037y n Une puissance ennemie , après avoir, par la ruse et la force , détruit toutes les flottes de l'Eu- rope, dans son île qu’elle croit inattaquable , jouit encore de l'affreux pouvoir de nuire aux autres sans qu'on puisse lui nuire. » Puissance trop funeste. qui rendrais odieux le commerce, les sciences et les arts, qui y fleuris- sent à l'envi , si l’on pouvait méconnaître les dons du ciel, parce que quelques mains perfides en font un criminel usage ! Carthage! bientôt un nouveau Scipion saura punir ta conduite fallacieuse ! » Tu-pouvais prendre , dans le monde moderne le rang de cette île fameuse que Pindare avait nom- mée la fille de Vénus et l'épouse du Soleil (1). » Comme Rhodes, qui fat l’aHiée du-peuple Ro- main , tu pouvais être l’alliée de la grande nation. » Tes lois commerciales, ton acte de navigation auraient pu nous servir de modèles. » L'influence de la modération et des richesses ne put te satisfaire ; il te fallait encore l'influence de l'intrigue et de la perfidie! » Voyez, Messieurs, comme l'ile de Rhodes. dut à notre intéressant concours sa haute ‘celébrité. » Ayant notre réunion elle n’était connue que par, (1) Pindare, olpce 3 , v. 5. O Se ( 104 ) - les serpents qui rampaient sur son territoire inculte, et qui lui firent donner le premier nom qu’elle porta (1), effacé aujourd'hui par celui qu’elle sut illustrer ; qui a percé les siècles et vaincu les efforts du temps. » Jupitér aima les Rhodiens et leur donna de gran- » des richesses. « C’est ainsi que chante le prince des poëtes (2). Il leur donna aussi la sagesse. Leurs lois furent respectées des Romains ; elles sout en- core la base de nos lois maritimes. » Des temples furent élevés à Minerve. Sous leurs portiques la philosophie fut professée , et le sage Cléobule fut mis au nombre des sept Sages de la Grèce, » Sur son rivage , à l’entrée de son vaste port , fréquenté par les étrangers , s’éleva une des sept Merveilles du monde ; un colosse ! Et il fallut que la terre tremblât pour que ce monument de lin- dustrie humaine fût confondu. | » Qu'il me serait facile de trouver dans l’anti- quité mille exemples des bienfaits de notre alliance, si j’'osais appeler votre pensée sur la sage Egypte, sur la riche Phénicie , sur Tyr et sur Sidon , sur ce peuple de Guanches , plus ancien qu'eux tous , # 9 (1) Ophinsa, (a) Illiade , Live IL ( 10 }): tristes débris de l'Atlantide, dont de froides momies attestent lindustrié , dont d'obseurs hiéroglyphes indiquent l'art nautique. « » Lorsque les événements ont changé la direction du commerce , les arts et les sciences ont changé avec lui. » Des régions d’où le commerce s’est éloigné a fui avec lui votre aimable cortége. Des fautes ou des changements politiques , de nouvelles décou- vertes en ont été souvent la cause , et elles se sont peu-à-peu effacées de la mémoire des hommes. » Les monuments des arts ont été anéantis, et les chants de l'histoire ne font plus entendre que des noms auxquels sont attachés de faibles sou- venirs. » Le royaume de Trébisonde , le port de Caffa étaient fameux dans l'histoire. La mer noire était couverte de vaisseaux. Ses bords étaient riants êt habités. » Le royaume de Trébisonde est détruit. Le port de Caffa est comblé. La mer noire ne goit plus dé vaisseaux naviguer sur son sein. Sés bords sont mé- Jancoliques et déserts. » Le commerce de l'Inde a quitté la route du golphe Persique. Il a quitté la mer rouge. Balbec nlest plus [ » Palmire , le siége de l’orgueilleuse et infortunce € 106 ) Zénobie , est réduite à un petit nombre de cabanes, placées comme des nids d’hirondelles dans ses im- menses ruines. » Vascos de Gama a doublé le Cap des tempêtes ; et le commerce audacieux , bravant tous les périls, a préféré une navigation plus rapide et plus dange- reuse , à une route moins périlleuse , mais plus lon- gue. Les royaumes, les villes qu’il fréquantait ont été enveloppés du nuage épais de Poubli. » Les sciences et les arts, fidèles à son pavillon, sont veuus avec lui se fixer sur les rivages qu'il a choisis. Avec lui ils ont enlevé à la mer une partie de son domaine. » Persécuté par le duc d'Albe , le commerce, ami de l'indépendance et de la liberté, fait ; il s'éloigne des plaines qu'il avait fertilisées ; il fuit , et des ma- rais fangeux , inaccessibles , ne lui offrent qu’à regret un affreux asile ! » Amis fideles et chéris ! arts ! sciences ! vous vintes l'y chercher ; ensemble des canaux furent creusés, des digues élevées, des ports, des chan- tiers, des villes furent bâties ; la Hollande sortit du sein de la mer. » Les lettres vinrent ensuite consoler ces coura- geux fugitifs , adoucir leur langage , donner à a prière plus de dignité, et, les placaut au rang des. Cro7 ) puissances du monde , ils conclurent avec elles des traités, » Bienfaisante féerie ! monument touchant de no- tre alliance ! si jamais le commerce devenait ingrat; rappelez-lui qu'il vous doit le plus beau siége qu’il eut jamais ! « L'orateur, considérant ensuite le commerce sous d'autres rapports, fait voir combien , d'accord avec les arts et les sciences , il concourt à la prospérité des états. » Considérez, dans les fastes de notre histoire, les époques , hélas ! trop fréquentes, souillées de crimes et de malheurs. Alors régnait la barbarie. Les arts , les sciences étaient méconnus ou plutôt n’existaient pas encore. Le commerce , avili par les mains qui lexerçaient , n’était qu'un misérable tra- fic des denrées les plus grossières. » Lorsque le rapt et la violence sont la profession des grands , la profession , fondée sur la droiture , l'équité et une bienveillance universelle, ne peut pas prospérer. » La France , alors divisée par de grands vassaux, envahie par l'étranger, ne présentait que désordres et misère. Le chef de l'Etat, chassé loin de sa ca- pitale, dut à une femme d’être sacré et replacé sur son trône ; il dut au seul négociant qui existt en ( 108 ) France , de s'y rafermir, de remettre de l’ordre dans ses finances épuisées. Jacques Cœur , enrichi par le commerce , s'approcha de son Prince mal- heureux. Il sacrifia à Charles VII ses’ propres ri- chesses ; il lui avança des sommes considérables pour chasser les anglais de la Normandie , et nous lui devons peut-être d’avoir été Français quelques siècles plutôt. L’ingratitude et la persécution furent sa récompense, et ces mains qui avaient versé l'or dans les coffres de l'Etat, ces mains furent char- gées de fers! » Cependant peu-à-peu les nuages de l’ignorance et de la barbarie se dissipèrent. » Tandis que Christophe Colomb découvrait un nouveau monde, François Ie, le plus francais de tous nos rois, recueiilait les arts, les sciences éga- rées après la destruction de l'Empire des Grecs. » Léon X à Rome, les Médicis à Florence, Francois à Paris, leur offrirent un asile. » On rougit bientôt de la simplicité des édifices, des jardins , des ameublements ; les belles-lettres , en étendant l'esprit, firent appercevoir ce qui man- quait. » Les femmes furent appelées à la Cour et y pa- rurent avec éclat. Les arts se perfectionnérent sous leurs yeux, par leurs conseils, par ce tact délicat € 109 3 et fin qui fut toujours leur apanage. Le bon goût et la magnificence devinrent un türe de gloire , et l’'entrevue des deux plus grands Princes de l'Europe n’a laissé de traces, dans l’histoire , que par le sou- venir de la magnificence qui y fut déployée ; et le champ-du-drap-d’or atteste que la perfection des arts et de l'industrie est aussi un titre à limmor- talité, » Louis XIV vint enfin, comme ces flammes bril- lantes qui annoncent la fin d'un météore , illustrer son siècle et les derniers moments de la troisième Dynastie. » Il encouragea les arts , les savants de tous les pays. » Il plaça Colbert à la tête du ministère. Il en- noblit les ateliers d’Abbeville et de Sédan. Dans son palais il accueillit l'Académe française ; cette Aca- démie , législateur du bean langage , où furent ap- pelés les plus grands écrivains, où notre ville a vu, avec orgueil , s'asseoir les deux Corneille , Bense- rade , Fontenelle, Scuderi. » ]l s’en proclamait le protecteur à l'instant où ül formait près de lui un conseil royal du commerce , composé des députés des plus grandes villes. » Nous y envoyämes le Bailli Menager, cet homme instruit et modeste , dont Daguesseau reconnut bien- tôt le mérite ; il le recommanda au Roi, et cet au- (110) guste Prince, juste appréciateur de toutes les espèces de talents , l'enyoya en Espagne régler les intérêts du commerce des Indes ; à Delft , conférer avec le grand Pensiounaire Hensius ; en Angleterre ;, auprès de la Reine Anne, poser les bases de la paix, et enfin à Utrecht, en signer tous les traités. » Il élevait des palais aux arts dans sa capitale , et il encourageait dans l'Inde les établissements du commerce. » Il construisait pour Jlui- même un magnifique palais , où brillaient tous les trésors de l'architecture, de la peinture, de la sculpture , et il donnait au commerce le plus magnifique instrument qui soit jamais sorti de la main des hommes , le canal de Languedoc. » Cependant son illustre contemporain jette du fond du Nord un regard d’envie sur la prospérité de l'Occident. Il secoue son large front couvert de frimos. Il se dépouille de la pourpre impériale. Il se couvre d'un vêtement grossier. Il vient à l'école d'un peuple commercant apprendre à civiliser ses nations , à les rendre riches , puissantes et heu- reuses. » 1 abandonne l’ancienne capitale de ses Etats , située dans une vaste plaine, sur un fleuve ignoré , inaccessible ; malgré son immense étendue , Moscou était inconnue au monde. (cam » Il pose le siége d’un Empire nouveau , à l'em- bouchure de la Neva, sur les bords d’une mer fréquentée. » Il appelle les arts, les seiences , le commerce, et, dociles à la voix d’un grand homme, ils quittent les climats tempérés qu'ils chérissent , et vont em- bellir ses régions glacées. » Vous les protégeites, vous! ses illustres suc- cesseurs. Catherine ! Alexandre , qui peux vénor- gueillir de l'amitié de Napoléon ! » Vous les avez encouragés , soutenus , comme on protège , contre l’inclémence des saisons , cet arbuste d’Iberie, dont les rameaux sont chargés de pommes d’or. Et vos états, de vastes qu’ils étaient , sont devenus un grand Etat. » Allié de l'Empire français, couvrant de votre immensité une partie du globe , vous vous empare- rez bientôt de sa ceinture ; la mer sera délivrée du joug honteux auquel elle est soumise. « À da: M. Lézurier termine ainsi : » Pour nous, que notre profession appelle à cica- triser les blessures de l'espèce humaine , à verser sur ses plaies le baume de l'abondance , nous atten- drons en silence, et avec respect, que les foudres aient cessé de gronder. » Nous cultiverons les arts , les sciences , les (rr29 lettres ; c’est près de vous , MESSIEURS , dans cette Académie qui fut fondée par Cideville , par un ami de Voltaire , par Dambournay , que je m'honore d’avoir eu pour parent et pour ami de mon enfance; » C'est près de vous, Messieurs , sous les yeux du Magistrat éclairé qui vous préside , et qui n’a pas dédaigné de me présenter pour vous être as- socié , que je vais en goûter tous les charmes. » Si le vol des sciences est trop élevé pour moi, au moins apprendrai-je , près de vous, à connaitre, à apprécier les charmes des beaux arts. » Par les belles-lettres j’apprendrai à m'exprimer avec cette simplicité , cette clarté qui inspire la con- fiance, parce qu'elle dénote un cœur pur, un esprit éclairé. J'acquerrai à votre école cette éloquence sage et calme qui entraine , qui attache tous les cœurs, et dont les chaînes d’or , qui sortent des lèvres du Dieu du commerce , sont une embléme si ingénieuse et si fidèle, « — Après avoir remercié ; en peu de mots, l'Aca- démie de l'honneur d’être admis au nombre de ses membres , honneur qu'il regarde comme un encouragement plutôt que comme une récompense , M. Duputel ajoute : » Mais, comme l'a dit l'éloquent panégyriste de Marc Aurèle , dans une circonstance semblable , le PT Cr13) le premier devoir qu’imposent les bienfaits, c’est de s’en rendre digne. Si je manque des connaissances et des talents nécessaires Pour soutenir avec autant d'éclat que chacun de vous , Messisurs, le titre de membre de cette Académie , j'ai du moins le désir sincère de profiter de tous les avantages alta= chés âce ütre précieux. » Soufirez que je vous entretienne quelques ins- tants de ces avantages. Vous prouver combien je sais les apprécier , est, je crois, la meilleure manière de vous témoigner toute ma reconnaissance. « Avant que d'entreprendre le tableau des avan- tages que les réunions savantes offrent à l'homme de lettres , l'orateur le considère tour-à-tour dans la solitude et dans la société des gens du monde. » On a beau vanter , dit-il , Putilité de la re- traite pour l'homme de lettres , répéter que j'eloi- gnement du monde est fayorable à l'étude , et que les muses ne préludent à leurs concerts que dans l'ombre et le silence ; comme beaucoup d’autres ces propositions si justes, sous plusieurs rapports , n'en devienneut pas moius un véritable paradoxe dés qu’on refuse d'en restreindre l'application. » En effet , de ce que le tranquille sejour des champs répand dans l'ame cette douce mclancolie qui la dispose à Ja méditation ; de ce que le flem- beau du génie s'est allumé plusieurs fois au milieu du calme inspirateur des nuits, ou de ce qu'enfn H | Cn4) le savant m'a souvent déchiré le voile qui couvrait à ses yeux les secrets de la nature qu’à la lueur d'une lampe solitaire , en faudrait-il donc conclure que l'ami des beaux arts , et ceux qui se font une agréable occupation de la culture des lettres et des sciences, doivent rompre , sans exception; tout commerce avec les hommes ? Non , sans doute, et l'expérience reclame avec succès contre cette conséquence aussi fausse qu’elle serait funeste. « L'orateur examine ensuite s’il n’est pas indispen- sable de s'arracher à l'obscurité de la solitude , lorsqu'on veut acquérir cette connaissance des règles de l’usage, cette élégante urbanité , cette politesse rafinée , cette délicatesse de goût et ce sentiment des convenances qui ninfluent pas moins favora- blement sur nos écrits que sur toutes nos habitudes, il ne se dissimule pourtant pas que si la société des gens du monde présente des avantages à l’homme de leures , il y rencontre des inconvénients que ces avantages sont loin de compenser. » C'est là, dit-il, qu'il apprend à substituer à Ja mâle énergie d'une ame indépendante cette sou- plesse insinuante qui en relâche et détend par dé- grés tous les ressorts ; qu’il s’'accoutume à sacrifier la vérité au désir de plaire ou à la crainte du ri- dicule ; que, se bornant au talent d’eflleurer les ob- jets , il renonce à celui de les approfondir , et fait céder la pénible habitude d’un trayail opiniâtre à mnt ms (115) 4 facilité des amusements ingénieux ; t'est Ià enfin. que , séduit par des plaisirs perfides , il laisse insen- siblement éteindre en lui l'amour de la gloire et l'enthousiasme si nécessaire aux élans du génie. « M. Duputel conclut de ce qu'il vient de dire que les réunions littéraires sont celles qui convienvent véritablement à l'homme qui se consacre à l'étude. En effet , dit-il, cés assemblées peuvent seules lui faire goûter et les douceurs de la retraite sans ses privations , et les agréments de la société sans ses dangers. Il trouve dans leur sein les encouragements qui éveillent le talent , les conseils salutaires qui le dirigent , et la noble émulation qui le soutient. Il ÿ trouve des amis ( car aucun lien ne réunit plus étroitement les hommes que la conformité de goûts et de penchants) , il y trouve des amis qui péu- vent au besoin seconder ses efforts , éclaircir ses doutes , dissiper ses erreurs , régler l'essor de son imagination , l’enrichir de leurs recherches et de leurs découvertes , l'aider à polir ses productions et lui en indiquer les défauts avec cette indulgence qui caractérise la vraie critique , bien différente de celle de ces Erostrates littéraires qui semblent ne s'emparer de son flambeau que pour incendier le temple des beaux arts, au lieu de l'éclairer. « Les Académies présentent encore d’autres avanta- ges dans l'étendue et la variété des talents de ceux qui les composent. » Car nous ne sommes heureu- KH » (116 ) .sement plus dans ces temps encore barbares qui pré“ cédèrent la naissance des lettres et de la philosophie en France , où les muses , oubliant qu’elles étaient sœurs, avaient chacune leur domaine distinct et séparé par d'insurmontables barrières ; dans ces temps où le poëte et l'orateur , n'ayant d'autre mérite que celui de combiner des mots , refusaient de se livrer à des études plus sérieuses, et ignoraient jusqu'aux premiers éléments des sciences physiques et natu- relles ; où l'artiste , n’osant s’écarter de l'ornière d’une ancienne routine , excrcait sa noble profession aussi mécaniquement que l'artisan fait aujourd’hui le plus simple métier ; où le savant enfin , rougissant de sa- crifier aux graces , au lieu d’orner son esprit de talents agréables, le laissait croupir dans la rouille d’une lourde et pédantesque érudition. » Ce n'est pas , continue l’orateur , que je pré- tende combattre ce principe généralement reconnu, que chacun de nous ayant reçu de la nature le germe d’un talent particulier , celui qui s'éloigne du chemin qu’elle a pris elle-méme soin de lui tracer , pOur suivre tout-à-la-fois différentes carrières opposées ; court infailliblement risque de s'égarer. Je conviens qu’il ny a que quelques-uns de ces génies privilégiés qu'elle offre de temps en temps à l'admiration des siècles qui puissent jouir de la fa- veur si rare d’être universels. Mais je suis aussi bien convaincu que , sans prétendre approfondir les mystères de toutes les sciences , on ne doit pas né- (217) gliger de se familiariser assez avec chacune d'elles pour en comprendre au moins le langage. Car mal- -gré la distance qui semble les séparer ; il existe en- telles des relations aussi fréquentes , des rapports aussi directs qu'entre ces peuples si différents de mœurs , de costumes et d'usages, que le commerce embrasse de cette chaine immense dont on peut dire que les deux extrémités s'attachent aux deux pôles de la terre. « L'application de ces vérités à l'Académie de Rouen est facile ; puisqu'ayant choisi pour emblêéme un temple où trois portiques semblables ouvrent un ‘accès au même sanctuaire , tria linina pandit, elle appelle égalément dans son sein les savants, les littérateurs et les artistes qui , » rapprochés et confondus , font un échange réciproque de leurs connaissances , et brillent en quelque sorte tour-à-tour de l'éclat qu'ils se communiquent mutuellement. . » Ainsi , quelque disparate qui existe entre les couleurs que le prisme décompose , cest de leur réunion que se forme la lumière, « Après avoir réfuté , en peu de mots, les objec- viotis dés détracteurs des Académies » ; cat , comme hobsetve l'orateur , lés institutions les plus réspecta- Bles ré sont pas les moins en butte aux traits empoi- sonnés de l'envie , et il existe des êtres assez ral- heureusement organisés pour être aussi pen sen- sibles aux charmes de la seience que ces oiseaux ti à ( 1:18) destinés à vivre dans les ténèbres le sont à la clarté du jour qui les offusque , » M. Duputel termine son discours en payant un juste tribut d’éloges à la mé- moire des Fontenelle, des Lecat, des Dambourney, des Descamps, des Dulague et autres anciens mem- bres de l'Académie , dont le souvenir est toujours cher au public, et en formant des vœux pour ob- tenir un jour aussi sa part de l'estime et de la considération que leurs travaux leur ont acquises. = M. de Lancy, dans son discours de réception, 2près avoir témoigné sa reconnaissance , s'attache à donner de la littérature une idée grande et sublime. Elle est, dit-il, d'après une auteur vivant, l’ex- pression fidèle de la société. » En effet, ajoutet-il , tout corps social a une ame , une pensée publique qui le meut , qui l'anime ,,et qui, passant sans cesse par des gradaiions diverses , lui fait sans cesse aussi subir des formes nouvelles. Cette pensée influe à son tour sur son expression , et enfin, rendue sensi- ble par la parole , elle compose la littérature de chaque peuple , de chaque époque.... Le fil de ces idées métaphysiques se rattache à toutes les tra- ditions historiques : par-lout nous voyons que la poësie ou plutôt l’art de la parole a précédé tous les autres ..,. C’est la parole , la parole seule qui a crée pour l’homme une patrie , des devoirs, des affections , des aieux, une postérité... Comme l'ile de Délos , l'humanité , long-temps errante , se fixa le jour où naquit Apollon, « Cu9) L'érateur pense que, dans le siècle dernier, on a eu de l'homme des idées peu justes. » L'homme, dit-il, qui mériterait par excellence le titre trop fastueux d'homme de La nature , serait celui qui penserait le plus. Proposition fondamentale , ajoute- t-il , et inverse de celle admise par l'auteur du Contrat Social. Selon que l’on partira de l’une ou de l'autre , l'esprit suivra des routes opposées dans toutes ses spéculations sur l'homme. Notre collègue, d’après l'idée qu'il s’est formée de la littérature , trouve que » le poëte est un être innocent et sublime qui vit comme hors l'ac- tion du monde. Les passions qui défigurent les au- tres hommes perdent leur laideur en entrant dans son sein ; elles semblent ne le faire palpiter qu’au- tant qu'il le faut pour donner plus d'harmonie à sa voix, Jadis ses chants passaient pour être inspirés, et les hommes s’adressèrent à lui comme au minis- tre d'une divinité..... Si de nos jours le poëte'a perdu ce caractère religieux, il se montre encore parmi nous comme un étre privilégié. Il est l'in- terprète né de la joie et de la reconnaissance pu- blique.... La doctrine du poëte est de s’identi- fier avec toutes les existences , de vivre, pour ainsi dire , de toutes les vies. Son imagination renouvelle pour Jui la fable de Prothée ; elle le transforme sans cesse. , et il existe réellement dans toutes les méta- morphoses qu’elle lui fait subir. La paix a pour ni. des charmes ; les descriptions qu’il en fait sout H 4 ( 120 } pleines de douceurs ; il aime ses joies | ses fêtes et tout ce vague bonheur que son nom seul promet; cependant vingt fois il à prêté l'oreille aux claitons de la guerre , vingt fois il s’èst enflammé du noble enthousiasme des guerriers; et, dans üne. sécurité profonde , son cœur a commu le charme d’une-vie semée de périls. Il a triomphé, et ; placé sur le char des héros , il a tressailli au bruit des acchaima- tions publiques. Les trônes mêmes n'ont rien de trop élevé pour lui ; il s'y est assis et il s’est senti iour-à-tour magnanime , terrible et clément lorsque sa plume traçait les noms de Napoléon, d’Alexan< dre ou de Titus. 5 Tous les séntiments lui appartiennent comme toutes lés situations. ... Une mère veillet-elle pen- thée sür le berceau de son fils ; le poëte veille avée elle ; long-temps il la contemple , if voit ce inélargé d'amour et de tendresse, de joie et d'al- farcies , Ces régards carressanis et ces lèvres qui S'entr'ouvrent comme pour parler au nouveau né. I! comprend la téndrésse maternelle et elle revit dans se$ vérs.... \ » Celui qui a dela poësie dans l'ame la répand sür tout ce qui l'entoure. Les scènes kes plus sim ples ; les plus familières parlént à soi cæéur; à sun imagination ; à ses souvenirs ; à lPidéal de la pen- sées.. Tel est le rapport , telle éstila corélauon uuiverselle qui existe entre) le visible et Pinrisible, 7 (127 ) Totit ce que nous voyons répond à une ordre dé nos idées et de nos perceptions ; de même toutes nos affections, toutes nos penséés ont leur couleur ; léur musique, lear figure dans le monde sensible. Toutes ces harmonies, continues dans la nature et fugiives pour notre œil, composent la poësie de Yumivers. Elles vont loin dé notre vue se rattacher au pfincipe du beau et de Pinfimi, à ce principe incorftiu ét pressénti , qui attire, charme et tour- ménté d'éatant plus qu'on en approche davantage... » Les anciens découvraient toutes les vérités mé- taphysiques par le sentiment , et ils les exprimaient toutes avec l'imagination, Cette méthode est celle de la force qui a confiance dans tout ce qu’elle sent, et qui crée une forme pour tout ce qu’elle exprime.... La prodigieuse quantité d'idées de détails qu’exige notre existence sociale , nous rend peu capables de la perception intime de l'évidence , et la muliplicité des désirs qu'elle fait naïtre épuise en mobilité toutes les forces de nos ames. »,] y avait plus d'unité, ik'y avait quelque ehote de plus absolu dans l'existence des auciens ; Jeur vie morale et intellectuelle se distribuait par plus grande masse......4« L'orateur termine ainsi son discours : » vous avez voulu , AfESSIEURS , que rien ne manquât à lé- mulation, j'allais presque dire à la gloire de ceux que vous admeitez parmi vous. Comme en un jour ( 1239 de solemnité vos barriéres se sont abaissées , elles ont donné entrée à cette portion du public qui porte un air de fête par-tout où elle se montre; sous ses regards , le désir de la gloire devient plus vif , les récompenses sont plus flatteuses, et je ne sais quelle douceur se mêle à tous les succès. Par- donuez cet hommage. Quand les dames se montrent dans l’enceinte de l'Académie , il semble , auprès de votre tribunal, voir s'élever un autel. Je me suis rappelé le sort de ce philosophe grec qui re- fusa d’y faire un sacrifice. Les graces s’en vengè- rent ; j'ai redouté son sort. Trop heureux, héïas ! si, comme les autres divinités, on pouvait se les rendre propices avec un peu d’encens. Mais, pour notre malheur peut-être , il en est qui ont reçu de la nature tout ce qui peut rendre leur sufirage et doux et désirable , et qui ont voulu y joindre toutes les lumières qui la rendent si difficile à obtenir. Je m'arrête.... De tous les efforts que je pourrais faire pour leur plaire, celui dont elles me tiendront le plus de compte , ©est le soin que je prends ici de n’écarter aucun des voiles dont leur modestie se plait à s’envelopper. « ( 125 ) Répoxsr de M. Savoye Rollin , Président , aux Discours de MM. Dubuc , Biard , Lezurier e* Duputel. » Messieurs , » L'Académie avait fait depuis long-temps des pertes immenses ; ce jour est consacré à les réparer ; et si quelques doutes en avaient contesté la possi- bilité , dès cet instant même ïls se seraient éva- nouis, Nos nouveaux collègues , en nous remerciant de leur admission , viennent d’en publier les titres. L’obligation qu'on leur a imposée a pu faire vio- lence à la modestie de quelques-uns d'entr'eux qui ne s'étaient pas encore montrés en public , mais elle a justifié l'Académie dans ses choix et dans la sorte d'appareil qu’elle veut attacher désormais à ses réceptions. » De tous les corps littéraires qui existent dans l'em- pire, celui de la capitale est le seul qui puisse exiger de ses candidats des preuves vérifiées de Jongue main par l'opinion ; placé dans un centre où tous les talents se meuvent et à une élévation qui attire tous les regards, il est le dernier terme de l'ambition littéraire ; les Académies des provinces en sont les degrés. Celle de la capitale prononce moins des jugements qu'elle n'exécuie ceux de la C4) renommée ; quand elle ose en méconnaître la voix, les candidats même qu’elle couronne vivent sans gloire sous des lauriers qui se flétrissent en touchant leur front, et les noms qu’elle leur sacrifie sont comme les images de ces Romains encore célèbres , qui , dansles cérémonies publiques, étaient d'autant plus remarquées , qu’elles n’y étaient pas appercues. »Ce n’est point à nous, Messteurs , qu'il appar- tient de décerner de si hautes récompensés ; mais notré tâche est encore assez belle d'ouvrir la bar- rièré à cette portion äëe Ja jeunesse qui cherche les aliments de son bônheut dans les travaux dé l'esprit , dé lui offtir klafois des conseils qui l'écläirent, des ressources qui afférmissent ses pas, ét dés éntonrigements qui redoublent sn ardeur ; de présenter à l'âge mûr les moyens d'étendre ses conhaissanées acquises , de reculer les bornes de la faison humaine , et de méler les nobles délassements de la pensée aux occupations présque mécaniques qu’entrainent les besoins de la vie ‘et les devoirs de la société, Dans nos cités du second ordre, nos réunions savantes ont cet avantage incontestable , que ; plus rapprochés les uns des autres , quoiqu’au #nhéu d'un nombreux conitotirs, noùûs nous jûgéous récivroquemient mieux et plus vite ; nous faisons plus faeilement Pinventaire de nos richesses ; nous diséeriioms avec plus de sûreté les talents qui peuveit participèr avee ons an but de nôtre ins- titation ; ainsi, lé commerçant qui, parmi les soins. | (125 ) des spéculations les plus vastes , économise encore des loisirs qu’il dévoue en secret aux muses, lar- tiste qui , dans l'obscurité de ses ateliers , rectilie les tâtonnements de Pexpérience par la sévérité des calculs , l’homme laborieux qui soumet les prati- ques de son art aux profondes analyses de la chimie, l'homme de goût qui verse sur d’arides travaux le charme des lettres , sont simultanément appelés dans le sein de l'Académie. En pressentant leurs vœux, elle a satisfait aux siens ; elle a senti sur-tout qu’elle Re serait éminemment utile que du jour où elle ras- semblerait autour d’elle tousles éléments qui servent à la prospérité de cette grande ville. Eux seuls peu- veut expliquer les prodiges d'une industrie qui , semblable au prothée de la fable , échappe , par d’inépuisables métamorphoses , à la terrible main qui la poursuit. Vainement son éternel adversaire a tenté sa ruine en lui fermant les issus des mers , elle oppose à tous les obstacles des eflorts constam- ment égaux , sa détresse lui inspire une infatigable vigilance ; aidée des arts et des sciences qui les per- fectionnent , les matières qu’elle ayait dédaignées ou qui, jusqu'à présent, avaient paru rebelles à ses essais , obéissent à des machines créées tout-à-coup pour les vaincre. Les souffrances mêmes de cette industrie ont imprimé un plus noble caractère à Pesprir de l'homme qu’elles stüimulent; en le jettant hors de toutes les routines , elles lui ont appris une uouyelle puissance , elles ont peut-être diminué ou (126) altéré quelques bénéfices , mais ces pertes sont pas- sagères , et les inventions dans les arts sont des acquisitions immortelles et des richesses indestruc- übles. » Pour arriver à de pareils résultats , il a fallu non- seulement la réunion des arts et des sciences , il a encore failu qu'il existât des moyens de les com- muniquer ; les sciences ne descendent de leur né- buleuse hauteur , elles ne deviennent populaires et fécondes qu'en s'unissant aux lettres. Cette alliance heureuse a commencé à l'aurore du 18° siècle. C’est à un génie né parmi vous qu'est due cette révolution remarquable , et sans laquelle les sciences néclaireraient pas même ceux qui les cul- tivent. L'art d'écrire ou de se rendre compte de ce qu'on sait, tient absolument à la netteté des idées ; quand on est obscur pour les autres , on l'est nécessairement pour soi ; la parole n'est que la pensée , et c’est dans ce sens que Buflon a dit que le style était tout l'homme, » Les sciences ont, il est vrai, un langage à part et une éloquence qui leur est propre ; mais la culture seule des lettres peut l’enseigner. Les asso- ciations académiques , et sur-tout celles qui, comme la nôtre , embrassent toutes les branches des con- naissances humaines , ont singulièrement contribué à propager le mouvement qui a fait marcher de concert les lettres et les sciences , union précieuse (1:27) qu’ importe de maintenir sur cette terre classique des arts de tous les genres. » C'est pour accomplir avec plus de certitude cette belle et utile destination que l'Académie a fait un appel à ces concitoyens , et qu’elle les a choisis dans les diverses occupations de la vie. » Qui répandrait avec plus de chaleur et de ve- rité des idées saines sur le commerce que celui à qui ses goûts et sa fortune ont permis de l’étudier dans ses rapports les plus généraux ? Qui démélera mieux que lui l'influence qu'il exerce sur toutes les parties du globe , et les liens qui lattachent à l'agriculture et aux arts ? » Il n’est point de contrée où les arts assujettis- sent les matières premières à des combinaisons aussi infinies ; les productions des deux mondes sont leurs tributaires. Mais rous devons une reconnais- sance particulière à l'artiste ingénieux qui, pendant les orages politiques, s'est appliqué à perfectionner et à plier à des emplois nouveaux des machines qui déjà ne travaillaient que les produits de notre sol. » Il est des professions dont on jugerait mal les difficultés , si l'on se bornait à un premier aspect ; l'art de préparer les remèdes est sans contredit le plus important auxiliaire de l'art de guérir ; les progrès de la chimie ne lui sont pas étrangers , et l'un de nos nouveaux collègues nous a prouvé que les manipulations routinières avaient disparu des l«- ( 128 ) Doratoires; et puisque la complication des remèdes se proportionne sans doute à la complication des maladies , e’est ge le plus essentiel que la chimie ait rendu à l'humanité. » L'Académie se félicite de compter ercore parmi ses nouveaux membres l'auteur d'un roman histo- rique agréable , Céneviève du Brabant. Ce genre qu'une femme célèbre a sorti naguère de Voubli profond où il était tombé , avait été eréé au com- mencemeut du dernier siècle par une autre femme qui obtint aussi de prodigieux succès qui n’eurent qu'un éelet éphémère. Que faut-il penser d’un genre d'ouvrage que deux femmes remplies de talent n’ont pu soutenir? Il serait condamné par une raison sévère, que notre collègue ne perdrait point encore son procès. Les beautés qu'il a semées dans son ou- vrage lui appartiennent; les défauts sont au genre qu'il avait choisi. » Ce jour de réception, Messreurs , fera époque dans l’histoire de l'Académie ; en rendant le publie témoin de ces adoptions , elle a voulu lui montrer le zèle qui Panime pour le progrès des seiences et Ja eulture des lettres ; et , en donnant plus de pu- blicité à ses wayaux , elle ne s’est pas dissimulée en méême-temps ce qui leur manque, mais le senti- ment qu'elle acquitiait une dette lui a fait oublier toute autre considérauion, 4 Rroxss (139) Répoxss de M. l'Abbé Baston , Vice-Président , aux Discours de MM. Blanchemain , Bonnet , Boismare et de Lancy. i » Ce fut à l'époque la plus brillante de notre littérature , dit l’orateur , en débutant , que s'éleva en France la querelle fameuse et peut-être intermi- nable de la supériorité des anciens sur les mo- derres. « Ce » S'il rappelle le souvenir de cette dispute qui altéra (long-temps ) la tranquillité du pacifique em- pire des lettres..... ce n'est pas qu’il veuille la renouveller..... mais du sujet principal sont sortis uelques rameaux auxquels il lui semble qu’on peut q toucher. « Il fait choix de celui-ci : gue tout ce qui est ancien doit être maintenu ; ce qu est nouveau doit être rejetté, Cette + à il Ja coupe , en prenant les précautions nécessaires (1) pour que l'opération ne soit pas dangereuse , et il s'ef- force d'établir que l'innovation est souvent préfé- F rable à la routine. (1) La principale est de renfermer ce qu’il dit à ce sujet dans la sphère des sciences, des lettres et des arts, Il excepte les institutions EF PETETE et es théories du gouvernement des hommes: Sur ces grands objets | dit-il , mon cri sera toujours constance et fidélité. (130 } Ï s'agissait ,| avant tout , de bien fixer le sens du mot innovation. » Si, entre lui et d’autres mots de Ja langue française , on apperçoit de l'affinité, nn certain air de famille et de parentage , je penserais volon- üers , dit M. Baston , qu’il n’en est pas un seul qui lui ressemble exactement..... La nouveauté n’est pas toujours de l’innovation ; le renouvellement en appro- che dayantage , mais ny atteint pas ; le changement n’en est que la moitié ; la variation est plus mobile qu'elle. « L'auteur croit que quelques exemples éclairciront utilement son sujet : ceux qu’il choisit renferment , en effet , plus qu’une leçon de grammaire ; c’est: ce qui nous engage à les citer. » Que nos jeunes gens, durant les premieres années de l'adolescence , ne vissent , pour ainsi dire , le monde que d oin ; qu'ils étudiassent les conve- nances 5 léSavant de paraître dans la société ; qu'ils s'instruisissent avant de décider ; qu’ils ne s’i- maginassent plus que l'esprit tient lieu d'expérience , que les saillies dispensent d’avoir et de montrer du, jugement ; qu’ils se tussent en présence de l’âge avancé , à moins qu’on ne les encourageât à mani- fester leur sentiment..... Ce ne serait pas une in- novation , mais un retour à la sagesse de nos pères, dont, il y a vingt ans , nous appercevions encore destraces sensibles dans les Cercles où la décence occupait le rang qui lui est dù, le premier. t 131) » Que nos jeunes vierges pensassent aux fleurs qui se fanent au graud jour ; qu’elles n'oubliassent pas que l'ombre d'une mère est-le plus sûr abri pour une fille ; qu'elles évitassent d'étre citées comme des prodiges dans le genre des talents frivoles ; qu’elles s’afiligeassent moins d’un ridicule que d’un vice , moins d’être un peu gauches que d'avoir trop d’ai- sance ; qu'en se täisant , elles acquissent. le don de parler un jour à propos: ce ne serait pas une innofalion , mais Ja reprisé d’un rôle qui leur réus- sissait parfaitement autrefois , et qu'on regardait ; sinon comme le seul qui leur convint , au moins comme celui qui leur convenait le mieux. « » Mais que , pour leur santé , les femmes se cou: vrissent davantage dans un pays froid , et dont sou- vent la température change plusieurs fois dans une journée : ce serait une innovation salutaire sous bien des rapports. « L'auteur conclut que » pour qu'il y ait innovation, il faut que la chose remplacée par une chose nou- velle, ait été, dès l'origine, ce qu’elle fut en finis- sant, ou qu'elle ait eu une si Jlongue durée , que ce qui avait été ayant elle, soit presqu’entièrement oublié, « ) Avançant dans le développement, de: son sujet ; M. Baston peint La routine : » Une suite de pas sur la même ligne ; dans le même chemin, avec la méme mesure. Ce ‘qu'on fait aujourd'hui mest.que la ré- pes (13) 2 + + | , . » » pit pétition dé ce qu’on pratiquait hier ; et hier, c'était la répétition du jour précédent. Les générations sé sont copiées. Une génération intermédiaire livra sans réflexion ce qu’elle avait recu sans examen. C’est une longue série d’échos : les paroles n'ont été prononcées qu’une fois. « » Or, reprend-il , pour que des hommes doués d'une intelligence qui leur est propre , d’une liberté Jeur patrimoine inaliénable , d’une émulation source des découvertes et de leur perfectionnement , fus- sent assujettis à cette imitation servile..., il faudrait être assuré que le premier anneau d’une longue ha- bitude tient à la pierre immuable de la vérité «.... Œt cette assurance , on est Join de l'avoir. D'où l’o- rateur infére » que l’innovation ; pourvu qu'elle marche sur les pas de la sagesse, qu'elle soit guidée par la discrétion, peut étendre la main sur un ou- vrage antique , et le renverser aux pieds de la raison. « Une courte énumération justifie cette conséquence. » Sur combien de systêmes dominateurs n’a-t-elle pas (l'énnovation ) répandu le jour pur de l'évidence, devant lequel leurs clartés nébuleuses e' menson- gères disparaissaient , comme, au lever du soleil , les faibles lueurs d'une puit à météores ? C'est l'in- novation qui, brisant les crystallins et l'empryrée , dont une mauvaise physique avait enveloppé notre globe stationnaire , reconnut dans le soleil la majesté (:133 1) du repos , et fit tourner autour de lui cette poignée d'atomes condensés qu’on appelle /a terre. C'est l'in- novation qui, de l'horison où nous sommes, tirant une ligne idéale par le centre de la terre , rencontra le pied des hommes qu'elle avait devinés, malgré Pimagination et ses sophismes , et que depuis, à travers l'océan et ses tempêtes , on est allé recon- naître et vériñer sur les lieux. C'est l'innovation qui remplaça l'horreur du vide , fantôme philosophique, par la pesanteur de l'air; et, en général, par un petit nombre de causes réelles et calculées, cette légion invisible de qualités occultes qu'enfanta au- trefois la crainte de paraître ignorant , si l'on n'avait pas tout expliqué. C'est l'innovation enfin qui obtint, d'une tête fortement organisée, ce doute méthodïi- gue , la pierre de touche des systêmes, etc. « Elle ne sert pas seulement à détruire ce qui est mauvais et faux; elle sert aussi à perfectionner ce qui est bon et vrai : » les premiers pas , dans la carrière des sciences, des belles-lettres et des arts, sont presque toujours mal assurés. Presque toujours Jes premiers essais se ressentent de la faiblesse et des autrés imperfections de l'enfance. Minerve ne sort tout armée que du cerveau de Jupiter. Ce n’est qu'à force d'innovations que les premières produc- tions du génie acquièrent de la consisiance, ure juste étendue , des proportions régulières. Combien de fois n'a-t-on pas innoyé pour...... conduire à L,3 C154) Rome le charriot dramatique du père de la tragé- die | et en extraire les théâtres de Marcellus et de Pompée {A4 PL 7T RIT, M. Baston tire de la séance où il parle une preuve sensible de ses idées sur l’innovation. » C'est à elle que nous sommes redevables du plaisir que nous venons d’éprouver ( par la lecture des Discours des nouveaux Académiciens. ) Cette séance, ces discours, ces applaudissements spoutanés , C’est elle qui a tout créé. Depuis l'origine de l'Académie jusqu’à nous, les membres élus pour réparer nos pertes étaient admis sans éclat. Ils entraient et s’asseyaient parmi nous, et leur bouche ne s'ouvrait pas pour témoi- gner la reconnaissance dont ils étaient pénétrés ; les nôtres ne leur exprimaient pas combien nous, étions contents de notre ouvrage....« Le changement ou innovation qui a eu lieu annonce , pour l’avenir, des efforts que le passé ne connut pas, et , nous l’espé- rons , des succes qu’il n’a point obtenus. De là M. le Vice-Président passe naturellement à Janalyse et à l'éloge de l'essai de, chacun. de. nos nouveaux collègues. L'extrait de leurs Discours far- sant partie des actes de l'Académie , nous croyons devoir ne rien ajouter à celui de la réponse qui leur fut adressée. = M. Chapais de Marivaux nous a adressé plu- “ sieurs exemplaires du discours qu'il a prononcé en qualité de procureur général impérial près la Gour (135) de justice criminelle du département de la Seine Inféricure , dans la séance du 10 juillet 1809, pour l'enregistrement des lettres de grâce accordées par _S. M. l'Empereur et Roi à vingt-trois déserteurs condamnés aux travaux publics. Ce discours étant connu , nous n’en citerons que quelques passages pour donner une idée juste de la manière de l’orateur. » La justice laisse aujourd’hui désarmer sa rigueur; et ce spectacle , si digue d’un intérêt universel, ap- partient tout entier à la clémence. » L'aspect de ces guerriers , leur. introduction dans cette enceinte ; la place qu'ils occupent , lha- bit militaire dont ils sont revêtus, leur contenance respectueuse et ferme sufiraient pour faire connaitre leurs désirs et leurs espérances. » Ils viennent redemander à la loi l'honneur de se rallier sous les drapeaux de la victoire.... « L'orateur, parlant des maux qu'entraîne après soi » P la désertion , s'exprime ains! : » Le toit paternel cesse pour le déserteur d'être hospitalier : ce toit ne peut le recevoir-sans crime ; et le père, lors même qu'il repousse de son sein le fils ingrat envers la patrie, demeure encoge respon- sable du malheur de l'avoir fait naitre.... #1 Il restera sans proches, sans parents, sans amis, : Sidi sans épouse , saus espoir de postérité , l'individu L 4 (156) flétri qui, dégradant son être , isolant sa personne , paralysant ses bras, s'est séparé des rangs et du cortége des vrais enfants de la patrie. » Où fuirat-il? L'Empire immense n'est plus pour lui qu'une vaste solitude. La loi le frappe : la sur- veillance l’atteint.... » Soldats du grand Napozéton ! vous soutiendrez la gloire d’un si beau titre.... De l'extrémité du Nord à celle du Midi, du Tage au Danube, la car- rière est ouverte. Volez à l’ordre de vos chefs, vous trouverez par-tout vos enseignes et la victoire. .» Soldats! vous jurez par cette clémence qui vous sauve , vous jurez par le bienfait de sceller au champ de l'honneur les titres de la reconnaissance" » Nous, témoins de vos promesses, interprètes de l'ardeur qui vous anime, nous vous félicitons par avance des lauriers qui vous attendent. « — M. Lezurier de la Martel a donné lecture de la traduction d’un morceau du docteur Blair sur le débit oratoire , cette partie ei essentielle de l'éloquence que Démosthènes lui donnait le premier , le second et le troisième rang. C'était en effet une de celles qu’il possédait éminemment et à laquelle il a dû son triomphe. Le docteur Blair , peut-être le meilleur rhéteur qu’il y ait eu en Angleterre, exige quatre choses pour être entièrement et facilement entendu , un degré C157) convenable d'élévation dans la voix , de la clarté, de la douceur et une prononciation ou une accen- tuation propre à la chose. Après avoir développé chacune de ces qualités, l’auteur passe à celles du débit proprement dit , dont les qualités essentielles sont la grâce et la force ; elles reposent sur quatre chefs, l’'emphase , les pauses , le son et les gestes ; l'auteur les développe d’une manière très-satisfai- sante. En parlant des pauses ,; il donne des règles pour bien lire et bien déclamer les vers. Pour mieux faire valoir les préceptes de Blair , M. Lezurier a substitué des passages de poëtes fran- çais à ceux que l’auteur avait cités des poëtes de son pays: En général , l'auteur veut que dans la pronon- ciation on ne s’écarte point de la nature. C’est elle encore que lorateur doit suivre dans le geste ; mais l’art et l’étude doivent le perfec- tionner. L'étude de l'action dans l’oraison consiste principalement , dit-il, à se garder de tout mouve- ment désagréable et bizarre. On ne peut que savoir gré à M. Lezurier de nous avoir communiqué un morceau aussi intéressant d'un excellent ouvrage , lequel , lorsque notre collègue s'est occupé de l'en détacher et de le traduire , n'ayait point encore élé mis en français. "(158 ) GRAMMAIRE. = M. B.invilliers ,: censeur des études au Lycée d'Orléans , correspondant de l'Institut et académi- ‘cien non résident , mous a fait parvenir un exem- plaire de sa grammaire latine théorique et pratique. Annoncer que c’est la septième édition , c’est assez faire l'éloge de la méthode de notre confrère. = M. Duputel a présenté ses éléments de la pro- nonciation , ouvrage également utile et aux étran- gers et aux français, de l’un et l’autre sexe, qui veulent appreudre à parler correctement la langue française. — M. Cosseaume a lu des observations sur la difference qu'il y a entre les expressions précis et analyse. Y| pose pour principe cette vérité reconnue par tous les grammairiens , que, dans aucune Jan- gue, il existe de véritables synonymes. Puis, il entre dans l'examen particulier du sens que présen- tent les deux expressions dont il s'agit. Le mot précis a une origine latine et signifie cou- per, retrancher , séparer. » Le mot analyse vient du grec; il signifie résou- dre , diviser , séparer. Ces deux expressions , conclut M. Gosseaume , ne peuvent donc ètre synonymes ni présenter la même idée. | C 159 ) PUOTE SUR E : , M. d’Ornar. , académicien résidant , qui, dans tous les temps de sa vie, a fait sa cour aux Muses et ne les a jamais trouvées cruelles , a lu la pièce suivante : J'arrive à mes quatre+vingts ans, Point trop fatigué du voyage. Puisqu’on ne peut fixer le temps , Senons au moins des fleurs sur son passage. On dit que le cœur n’a point d’àge ; On a raison, Malgré mes cheveux blancs , Les plus doux sentiments sont encor mon partage ; J'ai, près de moi, mes amis, mes enfants , La paix du cœur , trésor du sage , Et je) jouis de tous mes sens. Pour être, heureux , en. faut-il davantage ? Je suis toujours sensiblé aux doux accents De la touchante Polymnie a Je cède aux gharmes ravissants De Melpomène et de Thalie ; L'une me fait verser dé tendres pleurs ; L'autre m'égaie et éalme les douleurs Qui: trop souvent , afilisent notre vie, Au beau cortège des 'Neuf-Sœurs J'ouvre mon ame épanouie, Tous les soûts, tous les arts, fruits heureux du sénie, Ont pour moi les mêmes douceurs, (140) Puissant ami de la vieillesse Grand consolateur des humains , Dont la liqueur enchanteresse Inspire en nas rignts festins , Le fin couplet, la brillante allégresse , Viens chasser loin de moi les soucis, les chagrins ; Maïs amène avec toi ( s’il se peut )‘la sagesse ; Dieu séducteur , je t’aime et je te crains. Et toi, Divinité chérie , Toi que je vois, d’un air malin Me sourire dans le lointain , Ah ! ne me fuis point, je t’en prie ! Sous tes aimahles (lois j'ai connu de plaisir ; La pure Volupté , d’aucuns regrets suivie , Vient encore embellir les restes de ma vie Par les charmes du souvenir ! Mais , quoi ! vous ie fuyez agréables chimères ? Vous me fuyez !} et pour toujours ‘1! La raison... La raison ! par ses leçons amères , À détruit le prestige , il n’est plus de beaux jours. Insensible à mes vœux et sourd à ma prière , Le temps, l’impitoyable temps Me conduit à grands pas an bout de la carrière. Bientôt j'aurai vécu... vécu quelques instants ; Bientôt mes yeux seront fermés à la lumiere, Font .ce qui commença doit avoir une fin , C’est une loi de la nature , Subissons-la sans regret , sans murmure ; Mais jouissons jusqu'au, déclin. Mais peut-on bien jouir , et voir sonffrir les autres ? Soulager leurs chagrins ; c’est alléger les nôtres ; Crir) Les voir heureux , voilà l’objet de mon desir. Egoïstes glacés , laissez-moi ce plaisir , Et, sans regret, je vous laisse les vôtres, J'ignore si je dois encor Voyager long=temps dans ce monde, Je me résigne sans effort , J'attends dans une paix profonde Et n’appréhende point ce qu'on nomme la mort. Qu'ai-je à craindre de son approche ? J'ai fui le mal , j'ai fait le bien , De l'amitié , j'ai serré le lien. Pour l’être pur et sans reproche ,” La mort n’est plus qu’un paisible sommeil Dont il doit peu redouter le réveil, Il est un Dieu puissant , juste par excellence ; Pour être malheureux , il ne nous a point faits ; En sa grande bonté je mets ma confiance , Je m’endors dans son sein , et j'y repose en paix. L'Amour et Psycué ou la Curiosité punie , conte en vers , imité du roman en prose de La Fontaine ; par M, Lemesle , académicien résidant. L'Amour aimait Psyché : Vénus, jalouse et mere, Lui défend de la voir, lui défend de l'aimer, Et menace Psyché de toute sa colère Si l'Amour en est vu , s’il s’en laisse charmer. Que fait l’Amour ? Il dissimule : En fait de ruse il n’a pas son émule : Aux ordres de sa mère il promet d’obéir, Bien résolu de ne lui rien tenir. (142) À ce dieu dans le monde il n’est rien -d'inipossiblé : Sur la cime d’un mont entouré de forêts , Licu sauvage, désert et presque inaccessible ,, : Et dont les voyageurs n’approchérent jamais , Il ordonne aux beaux aris d'y bätir un palais. I1 préside à l’ouvrage , en tout c ’est un grand maitre : Sculpteur , peintre, architecte , il est ce qu il veut être. Les marbres sont taillés et les cèdres sont prêts ; Dé forme ronde , élégant de structure, L'édifice s’élève : on le meuble à mesure ; On fait une terrasse , on trace des jardins ; Le pêcher , l’oranger et jusqu'aux pomimiers nains Se couvrent des présents de Pomone et de Flore. On dirige les eaux , le dieu du goût décore, Le palais est meublé , tous les salons sont peints. L'Amour en souriant contemple son ouvrage Et s’app'audit avec raison D'’avoir créé pour son usage Ce que les rois et les gens du grand ton Ont nommé de nos jours leur petite maison. Messagers prompts, agents sûrs et fidèles Les Zéphirs, de lP'Amour.ont les ordres secrets, . Ils enlèvent Psyché , la posent sur leurs ailes , Et , doucement portée, elle arrive au =" * JL était nuit , elle était attendue : PT Un spectacle charmant d’abord s’offre à sa vue, De mille lampions allumés à-la-fois } Jaind, verd , rouge et bleñ la rotonde étincelle. Au son des instruments , mêlant leurs donges voix , Des Nymphes de quinze ans , dont, l’Amour a fait «choix ; Vienneut ensemble au devant d’elle. C143 ) Ici, sur des autels on brüle de l’encens ? Là, les meilleurs parfums que produit l'Arabie : Les Nymphes tour-à-tour vont offrir leurs présents | Les beaux fruits de l’Europe, avec ceux de l'Asie. Des bustes de Paros, des vases d’Etrurie , Ce qu’en urnes Corinthe a fait de plus vanté, Des vins exquis , la céleste ambrosie Qui conserve à Vénus sa fraicheur , sa beauté, Nourriture des dieux vraiment enchanteresse Et qui d'Hebé prolongeant la jeunesse Lui garantit son immortalité. Dans le palais déja Psyché s’avance, L'air retentit de sons harmonieux , Les folàtres plaisirs et les ris et les jeux Font cortège autour d’elle, et , sautant en cadence, D'un hymne en son honneur accompagnent leur danse, Elle arrive au salon dont la simplicité Compose la parure et forme la beauté. Sur les lambris , entrelacés ensemble, Son chiffre et celui de l'Amour , Qu'un nœud de fleurs environnent et rassemble , Décorent les panneaux , en ornent le contour. Bientôt s'offre à ses yeux une belle statue ; Comme Vénus elle était demi-nue : Le marbre en était blanc, l’Amour l’avait sculpté ; Sans doute de ces lieux c’est la divinité. Approchons-nous , dit-elle. Q ! surprise imprévue , C'était Psyché, sa douceur , sa bonté, Son sourire enchanteur et sa taille legère , Mais surtout sa pudeur , des grâces la première, Psyché se reconnait, rongit de voir encor Au piédestal son nom écrit en lettres d’or, 3» 2» 1» » » ? >» » » 2» C144) Mais le banquet est prêt et la table est servie» Les vins étaient choisis, les mets délicieux ; Aux nôces de Thétis Comus ne fit pas mieux. Des élèves instruits dans l’art de Polymnie Chantent les vers d'Orphée et les amours des dieux. D'un cortège nombreux entourée et suivie Sur la table d'abord Psyché jette un coup d’œil : Je ne vois qu’un couvert , dit-elle, et qu’un fauteuil ; Mon embarras s’accroït et ma surprise augmente ; Votre accueil est charmant et ce palais m’enchante : Est-ce celui d’un diew , d’un génie où d’un roi? Serait-ce un enchanteur ? Ah ! je suis sans effroi ; » Mais de me voir vous étiez dans l’attente ; » Pourquoi le maître de ces lieux, Si c’est un enchanteur , redoute-t-il mes yeux ? An mement où j'arrive il se cache ou s’absente, Seule, avec vous je me crois sans danger ; » Maïs ce mystère a de quoi me confondre. « » Gardez-vous bien de nous interroger , » Dit une nymphe , on ne peut vous répondre, Nous dépendons d’un maître et sommes saus pouvoir , Nous taire et vous servir , voilà notre devoir, » Psyché soupe donc sewle , et souper seule ennuie. J'ai vu souper les rois , leurs splendides repas Ne valent point la douce causerie De deux amants qui , contents de deux plats , - Que proprement la bonne vieille apprète , Sans scandale et sans bruit , en petite maison, L'amour en tiers , vont sans façon Souper ensemble et tète à tête. + Tout voyage fatigue et lasse de veiller Psyché commence à sommeiller, On C5) On la conduit au lit, l’alcove est décorée ; Glands et franges d'argent , et draperie en bleæ apissent le contour , et debout au milieu, Un foudre au bec et la serre dorée, ; L'oiseau de Jupiter au sommet est perché, À l’auneau d’or qu’il tient , un cordon attaché Autour du lit fait mouvoir et déploie En longs plis ondovants d’amples rideaux de soie, Piyché goûte déjà les douceurs du repos ; Morphée à pleines mains lui verse ses pavots Et doucement lui ferme les paupières ; Elle s'endort , on éteint les lumières ; Un silence profond règne dans le palais, Et de toute sa cour il ne reste à la belle Que les songes légers qui volent autour d’elle. L'Amour veillait, il était aux aguets ; Précédé du mystère il vient voir son amie Sans suite et sans cortèse, il la trouve endormie ; Il la réveille et s’assied près du lit. Qui pourrait répéter ce que l'amour lui dit ! Auprès de celle qu’on adore , Pour veiller nuit entière et $ans causer d’ennui , Il faut être l’Amour ou parler comme lui, 1e lendemain ‘il y revint encore , Enfin toutes les nuits et toujours inconau , Car chaque fois avant l’aurore IL s’échappait sans étre vu. Psyché s’ennuya du mystère ; » Un causeur si charmant doit être sûr de plaire , » Se disait-t-elle ; est-il d’une extrême laideur ? » Serait-ce un monstre ? Oh ! non , je suis sans crainte, » Et je sens bien dans le fond de mon cœur _ - Qu'un monstre tel que lui ne me ferait pas peur. = » Mais toujours invisible, à quoi ben cette feiute ? K C 146) Enfin elle en parle à l'Amour. Vous me quittez avant le point du jour Vous attendez la nuit pour reparaître ; M'aimer n’est point assez , ah ! faites-vous connaître | JL importe à tous deux que je ne sois pas Vu , Répond l'Amour ; je n’en suis pas le maitre, Nos plaisirs cesseraient si J'étais reconnu. Mais l’ Amour eut beau dire ; on sait que chez les femmes ; Si Pon en croit la docte antiquité , La curiosité Est un désir ardent qui tourmente leurs ames ; Dans le cœur d’une fille , il est encor plus fort. La nuit arrive , et suivant son usage , Vient notre voyageur ; las du fréquent voyage , Plutôt qu'à l’ordinaire il sommeille et s’endort. L’imprudente Psyché , comme on l’est à son âge ; Se lève doucement au milieu de la nuit, Prend , allume une lampe, et sans faire de bruit ; Se défiant de sa vitesse, Pose des pas craintifs , les suspend ou les presse, Et lentement se rapproche du lit. Tandis qu’à voir l'Amour elle est toute occupée ; S’applaudissant déjà du succès de son tour, De la maudite lampe une goutte échappée Par malheur tombe et va brüler l'Amour, IL est très-délicat et la moindre brülure Est pour ce dieu grande blessure , Il fait un cri, s'envole. .... Oh ! regrets superflus ! L'indiserette Psyché fait triompher Vénus. De la rivalité la vengeance est cruelle, Junon pour une pomme écrasa les Froyens ; Vénus moins implacable usa d’autres moyens : Psyché fut son esclave et cessæ d’être belle > Ut47 9 Tous les enchantements sont déjà disparus | Et le palais détruit n’offre plus à sa vue , Ni nymphes , ni jardins , ni salon, ni statue , - C'est un affreux désert. .:.. l’enchantéar n’y vient plus, = Le même ( M. ZLemesle ), a lu une Epitre à une Dame qui lui demandait siun Vieillard pouvait encore aimer. Nous nous contenterons d’en citer quelques pas* sages Comment nommer ces sentiments secrets Qu’auprès de la beauté l’homme éprouve à tout âge ? Chez un jeune Blondin , au teint brillant et frais, C'est de l'amour ou plutôt son image ; Chez un vieillard il faut un mot exprès, C'est un je ne sais quoi d’affectueux , de tendre Qui tient à de doux souvenirs Et qui rappelle des desirs Que le cœur sent , le cœur seul pent entendre Et que lesprit me peut pas rendre. L'amour dit trop, l’amitié pas assez À lui donner un nom, aidez-moi je vous prie; Nous voici, pour un mot, tous deux embarrassési Nous reviendrons au mot : parlons de l’art de plaire : à Jeunes et vienx , époux , célibataire ; Tous y prétendent , tous n’ont pas le mêne ton, Comme les instruments m'ont pas le même son; C'est le même desir , non la même manière, ES LE 2 RE htm ntnsesnsnnnnmsnsmns.se K 2 C148) L'auteur parle des diverses manières que l'on emploie pour plaire. Des propos gais, quelquefois un peu foux, | De l’amitié les douces confidences , Des soins de tous les jours , sur-tout des préférences ; | De petits dons , des fleurs nouvelles ; Des contes , des chansons , des vers , des bagatelles ;, Des cadeaux , des soupers, etc, , etc. , etc. CR Que Sparte et Rome ont dédaigné jadis , Pour lequel le Ratave affecte du mépris : | Que le Germain connait à peine, | Qui désespère Londre et charme tout Paris, | Cette manière est douce et convient à tout âge, Et quand avec l'esprit le cœur est de moitié, | Elle est du plus charmant usage, É l Ce n’est point de l'amour , c’est plus que l’amitié. | Î C'est un mode enchanteur , dont raffollait Athènes ; | CCR L'auteur finit par la comparer À cette courtoisie , Dont s’honoraient chez nos aïeux | Dans les beaux temps de la chevalerie ; Les Dunois, les Bayard et nos antiques preux. Leur culte pour leur dame était un nuble hommage ; Que des déesses la plus sage, Au !Vestor des amants le plus abandonné , Minerve mème eùt pardonné. Cri9) -= M, de la Bouisse, académicien non-résidant, nous a adressé deux nouveaux Voyages , l'un à Mont-Rouge , Vautre à Rondeiïihes. Notre coliésue, digne emule de Bachaumont et de Chapelle , met beaucoup de grâce , de facilité dans ses divers voyages écrits en prose et en vers ; il n’y en a pas moins dans les pièces fugitives qui les accompa- guent, = Nous avons reçu de M. Mutel , académicien non-résidant , deux volumes de ses Poësies diverses. Notre collègue est un octogénaire qui , malgré les glaces de l'âge , est un amant fidèle des divinités qui règnent sur le Parnasse. Ce recueil contient la traduction des troisième et quatrième livres de l'Encide , une Epitre à Piche- gru , une autre à la Vicillesse , une troisième à Vénus , une Fable , des Stances, des Epigrammes et une traduction de PHymne au Soleil , un Poëme sur les Sens , et diverses autres Poësies terminées par un Adieu aux Muses, qui finit par ces vers : J'écris pour mes amis ; content de leur suffrage , - Du zoïle envieux , je méprise lu rage. —: M. l’Abbé de Boïisville | académicien résidant , a lu une traduction libre en vers du pseaume (07), Laurgar Deus et dissipentur, Cette traduction, précédée d'une dissertation in- térgssante sur l'époque et la circonstance pour las ” Kt8 ( (150) quelle ce chant triomphal a été composé , a paru rendre fidélement le sens véritable et l'intention poëtique de l'original. L'auteur a eu l'adresse , par la seule répétition du premier verset , de lier en- semble les différentes parties dont ce poëme est composé, etest parvenu à faire disparaître les nom- breuses difficultés dont il a paru hérissé jusqu'ici. Cette traduction , composée en forme de cantate , rappelle , par la variété de ses stances et de son rithme , la fameuse cantate de Circé. Nous citerons pour éxemple la strophe qui correspond au verset 9 , Terra mota est etenim , etc. Par-tout l’épouvante Devant toi régna ; La terre tremblante D'’horreur frissonna, La foudre éclatante Les airs sillonna , Et du Mont-Sina La cime brülante D'’effroi s’inclina, Frs sur la demangeaison d’écrire ; par le même. Faciendi plures libros nullus est finis. — Saromox. £ Qui pourra mettre un frein à cette folle ardeur ! Ecrira-t-on toujours sans borne et sans pudeur ! Dès que , pour faire un livre, un auteur prend la plume , fl ne la quitte point qu’il n’enfante un volume. Ce volume , au public, à grand peine est livré , Qu'aussi-tôt , pour le suivre, un autre est préparé, (157 Ÿ Et, comme en ce métier, chacun se eroit habile | Ou ne voit point de fin à ce travail facile. Déjà de cet abus , qui de son temps régnait , Le plus docte des rois, comme nous , se plaignait, Déjà l’on écrivait sans cesse ; bien encore Qu'on ne possédât pas cet art de faire éclore Et circuler par-tout un senl et même écrit , Par la presse, en un jour , mille fois reproduit, Lui-même , ce grand roi, qui dicta tant d’ouvrages ; N'avait pas, pour les vendre , un libraire à ses gages ; Et ne se servait point des chef-d’œuvres anciens Ou du talent d’autrui pour composer les siens, Il ne connaissait pas ces abregés sommaires , Ces commodes recueils, ces gros dictionnaires , Où se forme , en un jour, un docteur consommé ; Et d’où sort, sans travail, un savant tout armé, De son vaste palais, sur les riches tablettes , On ne déposait pas chaqne jour cent gazettes ; On ne voyait chez lui , livres bleus ni romans Rôder dans tous les coins de ses appartements ; Nulle bibliothèque, à grands frais amassée , N'offrait sur ses rayons la science entassée. On n’avait point encor classé tous les auteurs , Auprès des écrivains , mis les commentateurs , Dans une case à part, rangé les publicistes , Fait une section des encyclopédistes , Par ordre disposé tous les historiens, Poëtes , romanciers | rhéteurs , grammairiens ÿ Et le peuple savant , république féconde, Ne s'était point encèr distribué le inonde, Ï Cependant ce grand roi, chez ses pauvres hébreux ; Jugeait , “dès ce temps-là , les Tivres trop nombreux , K_ 4 (152) Et, bien qu’auteur lui-même , il trouvait à redire A ce goût effrené qu’on avait pour écrire. C'était donc un torrent redoutable dés-lors , Mais un torrent du moins qui respectait ses bords ; Aujourd’hui c’est par-tout une mer débordée ; D'écrivains et d’écrits la France est inondée. Tout l'Empire est peuplé d’enfants compositeurs , D'imberbes Apollons et de femmes auteurs , Des femmes '..... Qu'ai-je dit !..... Hélas ! la femme sage Savait coudre et filer , s’en tenait an ménage , Mais aujourd’hui l’aiguille a fait place au pinceau , £t la plume savante a chassé le fuseau. De IA tous ces écrits , pour le moins inutiles , Dont rougit le bon goût, dont regorgent nos villes ; Jamais on ne compta d'écrivains plus féconds , De volumes plus gros, d'ouvrages moins profonds; Aucun siécle ne vit les presses moins avares , Les livres plus communs , les bons livres plus rares, Et jamais les auteurs ne furent plus adroits A redire sans fin ce qu'on a dit cent fois. Mais , dites-vous , que faire ! On n’a plus rien à dire, Ode , conte , épopée , apologue , satyre ; Les anciens ont tout pris , et ne nous ont laissé Que ronces à cueillir sur un sol épuisé ; Aussi c’est pour cela que je tiens à prudence De garder après eux un modeste silence , Ft de ne pas sur-tout ravaler par dépit Ceux dont on met si bien les travaux à profit. . . . Gneux et fiers à-la-fois, nos auteurs pleins d’adresse , Déprimant les anciens , les dépouillent sans cesse ; Tout en dépréciant ce qu’ils ont fait de mieux , Nous remettons à neuf leurs écrits déjà vieux : (1559) Riches à leurs dépens , parés de leurs plumages , Sans presque y rien changer, nous pillons leurs ouvrages ; Nous portons sans pudeur leurs habits retournés, À la mode du jour seulement façonnés ; Nous réchauffons leurs vers, rajeunissons leur prose ; Et nous croyons avoir inventé quelque chose, Qu’arrive-t-il de là ? Tout ridicule à part, Peu de gain pour l’auteur , décadence pour l’art. Les lettres, parmi nous , antrefois florissantes ; Déjà ne jettent plus que clartés Janguissantes : Des livres trop nombreux c’est l’effet..... Un ancien N’en possédait qu’un seul et le possédait bien ; À sa bibliothèque aujourd'hui l’on se fie, On a tous les recueils et l'Encyclopédie ; Mais on ne pälit point sur l’étude. .... Et pourquoi 2... N'a-t-on pas la science en magasin chez soi ? Ainsi l’art dépérit. De la littérature Bientôt le champ fécond langnira sans culture , Abonilance fera ce que fit rareté , Et richesse , à son tour, produira pauvreté. Un jour tout reviendra peut-être..... Mais la France N’en subira pas moins le joug de l’isnorance, Et, l’orgueil nous mettant un bandeau sur les yeux , Même en n’y voyant plus , nous croirons y voir mieux. Toi qui semble déjà menacer ma patrie, Je ne t’invoque point hideuse barbarie ; On m'a dit si souvent que le monde autrefois Jgnare ct non lettré, végétait sous tes lois, Que n'ayant ni journaux , ni gazettes ,| le monde Etait comme plongé dans une nuit profonde : Je me garderai donc de former des soühaits Pour voir ton règne affreux se rétablir jamuis. (154) Si pourtant doit un jour cesser sous ton empire Cette ardeur d'imprimer ; cette fureur d'écrire ; Si je peux voir réduit, par la honte ou là faim ; À d’utiles travaux , tout méchant écrivain ; ® Si, du moins, par les mœurs, remplaçant la science , Tu parviens à bannir loin de nous Ja licence , Je verrai ton empire approcher sans effroi , Et même je pourrai faire des vœux pour toi. Mais qu’ai-je proféré ! Le mal qui nous obsède ; Quelqu’énorme qu’il soit, est-il donc sans remède ! Faut-il désespérer des lettres ! N’est-il plus De moyens que l’on puisse opposer à l'abus ! Il en est : et voilà celui que je propose : Puisqu’après tant d’écrits, soit en vers ; soit en prose ; Il reste démontré qu’en tout genre d’esprit , Nos heureux devanciers dès long-temps ont tout dit ; Qu'’enrichis des grands biens qu'ont laissés nos ancêtres ; Possesseurs fortunés des chef-d’œuvres des maîtres, Nous avons, en nos mains , un assez gros trésor Pour n’avoir pas besoin de le grossir encor ; Que ce français si pur , cette langue divine , Que parlérent Boileau , La Fontaine , Racine, Brille d’un tel éclat, que rien à sa beauté Ke doit ètre soustrait, ne peut être ajouté ; Ne scrait-il pas temps que toute Académie De Part des vains discours se monträt l’ennemie D’écrire et de parler , réprimät la fureur Comme on eut soin jadis d’exciter cette ardeur , Et crût en faire assez désormais pour la gloire Que d’être du bon goût l’heureux conservatoire ? Je voudrais que , fidéle à Ja tradition , Ecartant sans pitié toute innovation (155) Sévère , elle bannit loin du classique empire Tout mot nouveau venu qui cherche à s’y produire ; Gardät soigneusement , comme un dépôt sacré ; Tel qu’il nous fut transmis , le français épuré ; Et chassät de son sein le fier néologisme , Comme lon chasserait le honteux barbarisine, Maint auteur croit souvent , pour un mot javenté , Du français qu’il corrompt , avoir bien mérité ; Tous ces ternres nouveaux , forgés par l’indigence, Sont, aux yeux du génie, une fausse opulence Des mots dont se forma la langue de Pascal L'or pur est préférable à ce triste métal, Je voudrais , qu’imitant l’antique aréopage , Comme lui , sans parier , veillant sur le langage , Elle se contentät de juger froidement , Toujours en peu de mots, toujours sans compliment ; Qu’ayant appris long-temps à régler la parole , Du silence, à son tour, elle ouvrit une école, Professät l’art d’écrire avec sobriété , Mëme fondät des prix pour la brieveté , Et donnût dans ses jeux la couronne olympique À l’auteur le plus pur et le plus laconique. O charme des beaux vers , noble précision , C’est toi qui des anciens fais Ja perfection ! Ces hommes pleins de goût que le bon sens inspire Ne disent que la chose et le mot qu’il faut dire, Malherbe , dans ses vers aussi beaux qu’ils sont courts, Ne me fatigue point et m’attache toujours ; On aime à répéter , et jamais l’on oublie Les recits enchanteurs de Phèdre et d’Athalie ; On sait tout La Fontaine et tout Boileau par cœur ; L'un est vrai, l'autre est simple , et tous deux sans longueur. (156) Chants sacrés de Rousseau , c’est vous que l’on dévore ; Et qu'après avoir lus on veut relire encore. De ce vieux Desbarreaux tout le monde connaît Et retient sans effort l’énergique sonnet ; Et, méme en se jouant, ma mémoire fidèle Du bonhomme Patris le songe me rappelle, Ces beaux vers que l’on sait sans les avoir appris ; Quel charme les a donc gravés dans nos esprits ! Par quel talent magique, à leurs moindres ouvrages, Ces hommes ont-ils l’art d’enchainer nos suffrages ! C'est qu’ils disent beaucoup , toujours en peu de mots ; C'est qu'ils savent toujours , sobres dans leurs propos ;. S'arrèter au vrai point, et d’une main légère Prendre , sans l’épuiser , la fleur de la matière. Ne rougissons donc pas de les suivre , et souvent Cardons à leur exemple nn silence prudent ; Ménageons , ainsi qu'eux , avec parcimonie Et l’art de la parole et les dons du génie. Quand tout est déjà dit et cent fois répété , L'abondance équivaut à la stérilité, Mais moi-même je tombe ici dans la redite, Aussi bien j'ai peut-être excédé la limite , Et, blämant les longueurs , ne sais par quel destin J'ai presque fait moi-même un volume sans fin, “ = M. N. Bignon, académicien résidant , a la Ja pièce suivante composée à Poccasion du service célébré pour le repos de lame de M. J.-Charles César Formage notre collègue. D'ÉARSS TITRE. Postquam sumina dies , irarumt fœta procellis, Pormidanda dies ; sopitum oppresserit orbem , Cr577) Protints in tenues fugient resoluta favillas Sœcula : testantur divini carminis author Jessiades , quæque in populos oracula , mendar | Fieta que verba dabat, veri jam præco , sacerdoss Heu ! quanto gravis excutiet distracta fragore Cuncta tremor , rigidä cùm maÿestate verendus, Fulgura sæva inter ; tonitruque bognte , nocentünr Inquirens aderit culpas et crimina judezx ! Buccina terrifico tumulos clangore silentes Increpitans lalë sumnos abrumpet ; el agmer Dispersum solio agglomerans adstare jubebit. Vin torpere suam mors , telo segnis inerli , Sentiet obstupefacta ; et quos priës ipsa negärit A Emerito cursu , dominum confessa polentent, Omniparens natura novos mirabilur orlus, IVamque ubi prima sonos dederit tuba , morlua sursüws Corpora , et è putribus rursüm florere sepulcris , Responsura Deo subjudice : pandet apertus Æitè inscripla liber quæ pectore quisque sub imo Egerit atque manu , liti argumenta futuræ. Ultimus intereà, mundo expectante , sedebit Arbiter : occultum pravé quod fraude lateret Cælo ostendetur ; pænisque sequacibus omnes Quod meruere , malo vel lapsi errore piabunt ; ÎVec maculé fuerit quisquam lætatus inultd. Me miserum ! quales vitæ reus ore loquelas Tunc referam ? Cujusve fidem rogitare patroni Fas erit? Insontes ubi, tanto ultore, minacerm Securd vix mente queant attendere vultum ; Ipsaque frigidula trepidet formidine virlus. O Deus omnipotens , et majestate tremendé , Quem juvat iacolumes ; nullé mercede, piorum C:158)9 Servavisse animas , summæ pielatis ori30 ; Me quoque , me indulgens ultricibus eripe Rlammis: Sis memor , 6 præsens hominum tutela , nocentes Ut Deus indigené elueret sub imagine terras ; T'e durum exilium, et vitæ miserabilis ultrà Propter me lolerasse vices ; me propler eumdent , Cum facibus truculenta dies illuxerit atris, Fulmina devoto capiti suspensa repelle, Jam pater , instaulemque favens averte ruirAN Düm mea sollieito quæris vesligia cursu Errantem que voeas studio deeeptus inani, Fessa laborantem deponere membra coëgit Fe TA labefacta pedum : lua me cruz alma redemit Morte reum fœdd : ah ! tantos periisse labores ÎVe patere , aut mihi luxuriet spes Lanta salutiss Aspice confusd pudibundum ut conscius urget Fronte rubor, vultuque nefas culpante , notatur ? Utque ægres, via eùm voci interclusa dolore est, Singultus traho cum gemitu : te færnina quondam Flectere peccatrix valuit , te vincere latroe : Me quoque bland£ spe veniam expectare juhebas. Justa quidem sontes vindicta urgebit atroci Supplicio : sed parce bonus : donoque remittas Debita ( namque potes) ne tanto fœnore mersurs Opprimat atra dies æqua ratione carentem. Magna precor tenuis , nec quæ sint digna petentän Exigud virtule rogo ; miseralio numen Arguit : ah ! Liceat flammas vitare perennes ; Perque greges OviunmL niveos fulgere, nec inter Squalere infames immundis sordibus hædos. Ecceego , dim curis animum torquentébus angor , Ossaque conmtinmw6 morsu contrila trahuntur C:59) In cineres , capite acclini , per vulnera , supplex ; Oro , crucemque tuam , tot acerb& in morte dolores Infandos , miserere animæ pereuntis, opemque Quam. tua promisit clementia solvat egenti , ÆAst ubi criminibus damnata horrebit apertis Improba colluvies | stagnoque impacta voraci Cœperit addictos flammis torrentibus ignes , Et mala longa pati ; sedes me dextra vocatum Accipiat , cœtu que fruar consorte bonorum : ÆAuspice te ; merear , tuté jam pace , beatus Carpere inexhaustà cælestia gaudia vita. Vers sur la Wallée d Andelle |, hommage à Jacques Delille , par M. Duputel. L'’aquilon a cessé d’attrister la nature, Dans les antres du nord il rentre en mugjissant , Aimable avant-coureur d’une saison plus pure , Déjà le frais zéphir, d’un souffle caressant Agite mollement le rideau de verdure Que forme des bosquets le feuillage naissant. Dans les riants vallons où la modeste Andelle Roule ses flots d’argent sur les gazons fleuris , Pour jouir de ses dons le printemps me rappelle ; J'y revole toujours de leurs charmes épris, co 5 tee. fe ia PE ic ETES Vous à qui les beaux arts , fertiles en prodiges Pour remplir le néant des plus vides loisirs, De leur'illusion prodiguent les prestiges , Cessez de me vanter vos fectices plaisirs, "(160 ) Si les yeux étonnés admirent dans les villes \ Des talents réunis les magiques effets , La nature embellit les champêtres asiles , L'homme y jouit partout de ses nombreux bienfaits , Et de la volupté la plus enchanteresse C'est là que tous ses sens, pleinement satisfaits, Savourent, à loisir, la séduisante ivresse. Qu'il est doux de pouvoir , à l'ombre des forêts , Eutendre, le matin, la triste Philoinèle Aux échos attendris confier ses regrets ; Le sensible ramier , près de sa tourterelle , Dans de plaïntifs accents , roucouler le désir, Et le moineau plus vif à sa tendre femelle , En sons précipités annoncer le plaisir ! Qu'il est doux de pouvoir , foulant l’herbe fleurie , Suivre , dans ses détours , le limpide ruisseau Qui baïgue ,. en serpentant, une verte prairie ! De la mélancolie, au doux bruit de sen eau, L'ame éprouve bientôt l’aimable rêverie , Et trouve à s’y livrer l'attrait le plus touchant. Qu'on porte ailleurs ses pas , si la scène varie, Le spectacle qu’elle offre est toujours attachant. Tantôt c'est une plaine où la jeune bersère Laisse paitre, à l'écart, son docile troupeau, Assise sur un banc de mousse et de fougère Que l’aubépine ombrage , arrondie en berceau ; °” Tantôt de vastes champs dont on voit, avec joie, Les fertiles sillons ereusès d’un bras nerveux, Par les riches trésors que Cérès y déploie , Combler du laboureur l'espérance et les vœux ; es ns em 0 op pé C:6:1) Ici des bois touffus , retraite impénétrable Aux regards des jaloux autant qu'aux feux du jour ; Dont l’ombrage discret , d’un voile favorable , Enveloppa souvent les secrets de l’amour , Couronnant des coteaux la cime verdoyante , S’unissent à l’azur du plus pur horison : Là s'offre une vallée, où toujours plus riante , La terre qu'embellit la nouvelle saison Se plait à dérouler son écharpe brillante, Tel est l’heureux séjour où , loin de tout fracas | Sans former de regrets, sans connaître l'envie , Je vois des simples fleurs qui naissent sous mes pas Le plaisir composer La chaine de ma vie, Dans ce nouvel Eden , l’art, d’un étroit compas ; N'a jamais établi la froide symétrie ; La nature l’a seule orné de mille appas Qu'à son gré tous les jours elle-même varie. Loin de moi ces jardins stérilement pompeux , Où le luxe iguorant d'une vaine industrie Emprunte le secours , pour fatiguer les yeux Du spectacle éternel de sa monotomie. IL en est de nos champs comme de la beauté + Un aimable désordre y tient lieu de parure , Et leur plus puissant charme est la simplicité, Lorsque ses blonds cheveux , errants à l'aventure ; De l’albétre arrondi voilent la nudité , Sans autres ornements que sa seule ceinture , Malgré tout l’attirail du faste mensonger Qu'avec orgueil Junon devant son juge étale ; Véaus obtient le prix qu'à ce jeune berger Demande vainement sa superbe rivale, L (163) Bords chéris , doux témoins de mes premiers plaisirs ÿ Que j'aime à vous revoir ! des lieux que mon enfance Choisissait pour théâtre à ses heureux loisirs ; Dans mon cœur satisfait l’agréable présence Réveille à chaque instant de tendres souvenirs. Oh ! combien je voudrais revenir à cet âge Où, n'ayant d’autre soin que celui de ses jeux ; L'homme de sa raison ignore encore l’usage ! On a beau la vanter, fatal présent des dieux , Elle seule obscurcit le funeste nuage Qui dérobe toujours le bonheur à nos yeux. Le bonheur ! Ah! pour nous il n’est plus qu’un beau songe ; Et ce n’est qu'à travers le prisme des erreurs Que nous pouvons , jouets d’un séduisant mensonge, Entrevoir quelquefois ses rayons enchanteurs, Mais comment en saisir la lueur fugitive ? Cet astre brille-t-il dans les sombres réduits Où , sous de triples clefs, d’une avarice active Le pâle agioteur entasse les produits ? Sous les toits fastueux , temples qu’à la richesse Un vain luxe bätit au milieu des cités ? Sur le. mol Edredon où languit la molesse Que fatigue l'ennui des fausses voluptés ? À la Cour où le dieu qui préside aux intrigues , Recevant seul l'hommage et l’encens des mortels , Voit , sans cesse poussés par le souffle des brigues , Des, flots d’ambitieux inonder ses autels ; Ou , dans les champs dè mars , sous la palme incertaine Qu’'invoquent du guerrier les sanguinaires vœux ? Non : croyons ce qu'a dit le naïf La Fontaine, ÎVi l'or, ni la graruleur ne nous rendent heureux. Si quelqu'un ici bas à dés titres pour l’être , C’est celui qui, content de son obscurité, Sait à l’étroit enclos d’un asile champêtre Borner de «rs désirs le cercle limité. (165) insensible anx attraits de la vaine imposture ;' Un phosphore trompeur ne l’éblouit jamais , Et son cœur, que le feu du sentiment épure , Ne goûte, dans le sein d’une innocente paix , D'autres plaisirs que ceux que donne la nature. Que d’autres transportant au milieu des hameaux , L'étiquette des cours , les préjngés des villes , Aillent , à jour fixé , de châteaux en châteaux, Acquitter froidement des visites sesviles , "Et M quand une fois ils ont dans leurs discours , De tous les lieux communs épuisé l’éloquence , Des cartes où des dés invoquant le secours , Autour d’un tapis vert s’ennuyer par décence ; Ou bien, à pas comptés , suivant les doubles rangs De tilleuls ailignés en vertes palissades , Entre les murs d’un parc , faire de temps en temps Quelques processions qu'ils nomment promenades , Et bientôt fatigués, rentrer dans leurs salons , Contents d’y retrouver des fleurs , de la verdure, Des ruisseaux , des bosquets , des côteaux, des vallons , Des bergers, des troupeaux et des champs. . ... en peinture. De ces aimables lieux l'aspect toujours flatteur De plaisirs plus réels m’offre une source pure. Que n’ai-je en ce moment le crayon enchanteur Du peintre des jardins, de l’élégant Delille , Qui , son rival plutôt que son imitateur , A su nous enrichir des trésors de Virgile ! Mes vers rappelleraient ces plaisirs si touchants ; lis peindraient tour-à-tour l’aimable solitude , Où , suivant librement les plus tendres penchants ; -Mon ame s’abandonne aux charmes de l'étude ; L'3 «© (164) Les utiles travaux de l'habitant des champs | La gaieté de ses jeux et les danses légères Qu’au son du flageolet qu’accompagnent leurs chants Forment sur le gazon les folätres bergères. Mais Apollon se rit de mes vœux impuissants, O Delille ! à toi seul, son fidéle interprète , L’immortel a remis ses magiques pinceaux ; Des brillantes couleurs d’une riche palette, Disposant à ton gré, dans tès riants tableaux ; Toi seul as le pouvoir d’imiter la nature, Aussi quand l’aquilon , précurseur des hivers , ’ D'un souffle destructeur flétrira sa parure, Pour en jouir encor , je relirai tes vers, = Le même a présenté à l'Académie un exem- plaire de sa Geneviève de Brabant , dont un jour- paliste estimé a dit: » avec de l'imagination on pou- » vait faire sur ce sujet un très-bon roman , et » M, Duputel la fait «. MÉLANGES DE LITTÉRATURE. — M. Leboullenger , académicien non résidant, et ingénieur des ponts et chaussées , nous a lu une petite pièce en prose, intitulée : V'Affüt à la Bécasse. C’est sans doute une bagatelle , mais une jolie baga- telle, fruit de quelques instants de loisirs dérobés à des occupations graves et importantes. » Le lieu de l'affût, ditl , est ordinairement une # mare ou une fontaine située sur le bord du bois. C:165 3 En s'y rendant le chasseur impatient médite en lui-même le poste qu'il occupera... Il choisit sa place.... et garde le plus profond silence... La rouge-sorge curieuse le découvre et sonne aussi-tôt l'alarme ; bientôt arrive le merle éveillé qui voltige de branche en branche , à sa voix répond la grive méfiante.... Le vent souffle de l'est , la pluie survient. Le chasseur croit enten- dre un. bruit semblable à.la chute d’un corps... La pluie cesse , il. cherche des. yeux et dans la plus parfaite immobilité la bécasse qu'il sait être tombée; mais elle part de ses pieds où elle s'é- tait abattue.... Elle retombe , inquiète , elle tourne a tête de tous côtés , entre dans l'eau ; mais le coup part, elle est morte. S'élancer , sai- sir son gibier est pour le chasseur l'affaire d’un moment.... De retour il compose son visage, affecte la tristesse ; les brocards pleuvent autour de lui, lorsque montrant le fruit de sa chasse un sourire de la beauté est le prix de sa patience et de-son adresse, « = M. Toustain de Richebourg , académicien non résidant , qui s'occupe d'un Focabulaire étymolo- gique , historique , géographique et chronologique , a dû , comme de raison ,; compulser nombre de recueils , de dictionnaires , etc. , et faire, en les par- courant , des notes, des remarques critiques sur les omissions et les fautes mêmes qui ont pu échapper L 3 ( 166) à leurs auteurs. Notre laborieux collègue nous à communiqué un trèésgrand nombre d'ebservatiois intéressantes sur les six volumes in-8° de M. Deses- sarts , ,inütulés : Les Siècles littéraires. M. de Toustain de Richebourg , dans ses recherches, D’est occupé que de la vérité, et n’a point la va- nité de s’ériger en critique des auteurs dont il re- lève ou les fautes, ou les omissions, — M. de Glanville ; académivcien résidant , nous a communiqué la comparaison qu'il a faite de PAr- taxercé de M. Delrieu , avec l’Artaxerce de Metas- tase. Il est fort difficile de faire l’extrait d’une analyse. Il n’est guères possible d’offrir que des résultats ; nous allons cependant essayer de faire connaitre son opinion. Il commence par exposer le plan de Metastase , qui est le créateur de ce sujet. Ensuite il rapporte Les expressions de Justin parlant de ce fait histori- que. Justin ne dit que fort peu de choses de cet évènement. Metastase y a ajouté plusieurs per- sonnages ,; et a inventé plusieurs circonstances pour parvenir à composer sen drame. M. Del- rieu a cru devoir en changer plusieurs , en suppri- mer d’autres. D'abord les deux premiers actes sont de son invention , et » bien que , dit l’auteur , ils » soient les moins intéressants de la pièce, ils ser- # vent si naturellement d'exposition, ils motivent C:67) » si bien ce qui doit suivre ,que loin d’être hors- » d'œuvre ils deviennent nécessaires, eu égard aux » modifications que l’auteur a apportées au sujet qui » lui était offert ; « car on ne pourrait disconvenir qu’en suivant le plan de Metastase , ils ne devins- sent inutiles. Quelques personnages substitués à d’autres, pour plus grande vraissemblance , ou pour diversifier davantage les physionomies , la scène de l'épée sanglante entièrement refondue (Artaban ne change pas la sienne avec celle d'Arbace , il la lui présente simplement comme un trophée) ,le dénoue- ment qui diffère encore de quelque chose de ce- lui du poëte italien : tels sont les principales situa- üons qui, sans appartenir aucunement à M. Del- rien, ont subi sous sa plume quelques améliora- üons. Je dis sans appartenir à M. Delrieu , car elles appartiennent entièrement à Metastase ,; comme toute la pièce , à l’exception des deux premiers actes. Le développement de cette verité ; [a com- paraison des passages semblables compose une par- tie du mémoire. Au surplus , M. de Glanville finit par dire » quand on embeilit en imitant on a prévenu » toute espèce de reproche. « La partie des caractères lui offre encore matière à quelques observations. Artaxerce est, selon lui, entièrement subordonné à Artaban , et ce dernier étant le plus marquant aurait dà donner son nom à la tragédie. L 4 (168 ) Enfin M. de Glanville , en terminant son analyse, voudrait assigner à la tragédie d'Artaxerce une place distinguée parmi les pièces du second ordre. » On » désirerait peut-être , dit-il, que plusieurs vers » fussent moins négligés , plus dignes du co- » thurne ; .... mais sa pièce est peut-être de tou- » tes celles qui ont paru dans ces derniers temps » l'ouvrage où l’auteur a su mieux prendre le ton » du genre , et intéresser , tant par le fond du sujet » que par la manière dont il la mis en œuvre, » etla palme qui lui est acquise est d’ailleurs d’au- » tant plus glorieuse que la carrière qu’il parcourt » est célèbre par les chutes beaucoup plus que » par les succès. « On voit que ce mémoire a été lu avant le prix décerné à M. Renouard ,; pour sa tragédie des Templiers ; au surplus , le jugement de linstitut a probablement été motivé par des raisons qui peuvent avoir échappé a M. de Glanville. Il a parlé comme il était affecté , et la modestie qui préside à ses jugements l'ont fait déférer sans peine aux décisions du tribunal suprême du bon goût. À la suite de plusieurs mémoires que M. de Glan- ville nous avait présentés et qu'il avait traduits d’un article de littérature inséré dans le monthly repertorry ; voulant terminer un ouvrage qui, sous le titre de Lycée de l’ancienne littérature , titre qui pro- mettait beaucoup , ne semblait pas devoir étre diss (169 ) continué dès les commencements , il nous a lu un discours sur Homere et sur le Tasse. Ce dernier est comparé comme imitateur. On se doute que M. de CGlanville se garde bien de mettre au même rang le poëte italien et le poëte grec pour le génie et pour l'invention ; mais 1l ne craint pas d'établir son parallèle, quant au plan du poème , à sa con- duite ,et principalement aux caractères. Il compare Godefroy à Agamemnon , Tancrède à Ajax, Renaud à Achille, Hector à Saladin , Aladin à Priam, Raymond à Nestor , Herminie à Helène , l'Her- mite Pierre à Calchas , et Argilan à Thersite. Plu- sieurs autres avaient déjà indiqué ces ressemblan- ces ; mais M. de Glanville a prétendu faire un rapprochemeut complet. Voici, par exemple, com- me il s'exprime au sujet du chef des croisés. » Le caractère de Godefroy est certainement » plus fini que celui d'Agamemnon. Le roi des » rois commence par se fâcher sans sujet. Il en- » court ces reproches avilissants d'avarice, quand » il veut s'approprier la jeune captive , et de là- » cheté quand il propose par trois fois aux grecs » d'abandonner le siège et de retourner dans leur » patrie. Godefroy , au contraire , me forme pas » un seul projet , une seule entreprise , ne pro- » fère pas une seule parole qui ne soit conforme » à l'idée qu'on doit concevoir d'un héros que Île » suîrage unanime a élevé, au poste le plus émi- (1:70) » nent. Il a toujours la même sérénité ; le même » courage ,; la mème prudence. Les accessoires » des deux caractères sont également à l'avantage » du dernier : sur la foi d’un songe trompeur » Âgamemnon éprouve le courage de ses troupes; » le messager céleste vient apporter à Godefroy » les ordres les plus formels avec les promesses » les plus consolantes, Agamemnon est sans cesse » en butte à la jalousie des rois , armés pour dé- » fendre la cause de son frère ; Godefroy, élu » par inspiration divine , ne laisse aucune prise à » l'envie. Toutes les passions se taisent à la voix » du très-baut. « Dans ce discours analytique et apologetique, M. de Clanviile ne se borne pas, comme nous l'avons dit, aux caractères ; il indique encore les prin- cipaux points de contact des deux poëmes , la différente manière dont les auteurs ont mis en œu- vre Îles matériaux qu'avait disposé leur génie , le plau, la conduite du poëme. La forme d'extrait, essentiellement défectueuse , se refuse aux développements que nous pourrions faire du discours de M. de Glanville. J'ajouterai peu de choses, en essayant de jus- üfier le Tasse des inculpations que lui firent des auteurs qui n'étaient que trop recommandables.. par leur savoir et leurs taïients ; il avoue avec eux Ci71) que la partie des sentiments n’est pas son triom= phe. On remarque souvent chez lui de l'affeterie et du faux brillant ,; mais toutes ces taches ne sont répandues que sur environ deux cents vers. Sapprimez-les , si la contexture du poëme en souffre, son essence n’en essuiera aucune perte notable. » Rien n’est parfait ( dit l'auteur ) dans les ou- » vrages des hommes. Les productions de l'esprit doi- » vent être assujetties à cette loi commune. Homère, » le prince des poëtes , a ses moments de sommeil ; » il a donc fallu qu'il léguât à ceux qui devaient » venir après lui, l'imperfection dont il n'avait » pu lui-même se garantir.... Le Tasse a donc » aussi ses défauts, « Dernière preuve des talents du Tasse : l'honneur que ses compairiotes rendent à sa mémoire , et qui vinrent le chercher dans ses derniers moments. » Le Tasse, dit M. de Glanville , est pris au sein » de l'infortune ; il va monter les dégrés du capi- » tole , de ce capitole que Rome a proclamé depuis » tant de siècles le temple des héros..., Que » dis-je ? Il ne pourra jouir d'un honneur inconnu » jusqu'alors dans la république des lettres. Un » trépas envieux le ravit à son triomphe , mais il » ne peut le ravir à sa gloire. La couronne de » laurier qui devait orner ce front arguste , les C172) guirlandes qui devaient descendre sur cette poi- “ … » trine , animée par le souflle sacré des muses , » sont placées sur le marbre glacé de sa statue , » et fournissent ainsi à l'univers l’emblême de l'é- x ternité de sa réputation, « — M. Gourdin a lu quelques réflexions sur une critique de la Biliothèque orientale de d'Herbelot , ouvrage rare et cher qui existe dans la bibliothèque de cette ville. Un savant étranger avait accusé d'Herbelot d’a- voir puisé presque tout son ouvrage dans des rc- marques écrites en arabe , dont il n'avait pas même toujours saisi le sens. M. Gourdin a cherché à ven- ger d’une inculpation aussi injuste l'homme de son temps le plus modeste comme le plus profond dans. la connaissance des langues orientales. HISTOIRE — ANTIQUITÉ. On considère ordinairement l’histoire comme une suite et une collection d'évènements ; ils en sont , sans doute , une partie essentielle ; mais une autre qui ne l'est pas moins quoiqu’elle soit trop souvent négligée | c'est celle des mœurs, des usages, des préjugés mêmes. C'est sous ce point de vue que nous rangeons dans la classe de l’histoire un mé- | | C175) moire très-étendu , également détaillé et important , de M. l'abbé Baston , ayant pour titre : Mo/ice sur les Serfs et la servitude dans la principauté de Muns- ter en FFestphalie. Cet ouvrage , fruit de l'observation pendant un assez grand nombre d'années , ne peut étre main- tenant regardé que comme le monument d'un ordre de choses qui n'existe plus. Le but de lécrivain était de montrer contre les philosophes qui déclament quelquefois , et contre les poëtes qui exagèrent :pres- que toujours , qu'en un pays de notre Europe | sous une domination ecclésiastique ( à part l'opinion , Phonneur , la dignité de l'homme } , Les serfs n’e- taient pas malheureux , et que la servitude leur of- frait des avantages qui compensaient ses désagré- ments, Il débute par une définition légale de la servitude , suivant laquelle , dit-il, » si lon s'en tenait aux » paroles de la loi, le servage des Westphaliens » aurait ressemblé à l'ancienne servitude germani- » que ou à l'esclavage chez les romains..... Mais, » ajoute-t-il , il est arrivé aux mots ( de la défi- » nition ) ce qui s'apperçoit souvent dans les lan- » gues vivantes : les sons continuent d’être les = - mêmes , et de nouvelles idées ont remplacé les 3 ANCIENNES... de - M. l'abbé Baston justifie cette assertion , en par- C174) courant tous les tres qui forment ou peuvent for mer le code entier du servage : les différentes ma- nières d'introduire et de faire cesser la servitude, les obligations du serf à l'égard du maitre, etcelles du maître à l'égard du serf; leurs droits respectifs ; les héritages entre serfs; léviction, etc. Sur ces divers articles notre confrère fait des remarques intéressantes. Par exemple , après avoir dit que le maître est propriétaire et le serf usufruitier , l'un et l'autre hé- réditaires , il observé que le droit du serf gêne beaucoup plus le maitre que le droit du maître ne gêne le serf ; lés chèues et les hêtres d’une mélai- rie en servage appartiennent au maitre comme pro- priétaire ; le méstung oa droit d'engraisser ses pores sous les arbres, appartient au serf comme usufrui- tier. 11 suit de là que le maître ne peut , saus la- grément du serf, abattre, sur un terrain qui est à lui, des chênes et des hétres qui sont à lui , tant qu'ils produisent du gland et de la faine. » Pour » peu qu'on y en ait vu l'automne précédent , le » serf, s'ille veut , oppose à la hache du proprié- » taire le veto de l'usufruitier. Le bois est à vous , » dira-t-il , mais les fruits sont à moi : vous n'avez » pas le droit de m’en priver. Les campagnes de la » Westphalie sont pleines d'arbres séculaires, qui » sèchent sur pied par cette jurisprudence. Un » chêne à moitié mort est encore fécond dans quel- ( 178 ) » ques-unes de ses branches ; un tronc , creux de » vieillesse , continue de nourrir par ses extré- » mités l'animal que l'habitude de la faim amène » auprès de lui : le serf ne permettra donc pas » qu'on y touche ; à la lonçue le vent corrige cet » abus. Il saisit par la tête ces arbres protégés et » les renverse. Alors le maitre s'en empare , leur » chûte a périmé les droits et la jouissauce de lu- » sufruitier «. A encroire notre confrère (et serait-il raisonnablé de dui refuser assentiment sur des faits? ) dans leë cas hitigieux , la loi, l'usage et la jurisprudence par- Jent toujours en faveur du serf conire le maître, Entreux la balance n'est presque jamais égale Jors même qu’il semble extrémement naturel qu’elle le soit, et c'est toujours du côté du serf qu’on la voit pencher. L'héritage s'améliorera par des addi- tons, des defrichements , etc. ; ces accroïssements profitent au serf , jamais au malze. Les prœstunda ou redevances sont invariables en ce sens qu’elles naugmentent jamais. Mais pour peu que la valeur du bien en servage diminue , les redevances sont aussitôt réduites, Dix années d’une abondante ré- colte auront enrichi le serf usufruitier : vient une onzième très-mauvaise année , le serf ne paiera rien ou peu de chose de ses redevances. Cette année slérile sera suivie d’un demi-siècle d'excellentes ré- (176) coltes : le maître n’en sera pas plus avancé, et ne recevra , pour la ma'waïse onzième année ,| aucune indemuité, » Il ne pourrait, dit M. Baston, exiger » un épi de plus que ce qu'on lui doit annuellement, » eût-il, l'année d'auparavant, remis la moitié de » ce qui lui était dû «. En examinant la dépendance où les serfs sont de leur maitre , sur-tout par rapport au mariage , Pauteur dit : » Dans nos pays libres , les fils de » famille ne jouissent pas de plus de liberté.... Aussi » les serfs de Westphalie ne seraient-ils pas mal dé- » finis : des hommes , mineurs jusqu’à la mort , ou » jusqu’à l’affranchissement «, Et ce qui acheve d'al- léger le joug de cette dépendance , c’est que » si » Je maître refusait injustement la permission de se » marier qu'on lui demande , le serf pourrait s’a- » dresser au juge afin d’être légalement autorisé à » faire ce que son maitre ne veut pas qu'il » fasse «. La lettre de la loi est très-sévère contre le serf qui coupe les arbres du maître , pour les vendre, ou méme pour s'en servir, Ce delit est commun; » mais la loi est rarement appliquée. L'éloignement » du maître, les ténebres d'une nuit officieuse , le » défaut de preuves légales , la crainte d'un procès » ruineux , et mille précautions que sait prendre » l'homme qui dérobe , sauvent toujours le coupa- » ble 02 (3729) » ble que sa conscience n’a pas retenue. Et quand » retient-elle la conscience d’un ser£ | accoutumié » par une longue jouissance à se regarder comme » le vrai maître de toute la chose , et à ne voir » les droits du maïtre légal , que comme une usur- » pation , cachée dans la nuit du passé , mais » réelle ? « | Un des articles les mieux faits de la MWorice , est celui de lévicrion ou perte de l'héritage , encou- rue par le serf potir raison de quelque délit. L’au- teur en prend occasion de nous donner une idée de la Thémis allemande , et cette idée n’est pas avan- tageuse. » Il faut s'adresser au juge ( pour l'évic- » tion , dit-il, ) et c'est alors sur-tout que la procé- » dure marche à pas de tortue : alors qu’elle dé- » vore , chemin faisant, l'héritage en litige, souvent » même d'autres héritages. Les hommes de loi em- » ploient tout leur savoir pour retarder le premier - » jugement ; puis , un appel au juge supérieur ; » puis , un autre appel à la chambre souveraine de » Wetzlar, qui , suivant la constitution germani- » que, reçoit les appels de toutes’ les parties de » l'Allemagne. Il est même permis , après avoir été #» jugé là, de porter la cause à Vienne. Ordinai- » rement les plaideurs meurent avant qu'un procès » en éviction soit terminé..... Siles gens de justice » étaient plus expéditifs, au lieu d’un interminable » procès , ils en auraient par douzaines de sommai+ » res, comme le veut le législateur. Tout le monde M C:78) » y gagnerait : et ceux qui mangent l’huitre , ét céux » à qui il ne reste que les écailles (1). Nous finirons ce rapport par l'observation morale qui termine l'ouvrage de M. Baston ; elle fournira une nouvelle preuve de la bizarrerie et de l’uuiver- salité de l’orgueil humain. » Il y a , parmi les serfs de Westphalie , des » degrés , des distinctions. Le servage a ses nobles » et ses roturiers ; de grands et de petits paysans: » les premiers sont les protecteurs des autres, qui » jouent le rôle de clients. Je ne sais si ceux-ci » imitent la bassesse des clients romains , hommes » libres pourtant, s'ils flattent et rampent , mais je » sais que beaucoup de ceux-là, des grands serfs, » ont de la hauteur , de la morgue ; non pas tant » celles des richesses que celles du rang. Rarement » un grand paysan consentira-t:l que son fils , l'hé- » ritier du titre qui Je décore , prenne femme dans » Ja famille d’un petit paysan |, ou que sa fille se (:) Le roi de Rrusse ( je parle de celui dont nous avons conquis l’épée ) , assez peu respectueux envers l’organisation germanique, dont il n’appréhendait pas le couroux , avait invité , par son exemple , les princes d'Allemagne à faire juger cliez eux , en ‘dernier ressort, les procès de leurs sujets; mais il était fort , et la plupart des autres étaient faibles : cette différence seule leur eût Ôôté l'envie de l’imiter, D'’ailleurs , enti’eux et lui, l’antipathie était si grande et si prononcée, qu’ils u’cussent voulu lavoir , ni pour protecteur , ni pour modéle. ( Vote de l'auteur. ) C179 ) * Choisisse un époux , né si loin d'elle, Un baron: » de seize quartiers n’a pas plus d’antipathie pour » les mésalliances. On en voit pourtant quelquefois » chez les serfs, mais moins souvent que chez les » nobles. Ces bons agricoles ne veulent ordinaire- » ment qu'une femme dans une femme , et sont » peu susceptibles des mouvements et des folies » d’une passion. Ils s’écartent moins des routes » frayées par l'usage ; ils suivent aussi plus doci- » lement et plus volontiers les convenances et la » direction de la volonté paternelle «e = M. Cosseaume , académicien résidant , nous à communiqué une dissertation qui figurerait parfaite- ment parmi celles de l'Académie des inscripuions ; elle à pour titre : Essai er Recherches sur Mithras. On peut, dit M. Gosseaume, auteur du mémoire dont nous donnons ici l'extrait, se faire à ce sujet les questions suivantes : 1° Qu’esuce que Mithras? ; 2° Où son culte d'abord a-t-il été établi ? Quand- æet comment fut-il connu à Rome? 3° Que signifient les emblémes sous lesquels on le représente et dont il est accompagné ? 4° Quel est le sens des inscripuons dont le tau- » reau de Mithras est quelquefois orné ? D 4 On pourrait encore, dit M. Gosseaume , sur chacune de ces questions, écrire beaucoup de pa- M à { 180 } ges: c’est un projet qui est Join de moi; mon in“ tention est, au contraire, de les traiter le plus suc- cinctement possible : je ne répéterai donc point ce qui est écrit par-tout , et je ve m'arréterai qu'aux points qui n'ont pas été traités, ou qui, selon moi, pe l'ont pas été d’une manière conveuzable. PREMIERE QU xs TI ON. Qu'est-ce que Mithras ? Si nous consultons Hérodote et tous les auteurs qui l'ont suivi, Mithras , ou plutôt Mitra , était la Vénus céleste, Voici ce que cet auteur écrit, livre Clio , trad. de Duryer : » Relativement aux usages » »» #»» 1» ” ”» 2» ” » » ” »” »» » des Perses, ils ne font ni statues, ni temples , ni autels , et au contraire ils se moquent de ceux qui en font , et disent qu’il y a en cela de la folie : parce que, comme je pense, ils ne croient pas, ainsi que les Grecs, que les dieux soient engendrés des hommes. Ils ont coutume de sacrifier à Jupiter sur les plus hates mon- tagnes. Ils appellent Jupiter toute la rondeur du ciel. Ils sacrifient au soleil , à la lune , au feu , à l’eau et aux vents , et de tout temps ils ne font de sacrifices qu’à ces sortes de divinités. Ils ont depuis sacrifié à Vénus-Uranie , et ont appris ce sacrifice des Assyriens et des Arabes. Les Assy- riens appellent Vénus #/ylitta ,les Arabes Aliüta, les Perses Mithra. « Diodore de Sicile énonce la même opinion, et dans (181) des temps postérieurs, S. Ambroise écrivait que Îles Perses donuaient le nom de Mithra à Vénus céleste, Thomas Hyde , dans son ouvrage très-érudit , ayant pour titre : De veterum Persarum et Partho- rum et Medorum religionis historiä , a beaucoup parlé de Mithras. » Voici sur cet objet ses princi- » pales assertions : Le soleil, en persan, se nom- » mait Myhr , amour, miséricorde. La difficulté de » prononcer ce mot fit que les Grecs le rempla- » cèrent par celui de Mithras, « Les Perses n’adoraient point le soleil ; ils lho- noraient seulement comme le trône du Dieu uni- que qui seul recevait leur encens. Le culte de Mithras était purement civil. Les jeûnes et les macérations par lesquels on éprouva ensuite les iuitiés , sont une invention des Romains. Ce culte chez les Persans consistait dans des salu- tations , et, suivant quelques auteurs, dans des par- fums offerts : les Grecs avaient ajouté à ces paro- les d'Erdeviraph des libations et des sacrifices , rapportant faussement au soleil ce que les Perses. ue rapportaient qu’à Dieu. D. Martin, qui, dans son ouvrage intitulé : De la Religion des Gaulois , a pareillement parlé de Mi- thras , prétend, sans en donner des preuves bien solides, que lon donnait le nom de Miüthras au soleil , et celui de Mithra à la lune. Dacier , dans sa traduction des hommes illustres M 3 T.1,ch.4, pige 105. T.1, p. 106: Page 109, Page 118 T: 2. P- 424 Apud gronov.tom. pag. D. Martin D, 429 à 450, (182) de Plutarque, s'énonce ainsi qu'il suit , dans une note insérée sur la vie de Pompée : » Hérodote » écrit que les Perses adoraient Vénus-Uranie sous » le nom de Mithras; mais l'opinion commune est » que Mithras n’était autre que le soleil ; car, en t persan, Mithir ou Mithra siguifie seigreur. « Daniel Glasenius adopte le même sentiment : » Ægyptiaco vocabulo solem nunc Mithram , nunc osi- » rim nominabant. Persarum gens solem dicebat » Mitram. « » 11 suit de ces citations que généralement Mithras est reconnu pour le soleil. Quant à la dissidence d'Hérodote , quile considère comme Vénus-Uranie, il n'est peut-être pas difficile de montrer que la différence existe beaucoup plus dans les expres- sions que dans les faits ; car si Vénus-Uranie et le soleil sont la même chose , il n’y a plus alors de difficultés réelles : or, je ne crois pas qu'il soit permis d'en douter. Premièrement l'origine est la même ; Mithras et Vénus-Uranie étaient nés , dit-on, d'une pierre ; allé- gorie ingénieuse de la génération du feu paf le choc de la pierre ; c'est le Geos ex reroas de Julius-Firmicus. C'est par cette raison que l'un et l'autre étaient représentés par des cippes , ou plus simplement encore par des cubes de pierre. 20 Vénus-Uranie et le soleil étaient représentés avec un triple visage, souvent sous la figure d'animaux: (1835) du lion , du chien, du loup : l’une et J'autre étaient entourées d'un serpent. 5° Les propriétés et les fonc- tions étaient les mêmes ; car si la Vénus céleste est considérée comme le principe fécond de toute reproduction , est-il , je le demande , aucune de ces propriétés qui n’appartienne pareillement au soleil? N'est-ce pas lui qui donne la vie à la nature entière par la chaleur de ses rayons, qui crée en quelque manière , par sa lumière , les charmes et les beautés qu'elle étale , et qui ne serait rien pour nous s’il cessait de les éclairer : si donc tout est pa- reil de part et d'autre, origine , qualités , attribu- tions , il faut conclure que c’est une même puissance qu'on a pu honorer sous des noms différents. DEUuxIHME QUESTION. Où le culte de Mithras fut-il d’abord établi , et comment fut-il connu à Rome ? C'est des Assyriens et des Arabes, suivant le pas- sage d'Hérogote que j'ai cite , que les Perses reçurent le culte de Mithras. M. Freret , auteur de plusieurs savants mémoires insérés dans les actes de l'Académie des inscriptions , croit ce culte originaire de la Chaldée, et qu'il avait été institué pour célébrer l’exaltation du soleil dans le signe du taureau. T. Hyde , sur le même sujet, énonce la proposi- Lion suivante : » Zoroastre , dit Porphyre au rap- M 4 ÆNr0 pe 183 et 284, Page 1:16, (14) port d'Eubulus , consacra le premier à Mithras, le créateur et le père de l'univers, une grotte formée par la nature , dans les montagnes voisines de la Perse , arrosée de fontaines agréables , et émaillée de fleurs. « De tous ces passages il résulte que les Perses ne furent pas les inventeurs du culte de Mithras, et qu'ils l'avaient reçu de leurs voisins. Leur manière d'honorer la Divinité sur les plus hautes montagnes, et leur aversion pour les statues et même pour les temples, persuadent facilement qu’ils sont encore moins les inventeurs des figures bizarres sous les- quelles on a représenté Mithras. A la suite du passage d'Eubulus que je viens de rapporter d'après T. Hyde et Porphyre, je lis : » Pantre était le symbole de l'univers , bâti par Mithras, et les choses qui y étaient artistement dis- posées étaient celui des éléments , des climats, etc. « Depuis Zoroastre on continua d'honorer Mithras dans des grottes qui, non-seulement représentaient l'univers , mais encore l'obscurité des choses occultes. Sur quoi je ferai observer que le témoignage d’'Eubulus prouve bien peu en faveur du système dont il fait Zoroastre l'inventeur : il règne une si grande obscurité sur l'existence et les écrits de ce très-ancien philosophe , qu'il serait possible de lui avoir fait dire, dans des temps bien postérieurs, des choses auxquelles il n'aurait pas méme songé, (185) Eubulus d’ailleurs était un écrivain grec, et tout le monde connaît la propension des Grecs à parer tous les objets de leurs livrées. Nous avons déjà vu que, d’après l'opinion de T. Hyde , ils avaient changé le nom persan Myhr en celui de Mithras. J'ajoute ici, par anticipation , que tout annonce que, du temps même d'Eubulus , de beaucoup antérieuràPorphyre , qui vivait dans le 5 siècle , le culte de Mithras était connu dans la Grèce. Ne pouvant donc rai- sonnablement en faire les Perses les auteurs , c’est chez des peuples amateurs des allésories et des hyéroglyphes qu'il convient de chercher Porigine des emblémes sous lesquels on a représenté Mithras, et je ne vois que les Egyptiens et les Grecs aux- quels on puisse en faire honneur. Plusieurs raisons _ m’empéchent de l'attribuer aux Epyptiens; je men citerai qu’une , mais qui me parait victorieuse. C'est la queue du taureau de Mithras, qui , dans » tontes les figures que j'ai vues, se termine en un faisceau d'épis ; allégorie qui prouve que le soleil pe quitte pas le signe du taureau sans que la terre soit chargée d’épis. Or , on sait qu'en Egypte la récolte se fait en février et en mars , et qu'eu juillet et août , temps de notre récolte , l'Egypte _ est sous les eaux. Quant au temps auquel le culte de Mithras fut “ sonnu à Rome , voici ce que nous dit Plutarque en parlant des Pirates que Pompée fut chargé d'aller combattre : » Leur audace sacrilége n'épargnait pas Dacier , FH ili., pagh 557. (1867 » même les temples qui , jusques-là , avaient-été » inviolables et sacrés ; ils ruinèrent et pillèrent » celui de , etc. etc. ; ils firent aussi les sacrifices | » barbares qu’on fait à Olympe ( de Pamphilie) » » et ils pratiquérent certaines cérémonies très -se- » crètes et très- mystérieuses , entre lesquelles » étaient celles du Dieu Mithras qu’on a conservées » jusqu'ici , et dont les premiers ils ont apporté » l'exemple. « Quelque précis que soit ce témoignage, M. Freret s’est ouvertement prononcé contre lui , et M. le Chevalier de Jaucourt , qui ne fait presque que copier les mémoires de l’académicien des inscrip- tions , dans ses articles Mithras et fêtes Mithriaques du dictionnaire encyclopédique , adopte la même opinion. . ] » Plutarque prétend, est-il dit aux articles cités, » que ce furent les Pirates, vaincus et dissipés par “ Pompée, qui frent connaître aux Romains Je culte » de Mithra ; mais comme les Pirates étaient des » Pisidiens, des Ciliciens et des Cypriens, nations » chez lesquelles le culte de Mithra n'était pas » reçu , il résulte que lidée de Plutarque m'est » qu’une vaine conjecture avancée au hazard. « Quel que soit mon respect pour Jes vastes con- paissances de MM. Freret et de Jaucourt , 1l me semble , et je ne puis m'empêcher d'en faire la remarque , que lorsqu'on se permet de contredire L û a Ü 1 Î +: { C3 (187) ouvertement un auteur du mérite et de la réputa- tion de Plutarque , une simple négation ou une simple allégation dénuée de preuves sont des moyens bien faibles et bien peu concluants, Je n'ignore pas que M. Freret regardait ces Pirates comme une bande d’avanturiers qui, sans doute, pe méritait pas une grande considération ; mais il fallait que Rome en eût une opinion bien différente pour armer contr'eux toutes ses forces maritimes , et nommer pour les combattre le plus grand capi- taine de son temps. L'idée que nous en donne Plutarque est parfai- tement conforme à celle que j'énonce : » Il dit po- » sitivement qu'ils avaient pille plus de 400 villes, » et qu’ils avaient plus de mille galères. « Ils avaient donc un grand nombre de soldats et de matelots, et des chefs pour les commander. Or, présumera- t-on que toutes ces forces aient été fournies exclu- sivement par la Pisidie, la Cilicie et l'ile de Cypre? Et toutes les présomptions n'indiquent -elles pas qu'aux troupes tirées de ces provinces s'étaient joints tous les partisans , tous les avanturiers des pays voisins, qui, attirés par l'espoir du pillage, s'étaient proposé de partager la fortune des Piri- diens , etc» ? Si l'on jette les yeux sur les cartes anciennes , on voit l'ile de Cypre à l'extrémité orientale de la Méditerranée , la Cilicie , province maritime de Page 118. ( 138 ) YAsie mineure , et la Pisidie plus avancée dans les terres. Or, si une province , séparée de l'ile de Cypre par un assez grand intervalle, avait fourni des volontaires à cette armée de dévastateurs , où voit-on de la difficulté à croire que des provinces plus voisines , telles que la Pamphylie, la Lycie, et même la plupart des îles Grecques , lui eussent. fourni pareillement leur contingent ? Douterait - on qu’à cette époque le culte de Mithras fût connu dans la Grèce , lorsque Porphyre cite Eubulus, . auteur grec , qui avait écrit un traité sur Mithras, auteur assez éloigné du temps où Porphyre écri- vait pour que celui-ci, pour que S. Jérôme, écri-, vain du 4° siècle, en parlent comme d'un auteur fort ancien , que nous ne connaissons nous-mêmes que par quelques fragments qu’ils nous en ont M laissés. L'Assyrie d’ailleurs n’est pas assez éloignée de la Cilicie pour que cette dernière province ne pût étre instruite des pratiques religieuses de la première. Mais une preuve directe que les Grecs connaissaient , long-temps avant l'expédition des Pi- rates, le culte de Mithras , est ce que dit T. Hyde, que ce furent ces peuples qui changèrent le nom . de Mihr en celui de Mithras ; c'est ce que dit en- core le méme T. Hyde , que les Grecs avaient ajouté aux salutations , manière d honorer le soleil chez les Perses, dont parle Erdeviraph , des libations et des sacrifices , rapportant faussement au soleil ce que les Perses ne rapportent qu’à Dieu. C 189 ) Or , si les Grecs connaissajent le culte de Mithras, à combien plus forte raison les Ciliciens , les Cy- priens sur-tout , qui , par leur immense naviga- tion , se trouvaient en rapport avec tous les peuples voisins, devaient-ils le connaître. J'accorderai , si l'on veut, que le culte de Mithras n’était publique- ment pratiqué ni en Pisidie , ni en Cilicie, ni à Cypre, mais s’ensuit-il qu'il y ft nécessairement ignoré? S’'ensuit-il que, parmi les soldats nombreux qui formaient l'expédition qui fit trembler Rome, il ny en eût aucuns d'initiés dans les mystères barbares et les cérémonies secrètes dont parle Plu- tarque , et capables de faire counaître aux Romains, superstitieux et avides de nouveautés , le culte de Mithras ? Je le répète, je vois, dans l'exposé simple de Plutarque , toutes les possibilités, toutes les pro- babilités réunies , et les arguments de ses adver- saires ne me paraissent pas assez concluants pour me faire abandonner le sentiment de lhistorien Grec. TROISIÈME QurxsTron, Quelle idée doit-on se former des figures emblémati- ques sous lesquelles on nous représente Mithras , et des figures accessoires qui l’accompagnent ? Mon intention n’est pas d'entrer ici dans des détails superlus, et d'expliquer inutilement des choses qui ont reçu déjà des explications satisfaisantes : il me (190 } sffira de dire, én général, que toutes sont relatives au soleil et au pouvoir qu’il exerce sur toute la na: türe , qu'elles donnent un apperçu de la sphère céleste, des planètes et des attributs des persons | nages dont elles portent les noms, de la didérence . des saisons , de la succession du jour et de la huit, etc. _ Mais il est quelques-unes de ces figures ou qui v'ont pas été expliquées, ou dont les explications sont controversées parini les savants. Au nombre de ces figures je placerai, 1° le taureau de Mithras ; 2° le scorpion qui s'attache aux parties sexuelles du taureau ; 5° les inscriptions que l’on remarque sur quelques-uns de ces taureaux ; 4° enfin l’espèce de table mithriaque que le père Montfaucon a fait graver en tête de sa 215° planche , et à la page 378 du tome 1°! de son bel ouvrage de l'antiquité expliquée. Je hazarderai à ce sujet quelques observations , et je les soumettrai, sans prétention , à la critique des savants. A l'occasion du taureau de Mithras, M. le Che- salier de Jaucourt s'énonce de la manière suivante : » On ne sait trop ce que veut dire cet emblême, » du moins je Wen connais pas de bonne explica- » tion. « Que désignent les cornes du taureau? Est-ce Ma June ? Estece la terre ? Si c’est l’une qu l’autre, ‘üe signifie le poignard qu'il lui plonge daus le cou? Woilà bien des symboles, et qui tous ou n'ont pas | C1g1) "QE d'explication , ou ne sont pas expliqués d'une manière uniforme. M. Mafei croit que le taureau égorgé est un saeri- fice offert au soleil ; par un prêtre qui représente Mithras. Beaucoup d'auteurs ont cru que ce tauréau était lembléme de la lune, C'est le sentiment de D. Martin ; c'est celui de M. Freret et de bien d’au- tres: Tous s'appuient sut cés vers de Stace , qui montrent le poëte incertain du nom sous lequel il doit invoquer le soleil : sera-ce sous celui de Titan ou d'Osiris ? csssos.....Seu Persei sub rupibus Antri. Jndignata sequi lorquentenr éornua DMithram. On joint à ces motifs la glose de Luctatius sur ces mêmes vers. Cet auteur prétend qu'il y est question de la lune : » Quæ indignata sequi fratrem occurrit illi et lurnen sub texit. « Il ne faut que lire cette explication pour en sen- tir la faiblesse. La lune , dans la mythologie, ne fut jamais représentée sous la figure du taureau. On rencontre d’ailleurs presque autant de figures où Mithras tient le taureau par le mufle et où il n’en tourmente pas les cornes. Pour moi je ne doute pas que le taureau ne représente la terre : le bœuf est le compagnon de l'homme dans ses travaux cham- pêtres , le symbole de l’agriculture , et c’est sous ce Acad. Ins- cript,s Le 129 page 224 Ouv. cités Thébaid. Page 112, Cio2) double rapport qu'Apis, chez les Egyptiens , reçut | les honneurs de l'apothéose ; sil pouvait rester quelque doute à ce sujet, la queue du taureau qui se termine par un faisceau d’épis , emblème frappant de la fécondité de la terre , suflirait pour le dissiper. Mais ce n’est pas assez pour le taureau de Mithras de représenter notre nourrice commune ; il joue encore ici un rôle important, comme signe du zodia- que. Ainsi Mithras qui ouvre le flanc du taureau est lembléme du soleil qui ouvre le sein de la terre, et qui par sa chaleur excite sa fécondité ; dans quelles circonstances ces merveilles commencent- elles à se réaliser ? C'est précisément dans le temps où le soleil en entrant dans le signe du tau- reau a acquis un dégré sensible d’exaltation et de puissance ; c’est alors le mois d’avril et le mois de mai. La queue du taureau qui s'épanouit en épis , annonce que le soleil ne quitte pas ce signe sans que des épis parent la terre ; c’est même un proverbe parmi nos cultivateurs ; point d’avril sans épise Mithras, qui frappe le taureau, dit T. Hyde, désigne l'action du soleil sur la terre , et la fécon- dité de la nature. Cette allégorie , selon moi, est frappante. Le scot- pion , dont nous allons nous occuper, offre un em- blême également heureux , et je m'étonne que les auteurs € 195) äutéurs que j'ai consultés , ou n’en disent rien , où n'en disent que des choses peu sausfaisantes. Nous ayons vu le soleil , en entrant dans le signe du taureau , ouvrir le sein de la terre et provo- quer sa fécondité : c'est lorsque cet astre entre dans le signe du scorpion, que la terre cesse d’être féconde , c’est-à-dire ; dans les mois d’octobre et de novembre. Alors si la chaleur est encore suf- fisante pour müûrir les fruits qui pendent aux ar- bres, certainement elle ne suffirait pas pour des productions nouvelles. 11 n’était donc pas possible de designer plus ingénieusement et plus claire- ment ce commencement de stérilité ; qu'en sou- mettant à la piqûre mortelle du scorpion les organes génitaux du taureau , figure symbolique de la terre. Relativement aux deux inscriptions qu’on lit sur quelques taureaux de Mithras , la première est conçue en ces termes : DEo sozt INVICTO MiTarz ; la seconde présente ces deux mots : NAMA SEBESIO: J'ai peu de choses à dire de la première que le père Montfaucon traduit au Dieu soleil l’invincible Mithras , traduction qui n’eût pas été la mienne. IL m'eût paru plus naturel de traduire à Mirthras le seul Dieu invincible, c'est-à-dire , infatigable dans ses travaux , inépuisable dans ses bienfaits. Je ci- terai en faveur de mon sentiment des monuments très-probablement antérieurs à cette inscription la- tine , 1° l'épitre de S. Paul aux Romains, soli N A cad. Ins- cript,t. 16, 279, ch.1, pag.13et 14. (194) Deo.... honor et gloria ; et dans celle à Thimo- thée : Regi sæculorum , immortali , invisibili soli Deo honor et gloria. Quant à la seconde, voici ce qu'en dit le père Montfaucon : » c'est une énigme que plusieurs sa- vants ont tenté d'expliquer jusqu'à présent; mais je ne vois pas que leurs explications satisfassent «, J'en citerai quelques-unes que je puise dans les mémoires de M. Freret, dont j'ai parlé plusieurs fois ; elles serviront, je pense, à justifier le sen- ment du père Montfaucon. M. Muratori dérive Nama du nom de la déesse Nanæa dont il est parlé au 2° |. des Machabées, Olaüs Rudbeck croit ces deux mots scythes , et les explique à l’aide de la langue suédoise, M. Philippe Torré et le père Panel les dérivent de l'hébreu , et y voient le nom du soleil. M. de Fourmont les suppose chaldéens , et les traduit le fidèle ne périra point. M. Freret les dérive du persan , et les inter- prète action de graces. M. le marquis Mattei les croit grecs , et les traduit source auguste, ligueur vénérable. 1 estime que le taureau est immolé par un prêtre, et que l'inscription s'applique au sang de la victime ; mais 1° les anciens ne caractérisaient pas de cette ma- nière le sang des victimes; 2° ce n’était pas le “ | C185) tauréau qu'on immolait au ‘soleil , mais le cheval ; ne detur céleri victima tarda Deo. Lactance ; cité par D. Martin. Je crois l'inscription dont nous nous occupons entiérement grecque , mais je la rapporte à Mi- thras ou au soleil , et à son influence sur toute la nature. Je crois qu'il y a un v d'oublié au dernier mot , et je la lis ainsi : zama sebe siou ,\ vaua effluvium , ce6e honora , aix pour ex Divi- nitatis. Ce qui, dans un pays adorateur du soleil , est parfaitement bien placé au pied de son image, et sur-tout dans la circonstance où il ouvre le sein de la terre par l'émission de ses rayonse J'explique de la méme manière une autre ins- cription trouvée à Tivoli, qui commente par Soli invocto mithræ , et finit par nama cunctis. Ces deux derniers mots ont fortement exercé la critique et donné lieu à bien des méprises , faute d'en fairé l'application à Mithras ; mais en lappliquant au soleil , il est tellement vrai qué son influence est commune à tous , que nous en avons fait un pro- verbe francais : {1 luit pour tout le monde. Nama cunctis n'a pas éffectivement une autre significa= tion. Montfans: Je passe à l'explication de la table Mithriaque qui daté présente en tête un soleil rayonnant sur un qua- dE 14 A : US 11, 219 ; Pa drige , et à l’autre extrémité la lune sur un char ge 378 wainé par deux chevaux qui paraissent épuisés de N 2 C:96 ) fatigue. Nuile difficulté sur ces deux figures. Mais, il n'en est pas de même de la suite qui présente sur une méme ligne, 1° un Mihras entouré d’un serpent , mais saus ailes, sans pique et presque chauve ; 2° trois autels flamboyants séparés par autant de patères ; 3° un Mithras , pareilement en- touré , mais aîlé , armé d’une pique et ayant des cheveux crépus ; 40 quatre autels flamboyants , séparés par autant de patères. Ici le père Mont- faucon nous abandonne complètement. » Je ne I La trouve rien, nous dit-il, qui puisse nous servir = ” à expliquer ces emblêmes , qu'un passage de v - Celse , rapporté par Origène , livre 6 , contre 2 - ce philosophe «. J'ai été curieux de consulter Origène lui-même , et je n’y ai rien trouvé de propre à fixer à ce sujet les idées. Ce passage € ant fort long , j'en donnerai ici la substance, Le but d'Origène est de prouver contre Celse , 1° que les prophètes de Pancienne loi, plus anciens que Platon , n’ont rien emprunté à ce philosophe ; 2° que l'écriture Sainte n’admet point les sept cieux de Platon ; que par conséquent élle n’a reçu cette doctrine ni des Perses ni des autres peuples. A l’occasion de l'échelle de Jacob , Celse cite l'échelle de Platon dans le Philon , et les sept portes auxquelles cette échelle conduit. 11 donne à ces portes le nom des sept planettes, et les suppose C 197) formées avec les sept métaux auxquels elles font allusion. Au milieu de cette érudition , on ne voit rien qui éclaireisse l'obscurité de notre table Mithria- que, où l'on ne voit ni échelle ni portes , etc. L’'autenr Mahométan et par conséquent bien plus moderne , l'auteur , dis-je, du livre Pharangh Gjihanghivi, cité par Th. Hyde , fait mention de sept temples antiques daus lesquels on offrait des parfums aux sept planettes , ce qui ne répand pas encore un grand jour sur notre table allégorique. Pour moi, je suis persuadé que cette table est un ex-voto en l'honneur de Mithras, que les sept patères et les sept autels désignent le nombre des planettes. Mais pourquoi les partager en deux séries , trois et quatre ? Pourquoi la différence qui se re- marque entre les deux Mithras? Je hasarderai à ce sujet l'explication suivante : 1° Les planettes se divisent èn supérieures et in- férieures ; les supérieures , plus éloignées du soleil que la planette que nous habitons , sont trois : Saturne , Jupiter et Mars; les inférieures , au nombre de quatre et plus voisines du soleil , sont : Mercure, la Terre , la Lune et Vénus. On yoit iei le motif de partager les sept autels votifs , ainsi que les sept patères, en deux phalanges , l’une de trois, l'autre de quatre. 2° Les trois planettes supérieures voyant le soleil dons un grand éloignement , Mithras ou le soleil ME 3 Page 11e (198) doit leur apparaître dans des proportions plus pe ttes. Sa chaleur étant d'autant plus faible que l’é- loignement est plus grand , il doit être à leur égard dépourvu de tous les attributs de la puissance ; enfin la marche de ces mêmes planettes étant fort lente , le soleil doit leur paraître presque station- naire et dépourvu des aîles , symbole de la célérité. 3° Pour les planettes inférieures tout est change ; voyant Mithras de plus près , il doit avoir pour elles des proportions plus grandes. Leur mouvement plus rapide semble accélérer le mouvement du so- Jeil , et leur Mithras a des aîles ; le voisinage du soleil leur fait sentir plus vivement l'action de ses rayons , et Mithras est armé pour eux du symbole de la force et de la puissance , d’une pique ; enfin sa tête est entourée ou de cheveux crépus, ou de rayons , attributs personnels, ou symbole de sonin- fluence ; ainsi, dans cette explication , que je donne au moins comme naturelle et probable , toutes les parties sont liées ensemble, chacune à ses rapports connus, aucune ne demeure oiseuse. Les conclusions générales de M. Gosseaume sont : 1° que les Grecs connaissaient le culte de Mithras bièn avant les Romains ; 2° que les emblêmes et les inscriptions sont l’ouyrage de ceux-ci , et non celui des Perses ; 3° que les Grecs et les Romains avaient ajouté des particularités et des pratiques ignorées des Perses ; 4° que le sentiment de Plutarque C:99 ) porte un caractère de vraisemblance bien supérieur aux objections de ses adversaires, Nous regrettons au surplus que les limites que nous nous sommes prescrites ,; ne nous permettent pas d'exposer beaucoup de détails qui se rencontrent dans le mémoire de notre confrère ,; relatifs aux animaux , etç., qui accompagnent les diverses gra- yures de Mithras ; maïs nous ne devons pas omettre une observation de M. Gosseaume , observation qui prévient une objection assez serieuse ; elle est relative à la troisième figure de la planche 217 de l’ouvrage du père Montfaucon , où il se rencontre deux sangliers , animaux qui, ne faisant point partie de ceux qu’on a placés dans la sphère céleste, sembleraient ici déplacés. Mais notre confrère fait remarquer qu’ils représentent la grande ourse , con- formément au systéme astronomique des orientaux, qui, suivant Kirker OEdip. tome 2 , planche 2 , page 201 , ursæ majoris loco ponunt porcum ferreum, M. Dupuis , Origine des constellations, dit que les Syrieus appelaient la grande ourse porcum ferreum. Ainsi il n’y a plus de discordance , et tout rentre dans l'ordre commun, = Le même M. Gosseaume a donné lecture d’une partie du premier volume de nos anciens mémoires ; it y trace d'une manière lumineuse et exacte l’his- toire de l'Académie , dont il présente la physionomie morale. Cette lecture a été entendue avec l'intérêt N 4 ( 200 ) que mérite un travail aussi considérable , et la Com- pagnie a témoigné à M. Gosseaume sa reconnaissance. — Nous devons à M. Descamps , académicien rési- dant , et conservateur du musée , un mémoire sur Tuscule ou Tusculum , ancienne ville dont celle de Frascati occupe aujourd’hui une partie consi- dérable. » C'est de Tusculum, ditil, que sont sortis les » Camille , les Caton , les Fabius , les Cincin- » natus et tant d'autres héros qui se sont immor- 2 = I » talisés par leurs vertus et par leurs exploits. «e Et cette patrie de tant de grands hommes , qui a fait long-temps la terreur des vainqueurs du monde, n'offre plus aujourd'hui que des ruines. Notre collègue les a parcourues en artiste , et y a reconnu , entr'autres, les vestiges des bains, des étangs , des superbes palais de Lucullus, ce ro- main d’abord savant et vertueux , grand homme de guerre , mais qui, livré ensuite au luxe et à loi- siveté , n’est plus guères connu que par son faste et sa sensualité, Le Tusculum de Lucullus, remarque M. Des- camps , lemportait par sa magnificence et par ses ornements sur tout ce qui existait alors, La bi- bliothèque offrait une collection complette des ou- yrages des anciens philosophes. C'est d'après Plutarque que notre collègue nous ( 201 ) peint le luxe de Lucullus, et qu’il trace, en quel- que sorte, le plan de tous les édifices qui déco- raient cette ville célébre. Mais ce qui rendra à jamais Ja mémoire du Tusculum durable dans tous les siècles , se sont les écrits immortels qu'y composa l'orateur philosophe. En vain aujourd'hui chercherait - on le lieu où Cicéron avait élevé un temple à Minerve et aux Muses ; des habitations modernes en ont fait dispa- raitre jusqu'aux vestiges. M. Descamps , après avoir rendu compte du lieu où était jadis Tusculum , nous promet un mé- moire sur les causes de sa totale destruction, et sur le nom de la petite ville édifiée sur une partie de ses ruines. — M. Lair , académicien non résidant , secré- taire de la Société d'agriculture de Caen, assis- tant à uné de nos séances, nous a offert plusieurs exemplaires de sa notice biographique sur M. Berriais, botaniste distingué , le collaborateur de Duhamel-Dumonceau , et auteur du Petit la Quin- tinie. Le sujet était beau à traiter, et M. Lair l'a fait d'une manière digne du sujet. = L'éloge d'un autre botaniste célèbre , M. Wille- met, que l’Académie s'honorait de compter parmi ses membres , nous a été adressé par M. Justin Lamoureux | de l'Académie de Nancy ; cet éloge ( 202 ) a paru si bien écrit à MM, les commissaires nom- més pour en rendre compte à l'Académie , qu’il a mé- rité à son auteur le titre de membre non résidant, BEAUX ARTS. = M. Desoria, académicien résidant , nous a lu un excellent mémoire sur l'Effet dans l’art de la peinture. Parmi les productions des grands peintres , dit notre collègue , if en est qui sont admirées par leur supériorité dans l'invention , le dessin et l'ex- pression ; on oublie même quelquefois ce qui leur manque pour que les figures aient cette sail- lie qui, dans quelques tableaux, semble rivaliser avec le naturel. Cependant , malgré les avantages qui résultent pour les progrès de l'art, d’un beau style et d’une exécution correcte , l'artiste qui , en étudiant la nature , l’'observe particulièremene avec tous les charmes dont la lum ère embellit les corps, a des droits bien réels à nos hommages. C'est aux hommes qui s'en sont occupés que nous devons la théorie de l'effet | etude d'autant plus intéressante qu’elle appartient spécialement à la peinture , au lieu que les autres parties de l'art appartiennent aussi à la sculpture. Cet art particulier à la peiniure ne paraît pas avoir été perfectionué par les anciens , ce qu’ CE OR = D nr Lns LASER tré (2059 faut attribuer , sans doute , à l'étude de l'expression, approfondie par les combinaisons du beau idéal qui les occupaient entièrement ; d’ailleurs , comme il est presqu'impossible de posséder toutes les parties, et que celle dont nous parlons tient à des observa- tions particulières, on n’a pas dû s’en occuper d’a- bord ; il fallait de plus étudier essentiellement la perspective , car il n’est pas douteux qu’elle a dû être le premier moyen qui a guidé les artistes de la seconde école. Lorsqu'ils se sont attachés à perfectionner Part de l'effet , ils ont senti que , puisque les corps diminuent en raison de léloïgne- ment où ils sont de notre œil, ils doivent perdre de leur couleur propre dans la même proportion ; ils se sont convaincus que la lumière n’agit avec toute son intensité que snr les corps qui-sont plus près de nous , que son affaiblissement s'opère in- sensiblement , et que par conséquent il en doit résulter dans sa conduite une harmonie qui pros- crive le noir absolu , ou, sil devient quelquefois nécessaire , il faut que lon puisse y arriver sans s'en appercevoir ; caf Ja lumière est par-tout. Si elle frappe un corps, il est sans doute moius clair dans la partie opposée au rayon lumineux ; mais il n'est pas noir, puisqu'il doit recevoir, par un an- gle de réflexion, une lumière secondaire, laquelle peut encore être renvoyée jusqu’à ce qu’enfin elle se perde tout-à-fait. Ces principes que j'indique ici ont été dévelop+ (204) pés dans les savantes productions des écoles de Venise et de Flandres, par les Georgion, Titien, Paul Veronèse , David Teniers, Van-Dick, Rem- brand , Rubens , etc. Ces grands peintres surent réunir à une expression vraie un eflet si juste, si imposant , qu’ils n’ont à cet égard jamais été sur- passés ; et ils sont remarqués par là comme pos- sédant la partie pittoresque ; mais je crois qu’on pourrait dire aussi qu’ils possèdent la partie poë- tique, puisque , par l'art de faire valoir la lumière, Jeurs tableaux ont acquis un plus haut dégré d’ex- pression. Je citerai les Nôces de Cana , par P. Vé- ronèse , comme une preuve de ce que j'avance. C'est dans cet immortel ouvrage qu’il a pris un parti dans la distribution des masses, qui fait dire avec raison qu'il s’est lui-même surpassé. La force et la vérité, dit-on, ne peuvent aller plus loin; il brille , sous se rapport , parmi toutes les écoles, et son génie même y triomphe. Il y a dans ses ta- bleaux , et particulièrement dans celui-ci, le savoir admirable de diriger et d’opposer les clairs et les ombres : par des transitions savantes , il fait parcourir au spectateur un grand espace , et par le renvoi des lumières dans les parties ombrées , produit sur les premiers plans un ensemble qui présente à-la-fois le ton , la vigueur et l'harmo- nie de la nature. P. Veronèse et Rubens sont les deux hommes qu’on peut considérer comme ayant su le mieux donner une grande valeur à la cou- C 205 ) Jeur par la science de l'effet. Le Couronnement de la reine Médicis , par Rubens, en est un exemple frappant ; la manière dont ce sujet est traité met dans tout son jour la théorie du clair-obscur dont les coloristes ont fait une si heureuse application : cependant ce chef-d'œuvre diffère absolument des MNôces de Cana , nou-seulement parce que le pro- pre du génie est de s'ouvrir une route particu- lière , mais encore parce que l'effet d’un tableau doit être combiné suivant la nature du sujet, afin qu'il puisse par là acquérir plus de force et d’ex- pression. C’est ainsi que le Déluge du Poussin , au moins aussi extraordinaire que les productions dont nous venons de parler , s’en éloigne par l'ap- plication , quoiqu'il soit d’un effet aussi sublime. Ce sujet était donc fait pour le génie du Poussin, comme le Couronnement de la reine était en quel- que sorte la propriété du chef de l'école flamande. D'où l'on peut conclure , sans être taxé d'exagéra- tion , qu'il serait aussi difficile de refaire les Môces de Cana et le Couronnement de la reine | qu'il parait impossible de repeindre le Déluge. = Nous terminerons ce rapport par jeter quelques fleurs sur l'urne funéraire d’un artiste estimable, d’un littérateur éclairé, que nous venions de comp- ter au nombre de nos membres non résidants lorsque nous ayons eu le malheur de le perdre. M. Taillusson , né à Blaye près Bordeaux, si avan- ( 266 ) | tageusement connu , comme peintre , par les tableaux de Rodogune | d'Olympias , d'Héro et Léandre , désira appartenir à cette Académie , dans laquelle il comptait des amis; en conséqnence il nous adressa un exemplaire de son ouvrage intitulé : Observations sur quelques grands Peintres , dans lesquelles on a cherché à fixer les caractères distinctifs de leur talent. MM. Gosseaume ,; Descamps et Tardieu , ayant été nommés pour en faire l'examen et en faire leur rapport ; » l’auteur , disent-ils , ne s'astreint ni à #» réunir les peintres d’un même genre , ni méme » à les présenter d’après l'ordre chronologique. » Comme le papillon, il voltige de fleurs en fleurs, » toujours sûr d’intéresser également et par les » sujets qu'il expose , et par l'agrément de sa » narration. Une ligne , deux lignes lui suffisent » souvent pour exprimer la physionomie de cha- » cun , et ce qu'il ajoute n’en est guères que le » développement ; mais ce développement excite » l’attention , et on serait fâché que l’auteur en eût » retranché la moindre partie...... » Egalement versé dans l'étude de la mythologie » et de l’histoire ; M. Taillasson en fit d'heureuses » applications. Familier avec nos poêtes célèbres, » il aime à leur comparer ses héros, Michel-Ange À » Milton et au Dante, le Poussin à Corneille , Ra- » phaël à Racine , le Sueur à Fénélon, Jouyenet à trs (207) » Crébillon , etc. Critique judicieux , il loue sans » adulation et censure sans amertume ; il discute » avec décence les titres de chacun, et propose » son sentiment avec une réserve qui l'honore.... » En général le style de M. Taillasson est facile, » varié, approprié aux sujets dont il parle , souvent » fleuri et plein de poésie. « Nous devons à la vérité de l'histoire de dire que ce peintre célébre n’a point obtenu la médaille, qu'il a été à Rome à ses frais; mais cette anecdote n’ôte rien à son mérite. S'il eût plus long-temps vécu , il nous aurait sans doute fait parvenir ses ouvrages de poësie. M. Taïllasson a prouvé , comme un grand nombre d'artistes, de savants et de litté- rateurs , que Plutus marche rarement à la suite d'Apollon et des Muses. Mais la fortune la plus brillante périt avec nous, tandis que la réputation nous survit et consacre notre nom et nos ouvrages à l'immortalité. = M. Vauquelin a lu un Essai historique sur l’ar- chitecture. L'architecture , fille de la nécessité , dit notre collègue , fut simple dans son enfance ; ses premiers pas furent timides. L'homme , dans l'invention de cet art , n'eut pour maitre que le sentiment des incommodités insépara- bles de l'intempérie des saisons et de la rigueur des climats. ———_" ( 208 ÿ Il chercha donc à se mettre à l'abri de l'un et dé l'autre , et le genre de vie qu’il menait détermina la manière dont il le fit. Les peuples pasteurs n’a- vaient besoin que d'habitations mobiles et propres à être transportées à volonté. Les Chinois, de chez qui la politique exclut toute innovation , conservent encore dans leur architecture les formes caractéris- tiques des tentes qui furent les demeures primitives de ce peuple. On ne remarque dans toutes leurs constructions que des colonnes gréles et dépourvues de toute espèce de chapiteau. Des murs et des cloisons ex- cessivement minces et souvent percés à jour fer- ment l'enceinte de leurs maisons , de leurs pagodes; et , au rapport des voyageurs, leurs villes présentent souvent plutôt l'aspect d'un camp que celui d’un établissement fixe. Les premières retraites des Egyptiens , peuple chasseur et ichtyophage , furent des cavernes ; aussi dans la suite n’employèrent-ils que des colonnes ex- cessiyement courtes , très-multipliées et qui sou- uennent de lourds plafonds, surmontés, non point de toits , mais de terrasses. » Les Grecs , nés agriculteurs , et plus sédentaires que les deux peuples dont nous venons de parler , ont conservé dans leur architecture les formes pri- mitives de leurs anciennes cabanes. La proportion et la disposition qu’ils donnèrent à leurs colonnes sont 1 { és ( 209 ) sont évidemment celles dés troncs d'arbres qui sou- tenaient la toiture de leurs premières demeures ; les architraves , les frises, les corniches , les fronitons sont encore des copies exactes des pièces dont cette méme toiture étalt composée pour en assurer la so- hdité. » L'architecture , continue M. Vauquelin , n'avait d’abord employé que des matériaux bruts et sans forme ; elle les façonna , elle s’en appropria de nou- veaux ; la pierre , le marbre devinrent l'objet de ses recherches , et l’art de bâtir se perfectionna in- sensiblement. » S'il parait avoir été comme stationnaire chez les Chinois , il ne le fut point chez les Egyptiens ; leurs monuments , vainqueurs du temps et de ses ravages ;, mous étounent encore aujourd’hui par leur gran- deur , la hardiesse de l'entreprise et leur solidité. Mais le goût et l'élégance des formes semblent n’ap- partenir qu’à l'architecture grecque. Les temples ; les théâtres , les édifices offrent tous des leçons et des modèles. Les architectes grecs empruntèrent souvent le secours de la peinture et de la sculpture ; mais ils les employèrent toujours avec sagesse ; chaque ornement a sa place arrêtée et y parait mis par la nécessité. » La seule architecture grecque prévalut chez pres que tous les peuples civilisés de l'Europe. » Quand les Romains eurent conquis la Grèce, les dépouilles d'Athènes , de Corinthe, de Sicyone fu [&) { 210 } rent transportées dans la capitale de l'Empire , et les arts la rendirent aussi eélébre que ses conquêtes. » Devenue elle-même la proie des barbares du nord , les arts s'exilèrent d’une terre couverte de sang et de carnage; à des édifices de la plus grande élégance succédèrent des constructions lourdes et saus goût ; et les débris des plus beaux édifices y furent employés. » Sur là fin du dixième siècle , l'architecture fit des efforts pour sortir de cet état de barbarie. Mais on avait perdu de vue les modèles : à des construc- tions Jourdes et pesantes on en opposa d'excessive- ment legères ; c’est ce genre qu’on appelle gothique moderne , que les Arabes apportèrent en Espagne et en France. Les peuples du Nord y applaudirent , parce que, dans l'accouplement de ses petites colon- nes, dans les feuillages dont elles sont ornées, dans la prodigieuse élévation des voûtes où ces mêmes co- lonnes se prolongent et se recourbent en cent ma- nières , ils crurent reconnaitre ces antiques forêts qui servaient jadis de temples à leurs druides. » Ce genre d'architecture dura quatre siècles. » Les ruines de Rome tenaient ensévelis les restes de ja belle architecture grecque , on les découvrit ; des hommes de génie étudièrent dans ces débris des anciens monuments les règles de Part, et les ré= tablirent dans leur splendeur ; en effet, on les re- Ç{s1r) Ê trouve , on lés admire dans les édifices des Bra- mante , des Peruzzi , des Vignole et des Palladio. » Ce goût du beau et du bon passa en France ; on commença à le recounaître sous les règnes de François 1 , d'Henri IV , de Marie de Médicis ; mais c’est sous le règne immortel de Louis XIV qu'il reparut dans tout son éclat. » Bientôt le désir de l'innovation introduisit ces for mes tourmentées qui dégradèrent l'architecture, Des voyages en Grèce et en Italie, la découverte sur-tout de deux villes ensévelies , pendant l’espace de près de dix-sept siècles, sous les cendres et les laves du Vésuve , rappelèrent nos architectes aux vrais principes du beau ; déjà nos édifices publics et particuliers, nos meubles , nos vases se ressen- taient du bon goût puisé dans ces précieux monu- ments de l'antiquité, quand tout-àcoup...... Mais jettons un voile épais sur cette époque désastreuse où le génie et les talents étaient des titres de pros- cription..... Enfin , du sein de l'Egypte reparut au milieu de nons cet homme étonnant, déjà cé- lèbre par ses victoires , auquel il était réservé de sauver la France..... Sa présence produisit des miracles..... Déjà des canaux se creusent dans toutes les parties de la France ; des projets d'utilité ou d’embellissement s'exécutent dans la plupart de nos villes. Tout assure que le règne de Narozton sera celui des sciences et des arts. O 2 (212) — Nous vous annonçons, Messieurs , avec dou leur , que la classe des belles-lettres a fait , dans le cours de cette année, dans la personne de M. Formage, une perte à laquelle elle a été véritable- ment sensible. M. Bignon s’est chargé de payer à la mémoire de notre collègue et de son ami Île tribut de nos regrets. Tels ont été les divers travaux dés membres de l'Académie , dans la classe des belles-lettres pen- dant le cours de cette année. Vous avez pu vous convaincre , MESSIEURS , que chacun de nous s’est attaché à être utile par la nature même des sujets sur lesquels il a exercé sa plume. C'est ainsi que nous avons cherché à fixer votre attention et à mériter vos suffrages : récompense la plus flatteuse , sans doute ,; que puissent ambitionner ceux qui consacrent leurs loisirs à la culture des lettres et des arts. ( 213 ) Norrez BrocRAPHIQUE Sur M. FormAGE , Professeur des 1'° et 2° Classes de Langues anciennes au Lycée impériäl de Rouen ; décédé le 11 septembre 1808. Par N. Bicnon , ancien Professeur de Seconde et Principal du Collège de Rouen , et ex-Professeur de Grammaire générale à l’Ecole centrale du dé- partement de la Seine-Inférieure. Entretenir l'Académie de la perte d'un de ses membres , dont la vie et les productions rendent également la mémoire recommandable ; mettre sous les yeux des personnes instruites et des partisans de l'instruction , les droits que pouvait avoir à fa considération publique un littérateur estimable et professeur consommé , qui, durant près de trente années , enseigna dans cette ville ayec autant de réputation que de talent : c’est acquitter un triste mais indispensable devoir envers un citoyen pré- cieux ; c’est déplorer sa mort au milieu de ses amis de ses confrères , de ses disciples, J'ai presque dit, au sein de sa famille. On pouvait donc se flatter , Messieurs , ayant à parler ici de M. Formage , de mériter l'attention de toute cette respectable assemblée , par la sim- à 3 (2149 ple considération de l'intérêt que le sujet inspire. Pour moi, cest le seul titre que j'aie cru avoir à votre indulgence. Aussi, bien persuadé que je ne devais étre que l'organe de l'opinion générale , et que tous les esprits étaient également disposés à payer avec nous ce dernier tribut de reconnaissance et d'estime, me suis-je bien gardé de recourir à ces vains mouvements d'une éloquence étudiée , presque toujours insipide , et qui s’imagine pouvoir suppléer le sentiment par des mots et des phrases. On n’a pas besoin d'art pour émouvoir quand la douleur est sans affectation et aussi bien partagée. D'ailleurs , Messieurs , ce n’est point un éloge qu'il s’agit ic de faire , mais un compte qu’il faut rendre. Je dirai simplement ce qu'a été M. Formage : je parlerai de ses écrits et de sa personne , autant que ma propre expérience m'a mis à portée de les connaître ; et s’il arrivait que ce que j'en aurai dit pût passer pour un éloge, comme je n'aurai dit que la vérité, ce serait lui-même , et lui seul qui laurait fait. Jacques-Charles-César Formage , naquit le 16 sep- tembre 1749 , à Coupesart , dans le département du Calvados , de parents aisés et faisant un commerce assez considérable. Privé de son père dés Ja tendre enfance , après avoir signalé, sous un maitre intelli= gent, beaucoup d'aptitude au travail , et une grande vivacité de conception , il alla concourir à Paris Ca5 pour une bourse, qw’il obtint en sixième , au collège du Plessis , où il fit toutes ses études. Un grand nombre de couronnes dont sa tête était ombragée tous les ans , tant au Plessis qu’à l'Université ; une pièce de circonstance , en vers latins, qu’il composa dès sa troisième , et que le conseil de l’Université fit imprimer et afficher dans les douze collèges de son arrondissement , sont autant de trophées qui donnaient à M. Formage le droit de se vauter d’être élève de cette fameuse école. Mais comme il était toujours en état de faire ses preuves , il ne fut ja- mais réduit à urer vanité de ses titres, En terminant son cours de philosophie , M. For- mage honora comme maitre une maison qu’il avait tant honorée comme écolier : on lui donna la di- rection du quartier des Rhétoriciens , et en même- temps l’agrégation à l'Université, premier degré de cette sorte de noblesse littéraire qu'une politique sage confère à la jeunesse , pour servir au mérite nais- sant de recommandation , et à la société de garantie. Le jeune maître ne tarda pas à justifier ces deux promotions ; en formant des élèves capables de mar- cher sur ses traces , il trouvait encore les moyens d'entretenir un commerce particulier très-sulvi avec les Muses : et c’est au milieu de cette série conti- uuelle d'occupations , tous les jours fuies et tous les jours renaissautes, qu’il remporta , à l'Académie des Palinods de fouen, cinq médailles dans l'intervalle Q 4 (216) de cinq années consécutives ; c'est en roulant , pour ainsi dire, ce rocher de Sisyphe , qu’il envoyait dans nos murs les enfants de sa verve comme autant de précurseurs qui devaient lui préparer la voie en lui conquérant des sufirages. Aussi , lorsque luimême, en 1779 , le poëte vint y occuper la chaire de troisième , trouva-t-il , toute formée , une de ces réputations brillantes qui sont toujours lécueil des faux talents, et , souvent même , un fardeau pour les talents véritables. Ce ne fut pour lui que le sujet d'un nouveau triomphe ; car il sut bientôt s'élever au-dessus de l’une par son grand art de faire valoir les autres. De la chaire de troisième au collége , après avoir traversé les principaux orages de la révolution , dans un temps oùles volcans commençaient à s’allu- mer sous le Parnasse français , et en faisant pour l'instruction publique , si pénible alors et presque gratuite , des sacrifices dont ce n’est pas lui qui à recueilli les fruits |, M. Formage passa à l'ensei- nement des langues anciennes dans l'école centrale du département , nouvel emploi bien dû , sans doute , à sa grande expérience. La même justice 2 lui fut rendue Jors de Forganisation du Lycée : pour prix de ses longues veilles, il obtint la pro- rogation de ses pénibles travaux , avec l'honneur de continuer ses services à une époque où la gloire nt cormmepçait à s'attacher à toutes les fonctions pu Fr FI D Le Fe D = (217) bliques , sous les auspices d'un Héros que l'Europe entière craint, chérit et admiré : il porta, parmi ses nouveaux collaborateurs , dans la chaire des première et seconde classes de littérature , un talent émérite , soutenu par un dévouement sans bornes , et un nom fait pour inspirer la confiance , qui ;, dans ces sortes d'établissements , dépend moins , peut-être , de l'autorité du génie qui les fonde , que de la qualité des éléments qui les composent : et ce fut ià, Messisurs , le dernier poste de notre estimable confrère sur la terre. Ouvrier utile et de Ja première heure , ayant courageusement supporté le poids et la chaleur du jour , il ne connut de fleurs dans la carrière que celles dont elle est toujours semée pour l'homme laborieux qui sait trouver en lui sa plus belle récompense : et la mort même sembla respecter ses travaux en nous l’enlevant au sein de ses loisirs (1), comme pour douner le temps de réparer la perte par le choix d'un digue successeur. Mais M. Formage ne se bornait point aux simples fonctions de l'enseignement. Non, certes ! ce n’est pas pour lui qu’en parlant de ces professeurs d’'e- loquence qui mont jamais fait une phrase élo- quente , le chancelier d'Angleterre les compare à des statues immobiles, placées, les bras ouverts , oo oo (1) Les vacances. (218) sur le bord des chemins, pour indiquer la route aux voyageurs , sans jamais faire elles-mêmes le voyage. Dans tous les genres de son ressort ; M. Formage a su joindre l'exemple au précepte. Ne parlons point ici d’une foule d’excellents mor- ceaux purement scolastiques ; ce ne sont guères là que de simples improvisations , mais elles n’en ont pas moins un grand mérite et une grande influence sur le succès des élèves ; c’est ce battement des ailes d’une mère attentive , voltigeant de branche en branche autour d’une tendre couvée , pour pro- yoquer par limitation , dans ses petits , le pre- mier développement des forces , et les enhardir à prendre leur essor. Nous ayons d’abord de M. Formage un grand mombre de poésies latines: le mérite de plusieurs nous est garanti par les juges du Palinod de Rouen, juges bien compétents , sans doute , dans un temps où la poësie latine était encore florissante , et sin- gulièrement exercés dans ce genre de versifcation , à ne considérer que le petit nombre d'hommes pré- cieux qui ont survécu au démembrement de cette ancienne et illustre compagnie ; presque par tout notre confrère sait réunir l’élégante facilité de l’au- teur des métamorphoses à l'harmonie imitative du chantre del'Enéide. Ou voit que sa muse s’est nourrie de leur substance ; souveut elle emprante leurs furiumes, mass eu respectant le fond ; elle s'approprie C219) les sucs et les parfums de ces riches et brillants parterres , mais toujours en laissant scrupuleusement les fleurs entières sur leur tige. Quelquefois , il est vrai, la marche ambitieuse de Claudien se fait un peu trop remarquer dans certains vers ; mais ce défaut brillant, qui assomme par la monotonie dans le chantre de Proserpine , devient souvent un nou- veau charme dans le sobre et discret imitateur. Ses Fables mises en vers, en deux volumes , mo- nument d'un grand amour du travail , aussi bien que d’un goût naturel et simple , sont connues de toutes les personnes de cette cité qui savent lire ; mais comme elles étaient , pour la plupart , creces au miliea de nos troubles civils, et imprimées à la hâte , lorsque les hurlements prolongés de la dis- corde retentissaient encore aux oreilles des Muses effarouchées , il a cru devoir , dans le calme , en faire la revue et le triage , en écartant , pour les ps ranger sous un autre titre , quelques pièces qu lui semblaient mal assorties au genre ; il a porté sur tout le reste la lime d’une correction sévêre , et après avoir , dans la première édition , travaillé peut étre un peu trop pour le libraire , il s’est mis, pour la seconde qu’il méditait, avec tout son avan- tage , en présence de la critique et de ses juges. Un Traité sur l'intelligence de la mythologie , dont l'Academie a entendu plusieurs morceaux avec intérêt : une Traduction en manuscrit des ( 220 ) Métamorphoses d’Ovide , dans laquelle , en portant les chaînes du traducteur , sans en faire entendre Je bruit dans sa marche , notre confrère évite à- la-fois et la sécheresse du copiste servile qui se traîne en dévot superstitieux sur les pas de son modèle , et l'embonpoint de la paraphrase , res- source trop ordinaire de ceux qui manquent d'é- nergie, ou qui souvent ne sentent point : un grand nombre de pièces fugitives en vers français, d’une touche pnaive et facile : plusieurs ouvrages dans différents genres , et qu'une destinée cruelle a forcé l'artiste à quitter imparfaits sur le métier, sont au- tant de preuves qu'en se sacrifiant pour la géné- ration présente , M. Formage ne perdait point de vue l'intérêt de celles qui doivent la suivre. La littérature était le domaite particulier de notre collègue , mais non la limite de son savoir : il avait encore de Jouables connaissances dans Ja science botanique, qu'il paraissait néanmoins avoir plus étudié dans Linnœus, que dans le livre de la nature. À cet avantage il joignait des notions assez étendues sur l'anatomie et sur quelques parties de la médecine , dont il avait même reçu le premier wrade. Dire qu'il était attaché à plusieurs Acadé- mies , tant natiouales qu’étrangères, ce serait ajou- ter peu de chose pour sa gloire ; puisqu'il est dé- montré, ce qui pourrait bien, en soi, valoir autant, qu'il était digne de l'être , mais on doit tenir compte ( 221 } à sa modestie de n'avoir jamais affecté de faire éta- lige de ses titres. Ce n’est pas seulement par la nature de ses fonc- tions et par ses talents que M. Formage méritait de la considération ; il était encore vraiment res- pectable sous le rapport de la morale; comme pro- fesseur , son langage , sa tenue, sa discipline, tout, dans sa classe , était en harmonie avec le grand principe de l'extrême révérence que le poste latin exige à leégard des enfants. Rien mégalait son exactitude , en général , ou plutôt sa ponctualité (car le mot le plus expressif est ici, pour lui, le plus propre), sinon son impartalité rigoureuse envers chacun de ses disciples, Il savait que la justice distributive est une propriété dans ceux à qui on la dispense. On Pa vu revenir de lui-même contre ses propres décisions , tant il préférait le té- moignage de sa conscience , le premier bien de toute la vie , au futile avantage de soutenir une opinion qui n’est que le triomphe d'un moment. Faut-il s'étonner qu’il ait été constamment un objet de véneration pour ses élèves , lorsqu'on savait que l'intégrité la plus scrupuleuse était chez lui une vertu habituelle ; vertu précieuse qu'il ne suffit pas toujours d'avoir, et qui fait dans l'opinion , peut être , encore plus de bien que dans la pra- üque ! Il west qu'un seul reproche que j'aie entendu ( °22 ) faire à M. Formage , comme professeur. Il était grand partisan, et partisan éclairé de cette langue harmonieuse vers laquelle la raison et le besoin nous rappellent tous les jours , puisque , sans elle, il ne peut y avoir chez nous de véritables littéra- teurs; or,on ne concevait pas comment ;, dans ses dernières années , un homme qui , par-tout ailleurs, savait si bien descendre à la portée de son auditoire , faisait franchir d’un seul saut l'in- tervalle considérable entre la simplicité des petits dialogues du gentil Lucien , et cette dialectique profonde qui caractérise les oraisons du nerveux Démostènes. Peut-être était-il entrainé par sa pré- dilection pour le rival d'Eschine ; heureux qui peut s’égarer avec un si bon goût ! Peut-être aussi (car dans M. Formage , c'est par l'amour du bien qu'on peut mieux expliquer une petite erreur }) ne cédait-il à son goût qu’en faveur de ses élèves qui, au sortir de sa classe , devaient quitter la Grèce : il était bien aise , sans doute , de leur faire saluer en partant le premier orateur de la contrée , qui serait , sans difficulté, le premier du monde , si, comme il est le plus nerveux et le plus solide , Cicéron , de son côté , n’était pas le génie le plus varié, le plus souple et le plus brillant. Comme écrivain, M. Formage n'avait peut-être pas ce que lon nomme une littérature immense. Mais il avait , sur Ja plupart de ceux qui y pré- ED tendent , l'avantage de savoir très-bien tout ce qu'il devait savoir , et d'en parler de même. On voit trop peu de têtes assez fortement organisées pour ordonner tous les matériaux de ces éruditions vastes qui doivent finir la plupart du temps par soumettre l’entendement à l'empire capricieux de la mémoire : il est aussi une digestion Morale , et le bon tempérament de l'esprit , comme celui du corps, se constitue souvent en partie de Xri- yations : ce ne sont pas les plus savants que j'eshi- me , dit le vieux Montagne , mais les mieux savants : et savoir bien le métier que l’on fait, n'est pas encore une chose trop commune , même parmi ceux qui se flattent de savoir beaucoup davantage. Une autre justice à rendre à notre collègue, c'est d'avoir conservé sa plume chaste comme ses mœurs et ses discours : toujours digne virtuose des Pali- nods , il tend au bien sans eflort , parce que le sentiment de l’honnête était inné dans son ame candide et pure. Ses apologues ne se ressentent en rien du temps où il a vécu : il semble qu'il ait eu l’art de se créer un monde à part , s'il n’était plus naturel de penser qu’il se retirait souvent parmi les animaux, société ordinaire des fabulistes , pour être plus sûr de n’en pas avoir de mauvaise, Parlet-il de la religion ou de la vertu ? C'est avec ce respect profond dont il fut toujours péné- tré pour les éternels principes de la morale ; mais | C2) avec cette simplicité qui faisait le fond de son na- turel doux et paisible. Par tout il condamne le vice , mais sans le poursuivre , comme un homme per- suadé que par sa difformité seule , le vice , doit faire horreur à tout le monde. Point de sorties , point de déclamations , point de ces sarcasmes mordauts qui font dire à Lucien de lui-même , qu'il west qu'un charlatan enrhumé , vendant un spécifique infaillible contre la toux. Esseutiellemeut ami de l'ordre , dont il portait la louable empreinte dans toute l'habitude de sa per- sonne , ses devoirs de citoyen ne lui coûtaient rien à remplir. Ami de son pays, lors même qu'il n'y avait plus de patrie , absolument incapable de faire ou de vouloir le mal , il n’était fait que pour être, comme il la été, la victime de l'anarch'e ; et, si Yon osait lui imputer quelque erreur dans ses écrits, ce ne serait qu'une preuve de plus en fa- veur de la modération , de l'innocence et de la Dbonhomie de son caractère. M. Formage savait aussi très-bien tout ce que l’on doit aux liens de la parenté et du sang. Eu lan IV, 3l se choisit une épouse dans une maison estimable de cetie ville, et le résultat de son alliance avec mademoi- selle Louise-Désirée-Arsène Canivet , fut de concen- rer toutes ses principales affections dans le sein de sa famille adoptive , assez heureuse elle-même pour ap- précier un pareil dévouement, et le payer du plus juste (225) juste retour. En l'an V , sa mère , presque octogé- uaire , et devenue aveugle , se trouvait, pour ainsi dire , sans ressources , par l'effet d’une consolidation des rentes qui ruinait les fortunes ; il vole à Paris au- près d’elle , l'amène à Rouen dans son modeste asyie, pour la contier aux soins d’une épouse qu'il sem- b'ait avoir choisie quelques mois auparavant , tout exprès , comme Ja plus digne de partager avec lui cet honorable exercice des devoirs sacrés de la picté filiale. Aussi, quand on Jui parlait de son épouse , si vous saviez ,; disait-il avec transport , comme elle aime , comme elle chérit ma mère ! Et lorsque , par une espèce de pressentiment de son malheur et du nôtre , il eut pris derniérement toutes les mesu- res pour assurer le sort de sa compagne, voilà quelle était toute mon ambition , s’écria-t-il en versant des larmes de joie ; car M. Formage , qui se piquait à juste titre de toutes les sortes de délicatesses , avait sur-tout l'ame ornée des sentiments de la plus vraie et la plus vive reconnaissance. À une sobriété vraiment très-rare dans tous Îles geures , notre confrère joignait la pratique soutenue d'une grande économie , mais de cette économie qui, loin d'avilir , honore le caractère de ceux qui jouissent d’un reveuu borné ; et l’on sait qu'aux ouvriers utiles du Parnasse , #pollon ne promet qu’un nom et des lauriers. P (236) Cependant cette première vertu de l'heureuse mé- diocrité n’était pas chez lui moins modeste que les autres ; il n’en paraissait rien, ni dans ses manières, ni dans sa personne ; il savait toujours être généreux à propos et même de fort bonne grâce , aimant sincèrement tous ses collègues anciens et nouveaux , comme il était digne d’en être aimé ; les respectant par principe ,; comme il se respectait lui-même ; parlant d'eux avec estime ou avec une extrême circonspection ; d’une discrétion à toute épreuve , quelquefois même dans des choses de la plus lé- gère conséquence , il fallait être dans son intimité pour se douter qu’il eût à se plaindre de quelqu'un ; cherchant peu à se faire de nouveaux amis, parce qu'il mettait toujours dans ce commerce plus que l'on n’y trouve ordigairement , mais d’une fidélité constante envers ceux qu'il s'était faits ; même dans leurs disgraces , pour me servir des propres termes de la Rochefoucault , il ne laissait point croître l'herbe à leur porte : sensible au plus haut degré sur tout ce qu’il pouvait regarder comme une of- fense, mais sans rancune , il se contentait de se mettre sur ses gardes , servant toujours avec zèle selon ses moyens, et ne pensant jamais à nuire quand il en aurait eu le sujet et l’occasion ; parlant suivant sa pensée et l'impulsion de son cœur, ou ne disant presque mot , on n’était jamais obligé à traduire sa conversation , mais il ne se doutait pas qw’il aurait eu souvent besoin de traduire celle des (227) autres ; fuyant les affaires , la dispute et l'intrigue pour lesquelles il n'était pas né ; gardant son rang avec une espèce de dignité, mais sans orgueil. Le dirai-je ? Il avait la modestie de ne se pas croire propre à l’enseignement de la rhétorique, enchaîné, sans doute, par l'ancienne habitude de son genre ; car , après tant d'épreuves et tant d'exercice, qui en eût été plus digne que lui? Personne n’était plus grave ni plus justement sé- vère que M. Formage dans le cours de ses fonc- tions ; dans le commerce de la vie , personne n’é- tait plus doux , plus indulgent , ni plus facile ; contant volontiers , riant de ses contes du même air que de ceux des autres, à qui il ne refusait pas toujours un certain degré de crédulité qu’il avait quelquefois pour lui-même ; plein de ces saillies sans prétention , qui échappaient à la vivacité d'un esprit pétillant ; jamais désobligeant , presque tou- jours content des autres , se livrant tout entier à la récréation , parce qu’il n'avait aucun motif pour se méfier de lui-même , il était bien loin de regarder la société comme une arène remplie d’observateurs qui s’'étudieraient pour se surprendre les uns les autres : en un mot, ne pouvant être haï de per- sonne , fait pour être estimé de tout le monde , et l'ami seulement des gens de bien; voilà , MESSIEURS, M. Formage tel que je l'ai vu sans prévention d’au- cune espèce ; voilà les principaux traits qui Carac- PA ( 228 ) térisaient la belle ame de ce patriarche de l'ensei- gnement public dans nos murs. Son image ne m'a point quitté tant que j'ai tenu ma plume , et c’est , pour ainsi dire , contradic- toirement avec lui que j'ai fait le douloureux inven- taire de ses titres et de ses bonnes qualités tem- pérces par quelques faiblesses. On ne peint plus des hommes quand on les peint autrement. La vertu peut supporter quelques taches légères, et ce serait, à ses dépens , outrager gratuitement la vérité que de les faire disparaitre. Ma franchise ne pourrait déplaire qu’à ceux qui seraient trop ou trop peu satisfaits d'eux-mêmes. Peut étre trouvera-t-on que j'aurais trop compté sur lindulgence de l'assemblée pour une notice aussi longue. Mais, Messieurs , en présence d’un ancien collègue , dont je fus presque le disciple , et que je n’en ai pas moins toujours regardé comme mon dernier maitre ,; comme tête à têle ayec un ancien ami , dont Pombre toute récente semble encore , à l’instant même , errer autour de moi dans cette euceinte, lorsque ma plume faisait la part du public , était-il en mon pouvoir de ne pas faire aussi un peu la mienne ? Pouvais-je compter les lignes ct minutes , et ne pas prolonger un peu , malgré moi , Je charme d’une illusion flatteuse , hélas ! que j'ai trouvée bien courte ? Maïs j'écarte , Messieurs , tout ce qui pourrait - (229 ) porter l’attendrissement dans vos ames ; je sens trop, par ce quise passe dans la mienne , que vos justes regrets sont bien loin d’être effacés : c’est le privi- lége du vrai mérite d’être toujours mieux apprécié, méme après la mort. PiRur. x pr. OvPLOUS EI PtOouUT R 2817. En 1809 , l'Académie avait remis pour la seconde fois au concours la question suivante : » Déterminer les moyens les plus propres à écarter » les dangers qui pourraient résulter ; pour les mœurs , » du rassemblement dans les ateliers des ouvriers de » l’un et de l’autre sexe «. Aucun des trois mémoires que l'Académie a recus eur cette question , n'a été jugé digne du prix. Le mémoire portant pour devise : Aiseris succurrere disco, a seul obtenu use meution honorab!e. L'Académie , déterminée par l'importance que cette question présente pour les villes de fabrique en général , et pour la ville de Rouen en particulier, a arrêté que celte question serait remise pour la troisième fois au concours, et elle a acecpté , avec reconnaissance, la somme de 500 fr. que M. Savoye Rollin , Préfet du département , et président de l'Académ'e , a bien voulu ajouter à celle de 3oo fr. ( 250 ) qui avait été d'abord fixée par la Compagnie pour la valeur de la médaille. Le prix ne sera décerné que dans la séance publi- que de 1811. Les membres résidants sont seuls exclus du cou- cours, Les mémoires, écrits en français, seront adressés , francs de port , à M. le Secrétaire de la classe des belles-lettres , avant le 1°r juin 1811 ; ce terme sera de rigueur. L'auteur mettra en tête de son mémoire une devise qui sera répétée sur un billet cacheté, où il fera connaître son nom et sa demeure. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où le mémoire aura remporté le prix. SRE SAN SEE TE RER TIME CE A PET EEE ToA BoL. E DES MATIÈRES. A | 1) EME prononcé à l’ouverture de la Séance publique , par M. l’abbë Baston, Wice-Président , page: La SerEzENCES ET ARTS. R4A»PORT rAIT »AR M. WYFTALSS. Ouvrages annoncés ou analysés dans ce rapport. Mémoire sur les intersections du côre , du cylindre et des autres corps engendrés par la révolution des courbes du second degré , autour d’un axe, lorsque ces corps sont coupés sur un plan ; par M. Francæur , 18 Cours complet de mathématiques pures ; par le méme ; 19 Rapport sur un Mémoire de M. Prudhomme , qui a pour titre : Des comètes en général ; et en par- ticulier de la comète qui a été observée en 1807 ; par M. Letellier, ibid. Systéme impérial des poids , mesures ef monnaies ; par M, Bonuet , 24 ( ah 1 Mémoire descriptif des Travanx à faire pour l’em- bellissement de la ville de Rouen et l'amélioration de son port ; par M. Lemasson , ibid. Rapport sur les machines à tisser de M. Diard ; par M. Leboullenger , 23 Recherches sur La construction et les effets du briquet pneumatique ; par M. Lebouvyer-Desmortiers , 24 De la nature et des propriétés de huit espèces d’c- lectricité ; par M. Sage , 26 Systéme universel ; par M. Azaïs , 27 Notices sur les progrès des sciences physiques et na- turelles , et sur les établissements de bienfaisance , dans les Etats-Unis d'Amérique ; par M. Valentin, ibid. Plan d’un dictionnaïre des productions de la nature et de Part qui en'rent dans le commerce de la France avec l’étranger ; par M. Deu, 23 Doutes sur le genre sexuel du blé-froment ; par M, Jamard, 29 Syrop de raisin , préparé par la méthode de M. Proust; par M. Vitalis , . 50 Motice sur le sucre de raisin, par M. Robert, 5x émoires concernant le sucre liquide extrait du suc de pommes et de poires ; par M. Dubuc, 55 et 54 Instruction sur les moyens de suppléer le sucre dans les principaux usages qu’on en fait pour la médecine et pour l’économie domestique ; par M. Parmen- LA 2 tier, le (:255 Brochure sur les mortiers ou ciments ; par M. Sage, 36 Observations sur quelques médieaments employés dans le traitement des maladies siphilitiques ; par A1. Viulis , 6 Q1 Analyse d’une liqueur anti-vénérienne qui se débite à Rouen ; par M. Vitalis, 57 Observations médicales ; par M. Besuard , 4t Essai sur le sentiment d'horreur qu’inspire la mort ; par M. Vigné , 45 Réfutation des assertions de M. Doyveau-Laffecteur , sur le mercure employé comme antisiphilitique ; par le même , 45 Dissertation sur la pleurésie bilieuse on gastrique , par M. Boismare , analisée par M. Vigné, 47 Bulletin des sciences médicales de la Societé de mc- decine du département de l'Eure , ibid. Mémoire sur l’artère épigastrique , considérée dans un état pathologique , relatif à la hernie inguinale , et des moyens de s’assurer de sa position pour éviter le danger de la couper dans l’opération chirurgicale ; par M. Lamauve , 48 Lettre de M. Sylvestre relative aux cours de 11. Jvart à l’école d’Alfort , 5t L2 Programme de la séance publique de la Société d’agri- culture du département de la Seine, ibid. | CE NN €irculaire de la même société qui a pour objet de demander à l’académie des renseignements pour la rédaction d’un ouvrage sur l’art de conserver les substances alimentaires , 52 Reflexions sur l’état actuel des fabriques ; par M. Lancelevée , 53 Notice des principaux ouvrages présentés à la Société académique de Cherbourg , 55 Discours de réception de M. Dubuc, 56 em de M Biard k 57 ———— de M. Boismare , 59 ———— de M. Bovnet, 16 Prix propose pour 1811, 64 DériBéRATION de l’académie concernant l’impression des mémoires relatifs aux sciences, 66 Tableau général des observations météorologiques , faites à Rouen , pendant l’année 1809 ; par M. Vitalis , 66 bis. BELLES-LETTRES. RAPPORT FAIT »pAR M. GourpDinw. Ouvrages annoncés ou analysés dans ce rapport. Pers sur l’origine du prieuré des Deux- Amants ; par M. Duval Sanadon, 68 Vers latins sur le projet de translation du corps du cardinal de Joyeuse; par M. Fere , ibid. (255) .scours d'ouverture des séances de la Société d’é- mulation ; par M. Angerville , ibid. Compte rendu de la séance publique de la Société des sciences et arts du département de la Loire inférieure , ibid. Annonce des sujets de prix proposés par 1 Académie des Jeux floraux , ibid. Séance publique de la Société de Besançon, 69 Programme des prix proposés par l'Académie de Dijon, ibid. Essai sur l’origine et les progrès de l'art de la teinture en France ; par M. Vitalis, ibid. Discours prononcé à l’ouverture de l’exramen pour l'admission des élèves à l’école polytechnique ; par MH. Savoye Rollin , 70 Discours de clôture du méme examen ; par M. Vablé Baston , 79 Examen de la question : Quelles sont les vertus qui honorent le plus l'espèce humaine ; par M. d’Ornay , 90 Discours de réception de M. Lézurier de la Martel, ror de H, Duputel , 112 ————— de M, de Lancy , 118 Réponse de M. Savoye Rollin , président ,| aux dis- cours de réception de MM. Dubuc, Biard , Lézu- xier et Duputel , 129 (256) Réponse de M. l'ablé Baston , vice-président ; aux discours de réception de MM, Blanchemain , Bonnet, Boïsmare et de Laney , 129 Discours prononcé par 21. Chapais de Marivaux , lors de l’entérinement de lettres de grâce accordées par S, 21. l’Empereur et Roi, à 25 déserteurs condamnés aux travaux publics , 154 Traduction d’un morceau du docteur Blair ; par 11. ? Lézurier , 156 Crammaire latine théorique et pratique ; par 1. Boinvillers , 158 Eléments de la prononciation ; par M. Duputel, ibid. Observations sur la différence qu’il y a entre les ex- : ANSE pressions précis et analyse ; par M. Gosseaume , ibie. Mes quatre-vingts ans, pièce de vers ; par 31. &'Ornay, 159 L'Amour et Psyché ou la curiosité punie , conte en Ja } > vers; par M. Lemesle , 141 Ep'tre en vers à une darne qui demandait à l'auteur si un vieillard pouvait encore aimer ; par le méme , 147 Voyages ; par 21. de la Bouisse , 149 Poësies diverses ; par M. Mutel, ibid. Traduction libre en vers du pseaume Exurgat Deus ; par M. l'abbé de Boisville , ibid. C 237 ) . . . — Vers sur la demangeaison d’écrire”, par le même 5 1100 Pièce de vers latins ; par 21. Bignon , 156 Vers sur lu vallée d’Andelle ; par M. Duputel, 159 Géneviève de Brabant ; par le même, 164 Pièce en prose intitulée : V'AMüt à la Bécasse ; par M, Leboullenger , ibid. Observations sur Les siècles littéraires ; par M, Tous- tain de Richebourg, 165 Comparaison de l’Artaxerce de M. Delrieu , avec l’Artaxerce de Métastase ; par M, Boistard de Glanville , 166 Réflexions sur une critique dela bibliothè ue orientale : f/ s q ; par M. Gourdin, 172 Notice sur les serfs et la servitude dans la princr- I pauté de Munster en Westphalie 5 par M. l’abbé Baston, 1 172 Essai et recherches sur Dithras ; par A1. Gosseaume, 72 Extrait des anciens mémoires de I "Académie qui doivent composer le premier volume de ses actes ; 199 Memoire sur Tuscule ou Tusculum ; par DL Des- par M. Gosseaume , camps , 200 Notice biographique sur DT, Berriais ; par 21. Lair , 20r Eloge de M. Willemet ; par M. Justin Lamoureux ; ibid, (258 Mémoire sur l'effet, dans l’art de la peinture ; par M. Désoria , | 202 Observations sur quelques grands peintres ; par M. Taillasson , 206 Essai historique sur l’archisecture ; par M. Vau- quelin , 207 Norice biographique sur M. Formage; par M. Bi- gnon ;, 213 PRix proposé pour 1611, 229 Fiu de la Table, PRÈCIS ANALYTIQUE DES CTUR'ATV-AU X DELL "A CAD D ME DES SCIENCES , BELLES - LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE IG10. PRÉCIS ANALYTIQUE DIS EE A VA U X DIEUL'A CA DÉMIE DES SCIENCES , BELLES- LETTRES ET ARTS D'ETRIOEURT: Né PENDANT L'ANNÉE 1810. Es AC ACADÉMIE Ÿ LS he Sciences, LY Be iles Pethec Ÿ < et Arts Î= Ÿ de Rouen. A Sy TS És ge À ROUEN De l’Imprim. de P. PerrAUXx, Imp. de l'Académie , rue de la Vicomté , n° 50, Rd TL SUOMI ANR DTA es . Ce , | ‘ + € ” 4.4 CG L 0] (l ù \.2 Q* r & . , } : + av ) 1 « : ,” 3:44 L à 148 :i LE E + A Pat 276 Una LA > © + re rt ( ee = L - 2 d * p” u €” . , " », æ A pr « CA 5 à UE 124 F- LE +4 à po . … se ! . - LL . n : . « "À . à. » VAR | - on . AU ” + Ÿ . M su 3 ' : _ 2 æ re + - 1 » ri = 2 Ü - Lu .r . . + Ti f di œ,È rt PAIUTE , 10 « : 14 (M ta U . | 00 A «! | oil CRT, LPS D'OMBRE S DE L'ACADÉMIE Des Screncas , BELLES-LETTRES ET ARTS DE Rouen, Avec l’indication de l'Année de leur réception. OFFICIERS EN EXERCICE PRÉSIDENT. 1804. M. DEMADIERES # , Baron de l'Empire , Maire de la ville de Rouen , rue Thouret, VFrcs-PRÉSIDENT. 1805. M. MARTIN DE BOISVILLE (Jean-François), Vicaire-général du Diocèse , rue du Loup , n° 1er, SECRÉTAIRE POUR IE$ ScrEnNcESs. 1805. M. VITALIS (J.-B.) , Docteur és Siences de l'Université impériale ; Professeur des Sciences physiques au Lycée de Rouen ; Professeur de chimie appliquée aux Arts ; Membre de l'Athénée des Arts de Paris ; des Académies de Caen et d'Amiens ; des (z Sociétés ge à de Caen , de Ver- sailles et de Boulegne-sur-Mer ; de la Société d'Emulation d'Anvers; de la Société médi- cale d’Evreux-; Associé honoraire de la So- ciété de Commerce et d'Industrie de Rouen; Membre de la Société libre-d'Emulation de la méme ville ; de la Société des Sciences physiques et médicales d'Orléans ; de la So cieté d'Agriculture , Sciences et Arts de Tours, etc., rue Beauvoisine. SECRÉTAIRE POUR LES Bxivis Hess 1808. M. PINART'DE BOISHÉBERT , rue du Coguét, BIBIIOTHÉCAIRE-ARCHIVISTE:. :769: M. GOSSEAUMEX Pierre:Laurent), Docteur- Médecin , rue de la Seille , n° 1, T'R:É?S0"R IE R. »779+ M+ MÉSAIZE (Pierre-François), Pharmacien, Correspondant de la Société philomatique ; de celle de Pharmacie et d'Agriculture de Paris ; de celle d'Anvers, etc. , placé de la Pucelle. ACADÉMICIENS VÉTÉRANS. 1803. M: le Comte BEUGNOT # , Cotiseïller d'État ; ancien Préfet. du Département dé la Seine- inférieure , à Paris, rue Grange-Butelière , ue 8. | 639 1762. M. D'ORNAY ( Jean-François -Gabriél Ne Membre des Académies de Lyon, de celles des Arcades de Romeet des Georsifles de Florence , place de la Pucelle, n° 15. MEMBRES RÉSIDANTTS. MM. 1757. JAMARD , ancien Prieur de Roquefort, rve de l'Epée, n9 24. 1758. LEMESLE , ancien Négociant | Grand’Rue , n°57. 1771. GOURDIN , Bibliothecaire de la ville, Mem- bre de l'Académie des Inscriptions de Stockholm ; de la Société des Antiq, de Londres ; des Académies d'Anvers , de Lyon , etc., cour de l'Hôtel de Fille. 1775. DESCAMPS (Jean-Baptiste), Conservateur du Musée de Rouen , Membre de l'Académie des Arcades de Rome , rue Poisson, n° 27. 1786. LAUMONIER ( Jean-Bapüste-Philippe-Nicolas- René }, Chirurgien en chef de l'Hospice d'humanité ; Correspondant de lPinstitut , rue de Lecat. 1805. LHOSTE ( Pancrace-Julien } , Professeur de Mathématiques au Lycée , rue du Perir- Maulévrier. 15035. DEU , Receveur des Douanes impériales ; Meinbre de l’Académie d'Amiens, à l’Héte! des Duuanes. ES 1803. 18053. 1803. 18053. 1803. 1805. 1803. 1803. 1803. 1803. 1503. 1803. 1803. (4) MM. R MATHEUS , Négociant, rue Saint-Eloi, no 57. S. Em. M. le Cardinal CAMBACÉRÉS (G. D. # ), Archevéque de Rouen, Séna- teur , en son Palais Archiépiscopal. BOULLENGER # , Président du Tribunal de première instance , rue de la Chaîne, n° 10. LEMASSON , Ingénieur en chef du Départe- ment , rue du Rempart Bouvreuil , n° 13. DESCROIZILLES , Négociant , à. l’Escure-lès- Rouen. e* BASTON ( Guillaume-André-René) , Vicaire- général du Diocèse , rue de l’Ecole , n° 51. ROBERT , Pharmacien en chef de PHospice d'humanité , à l'Hospice. TARDIEU ( Jean-Charles ) , Professeur de Dessin, rue des Bons-Enjants , n° 27. PAVIE ( Benjamin) , Négsociant, faurbourg Saint-Hilaire , n°S 21 et 22. VIGNÉ ( Jean-Baptiste ), Docteur-Médecin , membre de la Société médicale de Paris, rue de la $eille, n° ro. LETELLIER , Inspecteur de l'Académie im- périale de Rouen , rue Payée, n° Greta Saint-Sever. VAUQUELIiN ( Jean-Guïlaume-Bernard) , Architecte, Boulevard Bouvreuil , n° 7. | LANCELEVÉE (Guillaume-Prosper-François) , | Négociant , rue Saint-Amand , n° 5. 1804 1804. 1604. 1804. 1805. 1805. 1805. 1805. 1806. 1806. (5) MM. * BOISTARD DE GLANVILLE ( Guillaume- François ) , rue des Murs-Saint-Ouen. GODEFROY , Docteur-Médecin , rue Saint- Eloi. * BIGNON ( Nicolas), ex-Professeur de Gram- maire générale à l'Ecole centrale , rue Saint- Hilaire. d | DESORIA (Jean-Bapüste-François), Professeur de Dessin au Lycée , rue des Maillots , n° 17. CHAPAIS DE MARIVAUX æ ( Charles- Bernard) , Membre de la Cour d'appel , rue du, Vieux-Palais. PERIAUX ( Pierre ) , Imprimeur-Libraire, rue de la, Vicomte , n° 3o. LAMAUVE , Docteur-Médecin, rue Saint- Laurent , n9 3. MEAUME ( Jean-Jacques-Germain) , Profes- seur de Mathématiques au Lycée , rue Poisson ;, 1° .17. SAVOYE ROLLIN # , Baron de l'Empire , Préfet du Département de la Seine-Infé- rieure, Membre de l'Académie de Greno- ble , etc. , en son Ilôrel, BOIELDIEU ( Marie-Jacques-Amand), Avo- cat ; Membre de l'Académie de Législation : y no 'aa de Paris , rue Beauvoisine , n° RS. 1808. 1808. 1808. 1808. 1808. 1809. 1809. 1610. 1810. 1810. y8r6* 1810. (6) MM. DUBUC l'aîné, Pharmacien , rue Percière , n°0 20. BLANCHEMAIN (Louis-Laurent), Fabricant, rue de la Vicomté , n° 86. BONNET ( François Augusti } , Caissier de la Monnaie , Hôtel des Monnaies, BOISMARE ( Jean-Baptiste-Victor ), Docteur- Médecin , rue Saint-Patrice , n° 8. LEZURIER DE LA MARTEL (Louis)O. # , Baron de l'Empire , rue de Crosne , n° 2. DUPUTEL ( Pierre } , rue Porre-aux-Rats , n° 3 bis, BIARD , Mécanicien, rue Saint-Patrice, n° 58, ROSNAY DE VILLERS, rue Ancrière, n° TUIEULLEN # , Baron de l'Empire , premier président de Ja Cour d'appel , rue de l’Ecureuil, FLEURY , Conservateur des Forêts , rue Beau- voisine , n° 84. DESESMAISONS, rue de la Chaîne , n° 21. LEFILLEUL DES GUERROTS , rue du Cor- dièr , n° 30. (C7 ACADÉMICIENS NON RÉSIDAN Ts. MM. 1762. GROULT , ancién Ofhcier de l'Amirauté , : & ‘Cherbourg. 1766. Le colonel: TOUSTAIN DE-RICHEBOURG , Colonel de la sixième Légion du département de la Seine-luférieure , à Saint-Martin , par Montivilliers. 1767. MENTÉLLE , Géographe , Membre de lInsti- tut , à Paris , rte Mazarine , n° 52. 1768. OURSEL , Mathématicien , à - Dieppe. 4970. DANGOS , Correspondant de -Mnstitut , à Tarbes, 1971. RONDEAUX DE MONTBRAY , Manufactu- rier , 4 Louviers. 17974. PARMENTIER g& ,; Membre de l'Institut , re ‘des Xmandiers-Popincotrt , n° 12 j à Paris. 1776. Le Sénateur Comte DE FONTANES (CC. —æ ), Grand-maîtte ‘de l'Université impériale , Membre de l'Institut , à Paris ,!'au Palais du Corps législatif. 1977. DANNEVILLE, à Caen. 1777. COUSIN-DESPRÉAUX , Associé de l'Institut , à Dieppe. 1777. MONGEZ , Antiquaire, Membre de l'Institut , à Paris , Hôtel des Müônnaies , n° 1r. 1583. EAMANÜÉ , Inspectéur en éhef äés Ponts.et Chaussées , à Paris , rue du 'Bac , u° 86. k (8) MM. +. MOREAU le jeune, Graveur , à Paris , rue du Cog-Saint-Honoré. r . HOUEL , Peintre , Membre de la Société des Sciences, à Paris, rue Saint-Honoré. + LEMONNIER , Peintre d'histoire , à Paris , rue de Vaugirard, n°9. . MOREAU.-DE-SAINT-MÉRY (C. & }, Conseil- ler d'État, à Paris , rue Jacob , n° 14. . DEMAUREY , Mécanicien , à Jncarville, près Louviers, + GRAPPIN, Secrétaire de l'Académie , 4 Be- sançon. + LEVAVASSEUR le jeune , officier d'artillerie - 1’ a + DAVID, Graveur, à Paris , rue de Corneille , LA . nos + DELANBINE , Bibliothécaire | Membre de l’Athénée , à Lyon. - SAGE , Membre de l'Institut, à Paris, à l’Hôtel des Monnaies. + LEVÉQUE # , Examinateur de la marine : Membre de l'Institut, à Paris , rue de l’U- niversilé ; n° 34. + MONNET , Inspecteur des Mines, 4 Paris : rue de l’Université , n° Gr. oc (9) MM. . TESSIER ( H.-Alexandre ) & , Membre de l'Institut, Inspecteur général des Bergeries du Gouvernement , rue de Condé , n° 19, à Paris. LESUIRE , Homme de lettres, à Paris. 1805. GUERSENT , Docteui -Médecin , Professeur de Botauique ; Membre de la Société médi- cale de Paris , à Paris. 1805. LEBOULLENGER , Ingénieur des ponts et chaussées, à 1805. Le Sénateur Comte CHAPTAL {G. # )» Mem- bre de l'Institut , à Paris , rue Saint-Domini- que ; F, S.G., n° 70. | 1803. CHARDON LA ROCHETTE , à Paris , au bu- reau du Magasin encyclopédique. 1805. MOLLEVAUT , Professeur de Belles-lettres , Correspondant de l'Institut, à Nancy. 1805. DELARUE , Membre de l'Académie de Caen, à Caen, 1805. LEBARBIER , Peintre , à Paris , quai des Augustins, n° 55. 1805. GODEFROY , Graveur , à Paris , rue des Francs-Bourgeois-S.-Michel, n° 3. 1803. CUVIER # , Secretaire perpétuel de l'Institat , Professeur d’Anatomie comparée , à Paris, au Jardin des Plantes. 1803. 1805. 1804. _1804. 1805. 1805. ‘1806. x806. 1806. r807. 1807. 1808. (io) MM. Le Sénateur Comte DE LACEPEDE (6.D.#) Membre de l'Institnt , grand Chancelier de h'Légion d'hontteür , à Püris , quai de Foltaire , n° 5. D'HERBOUVILLE (-C.‘#), Préfét du Dépar- tement ‘du‘Rhône , Membre de la Societé d'Anvers ,; à Lyon. BOIN VILLIERS, Correspondant-.de l’Institut , Inspecteur de l'Académie. impériale de Douay , à Douay. DEGLAND , D. M. , Professeur au Lycée *de Rennes , à Lennes. | LEBOUCHER , Directeur des Douanes, à Abbeville. DUMONT-COURSET , à Courset , par Samer , Département -du Pas-de-Calais. ANSON , Administrateur gériéral des Postes , à Paris , rue de lu Ville-Lévêgte, n° 41. Le Biron DE GERANDO , Membre de lIns- titut , Secrétaire du Ministèfe de l'iutérieur., à Parts. DELABOUISSE , à Paris, PETIT , Docteur - Médecin, à Lyon. | PROUST + ,Meémbre de l'Institut,rue du Ménil- | Montant , près la barrière , à Paris. LEBOUVYER DES MORTIERS , ancien Ma- gistrat , à Paris. 1808. 1808. 1808. 1809. 1809. 1809. 1809. 1809. 1810. 3810. 1810. 1810. 1810. 1810, Qu) MM. SERAIN ; ancien Officier de Santé , 4 Canon, par Croissanville. LAIR ( Pierre-Aimé }, Secrétaire de la Société d'Agriculture et de Commerce, à Caen. DELANCY , à Paris. FRANCOEUR , Examinateur de l'Ecole poly- technique ; à Paris. HERNANDEZ , Professeur à l'Ecole de Mé- decine de la Marine , à Toulon. LAMOUREUX ( Justin ), à Bruxelles. GASTELLIER ( René-Georges ) , Médecin en chef de l'Hospice, à Montargis. MUTEL , Homme de Lettres, 4 Bernay. VAUQUELIN # , Membre de l'Institut , au Jardin des Plantes, à Paris. DUBUISSON , Secrétaire de la Société dés Sciences physiques , à Paris, rue du Faux- bourg S. Antoine, n° 353. DUBOIS-MAISONNEUVE , Homme de lettres, à Paris, rue de Tournon, n° t4. DENIS, Docteur-Médecin , à Tilly-sur-Seulle , département du Calvados. LEROUX DES TROIS-PIERRES , propriétaire, aux Trois-Pierres, canton de $, Romain de Colbosc. BÉRENGER , Membre de l'Académie de Lyon, à Lyon. (m2) MM. 1810. SÉNÉCHAL, Entrepreneur des constructions maritimes , au [avre. 1810. DE BONARDI DUMESNIL , ancien Officier de Carabiniers , Membre du Collège électoral du département de Ja Seine - Inférieure , au Mesnil-Lieubray , canton d’Argueil , ar- rondissement de Neufchätel, 1810. DELARUE , Pharmacien , Secrétaire de fa Société médicale , à Evreux. 1810. SEPMAN VILLE , Correspondant de l’Insutur, a Evreux. 1810. CLERISSEAU , Archñecte, à Paris. 1810. DUVAL-SANADON , Homme de Lettres, à Martot, 1810. SAISSY , Docteur-Médecin , à Lyon. 1810. BALME , Secrétaire de la Société de méde- cine de Lyon, à Lyon. ACADÉMICIENS ÉTRANGERS. 1783 1785. MM. . Le Chevalier DE TURNOR , Membre de la Société des Antiquaires , à Londres. . Miss Anna MOOR , à Londres. ANCILLON , Pasteur de l'Eglise française ;, à Berlin. 1805. 1803. 1803. 1805. 1803. 1803. 1803. 1803. (15) 1 MM. DE VOLTA, Professeur de Physique ; Associé de l’Institut , à Pavie, DEMOLL , Directeur de la Chambre des Fi- nances , et Correspondant du Conseil des Mines de Paris, à Salzbourg. DEBRAY , Ministre du Roi de Bavière à Ber- lin ; Membre de la Société de Ratisbonne ; de l'Académie d'Amiens , à Berlin. GEFFROY , Professeur d’Anatomie à lP'Uni- versité de Glascow. ENGELSTOFT, Docteur en philosophie , Pro- fesseur, adjoint d'Histoire à l'Université de Copenhague. CAVANILLES , Botaniste , à Madrid, John SINCLAIR , Président du Bureau d’A- griculture , à Edimbourg. FABRONI , Mathématicien , Directeur du Ca- binet d'Histoire naturelle , et Correspon- dant de l'Institut, à Florence, Æ Rouen. De l’Imprimerie de P, Peniaux , Imprimeur de l'Académie , rue de la Vicomté, n° 50, ( Août 1810 }, = PRÉCIS ANALYTIQUE DES RUR AA U'X DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES - LETTRES ET ARTS DÉ ROUEN, PURENIDOAUN TEL! AUNUN É É) 1910 3 D'APRÈS le Compte qui en a été rendu par MM. les Secrétaires , à la Séance publique du 8 Août de la méme année. DA SIC OMR S Prononcé à l’ouverture de la Séance publique par M. DemAD1EerRESs, Maire de la ville de Rouen, … membre de la légion d’honneur, Baron de l’Empire , Fice-Président de l'Académie, Nas sun s, Si nous suivons l'histoire des sciences, des lettres et des arts chez les anciens peuples et chez les nations modernes, nous verrons que leurs progrès mont été sensibles que lorsqne ceux qui les culti- vaient se réunissaient pour se communiquer ou leurs découvertes ou les fruits de leurs nn C2) C'est sur-tout sous Louis XIV qu’on sentit en France cette vérité ; aussi C’est sous son règne brillant et fécond en grands hommes que se sont établies les diflérentes associations connues sous le nom d’Aca- démies des Sciences, des Belles-Lettres, de Peinture, d'Architecture. Le. hommes qui cultivent le même genre de con- naissances une fois rapprochés, réunis et pour ainsi dire incorporés, il règne parmi eux une noble ému lation ; l'honneur du corps auquel chaque membre aime à prendre part, établit dans la nouvelle société une censure uule ; la rivalité même y tourne au profit commun. A peine les Académies ont-elles été formées , qu’elles se sont fait un devoir de soumettre , en quelque sorte, dans une séance expresse, le produit auvuel de leurs travaux au jugement du public. Cet exemple , donné par les Académies de la capitale, a été suivi par toutes les autres. Quand un savant, un littérateur , un artiste , n’ont de leurs productions pour juges et pour censeurs qu’eux- mémes , quoiqu’ils puissent peut-être mieux pro- noucer sur leur merite que toute autre personne ; cependant , les uns ne les voient jamais qu'avec des yeux de pères , et par conséquent avec trop de compla sance ; les autres, souvent mécontents d’eux- mêmes , se défient trop de leurs propres forces, et leur génie, confondant la ümidité avec la prudence, n'ose prendre Pessor. Dans l'un et l’autre cas le jugement du public devient nécessaire, pour ren- dre les premiers plus sevères et moins indulgents pour eux-mêmes, et les seconds plus hardis, plus assures dans leur marche. Je n’ignore pas que dans quelques sociétés litté- raires on semble ne rassembler le public à certains (5) jours que pour l’amuser par le débit de quelques productions légères. Les arts agréables s ÿ réunissent pour offrir des fêtes charmantes dont les muses ba- dines et folâtres font tous les frais. Ce n’est pas ainsi que les choses se passaient et se passent encore dans les premières Académies de l'Europe. Les muses sévères y paraissent presque seules , quoiqu'’elles n’interdisent point à leurs sœurs de venir quelquefois y sourire. C'est par ce mélange de sérieux et d’agréable que nous tâcherons Messieurs , de fixer votre attention dans cette séance. Les comptes rendus de MM. les Secrétaires vous feront connaître les objets divers qui, pendant cette année , ont occupé l'Académie. Sans être prolixes , sans entrer dans de trop grands détails , MM. les Secrétaires, chacur dans leur classe respective , chercheront à vous donner une idée juste de nos travaux. Comment pourriez - vous en juger sur leur simple titre? Comment , sans une analyse succincte , mais suffisante ; pourraient-ils être pour vous de quelqu'intérêt ? Aprés cette suite d'analyses, nous chercherons à vous distraire par la lecture de quelques productions légères. Le tribut douloureux d'éloges que nous paierons à ceux de nos confrères , qui, dans la tom- be , ont emporté les regrets d'une grande partie de cette assemblée , nous méritera le suffrage de vos cœurs. Notre dessein en vous réunissant ici, MESSIEURS , n’est point de capter vos applaudissements , mais de mériter votre attention et votre estime. C'est la plus noble récompense de nos travaux , c'est la seule que nous ambitionnons d'obtenir. À 2 (4) nnpnp———————_— SCI EAN. CE SLT EAN REMES BORNE LOIR TX Fait par M. VirraArrs, Secrétaire perpétuel de l’Académie , pour la classe des Sciences. MESSIEURS, C'est à votre amour constant pour l'étude, c'est au zèle ardent qui vous anime pour le progrès des lettres, des sciences et des arts, que l'Acadé: mie doit le précieux avantage de pouvoir offrir, chaque année, aux habitants de cette industrieuse cité, le tribut solemnel de ses méditations et de ses veilles. L'étude nourrit l'esprit et augmente les talents que vous ayons reçus de Ja nature; c'est elle qui échauffle et qui développe le germe de la pensée; c’est elle qui apprend à l'homme à connaitre , à diriger , à combatre ses passions ; c’est elle qui polit les mœurs et adoucit la violence ou la rudesse du caractère; c’est l'étude qui émousse la pointe des épines cruelles qui bordent l'étroit sentier de la vie ; c’est elle qui nous console dans les angoisses de l'adversité, qui cicatrise les plaies de lesprit et du cœur ; c'est l'étude enfin qui, en nous ins- truisaut de nos devoirs , en nous rappelant sans cesse aux” vrais principes du bon et de l'honnête, aggrandit le cercle de nos conceptions , élève lame, épure les sentiments du cœur, nous procure des plaisirs aussi vils et aussi purs qu'ils sont délicats, et répand sur tous les instants de notre vie un charme inexprimable , et qui ne peut étre bien ñ SE TE (5) senti que par ceux qui connaissent le prix de instruction. Mais , quand il serait vrai de dire que les avanta- ges dont on vient de parler ne seraient pas autant de bienfaits que l'on doit à l'étude , l'Académicien n'en serait pas moins disposé à lui sacrifier tous ses moments , dans l'espoir de découvrir quelque: vérité nouvelle, d'étendre la sphère des connais- sances humaines , de reculer les bornes des arts, en un mot de se rendre utile à ses semblables. C'est ce motif noble et désintéressé, Messreurs, qui soutient votre courage dans la carrière hono- rable que vous parcourez avec tant d’ardeur. Je ne ferai point ici l'éloge de vos travaux ; cet: éloge , dans ma bouche , pourrait paraître suspect ; je me contenterai d'en rendre un compte exact- et fidèle , et nous laisserons à prononcer sur leur mérite , aux juges impartiaux et éclairés qui nous honorent aujourd’hui de leur présence. Là SCIENCES MATHEMATIQUES ET PHYSIQUES, M. Pinard de Boïsliébert | qui n’avait pu se rendre aux séances publiques d'admission qui ont eu lieu l’année dernière, a donné lecture de son discours de réception. » Jene puis , dit modestement notreconfrère , at- tribuer la faveur que je reçois en ce moment de l'Académie qu'à l'avantage inappréciab'e d’avoir appartenu à un corps éminemment distingué par ses talents militaires, et par les connaissances ya- riées et profondes qu'exigent les fonctions dont il est chargé «, Ce début conduit M. de Boishébert à parler des charmes de l'étude et de l'heureuse influence du travail sur les mœurs en général. A 3 (6) » 11 faut à l'homme , dit M. de Boishébert , un but auquel il tende , un motif qui fixe son incons- tance naturelle et le fasse sortir de l’état d'inertie où la paresse du premier äge le reporte sans cesse. « L'étude des mathématiques est , suivant l’auteur, la plus propre à captiver l'esprit, à le fixer et à lui servir de guide : elle est d’ailleurs la base des connaissances qui ont rapport au monde physique. » Si la raison abuse quelquefois des sciences exactes, l'imagination de son côté a besoin de leur frein salutaire pour la retenir dans les bornes , sinon du vrai, au moins du vraisemblable. » Bufon, plus géomètre , aurait été moins séduit par des hypothèses ingénieuses , par des systêmes brillants, si Pon veut , maïs qui n’ont pu prendre leur origine que dans les prestiges de l'imagination. » Laissons , dit notre confrère, laissons les ré- ves d’une imagination trompée , caressée par Pamour propre , et rentrons dans le cercle des choses vraiment utiles. « Cette idée ramène M. de Boishébert au sein des sociétés savantes dont les travaux, dit il, con- courent , sous tous les rapports , au bien général de la société. » Je sens , ajoute notre confrère , combien il est avantageux pour moi d’appartenir à une compagnie qui, en cultivani les sciences , soccupe sur-tout , par l'étude des belles lettres, d'aggrandir le cercle de toutes les connaissances relatives à l'état moral de l'homme, et de propager les lumières qui le ren- dent meilleur et pour lui-même el pour ses sembla- bles. = M. Senéchal , entrepreneur des travaux mari- times au Hayre , et aujourd'hui membre non rési- (39 dant de l'Académie , vous a adressé un mémoire intitulé : Projet d’une grande écluse de navigation pour le passage des vaisseaux, et de deux grandes écluses de chasse pour curer et approfondir les ports, d’après un nouveau systéme de construction. Organe de la commission chargée d'examiner ce mémoire , M. Pinard de Boishébert a fait un excel- lent rapport dont nous regrettons de ne pouvoir faire connaître ici que la conclusion résumée, » Il résulte de l'examen de la commission , dit M. de Boishébert , qne l'ilée des radiers en forme de voûte renversée , est une conception ingénieuse qui présente à l'esprit toute la solidité desirable pour rendre absolument nul l'effet du lev'er d'eau. » Malheurensemeut cette forme circulaire ne saurait s'appliquer qu'à un très-petit nombre d'écluses , et nullement à celles dont les fonctions doubles veu- lent des portes busquées , en aval comme en amont. » La nécessité de conserver aux radiers la surface plane, la seule qui leur convienne à raison du be- soin de manœuvrer ces portes, le regret de laisser inutile l'idée de M. Senéchal nous ont déterminés à présenter à l'Académie un moyen simple , d'en faire une application générale par la combinaison de ces voûtes avec la forme de plarte-bande , d’em- ployer la voûte renversée en-dessous de la platie- bande , faisant service de décharge contre . la force ascensionnelle du levier d'eau ; alors tout serait dans l’ordre. » Les nouvelles portes de M. Senéclal présentent un systéme de charpente qui reunit à la légéreté léco- nomie des bois et la solidité, » La construction des colliers des portes busquées est ingénieuse , bien réfléchie , et nous parait pré- férable aux colliers de cuivre, avec la très-legère rie (8) addition que nous ayons pensé devoir y faire, pour éviter l’oxidation du fer par le contact des va- peurs salines. » La précaution de ménager un clapet de secours, dans le cas de rupture de ia porte tournante, et les moyens de la manœuvyrer méritent des éloges. » Nous craignons seulement que , vu l'etat d’im- mobilité où seraient ces clapets pendant un grand nombre d'années, et leur position renfermée et bai- gnée par les eaux à toutes les marées, l’oxidation des tourillons et la pourriture de la charpente ne rendissent ce secours illusoire dans le moment de détresse prévu par M. Senéchal. » L'idée des poteaux coulisses, pour lier et fixer les portes tournantes aux bajoyers est bien séduisante, mais nous croyons avoir démontré qu’elle ne doit pas être préférée à la marœuvre très-simple de la porte de l'éclase de Vauban. » Nous avons démontré quelamanœuvre du pont mobile , qui n’est pas sans mérite du côté de l'in vention , serait dans la pratique exposée à des in- convénients graves, à raison de lPextrême difficulté de conserver tous les points d'appui dans une mé- me ligne et dans un même plan de niveau. » Mais nous devons dire avec sincérité qu’en géné- ral , malgré les taches que nous y avous remar- quées , le mémoire de M. Senéchal mérite , sous bien des rapports , des éloges. Il contient des détails précieux pour l'art ; les planches en sont faites avec un soin et une intelligence rares. » Si nous nous sommes montrés un peu sévères dans l'examen de cet intéressant mémoire , l'impor- tance du sujet, les erreurs dans ce genre de cons- truction , qui toujours sont graves et trop souvent irréparables , ne nous ont permis ni mollesse, mi complaisance, l'y (9) » Nous avons pensé d’ailleurs , qu'avec un talent aussi distingué , de l'expérience acquise et une ima- gination facile en moyens, M. Senéchal devait s'é- lever au-dessus des petits chagrins de l'amour pro- pre , qui ne peuvent affecter sérieusement que les hommes médiocres. Leur imagination presque stérile wenfante qu'avec peine, et, par cela même , ils souffrent avec impatience et douleur la critique d'une production qu'ils ne sauraient ni perfection- ner , ni remplacer. » M. Senechal saura bien se réformer et faire dis- paraitre les taches que nous avons cru devoir indi- quer à l'Académie pour répondre à la confiance dont elle nous honore «. = Vers la fin du mois de juillet 1809, M. Fran- cœur , membre non-résidant de l'Académie , exa- minateur des aspirants à Pécole polytechnique, vous avait adressé un exemplaire de son Crurs complet de Mathématiques pures, dédie à S. M. l'Empereur de Russie, — M, Meaume a présenté l'analyse de cet ouvrage intéressant , dit-il, et par lui-méme et par le nom de son auteur. » L'ouvrage, dit M. le Rapporteur , est écrit avec clarté, le style en est correct , l'impression a été soignée au point de ne laisser appercevoir qu’un petit nombre de fautes légères , et c’est un grand mérite dans une composition de cette nature. = M. Periaux, membre résident, a fait hommage à l'Académie de deux exemplaires de la deuxième édition de son Nouveau Manuel métrique , où Tableaux comparatifs des Poids et Mesures , contenant un traité du système en général, et son application au départe- ment de la Sçine-Inférieure ; avec un Appendice pour € 10 ) les mesures agraires et quelques autres mesures, et pour les poids en usage dans le département de l'Eure. d La première édition de cet ouvrage avait obienu de Son Excellence le Ministre de l'intérieur, M. le comte de Champagny , une approbation très-hono- rable pour l'auteur. . Ea deuxième édition , dans laquelle on trouve des améliorations relatives particulièrement aux mesures M agraires, a également reçu l'approbation de S. E. M. M le comte de Montalivet. | — M. Ponnet, caissier de la monnaie de Rouen, à membre résidant de l'Académie , vous a présenté M un ouvrage in-4° qu’il a publié sous ce titre : Manuel monétaire et d’orfévrerie , ou Nouveau traité des Monnaies et des Calculs relatifs aux différentes va- leurs des espèces , vaisselles et matières d’or et dar- Te AURA 7 Per) gent de France et étrangères , selon l’ancien et le nouveau SyYStéme. Organe de la commission chargée de faire connaître cet ouvrage à l'Académie , M. Lezurier de la Martel a fait un rapport très-intéressant , dont voici les idées principales = » Réunir dans un cadre assez étroit tout ce qui peui intéresser surles monnaies ; épargner du temps, des recherches et des calculs souvent pénibles aux personnes qui occupent des places dans le service monétaire , ou qui se livrent au commerce des espèces et matières d’or et d'argent , tel est , dit M. Lezurier, le but que s'est proposé Pauteur du manuel dont vous ‘m'avez chargé de vous rendre compte. » L'auteur commence par un Précis analytique sur les monnaies et l'orfévrerie , et par quelques Cu) faits historiques sur l'origine des monnaies et les lieux ou elles se fabriquent. L'auteur parle ensuite de l'organisation monétaire , des attributions de chaque fonctionnaire, de la police des ateliers , de la compta- bilité , du poids, du titre et de la valeur des espèces, d’après la nouvelle institution comparativement avec l'ancienne , de la fabrication des monnaies et des ouvrages d'orféyrerie , et enfin de la marque des matières d’or et d'argent «, M. le rapporteur analyse chacun des chapitres. avec une étendue suffisante pour faire bien connaître la manière dout l'auteur a traité chaque partie de son sujet. Il entre quelquefois dans des détails historiques qui annoncent de l’érudition et des connaissances exactes. » Si le traité des monnaies d'or et d'argent de M. Bonneville , et le magnifique essai de M. de Macé de Richebourg ( continue M. le rapporteur ) l'em- portent , par le luxe typographique , sur l’ouvrage de M. Bonnet , le manuel monétaire et d’orfévrerie a aussi des avantages que les ouvrages précédents n’ont pas. » On devait s'attendre à trouver dans un ouvrage destiné aux fonctionnaires des monnaies , aux orfévres et aux banquiers , des tables de conversion , de cor- respondance , de réduction, tous les comptes faits, des tarifs. L'attente du lecteur n’est pas trompée. Une grande partie de l'ouvrage contient ces intéressants tableaux conçus avec beaucoup d'intelligence , exé- cutés ayec beaucoup d'ordre , et précédés d'instruc- tions claires et précises «. » L'ouvrage est terminé par une table chronolo- gique des lois et arrêtés sur les monnaies depuis l'assemblée constituante jusqu’en 1810 «. » Nous ne pouvons que nous féliciter MEsstEURS, dit C2) M. Lezurier , de compter parmi nous l’auteur d’un ouvrage aussi utile. La première partie du manuel monetaire me semble le complément du traité his- torique des monnaies de France , ouvrage fort estimé de Leblanc , qui parut en 1692. La seconde partie du manuel est d'une grande utilité pour ceux aux- quels il est destiné , pour les fonctionnaires des monnaies et les orfévres «, = M. Lescallier , préfet du deuxième arrondisse- ment maritime au Havre, correspondant de lIns- Utut , membre non résidant de l'Académie , vous a demandé une place , dans votre bibliothèque, pour plusieurs de ses ouvrages, dont quelques- uns sont relatifs aux sciences, et les autres appar- tievnent plus particulièrement à la classe des belles- lettres. Tous ces ouvrages, qui ont obtenu le suffrage du public , prouvent que M. Lescallier réunit à une grande facilité de travail des connaissances très- étendues, trés-solides et très-variées., = Vous avez recu , Messieurs , de l'Académie de Cherbourg , la nomenclature des mémoires qui ont été lus dans les séances de cette société savante, peudant le cours de l’année qui vient de s'écouler. Les titres seuls suffisent pour annoncer l'importance des matières qui en font l'objet, — Nous devons à M. Maisonneuve | homme de lettres , à Paris, et membre non résidant de l’Aca- démie, un petit ouvrage qui concerne la configura- tion géométrique à donner aux caractères numériques y vulzairement appelés chiffres arabes. = M. Dubuisson , secrétaire perpétuel de la société (15) des sciences physiques et naturelles de Paris, et membre non résidant de l'Académie, vou: .a adressé deux brochures : La première est un exemplaire de la seconde notice des Travaux de la Société ; la seconde a pour titre: Hypothèse de la Solidification du Globe rerrestre. Chargé de vous rendre compte de la notice des travaux de la société des sciences physiques et na- turelles de Paris, deuxième année , M. Letellier , membre de l'Académie , a insisté particulièrement sur l’observation d’un météore qui a paru près de Weston, dans l’Amérique septentrionale , le 14 dé- cembre 1807, et des pierres méteoriques qui y ont été trouvées , par M. VWarden. Après avoir indiqué les circonstances principales qui ont accompagné le phé- nomène , notre confrère expose les hypothèses qui ont été imaginées pour expliquer la formation des aérolites | ou pierres tombées du ciel, Quelques physiciens, dit M. Letellier , les regardent comme des produits lancés de la terre par les volcans ou les ouragans ; d’autres, comme des substances minérales fondues par la foudre à l'endroit même où elles ont été trouvées ; quelques-uns , comme des concrétions formées dans l'atmoshpère ; d’autres enfin, parmi lesquels on distingue MM. Biot, Poisson et les rédacteurs de la bibliothèque britannique , pensent que les aérolites sont le produit d'érupuons volcaniques qui auraient lieu à la surface dela lune. Cette derniéreopinion parait à MM. les commis- saires la plus vraisemblable , parce qu’elle _est appuyée , disent-ils, sur les principes de la plus saine physique , développés au rapport, et qu'elle a d'ailleurs , ajoutent-1ls , le mérite d'avoir été émise , dans des conférences particulières , par l'illustre M. Delaplace. (14) M. le rapporteur termine cette discussion par l'ns2 cription qu'un physicien , sans doute peu satisfait de toutes les explications qui ont été données jusqu'à pré= sent du phénomène, a placée sur une de ces pierres: On y lit: de hoc multi multa , omnes aliquid , rnemo Satis. M. le rapporteur glisse ensuite très-lécèrement sur quelques mémoires qui traitent de la physiologie générale , de la physiologie végétale, de la physio= logie animale, et de quelques autres sujets intéres- sants. H1STOIRE NATURELLE = M. Dubue a lu un très-bon mémoire sur La Cha- taigne du Brésil , dont il a extrait une huile douce, très-congelable , agréable au goût, donnant une belle lumière par la combustion, et formant un excellent sayon avec la soude. Après avoir fourni, sur l'arbre étranger qui donne la Chataigne du Brésil, tous les renseignements qu’il a pu recueillir, M. Dubuc rend compte des expé- riences qu’il a faites pour extraire l'huile de amande et pour la conserver. Il détermine la quantité de fluide oléagineux qu’on peut en obtenir, et il indique l'usage que l’on peut en faire , ou comme assaisonnement, ou dans les arts. Nous ne suivrons pas notre confrère dans tous les détails auxquels il se livre à ce sujet, et qui méritent d’être lus en entier dans son mémoire. L’anteur fait des vœux pour voir bientôt acclimaté en Europe un arbre dont le fruit peut procurer à l'homme de si précieux avantages. Ces vœux sont ceux d'un bon citoyen; et le mémoire ; dont l'Académie est redevable à M. Dubuc, (153 en fixant l'attention sur les idées qui en sont l'objet, contribuera peut-être à accélérer l'époque, où novs pourrons voir l'arbre majestueux qui s'élève sur les, bords du grand fleuve des Amazones , fleurir , dans nos campagues , à côté de l'olivier, de l’ore nger , du paimier-dattier , et enrichir tout-à-la-fois l'agri- culture , le commerce et les arts. = En rendant compte des Mémoires de l'Athénée de Niort, qui avaient été adressés à l’Académie , M4 Deu a présenté quelques details historiques sur l'établissement de cette société savante, et a donné ensuite l'extrait d’une méthode d'après laquelle M. Guillemeau le jeune, D. M., et Secrétaire de l'Athenée , a classé et décrit les oiseaux du Dépar- tement des Deux-Sèvres, M. Guillemeau wa point suivi de système dans la. description des oiseaux de son département ; il les range ei les distribue d’après une méthode anal ytiqne ou dichotomique , employée par Lamarck dans sa flore francaise, .,. L'auteur prend ses premières divisions dans les pattes de l'oiseau , passe ensuite 4u bec D épuise les différentes combinaisons qu'il peut offvir pour arriver aux genres, et prend, dans les autres, parties de l'animal des caractères pour déterminer les espèces et leurs variétés. » Il serait à désirer , dit-notre confrère, qu'on pût s'occuper dans les différents départements de la France , de recherches aussi détaillées que celles de M. Guillemeau , sur les diverses parties de l'histoire naturelle. Ces travaux, en reculant les bornes des connaissaices physiques , fourniraient aux statistiques départementales des matériaux précieux dont l'em- ploi, confié à des mains habiles, ne pourrait man- quer d'ajouter un graud prix à ces sortes d'ouvrages, (16) — Une commission, composée de MM. D'Ornaÿ et Robert , avait été chargée de rendre compte à l'A- cadémie d’un ouvrage qui lui a été présenté par notre confrère M. Den, sous ce titre : Déctionnaire des productions de la nature et de l’art , qui font l’objet du commerce de la France , soit avec l’é- tranger , soit avec les Colonies , et des droits aut= guels elles sont imposées ; par MM. Magnien et Deu. Organe de cette commission , M. Robert vous a fait un rapport qui donne une juste idée du travail des auteurs, » On distingue dans cet ouvrage, dit M. le Rap- orteur, deux parties essentielles ; l'une scientifique que lon doit à M. Deu , l’autre fiscale, dont s’est spécialement occupé M. Magnien. » La partie scientifique à laquelle nous nous arrê terons d'abord { c’est tonjours M. Robert qui parle })» est le résultat des nombreuses recherches de notre laborieux confrère, en minéralogie , en botanique et en zoologie. » M. Deu ne s’est pas contenté d'établir les ca- ractères génériques et spécifiques des minéraux ; de faire connaître les nombreux végétaux auxquels nous devons nos aliments et nos remèdes ; de passer en revue les animaux dont l’homme a su tirer un arti utile , il indique encore l'emploi de ces divers objets dans les arts , les préparations nombreuses qu'on leur fait subir pour les approprier à nos besoins. » La partie fiscale et politique , qui appartient spécialement à M. Magnien, indépendamment de la connaissance qu'elle donne de la nature des droits de sortie ou d'entrée et de leur quotité , connaissance qui ne peut manquer d'étre utile à tous ceux qui se livrent au commerce , offre encore des renseigne- ments (A7: aents trés-précieux sur l’importation et l'exportation des denrées commerciales. Elle indique ä-la fois et les produiis pour la consommation desquels nous sommes encore tributaires de l'étranger, et ceux qu’il est forcé de nous emprunter à son tour... « » Le dictionnaire offert à | Atad:mie , par M. Deu, est donc , disent MM. les Commissaires , un bienfait pour les savants ; les amis des arts et céux du éom- merce ; et la Compagnie saisira sans doûte cètte oc- casion de donner à notre respectable confrère une nouvelle preuve de l'intérêt que lui inspirent les tra- vaux dans lesquels 1! cherche un déjassemént dés fatigues de son administration. = M. Guersent à fait un rapport sur un mémoire adressé à la Compagnie, par M. Croult, membre non résidant, et qui a pour titre : Remarques sur la direetion et le parallélisme des climats , comparés avec les productions minérales et végétales de la France. M. Groult a observé que , dans le département de la Manche , les diverses couches de granit, de grès, de schistes et d’ardoises sont dirigées du sud- ouest au nord-est, et il peuse que les végétaux ont la même direction sur toute la surface du territoire de la France, M. Groult, dit M. Guersent , rappelle , à cette occasion , l'observation d'Arthus-Young qui a remar- .qué que si l’on fait passer des lignes par les points où l’on cultive en France la vigne, le mais et Poli- -ier , on obtient trois parallèles qui se dirigent du sud-ouest au nord-est; ce qui, suivant M. Groult, semble confirmer son hypotèse, et établir un certain rapport entre la direction des substances minérales et celle des productions végétales. B (18) » Mais, continue notre confrère , l'observation du voyageur anglais prouve seulement que les cultures de la vigne , du mais et de l'olivier, au lieu d’être circonscrites par telle ou telle latitude , comme il est naturel de le penser , sont au contraire limitées par des diagonales qui s'étendent du sud-ouest au nord- est , et l'on ne voit rien ici qui puisse faire croire que cette direction soit due à l'influence des diffé- rentes couches de terre , puisque les terreins primi- tifs ou secondaires , bien loin d'être dirigés , par toute la France , suivant une même ligne, semblent courir dans toutes sortes de directions différentes ; témoins le granit et le calcaire dans la chaîne des Alpes et des Pyrenées. » D'ailleurs , il paraît bien démontré que les dif- férents terreins sur lesquels repose l'humus qui seul concourt à la végétation , n’ont aucune influence sur elle... « » Toutefois, ajoute M. Guersent , le mémoire de M Groult mérite de fixer l'attention de la Compa- gnie. L'auteur , dit-il, paraît s’être occupé beaucoup de la minéralogie du département de la Manche , et l'importance de cet objet doit faire vivement dé- sirer à l'Académie que M. Groult veuille bien la faire jouir des découvertes géologiques qui sont seulement indiquées par des noms dans la carte qui est jointe à son mémoire. — M. Fleury , conservateur des eaux et forêts, a donné lecture de son Discours de réception. » Le premier sentiment de l’homme appelé à l'hon- neur de prendre place parmi vous, Messreurs , a dit notre confrère , est le sentiment de la reconnaissance... Si je cherche à pénétrer les motifs qui ont pu dé- terminer l'Académie à m’associer à ses utilestravaux, a —— (19) je ne puis les découvrir que dans la bienveiilance du magistrat qui la préside et des membres qui la composent , et dans les fonctions qui me sont con- iées..…. Vousne serez done point surpris, MessIEuRs, de m'entendre aujourd'hui vous entretenir des forêts, en esquissant quelques-uns des traitsles plus propres à en rappeller l'agrément et l'utilité. «e »” Les forêts , continue M. Fleury , sont placées au nombre des productions de la nature , qui in- téressent essentiellement l'existence des sociétés... Dans les pays encore privés des connaissances agri- coles, leurs produits suppléent à Ia culture des champs. C'est dans leur sein que les peuples sau- vages se forment des asiles...… Seules, les foréts pourvoient à la subsistance , au vêtement , à tous les besoins de ces hommes simples qui ne connaissent pas ceux que le luxe et la mollesse ont introduit parmi nous, » C’est ainsi que , dans des temps reculés, les forêts ont protégé l'enfance des sociétés. Aussi la re- connaissance des hommes et la vénération qu'inspire la majesté silencieuse de ces sombres retraites, les avaient-elles fait choisir comme les lieux les plus propres à honorer la divinité. » Ici , notre confrère donne quelques détails sur les divinités fabuleuses dont la riante imagination des grecs peupla les forêts. Les romains, héritiers de la religion des grecs, adoptèrent à ce sujet leurs fictions religieuses... Les germains , les gaulois firent aussi des foréts le sanctuaire de la divinité... C'était encore dans les bois qu'habitaient les bardes dans des temps plus modernes ; les forts furent également célèbres par la dévotion des peuples... Après avoir ainsi exposé le merveilleux de Phis- toire des forêts , M. Fleury s'occupe de leur impor- tance et de Jeur utilité réelle, B 2 (20) » Les produits des forêts sont utiles tous les jours ; ils sont essentiels à l’agriculture , au commerce et aux arts. » Le bois reçut les premières empreintes de Pin- dustrie humaine ; on en fit des armes , des instru- ments aratoires , des ouvrages de mécanique , des statues ; ils fournissent les matériaux nécessaires à la construction des vaisseaux et des ponts, à la fortifi- cation des places de guerre... , etc., etc. » Les forêts sont aussi d’une haute importance par l'heureuse influence qu'elles exercent sur l'atmos- phéère et sur l’état du sol , dans chaque contrée. » Ces grandes masses de végétaux attirent et di- visent les nuages , les distribuent en pluies fécon- dantes qui donnent naissance aux sources et aux rivières , absorbent les gaz délétères et rendent à l'air que nous respirons sa fiaicheur et sa pureté. Elles couvrent et décorent le sommet des montagnes ; elles soutiennent et affermissent le sol sur la pente rapide des côteaux ;'et enrichissent les plaines de leur débris; elles tempérent la violence et les effets des vents glacés du nerd , et nous garantissent en partie de Pair brûlant du midi. » Sous quelque point de vue qu’on les considère les forêts , qui sont d’ailleurs le plus bel ornement de la terre, se lient nécessairement à l'harmonie des lois dé la nature et à l'existence de tous les êtres. Privé des ressources que Jui procurent les forêts , l'homme serait condamné aux plus dures privations. Il serait tourmenté par le froïd , par la faim, par ja soif , et son existence ne serait plus qu'un état de langueur , de souffrance et de misère. » On ne sera donc point étonné , conclut M. Fleury, si dans tous les temps les forêts ont fixé l’attention des gouvernements. Je m’estimerai très - heureux; C2) Messsreurs, ajoute notre confrère, de pouvoir pro- fiter des lumières que je trouverai au sein de l’'Aca- démie pour en faire Papplication aux travaux que le gouvernement me confie. Je me ferai un devoir de soumettre à la Compagnie toutes mes observa- tions et toutes mes pensées. Mon désir le plus vif est de lui prouver tout mon zèle etle dévouement le plus absolu, « Ce discours, aussi bien pensé qu’il est agréable- ment écrit, a vivement intéressé l Académie qui , par Porgane de son Président , a témoigné à M. Fleury combien elle regrettait de ne l'avoir pas vw occuper plutôt la place à laquelle il avait été appelé par les suflrages de la Compagnie, MÉDECINS. Dans la séance du 16 février dernier, M. Vigne, docteur-médecin , membre de l'Académie , a lu un discours sur les qualités indispensables au médecir dans l'exercice de sa profession. » I ne suffit pas au médecin , suivant notre con- frère, de bien connaitre le mécanisme de son art ; c’est au fond de son cœur , c’est dans son ame qu'il doit puiser surtout ses ressources et ses moyens les plus eflicaces. » C’est en s'adressant à l'imagination qu'on est parvenu à concilier , à conserver des partisans à une doctrine dont le docteur Thouret a si bien dé- montré tout le vide, » Puisqu’il est si facile de commander à l'imagi- mation , pourquoi , continue M. Vigné , le medecin ne fexait-il pas usage de ce puissant ressort contre les maladies qu'il doit combattre ou prévenir ? « Notre confrère montre ensuite dans le professeux B 5 (22) Pinel un modéle de la sensibilité ; de la bonté, de la perspitagité , de la probité , du désintéressement qui forment le caractère distinctif du médecin, lequel doit encore avoir assez de grandeur d’ame pour honorer publiquement , dans ses collègues , des talents quil waurait pas lui-même , et qu'avec de telles dispositions il peut espérer d'acquérir un jour. Un autre devoir non moins essentiel à remplir pour le médecin , eest de ne parler de sa profession qu'avec l'estime et le respect dus à cet art sublime, et qui doit être si cher à l'humanité, Que peuvent , aujourd'hui sur-tout que art médical s’est enrichi de tant de moyens nouveaux et précieux ,que peuvent des sarcasmes puériles , des sophismes mille et mille fois refutés , et dont Pauteur s’étonnera toujours que la médecine ait pu être un seul instant l’objet, contre une doctrine proposée par l'un des plus grands hommes qui aient paru sur la terre , et que le temps , devant qui tout disparait, à servi lui-même à cousolider ? A moins d'ignorer absolument la nature des vé- ritables fonctions du médecin, comment donner de simples probabilités pour fondement à un art qui a des règles tellement sûres , des principes tellement certains que les faits les plus constants viennent jourmellement se ranger sous ses lois ? Qui pourrait refuser son hommage à une profes- sion cultivée , honorée par Hippocrate , Aretée , Alexandre de Trales, Cælius-Aurelianus, Celse et tant d’autres grands hommes qui ont illustré la carrière médicale autant par leurs talents que par les plus excellentes qualités du cœur ? M. Vigné achèye de prouver la confiance que deit inspirer l'art de guérir, en traçant le portrait Ca5:3 d'un médecin qu'il place auprès d'un malade. » La douceur est dans ses yeux , la décence dans son maintien ,; la consolation dans son langage. ... Il épie attentivement, il suit avec soin les mouve- ments et la marche de la nature.... il s'oppose à ses écarts, ranime sa faiblesse , soutient ses ef- forts, et décide enfin son triomphe. « Notre confrère termine son discours en rappel- lant quelques-uns des préceptes que donne M. Marc- Antoine Petit, membre non résidant de l'Académie, dans son ouvrage sur la Médecine du cœur : ou- vrage dont M. Gosseaume vous a autrefois rendu compte d'une manière si intéressante. L'énergie avec laquelle M. Vigné parle des de= voirs de sa profession prouve qu'il en sent toute la dignité , et qu’il remplit, avec un zèle éclairé, toutes les obligations qu’elle lui impose. Son dis- cours parait ayoir été écrit sous la dictée du cœur = en consultant le sien , M. Vigné ne pouvait suivre un guide plus fidèle et plus sûr. = Le même membre (M. Vigné), a lu une observation sur le vomissement , symptôme principal d’une fièvre remittente. M. Vigné décrit les symptômes d'un embarras gastrique , survenu chez une demoiselle , âgée de 26 ans, d’un tempérament lymphatique , de mœurs douces et pures, à la suite de longs chagrins. Le tartre stibié employé seul d'abord et à petite dose, puis associé à la manne , procura un sou- lagement marqué, mais éphemére. La maladie accompagnée de paroxismes assez sem- blables par leur nature et leur périodicité à des accès de fièvre tierce , prenant avec le temps plus de force et d'intensité , M. Vigné eut recours à Lu (24) sage du lait caillé pour tout aliment , et il vit, dans l'espace d'un mois environ, tous les accidents s'éva- nouir , et la guérison s’opérer de la manière la plus complete et la plus désirable : et , el est en- core aujourd'hui l'influence du lait caillé sur lPor- gane du goût et sur celui de la digestion , que la personne en continue l'usage avec une sorte de sen- sualité, quoique depuis six semaines elle ait repris sans accident celui de toute espèce d'aliments. M. Vigné fait remarquer que le traitement a été dirigé avec une méfiance salutaire des narcotiques, des antispasmodiques , dont il est, dit-il , -on- vaincu qu’il faut être avare dans la pratique mé- dicale. °= Une commission, composée de MM. Gosseaume et Vigné, avait été chargée de rendre compte des numéros 14, 15, 16 et 17 du Bulletin des sciences médicales, par les membres du comité central de Ja société Fe médecine du département de l'Eure. Organe de cette commission , M. Gosseaume a ques les matières dont se compose l'ouvrage en huit sections , et a présenté BEA se de RARE d'elles de manière à donner une idée parfaite du travail soumis à Pexamen de la commission, Les détails dans lesquels M. Gosseaume est entré, les réflexions dont il a enrichi son rapport ont in- téressé vivement Ja Compagnie qui a entendu cette lecture avec le plus graud plaisir. — Le mêmemembre ( M. Gosseaume}, vous a fait connaître , dans un rapport très-bien fait , l'ouvrage dont M. Saissy, docteur-médecin à Lyon , et aujour- d'hui membre non résidant de l'Académie , a fait hommage à la Compagnie , et qui a pour tre à pra à ( C25) Recherches expérimentales , anatomiques , chimiques , etc. , sur la physique des animaux mammifères hiber- nants. L'auteur, dit M. Gosseaume , partage son mé- moire en deux parties , et en dirigeant ses expé- riences sur quatre animaux sujets à l’engourdisse- ment : la marmotte , le hérisson , le lérot et la chauve-souris. » Dans la 1'° partie, qui est sousdivisée en six sections , M. Saissy examine 1° quelle est la tem- pérature des animaux dans leur état de veille et dans celui de torpeur ; 2° quel dégré de froid est nécessaire pour les engourdir , la chaleur qu'ils conservent dans cet état , le temps qui leur est né- cessaire , quand on les éveille | pour reprendre leur température ordinaire ; 5° quelle est la quau- tité d'oxigène qu’ils consument dans un temps don- né ; 4° quel est l’état de leur respiration dans ces diverses situations ; 5° quel est celui de la circu- lation de leur sang; 6 enfin, quel dégré de sensi- bilité et d’irritabilité se conservent dans la torpeur. » Dans [a 2° partie ( c’est toujours M. Gosseaume qui parle ), l'auteur recherche quelles sont les cau- ses de l’'engourdissement des mammifères. Il divise cette seconde partie en trois sections , et expose dans la 1'e les différences anatomiques qui distin- guent ces animaux ; il consacre la 2° à l'examen chimique de leur sang et de quelques autres hu- meurs ; dans la 3° il signale les causes de l'engour- dissement , et essaie d'expliquer comment il est particulier à ces espèces. » M. Gosseaume suit l'auteur dans le développe- ment de ses principes, de ses expériences et des conséquences qu’il en déduit, et termine ainsi som xapport : » tel est le sommaire du mémoire de M. (26) Saissy, ouvrage plein d’expériences et de recher« ches curieuses, dont l'Institut national a sanctionné et prociamé le mérite en le couronnant dans sa séance du 4 janvier 1808. « = Organe de‘la commission nommée pour cet ob- et x M, + AM a rendu compte de la dissertation soutenue à la faculté de médecine de Paris, par M. Tuillaye, de Rouen, pour obtenirle titre de docteur. Cette dissertation est un tableau synoptique des alteralions que peut éprouver la vision par le chan- gement qu'apportent , daus l’orgâne de la vue , dillérentes maladies dont il décrit les causes , les symptômes et les moyens curatifs. Quoique M. Thillaye , dit M. le rapporteur , r'at fait, pour ainsi dire, qu'énoncer les maladies dvut il parle , il est aisé de reconnaître qu’il les a ctudices avec soin, et qu'il connait les meilleures sources où lon pouvait puiser. La faculié de médecine de Paris , en conférant au candidat le titre de docteur , a jugé d’une ianière favorable son érudition et ses talents. L’ap- yecbation d'un tribunal aussi respectable devait faire pressentir à l'Académie le jugement des com- inissaires. Li — Le méme membre (M. Boimare), a fait un x pp rt sur l'ouvrage que M. Girard , docteur-méde- gi à Lyon, à envoyé à l'Académie , et quia pour dtre : Essai sur le tétanos rabien \ ou recherches et réflexions sur la cause des accidents qui sont quel- auelois la suite des morsures faites par les animaux dits ehragés, suivies de quelques notions sur les meycens de prévenir ou de gucrir cette maladie. ‘ L'auteur pose en principe que ; dans l'aflection. (27) rabienne , la maladie est locale ; que la salive pré- tendue vencneuse d’un animal n’y 6% pour rien 3 que le désordre de l'organisme, qui est quelquefois la suite d’une blessure , w’est causé que par une irritation fixée dans la partie précédemment affec- tée par les dents d’un animal. » Dans lPessai de M. Girard , disent MM. les commissaires , on trouve beaucoup d’érudition ; à lappui de ses opinions l'auteur rapporte une lon- gue suite d'observations extraites des meilleurs ou- vrages ; mais les inductions que M. Girard en a déduites n’ont pas paru à la commission toujours satisfaisantes. Il semble qu'entrainé par son zèle, M. Girard ait été trop facile à se laisser convain- cre. Bien loin de croire, avec l’auteur , qu’il ne reste plus rien à désirer sur les causes et la nature de la maladie connue sous le nom de rage , MM, les commissaires sont persuadés , au contraire , que l'affection rabienne exige encore de nombreuses re- cherches avant que nous soyons suffisamment éclairés sur son étiologie. = Le même membre (M.Boismare),aren ducompte d'un ouvrage ayant pour titre: De œtiologia generali contagii , pluribus morbis, v.g. lui venereæ, pthisi pulmonari, febri nosocomiali, petechiali, varioloseæ , etc. , etc. , et præsertim pesti orientali , ac febré Jlavæ persæpe proprü : et dont est auteur M. Claude Balme, docteur en médecine de Montpellier , ex- médecin de Parmée française en orient , secrétaire- général de la société de médecine de Lyon , membre de plusieurs sociétés savantes. L'ouvrage est précédé d’une introduction dans laquelle M. Balme établit une série de principes qui servent de base à son traité. (28) » Peut-on pronver par des faits positifs que les miasmes pestilentiels de la fièvre jaune s'attachent à une substance quelconque animée, sans rien perdre de leur malignité , et que les substances qui en sont impréguées deviennent propres à exercer une action sur les hommes qui se portent bien, et à propager ainsi l'épidémie ? « Telle est la question générale que l'auteur se propose de résoudre. M. Balme divise cette question en deux parties , et il annonce qu'il dira peu de chose de l'influence que peuvent exercer sur l'espèce humaine les miasmes morbifiques et contagieax déposés sur les êtres organiques ; mais qu’il parlera avec plus d’éten- due des effets que ces mêmes miasmes peuvent produire sur nos corps lorsqu'ils viennent à s'y introduire. Si quelque chose peut nous consoler de ne pouvoir rappeler ici l'excellente analyse que M. Boismare vous a présentée de lPouvrage de M. Balme , c’est le jugement que M. le rapporteur a lui-même porté sur les moyens de bien connaître le travail soumis à son examen. » Pour s’en faire une juste idée , dit M. Boismare, il serait indispensable de le lire en entier : partout Vauteur instruit et intéresse. Un grand nombre d’ob- servations et de faits recueillis, à la vérité, depuis long-temps , mais jusques-là isolés, ont été réunis et enchaînés par des raïsonnements qui en ont formé un véritsble corps de doctrine. Tout flatte , tout satisfait dans ce savant traité. Les conjectures mêmes y sont présentées avec un Caractère de vraisem- Dlance qui offre presque le mérite de la démonstra tion. » L’auteur possède un grand fond d’érudition sou- tenu par une logique saine et vigoureuse. À ces (29) qualités M. Balme joint celle de la plns parfaite mo- destie. Loin de se faire un mérite de ce qu’il a puisé dans les ouvrages des auteurs qu’il a consultés, il les indique lui-même avec soin, et, parmi ceux-ci, j'ai rencontré , avec plaisir; notre savant compatriote , feu M. Lepecq de la Clôture , dont il cite souvent le nom avec le respect qui jui est dà. « = Si une société savante réfléchit sur chacun de ses membres l’estime et la considération dont elle jouit, par une réciprocité naturelle , les succès obtenus par un de ses membres , lui appartiennent en quel- que sorte , et deviennent les siens propres. C'est à ce titre que l’Académie de Rouen croit pouvoir orner cette séance des palmes remportées par M. Godefroy , D. M. Tandis que la société de medecine de Bruxelles accordait le prix au mémoire de notre confrère sur cette question : guelles sont les maladies dont la goutte irrégulière peut prendre le caractère ? La société de médecine de Lyon couronnait également son mémoire sur la question des brouillards considérés comme cause de maladies. Le secrétaire de la société de Bruxelles écrivait à M. Godefroy : » J'ai l'honneur de vous adresser la médaille d’or que la société vous à décernée à l’una- nimité des suflrages , dans sa séance publique du 19 juin dernier , et qu’elle vous prie d’agreer comme un faible témoignage de son estime particulière et de sa haute considération «. » La société , flattée d’avoir pu vous associer à ses travaux , et voulant vous donner une nouvelle marque de sa reconnaissance , m’a chargé de vous faire parvenir aussi le diplôme de membre corres- pondant, et un exemplaire du prochain volume ds (50) &ès actes dont le mémoire que vous lui avez adressé fera partie «. Les conclusions du rapporteur de la commission nommée par la société de médecine de Lyon pour l'examen des mémoires envoyés au concours ,; ne sont pas moins honorables pour M. Godefroy ; les voici : » Le mémoire portant pour epigraphe : 4er quoque mulrüm culiginosus ab agnis sublatus ; ete., quoique assez étendu , ne fait pas regretter le temps que l’on passe à le lire et relire... Il est bien fait , bien écrit. La doctrine qu’il présente est conforme aux bons principes. Les assertions qu’on y avance sont étayées par des faits intéressants que l’auteur tire de sa pratique: Toutes les parties du programme sont traitées avéc méthode et sagacité. Un mérite qui est assezrare chez les concurrents, c’est que l’auteur ne perd jamais son sujet de vue «. CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES. M. Descroizilles aîné a donné lecture de deux hotices ; la première sur les alcalis du commerce et sur l'usage de l'instrument de son invention qu’il a appelé alcali-mètre , et qui est devenu le régula- teur des fabricants , commerçants et consommateurs de soude, de salin et de potasse ; la seconde notice offre la description d’un appareil destiné à absorber l’acide muriatique gazeux , qui se dissipe, en pure perte , lors de la décomposition du sel marin dans la fabrication de la soude. Ces deux notices ayant été insérées dans les annales de chimie , en décembre 1809, nous nous dispenserons de les reproduire ici, Notre confrère a d’ailleurs annoncé qu’il se propose (*312) de refondre toutes ses notices sur les &/calis du com- merce, dans une nouvelle édition. Dés le mois de mars 1810 , M. Descroïzilles avait annoncé à l'Académie qu’il s’occupait à des expé- riences tendantes à faire une grande et très-utile application du procédé désinfectant de M. Guyton- Morveau , en oxigénant les vapeurs d'acide muria- tique au moment même où elles s'échappent des nouvelles fabriques de soude. Les appareils qu'on aurait mis en action à Flessingue et autres lieux marécageux , auraient été mobiles et susceptibles de changer de direction avec celle du vent. Depuis ce temps, M. Descroïzilles a eu l’honneur d’être admis auprès de S. Excellence le ministre directeur de l’administration de la guerre , qui ,” l'encourageant à suivre cet intéressant objet , à ren- voyé la proposition à une commission de salubrité formée à Anvers. Sur ces entrefraites , notre confrère a aussi pro- posé à S. Excellence le ministre de l'intérieur d'aÿ- pliquer ce moyen préservatif au dessèchement des marais pontins et au curage du Tibre. M. Descroizilles , ayant successivement donné diverses modifications à sa proposition , ainsi qu'il résulte de la lettre dont il à été honoré , le à août, par S. Exc. le comte de Cessac , est parvenu à réduire le procédé de désinfection à l'appareil Le plus simple et le plus économique. Après de nombreuses expé- riences, où il à balancé les avantages et les incon- véments, notre confrère troûve que le meilleur moyen de tirer parti des vapeurs que laissen échapper , en pure perte , et #nême avec dommage pour les lieux environnants, les fabricants de soude, est de les condenser, par un appareil clos, comme Je font déjà quelques-uns d’entre-cux et comme tous | (5) le pourront faire aussitôt qu'ils trouveront l'emploi de l'acide qui en proviendra. et dout Ja valeur ac- tuelle est de 5o centimes le kilogramme. On sait, depuis plusieurs années déjà , que la désin- fection des habitations peut être obtenue au moyen d’une trés - petite dépense ; mais jusqu'à présent on avait eu peu d'espoir de combattre efficacement le méphytisme , au milieu même des marais et en plein air. L’imagination était efirayée de l'immense quantité d’acide muriatique ox ygéué qu’il aurait fallu y consacrer. M, Descroizilles parait avoir , le pre- mier , concu l'idée de donner à chacun destravailleurs un carafon désinfectant, suspendu à un jalon mobile, placé au vent et tout près de lui. Ils pourront donc, à volonté, respirer un mélange de vapeur désinfec- tante et d'air aamosphérique , tellement proportionné, qu'ils n’en seront nullement incommodés. L'action de l'acide muriatique du commerce sur l'oxide noir de manganèse , s'opère ayec modération et en tout temps, par la seule chaleur de l’atmos- phère , en raison de laquelle les vapeurs , soit désin- fectanies , soit infectantes, sont en plus ou moins grande abondance. Cependant , après l'action spon- tanée de l'acide , pendant la journée la plns chaude, il faut le secours d'une chaleur artificielle pour tirer tout le parti possible de ce liquide. M. Les- croizilles se propose de faire connaitre à cet égard un procédé très-facile et très-économique , pour en obtenir de nouvelles vapeurs désinfectantes , tant sur les marais #que dans les habitations quel- conques. Il assure que l'ensemble du procédé , appli- que à une réunion de quelques centaines de tra- vailleurs, n’occasionnera pas, pour chacun d'eux, une dépense de plus de vingt - cinq centimes par jour. Notre confrère emtreyoit, dans cet emploi de l'acide (539 VPacide muriatique , un grand moyen de salubrité , dans tous les pays marécageux , et pendant les remuements de terres, lors des asséchements, des curages et des fouilles pour de nouveaux canaux de navigation. Il y voit aussi un puissant encoura- gement pour nos fabriques de soude , et par con- séquent pour celles d'acide sulfurique , qui, d’une activité si grande , sont tombées tout-à-coup dans une inaction presqu'absolue. M. Descroïzilles est d’ailleurs tellement convaincu de l’efficacité du moyen préservatif de M. Guyton- Morveau , ainsi modifié , qu’il offre d’aller le diriger en personne , et de n’avoir, pendant tout le temps des travaux , d'autre habitation qu’une tente sur le marais méme. = Au nom d’une commission , le même membre a fait un rapport sur le Mémoire adressé À l'Aca- démie par M. Degaulle , membre non résidant , concernant les moyens qu’on pourrait employer pour rendre les explosions des magasins à poudre moins fréquentes et moins désastreuses, Les moyens proposés par l’auteur du mémoire , consistent à isoler , sous l’eau , dans des bouteilles de verre , des masses de poudre de 25 kilogrammes, Chaque bouteille serait placée dans une caisse so- lidement construite en charpente et doublée en plomb... MM. Descroizilles et Leboullenger ont opposé à ce projet diverses réflexions qui les ont conduits à conclure que si l'idée d'isoler , sous l'eau , des masses de poudre de 25 kilogrammes , a quelque chose de séduisant , le projet est encore loin d’avoir acquis la maturité qui Ini serait nécessaire pour qu’il füt adopté , et qu'en invitant l’auteur à le perfec- C Ven, (34) tionner , si cela est possible , l'Académie peut applau- dir au zèle avec lequel notre respectable confrère s’occupe encore, dans un âge très-ayaucé ,; de re- cherches utiles à l'humanité. — Une commission , composée de MM. Mesaize et Robert, avait été chargée de rendre compte de deux Mémoires sur le Tabac , adressés à l’Acadé- mie par M. V’auquelin. M. Robert, chargé de porter la parole , a fait un rapport dans lequel, en rendant hommage aux talents de M. Vauquelin , il en a montré beaucoup lui-même , par la manière facile , élégante et précise avec laquelle il a présenté l'analyse du travail de ce chimiste celèbre. » Eu nous chargeant de lui faire connaître les deux mémoires de M. Vauquelin, sur le tabac , dit M. le Rapporteur , l'Académie s’est moins proposé sans doute de recueillir une opiuion propre à dé- terminer la sienne , que de nous fournir une occa- sion de payer à M. Vauquelin le tribut d'éloges dû à ses nombreux travaux en général , et à celui en par” ticulier dont il a donné communication à l'Académie. » Des deux mémoires de M. Vauquelin , l'un a pour but l'analyse du tabac à larges feuilles , nico- tiana tabacum latifolia et angustifolia ; l'autre a pour titre : Analyse des différentes sortes de Tabacs préparés, » Dans le premier mémoire , l'auteur se propose de résoudre cette question : quelle est dans la ni- cotiane cette partie essentielle à sa nature , qui la constitue ce qu’elle est, et Jui donne la propritté exclusive de fournir le tabac? Il resulte de l'a- nalyse, que le tabac doit son caractère particulier à un principe âcre , volatil , incolore, soluble dans (0 Veau et dans l'alcool , paraissant différer de tous ceux que l’on connait daus le règne végétal, mais dont l’auteur avoue , avec la franchise qui le ca- ractérise , qu’il ne connaît pas la nature. » Le second mémoire a pour objet de rechercher si les principes reconnus dans la nicotiane se re- touvent dans les tabacs du commerce , ou de con- paitre le genre d’altération qu’on lui fait subir dans ses préparations «, + M. Vauquelin a découvert par des expériences que les Commissaires ont répétées, 1° que le tabac en poudre est a/ca/in, tandis que le suc de la ni- cotiane verte contient un acide libre ; 2° que l’ac- üvité des tabacs préparés tient à la présence dé diverses matières solubles dans l'eau , en sorte qu’en lavant le tabac à plusieurs reprises dans l’eau dis tillée, on lui enlève toutes ses proprictés ; 30 que quelles que soient lesopérations auxquelles on soumet la plante dans la préparation des tabacs , le prin- cipe âcre et volatil qui la caractérise sé rétrouve sans altération dans le tabac en poudre. » On conçoit donc aisément ( c'est M. Vauquelin qui parle), comment le tabac agit si promptement sur la membrane du nez qu'ilirrite au point d'exciter des éternuements violents et quelquefois dangereux; comment 1l cause dans le gosier une âcreté insup* portable, donne des nausées et quelquefois des vomis: sements , lorsqu'il pénètre jusques dans l'estomac ; comment enfin , introduit dans les gros intestins, il rappelle quelquefois à la vie , par l'irritation qu’il produit , les personnes asphyxiées par submersion ». = M. Sage , fondateur et directeur de la première école desmines, membre de l'Institut, a adresse à l A cadémie un précis des Mémoires qu'il alus dansles séan- C 2 (36) ees de la première classe delInstitut, pendant l'année 1809. Ces Mémoires , au nombre de virgt , roulent sur des objets qui appartiennent ou à la physique, où à la chimie. Nous regrettons bien sincèrement que le temps ne nous permette pas de faire connaître ce que chacun d’eux contient d’intéressant et d’utile. = M. 'italis vous a communiqué , MESSIEURS ;, des Réflexions sur un mode d’éclairage ; par le gaz hydrogène , tiré de la houille , proposé par M. Murdoch , dans les transactions philosophiques de la société royale de Londres. L'auteur conclut que le mode d'éclairage, par le gaz hydrogène , le cédera toujours, pourl'économie, la facilité et la sûreté du service , aux lampes d’'Ar- gand , perfectionnées par M. Bordier-Marcel. — Le même membre (M. 7’ïtalis) a fait hommage à l'Académie de plusieurs exemplaires d’un imprimé ayaut pour titre : Recherches sur la couleur nankin appliquée au coton filé. » La couleur nankin, dit l'auteur , a pris tant de faveur parmi nous, la mode a tellement étendu son empire, qu'il n’est pas étonnant que l’on ait fait tant d'efforts pour amener cette couleur au dégré de nuance et sur-tout de solidité qui caractérisent le véritable nankin des Indes. » Pour produire cette couleur , l’art eut d’abord recours aux oxides de fer , et en obtint un jaune chamois , cuir de bottes, ventre de biche , et quel- ques-autres tons de couleur , qui ne rendaient qu'imparfaitement celui du nankin des Indes. » On approchait plus près du but, en plongeant alternativement le coton , préalablement décreusé , (57) dans des bains d’eau de chaux et de sulfate de fer rouge , et en avivant dans une eau de savon legère et chaude. » Mais les procédés dont on vient de parler, et ceux qui ont été proposés par quelques auteurs, ne donnaient ni la nuance , ni la solidité désirée ; et c’est là sans doute la raison qui a porté quelques fabriques à demander aux sociétés savantes un moyen plus parfait. (Voyez le n° 51 du Bulletin de la’ société d'encouragement pour l'industrie nationale ; septembre 1808.) » Enfin M. Favier, ex inspecteur des poudres et salpétres , dans un ouvrage qui a pour titre : MVou- velles recherches sur le perfectionnement de l’art de la teinture ( Paris, 1808 ) publia un procédé qui l'emporte sur tous les autres ,| et dans lequel il emploie la décoction de tan modifiée par la disso- lution d’étain. « M. Vitalis, en exposant la méthode de M. Favier, dégagée de tous les détails qui ne lui ont pas paru présenter une utilité réelle , fait quelques remar- ques importantes , et notamment sur l'opération de V'alunage , exigée par M. Favier, sur la qualité de ‘Valun qu’il recommande , et sur l'espèce de prépara- tion d'étain qu’il convient le mieux d'employer. M. Vitalis continue ainsi : » j'obtiens la nuance véritable et la solidité du nankin des Indes , par les opérations suivantes : 19 Débouilli à l'eau pure, 2° Bain fort composé avec quatre parties de tan et une partie de bois d'acajou , pour viugt parties de coton. 3° Bain d’eau de chaux, ° C 3 (58) 4° Bain de muriate d’étain, en dissolution, et à 1 dégré de l’aréomètre de Baumé, pour les acides. En publiant ces recherches , l’auteur s'est pro- posé d'éclairer les ateliers de teinture sur un point qui doit les intéresser vivement. = Le même membre ( M. Fitalis ) a offert à l'Académie un exemplaire d'un ouvrage qu'il a publié sous ce titre : #anuel du Teinturier sur fil et sur coton filé ; ouvrage qui renferme un grand nombre de procédés nonveaux, et dans lequel on traite spécialement , et dans le plus grand détail , de tout ce qui concerne la teinture du coton , en rouge dit des Indes ou d'Andrinople. Une commission , composée de MM. Descroïzilles , Robertet Pavie, ayant été chargée de rendre compte de cet ouvrage, M. Robert vous a fait un rapport dont il a bien voulu rédiger lui-même l'extrait suivant: » Il est aisé de sentir combien peut étre utile à lavancement des arts chymiques et notamment à celui de la teinture , la publication des ouvrages consacrés à la description des procédes si souvent mis en pratique dans notre département , et qui en font une des principales richesses. » L'ouvrage de notre confrère est un tableau raccourci ; mais exact, de toutes les opérations faites sous nos yeux. C’est un cours abrégé de teinture applicable au fl et au coton ; c’est l’ana- lyse des leçons publiques données par ce savant, depuis plusieurs années. Par le titre modeste qu’il a choisi, il a voulu que son livre fût le 7’ade-me- cum des teinturiers et le guide de tous les artistes. M. Vitalis a rempli son but , et les savants eux-mêmes recommanderont la lecture et la méditation de son (39) Ouvrage à tous ceux qui se livrent à la pratique des opérations de teinture. Cette preuve. écrite de son zèle et de ses constauts efforts pour les progrès de Part, fera connaître à ceux auxquels il est destiné ce que peut enfanter le désir d’être utile. » L'Académie , en applaudissant au zèle de notre confrère , formera un vœu sans doute ; c’est qu'il continue de livrer au public le résultat de ses re- cherches sur les divers procédés ou les produits des manufactures , et de contribuer ainsi à faire faire au milieu de nous un grand pas aux arts chimiques La Compagnie avait déjà vu un de ses secrétaires (1) , se dévouer généreusement à des expériences multipliées pour accroître nos ri- chesses , et étendre les ressources que pouvait nous promettre l'emploi des plantes tinctoriales qui croissent sous nos pas. Elle devait espérer de retrouver encore un jour, à Ja même place , un dévouement aussi louable , et notre confrère a saisi de nombreuses occasions de lui en fournir la preuve. « — M. l'abbé Baston, membre de lPAcadémie, vous a rendu compte du Précis analytique adressé à PAcadémie par la Société des sciences , lettres et arts de Nancy , pour les années 1$08 et 1809. L'ouvrage est divisé en deux parties ; la première, Sciences et arts ; la seconde, Littérature. M. le rap- a suivi cette division. La partie des sciences et arts , la seule dont on doive s'occuper ici, se compose d'un assez grand nombre de Mémoires très-intéressants. M. l'abbé Baston ne s’est pas contenté de faire eonnaitre les ouvrages dont il avait à rendre compte ; oo QG) M, Dambournay, C 4 C40) son rapport contient des remarques utiles , des réflexions toujours justes , des discussions présentées sous les formes gracieuses que le littérateur seul sait donner à tous les sujets qui viennent s'offrir à sa plume. — Les Académies de Marseille, de Grenoble et de Caen, nous ont fait parvenir le programme des prix qu’elles se proposent de distribuer en 1810 et en 1811, Chacun de ces programmes annonce le zèle avec lequel ces sociétés sayantes cultivent le domaine des sciences, des lettres ou des arts, et les efforts constants qu'elles ne cessent de faire pour provoquer la dé- couverte des vérités utiles. = M. Dubuc a fait hommage à l'Académie, de six exemplaires d'une petite brochure intitulée : Bfémoires sur l’extraction et sur les usages du sucre liguide des pommes et des poires , avec l’analyse comparée de cette substance et de la melasse du commerce. Notre confrère a ajouté à ces mémoires, qu’il a communiqués , l'année dernière, à l'Académie , des notes et des remarques qui donnent à son tra= vail un nouvel intérêt. — Le même membre (M. Dubuc}), a présenté un mémoire sur les égagropiles. Le but de notre confrère , dans ce mémoire , est, comme il le dit lui-même, de reconnaitre exacte- ment la composition des égagropiles, et d'indiquer les moyens les plus convenables pour les détruire chez l'animal vivant , et spécialement chez les mou- tons ,ou au moins d'en préyenir l'entière formation. CH) » L'ignorance et le préjugé qui toujours l'ac- compagne , disent les auteurs du nouveau diction- naïire raisonné et universel d’agriculture , vat fait sou- vent regarder les égagropiies comme des composi- tions arulcielles , faites par des hommes méchants, et jetces dans les endroits où passent les troupeaux, afin qu’alléchés par quelques-uns des ingrédients, ils les avalent et soient empoisonnés, Cette opinion erronée a bien des fois, parmiles gens de la cam- pagne , causé des haïnes envenimées, des querel- les sanglantes : elle a été la cause d’un procès criminel qui a été jugé au Tribunal d’Evreux en 1792, en faveur de l'accusé, parce que les juges s'entourèrent de toutes les lumières que la physi- que, l'anatomie et la raison peuvent procurer. « (J’oyez l'Encyclopédie méthodique et les Recueils des mémoires des sociétés d'agriculture des dépar- tements de la Seine et de Seine-et-Oise. } Les résultats obtenus par M. Dubuc , en confir- mant les expériences faites par MM. Tessier, Cha- bert , Fremy et autres physiciens , contribueront sans donte à détruire une opinion deénuée de tout fondement , et qui a failli conduire à l’échafaud d’innocentes victimes. Un fait nouveau , annoncé par M. Dubuc , dans son mémoire , a fixé l'attention de l'Académie , c’est le délitement des égagropiles dans les huiles grasses et volatiles , ou dans les acides nitriques et muria- tiques dulcifiés , et l’application que l’on pourrait faire de ces remèdes pour prévenir les suites funestes de la maladie occasionnée par les égagro- piles. Afin de ne laisser aucun doute sur un fait si important pour l'économie rurale , l'Académie a prié MM. Mesaize, Robert et Vigné, de suivre avec M. (42) Dubuc et M. Prevôt, artiste vétérinaire distingué ; les expériences que ce dernier se propose de faire, lorsque l’occasion sen présentera, et en rendre compte à l'Académie. AGRICULTURE ET ÉCONOMIE RURALE. La Société d'agriculture et des arts de Boulogne-= sur-Mer , a adressé à l'Académie an rapport fait au nom de la commission chargée de suivre les expérien- ces relatives au perfectionnement de la charrue. Il résulte de ce rapport, 1° que la charrue du sieur Delatre , en conservant la ligne de tirage de la charrue de M. Guillaume , jugée jusqu'ici la meilleure par la société d'agriculture du départe- ment de la Seine , présente dans son étrampure une facilité dont on ne saurait méconnaître les avanta- ges ; 2° que la construction de cette charrue la rend susceptible d'étre employée dans les terres fortes de cet arrondissement , avec deux chevaux seulement, tandis que la charrue du pays en exige habituelle- ment trois; 5° que l’étrampure de la charrue du sieur Delatre est beaucoup plus facile à employer dans les labonrs en planches où il faut étramper souvent, que celle de M. Guiliaume ; 4° qu’elle a la même supériorité quant à la profondeur du sillon dans les Jabours à plat , ainsi que dans ceux en planche ou en ados ; 5° qu’elle exige pour être mise en activité moins de force que toutes les autres, La méme société vous a fait passer le programme des prix qu’elle se propose de décerner dans le cours de cette année. = Nous ayons recu de la Société d’asriculture et de commerce de Caen , le rapport sur les travaux (1587 des membres qui la composent , depuis le 10 mai 1805 jusqu'au 19 juin 1809, | » Recueillir et propager les nouvelles découver- tes, dit M. Bair , secrétaire de la société, et membre non résidant de l'Académie de Rouen ; faire con- naire et répandre les procédés peu connus , tra- yailler au perfectionnement de l'agriculture, encou- rager les établissements de commerce, convaincre les cultivateurs par des préceptes , et plus encore , par la force de l'exemple , exciter l'emulation des fabricants par des récompenses , enfin développer et signaler les talents en tout genre ; tels sont les soins constants de la société. « | L'analyse seule des nombreux et excellents mé- moires dont M. Lair avait à rendre compte, suf- fit pour convaincre le lecteur que les membres de la société d'agriculture et de commerce de Caen répondent parfaitement au vœu de leur institution. —= Nous devons à MM. de Grandmaïson et Du- mont , propriétaires du troupeau d’Epluches, près Pontoise , département de Seine-et-Oise , un petit ouvrage ayant pour titre : Manuel pastoral , ou re- cueil d'observations sur l’éducation des mérinos. LÀ A cet envoi était joint un imprimé dans lequel les auteurs du Manuel annoncent que , pour répon- dre à l'empressement que leur ont témoigné bien des fois des propriétaires et cultivateurs du dépar- tement de la Seine-Inférieure , de se procurer des mérinos pris dans leur établissement , ils se sont déterminés , d'après l'autorisation qw’ils en ont recue de M. Savoye Rollin, préfet du département , de placer, tous les ans, à Rinfreville |, commune de Martainville, chez M. Cercelot, cultivateur au mé- me lieu , une portion de leurs élèves, à l'effet, et (44) sous l'inspection de M. Prevût , l'un des artistes vé- térinaires les plus distingués dans le département , de former une espèce de succursale temporaire , digne de fixer l'attention des cultivateurs instruits , et de justifier la confiance dont le troupeau d’Eplu- ches est en possession depuis près de quinze ans. Le manuel pastoral, qui, an jugement de la société d'agriculture de Seine-et-Oise , doit être le manuel des émules de MM. Grandmaison et Dumont , con- tent tout ce qu’il est nécessaire de pratiquer pour consolider et perfectionner l'éducation des méri- nos. On croirait , ajoute M. le secrétaire de la so- ciété de Versailles, dans le compte rendu àla séance publique , tenue le 12 juin 1808, on croirait enten- dre de nouveaux Daubenton instruire et guider les amis de l’art pastoral. = M. Deu vous a fait un rapport sur une bro- chure qui a été adressée à l'Académie, et qui a pour titre : les deux Ruches pyramidale et villa- geoise , en présence et en jugement au tribunal de l’o- pinion publique. M. Du Coüedic, président du canton de Maure, département d'Ille-et- Vilaine , cultivateur et membre de plusieurs sociétés d'agriculture , est au- teur d’une ruche qu’il nomme Pyramidale. M. Lombard , de la société d’agriculture de Paris et de celle d'encouragement , a imaginé une autre espèce de ruche qu’il nomme Fillageoise. Ces deux agronemes , dit M. le rapporteur, pré- tendent aux mêmes résultats : 1° trouver le moyen de multiplier le produit des abeilles ; 2° dépouiller les mouches sans les détruire , et en conservant leurs essaims. Ils ont soumis leurs procédés et adressé Jeurs mémoires à la société d'agricullure ;, sciences C45) ét arts de Rennes , qui a nommé des commissaires pour lui en faire leur rapport. C'est des pièces de ce procëés et de l'opinion deg commissaires de la société de Rennes que notre cons frère avait à rendre compte à l'Académie, Après avoir développé les moyens respectifs employés par les auteurs des ruches pyramidale ét villageoise, M. Deu conclut : » que la préférence et l'adoption plus ou moins marquée données par le public à l’une ou à l’autre de ces deux ruches , dont chacune a son mérite particulier , peuvent seules décider la question. « C46) R Norice NécroLociQuE Sur M. BESNARD, D. M. à Rouen; Par M. GoprFroY. Lorsqu'une mort subite et prématurée frappe at milieu de nous un de ces hommes auxquels leur âge , leur constitution semblaient garantir une longue existence , nous avons peine à revenir de notre étonnement : mais l'étonnement fait bientôt place à la douleur et aux regrets, si cet homme joignait à la force de l’âge , la maturité du talent , un zèle infatigable , un dévouement sans bornes , et s’il con- sacrait tous ses instants à soulager l'humanité dans les maux qui l’accablent, Quel homme mieux que celui dont je me propose de vous entretenir pouvait faire naitre chez vous ces divers sentiments ? Qui mérita mieux que lui l'application de cette pensée générale ? M. Besnard nous a été enlevé dans la maturité de l'âge comme dans celle du talent. Il a éié arrêté dans le eours de ses importantes occupations ; et la mort la foudroyé au milieu de Ja carrière qu’il parcourait avec autant de zèle que de distinction, Dans un moment il a éte enlevé à son art, à l'hu- manité , à ses amis , et le chagrin de ceux-ci n’a pu se comparer qu'à leur surprise. Revenus de leur premier étonnement , plusieurs se hâtèrent de payer à sa mémoire un tribut mérité, et les feuilles publiques portérent l'expression de leur douleur amère sur tous les points de ce départe- ment, M. le président de l'Académie s’empressa lui- (47) même de consacrer le témoignage de son estime et de ses regrets pour notre confrère dans un écrit dont nous euteidimes la lecture avec le plus vif iftérét. Qui de vous n’a pas applaudi à la justesse de cette heu- reuse comparaison ? » M. Besnard nous est enlevé au milieu de ses succès : c'est un guerrier moissonné sur le champ même de ses victoires «, Cette phrase est un éloge complet et ne laisse rien à ajouter. Cependant un usage consacré parmi nous, veut que , chaque année, dans sa séance publique, l'Acas mie paie , à la mémoire des Académiciens que la mort a enlevés dans le cours de l'année, le tribut d’éloges qu'ils méritent. Toute pénible qu'elle dût être pour moi, je mai pas craint de réclamer cette tâche honorable ; en prenant la plume je n’ai fait qu'obéir au vœu de mon cœur. J'ai cru que son expression suppléerait au talent, et qu'il suffirait de prononcer le nom de M. Besnard pour fixer votre attention et avoir des droits à votre indulgence. Jean-Auguste Besnard , docteur en médecine de l'école de Paris , reçut à Craon , petite ville du dé- partement de la Mayenne , le jour de Jean-Francois Besnard, médecin. Le père de M. Besnard destina son fils à l'exercice de la médecine , et dirigea en conséquence ses premières études. Le jeune Besnard passa bientôt à l'école d'Angers où il fit sa philoso- phie , et suivit avec distinction les cours de mé- decine. À dix-neuf ans il y fut reçu medecin. Le père de M. Besnard pressentit dès-lors ce qu’on avait droit d'attendre de son fils , et il exigea de Jui qu’il se rendit à Paris pour y suivre les cours de médecine. C’est là que, sous les professeurs les plus instruits, environné d’hospices ouverts aux étudiants u et qu'une sage réforme À presque tous consacrés (48) depuis , sous la direction de maïtres habiles , à l'étude clinique de la médecine’, M. Besnard éten- dit et perfectionna ses connaissances. En 1789 ;, sous la présidence de Marie-Antoine Petit, il sou- tint sa thèse. Dans ce dernier examen M. Besnard fixa l'attention , mérita et reçut des éloges de ses juges. J'ai peine à concevoir qu'en 1792 son projet fût de passer en Angleterre pour y suivre les leçons de chirurgie du professeur Bell; car , à cette époque , les lecons du célèbre Dessault, chirurgien en chef de l’hôtel-dieu de Paris , appelaient dans cette ca- piale des élèves de toutes les parties du monde. Quoiqwil en soit, notre confrère s'arrêta à Rouen, y suivit l'anatomie sous M. Laumonier , et s’y livra à l'étude de la chirurgie, études qui , bien que secondaires, n'en démontrent pas moins son excel- lent esprit en médecine ; et si, pour un moment, il intervertit l'ordre accoutumé des études , il prou- va du moins qu'il était bien convaincu que l'étude de l'anatomie , celle de la chirurgie sont indispen- sables au médecin. Il passa ensuite à l'hospice militaire établi dans cette ville pour y exercer les fonctions de méde- cin. Il sut , par son zèle auprès de ses malades, son aménité pour ses jeunes confrères, se concilier la reconnaissance des uns , l'estime et l'amitié des autres. La réputation de M. Besnard ne resta pas cir- couscrite dans les murs de son hospice, La ville de Rouen, qui avait à regretter plusieurs médecins distingués que la mort avait enlevés ou que les circonstances malheureuses avaient arrachés à l’exer- cice de leur art, sentit moins la perte qu’elle ve- nait de faire dans les personnes de MM. Pinard, Lepecq ( 49 ) Lepecq et Courant ; puisque M. Besnard était à pour les remplacer : aussi ce médecin, jeune en- core , se forma-t-il en peu de temps une brillante clientele, C'était beaucoup pour l'amour-propre , c'eût été peu pour le cœur de notre confrère. Si ses talents lui acquirent une confiance trés-éten- due , les excellentes qualités de son cœur lui ga- gnèrent l'amitié générale , et M. Besnard fut autant l'ami que le médecin de ces maisons. Dans le cours de Pan 4 , au rétablissement des écoles de médecine dans la capitale, M. ‘Thouret, qu'une mort subite vient d’enleyer à ses amis , à sa famille en pleurs , à la science médicale qu'il étendit, à l’école savante qu'il dirigeait, à de nom- breux élèves dont il se plaisait à éclairer les pre- miers pas, à soutenir le zèle , à couronner les suc= cès ; M. Thouret, à la mémoire duquel je paie ici publiquement le tribut de ma reconnaissance et de mes regrets , oflrit à notre confrère une place de professeur adjoint. Le médecin modeste refusa, et Phomme sensible préfera le séjour tranquille d'une ville du second ordre , où ; dans un cercle plus étroit , il vivait au sein de l'amitié |, au théâtre brillant de la capitale , et à la réputation qui l'y attendait : car notre confrère eût sans doute con- tribué à élever , à étendre la gloire de notre école naissante , et il eût eu sa part de la célébrité qu'elle s'est acquise en si peu de temps. M. Besnard a très-peu écrit, et n’a livré à l'impres- sion que sa thèse, Elle a pour sujet : » An pendeat hominis perfectio , et à ratione et à manu simul concurrentibus ? » Ecrite dans une langue que l’on a trop négligée , la latinité en est pure , correcte et quelquefois élégante. Toujours maitre de son su- jet ; il le manie , le développe avec discernement (So). et précision. Il prévient ou réfute les objections ; et4 fort de faits et de raisonnements qu’il sait toujours faire marcher de front , il arrive à cette conclusion : » Ergo hominis perfectio , et à ratione et à manu si- mul concurrentibus pendet, « Dans une de nos séances particulières , M. Besnard nous lut quelques observations de médecine. Il faut regretter que la modestie de l'auteur les lui ait fait retirer. Consignées dans votre précis analy- tique, elles eussent servi à éclairer un point de doctrine peut-être encore obscur. M. Besnard avait étudié les langues grecque et latine , anglaise et italienne. La connaissance qu’il avait acquise de ces langues le mettait dans le cas d’en consulter les auteurs. L’érudition qu’il y avait puisée était plus solide que brillante. Il redoutait tout systéme en médecine, comme plus propre à égarer qu’à éclairer sa marche. Ce qui distinguait sur-tout notre confrère , était une finesse de tact, un coup-d'œil prompt et sûr qui lui faisaient preu- dre sur le champ son parti dans les cas les plus difficiles, Il avait réellement recu de la vature ces dons précieux qui constituent essentiellement le médecin. Le tact médical fait toucher le but ; sans lui Pérudition n’est plus, au lit du malade, qu'hé- sitation et tâtonnement. Dans les consultations il par- lait peu, mais il saisissait avec une sagacité rare le point essentiel de la question, Il ne cherchait pas à briller, il ne voulait que soulager; et, pour me servir de la pensée de Plutarque , il préférait la gloire de bien faire à celle de bien dire. Un zèle infatigable , secondé d’une force de corps vraiment athlétique, le mettait dans le cas de répondre au grand nombre de malades qui le réclamaient. Tous ses moments leur étaient consacrés. A l’intérét (ü) qu'il leut témoignait, au temps qu'il passait auprès d’eux, au ton vraiment amical qu’il savait prendre, chacun d'eux se fût cru l'objet unique de ses soins, de son zèle ; j'allais ajouter de son affection : aussi puis-je dire , sans craindre d’être taxé d’éxagération, que la plupart des personnes qui lui accordaient leur confiance l'ont pleuré comme un ami, comme un pére. Si, au-delà du tombeau, nous pouvons encore sentir et aimer , oh, mon ami, combien votre cœur sensible aura joui ! que ces pleurs l’auront MEME né es : M. Besnard était appelé dans les premières mai- sons de cette ville ; mais il ne dédaignait pas de visiter l'artisan , l’ouvrier et le pauvre ; et, sortant du salon du riche, il monta souvent au quatrième du malheureux. Son cœur aimant , son ame sensible qu’il cherchait à dérober sous une apparence de stoicisme , quelquefois même d’épicurisme , lui faisaient répandre des larmes auprès de l'être souf- frant , et sa main bienfaisante et généreuse s’ouvrit plus d’une fois pour aider l'indigence aux prises avec la douleur. Depuis quelque temps la santé de M. Besnard s’altérait. Il avait pris assez promptement un em- bonpoint incommode que la lividité de son teint devait rendre suspect. Il se fatiguait plus vite, et Je sommeil avait fui sa paupière ; ses amis conce« vaient quelques inquiétudes ; lui seul , soutenu par son zèle , n'en suivait pas moins le cours accoutumé de ses occupations. Le mercredi encore il visita ses malades; mais il se plaignait de malaise. Le jeudi , le vendredi , en donnant des soins à sa santé, il se berçait de l'idée de revoir bientôt ses chers malades. Le samedi, à D 2 (52) huit heures du matin, les symptômes les plus graves se développent ; à neufheures, plusieurs de ses con- frères réunis cherchent à détourner l'orage quile me- naçait. Vain espoir, eflorts inutiles ! Les accidents augmentent , ils se précipitent ; et , le dimanche, |. à sept heures du soir , notre confrère avait succombé à nne fièvre ataxique. M. Besnard est mort , âgé de 47 ans. Il a cessé d'exister à cette époque de la vie où l'homme, au midi de l’âge , peut compter encore sur de longues années. Il est descendu dans la tombe au moment où'il allait recueillir le fruit de ses travaux, Fortune, talents , considération ; oh, terre , tu as tout englouti! M. Besnard a été enleve à cette cité , à son art dans la maturité de l’âge | dans celle de son talent. C'est un arbre chargé de fruits atteint et renversé par la foudre à l'instant méme de la récolte. Si la perte de M. Besnard a été vivement sentie par les habitants de cette ville , par ceux du dé- partement , qui pourra vous peindre les regrets, la douleur de ses amis ? Plusieurs encore aujourd’hui ne parlent de lui qu'avec l'expression du chagrin le plus vif; et le nom de Besnard leur fait encore verser des larmes. Qui , en effet , plus que lui mérita d’avoir des amis ? Franchise, bonté , esprit gai, par fois d'une origi- nalité piquante ; sagesse, solidité dans les principes , une sensibilité qu’il cherchait à se dérober à lui- même et aux autres: que de qualités, Messieurs , pour se concilier l’estime et l'amitié de ceux qui l'approchaient ! M, Besuard vivra long-temps dans le souvenir des honnétés gens et toujours dans le cœur de ses amis. Pour moi qu’il accueillit avec bonté ; qu'il aida , qu’il encouragea à l'entrée de la carrière , que j'aime, (53) quelque douloureux que soit le ministère que je rem2 plis ici, que j'aime à lui payer publiquement le tribut de ma reconnaissance, Que ne puis-je vous faire part de nos entretiens, particuliers ! C’est là que son esprit et son cœur se montraient à nud. C’est là qu’onpouvaÿg apprécier la justesse de l’un et la sensibilité de LE et ces deux qualités confondues composaient essentielle- ment la bonté de son caractère. Mais je craindrais d'abuser plus long-temps de votre indulgence. Je »’y ai d’autres droits que ceux que me donne le sujet que je traite : et le panégyriste de M. Besnard , parlant de son ami , écrivant avec son cœur , peut espèrer d’intéresser un instant ; mais il doit savoir mettre un terme à expression de sentiments qui ne s’éteindront jamais dans son ame. NOTICE NÉCROLOGIQUE sur M. THOURET, Par M. Gosse Ave. L'Académie vient de perdre un de ses mem- bres non-résidants les plus distingués , M. Thouret, docteur et doyen de la faculté de médecine de Pa- ris, administrateur des hôpitaux , administrateur du mont-de-piété , ancien directeur de lécole de mé- decine de Paris, conseiller ordinaire de l'Académie impériale , de la légion d'honneur , ancien membre du Tribunat |, membre du Corps législatif |, membre d’un grand nombre de Sociétés savantes , nationales et étrangères , et spécialement de l'Académie des Sciences , belles-lettreset arts de Rouen, à laquelle il avait été associé en 1787 , décédé le 19 juin 1810 à l'âge de 61 ans. La vie politique et particulière de M. Thouret D. 5 (54) fournirait la matière d'un grand éloge. En attendant qu'une plume plus habile que la mienne rende à sa mémoire l'hommage que méritent ses talents et ses qualités personnelles , qu'il me soit perms de vous entretenir un instant, Messieurs , de cet estimable collègue , et de vous montrer par quelle suite de travaux utiles il obtint la considération dont il jouit , et par quel charme irrésisüble il captiva l'amitié de toutes les personnes qui eurent l'avantage. de le connaitre. Le début de M. Thouret dans la carrière médicale fut un triomphe. M. Diest venait de fonder un prix pour lacquittement des frais de licence : M. Thouret se présente pour le disputer, et, malgré les talents d'un concurrent estimable , sort victorieux du combat. Etroitement lié avec M. Vicq-d'Azir , un des ornements de la faculté , il eut part à beaucoup de mémoires savants qui enrichissent le recueil de la Société Royale de médecine. Le magnétisme animal excitait dans Paris une fer- mentation générale ; c'était le temps des merveilles : Cagliostro , Bléton , Mesmer se disputaient le privi- lège d'alimenter l'oisiveté et la curiosité publiques. M. Thouret s’empara de ce dernier , et, en dévoilant ses nombreux plagiats, fit voir que rien sur la doc- trine du magnétisme animal n'appartenait au doc- teur Allemand , que toutes ses propositions avaient été imprimées un grand nombre d'années avant qu'il les compilât dans leurs auteurs, et le ridicule qu'il répandit sur cette jonglerie , la fit encore une fois rentrer dans lPoubli, Je ne suivrai pas M. Thouret dans sa carrière litté- raire, pour arriver plus promptement à l’une des plus belles époques de sa vie. L'université de Paris n’existait plus : comme tant (55) dinsiiuuons utiles, elle avait été engloutie dans je torrent de la révolution. MM. Thouret et Fourcroi forment le projet de créer une école de médecine nouvelle ; le plan en est tracé , les professeurs dé- signés. Un gouvernement réparateur sourit aux ef- forts de ces hommes généreux ; M. Thouret reçoit le prix le plus flatteur de son dévouement et de ses veilles, par le choix que le gouvernement fit de lui pour être le directeur de l’école nouvelle , fonction honorable qu’il a exercée ayec une grande distinction , et que personne n’a partagée avec lui. Rien en effet ne lui manquait pour l'exercer avec une grande supériorité : connaissances profondes et variées , amour et facilité du travail, esprit concilia- teur , fermeté et douceur dans le caractère , la nature lui avait libéralement accordé tous les moyens d’en remplir les devoirs avec une supériorité prononcée. Ce fut en cette qualité qu’il coopéra puissamment à la formation du comité général de vaccine , des- tiné à correspondre avec tous les médecins de l’u- nivers , et qui a servi si utilement à la propagation d’une pratique utile qui promet la destruction de l'un des fléaux les plus redoutables à la société. Je pourrais, MEssiEURS, ayec un égal ayantage , vous montrer M. Thouret dans les diverses admi- nistrations dont il a fait partie. Mais, je le répète, ce n’est pas son éloge historique que je prétends vous offrir ; j'ai recueilli au hasard quelques traits de sa vie publique que je confie à votre souvenir, et je me hâte de vous entretenir un instant de ses vertus domestiques. Des rapports d’état avaient uni M. Thouret et M. Colombier , inspecteur général des hôpitaux , et ce dernier n'avait pas tardé à connaître le mérite de son jeune ami, M. Colombier était père de deux D 4 (56 ) jeunes demoiselles très-aimables , et des projets d'union avaient resserré des liens originairement for- més par l'estime. M. Colombier meurt , et avec lui périssent ses places et tous les projets de fortune qui pouvaient en dépendre. M. Thouret ne voit plus que les filles de son ami, et , en épousant l’une des deux , satisfait au projet généreux qu'il a formé de leur tenir lieu de père. La faulx révolutionnaire lui a fait perdre un frère qui long-temps a été à Rouen l'honneur du barreau. 11 renonce à ses études chéries pour ne s'occuper que de madame sa belle-sœur et de son neveu, dont l'éducation et les succès deviennent sa sollici- tude et sa gloire. Bon mari, bon père, bon ami , M. Thouret ré- pandait la gaieté et la sérénité dans tous les lieux où il se trouvait ; sa conception facile lui faisait saisir en un instant le nœud de toutes les difficul- és, Les places nombreuses qu’il occupa le mirent en relation ayec des hommes de tous les rangs. Sa politesse , son affabilité , sa droïture , son dé- sintéressement rendirent puissantes auprès d’eux ses sollicitations , et son caractère obligeant ne laissa échapper aucune occasion d’être utile. Je lai con- nu assez particulièrement pour lui rendre ce témoi- gnage qu'il fit tout le bien qu’il put faire, et qu'il doubla les services qu'il rendit par les graces dont il les accompagna. NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR M. DE GAULLE, Ingénieur dela Marine , correspondant de l'Institut de France , membre non résidant de l'Académie de Rouen ; Par M. ViTazrs. J. B. de Gaulle, professeur d'hydrographie au port du Havre, reçut le jour à Attigny , département de la Marne , le 5 juillet 1752. Il s'appliqua de bonne heure à l'étude des mathématiques qui lui fournirent l'occasion de développer les heureuses dispositions qu'il avait recues de la nature, et lui donnèrent les moyens d'étudier à fond la science de la naviga- tion. M. de Gaulle servit d’abord avec honneur, dans la guerre de 1755 , sous les ordres de MM. de Tour- ville , de la Touche et de M. le Comte d’Arfort , sur les vaisseaux et frégates de l'Etat le Cupricieux , le Hardi, la Félicité etla Thétis. Depuis cette époque et jusqu’en 1766, notre con- frère fit , sur les bâtiments du commerce , des voyages aux Indes orientales et occidentales. De retour de ses voyages, M. de Gaulle crut ne pouvoir faire un meilleur usage des connaissances qu’il avait puisées' soit dans la théorie , soit dans la pratique , qu’en se livrant à l'ense'gnement des prin« cipes de Phydrographie et de la navigation , dont ik donna pendant long-temps , et avec succés , des lecons aux ports du Havre et de Honfleur. On doit x M, de Gaulle d'excellentes cartes de la Manche et de l'embouchure de la Seine ; ces (58) eartes ont été publiées , par ordre du gouvernement, en 1772, 1774 et 1758. En 1805, notre confrère adressa à l'Académie de, Rouen une brochure intitulée : Æssai sur les moyens qui pourraient être employés , tant sur terre que sur mer , pour rendre les observations de la hau- teur du soleil indépendantes de l’horison , avec une explication détaillée des changements faits à l’octant ordinaire pour remplir ce but. Cette découverte fut accueillie des savants avec un grand intérêt, et valut à son auteur la recon- naissance de tous les marins, Peu de temps après M. de Gaulle fit part à l'Aca- démie de son projet d’un port de refuge à établir sur le banc de l'Eclat , proche le Havre ; suivi de la manière de vérifier géométriquement les sondes qui ont été fuites anciennement dans cette partie. Cet important mémoire était accompagné d’un plan très- bien gravé, tant du Havre que du banc de lEclat , avec les quantités d’eau dont il est recouvert , de basse-mer , sur différents points. Toujours occupé du bien public, et presqu’à la veille de terminer sa carrière , M. de Gaulle pro- posa un moyen qu’il avait imaginé pour rendre les ex- plosions des magasins à poudre moins fréquentes et moins désastrueuses. Dans ce nouveau travail, sus- ceptible , il est vrai, d’être perfectionné , l'Acadé- mie a vu du moins avec plaisir les généreux efforts d’un vicillard respectable pour prévenir des acci- dents terribles, et dont on ne connait que trop d'exemples. M. de Gaulle a concouru par ses lumières à l'é- tablissement des deux petits phares sur les jettées des ports du Havre et de Honfleur , dont les pé- cheurs savent si bien apprécier l'utilité. Notre (59) confrère a aussi enrichi la marine de divers me- moires sur l’amélioration du port du Havre, et sur les côtes qui l'environnent. Tant de services rendus , par notre savant et la- borieux confrère , à la science de la navigation , lui ont mérité la reconnaissance de ses nombreux élé- ves, et la considération des compagnies savantes les plus distinguées, L'Institut de France le jugea digne d’étre associé à ses travaux; et l'Académie de Rouen s’honore de lavoir compté parmi ses membres non résidants. M. de Gaulle , en cessant de vivre , le 15 avril 1810 , a emporté avec lui, dans la tombe, les re- grets de sa famille , de ses amis et de tous les gens de bien dont il avait su se concilier l'estime , par ses talents et par ses vertus sociales. NorTircesur M. ze comTEe Fourcror#, Membre non résidant de l'Académie. Par M) Virazis. , N'attendez pas de moi , MEssiEURS , que j'entre- prenne de vous rappeler ici tous les honorables souvenirs attachés à la mémoire de l'homme célèbre que nous regrettons. La vie de M. de Fourcroy appartient à l’histoire ; elle intéresse également et les sciences et l’état, Je sens combien il serait au-dessus de mes forces de peindre tout-à-la-fois le savant illustre , et l'homme d’état consommé dans l'administration des di- verses parties qui ont été confiées à ses soins. Laissons à une plume éloquente le soin de tracer pour l'ins- truction de la postérité le portrait de notre immortel ( 60 ) confrère, et contentons nous de recueillir ici quel- ques-uns des matériaux dont le talent se servira un jour pour composer son éloge. Antoine-Francois Ares , comte de l'empire, conseiller d’état à vie , directeur-général de l'instruc- tion publique , commandant de la légion d'honneur , membre de l’'Institutet de plusieurs Sociétés savantes, professeur au Muséum d'histoire naturelle, à la faculté de médecine , à l’école polytechnique , etc., était né de parents plus recommandables par l'estime dont ils jouissaient que par léclat de leur for- tune. Il entra de bonne heure dans la carrière des sciences , et son génie qui l’entrainait vers l'étude des sciences naturelles, puissamment secondé par les leçons des Bucquet, des Rouelle, des Macquer, ne tarda pas à se développer et à fixer l’attention des compagnies savantes. 2: L'Académie des sciences, à laquelle il avait pré- senté plusieurs mémoires , le reçut au nombre de ses membres en 1783. Au mis de février de l’année suivante , l'école du jardin des plantes fit une perte qui semblait devoir êire irréparable , par la mort du célèbre Macquer. Il fallait, pour le remplacer, trouver un homme qui, à des connaissances solides et profondes en chimie, joignit une élocution facile , uue diction pure et élégante. M. Buflon le rencontra dans M. Fourcroy qui se montra digne d’un tel choix. La réputation du nouveau professeur attira à ses leçons un concours immense d’auditeurs de tout âge et de toute condition. Les uns venaient pour s’y instruire , d’autres étaient uniquement attirés par le plaisir de l'entendre parler. Bientôt sa re- nommée se répandit au loin , et l'opinion publique (61) le plaça au rang des premiers chimistes de son siècle. Déjà Bayen avait annoncé des faits qui ne per- mettaient plus de souscrire aux principes erronés de la doctrine de Sthaal , et Lavoisier avait senti la nécessité de donner à la chimie des bases plus solides , un langage plus exact et plus propre à exprimer le résultat des nouvelles expériences. Appelé avec d'illustres coopérateurs à jeter les fondements de la chimie moderne > M. Fourcroy ne se contenta pas de travailler à lui créer une langue nouvelle , il en exposa clairement les prin- cipes dans des Éléments de chimie , et fut peut-être un de ceux qui a le plus contribué à répandre le goût et à faciliter l'étude de cette science. En 1792 , il fut nommé électeur de la ville de Paris, puis député suppléant à la convention natio- pale ; où il ne fut appelé qu'après le procès de Louis XVI. Il fit adopter , en 1795 , un projet de loi pour l'uniformité des poids et mesures ; il proposa et il obuint les décrets qui ont créé l'école polytechnique, celle de santé et celle des mines. Il fut charvé du rapport sur le perfectionnement du tannage par Seguin , et indiqua les moyens de remédier à la disette de salpêtre dont nos armées étaient menacées. Les services qu'il rendait, comme savant À Sa patrie , n'empéchèrent pas qu’il ne fut dénoncé aux jacobins , à cause de son silence sur les affaires{pu- bliques , evil w'échappa à la proscription qu’en prou- vant que, né sans fortnne , il était forcé de se livrer aux trayaux de sa profession pour procurer des moyens d'existence à son père et à ses sœurs. Ce fut en effet pendant les temps les plus orageux de la révolution que M. Fourcroy cComposa son Systême des connaissances chimiques, (62) Ecoutons-le parler lui-même dans le diseouts préliminaire placé à la tête de cet excellent ouvrage. » Vingt-cinq années d’etudes et de travaux, con- tinués sans interruption ,; m'ont servi à recueillir les matériaux du système des connaissances chimi- ques : la rédaction m'a occupé depuis 1793. Je l'a écrit en partie dans des temps de malheur et de proscription , dont il m’a servi à adoucir l’amer- tume. Tandis que ma patrie , en proie au vanda- lisme et à l'oppression , voyait presque tous ses ci- toyens courbes sous le joug d’un despotisme d'au- tant plus affreux qu'il affectait les formes et les bannières de la liberté ; quand tous les cœurs fer- més aux plus douces jouissances et presque à l'espérance d'un meilleur avenir, se refusaient méme à l'épanchement si utile aux malheureux , j'oubliais presque le poids de l'infortune publique dans le charme de l'étude et dans le travail solitaire. Etran- ger aux partis, aux factions qui ont désolé la ré- publique naissante, et qui l'ont mise si souvent en danger de périr, au milieu même du tumulte et des discordes civiles , occupant, contre mon gré, une place où l’homme de bien n'avait qu'à gémir de l'insuffisance de ses moyens , et où les talents, la vertu , le courage , inutiles à la chose publique , n'avaient de ressource pour échapper aux plus atroces passions que de se faire ignorer ; seul et isolé dans la foule bruyante et agitée dont j'étais entouré , je me consolais en quelque manière , je me dissimulais à moi-même la misère publique en m'oc- cupant de la rédaction de mon système. » Les temps moins malheureux qui ont suivi l'heureuse époque du 10 thermidor an 2, m'ont permis de travailler avec plus d’ardeur et de suite à mon ouyrage. J'y ai mis la dernière main dans (63) lés deux années de liberté que m'a laissé ma sortie du corps législatif, « M. Fourcroy avait , en quelque sorte, préludé au grand ouvrage dont on vient de parler , par un autre non moins précieux, sa Philosophie chimique, traduite dans presque toutes les langues de l'Europe. On lui doit encore des Tableanx synoptiques de chimie , utiles aux élèves qui se livrent à l'étude de cette science ; la Médecine éclairée par les scien- ces physiques ; un Traité de matière médicale ; un Traité des maladies des artisans , traduit du latin de Ramazzini ; une traduction de l'Æssai sur le phlogistique par Æirwau, et une foule de mémoires de chimie , de physique et d'histoire naturelle , insérés dans la collection de l’Académie des scien- ces et de l’Institut , dans les Annales de chimie, et dans le Bulletin du muséum d'histoire naturelle. En décembre 1799 ; M. Fourcroy fut appelé par le 1 Consul, au Conseil d'état , où il présenta, en avril 1802 , le projet de la nouvelle organisation de l'instruction publique. Le 15 septembre il remplaca, dans la direction de cette partie, M. Ræderer , nommé sénateur. Un sayant, que ses relations habituelles avec M. Fourcroy , avaient mis à portée de bien connaître son esprit et son cœur, M. Desfontaines , adminis- trateur du muséum d'histoire naturelle , s'exprime ainsi dans le discours qu’il prononça sur sa tombe: » Une force d'esprit peu commune , une grande variété de connaissances , beaucoup d'amour pour le travail, et une étonnante facilité lui donnaient les moyens de suffire à tour, et de remplir égale- ment avec distinction les divers emplois qui lui étaient confés. » Dans aucune circonstance son excellent natu- (64) rel pe s'est démenti, et nous l'avons vu dans des temps orageux protéger et servir des hommes d’o- pinions contraires aux siennes , et dont il savait p’étre pas aimé. » D'une obligeance sans exemple, il ne refusait rien de ce qu’il était en son pouvoir d’accorder avec justice; combien de familles il a rendu heu- reuses. Combien de jeunes gens il a instruits, pro tégés et placés , et qui béniront à jamais sa mémoire! » M. Fourcroy éprouvait depuis long-temps un mal-aise général ; les traits de son visage s'étaient sensiblement altérés. Enfin , le 16 décembre der- nier, sur les neuf heures du matin, il fut frappé subitement d’une attaque d'appoplexie, à la suite de laquelle il expira dans les bras d’une épouse chérie et inconsolable, entouré de ses enfants , de ses sœurs , de MM. Vauquelin et Laugier , ses auciens élèves , ses plus chers amis et ses dignes cooperaleurs. ce M. Fourcroy a terminé sa carrière avant l'âge de 55 ans , lorsqu'il pouvait encore rendre de grands services à l'État et aux sciences. Sa mémoire vivra dans l'avenir , et elle restera sur-tout gravée dans le souvenir de l'Académie de Rouen, qu’il a honorée autant par son génie et ses talents que par les excel- lentes qualités de son ame. PRIX PROPOSÉ POUR 1811. L'Académie propose , pour sujet du prix à décer- ner dans sa séance publique de 1811 , la question suivante : » Etant donnés un volume d’eau et sa chûte, » déterminer (65) #» déterminer la position et les dimensions de la roue ; # soit à aubes , soit à augets ; qui doit produire le » plus grand effet possible. « L'Académie désire sur-tont que l'auteur s'occupe de rendre facilement applicables à la pratique les couclusions qu’il pourrait déduire de ja théorie , et principalement de l'expérience. L'auteur aufa soin de joindre à son mémoire les plans , coupes et profils nécessaires. Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 300 fr., qui sera décernce dans la séance publique de 1N1ux, L'auteur mettra en tête de son mémoire une devise qui sera répétée sur un billet cacheté , où il fera connaître son nom et sa demeure. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où le mémoire aura rem- porté le prix. Les Académiciens résidants sont seuls exclus du concours, Les mémoires , écrits en français ou en latin , de= yront être adressés, franc de port , à M. Virarrs 3 secrétaire perpétuel de l'Académie pour la classe des sciences , ayant le 4° juin 1811; ce terme sera de rigueur. |) TABLEAU Dss Observations météorologiques faites . à Rouen, par M. ViTALIs , pendant l’année 1810. ( Voyez le Tableau ci-après. } TABLE ÀU GcÉNÉRAE des Observations météorologiques faites & Rouen pendant l’année 1810 ; par M. J.-B. Viraris, Professeur de Sciences physiques , au Lycée. A N 1810. (Les principaux phénomènes sont indiqués par une apostrophe ; lorsqu'ils ont été plus considérables. ) : Maximum . : BAROMETRE , 4: . . , . . . Minimum. . « . . THERMOMÈTRE à Meucure,|Mazimum. . . . Échelle de Réaumur. | Minimum Sr EL 0 HYGROMETRE pe Saussuns.| 2ximum Minimum . . . DENTS DOMINANITS ee a + ei a a ele ee ae Jours DE PEULE Jours DE NEIGE UDOMÈTRE.. rs. f Quantité d’eau de pluie, de neige Ù gril... Jours DE GrrËr. | Jours px BRUME ET BROUILLARD Re ÉT JOURS DE TONNERRE . Actes de l’Académie 1810. ( page 66 ). 28 27 6 degrés 5 le 2. —8 5 les 16 et 20. bo 16, 173 18,20 , 21, JANVIER. FÉVRIER. een ee eee | 28 pouces 4 lignes 5 ler, o les 14 et 24. pouces 4 lignes 2 le 5r, 9 degrés o le 2 92 degrés les 5,7, (Grand Vent le gy11,12,15,18, 19,25, 24, 25. 173 19 5 193 20. 6,8,9,10, 11, 12,15. 1,4, 11,12, 16; 173 20,22; 24 25 O0 Te o pouce 10 lignes 9/16, MARS. 28 pouces o lignes 8 le 11. 27 1 o les Get 7. 15 degrés o les get 10. I o le 25, 95 degrés le 27. 65 les 26 et 50, N.-E., S.-0. ( Grand Vent les 10,12, 24, 25.) RENAN 12, 13,16, 24, 27, 281, 31 15. Néant. 1 pouce 8 lignes, SIX PREMIERS MOIS. AVRIL. 28 pouces 3 lignes o le 21. 27 5 o les 6 et 16. 17 degrés o le 30, 1 o les 14 et 15. 95 degrés o le 5. 50 o le 26. S.-E., N.-E,, S.-0., N.-0. (Grand Ventles 5,4et6 ). MAI. 28 pouces 5 lignes 4 le 29. 27 6 1 le 15; 19 degrés o les 1° et 15, 5 5 le 7. / 90 degrés o les 7 et 8: 60 o le 30, E., S.-E., N.-O. 159: 4, 5,6,8, 9, 11,16,17, 19, 20. 1 pouce 9 lignes 1/16. 19, 045 19: 10, 18, 21, 25, 20; 40. Néant. 6,7 ,12, 143% 18, 16, 18,20, 21, Néant. Néant. 1 p. 10 lig. 8/16, dont 9 lig. 4/16 le 18. Néant, 49316, 51. 1, 14, 10: JUIN. 28 pouces 4 lignes o le 25, 27 9 o le 10, 21 degrés o le 26, 8 5 le 18, go degrés le 10. 6o les 5,12, 19, 15. NE., N.-0., S.-E., O.-N.-O. 10, 29. Néant, Néant, o pouce 1 ligne 12/16. Néant. a 15,16, 18, 19,22, 24, 2b,, 26. TABLE AU GÉNÉRAz des Observations météorologiques faites à Rouen pendant l’année 1810 ; par M. J.-B, Vitrazrs, Professeur de Sciences physiques , au. Lycée. SI X" D'ER NT ER SM 'O/I"S: AN :18r0o. Maximum, « , ., | Minimum . re BAROMÈTRE. .. Échelle de Réaumur, Minimum. . , .. THERMOMÈTRE à Mercure ! Maximum. . . JAUMINL OI AENT: 28 pouces 2 lignes 5 le 23. 27 7. 7 lerr 21 degrés leuxer, 10 0 le 25, Maximum. . . Minimum HYGROMÈTRE pe Savssun} VENTS DOMINANTS., , .. . , 98 degrés o le 8, Gt o le 25, S.-0., N.-0. (Grand Vent les 15, 27.) AOAUNT: 28 pouces 3 lignes 2 le 20. 2 8 o le 15. o le 31, 9 o le 19, 22 degrés ot dégrés le 10. ( Grand Vent, 15.) Jours DE PLUIE... ,« Total pour l'année 155 jours. | ——————————————————— Jours DE NEIGR. . .« Total, , + , , . : 15 jours. 1,213, 4) 04011: 155.14, 15, 102 17/,18,19,20,21/, 26, 27,2 Néant, , Jours DE GRËLE . . . Total, . . . . . . 5 jours. Quantité d’eau de pluie, neige et grêle . UDOMÈTRE. OF tre 21 pouces 2 1, 10/16, Jours DK GELÉE , : . Total... . . , . 19 jours. 5 pouces 5 lignes 11/16. Néant, Jours DE BRUMKS ET BROUILLARD. Zotal 99 jours. Jours DEF TONNERRE, Tofal, , , ,... 11 jours. 193 254 24. 1,11, B5 10% I M2,110; 10), Néant, Néant. 1 pouce 1 ligne 3/16. Néant, 2, 10 14, 18, 19,20, 21,22, 924, 25,6% 27l,128),129, 50, 51. SEPTEMBRE 28 pouces 5 lignes 27, 7 22 degrés o le 2, 9 o les 6 et 9. OC"T'OB'R°E: 28 pouces 2 lignes 9 le 26. 27 7 3 le 28. 17 degrés o lemr et qui lui feront part de leur intention, « La Compagnie a chargé M. le Secrétaire de faire savoir à M. le Préfet qu’elle usera de tous les moyens qui sont en son pouvoir pour répondre à ses vues et à celles du gouvernement , soit en éclairant les artistes qui s’adresseront à elle sur les différents articles du programme , soit en les aidant, s’il est nécessaire , dans la rédaction des mémoires et dans le dessin des coupes , plans ou profils des machines qu'ils voudraient présenter au concours. = La Societe des inventions et découvertes s séant à Paris, a fait hommage à l'Académie de son Annuaire pour les années 1810 et 1814 , et l'a price de l'agréer comme une preuve du desir d’entre- tenir avec elle nne communication d’idées qui doit tourner au profit des amis des arts, = M. Lair, secrétaire de la Société d'agriculture et de commerce de la ville de Caen, et membre B C:8) non résidant , vous a adressé une Motice sur la troisième exposition des Produits des Arts du Cal- vados. L'arrivée imprévue de Leurs Majestés dans la ville de Caen , le 22 mai 1811 , a fait entreprendre à la hâte cette troisième exposition des produits des arts du département du Calvados , et M. Lair , secrétaire de la Société , qui se signale par son dévouement pour tout ce qui peut tendre à l'encouragement du commerce et des arts, a eu la douce jouissance d'offrir aux yeux de Sa Majesté trois salles élégamment décorées , et de lui ex- pliquer la nature et la confection des ouvrages les plus parfaits et les plus ingénieux. Sa Majesté a témoigné beaucoup de satisfaction , a examiné avec intérêt les divers ouvrages , au nombre de 200, eta daigné concourir elle-même à l'enconragement , en donnant ordre de porter à son palais des den- telles superbes et des bas de coton d’une extrême finesse et de la plus grande beauté. CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES. M. Dubuc , apothicaire chimiste, à Rouen , et membre de l'Académie , a lu un écrit qui a pour tre: Considérations ou Notes générales , faisant suite À aux Mémoires précédemment publiés par l’auteur , sur le Sucre extrait des pommes et des poires 4 sur son emploi dans l’économie rurale et les besoins de la vie , comme supplément au Sucre étranger. Depuis plus de deux ans M. Dubuc s'OCCUpeM avec un zèle digne d’éloge , à fabriquer le sirop de pommes et de poires, dans la vue de suppléer , autant qu'il est possible ; au sucre de la canne: Le seul département de la Seine compte dejà six ou C19) huit établissements dans la plupart desquels on suit, pour la préparation du sirop de pommes , les pro- cédés indiqués dans les deux mémoires que notre confrère a publiés sur ce sujet. Mais uue fabrication plus étendue qu'il vient d’en- treprendre tout récemment ,; a mis M. Dubuc à portée de faire de nouvelles observations qu’il s'em- presse de communiquer à la Compagnie , parce qu'il les regarde comme propres à simplifier et à régulariser l'opération qui doit convertir le moût de nos fruits à pepins , en principe sucré. La première observation regarde le moyen d’a- mener le sirop de pommes ou de poires au degré de l'aréomètre auquel il est commerçable. En cet état , il doit marquer de 58 à 40 degrés , evil est facile de l'ameuer à cette densité quand on n’opère que sur 5o ou 60 litres de moût ; mais si l’on travaille sur des masses quarante ou cinquante fois plus considé- rables , aussi-tôt que le liquide dépasse 56 ou 37 degrés aréométriques , le calorique agit avec tant d'énergie que bientôt le sirop noircit, prend un goût de caramel , perd sa saveur douce, moëlleuse et agréa- ble, et tourne à l’amer. Notre confrère conclut de cette observation qu'il ne faut donner au sirop dont il s’agit que 56 ou 57 degrés d’épaississement , afin de lui conserver toute sa bonté et ses propriétés na- turelles. Une autre remarque non moins essentielle , dit M. Dubuc , est relative à la claritication. Au blanc d'œuf M. Dubuc est parvenu à substi- tuer le sang de bœuf ; deux cuillerées de sang équi- valent à un blanc d'œuf, mais il faut avoir soin de delayer préalablement le sang dans quatre fois son volume d'eau ; on l’ajoute ensuite au suc de pommes froid quon suppose désacidihé et séparé du car- B 2 C20) bovate calcaire qui pourrait se trouver en excès après la saturation de l'acide malique. M. Dubuc espère même pouvoir se passer du sang pour clarifier le moût de pommes. À Ja suite de ces observations , notre confrère, guidé par l'amour du bien public , signale aux com- merçants et aux consommateurs les qualités et les propriétés que doit offrir un sirop de pommes ou de poires bien préparé. 10 Le sirop refroidi doit donner 36 ou 37 degrés à l'aréomètre de Baumé pour les acides et les sels. Le litre en contient 42 où 45 onces, poids de marc, 2° Sa saveur doit être très-sucrée. 5 Il doit se dissoudre entièrement dans l’eau pure , sans Ja troubler ni former aucun dépôt. 4° Une mesure de ce sirop suffit pour bien sucrer huit mesures de lait pur sans le faire cailler ; il faut avoir soin d’ajouter le lait peu à peu , en l’agitant avec le sirop. De là son emploi dans les crèmes , les épinards, les frangipanes , le café au lait , etc: 5o Une partie en poids de ce sirop sucre forte- ment cinq parties d’eau-de-vie. Le mélange laisse déposer , aprés 24 heures , un peu de mucilage qu'on sépare aisément par le filtre. 60 Cinq ou six livres de sirop suffisent pour réduire en confiture , très-agréable au goût , trente ou trente- deux livres de fruits mondés et cuits à petit feu pendant huit où dix heures. Ea conséquence naturelle que M. Dubuc tire de ces faits, cest que la confection du sirop de pommes et de poires offre des avantages p'écieux , des ressources nombreuses , et que l’on doit être étonné de voir méconnues par un savaul très-res- pectable d'ailleurs qui parait donner exclusivement la préférence au sirop et aux conserves de raisin, (21) L'expérience m'’a déjà prouvé , ajoute M. Dubuec , qu’en délayant une partie de sirop dans dix ou douze parties d’eau , et en y ajoutant une petite quantité de levure de bière ou de tout autre ferment , on obtient en huit ou dix jours, et à une température moyenne ,; un cidre de bonne qualité : ayantage précieux que n'offrent ni le sucre ni le sirop de raisin, = M. Parmentier, membre de l'Institut de France, et membre non résidant de la Compagnie, vous a fait parvenir son Traité sur l’art de fabriquer le Sirop et la Conserve de Raisin, destiné à suppléer le sucre des colonies dans les principaux usages de l'économie domestique. Cet ouvrage, dit M. Robert , qui vous en a rendu compte , est divisé en deux parties, Dans la première , l’auteur se livre à quelques considérations générales sur le sucre. Dans la deuxième , M. Parmentier, après avoir parlé de l'application des sirop et conserve de raisin à la cuve en fermentation , parcourt rapidement le cercle des ressources les plus essentielles que l’éco- nomie domestique et le médecin peuvent trouver dans le raisin considéré comme supplément du sucre. , M. le Rapporteur combat l'opinion de M. Par- mentier qui, trop prévenu peut-être en faveur du sirop de raisin , prétend qu'à tort on a voulu accorder quelque mérite au sirop de pommes ou autres préparations analogues, et que sa fabrieation ue pourra, dans aucun temps , occuper de grands établissements. Il est vrai que MM, Robert et Dubuc n’ont fait par- Venir à M. Parmeulier qu’une petite quantité de sirop B 3 ( 22 } de pommes ; mais on ne leur avait demandé que des échantillons, et ceux qu'ils ont envoyés suflisaient pour faire connaitre la nature du produit de leurs recherches. Depuis cette époque, M. Parmentier n'a pu ignorer qu'il s’est élcvé , à Rouen et aux environs , une foule de fabriques de sirop de pom- mes , qui ont fait des envois considérables tant pour Paris que pour les départements. En terminant’ son rapport , M. Robert paye à M. Parmentier le tribut d'estime et de reconnais- sance dues à ses profondes connaissances et aux utiles travaux dont il ne cesse de s'occuper. = M. Poutet, pharmacien , à Marseille, vous a fait parvenir son Mémoire sur la fabrication du Sirop et du Sucre de raisin, Cet ouvrage, dit encore M. Robert , au nom de Ja Commission dont il est l'organe , moins étendu que le précédent, mais non moins intéressant par les détails précieux qu’il contient, est divisé en plusieurs chapitres dans lesquels l’auteur traite successivement des variétés des raisins de son département , du foulage des raisins, du mutisme, de la saturation et de la clarification du moût , de la concentration du sirop et de sa décoloration. M. Poutet est aux yeux de la commission un praticien habile qu’elle aime à placer au rang de ceux qui consacrent leur efforts à propager les découvertes utiles , et à mériter ainsi la bienveillance de leurs concitoyens. = M.le Préfet vous a adressé | Messreurs , un Rapport fait à Son Excellence le Ministre de l'In- térieur , sur la fabrication du Sucre de raïsin, suivi d’une /nstruction sur les moyens les plus propres à simplifier les opérations et à en assurer le succès. C25) » Annoncer, disent MM les Commissaires chargés de rendre compte de ces deux pièces , qu’elles sont l’ouvrage de MM. Bertholilet , Vauquelin , Proust , Chaptal et Parmentier , c’est donner tout- à-la-fois Pidée de leur importance et de leur mérite «c, = M. Proust , membre non résidant de l'Aca- démie , vous a fait hommage de plusieurs exem- plaires de son Mémoire sur le mutage du suc de raisin , extrait d'une lettre écrite de Noyon à M. le Sénateur Berthollet , le 22 septembre dernier. Instruit, par l'expérience , que le sulfite de chaux est décomposable par l'acide tartarique , et que le gaz acide sulfureux a la propriété de décolorer le moût de raisin, M. Pronst est parvenu à conserver le moût de raisin pendant un assez long-temps et sans altération , au moyen d’un procédé plus simple , plus facile et plus prompt que le procédé ancien qui consistait à faire brüler trois ou quatre mèches souflrées dans les tonneaux destinés à recevoir le moùt. » Ainsi, dit M. Robert , au nom de la commis- sion dont il est l'organe , ainsi M. Proust moissonne chaque jour dansle champ qu’il à défriché le premier. L'Académie applaudira d'autant plus volontiers aux succès de notre savant confrère , qu’elle regarde comme un de ses devoirs les plus chers d’accueillie avec intérét tous les travaux utiles , et de concourir de tout son pouvoir à la propagation des lumières «. = M. J’italis a eu l'honneur de vous communi- uer un Rapport ue M. le Préfet l'avait charge de PP sq 5 B 4 (24) Jui faire, sur l’extraction du sucre de la racine de betterave. L'Académie a délibéré que ce rapport serait imprimé en entier daus le Précis analytique de cette année. ( J’oyez ci-après. ) — M. Dubuc l'ainé , membre résidant , vous a communiqué un écrit contenant trois expériences sur une petite portion du sirop de betteraves pré= paré par M. Vitalis, pour l'essai dont il a été parlé dans l'article précédent. La 1° expérience a pour objet la propriété dont jouit l’alcool de séparer du sirop de betteraves deux substances de nature hétérogène , lune solu- ble dans l’eau et non dans Palcook, et qui a tout les caractères du corps murçueux ; l'autre noirâtre, désagréable au goût, insoluble dans l'alcool, et qui m'est tenue en dissolution dans l’eau que par l'in- termède du mucilage et du principe sucré. Le sucre candi obtenu par l’'évaporation de l'alcool, et dont il a été mis sous les yenx de l'Académie un échantillon , démontre , dit notre confrère , que Valcool pourrait être employé avantageusement dans la préparation en grand du sucre de bette- raves, si son prix n’était pas trop élevé. Dans la 2° expérience, M. Dubuc fait voir qu’en ameuant le suc de betteraves à 21 dégrés de l’aréo- mètre de Beaumé , et en le chargeant d’une cer- taine quantité de gaz acide sulfureux, on parvient promptement à purifier et à clarifier le suc de cette plante. L’auteur convient cependant que ce procédé réussit moins bien que l'alcool pour élimi- ner les deux substances hétérogènes mélangées avec le suc dela betterave. On s’empare du reste de l'excès d'acide qui pourrait se rencontrer au | (2%) - moyen de la chaux éteinte à l'eau et bien tami- sée. Par la 5° expérience , notre confrère se propose de constater de nouveau un fait qu'il a remar- qué depuis long- temps , en préparant la sub- stance sucrée que donvent les poires et les pom- mes , savoir , qu'une légère fermentation dans le suc des plantes pent en séparer les corps hété- rogènes sans altérer sensiblement le principe su- cré. Cette expérience appliquée au suc de bette- raves, promettait, dit M. Dubuc , d’heureux ré- sultats , mais un accident imprevu et trop com- mun dans les laboratoires, ne permit pas de conduire le travail à sa fin. = Organe d'une commission nommée pour cet objet, M. Dubuc vous a fait un excellent rapport sur deux échantillons de savon présentés à l'Aca- démie , l'un par M. Holker fils, manufacturier de produits chimiques à Rouen, l'autre par M. 'iralis. La Commission annonce qu’elle a reconnu dans ces deux échantillons presque toutes les condi- tions qui caractérisent un savon de bonne qualité ; mais qu'ils manquent du coup-d'œil marchand , du moelleux et de l'uni dans la conpure : imper- fections legères aux yeux des chimistes, disent MM. les Commissaires, mais qui empécheraient que des savons ainsi préparés pussent soutenir la concur- rence commerciale sans laquelle un établissement de ce genre ne peut se flatter de prospérer. Peu de temps après, M. Vitalis ayant eu lhon- neur de soumettre au jugement de l’Académie un nouvel échantillon de savon , toujours préparé avec la soude artificielle |, M. Dubuc, au nom de la Commission , vous a fait un nouveau rapport daus lequel il s'exprime ainsi : C26) » Il est résulté de l'examen de la Commission et de celui des négociants qui tiennent la partie des savons , que le savon préparé par M. Vita- lis a l'aspect, l'uni , le moelleux et l'odeur par- ticulière des savons du midi , et qu'il les égale en bonté par ses qualités détersives et savou- neuses. « M. Dubuc a profité de cette occasion pour faire savoir à l'Académie que notre confrère ,; M. Ro- bert, s'était aussi occupé de la confection du savon avec des soudes fabriquées par M. Dubuc le jeune, manufacturier de produits chimiques, à Rouen : j'en ai, dit-il, chez moi un échantillor qui a beau- coup de rapport et d’analogie avec les savons blancs du midi. — M. Pavie, membre résidant, vous a commu- niqué , au mois de février dernier, des observa- tions sur le procédé employé pour teindre en bleu , par la cuve montée à chaud , au moyen de l'ivatis tinctoria , connu dans le commerce sous le nom de vouede et de pastel. L'Académie a jugé ce Mémoire digne d’être im- primé en entier. ( Voyez ci-après ). — Le même membre (M. Paie), en vous pré- sentant , au mois d'avril dernier , un petit échan- tillon d'indigo qu'il avait réussi à extraire de la plante du pastel, vous avait annoncé , MESSIEURS , qu'il s’occupait de traiter en grand cette nouvelle branche d'industrie, d’après l'invitation qui lui en avait été faite par Son Excellence le Ministre de l'intérieur et par M. Savoyÿe-Rollin , préfet de ce département. Le succès le plus complet a couronné les eflorts de, D | (27) votre confrère , ainsi que vous avez pu en juger vous-mêmes , Messieurs, par le bel échantillon qu'il vous a oflert, A ce produit, M. Pavie a joint un Mémoire dans lequel il détaille le procédé qu'il a suivi et qui fui appartient tout entier ; 1° pour extraire l’indigo de la plante du pastel; 2° pour amener cette fécule au plus haut dégré de pureté, Ce Mémoire sera imprimé à la suite de ce rapport. ( /’oyez ci-après MÉDECINE. = M. Boismare, D. M. P., médecin du dépôt de mendicité de Rouen, et membre résidant, vous a communiqué , Messieurs , uu Mémoire très- étendu sur la ropographie et les constitutions mé- dicales de la ville de Quillebeuf et des lieux cir- convoisins dont elle recoit des influences. Détermi- née par l'importance de ce mémoire, l'Académie a délibéré qu’il paraîtrait en entier daus son Précis analytique. ( Forez ci-après ). = Il a été adressé à la Compagnie, par M. Saissr , D. M. , à Lyon, membre ron résidant, des con- sidérations sur quelques mammifères hybernants. Ce nouveau mémoire, dit M. Gosseaume qui a bien voulu se charger d’en rendre compte , fait suite, en quelque sorte, au mémoire du même an- teur, couronné par l'Institut, et ne peut qu'ajou- ter à l'opinion favorable que l’Académie avait con- que du caractère observateur et des belles connais- sances de M. Saissy. . = M. Lafisse, fils, D. M..P., vous a fait hom- mage d’une dissertation qu’il a présentée et soutenue (28) à la faculté de médecine de Paris, pour sujet de son dernier examen. j Cette dissertation a pour titre : Recherches sur l'emploi du Quinquina dans les fièvres intermittentes accompagnées d'hydropisie. M. Lafisse rapporte d’abord les diverses opinions sur la cause de ces hydropisies , et il cherche à établir que ce n’est pas le quinquina, comme plusieurs auteurs le pensent , mais bien la fièvre elle-même qui leur donne naissance. L'auteur cite ensuite des observations dans les- quelles on voit ces hydropisies céder au quinquiva, lorsqu'il est donné en quantité suflisante , et il invoque le témoignage des auteurs qui disent lavoir vu réussir dans des cas semblables, M. Lafisse termine par quelques remarques relatives aux analogies et aux différences qui existent entre le cas qu’il examine et plusieurs autres. La dissertation de M. Lafsse , dit M. Godefroy qui vous en a présenté l'analyse , se lit avec intérêt. Le style en est pur , les observations sont bien choisies, et il faut savoir gré à l’autenr de les avoir réunies dans un même cadre. Ce premier écrit de.M. Lafisse doit faire concevoir une haute idée de ses disposi- tions ei de son discernement. — M. Lesauvage , docteur en chirurgie , à Paris, vous a communiqué , Massieurs , la dissertation qu’il a soutenue à la faculté de médecine de Paris, le 21 juin 1810, et qui a pour titre : Recherches sur les effeis du verre et des substances vitriformes por- tées à l’intérieur des organes digestifs. M. Vigné , dans le rapport que vous l'aviez chargé de faire sur cette dissertation , s'exprime ainsi : (29) » M. le Sauvage reproche à plusieurs médecins , * d’ailleurs très-estimables , d’avoir signalé le verre et le diamant pulvérisés comme déléières , sans produire aucun fait positif à l’appui de leur asser- tion ; d’avoir accordé trop de confiance à certains exemples dénués de preuve décisive et qui justi- lient doublement son improbation. » À ces exemples succède une autre série de faits où il s’agit de plusieurs individus qui, dans l'ivresse , ayant brisé et avalé leurs verres, périrent quelque temps après..... Aucun de ces faits ne peut convaincre M. le Sauvage des dangers qui naitraient de la déglutition du verre et du diamant , parce qu'aucune circonstance , selon lui, n’indique une lésion mécanique du tube alimentaire , et qu’il refuse d’ailleurs au verre et aux substances vitri- formes la faculté d'opérer chimiquement sur lap- pareil digestif, « M. le Sauvage tire ensuite d'observations nom- breuses qu’il emprunte de médecins dignes de foi , ou qui lui sont propres , des preuves de l’innocuité du verre. » Il invoque encore , à l'appui de son opinion, le résultat de ses tentatives sur des rats auxquels il a fait prendre du verre grossièrement pulvérisé , sur des chats auxquels il en a fait avaler des frag- ments de plus d'une ligne de longueur , sur des chiens à l'estomach desquels il en a confié avec ou sans aliments, dans l’état de plénitude ou de . vacuité. Ces animaux n’ont offert aucun signe de gêne ou de douleur , et n’ont présenté , dans l’au- topsie cadavérique , aucune trace de phlogose ni d’é- rosion. » Tant et de si fortes preuves, continue M. Vigné, dispensaient M. le Sauyage de porter plus loin ses (30) expériences ; cependant il a eru devoir les répéter sur lui-même , et la toujours fait , soit à jeun , soit après ses repas, sans en éprouyer le moindre accident. « » Je louerai, avec empressement, dit M. le Rappor- teur, l’ordre , la précision , l'instruction qui règnent dans cet ouvrage ; mais je ve puis croire que le diamant brut et sur-tout le verre pris en fragments de plus d’uneligne, irréguliers et plus ou moius aigus, fusseut toujours avalés sans danger ,et que ce soit une erreur de les regarder comme poisons mécaniques «. » Oserai-je même en faire Paveu? ( C'est toujours M. Vigné qui parle. ) Je redoute une assertion qui consacre l'innocuité de corps piquants , incisifs , pro- pres à déterminer, sur des organes d’une extrême délicatesse , d’une sensibilité exquise , l’inflamma- tion la plus intense, et par suite, lexulcération , la gangrène et la mort. Je la redoute autant que je ferais, pour de tels organes , la présence de ces corps étrangers dont ils auraient à solliciter l'ex- pulsion , à l’opérer par des mouvements qui ten- draient à les fixer plus profondément dans leurs parois, et concourraient ayec eux aux (ourmeats et à la ruive du sujet, Un seul exemple semblable à celuique M. Portal nous à transmis , sufhrait, ce me semble , pour donner le plus grand poids à ces réflexions «. = M. Marquis, D. M. P., Professeur de botanique au Jardin des plantes de Rouen , a offert à la Compagnie un Æssai sur l'Histoire naturelle et médicale des Gentianes , qu'il a soutenu à la faculté de médecine de Paris , le 22 juin 1810. Après avoir donné une description générale des gentianes , marqué leur rapprochement avec d'autres C3) plantes , soit par les fleurs, soit par les fruits, et avoir indique ce qui les distingue , l'auteur, dit M. Boismare chargé du rapport, fait quelques réflexions sur la classification des gentianes, admise par les botanistes , et restreignant son sujet aux gen- tianes et aux chironies employées en médecine , il doune seulement les caractères essentiels de chacnne de ces deux espèces, cite les lieux qu’elles habitent plus particulièrement , et la saison où leurs fleurs sont dans leur beauté. M. Marquis passe ensuite à l'his- toire de ces plantes dont les noms rappellent , dit- il, des souvenirs intéressants dans l’histoire de l'art de guérir. Les propriétés utiles ou agréables des gentianes appelaient particuliérement l'attention de l’autear : et il donne à cette partie de son travail tous les développements que l'on peut désirer. » C'est sans doute au quinquina seul qu’on doit avoir recours , dit M. Marquis, toutes les fois que des symptômes graves, pernicieux caractérisent les accès d’une fièvre intermittente... ; mais la gentiane , qui, d’ailleurs, paraît étre de tous les végétaux celui qui se rapproche le plus du quinquina par ses qualités , doit être toujours préférée à cette écorce dans les tierces vernales bénignes «, L'essai présenté à la Compagnie par M. Marquis est, au jugement de M. Boismare , remarquable par le style agréable dans lequel il est écrit, et par un laconisme toujours louable , mais qui offre plus d’une difficulté à l'analyse. = Nous avons reçu de M. Desgenettes , D. M. L professeur et secrétaire de la faculté de médecine de Paris, et membre non résidant de l'Académie , deux Opuscules dont l'un est l'extrait de deux Dis- ( 33): - sertations qu’il a traduites de l'italien en frariçais sur les parotides dans les maladies aiguës , et l'autre un discours qu’il a prononcé le 9 novembre 1809 , dans la séance publique de l'école de mé- decine de Paris. M. Vigné vous a fait, connaître , MEssreurs ; le mérite de ces deux ouvrages. Suivant lui , les deux dissertations sur les parotides, par le D. Annibal Mariotti, sont le fruit d'ane longue expé- rience et d’une grande érudition , et l'extrait qu’en a donné M. Desgenettes lui paraît bien propre à con- firmer l'idée que l'Académie a conçue des talents du traducteur. M. Vigné pense que le discours de M. Desgenettes est également digne en tout de l'approbation de Ja Compagnie, M. le Rapporteur passe rapidement en revue les matières qui y sont traitées , et observe que M. Desgeuettes s'exprime, à l'égard de ses collabora- teurs , de manière à donner de chacun d'eux Pidée la plus avantageuse. -» Parmi ces professeurs , que leur juste célébrité me dispense de nommer , je n’ai pu, sans verser encore deslarmes, dit M. Vigné , retrouver le nom de l’un de nos collègues , qui compta, pour ainsi dire , chacun de ses jours par ses bienfaits , ami zelé de la science dont il fut l’ornement , protec- teur de l'élève intelligent et laborieux ; en un mot , l'un des hommes que l'on ait eu le plus de raisons de cultiver et de chérir. À cette simple esquisse, qui de vous, MESSIEURS , reconvaissant l'excellent Thouret, ne confondrait ses regrets avec les miens , et son hommage avec celui que je rends à sa mé- moire ? « Après cet élan d’un cœur sensible et reconnais- sant , (53) sant , M. Vigné termine ainsi l'analyse du discours de M. Desgenettes : ’ » Notre confrère , dit-il , applaudit au renouvelle- ment de cette institution sublime de laquelle éma- nent toutes les parties de l'instruction publique ; et, saisissant l'occasion de montrer à quel point la faculté s'honore d'appartenir à l'Université impé- riale , il ajoute : et l'Université à son tour ne peut voir sans intérêt un corps qui réunit l’ancienne faculté de médecine, l'Académie royale de chi- rurgie et la Société royale de médecine. = M. Sage , que nous avons déjà cité plus haut, vous a fait parvenir une brochure intitulée : Moyen de remédier aux Poisons végétaux , à ceux qui sont produits par les Substances métalliques, et au FVenin des animaux. M. Gosseaume vous a donné , Mrfssieurs , une juste idée de cet ouvrage dans le compte qu’il en a rendu à la Compagnie. » Après avoir exposé la manière souvent très- différente dont les poisons agissent sur l’économie animale, et montré que plusieurs des plus redou- tables dans les blessures qu’ils rendent mortelles, peuvent ètre impunément avalés ; que les sauva- ges mouillent de leur salive , en la portant à leur bouche , la pointe de leurs flèches empoisonnées par la décoction de la liane , Upas liente , sans en éprouver le moindre accident , et que l’on mange, sans danger , la chair des animaux tués en peu de temps par ce poison redoutable : l’auteur, dit M. Gosseaume , entre en matière, décrit les symp- tômes produits par un grand nombre de poisons Végétaux , minéraux et animaux, et indique Îles moyeus qu'il croit propres à les combattre. CG (34) n La matière médicale de M. Sage n'est ni dis- pendieuse, ni embarrassante : les acides végétaux, le vinaigre sur-tout, et l’alcali volatil fluor , en forment tout l'appareil, « M. Gosseaume , en suivant l'auteur dans le dé- veloppement de ses idées , a soin de faire remar- quer en quoi ses opinions lui paraissent s'écarter quelquefois des principes reçus en chimie ou con- sacrés en médecine. » Je nai pas cru , dit notre sayant confrère , garder le silence sur des points qui intéressent la vie des hommes , malgré mon respect profond pour les vastes connaissances de M. Sage , parce que les erreurs les plus préjudiciables sont celles qui se répandent sous la tutelle d’un nom fameux «. = La Société de médecine de Lyon nous a fait Venvoi du procès-verbal de sa séance publique , et du compte rendu de ses travaux, par M. Balme, secrétaire général, Il n’était pas aisé de préciser encore davantage ce précis déjà très-abrégé des travaux d’une Société distinguée, M. Gosseaume , dont la plume élégante et facile ne connaît point de difficultés , s’est ac- quitté de ce travail avec la méthode et la sagacité qui caractérissent tous ses écrits. » Le discours d'ouverture prononcé par M. Petit, president ( c'est M. Gosseaume qui parle ), roule particulièrement sur les maladies qui ont régné à Lyon pendant les deux dernières années. L'Auteur semble en induire qu'il existe un ordre de succession dans les maux qui nous afiligent, et que cet ordre bien connu peut nous faire pré- voir de loin ceux dont nous sommes menacés , et les organes que nous avous à garantir. En parlant (35) du croup , l'Auteur s'attache à prouver que cette maladie n’est autre chose que l’esquinancie catar- rhale, et que le nom de croup devrait éire rayé du tableau nosologique. » Les matériaux du rapport sont réunis sous les titres suivants : Pyrexie:s , fièvres épidémiques , affections contagieuses , météorologie médicale , ma- ladies locales périodiques , phlezmasies , poïsons , rhumatismes > Vaccinations , névroses | vésanie , épilepsie , rage , tétanos , apoplexie , cachexie , anasärque , scorbut , gale, dartre , inflammation de la cornée | extraction des corps étrangers , constipation , cancer, ectopie , plaies, fractures , animaux hibernanrs , géologie, botanique. » Le surplus du rapport consiste dans quelques notices nécrologiqnes et succinctes , et lindicaiion des prix dont celui proposé en 1808 a été rem- porté par M. Godefroy , notre eonfrère. Le rédac- ieur n’en dit que six ligues, mais il en dit assez pour faire apprécier l'ouvrage couronné. « » Tel est , dit M. Gosseaume , le sommaire de l'ouvrage dont vous m’aviez chargé de vous pré- senter un apperçu. Quelque laconique qu'il soit, il suffira , j'espère, pour vous donner une idee de la nature et de l'étendue des travaux de la Société médicale de Lyon ,; comme de lérudition et du zèle des membres qui la composent. = La Société de médecine du département de l'Eure , vous a adressé, MEsSiEURS , quatre numc- ros de son Bulletin des Sciences médicales. M. Gosseaume en a recueilli la substance dans différents rapports que vous avez entendus avec autant de plaisir que d'intérêt. Ca (36) M. Gosseaume a fait remarquer en général un grand nombre d’articles intéressants, et faits, dit-il, pour soutenir la réputation de ce Journal, dont le mérite s'accroit encore par la noblesse du style et l'honnêteté avec lesquelles il est rédigé. M. le Rapporteur a bien voulu rappeler en par- ticulier le jugement porté par le célèbre Vauque- lin, sur un phosphate acide de potasse cristalli- sable et inaltérable à l'air , découvert par M. le Secrétaire des sciences. Il résulte de mes expé- riences , dit M. Vauquelin, que M. Vitalis a en- richi la chimie d’nne nouvelle espèce de sel qui doit avoir place dens la classe déjà nombreuse de ces substances. = M. Gastellier, D. M., membre non résidant, vous a fait parvenir un imprimé , dans lequel ïl combat victorieusement opinion du D. Gay , qui prétend que lon doit proscrire entièrement la sai- gnée dans tous les cas et dans toutes les maladies guelcongues. AG REC U LIT UR EE = Conformément à un des articles de vos sta- euts , M. Rosnay de Villers a lu son discours de réception , dans la première séance à laquelle il a assisté, Pegardant son admission au sein de l'Académie comme une faveur dont il exprime sa reconnais- sance envers les membres qui la composent, notre confrère pense que cet honneur lui impose l'obli- gation de faire de nouveaux efforts pour améliorer état de notre agriculture , genre de travail dont il s’est particulièrement occupé. (37) » L’agricuiture , dit M. de Villers , en vénéra- tion chez les anciens , l'objet d'un cuite particu- lier chez les Egyptiens et chez les Scythes, protégée et encouragée à Rome , fut à peine honoree du nom d'art chez les peuples modernes , qui, séduits par l'espoir de résultats éclatants , dédaignèrent , com- mue peu dignes de leur ambition , les modestes Wayvaux qui assurent la prospérité sans ajouter à la gloire. On fut long-temps à comprendre que le seul bien inépuisable est le produit de la terre ; que les richesses , les revenus ; la population dépendent de la culture du sol. « Par une suite nécessaire de l'ignorance des vrais principes , l'art de cultiver la terre, tombé dans le mépris et livré à une routine aveugle , ne fit au- cun progrès pendant un grand nombre de siécles. La France tourna enfin ses regards versles champs, et Sully , dont le nom rappelle tous les genres de vertus et de talents politiques , Sully chercha à urer l’agriculture de l'avilissement et de l'oubli où elle était plongée, Mais, privée de l'appui que lui prétait son illus- tre protecteur , elle ne tarda pas à retomber dans sou premier état de langueur et d'inertie : état dont il eût été facile à Colbert de la préserver sil eût accordé aux productions du sol la méme attention qu’il donnait aux produits de l’industrie, Enfin , grace à la sagesse de notre gouvernement actuel , honorée de la protection du Souverain £ éclairée par les lumières qué répandent autour d'elle les nombreuses Sociétés savantes dont les travaux ont pour but principal d'animer et de perfectionner la culture ; encouragée par des récompenses hono- rables, l'agriculture fait chaque jour de nouveaux progrès. Déjà la France a donné l'exemple d'une C 5 (58) | des plus importantes améliorations en acclimatant la race des brebis à laine superfine. » Cependant il nous reste encore beaucoup à faire avant que lPagriculture soit portée au point de perfection qu'elle est susceptible d’atteindre, Espérons tout , dit notre confrère , de la pater- nelle et constante sollicitude d’un Monarque dont le génie vaste et profond embrasse le systéme du bien publie dans tous ses rapports et toute son étendue. Il sait que de toutes les nations de l'Eu- rope , et peut-être du monde , la France est celle qui gaguerait le plus à devenir essentiellement agricole. » On a pensé jusqu'à présent, ecntinue M. de Villers , que la culture des grains sur une grande étendue serait plus profitable à lPétat et aux par- Uculicrs que la culture des grains sur une moin- dre étendue , mais associée à celle des fourrages pour la nourriture des bestiaux «, Quoique M. de Villers wait présenté sur cette question qu’un apperçu , comme il s'exprime lui- même , ses principes n’en méritent pas moins une grande atrention. Suivar! ‘ni, la meilleure exploitation serait sû= rement 4elle qui ,; en éparguant les dépenses , donnerait les produits les plus considérables en grains, en même-temps qu’elle augmenterait la fer- ülité du sol. Il regarde comme des points incon- testables, 1° qu'il ne peut exister de bonne ex- p'oitation sans des fonds snffisauts pour la monter couvenablement ; 2° qu'on doit éviter que les plan- tes de la même espèce se succèdent immédiate- ment; 5° qu'il faut éloigner suffisamment le retour des productions semblables, Quaut aux moyens de maintenir les amélioras (39) tions, où méme d’angmenter la fertilité du sol ,on en connaît trois : les labours réitérés, le repos et les engrais. Le premier est insuffisant, parce qu'il ne four- nit aucun principe de fertilité. Le second wa pas un eflet plus marqué : si le terrein est mieux dis- posé à produire l'année suivante , fl est douteux que la récolte puisse indemniser le cultivateur de la non valeur pendant le repos des terres. Les engrais ont, sur les deux moyens qui pré- cèdent, une supériorité confirmée par l'expérience genérale : ils changent la nature du sol ; ils y portent des principes de fécondité , de chaleur et de vie. Mais comment se procurer l’abondance des en- grais ayec Je moins de frais possibles ? Pour résoudre cette question , l'auteur observe que, de tous les engrais connus , le fumier des animaux , employé seul ou comme complément des autres amendements, est réputé le meilleur ; et celui qu'on approprie le plus facilement aux diverses espèces de terre; d'où M. de Villers con- clut que ce doit étre de la multiplication des bes- tiaux que nous pouvons attendre le succès promis par Pagriculture à la prospérité publique et au bonheur mdividuel. Le discours de M. Rosnay de Villers est écrit facilement et avec une noble simplicité ; il nous paraît appuyé sur de bons principes et renfermer d'excellentes vues. L'Académie en a entendu la lecture avec plaisir , et fonde de grandes espérances sur le zèle et les talents de son auteur, = M.Goube, associé correspondant de la Société d'agriculture de Paris, vous a adressé son Zraité de la vie et de l’organisation des plantes. C40) Organe de la Commission chargée de vous faire connaître cet ouvrage, notre respectable confrère , M. Deu , vous en a présenté une analyse fidèle et bien propre à vous donner une idée exacte du mérite de cet ouvrage , dans lequel lauteur , au jugement de la Commission , développe une grande étendue de connaissances en physique et en histoire naturelle. = M. Dumont de Courset , membre non résidant de l'Académie , correspondant de l'Institut de France et de plusieurs Sociétés savantes , vous a fait hommage , Messieurs , d'un exemplaire de la 2° édition de son Boraniste cultivateur , en 6 vol in-8°, -dont la 1° édition, en 4 vol. , même format, avait paru en 1802. » L'auteur, dit M. Deu, auquel l'Académie avait coufié l'examen de cet ouvrage , après avoir passé plusieurs années au service , se retira dans un do- maine qu'il possédait près de Boulogne-sur-Mer , et se livra avec ardeur à l’agriculture et à la cul- ture des arbres et des plantes. » C'est après avoir bien observé et étudié les dif- férentes natures et expositions des terres de son can- ton , que M. de Courset a établi les principes de culture qu’il prescrit dans ses mémoires sur l’agri- culture du Boulonnais , publiés en 1780 et accueillis par l'Académie des sciences. » De nouvelles études et des essais nombreux inspirérent depuis à l’auteur le dessein de commu- niquer au public le résultat de ses travaux et de ses expériences, » On venait de publier la traduction du diction- nare de Miller , célèbre jardinier anglais. Cet ou- vrage ne répondait point à l’auente des botanistes C41) et des amateurs..... M. de Courset, qui avait étu- dié l'original , jugea convenable de suivre une autre marche et de s’assujettir à une méthode qui, en rapprochant les genres et les espèces qui ont le plus d'analogie , conduisit en méme-temps à prendre des notions de botanique , par l’obligation de cher- cher les plantes dans la classe ‘et dans l’ordre où elles sont placées. » Cette méthode est celle d'Antoine de Jussieu , et notre auteur la suit dans son ouvrage. » Mes liaisons avec M: de Courset, continue M. Deu , l'avantage que j'avais d'habiter son voisinage , et le loisir dont je jouissais alors , m'ont fait hasarder de me charger, dans la première édition du Botaniste cultivateur | de quelques détails , tels que l'exposé de la méthode , le tableau des plantes, un exposé succinct du système de Linné et le rapprochement de ses plantes avec celles rangées suivant l’ordre naturel «, L'étude du sol, l’analyse des terres , les serres de différentes températures et les chassis fixent suc- cessivement l'attention de l’auteur. Après ces détails généraux , il donne la définition des parties des plantes, et un apperçu de la méthode de Jussieu , à la suite de laquelie on a placé un tableau qui réunit les grandes divisions , les classes et les ordres. L'introduction est terminée par une table compara- tive des genres décrits dans l'ouvrage , suivant la méthode de Jussieu, rapprochés des classes et di- visions correspondantes dans le systême de Linné. L'auteur , dans le premier volume , donne des détails généraux de culture , etc. Les cinq volumes suivants contiennent la série des plantes, suivaut la méthode naturelle de Jussieu. C42) L'ouvrage contient 13 à 1400 genres, et environ 8000 espèces. Les végétaux cultivés dans les jardins de l’auteur sont indiqués par un astérisque. Après les caractères des divisions , des classes et des ordres et subdivisions, viennent ceux des genres , des espèces et des variétés. On fait connaitre le port et les hauteurs auxquelles les plantes s'élèvent , la forme des feuilles et des fleurs | leurs couleurs fixes et variables, la description des graines et des fruits, les pays originaires, les mois de floraison. Onindique si les plantes sont annuelles , bisannuelles ou vivaces , si ce sont des arbres ou des arbustes. On entre eufin dans les détails de culture , des propriétés , des usages , sans négliger les détails particuliers relatifs aux genres et aux espèces qui demandent des exceptions. Le Botaniste cultivateur est terminé par quatre tables quiindiquent, r° les noms français de Jussieu ; 2° la nomenclature latine de Linné, adoptée par les Savants de tous les pays; 5° les noms synonymes et particul'ers à plusieurs cantons de France ; 4° les noms anglaisles plus usités qui répondent aux noms français donnés aux mêmes plantes. » Le succès de ia première édition. du Botaniste cultivateur me fait espérer, dit M. le Rapporteur, que l'Académie voudra bien agréer l'hommage de la seconde, La rédaction en est plus soignée ; on y trouve de nouvelles recherches ; en un mot , VPauteur s’est elforcé de la rendre , sous tous les rapports, pus digne de l'attention des Savants et des nombreux amateurs de la culture des plantes. —= Vous avez reçu, Messieurs , de M. Tessier , membre non résidant, un ouvrage qu'il a publié sous ce titre : {nstruction sur les bêtes à laine , par- ticulièrement sur la race des mérinos. C43) » L'auteur, dit M. Rosuay de Villers, qui avait été chargé de rendre compte de cet ouvrage à l'Académie , l’auteur écrivant, d’après l'expérience, sur un sujet qui avait déja été traité, fait usage des observations des autres comme des siennes propres , Jorsqu'il les croit bonnes , et rectifie celles qui lui paraissent en avoir besoin, Toujours simple , modeste et clair , il n'adopte aucun sys- tême qui puisse le faire soupconner d’exagération. Son but étant d’instruire , il ne publie que ce qu'il a reconnu vrai dans la pratique. » L'Instruciion est divisée en trois parties , et terminée par un article relatif aux bergers et à la manière d'élever leurs chiens, « Dans la première partie , M. Tessier assigne les caractères du véritable mérinos , détermine ceux qui le distinguent de nos races communes , monire l'emploi qu'on peut faire de cette race précieuse , et indique les moyens d'en tirer le plus grand avantage. La seconde partie est relative aux soins qu'exi- gent les bétes à laine ; M. le Rapporteur pense que l'extrait de cette partie de l'ouvrage pourrait servir de manuel aux bergers. La troisième partie commence par des réflexions générales sur les maladies des bêtes à laine: l'au- teur donne les moyens curatifs probables, et s'at- tache sur-tout à faire voir comment on peut pré- server les moutons de la plupart des maladies et des accidents auxquels on les expose habituelle- ment. L'ouvrage est terminé par un article relatif au choix des chiens et à la manière de les dresser. “ Cet ouvrage , ajoute M.le Rapporteur , ayant été approuvé par le gouvernement , qui en a ordonné C44) la publication, il ne nous reste qu’à souscrire au jugement qu'il en a porté , et à émettre le vœu que cette instruction utile soit généralement ré- pandue. = Il a été adressé à la Compagnie , par la So- ciété d’agricultnre de Paris , un Mémoire de M. Paris, sous-préfet à Tarascon, sur la culture de la soude , dans son arrondissement , département dés bouches du Rhône. » La guerre ayant porté le prix des soudes étran- gères à un prix excessif, et celles de France qui ne se récoltent que sur quelques points des côtes méridionales , étant tout-à-la-fois et inférieures en qualité aux soudes d'Espagne , et en quantité insuf- fisante pour les besoins , on chercha les moyens de remédier à ces deux inconvénients, » La chimie conçut le projet de substituer une: soude artificielle aux soudes qu’on tirait des végé- taux , et on sait avec quel succès ce projet a été exécuté. » L'agriculture voulut aussi venir au secours de nos fabriques, et M. Paris essaya de relever dans le canton de Tarascon la culture des plantes qui fournissent la soude naturelle. « M. Deu , suivant pasà-pas la marche de lPau- teur , donne les caractères botaniques des diflé- rentes espèces de soudes connues jusqu’à présent , et indique la manière de cuhiver ces plantes , de les récolter et de les incinérer. » Le rapport du poids de la soude obtenue en dernier résultat est à celui des plantes brülées , à- peu-près comme 2 à 15 ; 60 quintaux de plantes donvent environ 11 quintaux de soude , poids ordinaire d’un mètre cube de cette substance alca< line. C45) » Indépendamment de la soude , on brûle plu- sieurs plantes qui participent de ses propriétés, et qui croissent spontanément dans les terreins d’Ar- les et des Saintes-Maries.... Il ya, dit toujours M. Deu , que la cherté de la soude qui engage à brûler ces dernières plantes.... C’est aussi ce mo- if qui a déterminé plusieurs agriculteurs à cultiver la soude jusqu’à 20 lieues de distance des côtes ; mais on doit observer qu’au bout de quelques années la semence dégénère , et que la plante cesse de donner de la soude. # On assure que le blé semé dans la même terre réussit parfaitement sans y répandre un nouvel engrais , ce qui permet d'établir un assolement utile. ' » À la suite du mémoire de M. Paris , se trouve le rapport fait par MM. Vauquelin, Tessier et Bosc, à la Société d'agriculture du département de la Seine. » Les résultats de ce rapport doivent , au juge- ment de M. Deu, devenir un sujet d’encourage- ment pour les fabriques de soude artiüicielle qui peuvent fournir des soudes bien supérieures en qua- lité à celles qui ont été soumises à l'examen de MM. les Commissaires. = M. Rosnay de Villers yous a fait, dans une de vos séances , deux nouveaux Rapports : le pre- mier , sur les Améliorations agricoles opérées , depuis quelques années, dans le département des Hautes-Alpes , par l’eflet des instructions publiées par la Société d’émulation de Gap; le second , sur le résultat du concours qui a eu lieu, le 19 mars et le 26 juin 1810 , pour le perfectionnement de la Charrue , présenté à la Société d'agriculture du département (46) de la Seine , par M. le sénateur comte François de Neufchâteau . . . La Société a récompensé , par des dédommagements et par des médailles , le zèle et les efforts de quelques concurrents ; mais le probléme n'ayant pas été pleinement résolu , le concours a été ajourné jusqu’à ce que les renseignements que la Société desire se procurer lui soient parvenus. = Au nom de la Commission nommée pour cet objet , M. Vitalis a fait le Rapport qui avait été demandé à l'Académie , par M. Savoye Rollin, préfet du département de la Seine-Inférieure , sur les moyens d’encourager la culture du Pastel, Après avoir rappelé les résultats des expériences qui permettent de croire qu'on peut, avec avan- tage et économe , même en temps de paix, retirer du pastel une fécule bleue en tout semblable à l'indiso d'Amérique , M. le Rapporteur passe aux moyens qui ont paru à la Commission les plus propres à encourager la culture du pastel. » L'attrait des récompenses , l'envoi gratuit de graine de pastel de la meilleure qualité, une ins- tructon courte , claire et précise , distribuée aux fabricants , aux cultivateurs et aux proprictaires du département: tels sont , au jugement de MM. les Commissaires, les moyens qu'il convient d'employer pour donner à la culture du pastel la grande im- pulsion qui doit régler sa marche et assurer ses ; succès. » La munificence impériale , continue M. le Rapporteur , ne laisse rien à désirer aujourd’hui sous le rapport des récompenses. » Un décret assure des primes d’encouragement pour la culture du pastel, » Un prix considérable est proposé à celui qui (47) sera parvenu à retirer du pastel la plus grande quantité d’ind'go. » La vo'x de l'honneur , si puissante sur le cœur des Français, achevera de déterminer ceux que l'attrait des récompenses n'aurait pu ébranler. » Le Gouvernement a encore prévenu les désirs de la commission relativement à l’envoi des graines de pastel. « M. le Rapporteur observe que , dans Ja dis- tribution des graines qui s'opère en ce moment , notre département mwa point été oublié , et que notre confrère , M. Pavie, doit en recevoir inces- samment 5o kilogrammes , d'après l'avis qui fui en a été donné par M. le Préfet du départe- ment. La Commission indique la graine violette comme Ja meilleure ; on latire de Rieti, sur les confins de l'Abruzze, Le troisième moyen propre à encourager la cul- ture du pastel , consiste dans le soin de rédiger une instruction à la portée des esprits les plus or- dinaires et des cultivateurs les moins instruits. » La Notice sur le Pastel, publiée depuis peu par M. Puymaurin, contient d'excellentes choses; mais , si l'on se décidait à mettre cet ouvrage en- tre les mains des cultivateurs , il paraïtrait à la Commission convenable d'en retrancher ce qui regarde la préparation de la pâte de pastel, puis- que , d'une part, le pastel fermenté convient moins aux cuves de bleu que le pastel dans le simple état de dessication , ainsi que M. Pavie l'a fait connaître depuis longtemps ; et que, de lautre , l'expérience a démontré que l’on n’obtient la fécule bleue que de la feuille de pastel fraiche. » La Commission recommande particulièrement à (48) l'attention de M. le Préfet , le Mémoire sur la cul- ture et la préparation du Pastel, par M. Jean Rouques , propriétaire-cultivateur et teinturier , à Alby. Quelques pages suflisent à l'auteur pour traiter tout ce qu’il importe essentiellement de sa- voir soit pour cultiver en grand Je pastel , soit pour en extraire la précieuse fécule qui fixe en ce moment l'attention du gouvernement. M. Vitalis termine ainsi son rapport » :'"Félici- tons-nous , MESssIEURS, de ce que l’Académie a été appelée, par M. le Préfet , à l'honneur de répon- dre aux vues bienfaisantes du gouvernement ; puisse le travail que nous avons l'honneur de vous pré- senter, mériter sa bienveillance et votre approba- tion ! « (1) = M. D’Ornay a rendu compte de l'/nstruction sur la culture du Coton dans les départements de Rome et du Trasimène, adressée à l'Académie par la Société d'agriculture de Rome. Cet ouvrage , qui contient 24 pages in-8°, est divisé en 20 chapitrés nécessairement très-courts , et qui traitent successivement de l'exposition et de la température propre. à la culture du coton ; de la vature du terrein propre à cette culture ; de la oo (1) Par une lettre , en date du 30 juillet dernier, M. le Préfet | après avoir informé l’Académie qu'il a transmis le rapport à Son Excellence le Ministre de l'intérieur , ajoute : » En m’annonçant la réception de ce rapport, dont vous aviez , Mzssieuns , adopté les conclusions, Son Excellence me recommande de vous témoigner toute sa satisfaction du zèle avec lequel vous avez répondu à l'appel qui vous à été fait «, préparation (49 ) Préparation à donner au terrein ; des engrais; des arrosages; de la qualité , du choix et de la préparas tion de la semence ; du temps où l’on doit semer ; de la manière de planter le grain ; des soins qu’il faut apporter aprés avoir semé ; du binage et du sarclage ; du nombre et du choix des plantes qu'il faut conserver ; du premier ébourgeonnement ; de la floraison ; de la seconde pousse aux branches latérales ; de la récolte du coton ; de l'utilité de la culture du coton: enfin, des expériences que la Société se propose de faire l'année prochaine. Aprés avoir exposé succinctement ce que chacun des chapitres offre de plus intéressant , M. D'Oruay propose à l’Académie de remercier la Société de Rome de son obligeante attention, et de la prier de continuer à nous enrichir de ses productions. ne ee rt F Les divers travaux dont je viens d’avoir l'honneur de vous rendre compte , MESSIEURS , seront dans tous les temps, aux yeux de nos concitoyens, un monument honorable du zèle avec lequel vous cultivez les sciences et les arts. Ils apprendront à la postérité que vous ne connaissez d'autre gloire que celle d'être utiles , d’autre récompense que celle d'avoir bien mérité de la chose publique. C5) PR«I x. M. le Président a annoncé que l’Académie n’ avait recu, sur la question mise au concours pour 1811% qu’un seul Mémoire portant pour épigraphe: Claudite jam rivos pueri , sat prata biberunt ; que la Commission chargée de l'examiner ne l'avait pas jugé digne du prix , mais seulement d'une mention honorable ; que l’auteur ayant cependant désiré être nomme, et l'Académie voulant lui donner publiquement un témoignage de son estime , il allait remplir les intentions de l'Académie en ouvrant le billet annexé à son Mémoire. Le cachet ayant été rompu, M. le Président a proclamé le nom de M. de Maurey , membre non résidant de l'Académie , demeurant à Incarville près Louviers, département de l'Eure. Norice BIOGRAPHIQUE suR M. MEsA12E, Pharmacien à Rouen. Par M. VitTazis. Il est donc vrai, M£ssieurs, que parmi les fonc- tions que vous avez daigné me confier , il en est de pénibles, de douloureuses méme à remplir. Sensiblement aflligé moi-même de la perte d’un confrère auquel j'étais particulièrement et depuis long-temps attaché, comment pourrais-je essuyer vos larmes et adoucir l’amertume de vos regrets ? Cherchons du moins à calmer notre douleur, en C9 gravant profondément dans nctre souvenir les qualités estimables qui nous avaient inspiré , pour M. Mesaize , les sentiments les plus vifs d'estime et d'attachement , et qui honoreront à jamais sa mé-' moire. Pierre-Francoiïs Mesaize est né à Fécamp , le 17 juin 1748 ; il n'eut pas le bonheur de connaître sa mère qui perdit la vie en lui donnant le jour ; pour comble d’infortune , son pèrc ne survécut que de trois ans à son épouse. Le jeune orphelin trouva un appui et un soutien daus un oncle, qui, non-seulement prodigua à son enfance les soins les plus tendres , mais qui forma sa jeunesse autant par son exemple que par ses conseils , et n’épargna rieu pour son éducation. À l’âge de 17 ans, M. Mesaize fat placé dans la maison de commerce de M. Bouuet, marchand droguiste à Rouen, où il puisa Le goût des sciences naturelles, et où, pendant trois ans , il apprit à connaître méthodiquement les nombreuses substan- ces que la nature fournit aux besoins des arts en général , et à celui de la pharmacie en particulier. Une circonstance heureuse vint s'olirir alors au jeune Mesaize qui brûlait du désir d'agrandir le cercle de ses connaissances. M. le baron de Bormes , si avantageusement connu des chimistes , jouissait d’un revenu consi- dérable, et en employait la plus grande partie à des recherches qui tendaient à enrichir la science de nouvelles découvertes. Ne pouvant suflire seul aux travaux du laboratoire , il appela près de lui M. Mesaize, qui ne le quitta que pour prendre les leçons de M. Delaplanche , pharmacien distingué , à Paris, et dont la réputation attirait en foule les élèves à ses démonstrations de chimie. D 2 C52) C'est là que M. Mesaïize prit des idées aussi étendues qu’exactes des principes de la chimie, qu’il se forma à l'art difficile des expériences , et qu'il se familiarisa avec les moyens les plus délicats de l'analyse, Ces succès lui valurent l'honneur d'étre choisi par le célèbre Bucquet, pour préparer ses leçons de chimie, et il s’acquitta de cet emploi, pendant trois années entières, avec un zèle et une intelli- gence qui lui méritèrent l'estime et l'amitié de ce savant chimiste, A cette époque, la place de phar- macien étant devenue vacante à l'Hôtel-Dieu de Rouen, M. Mesaize se présenta au concours, et y donna des preuves si évidentes de ses talents et de sa capacité, que d’une voix unanime la préfé- rence lui fut accordée sur tous ses concurrents. Il remplit les devoirs de cette place avec ce zèle soutenu et cette exactitude scrupuleuse dont il fit toujours profession dans l'exercice de son art. M. Mesaize était parvenu à cet âge où l’homme sent le besoin d’unir son sort à celui d’une compagne aimable et vertueuse. Il ne fut pas embarrassé du choix. Pendant le temps qu'il avait passé dans la maison de M. Bonnet, il avait été à portée d'appré- cier le mérite de Mie Geneviève Bonnet, qui réunissait toutes les qualités de l'esprit et du cœur. M. Mesaize eut le bonheur d'obtenir sa main, et à dater de ce moment il ne compta plus que des jours heureux. La place qu’il occupait à l'Hôtel-Dieu lui donnait le droit d'ouvrir une pharmacie à Rouen, et il en profita ; il obtint du public une confiance entière , et répondit constamment à ce témoignage de bien- veillance par un soin extrême à ne fournir que des médicaments bien préparés , et sur-tout par une intacte probité. C,53) Il chercha même à répandre le goût de son étude favorite parmi ses concitoyens , en faisant des cours de chimie , les premiers qui avaient été donnés à Rouen , et qui devinrent en peu de temps le rendez- vous de toutes les Personnes qui attachaient du prix à l'instruction. J'en appelle ici au témoignage de ceux qui ont assisté aux lecons de M. Mesaize : ils lui rendront sans doute cette justice , qu'il était difficile de. manipuler avec plus d'adresse, de s'exprimer avec plus de clarté et de précision. Aussi , pendant cinq années de suite , ses cours furent-ils fréquentés avec une assiduité qui seule fait l'éloge du démonstrateur. C'était peu pour M. Mesaize de connaître à fond les principes de la théorie , il aimait sur-tout à en faire des applications et des applications utiles. Un des premiers fruits de ses travaux en ce genre fut un Mémoire intéressant sur les savons de gayac et de scammonce, Il soumit ce Mémoire » en 1779 , au jugement de l'Académie de Rouen » Qui s'empressa de l'admettre au nombre de ses collaborateurs. L'année suivante , sur l'invitation des Magistrats de la ville de Rouen ; notre confrère indiqua les moyens les plus sûrs pour découvrir les prépara- tions de plomb ou les substances alcalines qui pou- vaient se trouver dans les cidres et en rendre l'u- sage nuisible on dangereux. Les commissaires nommés par l'Académie de Rouen pour examiner ce travail » applaudirent aux recherches qu'il contenait, et à la manière ingénieuse avec laquelle M. Mesaize avait pro- cédé, Peu de temps après il publia le programme d'un Cours de teinture , qui obtint l'approbation de lil D 3 (54) Justre Macquer , et celle de l'Académie de notre ville. On conçoit assez combien il est à regretter que notre confrère n'ait pas été mis à portée de réaliser un projet dont l'utilité ne peut être révo- quée en doute. Vers l’année 1705, il fit imprimer le programme d'un cours élémentaire de botanique appliquée à la médecine , aux sciences et aux arts; ce cours de- vait avoir lieu au Jardin des plantes de Rouen. Depuis une vingtaine d'années , le bois s’est élevé à un si haut prix , qu'il est devenu indis- peusable d’aviser aux moyens d’en diminuer , au- tant que possible , la consommation. Ce besoin se faisait sentir particulièrement dans la viile de Rouen, où des milliers de fourneaux de toute espèce , allu- més nuit et jour , consument , dans l'espace de quelques mois , le produit annuel de nos forêts. M. Mesaize chercha et trouva la solution de la question dans une construction mieux entendue des fourneaux, et il résulte des expériences faites avec soin à l'Hôtel-Dieu de Rouen, que les fourneaux construits d'après les principes de M. Mesaize , économisent au moins un quart du combustible. Cette importante déscuverte devait naturelle- ment amener uue réforme dans la construction de ces sortes d'appareils ; cependant elle west point encore aussi géuérale qu'on pourrait le désirer : d'où nous devons conclure que, dans cette eircons- tance comme dans une foule d’autres, la vérité ue viendra que très-lentement et très-difficilement à bout de vaincre les obstacles que lui opposent sans cesse les préjugés, l'ignorance et la mauvaise foi. On doit encore à M. Mesaize une analyse des diflérents tabacs du commerce , et des observations (55) sur différents points d'histoire naturelle et notam- ment sur l'ichtyologie. Dans le Précis analytique des travaux de l'Académie pendant l'année 1807, on trouve une notice qu'il a communiquée à la Compagnie sur un squale très-grand ( squalus maximus), pêché à Yport, département de la Seine-Inférieure , dans le courant du mois de novembre 1806, Dans des lettres adressées à M. Mesaize par M. Lacépède, ce sayant remercie notre confrère, en des termes très-obligeants , des renseignements qu'il a bien voulu lui transmettre sur différentes espèces de poissons , ou de quelques individus de cette classe d'animaux qu'il lui avait envoyés. Enfin , M. Mesaize a pris part à un grand nombre de rapports sur divers objets d'arts ou de sciences. Vous connaïssez tous , Messieurs , le dévouement de M. Mesaize pour l'Académie ; vous savez avec quelle assiduité il fréquentait ses séances , et avec quel noble désintéressement il a exercé parmi nous les fonctions de trésorier. Les services rendus aux sciences et à l’Académie ne sont pas les seuls titres de notre confrère à notre estime et à la reconnaissance publique. Né sensible et bon , M. Mesaize n'offensa jamais personne. Jamais on ne l’entendit mal parler de ceux mêmes dont il avait à se plaindre. On le vit souvent , au contraire, Jorsqu’ii pouvait le faire sans blesser les usages ou les convenances , imposer silence à l’indiscrétion ow à la malignité. Toujours prét à obliger ses amis , il preuait sur-tout plaisir à soulager l'indigence. Combien d'aumônes il a versées dans le sein de la veuve et de l’orphelin ! Combien de médicaments Ï a fournis gratuitement aux malheureux ! Une attaque de paralysie , dont il fut frappé it D 4 (56) y a dix ans, avait altéré sa constitution naturelle- ment forte et vigoureuse. Cependant sa vertueuse épouse était parvenue , par ses soins préveuants , par ses attentions délicates , à lui rendre la santé, et à l’attacher encore à la vie. Vers le commencement de cette année, il éprouva une maladie dont il guérit : mais les forces ne se rétablirent point, et des symptômes fâcheux vinrent assez rapidement jeter l'alarme dans le cœur de ses amis, Les secours de l’art, qui lui furent administrés par les talents et l'amitié réunis dans la personne de M. Godefroy son médecin , ne purent arrêter les progrès du mal, et il tomba insensiblement dans un état de langueur qui annonçait une fin prochaine. M. Mesaize la vit arriver avec cette résignation et ce calme qu’inspirent les sentiments religieux et le témoignagne d’une bonne. conscience. Il cessa de vivre le 20 juillet dernier , regretté de sa respectable et inconsolable veuve , de ses parents , de ses amis , de ses confrères et de tous ceux qui ont eu l'avantage de le connaître. : — La classe des sciences a fait aussi, cette année, une perte qui lui a été très-sensible , dans la personne de M. M.-A. Petit, D. M. à Lyon, et membre non résidant. En attendant que M. Vigné, désigné par l’Aca- démie pour remplir cet honorable office , puisse payer à la mémoire de notre savant confrère le tribut d’éloges qui lui est dû , nous transcrirons ici l'article nécrologique qui le concerne , et qui a été inséré dans le n° 21 de la Gazette de santé , 21 juillet 1811. » Les arts, les lettres, la médecine , viennent de perdre M. Marc-Antoine Petit, docteur en médecine à 5 Lyon, membre du ne D cipal de cette ville et du collége électoral du département, auteur de la Médecine du cœur, du Mont-Cindre , poëme , etc. Doué d’une érudition profonde  A goût exquis ; de l'amour de son art qui ne l'empéchait point de donner à la littérature ses loisirs , il n'a vécu que ce qu’il fallait de temps pour montrer moins ce qu'il a fait que ce qu’il aurait pu faire... . Il est mort à 45 ans. Digne héritier d'un nom dont il porta noblement le fardeau , il venait d’étre nommé correspondant de l’Institut de France , qui récom- pensait en lui l'alliance déjà rare de la médecine et de la littérature , et qui menace de devenir plus rare encore. Sa perte sera vivement sentie à Lyon et y sera difficilement réparée « (58 ) MÉMOIRES Dont l’Académie a délibéré l'impression en entier dans ses Actes. OBSERVATIONS Sur le procédé pour teindre en bleu par la cuve montée à chaud , au moyen de l'/saris Tinctoria , connu , dans le Commerce, sous la dénomination de V'ouède et de Pastel. Par M. BENJAMIN Paris. Ce procédé, le plus expéditif et le plus écono- mique que je connaisse , donne le bleu le plus solide et le plus beau : il ‘applique à la soie comme à la laine , et méme au fil de lin et de coton, lorsqu'il est exécuté avec le soin et l'intelligence convenables. Malgré tous ces avantages , combien d'artistes cependant ont été obligés de l'abandonner à raison des contrariétés qu’ils éprouvaient , sans se donner la peine d'en chercher les causes ! Je me suis convaincu , par la persévérance dans mes recherches, que la manière de cultiver et particulièrement de récolter lisatis , influait consi- dérablement sur le résultat du procédé ; et ce sont ces recherches que je vais, Messieurs , avoir l'honneur de vous soumetire, Pour procéder avec ordre, je commencerai par exposer succinctement comment on cultive et on récolte l'isatis; je ferai connaitre ensuite la méthode que j'ai adoptée pour le récolter moi-même et le faire récolter par mes fournisseurs. Je joindrai um C59) tableau des opérations qui ont été exécutées dans mes ateliers avec différentes espèces d’isatis. Je suivrai pas à pas la marche dela cuve montée avec cette plante fermentée ou non fermentée ; j'indi- querai les phénomènes qu’elle présente , les diverses maladies auxquelles elle est exposée , et les moyeus de les prévenir ou d'y remédier; je dirai, enfin , ce qu’il convient de faire pour maintenir la cuve en bon état. Culture de lIsatis. ‘isatis tinctoria est une plante bisannuelle , de la famille des crucifères, dont les feuilles servaient autrefois à teindre en bleu avaut la découverte de l'indigo. Elle croît naturellement en Europe sur les bords de la mer Baltique et de POcéan ; on la cultive en grand dans le Languedoc , la Provence et dans le département du Calvados , dans les communes de Luc, Langrune et la Délivrande. Elle croit encore naturellement sur les roches de Saint-Adrien près Rouen , où elle se multiplie abondamment par ses graines. Sa racine est grosse , fibreuse et s'enfonce pro- fondement dans la terre ; elle pousse des tiges herbacées , très - lisses, hautes quelquefois de > pieds ; la première année et l'année suivante , où elle donne sa graine , elle monte de 11 à 14 déci- mètres ( 4 à 5 pieds} ; le fruit est presque sem- blable à celui du frêne et ne contient qu’une semence. Comme la bonté de l'isatis dépend de la grandeur de ses feuilles , pour les obtenir telles et en avoir un grand nombre , il faut semer cette plante dans un terrein et une saison convenables, en espacer assezles pieds et les débarrasser de toutes mauvaises herbes. (60) On sème ordinairement l’'isatis en avril où mai; la terre doit avoir été précédemment défoncée par des labours fréquents. Sa racine étant pivotante et très - fibreuse , elle exige un sol profond , bien ameubli, qui ne soit ni trop leger, ni trop sablon- neux , ni trop fort, ni trop humide. Sa graine est très-difficile à semer à cause de sa légèreté. Au lieu de suivre le sillon comme pour le bled, on est nécessairement obligé d’avoir le nez au vent et de marcher en arrière , en faisant tourner son bras horisontalement , de se hausser ou baisser selon le degré du vent; quand il est trop fort il est à craindre qu’il n’emporte la graine par peloton; il faut alors, pour y remédier , la jeter plus haut. Manière de récolter l’Isatis, particulièrement dans le département du Calyados. On fait ordinairement deux récoltes par an : la première en juillet et la deuxième en octobre. Cette dernière devrait étre défendue sous un double rapport. 19 Autant cette plante est un excellent compost pour le blé quand on n’en retire qu'une coupe , autant elle lui est préjudiciable quand on en fait une seconde , parce qu’elle appauvrit irop la terre. 2° Le regain ( seconde coupe ) sur- tout , quand il est récolté de la manière qu'il va étre dit , produit des effets bien moins avan- tageux pour amener lindigo à Pétat de cuve. On coupe l'isatis à un demi-pouce dans terre avec une espèce de truelle large et tranchante par le bout ; on laisse les feuilles étendues sur la terre un ou deux jours, pour qu'elles se flétrissent. On les met ensuite en tas pour leur faire snbir un premier degré de fermentation. Quandde cultivateur (61) sapperçoit qu'il s’est formé au pied du tas une espèce de liqueur qu’il appelle siroté , il porte les parties extérieures du tas à l’intérieur, et laisse subir à la masse un nouveau degré de fermentation, et on l'étend ensuite sur le gallet ou dans la prairie pour lui donner la dessication convenable : après quoi on la porte en magasin pour être livrée au commerce. Au moyen de cet apprêt , l'isatis acquiert une couleur vert noirâtre qui flatte l'œil du consomma- teur au préjudice de ses intérêts, De l'Isatis fermenté ou Pastel, Aussit-tÔt après la récolte, les feuilles légèrement fanées sont portées à un moulin, où on les réduit en pâte; cette pâte est mise en pile à Pair libre; on la presse avec les pieds et les mains; on la bat et on l'unit ; elle se revét d’une croute noirâtre qui s’entrouvre souvent. Toutes les fois que cela arrive , on lie la pâte et on l’unit de nouveau avec beaucoup de soin , antrement elle s'éventerait, et il se formerait dans les crevasses de petits vers qui la gâteraient. Elle est laissée en cet état pendant 72 à 15 jours; après ce terme , on ouvre la pile de pastel, on la broie entre les mains , mélant la croute avec le dedans, et on en forme des pelotes allongées par les bouts opposés , dans un moule fait exprès. Lorsqu'il est bien desséché , on l’emballe et il peut alors être employé daus Ja teinture. Méthode que l’expérience a démontrée être la plus convenable pour récolter l'Isatis destiné à la cuve de bleu à chaud, Le gouvernement journalier de cette cuve m'ayait (62) convaincu que les contrariétés que l'on n'éprouve que trop souvent dans cette opération , ne pouvaient provenir que des états divers où se trouve la plante à raisen dela manière dent elle à été récoliée et du plus ou du moins de fermentation qu'elle a subie. Cette considération me fit concevoir le projet de cultiver moi-même VPisatis. Je fis donc préparer trois acres de terre qui furent ensemencés au commencement du mois de mai. Le premier fut ensemencé avec Ja graine d'i- satis qui croit naturellement sur les roches de Saint- Adrien. Le deuxième avec la graine de celui que l’on cul- tive dans le département du Calvados. Et enfin le troisième avec la graine d’une espèce que l'on cultive à Albi. Cette dernière espèce est sapérieure en qualité à celle du Calvados. Elle a les feuilles plus larges, plus longues et plus lisses. Les jeunes plantes subirent un premier sarclage au commencement de juin, et un second dans le courant de juillet. Au mois d’août suivant , deux acres seulement, savoir : ceux qui avaient été ensemencés avec la graine provénant du Calvados et la graine tirée d'Albi, furent coupés dans la même journée. Les feuilles restèrent étendues sur Ja terre jusqu’au lendemain quatre heures après midi, où elles furent mises en petits tas pour passer la nuit : précaution indispen- sable , parce que l'expérience m'a démontré que les fortes rosées aïnsi que les pluies causent un grand dommage à cette plante. Le lendemain , elles furent étendues sur la terre à neuf heures du matin et mises ensuite en tas. J'ai observé qué les tas étaient extrémement chauds, ce (635) qui démontre que cette plante fermente avec une extrême activité ; la chaleur s'est manifestée dans bisatis du Calvados, pendant trois jours, et dans celui d'Albi, pendant quatre , en diminuant toujours progressivement. L'isatis du Calvados resta étendu pendant six jours 4 et celui d'Albi deux jours de plus. Sa dessication fut moins prompte , parce que la plante était plus forte. Ilest facile de concevoir que , si on ne rencon- trait pas un temps très-favorable pour récolter cette plante , il serait impossible de Pobtenir sans fer- mentation , eu égard à la facilité avec laqueile elle passe à la fermentation. Le troisième acre , ensemencé avec l'espèce qui croît naturellement sur les roches de Saint-Adrien , fut consacré à une autre expérience concernant les vaches qui donnent du lait bleu , d’après l’invita- tion qui m'en avait été faite par M, Tessier , membre de l'Institut. J'en fis d'autant plus volontiers le sa- crifice , qu'il me fut possible de m’en procurer une quantité suffisante pour exécuter en grand l’expé- rience comparative dont je rendrai compte dans un moment. y A la même époque , je me transportai avec mes ouvriers à Saint-Adrien , et, par la trés-grande complaisance de M. le desservant , je me procurai une quantité considérable de cette plante qui , après la dessication , me donna un produit de 65 kilo- grammes (130 livres ) pesant. La plante fut fanée dans les allées de mon jardin et sur le sable, La dessication n’a duré que quatre jours ; trois même auraient sufli, parce que la plante était beaucoup plus petite , et que le sable sur lequel elle était étendue , en a hâté la dessication. C64) J'ai observé ; dans l'isatis de Saint-Adrien , la méme disposition à fermenter , que j'avais remar- quée dans les autres espèces. LA Tableau des opérations qui ont été exécutées avec l'Isatis, comparativement aux différentes méthodes employées dans sa culture. * " . Quatre grandes cuves ayant chacune 3 mètres C9 pieds) de profondeur sur 2 mètres {6 pieds} de diamètre dans le bas et 16 décimètres C5 pieds) dans le haut, furent emplies d’eau chaude à 75 degrés de chaleur , thermomètre de Réaumur. On a mis dans la première , n° 1%, 60 kilo- grammes ( 120 livres) d’isatis, cultive et réeelté.dans la commune de Luc , département du Calvados , d’après la méthode en usage dans ce > département ; et fermenté. Dans la seconde , n° 2 , 60 vb nes ( 120 livres ) d’isatis des roches de Saint-Adrien , non fer- menté. Dans la troisième , n° 5 , 60 kilogrammes ( 120 livres ) d’isatis , récolté dans la commune de Belle- ville-en-Caux , et produit de la graine du départe- ment du Calvados , mais préparé sans fermentation. Et enfin , dans la quatrième, n° 4, 60 kilogrammes (120 livres) d’isatis, provenant de graine d'Albi, cultivé sur la même terre et récolté aussi sans fer- mentation, Il a été ajouté dans chacune des quatre cuves , 6 kilogrammes ( 12 livres) d’indigo broyé et amené à une consistance huileuse , sans autres ingrédients quelconques : les cuves furent bien palliées, Il était six heures du soir lorsque les quatre cuves furent garnies. Le (65) Le lendemain , à cinq heures du matin, les nu- méros 2 et 3 ( isatis de Saint-Adrien et du Calvados non fermenté ) se trouvèrent dans un bon état de fermentation. On reconnut cet état en heur- tant les cuves , c’està-dire , en plongeant la palette du rable avec rapidité de la surface du bain à l'in térieur , jusqu’au pied de la cuve que l’on nomme patée. Toutes les bulles d’air qui parurent alors à la surface du bain étaient d'un bleu clair et trés-vif ; le pied était moelleux et donnait déjà , exposé au contact de l'air, une légère variation de nuance : les cuves avaient l'odeur fade de la plante , mais après leur avoir donné un tranchoir de chaux du poids de 7 hectogrammes(1livre 1/2), pendant qu’on les palliait , cette odeur fade disparut sans qu'il se manifestât aucune autre odeur. La fleurée augmen- tait à vue d'œil, offrait une couleur bleue cuivrée : les veines bleues s’appercevaient trés-distinctement à la surface du bain pendant le palliage. On donna encore un tranchoir de chaux à chacune des cuves $ ce qui détermina une odeur ammoniacale qui piquait un peu au nez. Je laissai les cuves en cet état jusqu’à neuf heures dumatin. Le n° 4 ( monté avec le pastel d'Albi et non fermenté ) , était dans un état de fermentation porté jusqu'à l’effervescence. Une quantité de feuilles s'était portée à la surface du bain : effet que l'on nomme semage , en termes de l'art. En heurtant la cuve , le bain présenta les méme 3 symptômes que les précédentes ; mais le pied de celle-ci , exposé au contact de l'air , donna une variation de couleur plus déterminée. Cette cuve absorba une plus grande quantité de chaux » C'est-à-dire , trois tranchoirs. La fleurée se montra plus abondante , mais moins bien réunie et d'un E € 66 ) bleu plus terne ; les veines bleues à la surface du bain étaient plus larges et plus apparentes- Si on eût pallié la cuve trois heures plutôt , on aurait évité l'effervescence très-vive à laquelle la qualité supérieure de l'isatis avait donné lieu. La cuve n° 1 montée avec le pastel fermenté , était restée dans un état de stagnation. En la heurtant , les bulles d'air qui parurent à la sur- face du bain étaient d’un gris sale , le pied était moins moelleux et ne donnait aucune variation de nuance par son exposition à l'air. On lui donna un peu de nourriture , c’est-à-dire un demi-tran- choir de chaux, et, pendant le palliage ;1l se mon- tra un peu de fleurée d’un bleu très-pâle et terne; on ne put distinguer aucune apparence de veines bleues à la surface du bain. A neuf heures du matin on pallia une seconde fois. Les bains des n* 2, 3 et 4, présentèrent le plus bel aspect. En heurtant les cuves il parut à Ja surface du bain des bulles d'air qui étaient d'un bleu de roi trèsvif. La fleurée était d’un bleu cuivré vicleñt, bien réunie , ayant beaucoup de relief, imitant la forme de grappes de raisin entas- sées les unes sur les autres. Le bain et le pied étaient de couleur jaune oli- vâtre, qui, par le contact de l'air, se changeait en une couleur vert bouteille foncé. Pendant le palliage les veines bleues parurent très-abondamment à la surface du bain. Les trois cuves dont il s’agit ici avaient perdu l'odeur pi- quante qu’elles avaient manifesté à la fin du second palliage. Les n°% 2 et 3 reçurent , pendant qu’on les palliait, deux tranchoirs de chaux, et len°4, qui était encore en état de semage , eu reçut trois, (0772 d afin de modérer graduellement l'état de fermenta- tion violente où elle avait été trouvée au palliage précédent , et dont elle se ressentait encore. Elles prirent alors une odeur ammoniacale trés-piquante: état où l’on doit tenir ces sortes de cuves , sur- tout davs les deux premiers jours de chaleur et de travail , et qui doit être ensuite modéré graduelle- ment, à raison de leur refroidissement, En heurtant la cuve n° s pour la pallier, il pa- rut à la surface du baia de petites bulles d’air qui étaient d'un bleu ciel très-pâle , ce qui annonçait que la fermentation s’établissait ; le bain et le pied étaient de couleur d’eau verdâtre , ne donnant au- cune variation de nuance par leur exposition à l'air. Pendant le palliage il se manifesta un peu de fleurée blene ; les veines bleues étaient presque imperceptibles ; la cuve ne donnait ni l'odeur fade de la plante , ni l'odeur piquante de l'ammoniaque. Elle reçut un tranchoir de chaux qui n'apporia aucun changement dans l'odeur , et, pendant le palliage , elle ne donna aucune apparence d'amélio- ration , ce qui prouvait qu’elle se ressentait en- core de l'état de langueur où elle avait été trouvée au palliage précédent, A midi on découvrit les quatre cuves pour re- connaître leur situation. En examinant les bains des n° 2 , 35 et 4, ils parurent tous les trois de couleur olive jaunâtre bien nourrie ; les veines étaient très-multipliées et recouvertes d’une pellicule rougeûtre , couleur de gorge -de-pigeon. La cuve n° 4 ne ce ressentait plus de l’état de fermentation violente qu'elle avait éprouvée. Une goutte du bain de chacune de ces trois cu- ves fut déposée sur le revers de Îa main ; elles E à C68) présentèrent une nuance de vert très-vif et bien corsé , qui vira d'abord en vert foncé , et puis en bleu noir ; cette couleur s'imprima sur l’'épi- derme d’une manière très-tenace ; les bains étaient clairs et limpides. Le bain n° 1 , qui , au palliage précédent, était . de couleur d’eau verdâtre, était changé en cou leur olive jaunâtre très-pâle. Une goutte de son bain déposée sur le revers de Ja main présenta une nuance de vert pistache , et pe laissa aucune trace sur l’épiderme; le bain n’é- tait pas très-clair. On mit dans chacune de ces quatre cuves un échantillon d’étoffe de laine , qui resta dans le bain endant trente minutes, au bout duquel temps les échantillons furent retirés. Û Ceux des n°5 2 , 3 et 4 , avaient acquis une nuance de vert corsé et bien nourri , et ils fonçaient graduellement à l'air ; ils conservèrent une teinte de vert pendant l’espace de vingt minu- tes , et présentèrent ensuite une couleur bleu de roi foncé, bien tranchée et très-brillante. Les cuves étaient alors en état de travailler. On abattit en conséquence , dans chacune d'elles, une mise composée de trois frocs de Bernay , du poids de g à 10 kilogrammes ( 18 à 20 liv. ) chacun. Ces étoffes y furent manipulées l’espace de trente minutes ; on les retira ensuite de la cuve , en les tordant , afn de les éventer pour les faire déver- dir. On les abattit ensuite de nouveau ; on manipula pendant le même espace de temps que la pre- mière fois ; puis on les retira. Après avoir été bien déverdies , ces neuf pièces se sont trouvées tein- es en bleu très-foncé et brillant. Il aurait été (69) impossible de désigner, à la seule inspection , sur quelle cuve telle pièce avait été teinte : tant il y avait de similitude et d’égalité dans la nuance de chacune d'elles. C On pallia ensuite les cuves; leurs bains, qui étaient de couleur olive jaunâtre , se trouvirent alors d’une nuance vert foncé. Les pieds étaient toujours restés de couleur olive jaunâtre ; mais au contact de l'air | au lieu de virer au vert bouteille foncé , comme au palliage précédent , ils virérent au vert bleuâtre , ce qui est l'indice de la situation la plus convenable à ces surtes de cuves, L'odeur des cuves n°’ 2 et 3 était faiblement piquante ; on donna à chacune un tranchoir de chaux , et une odeur ammoniacale sensible se développa aussitôt. L'odeur du n° 4 était nement afaiblie ; elle était devenue très-douce et fade. Pour modérer la trop grande activité de la fermentation dans cette cuve , on lui administra deux tranchoirs de chaux, ce qui lui donna l'odeur piquante des n°° 2 et 5. La couleur de l'échantillon de la cuve n° r p’avait aucune qualité ; c'était tout au plus une cou” leur de gris sale de meünier. En la heurtant pour la pallier , les bulles d'air qui parurent à la surface du bain, se trouvèrene d'un bleu clair assez vif ; le pied était plus moelleux et de couleur olive jaunâtre ; expose à l'air , il virait en couleur olive verdâire , et avait l'odeur fade de la plante. Tous ces indices annonçaient que la fermentation était enfin rétablie. On lui donna un tranchoir de chaux. La fleurte acquit une couleur bleu foncé cuivré violent ; sa E 3 (70) forme était de meilleure Ju ; elle augmenta ‘aussi un peu. Les veines bleues parurent à la surface du Loin ‘d’une manière très-distincte. L’odeur fade disparut , sans cependant avoir rien de piquant. On lui donna encore un tranchoir de chaux , et l'odeur ammoniacale se manitesta à lPinstant, À six heures du soir on teignit dans les cuves n°’ 2,5 et 4 une pareille mise d'étofles qui furent manipulées comme les précédentes » à l'exception qu'on les tint en cuve, à la première entrée , 45 minutes , et autant de temps à la seconde entrée qu’on nomme rejet. Ces étofles se sont trouvées d'une nuance égale à celle des précédentes. On pallia les cuves et on donna à chacune d’elles un tranchoir de chaux. Nous observerons qu’on ne pourrait réitérer la manœuvre dont on vient de parler , sans exposer les cuves à la maladie qu'on nomme vert-brisé , et dont il sera parlé ci-après. Ilest reconnu que les cuves du genre de celles-ci ne doivent travailler que 50 minutes à l'entrée, et autant au rejet , et qu'il faut ensuite les pallier et leur Jaisser au moins trois heures de repos. En heurtant la cüve n° 4% pour la pallier , on remarqua, pour le bain et le pied, les mêmes symp- tômes qu'on avait apperçus , daus les cuves n#2et3, au palliage qui avait été fait à neuf heures du matin, excepté que l'odeur piquante qui avait disparu dans les cuves n° 2et 3, s'était conservée dans celle n° 1*"; aussi ne lui donna-t-on qu’un traachoir de chaux. Le lendemain , à cinq heures du matin , on abattit, daus chacune des quatre cuves, uue pareille mise C7) d’étoffes qui y furent manipulées le même espace de temps et de la même manière. Ces étoffes en sortirent couleur de bleu de roi. Les pièces teintes sur la cuve n° 1" n’étaiene pas plus foncées , quoique ce fût sa première mise et que les autres en eussent déjà teint deux pré- cédemment, Je crois devoir observer ici que, pendant les qua- tre jours suivants du travail de ces cuves, et trois autres semaines durant lesquelles ces mêmes cuves ont été réchauflées trois fois , le n° 1 a toujours présenté un déficit très-sensible dans son produit. Au quatrième réchaud , on lui donna 12 kilog. 1/2 (25 livres ) d'isatis d’origine d'Albi, avec lequel on avait monté la cuve n° 4 ; après cette addition, elle a donné absolument le méme produit que les trois autres cuves. D'après ces expériences, qui ont été faites avec soin, et qui , repétées , ont donné le même résultat, nous nous croyons fondés à dire que la manière dont on récolte le vouède dans le département du Cal- vados est très-préjudiciable aux teinturiers. Notre opinion se trouve encore appuyée par le re- sultat qu'offrent les cuves montées avec lisatis ou pastel en coques qu'on prépare dans le midi de la France , à raison de la fermentation trop active ou trop prolongée qu'on lui fait subir. Une preuve des plus couvaineantes c’est qu’on ne peut opérer sur les cuves montées avec le pastel , que pendani un an à dix-huit mois au plus, après lequel temps il faut jeter le bain et le pied à la rivière. Il n'en est pas ainsi des cuves montées avec l'isatis non fermenté : celles-ci peuvent durer des siècles, E 4 C72) J'ai conservé ces sortes de cuves, dans mon an- cien local, pendant vingt-cinq années consécutives , et depuis quinze ans que je suis dans mes ateliers actuels , ce serait encore les mêmes bains et les mêmes pieds de cuves si je n’avais eté contraint de les renouveller pour exécuter les expériences dont je viens de vous rendre compte. Il vous sera facile, Messieurs , de juger de la qualité de l'isatis trouvé sur les roches de Saint- Adrien, par l’état de la cuve n° 2; elle a toujours offert les mémes symptômes et les mêmes progrès que le n°3 , et elle a surpassé les effets de la cuve n° 1 , qui avait été montée avec l'isatis ou vouède du commerce et qui avait subi la fermentation. La quantité et la qualité de l’indigo pour monter ces cuves sont subordonnées à la quantité et à la qualité des marchandises que l’on a à teindre. Par exemple : pour les cuves où nous avons mis douze livres d’indigo, on aurait pu aussi bien en mettre deux livres comme quinze ; une plus grande quantité nuirait aux intérêts du teinturier. Il n’en est pas de même pour la chaux: on ne peut en déterminer la quantité à raison de la quan- tité de l’indigo, ni même de la quantité de Pisatis qu’on emploie ; la quantité de chaux est subordonnée au dégré de fermentation qui s'établit. Ce dégré de fermentation dépend de la quantité des matières qui Ja produisent ; il dépend encore de l’état de Fat- mosphère , du plus ou du moins de chaleur du bain, du refroidissement plus ou moins prompt , de la quantité et de la qualité des étoffes que l’on teint. L'odorat paraîtrait donc le seul guide auquel il faudrait s’en rapporter pour gouverner les cuves de bleu à chaud , et on conçoit que la moindre (75) indisposition dans cet organe peut occasionner des erreurs capitales et exposer le teinturier à de grandes pertes. C'est pourquoi je vais vous soumettre , MEssiEURS , quelques observations qui me sont propres et au moyen desquelles on reconnaitra, au simple coup- d'œil , le véritable état d'une cuve , et par consé- quent de quelle manière on doit la nourrir , c'est- à-dire , lui donner laquantité de chaux convenable. Lorsque , dans les premiers jours de réchaud , une cuve présente à l’œil un bain de couleur olive jaunâtre ; que les veines bleues qui sont à sa sur- face sont très-multipliées et prolongées , qu’elles se tiennent toutes les unes aux autres , et qu’elles sont recouvertes d'une pellicule rougeâtre gorge-de- pigeon ; qu’en soufflant sur le bain les veines se rom- pent et se partagent en cet endroit; qu'elles se réu- nissent avec la même rapidité qu’elles ont été sépa- rées ; qu’elles forment à l'endroit de leur réunion un point bleu en forme de nœud ; que la fleurée est bien réunie et d’une couleur bleu cuivré violent ; qu'elle imite la forme de plusieurs grappes de raisin entassées les unes sur les autres; qu'en clapotant le bain avec un petit bâton , les eloches qui se forment à sa sur- face restent quelques moments sans s’affaisser ; qu’une goutte de bain déposée sur le revers de la main paraît à l'instant d'un vert très-vif, qui vire d'abord en vert très-foncé , puis en bleu noir , et qu’une nuance de ce bleu reste imprimée sur l'é- piderme ; que le pied, de couleur olive jaunâtre , exposé à l'air, devient vert bleuâtre : tous ces in- dices sont des signes certains que la cuve est dans le meilleur état possible , et il faut alors la nourrir avec beaucoup de modération. Si, au coutraire, on n'apperçoit pas la pellicule (74) rougeñtre gorge- de-pigeon ; si les veines sont plus abondantes et plus larges en certains endroits que dans d’autres ; si, en soufllant dessus , elles ne se réunissent que trèslentement ou même qu'elles ne se réunissent point ; si la fleurée n’est pas bien réunie et si elle est affaissée ; si, en clapo- tant le bain avec un petit bâton , les cloches qui se forment erèvent très -rapidement ; si une goutte de bain déposée sur le revers de la main parait d’un vert olive jauvâtre virant d'abord en vert bouteille, puis en bleu ; si une teinte de cette couleur s'imprime faiblement sur l'épiderme ; si le pied exposé à l'air devient vert bouteille : tous ces caractères sont autant de preuves que la cuve est très - douce en goût , et qu’elle a grand besoin de nourriture, c'est-à-dire de chaux. L'observateur pourra remarquer un phénomène singulier , en adiministrant la chaux aux cuves dont on vient de parler. Dans le premier cas, celui ow la cuve est en bon état, la chaux restera quelques instants à la surface du bain , comme si la cuve refusait de la recevoir ; dans le deuxième cas , la cuve s’emparera de la chaux avec une rapidité étonnante , au point que les premier et deuxième tranchoirs de chaux disparaitront à l'instant. En palliant une cuve à laquelle on donne de la chaux , on reconnañtra si elle est suflisamment pourvue, à uue pellicule gazeuse de couleur gri- sètre, qui nage, comme un Corps gras, à la surface du bain , malgré le mouvement occasionné par le palliage. Dans ce cas, il faut suspendre toute nour- riture , et, si on l’appercçoit encore au palliage sui- vant, coutinuer la diète : sans quoi on s’'exposerait à mettre la cuve hors de travail, en empêchant la fermentation de naitre. On reconnait ce même état (75) de la cuve à l'odorat, lorsque l'odeur ammoniacale dont il a été parlé précédemment se fait sentir jusques dans la gorge. Il me reste, Messieurs , à vous entretenir des diverses maladies auxquelles les cuves de bleu à chaud sont exposées, Les accidents dont il va être question n'arrivent que lorsque ces cuves sont mal administrées. Cuves rebutées. On reconnait qu'une cuve est rebutée lorsque , le lendemain du réchaud, le bain et la patée pa- raissent de couleur olive vert brunâtre ; queles veines de la surface du bain sont très-minces, quoique la fleurée soit abondante ; qu’en heurtant la cuve avec le rable , les bulles d'air qui paraissent à la surface restent Jong-temps sans salfaisser ; que l'odeur est âcre; qu'au toucher , le bain parait légèrement rude entre les doigts. Une cuve qui offre ces apparences est faiblement rebutée , c'est à-dire , un peu trop garnie de chaux : il faut supprimer la nourriture au palliage , et laisser la cuve sept à huit heures en repos et quelquefois davantage pour donner le temps à la fermentation de se rétablir. Si, au contraire, on la palliait , de trois heures en trois heures , comme cela se pratique lorsque les cuves sont en bon état, elle pourrait rester plusieurs jours sans se rétablir ; ce qui prouve que les cuves ne doivent être palliées qu'à propos, Mais lorsque, le lendemain du réchaud, le bain pe présente aucune nuance de couleur déterminée ; qu’une goutte placée entre l'œil et la lumière ; parait claire comme de l’eau ; que le pied de couleur bruue (76) rougeâtre ne varie point par son exposition au contact de l'air, et qu’il n’a aucune odeur déterminée ; qu’au toucher, le bain et le pied sont rudes ; qu'en heur- tant la cuve les bulles d'air qui viennent à la sur- face sont d’un blanc grisâtre et font entendre une espèce de sifflement , qu'on n’apperçoit ni veines bleues ni fleurée , ôn peut alors étre certain que la cuve est tout-à-fait rebutée. Une cuve en cet état a quelquefois fait prendre le change à des teinturiers qui les ont traitées comme des cuves décomposées , parce qu'ils se persuadent que le mal ne peut venir que de la trop grande quantité absolue de chaux qui a été administrée à la cuve, tandis qu’un tranchoir de chaux devient quelquefois une quantité relative considérable. On emploie divers moyens pour rétablir une cuve rebutée ; je me bornerai à en citer un qui me parait mériter attention , e: sur lequel je me per- mettrai quelques réflexions. On met un boisseau de son dans un sac auquel on attache un poids de douze livres , pour le forcer à descendre sur la patée ; on le laisse dans la cuve, depuis six jusqu’à douze heures plus ou moins , à raison de l’état de la cuve. Au moment où le sac s'élève de lui-même à la surface du bain, malgré le poids de douze livres qui tend à le re- tenir au fond , la personne qui surveille ce mou- vement s'en saisit aussitôt et le tire promptement hors de la cuve. Par ce moyen on perd beaucoup de bain qui est chargé d’une assez grande quan- tité de substance colorante. Le motif qui détermine à suivre cette pratique, c’est qu’on se persuade que le sac descendu au fond de la cuve a dù s’em- parer de la surabondance de chaux qu’elle con- tenait. C77) On appuie cette opinion sur ce qu'on 'appergçoit une liqueur blanchâtre qui s'échappe du sac lorsqu'on le retire du bain , etsur ce qu’il exhale une odeur forte ct désagréable. On croit aussi que si on ne saisissait pas le sac à l'instant où il monte à la surface , il restituerait, en redescendant , toute la chaux dont on croit qu’il a dû se charger. Je suis loin de partager cette opinion. Pour me rendre compte de cette opération et en examiner les eflets , j'ai mis chez moi une cuve à l’état de cuve tout-à-fait rebutée. Au bout de neuf heures quinze minutes , le sac de son a monté à la surface du bainouil a plané sept minutes avant de descendre. Quarante-cinq minutes après, il s'est éleve de nouveau et n'a plané que quatre minutes. En redescendant la seconde fois , il fit monter à la surface du bain des bulles d'air qui étaient de couleur bleu ciel assez vif, ce qui annonçait qu’il avait produit un bon effet, et que la cuve avait besoin non-seulement d’être palliée , mais méme de nourriture ; cependant je n’en donnai point, parce que, pour s’instruire , il faut quelquefois savoir faire des sacrifices. Il était alors onze heures de nuit , je laïissai le sac dans la cuve jusqu’au lendemain cinq heures du matin, Je le trouvai alors à la surface du bain où il avait entrainé avec lui une quantité considérable de patée ; si je l'eusse laissé encore quelques instants, la cuve aurait été complètement décomposée ou coulée. D'après cette expérience , il est facile d'apprécier l'effet que produit le sac de son dans une cuve tout-à-fait rebutée. Le son , susceptible de fermentation , devient, à l'a de de la chaleur , un principe de fermentation (78) pour l'isatis. De cette fermentation combinée , ou peut-être dé la fermentation du son seul, résulte la formation de lacide acétique où vimaïgre. La chaux excédente , saturée par cet acide , ne s’op- pose plus à la fermentation qui se rétablit alors avéc activité , et détermine , dans la masse de li- queur, un mouvement suflisant pour porter Île sac de bas en haut , et le soutenir re quelques minutes à la surface. L'odeur puütride du sac, après la fermentation du son , est la même que celle des eaux sures des ami- donniers , et s'explique par les mêmes principes. Le degré de fermentation , déterminé par l'effet du sac, est quelquefois si violent, que si on ne le modérait pas par l’action de la chaux , la fer- imentation changérait bientôt de nature et deviendrait une véritable fermentation putride qui entraînerait Ja perte totale de la cuve. Les symptômes pour reconnaître une cuve re- butée pendant qu'elle travaille, c’est-à-dire , après quelques jours de réchaud , ne sont pas les mêmes que pour une cuve simplement rebutée. Le bain et le pied se présentent sous des formes bien diffé- rentes. Dans le premier cas , lé baïn et la patée pa- raissent d’une couleur olive jaune rougeâtre et dans le second , d’une couleur olive vert brunäâtre. Les veines , dans l’un et l'autre cas , sont très- minces ; en soufilant dessus pour les diviser , elles ne se réunissent pas où du moins très-lentement ; le bain placé entre l’œil et la lumière ne donne qu'une très-légère nuance d'olive clair et terne ; le pied exposé à l'air varie très-peu ; le toucher du bain et du pied sont rudes ; l'odeur est âcre : d'où l'on doit conclure que la fermentation n’a pas lieu. Les circonstances obligent quelquefois de travailler C79) sur ces cuves, Outre qu’on n'obtient que des bleus ternes et peu tranches , on aggrave le mal en ajou- tant à la maladie de la cuve rebutée , celle de vere brisé : à chaque opération , les cuves déclinent tellement qu’en moins de vingt-quatre heures elles ae produisent ancune nuance de couleur. Cuve coulée ou décomposée. La cuve coulée, après quelques jours de réchaud est fort facile à reconnaître par son odeur putride. Elle arrive par degrés à l’état de décomposition , et on s’en apperçoit lorsque le bain et le pied pa- raissent de couleur d’argile rougeâtre , et qu’ex- posés à l'air ils virent au vert jaunâtre. Le bain est doux au toucher et le pied mollasse ; les veines sont trés-larges ; en soufflant dessus elles se divi- sent et se réunissent très-lentement, L'odeur est douce et fade ; il est alors indispensable de la ré- chauffer et de lui administrer deux tranchoirs de chaux. Si , au lieu de la réchauffer , on la fait travailler, on sera surpris de voir que cette cuve , en état de moladie , fasse des nuances plus foncées et plus brillantes que précédemment, mais elles seront moins solides; ce qui me ferait présumer que , par une fermentation forcée, la cuve tiendrait en suspension une plus grande quantité d'indigo. Après l'avoir fait travailler | on la trouvera bientôt totalement décomposée , et , en très peu de temps, en putréfaction complette | exha- lant une odeur fétide très - désagréable ; ce qui a fait dire à divers auteurs qui ont traité ce sujet , qu’il fallait s’empresser de les jeier à la rivière. A la vérité, en examinant soigneusement (80 ) le pied et le bain de ces cuves , quelle’que soit la quantité d'indigo qu'elles contiennent , il est impossible d'en reconnaître un atôme. Cependant , en les traitant comme ïil vient d'être dit , on r’en perd pas la moindre partie ; l’expérience me l'a toujours démontré. Plusieurs fois j'ai été ap- elé à Lisieux , à Louviers et à Rouen ,; pour rétablir des cuves coulées , et toujours la méthode que j'indique m'a parfaitement réussi. Il y a cepen- dant une chose très-essentielle à observer en admi- nistrant Ja chaux à une cuve en état de décom- position , c’est de ne pas passer d’une extrémité à l'autre : l'excès de chaux dans une cuve , arré- tant la fermentation , en donner une trop grande quantité , ce serait accumuler les accidents les uns sur les autres. Vert-brisé. Cette maladie des cuves est peu connue des teinturiers , dont plusieurs ne fixent leur attentiou que sur la cuve rebutée ou coulée, Aussi , lorsqu'ils rencontrent le vert-brisé sont-ils fort embarrassés. Administrera-t-on de la nourriture , ou fera-t-on faire diète ? Quel que soit le parti qu’on prenne on s’ex- pose à rebuter la cuve ou à la décomposer. Le vert-brisé est prodnit par plusieurs causes ; 1° lorsqu'on emploie du vouède ou pastel qui a trop fermenté dans sa préparation , ou du youède de seconde coupe récolté avec fermentation; 2° lors- qu'on fait travailler une cuve qui n'était pas en état, ou qu'on la fait travailler trop long-temps ou trop souvent, quoiqu’en bon état; 3 lorsqu'on la laisse manquer de nourriture et qu’on lui en admi- nistre eusuite trop abondamment. Tous (81) … Tous ces moyens tendent à troubler le mouvement de fermentation convenable à ces sortes de cuves, On reconnait cet etat de la cuve aux sympiômes suivants : le bain et le pied, de couleur olive vert rembruni , étant exposés à l'air ne varient pas de nuance ; il y a très-peu ou point de fleurée ; les veines sont presqu'imperceptibles ; le toucher rest ni rude , ni doux ; il n'y a point d'odeur détermi- née ; en: heurtant la cuve les bulles d'air sont de couleur grisâtre, et les marchandises que l'on teint sortent de nuance bleu grisâtre très-terne. Aussitôt qu’on apperçoit quelques uns de ces symptômes, il faut réchauffer la suve sans lui donner de chaux; on pourra seulement lui donner quelques livres d'isatis récolté sans fermentation , et, en moins de douze heures, la fermentation sera complètement rétablie. D'après ce qui vient d'être dit , il est facile de se convaincre que la moindre interruption dans le mouvement de fermentation , quelle qu'en soit la cause, met la cuve en danger. Pour préveuir tous ces accidents ilest un moyen bien simple , c’est de faire usage d'isatis ou vouède récolté sans fermentation. Une cuve montée de cette manière offre de grands avantages; elle est en œuvre plus promptement ; on peut y teindre la laine comme la soie , le fil de lin comme le coton , et elle dure tant qu’on veut, tandis qu'avec le pastel fermenté , la cuve ne dure qu'un an ou dix-huit mois au plus, au bout duquel temps il faut jeter le bain et le pied à la rivière. Il est d’ailleurs plus facile de modérer la fermen- tation que de la provoquer. (82) st PS PT MÉMOIRE. Sur l'extraction de l'Zndigo de la plante du Pastel. Par M. PA vx. Tous les procédés qui ont été publiés pour extraire la fécule bleue ou lindigo du pastel, consistent , les uns à faire infuser les feuilles fraîches de pastel dans de l’eau bouillante pendant un temps donné ; les autres à les faire fermenter jusqu’à un certain dégré , et à précipiter ensuite la fécule au moyen d’un alcali. Tous ces moyens s'accordent avec celui qui est indiqué dans l'ouvrage de d'Ambournrey , savant modeste , et dont le nom sera toujours cher à l'Académie; mais l'indigo du Pastel sinsi obtenu , est, selon moi, par rapport à l’indigo étranger , ce que le sucre brut est au sucre raffiné. Je vous soumettrai donc , Messieurs , le détail de mes opéraions , 1° pour obtenir l'indigo brut; 2° pour l’épurer. Mille parties de feuilles fraiches de pastel furent Javées et mises dans une chaudière de cuivre , en les semant avec la main pour qu'elles ne se trou- vassent pas trop tassces ; on y a ajouté cinq milles parties d'eau de rivière froide. A cinq centimètres au-dessous du liquide , ôn a assujetti les feuilles au moyen d'une champagne ordinaire que l’on a fixée à quatre ansettes tenant à la chandière On alaissé le tout en cet état perdant douze heures environ ; ce délai expiré la liqueur éiait légérement colorée en vert bleudire, On fit alors (85) circuler autour de la chaudière un courant d'air chaud de manière à amener le bain au degré de 22 à 25 de chaleur au plus. Au bout de six heures, le bain était d'une couleur verte bleuâtre. On vit à la surface des bulles de diverses couleurs, blanches, blen ciel , bleu d'iris, et il se forma une pellicule d'un bleu cuivré qui couvyæait , en grande partie, la surface du bain. Ayant verse dans un verre conique deux cuille- rées de bain, on y ajouta la même quantité d’eau de chaux. Le bain vira sur-le-champ à ja couleur verte. Après avoir bien agité la liqueur , on la laissa reposer ; il se forma , en très-peu de temps, un précipité bleu, et la liqueur resta jaune verdâtre. Nous observerons ici que le bain ne doit jamais avoir plus de 22 à 25 degrés de chaleur, Si on élève sa températu:e au-delà de ce terme, on ob- tiendra , il est vrai, de la fécule bleue , mais d’une qualité bien inférieure. Lorsque la surface du bain offre la conleur vert bleuâtre , et qu’elle est reconverte d’une pellicule cuivrée ; que les builes d'ar sont d'un bleu - vif bien déterminé ; qu’en éprouvant le bain dans un verre avec de l’eau de chaux , il paraît d’un vert bleuâtre bien nourri ; que le . précipité est d’un bleu bien vif : il faut alors soutirer ce bain , y ajouter une quantité égale d'eau de chaux et bien agiter le tout. On yoit bientôt se former une mousse bleu ciel qui foice gradue lement. J'ai essayé , Messieurs , tous les procédés publiés, soit par le gouvernement ; soit par ceux qui ont écrit sur cette opération ; comparativement au pro- cédé que jé vieus de vous exposer, et j'ai trouvé F 2 CL 84) que, par ce dernier, j'obtenais une fécule bleus plus abondante et d'une couleur,plus riche. L'indigo de paitel ainsi obtenu peut déjà être employé pour la teinture dans un grand nombre de cas, mais il a besoin d'être épuré pour quelques autres. Voici le moyen que j'ai employé pour obtenir la fécule bleue dans sa plus grande pureté et telle qu'on puisse l'employer dans toutes les opérations de la teinture. Dans une chaudière contenant 110 à 120 hecto- litres, placée dans un local bien clos , et soutenue par un fourneau construit de manière à ne chauffer la chaudière que dans ses parties latérales , on versa , jusqu’à 6 décimètres au-dessous du bord, de l'eau à 80 degrés , thermomètre de Réaumur ; on ÿ ajouta 60 kilorammes de feuilles de pastel sec et récolté sans fermentation ; on agita le tout pendant 20 minutes pour abreuver ces feuilles et les faire précipiter au fond de la chaudière que l'on cou- vrit bien afin de conserver la chaleur. Au bout de six heures on jugea , par de petites bulles d'air de couleur blanchâtre qui parvurent à la surface du liquide , que la fermentation avait lieu. On jeta alors dans la chaudière le précipité obtenu de 1000 kilogrammes de feuilles fraiches de pastel ; on agita encore, et on couvrit la chaudière comme précédemment, Trois heures après , la fermentation était très- active ; il se manifesta ue fleurée très-brillante et des veines bleues très-abondantes. On agita le tout pendant 20 minutes, durant lequel temps , pour modérer l'action de la fermentation et l'empêcher de passer à l'état de fermeutation putride , on mit deux kilogrammes de chaux éteinte à l'air et passée au tamis. (85) Après trois heures de repos, on appercut , à Îa surface , une écume grisâtre , au-dessous de la- quelle se voyaient des veines bleues très-larges et très-multipliées. La fleurée était très-abondante. On pallia pendant vingt minutes , en ajoutant 15 hecogrammes de chaux en poudre, et on laissa la liqueur en repos pendant huit heures. Ce temps expiré on soutira les deux tiers du liquide; on précipita par l'acide muriatique , et on obtint une fécule très-pure et de la plus grande beauté. On mit ensuite dans la chaudière le précipité fourni par 500 kilogrammes de feuilles fraiches de pastel ; on acheva de la remplr avec de l'eau , et on donna le feu ; on pallia et-on suivit du reste l'opération comme il à été dit plus haut. La quantité de chaux que l'on emploie dans cette opération ne peut pas être toujours la même ; elle. est subordonnée au degré de fermentation qui s'établit. Le bain préparé pour l'épuration étant bien con- duit, peut durer continuellement , et le teinturier qui exéculera cette opération aura le double avan- tage d’épurer la fécule du pastel surabondante à sa consommation, et de teindre ses étoffes dans le bain restant. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un échan= tillon d’iudigo de pastel obtenu par les procédés que je viens de détailler. Ce n’est donc plus un problème aujourd’hui de savoir si on pourra suppléer à lindigo étranger. Il est bien démontré qu'avec notre indigo indigène on obtient toutes les nuances de bleu possibles et à meilleur marché. On ne sera donc plus forcé de remonter les nuances des bleus avec le bois de KE 5 ( 86) campéche : fraude à laquelle l'excessive cherté de l'indigo a donné naissance. J'aurais desiré , Messieurs , pouvoir déterminer le prix du nouvel indigo ; mais j'ai besoin pour cela de quelques éléments plus exacts que ceux que j'ai pu me procurer jusqu’à présent. Dans une des lettres dont Son Excellence le Ministre de intérieur ma honoré, je vois que M. Giobert, professeur de chimie à l'Académie de Turin , est directeur d’une école expérimentale établie à Quiers, département du Pà , pour la fa- brication de l'indigo du pastel. Le département de la Seine-nférieure , n’aurait-il pas intérêt de solliciter de Sa Majesté PE Fe à à Rouen, d'une semblable école ? Si vous êtes, Messieurs , persuadés , comme je le suis moi-même , des avantages qu’il y aurait à posséder dans nos murs une école de ce genre, je vous prie d’en former la demande à Son Excel- lence le Ministre de l'intérieur, en vous adressant d’abord à M. le Préfet du département, dont le zèle pour le progrès des arts utiles vous est assez connu. (1) { | (1) De nouvelles recherches sur cet objet | ont fait dé- _couvrir à M. Pavie un moyen très-simple d'obtenir dn pas= tel un indiso de la muilleure qualité , et qui n’a pas besoin d’être raffiné pour servir à lart de la teinture. M, Pavie se propose de communiquer ce nouveau procédé à l’Académie , qui s'empressera de le publier dans le volume de ses actes, pour l’année 1812. (87) nt nd PC CL R'A PUP'OUR.T Fait à M. le Préfet du département de la Seine- Inférieure , membre de la légion d'honneur , baron de l'empire , sur l'extraction du sucre de la betterave. Par J. B, Virazis, professeur de chimie. MONSIEUR LE PRÉFET, Par Ja lettre dont vous m'avez honoré le 6 avril dernier , vous m'inyitiez à faire un essai pour extraire de la betteraye un morceau de sucre par- faitement cristallisé , aussi dur et aussi blanc que le sucre de canne, afiu de détruire, de prévenir même , par des faits, les préventions que le pré- jugé pouvait opposer à l'introduction de la nouveile branche d'industrie que S. M. I. et R. veut créer dans ses états, et qui a pour but de remplacer le sucre des colonies par celui que peuvent fournir les productions indigènes et notamment la racine de betterave. Flatté de trouver l'occasion de vous donner une preuve de mon zèle à seconder les vues ben- faisantes du gouvernement , et de mon empresse- ment à répondre à vos désirs, je m'occnpais des moyens de me procurer une quantité suflisaute de racines de betterave , lorsque M. Huard fils, raflineur de sucre en pain » à Rouen ; vint me prier de lui indiquer les procédés à suivre pour extraire le sucre de cette racine, M. Huard avait à sa disposition 100 kilogrammes de betteraves blanches qu’il avait achetées à Paris ; ce qui me donna la facilité de travailler sur - le- champ , c'est-à-dire le 9 avril, ee 4 (88 ) Pour réduire la racine en pulpe , on eut re- cours à la râpe ; mais les moulins à râpe con- duits par un manège, et les pressoirs ordinaires se- raient à préférer de beaucoup dans les travaux en grand. La pulpe fut soumise à la presse , et rendit 60 kilogrammes d'un suc verdâtre , d'une saveur très- sucrée, mais conservant le goût et l'arôme de la plante. Ce suc marquait 8 degrés à l'aréomètre de Bau- mé , pour les acides : il rougissait faiblement la teinture de tournesol , ce qui annonçait cependant la présence d'un acide libre et qui a été reconnu pour l'acide malique. On s'apperçut de l'existence d'une assez grande quantite de mucilage dans ce suc , par uue écume abondante qui nageait à sa surface. Le sue fut versé, le même jour , dans ure chaudière de cuivre , qui ne recevait limpres- sion du feu que par son fond , et on évapora jusqu'à ce que a liqueur fût à-peu-près réduite a la moitié de son volume. Le suc m’ayant paru contenir peu d'acide, je crus pouvoir me dispenser d’en opérer la satura- tion par les substances alcalines , et l'évènement a prouvé que je ne m'étais pas trompé. On clarifia donc, sur - le- champ , par le sang de bœuf , et au moment où lon vit l'écume bien formée , on cessa le feu et on jeta le tout sur ur filtre de toile un peu serrée. La liqueur filtrée était de couleur ambrée et très- limpide : elle rongissait la teinture de tournesol. On la soumit de nouveau à l'évaporation , jus- qu'à ce quen y plongeant l'aréomètre , l'instru- meut indiquât qu'elle avait acquis 51 degrés de ( 89) densité : ce qui répond à 33 ou 54 degrés après le refroidissement. En pesant le sirop on le trouva du poids de 6 kilogrammes et demi. Ce sirop fut porté à l’étuve de la raffinerie de M. Huard, où, en huit jours de temps et à une température de 4o degrés / échelle de Réaumur), il laissa déposer des cristaux de sucre , empâtés d'un sirop noir d'une saveur très-désagréabie. Ce dernier sirop laissé à l'étuve fournit de nou- veaux cristaux d’un plus grand volume , et qui ressemblaient entièrement , pour la forme , a ceux du sucre que l’on nomme vulgairement sucre candi. Pour purger le sucre brut du sirop noir qui l’al- térait, on se servit du procédé indiqué par le pro- fesseur Lampadius , Annales de chimie , tom. 59 , page 81. On mit la moscouade dans un sac de toile , et on lui fit éprouver une pression graduée. Au sortir de la presse, la moscouade couservait encore uue teinte rousse qu'il fallait faire dispa- raître entièrement, Pour atteindre ce but je me servis du même agent que j'avais employé ; quatre ans aupara- vant , pour décolorer certains sirops de sucre que M. Huard père, alors raflineur , à Rouen, avait intérét de blanchir. Cet agent est l'acide muriatique oxigéné. Mais la manière de l'enployer ici devait étre différente. En effet, l'acide muriatique oxigéne li- quide dissout le sucre avec une grande facilité , et il s'agissait d'enlever la partie colorante sans rompre le grain. On y parvint de la manière suivante : On mit la moscouade dans un linge serré 3 ce j’humecta d'un peu d'acide muriatique oxigéné ( go ) liquide ; on tordit sur-le-champ le linge par les deux bouts , et on trouva la moscouade convertie en très-belle cassonade , ainsi que vous pourrez » M. le Préfet , vous en convaincre par l'échantillon qui sera mis sous vos yeux. Cette cassonade portait avec elle une legère odeur de l'acide qui avait été employé pour la blanchir ; mais cette odeur disparut entièrement au premier bouillon qu'on lui fit jeter après l'a voir fait dissoudre dans une petite quantité d'eau. La curiosité nous porta , M. Huard et moi, à traiter sur-le-champ quelques décagrammes de cette cassonade , par l'alcool , pour remplacer le térrage , et nous obtinmes une cassonade très- blanche, avec laquelle on fabriqua un petit pain de sucre tapé , très-blanc et très-dur. Ce résultat , quoique très - satisfaisant, nous laissait cependant quelque chose encore à désirer: c'était de tirer de notre cassonade du sucre en pain. Cette opération ,; qui ne nous eût présenté au- cune difficulté en grand, puisque les manipula- tions sont absolument les mêmes que pour le raf- finage da sucre de canne , qu'on sait être iden- tique avec celui de betterave , nous en offrait de réelles , eu égard à la petite quantité de matière sur laquelle nous avions à opérer. Mais n'écoutant, Monsieur 1e Prérrr,quele désie de répondre à votre invitaton ,; nous primes les précautions que nous jugeimes convenables , et nous parvinmes à former un petit pain de sucre terré , du poids d'environ 8 hectogrammes , par- faitement cristallisé, aussi dur et aussi blanc que le sucre de canne , et tel, en un mot, MONSIEUR LK PRÉFET , que vous me l'aviez demandé. Ce sucre examiné soigneusement sous les rap- (91) ports physiques et chimiques, ne m’a paru différer en rien de celui de canne. L'air , l’eau , le feu , les acides , l'alcool, l’éther, etc. , agissent abso- lument de la même manière sur ces deux produits qui se resemblent encore particulièrement en ceci que leur propriété sucrante s’affaiblit à mesure qu’ils ont éte plus raffinés. Quant au prix auquel pourrait revenir le sucre de betterave , on ne peut le déterminer par les dépenses qui ont été faites pour l'essai , attendu. qu'au moment où M. Huard a acheté les bette- raves employées , ces racines étaient recherchées de tous ceux qui voulaient en faire des porte- graines ; ce qui en élevait considérablement la valeur réelle. ; Mais on peut résoudre très - approximativement la question , en observant qu'on peut retirer, au minimum , une partie et demie de sucre brut de 100 parties de betteraves , et par conséquent près d’uue partie pour cent de sucre raffiné. Or , le prix de 50 kilogrammes de betterave ne pourra excéder 1 fr. 50 c. En ajoutant à cette somme 75 c. pour les frais de main-d'œuvre, on voit que le fabricant pourrait fournir du sucre au commerce à un prix bien inférieur à celui auquel se vend aujourd’hui le sucre de canne, L'intérêt particulier se joint ici à l'intérêt gé- néral pour favoriser l'extraction du sucre de la betterave. Il est prouvé en effet (/nstruction sur la ma- nière de cultiver la betterave , par la Société d’a- griculture, du commerce et des arts de Boulogne) , qu'un arpent de terre de 100 perches (demi-hec- tare), doit produire au moins 15,000 kilogrammes ou environ 500 quintaux (ancien poids de marc} (92) de betteraves ; et en n’estimant le quintal qu’à 1 fr. Sc €. , on aurait 450 fr. pour le prodnit d’un seul arpent : produit qui offre au culivateur un bénéfice dont il s’emp ressera sans doute de profiter. Le rafäneur à ‘on tour aura l'avantage de pouvoir trouver, pour ainsi dire , sous sa main ; la matière sur laquelle doit s'exercer son indus- trie. 11 fabriquera le sucre brut pendant les saisons de l'automne et de l'hiver ; le printemps et l'été seront employés aux opérations du raflinage. Il ne s’agit plus que de choisir , parmi tous les procédés qui ont été proposés depuis peu , pour extraire le sucre de la betterave , celui qui sera en méme-temps le plus simple et le plus économique. Or, on trouvera PEER ces deux quite réu- nies dans le procédé que j'ai suivi. Il m'a été suggéré par ce principe bien simple que le sucre con- tenu dans la betterave étant associé aux mêmes sub:tances étrangères qui se rencontrent dans le sucre de canne , savoir, du muqueux, une partie extractive colorante , une fécule et un acide , on pouvait isoler toutes les substances étrangères au sucre de betterave par les mêmes moyens qui ser- vent à les séparer du sucre de canne. Aussi la simple clarification par le sang de bœuf , et la décoloraton par l'avide muriatique oxigéré liquide que , depuis longtemps, j'avais appliqué au suc de canne , n'ont sufhi pour ob- tenir le sucre de betterave dans un etat de pureté el qu'il peut flatter également l’œil et le goût. Je ne suis donc point obligé de recourir à l'emploi de l'alcool, de Paride sulfurique ou sul- fureux , de la potasse , de la chaux caustique, de la dissolution d’alun, etc. , agents qui ont été pros (93) posés par divers chimistes. ( Voyez le Pulletin de da Société d’encouragement , avril 1811.) Je desire, Moxsteur Le PR£rer, que le rapport que j'ai l'honneur de vous adresser, puise rem- plir les vues sages et bienfaisantes qui vous animent constamment pour le progrès des arts et la pros- périté nationale. Permettez - moi, MonsiEUR LE PRÉFET , de re- commander à votre estime et à votre bienve lance M. Huard fils, qui a exécuté les opérat ons dont je viens de vous rendre compte avec un zèle et une intelligence qui doivent donner l'idée la plus favorable de ses talents et de son dévouement à la chose publique. « (1) nn (1) Pendant le cours de l’année 1811 , M. Huard fils a fabriqué près de 10 milliers (4500 à 5000 kilogrammes ) Îde sucre de betterave, Il a donc réalisé d’avance les résultats avan= tageux que pourront , à leur tour , procurer les écoles spéciales qui ont été formées depuis pour étendre les progrès de ce nou- veau genre d’industrie. À l'égard du procédé développé dans le rapport , M. Vitalis a reçu , à ce sujet, de M. le Préfet une lettre ainsi conçue : » Son Excellence le Ministre de l'Intérieur m’annon- ce , Monsieur , par sa lettre du ro de ce mois ; qu’elle a Ju avec beaucoup d’intérêt votre rapport sur l'essai que vous avez fait pour confectionner du sucre de bette- rave, » Les procédés que vous avez mis en usage ont paru à Son Excellence bien choisis , et > pour les utiliser , elle a transmis à la commission des sucressindisènes , votre mémoire et les échantilluns de sucre qui s’y trouvaient joints. » Je me fais un plaisir |, Monsieur , de vous transmettre ce témoignage de la satisfaction de Son Excel- lence; C9) CR RE Le + 2 4 1 MÉMOIRE Sur la Topographie et les Constitutions médicales de la ville de Quillebeuf, et des lieux circonvoisins dont elle reçoit des influences; Par M. Boismare, D. M. P. Les influences qu’exercent sur la santé l'air quenous respirons , le sol que nous cultivons, nos aliments, nos professions , nos mœurs, sont trop généralement reconnues pour qu'il soit besoin d’en offrir aujour- d’hui la démonstration, L'expérience et l'observation nous ont appris combien elles modifient les tempéra- ments, et quels sont leurs effets relativement aux maladies. Hippocrate en a fait le sujet d’un traité précieux qui doit être l'objet des plus profondes médirations du médecin voué par état à secourir l'humanité souffrante. C’est en cherchant ainsi à pénétrer les secrets de la nature qu'il peut rendre ses: soins efficaces et arracher des bras de la mort la victime qu’elle est prête à immoler ; mais il appartenait à M. Lepecq de la Clôture, qui fut un des membres distingués de cette Académie, de rendre moins généraux les préceptes du père de la médecine, et d’en faire une application particulière au pays que nous habitons. Ses observations sur les maladies et constitutions épidémiques de la Normandie , sont autant de sources fécondes où le médecin praticien peut puiser des connaissances aussi solides qu’utiles à l'exercice de son art ; administrateur, des conseils sages pour favoriser la population et ajouter à la Co5) prospérité de ses administrés; le manufacturier , les moyens d'atténuer l'effet destructeur des rénnions d'un grand nombre d'ouvriers dans un méme atelier ; etc. , etc. Je n'entreprendrai point de louer les productions de M. Lepecq : l’accueil qu’elles ont reçu du publie instruit est le meilleur éloge qu’on en puisse faire. Vous savez d'ailleurs , Messieurs , combien il excella dans l'art de généraliser ses idées et d’enchaîner les observations , et vous rendez à sa mémoire toute la justice due aux talents supérieurs dont il était doué. Nous devons seulement regretter qu’il r’ait pu lui-même observer toutes les régions dont il a donné la topographie et les constitutions médicales, etque, forcé , pour quelques-unes, de s’en rapporter à des observateurs moins habiles ou trop négligents , il ait placé à côté de ce qui est réellement son ouvrage et qui porte le cachet du véritable talent, des descriptions imparfaites ou méme fausses de certains cantons. Ce que M. Lepecq a dit de Quillebeuf offre la preuve de cette inexactitude sur les points les plus importants, et sur-tout sous le rapport des ma- ladies , objet principal des recherches de l’auteur. Frappé des conséquences qui peuvent en résulter, et pénétré aussi de l'intérêt que doit inspirer cette petite ville, par son port, sa situation, ses relations continuelles avec notre grande cité , j'ose entreprendre de tracer d’une manière plus conforme à l’'obser- vation, la topographie et les constitutions médicales de la ville de Quillebenf et des lieux circonvoisins dont elle reçoit des influences. Mais , Messteurs , si une connaissanre particu- lière des localités, m'offre les moyens de remplir mon objet avec plus de détaiis et d'exacutude que (96) n’a pu le faire M. Lepecq, combien serai-je loin d'atteindre la perfection avec laquelle il décrit ses observations ! Cependant, Msssreurs, encouragé par cette indulgence que vous accordez avec tant de bonté à ceux qu’un but d'utilité inspire, je cède au désir de justifier un pays qni m'intéresse, d’une accusation d’insalubrité que les faits eux-mé- mes doivent repousser, Je décrirai donc ce que peut offrir de remarquable la ville de Quillebeuf , relativement à sa position, à la santé de ses habitants , à leurs mœurs , à leurs professions ; j'y ajouterai quelques considérations sur plusieurs communes qui lavoisinent et dont M. Lepecq n’a point parlé. Mais afin de vous mettre à portée, MessIEuRs , de juger vous-mêmes des erreurs suggérées à cet estimable auteur , je crois utile de transcrire ici litté- ‘ralement ce qu’il a écrit sur la ville de Quillebeuf. » En reprenant la rive septentrionale de la contrée, » dit M. Lepecq , on va rendre à Quillebeuf, » Henricopolis, petite ville que quelques géographes » regardent encore commetla capitale du Romois , » quoique ce ne soit plus qu'un bourg en compa- » raison de ce qu’elle fut sous Louis XIII C’est » un petit port dout tous les habitants sont marins » et dévoués au pilotage ; sa latitude est au 49° » degré 30 minutes ; son aspect absolument au sep- » teutrion , faisant face à la vallée de Lillebonne, » et recevant l'air glacal du pays de Caux, en » outre les courants de l'ouest et de l’est que » la Seine lui procure; son sol est un marais sablon- » neux ; les fièvres intermittentes n’y sont pas pré » cisément endémiques , mais longues et rebelles. » C'est la phtysie qui réclame plutôt la qualité »n d’endémique : elle enlève les deux tiers de ses » habitants. C97) » habitants, Ceux-ci se regardent à-peu-près comme » une granile famille; le lien conjugal y est abso- » [ument révéré et fait la félicité des ménages. On » assure que , de l'instant qu'un garçon a fait choix » d’une fille , elle se tient comme certaine d être sa » femme , et que de ce moment élle prend soin » du ménage du garçon. L'usage le permet ; alors, » l'un des deux futurs ne peut manquer à sa parole ” sans s’exposer au déshonneur et au courroux » des habitants qui le proscriraient de leur com- » merce «. Là se termine ce qu'a dit M. Lepecq sur Quille- beuf. Je ne m'arréterai point aux réflexions que peut suggérer cette indication générale ; il me suffira d'en faire connaître les vices par uvre description plus exacte ; et , pour faciliter l'intelligence de ce memoire , j'y joindrai un plan topographique ddne les mesures ne sont point rigoureuses , attendu que j'ai manqué du‘ temps nécessaire pour le lever géometriquement , mais qui donnera des localités une idée suflisante pour ce que je me propose de prouver. La ville de Quillebeuf est placée presqu’à l’em- bouchure de la Seine, à l'extrémité d’une langue de terre fort étroite et très-allongée, comme on le voit sur le plan ; elle se trouve aa 49° degré 297 de latitude , à 9 lieues O. de Rouen , 5 S.-0, de Caudebec , 7 E. du Havre, 5 E.-N.-E. d'Honfleur , et 5 Nord de Pont-Audemer. Elle offre un port dont la posée est sûre pour les navires du commerce qui montent la rivière, L'époque de sa fondation remonte fort haut et nous est inconnue. Ses habitants pensent qu’elle fut autre- fois considérable , et que ce qui eu existe aujourd’hui n'était qu'un fauxbourg habité par es pécheurs ; CG C98 ) que la partie qui constituait la ville était bâtie sue l'élévation des côteaux et s’étendait dans la plaine de Saint-Aubin : néanmoins , rien dans l'histoire ne justifie cette opinion. Quelques murs de fondation et des cavités qui semblent avoir formé des caves sous des maisons , sont, je crois , tout ce dont elle est étayée; mais ces ruines , selon moi, doivent être plutôt regardées comme des restes des murs et fossés qui furent faits au temps de la ligue, pour fortilier Quillebeuf et en conserver la possession aux troupes de Henri IV , dans l'intention d’inter- cepter aux ligués , qui possédaient Rouen , toute communication avec le Havre par la rivière. Les historiens , loin de s’accorder avec la manière de penser des Quillebois , ont placé leur ville peut-être encore au-dessous de ce qu’elle est pour l'étendue. Le père Daniel , dans son Histoire de France, la considère comme un village dans le temps où le Duc de Villars, commandant une armée de 5000 hommes pour la ligue , essaya, sans succès , de s’en rendre maitre. 1l ajoute que la défense en était très-difficile , attendu que les fortifications n’en étaient que commencées , et qu’elles avaient une étendue de près d’une licene (1) , étendue exagérée qui doit être réduite au plus à un huitième de lieue d’après l'examen du terrein , et cela est nécessaire pour rendre digne de foile père Daniel , lorsqu'il dit que la place fut défendue par M. de Bellegarde , grand Écuyer de France, n'ayant avec lui que 45 soldats, 10 gentilshommes et les habitants du lieu en fort (1) Norse Ces fortifications étaient établies à une petite distance de la ville , daus la direction P Q, ( f’oyez le Plan }. RS. (99 ) petit nombre , seconrus ensuite par 5o soldats et 15 genuülshommes qui leur furent envoyés de Caudebec. Comment concevoir ,en eflet, que 200 ou'250 hommes au plus, dont moïlié étaient marins et peu exercés au service militaire , aient pu défendre des fortifica- tions d’une lieux d’étendue , et repousser une armée de 5000 hommes ? Ces fortifications furent achevées sous Louis XIII, et c’est à cela , sans doute , qu’est due la réputation de Quillebeuf d’avoir été considérable. On eut aussi à cette époque l'intention de faire une île de la ville , et l'on pense que les travaux en furent commencés par l’ordre du maréchal d'Ancre, parce que des fossés qu'on y remarque encore ont con- servé son nom. Mais les fastes de la ville de Quillebeuf sont assez étrangers à mon objet pour que j'attache peu d'importance à les faire connaitre. Passons à la description de son état actuel. Ses environs sont agreables et ouverts; on y jouit de points de vues variés et d’une étendue assez consi- dérable. L'observateur, placé à l'extrémité de la plaine de Saint-Aubin, vers le lieu où se trouve Quillebeuf , pourrait se croire au centre d’une ellipse de très- grandes dimensions, dont il appercevrait toutes les parües de la circonférence. Au Nord et au Levant, on voit les côtes du pays de Caux qui , tournant cir- culairement autour de la Seine , lui offrent un bassin dont le moindre diamètre est d’une lieue. Au Midi et un peu au Couchant, d’autres côteaux plus élevés, au regard desquels la campagne de Saint-Aubin forme une vallée, présentent une anse renfermant des marais et des terreins cultivés en jardinages pour l’approvisionnement des villes de Pont-Audemer et Quillebeuf, Derrière ces côteaux, G 2 € 100 Ÿ plusieurs autres s’avançant davantage vers la mer forment une chaîne qui se termine vers l'Occident par la pointe de Grâce près Honileur. Entre cette chaîne de côteaux et l'extrémité des côtes du pays de Caux, où se trouve la ville du Havre, on voit la voûte azurée se confondre , à l’horison , avec la mer. La nature dans tous ces parages est riante et animée , et tout y semble réuni pour fixer l'attention; mais rien n’est plus digne d’admiration que laspect imposant de la barre qui , s'annonçant par un murmure dont elle est précédée de quatre à cinq lieues , et parcourant avec rapidité des espaces considérables , brise et emporte tout ce qui gêne sa marche , engloutit les navires échoués qui n’ont pu trouver dans le port un refuge contre ses fureurs , déracine les arbres, détruit les digues , renverse les murs et vient frapper avec une violence effrayante les quais qui en sont sensiblement ébranlés. Sa masse , quelquefois de 12 à 15 pieds d’élévation, roulant devant elle et le sable et les différents débris des rivages du fleuve dont elle repousse les eaux , établit des courants auxquels rieu ne peut résister dans la première heure de la marée mon- tante. À ce tumulte étonnant succède un calme qui s'étend jusqu’à l'ame : plus de courants dans la rivière ; plus de mugissements dans l'atmosphère. Bientot le nombre prodigieux de navires , dont le fleuve est recouvert , en temps de paix ( puisque, assujettis aux heures des marces et à la direction des vents , ils dirigent ensemble leur course ) , vient occuper l'attention et compléter ceue scène variée d’une mawière plus ou moins iutéressante. Dans les temps de prospérité maritime , le ta- bleau nouveau que chaque marée o!re à la con-. Cror } templation , attire sur le port les Quillebois eux- mêmes , que l'habitude ne blase point sur ces sor- tes de jouissances. Les gains qui résultent de tous ces mouvements ; ajoutent encore à la joie qu’ils éprouvent au retour de yoyageurs que l'abon- dance accompagne. Ces jouissances ne sont cependant pas toujours sans amertume. La rigueur des saisons , la vio- lence des courants , l'extréme mobilité des écueils, ne causent que trop souvent des naufrages qui en- traînent après eux la ruine de Se familles. C’est alors que se remarque ce lien qui uuit en- treux les habitants de Quillebeuf, et dont parle M; Eepecq ; c’est dans ces instants de calamité que chacun s'empresse de voler au secours des mal- heureux dont la vie et la fortune sont le jouet des flots : tout ressentiment particulier disparaît et fait place aux élans généreux qui les portent même à s’exposer aux dangers les plus imminents, pour arrêter ou diminuer les suites de ces affreux évè- uements. À peine le danger est - il apperçu que des chaloupes et bateaux lamaneurs portent aux bâtiments menacés de périr des cables et des bras , qui, à force de rames, peuvent les amener au port. Les femmes et les enfants attachés aux traits et aux cordages sur les quais, voulant contribuer à cet utile secours ,; emploient aussi toutes leurs forces pour haler le navire et le sauver du nau- frage. La fréquence de ces accidents a donné naissance à différents projets de travaux pour en detruire les causes ; mais aucun n'a eu son execution, Les uns ont proposé de retrécir le lit de Ja Seine , afin que le chenal, creusé plus profondé- ment par l'Ebe , devint navigable pour les bâti- ments d’un grand tirant d’eau. G 35 (102 ) D'autres ont formé des projets de canaux arti- ficiels pour éviter les dangers du passage de Quillebeuf, etc. , etc. Je ne rapporterai point toutes les idées qu'a fait naître le désir de rendre facile la navigation de la Seine , et qui doivent s'anéantir sous la mul- ütude d'obstacles insurmontables qu’il faudrait vain- cre pour les exécuter ; cependant, je ne crois pas absolument impossible d'y apporter quelque amé- lioration , et , à cet égard, je pourrais hasarder quelques réflexions dont je m’abstiens ici, dans la crainte |, Messieurs , de trop m’écarter du but que je me suis proposé, et d'abuser de l’atten- tion que vons avez la bouté de m’accorder. Le Tableau statistique de la navigation de la Seine, par M. Noël , est, au surplus, un fort bon ouvrage à consulter pour ceux qui seraient curieux de con- naltre, et les projets présentés , et les difficultés de leur exécutior. La température froide et sèche est la plus or- dinaire à Quillebeuf. L'air y est vif et piquant ; à peine s'y apperçoit-on des douces températures ordinaires êén été dans notre climat. Les vents d'Orient et du Nord y soufflent plus particulière- ment dans cette saison , et ont coutume de pren- dre plus de violence vers le soir ; ce qui oblige les habitants à conserver leurs vêtements de laine , ou à ne les quitter que pendant quelques heures daus le milieu du jour. En hiver , le froid y est porté à un très-haut degré, et parait encore plus vif que ne l'indique le thermomètre. Cela est dû , je pense , à la violence des vents qui, en renouvellant sans cesse l'atmosphère propre à chaque individu , Ja prive rapi- dement de son calorique , et laisse le corps envirouné Ç1o5) d'air froid et glacial qui irrite et crispe la peau“ Les brouillards sont rares à Quillebeuf, et dis-- paraissent ordinairement avec l’arrivée du flot. Ce- pendant ils deviennent quelquefois tellement épais à la marée montante , que les navires en chemin sont exposés à périr ; les pilotes perdant de vue Jeurs Amers. Le son de la cloche est alors le seul renseignement qu'on puisse leur offrir. L'heure de la marée est presque toujours décisive pour la direction des vents et la cessation des pluies et des brouillards qui se trouvent entraînés par la vio- lence des courants d'air. La ville est construite , dans toute son étendue, sur un roc d’une dureté assez considérable , et appuyée dans sa plus grande partie le long d’une chaîne de rochers dont nous décrirons plus tard la direction. Ces rochers sont formés plus particulié- rement de carbonate de chaux , dans lequel se trouvent enclavées des petites masses de silex, de forme presque globuleuse , et dont la superficie rugueuse est enduite d’une terre argileuse de cou- leur de rouille. La densité de ces masses de ro- chers n’est point égale , même dans les parties qui paraissent homogènes ; ce qui ne permet pas d'employer à la construction les pierres qu’on en pourrait détacher. Elles sont facilement divisibles à la pioche ; exposées à Pair ou à l’action de l’eau , il s'y forme des excavations qui les divisent en petites masses saillantes , plus où moins arrondies. Cet effet se remarque sur-tout dans les puits, à la surface des rochers qui s'élèvent derrière les maisons et dans l'intérieur des caves qui y sont creusées. Les parois et les voûtes de celles-ci , formées par le roc naturel et sans maçonnerie, présentent des parties sailjantes plus ou moins rondes, G 4 (104) Mais c'est sur-tout à l'aval de la ville qu'on voit Feflet du frottement exercé par l’eau et le galet , à la surface légèrement inclinée d'un rocher qui forme une assez grande étendue du lit de la Seine dans cet endroit , et se découvre toutes les marées. On y remarque une quantité considérable d’aspé- rités arrondies , dans l'intervalle desquelles l'eau reste sans écoulement, et forme , pour ainsi dire , autant de peiits lacs servant de refuge aux crabes que l'on y pêche à la main à la marée basse , mais non sans quelque danger. En ellet , ces petits globes pierreux ne présentent au pied qu’un appui peu étendu et fort glissant à cause du varech dont la superficie de ce rocher est recouverte ; ce qui expose à des chutes dont on sent les conséquences à rai- son de la dureté et de l'inégalité du lit sur lequel on est recu. La ville de Quillebeuf, comme l'a dit M. Lepecq, ne présente en effet que l'aspect d’une bourgade, et son étendue est encore moins grande que ne semble l'exiger sa population | qui ne s'élève ce- pendant qu'à 1383 (1) ivdividus. Les maisons construites en bois n’offrent , pour la plupart , qu'un premier étage faisant saillie sur les rues qui sont fort étroites et ne laissent que peu d’accès aux rayons du soleil. On se loge en outre d’un manière très-resserrée : on voit presqu’autant de ménages que d'appartements , et’ il n’est pas rare de trouver réunis deux à trois lits dans une méme p'èce où l'on fait aussi la cuisine, mm (1) Suivant acte déposé à la Sous-préfecture de Pont-Au= dèmer , le 10 septebre 1810, Cd Une rue principale O.-N. ( Voyez le plan ) 3 forme à elle seule plus des deux tiers de la ville , qui , s'étendant à ce moyen en longueur , n’a guère que 25 à 5o toises de largeur , excepté vers l'extrémité Nord-Ouest , où elle forme un retour d’équerre , en prenant alors environ 6o à 80 toises , largeur totale de Ja pointe du roc sur lequel elle est assise. La ville se trouye ainsi appuyée, en grande partie , le long d’une chaine de rochers qui se dirigent du N.-N.-O. vers le S.-S.-E. Elle est nécessairement resserrée , de Pautre côté, par la Seine dont on a reculé le rivage pour construire la ville , après l'avoir élevé un peu au-dessus du niveau de la pleine mer. Quoique cette élévation soit de 15 à 14 pieds au-dessus de la surface de la Seine , à la marée basse , elle ne suffit pas toujours pour s'opposer à l'introduction de l’eau dans quelques rues lorsqu'un concours de cir- constances , rare il est vrai, mais que j'ai observé plusieurs fois , donne à la marée uue force plus considérable que de coutume. Dans louragan du 11 novembre 1810 , l'eau monta dans les rues à tel point que les chalou- pes pouvaient y naviguer , et elle fit des ravages eflrayants dans les maisons, Le presbytère , situé à l'Ouest , fut démoli aux deux tiers. Sur la rive Occidentale , depuis l'église jusqu'a l'écluse de S. Aubin, tous les bâtiments , les murs de quai, les arbres furent ou entraînés par les flots |, ou ren- versés par le vent. Dans cette affreuse journée, la violence du vent et des flots faillit enlever et en- gloutir tous les navires qui se trouvaient au port. Les amarres arrachèrent les pieux, et on ne par- vint à retenir les navires qu’en eufonçant des aucres dans la terre pour y suppléer. Les vagues C 106) brisérent les murs des mai ons faisant face au Nord Ouest , et en emportèrent les meubles. Les rochers dent il vient d’être parlé sont coupés verticalement. Leur cime est recouverte de quelques arbres et arbustes, tels que l’épine noire , l'orme , le sureau , entrelacés de lierre , de elématites et de ronces. Ces végétaux , métant alimentés que par un peu de terre argileu‘e, sont faibles et lan- guissants, Ils s'étiolent et ne présentent que peu de volume , quoique garantis du tranchant de la hache et du croissant , à raison des dangers auxquels exposerait la coupe presque perpendiculaire de ces rochers. L’élévation des falaises, beaucoup plus considé- rable que celle des maisons vers le S.-S.-E., di- mivue graduellement jusqu'au point À où elle se. rapproche du niveau des quais. Au-dessus de ces rochers se trouve une sur- face plane ABCD , qui sincline vers l'Ouest ;. et réduit Ja rive, du côté du Couchant, à une élé- yation égale à celle qui existe au Levant et qui vient d’être décrite. Quelques maisons sont cons- truites cà et là dans cette plaine , depuis le moulin M (1) jusqu'à F. Là s'ouvre une rue qui , en s’in- clinant un pen, vient se rendre au point G ; à partir de ce point la pente devient beaucoup plus considérable pour rejoindre en H le niveau de la grande ruc. Ces maisons et toutes celles de la rue FG, sont bâties depuis peu, et mieux construites. que celles de l'ancienne partie , sous le rapport de la commodité et de la salubrité, EEE nn) (1) Le monlin a’été échangé de place depuis la rédaction, de ce mémoire. ( 107 ) Dans l’espace compris entre cetté rue FG et le rivage CD , se trouvent diflérentes autres petites rues non payées , dans lesquelles sont entassées les écuries et les étables à vaches des habitants de la ville qui cultivent leurs propriétés situées dans la campagne de Saint-Aubin : on y voit aussi quel- ques maisons dont la plupart sont nouvellement bâties, Au point E est placée l'église qui est belle et vaste. Sa construction , en partie gothique et en partie formée de murs simples , n'offre rien de re“ marquable , si ce n’est l'élévation assez considéra- ble du chœur , dont l'intérieur est beau et majes- tueux. La surface EIKO , qui forme le reste de la ville, est divisée en quelques petites rues, mal ou non pavées et irrégulières. La ville se compose donc de la réunion de trois parties qui diffèrent entr'elles rélativement à leur aspect. La première et la plus considérable , exposée aux vents froids et garantie des vents chauds et humides ; la seconde faisant face au Couchant et à l'abri des vents du Septentrion et de l'Orient, à raison de son inclinaison ; et la troi- sième participant de ces deux expositions et rece- vant sur-tout les vents du Nord. Je suivrai cette même division dans la recher- che des influences que peut avoir sur la santé , la position de Quillebeuf , relativement aux vents, aux émapations , tant de la ville elle-même que des régions qui l’environnent , à la nature du sc} sur lequel elle est assise , à celle de ses eaux , etc., et, après avoir considéré ce que chacune de ces parties peut offrir’ de particulier , sous ce rapport, et les différences d'action qui en résultent , je pare (108 ) lerai des mœurs des habitants , de leurs profes sions , puisqu'elles exercent aussi un grand em- pire sur les constitutions médicales dont je m’occu- perai ensuite. La première portion , celle qui est placée le long des rochers , et qui forme environ les deux tiers de la ville, est, comme je l'ai déjà dit, exposée aux vents froids seulement. Son aspect principal se trouve vers le N.-E., et en face de la vallée de Lillebonne et des communes du Mesnil et de Saint-Georges. Les maisons placées au Levant d’été , occupent un terrein peu étendu, Les unes sont bornées im- médiatement par la Seine ; les autres n’en sont séparées que par un petit jardin ; ce qui les ex- pose aux vents froids qui soufilent ordinairement avec une impétuosité d'autant plus grande , que le canal de la Seine offre , dans cet endroit, une. lieue de largeur , et que lagitarion de l'atmosphère est augmentée par la pression qu’exerce sur elle les courants rapides des flux et reflux. Les habi- tations de l'autre côté de la rue ne sont garan- ties que des vents du Midi et du Couchant par les rochers , et reçoivent ceux du Nord et du Le- yant indirectement, Il n'existe aucune rue latérale du côté des fa- Jaises. Mais, vers la Seine , quelques places et de. trés-petites rues permettent aux vents de pénétrer dans la grande rue , et de la parcourir avec une violence telle quelquefois qu'on a peine à mar- cher contre leur direction , et que la respiration est suspendue par la grande quantité d’air qui s'in- troduit à-la-fois dans les bronches. Je me suis vu souvent forcé de me retourner, tous les quatre ou cinq pas, afin de vider mes poumons de cette surabondance d’air , et de permettre à la poitrine ( 109 ) de reprendre sa fonction. Cette violence des vents qui se remarque trés-souvent , et lors même qu’à quelque lieues de là lPatmosphère parait tran- quille, a un avantage bien important pour la salu- brité, celui d'entraîner les émanations infectes qui s'exhalent de la grande rue. Celle-ci étant parfaite- ment horisontale , et la pente des ruisseaux et des égouts peu considérable , les boues y séjournent et exhalent une odeur insupportable dont on est frappé en entrant dans la ville, lorsque les vents viennent du midi et que la température est un peu éle- vée, Les habitations placées le long des falaises n’en sont séparées que par des petites cours où se font les blanchissages , la préparation des aliments, et, en général, toutes les choses de propreté, Les eaux sales sont portées à la rue en passant sous des allées communes , quelquefois même , à tra- vers les appartements du rez-de-chaussée , et alors le conduit n’est recouvert que par une planche. Les ruisseaux étant peu inclinés , et la plupart non pavés, retiennent les ordures pendant long- temps. Tout serait réuni contre la conservation de la santé et pour favoriser le développement d’épi- démies meurtrières , si des courants d'air ne venaient détruire ces causes de maladies. Une réflexion se présente ici à l'observateur attentif : c’est que , dans les temps de calme et les grandes chaleurs de l'été, le soleil en échauf- fant cette portion de la ville, depuis son lever jusqu'a midi , devrait rendre ces émanations très- nuisibles à la santé , et déterminer tous les fâcheux effets d'un air chargé de miasmes délétères ; mais il n'est point, à Quillebeuf, de repos parfait dans l'atmosphère qui est toujours agitée par le flux et le rellux, D'ailleurs , un vent de Sud-Est, qui souffle dans € x10 } toutes les soirées de beau temps et de calme, et qui suit la direction de la ville, vient en renouveller constamment l'air. Sans l’action bienfaisante des vents , il exis- terait encore à Quiilebeuf une autre cause d'in- salubrité résultant du choc des courants de la rivière. Les murs des maisons placés au Levant de la grande rue ou ceux des jardins, sont battus par le flux et le reflux ; maïs, à la basse -mer , il reste entrreux et les eaux du fleuve une dis- tance de quatre à cinq toises. Le flot, qui vient frapper à laval de la ville ; est repoussé par les quais dont la construction est ménagée de manière à garantir la rade de l’action de la barre pour la sûreté des navires. Le flot change ainsi de direction ; il se porte vers le pays de Caux, où il rencontre, le long des marais du Mesnil, le courant naturel du fleuve, (Ce courant , re- poussé avec force , se dirige vers la ville , où il ne trouye aucune résistance jusquà sa jonction avec le nouveau courant établi par la barre. 1l se fait ainsi le long de la ville un tournoiement des eaux , un remous suivi de repos parfait à la pleine mer. Alors les vases entrainées par les cou- rants se déposent , forment un obstacle à l’écou- lement des eaux de la ville , et de là encore une source d’émanations insalubres si elles y séjournent long-temps: ce qui arrive dans les mortes marées ; la pleine mer , dans ce cas , ne couvrant point ces vases et n'arrivant qu'à deux à trois toises des murs. Dans les vents de l'Orient et du Nord , si les marées sont fortes , ce dépôt ne séjourne pas , parce que les vagues poussées violemment contre les murs , à mesure que la marée (0 2 #40 baisse , nétoient et laissent le roc à nud. Lors- que les marées ne montent point assez et que les vents du Midi et du Couchant ne donnent point au fleuve une agitation suflisante , le renouvelle- ment de Pair vient s'opposer à l’action des miasmes délétères entretenus par le défaut d’écouiement des eaux puantes de la ville et non parla vase , puisque l'experience a prouvé que ses émauations n’ont rien de nuisible à la santé. La portion ADCM offre l'aspect d’un village composé de la réunion d’étables à vaches , écuries , granges et autres bâtiments ruraux. Quelques mai- sons qui forment la rue FG , et celles qui se trou- vent sur le chemin qui tend de F au moulin M, sont bâties récemment , bien aérées et générale- ment saines. Seulement les petites rues comprises entre celle F G et le rivage du couchant , sont enfoncées , non pavées , sans égout , et excessive ment puantes ; mais elles sont habitées par un trop petit nombre d'individus pour offrir des su- jets d’observation sur la différence des constitu- tions. La troisième et dernière partie de la ville , oc- cupant la surface DIKH , est celle qui , comme je l'ai dit plus haut, reçoit les vents de l'Orient, du Nord et de l'Occident. Elle est très-irrégulie- rement bâtie , des places non pavées ; de petites rues mal ou non payées ; des ruisseaux creux et remplis de boue jusqu’à plus d’un pied de pro- fondeur , séparent les habitations. Toutes ces disposi- tions devraient la rendre mal saine ; mais l'agitation continuelle de son atmosphère remédie à tout , et rarement la mauvaise odeur y est sensible. D'après ce que j'ai rapporté sur les qualités de l'air de la vilie de Quilleheut , on voit que & (112) si un grand nombre de eauses d’insalubrité sy trouvent réunies , elles sont toutes détruites par lPavantage qu'offre le voisinage d’un fleuve très- ouvert et coulant avec rapidité et par une venti- lation continuelle qui en renouvelle Pair, L'examen des maladies qui ont été observées à Quillebeuf , justifiera ces heureux effets ; mais, pour suivre l’or- dre que j'ai adopté , je dois auparavant m’occu- per de la nature des eaux de la ville , des pro- fessions , du caractère , et eu genéral des mœurs de ses habitants. Les Quillebois ne boivent point d'eau ; ils ne l'emploient qu’à la préparation des aliments et à la propreté. L'eau de la Seine ne peut servir à au- cun usage. Outre qu’elle est excessivement char- gée de vase , elle contient les mêmes sels que l’eau de la mer , en plus petite quantite , à la vérité, : mais assez pour la faire rejeter. C'est à travers les rochers que se filtrent les gaux dont se servent les habitants de Quillebeuf. Des sources abondantes, toutes au-dessous du ni- veau de la ville, leur procurent l’eau potable, au moyen de puits très - mulüpliés ; mais ceux-ci , quoiqu’alimentés par les mêmes sources , con- tennent des eaux qui offrent des différences re- marquables. Tous les puits qui, dans la première partie de la ville, se trouvent placés le long des falaises , donnent des eaux qui cuisent facilement les légumes, dissolvent le savon , et qui réunis- sent, au dire des buveurs d’eau , toutes les quali- tés agréables au goût. L’eau des puits du Levant de la grande rue présente des eflets contraires ; elle ne peut cuire les légumes ni dissoudre le sa- yon, et se trouble souvent dans les fortes marées. Je C:15) Je n'ai jamais fait l'analyse de ces eaux ; mais j'ai recueilli ce qu’elles offrent de particulier dans l’u- sage qu’on en fait. Cette différence me paraît néanmoins facile à expliquer sans le secours de- l'analyse , en portant l'attention sur la disposition des lieux. L'eau fournie à tous les puits par les mêmes sources doit être de même nature ; mais dans les derniers elle subit un changement dû à l'introduc- tion de l’eau de la Seine. La surface de l’eau des puits ne se trouve qu'à une profondeur de 9 à 10 pieds à partir du niveau des rues ; celles-ci étant élevées de 15 à 14 pieds au-dessus &u niveau de la Seine à la marce basse , il en résulte environ 4 pieds d'écoulement pour les eaux contenues dans les puits. A la pleine mer , non:seulemeut l’écou- lement naturel des eaux de source , dans la Seine , n'a pas lieu ; mais encore, si le volume d’eau de la marée est assez considérable pour excéder lé- lévation du niveau de celle des puits , et déter- miner le refoulement de son cours , l’eau de la Seine , pénétrant dans les canaux souterreips , gagne les puits les plus voisins de la rive et s’y introduit. La même cause la conduirait jusqu’à ceux placés le long des falaises , si cette pression s’exercait assez long-temps ; mais comme elle ne peut avoir lieu que pendant deux à trois heures , deux fois par jour, le cours naturel des sources se rétablit dans l'iniervalle. Cependant l’eau du réservoir des puits conserve toujours une partie du mélange qui s'y est fait avec l’eau de la Seine , et qui suffit pour la rendre impropre aux usages désirés , à cause des sels qu’elle contient. Ce raisonnement est jus- tifié par le trouble de l'eau des puits et son augmentation à l'heure de la pleine mer : augmen- H C4) tation qui d’ailleurs est d’autant plus considérable que la mer monte davantage , et qui n’est pas sen- sible dans les mortes marées. Dans ce dernier cas même quelques-uns des puits exposés à cette variation , et assez profonds pour que ce renou- vellement continuel de Veau rende le mélange p'esque nul , offrent une eau potable pendant quelques jours , parce que la marée, qui ne monte qu'à 2 à 5 pieds , se trouve au-dessous du niveau de l’eau de ces puits. | Les habitants de Quillebeuf doivent être distingués en deux classes, relativement aux professions , aux mœurs , au caractère et au langage; la première comprendra les naturels de Ja ville, et la seconde les étrangers qui sont venus s'y fixer. Tous les hommes nés à Quillebeuf sont marins et ont de l'éloignement pour toute autre profession ; mais on doit admettre entr'eux des nuances basées sur l'éducation et le rang qu’ils occupent dans leur corps social. Les capitaines de long cours , plus instruits, plus accoutumés aux usages de la société par les voyages, y tiennent le premier rang : ils'sont généreux et affables , d’un caractère franc et loyal, et doués en général des qualités du cœur qui ren- dent le commerce des homines agréable, mais ils sont en petit nombre. Les maitres au cabotage et les pilotes occupent un rang inférieur , et peuvent , par leur grossièreté et leur caractère , être confondus avec les matelots et les pêcheurs. Tous ceux-ci sont én général peu spirituels , et joignent à un cœur excellent une dureté apparente , qui tient plus au vice d'éducation qu’au défaut de sensibilité. IIS sont presque tous d’un tempérament bilieux et mélancolique ; leur taille est communément au-dessus de la môyeune; la plupart ontles cheveux bruns et CRT) Ji peau basance; leur voix est rauque et altérée par l'usage des liqueurs fortes ; ils sont forts et robustes, supportent facilement les fatigues de leur état , et ne sont que três-rarement malades ; ils dorment peu et wont point d'heures réglées pour se livrer au sommeil ; ils sont fiers et dédaigueux , et leur orgueil git dans le sentiment de leur force ; néan- moins ils sont obligeants sans prévenance et sans prétendre à la reconmaissance. Les Quillebois sont très-laborieux et constamment occupés. Les pilotes et les pêcheurs forcés à la résidence partagent leur temps entre les travaux de leur métier ‘et le tricot , dans l'intervalle des marées, Ceux qui ne sortent point du port sont tout le jour , même dans les mauvais temps , sur les quais où, le tricot dans les mains, ils s’entre- tiennent de leur état et observent les mouvements des marées. Les soirées d'hiver se passent auprès des femmes , dans des cercles qu'ils nomment tablées , et la les hommes s'occupent à la prépara- tion de filets pour la chasse des alouettes , ou bien encore à leur tricot, et les femmes à la fabrication de la dentelle. Les jeunes femmes de Quillebeuf sont en général assez jolies et fraîches ; leur taille est plus que moyenne ; elles ont peu d'embonpoint. Le tem- pérament prédominant du sexe est le bilioso-san- guin. Les Quilleboises , pour la plupart, sont d’un caractère acariâtre ét hautain. Elles aiment le luxe, et leurs plus grandes dépenses sont pour la toilette. Eeur costume est celui des paysannes, enrichi de quelques ajustements particuliers , dont la dentelle quelles fabriquent elles - mêmes fait lornement principal, Elles font constamment leur volonté ; elles exercent méme une sorte de despotisme sür leurs Fa (116) maris , qui ne se permettraient rien de relatif à leurs intérêts sans l'aveu de l’épouse qui tient les rènes de l'administration. Il est de rigueur que , dès le jour des noces , le mari donne à sa femme une procuration généra!e , non-seulement pour gérer leurs biens, mais même pour les vendre si eile le trouve à propos; et cet usage , qui tire son origine de la nécessité où sont les marins de s’absenter, s'étend jusqu'à ceux qui ne cessent d'habiter la ville. Le mari qui se refuserait à ce témoignage de confiance envers sa femme , serait mal vu et s'exposerait à faire mauvais ménage. L'occupaton unique des femmes de Quillebeuf est la fabrication de la dentelle. Dès l'âge de 5 à 6 ans elles sont livrées à ce travail qui devrait altérer leur santé , en s’opposant au développement de la poitrine. La position penchée en avant sur le coussin et en même temps le mouvement con- tinuel des épaules devraient disposer à la phtysie pulmonaire qui, cependant , ne s’observe que très- rarement chez elles ; mais cette attitude leur donne un mauvais maintien ; elles marchent courbées en avant ; elles ont le ventre gros etle dos fort arrondi. La nourriture habituelle des Quillebois se compose de bon pain de froment , de viandes saines , et plus particulièrement de légumes et du poisson le plus inférieur de leur pêche ; le plus beau est porté aux marchés de Pont-Audemer et de Rouen. Leur boisson ordinaire est le petit cidre. Les hommes pour la plupart font abus de liqueurs fortes ; ils sont peu difficiles sur les mets. Les femmes sont trés-sobres ; elles ont de l’aversion pour le vin, les liqueurs , le café , et ne se livrent à aucun excès. Parmi leur qualités on distingue sur-tout la propreté. C7) Les garçons sont les enfants chéris des péres et des mères ; ils sont l'appui des familles , et leur naissance est annoncée, aux parents et aux amis, comme un évènement des plus heureux. Leur éducation n’est point dispend'euse; on se contente de leur apprendre à lire et à écrire, et, dès l’âge de 8 à 10 ans, ils sont livrés à la marine > qui leur procure la nourriture et l’entretten. Le pilotage , dont les produits sont assez considérables en temps de paix maritime , est un privilège exclusif pour les enfants mâles, nés et baptisés à Quillebeuf.: Le désir de faire participer leurs enfants à cette faveur a souvent déterminé les femmes enceintes des communes voisines à y venir faire leurs cou- ches ; cependant le titre de pilote ne s'obtient qu’à la mort d’un de ces privilégiés, car le nombre en est fixé à 99 et ne peut étre augmenté, Les Quillebois so:t généralement ignorantset supers- titieux. Leur langage est tout particulier et ne res- semble en rien aux idiômes du peuple des pays voisins : il faut une grande habitude pour l'entendre. Des expressions qui ne sont connues que d’eux , une prononc'ation qui dénature les mots , rendent iintelligibles leurs conversations 5 par exemple : le get l’jse prononcent comme lec, ch comme s, etc. La fidélité fut l'apanage des Quillebois dans les temps qui précédèrent la révolut'on, et l’on remar- quait , en eflet, pour le Üen conjugal , ce respect que cite M. Lepecq. J'ai vu aussi s'exercer >» Sans aucune conséquence , cet usage qui permettait à une fille d'aller chez le garçon qu’elle avait choisi pour mari, d'y prendre soin de son ménage comme si déjà elle était son épouse ; mais cette simpl'cité de mœurs à recu quelques atteintes ; la corruption a pénétré à Quillebeuf comme ailleurs, et otre H 5 ( 118) que trop de preuves des progrès qu'elle y fait chaque jour. Les étrangers qui sont venus se fixer à Quillebeuf sont principalement des marchands, des artisans et ouvriers , si on en excepte quelques personnes occupant les places d'administration. Leurs mœurs sont en général fort douces ; ils sont sobres et adonnés à leur travail. IL existe ertr'eux et les ‘naturels une deémarcation sensible qui nait de la ‘ différence de caractère et de langage : chacun de son côté s’estimant davantage , ne cherche point de rapprochement. Rarement on voit le naturel contracter alliance avec celui qui-ne l’est pas ; et le Quillebois qui prend femme au-dehors est ordi- nairement mal vu de ses compatriotes ; cependant depuis quelques années on se relâche de ceite coutume si long-temps observée. Nous avons examiné les qualités de lair de la ville de Quillebeuf, celles de ses eaux, les pro- fessions , le caractère et le langage de ses habi- tants ; 1] nous reste maintenant à consulter les regis- tres mortuaires pour comparer le nombre des morts avec la population , et vérifier les obser- vations précédemment rapportées. Les tableaux sui- vants mous offriront ce resultat, ( Suivent les Tableaux, ) M TABLEAUX Contenant le nombre d’individus morts à Quillebeuf, pendant trente ans , divisés 1° par. annces et par mois et 2° par années, âges et sexes. ( 120 ) TABrrAv contenant le nombre d’Individus morts à ‘oraueg *J01IAD “si "ISAY ‘UM ‘umf 1780. 1781. 1782. 1783. 1784. 1785 1756. 1 1787. 1788. 1759. 1790. 1791. 1792 1703. 1794 1705. 1796. 1797 1798, 1799: 1600. 18017, 1802. 1603. » 1804. 1805. 1806. 1807. 1808. 1809, C8 CS Co à D " Ÿ D» ÿ © D QE =" D + s - D) = D O1 O1 ŸTÈ & w w Gb OK 1 à D D O1 m D M mm O1 M " D O1 O1 Ee Om EE O1 D er - Cr M O1O EE Or O1 Or O1 = EE Or nm EE © st Ÿ La M HS Gr em JR em D O1 G D D D Om ee O1 = Or ER D O1 O1 m Or Où D O1 On D O1 O1 U ee ON æ m0 me O1 D = D D " © = JS me 0m Ur D ne OV 1 JS O1 O1 Cr ce MOV 1m D m1 O1 MD I OU » M D = mm O1 (tar } LS . ,» 1S€é par anréees et par mo div 30 ans, _ F LA Quillebeuf, pendan LT:0O T AE de chaque Année, Décembre. Novembre. Octobre, Septembre, Août, Juillet, 0) M At) A © mm 1Q À LA SE LOS nm (D RD OO nm 6 mm IQ À SR RTE TE ON MNT ENT AN IONT mm | 2 0 MD A ROARRMERNM M MR NTIO EN MNT MU MO SE À À mm La L'e) CRT Coer- D ET EN 9 10 (1229 Tarrav de Mortalité , pendant 30 ans ; Enfants mort au-ce ;5Ous ANNÉES. Tori. Hegf soutf : ( ( } * £ “suoÿiec) / certes ‘Sumo *SaLu ua ‘suo 1780. 178 le D = ND CESSE ès 1752. 1753. 17S4e 1785. 1756, LES 7 150 + bb NOR m em A" de) O1 O1 D Ca D OO ® D © 7 17858. 17S9- 1790» 1791 1702- ee 1793. ‘1794. 1795. 1 796. = CI 1707 NINDDAOUNI GI Dh où oO 170$. 1799 1800. C 2 4 5 1 Le 8 â 5 d 5 6 o 7 9 Lo 6 [e) 7 2 6 5 1801, 1802, 18503. 1304, 1803. D D NE. o1 Lei] 1806. 1$07. 16058. 180ÿe O1 O1 LS _ 166 158 (6r20 2) divisé par années , âges et sexes. 5o ans. 60 ans. 70 anse 60 ans. 90 ans, go ans. 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Le premier tableau nous montre que l'automne , Yhiver et le printemps , sont les saisons où la mor- talité est plus grande à Quillebeuf ; les mois de janvier et février sont les plus meurtr'ers , et le temps des douces températures est celui qui nuit le moins à la santé des Quillebois. Le second tableau prouve ce qu’on a toujours remarqué , que l'enfance est l’âge qui expose à plus de dangers ; la preuve en est peut-être plus sensible encore à Quillebeuf que par-tout ailleurs, puisque sur 741 morts il se trouve 524 enfants , ce qui compose près de moitié du total des mor- talités ; mais, ce qui m’a particulièrement frappé , c’est qu’il en périt beaucoup presqu'aussitôt qu’ils. ont vu le jour. De 524 enfants , 46 sont morts dans les 24 heures , et 52 dans les 15 jours de Jeur naissance. Ne serait-on pas fondé à soupçon- ner que de mauvaises manœuvres de la part des sages femmes dans l’accouchement , et le défaut des premiers soins nécessaires à l’enfant , en sont la cause? Les enfants au-dessous de 9 ans ont péri, pour la plupart , de convulsions occasionnées par la den- tition et par les vers; mais sur-tout par cette der- nière maladie , dont les adultes sont aussi atteints. quelquefois. Sur 324 enfants morts en 50 ans, 257 ont succombhé à ces maladies. Ne pourrait-on pas craindre encore , avec raison, que le défaut de secours bien administrés augmente le nombre des victimes ? Les conseils de sages- femmes peu experimentées , ont été pendant long. Cr25 9 temps , les seules ressources contre les maladies à Quillebeuf , et la confiance exclusive que les femmes accordent à ces matrones pour l'accouche- ment, les a mises en possession de la santé de ces petits individus , et même des personnes plus avancées en âge. Ces considérations , sans doute , jointes à celle de la rareté des maladies parmi les adultes , ont dû éloigner les chirurgiens de se fixer dans cette petite ville qui devait naturel- lement aitirer leurs regards. Sur 27 morts de 9 à 16 ans , 9 ont péri de fièvre maligue , 10 de vers , 2 de convulsions dont on ignore la cause, 1 d’angine , 1 autre de chlorose, et 4 de maladies dont les caractères ont été incon- nus aux parents. Les adolescents , les adultes et les vieillards périssent en géuéral de maladies très-aigués , par- mi lesqueiles on remarque les fièvres malignes , et sur-tout les fluxions de poitrine et quelques an- gines. il n'existe à Quillebeuf que fort peu de maladies chroniques. On y observe un petit nombre d’hy- dropisies ascites , chez les vieillards ; quelques hommes sout atteints de la goutte ; les femmes en paraissent affranchies. Les hommes ont habituelle- ment le ventre paresseux. Le fluor albus est pres- que habituel chez le sexe , sur-tout depuis quel- ques années : l'usage des chaufle-pieds pourrait en être la cause principale. Aucune maladie n'est sensiblement épidémique à Quillebeuf , à l'exception des affections exanthé- matiques , telles que la rougeole , la variole , la scarlatine qui sont toujours bénignes ; on n’a pas d'exemples de terminaison fâcheuse. En 1779 un flux dyssentérique , qui dura peu , enleva plu- { 126) siéurs malades ; mais c’est la seule épidémie meur- irière dont on se rappelle, Pendant ces 350 annees d'observations que nous rapportons , il n’est mort que 25 individus aflectés de phtysie pulmonaire ; et il est à remarquer qu’elle a sévi plus particulièrement sur les étrangers qui sont venus se fixer à Quillebeuf , puisque , sur les 25 sujets qu’elle a emportés , 15 seulement sont originaires de Quillebeuf , tandis que les 12 autres font partie de ces étrangers dont le nombre s'élève au plus au dixième de la population. Parmi les Quillebois atteints de cette cruelle maladie , 35 familles ont à elles seules ofiert 6 victimes ; les autres phtysiques l'ont contractée par des causes qui paraissent étrangères à leur cons- titution. d ? Deux familles étrangères ont également fourni à elles seules 6 phtysiques. La phtysie pulmonaire ne paraît pas frapper plus un sexe que l'autre. Les 25 individus qu’elle a emportés se composent de 12 hommes et de 13 femmes et filles. La plupart de ces malades n'a succombé qu’à un âge un peu avancé. Le tableau de mortalité dans les différents âges nous prouve donc que le nombre des enfants morts avant 9 ans , sélève à près de moitié du total général ; que l’âge moyen, c'està-dire de g à Go ans, est celui dans lequel il ÿ a moins de mortalité ; que c’est au-dessus de Go ans qu’on en trouve davantage ; et qu’enfin ; le plus grand nombre de ceux qui passent ce dernier âge, ne périt que de 7e à 8o ans, quoique beaucoup ne meurent qu'au-dessus de 8o et même de 90 ans. Dans l'enfance et l'adolescence la mortalité est à-peu-près égale pour les garçons at les filles ; mais (127) à mesure que l’âge avance , le nombre des fem- mes augmente et devient plus que double de ce- lui des hommes lorsqu'on arrive à 7o ans et au- dessus. Cette différence , à laquelle les voyages des hom- mes et les elfets de la guerre, peuvent contribuer, doit aussi nous confirmer dans l'opinion que les hommes en général vivent moins long-temps que les femmes. En dernière analyse de ce qui vient d'être rapporté , on doit conclure que la ville de Quil- lebeuf est fort saine ; qu'il s'y observe peu de maladies ; qu’elles y sont presque toujours spo- radiques et occasionnées par des causes ordinai- rement violentes et particulières à l'individu aflec- té ; que la phtysie pulmonaire , qui, par-tout , exerce des ravages effrayants , y est fort rare; que les fièvres intermittentes ne s'y rencontrent point ; et qu'en un mot ses habitants y poussent loin leur carrière. C'est ici qu'en se rappelant les idées de M. Lepecq sur Quillebeuf , on verra combien elles sont éloignées des résultats de l'observation. A la vérité , mes recherches sont faites dans un temps postérieur à celui qui a servi de base à cet esti- mable auteur ; mais les constitutions n'ont pas dà changer avantageusement , et le nombre de vieil- lards qui se remarque au commencement du ta- bleau de mortalité , et dans un temps trèsrap- proché de l'époque des observations de M. Le- pecq ; prouve qu'on vivait alors à Quiilebeuf aussi long-temps et même plus longtemps qu'à présent. Nous avons décrit tout ce qui est relatif à la ville de Quillebeuf en particulier , nous allons ( 128 } passer maintenant à l'examen des lieux qui lui sont contigus. La chaîne de rochers qui s'éleve au-dessus des maisons de la ville, se prolonge le long du lit de la Seine , comme nous l'avons déjà dit, dans la direction du Nord-Nord-Ouest , au Sud-Sud-Est jusqu'à Vieux - Port , c’est-à-dire dans l'étendue d'environ une lieue. Ils forment la base de la campagne de Saint - Aubin et des bruyères de Trouville. Le carbonate de chaux en est la partie la plus considérable ; mais, à des distances plus ou moins rapprochées, on remarque des tables de silex parfaitement horisontales , n'ayant qu’un à deux pouces d'épaisseur , et dont les deux sur- faces sont unies au carbonate de chaux , avec l'interposition d'un peu de terre alumineuse et de sable fin qui facilitent leur séparation d’avec la pierre calcaire. Ces tables, qui sont fort étendues , offrent une grande düûüreté et ne se rompent faci- lement que dans les parties où l'on reconnaît des félures. Le sommet de ces masses de rochers, d’autant plus élevé qu'on s'éloigne davantage de la ville, est recouvert d’un sable plus ou moins rouge et d’une si petite quantité de terre végétale que les plantes peuvent à peine y trouver leur nour- riture. A une demi-lieue de la ville, toujours en suivant la rive orientale , on trouve un souterrein appelé la Cave aux Loups, qui s'étend en différents sens, mais qu'on dit être sur-tout d'une longueur très- considérable. J'ai cherché à m’en assurer par moi- même ; mais, dépourvu de lumière et rencontrant souvent des masses de sable qui s’étaieht écroulées par les fentes des rochers, la curiosité a dû céder à la prudence , et je ne peux à cet égard que rapporter l'opinion C129) l'opinion généralement répandue dans le pays. On trouve vers l'entrée de cette caverne le capillaire dé Montpellier. On ignore quand et comment ce souterrain a été creusé ; il ne paraît pas présumable qu'il soit l’ouvrâge de la nature ; peut-être faisait- il partie des travaux faits sous le règne de Henri IV ou de Louis XIIL, pour la défense de la place. Le terrein qui forme la campagne de Saint-Aubin et auqnel ces rochers servent de base , est sablon- neux et contient beaucoup de caillou. On est par- venu , à force de culture , à y récolter le seigle et l'orge ; mais les récoltes qui répondent le plus aux soins des culivateurs sont celles des luzernes , des pommes de terre et du chanvre. Le voisinage des marais de Saint-Aubin , dont les habitants jouis- saient en commun avant la révolution , leur per- mettait de se procurer des fumiers en abondance, à l'aide desquels ils ont amélioré ce terrein ingrat, sans aucuns frais , puisque les vaches qu'ils avaient en grand nombre payaient et au-delà , avec leur lait, les dépenses des fermiers , et que les marais fournissaient la litière et le pâturage ; on s’apperçoit déjà des effets du partage qui a été fait de ces marais communaux , par la diminution du produit d’une partie de ce terrein. Au Midi de la campagne de Saint-Aubin se trou- vent des bruyères qui fournissent aussi des pâtu- rages ; mais elles ont été également partagées et sout d’ailleurs dépouillées par les moutons des fer- miers de Sainte-Opportune et Trouville. En quittant , à Vieux-Port, la file de rochers faisant face à l'Orient , et en remontant dans la plaine pour se reporter vers le Couchant, on trouve successivement les communes de Trouville , Sainte- Opportune , Saiut-Urien , Saiut-Oueu-des-Champs , I ( 130 ) Bouquelon et Marais-Vernier. Toutes ces communes sont situées dans des plaines élevées et fort saines excepté la dernière. Les habitants de celle-ci et ceux des petites parties des aulres communes qui s'étendent dans la vallée et viennent se terminer aux marais , sont plus ou moins exposés aux fièvres in- termittentes, aux obstructions , aux hydropisies, et en général aux maladies des pays marécageux- La commune de Saint-Aubin , qui se trouve entre toutes celles-ci et la ville de Quillebeuf , est placée au Nord et au Levant de marais dont letendue est de près de 2 lieues en longueur , et d'une lieue et demie en largeur. Dans une grande partie de ces marais les eaux sont sans écoulement et retiennent quantité de végétaux pourris qui don- meut lieu à des émanations insalubres. La par- tie placée le long des.-cûtes offre sur-tout cet in= convénient ; des roseaux constamment baïgnés jus- qu'à moitié de leur tige , rendent ce terrein in- culte, Les maladies dont nous venons de parler se remarquent assez souvent dans la commune de Saint-Aubin , mais y sont moins fréquentes qu’on ve pourrait le craindre , et cela est dû , sans doute , à ce que les habitations ne sont point assises sur les marais, mais au contraire sur une terre siliceuse extrémement sèche, ce qui ne donne aux émanations des marais qu'une influence plus ou moins éloignée sur la masse des habitants. La majeure partie de ces marais est entretenue humide par des fosses et rigoles qui s’y distribuent, et qui recoivent leurs eaux d’une espèce de lac ap- pelé la Crande-Mare , dont la surface est de plus de 3500 toises. Celle-ci est alimentée par des sour- ces qui s'élèvent de son fonds , et l'excédent de ses eaux est conduit par uu fossé dans la rivière (4519 de Seine , mais avec beaucoup de lenteur, après qu'elles ont été retenues et distribuées à volonté dans les marais, au moyen de vannes et d’une écluse placée derriére le village de Saint-Aubin. La grande-mare est très-profonde dans quel- ques endroits ; elle est poissonneuse et navigable pour des bateaux plats qui transportent d’une rive à Pautre des bottes de roseaux , dont on fait usage pour la couverture Ues bâtiments et la litière des bestianx. Le cheral praticable pour les grauds navires qui font la navigation du long cours, passait , il y a environ un siècle , par la grande -mare , qui alors était unie à la Seine. Les immenses marais qui les séparent maintenant existaient point , et l’on pourrait trouver sous eux plusieurs navires qui furent engloutis par les flots. La tradition et les organeaux placés dans le mur du vieux château de la mare ; pour amar- rer les navires , et qui s’y trouvent encore , at- testent d’une mauière irréfragable la vérité de cette assertion, Beaucoup de vieux marins encore exis- tants ont vu ces marais se former ; et il y a 6o ans qu'ils ont suivi sur de grands navires la di- rection qu'a mainteuant la digue qui sert de communication de Saint-Aubin au marais Vernier. On se rappelle même à Quillebeuf qu'un navire fut incendié, à-peu-près à cette époque , sous le château du marais Vernier , où était alors une posée. Les naturalistes reconnaîitraient à Quillebeuf et dans ses parages , des richesses qui sont propres à l'embouchure de la Seine , soit parmi les poissons, soit parmi les plantes. Les physiciens y trouveraient un vaste champ ouvert à l'observaton, dais les phénomènes que Fra C:13) présentent la barre , les courants , les bancs de sable mobiles et fixes , la nature des écueils qui portent obstacle à la navigation , les vents qui sont en quelque sorte assujétis à des règles constanites ;, la variation du gisement des terres, les accidents qui accompagnent les naufrages , la nature. des secours qui sont donnés aux navires , l’eflet des marées elles-mêmes pour en favoriser ou contrarier le succès. Vous rapporter ici, Messieurs , toutes ces choses dignes de piquer la curiosité des savants , ce serait trop m'écarter des bornes que me prescrit mon sujet. Je remets à une autre temps à vous ‘en entretenir. Ayant habité pendant plusieurs années la ville de Quillebeuf où je me livrais alors, par goût, à Vétude des mathématiques et de l'hydrographie , j'ai vu , par moi-même , se répéter assez souvent tous ces phénomènes intéressants, et j'ai puremarquer ce que chercherait envain celui qui ne ferait à Quillebeuf qu'un séjour de quelques mois ou même ‘de peu d’années, à raison des changements con- sidérables qui s’opèrent dans des temps fort courts. Mes soins seront bien récompensés si mes observa- tions deviennent utiles , et si vous les jugez, Massieurs , dignes de votre attention. = “Or maté GE ra väquerie dont l'éc 9: Guideaux, 1O. Rochers. Les Villageset Masures sont indiqué CA F ë Tancarville. + 1 $ = E PLAN DE LA VILLE DE QUILLEBEUF D "7H £ Nemo 0 0 CR 5 Dos # & # Bois tt det+ Tancarville. * & ‘ SÉPPTLELILEITTEIIELELELE7 Radicatel. ET DE SES ENVIRONS , / | D'Académie des Sciences , Belles- Lettres et | Arts de Rouen, en 1811, par M. BOISMARE , Dressé pour être annexé à un Mémoire lu à° D. M. P., Membre de ladite Compagnie. KE Radicatel Mesnil dt SU) Le III NE S de S. Georges. Às. Caorges) Campagne Saint-| Aubin. Chüteaul du Marais} S. Georges. servanr de co de, dire la Diguc» # Chapelle LD de S. Léonard, S. Aubin. nan s manner ses menees }f RE N FONDS Bruyères Nord. de —e6— Li ane de £ B de Sable stores j%+ Bois #4 jèe+ de so fchatees puise HÉÉISSOES va É Pa 838 nt la forme et l'étendue varie, et qui se couvre toutes les maréer: nn. Bouquelon- + Bane de - Sainte-Opportune nt l'existence n'est point cons- qu'il aiste, se découvre # quel il reste tr à 5 pieds Re jours 4 à 5 pi et n ee quand il se trouve dans le chenal. oche à m her q L découvre toutes Les marées. | | | Î G. Roche quelle Lil éreste s EE SIT d'en i3p e | de lu 6e Bois &+%1 a Gesesssseses] (CTTETTETILELLLT Gosse de vesess/ fasssssssesesses fossersesesssssess Sainte-Opportune, % Hbssiin re. des t + + + + + à + à à + Banc du Tot, dont l'étendue varie. la Vaquerie dont l'étendue varie. Trouville, Les Villages et Marures sont indiqués par ce signe ++ TABLE AU GÉNÉRAEr des Observations météorologiques faites à Rouen pendunt l’année 1811 ; par M. J.-B. Virazis, Professeur de Sciences physiques , au Lycée. A {Les principaux phénomènes sont indiqués par une apostroghe lorsqu'ils ont éte plus considérables. ) VENTS DOMINANTS . Échelle de Réaumur. PR HYGROMÈTRE 9s Savssune.{ Joprs D£ PLUIE.. - » Jours DE NEIGE, . . « » N r8ri. JANVIER. : Maximum + » . :|] 28 pouces 4 lignes g le 19. DANCE EES SE ] Minimum. + , + -]] 27 5 5 le 51, THERMOMÈTRE à Mercure, | Maximum. . . .|| 8 degrés o le 51, Minimum —7 o le 4. Maximum . + « «{li00 degrés les 10, 14 et 27. 75 le 25, S-0:1, N.-O., N.-E. (€ Grand Vent les 4et 5.) Minimum - SIX PRENMIERS MOIS. li 1es o le 17. o le 24, 12 degrés b le rr. —2 o le 50. 98 degrés Jes #,4,9,10et1r. 70 le 17. SO. , O.-N.-0. (Grand Ventles2,12,15,14, 16,26.) MARS. ES 28 pouces 5 lignes 4 le 209. 27 7 o les 5,7 ets. AVRIL. 28 pouces 3 lignes o les 12 et 15. 27 4 o les r8 et 19. 135 degrés 5 le 22, I 5 le 10. 09 degrés Je 2, 6o le 16, INSEE, (0-2: (Grand Vient les 1°°,7, 24.) 11,15, 14,15,16,17,18,24,27. 12,5, 4519 10,118 20%, 30; 2,10; 10; LA 13114; 10 105 204 22,24, 25, 26, 27, 28. Néant, JouRS DE TONNERRE . . Jouns DE BRUME ET BROUILLARD,. . DOURSIDEIGRELE:e mere ee eo DCE 8. UDOMÈTRE.. = RE Cent ce LE 1 pouce 8 lignes 8/16. et grêle, 6 + » = eo EE SPP SAS 7 JOURS IDENCELER eee ee Te 13235405; 675839) 10,20,21 eh - 0,10, 1171052225, 20275120 26. 2 pouces 2 lignes 9/16. mm 15, 19, 20- 4, 9,10. sors à Néant. Act. de l’Académie 1811. ( page 132 ). 49 2»3: 4 s 65 8,9 18 degrés o le 24. 5 o le 12. 100 degnés o le 14, Go o le 10. S.-E., S.-0.,, O.-S.-0. (Grand Ventles 18’, 21,22 et 29). MAI. JUIN. es 28 pouces 4 lignes o les 17et 18. 27 7 6le2. | 27 7 23 degrés o le 27e 10 o les y et 10. UE DR inst 95 degrés o les 1,4, 7, 10, am. 65 o les 15,28, 25 degrés o le 8, 10 o les 15 etar. gt degrés le 5. 65 les 14, 19 , 20. S.-E, (Grand Ventles5, 11, 28,29.) S.-E. (Grand Ventles2,5,6,8.) ko1758%.9,120: 19,15, 16,18, 19), 20,21,22, 25, 26, 28, 29, 50. Néant. 5, Néant, Re o pouce 4 lignes 4/16. 1 pouce 1 ligne 5/16. 10 , 11. Néant. 10, 19 ; 22. 3, 12, Néant. CONPET D #La foudre a tué y chevaux sur la route de Neufchâtel. 1,5,5, 7 859910, 14,5, 16, 17; 4,255 556% 8% 12516; 203 22,25, 19, 20, 26,27, 28,151. Û 25', 2g, 50. Néant. Néant, Néant. 29: 1 pouce 11 lignes 4/16. 1 pouce 11 lignes. Er nees Néant. ——_——_—_—_————————— Néant. | Néant, 21, 1,10,17,26,27,28, 51, TABLEAU GÉNÉRAz ds Observations météorologiques faites à Rouen pendant l’année 1811 ; par M. J.-B, Vitarts, Professeur de Sciences physiques , au Lycée. AN 1811. À | Maximum, « BAROMETRE. .. À ‘| Minimum . alias THERMOMÈTRE à Mercure ,[ Marimum. ss PTE Échelle de Réaumur. Minimum ….... Maximum, . «4 Minimum... .. HYGROMÈTRE »e Susssone] VENTS DOMINANTSee us ue» » RADIO di TU Jours DE PLIS... Total pour l’année 154 jours. Jours pe NEIGR. . « Total... , , . . 15 jours. Jours DE GRÈLE. . . Total... .,, 5 jours. 3 Quantité d’eau de pluie, neige UDOMÈTRE. MA JO DRE TR + 22 pouces 4 1, 11/16 Jours DA GELÉE. . . Total... .... 26 jours, 6r 28 pouces J UIT LET. 3 lignes 2 le 25. 27 10 o le 1°, 22 degrés o les 16 ct 26. 12 5 le 4. 95 degrés o tes 0 et 26. o leG. N.-0, et N.-E. 25 pouces SIX DERNIERS MOIS. ANONUNT | SEPTEMBRE. 5 lignes 8 le 14, 28 pouces 3 lignes 7 le 5. 27 8 o les g.eb 25. || 27 4 4 le 25. 26 + 25 degrés 5le 3, at degrés o le 13. 10 5 les 11 et 2r. 9 o les 27 et 28. 7 h 95 degrés 65 ( les4,8,15, 14, »4et25.|| 98 degrés o le 22. le118 b2 o le 8, 7o 1 O.-N.-0., N.-E, S.-E. | N.-0., S.-5.-0.,5.-0. ( Grand Vent le 25". } 1:52, 345 4,19, 20, 21, 22. Jours DE BRUME ET BROUILLARD. Tutal 46 jours. Jours DE TONNERRE, Total, . , . . . . 20 jours. 2 Néant. Néant. pouces 2 lignes 7/16. Néant. 5,4,5,6, 23} 23. OCTOBRE. manner 28 poucis 5 lignes 5 le 20, 11 8 le 26, NOVEMBRE. 28 pouces 5 lignes o le 27- a7. 17 degrés o les 4,9, 12,13, 20. o les 27 et 29. 98 degrés o.tes 5,7, 8, 10. o le 26, S.-E., S.-0., O.-S.-O. (Grand Ventles5,6, 12, 26,29.) 15 degrés 8 le 3. 5 le 23. 98 degrés o les 1,6,7,8,25,29,50.|| 98 degrés.o le 2. 70 o le 12. 65 N.-0., S.-0., NE. 8,9,10, 14,19, 20,22,|| 20, 21,2%, 24,25, 26, 27! ; 25. Néant, Néant. Néant. Néant. 1 pouce 1 ligne 4/6. 2 pouces 1 ligne 11/16. EEE Néant, Néant. 15, 24, 51e 1, 55 4,53 759312, 24, 26, 27 28, Fo. Néant. Neant. 1 pouce 9 lignes 3/6. 1,5,4,5,6,738; 9910918, 12, 15,14, 15, 16,18, 19. 4 pouces 3 lignes 14/16. Néant. 93 10, 14, 17, 18, 19. 21; 22,29, 18,23, 24, 25, 26,27, 28,29, 50. DÉCEMBRE. 28 pouces 2 lignes o les 22, 24et25. 8 le11, 27 1 5 le 28. 10 degrés o les. 10. et 19, —6 o le 51. o le 5. O.-N.-0., S.-E. et N. (Grand Ventles2,5,9', 14,16.) 254558, 11, 15, 14,16, 17, 18, 19,213 25, 24. Néant. 26 ÿ 27, 29. Néant. 22« 1. pouce 7 lignes 6/16. { 22 , 26. 15,18, 24, 26, Néant, (133) E——————————… …… — . 3 BELLES LETTRES. AE OC R2T Fait par M. PivarD Dr Boisnéeerr , secrétaire perpétuel de l’Académie , pour la.classe des belles- lettres. ME SeLEUR.S,. Vous venez d'entendre la lecture des travaux de la classe des sciençes. Chargé de vous faire connaître les différents ouvrages qui sont du do- maine des belles - lettres , c'est à regret que j8 me vois forcé de me renfermer dans les bornes d'une simple et très-courte analyse. Toujours un peu sèche , elle ne saurait pré-= senter qu’imparfaitement le mérite et les grâces qui appartiennent spécialement aux productions litté- raires. Je citerai,, autant qu'il me sera possible , les traits qui pourront donner à l’assemblée qui me fait l'honneur de m'écouter , une idée de la manière et du mérite des. auteurs. Elle ne verra pas, Messieurs, sans intérêt qu'il règne entre l’Académie et plusieurs Sociétés sa- vantes , et des hommes instruits , une corres- pondance , une communication de lumières dont l'avantage est apprécié par tous les amis des lettres. = Nous avons recu de l’Académie du Gard je programme des prix qu’elle se propose de décer- ner eu 1811, Le sujet du prix pour 1810 était l'éloge L35 (154) de M. Servan. Son attente n'ayant pas été rem- plie, elle ne balance pas, à raison de l'importance du sujet , à proposer le même éloge pour le prix de 1811. — De l'Académie de Besancon, un précis de ses Séances publiques, où , eutr'autres ouvrages pleins d'intérêt, on remarque une notite excellente sur M. l'Abbé Rose, auteur de différents ouvrages. = De la Société d'encouragement pour l’'indus- tie nationale, le programme des prix pour les années 1811 , 1812, 1813 et 1814. = De l’Académie des Jeux Floraux , le pro- gramme des prix pour l'année 1811, et le précis des pièces qui ont été couronnées l’année dernière. = De la Société libre d’émulatiôn de Rouen , le rapport de sa séance publique et le discours intéressant de son président. — Ona fait hommage à l'Académie d'un Dithy- rambe sur la naissance du Roi de Rome , par M. Delavigne , élève du lycée de Paris. Cette pro- duction , pleine d’intérêt par son sujet , présente de beaux vers , des idées heureuses , et fait con- cevoir les plus belles espérances de l’auteur, âgé de 16 ans. On y remarque ces vers : » Rome, tes destins vont changer, » La France sur ses pas t’appelle à la victoire , » Elle ne peut céder sa gloire, » Mais elle peut la partager. (135) — M. Delandine, membre non résidant de cette. Académie , et conservateur de la bibliothèque pu- blique de Lyon, vous a fait passer une brochure intitulée : Ætat de la bibliothèque de Lyon pendant le cours de 18510, L'Académie apprendra sans doute avec plaisir , que , parmi les ouvrages qui figurent dans cette intéressante notice , s'y trouvent honorablement cités ceux que notre confrère M, Vitalis a publiés en différents temps sur la teinture. En parlant du Manuel du teinturier sur fil et sur coton filé, M. Delandine s'exprime ainsi : » L'auteur a » bien rempli la devise qu'il a prise, multa paucis, » beaucoup de choses en peu de mots. On sent, » ajoute-til, combien la connaissance de cet ou- » vrage, dans la ville de Lyon, peut y étre utile » au perfectionnement de nos teintures déjà si » célèbres. « — L'Académie a reçu une pièce intitulée : Le Barde neustrien , hommage poëtique à &. M. Na- poléon, par M. Louis Dubois, membre de plusieurs. Académies. — M. Lafosse , architècte de la ville, vous a faie hommage d’un plan d'architecture rurale. = M. Duronceray vous a adressé deux ouvrages de sa composition ; le 1°* a pour Utre : Les Sou- venirs de Eurthèle ; le 2° est un poëme sous le titre : Les Cicérons francais. Passons aux travaux des académiciens. GRAMMAIRE. = M. Boinvilliers , membre non résidant , a fait L4, (136) hommage à l'Académie de son ouvrage intitulé * Cours analytique d’Orthographe et de Ponctuation , ou Nouvelle Grammaire des Dames , suivie de sujets de composition propres à inculquer facilement les principes de la langue française , sous le rap- port, 1° de l'orthographe des mots en général , mais sur-tout des participes ; 2° de la ponctuation, dont les règles sont applicables , tant à la langue parlée qu'à la langue écrite : ouvrage théorique et pra- tique , destiné à toutes les maisons d'éducation £ et dédié à S, A.S. la grande duchesse de Toscane. ELOQUENC:£. = M. Demadieres , élu président , dans le discours d'usage à la rentrée de l'Académie , a entretenu la Compagnie de l’origine de la mairie et de ses fonctions. Il la considère sous le double rapport de la sûreté et du bonheur des citoyens, et relève, à juste titre , la juridiction qu'elle exerce sur les mœurs , par la surveillance active dans toutes les parties de l'instruction publique. » Heureux devoir à remplir , s’écrie notre collé- » gue, que celui de faire éclore | de nourrir, de » fomenter une noble émulation parmi toutes les » classes, de voir s’élever dans la cité des hom- ” mes qui doivent un jour en faire la gloire et la » splendeur, « Ceci conduit l’orateur à rappeler le souvenir intéressant de la sollicitude municipale dans nos murs. Il jette un coup-d'œil sur la formation de cette Academie , et ses heureux résultats, Aprés avoir semé quelques fleurs sur la tombe de son prédécesseur , M. Defontenay , et lui avoir payé le tribut d'éloges bien mérités , pour le bien- C137) fait de la réunion des membres de l'Académie dispersés par le malheur des temps, M. Demadieres exprime à la Compagnie combien il est seusible à l'honneur de la présider , et lui présente l’hom- mage du dévouement le plus sincère et le plus entier. = M. Bignon a rendu compte d’un discours la- tin envoyé à l'Académie par S. Ex. le Grand-Mai- tre de l’université impériale. Notre Collègue dit que, pour fixer lPattention sur cet ouvrage , il suflit de remonter à sa première cause. Le Grand - Maitre a ordonné que , dans tous les lycées, il serait prononce , le 1 jeudi de juin 1810 , par le professeur de rhétorique, un dis- cours latin sur le mariage de nos augustes Sou- verains , et qu'il serait décerné au meilleur dis- cours une médaille de la valeur de 100 Napoléons. C'est de l'ouvrage couronné qu'a rendu compte M. Bignon. L'auteur est M. Luce de Lancival, en- levé aux muses à la fleur de l’âge, le lendemain de son triomphe. » Mais ce triomphe , perdu pour l'orateur { c’est n M. Bignon qui parle) , ne l'a pas été pour la lan- » gue qui avait servi d'interprèle à sa pensée. « L'orateur débute par un remerciment au Chef suprême de l'instruction ; d’avoir rendu les pro- fesseurs d’éloquence les interprètes de l'allégresse publique ; mais il croit avoir à se plaindre d’a- voir un prix en perspective pour une tâche aussi douce à remplir , et que l'amour commande, Féliciter la France de sa position présente, et angurer l'avenir du présent , telle est la division de sou discours. (138) M. Luce présente l’état des deux empires dans la dernière campagne , décrit les horreurs de la bataille de Wagram , qu’il appelerait volontiers nue. Pharsale par la multitude des combäattants et la célébrité des chefs. C'est au milieu du carnage , ©est sur le champ de bataille que M. Luce fait concevoir au vainqueur la pensée d'associer une illustre compagne à ses grandes destinées : Pater erit quem debellaturus veneram. Tout-x-coup la scène change ; le héros arrête le. char de la victoire : une trève , un traité d’allian- ce, apprennent à l'Europe étonnée, surprise, en- chantée, que la paix a été le prélude de l'hy- ménée, L'orateur offre. le tableau touchant des adieux de l’auguste Marie , qui s'arrache des bras d’une famille chérie, Brille enfin l'heureux jour où lalliance civile doit recevoir la sanction religieuse. C’est ici, dit notre Collègue , que l'orateur donne un libre cours. à sa verve cratoire. Pour se faire une idée de cette riche descrip- üon , il faut ia lire dans l'auteur, Dans la seconde partie, l'orateur voit dans cette alliance le présage du bonheur des français, l'ex- tinction de toute rivalié , lPAutriche conspirant pour le destin de la France. » Il ne craint pas qu'un héros , qui, au milieu » des soins et des faisues de la guerre , a tout » fait pour l'administration intérieure , reste oisif » au sein de la paix. « La peroraison est une invitation à Sa Majesté (139) de conserver une vie précieuse pour terminer ses projets ; pour élever un héritier de son trône et de ses vertus , et prolonger le bonheur des français au-delà du terme de son règne. Cette analyse , que nous sommes forcés d'abréger, justifie pleinement le choix que l'Académie a fait de M. Bignon , pour lui donner une idée de ce discours, que l’on ne saurait pourtant bien appré- cier , dit-il, que dans l'original. = Le même membre a fait un rapport sur le discours latin prononcé à la distribution des prix des lycées de Paris, par M. Guéroult jeune, doc- teur és lettres , et professeur de rhétorique au lycée Napoléon. Après un exorde rempli de modestie , d'élé= gance et de savoir , M. Guéroult aborde son su- jet, ainsi conçu : » Il est d’une grande importance , pour bien » écrire, de bien choisir son sujet. « Le genre sé- rieux et le genre plaisant | forment les deux di- visions du discours. La 1e division présente une discussion bien faite sur le génie de la Pharsale , et sur les Frères ennemis de Racine ; poèmes également défectueux , par défaut , ou de merveilleux , ou de véritable intérêt. Il n'en est pas ainsi de la tragédie de Britannicus , où M. Guéroult trouve que Racine a employé toutes les ressources de l'art dramatique , ni de la Jérusalem délivrée , où le Tasse marche immédiatement après Homère et Virgile. Dans la 2° partie , sur le genre plaisant, il cite Boileau dans son Lutrin ; Gresset dans son Vert-Vert; mais sou indignation s'allume, dit M. LBignou, contre Cr40) fes mauvaises plaisanteries de l'écrivain burlesque ;. qui, sans respect pour Anchise , Priam , Hécube , n’a point rougi de travestir l'Enéide, et sur-tout contre. les obscénités de l’auteur de la Henriade, lorsque , dans une production cinique , il outrage l'honneur d'une héroine à laquelle la France doit des autels. La peroraison ramène M. Guéroult à la distri- bution des couronnes classiques. Il offre aux élèves Jes grands matériaux de netre-histoire qui doivent: enflammer tous les talents d’une noble émulation, Il leur offre les prix décennaux , l'espoir de tra- vailler eux-mêmes au rétablissement de l'instruc-. tion , sous les auspices du Grand-Maitre. Il fait ensuite ses adieux à ses disciples, et forme le vœu. de les entendre à la tribune , et de-les féliciter, d’avoir bien choisi leur sujet. M. Biguon a trouvé ce discours plein de choses, de raison et de goût. Ille regarde comme un heu-. reux composé du style de tous les auteurs de la Donne latinité , dont M. Guéroult a su s'approprier. le langage. — M, Desesmaisons a donné. AL de son dis=. cours de réception. L'orateur débute par l'expression de sa recon- paissance ; il ne veut trouver les titres qui lui ont mérité le choix de l'Académie , que dans la bien=. veiïlilance qui encourage Auéliues efforts déjà cou- ronnés par un prix qui lui fut décerné. M. Desesmaisons parle des épines, des difficul- tés , des privations que le savant éprouve dans l'étude de la nature et des hautes sciences ; tandis. qu'il trouve chez l’homme de letires le privilège de s'instruire et de méditer au milieu même des agréments de la société. #” » » » ” » » » » LL] » » » »” y» » ” »» » (141) Notre collègue soumet à l'Académie » quelques idées relatives à l’inflaence des lettres anciennes sur les lettres modernes , et sur l'influence que les littératures étrangères lui semblent avoir exercé sur la nôtre. » Il y a de ces grandes vérités , dit Porateur , qui ne sauraient être tenues cachées, quelques eflorts que fassent les personnes intéressées à les dissimuler. » Du nombre de ces vérités est le fait de l'ad- miration que nous accordons unanimement aux anciens. En vain on a voulu leur contester l'avantige de nous avoir servi de modéle. La voix du monde entier appelle le siècle de Louis XIV, le rival de celui d'Auguste , tant on se figure que ce seul titre lui vaut de gloire ! » Qui n’est en eflet frappé de la noblesse, de l'harmonie , de la grandeur qui règnent dans toutes les productions de ce bel age ? » Je ne rechercherai pas si les grands hommes du siècle de Louis XIV ont imité ceux du siècle d'Auguste ; mais il est certain qu'ils leur ressem- blent , et que plus ils leur ressemblent , et plus ils sont parfaits. « M. Desesmaisons passe rapidement en reyue Ja littérature des différents peuples de l'Eutope ; il rend hommage aux Popes , aux Adisson , aux Mil- ton , et fait sentir que Shakespear , malgré l’ad- miration que lui accordent les anglais , ne saurait paraître ici comme exemple de l'avantage atta- ché à l’imitation des anciens , puisque peu d’au- teurs modernes se sont plus écartés que lui de la belle antiquité. Notre collègue passe à l'influence actuelle de la littérature étrangère sur la nôtre. Cu) Il attribue l'espèce de stérilité di dées au décou- ragement résultant de cette opinion : que tout e$t épuisé ; à l'espèce de supercherie, qui, ne voulat pas étre surprise dans l'emprunt qu’elle fait aux anciens , cherche à le déxuiser , à lui donner dés formes neuves , qui ne sont autres que des for- mes bizarres. On va puiser dans la littératüre étran- gère par l'espoir de mieux cacher son larcin. » Voilà, dit M. Desesmaisons, ce qui a fait trané- » porter dans notre langue tant de sujets , tant » d'idées , tant de tournures empruntées aux an- n glais, aux allemands : on a vu les sorciers de » Macbeth , faire bouillir dans des chaudières n magiques des serpents et des crapaux aux lieux » mêmes où la vieille Mérope avait reconnu son fils, « M. Desesmaisons termine son discours , comme il l'a commencé, par l'expression de sentiments de mo- destie qui donnent un nouveau charme au talent. — M. l'abbé de Boisville , vice-président , dans sa réponse, s'exprime ainsi : 5 Vous l'avez prononcée, Monsieur , cette grande » vérité qui doit étre la profession de foi de tout » homme lettré : les anciens en tout sont nos » maires. . . Hors limitation des anciens, point » de beauté solide, point de chef-d'œuvre parfait , » point de vétitéble littérature. » On a dit que la vérité était une ; on doit dire » Ja même chose du sentiment du beau. Comme » il ny a qu'une grande raïson qui doit régner » dans l'univers, qu’une intelligence unique à la- » quelle doivent se rapporter toutes les autres in- » telligences , il n’y a de même, j'oseraisle dire, » qu'une seule expression du beau , un type uni- » qne de beauté où doivent se modeler tous les C145) » genres de beauté morale et intellectuelle. , . . . » Les principes que vous professez , Monsieur , » font concevoir à la société qui vous recoit , les » plus heureuses espérances : plus vous êtes péné- » tré du sentiment du vrai beau, plus elle aime à » croire que vous en imprimerez l'heureux carac- » tère aux ouvrages dont vous enrichirez notre ré- » pertoire académique. « PO 'É SAT E., = M. Lefilleul des Guerrots a lu trois fables, la pre- mière intitulée le Papillon et le Moucheron ; la secon- de le Flambeau ; la troisième ayant pour titre : La Peine et le Plaisir. Vous les avez entendues avec intérêt, cette dernière sur-tout, D'un caprice du Roi des Dieux, Nés, dit-on, à la même heure, La Peine et le Plaisir vinrent en ces bas lieux Pour y fixer leur demeure. Tout différait en eux , maintien, visage , humeur, Léger comme zéphire , et frais comme la rose , Le frère, aimable fou, riait de si bon cœur, La sœur, pâle et ridée, avait l’air si morose, Qu'on le trouva charmant , tandis qu’elle fit peur. Pour suivre le Pluisir , chacun veut fuir la Peine... , « Trop Tu humains ! votre espérance est vaine. Tous les deux ont reçu du maitre de vos jours Des ailes pour votre infortune ; Vous n’échappez jamais à l’une, L'autre vous échappe toujours. = M. Desesmaïsons vous a donné. une traduction en vers, d’une ode anglaise de Prior, sur l'immensité C144) de l'Étre- Supréme dans ses attributs et dans ses ouvrages. = M. Duval-Sanadon, membre non résidant ; a lu une pièce en vers intitulée : Hommage au grand Corneille , avec cette épigraphe tirée d'Horace : Cui sit ingenium , cui meus divinior ; at que 0$ magna sonaturum. (1) = M. D'Ornay , un de nos vétérans, vous a donné une pièce de vers intitulée :la Mémoire et l’Oubli. Un jour la Mémoire et l'Oubli Eurent ensemble une querelle, Querelle d'amitié , d’espèce bien nouvelle, L'ordre de discuter fut bientôt établi. La Mémoire était femme et parla la première, Il s'agissait de décider entre eux, Lequel rendait les hommes plus heureux. C’est moi, dit la Mémoire , et la preuve en est claire : J'ai reçu du destin le plus beau des présents ; Celui de tout soumettre à mes enchantements. Je retrace aux humains les heures fortunées, Les plaisirs enchanteurs de leurs belles années, Je sais charmer , par d'heureux souvenirs , D'un cœur trop agité , les secrets déplaisirs. Je remets sous leurs yeux , les doux jeux de l’enfance ; Dans toute sa fraicheur , la belle adolescence. et (1) Cette pièce a été lue en entier à la séance publique. Nous aurions désiré en extraire ici quelques morceaux pour donner une idée des moyens de l’auteur , déjà connu avan- tageusement par son poëme sur l’origine du Prieuré des deux Amants, etc. ; mais notre Collègue ayant, depuis la séance publique , fait imprimer son ouvrage , les statuts de l’Acadé- mie nous interdisent toute citation. De (145) De l'âge mür , les trop vastes projets ; Les immenses désirs , rarement satisfaits, De la sagesse , les maximes , De la vertu, Jes traits sublimes, Ils pleurent sur la mort de Socrate et Cator, Sur le Cap Sunium , ils écoutent Platon ; Et du temps et des lieux, je saïs franchir l’espace Dans mes vastes tiroirs , chaque objet a sa place; Je les ouvte , et bientôt, par un charme puissant, Tout renait, le passé redevient le présent, Un Homère à la main , ils montent au Parnasse : Ils recitent les vers de Wäirgile et d’Horace, Du génie et des arts, les prodiges divers , Le tableau des vertus qui parent l'Univers : Tout se retrace à leur ame enchantée , Par ces brillants tableaux , doucement agitée, Si les hommes savaient jouir de mes bienfaits, Ils seraient plus heureux ; ils seraient plus parfaits. Le généreux Oubli, modeste en son langage, Lui répondit avec douceur : J’admire vos talents, ma sœur, Vous possédez l’étonnant avantage De redonner la vie et recréer des sens À mille êtres perdus dans l’abime des temps; Mais ne vous vantez pas de ce rare partage ; Car si vous présentez quelques doux souvenirs , Quelques traits généreux , quelques vertus sublimes ; Vous rappelez aussi ce long amas de crimes , Dont l’atrocité fait frémir ! Si, pour en adoucir l’empreinte douloureuse , Vous offrez aux humains, des Titus , des T'rajans # La liste , hélas ! trop peu nombreuse , Vous retracez aussi la suite malheureuse des Tibères et des Séjans ! De ce ZVéron , le plus noir des -tyrans , K (146) Qui versa tant de sang, qui coûta tant de larmes , Pour qui Rome embrasée avait de si doux charmes ; Vous rappelez la guerre , la guerre et ses horreurs , L’ingratitude et ses noirceurs , L’ambition insatiable > L’hypocrisie encore plus coupable , Le fanatisme aveugle en ses fnreurs, é Monstre altéré de sang, farouche, impitoyable... . Mais éloignons ces sinistres objets ; Si l’homme n’oubliait jamais, | Qu'il serait malheureux ! sans cesse | à sa pensée, L Des maux qu’il a soufferts | l’image retracée Porterait le trouble en son cœur , Eterniserait le malheur , | Et, de ses tristes jours flétrirait la durée, | ï ; Mais , pour calmer les maux dont le monde est rempli, Le Ciel, dans sa bonté , créa l’heureux Oubli. Mortels reconnaissants , rendez-lui votre hommage, Connaissez ses bienfaits , rangez vous sous ses lois, Entre deux amis quelquefois Il s’éléve un léger nuage, Avec l’aide du temps , je conjure lorage ; Un tendre embrassement achève mon ouvrage ; L'amitié reprend tous ses droits Et l’on s’en aime davantage, La brillante mythologie Dont les prestises enchanteurs , De héros bienfaisants et de Dieux protecteurs , Peuplait la nature embellie, Plaçait aux bornes de la vie Un fleuve de mon nom, dont les paisibles eaux , Aux hommes détrompés de leurs vaines chimères, Après de courts plaisirs et de Jongtes misères , Offraient enfin un éternel repos, (147) C’en est assez ; comme il est sur la terre Moins de bien que de mal, moins de ris que de pleurs ; Moins de plaisirs que de douleurs, J'en conclus qu’aux humains je deviens nécessaire, Et que, bien plus que vous , ma sœur , Je contribue à leur bonheur, À qui des deux accorder la victoire ? Tous deux également ont des droits sur nos cœurs, Tous deux également nous comblent de faveurs. Proftons sans juger , disons à la Afémotire : Des vertus, @es talents , et sur-tout des bienfaits, Rappelez fréquemment la consolante histoire, L] Puisse à son tour l’Oubli, que suit la douce paix, De l’être infortuné tarir enfin les larmes , Sur nos jours trop bornés , répandre quelques charmes, Et, par cet accord généreux, Les hommes devenir meilleurs et plus heureux ! = M. Lemesle a occupé agréablement plusieurs de nos séances par la lecture de quatre épitres en vers également intéressantes par les sujets et par le style. C'est Aspasie qui, des Champs-Elisées continue d'écrire aux dames et à leur donner de; leçons utiles. La première de ces épitres est sur les dangers de la lecture des romans , et sur La gradation à mettre dans l'éducation des enfants ; la seconde , sur La musique moderne ; la troisième , sur la danse ; et la quatrième, sur de dessin. Aspasie, comme l’on voit, occupe ses loisirs dans l'autre monde , des moyens de remplir les nôtres d'une manière Egalement agréable et avantageuse ; mais laissons -la parler elle-même. Voici comme elle s'exprime dans la première de ces épitres : K 2 (148) J'ai des conseils à vous donner, Et ce n’est pas toujours un sür moyen de plaire ; Un, auteur ne divertit guère Quand il ne fait que raisonner. 1 Après avoir décrit les malheurs de Sapho et déploré sa funeste fin, Aspasie s’écrie : O vous qui me lisez , après ce triste exemple , Osez faire des vers et lire des romans ! Vous aimerez un jour, . . Mais laissez faire au temps. Attendez que l’hymen vous appelle à son temple, Il en coûte beaucoup pour être : bel esprit ; Voyez où tout cela condnit , On est calomniée ; on aime ; on devient folle ; Si l'avenir n'offre rien qui console , Que faire alors ? Leucade a perdu son crédit, La tète tourne , et l’on finit peutètre Par se jeter par la fenêtre. Le trépas est moins noble et le remède est dur, Mais pour guérir d’amour c’est un moyen très-sür, Venant ensuite à la seconde partie de sa lettre, Aspasie trace ces règles : Méres qui m’entendez , dont les tendres secours Pour vos enfants et dès leur plus bas âge, Sont des plaisirs de tous les jours, C’est à vous qu’appartient , comme un noble apanage , Le droit de leur donner la premiére leçon, Et leur bonheur un jour doit être votre ouvrage. Ne vous hütez pas trop de former leur raison..,... Bien loin de la forcer, imitez la nature; Graduez vos leçons ; marchez avec lenteur, Le chène tour-à-tour prend, quitte sa verdure ; Mais c’est après cent ans qu’il atteint sa hauteur. (149) D'un fruit prématuré, venu par artifice, La bonté répond mal à sa couleur factice. .., Que votre jeune fille étourdie et volage, Après avoir répété sa lecon , Reprenne avec gaité les hochets de son âge , Et fasse, en se jouant , reposer sa raison. Ne lui donnez que tard le compas d’Uranie, Et laissez lui long-temps les grelots de Momus ; Mais qu’à l’aspect du pauvre elle ait l’ame attendrie ; Et fasse sous vos yeux l’essai de ses vertus, y La seconde épitre est sur la musique. Aspasie veut bien que son étude fasse parue de l'éducation , mais elle ne permet pas qu'on s'y livre sans me- sure : Vous qui n'aimez les arts que pour votre agrément, N’en faites point vos uniques délices ; N’ambitionnez point un sublime talent , IL coûte trop de temps et trop de sacrifices. . .… « Elle se plaint que nous avons trop multiplié les diverses sortes d'instruments. Dans nos célèbres théories, Où présidaient les graces , les amours , Aux fètes de Délos nous n’avions point recours A vos bruyantes symphouies, La flüte du dien Pan , la lyre d’Apollon, De nos Athéniens, favorites chéries , Accompagnaient de leur aimable son Les vers de Simonide et ceux d’Anacréon, Tout est changé... 0 AU LE Exilé de la table et dédaigné des grands L'enfant de la gaité , le malin vaudeville, Errant et fugitif, trouve à peine un asyle Au repas du vieil oncle, à ceux des grand’momans.. NE 2 ( 150.) D'un vieux conte de fée à Paris on raffole , De Panard , de Favart on ne se souvient plus ; Au théâtre, Minerve a pris le premier rôle ; Et, comme a dit Mousseau, qui ne badinait guére, La bonne est sur la scène ét l'enfant au parterre. ,... IL semble du vrai goût que le Français soit las ; Au lieu d’emptunter à Thalie Ses traits saillants et nés de la Folie, Où lon riait aux grands éclats, On travestit le chantre d’Athalie , Des pièces de Sophocle on fait des opéras..... Ne forcons point notre talent, Comme l’a dit votre bon Lafontaine... Son axiome vrai peut s’appliquer au chant ; La musique à son genre, elle a som caractére ; On ne chante jamais quand on est en colère : On chante encore moins quand on est expirant ; Il est dans les beaux arts de certaines limités Que la nature et le goùt ont prescrites, Mais on veut imiter les mugissantes mers , Le sifflement des vents , les éclats de [à fondre Qui part, brise, renverse et rédait tont en poudre ; C'est un pénible effort ; quel en sera le fruit ? À soutenir la voix , l'orchestre s’évertme , L'acteur s’épuise et l'actrice se tne ; On cherche le plaisir , on n’entend.que du brait..... La troisième épitre traite de la danse qui, dans son origine , faisait partie du culte religieux. Mais : dit Aspasie , Mais, de vos jours la danse est devenue Un peu profane ; on en a fait un art, Elle à ses lois , ses principes à part ; (re 3 Savante pantomime , elle est, quoique, muette, Des passions la fidèle interprète, Pour le prouver , Aspasie cite les ballets de Novère et ceux de Gardel, qui, À nos regards surpris ; expriment tour-à-tour La haine, le dépit , la fierté ; la colëre, La terreur , la pitié , la vengeance et l’amour,.... Mais vous , pour qui la danse est un amusement, Contentez-vous d'y mettre de l’aisance, On dit que votre ville attache à ce talent Peut-être un peu trop d'importance ; Quand on a d’y briller un extrême désir, C’est un tourment, ce n’est plus un plaisirs... La danse sied à la jeunesse ; Son règne est court , on la quitte à trente ans ; Ce n’est point , j’en conviens , le premier des talents, Mais cet art est utile ; il donne la souplesse , Une attitude ferme , au corps de la noblesse , De la grace à la tête , à des bras demi nus ; Et la grace est sans doute une beauté de plus... Aspasie, après avoir déérit les dangers mortels auxquels s’est exposée une jeune personne pour s'être livrée avec excès à la danse , et sur-tout à cette danse que l’on nomme wa/se , qu’elle con- damne comme aussi dangereuse ponr les mœurs que pour la santé , termine ainsi ses avis: C’est de tous les talents celui le plus frivole. C’est un art, direz-vous,.... Je le crois snr parole, Soit, c’est un art.... Mais que penser d’un art Où l’on regrette tôt où tard Le temps qu'on perd à son école? k & (1528 Caltivez votre csprit , formez votre raison ; La danse n'a qu'une saison ; C’est la fleur du matin , qui le soir est fanée : La rose dure un jour ; mais la pomme une année, Aspasie , dans sa quatrième épitre, traite du dessin. Il plait dans tous les temps , il convient à tout âge; Il a de plus cet avantage ’ètre toujours sons notre main. Amuser est son but, créer est son ouvrage , Des amis, des parents il conserve l’image. .... LU o Il est très-commode en voyage ; Il n’a besoin d’aucuns apprêèts ; Un carton , des crayons composent son bagage. ... A bien user du temps il ‘instruit la jennesse ; I! charme encore dans la vieillesse. .... Il ne lui faut, comme à l'abeille, Qu'un bois, une prairie , un jardin et des fleurs. Les préceptes que donne l’auteur dans cette épitre, sont en action. Aspasie raconte que Cariclée son amie cultivait comme elle Île dessin ; qu'un jour elle lui offrit un charmant paysage sur lequel elle fait ces ré- flexions : Ce site est pittoresque , agréable à la vue, Le dessin est correct , tout en est bien groupé ; Cet ensemble me plait, tient mon œil occupé ; Mais l’esprit veut penser et mon ame être émue ; Or, c’est l’intérèt seul qui les touche et remue. Que dit-il à mon cœur , ce tableau ?... Presque rien, J'aime ces bois , cette prairie ; Je suis d'accord que tout est bien ; Mais à ce beau dessin il manque de la vie, LEE 5070 Cariclès profite de l'avis de son amie , et un mois après lui rapporte son paysage. Aspasie l'examine. Voici (dit-elle) du nouveau Sur un tertre.. .en gazon , j'appercçois un tombeau, .., Monument isolé dont la première vue fait penser mon esprit et rend mon ame émue ; Il est entouré de cyprès, Des morts tristes amis et compagnons mucts ; «+. Sur cette tombe une nymphe est couchée, Et sa main, en-dehors languissamment penchée , Du doigt indique un marbre, où l’on peut lire encor Ce peu de mots gravés en lettres d’or ; Moi-méme aussi j'étais heureuse, Le poëte, comme l’on voit, a profité habilement de ces mots du Poussin , ef in Arcadiä ego. Cette intéressante épitre est terminée par ces vers pleins de sentiment, On peut s’aimer encore au-delà de la vie, Quoi qu’il arrive à l’avenir De Cariclée ou d’Aspasie, Léguons-nous nos tableaux , et qu’ils puissent servir À celle de nous deux , veuve de son amie, D'un éternel et tendre souvenir. = M. Mutel, membre non résidant, vous a en- voyé un poëme intitulé : la Restauration de la Py- ramide d’'Fvry , par Napoléon. Notre Collègue , octogénaire et toujours l'amant des muses , ne prétend pas ici emboucher la trom- pette héroïque. » Satisfait d'admirer d’incroyables exploits , » À de plus simples faits je consacre ma voix, ( 1549 5 Dans le cours de la vie, en miracles féconde, # Dn Monarque immortel , qui fait le sort du monde , » J'ai choisi le moment où , dans les chatips d'Yvry , » Associant son nom au nom du grand Henri, » Ii fit, pour honorer sa valeur intrépide, » Relever du bon roi la simple pyramide. « Ce poëme , qui intéressé par le choix du sujet, prouve que les annces né peuvent rien sur l’ima- ginalion vive dé son autenr. = M. Drputel a lu deux fragments d’un poème médit sur PÆtna, Dans le premier, qui est le début du poëme, l'auteur expose d'abord quels ont été. les différents systèmes mythologiques sur cette mon- tagne célèbre , et annonce que ce n'ést point aux nrensonges des anciens poêtes, mais à la physique seule qu'il aura recours pour en expliquer les phénomènes, | À ces fables on crnt tant que l'expérience De. réglant point encor l’essor de la science , Jes timides mortels d’um pas faible et peu sûr, Ne marchaient qu’au hasard dahs un sentier obscur. ; | Mais , graces aux savants qui consacrent leurs veilles À chercher le secret des plus grandes merveilles , Le bandeau de l'erreur est enfin arraché ; La nature pour nous ñ’a plus rien de caché , Et l’homme qui la suit dans ses métamorphoses , Calcule leurs effets, en assigne les causes , Instruit par quels moyens d’invisibles ressorts Font à Jeur gré mouvoir , ou végéter les corps. C'est toi que j'en atteste | étoinante chimie , Compagne et quelquefois rivale du génie ! Mais Delille peut seul, avec art, dans ses vers, Décrire tout-à-tour tés. prodiges divers, C1 155) Et, nous faisant errer de surprise en surprise , Nous apprendre comment ta savante analyse , Chassant les éléments de leur trône usurpé , Sut enfin découvrir à notre œil détrompé Quelle est de chacun d’eux la nature et l’essence ; Quelles combinaisons leur donnérent naissance , Et par quels procédés ; phénomène nouveau, Tu décomposes l’air ; le feu , la terre et l’eau, M. Duputel passe ensuite , après quelques vers de transition et une comparaison assez ingénieuse, à la description topographique de lPextérieur de l'Etna. Amphithéâtre immense , dit-il , Il présente trois rangs De sites, de pays, de climats différents, Et les quatre saisons dans la même journée Semblent y parcourir le cercle de l’année. Nous ne suivrons pas l'auteur dans la description aussi fidèle que poétique qu'il fait de chacune des régions bien distinctes que l’on remarque sur la montagne qui fait l’objet de ses chants. Forcés d’abréger , nous ne nous arréterons pas non plus avec lui sur les bords du cratère , dont l'horrible aspect ne peut effrayer Les mortels animés par le noble désir De s'instruire de tout , de tout approfondir. Ce qui l'amène naturellement à parler d'Empé- docle , dont il décrit ainsi la funeste catastrophe : Mais de son zèle , hélas ! généreuse victime, Un jour qu’il se penchait au-dessus de l’abyme C156) Pour en interroger Isimmense profondeur , La flamme dans les airs s’élève avec fureur , La terre au lin mugit, tressaille , se déchire, Et dans son sein brülant, en roulant, il expire. M. Duputel réfute ensuite l'opinion de ceux qui metient en doute la vérité de l'histoire d'Empédocle, et cite comme un garant de cette histoire les débris de sa tour que les voyageurs remarquent encore sur la cime de PEtna., Puis il ajoute : Mais par le temps , aidé des efforts du génie, De la science enfin, la route est applanie , Plus heureux qu'Empédocle , aujourd’hui ses rivaux, Sans redouter la mort, pour prix de leurs travaux , Parviennent à savoir quelles, causes font naître Les prodiges qu’en vain il cherchait à connaitre, Au regurd, continue-t-il, Au rezard pénétrant des Faujas |, des Buffons, Rica ne peut échapper dans ces gouffres profonds , Et, sans voile pour eux , la nature elle-même leur à de ses secrets révélé le système, Heureux si je pouvais , répandant sur mes vers Un éclat emprunté de leurs écrits divers , A mon nom, inconnu des filles de mémoire, Faire aussi réfléchir un rayon de leur gloire ! Le second fragment lu par M. Daputel contient la description d’une irruption du volcan et de la destruction de la ville de Catene. Voici comme notre Collègue peint les effets de lirruption : Un océan de feu , du haut de la montagne, : Roule, et se précipite, à travers la campagne, 7 (197) Rien ne peut arrèter ses flots dévastateurs ;' Moissons , vignes , forêts, maisons , troupeaux , pasteurs; Tout ce qui s’offre enfu sur son fatal passage ? Tombe, et sert aussi-lôt d’aliment à sa rage. De leur antique base arrachés pour toujours , Les plus fermes rochers , dans son rapide cours , Se trouvent emportés, et, prêt à se dissoudre, Le granit calciné croule réduit en poudre. Au centre de la terre en un instant fondus Les différents métaux , ensemble confondus , Forment une autre mer , qu’un torrent de bitume Grossit , en y mélant sa bouillonnante écume. Tels la fable nous peint le brülant Phlégéton , Le Cocyte , le Styx et l’avide Achéron, En décrivant le désastre de Catane , l'auteur rappelle ainsi les différents aspects sous lesquels la mort se présente aux malheureux témoins de cet évènement. Sous les débris fumants de leurs toits embrasés , Les uns dans leurs maisons succombent écrasés ; Les autres , parcourant avec effroi la ville, Pour essayer du moins une fuite inutile , Expirent dévorés par les gouffres brülants Qui s’ouvrent tout-à-coup sous leurs pas chancelants ; Sous un épais amas de terres éboulées , De pierres et de cendre ensemble amoncelées , Ceux-ci qui, vainement implorent du secours , Sont, encore vivants , engloutis pour toujours , Et ceux-là , respirant la vapeur dangereuse Qu’exhale dans les airs une onde sulphureuse , Lentement suffoqnés tombent sans mouvements. Le vieillard au milieu des plus cruels tourments Voit finir à regret sa caduque existence, L'enfant qui, du danger n’a point l'expérience, (158) Passe au mème moment , sans douleur , sans effort ; Des ombres du sommeil dans celles de la mort. Le trait connu du généreux dévouement des deux frères Anfinamus et Anapius, termine ce fragment. La longueur de cet épisode touchant ne permet pas de le citer ici. On se contentera d'en rappor- ter les derniers vers , pour faire voir avec quel art M. Duputel a su joindre à cette action un évène- ment non moins mémorable , la formation pres- que subite d'un mole , par un courant de lave qui se précipita dans la mer , où il ne tarda pas à acquérir la dureté d'un rocher. Cet évènement , cité par M. Brydone et plusieurs autres auteurs également dignes de foi , eut lieu dans le cours du 16° siècle, Voici comme notre collègue le rap- pelle. Ces deux frères, ditil, Ces deux frères à peine , 6 prodige incroyable! Quittaient de tant d’horreurs le théâtre eftroyable , Et fuyaient vers la mer , l’un et l’autre chargés Du précieux fardeau qu’ils s’étaient partagés, Qu’au sein des flots surpris, qui grondent autour d'elle, La lave se frayant une route nouvelle, Comme un roc se durcit et présente à leurs yeux Un mole jusqu'alors inconnu dans ces lieux. Vers ce mole aussi-tôt l'espérance les guide, Et contre les fureurs d’une terre perfde, Dont le sein vomissait la mort de toute part, C’est au milieu des eaux qu’ils trouvent ua rempart, M £:21 A\N:6 as. — M. de GClanrille a donré une dissertation critique C' 199) sur Hérodien. Get auteur , dit notre Collègue, est peut-être uu de ceux dont la destinée a été de subir les jugements les plus contradictoires. IL ne peut aspirer qu’au second rang ; mais la prévention ou Vabus de la critique Font mal-à- propos relegué au dernier. La perfection de l'historien tient à la réunion de beaucoup de qualités qui , rarement, se trouvent dans le même individu. Fidélité , exactitude dans les faits , intérét dans la manière de les présenter. C’est sous ce double rapport que M. de Glanville examine l’auteur grec, seul moyen, dit-il, d'expliquer la diversité d’opi- nions des critiques. Après avoir cité Photius , qui donne à Hérodien toutes les qualités qui constituent l'historien , il Jui oppose Tillemont qui lui reproche l'omission des dates , faute très-grave dont il est difficile de Île laver. M. de Glanville venge Hérodien de l'accusation de haine et de partialité , par exemple , de par- tialité en faveur de Maximiu , et de haine contre Alexandre Sevère. Hérodien , dit notre Collègue , dépeint Maximin comme un tyran cruel et farouche , mais grand capitaine. Parle-t-il d'Alexandre Sevère ? IH lui re- fuse | il est vrai , les talents militaires , mais il relève son humanité. À l'égard de ses sujets, dit- il , il vécut toujours sans reproche. M. de Glan- ville conclut que l'accusation de haine et de par- tialité n'est pas fondée. Quant à l'exactitude des faits , Hérodien fait battre l'empereur Alexandre Sevère par les Per- ses , tandis que Lampride douue la victoire aux Romains. (€ 160 ) Tillemont, ne pouvant accorder des recits aussi opposés , dit que l'autorité d'Hérodien est plus grande par la considération du temps où il vivait, et la qualité de son histoire , et concoït qu’il est plus croyable que les historiens romains ont attri- bué de fausses victoires à leurs généraux. Br À De cet examen notre Collègue conclut » qu'Hé- » rodien est un historien du second ordre ; mais » bien un écrivain du premier; car, d’un côté , » l'on voit qu’il a des taches ; de l'autre , on ne » peut s'inscrire en faux contre les jugements de » Photius et de Sigonius contre l’intérét et le » plaisir que cause la lecture de son ouvrage. Il » laisse donc avant lui un certain nombre d’auteurs, » s'il est comparé aux anciens ; mais s’il entre en » parallèle avec les auteurs de son siècle , il est » sans contredit le premier ; le seul Dion Cassius » pouvait rivaliser avec lui. Plus utile pour la chro- » nologie , pour les détails historiques , il est infé- » rieur à Hérodien du côté du style, « — M. Gourdin a lu des Recherches sur l’écriture dont se servaient les Gaulois lorsque César fit la conquête de leur pays. Cette dissertation intéressante est divisée en qua- tre parties. Dans la 1°, on rapporte les passages des commentaires qui prouvent que les Gaulois, sans entendre la langue grecque , se servaient des caractères de cette langue. On examine si ces pas- sages n'ont point été altérés comme quelques com- mentateurs l’ont pensé. Dans la >< , on expose les opinions de divers auteurs sur l’origine des carac- tères grecs dont usaient les Gaulois , au rapport de César. Dans la 5°, on examine et lon discute ces difiérentes opinions , dont la plus générale est que C161) que les Gaulois tenaient des Phéniciens les carac- tères de leur ecriture. Enfin , dans la 4°, l’auteur expose le sentimént qu’il adopte. l Aprés avoir montré qué les Gaulois n'étaient point une colonie phénicienne , il prouve que ce m'était point des Phéniciens qu'ils avaient emprunté les caractères grecs dont ils usaient , que ces ca- ractères leur étaient propres, quoiqu’ils fussent les mémes que ceux dont les Grecs se servaient , parce qu'originairement ils venaient de la méme source de l'ancien hébreu ou samaritain. Telle est l'opinion de notre savant Coilègue , opi- pion qu’il appuie du témoignage de plusieurs éeri- vaius distingués ; et c’est ainsi qu’il coucilie les deux passages des commentaires de César , dont l'espèce de contradiction à embarrassé les Savants et les Commentateurs. = M. Lezurier de la Martel vous a donné un Diémoire sur le commerce de lempiüe francais considéré dans ses rapports avec le Portugal. _Ce mémoire, envoyé au Ministre peu de temps après le traité d'Amiens, presente des données qui re sont plus guères de saison aujourd’hui ; cependant on wy voit pas sans intérêt les évènements passés; et, dès-lors , on considérait le Portugal tellement lié d'intérêt avec l’Argleterre , qu’il paraissait impos- sible d'établir avec ce royaume des relations com- merciales d’une uülité réelle , saus changer abso- Jument son existence politique. Notre collègue préseute 1° l'état du commerce du Portugal avant la révolution ; 2° Les obstacles qui s'opposent à nos relations avec le Portugal ; 30 Les améliorations que nous aurions à désirer L (162) pour que rien ne s'opposät à la prospérité de notré commerce avec cette puissance, M. Lézarier conclut, 1° que le commerce fran- çais en Portugal , antérieurement à 1787 , nous était défavorable , d’ane part , puisque nous sol- dions la balance en argent par la somme de 6 mil- lions environ. D'une autre part , il nous était avantageux, puis” que nous en urions des matières premières, ali- ment de nos manufactures. 2° Les obstacles qui s'opposent à son rétablis- sement sont l'influence prodigieuse des anglais, et la supériorité de leur industrie. 5° Les améliorations que nous pourrions espérer , sont contrariées par la situation géographique du Portugal, ses anciennes liaisons politiques et ses produits naturels qui le livrent nécessairement à l'Angleterre. = M. l’abbé Baston a lu un Æssai sur la recti- fication de l'esprit, Peut-on rectifier l'esprit ? En supposant cette opé- ration possible , quels moyens faudrait -il employer pour réussir ? Telles sont les deux questions dont la solution est l’objet de ce mémoire. D'abord il présente quelques notions nécessaires pour bien poser Pétat de la question , et ne pas donner un exemple de la maladie dont il cherche le remède. Esprit droit , esprit Juste , esprit conséquent , ter- mes qui semblent synonymes; mais dont M. Bas- ton montre parfaitement bien les diflérences. » Je délnirais , dit-il , l'esprit droit | celni qui » tend au but par le chemin Le plus court. 1l (€ 165 ) ï » devine , én quelque sorte, lés voies obliques , » et les évite. Il arrive promptement au terme , » parce qu'il a la sagesse de ne point s'engager » dans les détours qui en éloignent. .. . Le propre » de l'esprit droit ést de ne faire que ce qu'il faur. » Je définirais l’esprit juste ; celüi qui ne se mé- » prend ni dans le choix, mi dans la disposition # des choses et dés moyens. ..,Le propre de » l'esprit juste est de tout mettre à sa place, de » tout envisager dans son vrai jour , soit qu’il com » pose, soit qu’il analyse, » Jé définirais l'esprit conséquent, celui qui, » dans la génération des idées par le raisonnement, » n’en admet aucune qui ne sorte des principes » générateurs. .,....Le propre de L'esprit consé- quent est de ne conclure que ce que renferment » les idées comparées. M. l'abbé Baston conclut : que la perfection con- siste dans la réunion de ces qualités ; mais, à défaut de cette réunion parfaite , il donne la préférence à l'esprit conséquent. El pourquoi cette préférence ? C'est que la conséquence est le seul but où doit arriver tout homme qui compare des idées, Ii im- porte peu par quelle vo'e il y parvient. Notre Collègue oppose à ces qualités les vices contraires. Le symptôme le plus nuisible est d'être faux ;le plus choquant est d'être gauche ; le plus ennuyeux est l'opposé de l'esprit droit , sauf quel- ques exceptions assez rares. C'est de cet assemblage de défauts que se com- pose la maladie dout M. Baston 5e demaude si elle est saus remède. Il avoue que de trés-habiles geus la regardent comme incurable ; mais il en est d'antres |, non moins estimables , qui sont d'un avis fnntraire, L 2 Ÿ (:64) L'auteur, après avoir gémi sur l'idée désespéranté dune maladie aussi grave , sans espoir de remède, aborde son sujet , et se détermine pour l’af£rma uvè de Ja possibilité d’une guérison. Tous les genres de maux qui afiligent l'espèce hu- maine peuvent céder aux moyens curatifs. Tel est le principe d après lequel notre Collègue conclut l'affrmative de sa proposition. Il passe en revue les faits qui attestent le succès des efforts continus que fait la nature pour rétablir l’ordre dans le monde matériel. Il ne se dissimule pas l’objection qu'on peut lui faire sur l'immense différence qui existe entre cet ordre de choses et la nature des êtres spirituels. Mais il croit être en droit de conclure, par un à fortiori, que la nature , toujours attentive à ré- parer ses pertes , sous le rapport de l'ordre établi, doit avoir sans doute des ressources, des moyens curatifs contre les maladies de l'ame , cette portion de nousmêmes , qui , par sa supériorité, son excel-, lence ;, doit appeler toute la sollicitude de cette mère commune de tous les êtres. Hne s'agit point ici des efforts de Ja nature seule ; M. Baston ne prétend pciut établir qu'abandonné à lui-même, un esprit gauche puisse se redresser ; raaïs bien que, secondée par Part , et convenable- ment aidée , la nature tend sans cesse à réformer les vices accidentels de conformation, qu'il ne faut pas confondre avec les défauts naturels , qu’il appelle défauts de l'espèce. L'auteur réfute les différentes objections qui lui paraissent plus subtiles que bien fondées , et s’ar- rête à l'idée cousclaute de Ja possibilité de recti- fier l'esprit, quel que soit le vice dont il est aflectée —_ (165) : = Dans un second Mémoire notre Collègue divise en deux classes les esprits sans rectitude , ceux qui n'ont encore qu’une volonté dépendante de celle d'autrui, et eeux qui, ayant une volontg libre et indépendante , ne peuvent être conduits que par des conseils. La preinière classe comprend l'enfance jusqu'à vingt ans. La deuxième se com- pose d'un àâge plus avancé , jusqu'à l'âge viril in- clüsivement, L'auteur , en excluant absolument des moyens curatifs Ja vieillesse , ne se dissimule pas la dif- ficulté majeure résultante de l'habitude. déjà invé- térée , lorsque l'adolescence est, passée : moins un esprit a fait de pas dans la carrière Jes idées, dit M. Baston, et plus il est facile de l'accoutumer à marcher droit, Les remèdes sont de deux espèces. » Remédes » généraux qui conviennent aux trois vices en ques- » tion dans ce qu’ils ont de commun, et remèdes » part culiers qui conviennent séparément à chacune » des branches de-ce défaut dans ce qui les diffé n rencie. « Remèdes généraux. M, Baston trouve dans la con- naissance imparfaite des objets la cause ordinaire des fanx raisonnements. On fera donc beaucoup pour la rectification de Pesprit, en lui fournissaut les moyens de connaître mieux l'objet de ses op rations. Ici l'iérconstance et Ya lévèreté paraissent À l'auteur les défauts qu’il est essentiel de guérir. L'inconstance change à chaque instant d'objet, La légèreté elleure tout , n’a point d'idées propre- ment dites. Nulle suite , nulle liaison dans les opérations d'un esprit afllisé de cette malade, IL ja faut combattre par une application et une atten- mon systématique , peérsevéraute , jusqu'a ce que; = l'habitude en soit forruée. L 3 C 166 La précipitation est encore un vice de l'esprit. On se hâte ae conclure; on ne laisse pas mürir ses idées ; on se décide sur un simple apperçu : de à les jogements faux ; une lenteur, méme afiec- tée , doit être substituée à ceite dangereuse dispo- sition. L’imagination est l'obstacle le plus difficile à vaincre. L’auteur veut tous les efforts possibles pour én diminuer la fougae, l’humilier , lui faire honte d'elle-même , et l'endormir assez longtemps pour que le travers d'esprit qui lui devait l'existence soit äbsolument détruit, Eu suivant cette méthode , dit M. Baston, peut-. être aurait-on fait de l’Arioste un Montesquieu, Lés passions , les préjugés, source funeste de faux jugements. Combattre les unes , détruire les autres. Juger par analogie et par comparaison , c’est pren- dre la route qui mène à l'erreur ; que voudrait-on de plus pour y renoncer ? La confusion des mots fait que l’on confond les idées. De là M. Baston conclut que , pour bien luger , il faut commencer par bien apprendre la langue dans laquelle on pense et dans laquelle on s’ex- prime : La mémoire parait encore à notre Collègue une. faculté dangereuse , lorsqu'elle est cultivée avec excès. Beaucoup de choses d'emprunt , peu ou presque point d'idées à soi; prodiges d’érudition , les gens à mémoire sont rarement des hommes ju- dicieux. Au reste , notre Collègue ne s'élève ici que coutre une mémoire dont le but unique est d’entasser beaucoup de choses, beaucoup de mots, dont le résultat est pour l'esprit un amaigrissement universel, et nuit plus qu’on ne saurait le eroire au développement des faculés intellectuelles. CR M. Baston se résume ainsi : » Pensez que Île » traitemeut étant bien exécuté, nous avons un » esprit qui, affranchi de l'inconstance | suit son » objet; qui , guéri de la lésèreté , le suit avec » application ; qui, exempt de précipitation , l'exa- » mine avec attention ; un esprit dont l’imagination » walière plus le coup-d'œil ; dont les analogies et x les comparaisons ne trompent plus la facilité ; » dont les passions ne troubient plus la sagesse : un » esprit enfin que les préjugés n’entrainent plus , » que les mots ne gouvernent pas, et que la mé- » moire w’aflame point .....ÆEt, je le demande, # conçoit-on qu'un pareil esprit puisse n’être pas » droit , juste ét conséquent ? « M. Baston termine par les remèdes particuliers. J’etude de la logique donne à l’esprit la rectitude qui constitue le bon raisonneur. La logique apprend beancoup , puisqu'elle met en état de beaucoup savoir , et sur-tout de bien savoir, Une étude appropriée , celle qui est la plus con- venable pour corriger le vice particulier que lon veut combattre , est un moyen sur lequel il ne- faut pas se méprendre. Par exemple , autant nui- rait au redressement d’un esprit , l'étude d’un ouvrage diffus , passionné , déclamateur , où l'or- dre est sacrifié à la véhémence, où l’on se soucie moins de dire vrai que de persuader ; autant. y servirait l'étude d'un ouvrage écrit avec précision, sang froid et méthode, M. Baston Genes. 23 À Le à Act. Apost. C7, Ve 16. Notes de Dacier, Ovid. mé tam, 1. 5,v. E 2 75, 74. ( 180 ) S. Etienne , aux actes des Apôtres , dit positive- “ment que l'acquisition de Jacob , car c’est Jacob et non Abraham qu'il faut lire , avait été faite à prix d’argent : pretio argenti. Il était donc naturel de dire du temps de Jacob: je paierai cet objet 100 agneaux ; du temps de Thésée, je le payerai ro0 bœufs ; sons Servius Tul- lius , je le paierai ro0 moutons, etc. , parce que toutes ces expressions ne désigneut que l'efhgie des monnaies courantes. Eu partant ainsi du principe que des monnaies grecques à l'effigie d'un bœuf avaient accrédité cette manière de parler : j'achète cet objet tant de dœufs , que ces expressions, qui étaient parfaitement counues de Plutarque , 1400 ans après Thésée , devaient être familières à Pythagore , de 700 ans plus voisin de Thésée que Plutarque , peut-être même les bœufs monnaie avaient-ils cours dans le. pays, où, et quand Pythagore offrit son sacrifice , on résoudrait , ce me semble , d’une manière très- naturelle le probléme qui nous occupe, en disant que Pythagore offrit alors aux muses un sacrifice de la valeur de 100 bœufs ; et comme le bœuf valait deux drachmes ou 40 s. , il suit que ce sa- crifice aurait couté 200 fr. , somme alors fort con- sidérable ; et certes , d’un sacrifice de la valeur de 100 bœufs, où plus simplement de 100 bœufs à une hécatombe, le passage est extrêmement facile. . . Cette explication , qui venge Pythagore de l’accu- sation d’avoir dérogé à ses principes en offrant à des divinités aimables et timides , le sang d'une énorme quantité d'animaux , de la vie desquels il publiait qu'il n'avait pas le droit de disposer ; qui fait corrüer l’enfantillage de 100 petits gâteaux cornus travestis en une pompeuse hécatombe ; qui ( 181 ) laisse à Pythagore sa dignité , au sacrifice son im- Portance, à la reconnaissance sa plénitude , me parait plus simple, plus naturelle , plus conforme aux usages du temps, qu'aucune de celles qui ont €té proposées. Quant à l’espèce du sacrifice offert, je v’essaierai pas de déchirer le voile qui la cou- vre et que le temps épaissit tous les jours; mais n'est-ce pas sacrilier aux muses que d’orner et d’embellir leurs temples , d’exécuter ou de per- fectionner des machines, de faire fleurir les Scien- ces et les beaux Arts, et d'y consacrer une par- tie de ses facultés ? .... Et n’est-on pas tenté de sourire à une explication qui, en admettant une tradition honorable à Pythagore , lui conserve des attributs dont elle ne peut se passer ; la simplicité, la dignité et la vraisemblance ? = M, Duputel à lu des recherches sur Le royaume d’Fvatot : » Yvyetot a joui , de temps immémorial , » de toutes les prérogatives attachées à la royauté. » Les seigneurs ont pris et reçu, publiquement , » même de nos rois les plus intéressés à le leur. » contester , le titre de Roi. « Tels sont les faits que notre Collègue entreprend d'établir : Ils ont souflert contradiction de la part de plu- sieurs écrivains, M. l'abbé de Vertot , dont l'auto- rité est d’un grand poids, dit que ce royaume est fabuleux , et qu'il na pas plus de place dans l'histoire que sur la carte. M. de Vertot rejette comme une fable inventée par Gaguin , l'assassinat de Gautier d'Yvetot , par Clotaire I , donné comme origine du titre de roi en faveur des héritiers de ce seigneur. M. Duputel relève cette erreur, et prouve que M 3. (182) deux actes de 1429 et 1461, antérieurs à Robert Gaguin, font mention de cet assassinat, et que ce fait est consacré par une tradition qui remonte à des temps fort éloignés. Le silence des auteurs contemporains de Clotaire, donné par M. de Vertot comme preuve de la supposition du fait, parait de peu de valeur à notre Collègue , parce que la flatterie a‘ de tous temps dirigé la plume des contemporains. » Quelle que soit , au reste , l'époque précise » de l'érection de la seigneurie d’Yvetot en royaume, » et l'évènement qui y a donné lieu , il est hors de » doute qu’elle remonte bien plus haut que le 14° » siècle. » Un arrêt de l'Echiquier de 1592 donne le titre »n'de roi à un seigneur d’'Yvetot. Lors de l’inva- » sion de la Normandie par les anglais, en 1417 » » les biens de Vilaines, surnommé le Begne, fu- » rent confisqués , les titres perdus, les préroga- » tives oubliées ; Louis XI, par lettres patentes , » les rétablit comme par le passé. « M. Duputel cite un grand nombre de pièces au- thentiques et autographes en faveur de son opi- nion , et s'étonne de lobstination de quelques écri- vains à regarder comme fabuleuse l'existence du royaume d’Yvetot , malgré les actes mulupliés , où , sans équivoque , plusieurs de nos rois ont donné aux seigneurs d’'Yvetot le titre de roi, avec tous les attributs de l'autorité souveraine. (183) AS PA De AS A | NUOUTSNC E BIOGR A P'HI QUE Sur M. l'abbé LALLEMANT. Par M. PiNARD DE BOISHÉBERT. MESSIEURS , Dans cette Séance, que je peux appeler la fête solennelle des Sciences et de Lettres , je suis forcé, par le ministère dont l'Académie m’honore , de vous entretenir de ses pertes. La mort nous a séparés de M. Haillet de Cou- ronne , de M. Bouet et de M. l'abbé Lallemant. M. Descamps, attaché à M. de Couronne , dès son enfance ,; par les liens de la reconnaissance et de l'amitié, s'est chargé d’en faire l'éloge. M. Vauquelin a fait la notice biographique sur M. Bouet. Je vais avoir l'honneur de vous entretenir de M. Richard-Xavier-Félix-Conteray Lallemant , né à Rouen le 8 mars 1729. Notre estimable Collègue a terminé sa carrière le 18 août 1810. Héritier des principes d’une famille ancienne et constamment distinguée par ses vertus et ses talents uules , dès sa première jeunesse, M. Lallemant montra une disposition ,; un goût particulier pour les lettres. Les succès qu'il obtint dans le cours de ses étu- des , présagèrent qu’il suivrait les traces de ses aïeux. M. Lallemant, élevé dans des principes religieux et sévères , se destine à l'état ecclésiastique , et M 4 C184) embrasse. Tout entier à ses devoirs , n'ayant d'autre désir que celui de les remplir avec fidélité, habitué à un genre de vie grave et austère , il se livre aux travaux pénib'es du ministère sacré. La prédication le fait connaitre avec avantage; et M. l'évêque d’Avranches l'enlève à la paroisse qui fut son berceau , pour se l'attacher en qualité de vi- caire général. Chargé, sous le règne de Louis XV , d’affaires relatives au clergé, il s'acquitte avec distinction de la mission délicate et honorabie qui lui était con- fée. Telle est l'esquisse imparfsite de l’ecclésiastique vertueux , plein de zèle pour les fonctions subli- mes de son état. Nous allons nous occuper du savant, de l'hom- me de lettres ,; qui ne les cultiva jamais qu’en ami de lordre et des mœurs, et sous le rapport intime qu'elles ont avec une religion qui jamais ne craignit les lumières , ni le développement des facultés intellectuelles. M. l'abbe Lallemant s’était fait connaitre par quel- ques ouvrages qui ennonçajent un térateur sa- vant , et dévoué sur-tout à ce qui pouvait être utile. L'Académie l'admit avec joie dans son sein , le 18 mars 1767. Elu président en 1790, la Compa- gnie l'avait honoré dela vétérance l'année précédente. L'éloge de notre Collègue , Messieurs , ne peut être séparé de celui de sa famille. Succession , com- munauté de talents et de vertus, tel est l'ensemble que depuis longtemps nous présentent les indivi- dus qui la composent. M. l'abbé Lallemant eut deux frères. Uuis entr'eux, plus encore par la conformité de C 165) goût et de talents que par les liens du sang, ils ne connurent d'autre jouissance que celle de bien mériter de leurs concitoyens. C'est aux ancêtres de certe famille respectable, que nous devons dans notre cité le premier éta- blissement et la prospérité de Part de l'imprimerie. Robert Lallemant , des anciens Conteray d’Allema- gne , et capitaine général de la Normandie dès le temps du célèbre Guitenberg, envoya chercher à ses frais , en Allemagne , tout ce qui était né- cessaire pour l'exercice de l'imprimerie ; et ce fut au profit des personnes qu'il y employa, qu'il l’é- tablit à Rouen ; trait bien rare et bien magnifique de désintéressement et d'amour du bien public! MM. Lallemant travaillèrent constamment et dans la plus grande union à diverses éditions d’ouvra- ges classiques , où ils se montrèrent d'une manière distinguée , sous le double rapport d'auteurs et de typographes habiles. Nous devons à leurs travaux un Dictionnaire fran- çais-latin in-8°, Le Rudiment latin , avec la Méthode , in-12; le Dictionnaire français-latin , par le père le Brun , augmenté par eux in-4°. Ovide latin et français , par Fontanelle , aug- menté par eux, 2 vol.in-12. Virgile latin avec n6tes, par Jouvenci , augmenté, Ên-12, , Une nouvelle édition de Basnage , dont M. l'abbé Lallemant a composé l’épitre dédicatoire à M. de Miromesnil, Notre Collègue , outre différents mémoires pleins d'intérét , discours prononcés aux Séances publi- ques, dont il a enrichi le recueil des travaux de lPAcadémie , a donné une édition des Fables de Phèdre , en latin et français, avec des notes très- (186) bien faites. Nous avons de lui la Bibliothèque his- torique et critique ; servant de 2° vol, de l'Ecole de la chasse, par la Couterie. Le Salluste latin avec notes ; Cornélius-Népos , aussi avec notes, etc. Occupé de savantes recherches sur l’origine des langues, et des différents idiômes qui en sont sor- üs , M. l'abbé Lallemant lut à la Séance publique de l'Académie , en 1790 , un mémoire savant sur YHistoire naturelle de la parole. Notre Collègue prétend trouver dans une seule langue primitive , la c'ef de tous les signes par lesquels , chez les différents peuples , on est parvenu à communiquer mutuellement ses idées, Il a pensé que le peuple chinois présentait non-seulement le berceau du genre humain , échap- pe au désastre du délnge , mais encore , dans sa langue monosyllabique , le rype de toutes les autres qui n’en étaient que de simples dérivés. La révolution , qui semblait devoir arrêter ses recherches et mettre un obstacle à ses méditations habituelles , produisit accidentellement un effet con- rare. Forcé par la tourmente politique et par la rigueur des lois relatives à la déportation, de s’ar- racher à ses études, à sa patrie, M. l'abbé Lal- lemant alla chercher un asile en Angleterre. Il y trouva des personnes distinguces par leur mérite, dout ses conaaissances littéraires le rapproch èrent facilement, Dès- lors le musee de Londres lui fut ouvert et offrit à ses savantes recherches des res- sources abondantes et bien précieuses. Peu après son retour à Rouen , l'Académie fat rétablie , et M. lPabbé Lallemant présida la céré- monie de Ja réinstallation , fit l'ouverture de Îa séance par un discours analogue à l'heureuse cir- constance qui réunissait des hommes savants que le malheur avait si long-temps dispersés. ( 187 ) Dans les dernières années de sa vie, des infirmi- tés avaient Ôté à notre Collège presque totalement l'usage des jambes. Ne pouvant plus se rendre aux séances de l'A- cadémie , qui toujours fut l’objet de son attache- ment , M. l'abbé Lallemant se livra plus que jamais au travail. Approfondir et développer son systéme de la lan- gue primitive , fut dès-lors son unique occupation, sa pensée habituelle. Un secrétaire recueillait tous les matériaux qui devaïent faire l'ensemble , le corps de preuves de Ja solidité de son système. La mort a tout brisé , a tout détruit ; nous disons que tout est détruit , parce qu'il serait difficile de réunir ce qui est resté épars et incomplet dans une matière absolument neuve ; et d’ailleurs ce genre de recherches demanderait un courage , une opi- niâtreté de travail bien rare , lorsqu'il s’agit de mettre en ordre une suite d’idées qui nous sont étrangères , et ne présentent plus , pour ainsi dire, qu’un dédale obscur et inextricable. Au reste, quel que soit à l’avenir le sort du sys- têéme de M. l'abbé Lallemant , ses premiers travaux, dont l'utilité et le mérite sont incontestables, suf- fisent à son éloge , et sa mémoire sera toujours chère aux vrais amis des lettres, ( 158 ) A PT PT TS N'OPTE’E BI 0'GR A PHIQUE Sur M. Bourr. Par M. VaAuçuszix. Jean-Louis Bouet naquit en la commune de Chris- tot , près Caen, le 1% août 1765. Son père , cul- tivateur et charpentier , lui fit apprendre l’état de menuisier ; il était alors âgé de quinze ans, et” manilestait déjà d’heureuses dispositions ; il ne tarda pas à surpasser son maître, et à appercevoir qu'il avait besoin de fréquenter les grandes villes pour acquérir les connaissances qui lui étaient nécessai- res pour exercer avec distinction une profession , je dirai même un art , dont les productions sont variées à linfini. M. Bouet vint à Rouen en 1584, dans la seule inten- tion de se perfectionner ; il y réussit, et se trouva en peu d'années capable d'entreprendre les tra-. vaux les plus difficiles. Mais, transporté dans une sphère beauconp plus étendue , ses idées s'élevè- rent et s’'agrandirent ; il conçut et réalisa le projet d'apprendre le dessin et les principes élémentaires de l’architecture. Notre ville lui offrit tout ce qui pouvait secon- der ses désirs ; il y trouva une école où régnait une grande émulation due au zèle de M. Descamps, professeur aussi distingué par l'étendue de ses connaissances que par sa COnstante sollicitude pour les progrès de ses élèves. M. Bouet re manqua pas une aussi heureuse ( 189 ) occasion qui remplissait si bien ses vues ; et quoi- qu’il füt forcé de partager son temps entre l'exer= cice de sa profession et les nouvelles études aux- quelles il se livrait , il sut vaincre tous les obsta- cles et se suffire à lui-même par son ardeur et le travail le plus assidu. Ses progrès furent rapides ; bientôt il fut en état d'enseigner les premiers élé- ments du dessin , peu après ilentra, comme dessi- nateur , chez M. Guerout , alors architecte de la ville ; ensuite chez M. Pioche, qui était ingénieur de l'arrondissement. Dès-lors M. Bouet abandonna pour toujours ses premières occupations , et se livra tout entier à l'étude de l’art auquel il s'était voué ; il suivit les constructions , en apprit tous les détails, et parcourut avec rapidité le cercle des connaissances nécessaires à un architecte. En 1795 , la place d’architecte de la ville devint vacante par la retraite de M. Gucrout ; notre Collègue lui succéda. Les circonstances difficiles dans lesquelles la France se trouvait à cette époque , paralysèrent entière- ment les arts , et ne permirent pas à M. Bouet de mettre en évidence les talents qu’il avait acquis par l'étude et la méditation ; ce ne fut qu'au retour de l'ordre qu'il trouva l'occasion de les développer dans la composition des plans et dans la conduite de plusieurs maisons particulières dont l'exécution Jui fut confiée ; on y remarque des distributions commodes et de belles proportions ; ces premiers essais commencèrent sa réputation. Ce fut à-peu-près vers cette même époque que Pindustrie française se releva de l'espèce d'anéan- tissement où l'avaient plongée les troubles de la révolution ; on vit alors s’élever de toutes parts ces grands et vastes ateliers de filature , qui fout {a C 190 ) richesse et l’un des plus beaux ornements de notre département. Notre Collègue fut chargé de donner les plans et de diriger l’exécution de plusieurs de ces grands établissements ; il s’en acquitta de ma- nière à mériter l'estime et la confiance des person- nes qui l'avaient occupé. En 1804 , l'Académie admit M. Bouet au nombre de ses membres résidants. Notre Collègue était alors chargé de nombreux travaux , à la ville et à la campagne , qui, joints aux devoirs de sa place d’architecte de la ville , absorbèrent tous ses instants. Souvent il passait les nuits à composer , et les jours étaient employés à de fréquents voyages et à visiter les travaux. Cette multiplicité d’affaires de tout genre le mit souvent dans la dure nécessité de confier à ses élèves des détails qui devaient concourir à l'ensemble de sés compositions ; telle est la cause de quelques défauts d'accord qui se font remarquer dans les dernières productions de M. Bouet. Tant de soins, tant de fatigues altérèrent insensi- blement sa santé, et furent la principale cause de la longue et douloureuse maladie à laquelle il a suc- combé le 25 août 1810 , dans un âge où il pouvait espérer jouir encore long-temps du fruit de ses travaux. Il laisse après lui une famille désolée de la perte du meilleur des maris et du plus tendre des pères. M. Bouet fut l'ami de toutes les personnes qui eurent des rapports avec lui ; son caractère obli- geant , aflable et modeste , lui concilia l’estime de ses supérieurs , le respect et l'attachement de ses subordounés. C1g1) té dl td NOTICE BIOGRAPHIQUE Sur M. HAILLET DE COURONNr. Par M. DsscAmp»s. M. Haillet de Couronne naquit à Rouen le 14 avril 1728. Ayant fait, de la manière la plus brillante, son cours d'étude à Paris, au collège de Louis-le- Grand , à l'âge de 18 ans il entra au service en qualité de cornette au régiment d'Harcourt , et fit deux campagnes dans la guerre d'Hanovre que Îa France sontenait à cette époque. L’état militaire con- venait beaucoup à la vivacité de son âge ; il était doué d’une figure très-agréable , d’un esprit enjoué et brillant , d’un son de voix gracieux , d’une flexi- bilité de caractère qui se ployait à tout : tant d’a- vantages réunis promettaient à M. de Couronne des jouissances précieuses dans l'état qu’il s'était choisi. Mais la tendresse maiernelle caleule-t-elle comme un militaire de vingt ans ? Madame de Couronne avait vu avec peine l'éloignement de son fils unique pour la place de lieutenant - général criminel au bailliage de Rouen, qui était en quelque sorte héréditaire dans sa famille, et, par ses sollicitations , elle réussit enfin à déterminer son fils à en exer- cer les fonctions honorables autant qu'epineuses. . . M. de Couronne se livra dès-lors à l'étude des lois, étude bien sérieuse pour un jeune homme accou- tumé à la dissipation et à l’aisance de la vie mili- aire. Cette étude , toujours sérieuse par son objet, prend un caractère bien plus grave quand il s’a- C19 ) git des lois pénales qui ne nous occupent que de crimes commis envers la societé , de l’art d’en ac- quérir les preuves et de punir avec équité. . . La sagacité de M. de Couronne ne pouvait rencontrer d’obstacle , et le militaire aimable se fit bientôt distinguer par de vrais talents. . . Cependant le goût naturel de M. de Couronne le dirigeait vers d’autres études , et il consacrait à celle des Lettres et des Beaux - Arts , tous les moments qu’il pou- vait dérober aux devoirs de sa place. Lié particuliérement avec MM. Le Cat, du Boul- lay ,; Descamps et autres Académiciens , M. de Couronne ne pouvait rester étranger à l'Académie, etil y fut admis en qualité d’adjoint en 1752. .. Aca- démicien titulaire en 1766 , il y fitson remerciment en prose et en vers , séance tenante , et intéressa éga- lement l'assemblée comme écrivain correct et ver- sificateur facile, Il fut nommé vice-directeur en 1767 , et direc- teur en 1768 . .. Les deux années suivantes , l'Académie perdit deux de ses membres les plus chers à cette Compagnie , M. Le Cat, secrétaire perpétuel pour la partie des Sciences , et M. du Boullay , secrétaire perpétuel des Belles-Lettres. M. de Couronne réunit tous les suffrages dans la séance du 22 novembre 1769 ; il fut proclamé se- crétaire perpétuel pour la partie des Belles-Lettres. La place nouvelle qu’occupait à l'Academie M. ‘de Couronne , réponduit parfaitement à ses goûts, et sa correspondance très-étendue le mit en rapport avec une infiuité d'hommes habiles qui perfection- nèrent ses talents naturels. . . . Son premier soin fut de répandre des fleurs sur la tombe de M. du Boullay. Cet éloge lui fit honneur. Partagé en deux parties , l’orateur montre dans la prenuère lacadé- micien ‘(195 ) micien distingué par ses travaux littéraires ; dans la seconde, le citoyen vertueux digne de nos re- gretsiYsherte le A la fin de l’année académique , chaque secré- taire est chargé de donner une notice des acadé- miciens décédés depuis la dernière Séance pabli- que, et ce fut pour M. de Couronne un nouveau sujet de triomphe. Familiarisé avec la langue des beaux arts , les termes techniques se présentaient d'eux-mêmes à sa plume , et prenaient, pour ainsi dire , le caractère de l'homme intéressant qu’il vou- lait montrer. Il eut beaucoup de noms illustres à célébrer. Le Moine , Chardin , Pigale , Slodtz , Cochin , Lebas, Lemire, Leveau , etc. , et autres exercèrent tour-à-tour sa douce et facile éloquence ; sa main tressait les couronnes que l'Académie dépo- sait sur leur cercueil. M. de Couronne , naturellement laborieux et d’une constitution robuste, consacra tous ses instants à l'étude, et, comme il suivait Pimpualsion de son goût, il y fit de grands progrès. L'histoire en général , et surtout celle de Nor- mandie et des hommes célèbres qui l'ont illustrée, l'occupèrent d’ure manière toute particulière. Il avait amassé sur cet objet une grande quantité de maté- riaux, pris des notes dans un nombre prodigieux de volumes , consulté tous les hommes habiles avec lesquels il avait des relations ; M. du Boullay , dont les connaissances en histoire étaient fort étendues , avait fortifié , sous ce rapport , le goût de M. de Couronne ; M. Descamps, son ami intime , lui avait communiqué une partie du feu dont il était animé pour les arts qu'il professait, M. de Couronne s'était formé une collection pré- cieuse de tableaux, sculptures , gravures , dont par N (194) la suite il sacrifia une partie à d’autres goûts; je veux parler ici particulièrement de celui qu’il con- serva jusqu’à la fin de sa carrière : lamour des livres anciens et des éditions rares, Assidu à toutes les ventes de livres, M. de Couronne s'était formé une immense bibliothèque, qui peut être considé- rée comme une des plus riches et des plus rares collections en ce genre qu’un particulier puisse former. Dans le printemps de sa vie, M. de Couronne fit les délices de la société, où sa conversation legère et les agréments de son esprit le faisaient recher- cher; il eut des relations avec les grands, et plus d’une fois il les fit tourner au profit de l’Académie. Dans la plupart des circonstances importantes , lorsque cette Compagnie savante devait se montrer , se faire représenter par ses commissaires ou pen- dant l’absence de ses présidents, M. de Couronne fut souvent chargé de porter la parole au nom de la Compagnie , et toujours ayec cette dignité qui le caractérisait. En 1788 , il perdit sa mère , et cette mort rom- pit la chaîne qui l’attachait au barreau. Dès cet instant M. de Couronne se défit de sa charge et se livra entièrement au penchant qui lentrai- nait vers des occupations plus agréables. Dans un âge plus ayancé, notre savant secrétaire ne connut plus d'autre plaisir que celui de l'étude : les livres et une correspondance littéraire très-éten- due occupaient tous ses moments. La tourmente révolntionnaire vint l’arracher à ses jouissances ; des infirmités , des chagrins qui l’accueillirent , obscur- cirent les derniers moments de sa vie ; une sombre mélancolie ternit des jours autrefois si sereins. Croyant retrouver dans la capitale des jouissauces qui lui (195 ) manquaient dans sa ville natale , il prit la résolution de s’y fixer à l’âge de soixante et dix-huit ans ; il y termina, dans le sein de sa famille, sa longue et laborieuse carrière , âgé de quatre-vingt-trois ans. M. de Couronne n’a publié aacun ouvrage d’im- portance; mais on connait les titres de ceux dont il s'occupait sans relàche , et qui sont demeurés inédits ; et peut-être incomplets , dans les mains de ses enfants, ce sont , 1° un Dictionnaire bibliogra- phique des grands hommes de la province de Nor- mandie. 2° Un Dictionnaire bibliographique des livres rares, curieux et intéressants. 5° Un Traité comparatif de la poësie ancienne et moderne. 4° Des Considerations sur la poësie dans son ori-. gine , ses progrès et sa décadence, 60 Enfin, une Jistoire de l’Académie de Rouen et de ses travaux. Les connaissances de M. de Couronne en his'oire étaient trop importantes pour que les autenrs qui courent la même carrière n'aient pas ambitionné de les mettre à profit. C’est ainsi que M. Prn- dhomme s’est empressé d’associer notre Collègue à la rédaction de son nouveau Dictionnaire historique , dont la publication n'était pas encore achevée ; ce qui doit rendre commun à tous les amis de Ja lit- térature la perte que l'Académie a faite. Le style de M. de Couronne est généralement facile et coulant ; il a de la chaleur et du coloris, mais il se livre un peu trop à cette fécondité , à cette abondance qui souvent nuit à la correction. Il n’en est pas moins vrai de dire que M. de Couronne mérite d'être compré an nombre des hommes les plus iustruits et les plus laborieux üe (196 ) con siècle. L'académie regrettera toujours l'amabi li:é de son commerce , la facilité de ses conceptions et la variété inépuisable de son érudition, LAB LE NES PM'ANT I Ê RNE S Len 22h 0 21 AD vrs d’ouverture de la Séance publique , page 3 S Cr AE N'CE S% RIT A RTS: Rapport fait par M. Vitalis, secrétaire perpétuel de l'Académie , pour la classe des Sciences , 9 Ouvrages annoncés ou analysés dans ce rapport. Tarifs des anciennes monnaies d’or et d’argent ; par M. Periaux, 10 Eléments de Statique ; par M. Francœur , IL Mémoire sur les combinaisons , les permutations ,tles nombres figurés , etc. ; par le même, 12, Introduction à la physique et particulièrement à la mécanique ; par M. Lepriol , 15 Mémoire sur les longitudes ; par M.Salva, 14 Le Conservateur de la Vue; par M.Chetalier, ibid. Exposé des effets de la contagion nomenclative , et réfutation des paradoxes qui dénaturent la physi- que ; par M. Sage, 15 Mémoire sur l’inflammation des matières combustibles et l'apparition d’une vive lumière , obtenue par la seule compression de l’air; par M. Mollet, ibid. Décret concernant un prix d’un million pour linven teur de la meilleure machine propre à filer le lin, 17 Annuaire de la Société des inventions et découvertes ibid ( 198 }) MNorrcr sur la troisième exposition des produits des Arts du Calvados; par M. Lair, 17 Considérations ou notes générales sur le sucre extrait des pommes et des poires, sur son emploi dans l’é- conomie rurale et les besoins de la vie, comme supplément au sucre étranger ; par M. Dubuc, 18 Traité sur l’art de fabriquer le sirop et la conserve de raisin; par M. Parmentier , 21 Mémoire sur la fabrication du sirop et du sucre de raisin ; par M. Poutet, 22 Mémoire sur lé mutage du sucre de raisin ; par M. Proust , 23 . Rapport sur l’extraction du sucre de la racine de bet- teraves ;par M. Vitalis ; * ibid. Expériences sur une petite portion de sirop de Bette- raves préparé par M. Vitalis ; par M: Dubuc, 24 Rapport faic par M. Dubuc sur deux échantillons de savon présentés à l’Académie, l’un par M. Holker fils, l’autre par M. Vitalis, 25 Observations sur le procédé employé pour teindre en bleu, par la cuve montée à chaud ; au moyen de lIsatis tinctoria ; par M. Pavie, 26 Mémoire sur l'extraction de l’Indigo de la plante du Pastel ; par le même , ibid. Mémoire sur la topographie et les constitutions médi- cales de la ville de Quillebeuf et des lieux circon- voisins dont elle reçoit des influences ; par M, Boismare , 27 €onsidérations sur quelques mammifères hibernants ; par M. Saissy, ibid. Recherches sur l’emploi du Quinquina dans les fièvres intermittentes , accompagnées d’hydropisie ; par M. Lafsse , ibid. — sur les effets du verre et des substances vitrifor- mes portées à l’intérieur des organes digestifs ; par A ( 199 ) M. Lesauvage , 28 Essai sur AM naturelle et médicale des Gentianes ; par M. Marquis, 30 Dissertations sur les parotides dans les maladies aiguës ; par M. Desgenettes, 5r Moyen de remédier aux poisons végétaux, à ceux quÈ sont produits par les substances métalliques , et au venin des animaux ; par M. Sage, 94 Compte rendu des travaux de la Société de médecine de Lyon; par M. Balme, 54 Bulletin des sciences médicales ; par la Société de mé- decine du département de l'Eure, 55 Réfutation de l’opinion du D. Gary , sur la saignée ; par M. Gastellier , 56 Discours prononcé par M. Rosnay de Villers, pour sa réception, ibid. Traité de la vie et de l'organisation des plantes ; par M. Goube , 39 Le Botaniste cultivateur ; par M. Dumont de Courset, 40 Instruction sur les bêtes à laine , particulièrement sur la race des mérinos , par M. Tessier , 42 Mémoire sur la culture de la soude ; par M. Paris , Sous-préfet à Tarascon, 44 Rapport sur les améliorations agricoles opérées dans le département des Hautes-Alpes , et sur le résultat d’un concours pour le perfectionnement de la char- rue ; par M. Rosnay de Villers , 45 — sur les moyens d'encourager la culture du Pastel ; par M. Vitalis, 46 Instruction sur la culture du coton dans les départe- ments de Rome et du Trasimène ; par M. D'Ornay, 48 Prix qui avait été proposé pour 18171, 5o Norrce biographique sur M.Mesaise;par M.Vitalis,ibid, N 4 ( 200 ) Norice sur M. Petit, D. M. à Lyon, 56 Mémoires dont l’Académie a délibéré l'impression en entier dans ses actes. OsserrATIoNs sur le procédé pour teindre en bleu par la cuve montée à chaud , au moyen de l’Isatis tinc- toria ; par M. Pavie, 58 Mémorrs sur l’extraction de l’indigo de la plante du pastel; par le méme , 82 Rapport sur l’extraction du sucre de la betterave ; par M. Vitalis, 87 Mémorrs sur la topographie et les constitutions mé- dicales de la ville de Quillebeuf et des lieux cir- cenvoisins dont elle reçoit des influences ; par M. Boismare , 94 Tableau des observations météorologiques pendant l’année 1811 ; par M. Vialis, 132 Bike rs - LETTRES, RApporr fait par M. Pinard de Boishébert , secrétaire perpétuel de l’Académie , pour la classe des Belles- Lettres, 153 Ouvrages annoncés ou analyses dans ce rapport. Programme des prix proposés par l’Académie du Gard , 155 Précis des séances publiques de l’Académie de Besan- çon, 154 Programme des prix de la Société d'encouragement, ibid. — de l’Académie des Jeux Floraux , ibid. Rapport de la séance publique de la Société libre d’émulation de Rouen , ibid. Dithyrambe sur la naissance du Roi de Rome; par (rot) M. Delavigne , 134 Etat de la bibliothèque de Lyon pendant le cours de 1810 ; par M, Delandine. 135 Le Barde neustrien ; par M. Louis Dubois, ibid- Plan d'architecture rurale ; par M. Lafosse, ibid” Les Souvenirs de Barthele; par M. Duronceray , ibid” Les Cicérons français; par le même , ibid” Cours analytique d'orthographe et de ponctuation ou Nouvelle Grammaire des Dames ; par M. Boinvilliers, 156 Discours prononcé à la rentrée de l'Académie, par M. Demadieres, 136 Compte rendu par M. Bignon, d’un discours latin, par M. Luce de Lancival, et d’un autre discours latin prononcé par M, Guéroult, 137 Discours prononcé par M. Desesmaisons pour sa réception , 140 Réponse de M. de Boisville , vice-président , au dis- cours précédent , 142 Fables ; par M. Lefilleul des Guerrots , 143 Traduction en vers d’une Ode anglaise de Prior; par M. Desesmaisons , ibid, Hommage au grand Corneille ; par 71. Duval Sana- don, 144 La Mémoire et l’Oubli; par M. D'Ornay, 144 Epitres d’Aspasie aux Dames; par M. Lemesle, 147. La restauration de la pyramide d’Fvry , poème par M. Mutel. 155 Fragments d’un poème sur l’Etna; par M. Duputel, 154 Dissertation sur Hérodien ; par M. Boistard de Glan- ville , 158 Recherches sur l’écriture dont se servaient les Gau- lois lorsque César fit la conquête de leur pars; par M, Gourdin , 160 ( 202 ) Mémoire sur le commerce de l’Empire français con- w sidéré dans ses rapports avec le Portugal ; par M. Lezurier de la Martel, 16t Essai sur la rectification de l'esprit ; par M. l’abbé Baston , 162 Remarques sur l'imprimerie ; par M. Lhoste , 168 Essai historique sur le commerce de la mer noire ; par M. Lezurier , ibid. Dissertation sur l’hécatombe de Pythagore ; par 21. Gosseaume , 170 Recherches sur Le royaume d Yvetot ; par M. Duputel , 181 Notice biographique sur M. l'Abbé Lallemant ; par M. Pinard de Boishébert , 183 — sur M. Bouet ; par M. Vauquelin, 188 — sur M, Haillet de Couronne ; par M. Descamps ;, pe be, 191 PRES SE SUN LISE / KE, A : F re Fin de la Table, FAUTES À CORRIGER. Précis analytique de 1810. Page 74, vers 5 , au lieu de elle est la reine , lisez elle estreines Ibid, vers 8, au lieu de calme toi, répond la riante déesse ; : = EL » Lisez calme toi , lui répond, etc. Page 75, vers 15 , au lieu de encore, lisez encor. Page vers 1 : ! g 77 5, au lieu de non loin d’elle » lisez non trés-loin d’elle. Précis analytique de 1811. Page 35, ligne 27, après le moË upas, effacez liente. Page 14, ligne 4, au Jieu d'analyses algébriques » Jisez ana lyse algébrique. P. 101 ,lignes 1 et 2, lisez ainsi : attire eur le port les Quillebois , eux même que l’habitude , etc, P. 115 , ligne 29, au lieu de l’iniervalle, lisez l’in- tervalle. P. 17, ligne 25, le g et l’7 se prononcent commelec ; lisez comme le z. P. 156, ligne 28 , au lieu d'irruption , lisez éruption. P,. 170 , ligne 25, au lieu d'Appolodosus , lisez Appolo= dorus, P. 191, ligne G , au lieu d'immolé, lisez immolée. Ibid , ligne 2 de la 2° addition, au lieu de recherch. car lisez recherch, cur. P. 172, ligne 17, au lieu d'Odissée | lisez Odyssée. P. 175, ligne à de la 1'° addition , au lieu de Laërre ; lisez Laërce, P. 195 , ligne 9 , au lieu de bibliographique , lisez biographique, FAN AAA AA AUD = Anal. \ INRA à MA ere 12 Sa RAA AA: y # MARS AREA An ÿ az à | L VERRE ARE. foie nan À : ee ne APN AT de L£ | A 4 A A MAD À AA 42 AAA RAA AA A 2 AMAR RNIAR ie FA SR 1 Re A A CAANAR A GAGIA pRAEe A RER à POS A; Ne RU AM NET na, A AcARRR GR LM An k 1 AAA ue SARA ENS à aa see RON ‘A LAN durs AE =, on - NUE DA À “HR NOREEC ea tt PARA A AN AG us te Ni a À PNRRONNR I 2 ARARANNR (EU > A pa pan ARE Aa sens LE AARARRANE AA 9 À ARARARAA AA RAARA Ra 7 Ana pr pre AAA 2 EAR2S A F ALLER (e A 024 T5 = ANNE à CN PET LLRE a PROS [A \à ÿe à Rae IA PAR à DEF Cac ‘hsrR RAA RDS TARN RAR > à TES St |?) 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