w NAS Le AAAANI MRRAAR D N'a AAA Y anna MAMA A Fee MR ANNAAAIR AREA An ana” We sa s AAA | MAARARAANA E AA 25 RAR M AAA AAMARRA AAA TROT LA RAA ii L PVR A2) M MA ARR DE à FRE ASNNLENA > Ms fs ARR AAA AnA Ne nes " à CL T | = AMOA nnnan nn n° À | [2 FX ETS PAAana SAR RRCTYS DrhnarAanz Mao rare A2 ee RARE PE AAAPECEEREER A FR ge - Het AAA A ANS AAA 5 = … PPT AR ae. È af aa n° A0 | : A AAA ARARPN 2 08 en RAA AAA - SANAANP AA àc: | KA TARA & nn. AAA nNN A ARR ARR PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1828. PRECIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, . PENDANT L'ANNÉE 1828, 22 SE ASS 09 À ROUEN, DE L’'IMPRIMERIE DE NICÉTAS PERIAUX LE JEUNE, RUE DE LA VICOMTÉ, N° 55. PARA AAA 1028. ET Yet 5 \ re | ) ; ] AA MA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA # L'Acad£mie déclare que les propositions et les opinions consignées dans les Ouvrages pré- sentés ou lus à ses Séances , appartiennent à leurs Auteurs , qui en sont seuls responsables. AAA AAA AAA AAA AAA PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1828, D'APRÈS LE COMPTE QUI EN À ÉTÉ RENDU PAR MM. LES SECRÉTAIRES, A LA SÉANCE PUBLIQUE DU 9 AOÛT DE LA MÊME ANNÉE. — ri de— DISCOURS PRONONCÉ A L'OUVERTURE DE LA SÉANCE PUBLIQUE , Par M. Tnéon. LICQUET, PRÉSIDENT. Mssurs ; EN interprétant un moraliste de l'antiquité, lun de nos vieux écrivains français a dit, dans le langage naïf de son temps: La source et la racine de toute bonté et toute prud'hommie , est avoir élé de jeunesse bien instruit. 1 C2) Vérité sans réplique , Messieurs ; le savoir est un bien , le plus précieux qu'il soit donné à l'homme d'acquérir ; le bien unique peut-être qu'il lui soit aussi donné de conserver. Un flot peut engloutir nos richesses, l'envie ternir notre gloire, la calomnie en abréger la durée ; tout décline, s’efface ou s’altère chez nous pendant la vie : le savoir seul nous est fidèle et ne meurt qu'avec nous. IL s'est pourtant trouvé des hommes, et parmi eux l'écrivain le plus éloquent du dernier siècle, qui au- raient voulu anéantir jusqu’au nom des Lettres. Il sem- blait , à les entendre , que la littérature fût un arbre à couper dans la racine parce que certains rameaux pouvaient porter des fruits amers. Il agissait sous l'in- fluence d’un raisonnement pareil, ce roi de Thrace qui, pour guérir quelques-uns de ses sujets du défaut de l’ivresse, imagina de faire détruire toutes les vignes de son royaume. Nous n'adoptons point ces doctrines : établis sur le beau domaine des Sciences, des Lettres et des Arts, nous ne laisserons point en jachère les champs féconds dont nous avons entrepris la culture ; nous leur demanderons , au contraire, une fertilité toujours nouvelle , alors même que parmi les trésors de la récolte devraient se découvrir, çà et à, quelques traces de végétation malfaisante. Il ne faut pas non plus s'y tromper : les Lettres sortiront toujours victorieuses de la lutte qu'on voudrait engager avec elles. Nulle puissance humaine ne par- viendrait à comprimer l'exercice d’une faculté qui n’a pas son origine sur la terre. S'attaquer à la pensée , à la littérature son organe , ce serait une seconde fois vouloir enchaïner les vagues de la mer; ce serait imiter ce peuple sauvage qui lançait des flèches vers le ciel , pour punir la Divinité d’avoir fait briller l'éclair dans la nue, (3) Je ne reproduirai point ici des arguments devenus lieux communs. Tout le monde a dit , tout le monde sait, tout le monde a senti que l'étude des Lettres est une source inépuisable de bonheur ou de consolation pour celui qui pent s'y livrer. En vain de brillants sophismes ont été accumulés à l'appui d’une prétention contraire ; ennemie généreuse , la Littérature a relevé les traits dirigés contre elle , et en a formé un trophée à la gloire de son adversaire étonné. Ce n'est pas , d'ailleurs, uniquement à l’homme considéré dans sa vie privée que l'étude prodigue ses bienfaits , elle embrasse dans le cercle de son in- fluence la nation tout entière chez qui elle est particu- lièrement honorée. Où fleurissent les Lettres , là aussi fleurit la civilisation, Avec les Lettres , Messieurs , il y aura dans un royaume des idées religieuses et des mœurs ; il y aura un prince pour gouverner avec sa gesse , des magistrats pour rendre également la justice , des administrateurs pour veiller aux intérêts de tous ; il y aura des citoyens qui revendiqueront des droits peut- être , mais qui reconnaîtront , qui accepteront toujours des devoirs. Sans les Lettres , il n’y a plus dans l'État que deux espèces d'hommes, des esclaves et des maîtres ! Sans les Lettres, vous cherchez en vain la religion, la morale et les lois. Tout disparaît, tout s’abime dans le chaos immense qui se forme partout où elles ne sont pas. C’est alors que le commandement appartient tou- jours au plus fort ou au plus perfide ; que des enfants sans pudeur détrônent un père sans autorité; que les frères se livrent de sacriléges combats ; que des chefs cruels pèsent de tout le poids du despotisme sur des populations abruties ; que le vice étend ses ravages ; que l'assassinat n’est plus en quelque sorte qu'un acte ordinaire de la vie. Vient ensuite la superstition qui aveugle les esprits, dégrade le caractère, légitime tous 1. C4) les crimes , sanctifie tous les ridicules. Voilà ce que nous montre trop fréquemment le moyen âge, Messieurs , et cette longue période est appelée barbare , par cela sur- tout qu'elle fut ignorante. Continuons d'interroger l'histoire. Ouvrons encore ce vaste dépôt des vertus et des faiblesses de l'humanité, de ses erreurs et de ses talents , NOUS y verrons constam- ment Pinfluence de la Littérature sur les hommes , dans les situations les plus différentes. Lycurgue va chercher des leçons de politique dans Homère ; Pisistrate croit honorer Minerve en faisant chanter les vers du poète à la fête des panathénées. Que Thèbes soit emportée d’assaut par l’armée victorieuse d'Alexandre , une seule maison va échapper à l'arrêt de destruction générale , et ce sera la maison de Pindare. Aux yeux d'Alexandre lui-même , le plus grand bonheur d'Achille était d’avoir été chanté par Homère, La flamme dévore Carthage ; Scipion pleure sur sa victime , et c’est le chantre d'Ilion qui lui fournit l'expression de sa douleur. Brutus vaincu à la journée de Philippes, donne encore un sou- venir à la patrie, et meurt en récitant des vers d'Euri- pide, Quel est donc ce génie des Lettres qui préside à la législation des États, qui redit au ciel les hommages de la terre, qui s'interpose , quand il le veut, entre la défaite et la victoire, que la pitié d’un grand homme appelle aux derniers moments de Carthage, que le patriotisme invite au dernier soupir de Brutus ? La Littérature , Messieurs , fut le talisman de Péri- clès dans Athènes , l'arme de Démosthènes contre Philippe , l'instrument de Cicéron contre Catilina. Puissante soûs Augusie , qui suspendait les arrêts de mort à la voix de Mécène, protégée par Trajan, Titus et Marc-Aurèle , dont la postérité ne cesse de redire les bienfaits , elle se glorifie aussi des persécutions d’un Tibère, des mépris d'un Domitien ; et si, plus tard, (5) en lialie , Théodoric encouragea le commerce et les arts, c'est qu'elle dirigeait, sous le nom du savant Cassio- dore , la conduite de ce prince qui ne sut jamais signer son nom. Dans notre belle patrie, les Lettres ont consacré le règne de François Et : c’est parce qu'il les aima beaucoup que nous lui pardonnons d’avoir un peu trop aimé la guerre; et la protection qu'elles trouvèrent jadis près de lui, il la retrouve maintenant auprès d'elles. Henri IV, chez qui le peuple ne voit guère qu'un triple talent où la Littérature est peu intéressée , Henri IV disait qu'il eût donné une province de son Royaume pour la découverte d’une décade de ‘Fite- Live. Quant à Louis XIV , prononcer ce grand nom c’est nous placer au milieu de toutes nos gloires litté- raires ; c'est proclamer un siècle qui n'eut jamais d'égal, qui n’en aura jamais peut-être , pour l'éternel honneur de la France ! Le domaine des Lettres, Messieurs, n’a de bornes que celles de l’esprit humain, Elles interviennent avec succès dans le gouvernement des États, discutent les causes de leur grandeur ou de leur décadence , et, pour le bien de l'humanité tout entière , elles prennent place quelquefois à côté des rois sur le trône. Com- pagnes de la philosophie , elles étalent avec magnifi- cence devant les hommes les trésors immenses de la sagesse ; protectrices de la civilisation , elles nous en- traînent vers tous les sentiments généreux , et nous conduisent au bonheur par la morale et par la vertu ; interprètes de la religion même, elles élèvent à Dieu ses plus beaux trophées sur la terre. Que la Littérature s'empare de l’histoire , elle va transformer en un tableau majestueux et sublime ces innomblables esquisses grossièrement tracées par la main des chroniqueurs; elle va recréer la matière , lui (6) imprimer le mouvement et la vie, réunir , coordonner cette multitude infinie de matériaux dispersés , et livrer enfin à l'admiration du monde le monument élevé par la puissance de son génie. Réduite à ses propres forces, l'histoire raconte, et ne sait que raconter. Soumise à l'influence littéraire , elle signalera les causes et fera méditer sur les consé- quences. Dans le premier cas , elle dira simplement ce qui s’est fait ; dans le second , elle enseignera ce qu'il aurait fallu faire ; ne se bornant plus à noter un évè- nement sous une date , mais soigneuse de joindre un précepte au récit. Alors, forte de cette arme terrible et pourtant salutaire qu'on nomme éloquence , l'his- toire est certaine d'accomplir glorieusement sa mis- sion. Non contente de jeter une vive lumière sur les ténèbres des temps passés, elle exhumera ces grandes figures historiques qui jadis ont apparu sur la terre ; elle les citera aux pieds de son tribunal auguste , discu- tera leurs titres, vérifiera leurs droits, leur assignera des rangs, soit qu’elle inscrive leur nom dans une au- réole de gloire immortelle, soit qu'elle frappe leur mémoire d’une empreinte indélébile de haine et de réprobation générale. Le monde n'aurait peut-être point à déplorer les infa- mies d’un Tibère , les fureurs d’un Caligula , les atrocités d’un Néron, si tous trois avaient pu penser qu'ils se trouveraient quelque jour en face d’un grand génie lit- téraire. Ils eussent tremblé d'avance à la seule idée que l'étude et les lettres pouvaient enfanter contre eux un Tacite. En descendant de ces considérations, nous voyons encore la Littérature s'intéressant au bonheur de l’hu- manité , prodiguant partout les chefs-d'œuvres, étalant en tous lieux ses trésors , formant les grands hommes dont s’honorent la Grèce et l'Italie, dont s'énorgueil- (En) lissent la France et les autres États de l'Europe éclairée , animant tous les esprits d’une généreuse admiration pour ces illustres modèles, et du noble désir de les imiter. Pour ne parler que des anciens, reconnaissors que l'étude en est indispensable à quiconque veut prendre rang dans le monde littéraire. Les langues de l'antiquité sont mortes, dit-on; non, Messieurs, elles sont pleines de vie et de jeunesse ; de fraîcheur et de grâces. L'ignorer serait un malheur ; le savoir et le méconnaîire serait de l'ingratitude, Que de chefs-d'œuvres nous applaudissons au théâtre ; que de grands mouvements oratoires nous étonnent dans nos auteurs sacrés ; que de pages élo- quentes nous séduisent dans nos écrivains philosophes, qui ne sont que de brillants reflets de cette antiquité mal connue! Près de deux siècles écoulés n’ont rien diminué de notre admiration pour ces vers où l'empe- reur Auguste reproche à Cinna sa trahison; eh bien! Messieurs, cet imposant langage , cette énergie d’ex- pression, ce prodigieux effet dramatique , le soyons amis , Cinna lui-même , tout cela , c’est Sénèque , mais reproduit, mais interprété, mais ennobli par le génie du grand Corneille ! Ce beau mouvement oratoire , où l’un des plus célèbres prédicateurs du dix-septième siècle fait apparaître la Divinité elle-même au milieu de ceux qui lécoutent ; cette exclamation fameuse qui jeta tout-à-coup l'effroi dans un auditoire consterné ; eh bien! cette page su- blime serait peut-être encore à écrire si Massillon n'avait connu le discours de Symmaque demandant à Gratien le rétablissement de la statue de la Victoire dans ses temples. Et c’est ici le moment de soumettre aux parti- sans de la nouvelle école cette remarque importante que le christianisme , cette religion véritable, qu'ils invoquent exclusivement dans leurs chants, ne dédaigne point, pour mieux assurer son triomphe , d'emprunter (8) quelquefois sa parure aux ornements de l'antiquité fabu- leuse. Enfin, Messieurs, vous connaissez tous l'éloquente prosopopée de Fabricius , dont Jean-Jacques a si heu- reusement doté notre langue, Cette éloquente proso- popée exisie depuis dix-huit siècles environ dans la langue de Virgile , et c’est Pline l’ancien qui l’a fournie à Rousseau. Il me serait bien facile , Messieurs, de multiplier ici les exemples. La littérature moderne s’honore, à bon droit , de mille et mille conquêtes sur celle des anciens. Pour ne plus invoquer qu'un seul témoignage , je dirai que l'écrivain placé aujourd'hui , selon quelques-uns , à la tête de la littérature française, et derrière lequel se retranchent le plus volontiers les partisans de la nou- velle école ; que cet écrivain est celui de tous les mo- dernes qui s’est montré courtisan le plus assidu des muses grecques et latines. Il est tel de ses ouvrages où l’on ne s’attend pas peut-être à rencontrer, mais où l’on rencontre en eflet Hésiode et Euripide, Horace et Lucrèce , Ovide et Catulle , César et Tacite , et, à chaque pas , pour ainsi dire , Homère et Vir- gile. Les Martyrs , nous dit-on , sont une production romantique ! Nous y consentons volontiers ; mais c’est assurément aussi l'hommage le plus éclatant, le plus solennel ; qui jamais ait été rendu à l'antiquité. Etudions les langues anciennes, Messieurs, surtout les idiomes d'Athènes et de Rome, Ces deux grands fleuves coulent encore ; il y a toujours de l'or dans leurs ondes , il ne tient qu’à nous d’y puiser. N'oublions pas, et c'est un de leurs plus beaux titres à notre gratitude , n'oublions pas que de ces deux idiomes naquit en partie cette langue française , héritière des attraits maternels , riche de mille autres charmes encore, digne en un mot - de tout l’amour que nous portons à sa beauté. (9) Plus que jamais, Messieurs, les temps sont favorables aux Sciences, aux Lettres et aux Arts. Ils reçoivent du roi de France de salutaires encouragements et de nobles faveurs. Cette Académie , dont je m'honore en ce mo- ment d’être l’organe , est heureuse et fière de pouvoir en porter personnellement témoignage, Que Charles X, qui vient de la remettre en possession légale de ses honneurs et de ses droits, partage donc à l'avenir, avec son aïeul notre fondateur , le tribut de reconnais- sance que nous impose aujourd'hui sa royale protection. Plus que jamais aussi les esprits paraissent disposés à l'étude. Le bon sens de la génération présente a reconnu que le dix-huitième siècle , encore bien que nous lui devions des chefs-d’œuvres , avait quelquefois détourné les Lettres de leur destination naturelle , du noble but qu’elles doivent atteindre. Elle ne veut point , la géné- ration présente, de cette philosophie étroite et pourtant prétentieuse qui ne voyait que la matière et ne condui- sait qu’au néant , qui érigeait l’égoïsme en doctrine et repoussait la doctrine du devoir , qui desséchait le cœur de l’homme et dégradait sa nature. Elle renonce à ces productions futiles nées de l’oisiveté pour le dé- lassement des oisifs ; elle désavoue surtout, elle répudie la licence littéraire du dernier siècle. Ce qu’elle veut qu’on lui enseigne , c’est le bon, l’honnête et Putile. IE est, pour la vertu elle-même, des préceptes dont le développement appartient à la littérature, La parole est à l'oreille ce que la lumière est aux yeux; et, par un retour qu'on ne saurait assez admirer , la vertu est quel- quefois aussi le plus puissant auxiliaire de la parole. Vous vous souvenez tous que le sénat de Lacédémone , trouvant bonne l'opinion d’un homme de mauvaises mœurs, sen empara, mais en la faisant proposer au peuple par un sage, Quoi qu'il en soit, aujourd'hui , Messieurs , la littérature ne prodiguerait point ses 2 Cro) charmes à l’immoralité : elle a fait alliance définitive avec la sagesse. Elle ne veut plns que de chastes embras- sements. Quelque téméraire pourrait encore l’insulter sans doute ; mais un larcin commis n’est point une faveur obtenue , et elle en rougirait la première, comme une vierge pure dont on aurait outragé la pudeur. Le plus bel ornement de la littérature nouvelle , Messieurs, sera le voile même dont elle a paré ses at- traits. Du reste , nous aimons à la trouver ce qu’elle fat aux époques mémorables de sa gloire. Son front est toujours le siége de la jeunesse éternelle. Comme le Dieu dont elle est la fille , elle a des accents prophé- tiques et rend en tous lieux ses oracles. Elle porte un flambeau qui éclaire, et projette au loin des rayons qui fécondent , une lyre pour charmer les sens et ravir les esprits, un arc et des flèches, qu’elle consacre à la défense de tout ce qu'il y a de bon, de noble et de généreux parmi les hommes. CLASSE DES SCIENCES ET ARTS. ULA # ro À “ SES SE TI. TR. 1 : r ea » | : | | " É É fu Dig 1; ,n re : à RL | Fe Fr ge - » + ; 1 us > "À NOTA + L” c= ex FFE este (13) CLASSE DES SCIENCES ET ARTS. RAPPORT Fair par M. CAZAUS, Secrétaire perpétuel de la Classe des Sciences. Messieurs , En me voyant assis à ce bureau, chacun de vous s'étonne , sans doute , de ne plus y voir un homme aussi connu de vous comme savant distingué que comme habile écrivain. Lorsque je vais prendre la parole pour vous réndre compte des travaux de l'Académie royale, vous vous demandez tous ce qui vous prive d’entendré une voix que , depuis plusieurs années, vous étiez accoutumés à écouter avec un si vif intérêt. Vous regretterez donc, Messieurs, comme nous tous, que la santé de M. Marquis ne lui ait pas permis de conti- nuer des fonctions qu'il à toujours remplies avec tant de talent. Désigné par le choix de PAcadémie pour le rémplacer , je sens tout le poids de la tâche quinr'est confiée ; heureux si les travaux de mes confrères ne perdent pas trop en passant par ma bouche, et si cette analyse , nécessairement très-succincte, peut vous donner une juste idée de leur mérite ! (14) MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUE. = M. Destigny a lu une Notice sur la dilatation de la pierre. Frappé de l'incertitude que présentent les me- sures données jusqu'ici relativement à la dilatation de la pierre, et de lutilité dont la détermination de : t élément serait pour les architectes , notre confrère a imaginé , pour arriver à cette détermination, un ap- pareil ingénieux très-sensible : on peut , par son moyen, observer à l'œil nu des variations de longueur de 53 de millimètres. Aussi peut-on croire que les résultats que M. Destigny a obtenus sont d'une grande exaclitude , et qu’ils peuvent être employés avec confiance. D'après les expériences déjà faites, la dilatation de la pierre de Vernon serait environ le tiers de celle du fer, et la dilatation de la pierre de S.-Leu en serait presque la moitié (52). M. Destigny se propose de continuer ses recherches sur d’autres espèces de pierres. — M. l'abbé Gossier nous a communiqué un travail étendu , dans lequel il soumet à une critique savante et consciencieuse tous les effets attribués communément à l'influence de la lune. Il partage ces effets en deux classes: la première comprend les effets réguliers, constants et pour ainsi dire uniformes ; dans la seconde se rangent les effets irréguliers de leur nature. L'influence de la. lune sur les phénomènes si variés qui se passent au sein de notre atmosphère ont principalement occupé M. l'abbé Gossier, et son travail est bien fait pour renverser cette opinion encore si généralement répan- due que les changements de temps: sont réglés par les phases de la lune. Né dans des temps d'ignorance et. de superstition, alors que la science n'avait pas appris aux hommes à bien diriger ce besoin de notre esprit Ca5) qui nous porte sans cesse à trouver une cause à un effet observé , ce préjugé perd de jour en jour de son autorité. A mesure que la vérité fait des progrès , le domaine de la lune se rétrécit. = Nous devons encore à M. l'abbé Gossier une Notice sur un méridien à style mobile | d'une nouvelle invention. = Organe d’une commission, M. Léoy nous a rendu compte d'un Mémoire sur le phénomène de la pision , que M. Vingtrinier avait adressé à l’Académie. L'auteur de ce Mémoire a eu pour objet de prouver , par des faits, que l’on doit regarder comme impossibles l'allongement et le raccourcissement de l'œil , à l’aide desquels on à quelquefois voulu expliquer la faculté étonnante dont jouit l'œil humain d’apercevoir les objets distinctement à des distances très-diverses. Ce Mémoire , disent les conclusions du rapport , annonce dans son auteur un homme instruit, laborieux et bon observateur. = M. Pugh a adressé à l'Académie un Mémoire ma- nuscrit, dans lequel il s’est proposé de déterminer d’où provient la grande quantité de chaleur qui se développe lorsque l’on verse de l’eau sur la chaux vive. M. Cazalis nous a fait connaître ce travail par un rapport verbal. = M. Meaume à lu un rapport fort avantageux sur un Recueil de machines de M. Antide Janvier , hor- loger du Roi , et correspondant de l'Académie, = Nous avons reçu de M. Morin le second nunéro de sa Correspondance météorologique ; et de M. Tarbé des Sablons, correspondant , un Ouvrage ayant pour titre : Manuel des poids , des monnaies ct du calcul décimal. ( 16 ) Cam. = M. Morin et M. le docteur Prévost , ont, l’un et et l’autre, communiqué à l'Académie une Note sur la question de savoir si l’on doit donner à la combi- naison de l’ammoniaque et de l'huile d'olive le nom de savon ou celui de savonule. = M. Prosper Pimont a soumis à l'examen de l’Aca- démie une pièce de foulards , façon des Indes , fabri- quée dans ses ateliers. Une commission a été nommée pour faire cet examen, Organe de cette commission , M, Dubuc nous a rendu compte des épreuves auxquelles ont été soumis les foulards de M. Pimont , pour s’assurer, soit de la bonté du tissu , soit de la solidité des couleurs. Il résulte de ces épreuves que ces couleurs résistent , 1° à l’action prolongée de l’eau froide ; 2° à l’action prolongée du vinaigre aqueux ; 3° à l’action de F’eau de savon; et ce qui est une des preuves les plus concluantes en faveur de la solidité des couleurs, elles ont résisté à une exposition au grand air prolongée pendant plus de quarante jours. Les autres résultats annoncés dans le rapport de M. Dubuc ne sont pas moins en faveur des foulards de M. Pimont. Enfin les documents obtenus sur l’user et le prix marchand de ces foulards ont aussi été très-satisfaisants. = M. Dubuc a communiqué à l’Académie un travail intéressant sur les Moyens d'éprouver les vinaigres et les eaux-de-vie du commerce. Ayant eu plusieurs fois occasion de constater les falsifications que la fraude fait éprouver, dans un inté- rêt mercantile , aux fluides végétaux les plus ordinaire- ment employés aux usages de la vie, M. Dubuc a cru C 42,9 rendre un service au commerce et aux arts industriels en offrant des procédés simples , à la portée de tout le monde , et cependant très-sûrs pour reconnaître la pu- reté et l’innocuité de ces fluides. = Le même membre nous a fait connaître par un rapport détaillé un Mémoire fort important de M. Ger- main, correspondant, sur la couleur rouge que prennent les tests d’écrevisses par la cuisson. Par une nombreuse série d’expériences , M. Germain établit que M. Lassaigne s’est trompé en disant que la couleur rouge que prennent les écrevisses par la cuisson dans l’eau , était due à un principe colorant que recèle une membrane adhérente intérieurement au test des crustacées. Cette couleur existe toute formée dans le test lui-même. Suivant l’auteur du Mémoire, le test serait formé de trois couches bien distinctes : la première , ou extérieure , est très-mince et composée d’une subs- tance calcaire , sur laquelle est appliquée , ou à laquelle est intimement liée une couleur vert-olive, plus ou moins foncée ; la seconde , ou intermédiaire , très-mince aussi , adhérent très-fortement à la première , est formée de la partie organique du test, et recèle en totalité la couleur rouge , dont la cuisson, ou l’action de diflé- rents agents peut développer la manifestation ; et enfin la troisième , ou intérieure, beaucoup plus épaisse à elle seule que les deux autres ensemble , n’est composée que de carbonate de chaux incolore. M. Germain ne dit rien sur la nature de la couleur rouge des écrevisses; il s’en rapporte à cet égard au travail de M. Lassaigne. Les recherches de notre correspondant ne lui ont rien appris sur la nature de la couleur olive, et sur ce qu’elle devient lorsque la couleur rouge a été mise à nu par l’action des agents convenables. | 3 (28) Mépecrxe. = M. des Alleurs nous a communiqué des Observa- tions intéressantes sur le rhumatisme , l’une des affections les plus douloureuses qui puissent altérer la santé. Sans entrer dans une définition du rhumatisme , qui serait inutile puisque cette affection est bien connue des médecins , M. des Alleurs établit qu'on doit la consi- . dérer comme une aflection distincte et sui generis. Al cite à l'appui de son opinion plusieurs observations qui lui sont propres, et dans lesquelles ce mode de traitement a été couronné du plus entier succès. Mais l'expérience et lobservation ont démontré que dans certaines affections ainsi déterminées , quelques médi- caments avaient une vertu , sinon spécifique, du moins spéciale. De cette espèce sont le soufre dans les mala- dies dartreuses , le quinquina dans les fièvres inter- mittentes , etc., etc. ; et l’auteur croit qu’on peut ajouter à cette liste, sans crainte de se tromper, l’opium dans les affections rhumatismales , chroniques ou aiguës. = Une Thèse et une Observation manuscrite sur un cas rare de déviation des menstrues , adressés à l'Aca- démie par M. Bonfils fils aîné, docteur-médecin à Nancy, ont été l’objet de rapports favorables de la part de M. des Alleurs, L’ Académie a ordonné l'impression dans le Précis de ses travaux d’un extrait de l'Observation de M. Bonfils et du rapport auquel elle a donné lieu. = Le même membre nous a fait connaître par deux autres rapports une Thèse latine de M. Cottereau , et trois brochures de M, Virey. = M. Vingirinier a adressé à l'Académie deux Obser- vations sur l'efficacité de l’émétique à hautes doses dans (29 y les inflanmations pulmonaires, Au nom d'une com- mission nommée pour examiner ce travail, M. des Alleurs vous en a rendu un compte avantageux. Les Observations de M. Vingtrinier ont le mérite d'ajouter aux lumières dont le talent pourra profiter , sur la mé- thode d'employer le tartre stibié, = Un Mémoire de M. Julia-Fontenelle , l'un de nos correspondants, sur les combustions humaines spon- tanées , a aussi été l’objet d’un rappert de M. des Alleurs, La première question que s’est proposée l’auteur du Mémoire a été celle-ci : existe-t-il réellement des com- bustions humaines spontanées? La réponse affirmative à celte question est appuyée sur quinze observations bien constatées. Dans la seconde partie de son Mémoire , M. Julia discute les théories à l’aide desquelles on a cherché à expliquer la combustion en eile-même : l'explication proposée par M. Berzélius lui paraît être le plus en rapport avec l’état actuel de la science, Enfin, dans une troisième partie, l’auteur discute les opinions émises sur les causes réelles des combustions bumaines spontanées , fait sentir leur peu de fonde- ment, et propose une explication nouvelle de ce singu- lier phénomène : selon lui, les combustions humaines spontanées devraient être considérées comme le résultat d’une dégénérescence putride , qui, portée à un certain point , permet à la combustion de s'exercer sponta- nément par les causes que M. Berzélius a assignées à cet acte chimique. La théorie de M. Julia paraît à M. des Alleurs plus satisfaisante que celles proposées jusqu'ici; mais , sans la condamner , il la blâme cependant , parce qu’elle ne tient pas compte de l’action vitale qui a lieu ici. C’est cette action seule qui, selon lui, modifie d’une à D (20) manière si notable les phénomènes ordinaires de la combustion des corps organiques , ce qui doit faire sortir ce fait du domaine des lois purement chimiques. = M. Hellis nous a rendu compte d'un Mémoire de M. Ladvèze , dans lequel est traitée cette question im- portante : Existe-t-il des maladies dans lesquelles les propriétés vitales soient lésées seulement , sans altération des tissus organiques ? Ces maladies peuvent-elles être reconnues et caractérisées par des caractères positifs , et démontrées ultérieurement par l'ouverture des cadavres ? M. Ladvèze soutient dans son Mémoire l'opinion de l’ancienne école , mais il paraît à votre rapporteur avoir trop généralisé son système. Cependant , dit M. Hellis, on ne saurait trop louer la méthode , la clarté, l’érudi- tion qui règnent dans ce Mémoire. = Nous avons encore entendu de M. Hellis, parlant au nom d’une commission , un rapport sur un nouveau traitement appliqué aux scrophules, par M. Chaponnier. = M. Godefroy nous a fait connaître par un rapport un Mémoire de M. Franck Chaussier, dans lequel se trouve établi que le verre pilé porté dans l'estomac n’est pas un poison , et ne peut causer aucun accident. Les faits rapportés par l’auteur sont précieux, et les conclusions qu’ils amènent doivent faire autorité dans la Médecine légale. = M. Blanche a fait un rapport sur une Observation curieuse adressée à l'Académie par M. Bonfils , docteur- médecin à Nancy. Cette observation porte sur une ma- ladie grave de l'humérus guérie par l'amputation du bras dans son articulation avec l'épaule, et suivie plus tard d’une maladie de poitrine à laquelle succomba le malade, (21) = Admis à siéger dans le sein de l'Académie, M. Vingtrinier a fait son entrée par un discours de ré- ception dans lequel il traite une question d’un haut intérêt social, et sur laquelle se sont portées depuis quelque temps les méditations des légistes et des phi- losophes : il s’agit de la réforme de nos lois pénales. Cette réforme , déjà commencée en partie , tout en lais- sant encore beaucoup à désirer , montre , par les heu- reux résultats qui ont suivi les premiers essais, toute l'utilité que l'on doit en attenüre. «< Aujourd'hui, dit M. Vingtrinier, punir n’est plus le seul but que l’on se propose. Plus prévoyante et plus humaine , la loi nouvelle cherche non-seulement à ob- tenir la réparation due à la société par la punition du coupable, elle s’étudie encore à lui rendre des membres qui puissent utilement la servir, et, pour y parvenir , elle veut que l’on s'occupe d’instruire les prisonniers et de les former au travail. » C’est principalement dans le régime des prisons que d'heureuses améliorations ont été introduites ; mais des réformes dans nos lois pénales doivent accompagner ces améliorarions , si l’on veut arriver sûrement au but que l'on se propose. M. Vingtrinier, parcourant les diverses parties de noire législation criminelle , fait ressortir quelques vices dont cette législation lui paraît encore entachée. La lon- gueur des peines , leur peu de gradation , qui souvent les met en désaccord avec la gravité des fautes , la nature de ces mêmes peines dans certains cas , sont , selon lui , autant de circonstances qui appellent impérieusement l'attention des législateurs , et qui doivent éprouver de promptes et importantes améliorations. Ce travail, auquel la position sociale de M. Vingtri- nier lui permettait de donner un haut degré de vérité , a été entendu avec un vif intérêt par l'Académie. (22) — Dans sa réponse, M. le président montre la philo- sophie du dix-huitième siècle s'occupant de législation criminelle , et les philosophes de cette époque parais- sant , en quelque sorte, s'être concertés pour attaquer le système pénal alors établi. « La raison du dix-huitième siècle a obtenu en grande partie ce qu’elle voulait obte- nir. De nos jours, la morale et l'humanité font aussi entendre leur langage pour demander de nouvelles améliorations. On doit appeler de tous ses vœux une étude vraiment approfondie de questions si difficiles et d’un intérêt social si élevé, » = M. Dubuc a mis sous les yeux de l’Académie une concrétion arthritique extraite sur le coude-pied d’un homme âgé de quatre-vingt ans. Cette concrétion a été plus de vingt ans pour atteindre sa grosseur, qui est assez considérable ; elle se compose de couches concen- triques assez irrégulières. M. Dubuc se propose de la soumettre à l'analyse chimique. HISTOIRE NATURELLE. = M. Dubuc a communiqué à l’Académie une Note sur deux œufs hardés, réunis et mis en communication par un ligament. Ces œufs présentent à la vue des cou- leurs différentes ; l’un, tout-à-fait blanc à l'intérieur comme à l'extérieur, paraît renfermer une matière albumineuse ; l’autre est d’une couleur jaune-cuivré. = Le même membre nous a lu une Noxce sur le puceron lanigère. Plus heureux cette fois que dans les deux circonstances où il a déjà eu à nous entretenir de cet insecte , M, Dubuc se félicite d’avoir à annoncer sa disparition de plusieurs de nos contrées. Cet heu- reux événement lui paraît être attribué à leur extrême multiplication, Il est, en effet, d'observation que là où un ( 23 ) 2 insecte se propage dans une grande proportion, il finit bientôt par disparaître. M. Dubuc a consigné deux autres faits dans sa Notice. La présence de la carmine dans le puceron lanigère lui a fait tenter la culture de cet insecte ; mais jusqu'ici ses tentatives ont été infructueuses. Le puceron lanigère , en périssant , laisse aux endroits où il meurt une couche qui paraît propre à favoriser la végétation de l'arbre qu'elle recouvre , et à réparer ainsi le mal produit par l’insecte vivant. = M. Le Turquier a rendu compte du Supplément à da Botanographie Belgique, et aux Flores du nord de la France, adressé à l'Académie par notre correspondant M. Demazières. Cet ouvrage a obtenu de justes éloges de M. le rapporteur; en le publiant, M. Demazières a rendu un important service aux botanographes de la France septentrionale et de la Belgique. = Nous devons à M. Aug. Le Prevost un rapport sur une brochure de M. Benj. Gaillon ayant pour titre : iesumé méthodique des classifications des thalassio-phytes. Ce mot fhalassio-phytes paraît à M. le rapporteur ne présenter. qu'un démembrement assez artificiel de la grande famille des algues ; il est d’ailleurs loin de faire à M. Gaillon un reproche de lavoir adopté, lorsque , appelé fort tard à la composition du diction- naire d'histoire naturelle de Levrault , il bn offrait-une occasion de déposer dans cet ouvrage le résultat de ses longues recherches sur la classification des algues ma- rines. On doit d'ailleurs espérer le voir bientôt com- pléter son travail par un mémoire du même genre Sur les algues d'eau douce. Le travail de M. Gaillon porte la double empreinté de connaissances profondes et d’un excellent esprit. L'honneur qu'il a fait à son auteur rejaillit nécessaire (24) ment sur le pays qui lui a donné Le jour, et sur les Compagnies savantes qui ont encouragé ses travaux. = M. Vingtrinier a mis sous les yeux de l'Académie un petit poulet monstrueux. Il a quatre pattes , quatre ailes et deux anus ; il présente une circonstance tout-à- fait extraordinaire ; le cœur, qui est simple, est silué dans l'abdomen. — M. Aug. Le Prevost a fait hommage à l’Académie de plusieurs exemplaires d'un Mémoire sur les lichens calicioides. AGRICULTURE ET ÂRTS INDUSTRIELS. = Deux ouvrages adressés à l’Académie par M. Bur- ridge, et ayant pour titre, lun, Perfectionnement dans l'architecture , ou la nécessité , utilité et économie d'un bon système de ventilation dans les édifices ; l'autre , la Clé du tanneur, servant à établir un nouveau système pour le tannage du cuir, etc. Ces deux ouvrages , dictés par un désir ardent d’être utile à son pays, que n’effraient ni soins, ni démarches , ni dépenses, ont mérité à leur auteur, de la part de M. l'abbé Gossier, à l'examen duquel ces ouvrages avaient été renvoyés , un juste tri- but d'hommage et d’estime. = M. l'abbé Gossier nous a aussi communiqué des réflexions curieuses sur plusieurs opinions assez généra- lement accréditées, mais qui ne lui paraissent nulle- ment avoir acquis le degré de certitude qui pourrait les faire entrer dans le domaine de la science, et qui de- mandent encore des expériences faites avec soin et méthode. Ainsi les bois de charpente sont sujets à des maladies qui les détruisent plus ou moins promptement, et plusieurs personnes font dépendre le développement (25) des causes de destruction de ces bois de la saison à laquelle ils ont été coupés, d’autres croyent à une in- fluence de la phase lunaire qui a présidé à la coupe. Par son travail, notre confrère a simplement voulu appeler l'attention sur ces questions douteuses, et en- gager les personnes qu'elles peuvent particulièrement intéresser aux recherches et aux expériences qui doivent les éclairer. = Le même membre, toujours empressé de recueil- lir tout ce qui peut être utile à l’industrie , ayant vu annoncée , dans un numéro du journal d'Agriculture du royaume des Pays-Bas, une découverte d’une impor- tance majeure , a cru devoir appeler sur elle lattention de l'Académie. IL s’agit d’un moyen propre à conserver les bois contre la vermoulure et les attaques des pho- lades, et à rendre les bois de sapin , de pin, de bou- leau , etc., aussi solides que le bois de chêne, et même supérieurs pour les constructions navales et civiles. Cette découverte paraît avoir subi l'épreuve de l’expérience , et l'Angleterre et la Russie sont annoncées comme ayant souscrit des marchés avec son auteur; mais elle est conservée secrète. M. l'abbé Gossier s’est donc proposé de chercher , dans les principes généralement connus, dans les faits constatés par la science , des indications propres à diriger dans leurs recherches ceux qui vou- draient tenter quelques essais sur ce sujet, etil l’a fait avec talent et méthode, = M. Ballin nous a communiqué des renseignements fort curieux sur la proportion qui existe à Rouen entre le prix du pain et celui du blé. = M. Hutrel d’'Arboval à fait hommage à l'Académie de son Dictivnnaire de médecine et de chirurgie vétéri- naire, 4 (26) — L'Académie a reçu des principales Sociétés sa- vantes de la France , telles que celles de l'Eure, d’'Indre- et-Loire, de Tarn-et-Garonne , de Strasbourg, du Puy, etc. ; des Sociétés d’émulation et d'agriculture de Rouen ; de la Société centrale d'agriculture de Paris, les recueils de leurs travaux: elle a entendu avec un vif intérêt les rapports dans lesquels plusieurs de ses membres lui ont fait connaître les résultats des efforts de ces Sociétés pour le progrès des sciences et le per- fectionnement de l’industrie. Ici ce termine, Messieurs, le compte que j'avais à vous rendre des travaux de l’Académie de Rouen. Il ura rempli son but s’il vous a prouvé que, dans son EL les diverses branches de connaissances humaines sont toujours cultivées avec zèle et succès. PULLS C3) PL 0 2 0 1 20 A Pi 0 A A A CS PR LA OA 9 2 A OT 2 A 9 9 Te PROGRAMME DES PRIX. QUI SERONT DÉCERNÉS DANS LA SÉANCE PUBLIQUE DE 1829. L'Académie rappelle que, dans sa Séance publique de l’année dernière , elle a proclamé qu’elle prorogeait jusqu'au 15 mars 1829 le concours ouvert pour le prix extraordinaire qu'elle décernera à l'auteur qui lui aura présenté un travail satisfaisant sur la Séatistique minéralogique du département de la Seine-Inféerieure. » « On devra, dit le Programme, faire connaître les différentes couches minérales qui constituent le sol du département , indiquer l’ordre de superposition de ces couches, les décrire séparément ou par groupes, en indiquant les minéraux accidentels et les restes de corps organisés fossiles qu’elles renferment, et faire ressortir l'influence que la constitution intérieure du sol exerce sur sa configuration extérieure, sur la dis- tribution et la nature des eaux , sur la végétation en général et sur l’agriculture, » On s’attachera à faire connaître, avec précision, les gisements des substances utiles dans les arts que renferme ce Département, à décrire sommairement les établissements qu'ils alimentent comme matières premières , el à indiquer ceux qui pourraient encore y être introduits avec avantage, » Le Mémoire sera accompagné d’une Carte en rap- port exact avec le texte, et d'un nombre de coupes de terrein suflisant pour la parfaite intelligence du travail. » Il serait bon qu'on indiquât, avec précision, la hauteur au-dessus du niveau de la Mer, des points qui présentent un intérêt quelconque pour la géologie. » L'Académie désirerait aussi, mais sans en faire une (28 ) » condition expresse , qu'on fit connaître les rappro- » chements auxquels les observations contenues dans » le Mémoire pourraient conduire entre les divers ter- » reins qui se rencontrent dans le Département et ceux » qui ont été observés et décrits dans d’autres contrées ». Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 1500 fr., et sera décernée dans la Séance publique du mois d'août 1829. Aucun mémoire sur la question mise au concours pour le prix ordinaire qui devait être décerné dans cette Séance , n’a été adressé à l'Académie; l'importance , l'utilité de la question proposée , a cependant engagé l'Académie à continuer cette question au concours. Elle propose donc, pour sujet d’un prix qui sera dé- cerné dans la Séance publique de 1829, la question suivante : Indiquer un moyen simple, peu dispendieux , applicable à tous les fourneaux et aux cheminées de toutes espèces, pour brüler ou détruire la fumée qui émane de la tourbe , du char- bon de terre, et autres combustibles analogues. Le prix sera une Médaille d’or de la valeur de 300 fr. Chacun des auteurs mettra en tête de son ouvrage une devise, qui sera répétée sur un billet cacheté où il fera connaître son nom et sa demeure. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où l'ouvrage aurait obtenu le prix. Les Académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les Ouvrages des Concurrents devront être adressés , francs de port, à M. Cazauis, Secrétaire perpétuel de l’Académie, pour la Classe des Sciences , avant le 1°* Juin 1829, pour le Prix ordinaire , et avant le x5 Mars 1829, pour le Prix extraordinaire. Ces termes seront de rigueur, (29 ) AAA AA AAA AV A UV AAA AA AA MU EU UE EMA AAMAAMAANS , MEMOIRES DONT L’ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. —> 2h DCE +4e— NOTICE SUR DEUX ŒUFS JUMEAUX HARDÉS , ET DE COULEUR DIFFÉRENTE , Pondus par une Poule de deux ans ; Par M. Duozuc. Messieurs, Un étrange phénomène , bien contre nature et peut- être sui generis, vient d'avoir lieu en cette ville, le xx de ce mois, chez M. Gruet , demeurant place Cauchoise. Une poule de grandeur ordinaire , mais forte et trapue, donnant souvent de beaux œufs à deux jaunes avec co- que , a pondu deux œufs jumeaux hardes , c’est-à-dire sans écale , et réunis l'un à l’autre par l’une de leurs ex- trémités au moyen d’un cordon où membrane ronde, longue de trois à quatre lignes, sur huit à dix lignes de contour. J'ai cru qu’une pareille production était bien digne , vu sa rareté, d’être exposée aux regards de l’Académie. En examinant attentivement ces œufs anomales , vous remarquerez que, comme des frères jumeaux , ils sont en communication par une sorte de cordon que je n'ose ( 30 ) appeler ombilical, cordon dont les ramifications sem- blent s'étendre également aux deux sujets. Ces œufs ju- meaux, et d’une grosseur un peu inégale, ont encore cela de singulier, c’est d'offrir à la vue une couleur différente et bien tranchante. L'un est tout-à-fait blanc à l'extérieur comme dans son intérieur , et paraît rempli d’une matière albumi- neuse , ainsi que le cordon de communication dont on vient de parler. L'autre , au contraire, est d'une couleur jaune cuivré dans son ensemble, et contraste singulièrement par son aspect avec son congénère. Cette sorte de monstruosité œuvée, et dont on cher- cherait probablement en vain d'expliquer la cause, n'offre rien d’utile considérée en elle-même. Néanmoins le naturaliste éprouve toujours, dit Buffon, un sentiment particulier indéfinissable , mais d'intérêt , à l'aspect des aberrations dont la nature offre parfois des exemples , et les deux œufs jumeaux dont nous donnons ici la des- cription sont une nouvelle preuve de la vérité de cette assertion. J'ai montré ces œufs à M. Flaubert, chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Rouen, à M. Labillardière , professeur de chimie , et à bon nombre d’autres savants distingués, et tous conviennent n'avoir jamais rien vu de semblable , ni de si singulier que cette production amorphe. Dans ces sortes de monstruosités l'opinion de cer- taines ménagères joue aussi son rôle, quant aux causes qui les font naître ; c’est ainsi, par exemple , qu’elles disent que la poule qui a pondu ces œufs jumeaux a été cochée par un corbeau ou par un épervier ; d’autres pensent que cette poulette a forniqué avec un Canard ou avec un oie, etc. : circonstances qui influent sur les œufs pondus par les poules infidèles aux vrais coqs. (31) Mais l’opinion la plus accréditée est que les œufs en question proviennent d’un coq aux œufs (1) et de la poule, dont l’accouplement produit plus d’un genre d'anomalies parmi les gallinacées. Nous livrons ces conjectures à l’Académie pour ce qu'elles valent , étant bien convaincu que tout rentre dans le chapitre des hypothèses quand on veut expli- quer les phénomènes ou plutôt les causes qui produisent les monstruosités animales et végétales. Mais, en définitif, il reste constant que l’organisa- tion singulière de ces deux œufs peut être rangée dans la classe des choses rares dans la nature , et qui contraste d’une manière bien étrange avec l'œuf ordinaire de la poule. On prétend aussi qu’il n’y a que les poules malades ou trop nourries qui donnent des œufs hardés où sans coque ; mais la poule aux deux œufs jumeaux n’est ni bien nourrie ni malade , et vit de ce qu’elle trouve dans la rue avec les autres poules de M. Gruet ; je l'ai vue avant-hier , et elle continue, comme d’usage , à pondre un bel œuf à écale tous les deux jours. Enfin on à vu un œuf dans un œuf, ooum in o0vo ; mais rien que je sache n’a été publié parles naturalistes concernant deux œufs hardés réunis par une sorte de cordon ombilical, dont l’un est blanc et l’autre d’un jaune cuivré, tels que ceux qui font l’objet de cette notice. Messieurs, dans le Précis analytique de vos travaux ; oo (1) Bon nombre de personnes en Normandie croient encore que certains coqs , surtout les blancs ou tachetés de blanc, sont herma- phrodites, et pondent parfois des œufs sans jaune, et que les poules cochées par eux sont sujettes à produire des œufs halés et souvent difformes ; mais ici tout est encore assertion, car rien de positif n’est prouyé à cet égard. (32) année 1822, on voit une belle description (avec planche ) du végétal roi des forêts, je veux dire le chêne géant d’Allouville , géant , non par sa grande élévation ; mais bien, comme le dit notre savant confrère M. Marquis , par sa longévité , et encore plus par son énorme contour ou grosseur. Dans le Précis de 1825 se trouve aussi une curieuse notice de M. des Alleurs (avec gravure de l’objet), sur un chat amorphe à deux têtes. Peut-être jugerez-vous convenable d’ordonner égale- ment l'impression de cette courte notice dans le pro- chain recueil de vos travaux, vu la rareté de lobjet qui en est le motif. Si l'Académie en jugeait ainsi, je lui proposerais alors de faire faire, par notre confrère M. Langlois, une estampe figurative de ces œufs amorphes , avec leurs couleurs , et tels que je viens de lesexposer à ses regards, Ce dessin ajouté à la notice en ferait mieux ressortir la narration et l'intérêt, (x) En définitif, quelque soit votre opinion sur cette étonnante production, toujours est-il certain qu’elle peut être rangée au nombre de ces anomalies rares dans l’espèce, et offrir un sujet nouveau de méditation pour les naturalistes, et en général pour les savants. Rouen , le 18 avril 1828. ns @) Voir la litographie ci-jointe, où sont dessinés les deux œufs amorphes , tels qu'ils-ont été exposés aux regards de l'Académie. | TUE ND MTS ns à (33) AAA AAA AAA AA AV AAA A AR AAA AA AAA AA AAA AAA RAPPORT SUR UNE OBSERVATION MANUSCRITE, Envoyée à l’Académie par M. Boxrirs fils aîné, 1).-M. à Nancy , correspondant. Messreurs , Vous m'avez chargé de vous rendre compte d’une observation manuscrite qui vous a été adressée par M. Bonfils fils aîné, docteur-médecin à Nancy, notre correspondant : je m’acquitte de ce devoir avec empres- sement et surtout avec plaisir. M. Bonfils, pénétré de cette idée que nous avons nous-même émise dans cette enceinte , qu'il est toujours utile de publier les cas extraordinaires qui se présentent dans la pratique , vous a adressé une observation , qui sans être unique dans les fastes de Part, n’en est pas moins curieuse et digne d’être méditée par tous les médecins observateurs. Il s’agit d’un cas rare de déviation des menstrues. Une fille Vincent, âgée de vingt-deux ans , admise à la maison de secours de Nancy pour une maladie siphilitique, est le sujet de cette observation. Cette fille , d’un tempérament nerveux, hystérique , fut pubère dès l'âge de neuf ans. Les flux sanguins périodiques étaient chez elle assez abondants ; mais il arrivait sou- vent que, par la plus légère cause, surtout morale, l'écoulement normal se supprimait et était aussitôt remplacé par un écoulement séro-sanguinolent qui se 5 (34 ) faisait par le mamelon et l’aisselle gauches. Cet écoule- ment métaslatique correspondait, par sa durée , à celle de la période menstruelle habituelle qui était de huit jours environ. La fille Vincent s'était présentée à l'hôpital enceinte de cinq mois; elle déclara que la menstruation avait continué régulièrement pendant toute la grossesse , ainsi que l'écoulement par le sein et par l’aisselle. L’accou- chement se fit à sept mois, et ne fut point accompagné d'accidents notables. La malade sortit de l'hôpital pour y rentrer deux mois après , atteinte d'une nouvelle ma- ladie vénérienne. L’écoulement menstruel se faisait en- core par les parties ‘indiquées ci-dessus, et voici la marche du phénomène , telle que M. Bonfils la décrit : Pendant tout le temps de l’écoulement , la malade est obligée de garnir de linge l’aisselle et le mamelon surtout ; si l’on essuie les parties avec un linge sec et que l’on attende quelques secondes , on voit bientôt la peau, qui n'offre aucun changement de couleur, se couvrir, dans l'étendue d’une pièce de cinq francs, d’une multitude de gouttelettes de sang infiniment petites, qui grossissent à vue d'œil, et, se réunissant enfin, forment , dans l’espace de quatre à cinq minutes, deux ou trois grosses gouttes, qui se confondent et coulent en nappe. Tous ces accidents ne forcent pas la malade à s’aliter ; elle a bon appétit et dort bien; son pouls est petit , serré, mais régulier : toutes les autres fonctions s’exécutent parfaitement. » Mais , Messieurs, cette déviation continua et dévéni tellement persistante que des accidents généraux , suite naturelle des pertes de sang trop considérables , se ma- nifestèrent, Dès-lors la déviation se fit par d’autres parties , soit alternativement , soit simultanément avec celle par le mamelon et par l'aisselle. C’est ainsi qu'un flux sanguin eut lieu premièrement par le flanc gauche, (35) ensuite par les reins ; ensuite par la région épigastrique, puis par l'épaule , etc. Un régime tonique , des applications de ventouses aux aines et à la partie interne des cuisses, etc., firent céder les phénomènes généraux ; la malade , lors de la mens- ruation suivante , n’éprouva plus de symptômes graves, mais l'écoulement anormal primitif a continué , et conti- nuera sans doute tout le temps que durera chez cette femme l'écoulement périodique. M. Bonfils rapporte suscinctement, en la rappro- chant de celle-ci, une autre observation d’une demoï- selle qui fut atteinte d'une déviation, sinon semblable, du moins identique. Chez celle-ci, les premières érup- tions menstruelles disparurent au bout de trois mois, et furent remplacées par une leucorrhée abondante. Les ganglions lymphatiques du col s’engorgèrent, s’en- flammèrent et suppurèrent, et 1l y eut aménorrhée complète pendant huit ans. La malade fut atteinte alors d'une intermittente tierce qui guérit à l’aide du quin- quina ; et tout-à-coup , à des époques mensuelles périodiques, il se manifesta à l'index de la main gauche un gonflement œdémateux, qui prit bientôt après l'apparence d’une dartre vive, et il se fit par cette plaie un écoulement de sang qui durait chaque fois trois à quatre jours. Cette déviation persista pen- dant plus de trois ans; mais enfin des voyages d’agré- ment, l'usage des eaux minérales martiales, etc., rendirent à l’utérus ses fonctions, et les accidents métastatiques disparurent complètement. M. Bonfils, dans une note, cite des auteurs recom- mandables qui ont rapporté des observations analogues. Nous pourrions nous-même en présenter de semblables, et nous avons eu l’occasion de vous parler d'une dé- LR (36 ) viation pareille qui se faisait par la pommette, chez une jeune femme des environs de Rouen; nous en connaissons encore une, en ce moment, qui à lieu par la lèvre inférieure, chez une demoiselle de cette ville, A chaque époque menstruelle il s'établit à la lèvre inférieure un gros bonton qui donne une quan- tité de sang notable, à deux ou trois reprises diffé- rentes, pendant l'espace de quatre jours. Tout rentre ensuite dans l'ordre jusqu'à l’époque suivante. Ce que le médecin observateur doit remarquer ici, Messieurs, d'après la judicieuse réflexion de notre cor- respondant, c'est que cette déviation ait lieu sans altération consécutive et nécessaire dans la santé gé- nérale , puisque l'excès seul de l’écoulement a produit chez la fille Vincent des accidents qui auraient été de même la suite de la fonction exercée d'une manière normale , mais avec excès. C’est un avertissement pour le médecin praticien de ne pas toujours considérer isolément , et comme un accident pathologique, certains phénomènes fonctionnels simplement déplacés. J'ai communiqué à la Société de Médecine de Rouen, dans une de ses dernières réunions, quelques obser- vations, parmi lesquelles s'en trouve une qui a quel- ques rapports avec celle de M. Bonfils, et qui confirme les principes que je rappelle ici : il y est question d'une tumeur symptomatique à la main, chez la fille d'un boucher de cette vilie, âgée de seize ans, et qui au- rait pu, au premier abord, simuler une pustule ma- ligne , tandis que ce n'était, en réalité, qu'une métastase humorale dont la première éruption menstruelle fut la crise. L'esprit d'observation hippocratique domine dans le travail de notre confrère de Nancy. Nous ne pouvons que souhaiter qu'il continue à suivre la même voie (37) et à nous communiquer ses travaux. Nous sommes ar- rivés à une époque où les médecins hippocratiques doi- vent serrer leurs rangs, surtout dans un instant où des intrigues organisées de longue main s'efforcent de faire livrer, dans de grands hôpitaux, le service médical à des hommes pour lesquels la médecine proprement dite n'existe pas; céder à ces prétentions serait un scandale bien grand et un plus grand malheur encore ; je ne crains pas de le proclamer, si l’on osait dire que c'est une exigence du siècle, nous répondrions qu'en lui cé dant il serait plus que satisfait; l'anarchie médicale le dépasserait. 9 inf coup anoïbmoqur euou ,oloäie nb sinmyixs | Mur eyes Se: raalirigant + Serra tisomesqhb-0l . CAN, CLS: jf LL Mia délinitue dit en, ntfs dieser Aves ubhe 62 hécraatire eus là santé tr 2e , pelage Pret set de twlemest à FRE TEL ces da (br Vimnt êné aucidenta qi. 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Messieurs, Je vais avoir l’honneur de vous communiquer les renseignements que j'ai recueillis pour répondre à la question qui nous a été adressée par M. le secrétaire de la Société d'agriculture , sciences , arts et commerce du Puy, sur la proportion qui existe à Rouen entre le prix du pain et celui du blé. Cette question étant d’un grand intérêt, puisqu'il s’agit de notre principal aliment, j'ai pensé qu'il pour- rait vous être agréable que je la traitasse d’une manière un peu plus étendue que ne le demande notre corres- pondant. On sait que dans les pays où il règne une certaine aisance, comme dans ce département, et surtout dans les villes, le froment est presque la seule espèce de grains qu'on emploie à faire du pain; aussi m'en oc- cuperai-je exclusivement, Depuis long-temps des expériences sont faites chaque année , par ordre du gouvernement , dans les principales villes du royaume, pour constater le poids légal des céréales ; il en résulte , en ce qui concerne ce dépar- tement, que l'hectolitre de froment pèse , terme moyen, 74 Kilogrammes ; lesquels produisent environ 54 kilo- (40) grammes de farine de première qualité, dont on fait 67 kilogrammes de pain. Un sac de farine pèse ordi- nairement , déduction faite du sac, 157 kilogrammes, qui donnent 196 kilogrammes de pain. Le prix du blé a dù servir autrefois, et sert même encore, dans plusieurs localités, de base au prix du pain; mais on doit concevoir que le commerce des farines ayant pris une grande extension, et les bou- langers ne faisant plus guère moudre pour leur compte, il vaut mieux taxer le prix du pain d’après celui de la farine ; aussi est-ce la méthode suivie par la mairie de Rouen. Elle est d'autant plus convenable que d'un côté c'est la farine qui est employée immédiatement à la panification, et que de l'autre son prix n'est pas toujours dans une proportion exacte avec celui du blé, soit qu'il rende plus ou moins, selon sa qualité, soit que l’activité dans la mouture amène , à certaines épo- ques , dans le prix de la farine , une baisse avantageuse au consommateur. | Cela posé, il est d'usage de taxer le pain à Rouen de manière à ce qu'il revienne au boulanger 5 cent. par kilogramme de plus qu'il ne lui coûte en farine, ce qui, pour un quintal métrique de pain , fait 5 francs, sur lesquels il faut prélever ses frais, dont voici le dé- tail approximatif: 19 Chauffage (1), 6 fagots à 21 centimes. 1 Lac. 2° Loyer de maison, entretien du four, salaires des garçons , etc.....+............ 2 Total... 2. ISO APS: Ainsi le bénéfice net se trouve réduit à RIDE mean ccnnmetcU SC , 74 oo (x) Le fagot employé généralement par la boulangerie de Rouen est de bois de bouleau ; il a 17 à 18 pouces de tour et 24 pouces de long. Le cent coûte de 20 fr. 50 c, à 24 £. 50 c., rendu chez Le boulanger. (#1) IL est à remarquer que ce prix ne se rapporte qu'au pain ordinaire, ou pain bourgeois, qui est d’une très-bonne qualité en cette ville ; on y fait aussi du pain inferieur, qui est taxé à 8 c. de moins par kilogramme , et du pain de luxe, qui est taxé à 5 c. de plus , et sur lequel les boulangers ont encore l'avantage d’une tolérance de poids , c’est-à-dire que les pains d’une livre ne pèsent que 14 onces, d’une demi-livre, tout au plus 7 onces, et d’un quarteron, environ 3 onces. Il est à remarquer toutefois que ce pain coûte plus cher de ma- nutention et se fait au levain de bière, tandis que le pain bourgeois se fait au levain naturel. Voici au surplus un extrait du tarif qui sert à dé- terminer la taxe du pain à Rouen : FARINE, PAIN. TAXE Prix Prix DU KILOG, DE PAIN. du sac de 157 kilog.,| proportionnel du | déduction faite kilog. , sans les frais, ere du sac, de manutention. qualité. 2°, 38. 30 f. 1 C. 25 c. | 20 c.l)x2 c. 5o 25 35 30 22 70 1-3 45 |4o | 32 90 45 55 5o 42 J'ajoute que l'exercice de la profession de boulanger est assujétie, à Rouen, par un décret du 17 septembre 1813, et une ordonnance de M.le Maire, du 31 mars 1815, à certaines règles dont la plus intéressante pour le public, puisqu'elle concerne l’approvisionnement de la ville , est l'obligation imposée à chaque boulanger d’a- voir toujours en réserve un nombre de sacs de farine, 6 C4) calculé de manière à assurer la subsistance des habi- tants pendant environ un mois. Ces boulangers sont divisés en trois classes, dont voici l'état actuel : APPROVISIONNEMENT de réserve pour " NOMBRE. P OBSERVATIONS. CHACUN. TOUS. Cet approvisionne- ment de réserve, qui est 59 84 sacs. 4956 SACS. | rifé chaque mois par 46 58 id. 2668 id. les soins de l'autorité mu- nicipale, se trouve pres- sd 288 id que toujours dépassé Une fournée contient environ 200 quinlaux métriques de pain; les boulangers de 1°* classe en font ordinairement 3 -Q12 F ; de 2° 79 # à 4 par jour, ceux de 2 2 à 3, et ceux de 3° 2. Tels sont, Messieurs, les détails que j'ai cru devoir vous présenter, et dont il suffira, je crois , d'adresser à notre correspondant un extrait que j'ai préparé dans cette intention, (43) AAA AA AA AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA AAA OBSERVATIONS Lues à l’Académie de Rouen, en décembre 1827, Par M. DES ALLEURS. Messieurs , . Dans les dernières séances qui ont précédé les va- cances d'août de 1827, je me rendis plusieurs fois à l'Académie dans l'intention de lui communiquer quel- ques réflexions, résultats d'expériences sur le rhuma- tisme. Des occupations d'urgence ne me permirent pas d'obtenir la parole, et j'ai dù remettre à cette année la lecture de ce travail très-court , mais que je re- garde comme important, parce que c'est le résumé de beaucoup de faits pratiques. Il s'agit, ai-je dit, du rhumatisme. Cette affection, l'une des plus douloureuses qui puissent altérer la santé, a élé l’objet des travaux de beaucoup de médecins. On l’observe dans tous les pays, mais fréquemment surtout dans certaines parties du midi de la France. La chaleur du jour, suivie de la fraicheur dispropor- tionnée des nuits dans ces contrées, l'y a rendu très- commun, notamment chez les employés des octrois, des douanes, chez les militaires, les étudiants, et en général chez tous ceux qui sont forcés de veiller la nuit, J'ai eu l'occasion de l’observer bien des fois dans les hôpitaux, et chez plusieurs de mes condisciples à Montpellier. Pratiquant à Rouen depuis huit ans, je l'ai de nouveau rencontré fréquemment dans les diverses classes 6. C4) de la société, mais plus souvent chez les hommes de peine employés sur notre port; et j'ai pu, dans nos climats, constater la réalité des avantages que présente le traitement que je vais avoir l'honneur de vous exposer. Il est inutile, Messieurs, de vous définir le rhuma- tisme; cette affection est suffisamment connue, et a d’ailleurs été décrite par tous les nosologistes. Il suit tantôt la marche aiguë, tantôt la marche chronique ; il s'accompagne de tous les signes de l’inflammation locale, ou bien se montre avec la seule douleur, sans rougeur, ni chaleur, ni tumeur apparentes. Quelle que soit celle de ces formes qu'il affecte , il est essentiel- lement de nature métastatique, c'est-à-dire qu'il se transporte facilement d’une partie dans une autre , des articulations qu'il occupe le plus souvent aux organes internes, et réciproquement. Cette propriété a servi de base au traitement dans bien des cas, et a fait triom- pher maintes fois la méthode révulsive. Primitif et essentiel le plus souvent, il est également susceptible de compliquer les affections goutteuses et siphilitiques. C'est alors au tact du médecin à distinguer ces diverses complications, et à baser sur la nature essentielle de la cause les varictés du traitement. Tous les médecins sont d'accord sur ces points; voilà pourquoi je ne fais que les indiquer. Mais, Messieurs , ils ne sont pas également d’accord sur le traitement du rhumatisme, soit aigu, soit chro- nique , dépourvu de toute complication spéciale, L'invasion de la doctrine dite physiologique a voulu faire regarder toutes ces affections comme des phlegma- sies, soit locales, soit sympathiques de celles des or- ganes de la digestion. Or, Messieurs, l'expérience, qui l'emporte sur les théories, m’a démontré que, dans l’une et l'autre hypothèse, le traitement anti-phlogistique (45) était le plus souvent nuisible, ou insuffisant pour le moins ; c’est même un fait notoire que l’application directe des sangsues sur les enflures rhumatiques dé- termine fréquemment des métastases très-graves, qui résistent souvent aux révulsifs les plus énergiques, et peuvent même causer l’apoplexie foudroyante ; quand elles se font sur le cerveau. Je dis le traitement anti- phlogistique local; quant au général, il n’est pas un médecin qui ignore que, dans l'été surtout, les rhu- matismes ont souvent été guéris par l'emploi des vomitifs et des préparations antimoniales ; cela éloigne donc l'idée d’une inflammation légitime, soit locale, soit sympathique, et il faut admettre dans le rhuma- tisme une spécialité identique à celles de la goutte, de la siphilis , ete. L'esprit de système s’est long-temps révolté contre ces données de la médecine hippocra- tique , mais ses efforts ont été impuissants, et la vérité a triomphé. L'expérience et l'observation ont démontré que , dans certaines affections déterminées et sui generis , quelques médicaments avaient une vertu sinon spécifique du moins spéciale ; de ces espèces sont : le soufre dans les maladies dartreuses et psoriques , le mercure dans la siphilis , le quinquina dans les fièvres intermit- tentes, etc. Je crois qu’à cette liste on peut ajouter, sans craindre de se tromper, l’opium dans les aflec- tions rhumatismales, soit aiguës, soit chroniques. On ne manquera pas de m’objecter, Messieurs , que ce médicament est connu depuis long-temps pour ses bons eflets en pareil cas. A cela je répondrai que je n'ai nullement la prétention de dire quelque chose d’absolument nouveau , mais que je crois que la ma- nière dont on emploie habituellement l’opium dans cette affection, est trop timide et surtout trop tardive. Quelques observations serviront d'appui à cette pro- (46) position. Or, Messieurs, il y a déjà plusieurs années que ma conviction s'est formée là-dessus ; et j'ai dù, contre l’avis d’estimables confrères, soutenir les avanta- ges de lemploi primitif de l'opium dans les affections rhumatismales , au soutien d'une observation commu- niquée à la Société de Médecine, en 1823, par un médecin mort depuis cette époque (x). Première Observation. M. D... , âgé de 28 ans, maintenant docteur en médecine, ex-chirurgien entretenu de la marine royale au port de Toulon, avait hérité de son père d’une dis- position particulière au rhumatisme. Doué d’un tem- pérament sanguin et nerveux, ayant fait sur mer plu- sieurs campagnes longues et pénibles, il avait eu plusieurs attaques rhumatisma'es contre lesquelles les anti-phlogistiques avaient pen réussi, car laflection s'était souvent prolongée plusieurs mois avant qu'il parût des sueurs critiques, qui étaient la solution habituelle de la maladie. En 1818, vers le mois de janvier, après des tra- vaux anatomiques prolongés pendant la nuit et de longs séjours à l'hôpital , M. D... , alors en résidence à Montpellier, pour prendre le grade de docteur en médecine, est atteint d’une attaque de rhumatisme. Les articulations des extrémités supérieures et infé- rieures sont simultanément entreprises. Les douleurs sont bientôt intolérables; il y a une légère tuméfaction sans grande rougeur , céphalalgie, délire fugace, soif assez vive, langue rouge sur les bords, blanchâtre au milieu, jaune à la base, nausées, vomituritions. On donne un émétique, on applique localement des fo- D —— ——— —————— ———— 2 (1) Le docteur Picdnoël. (47) mentations, des vapeurs émollientes, etc., sans soula- gement notable. Une saignée générale , puis des sangsues au siége, sont appliquées sans effet sensible. Le malade, qui veut se trailer lui-même, sans négliger cependant les conseils de quelques condisciples dont je fais partie, et qui le gardent nuit et jour, ordonne qu'on lui apporte de quoi se composer une potion calmante, On met près de lui les objets qu'il a demandés, parmi les- quels se trouve une bouteille qui contient quatre onces et demie de sirop diacode , et une autre un gros de lau- danum liquide de Sydenham. Vers les trois heures du matin, les douleurs deviennent atroces ; cependant il faut remarquer que le malade n'avait jamais eu de symptômes vénériens d'aucune espèce. D...., veillé à cette heure par un jeune homme récemment arrivé à la faculté, demande la bouteille de sirop diacode et le laudanum ; ilen foit verser, dans un verre d’eau sucrée tiède, environ les deux tiers de la pre- mière et la moitié de la seconde , et avale tout d’un trait. Les douleurs deviennent bientôt affreuses, au rapport du surveillant. Vers les cinq heures et demie j'arrive : le pouls est mou et souple , il y a une légère moiteur à la peau , somnolence et rêvasserie, Inquiet en apprenant la quantité d'opium prise en une seule fois, javais déjà préparé une potion acidulée , lorsque D... s'endort profondément ; dès-lors sueur plus considérable , repos jusqu'à neuf heures du matin. Le malade éveillé se plaint d’un sentiment de pesanteur qui a succédé aux douleurs lancinantes des articulations ; à midi, retour de ces douleurs, mais moins fortes que la veille ; le malade exige un second verre d’eau sucrée, avec une once et demie environ de sirop diacode et quinze gouttes de laudanum ; on les lui donne, Au bout d’une heure , re- tour de la rêvasserie, somnolence vers huit heures du soir, sommeil profond depuis dix heures du soir jusques (48) x dix heures du matin, Au réveil, pesanteur de tête , une nausée suivie d’une gorgée de matière glaireuse , sentiment de bien-être, disparition des douleurs, deux lavements émollients. Le lendemain et le surlendemain point de retour des douleurs, sueurs abondantes et urines briquetées ; le pouls est mou et ondoyant ; mé- decine ordinaire, convalescence , point de rechute jus- ques en juillet 1820, époque à laquelle le malade nous a quittés. Vous devez le penser, Messieurs, cette observation nous parut remarquable , et nous nous promîmes de re- nouveler les expériences. L'occasion s’en présenta bientôt pour moi. Deuxième Observation. En 1819, dans les mois d’août et de septembre , je voyageai à cheval, de nuit et de jour, dans la Provence et le Dauphiné, avec un de mes condisciples, M. Charles D......, de Paris : mon compagnon , âgé de 26 ans, ardent pour la science, était malheureusement d’un tempé- rament lymphatique et d’une santé délicate. Égarés vers le soir, et forcés d’errer la nuit dans les montagnes, surpris par un orage affreux, obligés de coucher à la belle étoile à une grande élévation, vêtus légèrement, exposés à une pluie battante, nous demeurâmes sans abri et sans avoir pris d'aliments depuis trois heures de rélevée jusqu'au lendemain à neuf heures. Charles D... en arrivant à Draguignan, est saisi d’un frisson qui se prolonge pendant plus de deux heures. Il y a une cé- phalalgie violente , vomituritions bilieuses, douleurs de reins atroces, gonflement œdémateux des extrémités intérieures , douleur vive de toutes les articulations , pouls dur et fréquent. Saignée de huit onces , puis vo- mitif. Point de soulagement ; le malade me dit que c’est son rhumatisme dont il a été déjà deux fois at- (49) teint. Nous lui prescrivons une tisane diaphorétique et une potion calmante de quatre onces, dont deux et demie de sirop diacode et quinze gouttes de laudanum, à prendre en deux heures, Rémission légère au bout de quatre heures, puis sommeil de cinq heures environ ; retour des douleurs le lendemain. Renouvellement de la potion à prendre par cuillerées de demi-heure en demi-heure. Point d'amélioration sensible. A cinq heures du soir, ennui, découragement, douleurs vives et fatigantes; deux grains d’opium brut ; point de sou- lagement jusqu'à dix heures du soir. A cette heure , un nouveau grain d’opium , agitation , puis , à onze heures et demie , somnolence et sommeil jusqu’au lendemain neuf heures du matin. Sentiment de pesanteur au ré- veil, mais point de douleurs ; nausées sans vomisse- ments, langue blanchâtre et très-sale à la base : pur- gatif ordinaire , convalescence, santé parfaite le septième jour de l'invasion. Ces observations , communiquées à des confrères ca= pables de les répéter, amenèrent des essais semblables ; le succès les suivit , au rapport de ces médecins, et je dus conserver une confiance assez forte en ce mode de médication- lorsque je vins pratiquer à Rouen. J’ai eu l’occasion d'employer dans nos murs cette même méthode , et avec un bonheur presque constant, Je choisirai donc, parmi plusieurs autres, trois obser- vations tirées de ma pratique, et qui me semblent prouver d’une manière péremptoire les avantages de l'emploi de l’opium à haute dose, dès le début, dans les affections rhumatismales aiguës et chroniques, Troisième observation. En 1825, au mois de février, je suis prié d'aller visiter, à Saint-Sever , rue des Brouettes , l'enfant d’une à (50) femme Tournel , faisant partie de celles soignées par l'association de Charité maternelle dont je suis le mé- decin. L'enfant a six ans environ; assez mal vêtu , il joue habituellement , avec les enfants du voisinage ; dans un carrefour situé près de l'habitation de sa mère , à l'endroit où la rue des Brouettes est croisée à angle droit par celle qui se rend de Saint-Yon à la rue d'Elbeuf, Le petit malade est fort. Il a été très-mouillé Pavant-veille , et en rentrant le soir , après avoir mangé un peu de soupe , il a été saisi d’un frisson violent ; au bout d’une heure il a rendu les aliments qu'il avait pris. Il est très-rouge , se plaint d’un mal de tête vio- lent, et de douleurs insupportables aux mains, aux cuisses , aux genoux et aux pieds. Ces parties sont en effetenflées , rouges et douloureuses ; la langue est rosée , très-chargée à sa base ; il y a inappétence complète , vomissement des boissons prises , agitation et cris continuels. Je prescris un vomitif ,; des fomentations sur les parties douloureuses , des bouillons coupés pour ali- ments, uné tisane d'orge et d’aigremoine, avec le sirop de limon et le nitre, La mère , dont j'ai va sou- vemt les enfants malades, suit les prescriptions à la lettre, Le lendemain à onze heures, point de soula- gement , exaspération des douleurs , continuation ; mais, pour le soir, prescription d'un grain d’opium brut, et un autre le matin à six heures, s'il n’y a pas eu de soulagement. Je reviens le troisième jour à onze heures. Les deux grains d’opium ont été avalés ; l'enfant a été agité, puis a dormi: au moment où je le visite, le ventre est tendu , mais sans douleurs ; il y a, au lieu de cris et d’agitation ; un murmure plaintif ; il me regarde fixement et d’un air hébété. Les articulations sont moins rouges , mais toujours gonflées et doulou- reuses, Deux layements émollients avec le son ét le SL ts eu. (51) miel. Pour le soir, à prendre en deux fois, à une heure d'intervalle, deux grains d’opium. Une potion, simple dans la journée, du poids de trois onces , avec quinze gouttes de laudanum. Le lendemain, à midi, je trouve l'enfant dormant profondément depuis cinq heures du matin. Le ventre est souple, la peau moite, les articulations dégonflées et si peu douloureuses que je puis les presser, même assez fortement, sans réveiller le malade. A partir de ce jour, convalescence; pur- gation le cinquième jour ; guérison. Quatrième Observativn. Pierre Duchesne , employé dans les bateaux à vapeur, se trouve, en 1825, exposé à quelques dangers au passage de Quillebeuf, par un temps d'orage, une pluie abondante et froide. 11 se donne beaucoup de mouvement et de peines pour lutter contre les dangers qui l’environnent ; il transpire abondamment, et reste sur le pont sans changer de vêtements ni prendre d’autres précautions. Arrivé à Rouen, encore tout ému des périls que son navire a courus, ses parents lui trouvent l’air malade; la peau est ictérique, les yeux abattus. Il y a anorexie complète, quoique le malade soit habituellement gros mangeur. Il ne se décide qu'avec peine à prendre un peu d’aliments. Il se couche de bonne heure, près de sa femme; et à dix heures du soir il est pris d’un frisson assez fort, de nausées, et de douleurs insupportables dans les reins. Je le vois le lendemain dès le matin. La langue est très- chargée ; il y a de la céphalalgie sus-orbitaire , et une douleur intolérable des lombes, qui se fait peu sentir dans les vertèbres dorsales, mais retentit dans les vertèbres cervicales. Le ventre est souple, le pouls serré et assez fort , la peau chaude et sèche. Le malade, 7: (52) âgé de quarante-deux ans, est hémorroïdaire depuis trente-quatre. Dix-huit sangsues au siége, tartre stibié , trois grains en trois doses; tisane de quatre fleurs avec le miel. Vomissements abondants, les sangsues ont beaucoup saigné, la douleur des lombes, loin d’avoir diminué, est tellement forte que le malade jette des cris et sue de douleur, suivant son expression. Lavement avec quatre têtes de pavot, un demi-gros de laudanum. À cinq heures du soir, point de rémission, malgré l’appli- cation réitérée de serviettes chaudes sur la partie dou- loureuse. Potion de cinq onces, avec deux onces de sirop diacode, vingt gouttes de laudanum, à prendre par cuillerées de demi-heure en demi-heure. Le len- demain à huit heures, je ne vois point d’améliora- tion, la douleur est atroce. Un grain d’opium brut de trois heures en trois heures, deux lavements opiacés. A huit heures du soir, moins de douleurs. Encore deux grains d’opium en deux heures ; la potion par cuil- lerées d'heure en heure. A trois heures du matin, suivant le rapport de sa femme , agitation considéra- ble, délire gai ; à quatre heures, rêvasseries, somno- lence, sommeil : il ne cessa que le lendemain à trois heures de relevée. Quand je vis le malade, à neuf heures, il dormait profondément , en supination. La peau était baignée de sueur, le pouls mou et lent. La douleur n’a plus reparu. Un purgatif a complété la cure, qui a été radicale. Cinquième Observation. Louis Fessard, homme de journée , employé à dé- charger un bâtiment sur le port , tomba dans la Seine ; c'était au mois de mars. Sa terreur fut si grande, que ce malheureux, encore bien qu'il eût saisi un câble (55) dans sa chute, et qu’on lui eût porté de suite du se- cours , jetait encore des cris d’effroi après qu'il fut tiré de l’eau. Un frisson prolongé s'empara de lui, et ne le quitta qu'après plus de trois heures. Je le vis le lendemain. Il y avait des nausées, la langue était couverte d’un enduit jaunâtre épais, le pouls était dur et fréquent, la physionomie portait l’expression de la terreur, et il parlait de son accident avec emphase et volubilité. Saignée du bras de douze onces, les jambes dans un pédiluve synapisé. Deux grains de tartre stibié , tisane de quatre fleurs édulcorée. Vo- missements abondants de matières bilieuses. Le soir, mouvement fébrile prononcé, douleurs vives de toutes les articulations des membres, avec un peu de gon- flement. Le malade n’a jamais eu la goutte, mais plusieurs rhumatismes à la suite de campagnes pénibles en ltalie et en Allemagne. Continuation des mêmes moyens, fomentations aux membres. Sa femme , qui fait avec intelligence un petit commerce, exécute ponc- tuellement les prescriptions, et me rend compte de tout avec exactitude. Insomnie, douleurs atroces pendant la nuit, gonflement assez considérable des articulations métacarpiennes- et métatarsiennes ; avec rougeur el chaleur. Continuation des émollients, sous forme de bouillies. Les douleurs augmentent. Le soir à 5 heures, elles sont intolérables , le malade jette les hauts cris. Prescription : quatre grains d’opium brut, à prendre en quatre heures. Révasseries à cinq heures du matin ; à neuf heures, retour des douleurs. Quatre têtes de pavot en décoction dans une chopine d’eau réduite d’un tiers, avec addition de deux onces de sirop diacode, vingt gouttes de laudanum , à prendre dans la journée. A six heures, nausées légères, subdelirium. Deux grains d’opium brut en deux heures. Sommeil profond à onze x heures jusqu'au lendemain à une heure. Rémission (54) complète, sueurs critiques, convalescence, Le malade ne consent à se laisser purger que quinze jours après. Point de rechute. Il me serait facile, Messieurs, de vous citer d’autres faits où l'opium employé à moins forte dose a produit les meilleurs effets. Un personnage éminent qui m'ho- nore de sa confiance , sujet à des accès irréguliers d’un rhumatisme goutteux qui occupe une partie de la mä- choire inférieure, n'éprouve de soulagement que de l'emploi de l’opium à doses fractionnées, et toujours sans trouble général dans les fonctions, ni dans les ca- vités splanchniques. Je ne crains pas de citer ces faits aux praticiens, afin de les engager à employer hardiment l'opium en pareille circonstance , et j'ose leur prédire qu'ils en obtiendront de bons effets. Ce médicament , l’un des plus héroïques et de l'effet le mieux constaté de toute la matière médicale ; se tolère parfaitement dans les cas de douleurs aiguës et vives, et cela ne surprendra pas quand on songera que l’inflammation pulmonaire a souvent permis de tolérer une dose notable de tartrite antimonié de potasse : l’exaltation insolite des propriétés vitales commande une médication sédative énergique , et les praticiens habiles savent bien que leurs succès, dans des cas où d’autres plus timides échouent par une médication modérée , ne tiennent qu'à la hardiesse avec laquelle ils emploient des substances dont l’eflet spé- cial est notoirement constaté ; et si moi-même j'ai donné aussi fortement les préparations d'opium, c'est que j'avais vu ce médicament précieux administré avec vigueur et avec un succès soutenu par des mains ha- biles et exercées. Telles étaient les observations que je voulais vous soumettre dès l’année dernière, Messieurs , et que j'a- (55 ) vais même laissées ici en dépôt jusqu’à ce qu'il se pré- sentät une occasion de les lire ; quelle n'a donc pas été ma satisfaction , en ouvrant le numéro de juillet et d'octobre 1827 , du journal de physiologie expérimentale et pathologique du docteur Magendie, que l'on m'a remis aujourd’hui même, d'y ‘rouver des observations pratiques du docteur Cazenave , médecin à Pau, qui a de même employé l’opium à haute dose dans le rhu- matisme soit aigu, soit chronique ! Les réflexions de M. Cazenave sont complètement d’accord avec les nô- tres; mais, bien plus hardi que nous, ce praticien n'a pas craint, chez un individu adulte, de porter la dose de l’opium brut, en huit jours , du 20 au 30 janvier 1827 , à soixante-trois grains, avec le plus grand succès et sans accidents d’aucune es pèce (x). Le mémoire de M. Cazenave est très-remarquable , et j'engage les praticiens à en prendre connaissance, C’est après de nombreuses tentatives qu'il vante les effets de Popium dans le rhumatisme exempt de complications constatées ; et s’il a porté les doses beaucoup plus haut que nous, c’est que son expérience est plus formée à cet égard, puisque dans la ville de Pau qu'il habite les rhumatismes sont si fréquents , qu'il dit : /e rhuma- tisme est la seule maladie qui soit très-commune à Pau. I! F existe comme endémique ; il simule ou complique toutes ou Presque toutes nos affections pathologiques (2). Nous pourrions en dire autant chez nous du catarrhe, Messieurs ,.et tous mes confrères connaissent les liens de parenté qui l'unissent au rhumatisme ; c'est ce qui m'a déterminé à vous communiquer ces observations, D aus ee Net SE NOT (1) Loc. cit. , page 226. (2) Loc, cit., page 203. € 56 ) dont le but est de solliciter des essais ou plutôt des contre-épreuves. Or, quand j'émets ce vœu dans Rouen et dans le sein de l’Académie , je suis sûr que les occa- sions d'expériences ne manqueront pas , et encore moins les talents pour les faire. (57) AAA AA AAA VS AAA M AAA AA ANA A AAA A ESSAI SUR LES MOYENS DE CONSERVER LES BOIS ; Par M. l'Abbé Gossrer. Messieurs, Une circonstance particulière ayant fait passer par nos mains le second numéro pour l’année 1828 du Jour- nal d'agriculture , d'économie rurale et des manufactures du royaume des Pays-Bas, notre attention fut tout d’abord attirée par le moins frappant peut-être des articles. L'intérêt qu'il nous faisait éprouver venait en grande partie sans doute d’une analogie assez remarquable entre le sujet énoncé et celui d’un ouvrage anglais, dont l’au- teur , M. Burridge, vous a fait hommage il y a quelques mois, et dont nous avons eu l’honneur de vous entre tenir dans un rapport qui nous fut demandé par M. le Président. Cet Opuscule contenait des considérations sur la pourriture sèche, maladie à laquelle les bois de construc- tion sont sujets, du moins en Angleterre (x), et l’article de l'ouvrage périodique avait pour titre Conservation des bois. (1) M. Burridge attribue cette maladie des bois the dry rot, qu'il croit peu ancienne, et que chez nous on regarde quelquefois comme particulière à l'Angleterre, au rappel de certaines lois qui fixaient le temps de la coupe des chènes de construction. On était obligé autre fois de les abattre dans l'hiver; mais maintenant que l'écorce en est devenue un objet de grande importance pour Le vendeur et pour les arts, on les abat au printemps lorsque la sève est abondante et en mouvement, sans considérer le détriment que par là on peut occasionner à la qualité du bois. 8 (58) * Notre curiosité fut encore plus vivement excitée quand nous remarquâmes que cet article tout entier était une traduction d’une lettre écrite de Londres , l’année dernière , à un correspondant sur le continent. Nous y apprenons qu’une découverte a été récem- ment faite en Angleterre, pour conserver le bois contre la vermoulure et les attaques des pholades, et pour rendre les bois de sapin , de pin, de bouleau , etc., aussi solides que le bois de chêne, et même supérieurs pour les constructions navales et civiles. Deux expériences comparatives ont été faites sous les yeux d’une commission nommée par le gouver- nement anglais ; dans la première, des bois préparés par l'inventeur avaient été laissés sous l’eau pendant irois ans à l'embouchure de la Tamise, et ils furent retirés, après cette intervalle de temps, parfaitement sains, tandis que des bois coupés des mêmes arbres et placés dans la même situation , mais sans aucune préparation préalable, étaient entièrement gâtés et percés d'outre en outre par des pholades. Dans la seconde ex- périence, prolongée l’espace de cinq ans, les résultats ont élé absolument les mêmes. En conséquence, dit l'écrivain , le gouvernement anglais à proposé à l'inventeur de faire préparer de suite tout le bois nécessaire pour la construction d’un vaisseau sur ses principes , et la Russie a souscrit avec l'inventeur un contrat pour la préparation du bois pour la marine | pendant 50 ans. L'invention paraît, ainsi que vous pouvez le remar- quer, Messieurs, être encore un secret , et deux États qu'assurément nous ne voudrions pas appeler nos en- nemis naturels, mais que nous devons regarder Comme émules etmême antagonistes, se disposent à en recueillir les avantages. Ils sont grands assurément , et ils sont de vature à ne demander aucun développement. Si les bois de construction navale civile et domestique , toujours si utiles et si nécessaires; de’ n6s jours si chers et si rares, ne "+ æ (59) quelquefois d’une durée si courte et si précaire, pouvaient, ou par quelque procédé ni trop difficile ni trop dispen- dieux, être mis à l’abri d’un principe interne de cor- ruption , aussi bien que des effets ordinaires de la chaleur et de l'humidité ; et si , de plus , ils étaient encore, par ce moyen, préservés des déprédations extérieures des in- sectes en général et de tous les genres d'animaux des- tructeurs , assurément l’homme trouverait dans cette seule découverte une source de commodités, de salu- brité, de jouissance et d'économie aussi intarissable que précieuse. ; Malgré les doutes que quelques Anglais, maintenant sur le continent, nous ont témoignés lorsque nous leur avons communiqué l’article du journal des Pays-Bas, nous nous sentons portés à croire ce qui nous y est annoncé, et notre persuasion procède principalement, nous l’avouons, de l'opinion que nous nous sommes faite de la possibilité de leflet promis. Non, cet effet ne nous paraît point au-delà de ce qu’on peut espérer de l’industrie et de la sagacité humaine. Beaucoup de choses sans doute sont impossibles à l'homme; on peut même dire encore que beaucoup de choses, très-possi- bles en elles-mêmes, ne seront probablement jamais amenées par l’homme hors des limites d'une pure pos- sibilité; mais donner au bois, sinon une incorruptibilité complète et absolue , du moins une incorruptibilité im- parfaite , une incorruptibilité comparable à celle des pierres et des métaux, ou analogue peut-être à celle qui est communiquée au cuir par l'imprégnation du prin- cipe tannin , cela, dis-je , et on ne peut raisonnablement aitendre autre chose, cela ne paraît nullement au-dessus de l’industrie de l’homme et des ressources de la chimie. Supposons , comme nous le faisons volontiers , la vé- rité de la découverte d’un procédé capable de rendre le bois incorruptible , et, pour nous servir d’une des expres- 8. (601) » sions de la lettre anglaise , presque impérissable , il est très- certain que le moyen employé ne peut rester long-temps un véritable secret. Les communications et les rapports entre les différentes nations de l'Europe sont si fré- quents, si multipliés et si intimes, d’un autre côté les tentations qui affaiblissent la jalousie nationale sont si puissantes, et aussi la subtilité du talent d'analyse est si grande , qu'une nouvelle invention est rarement exploi- tée long-temps au bénéfice d’un seul peuple. D’ail- leurs, il suffit presque, ce nous semble , de donner une direction aux recherches des savants pour obtenir les résultats désirés, et nous sommes persuadés que si nous appelons seulement l'attention de la chimie sur la découverte annoncée d'Angleterre , le secret sera bientôt dévoilé, où du moins que quelque procédé également bon sera bientôt trouvé et communiqué au public. On ne restera point en arrière : des récompenses propor- tionnées peuvent être regardées comme certaines , et d’ailleurs, l'esprit national et français, stimulé par la cer- titude de la possibilité d’atteindre le but proposé, sera toujours , à notre avis, un gage peu douteux d’un succès complet. C’est dans cette persuasion, Messieurs, que nous répandons, autant qu'il est en nous, l'avis du grand avantage dont il semble que nos voisins sont sur le point de jouir, et dont nous pensons que la science et la connaissance des arts peuvent nous faire jouir pres- que aussitôt que leur secours sera imploré , ou même que l’idée leur en aura été suggérée. Notre intention toutefois n’est pas de nous contenter d'annoncer qu’un moyen de conserver les bois et de donner à des espèces inférieures des qualités égales ou même supérieures au chêne, a été trouvé en Angleterre et y est tenu secret; nous nous proposons encore de rappeler quelques vérités incontestables, et d'indiquer quelques principes assez généralement connus, qui (61) peuvent diriger les recherches de ceux qui voudraient faire quelques essais. Il est souvent plus aisé de montrer le chemin que d'y marcher soi-même ; il faut souvent bien peu de connaissances pour suggérer une idée que de grands talents pourront seuls bien saisir ; poursuivre et rendre féconde. La seule donnée que la lettre du correspondant anglais présente pour arriver à la découverte du moyen em- ployé pour rendre le chêne de construction presque impérissable , et pour communiquer aux bois de sapin, de pin, de bouleau , de frêne , etc., une aussi grande solidité qu’au chène , est contenue dans ce peu de mots: « Le principe de cette grande découverte consiste, dit la lettre, dans l'imprégnation du bois avec une substance in- dissoluble. » C’est donc en parlant de ce principe , Mes- sieurs , que nous nous proposons de conduire aux moyens de trouver la solution du problème. Le bois, nous annonce-t-on, est rendu presque impérissable , et cet effet est obtenu par un procédé qui l’a imprégné complètement avec une substance indissoluble. Obser- vons d’abord que cette expression, une substance in- dissoluble , ne peut pas, et conséquemment ne doit pas être prise dans un sens trop strict et trop rigoureux. On ne reconnaît point, et probablement il n'existe point dans la nature de substance douée d’une indisso- lubilité parfaite. Nous devons raisonnablement entendre ici par une substance indissoluble une substance qui résiste aux agents destructeurs les plus communs dans la nature, ou du moins qui leur résiste un temps très- considérable , un temps indéterminé. Dans ce sens large et nécessaire, on découvre aisément la connexion des idées présentées dans la lettre; car assurément on conçoit qu’un bois qu’on parviendra à imprégner avec une substance presque indissoluble, doit, par cette opération, devenir presque impérissable. (62) Quand on se demande quelles sont les substances insolubles avec lesquelles on pourrait imprégner le bois pour le rendre plus durable qu'il n’est de sa nature, plusieurs s'offrent comme spontanément, Considérons- les en détail, pour voir ce que nous pouvons en espérer. MM. d’Arcet et Thénard ont ; il y a seulement quel- ques années , annoncé au public qu'ils étaient parvenus à impréoner des pierres assez dures, jusqu’à la profon- deur de deux lignes ou deux lignés et demie, avec un mélange de cire et d'huile lithargirée, Le dedans de la coupole de Sainte-Géneviève, à Paris, a été préparé avec cette composition, avant de recevoir les belles peintures qui le décorent , et qui promettent , en consé- quence de cette imprégnation, une durée égale au moins à celles des meilleures fresques de l'Italie, Déjà deux établissements se sont formés dans la capitale, où l’on exploite, ce nous semble , la découverte des deux chi- mistes que nous venons de nommer, et où sont mis en vente des enduits hydrofuges qui s'appliquent sur les pierres , les briques , les plâtres , ciments et mortiers, et qui, les imprégnant jusqu'à une certaine profondeur , doivent pénétrer ces substances, en remplir les pores, et leur donner une solidité et des qualités particulières qui les rendront inattaquables à la plupart des agents naturels. Dans cet enduit, la résine remplace quelque- fois la cire , et quelquefois aussi des oxides métalliques y entrent pour une portion assez remarquable et indi- quée par les premiers inventeurs. Ceux-ci n’avaient point parlé de faire l'application de leur découvert: à la préservation des bois; mais on étend jusque-là l’usage des enduits hydrofuges dans les prospectus qui nous viennent, soit de M. Maison-Rouge , soit de M. Fehr. Ine nous paraît point impossible de faire pénétrer ces compositions , non pas seulement jusqu’à la profondeur de quelques lignes dans le bois, mais même jusqu’au Lea ( 63 ) centre des pièces, dans les grosseurs employées par les constructeurs. Alors les bois ainsi pénétrés de substances insolubles et incorruptibles pourraient être regardés comme presque impérissables. Si quelqu'un objectait que les huiles et les résines ne mettent pas nos bois de construction navale à l’abri des déprédations des pholades , On répondrait aisément que parmi les oxides métalliques , qui tous , nous pensons, pourraient entrer dans la composition des enduits hydrofuges , il en est assurément qui repousseraient les attaques et des pho- lades et de tout autre animal connu. Ainsi toute l'opération consisterait à imprégner complètement le bois avec des subtances huileuses et résineuses char- gées d'oxides métalliques ; et, quoique cette imprégna- tion complète présente assurément des difficultés dans l’état présent des manipulations ordinaires ; cependant peu de personnes voudraient, nous le croyons ainsi, positivement déclarer que cette complète pénétration est absolument et évidemment au-delà des puissances de Part. En second lieu, il serait posssible d’imprégner le bois avec des substances terreuses insolubles, et voici comment on peut se rendre raison de cette autre opération : sup- posons qu'au moyen de quelque procédé chimique , ou peut-être seulement d'une immersion prolongée et ac- compagnée d’une chaleur convenable , on parvint à im- prégner un morceau de bois de construction avec de l’eau tenant en solution un sel terreux ; ensuite qu’on vienne à imprégner cette même pièce de bois avec un second liquide chargé d’une substance capable de pré- tipiter la substance en solution dans le premier liquide : alors, Messieurs, qu’arrivera-t-il ? il arrivera alors évidemment que le précipité formé par cette double optralion restera comme emprisonné dans les interstices , dans les pores du bois. Ainsi une substance insoluble (64) ne fera plus qu'un corps avec la matière du bois; elle environnera de toutes parts la fibre ligneuse, lui formera une gaîne ou fourreau qui l’enveloppera, la protégera, et par là communiquera au bois une véritable indisso- lubilité. L'opération lente , mais fréquente dans la nature, de la pétrification de substances végétales, est, ce nous semble, une opération dont celle dont vous venez d’en- tendre le détail n’est qu’une espèce de copie (1). Il est de temps en temps donné à l'homme de découvrir la marche que la nature tient, dans des circonstances par- ticulières, pour amener certains résultats et former cer- tains produits ; alors il réussit quelquefois à tirer un parti avantageux de sa découverte. Veut-il obtenir les mêmes produits et les mêmes résultats , il commence par amener, s'il est possible , toutes les circonstances qu'il a remarquées ; ensuite il recueille au besoin et apporte en un lieu de son choix les matières premières, puis, se reposant , il laïsse agir les affinités naturelles. Dans ces hauts procédés il nous semble voir un maître qui combine et qui ne fait que surveiller , qui donne à la nature une tâche , et qui ensuite lui dit : TU ‘rRA- VAILLERAS ICI ET POUR Mol. C’est ainsi que maintenant on obtient , dans des fosses préparées à cette fin, pres- que tout le salpêtre du commerce ; on les remplit de substances convenables , et tout le reste du travail est confié au jeu des affinités ; c’est ainsi pareillement que (1) Nous avons sous nos yeux un morceau de l'extrémité supérieure d'un pilotis trouvé dans les fondations d’une maison située dans un des quartiers les moins élevés de la ville de Rouen. La partie extérieure en est couverte de mortier, et tonte la partie ligneuse, ainsi que l'écorce qui se trouve entre le bois et le mortier, sont pétrihiées, chacune pré- servant sa couleur et sa texture ; mais l'écorce ne paraît pas avoir subi une pétnification aussi complète que celle du bois. (65) l'homme peut, ce nous semble , amener une espèce de pétrification du bois. Nous disons une espèce de pétrification , parce que, dans l'opération prompte et pour ainsi dire hâtive dont nous venons de parler, la partie fibreuse ne serait pas détruite comme elle paraît l’être dans les pétrifications lentes mais spontanées de la nature. Cependant on conçoit que cette partie fibreuse étant totalement in- crustée et recouverte d’une substance insoluble , de- viendrait par cela même capable de résister à l’action de la plupart des principes qui causent la pourriture des boïs et en amènent la destruction. Quant aux pholades , ilest vrai qu’elles s'ouvrent un chemin ou du moins une demeure dans la pierre. Mais il est aussi bien reconnu qu’on ne les trouve que dans des roches d'une dureté médiocre et d’une espèce par- ticulière, dans celle principalement qu’on appelle anche. Conséquemment le bois imprégné d’un précipité pier- reux produit par les réactifs chimiques devrait avoir une dureté suffisante pour repousser leurs attaques, ou posséder des qualités qui empêcheraient leurs dépréda- tions. Tout ceci est dans les bornes de la possibilité , et pour notre sujet cette observation suffit. Peut-être que des précipités de la nature du silex ne sont point absolument impossibles à la chimie, qui- sait déjà ré- duire la silice en une gelée , et il semble que de pa- reils précipités, remplissant les pores du bois, pro- duiraient tous les effets annoncés dans la lettre de Londres. Outre les substances terreuses dont on pourrait im- prégner le bois pour le rendre presque incorruptible , il en est d’autres dont on oserait encore espérer des effets analogues. IL paraît très-possible de former dans les pores et dans les interstices du bois, non-seulement des précipités terreux ou pierreux, mais encore des 9 (66 ) précipités métalliques. Le procédé serait à-peu-près le même que celui que nous avons indiqué, et nous en trouvons des exemples dans la nature. En voici un entre plusieurs. Nous avons en notre possession un morceau de bois de chêne qui provient de l'extrémité inférieure d’un pieu de fondation d’une des piles du pont bâti à Rouen, sur la Seine, en 1:50. Ce morceau est tout noir , dur , prend un beau poli, et quoique la partie fibreuse n’en soit pas détruite, cependant le bois ressemble assez bien à du jet, et paraît posséder , du moins à quelque degré, l’indissolubilité et l’incorruptibilité, Ces propriétés re- marauables, et aussi cette couleur noire, sont l'effet d’un précipité métallique, et il ne sera pas difficile de vous en convaincre, Tout le pieu dont ce morceau a été scié n’était pas noir , il l’était seulement autour et à quelque distance du sabot de fer dont on s'était servi dans cette construction subfluviale, Vous com- prenez déjà certainement , Messieurs, la cause de la couleur du bois et de la propriété qu'il a évidemment acquise de résister à la plupart des principes de cor- ruption. Étant de chêne , il contenait originairement , comme tous les bois de cette espèce, du tannin, et le tannin ne se trouve, je crois, jamais , ou presque jamais sans acide ane ; ensuite le sabot ayant fourni du tritoxide de fer, il en est résulté une substance insoluble qui, semblable à celle dont on teint les étoffes en noir et dont on fait l'encre , a rempli les pores , a communiqué au bois sa couleur , et lui donné cette solidité et cette espèce d’incorruptibilité qu'on attend naturellement d’un précipité métallique. On n'objectera pas que tous les bois n’ont point de tannin et d'acide gallique , ear beaucoup possédent l’un et l’autre ; de plus, on peut assurément, par des immer- sions scientifiques, en donner à ceux qui n’en ont pas, et C 67) même très-probablement en ajouter, s’il était besoin, de nouvelles doses à ceux qui en possèdent le plus. Voilà donc évidemment démontrée la possibilité d'imprégner les bois, non-seulement de chêne , maïs d’autres espèces, avec une substance insoluble , avec un précipité métalli- que qui paraît devoir les garantir et de l'action des agents naturels ordinaires et des attaques des pholades. Outre ce précipité ferrugineux, il est probable que la chimie parviendrait à former, dans l'épaisseur de nos bois de charpente, d'autres précipités métalliques qui produiraient les mêmes effets (1). Un moyen d’un genre peu différent a été déjà, ce nous semble , employé avec succès à Postdam ; on y a découvert qu’une dissolution de deuto-chlorure de mercure dans de l’eau de pluie , appliquée avec une certaine quantité de chaux sur le bois, le préserve de moisissure. La nécessité de la chaux dans ce cas peut assurément être contestée : elle donne à la vérité une incrustation au bois , qui, dans certaines circonstances , a probablement son utilité, mais assuré ment la dissolution de sublimé corrosif ayant pénétré le bois, lui communiquerait des qualités précieuses dont les arts et en particulier l'architecture pourraient ürer parti. Si, comme nous le savons tous, les ma- tières animales, plongées dans cette dissolution, ac- quièrent la solidité du plus fort cuir, et deviennent ‘ 1 (1) M. Julia de Fontenelle qui, dans sa Bibliothèque physico- économique, n° 19, juillet 1828, a communiqué au public nos premières idées sur les moyens de préserver le bois, ajoute : on pourrait tenter , sans doute avec avantage, d'immerger le bois dans une solution de muriate de chaux au bout de quelques jours l'en retirer, et le plonger dans un bain contenant une solution de sulfate de soude et de sulfate de fer, dans des proportions que l’expérience aurait déterminées ; on pourrait tenter d'ajouter au bain par le muriate de chaux, de l'arséniate de soude. 9- (68 ) imputrescibles, que n’en pourraient pas attendre les matières végétales en général, et en particulier les bois de construction ? Doctor-Black recommandait aussi le deutoxide d’arsenic pour empêcher la moisissure de se former sur la surface de certaines dissolutions, et on pourrait de ce principe être conduit à faire quelques tentatives avec la dissolution de ce sel, et en espérer des effets analogues à ceux qu’on obtient de la disso- lution aqueuse du deutoxide de mercure. En commençant ces réflexions , Messieurs, nous avons exprimé , comme notre opinion , qu'on ne peut proba- blement jamais espérer de donner aux bois qu’une incorruptibilité imparfaite, une incorruptibilité ana- logue à celle que nous communiquons au cuir, par une opération très-anciennement connue et pratiquée, mais bien curieuse et bien extraordinaire. C’est à cette opération là même que nous désirons vous ramener ici en finissant , et il nous semble qu’elle offre une grande probabilité de succès. Les différents procédés dont nous venons d’avoir l'honneur de vous développer et les prin- cipes et l'application, ont, nous l’espérons, leur mérite ; ils peuvent être dignes de quelques essais, et assurément des essais de ce genre ne seraient point entièrement perdus pour la science et pour l’économie domestique , maïs le procédé qui nous reste à indiquer se présente tout d'abord sous un aspect encore plus favorable et plus séduisant. Ce n’est plus un procédé nouveau , c’est un procédé dont, depuis un temps immémorial, l'homme recueille de grands avantages, et dont il suffit d'étendre l’usage par une application nouvelle, à la vérité, mais qui nous semble si naturelle qu’or est tout étonné qu’elle ne se soit pas offerte des milliers de fois à tout homme qui a quelque connaissance de la chimie. Nous tannons nos Cuirs ; et pourquoi ne tannerions-Nnous pas nos Lacs (69 ) bois (x) ? Assurément la seconde opération ne paraît pas plus impossible que l’autre. Vous allez vous convaincre, Messieurs, qu'elle n’est que l'inverse de la première. Le cuir est naturellement imprégné de gélatine , l'homme y ajoute un principe , le tannin, qui se trouve dans le chêne, quoique principalement dans l'écorce , et voici le cuir tanné. Eh bien, prenons l'opération d'une manière inverse, Le chêne est naturellement imprégné de tannin ; ainsi, que l’homme y ajoute ce principe qui est émi- nemment dans le cuir, la gélatine , et nous aurons tanné le bois. Alors le bois aura toutes les propriétés que l’art du tanneur donne au cuir; il sera complètement im- prégné d’une substance insoluble ; il sera devenu presque impérissable , presque inattaquable par leau. Il pourra, comme le bois de l'expérience anglaise, rester trois années dans les eaux de la mer, et en êire retiré après ce temps sans être pourri, et assez probablement sans être détruit ou rongé par les pholades. Peut-être c’est une illusion, Messieurs, mais si c’est une illusion , elle méritera, nous l’espérons , quelque in- dulgence , car elle est fondée sur des principes incontes- tables. Le tannin et la gélatine sont deux substances qui, prises isolément, ne promettent pas assurément le phé- nomène qui résulte de leur combinaison ; mais ce phé- nomène est commun, il est constant. Dans tous les cas connus , la gélatine et le tannin venant d’une manière quelconque en contact, se combinent , et de leur combi- naison résulte une substance qui, indissoluble elle-même, communique son indissolubilité aux corps qui s'en trou- vent imprégnés. Le cuir, seul corps presque sur lequel (1) Peut-être qu’au lieu de se servir de l'expression tanner le bois, il faudrait dire le gélatiner, Toutefois si par tannage on veut en- tendre l'opération d’où résulte la combinaison des deux substances tan et gélatine, on pourra dire tanner le bois, (70) on a essayé les effets de cette extraordinaire combinaison, est par lui-même très-soluble , très-destructible par l’eau accompagnée de chaleur ; mais une fois imprégné de cette substance insoluble , qui résulte de la combinaison de la gélatine et du tannin, voilà qu’il est insoluble comme le précipité qu'il renferme et qu'il emprisonne. Dans un temps où la réflexion et l'analyse ne venaient pas éclairer les opérations naturelles, on conçoit que des accidents ont pu seuls découvrir l’art de tanner le cuir. Une peau d'animal, ou seulement un morceau de cette peau, a pu se trouver immergé dans quelque amas d’eau dormante où des feuilles et des branchages de chêne étaient tombées et se macéraient. Le changement opéré sur ce Cuir aura plutôt ou plus tard éÿeillé l'attention, et on aura fini par préparer des fosses chargées de tan pour y plonger le cuir auquel on désirait donner les propriétés qu'on avait remarquées dans le cuir qui s'était trouvé tanné sans les soins de l’homme. Tant que la chimie ne peut pas analyser un phénomène, tant qu'elle ne peut pas rapporter un effet naturel à certaines lois, à certaines combinaisons et au jeu de cer- taines affinités, tout ce temps-là évidemment le phéno- mène demeure pour ainsi dire isolé, et l'effet produit reste seul de son genre ; maïs lorsque la cause qui a pro- duit le phénomène est découverte, alors il est souvent pos- sible de la préparer, de la reproduire dans des circon- stances plus ou moins différentes, il est souvent possible d'en multiplier, d’en varier, d’en modifier les effets- C’est ainsi, pour ne pas nous éloigner de l’art qui a donné lieu à ces réflexions , qu’on a dernièrement tanné des os et de l’ivoire. La chose était assez naturelle : les os et l’ivoire contiennent beaucoup de gélatine ; il suf- fisait de la mettre à nu, et ensuite de lui présenter du iannin, c’est aussi ce que l’on a fait. C’est ainsi encore qu'on tanne quelquefois sans tannin ; la chimie a trouvé (71) des substances minérales qui peuvent le remplacer en produisant des effets semblables. Toutefois jusqu'à présent on n’a songé, ce nous semble, qu'à donner du tannin aux corps qui contiennent de la gélatine, Aujourd'hui nous proposons de donner de la gélatine aux corps qui contiennent du tannin. Beaucoup de, bois possèdent ce principe ; aucun peut-être plus que le chêne , mais quelques autres espèces de bois en ont une quantité assez considérable. Toujours d’ailleurs paraît-il possible de leur en donner et d’en ajouter à celles qui en ont le plus. Et comme quelques bois ont des qualités différentes de celles du chêne, et sous cer- tains rapports supérieures aux qualités inhérentes à cette espèce, on conçoit que des bois de pin, par exemple, ou de hêtre ou de frêne, ayant été tannés par des im- prégnations successives de tannin et de gélatine , pour- raient, selon lexpression de la lettre anglaise, être rendus supérieurs au bois de chêne pour les construc- tions navales et civiles, supérieurs, disons-nous même, au bois de chène préparé de la même manière, Il paraît encore, et c’est une observation que nous ajouterons ici, il paraît que la seule addition de tannin par des bains préparés à cet eflet est capable de com- muniquer à la fibre végétale ou d'augmenter en elle des propriétés antiseptiques bien connues et bien appréciées depuis long-temps (1). C’est ainsi que les filets dont on se sert dans la pêche du poisson sont ordinairement tan- nés, c'est-à-dire qu'on les a préparés avec du tannin. Des immersions dans des bains de tan les rendent beaucoup (1) Quoique le tannin réside dans toutes les parties du chène, il est en plus grande quantité dans l'écorce, qui par cela seul , et malgré un caractère spongieux et pulvérulent , se conserve mieux que le bois, Quand on découvre les pilotis d'anciennes fondations , sou— vent l’écorce s’en trouve saine et intacte, lors même que le pilotis lui-même est entièrement décomposé, (72) plus durables, beaucoup moins sujets à la putridité. Probablement que ces filets ainsi préparés peuvent être regardés comme ayant éprouvé un tannage dans le sens que nous prenons ordinairement ce mot, c’est-à-dire qu'ils sont réellement imprégnés de cette substance inso- luble qui est formée par la combinaison du tannin et de la gélatine , car les chimistes reconnaissent maintenant une gélatine végétale ; c’est-à-dire on a reconnu dans les plantes, ou du moins dans quelques-unes, un prin- cipe entièrement analogue à la gélatine. Si nous sup- posons donc, ce qui est probable, que les fibres du lin et du chanvre contiennent de la gélatine végétale, il est évident qu’en y ajoutant le tannin on parviendra in- failliblement à opérer sur les toiles et sur les filets un véritable tannage, Enfin il nous semble permis d'avancer, comme dernière conséquence, que le bois, que tous les bois contiennent, quoiqu’en différentes quantités et proportions , non-seulement du tannin, mais encore de la gélatine ; qu’ils sont susceptibles de recevoir de l'art de plus fortes doses de l’une et de l’autre de ces deux substances, et qu'il est probable qu'ils acquerraient de cette opération une grande solidité et une incorruptibi- lité, imparfaite sans doute , mais très-précieuse, et la seule qu’on puisse jamais espérer de procédés physiques. Le but de la communication que nous venons d’avoir l'honneur de vous faire, et des réflexions dont elle a été accompagnée, est, comme vous l'avez déjà en- tendu, Messieurs, d'appeler l'attention des chimistes , soit au-dedans, soit au-dehors de notre sociéié, sur une découverte annoncée au public et qui promet beau- coup. Etrangère et restée jusqu'à présent un secret, le gouvernement de deux nations espère’ sans doute en tirer des avantages dont nous serions privés, et qui pourraient jeter un grand poids contre nous dans la balance du commerce, de l'industrie et de l’architec- (73) lure marine. Beaucoup de découvertes sont dues à un heureux hasard; celle dont vous venez de recevoir la communication à peut-être eu chez nos voisins cette source peu glorieuse, et avant notre siècle aucune décou- verte presque n’a été due à un autre principe; mais de nos jours la connaissance de beaucoup de propriétés des corps ,; en permettant des essais raisonnés, encourage les inventions originales et la reproduction aussi bien que lamélioration de celles qui ent été perdues ou qu'on veut tenir secrètes, Dans la circonstance présente, il suffit presque de le vouloir, et nous nous placerons ici encore au niveau de nos voisins; nous devrons à nous-mêmes , à la véritable science , ce qu'ils ne possèdent peut-être que par une chance heureuse. N'attendons pas du temps, de circonstances fortuites ou d’importations furtives , ce qui doit à la fin être connu chez nous ; il est maintenant peu de secrets , soit nationaux , soit même personnels. L'analyse, la réciprocité des communications , l’appât du gain, une infinité de causes, ne permettent guère la longue durée des secrets ; mais il est plus glorieux de faire des découvertes au moyen de la réflexion et d’une appli- cation scientifique de moyens connus que de lobtenir par toute autre voie. La chimie, après avoir, pendant des siècles entiers, acquis et recueilli des forces , est depuis peu sortie de ses ateliers pour le bien de l'hu- manité , pour l'avancement de tous les arts et de toutes les sciences, et nous avons lieu d’espérer que la conser- vation d’une substance aussi généralement utile que le bois, sera encore un, mais non pas encore sans doute le dernier, des bienfaits dont l'homme social lui sera redevable, 1G } D ui PE go af LE ROIS | | EE fs : AT S Le LR AT Art r TUgA MINS Ja Mb sa M fi Ti LE ri} sh GUNAUTE TE AIRRE IAE me A " [tre pi Hs . TE CT ERA dit 11} 1rre* font ra na " LU È X1à De drift LR NTIS TE dé a! 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Pour mettre dans nos réponses quelque ordre , et leur donner une forme qui les rapproche d’une discussion académique, on- peut diviser en deux classes tous les effets attribués plus ou moins communément et plus ou moins heureusement aux influences lunaires. La première classe comprendra tous les effets réguliers constants, et pour ainsi dire uniformes; la seconde offrira les effets irréguliers et variables de leur nature. Cette classification est d'autant plus nécessaire ici que beaucoup de physiciens qui n'admettent pas ceux de la seconde division admettent ceux de la première, et que lors même qu'ils nient que les phases de la lune occasionnent la plupart des changements remarquables dans les phénomènes atmosphériques , ils sont cepenr dant presque tous portés à croire que la lune agissant , soit en raison de sa masse , comme corps matériel, ou en raison de ses rayons, comme Corps lumineux , peut exercer une influence constante, régulière et gra- 10. (76) duée , sur des corps appartenant aux trois règnes de la nature: De tous les effets de notre satellite sur les êtres inor- ganiques, le plus remarquable et aussi le moins contesté, est sans doute celui qu'il produit sur les eaux de l’océan. Ici il agit comme masse, il agit comme corps doué de cette vertu singulière et incompréhensible qui, in- hérente ce semble à la matière, a été dans ces der- niers temps désignée sous le nom d'attraction. La lune , quoique non pas seule, mais la lune avec le soleil, oc- casionne les marées. Les attractions de ces deux corps célestes , tantôt opposées, tantôt réunies, et constam- ment modifiées, ici l’une par l’autre, là par des chan- gements de distance relative, sont les éléments de cal- culs qui nous rendant capables non-seulement d'expli- quer les plus grandes, les moyennes et les moindres élévations des eaux, mais encore de les prédire long- temps auparavant pour toute époque donnée, élèvent la théorie des marées au plus grand degré de certitude, Quelques personnes peut-être seront étonnées d’appren- dre que la planète qui, dans le langage familier, a tout le crédit des marées, est puissamment aidée dans ce phénomène par le corps qui occupe le centre de notre système solaire. Selon Newton, la force de l’at- traction de la lune sur les eaux de l'océan, prise en terme moyen, est à celle du soleil comme # 1/2 est à r; et, selon les observations de notre compatriote Laplace, dont on ne niera pas l'exactitude, l'influence de la lune comparée à celle du soleil n’est que comme 3 à 1 dans le port de Brest. Pour se former une idée distincte de la part que le soleil prend dans le phéno- mène des marées, il suflit de se rappeler que c’est Ii qui dans un sens asséz exact peut véritablement être dit la cause des grandes différences que la hauteur des eaux présente dans le cours d'une lunaison. Si la mer (77) n'était pas soumise à l'influence de cet astre , centre de notre système , les marées arriveraient à-peu-près aux mêmes heures qu'elles arrivent maintenant , mais elles seraient toutes d’une force égale; elles s'éleve- raient loutes à une même hauteur, sauf une petite diffé- rence périodique amenée par la distance plus ou moins grande où la lune se trouve de la terre en parcourant une courbe elliptique. IL est encore un effet attribué à la lune, c’est ce mouve- ment dans l'atmosphère qu'on croit opéré sur les côtes de l'océan, à l'approche ou plutôt peut-être au retour de la marée descendante, et qui occasionne des ondées su- bites et passagères. Nous ferons observer que ce mouve- ment est évidemment nul dans ce qu’on appelle commu- nément le beau fixe, et nul encore dans les jours d’une pluie continue , abondante et réglée, Ainsi la discussion se bornerait à ces jours d’un temps douteux et d’une complexion incertaine où à chaque moment on attend une ondée , et où chaque ondée donne une pluie pas- sagère , mais assez grosse. Alors l’inconstance même du temps occasionnera des accidents de pluies intermit- tentes, qui se prêteront à presque toute espèce d’inter- prétation , et chacun peut les expliquer à sa manière, ou même simplement dire que ce ne sont que des ac- cidents. D'ailleurs, Messieurs, cet eflet, ces pluies su- bites, fussent-elles les compagnes constantes et journa- lières de la marée qui se relire , on pourrait ou devrait les attribuer non à la lune , mais seulement à un mou- vement dans l'atmosphère, remarqué et calculé par M. Laplace, et occasionné par le mouvement des eaux aux marées montantes et descendantes. Si le phéno- mène atmosphérique était produit par la lune elle- mème, il aurait quelque rapport avec le temps du pas- sage de la lune au méridien ; et cependant ceux qui en parlent ne lui reconnaissent de rapport qu'avec le mou- (78) vement de la marée, au lieu même où il se fait re- marquer. Les effets de la lune sur les substances inertes autres que les eaux des mers, ont peu excité, jusqu’à nos jours, la curiosité des savants, et il semble qu’ils aient échappé aux recherches faites de notre temps. Il est très-pro- bable cependant que la lune , du moins comme corps lumineux, agit sur les corps même dépourvus de la vie, soit animale, soit végétale. Ses rayons excitant dans l'atmosphère une lumière assez forte, et de plus étant réfrangibles dans le prisme comme ceux du soleil, on peut y soupçonner un pouvoir de produire sur les corps quelques phénomènes chimiques, d’altérer , par exemple , soit seuls, soit avec le concours de l’air, quelques couleurs minérales, et toutes les couleurs vé- gétales et animales ; si, comme nous l’a confirmé un professeur distingué, secrétaire de notre société pour la classe des sciences; si, d’après des expériences faites avec soin, il est certain que les rayons de ce satellite ne noircissent point le chlorure d’argent, nous en concluerons la faiblesse plutôt que la nullité de leur pouvoir. Quelquefois pourtant il a été regardé comme bien grand par l'ignorance ou le préjugé, et c’est avec quel- que degré de surprise, pour ne pas dire de peine, que nous avons entendu une personne de notre dépar- tement , d’ailleurs fort instruite et de beaucoup d’esprit, maintenir que du moins la lune détruisait les murailles construites de moëllon et en calcinait les mortiers. Comment ne peut-on pas remarquer que toute muraille qui est exposée aux rayons de la lune, doit nécessai- rement être tournée de manière à se trouver aussi beau- coup exposée aux rayons du soleil, et comment ne peut-on pas soupçonner que la chaleur excitée par ceux-ci soit capable de produire, conjointement avec (79 ) des alternatives d'humidité et de gelée, les effets que l'on attribue à des rayons bien inférieurs en puissance ? Les mariniers aussi, voyant quelquefois des nuées légères se dissiper au lever de la lune , disent qu'elle mange les nuages. Et vraiment si quelques-uns ombrent le ciel dans le moment où cet astre s'élève sur l'ho- rizon , il n'ya, quant au résultat, et même indépen- damment de la lune , que trois chances possibles : ou ils se maintiendront dans leur état actuel , ou ils aug- menteront de volume et d'épaisseur, ou enfin ils se dissiperont. Dans le dernier cas la circonstance est du moins favorable à l'opinion , et on ne manque pas de s’en prévaloir ; dans les deux autres on n’est pas sans excuse, car le plus hardi luniste se garde bien de prétendre à des effets toujours très-tranchants , très- décisifs et bien constants ; il a soin de prendre beau- coup de latitude ; il avoue , et c’est une remarque que nous aurons encore l’oecasion de faire dans le cours de celte discussion , il confesse que la lune ne peut pas toujours toute chose ; elle ne peut pas toujours pro- duire son effet spécial. Ainsi, lorsque la chance n’a- mène rien de favorable, alors on en reporte la faute sur des accidents contrariants , et on croit ainsi sauver le système ; mais si la chance a été heureuse , oh! alors tous les accidents possibles qui peuvent avoir donné lieu au résultat ne sont, ce semble, plus rien ; on met tout sur le compte de la théorie , et le système est dit évidemment prouvé par des faits irrécusables. Qui ne voit pourtant qu'avec cette manière de procéder en fait de preuve , on peut parvenir à se persuader toute chose au monde , et à croire avec Virgile que le septième et surtout le dixième jour de lune doivent être choisis pour planter les vignes , pour ployer les bœufs au joug , et encore pour tisser la toile ; que le neuvième est favo- rable aux voyageurs, mais que les voleurs doivent ( 80 ) l'éviter (1). Ainsi pareillement quelques personnes se sont convaineues de dla vérité de certains pronostics ou axiomes concernant les douze jours après Noël , le ma- riage des vents à la Saint-Denis, la pluie tombant le dimanche avant l’eau bénite, les quarante jours après la Saint-Benoît, etc. , etc. ; de la même manière encore sont venues ces observances du temps de la lune pour maintes opérations dans les champs, dansles jardins et dans nos celliers. Dans les temps éloignés de nous on a souvent voulu faire honneur à la lune d'effets aussi variés que prodi- gieux. De nos jours encore, Bernardin de Saint-Pierre, fondé beaucoup ‘plus sur lautorité de Pline l'ancien que sur l'expérience , reconnaît en elle le pouvoir de liquéfier la neige et de dissoudre la glace des deux pôles. Il y voit la cause des marées, quoique dans un sens bien différent de eelui de tous les philosophes ses : devanciers et ses successeurs : tout au contraire, quel- ques-uns de ces derniers, prenant ici probablement l'effet pour la cause , et trouvant que sa lumière ne brille ja- mais d’un plus vif éclat que quand l'air est très-froid , maintiennent que c’est elle qui produit la gelée et forme la glace. Que d'incertitude donc plane encore mainte- nant, fon-seulement sur la force, mais même sur la nature , sur la vérité des effets attribués à la lune ! Cet astre, au milieu de nos nuits, est trop remarquable, trop utile pour que l'esprit de l'homme ; toujours guidé par (1) Ipsa dies alios alio dedit ordine luna Felices operum....s...... ss. Et prensos domitare boves, et licia telæ Addere : nona fugæ melior, contraria furtis. Georg, 1., 276, etc, (81) un principe inné , l'analogie, ne lui ait pas souven at- tribué une utilité , une influence imaginaire ; il est trop singulier dans ses phases, trop bizarre pour ainsi dire dans ses mouvements, trop mystérieux dans les acei- dents que produit sa lumière argentine, douteuse et vacillante , pour ne pas prêter , non-seulement à toutes les absurdités d’ames crédules, craintives et ignorantes, mais aussi aux rêves du théoriste et du praticien, à Penthousiasme du poète et du naturaliste, Les corps organiques du moins ne nous dévoileront- ils pas quelques effets frappants de l'influence lunaire ? Ces effets, assez faibles d’ailleurs pour ne pas être uni- versellement admis, sont ordinairement représentés comme résultant de l'action des rayons de la lune ou de la lumière qu'ils excitent ; et vraiment, si c'était seulement comme masse, comme corps doué d’attrac- tion que ce satellite agit sur les plantes, par exemple, alors, sauf quelques petites modifications que sa po- sition relative par rapport au soleil pourrait apporter, les effets qu'il produirait sur les végétaux seraient tous les jours les mêmes, puisque tous les jours la lune , qu'elle soit visible ou non, vient à l’est, passe au mé- ridien et va rejoindre l’ouest ; de plus, ils présenteraient tous les jours un rapport constant, d'un côté avec les heures très-variables du lever et du coucher de la lune, et de l’autre avec son périgée et son apogée , aussi bien qu'avec ses différents dégrés de déclinaison. Mais ce ne sont point des phénomènes de cette sorte qu'on ré- clame en faveur de cet astre ; tous ceux qu'on lui at- tribue sur le règne végétal suivent l’ordre des phases. Occasionnés, dit-on, par les rayons lumineux , ils sont plus grands lorsque la lune approche de son plein, et moindres ou nuls, ou même contraires, lorsqu'elle est dans son décours. lei se présente tout d'abord une ebservation qui paraîtra sans doute un peu contrartante : 11 (82) celui qui reconnaît les effets produits par la lumière lunaire, et qui les trouve augmentant en proportion que le disque éclairé se tourne vers nous , devrait, si son système est vrai, avoir remarqué de très-grandes différences dans leur intensité, considérées à de mêmes époques et lors des mêmes phases; par exemple, la lune étant pleine lors de sa plus grande distance de nous, n’envoye à la terre que deux tiers des rayons qu'elle lui fait parvenir lorsque, dans la même phase , elle est le plus près de nous possible (1). Dans le dernier cas les effets, s'ils croissent en proportion du nombre des rayons, seront d’une quantité considérable, c’est-à-dire d'un tiers plus grands que dans le premier. Cependant cette différence ne paraît pas avoir été observée par les horticulteurs physiciens ; bien plus, on ne paraît pas avoir pensé à en tenir compte , ni même réfléchi sur la nécessité de son existence. Toute personne tant soit peu versée dans l'étude des phénomènes atmosphériques ‘et dans ceux de la végéta- tion, n’aura aucune difficulté à reconnaître, en général (2), que la lumière est ou peut bien être un agent des mouvements de la sève (3); mais il ne suffit pas qu'il soit possible, qu'il soit probable même que la lumière excitée par les rayons de la lune agisse sur les plantes ; cette action , pour être crue , doit être rendue sensible ; les circonstances de la découverte doivent être indi- (1) Le diamètre de la pleine lune à l'apogée est à celui du périgée à- peu- près comme 5 à 6; conséquemment la surface rayonnante est comme 25 à 36, c’est-à-dire environ comme 2 à 3. (2) Quelques naturalistes praticiens maintiennent qu'une forte lu- miére artihicielle, celle par exemple de flambeaux, est capable de rompre le sommeil des plantes. 2 die, de . St +4 (3) Quelques-uns ont enseigné que la lumière hätait la maturité du fruit dans nos fruitiers. (83) quées, et les faits doivent être de nature, je ne dirat pas à commander l’assentiment , mais du moins à prévenir tout soupçon de cette illusion que l'amour paternel pour un système est presque sûr de créer. On nous a écrit que « des graines semées dans les » deux derniers jours de la nouvelle lune, et dans son » croissant, éprouvatent dans leur sève un mouvement » ‘plus considérable d’ascension jusqu’à la pleine lune ; » qu'il valait mieux greffer à œil poussant dans le même » intervalle; qu’alors aussi les arbres dont on taillait » les branches éprouvaient une plus grande perte de » sève, et que ceux qu'on abattait étaient plus faciles à » se décomposer. (x) » Mais ne peut-on pas d’abord de- mander si ces faits sont très-sensibles, assez sensibles pour convaincre celui qui a nié et qui doute encore ? Peut-on même présenter comme faits, péut-on appeler faits des différences en plus ou moins, ces différences surtout que l'attention peut à peine suivre, que la prévention seule peut avoir remarquées? Une branche de vigne ; tout le monde le sait, pleure après l'opération de la taille; eh bien! on compte les gouites qui en sortent, et si par hasard peut-être, lorsque la lune est croissante, on en trouve une ou deux de plus que lors= qu'elle est en son déclin, alors, au lieu de chercher dans Fétat hygrométrique de l'atmosphère ou du so! la canse peut-être seulement casuelle d’une différence si petite, on en prend acte pour y asseoir tout un système, On aura, il est vrai, préalablement déclaré que /a température n'élant pas trop basse, le moindre effort peut élever le fluide séveux dans les vaisseaux capillaires des plantes. Cela est assurément très-vraisemblable ; il est de plus très-possible que le petit excitement occasionné (1) Lettre de M. Féburier à l'auteur du présent mémoire. rte (84) par les rayons de la lune soit capable d’un petit effort; cependant toute la difliculté reste : il faut prouver que l'effort a été produit, et qu'il est le fait de la lune; il faut trouver le moyen de bien détacher ce petit effet additionnel opéré par la lune, des effets constants et si puissants que le soleil opère (x). Un auteur anglais, que M. F. reconnaît peut-être comme son maître ou son disciple (2), a cru pouvoir avancer que la sève est ascendante dans la première partie des lunaisons, et qu’elle atteint le sommet des arbres avec la pleine lune; qu’ensuite elle descend à proportion que l'orbe lumineux décroit. Disons-le sans craindre d’être désavoué par la majorité des physi- ciens, si de tels effets existent et sont incontestables, assurément ils résultent d’un pouvoir entièrement in- connu jusqu'à nos jours. La lune aurait ici une in- fluence dont le principe est ignoré ; il faudrait reconnaî- tre quelques lois dans la nature, quelques principes de mouvement dans la matière, quelque qualité, quelque vertu, qui n'ont point encore été découvertes. On ne pourrait point attribuer cet eflet à la lune comme masse et corps doué d'attraction, ni à la lune comme corps lumineux. Comme masse elle agit également tous les jours, tant à son opposition qu'à sa conjoné- tion; toute la différence dans son pouvoir proviendra de son approche vers l'apogée ou le périgée, et le mouvement de ces points de lorbite est entièrement indépendant des phases. Commé corps lumineux, elle n'agit que lorsqu'elle. est sur l’horison : encore son pouvoir sera-t-il diminué, annulé même quelquefois par (1) Bouguer a trouvé par l'expérience que la lumière de la pleine June est trois cent mille fois plus faible que celle du soleil. (7% La Place, Exp. du Système du Monde, 1re partie). €2) Revue britannique , n° 5, nov. 1825. (55 ) l’interposilion des nuages; toujours sera-t-il'st petit en comparaison du pouvoir souvent simultané du soleil, qu'on n'en pourra point discerner les eflets, qui sont propres à la planète. Enfin, si ses effets provenaient de l’action des rayons, il semblerait qu'ils devraient augmenter encore pour quelque temps après la pleine lune et après le moment du périgée, comme les effets des rayons du soleil sur l'atmosphère augmentent encore après le solstice d'été, et sont plus grands après ce moment qu'auparavant. Depuis qu'on a remarqué que la sève s'élève non- seulement dans les végétaux, mais qu’elle y a aussi un mouvement contraire, lhorticulteur philosophe a étudié la marche alternative de ce fluide ; il a cher- ché les lois qui gouvernent ses différents mouvements. Quand les phénomènes les plus frappants de la végé- tation ont ét£ connus, alors on a voulu considérer les choses de. plus près; c’est ainsi que le naturaliste, après avoir suivi l’histoire des grands animaux et des grands végétaux , renforcit sa vue par des verres, pour observer les animaux et les plantes microsco- piques. Dans là plupart des sciences on est mainte- nant parvenu presque à linfiniment petit, et là vraiment se trouvent bien des dangers d'erreur et d'illusion. Il est probable que tant que le végétal a vie ,et que, même dans l'hiver, la sève est constam- ment ascendante et aussi constamment descendante , ici très-vraisembiablement il n'y a de différence que du plus au moins dans la force individuelle et dans la force relative de ces deux mouvements. Ainsi, il est constant qu'au renouvellement annuel de la na- ture , la vitesse de la-sève est augmentée , la quantité du flaide en mouvement plus grande : ainsi encore , suivant du moins quelques-uns, la sève montante est plus abondante au printemps, et la sève descendante ( 86 ) plus copiense en mouvement d’août, Maintenant on publie qu’on a remarqué dans les phénomènes de la sève des diflérences qui ont des rapports avec les phases de la lune ; mais que veut-on dire, en An- gleterre et en France, quand on annonce que la sève monte depuis la nouvelle jusqu'à la pleine lune, et qu'elle descend ensuite quand lastre est dans son déclin? Voudrait-on maintenir que dans des beaux jours de printemps, sous l'influence puissante d’un soleil chaud et vivifiant , la sève ne monte pas, pen- dant le jour, tout le temps que la lune est en décours? Qui serait assez hardi pour avancer ceci comme un fait? Nous croyons sincèrement qu'aucun théoriste ne va jusque là. Si on veut seulement enseigner que la sève monte quand la lune croît , et qu’elle descend quand la lune est décroissante , cela est incontestable ; mais on pourrait également déclarer qu'elle descend dans le pre- mier cas et monte dans le second, puisque, dans une supposition très-probable , la sève a constamment et simultanément les deux mouvements contraires. On sera donc réduit à dire qu'elle monte plus fortement lorsque la portion illuminée de la lune augmente par rapport à nous, et qu'elle descend en plus grande quantité quand cette même apparence diminue. Alors nous voici revenus à ces différences vagues et incer- taines que l’on voudrait appeler des faits ; différences en plus ou en moins, qui prêtent tant à l'illusion, et contre l'admission desquelles il est souvent bien per- mis de réclamer. Nous disons souvent, mais nous ne voudrions pas assurément dire toujours, car, sans sortir de notre sujet, le physicien même, celui qui reconnaît, dans tous les temps de l’année, un double mouvement dans la sève, ne nierait pas qu'à certaines époques ce mouvement est beaucoup plus sensible que dans d’autres. (87 ) D'ailleurs, et disons-le ici à l'industriel, ce qui sur- prendra , au politique, à l'administrateur, ces discus- sions sur le mouvement de la sève ne sont pas en- tièrement oïiseuses; elles ne sont pas sans quelques rapports avec la pratique, sur des points même qui concernent l’économie politique aussi bien que l’éco- nomie domestique. Ceux qui assurent que la sève monte dans la première partie des lunaisons, et descend dans la dernière, en tirent des conclusions qui conduiraient à un choix des temps de la lune pour abattre le bois, et assurément sous ce point de vue les questions élevées ici (1) prennent un grand intérêt. Toutefois, ceux qui doutent des effets sensibles et appréciables de l'influence lunaire sur la sève croyent que, dans un siècle où on aime à revenir sur les anciennes opinions, à vanter QG) Il semble qu'on ne soit pas beaucoup d'accord même sur l’avan- ge de couper le bois, lorsqu'il est plus ou moins plein de sève. La théorie ici est douteuse, et la pratique n’a mis rien au-delà d'une contestation raisonnable. Peut-être les différentes espèces d'arbres ne doivent pas, sur ce point, être traitées de la mème manière. Ici, et dans beaucoup de circonstances à-peu-près semblables, on peut s'étonner de l'ignorance des siècles passés et de celle de notre siècle. Il serait si aise pour des hommes qui ont beaucoup de loisir, d'en consacrer une petite portion à des expériences qui ne leur demanderaient qu’un peu d’atten- on et de bonne volonté. Qui ne pourrait, pour ne pas sortir du sujet ici traité, se procurer quelques morceaux de bois de différentes es— pèces, coupés en différents temps de l’année, dans l’hiver et au prin- temps, ou mème dans les différentes phases de la lune, et observer ensuite , pendant quelques années , les différences de certains eflets que pourraient occasionner la sécheresse et l'humidité, le froid et le chaud, puis comparer leur dureté relative, leur tendance plus ou moins grande à résister ou à céder à l'intempérie de l'air, et à l'attaque, soit des insectes, soit de certaines maladies ? Assurément ces observations coûteraient bien peu de sacrifices, soit d'argent ; soit de repos. IL est quelquefois si aisé de se rendre utile! Nous observerons encore que nous avons entendu recommander l'immersion du bois de hètre pendant plusieurs mois avant la mise en œuvre. ( 88 ) la sagesse antique, et jusqu'à justifier les proverbes des bons vieux temps, on peut leur permettre de soup- çonner que depuis quelque temps on s'est assez géné- ralement épris d’une estime toute nouvelle en faveur de doctrines qui avaient été abandonnées. Ils peuvent croire que ce ne sont pas toujours, même à présent, les faits qui conduisent au système, mais que le sys- tème élant vu avec prédilection, on a cherché des faits pour l’appuyer , et nous savons tous que, dans de pareils cas, on ne cherche pas long-temps sans trouver. Ce qui surprendra aussi beaucoup de personnes, et ce qui n’est assurément pas capable de concilier, sans des preuves bien incontestables, un grand nombre de partisans aux influences lunaires sur les plantes, c’est que ceux qui disent que la lune fait monter la sève dans les tubes capillaires des végétaux, sont les mêmes qui désignent cet astre comme la cause des petites gelées qui, dans les premières heures du jour , vers l’équi- noxe du printemps, au mois d'avril, roussissent , flétris- sent et perdent les jeunes pousses. Il est vrai que peu de physiciens accoutumés à considérer les phénomènes que la nature nous offre, et ceux que les manipulations chimiques produisent sous nos yeux, se sentiront portés à nier que la même cause ne puisse produire des effets diamétralement opposés; cependant l'application de ce principe ou de cette concession à un fait ou une série de faits, a besoin de preuves. Aussi, pour obtenir plus aisément notre foi en ce double pouvoir de la lune, on assure que pareillement les rayons du soleil pro- duisent le froid aussi bien que la chaleur, le froid dès le matin, à son lever, quand sa lumière agit douce- ment et légèrement, ensuite de la chaleur lorsqu'il s'élève sur horizon et répand des torrents de lumière, En preuve du froid produit par le soleil levant , on cite une expérience où , en recueillant alors ses rayons ( 89 ) avec un miroir et les réfléchissant dessus un vase rempli d'eau, on procure la congélation du liquide. Ce- pendant il est fort aisé de se rendre compte de cette congélation sans avoir recours à des rayons réfrigérants ; on peut maintenir comme au moins possible que cet effet provient du refroidissement occasionné par une évaporation encouragée par les rayons réfléchis. Après quelques moments tout change ; la chaleur occasionnée par les rayons du soleil l'emporte sur Île froid qui résulte de l’évaporation , et ainsi au sentiment de froid succède celui de chaleur. I est plus que probable que les rayons du soleil, réfléchis de la même manière sur le globe d’un thermomètre bien sec, ne feraient pas descendre le liquide dans le tube. D'ailleurs , que les rayons du soleil à son lever occasionnent du froid , que cet effet soit augmenté à raison du nombre des rayons réfléchis sur un objet, on n’en peut guère conclure même la probabilité d’une pareille vertu dans les rayons de notre satellite. Le raisonnement même dont on se sert pour tirer parti de celte expérience, qui d’ailleurs nous est inconnue ,; semble peu exact. Les rayons du soleil sont réfrigérants, dit-on, quand ils agissent légè- rement , doucement, et c’est le cas au lever de cet astre, Mais ne pouvons-nous pas répondre que , dans l'expérience citée, le nombre des rayons du soleil qui tombent sur la surface de l’eau, étant doublé par l’ac- cession des rayons réfléchis, l’action des rayons doit être moins douce, moins légère , et qu’ainsi, au lieu d’occasionner un plus grand refroidissement , ils doivent être moins réfrigérants ? Il n'est pas nécessaire de faire observer ici que ce raisonnement suppose toujours l'exactitude de l'expérience annoncée. Quant aux accidents qui détruisent les espérances , soit de nos jardins, soit de nos vergers, en détruisant les fleurs et les tendres pousses, une saine physique 12 (90 ) ne peut, ce nous semble, les attribuer aux rayons de la lune, ni conséquemment admettre la lune rousse, ou plutôt ce qu'on entend par cette expression. Les effets fâcheux des gelées printannières n'arrivent que vers le lever du soleil ; ils n’ont aucun rapport ni avec les phases de la lune, ni même avec son existence sur l’ho- rison. Il y a des gelées blanches en avril et dans l’au- tomne, dans toutes les phases de l'astre auquel on voudrait les rattacher. Si la lune est en son plein, elle aura lui toute la nuit, et cependant les plantes ne roussiront qu'à l'approche du jour ; si la lune est nou- velle , aucun de ses rayons n'aura frappé les plantes , et elles n’en seront pas moins endommagées. Ici, comme en bien d’autres circonstances, la lune d'avril doit être prise pour le mois même qui porte ce nom, et il se- rait un peu moins inexact de parler du mois roux que de la Zune rousse. Tout en reconnaissant la grande et soudaine ab- sorption de calorique qui doit avoir lieu sur une fleur et une tendre pousse, lorsque , couvertes de frimats de la nuit, elles reçoivent les premiers rayons d’un soleil étincelant à travers une atmosphère pure et transparente, reconnaissant pareillement le refroidissement qui doit être occasionné par la double transition du frimat en cau et de l'eau en vapeur, nous sommes plus portés à croire que c’est moins un refroidissement occasionné dans des objets déjà très-froids, qu'une chaleur trop soudaine et un mouvement trop rapide produits dans des fleurs et des boutons par un soleil actif, quoique uaissant , qui détruit l'économie végétale, C’est un eflet entièrement semblable à celui que l’économie animale éprouve dans les mêmes cas. Exposons à une chaleur même modérée, une main, je ne dirai pas gelée, mais simplement très-froide , alors le mouvement des fluides, qui se rétablit ou s'augmente d'une manière un peu trop (gr ) brusque dans des parties resserrées et retirées, par le froid, se fait infailliblement avec effort et avec peine. La douleur que nous ressentons indique des déchirements ; ces déchirements deviendront terribles si le chiange- ment de température est rendu trop soudain, la perte de la main peut en être la conséquence. De même sans doute le faible tissu d'une plante , d'un bouton, d'une tendre pousse sera certainement déchiré par une tran- sition à-peu-près semblable, lorsque condensé, res- serré par la gelée, il reçoit soudainement les rayons d’un soleil qui se lève sans nuages dans lorient. Le remède dans les deux cas présente aussi une grande analogie. On applique de la neige sur le membre gelé, et on arrose copieusement la plante que la gelée blan- che a attaquée. Il est des corps organiques qui, à cause d’un tissu plus fin, d’une fibre plus délicate, d’une économie tout à la fois décelant plus d'art, et étant plus aisé- ment dérangés , paraissant encore plus propres que les plantes à être affectés par des influences mème légères, et à nous en faire suivre et saisir les moindres effets. Ici, l’homme trouvant en lui-même la perfection, sous plus d’un rapport du moins, de l’économie ani- male, et appartenant à celte classe supérieure douée d’une organisation subtile, il n'a, pour ainsi dire, qu'à s'étudier, qu'à se considérer lui-même, pour s'assurer si la fibre animale ou les fluides qui, soit la parcourent et l'abreuvent , soit l’animent et lui impriment du mou- vement, sont sujets à des secousses , à des affections pé- riodiques qui aient rapport avec, soit les phases de la lune , soit la distance de cette planète de la terre, soit sa déclinaison, Eh bien ! là où nous devrions sans doute, ce me semble, trouver plus de preuves des influences lunaires, c'est là où on en trouve le moins, où on n’en trouve point, et, dans cette partie de la discussion, 12. Cg2) qui aurait dù être la plus intéressante , et où les faits auraient dù être le plus nombreux et le mieux con- statés, on ne trouve presque rien à réfuter, rien à expli- quer, rien à dire. A la vérité, presque toutes les nations anciennes et modernes ont adopté, pour désigner celui qui est sujet à des aliénations mentales, le mot lunatique où un mot de semblable acception. Ce concert semble d’abord déposer bien haut en faveur d'influences lunaires sur l'organisation de l’homme. Cependant , quelque puisse être l’origine, soit du vocable lui-même, soit de l’o- pinion qu'il représente , on peut, ce me semble, dire qu'à présent l'opinion ne reste plus guère que sur le mot, et que le mot est de nos jours presque la seule garantie de l'opinion. Nous l’avons trouvée dé- savouée par tous les hommes de l’art, tant en An- gleterre qu'en France ; rarement fournit-elle matière à discussion ou même à conversation, et elle paraît tombée dans une espèce de désuétude et d’oubli. D'un autre côté, les avis que contiennent encore peut-être certains almanachs nouveaux , coutinués sous des titres et des formes antiques, ne sont plus écoutés, même par la faiblesse de l’âge; et, pour suivre les ordonnances de la thérapeutique , on ne considère plus si on est ou n'est pas en décours. Partout, dans cette question, le pré- jugé a cédé à une expérience journalière et personnelle. Aussi, tandis que les exaspérations dans les maladies chroniques sont si souvent attribuées à l’état de l’atmos- phère et au rhumb des vents, aucune, que nous sachions, n'est reportée sur la lune. Quelques médecins, soit répondant à l'appel fait par un de nos confrères (x), soit le prévenant, ont fait à dessein des observations suivies (1) Précis des travaux de l'Académie de Rouen, 1808, page 160. (93 ) pour s'assurer si cet astre, lors de quelques - unes de ses phases, occasionnait quelques effets sur l'économie animale dans des personnes en santé ou affligées de certaines fièvres ou de certaines maladies, et jamais ils n'en ont découvert aucun. Personne toutefois ne niera l'existence de certains effets de la lune sur l’homme, et en général sur lé- conomie animale; mais ici encore, comme partout ailleurs, ce satellite agit comme corps lumineux. Faible en comparaison de celle du soleil, sa lumière est assez grande pour agir puissamment sur nos yeux ; quoique couverts mème de leur paupière; elle inter- rompt quelquefois notre sommeil, et l’excitement qu’elle occasionne dans certaines circonstances et dans certaines crises de fièvre, pourrait , selon lopinion d’un médecin éclairé de notre ville, avoir créé l’o- pinion qui a donné lieu au mot lunatique. De plus, cet aise de l'esprit, cette élévation de lame, cette émo- tion douce et agréable que l’action du soleil sur nos sens produit ordinairement dans l’homme, peuvent aussi jusqu'à un certain degré être produits par les rayons de la lune. Quelque soit la source de la lumière , le soleil, une planète, ou le plus commun des combus- tibles à notre usage, son action est toujours fort sen- sible , et il est plus que probable qu’elle ne se borne pas entièrement au sens de la vue. On peut conclure de tout ceci que l'influence lunaire sur le règne animal est bien peu sensible ; et, comme nous avons déjà vu que, faisant abstraction du mouvement des marées, cette influence est bien faible sur les corps inorganiques, bien faible encore , et en bien des cir- constances purement hypothétiques, sur les végétaux ; nous pouvons dire en général qu'à bien peu de choses se réduisent ces effets constants, réguliers et uniformes qu'on peut attribuer à la lune. ( 94) Mais, tandis que les effets constants et réguliers des in- fluences lunaires , quels qu'ils puissent être dans l'étendue des trois règnes, sont partout trop faibles, trop insensibles pour intéresser d’autres observateurs que les savants, il y a dans la nature des phénomènes frappants et presque journaliers , des phénomènes contribuant trop, soit aux aises, soit aux inconvénients de la vie privée et publique , pour ne pas occuper l'attention de la généra- lité des hommes, et qui, par beaucoup d’entre eux, sans distinction de plus ou de moins de connaissances acquises, sont attribués à des influences exercées par le satellite de notre planète. Cette espèce de phéno- mènes compose notre seconde classe d'effets dont la lune est réputée la cause ; nous les avons appelés effets irréguliers et inconstants, parce qu'ils n’ont point de caractère particulier, et qu'ils ne sont point, en un lieu donné, les mêmes dans les mêmes phases, ni les mêmes en différents lieux dans le même temps. Il fait sec, on aurait besoin de pluie , on l’espère à la nouvelle ou à la pleine lune , ou encore quelquefois, quoique peut- être avec moins de confiance, aux quadratures; si le temps eût été opiniätrement humide on aurait espéré du sec aux mêmes phases. L’habitant de nos contrées méridionales attend souvent de la pluie de la même lune et de la même phase de lune dont lhabitant des contrées septentrionales attend avec autant de raison le retour d’un ciel serein. C’est le temps précé- dent qui alors décide de la nature de l’eflet ; mais l'effet attendu est toujours quelque changement. Si aucun n’a eu lieu, on se réjouit ou on s’afflige , suivant les circonstances et les besoins immédiats de chacun ; mais on se résigne : le moment critique est passé, il laut attendre jusqu’à la phase suivante. Pour rejeter toute espèce de foi en cette influence que la lune, selon quelques personnes, exerce ; dans ses (95 ) principales phases , sur l’atmosphère et sur les phéno- mènes atmosphériques, il ne suffit certainement pas d’objecter qu'on ne peut se rendre raison de cette in- fluence , et que sa nature est entièrement , soit ignorée , soit incompréhensible. Dans l'histoire naturelle, il n’est guère donné à l’homme de connaître autre chose que les effets : veut-il aller jusqu'aux causes et à la nature des causes, de ce moment tout est pour lui un mystère dont rien ne lui soulevera le voile. Le premier pas dans l'étude des connaissances physiques nous place dans une situation qui exige les plus grands sacrifices de notre intelligence ; et lhomme qui, après avoir reconnu l'existence de l'attraction, cette première loi de lPuni- vers matériel, vient à réfléchir sur les effets qui en résul- tent, pour remonter à leur cause, cet homme a déjà reçu une grande leçon, il a dû bien y apprendre à ne presque rien croire d'impossible , ou du moins à ne rien regarder comme tel, sous le prétexte d’une appa- rente impossibilité. L’attraction , je le confesse , me confond , et en me confondant atterre ma raison et la dispose à presque tout admettre. Le génie qui la découvrit ne voulut pas, n'aurait pas certainement pu la définir ; il ne voulut que donner un nom à ce pouvoir inconnu , à cette cause cachée dont l'effet sur la ma- üière et sur les masses matérielles est un effort mutuel et réciproque vers le rapprochement et lunion. Tous les corps tendent à s'approcher, à s'unir, et si aucun obstacle invincible en soi ou par la nature des cir- constances ne s’y oppose, ils s’approchent en eflet et se réunissent. Voilà ce que le philosophe anglais a voulu exprimer par le mot attraction , et voilà une influence réciproque et universelle qui absolument inconcevable, prépare notre esprit, dès le commen- cement de nos études, à se réconcilier avec toutes les espèces d'influences que nous devons trouver ensuite (95 ) sur notre chemin, dans le cours de nos observations. Les influences lunaires , telles même qu’elles sont représentées par le plus hardi , ‘le plus avantureux enthousiasme, confessons-le franchement , n’ont rien de plus éloigné de la portée de notre intelligence que les phénomènes de l'attraction. Voici, nous disons-nous à nous-mèême, dans un moment d'abstraction et de méditation, voici un corps pesant et matériel, une masse lourde, insensible, où n'existe aucun principe d'activité, où ne réside qu’une inertie complète et un morne repos, symbole de mort, un corps enfin autant étranger à iout mouvement spontané qu'à la pensée. Si nous supposons ce corps seul dans le vide immense , infini, alors, dans sa complète indiffé- rence soit au mouvement en général, soit au mouve- ment en un sens plutôt qu'en un autre , il demeurerait, ce semble, pour toute l'éternité, parfaitement immo- bile ; mais que la voix du créateur appelle , des profon- deurs du néant, un second corps aussi insensible , aussi inerte que le premier, et voilà que tout-à-coup cet ancien et immobile inhabitant de l’espace semble à l'instant même revêtu de facultés actives et comme spontanées; il s'ébranle, il se meut, il devient animé pour ainsi dire, et il se porte avec un mouvement accéléré vers ce nouveau Corps, qui, quoique semblable à lui en insensibilité et en inertie, lui épargne une partie du chemin, et s'’avance de son côté comme doué d'une même sympathie. (1) Quand bien même ces deux corps auraient été, dans le commencement, séparés par un espace presque infini, et qu'une éternité presque fût (1) Si on supposait le premier corps en mouvement , alors le second corps , dès le premier moment de son existence , changerait ou du moins modiferait le mouvement du premier; le pouvoir d'attraction produirait toujours son effet, et cet effet serait toujours incompréhensible. (97) nécessaire pour effectuer leur réunion , oui, mémealors, à cette distance immense , ils se sentiraient , si je puis m'exprimer ainsi, ils se sentiraient, ils se verraient l’un L'autre, ils se précipiteraient l'un vers l’autre, et paraîtraient tous Les deux animés d’un mouvement qui, suivant notre manière de voir, semblerait ne devoir être le partage que de la vie et de l'intelligence. Tel serait l'effet de l'attraction , Messieurs, si toute la matière créée était réunie en seulement deux masses , et qu'au- cune force semblable à celle que les astronomes appellent la force projectile, ne balançait et ne modifiait le pouvoir de l'attraction, sans toutefois le détruire. Dans le présent ordre des choses, un grand nombre de corps peuple l'univers et sillonne l'espace ; ainsi le jeu des attractions différentes se multiplie et se complique ; mais il n’en est, à dire vrai, que plus étonnant ; comme il n'en est que plus difficile à suivre ; et même quelquefois à reconnaître. D'un autre côté, l'attraction dans l'univers est encore modifiée dans ses effets par un pouvoir aussi étonnant qu’elle l'est elle-même par ce pouvoir qu'on appelle force de projection , et qui, s'opposant aux masses qui tendent à se réunir, fait circuler la plus légère au- tour de la plus pesante ; combinaison admirable due à une intelligence infinie , et sans laquelle tous les corps matériels placés à des distances moindres que l'infini, ne présenteraient bientôt qu'une seule masse, Sans la force de projection , chaque satellite s’unirait à sa planète principale, chaque planète rejoindrait le soleil, centre du système auquel elle appartient, tous les soleils de tous les différents systèmes se por- teraient l’un vers l’autre , et ne formeraient enfin qu'un grand tout, qu'un seul corps énorme , immense, infini, et de plus éternellement immobile, La variété des mouvements dans les différents corps 13 (98) qui appartiennent à notre système solaire et la mul- tiplicité de ces corps eux-mêmes, ont sur notre es- prit un effet qu’on ne remarque peut-être pas suffisam- ment , et qui est fort différent de celui qui peut-être serait produit par la vue de mouvements moins com- pliqués et d'objets moins nombreux. Qu'un globe, qu'un corps quelconque se présente seul et paraisse doué d’un mouvement progressif, il est sûr d'attirer et de fixer notre attention, et aussi d’exciter notre curiosité à connaître la cause qui le fait mouvoir; mais si un grand nombre de corps animés de différents mouve- ments s’ofire à notre vue, alors, soit que l'impression partant de plusieurs points divise l'attention et ne produise réellement pas la même force et la même vivacité, soit que toute recherche paraisse alors inu- tile, toujours du moins voit-on qu’alors l’homme se contente d’une admiration vague et pour ainsi dire stupide. Ainsi, ce n'a été qu'en dégageant l'attraction de ses accessoires , ce n’a été qu'en la considérant seule et dans ses accidents les plus simples , que nous avons pu, ce semble , nous rendre sensible et peut-être aussi faire pareillement sentir aux autres tout ce que cette force d'attraction a vraiment d'étonnant ; c’est ainsi, du moins, que nous avons appris à ne pas rejeter les influences planétaires par Le seul motif que leur manière d'agir nous est tout-à-fait inconnue. De plus, le mouvement des astres ne fait point , à la distance où nous sommes placés, une vive impression ; on peut quasi dire qu'il n’agit point sur nos sens, et que nous ne le connaissons qu'à l’aide de la mémoire et de la réflexion. Nous nous rappelons que la lune , par exemple , était il y a quelques moments à un point du ciel, et maintenant nous la voyons à un autre ; de à nous concluons qu’elle s’est mue. Nous admirons tranquillement, mais rien ne nous a ébranlé , rien ne (99 ) nous à frappés. Parcillement si nous montrons à un enfant une pendule qui n’a que l'aiguille des heures , et si, lui ayant fait remarquer le point du cadran où est l'aiguille , nous voulons, un quart-d’heure où plus après le convaincre qu’elle marche, parce qu’elle n'est plus au même point où il l'avait vue d’abord, il écoute notre remarque sans attention , et regarde Pinstrument sans beaucoup d'intérêt ; maïs si la pen- dule a cette aiguille des secondes qui parcourt rapi- dement et à vue d'œil la circonférence du cadran , alors il est vivement intéressé par ce mouvement ra- pide , symbole de la vie ; il admire, et sa curiosité, par rapport à la cause , est excitée. Quelle impression ne ferait point pareillement sur nous le mouvement de la lune , si stationnés sur un point de l’espace nous voyions cet imposant satellite se rouler majestueuse- ment dans son orbite, en traversant environ un quart de lieue par seconde ! avec quel degré de stupeur n’observerions-nous pas ce mouvement composé de deux pouvoirs , la force d'attraction et la force de projection ! Par l'attraction, les corps agissent l’un sur l’autre, à la manière des esprits ou du moins d’une manière que nous regardons comme appartenant aux esprits et n'appartenant qu'à eux ; ils agissent à distance et non point par contact immédiat, c’est-à-dire , leur mode d'action n’est point celui que nous croyons le seul donné à la matière et aux corps matériels. Par elle, malsré l'éloignement où ils se trouvent , ils entrent en rapport, ou plutôt ils sont constamment en rapport les uns avec les autres ; ils produisent les uns sur les au- tres des effets sensibles, frappants, des eflets accom- pagnés du symbole de la vie, le mouvement spon- tané, Oui, Messieurs, je le répète, et ne puis, ce me semble , assez le répéter, quand on s'est formé Y2 ‘ ( 100 ) de cette loi générale de la nature qu’on appelle attrac- ton une idée juste et véritable, quand on l'a saisie dans tout ce qu'elle a d'étonnant, de contradictoire , j'oserais quasi dire à nos notions les plus communes, les plus accréditées , et selon la mamière humaine de voir les plus justes , alors, oui certainement alors on ne se permeitra pas de nier les influences de la lune sur les changements irréguliers de notre atmos- phère , simplement parce qu'on ne peut en comprendre l’action et le jeu. Toutefois, Messieurs , après avoir reconnu incon- testablement de bonne foi les bornes des connaissances humaines, il nous sera permis sans doute de montrer ce que ces Connaissances, telles qu’elles peuvent être, ont d'étendue et ce qu'elles ont de certain. On peut abaisser l'homme sans toutefois l'avilir. Il y a chez lui et dans sa nature quelque chose de si étonnamment grand qu'on peut lui ôter beaucoup sans qu’il paraisse se rapelisser ; ses richesses intellectuelles semblent ne rien perdre par les plus fortes défalcations. L'homme ne devant pouvoir ni changer, ni modifier la nature des choses , il est évident que ioute connaisance de la constitution naturelle des corps, aussi bien que la nature des principes qui régissent, soit leur mouvement , soit leur influence, lui était absolument inutile, Mais l'homme connaît les lois auxquelles sont soumis les corps, ou du moins il est sùr de connaître plusieurs de ces lois, et surtout, oui surtout, il connaît la fixité, l'immutabilité de toutes les lois naturelles , quelles qu'elles puissent être. Cette connaissance lui était presque indispensable ; comment pourrait-il sans elle exercer Ce domaine secondaire et toutefois admirable , et merveilleux qu'il exerce sur la eréation ? Ainsi, tout ce qui est autour de Jui est pour lui, si vous le voulez, un problème , une énigme, un secret impénétrable ; mais, EN (101 ) d'un autre côté, il voit, il réfléchit, il combine, ül raisonne ; là ilest sur son terrein, là il est fort, et sa force est immense. Il a vu, il a éprouvé; le passé est à lui. L'expérience et l'induction, voilà les sources de ses connaissances pour le présent; il compte sur la fixiié, sur l'invariabilité des lois de la nature pour le futur ; là il ne peut jamais être trompé , et il ne peut se tromper ; il compte sur l'identité des eflets produits par les causes premières, quelqu'elles soient ; en cela est son savoir , en cela réside son infaillibilité. ignore ce que c’est que l'attraction, mais il a observé ses effets; il ne peut se rendre compte du mouve- ment, mais il en a découvert les lois; il ne sait ce que sont ces masses énormes ,; ces planèles qui roulent sous ses pieds et se promènent sur sa tête, mais il pèse leurs masses ; il calcule leur distance, il compte leurs pas, il indique leur retour, il montre du doigt la place que chacune occupera dans tout instant donné , et cela des millions d'années en avance. Ainsi, que ceux qui veulent nous faire reconnaître des influences si irrégulières, si variables dans la lune lors de ses phases, ne viennent pas nous dire que nous ne connaissons rien à l’univers, que tout y est pour nous un mystère hors à tout jamais de la portée de notre esprit; qu'ils ne nous disent pas que nous n'avons découvert encore qu’un petit nombre des pro- priétés de la matière et des lois de la nature ; que conséquemment nous ne pouvons rejeter l'existence d'aucun phénomène naturel sur le principe que la cause qui le produit est ignorée, et la manière dont cette cause agit inexplicable. Nous répondrons im- médiatement que ce n'est point aussi sur ce principe que se fondent soit nos doutes , soit ce refus positif de notre croyance. Montrez-nous , et voilà notre pro- position , montrez , lors des mêmes phases de la lune , { xon-) et à des intervalles constants, le retour constant des mêmes effets; montrez-nous des phénomènes atmos- phériques qui, attribués à la lune, soient aussi régu- liers que le lever de cet astre , aussi invariables que les effets de son attraction, aussi fixes et aussi im- muables que les lois naturelles. Alors , oui certainement alors, nous admettrons , nous professerons même ces influences contre lesquelles notre esprit maintenant se révolte. Autrefois on croyait assez universellement à la pos- sibilité de prédire l'espèce de changement que telle lune et telle phase d’une lune , pour l’année courante ou l’année qui allait commencer , devait amener dans l'atmosphère ; maintenant les moins enthousiastes se contentent de prédire vaguement pour toute lune et toute phase de lune un changement quelconque. Voilà où les plus raisonnables se retranchent; le premier poste a été irrévocablement enlevé. Cependant assurément rien ne montre plus évidemment la force du préjugé en faveur des influences lunaires sur l’at- mosphère de notre globe, que cette multitude d’al- manachs faits pour le peuple , et où pour le peuple l’état de l'atmosphère est indiqué, annoncé souvent douze mois en avance pour chacune des phases de notre satellite. Quoique l’expérience soit à quatre fois chaque lunaison , et qu'elle crie aussi haut au moins que la raison pour dissuader chacun de toute croyance en de semblables prophéties , cependant beaucoup de gens ne sont point et ne seront peut-être jamais ébranlés dans leur foi endémique. L'almanach peut mentir tant de fois, je ne dirai pas qu’il voudra, car il n’a pas de mauvaise intention, mais il mentira tant que possible , cependant, toujours, et en dépit de toute méprise , maintes et maintes personnes ne cesseront point en- üièrement de croire en ce qu'il avance. On l’excuse , > (1203 ) ou on se tait, ou peut-être seulement on s'étonne quand il n'a pas frappé juste ; on espère toujours pour lavenir, et c’est un véritable et bien sensible triomphe pour certaines bonnes gens, quand elles trouvent qu'il a véritablement annoncé de la gelée a-peu-près pour le jour où le vent de N.-E, se fait accidentellement sentir dans les mois de décembre et de janvier, et que, parlant de la température aux en- virons du temps de la canicule , il a tombé exacte- ment sur quelques jours chauds dans la saison de l’année la plus chaude. Ce préjugé, cetie espèce de superstition astrologique, est nourrie, sinon par la science, du moins par l’es- prit mercantile. Dans des pays civilisés et où l’on se pique de sacrifier à la raison , et de favoriser l'instruc- tion des classes même inférieures de la population, on n'a point honte de spéculer sur la faiblesse de leur esprit, et sur la profondeur de leur ignorance; on encourage l’une et l’autre, et on leur donne au plus bas prix possible un aliment toujours nouveau. An- nuellement une des plus précieuses industries des temps modernes est employée à entretenir des opinions que la raison ne peut appuyer, et qui, accoutumant le peuple à croire sottement, s'opposent au développe- ment de ses facultés iniellectuelles, vicient et faussent son jugement, accoutument son esprit à se contenter de tout, même de l’absurdité. Ce pouvoir de la lune semblerait presque être un reste de l'astrologie judiciaire. Seulement, tandis que l'influence des astres les plus éloignés de notre globe était supposée régulière et uniforme, celle de la lune était supposée irrégulière et variée. Peut-être l’idée de cette différence est venue des changements frappants que présente et la marche de la lune , et la forme de sa partie lumineuse , et la grandeur de son disque, Chan- ( 104 ) geant constamment de grandeur, de figure et de place, elle dut, chez des peuples superstitieux et ignorants, être regardée comme le symbole et l'image de tout changement , de toute variation. Et dans des temps où tout ce qui présentait des conformités et des ana- logies extérieures était supposé avoir de véritables rapports, el souvent des rapports d'effets et de cause, dans des siècles où un homme devait être brave parce qu'à sa naissance une planète se trouvait dans la con- stellation du Lion, où aussi une plante devait guérir les maladies de celui de nos organes avec lequel elle avait quelque rapport, soit de figure, soit de cou- leur, assurément alors il n’est pas étonnant que le changeant satellite de notre terre ne fût cru présider à tous les changements dans notre changeante atmos- phère et même dans les affections du cerveau. Ainsi la lune devait changer tout, brouiller tout, renverser tout, présider à tout ce qui ne pouvait être réduit à une cause certaine, fixe et régulière. D'ailleurs, quelque chose de mystérieux se rattache presque naturellement à la lune. Le temps de la nuit, temps où sa présence sur l'horizon est plus remarqua- ble et mieux observée; le silence qui accampagne ses heures de garde; la lueur pâle, tremblante , dou- teuse pour ainsi dire, qu’elle jette ; les forts contrastes de lumière et d’ombres qu’elle occasionne ; ce disque large et sanglant à l'horizon, qui ensuite diminue de volume ét pâlit à mesure qu'il monte vers le zénith; cette marche compliquée résultante d’un mouvement apparent vers l’ouest, et d’un autre réel vers l’est, qui la rapproche et l’éloigne alternativement et promp- tement des points lumineux dont la voûte céleste est marquée; cette progression dans le zodiaque , qui se laisse considérer à l'œil nu, tandis que celle du soleil est cachée par les rayons même dont cet astre éblouis= C xbbr.) sant s’environne , tout a dù , dans les premiers temps, attirer vers la lune les regards, l'attention de peuples, tout a dù la faire observer avec admiration et avec un respect religieux, la faire regarder comme douée d'une force active, la faire considérer comme une puissance dans la nature. L'étude savante de l'astronomie n'ôta rien d'abord au- profond mystère dont la lune était enveloppée. Sa marche, qui se déroba long-temps à nos calculs, et déjoua pendant des siècles entiers toutes nos combinai- sons et tous nos systèmes , la rendit , plus encore peut- être qu'auparavant, un objet d'étonnement. Non-seule- ment l’homme qui n'avait que des yeux, mais encore celui qui réfléchissait et raisonnait, la regarda comme une chose prodigieuse , et, ne pouvant la soumettre à aucune loi, il la crut capable de produire des effets extraordinaires en proportion de la difficulté même qu'il éprouvait à suivre des aberrations multipliées. Il trouva, dans des recherches soutenues et dans un travail opiniâtre, la source de quelques joies et celle de toutes ses peines ; bientôt, semblable à ces personnes qui s’attachent fortement à l’objet qui cause soit toutes leurs jouissances, soit même tous leurs maux, il se préoccupa tellement de la lune, qu'il crut découvrir partout l'influence de cet étonnant satellite, Si la science et l'ignorance ont ainsi, chacun de son côté, et à sa manière, contribué à étendre le domaine de la lune, faut-il s'étonner que des hommes qui se sentaient invinciblement portés à rapporter à la lune l'effet surprenant des marées , lors même qu'ils ne pouvaient aucunement le comprendre , faut-il s'éton- ner, disons-nous , qu'ils aient attribué à la lune tous ou presque tous les effets naturels qui surpassaient la force de leur intelligence, et principalement tous les effets qui peuvent se rapporter au mouvement et au balan- 14 ( 106 ) cement des liquides et fluides qui recouvrent la surface du globe terrestre. On n'a pas encore, Messieurs, abandonné de nos jours l'idée de rapports entre la mer et l'atmosphère , entre les eaux pesamment gravitantes de locéan et le fluide aérien qui compose l'atmosphère terrestre. L'ouvrage d'où est extrait un article météorologique assez frappant qui se lit dans l'extrait de nos travaux pour 1808, et que, dans l'intérêt de la science , nous avons cru devoir, il y a déjà quelque temps, vous si- gnaler, considère comme preuve démonstrative l'in- duction qu'il tire des marées, pour conclure l'influence de la lune sur les mouvements de l'air, Sans doute l'argument le plus spécieux en faveur des influences que les phases de la lune peuvent exercer sur le temps, et ses changements sur l'atmosphère et sur ses différents phénomènes , consiste évidemment dans Ja comparaison qu’on établit entre les eaux mobiles qui recoavrent une grande partie de notre globe et ce fluide plus mobile encore qui, constituant l'atmosphère, forme sur ce globe une enveloppe non interrompue. Nous voyons tous les jours, dit-on, les eaux de la mer s'élever et s’abaisser deux fois suivant des lois qui nous sont connues , et dans leur effet général, et dans les régu- lières variations que cet effet subit. La lune, qui prend dans ce phénomène des marées la plus grande part, doit aussi, continue-t-on, avoir la part la plus grande dans les mouvements généraux de l'atmosphère, dans ées oscillations, dans ces flux ét reflux qui existent nécessairement au milieu de cette mer aérienne soumise à une double action, à l'action du satellite de notre globe et à celle du soleil de notre système. Cet argument , qui d'abord paraît spécieux , perd beau- coup de son pouvoir d’illusion quand la prétendue ana- logie sur laquelle il se base est exprimée en termes ( xo7.) exacts , et quand elle est attentivement et maturément considérée. Oui, Messieurs, quelque soit l'entraînement d’un premier aperçu , il est évident que toute analogie entre les marées de l'océan et les changements de temps lors des phases de la lune est absolument fausse. D'un côté, nous voyons un effet constant et régulier, et de plus universellement le même dans le même temps, sur toute la surface du globe ; il ne se fait point sentir brusquement et seulement aux principales phases de la lune : il commence à un moment invariablement fixe ; il augmente par des degrés toujours les mêmes et toujours insensibles : il cesse de s’accroître après une époque déterminée, pour décroître ensuite en passant par les mêmes degrés , et toujours insensiblement et régulièrement. De bonne foi, que voyons-nous en tout ceci d'ana- logue aux variations atmosphériques attribuées à la même cause ? Dans ces derniers phénomènes, rien n’est régulier, rien n'est gradué, rien conséquemment ne peut être soumis au calcul ou annoncé d'avance. Tout est soudain et brusque ; de plus, on ne reconnaît d'effets que dans deux ou quatre époques, et entre ces époques l'effet de la lune n'est point graduellement augmentant ou graduellement diminuant ; il est nul, il est consi- déré comme nul. D'ailleurs, ce n’est point tel ou tel eflet qu'elle produira, mais elle produira partout ce qui n'existait point auparavant, ou plutôt elle pro- duira le contraire de ce qui existait : ici de l'humidité, parce qu'il y avait de la sécheresse, et là de la sé- cheresse, parce qu'il y avait de l'humidité, De la même manière elle distribue le froid et le chaud, le vent et le calme, les brouillards et des cieux sereins ; elle donne toujours du nouveau, elle se montre l’en- nemie déclarée de luniformité; et, à entendre les fermes partisans de la lune, si quelquefois, pour des 14. ( 108 ) causes qui, comme tant d’autres, sont inexplicables, elle ne peut à toute force changer le temps, du moins est elle toujours sûre, croient-ils, de montrer son pou- voir en y occasionnant un petit mouvement, C'est en cela surtout qu'on peut véritablement admirer la sagacité et l'ingénuité de tous ceux qui croient aux influences lunaires : ils savent gré à la lune des appa- rences les plus communes et les plus insignifiantes. Quelque petit brouillard a-t-il voilé l'horizon vers le matin, quelque vapeur s’est-elle élevée vers le soir, quelque petit nuage à-t-il passé dans le cours de la journée sur la surface du ciel, le baromètre a-t-il éprouvé quelques légères oscillations, eh bien! ils se contentent de tout ceci, et si, lorsqu'une de ses petites choses arrive le jour même d’une des phases, ou seulement deux ou trois jours avant ou autant après, alors ils triomphent; il est évident que la lune n'est point en défaut; tout cela est l'ouvrage spécial de la lune, Pour vous, Messieurs, il en est autrement. À vos yeux, entre les marées de l'océan et les variations de l'atmosphère , il n’y a aucun rapport ; aucune res- semblance , aucune analogie. D'un côté, tout esL par- faitement régulier , tout procède avec l'uniformité et la gradation la plus complète; de l’autre, tout est brusque, saccadé , tout annonce, non pas l'influence soutenue et constante d’un corps céleste, mais l'influence de causes partielles, l'influence peut-être de vents acci- dentels modifiés par des localités particulières. L’atmosphère est composée d’un fluide si léger , les parties qui le composent sont si tenues et ont entre elles si peu d'adhésion , qu'on peut bien conclure même à priori, qu'il est presque hors de la prise de l'attraction, de ce pouvoir qui n'agit qu'à raison des masses. Nous savons encore que les eflets des marées , ( 109 ) si grands, si élonnants sur nos côtes, et principale- ment dans les golfes , où les eaux se trouvent resserrées par la disposition du terrein, sont toutefois bien moindres en pleine mer et même sur des plages en- tièrement ouvertes. L’attraction de la lune et du soleil, lors même que ces corps agissent de concert, n'élè- vent réellement les colonnes d’eau de l'océan ouvert et libre que d'une quantité beaucoup moindre qu’elle ne l’est sur nos rivages , et conséquemment son influence sur l'air fluide léger, et que d’ailleurs nul golfe , nul détroit ne resserre, doit être presque insensible. Cet argument qui à priori est d'une grande force pour ceux qui ont étudié les lois de lattraction, se trouve de nos jours puissamment confirmé par les cal- culs d’un homme sur l'exactitude duquel la science peut compter (1). L'astronome Laplace , étant persuadé que l'atmosphère terrestre était sujette à un véritable flux et reflux, à une oscillation diurne, chercha et parvint à en apprécier la valeur. D’après le résultat de son opération , on trouve qu'entre les colonnes d’eau dans leur plus grande ascension et ces mêmes colonnes dans leur plus grande dépression , l'excès équivaut à une hauteur de huit dixièmes de millimètre , à-peu-près un tiers de ligne dans les tubes barométriques. Mais comme ces oscillations atmosphériques résultent de l'opération simultanée de la lune , du soleil et des eaux de l'océan, ascendantes et descendantes , il voulut en- core examiner quelle part la lune spécialement avait dans ces oscillations, et il trouva cette part presque inappréciable , quoique réelle. Ainsi, Messieurs, nous sommes certains que ce flux et reflux de l'atmosphère est petit, très-petit, et que dans ce petit effet la lune (1) Annales. de Chimie et de Physique , année 18235. ( 110 ) n'entre encore que pour une petite part; de plus, cet effet est journalier, il est régulier quant au temps de son retour et à l'intensité de son mouvement , et conséquemment il n’a rien de commun avec ces in- fluences atmosphériques qui occasionnént et le beau et le mauvais temps, qui sont dormantes pendant certains jours d'intervalle , et se réveillent à chacune des principales phases de la lune. Il faut en convenir, et les partisans du pouvoir de la lune en conviennent assez souvent, le raison- nement sert mal ici l'opinion vulgaire; beaucoup de personnes reconnaissent une grande puissance dans la lune, même celle de troubler les têtes et de détruire les pierres; mais bien peu prétendent raisonner sur aucun de ces effets, et M. Toaldo lui-même, dans l'extrait qu'a fait de son ouvrage l’avant-dernier des secrétaires de notre Académie pour le département des sciences, M. Toaldo lui-même n'en appelle qu'à l'ex- périence, où du moins l’abrégé de son ouvrage inséré dans l’Extrait de nos travaux pour l’année 1808, et l’abrégé encore plus concis imprimé dans le journal de Pouen, prennent l'expérience seule pour base de la doctrine qu'ils adoptent et qu'ils publient. Nous trouvons toutefois une amélioration etun perfec- tionnement dans le journal de Rouen, car en cette matière tout retranchement est une amélioration. Le journal ne nous donne les chances d’un changement de temps que pour les quatre principales phases de la lune, et pour le moment du périgée et de l’apogée, tandis que M. Toaldo les avait donnés encore pour les équinoxes ascendants et pour les équinoxes descendants, pour les lunistices méridionaux et encore pour les lunistices septentrionaux. Ceci occasionne donc quatre iableaux , outre ceux que notre honorable confrère nous donne chaque année. Tous les dix de M. Toaldo sont Ç atz2 faits d’après, dit-il, l'inspection d’un grand nombre de tables météorologiques, d'où il a déduit et fixé la mesure des probabilités pour un changement de temps dans les phases et circonstances indiquées. Au premier coup d'œil, les principaux traits de ces tableaux paraissent satisfaisants, raisonnables, et assez d'accord avec l’idée que nous avons d’influences véritables, Nous y trouvons , par exemple , que lorsque la lune est plus proche de la terre , elle augmente la chance d’un changement de temps ; elle laugmente même tellement que , selon M. Toaldo, quoiqu'il y ait seulement sept pour un à parier qu'il y aura un changement de temps à une nouvelle lune , qui arrive lors de l'apogée, cepen- dant quand cette phase , appelée nouvelle lune , coïncide avec le périgée, alors il y a trente-trois contre un à parier. Cela va bien assurément jusque là; nous recon- naissons ici quelque chose des lois de l'attraction , et nous donnons à l’auteur une confiance entière, parce que nous croyons qu'il enseigne que les chances de change- ment aux nouvelles lunes sont d'autant plus grandes que la lune est plus près de sa planète principale, et d'autant plus petites qu’elle en est plus éloignée. Essayons donc, et raisonnons dans cette hypothèse : la valeur des chances, lors de la nouvelle lune, peut monter jusqu à trente-trois pour un, nous l'avons au périgée ; mais elle ne peut descendre plus bas, puisque la lune ne peut Jamais être plus éloignée qu'elle ne lest à son apogée, et, suivant M. Toaldo, la chance” lors d’une nouvelle lune à l'apogée, est de sept contre un. Ainsi, Messieurs, et vous êtes priés d'y faire bien attention, les chances pour un changement de temps aux nouvelles lunes seront, dans un cas unique, seulement de sept contre un, ét ce cas unique est lorsque la lune se trouve exactement au point le plus éloigné de la terre: Partout ailleurs, c'est-à-dire quand la lune est dans ( 112 ) tout autre point de son ellipse, la chance sera plus grande et s’approchera d’aulant plus de trente-trois pour un que la lune sera plus près de son périgée. Eh bien ! Messieurs , il n’en est point ainsi; non, car selon M. Toaldo lui-même, et ordinairement, ce semble , la chance est plus petite que sept, et lui-même en fournit la preuve puisqu'il avait commencé par mettre en thèse générale que la chance lors de la nouvelle lune, dans les cas ordinaires sans doute, n’est que de six contre un, Au nom de tout ce qu'il y a de vrai et de certain, ou même de ce qu'il y a de probable et de raisonnable, en quel endroit de son ellipse la lune sera-t-elle plus éloignée de la terre qu'elle ne l’est à son apogée, ou quand aura-t-elle sur notre atmosphère une influence moindre que quand elle en est le plus éloigné ? Si à l'apogée la chance pour l'effet de la nouvelle lune est de sept contre un, quand cette chance ne sera-t-elle plus que de six, quand pourra-t-elle n'être plus que de six seulement ? Assurément il y a ici une erreur , qui, outre la destruction entière de tout le système , amène aussi des preuves d’un manque étonnant de réflexion. Un corps, dont la distance par rapport à un autre est variable , produit sur ce second corps des effets qu’on représente par des nombres , et qui sont moindres lorsque la distance est plus grande. Quand le premier corps est le plus près du second , son effet y est comme trente-trois ; quand il en est le plus éloigné, il est comme sept, et cependant on nous dit qu'en général cet effet n’est que comme six. Vous ne pourrez certainement vous empêcher de vous demander comment il est possible que M. Toaldo ait annoncé , écrit et publié comme principes des propositions qui se combattent, se détruisent l’une l'autre? Vous vous demanderez encore comment se fait- il qu’elles aient été copiées par plusieurs personnes Crrr39) successivement ? Messieurs, les uns et les autres ne sont pas sur ce point en un cas matériellement diffé- rent du nôtre, du mien aussi bien que du vôtre. Vous et moi nous avons lu plus d'une fois l’article dans le journal de Rouen; beaucoup d’autres l’ont lu aussi : et peut-être personne n’a pensé à rapprocher l’une de l'autre la valeur des rapports indiqués et des chances nommées. Probablement que M. Toaldo lui-même a écrit les chiffres qui exprimaient cette valeur sans com- parer et rapprocher les résultats, Le hasard seul suffit , et quelquefois le seul hasard sert ; souvent c’est plutôt le hasard que le bonheur d’une attention forte qui fait découvrir de telles erreurs. Nous ne dirons pas que plus nous réfléchissons , plus nous sommes persuadés que M. Toaldo se trompe; qu'il enseigne une doctrine qui se détruit elle-même , et que la série de valeurs qui, partant de trente-trois ne descend que jusqu’à sept, ne peut comprendre six; mais nous dirons que ceci appartient à une de ces vérités premières, qui ne peu- vent se démontrer parce qu’elles sont évidentes. De cette erreur ou inadvertance ressort une preuve positive contre tout le système de M. Toaldo ; la voici en deux mots : si la chance de changement de temps aux nouvelles lunes n’est que de six contre un, il s'ensuit qu'on ne peut attribuer à l'influence lunaire cette petite chance qui, d’ailleurs, n’arrangerait pas déjà beaucoup de lunistes ; car si la chance d’un changement était due à la lune , elle ne serait que dans un cas très-rare aussi bas que sept ; mais elle devrait être presque toujours au-dessus, et dans la moitié des lunaisons elle devrait être plus près de trente-trois que de sept. Nous venons de dire, Messieurs, que la chance de six contre un ne satisferait pas la plupart des lunistes même les plus modérés. A les entendre parler du temps, 1) (4) lorsqu'une des quatre phases principales de la lune arrive ou va arriver, ils trouvent toujours , oui toujours, du changement. Ce changement est à la vérité plus ou moins complet ; quelquefois ce n’est qu'un mou- vement passager, une espèce de velléité si vous le voulez ; mais le changement, selon eux, réellement existe, et si M. Toaldo et ceux qui le suivent peuvent, en parlant d’une chance de six contre un en faveur d'un changement, s’imaginer qu'ils appuient la cause des fauteurs de nos influences lunaires, ils se trompent beaucoup : de tels défenseurs seraient rejetés tout d’abord. Remarquons encore qu'il y a quelque chose de si vague dans ces mots ur changement de temps, ils sont pris ici par beaucoup de personnes d'une manière si indéterminée , et de plus si étendue , les variations atmosphériques sont si fréquentes dans nos climats , et en même temps si différentes de leur nature, qu'il n’est aucunement étonnant qu'on ait trouvé des chances de changement, non pas dans deux situations de la lune, comme le font quelques personnes qui se piquent en ceci, soit de modération, soit d’exactitude, non pas dans quatre situations ; comme plus d’un vieux partisan continue de le faire, mais dans les dix situations que M. Toaldo désigne. Et si, négligeant six d'entre elles, nous prenons seulement le jour où tombent les quatre phases principales, et y ajoutons les trois jours d’avant et les trois jours d’après accordés ordinairement avec le jour même pour la manifestation ou la com- plétion des effets de la lune, alors nous aurons vingt- huit jours complets, ce qui est presque une lunaison entière. Ainsi, dans quelque jour que le changement arrive , il est à point pour le luniste. Dans les zones tempérées, où se trouve la plus grande population de notre globe, les variations de l’atmos- (sb ÿ) phère sont si multipliées et si diversifiées, que nons sommes surpris qu'avec la latitude de trois jours devant et trois jours après, ou même avec celle de la veille et du lendemain , il n'y ait que six contre un à parier pour un changement de temps, nous ne dirons pas à la nouvelle lune seulement, mais à chaque phase, à chaque situation de la lune, ou plutôt à chacun peut- être des trois cent soixante-cinq jours dont est com- posée l’année ordinaire. Sans exagérer on ne risquerait certainement rien de prendre un grand nombre de paris différents à six contre un pour un changement dans trois jours consécutifs , pris d'avance dans le Calendrier , entièrement à volonté et au hazard, sans aucun égard à la lune. Nous disons changements , dans le sens que ce mot est pris par ceux qui s'en servent en faveur de la lune, car, comme eux, nous appellerions changement tout petit phénomène atmos- phérique, toute variation, tout mouvement durable ou non, et certainement on trouverait ainsi que la chance de quelque changement pour tous les jours de l’année est beaucoup plus grande que six pour un. Le frère d’un savant ecclésiastique anglais et catholique romain, le frère du révérend Joseph Berrington à fait pendant vingt-sept ans des observations météorologiques, dans l'intention spéciale de trouver quels rapports existaient entre les phases de la lune et les phénomènes qui ont lieu dans l'atmosphère terrestre. Quel a été le résultat d'observations si soutenues? Le voici, Messieurs : il s'est convaincu que peu de jours, très-peu de Jours s’'écoulent sans qu'il se passe dans les phénomènes atmosphériques quelque accident, quelque change- ment, quelque modification, quelque vacillation ou oscillation ; mais que tout cela n’a aucune correspon- dance, aucun rapport avec la position ou les phases de la lune. (116 ) Il nous arrive aussi quelquefois d'examiner de près et en détail ce qui se passe dans notre atmosphère, aux approches de quelques-unes des principalés phases de la lune, et presque toujours nous y trouvons, et nous sommes persuadés que tout candide observateur y trouvera avec nous , assez de mouvement , sans doute , dans les phénomènes, pour satisfaire l’homme qui est prévenu par l’idée de quelque changement , et qui est de plus déterminé à l’attribuer à la lune ; mais aussi , sans doute, il trouvera , d’un autre côté , que ce mouvement dans les phénomènes atmosphé- riques n'est pas assez différent de celui qui a souvent lieu dans les jours intermédiaires entre les phases l’une de lautre, pour convaincre l'incrédule sur le point d’influences lunaires. Cette dernière observation donne la solution de grandes difficultés qui se présentent assez souvent dans des matières même d’un autre intérêt que les influences lunaires. Quel homme qui réfléchit n’a pas eu plus d'une fois l’occasion de se dire : quoique mon opi- nion sur ce point et tel autre encore soit celle aussi de beaucoup de personnes , cependant cette opinion là même est réprouvée par beaucoup d’autres ; d’où vient donc , d’où peut provenir cette dissidence ? Nous sommes fréquemment surpris que tout le monde ne pense pas comme nous, et un bon nombre de nos semblables sont persuadés que ce ne peut certaine- ment être qu'opiniâtreté si nous ne pensons pas comme eux. Ne semblerait-il pas que chacun, sur presque tout sujet , de quelque nature qu'il soit, a d’abord reçu du dehors et de quelques circonstances extérieures , ou s’est fait, en conséquence de quelque étude parti- culière ou de quelque incident | une certaine ma- nière de voir ou de sentir , une ccrtaine opinion, un cerlain système. Là chacun se stationne , convaincu | Cra7t) ou du moins persuadé de la solidité du terrein ; là, chacun à pris pour ainsi dire une thèse, et de la vé- rité de cette thèse il ne doute nullement. Dès-lors tout semble se grouper autour d'elle pour l'appuyer ; raisonnements , faits, tout paraît s’y rapporter pour la confirmer. Si quelque argument , si quelque fait même est avancé par la partie contraire , on les traite comme un argumentant en logique traite une objection. Fort de sa preuve , toute objection n’est aux yeux du logicien qu'une difficulté qui a , et ne peut pas ne point avoir sa réponse ; pour repousser une objection tout est bon , le moindre doute la détruit , et, dans tous les cas , n'étant qu'une difficulté, elle ne doit retirer rien de la démonstration. Mais celui qui, selon les lois de la dispute, présente aujourd'hui son opinion sous forme d’objections , la présente demain sous forme de preuves, et il traite les arguments de son adversaire aussi péremptoirement que les siens avaient été traités. Ainsi , presque partout chacun croit ce qu'il a cru ; nous trouvons assez de raisons pour demeurer chacun dans notre opinion , et presque jamais assez pour y amener un seul de nos adversaires ; celui qui a cru à l'influence des phases de la lune voit constamment des preuves de cette influence; celui qui n'y à pas cru d’abord ne la voit nulle part. Puisque nous avons déjà cité un Anglais dans cette discussion, qu'il nous soit permis d'en citer un encore. Ce second n'est rien moins qu'un des premiers astro- nomes de ces derniers temps, c’est Le docteur Herschell lui-même, On a remarqué que des esprits d'un caractère fort et de connaissances étendues , des hommes ac- coutumés à des études sévères , semblent quelquefois se fatiguer lorsqu'ils atteignent un certain âge. Alors, pour continuer d'employer leur temps, et comme par wanière d'occupation , ils s’attachent à des objets bien (118 ) inférieurs à ceux qu'ils avaient autrefois affectés ; alors , dit-on , le mathématicien fait des cadrans solaires, et l’astronome des almanachs. Le docteur Herschell n’a point fait des almanachs ; mais , après que, dans la force de l'âge , il avait été saisir une planète à une distance plus que double de celle où se trouve la plus éloignée des planètes connue jusqu'à lui, il voulut, déjà sur le déclin, s'amuser à examiner les changements que la lune pourrait opérer sur notre atmosphère. Eh bien, Messieurs , il a trouvé dans ceite nouvelle étude tout autre chose que ce qu'on avait trouvé avant lui, tout autre chose que ce qu'on a trouvé depuis. Ce qui est assez étonnant, c'est qu'il ne tient, ce semble, aucun compte de l'intensité plus ou moins grande des eflets, selon que , dans l'une ou dans l’autre de ses déclinaisons, la lune est à son apogée ou à son périgée. De plus, ïl ne parle nullement de changements ; il ne prononce pas inême le mot ; et enfin les règles qu'il donne sont entière- ment fixes. Il vous dit hardiment : dans telle circonstance il y aura de la pluie, dans telle autre il y aura du beau temps. En deux mots, Messieurs , voici son système : il divise en six partiesles douze heures du jour , et en autant celles de la nuit, et il vous prédit le temps qu'il doit faire lorsque , soit la nouvelle lune ou la pleine, ou une des quadratures, tombe en l’une ou en l’autre de ses divi- sions. Ainsi, Messieurs, si une de ces phases arrive en- tre midi et deux heures, il y aura beaucoup de pluie ; si elle arrive entre deux et quatre heures , le temps sera inconstant ; mais que ce soit entre quatre et six, alors il fera beau temps, et ainsi des autres heures. Vous voyez, Messieurs, que de cetie manière on a, quoique peut-être seulement à l’usage de l'Angleterre , un almanach perpétuel pour le beauet le mauvais temps. Il suffit de connaître à quelle heure la lune entre dans une de ses principales phases , et en consultant la table on C9) sait à quoi s’en tenir. Ceux qui n’ont pas, comme nos, le bonheur d’avoir cette table, peuvent absolument s’en passer en mettant en leur mémoire une note de l'auteur ; elle est une espèce de résumé général de toutes les prédictions , et en voici la traduction littérale : « Plus Le » moment des phases est pres de minuit, plus le temps sera » beau dans l’élé (du moins) ; mais plus il est près de midi, » inoins beau sera le temps. » Voici, Messieurs, ce qu'un homme de talent annonce comme le résultat de cette souveraine et infaillible expérience ,; où tant d’autres lisent toute autre chose. Non-seulement lexpérience provenant d'observations positives faites pendant plusieurs années, mais encore des considérations philosophiques appuyées sur l’attrac- tion du soleil et de la lune, dans leurs différentes posi- tions par rapport à la terre, lui ont, dit-il, servi à construire sa table, La doctrine de l’astronome anglais est assurément bien éloignée de celle de nos écrivains en matière météorologique ; probablement elle n’est pas moins éloignée de la vérité. Déjà nous avons vu le sys- tème météorologique (1) que Virgile base sur les phases de la lune. Dans l'intervalle qui sépare ce poète et Herschell, beaucoup , sans doute , d’autres systèmes ont paru et sont tombés ; d’autres encore auront leur jour , et partageront ensuite le sort de leurs devanciers. L'homme aime à s'occuper de lavenir : compte-t-il sur sa propre expérience , sur la force et l'étendue de son esprit, alors il veut prévenir et connaître les évé- nements futurs; n'a-t-il que d'humbles prétentions , dans ce cas il s’en rapporte aux autres, et est porté à croire ceux qui lui promettent de lui prédire ce qui (1) Géor. 1, 226. L 120 ) doit lui arriver ; et si l’un et l'autre, après , soit de vains essais, soit de vaines attentes, désespère d’ar- river à Ja conuaissance du bonheur ou du malheur personnel qui doit faire leur sort , alors ils se réuniront, ils se consoleront peut-être dans l'espérance de pouvoir désigner d’avance les jours de pluie ou de froid, ceux de beau temps ou de chaleur. Cetie connaissance là même aurait sans doute ses avantages , et ainsi le critique -le plus sévère ou le moins confiant ne peut trouver en lui le courage (x) de réprouver les tentatives ei la hardiesse de celui qui entreprend de longs travaux , persuadé qu'il peut parvenir à faire connaître le temps beaucoup à lavance sur un point donné de la terre , et ainsi rendre la météorologie une science usuelle, le guide du voyageur , le conseil du cultivateur et de tous ceux dont les occupations ont des rapports avec les vicissitudes atmosphériques. Pour compléter les remarques que le Traité composé par M. Toaldo a suggérés tout d’abord, nous devons signaler encore trois propositions ou assertions du même météorologiste. Premièrement, quarante années d'observations ont appris à M. Toaldo que les hauteurs moyennes du baromètre sont plus grandes lorsque la lune est apogée que lorsqu'elle est périgée. Nous nous permettrons ici seulement une réflexion ; assurément l'exactitude et la précision dans les observations n'a jamais été plus grande qu’elle ne l’est maintenant dans les établisse- ments nationaux de plusieurs états de l'Europe , et rien n’est venu à notre connaissance de celte-part , rien, disons-nous , qui confirme la découverte de M. Toaldo ; (1) Mémoires composés au sujet d’une correspondance météorole- gique; par P. E. Morin, ingénieur 3 CC. Ç 124 ) au contraire , ce que nous avons cité de M. de Laplace est du moins un argument présomptif contre elle. Deuxièmement, dans les tables de M. Toaldo, la différence entre les chances que donnent le périgée et l'apogée lors de la nouvelle lune est si grande, et celle que donnent les’mêmes situations lors de la pleine lune , est comparativement si petile que l'esprit se refuse spon- tanément à admettre un système qui , fondé sur des bases déjà si mobiles, présente encore des anomalies si extraordinaires. Le périgée , lors de la nouvelle lune , donne trente-trois , et l’apogée seulement sept chances contre une, tandis qu'à la pleine lune le périgée ne donnant que dix, l'apogée donne huit, Nous savons bien qu’on dira qu'on ne prétend point proposer des raisons, et qu'on indique seulement des faits sans aucun commentaire; mais assurément quand les faits sont si vagues et si aisément amenés à supporter un sysième , on peut bien regarder comme permis de les examiner dans leurs conséquences. Troisièmement enfin, un météorologiste ayant trouvé que la période de l’apogée lunaire est de huit à neuf ans, puis tenant comme démontré que la lune est la cause des mouvements de l'atmosphère, et enfin tranchant le doute de huit ou neuf, pour prendre hardiment le second nombre , il nous fait espérer qu’on pourra arriver à pré- dire, et cela très-aisément, non pas seulement les changements , mais encore tous les phénomènes at- mosphériques, le retour des saisons et les constitutions des années, pour tout le temps à venir. Voici comment il raisonne : les révolulions périodiques de la lune doivent , dit-il, amener de semblables mouvements aux mêmes époques dans le cours des années; la conclusion est évi- dente : la même situation de la lune dans son orbite tombant tous les neuf ans aux mêmes jours, nous aurons tous les neuf ans un retour et une répétition des mêmes 16 ( 122 phénomènes atmosphériques, aux mêmes saisons, àäû même temps, aux mêmes jours. Chaque année nous déroulera la même série , les mêmes vicissitudes, les mêmes défauts ou les mêmes excès de froid et de chaud, de sec et d'humidité , de jours sereins et de jours nébu_ leux que la neuvième année en arrière, Ainsi, quand nous aurons observé et noté, suivant leur ordre , tous les phénomènes de neuf années consé- cutives, nous pourrons, au moyen de cette période , et en nous répétant de neuf en neuf ans , faire des alma- nachs perpétuels, non pas seulement pour les épactes , le nombre d’or et les autres indications du calendrier, mais aussi pour la pluie, la neige, le tonnerre, les ge- lées et les grandes chaleurs. Déjà, continue l’auteur, on a trouvé six suites de neuf ans où les quantités de pluie sont correspondantes , et il ajoute aussi comme autorité l'opinion de Rozier, qui , dans son Cours complet d’agri- culture, dit : « qu’on pourrait penser avec raison que la » coutume de passer des baux pour neuf ans, vient de » l'observation faite, de temps immémorial , de cette » période lunaire. » Ces idées et ces espérances venaient peut-être assez naturellement dans l'esprit d’un savant, lorsqu'il se disposait à observer et à consigner chaque jour sur ses tablettes toutes les variations atmosphériques, et lorsqu'il s'était prévenu en faveur de l'importance de ce travail. À quoi bon, s’était-il probablement demandé bien des fois à lui-même, à quoi bon compiler des tables atmosphériques, si on n'avait pas l'espérance qu’elles pourront être utiles aux générations futures ? et comment leur seraient-elles utiles, si nos descendants ne peuvent s’en servir pour s'assurer de ce qu'ils ont à craindre ou à attendre des phénomènes atmosphériques, dans les différents jours de l’année et dans les différents climats du globe. Gx23) Ne nous exagérons point, Messieurs, l'utilité des observations météorologiques faites en tant de lieux, avec tant de soin, et consignées dans des tables an- nuaires, On peut assurément craindre que les arts y gagnent peu , l’agriculture peut-être elle-même n'y trou- vera que peu de resources; mais il ne faut pas les né- gliger toutefois , et nous pouvons assurer que des sciences qui font honneur à l'esprit humain y puiseront un jour et y puisent déjà des renseignements précieux. Si nos ancêtres eussent possédé les instruments dont. nous jouissons, et s'ils eussent pu faire et nous transmettre les différentes observations que nous transmettrons à nos successeurs, il y aurait dans la météorologie et dans la géologie beaucoup moins de ces problèmes qui pour nous sont absolument insolubles. Toutes les personnes instruites, nous l’espérons du moins , auront senti dès le commencement la diffé- rence qui existe entre les deux classes de phénomènes, vrais ou réputés véritables, qui ont servi à mettre de l'ordre dans les réflexions que nous soumettons au jugement de l'Académie. Rien dans tout ce que nous avons dit ne s'oppose à l'opinion qui reconnaît ou soupçonne dans le satellite de notre globe une force quelconque, une certaine puissance indéfinie, dont la nature , la cause et les effets seraient absolument inconnus. Au contraire, nous admettons très-explicite- ment comme possibles, comme fort probables, des influences lunaires constantes, régulières, que nous ne sommes pas encore parvenus à connaître, et que nous ne connaissons point , par cela même qu'étant régulières et constantes, elles ne peuvent être distinguées des autres effets de chaque jour ou de chaque instant, produits par les autres corps célestes où par tout autre canse natu- relle et permanente. La lune, même lorsqu'elle n’est pas visible, passe presque aussi souvent que le soleil par le 16. | (124) méridien de tous les points de la terre ; comme le soleil elle a sa déclinaison australe et septentrionale, et elle passe plus rapidement que lui de l’une à l’autre posi- tion : serait-il présumable qu’un corps si grand, si lumineux, et qui circule si près de nous, n’agit aucu- nement sur les fluides électriques, magnétiques, et autres peut-être qui , flottant dans l'atmosphère et peut- être au-delà , nous sont encore ignorés ? L'action de la lune serait connue si on découvrait quelque phénomène qui eût un rapport constant avec l'apogée et le périgée de la lune, ou avec l’une ou l’autre de ses déclinaisons. De plus, si une comète , en passant près de nous, venait à nous enlever notre satellite , ce qui est regardé comme possible par tous les astronomes physiciens, on s’en apercevrait très-probablement autre part que sur les bords de l'océan , et en d’autre temps que celui de l'obscurité des nuits ; alors sans doute plus d’un équi- libre serait rompu , et dans l’espace que renferme notre système solaire et sur la surface de notre globe. La lune peut aussi agir , non-seulement comme masse , mais aussi comme corps lumineux. Ses effets, dans ce second cas, peuvent plus aisément être remarqués et suivis, par cela seul qu'ils doivent être plus frappants dans leur régulière variété, Des effets en rapport avec le périgée et l'apogée de la lune ne seraient des eflets comparables que par une plus ou moins grande in- tensité ; mais ceux qui auraient des rapports avec la quantité de rayons que la terre reçoit de la lune, par- courraient une série de degrés commençant à zéro et s’élevant à une certaine hauteur. ; Persuadés que de nos jours on observe beaucoup mieux qu'autrefois, nous sommes portés à croire que des eflets qui échappaient aux générations passées deviennent pour la présente véritablement palpables , et nous regret- tons beaucoup que notre éloignement de la capitale ( 12h ) nous ait empêché d’avoir accès à tous les renseigne- ments que nous aurions désiré nous procurer sur les découvertes de M. Féburier, et sur ses moyens d'observation, Nous osons toutefois dire qu'il existe dans notre siècle une tendance à étendre les influences de la lune, du moins sur le règne végétal , beaucoup au-delà de la croyance de nos devanciers immédiats, et beaucoup plus loin, ce nous semble, que soit l'expérience , soit des inductions sobres et modérées , soit aussi l’état présent de nos connaissances, parais- sent garantir. Nous n'avons véritablement combatiu que lexis- tence de ces effets irréguliers, variables , inconstants , qui n'ont jamais été imputés à la lune que faute pour ainsi dire d’une autre cause ostensible. De tout temps l’homme qui s'élève à la dignité d’un être réfléchissant, cherche à se rendre raison des phénomènes qui se pas- sent sous ses yeux; mais dans des temps, soit d’igno- rance , soit de superstition, il se laisse aisément pré- venir par des apparences inexactes et des analogies bi- zarres. Les préjugés se forment rapidement ; des siècles sont nécessaires pour les extirper. Ceux que nous avons signalés dans cet essai sont, il faut l'avouer, de na- ture à éluder long-temps la force de toute attaque. Ne cherchant point d'appui dans le raisonnement, mais aussi récusant son autorité quand on veut la lui opposer, appelant expérience et fait des phénomènes aussi mo- biles que les vicissitudes d’une atmosphère variable et d'une température inconstante, quiconque professe que la lune amène des changements , est toujours sûr de trou- ver quelque changement aux jours voulus, et il se per- suadera toujours avoir raison, parce qu'il sera presque toujours impossible de trouver, même dans la plus courte série de jours consécutifs, une stabilité parfaite dans ce qu'il y a de plus inconstant au monde, Cepen- ( 126 ) dant, que le naturaliste qui réfléchit , que l’homme qui raisonne ne se désespère pas :même sur ce terrein difficile et glissant, la vérité a fait des progrès, le domaine de la lune se rétrécit, sa puissance est de temps en temps contestée sur quelque nouveau point ; on ne voudra plus , dans l'explication des phénomènes atmosphériques , se contenter de raisons douteuses, et partout on refusera un jour d'admettre d’autres causes que celles qui sont immuables comme les lois de la nature. Tu CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. Me Matane ET ‘ rte que CITE TON TENTE LE pv LT" phtes 1 OL EC PERIRE paie airiiqe vfoiphidiques , a PDA à à Pr de méans -Juatienses, « pétn) 8 rte r° 1 4 17 Koh dd s à 1 10% NS je: d'édaddus d'éviter dass nu alpes. quest si N 6 ü , . i € A be: boss n ta à F > Vas LS AAA RER : 4 ù de tierce, CATR Le A ' : M e 32 4 ne LA Le 4 , \ 1 » : | ( Ÿ" PATES ; 5 Qu + HR ù | à L a" y. Re ne …. "A66A49 “ A er Z _ ñ \ nn 24 ; à A | Ê ae Ve | ETAA TE TATTIAL2LINE -234 + Ans ( 129) CLASSE DES BELLES-LETTIRES ET ARTS. ANA RAPPORT Fair par D. BiGKox , Secrétaire perpétuel. Messieurs, Dans le partage des Sociétés savantes entre les deux classes de l'Académie , sont échus , cette année , à celle dont nous avons l’honneur d’être l'organe, larchéolo- gie publiée par la Société des antiquaires de Londres ; les mémoires des Académies de Dijon et de Besançon ; veux des Sociélés de la Loire-Inférieure et du Bas-Rhin, et les comptes rendus en assemblée générale de deux Sociétés d'amélioration séantes à Paris, l’une pour l’en- seignement élémentaire , et l’autre pour la morale chré- ‘tienne. Les rapports faits sur ces diverses communications ont mis la Compagnie à portée de rendre un nouvel hom- mage de reconnaissance à ces savantes réunions, qui, malsré la différence des directions, tendent toutes au même but avec autant de zèle que de succès. Mais vou: avez distingué, Messieurs, dans le rapport de M. Lepas- quier, sur l’Académie de Dijon , des matériaux histori- ques et archéologiques du plus grand intérêt, exposés avec méthode et précision dans une analyse parsemée 57 (130) d’une foule d'observations aussi délicates que judi- cieuses, = Dans le compte rendu de l’intéressant Journal de la Société du Bas-Rhin, où se trouve un discours traitant de l'influence de la solitude sur la littérature , M. Le Fi- leul des Guerrots a cru devoir prendre acte contre des at- taques outrageantes pour les premiers tragiques fran- çais, et contre l’inexactitude de quelques citations de l'auteur. Par exemple , l’auteur prétend que la perfec- tion d’Athalie n’est due qu'à la solitude de Racine après sa disgrâce à la cour, et M. des Guerrots établit que la disgràäce du poète n’eut lieu que six années après la représentation d’Athalie. L'auteur prétend encore que Racine est mort d’un regard de Louis XIV, et M. des Guerrots, tout au contraire , de ce que le Roi ne l’avait pas regardé. Néanmoins, conclut notre con- frère, une pareille histoire peut bien être fort roman- tique. = Quant aux deux Sociétés d'amélioration de l’ensei- gnement élémentaire et de la morale chrétienne, leur titre seul les recommande. Ce sont deux compléments précieux de quelques-unes de nos institutions sociales , lesquelles ont pour objet l'instruction, qui mène à la con- naissance et à l’accomplissement du devoir, et en même temps le soulagement de l’humanité malheureuse , con- sidérée sans restriction dans toute som étendue. = L'Académie a reçu de M. Edouard Smith un Opuscule écrit en anglais, intitulé : The Voyager ; de M. Charles Durand, un Cours d’éloquence, en deux volumes ; de M. Tougard, avocat à la Cour royale , un Ouvrage sur les vices et les abus de l'instruction criminelle en France ; un second sur l'abolition de la peine de mort iniligée aux faux monnayeurs en inatière d’or et d’ar- ( x3x ) gent; un troisième ayant pour litre : Guide des jurés. Ces trois publications d’un jurisconsulte distingué par l'étendue et la profondeur de ses connaissances, ont été renvoyées à une commission dont les circonstances n'ont pas encore permis d'entendre le rapport. = C’est aussi à la générosité noblement désintéressée de M. Tougard , qui sait allier l’heureux goût de la littéra- ture à la science honorable du barreau , que l'Académie est redevable de la collection complète des Soirées litté- raires de M. Charles Durand, recueillies dans chaque séance, publiées par ce laborieux ami du célèbre pro- fesseur, etenrichies de notes littéraires et biographiques qui donnent un nouveau mérite à cet intéressant recueil. = Quant à M. Durand lui-même, Messleurs, vous l'avez entendu des premiers dans une de vos séances ; vous avez suivi le savant voyageur, et dans les ruines décou- vertes de Pompéïa et sur le Mont-Vésuve, et jusqu’au fond du redoutable cratère. La ville à suivi ses leçons avec une attention qu'il a su captiver jusqu’au dernier mo- ment; tout est donc pensé , tout doit être dit sur les rares talents de M, Charles Durand. « Qu'il ne s'écarte « jamais des principes de son cours, a conclu M. Houel « à la fin d’un rapport sur son livre, et nous pouvons «“ garantir que sa morale sera utile, son éloquence « solide et philantropique, » = M. Floquet , greffier en chef à la Cour royale de Rouen , a fait hommage d'un Eloge de Bossuet, sur lequel il demande le sentiment de l'Académie ; la nomination de la commission a été renvoyée à la rentrée prochaine. = Les Jeunes fleurs ; apologue de M. Frédéric 17. ( 133.) Lequesne , avocat stagiaire à la même cour, sont un petit cadre de saine morale, dédié à Mesdemoiselles ***, = La Compagnie a entendu avec satisfaction la lec- ture d’une pièce de vers à l'honneur de S. A. R. Mme la Dauphine , passant le 18 juin dernier par les Andelys. MEMBRES CORRESPONDANTS. = L'Académie a reçu de M. Spencer Smith un Opuscule sur un monument arabe du moyen âge dé- couvert en Normandie, et un Mémoire sur la culture de la musique à Caen, etc. De M. Briquet, des Leçons de littérature à l'usage d’une maison d'éducation à Niort. De M. Boucharlat, tn tribut poétique de presque tous les ans, composé pour cette fois d’un discours en vers à M. Mathon d: la Cour ; de l'Académie de Lyon, et des Emprécations du vieillard , traduites en vers du Camoëns. De M. Charles Malo, un petit Poème sur le néant de l'homme, De M, Bergasse, une Allocution sur la fermeté du Magistrat , prononcée à la dernière rentrée de la Cour royale de Montpellier. De M. le baron de Mortemart-Boisse, une Analyse de la statistique du département de l'Ain. De M. l'abbé la Bouderie, la traduction française d’une lettre de Saint-Vincent de Paule, écrite en latin au cardinal de la Rochefoucault, sur les désordres de l’abbaye de Longchamp. De M. le comte Blanchard de la Musse, une Épétre à un ami qui lui reprochait de l'avoir oublié, et des Stances qui ont pour refrain : Le triste présent que la vie! CB) De M. César Moreau , agent du gouvernement français à Londres, des Documents fort étendus, publiés par la société royale asiatique de la Grande-Bretagne et de l'Irlande. De M. Boinvilliers, des Stances intitulées : Réflexions philosophiques au lit du malade. De M. Patin, un Éloge de Bossuet, qui a partagé le prix d’éloquence à l’Institut , l’année dernière. Si le juge- ment de l’Académie française pouvait avoir besoin des suffrages de la province, l'analyse raisonnée d'un ouvrage aussi difficile à bien faire , lue à l'Académie par M. Dumesnil, ne serait à dédaigner ni pour les juges ui pour l’auteur. = Un autre Éloge du grand homme , qui a concouru, par M. Maillet Lacoste, nous a paru écrit avec beau- coup de soin et d'élégance , sur un plan scrupuleusement méthodique ; mais ici la critique serait une inconve- nance , et l'éloge même, sous un autre rapport, pourrait avoir l’air d'une critique. = Dans le parallèle de Cicéron et de Tacite, du même écrivain , M. Deville, qui en a rendu compte, a trouvé de l'élévation et de la noblesse dans la pensée ; mais un siyle un peu trop tendu, qui lui a paru tenir à la nature du travail, et peut-être à la difficulté des rapprochements entre deux écrivains d'un genre si difiérent, etc, = M. Deluc, auteur de la route suivie par Annibal à travers les Gaules pour arriver en Italie, vous a transniis des renseignements précieux sur l’état actuel du passage du petit Saint-Bernard , comparé à ce qu'il pouvait être à l'époque de l'expédition des Carthaginois. Notre confrère annonce qu'il a répondu à son adver- C:54) saire, feu M. Laranza, qu'il répond aussi à M. Larenau- dière.... Comment n’a-t-il pas compris, dit-il, que si le passage du Mont-du-Chat n'est pas ce que Polybe appelle l'entrée des Alpes, on retombe nécessairement dans toutes les incertitudes où l’on était auparavant? = Notre célèbre compatriote M. Brunel , qui continue de tenir l'Académie au courant de sa merveilleuse en- treprise, vous a adressé, le ro mai de cette année, les détails d’un état de situation très-satisfaisant , datés de ses galeriessous la Tamise ; et le résultat de l’assemblée , tenue immédiatement après dans le Tunnel, a pleine- ment justifié la confiance de l'ingénieur dans la haute protection et les libéralités du premier ministre d'une # nation généreuse, « Un temps viendra peut-être , dit « M. Brunel , qu'une semblable opération joindra « votre boulevard Cauchoïse au faubourg Saint-Sever. » Excellent moyen ,. sans doute , d'éviter les inconvé- nients graves d’un pont sur la rivière en cet endroit ; mais la Seine ne charie pas l’or comme la Tamise. Ainsi, Messieurs , dans l’espace d’une quarantaine d’années, le génie inventif des habitants d’Andelys nous aura tracé des routes inconnues dans les airs, dans les eaux, et jusque sous le lit des grands fleuves. —= Le drame de Cromwel, dont l’auteur, M. Victor Hugo, a fait hommage à la Compagnie, a été l’objet d’un rapport fort étendu par M. Guttinguer. M. Guttinguer a débuté par une profession de foi qu’il a crue nécessaire. « Partageant avec passion , dit-il, les doctrines de l’au- « teur , jai voulu , avant d’arriver à une analyse qui met « en fermentation toutes les puissances de mon cœur et « de mon esprit , déclarer que le sentiment qui m’anime « est surtout l’agrandissement et l'émancipation du gé- « nie, le besoin d’y participer de mes faibles moyens, (135) «“ et non le puéril désir de faire prévaloir mes opinions « ou d’offenser celles des autres... » À cette déclaration succède l’examen de la préface , et celui du poème , qui en est l'application ou le principe. Ce phénomène poétique , rempli de vers et de mor« ceaux pleins de verve et du plus beau talent, est bien connu des gens de l'art; et les principes de ME. le rap- porteur ont été mis trop en évidence pour laisser aucun doute à l'égard du jugement qu'il a dù porter sur les détails. Il suffira donc de rapporter et de donner ici à M. Guttinguer acte de ses dernières expressions. « Il y a, « dit-il, dans le drame de M. Victor Hugo, de la poé- « sie, des caractères, des situations , de quoi faire vingt « tragédies comme les commandent les poétiques. » Et comme M. Hugo a déclaré qu'il n'en pourrait Litrer qu'une , qui, à-coup-sir , dit le poète, serait sifflée, M. Guttinguer se plaît à lui offrir, dans un mot célèbre de Chamfort , des consolations sur le jugement du public ; et il termine en prédisant à son ami « un triomphe assuré « sur nos froides tragédies et nos pâles comédies, et « sur nos habitudes théâtrales, dont les auteurs et les « spectateurs sont, dit-il, enveloppés, etc. » = Le mémoire sur le yieil Evreux, publié par le plus savant et le plus modeste de nos antiquaires, M. Re- ver, paraît avoir irrévocablement confirmé tous les soupçons d'un antique établissement romain à une lieue environ de la ville d'Evreux actuelle. L'auteur ne pense pas que ce vaste établissement puisse raisonnablement se reporter au-delà du règne de l’empereur Claude. « Si « nous osions placer ici nos conjectures , dit ici M. 4. « Le Prevost , nous dirions qu’il nous paraît bien vraisem- « blable que le chef-lieu des Aulerci y existait beaucoup « plus anciennement , et que les Romains, au lieu de « fonder une ville , n'auront fait qu'agrandir et embel- ( 135 ) « lit, eic.- Hi est vrai que. jusque dans les fondements « même, on n'a point trouvé de maçonnerie qui ne ft « romaine. Mais y aurait-il bien de la témérité à suppo- « ser que tout vestige des frèles et superficielles de- « meures des premiers fondateurs aura été anéanti par « les constructions plus solides qui se sont succédé « sur le même sol? » Quoi qu'il en soit de cette conjecture, M. Le Pre- vost trouve dans le mémoire la solution d'une foule de problèmes curieux, et une rare universalité de connais- sances réunie à l’art de discuter et de transmettre. = M. A, Le Prevost a faitaussi une mention très-hono- rable d'un mémoire adressé par M. Feret aîné, secrétaire de la société archéologique nouvellement formée dans l'arrondissement de Dieppe. À ce mémoire est joint un excellent plan de l'oppidum gallo-belse, dit cité de Li- mes où camp de César. C'est, dit M. le Rapporteur, « un des travaux les .plus louables que puisse inspirer « l'amour de la science et du pays. » — Un ouvrage manuscrit , de longue haleine , sur les Cérémonies symboliques usitées dans l’ancienne Jurispru- dence des Français , a été envoyé par M. Arthur Beugnot, avec invitation à la Compagnie de lui transmettre le sen- timent de quelques-uns de ses membres versés dans cette matière. Une commission, composée de MM. Adam , Licquet et Deville , a fait son rapport par l'organe de ce dernier. Cet envoi d'un ouvrage destiné à Rein étant un acte de confidence , nous devons nous borner à dire ici que la critique a été courte pour l'étendue du travail et la part de l'éloge très-ample, et que la com- mission a manifesté un grand désir de voir publier un Accueil d’un si grand intérêt pour notre histoire. ( 237 ) LJ MEMBRES RÉSIDANTS. = M. Théodore Licquet , président pour cette année , a ouvert les travaux par un discours. Des remerciments 4 exprimés avec autant de modestie que de délicatesse , et des témoignages d'incertitude sur les motifs d’une L ‘promotion dont, sans paraître )f croire , l’orateur avait à donné d’avance toutes les garanties, composent la pre- | mière partie de cette ATJERUOR préliminaire, La seconde a pour objet de réclamer auprès de la Chancellerie la . reconnaissance de notre ancien titre d'institution royale. « Espérons, a dit M. le Président, que nos lettres de _. « création, la parole royale , etc., prévaudront contre « une loi imaginée par le vandalisme pour le triomphe des ténèbres. » Messieurs, nous nous trouvons heureux de l’obliga- ‘tion de le publier aujourd’hui ; l'espérance n’a pas été vaine : de nouvelles lettres patentes , accordées par Sa Majesté, sont venues ajouter dans tous nos cœurs le sentiment profond d’une vive reconnaissance particu- Jière à ceux du commun respect et de l’entier dévoue- ment que tout Français doit à la personne sacrée du Roi et à l’auguste dynastie. Qu'on ne vienne plus donc nous menacer du retour à l’ancienne barbarie, quand _ le Monarque lui-même ranime et entretient les flam- beaux destinés à propager les lumières ! = M. Guitinguer a offert un exemplaire de son Discours prononcé l’année dernière à la distribution des prix de _ Pécole gratuite d'enseignement mutuel. La Compagnie a entendu avec intérêt son premier acte d'une comédie : Vingt-quatre heures d’un homme sensible. {y n exemplaire d’une Notice imprimée des vues de gravées par Bacheley , et une Dissertation 18 {| 138 manuscrite sur les portraits de Henri VIIL et de François Ier, existant à l'hôtel du Bourgtheroulde à Rouen, forment le contingent de M. Delaquérière aîné. La dissertation a pour but principal de confirmer, à l'égard de ces deux portraits, l'opinion consignée dans l'ouvrage de l’auteur sur les maisons de Rouen les plus remarquables. Ainsi, après un nouvel examen très-sérieux des figures , il a fait tirer de chacune un moule en plâtre, comparé les moules avec les images reconnues des deux rois, et obtenu par ce moyen la certitude, dit-il, d’une ressemblance parfaite ; et, pour réfuter toutes les objec- tions d'inconvenance dans la situation des portraits des deux monarques à la porte d’entrée de l’hôtel, il a cru suffisant d’alléguer des exemples de pareille négligence dans les costumes. En conséquence, M. Delaquérière regarde comme erronées toutes les interprétations contraires à la sienne. Toutefois il avoue que ceux qui se sont bornés aux gra- vures de son livre, n’ont pu que difficilement y recon- naître les deux illustres personnages. = M. Léoy a lu des considérations sur l’état ac- tuel de la France, sous le point de vue moral. « Religion, philosophie, mœurs , institutions , tout , 4 « dit-il, présente un aspect nouveau et particulier. » S Et notre confrère passe immédiatement en revue toutes | les variations subites du caractère national , dont il trouve le principe dans les phases de la révolution politique : à l’époque de la Charte , il explique com- ment il pense que l’homme a dù devenir nécessai- rement sérieux; mais il distingue soigneusement le sérieux de cette prétendue mélancolie qui ne peu suivant lui (c’est une méprise }, que le produit de veté, du désappointement des passions , etc., et disposition actuellement inhérente au caractère ; (159 ) et en rangeant au nombre des ridicules de notre époque cette étrange maladie , qui ne peut être épidémique en France, M. Lévy lui donne toutefois une grande préférence sur le ton déhonté du libertinage de quelques époques précédentes. = M. Le Pasquier a lu la 1° partie d’un Mémoire sur les Monts-de-Piété, dans laquelle il expose l'ori- gine , le but et les modifications de ces établissements, créés pour subvenir au malheur, mais souvent une ressource bien ruineuse. L'Académie attend avec in- térêt le développement des idées de l’auteur sur les moyens de rendre cette institution d'économie poli- tique à toute la pureté de sa destination primitive. = M. Deville a lu une Dissertation sur un fait de PHistoire de France, attribué à Philippe-Auguste. « On lit, dit l’auteur, dans toutes nos histoires de France , que le jour de la bataille de Bouvines , Philippe-Auguste , au moment de marcher à l’ennemi , fit dresser un autel en présence. de son armée, et, après y avoir déposé sa couronne , s'écria en s’adres- sant aux guerriers rangés autour de lui: « S’il en est « un plus digne, qu'il la prenne ; je le suis au « combat ! » Que toute l’armée s'écria : « vive Phi- « lippe! Vive notre Roi ! Qu'il reste notre Roi ! » « IL est peu de faits de notre histoire qui aient été plus répétés et plus admirés en même temps. I n’en est point sur lequel on se soit arrêté avec plus de complai- 18. (140 ) Notre confrère commence par exprimer des doutes sur la vérité de ce fait, qui lui paraît une sorte de fan- faronade peu conforme au caractère du prince et in- digne de la majesté du trône... Ensuite, remontant à l'origine de l’anccdote, il acquiert la conviction que nos historiens modernes se sont copiés les uns les autres sur la garantie de Scipion Dupleix, sans se douter qu'ils racontaient un fait purement imaginaire. Or, Dupleix prétend l'avoir puisé dans Rigord ou Rigordan ; mais Rigord, reprend M. Deville, n’a conduit l'his- toire de Philippe que jusqu'en 1209 , cinq ans avant la bataille de Bouvines ; et lé fait est que Pithou et Du- chesne ont commis une erreur en mettant la suite de cette histoire sous le nom de Rigord (ce qui a pu trom- per Dupleix ), et que c’est Guillaume Le Breton, cha- pelain du Roi ; continuateur de Rigord , qui a donné le récit de cetie journée , où il se trouva lui-même aux côtés de Philippe. Or, Guillaume Le Breton, qui parle de visu et auditu de cette grande seène , ne dit dans son histoire , ni dans sa Philippide, pas un mot qui puisse faire soupçonner la réalité du fait en question. « Nous avons consulté toutes les chroniques de lé- « poque, dit notre confrère : aucune ne vient justifier « l’anecdote de nos historiens modernes. » Et puis revenant à Dupleix , il regarde comme possible que celui-ci ait trouvé dans le fatras indigeste de Richer, abbé de Sénones, le germe de son historiette ; et, après avoir détruit l'autorité du bon moine par le jugement du savant dom Brial , M. Deville conclut en ces termes : + La « Quoi qu'il en soit, au surplus, du degré que mérite l'abbé Richer, et des empr pu lui faire Dupleix, le récit de Guill: de ce témoin occulaire, est là p Jl tranche la question. On serait t (147) toire marchait toujours appuyée sur de pareils docu- ments. Ainsi il reste constant que le discours attribué à Philippe-Auguste par nos historiens modernes , le jour de la bataille de Bouvines ; discours traduit tant de fois par le pinceau de nos artistes et la plume de nos poètes, n'est qu'un jeu de l'imagination de lhis- iorien Scipion Dupleix, dont Mézeray, Velly, An- quetil et autres se sont faits les échos, et qu'il doit être rangé dans la foule de ces faits apocryphes dont fourmillent malheureusement toutes nos histoires de France. » =L'Essai historique et descriptif de l'Abbaye de St-Georges, publié par le même M. Deville, est un des monuments de ce genre les plus importants de notre département. M. Auguste Le Prevost en a fait un rapport très-étendu, et qui relève par la magnificence des éloges l'opinion avantageuse que le public avait déjà conçue de cette belle composition. | Histoire et figures, tout est de la main de l’auteur, avantage assez rare et précieux, dit M. le Rapporteur, surtout dans une partie aussi délicate à traiter que l’ar- chéologie.…... Fondation primitive de la collégiale de Saint-Georges ; transformation en abbaye ; sa destinée jusqu'à ce jour; description exacte; diplomes impor- tants retrouvés par l’auteur ; chartes ; liste des protec- teurs de l'établissement ; renseignements précieux de toute espèce qu'il est possible de rattacher à la respec- table enceinte: …. tel est le sommaire de la première partie de l'ouvrage. aux figures, qui forment la seconde, sans entrer ls il suffit d'en appeler au jugement de "sur le total de l'ouvrage ; il le met, de et le fini , etc., beaucoup au-dessus de C142) « toutes les productions archéologiques des temps anté- « rieurs, y comprises même celles du dix-huitième siècle. Il le range parmi les publications nombreuses qu'il voit éclore autour de lui, et qui ne seront, dit-il, jamais effacées ; il y reconnaît les recherches d’une savante érudition, parée de tous les charmes que peuvent y ajouter la beauté et la fidélité des figures ; il n’a pas connaissance qu'il existe, dans la France entière, au- cun travail de ce genre qui lui soit préférable... » = Dans son discours de réception, M. Prosper Pimont a pris pour texte : Aperçu des progrès de l'industrie en France. Ce sont d’abord des idées générales sur la valeur que lindustrie donne aux produits agricoles, sur la supériorité des premières nations manufacturières , sur la lenteur des progrès, causée par des préjugés divers} que l'orateur s'attache à combattre. De là passant à industrie française, M. Pimont la voit naître sous Charlemagne , languir sous ses successeurs , dépérir par Peffet des invasions des Normands , conquérir quelques procédés et machines dans le douzième siècle , demeu- rer stationnaire durant les deux suivants, se ranimer par la découverte de l'imprimerie, s’agrandir , dans le midi de l'Europe , par la découverte du Nouveau- Monde , tandis que la France, indifférente aux succès de ses voisins , la France ne savait que faire la guerre au-dehors et se déchirer au-dedans...... Le règne paternel de Henri IV rend à la France le goût des intérêts positifs, qui retombe dans l’assoupisse- ment à la mort du bon Roi, pour ne se réveiller d’une manière sensible que sous le règne de Louis XIV... Des crises politiques , des réglements , bons peut-être dans le principe, mais trop rigoureusement exécutés , enchaînent le génie des améliorations... Enfin, après. Cake.) une lutte pénible contre les entraves et la routine, vers le milieu du dix-huitième siècle , éclairée par les théories et les expériences de la mécanique ct de la chimie , l'in- dustrie prend une marche plus franche ; et bientôt, soutenue dans son essor par l’indépendance , son premier besoin, elle s'élève à ce haut degré de développement qui fait la gloire et la véritable richesse des nations, état de prospérité dont M. Pimont se complaît à dé- crire tous les éléments tels qu'il les voit dans sa patrie. — Rien de ce qui se rattache à la gloire nationale , a répondu M. le Président, ne saurait être étranger à l’Académie. M. Licquet a bien reconnu la néces- sité actuelle de lPindépendance pour l’industrie ; mais Penfance a besoin d'un guide , et partout où il voit un berceau , il s'explique aisément les lisières. Il a balancé les torts des hommes du Nord par les faveurs des ducs et la sagesse de leurs réglements sur la ma- tière. À l'influence de limprimerie il a ajouté les résultats antérieurs des connaissances acquises dans les croisades. Les noms d'Henri IV et de Louis XIV lui ont rappelé la réunion de toutes nos gloires , sauf une grande erreur politique , funeste à l’industrie , sous le grand Roi. Mais, a repris M. le Président , aujour- d’hui qu’elle a obtenu son émancipation, …. espérons que la France n'aura bientôt plus à craindre ni su- péricure ni rivale, = Rectification de quelques erreurs dans l'Histoire de da Normandie : tel est le titre d’un Mémoire lu par M. Licquet. D'abord l’auteur conteste à Rollon l'ori- gine de la clameur de Aaro , « parce qu'elle existait , « dit-il, avant lui sous une autre désignation. » De même pour l'échiquier , « parce qu'il n’en est proba- « blement point l'instituteur. » De même encore pour (144) les brasselets d'or, etc., suspendus dans nos forêts, « parcé que, avant Rollon , Alfred en Angleterre , « et Frothon en Danemarck ,; en avaient donné « l'exemple... » En second lieu, M. Licquet révoque en doute le mariage de Rollon avec une fille de Charles-le-Simple , nommée Giselle , parce que Charles-le-Simple n’a jamais eu de princesse de ce même nom ; parce qu’elle serait sortis de Fréderune où d'Ogive , les deux seules femmes de ce prince admises par M. Licquet; parce que de son alliance avec la première femme, célébrée en 907; il n'aurait eu, à l'époque du traité de Sainte- Clère, qu'une princesse, de quatre ans à offrir au duc de Normandie, quoi qu'en dise Mézerai, qui reporte ce premier mariage à l'année 905, et malgré l’asser- tion de M. Depping , qui transpose le mariage d’Ogive en go1 ; parce que, si l’on admettait, avec quelques écrivains, que cette Giselle ft une fille naturelle du roi de France, en lui, supposant quinze ans à l’époque du mariage” Charles n'en ayant que trente-deux , « je « me croirais, dit notre confrère , à l'existence de la « princesse aulant de part pour le moins que le. « père qu'on lui donne. » « D'un autre côté, continue M. Licquet, en donnant «au duc de Normandie la main d’une, princesse de « quatre ou cinq ans, on l'aurait mis dans le cas de « m'entrer au lit nuptial qu'avec les espérances que « peuvent donner soixante-quinze ans accomplis. Du « reste, cette Griselle ne laisse aucune trace dans « l’histoire... » Maintenant, pour rétablir les faits et les mettre à leur place , M. Licquet invoque un passage de Réginon, : apud pistorium, page Go, et l'autorité de Sigebert, qui, tous deux, copiés par les autres chroniques, mariént à Godefroy, chef des Normands, une princesse” (145 ) nommée Giselle , fille de Lothaire, avec les circons- tances du baptême , l’un en 882 et l’autre en 884. ML. Licquet développe ensuite plusieurs moyens d’une critique de détail, pour confirmer le témoignage des au- teurs précilés, et débrouiller la confusion ; et le mé- moire est terminé par cette conclusion : que notre premier duc n'a point épousé une fille du roi de France, ni une sœur, puisque Charles n'avait ni fille ni sœur. = M. Maillet-Duboullay , architecte de la ville , a pré- senté trois dessins des bas-reliefs, de sa composition, destinés à décorer le péristile de l'Hôtel communal de Rouen. Le premier dessin se compose des armes de la ville et de deux figures allésoriques, Mercure et Minerve , avec les attributs du commerce et de la navigation, des arts et de l’industrie. Le but des deux autres bas-reliefs a pour objet de rendre hommage aux hommes célèbres que la ville a vus naître ; le nom du grand Corneille et d’autres noms chers à la ville de Rouen sont gravés auprès des objets qui rappellent le genre de la célébrité qu'ils ont acquise. = En réponse à la demande faite à l’Académie, par M. Adrien Balbi, de Paris, M. Ballin a fait un rapport dans lequel on remarque le passage suivant : « On compte à Rouen à peu près constamment , depuis plusieurs années, environ 400 mendiants. Les pauvres secourus à domicile ont été, pendant les trois dernières années, au nombre d'environ 8,000 , terme moyen formant près de 2,700 familles; mais cette proportion a été dépassée de beaucoup pendant le 1°r semestre de cette année : on en compte aujourd'hui 9,124, appartenant à 3,218 familles. + ( 346 ) « Ce fâcheux état de choses paraît devoir être attribué au ralentissement des affaires du commerce. La ville de Dieppe compte environ 300 mendiants , et de 14 à 1500 pauvres secourus à domicile. » Notre confrère regrette de n'avoir pas eu le temps de porter ses recherches sur les autres villes du dépar- tement. Il donne aujourd’hui ce résultat pour ne pas se faire trop attendre, et il promet de procurer , Pannéo prochaine, des renseignements plus étendus. —= Une Notice sur l’Asile des aliénés à Rouen, par M. Ballin. Une Notice bibliographique sur un opuscule en vers du temps de la Ligue , intitulé : Prosa Cleri parisiensis ad ducem de Men, post cœdem Henrici IT, par M. Duputel. Une Dissertation historique sur Alain Blanchard ( Réfutation des Historiens modernes ), par M. 74. Licquet. La Description du dernier tableau de M. Court , de Rouen, (Antoine haranguant le peuple après la mort de César), par M. Des Alleurs fils. Le Renard et la Pintade , fable, par M. Le Filleul des Guerrots. Des Stances improvisées dans une promenade au Cimetière monumental , par M. Duputel. Une Traduction libre de Ode d'Horace : Æquam memento , etc., par M. Deville. Une Scène d’une Tragédie inédite (Henri IV et Biron), par M. Dupias. L'Académie a ordonné l'impression de tous ces ou- vrages , dont plusieurs vont faire partie des lectures, dans cette séance. C 147 ) Puisse, Messieurs , le compte général que nous avons l'honneur de vous soumettre , satisfaire votre zèle pour la propagation des lumières , répondre aux vues bien- faisantes du Monarque , à la bienveillance de ladminis- iraiion municipale , aux encouragements accordés par l'administration du département, et offrir, pour la continuation de ces mêmes faveurs , quelques garanties à la sagesse d’un administrateur éclairé (x), et dont la présence dans cette enceinte, à son entrée dans le département , est, pour les Sciences, les Lettres et les Arts, d’un augure favorable , et déjà pour l'Académie un véritable bienfait. PRIX PROPOSÉ POUR 1829. L'Académie n'ayant reçu aucun mémoire pour le prix de 1828, à remis le même sujet au concours pour l’année 1829, avec la rédaction suivante : Examen critique des Ouvrages composés dans les 11< et 12° siecles, sur l'Histoire de la Normandie. Le prix sera une Médaille d’or de la valeur de 300 fr. Chacun des Auteurs mettra en tête de son Ouvrage une devise qui sera répétée sur un billet cacheté où il fera connaître son nom et sa demeure, Le billet ne sera ouvert que dans le cas où l'Ouvrage aurait obtenu le Prix. (1) M. le comte de Murat , nouyeau Préfet du département. 19. ( 148 ) Les Académiciens résidants sont seuls exclus du Concours. Les ouvrages devront être adressés, francs de port, à M. N. Bicxon, Secrétaire perpétuel de l’Académie pour la Classe des Belles-Lettres, avant le 1% Juin 1829. Ce terme sera de rigueur. LL LS Lenny, del. Court, pinæwt a J 1) de S & =) | \ L AE (= Tr / d h — 5 AE en 4 = Fe \ Fi == = = A « À FR À AE j : À éZ Se UE = ce ot = 1 | (pis S . Fa S PS, # KA n 2 Ro | A # EE) AG Z | En TE a (cs FIES el Fi , ! ES & LL Là d ER ne (149 ) AAA AAA AA AAA AAA AA AAA AA AM AAA AV A AMV AA AV AR AY ’ MEMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. PROPOSITION FAITE À L'ACADÉMIE DE ROUEN , Dans sa Séance du 7 Mars 1828, Par M. pes Azreurs Fils, D-M. M. Messieurs , Tout le monde connaît ce trait célèbre de l'Histoire romaine , l'assassinat de Jules-César , le premier jour des Ides de Mars, dans le sein:même du Sénat; il est donc inutile de vous retracer les détails donnés par les historiens sur ce forfait politique, commis par les pre- miers de Rome, le fils adoptif du dictateur lui-même, Cassius et d’autres romains chez lesquels l'esprit répu- blicain vivait encore. Vous savez qu'Antoine, le confi- dent intime de César , accusé de n'avoir pas ignoré le crime que l’on méditait, tâcha, en adroit politique, d'exploiter à son profit ce terrible événement. Il prononça en public loraison funèbre du grand homme, dont il exposa le corps sur le forum. A l’exemple de tant d’au- tres ambitieux , il avait trop bien vu que ce peuple dé- généré avait besoin d’un maître , et, dévoré du désir de M. le Président a proclamé à la Séance publique que l'Académie avait adopté la Proposition de M. Des Alleurs, et qu’un tableau des- tiné à orner la Salle des séances de l'Académie avait été commandé à M. Court, Le sujet adopté est Corneille reçu au Théâtre par le Prince de Conde. ( 150 ) le devenir , il profita de cette circonstance pour exciter ce même peuple, à l’aide d’une éloquence appropriée , à immoler ceux qui venaient de le délivrer; cherchant à se débarrasser ainsi lui-même des républicains, qui devaient lui réserver le sort de César, s’il parvenait à lui succéder. L'histoire a depuis long-temps jugé les auteurs de ce drame funèbre , et fait à chacun d’eux sa part de gloire et d'infamie. Ce n’est pas ici le lieu de motiver ces divers juge- ments ; mais Ce que tout le monde voit au premier abord, c’est que ce meurtre mémorable révéla le vé- ritable état du peuple romain à cette époque; qu'il fut le signal de la décadence de la république ; qu'il mit en jeu des passions et des ambitions qui ensanglantè- ièrent l'Italie et changèrent les destins du monde. Cet événement fameux offrait un trop grand intérêt pour n'être pas mis à la scène , et la mort de César a fourni le sujet d’une belle tragédie, Mais il est extraor- dinaire qu'aucun peintre, jusqu'à ce jour, ne se fût emparé de ce fait éminemment tragique, et capable d'émouvoir le cœur par les yeux : il est pourtant vrai que , soit qu'ils n’en eussent pas deviné les beautés, soit qu'ils en eussent redouté les difficultés, les artistes n’a- vaient point encore entrepris de nous retracer cette grande page historique. Un jeune peintre, né dans nos murs , lauréat de l’A- cadémie de peinture, vient, pour son coup d'essai, d'aborder ce beau sujet, et il n’est personne d’entre vous , Messieurs, qui n'ait en endu parler avec éloge de cette vaste et belle composition. Jugée de la manière la plus favorable, à sa première apparition aux Petits-Augustins, lors de lexposition des travaux des élèves de l’école de Rome, elle fut en- core perfectionnée depuis par l’auteur, docile aux re- (zä5x)) proches d’une critique judicieuse et aux conseils d’une amitié sincère, Mise à l'exposition du Louvre près des tableaux des grands maîtres, elle a soutenu avec honneur cette redoutable comparaison, et n’a rien perdu auprès du public ; mais, ce qui est plus rare et plus glorieux en- core , elle a acquis une grande faveur auprès des ar- tistes : aussi, d'une voix unanime , le Marc - Anioine de M. Court a été proclamé l’un des plus beaux mor- ceaux de l’exposition de 1827, un titre d'honneur pour son auteur dès-à-présent , et, aux yeux de tous les can- naisseurs , le gage de grands succès pour l'avenir (x). Admis dans l’atelier du peintre , à même de nous pé- nétrer de ses intentions , nous avons examiné son ta- bleau avec toute l'attention que commande un travail de cette importance , tout l'intérêt que doit nous ins- pirer un compatriote, et enfin toute l'impartialité d’un homme qui sait que l’amour-propre de l’auteur ne viendra jamais se placer entre la manifestation sin- cère de ses opinions et la réponse du peintre : car, Messieurs, et je me plais à le publier ici, le jeune Court joint à un talent du premier ordre une modestie propre à en rehausser l'éclat, et, forcé d'admirer ses œuvres, on ne peut se défendre d'aimer sa personne. J'ai dû penser que l’Académie, qui à compté parmi ses membres les plus illustres les Lecat, les Descamps, ces admirateurs et ces protecteurs des arts, qui voit en- core dans son sein des artistes d’un rare mérite et des amateurs qui peuvent rivaliser avec des maîtres habiles, (1) Le Gouvernement a acquis le tableau dont il s'agit ici; cette ac— quisition a été proclamée à la Séance solennelle où Sa Majesté a distribué des récompenses aux artistes qui s'étaient distingués dans l’ex- position de 1827, Il est maintenant placé au Musée royal du Luxem- bourg. (ra$a)) j'ai cru, dis-je, que l’Académie n’entendrait pas sans intérêt une courte description du tableau de notre com- pairiote , et qu’elle protégerait de son ombre tutélaire une jeune illustration qui; grâce à son appui, peut devenir une répuiation glorieuse pour la patrie des Jou- venet, des Lemonnier , des Barbier, des Robert, des Lemoine , etc. Je n'ai aucune mission spéciale pour vous entretenir d’une pareille matière, Messieurs : aussi n'ai-je pas la prétention de le faire en connaisseur. Je sens vive- ment, voilà tout, Voué exclusivement à la science, et la cultivant avec ardeur , je ne puis cependant me défendre d’aimer les arts. Notre institution m'y autorise, je crois : Lecat et Descamps, vous le savez, partagè- rent le même amphithéäire, et sur nos médailles on remarque Le Poussin à côié de Fontenelle. Voici comment M. Court a conçu et exécuté son sujet : il a choisi l'instant où Antoine, saisissant le man- teau ensanglanié qui recouvre le cadavre du dictateur, le présente au peuple , en lui répétant les dernières pa- roles adressées par César expirant à son fils adoptif, Brutus, le chef de la conspiration: Tu quoque , mi Brute ! Les principaux personnages sont : Marc-Antoine, Brutus et Cassius, et, disons-le, le corps du dictateur assassiné. La scène a lieu sur le forum. Vers le milieu de la composition, mais un peu sur la droite du tableau, on voit la tribune aux harangues; une colonne qui porte la louve avec ses deux nourrissons est placée derrière ; on ne peut en douter, nous sommes à Rome. Le cadavre livide de César, la tête encore ceinte de la couronne de laurier, la poitrine découverte et portant les traces de nombreux coups de poignard, est déposé sur la tribune, dans un brancard orné. En avant, Antoine, tenant le manteau ensanglanté du héros, le montre au peuple, ( 153 Ÿ en désignant les meurtriers. Derrière le Corps, Sur un plan plus reculé, se trouvent plusieurs personnages de distinction, mais notamment Lépidus, portant le tes- tament entouré d’une bandelette, Des deux côtés de la tribune, aux extrémités du brancard qu'ils ont porté, l’on voit des licteurs, dont la figure grossière et im- passible contraste d’une manière heureuse avec la dou- leur, la fureur, le désespoir, l’atiendrissement, la crainte, l’indignation, l'incertitude, la terreur, qui se peignent dans les traits des nombreux personnages qui animent cette scène de deuil, Tous ces sentiments de- vaient être à, Messieurs, et ils y sont retracés en effet avec une variété, une énergie, des oppositions, et cependant, dans l’ensemble, avee une harmonie digne des plus grands éloges. C’est ainsi que Marc-Antoine, auquel on a reproché, peut-être avec quelque raison, sa petite taille et le manque d’élévation dans la physio- nomie , à bien cependant l'expression d’un fourbe , cette couleur de peau qui convient à l’ambitieux, et ce coup d'œil douteux qui annonce un homme à qui tous les moyens sont bons, capable de feindre tous les sentiments qu'il n’a pas, et de soutenir avec vigueur les fureurs d’une sédition. Derrière ce manteau ensan- glanté qu’il tient à la main, que voit-on, dans la demi- teinte? la figure immobile et commune d'un soldat ; plus bas, en avant, un homme qui baise la robe de César; un autre, penché sur ses pieds, les embrasse convulsivement, et son attitude annonce le désespoir dans les traits de sa figure qu'on ne voit pas. Sur le troisième plan de la tribune, c'est Lépide, levant les yeux au ciel; son front chauve est brûlé par le soleil de PAfrique dont il arrive ; l'expression de sa physio- nomie est celle de la douleur, mais avec cette incer- titude politique qui fut son partage, et que l’on pour- tait peut-être caractériser par un termeplus expressif. 20 (154) A ses côtés, mais plus bas, est un des porteurs, homme robuste, auquel sa tête et son corps recou- verts d’une peau de léopard donnent un aspect sau- vage qui contraste avec la physionomie attendrie d’un jeune homme, d’une beauté ravissante , qui, cédant aux sentiments d'expansion propres à cet âge, sans doute aussi à la reconnaissance , saisit la main glacée du dic- tateur et la baigne de ses larmes. Que vous dirais-je ? Messieurs; la science des contras- tes, l'art de l’arrangement, l’heureuse variété des tons et des costumes, celle des poses, l'agencement des figures, disposées de serte que les lignes qui se déta- thent sur le ciel, à l'horizon, et même dans toutes les directions, soient rompues sans choc et de la manière la plus heureuse ; se font remarquer dans toute cette partie du tableau. Le second groupe qui attire et doit attirer de suite les yeux, est formé de trois personnages et occupe la gauche ; il se compose d’abord , et sur le premier plan, en dedans, de Brutus, couvert de la toge; de Cassius, le casque en tête; enfin, à un pas derrière , et au bord du tableau, d’un autre conjuré revêtu de la cuirasse et du manteau, mais sans casque, Brutus descend du Capitole ; la forme de sa tête et jusques à sa chevelure, ses traits prononcés, ses yeux caves , le front proéminent du courage et de la fermeté, annoncent assez le fanatique de la liberté, Mais com ment vous rendre la sombre énergie de cette belle tête ? H paraît au milieu de ce peuple auquel on vient de donner le spectacle toujours si puissant d'un, grand homme assassiné : l'instant est critique ; ‘il est désigné, dans un discours virulent, comme le chef des conjurés , à une populace ameutée qui oublie le tyran pour ne plus voir que le héros lichement immolé; ses libéra- teurs ne sont plus pour ce peuple qne des assassins ; ( 1557) Brutus est environné de dangers, et sa main est sur son poignard prête à le saisir s’il le faut, On voit que: sa grande ame est plongée en elle-même; il médite une forte résolution, et réprime de sa main droite le mouvement de Cassius qui tire son épée pour aller frapper Antoine. Mais, Messieurs, et suivant moi c'est ce qu'il faut le plus admirer ici, à travers le grand homme, à travers le sauveur de Rome, à tra- vers Brutus enfin, on reconnaît le fils adoptif de César : le {u quoque, mi Brute, vient de retentir à son oreille : le tyran n'est plus là, c'est le bienfaiteur assassiné, læ nature réclame ses droits; ce double sentiment est lisible sur cette terrible figure. Oui, il y a des larmes dans ces lèvres tremblantes, la nature vaincue se débat encore ; la tragique physionomie de Brutus exprime les angoisses de son ame, et l’on ne peut s'empêcher de dire, en voyant ce beau contraste : sa tête et son bras sont à Rome, mais son cœur est à César ! À la droite de Brutus on voit Cassius, exalté par l'en thousiasme de la liberté, et portant dans ses traits cette énergie militaire avec laquelle l’histoire nous le repré= sente, Sa figure exprime l’ardeur du patriotisme , et c’est l'épée à la main qu'il veut achever la délivrance des Ro= mains. À côté de ce guerrier, mais un peu plus en arrière, on remarque un autre conjuré ; il retient aussi Cassius, et l'empêche de tirer entièrement son épée. Son teiné est jaune, ses sourcils froncés, son attitude exprime le dépit, c'est trop peu, l'indignation contre Antoine ; le désir de la vengeance est parfaitement exprimé sur cette face de conspirateur ; mais quelle différence avec le Brutus! chez celui-ci on trouve encore quelque chose: d'humain , chez l’autre la nature est morte (). PSS ste nues ,otgon ,pésldet uh jelle | yo: (1) Nous croyons que c'est Cimber que le peintre a voulu représenter. 20: (156 ) Il nous semble que c'est une idée bien heureuse de l'artiste d'avoir mis la figure ouverte et loyale d’un guerrier entre celles de Brutus et de l'autre conjuré ; mais une autre opposilion encore plus belle, à mon avis, est l'opposition morale qui se trouve ici. L'action de Brutus, monstrueuse dans nos mœurs et suivant les préceptes de notre morale divine, est un acte de vertu, suivant le paganisme et dans Rome. Le sentiment d’exaltation qu’elle produit est généreux , et il retentit dans l’ame de Cassius , qui , en guerrier , tire son épée pour achever l'ouvrage des conjurés : au con- traire l’action d'Antoine est celle d’un intrigant , dont la douleur affectée n’exciterait pas l’éloquence si elle n'é- tait soutenue par l'ambition. Aussi c'est au peuple qu'il s'adresse , c’est la multitude qu’il invoque ; il agit sur elle-encore plus par les yeux que par les paroles ; c’est en présence du cadavre de César, sa robe ensanglantée à la main, qu'il l'excite à venger sa mort; c’est un orateur. dé carrefour qui demande un mouvement po- pulaire pour en profiter ; aussi la populace répond-elle à sa voix, et un homme de cette classe, apercevant les conjurés, ramasse une pierre pour les lapider. On a blâmé cette figure , que l’on a dit empruntée à d’autres tableaux ; elle est fort bien faite comme peinture, et d’ailleurs c’est s'enrichir que d'emprunter ainsi. L'idée profonde qui a présidé au contraste, que nous venons de signaler annonce que M. Court saura creuser les- prit de l'histoire, et que la force de ses conceptions sera digne de la vigueur de son pinceau , car il possède éminemment ces deux qualités, si précieuses pour le peintre d'histoire. Je viens de vous décrire les deux groupes principaux, et je le devais par respect pour l'intention du peintre et pour l'effet du tableau ; mais, Messieurs, nous sommes sur la place publique ; il s’agit des destinées du peuple C kb.) roi. Un grand coup d'état vient d'être frappé, Rome est en émoi, toutes les passions sont en jeu, tous les partis en présence ; on partage les intérêts des conjurés , on plaint César, on répond aux inspirations d'Antoine ! Les deux groupes principaux sont donc séparés, ou mieux, réunis par une foule de personnages qui, parti- cipant à l’action, loin de nuire à l'intérêt, laugmentent au contraire ; en exprimant la multitude de nuances que peut exciter la passion, nuances qui sont rendues sous des formes aussi variées que la nature elle-même. Le génie du peintre ne la pas abandonné ici, Messieurs, et la preuve en est facile, Rappelez-vous ce jeune homme qui baise la main de César , et qui, placé au pied de la tribune, fait tous ses efforts pour atteindre jusques à lui. Ses pleurs vous attendrissent ; un héros mort, la jeunesse en deuil, avec un sentiment d'amour et d'expansion, forment un rap- prochement sublime. Savez-vous ce qui se trouve situé au-dessous de cette figure intéressante ? une autre figure, que la pensée du peintre d'histoire peut seule rencon- trer , et que lillustre maître de M. Court a lui-même admirée : c'est un de ces êtres vils et désœuvrés qui vivent de scandales, et dont le physique ignoble réfléchit une ame digne d’une telle enveloppe ; c’est un de ces gens qui cherchent leurs plaisirs dans les tribunaux, leurs spectacles aux exécutians, et sont toujours prêts à répondre à l'appel de la haine et à servir les fureurs de l'esprit de parti. Celui-ci est assis au pied de la tribune, sa place d'habitude, je le parierais ; enveloppé d’un manteau de couleur rouge sale, il écoute la harangue du consul (1), son cœur répond à cette éloquence, la fureur brille dans ses yeux, il mord ses lèvres, et sem- oo (1) Antoine avait été fait consul cette année par Césan ( 158 ) ble une bête féroce prête à s’élancer sur sa proie ; les plis de son mañteau indiquent la contraction de ses membres, et il est difficile de se faire une idée de la profonde énergie de cette figure d'enfer, de cette tête d'artiste! La chevelure arrondie sur le front , à la ma- nière de Rome, la proéminence des rebords supérieurs des oreilles heurtés par la lumière, la teinte livide de ces joues cavées par la misère et toutes les passions honteuses, donnent à cette figure l'aspect d’un homme des bois. Après avoir éprouvé la terreur et le dégoût qu'elle doit naturellement inspirer, je ne pus m'empé- cher de sourire de cette remarque qui me fut faite par l'artiste lui-même : je craignis un instant que cette comparaison ne fût répétée, et que le public français n'eût pas l'instinct de reconnaître une beauté sous une plaisanterie ; je l’engageai donc à modifier cette tête , mais j'appris avec joie qu'un des plus grands maîtres de notre école s’opposait vivement à ce sacrifice, qu'il appelait une profanation. Dans la partie droite du tableau se trouvent encore: beaucoup d’autres figures qui expriment plus où moins vivement leurs diverses passions; mais parmi celles-là Je ne puis m'empêcher de citer celle d’une femme , vue de profil, qui est d’une beauté de faire et de con- ception étonnante ; c’est ce qu'on appelle, en peinture, une figure Zrouvée, On en peut dire autant d'une autre femme dont je parleräi tout-à-l'heure. En revenant vers le milieu du tableau, en avant de la tribune, est un vicillard assis ; il a l'air vénérable, mais, simple; sa crédulité l'empêche de sentir lartifice d'Antoine , et il-désigne à son jeune fils, qui tourne le: dos aux spectateurs | Brutus et ses complices. Ce groupe: rappelle un morceau antique peut-être, mais ce jeune homme à moitié nud est une belle étude, bien placée là, et personne ne peut s'empêcher d'admirer la tête du vieillard. C159 ) Entre ce groupe et celui de Brutus s’en trouve un autre à demi-sacrifié et de liaison, mais qui renferme des beautés de détail. Les principaux personnages qui le forment sont la femme que j'ai annoncée plus haut, et ses deux enfants. Sa coiflure, composée de tresses re- couvertes de bandelettes en forme de réseau, convient parfaitement à son caractère de tête. Les yeux et les bras levés vers la tribune, elle exprime la part bien vive qu'elle prend à l'événement ; mais, par un sentiment particulier qui doit dominer dans son sexe , la curiosité, ses yeux se portent surtout sur le corps de César assas- siné, et elle fait tout ce qu'elle peut pour le bien voir! A sa droite , un enfant nud se cramponne à sa cuisse, et semble la prier de l’élever dans ses bras pour qu'il puisse voir aussi : cette étude ne laisse rien à désirer. A sa gauche est son autre enfant, debout sur une pierre : il domine le corps de sa mère, qui s'appuie sur son épaule. Cette tête d'enfant est ravissante. La peau est un peu brune , ce qui forme une heureuse opposition avec celle de la mère. Au milieu de cette scène tumultueuse, sa figure est sans émotion bien vive ; il regarde attentivement Brutus, et ses yeux expressifs annoncent une raison précoce, La coupe de la tête , les saillies frontale et pariétales très-prononcées , prouvent une grande capacité cérébrale , et l'on démêle facilement dans ces regards fixés sur Brutus les germes de l'énergie et les traits d’une grande ame; c’est un petit Romain dans toute la force du terme; aussi, admiré par tous, le nom lui en est-il resté. Un autre enfant, porté sur les épaules de son père, dont la figure est très-jolie, mais rappelle un peu les Christ de Mignard, est vu de profil, et mérite aussi de justes éloges. Le fond de la scène est occupé par la façade du temple de Jupiter, dont la foule inonde le péristile { 160 ) formé de colonnes d'ordre corinthien , surmontées d’un fronton que couronne lui-même la statue colossale du dieu. L'’horizon est borné par les édifices qui entourent le forum, couvert d’une multitude dont l'attitude et les mouvements indiquent une sédition ou un grand événe- ment, J'ai négligé dans cette énumération un grand nombre de personnages qui , sacrifiés, suivant l’expression tech- nique , dans le tableau, doivent l'être aussi dans la description. : L'ensemble de cette vaste composition est imposant ; on éprouve involontairement, quand on la voit pour la première fois, l'impression que ne manquent jamais de causer les ouvrages d’un mérite supérieur. Mais lors- qu’on y revient, ce dont il est difficile de s'empêcher, il faut être bien peu instruit ou bien peu sensible pour ne pas éprouver de profondes émotions. Trois reproches principaux ont été faits à M. Court. Le premier est le manque d'air, et la confusion dans les groupes. Il y a ici jugement précipité par défaut d'exa- men assez approfondi : cet effet n'a plus lieu à une seconde inspection, Je l’éprouvai un instant moi-même à la première vue : je Pavouai au peintre , maïs j’ajoutai que, dans mon opinion, cela tenait aux proportions de sa toile, et non à la disposition des groupes eux-mêmes ; il me serra la main avec expression, en me disant: vous êtes juste, vous, et cela me fait grand plaisir ; je me suis aperçu trop tard que ma toile était un peu trop étroite, je n'avais plus le temps de recom- mencer (1). (1) Je me suis convaincu depuis, par un nouvel examen, qu'en effet eelte confusion n’est qu’apparente; cependant nous ne pouvons nous empècher d'engager M. Court, dans ses autres compositions, à éviter cet inconvénient. (Ca16r ) Le second reproche est celui fait à la couleur, de laquelle on a dit qu'elle était trop crue, trop terne et trop calme. La vérité est, Messieurs, qu'elle n'est point brillantée, fausse et de convention , comme on semble le désirer de nos jours; mais tranquille comme la nature, brillante où il le faut, et surtout vraie et flatteuse à l'œil du connaisseur. (1) M. Court n'étudie que la nature , dont il veut être l'in- terprète fidèle ; aussi, dans son tableau, on reconnaît d'abord un style noble mais simple, une belle en- tente, de l'imagination, mais avec sévérité, une noble indépendance de ces règles abusives ou surannées de oo (Gi) La preuve que c’est avec intention que M. Court a donné à son tableau cette couleur calme et tranquille, c’est que, dans d’autres com- positions qui ont figuré à la mème exposition, il a prouvé qu’il pouvait employer aussi avec succès les tons chauds et brillants. Des connaisseurs ont partagé notre avis sur ce point, et nous citerons , à leur exemple, deux tableaux de ce peintre, remarquables par la beauté et le brillant de la couleur. L'un représente une jeune fille italienne , baisant la main d’un capucin assis; l’autre, le portrait d’une jeune italienne, coiffée en cheveux, et pinçant de la mandoline. ( Annales des arts, 1827, page 36). Cette mème figure a été reproduite par l’auteur, à gauche de Ja nef, dans le beau tableau du Néorama, qui représente la basilique de Saint-Pierre à Rome, Ici encore nous engagerons M. Court à céder un peu au goût de son siècle, qui aime l'éclat de la couleur; il saura toujours éviter le faux brillant, Mais une main, même habile, sait combien il est difficile d'atteindre le vrai ton de la nature; et il faut que les grands artistes de notre pays fassent oublier le reproche fait tant de fois à l’école fran- çaise de prodiguer les tons gris. Quand on a vécu en Italie, on peut, de mémoire, prêter dn charme à notre ciel sombre, qui est la véritable cause du défaut reproché à nos artistes : ils ont été fidèles à la nature qu'ils voyaient dans notre climat où les tons päles et ardoisés sont si fréquents, sous un ciel souvent pluvieux. C’est sous ce rapport surtout que le voyage d'Italie est utile, et nous sommes certains que M. Court, qui va encore visiter cette terre classique, proftera, pour sa gloire et nos plaisirs, de cette nouvelle émigration. 21 (162 ) ‘école que l’on a eu raison de flétrir du nom de rou- ine; mais surtout, et c’est là le gage de son avenir, un éloignement invincible pour ces barbouillages à effets de charlatanisme dont on a déshonoré l'exposition dernière (x), et dont l'aspect repoussant pour les yeux et pour le cœur blesse à la fois le bon sens, le goût et la nature ! M. Court a beaucoup étudié les belles fresques de l'Italie ; c’est dans les inspirations et les œuvres des Raphaël, des Michel-Ange, eic., qu'il a puisé des exemples et des préceptes; aussi sa couleur, que je l’engage à conserver, imite un peu la sévérité et la tranquillité des fresques , et loin d’être blämé sous ce rapport, nous pensons qu'il mérite d’être applaudi. Enfin, Messieurs, on a dit, en dernier lieu, que le style de son architecture était lourd : c’est s'attaquer au manteau de la statue. Il est convenable et noble; il y a (1) Nous aurions pu ajouter, et l'exposition de 1825. Nous avons vu en cffet avec peine, mais sans surprise, que la médiocrité se fût élancée dans une carrière ouverte par un talent remarquable, mais égaré. Les concessions faites au mauvais goût dévaient entraîner une pareille conséquence. Quelqu'un eût-il jamais pu penser que, au dix- neuvième siècle, après la restauration opérée par Vien, David et les maîtres de cette école, on concevrait de nouveau la beauté, en pein- ture, sans dessin, sans ordonnance, sans style ? que le charlatanisme d’un coloris à antithèse, qu'on me passe celte expression, trouverait des sectateurs, des admirateurs, et, par conséquent, des imitateurs ? Remonter aux causes de cette décadence de l’école, qu'on voudrait faire marcher si près de sa splendeur, serait trop long et trop étran- ger à notre sujet. Nous nous verrions entrainés dans le domaine des lettres, des sciences, de la politique même, ét nous n'avons pour cela ni le temps, ni les forces. Espérons dans la justice du simple bon sens elle ne se fera pas long-temps attendre. Il fant quelquefois laïsser les erreurs avoir promptement leurs résultats nécessaires : ils leur servent de contre-poison. Les combattre trop tôt, c’est exposer des esprits faibles à leur accorder du crédit, parce qu'une opposition intempes- tive leur prête une importance qu’elles n'auraient jamais acquise par elles-mêmes ! (26%) plus, ce manque d'élégance raffinée est un mérite de localité; l'architecture grecque, transportée à Rome, ne doit point y conserver le caractère de l'architecture d'Athènes. Je ne fais pas mention d’autres critiques moins spé- cieuses. Que penser du blâme ou des éloges, quand la mauvaise foi ou la passion sont évidentes ? Disons-le done avec franchise, parce que le talent mérite la vérité, il y a des défauts dans la composition du jeune lauréat : eh! qu'on me eite un tableau sans défauts ! Mais, en revanche, que de beautés d'ensemble et de détail ! Quelle énergie, quelle profondeur ! quelle hardiesse dans l’emploi, et encore plus dans l’élusion des règles! Quand on réfléchit que ce tableau, fait en dix mois, est la première production historique de grande dimension de son auteur ; quand on se rappelle, après son tableau de concours (1), cette Scène du Déluge exposée dans notre Musée, et si forte d’études et d'expression (2); cet Hippolyte renversé de son char, qui l’a suivie, et qui va orner la riche galerie d’un prince du sang ; quand on se rappelle le passé, dis-je, que l’on voit le présent et que l’on songe à l'avenir, qui pourrait s'empêcher de s'écrier : il y a à un grand peintre ! Messieurs, nous vous avons rendu avec franchise et sans art les impressions que nous avons ressenties; (x) Le tableau qui a mérité le grand prix à M. Court, représentait Samson livré aux Philistins par Dalila qui vient de lui couper les che- veux. Cette composition est brûlante du feu sacré : elle annonçait ce que M. Court devait tenir. Le premier mouvement de Samson surpris, qui porte la main à ses cheveux, avait été généralement admiré. Ce tableau est placé avec les autres ouvrages couronnés, dans la salle d'exposition, au Musée des Petits-Augustins. () L'Hippolyte a éte acquis par S. À. R. Monseigneur le due d'Orléans, 21. (364 ) mais nous n'avons point eu la prétention d’en parler en connaisseur. Plusieurs de nos confrères auraient ce pouvoir, et je désire que d'heureuses circonstances les mettent à même de vous rendre un compte plus fidèle et plus savant de ce bel ouvrage! Quant à moi, je n'ai eu qu'un bui, c'était de motiver la proposition que je vais avoir l'honneur de vous faire. M. Court est de Rouen, Messieurs : deux membres de notre Académie (1) ont guidé ses premiers pas; sui- vons leur exemple et continuons leur ouvrage. L'artiste, le peintre surtout, a besoin d'indépendance et d’aisance , principalement lorsqu'il doit faire des sacrifices pour habiter plus long-temps la terre des beaux-arts. Vous savez d'où notre compatriote est parti , où il est arrivé, où il peut parvenir ; à personne plus qu'à nous, Mes- sieurs , qui possédons dans noire sein des confrères dont les pinceaux reproduisent avec tant de succès les chefs- d'œuvres de Part; à personne plus qu'à nous, dis-je, n'appartient le droit d'aider le jeune peintre à attein- dre le noble but où il tend; c’est notre mission, notre devoir. C’est dans le sein de l'Académie que prit naissance celte école de Descamps, glorieusement sur- nommée l'Ecole normande. C’est à nous de nous mon- trer dignes de nos aînés, en soutenant , en encourageant le plus illustre élève qu’ait encore fourni cette école. Vous avez entendu le rapport favorable qui nous a été fait sur l’état de nos finances, dans une de nos réu- pions ; vous savez que l’on nous prépare une nouvelle salle de séances plus vaste : mettons-y le plus noble, le plus glorieux ornement qui puisse la décorer, char- geons Court de reproduire quelque trait historique (1) M. Descamps, conservateur du Musée de Rouen, et feu Car— pentier, professeur à l’École de dessin de Rouen. (: r6b ) éclairci par nos travaux, illustré par nos concours. Ceux qui nous succéderont conserveront de nous un souvenir de reconnaissance et un germe toujours présent d’émulation. La ville de Rouen, la France vous devront peut-être un chef-d'œuvre, car, ne vous ÿ trompez pas, Messieurs, un tableau commandé à Court par une autorité bienveillante et généreuse excitera sa reconnaissance et son zèle ; commandé par nous, je le dis parce que je le crois, il excitera, avec ce sentiment, la joie et l'enthousiasme, et c’est la pre- mière inspiration des chefs-d'œuvre ; car on m'ob- jecterait en vain que nous serons peut-être chargés de désigner le sujet d’un tableau que l'administration doit commander à Court. Ce sera un double honneur pour nous, procurons-lui donc aussi une double gloire, Un tableau demandé par l'Académie sera, je le répète, la plus douce, la plus fertile récompense de ses travaux et de ses succès. Ne lui laissons pas décerner par d'au- tres la palme qu'il a méritée. Je le proteste devant vous, Messieurs, amateur , riche, et membre de l’Aca- démie , je contraindrais mon cœur à lui laisser avant moi le droit de donner des encouragements au talent, Telle est, en effet, notre plus belle prérogative ; exerçons-la donc , puisque notre situation nous le permet: nous ne trouverons jamais une plus belle occasion, Vous avez proposé un prix scientifique d’une utilité directe pour le département, un prix de littéra- ture peut être aussi remporté; quel triomphe pour vous, si, le jour de votre séance solennelle, un tableau de Court figurait à cette fête. Jamais vous n'auriez mieux mérité votre triple titre, et les applaudissements de nos compatriotes , de toute la France, retentiraient au- tour de nous, car, n’en doutez pas, Messieurs, un tel triomphe serait populaire ! Que diraient les nouveaux conseillers de la couronne , ( 166 ) en apprenant le noble usage que nous faisons de ses dons ! Ils seraient plus que surpris que l’on eût pu avoir l’idée de nous priver d’une dotation, toujours si bien employée ! Ils nous la rendraient, Messieurs, en l’augmentant peut-être , pour en enrichir, par mos mains, les Sciences, les Lettres et les Arts (x). J’ignore comment l’Académie accueillera ma pro- position; je ne l'ai puisée que dans mon cœur, et je proteste, sur mon honneur, que personne au monde ne me l’a suggérée , que le jeune peintre surtout l'ignore. Car je l’ai jugé, Messieurs , et je n'aurais pas voulu lui donner l'espoir d’une si grande joie, s’il ne devait pas le voir réalisé, Mais j'ose espérer qu’il le sera : ma pro- position trouvera un appui dans vos cœurs, dans votre dévouement à la science et aux arts, dans votre zèle héréditaire pour illustrer et encourager tout ce qui tient à la gloire et à la prospérité de notre belle patrie ! J'ai donc l'honneur de vous proposer de voter une somme pour demander à M. Court un tableau destiné à orner notre nouvelle Salle des séances. Plein d'espoir et de confiance, je dépose ma propo- sition sur le bureau, et je la recommande avec instance au zèle et à la bienveillance de mes confrères. (1) L'Académie recevait du département une dotation de 1500 fr, Le conseil-général l’a votée l’année dernière, comme de coutume; mais elle a été retranchée par le ministre. (167) AAA AA AAA AU AAA AA AAA A A A A AA AY NOTICE SUR ALAIN BLANCHARD, ( RÉFUTATION DES HISTORIENS MODERNES ), Par M. Théod. Licquer. Messieurs , Entre tous les siéges soutenus par la ville de Rouen, le plus célèbre sans contredit est celui de 1418, com- mandé par le roi d'Angleterre en personne. Quelques écrivains modernes ont vu, dans un individu nommé Alain Blanchard, le héros de ce siége mémorable. Leur opinion s’est propagée depuis comme un fait. Tel a été même le résultat de leur amour pour cette idole , que la gloire réelle des habitants a tout-à-coup päli devant le gloire factice de Blanchard. Je viens deman- der justice pour qui elle est due ; je viens réclamer pour la ville de Rouen toute entière des honneurs à tort décernés à qui n’en fut jamais digne; je viens enfin plaider, contre une répuiation usurpée , la cause de vingt malle renommées lécitimes. D'abord on a fait de Blanchard un homme généreux, ensuite on lui a prêté une réponse magnanime , enfin on n’a plus trouvé assez de trompettes pour célébrer son héros: aujourd'hui, Messieurs, nous en sommes à délibérer s’il ne conviendrait pas de lui élever des trophées. Le continuateur de Velly à probablement la plus grande part à la propagation de l'erreur que je signale. « Les habitants de Rouen, dit-il, étaient excités prin- cipalement par Alain Blanchard, le même qui avait précédemment soulevé la ville contre Gaucourt, Ce ( 168 ) chef du peuple était devenu un héros, Ils entreprirent, sous sa conduite , de faire une sortie , au nombre de dix mille. Déjà une partie avait pénétré jusqu'au camp ennemi , lorsque le pont, dont le perfide gouverneur avait fait scier les soutiens , s’abyma dans le fleuve avec tous ceux qui se trouvèrent dessus... Il fallut céder à la nécessité... Les articles de la capitulation furent rédigés. Ils contenaient , en substance, que la garnison sortirait désarmée , ….… et qu'on remettrait au pouvoir du Roi un petit nombre de citoyens, parmi lesquels était Alain Blanchard. Ces victimes publiques fléchirent le monarque à force d’argent ; le seul Blanchard le trouva inexorable, Son courage , qui aurait dà le faire res- pecter , fut ce qui le perdit. On appréhendait qu'il w'excitàt quelque nouveau tumulte, On eût dit que les Anglais n’osaient s'assurer de la paisible possession de leur conquête sans ordonner son supplice. Il mourut avec une constance héroïque, qui dut faire rougir le vainqueur. » Tout cela, ou à-peu-près , est faux. L'histoire ne s’invente pas, Messieurs ; les écrivains modernes doivent nécessairement consulter leurs de- vanciers, en remontant ainsi jusquà la narration contemporaine, Nous avons ici des contemporains ; eh bien! à l'exception de la mort de Blanchard, tout est inexact dans le rapport de Villaret. Ii dit que les habitants de Rouen étaient excités prin- cipalement par Alain Blanchard ; Saint-Remy et Mons- trelet désignent un autre individu comme l'amour et l'espoir des habitants de Rouen. Cet individu se rom- mait Laghen, bastard d’Ally. « Ils se fiaient plus en lui, déclare Saint-Remy, que en nul des autres ca- pitaines. Il avait acquis, dit Monstrelet, la renommée et bienveillance de tous les bourgeois et manans d’icelle ville, Sous la conduite de Blanchard , prétend Villaret, C 169 ) les habitants entreprirent de faire une sortie au nombre de dix mille, » Mais les contemporains ne prononcent même pas le nom de Blanchard à cette occasion , et donnent , au contraire, à entendre que la sortie était commandée par Laghen ; bastard d’Ally. « Le pont , ajoute Villaret , dont le perfide gouverneur avait fait scier les soutiens , s’abyma dans le fleuve , avec tous ceux qui se trouvèrent dessus, » L'auteur se trompe ici grossièrement : l’action se passa au nord de la vilie, et non pas au midi; il ne s’agit point du pont de la Seine, mais d’un pont-levis ; les soldats tombèrent dans un fossé, et non dans la rivière. Tout ce que Villaret ajoute sur l'héroïsme de Blanchard est de pure invention. Les documents authentiques pré- sentent l’homme sous un aspect tout diflérent, Ouvrons aussi Monstrelet, celui de tous les écrivains du temps que les historiens modernes citent de préférence , celui- à même sur lequel s'appuie Villaret; et voyons d’a- bord ce qu'il dit de Blanchard et de sa conduite dans Rouen, deux ans avant le siége de la ville, « En ces propres iours , par l'exhortation d’aucuns qui estoient favorables et aymoient le duc de Bourgonene, se meirent sus par maniere de rebellion aucuns mes- chans gens et de petit estat en la ville de Roüen : desquels estait le principal un nommé Alain Blanchart , qui depuis fut capitaine du commun d’icelle ville. Et de fait allerent à la maison du Baïllif royal de ladite ville de Roüen, nommé messire Raoul de Gaucourt, et tous armez et embastonnez , busquèrent à son huys très fort, disant à ceux de dedans : nous voulons cy entrer et parler à Monseigneur le Baïllif pour lui présenter un traistre que nous avons maintenant prins en la ville, et pouvoit estre environ dix heures de nuict, Ausquels fut respondu par iceux serviteurs, qu'ils meissent leur prisonnier seurement iusques au lendemain : neantmoins, n°2 22 (170) Tant par leur importunité tant par force comme aus tement, ouverture leur fut faicte. Et tantost ledit Baillif se leva, et aflullé d'un grand mantel vint parler à eux : et lors aucuns de la compaignie qui avoient les faces mucées l’occirent cruellement. Et après eux partans de à allerent en lhostel de son lieutenant nommé Jean Leger, et le meirent à mort, et de là en autres lieux en tuerent iusques à dix. » (T. 1°", p.240). Qu’arriva-til! c’est que le Dauphin, depuis Char- les VIL, instruit de l'expédition héroïque commandée par Alain Blanchard, vint à Rouen avec des forces , et nomma un nouveau -Baillif, « commandant à iceluy, ajoute Monstrelet, qu'il prensist punition de tous les homicides trouvez coulpables par bonne information, de la mort de son predecesseur, et ainsi en fut fait des aucuns : mais le dessusdit Alain Blanchart s'absenta certaine espace de temps, et depuis relourna en la- dicte ville de Roüen où il eut grand auctorité et gou- vernement, comme cy apres sera declairé ». Vous le voyez, Messieurs, peu s’en est fallu qu'Alain Blanchard n'ait été mis au gibet ; il était certainement pendu ou décapité s’il eût été pris, et il demeure dès à présent démontré qu'il méritait le dernier supplice. Louis Ir de Harcourt, archevêque de Rouen, s’ef- força , en bon pasteur , d’excuser les coupables, en pré- textant, a-t-on dit, la surcharge des impôts; le véri- table motif, c’est celui que donnent Saint-Remy, Monstrelet et d’autres contemporains. En effet, plus d’une émeute de ce genre, opérée par la même espèce de gens, et sous la même influence, avaient déjà eu lieu sur différents point. « Au mois de may, dit Jac- ques Lebouvier , écrivain du temps, par le comman- dement du duc de Bourgongne , se mirent sus un tas de boucherset escorcheurs de bestes, qui firent capitaine un de leur compagnée , nommé Simonnet Caboche. » Cage) L'Alain Blanchard de Monstrelet est le Simonnet Caboche de Jacques Lebouvier. Prétendra-t-on que Blanchard s’est repenti depuis? qu'il a cherché à faire oublier son crime par un dé- vouement sans réserve ? Mais, dans ce cas, ceux des contemporains qui parlent de l'individu en feraient mention ; il leur échapperait au moins un mot qui le donnerait à entendre. Eh bien! non, Messieurs, Saint-Remy et Monstrelet racontent les horreurs du siége ; ils parlent de la capitulation , de l'entrée triom- phante de Henri V ; et dans tout cela , pas une expres- sion en l'honneur d'Alain Blanchard. À la fin du récit seulement ils laissent tomber négligemment ce peu de paroles : « Et le lendemain, ledit Roy d'Angleterre feist coupper la teste à Alain Blanchart, capitaine du commun, » ( Monst., p.270.) Voilà, Messieurs, tout ce que disent les contemporains ; et pas autre chose. Ce qu’ajoutent les modernes ne repose sur rien. Parce que Saint-Remy et Monstrelet ont dit que Blanchard était capitaine du menu commun, quelques écrivains se sont empressés d'en faire un capiaine des bourgeois. Messieurs, menu commun et bourgeoisie n'étaient point synonymes. Les écrivains de l'époque ne les confondent jamais: « Et pour ce, dit une ancienne chronique, qu'en icelle année , le tres noble ettres chrestien royaume de France, et la bonne cité de Paris , estoient au plus haut honneur , auctorité et renommée de tous les royaumes chrestiens , où abondoit le plus de noblesse , &d’honneur, de biens et richesses largement, tant en nombre de princes, prelats, chevaliers, clercs, marchands, et commun. » — « Et ainsi , ajoute plus loin la même chronique , et ainsi eurent /out le commun du peuple pour eux. En suite ils prirent en leurs maisons les seigneurs et bourgeois... , et en pillerent et tuerent beau- 22. (172) coup. …, soit prelats, barons , chevaliers , et escuyers , bourgeois , et marchands... » Vous le voyez , Messieurs , les bourgeois sont ici pillés et tués par le commun : commun et bourgeois n'étaient donc pas la même chose, De nos jours on dit encore bourgeois ; au lieu de menu commun , nous disons bas peuple. Blanchard commandait à ses égaux ; il n'était point capitaine des bourgeois , en- core moins maire de Rouen, comme on l’a prétendu. On a répété partout , on répète encore aujourd’hui que Blanchard fit partie de trois hommes exigés à discrétion par le vainqueur. Pour embellir le récit, on a dit que Blanchard s'était volontairement offert à la vengeance de Henri V. De là cette réponse ma- gnanime : « Je n'ai pas de bien ; mais quand j'en aurais, je ne l’emploicrais pas pour empêcher un Anglais de se déshonorer! » Voilà les paroles attribuées à l'homme que nous avons vu dirigeant les assassins du Baillif royal, de son licu- tenant , et de dix autres ; paroles qui ne se trouvent dans aucun document respectable , imaginées , si je ne me trompe, par Saint-Foix, etque Villaret lui-même n’a pas osé répéter. Ici, Messieurs, je n’accuse les modernes que d’am- plification. Ils ent été induits en erreur par les contem- porains eux-mêmes , où je trouve ce passage : « … Fut ordonné que ledit Roy d'Angleterre auroit... trois hommes à faire sa voulenté ; lesquels furent denommez, c'est à sçavoir maistre Robert de Linet, vicaire general de l'archevesque de Roïien ;.... le second fut un bourgeois nommé lean Iourdain, qui avoit eu le gouvernement des canonniers ; le tiers fut nommé Alain Blanchart , qui estait capitaine du menu commun, et avoit esté le principal de ceux qui à l’autre fois avoient mis à mort messire Raoul de Gaucourt, baillif de Roüen, » Les contemporains sont ici en défaut. Les contem- (173) porains, Messieurs, ne figurent qu'en seconde ligne pour le degré d'authenticité. Une autorité plus puis- sante les domine ; ce sont les actes publics, les traités officiels. Ici nous en avons un : c’est la capitulation, que les historiens du temps n'ont connue que par ouï-dire, Ils se trompent donc eux-mêmes, quand ils ne se trouvent point d'accord avec cette pièce diplo- matique, qui présente les choses sous un aspect tout différent. Elle dit que la ville remetira au Roï quatrc- vingts otages. Plus loin, après la permission accordée aux soldats étrangers de se retirer où bon leur semble- rait , elle ajoute : « Excepté les Normands qui n'ont pas voulu se soumettre au Roi, et qui resteront ses prison niers ; excepté Luc, italien, qui sera aussi prisonnier de notre seigneur Roi (je traduis littéralement , Messieurs), excepté aussi Guillaume Hodicot, chevalier baillif; Alain Branche, (sans doute notre Blanchard); Jean Seignet , maire; maître Robert de Linet; excepté aussi la personne qui a proféré d'injurieuses paroles, si l’on peut la trouver; excepté aussi le baillif de Valmont, et deux marchands de poisson; et généra- lement tous ceux qui ont trahi notre dit seigneur Roi, soit anglais, français, hybernois, gascons ou autres, qui d’abord soutenaient la cause dudit seigneur Roï. » Vous le voyez, Messieurs, il est faux que le roi d’An- gleterre ait demandé trois hommes à discrétion: Au nombre de ces trois individus figure, dans les histo- riens, un nommé Jean Jourdain, capitaine des ca- nonniers. La pièce officielle ne parle point de Jean Jourdain; et je vois, au contraire, dans l'exception prononcée par le vainqueur, plusieurs noms qui ne se trouvent pas chez les historiens., D'un autre côté, Juvenal des Ursins parle d’une rançon de 200,000 écus pour la ville; elle aurait été de 345,000 à en croire St-Remy; Monstrelet le porte à 365,000 ; l’acte officiel dit : #rescenta millia scutorum, La confusion est évidente. C174) Cependant, il est un fait rapporté par les contem- porains, et que rien ne contredit, c’est la décapitation d'Alain Blanchard par ordre du Roi. Je veux l’ad- mettre ce fait, et je l’admets sur cette petite phrase que j'ai citée plus haut : /e lendemain, ledit Roi d'An- gleterre fit couper la tête à Alain Blanchard. Eh ! Messieurs, les annales de cette époque funeste ne parlent que de têtes coupées et de gens attachés au gibet. Il ne se prenait pas de ville, pas de château, pour ainsi dire, qu'il n’en résultât aussitôt de sanglantes exécutions, dont il est quelquefois impossible d’assigner la cause. On voit seulement que le vainqueur se dé- faisait le plus souvent de ceux qui n'avaient pas de quoi payer une rançon. À la reddition du château de Beaumont , il y eut, dit la chronique, « onze des assiégés qui eurent la tête coupée ; les autres furent mis pri- sonniers , sinon aucuns des plus grands, qui s’en allèrent par composition de finances. » Le Roi d'Angleterre s'est emparé de Montereau ; le château seul résiste encore ; Henri veut que ses pri- sonniers emploient leur propre crédit pour obtenir la reddition de la forteresse ; le gouverneur assiégé résiste à leur prière; on les ramène au camp du Roi, qui les fait pendre aussitôt. Parmi ceux que Henri V fit décapiter après la prise de Melun, on trouve deux pauvres moines dont l’un était le cellerier de son couvent, et le motif de leur supplice n’est point connu. A peu près dans le même temps que Blanchard, Jean d’Angennes, commandant de Cherbourg, eut aussi la tête tranchée par ordre du Roi d'Angleterre ; et ce ne fut point pour son opiniâtreté à se défendre, puisque au contraire Jean d’Angennes s'était laissé corrompre par l’or des Anglais. Aussi Daniel dit-il fort prudemment, en parlant de ce gouverneuur , « quel- { 175 ) que temps après, le Roi lui fit couper la tête, je ne sais par quelle raison. » Et de ce que Blanchard, entre mille, aura été décapité par ordre de Henri V, sans qu'on sache pourquoi, en concluera-t-on nécessaire ment, infailliblement, qu'il faut lui dresser des statues ? En songeant à l’avarice bien connue de ce Roi d'An- gleterre ; en se rappelant qu'il faisait des prisonniers par spéculation financière ; qu'il en achetait de ses soldats pour les revendre ensuite à profit; qu'il faisait enlever du champ de bataille, après la victoire, et par un motif d'intérêt sordide, les corps de ceux qui donnaient quelque signe d'existence; en songeant surtout au reproche qu'on lui adresse d’avoir quelquefois fait trancher la tête à l’un de ses prisonniers, seulement pour que les autres se tinssent bien avertis qu'ils ne devaient pas marchander sur le prix de leur rançon : en se rappelant tout cela, dis-je, on ne s'étonnerait plus que Henri V eût fait mourir celui de ses pri- sonniers dont il n'avait rien à espérer. Et je dis qu'il valait mieux que le sort tombât sur un assassin que sur un autre. Je ne prétends nullement vous faire adopter cette ex- plication, Messieurs ; une discussion historique n’admet point de peut-être. Je dis seulement que personne n’est en état de prouver ce qu'ont avancé, trois cents ans après l'évènement, Saint-Foix et Villaret; d’autres historiens plus estimés que ceux-ci, tels que Mézeray, Daniel, Voltaire, Millot, sans parler d'Anquetil, ne prononcent pas même le nom d'Alain Blanchard. Ju- venal des UÜrsins , et d’autres chroniqueurs contem- porains , n'en parlent pas davantage. Nous n'avons, je le répète, que Saint- Remy, le plus souvent copié par Monstrelet, et ce qu’ils en disent n’est assurément pas de nature à lui faire décerner des couronnes, Le parti le plus sage, le seul parti raisonnable, c’est d’ap- (176) Pliquer à Blanchard les expressions de Daniel à l'égard du gouverneur d'Angennes : il eut la tête tranchée ; pour- quoi ? La vérité est qu’on n'en sait rien, Quant à ce beau dévouement à son prince et à sa pairie, dont quelques modernes ont fait honneur à Blan- chard , il est facile de prouver que cet individu s’est constamment agilé en faveur du duc de Bourgogne qui trahissait sa patrie et son Roi. Veuillez vous rappeler l’état de la France en ces temps déplorables : un roi privé de sa raison : les Bour- guignons etles Armagnacs se disputant l'autorité sou- veraine ; promenant partout le ravage et la désolation : une reine acharnée à la perte de son fils , héritier pré- somptif de la couronne ; et, pour comble de malheur : l'invasion étrangère , avec toutes les misères qu’elle en- fante. Résolu, à tout prix, de s'emparer du pouvoir , le duc de Bourgogne trahit honteusement son prince et sa patrie, signe avec Henri V un traité secret par lequel il reconnaît les droits du roi d'Angleterre au royaume de France, et promet , je vais citer textuel- lement : « Que sitost que , à l’ayde de Dieu, de Nostre- Dame et de Monsieur saint George, ledit Roy d’An- gleterre aura notable partie recouverte dudit royaume de France, luy duc de Bourgongne fera audit Roy d'Angle- terre hommaige liege et serement de foiaulté , tiel comme soubjet du royaulme de France doit faire à son souverain seigneur Roy de France... et que tout le temps que ledit Roy d'Angleterre se vuet employer à la recouvere desdits royaulme et corone de France, lui duc de Bourgongne fera guerre avec toute sa puissance à ceux qui seront desobéissans audit Roy d'Angleterre ». Le duc de Bourgogne ajoute , (admirez, Messieurs , linfamie , ) que si, dans les traités à intervenir entre lui et Henri V, il lui arrivait de stipuler des excep- ’ ; À Wi4 ‘7 tions en faveur de l'adversaire où de son fils ; c'est ainsi (177 ) qu'il désigne le Roi et le Dauphin, ce serait unique- ment pour mieux assurer les intérêts du Roi d’Angle- terre , déclarant d'avance ces exceptions voïdes et de nulle value. Ce traité est du mois d'octobre 1416. Au commen- cement de 1417, le duc de Bourgogne met ses gens en mouvement; et c'est ici qu'il faut vous rappeler cetie phrase du contemporain Monstrelet : « En ces pro pres iours, par l’exhortation d’aucuns qui estoient fa- vorables , et aymoient le duc de Bourgongne , se meirent sus par manière de rebellion aucuns meschans gens et de petit estat....., des quels estait le principal …1n nommé Alain Blanchart, » Le résultat de cette belle expédition , vous le savez, Messieurs, ce fat l'assassinat du baillif royal, de son lieutenant. et de dix autres Vous savez encore que Blanchard , le chef des assassins, n'échappa que par la fuite au châtiment infligé à ses complices. Ce sont là des faits qu'il est impossible de nier; et Blanchard demeure convaincu de meurtre, au profit du duc de Bourgogne qui vendait la France aux Anglais. Prouvez que la narration contemporaine est fausse ; prouvez-le, comme je l'ai fait moi=même, par des actes authentiques, irrécusables ; s: vous n'avez à m'opposer que des peut-étre et des suppositions, le renseignement subsiste tout entier. Blanchard se cache pendant plusieurs mois. On ne le trouve plus dans l'histoire. 11 ne reparaît sur la scène qu'au moment du siége, et il ne faut point s’en étonner. Le duc de Bourgogne était alors maître ab- solu en France : son agent pouvait impunément se montrer. Le gouverneur Guy Le Bouteiller avait été placé par le duc; tous les officiers de la garnison étaient du parti de Bourgogne. Les habitants seuls se battaient loyalement, je ne dirai pas précisément pour le Roi, attendu l’état de nullité où le réduisait sa mala- 23 | (178) die ; mais pour leurs femmes, pour leurs enfants, pour leurs foyers, pour eux-mêmes, et surlout contre les Anglais. A cette époque, Messieurs, la rivalité entre les deux peuples existait déjà depuis près de trois siècles. De tout ce qui précède il me semble résulter évi- demment qu’Alain Blanchard figure d’abord dans lhis- toire comme chef d’une troupe d’assassins ; que Henri V n'a point demandé trois hommes à discrétion; que Blanchard a bien pu être décapité, mais que rien, absolument rien, ne justifie les exclamations de Villaret à cette occasion, puisque les contemporains sont tous muets sur la cause de cette mort ; enfin que Blan- chard ne fut jamais autre chose que l'obscur agent du parti Bourguignon. Et qu’on ne dise pas que l'opinion qui a fait de Blanchard un héros est de celles qu'il ne faut point réfuter : qu'y-a-t-il de commun entre la gloire de cette ville héroïque et les guet-à-pens noc- turnes d’un homme dont rien n'établit la naissance dans nos murs? Remarquez-le bien, Messieurs, la fable de Blanchard écartée, la valeur de nos ancêtres n’en reste pas moins complète, admirable, authenti- que. L'énergie de l'attaque, l’opiniâtreté de la défense, la résignation sublime des habitanis, qui ne cédèrent à la force que vaincus par la faim, par la trahison et par la misère : tout, dans cette lutte désespérée, assure une part immense de gloire à nos aïeux ; et plus l’action fut grande, moble , généreuse, plus il faut la présenter dégagée de toute allégation mensongère, de tout inci- dent controuvé. Si l’histoire est instructive, Messieurs, c'est quand la vérité l'accompagne; si l'or jette un vif éclat, c'est quand il est pur de tout alliage. ( 179 ) AAA AAA AA AAA AAA AA AAA A AAA AAA AUS AAA AAA AA AAA AAA AAA NOTICE L'ASILE DES AËBIÉNÉS DE ROUEN, Tue à l'Académie royale: d: Rouen , dans sa Séance du 25 Avril 1828, Par M. À. G. Bar. MESSIEURS , UX établissement d’une haute importance a été formé depuis peu d’années en cette ville ; consacré aux in- fortunés dégradés par la plus affligeante des maladies et à une branche pour ainsi dire nouvelle de l’art de guérir , il a droit de vous intéresser à un triple titre : l'amour de l'humanité, l'amour de la science et l'amour du pays à l'illustration duquel il doit contribuer. Vous avez déjà deviné que je veux vous parler de l'Asie des aliénés ; ct comme aucun de vous, à ma connaissance , ne s’en est encore occupé dans cette enceinte, je me suis flatté que vous écouteriez avec bienveillance les détails que je vais avoir l'honneur de vous communi- quer sur cet établissement. L'idée première en est due , il est vrai, à M. Malouet, alors Préfet de la Seine-Inférieure ; mais M. de Vanssay, son successeur ; ne doit pas moins en être consi- déré comme l’unique fondateur , puisque lui seul a conçu les moyens d'exécution et les a mis en œuvre avec un zèle qu'aucune difficulté n'a pu arrèter et un succès au-dessus de tout éloge. J'ai d’ailleurs pensé, Messieurs, qu'au moment où 23. ( 180 ) nous venons de perdre cet administrateur dont les utiles travaux doivent laisser de longs et honorables souvenirs, il pouvait être convenable de vous rappeler un de ses plus beaux titres à la reconnaissance de ce vaste dé- partement. Déjà notre digne président, dans son Précis sur l'Histoire de Rouen, a traité ce sujet avec le talent qui le distingue ; mais la brièveté qu'il s'était imposée ne lui a pas permis d'entrer dans des développements que vous n’entendrez peut-être pas sans intérêt. Nous en sommes tous convaincus, Messieurs, la raison est la plus belle prérogative de l'homme, c’est elle qui en fait le roi de la nature ; aussi celui qu’elle abandonne devient-il un objet de pitié pour ses sem- blables, quoique lui-même ne sente pas l’horreur de sa position. Long-temps les infortunés attaqués d’alié- nation mentale furent traités avec une insouciance , je dirai même avec une barbarie à laquelle on ne peut penser sans éprouver un sentiment pénible (:); elle aggravait leur maladie et leur causait souvent des accès de fureur qui justifiaient en quelque sorte les violences qu’on employait pour les contenir. Ce n’est que vers le commencement du dix-septième siècle qu’on s’occupa des aliénés d’une manière spéciale ; mais aucun établissement remarquable n'avait été con- sacré à leur traitement, avant la fin du dix-huitième, La maison des frères de la charité de Charenton admet- tait des pensionnaires aliénés depuis 3660, mais ils y étaient en petit nombre ; l'accroissement de cet éta- ———_—_—— et (1) Voyez, dans le Dictionnaire des sciences médicales, l’article Maisons d'aliénés ; Vauteur , M. Esquirol , y donne Le détail des tor— tures que ces malheureux y souffraient ; on y trouvera les renseigne— ments les plus intéressants sur les principaux hospices de l'Europe où sont admis des aliénés. ({ r68x ) blissement ne date que de 1796, et encore n'est-ce que depuis peu d'années que les malades y reçoivent un trai- tement analogue aux progrès de cette partie de l’art de guérir. Le fameux Bethléem, de Londres, ne mérite d'être cité que pour sa magnifique construction ; il n'offre, dit M. Esquirol , aucun des avantages des éta- blissements semblables construits de nos jours, et ne remplira jamais le but pour lequel il a été bâti. Vers 1786, des loges furent établies à Lyon et à Rouen pour renfermer les fous ; elles attestent encore aujourd'hui dans quel état de misère ils y vivaient. Depuis cette époque des administrateurs éclairés , des savants et des médecins se sont occupés de rechercher les moyens d’adoucir la situation des aliénés, et même de les rappeler à la raison. M. Pinel, nommé mé- decin en chef de Bicêtre, près Paris, en 1792, y contribua puissamment, et l'influence de ses travaux ne se fit pas sentir seulement dans les principales villes de France, mais s’étendit à toute l'Europe. La ville de Rouen fut une des premières à suivre cet exemple : en 1802 on bâtit à l'Hospice général deux cours pour les insensés ; quoique les loges, au nombre de trente-cinq pour les hommes et de cinquante pour les femmes, y soient humides et mal faites, c'était déja beaucoup alors, et l’on doit rendre hommage aux heureux et constants efforts que le docteur Vigné, médecin en chef de cette maison, fit pour l'amélioration du service des aliénés. L'impulsion était donnée, mais les progrès furent lents; il n’y a pas dix ans que, dans la plupart des hôpitaux généraux, les aliénés étaient encore livrés au plus triste abandon ; les maisons mêmes qui leur étaient spécialement consacrées manquaient de plan général et de distributions convenables pour le service, On n’est pas même bien fixé aujourd'hui sur l'espèce ( 182 ) de construction la plus propre à atteindre le but désiré ; mais on a reconnu que le classement des aliénés par genre de maladie (x), toute la liberté compatible avec leur état, des soins attentifs, et beaucoup de douceur , doivent être les premières bases de leur traitement, La gloire de mettre ces théories en pratique, sur une grande échelle, était. réservée à l'administration du département de la Seine- Inférieure, Dès 1819, sur la proposition du Préfet, le Conseil général du département pensa sérieusement à fonder un hospice en faveur des aliénés ; la suppression du dépôt de mendicité donna l’idée d'y consacrer le local de Saint- Yon (2) qui, par son étendue, son heureuse situation et ses vastes bâtimens, parut présenter les éléments d’un établissement de premier ordre, dont l'érection fut autorisée par ordonnances royales des 12 janvier et 6 décembre 1820. M. de Vanssay en posa la première pierre le 25 août 1822. Le conseil général affecta d’abord à cette importante création un fonds de près de six cent mille francs, auquel des sommes considérables furent successivement ajou- tées ; une partie fut convertie en une rente de trente mille francs pour former une dotation , et le reste fut employé en frais de constructions, de réparations et d’ameuble- ment. Le même conseil contribue en outre aux dépenses annuelles. L'établissement, qui fut ouvert le #1 juillet 1825, sem- (1) On trouvera les principes de ce classement dans les ouvrages des docteurs Pinel, Fodéré, Georget , Esquirol, (article déjà cité ), etc. Un rapport de M. de Pastoret , sur les hôpitaux de Paris , et le programme d'un hospice d’aliénés par M. Desportes, administrateur des hôpitaux de Paris, donnent à cet égard des détails encore plus positifs. (2) Voir, sur l'origine de cette maison, le Précis de l'Histoire de Rouen, par M. Th, Licquet, conservateur de la Bibliothèque de cette ville , etc., etc. (Rouen, 1827, page 197 ). (183) ble avoirsurpassé les espérances qu’on en avait conçues : il à excité Padmiration des Français et des étrangers qui l'ont visité (1); tous se sont accordés à le considérer comme un des plus beaux monuments de notre siècle. Les heureux résultats qu’il présente déjà et des gnérisons assez nombreuses présagent des succès toujours croissants. La promptitude et l’économie avec lesquelles cet important établissement fut formé, méritent d’être remar- quées , et font le plus grand honneur à l'administration. I] serait facile de rendre cette assertion plus frappante par plusieurs citations ; ainsi l'Hôtel-Dieu de Rouen, com- mencé en 1749, ne reçut les malades que neuf ans après, et l'hôpital Saint-Louis, fondé par Henri IV en 1607 , ne fut onvert qu’en 1619; il coûta sept cent quatre-vingt- quinze mille livres d’alors, près de deux millions de nos jours. C'est ici le lieu de payer aussi un juste tribut d’éloges au zèle et aux lumières du directeur , M. Vidal, qui longtemps à l'avance s'était occupé de recueillir des observations sur l’ensemble des dispositions à prendre pour l’organisation de la maison. Il avait même visité les établissements de Paris, de Charenton , de Caen et des provinces méridionales de la France , et contribua ; par ses rapports , à assurer lamarche de l'administration, RES S ee (1) Nous‘citerons entr'autres MM. le baron de Gérando , le mar- quis de Pastoret , le baron Becquey, le baron Capelle, des Préfets, des Ingénieurs ; le docteur Esquirol; plusieurs membres de l'Ecole royale de médecine, des administrateurs de plusieurs hôpitaux ; le docteur Martini, directeur de l'Hospice des aliénés récemment ouvert à Leubus, près Bres- lau, en Silésie; le docteur Vulpes, médecin en chef de l'Hôpital des aliénés de Naples; un médecin chargé par l'Empereur du Brésil de re cueillir des renseignements sur les maisons d’aliénés ; les pages du Roi de Bavière, etc., etc. L'établissement s'honore en outre de Ja visite de Son Altesse Royale MADAME, Duchesse de Berry, et de S, A. E. Monsci2 gueur le prince de Croÿ , cardinal , archevèque de Rouen, (184) dans cette entreprise toute nouvelle, dont je vais és- sayer de vous donner une idée plus précise. C’est à la complaisance de M. Vidal que je dois une partie des renseignements consignés dans cette notice ; je puis garantir également l'exactitude de ceux que j'ai puisés à d’autres sources, 6 L'établissement occupe , à l’une des extrémités de la ville , dans un quartier peu fréquenté , en bon air, un terrein de sept à huit hectares ( plus de vingt arpents de Paris ); les anciennes constructions contiennent de vastes dortoirs pour les malades tranquilles, des logements sé- parés pour diverses classes de pensionnaires, une fort belle cuisine avec ses dépendances, uné buanderie très- bien entendue, des magasins , et tous les autres locaux nécessaires au service d'un établissement destiné à une population d'environ cinq cents individus. Les cons- tructions nouvelles consistent en cinq cours aflectées aux malades qui exigent une attention plus particulière. Quatre sont semblables entr'elles et actuellement occu- pées, deux par des hommes et deux par des femmes. Chacune forme à-peu-près un carré de cent trente-cinq pieds de côté. On yentre par un petit pavillon où se trouvent les crambres des sœurs et des infirmiers ; à droite et à gauche sont les cellules, au nombre de vingt ; en face une belle grille en fonte (x), qui laisse voir le jardin ; une galerie couverte, de six pieds de large, règne tout autour ; au milieu est un gazon, orné d'arbustes et de fleurs , que les aliénés ne cherchent jamais à détruire; quelques-uns même s'amusent à les cultiver. El semble, dit M. Licquet-(v. note, p. 182), que leur imagination troublée se calme à la vue des productions (1) Les gniles et grillages fondus ont été exécutés, avec beaucoup de soin , dans les ateliers de MM. Waddington frères, à Saint-Remy- sur-Epte , département dé l'Eure. (185 ) gracieuses de la nature. Les cellules, qui ont environ dix pieds de long, huit de large et onze de haut, ‘ont une croisée sur la galerie ; toutes les croisées sont garnies d'une fenêtre vitrée et d’un volet de bois ; mais celles des malades qui inspirent quelque défiance ont en outre un ort grillage en fil de fer ou en fer fondu à losanges serrés. Cette clôture a fixé l’attention des gens de l’art; elle offre, avec Économie , toute la solidité nécessaire , et n’a pas l'aspect affligeant des barreaux usités dans les maisons d’aliénés. De l’autre côté est un large corridor , sur lequel donnent les portes des cellules, qui contiennent chacune un lit, une table et une chaise. Les malades sont presque toujours libres dans leurs cours, et il n’en résulte jamais aucun inconvénient. Les surveillants ont soin de faire ren- trer ceux qui donnent quelques signes d’agitation ou de fureur ; et un moyen employé avec succès pour les appai- ser est de les priver du jour, qui paraît contribuer à les exaspérer durant leurs crises. Toutefois cette séquestration n’a lieu qu'après avoir pris les ordres du médecin, et, loin de s'en plaindre, ces infortunés la demandent quelquefois ; mais de longs intervalles se passent sans qu'il soit nécessaire d’avoir recours à cette mesure. La cinquième cour, qui vient d'être achevée, est un peu plus grande que les autres; elle a trente-deux cellules. Entre les cours des hommes et celles des femmes s'élève le pavillon des bains, où l’on accède par des galeries couvertes. Il renferme vingt-quatre baïgnoires, dans des salles différentes pour chaque sexe, avec un appareil de douches, et réunit toutes les commodités désirables. La manière dont l’eau arrive aux baignoires, sans robinets et sans conduits apparents, est fort ingé- nieuse. On vient d'établir dans ce pavillon une pompe à feu très-soignée, de la force de deux chevaux, pro- venant des ateliers de MM. Périer, de Chaillot. Son 24 ( 186 ) travail, qui ne sera que de cinq à six heures par jour , suflira pour alimenter deux réservoirs contenant en- semble cinquante mètres cubes d'eau, et pour chauffer simultanément l’eau iles bains, au moyen d’un emprunt de vapeur fait à la chaudière de l'appareil. On s'occupe en ce moment d'utiliser l’eau de condensation, afin d'économiser le combustible. Ce système hydraulique doit fournir en même temps l’eau nécessaire aux cui- sines, à la buanderie , à l’arrosaze des jardins, etc., etc. Le régime et le traitement des malades, dirigés par un habile médecin, M. Foville, élève distingué de M. Esquirol, ont généralement reçu l'approbation des gens de l’art et des savants distingués qui ont été à portée d'en prendre connaissance, Rien ne prouve mieux sans doute l'efficacité des soins donnés aux aliénés que leur soumission et leur docilité, qui, dans certains moments, pourrait faire croire qu'ils jouissent de toute leur raison. Les hommes s’emploient de bonne volonté à divers travaux proportionnés à leur degré de force ou d'aptitude ; les femmes travaillent à l'aiguille, s'occupent à la manutention du linge, ou secondent le zèle exemplaire des sœurs dans les soins qu’elles prodiguent particulièrement aux infirmes et aux aliénés atteints de maladies corporelles. Cet établissement, qu'une décision ministérielle a rendu en quelque sorte central pour plusieurs départe- ments, est d’ailleurs si bien administré qu'il n'exige qu'un petit nombre d'employés , eu égard à sa grande importance. En effet, on n'en comple que quarante, dont quelques-uns sont aux frais particuliers des pen- sionnaires qu'ils servent exclusivement ; ce sont : le directeur, le médecin, le chirurgien, un interne , un économe, un commis aux écritures, un aumônier , vingt-et-une sœurs de Saint-Joseph de Cluny et douze “afirmiers ; cependant les malades n’en sont pas moins \ (187 ) l'objet d'une surveillance continuelle , de soins et d'é- gards de tous les instants, ce que l'on doit attribuer à la bonne disposition des localités, et surtout au zèle éclairé des principaux employés. Mais je dois m'ar- rêter pour ne pas fatiguer votre attention, car Ÿ fau- drait tout mentionner dans cet hospice , si l’on voulait de- tailler tout ce qui est parfait, dit encore M. Licquet. : Tout ce qu'on vient de lire doit vous faire juger, Messieurs, que cette fondation , fût-elle uniquement consacrée à des pensionnaires , serait encore un im” mense service rendu à l'humanité; mais le conseil général , dont les vues philantropiques lui font le plus grand honneur , a voulu que les pauvres eussent aussi part à ce bienfait; il a, en conséquence, fondé cent places gratuites, dont quatre-vingt-dix sont accordées, sur la proposition de MI. les sous-préfets, à des in- digents domiciliés dans le département , et dix restent à la disposition de M. le Préfet, en faveur des aliénés étrangers au département et dont le domicile est in- connu. Le nombre des aliénés existants à l’Asile, au 1° janvier 1826, n'était encore que de cinquante-six pensionnaires et vingt-cinq indigents ; voici Le tableau de sa population au 1°° janvier 1828 : hommes.| femmes.|| totaux, Pensionnaires des communes et hospices | du département de la Seine-Inférieure. .. | 44 98 || 142 Pensionnaires au compte des familles. ..... 4) 4a gt Budigents. 42140. AMD AE de ARC ELIENS833 26 || 59 Pensionnaires de départements étrangers... 14 18 || 32 DOUX cc 240 184 || 324 La proportion des divers genres d’aliénations mentales m'ayant paru d'un assez grand intérêt, j'ai demandé communication de l’état général où sont spécifiées les affections de chaque individu ; mais comme plusieurs 24. ( 188 ) ont beaucoup d'analogie entr'elles, je les ai réduites à quelques classes principales, dont voici la comparaison établie proportionnellement à cent malades : INCURABLES. CURABLES. en it, | | ne, hommes. |fem mes. |lhommes.| femmes. Démence, y compris quelques para- GRATIN RME LT 26 " ” Démence avec épilepsie...........,. 3 4 2 2 Lates fre. Tu. FA. MO 2 1 7 2 Moncmanies: 3. 4.0.7. 1 : 4 3 1 2 Démence ou manie, avec fureur..... 5 6 I 2 Aflectionsidiverses. ‘2... 2 9 " 7 Imbécillité , idiotisme , esprit faible... 5 3 * ” 42 52 2 4 D 94 6 Je n'ai pu faire entrer séparément dans cette compa- raison les affections dont il ne se trouve qu’un exemple sur deux ou trois cents sujets, telles que la mélancolie , la panophobie, la démonomanie, etc. , ete. , et je les ai réunies sous le titre d’affections diverses. Les deux tableaux précédents donnent une idée exacte de la population actuelle de l'Asile des aliénés ; mais il est à remarquer que si l’on recommeriçait le dernier dans quelques années, il présenterait des résultats différents et beaucoup plus satisfaisants ; parce que dans l’origine encore si récente de l'établissement, on y a transféré, de divers hospices, un grand nombre de malades incurables, très-âgés , paralytiques , épileptiques et idiots, qui désor- mais ne seront plus reçus que fort rarement , l'Asile étant principalement destiné aux malades qui laissent quelque espérance de guérison ou qui ne pourraient rester en liberté sans inconvénient pour la sûreté publique. (189 ) Ce que je viens d'avancer est au surplus déjà vérifié par l'expérience , puisque sur trois cent quatre-vingt quatre malades admis en 1826 et 1827, il en est sorti soixante-six, c'est-à-dire environ dix-huit sur cent, par- faitement guéris. L'établissement s'organise pour cinq cents individus , et l’on suppose que, dès l’année courante, il y en aura environ quaire cents. Les pensions sont fixées ainsi qu'il suit : première classe , treize cents francs et au-dessus ; deuxième , neuf cent soixante-quinze ; troisième , six cent cinquante ; et quatrième , quatre cent cinquante. On a en outre la faculté de prendre des arrangements avec le directeur, pour les commodités et les avantages particuliers qu'on voudrait assurer aux malades. Il est permis à leurs parents de venir les voir deux fois par mois, mais les visites des curieux pouvant occasionner des inconvénients de plus d’une espèce, on n’est admis dans l’intérieur des bâtiments que sur une autorisation spéciale de M. le Préfet, qui en accorde très-peu ; en- core ne voit-on jamais les pensionnaires des premières classes. Nota. Le Conseil général, dans sa session du mois de septembre de cette année, a consacré à l’Asile des aliénés un long article de son procès-verbal ; il s'est plu à reconnaître que la prospérité de cet établissement s’accroit de jour en jour, que les guérisons continuent à s’opérer dans des proportions tout-à-fait inconnues dans les hospices de Bicètre et de Charenton; que les tableaux de mortalité présentent des résultats non moins satisfaisants , et qu’enfin l’ordre règne dans toutes les parties du service. Après avoir payé un juste tribut d'éloges aux principaux employés de fla maison , le Conseil a donné un témoignage particulier de sa satisfaction au directeur et au médecin ; il a en outre invité ce dernier à ouvrir un registre qui doit devenir un jour fort intéressant , puisqu'il sera destiné à consta- ter, pour chaque malade, l'époque, les causes et le caractère de son aliénation , ainsi que les effets successifs des traiteruents auxquels il aura élé soumis, ( 191) A AAA AAA AA AAA AAA AAA AR M M A M AU AAA AN NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE Sur un Ouvrage très-rare intitulé: PROSA CLERI PARISIENSIS AD DUCEM DE MENA , POST CŒDEM HENRICI HU ; Lue dans la Séance du 4 Juillet 1828, Par M. Duruxer. MESSIEURS , Jusqu'à la fin du dix-huitième siècle , où nos mœurs, nos habitudes et notre caractère naiional ont éprouvé un changement que Voltaire pressentait sans doute lors- qu'il s’écriait, avec l'expression du regret, Le raisonner tristement s’accrédiie : le cachet distinctif du peuple français était un fonds inépuisable de gaieté qui ne manquait jamais l’occasion de se manifester, même au milieu des circonstances les plus graves et dés plus effrayantes agitations politiques. De à cette quantité prodigieuse de facéties , de satires, vaudevilles, etc., dont le catalogue seul contiendrait plu- sieurs volumes, que virent naître , sans remonter plus haut , et les troubles de la Ligue , et les intrigues de la Fronde, et les désordres de la Régence , et les horreurs de la dernière révolution , qui a détruit l'antique monar- chie de saint Louis et de Henri IV , pour les rétablir sur une base constitutionnelle. Je n’ignore pas que la plupart de ces pamphlets , éphé- mères enfants de la circonstance, meurent ordinaire- ment avec elle. I en est cependant quelques-uns que des amateurs recherchent encore comme singularités C192 ) historiques ou littéraires, attirés le plus souvent par l’amorce trompeuse de la bizarrerie du titre , et que l’on voit figurer dans certaines bibliothèques, comme le font, dans le cabinet de quelques curieux , des collections d'anciennes monnaies depuis long-temps hors de la circulation. Tel est, Messieurs, l'opuscule dont je me propose de vous entretenir aujourd’hui, dans le but de recti- fier l'opinion erronée qu'auraient pu vous en faire concevoir différents bibliographes qui ne l'ont jugé que sur le titre, et sans avoir probablement jamais eu l'oc- casion de le lire. Cet opuscule, imprimé à Paris chez Sébastien Nivelle, en 1589, est intitulé : Prosa Cleri parisiensis | ad ducem de Menä, post cædem Henrici HI. ne contient que vingt- quatre pages in-8° de texte latin , auxquelles on a joint une traduction ou plutôt une imitation libre de cette pièce singulière, sous le nom supposé de Pierre Pighe- nat, curé de Saint-Nicolas-des-Champs. Cette traduction paraît avoir été détachée d’un autre recueil dont elle oc- cupait les pages 13 à 21. Ce petit volume est indiqué dans tous les catalogues comme excessivement rare ; et ce qui prouve qu'il l'est en effet, c’est que le seul exem- plaire que l’on en connût alors a été vendu plus de trois cent soixante francs à la vente de M. l'abbé Shé- pher, en 1786 ; mais un bibliophile, peut-être celui-là même qui s'en était rendu adjudicataire à si haut prix, imitant Les amateurs qui, dans la crainte de voir périr un tableau précieux, en font tirer plusieurs copies, le fit réimprimer chez M. Didot, en 1787 ou 1788, sous son ancienne date et Pindication du premier impri- meur, au nombre de cinquante exemplaires seulement. C’est un de ces derniers, que j'ai eu le bonheur de me procurer, qui m'a fourni les renseignements que je vais avoir l'honneur de vous soumettre. (193) M. l'abbé Duclos, dans son Dictionnaire bibliogra- phique, généralement attribué au libraire Cailleau , est le premier , que je sache, qui, après en avoir donné une description assez exacte , a cité ce livre comme un mo- nument du plus odieux fanatisme. M. Fournier a copié, sans la moindre restriction, l’article de M. l'abbé Du- clos. Mais M. Pseaume a été plus loin : non-seulement il signale la prose du clergé de Paris comme un monu- ment du plus honteux et du plus barbare Janatisme ; il ajoute : « Quand un parti a perdu toute pudeur, il n’est « sorte d’excès qu'il ne soit disposé à sanctifier. Certes « le prêtre sacrilége Pigenat était bien digne d’être « le chantre et le traducteur de cette horrible prose ; « car c'était un de ces furieux prédicateurs de la Ligue, « qui faisait retentir les chaires de Paris de l'apologie « de l'assassinat de Henri IIL, et des invectives les « plus grossières contre le Béarnais. » Il faut convenir que ceux qui ont porté de pareils ju- gements sur l'étiquette du sac, pour ainsi dire, plutôt que sur le vu des pièces, ont pris le change d’une manière bien extraordinaire. En eflet, cette prose , qu'ils nous présentent comme l’œuvre du plus odieux fanatisme, et que l’on serait , d’après cela, tenté de croire n’avoir été composée que pour être chantée dans une de ces messes impies qu'on assure que les ligueurs eurent la sacrilége audace de faire célébrer en l'honneur de leur bien- heureux martyr Jacques Clément, n'est qu'une satire très-piquante , où, sous le voile quelquefois trop peu transparent d’un éloge ironique , l’auteur , loin de par- tager les fureurs de la Ligue, en poursuit avec acharne- ment les deux principaux soutiens, le duc du Maine ou de Mayenne , et la duchesse de Monipensier, sa sœur. Je pourrais, pour prouver combien l’on s’est mépris sur l’objet de cette singulière prose , me borner à vous 29 (194 ) rapporter deux épigrammes que l'on trouve à la suite, et qui suffiraient, au besoin, pour révéler la véritable intention de celui qui la composée, La première est un distique latin, adressé ad dementem Parisinorum plebem, qu®æ impurissimum Arsacidam in numerum Divorum refert , et ainsi conçu : Famosos quoniam veluerunt iura libellos Spargere , famosis, 6 plebs , resipisce libellis. La seconde, intitulée : Sur la mesme Apothose , est ce quatrain, contenant une anagramme à la manière du temps: Qui est ce mal-né, Non sainct , mais danné? Tu le vas nommant , C'est Laques Clement. Mais j'ose me flatter, Messieurs, que vous ne me saurez pas mauvais gré d'entrer dans plus de détails pour vous faire mieux connaître cette curieuse production, et justifier l'opinion que je tente de faire prévaloir sur celle évidemment fausse que l’on en a généralement. La prose dont il s’agit est composée de vingt-quatre strophes de chacune six lignes en latin et douze en français , car, malgré les rimes, souvent douteuses, qui les terminent, je ne puis me résoudre à les appeller des vers, et les citations que je vais faire pourront vous mettre à même de voir si c’est à tort. C'est au duc de Mayenne que l’auteur s'adresse pour l’exciter , au nom da clergé , à sortir des murs de Paris, afin d’en repousser le Béarnais, dont il prend occasion de faire indirectement l'éloge , comme on en peut juger par ces deux strophes : « Helas! vostre vaillance, « O guerner valeureux, « Ne chassera de France « L'orage malheureux! (195 ) «, La guerre y aura cours « Jusq'au bout de noz iours? « He! combatez sans feinte, « Composez vos squadrons ; Chefs, marchez à la pointe « Hardis comme lyons : « Le Clergé qui se perd, « Charles , vous en requiert, « Voila pas grand'vergongne ? « Il n’y a pas six mois « Qu’'au fond de la Gascongne, « Ce Prince Bearnois « De force dépouillé « Estait comme accullé; « Or, en toutes prouinces « Il braue et fait le Roy, « Aux seigneurs et aux princes Il impose la Loy: a ñ « Chacun, fors le Lorrain, « Le tient pour souuerain. Bientôt, négligeant même les précautions oratoires , il reproche ouvertement à son prétendu héros son avarice qui le fit accuser de péculat , jure et non injurià , comme il le dit, dans une strophe latine paraphrasée ainsi : © « Vous estes ( qui estonne ), « Pour peculat commis, « Adiourné en personne « Deuant les Trente-six ; « N’esperez estre absoux « Si vous n'allez aux coups. Et pour donner plus de dévelopement à sa pensée , il continue : « C'est un mal qu'auarice « Familier à voz meurs ; « Mais vous, au lieu d’vn vice, « Auez doubles valeurs, etc, Mais ce n’est pas assez que d'avoir aceusé le duc 26, C196 ) de Mayenne d’avarice ; l’auteur le raille également sur son ambition déçue : « Il vous fasche peut estre ( dit-il} « Qu'aux estats il n’a pleu « Pour leur Roy et leur maistre « Ja vous avoir esleu ; « Et du mesme soucy « Autres sont poincts aussi, « Le Roy dit Catholique, Et vostre Duc Lorrain : 2 a À Mais nostre Loy salique = à Resiste à lenr dessein ; « Ou l’on l'aboliroit « L'Anglois le droit auroit. Puis il ajoute aussitôt : « Nous n’auouons pour Princes = 3 Successeurs a noz Royz En toutes leurs Prouinces = À « Par l’ordre de noz loix, « Autres que ceux du nom « Et armes de Bourbon; « Ils ont leur origine Du bon Roy sainct Louys En masle et droite ligne, Le à « À « Portans les fleurs de lis à « Dedans leurs escussons « Que nous recognoissons. Enfin, ce singulier panégyrique du chef de la Ligue, se termine par la promesse, s’il succombe à l’armée , d’une apothéose égale à celle de Jacques Clément. Après , lui dit-on, « Apres maints beaux esloges « Maint riche monument, « Dans noz Martyrologes « Vous et laques Clément « Serez canonisez « Au reng des mieux prisez. Permettez que je vous le demande ici, Messieurs, (197 ) comment pourrait-on, d’après ce que je viens de vous en citer, se méprendre encore sur les motifs que l'on a eus en composant cette prose singulière , et la supposer écrite par un fanatique sous l'inspiration des ligueurs? Mais, pour achever de démontrer combien est grande lPerreur de ceux qui en ont porté ce Jugement, je vais vous donner une idée des infamies que l’on y reproche à la duchesse de Montpersier. Vous vous rappelez peut-être, Messieurs, avoir lu , dans le Pyrrhonisme de l'histoire, par Voltaire, chapitre 31, sous le titre d'Autre anecdote hasardée , ce passage remarquable s « On dit que la duchesse de Montpensier avait « accordé ses faveurs au même Jacques Clément, pour « l’engager à assassiner son Roi. Il eût été plus habile « de les promettre que de les donner : maïs ce n’est pas «& ainsi qu'on excite un prêtre fanatique au parricide ; on « lui montre le ciel et non une femme. Son prieur « Bourgoin était plus capable de le déterminer que la plus grande beauté de la terre; il n'avait point de « letires d'amour sur lui quand iltua le Roi, mais « bien les histoires de Judith et d’Aod, toutes déchirées, toutes grasses à force d’avoir été lues. » M. l'abbé Duvernet, dans son histoire de la Sorbonne 3 CS (tome 2, page 28), répète le même bruit, sans y ajouter plus de confiance. « On assure, dit-il en parlant du duc « de Mayenne, que sa sœur promit à ce jeune moine « (Jacques Clément) des plaisirs plus convenables à la « vigueur de son tempérament déjà embràsé par le « jeûne, l’abstinence et la superstition. On veut même qu'elle l'en ait enivré ; mais, ajoute-t-il, peut-on établir E des faits historiques sur des rumeurs populaires? » Cela n’a pas empèché l’auteur de l'article Jacques Clément , dans la Biographie connue sous le nom des frères Michaud, de reproduire encore ce fait : « Les seize, (198 ) dit-il, eurent connaissance de son projet ; ils en parlèrent < aux ducs de Mayenne et d'Aumale , et à la duchesse de « Montpensier, qui voulut voir le moine, et céda, dit-on, « à ses infâmes désirs pour achever de le déterminer. » Eh bien! cette rumeur populaire, ces on dit dont aucun de ceux qui les ont répéiés n’a indiqué la source , a = = tout me porte à croire que c’est dans la prose dont j'ai l'honneur de vous entretenir qu'ils ont été puisés. Cette prose est le premier, peut-être même le seul des ouvrages contemporains où cette anecdote scandaleuse soit consi- gnée, non pas comme un bruit vague, mais comme un fait positif et constaté. L'auteur s'exprime, à cet égard, avec un cynisme qui ne me permet pas de vous citer sans restrictions ce passage , même en latin. S’adressant toujours au due du Maine : Laudatur , lui dit-il, « Laudatur tuæ sororis « Adfectus plenus amoris, « Quæ se magnà constantià « Subjecit Doninicano, « Pacta, ut mortem tyranno « Daret vi, vel astutià. « Hæc nacta virum haud segnem : « Eia, inqmit........ SÉAE « Ergo pius ille frater CREER RER LL none « O ter quaterque beatus « Ventris Catharinæ fructus « Compressæ pro ecclesià ! (199) « O felix Tacobus Clemens! « Felix martyr, felix amans « Inter millies millia! Et plus loin, revenant à la charge sur ce fait, dans une espèce de prosopopée où il fait parler le peuple exha- lant son mécontentement , il ajoute : « O quäm sequuta libenter « Est filia matris iter « De Estensi f:milia ! « Ecquid non cosit libido, « Atque vindietæ cup‘do « In mente mali conscià ? « In-Clemens Dominicane, « Væ tibi,et Lupæ plenæ « Ex tuà virulentià! « Væ monstro quod est latura « Statim post te misratura « In dæmonu:a consortia | Je crois, Messieurs, avoir complété la preuve que j'avais entreprise, de manière à ne laisser aucun doute dans vos esprits; et regardant avec raison ma tàche comme terminée , je devrais m'arrèter ici; maïs j'ai, en finissant, à vous soumettr: encore une observation qui pourra ne pas paraître tout-à-fait dépourvue d'intérêt aux amateurs de recherches historiques et bibliogra- phiques. J'ai déjà insinué que la traduction française de la fa- meuse prose du clergé de Paris, attribuée à Pigenat, curé de Suint-Nicolas-des-Champs, n'était pas de lui, mais de quelque malin pseudonyme qui aura trouvé plaisant de se déguiser sous ce masque. Ce fait ne me paraît pas de nature à pouvoir être même contesté, pour peu que l’on connaisse l'ouvrage , le but dans lequel il a évidem- ment été composé, et les principes diamétralement opposés qui n'ont cessé de diriger les actions et les discours du prêtre fanatiqne que les ligueurs impatro- ( 200 ) nisèrent, en 1588, dans la cure de Saint-Nicolas-des- Champs, au préjudice du sieur Legeay ou Laugeais , au- quel Jean Ferrière, qui en était pourvu, l'avait résignée. Mais ce qui achève de démontrer la fraude , c'est l’er- reur du prénom de Pierre , faussement donné à Pigenat en tête de la traduction dont il s’agit, tandis quil s'ap- pelait François ; ainsi que l’attestent tous les biographes qui en ont fait mention, et plus encore l'apologie que publie de lui, en 1590, Georges Lapotre, sous le titre de Regrets sur la mort de François Pigenat. On connaît deux autres personnages du nom de Pige- nat, qui paraissent n'avoir pas embrassé avec moins de fureur , que le curé de St-Nicolas-des-Champs , le parti de la Ligue, mais dont aucun n'a porté le prénom de Pierre. L'un est Odon Pigenat, frère de François, qui était provincial des Jésuites, et que l’on cite dans la satire Ménippée comme membre du conseil des seize. L'autre est le frère Jean Pigenat, auquel M. Barbier attribue un volume in-8° publié, sans nom d'auteur, à Paris, chez Thierry, en 1592, sous ce titre : Aveu- glement des politiques , hérétiques et malheutres , lesquels veulent introduire Henri de Bourbon, jadis Roi de Navarre, à la couronne de France, à cause de sa prétendue succession. On ignore si ce dernier, qui n’est connu que par la mention qu’a faite de lui M. Barbier, a eu, avec les deux autres, d’autres rapports que ceux résultant de l'identité du nom et de la conformité des opinions. ( 201 ) AAA ASP SAT PPT PSI PAPA AT FRAGMENT DU SECOND ACTE DE LA TRAGÉDIE INÉDITE DE B/RON, Par M. Dupras, de Rouen. ACTE SECOND. SCÈNE PREMIÈRE. BIRON , NÉMOURS. BIRON. Oui, c'en est fait, Némours , il n’est rien qui m’arrète: Au fer des conjurés il a voué sa tête. Ses flatteurs sans retour ont flétri ses vertus , Et de tous nos bienfaits il ne se souvient plus. Vainement notre épée a préparé sa gloire ; Il reporte à lui seul tant de jours de victoire, Et la Ligue, et les Seize , et Mayenne vaincus, Ce trône qu'il nous doit, il ne s’en souvient plus. NÉMOURS. Je te l'avais prédit. BIRON. Mais c'est peu qu'il oublie Notre sang tant de fois exposé pour sa vie : Quitte envers nous , dit-il, il ne nous doit plus rien; Je ne suis à ses yeux qu’un premier citoyen , Qu'un sujet qu'il invite à plus d’obéissance , Ou je pourrais enfin lasser sa patience, 26 ( 2027 De tant d'ingratitude il recevta le prix ! J'approuve vos projets : le dessein en est pris, Henri w’existe plus !.. Demain la France libre Accomplira les vœux et du Tage et du Tibre ! Vole et reviens , ami, je veux prendre avec toi L'instant où sous le fort je l’entraine après moi. SCÈNE Il. BIRON , seul. Oui , tu l'as mérité ce trépas qui s'apprête , Toi seul as amassé la foudre sar ta tête ! Quel orgueil !... Il est Roi; mais il fut mon ami. Pour la première fois mon front a donc rougi ! L'ingrat ! il m'outrageait.... et mon lâche silence L’enhardissait encor à poursuivre l'offense ! Je n'étais plus Biron : il m'avait avili ; Ou plutôt envers moi ce n’était plus Henri. Que dis-je ?... Dès long-temps ila cessé de l'être ! L’ami n'existait plus où commença le maitre. Imitons son exemple , oublions ses bienfaits , Et, puisqu'il m'y contraint, régnons par des forfaits. ScÈNE IIL BIRON!, SULLY. BIRON. Ministre complaisant d’an monarque infdelle , Que voulez-vous de moi ? Qui vers moi vous appelle ? Venez-vous insulter. SULLY. Non, je suis votre ami. BIRON.. Vous trompez votre Roï ! ( 203 ) SULLY. Je respecte Henri. Et jusqu'alors ma bouche étrangère au parjure, Biron , de le flatter ne lui fit pas l'injure ; Je puis même ajouter que, seul parmi les Rois, D'un austère langage il ne craint point la voix. Faites ainsi que lui; souffrez à ma franchise , Un discours , qu'entre nous l'intérêt autorise ; Non celui de l'Etat, mais l'intérêt sacré Qu'on doit à l'un des siens que l’on croit égaré. BIRON. Vous croyez-vous permis un discours qui m’outrage ? Qui vous a donc sur moi donné cet avantage Que tout autre , peut-être, eût payé de son sang ? Sully, n’abusez plus de la faveur d’un rang Qui d'un pareil discours augmente l’insolence , Ou vous me forceriez à quelque violence. SULLY. Alors que d’un devoir je m’impose la loi , Libre dans mes discours , je parle sans effroi. BIRON. Oui , chargé des honneurs dont un Roi vous accable , Sans doute qu'à vos yeux je dois être coupable ; Et Sully, satisfait par-delà son espoir, Doit condamner en nous le besoin du pouvoir ; Mais je veux l'écouter. SULLY. Heureuse par vos armes, La France vous devait un terme à tant d’alarmes : Faible encor par des maux éprouvés trop longtemps, Elle attendait un calme après d'affreux tourments , Et j'osais espérer que sous un prince habile Devait naître pour elle un ciel pur et tranquille: 26. (204) Vain espoir ! Le réveil de mille ambitions Ranime de nouveau l’hydre des factions. Vainement d’un parti l’or combla l’espérance : Chèrement acheté pour le bien de la France, Il veut encor de l’or et n’est point satisfait ; Sans pudeur il demande, on refuse. il nous hait; Et d’un peuple appauvri dédaignant la misère , Moins lâche, il deviendrait un perfide adversaire. Ce parti ne vaut pas qu'on daigne l’écraser, Et sans aucuns périls on le peut mépriser. Mais celui qui du Roi seconda la vaillance , Qui lui conquit le trône et délivra la France, La rendit imposante à l'ombre de son bras, Celui qu'ont signalé mille et mille combats, Qui des fastes heureux d’une immortelle histoire Pouvait être à jamais et l’orgueil et la gloire, Ce parti de l'honneur , veut-il y renoncer?.. Ce Henri de leur choix, ils l’osent menacer!... Que prétend-il, enfin, et quelle est sa démence ?... Veut-il servir, détruire, ou commander la France?... De Mayenne et des Seize en fuyant les drapeaux Pourquoi rechercha-t-il la palme des héros? Courut-il dans nos rangs? Le temps était propice: Il pouvait asservir la France à son caprice, Démembrer cet état, se l’entre-partager : On pouvait tout alors, et même sans danger. Alors, épouvanté d’un si sanglant outrage Il a craint aux Français d'imposer l'esclavage : Aujourd’hui, près du trône assis avec fierté, Il ose menacer sa noble liberté, L'attaquer dans son prince, et, d'une main hardie, Lever la hache encor sur sa triste patrie! Et de tels factieux Biron serait l'appui, Biron, l'honneur du siècle et l'ami de Henri, Biron, de nos guerriers le modèle et la gloire, Pourrait flétrir son nom aux pages de l'histoire !. :... ( 20h ) Non, je ne le crois pas!..... Justement respecté, Biron veut l'être encor dans la postérité ! À qui put s’égarer donnez toute espérance ; Sans crainte de Henri promettez l’indulgence : Vous le savez, son cœur n'aime point à punir Et ne voit plus d’offense où brille un repentir. Offrez leur donc, Seigneur , après un tel outrage , Le seul port qui les mette à l'abri de l'orage. S'ils craignent près du Roi la honte d'un pardon, Parlez : je le promets , je le jure en son nom. Biron. De ce discours , Seigneur , j'admire la prudence : Mais nul de mes amis n’a besoin d’indulgence, Et je dois m’étonner qu’il s'adresse à Biron. Sait-on bien qui je suis ?..,Si d’un honteux pardon J'avais quelque besoin pour protéger ma vie, Ce fer m’arracherait à tant d'ignominie : Seul il est mon recours; et ce fidèle ami Me servira du moins aussi bien que Sully. On connaît ce qu'il peut; il apprendra, peut-être, Non à me redouter, mais à mieux me connaître. SUELLY. J'ai ds. Bmox. Se pourrait-il que l’on me soupconnit ? Et m'attribuerait-on quelque lâche attentat ? SuLLY ( avec une intention très-marguée. ) Seigneur, cette demande a lieu de me surprendre. Henri dans peu d’instants en ces lieux va se rendre. Vous le suivez au fort... Et c’est à votre foi Que se va confer votre ami, votre Roi, ( 206 } Brron. Il suffit. SULLY. Votre cœur n’a-t-il rien qui le blesse ?... Vous ne répondez pas ?.. À regret je vous laisse. Que vois-je !... c’est Nemours!... Ah! Biron, se peut-ik Que vous restiez muet en un si grand péril... den ( 207 ) AAA RAI AAA PAPA AAA AAA AA AAA TRADUCTION libre de l’Ode 3° du 2° livre d'Horace, Par M. A. Device. À DELLIUS. Reçois du même front les coups de la Fortune ; Fuis la superbe joie et la plainte importune , Soit que le sort jaloux te condamne à souffrir , Ou bien qu’à t'enivrer au banquet de la vie Le plaisir te convie ; Souviens-t’en , Dellius, an jour tu dois mourir. Aux lieux où le ruisseau, luttant contre sa rive, La presse en murmurant de son eau fugitive, Où le pin toujours vert , le pâle peuplier, L'un vers l’autre inclinant, à leurs amours fidèles, Leurs têtes fraternelles, Mélent de leurs rameaux l'ombrage hospitalier, Fais porter les parfums, les guirlandes , ces roses , Que fanera le soir, et du matin écloses ; Là fais fumer l’encens , là fais couler le vin, Tandis que , respectant le printemps de ta vie, Atropos endormie Laisse courir le fl de ton heureux destin. Un jour tu quitteras cette maison charmante , Ces parcs voluptueux où le Tibre serpente , Ces jardins , ce vallon si fertile, si beau; ( 208 ) Oui , tu les quitteras. Demain | demain, peut-être, Les pas d’un nouveau maitre Fouleront ces gazons , ce marbre, et ton tombeau. Vil pâtre , fils de Roi, riche , pauvre , n'importe; L'impitoyable mort doit frapper à ta porte. Vers l’abime éternel nous marchons chaque jour ; Notre nom tôt ou tard sort de l’urne fatale , Et la barque infernale Au lieu de notre exil nous passe sans retour. LL C 209 ) STANCES (IMPROVISÉES DANS UNE PROMENADE AU CIMETIÈRE MONUMENTAL , Par M. DuPurTEez. Des terrestres liens quand l'ame dégagée , Vers un monde inconnu dirige son essor, Dans la nuit de l'erreur reste-L’elle plongée , Et de vains préjugés l’aveuglent-ils encor ? Non, sans doute; au milieu des torrents de lumière , Qui l'inondent alors , la seule vérité Lui montre, à ses regards en brillant toute entière Le néant de l’orgueil et de la vanité. Cette pompe des morts, à quoi donc leur sert-elle ? Et pourquoi surcharger d’un marbre fastueux De l’homme qui n’est plus la dépouille mortelle , Que des vers affamés se partagent entre eux ? De parents ou d'amis qu'à grands frais on rassemble Les ossemens épars dans un étroit caveau : Croit-on que du bonheur de se trouver ensemble , Ils savourent le charme à l'ombre du tombeau ? O vous qui m'êtes chers , vous à qui je dois l'être, Si jen crois de mon cœur le doux pressentiment, Quand la mort à vos yeux m’aura fait disparaitre , N'inserivez point mon nom sur un froid monument. 27 (210 ) Sous quelque humble gazon, dans un lieu solitaire , Sans faste déposez d’insensibles débris : A la terre rendez ce qui vient de la terre ; Nous avons tous reçu l'existence à ce prix. Mais l'ame est le reflet d’une flamme divine ; Et, du ciel descendue , elle y doit remonter : Oser même douter de sa noble origine , C'est l'attester encor; l'esprit seul peut douter. Puisse donc votre cœur conserver ma mémoire , Jusqu'au jour où la mort viendra nous réunir ! Des plus beaux monumeuts la splendeur illusoire Ne saurait compenser un pieñx souvenir. (215 ) AA AAA AAA AA AAA AA LE RENARD ET LA PINTADE, [A2 Cable, Par M. Le Ficceuc DES GUERROTS. Uxe Pintade était captive, Et son gcolier était un villageois : Ainsi du sort l'avaient prescrit les lois. Un jour de la saison où l’hirondelle arrive, Au travers des barreaux de sa cage de fer, L'innocente allongeait la tête et prenait l'air , Quand des museaux gloutons elle aperçoit le pire, Le museau d’un renard et son œil de vampire. La pauvre volatile eût dû, sans différer , Se retirer ; C'était bien le cas d'être preste ! Mais avant qu’elle en fit le geste, D'un coup de dent le perfide museau S’était vite adjugé l'oiseau. Si j'ai dit l'oiseau, je m'arrête : L'escroc n'avait miré que le bec et la crête, Et n'avait attrapé que la crête et le bec : Le grillage jaloux le tenant en échec, Il n'avait pu prétendre au reste. Mais qu'avait donc enfin voulu le garnement , En donnant pour si peu ce maître coup de dent ? Hélas ! le croira-t-on, encor que je l'atteste ? Ce qu'il avait voulu ?. se distraire un instant , 27 Î (nr Et d’une pintade sans tête , Dans sa cage se débattant , Se heurtant , Culbutant La pauvre bête, Avoir , faute de mieux, le spectacle sanglant ! Jeu barbare et bien fait pour plaire À l'inventeur froidement sanguinaire. Le trait que je viens de citer Peint de certain méchant l’odieux caractère : Quand du mal qu'il médite il ne peut profiter , Il le fait seulement pour le plaisir d’en faire. TABLEAU L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1828—1920. SIGNES POUR LES DÉCORATIONS. % Ordre de Saint-Michel. % Ordre royal ct militaire de Saint-Louis. % Ordre royal de la Légion d'honneur. K Ordre de l’Eperon d'or de Rome. O. signife Offcier. C — Commander. G. — Grand-Officier. G.C. — Grand-Croit. TABLEAU DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1828—1829. tee — OFFICIERS EN EXERCICE. M. Leprévosr , D. M., Président. M. Vice-Président. M. Cazaus, Secré/aire perpétuel pour la Classe des Sciences. M. BicxoN (N.), Secrétaire perpétuel pour la Classe des Pelles- Lettres et des Arts. M. Dusuc, Bbliothécaire-Archiviste. M. Leprevosr , vétérinaire, Z'’zésorier. ACADÉMICIENS VÉTÉRANS, MM. ANNFKS annÉEs e d'admis- récep- sion à x tion. - Vitéran- ce, 1803. Le Comte Beuenor ( G. C. #), Ministre d'état , 1806, ancien Préfet du département de la Seine-Inféricure, à Paris , 7ve neuve du Luxembours , n9 31. 2562. D'Onxayx (Jean-François-Gabriel) , doyen des Acadé- miciens , membre de l’Académie de Lyon, de celles des Arcades de Rome et des Georgifiles de Florence, à St-Martin-de-Bocherville. 1811. Le Baron AsseuiN DE VilrEQUIER ( O. 2), premier 1810. Président de la Cour royale, membre de la Chambre 1807. des Députés, rue de la Seïlle, n° 10. 4803. Virauis >, ancien Secrétaire perpétuel de l'Académie pour la classe des sciencesy Docteur ès sciences de l'Université; Professeur émérite des sciences phy- 1503. 1819, 1824. 1828. 1803. 180/. 1805, ( 216 ) siques an Collége royal de Rouen ; ancien Professeur de chimie appliquée aux arts: membre de plusieurs Académies et Sociétés savantes, à Paris, rue de Paradis- Poïssonnière, n° 11. Brière %# , Conseiller à la Cour de cassation | 1822. à Paris, re de Bondy , n° 44. Le Baron LEZURIER DE LA Martez ( O. XX), 1823. à Hautot. Descamps ( Jean-Baptiste), Conservateur du Musée 1824. de Rouen, membre de l’Académie des Arcades de Rome , 7ve Beauvoïsine, n° 31. Pavie (Benjamin), Manufact, Trésorier honoraire, 1827. faubourg St-Hilaire, n° 75. Rigarp (Prosper) #, ancien Maire de Rouen, 71e 1828. de la Vicomté, n° 34. ACADEMICIENS RÉSIDANTS , MM. ACADÉMICIENS DE DROIT. S. À. E. Mgr le Cardinal Prince n# Croy , grand Aumônier et Pair de France, Commandeur de l’ordre du St-Esprit, Archevêque de Rouen, etc., ez sor Palais archiépiscopal. Le Comte pe Murar ( C. :# ), Conseiller d'état, Préfe de la Seine-Inférieure , ez /’Æ6/el de la préfecture. Vicxé (Jean-Baptiste), D.-M , correspondant de la So- ciété de médecine de Paris, ve de la Serlle, n° 4. LerTercier, Inspecteur de l’Académie universitaire, 7e de S'otteville, n° 7, à St-Sever. Goperroy , D.-M., 7ze des Champs-Maïlléts, mo xx. Braxox ( N.), Docteur ès-lettres, Professeur émérite de rhétorique au Collége royal de Rouen et à la faculté des lettres , officier de l'Université de France, 7. S'énécaux , n° 55. Le Baron CHapais DE Marivaux XK, Conseiller à la Cour royale, rue St-Jacques, n° 10. 1305. 1808. 1809. 1814. 1815. 1816. 1817. 1818. 1819. (227) Perraux ( Pierre), ancien Imprimeur du Roi, membre de l'Académie de Caen et des Sociétés d'agriculture et de commerce de Rouen et de Caen, 4oul. Peauvorsine, no 74 M£Eaume ( Jean-Jacques-Germain), Professeur de mathéma- tiques spéciales au Collége royal , rze Poisson , no 31. Doguc l’ainé, Apothicaire-Chimiste, membre du Juri mé- dical du département de la Seine-Inférieure, correspon- dant de la Société de médecine du département de l'Eure, de celle de pharmacie de Paris, membre correspondant de la Société royale de médecine , et de plusieurs autres Sociétés savantes, rue Percière, n° 20. Dopurez ( Pierre), re de la Prison, n° ax. Le Prévost (Auguste), de la Société des antiquaires de Londres; de la Société royale des antiquaires de France ; des Sociétés d'agriculture de Rouen, Caen, Evreux et Bernay ; de la Commission des antiquités de la Seine- Inférieure , rze de Buffon, n° 21. Licquer (Théodore), Bibliothécaire, à Z'Hôtel-de-Ville. GUTTINGUER fils, rze de Fontenelle. L’Abbé Lerurquier DE LonGcnamp, à l'Hôpital général. Fcaugert, Docteur-Médecin, Chirurgien en chef de l'Hô-— tel-Dieu, rze de Lecat, n° 5. Leprevosr , Vétérinaire, rve S/-Laurent, n° 3. Levreux, Commissaire du Roi près la Monnaie de Rouen, à L'Hôtel des Monnaïes. Le Baron Anam X, Président du Tribunal de première instance , place S1-Ouen, n° 23. Durouzeau X *# , Conseiller à la Cour royale, place St- Eloi , w 6. LeprevosT , Docteur-Médecin, re Malpalu, n0 va. LEeriLLEUL DEs GuErroTs K , rue du Moulinet. BLancne , D.-M. , rue Bourgerue , vis-à-vis l’Hospice général. Taic | Avocat, membre de la Chambre des Députés, ue Dinanderie, n° 15. DesriGny , Horloger, place de la Cafhédrale. 28 1820. 1822. 1823. 2824. (228, Heuus fils, D-M., Médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, Zoz- devart Cauchoïse, n° &g. Le Comte DE Rrvaun La RarriniÈRE (C. XX) (G. O0. #), Lieutenant- Général commandant la 15e division militaire , rue du Moulinet. Le Marquis DE ManramNvize 2, Gentilbomme de la chambre du Roi, Maire de Rouen, rue du Moulinet, n° 11. DELAQUÉRIÈRE (E.), Négociant,, rue du Fardeau, n° 24. Hougz , Avocat, rue Sénécaux , n° 10. Cazauis, Professeur de sciences physiques au Collége royal, place de la Rougemare, n° 29. Livy, Professeur de mathématiques et de mécanique ; des Académies de Dijon et Bordeaux; des Sociétés académiques de Strasbours, Metz, Nantes et Lille; Maitre de pension, rue Saint-Parrice, n° 36. Le Pasquier #&, Chef de division à la Préfecture, 74e Porte-aux-Rats. Des-Azceurs fils, D.-M., Médecin adjoint de l'Hôtel-Dieu, etc., rue des Charrelles, n° 121. “VanDEUvVRE (O :#), Procureur général, re de la Chaine, -N° 12. L'Abbé Gosse , Chanoine honoraire à la Cathédrale, ve du Nord , n° 1. Maucer-Durourrax, Architecte en chef de la Ville, guai de la Romaïne , n° 52. Prevosr fils, Pépiniériste, au Bois-Guillaume , ( son adresse à Rouen, rue du Clamp-des-Oiseaux, n° 68 ). Dusreurz, Direct. du Jardin des plantes, ex Jardin des plantes. Laxçrors (E.-H.), Peintre, Professeur de dessin à l'École municipale , ze des Carmélites , w° 5. Le Tecurer X, Ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées , rue du Guay-Trouin. Reiser YX , Receveur général des finances, guai d’'Harcourt. SCHWILGUÉ , Ingénieur, Zoulevar! Beauvoisine , n° 72. Hourou-LaBr£rarDiÈRE , Professeur de chimie appliquée aux arts, à Déville. ( 219 ) Bazux , Chef de division à la Préfecture , ze de Crosne, n°6: Dumesxiz (Pierre), rve de la Chaine , no ox. L Monix , Pharmacien , correspondant de l’Académie royale de médecine, de la Société de chimie médicale de Paris, de la Société linnéenne et des sciences physiques et chi miques de la même ville; de la Société académique de Nantes, et de plusieurs autres Sociétés savantes, re Bou- vreurl, n° 23. Devare (Achille), membre de Ja Commission des anti- quités du département de la Seine-fnférieure, de la So- ciété des antiquaires de Normandie , et de là Société d’ému- lation de Rouen, rue de Fontenelle, n0 2 bis. Vixcranier, D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, rze de la Prison, mo 33. Pimonr (Prosper), Négociant, ze AMerbière, n° 28: ACADÉMICIENS CORRESPONDANTS , MM. 1803. Le Colonel Vicomte Tousrar DE RicHepourG XX, à St Martin-du-Manoir , près Montivilliers. LEVAVASSEUR le jeune , Officier d'artillerie. Le Baron Descexetres ( C. #<), Médecin, à Paris, guaë Vollaire, n° x. Moxxer , ancien Inspecteur des Mines, à Paris, ve de l'Unr- versilé, n° Gr. Le Chevalier Tessier % # , membre de l'Institut, Inspec- teur général des Bergeries royales, à Paris, ze des Petits-Augustins , n° 26. GUERSENT | Docteur-Médecin., à Paris, rve.dw Paradis , n° 16, ax Maraës. LRosTE , à Sartilly, près Avranches, départt de la Manche. LEBOULLENGER #, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Melun , département de Seine-et-Marne. Le Comte Cnapraz % (G. 2), Pair de France , membre de l’Institut, à Paris, ve de Grenelle-S1.-Germair, n 88. Mozceyaucr (C.L.), membre de l'Institut ,à Issy ,près Paris. 98 20. 1803. 1808. 1809. 1810. ( 220 ) L'Abbé DecARuE, membre de l’Académie de Caen, corres- pondant de l’Institut, à Caen. Le Baron Cuvier (G. O. #X), Conseiller d'Etat, membre de l'Institut, à Paris, au Jardin du Bor. Le Marquis »'Hergouvieee % ( G. O. #K), Pair de France , à St-Jean-du-Cardonnay , département de la Seine-Inférieure. Bornviciers, membre de l’Institut , à Paris, weille rue du Temple, n° 19. Deccaxp, D. M., Professeur d'histoire naturelle, à Rennes. Le Baron DemaniÈREs 2XK, à Paris , rue des Fossés-Mont- marre. Boucuer , correspondant de l’Institut, Directeur des Douanes, à Abbeville. Le Baron de GÉRANDO ( C. # ), Conseiller d'Etat, membre de l’Institut, à Paris, ézpasse Férou, n° 3. Deragouisse , Homme de lettres, à Paris. Boïecnreu, Avocat, à Paris , rve de Vaugirard, n° 19, au Luxembourg. Lesouvier Des Mortiers , ancien Magistrat, à Rennes. SERAIN , ancien Officier de santé, à Canon, près Crois- sanville. Larr ( Pierre-Aimé), Conseiller de Préfecture, Secrétaire de la Société d'Agriculture et de Commerce, à Caen. Dezancx X, Chef de division au Ministère de l'intérieur, à Paris, re Neuve Saint-Augustin, n° 54. Fraxcœur 2# , Professeur à la faculté des sciences , à Paris, rue Cherche-Midi, n° 25, Hennaxpez, Professeur à l'Ecole de médecine de la Ma- rine , ete., à Toulon. Lamoureux (Justin), à Bruxelles. GasreLrer %, Médecin, à Paris, rue du Four-S'aint- Germain , n° 17. Rosxay DE Vizrers, Directeur du Dépôt de mendicité, à Amiens. Le Chevalier VauqueLtx Xe 2, membre de l'Institut, 4x Jardin du Ror. x 1810. 1311. 1812. 1813. 2814. ( ae ) Duguissox , Médecin , à Paris, rue du Faubourg S!-Antoine, no 333. Dumois-MAIsoNNEUVE, Homme de lettres, à Paris, rve We Vaugirard , no 36. Denis , D.-M., à Argentan, département de l'Orne. Le Marquis pe Bonarpr-Dumesniz, ancien Officier de ca-- rabiniers, au Mesnil-Lieubray, canton d’Argucil, arron- dissement de Neufchatel. Decarur , Pharmacien, secrétaire de la Société médicale , à Evreux. Le Comte pe SEsmaisoxs ( Donatien ) % (C. #), Gen- tilhomme de la chambre du Roi, membre de la Chambre des Députés, à Paris, rve de Vaugirard , n° 1 his. LesCaLLIER , ancien Préfet maritime, au Havre. Saissy , Doctenr-Médecin, à Lyon. BALME , secrétaire de la Société de médecine, à Lyon. Leroux pes TRots-PIERRES , Propriétaire , aux Trois-Pierres, près St-Romain-de-Colbosce. L’Abbé LeprioL , ex-Recteur de l'Académie de Rouen, à Rennes. De Laporte-LaLanne X, Conseiller d'Etat, à l’intendance du Trésor de la Couronne, place du Carrousel. LesauvaGe, D.-M., à Caen. Larisse , D.-M., à Paris, ve Neuve-des-Petits-Champs , n° 54. Heucor XK, à Paris, rue d’Astorg, n° 17. Bouzrax 2#, Pharmacien, à Paris, ruc des Fossés-Mont- martre , n° 19: L’Abbé La Rivière, inspecteur de l'Université, à Strasbourg. Briquer, Professeur de Belles-Lettres, à Niort. LamMANDÉ 2, Inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaus- sées, à Paris, rue du Hegard , no 1. Gois fils, Sculpteur, à Paris, quai Conti, no 23. FLAUGERGUES , Astroneme , correspondant de l'Institut , à Viviers. Tan pes SaBLons Y, à Paris, rue du Grand-Chantier, n° 12. 1814. 1915 18:16. 3817. 1818. C322) Pécæeux, Peintre, à Paris, rve S/-Florentin, n° 14. Massox DE Sarvr-Amanp 2, ancien Préfet du département de l'Eure, à Paris, rve de Belle-Chasse, n° 15. Le Maréchal Comte Jourpax % ( G. C. # ), Pair de France, Gouverneur de la 7e Division militaire, rve de Bourbon, n° 52. PercELAT, ancien Recteur de l'Université de Rouen, à Paris. GEorFrox , Avocat, à Valognes. FaBrE , correspondant de l’Institut, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, à Brignoles. REvER, correspondant de l'Institut, à Conteville , près le Pont-Audemer. Box, Médecin en chef des Hospices, à Bourges. Lorseceur pes LonGcHamps 2, D.-M., à Pais, rue de Jouy , n° 10. Durrocner , D.-M., correspondant de l'Institut, à Cha- reaux, près Château-Renault ( Indre-et-Loire }. Pari, Bibliothécaire du château royal de St-Cloud , maitre des conférences à l’ancienne École normale, à Paris, rw Cassette, no 15. Dssormeaux , Docteur-Médecin à la Faculté de Méde- cine, à Paris, rze de l'Abbaye , w° 16. Ménrar , Médecin, à Paris, ze des Petils-Augustins , n° 15. Hurrrez D'ARBOVAL, Vétérinaire, à Montreuil-sur-Mer. Moreau DE Jonxxès % 2 , Chef de bataillon, correspondant de l’Institut, à Paris, rve de l'Université, n° 28. De Gourway , Avocat et Docteur-ès-lettres, à Caen. Parru , Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées , à Caen. BoxTa, Homme de lettres , à Paris, place S1-S'ulpice , no 8. Le Comte DE Kercarrou ( O. K), Pair de France, à Paris, rve du Petit-Vaugirard, n 5. Le Chevalier AzrssAn DE CHazer ( O. X ), Homme de lettres, à Paris, rve Godot, n° 37° Le Comte ne Monraur #, à Nointot, par et à Bolbec. Le Marquis Eupes DE Mimvizze X, Maire, à Gommer- ville, par et à St-Romain. 1819. 1820. 1821: 1822. 1823. nf Ê 1824. Case BoucaARLAT , membre de la Société philotechnique, à Paris, quai des Augustins, n° 1x. Le Baron Marouer ( C. :#), ancien Préfet de la Seine- Inférieure , à Paris, rze Godot, n° 5. Depauuts, Graveur, à Paris, rze des Grands-Augustins , n° 1. Garon, Naturaliste, à Abbeville. Le Baron Cacaix % (O. X) , Inspecteur général des Ponts et Chaussées, à Paris, d/el de la Monnaie. Vèxe % 2, Capitaine de génie, au Sénégal. BertHiER, membre de l’Institut, à Paris, rve d’'Enfer, n° 34. L'Abbé JameT, Recteur-Instituteur des sourds-muets , à Caen. Cuauery, Inspecteur des Ponts et Chaussées en retraite , à Paris. L'Abbé LasounertE, Grand-Vicaire d'Avignon, à Paris, cloitre Notre-Dame, n° 20. / Le Moxter (Hippolyte), Avocat , à Paris, rve de Va:- girard , w° 0. Moréon (de) #, Ingénieur des domaines de la Gourorne, à Paris, ve T'aitbout, no G. Taiégaur DE Berveaun , Secrétaire de la Société linnéenne , à Paris, rue des S'uints-Pères, n° 46. Beucxor (Arthur), Avocat, à Paris, re du faulourg S1.- Honoré, n° -119. Dssrouer , D.-M., à Paris, rze Se-Marguerite, no 34. Caaumerre pes Fossés, ancien Consul de France en Suide, à Paris, 1e Dauphine, n° 13. SOLLICOFFRE XX, Directeur des Douanes , à St-Malo. EsrancELIN , Inspecteur des forêts de S. A. R. Mgr le Duc d'Orléans , à la ville d'Eu FonTAnIER , Homme de lettres, à St-Flour, département du Cantal. Maczer 2, Ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, à Paris, rue du Regard, n° 14. Jouroax %X, D.-M., à Paris, rue de Bourgogne, ne 4. MoxFarcon, D.-M., à Lyon. 1824. 1825, Æ e ©? 1827. (224 ) BourGeots (Ches), Peintre en portraits, à Paris, place Dauphine, n° 24. Janvier (Autide), Horloger ordinaire du Roi, à Paris, gza Conty, n° 23. DerAQUESNERE, Propriétaire-agricnlteur , à St-André-sur- Cailly. Descamps , Bibliothécaire-Archiviste des Conseils de guerre , à Paris, rve Cherche-Midi, no 39. Sarcues, Médecin, à Dijon. Le Baron BouLLENGER 2 , Procureur général à la Cour royale de Caen. Pixec 2 , Juge-de-paix , au Havre. D’AxGcemont ( Edouard), à Paris, ve de Savoie , n° 24. Desmarest, Professeur à l'Ecole royale d'Alfort, à Paris, rue St-Jacques, n° 161 Benoist , Lieutenant au corps royal d'Etat-Major , à Paris. Juzia-FoxTENELLE, D.-M., Chimiste, à Paris, rve des Grands-Augustins, n° 26. Crvrae K, D.-M., à Paris, ve Godot-de-Mauroy , n° 3o Ferer, Antiquaire, à Dieppe. Paye #, Manufacturier, à Paris, rze des Jeuneurs, à° 4. Le Comte BLANCHARD DE LA Musse, ancien Conseiller au Parlement de Bretagne, à Montfort, dépt d’Ille-et-Villaine. Moreau ( César ), Vice-Consul de France, à Londres. Monremonr (Albert), Homme de lettres, à Paris, rve du Four-St-Germain , n° 17. Lapeveze, D.-M., à Bordeaux. Savin, D.-M., à Montmorillon. Lexormanp, Rédacteur des Annales de l'Industrie nationale, à Paris, rue Percée-St-André-des-Arls, n° 11. Boïgcoreu 2 , membre de l’Institut, à Paris, £ou/evart Montmartre , n° 10. Bençasse X, Procureur général près la Cour royale de Montpellier. G£rmaIN, Pharmacien, à Fécamp. Huco ( Victor), Homme de lettres, à Paris. ( 22 ) 1827. De Brossevizre ( Ernest), à Amfreville, dépt de l'Eure. DE Bcosseviece (Jules), à Paris, ve de Richelteu, n°. DemasiÈREe, Botaniste, à Lille, 7ze des Fosses. Mazo (Charles), Homme de lettres , à Belleville , près Paris. 1828. Le Baron C. A. ne Vaxssay ( C. # ), Conseiller d'état , ancien Préfet de la Seine-Inférieure , à Nantes. CourT , Peintre, à Paris, ve des Beaux-Arts, n° 1. Durras | Percepteur des Contributions, à Roumare. SPENCER SmiTa , membre de la Société des Antiquaires de Normandie , à Caen. Le Baron pe Morremart-Borsse X 2, Inspecteur des Bergeries royales, à Paris, re Duphot, n° 12. Monx , Ingénieur des Ponts et Chaussées. CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 1733. Le Chevalier De Turnor, membre de la Société des Anti- quaires, à Londres. Miss Anna Moon, à Londres. 1785. ANCILLON, Pasteur de l'Eglise française , à Berlin. 1803. Le Comte DE Vocra, Professeur de physique , associé de l’Institut, à Pavie. Demorz, Directeur de la Chambre des finances , et corres- pondant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg. Le Comte DEBraAyx, Ministre et Ambassadeur de S. M. le Roi de Bavière , à Vienne. GErrroy , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow. ExGeLsrorr , Docteur en philosophie , Professeur adjoint d'Histoire à l'Université de Copenhague. CavanizzE , Botaniste, à Madrid. John SiIncLAIR, Président du Bureau d'agriculture , à Edimbourg. Fagronr, Mathématicien, Directeur du Cabinet d'histoire naturelle, correspondant de l’Institut, à Florence. 1812. VOGEL , Professeur de chimie à l'Académie de Manich. 18106. Campgezz, Prof, de poésie à l'Institution royale de Londres. 1817. Kencknorrs, Médecin militaire, à Ruremonde, | { 26 ) 1818. Dawson Turxer , Botaniste, à Londres. Le R. Th. Frocwarc Drenix , Antiquaire , à Londres. 1825. Le Comte VixCENZ0 DE ABBATE, Antiquaire , à Alba. 3827. Deruc, Professeur de Géologie, à Genève. 1828. Brunez , Ingénieur , inventeur et constructeur du Passage sous la Tamise , correspondant de l'Institut, à Londres. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. L'Institut , à Paris, au Paluis des Quatre-Nafions. L’Athénée des Arts, à Paris, rue des Bons-Enfants La Société royale d'Agriculture, à Paris, à /’Hotel-de-Vülle. La Société médicale d'Emulation, à Paris. La Société des Sciences physiques, à Paris. La Société des Pharmaciens , à Paris. L'Académie des Sciences , etc., à Amiens. La Société des Sciences, Lettres et Arts, à Anvers. L'Académie des Sciences , à Besançon. La Société des Sciences, etc., à Bordeaux. La Société des Sciences, ete., à Boulogne-sur-Mer. L'Académie des Sciences, Arts et Belles-Leltres, à Caen. La Société d'Agriculture et de Commerce , à Caen. La Société académique, à Cherbourg. La Société médicale, à Evreux. La Société des Sciences , etc. , à Grenoble. L'Académie des Sciences, etc., à Dijon. La Société des Sciences , Lettres et Arts , à Nancy. La Société des Sciences et Arts , à Niort La Société des Sciences physiques et médicales, à Orléans. L'Académie des Sciences, etc. , à Marseille. L'Académie des Sciences , etc., à Rennes. Ja Société des Sciences et Arts, à Strasbourg. L'Académie des Jeux floraux , à Toulouse. La Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts, à Tours. La Société d'Agriculture, à Versailles. L'Académie des Sciences , etc. , à Lyon. (227) La Société des Lettres, Sciences et Arts, à Douai. La Société de Médecine, à Lyon. La Société des Sciences et des Arts, à Nantes. L'Académie du Gard, à Nismes. La Société libre d'Emulation et d'Encouragement pour les Sciences et les Arts, à Liépe. La Société d'Agriculture , Sciences et Arts de la Haute-Vienne, à Limoges. — raie + 4e<— 29. Art re boë LH fs ps om e ter RE PA EVE UE CAP ton jar ral ce af Ù DA AD é”, a ml © . , bpomesilatoall sl +5 quA 20 savon | ustlucttn4 à ho à , à es: de . PF, soomil S ffhinite : N k L Ê L _ 7 , + TP 23 L PE “ }. Li % ts Ée : \ , L ; : 1 À Du & ‘ + se + ÿ. L "“ e - ‘ L : , … ' À ; + “ce F ‘ e F3 ' \ LU + ‘ t f tt 1 , - e + é LC . È 0 ” 1 à À + i ‘ L£ » “ { à af "0 .- [4 » y L'Aë à ue. e à ' Vi ‘ L à LA vds ; ta sr) - 3 évier e. ! - se 7 . L2 … TABLE DES MATIÈRES. Discours prononcé à l'ouverture de la Séance publique , par M. Licquet, président , page 1 SCIENCES ‘ET: ARTS. Rapport fait par M. Cuzalis, secrétaire perpétuel , 13 MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUE. Notice sur la dilatation de la pierre , par M. Destigny , 14 Mémoire sur les influences lunaires, par M. l'abbé Gossier, ih. Notice sur un méridien à style mobile, de nouvelle invention , par le même, 15 Mémoire sur le phénomène de la vision, par M. Vingtri- nier ; rapport de M. Lévy, ibid. Rapport de M. Cazalis , sur un mémoire de M. Pugh, ibid. Rapport de M. Meaume , sur un recueil de machines de I. Antide Janvier ibid. Correspondance météorologique ( 2° numéro) , par M. Morin , ibid. Manuel des poids, des monnaïes et du calcul! décimal, par M. Tarbé des Sablons , ibid, Cuivre. Notes sur la question de savuir si l’on doit appeler savon ow savonule la combinaison de l’ammoniaque et de l'huile d'olive, par MM. Morin et le docteur Prevost , 16 Rapport par M. Dubuc, au nom d'une commission , sur des épreuves failes sur une pièce de foulards fabriquée dans les ateliers de M, Prosper Pimont, ibid. (2307) Moyens d'éprouver les vinaigres et les eaux-de-vie du com- merce , par M. Dubuc, 16 Mémoire sur la couleur rouge que prennent les tests d’écre- visses par la cuisson , par M. Germain ; rapport par M. Dubuc , 17 MÉDECINE. Observations sur Le rhumatisme , par M. Des Alleurs , 15 Thèse et observations sur un cas de déviation des menstrues . par D. Bonfils fils aîné; rapport par M. Des Alleurs , ibid. Rapport par M. Des Alleurs , sur une thèse latine de M. Cot- Lereau , et sur trois brochures de M. Virey, ibid. Observations sur l'efficacité de l'émétique à hautes doses dans les inflammations pulmonaires, par M. Vingtrinier ; rap- port par M. Des Alleurs , ibid. Mémoire sur les combustions humaines spontanées , par M. Julia-Fontenelle ; rapport par M. Des Alleurs , 19 Rapport de M. Hellis, sur un mémoire de M. Ladvëze, 20 Nouveau traitement appliqué aux scrophules, par M. Cha- ponnier ; rapport par M. Iellis , ibid. Rapport de M. Godefroy sur un mémoire de M. Franck Chausster , ibid. Rapport de M. Blanche sur une observation adressée à l’Aca- démie , par M. Bonfils , ibid. De la reforme des lois pénales : discours de réception de M. Vingtrinier ; et réponse de M. le président , 2x Concrétion arthritique mise sous les yeux de l'Académie , par M. Dubuc, 22 HISTOIRE NATURELLE. Note sur deux œufs hardés réunis par un ligament , par M. Dubuc, 22 Notice sur le puceron lanigtre , ibid. Supplément à la botanographie de la Belgique et aux flores du nord de la France, par M. Demarières ; rapport par M. Le Turquier , 23 ( 28r ) Îiésumé méthodique des classifications des thalassio-phytes ; par M. Benj. Guillon ; rapport par M. Aug. Le Prevast , 23 Poulet monstre mis sous les yeux de l’Académie , par DT. Vingtrinier , 24 Mémoire sur les lichens calicivides , par M. Aug. Le Prevost , ibid. AGRICULTURE ET ARTS INDUSTRIELS, Perfectionnement dans l'architecture | ou la nécessité , utilité el économie d'un bon système de ventilation dans les édi- Jices, par M. Burridge ; rapport par M. l'abbé Gossier, 24 La cle du tanneur, par M. Burridge ; rappart par M. l'abbé Gosster , ibid. Réflexions sur les maladies des bois de charpente , par M. l’abbe Gossier , ibid, Essai sur les moyens de conserver les bois , par le même, 25 Notice sur la proportion existant à Rouen entre le prix du blé et celui du pain, par M. Ballin , 25 Dictionnaire de médecine et de chirurgie vétérinaire , par A. Hurtrel d’Arboval, ibid, Travaux des Sociétés correspondantes , 26 PROGRAMME des prix proposés pour 1829 , 27 BTÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIPÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. NoriCE sur deux œufs jumeaux hardés , et de couleur diffe- rente , pondus parune poule de deux ans, par M. Dubuc, 29 LAPPORT sur une observation manuscrite relative à une dévia- lion des menstrues , envoyée à l’Académie par M. Bonfils Jis aîné, D. M. à Nancy; par M. Des Alleurs , 33 RaPPORT sur la taxe du pain et l’état de lu boulangerie à Rouen, par M. A.-G. Ballin , 39 OBSERVATIONS sur le rlumatisme , par M. Des Alleurs fils , 43 Ess4r sur les moyens de conserver les bois , par M. l'abbé Gossier, 57 EssAr sur les influences lunaires , par M. l'abbé Gossier, 79 t 321 BELLES-LETTRES ET ARTS. RAPPORT fait par M. Bignon , secrétaire perpétuel , 126 OUVRAGES ANNONCES OU ANALYSÉS DANS CE RAPPORT. Travaux des Sociétés correspondantes , 129 Rapport de M. Le Pasquier sur les memoires de l’Académie de Dijon, ibid, Rapport sur le journal de la socièté du Bas-Rhin, par M. Le Filleul des Guerrots , 130 Mémoires des sociétés d'amélioration de l'enseignement ele- mentaire et de la morale chrétienne , ibid, Opuscule anglais intitulé : The Voyager , par M. Edouard Smith , ibid. Cours d’éloguence de M. Ch. Durand, IPC Mémoires sur Les vices et les abus de l'instruction criminelle en France , par M. Tougard, 1bid. Mémoire sur l'abolition de la peine de mort infligée aux faux monnayeurs , par le même , ibid. Guide des Jurés , par le même, 131 Soirées littéraires de M. Charles Durand, publiées par M. Tougard, ibid. Rapport de M. Houel sur l'ouvrage précédent , ibid. Eloge de Bossuet , par M. Floquet , ibid. Les jeunes Fleurs, apologue , par M. F. Lequesne , 132 Vers à l'honneur de S. À. R. Met la Dauphine , à l’occasion de son passage par les Andelys, ibid. MEMBRES CORRESPONDANTS. Opuscule sur un monument arabe du moyen âge, découvert en Normandie , par M. Spencer Smith , 132 Mémoire sur la culture da la musique à Caen, par le méme , ibid. Leçons de littérature , par M. Briquet , | ibid, ( 333) Discours en vers à M. Mathon de la Cour, par M. Boucharlat , 132 Imprécations du vieillard , traduction par le même , ibid. Poème sur le néant de l'homme , par M. Charles Malo , ibid. Allocution sur la fermeté du magistrat , par M. Bergasse, ibid. Analyse de la statistique du département de l'Ain, par M. le baron de Mortemart-Boïsse , ibid, Traduction d’une lettre de St Vincent de Paule, écrite en latin au cardinal de la Rochefoucault , par M. l'abbé La Bouderie. ibid, Epitre à un ami, par M. le comte Blanchard de La Musse, ib. Stances ayant pour refrain : Le triste présent de la vie ; par le même, ibid. Documents publiés par la société royale asiatique de la Grande-Bretagne et de l'Irlande , envoyés par M. César Moreau , ! 130 Stances intitulées : Réflexions philosophiques au lit du malade ; par M. Boinvilliers , ibid. Éloge de Bossuet , par M. Patin ; et rapport par M. Dumes- ni , ibid, Eloge de Bossuet , par M. Maillet-Lacoste , ibid. Parallèle de Cicéron et de Tacite, par le méme ; rapport de M. Deville , ibid, Mémoire sur le passage du petit St-Bernard, par M. Deluc, ibid. Lettres de M. Brunel , ingénieur du passage sous la Tamise, 134 Cromwel , drame , par M. Victor Hugo ; rapport par M. Gut- linguer , ibid. Mémoire sur le vieil Evreux , par M. Rever ; rapport par M. Aug. Le Prevost, 135 Rapport de M. Aug. Le Prevost, sur un mémoire de M. Fe- ret aîné, secrétaire de la Societé archcologique de l’arron- dissement de Dieppe , 136 39 (234) Dés cérémonies symboliques usitées duns l’anciénñe jurispru- dence des Français, par M. Arthur Beugnot , 136 Rapport de M. Deville , au nom d'une commission, ibid. MEMBRES REÉSIDANTS. Discours de rentrée, prononcé par M. Théod. Licquet , président , 137 Discours prononcé, l’année dernière, à la distribution des prix de l’école gratuite d'enseignement mutuel , par M. Guttin- guer , ibid. Premier acte d’une comédie intitulée : Vingt-quatre heures d’un homme sensible , par le méme , ibid. Notice des vues de Rouen gravées par Bacheley, par M. De- laquérière aïné , ibid. Dissertation sur Les portraits de Henri VIT et de François L, existants à l’hôtel du Bourgtheroulde à Rouen , par le méme , ibid. Considération sur l’état actuel de la France, sous Le point de vue mural, par M. Levy , 138 Mémoire sur les Monts-de-Piété ( °° partie ), par M. À. Le Pasquier , 139 Dissertation sur un fait de l'histoire de France attribué à Philippe Auguste, par M. À. Deville , ibid. Essai historique et descriptif sur l'abbaye de St-Georges , par M. À. Deville ; rapport par M. Aug. Le Prevost, 145 Aperçu de l'industrie en France : discours de réception de M. Pr. Pimont ; et réponse de M. le président , 142 Rectification de quelques erreurs dans l'histoire de la Nor= mandie , par M. Licquet , 143 Dessins des bas-reliefs destinés à décorer le péristile de l'hô- tel communal de Rouen , 145 Rapport de M. Ballin sur une demande faite à l’Académie par M. Adrien Balbr , ibid. Notice sur L Asile des aliénés de Rouen , par M. Ballin, x46 30 (235 ) Notice bibliographique sur un opuscule en vers , intitule : Prosa Cleri parisiensis, ad ducem de Menä, post cœdem Henrici IT, par M. Duputel, ibid. Dissertation historique sur Alain Blanchard, par M. Théod. Liequet , ibid, Description d’un tableau de M. Court, par M. Des Alleurs Jis , ibid, Le Renard et la Pintade , fable , par M. Le Filleul des Guer- rots , 1bid. Stances improvisées dans une promenade au Cimetière monu- mental , par M. Duputel , ibid. Traduction libr: de l’ode d'Horace : OEquam memento, par M. Deville , ibid. Scène d'une tragédie inédite (Henri IV et Biron), par DL. Dupias , 146 PRIX proposé pour 1829 , 147 MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE À ORDONNÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. PROPOSITION faite à l’Académie, par M. Des Alleurs fs , à la suite d’une description d'un tableau de M. Court, 149 Norice sur Alain Blanchard ( Réfutation des historiens modernes ) , par M. Théod. Licquet , 167 Noric£ sur l’Asile des alienés de Rouen , par M. Ballin , 179 NoricE bibliographique sur un ouvrage très-rare intitulé : Prosa Cleri parisiensis, ad ducem de Menà, post cœdem Henrici IE, par M. Duputel, 19% Pos. FRAGMENT du second acte de la tragédie inédite de Biron , par M. Dupias , de Rouen , 204 TRADUCTION libre de l’ode 3° du 2° livre d'Horace , par M. A. Deville , 207 ( 236 ) STANCES improvisées dens une promenade cu Cimetière mo- numental, par M. Duputel , 209 Le Renard et la Pintade, fable, par M. Le Filleul des Guerrots , 2TE TaBzEAU de l’Académie royale des sciences , belles-lettres et arts de Rouen , pour l’année 1828—1829 , 215 Fin DE LA TABLE. PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1820. PL à LETTRES PATENTES. A — CnarLes, par la grâce de Dieu , Roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut, L'Académie des Sciences, des Belles-Lettres et des Arts , instituée en notre bonne ville de Rouen , département de la Seine-[nférieure, par les lettres patentes de notre auguste aieul et prédécesseur le Roi Louis XV , données à Lille, au mois de juin de l'an 1744, contre- signées Phelypeaux ,; dûment visées et re- gistrées où besoin a été , nous a fait exposer que , par ces mêmes lettres patentes , il lui a été permis d'avoir un sceau à telle marque, figure et imscripuon qu'il Jui plurat, pour sceller les actes qui émaneraent d'elle; qu'elle | a, en conséquence , adopté un sceau dont elle a déjà fait usage , mais dans la possession du- quel elle désire être maintenue et confirmée en exécution de la loi du 26 septembre 1814; à cet effet , l'Académie de Rouen s'est reurée par-devant notre Garde des Sceaux, Pair de France, Ministre et Secrétaire d'état au dé- partement de la Justice, lequel nous a pré- senté les conclusions du Conseiller d'état , Commissaire pour nous au sceau , el l'avis de notre Commission du sceau , tendant à la délivrance des présentes lettres patentes. À CES CAUSES , nous avons confirmé et main- tenu l’Académie des Sciences , des Belles- Lettres et des Arts, établie en ladite ville de Rouen, dans la possession, l'usage et l'emploi du sceau par elle adopté , pour sceller les actes émanés d'elle , lequel sceau ou laquelle em- preinie représente le portique d'un Temple à quatre colonnes faisant trois ouvertures , avec la devise : Tria limina pandit, et a pour exergue : Scientiæ , Luteræ et Arles, Acade- mia regia Rothomagensis , 1744. Voulons que les actes de ladite Académie puissent être revèêtus de cette empreinte en toute circonstance. vi] Mandons à nos amés et féaux Conseillers en notre Cour royale, séante à Rouen , de publier et registrer les présentes ; car tel est notre bon plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours , notre Garde des Sceaux , Pair de France , y a fait apposer notre grand Sceau , en présence de notre Commission du Sceau. Donné au château de St-Cloud , le dixième jour de juin de lan de grâce mil huit cent vingt-huit , et de notre règne le quatrième. Sioné CHARLES. Vu au Sceau : Par le Roi : Le Pair de France et Garde des Le Pair de France et Garde des Sceaux, Munistre et Secré- Sceaux , Ministre et Secré- taire d'état au département taire d'état au département de la Justice , de la Justice, Sione Cte PorTaLis. Sione Cie PorraLis. Enregistré à la Comnussion du Sceau , Le Secrétaire général du Sceau, o CuviLLier. Les présentes ont été lues et publiées en l'audience publique de la Cour royale , séante à vu] à Rouen , le lundi 30 juin 1828 , et, de suite, transcrites sur les registres de ladite Cour , au désir de son Arrêt. Le Greffier en chef de la Cour royale de Rouen, A. FLOQUET. PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES" Fe ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1829. D'APRÈS LE COMPTE QUI EN À ÉTÉ RENDU PAR MM. LES SECRÉTAIRES, A LA SÉANCE PUBLIQUE DU 7 AOÛT DE LA MÈME ANNÉE. — tr 2) ee — DISCOURS D'OUVERTURE DE LA SÉANCE PUBLIQUE DE L'ANNÉE 1820; Par M. ce pocreur LE PREVOST , PRÉSIDENT. M ESSIEURS , UXE des connaissances les plus utiles à homme est celle de. la minéralogie ; cepe ondant cette branche de l’histoire naturelle a été jusqu'à présent cultivée avec bien moins d’ardeur que le règne végétal et le règne animal. II Le (2) est vrai que les êtres organisés intéressent plus l’homme et ont des rapports plus directs avec lui que les êtres inorganiques ; mais, sans eux, que seraient les animaux et les végétaux? Ils tirent tous leur exis- tence physique des nombreux matériaux dont la terre est composée ; cette terre est notre mère commune ; nous sommes tous sortis de son sein, et nous y rentrerons tous, Que de motifs puissants pour étudier avec sôin les différents êtres qui la composent et qui, par un ébncours admirable, peuvent fournir à tous les besoins de notre passagère existence ; car la vraie richesse d’un peuple consiste dans les produits de son territoire. Quoique l'étude du règne minéral ne présente pas les mêmes attraits que celle du règne animal et du règne végétal; néanmoins, en jetant un coup d'œil sur la composition de notre globe et sur les phéno- mènes curieux qui se passent à sa surface et dans son intérieur, on peul se convaincre que ce règne mérite autant que les deux autres de fixer nos regards et notre attention. La terre, d’après les plus célèbres géologues, est for- mée , dans sa croûte superficielle , de trois couches de terrains superposées. Dans les excavations Les ont été faites pour les mines, on n’a pu parvenir qu’à une pro- fondeur d'environ une demi-liene ; il paraît impossible de pénétrer plus avant : en admettant que notre globe ait deux mille huit cents lieues de diamètre, il est au-dessus de la puissance humaine de pouvoir jamais creuser jus- qu'au centre de la terre, puisqu'à peine parvenu à une demi-lieue de profondeur , on trouve déjà de si grands obstacles. Contentons-nous d'examiner les cou- ches qui ont pu être explorées : la couche la plus profonde est celle des terrains dm ; on la trouve composée de masses énormes de granits , de porphy- (3) res, de marbres plus ou moins denses; ces masses s'élèvent quelquefois au-dessus de la surface de la terre, et y forment de grandes chaînes de montagnes, telles que les Alpes et les Pyrénées ; cette première couche ne contient aucuns débris des corps des ani- maux ni des végétaux , et elle n’est pas propre à la végétation. La seconde couche est posée sur cette base, ou quelquefois pénètre dans ses interstices ; elle paraît formée par le dépôt des eaux ; on y trouve des pierres moins dures , des ardoises, plusieurs carbonates cal- caires , des restes d'animaux et de végétaux décom- posés, des filons métalliques, du charbon de terre, des masses d’eau plus ou moins considérables : c'est dans ces terrains qu'il se forme quelquefois des ex- cavations où se conduisent des vapeurs sulfureuses , bitumineuses , et d’autres gaz de différente nature , et qui, venant à s’enflammer , font une explosion, et paraissent être la cause des tremblements de terre et des éruptions volcaniques. Les terrains de la troisième couche sont les plus extérieurs ; ils sont composés d'argile , de craie , de marne , de silex, de plâtre, de sable et de terre végétale ; on y trouve aussi des restes de productions végétales et animales, fluviatiles ou marines ; des mines de soufre, de différents sels, de métaux purs ou combinés avec d’autres substances ; des courants d'eau, qui, parvenus à la surface de la terre, y for- ment différentes Sources suivant la nature des terrains à travers lesquels élles ont filtré ; de là les eaux douces et les éaux minérales gazeuses, sulfureuses , salines et métalliques, qui toutes vont se perdre dans la mer , cétte masse immense d’eau qui, dans des exca- vations profondes , occupe à-peu-près les deux tiers de la surface de notre globe, I. (4) Tel est l’aperçu succinct des différentes substances qui composent la croûte superficielle de la terre ; ces objets sont bien dignes de fixer les regards d'un ami de la nature : c'est d’elle que nous tirons les princi- paux matériaux pour la construction de nos édifices , pour la fabrication des vases nécessaires aux usages de la vie ; c’est elle qui nous fournit ces métaux pré- cieux qui font la force et la puissance de l'homme. Le plus utile*de tous est le fer : c’est avec lui que l'homme fait fructifier la terre ; c’est avec lui qu'il pénètre dans son sein pour y découvrir les richesses qui y sont cachées; c’est avec lui que la mécanique à créé ces ingénieuses machines qui nous sont si utiles ; c’est avec lui qu'un peuple défend ses droits et repousse les invasions étrangères : c’est enfin avec le fer que la bravoure française a triomphé dans toutes les parties du monde ; sans lui tous les arts langui- raient. L'or et l'argent sont recherchés avec plus d’ar- deur que le fer, parce qu'ils sont plus rares et qu'ils ont été choisis par toutes les nations pour le signe représentatif de la valeur des diflérents biens; mais leur utilité n'est pas comparable à celle du fer; ils ne pourraient jamais rendre les mêmes services. à l’homme. Les autres métaux ont aussi un grand de- gré d'utilité pour les arts, et la médecine en tire ses remèdes les plus énergiques. Enfin, c'est du sein de la terre que sortent chaque année les productions céréales et légumineuses , les graminées qui servent à la nourriture de l’homme et des animaux ; c’est encore de son sein que s'élèvent vers le ciel ces arbres et arbustes si précieux par leurs fruits; c’est avec eux que nous nous bâtissons des demeures pour nous préserver des injures de J’air ; ‘c'est avec eux que sont construits ces édifices flottants qui vont at- tester dans toutes les régions du globe notre puis- C5) sance et notre industrie; c’est enfin avec eux qu'est alimenté le feu de nos foyers, cet agent si puissant et si nécessaire dans lunivers, La diminution pro- gressive des bois de chauffage a forcé l'homme de chercher à le remplacer par d’autres substances com- bustibles ; des tourhières et des mines de charbon de terre ont été découvertes dans quelques contrées : il serait à désirer qu'on en découvrit encore d’autres. La minéralogie offre donc beaucoup d'objets in- .téressants aux yeux des amis des sciences. Combien il est utile pour un pays de connaître les avantages qu'il peut tirer de son territoire ! Ce sont ces consi- dérations qui ont déterminé l’Académie royale de Rouen à proposer, pour sujet d’un prix extraordinaire, la statistique minéralogique du département de la Seine -Inférieure ; ce prix va être décerné dans cette séance. Le sol de notre département est fertile en produc- tions diverses ; il a des terres propres à la fabrication des porcelaines , de la faïence et de la poterie ; il a des grès de différente nature, des craies plus ou moins pures, dans lesquelles il se rencontre des pétrifications d'animaux et de végétaux ; on y trouve aussi des tourbières, mais point de mines de charbon de terre, dont le besoin se fait de plus en plus sentir. Il n'y a pas non plus de mines métalliques 4. cependant on y rencontre beaucoup de sources mi- nérales ferrugineuses , qui décèlent des couches de minérai de fer qu'on pourrait peut-être exploiter avec avantage ; les principales de ces sources sont celles d'Aumale , de Gournay , de Forges, de Rouen, de Bapaume, et de Rançon près de Caudebec ; celles de Forges ontéjoui d’une grande célébrité, et elles la méritent. Nous aimons à rappeler qu'en 1634, Louis XIII les fit mettre dans l’état où elles sont (6) aujourd'hui , et vint les prendre avec la reine Anne d'Autriche et le cardinal de Richelieu ; qu’en 1749, l’auguste mère de Sa Majesté Charles X vint aussi les prendre et en obtint les effets les plus salutaires. La dernière Princesse du sang royal qui en ait fait usage est feue Madame la duchesse d'Orléans ; qui les prit en 1772, et trouva dans leur efficacité le ré- tablissement de sa santé. Ces eaux ne sont pas au- jourd’hui aussi fréquentées qu'autrefois : cependant elles ont toujours les mêmes vertus. Chaque siècle a ses goûts, ses habitudes , ses prédilections ; depuis douze à quinze ans les bains de mer ont obtenu la préférence , et les eaux de Forges sont négligées. Les bains de mer sont d’une utilité incontestable pour la guérison de quelques maladies , mais il en est d’autres pour lesquelles les eaux de Forges leur sont préférables , et tôt ou tard elles recouvreront leur antique célébrité. En étudiant le règne minéral, on y découvre une foule de phénomènes qui inspirent le plus grand in- térêt ; on acquiert la certitude que tout ce qui sort de la terre y rentre infailliblement ; la matière , sans cesse en mouvement, passe sutressivement du règne minéral au règne végétal et au règne animal, sans qu'il s'en perde la plus petite molécule. Si nous considérons, en eflet, ce qui a lieu dans les corps des animaux , nous verrons que tous les jours ils font des pertes, et que tous les jours ils ont besoin de les réparer par des substances, soit végétales, soit animales et minérales. Ces pertes se font sous la forme de vapeur , de liquide et de solides # les va- peurs s'élèvent dans l'atmosphère ; les liquides vont s'infiltrer dans la terre ou se réunir à d’autres li- quides ; les solides se mélent à d’autres solides et forment l’humus végétal ; les substances animales va- C2 porisées restent suspendues dans l'atmosphère jusqu’à ce que des brouillards ou des pluies les ramènent à la surface de la terre pour la fertiliser ; une partie des eaux pluviales coulent dans les rivières et entraî- nent avec elles des substances animales, végétales et minérales , qui servent à la nourriture des poissons ; l'autre partie s’infiltre dans les interstices de la terre, et forme ces réservoirs souterrains, d'où sortent des fontaines qui se réunissent en ruisseaux , puis en rivières, en fleuves, et vont reporter à la mer les eaux qui en étaient sorties, en déposant dans son sein ou sur ses bords les matières qu'elles avaient entraî- nées dans leur cours. Le soleil, par la force et la chaleur de ses rayons, aspire sans cesse de nouvelles eaux sur la vaste étendue des mers, en forme des vapeurs qui se condensent en nuages , que le vent soutient et fait voyager dans l’atmosphère , jusqu’à ce que, devenus trop pesants par leur agglomération, ils retombent en pluies salutaires sur la surface de la terre, pour animer , féconder et nourrir tous les êtres de la nature. Ainsi la terre fournit les végétaux ; ces végétaux servent à la nourriture des animaux ; ces animaux sont détruits à leur tour, et rentrent dans le domaine du règne minéral, pour ensuite re- prendre une nouvelle vie sous différentes formes, et parcourir ainsi par un mouvement perpétuel les trois règnes de la nature, de sorte que rien ne s’anéantit sur la terre; il n’y a que la matière qui change de forme ; la nature sans cesse animée d’un principe de vie, tend continuellement à décomposer des êtres pour en recomposer d’autres avec leurs débris ; tout est infini dans ce monde pour celui qui fixe sa pensée sur ce qui se passe en lui et autour de lui. Que de réflexions profondes ne font pas naître cet ordre admirable, cette merveilleuse harmonie , qui (8) règlent tous les mouvements de notre monde physique ! L'homme , qui, par ses destinées, est le premier , le plus puissant des êtres de la terre, peut-il mécon- naître une suprême intelligence qui préside à tout dans ce vaste univers? Si les astres, par leur brillant éclat, célèbrent la gloire de Dieu , les phénomènes terrestres démontrent également son immensité et sa puissance éternelle. CLASSE DES SCIENCES ET ARTS. DU * 4 22040 . AM: | et s 2 L'U F \ L A2" L à = \ « … 0 l ] A Dee ne DR GA Jen re PA 0 ne : 4 ; il ko AU à 4, NEA ad . 1 cn (l + l re “4 V F# ac “+ ni vi È ms : ; ; | L É RP TA ) " L ARR re 4 L [ d ie . nr Le LS: ; . U 7 + dr, Ge ni ‘ g LS F4 Ce DLIOY tu ni "d J'TE a A ERA TL : ; n ' '’ 4 10 d ‘ A LIATT CHA HET LE +" K i À A4 LHC AT Grue CEE { | ex Eu, af 4 { VAT. PAU LT Lai TL COR ) RS 1% ' ÿ ñ pit { | | : k dr L ) \ } ; | ch, À { t4 L i J k ] C ) | ARLES do ul “ 14 r . LUN D'EMX : AL E y ps: . . A 1 ; n . dt Ho e l * k re L Fe | ' L S L \ LA AT POUR 14 L | " ; NUE ( à : : . # # : . PR “x ; UC. STATE LD L'or f ‘ D ar ET AA T | Re er n j J ET ! "tTR 1 4 RE N | ORNE À F. FL 4 At . PIE DT Ne Er . Le L Di k N | | eva RE FATAL : . 4 RAC 2 * » fé LA rs r v ; k s * NET À re > k ï L “ ELR = 1 PA ji L À ‘ À M “ ù + Wir, e f 4 1,028 Cp à 1 ; P''ULUT os Ed AM Aer : Je 3 : , Ù LEE 0 , . d L Li ; = h ; N | d 2 | 6 ? - k : . ° vi À Le F 4 M Lai | À ‘ Car) CLASSE DES SCIENCES ET ARTS. RAPPORT Fait par M. Cazalis, Secrétaire perpétuel de la Classe des Sciences. Messieurs , IL serait inutile que je cherchasse , dans un exorde qui ne ferait que prolonger votre attente , à exciter votre intérêt pour les travaux dont j'ai à vous entre- tenir. Vous témoignez assez haut , en venant assister à cette séance, que cet intérêt est tout vivant dans votre esprit. Puissé-je , malgré la concision néces- saire à ce rapport , vous présenter l’analyse des travaux des membres de cette Académie sous une forme capable de vous les faire dignement apprécier. PuysiQue Er MATHÉMATIQUES. = M. Dubuc, qui, plusieurs fois, a protesté dans le sein de l'Académie contre l’efficacité des para- tonnerres , nous a communiqué de nouvelles réflexions sur cet important sujet, Il a présenté , comme pouvant appuyer son opinion, celte circonstance qu'en Jtalie et en Allemagne , dans les années 1827 et 1828, des champs en plein rapport ont été foudroyés et ravagés par des averses épouvantables, quoique armés de nombreux paragrèles. (12) A Paris, le 2 juillet 1827, un ouragan très-violent, suivi immédiatement d'une averse qui transforma en un clin d'œil le beau jardin des Tuileries en un vaste lac, et pendant lequel la foudre tomba à plusieurs reprises sur des maisons de la rue Richelieu, éclata et sembla se concentrer sur un quartier de la capitale où existe un grand nombre de paratonnerres. M. Dubuc cite aussi l'événement arrivé au ma- gasin à poudre de Bayonne. Ce bâtiment , quoique armé d’un paratonnerre ; a été endommagé par la foudre d’une manière assez grave pour que le mi- nistre de la guerre , auquel un procès-verbal de cet accident avait été adressé par les autorités du lieu, demandât à l’Académie des sciences un rapport sur cêt important sujet. Notre savant confrère, par suite de ses idées relativement à l'influence sur la foudre, des appareils métalliques élevés dans l’atmosphère , craint qu'en construisant en fonte la flèche de la cathédrale de cette ville, on n'élève qu'un monu- ment peu durable à raison des secousses puissantes que lui fera subir l'électricité atmosphérique. Il craint encore qu'une semblable masse métallique , présen- tant, en tout sens, prise aux détonations électriques ou Aydro-électriques, n'occasionne des trombes aériennes ou aqueuses dont les propriétés voisines de l'édifice auront à souffrir. Il aurait voulu, par ces raisons, voir construire cette flèche en pierres de taille. — Répondant aux doutes de M. Dubuc, M. Lévy s’est attaché à prouver, dans une discussion rapide , que les faits les mieux observés démontrent l'efficacité des moyens proposés par le célèbre Francklin pour préserver nos édifices de l’action de la foudre. Les vrais principes de la science sont , d’ailleurs , ici d'accord avec les faits. Or, est-ce par un scepticisme @r3 fondé sur des considérations plus ou moins vagues que lon pourra renverser cet accord? Il n'en peut être ainsi, L'opinion de M. Lévy a en sa faveur d’être celle de l'Académie des sciences. Elle est consignée dans un rapport qui avait été demandé à cette Société savante par le Ministre de l'Intérieur. M. Lévy rappelle les parties les plus importantes de ce rapport. L'efficacité des paratonnerres démontrée, M. Lévy rejette bien loin les craintes que l’on pourrait élever ‘au sujet de la présence dans l’atmosphère de la flèche métallique que l'on va construire sur la cathédrale. Qu'on la munisse de conducteurs bien disposés, ayant une communication bien intime avec le sol, et elle soutirera aux nuages orageux la matière de la foudre, sans dommage pour elle et au grand avantage de nos habitations. : — Peu convaincu par la réponse de M. Lévy, M. Dubuc a reproduit, avec de nouveaux développe- ments , les raisonnements et les faits qui prouvent, selon lui, le peu de confiance que l’on doit avoir dans l'efficacité des paratonnerres. Il persiste donc dans son opinion, et croit que la flèche toute métallique qu'on va élever à Rouen aura de graves inconvénients. — M. Lévy à terminé cette discussion en communi- quant à l’Académie deux lettres, l’une de M. Gay-Lussac, l’autre de M, Fourier, tous deux membres de l'Académie des sciences ; ces deux savants se montrent, dans ces lettres, convaincus de l'efficacité des paratonnerres ; selon eux, aucun danger n’ést à redouter de la cons- truction en fer de la flèche de la cathédrale : elle garantira, au contraire, tout le voisinage des atteintes de la foudre, (14) Enfin M. Lévy a donné lecture d’un extrait du rapport fait à l’Académie des sciences , relativement aux dégâts occasionnés par la foudre sur le magasin à poudre de Bayonne , quoiqu'il fût armé d’un pa- ratonnerre, Tout le mal est provenu de la mauvaise communication que l’on avait établie entre le conducteur du paratonnerre et le sol. Cette mauvaise commu- nication a permis à la matière de la foudre de s'ac- cumuler sur la tige du conducteur, d’où elle a fait explosion sur diverses parties de l'édifice. = Nous devons à M. Periaux un rapport sur la 13% édition du Manuel des poids et mesures, excellent ouvrage dù à M. Tarbé des Sablons, l’un de nos correspondants. = M. Morin, ingénieur des ponts et chaussées, a adressé le deuxième et le troisième cahier de sa corres- pondance météorologique ; M. Cazalis les a fait con- naître par un rapport verbal. Le même membre a fait un rapport sur un Mémoire d'optique de M. Bourgeois. Curie. 5 > — M. Dubuc a communiqué à l’Académie des recherches sur le principe vénéneux du coriaria myr- tifolia, suivis d’une notice sur les propriétés tinctoriales de cet arbrisseau. Un empoisonnement arrivé l’année dernière à Ha- zebrouck , département du Nord , par l'emploi du grabeau de séné mêlé de feuilles de coriaria , a suggéré à notre savant confrère l’idée de faire des recherches chimico-analytiques pour découvrir la nature du prin- cipe qui rend cette plante si vénéneuse. D'après ces recherches, ce ne serait pas au tannin, comme quelques personnes l'ont prétendu , que le C5) coriaria devrait ses qualités vénéneuses, puisque ce principe y entre tout au plus pour =, mais bien à l'acide gallique qui s'y trouve en proportion beaucoup Li plus grande, - environ. On peut facilement reconnaître , à l’aide de la saveur, ou plus sûrement à l’aide d'un sel ferrugineux, le coriaria mêlé au séné médical ou à toute autre plante. Une infusion qui renferme les plus petites proportions de coriaria devient noire par l’action d’un sel de fer. L'ammoniaque paraît pouvoir servir de contre-poison, dans le cas d’empoisonnement par le coriaria. Ces recherches sont terminées par la notice suivante, sur les propriétés tinctoriales du redoul. « Les propriétés astringentes et tinctoriales de cet arbrisseau ne sont pas assez connues. Notre compatriote, le savant M. Dambournay , n’en dit pas même un mot dans son ouvrage sur les qualités tinctoriales d’un grand nombre de nos végétaux indigènes qu'il a essayés ; et il fallait peut-être une circonstance comme celle qui m'a déterminé à en faire une sorte d'analyse , pour pouvoir les apprécier. En effet, qui aurait cru que ce coriaria, recolté à Rouen , à Lille , etc., récèle près d’un dixième de son poids, étant sec, d'acide gallique ; et comme cet acide, combiné à l’oxide de fer , forme en général la base des belles couleurs noires sur les étoffes et pour faire de l'encre, quel avantage ne tirerait-on pas en France de la culture de cet arbrisseau , surtout dans les nombreux terrains arides , secs et caillouteux non cultivés, et encore si communs dans le royaume ? On pourrait en faire deux coupes chaque année; et je suis convaincu que ce genre d'exploitation agricole serait d’un excellent rap- port pour ceux à qui les localités permettent la culture de cette plante vraiment #nctoriale, et sans nuire toutefois à la récolte des céréales. (16 ) « J'ai fait plusieurs essais avec les feuilles et le bois haché de cet arbrisseau , pour teindre en noir du coton et de la laine; ces essais m'ont parfaitement réussi, malgré mon peu de connaissance dans l’art du teinturier. « J'ai également préparé une bonne encre avec les feuilles sèches du coriaria myrtifolia, surtout en y ajoutant un peu de noix de galle ordinaire, Voici la recette pour faire celte encre : « Prenez : feuilles de coriaria myrtifolia, quatre gros ; noix de galle noire , un gros ; Tune et l’autre écrasées. On verse dessus douze onces d’eau bouillante, puis on laisse infuser dans les cendres chaudes, en agitant de temps en temps le mélange. Après vingt-quatre heures d’infusion, on coule avec expression ; alors on ajoute à la colature quatre gros de gomme arabique ordinaire concassée , et trois gros de sulfate vert de fer. On tient le tout chaudement , mais sans bouillir, pendant quelques minutes ; on agite , et l'encre est faite. « Cette encre est belle, coule bien sous la plume, et j'en expose l'effet aux yeux de l’Académie. « Enfin, des essais comparés prouvent aussi que ce coriaria ( qui n’est pas un sumac ), est plus riche en principe eignant que le sumac ordinaire du commerce, et dont nous sommes tributaires de l’étranger pour approvisionner les ateliers de teinturerie en France. Par tous ces motifs, on ne peut trop s’empresser d'indiquer les propriétés tinctoriales du redoul, afin qu'on en multiplie la culture parmi nous, etc., etc. « Peut-être semblera-t-il étrange que j’aie parlé tout- à-la-fois, dans le même travail , des propriétés toxiques et tinctoriales de ce genre de coriarid; mais, en chimie , tout se tient, et il est difficile de taire ce qu’on croit utile à l’agriculture |, au ‘commerce et à l’in- dustrie, surtout quand les circonstances nous y amènent presque naturellement. CE « En définitif, cette notice sur les propriétés tine- toriales du coriaria à feuilles de myrthe est encore incomplète, je l’avoue ; mais elle peut donner nais- sance à de nouvelles recherches sur ce végétal, que je regarde déjà comme pouvant suppléer, par sa culture en France, la plupart des ingrédients astringents que le commerce tire à grands frais de l’autre hémisphère pour le besoin de nos ateliers. « Je crois, Messieurs , que ce Mémoire n'est pas dénué d'intérêt, soit pour l’art de guérir, soit pour les arts agricoles et industriels. Ces motifs m'ont déterminé à vous le communiquer et à le soumettre à vos mé- ditations. « Nota. Postérieurement à la rédaction de ce Mé- moire , J'ai lu, dans le Bulletin que publie périodi- quement de ses travaux la Société académique de Limoges, que cette Société avait admis , l’année der- nière , à l'exposition, des bois de teinture que produit le département de la Vienne, le redoul qu’on recueille dans les montagnes du Quercy, comme pouvant rem- placer avec succès le sumac étranger dans les ateliers de teinturerie de France ; mais on n'y rapporte aucunes expériences pour justifier cette assertion ; de ma- nière que ma notice sur le coriaria myrtifolia, comme ingrédient finctorial, semble faite tout à-propos pour confirmer l'idée émise sur ce végétal par la société scientifique de Limoges. ( Voir le Bulletin n° 1, tome 7, imprimé par ordre de cette Société, ) » = M. Morin à aussi soumis les feuilles de coriaria à un examen chimique. Son attention a été appelée sur ces feuilles remarquables par leurs qualités vé- néneuses , parce que, dans ces derniers temps, une cu- pidité criminelle les a employées à la sophistication 3 (18) du grabeau de séné, Son travail offre un exposé complet de son analyse ; en voici les résultats : 1° De l'huile volatile ; 2° De l'acide gallique en petite quantité ; 3° Du tannin ; 4° Un sucre liquide analogue à celui qu'on ren- contre dans quelques végétaux ; 5° De la chlorophyle ; 6° Une matière jaune, de nature albumineuse , éta- blissant le passage entre le chlorophyle et la chromule ; 7° Du soufre ; 8 Des sels minéraux, de la silice , de l’oxide de fer ; 9° Enfin, qu’il n'existe pas dans ce végétal d’alcali- organique. M. Morin ne s’est pas proposé de rechercher à quel principe les feuilles de coriaria doivent leur propriété toxique ; il abandonne cette question au médecin, tout en regardant comme peu probable l'opinion qui l’attribuerait à l'acide gallique. —= Une question d’un grand intérêt pour la médecine légale a été l’objet d'un travail fort important de la part de M. Morin. Appelé, par les Magistrats, pour établir quelle pouvait être la nature de taches brunes- rougeâtres qui existaient sur un vêtement , et qui, au dire de l’accusé, était le résultat de l'application du sang de poisson , notre confrère a été nécessairement conduit à rechercher la nature des principes qui composent ce liquide animal. Aucun travail antérieur sur le même sujet ne pouvant l'aider dans ses re- cherches, il a dû recourir à des essais multipliés pour obtenir le meilleur mode d'analyse applicable dans cette circonstance. Son travail lui a permis de conclure que les taches pro- (19) duites sur les vêtements par le sang de poisson , ne peu- vent être confondues avec celles qui résultent de l’appli- cation du sang des mammifères, par la nature de la matière colorante et par l'absence de la fibrine. = Nous devons encore à M. Morin la communi- cation d’une note de M. J, Thibourméry, qui constate la présence du bleu de Prusse dans les sels de soude du commerce ; observation qui, d’ailleurs, n’est pas nouvelle, L'auteur de cette note se propose de rechercher à quelle époque de la fabrication ce composé se forme, s’il existe dans les soudes factices et dans les alcalis naturels, et pourquoi certains sels de soude en sont prives. ME DEGINE. = M. Cottereau, auquel l’Académie a accordé le titre de membre correspondant, a adressé un Mé- moire intitulé : De quelques effets singuliers produits par l'usage interne ou externe de certains médicaments. L'étude à laquelle s’est livré M. Cottereau dans son Mémoire , est des plus importantes pour les médecins praticiens. IL à reconnu que les idiosyncrasies particulières contre- indiquaient souvent l'application des médicaments les plus simples. et les plus inoffensifs en apparence. Vérité dont tout medécin doit bien se pénétrer, et qui a, d’ailleurs, été professée de tout temps par les bons observateurs. Les observations que M. Cottereau a apportées à l'appui de sa proposition sont très-bien faites, et son travail est digne de l'estime des mé- decins praticiens : telles sont les conclusions du rapport qui vous a été fait sur son Mémoire par M. Des Alleurs fils, au nom d'une commission. = Nous devons encore à M, Des Alleurs, organe 3. (20 ) d’une autre commission ; un rapport sur un Mémoire de M. Patel, docteur médecin à Evreux , sur les vers plats dans l’espèce humaine. Ce travail, qui annonce dans son auteur une bonne méthode, de la réserve et un bon tact médical , est partagé en deux parties, l’une théorique et technologique , et l’autre entièrement pra- tique. Les idées générales sur les entozoaires et sur les causes et le mode de leur formation , mises en avant par M. Patel, sont sages et empreintes de ce doute philosophique qui n’exclut pas les opinions respectables. 1 combat avec succès cette opinion, qui tendrait à faire regarder les vers comme la suite des irritations intestinales. Ses descriptions des vers plats , la manière très-claire dont il démontre que le tœnia armé , que l’on doit bien distinguer du botryocéphale ou tænia non armé, est le ver solitaire des Français, annoncent dans leur auteur des connaissances assez étendues en anatomie comparée. Enfin, il n’y aurait rien à redire à la des- cription des accidents causés par les vers en général, et par le tœnia en particulier, si M. Patel n'avait pas omis un symptôme qui est caractéristique du lænia dans quelques circonstances ; c’est une toux forte, rauque , stomacale, qui prend par crise et devient quelquefois convulsive. Dans la partie pratique de son Mémoire , M. Patel suit la meilleure marche et la seule qui convienne en pareil cas; il cite un grand nombre d'observations dans lesquelles l'emploi de l'écorce de grenadier a parfaitement réussi. L'huile empyreumatique réussit bien aussi; mais la saveur affreuse de ce médicament doit y faire renoncer. Enfin, M. Patel a soin de décrire la forme et la dose suivant lesquelles il emploie l’é- corce de grenadier ; tout en disant que c’est au tact (21) du médecin à varier la prescription de ce médicament , sur l’âge et le tempérament des individus. Les conclusions de ce Mémoire sont sages, mo- dérées, et, en le lisant, on peut se convaincre qu’elles sont appuyées sur des raisonnements Justes, sur des faits vrais et bien observés. Elles annoncent une bonne méthode , de la réserve et un bon tact médical, M. Patel a été élu membre correspondant. —= Une thèse sur l'influence des travaux intellectuels sur le système physique de l’homme, adressée à l’Aca- démie par son auteur M. Begin, a été l’objet d'un rapport de M. Hellis. Le sujet à paru à votre rap- porteur traité avec une érudition et une rectitude d'esprit, qui attestent. à-la-fois un bon jugement et des études solides. = M. Godefroy nous a fait connaître, par un rapport, une brochure de M. Palman , ayant pour titre : Re- cherches sur les propriétés médicales du charbon de bois. M. Palman présente le charbon comme un spécifique contre un très-grand nombre de maladies les plus cruelles qui attaquent l’homme. Il lui prête des qua- lités infinies, mais trop souvent imaginaires. = Appelé à la présidence de l’Académie , ME. Le Prévost a ouvert nos travaux par un discours dans lequel il a renfermé des recherches fort intéressantes sur la monomanie homicide. On a présenté, dans ces derniers temps , comme une maladie nouvelle, une monomanie atroce qui porterait ceux qui en sont atteints à égorger des enfants. La monomanie homi- cide n'est pas une maladie nouvelle ; M. Le Prévost cite plusieurs observations de cette maladie , que lui à présentées sa pratique ; mais l'invasion d'un mal (22) aussi terrible n’est jamais subite ; elle s'annonce par des symptômes qui , d'abord faibles, augmentent avec les progrès du mal lui-même. C’est donc à tort qu’on a voulu faire déclarer innocents Papavoine et la fille Cornier, que les crimes atroces qu'ils ont commis ont rendus si fameux, en soutenant qu'ils avaient agi sans discernement, qu'ils avaient obéi à une in- fluence irrésistible, à une nouvelle espèce de mono- manie homicide dont ils avaient été atteints subitement sans aucune cause probable apparente. « Que la société se rassure, dit en terminant M. «. Le Prévost, contre la nouvelle monomanie atroce dont « on a épouvantée ; elle n’a existé que dans la tête de « quelques médecins à système. Que l'ordre social « s'améliore , que les mœurs deviennent plus pures, et « les ames sensibles ne seront plus attristées par des « forfaits aussi révoltants. » — M. Vingirinier a aussi communiqué à l'Académie un travail sur la monomanie homicide. Les aberrations de l'intelligence ont été, selon lui, mal connues des anciens ; ils en ont donné de mauvaises classifications. La distinction expressément recommandée de la manie sans délire , ou monomanie , appartient aux observa- üons modernes. Parmi tous les genres de monomanie , la monomanie homicide a dû prendre rang ; c’est en vain qu’on a voulu la révoquer en doute : qu’on a voulu combattre son existence par des considérations abs- traites d'ordre, tirées d'idées religieuses ou morales, qui ne peuvent rien contre des faits bien observés. C’est après s'être long-temps refusé à croire à l’exis- tence d'une aussi terrible maladie, que la conviction de M. Vingtrinier a dù se former d’après les faits nombreux consignés dans les ouvrages d’observateurs habiles, et d’après ceux que sa pratique lui a fournis. (235) En vous citant ces faits, en discutant devant vous les objections qu’on leur a opposées , en recherchant leurs conséquences nécessaires, l’auteur vous a découvert les bases qui fondent son opinion. Enfin , il admet l’exis- tence d’une monomanie homicide dont l'invasion peut être subite, et qui ne se manifesterait par aucun désordre apparent de l’intelligence , soit avant , soit après l'acte qu’elle aurait nécessité. — Tout en reconnaissant de nouveau l’existence de la monomanie homicide, M. Le Prévost a cru devoir combattre de nouveau cette dernière opinion, qui est d’ailleurs celle de plusieurs médecins distingués. Tous les individus atteints, selon lui, de ce genre de maladie, qu'il a observés , avaient donné des signes d’aliénation mentale avant de se porter à des actes de fureur, et cette aliénation a continué après la consommation de ces actes. Mais Papavoine et la fille Cornier n’ont donné aucun signe de folie ni avant ni après leur crime... Eh bien!ils n'étaient pas monomaniaques. … Qui a donc pu les porter à commettre des meurtres semblables ? aucun intérêt particulier ne paraît les avoir guidés. Dans un temps où les passions sont si exaliées et où la dépravation des mœurs va toujours croissant , est-il étonnant qu'il se trouve des êtres qui, mus par des passions cachées, se portent aux plus hor- ribles forfaits? L'état actuel de la société mérite d’ailleurs de semblables reproches ; c’est ce que s'attache à prouver M. Le Prévost. — M. Vingtrinier a répondu : il persiste dans son opinion. Les faits cités par M. Le Prévost ne lui pa- raissent pas rentrer dans l'espèce ; il s'attache surtout à arracher le cachet d'immoralité dont M. Le Prévost a voulu marquer notre époque. Il a mis, pour cela, (24) sous ses yeux des relevés statistiques qui lui ont semblé prouver qu'aujourd'hui il n'y a pas plus d'enfants na- turels qu’autrefois , et que les crimes ne sont pas plus multipliés ; bien loin de R , les chiffres sont en faveur de notre époque. Il résulte d’un relevé des enfants trouvés, reçus dans l’hospice de cette ville , que , depuis douze ans, dans ce département , le chiffre des enfants exposés est fixé à 950 environ , et que celui des enfants aban- donnés est diminué de 121 à 4r. Quant aux crimes, le nombre des condamnations capitales a été en diminuant depuis 28 ans, et, depuis 1813, il paraît fixé au terme moyen de 4. Le nombre des préventions , pour l’arrondissement de Rouen, est resté le même depuis 1823; il est de 750. Des recherches semblables, faites sur une plus grande échelle, publiées par le ministère dela justice et par M. Ch Dupin, donnent des résultats dans le même sens. — Cette discussion , toute dans l'intérêt de la science, s'est terminée par de nouvelles réflexions dans les- quelles M. Le Prévost combat encore les idées de M. Vingtrinier , en reproduisant avec de nouveaux développements, et les faits qu’il avait cités, et les consi-, dérations générales dont il les avait accompagnés. Il s'attache à montrer que les objections qu’on lui a faites ne sont nullement concluantes ; enfin, il appuie son opinion par la citation des faits dont l’obser- vation est due à M. Esquirol, et qui lui paraissent montrer que l'opinion qu’on lui oppose est erronée. Il cite aussi un long passage où , comme lui, M. Esquirol se plaint de l’immoralité de notre époque, en la présentant comme la cause la plus fréquente des aliénations mentales. (25) = M. Avenel, docteur-médecin à Rouen, a fait hommage à l’Académie d’une Dissertation sur les af- Jections cancéreuses du col de l'utérus. M. Vingtrinier a rendu un compte avantageux de cet ouvrage. = L'Académie doit encore d’autres co à M. Avenel. Ce sont des Mé de médecine. mmunications moires sur divers points = Elle à reçu de M. Renalt un Mémoire sur les sangsues, HISTOIRE NATURELLE. = M. Dubuc a lu une notice sur une espèce par- ticulière de pomme de terre récoltée à Saint-Georges , remarquable par son volume d’une rare grosseur. Cette pomme de terre, comprise parmi celles que les cultivateurs nomment grosse blanche , lui a fourni une fécule d’un grain fin et d’une beauté qu'on ren- contre rarement dans cette espèce. Les caractères particuliers de ces pommes de terre dépendent-ils de la nature particulière du sol sur lequel on les a récoltées ? c’est ce que M. Dubuc se propose de rechercher dans un travail subséquent. = Dans une note lue l’année dernière , M. Dubuc avait annoncé la disparution graduelle du puceron lanigère dans les diverses contrées de la Normandie ; de nouvelles recherches faites en septembre dernier sont venues confirmer les prévisions de notre confrère. Il a parcouru , à cette époque, plus de trente cantons ruraux, et partout il a constaté la destruction presque complète de cet insecte. Il a aussi remarqué que les 4 (26 ) arbres, même ceux qui ont le plus souflert, couverts des couches grasses lancelleuses formées par l’accumu- lation des débris des insectes qui ont vécu sur eux, reprennent une vigueur extraordinaire de végétation. Notre confrère a consigné, dans sa notice, un fait qui lui a été attesté par des personnes dignes de foi ; c’est que le ant, ou parcours des moutons , a la pro- priété de préserver les arbres des ravages du puceron lanigère. — Au nom d’une commission , M. Houtou-Labil- lardière a fait un rapport sur un ouvrage adressé à l'Académie par M. Girardin, et ayant pour titre : Éléments de minéralogie appliquée aux sciences chimiques ; par MM. Girardin et Le Coq. Cet ouvrage, basé sur la méthode de Berzélius, est partagé en quatre livres. Le premier livre est destiné à l'exposé des prin- cipes sur lesquels repose la science des corps inor- ganiques. Il comprend les caractères des minéraux , leur composition chimique , les signes employés pour les représenter, la classification, etc. Le deuxième livre comprend la description de l'espèce minérale. La géognosie fait l’objet du troisième livre; le qua- trième est consacré à la métallurgie et à la docimasie. Les détails dans lesquels entre le rapport sur chacune de ces parties, sont faits pour donner une haute idée de l'importance de cet ouvrage, qui manquait d’ailleurs totalement aux personnes qui, ne pouvant pas se livrer exclusivement à l'étude de la minéralogie , doivent ou veulent cependant posséder des connaissances réelles sur cet objet. La même commission a eu aussi à examiner une brochure de M. Girardin, intitulée : Analyse du domite (27) léger du Puy-de-Dôme. Ce travail, intéressant pour le géologue , prouve dans son auteur un habile mani- pulateur. M. Girardin a été appelé à faire partie des membres résidents de l'Académie. = M. Lévy a mis sous les yeux de l'Académie des os imprégnés d’une couleur verte , qui ont été trouvés enfouis dans le sol ; quelques-uns présentaient une couleur violette. = M. Le Prévost, vétérinaire, a lu une notice sur deux œufs de poule hardés et réunis par un cordon membraneux. = M. Aug. Le Prévost a fait hommage à l’Aca- démie d’une brochure intitulée : des Lichens calicioïdes. M. Levieux en a rendu compte; c’est une traduction du suédois d'un mémoire d'Erik Acharius. Cette tra- duction est précédée d'une préface très-étendue , dans laquelle notre confrère développe de profondes connais- sances sur la famille des lichens , objet de son af- fection particulière , et dont il s'attache à faire sentir, par des considérations neuves et élevées , l'importance des fonctions dans l’ordre de la nature. = M. Loiseleur des Longchamps a aussi fait hom- mage de sa Flora Gallica. M. Le Turquier vous a fait connaître cet important ouvrage dans un rapport dé- taillé. = L'Académie a reçu de M. Prévost, pépinitriste , un exemplaire de son Catalague descriptif , méthodique et raisonné des espèces , variétés ef sous-variétés du genre rosier, qui sont cultivées chez lui, M. Dubreuil a fait un rapport sur cel ouvrage. = Nous devons à M. Levieux deux rapports sur deux 4. (28 ) ouvrages adressés à l’Académie par deux savants cor- respondants , l’un de M. Fée , sur le Lotos des anciens, l'autre de M. Desmazières , professeur de botanique à Lille. INDUSTRIE. — AGRIGULTURE. = M. Deville à fait un rapport sur un Mémoire de MM. Langlumé et Chevallier, contenant l'exposé de plusieurs procédés lithographiques ; des nombreuses expériences auxquelles s’est livré M. Deville, en sui- vant avec soin les indications des auteurs, soit pour l’effaçage des pierres , soit pour la retouche des dessins, l'ont conduit à conclure que les procédés indiqués n’at- teignaient pas le but annoncé. = M. Prosper Pimont nous a fait connaître qu'il était parvenu à tirer du dépôt des bains de teinture un nouveau combustible, qui a beaucoup de rapport avec la tourbe. Ce nouveau combustible , sans pouvoir être employé dans toutes les opérations , pourrait, comme la tourbe de nos marais, lui être substitué avec avantage dans quelques circonstances, Au reste , M. Pimont a promis de nouvelles recherches à ce sujet. = Chargé de rendre compte d’une brochure de M. Héricart de Thury, sur les puits artésiens, M. Lévy a profité de cette occasion pour traiter devant l'Académie les principales questions qui se rattachent à ce moyen si précieux de se procurer de l’eau en abondance. Il s’est surtout attaché à faire connaître l'origine que l’on peut attribuer à ces eaux qui s'élèvent naturellement jusqu’au niveau du sol, et quelquefois au-dessus, et à indiquer les conditions géologiques dans lesquelles se trouvent les terrains (29) les plus favorables pour l'établissement des puits ar- tésiens. — Nous devons encore à M. Lévy une traduction d’un mémoire de sir William Congrève , renfermant le prospectus d’une machine pour faire marcher les vaisseaux en mer par la force des vagues. = M. Gossier a lu les réponses faites aux questions adressées par la Société d'Agriculture de Paris, relati- vement à la culture , au rouissage et au broïement du chanvre et du lin dans ce pays. = Une école centrale des arts et des manufactures vient de s'établir à Paris. Les administrateurs ont adressé à l'Académie un prospectus dans lequel le but et les avantages de cet établissement sont exposés avec détail, et qui renferme aussi les programmes des différents cours qui y seront faits. M. Destigny a donné, dans un rapport spécial, une idée fort avantageuse d’un établissement qui peut être si utile à notre industrie, et d’où devront sortir des ingénieurs civils et des chefs d'ateliers instruits par la théorie et par la pratique. Une demi-bourse a été mise à la disposition de l'Académie par les fondateurs de lécole. = Plusieurs numéros des Annales de l’industrie fran- çaise et étrangère ont été l’objet d'un rapport très- favorable de M. Lévy. = M. Brunel, membre correspondant , a assisté à une de nos séances, et l’Académie a eu le précieux avantage de recevoir de cet habile ingénieur des dé- tails sur les travaux qu'il avait exécutés jusqu'alors pour la construction d’un passage sous la Tamise ; il nous a fait connaître les moyens qu'il a employés (30 ) et les obstacles qu’il a eus à surmonter. Des plans figuratifs , sur lesquels chacun pouvait suivre les ex- plications de M. Brunel, ont facilité l'intelligence de travaux aussi remarquables par leur nouveauté que par leur hardiesse, Le bouclier de cette machine puissante, à laquelle M. Brunel doit en grande partie tous ces succès, a fixé vivement l'attention. On n'a pas vu non plus sans étonnement comment , lorsque , par deux fois, le lit de la Tamise s’est crevé au-dessus du bouclier, et le fleuve a fait érupüion dans les galeries , l’habile in- génieur est parvenu à boucher l’excavation et à sur- monter de tels obstacles. Dans ces derniers temps des bruits se sont élevés, qui semblaient annoncer que l’on prétendait enlever à M. Brunel la gloire de terminer des travaux dont il à déjà poussé l'exécution si loin et avec tant de succès ; mais, nous sommes heureux de le dire, ces craintes sont dénuées de fondement : celui-là, qui a trouvé dans son génie les ressources nécessaires pour entreprendre un semblable ouvrage , aura l'honneur de le terminer. M. le préfet a su ménager à l'Académie une vive jouissance en faisant , dans cette même séance , remettre à M. Brunel une lettre du ministre de l'intérieur, dont lecture à été donnée de suite, an- nonçant que Sa Majesté accordait à M. Brunel le titre de chevalier de la Légion d'honneur , comme témoi- gnage du haut intérêt qu’elle prenait à ses importants travaux. M. Brunel a offert à l’Académie un exemplaire de l’esquisse des travaux du passage sous la Tamise. — Deux volumes publiés par la Société centrale et royale d'agriculture de Paris, avaient été renvoyés à (31) M. Dubuc, qui les a fait connaître dans un rapport étendu. L Ce recueil ne renferme que des Mémoires exempts de ces théories spéculatives , qui, si elles étaient suivies, mettraient la confusion dans l’art précieux de cultiver les terres. Ce recueil reçoit de justes éloges de notre confrère ; il devrait servir d'exemple à tous ceux qui écrivent sur l’économie rurale. = Nous avons aussi entendu un rapport fort intéres- sant de M. l'abbé Gossier, sur le recueil publié par la Société d’émulation de cette ville. M. le rapporteur a fait connaître avec détail les divers Mémoires dont se compose cette publication importante. = L'Académie a reçu, comme les années précédentes, de la plupart des Sociétés savantes de la France, communication des ouvrages dans lesquels ces Sociétés publient leurs travaux. Nous citerons les Académies de Caen, Strasbourg, Douai, Limoges, St-Etienne, Besançon, Bordeaux; ! Les Sociétés d'agriculture , sciences et arts d'Orléans, Metz , Aix , Poitiers , le Puy; des départements de Seine-et-Oise, de Tarn-et-Garonne , d’Indre- et- Loire ; Des Académies de médecine d'Evreux, de Bordeaux. Ces publications , toutes dans l'intérêt des sciences et des lettres, ont été l’objet de rapports qui ont mérité tout votre intérêt, et que vous devez à MM. Dubuc, A. Le Prévost, Le Pasquier, Godefroy, Gossier , Periaux , etc. ; nous citerons encore la Société d'agriculture de Rouen, qui nous a aussi adressé un volume de ses travaux. M. Meaume a été chargé du rapport. = En terminant, Messieurs, je devais vous en- (32) tretenir de la perte si douleuréuse et si vivement sentie par chacun de vous’, qu’a faite l’Académie dans la personne de M. Marquis ; mais vous entendrez au- .… jourd’hui une voix amie, et plus digne que la mienne, payer à la mémoire de cet homme de bien le tribut d’éloge qui lui est si bien dû, soit que nous vou- lions considérer en lui l’homme savant ou le litté- rateur. ( 33) AAA AA AA AA AS PRIX PROPOSE pour 1830. Aucun Mémoire sur la question mise au concours pour le prix ordinaire qui devait être décerné dans cette séance , n’a été adressé à l’Académie, Cette question est retirée du concours. L'Académie propose, pour sujet d'un prix qui sera décerné dans sa séance publique de 1830, la question suivante : « Établir la différence chimique qui existe entre les sulfates de fer (couperoses) du commerce, particu- lièrement entre ceux que l'on extrait des pyrites et terres pyriteuses, et ceux que l’on obtient directe- ment de la combinaison du fer, de l'acide sulfurique et de l’eau (1). On devra non-seulement indiquer cette différence par rapport aux diverses quantités d'acide sulfurique , d’oxide de fer et d’eau qui entrent essen- tiellement dans la composition de ce sel, mais exa- miner encore s'il n’est pas parfois mélangé ou combiné avec des substances étrangères provenant des matières employées à sa préparation ; et, en supposant ce fait démontré , déterminer quelle doit être l’influence de ces substances dans les différents emplois du sulfate de fer , tels que le montage des cuves d’indigo, la préparation des mordants , les différentes teintures, afin de connaître positivement si la préférence ac- cordée au sulfate de fer de certaines fabriques est fondée et justifie suffisamment la grande élévation de son prix, ou si elle tient seulement à un préjugé, (1) On aura soin de comprendre dans cet examen la couperose de Salzbourg. 5 (34) comme cela a eu lieu pour les aluns de Rome à l'égard de ceux de France. « En supposant toujours qu'il existe dans le sulfate de fer des corps étrangers, rechercher des moyens faciles et économiques pour les en séparer ou pour en neutraliser les mauvais effets, et tels que les sulfates de fer les moins estimés, étant traités de cette manière, présentent des résultats aussi avantageux que les autres, et sans que le prix en ait été beaucoup élevé. » Les concurrents devront joindre à leur Mémoire les échantillons des sulfates de fer sur lesquels ils auront opéré, et dont ils feront connaître l’origine et le prix courant. Ces échantillons porteront des numéros qui se rapporteront aux analyses exposées dans le Mémoire. Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 300 francs. Chacun des auteurs mettra en tête de son ouvrage une devise, qui sera répétée sur un billet cacheté où il indiquera son nom et sa demeure. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où l’ouvrage aurait obtenu le prix. Les Académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les ouvrages des concurrents devront être adressés, francs de port, à M. Lévy, chef d'institution, secrétaire perpetuel de l’Academie pour la classe des Sciences, avant le rer juillet 1830. Ce terme est de rigueur. (35) EEE EEE EEEE———— — A — —] RECHERCHES CHIMIQUES SUR LE SANG DE POISSON, Faites sous le rapport de la Chimie judiciaire ; Par M. MORIN, PHARMACIEN, Membre de l’Académie royale de Médecine, de la Société de Chimie médicale, etc. Messieurs , Jamais, sans doute, je n'aurais pensé à déterminer les principes constituants du sang de poisson , si, der- nièrement, je n’eusse été appelé par les Magistrats pour établir quelle pouvait être la nature de taches brunes- rougeâtres qui existaient sur un vêtement, et qui, au dire de l'accusé, étaient le résultat de l'application du sang de poisson, au lieu d’être produites par celui de l'homme. Dès-lors je sentis toute l'importance d’un sem- blable travail, et de quelle utilité eût été pour moi la connaissance des principes qui composent ce liquide animal. Je cherchai dans les ouvrages les plus com- plets qui traitent particulièrement de l'analyse orga- nique, etje ne trouvai aucun fait qui pût m'éclairer sur sa composition. Pour répondre à la question qui m'était proposée , je fus donc réduit à faire quelques essais sur des taches formées par du sang de poisson, et à les examiner comparativement avec celles pro- duites par le sang des mammifères. Les résultats que (36 ) j'ai obtenus ne permirent pas d'établir la moindre identité, L'analyse que je fis de ce liquide corrobora ces résultats d’une manière non équivoque. Le sang qui à servi à nos expériences a été fourni par le saumon (Sumo Salurd, de Linnée }. Il était d’une couleur rouge très-foncée , ayant une teinte violacée. Sa consistance était celle d’un sirop trèsépais; il présentait quelque chose de gélatinenx , et rougissait les couleurs bleues végétales. Je ne décrirai point les essais que j'ai faits pour la recherche du meilleur mode d'analyse à appliquer au sang de poisson : celui que J'ai choisi était fondé sur la propriété que possède la matière colorante de se dissoudre dans l'alcool ; mais je ne tardai pas à me convaincre que, par ce moyen, je ne pourrais l’isoler : néanmoins l'alcool fut le pre- mier agent à l’action duquel je soumis ce liquide, me réservant toutefois d'employer un mode particulier pour l’obtention du principe colorant. En conséquence, nous avons délayé le sang de poisson dans de l'alcool à 4o°; ilen est résulté un coagulum brun-rougeätre, qui a été traité par ce menstrue jusqu'à nullité d'action. L'alcool avait acquis une couleur brune qu’il ne devait nullement à la matière colorante du sang. On l’éva- pora au bain-marie jusqu'à siccité ; le résidu de l'é- vaporation était brunâtre ; on l'épuisa par l’eau froide de tout ce qu'il contenait de soluble. L'eau laissa in- dissoute une matière brunâtre, tachant les doigts à la manière des graisses. Cette matière fut mise en contact avec l’éther, qui en a opéré la dissolution, à l'exception d'une petite quantité de matière animale sur laquelle nous aurons occasion de revenir dans le cours de ce travail. La matière grasse obtenue alors par l’évaporation spontanée de l’éther avait la consistance du miel ; elle se dissolvait dans l'alcool , d’où elle était précipitée par le moyen de l’eau, sous forme d’émulsion. (37) Elle était également soluble dans les huiles grasses et volatiles. Son odeur rappelait celle du poisson ; elle était sans action sur les réactifs colorés. L’analogie que présente cette matière grasse avec celle que nous avons extraite des œufs de truite et de carpe, nous porta à rechercher si, comme dans cette dernière, le phos- phore n'était point un de ses éléments ; pour parvenir à en démontrer l'existence, nous décomposâmes, à l’aide du nitrate d’ammoniaque , une petite quantité de cette matière huileuse dans un creuset de platine. Elle brûla sans laisser de résidu appréciable, et sans le moindre indice d’acidité, Ce résultat négatif prouve que le phos- phore n'entre point dans la composition de l'huile fournie par le sang de poisson. Le liquide aqueux résultant de l’action de l’eau sur l'extrait alcoolique obtenu plus haut, a été réduit à siccité par l’évaporation au bain-marie ; on a ob- tenu un résidu d’un brun-jaunâtre, entièrement dé- pourvu d’odeur de poisson. Ceite matière, exposée à l'air, est déliquescente, sans doute à cause de quelques matières salines qu'elle renferme. La dissolution dans l’eau est précipitée en flocons jaunâtres par la teinture de noix de galles. Les acides sulfurique et nitrique versés en petite quantité dans la liqueur, y produisirent des flocons. Le perchlorure de mercure y forme égale- ment un précipité ; l’acétate de plomb donne lieu à un précipité blanchâtre. Le chlore liquide y développe de légers flocons jaunâtres, qui, par un excès de chlore, deviennent blancs et se divisent dans le liquide. La saveur de cette matière se rapproche beaucoup de celle du bouillon concentré. La manière dont elle se comporte avec les réactifs, et sa saveur caractéristique , établissent une grande identité entre elle et l’osmazôme de la chair musculaire. Cette matière était entièrement semblable à celle que l’éther avait isolée en agissant sur la matière (38 ) grasse que nous avons étudiée. Calcinée, elle a laissé du sous-carbonate de soude et du chlorure de sodium. II est probable que le sous-carbonate alcalin provenait de la présence de l’acétate de cette base, qui presque toujours existe dans l’osmazôme. Le coagulum obtenu, en traitant le sang par l'alcool concentré, avait pris par ces divers traitements une couleur grisâtre ; on le mit en digestion dans l’éther, à la température ordinaire. Après quelques jours de contact, on filtra la liqueur, qui donna, par une éva- poration spontanée, une matière grasse d’une odeur rance très-prononcée , Sans cependant avoir de pro- priétés acides ; sa couleur était blanche-jaunâtre. En exposant cette matière grasse à une basse température, on remarqua quelques cristaux qui étaient en trop petite quantité pour être examinés rigoureusement. Cette matière grasse, saponifiée par le procédé de M. Chevreul, nous a donné des acides oleïque et margarique. Le résidu qui avait subi l’action de l’éther, mis en contact avec l’eau, s’y est légèrement gonflé. I se dis- solvait dans la solution de potasse caustique, même à la température ordinaire. La teinture aquense de noix de galles versée dans la dissolution y produisit des flocons brunâtres ; l'acide hydrochlorique occasionna un préci- pité soluble dans un excès d’acide. Exposé à l’action du calorique, il devint pâteux à la manière de l’albu- mine placée dans les mêmes circonstances. Mis en contact avec l'acide hydrochlorique , il ne prit point de teinte violacée , mais seulement une couleur brune qu’on pourrait rapporter à celle du café à l’eau. Traitée par l'acide acétique , elle s’y est dissoute en quantité notable ; nous regardons cette matière comme de l’albumine possédant quelques-unes des propriétés du mucus,. Il nous restait maintenant à nous occuper de l'ex- (39) traction de la matière colorante et de l'exposé de ses propriétés. Malgré la très-grande solubilité du principe colorant du sang de poisson dans l'alcool , ce menstrue n’a pu être employé pour l’isoler à cause de son intime com- binaison avec l’albumine, qui, en se précipitant , en- traîne avec elle la matière colorante. Pour parvenir à son isolement , nous lui avons appliqué le procédé indiqué par M. Vauquelin, pour extraire le principe celorant du sang des mammifères, enle modifiant sui- vaht la nature de la matière qui nons occupe. En conséquence, nous avons pris une certaine quantité de sang de poisson , que nous avons traité à l’aide d’une légère ébullition par l’acide sulfurique à 10°; on réitéra ce traitement jusqu'à ce que le liquide ne se colorât plus ; on filtra lesliqueurs après les avoir réunies, et on les satura par la magnésie en léger excès ; puis on y versa de l'alcool ; qui n’a dissous que la matière colorante et une petite quantité de matière animale brunâtre. L'alcool prit une couleur rouge -cramoisi fort belle ; onréduisit le liquide alcoolique à siccité, et on soumit le résidu à l’action de l’éther, qui n’a dissous que la matière colorante rouge qui s’est alors présentée avec des propriétés caractéristiques , en évaporant le liquide spontanément. De la matière colorante rouge du sang de poisson. Le principe colorant du sang de poisson est d’une couleur rouge-cramoisi très-belle ; Sa saveur est amère , et son odeur est nulle. L'eau ne le dissout point; elle est également insoluble dans les huiles grasses. Ses véritables dissolvants sont l'alcool et l’éther. La tein- ture de noix de galles forme , dans la dissolution alcoo- lique , un précipité brunâtre très-léger ; quelques (40 ) gouttes d'acide sulfurique concentré, versées dans le solutum, ne lui font éprouver qu'une intensité de couleur ; mais, par une plus grande quantité, elle prit une teinte brunâtre ; l’eau ajoutée au mélange lui donna un aspect opalin, qui devint bientôt légèrement verdâtre. L’acide nitrique avive d’abord la couleur de la matière colorante , puis ensuite en précipite des flocons rougeâtres , qui deviennent blancs par une nou- velle addition d’acide. L’acétate de plomb y forme un précipité d’une couleur rosacée. L’ammoniaque n’en change nullement la teinte , tandis que la potasse communique une couleur jaunâtre. Le perchlorure de mercure dissous dans l'alcool ne trouble point la solution du principe colorant. Le chlore, ajouté en petite quantité, en détruit instantanément la couleur, sans lui communiquer de teinte verte. La matière colorante du sang de poisson, soumise à l’action du calorique, donna une fumée blanche qui rappelait au bleu le papier de tournesol rougi par un acide. En soutenant l’action du feu, on obtint un résidu qui s’est dissous dans l'acide hydrochlorique pur ; la dissolution prenait , par l'addition de Phydro- cyanate de potasse, une couleur bleuâtre, ce qui in- diquerait des traces de fer dans la matière colorante. L'oxalate d'ammoniaque y forme un précipité soluble dans l’acide nitrique. L'eau de chaux donna lieu à quelques flocons. Ces différentes propriétés démon- trent évidemment que la matière colorante du sang de poisson n’est point exempte de fer, et qu’elle ren- ferme des indices de phosphate de chaux. Mais comment le fer s’y trouve-t-il combiné ? il est pro- bable, ainsi que le pense M. Berzelius pour la ma- tière colorante du sang des mammifères , que ce métal y existe en état de combinaison avec les autres éléments C4r) de la même manière que l'hydrogène , le carbone, etc., puisqu'il a résisté à l’action d’un des acides les plus forts. Il résulte des propriétés que possède la matière colorante du sang de poisson, qu’elle ne peut être comparée au principe qui colore le sang des mam- mifères , surtout par sa solubilité dans l'alcool et l'éther , et sa couleur rouge-cramoisi dans son état d'isolement. On ne peut donc se refuser à admettre la matière colorante du sang de poisson comme un principe immédiat des animaux distinct de tous les autres, Avant d'énumérer les principes qui entrent dans la composition du sang de poisson, je rapporterai l’exa- men comparatif des taches produites par ce liquide et celles occasionnées par le sang de bœuf ou de mou- ton sur des vêtements. Les caractères de ces dernières ont déjà été données par M. Orfila, avec le talent et la précision qui distinguent les productions de ce savant. Du sang de poisson consideré sous le rapport chimico- Judiciaire. Le sang de poisson, déposé sur des vêtements , produit des taches dont la couleur est moins foncée que celles qui résultent de lapplication du sang des mammifères. Elles ont un aspect gris-brunâtre. Ces taches, enlevées avec le tissu qui les supportait, ont été mises en macération dans de l’eau distillée pen- dant quelques heures. Par ce traitement elles perdirent leur couleur : le liquide qui en résulta était légè- rement raugeâtre et trouble. Le tissu offrait quelques points blanchâtres ; enlevés par un moyen mécanique , ils ne présentèrent aucune élasticité; ils étaient , au con- 6 C42) traire , sans consistance et assez semblables au mucus par leur aspect. Afin de les enlever plus facilement, on plongea les taches décolorées dans un bain d’alcool ; par ce moyen les points blanchâtres devinrent plus consistants ; enlevés de dessus le tissu , on en jeta quelques-uns dans l’eau bouillante , qui les réduisit en une matière cornée qui avait les plus grands rapports avec lalbumine coagulée. Cette matière se dissolvait très -facilement dans la solution de potasse caustique. Décomposée par le feu dans un tube de verre , elle donna une fumée qui rétablissait la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide, Le liquide dans lequel les taches avaient macéré était légèrement alcalin , tandis que celui qui résulte de la macération des taches du sang ordinaire n'a aucune action sur les réactifs colorés. L’acide nitrique n'y produit point de flocons; mais seulement il lui communique une teinte opaline. Le sang des mam- mifères , placé dans les mêmes circonstances, donne , au contraire, par l'acide nitrique , des flocons d’un blanc grisâtre. Le chlore liquide n'y forme qu’un léger louche, sans produire de teinte verte , tandis que ce réactif préci- pite le liquide de comparaison, et le verdit. L'ammoniaque n’occasionne qu'une faible intensité de couleur, et elle ne produit point de changement dans l’autre cas. L'hydrocyanate ferruré de potasse ne donne lieu à aucun précipité dans les deux liquides; la teinture de noix les précipite et les décolore. Ce liquide ex- posé à l’action du calorique devint opalin, et se réduisit en flocons grisâtres par une évappration à siccité. Il résulte bien évidemment de cet examen qu’on ne peut établir de comparaison entre les taches produites (43) par le sang des mammifères et celles qui résultent de lepplication du sang de poisson. liesume. Des expériences ci-dessus décrites, on peut conclure que le sang de poisson contient, 1 Une huile grasse brune, ayant l'odeur du poisson ; 2° Une autre matière grasse, d’une odeur rance, sans aucune acidité, très-soluble dans l’éther ; 3° Une substance animale possédant les propriétés de l’osmazôme ; 4° De l’acétate de soude , du chlorure de sodium et du phosphate de chaux ; 5° Un principe colorant rouge, distinct de la ma- tière colorante du sang des mammifères, et dans lequel le fer est un des éléments ; 6° Une matière albumineuse très-soluble dans les alcalis et les acides, et se rapprochant du mucus par cette dernière propriété ; 7° Enfin, que les taches produites sur les vêtements par le sang de poisson, ne peuvent être confondues avec celles qui résultent de Papplication du sang des mam- mifères, par la nature de la matière colorante et l'absence de la fibrine. | ne nv pra XXE h :. 7” 14 va d 71 RATE pin “ou LL Puf A RL 0 “4 épi sat à ele gs pti Daietah 1 ages quel 525 qe “tes Ré. croit dé 134 0) ic Men à Nan lee death Hélas Le ar AR PP NT 0 . 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Depuis long-temps tous les bons esprits, tous les amis de la science et du pays s’affligeaient de voir exclue des études de nos concitoyens et d'appli- cations à nos localités la plus importante des trois branches de l'histoire naturelle : celle qui sert de base à l’agriculture , à la statistique , à toutes les industries, à toutes les connaissances qui s'appuient sur le sol; celle qu'on doit considérer comme le point de départ de ce cercle immense de recherches qui embrasse le ciel et la terre dans ses travaux et dans ses leçons. Une pareille lacune était une calamité dans un département où l'industrie dispose d'autant de bras et de capitaux que dans le nôtre. Au 19° siècle, et à 30 lieues de la capitale , c'était un scandale. Toutefois, nous devons nous hâter de le dire, ce défaut de culture sur notre sol de la plus utile et de la (46) plus importante portion de l'histoire naturelle , tenait à une réunion de circonstances fàcheuses , beaucoup plus qu'à un défaut de zèle de la part de nos concitoyens. Vous le savez, Messieurs , ce n’est que d'hier que les sciences physiques ont commencé à être ; nous ne di- rons pas exposées, mais au moins indiquées dans nos écoles ; ce n’est que d'hier aussi que la géologie régéné- rée s’est débarrassée de l’échafaudage de ses anciennes rêveries cosmogoniques , pour devenir l’une des connais” sances les plus positives, les plus méthodiques dans leur marche, qui puissent éclairer et honorer le génie de l’homme. Le plus grand nombre d’entre nous avait terminé son éducation , avait quitté sans retour la vie spéculative de l'adolescent pour la vie active et sou- cieuse de l'homme fait, avant que cette régénération se fût accomplie, avant surtout qu’elle eût été procla- mée. Nous étions placés d’ailleurs dans des circonstances moins favorables que partout ailleurs pour cette étude. Malgré l'extrême proximité où nous nous trouvons de la capitale , notre sol, tout-à-fait différent de celui des environs de Paris sous le rapport géologique , ne nous permet de profiter que d'une manière incomplète des savants travaux dont ils ont éié l'obet. Nous n'avons rien à démêler avec leurs gypses , leurs pierres meu- lières, leur calcaire grossier , ni la plupart de leurs autres terrains tertiaires. C’est en vain que nous cher- cherions à appliquer chez nous les règles, les définiions, les observations qui concernent un ordre de choses si différent du nôtre : autant vaudrait chercher à étudier nos plantes avec une Flore d’Espagne ou d'Italie. Les parties méridionales de l'Angleterre nous offri- raient des terrains beaucoup plus analogues aux nôtres , et les travaux qu'on leur a consacrés pourraient nous être bien plus utiles. Mais ces ouvrages , d'un prix élevé, \ (47) peu connus chez nous , entourés de la double obscurité d’un idiome étranger et du langage technique de la science , s'appliquant à des objets placés hors de la portée de nos observations, ne sauraient nous être non plus d’un grand secours dans nos études géologiques locales. Ce qu'il nous fallait, c'était un manael particulièrement applicable à notre propre contrée, aux faits, aux objets que nous avons sans cesse sous la main et sous les yeux. Malheureusement les recherches à faire avant de le composer ne présentaient pas aux savants un grand al- trait. À l'exception du pays de Bray, qui offre une dé- nudation et un relèvement curieux des couches infé- rieures ; à l’exception encore de quelques points de nos falaises , notre département appartient tout entier à la formation crayeuse. Il n’y à là à espérer , ni cette variété de produits, ni ces faits piquants et inattendus, qui, chez nos voisins du Calvados , de l'Orne et de la Manche , tiennent sans cesse éveillée même la curiosité la plus vulgaire. Notre sol présentait assez de diffé rence avec celui des contrées environnantes, assez de questions graves , agricoles et industrielles , pour récla- mer un examen particulier et approfondi ; et cepen- dant , il était peu vraisemblable qu’il obtint de long- temps sans un puissant encouragement, Tout le monde en formait le.vœu , mais personne ne s’apprêtait à le satisfaire, Quelques savants venaient bien de temps en temps effleurer nos richesses et recueillir les fossiles de la côte Sainte-Catherine ou de nos falaises maritimes ; mais c'était dans l'intérêt de leurs collections, et non dans celui de notre topographie géognostique. Cette attente sans résultat menaçait de se prolonger indé- finiment , si l’Académie de Rouen n'eût cherché à y mettre un terme. La Compagnie a senti que là était le principal besoin scientifique et industriel du pays ; elle l’a proclamé à haute voix ; elle s’est empressée de (48) consacrer à la solution de ce grand problème des fonds proportionnés à sa gravité. Ces fonds , généreusement octroyés, sans condition , par le conseil général du dé- partement , n'ont été considérés par elle que comme un dépôt sacré , et n’auront passé par ses mains que pour attester son désintéressement et son zèle. Jamais , nous croyons pouvoir le dire, la Compagnie n’est entrée plus franchement, plus glorieusement dans l'esprit de son institution , et, n’eût-PÎle rendu que ce seul service au pays, c'en serait assez pour appeler sur elle la vénéra- tion et la reconnaissance publiques. Mais la description géologique d’une contrée aussi vaste, aussi importante que le département de la Seine- Inférieure, n'est pas du nombre de ces travaux qui peuvent s’improviser en quelques mois. Des recherches préparatoires approfondies , des rapprochements nom- breux , tant avec les terrains contigus qu'avec les ter- rains analogues , de minutieuses investigations locales sont indispensables à quiconque veut y réussir. Aussi, malgré tous les soins pris par la Compagnie pour que sa généreuse résolution portât le plus promptement possible ses fruits, vous le voyez, Messieurs, près de 4 ans se seront écoulés avant que nous les ayons recucil- lis. C’est dans les premiers mois de 1826 que l’Académie adopta ce sujet de prix, et que le programme en fut publié. On se flatta d’abord que le travail pourrait être accompli pour l’époque de votre séance publique de 1827. Un mémoire assez étendu vous fut , en effet , alors envoyé ; mais, quoiqu'on y reconnüt l'ouvrage d’un naturaliste distingué , bien au courant de l'état actuel de la science, et en relation avec ses plus dignes inter- prètes , tant en France qu'en Angleterre , bien capable, en un mot, de concevoir et de traiter la question, il portait des traces trop nombreuses de précipitation et d'imperfection pour qu'il füt possible de lui accorder (49) le prix. Afin d'encourager l’auteur à le perfectionner, et d’autres concurrents à se présenter , vous donnâtes, dans un rapport détaillé, de nouvelles explications sur la direction à suivre, sur les lacunes à éviter, sur les développements à ajouter, et vous accordâtes un an et demi de délai pour l'envoi des travaux. A l’époque fixée par ce second appel, il vous a été adressé un seul mémoire portant pour épigraphe ces mots du chancelier Bacon : : « Homo naturæ minister et interpres, tantm facit et intelligit, quantum de natura ordine , re, vel mente observa- verit, nec amplius scit aut potest. » (Nov. organ. ; aphor. [.) Ce mémoire , qui est évidemment le précédent , cor- rigé , augmenté et remanié dans toutes ses parties , est en même-temps, disons-nous, le seul qui vous ait été adressé ; mais aussi c'est un volume, et votre pro- gramme ne demandait pas moins. Vous ne devez donc point être surpris de ce que , malgré le puissant intérêt de la question proposée , et vos soins pour appeler sur elle l'attention de tous les amis de la science , il ne se soit pas présenté plus de concurrents ; on ne jette point à l'aventure des travaux aussi étendus et aussi compliqués ; c'est déjà beaucoup qu'une personne par département veuille bien s'y dévouer. Celui-ci est un volume de 300 pages in-folio , accompagné , 1° D'une magnifique carte géologique, coloriée , sur la même échelle que celle des environs de Paris, par MM. Cuvier et Brongniart ; > De quatorze dessins représentant des coupes et vues des terrains de la Seine-Inférieure , et quelques-uns de leurs fossiles les plus remarquables ; 3 D'une collection de quatre-vingt-onze échantillons des roches, terres , fossiles et minéraux mentionnés dans l'ouvrage. Une introduction, à-la-fois savante et claire ; ouvre " 4 ( 50 ) ce travail et nous rappelle, à grands traits, les phé- nomènes et les révolutions qui ont formé l'enveloppe actuelle du globe, les circonstances qui la modifient encore sous nos yeux , l'utilité scientifique et indus- trielle de la géologie , la marche que cette étude doit suivre et les révolutions qu'elle a subies. L'auteur examine ensuite notre département sous le rapport de la topographie physique , et fait connaître successive ment la configuration du sol, ses vallées et rivières , et enfin ses deux plateaux principaux. Il nous a paru donner une idée aussi neuve que précise et heureuse de l'influence que la nature de chaque terrain exerce sur la disposition de ses plaines et de ses vallons, et qui suffirait désormais à un observateur exercé pour reconnaître , sur une carte exacte à grand point , à quelle région géologique appartient une contrée (1). Nous avons encore remarqué la description et l'explication de ces espèces de gradins , qui, dans les environs de Dieppe surtout , impriment une physionomie particulière à la plupart des coteaux (2). Les terrains qui se rencontrent dans la Seine-Infé- rieure peuvent être rangés sous 5 divisions ; savoir : 1° Ceux qui sont dûs à l’action des eaux actuelles ; 2° Ceux qui proviennent d’une action générale des eaux anciennes ; 3° La formation secondaire de la craie ; 4° Les sables ferrugineux et glauconieux ; Et 5°, les calcaires du pays de Bray (3). L'auteur indique sommairement la nature de chacun de ces terrains , puis leur gissement dans le département , au moyen de 5 grandes lignes qu'il tire (4), 1° Du Havre à Aumale ; a (1) Page 23 du Manuscrit, (3) P. 49. D) (4) P. 51, (2/ (5x) 2° D'Elbeuf au Tréport ; 3° De Rouen à Gournay ; 4° Du Pont-de-l'Arche au Havre , en suivant le cours de la Seine ; 5° Du Havre au Tréport , en suivant les falaises. Les planches 13 et 14 présentent la figure des terrains décrits sur cette dernière ligne ; il serait à désirer qu'il en existât de semblables pour les 4 précédentes. Conformément au désir que vous en aviez témoigné , un appendice étendu a été consacré aux fouilles de Meulers (+). Cet appendice , rédigé d’après la notice de notre savant confrère M. Vitalis , et d’après vos échan- tillons , ceux de l'Ecole royale des mines, et ceux de M. Feret, pharmacien à Dieppe , accompagné d'une coupe des terrains traversés (2), et d’une liste raison- née des objets recueillis, ne nous a paru laisser rien à désirer (3). Il en résulte ce fait géologique bien im- portant, qu'à plus de 1000 pieds de profondeur, à Meulers | on n’atteint que les mêmes couches qui se présentent à la surface du sol dans le centre du pays de Bray et au cap de la Hève ; qu’ainsi la masse sur laquelle repose le sol de la Seine-nférieure consiste partout dans ces terrains de sable, d'argile et de calcaire marneux, qui composent le 3° étage de la formation oolithique , et que, dans l’espace de 12 lieues ( d'Hécourt à Meulers } , il descendent de 290 mètres, pour remonter de 200 dans l’espace de 25 autres lieues (de Meulers au Havre). Il était donc difficile de plus mal choisir l'emplacement des fouilles de Meulers : si la géologie du département eût été plus avancée (09 AUTE (3) P. 293. (2) Planche 3, figure « - (52) à l'époque où elles ont eu lieu, ce n'est point sur ce point qu'on les aurait établies ; mais , dans les environs de Gournay , où elles auraient présenté quelques chances de succès ; et là, dans le cas même où elles n'auraient point amené de charbon de terre, au moins eussent- elles produit des résultats plus avantageux pour l'étude de la géologie. Ici est la liste des terrains de la Seine-Inférieure (1), avec une planche à l’appui, qui en donne une coupe idéale (2). Les premiers, appartenant à la formation contem- poraine , sont : 1° La terre végétale ; 2° Les alluvions et attérissements ; 3° Les sables et galets ; 4° Les tourbes ; Et 5°, le tuf calcaire. L'auteur fait remarquer qu'aucun de ces terrains n'atteint, dans le département, un développement ex- traordinaire. A la suite du paragraphe de la terre végé- tale, figure un tableau de l'analyse de plusieurs sols arables , pris dans diverses contrées (3). Deux de ces analyses sont l’ouvrage d’un de nos confrères ; mais aucun ne se rapporte à des terrains appartenant à la Seine-Inférieure, Nous pensons qu’il serait bon de faire cesser cette lacune, en faisant recueillir, dans chacun de nos arrondissements, un échantillon de sa meilleure terre de labour. On pourrait en faire autant pour la meüleure terre d’herbage du pays de Bray, et les li- vrer ensuite à une analyse comparée, Nous ne doutons (Gi) P. 68. (3) P. 3 t 53) pas que les savants chimistes que la Compagnie compte dans ses rangs ne se partageassent avec plaisir ce travail. Le paragraphe des alluvions et attérissements cst fort complet et fort instructif (1); nous en dirons au- tant de ceux qui concernent les tourbières et le tuf. Dans le premier, l’auteur attribue particulièrement la conservation des parties végétales dont elles se com- posent à la présence du tannin et de l'acide gallique. L'un de vos commissaires, qui a examiné avec soin la tourbe de Jumièges, n'y a trouvé que quelques traces bien légères de ces deux substances, mais un peu d'oxide de fer; toutefois, la décoction aqueuse de cette tourbe avait une saveur atramentaire. L'auteur indique un amendement pratiqué avec succès en An- gleterre, et pouvant trouver son application dans notre département ; pour rendre à la culture les terrains où la tourbe n’est pas d’assez bonne qualité pour que l’ex- ploitation en soit avantageuse (2). Le tuf calcaire (3), employé avec prédilection chez nous par les Romains et nos devanciers du moyen âge , semblait avoir dis- paru entièrement de notre sol. M. Emmanuel Gaillard en a retrouvé au niveau des eaux courantes, dans la vallée de Lillebonne , et on a recommencé à l’employer dans les environs de Bolbec. L'auteur, d’après ses propres observations et celles de plusieurs autres géo- logues , rapproche ce tuf d'importantes formations du même genre employées en Toscane et dans les monu- ments de Pæstum , mais surtout du fameux Traver- tin de Rome. Le chapitre I est consacré aux terrains superficiels (x) Pur4; (3) P. 90. (2) P 85. (54) anciens , trop long-temps confondus ensemble ; l'auteur les divise en terrains transportés par les eaux, et ter- rains qui n'ont été que remaniés par elles. C’est aux premiers seulement qu'il restreint le nom de déluvium , dont l'application avait été trop vague jusqu'ici. Dans la première catégorie figurent , 1° Le terrain de transport du bassin de la Seine ; 2° L’alluvion ancienne de son embouchure ; 3° Le terrain de transport des plateaux, ou diluvium des Anglais; 4° Un calcaire d’eau douce de Varengéville. Dans la seconde catégorie nous trouvons, s° Les terrains remaniés et leurs silex pyromaques ; 2° Le minerai de fer ; 3° Les argiles plastiques ; 4° Les grès à silex pyromaques ; 5° Les poudingues ; Et 6°, une brêche crayeuse. Nous ne saurions trop applaudir aux soins que l'au- teur a apportés dans la distinction et le classement de ces divers terrains. Peut-être reste-t-il encore quelque chose à faire pour régulariser la rédaction de cette portion de son travail; mais il a rassemblé tous les matériaux propres à l’éclairer , et nous n'avons pas connaissance qu'elle ait été traitée nulle part avec plus de développement ni dans un meilleur esprit. C’est dans la 3° section de la 1'° catégorie que trouvent leur place les ossements d’éléphant recueillis à la ville d'Eu , par M. Estancelin (1). Dans l’article des terrains remaniés par les eaux, l’auteur donne des détails curieux sur l'emploi des silex pyromaques à la construction des routes, ainsi (MP rxz (55 ) que sur la fabrication des pierres à fusil, industæe qu'il croit pouvoir être introduite avec succès dans le département de la Seine-Inférieure (x). Le minerai de fer paraît avoir été exploité dès la période romaine, dans le pays de Bray; votre rap- porteur a fait récemment la même remarque dans les environs de Bernay. Il y avait encore des forges dans le pays de Bray, au 15° et au 16° siècle, et même jusqu'au milieu du 17°. On ignore quelle espèce de fer on fabriquait dans ces établissements , depuis long- temps abandonnés, ainsi que dans ceux de Bellen- combre. Le minerai est un fer limoneux assez riche, mais en masses trop peu considérables et trop ac- cidentelles pour pouvoir alimenter aujourd'hui des fourneaux (2). L’argile plastique a été traitée dans cet ouvrage avec tous les développements qu'elle réclamait , et sous le rapport scientifique et sous celui de l’industrie, L’au- teur commence par examiner les différentes situations géologiques dans lesquelles on peut la rencontrer, Il rapproche celles de la Seine-Inférieure de celles qui se trouvent ailleurs en France, et notamment à Noyers, au-dessous du calcaire grossier qui n'existe pas chez nous , etil divise les unes et les autres en trois assises. Le dépôt du phare d’Ailly appartient à la première ; les lignites de Noyers à la seconde , et enfin le dépôt de Saint-Aubin-la-Campagne à la troisième. Il est à regretter que celte dernière n'ait point été analysée. L'auteur donne en place l'analyse de celle de Dreux, qui paraît avoir avec elle les plus grands rapports. C’est encore une lacune que nous recommanderons au zèle de ceux de nos confrères qui s'occupent de chimie (3). en (1) P. 127. (3) P. 148. (2) P, 130. (56 ) * Un paragraphe particulier est consacré aux substances minérales et fossiles animaux ou végétaux contenus dans l'argile plastique. L'auteur appelle spécialement l’at- tention sur les lignites , et sur le succin de Noyers (Eure), qui n'avait été connu que d’une manière imparfaite avant lui (r). Les dépôts de Saint-Aubin-la-Campagne et de Varengéville sont décrits avec les soins les plus scrupuleux. Les usages auxquels l’industrie fait servir leurs produits ; l'emploi qu'ils pourraient recevoir en agriculture , sous la forme de cendres végétatives ; les autres gissements de même nature sur divers points du département, ne sont pas indiqués avec moins d’exactitude (2). Les trois paragraphes suivants traitent du grès à silex pyromaques que l’on rencontre à Rocquemont , à Va- rengéville, aux environs de Torcy, et depuis Cany jusqu’à Fontaine-le-Dun , des poudingues de St-Saëns, d’Etretat et de Varengéville, et enfin de la brèche crayeuse qui se trouve en beaucoup d’endroits sur la craie, et de puits cylindroïdes qui descendent à tra- vers les assises de cette formation. Les grès sont em- ployés pour les constructions et le pavage ; ils pa- raissent appartenir évidemment à la même formation que l'argile plastique , tandis que la position géolo- gique des poudingues et de la brèche crayeuse est beaucoup moins bien constatée. La description des ex- cavations cylindroïdes remplies de débris du sol supé- neur , et traversant les premières couches de la craie, est aussi neuve qu'intéressante (3). Le chapitre IL est consacré à la formation crayeuse, La formation crayeuse occupe, parmi les terrains (9 1e (3) P. 163—4158 , pl. 7 et 12. (2) P. 153— 162. (57) calcaires marins, un rang indépendant entre les cal- caires à cérites , dont elle semble séparée par une couche de l'argile plastique vers le haut, et le calcaire à 00- lithes, qu'une série de sables et de marnes en éloigne vers le bas. Cette formation est remarquable par l'espace qu'elle occupe et la puissance de sa masse homogène » qui -semble avoir été déposée dans un liquide tranquille, Elle renferme peu de couches de matières étrangères ; ses flancs à pic au bord de la mer présentent des fa- laises d’une centaine de mètres d'élévation | remar- quables par leur brillante blancheur ; les éboulements y sont fréquents et dangereux (x). Après avoir décrit ses couches presque toujours ho- rizontales , et sa surface tourmentée de fréquentes ondu- lations et de pressions, l’auteur nous fait connaître les contrées qu'elle occupe autour des terrains tertiaires de Paris, en Belgique, en Angleterre et ailleurs ; puis il la divise en craie blanche, craie marneuse et craie glauconieuse. La craie blanche est la première que l’on rencontre après les terrains superficiels anciens ; elle est caracté- risée ; surlout à sa partie supérieure, par des lits hori- zontaux de silex pyromaques, et par de nombreuses fissures. Parmi les variétés existant dans le département , on distingue , 1° la craie subcristalline de la forêt de Rouvray , de Sainte-Marguerite et autres lieux , COM- pacte , jaunâtre, à cassure un peu brillante | pouvant prendre un poli semblable à celui du marbre ; 20 la craie blanche, veinée de lignes jaunes , occupant la même position géologique que la précédente , et se EE — (1) P. 139; pl. 5 et 6. (58 ) tronavant au Boshyon ; 3° la craie blanche compacte , fournissant des pierres à bâtir remarquables par leur extrême blancheur : elle ne présente plus de fissures ni de lits horizontaux de silex, mais seulement ces mêmes silex disposés en rognons , par assises moins rapprochées. Cette craie, dont l’auteur indique les fossiles, occupe une portion considérable de la côte Sainte-Catherine ; on la retrouve le long des coteaux de la Seine , depuis Rouen jusqu'à Caudebec, et des falaises, depuis Saint-Valery jusqu'au Tréport. Les célèbres carrières de Caumont, dans le département de l'Eure , lui appartien ent, ainsi que toutes celles du voisinage (1). Dans la côte Sainte-Catherine et à Mont-Roty on trouve la craie grise (grey-chalk des anglais) , qui pa- raît n'être qu'une modification de la craie marneuse (2), Les caractères les plus saillants de la craie marneuse sont la présence de parcelles de mica et de grains noirs, et le petit nombre de ses silex pyromaques noirs. On y trouve encore des masses d'alumine et de silice réu- nies en gros nodules, ou formant une croûte autour des silex dont nous venons de parler. La craie marneuse occupe la partie moyenne de la côte Sainte-Catherine , des roches St-Adrien et de Tourville. On la retrouve depuis Caudebec jusqu'à Sandouville, depuis le cap d'Antifer jusqu'au Tréport, dans les échantillons du puits de Meulers, et sur la lisière occidentale du pays de Bray (3). « La craie glauconieuse consiste En bancs durs et tendres, contenant des lits de silex et des nodules cornés ; ces bancs sont parsemés de grains verts de silicate de fer (4) ; (1) P. 189. (3) P. 199-202. (2) P. 190. (4) P. 203. (59) En argiles et marnes micacées ; Eofin en sables verts, contenant un grès calcaire lustré. « Elle occupe le dessous de la craie marneuse , mais quelquefois se montre seule de toutes les variétés de la craie au-dessus des sables ferrugineux. Sa masse est de cent pieds à Orcher et au Havre, tandis qu'elle n'oc- cupe que peu d'épaisseur dans quelques localités du pays de Bray. » C'est dans la ligne qui sépare la craie marneuse de la craie glauconieuse que l'on trouve les fossiles les plus précieux de la côte Sainte-Catherine , les scaphites, turrilites, nautilites , l'ammonite de Rouen, etc... (1) Cette montagne prouve , contre l'opinion des anglais ;. l'impossibilité de séparer la craie glauconieuse des autres formations crayeuses. L'auteur indique et décrit sous les autres gissements de craie glauconieuse exis- tant dans le département , et particulièrement à Lille- bonne , à Orcher , à la Hève, à Fécamp, et sur un grand nombre de points du pays de Pray (2). Les principaux usages économiques de la craie sont, en agriculture , le marnage des terres ; en industrie , son emploi comme pierre à bâtir , la fabrication de la chaux hydraulique et celle du blanc d'Espagne. La craie EEE (x) Cette indication n’est pas complètement exacte. Il y a dans la montagne Sainte-Catherine deux bancs contenant les fossiles précieux dont nous venons de parler. Ils présentent celte cir- constance remarquable que lune ne renferme presque pas de scaphites, et l’autre presque pas de turrrilites. Ces bancs sont de peu d'épaisseur. Il sera nécessaire aussi de vérifier dans quelle position géolo- gique se trouvent les fossiles de Tourville. (2) P. 213. 8. (60 ) blanche , dépourvue de sol su périeur , ne produit guère que du buis et de lif. La craie marneuse , et surtout la craie glauconieuse , peuvent devenir très-fertiles par la culture , mais non dans la Seine-Inférieure , où elles ne se trouvent jamais à la surface du sol. L'auteur donne des détails aussi précis que curieux sur la fabrication encore peu connue de la chaux hydraulique ou ciment romain des Anglais. Le blanc d'Espagne est de la craie blanche d’où l’on a enlevé le sable par un lavage; les meilleures pierres à bâtir se trouvent dans la craie com- pacte, comme à Caumont , ou dans la craie marneuse , ou enfin dans la craie glauconieuse , comme à Fé- camp (1). Les eaux traversent avec la plus grande facilité les lits supérieurs de la craie, et quelquefois même toute sa masse ; mais ordinairement elles sont arrêtées par la craie marneuse. Les puits des plaines voisines de Rouen, comme tous ceux qui existent dans la craie, sont entretenus par des pleureurs , c’est-à-dire par des gouttes d’eau sortant des fissures. On est obligé, pour les obtenir, de traverser toute la craie blanche , afin de les asseoir dans la craie marneuse. Les ruisseaux et fontaines sortent rarement de la craie blanche , plus souvent de la craie marneuse , très-souvent de la craie glauconieuse. Ces circonstances rendent fort probable le succès de puits artésiens dans la Seine- Inférieure ; dont le sol présente absolument les mêmes données géologiques que celui des départements où cette industrie est le plus florissante. Une entreprise de cette nature , exécutée à Pont-Audemer, n’a pas réussi , parce qu'elle a eu lieu au-dessous des terrains de la craie. À Gisors, au contraire , qui se trouve à (1) P, 213. —218. (61) sur le bord de la formation crayeuse ; on a toujours obtenu des eaux plus ou moins élevées. Cette partie du Mémoire, qui est pour nous d'un si haut et si pressant intérêt , formera le sujet d’un nouveau travail de l’auteur, qui vous sera bientôt soumis, et où il vous rendra compte des travaux exécutés, ainsi que des résultats obtenus dans six départements (1). Les eaux minérales des terrains crayeux de la Seine- Inférieure sont en général purement ferrugineuses. Quel- ques-unes sortent des parties supérieures de la craie; et c’est en traversant l'argile plastique qu'elles se sont chargées de fer. Telles sont celles de Ry, d’Aumale, d'Oherville , de Bléville et de Nointot. Celles de Rouen et des environs paraissent provenir de la base de la craie, et devoir leurs qualités fer- rugineuses aux marnes bleues dans lesquelles elles s’ac- cumulent. Celles de Bolbec et de Saint-Wandrille viennent peut-être de la tourbe. Il y a dans cette partie de l'ouvrage quelques omissions faciles à réparer. C’est ainsi, par exemple, qu'il existe sur le territoire de Rouen, vis-à-vis Bapaume, plusieurs sources miné- rales, aujourd'hui abandonnées , dont l’une paraît être très-riche. Nous lés recommanderons encore à l'examen de ceux de nos confrères qui cultivent la chimie (2). Nous verrons plus loin les sources minérales du pays de Bray (3). mt un. (1) P. 218-222. (2) P. 222. M. Gaillard nous a signalé aussi, dans le terri- toire de Lillebonne, une source qu'il regarde comme douée de vertus très-énergiques. (3) P. 279. (62) CuaprrrE IV. — Terrains inférieurs à la craie. — Pays de Bray. Le pays de Bray est une petite région naturelle, de 18 lieues de long sur 4 à 5 de large, constituée par l'absence de la craie ; une dénudation de terrains in- férieurs et plus anciens, qui y viennent au jour (x). Cette contrée , dont le nom paraît emprunté à juste titre à un mot celtique qui signifie boue, n'a jamais formé une division politique ou administrative. Elle se dis- tingue des terrains crayeux qui l'entourent de tous côtés, non-seulement par la nature du sol, mais en- core par son agriculture particulière ; toute vouée à l'éducation des bestiaux , et qui, sauf le mauvais état des chemins , rappelle au souvenir du voyageur Les plus fertiles contrées de l'Angleterre. Elle est divisée en deux zones , l’une sableuse , l’autre calcaire et mar- neuse. Sa physionomie toute particulière forme un contraste frappant avec les plateaux unis et arides qui l’'environnent. Ici, au contraire, c’est une agglomération de collines, de mamelons, de vallées sinueuses , où des sources jaillissent de toules parts, et qu'arrosent d'innombrables ruisseaux (2). Cette circonstance conduit l'auteur à des considé- rations aussi neuves que curieuses sur certaines contrées qui portent un nom vulgaire indépendant des divisions politiques et administratives , et dont la délimitation est presque loujours parfaitement justifiée par la constitu- tion géologique du terrain. Tels sont, en Angleterre, les iWealds et le Forest Ridge du Sussex, qui offrent pré- cisément les analogues des deux zones du pays de se 8 (1) P 223. (2) P. 229. (63) Bray, les Doœæns, etc... ; en France, la Brie, la Beauce , le Gatinais, le Perche , la Sologne , la Puisaye , la Camargue , la Crau , les Landes , le Sund- Gau , l'Argonne , le Morvan ; en Normandie , le Bes- sin, la plaine de Caen, le Lieuvin, le Roumois, le pays d'Ouche , le Bocage , le grand et petit Caux , etc. Les observations très-curieuses de M. Trouvé, mé- decin en chef de l’hospice de Caen, prouvent que ces caractères des localités exercent une influence notable, même à des distances très-rapprochées , sur la consti- tution physique de la population. Il serait à désirer que quelques-uns de nos savants confrères qui s’oc- cupent de médecine , et particulièrement ceux qui sont attachés au service des hôpitaux, voulussent bien faire chez nous des recherches semblables , et fournir ainsi un chapitre d’un grand prix à la topographie départe- mentale. Dans notre Rapport de 1827, nous avions témoigné le désir de voir ce travail exécuté par l'auteur de la Géologie de la Seine-lnférieure ; mais nous convenons qu'il n'y a qu'un médecin, sans cesse en contact avec les diverses variétés de notre population, qui soit à portée , et de saisir de pareilles nuances, et de les rencontrer journellement. Nous croyons de- voir citer en entier les réflexions qui terminent ce paragraphe, et qui nous ont paru pleines de justesse (x). Après avoir délimité avec précision le pays de Bray, l’auteur remarque que les calcaires marneux y oc- cupent le milieu de la vallée , et que les sables les en- tourent et les recouvrent en partie. « Ces calcaires marneux ou lumachelles se trou- vant ainsi à nu , cette disposition de terrains peut être entendue comme le sommet d'un dôme aplati ————— A (1) Voyez p. 240-241 du Mémoire. (64 ) et alongé, formé par les couches du calcaire infé- rieur , et dont les flancs sont recouverts par des grès et des sables ferrugineux. La craie se présente tout autour en amphithéäâtre » (x). « La position des couches semble néanmoins paral- lèle à l'horizon. » Cette assertion est appuyée sur une observation extrêmement curieuse de feu M. Goussier , ancien ingénieur des ponts et chaussées ; plusieurs fois cité dans le cours de l'ouvrage. On ne saurait donner trop de publicité à cette observation, qui pourrait être renouvelée avec beaucoup d'avantage dans d’autres localités , pour reconnaître l'existence et la direction de couches suivies d’argile (2). Les terrains du pays de Bray peuvent se diviser en deux sections ; savoir : : 1° terrains glauconiens ; Et 2° terrains du calcaire marneux. Ces deux divisions passent néanmoins de l’une à l'autre par les grès glauconiens qui recouvrent le cal- caire spathique. Les terrains compris dans la première section se composent de nombreuses couches d'argile , de marne, de sable, de grès et de calcaire, qui séparent la craie infé- rieure de la partie supérieure de la formation ooli- thique ( ou calcaires marneux ) du pays de Bray et de la Hève (3). Ils sont désignés ordinairement sous le nom de sables ferrugineux ; mais comme les sables n’en forment ordinairement qu'une petite portion, et que la glauconie si abondante dans la craie se retrouve dans les grès verts, l’auteur a pensé que le nom de terrains glauconiens exprimait mieux le caractère gé- —— "cc (1) P. 243—244. (3) P. 248. (2) P. 244— 2/6. (65) néral de cette série. Ils ont des rapports plus intimes avec la craie qu'avec la formation oolithique à laquelle appartient la section suivante. On trouve, 1° une marne glauconieuse micacée , dernière formation de la craie, et à laquelle on peut laisser le nom de gault qu’elle a reçu en Angleterre ; on doit la distinguer du blue marl; 2° Des sables et grès ferrugineux ayant quelquefois 70 pieds d'épaisseur , renfermant souvent du fer li- moneux ou sulfuré, et des veines plus blanches em- ployées dans les verreries ; 3° Des argiles bigarrées, alternant ordinairement avec les grès ferrugineux , et paraissant former une couche continue sous les sables du pays de Bray; 4° La marne bleue ( luc marl des Anglais), renfer- mant les mêmes fossiles précieux qu'on recueille à la côte Sainte-Catherine ; elle recouvre à Savignies (Oise) l'argile exploitée par les potiers , sous le nom de terre à grès ou à plommure. À Neufchâtel et à Forges, cette dernière est accompagnée de lignites , et pareillement employée pour la fabrication de la faïence , du verre, et même pour celle des glaces à Saint-Gobin, où il s’en fait une grande consommation. L'un de vos com- missaires a fait la remarque fort juste qu'elle devrait plutôt s'appeler silice alumineuse , puisque son analyse, par M. Vauquelin, a donné 63 parties de silice , et 16 seulement d'argile ; 5° Un grès calcaire à grains verts, ordinairement grisâtre , sableux , un peu friable , exploité à Dampierre, et se trouvant à Ferrières , Saumont , Courcelles- Rançon..etc.; 6° Un calcaire spathique coquillier , composé de fragments de coquilles agglomérés par des grains spa- thiques de chaux carbonatée , exploité comme pierre à bâtir, et formant la masse supérieure des collines 9 (66 ) à la gauche de l'Epte ; on le voit aussi sur quelques points de la rive droite ; 7° Un calcaire marneux coquillier , alternant quel- quefois avec les deux dernières couches, renfermant déjà, comme la précédente, des gryphées , et visible à Neuville-Ferrières et au Pont-du-Coq (r}. 2t SECTION. Nous voici enfin parvenus aux couches qui forment la base de tous les terrains de la Seine-Inféricure. Nous les trouvons relevées au niveau du sol , à ses deux extrémités, dans les gissements de la Hève et du pays de Bray, et, au contraire, enfouies à une immense profondeur dans le puits de Meulers, de manière à présenter la forme d’un bassin dans lequel tous ces terrains se seraient successivement déposés (2). Nous avons déjà dit qu'elles appartenaient au troisième étage de la formation oolithique. « Ceite formation, remarquable par le nombre de ses couches et son étendue , est très-répandue en Angleterre et en France. Le département du Calvados en contient des couches puissantes qui occupent presque toute sa superficie. Elle est caractérisée par le grand nombre d’oolithes de diverses grosseurs, qui donnent un aspect parti- culier à sa contexture , et la font paraître composée de grains ovoïdes. » On n’a point encore trouvé jus- qu'ici d'oolithes véritables dans aucune des couches du pays de Bray ; mais le calcaire lumachelle qui s’y rencontre repose ailleurs sur de véritables oolithes, (1) P. 269 (2) Peut-être serait-il bon d’en présenter une coupe idéale suus cet aspect ? (67 ) et les couches qui laccompagnent chez nous ont pa- reillement été reconnues par les meilleurs observateurs , MM. de Humboldt, Elie de Beaumont, Graves , Delcroz , etc... , comme appartenant à la formation oolithique. Tous ces terrains ne sont qu’une masse de marne , contenant des lits plus ou moins nom- breux de calcaire marneux et de grès. Dans le pays de Bray, à Meulers, et surtout au cap de la Hève, on les voit alterner un grand nombre de fois les uns avec les autres (x). L'auteur décrit avec le plus grand soin le marbre lu- machelle à gryphées virgules , découvert à Hécourt (Oise), par M. Graves, et maintenant en exploita- tion. Il donne la coupe des terrains de cette localité (2) , puis de Molagnies (3), puis enfin de la Hève (4), qui offrent une si curieuse correspondance avec les précédents, et se prolongent du même côté de la Seine jusqu'à Orcher , et de l’autre jusqu'à Honfleur et Heuqueville. C'est dans les marnes de ces derniers gissements qu’on a retrouvé de nos jours les os de deux espèces de gavials , déjà annoncés par l'abbé Dicquemare , en 1786. Ce sont encore ces marnes qui servent à faire les tuiles, briques et carreaux du Havre , bien connus par leur couleur d’un blanc jau- nâtre , et dont la plus grande partie s’exporte aux colonies. L'auteur donne la liste de tous les fossiles de cedernier étage qui ont pu être déterminés (5). Ces terrains renferment dans le pays de Bray, et surtout aux environs de Gournay , un assez grand nombre de sources d'eaux minérales. Les seules qui (1) P. 271. (4) PL 3; fig. à (2) PL 4 ; fig. 3. (5)P. 258: (3) PL 4; fig. 4. (68 ) soient encore employées sont celles de Forges, jadis fort célèbres , et qui paraissent tenir leurs qualités de la tourbe exploitée au-dessus d’elles. On en trouve ici l’analyse d’après notre confrère M. Robert , avec quelques notes sur leur histoire. Les autres sources du même genre paraissent jouir de propriétés sem- blables, mais moins énergiques. Ici, Messieurs, se termine le corps de l'ouvrage , suivi de trois listes d’un grand intérêt. Nous avons déjà parlé de la dernière, où se trouvent rangés dans leur ordre de superpositiou tous les terrains recueillis dans les fouilles de Meulers. La première est un tableau des hauteurs baro- métriques d’un grand nombre de points de la Seine- Inférieure et des départements voisins. Cette liste se compose de 85 articles, dont 54 se rapportent à la Seine-Inférieure , 21 à l'Oise, 5 à la Seine, 2 à- Lu 1 1 Seine-et-Oise et 3 à l'Eure. On peut avoir une pleine confiance dans les résultats de ces observations , qui demandent des soins si délicats et des calculs si compliqués. Une grande partie a été faite de concert par l’auteur et par M. Delcroz, l’un des ingénieurs géographes les plus versés dans ce genre d'opérations ; d’autres par M. Delcroz et ses collègues, par l’habile explorateur de la géologie de l'Oise (M. Graves}, et enfin par notre savant compatriote, M. Nell de Bréauté. Nous avons été nous-même témoin de quelquesëunes des opérations , et nous pouvons porter témoignage de l'admirable précision des résultats obtenus. Ces ob- servations deviennent au reste plus faciles et plus sûres de jour en jour, et il n’est aucun de nous qui ne pôt les pratiquer au moyen des nouveaux baromètres et de quelques leçons sur le terrain. On doit espérer que le goût s'en répandra, et que cet instrument aura bientôt été porté sur tous les points du département D PE SE (69) présentant quelque importance sur le rapport du ni- vellement. Aucune circonstance ne contribuera plus puissamment à amener une amélioration aussi impor- tante dans notre topographie physique que la publi- cation de l’ouvrage que nous examinons. Les hauteurs qu'il renferme seront un précieux point de départ , autour duquel viendront promptemeni s’en grouper un ‘grand nombre d’autres , par l'effet de cet heureux mouvement progressif qui s'établit si rapidement dans les sciences d'observation, une fois que l'impulsion première est bien donnée. Les lieux les plus élevés qui aient été observés dans le département, sont : 1° Les Hayons.............. 2/46m57c 2° Saint-Michel-d'Halescourt. 236 » 3° Mont-Roty......,....... 230 » /9 La Ferté-en-Bray. Sa AO ES au-dessus 5° Le Fresnot...,.....,%e.e 197 » du niveau de la mer. La Seine , à Rouen , estélevée de 8 12 La côte Sainte-Catherine. .... 153 » | CET ET A RER STRESS 137 87 Cette liste détruit beaucoup d'erreurs admises jus- qu'ici, et particulièremeut au sujet des falaises 5 d'la plupart desquelles on prêtait une hauteur fort exagérée. Il est prouvé aujourd'hui qu'il ny en a point qui s'élève au-dessus de 400 pieds. Le catalogue des fossiles recueillis jusqu'à ce jour dans la Seine-Inférieure , présente 145 coquilles , parmi lesquelles il ÿ en a plusieurs de fort rares, surtout dans les espèces cloisonnées ; 30 zoophytes échinodermes ; 17 polypiers ; Une fougère ; C7o) Des bois fossiles ; Des écailles de poisson ; Des dents de squale et de diodon ; Des os de crocodile et de gavial ; Enfin des os de baleine et d’éléphant. Ces listes s’accroîtront rapidement , nous n’en doutons pas, aussitôt que des observateurs locaux voudront bien s’adjoindre aux savants étrangers qui seuls jusqu’à ce jour se sont donné la peine d’explorer nos richesses. Dans l’état de choses actuel, il était impossible de la faire plus précise et plus complète. La planche 14 renferme quelques-unes des espèces les plus rares; l’auteur a promis la continuation de ces dessins. Les autres planches sont toutes des coupes ou des vues destinées à faciliter l'intelligence du texte, et qui atteignent parfaitement ce but. Nous en avons indiqué 2 ou 3 qu'on pourrait, ce nous semble , y ajouter ; pour ne rien laisser à désirer sous un rapport si important. Nous soumettons, du reste, celte observation au juge- ment de l’auteur. Quatre-vingt-onze échantillons ; la plupart remar- quables par leur beauté et leur rareté, accompagnent le Mémoire, et fournissent les pièces probantes les plus authentiques qu’on pût demander à l'appui de ces assertions. Cette collection , lorsqu'on y aura réuni surtout les précieux échantillons de la fouille de Meulers que vous tenez du zèle et de l’attachement d’un respectable et savant confrère ( M. Vitalis) , deviendra un objet du plus haut prix, non-seulement pour l'examen du Mémoire , mais encore pour l'étude de la géologie départementale. L'un des principaux objets que vous vous êtes proposés, dans ce concours , est d'encourager de toute votre influence , de popu- lariser de tout votre pouvoir une si importante étude (71) parmi nos concitoyens ; la commission n'hésitera donc point à vous déclarer qu’elle regardera comme indis- pensable à l’entier accomplissement de vos généreuses intentions que cette collection soit déposée dans le Musée municipal d'histoire naturelle , aussitôt qu'il sera définitivement organisé et ouvert au public, en prenant, au reste , toutes les mesures nécessaires pour en assurer la conservation intégrale. Nous ne douions pas que cette disposition n’inspire à l’auteur une nou- velle ardeur pour compléter , autant que cela lui serait possible, le don déjà si précieux qu'il vous fait au- jourd'hui (x). Enfin, Messieurs, le plus précieux des objets joints à cet ouvrage, à cause de la clarté et de la rapidité avec lesquelles il met à portée d’en saisir, d’un coup- d'œil, l’ensemble et les détails, est une magnifique carte géologique , faisant suite à celle de MM, Cu- vier et Brongniart, et qui fournira désormais d’inap- préciables renseignements, même aux personnes les plus étrangères à la science. Nous ne croyons pas trop dire , en effet, quand nous affirmerons qu'il n’est aucun de nos concitoyens , dans quelque situation que la desiinée l'ait placé, qui n'éprouve à chaque moment le besoin de connaître le terrain de sa demeure , de son voisinage, de ses propriétés ; ce sol, dont la com- position exerce une si puissante influence sur son agriculture , son industrie , ses constructions , la répa- ration de ses chemins ; enfin, sur toutes les circons- tances, tous les intérêts, toutes les habitudes locales de sa vie. Désormais il suffira, même à l’homme le plus (1) I serait à désirer que notre confrère M. Dubreuil voulût bien y joindre des échantillons de sa belle collection de terrains cultivés du département. (72) borné , de jeter un regard sur la carte que nous dérou- lons devant vous, pour savoir , au moins en gros, à quoi s’en tenir sur des objets si nombreux et si importants. Les détails dans lesquels nous sommes entré vous ont déjà, sans doute, Messieurs , fait pressentir l’opi- nion de votre commission sur ce grand travail. Nous devons vous dire, au reste, que cette opinion ne s’est formée, chez chacun de ses membres, qu'après un examen attentif et isolé. Il y a eu entre eux unani- mité complète sur ce point, que l’auteur, non-seule- ment mérite de remporter le prix proposé, mais encore a droit à vos remercîments et à vos félicitations pour la patience infatigable qu'il a apportée dans un travail si long et si pénible. Nous ne voulons pas dire par- JR que ce travail soit absolument exempt d'omisions ou d'inexactitudes, encore moins qu'il ne soit point sus- ceptible d’être régularisé et perfectionné ; mais si, sous quelques rapports, l’auteur est resté en-deçà du but, sous d’autres il a fait plus que vous ne lui aviez de- mandé, et l’on a peine à concevoir qu'avec aussi peu de devanciers et de coopérateurs , il ait recueilli tant de renseignements , soit en-dedans , soit en-dehors du département. Quant à leur complétement ultérieur jusqu’à la publication, et bien au-delà, vous pouvez, nous oserons vous l’affirmer , vous en rapporter à ses propres méditations, à l'intérêt de sa propre gloire, qui en fera un travail de toute sa vie; à ses rapports, tant avec les chefs de la science qu'avec nos conci- toyens , et surtout les membres de li Compagnie , dont il réclame de la manière la plus pressante les obser- vations. Il n’est pas entré dans vos intentions , en proposant une question aussi importante , il peut encore moins y entrer, en recevant un si beau travail , de l’ensevelir dans vos cartons. Il est, au contraire , de votre honneur, (73) auiant que de l'intérêt général, de lui assurer la plus prompte et la plus complète publicité; mais cette publicité ne peut s’obtenir sans d'assez grands frais, surtout pour ce qui concerne la carte géologique et les planches qui en sont une portion si importante. Les renseignements que nous avions demandés sur ce point ne nous sont point encore entièrement parvenus. Nous savons seulement que la gravure de la carte coûtera à elle seule 1500 francs. Nous ne doutons point que le conseil général , dont les libéralités envers la Compagnie n’ont été suspendues que par des circons- tances indépendantes de sa volonté, ne consentit à faire la dépense de cette carte , quand vous lui auriez fait connaître et le noble usage que vous avez fait de ses dons antérieurs, et l'utilité tout-à-fait départemen- tale de cette publication. En conséquence , la commission nous propose, à l'unanimité , 1 D'adjuger le prix à l’auteur du mémoire ; 2° De voter l'impression de l'ouvrage , en un volume publié à part de vos mémoires , et livré au commerce , ainsi que la carte géologique et les planches ; 3° De déposer les échantillons à l’appui, réunis à ceux de Meulers , et étiquetés par l’auteur, au Cabinet d'histoire naturelle de la ville de Rouen, à condition qu'ils y formeront une collection distincte, portant votre nom, et restant votre propriété ; 4 De réclamer du conseil général, par l'entremise de M. le Préfet, son concours dans la dépense de cette publication. (74) L'Académie ayant adopté les conclusions du rapport , M. le Président a ouvert, en séance publique, le billet cacheté qui était joint au Mémoire , et a proclamé le nom de M, Antoine Passy , demeurant à Paris. CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. Cr) pp a ———— CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. NAN AU RAPPORT Fair par M. BiGNoN, Secretaire perpetuel. MEssiEurs, Si les petites choses ne conduisent pas toujours aux grandes , les premiers éléments de l’enseignement n’en sont pas moins la condition nécessaire de la vie intel- lectuelle du corps social , et le premier besoin de tous ses membres. Aussi l’Académie a-t-elle toujours ac- cueilli avec un vif intérêt tous les moyens qui se multiplient d’abréger encore la durée, déjà bien res- treinte, de l’enseignement élémentaire ; objet bien im- portant, en général , pour le progrès de la civilisation (puisque c'est là sa première origine ), et en particu- lier pour le sort des classes inférieures ; car c'est une grande fortune pour elles d'obtenir promptement , et à peu de frais, l'avantage de pouvoir de bonne heure tirer leur subsistance de leurs bras , et de n'être pas toute leur vie dans la nécessité toujours gênante , sou- vent coûteuse , et rarement sans danger, de chercher, dans les yeux et la main d’autrui, un interprète pour leurs relations les plus secrètes et les plus intimes. Et pourquoi donc les classes supérieures ne trouve- (78) raient-elles pas aussi un grand avantage dans l'adoption des nouvelles méthodes ? Peut-il être indifférent pour elles de mettre leurs enfants plus sûrement et plutôt à portée de recevoir une instruction plus étendue , et d'entrer dans la voie des études sérieuses avec moins de répugnance, par la facilité des premiers pas ? Le temps est de l'argent , disait Bi" Francklin , pour de simples ouvriers. Mais, pauvres ou riches , le temps, pour tous, est un trésor qui doit être l’objet de la plus stricte économie, surtout dans cet âge tendre, déjà plus qu'on ne pense susceptible d’une applica- tion dont la faculté perd souvent toute son énergie , quelquefois un brillant avenir, dans les lenteurs sys- tématiques d'une méthode routinière qui tue l'écolier au profit du maître. Apprendre à lire et à écrire , était , suivant Duclos, une des choses les plus difficiles ; tant il est vrai que, malgré sa haute intelligence ; il avait dû essuyer de longs dégoûts à se morfondre, cloué sur une bancelle deux ou trois heures de suite , sans autres distractions, la plupart du temps, que des supplices , et cela dans un état de contrainte mortelle aussi funeste aux facultés du corps qu'a celles de Pesprit; et cependant c’est le développement des facultés intellectuelles qui sert de prétexte à cette violence inutile et barbare ! comme si l’on croyait s'être acquis une sorte de prescription lé- gale contre l'intelligence et l’innocent bonheur du pre- mier âge, et que l'homme ne dût être initié dans la carrière sociale que pour apprendre à souffrir sous le despotisme de la verge! Et voilà précisément , disait avant Duclos notre vieux Montaigne , voilà pourquoi nos pauvres enfants re- viennent ordinairement si mauvinteux de leurs écoles. Mais il ne soupçonnait pas , le savant secrétaire de l’Académie française , que si peu de temps après lui, (79) l'enfance pourrait aller gaîment à pas de géant dans une carrière alors si triste et si longue à parcourir, et qu’on pourrait , en quelques jours, même en quel- ques heures , faire plus de progrès dans certaine partie que , de son temps, quelquefois en plusieurs années, Les proverbes sont, à quelques égards, les formules algébriques de l'ignorance , et il n’est pas rare que le savoir en soit la dupe. Mais le génie de l'homme a toujours en réserve quelque moyen d'établir qu'il peut y avoir du nouveau sous le soleil; et la fin de non- recevoir toujours invoquée contre les inventions utiles est ici victorieusement repoussée par l'évidence des faits. Honneur donc aux sensibles amis de l'enfance et de la jeunesse , reconnaissance éternelle à toutes les ames généreuses qui se dévouent spontanément à l’œuvre modeste , si dédaignée par les hautes puissances de l'instruction, d’extirper du premier vestibule des sciences les épines dont il est encore couvert ! Nous devons ranger dans cette honorable catégorie M. Maître, de Brignoles, dont les succès merveilleux ont été attestés par des commissaires de la Société académiques d'Aix, ainsi que l'association pour l’en- seignement mutuel de notre faubourg Saint-Sever , dont le discours de M. Aug. Le Prevost, son prési- dent , constate la sollicitude et les progrès. La Société de la morale chrétienne , établie à Paris, s'efforce constamment , par de nouveaux sacrifices, à se maintenir à la hauteur du généreux système d’une bienfaisance universelle. = La Compagnie a reçu avec reconnaissance Îles communications ordinaires de l'Académie de Besançon, des Sociétés d'émulation du Jura et d’Abbeville, Les 20° et 21° tomes de la Société des antiquaires de Londres, ( 80 ) accompagnés d'un beau dessin colorié, de grande di- mension, de la célèbre tapisserie de Bayeux , sont au rang des monuments les plus précieux de vos archives. = Une Epître en vers, d’un vieux poète à son ami devenu poëte de cour, par M. Frédéric Lequesne, et une Notice sur la tour de Londres , par M. Tougard, tous deux avocats et membres de notre Société d’émula- tion, ayant déjà obtenu de ce corps savant l'hono- rable distinction d'une lecture publique , ne pouvaient manquer d'être distingués par l’Académie. = L'analyse de notre Précis de 1828, par M. Lau- tard , de l’Académie de Marseille, est un travail cons- ciencieux , où la critique , sous des formes pleines de modestie et d’urbanité , ne décolore point les éloges, = Une Notice sur les hôpitaux de Rouen , par M. Le- gras, archiviste de l’'Hôtel-Dieu, sera, comme objet d'intérêt local, signalée ultérieurement par l'analyse du rapport de M. Hellis. = La Domfrontienne , épître , en vers libres, de M. B*#* à M. Casimir Delavigne , est une petite bluette critique, sans fiel. Dans son discours d’inauguration pour le théâtre du Havre, après avoir fait briser la pomme de discorde en Normandie, M, Delavigne avait ajouté : « Et si des noirs pépins le germe trop fécond « À semé Îles procès qu'on récolte à Domfront, « La blancheur de la pomme, où l’incarnat se joue, « Embellit la cauchoise et brille sur sa joue. » Maloré l'élégance des deux derniers vers, né à Domfront , selon toute apparence, M. B*#** n’a point (8r) trouvé la fiction de bon goût; il a répudié l'héritage pour son pays, et l’on peut voir que ce n’est pas sans raison. = Un second extrait des Etudes poétiques de M. Etienne Thuret , de l’Académie de Caen, trop tardive- ment reçu, a élé mis au rapport de M, Fossé, pour l’année prochaine, MEMBRES CORRESPONDANTS. = M. Vandeuvre a adressé à la Compagnie son Dis- cours de rentrée, prononcé en qualité de procureur général à la Cour royale de Rouen; M. l'abbé la Bouderie, une Notice historique sur Zwingli ; M. Fée, une Tragédie de Pélage, que M. Fossé a jugée susceptible de diverses corrections ; M. Albert Montemont, un extrait de son Journal des Voyages dans les quatre parties du monde ; M. Spencer Smith, une seconde édition de sa No- tice sur M. 'Bruguière de Sorsum, précédée d’une seconde édition de la traduction en vers français, par M. Edouard Smith , du the Voyager, de M. de Sorsum ; M, Gois , un Groupe de Léda, en plâtre, d’une très-belle exécution ; M. Boinvilliers, une Pièce de vers ayant pour titre : Tobie mourant. Ce sont des leçons d’une morale pure et religicuse , léguées par un père vertueux à son fils. Ici, Messieurs, se termine l’article de vos mem- bres correspondants , auquel un triste devoir nous oblige d'attacher un crêpe funèbre , en mémoire d’un IL (82) collaborateur infatigable que la mort vient de nous ravir à la fin d'une carrière de 76 années d’utiles travaux et de bonnes œuvres. Né à Dol, en 1753, mort à Aizier-sur-Seine, le 12 novembre dernier, Marie-François REVER était l'antiquaire le plus actif, et, de l’aveu de tous, le plus profond des deux départements qui composent notre arrondissement judiciaire. D'autres pourront le repré- senter dans les modestes et philosophiques habitudes de la vie privée, occupant avec honneur des places distinguées dans le ministère de l’église, lépiscopat même , si la simplicité de ses goûts eût pu s’accom- moder avec l'éclat de la grandeur ; figurant avec distinc- tion dans l’enseignement public, à l'assemblée législa- tive, et à l'institut de France! Mais il s’agit ici moins d'une notice biographique, qui déjà ne manque point, à beaucoup près, à sa mémoire, que d'une simple note indicative de son talent et du caractère général de ses ouvrages, dont plusieurs occupent une place distinguée dans vos archives. Dire que M. Rever réunissait, dans son grand sa- voir, toutes les parties essentielles et utiles qui cons- tituent le profond antiquaire, avec la sagacité d'une critique habile et judicieuse, si nécessaire dans une science qui offre tant de problèmes à résoudre, ce ne serait que résumer ce qui tant de fois a été cons- taté dans vos annales. Point de charlatanisme dans les ouvrages de M. Re- ver , point de ces apologies vagues de la science , et qui ne l’avancent pas. Renfermé dans l'analyse et l'in- terprétation des faits, c’est Diogène qui se contente de marcher pour prouver l'existence du mouvement ; c’est la vertu qui se recommande par l'efficacité des exemples , bien autrement que par l’étalage des paroles. Il donne pour positif et pour conjectural ce qui lui (85) paraît l'être ; il dit : je ne’ sais pas , avec franchise et sans employer ces cuphémismes, voile transparent de l'amour propre , qui trahit le secret de son incertitude par le soin même de la dissimuler. Oui, Messieurs , c’est une véritable , une très-grande perte pour la science que celle d’un pareil homme. Mais nous avons l'espoir de le voir revivre dans quel- ques-uns de nos confrères, qui, depuis long-temps, marchent avec succès sur les traces de leur honorable vétéran ; et, s’il est difficile de dépasser M. Rever dans la carrière des antiquités, il sera toujours bien hono- rable pour eux, et bien flatteur pour l’Académie; qu'ils aient le grand avantage de l’atteindre. NEMBRES RÉSIDANTS. = L'Académie a reçu , en ouvrages imprimés , De M. Delaquérière, une Dissertation sur les por- traits de Henri VIE et de François If, existant à notre hôtel du Bourgtheroulde ; De M. Floquet fils, un Eloge de Bossuet, qui, sur le rapport de-M. Durouzeau, organe d’une commission spéciale , a procuré à l’auteur son admission au sein de la Compagnie, et à la Compagnie un collaborateur d'un vrai talent ; De M. A. Le Prevost, un exemplaire de ses Ré- flexions sur Alain Blanchard ; De M. Deville, une Traduction en vers des Buco- liques de Virgile , entreprise hardie , a dit, dans son rapport, M. Duputel ; travail d'une exécution bien difficile, à ne considérer que le grand nombre des traducteurs qui ont vainement essayé de rendre le style pur et harmonieux du poète de Mantoue, le 11. (84) charme de ces petits poëmes, premier rudiment poé- tique de l'enfance, qu'on ne peut apprécier qu'avec un goût délicat et exercé. M. le rapporteur a félicité M. Deville d’avoir eu , comme il le dit dans sa préface, très-jeune encore, le courage d'affronter des difficultés jusqu'alors invin- cibles ; mais il a tiré un augure favorable de la revue sévère , dans un Âge mûr, d’un travail qui doit au- jourd’hui mériter à son auteur le prix de ses généreux eflorts…. = Dans le compte rendu par M. Licquet , des deux tomes de /’Archeologia de la Société des antiquaires de Londres, se trouve l'analyse de deux pièces qui ap- partiennent à notre propre histoire. La première est un poëme anglais, en vieux langage, sur le siége de Rouen par Henri V ; on y voit des détails qu'on ne trouve pas ailleurs. Par exemple, l'incendie, par les rouen- nais, de huit paroisses de leur ville, à l’approche de l'ennemi ; le déguisement d’un corps d'anglais sous l’u- niforme bourguignon , pour attirer les assiégés, qui attendaient un renfort de la Bourgogne , et qui touie- fois eurent la prudence ou le bonheur de ne pas donner dans un tel piége ; enfin, l’énumération de la population de la ville, portée à plus de 400,000 ames, y compris la garnison , qui aurait élé au moins de 80,000 hommes: ce qui s'appelle, dit notre confrère , user largement des licences poétiques, etc. La seconde pièce intéresse particulièrement nos antiquités, c'est la relation de l’entrevue célèbre de Henri VIN et de François I au champ äu Drap- d'Or, représentée aussi sur les bas-reliefs de notre hôtel du Bourgtheroulde. Tout y est décrit avec l’exac- titude la plus scrupuleuse, jusques aux plus minu- (85) tieuses mesures de l’espionnage réciproque, prises, d'accord par les deux princes , sur toutes les routes où ils pouva‘ent se renconirer ; ce qui prouve , suivant M. Licquet , le degré de confiance des deux monarqnes à cette époque. L'analyse d’un troisième monument anglais, tirée du troisième tome de /’Archeologia , offre la descrip- tion d’un vaste tableau représentant la scène fastueuse du champ du Drap-d'Or, dans le plus grand détail ; et ce qui prouve l'attachement des insulaires à cette production de l’art, qu'il serait curieux de comparer avec nos bas-reliefs de l'hôtel du Bourgtheroulde , c’est qu'un agent français ayant montré le désir de l'acheter pendant les troubles politiques , le comte de Pembrok en détacha clandestinement la tête de Henri VIN, et ne la rendit qu'à la restauration, sous Charles Il. = M. Hellis, en rendant compte de la Notice histo- rique des hôpitaux de Rouen, a rendu hommage à l'exactitude des faits et à la clarté du style ; mais il n’a point trouvé de titre authentique sur l’origine de P'Hôtel-Dieu , à moins qu'on ne veuille le voir dans un concile de Piome , en 324, qui consacre le pre- mier quart du revenu des évêques au soulagement des pauvres. C’est à la piété de nos ducs, surtout d'Henri Il et de Richard Cœur-de-Lion, qu'on doit attribuer les pre- miers développements de notre hôpital. Etabli d’abord dans le cloître des Chanoines, transféré au Nid-de- Chien, près la porte St-Hilaire, reporté, vers la fin du 2° siècle, auprès de la Cathédrale, sous l’invoca- tion de Notre-Dame, il prit bientôt après le titre de la Madeleine, d'où vient le nom donné à la rue qui passait devant cet établissement. Suivent, par ordre de dates, l'acquisition du terrain ( 86 ) de Cauchoise pour les pestiférés ; l'érection de deux petits hôpitaux sur ce lieu de sante ; la translation de la Madeleine , qui les réunit, en 1758, sous le titre d'Hôtel-Dieu ; la réunion à cet hôtel du prieuré de St-Julien et de la léproserie du Mont-aux-Malades ; l'historique de l'Hospice général, d’abord simple bureau de mendicité, rue Sainte-Croix-Saint-Ouen , etc. , etc. Mais c'en est assez pour donner une idée de l'intérêt que doit présenter un ouvrage déjà recommandé par le sujet même et par les éloges du rapporteur. = M. Lévy alu des considérations contre le main- tien, dans les mémoires de la Compagnie , de la lettre {au pluriel des noms masculins polysyllabiques ; ter- minés en ent et en ant. D'abord, c’est une série de ques- tions que notre confrère laisse à d’autres le soin de résoudre , sur la possibilité d’une réforme orthogra- phique complète , sur les avantages et les inconvénients de l’exécution , sur les noms qui n’ont pas de dérivés, ou qui en forment avec d’autres lettres que la finale du radical, etc. Ensuite , partant de ce principe que l'é- criture doit représenter la parole , pour prouver Putilité d’une réforme , il compte , suivant le calcul de la réfor- mation , dans Jean-Jacques et Voltaire, y compris le Dictionnaire de l’Académie française , 7,022,300 lettres à supprimer , etc. Et, après avoir insinué le soupçon d'une vue d'intérêt de la part des imprimeurs dans le maintien des lettres oiseuses, il a fini par invoquer , contre le #, le Dictionnaire de l’Académie française. — M. Bignon a répondu verbalement aux généralités du mémoire de M. Lévy : quant à la question princi- pale , relative à la lettre 4, ilen a soutenu le maintien par les motifs suivants : « La plus simple des règles grammaticales qui puisse (87) exister dans aucune langue , est, sans contredit, celle qui, dans le français, exige simplement l'addition d'une s pour former le pluriel des noms; la suppres- sion du # dans les cas en question est une exception bisarre, contraire à tous les principes de l’économie générale de la langue , et une dérogation ridicule dans l'espèce. Elle confond, sans utilité, les noms terminés par une 7 avec ceux qui se terminent par un {; car le pluriel ne donne plus alors la lettre finale du sin- gulier. « D'un autre côté, le #4 est ici une lettre essen- tielle, caractéristique pour la dérivation, et qui, par conséquent , doit, en quelque sorte , tenir nature de fond. « La suppression du £est sans utilité pour le peu de temps et de place qu'il occupe dans l'écriture. Le supprime-t-on comme lettre sourde? Mais il faudrait, pour être conséquent , le supprimer au singulier même , et à la suite de toutes les voyelles, dans le pluriel de tous les noms, etc.; et pourquoi ne supprimerait- on pas, au même titre, les autres consonnes qui se trouvent dans la position où l’on supprime le £?.... « Etablir une exception pour les monosyllabes , ce n’est que déroger arbitrairement à une dérogation ar- bitraire ; et, pour compléter le système des anomalies , on écrit fous, gens sans, temps sans p et corps avec unp, etc. « Il semble que l’on soit en droit de demander la raison d’une si étrange pratique avant de l’adopter ; mais, dit-on, ce n’est ici qu'un essai : à la bonne heure ; cependant il n'en serait pas moins à désirer que la marche des réformateurs fût plus régulière , et qu'elle se portât sur des vices plus saillants, où ; avec un succès plus sûr et plus rapide , l'on pourrait tailler au vif sans estropier les malades; par exemple, les ( 88 ) lettres étymologiques superflues ne peuvent guère étre conservées que pour ceux qui n’en peuvent tirer aucun parti , ou qui pourraient s’en passer ; car si l’origine d’un mot tiré du grec ou du latin se reconnaît bien à la simple prononciation, on n’a pas besoin de lettres non articulées pour la reconnaître dans l'écriture , dans ortografe par exemple... , etc. » — M. Ballin, intervenant par la suite à ce petit dé- bat, a expliqué comment le retranchement du # n’est point le fait de l’Académie française dans son diction- naire , mais bien de ceux qui en ont fait de nouvelles éditions , avec divers changements, suivant leur goût particulier ; en conséquence, la réforme ne pourrait ici valablement s’autoriser du suffrage de cette Académie. Après avoir combattu , par des principes tirés de la constitution et de la génération des mots, une inno- vation qu'il avait lui-même, dit-il, adoptée avec un peu trop de légéreté, M. Ballin a cité, en faveur du #, des autorités respectables , des grammairiens de haute considération , et l’Académie française elle-même, qui, dans ses publications diverses, ne s'intitule plus Acadé- mie françoise ; et à l'occasion de ce changement dans l'orthographe de l'autorité souveraine en fait de langage, notre confrère a indiqué l’origine de la nouvelle pro- nonciation dans l’affluence des beaux esprits d'Italie, venus successivement en France à la suite de Catherine et de Marie de Médicis, etc. Quant au changement dans l'écriture , il en trouve les premiers exemples dans Lesclache , en 1668, et dans Molière, qui, dans son Tartufe, faiterimer paroëitre avec étre, connoître avec maître , elc. Une lettre de M. Jouy, de l'Académie française , et deux autres de M. Andrieu, secrétaire perpétuel de la même Compagnie, ont terminé le différend par C 89 ) l'annonce du maintien très-probable du £ dans le nou- veau Dictionnaire prêt à paraître, et de l’ui en ai, suivant l’orthographe dite de Voltaire. L'Académie de Rouen a pris acte de ces disposi- tions pour s’y conformer dans ses publications impri- mées. ‘ On doit tenir compte à M. Lévy, qui a reçu une des trois lettres précitées, de la loyauté avec laquelle il en a lui-même le premier donné lecture à la Compagnie. = M. le capitaine Fossé a semé des fleurs poétiques sur sa réception à l’Académie, par la lecture d’un poëme élégiaque inédit , intitulé : l’Infanticide. L'auteur débute par la description du lieu de la scène , et l’annonce du sujet. Non loin des bords du Tarn, dans ces champs où Lescure Portait jusques aux cieux l’orgueil de ses créneaux, Qui, cachés aujourd’hui dans une poudre obscure, S'échappent sous nos pas et roulent dans les eaux; Près d’un orme isolé dont l'ombre séculaire Jamais des feux du jour ne défend les troupeaux, Brille, au sein de la nuit, une flamme légère Qui se glisse dans les rameaux, Et, de sa lueur passagère , De la chapelle solitaire Embrase un instant les vitraux. Tà, jamais le printemps ne rit à la nature ; Jamais, près de cet orme au front échevelé, Le mois riant des fleurs n’oublia sa ceinture, Et d’un doux réseau de verdure Ne daigna tapisser le tertre dépouillé. Là, si j'en crois les récits du village, Le pâtre, à la chute du jour, 12 ( 90 ) Entend des cris plaintifs s'éloigner du feuillage ; Se prolonger ensuite en un murmure sourd, Et puis mourir sur le rivage Comme expire un ramier sous le bec d’un vautour. Viennent ensuite les acteurs de ce petit drame. Riche d’attraits et d’innocence , Laure croissait jadis sous le toit paternel D'un berger dont les soins protégeaient son enfance, Et défendaient son indigence Des vœux empoisonnés du galant ménestrel , Qui venait sur ces bords soupirer sa romance ; Et s'enivrer en espérance Des coupables baisers d’un amour criminel. Laure n’écoutait point la plainte cadencée Qu’à la brise du soir livrait le troubadour : Son oreille était offensée Des chants qui la priaient d'amour. Cependant , lorsqu’au fond de l’humide vallée ù Elle conduisait son troupeau, D'un doux pressentiment son amé était troublée Si ses regards émus rencontraient le château, Qui, du front belliqueux de la roche pelée, Noble protecteur du hameau, Elevait dans les airs sa tête crénelée. Un jour qu’elle arrétait ses yeux Sur ses tourelles menaçantes, Et que, loin du présent, ses vœux ambitieux Se perdaient enivrés d'illusions brillantes, Elle aperçut près de ces lieux Un pâtre qui, penché sur les ondes bruyantes, Interrogeait des flots le cours mystérieux. L'avenir pour lui seul se dépouillait de voiles; La tombe à ses accents répoudait par des cris; Et son regard perçant, dans le fen des étoiles, Contemplait nos destins écrits. (gr) Le pâtre fait concevoir à Laure l'espoir d'obtenir la main du seigneur châtelain , et l’engage de se rendre , au point du jour , au pied de l’orme isolé. L'heure fuit : la cloche ébranlée Retentit sourdement sous les coups du marteau, Qui proclame dans la vallée Que le ciel à la terre accorde un jour nouveau. Trémblante, respirant à peine, Laure, d’un pas craintif, s'éloigne du hameau, Et, pâle de frayeur , péniblement se traîne Jusqu'au pied du lugubre ormeau. Le châtelain arrive mystérieusement. Il court : Laure à ses pieds tombe, et le séducteur Attache à sa bouche muette Des baisers dont lui seul goûte l’affreux bonheur ! C'était alors que l’aubépine Couronnait de ses fleurs les guérèts d’alentour; Alors la riante églantine Parait le front du troubadour, Et, sur le corset de Rosine, Brillait comme un gage d'amour. Bientôt sur sa tige elfeuillée La rose perdit nos regards, Et le ruisseau de la vallée De sa couronne dépouillée Emporta les débris épars. Avec la rose printanière . Laure aussi perdit sa fraicheur; Son front se couvrit de päleur; Et, presque éteint sous sa paupière , Son regard morne et sans couleur Ne s’ouvrit plus à la lumière Que pour.attester sa douleur. Ld *J (92) Et quand la javelle dorée Ne flotta plus dans nos guérêts; Quand de la grappe colorée Jaillit un nectar pur et frais : Tout entière aux ennuis secrets Dont son ame était déchirée, Laure courut dans les forêts Cacher sa honte et ses regrets À sa mère déshonorée. Après avoir long-temps erré, l'infortunée se retrouve tout-à-coup au pied de l’orme fatal, y devient mère, imraole son enfant et l’enterre, pour mourir bientôt après elle-même sur l'échafaud, en face du lieu de son crime. | C’est au pied de l’orme que l'on voit , dans la nuit, celle flamme légère annoncée par le poète à son début. Tandis que sur le tertre où le trépas de Laure Effraya les humains et satisfit les cieux , Le berger aperçoit encore Une tête dont les yeux creux, Comme un sinistre météore , Au travers de la nuit semble jeter des feux. Et quand Pombre des nuits descend dans la vallée , Le spectre gémissant d’une femme voilée À pas précipités s’élance vers l’ormeau , De sa main décharnée entr'ouvre le tombeau , En arrache d’un fils la dépouille chérie , * Et, pour ouvrir au ciel sa paupière endormie , Invente chaque nuit un soin toujours nouveau ; Mais, froid à ses baisers , l'enfant reste sans vie , Et le spectre en pleurant regagne le coteau. « "A à Cette élégie , presque toute dans le genre descriptif, classique ou romantique par le fonds , n’en doit pas (92) moins, être regardée , par les couleurs poétiques qui la distinguent , comme appartenant à une bonne école. — M. Dumesnil, répondant comme vice-président , a trouvé, dans la palme décernée en 1826 à M. Fossé, et dans les nouveaux suffrages qui viennent de l'appeler au sein de l'Académie, une garantie pour le récipien- daire du plaisir que l’on éprouve à l'y recevoir ; dans la briéveté du discours de réception, une obligation d'abréger la réponse ; et dans la lecture du poème, où brille l’élégante facilité ordinaire de l’auteur , une heu- reuse compensation de tout ce que l’on peut dire de mieux en prose. Il a félicité notre nouveau confrère d’avoir su conserver et nourrir, dans la carrière des armes , ce goût naturel pour la poésie , heureux moyen de distractions , et il a terminé par l'espérance de voir souvent M. Fossé contribuer à l'intérêt et à l'agrément des séances de la Compagnie. = Le Discours de réception de M. Floquet fils, sur Sunteul ; Les Stancès de M. Pre Dumesnil , sur la Mort de l'Impie ; Une Notice nécrologique , de M. E.-H, Langlois , sur feu notre estimable confrère M. Marquis ; Et un Poëme de M. Alexis Fossé , sur /e Voyage de S. DT. Charles X , en 1828 , dans les départements de l'Est de la France, ont obtenu les honneurs de l'impression, et vont faire partie des lectures de cette séance. Ainsi , Messieurs, se termine le compte général que nous étions chargé de vous rendre, Si l'Académie pouvait trouver que le nombre des produits ne répondiît pas cette année à l'étendue de son zèle , elle peut offrir (94) au public une honorable compensation dans les bonnes œuvres qu’elle a faites : près de 6,000 fr. , consacrés, cette année , à l’encouragement des sciences et des arts , notamment pour le prix extraordinaire qui va être dé- cerné, et pour un tableau, de grande dimension, par notre compatriote M. Court, à l'honneur de notre grand Corneille , voilà , sans doute , une bonne preuve que la Compagnie sait noblement dispenser les subventions de l'administration centrale , et une solide garantie pour l'emploi de celles que la munificence éclairée de M. le préfet et du conseil général peut encore permettre d’at- tendre. M. D'Ornay, qui, par honneur, figurait au bureau dans cette séance , offrait à la vénération publique, dans sa personne , un respectable vieillard de 100 ans, et un académicien de 67. (95) PRIX PROPOSÉ POUR 1830. L'Examen critique des historiens de la Normandie ayant été mis inutilement au concours pour 1828 et 1829 ; le sujet a été retiré et remplacé par le suivant. L'Académie demande des Programmes de Tableaux tirés de l'Histoire de Normandie. Elle décernera une médaille d’or de 300 francs à celui qui aura envoyé les meilleurs, et en plus grand nombre. Elle désire que chaque programme , éclairé de notes critiques , soit accompagné d’un simple trait ou croquis, Chacun des auteurs mettra en tête de son ouvrage une devise, qui sera répétée sur un billet cacheté où il fera connaître son nom et sa demeure. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où l'ouvrage aurait obtenu le prix. Les Académiciens résidants sont seuls exclus du concours. Les ouvrages devront être adressés , francs de port, à M. N. Bicnon , Secrétaire perpétuel de l’Académie , pour la Classe des Belles-Lettres , avant le 1° juin 1830. Ce terme sera de rigueur. C 97 ) AAA MAN AV VV UN MU AAA A ANA AAA A AAA AA AA AA A MÉMOIRES DONT L’ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. ESSAI SUR LES HYMNES DE SANTEUL, Par M. FLoquer. Fomaque romano mirata est ore loquentem. Vers la fin du dix-septième siècle , lorsque la religion brillait , en France , de toutes les splendeurs des arts et du génie ; lorsque, dans des temples magnifiques élevés par Mansard , embellis par le pinceau de Le Sueur , de Jouvenet et du Poussin ; par le ciseau de Girardon , de Coyzevox et de Coustou, on venait d’ad- mirer l’éloquence de Massillon , de Fléchier , de Bour- daloue , de Bossuet, combien on devait être étonné d’entendre succéder à ces accents sublimes , à ces dis- cours pleins de force , de noblesse et de douceur, les chants barbares qui déparaient alors notre liturgie , ces hymnes triviales , triste monument de la rudesse et de V'ignorance des temps qui nous les avaient léguées ! Sans doute les anciens du Sanctuaire ne ressentirent pas moins 13 (98) de chagrin que d'enthousiasme , lorsqu'ils entendirent le triomphant éloge du prince de Condé, lorsqu'ils comparèrent cette ode faite à la gloire d’un conquérant avec celles consacrées jusqu’à ce jour au Dieu qui fait les conquérants (x). Sans doute ils s'indignèrent que la gloire éphémère d’un mortel eût inspiré des chants plus nobles et plus hardis que la gloire impérissable de celui en pré- sence de qui l’homme et l'univers ne sont que néant. Ce fut alors que deux vénérables pontifes (2) arrètè- rent que ces chants surannés feraient place à des chants nouveaux que le peuple le plus religieux et le plus éclairé de l'univers pût avouer sans rougir et répéter en chœur. Mais où trouver un poète qui ne soit point inférieur à cette noble tâche ; un poète dont la pensée s'élève jus- qu'à la hauteur du sujet , et dont le langage puisse attein- dre la pensée ? Siècle privilégié où , quelque fût l’effort qu’on demandât au génie , toujours quelque grand homme se levait et répondait à l'appel ! Alors vivait danse cloître de Saint- Victor, dirai-je un religieux , dirais-je un bouf- fon , un esprit trivialet burlesque , ou un génie sublime ? un sage , ou un fou ? un homme , ou un enfant plein de boutades et de caprices ? Disons , avec La Bruyère , ur enfant à cheveux gris (3), et nous aurons peint , d’un (1) Bossuet, Oraison funèbre du prince de Condé. (2) M. le cardinal de Noailles , archevêque de Paris , et l’abbé de Cluny. : (3) C’est ainsi que La Bruyère l'a peint dans un des meilleurs portraits qu'ofrent ses Caractères. I] existe , en outre, une lettre de ce grand écrivain, adressée à Santeul, dans laquelle il lui dit : Je vous af fort bien défini la première fois, mon cher Monsieur; vous avez le plus beau génie du monde , et la plus fertile imagi- nation qu'il soit possible de concevoir; maïs, pour les mœurs et les manières ; vous êles un enfant de douze ans et demi. C 99 ) seul trait, cet ètre insaisissable par sa mobilité, ce caractère inégal , en qui se réunissaient tous les con- trastes ; ce Protée , tour-à-tour, et presque au même instant , doux et colère , intraitable et facile , se roulant dans la poussière et tout-à-coup ravi dans les cieux. Mais hätons-nous de dire, avec tous les contempo- rains de cet homme si bizarre , que la nature l'avait doué de lame la plus ardente ; de l'imagination la plus brillante , de l'esprit le plus élevé ; qu'épris, dès le jeune âge , de ces impérissables chefs-d’œuvre , gloire éternelle du siècle d’Auguste ; nourri, imbu de leurs immortelles beautés , on l'avait vu, sur les bancs de l’école , écrire , en se jouant , des poèmes dignes d’un contemporain de Virgile et d'Horace , des vers qu'au- raient applaudis ces grands poètes eux-mêmes, et qui leur auraient fait craindre un émule. Disons surtout qu'entraîné par un goût irrésistible , et peut-être par un pressentiment secret de la mission difficile qu'on devait lui confier un jour , il avait lu , relu , dévoré les écrits d’Isaïe, de David, ces maïlres de la poésie ly- rique , auprès desquels pâlissent Alcée, Virgile, Horace et Pindare ; que leurs chants inspirés avaient fait ses délices, et que peu d'hommes étaient aussi familier® avec les vives et fortes images de la Muse hébraïque ; et enfin, si, au milieu des fréquents écarts d'un ca- ractère si indépendant des autres et de lui-même , cet homme , qui ne sut jamais résister à ses vives et tumul- tueuses impressions ; se recommanda toujours par des mœurs irréprochables et par la vertu la plus pure ; si, dans ce Monastère, que troublèrent quelquefois ses fantaisies soudaines et ses bruyantes saillies , sa bonté , sa candeur , la sincérité de sa foi , la régularité de sa vie lui avaient mérité le respect et Paffection de tous , osons dire qu'il n'était pas indigne de chan- ter les louanges de ce Dieu dont il n’est permis qu'à Re ( 100 ) des lèvres pures de proférer le nom et de célébrer la gloire. Jusqu'alors , de moindres objets ont amusé plutôt qu'occupé le génie de Santeul. Ravi de ce grand éclat que jette l’astre de Louis , émerveillé des créations qui, chaque jour , se succèdent dans la France glorieuse et conquérante , il a célébré dans ses chants la magni- ficence du grand Roi et les exploits des héros qui lui servent de cortége ; il a peint , dans des vers pleins de pompe, ces palais splendides, ces temples majes- tueux , ces formidables arsenaux , ces arcs de triomphe , ces jardins enchantés qui s'élèvent de toutes parts à la voix du monarque ; ces eaux qui, dociles à sa voix, sont accourues sur les montagnes ; ces fleuves auxquels il a ouvert des voies nouvelles, ces jets d’eau qui ne se taisent ni jour ni nuit (x). Mais combien ces sujets sont inférieurs à ceux qui, désormais , s'offrent à sa Muse ! Il ne s’agit plus, maintenant , d’exagérer quel- ques faibles actions des hommes , afin que le monde les admire ; d’exhausser quelques faibles mortels sur un piédestal, pour les faire paraître grands: il faut, laissant ramper à ses pieds et le monde et ce qui charme le monde , atteindre , s’il est possible , jusqu’à la haute sphère qu'habitent les intelligences heureuses , et peindre la félicité qui les enivre. Il faut célébrer dignement ces conquérants qui , Sans autre arme que la Croix, sans autre séduction que l'Évangile , ont triomphé de l'univers ; ces martyrs qui ont vaincu plus que l’univers , puisqu'ils ont su se vaincre eux- mêmes et vaincre les tourments et la mort. Il faut, enfin , s'élever jusqu’au sanctuaire secret qu'habite ce redoutable Jéhovah, pour qui David , lui-même , le a (1) Bossuet, Oraison funèbre du prince de Condé. ( tor ) maître de la lyre , ne trouvait quelquefois d'autre éloge que le si'ence. N'importe, Santeul accepte la tâche, et bientôt le succès a justifié cette tentative qui avait paru téméraire. Il brillait au Parnasse ; sur le Calvaire il se couvre de gloire : ce n’est plus ce poète vulgaire , ce chantre des choses humaines , c’est le Vates, le Barde sacré qui s’avance la palme à la main, dont la tête est surmontée d’une auréole , qui parle des choses divines, et dont le langage est divin. Déjà il ne se passe presque plus de jour où, dans les temples de la capitale, ne retentissent ses hymnes inspirées , et toujours la dernière surpasse en beauté celle que l’on chantait la veille, Des acclamations una- nimes accueillent ces poëmes ; Bourdaloue , Fénélon, Nicole, Rancey, Fleury les admirent ; le détracteur Saint-Simon les loue : le grand Corneille ne dédaigne pas de les traduire ; et Bossuet, toujours grave, toujours un peu sévère au milieu même des transports de l'admiration la plus vive , reproche à son indo- cile ami de n'avoir pas plutôt abjuré Pomone et les faux dieux. Ces sufirages imposants , ces applaudissements una- nimes retentissent au loin ; bientôt il n'y a plus une église en France où les Odes sacrées de Santeul ne soient répétées en chœur ; on les chante dans nos antiques cathédrales, on les chante dans les monastères, dans des temples de chaume , dans les solitudes de la Trappe, dans les forêts de Saint-Bruno; et Rome s'étonne qu'un étranger ait su retrouver cette belle langue poétique de Virgile et d'Horace, dont, depuis tant de siècles, elle avait perdu le secret ! Quel charme si fort | au milieu de tant de mer- veilles qu'enfante chaque jour un règne si fécond en prodiges , a pu susciter tant d'admirateurs à quel- ques cantiques, ouvrage d’un obscur habitant du cloi- ( 102 ) ire , et les faire retentir ainsi de la capitale aux pro- vinces,, des provinces au désert, et du désert au Vatican? C'est , dans un siècle où la foi et tout ce qui touche à la foi tient une si grande place dans les imaginations et dans les cœurs ; où les solennités du Christianisme sont des événements, où son culte et ses pompes sont un plaisir, un besoin pour des hommes religieux et sensuels, une pompe nouvelle et jusqu'alors inconnue , qui semble ajouter à la ma- jesié des autels et à la religion des peuples ; c’est , pour tous les pays et pour tous les temps , la hauteur des pensées , la richesse et la majesté de l’élocution , la grandeur et la noblesse des images, qui éclatent partout dans ces poëmes étincelants de verve et de génie ; cest cette prodigieuse flexibilité de ton qui sait peindre , tour-à-tour, et toujours avec des cou- leurs si vraies , et la Vierge timide , et le Maître du tonnerre , la marche triomphante de la Croix et les tortures du Martyr, les joies indicibles du Ciel, et les angoisses de l'Univers qui chancèle sur ses bases et va s'abîmer dans le chaos ; c’est, enfin, dans la bouche d’un contemporain , des accents que Rome eût vivement admirés , des vers dignes d'Horace , dont il semble que cet audacieux français a violé le sé- pulcre et dérobé la lyre. Mais expliquons mieux cet enthousiasme , en citant quelques-unes des hymnes qui l'inspirent. Commençons par celle où il célèbre l’Apôtre (x) que Bossuet , dans son langage pittoresque et”-su- blime , appelle l'aigle des Evangélistes , l'enfant du tonnerre. A1 le voit qui va s'élever dans le sein de Dieu , et il semble redouter l'issue de son auda- —————————————— (1) Saint Jean l'Évangéliste, (2051) cieuse tentative. « Ah! prends garde , lui crie-t-l(x), ce n’est pas sans dessein que Jéhovah se cache au milieu de nuées épaisses et des ténèbres de la nuit, Tremble qu'il ne se montre à toi dans toute sa splen- deur : tes yeux débiles ne le supporteraient pas ; tu serais aveuglé. » Mais qui pourrait arrêter cet aigle ? Il a dépassé les étoiles, il touche au ciel ; les éclairs ne l'ont pas ébloui; 1l voit Dieu en essence et se repaît de ce spectacle : la nue s’écarte , et les mys- tères de la génération du Verbe lui sont révélés. « Toi que le Christ aimait plus que les autres mortels ; toi, les délices de l'Homme-Dieu , compagnon de ses peines , témoin de sa mort, associé à sa gloire ! qui n'envierait ton bonheur? Lorsque le Verbe marchait la terre , tes yeux le virent, tu entendis ses paroles , (1) Quem nox, quem tenebræ , densa que nubila Circumfusa tegunt lumine splendidum , Imbelles oculos terrilicis Deus Ne fulgoribus obruat. Ceu pennis aquilæ raptus in æthera Cœlum mente petis, sidera transvolas, (Nil obstant rutili fulgura luminis ) Nudo Numine pasceris. AEterno genitum de Patre filium , Demptàä nube , vides, è que Deo Deum, Descendisse sacros , de patrio sinu Castæ Virginis in sinus. ( 204 ) tes mains le touchèrent ; que dis-je ? il te fut donné de t’entretenir familièrement avec lui !!! (+) » L'hymne de la Toussaint doit être signalée tout entière comme une des plus belles créations du génie de Santeul. Ici, ce n'est plus assez pour le poète de célébrer un prophète ou de couronner un martyr. Son hommage s'adresse à tous les habitants de Olympe chrétien; et, transporté dans ces régions heureuses, il voit ce que jusqu'alors l’œil d’un mortel n'avait point vu; ces concerts célestes , inouis pour l'oreille humaine , il lui est permis de les entendre ; et, ravi de ce beau spectacle, de ces ineffables har- monies , il s'écrie (2) : (1) Tu, quem præ reliquis Christus amaverat, O dulces hominis deliciæ Dei, Curarum socius, funeris et comes, Et testis quoque gloriæ : Fortunate nimis, eui licitum fuit Attrectare manu Verbum, hominem Deum, Hunc audire, oculis cernere, mutuo Quid et colloquio frai ! (2) Cœlo quos eadem gloria consecrat, Terris vos eadem concelebrat dies : Læti vestra simul præmia pangimus Duris parta laboribus. Jam vos pascit amor , nudaque veritas, De pleno bibitis gaudia flumine; Illic perpetuam mens satiat sitim Sacris ebria fontibus. ( 105 ) « O vous que le ciel unit dans la jouissance d’une égale félicité! pourquoi la terre vous séparerait-elle dans ses hommages ? Qu'un même jour vous soit consacré, qu'une même hymne de joie célèbre votre gloire immortelle , digne récompense des rudes épreu- ves dont vous avez triomphé ! — Vous vivez , main- tenant, d'amour et de vérité ; des abîmes de bonheur répondent à des abîmes de désirs; des fleuves de délices étanchent, sans cesse , une soif qui renaît toujours pour être toujours apaisée. = Dans les pro- fondeurs augustes du Sanctuaire, Jéhovah règne, éternellement heureux de l’éternelle contemplation de lui-même et de ses inénarrables perfections. Ses élus ne sont pas oubliés : de sa divinité découlent sans cesse des émanations qui pénètrent subtilement jus- qu’au plus intime des intelligences heureuses , et en font presque des Dieux. — Sur l'autel qui lui sert de marche-pied , le sang innocent de l’'Agneau fume encore : celte victime qui naguère s’offrit à son père , et que le monde vit mourir , victime encore , victime immolée sans cesse , continue dans les Cieux , sans l'interrompre jamais, son sanglant sacrifice. — Au milieu des éclairs, des voix et des tonnerres , vingt-quatre vieillards sont assis sur des trônes rangés en cercle autour du grand Trône... Ils descendent , se prosternent, inclinent leurs têtes blanchies, et déposent aux pieds du Roi des Rois leurs diadèmes d'or dont ils lui font hommage. Cependant des peuples innombrables s’avancent , revètus de tuniques —— Altis secum habitans in penetralibus Se Rex ipse suo contuitu beat , Illabensque , sui prodigus , intimis Sese mentibus inserit, { 106 ) flottantes qui furent lavées dans le sang de l'Agneau ; ils marchent , balançant des palmes dans leurs mains, et célébrant , à l'envi, dans leurs chants de triomphe , la gloire de Dieu trois fois Saint (1). » On reconnaît ici le langage de l'Apocalypse , de ce livre écueil éternel des commentateurs , mais source inépuisable pour les poètes ; qui chercheraient vai- nARent ailleurs des tableaux plus imposants et des images plus hardies. Cet agneau qué l’on égorge sans cesse , ces vieillards couronnés , ces peuples revêtus de robes blanches , ont été empruntés à l'aigle des Apôtres ; mais elle appartient à Santeul, cette pein- ture ravissante qui nous offre les élus se repaissant d'amour et de vérité. C’est avoir deviné la félicité dont ils jouissent , que de la voir dans l’éternelle béatitude de leur cœur qui aime et possède à jamais le bien suprême , et de leur zntelligence qui, affranchie de l'erreur , voit, contemple et contemplera toujours la vérité devenue pour elle un aliment qui ne lui man- quera jamais. Et n'est-ce pas avoir aussi deviné le (1) Altari medio sui Deus insidet , Agni fumat adhùc innocuus cruor : Quæ, mactata, Patri se semel obtulit , Se jugis litat hostia. Pronis turba senum cermua fronlibus, Inter tot rutili fulgura luminis , Regnanti Domino devovet aurea, Quæ ponit diademata. Gentes innumeræ conspicuæ stolas Agni purpureo sanguine madidas, Palmis læta cohors cantibus æmulis. Ter Sanctum celebrant Deum. ( 107 ) bonheur de la divinité , que de le montrer dans l’éternelle contemplation d'elle-même ? Aimer et comprendre étant le bonheur des esprits , quel autre être le Grand- Esprit pourrait-il aimer que lui-même? quel autre spectacle serait plus digne de ses regards ? À ce chant de triomphe succède lhymne lugnbre des morts. Le poète peint ce jour terrible après lequel il n'y aura plus de jour ; il fait retentir la trompette funèbre qui somme les tombeaux de s'ouvrir et de montrer les pâles habitants qu'ils recèlent depuis tant de siècles. « Ce bruit , dit le poète (1), va étonner la Mort au fond de son antre ; tremblante et désar- mée, elle obéit à regret, et rend à la lumière des corps qu'elle se flattait de lui avoir ravis pour toujours, — Cependant les étoiles sont précipitées d'en haut, la lune:a disparu, le soleil est éteint; à la (1) Tune Mors inermis et tremens Surdis ab antris audiet , Et jussa reddet lumini Defuncta luce corpora. © Ruent ab alto sidera , AEterna nox Lunam premet, Lux deseret Solem suum , Et cuncta miscebit chaos. Turbata clade publicà Natura dissipabitur : Suis soluti legibus Rumpentur orbis cardines. Flammis rubens ultricibus Iras Dei Cœlum pluet. Tellus suo quæ pondere Immota stat, movebitur, ( 108 ) place de ces deux luminaires règne une nuit éternelle ; une seconde fois, et pour toujours, le Chaos est maître du monde. Les éléments se mêlent , les ressorts qui soutenaient l'Univers se déconcertent et se brisent , le monde chancelle et va retomber dans le néant. Le Ciel est en feu , la fureur divine se précipite par togrents , l'Univers s'écroule avec lracas... rien n’est plus ». j Détournons nos yeux de cette scène lamentable , et reposons-les sur l'image douce et gracieuse qui nous peint Marie retournant au Ciel, dont elle semble une émanation. « (1) O vous qui habitez les régions célestes , que tout, en ce jour, retentisse de vos applaudis- (1) O vos, ætherei plaudite cives, Hæc est illa dies clara triumpho , Quà matrem placidà morte solutam Natus sidereà suscipit aulà. Quæ non, Virgo, tibi dona rependit ! Caœli divitias explicat omnes , Verbum vestieras carne; vicissim Verbum te proprio lumine vestit. CRE O concessa tibi quanta potestas ! * Per te quanta venit gratia terris ! Cunctis cœlitibus celsior una : Solo facta minor Virgo Tonante. Quæ regina sedes proxima Christo, Alto de solio vota tuorum Audi, namque potes flectere natum Virgo Mater, amas nos quoque natos. ( 109 ) sements! Marie triomphe , sa mort fut douce comme le sommeil ; et quel réveil! Le ciel est ouvert, le Christ attend sa mère et la couronne, — O Vierge ! quels dons ce fils te prodigue dans son amour ! Tous les trésors du Ciel te sont ouverts ; tu revêtis le Verbe de ta chair mortelle, et le voilà qui, en échange, te revêt de sa lumière et de son immortalité. — Quel pouvoir immense t'est donné! Tu parles, et le monde est comblé de grâces; devant toi toutes les hiérarchies du Ciel s'humilient.. Naguère Vierge si timide , tu ne vois plus au-dessus de toi que le Maître du tonnerre. — Du haut de ce trône que ton fils par- tage avec loi, entends nos vœux et nos prières. Est- il irrité contre lunivers , un mot de ta bouche le désarme. Ah! parle pour nous! nes-tu pas aussi notre mère ? » Venons, maintenant, à cette hymne doublement célèbre par la beauté de sa poésie, et par l’anecdote si souvent répétée sur la circonstance fortuite et bizarre qui en fournit à l’auteur l’éloquent début que l'inspi- ration lui avait refusé jusqu'alors. On sait d'avance que c’est du Szupele Gentes que nous voulons parler. « (1) O terre! regarde et tressaille d’étonnement ! un Dieu s'offre pour victime , le Législateur suprème se soumet à la loi qu'il a faite, le Rédempteur du (1) Stupete Gentes : fit Deus hostia , Se spontè legi Legifer obligat; Orbis redemptor , nune redemptus, Se que piat sine labe mater. De more matrum, Virgo puerpera Templo statatos abstinuit dies : Intrare sanctum quid pavebas , Facta Dei, pris, ipsa, templum ? ( 110 ) monde se rachète ; une mère sans tache se purifie. — Le temple est fermé aux femmes qui viennent d'enfanter ; Moïse l’a voulu. Humilité sans seconde ! la Vierge mère obéit comme les mères des enfants des hommes. O la plus pure des femmes ! pourquoi craignais-tu de paraître dans ce temple ? toi-même , mes-tu pas le temple de Dieu ? Je ne vois qu'un autel, et trois sacrifices s’apprétent ; c’est une Vierge qui, pontile un instant, immole à Dieu son honneur virginal ; c'est un vieillard qui a vule Désiré des na- tions , et qui veut mourir ; c’est un enfant de quelques jours qui sacrifie ses membres délicats et formés à peine : encore un instant, et cet enfant devenu homme va sacrifier sa vie. » « (x) Hélas! combien de glaives menacent le cœur de la Vierge mère , et le perceront d’outre en outre ! Infortunée , il faut te préparer à d’indicibles douleurs ! Cet enfant qui sourit dans tes bras , cet Agneau si doux , est promis au couteau , et ensanglantera les autels.— Vic- time désignée , déjà le Christ enfant connaît la douleur ; déjà il prélude à son horrible trépas. L'avenir se dévoile à Arà sub unà se vovet hostia Triplex , honorem virgineum immolat Virgo sacerdos, parva mollis Membra puer , senior quevitam. (1) Eheu! quot enses transadigent tuum Pectus ! quot altis nata doloribus , O Virgo ! quem gestas cruentam Imbuet hic sacer Agnus aram. Christus futuro , corpus adhùc tener, Præludit insuns victima funeri : Crescet , profuso vir cruore Omne scelus moriens paibit. Crrax ) mes yeux; je vois l’enfant devenir homme ; il verse son sang par torrents , et l’Umivers est absous. » Ainsi chantait le Barde de Saint-Victor , si, toute- fois, cette langue française qu’il dédaignait tant (1) n'a point calomnié son génie. Et qu'on imagine l'effet que peuvent produire de pareilles pensées , dans le plus bel idiôme , revêtues des formes de la plus bril- lante poésie qui fût jamais , et relevées encore par le prestige d’une musique digne de s'élever aux cieux avec elles sur un nuage d’encens et de myrrhe, Transportez- vous en idée dans la Métropole de Paris , le jour où y fut chantée, pour la première fois, l'hymne si suave et si belle dans laquelle le Pindare chrétien célèbre l’Assomption de Marie. Voyez les gardes du grand Roi qui s’avancent, tandis que le pesant bourdon qui s’ébranle et qui tonne dans les tours , annonce que le monarque va venir dans ce temple , entouré de tous les grands de son royaume ; pour y déposer, aux pieds de la protectrice de la France , son sceptre et sa couronne ! Le voilà qui entre , au bruit des fanfares, dans lauguste Basilique , et les ombres de tous les Rois ses aïeux se sont levées à son aspect pour honorer sa venue. Quel cortége de héros l'ac- compagne ! Luxembourg, Boufflers, Vauban, Du- quesne, Villars, Vendôme , Catinat, semblent se reposer à l’ombre des drapeaux qu'ils ‘ont pris dans (1) « La langne française, disait. Santeul , est une grande reine qui change, de siècle en siècle, d'équipage et de couleurs, parce que l'usage est son tyran, qui la-gonverne sans raison. Ze grand Corneille me dit {rès-souvert (lui dont le (héatre est si bien paré), qu'il sera, un jour, habillé à la vieille mode. » ( Réponse de Santeul à la Critique des inscriptions faites pour l'arsenal de Brest, ) Craie: ) cent batailles , et qui sont suspendus sur leurs têtes (x). Dans le Sanctuaire , brillent les flambeaux de l'Église gallicane , Fléchier, Mascaron , Fénélon , Bourdaloue, Fleury, Massillon, et plus que tousles autres , Bossuet , le grand Bossuet, que signalent jes cheveux blancs, ses yeux d’aigle , et son air de prophète. Tout-à- coup , l'orgue fait entendre ses hautbois , ses clairons, ses cors, ses trompettes, sa voix humaine et son tonnerre qui gronde majestueusemeñti sous les voûtes , et auquel répondent les chants de l’auguste assemblée , les serpents d’airain qui frémissent, et les échos de la Basilique , qui semblent se complaire à répéter de si beaux accords. O merveille ! le musicien s’est montré digne du poète ; il ne devait ,. ce semble , que charmer nos oreilles , et voilà que, par un pro- dige inattendu de son art, nos yeux , oui nos yeux voient la Vierge quitter laterre , et qui, par degrés , monte et s'élève au-dessus de toutes les hiérarchies , au milieu des concerts du Ciel, qui répondent à ceux de la terre. Enfin les chants des hommes et des anges ont cessé ; mais, quel est, sous l’orgue , cet homme qui chante encore lorsque tout se tail; qui crie, s’agite, gesticule et danse, dont les yeux lancent des éclairs , qui est tout hors de lui, qui estfou , enfin , s’il n’est pas inspiré? c’est l’auteur de l’hymne nou- velle, c’est Santeul. I vient d'assister à son triomphe , et vous le voyez tout étonné , tout ravi de lui-même, (Gi) Autrefois, les drapeaux pris sur les nations ennemies étaient suspendus aux travées dn chœur de la cathédrale de Paris. On connaît ce mot d'un homme du peuple qui, voyant le maréchal de Luxembourg se faire jour difficilement à travers la foule rassemblée sur le parvis de cette église, pour voir défiler quelque cortése , LC 0 . Û Û . s'écria : « Mes amis, laissons donc entrer Le tapissier de Notre- Dame ! » Crus) qui s'aime, qui s'admire, qui s’'applaudit, qui se promet l’immortalité, Elle lui est assurée , n'en doutons pas ; oui, il vivra, ce lyrique de la Rome nouvelle ; les beautés sublimes qu'offrent , en foule , ses merveilleux ïambes (x), lui ‘eront pardonner, comme à Saint Augustin , quelques jeux de mots, quelques antithèses qui ne méritaient pas qu'il les recherchât avec tant d'efforts, et sans lesquels ce français aurait peu de rivaux parmi les poètes du siècle d’Auguste. (1) Expressions de Bossuet , en parlant des hymnes de Santeul : « J'ai reçu, lui écrivait-il, es trois exemplaires de vos MER- V£ILLEUX TAMBES , Je n'en Saurois {r0p avoir. » LES hi 2 2% (115) AAA AA AAA A AA AAA AAA AAA AAA AA NOTICE Sur M. A.-L. Marquis, Docteur en médecire de la Faculté de Paris , Professeur de botanique au Jardin des Plantes de Rouen, ancien Secré- taire perpétuel, pour la classe des Sciences, de l’Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de la même ville (1), et membre d'un grand nombre d'autres Compagnies savantes ; Par M. E.-H. LaxGcors. Mors terribilis est iis quorum cum vilä omnisextinguntur , non quorura laus mori non polest. M.T, Cic. Messieurs , Lorsque la mort nous ravit, dans le personne de M. Marquis, un des membres des plus utiles et des plus distingués que lAcadémie ait jamais comptés dans son sein, je me trouvai chargé de pariager , avec notre honorable président, le pieux et douloureux de- voir de répandre quelques fleurs sur sa tombe encore (à) M. Marquis fut élu membre de l’Académie le 5 février 1813, vice-président en 1819, président en 1820, et secrétaire perpétuel en 1822, emploi qu'il remplit presque jusqu'à sa mort Il était en outre membre des Sociétés d'Emulation et d'Agriculture de Rouen, de la Commission des Antiquités du département de la Seine-Inférieure , des Sociétés de Médecine de la Faculté de Paris et du département de l'Eure , des Académies de Dijon et des Jeux Floraux, de la Société royale des Antiquaires de France et de celle des Antiquaires de Normandie, de la Société Minéralogique de Jéna, des Sociétés Linnéennes de Paris et de Bordeaux, de la 19. (1:16) ouverte. Une tâche plus difficile, plus compliquée, ‘m'est offerte aujourd'hui : celle de retracer , dans cette circonstance solennelle, les vertus aimables , les rares talents , en un mot, tous les genres de mérite que réunis- sait en sa personne notre excellent confrère. Cette tâche , je le sens, est au-dessus de mes faibles moyens, et, je l'avoue, Messieurs, j'aurais reculé devant elle, si déjà, depuis long-temps , l'opinion Publique n'avait fait de M. Marquis un éloge gravé dans tous les cœurs: Alexandre-Louis Marquis naquit à Dreux, le 20 fé- vrier 1777, de M. Louis-Jacques Marquis , et de dame Charles-Hélène-Elisabeth Genty-Dumesnil. Son père , magistrat honorable et d’un mérite distingué, voulant développer de bonne heure; et sous ses yeux, ses heu- reuses dispositions, lui fit faire ses premières études dans le collége de sa ville natale. Mais, en peu de temps , l'intéressant adolescent se montrani digne d'un théâtre plus convenable à ses moyens extraordinaires, sa famille l’envoya cultiver à Paris des exercices dans lesquels il marchait à pas de géant. Bientôt la fièvre politique qui déjà consumait la France , exerça ses terribles ravages. La capitale surtout n'offrait qu'un spectacle continuel de délire et de tu- - multe, de terreur et de désolation. Le jeune Marquis, moins propre que tout autre à vivre au milieu de ce funeste et dangereux tourbillon, revint à Dreux dans Société d'Agriculture de Caen, etc., etc., etc. C’est à l'obligeance de mon estimable confrère, M. Carault, D.-M., auteur d’une Notice historique, fort bien écrite , sur l'honorable savant dont il est question, et publiée dans les Mémoires dela Société d'Emulation de Rouen (année 1829), que je suis redevable de la plupart des renseignements sur les particularités de la vie de M. Marquis ayant son arrivée à Rouen. Lo (Gtz7 ) sa 17° année. Là, sous l'abri du toit paternel , il conti- nua de cultiver avec ardeur les belles-lettres et les arts, et de s'ouvrir la route qui devait le conduire au rang si distingué que l’avenir lui réservait parmi les savants et les gens du monde. Au bout de quelque temps, le désir de se créer un état le ramena dans Paris, pour s’y livrer à l'étude de la médecine ; mais son organisation délicate et son ex- trême sensibilité ne purent tenir contre les épreuves de cette science austère, qui dans les débris des morts étudie le salut des vivants. Après une longue , mais impuissante insistance, M. Marquis prit le parti de retourner dans sa patrie. Une chance favorable l'y réu- nit bientôt à M, Loiseleur des Longschamps, dont les travaux honorent aujourd’hui les sciences naturelles. L'intimité des deux amis , qui ne devait finir qu'avec la vie de notre confrère , s'accrut encore par la parité de leurs goûts. La botanique surtout devint le but spc- cial de leurs études, de leurs amusements même. A la culture des théories médicales, à laquelle il s'adonnait en même-temps, M. Marquis joignit une foule d’autres études. Non content de posséder à fond la langue de Virgile et d’Horace , il voulut encore se perfectionner dans celle d'Homère , et pouvoir conver- ser, sans interprète, avec le Dante, Milton et l’im- mortel auteur du chevalier de la Manche. L’extrème facilité de ses perceptions, la localité de sa mémoire , et surtout la jouissance qu’il recueillait de ses veilles , applanissaient sous ses pas les difficultés de la vaste carrière où l'avait engagé son honorable ambition. Ces précieux avantages durent être alors de puissants auxi- liaires pour la constitution frêle et délicate de notre confrère ; mais il ne pouvait toujours trouver , dans l'é- nergique vitalité de la jeunesse, le contre-poids des fatigues qui devaient un jour, hélas! en excédant ( 118) la somme de ses forces, devenir ‘fatale à son exis- tence. M. Marquis s’abandonnait avec délices à cette vie toute intellectuelle, lorsqu'en 1810, son honorable frère, et M. Loiseleur des Longschamps le pressèrent de tourner à l'avantage de la science et de l'humanité une branche importante de son savoir. Il s'agissait de remplacer M. Guersent , professeur de botanique à Rouen. M. Marquis, aussi modeste que savant , hésita long-temps à se charger de cet emploi où l’attendaient de si brillants succès ; et, lorsqu'on l'y eût enfin décidé , il se soumit aux conditions exigées pour occuper cette place, en passant, dans la science d'Esculape , de la candidature au doctorat. Ici, Messieurs , notre digne confrère se présente in- vesti de fonctions dans la gestion desquelles il ne m'est guère permis de le juger; d’ailleurs, dix-huit ans d'exercice dans le sein de nos murs vous ont mis à portée de connaître sa haute capacité comme pro- fesseur. Pour mon propre compte , il m'était plus facile d'apprécier en lui l'amateur passionné des arts et des ta- lents qui charment la vie ; il m'était plus facile encore de le chérir comme un de mes plus tendres et plus sincères amis. Pendant le cours de son mémorable professorat , M. Marquis se proposa constamment un but d’une haute importance , qu'il atteignit en partie : ce fut celui de dégager l'étude de l’histoire naturelle et de la bota- nique de son appareil rebutant et superflu. El ne savait que trop combien les rudiments de la plupart des scientes affaissent la mémoire et le courage des élèves sous le poids des principes surabondants dont ils sont surchargés. Ce fut donc sur la simplification des élé- ments qui formaient la base de son enseignement que M. Marquis concentra tous ses efforts. ({xxg) Admirateur du célèbre Linné, il tâchait toujours, dans ses descriptions botaniques, d’être précis comme lui , et de se rapprocher de l’admirable concision de cet illustre suédois. Par une méthode lumineuse , il réduisit en groupes resserTés ; faciles à disposer, sans danger de les confondre , les classifications innombrables , sans cesse croissantes, de familles végétales. Il sut, en les réduisant à leurs sinples caractères différentiels , en fa- ciliter prodigieusement la connaissance. IL méditait pour les genres une semblable réformation , extrème- ment désirée par tous ses disciples. [l est en quelque sorte inutile de dire que, dans ses leçons, il s’attachait également à présenter les renseignements les plus exacts sur l’histoire des plantes, sur leurs usages ‘domestiques et sur leurs propriétés médicales. La méthode naturelle de M. Marquis, plus facilement praticable que celle de Jussieu , n'exige pas, comme cette dernière , le secours des instruments d'optique ; et toujours elle est disposée avec un ordre admirable et une telle harmonie, qu’elle se grave dans la mémoire à la première vue. Telle fut, en peu de mots, la doctrine qu’adopta M. Marquis, et qu'il exposa dans le grand Diction- naire des sciences médicales, à l'article Methode. A fit presque toute la partie botanique de cet ouvrage , où la plus vaste érudition signale les nombreux articles sortis de sa plume. Il ne faut, pour juger combien il était sage et conséquent dans ses principes , que com- parer entr’elles ses publications scientifiques, parmi lesquelles surtout nous citerons ici son Esquisse du Règne végétal, et ses Fragments de Philosophie botanique. En zoologie, les vues de notre confrère n'étaient pas moins ingénieuses , et toujours il y essayait de soustraire la science à ces innovations sans nombre , ( 120 ) qui la menacent d'une subversion totale et peut-être prochaine (x). Comme savani naturaliste , M. Marquis , sans doute, en a fait assez pour sa gloire ; cependant , Messieurs , quand la mort le frappa dans la vigueur du talent et de l’âge, ilne se croyait point quitte encore envers la société, et notre affliction s’accroi en songeant qu'il n’a point assez vécu pour mettre au jour les précieux travaux qu'il avait conçus et préparés sur des plans beaucoup plus vastes, mais toujours analogues à ceux qu'il avait suivis jusqu'alors. Au reste, vous vous en souvenez, Messieur:, pen- dant la courte durée de son honorable carrière , jamais M. Marquis ne voulut échanger son utile et laborieuse indépendance contre les avantages que lui eût infailli- blement offert la pratique de la médecine clinique ; aussi l'amitié seule fut-elle assez puissante pour lat- tirer quelquefois auprès du lit d’un malade. Qu'il me soit, à ce propos, permis d’effleurer en passant des faits qui se retracent à mes souvenirs atten- dris. Ils me sont personnels, il est vrai, mais ils ré- vèlent, en revanche , le cœur de l'homme que nous aimions tous. Ah ! combien de fois, dans les langueurs accablantes auxquelles je me suis vu souvent en proie, cet ami compatissant , fatigué par l'étude, éprouvant le besoin des distractions et de l’hilarité , n'est-il pas venu relever —————_—_—__—_—_——_——— (1) Pour la rédaction de cette courte analyse de la Méthode de M. Marquis, j'ai invoqué à l'appui de mes propres souvenirs ceux de M. Pouchet, élève et successeur de notre digne confrère dans son professorat ; je m’empresse de lui renouveler ici mes remerci- ments pour les renseignements dont je suis redevable à 50 obligeance. ( tar ) mon courage, Ou, pour mieux dire, partager avec mot les fruits amers de la mélancolie. Au milieu d’une nuit froide et pluvieuse , ne l'ai-je pas vu, indisposé lui-même, abandonner rapidement son lit pour prodiguer ses soins à un de mes enfants malade ? Ah! si ce généreux dévouement n’a pas l'éclat des actions de ceux que le monde est convenu d'ap- peler des héros; si, comme tel, il paraît au-dessous des faveurs de la renommée , combien n’honore-t-il pas au moins son auteur et l'humanité ! M. Marquis resta donc placé toute sa vie entre les seuls exercices de son professorat et les travaux sérieux ou récréatifs dépendants de ses devoirs ou analogues à ses goûts. Il semblait avoir pris pour guide , dans la direction de ces derniers, ce précepte d’Armstrong, dans son poëme sur l'Art de conserver la santé ; production qu’aimait notre confrère, et dont il avait traduit quelques fragments : « Sachez badiner , même « avec l'étude et les livres, et passez, suivant votre « goût du moment , de la philosophie à la fable , de la « prose aux vers , des sévères préceptes d’Antonin aux « folies de Rabelais. » C'est en s’abandonnant de la sorte au cours de ses idées , que M. Marquis alternait sans cesse entre les travaux les plus graves et ces inspirations aimables, mères de la poésie et des arts. Avec les hautes qualités et les rares talents qu'on admirait en lui, il était impossible que ses paroles ne décelassent pas, ainsi que ses écrits, l'élévation et l'abondance de ses idées; cependant , tel que larcher qui vise attentivement au but qu'il veut atteindre, M. Marquis laissait quelquefois paraître une légère hésitation dans ses improvisations oratoires, dans ses conversations familières même ; mais il n'en parlait qu'avec plus de justesse et de grâces, et, dans sa 16 bouche éloquente , la clarté du sens, le choix de l'ex- pression, charmaient à-la-fois, et toujours , l'esprit et l'oreille de ses auditeurs. Formé sur les grands modèles de la littérature an- tique et moderne, doué d’un goût délicat et pur, M. Marquis ne pouvait rien admettre de trivial et de bas. Toujours fidèle au culte des Grâces , il cherchait avec passion le beau, non-seulement dans l’ordre mo- ral, mais encore dans les formes physiques et dans celles du style. Il croyait, avec raison, qu’une idée neuve , qu'une opinion judicieuse , qu'une pensée pro- fonde , dépouillées du coloris de la diction, perdaient sous la plume de lécrivain une partie de leur effet. Cette persuasion dut naturellement l’accoutumer au style séduisant ; qui répand dans ses écrits un intérêt toujours vif et soutenu , et des agréments même jusque sur les sujets les plus arides. Il ne suffit pas, Messieurs, d'admirer les succès de notre confrère dans les sciences , dans tous les genres de littérature, et dans la plupart des arts d'imitation. Personne , mieux que lui, ne fit, en raisonnant sur ces diverses opérations du génie , sentir leurs imperfec- tions ou leurs beautés, Dans ses jugements sur de sem- blables matières , il se montre constamment l'ennemi déclaré du pédantisme , du mauvais goût , de la viola- tion des principes, et des innovations hétéroclites ou monstrueuses. Toujours il disserte en législateur éclairé , sans avoir la prétention de l’être ; partout, à côté des préceptes du judicieux critique , il offre le modèle de l'écrivain gracieux, élégant et pur. Il ne s'était pas rendu moins propre à donner encore de bien plus hautes, de bien plus importantes leçons. L'étude du cœur humain, étude abstraite et presque toujours désolante , avait souvent exercé ses pensées. Car il voulut, en voguant sur le fleuve de la vie, connaître Gua3) aussi ses compagnons de voyage. Ceux-ci gagnèrent peu, sans doute , à ses observations attentives; cependant, chez notre estimable confrère, le profond moraliste ne cessa jamais d’être d'accord avec le philosophe ver- tueux , mais aimable et tolérant. Cette courte analyse des vastes connaissances de M. Marquis serait plus incomplète encore, si je ne vous faisais souvenir, Messieurs , que ses talents ne se bornèrent point à l'émission ou au perfectionnement d'idées plus où moins positives. En effet, le domaine de la fiction , domaine sans bornes et dans lequel tant d'auteurs aventuriers errent égarés , lui offrit une autre carrière , où , bien jeune encore , il prit un heureux essor Sa première production, purement idéale, fut son roman chevaleresque , Aide et Cloridan , où l'Epée de Charles-Martel. Malgré son mérite réel, cet agréable ouvrage peut difficilement être comparé à celui qu'on connaît beaucoup plus, sous le titre de Podalyre , ou le premier Age de la Médecine, Cette conception , éminem- ment remarquable et fortement poétique , ne parut, il est vrai, que plusieurs années après la première. Ce poème (car il serait difficile de le qualifier autre- ment), renferme le double mérite de joindre à l’ori- ginalité du sujet une élévation, une douceur de style qui rappellent souvent la sublimité du chantre d'Achille , et les pages harmonieuses du cygne de Cambray. Un incident singulier donne , en quelque manière , un nou- veau prix au mérite de ce gracieux ouvrage. En effet, l’auteur le composa au fond d’une campagne, sans autres auxiliaires que son imagination féconde et es souvenirs lumineux de ses études grecques. « N'employez , dit M. Armstrong (toujours traduit « par M. Marquis), n'employez votre esprit qu'à « d’utiles études, qu'à des arts agréables ; occupez-le , « mais ne le fatiguez pas, » Outre que ce précepte en- 16. (124) trait parfaitement dans les goûts de notre savant confrère , la délibité de ses organes lui en faisait une espèce de loi. Il éprouvait fréquemment , disait-il, le besoin de se délasser, et son délassement le plus ha- bituel était dans la variété de ses occupations. L'archéologie surtout , et les recherches sur les mo- numents antiques et sur ceux du moyen âge, avaient de puissants attraits pour lui. Les notices curieuses , fruits des loisirs qu'il consacrait à cette sorte d'étude, révéleront toujours l’antiquaire habile, le dessinateur exact. Après avoir, dans sa jeunesse , cultivé la musique, M. Marquis avait abandonné cet art, afin de se livrer plus librement à celui du dessin. Pour obtenir des succès dans ce dernier , il réunissait les deux éléments les plus nécessaires : le sentiment et le goût. Aussi ses productions en ce genre , outre la remarquable facilité du faire , sont-elles empreintes du cachet qui caracté- rise ses écrits. Naturellement ami des forêts et des champs , où l’appelaient souvent ses utiles et savantes excursions , il se plaisait principalement dans le genre du paysage. Ordinairement il animait ses sujets de scènes rêveuses et douces comme son ame ; mais presque toujours on .y découvre les traces de cette légère mé- lancolie , compagne inquiète de la faiblesse physique, des longues méditations , et des cœurs tendres. Tantôt ses dessins offrent un tombeau solitaire arrosé des larmes de l’amour ou de l'amitié. Tantôt la jeune fille, assise sous la verte feuillée , y paraît agitée par l'im- patience ou par les regrets. Ailleurs , de pieux ermites, courbés sous le poids des années, donnent aux sites de notre confrère un caractère plus solennel , en retra- çant les religieux rapports qu’établit la prière entre la terre et le ciel. M. Marquis se complaisait surtout dans ces dernières (hua2s) images. Îl souriait au souvenir de ces enfants du désert, qui flattait ses inclinations paisibles : Hæe trahit sua quemque voluptas ! Oui , cet excellent homme aimait la solitude ; elle aiguisait sa pensée ; elle agran- dissait son ame, Il se plaisait à méditer, dans le sein de la nature, sur cet ordre de choses au-dessus d'elle et hors d’elle ; ordre sublime , dont l’impénétrable se- cret échappe à nos faibles perceptions, et provoque nos doutes inquiets, mais dont pourtant une voix mys- térieuse semble nous révéler intérieurement l'existence. Il s’en fallait cependant que notre confrère se sentit né pour vivre dans une retraite absolue ; mais il ne rechercha le monde que pour y faire usage de son cœur , que pour y répandre les fruits de ses affections bienveillantes. Il lui devait d’ailleurs l'emploi de ses talents, l'exemple de ses vertus. Vous savez comment il a payé cette honorable dette. J'aurais voulu, Messieurs, pouvoir vous entretenir plus méthodiquement du savant distingué, mais en vain l’eussé-je entrepris, quand, malgré moi, mon cœur me ramenait sans cesse à l'homme de la nature. Oui, c'était plus sans doute à la prédilection de cette mère commune qu'à la brillante éducation qu'il avait reçue que M. Marquis devait son admirable caractère ; car , si l’homme acquiert l'esprit par l'étude , le cœur naît avec lui ; et c'était, à coup-sûr, de ce dernier seul qu'émanaient les vertus domestiques et sociales qui méritèrent à ce digne professeur l'amour de ses élèves , celui de ses nombreux amis, et le glorieux tribut de la vénération publique. On a dit d'un de nos plus illustres compatriotes, de Thomas Corneille , qu'il mourut sans s'être jamais fait un ennemi. Heureuse et trop rare destinée! Tel fut le partage de M. Marquis. Eh ! comment la haine eût-elle pu s'armer contre le meilleur et le plus doux ( 126 ) des hommes ? contre celui, dis-je, dont l'ame bienveil- lante et pure se refusait toujours à croire le mal, ou qui n’en voulait admettre la preuve que pour en cher- cher aussitôt le remède? Je me souviens d’avoir entendu dire , d’un ton ba- din il est vrai, que la position inoffensive dans la- quelle M. Marquis ne cessa de se maintenir, était peut-être une petite transaction avec son propre repos ; mais, quand cela serait, quel est l’homme vraiment sensé qui ne sacrifie , quand il le peut , à sa tranquillité, la triste gloire de froisser la vanité d’autrui ? Maïs notre confrère, Messieurs , était mu par de plus généreux principes , et vous le connûtes assez pour en être convain- cus avec moi. Oui, son amour de l’union , de l'ordre et des convenances sociales , fut la véritable source de l'esprit de conciliation qu'il mit constamment en œuvre dans le commerce de la vie ; qu’il mit en œuvre, dis- je, comme s’il eût oublié combien le langage de la raison est impuissant contre l’amour propre et les mi- sérables prétentions des hommes. Heureux si la plupart des savants eux-mêmes n’en étaient pas, peut-être , encore plus susceptibles que d’autres... ... Ici, Messieurs, je touche à l'instant où je vais, pour ainsi dire , adresser une seconde fois, à notre excellent, à notre honorable confrère, un éternel adieu. Bientôt va disparaître le savant illustre , le littérateur'distingué , l'ami des Muses et des arts. Le sage, l'homme de bien seul va rester , mais , hélas! pour s'étendre sur le lit de douleur et nous échapper dans la nuit de l'éternité! Les travaux de l'esprit, comme ceux du corps, fati- guent, consument , exténuent. Dans son cabinet, ou dans le mouvement de ses herborisations , M. Marquis faisait , depuis long-temps, lexpérience de cette double vérité. Avec une constitution aussi faible , aussi délicate que la sienne, la prolongation de son existence dépendait, À (-227 ) peut-être , d’un repos physique incompatible avec ses devoirs, et d’une inertie de pensée qui ne l'était pas moins avec l'étendue et l'activité de son intelligence. Quoi qu'il en soit , sa santé , depuis plusieurs années , éprouvait de fréquents échecs, qui semblaient prendre dans leurs retours irréguliers un caractère de plus en plus grave. Leur symptôme le plus ordinaire était d'intolérables épreintes dans la région de l'estomac , organe dont un vice occulte à probablement occasionné l'irréparable perte que nous déplorons. Outre que M. Marquis se confait difficilement à la foi des remèdes, il prit long-temps pour de simples douleurs nerveuses ce mal que probablement il eût dû sérieusement combattre dès ses premières atteintes. Enfin, ses forces déclinèrent au point qu'après s'être , quelques mois avant sa mort, démis de ses divers em- plois académiques , il se vit contraint encore de sus- pendre, avec douleur , ses études chéries et les exercices de son professorat, Son existence , depuis , ne fut plus qu'un enchaîne- ment continuel d’ennuis, de langueurs et d’angoisses. = ñ Vous vous plaignez de votre santé, me disait-il un « jour, que diriez-vous donc si vous étiez, comme « moi, réduit à ne plus pouvoir travailler. Je ne crains “ pas la mort, ajouta-t-il, je suis prêt à partir quand « Dieu m'appellera ; mais je vous l'avoue , je redoute « les longues souffrances : la nature m'a refusé la force « de les supporter avec résignation. » Oh ! combien il se trompait lui-même , celui qui, ne cessant de souflrir , et qui, conservant jusqu'au dernier soupir toute l'énergie de son ame, ne démentit pas un seul instant l'égalité d'humeur , le calme inaltérable, et l’admirable douceur qui le caractérisaient. À mesure que la mort s’emparait lentement de son être, la vie (128 ) semblait se réfugier et se retrancher dans son cœur. « Mes amis m'abandonnent » , répétait-il souvent , et cette plainte était la seule qu'il laissât échapper. Ah ! ses amis, sans doute, étaient loin de croire la Parque fatale si près de le frapper. J'étais loin de le penser moi-même. En accourant, un exemplaire gothique du poète Chaucer sous le bras, pour distraire l'intéres- sant malade : il désirait revoir un passage piquant du vieux trouvère anglais, qui souriait à sa mémoire ; déplorable surprise ! une femme en pleurs m'ouvre , et ne me salue que par ce cri terrible : Il se meurt!!.... Ordinairement , quand l’homme touche à sa dernière heure , la nature a déjà suspendu ses facultés qui vont achever de s’éteindre, Le mourant ne peut alors distin- guer, dans l'ombre qui l’environne , le sépulcre prêt à l'engloutir. M. Marquis , au contraire, l'œil fixé sur la vie, semble calculer la pénible durée de ses derniers moments. Il réfléchit, il médite encore, quand déjà son immobilité, l’effrayante lividité de ses traits, pro- clament le triomphe de la mort. À ces funestes ap- parences, une main imprudente veut étendre le voile funèbre sur sa face décolorée, « Un moment, dit-il « avec douceur, il n'est pas temps encore. » Cinq minutes après il cessait de vivre. Ce fat le 17 septembre 1828 , que les sciences éprou- vèrent cette irréparable perte. Nos annales particulières la signaleront comme une des plus fatales que l'Aca- démie ait jamais déplorées. Nous suspendimes alors l'expression de notre propre douleur pour partager celle de son inconsolable famille, Nous vimes , dans l'interversion de l’ordre de la nature, un père octo- génaire , une mère également courbée sous le poids des ans, redemander en vain au Ciel un fils, l’orgueil de leurs cheveux blancs. Nous vimes leur autre fils, digne ami de son digne frère, placé douloureusement entre (129 ) le devoir d’essuyer les larmes de ces vénérables vieil- lards, et le besoin d'épancher les siennes. Je n'ai pu, sans doute , Messieurs, payer en partie la dette que réclamait la mémoire de notre commun ami, sans susciter dans vos ames de douloureuses émotions. Mais long-temps encore vos réunions par- ticulières, vos assemblées solennelles éveilleront le souvenir de M. Marquis ; long-temps encore, vos yeux, trompés par une longue et douce habitude , le cher- cheront en vain dans cette enceinte ,-où l’on applaudit tant de fois à sa voix éloquente. Aujourd’hui ses manes silencieux attendent de moins frivoles , de plus religieux ‘hommages. Accordons-leur au moins une palme funé- raire ; que la tombe qui les recèle en soit humblement ombragée. Mais, que dis-je !..... où donc est-elle , et qui nous la désignera, cette tombe muette et délaissée , où cependant nos regards désolés plongèrent avec le cercueil? Ah! Messieurs, la sépulture d'un homme mémorable par de hautes vertus , par de rares talents, ne doit-elle consister que dans la misérable poignée de terre qu'on ne peut refuser à la dépouille du plus mé- prisable , du plus coupable même des mortels ? CATALOGUE ABRÉGÉ DES DIFFÉRENTS OUVRAGES DE M. MARQUIS. Sciences naturelles. 5. Histoire naturelle et médicale de la famille des Gentianes ; in-4, Paris, 1810. 2. Réflexions sur le Népenthès d'Homère ; in-80. Rouen, 1815. 3. Plan méthodique et raisonné d’un cours de Botanique spéciale et médicale ; in-80. Rouen, 1818. ) Cr 6 16. ( 130 ) . Observations sur l'influence nuisible qu'on attribue à l'épine- vinette sur les moissons. (Actes de l'Académie , 1818.) . Esquisse du Règne végétal, ou Tableau caractéristique des fa- milles de Plantes ; in-8°. Rouen , 1820. Fragments de Philosophie botanique, ou de la manière la plus convenable de voir et de travailler en Histoire naturelle , particulièrement en Botanique , et des moyens de rendre cette science plus simple et plus facile; in-8°. Rouen et Paris, 1820. . Plusieurs articles remarquables fournis au Dictionnaire des Sciences médicales. . Cousidérations sur quelques végétaux du dernier ordre, pour faire suite aux Fragments de Philosophie botanique ; in-8e. Rouen, 1826. Histoire inédite des Plantes de France (avec M. Loiseleur des Longschamps. ) - Nouveau voyage dans l'empire de Flore, (La première partie ). . Essai sur les Orchidées. ( Actes de l’Académie.) . Observations sur les Plaies de l'écorce des végétaux ligneux (Ibid. . Histoire naturelle et médicale des Aconits. (Z4/4.) . Exposé analytique des principaux Phénomènes de la végéta- tion. ( Z4:d.) . Dialogue sur l'art de guérir, entre Chiron et Podalyre. (Z4i4.) Mémoire relatif à l'Histoire naturelle en général , et à la Bota- nique en particulier. (Z474. ) < Liliérature. . Éloge de Linné ; in-8o. Rouen. . Notice nécrelogique sur M. Deu. ( Actes de l’Académie. ) - Articles nombreux insérés dans la Biographie médicale. . Alide et Cloridan, ou l'Épée de Charles-Martel, roman che— valeresque, publié en 1800. Podalyre, ou le premier Age de la médecine ; in-12, fig., 1815. 2. Réflexions sur le mot d'Horace : Ÿ7 piclora poesis; ou de l'application à la poésie des principes de la peinture; in-80. Rouen, 1821. Crair y 23. La petite Centaurée , ou la Vierge du chêne; idylle , 1819. 24. Considérations sur l’état actuel de quelques parties des Sciences, des Lettres et des Arts ; in-8°. Rouen, 1823. 25. Considérations sue l'École romantique, et particulièrement sur le caractère de ses productions ; in-80. Rouen, 1824, 26, Du Caractère distinctif de la Poésie; in-8°. Rouen, 1827. 27. De la Délicatesse dans les Arts , in-8°. Rouen, 1827. 28. Considérations sur l'Art d'écrire ; in-8°. Rouen, 1827. 29. Les Solanées, ou les Plantes vénéneuses; idylle. Rouen, 1523. 30. Le Hibou maître de chant, et les Rossignols du clocher; apologue. 31. Traduction de plusieurs fragments du Poëme anglais du docteur Armstrong, sur l’art de conserver sa santé. 32. Un grand nombre de Discours et de Rapports lus à l’Académie. Archéologie. 33. Deux Dissertations sur le Temple antique auquel on croit qu'a succédé l’église de St-Lo de Rouen; in-8°. Rouen, 1820. 34. Notice sur un Monument celtique inédit, in-8°, fig. Rouen, 1820. 35. Notice sur le Chêne-Chipelle d’Allouville-en-Caux; in-5° ; fig.. Rouen. ” 36. Notice sur quelques Antiquités observées à Dreux, in-8°, fig. Rouen , 182/. 37. Dissertation relative à la composition et au dessin des Me- dailles. 33. Plusieurs autres Opuscules, imprimés à part, ou insérés, ainsi qu'une partie des ouvrages dont les titres composent cetle liste , dans les mémoires de l’Académie, dans ceux de la Société d'Émulation, et autres Recueils scientifiques et litté- raires. (133 ) NAN AA AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA VOYAGE DU ROI EN ALSACE , LA VEILLÉE DU HAMEAU, Par M. Alexis Fossé. » Te, veniente die, te , decedente, canebat, « Heureux le vieux soldat qui peut , dans sa chaumière , Sans soins du lendemain , achever sa carrière ! Loin des camps orageux , il goûte enfin le prix Des trente ans de travaux qu'il avait entrepris; Et, libre désormais de ses jeunes pensées , Il sourit , en songeant aux fatigues passées , Sans craindre le -trépas , hélas ! peu glorieux, Qui l'attend sous le chaume où dormaient ses aïeux. Dès que l'ombre du soir descend dans la vallée, Ses enfants empressés courent à la veillée. La , bravant avec eux la rigueur des hivers, Il aime à raconter les maux qu’il a soufferts ; Et des guerriers frappés aux champs de la victoire Ses récits belliqueux honorent la mémoire. . En disant à ses fils nos magiques succès , Il nourrit dans leur cœur l’orgueil d’être français ; Et si le souvenir de nos longues disgrâces Aux entretiens du soir laisse encor quelques traces, (134) Pour chasser loin de lui ces pensers douloureux : Il regarde la paix qu'appelaient tant de VŒux ; Et , passant tout-à-coup de nos revers sublimes Au retour désiré de nos rois légitimes , Il efface à jamais des regrets superflus En ne montrant en eux que des français de plus. C'est ainsi qu'un des preux de cette grande armée Qui conquit tant d'états et tant de renommée ; Sous un toit ignoré de la faveur des cours = Dans un repos obscur passait ses derniers jours. Fier d’attacher son nom aux fastes de la guerre , Son fils , Jule, à sa voix, ceignit le cimeterre, Alors que nos guerriers , pour lui rendre ses lois , A l'Espagne éperdue imposaient leurs exploits. Mais, hélas! quand le Roi , les regards sur Athènes , Désigna les sauveurs de ces plages lointaines , Les projets séduisants qu’enfantait sa valeur Se sont évanouis comme un: rêve trompeur. La Grèce , en bénissant les drapeaux de la France, Ne le nommera point dans sa reconnaissance ; Et son glaive , exilé des murs du Parthénon 5 Sur leurs nobles débris winscrira point son nom. Poursuivi nuit et jour de cette seule image , Il pleurait les lauriers ravis à son courage, Lorsqu'un bruit , que le Rhin écoute avec transports , Annonce que le Roi vient visiter ses bords. Des rives de la Marne aux champs de la Moselle , Tout à repris soudain une face nouvelle. Le peuple des cités | jaloux de ses travaux , Décore ses remparts de portiques nouveaux; Cab!) Elève avec orgucil d’élégantes colonnes ; De festons somptueux , de drapeaux , de couronnes » Emblêmes révérés de l'empire des lys , Sème de toutes parts ses chemins embellis : Tandis que du hameau les habitants agrestes De verdure et de fleurs couvrent leurs toits modestes ; Trop heureux mille fois si leurs soins empressés Au village voisin ne sont point surpassés ; Et si le Roi , surtout , d'un regard d'indulgence Honore les tributs de leur reconnaissance ! Spectateur assidu de ces brillants apprèts , Jule au fond de son cœur ne sent plus de regrets. Si de nombreux exploits manquent à ses services ; Si son front est privé de nobles cicatrices ; Et s'il ne peut, un jour , à son humble foyer , Pour prix de sa valeur , rapporter un laurier : À défaut de combats el de chants de victoire, De plus doux souvenirs riront à sa mémoire ; Et les récits touchants de la bonté du Roi Du moins à la veillée épargneront l’effroi. Le Prince , cependant , loin des bords où la Seine Roule entre des palais son onde souveraine , D'un voyage embelli par des fètes d’amour , A vu trop vite, hélas! briller le dernier jour. Partout , dans les cités, aux champs comme au village , Le peuple , à flots pressés , vole sur son passage ; Partout les vœux bruyants de la fidélité Lui disent un amour qu'il a tant mérité Alors que cette France , où grondaient tant d'orages, À sa voix paternelle onblia ses naufrages. Mais des soins plus pressants ont arrèté ses yeux, Et l'Alsace attristée a reçu ses adieux. ( 136 ) Déjà régnaient les jours où l’Automne accablée Soulève avec effort sa tête dépouillée. Le rapide Aquilon , en tourmentant les airs, Sur son aile de neige apportait les hivers; Et , loin des camps muets où le eri des trompettes Ne se confondait plus à l'appel des vedettes, Le semestre inactif à nos jeunes guerriers De leur chaumière absente indiquait les foyers , Jusqu'à l'heure où ; paré de sa robe éclatante , Le Printemps les retrouve assemblés sous la tente. Vers le toit paternel que demandent ses vœux , Jules, avec transport, s'est élancé comme eux ; Et déjà , dans le fond de l’obscure vallée , Ses yeux ont deviné la chaumière isolée Où, près de son vieux père, il eût vu le bonheur Si la gloire jamais n’eût enflammé son cœur. Son retour du village a comblé l'espérance. On s’empresse , on demande avec impatience Ces fêtes où le Roi recevait chaque jour Des hommages touchants de respect et d'amour ; Et lui, pour satisfaire aux vœux de la veillée, Rassemble à ces récits la foule émerveillée : | « Oui , j'ai suivi le Roi sur ces bords orageux « Où , fières de lever un front toujours neigeux , « Les Vosges en grondant enfantent la Moselle. « Je l'ai vu dans les champs de ce peuple fidèle « D'où, grossi des tributs de vingt fleuves divers , « Le Rhin court s'engloutir dans l’abime des mers. « Je l'ai vu , mille fois , sous des arcsde feuillage à « Sourire aux doux efforts des pâtres du village , « Qui , des grandes cités rivaux ambitieux , « Cherchaient à lui prouver à qui l'aimait le mieux. a à à x # À 2 2 « (137) Je l'ai vu , dans le sein des cités opulentes , Prodiguer à l’envi ces paroles touchantes, Ces mots affectueux où le cœur attendri Retrouve avec ivresse un des fils de Henri. Je l'ai vu , tous les jours, aux pieds du sanctuaire , Humilier son front courbé par la prière , Et pour tous ses sujets demander au Seigneur La paix et l'union, la gloire et le honheur. Je dirai les transports qu’enfantait sa présence, Les vœux , les cris du peuple et sa reconnaissance. Mais c’est à votre cœur , qui parlera pour moi , À juger de l'amour que nous devons au Roi. À peine a-t-il franchi les portes de Lutèce Qu'’éclatent sur ses pas mille cris d’allégresse. Jaloux , et dans l'espoir de contempler ses traits, Les laboureurs au loin ont quitté leurs guérets ; Et , mêlés aux bergers de l’heureuse vallée, Ils dressent , dans les champs , des tentes de feuillée , Où les cris du hautbois , les sons du tambourin , D'une chanson rustique appellent le refrain. Le front paré de fleurs , de timides bergères Entrelacent leurs pas dans des danses légères ; Tandis que les vieillards, pour un autre Henri, Des couplets du bon Roi répètent l'air chéri. Cependant le soleil , déjà loin de ces plages, Cachait son front chargé d’un bandeau de nuages , Et d’un dernier regard il embrasait les cieux , Quand les remparts de Meaux s’offrirent à nos yeux. Au seuil de la cité, des parvis de verdure S'élevaient, orgueilleux de leur simple parure ; Et, sous des tuits de fleurs , des drapeaux éclatants À la brise du soir livraient leurs plis flottants. (138) « Soudain le canon gronde, et la cloche ébranlée « Du bonbeur de la ville avertit la vallée. « Les magistrats émus, pour lui dire ses vœux, « N'ont qu’à montrer au Roi ce peuple affectueux « Dont les élans d'ivresse et de reconnaissance « Ont trouvé pour toujours tant d’échos dans la France. « Guerriers et citoyens, pontifes , magistrats , « Tous , pour bénir son nom , se pressent sur ses pas; « Et, soit que , de nos arts explorant les merveilles , « Il accorde un sourire aux fruits de tant de veilles , « Soit que , des laboureurs consultant les besoins , « Jusque sur leur chaumière il étende ses soins ; « Ou qu'aux pieds des autels sa pieuse constance « Demande chaque jour le bonheur de la France : « Partout des cris d'amour , élancés vers le ciel , A Portent les vœux du peuple aux pieds de l'Éternel. « Enfin la nuit s'écoule; et, dans les airs moins sombres , « Les feux naissants du jour éclaircissent les ombres. « De rapides coursiers précipitent son char ; « Mais, pour le retenir , pour briguer un regard , « Les pâtres attentifs , au seuil de leurs villages , « Ont couvert les chemins de festons , de feuillages ; « Tant leur reconnaissance à besoin d’exprimer « Que le cœur des français n’a cessé de l'aimer ! « C'est ainsi qu'Épernai , Toul, Nancy, Lunéville , « Et Colmar , et Saverne, et cette antique ville « Qui de Francus, dit-on, reçut avec fierté « Un nom que trois mille ans le temps a respecté , « Rivales pour montrer leur profonde allégresse , « De leur fidélité feront parler l'ivresse , Quand le Roi, dans leur sein , daignera tour-à-tour « Recueillir leur hommage et leurs tributs d'amour. 2 =  = À À = 2 A À C139) Aux forêts du vallon empruntant sa parure , Chälons n’offrait partout qu’un berceau de verdure, Où de nombreux drapeaux , sous des voûtes de fleurs , Dans les airs embaumés mariaient leurs couleurs. Là , par les mêmes cris notre amour se déploie. Attaché sur ses pas , le peuple , ivre de joie, Poursuit de vœux touchants ce Roi dont les bienfaits Ont soumis pour toujours le cœur de ses sujets ; Qui, quand des jours de deuil s’étendaient sur la France , D'un meilleur avenir ralluma l'espérance ; Et qui , fort de l'appui d’un pacte respecté , Allie enfin le trône avec la liberté. Il admire long-temps l’école où l’industrie De modestes travaux enrichit la patrie. Là , les métaux , domptés par de puissants efforts, Se courbent avec grâce en flexibles ressorts ; Ici, le bois qui cède à des haches pesantes , Revêt d'un char léger les formes élégantes ; Plus loin, enun brasier , l'airain coule enflammé, ? Et des traits les plus chers reparait animé. Honneur à Liancourt, qui, par sa bienfaisance , À conquis, dans ces murs, tant de reconnaissance ! Athènes sur son front n’eùt rien vu de mortel, Et près de Triptolème eût dressé son autel. Le Roi s’arrache enfin à ces nobles hommages ; Et , loin dela Champagne , il atteint les rivages Où Verdun , à l'abri de ses dormantes eaux, Peut long-temps de la guerre ignorer les fléaux. Là , soit que le soleil ait dissipé les ombres, Soit que l’astre des nuits , couvert de voiles sombres , Dérobe à la cité son cours silencieux , Et s’avance inconnu sur la voûte des cieux , 18, Cr4o ) « Le nom chéri du Roi, qu'implore un peuple immense , « Jusque dans les prisons réveille l'espérance , « Et du fond des cachots , échappé dans les airs , « Des mains de l'infortune a fait tomber les fers. « Cependant les vallons qu'arrose la Moselle S'animent des transports de ce peuple fidèle « Dont le sol belliqueux enfante les soldats, « Les moissons, et le fer dont s’armerait leur bras , A Si, poussé dans leurs champs par sa folle arrogance , « Un autre Charles-Quint défait leur vaillance. « Sous un ciel dégagé de nuages brumeux , « Metz nous ouvre à son tour ses remparts orgueilleux , « Qui protègent au loin de fertiles rivages , « Et jamais d’un vainqueur n’ont subi les outrages. « Son fils. Mais quel spectacle a frappé ses regards ? « Dans un camp que les flots ceignent de toules parts , « S'élèvent devant lui de superbes portiques , « Où du Trocadéro les palmes ibériques « S'unissent aux lauriers que les vaisseaux français « Aux mers de Navarin ont conquis pour la paix. « Tout-à-coup le canon, dans la plaine enflanmée , « Mugit, en vomissant des torrents de fumée. « Le boulet , échappé de sa bouche de fer , « Snit le chemin que l'œil lui commande dans l'air ; « Et brise, plus terrible et plus prompt que la foudre , « Le but inoffensif qu’il a réduit en poudre. « Jci des bataillons , par des feux redoublés , « Réveillent l'ennemi dans ses forts crénelés ; « À pas précipités s’élancent dans la plaine , x Et fixent un instant la victoire incertaine. Ê] a A 2 « 2 A Cr4r ) Mais, loin des bastions qu'ils avaient menacés, Sous des feux plus puissants , ils s’éloignent chassés. En vain pour résister ils s’arment de courage ; Vaincus , leur désespoir feint une aveugle rage. Le salpêtre , enfermé dans un gouffre brûlant , Déchire avec fracas le sol étincelant ; Mais la foudre rivale, à son tour allumée , Parmi des tourbillons de flamme et de fumée, Dans les airs obseurcis , jette au loin dispersés De leurs murs de gazons les débris renversés, Du pied de ces remparts qui s'entouraient naguère Du prestige qu'enfante un siége imaginaire , S’éloignent tout-à-coup de fragiles vaisseaux Que la rame empressée emporte sur les eaux ; Et qui , fixés enfin sur les vagues profondes, Réunissent les bords que séparaient les ondes. Sur ce chemin douteux le Roi s’est avancé. Mais de quelle terreur notre sang s’est glacé Quand , sous ses pieds, le pont s’affaisse , se balance ! Nous écoutons ses pas dans un morne silence... Mais bientôt tous les cœurs ont déposé l'effroi ; Et des cris de bonheur ont salué le Roi Qui, tranquille et serein sur le lointain rivage, De notre amour pour lui reçoit ce nouveau gage. Enfin il a gravi ces rochers sourcilleux D'où s’élançaient jadis deux peuples belliqueux, Qui, dans leurs champs rivaux disputant de furie , Le cimeterre en main déchiraient la patrie. Abjurant leur querelle et leurs sanglants exploits , Ils ont soumis leur front au sceptre de nos rois; Et, jaloux de subir sa noble dépendance , Ne forment plus de vœu qui ne soit pour la France. Cr42) « L'Alsace alors étale à nos regards surpris « Ces riantes cités, ces villages fleuris ; « Où des fils d'Israël les tribus fugitives « Ont d’un autre Jourdain trouvé les douces rives ; « Et, des murs de Sion exilant leurs regrets , « Goûté dans nos foyers les douceurs de la paix. « Sur des chars gracieux , dans leurs habits de fête - « Et brillantes des fleurs qui couronnent leur tête . « Les filles du vallon, des cités, des hameaux, « Volent , et dans les airs , agitent des drapeaux : « Tandis que leurs époux , leurs amants ou leurs frères : « Parés de ses couleurs et d’écharpes légères , «“ Aux cris de la trompette et des clairons guerriers , « Précipitent le vol de leurs nobles coursiers, « Des rives de la Sort jusqu'aux plaines fécondes « Où l'Il révèle au loin la source de ses ondes , « Ce cortège empressé volera sur ses pas , « Pour lui montrer ces monts qui , chargés de frimas , « Abandonnent le Rhin sur les bords de l'Alsace , « Et cachent dans les airs leur couronne de glace. « Dès qu'aux champs de Saverne il a jeté les yeux , « L'ombre épaisse des nuits, qui recouvrait les cieux , « Resplendit tout-a-coup des torrents de lumière « Dont se revêt au loin l'Alsace tout entière. « À cet heureux signal , Strasbourg a tressailli ; « Et le Roi, dans ses murs par l'amour accueilli , « Voit enfin que ce peuple et soumis et fidèle « Du plus pur dévouement peut offrir le modèle. « Ses sujets empressés ont seuls , jusqu’à ce jour , & Fait parler à ses pieds leurs vœux et leur amour. Es 2 A C143) Ici, pour le fêter désertant leurs provinces , Accoürent avec nous une foule de princes Qui des bords du Neker viennent de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards ; Et puiser à la fois, dans l'exemple qu’il donne, La grâce et les vertus qui parent la couronne. Dans la plaine enflammée , il revoit ses soldats Que naguère son fils conduisait aux combats , Quand des monts de Pyrène aux limites d’Alcide La victoire avec eux marcha d’un pas rapide. Là , sur le fleuve immense, il voit d’autres vaisseaux Construire des chemins qui flottent sur les eaux, Et de nos bataillons les colonnes profondes , A pas précipités , s’avancer sur les ondes , Comme si des combats le signal destructeur Aux bords du Tanaïs appelait leur valeur. Ici, l’airain brûlant s'échappe en flots liquides, Pour reparaitre armé des bouches homicides Qui vomissent au loin la mort et la terreur , Et du tonnerre en feu nous prêtent la fureur. Plus loin s'offre à ses yeux la chapelle éplorée Où repose à jamais la dépouille sacrée Du preux dont Fontenoi vit les derniers hauts faits ; Et veuve cependant des cendres du français (1) Qui, confiant au bois la parole tracée, Sur un papier muet la retrouva fixée, EL, nouveau Prométhée , alluma de ses mains Le flambeau dont la presse éclaire les humains. Enfin s'ouvre à sa voix le solitaire asile Où la faible vicillesse et l'enfance débile , (1) Guttemberg. (144) Près du lit où souvent gémissent leurs douleurs , Ê] £ Trouvent la charité pour essuyer leurs pleurs. « Lentement consumés d’une atteinte homicide, « Là, quelques malheureux , au teint pâle etlivide , « Poussaient avec effort des soupirs oppressés « Que semblaient refuser leurs poumons embrasés. « En vain des magistrats la foule consternée 2 Lui montre de ces maux la trace empoisonnée ; Rien n'arrête le Prince ; il vole, sans frayeur , 2 Leur donner un espoir qui n'est plus dans son cœur ; A Et, pour prix du bienfait qui s'attache à sa vue , # Les mourants , animés d'une force imprévue , « Sur un bras défaillant se soulèvent encor, « Et tombent satisfaits sur leur couche de mort. « Colmar avait reçu sa visite chérie. « Fière de ses travaux et de son industrie , « Mulhausen, dans ses murs , appelle ses regards « Sur les produits nouveaux qu'ont enfantés nos arts. « De bonheur et de joie agiles messagères ; « S’éloignent devant nous des colombes légères , A Qui, remontant de VII les bords industrieux ;, Se perdent tour-à-tour dans la voûte des cieux ;, « Volent ; et, dans les champs témoins de leur passage, « D'une auguste faveur laissent l'heureux présage. « Sur le sommet des tours qui parent la cité, = Leur prophétique essor soudain s’est arrêté ; « Et Mulhausen ravie avec grâce déploie « Ses pavillons de gaze et ses tentes de soie. « Sur les bords animés de ces larges canaux ; « Que la main des mortels a dotés de leurs eaux; (145 ) « S'élève le palais où l’active industrie °« Des merveilles de l’art enrichit la patrie. « La, se trouvent épars ces voiles , ces tissus, « Que la France impuissante enviait à l’Indus « Avant que , dans l’airain la vapeur enfermée « Prètât à nos métiers sa force comprimée. « Là, de neigeux duvets , transformés en réseaux, « S’échappent lentement des flancs de ces rouleaux « Qui, chargés avec soin de couleurs étrangères , « Déposent en glissant leurs nuances légères. « Là , les tissus vieillis et long-temps rebutés « Des vêtements de lin qne le pauvre a portés , « Du pilon obstiné subissent les injures , « EL, dépouillés bientôt de leurs formes impures , « Sous un aspect nouveau renaissent à nos yeax, « Pour se parer enfin des dessins onctueux « Que la main d’Aloys (1) confia la première « Au marbre obéissant des monts de la Bavière. « Aujourd'hui que nos arts, désormais sans rivaux , « Des peuples de l'Asie ont vaincu les travaux, « Ces tissus voyageurs , dans les champs du Tropique , « Vogueraient de l'Oxns aux mers de l'Atlantique , « Sile commerce , enfin ouvrant ses ailes d’or, « Vers ces lointains climats dirigeait son essor. So Mais hélas ! d’autres soins commandent sa souffrance : « L'Amérique est fermée aux vaisseaux de la France; « Et le Prince en secret gémit d’une rigueur « Que les destins encore imposent à son cœur. Lunéville , à son tour, l'appelait à ces fêtes = Ou nos jeunes guerriers préludent aux conquêtes (1) Aloÿs Senefelder, 19 C146) « Que la France avec eux pourrait un jour tenter « Si jamais quelques rois osaient nous insulter , « On si, pour son bonheur, il lui fallait encore « Retrouver les chemins des mers où naît l'aurore. « Le tonnerre, en grondant sur la voûte des airs , « N’embrasait plus la nuit du feu de ses éclairs ; « Et, loin des flancs épais de ces pesants nuages « Que poussait sur son front le souflle des orages , « Le soleil, en montrant son disque radieux , « Ramenaïit la journée où le bronze pieux Appelle les chrétiens aux pieds du sanctuaire ; Pour célébrer du ciel la fête hebdomodaire. À L'autel du sacrifice avait reçu nos vœux. S - : , sea | Soudain , mille coursiers au vol impétueux = 2 S’élancent à la fois dans la lice guerrière , à: En jetant dans les airs des torrents de poussière. « Je ne vous dirai point ces brillants escadrons « Qui dévoraient l'espace à la voix des clairons ; « Ces housards , ces chasseurs » Ces dragons intrépides , « De dangers et de gloire également avides , | « Qui, pleins du souvenir de leurs derniers exploits, < À l'univers soumis pourraient dicter nos lois. « Je ne vous dirai point qu'aux bords de la Moselle «€ Il retrouva partout une fête nouvelle - « Et que, depuis l'instant qui voit naître le jour © Jusqu'à l'heure où la nuit annonce son retour : = (147 ) « La joie et le bonheur, l'ivresse et l'espérance , « Du plus aimé des Rois révélaient la présence. « Enfin il a quitté les bocages chéris « Où serpente la Seine en fuyant vers Paris ; « Et, plein du souvenir de ces brillantes fêtes , « De l'amour de son peuple éclatants interprètes , « Il rentre dans Lutèce , à la fois satisfait « Du bonheur de la France et du bien qu'il a fait, » Jules avait parlé : les pâtres du village Du Prince en même temps ont regardé l’image Qu’au retour des combats jadis le vieux guerrier Apporta de la Loire à son humble foyer. On l’interroge encor ; on le presse de dire Si, dans ces traits chéris où la bonté respire , Le fidèle burin a rendu tour-à-tour La grâce et les vertus qui commandent l'amour , La majesté du trône unie à la clémence , Et surtout la douceur qui prescrit l’indulgence, & Oui, dit Jule ; et bientôt vous pourrez comme moi « Lire dans ses regards votre amour pour le Roi. « Quand l'or de vos moissons flottera dans la plaine, « Vous le verrez vous-même aux rives de la Seine ; « Et vous saurez alors , en contemplant ses traits, « Qu'il suffit de le voir pour l'aimer à jamais. » Telle était des Normands l'espérance chérie. « Il viendra, disaient-ils, aux champs de la Neustrie ; 19: (148 ) « Et, de notre bonheur témoin affectueux , « Il recevra partout l'hommage de nos vœux. » Mais hélas! ces désirs , que nous formions naguères , Laisseraient, en fuyant, des douleurs trop amères , Si la fille des Rois , en venant parmi nous, Neût fait naître l'espoir d’un bonheur aussi doux. Ella entendra nos cris , nos transports d’allégresse ; Et quand , auprès de Charles, aux remparts de Lutèce , Le temps aura marqué l'heure de son retour , Tuérèse lui dira jusqu'où va notre amour. (Avril 1829.) ( 149 ) AAA AAA AAA AAA AAA RAA AAA LA MORT DE L'IMPIE, Ob; > 2 Par M. Pre Dumesniz. L'imrre , affamé de richesses, De crédit, d’honneurs, de pouvoir, À vu le sort, par ses largesses, Surpasser même son espoir: Il a su, par un art perfide, Grossir sa fortune rapide Des dépouilles de l’orphelin ; Et, d'apparences légitimes Voilant ses plus énormes crimes, Des grandeurs s'ouvrir le chemin. Lui-même en son faste il s'adore. 1vre d'impures voluptés, Il se promet long-temps encore De nouvelles prospérités. L'insolent bonheur qu'il éule, Trouble d’un horrible scandale Les témoins de ses attentats : Voyant sa gloire et sa puissance, Ils dontent que la Providence Règle les choses d'ici-bas. Hommes sans foi, d’un doute impie Abjurez les troubles secrets, (250 ) Et de la sagesse infinie, Tremblants, adorez les décrets : Si Dieu, clément dans sa justice , Souvent diffère le supplice, C’est qu'il attend le repentir ; Et sur cet obstiné coupable Le châtiment inévitable Viendra bientôt s’appesantir. Au milieu de ses pompes vaines , Frappé &’une invisible main, Il sent dans ses brülantes veines Circuler un mortel venin, Lui dont chaque jour la mollesse Buvait la coupe enchanteresse Que les plaisirs ornaient de fleurs, En proie au mal qui le consume, Il tombe, abreuvé d’amertume, Et git sur un lit de douleurs. Bientôt s'éteint son espérance ; Il va vous perdre pour jamais, Voluptés, grandeurs, opulence , Qu'il paya de tant de forfaits. Sa conscience se réveille, Et du remords à son oreille Retentit la terrible voix, Que sa perversité profonde, Dans le bruyant fracas du monde Savait étouffer autrefois. Quel délire sombre et farouche Tourmente ses sens agités ! Autour de sa funèbre couche , A ses regards épouvantés Droro Paraissent les spectres livides Des vierges simples et timides Qu'abusèrent ses faux serments, Et qui, par ses fourbes séduites, A l'opprobre, au malheur réduites, Ont expiré dans leur printemps. Tremblant , à l'aspect de ses crimes, Loin d’un spectacle si hideux Il voudrait fuir; d’autres victimes Soudain s'offrent devant ses yeux ; C’est l’orphelin, en son enfance, Par lui dépouillé sans défense ; Ce sont ses rivaux de grandeur, Dont sa haine et sa noire envie Ont, par l’atroce calomnie, Détruit la fortune et l'honneur. Lorsque de ces affreux nuages Sa raison sort pour quelque temps, De plus effroyables images Viennent redoubler ses tourments : À son ame, aux doutes en proie, Tour-à-tour sa terreur déploie Le néant, gouffre redouté, Qui contre le souverain Juge Lui promet à peine un refuge , Et l'implacable éternité. Tu peux te la rendre propice, Pécheur ; ton sort est dans tes mains, Tant que la céleste justice Suspend ses foudres incertains. Crois au Seigneur ; d'un cœur sincère Déteste tes crimes ; espère ; Ca52 Aime un Dieu qui veut te sauver ; Et de tes plus noires souillures, Ainsi que des torrents d’eaux pures, Sa grâce viendra te laver. Dieu daigne encore à ta détresse Offrir des soins consolateurs : Tandis qu'ingrats avec bassesse , Tes faux amis, lâches flatteurs, Te délaissent aux mercenaires Qui , pour de coupables salaires, T’ont secondé dans tes forfaits ; Je vois l’envoyé charitable De la clémence inépuisable Heurter au seuil de ton palais. Le pervers, en sa rage extrême, Repousse le divin secours ; Sa bouche vomit le blasphème.... Bientôt il se tait pour toujours : Le sang vers son cœur $e relire, Ses yeux s'éteignent, il expire Dans sa brutale impiété; Et son Dieu, qui pour lui naguère Avait les entrailles d'un père, N'est plus qu'un monarque irrité. Pour aller subir la sentence Du grand arbitre de son sort, Son ame, dans l’espace immense N'a point à prendre un long essor : Du corps dès qu’elle se dégage, Dieu, comme une mer sans rivage, L’environne de toutes parts; Et, dans un seul trait de lumière, ù (55) Des crimes de sa vie entière Offre la suite à ses regards. Que peut une langue mortelle, Pour dire l’affreuse stupeur Qu’éprouve cette ame rebelle, En présence du Dieu vengeur ? L'Enfer même et ses feux horribles Lui semblent alors moins terribles Que l'aspect du courroux divin, Bientôt, comme un coup de tonnerre, Gronde l'arrêt juste et sévère : « Va, maudit, aux tourments sans fin. » 20 TABLEAU DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 182Q—1830. 20, SIGNES POUR LES DÉCORATIONS % Ordre de S'aint-Wichel. % Ordre royal et militaire de S'aint-Lours. % Ordre royal de la Légion d'honneur. % Ordre de l’Eperon d’or de Rome. 0. signifie Offcer. | €. — Commandeur. CG. — Grand-Offcier. G,C. — Grand-Croïx. TABLEAU DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1829—1830. OFFICIERS EN EXERCICE. M. le Comte de Murar (C. XK), Président. M. Hovez, Vice-Président. M. Levy, Secrétaire perpétuel pour la Classe des Sciences. M. Bicxon (N.), S'ecrélaire perpétuel pour la Classe deï Pelles- Lettres et des Arts. M. Dupuc l’ainé, Bbliothécaïre-Archiviste. M. Luprevosr , vétérinaire, Trésorier. ACADÉMICIENS VÉTÉRANS, MM. ANNEDS ANNFES , à de d'admis- récep- sion à la tion. Vétéran- 1803. Le Comte Beucxor ( G. C. *#), Ministre d'état , 1806. ancien Préfet du département de la Seine-Inférieure , président du Bureau de Commerce et des Colonies, à Paris, re Neuve-du-Luxembourg , n° 3x. 1:62, D'Onxay (Jean-François-Gabriel) , doyen des Acadé- 1807. miciens, membre de PAcadémie de Lyon, de celles des Arcades de Rome et des Georgifiles de Florence, à St-Martin-de-Bocherville. 181x Le Baron Assezin DE VicLequiER ( O. K), premier 1819. Président dela Cour royale, membre de la Chambre des Députés , rve de la Seille, n° xo. 1803. Virauis 2, ancien Secrétaire perpétuel de l'Académie 1822, pour la classe des sciences; Docteur ès sciences de l'Université; Professeur émérite des sciences phy- 1815. 1808. 1824, 1828. 1803. 1804. 1805. (158 ) siques au Collége royal de Rouen ; ancien Professeur de chimie appliquée aux arts; membre de plusieurs Académies et Sociétés savantes, Curé de Saint- Eustache , à Paris. Brière 2% , Conseiller à la Cour de cassation à Paris, rze de Bondy , n° 44. Le Baron LEZURIER DE LA MarrTez ( O. K), 1823 "LP ancien Maire de Rouen, à Hautot. . Descamps ( Jean-Baptiste), Conservateur du Musée 182/. de Rouen, membre de lAcadémie des Arcades de Rome, 7ze Beauvoisine, n° 31. »3. Pavre (Benjamin), Manufact., Trésorier honoraire, 1827. Jaubourg St-Hilaïre, n° 55. RisarD (Prosper) 2%, ancien Maire de Rouen, 1828. rue de la Vicomté, n° 34. ACADEÉMICIENS HONORAIRES , MM. S. À. S. Mgr le Cardinal Prince n£ CROY , grand Aumônier et Pair de France, Commandeur de l’ordre du St-Esprit, Archevêque de Rouen, etc., ez sor Palais archiépiscopal. Le Comte DE Murar ( C. K), Conseiller d'état, Mem- bre de la Chambre des Députés , Préfet de la Seine-Infé- rieure , ez l'hôtel de la Préfecture. ACADEMICIENS RÉSIDANTS , MM. Viëxë (Jean-Baptiste), D.-M , correspondant de la So- ciété de médecine de Paris, 7ze de La S'erlle, n° 4. Leverrrer, Inspecteur de l'Académie universitaire, 7ze de S'otteville, n° 7, faubourg St-S ever. Goprrroy , D.-M., re des Champs-Maïllets, no 11. Brexox ( N.), Docteur ès-lettres, Professeur émérite de rhétorique au Collége royal de Rouen et à la faculté des lettres , offic. de l'Université de France, re S'érnécaux , n° 55. Le Baron Cnapars DE Marivaux K, Conseiller à la Cour royale, rze St-Jacques, n° 10. 1805. 1808. 1809. 1815. 1816. 1817. 1818. 1819. 1820. (159) PerrAux ( Pierre), ancien Imprimeur du Roi, membre de l'Académie de Caen, et des Sociétés d’agricalture et de commerce de Rouen et de Caen, 207. Peauvoïsine, n°0 4. MEAUME ( Jean-Jacques-Germain), Professeur de mathéma- tiques spéciales au Collége royal, 7e Porsson , n° 5x. Duguc l’ainé, Chimiste, ancien Pharmacien à Rouen, mem-— bre du Jari médical du département de ja Seine-Inférieure, de la Société centrale d'agriculture de même département , correspondant de l’Académie royale de médecine de Paris, etc., etc., 7ve Percière, n° 20. Dorurez ( Pierre), rue du Duc de Bordeaux, n° 12. Le Prévost (Auguste), de la Société des antiquaires de Londres; de la Société royale des antiquaires de France ; des Sociétés d'agriculture de Rouen, Caen, Evreux et Bernay ; de la Commission des antiquités de la Seine- Inférieure , rze de Buffon, n° a. Licquet ( Théodore), Bibliothécaire, à /'Hôtel-de-Ville. FcaugerT, Docteur-Médecin, Chirurgien en chef de l'Hô— tel-Dieu , rze de Lecaf, n° 5. | Lerrevost , Vétérinaire, re S-Laurenf, n° 3. Levreux, Commissaire du Roi près la Monnaie de Rouen , à d'Hôtel des Monnaïres. Le Baron Abam #, Président du Tribunal de première instance , place St-Ouen , n° 23. Durouzeau # X, Conseiller à la Cour royale, place S1- Eloi , n 6. Leprevosr , Docteur-Médecin, 71e Malpalu, n° x1v2. Lerrcceuz pes Guerrors X , rue de Florence, n° 1. Rrancne , D.-M., rue Bourgerue , vis-à-vis l'Hospice général. Taiz , Avocat, membre de la Chambre des Députés, rue Dinanderie , n° 15. DesriGny , Horloger, place de la Cathédrale. Hecurs fils, D.-M. , Médecin en chef de l’'Hôtel-Dieu, p/ace de la Madeleine. 1820. 1822. 1823. E/4 1824. ( 160 ) Le Comte ve Rivaun La RarFinièrE (C. X)(G OX), Lieutenant-Général commandant la 15e division militaire , rue du Moulinet , n° 5. Le Marquis ne Marramvize 2, Gentilhomme de la chambre du Roi, Maire de Rouen, ze dx Moulinet, n° 11. DELAQUÉRIÈRE (E.), Négociant, ve du Furdeau, n° 24. House , Avocat, rue S'énécaux , n° 10. Lévx, Professeur de mathématiques et de mécanique ; des Académies de Dijon et Bordeanx, des Sociétés académiques de Strasbourg, Metz, Nantes et Lille; Maitre de pension, rue Sairt-Patfrice, n° 36. LE Pasquier %#K, Chef de division à la Préfecture, 7ve des Bons-Enfants, n° 70. Des-Arceurs fils, D.-M., Médecin adjoint de l'Hôtel-Dieu , etc., rue des Charrelles, n° x21. L’Abbé Gosster, Chanoine honoraire à la Cathédrale, 71e du Nord , n° 1. Marrcer-Dugourcax, Architecte en chef de la Ville, gai de la Romaïne , n° 92. Prevosr fils, Pépiniériste, au Bois-Guillaume, ( son adresse à Rouen, 7ve du Champ-des-Oiseaux, n° 68 ). Duereui, Direct. du Jardin des plantes, #4 Jardin des plantes. Laxczors (E.-H.), Peintre, Professeur de dessin à l'École municipale , zze Beauvoisine, enclave Sainte-Marie. Le Tecrrer X, Ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées , rue du Guay-Trourn. Reiser X , Receveur général des finances, gai d’Harcourt. Hourou-LaBiLLARDIÈRE , ancien Professeur de chimie appli quée aux arts, à Déville. Bazuin , Chef de division à la Préfecture , ze de Crosne, n° 2. DumeswiL ( Pierre), rve de la Chaire , n° 21. Morin , Pharmacien | correspondant de l’Académie royale de médecine, de la Société de chimie médicale de Paris, de la Société linnéénne et des Sciences physiques et chi miques de la même ville; de la Société académique de (16x } Nantes, et de plusieurs autres Sociétés savantes, rue Bou- vreuil, n° 27. 1827. Devizse ( Achille), membre de la Société des antiquaires de Normandie, de la Société des antiquaires d'Écosse , des Commissions des antiquités et des archives du département de la Seine-Inférieure, et de la Société d’émulation de À Rouen, rze de Fontenelle, no 2 bis. 1828. Vixcrrinier, D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, re de la Prison, no 33. Pruoxr (Prosper), Négociant, ve Ierbière, n° 28. 1829. Fossé (AL) % %, Capitaine de recrutement du départe- ment, éoulevart Beauvoisine , n° -0o. Froquer (A.) fils, Greffier en chef à la Cour royale. GirarDiN (3), Professeur de chimie appliquée aux arts, membre de plusieurs Sociétés savantes, co-rédacteur du Bulletin universel des sciences et de l’industrie, ze Peau- voisine, ancien local S'ainte-Marte. ACADÉMICIENS CORRESPONDANTS , MM. 1766. Le Colonel Vicomte Tousrarx DE RichesourG X, à St- Martin-du-Manoir , près Montivilliers. 1787. LEvavasseur le jeune, Officier d'artillerie. 1788. Le Baron Descexerres ( C. X), Médecin, Inspecteur gé- néral des armées , à Paris, quai Voltaire, n° x. 1789. Moxxer , ancien Inspecteur des Mines, à Paris, ze de l'Uni- versilé, n° Gi. Le Chevalier Tessrer % X , membre de l'Institut, Inspec- teur général des Bergeries royales , à Paris, ve des Pelits-Augustins, no 26. 1803. GUERSENT , Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, à Paris, rue du Paradis , no 16 , au Marais. LHOSTE , à Sartilly, près Avranches, départt de la Manche. Le Comte CnapraLr X (G. >), Pair de France ; membre de l'Institut, à Paris, rve de Grenelle-Si.-Germain, no 88. 21 1803. 19305. 1806. 1808. 1809. 1810. ( 162) Morcevaurr (C.L.), membre de l'Institut, à Issy près Paris. L'Abbé pe La Rue, membre de l’Académie de Caen, cor- respondant de l'Institut, à Caen. Le Baron Covier (G. O0. X), Conseiller d'Etat, membre de l'Institut, à Paris, 47 Wardin du Ror. Bornvicciers, membre de l’Institut, à Paris, vse/lle rue du Temple, n°. 19. Decraxp, D. M., Professeur d'histoire naturelie, à Rennes. Le Baron DemantÈres %, à Paris , rve des Fossés-Mont- marire. Boucaer , correspondant de Institut, Directeur des Douanes, à Abbeville. Le Baron de GÉrAxDo ( C. #), Conseiller d'Etat, membre de l'Institut, à Paris, passe Férou, n° 7 Derasoutsse | Homme de dettres , à Paris. Boïscoreu, Avocat, à Paris , rze de l’Odéor, no 38. SERAIN, ancien Officier de santé, à Canon, près Crois- sanville. Larr ( Pierre-Aimé), Conseiller de Préfecture , Secrétaire de la Société d'Agriculture et de Commerce, à Caen. Dazaxcx Ÿ#, Chef de division au Ministère de l'intérieur, à Paris , rte Duphot, n° 14. Fraxcœur 2% , Professeur à la faculté des sciences , à Paris , 74e Cherche-Midi, no 25. Hernanpez, Professeur à l'Ecole de médecine de Ia Ma- rine , etc., à Toulon. Lamoureux (Justin), à Bruxelles. osxay DE Viicens , Directeur du Dépôt de mendicité, à Amiens. Duauissox , Médecin , à Paris, rve Hauteville , no 10. Düurois-MaIsonNeuvE, Homme de letires, à Paris, rve de Vaugirard, n° 36. Denis , D.-M., à Argentan, département de l'Orne. Le Marquis DE Boxarnr-DumesniL, ancien Officier de ca-- rabiniers, au Mesnil-Lieubray, canton d'Argueil, arron- dissement de Neufchatel. 1810. 1811. 1512. 1819. 1814. 1815. (4163,:) D£canue , Pharmacien, secrétaire de la Société médicale , à Evreux. Le Comte Donatien pe Sesmaisons % (C. 2), Gen- tilhomme de la chambre du Roi, membre de la Chambre des Députés, à Paris, rue de Vaugirard, n° 21 his. Sassx , Doctenr-Médecin, à Lyon. Bazme, secrétaire de la Société de médecine, à Lyon. Leroux pes Trois-Prerres >%X, Propriétaire, aux .Trois- Pierres, près St-Romain-de-Colbose. L’Abbé Lepnoz, ancien Recteur de l'Académie universitaire de Rouen , à Rennes. D£ Laronre-Laranne K, Conseiller d'Etat, à l’intendance du Trésor de la Couronne, au Carrousel. Lesauvace, D.-M., à Caen. Larisse , Médecin du Roi, à Paris, rve de Grammont, n° 23. Herzor 2X, à Paris, rue d’Astorg , n° 13. Bouzcax 2, Pharmacien, à Paris, rue des Fossés-Mont- martre , n° 17. L'Abbé £a Rivière, inspecteur de l'Université , à Strasbourg. Briquer, Professeur de Belles-Lettres, à Niort. LamanDé 2, Inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaus- sées, à Paris, rue du lcgard ; n° x. Gois fils, Sculpteur, à Paris, guai Conti, n° 23. FLAUGERGUES , Astronome , correspondant de l'institut , à Viviers. Tar£é pes SagLows 2, à Paris, re du Grard-Chantier, n° 12e Pêcueux, Peintre, à Paris, re S-Florentin, n° 14. Masson pe Sarnr-Amann XX, ancien Préfet Qu département de l'Eure, à Paris, rue de Bellechasse, N°9 15. Le Maréchal Cumte Jourpax %X ( G. C. # ), Pair de France, Gouverneur de la 7° Division militaire, rue de Bourbon, n° 52. PERCELAT, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, à Paris. ‘ G£orFroy , Avocat, à Valognes. 21. (164) 1815. FaBre , correspondant de l’Institut, Ingénieur en chef des 1816. 1817. 1818. 1819. 1820. 1821. Ponts et Chaussées, à Brignoles. Born, Médecin en chef des Hospices, à Bourges. LorsecEuR pes LonGcnames 2X, D.-M., à Paris, rve de Jouy , n° 8. Duorrocuer , D.-M., correspondant de l'Institut, à Cha- reau, près Château-Renault ( Indre-et-Loire }. Paris , Bibliothécaire du château royal de St-Cloud , maître des conférences à l’ancienne École normale, à Paris, rze Casselte, n° 15. DEsoRMEAUX , Professeur à la Faculté de Médecine, à Paris, rue de l'Abbaye. n° 16. Mérar , Médecin, à Paris, ve des S'aint-Pères, n° 15 ë. HurTreL D'ARBOVAL, Vétérinaire, à Montreuil-sur-Mer. Moreau DE Jonnès % 2 , Chef de bataillon, correspondant de l’Institut, à Paris, ze Neure-Bellechasse , n° 10. DE Gournay , Avocat et Docteur-ès-lettres, à Caen. Parru , Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées , à Caen. BorTa, Homme de lettres, à Paris, p/zce S-S'ulpice , n° 8. Le Comie pe Kercariou (O0. K), Pair de France, à Paris, 7e du Pelit-Vaugirard, n° 5. Le Chevalier Arrssan DE Cnazer ( O. #), Homme de lettres, à Paris, 7e Godot, no 33. Le Comte DE Moxtaut #, à Nointot, par et à Bolbec. Le Marquis Eupes pe Minvicie %, Maire, à Gommer- ville, par et à Si-Romain. Boucrarcar , membre de la Société philotechnique, à Paris, rue de Savoie, n° 19,Zrès du quai de la Vallée. Le Baron Mazougr ( C. 2%), ancien Préfet de la Seine- Inférieure , à Paris, rze Godot, n° 5. Depaurts, Graveur , à Paris, rve S'-Germain-des-Prés , n9 15. Garrox , Naturaliste, Receveur principal des Douanes, à Abbeville. Le Baron Cacmux % (O. XK) , Inspecteur général des Ponts et Chaussées, à Paris, Éd/e/ de la Monnaie. VÈNE >% K, Capitaine de génie, au Sénégal 1821. 1822. 1825. ( 165 ) Benrurer , membre de l'Institut, à Paris, rve d'Enfer, n° 34. L'Abbé Jamer, Recteur, Instiluteur des sourds-muets , à Caen. Cuauery , Inspecteur des Ponts et Chaussées en retraite , à Oyré, près la Flèche. L'Abbé La Bounerre , Grand-Vicaire d'Avignon, à Paris, cloitre Notre-Dame, n° 20. Le Monter (Hippolyte), Avocat , à Paris, rve de Vau- girerd , n° 9. Morion (de) #, Ingénieur des domaines de la Couronne, à Paris, rze Taitlout, n (. Tuégaur DE Berveaup , Secrétaire de la Société linnéenne, à Paris, ve Cherche-Midri, n° 5. Bsuexot (Arthur), Avocat, à Paris, rze du faubourg St. Honoré, n° 119. Dessrourr , D.-M., à Paris, rue Se-Marguerite, n° 34. Crauwerre pes Fossés, Consul général de France , à Lima. SocLicorrrE 2, Directeur des Douanes , à St.-Malo. Esranceuin , Inspecteur des forêts de S. A. R. Mgr le Duc d'Orléans , à Eu. Fovraxier , Homme de lettres, à St-Flour, département du Cantal. l Marzer 2: , Ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, à Paris, re du Regard, n° 14. Jourvan #, D-M., à Paris, rve de Bourgogne, n° 1. Moxrarcox, D.-M., à Lyon. BourGrors ( Ches), Peintre en portraits, à Paris, p/ace Dauphine, n° 24. Janvier (Autide), Horloger ordinaire du Roi , à Paris, guai Conty, n° 25. DELAQUESNERE , Propriétaire-Agriculteur, à St-André-sur- Cailly. Descaames, Bibliothécaire-Archiviste des Conseils de guerre , à Paris, re Cherche-Midr, n 39, SarGues, Médecin, à Dijon, 1825. 1820. 1927. 1828. Crômy.:. Le Baron BouLrexGer X , Procureur général à la Cour royale de Rouen. Pixez 2# , Juge de paix , au Havre. D’AxGcemontT ( Edouard) , à Paris, re de Savoie , n° 24. Desmanest, Professeur à l'Ecole royale vétérinaire d’Alfort, à Paris, rue S/-Jacques , n° 161. Bsnorsr, Lieutenant au corps royal d'État-Major , à Paris. Juzra-FoxrexezcE, D.-M., Chimiste, à Paris, rze de / *Érole-de-Médecine , n° 12. Civrare 2, D.-M., à Paris , rze Godot-de-Mauroy , n° 30. Feret, Antiquaire, à Dieppe. Paye %#, Manufacturier, à Paris, re des Jeüneurs, n° 4. Le Comte BLancHARD DE LA Musse, ancien Conseiller au Parlement de Bretagne, à Montfort , dépt d’Ille-et-Villaine. Moreau { César ), Vice-Consul de France, à Londres. Moxremoxr (Albert), Homme de lettres, à Paris, re du Four-S1-Germain, n° 13. LADEvezE, D.-M., à Bordeaux. Savix, D.-M., à Montmorillon. Lexonmaxb, Rédacteur des Annales de l'Industrie nationale, \ à Paris, rve Percée-St-André-des-Arls, n° 11. Boïecoreu X, membre de l'Institut, à Paris, Zowlevar! Montmartre , n° 10. y BErGassE #K, Procureur général près la Cour royale de Montpellier. GERMAIN, Pharmacien, à Fécamp. Huco { Victor), Homme de lettres, à Paris, re Notre- Dame-des-Champs, n° v1. DE Bcossevicre (Ernest), à Amfreville, dépt de l'Eure. De Bcossevicce (Jules), à Paris, re de Richelieu, n°. DemaziÈrREs (J.-B-H.-J.), Botaniste, à Lille. MaLo (Charles), Homme de lettres ,à Paris , ve Dauphine, no 33. Le Baron C. À. pe Vaxssay ( C. :K ), Conseiller détat , ancien Préfet de la Seine-Inférieure , Préfet , à Nantes. Cour , Peintre, à Paris, rve des Beaux-Arts, n° 1. (167 ) 1828. Vinex , Docteur-Médecin , à Paris, place du Panthéon. Boxrics, Docteur-Médecin , à Nancy. Marccer-Lacosre , Professeur au Collége royal de Caen. Laurarn , Membre de l'Académie, à Marseille. Dupras , à Roumare. Spencer Smrrn , membre de la Société des Antiquaires de Normandie , à Caen. Le Baron pe Morremart-Borsse XX , Membre de ia Société royale et centrale d'agriculture , etc, à Paris, rve Duphot, n° 12. Monx , Ingénieur des Ponts et Chaussées. 1820. CorTerEAU, Professenr agrégé à la Faculté de Médecine, à Paris, rve du Petit-Carreau, n° 19. Fée, Chimiste, Pharmacien en chef de l'hôpital militaire, à Lille; Portez , D:-M., à Evreux. Gurnneuer (Uliric), à Paris. Cazauis, Professeur de physique au Collége royal de Bour- bon, à Paris. Scuwiceub , Ingénieur des ponts et chaussées, au Havre. CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 158% Le Chevalier DE Turnor, membre de la Société des Anti- quaires, à Londres. Miss Anna Moon, à Londres. 1385. ANCILLON, Pasteur de l'Eglise française , à Berlin. 180%. Le Comte DE VozrA, Professeur de physique , associé de l'Institut, à Pavie. Demozz , Directeur de la Chambre des finances , et corres— pondant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg. Le Comte Degray, Ministre et Ambassadeur de S. M. le Roi de Bavière, à Vienne. Ge£rrrox , Professeur d'anatomie à l'Université. de Glascow. ( 168 ) 1803 ExGersTorrT , Docteur en philosophie , Professeur adjoint d'Histoire à l'Université de Copenhague. CavaniLce , Botaniste, à Madrid. John Smnccaim, Président du Bureau d'agriculture Edimbourg. > à Fagront, Mathématicien, Directeur du Cabinet d'histoire naturelle, correspondant de l’Institut, à Florence. 1812. Vocez , Professeur de chimie à l’Académie de Munich. 1816. Campeerz, Prof. de poésie à l'Institution royale de Londres. 1817. Le Chevalier ne Kircknorr, Médecin militaire, à Anvers. 1818. Dawsox Turner , Botaniste, à Londres. Le R. Th. Frocxarr Drenin , Antiquaire , à Londres. 1825. Le Comte VinCENZO DE ABBATE, Antiquaire , à Alba. 1827. Decuc, Professeur de Géologie, à Genève. 31828. Brunez K, Ingénieur, inventeuret constructeur du Passage sous la Tamise , correspondant de l’Institut, à Londres. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. L'Institut , à Paris, 2x Paluis des Quatre-Nations. L’Athénée des Arts, à Paris, ze des Bons-Enfants. La Société royale d'Agriculture, à Paris, à /’Hôtel-de-Ville. La Société médicale d'Emulation, à Paris. La Société des Sciences physiques, à Paris. La Société des Pharmaciens , à Paris. L'Académie des Sciences , etc., à Amiens. La Société des Sciences, Lettres et Arts, à Anvers. L'Académie des Sciences , à Besançon. x La Société des Sciences, etc., à Bordeaux. La Société des Sciences, etc., à Boulogne-sur-Mer. L'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres, à Caen. La Société d'Agriculture et de Commerce , à Caen. La Société médicale, à Evreux. La Société des Sciences , etc. , à Grenoble. L'Académie des Sciences, etc., à Dijon. La Société des Sciences , Lettres et Arts , à Nancry. [l (169 ) La Societé des Sciences et Arts, à Niort. La Société des Sciences physiques et médicales , à Orléans, L'Académie des Sciences, etc. , à Marseille. L'Académie des Sciences , etc., à Rennes. La Société des Sciences et Arts, à Strasbourg. L'Académie des Jeux floraux , à Toulouse. La Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts, à Tours. La Société d'Agriculture, à Versailles. L'Académie des Sciences , ete , à Lyon. La Société des Lettres, Sciences et Arts, à Douai. La Société de Médecine, à Lyon. La Société des Sciences et des Arts, à Nantes. L'Académie du Gard, à Nismes. La Société libre d’Emulation et d'Encouragement pour les Sciences et les Arts, à Licge. La Société d'Agriculture , Sciences et Arts de la Haute-Vienne, à Limoges. La Société d'Émulation du Jura, à Lons-le-Saulnier. La Société académique , à Metz. La Société académique, à Aix. La Société d'Agriculture , Sciences et Arts de Cherbourg. em )eD Qu > — TABLE DES MATIÈRES. en — Discours d'ouverture de la Séance publique, par M. le docteur Le Prevost, président , 1 SCIENCES ET ARTS. Rapport fait par M. Cazalis, secrétaire perpétuel de la classe des sciences , 11 OUVRAGES ANNONCÉS OU ANALYSÉS DANS CE RAPPORT. PaysiQue ET MATHÉMATIQUES. Réflexions ( nouvelles ) sur les paratonnerres, par M. Dubuc , ibid. Discussion de M. Lévy, sur le méme sujet, et réponse de M. Dubuc, . 12 Communication, par M. Lévy , d'une lettre de M. Gay- Lussac , et d'une autre de M. Fourier, membre de l’Ins- titut, sur le méme sujet , 13 Extrait d'un rapport fait à l'académie des sciences , relative- ment aux dégäts occasionnés par la foudre sur le magasin à poudre de Bayonne , quoiqu'il füt arme d'un paratonnerre; par M. Levy, 14 Rapport sur le manuel des poids et mesures , de M. Tarbe des Sublons ; par M Periaux , ibid. Correspondance météorologique ( 2° et 3° cahiers), pa M. Morin , ingénieur , ibid, Rapport de NM. Cuzalis sur un mémoire d'optique de M. Bourgeors , ibid Le (172) Cum. liecherches sur le principe vénéneux et sur les propriétés tinctoriales du coriaria myrtifolia , par Mi Dübuc, 14 Evamen chimique des feuilles de voriaria , par M. Morin ; pharmacien , 17 Recherches sur la nature des principes qui composent le sang de poisson , par M. Morin , i8 Note de M. Thibourmery , sur la présence du bleu de Prusse dans les sels de soude du commerce. communiquée par IT. Morin , 19 MÉpEcixe. De quelques effets singuliers produits pur l'usage interne ou externe de cerluins médicaments, par M: Cottereau ; et rapport de M. Des Alleurs fils, 19 Ménioire de M. Paitel, sur les vers plats dans l'espèce humaine ; et rapport par M. Des Alleurs fils , 20 Thèse sur l'influence des travaux intellectuels sur le système physique de l'homme, par M. Bégin; et rapport de M. Hellis. 21 Recherches sur les propriétés médicales du charbon de boïs , par M. Palman ; et rapport de M. Godefroy , ibid. Recherches sur la monomantie homicide ; discours de rentree de M. Leprevost , D.-M., président , 2i ef 23 Observations sur la monomanie homicide ; par M. Vingtri- nier , 22 NERF Relevés statistiques sur les enfants trouvés et sur les condam- nations capitales ; par M. Vingtrinier , 24 Dissertations sur Les affections cancéreuses du col de l'utérus , par M. Avenel; rapport de M. Vingtrinier, 25 Mémoire sur divers points de médecine; par W. Avenel, 25 Mémoire sur les sanssucs, par M. Renalt, 1bid. HISTOIRE NATURELLE. Notice sur une espèce de pomme de terre récoltée à Suint- Georges ; par M. Dubuc , 25 (173) Note sur la disparulion du puceron lanigère ; par M. Dubuc , ibid, Eléments de minéralogie appliquée aux sciences chimiques , par MAL. Girardin et Leroy ; et rapport de M. Houtou- Labillardière , 26 Analyse du durite léger du Puy-de-Dôme, par M. Girar- din , ibid, Notice sur des os imprégnes d'une couleur verte , trouvés en- Jouis dans le sol ; par M, Lévy, 27 Notice sur deux œufs de poule hardés et réunis par un cordon memhraneux ; par M. Leprevost , vétérinaire , ibid. Des lichens calicivides , par M. Aug. Le Prévost ; rapport par MI. Levieux , 27 Flora Gallica, par M. Lorseleur de Longchamps; rapport par M. Le Turquier , ibid. Catalogue descriptif, méthodique et raisonné des espèces , variétés et sous-varisles du genre rosier, cultivées chez l'auteur ; par M. Prevost , pépiniériste ; rapport de M. Dubreui! , ibid. Rapport de M. Levieux , sur un Ouvrage de M. Fée, sur le Lotos des anciens , et sur un autre de M. Desmatières , ibid. IX DUSTRIE. — AGRICULTURE. Rapport de M. Deville, sur un Mémoire de MM. Langlume ct Chevalier, contenant l'exposé de plusieurs procédés lithographiques , 28 Notice sur un nouveau combustible tiré du dépôt des bains de teinture ; par M. Prosper Pimont , ibid. Rapport de M, Lévy, sur une brochure de M. Héricart de Thury , sur les puits artésiens , 28 Traduction d'un Mémoire de sir William Congrève , sur une machine pour faire marcher les vaisseaux en mer , par la Jorce des vagues ; par M. Lévy, 29 Notice sur la cullure , le rouissage et le broyement du chanvre et du lin dans ce pays ; par M. l'abbé Gossier , ibid. C174) Ecole centrale des Arts et des M, anufactures , établie à Paris ; rapport, par M. Destigny , sur cet établissement , ibid. Rapport de M. Lévy, sur plusieurs numéros des Annales de l'industrie française , ibid. Détails donnés par M, Brunel, sur les travaux exécutés pour la construction d'un passage sous la Tamise , ibid. Rapport sur deux volumes publiés par la Société centrale d'Agriculture de Paris ; par M. Dubue , 30 Rapport de M. Gossier, sur le Recueil publié par la Société d’Emulation de Rouen., 31 Travaux des Sociétés correspondantes , et rapports par MM. Dubuc, A. Le Prévost, Le Pasquier , Godefroy , Gossier, Periaux , ibid, Travaux de lu Société d'Agriculture de Rouen, et rapport par M. Meaume , 31 PRIX proposé pour 1830 , 33 MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIF A DÉLIPÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. RECHERCHES chimiques sur le sang de poisson, faites sous le rapport de la chimie judiciaire ; par M. Morin , phar- macien , 35 De la matière colorante du sang de poisson, 39 / Du sang de poisson considéré sous le rapport chi- mico-judiciaire , 4x Résumé , 43 Rapport sur le Mémoire géologique envoyé au concours ; par M. Aug. Le Prévost, 45 Proclamation du nom de l'auteur couronne , 74 CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. Rapport fait par M. Bignon, secrétaire perpétuel, 77 OUVRAGES ANNONCÉS OU ANNALYSÉS DANS CE RAPPORT. Rapport de la société académique d'Aix, sur le système d'éducation de M. Maître, de Brignoles, 79 (175) Discours de M. Aug. Le Prevost, président de l'association pour l'enseignement mutuel, à Rouen , ibid. Travaux de la societé de la morale chrétienne, à Paris , ib. Travaux des sociétés correspondantes , ibid. 20° 1 21° pol. de la société des antiquaires de Londres, ib. Epitre d'un vieux poète à son ami devenu poète de cour = par M. Frédéric Lequesne , 80 Notice sur la tour de Londres , par M. Tougard , ibid. Analyse du précis de 1828 , par M. Lautard , de l Académie de Marseille , ibid. Notice sur les hôpitaux de Rouen, par M. Legras , ibid. La Domfrontienne , épitre en vers libres, M. de B*X*# . à DM. Casimir Delavigne , ibid. Second extrait des etudes poétiques de M. Et. Thuret, de l'Academie de Caen , 8t Discours de M. Vandeuvre, en sa qualité de Procureur général à la Cour royale de Rouen. Sr Notice historique sur Zwingli, par M. l'abbé La Bouderie, ib. Pelage, tragèdie de M. Fée; et rapport de M, Fosse, ib. Voyage dans les quatre parties du monde, par M. Albert Montemont , ibid. Notice sur M. Bruguïère de Sorsum , par M. Spencer Smith, ib. Traduction en vers français du The Voyager, de M. de Sorsum , par M. Ed. Smith , ibid, Groupe de Léda, en plâtre, de M. Gois, ibid. Tobie mourant, pièce de vers de M. Boinvilliers , ibid. Notice nécrologique sur M. Rever , ibid. Dissertation sur les portraits de Henry VII et de F. rançois Er, existants à l'hôtel de Bourgtheroulde , par M. Deta- quérière , 83 Eloge de Bossuet , par M. Floquet füs ; et rapport par M. Durouzeau , ibid. Réflexions sur Alain Blanchard, par M. Aug. Le Prevost , ib. Traduction en vers des Bucoliques de Virgile, par M. Ach. Deville; et rapport de M, Duputel, ibid, (176) Rapport de M. Licquet sur trois tomes de l'Archeologia de la sociéle des antiquaires de Londres , 84 Rapport de M. Hellis , sur la notice historique des hôpitaux de Rouen , 85 Discussion sur l'emploi de la lettre t au pluriel des noms masculin polysyllabiques terminés en ant et en eut, par MN. Léey , Bigron ct Ballin, 86 à 85 L'Infanticide , poème élegiaque , par M. le capitaine Fosse , 89 Réponse de M. Dumesnil, vice-president , à M. Fosse, 93 Discours de réception de M. Floquet fils, sur Santeul , ibid. La Mort de l’impie , stances ; por M. Pierre Dumesnil , ibid, Notice nécrologique sur M. Marquis , par M, Langlois , ibid. Voyage de S. M. Charles X, en 1828 , dans les départe- ments de l'Est de la France , poème ; par M. A. Fosse , ibid: Présence de M. D'Ornay, âgé de 100 ans, doyen des Académiciens , 94 PRIX propose pour 1850 , 99 MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIPÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. Essai sur les Hymnes de Santeul, par M. Floquet, 97 Norice sur M. A. 'L. Marquis, par M. E. H. Langlois , x15 CATALOGUE abrégé des différents Ouvrages de M. Marquis , 129 Voracr du Roi en Alsace, ou la Veillée du Hameau; par M. Al Fosse , 133 La Monr de l'impie, Ode, par M. Pierre Dumesnil, 149 TaszsAu de l’Académie royale des sciences , belles-lettres et arts de Rouen , pour l'année 1829—1830 , 157 Fix DE LA TABLE. LS Te 1 0 | Fe L é L ° ° * ° ny û Eu, : ; |' y | ï L ï : n t « E] Le Lys PSS . . CERF 4 re . : . L #* L } DS. 4 . : PAR ' L EN \ | l Ê ï 1 1 } F 3 : ï Fi PT Q ÿ [D : n Ê È ° | É ” 0 0 ; û ° L (l : f f ni ' ï 1 5 | PE Les FR | « ar | Û { + | fl 0] | L 0 : 1 » { i . : 1 L Ed L ( : nm spi à | en ) ; "it ï LA : mA t + Can Î 1 i L) | ë | | LÉ. | | j : { Pen ; : | , L 4 « l FL ‘ (] L : À . r nl dd 2 à : n° AR An MnnAanrro n > > ÉLECERCEE Anh . A] CAR RRGBER ; AAA RAA ARR RG - AAA OP ann à n° AA AA AA ACAA AL A Le] FarA AA FL AA AÂû ñ - AA FS x à RE aie ES s r : £ AA & SAS AnC af _& BARAR Panne ù DannaAnrA RFA alalalal à Ans d v rh 2.7 LE nanPe; is, AA CA PEU NRA des R ADAM AAA 1 PAPAS à RRQ APE RARE 1 Ten APP, FN Re RAT AR RARAN AAA NAN ARR AREA RO AIR ANAL JARAA A Flat AÔA A An À ART AARAANAT AAAA LA, RAAAARS A7 À AAA 2 AAARAANAR LR AI AA Te RAR AAA AAAQ AA LRARIAA GRETA A RAA AA EE RNAAUARAA aan AAA AAA AAA VAARAA AA, a A RARAIR NT Me RARES eQ À Et À À AAA ana A ADAAAAN NAS AE A AAA AIN BR E ne a 2e BPARAR A° AGE À MAR ANCTE PAM 2 HER NAT RARE LM AAARAAAA nAnAñA APP NA A SCAN AANARAAA AA ARANAAL TR A AAAAñE AAA? à A ARARAA A ANA À RAA AAAART NA NAN ASIE TA D AA MAR AAA AAA € AA ANT AA AAA A aa AAA NA RARE AA RAA) a ANS AAA AAAAErTS KT 2 RNA ANAL a AAA AA à 2 AFLEA ARALA AB AAARS ANA A AAA AS QANARARR ANA RARE R TA RARANA AA AAA AA12A CEA A A NA AAA n , Aa 4 TA AT [Al Î PAR AAA: \A ARRAAAAA