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Messieurs, Dans le domaine des sciences et des lettres, comme dans celui de la philosophie , les préjugés sont d'autant plus dif- ficiles à détruire , que l'influence des noms sous le patro- nage desquels ils s'y sont introduits, est plus puissante. Ce n’est donc pas sans craindre d'être accusé de témé- rité , que j'ose aujourd'hui me livrer à l'examen , que vous I 2 ACADEMIE DE ROUEN. trouverez peut-être tout-à-fait dépourvu d'intérêt, de cette opinion , sans cesse reproduite , avec toute la confiance qu'in- spire la double autorité de M. de Bonald et de Mr: de Staël ; QUE LA LITTÉRATURE EST L EXPRESSION DE LA SOCIÉTÉ. Quel que soit mon respect pour ces deux célébres écri- vains, je ne puis cependant, en réfléchissant sur cette pensée, que leur crédit seul a pu faire admettre comme un axiôme incontestable , me défendre de croire qu'elle pourrait bien n'être, au fond , qu'un brillant et spécieux paradoxe. Le meilleur moyen de s'assurer si une proposition est vraie , n'est-il pas de voir si la proposition contraire ne pourrait pas le paraitre également ? Eh bien ! soumettons celle sur laquelle j'appelle ici votre altention à celte épreuve , et voyons comment elle en sortira. Au lieu donc de répéter que la littérature est l'expression de la société, examinons d'abord silon ne pourrait pas dire , avec autant de vérité, que, dans plusieurs circon- stances , la société doit être au contraire considérée comme n'étant, jusqu'à certain point, que l'expression de la littérature. Eu effet, sans remonter, à travers le fleuve des âges , jusqu'à ces temps qu'il n’est peut-être pas tout-à-fait exact d'appeler fabuleux, où l'on suppose que les accents d'Orphée arrachèrent les hommes encore sauvages à l'obscurité des forêts , et que les murs de Thèbes s’élevèrent aux accords de la Iyre d'Amphyon ; sans interroger les annales des peuples dont l'origine se perd dans l'antiquité la plus reculée, pour savoir si leurs premiers législateurs ne furent pas, en même temps , leurs premiers poètes , ne nous est-il pas suf- fisamment démontré , par l'histoire générale de l'humanité aussi bien que par celle particulière de chaque nation , que la civilisation à toujours marché à la suite des lettres, et qu'elle n'a , pour ainsi dire, jamais fait un pas que ce n'ait DISCOURS D'OUVERTURE. : été sur les traces de ces génies privilégiés qui semblent avoir spécialement recu la haute mission d'en préparer ou d'en favoriser les progrès ? De sorte que leschefs-d'œuvre littéraires d’un peuple pour- raient servir comme d’une échelle , au moyen de laquelle il serait facile de calculer combien il lui reste encore de degrés à parcourir, pour atteindre ou même dépasser la limite étroite servant de démarcation entre l'extrême civi- lisation et le retour à la barbarie. Car ne nous laissons pas abuser par le chimérique espoir d'une perfectibilité indéfinie. Une telle perfectibilité n'est point dans la nature des destinées humaines ici-bas. Le seul être dont la puissance n’a jamais connu de bornes, en à assigné d'insurmontables à l'existence des empires , comme à celle des individus. Plus leur vie s'est prolongée, plus elle approche du terme fatal ; et, s'il m'est permis de rappeler ici la belle image dont un de nos plus illustres contemporains * a revêtu cette grande vérité, personne n'ignore que les débris des superbes palais et des temples magnifiques de Balbeck et de Palmyre , touchent aux sables du désert. Peut-être dira-t-on que la pensée de M. de Bonald , si heureusement adoptée depuis par Me de Staël, s'applique moins aux sociétés naissantes qu'à celles qui sont définitive- ment organisées , et que la littérature , au lieu d'imprimer à ces dernières une direction désormais inutile , se modifie d'après celle qu'elle en recoit , et doit , par conséquent , en être regardée comme la véritable expression. Loin de reconnaitre la vérité de cette assertion , Messieurs, je ne crains pas d'affirmer que, plus une société est avancée dans les voies de la civilisation , moins sa littérature peut, je ne dis pas seulement en reproduire en quelque sorte * M. de Chateaubriand. s 4 ACADEMIE DE ROUEN. l'image , mais même conserver les traits distinclifs , le carac- tère spécial , seuls capables de lui donner cette physionomie particulière que l'on pourrait appeler le cachet de la nationalité. Si la terre doit à la culture l'avantage inappréciable de voir multiplier et varier ses produits , et de pouvoir les re- nouveler , pour ainsi dire , à chaque saison , ce n'est que dans les antiques foréts que la hache a toujours respectées, sur la cime des montagnes dont le soc n'a jamais déchiré les flancs inaccessibles , que l'œil étonné da voyageur admire ces arbres gigantesques , ces colosses de la végétation , éter- nels monumens de la vigueur et de la fécondité du sol, vierge encore, qui les a vus naître spontanément. Serait-ce donc une erreur que d'en dire autant des pro- dactions de l'esprit humain ? N'est-ce pas , en effet, chez ces peuples primitifs dont la langue , pour ainsi dire autochtone , n'offre point un mé- lange hétérogène d'emprunts faits à leurs devanciers ou à leurs voisins , que sont éclos tout-à-coup ces ouvrages , véritablement immortels, destinés à faire époque et à rester comme le type de la perfection dans chaque genre ? Témoins les chants sacrés des Hébreux , l'épopée grecque, la pompe du style oriental , le merveilleux des contes arabes, les saga des enfans du Nord , et la poésie réveuse et mé- lancolique des bardes de la Calédonie. Mais , Messieurs , les détails dans lesquels il me faudrait entrer pour envisager , sous toutes ses faces, cette belle ques- tion, qu'il doit mesuflire de vous avoir indiquée en passant, m'éloigneraient trop de celle que je me suis proposé d’exa- miner rapidement aujourd'hui. Je me hâte donc d'y revenir. Si la littérature était réellement l'expression de la so- ciété , il s'ensuivrait , sinon rigoureusement , toujours rela- tivement du moins, qu'elles se trouveraient sans cesse en DISCOURS D'OUVERTURE. 5 regard , que leur marche serait simultanée , leurs progrès uniformes ; que les mêmes circonstances sociales ramène- raient , à peu d’exceptions près, les mêmes productions littéraires ; que les écrivains de chaque époque , placés sous la même influence, recevraient les mêmes inspirations , auraient les mêmes vues, les mêmes tendances, seraient les interprètes d’une pensée pour ainsi dire commune , ne variant entre eux que par la forme dont leur esprit particulier saurait les revêtir. Or , l’histoire est encore là pour nous prouver qu'il sen faut de beaucoup que les choses procèdent ainsi. Elle est trop présente à vos souvenirs , Messieurs, pour que je croie nécessaire de vous reproduire ses nombreux témoignages. Je préfère donc m'appuyer sur l'autorité d'un auteur moderne, penseur aussi solide que brillant écrivain ! : « L'intelligence humaine, dit-il, est le centre de deux « mouvemens de perfectibilité. L’un marche vers le mieux « social, l'autre vers le mieux moral. Ces deux mouvemens « n'avancent pas toujours d'une manière parallèle... .... « L'homme , travaillant à son perfectionnement social, re- « garde souvent la terre ; ne s'occupant que de son perfec- Le ES tionnement moral, il regarde toujours le ciel. » Ne pourrait-on pas ajouter que ce n’est que par degrés lents et successifs, et en le gravissant pas à pas, que l’on parvient au sommet de ce pic élevé sur lequel la main du temps a placé l'édifice de la civilisation ; tandis que le génie, ignorant les obstacles ainsi que les distances, dévore l'es- pace , atteint le but d'un vol rapide, et brille d’un éclat inattendu à des intervalles souvent éloignés , qu'aucune tran- sition ne lie entr'eux ? ‘ M. Desmarais, avant-propos du Tableau historique des pro- grès de la civilisation en France, 6 ACADEMIE DE ROUEN. Je n'en citerai qu'un exemple : cinq siècles se sont écou- lés d'Homère à Périclès. Qu'il me soit permis de vous soumettre encore , Messieurs, une réflexion qui me semble découler si directement de la proposition de M. Cyprien Desmarais , qu'elle doit natu- rellement trouver ici sa place. Non seulement , ainsi que l'a fort judicieusement remar- qué l'auteur du Tableau historique des progrès de la civili- sation en France , la tendance vers le mieax social et celle vers le mieux moral, qui différent de but comme de prin- cipe, ne suivent pas deux lignes parallèles ; mais il serait facile d’établir que, sil est pour ces deux tendances quelques points de rencontre , elles doivent le plus souvent marcher en sens contraire. Semblable à cette double sève que la physiologie végé- tale a découverte dans les arbres , et dont l'une porte la vie à l'extrémité des branches les plus éloignées du tronc , quand l'autre n'agit que sur les racines, le double mobile qai anime les hommes, réunis par les liens de la vie sociale , suit deux directions opposées. En effet , le but de la civilisation étant de nous soustraire à ce qu'on appelle l’état de nature, plus nous nous éloignons de cet état, plus nous avancons vers la perfection, sous le rapport des intérêts matériels. La littérature , au con- traire , — et donnant à ce mot sa plus grande extension , je l'applique à tout ce qui se rapporte au mieux moral ; — la littérature , dis-je, ne trouvant de réellement beau que ce qui est vrai, tend à nous rapprocher sans cesse , el de plas en plus, de la nature. Il suit de là que l'on pourrait être fondé à dire que, si c'est un mouvement en avant qui doit nous porter vers le mieux social , on n'arrive au mieux moral qu'en retour- nant en quelque sorte sur ses pas, et par ce que je ne crains pas d'appeler un mouvement rétrograde. DISCOURS D'OUVERTURE, 7 Mais que ce mot ne vous effarouche pas, Messieurs , malgré la réprobation dont il est frappé, tous les jours, dans ce siecle novateur. Sans prétenüre fronder des opinions qui, quoiqu'elles puissent différer des nôtres , n'en doivent pas moins toujours être respectées , quand elles sont loyales et consciencieuses, sachous nous affranchir des préoccupations du moment , osons aborder franchement la question, et la considérer à la lueur du flambeau de l'expérience. Ses leçons ne nous redisent-elles pas tous les jours que, plus on s'éloigne de la nature, plus on s'éloigne aussi de la vérité, principe unique de toute beauté, comme de toute perfection. Car, Messieurs, la vérité n'est pas plus l’œuvre du temps que l'œuvre du génie. Il n'a point éié donné à l'homme de l'inventer. Elle à toujours existé en-dehors et indépendamment de nous; trop heureux de pouvoir seulement, de temps en temps, la découvrir ! Aussi, les efforts de ceux qui aspirent à la connaître doivent-ils tendre uniquement à la débarrasser des voiles dont l'erreur et les préjugés l'ont enveloppée dans tous les siècles , sous prétexte de l'embellir , et trop souvent , hélas ! dans la coupable intention de la déguiser. Tant est juste l’ancienne et ingénieuse allégorie qui nous représente cette fille éternelle du ciel comme étant toujours jeune et tou- jours parée de sa seule nudité. On sait que les eaux d’un fleuve ne sont jamais plus pures qu à sa source , et qu'elles deviennent d'autant moins limpides qu'elles s’en éloignent davantage. Il en est à peu près ainsi de la littérature, Les exemples et les citations ne manqueraient pas à l'appui de cette asser- tion, si, parlant devant un auditoire moins éclairé, je me trouvais dans la nécéssité de les multiplier ici pour le con- vaincre, 8 ACADEMIE DE ROUEN. Et d'abord, Messieurs, je vous rappellerais tout ce qu'Homère , Pythagore, Hérodote, Platon, et autres beaux génies de la Grèce, durent à ceux qui les avaient précédés , tout ce qu'ils recueillirent de leurs relations avec les prêtres égyptiens ou les gymnosophistes de l'Inde, et combien même peut-être ils puisèrent de connaissances dans les livres inspirés des Hébreux. Je vous représenterais ces immortels écrivains, dont les ouvrages ont encore plus contribué à la gloire de Rome que les victoires de ses grands capitaines , ne devant ce succès qu'à leur exactitude à suivre le conseil d’Horace : Exemplaria græca é Nocturn& versate manu, versate diurnü. Les Grecs.......... sont nos guides fidèles : Feuilletez , jour et nuit, ces antiques modèles!, Passant ensuite aux modernes, je vous demanderais , avec confiance , sans sortir du cercle de notre propre his- toire , si vous avez oublié combien les grands hommes de ce siècle de Louis XIV, qui, malgré les efforts de ses im- puissans détracteurs, n’en sera pas moins toujours consi- déré comme la plus belle époque; combien, dis-je, notre Corneille, Pascal, Bossuet, Fénélon, Racine, Molière, La Fontaine. Despréaux, La Bruyère et tant d'autres, ont profondément empreint leurs chefs-d'œuvre du sceau des Grecs et des Romains. Loin de moi , cependant , l'idée de rabaisser la gloire de ces illustres modernes au stérile mérite d'une servile imita- ton. Le génie, bien différent en cela du bel-esprit, n’a-t-il donc pas le privilége de s'approprier ce qu’il emprunte , de ! Traduction de M, Daru. DISCOURS D'OUVERTURE. 9 créer même lorsqu'il traduit, et de pouvoir impunément imiter, sans cesser d'être original ? Enfin , Messieurs, aujourd hui méme que les événements, bien plus encore que les années, ont mis tant d'intervalle entre notre siècle et celui si fécond en grandes illustrations, ne voyons-nous pas une génération toute nouvelle, trop riche des illusions du présent et des espérances de l'avenir pour avoir rien à emprunter aux Grecs et aux Romains, éprouver cependant le besoin de méditer sur les ruines des édifices gothiques ou même de ceux du temps de la renais- sance , et demander des inspirations aux chroniques incer- taines, aux légendes souvent fabuleuses et aux chartes obscur:s du moyen-à ge? 5 D'où l'on peut conclure, sans craindre d'être démenti, \ je crois, que la littérature, qui cherche toujours ses mo- dèles dans un passé plus ou moins éloigné, ne saurait être l'expression de la société contemporaine. Mais, ce qui nest rien moins que vrai, appliqué à la littérature, serait peut-être incontestable si on le disait des sciences et des arts industriels. Dans l'enfance des sociétés, les hommes, n’écoutant que la voix de leurs besoins, s'occupent uniquement des moyens de les satisfaire. De là naissent ces inventions utiles , dont l'origine se perd dans la nuit des temps, seules bases des théories de la science ; qui ne fait, par la suite, qu'en rechercher les principes , essayant de remonter des effets à la cause. A chaque période, pour ainsi dire, ascensionnelle de la civilisation , de nouveaux besoins se faisant sentir, de nou- velles découvertes en sont la conséquence nécessaire. Plus on avance vers le mieux social, qui . comme on sait, ne se compose que du biea-être matériel de chaque indi- vidu ; plus un siècle devient ce qu'on est convenu d'ap- peler positif, plus les progrès de la science doivent être » > 10 ACADEMIE DE ROUEN. étendus et rapides, plus ses applications sont fréquentes et nombreuses. « Tant il estvrai » comme l'a dit un écrivain moderne’ dont je ne puis mieux faire, en terminant, que de rap- porter les propres expressions , « que la civilisation est un « cercle dont le point de départ et le point d'arrivée se « confondent ; tant il est vrai que le bien-être matériel est « le moteurle plus puissant des sociétés qui finissent, comme « de celles qui commencent. » "M. Etienne Becquet, Journal des Débats du r4 février 1835, article Variétés, signe R. CLASSE DES SCIENCES. apport PAR M. DES ALLEURS, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE LA CLASSE DES SCIENCES. Messieurs , Pour satisfaire aux exigences du goût actuel, dans un rapport général académique, qui traite exclusivement des sciences, deux conditions sont, je crois, indispensables à remplir. La premiére est d'être court, je le serai: la seconde, exact et clair, je m'eflorcerai de l'être, L Je n'occuperai que bien peu d'instans votre attention Messieurs, veuillez donc me l'accorder , en y joigvant, s'il se peut, beaucoup d'indulgence ! 12 ACADEMIE DE ROUEN. Rapports divers. Je rangerai, cette fois, dans un seul et même chapitre , à quelque branche de la science qu'ils appartiennent, Lous les rapports sur les ouvrages manuscrits ou imprimés des sociétés et des membres correspondans , ou enfin, sur ceux des hommes de science qui ont voulu conquérir à leurs essais l'autorité de nos suflrages, en les soumettant à la rigueur de nos jugemens. On s'est beaucoup récrié, Messieurs, sur l'usage des rapports, parce qu'ils n'offrent, a-t-on dit, qu'un intérêt bien secondaire. Il est possible qu'une vaine curiosité $ ex- prime ainsi, mais l'utilité générale et l'expérience feront porter aux hommes réfléchis un autre jugement sur un objet qui forme l'aliment ordinaire et indispensable des asso- ciations scientifiques : car, dans la science, autant et plus que partout ailleurs , le neuf est et doit être fort rare ! Ajoutons encore, Messieurs, que pour Îles savans eux- mêmes, c'est un juste dédommagement à l'indifférence des masses, que cette attention bienveillante et scrupuleuse que les académies apportent à l'examen des fruits de leurs veilles ! La littérature et les arts parlent à toutes les imaginations ou à tous les yeux; ils ne manquent donc jamais de juges, de partisans où d ‘adversaires , d'ennemis ou d’enthousiastes ! À eux la domaine de la publicité remuante ! à eux les passions de la multitude ! à eux les applaudissements et les couronnes! à eux le vogue enfin, cette capricieuse divinité, à laquelle on prodigue aujourd’hui tant d’indignes sacrifices ! La science, elle, ne parle qu’à ses adeptes toujours trop peu nombreux ! Laissez donc à ceux qui lui consacrent une vie toute de labeurs et de fatigues, les rapports acadé- CLASSE DES SCIENCES, 13 miques, puisque seuls ils mettent en relief les recherches et les progrès réels des hommes respectables qui se vouent à celte pénible carrière , et préfèrent la solidité d'un succès utile et durable à l'éclat d'un triomphe plus brillant, mais aussi plus fragile. Quarante-un rapports sur des ouvrages scientifiques va- riés ont été soumis à l’Académie durant cet exercice. L’a- griculture en a fourni treize , la médecine sept, la physique et la géologie trois, l'histoire naturelle proprement dite trois, les sciences économiques et les arts industriels trois, les mathématiques pures deux, l'application de celle-ci à des objets spéciaux deux aussi ; enfin, Les ouvrages mixtes, c'est-à dire contenant, sous la forme de publications pé- riodiques , un mélange de science et de littérature , où la première domine toujours cependant, ont encore été l'occasion de neuf autres rapports. J'aurai soin , dans l'impression, de noter avec exactitude les titres des ouvrages analysés et le nom de leurs auteurs, pour que ceux-ci puissent facilement se convainere de l'in- térêt que l’Académie leur porte, et de l'attention qu'elle accorde à leurs œuvres! (r ) Ici, Messieurs , je puis le dire avec franchise ; sans flat- terie et sans camaraderie, ces rapports sont, en général, consciencieut et répondent toujours , s'ils ne la dépassent pas même quelquefois , à l'importance des ouvrages qui en ont été l'objet. Mais quelques uns d’entre eux méritent, en outre, par leur étendue, leur forme, les recherches dont ils sont enrichis, les discussions approfondies dont ils sont sémés , de compter à leurs laborieux auteurs comme des mémoires originaux. Au sein de cette catégorie nombreuse, qu'il me soit permis de mentionner particulièrement ceux de nos con- 14 ACADEMIE DE ROUEN. frères qui ont rempli de la manière la plus complète les conditions que je viens d'énumérer. En tête de cette liste , je placerai avec justice M. Dubuc, qui a consacré aux Annales de la Société royale et centrale d'agriculture de Paris, aux Journaux des Sociétés d'agriculture de Falaise, du Mans #d'Indre-et-Loire, de l'Ain, etc , de fréquents rapports, tous d’une grande étendue. Après le nom de M. Dubuc, se présente aussitôt celni de M. Pouchet, qui, malgré une longue et douloureuse maladie , suivie d'une pénible convalescence , nous a lu, sur les publications du journal intitalé : l’Institut, et sur plu- sieurs traités volumineux d'histoire naturelle, des rapports très développés et qui renferment une foule de faits vrai- ment intéressants. \ M. Hellis doit figurer aussi au premier rang parmi ceux qui nous ont donné avec le plus de soin des rapports substan- tiels sur de longs ouvrages : un manuscrit de M. Roché, D. M., inutulé: Topographie médicale de Breteuil; les Recueils des Sociétés de médecine de Dijon, de Toulouse ; ceux de la Société d’émulation de Rouen, depuis 1833, Ini ont pré- senté l’occasion , tantôt de blâmer, tantôt d'approuver , avec une louable franchise ; la forme piquante sous laquelle il a présenté quelques-unes de ses conclusions, a permis de concevoir une opinion bien fondée sur plusieurs ouvrages que la science ne peut adopter, qu'elle regardera donc désormais comme non avenus , mais sans aucun préjudice» d’ailleurs, pour la considération que méritent personnel- lement leurs auteurs , et pour l'estime que pourront con- quérir leurs écrits à venir ! J'en dois dire autant de M. Lévy, qui a , maintes fois, CLASSE DES SCIENCES. 12 employé ce même système de discussion ; pour combattre des opinions erronées ou condamner des prétentions inad- missibles. L'honorable membre nous a fait aussi deux rap- ports sur les forages artésiens entrepris à Elbeuf, et sur les succés qui en ont été la suite. fl a repoussé victorieusement toutes les objections élevées contre ces utiles entreprises, en montrant que les insuccés qu'on leur opposait, tenaient, pour la plupart, à limpéritie des ouvriers ou à la négligence apportée dans le tubage. Nous augurons assez bien , ainsi que lui, de la réussite des essais tentés à £lbeuf, pour en espé- rer, disons mieux , pour oser en prédire de plus belles et de plus importantes encore ! Il me reste à vous désigner, Messieurs, ceux de nos confrères qui ont aussi présenté des rapporis tres recom_ mandables sur les branches variées de la science ; je don- nerai des détails plus étendus dans l'impression; mais il faut me borner aujourd'hui à proclamer leurs roms; ce sont : MA. Prevost pépiniériste, Paillart , Le Prévost vé- térinaire, E. Gaillard, Dubreuil, Morin, Vingtrinier, Girardin, Martm de Villers et Decaze. L'Académie m'a ordonné de consigner dans le Précis, un extrait trés étendu du rapport de ce dernier sur les tissus nautiques de MM. La Roche Barré et Lelong neveu, rapport qu'il nous à fait à l'occasion d'un ouvrage imprimé sur le même objet, et oflert à l'Académie par M. Thomas, président de la Société libre d'émulation de Rouen. Je déférerai à cet ordre avec d'autant plus de joie, que je crois le rapport de M. Decaze de nature à vaincre bien des oppo- sitions, à résoudre bien des problèmes, à éclaircir bien des doutes , et à faire prospérer, ainsi, au plus haut dégré, une industrie utile, à laquelle la persévérance ; le courage et les connaissances pratiques de MM. La Roche Barré et Le 16 ACADEMIE DE ROUEN. long neveu, qui l'ont importée chez nous et si fort perfec- tionnée , ont donné un droit de naturalisation que nou devons tenir désormais à honneur de maintenir et d'illus- trer, dans l'intérêt de l'industrie française en général , et de celle de notre ville en particulier. (2) Enfin, Messieurs, pour terminer ce chapitre, si les con- venances académiques ne s y opposent pas , Je dirai que le secrétaire des sciences a fait aussi un long rapport sur les actes du Conseil de salubrité du département de la Seine- Inférieure. Un mémoire de notre confrère M. Pouchet, traitant des asphyxies et des secours à donner aux noÿés, qui s'y trouve contenu, lui a paru surtout exiger cet examen approfondi. Je passe maintenant aux mémoires originaux qui nous ont été communiqués par les membres résidants. Il sont au nombre de huit, et conceruent les arts indus- triels, la chimie, la médecine, la physique , et enfin la controverse scientifique. Je vous demande la permission de consacrer quelques minutes à chacun d'eux. Arts industriels, Mécanique, Si le mémoire que nous a lu M. Girardin sur une récente invention de M. Perrot, de Rouen, pour l'impression des in- diennes à la planche, en plusieurs couleurs ; si la descrip- tion intéressante et fidèle de cette ingénieuse machine, qui a d’ailleurs été exposée publiquement dans cette enceinte , et a mérité, d'une autre société de cette ville, une médaille d'or à son inventeur, n'avait pas été pabliée dans un recueil périodique répandu , j'exposerais ici comment notre confrère a su nous faire sentir les avantages multipliés de la CLASSE DES SCIENCES. 17 Perrotine. Devant vous, Messieurs, je dois me contenter de m'écrier : honneur à l'inventeur, et remerciîments à celui qui a aidé de sa plume exercée la vulgarisation de cette utile invention ! Chimie. M. Girardin, professeur de chimie appliquée aux arts, a prouvé, par un second travail, quil comprenait bien sa mission, en fournissant à nos fabricants un moyen certain et d'un usage facile , par conséquent bien préférable à ceux proposés par MM. Bussy et Boutron Charlard et par M. Chevreul lui-même, pour reconnaître l'acide sulfureux qui se trouve presque toujours mêlé à l'acide hydrochlo rique du commerce. C’est à l'aide du protochlorure d'étain que M. Girardin atteint son but, ce sel ayant la propriété de desoxigéner l'acide sulfureux. L'æil et l'odorat s'unissent pour confirmer l'épreuve , car à l’instant où un précipité, dont il donne les caractères invariables , se forme , il se dégage , en même temps, une forte odeur d'hydrogène sulfuré ; il ne peut plus, dès-lors , rester de doutes sur la présence de l'acide sulfureux dans l'acide hydrochlorique. (3) M. Dubuc, qui, comme chacun le sait, a consacré sa vie à des recherches susceptibles d'une application facile et générale, s'est montré fidèle à sa vocation, comme par le passé. $es recherches sur les facultés clarifiantes et non décolorantes , et sur d’autres propriétés que possèdent plu- sieurs sortes de charbons , préparés avec des matières orga- niques végétales , de nature herbacée , etc., ont fixé l'atten- tion et mérité l'intérêt de l'Académie, qui m'a invité à comprendre dans mon rapport imprimé toute la partie pra- tique de cette curiense notice. (4) Je m'acquitterai de ce soin avec autant de plaisir que d'empressement. 18 ACADEMIE DE ROUEN. M. Dubuc nous a encore communiqué une note sur une masse calcaire particulière trouvée à Epaubourg près Gour- nay ; M. Passy, l'auteur de la Géologie de la Seine-Infé- rieure, a trouvé cette découverte digne de remarque , et M. Dubuc se propose de nous donner sur cet objet une notice plus étendue. Midecine. M. Des Alleurs a soumis à l Académie un long mémoire qui contient , à la suite de réflexions générales sur les diverses méthodes médicales pratiques , une série nombreuse d'obser- vations détaillées , qui constatent que certains médicaments d'une nature spéciale , et destinés à agir profondément pour combattre des altérations organiques constitutives , doivent étre donnés avec persévérance, sous des formes particulières appropriées à leur nature et à celle de la modification décisive que le médecin a pour but d'opérer. Comme ce sont les anti-scorbutiques qui occupent l'auteur, dans ce premier mémoire , il démontre , par l'exemple et les préceptes des médecins hippocratiques et par des faits nombreux et concluants, que c'est la forme sucrée sous laquelle ils obtiennent des succès inespérés et pourtant durables. L'auteur avait exprimé sa profonde conviction que les sciences d'observation ne reconnaissent comme vraiment bon, comme vraiment utile, que ce qui peut recevoir , chaque jour, une application certaine dans la pratique : l'Académie a partagé cette opinion , et fait l'honneur à l'au- teur d'ordonner l'impression de son mémoire, en entier , dans le Précis de 1835. Messieurs , Mon rapport général de 1834 se terminait par un article nécrologique , qui résumait les pertes cruelles et trop nom- CLASSE DES SCIENCES. 19 breuses que la science, et l'Académie surtout. avaient faites pendant le cours de cette même année. Aujourd'hui, par la plus heureuse des compensations ; rous n'avons point de pareils regrets à exprimer dans la classe dont j'ai l'hon- neur d'être l'interprète (5); nous avons, au contraire , acquis deux nouveaux confrères ! MA les professeurs Person et Gors, appelés à siéger parmi nous, ont fait leurs preuves le jour même où ils sont venus occuper leurs places. En eflet, les discours de réception de ces deux honorables membres, d'apres une coutume qui se propage chez nous et que l'on ne peut trop engourager. au lieu d'être un assemblage plus ou moins ingénieux de phrases rebattues , traitent de points scientifiques spéciaux. Ils ont obtenu de l'Académie une approbation que le public ne contredira pas, nous osons l'espérer, car, pour qu il soit à même de ratifier nos suffrages par son arrêt définitif, nous avons voté leur impression en entier dans le Précis annuel. Nonobstant cette publicité assurée, qu'il me soit permis de dire quelques mots sur l'objet même de ces discours. Celui de M. Person est consacré à l'exposition d'une nou- velle théorie de la vision. Cette faculté merveilleuse, qui a besoin, pour son examen approfondi, d'avoir recours à presque toutes les sciences, et à la philosophie même la plus élevée. L'auteur s'est efforcé de découvrir la modification réelle que subit l'œil, dans l'exercice de la vision, soit de près, soit de loin ; et il est parvenu à prouver que tout se réduit à un simple changement de coarbure dans le cristallin. Les physiciens et les médecins chercheront avidement , dans le mémoire mème, les preuves toutes rationnelles que l'auteur accumule à l'appui de sa théorie, qui a chance fondée de passer dans le domaine de celles définitivement acquises à la science. 20 ACADEMIE DE ROUEN. M. Paumier, suppléant M. Duputel absent , a répondu au récipiendaire , et , après avoir discuté les diverses théories émises sur la vision, de manière à rendre plus précieuse l'approbation qu'il donne à celle de M. Person , il a terminé sa réponse, par ces mots qu on nous saura gré de répéter ici : « Qu'on approuve ou qu'on blâme les diverses théories , nous continuerons , nous, à considérer la vision comme l'un des bienfaits du créateur les plus dignes de notre recon- naissance ! En contemplant, avec ravissement , un de ces tableaux où le génie de la peinture à déployé tout son art, toutes ses richesses ; en admirant aussi, dans un beau jour, du haut des collines riantes quidominent notre antique cité, le panorama si vaste et si animé qui se présente à nos re— gards, noussentirons toujours plus profondément combien les athées sont absurdes, quand ils soutiennent que l'homme est l'ouvrage d'un hasard aveugle et que ses yeux n'ont pas été faits pour voir! Pour moi, je ne crains pas de le dire, et je suis persuadé que ma pensée trouvera de l'écho dans l'ame de tous ceux qui m'écoutent , pour moi, il m'a tou- jours semblé que si l'examen de nos organes doit rendre la sagesse de Dieu sensible à nos modernes anatomistes, c'est surtout en disséquant l'organe dela vue, qu'à l'exemple de Galien, ils devraient laisser le scalpel s'échapper de leurs mains savantes, afin de les élever vers le ciel, afin de répéter, avecce même Galien , des hymmes de louanges et d'adoration , et de redire avec le prophête-roi : « Eh quoi, celui qui a formé l’œil ne verrait-il point ! » M. Gors , à l'instar de son coilègue M. Person, à puisé aussi le sujet de son discours dans les matières qui font l’objet habituel de ses méditations. Voué par état et par inclination à l'étude des sciences exactes, il nousa fait voir l'analyse mathématique venant prêter son secours à toutes CLASSE DES SCIENCES. 24 les sciences sans exception ; confirmant les résultats connus, éclaircissant les doutes, rectifiant les erreurs, et ouvrant, enfin, une voie assurée aux découvertes auxquelles l'esprit bumain a droit de prétendre. Ce discours. tout de controverse , marche presque cons- tamment dansles hautes régions de la science et de la phi- losophie. Détacher, pour une analyse de la nature de la nôtre, un seul fil de cette trame qui forme un tissu si serré, si solide , ce serait S'exposer à être mal compris soi-méme , ou à faire mal comprendre l'auteur. Constatons seulement que la solidité n'est pas le seul mérite de ce travail, puisque le style vient lui prêter, à chaque instant , le plus pur éclat. J'en fournis la preuve : l'auteur, après avoir montré combien l'imagination a de tendance , même chez les plus patients et les plus profonds observateurs, à venir généra- liser les faits découverts et à pousser le savant qui s'avance majestueusement dans la grande voie de la vérité , vers les sentiers décevants des systèmes, nous fait voir cette belle mais dangereuse faculté de l'ame , réprimée dans ses écarts par l'analyse toujours sévère, toujours incorrup- tible ! Il s'écrie alors : « L'imagination ; qui ne connaissait pas de bornes à son pouvoir, s'effraie des résultats ; elle ne peut plus comprendre cette immensité qui l’environne de toutes parts; elle se perd et s’évanonit dans la profondeur de ces abîmes; la raison se trouble et demeure confondue ; toutes les facultés sont anéanties, L’ame seule, ce principe éternel de la pensée et de la vie, infinie par son essence , lame , au milieu de tant de magnificence et de grandeur , s'élève en souve- raine, majestueuse, sublime, comme un rayon pur émané de la suprême intelligence! Le génie de l'homme qui a pu parvenir jusqu’à la connaissance des lois de l’univers , ce génie qu'elle-même a conçu, qu'elle seule a inspiré, lui apprend qu'elle seule aussi a été créée pour une telle con- 22 ACADEMIE DE ROUEN. templation. En lui dévoilant les cieux , il lui montre toute l'étendue de sa puissance , lui révèle danssa nature quelque chose de divin ! Elle retrouve alors sa dignité première , et elle comprend son origine , sa destinée, son immorta- lié! ! » M. Paumier, vice-président , chargé , encore ceite fois, de répondre au récipiendaire, s'est plu à le suivre dans les régions supérieures où il s'était élevé , et, revenant ensuite à l’étude spéciale des mathématiques, prescrite dans les cours d'instruction générale et publique, il a prouvé, par l'exemple de M. Gors lui-même, qu'elles ne nuisaient pas, comme on se plaisait trop à le dire, aux œuvres d'imagination; qu'au contraire , elles donnaient à celles-ci les deux qualités qui peuvent seules les rendre durables : la vérité dans la pensée et la justesse dans l'expression. Nous devons encore à M. Person une note intéressante , qui tend à prouver qu'une prétendue explication mathéma- tique de la théorie du système solaire de La Place , lue dans une séance de l'Académie des sciences, par M. Comte, n'est qu'un cercle vicieux , puisque c'est le principe même qui aété pris pour explication du priacipe (6). Je mehâte , Messieurs , mais je ne puis cependant omettre de mentionner l'hommage que nous ont fait plusieurs de nos collègues , de leurs ouvrages publiés récemment. De ce nombre sont : 1° des Considérations , de M. Gi- rardin , sur la nécessité et l'utilité des études scientifiques ; 2° la première partie de la Flore de la Seine-Inférieure , par M. Pouchet, qui a été l’objet d’un très bon rapport de M. Prevost pépiniériste ; 3° plusieurs lecons du même pro- fesseur sur divers points d'histoire naturelle ; 4° deux bro- chures de M. Dubuc sur les plantes et les végétaux indi- gènes ou exotiques, propres à suppléer le tan ordinaire , dans la fabrication des cuirs ; et sur les procédés mécaniques CLASSE DES SCIENCES. 23 et chimiques propres à reconnaître le mélange de fécule de pommes de terre et autres ingrédients hétérogènes, dans la farine de blé. Tous ces ouvrages, accueillis avec reconnaissance , ont été déposés avec honneur dans notre bibliotheque Je ne dirai qu'un mot de la statistique. L'Académie, qui en a concu et dressé Le plan général, a été représentée par son président et ses secrétaires dans la commission cen- trale formée par M. le préfet. Elle s’est occupée, depuis, de la division , entre ses membres, de la partie du travail qui lui reste spécialement et définitivement confiée : elle l’achèvera avec succès , nous osons l'espérer ; mais un temps assez long doit s écouler encore avant que je puisse mettre f sous les yeux du public les résultats de ses efforts. | 7) \y Un concours, offrant une grande latitude, avait été ouvert celte année dans la classe des Sciences: c’est tout ce que je puis en dire, ne voulant pas anticiper sur le rapport que doit vous présenter dans un instant notre confrère M. Hellis. (8) Tel est l'aperçu , bien rapide, de nos travaux scienti- fiques pendant la dernière période annuelle , Messieurs : ils sont nombreux , et, quand vous y joindrez ceux des autres classes, que mon collègue va vous faire connaître tout-à- l'heure, vous comprendrez facilement que nulle séance n'est restée inoccupée ; bien plus, que le temps a souvent manqué à l’empressement des lecteurs. L’assiduité des membres ne s’est pas, d'ailleurs, un seul instant ralentie. Or, dans les temps où nous vivons, Messieurs, quand un corps poursuit avec persévérance, et surtout avec un nou- veau zèle, le cours de ses travaux , conformément aux lois de son institution , c'est que celle-ci est bonne, et que ces travaux sont utiles. 24 ACADEMIE DE ROUEN. Que si, dans la fièvre d'innovations irréfléchies qui a tourmenté notre France scientifique, littéraire et artis- tique depuis quelques années, fièvre grave qui se calme et promet une crise favorable et méme assez prochaine, quelqu'esprit ardent, encore en proie à ses accès , venait me dire maintenant : « Mais vous n'êtes pas dans le progrès ; il vous faut changer toutes ces habitudes antiques, supprimer ces rap- ports, Jaire du nouveau, et aller en avant! toujours en avant ! » (9) Je l'engagerais d'abord à réfléchir sur le discours que vient de prononcer notre honorable président; puis, je lui demanderais de vouloir bien me définir nettement, clai- rement et sans divagations , ce qu'il entend par progrès, en pareille matière? J'ai vu souvent, Messieurs, je vous le proteste, j'ai vu, à celte question si simple , l'exaltation de ces prétendus amis de réformes soi-disant utiles, se calmer tout-à-coup ; et, quand leurs adversaires, se mettant à leur discrétion, s'engageaient à leur obéir, pourvu qu'ils leur traçassent une marche raisonnable , loyale et sûre, ils ne tardaient pas à hésiter, puis ils faiblissaient, et en venaient bientôt à des concessions, prélude assuré d'une défaite. Messieurs, On est dans le progrès véritable, par cela même que l'on demeure fidèle à ses institutions dans les temps de trouble et de transition , par cela même qu'on se montre ennemi du désordre et de l'anarchie scientifiques, aussi franchement, aussi sincèrement que du désordre et de l'anarchie politiques; alors que l'on dédaigne, que l'on méprise les honteux , les dégradants effets de l’une, autant que l’on déteste, que l'on maudit les odieux , les infimes, les exécrables moyens de l'autre ! Le parti le plus noble à prendre , et peut-être aussi le plus sùr pour résister à leurs CLASSE DES SCIENCES. 25 excès, est de rester inébranlable dans sa fidélité à ses institalions, car c’est l'invincible preuve qu'on à vraiment foi en elles, que l'on n'oublie pas ce grand précepte de l'histoire et de l'expérience : « Le passé est la lecon de l'a- ventr ! » Messieurs , Qu'on lise l’histoire latine de l'Académie royale des * y S Sciences de Paris, par Duhamel, l'ur de ses membres . 1 qu'on parcoure les réglements de cette immortelle Société ; qu'on médite sur les raisons qui détermine rent le grand Roi, au rapport de Colbert , à les lui donner ; €t l'on verra que l’Académie royale des Sciences d'aujourd'hui, si Jus- tement célèbre, si incontestablement utile, suit encore , presqu à la lettre , ces sages réslements; c'est la garantie de sa propre durée, et de celle du respect et de | estime qu'elle à su conquérir et qu'elle ne per a haute dra jamais ! Aux gens avides de changements, par caractère ou par absence de principes , il faut donc répéter l’exclamation du parce qu’on > d'après Tite- Live, fait voir que le meilleur prétexte de changement aux institutions éprouvées est dangereux : « Aded, dit l'historien laun, nthil motum ex antiquo probabile est ! » ? bon Montaigne , qu'on aime Loujours à citer, aime toujours à l'entendre : or, après avoir Tant ilest vrai, que nul changement survenu dans une ancienne institution n'est louable ! Il s'écrie, à son tour: «Je suis desgousté de la nouvelleté, quelque visage qu'elle porte , et ay raison, Car j'en ay vu des effects très dommageables! » Pour qui ne serait pas encore convaincu, nous emprun- terions une dernière citation à un autre philosophe , Com- patriote de Montaigne, qui écrivait plus de cent Cinquante ans après Jui ; à un illustre auteur , l’une des gloires de la 4 6 ACADEMIE DE ROUEN. France, qui, dès l'an 1716, impaironisait les sciences, proprement dites, dans les lois et les réglements de l'Aca- démie de sa ville natale, la plus ancienne de celles de province , jasque là occupée seulement de littérature lé- gère etde beaux-arts, C'est l'Académie de Bordeaux que je désigne ici : elle poursuit encore gloriensement aujourd'hui ses utiles travaux, et brille toujours de l'éclat que réflètent sur elle une foule d'hommes supérieurs par leurs talents et leur noble caractère ! Eh bien! au sein de cette Société que décorent tant d'illustres noms, celui qui porta le plus beau de tous, l’immortel auteur de l'Esprit des Lois, qui avait dicté celles qu'elle observe religieusement après un siècle et demi, Montesquieu en un mot, a proclamé en principe que : « Le respect pour les lois leur permet seal de porter leurs fruits, et qu'une loi doit être présumée bonne, par cela seal qu'elle s'exécute bien depuis long-temps; car c'est, dit-il, la marque certaine qu'elle convient parfaitement à ceux pour qui elle a été faite ! » (g) NOTES ET ADDITIONS. (Note 1). — Voici la liste de tous les ouvrages relatifs aux sciences, reçus pendant cet exercice, avec les noms des Rapporteurs. Ouvrages périodiques. 1, — L'Institut ; journal général des Sociétés et des travaux scientifiques de la France et de l'étranger (Rapporteur, M. Pouchet). 2, — Journal de santé (R. M. Vingtrinier). CLASSE DES SCIENCES. [Q = / 3 et 4.— Journal de l'Académie de l'industrie, et journal de la Société de statistique , sous la direction de M. César Moreau (R. M. P. Pimont), 5. — Bulletin de la Société industrielle de St-Etienne (R. MM. Girardin et Courant). 6. — Journal de la Société d'émulation de l'Ain ( R. MM. Verdière et Dubuc). 7. — Revue de l'Agriculture, etc., par M. Théodore Perrin (R. M. Dubuc). 8. — Bulletin de la Société industrielle d'Angers ( Rapp. M. Verdière). 9. — Annales d'Agriculture d'Indre-et-Loire (R.M. Pre- vost pépiniériste). 10. — Recueil de la Société libre de l'Eure (R. MM. de Stabenrath, Prevost pépiniériste). 11,— Annales scientifiques, littéraires et industrielles de l'Auvergne (R. M. de Caze). 12.— Bulletin de la Société royale du Mans (R. M. Dubuc). 13.— Le Lycée, journal des sciences, etc; publié par l'Athé- née des arts de Paris ( R. M. Chéruel). 14. — Annales de la Société académique de Nantes (R. M. Bergasse). 15. — Société d'agriculture du Var (R. M. Grégoire). 16. — Recueil agronomique de Tarn-et-Garonne (R. M. Le Prevost vétérinaire, M. Dubreuil.) 17. — Bulletin de la Société industrielle d'Angers (R. M. P. Pimont). 18. — L'Athénée, nouveau journal créé à Lyon (R. M. Bergasse ). 19. — Annales de la Société royale d'Orléans (R. M. Des Alleurs) 28 ACADEMIE DE ROUEN. 20. — Encyclopédie des sciences médicales , sous la direc- tion de M. Malle, D.-M. (R. M. Hellis). 21. — Nouveau Journal d'agriculture ; par M. Gauthier Desbrosses (R. M. Dubuc). 22, — Ephémérides de la Société d'agriculture de l'Indre (R. M. Prevost pépiniériste). 23. — Bulletin de l'Académie Ébroïcienne (R. M. de Stabenrath) . 24. — Recueil publié par la Société centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure (R. M. Dumesnil ). 25. — Recueil de la Société libre de l'Eure (R, M. Paillart.) 26 — Recueil publié par la nouvelle Société d'agriculture de l'arrondissement de Falaise ( R. M. Dubuc). 27. — Annales de la Société d'agriculture du Puy (R. M, Dubreuil ). 28. — Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de Limoges( R. M. Dubuc). 29. — Correspondance météorologique ; par M. Morin ingénieur { À. M. Lévy). Ouvrages on périodiques. 1. — Séance publique de l Académie de Besancon , pour 1834(R. M. de Stabenrath). >. — Notices historico-médicales sur les Normands; par M. J.-B. Duval (R. M. Hellis). 3, — Recherches sur l'histoire des Cyprès; par M. Loise- leur-Deslongchamps (R. M. Pouchet). 4. — Statistique de l'Espagne, avec une carte ; par M. Mo- reau de Jonnès (R. M. Lévy). 5. — Recueil des ouvrages publiés , en 1834, par la Société CLASSE DES SCIENCES. 29 d'agriculture et de commerce de Caen (R. M. Magnier). 6. — Mémoires de la Société d'agriculture et des arts de Seine-et-Oise, trente-quatrième année (R. M. Dubuc). 7: — Rapportsur les travaux du Conseil central de salubrité de Rouen et du département de la Seine-Inférieure, pour 1833 et 1834 (R. M. Des Alleurs). 8. — Travaux de la Société d'émulation du Jura, pour 1832 (R. M. Verdière). 9. — Compte-rendu des travaux de l'Académie de Bor- deaux, pour 1834 (R. M. Hellis). 10. — Flore complète d'Indre-et-Loire (R. M. Pouchet). 11. — Recherches d'anatomie et de physiologie sur un embryon monstrueux de la poule; par M. Ch. Le Blond ; lu à l'Institut le 11 août 1834 (R. KM. Pouchet). 12. — Mémoires de l Académie royale de Metz, pour 1833 et 1834 (R. M. Lévy). 13. — Flore ou Statistique botanique de la Seine-Inférieure, par M. Pouchet(R. M. Prevost pépiniériste). 14. — De la destruction des tissas dans le blanchiment et la teinture; par M. Gréau aîné (R. M. Pimont). 15.— Travaux de la Société royale et centrale d'agriculture de Paris (R. M. Dubuc). 16. — Mémoire de M. Thomas, alors président de la Société d'émualation de Rouen , sur les tissus nautiques de MM. La Roche-Barré et Lelong neveu (R. M. de Caze). 17. — Mémoires de la Société d'émulation, pour 1854 (R. M. Hellis). 18. — Traité du rétrécissement de l'urètre et du rectum, par M. Tanchou, D.-M. (R. M. Des Alleurs). 19. — Note sur une manière peu connue de greffer la vigne; par M. Loiseleur-Deslongchamps (R. M. Dabreuil). 30 ACADEMIE DE ROUEN. 20. — Séance publique de l'Académie de Besançon, en 1835 (R. M. Blanche). 21. — Mémoires de l'Académie de Dijon, pour 1834 (R: M. Purouzeau). 22. — Mémoire manuscrit de M. Roché, D.-M., sur la topographie de Breteuil ( R. M. Hellis). 23.— Du Mécanisme des mouvements de la respiration, etc. et Dissertation sur les généralités de la physiologie ; Thèse de concours; par M. Malle, D.-M., professeur à Strasbourg (R. M. Vingtrinier). 24. — Essai sur les moyens de rendre moins fréquent le crime d'empoisonnement, par M. Chevalier, de Paris (R. M. Morin). >5. — Mémoires de la Société du département de l'Aube (R. M. Dubreuil ). 26. — Mémoire sur l'élimination des Racines, par M. Voi- rot, régent de mathématiques, à Châtillon-sur-Seine (R. M. Lévy). 27. — Rapport de M. Julia de Fontenelle sur l’établis- sement gymnastique du colonel Amoros(R. M. Vingtri- nier ). >8.— Résumé d'ichtyologie, par M. Ajasson de Grand- Lagne (R. M. Pouchet). >6. — Essai sur l’histoire naturelle de la Normandie, par M. Chesnon, principal du collége de Bayeux (R. M. Pouchet ). 30. — Annuaire statistique du Doubs, par M. Laurens (R. M. Lévy). 31. — De la pellagre et de la folie pellagreuse, par M. Brière de Boismont, docteur-médecin , à Paris (R. M. Vingtrinier ). 32. — Compte-rendu des travaux de la Société philotech- CLASSE DES SCIENCES. 31 nique de Paris, par M. le baron de la Doucette (R. M. de Caze }. 33. — Tableaux de M. Bresson, de Rouen, servant de programme à un cours de géométrie , de mécanique, etc. (R. M. Person ). f 34. — Des Eaux minérales, par M. Soubeyran, chef de la pharmacie centrale des hôpitaux de Paris (R. M. Morin). 35. — Travaux de la Société royale de médecine de Toulouse, pour 1834 (R. M. Hellis ). 36. — Travaux de la Société médicale de Dijon , pour 1834 (R. M. Hellis). 37. — Lettre de M. Civiale à M. Dupuytren, sur la lithotritie (R. M. Vingtrinier ). 38. — Précis des travaux de la Société royale de Nancy, pour 1833 et 1834 (R. M. E. Gaillard ). 39- — Dictionnaire des termes scientifiques, par M. Jour- dan , docteur-médecin (R. M. Morin ). 40. — Mémoire sur la meilleure proportion entre la hauteur et le diamètre d'une cheminée, sous le rapport de l'efficacité du tirage et sous celui de l'économie, tant da combustible que de la construction ; par M. Morin, ingénieur (R. M. Lévy). (Note 2.)—« M. Thomas répond, selon nous, victorieuse- ment, dit M. de Caze, aux deux objections plus spécieuses que solides fait essaux voiles de coton. L'une est une difficulté de Les réparer, qu'on ne sait sur quoi fondée ; l'autre est que le coton étant un produit exotique, si on venait un jour à en être privé par une cause quelconque , on aurait à regretter ja diminution ou la chûte des manufactures des toiles à voiles de chanvre. L'auteur fait observer avec raison que la Russie , la Prusse et l'Italie approvisionnant , en grande partie, de "1 32 ACADEMIE DE ROUEN. chanvre la marine royale et celle du commerce, soit pour les cordages , soit pour les toiles , on pourrait, aveecet esprit inquiet, concevoir les mêmes craintes d'en voir cesser l'im- portation. La nécessité du coton est aujourd'hui tellement grande en Europe, les rapports des nations qui le consom- ment avec celles qui le produisent sont tellement resserrés par des avantages immenses el réciproques , que la prévi- sion de manquer de coton est une de ces choses qu'on peut ranger au nombre des impossibilités. « Après avoir moniré les améliorations qu'ont déjà éprou- vées Les toiles à voiles de chanvre et celles de coton de la Ciotat, M. Thomas n'hésite pas à aflirmer que celles de MM. Lelong et La Roche-Barré ont dépassé de beaucoup tous les perfectionnements déjà obtenus. Je ne vous entre- tiendrai pas de tous les certificats dont il appuye cette asser- tion ; ils prouvent, cependant, que ces voiles, après avoir servi beaucoup plasutilement, sont revenues, après des navi- gations de dix-huit mois à deux ans, en bien meilleur état que celles de chanvre ; mais je ne peux passer sous silence celui du commissaire de marine du Havre, parce qu'il porte un caractère ofliciel. (CV. p. 45 de l'ouvrage de M. Thomas.) « Tous ces documents datent déjà de 1833 ou des pre- miers mois de 1834; mais votre rapporteur a recu, ces jours-ci, de nouvelles pièces qui prouvent la bonté de ces tissus. IL paraît certain qu'en plusieurs circonstances, des navires, qui avaient perdu toutes leurs voiles de chanvre , n'ont dù leur salut qu'à celles de coton, qui, enverguées de concert avec les autres, avaient résisté aux temps les plus affreux. Voici, par ordre de date , les renseignements nouveaux que ne pouvait comprendre le Mémoire de M. Thomas , dont tous les originaux ont été en mes mains. « Le 24 décembre 1834, M. Blanquet , de Dieppe , écrit de Bordeanx : « J'ai visité le fameux hunier du capitaine CLASSE DES SCIENCES. 33 « Bizet (c'est celui qui avait donné lieu à l'examen de la « commission maritime du Havre): ce hunier est revenu « seul, en son enlier , de toutes les voiles de la Constance « présentement en grandes avaries à Bordeaux. Cette voile « est en parfaite conservation. » Ceci est très remarquable , aprés trois ans de navigation. — Il ajoute : « Les voiles de « l'Ælexandrine ont on ne peut mieux réussi : elles re- « viennent victorieuses des ouragans , des brames de « Terre-Neuve. Il en est de méme de quelques autres « navires. Aujourd'hui nous pouvons dire hautement et en «“ conscience: les tissus nautiques ont la victoire. » « Le 18 février 1835 , le même armateur écrit de Dieppe, pour envoyer le rapport qui termine le Mémoire de M. Thomas, en disant : « Nous avons aujourd'hui plus que « les faits établis par mon rapport : l'opinion publique se « manifeste en faveur des tissus nautiques ; et, ce qu'il y a de « plus satisfaisant, elle est venue d'elle-même révéler sa « conversion, » Un mois après, le commissaire général de la marine, au fävre, en annoncant qu'il verrait avec plaisir ces lissus entrer en concurrence, dans les grands ports, avec ceux de chanvre, faisait connaître que M. de Mortemart , directeur du port, lui avait dit que le ministère n'était pas éloigné de faire faire des épreuves dans les ports militaires. Espérons que, si le gouvernement s'y décide, ces expé- riences seront faites de bonne foi. « À la même époque, le capitaine Hurtel disait tout ce qu'il y a de plus avantageux sar les tissus , et il envoya un rapport sur trois voiles qu'il avait employées. Il en discute franchement quelques petites imperfections ; mais ,; ilen ré- sulte qu'elles peuvent se raccommoder parfaitement, et offrent plus de force que les autres. Des commandes sont venues des colonies , de Hambourg et d’Altona ; des baleiniers les emploient , et, le 17 avril dernier , le capitaine Lefebvre , commandant la Réunion , 5 34 ACADEMIE DE ROUEN. déclare , dans une lettre, que dans un voyage de dix-huit mois et huit jours, sa misaine, constamment enverguée ;, et sa brigantine, en colon, quin'a pas été déverguée pendant douze mois, ont été rapportées en élal d’entre- prendre un second voyage avec peu de réparation, et il pense que ces voiles méritent toute préférence. « Le 21 avril, une lettre de Dieppe annonce à MM. Le- lony neveu le résultat des expériences faites concurrem- ment avec des voiles de chanvre pour apprécier les avantages de la marche. Les barques de pêche ont une marche moyenne de sept nœuds ; gréées en voiles de coton, elle ont constamment donné une moyenne de huit nœuds et demi, avantage immense de un nœud et demi : ce fait a été expérimenté à plusieurs reprises; eu l'on peut juger de son résultat sur une longue navigation. « À ces témoignages, déjà si positifs, de la correspondance de MM. Lelong et Laroche-Barré , sont venus se joindre deux rapports , insérés dans le Journal du Havre des 17 et 21 avril derniers. « Dans le premier, le capitaine du baleinier l'Elisa an- monce à ses armateurs qu'uu hunier en coton, cons- tamment envergué depuis cinq mois , et qui a été éprouvé par les plus mauvais temps qu'ait essuyés le navire , à offert, après cette expérience si décisive, l’état de conservation le plus complet ; jamais, dit-il, une voile en chanvre ordi- paire n’eût résisté à des épreuves aussi longues et aussi multipliées. « Dans le second , le capitaine Troude , commandant le Pierre-Corneille , venant de Cayenne, dit : « Dans le cours de notre traversée, nous avons eu des «temps furieux , qui nous ont permis de juger de la bonne « qualité des toiles de coton. Un grand hunier, envergué « depuis deux ans, ayant fait quatre voyages ; a soulenu « quinze jours de cape ; lors de la traversée de Cayenne, et CLASSE DES SCIENCES. 35 « dans celle-ci, deux petits huniers et une grande voile de « toile, en fil fort. a à peine suffi. La toile de la grande voile « n'était plus bonne à faire de la fourrure. » « Enfin, Messieurs, au dire de ceux qui les ont employés, et c'est là un des points capitaux, l'emploi des tissns nan- tiques, quoique plus cher que les toiles de chanvre, est plus économique, car, durant moitié plus et donnant lieu à moins de raccommodages, ils sont, en définitive, moins coûteux. «IL paraît, à voire rapporteur, que les conclusions du Mémoire de M. Thomas sont pleinement justifiées, sa- voir : « Les toiles à voiles en coton sont plus fortes que les toiles de chanvre. — Elles sont plus légeres et plus souples. — Elles sont plus imperméables à l'air et à l'eau : ce qui accélère noiabiement la marche du navire et laisse aux voiles leur légéreté, en n'augmentant pas leur poids. — Elles sont plus faciles à manœuvrer. — Elles durent davantage. « L'Académie excusera les détails dans lesquels je suis entré, et ce qu'il pourraient avoir d'aride sur un objet qui intéresse à un si haut degré les progrès de la navi- gation et ceux de l'industrie. Ce perfectionnement , cette amélioration équivaut presque à une découverte, et mérite tous les encouragements que les corps savants peuvent et doivent donner aux | rogrès des arts. « N'oublions pas que le modeste Jacquart, mort nagaëres, auquel yon élève aujourd'hui un monument, auquel l'industrie doit une statu, fut presque méconnu de son vivant! On étut loin d'attacher à son admirable et indus- trieuse invention tonte l'importance qu'on lui reconnait aujourd'hui, Il y a trente ans, on crut assez reconnaître son génie par une médaille de bronze ; et, sans attribuer aux produits de MM Lelonget Laroche-Barré le mérite de com: binaisons aussi savantes , nous sommes persuadés qu'ils sont 36 ACADEMIE DE ROUEN. destinés à faire une révolution heureuse dans la marine. Ils amèneront une économie d'hommes, par la facilité des manœuvres; ils embelliront, par leur élégance et leur blancheur, le grément déjà si gracieux de nos navires ; et, mieux encore, ils leur feront franchir , avec une rapi- dité jusqu'alors inconnue, les plus vastes distances. » (Note 3). — Le Mémoire de M. Girardin a été imprimé dans les actes de la Société industrielle de Mulhausen , sur un rapport trés favorable fait, au nom du comité dechimie, par M. Achille Penot. C'est ce qui nous a privés de l'impri- mer nous-mêmes en entier dans ce pr'cis; nous en don- nons cependant ci-dessous un extrait, qui servira à bien faire connaître le procédé de l'auteur : « C’est surtout lorsqu'on applique l'acide hydrochlorique à la fabrication du chlore et des chlorites, du sel d’étain, de l'acide hydrosulfarique , que les inconvénients attachés à la présence de l'acide sulfureux se font sentir. Il est donc extrémerment important d’avoir des procédés prompts et commodes de reconnaître les plus petites traces de cet acide. « Lorsqu'il est en proportion assez considérable , et tel est le cas de certains acides hydrochloriques de Rouen et de quelques autres qui arrivent par la voie de Paris, il est aisé- ment reconnaissable , pour ceux qui ont l'habitude de manier ces produits, à la couleur brune, à l'aspect trouble, à l'o- deur piquante et désagréable qu'il communique à ces acides. Mais, lorsqu'il est en petite quantité , sa présence ne saurait être constatée par ces caractères empiriques. Il faut, de toute nécessité, recourir à des procédés chimiques. « Ceux qui ont été indiqués jusqu'ici pour cette détermina- tion , ne sont, malheureusement, ni commodes ni certains. « L'un d'eux , cité par MM. Bussy et Boutron-Charlard, dans leur Traité des moyens de reconnaitre les falsifications CLASSE DES, SCIENCES. 37 des drogues simples et composées (page 17), consiste à sa- turer l'acide hydrochlorique par l'eau de baryte, après l'avoir étendu de trois à quatre fois son poids d’eau distillée. Il se faitun précipité blanc de sulfate et desulfite de baryte, qui, lavé à plasieurs reprises pour en séparer le chlorure de barium , et arrosé ensuite d'acide sulfurique concentré, exhale l'odeur d'acide sulfureux. Ind‘pendamment! du temps et des manipulations que nécessite ce procédé , el qui sufli- raient seuls pour l’éloigner des ateliers , il a encore lin- convénient d'exiger , pour reconnaitre des quantités d'acide sulfureux aussi petites que celles sur lesqaelles on agit, une assez grande délicatesse d'odorat, et ce sens est assez souvent émoussé chez les chimistes manufacturiers. « Un autre procédé a été proposé par M. Chevreul, dans ses lecons de Chimie appliquée à la teinture (XX: leçon, page 15). Ce savant chimiste, en faisant l'étude du sulfate de cuivre, a reconnu, dès 1812,(4nnales de chimie, t. 85, p- 181), qu'en versant du sulfite de potasse dans un sel de deutoxide de euivre , il se produit un précipité jaune formé par du sulfite double de potasse et du protoxide de cuivre, et que ce précipité , chauffé au sein de l'eau , se décompose en sulfite de potasse , qui se dissout, et en sulfite de proto- xide de cuivre, qui est insoluble, et qui apparaît alors avec une couleur rouge. Partant de ce fait, M. €hevreul en a conclu, que lorsqu'un acide hydrochlorique du com- merce renfermerait une quantité notable d'acide sulfureux , il suffirait , pour le reconnaitre , de saturer le premier par la potasse , et de le méler ensuite avec du sulfate de cuivre dissous ; parce qu'alors il se produirait un précipité jaune , qui deviendrait subitement rouge par l'ébulltion. Mais, ces prévisions théoriques ne sont nullement confirmées par la pratique. En eflet , le procédé de M. Chevreul , excellent pour distinguer l'acide sulfureux libre ou combiné aux bases, devient impuissant quand il est question d'acide sulfureux 38 ACADEMIE DE ROUEN. mélé à l'acide hydrochlorique. Nous avors bien des fois appliqué ce procédé à des acides hydrochloriqnes surchargés d'acide sulfureux, et jamais nous n'avons pu obtemur la réaction annoncée par M. Chevreul. L'addition du sulfate ou de tout autre sel de cuivre dans ces acides neutralisés par la potasse , ne donne lieu à aucun précipité, ou , lorsque les liqueurs sont concentrées , en produit un léger, bleuà- tre, dont la couleur ne change pas par l’ébullition. « M. Gay-bussac a recommandé , le premier, en 1813, ( Annales de chimie , 1. 85, p. 206), le sullate rouge de manganése, comme le meilleur réactif que l'on puisse em- ployer pour reconnaître quand un corps est susceptible de s'oxider. Ce sel, que les uns regardent comme un sulfate de sesqui-oxide de manganèse (sulfate manganique), d’autres comme un sulfate de bi-oxide, et quelques-uns comme un sulfate de protoxide mélé d'acide hypermanganique , ( M. Pearsal ), s'obtient, comme on sail , en faisant digérer du perodixe de manganèse, réduit en poudre impalpable , dans de l'acide sulfurique concentré, pendant plusieurs jours : il en résulte une liqueur d'un beau rouge , très acide, qui est Le sel en question. Tous les corps combustibles avides d'oxigène, les matières organiques, les acides peu oxigénés, tels que les acidessulfureux, phosphoreux, hyponitrique, etc., lui font perdre sa belle couleur, en le ramenant à l'état de sel de protoxide. On pourrait donc l'employer pour rechercher la présence de l'acide sulfureux dans l'acide hydrochlorique du commerce , puisque quelques gouttes de cette liqueur rouge versées dans celui-ci, sont décolorées subitement , pour peu qu'il y ait des traces du premier de ces acides. Mais l'emploi de ce réactif , dans ce cas, n'offre pas tous les avantages, qu’au premier abord, il semblerait présenter. D'abord, ce sel, comme tous les sels rouges de manganèse , n'est pas très stable ; il se décolore à la longue au contact del'air, et subitement , par l'addition de l'eau ; CLASSE DES SCIENCES. 39 mais, en outre, il a l'inconvénient d'être détruit par l'acide hyponitrique , comme par l'acide sulfureux ; d'où il suit qu'un acide hydrochlorique contenant de l'acide hyponi- trique , ce qui arrive assez souvent, comme mous l'avons déjà dit précédemment, agirait sur ce réactif comme sil realermait de l'acide sulfureux, ce qui entrainerait dans des méprises ies personnes peu au fait des manipulations chuniques. « Consulté à chaque instant par les industriels de notre ville, sur la pureté des acides hydrochloriques des fabriques, en consommant nous-mêmes une grande quantité pour la fabrication des eaux minérales gazruses que nous avons établies en grand un des premiers à Ronen, nous avons dù chercher un procédé simple, prompt et infaillible pour découvrir les plus petites traces d'acide sulfureux dans ces acides. Celui que nous allons indiquer réunit toutes les conditions pour devenir usuel dans les mains des personnes les moins habiles ; il parle aux yeux et est de l'exécution la plus facile. Depuis deux ans nous l'enseignons dans nos cours, et il n'a jamais trahi nos espérances. « Le procédé est fondé sur l’action qu'exerce le protochlo- rure d'élain (sel d'étain du commerce) sur l'acide sulfureux. Pelletier père nous a appris, il y a fort long-temps , (Ænnales de chimie, L. 12, p. 231;— 1792), que, mis en contact avec ce dernier, il le désoxigène et donne lieu à un précipité d'un beau jaune, consistant en soufre et en peroxide d'étain. « Voici comment on opère : « On met dans un verre une demi-once ( 16 grammes }) env'ron de l'acide hydrochlorique dont on veut faire l'essai; on y ajoute 2 à 3 gros (8 à 12 grammes) de sel d'étain bien blanc et non altéré par l'air; on remue avec un tube, et l'on verse sur le tout deux ou trois fois autant d’eau dis- üllée , en agitant. sé, 4o ACADEMIE DE ROUEN. « Lorsque l'acide hydrochlorique ne contient pas d'acide sulfureux , il ne se présente aucun phénomène remarquable après l'addition du sel etde l'eau ; le premier se dissout ; et la liqueur devient seulement un peu trouble ; par suite de l'action de l'air sur le sel. « Mais, pour peu que cet acide renferme d'acide sulfureux, on voit, immédiatement après l'addition dû sel d'étain, l'acide se troubler, devenir jaune , et , dès qu'on a ajouté l'eau distillée, on sent très manifestement l'odeur de l'hy- drogène sulfuré, et la liqueur prend une teinte brune , en déposant une poudre de méme couleur. Ces phénomènes sont tellement apparents, quon ne peut hésiter un instant sur la présence ou l'absence de l'acide sulfureux. « Quelquefois, la couleur brune ne se développe qu'au bout de quelques minutes ; elle st d'autant plus foncée, que la proportion d'acide sulfureux est plus forte. Le d'gagement d'hydrogène sulfuré n'a lieu qu'au moment où on étend l'acide d'eau. En laissant reposer la liqueur colorée, il se dépose une poudre d'un jaune brun; c'est un mélange de sulfure d'étain et de peroxide d'étain , comme nous nous en sommes assurés. « Il est facile d'expliquer cette réaction curieuse. Une portion de sel d'éiain se transforme en perchlorure , aux dépens de la seconde portion de ce composé, tandis que J'étain, devenu libre, réagit sur l'acide sulfureux, de manière à produire tout à la fois du peroxide et du protosulfure d'étain. Quant à la petite quantité d'hydrogène sulfuré qui prend naissance aussitôt après l'addition de l'esu , elle pro- vient de la dissolution d'un peu de sulfure d’étain , formé dans l'acide hydrochlorique qui est en présence. « Il est essentiel , pour obtenir les phénomènes que nous avons indiqués, de mettre le sel d’étain en contact avec l'acide hydrochlorique , avant d'y ajouter l'eau; car, si l’on commençait par étendre l'acide, l'addition du sel ne pro- duirait aucune coloration. CLASSE DES SCIENCES. 4 «Le procédé analytique dont noas venons de parler se recommande , comme on voit, par la simplicité et 2 promp- ütude de son exécution : car, en une nuinule, on peut étre fixé sur la pureté d'un acide hydro: blorique , sans embarras Comme saus dépenses. Il est d'une telle fidélité, qu'un cen- tième d'acide sulfureux ne peut échapper à l'observation, ainsi que nous nous en sommes assurés à différentes reprises. Tous ces avantages doivent e1 faire adopter l'emploi, aussi bien dans les laboratoires que dans les ateliers, Déjà nos éléves en ont répandu l'usage dans la plupart des fa- briques de Rouen. » (Note 4). — Expériences faites par M. Dubuc , avec di- verses espèces de charbons. « J'ai d'abord tenté quelques essais, en petit, avec ceschar- bons, sur plusieurs sortes de vins , pour leur clarification : il en résulta, eu déliniuf, que six à huit grains, où 3 à 4 déci- grammes de charbon léger, suffisaient au collage d'un litre de vin rouge ou blanc. En conséquence, je fis, en 1833 et en 1534, les quatre expériences suivantes, dont le su: cès ne s'est pas démenti jusqu'à ce jour. « PREMIÈRE EXPÉRIENCE, — Dans dix litres de vin rouge, dit de Mäcon, jugé assez mür pour être mis en bouteilles : j'ajoutai quatre grammes ou un gros de charbon préparé avec des tiges rouies de pommes de terre, et deux grammes de sel gris ordinaire. On agita bien le tout ensemble, à plusieurs reprises, afin de mettre en contact la composition clarifiante avec le fluide à clarifier. Après huit jours de repos, le vin était parfaitement clair et il fut mis en bouteilles. Depuis près de deux ans, ce fluide n'a pas déposé, et conserve toutes ses bonnes qualités. « La méme opération eut lieu sur dix litres de vin blanc, dit de Chäblis, et j'en obtins les mêmes résultats. b La ACADEMIE DE ROUEN. « D'autres essais que je fis sur des vins rouges et blancs de diverses qualités avec le charbon de fécule ou de gomme , me prouvéreut également que leur vertu clarifiante égalait , au moins, celle du charbon obtenu des tiges de solanées. « 2% ExPéRIENCE,. — Au mois de juin 1833 et en oc- tobre 1834, je collai deux feuillettes (un hectolitre ) de vin rouge, en employant à cette opération, pour l'une, du charbon de fécule, et pour l'autre, celui de tiges de pommes de terre. « Voici le procédé pour le collage des vins, par cette nou- velle méthode : « Procédé, — D'abord, on fait fondre une once de sel gris, dit sel de cuisine, dans un litre d'eau à moitié chaude ; puis on ajoute à l'eau salée une once et demie (45 grammes) de charbou et un gros de poivre ; on délaie bien le tout , et l'on mêle cette composition au vin, puis on agite fortement pendant quelques minutes, afin que le charbon soit bien divisé dans la liqueur à clarifier. On bondonne la futaille, et, vingt-quatie heures après, on agite le vin de nouveau. Après huit jours de repos, le vin est parfaitement clair et bon à tirer. «3° Expérience. — Celle-ci eut lieu également sur un hectolitre de vin blanc, par le procédé employé à la deuxième expérience. Seulement , on mit deux onces de charbon , au lieu d’une once et demie, vu que le vin blanc est, en général, plus difficile à clarifier que le rouge ! : mais , dans l'un comme dans l'autre cas, la matière char- bonneuse , en se précipitant lentement au fond des futailles, * « Ce n'est pas là une assertion hazardée ; tous les œnologistes ont fait cette remarque, savoir : que les vins blancs, en général, se clari- lient plus difficilement que les vins rouges et sont en outre plus sujets à graisser que ces derniers, s'ils sont mal clarifiés avant leur mise en bouteilles. » CLASSE DES SCIENCES. 43 entraîne avec elle les corps hétérogènes très divisés et suspendus dans les vins, et que le soutirage répété de ces fluides n’en sépare jamais complètement. (Chaptal , Parmentier, etc. ) « Enfin, les vins, ainsi traités avant de les tirer en bou- teilles, ne perdent rien de leur couleur ni du goût qui leur es! naturel. J'ai clarifié, par cette méthode , quatre sortes de vins, et j'en ai toujours obtenu des résultats satisfaisants. J'ignore si le sel et une dose minime de poivre, ajoutés au charbon, sont essentiellement utiles au collage du vin ; mais, ce que je puis assurer, c'est qu'ils ne nuisent pas à l'opération; d'ailleurs, la plupart des œnologistes en conseillent l'usage * («4° ExPÉRIENCE, — Souvent, surtout à certaines époques de l’année, mai et septembre , disent les œnologistes , le vin en tonneau, même celui en bouteilles, sont troublés par une lie volante très déliée et par de légers filaments qui en déprécient la qualité naturelle, si l'on ne se hâte de les soustraire au fluide vineux; une once d'un de nos charbons légers, bien mélée à une feuillette de ces vins ( quatre à cinq grains par litre ), suffit à leur clarification. Le charbon , en se déposant au fond du vase, entraîne avec lui les corps hétérogènes qui troublaient le vin. « Ce procédé, extrêmement simple dans son application , et qui n'altère aucunement la qualité des vins, est sans doute bien à préférer aux glaires d'œufs , à l'eau salée, aux !« Depuis plus de quarante ans, j’emploie à coller un demi -muids de vin, trois blancs d'œufs, deux onces de sel gris et un peu de poivre, le tout bien délayé dans une pinte d’eau, En huit jours, cette compo- sition clarifie parfaitement le vin, et je m'en suis toujours bien trouvé, On opère cette clarification par le prodédé indiqué en l'expé- rience deuxième de ce travail. » 4% ACADEMIE DE ROUEN. cailloux calcinés, aux copeaux de hêtre, ete , dont on conseille l'usage pour réparer les vins dont nous venons de parler. « Tout porte à croire, par analogie, que nos charbons pourraient encore servir à purifier les vins blancs mousseux, souvent gâtés par une matière gluante filandreuse, matière connue aujourd'hui sous le nom de glaïadine ; mais je n'ai pas eu l'occasion d'en faire l'essai. Néanmoins, ee moyen simple serait bien préférable pour clarifier ces vins, à la liqueur dite ænologique à base de tannin, proposée par M. Le François, pharmacien à Chälons-sur-Narne , pour atteindre le méme but. « Voir, à cet égard, une longue dissertation sur le collage et la clarification de ces vins filants, imprimée dans le numéro 1 du Journal de Pharmacie et des Sciences ac- cessoires, année 1830 , elc. « Nousavons également reconnu que ces mêmes charbons avaient la propriété de clarifier parfsitement les liqueurs de table à base d'alcool, sans nuire à leur couleur naturelle ni sans détruire l'arôme qui les caractérise ; dix à douze grains suffisent à la clarification d'un litre de ces fluides : on agite le tout ensemble plusieurs fois , puis l'on filtre , après vingt-quatre heures de repos. « Nous croyons donc que les liquoristes pourront faire une utile application de ces charbons pour clarifier les liqueurs de table; que le pharmacien pourra également , ainsi que le confiseur, en tirer parti dans la pratique de leur art. « Nous ajouterons , d'après quelques essais , que le charbon de fécule pourrait aussi convenir au collage de la bière avant sa mise en bouteilles, et remplacer, vu la modicité de son prix, l'ichtyocolle et la gélatine, que les brasseurs emploient à cette opération, et dont l'usage n'est pas toujours sans inconvénients , surlout en été. CLASSE DES SCIENCES. 45 « Enfin , on peut également coller les vins et clarifier les liqueurs alcooliques sucrées avec du charbon préparé avec des pommes de terre : seulement, il convient d'en mettre un huitième de pius, toutes choses égales , que de celui de fécule. « Nous reviendrons sur ce charbon dans la seconde partie de ce Mémoire. « Les charbons qui ont servi à l'œnolozie des vins, pour les coller, et à la clarification des sirops, des liqueurs de table, etc., prennent une couleur noire gris:itre , et perdent , en outre, de leur légèreté naturelle ; nous ignorons s'ils reprendraient leurs propriétés clarifiantes , étant calcinés de nouveau, à vase clos. Nous pourrons nous occuper, plus tard , de cet objet. « Résumé et Résultats de ces différents essais. — Nous croyons pouvoir en conclure : « 1° Que les quatre sortes de charbons (en y comprenant celui de pommes de terre) qui ont servi à nos opérations œnologiques, sont plus légers, à volume égal, plus hygro- métriques par leur contact avec l'eau, et d'une autre na- ture, vu leur composition chimique , que le charbon de bois ordinaire ; «2? Qu'ilsont la propriété particulière de pouvoir clarifier les vins, la bière , les liqueurs sucrées alcooliques , les sucs acidules, etc., sans leur enlever leur couleur ni sans détruire l'arôme qui leur est naturel ; quaiités que n'ont pas toujours les charbons de bois ligneux , en y comprenant la braise de boulanger ; « 3° Enfin, que le charbon préparé avec les tubercules du Solanum tuberosum , jouit également de la propriété clari- fiante , comme ceux produits par la fécule , etc. « Nous terminerous ce travail par les observations et con- sidérations suivantes, sur d'autres propriétés que nouscroyons 46 ACADEMIE DE ROUEN. encore appartenir, assez exclusivement, aux diverses sortes de charbons qui nous ont servi à faire les expériences pré- cédentes. « D'abord , nous traiterons de leur fabrication et de leur prix de revient. « Puis, de leur emploi dans les arts , tels que la pyro- technie , pour servir à faire de la poudre à tirer , dans la peinture , elc. «Enfin, nous terminerons par une courte dissertation sur leur vertu médicinale, comparée à celle qu'on alitribue , de nos jours, au charbon provenant d'arbres de haut jet. « Si nous proposions de substituer ces charbons aux char- bons ordinaires, dans les ménages ou dans les usines , né- cessairement ou nous opposerait avec raison leur prix trop élevé; mais, pour servir dans les cas où nous les indiquons, l'objection devient presque nulle. En effet, cinquante ki- logrammes ou cent livres mare de fécule, coûtent, année commune , douze ou quinze francs , el rendent environ douze kilogrammes de beau charbon. Ce charbon revient donc, les frais de fabrication compris, au plus à cinq cen- times l'once. « Si l'on opère sur des pommes de terre desséchées”', l'on obtient un charbon très analogue, pourses vertus clarifiantes, à celai préparé avec la fécule pure , et dont le prix de revient est au premier ,; Comme trois sont à cinq. Car cent livres mare de ce tubercule, qui coûtent , année commune, environ deux francs, rendent jusqu à six livres de charbon , toujours identique dans ses effets, soit qu'on le «On pourrait également carboniser les ponimes de terre avant leur dessiccation ; mais alors l'opération serait plus longue et plus dispendieuse, vu la grandeur des vases qu'il faudrait employer, V'augmentation du combustible, etc.; cent livres de ces racines coùutent au plus quinze centimes pour leur dessiccation, » CLASSE DES SCIENCES. 47 prépare avec des pommes de terre vertes où préalablement desséchées. « Enfin, ces sortes de charbons clarifiants reviendraient encore à meilleur compte, étant faits avecdes tiges de pommes de terre rouies et autres vézétaux analogues, ordinairement perdus, tels que le phytolacca decandra, V'ortie, Y eupalorium cannabinum , la chenevotte, les tiges de colza après la récolte de la graine *. «Voici le procédéque j'ai employé pour faire les différents charbons dont je me suis servi dans mes expériences. « Cette opération est simple : ilsuflitde remplir, aux deux tiers, un creuset ordinaire de fécule , vu que cette matiere se gonfle p:r la chaleur ; on ajuste un couvercle au creu- set, qu'on a soin de luter avec de l'argile détrempée; le bec du vase doit rester ouvert un certain temps , pour donner issue aux vapeurs qui se dégagent pendant l'opération L’ap- pareil étant ainsi disposé , on le chauffe modérément pen - dant une heure ; puis on augmentele feu, de maniere que le creuset reste rouge ainsi perdant une heure; alors on bouche le bec du creuset et on laisse le tout refroidir : sil'on a employé deux kilogrammes de fécule , on trouve dans le creuset près de cinq cents grammes d'un beau charbon, léger , spongieux et brillant. « Si l'on carbonise des tiges rouies de solanée ou de tout autre végétal, ou encore de la pomme de terre desséchée , alors on en remplit complètement le creuset, vu que ces matières ne se boursouflent pas, comme la fécule, par l'ac- tion de la chaleur ; du reste, l'opération est la même. «Ces végétaux, et leurs analogues à tiges élevées, se rouissent bien par leur exposition au grand air, comme cela se pratique pour le rouissage du lin et du chénvre , quand les tiges sont blanches. Alors elles sont bonnes à carboniser. Tous ces charbons diffèrent peu de celui de fécule .» 48 ACADEMIE DE ROUEN. « Ces derniers charbons sont moins spongieux et un peu moins brillants que celui de fécule , mais ils ont, à très peu près , les propriétés clarifianies de ce dernier. « Enlin, on pourrait fabriquer ces différents charbons par les procédés mis en usage pour faire les charbons de bois ordinaires et le noir d'os dans les usines : étant ainsi pré- parés en grand, et si l'on en retirait l'acide pyroligneux, le goudron et le gaz pour l'éclairage, alorsils reviendraient à un prix inférieur à ceux obtenus par la méthode que nous venons d'indiquer ; ce qui en facilierait de plus en plus l'emploi dans les sciences et dans les arts *. « J'ai tenté diverses expériences pyrotechniques avec ces sortes de charbons, en les mélant au Iycopodium , au nitrate de potasse , à la limaille de fer, à celle de zine, de cuivre, etc.; lous ces mélanges répandent , par leur inflammation , surtout dans l'obscurité, une lumière et des jets de feu su- perbes, et tout porte à croire que ces charbons sont, par leur nature , plus convenables à l'art de l’artificier , que les charbons de bois ordinaires. « Nous croyons encore que ces mêmes charbons , vu leur légèreté , leur porosité et leur peu d'hygrométricité à l'air, pourraient suppiéer avec avantage les charbons de bois blanc , dans la composition de la poudre à canon; car on sait, en général, que les poudres explosives préparées avec ces derniers, ne sont pas toujours identiques dans leurs effets, et i! est à croire que nos charbons n'auraient pas cet inconvénieni : au reste, ce n'est là qu'une hypothèse , mais elle n'est pas dénuée de fondement , surtout si l'on considère ‘« C’est ici un nouveau genre d'industrie que nous proposons et dont les résultats tendent à favoriser la culture de la pomme de terre etäen utiliser les produits, dont une partie est ordinairement perdue. il en est de même de quelques autres plantes agrestes , dont on pour- rait faire du charbon excellent pour les arts, vu son analogie avec celui des tiges rouies de pommes de terre, etc.» L CLASSE DES SCIENCES. Â9 les différences physiques et chimiques qui existent entre eux et lescharbons de bois blancs (voir, à cet égard, la Chimie de Chaptal, appliquée aux arts, article poudre à tirer). C'est donc à l'expérience à décider si l'on peut accorder la pré- férence aux charbons que nous avons’ préparés avec des matières organiques végétales, sur ceux obtenus du bois blanc, pour la fabrication des poudres falminantes et pour les opérations de l'artificier. « Ces mêmes charbons pourront aussi recevoir diverses autres applications dans les arts utiles ou d'agrément : elles serviront, par exemple, à faire la base de la poudre dentifrice, de celle de fard, pour la peinture , dansla fabrication de l'acier, et même pour concentrer la chaleur dans certains cas, vu qu'ils sont encore plus mauvais conducteurs du calorique que le charbon de bois, etc., ete. « Enfin , la médecine , dit Fourcroy, s’occupe depuis long- temps, avec un intérêt particulier, de la recherche de matières antiseptiques et de prophylactiques propres à combattre ou à préserver des maladies putrides et contagieuses ; mais c'est spécialement depuis lapparition du choléra-morbus en Europe, que des médecins ont proposé la poudre de charbon pour la guérison de cette affreuse maladie ; malheureusement, rien ne semble justifier, jasqu'à ce jour, l'eflicacité de ce nouveau moyen thérapeutique contre le choléra. Voir , à cet égard , les Gazettes de santé , et particulièrement un mémoire du docteur Brossier , imprimé en 1832, dans le Mémorial publié par l'Académie royale de Strasbourg. « Néanmoins, l'expérience prouve que le carbone (je ne dis pas le diamant ) possède, en raison de sa nature et de sa pureté relatives, diverses propriétés qui sont bien loin d'être identiques : c'est ainsi, par exemple, que les char- bons ternes ont une action décolorante et antiseptique plus énergique que les charbons brillants. Ne peut-on pas en 4 5o .. ACADEMIE DE ROUEN. conclure que ces anomalies, bien apparentes, sont dues à la composition variée qui existe chimiquement entre les dif- férentes sortes de charbons végétaux , employés au traite- ment des maladies et dans les arts? : « Nous l'avons déjà dit, en 1817, dans notre ouvrage sur les charbons de gros bois, et nous le répétons aujourd'hui avec encore plus de confiance : « Tant que les médecins n'auront pas fait d'essais variés et comparatifs avec les différentes sortes de charbons, d'origine végétale, leur application en thérapeutique v'offrira rien de positif; car tel charbon , vu sa compo- sition naturelle, produira un effet qu'on chercherait en = 3 à = rain dans tel autre. » « Nous croyons donc, par ces différents motifs. qu'un = OS bon ouvrage pratique reste à faire pour déterminer les vertus comparatives des charbons divers, en médecine et danslesarts. «_ Ilrésulte de ces dernières observations que les charbons provenant de matières organiques végétales, ne sont pas d'un prix assez élevé pour en interdire l'emploi en mé- decine, dans l'œnologie, en pyrotechnie, dans différents arts utiles ; peut-être même trouvera-t-on le moyen de les utiliser dans Les ateliers de teinturerie. (Note 5.)— Je n'ai sa qu'après la Séance publique , que M. Loth, long-temps professeur de Mathématiques spéciales au Lycée de Rouen, et membre résidant de l Académie , était décédé à Sartilly , près Avranches, son pays natal, où il s'était retiré et exercait les fonctions du mi- nistère ecclésiastique. Je lui consacrerai un article spécial dans la Nécrologie du prochain exercice. ! Tous les clümistes sont d'accord sur la différence notable qui existe chimiquement entre les charbons végétaux : les uns sont plus oxigénés, d’autres plus hydrogénés, etc, De là, aussi, résulte lanomalie de leurs effets dans la thérapeutique, dans les arts, etc. CLASSE DES SCIENCES. 5x (Note 6.) M. Person, après avoir ln quelques passages du mémoire de M. Comte, qui font connaître l'hypothèse de La Place et la vérification proposée, montre en peu de mots que cette prétendue vérification n'est fondée que sur un paralogisme. Il continue ainsi : « Il me reste maintenant à montrer, non pas que l’hypo- thèse de La Place est fausse, car, au contraire, je suis très disposé à y croire, mais seulement à faire voir combien l'auteur du mémoire s'est trompé quand il a cru en don- ner une vérification mathématique. « Remarquons déjà que, dansle mouvement d'une planète, la force centrifuge, à un instant quelconque, est nécessai- rement égale à l'attraction ; sans quoi, la planète sortirait de son orbite. Cette égalité des deux forces donne une équa- tion , d'où l'on peut tirer aisément une valear approchée du temps de la révolution, pourvu que l'orbite soit à peu près cir- culaire, cequiest le cas des planètes et dessatellites. Or,c'est précisement celte formule que prend l'auteur, dans une intention particulière il est vrai; mais, toujours est-il que, s'il y met, comme il le fait, les données relatives à une pla- nète, il doit nécessairement tomber sur une valeur approchée du temps de sa révolution ; la formule est faite pour cela ; mais aussi cela ne prouve absolument rien , relativement à l'hypothèse à vérifier. « Pour nous en convaincre, voyons la marche que suit l'au- teur. Il suppose l'atmosphère du soleil étendue jusqu'à ane certaine planète, et cherche quelle était alors la durée de la rotation du soleil. Pour cela, il considére une molécule posée sur un point de l'orbite , et, pour trouver la durée de la révolution de cette molécule, il lui suppose, à elle qui éprouve déjà la même attraction que la planète, puis- qu'elle est à la même distance du centre du Soleil, il lui suppose, dis-je, précisément la même force centrifuge et par 52 ACADEMIE DE ROUEN. conséquent la même vitesse tangentielle ; c'est-à-dire qu'il la met identiquement dans les mêmes circonstances que la planète; et, trouvant alors qu'elle tourne comme elle , il conclut que l'hypothèse de La Place est vérifiée par cette coïncidence frappante ! On voit que , s'il y a quelque chose de frappant dans cette coïncidence, c'est qu’elle soit entiè- rement l'ouvrage de l'auteur, sans qu'il s'en doute. « Le cercle vicieux dans lequel M. Comie est tombé pourrait se résumer ainsi : Je suppose, dans ma formule, que le soleil tourne comme la planète ; et je trouve, tout calcul Jait, qu'il tourne comme la planète. W est vrai qu'il fait la supposition sans s'en douter, parce qu'il n'est pas re- monté à l'origine de la formule qu’il emploie et dans laquelle cetie supposition se trouve implicitement comprise. En écrivant que la molécule qu'il considère est placée sur l'or- bite, et que de plus la force centrifuge est égale à l'attraction, il donne nécessairement à cette molécule une vitesse tan- gentielle égale à celle de la planète, et dès lors le temps de la révolution ne peut pas être différent. « Du reste, cette tentative infructueuse de vérification n'attaque en rien l'hypothèse d'Herschel et de La Place ; cette hypothèse, qui a fait oublier les théories de Buffon et de tant d'autres, demeure avec toute sa probabilité. » (Note 7). — L'Académie a reçu de M. le Préfet la lettre suivante, dans la séance du 30 janvier 1835. Rouen, le 29 janvier 1835. À Monsieur le Président de l'Académie de Rouen. « MonsIEUR LE PRÉSIDENT , « Au mois d'août 183r, l'Académie a définitivement adopté le plan d'une statistique générale du département de la Seine-Inférieure, qui lui avait été demandé par mes prédécesseurs et par moi. CLASSE DES SCIENCES. 53 « Je l'ai examiné avec une sérieuse attention: je l'ai comparé aux meilleurs ouvrages de ce genre, et j'ai re- connu que rien ne pouvait être changé à ce travail prépa- ratoire , fruit de la réflexion et des recherches d'un corps aussi distingué . « L'Académie, qui a conçu ce plan, mettra sans doute le même zèle à concourir à son exécution. Nalle part je ne trouverai une réunion d'hommes plus instruits de l'histoire locale que les membres de cette illustre corporation, Vou- dra-t-elle me permettre de signaler à son attention les matières de cette statistique qu'eile pourrait charger ses membres de traiter? Je conferai à d'autres hommes spéciaux celles qui ne seraient pas de son ressort. « L'Académie traiterait : «Au ütre premier, les chapitres qu'il comprend ; (ce chapitre, intitulé Topographie, a été échangé depuis avec la Société centrale d'Agriculture, sur sa demande ; elle à offert en échange à l'Académie , qui l'a accepté, le chapitre intitulé : Météorologie ). « Au deuxième livre, le titre premier, divisé en cinq chapitres : « 10 Temps antiques ; « 2° Romains; « 5° Neustrie, de Clovis à Rollon; « 4, De Rollon à Philippe-Auguste ; « 5° De Philippe-Auguste à 1758 ; « 6° De 1758 à l'époque actuelle. « Au litre quatre , les chapitres qu'il renferme sous le titre Mœurs et Langage. « Au livre troisième , intitulé Sciences, Lettres et Arts, les six chapitres qu'il contient. « Au livre septième , intitulé Etat politique , le titre des cultes et celui des droits politiques. « Enfin, le titre septième toutentier, intitulé : /nstruction publique. 54 ACADEMIE DE ROUEN. « Tel serait, M. le président, l'ensemble des travaux que je croirais pouvoir demander à l'Académie, et qu'elle devrait, si elle agréait ma proposition, diviser entre ses membres. « J'ai l'honneur, etc, » L'Académie à , depuis, procédé à cette division. Par une autre lettre, en date du 12 mars 1835, conte- nant une ampliation de l’arrété qui constitue la commission centrale de statistique , M. le préfet a annoncé à l’Académie que son président et ses deux secrétaires étaient appelés à faire partie de cette commission. Celle-ci s'est assemblée à la préfecture, sons la présidence de M. le préfet, et s'est définitivement constituée. (Note 8.) — Le prix extraordinaire de six cents francs n'a pas été remporté ; mais, l'Académie a accordé à M. Charles Le Blond, naturaliste à Paris, une médaille d’or de la valeur de trois cents francs , valeur ordinaire de ses prix , à litre d'encouragement, pour un mémoire re- marquable sur les filaires et les strongles, mémoire qui sera inséré, en entier, dans le Précis de 1835. (Note 9.) — En écrivant ces lignes , je me proposais fermement de définir, dans les notes qui suivent mon rapport, moi qui serais difficilement rangé , je pense, par mes concitoyens, et d'après toute ma vie, au nombre des ennemis du progrès réel , ce que j'entendais par vrai progrès. Je voulais montrer l'immense différence qu'il y a entre un changement irréfléchi , qui mène à un bouleversement inévitable dans des institutions sagement établies, et la progression naturelle et profitable que ces mêmesinstitutions servent à provoquer et surtout à constater. J'aurais fait voir aux esprits impatients auxquels je m'adresse, qu'ils con- CLASSE DES SCIENCES. 55 fondent, avec une partialité qu'ils dissimulent mal, les devoirs d’un sénat scientifique, littéraire et artistique , qui porte des jugements et rend des arrêts , et ceux d’une société in- dustrielle qui repose sur une base toute différente! Ils auraient senti, alors, qu'ils cédaient trop eux-mêmes à des inspirations passionnées , qui ne tendent à rien moins qu'à faire des- cendre de quelques dégrés les institutions académiques et par suite les sciences et les arts eux-mêmes! Oui, sans doute, le progres social amène de temps en temps ces utiles tmême désirables révolutions qui élevent les classes moyennes; mais, en maintenant la société elle-même au point où la civilisa- tion progressive l'avait amenée ! Car ces révolutions perdent leur heureux caractère ; quand c’est la classe moyenne elle- même qui précipite l'époque de son avancement, et, dans une impatience déplorable , rabaisse les institutions jusqu'à soi , au lieu de s'élever jusqu'à elles ! Les esprits supérieurs con- coivent mal une telle ambition, qui ne peut produire que des luttes peu honorables ; au lieu d'une noble et fructueuse émulation ! J'aurais ensuite facilement prouvé, je crois, que, dans les sciences, les lettres et les arts, depuis bientôt un siècle, l'Académie de Rouen a toujours marché en avant! Aucun triomphe , aucun hommage patriotique ne l'a vue absente ; la première , elle en a provoqué d'honorables, qui en ont eux-mêmes engendré d'autres, auxquels elle s'est géné- reusement associée, et auxquels aussi elle aurait désiré tout le succès qu'ils méritaient par leur objet! J'aurais mis en évidence, enfin, que le progrès n'est pas, en effet, pour elle, comme on la dit avec plus d'esprit peut-être que de jugement, à revenir à l'inoculation quand on à la vaccine ; mais à ne pas se laisser entrainer par ces prétendus hommes du progres, qui disent, eux, aujourd'hui : que La vaccine est insuffisante ; qu'elle dégénère ; perd sa vertu, et qu'il faut recommencer l'opération ! 56 ACADEMIE DE ROUEN. Folie ou complot ! Dans l'un et l’autre cas, la résistance passive est de droit et de simple bon sens! J'évite d'entamer, pour ainsi dire, cette discussion, qui offre, comme on voit, un bien vaste champ ! Elle ne serait plus opportune, peut-être même possible aujourd'hui : depuis le 8 août , il s'est passé des choses qui m'impose- raient, ou des rélicences nuisibles à ma cause, ou une appa- rence d'hostilité qui n’est ni dans ma pensée , ni dans mes sentiments. En pareil cas , la sagesse est de s'abstenir ; ainsi faisons-nous ! Mais le temps se hâte aujourd'hui: patience donc , il aura bientôt jugé le proces ! Un dernier mot, mais qui dit tout! La révolution de 89 est à jamais consommée ; c'est une conviction profondément gravée dans mon cœur et dans celui de mes amis; préparée bien avant le quinzième siecle , elle fut décidément semée dans le seizième ; ses germes de plus en plus développés n'ont porté leurs fruits qu'à la fin du dix-buitième ; après moins de cinquante ans, 1! ne reste donc plus qu'à la rectifier et à la compléter ; mais non à la recommencer ! CCC CCCCCCCEECRRREREEE PRE EEEEEREEEEEEEEr EEE Hémoires DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. SU DISCOURS DE RÉCEPTION. PRONONCÉ PAR M. PERSON, DANS LA SÉANCE DU 20 FÉVRIER 1835. Messieurs, Vos statuts accordent la parole, dès la première séance , à celui que vous voulez bien admettre parmi vous. C'est une occasion dont je ne manquerai pas de profiter pour vous témoigner ma reconnaissance. Je m'étais présenté dans des circonstances telles, que je dois maintenant me regarder ici comme sous le poids d'ane véritable dette, Aussi, vous pouvez ètre sûrs, Messieurs , que le zèle, au moins, ne me manquera pas pour m'acquitter , et que tous mes eflorts tendront à faire que l'Académie n'ait pas à se repentir de sa générosité. 8 58 ACADEMIE DE ROUEN. Je demanderai la permission de vous soumettre aujour- d'hui quelques idées relatives au mécanisme de la vision. Le phénomène de la vision, considéré dans toute sa géné- ralité, se rattache à plusieurs sciences ; il faut recourir à l'anatomie, pour savoir si les mouvements con!inuels de l'iris sont dùs à une contraction musculaire , ou bien à une propriété du tissu érectiie. C’est à la physiologie à nous dire quelle membrane de l'œil est l'organe essentiei de la vision ; si c'est la rétine, comme on le croit généralement, ou la choroïde , comme le prétendaient Mariote et le phy- siologiste Lecat, dont le nom ici n'est pas inconnu. La part de la philosophie n'est pas la moins importante ; les idées qui nous viennent par la vue sont si nombreuses , si variées, sujetles à tant d'erreurs, que ce n'est pas une petite affaire que de mettre de l'ordre dans ce cahos. Pour- quoi voyons-rous droit ce qui se peint renversé dans l'œil? pourquoi les objets paraissent-ils, tantôt simples, tantôt doubles? pourquoi semblent-ils si distinctement hors de nous , tandis que la sensation est en nous? IL y a là , comme on voit, une foule de questions qui rentrent dans le domaine de la philosophie. Quant à la physique, son affaire principale est d'expliquer la marche de la lumière dans l'œil, et comme cet organe a la plus grande analogie avec certains instruments d'optique, l'explication , au moins , quand on la considère en gros, est facile et parfaitement satisfaisante, Cependant , il reste une grave difculté, Quand une lunette, par exemple, fait voir nettement un objet placé à une certaine distance, on est obligé de changer sa longueur ou la courbure des verres , pour qu'elle donne aussi nettement l’image d'un objet plus voisin, De même, la disposition de l'œil doit être néces- sairement difiérente , pour voir de loin et pour voir de près ; il n'y a pas le moindre doute là-dessus; mais, jusqu’à pré- sent, on n a pas encore établi , d'une manierebien certaine, CLASSE DES SCIENCES. 59. le changement que l'œil éprouve alors. Je ne parlerai pas de différentes explications qui ont été suecessivement pro- posées ; je m'arrêterai seulement à démontrer l'insuffisance de celle qui est généralement admise aujourd'hui, et j'indi- querai ensuite par quel mécanisme se fait, suivant moi, la vision à différentes distances, Remarquons d'abord que les changements de l'œil n'ont pas besoin d'être aussi considérables qu'on pourrait le croire: un œil artificiel de grandeor naturelle , ou tout sim- plement une lentille d’un pouce de foyer, donnent une image sensiblement aussi nette des objets placés à deux pieds et des objets placés à deux mille pieds: reste donc seulement à expliquer comment l'image peut être égale- ment nette, depuis la distance de deux pieds jusqu'à celle de quatre à cinq pouces, limite ordinaire de la vue distincte. L'explication généralement adoptée est celle que l'as- tronome La Hire a consignée dans les Mémoires de l’Aca- démie des sciences, pour 1685. Il observe d'abord, que nous contractons la pupille quand nous regardons de près ; ensuite , il remarque qu'avec un très petit trou percé dans une carte, on voit distinctement, même a de très petites distances, comme de deux ou trois pouces ; et de là il con- clut que c'est par un rétrécissement convenable de la pupille, que l'œil s'adapte à la vision des objets très rapprochés. Sans parler de différentes objections qu'on peut élever contre celte explication, j'indiquerai immédiatement nne expérience très simple qui la renverse tout-à-fait, Qu'on fasse, dans une carte, deux trous d’épingle assez voisins pour que la lumière qui passe par ces trous puisse traverser la pupille ; qu'on regarde avec cet appareil un point placé à quelques pouces de distance, on le verra double en géné- ral, mais on peut, et c’est là la chose essentielle , on peut , par la force de sa volonté, rapprocher les deux images ou méme obtenir une coincidenee parfaite , par un effort conve- 60 ACADEMIE DE ROUEN. nable, si on est suflisimment éloigné. On a, du reste, la conscience de cet eflort, et, si on se relâche, l'image se double à l'instant. Dans tout cela , ilest évident que l'iris ne joue aucun rôle, puisque la pupille reste constamment assez large pour donner passage aux deux rayons ; les cir- constances de l'expérience ne laissent, là-dessus, aucune espèce de doute. Ainsi, l'œil, indépendamment du retrécissement de la pu- pille, a la faculté, par un eflort convenable, de rassembler , en un point de la rétine, les rayons émanés d'un point de l’objet. Reste à savoir quelle modification il éprouve dans ce cas. Or, tout se réduit, comme nous allons le voir, à un changement de courbure dans le cristallin. Commencons par remarquer que, si on comprime celle espèce de lentille par la circontérence , pendant qu'elle est encore dans la capsule, on la fait tomber manifestement sur les deux faces, et principalement sur la postérieure. Une très légère pression suffit, parce que les couches super- ficielles du cristallin sont véritablement fluides. D'ailleurs , comme, malgré tous nos efforts, nous ne pouvons déterminer qu'un assez faible rapprochement des deux images dans l'expérience citée, il s'ensuit qu'un très petit changement de courbure suffit pour satisfaire aux conditions numériques du phénomè:e, Maintenant, imaginons une lentille enchässée dans la pe- te circonférence de l'iris: si elle est suflisamment molle, elle diminuera de diamètre toutes les fois que la pupille se rétrécira. Si, de plus, elle est enfermée dans une enve- loppe flexible, elle conservera la forme d'une lentille , se bombant seulement davantage. pour gagner en épaisseur ce qu'elle perd en circonférence. Or, telle est précisément l'organisation et la disposition du cristallin. Il est enchässé dans un anneau qui ressemble entièrement à l'iris, à cela près qu'il est plus épais et plus fort, L'usage des procès CLASSE DES SCIENCES. 61 ciliaires qui forment cet anneau, usage inconnu jus- qu'ici, se trouverait des-lors déterminé, On verrait aussi pourquoi la surface du cristallin reste toujours à l'état li- quide ; c'est évidemment pour que le changement de forme se fasse avec plus de facilité, L'œil des oiseaux fournit une confirmation remarquable de l'explication dont nous venons de donner une idée. On sait combien est parfaite, chez ces animaux , la vision à différentes distances A terre. ils ne laissent pas échapper la graine la plus imperceptible , et dans les airs, ils recon- naissent à des distances immenses les lieux qu'ils habitent. C'est la vue surtout qui les dirige, car l'odorat, chez eux, est presque nul. Or, l'anatomie fait voir que, dans l'œil des oiseaux, tout est merveilleusement disposé pour qu'il s'opère de grands changements dans la courbure du cristal lin. Déjà celui-ci est d'une moilesse extrême ; de plus, il est si bien enchässé dans l'anneau du procÿs ciliaire, qu'on peut facilement enlever le tout d'une seule pièce. Enfin , cet anneau trouve, à sa grande circonférence ; un point d'appui qui ne peut céder , puisque la sclérotique en avant est osseuse ou cartilagineuse ; de sorte que tout le dévelop pement du disque se porte sur les parties qui doivent être comprimées. Si, au contraire, nous examinons l'œil des poissons qui, à cause de l'imparfaite transparence du milieu qu'ils ha- bitent, ne peuvent avoir qu'une vue fort bornée , nous trouvons d'abord que le cristallin est déjà sphérique, et, par conséquent, peu susceptible de prendre une plus forte courbure. Mais, de plus , l'organe auquel s’attribue l'usage de le modifier manque entierement; car , ainsi que l'observe Cuvier , l'œil des poissons est dépourvu de procès ciliaires. Maintenant, Messieurs, bien que cette théorie s'accorde avec les faits connus , et qu'elle soit, par conséquent , préfé- rable à celles qu'on a jusqu'à présent proposées, je ne la ba ACADEMIE DE ROUEN. regarderai comme définitivement établie , qu’ après un cer- tain nombre de vérifications, que le temps ne m'a pas encore permis de faire, et dont j'aurai, je l'espère, l'honneur de soumettre bientôt les résultats à l'Académie. Mais, en at- tendant, l'expérience par laquelle je renverse la théorie adoptée est décisive, de sorte qu'il y a Loujours au moins un pas de fait. DES AVANTAGES DE L'ANALYSE MATHÉMATIQUE CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS AVEC LA PLUPART DE NOS CONNAISSANCES. DISCOURS DE RÉCEPTION PRONONCÉ PAR M. GORS, DANS LA SÉANCE DU 25 FÉVRIER 1835. Messieurs, J'apprécie trop l'avantage d'appartenir à l'Académie de Rouen, et je suis trop flatté des suffrages dont vous m'avez honoré, pour ne pas céder au besoin de vous témoigner ici ma reconnaissance et de vous adresser mes remerciment(s. J'espère, par mon zèle, pouvoir suppléer à mes talents, dans le désir de me rendre digne d'une élection que je ne dois qu'à votre bienveillance. Livré, par profession et par goût , à l'étude des sciences exactes, je me trouve ainsi rangé dans celle de vos sections qui s'occupe principalement de cette partie ; cependant, je 64 ACADEMIE DE ROUEN. + ne m'en croirai pas moins obligé d'employer mes efforts pour participer à tous vos travaux en général, Cette coopéra- tion est un devoir, aureste , pour chacun de nous , parce que nos attribations ne sont pas teliement distinctes, tellement étrangères les unes aux autres, que nonsne puissions nous pré- ter des secours mutuels. Si une m°me communauté de senti- ments , si le désir de contribuer aux progres de toutes les connaissances , vous a réunis, il convient, pour atteindre plus sûrement ce but ; qu'une même communauté d'idées, de talents, de moyens , préside à tous les travaux de l'Aca- démie. ILest plus rationnel , plus indispensable qu'on ne le pense peut-être généralement, d'établir des communications fré- quentes entre ceux qui cultivent les sciences et les arts , et de les réunir en un méme corps, quelle que soit, d’ailleurs, leur spécialité. C'est là une de ces idées heureuses qui ne peuvent manquer de conduire aux plus beaux résultats, puiqu'elles sont suggérées en quelque sorte par la nature méme des choses. En effet , entre toutes les productions diverses du génie, il existe des rapports plus ou moins nombreux, des relations plus ou moins intimes. Toutes se prêtent un mutuel appui. Elles ont sans doute chacune leurs attributs ; mais il serait difficile, impossible même d'assigner les limites qui les sé- parent. Dans le vaste domaine de la nature, toutes les parties, quoique distinctes , sont coordonnées de telle sorte que, de l’une à l’autre, la transition est souvent impercep- tible. Leur dépendance mutuelle se manifeste partout ; aussi, pour découvrir compiètement les vérités qui dé- pendent des éléments connus, faut-il embrasser souvent tonte l'étendue de la science”. C’est par un esprit de com- * Est enim perspicuum nullam artem in se versari. * Cic., de Finib, Bon. et Mal. CLASSE DES SCIENCES. 65 binaison que l'homme a atteint tant de connaissances élevées, Seules et séparées, elles seraient restées stériles : c est de leur rapprochement , et pour ainsi dire de leur alliance , qu'on à vu surgir une foule de vérités nouvelles. L'étude des phénomènes célestes, entr'autres » nous en offre une preuve convaincante. Les astres se meuvent suivant certaines lois : c'est la méca- nique qui nous en donne l'explication ; ils se meuvent dans des courbes dont l'analyse géométrique nous découvre les propriétés ; ils sont placés à des distances que la géométrie est parvenue à mesurer. Ces phénomènes nous sont trans- mis à travers le voile de l'atmosphere . qui est un théatre de changements et d'illasions que la physique nous fait con- naître ; ils sont vus par notre œil, dont il faut étudier la structare pour apprécier la fidélité ou l'exactitude de ses rapports ; nous les apercevons par le moyen de la lumière dont nous devons approfondir la nature ; ils sont observés avec des instruments que les arts s'appliquent toujours à perfectionner, et dont il est essentiel surtout de découvrir les defauts et les avantages. On acquiert de nouvelles don- uées très précieuses, si quelques-uns de ces phénomènes ont été déja remarqués à d'autres époques , dont on peut alors fixer ou vérifier les dates, Il importe donc de savoir si les observations de ces phénomènes ne sont pas consisnées dans les récits des historiens et les chants des poètes ; si on ne les trouve pas dans les fables de la mythologie ; si eiles ne nous ont pas été transmises dans les sculptures allégo- riques ou les caractèressymboliques des monuments de l'anti- quité ; quels sont les noms des lieux où ces phénomènes ont été observés , pour déterminer et retrouver , par ce moyen, la position des villes dont il ne reste plus aucun vestige, et éclaircir ainsi certains points de critique historique. Par cet exposé sommaire, nous apercevons déjà les 9 65 ACADEMIE DE ROUEN. rapports mulüpliés et réciproques qui existent entre toules les parties des mathématiques pures el appliquées, et les différentes branches de la physique, avee la physiologie mème , la chronologie , la géouraphie, l'histoire , la connais- sance des hiéroglyphes, l'archéologie et les arts en général. IL est intéressant d'observer , d'étudier cet enchaînement de toutes les sciences entr'elles, el aussi des scisnces avec les lettres et les arts. Ces rapports sont très-propres à nous faire apprécier da- vantage chacune de nos connaissances considérées d'une manière absolue ou relative, leur importance mutuelle , et par la l'utilité des sociétés savantes : ils nous font sentir la nécessité d'acquérir d’abord une érudition aussi étendue que possible , des notions générales plus au moins élémentaires, pour donner ensuite un libre essor au génie , en lui ouvrant la carrière qu'il doit parcourir . Et qu'on ne dise pas que trop de savoir s'oppose à l'esprit créateur. Au lieu d'éieindre la pensée , l'érudition la nourrit : au lieu d'étouffer l'imagination, elle la soutient. Quelle partie des études et des connaissances du XHIT* siècle man- quait au Dante ? C'était l’imagination la plus hardie de son temps. Trouvez une partie de l'encyclopédie du XVI: siècle que Bäcon n'ait pas creusée et approfondie , lui qui portait si audacieusement la lumière de sa poésie dans les profon- deurs de l'analyse. Refusera-t-on la plus curieuse érudition à Fénélon et à Bossuet ? WW alter Scott avait touché à toutes les études , y compris la philologie . la nécromancie et le blason. Je ne sais ce que Milton n'avait pas essayé , lu , com- menté : philosophie, philologie , histoire , politique , édu- cation , diplomatie , poésie ; il savait tout. Il a fait le Paradis per du. Lorsqu on jélle un coup-d’œil attentif sur l'ensemble de toutes nos connaissances , on aperçoit facilement ces rapporis qui les unissent , dont les ramifications s étendent dans tous CLASSE DES SCIENCES. 67 les sens , se croisent comme les fils d’un réseau, pour ne former de toutes Les parties qu'un seul et mème système. Ce tableau est, en quelque sorte, celui de la nature, et comme elle ; vaste, intéressant , capable seul de nous inspirer cet amour ardent des sciences qui nous fait regarder leur étude comme le plus grand des plaisirs , et leurs progrès comme le plus grand bien de l'humanité. C'est un sujet digne des méditations du philosophe ; mais, pour le traiter convenablement , il faudrait s'élever à des considérations gé- nérales , entrer dans des développements qui ne sauraient être renfermés dans les limites d'un simple discours. Je me bornerai donc , Messieurs, à vous entretenir succinctement de ce qui concerne l'analyse mathématique en particulier , dans ses rapports avec quelques parties de ce système universel. Considérées sous ce point de vue , les mathématiques pures se font remarquer par leur connexité avec toutes les brancies de nos connaissances. En observant les relations mulüiplices qui existent eutr’elles , l'analyse mathématique se présente partout comme un instrument précieux , auxiliaire puissant , éminemment propre à aider , à étendre nos facultés iutel- lectuelles ; c'est un idioine que chaque science emprunte et s'approprie , qui leur convient à toutes. Il ne peut y avoir de langage plus universel et plus simple , et en même temps plas exempt d'erreur et d'obscurité , par conséquent plus digne d'exprimer les rapports invariables des êtres naturels. Pour donner une idée de l'excellence et de l'étendue de cette analyse, nous devons exposer d'abord , en peu de mots, ce qui constitue sa nature, faire convaître la puissance de ses calculs et toute la généralité de ses théories. Les mathématiques pures ont lenr spécialité , il est vrai , un type qui leur est particulier. Les vérités y sont d’une nudité qui effraie ; leur sévérité se refuse aux parures de 68 ACADEMIE DE ROUEN. l'imagination. L'esprit, en les méditant , sent tout le calme d'une contemplation froide ; il est immobile devant ces vé- rilés, et comme dans une solitude absolue *. Tout ce qui tient à notre existeuce matérieile , le mouvement, la cou- leur, les qualité, sensibles, ont disparu ; l'étendue même est souvent anéautie ; il ne reste que des lignes sans lar- geur, des surfaces sans solidité, ou des corps qui, dé- pouillés de tout ce quiles fait connaître à nos sens , semblent n'avoir qu'une existence idéale. La vérité, ainsi réduite à ellemême , a cependant des charmes ; mais, pour en être Louché , il faut oublier les illusions qui nous environnent, el, comme elle a pris naissance dans un monde intellectuel , elle semble réservée à la jouissance des purs esprits . C'est précisément parce que ces théories sont de pures spécul. tions, toutes métaphysiques, que, dans leurs applica- tions , elles sont aussi étendues que la nature ; cest là ce qui constitue leur universalité, et ce qui fait qu'elles s'identi- fient tellement avec la science à laquelle elles prêtent leur appui, qu'elles ne sontplus alors que cette science elle-même. L'analyse mathématique, dans ses applications, peut ainsi définir tous les rapports sensibles, mesurer les temps, les espaces, les forces, les températures ; c'est parce que son attribut principal est la clarté , qu'elle ne peut traduire que les idées positives, et qu'elle n'a point de signes pour exprimer les notions confuses. C'est ainsi que cette science conserve tous les principes qu'elle a une fois acquis, quelle s'accroît et s’affermit sans cesse au milieu de tant de varia- tions et d'erreurs de l'esprit humain, En rapprochant les phé- nomènes les plus divers, elle nous découvre les analogies secrètes qui les unissent. Sila matière nous échappe, com- me celle de l'air etde la lumière, par son extrême ténuité ; * Animus cernit, animus audit ; reliqua surda et cœca sunt. Ericn. in Piurauo., De Solert, anim. CLASSE DES SCIENCES. 69 si les corps sont placés loin de nous dans l'immensité de l'espace ; si l'homme veut connaître le spectacle des cieux pour des époques successives que séparent un grand nombre de siècles ; si les actions de la gravité et de la chaleur s'exercent, dans l'intérieur du globe, à des profondeurs qui seront toujours inaccessibles, [l'analyse mathématique peut encore saisir les lois de ces phénomenes. Elle nous les rend présents et mesurables , et sembe étre une faculté de la raison humaine destinée à suppléer à la briéveté de la vie, à l'imperfection des sens; et, ce qui est plus remarquable encore, c'est qu'elle suit la même marche dans toutes ses applications , dans l'étude de tous les phénomènes ; elle les interprète par le méme ‘langage, comme pour attester l'u- nité et la simplicité du plan de l'univers, et rendre encore plus manifeste cet ordre immuable qui préside à toutes les causes naturelles. C'est ainsi que nous savons que ces dis- positions simples et constantes, qni naissent des lois géné- rales, se retrouvent partout ; l'analyse mous les découvre jusque dans les effets les plus cachés *. Ce tableau, que nous n'avons fait qu'ébaucher, peut nous donner une idée de la généralité, de l'importance de ces théories, et l'on entrevoit déjà les relations immédiates qu'elles ont avec les autres sciences. ‘Tantôt c'est une com- binaison des idées par les signes, qui devient une sorte de logique ; tantôt c'est une analyse spéciale, qui, partant des théories les plus élevées, nous conduit jusqu'aux dernières applications et à des résultats précieux pour les arts techniques, Ici, ce sont de savantes transformations, au moyen desquelles nous déduisons une série de faits d'un fait principal ; d'une cause primordiale ; et :lors, c'est la mécanique rationnelle , l'astronomie , la physique, en un Nihil est futurum, cujus non causas id ipsum efficientes natura contineat, Cic., De Divinat., Lib, 1. 70 ACADEMIE DE ROUEN. mot, toutes les branches de la philosophie naturelle. Là, ce sont des formules générales qui servent à calculer les mouvements séculaires qui affecient la position des astres ; ces mouvements peuvent être considérés comme de grandes mesures , communes à tous les peuples et à tous les âges da monde ; on peut alors déterminer les daies des anciens mo- numents d'apres les figures astronomiques qui y sont iracées, retrouver les époques des événements d'aprèsles descriptions de l'état du ciel qne les auteurs nous ont transmises. En outre, ces formules nous permettent de remonter dans la série des temps, d'y reconstruire l'ancien aspect des cieux; et, en comparant l'état du ciel, pour cette époque, aux ob- servaiions et aux traditions des peuples, nous pouvons as- signer le degré de leurs connaissances positives, et donuer un élément de plus à l'histoire comparée de l'esprit humain. Les résultats auxquels on parvient de cette manière peuvent encore servir à l'explication de quelques passages obscurs que l'on rencontre dans les historiens et les poètes, et à l’in- terprétation de ces figures symboliques, de ces tableaux hiéroglyphiques qui intéressent à un si haut degré l'histoire de l'antiquité. Ces dernières assertions doivent être appuyées sur des exemples, et je n’en citerai qu'un seul, relatif à la détermina- tion de certaines dates par des considérations astronomiques. On sait qu'Hésiode habitait la Béotie ; il rapporte que, de son temps, l'étoile Arcturus se levait soixante jours après le solstice d'hiver. Ces seules données suffisent pour déter- miner l'époque à laquelle le phénomène a dà arriver dans le pays habité par ce poète. Le calcul donne 950 ans envi- ron avant noire ère. On ignore entièrement si Hésiode a précédé ou suivi Homère , ou s'ils ont été contemporains ; mais, quand on examine les poèmes d'Hésiode , sous le rapport de la diction , qui se rapproche aussi près que pos- sible de celle d'Homère, on peut conjecturer qu'ils se sont CLASSE DES SCIENCES. 71 suivis de près. Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'en eflet l'époque de 950 ans avant J -C., ainsi donnée par les formules , est celle où florissait Homère , suivant Velleius Paterculus, et cette évaluation ne diflère guere de celle d'Hérodote, de llutarque et de la célèbre chronique de Paros, contenue dans les marbres d Arundel. Quant à l'explication des tableaux hiéroglyphiques par de semblables moyens, je n'apporlerai encore qu'un exemple, et vous me permettrez, Messieurs , d'entrer ici dans quelques développements. C'est en appliquant les formules que nous ont laissées les grands géomètres du dernier siècle, au tableau astrono- mique découvert par Champollion, dans le Rhamesseum de Thèbes, et qui date an moins de quinze siècles avant notre ère , qu'on vient tout récemment de constater que des observations astronomiques, faites par les Égyptiens, re- montaient à une époque aussi reculée que 3285 ans avant l'ère chrétienne ; que ces peuples avaient déterminé alors, dans le ciel, la vraie position de l'équinoxe vernal, du sol- stice d'été, de l'équinoxe d'automne , et qu'en outre, quiuze siècles plus tard , ils avaient reconnu que ces points primitifs s'étaient déplacés. C’est en calculant la position de quelques étoiles, pour l'année 3285 avant notre ére. que l'on trouve l'équinoxe vernal vrai, juste dan; les hyades , sur le front de la constellation du taureau, ce qui place le solstice d'été dans les étoiles du lion , et l'équinoxe d'au- tomne dans celle du scorpion. Au moment où cet équinoxe se couchait à l'horizon occidental de Thebes, l'écliptique se trouvait perpendiculaire sur cet horizon. Toute cette scène, résultat du calcul, se trouve précisément placée, dans le tableau du Rhamesseum , dans un cadre à part. Le tableau lui-même, sculpté environ quinze siécles avant notre ère. est composé de maniere à exprimer une position des équi 72 ACADEMIE DE ROUEN. noxes différente et plus tardive, et qui ramène à l'horizon oriental l'ancien équinoxe de 3285. Le sens de cette scène ainsi expliqué, bien compris, et remarquons qu il n'aurait pu l'être qu'imparfaitement sans le secours des formules astronomiques, on est frappé de son identité avecles tableaux asiatiques appelés Mythriarques, du nom du Dieu Soleil où Mythra. Cette identité est trop évidente, pour ne pas admettre une même origine ou une transmission de méthodes et de signes figuratifs de l’un à l'autre de ces penples ; et ces relations, dans tous les cas, ont dù précéder l'an 3285, si les dix-neuf siècles d'obser- vations chaldéenes, envoyées par Callisthène à Aristote, sont véritables ; car, dans cette hypothèse, on arrive à un temps assez voisin de 3285, pour qu'il demeure incertain siles phénomènes astronomiques auxquels remonte cette époque ont été primitivement observés chez les Chaldéens ou les Egyptens. Ici, Messieurs, vous entrevoyez déjà de quelle utilité peuvent étre ces résultats dans les recherches si intéressantes sur l'origine des races humaines, et qui ont pour but de déterminer, soit la position géographique, soit l'époque de l'existence d'un peuple primitif qui a été le centre des popu- lations et des inmières. En reconstruisant, par les mêmes moyens, le ciel du temps de l'empereur Yao, fils de Ti- Ko, que les éclipses et les cycles fixent à l'année 2357 avant J.-C, , on retrouve les solstices et les équinoxes exactement dansles constellations où les place le plus ancien livre chinois, le Chou-King. C'est ainsi que l'on reconnaît que les premières observations astronomiques connues des Chinois sont postérieures de neuf siècles à la position des solstices et des équinoxes rappelés par les tab eanx des Egyptiens. Dans la division du ciel chinois et égyptien, on ne retrouve aucune trace de ces ressemblances qui existent entre les tableaux de ces derniers et les tableaux mythriar- " CLASSE DES SCIENCES. 74 ques. Ainsi, à cet égard , rien n'annonce entre ces peuples une communication où une origine commune. Cependant, on ne peut guère s'empêcher de l'admettre, sous d'autres rapports, comme le culte du ciel, celui des ancêtres , l'em- ploi des signes figaratifs dans l'écriture primitive , et surtout une grande analogie entre les mesures. Il faut done alors admettre, de toute nécessité, que ces traditions astrono- miques ont été entièrement perdues chez les Chinois, et que cette race , ou celte patrie commune , a dû précéder l'époque de 3285 ans avant notre ère. IL est bien à regretter que, dans les ruines de l'immense palais de Mitla au Mexique , et, plus près de nous, sur les monuments scandinaves ou druidiques, on ne trouve aucune représentation , plus ou moins fidèle , de quelques phéno - mènes célestes. En général, ces monuments sont antérieurs à toute histoire écrite, ou, si leur histoire fut écrite , elle s'est perdue, et leur date, qui nous est inconnue, serait facile à découvrir par la connaissance de lé tat du ciel à cette époque, toujours au moyen de ces mêmes formules qui em. brassent le série des temps et peuvent remonter à tous les âges, Mais c'est lorsque l'on considère les calcules analy- tiques dans leurs applications avec tout ce qui a principale- ment pour objet l'étude des causes et des effets naturels, que l’on reconnaît leur utilité et leur importance , que l'on apercoit celte connexion parfaite qu'elles ont avec toutes les recherches de ce genre. Ce qu'il y a, surtout, de bien remarquable, c'est qu'il existe, entre les phénomènes et l'analyse, des rapports réciproques tels , que , si d'un côté nous voyons ressortir de celle-ci une foule de propriétés physiques, de l'autre, l'étude approfondie de la nature est la source la plus féconde des découvertes mathématiques. Ainsi, des théorèmes de physique ont conduit à des résultats d'analyse dont on avait cherché vainement la solution, Tels sont, entr'autres, les beaux théorèmes qui ont fait con- 10 74 ACADEMIE DE ROUEN. naître , depuis peu , les intégrales des équations du mouve- ment de la chaleur , et qui s'appliquent immédiatement à des questions d'algèbre générale et de dynamique ; questions restées jusqu'alors insolubles. On concoit dès-lors cette étroite intimité qui existe entre ces théories et les propriétés physiques; et, par là, il devient indispensable au géomètre d'étudier les phénomènes de la nature, et d'être initié en méme temps à loules nos con- naissances. Cette étude, non seulement, offre aux recherches un but déterminé, mais elle est encore un moyen assuré de former l'analyse elle-méme , d'en découvrir les éléments qu'il nous importe le plus de connaître, éléments fonda- mentaux qui se reproduisent dans tous les effets naturels. Nous en trouverons encore un exemple dans une ex- pression dont les analystes avaient considéré les propriétés abstraites, et qui, sous ce rapport , appartient à l'algébre pure ; ilest curieux de voir celte même expression repré senter aussi le mouvement de la lumière dans l'atmosphere, déterminer les lois de la diffusion du calorique dans [a matière solide , et entrer dans toutes les questions princi- pales de la théorie des probabilités. Cette dernière théorie est encore l'objet d'une science à laquelle s'applique le calcul. Le hasard, qui n'est qu'un moi pour exprimer l'enchainement des causes inconnues , y est soumis à des lois , et les chances y ont chacune leur degré de probabilité. Cet art des combinaisons sur les- quelles on juge le sort, est difficile , et a exercé les géo- mètres du premier ordre. On est parvenu, enfin , dans un grand nombre de cas, à la solution du problème. Ilest beau de voir la science nous ouvrir ainsi le livre du destin, et, par des calculs rigoureux , procéder, la balance à la main , à un dénombrement et à une estimation exacte. Cette branche importante de l'analyse fournit méme , dans un de ses résultats , à la doctrine du théisme , l'argu- 1 CLASSE DES SCIENCES. 7 ment le plus victorieux en faveur d'une cause primitive qui a dù diriger les mouvements des corps célestes, d'où dé- pendent l'admirable arrangement et la stabilité du système planétaire. Ces phénomènes ne sont point dus à des causes irrégulières, En soumettant au calcul leur probabilité , on trouve mathématiquement qu'il ya plus de deux cent mille milliards à parier contre un qu'ils ne sont point l'effet du hasard, Quel est celui de tous les événements historiques dont on ne «loute point, qui présente une telle masse de probabilités ? Mais, revenons sur cette indentité remarquable qui existe entre la science abstraite des nombres et les causes naturelles. Elle se rencontre dans la plupart des phénomenes les plus simples comme les plus composés. Ainsi, la série des nombres impairs représente les espaces parcourus en temps égaux par les corps qui tombent dans le vide , et la suite des nombres consécutifs représente leurs vitesses. La chaleur , qui joue un si grand rôle dans toutes les actions physiques et chimiques , nous offre une foule de résultats aussi remar- quables. Lorsqu'une barre métallique est exposée par une de ses extrémités à l'action constante d'un foyer , et que tous ses points ont acquis leur plus haut degré de chaleur , le système des températures fixes correspond exactement à une table de logarithmes ; les nombres sont les élévations des thermomètres placés aux différents points , et Les loga- rithmes sont les distances de ces points au foyer. Le calo- rique se répartit, en général, de lui-même , dans l'intérieur des solides , suivant une loi simple , exprimée par une équa- tion aux différences partielles, commune à des questions de physique d'un ordre différent. L'irradiation de la chaleur a une relation manifeste avec les tables de sinus, car l'inten- sité des rayons qui sortent d'un méme point d'une surface échauffée est rigoureusement proportionnelle au sinus de l'angle que fait leur direction avec l’elément de la surface. 76 ACADEMIE DE ROUEN. Dans les abaissements.de température d’un corps, dans l'isochronisme des oscillations du pendule , dans la réson- nance multiple des corps sonores , les expressions analytiques nous apprennent que les observations , si toutefois elles pou- vaient avoir lieu pour chaque instant, nous offriraient les propriétés des séries récurrentes, des sinus , des loga- rithmes , en un mot de toutes les expressions qui appar- tiennent aux théories algébriques . On reconnaitrait encore les mêmes résultats , et les élé- ments principaux de celte analyse , dans les vibrations des milieux élastiques, dans les propriétés des lignes et des surfaces courbes, comme on les retrouve aussi dans les belles lois de Kepler , ei en général dans les mouvements des astres et ceux de la lumière ou des fluides. C’est ainsi que les fonctions obtenues par des différentiations successives ; et qui servent au développement des séries infinies et à la ré- solution numérique des équations , correspondent aussi à des propriétés physiques. La première de ces fonctions exprime, dans la géométrie , l'inclinaison de la tangente des lignes courbes , et dans la dynamique , la vitesse du mobile pen- dant le mouvement varié. Elle mesure , dans la théorie de la chaleur, la quantité qui s'écoule en chaque point d'un corps , à travers une surface donnée. + L'analyse mathématique a donc des rapports naturels et nécessaires avec Les phénomènes sensibles. On peut dire que son objet n’est point créé par l'intelligeuce de l’homme ; il est un élément préexistant de l'ordre universel, et n'a rien de contingent et de fortuit ; il est empreint dans toute la nature. Si nous nous élevons à des considérations plus générales, nous retrouvons encore les mêmes rapports dans les théories dynamiques inventées par Galilée, et que Newton a éten- dues à tout le système de l'univers , théories qui ont acquis, dans ces derniers temps , des développements et une per- ’ CLASSE DES SCIENCES. 77 fection admirable qu'elles doivent à l'analyse mathéma- tique. C'est ici que se manifeste plus particulièrement toute la généralité de cette science , dont les résultats nous ont dévoilé les lois qui régissent l'univers , et nous ont appris que les phénomènes les plus variés sont soumis à quelques principes fondamentaux qui se reproduisent dans tous les actes de la nature ; que ces lois règlent tous les monve- ments des astres, leur forme , les inégalités de leur cours , l'équilibre et les oscillations des mers, les vibrations har- moniques de l'air et des corps sonores , la transmission de la lumière , la propagation de la chaleur , les actions capil- laires , les ondulations des liquides , enfin les effets les plus composés de toutes les forces naturelles ; ce qui confirme cette pensée de Newton : Quod tam paucis tam multa præstet geometria gloriatur . Par cette énumération des théories fondamentales qui embrassent la nature entière, nous voyons les mathéma- tiques pures, dans toutes leurs applications à ces diverses par- lies, devenir ainsi le lien principal qui les rattache les unes aux autres, et nous découvrir toutes les relations qu'elles ont entre elles. A l'appui de cette assertion, nous trouvons encore une analogie remarquable entre les méthodes analytiques et cel- le qui a été employée avec le plus grand succès dans une des branches de l'histoire naturelle. C'est, en effet, par des considérations et des déductions toutes mathématiques, que Cuvier, dans ses belles recherches sur les ossemens lossiles, est arrivé à la solution complète du problème qu'il s'était proposé. Et cependant, il s'agissait d'êtres orga- nisés si variés, si compliqués dans leurs formes et leur com- position ! En méditant sur leur constitution physique, ce grand homme est parvenu à deviner les lois de l'organisa- tion animale , à peu près comme Newton a été conduit à la découverte du mécanisme de l'univers. Cuvier avait 78 ACADEMIE DE ROUEN. pensé, avecraison, que l'organisation d'un animal formait un système coordonné detelle sorte, que les différentes par- lies, pour concourir à l'effet général , devaient avoir entre elles une corrélation parfaite ; que chacune d'elles était une conséquence médiate où immédiate, mais nécessaire , des autres, qu'elles devaient se correspondre mutuellement et tendre à la même action définitive par une réaction réci- proque. Aucune de ces parties ne peut donc changer sans que les autres changent aussi, et, par conséquent, chacune d'elles, prise séparément, indique et donne toutes les au- tres. La forme de la dent entraîne donc la forme de la mä- choire, celle de l'épaule, celles des ongles, tout comme l'équation d'une courbe entraine toutes ses propriétés. Et de même, ajoute ce profond naturaliste, qu'en prenant chaque propriété d'une courbe séparément pour base d'une équation particulière, on retrouve, et l'équation ordinaire, ettoutes les autres propriétés quelconques ; demême l'ongle, l'épaule , la mâchoire, le fémur, et tous les autres os, pris chacun séparément , donnent la dent ou se donnent réciproquement ; et, en commençant par chacun d'eux , celui qui posséderait rationnellement les lois de l'écono- mie organique pourrait refaire tout l'animal. Cette méthode est, en effet, toute mathématique, puis- qu'elle consiste dans l'évaluation des rapports qui existent entre les parties d’un même individu ; et, par conséquent, c'est l’ostéologie, la physiologie même, soumises à un véritable calcul, qui détermine toutes les inconnues au moyen d'une seule donnée, lorsque le génie du naturaliste a pu parvenir à découvrir les lois que suivent ces rapports. Cette manière de procéder est tellement identique avec les méthodes employées par les géomètres, avec les déduc- tions que l'algèbre fait ressortir d’une équation, que l'on ne peut douter que ce ne soit dans ces théories mêmes que Cuvier ait découvert le principe de son beau système, la CLASSE DES SCIENCES. 79 marche toute rationnelle qu'il fallait suivre ; et, dès-lors, il était facile de prévoir qu'on arriverait infailliblement à la solution du problème. L'histoire naturelle, étudiée de cette manière, ne con- siste plus dans des conceptions fantastiques présentées avec art et propres à séduire un moment l'imagination, sans lais- ser rien de posiuüf dans l'esprit. C'est l'examen des faits, c'est leurs conséquences rigoureuses, les plus éloignées, poursuivies par un grand génie, qui, en suivant une telle méthode, les conçoit et les embrasse tons, qui peut ainsi les peser, les analyser sans inventer rien de lui-même, et qui parvient enfin à lire dans l'organisation des êtres comme dans un livre dont il connait la langue. Pour appliquer l'analyse à une théorie quelconque , pour en expliquer et en déduire tous les phénomènes qui en dé- pendent, il suffit d’avoir pu reconnaitre le petit nombre de principes que la nature suit invariablement. La chimie et la médecine, comme l'histoire naturelle, trouveraient 5 n'en doutons pas, dans les méthodes analytiques , la solu- tion des problèmes les plus difficiles ; la médecine surtout cesserait, dans un grand nombre de circonstances, d'être une science conjecturale , si les lois des phénomènes dus à l'action moléculaire, différente de l'attraction universelle ; pouvaient être un jour découvertes ; parce qu'il est présu- mable que, par ce moyen, il serait possible de s'élever jusqu'à la connaissance des lois simples et constantes aux- quelles sont assujéties les causes primordiales d'où dépen- dent le mécanisme et l’action de nos organes , le principe de la vie, en quelque sorte. Et qui pourrait dire qu'onn'y parviendra pas ? Les lois de la nature ne sont-elles pas em- preintes dans leurs effets les plas variés? * N'a-t-il pas été don- ‘ Res sic suo ritu procedit ,et omnes Fœdere naturæ certo discrimina servant. Locrer,, De Rer, Nat 80 ACADEMIE DE ROUEN. né au génie de Newton de s'élever au principe de la gravita- lion universelle , et d'en voir dériver les causes des mouve- mens des corps célestes, de l'arrangement, de l’organisa- üion , j'ai presque dit de la vie du système solaire? L'analyse, ici, s'est montrée toute puissante dans ses applications ; elle ne le serait pas moins pour pénétrer dans les espaces infi- niment petits qui séparent les molécules de la matière, pour sonder ces molécules elles-mêmes , jusque dans leurs der- niers élémens, pour en reconnaître les propriétés les plus cachées, tout comme elle a pu nous découvrir les phéno- mènes dus aux actions réciproques de ces corps, qui se meu- vent à des distances infinies dans l'immensité de l'espace. Je termine en peu de mots, Messieurs, par des consi- dérations d'un autre genre, et qui ne sont point étrangères au sujet que je me suis proposé ; je veux parler des mathé- matiques en général , considérées dans leurs rapports avec les études qui ont pour objet la science des perceptions et des actes de l'esprit, le développemeut des facultés intel- lectuelles, et aussi avec tout ce qui est capable de nous inspirer ces sentiments élevés, ces grands mouvements de l'ame qui nous révèlent la noblesse de son origine, l'excellence et la grandeur de sa nature. * Qui peut contribuer davantage à former , à exercer le jugement ;, à étendre les facultés de l’entendement, que cette science purement spéculative , essentiellement intel- lective ? Qui peut rendre notre esprit plus propre à con- cevoir des idées nettes, justes , positives , que cette nécessité, cette habitude d'un raisonnement toujours concis, rigoureux? que cette métaphysique par excellence ;, dont les préceptes sont puisés dans les lois mêmes de la nature ? que ces théories ‘ Equibus intelligatur; quantæ res hominibus à Deo, quamque eximiæ tributæ sint, Cic., De Nat, Deor., lib. 11. re CLASSE DES SCIENCES. 81 dont la clarté est le seul attribut, qui n'admettent d'abord que des vérités évidentes , pour en déduire , par des con- séquences non moins évidentes , des vérités cachées ? De là cette logique naturelle, principe essentiel de l'art de per- suader , qualité indispensable de cette véritable éloquence qui consiste bien moins dans les paroles que dans la force et l'enchaïînement des idées. Sans doute, l'imagination reste captive dans ces médita- uons froides; elle ne joue aucun rôle dans ces calculs abstraits; mais il n'en est plus ainsi dans leurs applications. La scene change Lout-à-coup ; l'homme se trouve en présence de la nature, qui lui dévoile ses mystères. C'est alors que la pen- sée s'agrandit pour embrasser toute l'étendue d'un spectacle aussi varié , aussi sublime ; c'est alors qu'elle trouve un vaste champ pour prendre son essor et se développer tout entière *. Transportée par le génie de la science au milieu des mondes, elle contemple en extase cet ordre admirable, cette sagesse infinie qui préside à leur disposition, à tous leurs mouvements ; elle atteint jusqu'aux limites de ce Sys- tème selaire, en parcourt el en mesure les dimensions , le franchit, et s'élance au-delà , pour ne plus l'apercevoir que comme un point dans l'espace. L'imagination , qui ne connaissait pas de bornes à son pouvoir , s'eflraie de ces résultats ; elle ne peut plus com- prendre cette immensité qu'elle rencontre et qui l'environne de toutes parts; elle se perd et s'évanouit dans les profondeurs de ces abimes. La raison se trouble et demeure confondue ; toutes ses facnltés sont anéanties L'ame seule , ce principe éternel de la pensée et de la vie, infinie par son essence , l'ame, au milieu de tant de magnificence et de grandeur, s'élève en souveraine , majestueuse , sublime | comme un * Magno animo de rebus magnis judicandum est, SENEC., Epist. 8x. II 82 ACADEMIE DE ROUEN. rayon pur émané dé la suprême intelligence. Le génie de l'homme qui a pu parvenir jusqu'à la connaissance des lois de l'univers , ce génie qu'elle-même a conçu, qu'elle seule a inspiré , lui apprend qu'elle seule aussi a été créée pour une telle comtemplation ‘. En lui dévoilant les cieux, il lui montre toule l'étendue de sa puissance , lui rélève, dans sa nature , quelque chose de divin. Elle retrouve alors sa dignité premiére ; elle comprend son origine, sa destinée , son immortalité ! ? Tels sont , Messieurs, les principaux avantages de l'ana- lyse mathématique , considérée dans ses rapports avec la plupart de nos connaissances. On comprend ainsi combien il est important d'étendre et de perfectionner ces théories ; mais , à cet égard, elles attendent du génie et de l’observa- tion les éléments qui leur manquent. C'est du concours de toutes les lumières, c'est dans les relations que les so- cittés savantes établissent entre ceux quise livrent à l'étude des sciencesen général , que l’on peut trouver les secours les plus puissants et le gage des‘plus heureux succès. RE UT eee CEE RQ nENL EE IDEUttesSe Jussit, et humanà qua parte locatus es in re. Pers., Sat, ini. 2 Nosce enim te consummata justitia est, et scire justitiam et vir- tutem tuam radix est immortalitatis. Lib, Sapient,, c. xv. 66056000000000000200c0006660000600906000% OBSERVATIONS MÉDICALES; LUES A L'ACADÉMIE DE ROUEN EN 1835, PAR M. CH. DES ALLEURS. MESSIEURS, Un de nos honorables confrères se plaignait récemment, au sein decette Compagnie, du silence que gardaient depuis long-temps les médecins qui en font partie. L'un d'entre eux s'empressa de répondre que ce silence n'était point impuissance ou négligence , mais avait pour motif un senti- ment de discrétion. Nous devions craindre, en effet, de fati- guer une attention , bienveillante sans doute, mais à coup sùr mieux entretenue par des lectures plus séduisantes que celle d'observations médicales ou de discussions de doctrines , souvent abstraites et toujours sévères ! Partageant ces idées , j'aurais pu invoquer à mon tour la méme excuse , en y en joignant une seconde aussi réelle, celle de l’acquit fait par moi du tribut annuel imposé à chaque membre par l’article 26 des statuts ; j'aurais pu enfin récla- ‘ La lecture d'un rapport ou d’un mémoire dans le cours de chaque exercice, est imposée, par cet article, à ehaque membre résidant, 84 ACADEMIE DE ROUEN. mer, au nom de cet autre tribut périodique , constitué pour moi en rente perpétuelle, que j'ai accepté avec plus de zèle que de capacité, et qui me donne quelque peine pour par- venir à faire honneur aux engagemenis pris avec la Com- paguie , aux échéances prescrites ?. Cependant, comme, nonobstant la réponse qui lui fut faite , l'honorable membre iusista, je dus, à mon tour, renoncer à mes excuses légitimes , prendre fait et cause comme médecin , accepter le reproche et m'exécuter de bonne grâce : c'est ce que je viens faire en ce moment; je vous douc demande quelques instants de cette indulgente attention qui nous a été promise, el, si jen abusais par malheur, vous me pardonneriez , j'espère, en songeant que je réponds à une provocation. Messieurs , C'est un fait incontestable que les médecins observateurs ou hippocratiques font, en ce moment, d'incroyables efforts pour reconstruire la médecine proprement dite. Ouvrier obscur , mais infatigable, dans la restauration de ce grand œuvre, je crois, pour mon compte, qu'ils y parviendront, mais je conviens qu'ils ont encore beau- coup à faire! le mal a jeté de profondes racines, et de jeunes esprits qui, bien dirigés, auraient, à coup sùr, marché d'un pas ferme! dans la bonne route, se montrent déjà infectés par des livres remplis des doctrines médicales les plus absurdes et répandus à profusion et à bon marché parmi ces innocentes victimes de spéculations odieuses et funestes. Autrefois, je n'hésite pas à le dire, les grands faits médicaux d'observation, prouvés par l'ex- périence des génies les plus élevés, étaient regardés ‘ Je parle ici de mes travaux hebdomadaires, comme secrétaire perpétuel. CLASSE DES SCIENCES. 85 comme des vérités scholastiques sacramentelles, et, trans- mis purs et inattaquables aux jeunes éléves qui les rece- vaient comme articles de foi et comme base de leur instruction ultérieure ; on formait ainsi des hommes solides et des praticiens prudens. Aujourd hui, il n'en est plus ainsi: le moins capable viendra audacieusement contester ou même nier les apophtegmrs pratiques que :e respect des siècles avait religieusement conservés, de grands maîtres en grands maîtres, depuis Hippocrate , le plus srand de tous. Le doute , le cruel doute, le fléau le plus redoutable pour les esprits à faible portée, lorsqu'il s'y est infiltré de bonne heure, le doute , dis-je, ose s'adresser à la vérité même , et souvent en termes insolents Nous voyons sans cesse, Je le dis avec un profond chagrin, de jeunes étudiants, studieux d’ailleurs , mais égarés par de mauvais livies, venir, avec un aplomb d'impudence qu'on ne tolère que par pitié fronder les méthodes anciennes reconnues bonnes, et es- sayer de flétrir de l'épithète d'adsurdes , des préceptes thé- rapeutiques que, bien loin de pouvoir juger , ils sont même incapables de comprendre et encore plus d'apprécier ! Nous avons eu mainte fois ce triste spectacle à sup- porter, Messieurs, et un de nos confreres, ici présent, pourrait vous en rendre , comme moi, témoignage. Il n'y a pas encore long-temps que lui et moi, spontanément et d'une commune inspiration, quoiqu'on ne puisse pas, certes, nous accuser de marcher trop d'accord ensemble, nous ne pümes retenir une exclamation de douleur et de surprise, en voyant deux concurrents doués d'aptitude d'ailleurs, venir prendre, sous l'inspiration d'un diction- naire qu'ils citaient tous les deux, pour base et pour guide, dans la description d'une maladie fréquente et très connue , qui a des degrés différents, qu'elle ne parcourt pas toujours tous nécessairement, les désordres cadavériques comme base de l'étiologie et comme fondement des indi- 86 ACADEMIE DE ROUEN. cations. Oui, Messieurs, il y a des livres très répandus qui consacrent de telles absurdités, et établissent et graduent les divers degrés d'une maladie aiguë , sur des altérations qu'on ne peut, pour ainsi dire, jamais voir, puisque rien n'est plus rare que la mort dans les premiers degrés de ces affections. Or, où voulez-vous que des jeunes gens aillent, une fois lancés dans une pareille direction? A l'ignorance pratique la plas profonde et la plus incurable ! Aussi, je voudrais que vous vissiez ces Jeunes savants qui dissertent, dissertent, dissertent, comme cerlain auleur compilait , compilait , compilait , en présence du cas le plus simple de ces mêmes affections, au lit du malade! À cet aspect, je vous le jure, le médecin est trop vengé ! Mais ce n'est pas assez , Messieurs, de voir le mal, il faut le réparer ; il y va des intérêts les plus sacrés de l'humanité, non moins que de l'honneur et de la dignité de la science elle même ! Ce préambule, un peu long peut-être, Messieurs, n’est pourtant pas ici un hors-d'œuvre. Si, en effet, on consulte les praticiens sur les observations que je vais vous lire, ils vous répondront, sans doute, qu'il n'y a là rien de bien nouveau et de bien extraordiaaire , mais ils vous répéteront aussi que la méthode suivie est rationnelle. Or, ainsi que je vous le faisais sentir il n'y a qu'un instant, en énonçant les faits, il faut aujourd'hui mettre à côté, et, pour ainsi dire, en regard , les principes pratiques sur lesquels s'ap- puie la thérapeutique : c'est le moyen de refaire l’art, par la voie la plus sûre, l'expérience confirmée par les faits, que, réciproquement, elle confirme à son tour. Je pose donc ici, comme préface à mes observations, quelques principes thérapeutiques, qui expliqueront et justi- fieront la méthode que j'ai suivie et que je ne crains pas de recommander. La thérapeutique est l'art d'appliquer les moyens avoués CLASSE DES SCIENCES. 87 par la science , et reconnus efficaces dans cerlains cas et dans certaines circonstances, à des maladies bien dési- gnées , quelle que soit, d'ailleurs, la nature de ces moyens, afin de soulager, de modifier, ou enfin de guérir ces mêmes maladies, La médecine ancienne, se dirigeant en cela d'après la nature des choses, reconnaissait que les maladies étant in- connues dans leur essence même, il fallait d'abord savoir distinguer parfaitement ces maladies, d'après les bonnes descriptions qui en étaient données par les meilleurs observateurs, pour leur appliquer ensuite , en temps utile et opportun, les médications que l'expérience constante de ces mêmes observateurs avait signalées comme agissant d'une manière plus où moins prompte, plus ou moins sûre, plus ou moins spécifique, dans les divers temps , les diverses circonstances ; et cela, Messieurs, sans s'inquiéter de l'explication de l'action de ces agents sur l'organisme , soit d'aprés leur composition physique ou chimique , soit encore d'après la nature propre des tissus avec lesquels ils étaient mis en contact. À ceux qui haussent les épaules à voir borner les pré- tentions d'un docteur à connaître bien l'histoire de ces applications et leurs diverses méthodes, et sa gloire à réussir dans la pratique de ces connaissances, il suffit de répondre qu'Hippocrate s'en contentait ; il se regardait comme heureux, c'est lui qui le dit, d'y avoir acquis quelque habileté ; après une longue et pénible carrière de travaux et d'observations. Or, il nous semble qu'on peut, sans une modestie exagérée, régler ses prétentions de renommée sur celle qu'ambitionnait Hippocrate. La science moderne a changé tout cela , aussi intrépi- dement que Sganarelle transposait le cœur à droite ; elle a mis au néant les observations des maîtres de l'art, et, constituant de sa propre fantaisie et de sa haute et puis- 88 ACADEMIE DE ROUEN. sante autorité privée, la médecine restaurée, elle a or- donné, sous peine de désapprobation, de contestation , voire meme de persécution, d'adopter son programme ; en conséquence , et d après ses propres doctrines, n'ayant jamais affure qu'à des irritations, des imflammations et à tous les degrés des altérations de cette classe, elle a eu bientôt constitué son arsenal pratique: ainsi, par une consé- quence nécessaire de son propre principe, rigoureusement appliqué, on pourrait la représenter allégoriquement , mais de mauiere à étre de suite reconnue , dans l'attitude du commandement ; avec cet air de violence et d'empor- tement qui ne souffre ni observations, ni contradictions, tenant dans la main droite une lancette ouverte ; portant dans la gauche un bocal de sangsues, et s'appuyant sur une borne fontaine d'où jaillirait une source intarissable d'eau de gomme. Pour compléter la moralité de l'allégorie, on mettrait, en bas-relief, sur la face antérieure du pié- destal, un malheureux malade épuisé, près d'expirer ; sur les deux faces latérales, la vérité en pleurs, et la raison, couverte d'un voile épais; enfin, au revers, tout-à-fait en opposition avec le dieu élevé sur un pareil autel, la face vénérable de l'immortel Hippocrate ! Cessons de plaisanter : le retour à la médecine pratique véritable se fait chaque jour de plus en plus. Un journal spécial a pris à tâche de reconstituer la matière médicale et la thérapeutique, d'apres la doctrine hippocratique , et il oblient, grâces à son titre surtout, un grand succès ; il proclame, en eflet, assez souvent des principes excellents, sous le rapport pratique, J'en vais poser ici moi-même rapidement quelques-uns, qui ont trait directement aux faits que je me propose de vous rapporter. 1° Certaines classes de médicaments, empruntés à divers règnes de la nature , s'appliquent d'une manière toute spé- ciale à un ordre régulier de symptômes qui forme des êtres CLASSE DES SCIENCES. 89 pathologiques ransés sous les noms génériques d'afections syplulitiques , goutteuses, dartreuses , scorbutiques » scro= phuleuses , ete. 2° L'observation a depuis long-temps prouvé les ana- logies nombreuses que peuvent avoir entre elles ces diverses affections, et par suite, leur tendance à se transformer l'une en l'autre, suivant les circonstances et dans des tempéraments donnés. 5° Les médicaments spécifiques ou spéciaux, si on aime mieux ; qui méritent el obtiennent des praticiens la prélé- rence, en pareil cas, quelle que soit la différence infinie de leurs formes, ont été compris, avec raison, et d’une manière conséquente , sous les dénominations d'anti. syphiltiques, de dépuratifs, d'anti-scorbutiques ele. 4 C'est la même observation qui à aussi constaté que, quelques-uns des éléments des maladies que je viens de désigner plus haut pouvaient être réunis en plus où moins grand nombre, soit un à un, soit deux à deux, etc., dans des cas qui, par cela même, paraissent douteux ; que, dans ces cas, un seul de ces éléments, même obscur , pouvait être saisi par l'homme de tact et d'expérience, et lui fournir alors des données lumineuses , qui éclairaient la thérapeutique qu'il adoptait définitivement; la subordon- nant, bien entendu, aux circonstances de saison et d'indi- vidualité. En un mot, pour résumer ces premiers points, il a été reconnu : que des médicaments d'une nature spéciale , agis- saient sur des maladies identiques, soit simples, soit com- pliquées, et que souvent un seul symptôme suffisait pour indiquer l'agent qui devait être préféré. Deux faits majeurs ont servi de fondement à ces apo- phtegmes thérapeutiques; les voici: c'est que, d'abord , tel médicoment, ayant une action spéciale reconnue et à jamais incontestable, n'agit pas par la voie qui semble, au 12 90 ACADEMIE DE ROUEN. premier abord , la plus naturelle, tandis qu'il réussit com- plètement par une autre ; ensuite , €'est que le véhiuif de la substance , ou la forme sous laquelle elle est administrée , par la même voie cependant, influe beaucoup sur le succès qu'on a droit d'en attendre. Une seule preuve , mais suffisante, viendra confirmer ici le premier de ces préceptes; c'est qu il est à la connaissance de tous les praticiens, que la Quinine, par exemple, qui agit, presque à coup sûr, employée comme fébrifuge ou anti-périodique , dans des fiévres intermittentes ou rémit- tentes, ou dans des cachexies affectant la méme forme symptomatique, échouera , donnée en substance par la bouche , soit sous la forme de mélange , soit sous celle de mixture, d'opiat, elc., elc., tandis qu'elle réussira parfai- tement , dans le même cas et chez les mêmes sujets , admi- nistrée par l'intestin ou par la méthode endermique ! Mille exemples viendraient , au besoin, appuyer ce principe de thérapeutique. La preuve du précepte que nous avons posé le dernier est tout aussi facile à faire, puisqu'il suffit, pour éviter toute discussion , de proclamer celte vérité incontestable, que: tel médicament, qui n'a jamais été toléré sous une forme quelcouque , celle de décoction ou d'infusion aqueuse, je suppose, le devient facilement sous celle de pilule , ou lorsque la substance même y figure, en nature, Tel a rejeté une teinture aqueuse ou alcoolique , qui sup porte, sans obstacle , un sirop ou une confection. IL me reste deux derniers principes à proclamer, pour compléter tout-à-fait ces prodrômes , et je les énonce rapi- dement. Il est constant que beaucoup de médicaments spéciaux , vulgairement nommés spécifiques , ne manquent leur effet que parce qu'ils ne sont pas donnés avec assez de persévé- rance et par une main assez expérimentée ; c'est donc à CLASSE DES SCIENCES. 91 tort qu’on s'en prend à eux, en pareil cas, de leur in- succès ! Barthez, dont je conserve préciensement de rares manuscrils, recueillis religieusement de sa propre bouche el sous sa dictée , par mon pauvre père, qui fut deux ans le secrétaire intime et affectionné de ce grand médecin, admettait entièrement ce principe ; et il faut voir comme il explique , lui qui y croyait fermement , les grandes cures opérées par Hippocrate, et mentionuées dans ses écrits, dans des affections de poitrine chroniques, altaquées à temps par des cautères maltipliés, appliqués des deux côtés des parois thoraciques , afin de remédier aux premiers degrés, déjà bien déclarés, de ces affections que nous avons désignées depuis sous le nom générique, mais par- fois insuffisant , de phtysies pulmonaires : or, de telles médi- cations seraient aujourd'hui qualifiées d'absurdes, ou, pour le moins, d'incendiaires ! Il me reste enfin à parler de la forme même du médi- cament. Toutes les fois qu'il n'est pas de la classe de ceux qui agissent instantanément et à très petites doses ; quand il doit, au contraire, exercer à la longue une modification profonde et durable dans des humeurs al- térées par un vice spécial congénial ou acquis, la forme sous laquelle il est administré est, à coup sûr, la condition la plus stricte de sa réussite. Or, si le médicament est de nature à être introduit par les premières voies; sil doit et peut séjourner impunément dans l'estomac, tout ce qui sera de nature à favoriser l'assimilation, par la digestion normale ; tout ce qui secondera son passage facile , rapide et définitif dans les secondes voies et dans la circulation générale , sera une chose de la première importance pour le médecin qui en aura prescrit l'emploi. Nous sommes profondément convaincus de toutes les vérités pratiques que nous venons d’énoncer ; nous nous sommes livrés, depuis près de quinze ans, à des essais 9? ACADEMIE DE ROUEN. comparatifs et multipliés sur le mode d'administration le plus avantageux, dans la majorité des cas, des médicaments spécifiques, mais surtout de ceux désignés sous le titre d'anti-s) philitiques et d’anti-scorbutiques. Nous ferons , plus tard, en réinvoquant les mêmes principes , pour les pre- miers, ce que nous entreprenons aujourd'hui pour les seconds ; nous allons, en conséquence, vous prouver , Messieurs, par plusieurs faits pratiques incontestables et concluants, que les médicaments anti-scorbutiques , admi - nistrés à hautes doses, avec ou sans combinaisons, et pendant un temps très long, dans des affections aignës ou chroniques , ont produit des eflets surprenants et réalisé des cures plus où moins radicales, qui doivent paraître merveilleuses au vulgaire, mais qui seront facilement conçues et expliquées par les médecins hippocratiques; car ceux-ci adoptent généralement les principes que j'ai posés , mais dont je suis loin , à coup sûr , de réclamer l'invention, puisqu'ils remontent à l'origine, on du moins aux temps les plus glorieux de la médecine dite hippocratique. Je donnerai, sous Ja forme presque analytique, la pre- mière observation, pour expliquer comment j'ai été con- duit à l'emploi de la méthode thérapeutique que je me plais à préconiser ; persuadé que je suis que son emploi, par des mains habiles et exercées, peut produire des effets merveilleux ; exemple profitable que je suis heureux de donner et de faire donner aux jeunes élèves, pour lesquels mon dévoment n'a plus besoin, je pense, de nouvelles preuves ! PREMIÈRE OBSERVATION. Georges Juster , âgé de 13 ans, fils du premier palefrenier de S. A. le prince de Croi , archevêque de Rouen, ete, d'un tempérament [ymplatico-sanguin , né en Allemagne, CLASSE DES SCIENCES. 93 de parents forts el sains, était en pension à Saint-Aignan- lès-Rouen. Cet enfant, d'un caractère très doux et très timide, contracta un rhume, dans l'hiver de 1830 à 1831, et ne se plaignit pas. Le rhume fut négligé, puis bientôt accompagné de fièvre ; le malade garda la chambre , et enfin le lit. On s'inquiéta peu d'abord de celle indisposition, qui devint promptement une maladie grave; elle avait déjà fait de grands progrès, quand, au bout d'un mois environ, le mal empirant toujours, l'enfant fut apporté à Rouen, à l'Archevèché. Je fus invité à le voir, pour la première fois, dans les pre- miers jours de février 1831. Voici quel était son état : päleur extrême, traits aflaissés, yeux cernés et enfoncés , d’un bleu terne peu ordinaire, membres tout-à-fait émaciés, sternum et côtes saillants, dents très longues, d'un blane mat et déchaussées, gencives grises, langue rouge , sèche, toux fréquente et assez douloureuse, suivie, surtout vers le matin , d'une expectoration de mauvaise nature ; la peau est brûlante, aride et terreuse. Le pouls est petit, fré- quent , presque insensible , principalement le matin, lorsque le malade éprouve des défaillances périodiques , à la suite de son expectoration. Les urines sont rares, assez colorées, sans dépôt ; le ventre est affaissé, point doulou- reux ; mais il est facile de sentir, à travers ses parois, des glandes mésentériques engorgées. Il n'y a presque pas d'évacuations alvines ; elles sont grisàtres , liquides et assez fétides. Le malade, très affaissé, répond lentement aux questions qu'on lui fait, mais cependant avec justesse ; il est couché sur le dos; le sacrum est près de s'entamer. Le malade se plaint d'une douleur assez vive au côté droit de a poitrine ; elle persiste depuis quelque temps; elle répond aux troisième et quatrième côtes de ce côté, à deux pouces environ du bord externe droit du sternum ; il n'y a point de crachement de sang. La percussion accuse une matité 94 ACADEMIE DE ROUEN. presque complète, mais plus marquée en avant qu'en arrière ; le stéthoscope fait entendre un peu de râle bron- chique, vers la partie supérieure des poumons; les battements du cœur sont faibles et obscurs, mais je ne puis constater la présence d'aucun liquide épanché dans le thorax. Le malade prend avec peine sa respiration, et elle pénètre peu profondément. Il y a, chaque jour, deux redouble- ments sensibies ; celui du matin est le plns intense, et c'est à sa suite que survient l'expectoration pénible dont j'ai parlé. Elle est abondante, et se compose d'un liquide fi- lant, salé, semblable à de la salive décomposée, dans le- quel flotte une matière verdâtre concrète, sous la forme de stries, ayant l'apparence de pus non cuit, ou mieux, celle de ces mucosités épaissies rendues souvent avec abondance dans le temps d'acuité des catarrhes intenses, Cette expec- toration a un caractère particulier bien remarquable ; elle est d'une fétidité si horrible, que l'appartement en est in- fecté . que les fumigations les plus variées sont impuissantes pour corriger cette odeur affreuse, qui fait à tous les assistants eta moi-même, une impression vraiment pénible. En présence de cet ensemble de symptômes, à l'époque surtout où ia maladie était arrivée , je n hésitai pas à porter un pronostic funeste; les indications à remplir étaient celles-ci : faire une puissante révulsion à la peau; puis, au moyen de boissons émollientes , diaphorétiques , tâcher de rétablir les fonctions perspiratoires, enfin soutenir les forces. Un vésicatoire fat appliqué sur le point douloureux de la poitrine ; des sinapismes promenés , avec précaution , sur les membres inférieurs ; le ventre continuellement cou- vert de cataplasmes émollients ; des demi-lavements de dé- coction de guimauve et d'amidon étendu, furent admi- nistrés deux fois par jour, et une infusion béchique, édulcorée avec le sirop de guimauve, donnée alternati- vement avec un loch blanc, par cuillerées. CLASSE DES SCIENCES. 95 Sous l'empire de cette médication, le pouls se releva quelque peu ; les selles devinrent moins grises et plus homogènes, la douleur de cûié sobscurcit, et la peau perdit de son aridité; mais l'expectoration fétide, la fièvre continuaient , et l'affaiblissement faisait des progrès sensibles. Le quatrième jour, depuis l’arrivée du malade, l'état des forces était si misérable, que, malgré la stimulation continuelle exercée sur la peau, je dus avoir recours au quinquina ; il fut donné en sirop, dans une décoction de lichen aflaiblie ; et en décoction , sous forme de lavement. Le pouls se releva un peu, les pommettes s'animérent , mais la langue se redessécha ; le ventre devint douloureux et balloné , la constipation opiniatre, la peau d'une séche- resse pénible au toucher, et l'expectoration ne fut nul- lement modifiée. Force me fut de renoncer à un traitement qui tendait évidemment à précipiter la catastrophe : je dus revenir, aprés avoir suflisamment insisté , à la médication émolliente. Le quatorzième jour après celui où j'avais, pour la première fois, visité le malade, l'expectoration avait été énorme et horrible, la défaillance qui l'avait suivie plus longue que de coutume; lout, en un mot, semblait annoncer le fatal dénoùment comme prochain , et je dus en prévenir le Prince, qui s'intéressait beaucoup à l'enfant. Cependant, je voyais le malade trois fois par jour : sa mère, au désespoir, dans son mauvais baragouin mi- allemand, mi-français, me faisait comprendre assez élo- quemment ses angoisses el son désespoir, et je voulais que ma présence fréquente lui füt une consolation , si les res- sources de mon art devaient demeurer impuissantes. Un de MM. les grands-vicaires et un vicaire de notre cathédrale avaient passé, en prières, une grande partie de la nuit du seizième jour, près du malade; celui-ci ne donnait presque plus de signes de connaissance ; ses derniers crachats avaient été d'une fétidité telle, que 96 ACADEMIE DE ROUEN. les abbés , d'autres personnes là présentes, et moi- même en étions vraiment incommodés. Nous fimes aérer l'appartement, et ces messieurs me demandérent de leur dire sincèrement ce que je pensais d'une telle maladie. Je leur répondis , que je regardais celte aflection comme catarrhale dans le principe ; négligée, puis peu ou mal soignée, avec le tempérament du sujet et sous l'influence de la température humide et froide qui régnait, elle avait rapidément dégénéré. L'enfant, d'une constitution lympha- tique prononcée, quoique né de parents sains, avait l'appa- rence scrophuleuse; sans doute qu'il existait chez lui, dans le poumon, des tubereules miliaires ; la fonte de ces tubercules fournissait cetie expectoration d'une puanteur si révoltante, parce que la prostration des forces produisait ici les résultats de la dégénérescence scorbutique , toujours imminente dans ces sorie: d'aflections. J'ajoutais alors, en m'appuyant sur les principes thérapeutiques que jai émis au début de ce travail , que cette fétidité était devenue, pour moi, un symplôme, ou mieux, un signe pathognomo- uique dans le traitement, et que, sil m'eût été permis de le continuer plus long-temps, c’eût été surtout sur les anti- scorbuliques, administrés avec persévérance, que ] aurais compté, en les donnant sous une forme propre à l'assimi- lation et à la nutrition en même temps. La malheureuse mère , qui allait continuellement du lit de son fils à nous, pour tâcher de saisir un mot d'espérance dans ces expli- cations, qu'à coup sûr elle ne comprenail pas, en entendant parler de sirop arti-scorbutique , s'écria qu'on en avait fait prendre à son enfant à Strasbourg , pour des glandes au col, qu'il avait alors en grand nombre. Si on lui en donnait encore, M. le docteur, me demanda-t-elle avec nn ton d'anxiété que je ne puis rendre ? — Vous le pouvez, lui dis je ; faites mélanger une once de sirop de quinquina avec quatre onces de sirop anti-scorbutique et tâchez d'en — CLASSE DES SCIENCES. 97 faire avaler au malade une cuillerée à café toutes les heures ; suspendez tout autre moyen , sans exception, sauf les fo- mentations sur le ventre. J'avais jeté, presque sans espoir , vous devez le croire, Messieurs, cette médication , consé- quente cependant avec ce que je venais de dire , à la pauvre mère, qui se mit, à l'instant, en mesure de lexécuter : je promis de revenir dans la soirée. Je revins en effet; le malade existait encore ; c'était beaucoup ! D'une docilité et d’une douceur extrèmes, il avait avalé le sirop présenté par sa mère, sans difficulté ; elle me demanda s'il fallait continuer? Sans doute, lui ré- pondis-je ; je prescrivis donc la méme dose toutes les heures, Le lendemain , à huit heures, l'enfant en avait pris, depuis le début, vingt-quatre cuillerées à café bien pleines; le pouls était légèrement relevé, les pommettes un peu co- lorées , l'expectoration, toujours de même nature, avait eu lieu plus facilement, et il n’y avait pas eu de défaillance, point important ! La mère me regardait avec des yeux où se peignaient l'anxiété et l'espérance ; j'en fus fortement ému, et je demeurai préoccupé de l'effet remarquable du moyen. J'ordonnai de continuer le sirop, toujours à la même dose et administré de la même manière. L'espoir venait de se glisser dans mon cœur , et, en descendant chez le Prince pour lui rendre compte de l'état du malade, je ne pus m'empêcher de lui exposer brièvement ce que j'avais dit l'avant-veille à son grand-vicaire , et de lui confier que j'avais une lueur d'espérance. Je ne manquai pas de revenir le soir voir mon malade , qui m'oflrait désormais un intérêt médical bien pressant. Il y avait environ trente-six heures que ce traitement était commencé ; le pouls était nota- blement relevé, la figure plus animée, les yeux moins éteints ; le malade avait uriné deux fois, assez abondamment ; le ventre n'était ni gonflé ni douloureux, la langue pas trop sèche, les dents presque humides, pour la première 13 98 ACADEMIE DE ROUEN. fois. Je demandai an malade comment il se trouvait ; il me répondit, avec un sourire mélancolique : bien ! La pauvre mère était au ciel! L'enfant me témoigna qu'il prenait sans répignance. Je lui présentai moi-même une grande cuillerée de sirop ; il l'avala très bien. Je prescrivis alors de continuer , par grandes cuillerées , toutes les heures : mes ordres furent ponctuellement exécutés, excepté de minuit à trois heures ; espace pendant lequel le malade avait pai- siblement dormi, A son réveil, il y avait de la moiteur, qui était devenue générale et continuait encore à l'heure de ma visite, vers huit heures; je fus agréablement frappé de cette heureuse circonstance ! Le malade se tourna devant moi sur le côté droit ; il avait encore expectoré une matière très fétide; mais le pus verdätre et difiluent était plus rapproché et plus consistant. Il me sembla, c était peut-être une illusion, d'une puanteur moins horrible! Je fis con- tinuer, sans interruption, pour lout moyen et exclusivement, le sirop nait et jour, à la même dose d'une cuillerée à bouche, touies les heures. Que vous dirai-je, Messieurs! le douzième jour de ce traitement , l'expectoration était liée, adhérenle au vase et presque plus fétide ; le mouvement fébrile n’avait plus lieu que le matin , et était suivi de sueurs modérées qui soulageaient le malade ; la peau s'était nétoyée et éclaircie; les membres perdaient leur hideux aspect émacié et terreux, les yeux s'animaient, la langue était humide et point ronge, les gencives se ravivaient, l'enfant était gai, riant, et témoignant ce sentiment de bien-être qui est le garant le plus sûr et le plus précieux d'une pro- chaine et bonne convalescence. Pendant cinq semaines consécutives, le malade ne prit autre chose, sans aucune exception, que le sirop pur ; j'avais bientôt supprimé le sirop de quinquina mélangé. La dose était de vingt cuillerées dans les vingt-quatre heures ; les forces se relevèrent assez prémptement ; la convales- és CLASSE DES SCIENCES. 99 cence marcha franche et rapide ; l'expectoration se corrigea, puis cessa tout-à-fait ; la poitrine redevint sonore, la res- piration facile ; l'embonpoint et la fraicheur reparurent ; l'alimentation ordinaire fat reprise peu à peu, puis rendue complète , le sirop enfin réduit à la dose de deux cuillerées le matin , à jeun. Le malade fut alors envoyé à la campagne, dont il revint bien portant et robuste : George est aujour- d'hui un beau garcon de bientôt 17 ans, frais, bien fait et qui paraît devoir jouir long -temps d’une excellente santé. Telle est l'histoire fidèle et vraiment remarquable de cette cure, qui parut merveilleuse au Prince et à toute sa maison, et qui me causa à moi-même une vive satisfaction , par le parti que j'espérais bien en tirer, pour des applica- tions pratiques ultérieures. Aussi, rencontrant ici pres , il y a peu de jours, le jeune Juster, if ne manqua pas, sui- vant sa coutume , de venir me saluer et me remercicr. Je lui dis : Tu nv'as rendu un fier service , mon garcon, en te guérissant avec le sirop que tu as pris avec tant de courage et de persévérance. — Ma foi, Monsieur, me réponditl , vous êtes bien honnête ; mais je ne me crois pas quitte ; et il me semble que le service que vous m'avez renda vous- méme vaut bien celui dont vous avez la bonté de me té- moigner votre reconnaissance. Vous comprendrez facilement, Messieurs , que je dus souhaiter de nouvelles occasions d'appliquer ce même trai- tement , avec les modifications nécessaires ; suivant les per- sonnes et suivant les cas. Elles ne tardérent pas à se présenter, Je vous demande encore quelques instants d'at- tention , pour vous lire plusieurs observations qui viennent à l'appui de celle que je vous ai communiquée; je serai beaucoup plus rapide dans mon récit. 100 ACADEMIE DE ROUEN. DEUXIÈME ODSERVATION. Durant le printemps de 1832 , je fus appelé à quelques lieues de Rouen, sur les bords de la Seine, pour voir la fille d'un de mes amis, femme du notaire de la résidence qu'elle habite, Elle était malade depuis plusieurs mois, et donnait méme d'assez vives inquiétudes , sa mère ayant suc- combé à une maladie de poitrine. Cette jeune femme, d'un tempérament muqueux, avait eu une couche heureuse ; elle n'avait pas nourri , et se portait bien à la suite, lorsque , par un temps humide et froid , une transpiration arrêtée délermina un rhume assez in- tense. Les boissons adoucissantes et les moyens ordinaires furent mis en usage ; mais la toux persista. On fit porter de la laine sur la peau, on appliqua un exutoire au bras , etc. L'expectoration, assez diflicile, avait été plusieurs fois sanguinolente ; la mensiruation était irrégulière ; plusieurs points de la poitrine donnaient un son mat : il y existait des douleurs prefondes ; l'amaigrissement était assez considé- rable , la toux fréquente, les secrétions lentes et difficiles , l'appétit nul , le découragemeut marqué ; il y avait, chaque matin, un mouvement fébrile suivi de sueurs fétides, qui affai- blissaient beaucoup ; les crachats avaient pour la malade une saveur affreuse , et il y avait quelquelois un peu de dévoiment , qui amenait des matières noirâtres et d'une odeur très-forte. Le médecin ordinaire, en m'exposant l'histoire de ces divers accidents, celle du traitement , et en me rappelant les circonstances commémoratives, ne me dissimulait pas ses inquiétudes actuelles et ses craintes prochaines, que je parlageai en grande partie. Il fat question d'envoyer la malade dans un lieu moins froid et moins humide; de douner le lait d'ânesse, etc. Le père, qui suivait avec beaucoup d'inquiétude notre conférence , me rappela que CLASSE DES SCIENCES. 101 lorsque sa fille était en pension à Rouen, mon père et moi lui avions fait prendre souvent une grande quantité de substances anti-scorbutiques , qui nous avaient très-bien réussi, surtout vers une épopue critique , qui avait été difi- cile à franchir, J'y songeais, dis-je, et j'ai des raisons parti- culières pour désirer de tenter un traitement qui peut-être réussira. Il n'y avait point de contreindication:; | exposaimon plan au médecin ordinaire, qui n'en conçut pas grand espoir ; le père et le mari ne furent pas du même avis, et l’on résolut d'exécuter ponctuellement la prescription sui- vante : la malade commencerait par prendre, le matin , à jeun , deux cuillerées à bouche desirop anti-scorbutique, ad- ditionné d'unsixième de siropde quinquina; sielle les suppor- tait bien, on augmenterait, au bout de quatre jours, de deux cuillerées le soir, jusqu'à nouvel ordre. La malade supporta bien le remède , et les cuillerées furent portées à six. Ma- dame B. suivit exactement ce traitement, pendanttrois mois consécutifs. La phthisie, qui avait fait une invasion évi- dente , suspendit sa marche, déjà si rapide! La malade a repris son embonpoint et sa santé habituels; elle a eu une couche très-heureuse depuis. Une rechute, à la suite d’une imprudence , menaca d'éclater en 1834 ; elle fut prévenue par le recours au sirop, à assez fortes doses. Ma- dame B. en use encore de temps en temps aujourd'hui. Pour moi, j'espère, à l'aide de ce moyen et des précan- tions convenables , prévenir chez elle, pendant de longues années , les développements redoutables d'une affection hé- réditaire, qui était bien près de franchir son deuxième degré, si souvent suivi, presque immédiatement , du troisième , ont la terminaison funeste ne se fait pas long-temps attendre ! TROISIÈME OBSERVATION. M. S. S., fabricant du quartier Saint-Gervais, âgé de 38 ans , a toujours joui d'une assez bonne santé, mais a eu 102 ACADEMIE DE ROUEN. des rhumes fréquents et violents depuis sa jeunesse ; il a perdu plusieurs de ses frères par des phihisies ulcéreuses évidentes. L'un d'entre eux, avec lequel il avait, par pa- renthèse , une grande ressemblance au physique, venait de succomber à celte même phthisie, qui avait eu chez lui une marche très rapide, quand il me fit appeler, ïl y a bientôt trois ans; marié depuis peu d'années, il avait éprouvé l'affaiblissement naturel à celui qui possède une femme qu'il aime tendrement et à laquelle il a vivement dé- siré d'être uni: les fatigues de son commerce, dans un établissement nouveau et qui faisait de rapides progrès, l'impression de la mort de son fière , toules ces circous- tances réunies avaient porté à sa constitution une atteinte profonde. Il était amaigri, avait les pommettes saillantes et colorées ; il était courbé, sans énergie , ayant de la diffi- culté à respirer et des accès irréguliers d'une suffocation très-pénible; matité presque complète de tout le côté droit de la poitrine, en avant et en arrière ; toux fré- quente , douloureuse parfois , et suivie d'une expectoration filante , fétide, parsemée de crachats puralents, offrant quelquefois de petites stries sanguinolentes; inappétenee , découragement. La pensée qu'il est atteint du même mal que son frere , et qu'il doit y succomber, le tourmente in- cessamment et lui donne des accès de noire mélancolie , suivis de palpitations. Tel est, en abrégé, l’état du ma- lade ; je ne détaillerai point ici les moyens médicamenteux et hygiéniques auxquels je le soumis rigourensement pen- dant les trois premiers mois, A cette époque, l'embonpoint un peu revenu me permit l'application d'un cautère , et je pus , ayant égard à l'état des premières voies, donner hardiment le siropanti-scorbutique, mélangé, au cinquième, de sirop de quinquina ; pendant le premier mois, à la dose de quatre cuillerées: il en prit ensuite huit et même dix , en se conformant d'ailleurs strictement au régime CLASSE DES SCIENCES, 103 ordonné, Au bout de huit mois, il n’était plus reconnais- sable, la toux a disparu, ainsi que l'expectoration ; la poi- trine est sonore partout ; il y a de la gaité, de l’embonpoint, de l’activité : la santé, en un mot, ne paraît pas avoir éprouvé le moindre ébranlement. Ce fait, que je ra porte avec tant de briéveté , fut un de ceux qui me donnèrent à Mmoi-meme une nonvelle confiance dans l'emploi rationnel de la méthode dont j'expose ici les résultats. Il n'yapaseu, jusqu'à ce jour, la moindre rechute ; et cependant , malgré moi toutefois, M. S. S. s'est livré sou- vent, d'une manitre immodérée , aux travaux de sa profes- sion et aux plaisirs de la chasse ! QUATRIÈME OBSERVATION. Madame B., fabricante sur l’Eau-de-Robec , est d'un tampérament {ymphatico-nerveux ; et cependant assez sanguin ; elle est très faible, très délicate ; elle a eu un grand nombre d'enfants : trois de ses sœurs , ses ainées , ont loules succombé à des cancers dans diverses parties : ces circonstances me sont familières , possédant , après mon père , la confiance de toute cette famille , depuis bien des années. Madame B., qui a eu de fréquentes maladies aiguës , était demeurée depuis long-temps sujette à des crachements de sang, que m’expliquait facilement la cachexie à laquelle elle est soumise depuis son retour d'âge : la né- cessité de lui faire tirer un peu de sang, trois ou quatre fois par an, était devenue indispensable ; sans cetie pré- caution ; les hémophtisies acquéraient de la gravité ; la ma- lade dépérissait , les jambes tendaient à s'infiltrer, et des symptômes graves, s'unissant alors aux accidens périodi- ques, menacçaient bientôt d'être insurmontables ! La ma- lade avait perdu ses dents de bonne heure ; elle épronvait souvent des mouvements de faiblesse assez grands, et alors 104 ACADEMIE DE ROUEN. + ces gencives devenaient sanguinolentes. Tous ces symptômes avaient acquis une assez grande intensité. Il y a deux ans, la mort de la derniere de ses sœurs avait vivement affecté son esprit; sentiment qu'aggravaient encore d'autres chagrins de famille. Les excrétions et l'expectoration avaient contracté beaucoup de fétidité ; l'appétit était presque nul et les digestions languissantes ; je crus reconnaître encore là an de ces cas dans lequels l'emploi du sirop anti-scorbu- tique pur, à haute dose, serait avantageux, et je n’en différai pas l'emploi : trois cuillerées à bouche , ie matin, furent d'abord prescrites ; elles furent bientôt portées à quatre , et Madame usa de ce moyen, sans interruption , depuis le commencement d'avril 1833 jusqu'à la fin de juillet ; elle diminua , et réduisit à une cuillerée le matin pendant les mois d'août, de septembre et d'octobre ; en novembre, elle reprit quatre cuillerées, jusqu'en janvier ; et, depuis cette époque, elle prend de temps en temps, et assez fréquemment ; une ou deux cuillerées le matin. A l’aide de ce moyen, Messieurs , les accidents graves ont disparu : à peine si l'hémophtisie s'est montrée une seule fois! Nous n'avons pratiqué , en tout , que deux petites saignées ; Ma- dame a repris un peu d'embonpoint , des forces, de l'ap- péut ; elle a marié deux de ses filles, et a supporté sans in- convénient les fatigues et les plaisirs de ces sortes d’événe- ments de famille : en un mot, Madame B. jouit de la meilleure santé qu'elle ait éprouvée depuis plus de vingt avs, et j'ai l'espoir de la conserver long-temps encore à l'affection bien méritée de sa nombreuse famille, CINQUIÈME OBSERVATION. L'observation qui suit se range naturellement après celle que je viens de rapporter ; je la donne brièvement : Madame B., de Darnétal, née C., est grande et bien CLASSE DES SCIENCES. 105 faite, mais elle a peu d'embonpoint, et a perdu l'une de ses sœurs par des maladies de poitrine ; elle en x été vive- ment affectée , parce qu'elle éprouvait elle-même quelques symptômes semblables à ceux qu'elle avait observés chez les siens, tels que une douleur sourde, profonde, et presque continuelle, au côté inférieur gauche de la poitrine, la gène fréquente de la respiration, un peu de toux , du découragement, du malaise, la matité d'une partie du thorax, l'inappétence , de l'irrégularité dans la menstruation , ete. : tous ces symptômes ne constiluaient point, à coup sùr, un cas tranché de phthisie commencante ; mais ils frappaient les parents et la malade elle-même, par leur cruelle ana- logie avec ce qu'ils avaient vu chez plusieurs membres de leur famille. La médication adoucissante, le régime lacté, ete. , n'avaient rien produit, lorsque je fus consulté à mon tour. Ce qu'on me dit, ce que je voyais, ce que je savais, par moi-même, des circons!ances de famille , me fit craindre l'invasion définitive d’une maladie à laquelle il existe d’in- contestables prédispositions chez la malade ; je dus agir en conséquence, el ce cas me parut un de ceux qui réclamaient, le plus impérieusement, l'emploi de la méthode que je préco- nise ici. Apres l'établissement préalable d'un exutoire à la cuisse, je donnai le sirop, sans mélange: d'abord à la dose de deux cuillerées, puis bientôt de trois ; puis enfin de quatre et même de six cuillerées par jour. Cet usage a été continué pendant plus de six mois, Aujourd'hui, la santé générale est satisfaisante ; l'embonpoint est revenu avec une bonne fraîcheur ; l'appétit est excellent ; point de toux, point de douleurs ; de la gaîté , de l'activité, et enfin une sécurité complète, Voilà plus de deux ans que cet état se soulient , et j'espère qu'il se soutiendra long-temps! 100 ACADEMIE DE ROUEN. SIXIÈME OBSERVATION. La fille Terrier , de Caumont sur la Bouille , née d'une mère qui m'a fourni l'observation curieuse d'une intermit- tente partielle imprimée dans nos actes, a épousé un nommé Dubazé , avec lequel elle habite , près du Bourgtheroulde : dans une petite ferme qu'ils exploitent en commun ; le mari exerce en outre le métier de toilier. Cette femme est bien constituée , née de parents sains ; elle n’a pas eu d'enfants. Naturellement haute en couleurs , elle est d'un tempérament sanguin , mais point nerveux ; elle est d'une grande dou- ceur, active et bonne ménagère ; elle avait toujours joui, depuis son enfance, d'une parfaite santé ; elle est heu- reuse dans son ménage ; mais son mari, né de parents phthisiques. porte lui-même le germe déjà développé de cette cruelle maladie. Les deux époux vinrent me consulter il y a environ deux ans, et m'exposèrent , avec détail , les circonstances que je résume ici rapidement. Le mari présentait tous les symptômes du deuxième degré commençant, mais bien décidé ; cependant il n'avait jamais craché de sang. Sa femme, et j'en ai eu de nombreux exemples , semblait avoir contracté la maladie, héréditaire chez son mari. Elle était prodigiensement amaigrie et af- faissée ; elle était affligée d'une extinction de voix presque complète ; la poitrine , irrégulièrement douloureuse , don- nait un son mat , dans tout le côté droit, soit en avant , soit en arrière ; il élait obscur à la base du poumon gauche ; il y avait de temps en temps des palpitations et quelques cra- chements de sang, surtout aux époques correspondantes au flux menstruel, totalement supprimé depuis près de six mois ; l'expectoration ordinaire et matinale n'était pas pu- rulente , mais 2laireuse , filante , fétide , ayant, pour la ma- lade , une saveur nauséeuse; pour les autres, l'odeur de pois- son pourri. Son mari se plaiguait que la sienne eût la même CLASSE DES SCIENCES. 107 saveur ; mais, chez lui, elle était plus consistante et décidé- ment purulente, L'état des premières voies était d'ailleurs satisfaisant , et je n'hésitai pas à lui prescrire le sirop pur et sans addition , à la dose de trois cuillerées à bouche, chaque matin, pendant un mois. J'approuvai , du reste , la conti- nuation des moyens assez rationnels qui lui avaient été con- seillés par le médecin de son village. Je crus devoir soumettre sa femme à une autre médi- cation, Après lui avoir interdit la cohabitation intime avec son mari, je lui fis établir un cautére ; j'ordonnai trois applications successives , à des intervalles prescrits, de sangsues aux cuisses ; l'usage de la laine sur tout le corps ; le lait pris tous les matins , et coupé avec un quart d'eau seconde de chaux; les boissons béchiques et un régime approprié , ele. Au bout da mois, ils vinrent me revoir, Le mari avait éprouvé, dans son état, une amélioration notable ! Il me raconta que le médecin du pays avait beaucoup ri du sirop anti-scorbutique, prescrit pur et à cette dose, dans une semblable circonstance ! Pour porter sa gaîlé au comble, J'invitai le malade à ajouter encore deux cuillerées, par jour, à celles qu'il prenait ; il y consentit de grand cœur. La femme avait éprouvé du soulagement à la suite des émis- sions sanguines ; mais l'extinction de voix persistait, ainsi que l'expectoration mauvaise. Elle supportait, d'ailleurs , très mal le lait, soit seul, soit avec l'eau de chaux, Elle me demanda, avec instance, de prendre le sirop qui faisait tant de bien à son mari! Il n'y avait pas de contre-indi- cations: j'y consentis, et je prescrivis trois cuillerées, d'abord , pendant quinze jours. Je les revis tous deux, à Caumont, après ce délai ; la position du mari était améliorée d’une manière vraiment surprenante ; il avait repris de l'embonpoint, un peu de 108 ACADEMIE DE ROUEN, fraicheur ; il avait de l'appétit , et presque plus de sueurs ni de fièvre ; l'expectoration continuait, mais blanche, bien liée , et surtout facile. La femme avait aussi éprouvé du soulagement ; la voix était moins voilée, la respiration plus libre, les symptômes généraux amendés ; l'exemple de son mari la remplissait, d'ailleurs, d'espoir et de confiance ! Je lui ordonnai d'augmenter , d'une cuillerée par jour, la dose du sirop et de persévérer. Ils ont continué , en effet, tous les deux, l'emploi du même moyen, pendant près de cinq mois conséculifs ! Le mari n’est pas guéri à coup sûr, mais il vaque à ses occupations de faisance-valoir et travaille à son métier; des qu'il sent quelque souflrance nouvelle , il a aussitôt recours à son sirop, et maintient ainsi, depuis près de deux ans, au deuxième degré, une phthisie qui marchait rapidement au troisième! Quant à sa femme, sa voix est totalement revenue ; la poitrine est sonore, l'expectoration nulle, ou presque nulle; les règles ont reparu, avec l'appétit et la santé, et elle n'offre plus, en réalité, aneun symptôme essentiellement caractéristique de Faflection qu'elle semblait avoir contractée sans retour. J'ai rencontré depuis le médecin du pays, chez un de mes proches parents , dont la terre est voisine de la ferme des époux Duhazé. Il ne m'a plus paru disposé à plaisanter sur ce fait; il m'a témoigné, au contraire, sa surprise , et exprimé ses regrets d'avoir préjugé, avec trop de légèreté, les effets d'une médication qu'il n'avait jamais vu expérimenter , et dont il ne s'était pas assez rendu compte. SEPTIÈME OBSERVATIONS, M. D........, riche propriétaire, qui habite notre ville une partie de l'année , est un des plus anciens et des plus intimes amis de ma famille ; il a toujours été , mais surtout depuis l'âge de quarante ans, d'une santé délicate. Il a CLASSE DES SCIENCES. 109 éprouvé , il y a déjà plus de vingt ans, plusieurs affections de poitrine graves, qui, maintes fois, le mirent en danger ; des accidents scorbutiques vinrent compliquer constamment et souvent compromettre l'issue de ses convalescences pé- nibles. De tousces maux, il est résulté un catarrhe chro- nique assez fort, qui, il y a peu d'années, s’aggrava sous l'influence de chagrins nombreux qui accablèrent presque coup sur coup sa famille, tels que la mort d'une épouse chérie, celle de son gendre, celle de tous les enfants de sa fille unique! Il était, par suite, arrivé à un degré de dépé- rissement qui m'alarmait beaucoup comme médecin, et m'affligeait profondément comme ami. J'avais essayé, par tous les moyens usités en pareil cas, et dont je connaissais depuis long-temps l’action plus ou moins avantageuse sur sa constitution, de modérer les accidents, et surtout de main- tenir l'expectoration journalière qui, lorsqu'elle venait à diminuer ou à se suspendre, me faisait craindre sur le champ un épanchement qui n'eùt pas manqué d'être rapi- dement fatal. Le malade était très abattu et me disait que la fétidité extrême de son expectoration lui était un présage funeste et qu'elle était le signal d’une prochaine dissolution. Je fis tous mes efforts pour remonter son moral, et je trouvai que c'était là le cas, ou jamais , de faire usage du sirop , selon la méthode précédente , en l'additionnant d'un cinquième de sirop de quinquina : je fixai la dose à quatre cuillerées, deux le matin et deux le soir. Au bout de quinze jours, je portai la dose à six cuillerées; plus tard je supprimai entièrement le sirop de quinquina : le malade a pris une quantité vraiment considérable du sirop mélangé et du sirop pur, pendant plasieurs mois consécutifs ; et, quoique j'aye réduit le nombre des cuillerées, il en fait encore une notable consommation, comme pourrait le témoigner un de nos collègues, qui a sa confiance et est chargé d'entretenir sa provision. Par ce traitement seul , 110 ACADEMIE DE ROUEN. Messieurs , le catarrhe chronique a repris une marche régu— lière, et ne me donne plus d'inquiétudes ; M. D. à recouvré de l’embonpoit, il a repris toute la gaité et toute l'ama- bilité de son heureux caractère. L'hiver dernier s'est passé sans retour d'aucun des accidents qu'il ressentait chaque année, presque infailliblement , dans cette saison ; il a pu fréquenter assidument la société, où il est toujours accueilli avec plaisir et même empressement ; il a tenu lui-même sa maison, el n'a éprouvé ni fatigue, ni incommodité à la suite des réanions et des soirées nombreuses auxquelles il a présidé. Il est reparti, ily a quelques jours , pour le Roumois , emportant avec lui sa provision ordinaire , de son Jidéle sirop, ainsi qu'il l'appelle , et que moi, je surnomme, quand j'en parle avec lui, le cher sirop , puisque je lui dois la conservation d'un excellent ami. HUITIÈME OBSEPRVATION. Le fils de l'agent comptable de lun des journaux de cette ville, enfant de quatre ans, avait été traité, un peu légerement pent-être , d'une coqueluche intense , au moyen du sirop cyanique, qni avait bien calmé la toux, mais amené les symptômes les plus graves du côté du ventre. I fut alors confié à mes soins , et'a-présenté, pendant plus de quatre mois, des accidents variés qui, plusieurs fois , l'ont mis à deux doigts da tombeau. Ce n'est pas ici le lieu de parler de ces transformations maladives, d'ailleurs fort inté- ressantes, mais Je dois seulement citer un fait qui a trail au mode de médication dont je parle en ce moment. Le malheureux enfant, apres des souffrances inouïes, était entièrement infiltré , dans un affaiblissement effrayant , ayant la colonne vertébrale déviée, et portant au pli de laine, du côté droit, une tumeur qui, après m'en avoir imposé quelques heures pour une hernie, à cause de sa CLASSE DES SCIENCES. 111 forme et de son apparition subite , me faisait craindre , en définitive, par suite de quelques circonstances que je ne puis retracer ici, un dépôt par congestion. Dans cet état pitoyable et désespéré, l'enfant ne pouvait plus rien sup- porter : les bouillons étaient rejetés, et cependant la langue n'était plus rouge, ni l'épigasire douloureux. La médication sucrée me parut devoir convenir là merveilleuse- ment; je combinai donc le sirop anti-scorbutique avec les sirops des cinq racines et de fleurs d'oranger, ces deux derniers formant environ le tiers du mélange ; je réduisis tout le traitement interne à l'emploi de ce mélange , donné comme aliment et comme remède. J'ordonnai d'en faire prendre par cuillerées à café, toutes les heures, s'il était possible. Avec de la fermeté on y parvint, et le petit ma- lade, enfant gâté d'ailleurs, ne fit pas de grandes difi- cultés ; circonstance à noter. J'ai remarqué, en eflet , que l'habitade émousse très promptement ce que l'usage de ce sirop peut avoir de désagréable, au premier abord, Sous l'influence de cette méthode , dès le quatrième jour , les urines reparurent, et l'anasarque commenca à se dissi- per, mème avec assez de rapidité ; l'abcès s'ouvrit , donna une quantité considérable de pus, et, par bonheur , n’eut pas, avec la colonne vertébrale, les rapports que je re- doutais. L'infiltration disparue , je substituai dans le mé- lange, au sirop des cinq racines, le sirop de quinquina , Loujours au tiers, et je fis continuer » Sans interruption, et sans recours à d’autres moyens, à la dose de six grandes cuillerées à bouche par jour, mais divisées eu beaucoup de prises. Après six semaines environ de ce traitement, con- ünué sans relâche, les forces sont revenues ; l'estomac à repris toute son énergie, l'alimentation a pu se faire, à l'aide de bouillons d'abord , puis de substances plus nutri- üives ; aujourd'hui, le petit malade est en pleine convales- cence ; la colonne vertébrale est tout-x-fait redressée | et je 112 ACADEMIE DE ROUEN. l'ai envoyé à la campagne, où l'air des champs achèvera promptement la cure. Il continue encore, à la dose de deux cuillerées le matin , le sirop qui a été vraiment son ancre de miséricorde , à la suite de la longue et curieuse série d'accidents graves auxquels le pauvre petit a eu le bonheur de survivre ! Je crains que vous me disiez ici, Messieurs, que j abuse un peu de votre indulgence, et que je veux rattraper trop longuement le temps perdu ; mais, dussé-je promettre, pour juste compensation, un nouveau silence aussi prolongé, je réclame encore votre attention quelques moments pour la lecture de deux observations qui doivent compléter ce tra- vail ; je les abrégerai le plus qu'il me sera possible. NEUVIÈME OBSERVATION. La nommée Marie N., servante chez un fabricant de la rue Stanislas-Girardin, est née de parents sains ; élevée par ses maîtres , elle leur a toujours montré un zèle et un dévoùment inaltérables. Elle éprouva, l'année derniére, d'assez grandes fatigues, par suite de veilles nombreuses auprès du lit d'un enfant et d'un commis successivement malades ; atteinte, peu après, d'une affection catarrhale intense , accompagnée de toux et méme d’expecloration suspecte , elle fut traitée par le médecin de la maison , qui me détailla, plusieurs mois après, tous les accidents qui s'étaient succédés, jusqu'à l'époque où je fus appelé à donner mon avis, comme consultant. Il y avait trois mois et plus que la malade avait vu une mauvaise convalescence succéder à son affection aiguë : elle présentait alors tous les signes réunis d’une phthisie ulcéreuse, et son expecloralion , d'une fétidité notable, son émaciation, le dévoiment, la sueur, qui venaient compliquer cet état, ne laissaient CLASSE DES SCIENCES. 113 guère d'espoir légitime , je ne dis pas de guérison, mais même d'amendement notable. Nous fimes appliquer, cependant, un peu tardivement peut-être, un cautère à la cuisse ; puis nous prescrivimes la série des moyens appropriés. La fétidité caractéristique des excrétions me fit proposer à mon confrère, en l'ap- puyant sur des faits identiques, l'emploi du sirop anti- scorbatique pur. Il n ‘y vit aucune contre-indication , mais n'ajouta que peu ou point de confiance à l'usage de ce moyen. Il fut néanmoins prescrit, à la dose de trois cuil- lerées à bouche chaque jour. Je revisencoreune fois lamalade avec mon collègue, quelques jours après: il y avait de l'amendement, mais, en réalité, il était bien faible ; le médecin ordinaire confirma son pronostic fâcheux, et conseilla d'envoyer la malade, le plutôt possible , à la cam- pagne. Elie fut invitée à continuer le sirop, et, douze jours après environ, on me fit prier de venir la voir, parce qu'elle disait avoir ressenti un soulagement remarquable, Je m'y rendis le surlendemain , quand j'eus acquis la certitude que les règles d'une loyale confraternité m'y autorisaient. L'amélioration était encore bien faible, mais elle était sensible; le cautère commençait à couler un peu, la respi- ration était beaucoup plus facile, et l’expectoration moins abondante et moins puante, La malade n'avait aucune répugnance pour le sirop , et j'en portai la dose à six cuil- lerées à bouche par jour. Je ne vous ferai pas suivre pas à pas la marche de cette affection , Messieurs, parce qu'elle présenta des phénomènes variés qui me forcèrent à avoir recours plusieurs fois à divers agents thérapeutiques, surtout à l'extérieur : j'eus méme le désagrément de voir la ma- lade éprouver tont-à-coup de la répugnance pour le sirop, à cause de la saveur trop fortement alliacée de celui qu'on lui avait envoyé. Je le fis suspendre pendant deux jours, puis j'en envoyai chercher d'autre bien récent, et j'en fis 12 114 ACADEMIE DE ROUEN. incontinent recommencer l'usage ; la malade finit par en avaler dix grandes cuillerées par jour, pendant près de deux mois. Qu'arriva-t-il ? C'est que, malgré les contrariétés que j'ai mentionnées plus haut, la malade ne tarda pas à quitter le lit, qu'elle gardait presque constamment; ses forces revinrent peu à peu, l'embonpoint également. Au- jourd'hui, l'expectoration à disparu , la respiration est assez libre, et peut mème étre poussée très loin, sans aucune douleur. Je suis, certes, bien éloigné de me flatter d'une guérison radicale, mais ce que nous avons obtenu est déjà beaucoup; la malade est venue me voir il y a peu de jours, avant de se rendre à la campagne, chez sa sœur, où elle emporte son sirop, qu'elle nomme son sauveur, et qu’elle continue toujours ; elle en prend deux cuillerées par jour. Ceux qui la voient aujourd'hui, gaie, marchant et agissant bien, convaincue personnellement de sa guérison, ont peine à reconuaitre celle qui, il y a à peine quatre mois, ne semblait plus avoir que quelques jours à vivre. Dans toutes les observations que je viens d'avoir l'hon- neur de vous exposer, Messieurs, c'est toujours la poitrine qui nous a donné les symptômes principaux. L'un de ceux- ci, la fétidité des matières expectorées, auquel se rattachaient quelques circonstances commémoratives de l'enfance des sujets, m'a fourni le signe patognomonique qui a justifié ma conduite ; mais, Messieurs, je vous demande la per- mission de joindre encore ici une dernière observation ; ma pratique me fburnirait les moyens de la multiplier au besoin : elle vous prouvera que, quel que soit le système principalement entrepris, lorsque l'indication a été bien saisie, la forme sous laquelle on doit donner la substance est le point le plus important à fixer , ainsi que je l'ai énoncé dans les prolégomènes de cette notice. Or, je le répète, la forme sirupeuse, lorsqu'il s'agit des anti-scorbutiques pro- CLASSE DES SCIENCES. 119 prement dits, mérite de beaucoup la préférence ! Cette dernière observation en fournira, il me semble du moins, un exemple assez concluant. DIXIÈME OBSERVATION. Un vénérable prêtre, qui remplit d'importantes et hautes fonctions ecclésiastiques dans ce diocese, à la suite de travaux et de fatigues multipliées, pendant le cours d'une carrière aussi agitée que laborieuse, avait contracté , de- puis une assez longue période d'années, une affection de vature dartreuse, qui se manifestait sous la forme d'érup- tions identiques, mais plus ou moins abondantes, sur diversés parues du corps; elles étaient, pour la plupart, aceom- pagnées d'un suintement ichoreux , fétide, et presque im- médiatement concrétable , sous forme de squammes, qui prenaient bientôt l'apparence ictiacée , sous le double rapport de l'aspect et de l'odeur. Cette affection avait pris domicile permanent aux deux jambes, où des coups recus accidentellement avaient multiplié des plaies uleérées qui présentaient un très mauvais aspect, fournissaient une dé- testable suppuration, et offraient des plaques érésypéla- teuses de mauvaise nature et accompagnées d'un prurit insupportable. Un de nos respectables confrères, qu'une maladie cruelle a dérobé pour jamais à nos rangs, avait soigné le malade depuis plusieurs années ; il avait employé, pour les pansements locaux, l'eau alumineuse, la pom- made ou le cérat souffrés, les lotions de plantes émol- lientes ou réputées dépuratives, et, à l'intérieur, les décoctions et les infusions analogues, les sucs dépuratifs , puis enfin les lotions et les bains de vapeurs sulfureuses : il y avait eu, de temps en temps, des améliorations mo- mentanées , inais, en somme , au mois de novembre 1834, le mal avait repris toute son intensité ; il avait même 116 ACADEMIE DE ROUEN. empiré ; les yeux et les oreilles, en proie à des éruptions partielles, offraient des suppurations semblables à celles des extrémités; le malade finissait par se livrer au décou- ragement, en voyant tant de tentatives thérapeutiques variées, demeurer constamment insuffisantes. Ce fut dans ces circonstances que j'eus l'honneur de recueillir l'héritage de confiance qu'on avait accordé jusque-là à notre mal- heureux confrère, confiance que je dus m'efforcer de justi- fier. J'établis d'abord , et avant tout, un cautère à la jambe la plus malade. Je me félicite tous les jours de cette idée, d'ailleurs, toute rationnelle ; l’état des premières voies, scrupuleusement apprécié, me parut tel, que je pouvais administrer ici, avec hardiesse, les anti-scorbutiques et les dépuratifs ; mais le peu d'effet antérieur des infusions et des décoctions me confirma dans la pensée que la forme siru- peuse devait obtenir ici la préférence, indiquée qu'elle était, d'autre part, par l'état physiologique des fonctions diges- tives. Je voulus exposer au malade lui-même, pour con- quérir la certitude de sa constance dans le traitement, les raisons qui me faisaient préférer celui que je croyais devoir adopter ; il les saisit parfaitement, et me promit une doci- lité et une exactitude auxquelles, je me plais à le recon_ naître , il n'a pas failli une seule minute. J’ordonnai le sirop anti-scorbutique pur, d'abord à la dose de deux cuillerées matin et soir; au bout de quinze jours, je portai à quatre le matin et autant le soir. Au bout d'un mois, j'arrivai à six; enfin, le malade, sans manquer un seul jour à cette prescription , continua pendant près de quatre mois cette dose de douze cuillerées par jour. Je dois dire, cependant, que lorsque l'estomac semblait se lasser, je faisais diminuer ou même suspendre un ou deux jours, pour reprendre ensuite avec une nouvelle ardeur. Il n'eut pas à se repentir de sa constance. En effet, Messieurs, voici ce qui est arrivé: la dépuration profonde CLASSE DES SCIENCES. 117 que je poursuivais, pour ainsi dire pas à pas, ligne à ligne même, si l'on veut, parvenue enfin , d'une maniere la- tente, au point désiré , a manifesté tout-à-coup, ainsi que je m'y altendais, ses progrès réels, et cela d’une manière étonnante. Le cautère a d'abord coulé abondamment ; il a concentré , autour de ses bords , l'éruption érésypélateuse, qui était une des plus formelles entraves à la cicatrisation des ulcères des jambes. Ceux-ci, pansés tout simplement avec la toile dite de mai, et à des intervalles assez éloignés, mais suffisans , n'ont pas tardé à se déterger et à montrer un meilleur aspect: c'est alors que j'ai cru devoir insister plus vivement sur le traitement intérieur. J'ai bientôt re- cueilli le fruit de cette méthode. La cicatrisation complète des jambes s'est à peu près opérée ; il reste à peine un très petit point de suintement superficiel à la jambe gauche; la droite est complètement guérie. Deux fois, depuis plus de sept mois que ces heureux résultats ont été obtenus et se soutiennent, le malade s'est heurté assez violemment au marche-pied de son cabriolet, et, chaque fois, la cica- trisation, à mon immense satisfaction , s’est opérée prompte- ment, quoique l’une de ces plaies correspondît précisément à la crète du tibia. Le reste du corps n'a pas présenté, depuis, la plas légère trace d’éruption ; la santé générale est parfaite ; le malade se livre sans inconvénients aux aus- térités et aux fatigues de sa profession, plus même que je ne le voudrais: il fait, chaque semaine, depuis quelque temps , un voyage d'une trentaine de lieues , et se porte à merveille. Il a suspendu l'asage du sirop depuis une quinzaine, pour prendre les sucs d'herbes , pendant le cou- raut de ce mois, suivant son usage; mais il y reviendra encore sous peu de temps , et le prendra, comme de cou- tume , à la dose de deux cuillerées le matin, à jeun. Il attribue le premier, et avec tonte raison, à ce précieux agent thérapeutique , son retour à la santé , sur lequel il ne 118 ACADEMIE DE ROUEN. comptait guère assurément, et qu'il espère cependant, ainsi que moi, maintenir long-temps à l'aide de l'usage soutenu du même moyen. CoxcLusiox. En me résumant, Messieurs , il résulte, selon moi, de tous ces faits : 1° Que certaines substances ont, bien évidemment, ainsi que le proclamaient les anciens, une action toute spéciale , dans des cas pathologiques clairement définis : 2° Que le mode d'emploi desdites sabstances est pour beaucoup dans le succès qu'on est en droit d'en espérer : 3° Que la persévérance dans l'usage de ces mêmes moyens, lors même que l'effet réel serait long-temps à se manifester , et toutes les fois qu’il ne résulte aucun incon- vénient vraiment notable de la continuation de leur emploi, est une des conditions les plus formelles de leur succés : 4° Qu'enfin , un seul élément bien tranché , reconnais- sable dans les affections compliquées , comme propre à une diathèse spéciale, peut étre une raison suffisante, pour le médecin instruit et exercé , d'avoir recours à la médication appropriée à celle même diathèse ! La preuve qu'il en est et doit en être ainsi, découle de mes observations, qui dé- montrent qu'en eflet, sous l'empire de cette méthode toute hippocratique, on voit , dans des cas méme en appa- rence désespérés, des symptômes qui semblaient des phé- nomènes de la plus haute gravité, et qui n'étaient, au fond , que des complications amenées par les saisons, les maladies endémiques ou épidémiques, ou enfin par les constitutions ou les tempéraments individuels , s’aflaiblir , se modifier, s'amender, puis enfin disparaitre entiè- rement, Tous ces points sont d'une grande importance pratique , Re nent CLASSE DES SCIENCES. 119 Messiears , et ils valaient la peine qu'on les rappelât avec quelques détails ! Que si l'on m'objecte que tout cela n'es pas neuf, ne convient pas dans toutes les circonstances el chez tous les molades, qu'on peut trouver de semblables préceptes et de pareils exemples dans nos anciens, qu'ainsi il n'y a pas grand génie dans tout cela ! Je me hâterai den convenir. mes chères confrères, et c'est précisément celle vérité, qui découle de tout ceci, comme une conclusion né- cessaire, que je proclamais à dessein, et par avance au début de ce mémoire. Non ; certes, tont cela n'est pas absolument neuf en principe, mais voilà juitement pour- quoi je le rappelle: c'est pour prouver aix médecins, mais surtout aux éleves auxquels j'ai consacré un dévoüment quand même , qu'on a eu tort d'abandonner, sur de futiles raisonnements et sur d'impudentes assertions , des mé- dications rationnelles, fondées sur l'expérience! que c’est dans cette voie qu'il faut rentrer, si l'on veut acquérir une véritable réputation de bon praticien, et devenir vraiment utile à l'humanité, et j'ajoute à la science elle- même , qui, en dernière analyse, et en dépit des répatations usurpées et des fortunes éphémères, ne pent s'appuyer avec certitude que sur l'observation et l'expérience ! Quant aux prétentions à ce qu'on appelle génie, elles peuvent être nobles, mais il faut, pour cela , quelles soient fondées! Or, Messieurs, en médecine comme dans tout le reste , je le répete encore ici, il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus! Soyons donc moins ambitieux, et nous serons plus sages et plus heureux. S'il fallait absotament du génie pour être un bon médecin, que de praticiens, et je me place volontiers en tête, devraient renoncer à cette prétention ; mais, par bonheur, Messieurs , une iistruction solide, un jugement sain, de l'intellisence , du zèle, de la bonne foi, un peu de tact pour bien saisir, quelque sagacité 120 ACADEMIE DE ROUEN. pour bien appliquer , une grande confiance dans les mé- thodes hippocratiques éprouvées et confirmées par une foule de grands hommes, une sage réserve, sans dédain et sans présomption , dans l'admission des théories ou des préceptes qui ne peuvent encore avoir reçu la sanction de l'expérience ; tout cela suffit, avec une bonne éducation, de l'honneur et de la délicatesse, pour produire un bon médecin, un praticien digne d'estime! Or, c'est à quoi doivent se borner les vœux et les eflorts du plus grand nombre de eux qui se vouent à notre pénible carrière. S'ils atteignent ce but, ils doivent être satisfaits; car la société les rangera à coup sûr, tôt ou tard, comme elle le faisait jadis , au nombre de ses membres les plus utiles et les plus honorables ! 600060000000 00006620:0000000040660000005000 00000 Rmemdrsaemne RAPPORT SUR LE CONCOURS POUR LA CLASSE DES SCIENCES EN 1835; Au nom d'une Commission composée de MM. Lévy, Girardin, Courant, Dubreul, Pouchet, Person, Des Alleurs , et Hellis , rapporteur. SÉANCE DU 5 AOÛT 1835. L'Académie avait proposé un prix de six cents francs au meilleur mémoire inédit sur les sciences physiques, chi- miques ou mathématiques. Six mémoires ont été envoyés : un sur les mathématiques, trois sur la physique , un sur la médecine et un sur l'histoire nturelle. Je dirai peu de choses du premier ; parvenu sans épi- graphe. En s'inscrivant contre des propositions depuis long-temps résolues et regardées comme des axiomes désormais inat- taquables, l'autear a trop présamé de ses forces. Sa manière de raisonner et d'expérimenter n'était pas de nature à lui concilier les suflrages de la Compagnie. 16 122 ACADEMIE DE ROUEN. J'en dirai autant du numéro 4 ct 4 bis, dû au méme auteur, Ce mémoire est intitulé : Essai sur le mode de calcul à employer pour parvenir à la connaissance de l'im- pulsion des fluides , lorsqu'ils exercent leur action en direc- tion perpendiculaire à des surfaces plunes. L'auteur donne la [ormule d'apres laquelle on pourra estimer la force d'impulsion ; mais rien de solide n'en dé- montre l'exac'itnde. Il ne s'appuie , ni sur des recherches, ni sur des expériences nouvelles, ni sur des points de théories suffisament établis; il s'arrête aux calculs de Borda, qu'il regarde comme les plus dignes de confiance, et, les modifiant à son gré, 1! arrive ainsi sans eflorts aux conclusions qu'il désire obtenir. Le vuméro 3, sur le son et l'électricité , n'offre ni limites ui but déterminés; c'est un recueil d'expériences prises au hasard dans les ouvrages de physique et dans les journaux scientifiques. L'auteur admet tout sans discussion , et rien, dans son mémoire, ne tend à prouver ce qu'il avance, qu'il y aidentité entre le son et l'éleciricité. En traitant du galvanisme , l’auteur du naméro 2 n’a pas été plus heureux. Son mémoire paraît un travail entrepris dans le but de résimer ce que possède la science à cet égard. Ce but est loin d'être rempli ; il a négligé de puiser aux sources qui, depuis trente ans, ont jeté un nouveau jour sur cette matière. fl s'arrête à discuter s'il existe ou non un fluide galvanique , comme s’il était possible d'élever une pareille question après ies expériences de Volta ! Cette compilation, qui ne mène à aucun résultat, n'a point paru digne du prix proposé. L'Académie n’a point trouvé lieu à donner d'encoura- gement à l'auteur du mémoire coté numéro 5, sur la phthisie laringée. Il a négligé de consulter les auteurs qui auraient pu l'éclairer ; sa description de la maladie est in- complète et ne justifie pas les divisions qu'il adopte. Il a - ee CLASSE DES SCIENCES. 24 omis d'établir, ce qui était de la plus haute importance, dans quelles circonstances la phtbisie du larinx peut être indépendante de celle des organes avec lesquels il sympa - thise le plus. Ses observations sont tronquées et insuffisantes ; le mode d'exploration qu'il propose est aussi infidèle que superflu , et, parmi les moyens curatils qu'il conseille , ilen est que la saine raison repousse e! que l'expérience ne pourra jamais justifier. Enfin, Messieurs, j'arrive à un mémoire coté numéro 6 , filaires et des strongles, avec cette épigraphe : Von disputare, intitulé : Quelques matériaux pour servir à l'histoire des sed experirt. Sous ce titre modeste , l'Académie a découvert un travail digne de fixer son attention. Pour faire connaître son objet, il est indispensable de jeter un coup-d'œil sur ce que la science posséde relativement à l'helminthologie. Cette partie de lhistoire naturelle fut long-temps né- gligée. Les lieux immondes qu'habitent les vers intestinaux, le dégoût qu'its inspirent, la difficulté de les anatomiser et de pénétrer leur physiologie, devinreat autant d'obstacles à leur étude. Aussi, malgré l'attrait puissant qui devait s'at- tacher à un sujet qui touche de si près les intérets de l'hu- manilé, malgré les graves et nombreuses maladies que ne cesse de produire le développement des helminthes, au sein de nos organes, ce qui les regarde resta long-temps en arrière da progrès général. La lecture des anciens témoigne combien peu ils se sont occupés de cet objet, Les compilateurs du moyen-àge , tels que Albert-le-Grand , Gesner et Aldrovande, ne don- nèrent aucune impulsion à l’étude des vers intestinaux. L'helminthologie ne prit naissance que vers le milieu du siècle dernier. Un prix , proposé par l'Académie de Copen- bague, donna le signal des encouragements que l'on devait, par la suite, accorder à celte science, dont l'Italie devint 124 ACADEMIE DE ROUEN. le berceau. Il appartenait à Rhedi, à Malpighi, à Va- lisnieri, de la faire germer sur ceite terre si féconde en génies variés ; mais les travaux de ces savants ne se com- posent guère que de descriptions, on bien de discussions sur la génération de ces divers animaux. Linné, le premier, dans son système de la nature, groupa rigoureusement les vers intestinaux sous la déno- minalion de zeptiliæ. Apres lui, les allemands donnèrent une nouvelle impulsion à l'entozoologie : Othon, Frédéric, Muller, Blumenbach , Bloch, Goëth, et surtout Schrank, contribnërent à l'avancement de celte science. En France, Brugnière, dans l'encyclopédie, Cuvier et Lamark, dans leurs savants traités, jetérent de vives fu- mières sur l’histoire et la classification des vers intestinaux. Ce fut peu d'années après ces travaux, que parut le grand ouvrage de Rudolphi, mine féconde en richesses de toute nature, modéle de science , de patience et d’exacte obser- vation ; ouvrage bien supérieur à lout ce qui avait été pu- blié en ce genre, qui a valu, à juste titre, à son auteur le surnom de prince des helminthologues. Pendant l'époque actuelle, la question de la génération des vers intestinaux agita plusieurs fois le monde savant, et Bresmer , l'envi- sageant avec une haute philosophie , en interrogeant loutes les phases de la création , fit pencher la balance pour la gé- nération spontanée. Ce savant, regardé avec raison comme le premier helminthologue praticien de l'Europe , n’admet, comme on le concoit bien , ce mode de production que pour les premiers vers qui se développent dans les animaux, car ces êtres, une fois organisés, qui possédent des or- ganes généraleurs, el que l’on a reconnu étre parfois vivi- pares , après s'être une fois animalisés aux dépens des mo- lécules assimilables, se propagent vraisémblablement selon les lois ordinaires de la vie. Mais, il faut l'avouer, au milieu de ce progrès incontes- CLASSE DES SCIENCES. 125 table, malgré de nombreux ouvrages où le luxe des planches rivalise avec des recherches d'une profonde éra- dition , l'entozoologie n'a pas été exp'orée, sous le rapport anatomique, aussi complétement qu'on était en droit de l'attendre , et un voile épais nous dérobe encore le secret de beaucoup de ces étranges organisations, L'auteur du mémoire sur les filaires et les strongles a fait de nouveaux eflorts pour éclaircir ces mystères, et il nous apporte quelques matérianx pour combler cette lacune de la science. Sobre de raisonnements et soumis aux préceptes de l'im - mortel philosophe Bäcon , qui a dit: Non disputare, sedex- pertri , il s'est livré à de laborieuses recherches, et c'est le scalpel et la loupe à la main quil est venu éclairer la struc- ture de quelques-uns de ceux qui étaient restés enveloppés d'obseurité. L'anatomie des strongles était plus avancée que celle des filaires, et si quelques-uns de leurs organes étaient encore imparfaitement connus, au moins l'erreur n'en avait point embarrassé l'histoire. L'auteur du mémoire que nous analysons à décrit plu- sieurs particularités de l'appareil sexuel de la femelle du strongle armé, qui avaient échappé à ses devanciers. Il à reconnu que, chez cet entozoaire, une série de piéces tubu- leuses articulées servent d'enveloppe protectrice à une por- tion des canaux ovigères , et il conclut que le nombre de ces pièces , qui sont de nature cartilagineuse , varie comme les espèces, el que leur examen peut offrir de bons caractères pour distinguer celles-ci ; ce qui comeide avec l'opinion de M. de Blainville, qui pense que les caractères d'espèces doivent être empruntés au système reproducteur. Le filaire papillaire a surtout été étudié par l'auteur du mémoire. Il commence par constater que la bouche de cet belminte n’est qu'un bord renversé , tandis qu'on la crovait 126 ACADEMIE DE ROUEN. entonrée de papilles ; mais le principal mérite de ses re- cherches est d'avoir fixé, d'une maniere incontestable, la disposition des organes reproducteurs et détruit les opinions que l'on avait émises à leur sujet. En effet, ce naturaliste a démontré que l'ouverture de ces conduits, que l'on croyait être à la portée postérieure de l’arimal , siégeait, au contraire ; en avant, et qu'elle se reconnaît à un petit point noir situé à l'extérieur de la ceinture de tubercules qui environne l'orifice buccal. Une dissection minutieuse et attentive lui a permis de démontrer que les branches ovariennes, au nombre de deux , con- tournées en spirales autour du tube digestif, allaient en se rétrécissant vers l'extrémité caudale, ce qui se rapporte parfaitement avec quelques observations consignées par d'autres savants , notamment Jekobson et Rudolphi. Ce qui appartieut en propre à l'auteur, c'est d’avoir constaté que l'extrémité de ce conduit est sans ouverture, qu'il se termine comme un doigt de gant, et que son orifice externe est bien, ainsi qu'il l'avait placée, à l'extrémité opposée à celle où l'analogie l'avait fait supposer. Ce point important a été vérifié en sa présence, par un des membres de la commis- sion. L'auteur da travail dont nous vous rendons compile a décrit , d'une maniere exacte, le système générateur mâle, et démontré qu'il s'ouvrait d'une manière analogue à celui de la femelle , qu'il ne possédait qu'une seule cavité formant en arriere un renflement claviforme. Nous avons pris plaisir à faire ressortir ce que ce mé- moire renfermait d'intéressant , et nous le signalons comme bien supérieur à ceux qui nous sont parvenus pour le même concours; mais nous ne saurions dissimuler que, lorsqu'il s'agit d'histoire naturelle et surtout de l'étude de ces insectes placés au dernier degré de l'échelle des êtres vivants, dont l'innombrable multiplicité étonne et confond CLASSE DES SCIENCES. 127 l'imagination, où ne pouvait placer au premier rang que les travaux qui , par leur étendue : leur iporlance : jetaient un jour nouveau sur une classe entière, où sur quelques espèces jusqu'alors ignorées : dans un champ aussi vaste, la moisson est abondante et facile, Au milieu de tant et de si étranges organisations, C'est peu de recueillir quelques faits épars; il ne suffit pas de signaler une condition encore inaperçue, de relever quelques erreurs échappées aux maîtres de l'art, il faut que ces recherches s'étendent, se multi- plient , qu'elles soient riches d'aperças nouveaux, qu'elles soient fécondes en résultats, qu’elles reculent les limites des connaissances acquises, Où mieux encore , qu'elles oflrent des ressources à l'industrie, des secours à l'humanité ; au- trement , ces investigations ne seraient qu'une œuvre de stérile patience ou des objets d'une vaine curiosité. Si ces motifs n'ont point permis à l'Académie de décerner à l'au- teur le prix proposé, elle a cependant éprouvé le besoin de lui témoigner combien ses eflorts lui étaient agréables et tout le cas qu’elle faisait de ses recherches, aivsique de son érudi- tion consciencieuse. Voulant lui inspirer le désir de persé- vérer dans une carrière où il est entré sous les plus heureux auspices , et qu'un jour, peut-être , il est appelé à illustrer, convaincue que la connaissance plus exacte de lorgani- sation des vers intestinaux est une condition indispensable pour parvenir à des notions plus sûres touchant leurs mœurs et leur mode de propagation , l'Académie a décidé qu'une médaille d'or de la valeur de trois cents francs serait dé- cernée à l’auteur du mémoire numéro 6, intitulé : Quelques matériaux pour servir à l'histoire des filaires et des strongles ; avec cette épigraphe: Non dispulare, sed experut. AA AAA AAA AAA AAA AAA AA AA AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA PRIX PROPOSE pour 1837. Programme. L'Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, décernera , daus la séance publique de 1857, un prix, au meilleur mémoire inédit ‘, sur les sciences physiques , chimiques ou mathématiques. Le prix sera une Médaille d'or de la valeur de trois cents francs. L'Académie se réserve de porter cette valeur jusqu'à six cents francs , suivant l'importance du sujet ou le mérite intrinsèque des mémoires qui lui seront adressés. Les mémoires devront être envoyés, franes de port, avant le rer juin 1837, à M. Des Alleurs , docteur-médecin, secrétaire perpétuel de l'Académie pour la classe des Sciences, rue de l'Ecureuil, n° 19. Ce terme est de rigueur. : L'Académie entend ici par mémoires inédits, ceux qui, non- seulement n’ont pas été imprimés, mais encore qui n’ont été pré- sentés à aucune Société savante, 39200006600090005020000500200000000000S QUELQUES MATÉRIAUX POUR SERVIR À L'HISTOIRE DES FILAIRES ET DES STRONGLES. * Non disputare, sed experiri. BACON. Messieurs, Le travail que j'ai l'honneur de soumettre à votre jage- ment est un choix d'observations anatomiques recueillies sur des animaux vulgaires et négligés par l'indifférence ; peut- ètre contribuera-t-il à démontrer qu'il ne faut pas toujours chercher loin de soi les vérités nouvelles, et qu'à l'heure même où notre ambition poursuit une découverte hypo- thétique , un trésor certain est parfois caché dans le sol couvert de nos mépris. Mon but primitif était d'étudier la science par un examen direct; je voulais recevoir de mon expérience les données que les annales zoologiques m'avaient seules transmises jusqu'alors ; mais je m'apercus bientôt que les opinions * Voir, pour les notes et indications, à la fin de ce Mémoire, 17 130 ACADEMIE DE ROUEN. les plus véridiques en apparence , n'étaient souvent que des erreurs accréditées, et, sans perdre le souvenir de mon infériorité, je sentis, comme Link dans son Prodrome de Philosophie botanique Y'écrivait (1), que les richesses iné- puisables de la nature étaient un héritage ouvert à toutes les générations. L'intérêt que les He/minthes éveillent dans Lous les esprits, l'obscurité profonde qui enveloppe leur histoire , la nécessité zoologique d’une classification rationnelle qui les subordonne en vertu de leur organisation, ctqui précise avec rigueur les degrés spéciaux de l'échelle systématique entre lesquels ils doivent être répartis, seront les motifs puissants qui prêleront assistance à mes eflorts et qui servi ront d’excuse à ma faiblesse. J'écarterai soigneusement toute discussion superflue : je me bornerai à peindre les choses tangibles ; et, respectant la beauté , la simplicité des œuvres créées, je dirai ce que jai vu; je n’écrirai rien au-delà. 2 Voici le plan que je me suis tracé : Je donne en prémisses les faits connus de la question spéciale que je désire éclairer ; je les présente tels qu'ils sont annoncés par les auteurs ; ensuite, viennent, à titre de renseignements accessoires , les faits que la science a ras- semblés sur les espèces voisines : enfin , j'expose les obser- vations qui me sont propres. J'ai l'espoir que l'Académie regardera cetie réserve, ce laconisme avec indulgence; j'ai craint , pour elle surtout, la perte inutile d'un temps précieux ; je livre à sa juste cri- tique , sans fard et sans voile trompeur , un résultat nu et positif. L'histoire anatomique des filaires n’est pas seulement ignorée , elle est embarrassée d'erreurs graves ; et les sup- positions gratuites, les croyances fondées sur des analogies meusongères ou capricieuses, ont envahi la place que les CLASSE DES SCIENCES. 131 faits seuls, c'est-à-dire les vérités établies sur l'observation seule, devaient tenir, L'examen comparatif des travaux édités qui ont pour objet les filaires, et des recherches sur la voie desquelles une étude conscienciense nous a conduit, mettra hors de doute les assertions que j'avance. En effet, jetons un coup-d'œil rapide sur les opinions relatives à la structure des filaires, émises par les auteurs d'helminthologie, et noas verrons qu'elles sont presque toutes répétées sur la foi de naturalistes qui n’ont pas vu di- rectement, et que, si parfois elles sont originales, elles ont eu pour mère une imagination trop confiante. L'ordre suivant lequel nous exposerons les données que la science actuelle renferme, sera l'ordre chronologique ; et nous garderons cette méthode autant du moins que per- mettront de l'employer les exigences de l'ordre philoso- phique. Redi (2), Goeze (3), Werner (4), Fischer (5), Bloch (6), Cuvier (7), M. Marc (8), Laënnec (9), Gaede (ro), Bojanus (11), M. Jules Cloquet (12), Leuckard (13) et Schmalz (14), ne disent rien qui puisse éclairer l’anatomie des filaires. Je négligerai quelques thèses subies à la facalté de mé- decine de Paris et relatives aux entozoaires de l’homme. Le pius grand nombre passe outre les filaires (15,, etles autres ne renferment aucun fait d'observation propre qui fasse mieux connaître l'anatomie de ces animaux (16). Je cite pour mémoire seulement l'opinion paradoxale que des écrivains modernes, illustres d’ailleurs, n’ont pas craint de hasarder après quelques anciens (17). Est-il, en effet, maintenant aucun zoologiste qui mette en doute Fanimalité des filaires ? L'helminthe, que Chabert (18) appelle crinon, peut être ou loxyuris curvula , ou le strongylus armatus, ou le filaria 132 ACADEMIE DE ROUEN. papillosa de Rudolphi: je n’ose pas résoudre ce problème de zoologie, au vu de la caractéristique (page 18-21, $: xur et xiv ) et méme dela figure ( PL. IT, fig. u) don- nées par l’auteur, car elles sont remplies de vague ; d'ailleurs, Chabert n'a effleuré d'aucune manière l'examen relatif à la structure intime, seul moyen d'éviter l'incer- tude, On trouve dans Rudolphi quelques observations intéres- santes, il est vrai, peu détaillées , sur l'anatomie des fi- laires (19). Cet illustre naturaliste admet que l'organe sexuel mâle de ces helminthes est un filet grèle, court , cylindroïde, qui se montre non loin de l'extrémité caudale ( Entoz., Hist. nat., vol. n, pars. 1, pag. 3, n° 1), et qui est tantôt simple, tantôt double. La génération des femelles est vivipare: leurs ovaires sont très alongés et plus grêles vers leur sommet que dans le reste de leur étendue [Entoz, synop., page 204, genus 1 }. L'inspection abrégée des espèces nous fournira l'occasion de noter ce que Rudolphi connaissait de leur structure. L’anatomie entière du filaria medinensis, Gmelin, est encore à désirer (Entoz. Hist. nat., vol. n1, pars. 11, pag. 55-57, n° 1, obs. 2). En ce qui touche les organes re- producteurs, quelques portions d'ovaires, et les œufs in- nombrables qu'ils contenaient, ont pu seuls être examinés (Entoz. Synop., pag. 205-208, numéro 1). Rien absolument sur l'organisation du filaria gracilis , Rudolphi (ÆEntoz. Hist. nat., ibid, pag. 5, numéro 2, tab. 1, fig. et 2). Le filaria attenuata, Rudolphi, porte non loin de l'extrémité caudale un tubercule saillant qui, probable- ment, est la vulve (Entoz. Hist. nat., ibid., pag. 59, uuméro 3, descr. ). Rien de spécial touchant le flaria obtusa, Rudolphi CLASSE DES SCIENCES. 133 (ÆEntoz. |Hist, nat., ibid. , pag. 59 , numéro 4 ; — Entoz. Synop., pag. 4, numéro 41); le Jilaria truncata, Ru- dolphi (Æntoz. Hist. nat., ibid., pag 59, numéro 5; — Entoz., Synop., pag. 5, numéro 11); le filaria acu- minala, Rudolphi (Entoz. Hist. nat., ibid., pag. 66, numéro 10); le filaria plicata , Rudolphi (Entoz. Hist. nat., ibid. , pag. 67, numéro 11;— Entoz. Synop., pag. 7) numéro 18); le filaria alata, Rudolphi (Entoz. Hist. nat., 1bid, pag. 67, numéro 12). Quelques expressions de Rudolphi, touchant le filaria ovata, Zeder (Entoz. Hist. nat., ibid. , pag. 60, nu- méro 6), n'inspiraient aucun doute relatif aa sens qu'on devait leur attribuer : il résultait d'elles, en effet, que la tête du f{laria ovata était ovale, circonstance de forme qui avait déterminé le choix de l'épithète spécifique donnée à cet entozoaire, Mais, plus tard ( Entoz. Synop., pag. 215, numéro 12), le prince des helminthologistes revient au même sujet et recourt à des expressions tel- lement vagues et amphibologiques , que , si nous eussions ignoré l'origine nominale de l'espèce, si même nous n'eussions pas remonté aux sources par conscience, nous aurions donné à ces mots, caput num vere ovalum, une signification opposée à celle que lui donnait Rudolphi, sens que l'observation, probablement, ne récuserait pas: 4 tête du filaria ovata contient-elle des œufs au printemps ? Néanmoins, le rapprochement que nous avons fait des paroles consignées dans l'Histoire naturelle et le Synopsis des Entozoaïres (locis citatis), et la vue des figures que Goeze (20) a publiées (tab. VII, fig. 1, 2 et 3), nous a prouvé que le mot ovatum se rattachait à un caractère pu- rement zoologique , et devait se traduire par le mot ovale. Le jilaria unguiculata, Rudolphi ( Entoz. Synop., pag. 4, et pag. 209, numéro 5); le Jilaria affinis, Rudolphi 134 ACADEMIE DE ROUEN. (Entoz. Synop., pag. 4, pag. 209, naméro 6); le filana abbreviata, Rudolphi (Entoz., Sinop., pag. 4, pag. 210, numéro 7); le filaria fusca, Rudolphi (Entoz. Synop., pag. 5, pag 211, numéro 8); le filaria sanguinea , Ru- dolphi (Entoz. Synop. , pag. 5, pag. 211, numéro 9 ); le filaria rubella, KRudolphi ( Entoz. , Synop., pag. 5, pag- 212, numéro 10); le filaria globiceps, Rudolphi CEntoz. Synop., pag. 7, pag. 215, numéro 19), n'ont été l'occasion d'aucune remarque anatomique intéressante. Les mâles du filaria capsularia , Rudolphi, ont, suivant l'observation de Reder, une pointe saillante /spiculum ) près de l'extrémité caudale (Æntoz. Hist. nat., ibid., pag: 61-62, numéro 7, descrip. ). Je transcris, mot pour mot, ce qui regarde le filariæ papillosa, Rudolphi. « Caudæ apex tenuior incurvus, “antè hunc in specimine graciliori spiculum tenue «(membram masculam) eminere vidi; tubercula vero « quæ clarissimus vir (Ælbigaard, in Zool., dan., vol.NI, «pag. 49; tab. CIX, fig. 12,4, c, gordius equinus) in « plerisque individuis ibidem detexit et fig. c depinxit, « nunquam vidi, licet vermem varie anni tempore repe- « rerim. in filaria attenuata supra n° 3 dicta, simile quid « tamen observavi, ut ejusmodi tubercula vulvam desi- « gnent. » (Entoz. ist. nat., ibid., pag. 62-65, nu- méro 8, descrip.) Les mâles du filaria coronata ont, vers l'extrémité postérieure du corps, une pointe courte et cylindrique re- gardée par Rudolphi comme un appendice génital. Les œufs que renferment les ovaires des femelles correspondent à des taches uoirätres, ellipsoides, qui, peut-être, ajoute Rudolphi, sont des placentas (Æntoz. Hist. nat., ibid. , pag. 65 et 66, numéro g, descr. ). La certitude zoologique manque aux espèces douteuses : que pourrait-on sayoir de leur anatomie (Æntoz. Hist. CLASSE DES SCIENCES. 135 nat., ibid. , pag. 68-82 , numéro 13-45 ; — Entoz. Synops., pag. 7-13, numéro 20-07 )? M. le docteur Chapotin (21), pendant un séjour de quelques années à l'Ile-de-France, a rencontré seulement une fois l'occasion d'étudier la tête du filaria medinensis. Voici en quels termes il décrit cet animal : « Examinée à la « loupe, l'extrémité antérieure, légèrement renflée, m’a paru « £ offrir , dans le centre , un suçoir , sur les côtés duquel se « voient deux petites protubérences arrondies : le corps, « d'un blanc opaque, n’est pas parfaitement filiforme ; il a « des inégalités dans différentes parties et m'a semblé « composé d'anneaux très courts; son extrémité est ter- « minée assez brusquement par un petit crochet con- « tractile , et dont j'ai vu les mouvements. La tête paraît « rapprocher ce ver des filaires, mais il en sera loujours « séparé par son crochet terminal. » J'ai conversé tout ré- cemment avec M, le docteur Chapotin, qui m'a confié sur le filaria medinensis , d'une manière pleine de grâce et de bienveillance , quelques détails restés à sa disposition. — Je rapporterai seulement les observations capables d'éclairer mon sujet. — M. le docteur Chapotin n'a jamais rencontré la trace d'une piqüre originelle qui indiquât le point où se serait insinué, dans la peau, le jeune filaire. — Il à vu qu'après un temps variable en durée, il se formait une tumeur plus ou moins volamineuse qui correspondait tou- jours à l'extrémité orale de l'helminthe. Il faut ouvrir celte tumeur , et non pas inciser sur le trajet même qu'a suivi le dragoneau, pour extraire, avec chance de succès, le parasite dangereux, — Tous les vers de Guinée que cet habile et savant médecin a pu observer, étaient munis, vers la queue , d'un crochet terminal et contractile dont il a re- connu avec facilité les mouvements : or, la présence d'un crochet terminal à la queue de tous les individas examinés par M. Chapotin, est un préjugé de haute valeur qui 136 ACADEMIE DE ROUEN. fait soupconner la nature et les usages de cet appendice. En effet , doit-il être considéré , ainsi que l’a prétendu Laënnec (Diet. des Sc. méd., t. XV, pag. 295, art. filaire ), comme l'organe copulateur mäle ? Non ; car alors , par une exceplion bien singulière chez les animaux inférieurs, les femelles seraient moins nombreuses que les mäles dans l’es- pèce du /ilaria medinensis. Cette prédominance numérique du sexe mäle n'est donc pas probable : elle n'est d'ail- leurs justifiée par aucune observation directe ; au contraire , elle est infirmée par l'analogie rationnelle et surtout par la remarque opposée de Rudolphi sur les vers de Médine, qui avaient jadis fait partie de la collection de Bloch (Entoz. Synops., pag. 205-208, numéro r ). Delorme (22) a constaté, par la dissection chez le /ilaria medinensis, la présence d’un canal intestinal étendu d'une extrémité à l'autre ; cette remarque est la seule qu'il ait faite sur l'anatomie de cet entozoaire. Jassoy (23) répète ce que les plus illustres helmintho- logistes, ses prédécesseurs, avaient dit sur les filaires ; quelques mots extraits suffiront pour justifier l'assertion que j'avance: « In filariis tubus intestinalis inter genitalia « latet, ità ut Goeze ejus nullam faciat mentionem, Rederus “autem eum illusionem opticam credidit. Ani apertura « in hoc genere nondum reperta ( pag. 9)-... Quod si « genitalia filarioram spectamus, multa adhuc incerta inve- « nimus ; tamen et Rudolphi ( Entoz. Synop. , pag. 204- « 219) et celeb. Bremserus ( Bremserus D" über lebende « Wiirmer in lobenden menschen mit. 4, tafelln., Wien. , « 1819, 4, pag. 205)spicalum contortum exsertum , et perit. « Abildgaard ( Æbildgaard, Zoologia danica , v. MI, pag. 50, tab. IX, fig. 12, c). Tubercula in femellæ « parte posteriori, quæ pro labiis valvæ prominalis habet, « vidit; häc re saltem liquet sexus esse discreti (pag. 1x). » Après toutes les assertions plus ou moins hasardées que CLASSE DES SCIENCES. 137 nous avons rapporté fidèlement , la réserve judiciense avec laquelle M. de Blainville expose l'état de la science , est un exemple ulile que je tiens à cœur de signaler. « Où convaît très peu , dit-il, l'organisation des filaires : « on sait seulement que le canal intestinal est bien distinet « el étendu dans toute la longueur du corps ; ce qui fait « présumer qu'il y a un vérilable anus, et qu'il est ter- = minal. La bouche est orbiculaire, le plus souvent très «petite et extrêmement simple; quelquefois, cependant, «elle est entourée de papilles. Quoiqu'on n'ait pas va les « organes de la génération de la plus grande partie des « espèces de ce genre, M. Rudolphi, ayant observé dans « son f{laria papillosa un petit aiguillon simple avant la « terminaison du corps, admet, par analogie, que c'est « l'organe mäle excitateur, et que les sexes sont séparés « sur des individus différents (24). » L'ouvrage de Bremser, annoté par M. de Blainville (25), ne fournit pas d'observations capables d'éclairer l'histoire anatomique des filaires. Lamouroux (26) copie sans examen l'opinion erronée que tous les helminthologistes avaient concue de l'anatomie des filaires. Creplin, dans un premier ouvrage d'helminthologie (27), a consigné quelques détails zoologiques relatifs à trois es- pêces de filaires: mais il a complètement négligé le point de vue anatomique. En eflet, l'anus et la vulve de son f/aria labiatàa sont demeurés invisibles, et la transparence des téguments a seule permis d’entrevoir le canal digestif et les organes reproducteurs internes (pag. 2). L'appareil génital de son /ilaria bicolorest resté inaperçu (pag. 4). Quant à l'espèce douteuse qu'il appelle fleria cyprini rutili, aucune observation n a dévoilé sa structure ; l'existence de l'anuset des organes générateurs n'a pas été constatée (pag. 9). Le même naturaliste (28) à fait plus récemment quelques 18 138 ACADEMIE DE ROUEN. observations sur une autre espèce de filaire, filaria crassi- cauda , trouvée par Rosenthal dans l'urètre et dans les corps caverneux d’un cétacé { balwna rostrata ). Chez les mâles de cet helminthe nouveau, Creplin n'a pu découvrir l'orifice anal : quelques individus portaient à la queue, près de l'extrémité, un filament court et délié. Chez les fe- melles, l'extrémité caudale présentait un rétrécissement annulaire , en arrière duquel l'anus existait visible seulement à la loupe : en avant , on distinguait la vulve sous la forme d'une ouverture à levres transversales et sallantes; les parties intérieures n'ont pu étre franchement aperçues (pag: 876 et 877. Tabula zu, fig. 6 et 8). M. Jacobson (29), dans une lettre écrite de Copenhague, le 10 février 1834, à M. de Biainville, émet une singuliere opinion touchant la structure anatomique du /ilaria medi- nENSIS « La plus grande portion de flaria medinensis que M. Ja- -cobson ait pu extraire , avait un mètre environ de longueur : un autre fragment d helminthe fut ensuite retiré, mais, comme il lut lésé par inadvertance , il en sortit une ma- tière fluide , blanchätre, laquelle, examinée sur le champ d’uu microscope, laissa voir en suspension un nombre con- sidérable d'entozoaires pleins de vie. «Ce qui est presque « inconcevable, ajoute le naturaliste suédois , c'est la quan- « üité ionombrable de vermicules dont le corps du dragoneau = «est rempli, sans que j'aie trouvé aucune trace de viscère qui « les renfermerait. Cette observation m'étonna beaucoup : « j'allai alors examiner l'individu que je conservais dans « l'esprit de vin. À ma grande surprise, je fis, par la pres- sion , sortir une masse de ces mêmes vermicules ; en sorte « que je pense que tout le corps de l'animal en est rempli. « Sur une autre portion, je fis sortir des petits vers. Seraient- «ils les petits du dragoneau? Mais alors, quelle quantité « innombrable, où bien, je n'ose presque pas faire cette CLASSE DES SCIENCES. 139 « question, le dragoneau ne serait-il qu'un tube ou un « fourreau rempli de vermicales ? » Quelques jours plus tard, le 14 février 1834, M. Ja- cobson écrivait de rechef à M. de Blainville: « Voici une « provision de mes jeunes /ilaria medinensis. Ceux con- « servés dans l'eau-de-vie ont vécu dans l'eau plus de qua- « torze heures. On apercoit des viscères daus l'intérieur du « corps, dont un se montre sur quelques individus, en « forme de spire ou de vis. Ces vermicules ont été déjà « aperçus par M. Lichtenstein, en examinant quelques dra- « goneaux qui existent dans la collection du célebre ichtyo- « logiste Bloch , à Berlin. Rudolphi en parle dans son Ento- 1EMPI0y P Bibliothèque Royale. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 241 motif, privé depuis quatre aus; depuis quatre ans, il a souffert en silence. Enfin, les nécessités de sa famille de- viennent trop pressantes : illaisse échapper un cri de détresse, et Colbert a la honte de trouver sur son bureau le placet dont vous allez entendre la lecture. La pièce est authen- tique ; je l'ai copiée sur l'original, écrit, en entier, de la © main du grand poëte. « Monseigneur :, « Dans le malheur qui m'accable, depuis quatre ans, de n'avoir plus de part aux gratifications dont Sa Majesté honore les gens de lettres, je ne puis avoir un plus juste et plus favorable recours qu'à vous, Monseigneur , à qui je suis entiérement redevable de celle que j'y avois. Je ne l'ay jamais méritée, mais du moins j'ay tasché à ne m'en rendre pas tout à fait indigne par l'employ que j'en ay fait. Je ne l'ay point appliquée à mes besoius particuliers, mais à entretenir deux fils dans les armées de Sa Majesté, dont l'un a esté tué pour son service, au siége de Grave ; l'autre sert depuis quatorze ans, et esl, maintenant, capi- taine de chevaux légers. Ainsi, Monseigneur, le retran- chement de cette faveur, à laquelle vous m'aviez acçou- tumé , ne peut qu'il ne me soit sensible , au dernier point, non pour mon intérest domestique , bien que ce soit le seul avantage que j'aye recu de cinquante années de travail, mais parce que c’estoit une glorieuse marque de l'estime qu'il a plu au Roy faire du talent que Dieu m'a donné, et que ceste disgriäce me met hors d'estat de faire encore long- temps subsister ce fils dans le service , où il a consommé la plus part de mon peu de bien, pour remplir avec honneur ‘ Ce Placet, sans date, paraît antérieur, de peu de temps, au mois de septembre 1685, époque de la mort de Colbert, Corneille mourut le 1er octobre 1684, un an après le ministre, 31 242 ACADEMIE DE ROUEN. le poste qu'il y occupe. J'ose espérer, Monseigneur, que vous aurez la bonté de me rendre vostre protection , et de ne pas laisser destruire vostre ouvrage. Que si je suis assez malheureux pour me tromper dans ceste espérance, et demeurer exclus de ces grâces qui me sont si précieuses et si nécessaires, Je vous demande ceste justice de croire : A2 FRE que la continuation de ceste mauvaise influence n'affoiblira en aucune manière ny mon zéle pour le service du Roy, ny les sentiments de reconnoissance que je vous dois par le passé, et que, jusqu'au dernier soupir , je feray gloire d’estre, avec toute la passion et le respect possible , Monseigneur , Le; Vostre très humble , très obéissant et très obligé serviteur , CorNEILLE. » — Cette pièce , inconnue jusqu'à ce jour , jette une triste lueur sur les derniers temps de la vie du grand poete. On savait vaguement que les dernières années de Pierre Cor- neille n'avaient pas été heureuses , mais les biographes en étaient réduits à des conjectures sur les privations et les sollicitudes qui paraissaient avoir aigri son caractère ; ils ne soupconnaient même pas qu'il eût jamais cessé de jouir de sa pension ; aussi ses plaintes leur semblaient avoir été trop éclatantes. Enfin, la triste vérité se fait jour. Colbert ; qui pension- nait si magnifiquement des étrangers illustres, qui écrivait une lettre si belle au fils de Vossius, Colbert avait ( dans un bien mauvais jour ) rayé le nom de Pierre Corneille de cette liste de noms si pâles auprès de ce grand nom, et, de cet horme dont Napoléon eût voulu faire un prince , le mi- nistre de Louis XIV en avait fait un indigent. C'était bien mal réaliser les espérances qu'avaient d'abord concues les amis des lettres. En 1669, Boileau , applaudissant aux pre- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 243 mières marques de munificence accordées par Louis XIV aux savants et aux littérateurs , avait dit à ce monarque : « C’est par toi qu’on va voir les Muses enrichies De leur longue disette à jamais affranchies, » Ajamais affranchies !.. Pourquoi fallait-il que cet heu- reux présage fût, un jour, démenti, et qu'il le fût à l'égard de Pierre Corneille? Faisons-nous sages de ces tristes leçons. Jusqu'à présent, on n’a guère manqué de pro- diguer à la cendre des grands hommes les honneurs dure- ment refusés naguère à leur personne. Nous, plus pré- voyants, plus justes, plas bienveillants, honorons-les de leur vivant. Ainsi, les monuments que pourra, plus tard, leur décerner la postérité, seront un complément de nos hommages, et non une expiation de notre froideur et de nos méCconnaissances. ! AAA AAA à AAA AAA AAA AAA DISSERTATION SUR LA POPULATION DE LA PORTION DE LA GAULE CORRESPONDANT AU DEPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE , LORS DE LA CONQUÈTE DE JULES-CÉSAR ; Par M. A. DEVILELE. On a plus d'une fois soulevé la question de savoir si les Gaules, à l'époque de l'invasion romaine , étaient plus ou moins peuplées que la portion de la France qui les repré- sente aujourd'hui. Le plus grand nombre de ceux qui l'ont agitée, ont penché pour une population moindre , frappés qu'ils étaient de l'accroissement successif de la nôtre depuis quelques siècles et de l’état de civilisation actuel de la France ; mais aucun d'eux n'a apporté de preuves historiques, de calculs arrêtés à l’appui de son opinion. Tout est resté dans le vague ; rien n’a été discuté, approfondi ; soit que le sujet fût trop vaste, soit que les documents manquassent, soit, enfin, que la matière n'eût pas été suffisamment élaborée. Loin de nous la prétention d’éclaircir , de résoudre une question d'une si haute difliculté, que tant d'habiles hommes ont inutilement abordée; mais nous nous esti- merions heureux si, en la renfermant dans un cercle plus étroit, en la bornant, par exemple, à la partie de la CLASSE DES BELLES-LETTRES. 245 Francé que nous habitons, nous pouvions jeter quelque lumière sur le sujet, et constater , si ce n'est d’une manière positive et mathématique, du moins avec quelque appa- rence de probabilité, quel était, lors de la, conquête des Gaules par Jules-César , l'état de la population du territoire correspontlant au département de la Seine-Inférieure, C'est une lacune dans notre histoire lotale , que je me propose de remplir. Lorsqu'on vent parler des Gaules , le premier livre qu’il faut ouvrir est célui des Commentaires de César, le plus beau monument que l'antiquité nous ait laissé sur l'histoire de notre pays C'est à lui que nous nous adresserons. César nous apprend que la Gaule (il ne comprend pas sous celte dénomination la Narbonnaise , qui était regardée comme province romaine }) était divisée en trois parties : la Belgique , la Celtique, autrement dité Gauloise , et l'A- quitanique. «Les Gaulois, dit-il, ou Celtes, sont séparés « des Aquitains par la Garonne , des Beiges par la Marne «et la Seine, *» Ainsi, la portion de la Haute-Nor- mandie comprise dans le département de la Seine-Infé- rieure, faisait partie de la Gaule-Belgique. On sait qu'elle était occupée par les Caletes et les Velocasses ?, qui ont donné, depuis, leur nom, les premiers au pays de Caux, les seconds au Vexin. La ville qu'a remplacée Lillebonne , était la capitale ou ville des Caletes, Rouen celle des Velo- casses. Après avoir, dans sa première campagne militaire des Le * Gallos ab Aquitanis Garumna flumen, a Belgis Matrona et Sequana dividit, 2 Caletæ, Caleti , Caletes, Velocasses, Vellocasses , Veliovasses, Véneliocasii, Bellocassi. 246 ACADEMIE DE ROUEN. Gaules, repoussé l'irruption de la nation helvétique et celle des hordes germaniques qui s'étaient jetées sur le territoire des Gaulois alliés des Romains , Jules-César , soit qu'il ait été provoqué par les Belges, ainsi qu'il le dit, soit qu'il ait voulu, avec ou sans prétexte, préluder à la con- quête des Gaules au profit du peuple romain, se mit en marche sur la Belgique’. Quinze peuples confédérés de cette nation l'attendaient en forces. Dans une assemblée générale, ils avaient fixé le contin- gent de chacun d'eux; César en donne l'énumération ?. Le contingent des Caletes s'éleva à dix mille hommes ; celui des Velocasses au même nombre . Ainsi, le terri- toire dont nous nous occupons, celui des Caletes et des ! L'an 57 avant Jésus-Christ. 2 Bellovaques....... 60,000 hommes. Suessions ....-.+:- 50,000 Nerviens.......... 50,000 Atrebates......... 15,000 Ambiens .....:... 10,000 Morins....... 0e |, 203000 Menapiens........ 9,000 CRIS IN ee 10,000 Velocasses....... 10,000 Veromanduens.... 10,000 Aduatuques. ...... 29,000 Condrusiens ...,.. PDUTONB eee e Ceresiens......... Pemaniens......,. 40,000 TOR. 018000 3 Quoique le sens du passage de César , au premier coup-d’œil , semble indiquer que ce sont les Velocasses et les Veromanduens réunis qui aient donné un nombre égal à celui des Caletes ; nous nhésitons pas à penser, avec plusieurs commentateurs , qu’il ne faille entendre que le nombre de dix mille hommes ait été fourni , et par les Velocasses et par les Veromanduens, En effet, on concoit que , CLASSE DES BELLES-LETTRES. 2Â7 Velocasses, avait mis sous les armes vingt mille hommes. Telle est la donnée sur laquelle nous nous appuierons, et qui sera notre point de départ pour résoudre la question que nous nous sommes proposé de traiter. Si les Commentaires se fussent bornés au seul document que nous venons de rapporter , il n'eût pas ,oflert , selon nous, assez de prise pour arriver à la solution du probléme ; car on se serait toujours demandé : sur quelle base , d'après quelle proportion avec la population, le contingent des Caletes et des Velocasses avait-il été effectué : le calcul de nos levées modernes ne pouvant , sous aucun point de vue, servir d'échelle pour des lemps et des peuples si éloignés de nous? Heureusement César , en parlant des Bellovaques (peuples de Beauvais ;, qu'il nomme les premiers dans la liste de l'armée fédérale des Belges, dit qu'ils fournirent soixante mille hommes, mais qu'ils pouvaient en compléter cent mille : //os posse Conficere armata millia centum. Il est évident qu'on doit entendre , par-là , que la jeunesse seule avait été mise sur pied, ainsi que cela se pratiquait d'ordinaire chez les Gaulois lorsqu'ils eniraient en cam- pagne (hoc more Gallorum est initium belli quo , lege com- muni, omnes puberes armati convenire coguntur ) * : mais que, en réunissant toute leur population virile en état de porter les armes, les Bellovaques pouvaient com- pléter cent mille combattants. pour donner un contingent collectif, les Velocasses se seraient na- turellement associés à leurs voisins, et non aux Veromanduens ( peuple du Vermandois), dont ils étaient séparés par les Ambieus (peuple d'Amiens) et par les Bellovaques (peuple de Beauvais Paul Orose , copiant Jules-César, confirme cette opinion, en le tra- duisant ainsi: Felocasses et Veromandui æqué decem millia, César avait dit: Caletes decem millia, Velocasses et Veromandui lotidem. ! Commentaires , L, 4, c. 56. 248 ACADEMIE DE ROUEN. D'autre part, il est plus que présumable que les autres peuples de la Belgique, se conformant , d’ailleurs, en cela , à l'usage reçu, auront suivi l'exemple des Bellovaques, dans la fixation de leur contingent respectif, pour que toutes choses restassent égales entre eux tous, et que chacun participät à la défense commune (lans la méme pro- portion. La réunion des peuples belges en assemblée géné- rale pour déterminer ces mêmes contingents, donne, ce aous semble , un nouveau poids à cette opinion. * Ainsi, les Caletes et les Velocasses réunis, en fournissant vingt mile hommes, pouvaient, par-li même, en armer à la rigueur trente-trois ou trente-quatr: mille, nombre qui répond , en effet, aux cent mille des Bellovaques. En admettant que, par ce maximum possible, par cette population virile en état de porter les armes, il faille ‘ On m'a objecté que le contingent des divers peuples belges avait été probablenient fourni, non d’après leur force respective, mais à raison de la proximité de l'ennemi et par conséquent du danger. Cette objection tombe devant les Commentaires, qui nous apprennent que les contingents furent déterminés avant l'agression de Jules- César. Dans tous les cas, en supposant même que les Belges fussent certains par avance que César dut les attaquer par le pays des Remois , ainsi que cela eut lieu, comment se serait-il fait que les Veromanduens, qui étaient les plus rapprochés du théâtre de la guerre, neussent fourni que dix mille hommes, tandis que les Atrebates, qui en étaient davantage éloignés, en auraient donné 15,000 , et les Morins, plus encore, 25,000 ? Nous voyons aussi que les Ambiens, qui furent des premiers envahis, wavaient envoyé que 10,000 hommes, tandis que les Aduatuques, qui occupaient lextrémité Nord de la Belgique , en mirentsur pied 29,000. Rien n’autorise donc Ja supposition que je viens de combattre. Ce motif écarté , il ne peut rester d'autre base que la population , échelle ordinaire des levées militaires. Je n’ajouterai qu'un mot: César dit positivement que les Belloyaques , qui fournirent le plus fort contingent , avaient aussi la population la plus élevée, « Plurimüm inter eos numero valere. » CLASSE DES BELLES-LETTRES 249 entendre les hommes de vingt à cinquante ans, ce qui paraît une base assez raisonnable , il ne resterait plus, pour faire ici l'application, qu à rechercher pour combien fi- gurent, sur une population donnée, les hommes de vingt à cinquante ans. Les relevés les plus exacts portent les individus des deux sexes de cetâge à quatre mille neuf cents sur une population de dix mille ames. Ce calcul, appliqué à des peuples dif- férents et pris à des époques plus ou moins reculées , à pré- senté peu de différences. Nous pouvons donc l’adopter, et avec d'autant moins d'hésitation , que ce sont, en défini- tive, des données approximatives et non un chiffre rigou- reux, ainsi que nous l'avons exprimé en commencant, que nous cherchons àétablir. Nous venons de dire que les Caletes et les Velocasses réunis pouvaient, à la rigueur, armer trente-quatre mille hommes, qui représentaient leur population de vingt à cinquante ans , en état de porter les armes. En doublant ce nombre pour les femmes qui ne sont point entrées dans le calcul, nous aurons soixante-huit mille individus : or, soixante-huit mille individus de vivgt à cinquante ans, d'après la regle ci-dessus établie, donnent une population de cent trente huit mille ames Cette donnée se trouve pleinement justifiée, pour l'époque gauloise , par le témoi- gnage de César lui-même, lorsqu'il dit, en parlant des peuples Helvétiques, que leur population était de trois cent soixante-huit mille ames et qu'ils comptaient quatre- vingt-douze mille hommes en état de porter les armes *. La proportion est la même que celle que nous avons adoptée et sur laquelle repose notre argumentation. Cher- “Ex his qui arma ferre possunt ad millia xen; summa omnium CeCLX VIN (Lx, c120) 32 250 ACADEMIE DE ROUEN, chons maint£nant à établir les rapports entre la population gauloise et la population moderne de notre département. On suit que le pays des Caletes et des Velocisses était borné au midi par la Seine, au nord-est par la mer . Quaot à la limite orientale , la seule sur laquelle il puisse y avoir doute , doit-on la chercher dans l’ancienne frontière de la Haute-Normandie , ainsi qu'on est naturellement tenté de le faire ? Je ne le pense pas. La délimitation diocésaine, qui fut calquée sur les divisions antiques et qui les a per- pétuées, pour ainsi dire, jusquà nos jours, me parait plus certaine de beaucoup. Si nous nous y arrêtons , ainsi que je le propose, le pays des Velocasses et des Caletes répondrait à l'ancien diocèse de Rouen, moins la portion située sur la rive gauche de la Seine, puisque nous avons dit que la Gaule-Belgique s'arrétait à la Seine. Elle em- brassait donc , cette même portion déduite , le département de la Seine-Inférieure, larrondissement des Andelys du département de l'Eure, et l'ancien Vexin francais, aujourd'hui fondu dans les départements de Seine-et-Oise et de l'Oise. Le nom seul de cette dernière portion, la seule qui füt en dehors de la Haute-Normandie, doit nous faire moins hésiter à la comprendre dans le pays des Caletes et des Velocasses, puisqu'il est constant que le som de Vexin doit son origine au nom des Velocasses. La population actuelle de l'ancien diocèse de Rouen peut être ainsi calculée : : Caleti usque ad Sequanæ ostia. (Strabon, L. 4.) Latus septentrionalis littorale a Sequana fluvio tenent Caletæ, (Ptolomée. ) Usque ad Sequanam Veneliocasii, quorum civitas Rotomagus, (idem. } e CLASSE DES BELLES-LETTRES. 253 Département de la Seine-fnférieure * déduction faite de la rive gaache de See Unpa ce. à Mis 647,000 habitants Arrondissement des Andelys. . . , . 65,000 Vexin francais, environ. , , , . . . 70,000 L'OTAT. 2:78; 752,000 Ainsi, la portion de territoire correspondant au pays des Caletes et des Velocasses , laquelle compte aujourd'hui sept cent quatre vingt-deux mille habitants, n'en avait, sous les Gaulois. à l'époque de la conquête de Juies-César, que cent trente-huit mille, et était, par conséquent, près de six fois moins peuplée que de nus jours ?. Eu supposant que la population, au temps des Velo- casses et des Caletes, fût disséminée dans la même propor- lion qu'elle l’est de nos jours, nous trouverons, par une règle de trois, que le département de la Seine-Iuférieure , qui compte, dans sa circonscriplion générale , six cent quatre-vingt-qualorze mille habitants, n'en aurait eu , du temps des Gaulois, sous Jules César, que cent vingt mille ; la proportion du sixième environ reste la méme. Si on voulait pousser plus loin la comparaison , il nous serait facile de démontrer que la différence devait être ! La population totale du département de la Seine-Inférieure est de 6g4,000 ames, d'après le dernier récensement, de 1832. 2 Diodore de Sicile, qui écrivait sous Auguste, dit que la popula- tion des peuples nombreux de la Gaule variait de 200,000 à 50,000. Les Caletes et les Velocasses, sans être précisément sur la dernière ligne, puisque nous portons leur population respective à 70,000 ames environ, n'auraient pas figuré parmi les plus puissants; ce qui s'accorde avec le rôle secondaire que leur fait jouer Jules César. Ce dernier ne dit-il pas, en effet, en parlant des Eburons , qui donnèrent le même contingent que les Velocasses et que les Caletes, que c'était un peuple sans importance ; « civitatem ignobilem atque humilem. » (L. 5, c. 2$). 252 ACADEMIE DE ROUEN. plus forte, à proportion , pour les lieux d'agglomération , pour les villes en un mot, que pour les campagnes En effet, à ne parler que de Rouen, qui renferme, à l'époque où j'écris, quatre-vingt dix mille ames au moins, si nous suivons le tracé bien connu de son enceinte ro- maine , nous trouvons une superficie qui est à peine, à l'enceinte actuelle , comme r est à 9; ce qui ne donnerait, pour l'époque romaine, que dix mille habitants environ ; à plus forte raison, moins encore pour l'époque gauloise. Souvenons-nous, en outre, que Dieppe et le Havre, nos deux principales villes après Rouen et qui contiennent ensemble plus de quarante mille ames, n'’existaient pas dans ces temps reculés. En nous résumant, nous dirons que nous croyons avoir suffisamment démontré que le territoire correspondant au département de la Seine-Inférieure, sous la domination gauloise , lors de la conquête de Jules: César, était moins peuplé que de nos jours, et que sa population n'équivalait qu'au sixième environ de la population actuelle. ! César, qui nomme plusieurs fois les Caletes et les Velocasses, ne parle pas une seule fois de leurs cités. Le géographe Ptolomée , qui vivait sous Hadrien dans la première moitié du second siècle, est le premier qui nous donne le nom de Rouen, cité des Velocasses PoTopæyos , et de Lillebonne , cité des Caletes, lyA106ova. CET CCLÉCO CO ER EEE TC COUCOU CC CCECEEUTCCCET ECC DE LA COMÉDIE EN FRANCE AU XIX° SIÈCLE, Par M. E. GAILLARD. Séance du 19 Auin 1835. MEssiEURS , L'an dernier, je ne pus vous dire que mes craintes, En vous parlant de la tragédie, j'étais dominé par l'inquiétude de ne voir jämais renaître les beaux jours de l'art drama- tique. Tout me paraissait perdu. Aujourd hui, je me sens dans des dispositions différentes : il me semble que nous touchons à une heureuse réaction ; le drame s'épuise dans ses excés, et bientôt il mourra de l'ennui qu'il cause. D'ailleurs , on commence à ressentir pour les pièces histo- riques un dégoût fort naturel, puisque l'histoire y est gé- néralement défigurée, et que la manière de la travestir n'amène que des tableaux de barbarie, de désordre et d'immoralité. Sans doute, ce fut chatouiller d'orgueilleuses faiblesses que de faire reposer les yeux des hommes de notre siècle sur des peintures où le temps passé se montrait comme un âge digne de mépris. I est doux d'imaginer qu'on vaut mieux que ses pères ; mais ce plaisir ne peut durer qu'au- tant que l'illusion subsiste , et quand le démenti est donné au mensonge, le succès cesse lors même que l'imposture se prolonge. 254 ACADEMIE DE ROUEN. \ Cet ennui du drame , ce dédain pour les pièces histo- riques, je les ai crus de bon augure pour nôtre théâtre. Cependant, il y a tant de causes de corruption dans les goûts actuels du public que les nouvelles dispositions aper- çues seraient d'un faible secours pour la restauration de l'art, si ceux auxquels il appartient de protéger la scène française , ne venaient seconder le mouvement «ont on en- trevoit l'heureux commencement. J'ai donc jugé très utile d'appeler l'attention des puis- sants de ce monde sur le théâtre français anéanti, et, comme j'ai déjà beaucoup parlé de tragédies dans cette enceinte , aujourd'hui je ne vous entretiendrai, Messieurs, que de la noble et utile comédie. Cette recherche peut avoir lieu, ce me semble , sans que je critique les auteurs vivants ; outre les égards qui leur sont dus , leurs défauts ne doivent-ils pas être rejetés sur le malheur des temps. Je n’en veux pour preuve que le défaut de gaîté, géné- ralement reproché à notre scène comique. À quoi attribuer le sérieux de la moderne Thalie? S'expliquerait-il en son- geant que, sous Louis XIV , toutes les ames étaient tran- quilles comme les positions ; et que, dés-lors , il était facile aux auteurs comiques d’être gais? Maintenant, notre ciel paraît chargé d'orages, l'enjouement doit donc diminuer. En effet, dans les révolutions, on ne cherche guère à saisir les ridicules. Généralement, alors, les plaisanteries sont des sarcasmes. Et pourtant, sans le rire communicatif, il ne peut y avoir de comédies parfaites. Voyez les maîtres de l'art: tous, à l’envi, ont excité un rire franc et continuel. A la vérité, Molière, à force de profondeur, paraît moins gai que ne le fut Regnard, mais sur qui produit-il cet effet ? n'est-ce pas sur ceux seulement qui l’observent avec finesse et attention ? Car, pour le public assemblé, Molière, phi- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 255 losophe scrutateur, disparaït , et, quand on écoute le co- mique , C'est em se livrant au rire le plus inextinguible. Voili comment ce grand maître frappe et charme la foule. Dufresny semble aussi moins plaisant que ne le fat l’au- teur de Turcaret : néanmoins que de sel et d'enjouement dans ses piéces où tous les aperçus sont d'un observateur très distingué. De leur côté, Dancourt, Boursault, WMont- fleury, Dalmval , ne se firent un nom qu'en se montrant Joyeux el quelquefois même un peu bouffons, tort incon- testable , mais qui prouve que la gaité, lors même quelle dégénére, semblait , au grand siècle; une qualité indispen- sablement exigée pour toute œuvre comique. Toutefois , les choses changerent lorsque Fénélon , dans son mortel Télémaque , eut tourné tous les esprits vers la sérieuse politique : quand Montesquieu fut venu accroître le mouvement et entrainer le monde dans l'étide des prin- cipes sur lesquels reposent les diverses sociétés ; quand J.-J. Rousseau eut jeté son siecle à la poursuite de cet état nouveau qu’on a nommé le gouvernement de soi-même ; expression nsitée dont je me sers sans y joindre mon appro- bation. Alors la nation devint de plus en plus sérieuse , et , sous le prétexte d'obtenir un comique relevé, on vit Des- touches , Piron , Gresset , Beaumarchais, Collin d'Harle- ville, s'éloigner progressivement de cette gaité vive ét maligne qui est la première condition de toute comédie digne de ce nom. Cela est si vrai que, de nos jours , un homme ne s'est fait un nom au théâtre que par sa franche gaité : je veux parler de Picard. Oui, c'est parce que l'auteur des Ri- cochets el de la Petite-Pille est gai, qu on relira ses co- médies et qu'on voudra les revoir sur la scène. Je me trompe : il a eu encore un autre mérite, celui de prendre tous ses sujets dans la vie commune, renonçant ainsi à peindre une classe de la société trop loin de la nature , 256 ACADEMIE DE ROUEN. trop déguisée dans ses dehors, pour qu'on puisse rendre comiques ses ridicules et ses vices ; le vernis des belles manières formant un masque difficile à soulever. Hätous-nous de le dire, comme l'espérance d'une res- tauration possible de la scène comique , si la situation géné- rale des affaires est préoccupante , si la direction de l'esprit public est grave, les esprits ne sont pas plus sérieux qu'ils ne l’étaient sous l'empire. Remarquez que toutes les fois qu'un successeur de Picard trouve quelque intention plai- sante, la gaité du publie constamment lui répond sympathie dont les auteurs ne font pas un fréquent usage, Et pourquoi ? C'est que la comédie n'est pas seulement une œuvre gaie, elle est aussi une salire : or, on n'ose faire de la satire daus les temps de violence. Le courage qu'il faudrait déployer pourrait être dangereux : on se borne alors ou à ne faire que la critique des mœurs, ce qui est froid, ou à dénigrer les vaincus, ce qui est lâche , et la lâcheté n'est pas gaie : personne ne rit d'hommes qui sont abattus. Quand, sous” Louis XVI, on riait de Brid'Oison, alors les parlements étaient puissants ; si T'urcaret fit justice des financiers, c'est qu'alors, à leur apogée, ils venaient de se gorger d'or dans la guerre de la Succession ; enfin, pour remonter à Xolière, il n’eut bonne grâce à se railler des faux dévots que sous un règne où on ne s occupait que de livres pieux. Osons le dire : la seule comédie pour la restauration de laquelle on doive s'empresser est celle qui fronde, non les faibles, mais les forts. Or, qui est fort aujourd'hui? Sont- ce les princes , les nobles, les magistrats? Vaincus, la co- médie n'a plus rien à faire avec eux. Les plaisanteries dirigées contre leur puissance évanouie ne seraient plus de bon goût; mais les ministres, les démagogues, les ambi- tieux de pouvoir ou de popularité, mais le journalisme triomphant, voilà les personnages que la comédie , main- tenant, revendique, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 257 Peut-être me trompé-je, mais je soutiens que la comédie ne recouvrera sa gloire que lorsque les idoles du jour et les puissants lui seront livrés. Si le parterre n’est pas assez sage pour consentir à ce qu'on plaisante les flatteurs du peuple, la comédie me paraît perdue sans retour ; on doit s'en tenir au vaudeville, quitte à s'élever jusqu'à la hauteur des épigrammes et des bluettes du Gymnase. Ce coup mortel porté à la scène francaise retentira en Europe, car les pièces qu’on joue sur les théâtres étrangers ne sont guère que des traductions ou des imitations de co- médies françaises, monopole littéraire que Molière nous obtint et dont profitent ses successeurs. Ce succès au dehors de nos auteurs comiques est dù aux princes absolus, trop ombrageux pour souflrir de bonnes comédies nationales dans leurs états. Que n'’imitent- ils Louis XIV, qui indiquait à Molière son Zartufe et ses Fächeux ? D'un autre côté, en Angleterre, le parterre est, comme le nôtre, peu éclairé , voulant qu'on le flatte et non qu'on le serve. Il en résulte que, malgré ses évidents défauts, notre comédie, toujours encore un peu sous l'in- fluence des bonnes et vieilles traditions du grand siècle, l'emporte sur les tristes conceptions comiques de l'Italie, de l'Espagne , de l'Angleterre et de la Germanie, Maintenant que je crois mon idée bien comprise , cherchons comment il serait possible de nous rendre le grand genre de la comédie. Et remarquons, d'abord, Th facile de rencontrer aujourd'hui des hommes sachantwexciter le rire honnête, le rire franc mais fin, éloigné du trivial et surtout du bouflon, En eflet, une foule de pièces nouvelles décèlent que la main, qui tout-à-l'heure les traca, est celle d’an- seurs sachant voir les choses par le côté plaisant, et surtout ayant le talent de découvrir ce ridicule scénique si différent de celui que nous saisissons tous, 33 258 ACADEMIE DE ROUEN, Nos auteurs sont donc dans cette disposition précieuse indispensable à tout poète comique. Malheureusement, la précipitation qu'ils mettent à composer leurs pièces , afin de suffire aux besoins de théâtres trop nombreux, trop variés de genres, et de genres fort éloignés du grand comique, surtout l'impérieuse nécessité de satisfaire une soif de nou- veautés qui s'allame de plus en plus et qui dévore les spec- tateurs , si bien qu'ils ne veulent plus revoir leschefs-d'œuvre de la scène, précisément parce qu'ils les ont admirés: ces fruits amers de notre trop superficielle éducation et de nos parterres à vil prix, cet esprit traficant illimité dans sa liberté et appliqué aux spectacles qui les ruinent, voilà les plaies que j'ose regarder comme peu profondes et qui causent cependant de grands maux à la scène. Je ne m'arrêterai pas à l'indication des remèdes ; ceux-ci s'offrent d'eux-mêmes. Aussi, pour l'accomplissement des destinées que Je me plais de créer à la scène comique, je ne demanderai au gouvernement que d'agir comme le fit Louis XIV. Ce grand roi, avec son tact parfait, sentit le besoin de donner un successeur à Molière. Discernant dans Dufresny les plus éminentes qualités, il n’épargna rien pour le déter- miner au travail et il le couvrit de ses dons. Par malheur, cet homme avait un penchant indomptable : il était Le Négligent dont il a peint si habilement le caractère. Ce fat un vice chez lui que la négligence ; de sorte que, avec les plus heureux talents, on ne lui vit guère produire que des es- quisses , à coup sûr très fines, mais certes incomplètes. Cet essai malheureux de Louis XIV ne doit pas décou- rager. De nouvelles tentatives, si elles étaient heureuses : amèneraient de tels avantages, que le bien de la société exige qu'on ne cesse de les renouveler. Je dis le bien de la société, car il faut étre aveugle pour CLASSE DES BELLES-LETTRES. 259 ne pas voir que la comédie, étant frondeuse par nature, ne peut réussir qu'en dirigeant sa satire contre les hommes vraiment redoutables : ce qui veut dire, dans l'état actuel des choses , que le théâtre est appeté à devenir l'antagoniste de cette presse qui tout ébranle et tout conduit, et de ces hommes populaires qui dirigent d'abord et finissent bientôt par commander. Le poète comique qui voudrait railler d’autres personnes que celles qui sont les dépositaires de l’autorité ou les idoles du jour, ignorerait les sources où se puisent les succès du théâtre ; succès d'autant plus assurés et plus universels, qu'ils font descendre les grands de leur piédestal et qu'ils les traduisent devant la foule. Cette direction de la comédie nous rappelle l'effroi que l'Ami des lois de Laya sut inspirer aux {erroristes qui nous gouvernérent trois ans. Bien vite leur terreur s'étendit sur les auteurs comiques , et telle fut la tyrannie exercée durant toute la révolution sur la scène francaise, que M. Alexandre Duval n'hésite pas à dire qu'alors, ou l'on fit taire les poètes comiques, ou on les réduisit à l'imitation des pièces étrangères, ou on se borna au genre historique. Pour être moins oppressif , l'empire et la restauration se re- fusèrent , cependant, à laisser le théâtre libre, Une censure méticuleuse veilla sur la scène. La précaution était naturelle chez Napoléon, empereur absolu ; mais, selon moi, c'était une faute grave de la part de rois qui, ayant douné la liberté à la tribune et à la presse, devaient chercher par- tout des contrepoids, afin d'opposer une digue au torrent qui les menacait. Je n'hésite pas à le dire, si ces princes avaient bien fait, ils auraient tourné leurs regards vers le théâtre, et ils y auraient cherché un grand moyen d'ordre, je dirai même de salut. Car il faut le proclamer , l'auteur comique , vrai- ment digne de ce nom, est essentiellement ami de tout ce qui est bien. Habitué à l'étude de l'humanité, il voit, mieux 260 ACADEMIE DE ROUFN. que personne, les causes de la corruption des peuples. Toute sa gloire consiste à s'y opposer. Mais comment ? Sans doute en faisant prévaloir les saines doctrines, non par la prédication , mais par la risée publique , y livrant ses adversaires, et moutrant les conséquences de leurs systèmes par le ridicule qui en découle. Je le demande, y a-t-il une scule bonne comédie au nombre des pièces contraires à l'ordre et à la morale ? Quel coup fatal n’a pas porté à sa gloire Regnard, en créant le rôle du fripon dans le Zéga- taire ? Tous nos chefs-d'œuvre sont, à la fois, de hautes conceptions d'intelligence et d'utiles lecons de mœurs. Nous devons croire, dès-lors, que faire surgir sur la scène des pièces d'un grand talent , c'est s'assurer que ces pièces viendront au secours de la société en péril; contreba- lançant le pouvoir de la presse et de la démocratie par la Jorce comique ; puissance qui est aussi très populaire. Athènes ne croyait pas pouvoir se conserver avec de mesquines et d'insuflisantes restrictions. Elle cherchait son salut dans le jeu libre de la machine politique, opposant son /ristophane à son Cléon , sa scène comique à ses s0- phistes et à ses orateurs. Loin de moi l’idée d'affaiblir le cri du genre bumain et les acclamations si justes en l'honneur de Socrate ; mais, plus je relis les Vuées du poète comique, et plus j'ap- plaudis à la pièce et à son auteur. C'était une entreprise . vraiment utile que de faire monter dans les nuages les charlatans de place, c'est-à-dire les vendeurs de fumée. L'ivjustice d'Aristophane fut de confondre Socrate avec les corrupteurs de la morale ei de la jeunesse. Chez les nations gouvernées par l'opinion, négliger un tel conirepoids, laisser ce ressort sans action , c'est mécon- naître la haute inflaence que peut exercer sur la foule le poële comique ; e’est ignorer l'art de la diriger. Louis XV régnant, M. le duc de Choiseul eut l'idée CLASSE DES BELLES-LETTRES. 261 babile d'affaiblir l'autorité trop excessive des philosophes. Il inspira Palissot, Celui-ci fit marcher à quatre pattes un sophiste qui vantait le bonheur des brutes et s'extasiait devant les sauvages. Cette route tracée conduisait au triomphe des idées conservatrices dont les philosophes étaient les adversaires. Mais l'esprit de légèreté et d'insou- ciance , joint à de criminels ménagements, firent négliger la poursuite d'un système qui eût donné aux idées d'ordre la victoire, sans exclure une réforme sociale de laquelle nous altendions le sérieux, la force et la pureté qui nous manquaient depuis Louis XIT, et qu'Henri IV lui-même n'avait pas su nous donner, Dans ma conviction profonde , la tranquillité publique et la conservation du droit d'écrire librement , précieuse pré- rogalive essentiellement liée à notre ordre social et à notre forme de gouvernement, exigent que le théâtre devienne le défenseur des idées de stabilité, puisque la presse s'est faite le ressort qui détermine le mouvement. Par cet anta- gonisme , l'ordre et la liberté seront garantis, et elles le seront par des pièces enjouées , par le rire des loges et du parterre. Ainsi, des plaisanteries et des jeux de scène suf- firont pour désabuser la multitude. Ah! pourquoi le Saint-Simonisme n'a-t-il pas été livré à la satire théâtrale? Le fouet vengeur de Thalie en aurait fait bonne et prompte justice. Et, par cet exemple, je crois expliquer le genre de services que la comédie peut rendre à la société. « Désabusez-vous, me dira-t-on, jamais on ne pourra « opposer entre eux les mouvements de l'opinion. Hls iront «tous dans le méme sens, et si la comédie redevenait, «comme dans ses beaux jours, une puissance populaire , si = « Molière reprenait son enveloppe mortelle , séduit, nous «n’en doutons pas, par la gloire difficile d'être le censeur « d'un nouvel âge, il pourrait venger la société des vices et = 262 ACADEMIE DE ROUEN. « des ridicules du jour; mais, en même temps, la tourbe « des poètes comiques se refaserait à le suivre : elle viendrait « renforcer ces démolisseurs actifs qui, semblables aux « dieux d'Homére, sapent dans ses fondements la superbe « Ilion. » d Hélas ! qui en doute? Mais que faut-il à la société me- nacée ? un seul homme de génie pour défenseur. Souvent le bon sens du public suffit pour raffermir, à lui seul, l'ordre ébranlé. Que serait-ce si l'éclat des talents, si les effets de la scène , venaient fortifier le goût du bien et la baine du mal ? Rappelons-nous comment , à la suite de la dernière révo- lation, le théâtre tout-à-coup fut envahi. On vit sur toules nos scènes rugir les passions houillonnantes. Dans la vue d’inspirer au peuple du dégoût, de l'horreur même pour les vaincus, on défigura le présent et le passé, on calomnia jusqu'aux vertus les plus pures. Le peuple eut un moment de vertige. Depuis, il s'est éloigné de ces sa- turnales scéniques, et la solitude, résultat du dégoût, peut-être même de l'horreur, a fait justice de ces ta- bieaux. Que ce mémorable exemple serve d'instruction. Qu'on y reconnaisse et la grande puissance attachée au théâtre et la preuve de l'éphémère empire des idées fausses, quand elles sont remuées et débattues, et surtout la pressante nécessité de convertir en instruments d'ordre et de paix ces moyens si puissants sur l'esprit des peuples, qu'un mo- ment on crut à l'alliance entre une incendiaire et un arche- véque. Afin de rendre incontestable la puissance qui s’est tirée de tous les temps des représentations théâtrales, je rappel- lerai que, en 1781 , année jugée fort paisible, Schiller fit paraître sa pièce des Brigands, et aussitôt les étudiants d'Allemagne prirent, dans quelques villes, la résolution = CLASSE DES BELLES-LETTRES. 263 de se faire brigands, afin de mieux réformer la société. A Fribourg en Brisgau, on découvrit une conjuration des principaux jeunes gens de la ville, résolus de s'en aller dans les bois et de s’instituer anges exterminateurs. Cette manie n'était-elle pas du domaine de la satire vive et gaie, c'est-à-dire de la bonne comédie ? Et l’auteur de Bertrand et Ralon n'aurait-il pas pu désabuser ces jeunes fous, comme il vient de désabuser les bons habitants de nos cités, en leur montrant cette autre folie qui les trans- forme en modernes Catilinas ? Vraiment, quelle carrière le xixe siècle ouvre aux disciples de Thalie ! Qu'ils aient la hardiesse et la persévérance d'y marcher, et les beaux jours de la comédie renaïtront. Agrandie dans sa sphère, appelée à inspirer la multitude dans ses sentiments, devant la guérir par le ridicule des fièvres politiques les plus malignes, destinée à amortir nos passions et à nous détromper de nos engouements et de nos préventions , la comédie moderne sera plus utile et plus vive que la comédie antique, Elle pourra joindre, à l’imi- tation d’Aristophane, cette science et cette régularité de Moliére qui fait de chaque pièce une œuvre châtiée , avouée par le bon goût et écrite d’an style étincelant de verve et de vérité. Envisagée sous ce point de vue, la tâche du poëte co- mique doit, Messieurs , vous paraître toute consacrée à la défense des grands intérêts de l'ordre et de la morale. L'auteur n'est plus borné à démasquer l'hypocrite et à faire rougir l'avare. Pénétré de l'esprit de son siècle. il s'occupe constamment à en signaler les erreurs et à en corriger les vices ; car ce n’est pas uniquement notre tour d'esprit et nos divers caractères que le poète comique doit avoir en vue, ce sont, en outre, les maladies intel lectuelles de l'époque , les frénésies morales du moment. Ne perdons pas de vue que, pour remplir une si noble 264 ACADEMIE DE ROUEN, tâche, il faut au poète une indépendance complète , une liberté dans les idées et dans la position que rien n'égale. Si, en eflet, vous lui imposez le joug des opinions régnontes , si le pouvoir,ou la multitude le subjuguent, il rampera , il flattera , et, dégradé qu'il sera, il ne pourra ni concevoir , ni remplir sa noble mission ; ou bien , pressé par l'indigence, si on le voit craindre des disgräces de cour, espérer des faveurs de ministre ou les dons cor- rupteurs des partis, en vérité , je vous le dis, cet homme n'achèvera pas sa carrière : au lieu de dominer en châtiant ses contemporains, il bénira ou maudira, tour à tour , les puissances victorieuses ou tombées. : Pour obtenir les fruits d'un taleut si précieux, je n'hési- terais donc pas, si J'étais prince, à investir l’Académie francaise du droit de décerner au poile comique annon- çant d'heureuses dispositions, un prix tel, qu'une vie tout entière y trouverait , à la fois, laisance et la liberté. Avec un loisir si honorable, quel homme de lettres ne se sentirait grandi ? Précepteur de sa nation , guide et inter- prète des gens de bien, l'auteur comique s'investirail lui- même d'une haute magistrature, et il n'en abdiquerait jamais les périls, En effet, combien, dans cette carrière, d'ennemis à braver, de contradictions sans cesse renaissantes à sur- monter , de paris actifs et souvent méchants à irriter ei à confondre. Mais en pourrait-il être arrèlé? Sa vue ne serait-elle pas constamment attachée sur le laurier qui doit ceindre sa tête ? Des hauteurs du génie on ne voit pas les hommes rappetissés par Le vil refus qu'ils font de vous rendre justice , on n'entend pas les murmures d'une foule momentanément abusée par la rage du dénigrement. C'est un empyrée que le lieu habité par un homme supérieur. à tout est paisible. Comme Archimède, le poète qui médite ne voit pas le CLASSE DES BELLES-LETTRES. 265 soldat et le glaive. On a beau contester son talent, noircir sa vie, le jour arrive où le théâtre est éclairé de mille feux, où les loges sont remplies, où on étoufle au par- terre, où la pièce commence : c'est à peine si on respire. Néanmoins la gaîté bientôt s'empare de la salle, le rire y circule ; il grossit, il se change en éclats; des tonnerres d'applaudissements se font entendre. Vite , vite une cou- ronne pour ce triomphateur, et qu'on vienne ensuite s'ef- frayer pour le pote ! Non, l'immortalité l'attend : malheur à qui pourrait le plaindre d'avoir des détracteurs et des ennemis! RAPPORT Sur La troisième partie des Alémoires DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LILLE; Par M. H. MARTIN DE VILLERS. _— Séance du 26 Février 1835. — Messieurs, Dans la troisième partie des Mémoires de la Société royale de Lille, on arrive à un ordre d'idées qui touche aux fondements mêmes de l'organisation des états. Plusieurs matières, d'une haute importance , sont abor- dées dans ce volume. Cette témérité des esprits dont j'ai parlé dans mon pré- cédent rapport, et qui consisle à fouiller dans les profondeurs des sujets les plus épineux , se retrouve ici tout entiere, Alors qu'aucune considération d'ordre ou de morale n'arrête un grand nombre d'écrivains, que les principes, qui font la vie des peuples, ont été l'objet de tant d'attaques sérieuses ou d'amères dérisions , je surmonterai ma répu- gnance à entrer dans le dédale où se sont engagés quelques- ans des membres de la Société royale de Lille. Au milieu de la lutte des idées ouverte dans notre état social, la raison publique doit faire justice des doctrines dangereuses. CLASSE DES BELLES-LETTRES, 267 Fuir la discussion, c’est craindre la vérité, ou désespérer de son pouvoir. Les premières questions qui se présentent à moi con- cernent la peine de mort et le suicide. La question de la peine de mort est restée long-temps circonscrite dans les discussions des philosophes et des cri- minalistes. Des circonstances extraordinaires l'ont jetée tout-à-coup au sein d'une nation. L'isoler de ces cir- constances, ce serait la présenter sous un faux aspect, ce serait celer, par une précaution timide et trompeuse, les causes qui l'ont rendue d'un intérêt plus général. Toutefois, je me renfermerai, à cet égard, dans les bornes les plus étroites, el je ne rapporterai que des faits qui dépendent déjà da domaine de l'histoire. Vous vous le rappellerez, Messieurs, après une révo- lation inattendue et après l'élévation, parmi nous, d’un pouvoir nouveau, on répétait de toutes parts que la plus douce philantropie allait entrer dans la législation de "état. La peine de mort, surlout dans les délits politiques, devait être rayée de notre Code crimivel, et la France allait jouir d’un bienfait inconnu de l'univers entier, depuis que la première tête d'homme tomba au nom de l’ordre social. S'il est possible que la peine de mort disparaisse de nos lois, certes, cet adoucissement de la législation devrait s'appliquer d'abord aux délits politiques; car, dans les troubles civils , les hommes d'élite d'une nation marchent souvent les uns contre les autres , et souvent aussi la victoire et le droit ne sont pas sous la même ban- nière. Mais les temps n'étaient pas mûrs pour l'examen d’un tel sujet. Les partis ont eu d'autres soins, et l'échafaud s'est toujours taché de sang. 268 ACADEMIE DE ROUEN. De tant de bruit en faveur de l'humanité, il n'est sorti qu'un léger adoucissement dans les lois pénales et dans l'esprit des tribunaux , qui font, en général , une plus rare application de la peine capitale. C'est sous l'empire de ces circonstances, que M. Legrand, membre de la Société royale de Lille, a écrit son ouvrage sur la justice militaire, Les fragments de cet ouvrage, publiés dans les mémoires de la Société , offrent de l'intérêt. NM. Legrand ne partage pasles idées qui, à cette époque, semblaient dominer les esprits. Il cherche à justifier la peine de mort, surtout dans les délits militaires , et il s'efforce d'établir le droit que la sou- veraineté d'un état possède de l'infliger à un membre gan- grené et dangereux du corps social. Mon but n'est pas, Messieurs, d'émettre une opinion arrêtée sur une telle matière : mais cette matière est trop grave , pour que je ne vous expose pas au moins les points privcipaux de la discussion. On demande : de quel droit un homme peut-il ordon- ner que le sang d'un homme soit répandu? de quel droit un autre homme mettra-t-il à exécution cet ordre abominable ? La vie vient de Dieu; Dieu seul a le pouvoir d'en disposer. Tuer son semblable, hors le cas d'une légitime défense de soi-même ou de la société dont on est membre, c'est enfreindre la loi la plus sainte de la uature, c'est l'abus monstrueux de la force, c’est le plus grand des crimes. On passe ensuite à des considérations d'un ordre moins élevé. Apres avoir soutenu que la peine de mort ne résulte pas d’un droit, qu'elle n’est, comme le dit Beccaria, « qu'une guerre déclarée à un citoyen par la nation qui juge « utile et nécessaire de le condamner à mort », on cherche à prouver que cette mort n’est ni utile , ni nécessaire. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 269 Laissons parler ce même Beccaria, l'un des publicistes du 18° siècle qui a le plus approfondi cette question. « Dans un gouvernement libre et tranquille, dit-il, les « impressions doivent être plus fréquentes que fortes. « La peine de mort n'est, pour le plus grand nombre, « qu'un spectacle, et pour les autres, qu'un objet de dédai- « gneuse pitié. Ces deux sentiments absorbent l'ame et n'y « laissent point pénétrer cette terreur salutaire que les lois « veulent inspirerexclusivement. Tel est,au contraire, L'effet « des peines modérées et continuelles, que ce sentiment « de terreur est précisément celui qui domine, parce qu'il « est unique. En fixant la rigueur des peines, le législateur « doit s'arrêter au point où ce sentiment de compassion « pourrait prévaloir dans l'ame des spectateurs, à qui le « supplice dont ils sont témoins paraitrait alors plutôt « inventé contre eux que contre le condamné lui-même. » L'opinion contraire est bien plus généralement adoptée. La plupart des philosophes anciens et modernes ont tenté d'éclaircir cette grande question, et d'établir'le droit de vie et de mort de la souveraineté des états sur les ciloyens. Tous, en premier lieu, ont trouvé la peine de mort existante dans les gouvernements, comme un grand fait social consenti universellement et dans tous les âges du monde. L'état de nature, disent les défenseurs de la peine de mort, ne convient pas à l'homme : il causerait la dégrada- tion et la perte du genre humain. Or la sociabilité tout entière serait compromise si, dans certains cas, il n'était pas permis de retrancher de la société l’homme qui l'attaque, soit dans son existence collec- tive, soit dans l'existence de l'un, ou de plusieurs de ses membres. 270 ACADEMIE DE ROUEN. ” Il y a donc là une grande nécessité sociale dont il faut subir les conséquences ; et, de cette nécessité, on arrive au droit. Le Deutéronome commande l’homicide comme puvition du crime. Plutarque , Platon, Lactance , Sénèque, le justifient. Les pères de l’église les plus célèbres partagent la même opinion. On lit dans Puffendorf (1) les lignes suivantes qui ré- sument très bien, selon moi, les opinions émises Le plus généralement à cet égard : « L'usage des peines tant afflic- « tives que pécuniaires, décernées par les tribunaux « humains contre ceux qui violent les lois purement posi- « tives, bien loin de renfermer quelque chose de contraire « à l'équité, est très nécessaire à la société ; car la « conservation du genre humain ayant demandé qu'on « abolit l'égalité et l'indépendance de nature par l’établis- « sement le la souveraineté, ce pouvoir serait fort inuule , « sil n'était revêtu du droit, et armé des forces néces- « saires pour intimider les méchants D'ailleurs , comme « on a soin de publier et de notifier à tout le monde « ce que chacun doit faire ou ne pas faire et les peines qui « attendent les contrevenants, personne ne saurait s'en « prendre qu'à soi-même, lorsque, violant la loi de sa pure « volonté, il se rend sujet à la peine. » Et plus loin il ajoute : «Il y a une raison manifeste qui autorise à faire « mourir les meurtriers; c’est que, quand un homme est « assez méchant pour en tuer unautre de propos délibéré, « on ne saurait désormais se croire à couvert de ses insultes, « à moins qu'on ne lui Ôte la vie comme il en a dépouillé « l'innocent. » (1) Droit de la Nature et des Gens. CLASSE DES BELLES-LETTRES, 271 Si M. Legrand s'était renfermé dans le cercle de cette argumentation générale, sil avait cherché seulement à prouver qu'une grave alteinte serait portée à l'ordre social par l'abolition de la peine de mort, je me serais borné à une simple analyse de son œuvre; mais j'y ai remarqué, pour justifier la peine de mort, une maxime déplorable sur le suicide. En voulant réfater Beccaria , il n’a pas craint de dire que « des esprits fort sages ne partagent pas son opinion « (celle de Beccaria) sur le suicide ; qu’ils pensent, au 2 « contraire, qu'aucune maxime raisonnable ne peut nous = « enlever le droit de nous donner la mort, et que, consé= « quemment , nous avons pu remettre à la Société le droit « que nous avons sur nous-mêmes, » Je vous demande pardon, Messieurs, si j'entre dans de telles discussions ; mais le rapport que vous m'avez demandé m'y condait malgré moi. Je ne célerai pas que les philosophes de l'antiquité sont divisés sur cette question. À l’époque où ils ont écrit, l’in- flaence du catholicisme n'avait pas encore attaqué les idées matérielles dont les sociétés étaient imbues. Les stoïciens soutenaient que, dans bien des cas, on pou- vait légitimement abréger ses jours. Mais Pythagore et Platon avaient embrassé une opinion contraire. Le sentiment de Platon est rendu par Montaigne, en son style naïf et vrai, de la manière suivante : « Platon , « dit-il, en ses lois ordonne sépulture ignominieuse qni a » privé son plus proche et plus amy, savoir est soy-même, » de la vie et du cours des destinées, non contraint par des « jagements publics, ny par quelque triste et inévitable « accident de la fortune , ny par une honte insupportable , « mais par lacheté et faiblesse d’une âme craintive. » Nonobstant ces divisions entre les philosophes , l'opinion 272 ACADEMIE DE ROUEN. du monde éclairé flétrissait le suicide. Quelques grands exemples sortis de situations extraordinaires, n'ont rien changé aux idées générales qui existaient à cet égard. Le christianisme , s’élevant à la morale la plus pure, traçant aux hommes une vie toute de devoirs ; tendant à les fortifier contre les maux, les douleurs, les passions qui les assiègent ; les plaçant dans une complète abnéga- tion d'eux-mêmes au milieu de tous les événements; leur montrant , pour terme et pour récompense de la vertu, un avenir plein d'espérances au delà de la tombe, a dû condamner le suicide plus fortement encore que ne l'ont fait les philosophes du paganisme. Lactance et S. Augustin se sont servis les premiers de toute la puissance des idées chrétiennes contre ce dernier acte de désespoir. Un grand nombre d'hommes de talent et de conviction ont marché après eux dans cette voie. Mais le philosophisme du xvm® siècle, qui a remué tant de questions brülantes, est venu prêter le secours de sa dialectique trompeuse aux malheureux qui veulent se débar- rasser d'une vie qu'ils ne savent plus supporter. Quelques-uns de nos nouveaux philosophes qui croyaient à l'immortalité de l'ame; d'autres, qui pensaient que l'homme est pure matière et que la mort l'anéantit en entier , se sont unis pour innocenter le suicide. A cet infortuné qui médite son trépas, les premiers ont dit : Juge sainement ta position : la terre est un lieu où il ne t'est plus permis de faire aucun bien ; tous les liens qui te rendaient la vie précieuse et utile sont rompus; tu es jeté hors de la société des hommes: eh bien ! meurs si tu le veux. Partout, à chaque moment, tombent les victimes de la mort. Qu'est-ce qu'une victime de plus? Ton ame im- mortelle sera dégagée quelques jours platôt de son enve- loppe terrestre. Les autres ont été plus avant, Ton bien, disentils, voilà CLASSE DES BELLES-LETTRES. 273 ‘ ta loi. Jeté dans le monde avec des sensations , «des désirs, des volontés , suis ta pente, Si tu ambitionnes longue vie, calme et paisible , sois sobre de tout et attends les glaces de l'âge. Siton cœur ardent te précipite dans le tumaulte des passions, marche à ton gré; les lois de la société où Île hasard t'a mis, et dont la légitimité ne nous est pas dé- montrée pleinement, voilà les seules barrières que tn ne saurais franchir. Hors de là, marche, marche à ton gré. Quand tu seras rassasié de tout, fatigué de tout, que les maux physiques ou les passions l'auront mis le désespoir au cœur , meurs si tu le veux. Tu n'es que matière: un peu plutôt, un peu plus tard , c’est égal. Quand ces déplorables maximes désolent la société, qu'elles éveillent au fond de tant d'ames ardentes la funeste pensée du suicide , il ne faut jamais se lasser de les com- battre. Ah! dirais-je à cet insensé qui aiguise un poignard pour se l’enfoncer dans le sein : calme cette fureur impie qui t’arme contre toi-même. Tu n'as donc jamais levé les yeux au ciel pour en contempler l'admirable structure ? Tu es donc resté insensible aux merveilles de l'univers? Re- garde autour de toi : est-il rien qui n’occupe une place utile, qui ne soit partie nécessaire dans cette immense or- ganisation du monde dont la moindre parcelle confond notre esprit? Le brin d'herbe, l'insecte le plus inaperçu ont leur destination incontestable ; et toi, homme, la plus parfaite des créatures, tu n’aurais point la tienne, tu aurais été jeté sans but sur la terre ! Si je te parlais de Dieu, tu ne m'écouterais pas, où {u me regarderais avec un rire con- vulsif.…. Mais au moins je puis te dire : Tu ne sais d'où tu viens ; Lu ne sais où lu vas, et, en face de ces beautés miysté- rieuses, de cet ordre universel dont tu ne peux nier l'existence , tu oses soutenir que lu l'appartiens, Non, ta appartiens à cet ordre incompréhensible qu'il C’est donné me 9 274 ACADEMIE DE ROUEN. seulement d'apercevoir ; fuis-en les lois, ou tu es coupable. Pourquoi veux-tu mourir ?.. Ton ame est bouleversée par des peines morales, il n'est plus rien autour de toi qui soit en harmonie avec ton être... mais, Je te le demande, cette dernière borne de la vie où tu te crois arrivé, n'est-ce point par l'empire que tu as laissé prendre à tes passions que tu y touches? Reprends tes sens. Ces vives émotions de lame dont tu te prévaux, seront bientôt attiédies. La nalure , qui veut que l'homme vive, les a faites passagères. Attends un jour, deux jours seulement : déjà le cours de tes pensées ne sera plus le même ; les sentiments éteints dans ton cœur se ranimeront, Et cette Société dont tu es membre, as -tu le droit de t'en séparer ? Et tes obligations de citoyen, as-tu le droit de t'en af. franchir ? Et l'avenir qui l'est réservé , si tu romps violémment la trame de tes jours , le connais-tu ? Car c'est en vain que tu cherches à l'aveugler : dans le sublime ouvrage du monde , la main de l'ouvrier est partout apparente. Ne peut-elle s'appesantir sur toi ? Au milieu de tes égarements, tes jours se sont consumés inutiles aux autres hommes , déplorables pour toi-même. Pense au bien que tu devais faire et que tu n'a pas fait. Lâche déserteur de la vie, reviens suivre ta destinée. Et toi, jeune fille, dont le cœur est brisé, tu cours éperdue. Ta poitrine haletante , tes yeux sans larmes , tes membres tremblants , attestent le désordre de ton ame. Écoute, jeune fille, tu es sensible... une larme peut te sauver. Pleure, pleure , avant de t'approcher du réchaud fatal qui doit t’endormir du sommeil de la mort, . Songe à ton père dont tu es l'orgueil , songe à ta mére qui l'a entourée de son amour et de ses soins, et que tu vas désespérer. Songe à ces jours d'innocence passés au CLASSE DES BELLES-LETTRES. 275. milieu de tes compagnes chéries... Je te vois tressaillir : la rougeur est sur ton front... es-tu victime d'un instant d'égarement ? crains-tu la honte , le déshonneur ? Eh bien! prie, prie, jeune fille : la prière te rendra l'espérance. S'ilte faat fuir le monde où tu serais déchue de ta place, il est encore de ces asiles ouverts aux ames souffrantes qui t'offrent un refuge dans ton désespoir. Là se dérouleront, chaque jour, devant toi, des maux mille fois plus cuisants que ceux qui te font chercher la mort, et tes soins pieux et tendres adouciront les douleurs de ces mourants confiés à ton zèle épuré. Messieurs, en m’efforçant de combattre la déplorable manie du suicide, j'ai long-temps abandonné l'ouvrage de M. Legrand. Je me hâte d'y revenir. Cet auteur, qui cherche à prouver la nécessité de la peine de mort, à établir le droit que les chefs des états ont de l'introduire dans la législation, prend, ce me semble, un soin superflu. Dans ces temps de dissentions où tant de haines sont allumées, soyons sobres de raisons en faveur de la pene de mort, et que le mouvement de l'opinion da pays para- lyse de criminels desseins. Combien de publicistes, de magistrats, ont soutenu que la torture et la confiscation devaient subsister dans nos lois, sous peine de mettre l’ordre social en danger. La torture , dont les douleurs atroces dégradaient quel- quefois l'homme, à ce point que, pour y échapper , l'inno- cent descendait jusqu'à se couvrir du manteau du crime : la confiscation , qui éveillait tant de cupidités et qui a été la cause de tant d’arrêts sanguinaires, ont disparu de notre législation , et la société n'en souffre pas. C'est justice de dire, Messieurs , que ces immenses bien- faits donnés aux hommes proviennent de deux de ces 276 ACADEMIE DE ROUEN. princes si calomniés, de la branche ainée des Bourbons : Louis X VI a aboli la torture, et Louis XVII , la confisca- tion. L'abolition de la confiscation surtout arrêtera bien du sang : on tue moins les hommes, lorsque, après le meurtre, on ne saurait les dépouiiler. En présence de deux actes mémorables qui ont affranchi la justice criminelle d'une partie de ses cruautés, laissons au moins l'espérance à ceux qui demandent qu'un troisième vienne couronner l'œuvre. Jean La Sontainc. Elie Les yeux fixés sur un portrait Du fabuliste de Phrygie, Jean La Fontaine un jour, au printemps de sa vie, Forma cet étrange souhait : — D'Ésope, à Dieu des vers, que n’ai-je le génie! Dussé-je être aussi contrefait, Aussi bossu par devant, par derrière, Que de la fable était le père! — Soudain parut un Dieu, de rayons couronné, Qui sourit au jeune homme à ses pieds prosterné : — Jean, lui dit Apollon, je t'aime, Je te protègerai : mes faveurs iront même Beaucoup au-delà de tes vœux ; Car je prélends que sous mes yeux, Du peuple imitateur renversant la bannière , Bien loin de toi dans la carrière Tu laisses de Xantus l’esclave ingénieux. Oui, La Fontaine auprès d'Ésope Sera ce qu'est le cèdre à côté de l’hysope. ACADEMIE DE ROUEN. Bien plus, dans l’apologue à jamais sans égal, Pour les siècles futurs tu seras un prodige. Tu parais en douter!.... Tu le seras , te dis-je, ‘ Sans être pour cela laid, bossu, ni bancal. Mais, comme il faut toujours expier le génie Par quelque ridicule ou par quelque travers , De dissiper ton bien tu feras la folie....... Et mettras tes bas à l’envers. Le Fizceucz DES GUERROTS. La Lemme et Le Gerin. FABLE. +h@ie:- ot Une femme avait hérité D'un jeune et beau serin, pour ses talens cité. La Parque lui ravit un jour son aimable hôte : Comment eût-il véeu?.... l’eau limpide et le grain Las! trop souvent lui faisaient faute. Le pauvret mourut donc de faim : L'insouciance de la dame Lui valut cette triste fin..,.. Or, voyez quel dédale est le cœur d’une femme! Vivant, le malheureux serin Relégué dans sa cage au plafond suspendue, Pour plaire à sa maitresse et la désennuyer, En vain sur tous les tons exerçait son gosier ; C'était, dis-je, peine perdue: Pas un mot, un regard pour le beau prisonnier. he 400 280 ACADEMIE DE ROUEN. Mort (vous allez penser peut-être que je raille), La voilà qui lui fait les plus touchants adieux, Qui recueille en pleurant ses restes précieux, Et qui, finalement, veille à ce qu'on l’empaille Pour J'avoir toujours sous les yeux. La chose n’est pas sans exemple : Moi, qui vous raconte ceci, Je connais d’un défunt mari Un portrait que souvent la veuve en pleurs contemple ; Un fidèle portrait, bien tendrement chéri..... Dont, par mainte bontade et par mainte querelle, Tous les jours que Dieu fit, on vexa le modèle. Le Fricreuc DES GUERROTS. AAA AAA A A AAA AA AA A AA AA AAA AA AA AAA AAA AAA AA PRIX PROPOSÉES pour 1836. Programme, L'Académie Royale de Rouen propose, pour le concours de 1836 : 10 Une Notice historique et critique très détaillée sur JEAN JOUVENET et ses ouvrages. Le prix sera une médaille d'or de la valeur de trois cents francs. 20 Un poème sur BoïELniEu et les honneurs rendus à ce célèbre compositeur, par Rouen , sa ville natale. La pièce devra avoir , au moins , cent cinquante vers , ct le prix sera celui qui a déjà été offert en 1835. Il consistera en un écrin contenant trois épreuves de la médaille frappée en 1826, telles que les recut Boïeldieu lui-même des mains du maire de Rouen, c’est-à-dire une en or, une en argent et une dernière en bronze. Les armes de la ville seront remplacées par le nom du lauréat et par le millésime mis au milieu de deux palmes. Les notices et les poèmes devront être adressés, francs de port, avant le 1° juin 1836, terme de rigueur, à M. Emmanuel Gaillard, secrétaire de l'Académie pour la classe des Belles-Lettres et des Arts, rue Potart, n, 1. 282 PROGRAMME. C'est à cette demeure que pourra être demandé le récit intitulé : Cérémonie funèbre pour l'inhumation du cœur de Brïeldieu, ouvrage de M. le vicomte Walsh , connu pour son talent descriptif. On pourra se le procurer également chez M. Lance, libraire, rue du Bouloi, 7, à Paris. OBSERVATIONS. Chaque ouvrage , tant pour les Sciences que pour les Letties, devra porter en tête une devise qui sera répétée sur un billet cacheté , contenant le nom et le domicile de l'auteur. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où le prix serait remporté. Cette ouverture sera faite par M. le Président, en séance particulière , afin que le Secrétaire donne avis au lauréat de son succès, assez tôt pour qu'il lui soit possible de venir en recevoir le prix à la Séance publique. Les Académiciens résidants sont seuls exclus du con- cours. TABLEAU 9 4 DE LACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN. Pour l'Année 1835 — 1856. TABLEAU DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 18935—1836. OFFICIERS EN EXERCICE. M. DeEvirre, Président. M. Gors, Vice-Président. M. Des Azreurs, D.-M., S'ecrélarre perpétuel pour la Classe des Sciences. M. Garccarp (Emmanuel), Secrétaire perpétuel pour la Classe des Belles-Lettres et des Arts. M. Baruix, Biliothécaire-Archiviste. M. Heuus, D.-M., Trésorier. anis jees ré ACADÉMICIENS VÉTÉRANS , MM, ‘ont ce. 1808. LEZURIER DE LA MARTEL ( le baron Louis-Géne- 1823. viève) © #, ancien Maire de Rouen, Maire d'Hautot-sur-Seine. 1795. Descamps (Jean-Baptiste), Conservateur honoraire du 1824. Musée de Rouen, membre de l’Académie des Arcades de Rome, rue Beauvyoisine; n° 3x. 36 286 MEMBRES 1819. RirarD (Prosper) %#, ancien Maire de Rouen, 1828. rue de la Vicomté, n° 34. 1805. PErtaux ( Pierre), ancien Imprimeur du Roi, mem- 1830. 1816. 1824. 1830. 1833. 1803. bre de l’Académie de Caen, et des Sociétés d'agri- culture et de commerce de Rouen et de Caen, 402. Leauvoisine, n° 74. MeaumE (Jean-Jacques-Grégoire ), ancien Professeur de Mathématiques spéciales au Collége de Rouen, Doct. ès-sciences, oflicier de l’Université, Inspecteur honoraire de l'Académie d'Amiens, à Paris, rue de la Uadeleine, n° 39. Levreux (Jean-Baptiste-Pierre), Commissaire du Roi 1831. près la Monnaie de Rouen, à /’Hôtel de la Mon- naïe, rue Îferbière, n° 17 brs. ACADÉMICIENS HONORAIRES , MM. S. A. E. Mgr le Cardinal Prince pe Croy , Archevêque de Rouen, etc., au Palais archiépiscopal. Tesre (le barun François-Etienne ) G O % , Licutenan!— Général, commandant la 14€ division militaire. Duroxr-Decporte (le baron Henri-Jean-Pierre-Antoine ) 0. #, Conseiller d'Etat , Préfet de la Seine-Inférieure , ex l'hotel de la Préfecture. Barger (Henri) %#, Maire de Rouen, Membre de la Chambre des Députés, Zoulev. Cauchoise, n° 51. Eure (Jean-François) O X , premier Président de la Cour Royale, rue des Champs-Maïllets , n° 22. ACADÉMICIENS RÉSIDANTS, MM. ViGxé ( Jean-Baptiste), D.-M , correspondant de la So- ciété de médecine de Paris, 7e de la Seille, n° 4. Lerercrer (François-Germain), Docteur ès-lettres » Inspec- teur honoraire de l’Académie universitaire, rue de Sotteville , n° 5, faubourg S1-Sever. 4 1804. 1808, 1809. 1817. 1818. 1819. 1820. 1522. RÉSIDANTS. 287 BrGxox (Nicolas), Docteur ès-lettres, ancien professeur émé- rile de rhétorique au Collége royal de Rouen et à la faculté des lettres, officier de l'Université de France, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie pour la classe des Belles- Lettres et Arts ,zve du Vieux-Palaïs, n° 30. Duzuc (Guillaume) l’ainé, Chimiste, ancien Pharmacien à Rouen, membre de la Commission sanitaire de la ville de Rouen , de la Société centrale d'agriculture du département de la Seine-Inférieure , correspondant de l’Académie royale de médecine de Paris, etc., etc., rve Percière, n° 20. Dupvrez ( Pierre), rue Bourg-l' Abbé, n° 30. Lerrevosr (Thomas-Placide), Médecin vétérinaire départe- mental, rve S'aint-Laurent, n° 3. ADam (le baron André-Nicolas-François) #, Président du Tribunal de première instance, place Saint-Ouen , n° 23, Du Rouzeau (Pierre-Denis) #, chevalier de l'ordre de l’'Eperon d’or de Rome, Conseiller à la Cour royale, p/ace S'aint-Eloi, no 6. BLANCHE ( Antoine-Emmanuel-Pascal) , D.-M., Médecin en chef de l’'Hospice général , Tue Bourgerue, vis-à-vis l’Hospice général. DesriGxy ( Pierre-Daniel), Adjoint à M. le Maire de Rouen, rue Longue, n° 14, faubourg Beauvorsine. Herurs ( Eugène-Clément) fils, D.-M., Médecin en chef de l’'Hôtel-Dieu, place de la Madeleine, enclave de l'Hotel- Dieu. MaRTAINvILLE (Adrien-Charles Deshommets, marquis de) #, ancien Maire de Rouen, 71e du Moulinet, n° 11.- DE LA QUÉRIÈRE (Eustache ), Négociant , rve du Fardeau , n° 24. - Lévx (Marc), Professeur de mathématiques et de mécanique ; Membre des Académies de Dijon, Bordeaux et Metz; des Sociétés académiques de Strasbourg, Nantes et Lille; Chef d'institution, ve S'aint-Parrice, n° 36. Des Arceurs (Charles-Alphonse-Auguste), D.-M., Médecin 288 1824. 1829 1827. MEMBRES adjoint de l'Hôtel-Dieu , professeur de pathologie générale à l'Ecole de Médecine de Rouen, meñbre du Jury médical, secrétaire du Comité central de vaccine, etc., rue de L'Écureuil, n° 19. Gossrer (l'abbé Joseph-François), Chanoine honoraire à la Cathédrale, rue du Nord, ne 1. Prévost (Nicolas-Toseph), Pépiniériste, äu Bois-Guillaume. (A Rouen , rue du Champ-des-Oiseaux , n° 65.) Dusreurz ( Guillaume), Directeur du Jardin des plantes, #4 Jardin des plantes. Laxéors (Eustache-Hyacinthe) #, du Pont-de-l'Arche, Peintre, Directeur de l'École municipale de dessin, membre de plusieurs Sociétés savantes, rue Poussin, enclave S'ainte- Marie. Bazin ( Amand-Gabriel), secrétaire des Commissions des anti- quités et des archives du département de la Seine-[nférieure ; Inspecteur honoraire de l’Associalion normande, pour la Seine-Inférieure; membre de la Société havraise d’études diverses; Chef de la division du secrétariat général à la Préfecture , re de Crosne, n° 14. Mori ( Bon-Etienue), Pharmacien, correspondant de l’Aca- démie royale de médecine, de la Société de chimie médicale de Paris , de la Société linnéenne et des Sciences physiques et chimiques de la même ville; de la Société académique de Nantes, et de plusieurs autres Sociétés savantes, 7e Bouvreurl, n° 25. Devuze (Achille )#, membre des Sociétés des antiquaires d'Écosse et de Normandie, des Commissions des antiquités et des archives du département de la Seine-Inférieure, et de la Société d’émulation de Rouen ; Directeur du Musée départemental d’Antiquités , correspondant du Ministère de l'Instruction publique pour la recherche des Monuments inédits relatifs à l’histoire de France, Receveur des contributions directes, rue du Guay-Trouin; n° 6. L RÉSIDANTS. 289 1828. VINGTRINIER (Arthus-Barthelemy), D.-M., Chirurgien en chef 1829. 1830. 1851. 1832, des Prisons, rue de la Prison, n° 33. Pimoxt (Pierre- Prosper), Manufacturier, re Herbière, n° 28. Froquer (Pierre-Amable ) fils, Greflier en chef de la Cour royale de Rouen, correspondant du Ministère de l’Instruction publique, esclave de la Cour royale, rue S1.-Lô. GirARDIN (Jean- Pierre), Professeur de chimie industrielle de l'École municipale de Rouen; président de la Société d’émulation, archiviste de la Société centrale d'agricul- ture du département ; membre honoraire de la Société libre du commerce et de l’industrie de Rouen, du Conseil central de salubrité et de la Commission sanitaire de Rouen; membre titulaire de la Société géologique de France, de la Société des antiquités et de la Société linnéenne de Nor- mandie; inspecteur divisionnaire de l'Association normande, pour la Seine-Inférieure ; correspondant des Sociétés ou Académies de Bordeaux , d'histoire naturelle, de pharmacie, de physique et de chimie de Paris, industrielle de Mul- hausen, polymatique du Morbihan, de Blois, de Nancy, de Lille, de Clermont-Ferrand, de Seine-et-Oise, de l'Eure, de Caen, etc., rue du Duc-de-Chartres, n° 12. Poucuer (Félix-Archimède), D.-M., professeur d'Histoire naturelle et conservateur du Cabinet, rue Beauvorsine , n° 200. Macxier (Louis-Eléonore), Docteur ès-lettres, officier de l'Université, Professeur de rhétorique au Collége royal, boulevard Bouvreuil, ve 6. Paumier (L.-D.), Pasteur, Président du Consistoire de Rouen, rampe Bouvreuil, n° 16 bis. Courant #, Ingénieur des ponts-et-chaussées, re de l'École, n° 14 bis. Ganzarn (Pierre-Emmanuel), Secrétaire de correspon- dance de la Société centrale d'agriculture de la Seinc- Inférieure, Secrétaire de la Commission centrale de statis- 290 1832. 1833. 1834. 1835. MEMBRES tique départementale; membre de la Commission des anti- quités, de la Société royale des Antiquaires de France, de l’histoire de France, de l'Institut historique, des Anti- quaires de Normandie, de l’Académie ébroïcienne, de la Société havraise d’études diverses, des Sociétés académiques de Falaise et de Cherbourg, des Antiquaires de la Morinie et de Ja Conservation des monuments historiques de France , rue Potard, n° 1. DE STABENRATH (Charles), Jnge d'instruction, rve de Lenôtre, n° 18. DE CazE (Augustin-François- Joseph}, ancien Négociant, rve de Crosne , n° 15. GrÉGorRE (Henuri-Charles-Martin), Architecte des bâtiments civils, re de Racine , n° 6. BerGasse ( Alphonse) #, Avocat, ancien Procureur général, rue de l'École, n° 44. VERDIÈRE (Louis-Taurin ) #, Conseiller à la Cour royale, rue du Duc-de-Chartres, n° 8. Mari DE Vuxgrs (Henri - Louis) #, président de la So- ciété philharmonique de Rouen, ze de la Seille, no 5. Bacm (Jacques-Henri), licencié ès-lettres, Professeur de philosophie au Collége royal de Rouen, rve du Petit- Maulevrier, n9 22. Cnéruez (Pierre-Adolphe) , licencié ès-lettres, Professeur ‘ d'histoire au Collége royal de Rouen, 71e du Faubours- Martaïnville , n° 25. Gors (Laurent), licencié ès-lettres, Professeur de mathé- matiques élémentaires au Collège royal de Rouen, 71e de la Seïlle, n° 10. Person (Charles-Cléophas), Docteur ès-sciences, Professeur de physique au Collège royal de Rouen, ue du Cordier, n° 34. ParcLarT, avocat général, rve du Duc-de-Chartres, n° 6. Garweray (Ambroise-Louis), peintre de marine, direc— teur du Musée de peinture de la ville de Rouen, 44 Musée CORRESPONDANTS. 291 ACADEMICIENS CORRESPONDANTS , MM. 1803. 1804. 1805. 1808. 1808. 1809. TousTrar pe RicesourG (le colonel vicomte Charles- Gaspard ), à St-Martin-du-Manoir, près Montivilliers. Descexertes (le baron ) C #, Médecin, membre de l’Aca- démie royale de médecine , à Paris, rve de Lille, n° 58. Moxxer , ancien Inspecteur des mines, à Paris, rue de l'Uni- versilé, n° Gr. Tessrer (le chevalier Henri-Alexandre) 3%, membre de l’Académie des sciences de l'Institut, de la Société centrale d'agriculture, Inspecteur général des Bergeries royales, à Paris, rue des Petits-Augustins , no 26. GuensexT 2, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, à Paris, ze Gaïllon, no 12. ïi Morrevauit (C.-L.), membre de l’Institut, à Paris, rve S'aint-Dominique, n° 99, faubourz Saint-Germain. Decraxp (J.-V.), D.-M., Professeur d'histoire naturelle, à Rennes (Ille-et-Villaine ). DemanrÈRes ( le baron Pierre-Prosper) #, à Paris, 7ze Notre-Dame-des-Victoires , n° 40. BoucxEr, correspondant de l’Académie des sciences de l’Ins- titut, ancien Directeur des Douanes, à Abbeville. DE Geranro (le baron) C 2%, membre de l’Institut, à Paris, rze de Vaugirard, n° 52 bis. Derasouisse |, Homme de lettres, à Paris. Boïecoreu (Marie-Jacques-Amand}), ancien Avocat à la Cour royale de Paris, à Croisy-la-Haye. SERAIN, ancien Officier de santé, à Canon, près Crois- sanville ( Calvados ). Larr %# ( Pierre-Aimé), Conseiller de Préfecture du Calvados, Secrétaire de la Société royale d'agriculture et de commerce ; etc., à Caen, Pont-S'aint-Jacques. Decaxcyx #, à Paris, re Duphot, n° 14. Fraxcœur O #X , professeur à la Faculté des sciences, à Paris, rue de Las-Cases, n°8. 292 1809. 1810. 1811. 1813. MEMBRES Hennannez 2, Professeur à l'Ecole de médecine de la Ma- rine , etc., à Toulon (Var). Rosxax DE Viens ( André-Marie-Memmie )}, à Nevers { Nièvre). Dueurssox (3.-B.-Remi-Jacquelin), D.-M., membre de plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, rue Hauteville , no 10, faubourg Poissonnière. Dugois-MarsonneuvE, Homme de lettres, à Paris, 7e des Francs-Bourgeois-S aint-Michel, n° 3. Denis (Jean-Pierre-Auguste) , D.-M. , à Argentan, dépar- tement de l'Orne. DgcaruE , Pharmacien, secrétaire de la Société d’agricul- ture, médecine et arts, à Evreux. Sesmaisows (le comte Donatien de )} C #, Pair de France, à Flamanville, près les Pieux ( Manche ). Sarssx , Docteur-Médecin, à Lyon. Bacme, Docteur-Médecin, membre de plusieurs Sociétés savantes, nationales et étrangères, secrétaire de la Société de médecine, à Lyen. LeprioL (l'abbé), ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen , à Paris. Le Sauvace, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes nationales et étrangères , professeur de médecine, chirurgien en chef des Hospices civils et militaires, à Caen. (Calvados.) Larisse ( Alexandre-Gilbert-Clémence ), D.-M. , à Paris, rue de Ménars, n° 9. Bouzcay ( Pierre-François-Guillaume ) O XK , Docteur de la Faculté des sciences , Membre titulaire de l'Académie royale de médecine, Pharmacien, à Paris, rue des Fossés-Mont- marre , n° 17. Briquer (B.-A.), ancien Professeur de belles-lettres, à Niort (Deux-Sèvres ). Lamanné (Mandé-Corneille) #, Inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaussées, à Paris, rue du Jiegard, m1, faubourg S'aint-Germarn. 1813. 1814. 1816. 1817. CORRESPONDANTS. 293 Gors fils (E.), Statuaire, à Paris, 42 Palais des Arts. TarBÉ DES SABLONS ( Sébastien-André) #, ancien Chef de division au Ministère du commerce, à Paris, re du Grand- Chantier, n° 12. Pêcneux (B.), Peintre, à Paris , rue du Faub.-S1.-Honoré. n° 7. Masson DE SarNT-AmanD #, Maître des Requêtes honoraire, ancien Préfet du département de l'Eure, à Paris, ze de Bellechasse, n° 15. Percezar 2, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, Inspecteur de l'Académie de Mets (Moselle ). Fagre (Jean-Antoine) , correspondant de l'Académie des sciences de l'Institut et de diverses Académies, Ingénieur en chef des ponts-et-chaussées, à Brignoles (Var). Box O #K, Médecin en chef des Hospices, à Bourges. Lorseceur DEsLONGCHAMPS (Jean-Louis-Auguste) X, D.-M., Membre honoraire de l’Académie royale de médecine , et de la Société royale et centrale d’agricullure à Paris, rve de Jouy, n° 8. Duorrocner (René-Joachim-Heuri) # , D.-M., Membre de l'Institut, de l’Académie royale de médecine, etc., à Paris, rue de Braque , n° 4. Paix, maître des conférences à l'École normale , bibliothé- caire du Roi, Professeur à la faculté des lettres de Paris, rue Cassetle, n° 15. Mérar (François-Victor) #, D.-M., membre de l’Aca- démie royale de médecine, et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Paris, ve des S'aints-Pères , n° 15 bis. Honrrez p’Arsovaz (Louis-Henri-Joseph), correspondant de plusieurs Sociétés savantes nationales et étrangères, à Montreuil-sur-Mer ( Pas-de-Calais). Moreau DE JonnÈs (Alexandre) O %# , Chef d’escadron d'État-Major, membre du Conseil supérieur de santé du royaume, archiviste du Ministère du commerce, chargé des travaux de la statistique générale de la France, corres- 37 1818. 1819. 1821. 1522. MEMBRES pondant de YAcadémie royale des sciences de l'Institut à Paris, rue de l'Université, n° 72. DE Gournay, Avocat el Docteur-ès-lettres, Professeur suppléant de littérature latine à la faculté des lettres de Caen (Calvados), 7ve Gémare , n° 18. Parru, Ingénieur en chef des ponts-et-chaussées , à Caen. Borra (Charles), ancien Recteur de l'Académie de Rouen, Homme de lettres, à Paris, 7e de Verneuil, n° 30. De Kencamrow (le comte) O % , ancien Pair de France, à Paris, rue du Petit-V augirard, n° 5. Aurssan De CHAzET ( le chevalier) © #, Homme de lettres, à Paris, ve de Clichy, n° 48. De Mowrauzt (le marquis) #, à Nointot, près Bolbec. (A Rouen, 7ue d'Ecosse, n° 10.) Eunes »E Mmvirce (le marquis), ancien maréchal de Caen, à Filières, commune de Gommerville, près St-Romain. BoucnArLar , membre de la Société philotechnique , à Paris, rue de Savoie, n° 9, près du quai de la Vallée. Mazouer (le baron) C#XK, Pair de France, ancien Préfet de la Seine-Inférieure, Maitre des comptes, à Paris, rue Neuve-des-Mathurins ; n° 20. Drpauuis (Alexis-Joseph)%#, Graveur de médailles, à Paris, rue Furstenberg, n° à ter. Garccox ( Benjamin}, Receveur principal des Douanes, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Boulogne-sur— Mer (Pas-de-Calais ). Berrmier (P.) #, Ingénieur en chef des mines, Profes— seur de chimie à l'Ecole royale des mines, membre de l'Institut, à Paris, 74e d'Enfer, n° 34. Jamer (l'abbé Pierre-François), Prêtre, Supérieur de la Maison du Bon-Sauveur, Instituteur des sourds-muets, à Caen (Calvados ). Cuauerx X, Inspecteur général honoraire des ponts-et-chaus- sées, à Paris, rue de L'Université , n° 44. 1823. L 1824. CORRESPONDANTS. 205 LaBouDERIE (l'abbé Jean), Vicaire général d'Avignon, à Paris, cloître Notre-Dame , n° 20. Lemoxnter (Hippolyte), Homme de lettres, membre de l'Académie romaine du Tibre , à Paris, re des Poïtevins, not, faubourg Saint-Germain. DE Moréon #, Ingénieur, à Paris, re Neuve-des-Capu- cinS y n° 13 Us. Tarégaur DE BERNEAUD , Secrétaire perpétuel de la Société linnéenne, l’un des Conservateurs de la Bibliothèque Maza- rine, à Paris, ve du Cherche-Midi, n° 28 , faubourg S/-Germaïn. Beucxor (le vicomte Arthur )#, Avocat, membre de l’Ins- titut, à Paris, rve du Faubourg-S1-Honoré, n° 119. SOLLICOFFRE ( Louis-Henri - Joseph) 2#, Sous-Directeur, membre du Conseil de ladministration des Douanes, à Paris, rue S'aint-Lazare, n° go. EsranceuN %X , Membre de la Chambre des Députés , corres- pondant du Ministère de l'instruction publique , à Eu. Fonranier (Pierre), Homme de lettres, officier de l’'Uni- versité, adjoint du maire de Moissac, près Murat (Cantal). Mazzer (Charles ) #, Inspecteur divisionnaire des ponts-et- chaussées, à Paris, rze T'aranne, n° 25. Jourpan (Antoine-Jacques-Louis) #, D.-M.-P., membre de l'Académie royale de médecine, à Paris, zve de Bourgogne. no 4. MonrFarcox, D.-M., à Lyon. BourGrots (Ches) #, Peintre de portraits, à Paris, gver Malaquaïs, n° 5. Janvier (Antide) #, Horloger ordinaire du Koi, à Paris, Palais de l’Institut ( Pavillon de l'Ouest). DE LA QUESNERE, correspondant des Sociétés d’émulation et d'agriculture de Rouen, de la Société centrale d'agriculture de Paris, ete., à St-André-sur-Cailly. 1825. Descaamps , Bibliothécaire-archiviste des Conseils de guerre, à Paris, rue du Cherche-Midi, n° 39. 2 1825. Sascues, D.-M. en exercice au Grand-Hôpital, secrétaire 1816, du Conseil central sanitaire du éép', à Dijon (Côte-d'Or). Bouiiesces ( le baron ) O. #, ancien Procureur général à la Covr royale de Bosen, rue de La Chaine, w° 12. D'Asczemowt ( Edouard), à Paris, rue de Savoie , n° 24 Desmarssr (Anselme-Gatian), Professeur de 100logie à l'Ecole royale vétérinaire d'Alfort, membre titalaire de l'Académie royale de médecine , correspondant de l'Aczdémie des sciences de l'Institut ,etc. , à Paris , rue St-Jacques, m 161. Jours ve Foxreseuse , D-M., Professeur de chimie, à Paris, rue Suint-André-des-Arts, n° 58. Croce , D-M., 3 Paris ,rue Neuve-St-Augustin, n° 23. Font aîné, Antiquaire, consers. de la Bibliothèque de Dieppe, Correspondant du Ministère de Vinstroction publique. Pares( Anselme }# , Manofacturier, Professeur de chimie à l'école centrale , membre des Sociétés philomatique , royale d'agriculture et d'encouragement de Paris, de la Société royale d'Edimbourg , etc, à Paris, re Farart, mw #. Brascnsno (François-Gabriel-Ursin, comte de la Musse), ancien Conseiller an Parlement de Bretagne, ancien membre de La Sociéié des belles-letires qui siégeait au Louvre, Vun des fondsteurs de la Société royale acadé- mique des sciences et des arts de la Loire-Inférieure, etc. à Montfort-sur-Men (Ulle-et-Villaine ). Moreau {Céssr) %, Fondateur de la Société française de statistique universelle et de l'Académie de Findustrie, etc., à Paris, place Vendôme, w° 24. Mosrénosr (Albert), Homme de lettres, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue Croiz-des- Pelits-Champs, w 27. Laveveze, D-M., 3 Bordeaux ( Gironde). Savrs (L.), D.-M., à Montmorillon ( Vienne), Lescemsxs , Professeur de technologie, à Paris, rue Percée- S1-André, n° 13, CORRESPONDANTS. 297 1827. Gexmars (Thomas-Guillaume-Benjanin), correspondant de 1328. la Société des pharmacieus de Paris et de la Société royale de médecine, Pharmacien, à Fécamp. Huco { Victor) % , Homme de lettres , à Paris, rdzce Æoyab, we 6. Brosssvuze (Ernest de), à Amfreville, pac le Neufbourg (Eure. ) | Buossevuzs (Jules de), à Paris, re de Richelieu. Desmazrères (Jean-Baptiste-Heuri-Joseph), Naturaliste, à Lambersart, près Lille ; (chez Mad. veuve Maquet, propric- taire, rue de Puris, ue 44, à Lille (Nord ). Mao (Charles), Homme de lettres, Directeur de là France littéraire, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue des Grands-Augustins, ue 20. Vaxssay (le baron Charles-Achille de) C. 3e, ameien Préfet de la Seine-Inferieure , à le Barre, près St-Calais (Sarthe). Court, Peintre, à Paris, rme de Brede, we 5. Vuxsx (Julien-Joseph) je, D -M.-P., membre de la chambre des députés (H-Marue), de FAcadémie royale de méde- cine et de celle des curieux de la nature, ete, à Paris, re Soufhot, n° 1, près & Panthéon. Mawesr-Lacoses (Pierce-Laurent }, Professeur à la Faculté des lettres de Caen (Calvados) Lauraro (le chevalier J.-B }, D:-M, secrétaire perpétuel de l'Académie de Marseille, membre de plusieurs Socictés savautes, nationales et étrangères, à Mavseille (Fouches- du-Rhône ). Duras, Homme de lettres, à Paris. rue de de Card, ue à. Srexcse Surew (Jean), membre de l'Université d'Oxford, de la Société royale de Londres, de ln Société des Anti- quaires de Londres, de la Société pour l'encouragement des arts, ete, de Londres, de la Société royale des Auti- quaires de France, de ln Société asiatique de Puris et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Caen (Calvados), rue des Chanoines, we K 298 1828. 1829. 1830. MEMBRES. MorremaRT-Borsse (le baron de) :#, Membre de la Société royale etcentr. d'agrie., etc., à Paris, 72e Duphot, n° 8. Monix ( Pierre -Etienne) #, Ingénieur en chef des ponts- et-chaussées, à St-Brieux (Côtes-du-Nord ). Correreau ( Pierre-Louis), D.-M., Professeur agrégé près la Faculté de médecine de Paris, médecin du Bureau de charité du 5e arrondissement et du 2° dispensaire de la So- ciété philanthropique, à Paris, ze Marie-Stuart, n° 6. Fée YX , Chimiste, Professeur à l'hôpital militaire da Val- de-Grâce , à Paris. Parez , D.-M.,rve de la Préfecture, n° 13 , à Evreux (Eure). Gurrméeuer (Ulric), Homme de lettres, à Saint-Germain-en- $ Laye (Seine-et-Oise). À Rouen, rze de Fontenelle, n° 35. Cazauis, Professeur de physique au Collége royal de Bour- bon, à Paris, rve des Grands-Augustins, n° 22. SCHWILGUÉ , Ingénieur des Ponts et Chaussées, Chef des bureaux de la navigation à la Direction générale des ponts- et-chaussées, à Paris. BÉGINx, D.-M., membre de la Société royale des antiquaires de France, etc., à Metz ( Moselle). BERGER DE X1IVREY (Jules), Homme de lettres, à Paris, ze du Cherche-Midi, no 14 (faubourg St-Germaïin). CaaponniEr (le chevalier), D.-M., professeur d'anatomie et de physiologie, à Paris, rve de Cléry, n° 16. Passx (Antoine) O K, Préfet de l'Eure, à Evreux. Soyer-VViczEMEr ( Hubert-Félix), Bibliothécaire en chef et conservateur du Cabinet d'histoire naturelle de la ville, à Naney (Meurthe). LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme ). RirauD , Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, ve Basse-du-Rempart, n° 46. BARRÉ DE JALLAIS, ancien Administrateur, Homme de lettres, à Chartres, pavé de Bonneval (Maine-et-Loire ). Houez (Charles-Juste), ancien président de l'Académie et 1831, 1822. CORRESPONDANTS. 299 de la Société d’émulation de Rouen, membre des commis- sions des antiquités de la Seine-Inférieure et de l'Eure, de la Société des antiquaires de Normandie, etc., pré- sident du Tribunal civil de Louviers (Eure ). Murar (le comte de) C #, ancien Préfet de la Seine- Inférieure, à Enval, près Vayre (Puy-de-Dôme). Rivaup pe La RAFFINIÈRE (le comte de) G O #, Lieute- nant-Général, à la Raflinière, près Civray ( Vienne). — (A Ronen, 74e Porle-auxr-Rats, n° 13, chez Mme de Bracquemont ). Lerrceuz DEs GuErrors, écuyer, chevr de l’'Eperon d’or de Rome, membre correspondant de l'Institut historique, aux Guerrots, commune d’'Heugleville-sur-Scie, par Longue- ville, arrond. de Dieppe. Û Je Tercier #, Inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaus- sées , à Paris, rve de Beaune, n° x. Boucaer DE Pernruss (Jacques ) X , Directeur des douanes, Président de la Société royale d’émulation d’Abbeville (Somme ) SINNER (Louis de), helléniste, Docteur en philosophie, à Paris, rue des Saints-Pères, n° 14. BouizexGEer DE Bots-FRÉMONT, Peintre d'histoire , à Paris, rue du'Rocher, n° 34. Taxcaou, D.-Médecin, à Paris, rze d’'Amboise, n° 3. Forrix, D.-M. à Evreux ( Eure ). Dusevez (Hyacinthe), avoué à la Coar royale d'Amiens, Membre du comité historique près le ministère de lIns- tructiou publique, de la Société royale des antiquaires de France , et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Amiens (Somme ). Brierre DE Borsmont (A.)#, D.-M, chevalier de l’ordre du Mérite militaire de Pologne, Membre du Comité central de Varsovie, et de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, cité Bergère, n° 2. LE FcaGuais (Alphonse), Homme de lettres, associé-corres- 300 MEMBRES s pondant de l’Académie royale de Caen, ze des Jacobins, no 10, à Caen ( Calvados). 1832. Lepasquier ( Auguste) #, Intendant civil d'Alger. Leseuxe (Auguste), Architecte, à Paris, rte des Petits- Hôtels, n° 14, faubourg Poissonnière ; à Rouen, place #1.- Amand, n° 19. Tac , Conseiller à la Cour de cassation, à Paris, rve de Vaugirard, 50. Laurens (Jean-Anatole), Chef de la première division à la Préfecture, Secrétaire perpétuel de la Société d’agricul- ture, membre des Académies de Besançon et de Dijon, membre de la Société d’émulation du Jura, de la Société de statistique de Marseille et de la Société polytechnique de Paris, correspondant du Ministère de lintérieur pour recherche et la conservation des monuments antiques, à Besançon ( Doubs). Bourtenx ( Pierre-Hippolyte), Membre correspondant de la Société de chimie-médicale de Paris, de la Société royale de médecine de Bordeaux, pharmacien à Evreux ( Eure }e Ricozror (J.) fils, Médecin de J'Hôtel-Dieu d'Amiens, membre de plusieurs Sociétés savantes , à Amiens (Somme). LapoucerTE (le baron de) # , ancien Préfet, secrétaire per— pétuel de la Société philotechnique de Paris, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, zve S/-Lazare, 5. Mauve ( P.-N.-Fr.) Docteur en chirurgie, Professeur agrégé à la faculté de médecire, Professeur d'anatomie et de pathologie interne, chirurgien aide-major, chef de travaux anatomiques de l'Hôpital d'instruction de Strasbourg, membre de l’Académie des sciences, agriculture et arts de la même ville et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Strasbourg (Bas-Rhin). PrxGEOoN , D.-M., secrétaire de l'Académie des sciences et de la Société de médecine de Dijon, correspondant du cercle médical de Paris, de l'Académie royale de médecine, de la Société royale de médecine de Bordeaux, de la CORRESPONDANTS. 3o1 Société de médecine de Lyon et de là Société d’émulation du Jura, à Dijon (Côte-d'Or), place St-Jean, 5, 1833. Genvrize (de), Antiquaire, à Valognes ( Manche ). BouGrox, statuaire, à Paris, ve du Faubourg-S aint- Denis, 154. Docaesxe (Edouard - Adolphe), D.- M, à Paris, ve de Tournon, 2, faub. St-Germain. JULLIEN (Marc-Antoine) 4, Homme de lettres, re du Zocher, 23, à Paris. ASSELIN (Auguslin)X4, anliquaire, à Cherbourg (Manche). Casrizno (Antonio-Feliciano de), Poète portugais, à Paris. Carey (Thomas), Docteur en droit, à Dijon (Côte-d'Or), hôtel Berbrsey. Brevière (L.-H.), Graveur de l'imprimerie royale, sur bois et en taille- douce , à Paris, ve des Quatre-Fils, n° 9 1835. Marzzer- Dezotihke Architecte, à Paris, rze d’Anjou- '/- Honoré, n° 58. (AB. résid. 1824) Le Prevosr (Auguste) %, Membre de la Chambre des Dé- putés, Membre honoraire de la Société des anliquäires de Londres; Membre des Sociétés des antiquaires de France , d'Ecosse et de Normandie; de la Commission des anti- quités de la Seine-Inférieure, de la Société géologique de France, de la Société linéenne de Normandie ; Correspon- dant de la Société royale et centrale d'agriculture : des Sociétés d'agriculture de Rouen, Evreux et Caen, et de la Société d’émulation d'Abbeville, à Paris, rze Jacob, hôtel Jacob, faubourg Saint-Germain. ( Anc. résid. 1813.) Fôvicre, D-M., à Toulouse (Haute-Garonne). (Ane. résid. 1830) BercaxGé (Joseph-Louis-Hippolyte) # , Peintre, à Paris, rue de Furstemberg, n° 8 bis: à Rouen, chez M, W alter, rue du Champ-des-Oiseaux, »° 55 ter. LamBerr (Edouard), Conservateur de la bibliothèque de Bayeux ( Calvados ). Murer (Théodore), avocat et homme de lettres, rze de La Victoire, 10. 33 . 302 MEMBRES Prscne (J-R.), Chef de division à la Préfecture de la Sarthe, membre de la Société royale d'agriculture , sciences et arts du Mans, Correspondant de la Société royale des antiquaires de France et de Normandie , des Sociétés linméennes de Paris et de Normandie, de médecine de ja Sarthe et de pharmacie de Paris, au Mans (Sarthe ). BarD (Joseph) #, de la Côte-d'Or, Chevalier de l’ordre royal américain d’fsabelle-la -Caiholique d'Espagne , Ins- pecteur au ministère de l'Intérieur, des monuments histo- riques des départements du ?hône et de l'Isère; secrétaire pour l'arrondissement de Beaune de la Commission dépar- mentale d’antiquités de la Côte-d'Or; membre du Comité des travaux historiques au ministère de l'Instruction publique, membre de la Société royale des antiquaires de France, de celle des antiquaires de Normandie, de la plupart des Sociétés savantes de la France et de la Société de la Paix de Genève, à Chorey, près de Beaune (Côte- d'Or); à Lyon, au Palais-des-Aris, et à Paris, rue Croix des Petits-Champs, 22. Cuesnon , Principal du Collège de Bayeux ( Calvados). CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 1803. Demorz, Directeur de la Chambre des finances , etcorrespon- dant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg (Autriche). Grrrroyx , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow (Ecosse ). Excecstrorr , Docteur en philosophie , Professeur adjoint d'histoire, à l'Université de Copenhague ( Danemarck). 1809. Lamoureux (Justin ), à Bruxelles ( Belgique ). Vocer , Professeur de chimie à l'Académie de Munich (Bavière ). 1816. Campseuz, Professeur de poésie à l'Institution royale de Londres ( Angleterre). 1817. KinckHoFF ( le chevalier Joseph - Romain - Louis de 1812. 1818. 1833. 1835. CORRESPONDANTS. 303 KerCkuOvE , dit de), ancien Médecin en chef des hôpitaux militaires, commandeur et chevalier de plusieurs ordres, Vice-Président de la Société royale des sciences d'Anvers, et membre de la plupart des Sociétés savantes de l'Europe et de l'Amérique, à Anvers ( Belgique ). Dawson TurNER , Botaniste, à Londres ( Angleterre ). Disnix (le R. Th. Frognall), Antiquaire, à Londres (An- gleterre ). d . VÈxe 2%, Capitaine de génie, au Sénégal. . Caaumerre pes Fossés, Consul général de France, à Lima (Amérique méridionale ). Vixcenz0 DE ABBaTE ( le comte), Antiquaire, à Alba (Pié- mont ). . Dervc (Jean-André) , Professeur de Géologie, à Genève (Suisse). . Broxez XK, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre de la Société royale de Londres, à Londres ( Angleterre ). + RArx (le chevalier Carl-Christian), Professeur, secrétaire de la Société royale d’écritures antiques du Nord, et de plusieursautres Sociétés savantes, à Copenhague (Danemarck), rue du Prince-Bioyal, n 40. SautzELET (Nicolas-Balthazar), Professeur de langues, à Colo- gne (Prusse), Perlen Pfhull. Srassanr (le baron Goswin-Joseph-Augustin de), Président du Sénat belge, Gouverneur de la province de Namur, à Courioule, près Namur ( Belgique ). Firppis (Pierre de), Médecin à Naples. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES, Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où elles sont etablies. Abbeville. Société royale d'Emulation (Somme). Aix. Société académique ( Bouches-du-Rhône ). 304 SOCIÉTÉS Amiens. Académie des Sciences (Somme). Angers. Société industrielle (Maine-et-Loire). Angoulême, Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département de la Charente. Besançon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Doubs ). — Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs, Lordeaux. Acad. royale des Science, Belles-Lettres et Arts (Gironde ). " — Société royale de médecine. Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , du Commerce et des Arts (Pas-de-Calais). Bourg. Société d'Emulation et d'Agriculture du départemt de l'Ain. Caen. Acad. royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Calvados). — Société royale d'Agriculture et de Commerce. —— Société des Antiquaires de la Normandie. — Société Philharmonique. Cambrai. Société d'Emulation (Nord ). Chälons-sur-Marne. Société d'Agriculture , Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne. Chateauroux. Société d'Agriculture du département de l'Indre. Cherbourg. Société d'Agriculture, Sciences et Arts (Manche ). Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Côte-d'Or). — Société de Médecine. Douaï. Société royale et centrale d'Agriculture , Sciences et Arts du département du Nord. Draguignan. Société d’Agricult. et de Commerce du départ. du Var. Evreux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. — Académie Ébroïcienne. Falaise. Société d'agriculture. Havre. Société havraise d’études diverses. Lille. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du département du Nord. Limoges. Société royale d'Agriculture , des Sciences et des Arts (Haute-Vienne). Lons-le-S aulnier. Société &'Émulation du Jura. CORRESPONDANTES. 305 Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhône). — Société royale d'Agriculture, Histoire naturelle et Arts utiles. —— Société de Médecine. Macon. Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Saône-et-Loire). Mans (Le). Société royale d'Agriculture, Sciences et Arts (Sarthe). Marseille. Acad. royale des Sciences, Lettres et Arts (Bouches-du-R). Melun. Société d'Agriculture de Seine-et-Marne. Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d’Agricul- ture ( Moselle ). Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du département du Tarn-et-Garonne. Mulhausen. Société industrielle (Haut-Rhin). Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts (Meurthe ). — Société centrale d'Agriculture. Nantes. Société royale académique des Sciences et des Arts du département de la Loire-Inférieure Nimes. Académie royale du Gard. Niort. Athénée; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- tement des Deux-Sèvres. Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). Paris. Athénée royal, rue de Valois, n° 2. —— Insrerur DE FRANCE, au Paluis des Quatre-Nations. —— Académie royale des Sciences. —— Académie Française. — — Historique, rze des S'aints-Pères , w° 14. — Société d'Economie domestique et industrielle, rve Ta- ranne, n° 12. — Société Entomologique de France , rve d'Anjou-Dauphine , no 6. — Société de Géographie, rue de l'Université , n° 23. — Société de la Morale chrétienne, rve T'aranne, n° 12. — Société de l'Histoire de France. (M. Jules Desnoyers, secré- taire, à la Bibliothèque du Jardin du Roi.) —— Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale, rze du Bac, no 4a. 306 SOCIÉTÉS — Société de Pharmacie, rve de l'Arbalèle, n° 13. — Société des Méthodes d'Enseignement, rve T'aranne , n° 12. — Société des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles et industriels , à l'Hôétel-de-Vilte. — Société Géologique de France, rue du Vieux-Colombier, 26. — Secicté libre des Beaux-Arts , rze S'aintonge, n° 19. —— Société d'Horticulture, rve T'aranne, n° 12. — Société des Sciences naturelles de France, rze du Vieux- Colombier, n° 26. — Société Linnéenne, rve de Verneuil, n° 51, faub. St-Germain. — Société médicale d'Emulation, à /z Faculté de Médecine. — Société Phrénologique , rze de l'Université, n° 25. — Société royale et centrale d'Agriculture, à /’Æô!el-de-Ville. Perpignan. Société royale d'Agriculture, Arts et Commerce des Pyrénées-Orientales. Poitiers. Société académique d'Agriculture , Belles-Lettres, Sciences et Arts ( Vienne). Puy (Le).Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Haute-Loire). Rouen. Société centrale d’Agricult. du départ. de la Seine-Inférieure. — Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences, Lettres et Arts. —— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de l'Industrie. —— Société de Médecine. — Société des Pharmaciens. —— Société pour l’encouragement de l’Instruction élémentaire par l’enseignement mutuel, dans le département de la Seine-Inféricure. S'aint-Etienne. Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Loire). Saint-Quentin. Société des Sciences, Arts, Belles-Lettres et Agriculture (Aisne ). Srasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- ment du Bas-Rhin. Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ). — Académie royale des Sciences , Inscriptions et Belles-Lettres. CORRESPONDANTES. 307 Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d’Indre-et-Loire. Troyes. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Aube. Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- ment de Seine-et-Oise. SOCIÈTÉES ÉTRANGÈRES. Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts. Copenhague. Société royale d’Ecritures antiqués du Nord. Liége. Société libre d’Emul. et d'Encour. pour les Sciences et les Arts. Londres. Société des Antiquaires de Londres. Nota. Vingt-un exemplaires du Précis seront en outre distribués ainsi qu'il suit: À M. Frère, libraire à Rouen. ( Décision du 12 janvier 1827. — R. des Lettres, p. 318.) À M. Lance, Libraire à Paris, et aux TROIS PRINCIPAUX Jounnaux qui se publient à Rouen. (Déc. du 18 nov. 1851 — R. des L,, p. 2.) A la Revue ne Rouex el à M. H. Carnor, Directeur de la Revue encyclopédique, à Paris. (Déc. du ro fév. 1832. — R. des L., p.28.) Aux Brectornèques de la Préfecture et des Villes de Rouen , Elbeuf, Dieppe , le Havre, Bolbec, Neufchatel, Gournay et Yvetot, (Déc. du 16 nov. 1832. — Reg. des Délib., p. 155, et Déc. du 5 déc, 1834. —R. des L., p. 226.) A M. De LA FONTENELLE DE V AUDORÉ, secrétaire perpétuel de la Société académique de Poitiers, directeur de la Revue Anglo-Francaise, ete. (Déc. du 2 août 1833. — R.desL., p. 133.) À M. Eugène Anwourr, propriétaire-rédacteur du journal intitulé l'Institut , rue de l'Université, no 34, à Paris, A la Bigrio- THÈQUE de Dijon. (Déc. du 12 déc. 1854. — R. des L., p. 226.) A la Bisnioruèoue du Muséum d'histoire naturelle de Paris ( M. J. Des- noyers, bibliothécaire), A la Bieuornèque de Pont — Audemer (M. Canel, bibliothécaire ) ( Déc. du 18 décembre 1835, — R, des Délib, ). TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. Discours d'ouverture de la séance publique du 7 août 1835, par M. Duputel, président, sur cette opinion de M. de Bonald et de Mad. de Staël, que la liuérature estl'expres- sion de ja société. : CLASSE DES SCIENCES. Rapport fait par M. Des-Alleurs, D.-M., secrétaire per- pétuel , II Kéflexions sur les rapports, | 12 $ 1% — AGRICULTURE. Rapports de M. Dubuc sur les Annales de la Société royale el centrale d’agriculture de Paris , et sur les publications des Sociétés d'Agriculture de Falaise, du Mans, d'Indre-et- Loire , de l'Ain, etc, 14 $ 2. — ARTS INDUSTRIELS. — NÉCANIQUE. Rapport de M. de Caze sur les Tissus nautiques de MM. La Roche-Barré et Lelong neveu , 1597 Mémoire de M. Girardin sur l'ingénieuse machine appelée la Perrotine , 16 39 … 310 TABLE METHODIQUE \ $ 3. — Cine. Memoire de M. Girardin sur le moyen de reconnaitre l'acide sulfureux mélé à l'acide hydrochlorique , : 17, 36 Recherches de M. Dubuc sur les fucultés clarifantes et non décolorantes et sur d’autres propriétés de diverses espèces de charbons , 17 41 Note du méme sur une masse calcaire trouvée à Epaubourg près Gournay . 17 S4 — MÉépecIne. Rapports de M. Hedlis sur un manuscrit de M. Roché, D.-M., intitulé: Topographie médicale de Breteuil, et sur les recueils des Snciélrs de médecine de Dijon et de Toulouse , 14 Observations de M. Des-Alleurs sur l'emploi de certains médi- caments d’une nature Spéciale donnés avec persévérance, et particulièrement des anti-scorbutiques , 18 Imprimées er entier p. 83. $ 5. — MATIÈRES DIVERSES. Rapports de M. Pouchet sur plusieurs numéros du journal in- titule l'Institut et sur divers ouvrages d'histoire naturelle, 14 Rapports de M. Hellis sur les trois derniers volumes publiés par la Société libre d'émulation de Rouen , ib. Rapports de M. Lévy sur les forages artésiens entrepris à Elbeuf, 15 Discours de réception de M. Person, sur une nouvelle théorie de la vision , 19 Imprimé en enfier p. 57. Discours de reception de M. Gors, sur les avantages de l’ana lyse mathématique considérée dans ses rapports avec la plupart de nos connaïssances , 20 Imprimé en entier p. 63. DES MATIÈRES. 3rt Note de M. Person sur une prétendue explication de la théorie du système solaire de Laplace, par M. Comte , 22,721 Consideratians sur la nécessité et l'utilité des études scienti- Jiques , par M. Girardin , 22 Première partie de la Flore de la Seine-Inferieure ; par M. Pouchet, et rapport par M. Prévost, 22 Leçons de M. Pouchet sur divers points d'Histoire naturelle, 22 Notices de M. Dubuc sur Les végétaux propres à suppléer le lan et sur les procédes propres à reconnaître le mélange d'ingrédients hétérogènes dans la farine , 22 Travail de la Statistique, 29 ,.52 Concours de 1835 , rapport par M. Hellis, 23, 54 {Imprimé en entier p. vax. Réflexions de M. Des Alleurs sur le progrès , 24, 54 Notes et additions. — Ouvrages reçus pendant l’année acade- mique, avec les noms des Rapporteurs , 26 Mort de M. Lhoste | membre correspondant , 50 PRIX PROPOSÉS pour 1836 et 1837, Classe des sciences , 128 Classe des lettres , 281 MEMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. Discours de réception de M. Person , sur une nouvelle théorie de la vision , 19; 57 Discours de réception de M. Gors, sur les avantages de l’ana- lyse mathématique considérée dans ses rapports avec la plupart de nos connaïssances, 20 , 63 Observations médicales par M. Des-Alleurs, 18, 83 Rapport sur le concours ouvert pour la classe des sciences, 23, 54, 121 Quelques matériaux pour servir à l'histoire des Filaires et des Strongles, par M. Leblond, docteur en médecine, mémoire couronné, 129 312 TABLE MÉTHODIQUE CLASSE DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS. Rapport fuit par M. E. Gaillard, secrétaire perpétuel, 173 Statue de Corneille , ib. Mort de Buïcldieu , ib., 175 — de M. d'Ornay, 174 175 — de M. d'Anneville, 174 — de M. Alavoiue, ME — de M. Reïset, ib. — de M. Dumesnil, ib., 176 — de M. Beugnot, 176, 185 Réception de M. Paillart. 17 — de M. Garneray, ib. Expositions annuelles de peinture , ib. Portrait de Boïeldieu , par M. de Boisfremont , 175 Ouvrages imprimés en entier dans ce volume , 176 Dissertation de M. Deville sur Robert-le-Diable , 1b. Sur la littérature du moyen-äge, par M. Bach, 77 196 Projet d’une Biographie normande , 707 Méthode pour apprendre le latin aux enfants, M. Ma- gnier , 77» 198 Rapport de M. Hellis sur le chevalier de Saint- Pons, par M. Théodore Muret, 178 Rapport de M. de Cuze sur la Revue anglo-française, ib. Rapport de M. Des Alleurs sur les Tombeaux de la cathé- drale de Rouen, par M. Deville, ib. Description, par M. Des-Alleurs, du Boissy d'Anglas, tableau de M. Court, 179» 199 Rapport, par M. Ballin, sur deux livraisons de la France litiéraire, publiée par M. Ch. Malo, 179 Rapport de M. Lévy sur les Mémoires de l’Académie de Metz, de 1833 et 1834, ib. Rapport de M. Paillart sur deux projets de la Societé libre de commerce, relatifs aux faillites, ib. DES MATIÈRES. 313 Rapport du même sur divers ouvrages de M. Alfréd Davrel, 179 Rapport de M. Deville sur les poésies de MM. James Duboc et Duval d'Aubermesnil, 180 Rapport de M. Deville sur l’'Eloge de Samuel Bochart, par M. Edouard Smith, ib. La Tour de la belle Allemande, par M. Bard, 181 Rapport de M. Emm. Gaillard sur l'Essai de stéuographie, por M. Dujardin, ib. Rapport du méme sur le travail de la commission des archives d'Angleterre, ib. Rapport du même sur deux volumes de la societe de l’histoire de France, Ll 82 Rapport du méme sur plusieurs numéros de l’Anstitut histori- que , ib. Réflexions sur la ville et les environs de Rouen, par M.Ber- ger de Xivrey, ib. Recherches sur l’origine de l’écriture, par le même, ib. Rapport de feu M. Dumesnil sur quatre volumes publiés par l’academie de Toulouse, ib. Eloge de feu M. Beugnot, 183 Rapports arrierés, 185 Notes et additions, 186 Les numéros indiqués page 186 sont : n° 8, sur l’art d'appren- dre Les langues aux enfants, par M. Magnier, 198 IV° 9. Londres, par M. Albert Montémont. — R.M. l'abbé Gossier , 204 N° 10. Histoire du château et des sires de Tancarville , par M. Deville, 203. MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. Le carrosse de Rouen, anecdote normande, par M. Floquet, 206 314 TABLE METHODIQUE La charte aux Normands, ou la Harelle de Rouen, anecdote, par M. Floquet, 218 Un grand diner du chapitre de Rouen, à l'hôtel de Lisieux, en 1/25, par M. Floquet, 231 Document relatif à Pierre Corneille, 240 Dissertation sur la population de la portion de la Gaule cor- respondante au département de la Seine-Inférieure, lors de la conquéte de Jules César, par M. Deville. 244 De la comédie en France au x1X° siècle, par M. Emm. Gal- lard, 203 Rapport sur la troisième partie des mémoires de la Sucièté royale de Lille. par M. Martin de Villers , 266 Jean La Fontaine, fable, par M, Le Filleul des Guerrots, 277 La Femme et le Serin , fable , par le même , 280 Tableau des membres de l Académie , pour l'année 1835, — 1836, 285 Fin DE LA TABLE DES MATIÈRES TABLE DES OUVRAGES DES SOCIÉTÉS SAVANTES, ET DES OUVRAGES PÉRIODIQUES Reçus pendant l’année académique 1834—1835 , et classés suvant l’ordre alphabétique du nom de la Ville où ils sont publiés , Dressée conformément à l’article 17 du Règlement. Angers. Société industrielle. Bulletin n°% 1 à 4. = R. M. Verdière. — Société d'agriculture , industrielle et de médecine. Séance générale et annuelle . 1835. — R. M. Des Alleurs. | Besancon. Æ/cadémie. Séance publique de 1834. — R. M. de Stabenrath. — Séance publique de 1835 — R. M. Blanche. Bordeaux. Æcadémie royale. Programme 1834. — Vo- lume de 1834. — R. M. Hellis. Bourg. Société royale d’émulation de L' Ain. Journal d agri- culture , etc. — N° 7et8.— R. M. Ferdière. — Je 19. — À. M. Emmanuel Gaillard. — N° 1. — R. M. Lévy. — NS2 et3.—R. M. Prevost. — !Vo 4. — RM. Dubuc. Caen. Société Philharmonique. Distribution de Prix. Caen. Société royale d'agriculture et de commerce. Rap- ports sur la 5° exposition des produits des arts du Cal. vados ; etc. — R. M. Magnier. Clermont-Ferrand. Æcadémie, Annales scientifiques litte- raires et industrielles de l Auvergne. — R, M, de Care. 316 TABLE Dijon. Académie. Mémoires, années 1834.—R. M, Du Rou- zeau. Draguignan. Société d'agriculture et de commerce du d:- partement du Var Bulletin, n°36. — R. M. Grégoire. — Bulletin , n® 7 à 12. — R. M. Prévost. Évreux. Æ{cad#mie ébroïcienne, Bulletin n°8, 9, 10, ur, 125% 5,2, 3, 4, 5 —R. M. de Stabenrath. Evreux. Société libre d'agriculture. Recueil n°% 19 et 20, R. M. Prévost. — N° 21 et 23. — R. M. Paillart. — N° 22,R. M. Floquet. Falaise. Société d'agriculture. Recueil, n° 1 &@ 2. — R. M. Dubuc , 14 Havre. Société havraise d’études diverses. Compte rendu des travaux de 1835. — R. M. Verdière. Le Pay. Société d'agriculture. Annales pour 1834. — À. M. Dubreuil. Lille, Société royale et centrale d'agriculture ; etc. Mé- moires , année 1834. — R. M. Person. Limoges. Société d'agriculture. Bulletin, t. 12, n°2; t.13,n% à à 4. — R. M. de la Quérière. Lons-le-Saulnier. Société d'émulation du Jura. Séances pu- bliques de 1832 et 1833. — R. M. Verdière. Mans. Société royale d'agriculture, °° vol. Bulletin n° q. __ R. M. Dubuc.—N° 11 et12, a® vol., et n° 1, 2° vol. — R. M. Prévost , 14 Metz. Académie royale. Mémoires, 15° année , 1833— 1834. — R. M. Lévy. Montauban. Société de Tarn-et-Garonne. Recueil agro- nomique ;t. 15, n°5; £. 16, n° >. — R. M. Leprevost, trésorier. Mulhausen. Société industrielle. Programme des prix pro- posés pour 1835, 1836, 1838 et 1840. DES PUBLICATIONS. 317 Nantes. Société académique. Annales , 4° vol. 24°, (1833) 25°, 26° et 27° div. (1834), — R. M. Bergasse. . Nimes. Æcadémie royale du Gard. Travaux de 1833- 1834. — R. M. Hellis Orléans. Société royale des sciences , belles-lettres et arts. Annales ,t.13,n®S3, 4, 5. — R. li. Des Alleurs. Paris. Académie française. Livret du prix Montyon , 1834. — R. M. Du Rouzcau. — Aihénée des arts. Le Lycée , journal des Sciences , etc. , ae année. — Liv. 5°, 6°,7°. — R. M. Chéruel. — Liv. &. — R. M, Lévy. — Liv. g°.— R. M. Bach. — Ecole centrale des Arts et Manufactures. Prospectus — lournal d'Agriculture pratique , par M. Félix Gaultier (des Brosses ) , janvier et fvrier 1835. — R. M. Dubuc. — Journal de l'Instiut historique, par M Eugène de Monglave ;t. af, Hp, Me, Se, et. 2° pliée, 9°. — R. M. Emmanuel Gaillard. — Journal de santé, n°87 , 89, go , g1, 93, 94 > 97; 98 et 101. — À. M. Vingtrinier. — Journal des travaux de la Société française de statis- tique universelle et de l’Académie de l'industrie, par M. César Moreau. Plusieurs numéros. — R M. Pimont. — Journal l'Echo du monde savant , n° 51. — R. M. Pou- chet. — Journal l'Institut, par M. Eugène Ærnoult. Plusieurs numéros. — R, M Pouchet , 14 — Société de géographie, t. 1, n% 4,5,6;t.2,n% SAS; PNR OU VEN — Sociéte de la morale chrétienne. Journal, t. 6, n® 1 a6—T.7,n%n… à 5. — R. M. Paumier. — Société de l'histoire de France. Bulletins 1834 , n° G: 1835 ,n%1, 3,4. — R. M. Emmanuel Gaillard. 40 318 TABLE DES PUBLICATIONS, Paris. Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Programmes pour 1834 à 1837. Poitiers. Revue anglo-française , li. 5°, 6°, 7°, g°. — R. M. de Caze. Rouen. Société centrale d'agriculture , cahier 55°. — R. M. Dumesnil. — Société libre d'émulation vol. de 1832, 33 et 34. — R. M. Hellis , 14 — Sociét' libre du Commerce. Observations de La Commis- sion chargée de la révision du livre 3° du Code de com- merce , et de l'examen du projet de loi sur les faillites et les bangueroutes , présenté à la Chambre des Députés, le 1 décembre 1834, etc. — R. M. Paillart. __ Revue de Rouen; div. 4°, 5° et 6 du T. 4, 1834; et 10 n° de la nouvelle série. Saint-Etienne. Société industrielle. Bulletin ,t. 2 , 2°. 8., 2° 3e et 4° div. — R. M. Girardin. Tours. Socicté d'agriculture d'Indre-et-Loire. Flore com- plète du département. — R. M. Pouchet. — Annales, t.14, n° 3.— R. M. Prévost.— 1 4.— R. M. Dubreuil. = nbet-a5èna. = R. MePrévost. Troyes. Société d TT sciences , arts et belles-lettres de l'Aube. Mémoires n° 53. — R. M. Dubreuil. Versailles. Société royale de Seine-et-Oise. Mémoires ; 34° année, — R. M. Dubuc. TABLE DES OUVRAGES NON-COMPRIS DANS LA TABLE PRÉCÉDENTE, Classés suivant l'ordre alphabétique des noms des Auteurs ou des titres des ouvrages anonymes. Asselin (Auguste). Biographie de M. Victor Avoine de Chantereyne. Ballin. MVotice sur la ville d Elbeuf. Bard (Joseph). Le Pélerin , poème élégiaque, en 6 chants. — Les Mélancoliques. — Lettre archéologique.— La Tour de la Belle- Allemande. — R.M. Deville. (W. p. 181.) Berger de Xivrey. Lettre à M. le comte Anatole de Montesquiou. — R. M. Langlois. — Coup-d'OEil sur l’origine de l’écriture.— R. M. Emmanuel Gaillard. 182. Berlèse (l'abbé). Rapport verbal sur un ouvrage intitule : Maison rustique du 19° siècle. — R. M. l'abbé Gossier. Berthier et Serullas, Rapport sur l'ouvrage de M. Soubeiran, intitulé : Mémoire sur les Arseniures d'hydrogène, — R. M. Morin. Boullée (A.). Notice sur M. Poivre. — R. M. Du Rouzeau. Boys de Loury et Chevallier. Essais surles moyens à mettre en usage dans le but de rendre moins fréquent le crime d'empoisonnement ; 1835. — R. M. Morin. Bresson. Programme du Cours de mécanique, etc. — R. M, Person. Brierre de Boismont. De la pellagre et de la folie pella- greuse. — R. M. Vingtrinier. Chesnon. Essai sur l'Histoire naturelle de la Normandie. — R. MM. Hellis, Pouchet et Dubreul. 320 TABLE Conseil de salubrité de Rouen. Rapport général, 1832- 1033, 16 Daviel (A.). Sur le Projet de soumettre les avocats au droit de patente. — Lettre à M° Isambert, avocat, sur la liberté individuelle sous l’ancien droit Normand. — Re- cherches sur l'origine de la Coutume de Normandie. — R. MM. Du Rouzeau, Verdière et Paillart. 179 De l’Aristocratie en France. — De l'Avenir des nationa- lités de l'Europe. Delac (J.-A.) de Genève. Eclaircissements sur l'Apoca- lypse et sur l’Epitre aux Hébreux , etc. Des Alleurs. Boissy-d'Anglas , Tableau de M. Court, 1835. (7, p. 179 et 199.) Destigny. De l'utilité des Congrès scientifiques. Deville. Histoire du Chateau et des Sires de Tancarville, — R. M. de la Quérière. (F. p.186 et 203.) Dubue. Dés Plantes ou Végétaux indigènes ou exotiques , propres à suppléer le tan ordinaire dans la fabrication des cuirs. — Mémoire sur un tabac à priser , préparé avec les feuilles de phytolacca decandra , ete. — Extrait d'un Mémoire sur des procédés mécaniques et chimiques pour reconnaitre le mélange de la fécule de pommes de terre , et autres ingrédients hélérogènes dans la farine de blé, 17, 22ÿk4r Dujardin aîné, Essai sur la sténograplue et sur l'écriture en général , ete. — R. M. Emmanuel Gaillard. 181 Du Mersan. Silène, précepteur des Amours , 1824. — Précis historique sur Enguerrand de Monstrelet. — Com- paraison du théâtre romain avec le theätre grec. — Pau- line ou Brusque et bonne , comédie , 1826. — Le Méchant malgré lui, comédie en vers , 1824. La Mort de Molière , drame, 1830. — Médailles inédites ou nouvellement expliquées , 3832. — Inauguration de la statue de Corneille, 1834. — Notice sur Marion Du Mersan. — —— Fa DES OUVRAGES. _ 3a1 Duval. Motice historico-médicale sur les Normands. — R. M. Hellis. Fremery. Rapport sur les ravages occasionnés par les vers blancs et les hannetons , ete. — R. M. Dubreuil. Gaillard (Emmanuel). Projet d'une Biographie Normande. CAP 077- 0) _ Mémoire sur le Balnéaire de Lillebonne, avec planches. Girardin. Considérations sur la nécessité des études scienti- Jiques , 22 — De la Perrotine , 16 _ Mémoires sur le moyen de reconnaître l'acide sulfureux mélé à l'acide kydrochlorique , 17 » 36 Givenchy ( L. de). Questions sounmuses au Congrès scien- tifique ,; 1835 Gréan aîné. De la Destruction des tissus dans Le blanchi- ment de la teinture, et des moyens d'en prévenir Les causes. — R. M. Pimont. Gruyer (L.-A. ). Du Spiritualisme au 19° siècle. — À. M. Paumier. Joannis (Léon de). Prospectus d'un ouvrage ; intitulé : Campagne pitioresque da Luxor, exécutée pendant les années 1831, 1852 et 1833. La Doucette ( Le baron de ). Compte rendu des travaux de la Société philotechnique , 1835. — À. M. de Caze. Lambert { Ed). MNotice nécrologique, sur M. F Pluguet. Laurens. Ænnuaire du Doubs, 1835. — R. M. Blanche. Lecoq. Ænnales de l'Auvergne, 1. 8.— R. M. de Caze. Le Flaguais ( Alphonse ). Les Neustriennes, 1834. — À. M. de Caze. Le Guern (du Morbihan }). Rotoline, ou les Mystères de la Tombe ; Recueil historique d'évènements nécessitant qu'on prenne des mesures pour bien constater l'intervalle 322 TABLE qui peut s'écouler entre la mort imparfaite et la mort absolue ; 4° édition. — R M. Blanche. Lemonnier. Légations de l'Etat pontifical. Ferrare, Bologne. — À M. Garneray. Le Pour et le Contre sur la résurrection des Provinces 1 Extrait de la Revue de Lorraine , 1835. — R. M. Paillart. Licquet. Histoire de Normandie. — R. M. Chéruel. Loiseleur-Deslongchamps. Recherches sur l'histoire des Cyprès , et note historique sur le Ginkgo Biloba. — R. M. Pouchet. — Note sur une manière encore peu connue de greffer la vigne. — R. M. Dubreuil. Magnier. Expérience d’un père sur l'enseignement du latin, etc., 1835.— R. M. Emmanuel Gaillard. 177: 198. Malle (P.-N.-Fr.). Appareils des secrétions de la génération etembryologie. Paris, 1834. — R. M. Hellis. Malo (Charles). La France littéraire , 3° annce Peune et 12° Up: — R: M. Ballin. — Spécimen. 179 Montémont (Albert). J’oyage à Londres. — R. M. l'abbé Gossier.. 201 Moreau de Jonnès Statistique de l'Espagne.—R. M. Léoy. Muret (Théodore). Le chevalier de Saint-Pons , Histoire de 1784. — R. M. Hellis: 178. — Georges ou Un entre mille. — R. M, Martin de Villers. Ourry. L'Enfance de Boïeldieu | opéra comique. Payen. Vote sur ses titres et ses travaux. Perrin (L'abbé Théodore). Revue de l'agriculture univer- selle, 2. 1% tie et ae Lip. — R. M. Dubuc. — . Journal d'agriculture pratique , 8° liv. — R. M. Dubuc. Pesche. Chansons , poésies diverses , théütre. Dictionnaire topographique ; historique et statistique de la Sarthe ; 3 vol., 1834. —R. M. Emm. Gaillard. — Et Desportes. Biographie et bibliographie de la Sarthe , 1933, — Méme ‘apporteur. La DES OUVRAGES. 333 Planquette. Æbrégé du système moral, à l'usage des doc- trinaires. Pouchet. Flore ou Stastistique botanique de la Seine Infe- rieure , ete. , 1834. — R M. Prévost. — Les Lléphants, etc. — Introduction à la Zoologie antédéluvienne , 1834. Smith (Edwart-Herbert ). Éloge de Samuel Bochart. — R. M. Deville. 180 Soubeiran (Eugène ). Recherches analytiques sur la créme de tartre soluble par l'acide borique — Eaux minérales arüficielles. — Eaux acidules gazeuses.— Recherches sur quelques combinaisons du chlore. — R.M. Morin. Tanchou. Traité des rétrécissements du canal de l'urètre et de l'intestin rectum, ele. — R. M. Des Alleurs. Thomas. Mémoire sur la fabrication des toiles à voiles, en France , depuis le 17° siècle , 1835.—R. M. de Caze , US Ch: Tougard. Votice sur le puceron lanigère , 1835. Voizot. Théorie générale de l'élimination. — R. M. Lévy. — Mémoire sur les explosions des machines à vapeur. — À. M. Gors. Walsh ( Le vicomte). Exp'orations en Normandie — Céré- monie funèbre pour l'inhumation du cœur de Boïeldieu. 207 244 ligue 24 20 21 11 29 9 et 10 31 3 3 2 10 dern. ERRATA 23 18 ERRATA. M.Loth lisez: Lhoste le série — Ja calcules — calculs indentité — identité ont — dont Dante d'Alighierri — Dante Alighieri établisant — établissant ou — on sympathiques — synthétiques devint — devient passés loin, etc. — quiont eu lieu loin de Tancar- ville, les abré- ger ou même les passer sous silence. gronder ; — gronder, correspondant — correspondante s Z AU VOLUME DE 1834. Au bas de la note, «joutez : Toutefois, le nom de Rothomago ne se trouve pas dans la légende ; il est tiré de l'Histoire des Farfadets, de Berbiguier. ajoutez: Fabbaye de lisez : Michel Servet, dit 7i{/eneuve , brûlé à Genève le 27 octobre 1553, avait con- couru aux Palinods en 1545. Sa pièce était une allégorie latine sur la Terre sigillée. ajoutez: comme existants en juillet 1771, Jean-Baptiste PARFAIT, lèsez: Jean-Bap- tiste-Parfait GRANDIN, lisez : Jacques-Charles-Louis MALFILATRE, né à Caen le 8 octobre 1733. PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1856. LES VAN NT G es A ( Lt: * ; guorry à Kg ART, At … XPATBAT ect ee | 4 D nr à LL ter me no" 3 Ts 1 + ul HEART {3 MMA 5 +. ” D sk em” pr À CR , el “TLC En { | RATE ke si Érx M'A AN d JE TN dE PAT DT Re CUS TR | +? Cds NN Larren Er * N HEURE AN A ARTE : j k ET ( LEA Ô (uw 0 Û | dy ' LA" NES + F DC TL AU ETS D 2 UT EU J LA H7 « + cué Ed + HART “ DIS ONE MATE RE re. i a sd = TE) RUE $ , Ac CAT SUMMER C SES > j ” 4 'Eer LUN 6 sil TOR We n in | "# e QE." 4 à Ld PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1836. ROUEN, IMPRIMÉ CHEZ NICÉTAS PERIAUX , RUE DE LA VICOMTE, N° 55, 1857. | bei | h Le LE + di MR LA # . 4 AA fan 4 AA 4 SAT LT F: . te D A PR “tels É a. an à +, ti | | ÿ ; | L Le D RAAMAT TRE 7 ai D « 4 à | ? 2- h à La | à Es À "” FER AE UE 3 ‘y 28 “4 prenne da | 4 be PAR pen ÿ M: ; . . Le . L : ; Te L] ®,,» LA + "HS À DT ” A TR ni PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE Des Sciences, Belles-Lettres et Arts DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1836. DISCOURS D'OUVERTURE De la Seance publique, PRONONCÉ PAR M. A. DEVILLE. MESSIEURS , L'usage m'impose le devoir, comme président, d'ouvrir cette séance par un discours. Ne vous alarmez pas, Mes- sieurs; vous n'entendrez pas un discours académique : de- puis long-temps le bon sens public et les académies elles- mémes en ont fait justice. Débarrassé de cette obligation, plus pénible qu'on ne le pense, je devrais peut-être, pour Le 2 ACADÉMIE DE ROUEN. compléter la réforme, me contenter d'annoncer l'ouverture de cette séance, et céder la parole aux honorables membres chargés de la remplir, et qui vont successivement réclamer votre attention; mais il faut marcher avec les temps : nous ne sommes pas encore arrivés là; résignez-vous donc, Mes- sieurs , ainsi que moi. J'emprunterai à un fait récent et à l’histoire de cette ville le sujet dont je me propose de vous entretenir ; je n’abuse- Lai pas long-temps de vos moments. CHARTRES ET ROUEN. Il y a quelques mois, vous avez tous été douloureusement frappés par l'annonce d’un événement qui devait plonger tous les amis des arts et de nos antiquités nationales dans le deuil. Le feu, disait-on , avait détruit l’église cathédrale de Chartres : cet édifice, un des plus magnifiques de ceux que nous a légués cet âge si merveilleux de l'architecture go- thique, avait cessé d’exister! Ce désastre, grossi par la re- nommée, se réduisit bientôt à l'embrasement et à la des- truction des combles de l’église, de cette charpente appelée la forêt , de l'immense quantité de pièces de bois qui entrait dans sa composition. Il était de nature à être réparé; un article additionnel du budget est venu y pourvoir : quatre cent mille francs ont été votés par les Chambres. Dans ces temps où le mécanisme constitutionnel n’était pas encore en mouvement, il y a quelques siècles par exemple, ce désastre aussi eût été effacé; mais, autre temps, autres mœurs : à défaut du budget, un appel eût été fait à la piéte des fidèles ; les fidèles y eussent répondu; car grande alor$ était la foi du peuple, grande était la vénération pour Notre-Dame de Chartres. Notre-Dame de Chartres! on y venait de si loin en dévotion, en pélerinage! Heureux celui qui avait pu seu- lement apercevoir, en passant, les deux clochers jumeaux DISCOURS D'OUVERTURE. 5 en pierre de son portail! Plus heureux celui qui, pénétrant dans la sainte basilique, après avoir franchi le labyrinthe mystique de la nef, avait fait sa prière devant la statue de la Vierge noire! Là était venu s’agenouiller le grand roi saint Louis; là, Philippe-le-Bel était venu remercier la mère de Dieu de sa victoire de Mons-en-Puelle, gagnée sur les Fla- mands le 18 août 1304 ; Jà était entré, armé et à cheval, le roi Philippe de Valois pour y déposer le haubert qu’il por- tait à la bataille de Cassel, livrée l’année même de son avé- nement, en 1328 ; là, rois, reines, comtes, barons, cheva- liers, bourgeois, étaient venus prier : aussi rois, reines, comtes , barons , chevaliers, bourgeois, auraient-ils apporté leur aumône à Notre-Dame de Chartres. Large eût été lof- frande, prompte eût été la réédification! Et ce n'étaient pas seulement le roi de France, les barons du pays, les bour- geois, et, comme on les appelait alors, les manants de la ville de Chartres, qui eussent fait tomber, dans les troncs apposés aux murs encore noirs et lézardes de la cathédrale, les florins d’or et les deniers d'argent; les provinces envi- ronnantes , les contrées les plus éloignées , se fussent émues au malheur de Notre-Dame de Chartres. La Normandie, la première, lui fût venue en aide : là, duc, duchesse, barons, peuple, tout eût contribue pour elle, tout se füt levé pour elle. « Erreur! exagération! se sont écriées les ames tièdes «de notre âge. Qu'avaient de commun la Normandie et le « pays Chartrain ? les bourgeois de Rouen et les bourgeois de : « Chartres? Les premiers avaient bien assez à faire de ré- «parer leur cathédrale, si souvent frappée par la foudre , « sans s’occuper de celle de leurs voisins. Dans ces temps «d'ignorance et de barbarie, chacun restait chez soi etine « pensait qu’à soi. » Erreur! m’écrierai-je à mon tour, erreur de gens qui veulent juger les temps passés par le temps présent, et qui croient que tout s’est fait comme on fait de leurs jours! Comment leur répondre? Par des faits : ils par- 4 ACADÉMIE DE ROUEN. lent si haut et si clair, que je n'aurai pas besoin d’en tirer la conséquence. Un incendie, plus terrible que celui de 1836 , avait com- plètement renversé l’église de Chartres : l'argent afflua de toutes parts ; l'église se releva , plus spacieuse et plus belle. Mais il restait encore à couvrir cette vaste étendue de mu- railles; et, épuisée par tant d’effoyts, la charité publique semblait s'être lassée. La femme de Guillaume-le-Conqué- rant (car ces choses se passaient vers la fin du xre siècle), la femme de Guillaume-le-Conquérant, Mathilde de Normandie, l'apprend ; elle ordonne que l'église tout entière soit cou- verte en plomb à ses frais; et l’église fut couverte. Là ne s’arrétait pas la sympathie des Normands pour les Char- trains. Un de nos vieux archevèques, Hugues, dit Hugues d'Amiens, du nom de sa ville natale, va nous l'apprendre. En l’an 1145, la flamme avait de nouveau dévoré la véné- rable basilique; car il était rare qu’un siècle s’écoulât sans que le feu s’attachät à ses murailles, sans cesse renaissantes et sans cesse dévorées. Le même désastre retrouva le même zèle. Ce fut à qui accourrait à Chartres pour aider ses habi- tants à rebâtir leur maîtresse-église. Les Normands , écrivait l’archevèque de Rouen à Théodoric d'Amiens, s’y rendirent des premiers : hommes, femmes, pauvres, riches, se mirent en route ; ils trainaient, le front penché vers la terre , des chariots chargés de pierres, de poutres, et des autres maté- riaux nécessaires à la reédification de l’église incendiée. Au- cun n’était parti pour ce saint pélerinage sans s'être confessé et sans avoir recu la bénédiction des mains du prélat lui- même; tous s'étaient pardonné les uns aux autres, se pro- mettant aide et affection. Ils s'étaient nommé un chef, que le bon archevèque appelle leur prince, et qui dirigeait la marche et tous les travaux. Cette association, qui venait de se former, et dont le prélat regarde, en conséquence, Chartres comme le berceau, s’étendit bientôt à toute la Nor- DISCOURS D'OUVERTURE. 5 mandie, et y développa rapidement sa pieuse activité". Que de pierres de nos édifices sacrés remuées par les mains de cette naissante franc-maconnerie! S'il nous était permis de faire ici, en passant , une légère excursion dans le champ des conjectures, nous dirions que, en effet, il serait peut-être possible de voir là l’origine, dans nos contrées, de cette in- stitution, Je sais qu'il y a loin de l'église de Chartres au temple de Salomon , auquel les frères en maconnerie ont la pretention de remonter; mais, enfin, une antiquité de sept cents ans est déjà quelque chose, et, à leur place, je ne sais pas trop si je ne m'en contenterais point. Les vieilles chroniques ne nous apprennent pas si les Chartrains payèrent les Normands de réciprocité, et dé- ployérent la même ardeur religieuse et maconnique lorsque la cathédrale de ces derniers fut, à son tour, brûlée par le feu du ciel. Nous ne savons pas si Rouen vit entrer dans ses murs les bons habitants d’entre Loire et Seine, atelés aux chariots chargés de pierres, de chaux, de bois, bannières déployées en tête ; les occasions, du moins, n'avaient pas manqué. Ce qui est certain, c'est que, depuis cette époque, soit reconnaissance, soit même sentiment religieux, les sym- pathies du pays Chartrain furent acquises au pays Normand. Si Chartres n'envoya pas à Rouen ses populations, il lui en- voyait ses hommes de l’art, il lui prétait ses maîtres les plus consommés ; et, à tout prendre, je ne sais laquelle des deux villes devrait le plus à l’autre : mettez dans la même balance, d’un côté, une multitude inexpérimentée , de l’autre , un seul homme, mais un homme de génie, et dites où elle penchera. Il existe encore , dans la cathédrale de Rouen, une preuve vivante de ces prêts artistiques et de bonne confraternité. Quelqu'un de vous, Messieurs , a-t-il quelquefois remarqué, derrière le maître-autel, un peu à main gauche, avant d’en- ‘ Voir gnnales Bénédictines, t. VX, p. 392-393. 6 ACADÉMIE DE ROUEN. trer dans la chapelle de la Vierge, au-dessus du tombeau de l'archevèque Maurice, qui est couché dans la muraille, un vaste et long vitrail aux couleurs bleue, rouge, et renfermant dans des médaillons enlacés l'histoire de Joseph ? Lorsque le soleil levant vient à frapper de ses rayons cette antique verrière, véritable mosaique enflammée, regardez bien : un peu dans le bas, sur un bandeau déroule, va briller à vos yeux le nom de maître Clément, verrier de Chartres *. Cet artiste n’est pas le seul que Notre-Dame de Chartres ait prête à Notre-Dame de Rouen. Monument de la piété des Rouennais, la tour de Beurre, commencée depuis quatorze années, allait bientôt recevoir son couronnement. Le cardinal d’Amboise voulut qu'une cloche de dimensions colossales, et qui surpassât en volume non-seulement les autres cloches de son église métropoli- taine, mais même toutes celles connues jusqu'alors, y fût suspendue ; il voulait, comme il le disait lui-même, qu’elle fût la plus belle du royaume. Malgré l'habileté connue des fondeurs de Rouen, aucun artiste de cette ville n'osa se charger d’une opération aussi importante, aussi difficile ; car on ne parlait de rien moins que d’une cloche de dix à douze pieds de haut et de trente pieds de tour (quinze hommes assis auraient pu manger attablés sous ce vaste corps so- nore }; Chartres envoya un des fondeurs , Jean le Macon. L'homme de Chartres , se sentant à la hauteur de la pensée du cardinal d'Amboise, proposa de fondre une cloche du poids de 42,000 livres, et se mit aussitôt à l’œuvre. Il éta- blit son atelier au pied de la tour méme qui devait la rece- voir, et prépara son moule. Mais les maîtres charpentiers de la ville, moins hardis et moins confiants que Jean le Macon, firent entendre leurs clameurs : « Comment faire porter au « beffroi de la tour un poids si énorme? s’écrièrent-ils. C’est Clemens vitrearius carnotensis magister. DISCOURS D'OUVERTURE. 7 « compromettre la solidité de la tour elle-même ; on ne peut « tolérer une pareille chose ! » Le Chapitre, effrayé , manda Jean le Macon, et lui ordonna de diminuer de 10,000 livres le poids desa cloche. L'artiste eut beau répondre et du suc- cès de l'opération et de la solidité de la tour de Beurre, le Chapitre insista; mais, à demi vaincu par l'assurance du fondeur, il le laissa maître de déterminer la diminution à adopter, s’en rapportant, disent les procès-verbaux du Cha- pitre , à sa prudence, et lui abandonnant le soin de concilier {ce sont les propres termes dont on se servit) les intérêts de l’église et son honneur : wtilitatem ecclesiæ cum suo honore”. Jean le Macon fixa le poids de la cloche à 36,000 livres. En conséquence , il brisa son premier moule ? et en prépara un second, Cependant, la matière bouillonnait dans les fourneaux. On était au lundi 2 août de l’année 1501 ; ce jour avait été marqué pour la fonte de Georges-d'Amboise, car tel était le nom que devait porter la eloche, du nom de son parrain fu- tur. L’anxiété était peinte sur tous les visages : l'incertitude touchant la réussite d’une opération si importante, si extra- ordinaire, de l'esprit des bourgeois était passée dans celui du clergé de la cathédrale ; les hommes de l’art eux-mêmes semblaient la partager. Jean le Macon, cachant sous un front pale, mais calme, le tourment d'artiste qui dévorait son sein, était à son poste, attendant le moment fatal. Tout-à- coup, l'orgue de la cathédrale mugit ; toutes les cloches sont mises en branle; on entonne le Te Deum. Jean le Macon brise la porte du fourneau: le métal coule en masse de feu , se précipite mugissant dans le moule, et le remplit. On vit ‘ Registres capitulaires manuscrits, séance du 30 avril 1501. ? 11 demanda, à cette occasion, 20 ou 25 livres tournois d’indem- nité ; cette somme représentait environ deux mares d'argent. (Mêmes registres.) - 8 ACADÉMIE DE ROUEN. alors le front pâle de l'artiste se colorer comme le ciel devant l'éclair, son œil briller: La cloche était fondue ! A vingt-six jours de là, au pied de la même tour de Beurre, à quelques pas de l’endroit où gisaient encore les débris du moule et les bavures du métal, à la lueur de quelques flambeaux , au bruit de quelques prêtres murmur- rant les prières des Morts, on enterrait un homme : cet homme, c'était Jean le Macon... L'enfant de Chartres n'avait pu résister à l'émotion que lui avait causée la réussite de son ouvrage ; la joie l'avait tué. C'était une ame d'artiste, celle- là! Le maître-macon (l'architecte dirions-nous aujour- d'hui) de la tour de Beurre, Jacques le Roux, posa lui- même, de ses mains, la dalle en pierre qui devait peser sur le corps. Il y avait gravé l’image d’une cloche; autour, son ciseau avait tracé cette inscription : Cy dessoubz gist Jehan Lemachon De Chartres homme de fachon Lequel fondit Georges Damboyse Qui trente six mille livres poyse Mil Vec ung, jour daoust deuxiesme Puys mourut le vingt huitiesme. En 1793, la cloche Georges-d’Amboise fut descendue de la tour de Beurre, et brisée. Vers le même temps, la pierre tumulaire de Jean le Macon disparut. On eût dit que la cendre de celui qui était mort de joie en lui donnant le jour eùt voulu s’effacer, s’en aller, mourir avec elle! En enten- dant briser misérablement , sur le pavé de Notre-Dame de Rouen, sa fille chérie, l'ombre de Jean le Macon, se soule- vant indignée , se sera enfuie vers Notre-Dame de Chartres. CLASSE DES SCIENCES. Rapport PAR M. C. DES ALLEURS, SECRÉTAIRE PERPETUEL DE LA CLASSE DES SCIENCES. MESSIEURS , Je vais avoir l'honneur de vous presenter Je tableau des travaux scientifiques de l'Académie, pendant le cours du dermier exercice. Correspondance, Les sociétés qui ont l'habitude de correspondre avec l'Aca- démie , ont continué de lui adresser le résumé de leurs actes, sous des formes variées. Nulle d’entre elles n’a man- qué à l'appel, ce qui prouve que le succès a répondu aux ef- forts de toutes ! C’est à nous de lesen féliciter et de leur té- 10 ACADÉMIE DE ROUEN. moigner publiquement ici notre reconnaissance ; nous y join- drons des vœux sincères pour la reussite de celles qui sont apparues depuis peu. Parmi ces dernières, nous citerons l'Association normande , la Société d'encouragement pour le commerce national , la Société philomathique de Perpignan , et enfin la Société d’horticulture , qui vient de se constituer définitivement à Rouen. Tous nos confrères attachés à la classe des sciences, nous rendent habituellement compte, chacun, de quelqu'une de ces publications : ces rapports annuels, qui alimentent nos séan- ces, établissent entre les localités de quelqu'importance , sé- parées par de grandes distances , une correspondance régu- lière, qui a pour principal avantage de généraliser, en les coordonnant, les opinions et les vœux scientifiques. Cette représentation spontanée des besoins sociaux, de l’ordre le plus élevé, organisée par la science , est une mine féconde où l'observateur , le philosophe et surtout Fhomme d’état, peuvent, à tous moments, venir puiser des renseignements positifs , que le genie sait toujours utiliser au besoin ! Je n’efforcerai, Messieurs, de suivre un ordre logique dans l'examen des matières dont j'ai à vous entretenir : je crois devoir, en conséquence , commencer par les Sciences physiques. Sciences physiques, Rien deplus difficile à faire qu'un bon ouvrage élémentaire sur lessciences! C’est, de plus, une œuvre de véritable abné- gation, puisque l’homme de mérite qui seul est capable de mener à fin cette entreprise , ne trouve point, dans son ac- complissement, l'éclat qui dédommage un auteur deses peines ! Honneur donc, dans le sanctuaire académique, à ceux qui sacrifient ainsi et leur temps et leurs veilles! M. le profes- seur Person nous a offert le premier volume de son Traité CLASSE DES SCIENCES. 11 élémentaire de Physique. Qu'il recoive aujourd'hui l'expres- sion publique de notre gratitude; car M. Lévy, qui nous à mis à même d'apprécier son ouvrage, par un rapport étendu , s’est plu à proclamer que l’auteur avait accompli sa pénible tâche avec un rare bonheur. Les jugements portés sur un siècle par les contemporains, sont , à bon droit, suspects, puisqu'ils n'offrent presque ja- mais de terme moyen entre l’exagération de leéloge et l'excès du bläme. La postérité seule peut bien apprécier l'esprit qui a dominé aux époques successives de la vie des peuples ; et cependant , il est des faits d’une telle évidence, que l'on peut etque l’on doit peut-être les proclamer de suite : ainsi, sans hasarder un jugement téméraire sur le siècle dans lequel nous vivons , nous pouvons dire hardiment que l'esprit d’in- vestigation prudente , dans les sciences, y a fait des progrès réels : que celles-ci, devenues familières à un plus grand nombre dans toutes les classes, les ont accoutumées, par le spectacle des déceptions qui ont trop souvent suivi un en- thousiasme irrefléchi, à se défier enfin des systèmes et de leurs exagérations! Nous en avons sous les yeux, en ce mo- ment même, un exemple qui démontre combien sous ce rap- port nous avons dépassé nos pères! Qui ne se rappelle, en effet, Messieurs , l’espèce de délire que le magnétisme ani- mal excita, lors de sa première apparition dans le dernier siècle. Les foudres de la vieille et vénérable faculté de Paris furent impuissantes à empécher le charlatan Mesmer de re- cruter de nombreux et fanatiques prosélvtes, et même, Ô scandale , jusque parmi les enfants de la faculté! L'on a es- sayé, dans ces derniers temps, de renouveler bien des rêve- ries dangereuses ou niaises, que l’état fébrile de la société , à la fin du xvrrr siècle, avait fait éclore , et ca n’a pas tou- jours été sans succès, nous ne le voyons que trop! Mais, pour les sciences, les tentatives irréfléchies ou intéressées du trou- 12 ACADÉMIE DE ROUEN. peau servile des imitateurs ont toutes échoué, Le magné- tisme animal aussi, quoique traité pourtant de nos jours avec plus d’indulgence par la nouvelle faculté que par l'an- cienne , a cherché vainement à ranimer une ferveur à jamais éteinte! L'on n'a pas nié entièrement : c’eût été prevention ; on n'a pas approuvé légèrement : c’eùt été ignorance; mais la science , résolue de ne s’appuyer désormais que sur lex- périence, a déclaré qu’elle se réservait de prononcer plus tard en dernier ressort , et elle a d'avance stigmatise les dé- marches honteuses que méditerait le charlatanisme, après cette solennelle décision ! M. Gors nous a lu une histoire complète du Ma- gnétisme animal, dans laquelle dominent l'exactitude, la bonne foi, la clarté, et, par dessus tout, cet esprit de sa- pience et de critique mesurée, dont je félicitais, à l'instant, nos contemporains. Le mémoire de M. Gors est imprime, et l'opinion publique a ratifié le jugement que je viens de pro- noncer. Si le magnétisme animal n’a pas conquis le droit de cité dans la thérapeutique médicale, Messieurs , il n'en est pas de même de l'électricité proprement dite. Celle-ci a souvent été employée avec avantage dans diverses espèces de né- vroses rebelles à tout autre traitement. Une impulsion nou- velle a même été donnée, depuis peu, aux moyens d’appli- cation de cet agent chez l’homme; et le docteur Andrieux , de Paris, doit être compté parmi ceux qui ont imaginé des perfectionnements notables aux appareils éléctriques ordi- naires. Le moyen qu'il a trouvé pour transmettre les com- motions à un point déterminé, d’une manière régulière , sous le double rapport du temps et de l'intensité, à l’aide d’un pendule, a mérité le suffrage de M. Person, juge com- CLASSE DES SCIENCES. 1 pétent , qui a engagé l’auteur à poursuivre ses recherches et ses ingénieux travaux. M. le comte de Raffetot nous a soumis un mémoire con- tenant les résultats d'expériences faites par lui-même, à l'aide du baromètre, pour bjen fixer les hauteurs relatives de plusieurs points des Pyrénées, dans la vallée de Barèges. M. Lévy, nous rendant compte de ces opérations ,en homme expérimenté, nous a fait sentir les causes probables des dif- férences , parfois assez notables, qui existent entre plusieurs points déterminés par M. de Raffetot et les mêmes points désignés dans l'Almanach des Longitudes ; il a, d’ailleurs, adressé de sincères félicitations à l’auteur, qui consacre à des voyages, qu'il sait ainsi utiliser, une bonne part de ses loisirs et de sa fortune. L'Académie à partagé l'opinion de M. Lévy, et elle a admis M. de Raffetot au nombre de ses membres résidants. Feu le colonel Beaufoy, ancien membre de la Chambre des Communes, de la Société royale de Londres, etc., a fait une longue série d'expériences nautiques et hydrauliques sur la résistance des corps de diverses formes dans des li- quides de densités variables. Il avait laissé à sa mort de volumineux manuscrits, estimés des savants, qui conte- naient le résumé de ses recherches, avec les dessins des expériences à l’appui. Son fils, jaloux d’honorer sa mé- moire , concut le projet de publier ses travaux. Rien de plus naturel jusque là; mais voici ce que personne, à coup sur, n'entendra avec indifférence dans cette enceinte : pour rendre l'édition de ces œuvres plus remarquable, M. Beau- foy a voulu l’exécuter lui-même; et, le croirait-on, Messieurs, il a créé, deses propres fonds, tous les établissements néces- saires pour fondre les caractères, fabriquer le papier, graver les planches, imprimer l'ouvrage, le brocher, le carton- 14 ACADÉMIE DE ROUEN. ner, etc. Le luxe inusité et la perfection typographique rare avec lesquels cet in-folio est éditée, ont fait monter la dé- pense à plus d’un million, et il n’y a cependant encore qu’un volume de paru! Mais c’est ici surtout que la piété filiale va briller de tout son éclat : pour que tant de soins , de peines, de dépenses, conservassent le caractère d’un pieux hom- mage à la mémoire de l’auteur, l'ouvrage n’a point été et ne sera point mis en vente: l'éditeur l'offre, à ses frais, à pres- que toutes les sociétés savantes du monde civilisé. M. Gos- sier, qui nous a fait un très bon rapport sur cette belle en- treprise, nous a donné, avec plus de développement, les détails que je résume ici moi-même. L'Académie de Rouen a envoyé à M. Beaufoy, comme un gage de sa reconnais- sance et de sa haute estime, la collection complète de ses propres publications; elle à été recue avec une gratitude bien sentie par M. Beaufoy, qui nous promet sous peu le se- cond et dernier volume d’un ouvrage, qui restera dans nos archives , comme le plus beau monument qu'un fils recon- naissant puisse élever à la mémoire d’un illustre père. Chimie. Une notice de M. Dubuc sur la sophistication des farines de céréales , etc., a obtenu une médaille de la Société d’en- couragement pour l'industrie nationale. M. Morin à fixe notre opinion sur le mérite des procédés proposés par notre confrère pour découvrir la fraude. Certes, personne n’était plus capable que M. Morin de nous éclairer sur ce point, lui qui, vous vous le rappelez, Messieurs, nous à fait d’a- bord confidence du moyen, si ingénieux et si simple , qu'il a imaginé pour reconnaître , à l'instant même, le mélange trop fréquent de la fécule de pommes de terre avec la farine de blé. CLASSE DES SCIENCES. 4) Le. célèbre professeur de docimasie à l'École royale des iwines, M. Berthier, l’un de nos correspondants les plus exacts et les plus zélés, nous a encore adressé cette année deux nouveaux volumes intitulés : Chimie minérale et Ana- lyse de substances minérales. M. Girardin, qui nous en a rendu un compte très avantageux, a terminé son rapport par ces mots : Nous avons des actes de reconnaissance à adresser à M. Berthier, qui a daigné, de la haute position où il est placé, se réduire au rôle modeste de bibliographe, pour éclairer ses confrères sur la marche d'une science dont il est lui-même un des plus fermes soutiens. Un jeune chimiste de Paris, qui marche sur les traces du savant que nous venons de citer, M. Soubeyran , chef de la pharmacie centrale des hôpitaux de Paris, à fait hommage à la Compagnie de plusieurs de ses travaux , qui sont nom- breux. M. Morin nous à prouvé qu'ils étaient tous frappés au coin du talent et d’une méthode scientifique excellente. En nous montrant ce que l’auteur a déjà fait, le rapporteur uous a permis de prévoir tout ce qu'il fera par la suite. Peut-on reconnaitre l'existence de l'alcool, après plusieurs jours d'inhumation, chez un sujet qu’on suppose avoir suc- combé à un excès d’eau-de-vie? Cette question neuve de chimie legale, à laquelle en étaient accessoirement rattachées plusieurs autres, avait été récemment adressée par notre confrère, M. de Stabenrath , juge d'instruction, à MM. Mo- rin et Girardin. Ceux-ci, après avoir fait toutes les expé- riences nécessaires pour répondre catégoriquement à la jus- tice, nous ont, par l'organe de M. Morin, communiqué l'histoire analytique de leurs opérations. L'Académie, qui Va trouvée pleine d’intérèt, en a unanimement voté l'im- pression dans ses actes. 16 ACADÉMIE DE ROUEN. Elle a fait le même honneur à une analyse des eaux de la fameuse source dite improprement pétrifiante, de Saint- Alyre, département du Puy-de-Dôme, par M.J. Girardin. Les principes isolés par l'honorable professeur diffèrent no- tablement, grâce aux nouveaux réactifs, de ceux mention- nés par feu Vauquelin, dans une analyse de ces mêmes eaux, que fit, il y a quelque vingt ans , ce grand chimiste. Le tra- vail de Vauquelin n’a point été publié; le manuscrit restait ignoré à la bibliothèque de Clermont. M. Girardin a eu le bonheur de se le procurer, et l’Académie a décidé que l'œuvre de l'illustre Normand serait imprimée avec celle de M. Girardin, comme un double tribut qu’elle a voulu payer à la mémoire de son respectable et à jamais célèbre compa- triote, et au zèle de Fun de ses membres résidants les plus dévoués. M. Girardin a joint aussi quelques détails sur le doniuwm, nouvelle substance découverte en Angleterre, dans la David- sonite, par Thomas Richardson, à une traduction de l'an- glais d’un mémoire sur cette substance que ce même chi- miste inséra au Recueil général des Sciences, de Thomson, dans le numéro du mois de juin dernier. Le même membre a encore exprimé, dans une note spé- ciale, son opinion sur le projet, présenté récemment par M. Shéridan, de méler le silex à la préparation des savons. Notre confrère fait complète justice de cette proposition, qu'il trouve concue dans un esprit de vile spéculation , et il finit sa notice par ces mots énergiques et vrais : Les charla- ans sont comme les harpies; ils gâlent tout ce qu'ils touchent. Tout le monde sait que M. Girardin , qui consacre tant de temps et tant de soins à son cours de chimie, a voulu en- CLASSE DES SCIENCES. 17 core, par dévouement pour la elasse industrielle, faire un cours élémentaire, le dimanche, dans lamphithéâtre munici- pal. Le succès à été digne de la pensée, et les lecons, assi- duement suivies, ont été reproduites en une série de livrai- sons périodiques , dont l’auteur a présenté à l’Académie la collection complète. M. Lévy, dans un consciencieux rap- port, nous à fait saisir l'esprit et le but de cette publication. Voici ses conclusions ; elles font trop d'honneur à M. Girar- din pour que je ne les rapporte pas textuellement : Plusieurs d'entre vous ont entendu ces leçons si remar- quables , dit M. Lévy, et n'en éprouveront que plus de plai- sir à les lire; ceux qui n'ont pas eu l'avantage de les en- tendre ne s'en feront une juste idée qu'en les lisant : qu'ils en prennent une au hasard, et j'ose leur promettre que, quelque étrangers qu'ils soient aux sciences, ils trouveront à cette lecture plaisir et profit. Je passe maintenant aux sciences qui font lapplication de celles dont j'ai cru devoir m'occuper d’abord, et je commence par la plus répandue et la plus utile de toutes , l'agriculture. Agriculture. Les travaux, dans cette branche, ont été nombreux, suivant l’usage; mais ils consistent, pour la plupart, en rapports. Entrer dans les détails de ceux-ci m'est impos- sible; je dois donc me contenter, après avoir proclame l'esprit d’impartialité qui y domine, en général, d'inviter tous ceux qui s'occupent des sciences agronomiques à se reporter aux manuscrits eux-mêmes ; ils y trouveront des remarques judicieuses et des controverses, souvent très- animées, sur des points de théorie ou de pratique impor- tants. Je vais nommer maintenant ceux de nos confrères 2 18 ACADÉMIE DE ROUEN. auxquels nous devons ces rapports, qui exigent la réunion du savoir , du courage et de la patience. Ce sont: M. Du- putel, qui a examiné la collection des bulletins publiés par la Société centrale d'Agriculture de la Seine-Inférieure ; M. Prévost, pépinieriste : dans sept analyses d'ouvrages du méme genre, il nous a fait apprécier, sous une forme toujours concise, et avec la sévérité scrupuleuse d’une expérience et d’une logique sures , le mérite relatif d’une foule de travaux aussi variés dans leur forme que dans leur objet. M. Le Prévost vétérinaire mérite une mention spé- ciale pour des développements techniques sur des ma- tières qui tiennent essentiellement à son art, et qui se trouvaient traitées dans le recueil de la Société d’Agricul- ture de Caen, dans des mémoires de M. Cailleux, vé- térinaire habile de cette même cité, etc. M. Le Pré- vost, en praticieh consommé , a toujours donné à ses juge- ments une garantie qui leur prête force d’arrêts, c’est-à-dire qu'il n’a jamais énoncé ses conclusions qu'après avoir répété lui-même les expériences. Je cite M. Dubuc le dernier, mais c’est pour faire remarquer qu'il a plusieurs fois joint au compte rendu d’un grand nombre d'ouvrages d’agriculture , des mémoires spé ciaux, inspirés par les objets qu’il y voyait discutés. C’est ainsi qu'il a inséré un travail personnel, intitulé : Analyse d'une bonne lerre à betteraves, dans celle qu'il nous a lue des travaux de la Société d'Agriculture de l'Ain. Une autre fois, il nous a présenté une dissertation étendue sur la Carie, ou maladie noire des blés, à l'occasion d’une notice que M. Chanoine-d’Avrilly avait publiée , sur Je même sujet, dans un des bulletins de l’Académie Ébroïcienne. "4 CLASSE DES SCIENCES. 19 L'analyse de la terre à betteraves étant imprimée , je ne m'y arréterai pas davantage; quant au mémoire sur la Carie, il mérite une sérieuse attention. Les opinions que l’auteur y professe sur les inconvénients d'employer, comme semences, des blés atteints du germe de la carie, quoique purifies, en apparence, par diverses lotions, aux- quelles M. Dubuc ajoute d’ailleurs peu de confiance, sont appuyées sur les principes d’une saine physiologie. Ce qu'il dit ensuite de l'influence des jachères dans la pro- duction de la maladie noire, est sujet à contestatfon , sans doute, mais doit aussi appeler les reflexions de tous ceux qui n’adoptent pas aveuglément les systèmes et les méthodes dites perfectionnées , en dépit d'observations contradic- toires, rapportées par des cultivateurs émérites, dignes de foi, et recommandables par une longue et fructueuse pratique aux champs. La préférence exclusive que M. Dubuc désire voir accorder aux grains de semence, recueillis sur des terres à jachères, sur des défrichés de bois, sur des terrains neufs ou depuis long-temps reposés , etc., semble aussi justi- fice par les motifs les plus rationnels, et appuyée sur des faits concluants. Botanique. Je vous faisais sentir, au début de ce rapport, Messieurs , en mentionnant le Traité de plysique de M. Person, et en m'appuyant de lopinion de M. Lévy, les diffi- cultés que présente l'exécution des ouvrages scientifiques élémentaires, et je félicitais l’auteur de les avoir si heureu- sement surmontées. Les mêmes travaux ont été accomplis , partant, la même gloire a été conquise par notre jeune et laborieux confrère , M. le professeur Pouchet , qui a déposé dernièrement le volume complementaire de 20 ACADÉMIE DE ROUEN. ses Nouveaux Éléments de botanique appliquée. C'est le second ouvrage de ce genre que fait paraître, depuis peu d'années , notre infatigable collègue. Tant de zèle, tant de persévérance, lui ont conquis la récompense qu'ils méri- taient ! l'estime des savants, le dévoùment et la reconnais- sance des élèves ! M. Soyez-Willemet, notre correspondant , nous à adressé , avec les travaux de la Société royale de Nancy, dont il est secrétaire, plusieurs mémoires de sa composition, sur l'Euphrasia officinalis et sur les Erica vagans et multiflora. Jugeant d’abord le travail personnel de M. Soyez-Willemet , M. Prévost pépiniériste a dit que : dans ses recherches, citations et descriptions, ainsi que dans les conclusions qui en sont le corollaire, l'auteur s'était montré botaniste instruit et consciencieux ; jugeant ensuite le recueil de la Société royale de la Meurthe , autant M. Pré- vost s’est expliqué franchement et sans détours sur les choses qui avaient trait directement à ses occupations habi- tuelles, autant il a montré de sage réserve dans les opi- nions qu'il a cru pouvoir émettre sur celles qui semblaient s'en éloigner. Un jeune docteur en médecine de cette ville, fils d’un hono- rable pharmacien qui a long-temps habité Rouen , M. Dalme- nesche , nous a demandé notre souscription, comme corps, à la publication qu'il a commencée, avec plusieurs colla- borateurs , sous le titre de : Herbier des plantes médicales , ou, pour mieux dire, médicinales indigènes. Nous avons accueilli avec bienveillance la communication qui nous était faite, et nous avons surtout applaudi à l'idée de mettre les plantes, en nature, aux mains des eleves, plutôt que leur représentation par la gravure, la lithographie et la peinture même, füt-elle parfaite! Si nos usages académiques nous CLASSE DES SCIENCES. 21 l'avaient permis, nous nous serions rendus avec empres- sement au vœu exprimé par les auteurs; mais, dans lim- possibilité de le faire, nous avons du moins voulu prêter à leur essai lappui moral d’une haute approbation, que j'ai été chargé de leur exprimer en particulier, et de pro- clamer solennellement dans cette séance. Ecologie. M. Dubuc à mis sous les yeux de l'Académie une stalac- tite, ayant la forme et l'aspect d’un gros chou-fleur , au point de faire une véritable illusion. Elle avait été détachée de la voûte de la grande citerne de la maison centrale de détention de Gaillon. Comme cette voûte, tout en pierre de taille, ne laisse apercevoir aucune trace de filtration, M. Dubuc, après nous avoir présenté l'analyse chimique de cette concrétion, s’est demandé si elle s'était formée par transsudation, où bien par suite d’une sorte d’exhalation des eaux de la citerne, condensée sur un point des parois de sa voûte? La forme de la concrétion, et d’autres raisons encore , ont semblé trancher la question, et fait penser que la première de ces deux opinions était la seule admissible. Plusieurs tentatives particulières ont été faites infructueu- sement dans notre ville, depuis quelques années, pour obte- nir de nouveaux puits artésiens, notamment dans le faubourg Saint-Sever : on s’est trop facilement rebuté, sans doute, puisqu'aucun de ces sondages n’a été poussé jusqu'à cinq cents pieds seulement de profondeur ! Soit faute de perséve- rance, soit vice des appareils, qui n’avancaient qu'avec une extrême lenteur dans des marnes d’une dureté qui n'avait pourtant rien de bien extraordinaire soit d’autres raisons encore qu'il ne convient pas d’énumérer ici, l'on a reculé devant la durée et les frais des opérations, et les fouilles sont 22 ACADÉMIE DE ROUEN. demeurées interrompues, sinon tout-à-foit perdues. C'est l’histoire de ces épreuves incomplètes que M. Dubue a re- tracée dans un mémoire assez volumineux, où il peint la peine qu'il a éprouvée à voir délaisser si tôt, et par des mo- tifs si peu valables, en science, les entreprises commencées ! L'Académie pense unanimement, et ceci est son manifeste, que ces revers ne peuvent avoir aucune influence fâcheuse et durable sur les entreprises du méme genre, que l’on pourrait essayer à Rouen et dans le département. L'effet remarquable et surtout si bien soutenu des puits jaillis- sants d'Elbeuf; celui du puits municipal de Saint-Sever lui- méme , qni ne doit peut-être la diminution de son jet qu'à un tubage mal fait; les puits de la même espèce que l’on vient de creuser en Espagne, et qui, suivant la pittoresque expres- sion de M. Élie de Beaumont, coulent avec une abondance fluviale; ceux d'Écosse, forés en peu de temps , au travers de couches granitiques de plus de cent cinquante pieds d’é- paisseur ; ceux de Moutiers, dans l'Oise ; de Rivesaltes, dans les Pyrénées: tout, en un mot, se réunit pour nous permettre d'affirmer que l'art du forage ne redoute plus d'obstacles matériels, et que les puits artésiens se multiplieront sur tous les points de la France, et viendront vivifer et enrichir des contrées jusqu'alors désertes et stériles ! Elles n’attendaient que ce coup merveilleux de la baguette magique de l’indus- trie moderne, qui sait faire jaillir du sein des rochers des sources multipliées, pour voir porter chez elles l’abondance et la prospérité ! L'Académie a voté l'impression du mémoire de M. Dubuec, dans la conviction, je le répète, qu’il ne pouvait entraver en rien les projets ultérieurs de puits artésiens dans nos contrées; elle a cru que, dans cette circonstance comme dans tant d’autres , dire la vérité tout entière était ce qu'il y avait de plus habile ! En effet, celle-ci est immuable; or, les bons es- prits s'en emparent, s’en font une arme victorieuse contre CLASSE DES SCIENCES. 23 l'erreur, et il n’est pas rare de voir ce qu'on avait d’abord re- douté comme dangereux , devenir bientôt indifférent, qui sait même , parfois utile ! M. Girardin nous avait annoncé la communication d’un tableau des réussites, à la suite de ces mêmes sondages, dans notre département ; nous regrettons que son manuscrit , re- tenu en ce moment par M. Arago, auquel il avait été primi- tivement confié, ne nous soil pas revenu à temps pour être compris au Recueil de cette année; mais nous en serons dé- dommagés l’année prochaine, car le sujet n’est pas près de perdre son à-propos. Sedecine. M. Le Cadre, docteur en médecine au Hävre, a livré à notre jugement l'essai d’une topographie médicale de la ville qu'il habite. Il est encore loin, sans doute, d’avoir atteint le but qu'il s'était proposé ; mais cependant, homme labo- rieux et médecin de conscience , M. Le Cadre a été associé à nos travaux, comme correspondant , et 1l promet d'y prendre une part active et honorable. M. Brière de Boismont, notre compatriote et notre cor- respondant à Paris, qu'une ardeur digne d'eloges fit courir en Pologne, dès l'invasion du choléra dans sa malheureuse capitale , et qui publia bientôt après, sur cette épidémie, une monographie qui a joui dans le temps d’une certaine célé- brité, nous a fait parvenir cette année un noufel ouvrage sur la Pellagre et la Folie pellagreuse. M. Vingtrinier nous a soumis une analyse complète de ce traité ; il nous a fait compter les victimes que cette hideuse maladie , fruit de la débauche, de la paresse, de la malpro- prete, et principe d’une dégradation morale qui va trop sou- vent jusqu’à la folie et à la démence, fait dans quelques.con- 24 ACADÉMIE DE ROUEN. trées de l'Italie, notamment dans la Pouille, dans la Cala- bre, etc. M. Brière de Boismont a émis ses idées sur les moyens de remédier à cette lèpre physique et morale. Sans approuver toutes les inductions qu’il tire de plusieurs faits, sous le rapport de l’économie politique; faisant aussi la part de ses préoccupations personnelles, nous soutenons cependant qu'on ne peut s’'empécher de le féliciter de s'être élevé , dans une question purement médicale en apparence , à des considérations qui se rattachent essentiellement aux inté- rêts les plus sacrés des peuples et des gouvernements. M. Brière s’est montré digne, en un mot, de tenir ce haut langage phi- losophique et scientifique, qui est le privilége le plus noble que lamédecine, proprement dite, ait le droit de revendiquer. Dans un rapport verbal sur le Recueil publié par la So- ciété de médecine de Lyon, M. Hellis a montré ce corps sa- vant, qui siége dans la seconde ville de France, s’efforcant de reprendre , en sous-œuvre, les fondements de la science médicale, ébranlés par les novateurs et les systématiques. Tous les mémoires admis dans ce livre semblent , en effet, conçus dans ce noble but, et écrits dans le meilleur esprit d'observation, de sagesse et de vrai progrès pratique. Le rapporteur en a fourni immédiatement la preuve par l’ana- lyse détaillée d’un mémoire du docteur Bottex, sur les affec- tions syphilitiques , dans lequel il s’est plu à reconnaitre les qualités que nous venons d’énumérer. J'ai eu l'honneur aussi, Messieurs, de faire un rapport verbal sur une bonne notice nécrologique, publiée par M. Chargé, médecin de Lyon, et consacrée à la mémoire du docteur Lassis, mort à Toulon, victime de la dernière épi- démie de choléra. Lassis était le véritable doyen des anti-contagionistes. J'ai tâché de faire voir , qu'à l'exemple de tous ceux qui exa- CLASSE DES SCIENCES. 25 gerent les conséquences d’un principe posé d’une manière trop absolue, il avait été entraîné dans de grandes et fatales crreurs ! Mais , Messieurs , comme ses actions répondaient à ses croyances, et que son inchranlable dévouement, pendant sa longue et honorable carrière, l'a constamment fait voler partout où éclataient les dangers d’une épidémie meurtrière, sa mémoire vivra toujours honorée parmi ceux même qui combattaient le plus vivement ses doctrines, et sa fin ne cessera point d'être comptée parmi les trépas glorieux , dans nos fastes médicaux ; car, pour le médecin praticien, suc- comber sous les coups du fléau qu'il était accouru combattre, c'est une belle mort, la mort au champ d'honneur ! J'ai aussi été chargé d'entretenir l'Académie des publica- tions faites par le Comite central de vaccine du département, en 1836, pour une réorganisation générale du service. Je sais que je pourrais sembler ici juge dans ma propre cause, s'il ne s'agissait pas seulement de constater des faits impor- lants que ma position de secrétaire du Comité central, de- puis quinze ans, me met à méme de connaître mieux que tout autre, et que j'exposerai fidèlement à l'Académie, lors de sa rentrée, Arts industriels, Commerce. Est-ce bien ici le lieu de parler d’une note que nous a lue, en seance, un de nos correspondants les plus distingués, M. Berger de Xivrey? Je n'ose le décider : cependant, en pareille matière, il y a deux questions, l’une d’art, Pautre d'industrie ; or, je crois qu’elles peuvent s’allier convenable- ment dans le chapitre qui m'occupe : au surplus, chacun en pourra juger. . J'enonce d’abord le titre de la note dont je veux parler; il aidera à en concevoir l’objet; le voici : Sur les premiers es- sais de la typolithographie et de la calcolithographie. I s’a- 26 ACADÉMIE DE ROUEN. git d’un projet exécuté par un lithographe de cette ville, M. Berdalle de la Pommeraye, projet mentionné dans un mémoire sur le procédé de feu Gonnord , par notre confrère M. Ballin, inséré au Précis de l’Académie en 1834 ; il con- siste à transporter sur la pierre lithographique les épreuves d'imprimerie, pour multiplier ensuite le tirage à l'infini. La possibilité du fait est depuis long-temps hors de doute, et il suffirait, pour s’en convaincre, si l'on n’en avait d’ailleurs d’autres exemples, d'ouvrir le mémoire de M. Berger, qui a été imprimé d’après le nouveau procédé, par M. Ber- dalle de la Pommeraye lui-même ; il mériterait par cela seul l'attention de tous. A Paris, on a mainte fois usé de ce nou- veau mode d'impression, et on l’a applique, très à propos, à la publication de la Grammaire hiéroglyphique de feu Cham- pollion. C’est dans la notice même de M. Berger de Xivrey qu’il faut lire, pour mieux se pénétrer de leur vérité et de leur importance , l’'éenumération des avantages que peut pro- curer, sous le rapport de la correction des textes , de la vul- garisation des écrits en langues orientales, hiéroglyphi- ques , etc., l'adoption de cette nouvelle méthode. L'ouvrage de notre collègue obtiendra bientôt tout le succès qu'il mérite , et l'Académie en réclame d'avance sa part d'honneur : l'auteur nous en a, en effet, conféré lui- méme le droit, dans ces lignes remplies d’une modestie si vraie , et que je transcris à dessein : elles terminent son in- téressant mémoire : J'ai pensé, nous a dit M. Berger de Xivrey, que cet aperçu d'un progrès important à la fois pour la science, la littérature et l'industrie , vous intéresserait encore à un quatrième titre, la part que votre ville peut revendiquer dans cette découverte, employée d'abord par un de ses im- primeurs , signalée dans vos mémoires par un de vos con- frères les plus laborieux, communiquée à l'Académie des sciences , et développée devant vous par un de vos correspon- CLASSE DES SCIENCES. 27 dants, heureux et reconnaissant de la nouvelle faveur dont vous venez de l'honorer, en l'écoutant avec bonté. M. P. Pimont nous a lu un rapport très développe, sur une suite de numéros du journal publié par l'Académie de l'industrie. Parmi les nombreux sujets auxquels notre con- frère s’est plu à accorder son approbation motivée, j'en choisirai un de préférence , parce qu'il peut recevoir dans nos murs une application journalière : M. de Montbriant a fourni au journal analysé une dissertation, ex professo, sur les moyens d'augmenter l'action colorante du bois de teinture : il est parvenu à démontrer que la fermentation exalte cette action, surtout pour le bois de Nicaragua. M. P. Pimont appuye cette assertion d’une expérience qu'il a sou- vant répétée dans ses propres usines, c’est que le bois de Fernambouc, par exemple , acquiert aussi, par la fermenta- tion, une énergie colorante tout-à-fait remarquable! Qui ne connait les dangers de la pêche de la baleine et des autres gros cétacés ? qui n’a lu, avec une curiosité toute rem- plie d'émotions , les descriptions de cette guerre faite par l'industrie aux monstres des mers? M. Giffard de Blosseville, voulant rendre plus productive et moins périlleuse surtout cette grande chasse maritime, a imaginé d'employer contre les cétaces une arme d’un tout autre genre que la lance et le harpon , c’est l’un des poisons les plus actifs que nous ait légués la chimie moderne, l'acide prussique. L'auteur a pro- posé une foule d'appareils pour porter, sans danger pour le pécheur, la liqueur léthifére dans le corps des poissons. Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur leur valeur , mais nous devons dire que la pensée de linventeur, qui avait d’abord provoqué un sourire de doute, peut-être même de pitié, a fini, à la reflexion , par sembler susceptible d’ap- plications utiles; et ce qui n'avait paru que le rêve d’une 28 ACADÉMIE DE ROUEN. philantropie trop crédule, est devenu digne de l'attention de la science. Voilà ce que M. Dubuc s’est efforcé de démon- trer dans son analyse du mémoire de M. Giffard de Blosse- ville. L'Institut a , depuis porté, dit-on, sur ce même travail, un jugement analogue à celui de notre confrère. M. Girardin nous avait lu, il y a un an, une notice chau- dement écrite, sur la machine inventée par son habile et ho- norable ami M. Perrot, et qui a recu de l’industrie rouen- naise reconnaissante le nom de son inventeur. Rien ne sem- blait devoir, désormais, entraver sa marche, lorsqu'une con- spiration d'ouvriers est venue compromettre la réussite des opérations dans plusieurs ateliers. La fraude imaginée par eux a fini par être découverte, et comme les ressources ne manquent pas au génie, l’inventeur a saisi cette occasion pour apporter une modification imprévue à la Perrotine , et la mettre pour toujours à l’abri du mauvais vouloir des ouvriers, en se débarassant tout-à-fait de leur intervention , pour le passage des planches à la couleur. M. Girardin , dans une note complémentaire, nous a donné la description de cet ingénieux perfectionnement. Je vous demande la permis- sion de faire, à ce sujet, Messieurs, une seule réflexion; vous me la passerez, j'espère, puisqu'elle peut avoir un utile re- tentissement ! Quand nos ouvriers se convaincront-ils donc bien que s'opposer d’une manière déloyale à l'emploi de mécanismes économiques, emploi justifié par les nécessités actuelles de l’industrie manufacturière, c’est ne rien‘chan- ger, en définitive, à la marche progressive de cette même industrie; ils n’auront fait qu'une guerre peu honorable , dont ils ne manquent jamais d’être les victimes ! Puisse l'arrêt, si sage, rendu dans cette mémorable circonstance, leur devenir un avertissement salutaire et une lecon profitable ! CLASSE DES SCIENCES. 29 Maticres diverses. Me voici de nouveau dans l'embarras que je vous expri- mais, Messieurs, lorsqu'il s'agissait des rapports sur les ouvrages d'agriculture ; il est même plus grand encore , puisqu'il me faut parler maiggenant d’un mélange alternatif de science et de littérature, ui fait que les Lapporteers, cédant à l'impulsion de leurs études journalières, ou à celle de leur goût particulier, ont souvent soustrait leurs ana- lyses aux spécialités scientifiques dont j'ai l'honneur d’être l'interprète. Je dois me contenter, en conséquence, de mettre les noms des rapporteurs en regard de ceux des ouvrages. Les recueils dont je veux parler sont ceux que nous avons recus des Académies de Dijon, du Gard, du Puy-de-Dôme , du Nord, de Perpignan, etc. MM. A. Leprevost, Hellis, Paillart, Decaze, Girardin et Gossier, ont eu l'avantage de uous les faire apprécier , de manière à faire honneur, à la fois, aux Sociétés dont ils émanent, et, disons-le franche- ment, aussi à eux-mêmes ! Je n’entreprendrai point ici la stérile nomenclature de la multitude d'ouvrages scientifiques, de toute nature, par- venus à l'Académie durant cet exercice. Les uns ont été, suivant les eas, déposés de suite honorablement aux archives; les autres, mis aux mains de rapporteurs qui n'ont pu se faire entendre cette année; fourniront, pour la prochaine, une série de communications attachantes que nous aurons mission de rappeler plus tard, Je tiens à mentionner, cependant, d’une manière toute particulière, deux journaux scientifiques qui nous par- viennent avec une grande exactitude , et captivent généra- lement l'attention : ee sont l'{nstitut et le Journal de santé. 30 ACADÉMIE DE ROUEN. La première de ces feuilles, surtout, offre à ceux qui n'habitent pas Paris, une ressource précieuse, pour se tenir au courant de tout cé qui se fait de nouveau , dans le monde scientifique. MM. Girardin, Pouchet, Dubuc, etc., nous ont fait hommage de mémoires ou de notices imprimés dans diverses collections scientifiques ; j'en consignerai la liste exacte au Précis : je dois ici me contejiter d'annoncer que tous ces travaux ont été inscrits, avec honneur, au Catalogue de notre bibliothèque. Conclusion. J'ai hâte, et vous encore plus, sans doute, Messieurs, de voir terminer ce rapport général; cependant , avant de vous dire nos pertes, je dois achever de proclamer nos acquisitions. Aux noms que J'ai déjà prononcés plus haut, il faut ajouter celui de M. Mallet, ingénieur en chef de la Seine- Inférieure , et député : admis comme membre résidant, je ne vous dirai rien de ses titres, puisque tout le monde peut les lire dans les grands travaux d’art exécutés, ou en voie d'exécution , dans notre département, depuis plusienrs années. La liste de nos correspondants s’est en méme temps accrue de : M. Charles Leblond, médecin-et naturaliste à Paris, qui est venu recevoir, dans cette enceinte, il y a un an, à pareil jour, une médaille d’or, pour son mémoire sur les filaires et les strongles : de M. Soubeyran, chimiste à Paris, dont j'ai ditles droits au chapitre consacré à la chimie : de M. le comte Kirchkove d’Exaëdre, d'Anvers, qui sait employer une grande fortune , unie à une grande expé- rience , aux perfectionnemens de l’agriculture, en Belgique , pour laquelle elle est tout, suivant les propres expressions du nouveau correspondant : enfin , de M. Guyétant , secré- taire général de la Société d’émulation du Jura. Plusieurs CLASSE DES SCIENCES. 37 traités pratiques importants, et, récemment encore , celui intitulé : Le Médecin de l'âge de relour, ont conquis à cet honorable praticien l'estime de ses confrères et des autres savants. liécrologie. Maintenant, Messieurs, pour compléter ma tâche, je vais vous dire nos pertes dans la classe des sciences : féli- citons-nous que ce chapitre ne soit pas plus long cette fois , puisque trois noms seulement, et c’est bien trop encore , composent cette lugubre liste! L’une de nos pertes date même de l'exercice précédent: mais je répare un oubli in- volontaire en la mentionnant aujourd’hui; c’est celle de M. Lhoste, qui a professé pendant long-temps, et avec beaucoup de distinction, les mathématiques transcendantes dans le lycée de cette ville : il était, à la même époque, membre résidant et actif de cette compagnie, dans le sein de laquelle il fut spontanément appelé, lors de sa restauration, en 1804. M. Lhoste avait pris sa retraite depuis long-temps, et vivait retiré dans le département de la Manche, à Sartilly, près Avranches, où il est mort il y a environ deux ans. Il s'était entièrement renfermé, durant ces derniers temps, dans l’accomplissement rigoureux de ses devoirs de prêtre. Ancien membre de la communauté des Mathurins, la pre- mière révolution l'avait soustrait à ses doubles devoirs de religieux et d’ecclésiastique; il avait fait bientôt retour sincère et complet à ces derniers, lorsqu'il se retira dans sa patrie ; il les a remplis avec édification jusqu’à sa mort, et a emporté avec lui la vénération de tous ses concitoyens, ainsi que j'ai pu m'en convaincre moi-même sur les lieux. Dans ce siècle où tout s’oublie si vite, ce savant modeste a pu être négligé, mais il avait droit à ce souvenir acadé- mique , pour prix de ses anciens services. > 32 ACADÉMIE DE ROUEN. Les sciences, les lettres et les arts déplorent en commun la mort récente d’un homme qui fut, à la fois, mathémati- cien profond, artiste habile et littérateur distingue, celle d’Antide Janvier, correspondant de cette Académie, décédé il y a six mois environ, au palais de l'Institut, où le roi lui avait depuis long-temps accordé un logement. Légal de Bré- guet, comme praticien, il marchait bien en avant de lui, comme théoricien. Janvier a laissé un grand nombre d’écrits, qui déposent de son érudition en méme temps que ses beaux travaux en instrumens d'astronomie, témoignent de sa rare habileté. Si l’un de nos confrères, qui fut l’ami de cet homme célèbre”, et que le spécialité de ses connaissances rend plus apte que moi à faire bien apprécier ses travaux, ne s'était réservé le droit de nous donner plus tard sur lui une notice étendue, je ne me contenterais pas de cette courte mention d’un homme chez lequel l'indépendance artistique la plus entière et le désintéressement le plus absolu, s’unissaient aux connaissances les plus profondes et aux talens les plus in- contestables ! Le respectable vétéran dont il me reste à vous parler , Messieurs , avait de grands traits de ressemblance avec celui dont je vous ai d’abord entretenus. Simple et travailleur comme lui, ami des sciences et de la vérité, il avait aussi , comme lui, fait de solides et brillantes études dans une com- munauté religieuse. La révolution seule enleva peut-être le docteur Leprevost à la vie monastique. Il se livra donc, par suite des circonsances et aussi par inclination, à l'étude de la médecine ; il ne tarda guère à se rendre aux armées, re- fuge général, à cette triste époque, de l'honneur et du sa- voir ! 11 y acquit, dans la pratique des hopitaux militaires, des talents qui lui valurent plus tard, à Rouen, de longs et ? M. Destigny. CLASSE DES SCIENCES. 33 honorables succès. Homme de science et homme de bien tout à la fois, ses manières extérieures pouvaient paraitre singulières, mais leur étrangeté naïve ne tenait qu'à Porigi- nalite et à l'indépendance de son esprit, et aux habitudes peu progressives d’une vie partagée entre le travail et la re- traite! Quant au mérite scientifique et à la moralité, il sor- tit toujours victorieux et pur des épreuves que le malheur des temps et la variabilité des circonstances ont rendues si scabreuses pour tant d’autres! Comme citoyen et comme médecin, M. Le Prevost fut également fidèle à ses vieilles croyances, et, malgré sa franchise parfois un peu brusque , il avait su conquérir l'estime générale , et il a emporté nos regrets universels. Je dois me borner à cette légère esquisse, Messieurs : l’histoire de cet homme respestable a été tracée par un de nos collègues, qui m'a suppléé spontanément , pour lui rendre un dernier hommage sur sa tombe. 11 me suppléra encore, par l'impression au Précis du discours qu'il prononca dans cette triste cérémonie : on y trouvera le portrait de notre malheureux confrère peint avec une grande fidélité ; je me garderai done bien d’user de mon droit de secrétaire pour le recommencer; mon pinceau mal habile manquerait peut-être une ressemblance qu'il importe, avant toût, de respecter | M. Le Prevost fut, pendant plus de vingtans , l’un des mem- bres dévoués et assidus de cette Académie. La vétérance qui lui avait été décernée, d’un vote unanime , était le té- moignage parlant de notre reconnaissance et de notre affec- tion; mais si quelque chose peut adoucir le souvenir de sa perte, c'est de songer à ce que la maladie nous l'avait fait ! Elle nous avait réduits à la cruelle nécessité de regarder sa fin comme une délivrance plutôt que comme une issue fu- neste ! Tel est , Messieurs , l’apereu de nos travaux scienti- 3 34 ACADÉMIE DE ROUEN. fiques, durant ce dernier exercice. J'espère n'avoir rien omis ; mais, pour prévenir le reproche d’usurper trop long- temps une attention que mon collègue des lettres et d’autres confrères sont assurés de captiver avec plus d'art, en l’ap- pelant d’ailleurs sur des sujets moins sévères et moins arides, je me borne à ce simple exposé; je m'abstiens de toutes réflexions sur l’ensemble , et je me hâte de leur céder la parole. CORPORELS Hénoires DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. RÉPONSE A DES QUESTIONS CHIMICO-JUDICIAIRES ; Par MM. GIRARDIN Er MORIN. M. de Stabenrath, l’un des juges d'instruction près le tribunal civil de Rouen , nous confia la solution des questions suivantes : 1° Déterminer si la mort d’une femme L** est le résultat d’un empoisonnement: 2° Etablir, s’il est possible, l'existence de l'alcool dans l'estomac et les intestins de cette femme. En conséquence, ce magistrat nous remit un liquide provenant de lhypocondre gauche, et une portion de l'intestin grèle et de l’estomac. Avant de mettre sous les yeux de lAcademie les expériences que nous avons faites, nous devons dire que ces matières ont été extraites du ca- davre, après douze jours d’inhumation. Nous les avons examinées ainsi qu'il suit : 36 ACADÉMIE DE ROUEN. Matière de l'hypocondre gauche. La matière de l’hypocondre gauche était jaunâtre et homogène ; examinée avec soin, elle n’a présenté aucuns grains brillants. On la délaya dans l'eau distillée pour la filtrer ; il resta sur le filtre une matière jaunâtre, pultacée, très fétide. Le liquide , auquel le filtre avait donné passage, était coloré en jaune. On y versa du chlore pour décolorer le liquide, afin de pouvoir apprécier l’action des réactifs. La potasse pure n’y produisit aucun trouble. L'acide hydro- sulfurique n’y forma point de précipité, par l'addition de l'acide hydrochlorique. Le sulfate de cuivre ammoniacal ne se troubla pas ; l'oxalate d’ammoniaque y forma un pré- cipité blanc; l’eau de chaux donna lieu à un trouble qui disparaissait par l'acide nitrique. Le nitrate d'argent pro- duisit un précipité blanc caillebotté , insoluble dans l'eau et dans l'acide nitrique , mais très soluble dans l'ammoniaque : l'acide sulfurique pur et les sulfates n’y produisirent aucun changement. L'examen, par les réactifs, démontre qu'il n'existe, dans cette liqueur, aucun poison minéral; mais nous ne bornâmes point là nos expériences. En conséquence, après avoir additionné la liqueur d’une petite quantité de potasse pure, nous la fimes évaporer à siccité; le résidu de l'opération fut ensuite mêlé avec du charbon en poudre, “et introduit dans un tube de verre fermé à l’une de ses extrémités , et l’autre fut ensuite effilée à la lampe ; puis on chauffa graduellement jusqu'au rouge. La partie supérieure du tube n'offrit ancune sublimation métallique, et, en brisant le tube , on ne trouva aucun métal à état d’isole- ment. Cette expérience négative met hors de doute la con- clusion que nous avons tirée de l'examen par les réactifs. Les poisons minéraux n'étant point les seuls qu'une main coupable puisse employer pour donner la mort, nous diri- CLASSE DES SCIENCES. 37 4 geämes nos recherches vers l'existence des poisons végétaux. Nous fimes alors bouillir, avec de la magnésie , une portion de la liqueur provenant de lhypocondre gauche. : Après quelques instants d’ébullition, on jeta le mélange sur un filtre, et on le lava à grande eau. La matière restée sur le filtre fut mise à bouillir avec de l'alcool très deflegme ; par cette ébullition, l'alcool ne contracta point la propriété de ramener au bleu le papier de tournesol légèrement rougi; on évapora le liquide à siceite , et le résultat de l'éevaporation fut seulement une matière verte, qu'on désignait autrefois sous le nom de résine verte de la bile. Cette matière ne rougissait nullement par le contact de l'acide nitrique. Cette expérience prouve évidemment que la liqueur de lhypo- condre gauche ne renferme aucun poison vegetal. Deux questions se présentaient relativement à ces viscères : 1° Indiquer si quelque poison y existait; 2° si l'alcool s’y rencontrait. Pour résoudre la première question, nous avons appliqué aux liquides contenus dans l'estomac et les intestins les expériences précédentes, dont les résultats ont été néga- tifs; mais, comme il arrive quelquefois que le poison a été absorbe par les viscères eux-mêmes, de manière à former une combinaison intime , nous avons coupé une portion de cha- cun d'eux et les avons introduits dans un matras, avec de l’eau distillée, pour les décomposer par lacide nitrique pur ; à l’aide de la chaleur et de cette expérience, nous n'avons obtenu que les produits qui résultent des matières animales placées dans les mêmes circonstances. Quant à résoudre la question relative à l’injestion de l'alcool, nous conservämes peu d'espoir, puisque l'estomac et les intestins avaient cté extraits du cadavre après douze jours d’inbumation; malgré cela, nous tentâmes les expériences suivantes pour la solu- tion de cette question , tout-à-fait neuve pour nous : on in- troduisit dans une cornue de verre une portion du liquide contenu dans ces viscères ; on adapta à son col une alonge 38 ACADÉMIE DE ROUEN. qui communiquait à un récipient contenant de l’eau acidulee par l'acide sulfurique pur. L'appareil étant ainsi disposé, on chauffa, et la distillation eut heu. L'addition de l'acide sul- furique avait pour but de saturer l'ammoniaque que renfer- mait le liquide de l'estomac. Lorsque nous eùmes obtenu les trois quarts du liquide employé, nous versämes le produit dans une autre cornue, pour procéder à une nouvelle distil- lation, dans le but de séparer lalcool du sulfate d’ammo- niaque formé ; mais, au lieu d'obtenir ce liquide , nous n’a- vons obtenu que de l’eau ayant une forte odeur de zomidine. Pour nous prémunir contre toute espèce d’objections, nous avons cru devoir distiller ce nouveau l'quide sur du chlorure de calcium , qui, par sa grande affinité pour l’eau, devait la retenir ; et, cette fois comme la précédente, il y eut absence d'alcool. Il résulte de notre travail, 1° que la mort de la femme L** n'est point le résultat d’un empoisonnement; 20 qu'après douze jours d’inhumation , il est impossible d’accuser la pré- sence de l'alcool dans un cadavre. ten AAA AA AAA AA AAA AAA AAA AAA AA AAA AA AAA AAA NOTICE HISTORIQUE ET GÉOGNOSIQUE SUR QUATRE PUITS ARTÉSIENS TENTÉS SANS SUCCÈS A ROUEN AUX ANNÉES 1833 ET 1834, UNE NOTE PARTICULIÈRE SUR UN PUITS AFFLUENT ; PAR M. DUBUC. Messieurs , e Pour mieux apprécier les motifs qui déterminerent le fo- rage de ces puits, veuillez vous rappeler qu’on trouva, en 1833, de l’eau jaillissante, à moins de deux cents pieds sous terre, dans un puits foré par M. Flachat, proche l’église Saint-Sever, et dont l'éloignement de la rive gauche de la Seine est au plus de cinq cents mètres. Ce succès encouragea divers propriétaires et chefs de grandes usines à tenter, sur le même plateau et sur un péri- mètre assez circonscrit, des puits artésiens à eau jaillissante pour l'usage de leurs établissements particuliers. Le premier de ces puits a eu lieu par M. White, dans sa vaste tannerie, située à l’ouest, et à environ deux cents mètres de celui dont je viens de parler. 4o ACADÉMIE DE ROUEN. Le deuxième fut entrepris par M. Leroi, filateur, rue d’'Elbeuf, au sud, et éloigné, au plus, de six cents mètres aussi de l’église Saint-Sever. Le troisième fut creuse par MM. Dubuc et Beaudouin , entre trois grandes filatures situées à l’ouest, et à environ sept cents mètres de celui foré proche l'église. Dans ces différents sondages, M. Flachat et son contre-maître em- ployérent particulièrement la gouge , la tarière ou sonde, et le trépan. Le quatrième, également entrepris par M. Flachat, fut tenté, à Deéville-lès-Rouen, dans un vaste terrain cultivé appartenant à M. Angran, et situé sur la rive droite de la Seine , à environ mille mètres au nord de ce fleuve. Je vais d’abord entretenir l'Académie du puits dont le fo- rage a été fait chez M. White. Dans cette narration, je ne- gligerai les petits détails, qui ne sont guère qu’accessoires au but principal que je me propose d'atteindre dans ce travail. Ce puits fut commencé le 5 avril 1834, et continué sans interruption, et parfois jour et nuit, jusqu'au 1° novem- bre 1835. J'ai suivi particulièrement ces travaux, et voici mes observations et mes remarques à leur égard. L'ouverture du tube fut d’abord de sept pouces et demi de diamètre; arrivés à cent pieds dans le sol, les sondeurs réduisirent cette ouverture à cinq pouces et demi, et ils fi- rent une faute, car, plus tard, on fut obligé de lélargir de nouveau , pour faciliter le mouvement circulaire de la sonde et des autres instruments servant au forage. La géologie de ces premiers cent pieds présenta d’abord huit mètres d’un mélange de sable rougeâtre ferrugineux , légèrement argileux , mélé de gravois et de petits silex di- versement colorés. Cette couche fut suivie d’une autre couche, composée de marne argileuse et d’un peu de terre végétale brunâtre; ce sol, d'environ dix mètres d'épaisseur, se laissait traverser aisément par la tarière. CLASSE DES SCIENCES. hx Mais bientôt les foreurs donnèrent sur une roche d’une durete granitique, peu calcaire , et souvent entrecoupée par de gros cailloux : ce s{ratum avait à peu près quinze mètres d'épaisseur, et, pour le traverser, on dut faire agir simulta- nément le trépan, la gouge et la tarière. De cent pieds jusqu'à deux cents pieds , le terrain pre- senta diverses couches faciles à traverser. La sonde ramenait des marnes noirâtres, parfois jaunâtres, mais toujours fer- rugineuses, et mélées çà et là de coquillages de diverses nuances; ailleurs , c'était une argile siliceuse , pâteuse , avec de petits cailloux et gravois. A ces strata, d'un travail assez facile, succéda une autre roche de grès ferrugineux sableux ”, d'environ cinq mètres d'épaisseur, et d’une dureté désespe- rante : les foreurs , malgré leur zèle et la bonté des trépans, ne faisaient guère que trois pouces d'ouverture par jour. Enfin, le 6 août , après quatre mois d’un travail soutenu , le puits n'avait encore que deux cent seize pieds de profondeur, et aucun signe d’eau affluente ou jaillissante n'avait lieu. M. White se découragea et voulut suspendre les travaux, vu que son puits était déjà à près de cinquante pieds au- dessous de la nappe d’eau qui jaillit de celui qui est proche l'église Saint-Sever. Il se fondait encore sur ce que beaucoup de fontaines artésiennes avaient trompé l'espérance de ceux qui les avaient entreprises, etc. Mais, sur l'observation faite à M. White qu'on pourrait trouver de l’eau jaillissante sous la roche où l’on était, ilse détermina à faire de nouveaux sacrifices pour la traverser. Enfin, à 228 pieds, on trouva une couche de quelques mètres d'épaisseur , d’une marne tendre , mélée de sable micacé , mais facile d'extraction. Puis les foreurs donnèrent sur une ! Cette roche, vu sa dureté, sa composition géognosique et ses autres propriétés, paraît être le quartz granitique des anciens na- turalistes. Voir Zuffon, Fourcroy , etc. 42 ACADÉMIE DE ROUEN. roche encore plus dure que la première; elle se composait, sur cent parties en poids : De silex ferrugineux noirâtre......... 80 Carbonate de chaux............. 12 } 100 Oxide de feront lents 06 Le forage en était tellement laborieux, qu'on fut trois mois à la percer. Enfin sous ce stratum on trouva ua sol in- cohérent : c'était un mélange de sable noirâtre , argileux, ferrugineux, animalisé, d’une odeur assez fétide; son peu de dureté, malgré la profondeur du puits, permettait aux sondeurs l'emploi de la tarière seule et de faire jusqu'à un mètre d'ouvrage par jour. Le 7 janvier 1835, on arriva à 322 pieds dans le sol ; mais la géologie du terrein changea de nature, la sonde rame- nait, sans grand effort , une argile blanche, plastique, souvent aréneuse. Cette couche pouvait avoir deux mètres d’épais- seur. Puis on donna de nouveau sur une roche non moins dure que les premières. Après des travaux très laborieux, le puits avait , le 18 mars, 376 pieds de profondeur; alors on traversa un sol sihico-marneux facile à forer, sol dont l’e- paisseur fut estimée être d’environ huit mètres ; mais la fa- tale roche reparut de nouveau. Néanmoins , et malgré des obstacles presque toujours re- naissants et des accidents arrivés à l’equipage des sondeurs , M. Dupont, héritier de M. White (M. White était décéde le 7 mai 1835), fit continuer le forage de ce puits jusqu’à la pro- fondeur de quatre cent soixante-six pieds , ou environ cent cinquante-six mètres. Enfin la roche, dont rien n’indiquait l'épaisseur, devint tellement rebelle aux outils les mieux acérés , que M. Dupont se détermina, le 1 novembre 1835, à faire cesser lestravaux. Ils ont duré dix-neuf mois et parfois jour et nuit, et coùté au moins dix-huit mille francs, en y comprenant le louage et la réparation des instruments de forage. Le puits fut done CLASSE DES SCIENCES. 43 tubé pour éviter les éboulements qui pourraient l’obstruer, et son orifice scellé d’une forte pierre; peut-être le forage en sera-t-il repris plus tard. Si le puits de M. White avait été foré sur le grand pla- teau arable et boisé qui couronne , à l’est et au nord , la ville de Rouen, sa profondeur serait de près de mille pieds, car ce plateau à environ cinq cents pieds d’élévation au-dessus du niveau de la Seine. Deux autres motifs déterminèrent encore les héritiers de M. White à mettre un terme à ces travaux; le premier re- sultait naturellement de la profondeur où était arrivé le puits, qui se trouva être de plus du double de celui à eau jaillissante foré à Saint-Sever ; le deuxième, jugé le plus spécieux , venait encore de ce que sa profondeur dépassait de plusieurs mètres la nappe d’eau qui alimente si copieuse- ment les deux fontaines artésiennes creusées dans la ville d'Elbeuf, (voir, à cet égard, la Statistique géologique du dépar- tement de la Seine-Inférieure par M. Passy ); circonstances qui rendaient peu probable la réussite du puits entrepris par M. White, continué par ses héritiers, et sur lequel tant d'espérances étaient fondées en principe. Pour moi, je vis à-regret arrêter le sondage de ce puits à quatre cent soixante-six pieds, non-seulement dans l’es- poir d’en voir jaillir l’eau, car ici rien ne prouve, en défini- tive, qu'on n’eût pas’atteint ce but en le creusant plus avant", mais encore dans l'attente de rencontrer, dans le sous-sol, de la houille ou du gypse (plâtre), si utiles, l'un et l'autre, à la prospérité de notre industrieuse province; car, d’après les 1 En effet, de la non-réussite de MM. White et Leroy, on n’en peut conclure, à priori, que d’autres puits tentés sur le même sol, mais un peu éloignés des premiers, ne donneraient pas d’eau jaillissante, même en les forant seulement jusqu'à deux cents pieds. La fontaine artésienne creusée avec succès proche l’église Saint- Sever, est, en quelque sorte, la preuve de notre assertion. 44 ACADÉMIE DE ROUEN. naturalistes, « c’est spécialement sous des strata de la nature « géologique de ceux traversés en’ forant les puits de MM. « White et Le Roy , que l’on trouve des mines de charbon « de terre. » A cette occasion, j'ai lu quelque part qu’on avait tenté au- trefois un sondage dans la vaste plaine aréneuse qui sépare Rouen de la ville d'Elbeuf; mais ce sondage, dit-on, ne dé- passa pas trois cents pieds, et ne produisit ni houille ni plâtre; peut-être en eût-il été autrement, si la perforation des terrains avait eu lieu jusqu’à trois cents mètres et plus, car la houille appartient aux terrains secondaires. Je sou- mets ces réflexions à l'administration et aux propriétaires de cette contrée. Puits arlésien tenté par M. Le Roy. Cette fontaine artésienne devait, en cas de réussite, contribuer à l'alimentation d’une grande et forte pompe à feu, servant de moteur à la filature de M. Leroy. La nature des différents strala géologiques, et autres terrains que traversa M. Leroy pour arriver à environ quatre cent cinquante pieds dans le sol, a, en général , une grande similitude géognosique avec ceux rencontrés chez M. White; aussi les travaux en furent-ils également très- laborieux et bien dispendieux. Enfin, les foreurs , après avoir traversé, comme chez ce dernier, une roche de na- ture quartzeuse calcaire, aussi très-dure, et sous laquelle ils avaient l'espoir de trouver de l’eau jaillissante , donnèrent dans une glaise sableuse, pâteuse, qui leur parut sans fonds appréciable. Alors M. Leroy, n’apercevant aucune trace d’eau, et se trouvant, vu la profondeur de son puits, comme M. White, à plus de deux cent soixante pieds en contre-bas du niveau de la nappe d’eau qui jaillit de celui de Saint-Sever , se détermina à faire cesser les travaux pour CLASSE DES SCIENCES. 45 le creusement d’un puits dont il avait concu aussi tant d'espérances avant de l’entreprendre. Ce fut donc à quatre cent cinquante pieds de profondeur qu'il fut abandonné. Puits artésien chez MM. Dubuc et Baudouin. Ces Messieurs, par un système combiné de quatre à cinq fontaines artesiennes, espéraient pouvoir réunir une masse d’eau suffisante, en se servant d’une roue à godet, pour avoir un moteur de la force de dix à douze chevaux. Ce calcul fut fait sur la quantité d’eau que fournissait , chaque jour , le puits de Saint-Sever; on fit d’abord un puits d'essai, pour ne mettre rien à l'aventure. Après trois mois d’un travail soutenu, on parvint à deux cent cinquante pieds dans le sol. Voici quelle était la géologie de ce sol. 1o Une couche d'environ vingt-cinq pieds, d’un sable rocailleux , assez facile à traverser. 20 Des terreins silico-calcaires, parfois argileux, mais toujours ferrugineux , et souvent mêlés de gros cailloux qui rendaient le forage pénible. 3° Les foreurs, arrivés à environ deux cent trente pieds, donnèrent sur une roche ou banc de grès d’une dureté telle, que, malgre les outils les mieux acérés , ils faisaient à peine deux pouces d'ouverture chaque jour. Bientôt il fut presqu'impossible d’en continuer le forage. Tous les instruments étaient usés où émoussés, une forte tarière cassa , et son extrémité resta engagée dans la roche; on l'en retira à grands frais, et après des efforts inouis. Enfin, MM. Dubuc et Beaudouin, considérant alors que la profondeur du puits (deux cent cinquante-sept pieds), de- passait, en contre-bas, de beaucoup, la nappe d’eau qui jaillit de celui foré à Saint-Sever, et sur laquelle ils avaient fondé leur établissement hydraulique, et par 46 ACADÉMIE DE ROUEN. d’autres motifs qu'il est inutile de rapporter ici, se déter- minèrent à faire cesser leurs travaux. Quatrième Puits artésien tenté par M. Angran, sur la rive droite de la Seine. Ce puits fut ouvert à environ cent mètres en contrebas, ou sur le versant d’une côte située à l’est de la propriété de M. Angran, et à peu près à vingt mètres au-dessus de la vaste prairie de Déville. Ce puits fut abandonné à la pro- fondeur de cent soixante pieds. Voici la géologie des terreins traversés pour arriver à cette profondeur , avec les motifs qui firent abandonner ce puits. D'abord, deux pieds environ de terre végétale, puis un banc de calcaire siliceux ferrugineux de trois mètres d’épais- seur. À ces deux couches succéda un amas dé gros cail- loux diversement colorées , et de sable brun; cet amas de silex pouvait avoir cinq mètres de profondeur ; il reposait sur un sable verdäâtre, sans cohésion, de peu d'épaisseur. Après ces informes strata, on arriva à un banc d'argile glaiseuse, noirâtre, mêlée de sulfure de fer, et répandant une légère odeur de pétrole. Tout ce terrein était facile à traverser, vu sa grande humidité et le peu de cohésion qu'il présentait dans son ensemble. Enfin, les foreurs don- nèrent sur une roche de la nature de celle que j'ai analysée en traitant du puits de M. White. On la traversa péniblement, en employant alternative- ment le trépan et la tarière. D’autres accidents de terrein arrivèrent encore; mais le dernier , et qui mit un terme aux travaux, fut une couche de sable coulant, sec et si ténu, qu'il devint impossible d’y faire agir la sonde avec succès, malgré quelques moyens tentés pour y réusir; et comme rien , d’ailleurs , n’indiquait quelle était l’épaisseur de cette CLASSE DES SCIENCES. 45 # sablière , et les frais qu’elle occasionnait pour être traversée, M. Angran arrèta le forage de ce puits, quoiqu’arrivé à cent soixante pieds de profondeur. J'ai fait l'analyse de l’eau provenant de l'égout de la terre glaiseuse, noirâtre, dont je viens de parler ; voici d’abord ses propriétés physiques : Couleur assez diaphane; pesanteur spécifique presque égale à celle de l’eau de rivière clarifiée ; odeur faible d'œufs couvis; goût déclinant à l’amer âcre; elle bout facilement. Traité par les réactifs et par l’évaporation , j'ai trouvé, à très peu près, dans mille grammes de ce fluide : 1° Matière grasse , âcre au goût , inflammable, 2 grains ; 2° Carponate de fers... #4 2. à: + 1/2 ; DAS "cAlCare. Ne PURE, xD: 4° Alumine et silice , dans un état de division CXLEEME. à 2. I » Total : 5 grains. Plus , une faible quantité d'acide carbonique interposé. On obtient la matière grasse en réduisant l'eau, par une chaleur de 5o à 60 degrés (Réaumur) , des 7/8‘ de son volume. On laisse refroidir : le corps gras bitumineux sur- nage le résidu aqueux, et le carbonate de fer se dépose au fond du vase, etc. J'ai fait aussi l'examen de l’eau qui sourd dans une cour située au sud-ouest , et en contre-bas du terrain de M. An- gran. Cette eau est également ferrugineuse, sa surface iri- sée ; enfin, elle a beaucoup d’analogie avec celle dont je viens de parler. On peut donc regarder ce fluide comme sui generis dans le département de la Seine-Inférieure. (Voir, à cet égard, la Géologie de M. Passy.) Enfin , on ne fait aucun usage meédi- cal, du moins que je sache , de cette eau ferrugino-bitumi- neuse : j'en ignore la cause. 48 ACADÉMIE DE ROUEN. Nore sur le Puits afflrent percé à environ six cents mètres, au sud, des Fontaines artésiennes tentées par MM. White et Le Roy. Vers l’arrière-saison, en 1834, où l’eau manquait par suite d’une longue sécheresse, M. White fit creuser un puits ordinaire dans une de ses propriétés, afin d'y trouver de l'eau pour l'usage de ses locataires, etc. Ce puits fut donc percé, sans trop d'obstacles, jusqu'à la profondeur d'environ trente mètres : alors, l'eau afflua si vi- vement, que les foreurs eurent à peine le temps de s’en pré- server, et elle monta au-delà de trois mètres dans le per- tuis. Cette eau se tient presque toujours au méme niveau, malgré les nombreuses prises qu’on en fait chaque jour; en- fin, ce puits est devenu une sorte de providence pour les ha- bitants du quartier où il est situé. Les terrains traversés pour arriver à l’eau affluente étaient : Ÿ 1 Dix mètres de sable rougeätre, un peu argileux; 20 De la marne tendre, mélée de silex de diverses couleurs et grosseurs. Ce fut de dessous cette marne que jaillit l’eau affluente. A la demande de M. White, j'analysai ce fluide, et je re- connus, avec la plus grande satisfaction , que mille grammes, ou un litre, recèlent à peine un décigramme ( deux grains) de corps hétérogènes inertes, plutôt tenus en suspension qu’en dissolution : d’où il résulte que l’eau de ce puits est plus pure que celle des fontaines de Rouen, et même que l’eau clarifiée venant de la Seine’ ; etici, Messieurs, il faut : L'eau des fontaines de Rouen et qui sert aux usages de la vie, contient, d’après l'analyse que j'en fis en 1826, près de deux déci- grammes de corps hétérogènes par litre; celle de la Seine, épurée, de deux à trois grains aussi, par mille grammes. CLASSE DES SCIENCES. 49 encore noter que ce nouveau puits de M. White est presque voisin de ceux qui existent à Saint-Sever, dont l'eau est, en général, crue, séléniteuse, décomposant le savon , ete, Explique qui pourra ces anomalies hydrostatiques , sou- terraines, moi je m'en tiens à annoncer des faits d'autant plus intéressants à faire connaître, qu'ils pourront servir aux propriétaires des contrées qui forment le grand plateau areéneux , situé sur la rive gauche de la Seine , entre Rouen et Elbeuf; surtont s'ils voulaient y établir des fontaines jaillissantes, des canaux d'irrigation , etc. En résumant les diverses observations consignées dans l'ensemble de ce mémoire, on y voit : 1° Que trois puits artésiens ont été entrepris en vain, en 1834 et 1835, quoique fores à plus de deux cents pieds , en contre-bas, et non loin du puits artésien à eau jaillissante, situé sur le même niveau , proche l'église Saint-Sever ; 2° Qu'un quatrième puits artesien a été foré également sans succès, sur la rive droite de la Seine, en contre-bas d’une montagne très élevée et bien boisée, circonstance qui , d’après les geologues, devait en assurer la réussite. 3° Qu'un puits ordinaire, creusé à quelques centaines de mètres des trois premiers, a donné, à une profondeur mé- diocre, une eau abondante, et surtout d’une excellente qua- lité pour l'usage de la vie. Nous croyons qu'on peut encore s'appuyer de ces obser- vations et de leurs résultats, pour établir, contrairement à l'opinion émise par certains géologistes: « que la reussite « de puits à eau jaillissante, dans toute espèce de sol, n’est «rien moins que prouvée, et expose à de grands mé- « comptes ceux qui en font le forage par mitation.» MM. White, Leroy, Dubuc et Angran en fournissent, à leur grand préjudice , des exemples à Rouen. Enfin, le célèbre Arago (Annuaire de 1835, page 247) le 5o ACADÉMIE DE ROUEN. partage aussi cette opinion; il en est de même des savants rassemblés en congrès, l’année dernière, à Douai... Voici leur avis à cet égard (Séance du 9 septembre ): « Qu'avec les connaissances géologiques actuelles , il «existe pas encore, à priori, de caractères certains et « apparents, qui permettent .d’assurer l'existence d'eaux « jaillissantes dans tel ou tel terrain , etc. » Espérons que la science viendra lever ces doutes, en indiquant les lieux et les sites où les fontaines jaillissantes pourront être établies avec certitude de succès, et sans exposer à des dépenses éventuelles ceux qui les entre- prendront. J'ai cru, Messieurs , que ce travail n’était pas dénué d’in- térêt pour la ville de Rouen, et, en général, pour les pays où l’on voudra établir des puits artésiens: ces motifs m'ont déterminé à vous l'offrir. J'aurais pului donner plus d’exten- sion, car lesujet est vaste et riche à traiter ; mais, d’une part, j'ai crains d’abuser de vos moments; de l’autre , d'entrer dans un terrain que mes Connaissances ne me permettent pas d'explorer convenablement. 3202922322 20299232-332232000230525235-52522 ANALYSE CHIMIQUE DES EAUX MINÉRALES DE SAINT-ALLYRE, A CLERMONT-FERRAND (département du Puy-de-Dôme), ET DU TRAVERTIN QU'ELLES DÉPOSENT; PAR M. J. GIRARDIN, PROFESSEUR DE CHIMIE A L'ÉCOLE MUNICIPALE DE ROUEN, etc. Parmi les curiosités naturelles que la ville de Clermont- Ferrand, chef-lieu du département du Puy-de-Dôme , offre à l'attention du voyageur, il en est peu qui aient acquis autant de celcbrité que la source minérale située dans le faubourg de Saint-Allyre, et qui a recu depuis long-temps le nom de Fontaine pétrifrante. Tous ceux qui visitent cette contrée si pittoresque de l'Auvergne ne manquent pas, après avoir fait l'ascension du Puy-de-Dôme, illustré par les expériences de Pascal, et avoir admiré les jolis sites et les belles sources de Royat et de Fontanat, d'aller examiner le fameux pont de pierre forme par le dépôt des sels terreux contenus dans l'eau de Saint-Ailyre, et de faire emplette des incrustations artifi- cielles que le propriétaire de la source prépare pour les étrangers. 52 ACADÉMIE DE ROUEN. Certes, pour les personnes qui ne sont pas initiées aux secrets de la chimie, c’est une chose merveilleuse qu'une eau qui jaillit claire et limpide de son réservoir naturel, et qui abandonne, sur les objets qu’on expose à son contact, une couche terreuse qui leur donne bientôt l'apparence de la pierre. Et, ce qui confond encore plus l'imagination de ceux qu'un pareil prodige attire, c’est la production de cette muraille de 240 pieds de long, de 18 à 20 pieds de haut , et dontune des extrémités s’avance jusqu’au-delà du ruisseau de Tiretaine, de manière à former un pont d’un admirable effet, et qui semble avoir été construit par la main de l’homme. Ce phénomène est bien fait pour ap- puyer dans l'esprit des gens du monde cette opinion erronée des anciens , que l’eau se change en terre, et que l'écorce solide de notre planète doit son origine à cette prétendue transformation de l’eau. Depuis long-temps les naturalistes ont cité dans leurs ouvrages la fontaine de Saint-Allyre, et, lorsque l'analyse chimique eut acquis quelque precision, les chimistes à leur tour s’occupèrent de ses eaux, dont les propriétés médica- menteuses avaient fixé l'attention des médecins. Nicolas Lémery, de Rouen, est le premier qui ait entrepris l'analyse de ces eaux. Voici ce qu'on trouve, à cet égard , dans l'Histoire de l'Académie des Sciences , pour l’année 1500, p? 58: «A Clermont en Auvergne, il y a une fontaine pétri- fiante, dont M. Lémery examina quelques bouteilles qui lui avaient été données par M. Tournefort. Cette eau est claire comme celle d’Arcueil et également pesante. Elle dé- pose au fond des bouteilles un peu de sable gris et de pierre blanchätre qui paraît s’y être formée. Par les essais et les opérations chimiques, il paraît qu’elle contient un acide , qui apparemment a dissous quelque substance pier- reuse des lieux où elle a coule. La partie la plus pesante CLASSE DES SCIENCES. 55 de cette substance se précipite au fond de l'eau, quand elle séjourne , ou qu’elle a peu de mouvement ; mais la partie la plus légère ne s'en détache pas avec tant de facilité, et c'est elle apparemment qui fait les pétrilications. Cette eau pétrifiante n’en est pas plus dangereuse à boire par rap- port aux pierres qui peuvent se former dans les reins ; on le sait, et par l'expérience journalière des gens du pays, et par des opérations chimiques qui ont fait voir à M. Lémery que le sel de l'urine ne fait point déposer la substance pierreuse de cette eau. En effet, les pierres, et ce qu'on appelle pierres dans le corps humain , n'ont rien de com- mun. » En 1548, Ozy publia le résultat de ses essais sur le sédiment qu'elles abandonnent dans les bassins où elles sont recues, et il en conclut que les eaux de Saint-Allyre « contiennent une substance ferrugineuse avec un sel fossile de la nature du sel marin, et, enfin, une espèce de marne semblable à de la chaux, qui en fait la partie terreuse. » ( Analyse des eaux minérales de Saint-Allyre, par M. Ozy; de l'imprimerie de Pierre Boutaudon, seul imprimeur du Roi, 1748.) Enfin, en 1599, Vauquelin analysa plusieurs eaux miné- rales d'Auvergne , et , entr'autres, celles de Saint-Allyre. Voici les résultats qu'il obtint. Un litre de cette eau renfermerait : Acide carbonique libre. . . . . . . . 7 gr. 60 Garbonate”dehchaux CRE ne 20 5o —— de magnésie. . . . . . . . 6 66 ———"Mdersoude:t fs: 70. 13 38 Muriateide soude 21m em MCE 14 26 Oxidetderfer ts ie eus 0 5o Sulfate de soude et matière bitumineuse, des traces. 62 90 Un litre de cette eau contiendrait donc 62 grains go de 54 ACADÉMIE DE ROUEN. matières solides, ou 3 grammes 36 centigrammes. Le travail de Vauquelin n’a jamais été imprimé. Il existe manuscrit dans la bibliothèque publique de Clermont-Fer- rand. J'en dois la connaissance à l’obligeance de M. Gonod, bibliothécaire, qui m'a permis d'en prendre une copie. A l’époque où Vauquelin fit cette analyse des eaux de Saint-Allyre , les procédés analytiques laissaient encore beaucoup à désirer ; aussi, depuis long-temps, les naturalistes de Clermont désiraient-ils qu'on soumit de nouveau ces célèbres eaux incrustantes à un examen consciencieux. Ce désir devint plus vif, depuis surtout que M. Berzélius , ayant analysé le dépôt calcaire qui constitue le pont! naturel de Saint-Allvre, y trouva, outre du carbonate de chaux, de la silice et de l'oxide de fer, des phosphates d’alumine , de manganèse , de chaux et de magnésie. { Analyse de quelques substances qui se précipitent des eaux minérales de l'Au- vergne , faisant suite à lexamen chimique des eaux de Carlsbad, de Tœplitz et de Konigswart : Annales de chimie et physique ,t.28, p. 403 ; année 1825.) a Visitant l'Auvergne, en 1834, avec mon ami M. Sou- -beiran, chef de la pharmacie centrale des hôpitaux civils de Paris, je fus sollicité par notre ami commun M. Lecoq, pro- fesseur d'histoire naturelle, de reprendre l'examen de l’eau . de la fontaine incrustante. Je me rendis à cette invitation , -æt, pendant le mois que nous séjournâmes à Clermont, Sou- beiran et moi, nous fimes les essais qu’on ne peut faire qu'à 1ä source de l’eau dont on veut connaître la constitution chimique. Ainsi nous déterminämes la nature des gaz tenus “en dissælution; nous constatämes l’action des réactifs sur , Feau, au moment ‘où elle arrive au contact de l'air; nous recüeillimes des observations thermométriques , et nous nous procurämes , par évaporation, toutes les substances salines “‘quise trouvent en dissolution dans l’eau, CLASSE DES SCIENCES. 55 Depuis mon retour à Rouen, j'ai continué nos premiers essais ; et, après avoir examiné avec soin le résidu salin de lPévaporation, j'ai procédé à l'analyse du dépôt rougeätre que l’eau abandonne, peu de temps après son arrivée à la surface du sol, dans les canaux où elle s'écoule, ainsi que de l’ancien dépôt qui constitue la vieille muraille, dont la production remonte à une époque si reculée. J'espère que les faits que je vais signaler intéresseront les naturalistes et les chimistes , et que j'aurai rempli les intentions de mon sa- vant ami M. Lecoq. 1. Gisement et propriétés physiques de l'eau de Saint-Allyre. « Le sol sur lequel est bâtie la ville de Clermont est un tuf, où peperite grossier, formé de fragments de basalte plus ou moins alteré, de petits cailloux siliceux, et d’une ma- tière terreuse qui admet du carbonäte de chaux dans sa com- position. Ce tuf, quoique d’origine volcanique, a évidem- ment été dépose par les eaux, puisqu'il alterne en stratifi- cation régulière avec des argiles et des couches de tuf dont le grain est beauconp plus fin, et quelquefois méme avec des couches sableuses que l’on peut comparer aux pouzzolanes des volcans modernes. « Le sol de Clermont donne issue à plusieurs sources d'eaux minérales, dont la température est généralement peu élevée. Ces eaux sortent de différents points du monticule ; mais il est probable qu’elles paraissent au jour aux points de jonction du tuf volcanique avec les couches calcaires : c’est principalement à Saint-Allyre que cette jonction a lieu, par le prolongement de la formation calcaire des Côtes et de Chanturque. Un fait digne de remarque est la présence de grosses masses de grés et de quelques autres blocs de roches, placés à la surface du sol, très près de la source incrustante : 56 ACADÉMIE DE ROUEN. s selon Loutes les apparences, elles font partie d’un tuf analogue à celui que l’on peut observer au P4y-de- Montaudou. « C’est dans cette localité, et à peu près en face du monti- cule calcaire que l’on connaît sous le nom de Mon'juzet, que sortent les eaux minérales de Saint-Allyre.» (Lecoq, Obser- vations sur la source incrustante de Sain'-Allyre, dans un des faubourgs de Clermont-Ferrand; broch. in-8°, 1830.) Cette source est assez abondante , puisque , d’après le jau- geage que je répétai à plusieurs reprises dans le mois de septembre 1834, elle donne 24 litres par minute; d’où il résulte que la quantité fournie par heure est de 1440 litres, et par 24 heures de 34,560 litres. L'état de l'atmosphère ne paraît pas influer sensiblement sur cette source , puisque la quantité d’eau qu'elle fournit ne varie pas dans les temps secs ou pluvieux. On a cru remarquer seulement qu’à l'approche des vents un peu forts, son écoulement est un peu plus rapide, et qu'avant les orages, elle dégage beaucoup de gaz acide carbonique. Cette remarque a été également faite aux eaux thermales de Vichy êt du Mont-Dore. Sa température est constante, ainsi qu'il résulte d’un as- sez grand nombre d'observations faites, tant par moi, que par M. Bouillet après mon départ de Clermont. Le tableau suivant contient les résultats de nos observations. A partir du 15 octobre, les données de ce tableau m'ont été four- aies par M. Bouillet. t- Te) ASSE DES SCIENCES. CL EAUX MINÉRALES DE SAINT-ALLYRE. — TABLEAU DES OPSERVATIONS FAITES DU 28 AOÛT AU 30 DÉCEMBRE 1834. DATES des OBSERVATION HEURES du JOUR. TEMPÉRATURE a A des | DE L'AIR EAUX. | ambiant, VENTS RÉGNANTS,. ÉTAT DU CIEL. 0 7 + D, 28 août 1834 3septemhre » idem 9 idem 12 idem 15 octobre L » 30 octobre » D] 15 novembre » » 30 novembre » » 15 décembre 5 » 30 décembre » » midi 7 heures du soir midi 7 heures du matin 10 heures du matin 7 heures du matin midi 6 heures du soir 7 heures du matin midi 6 heures du soir 7 heures du matin midi 6 heures du soir 7 heures du matin midi 6 heures du soir 7 heures du matin midi 6 heures du soir 7 heures du matin midi 6 heures du soir 940n H 00 9/4 i°centig.| 19° 3/4 21° 279 190 240 15° 199 14 52 9° 5° 29 1° Î 12 10° 8° AU Sud-Ouest Ouest S.-0. un peu couvert. beau. idem. idem. idem. en partie couvert de gros nuages, idem. très couvert, un peu de pluie. beancoup de brouillards. très beau. idem. brumeux, un peu de neige dans la nuit. beau. couvert. idem. idem. très beau. idem. idem. idem. un peu couvert. très beau. idem. 58 ACADÉMIE DE ROUEN. Les eaux, au sortir de terre, sont parfaitement limpides. Elles ont une très faible odeur bitumineuse, non désagréable, et une saveur aigrelette, un peu atramentaire et bitumi- neuse. Elles laissent dégager de temps en temps des bulles plus ou moins grosses, qui consistent en acide carbonique. Ces bulles deviennent très nombreuses par l'agitation. Ces eaux tombent dans un petit réservoir en pierre qui est tout tapissé d’un dépôt ocreux. Peu de temps après leur exposition à l’air, elles se recouvrent d’une pellicule très fine, nacrée, d’un blanc rougeitre , et bientôt après elles se troublent. Elles laissent déposer , dans les conduits en bois qui les conduisent du réservoir dans les chambres d’incrusta- tions, une poudre fine de couleur d’ocre jaune , dont la quan- tité est assez considérable. Au milieu de ce dépôt sédimen- teux, on voit presque toujours des filaments rougeàtres, imitant, par leurs formes et leur disposition, ces conferves qui flottent au milieu des eaux de mares. Quand le temps est pluvieux, le sédiment a une couleur plus foncée et parait plus chargé d’oxide de fer. Voici comment l’eau de cette source se comporte avec les réactifs : L Teinture de tournesol. . . . . . Rougit très sensiblement. Ammoniaque. . . ........ Précipité blanc flocon- neux très manifeste , immédiatement. Eau de chaux. . . . . . . . . . . Précipité blanc très abon- dant,se formant aussitôt. Carbonate d’ammoniaque. . . . . Precipite blanc très abon- dant , se redissolvant dans un excès. Nitrate de baryte. . . . . : . .. Précipite blanc assez fort, dont une partie résiste à l’action de l'acide ni- trique. CLASSE DES SCIENCES. 59 Teinture de galle . . . . . . . . Prend de suite une cou- leur brune. Nitrate d'argent . . . . . . . . Précipité blanc caillebotté, considérable, qui brunit un peu, et qui se re- dissout en grande par- tie dans l'ammoniaque. Il reste des flocons gri- satres. Phosphate de soude. . . . . . Précipité blanc floconneux assez considérable. Oxalate d’ammoniaque. . . . . Précipité blanc très con- sidérable. Sous-acétate de plomb. . . . . Précipité blanc énorme, se redissolvant, pour la : plus grande partie, dans + à ù l'acide nitrique. Cyanure ferroso-potassique. . . Teinte d’un vert bleuâtre ; trouble léger. Cyänure ferrico-potassique. . . Rien. Suhydrate d’ammoniaque . . . Précipité verdätre consi- d dérable. Les flocons se réunissent bientôt, et ressemblent alors au précipité formé par les alcalis dans les proto- sels de fer. Ghlorureérd'on sas" "t Rien. Les lames et feuilles d'argent, maintenues long-temps en contact avec l’eau, ne prennent aucune couleur brune. Soumise à l’action de la chaleur, cette eau laisse dégager une grande quantité d'acide carbonique, puis se trouble , et abandonne-ume poudre de couleur rougeâtre. Elle se comporte donc absolument, dans ce cas, comme les eaux ferrugineuses acidules. 6o ACADÉMIE DE ROUEN. La densité de cette eau est de 1,00425. Comme nous l'avons dit plus haut, l’eau de Saint-Allyre laisse échapper des bulles de gaz, au moment où elle arrive au jour. Afin de connaître la nature de ces gaz, nous avons cherché à en recueillir une certaine quantité; mais, comme cette opération eût demande un temps considérable, et pre- senté beaucoup de difficultés, en essayant de recueillir les bulles qui s’échappent de la source principale, nous avons opéré sur une branche de cette source, qui se trouve à peu de distance de la première, et qui est au fond d’un puits de six à sept pieds de profondeur seulement. Il sé fait dans ce puits un dégagement continuel de gaz; aussi, cette cavité en est-elle constamment remplie. Les ouvriers ne peuvent y rester plus de quelques minutes ; un chien, qui y était tombé, a été promptement asphyxié. Là , il nous a été facile de recueillir une certaine quantité du gaz, au moyen d’un flacon à large ouverture, et entière- ment rempli d’eau, que nous fimes descendre et que nous retournämes au sein du liquide. Le gaz recueilli avait une odeur piquante ; il rougissait la teinture de tournesol, troublait l’eau de chaux en blanc, et eteignait les corps en combustion. Analysé au moyen de la potasse caustique et du phosphore, il était formé, sur 100 parties en volume, de : Gaz acide carbonique. . . . . 68,83 Gaz ao "0 "24. 0 a550 CAO ER CT 0020 100,00 IL. Examen chimique de l'eau de Saint-Allyre. Nous avons procédé à l'examen chimique de l’eau de St- Allyre, en suivant les procédés les plus exacts que la science possède aujourd’hui. Nous ne croyons pas nécessaire de les CLASSE DES SCIENCES. 6x décrire ici, attendu qu’ils sont assez connus des chimistes. Nous nous bornerons à faire connaître les résultats que nous avons obtenus. Un litre d’eau évaporée avec beaucoup de soin donne un résidu de substance saline , dont le poids s'élève à 4 gram- mes 64 centigrammes. Voici la composition d’un kilogramme de cette eau : Acide carbonique libre. . . . . . 1,4070. : . 1,4070 PRAEER Carbonate de chaux. . . . . . . . 1,6342 de magnésie . . . . . . 0,3856 de soude 2-0 0,1886 RE CS PORN 0,1410 Sulfate de soude. . . . . . . . . 0,289 : è : . 4,6400 Chlorure de sodium. . . . . . .. 1,2519 DICO Pre ele ec 0e 0,3900 Matière organique non azotée. . . 0,0130 Phosphate de manganèse. A Carbonate de potasse . . =}. . . 0,062 Crénate et apocrénate de fer | $ PAR C0. El te tdi 6190290801, 002:00A0 1000,0000 L'eau de St-Allyre est donc une eau ferrugineuse-acidule , analogue aux eaux de Spa, de Pyrmont , de Provins, de Vi- chy, etc., mais avec cette différence qu’elle renferme une très grande quantité de carbonate de chaux. Ce sel, ainsi que les carbonates de magnésie et de fer ; tenus en dissolution dans leau à la faveur de l'acide carbonique, ne tardent pas à se déposer , dès que l’eau a le contact de l'air ; et c'est là ce qui produit ce sédiment d’un jaune rou- geâtre qui se forme dans le réservoir et les conduits dans lesquels Peau s’ecoule. Lorsque cette source coulait librement sur le sol, à une époque dejà fort reculée, elle abandonna peu à peu, 62 ACADÉMIE DE ROUEN, ie long de son trajet, ces carbonates terreux et métalliques, et forma ainsi cette masse de travertin qui constitue le pont de pierre. Ce depôt commence à fleur de terre vers l'extrémité qui était la plus rapprochée de la source, et il augmenta rapidement en hauteur et en épaisseur, à mesure que l'on avance vers son autre extrémité, Sa surface superieure , d’abord très étroite, s’élargit graduelle- ment, et l’on remarque encore une espèce de sillon qui ser- vait, sans doute, à conduire les eaux qui elevérent elles- memes cet aqueduc,. « Quelques personnes prétendent que les Beénédictins de St-Allyre, dans l'enclos desquels s'épanchait cette fontaine , craignant que son dépôt ne vint à envahir le sol fertile de leur abbaye, dirigèrent d’abord ses eaux de manière à les conduire dans le ruisseau de Tiretaine, qui traversait leur propriété. Quoi qu'il en soit, l’eau inerusta bientôt le canal qui lui avait été tracé; elle finit par le combler, et, suivant cependant la même route que lui tracait d’ailleurs la pente du terrain, elle coula sur son dépôt; elle l’augmenta tous les jours, et, comme la matière calcaire se déposait plus fa- cilement sur les bords que dans le milieu, elle laissa dans cette partie le sillon peu profond qui lui servait de conduit. Les eaux, arrivées à l'extrémité de la muraille , se répan- daient dans le ruisseau qui mettait un terme à leur dépôt; bientôt cependant la muraille s’éleva sur le bord , et, dès qu'il y eut une chute, il y eut bientôt aussi un prolonge- ment de matière calcaire qui avanca au dessus de l’eau. Des plantes aquatiques ne tardérent pas à s'y développer , et leur végétation , activée par les matières salines contenues dans les eaux minérales, couvrit de touffes de verdure le rocher qui venait de se former. Mais ici la nature était encore dans toute son activité; un dépôt de carbonate de chaux et de fer hydroxidé couvrait en peu de temps les végétaux vi- goureux qui avaient pris possession de ce sol encore vierge; CLASSE DES SCIENCES. 63 - les mousses et les coquillages qui venaient y chercher la frai- cheur étaient saisis en méme temps, et tous ces matériaux accumulés ne servaient qu'à exhausser le terrain ; à multi- plier les surfaces, à augmenter les points de contact, et fa- vorisaient puissamment la formation d’une arcade dont la nature seule avait formé le plan. Qu'arriva-t-il enfin au bout d’un grand nombre d'années ? C’est qu'une arche tout entière parut sur le ruisseau, dont le cours eût été arrété, Si ses eaux n'avaient pas enlevé, au fur et à mesure de sa pré- cipitation, la matière calcaire apportée par les eaux qui ve- naient croiser les siennes. « Le ruisseau de Tiretaine ne fut plus dès-lors un obstacle au cours des eaux de St-Allyre; elles l'avaient traversé et se disposaient dejà à franchir un autre bras de ce ruisseau, en formant une nouvelle arche. Celle-ci se voit encore à demi formée, avancant au-dessus du ruisseau, et restant suspendue sans soutien, Une cause qui nous est inconnue changea le point de sortie des eaux minérales » et l’aquedue fut à sec. Tout porte à croire que le dépôt etait plus abondant autrefois qu'à présent; cependant, la nouvelle source a encore dépose des masses de travertin assez consi- dérables. « Le propriétaire a eu l’idée de diriger une partie de ses eaux sur un des points du ruisseau de Tiretaine , et, depuis un certain nombre d'années, elles ont commencé un nouveau pont dont on suit annuellement les progrès. Là, on peut voir avec détails comment s’est formé le grand pont de pierre. Le même phénomène se reproduit en petit ; les mêmes eaux y concourent , les mêmes plantes se déve- loppent sur la pierre qui se forme ; des mousses verdoyantes cachent les dépôts ferrugineux qui recouvrent toutes les surfaces; mais bientôt l'hiver vient mettre un terme à la végétation , et l’eau achève ce qu'elle avait commencé ; elle empâte tout ce qui se trouve autour d'elle, et forme des 64 ACADÉMIE DE ROUEN. stalactites calcaires qui ont un brin d'herbe pour point d'appui. » (Lecoq , loco citalo.) M. Clémentel-Doucet, propriétaire actuel de la source de Saint-Allyre, a profité de la propriété incrustante de ses eaux pour faire de jolies incrustations, ou, comme on dit très improprement, des pétrificalions, qu'il vend aux étrangers qui viennent en foule visiter cette fontaine singu- lière. Voici comment ces incrustations s’obtiennent. Nous entrons dans ces détails, parce que la plupart des auteurs qui ont écrit sur les eaux minérales ont donné une très fausse idée de la manière dont se forment les incrustations terreuses. L'eau , au sortir de la source, est dirigée, par une rigole en bois de quatre pouces de large environ, et qui, de distance en distance, présente une largeur et une profondeur plus grandes, dans une espèce de cuve assez profonde, d’où elle se répand, sous forme de filet, sur la plate-forme de deux petites chambres en bois, de huit à neuf pieds de hauteur et de dix à onze pieds de largeur. Ces plate-formes sont percées de cinq à six trous, qui permettent à l’eau de s’écouler dans l'intérieur des chambres. Des supports en bois, disposés contre les parois des chambres, recoivent les objets qu’on veut pétrifier. L'eau, en tombant sur des pierres, jaillit de tous côtes, sous forme de pluie fine , sur tous les corps envi- ronnants. Par suite du choc, et de la grande surface qu’elle présente à l'air, elle se dépouille promptement de son excès d'acide carbonique, et, dès-lors, les carbonates , insolubles par eux-mémes , se déposent sur les objets qui sont mouillés par l’eau, Ces objets sont des grappes de raisin, des fruits de châtaignier, des chardons, des feuilles de figuier, des nids d'oiseaux, des artichauts, des corbeilles de fleurs, des petits animaux, des singes et des chiens empaillés, etc. Il faut environ un mois de sejour dans les chambres, pour que les petits objets soient recouverts d’une croûte assez épaisse CLASSE DES SCIENCES. 65 pour qu'elle ne se brise pas par le transport. Plus les corps sont volumineux, plus il faut de temps pour les incruster convenablement. Un chien de moyenne taille exige au moins rois mois. On cherche, surtout, à ce que le dépôt soit le plus blanc possible. M. Clémentel, ayant observé que l’ocre, c’est-à-dire l’oxide de fer hydraté, se dépose en premier lieu, a cherché à favoriser, autant que possible, son dépôt; et, pour cela, il a multiplie, sur le trajet de l’eau, les petits réservoirs creux et larges dont J'ai parlé plus haut. En effet, c’est principale- ment dans ces creux que l’ocre se dépose; toutefois, l’eau en retient toujours assez pour que les incrustations des cham- bres en contiennent encore de manière à colorer sensible- ment les objets. C’est surtout sur ceux placés dans la partie supérieure des chambres que l’ocre se dépose en plus grande quantité : aussi, quand on veut terminer l’incrusta- tion d’une matière quelconque , et la blanchir, on la place sur les derniers supports, et sur le sol méme des chambres *. M. Clémentel a observe que, pendant les pluies, les in- crustations sont plus chargées de fer, et par conséquent plus colorées que pendant les beaux jours. Lorsqu'on veut nettoyer les chambres, ou y faire quelques changements, on cesse de faire arriver l’eau sur les plate- "Au moment où l’on imprime ces lignes, mon ami Lecoq m’ap- prend que depuis quelque temps les deux chambres pour les in- crustations ont été remplacées par une petite maison en bois, où l’on incruste une beaucoup plus grande quantité d'objets. On a découvert, depuis mon voyage, une nouvelle source qui dépose un travertin cristallin, et on l'utilise avec succès. Les objets in- crustés par l'ancienne source sont actuellement exposés pendant 24 heures au contact de la nouvelle, qui les recouvre de nombreux et jolis cristaux étincelants. La fabrication de ces incrustations a été beaucoup améliorée par M. Clémentel, qui fait aussi maintenant une prodigieuse quantité de médailles sur des empreintes en soufre. La vente de ces objets est considérable, 66 ACADÉMIE DE ROUEN. formes, et on la dirige dans de grands cuviers en bois. Nous avons vu des masses de dépôts qui s'étaient formées dans ces cuviers. Elles présentent, dans leur intérieur, des cou- ches horizontales, alternativement ocreuses et blanches ; des zônes bigarrées : ce qui démontre bien que le dépôt de lhydrate de fer et du carbonate de chaux ne se fait pas simultanément , et qu’il y a des moments où celui de oxide de fer est plus considérable que celui du carbonate de chaux et vice versû *. Ou voit aussi, dans ces dépôts, des portions qui offrent un aspect de concrétions ou de filaments, de petites baguettes prismées, disposées de manière à si- muler une végétation. Il était curieux autant qu'instructif de connaitre la véri- table composition de ce dépôt terreux si abondant, fourni par l’eau de Saint-Allyre. C'était compléter l'analyse de l’eau elle-même. II. Examen du travertin moderne de Saint-Allyre. Le dépôt que je soumis à l’analyse était d’un jaune brun : M. Berzélius, dont on doit toujours consulter les écrits lors- qu'on se livre à quelque travail qui a du rapport avec ceux dont ce savant s’est occupé, a fait la même remarque à l'égard des tra- vertins déposés par les eaux de Carlsbad. Ces travertins sont, ou bruns, ou blancs, ou rubanés de brun et de blanc. « La variété brune contient une quantité beaucoup plus grande d’oxide de fer que la blanche, qui en est quelquefois tout à fait exempte. Cette circonstance mène à supposer, ou qu'il y a des différences acci- dentelles dans la quantité de fer que l’eau contient à diverses époques, ou que l'atmosphère a parfois un accès plus grand et plus libre vers le liquide, et qu'une plus grande quantité de pro- toxide de fer trouve alors occasion de se saturer d’oxigène et de se séparer. » (Examen chimique des eaux de Carlsbad, etc.: {nn. de chim. et de physique , t. 28, p. 372). M. Berthier, qui a fait l'analyse des eaux de St.-Nectaire, dép. du Puy-de-Dôme, a reconnu également que ces eaux déposent d’abord de oxide de fer. (4nn. de chim. et de physiq., t. 19, p.122.) CLASSE DES SCIENCES. 67 clair, avec des zônes d’une couleur ocreuse plus foncée; il était très friable. En suivant les procédés mis en usage par M. Berzelius , pour l'analyse des travertins de Carlsbad , j'arrivai à la déter- minalion exacte des principes constituants du travertin que J'examinais. Je ne répéterai point ici l'indication de ces pro- cédés ; je dirai seulement comment j'ai reconnu la présence du carbonate de strontiane et des acides crénique et apocré- nique. M. Berzélius ayant soupconné l'existence du carbonate de strontiane, sans pouvoir la mettre en évidence, je pris cinq grammes du dépôt reduit en poudre fine, et je les traitai par l'acide chlorhydrique, qui dissolvit le tout avec une vive ef- fervescence. Par l’ammoniaque , je me débarassai de presque toutes les bases. Je filtrai et évaporai la liqueur jusqu'à sic- cité. L’acide nitrique, en agissant sur le résidu , convertit la chaux et la strontiane en nitrates. Les deux sels furent alors traités par l'alcool pur. Le nitrate de chaux seul fut dissous. Il resta une poudre blanche dont la quantité était très faible : ce devait être le nitrate de strontiane. Dissous dans l’ean distillée , ce sel fut transformé en oxalate de strontiane, puis, enfin, en chlorure de strontium soluble ; mais la quantité de ce dernier était si minime, que je ne pus l’obtenir en cris- taux. J'en reconnus cependant très bien la nature en le dis- solvant dans l'alcool, et enflammant celui-ci ; la flamme prit, surtout vers la fin de la combustion , une couleur rouge très manifeste. L'essai, répété deux fois, donna les mêmes résultats, en sorte que la presence du carbonate de strontiane dans le tra- vertin de Saint-Allvre n’est plus douteuse. Les eaux de Saint-Allyre , enfermées dans des bouteilles, laissent déposer, au bout d’un certain temps, une poudre d'une couleur ocreuse. C’est principalement sur cette poudre que j'agis pour rechercher les acides crénique et apocrénique. 68 ACADÉMIE DE ROUEN. On sait que M. Berzélins a donné ces noms à deux acides organiques azotés, qu'il rencontra dans l’eau minérale de Porla, en 1834, et qu'il regarde comme constituant ce qu'on a appelé jusqu'ici le principe extractif des eaux minérales. (Annales de Chimie et de Physique, t. 11V, p. 219.) En examinant le dépôt ocreux trouvé dans les bouteilles , je fus bientôt convaincu que c'était du crénate et de l'apo- crénate de fer. Voici comment j'en fis l'analyse : Je fis bouillir la poudre avec de la potasse caustique, jus- qu'à ce que le fer fùt séparé à l’état d’hydrate de peroxide, sous forme de flocons bruns. Je filtrai et sursaturai la liqueur par de l’acide acétique. L’acétate de cuivre y fit naître un précipité brun d’apocrénate de cuivre. La liqueur fut filtrée, saturée par le carbonate d’ammoniaque, additionnée une se- conde fois d’acétate de cuivre, et maintenue pendant quelque temps à une température de 60 à 80 degrés. Ilse fit un pré- cipité d’un brun verdâtre : c'était du crénate de cuivre. En faisant passer un courant d'hydrogène sulfure dans de l’eau tenant en suspension les deux sels de cuivre, je parvins à obtenir les acides crénique et apocrénique dans un assez grand état de pureté : je constatai alors facilement les princi- paux caractères assignés à ces acides par M. Berzélius. J'ai déterminé les proportions de crénate et d’apocrenate de fer existant dans le travertin de Saint-Allyre. En traitant ce travertin par de l’alcool chaud , celui-ci se colora en brun, et laissa, par son évaporation dans le vide de la machine pneumatique, une matière organique brune, non acide et nullement azotée, bien differente, par conséquent, des acides crénique et apocrénique dont je viens de parler. Tous mes essais pour constater, dans ce travertin, l’exis- tence de l'acide fluorique, ou plutôt des fluorures, furent in- fructueux. M. Berzélius n'avait pas été plus heureux. En résumé, voici la composition du travertin ocreux de Saint-Allyre : CLASSE DES SCIENCES. 69 Pau: ir cost h0 mEaer: NRA ro Carbonaterdetchauxt #78 me. Mano — dermagnesie.}". "12h49 1016100. 138,60 — de’strontiaue. #0ee.1.9.1 #0 6520 Péroxide/debfer. RPM ARS A ET 8770 Sulfateÿdeïchauxse esta mere 1650 Sous-phosphate d’alumine. . . . . . . . . 6,12 Phosphate manganeux. . . . . . . . . . . 0,80 Crénate et apocrénate de fer. . . . . . . . 5,00 Matière organique non azotée. . . . . . . 0,40 SIC AE MERE EMILE MES o Perte: MU meet int Hé oS 100,00 En comparant la composition de l’eau de Saint-Allyre avec celle du travertin qu'elle dépose, on s’apercoit aise- ment que les proportions respectives des substances qui leur sont communes, offrent une assez grande différence. Le même fait s’est déjà présente à propos des eaux de Carslbad et de Saint-Nectaire, qui, comme celles de Saint-Allyre, déposent des concrétions calcaires sur le sol qu'elles parcourent. { Voir, à cet égard, les Mémoires de M. Berzélius et de M. Berthier: Annales de Chimie et de Physique, t. 28, p. 225 et 366; et L. 19, p. 122.) Aussi, nous dirons, comme M. Guibourt, «que si l'analyse des tufs produits par les «eaux minérales peut indiquer les principes peu solubles qui «s’y trouvent en quantité minime, elle peut difficilement ser- «vir à en indiquer les proportions. » (Histoire abréyée des Drogues simples ; 3° édit., t. 1, p. 390.) IV. Examen de l'ancien Travertin de Saint-Allyre. Il était intéressant de rechercher si l'ancien dépôt forme 70 ACADÉMIE DE ROUEN. par la fontaine de Saint-Allyre , à l'époque où elle possédait une puissance créatrice si considerable, avait la méme composition chimique que le travertin actuellement aban- donné par elle. Le résultat de cette recherche pouvait seul nous apprendre si cette eau n'avait point varié dans sa constitution, comme tant d’autres eaux minérales en ont offert d'exemples. Les caractères physiques du travertin de l’ancien pont de Saint-Allyre semblent indiquer dejà , avant toute expérience, que sa nature chimique est differente. En effet, il est d’un blanc jaunâtre, ou très legerement rougeûtre, c’est-à-dire d’une couleur bien moins foncée que le dépôt moderne. On n'y distingue pas sensiblement de zônes ferrugineuses. Sa densité est plus considérable ; il est beaucoup plus dur, très compacte, et offre généralement la texture de cer- taines pierres meulières. Un fragment, pris à l’origine du pont et par conséquent très ancien, nous à présenté la composition suivante : Baup tren genou MOT HEEN CONER ALRPUS e1010 00 Carbonate de chaux . 0 40,224 RE PE ea 0060 de magnésie . . derstrontianer 0 RP CE TUNo os Peroxiderde Len. prenne ten. 0 PRES. Ci MMOG Gp Sulaterde IGCHaUSS tracer yr er Pen sy mie 5,382 Sous-phosphate d’alumine. . . . . . . 4,096 Phosphate manganeux ut SO POEs as 0,400 Crenate et apocrénate de fer. . . . . . 5,000 Matière organique non azotée. . + . . + 1,200 DILCES er: Me UC: LAMPE LEVEL OA Perte. s 0,01 100,000 Un fragment, pris à l'extrémité la plus nouvelle du pont, nous a offert des différences notables dans les pro- CLASSE DES SCIENCES. 73 portions respectives de ses composants, puisque nous n'y avons trouve que des traces de carbonate de strontiane , 32 p. 0/0 de carbonate de chaux ; mais 9 p. 0,0 de sul- fate de chaux. Comme on le voit , l'ancien dépôt des eaux de St-Allyre diffère notablement par les quantités de quelques uns de ses principes constituants du travertin moderne, puisque , davs le premier , il y a une bien plus grande proportion de silice et de carbonate calcaire, et beaucoup moins de peroxide de fer. Nous devons en conclure que la composition des eaux de cette fontaine n'a pas toujours été la même ; qu'à l'époque où elles avaient une propriété incrustante si prononcée , elles étaient beaucoup plus riches en sels calcaires et en silice, et qu'à mesure que cette propriété s’est affaiblie , elles ont perdu peu à peu de ces principes, en même temps qu’elles s’enrichissaient en peroxide de fer. Beaucoup de sources thermales , surtout en Auvergne, ont, comme celle de St-Allyre, éprouvé des changements notables dans la constitution chimique de leurs eaux, et subi une diminution dans la proportion de leurs principes minéraux. Ainsi, les eaux de Saint-Nectaire, de Vichy , du Mont-Dore, n'ont plus la méme richesse en substances mi- nérales qu'autrefois , et leur composition n’est plus la même qu'à l'époque où elles formaient ces immenses dépôts sili- ceux et arragonitifères qu'on trouve aux environs des lieux où elles sourdent. Le filet d’eau qui constitue actuellement la source des Célestins a évidemment produit le grand ro- cher dur et compacte , sur lequel est construit le couvent , ainsi qu'une partie des anciens ramparts de Vichy. Leseaux du Mont-Dore déposérent jadis des masses assez considerables de silice ; c’est à peine si elles en abandonnent aujourd’hui. Les eaux de Szint-Nectaire ont déposé de l’arragonite, puis de la silice, puis des amas d’ocre très friable, puis des tra- 72 ACADÉMIE DE ROUEN. vertins; aujourd'hui, c’est uniquement dn carbonate de chaux un peu ferrugineux qu’elles laissent échapper. Ce n’est pas un des phénomènes les moins curieux que cet apauvrissement successif en principes salins et surtout en silice de la plupart des eaux minérales. Sa constance indique assez qu'il est lié à quelque grande cause dont lac- tion a été progressivement modifiée et affaiblie. Or , cette cause est très probablement la chaleur , car il est bien cons- tant, au moins pour la majeure partie des sources de l'Au- vergne, que leur température a sensiblement diminué. On concoit parfaitement que le volume et la température de ces fontaines s’affaiblissant graduellement, leur richesse en substances minérales, surtout en substances peu solubles , a dû suivre la même progression descendante. Les notables differences qui existent entre les résultats de mon analyse et ceux de l'analyse faite par Vauquelin, en 1799, proviennent, non de ce que la nature chimique de l'eau a change depuis cette époque si rapprochée , nous ne pouvons adopter cette idée, mais de ce que le célèbre chimiste normand n'avait point alors à sa disposition les moyens analytiques si variés et si précis que la science possède aujourd’hui. Toutefois, il y a un fait que nous ne savons comment expliquer: c’est la difference, assez con- sidérable, qui existe dans les quantités de résidu terreux obtenu par lévaporation d’un litre d’eau, par Vauquelin et par moi. Vauquelin n'a pu se tromper sous ce rapport; mais la moindre proportion de substances solides qu'il a obtenue ne viendrait-elle pas de ce qu'il aurait agi sur de l'eau puisée depuis quelque temps, et qui aurait abandonne une partie des sels terreux qu'elletient en dissolution ? Le dépôt que cette eau forme dans les vases oùon la conserve, ou lorsqu'elle est exposée à l'air pendant quelques moments, est si prompt à s’opérer, qu'ilse pourrait bien que ce fût CLASSE DES SCIENCES. 73 là la véritable cause de la difference que nous signalons. Au reste, ceci n'est qu'une présomption, mais elle nous” parait plus probable que celles qui consisteraient à ad- mettre , ou que Vauquelin a commis une erreur , ou que l'eau actuelle de Saint-Allyre est moins riche en substances salines qu'il y a trente-cinq ans. Ce n’est pas dans un espace de temps aussi court qu'il survient des changements aussi marqués dans la constitution chimique des eaux minérales. Comme le travail de Vauquelin, sur les eaux minérales de l'Auvergne , n’a jamais été imprimé, et que tout ce qui a ête fat par ce savant chimiste mérite d'étre connu, nous pu- blierons son mémoire à la suite du nôtre comme un hom- mage rendu à sa cendre. Les eaux minérales du département du Puy-de-Dôme, soit celles qui sortent immédiatement du terrain primitif, soit celles qui sourdent du calcaire lacustre , offrent, à peu de chose près, la même constitution chimique. Elles con- tiennent à la fois beaucoup d'acide carbonique et beaucoup de carbonate de chaux, avec une proportion notable d’oxide de fer: aussi, presque toutes donnent - elles lieu à des in- crustations plus ou moins abondantes. La plupart de ces eaux offrent encore, en petit, comme l’observe M. Lecoq, le phénomène qui a eu lieu, en grand, à l'époque de la for- mation des calcaires tubulaires et à phryganes, qui couvrent plusieurs points du même département. « On serait tenté de croire, dit ce savant géologue, en examinant ces dépôts, que les eaux qui leur donnent naissance les dissolvent dans les terrains tertiaires; mais il n’en est pas ainsi : il paraît que les sources sortent du terrain primitif avec ces pro- priétés. On ne peut même pas admettre que, imprégnées d'acide carbonique , elles dissolvent ensuite le calcaire, em traversant les terrains qui en sont formés; car on a plu- sieurs exemples de sources minérales (Saint-Nectaire, Cha- 74 ACADÉMIE DE ROUEN. lusset ; près Pontgibaud }, qui sortent immédiatement du terrain primitif, et déposent de suite un travertin sem- blable à celui de Saint-Allyre. L'eau de cette dernière source offre presque toujours 24 degrés de chaleur, ce qui indique qu’elle vient de l’intérieur de la terre, et qu'elle est probablement beaucoup plus chaude en sortant du granite sur lequel repose le calcaire. » « Ces differents faits font présumer que l'acide carbo- nique ; si abondant dans toute la Limagne , ne fait que tra- verser les couches calcaires qui la composent, mais qu'il ne s'y forme pas. Tout porte à croire qu'il s'échappe des fissures du bassin primitif sur lequel elles reposent, comme il sort visiblement avec des eaux minérales sur plusieurs points du département. » (Observations sur le gisement de l'acide carbonique et des bitumes dans le département du Puy-de-Dôme, par M. Lecoqg: Annales scientifiques de l'Auvergne , t. 1, p. 215.) Quoi qu'il en soit, les eaux de Saint-Allyre sont, de toutes celles du même département, les plus riches en carbonates de chaux et de fer. Les eaux de Sainte-Claire , qui coulent à peu de distance des premières , dans Clermont même et à l'entrée du faubourg de Saint-Allyre, ne renferment pas _ autant de matières en dissolution, et sont sensiblement différentes. Celles de Saint-Allyre sont plus riches en fer et en carbonate de magnésie ; mais, dans les deux sources, il \ a, à peu de chose près, les mêmes proportions de sel marin et de carbonate de chaux *. * L'eau des puits du faubourg de St-Allyre a une composition assez remarquable et qui n’est pas sans quelques rapports avec celle de la source inerustante. Voici , à cet égard , l'extrait d’une lettre que m'écrivait le savant M. Bouillet, en date du 4 janvier 1835 : « J'ai examiné ct goûté l’eau de plusieurs puits pratiqués dans le travertin qui recouvre le faubourg de St-Allyre. Un seul de ces puits, celui de la maison de MM. Rayne frères, rue de Fontgiève , CLASSE DES SCIENCES. 1 [eu Les eaux de Saint-Allyre, qui ont une saveur prononcée, et qui contiennent tant de substances minérales, possèdent des propriétés médicales énergiques. Depuis long-temps on les fait servir au traitement de différentes maladies. C’est surtout en bains qu’on les administre. M. Clementel a installe dix-neuf baignoires dans son établissement. La source de Saint-Allyre se divise en deux branches principales, dont l’une sert à alimenter les bains. Comme la température de l'eau n'est pas assez élevée, on est obligé de la chauffer pour le service des baigneurs, ce qui doit nécessairement apporter quelque changement dans sa composition. En effet, la chaudière dans laquelle on élève un peu sa tempe- rature se recouvre intérieurement d'un dépôt terreux si considérable, qu'on est obligé de la nettoyer tous les huit jours. Les conduits en bois qui distribuent l’eau s'engorgent LJ . . . . assez Noires, 1eb principalement ceux qui conduisent l'eau chaude, Au reste, cette précipitation des carbonates a particulièrement fixé mon attention. Son eau, froide, très lim- pide, a un goût fortement prononcé de bitume, mêlé, je crois, d’un peu d'hydrogène sulfuré, qui ne permet pas, non seulement de la boire, mais encore de la tenir quelque temps dans la bouche. Le dépôt qu’elle laisse (probablement de la chaux et de l’oxide de fer) sur les parois du puits, et sur une chaine de fer qui y est à demeure pour soutenir un sceau en bois , est d’une couleur noire très foncée, due, suivant toute apparence, à du bitume. « Malgré que j'aie cru reconnaitre de l'hydrogène sulfuré dans l’eau de ce puits, lorsqu'on y plonge une pièce d'argent, elle n’est nullement noircie. « J'ai laissé séjourner de cette eau dans un vase de verre couvert. Au bout de quatre jours, il s'était formé à la surface de l’eau une pellicule irisée très mince, parsemée de petits globules noirs de bitume, visibles à la loupe. De semblables globules s'étaient de même déposés au fond du vase. Après avoir enlevé la pellicule qui recou- vrait l’eau de ce vase, je l'ai goûtée : elle avait à peu près entière- ment perdu le goût désagréable qu'on lui trouve en la portant à la bouche immédiatement à sa sortie du puits. » 6 ACADÉMIE DE ROUEN. terreux et d’une partie de l’oxide de fer, ne doit pas dimi- nuer sensiblement les propriétés médicales de l’ean. Le prix d’un bain n’est que de 50 centimes. En raison de la matière organique qui existe dans ces eaux , comme dans toutes celles du même pays , et qui proba- blement est en partie unie à la soude, ces eaux ont quelque chose de doux et d’onctueux qu'on ne trouve pas dans les eaux ordinaires ; aussi les bains qu’on prend à Saint-Allyre sont-ils beaucoup plus agréables et probablement aussi bien plus salutaires. Il est certain que nous éprouvions , en nous plongeant dans leau de Saint-Allyre, un bien-être indéfi- nissable, que nous n'avions jamais ressenti en faisant usage des bains ordinaires. Comme on le voit, d’après ce qui précède, les eaux de la fontaine de Saint-Allyre ne sont pas seulement curieuses à cause des dépôts considérables qu’elles ont formés et des incrustations calcaires qu’elles servent à produire ; mais elles peuvent être considérées comme un agent thérapeutique puissant, dont il est à désirer qu’on tire un parti plus avan- tageux qu'on ne l’a fait jusqu'à présent. Si mes analyses ont pour effet d'augmenter le nombre des baigneurs, et d'attirer principalement l'attention des médecins, je me féliciterai de les avoir entreprises. Je ne terminerai pas ce mémoire sans témoigner ma reconnaissance à M. Bouillet, naturaliste distingué de Cler- mont, qui a eu la bonté de recueillir pour moi beaucoup d'observations thermométriques, et qui m'a adressé des ren- seignements intéressants. Je dois aussi des remerciments à M. Preisser, l’un de mes préparateurs et élèves, qui m'a aidé dans mes travaux analytiques. 2007000000 0500 0000060000 727000005:050500000000000 Sercssectes ANALYSE EAUX MINÉRALES D'AUVERGNE , PAR VAUQUELIN, AU MOIS D’AOUT 1799. EAU DE SAINT-ALLYRE À CLERMONT-FERRAND. $ 1. — Expériences par les réactifs. Les réactifs, en indiquant par les phénomènes qu'ils présentent le nombre et la nature des principes qui existent dans une eau minérale, servent à choisir le mode qui con- vient le mieux pour les séparer les uns des autres, et les obtenir isolés. Ce sont, pour ainsi dire, autant de questions que l’on fait à la nature, auxquelles elle fait des reponses claires et précises, mais laconiques : elle ne trompe jamais celui qui sait bien l’interroger et qui connait bien son langage. C'est à celui qui l'interroge à savoir d'avance quelle re- ponse elle lui fera ; il doit même savoir si la question est susceptible d’une réponse équivoque; ear, dans cette espèce de raisonnement , la réponse , quelle qu'elle soit, est toujours contenue dans la question. 1° L'eau de Saint-Allyre a une saveur acidule et légèrement bitumineuse : elle n’a pas d’odeur sensible. 78 ACADÉMIE DE ROUEN. 2° L'agitation y développe une assez grande quantité de gaz. 3° Par son exposition à l'air, elle se couvre d’une légère pellicule blanche , et se trouble quelque temps après. 4° Elle rougit la teinture de tournesol et verdit légèrement le sirop de violette. 5° La chaleur y développe une grande quantité de bulles gazeuses, qui sont suivies d’un dépôt terreux. 6° L'ammoniaque produit dans cette eau un précipite blanc floconneux , légèrement jannâtre, lorsqu'il est sec. 7° Le muriate de baryte y occasionne un léger precipité blanc , insoluble dans l'acide nitrique. 8° L’acide oxalique y forme un dépôt abondant , de méme qu'il y occasionne une effervescence assez vive. 9° Le nitrate d'argent y donne naissance à un précipite blanc-jaunâtre, dont une partie est soluble dans l'acide nitrique. 10° Le sulfure hydrogéné de potasse donne, avec cette eau , une couleur verte brunätre. 11° L'alcool gallique (infusion de noix de galle dans l'alcool) communique à la liqueur une couleur légèrement purpurine. En comparant les phénomènes observés dans le mélange des réactifs avec l'eau minérale de Saint-Allyre, l'on voit que les six premières expériences démontrent la presence d’un acide libre ; la deuxième et la troisième annoncent que c'est de l'acide carbonique, et la quatrième y fait soupconner l'existence d’une substance alcaline ; la cinquième prouve évidemment qu'une ou plusieurs terres sont tenues en disso- lution dans l’eau par cet acide carbonique ; la sixième vient encore à l'appui de la précedente, dans la preuve de l’exis- tence d’une matière terreuse ; la septième fait voir que l’eau contient un sel sulfurique ; la huitième y décèle la chaux CLASSE DES SCIENCES. 79 unie à l'acide carbonique ; la neuvième, un sel muriatique ; la dixième et la onzième, la présence du fer. Voilà toutes les substances qu'il a été possible de décou- vrir dans l’eau minérale de Saint-Allyre, par les réactifs ; mais les premiers indices ne suffisent pas pour connaître la véritable nature de cette eau, car chacune des substances indiquces plus haut n'y sont pas pures et isolées : elles y sont, au contraire, unies les unes avec les autres. Il faut donc, avant d’en entreprendre l'analyse définitive et tracer la marche la plus convenable à suivre, déterminer, par la connaissance des affinités simples où complexes, l’état où elles sont dans l’eau, les unes par rapport aux autres. Ainsi, comme il y à dans cette eau un carbonate alcalin, de l'acide sulfurique et de l'acide muriatique , il est évident que ces acides ne peuvent étre unis qu'à un alcali; car ces acides, unis à des terres, sont incompatibles dans une eau où il y a des carbonates alcalins. Par la même raison , la chaux qui se trouve dans l’eau de Saint-Allyre ne peut tre combinée qu’à l'acide carbonique, et, comme l’eau est saturée de cet acide, Falcali ne peut y exister à l'état de pureté, Enfin, s’il existe un alcali dans cette eau, et s'il y existe à l’état de carbonate , il s’en suit nécessairement que le fer y est dissous aussi par l'acide car- bonique : or, d'apres ces principes, il est certain que cette eau contient : 1° Acide carbonique libre ; 2° Carbonate de chaux tenu en dissolution par l'acide carbonique ; 3° Un carbonate alcalin (et, comme jusqu'à présent on n'a trouve dans les eaux que celui de soude , c’est une grande présomption en faveur de la soude ); 4° Un muriate alcalin, et vraisemblablement celui de soude ; 5° Un sulfate alcalin ; 80 ACADEMIE DE ROUEN. 6° Du carbonate de fer. Mais, comme il y a des substances sur lesquelles les réac- tifs n’agissent pas d’une manière sensible aux yeux , et que, d’ailleurs , il pourrait se trouver dans une eau quelque ma- tière qu'on n'aurait pas soupconnée , il ne faut pas se con- tenter de rechercher seulement dans, l'analyse dernière, les corps indiqués par les réactifs : le résultat de cette analyse en sera une preuve convaincante. $ 2. — Analyse de l'eau. 1° Pour déterminer la quantité d’acide carbonique con- tenue dans l’eau, on en a pris une livre qu'on a mélée avec l'ammoniaque, pour en séparer les terres. Le dépôt obtenu, lavé et séché , pesait 5 grains ; c'etait du carbonate de chaux mélé avec un peu d’oxide de fer. 2° On a versé ensuite, dans la liqueur précipitee par Fam- moniaque, et qui contenait alors de l'acide carbonique, à laide duquel le carbonate de chaux était auparavant dissous , une dissolution de chaux, jusqu'à ce qu'il ne se soit plus formé de précipité. Ce précipité lavé et séché pesait 27 grains; ce qui indique 9, 18100 de grains d'acide carbonique , qui auraient occupé à l'état de gaz 14,° 19100 pouces cu- biques. Cette expérience est fondée sur ce que l’ammoniaque en- lève au carbonate de chaux , par une affinité plus puissante , l'acide carbonique qui était la seule cause de sa dissolution dans l’eau, etsur ce que la chaux s'empare ensuite de ce même acide carbonique , combiné avec lammoniaque. Mais il faut observer que la quantité de carbonate de chaux obtenue dans cette expérience n’est pas la vraie expression de la quantité d'acide carbonique libre ; car le carbonate de soude qui existe aussi dans l’eau, fournit à la chaux son acide car- bonique, et l’on obtient un produit plus grand qu'il ne faut. CLASSE DES SCIENCES. BI Cependant , comme les éléments du carbonate de chaux sont en proportion connue , il sera facile de départir ce qui appartient à chacun d'eux , lorsque le rapport de ce sel avec les autres principes de Peau sera lui-même connu. S'il était possible de séparer par les réactifs toutes les substances qui sont en dissolution dans une eau minérale ; et si les propor- tions des composés qu'elles forment en se précipitant étaient exactement connues, on pourrait, à la rigueur, en faire l'analyse sans le secours du feu. Mais, sans compter qu’elle pourrait contenir des corps auxquels on pourrait ne pas songer, il arrive souvent qu'elles en contiennent plusieurs autres que les réactifs connus ne peuvent rendre sensibles, et conséquemment séparer de l’eau; et quelques-uns qui, quoique donnant des signes de leur existence , ne sont ce- pendant précipites qu'en partie : d'où il suit que lévapora- tion des eaux est absolument nécessaire pour avoir une connaissance parfaite des principes qu'elles renferment. En conséquence , après avoir déterminé la nature et les proportions des corps volatifs qui s'échappent par lactiorr de la chaleur, et tel est l'acide carbonique dans l’eau , dont il s’agit ici, douze livres ont été évaporées dans une bassine de cuivre étamée, jusqu'à ce qu'il n’en soit resté qu'environ huit onces. On a observé que, dès que la chaleur à com- mence à pénétrer la liqueur , elle s’est remplie d’une infinité de bulles d'air, dont le nombre augmentait avec la chaleur ; à mesure que cette effervescence avançait, on apercevait une terre se déposer et troubler toute la masse de l’eau. La partie liquide de ces douze livres d’eau évaporées ayant été filtrée, on a recueilli sur les filtres la partie ter- reuse, qui, lavée et séchée, pesait 2 gros et 22 grains; ce qui donne 13 grains 83/100 par livre. L'on voit, par ce resultat, que le précipité obtenu d’une livre de la méme eau, précipitée par l’'ammoniaque, ne donne pas la quantite exacte de terre qu’elle contient; il y en a 6 82 ACADÉMIE DE ROUEN. plus de la moitié qui y est restée en dissolution, puisque dans cette expérience on n’en a obtenu que 5 grains d’une livre, et que, par l’évaporation , on a eu 13, 83/100 grains. Cet effet est dù principalement à ce que le carbonate de magnésie s’est combiné avec le carbonate d’ammoniaque à l’état d’un sel triple qui est soluble dans l’eau, et dont l’effet est de retenir méme une partie du carbonate de chaux en dissolution. Ainsi, cette quantité de matière terreuse doit être déduite de celle du précipité formé par l’eau de chaux, qui l’a précipitée en même temps que l’acide carbonique uni à l’ammoniaque , et qui était libre auparavant dans l'eau. Les 2 gros 22 grains de matière terreuse dont on vient de parler avaient une couleur légèrement jaune; ils furent traités avec de l’acide sulfurique étendu de douze fois son poids d’eau, pour savoir s’il y avait de la magnésie ; lorsque l’effervescence occasionnée par l’action de l'acide sulfurique sur cette matière fut cessée, on filtra la liqueur, et on la fit évaporer. Le sulfate de chaux fut lavé avec un peu d’eau froide; il pesait 2 gros 59 grains, étant sec. La liqueur, dans laquelle devait se trouver la magnésie, fut évaporée à siccité; elle déposa un peu de sulfate de chaux, qu'on réunit au premier; le sel résultant de cette évapo- ration, dissous dans l’eau, fut mélé avec une dissolution de carbonate de potasse saturé d’acide carbonique. On obtint par ce moyen un précipité rougeätre, qui, lavé et séché, pesait 3 grains ; c'était de l’oxide de fer, quantité qui donne 0,25 grains d’oxide de fer par livre. La liqueur, dont le fer avait été séparé par le carbonate de potasse saturé, soumise à l’ébullition, a laissé déposer une poudre blanche très fine et très légère, qui avait tous les caractères du carbonate de magnésie , c’est-à-dire qu’elle se dissolvait facilement dans l'acide sulfurique , sans laisser de résidu; ce carbonate de magnésie pesait 4o grains. La combinaison de cette terre avec l’acide sulfurique, exposée CLASSE DES SCIENCES. 83 au soleil, à fourni 48 grains de sulfate de magnésie, ou sel d’epsum cristallisé. Ces expériences ont pour fondement la propriété du car- bonate de potasse saturé de précipiter l’oxide de fer de ses dissolutions, lorsqu'il est saturé d’oxigène, et de ne point précipiter la magnésie, parce que la quantité d'acide car- bonique contenue dans la potasse nécessaire à la Saturation de l’acide sulfurique, combine à la magnésie , est suffisante, non seulement pour saturer cette terre, mais pour la tenir en dissolution dans la liqueur, quelque concentrée qu’elle soit, et parce qu'enfin la chaleur, ayant la propriété de vo- latiliser la portion d'acide carbonique qui tient la magnésie en dissolution, la précipite dès qu'elle en est privée. En dé- duisant , des 2 gros 22 grains , résidu terreux fourni par les 12 livres d’eau, 40 grains de carbonate de magnésie, et 3 grains de carbonate de fer, nous aurons pour le carbo- nate de chaux 123 grains : ce qui donne , par chaque livre d’eau , 10,25 grains de ce sel terreux. Après avoir ainsi trouvé, comme on vient de le voir, la nature et les proportions des matières terreuses contenues dans l’eau de Saint-Allyre, on a procédé à l'examen de la liqueur dans laquelle les sels doivent être dissous. On se rappelle qu'il en était resté environ 8 onces. On les à fait évaporer dans un poélon d'argent ; à mesure que cette opération avancait, on apercevait sur les parois du vase une croûte saline se former et augmenter de plus en plus; on à eu soin de remuer la liqueur ainsi que le sel qu'elle déposait, afin qu'il ne s’attachât pas, et qu’en décrépitant , il ne sautât point hors du vase évaporatoire. Lorsque le sel a été parfaitement privé d'humidité, on la recueilli le plus exactement possible, et on la pese; son poids s'élevait à 2 gros 65 grains, ce qui fait 16, 41 grains par livre. Ce sel avait une saveur salée, et en même temps alcaline ; 84 ACADÉMIE DE ROUEN. il faisait effervescence avec les acides, et répandait des va- peurs blanches avec l'acide sulfurique concentré, phéno- mène qui annonce un sel muriatique et un sel carbonique alcalin. Cent parties de ce sel, dissoutes dans l’eau et mélées avec l'acide muriatique, par petites portions à la fois, jusqu'au point où l’effervescence a cessé d’avoir lieu, ont demandé de cet acide, pour être saturé, 1 gros 69 grains; et, comme cent parties de carbonate de soude pur et desséche, ont exigé, pour leur saturation, 4 gros du même acide, il est évi- dent que les 100 grains de sel provenant de l’eau minérale, contenaient 49 grains de carbonate de soude sec, et 5x grains de sel marin , également desséché. Coxczusiox. Ainsi, d’après ce qui a été expose dans le cours de cette analyse, en diminuant, sur les 27 grains de carbonate de chaux obtenus d’une livre d’eau précipitée par l’eau de chaux, les 8 grains de terre obtenus en moins dans la précipitation d’une livre de la même eau par lam- moniaque, l’eau de Saint-Allyre contiendra par chaque livre : 1° Acide carbonique libre 3 gr. 8, ou 5,97 pouces cu- biques inter one rte 0,000/412 2° Carbonate de chaux . . . . 10,25 — 0,001112 3° Carbonate de magnésie. . . 3,33 — 0,000361 4° Carbonate de soude. . . . . 6,69 —— 0,000724 5° Muriate de soude. . . . . . 7:13 — 0,000773 6e Oxideideïifenr ép-aetet: 4 0,25 — 0,000028 7, Quantités incommensurables de sulfate de soude et de matières bitumineuses sur la masse d’eau employée. Ainsi, somme totale, l’eau de Saint-Allyre contient 30, 48 de diverses substances par chaque livre ; soit 0,0033 environ. MONT-DORE. L'analyse de ces eaux a été commencée , mais on n’a pas CLASSE DES SCIENCES. 85 eu le temps de la finir. Voici le résultat des premières ex- périences. 8 livres 14 onces ont fourni , par l’évaporation : 1° Des matières terreuses vraisemblablement composées de carbonate de chaux et de magnésie; 2° Des substances salines, sans doute composées de car- bonate et de muriate de soude , 88 grains; ce qui fait, par livre, 9,98 grains. Nota. La température des eaux du Mont-d’Or est à 36 degres , et elles laissent échapper, au lieu où elles sourdent ; une grande quantité d'acide carbonique , qui produit, dans le bassin où elles sont réunies , une ébullition continuelle très considérable. MARTRES DE VEYRE. Sur les bords de l'Allier, à un quart de lieue des Martres de Veyre, il y a quatre à cinq sources d'eaux minérales salines et acidules, dont quelques-unes contiennent manifestement du fer; toutes laissent dégager une grande quantité d'acide carbonique , comme celles du Mont-d’Or, quoique leur tem- pérature ne soit pas beaucoup plus élevée que celle du sol. Six livres de l’eau de la source du Tambour (le bruit qu'elle fait en sortant, a fait donner à cette source le nom de linstrument qu'elle imite), ont fourni 84 grains de terre: ce qui fait 14 grains par livre; elles ont donné, de plus, 4 gros de sel, composé de carbonate de soude et de sel marin: ce qui donne 48 grains par livre. Cette eau contient aussi du fer en petite quantité. SAINT-MARC. En suivant les mêmes procédés, nous avons trouvé que chaque livre d’eau de Saint-Marc contenait : 86 ACADÉMIE DE ROUEN. 1° Acide carbonique libre...... 2,00 grains 0,000219 ou, en volume, 3,12 pouces cu- biques. 2° Carbonate de chaux........, 8,90 3° Carbonate de magnésie....... 3,50 4° Carbonate de soude.........12,60 5° Muriate de soude. .......,..10,73 6 Daide de IL 2er 01 7° Sulfate de soude, quantité in- commensurable, sur la quantité d’eau employee. Total pour chaque livre, 38,06 Nota. La température de cette eau est de 27 degrés. JAUDE. 1° Acide carbonique, en volume, 6 pouces cubiques environ; en poids.......... 20 Carbonate!de chaux. es 0e Dr 3° Carbonate de magnésie............. L°° Carbonate de tsouder 2. 22m b2 Murmtefde Soude. ts Lee de GP Oxideldefene La. ce ee sets ete 7° Sulfate de soude, quantité incommen- surable. 3,90 grains, 6,00 2,83 6,66 5,67 0,16 Total pour chaque livre d’eau , 25,22 ne 2225600006 0000575500600:000620005500550750550660:575000200008 DISCOURS PRONONCÉ , PAR M. HELLIS, MÉDECIN EN @HEF DE L'HÔTEL-DJEU DE ROUEN, Sur la tombe de M. Pierre-Philippe LEPREVOST , Docteur-Medecin, mort en cette ville, le 9 juin 1836, et dont les obsèques ont eu lieu le 11 du méme mois. Il était né à Beaumontel, arrondissement de Bernay (Eure ), le 13 mai 1767. Avant que cette tombe se referme, qu'il me soit permis d'offrir un dernier hommage à celui qu'elle va nous ravir! Il sera sincère, dépourvu d’ornements , simple et vrai comme celui qui en est l'objet. Tout autre éloge ne conviendrait point à M. Leprevost : l'homme de bien qui, pendant sa vie, fut tant éloigné du mensonge et de la flatterie, s’indignerait qu'on ne pt parler de lui qu’en invoquant le secours de ses plus mortels ennemis. Chacun de vous l’a connu, dans le cours de sa longue et honorable carrière : homme des temps antiques, il fut un digne représentant de cette médecine d'observation, sage et prudente, que l'esprit de système a trop fait négliger de nos jours. Laborieux, infatigable, dévoué au soulagement de ses semblables, tout chez lui fut de foi et de conviction. Jamais il ne connut d'autre distraction que l'étude, d'autre désir que 88 ACADÉMIE DE ROUEN. celui de s'éclairer, de jouissance plus pure que celle qu'il obtenait de ses succès dans sa pratique. Sévère pour lui plus que pour les autres, il dut souvent paraitre bizarre, celui qui fut toujours fidèle à ses principes en médecine, comme aux croyances de ses pères , et qui se tnt inchranlable au milieu de la mobilité et de linsouciance, de l'incrédulite de tout ce qui l'entourait. Indépendant, moins par fierté que par la noblesse de son caractère, il ne sut ja- mais fléchir devant les caprices du jour ; peu courtisan de sa nature, il fut, par conséquent, peu connu du pouvoir. Aucun honneur, aucune distinction ne le vint trouver ; au- cune charge publique ne lui fut dévolue. Son ambition se tint satisfaite de la confiance de ses concitoyens , qui surent l’apprécier et lui offrir d’amples dédommagements. Nous l’avons vu, pendant vingt-cinq ans, un des membres les plus assidus de Académie, qu'il présida avec beaucoup de distinction ; il ne cessa d’y donner des preuves d’une éru- dition profonde, de connaissances nombreuses et variées, et de cette bienveillante confraternité qui fait le plus grand charme des sociétés littéraires. Depuis plus de deux ans, éloigné du monde par une af- fligeante maladie , il sentit progressivement la vie s’éteindre. Il avait de bonne heure pressenti sa fin; il sut l’envisager en philosophe chrétien; il expira, avec calme, au milieu des soins empressés d’une famille fidèle héritière de ses traditions d'honneur et de vertu. Qu'il repose en paix, tandis que son ame ira prendre place avec celles des justes ! Qu’une tombe modeste recouvre sa dépouille mortelle ; qu'elle porte pour toute épitaphe : « Ci-git un homme de bien.» Ce titre me parait beau quand, ainsi que lui, on a consacré sa vie entière à s’en rendre digne. AAA AAA AAA AAA AA AA A AAA AAA AAA A AA AAA PRIX PROPOSE pour 1897. Programme. L'Académie Royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen rappelle qu'elle a proposé, en 1835, une médaille d'or de la valeur de 300 fr., qu’elle décernera, dans sa Séance publique de 1837, au meilleur mémoire inédit * sur les sciences physiques , chimiques ou mathématiques. L'Académie se réserve de porter la valeur du prix jusqu'à six cents franes, suivant l'importance où le mérite intrin- sèque des ouvrages qui lui seront adresses. Les mémoires, écrits en français ou en latin, devront étre adressés, francs de port, avant le 1° juin 1837, à M. Des- Alleurs, docteur-médecin, secrétaire perpétuel de l'Aca- démie pour la classe des Sciences , rue de l'Ecureuil, n° 19- Ce terme est de rigueur. * L'Académie entend ici par ouvrages inédits, ceux qui, non- seulement ne sont pas imprimés, mais encore qui n’ont été pré- sentés à aucune Société savante. go ACADÉMIE DE ROUEN. OBSERVATIONS. Chaque ouvrage devra porter en tête une devise qui sera répétée sur un billet cacheté, contenant le nom et le domi- cile de l’auteur. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où le prix serait remporté. Cette ouverture sera faite par M. le Président, en séance particulière, afin que le Secrétaire donne avis au lauréat de son succès, assez tôt pour qu'il lui soit possible de venir en recevoir le prix à la Séance p'blique. Les Académiciens résidants sont seuls exclus du concours. CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. apport FAIT PAR M. E. GAILLARD , SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L'ACADEMIE, mm Q a — MESSIEURS , Ce qui a caractérisé, dans le cours de l’année, les travaux de votre classe des lettres, c’est que, à peu d’exceptions près, les œuvres de vos correspondants et celles de vos re- sidants ont suffi à l’entretien d’une activité qui, fort éloi- gnee de se ralentir, me commande de ne faire que des men- tions très brèves. Arrètez d’abord vos regards sur l’histoire, et voyez que cinq travaux importants vous ont été soumis. L'istoire de Normandie de M. Licquet a donné lieu à M. Chéruel de rechercher ce qui distingue l'histoire d’une province de l'histoire du royaume. 92 ACADÉMIE DE ROUEN. Son rapport, imprimé dans la Revue de Rouen, divise l’histoire provinciale en deux âges: indépendance de la cou- ronne; réunion à cette couronne. Des rois faibles laissent naître la nationalité provinciale; de grands rois la font dis- paraître. Or, quand les provinces jouissent de leur nationa- lite, les récits de l'historien doivent être abondants; mais lorsqu'il ne reste plus qu’à signaler leur longue resistance à la centralisation , alors la concision doit présider à un narré de faits d’une importance secondaire. C’est le contraire chez l'historien du royaume : il est d'autant plus riche en details, que la France devient plus homogène. M. Chéruel exige des études fortes chez celui qui entre- prend l’histoire de Normandie : études des races et du génie propre aux Normands; études des chroniques de la pro- vince et de ses mœurs; études de ses lois , de ses arts, de sa littérature, de sa philosophie et de sa religion. Ce ne sera qu'à la suite de ces travaux qu’on obtiendra l’expressive , mais toujours changeante physionomie des Normands. Fé- roces au 1x° siècle comme les chroniques du temps, ils de- viennent d’une courtoisie toute féodale au xrr° siècle, ressem- blant en cela aux grandes épopées publiées à cette époque et où il n’était question que de Charlemague et de ses preux, d'Arthur et de sa Table Ronde. A l'art des détails, M. Ché- ruel veut que l’historien joigne des vues générales, et que, par exemple, s’il raconte les conquêtes des fils de Tancrède , il les rattache à la lutte du sacerdoce et de l'empire; car, dit- il, ce fut l'épée de ces Normands qui fit pencher la balance du côté des papes. Les principes ainsi posés par M. Chéruel, l’aideront plus tard à juger l’œuvre de M. Licquet. | Déjà nous pourrions les appliquer à l Histoire du Maine, par M. Pesche; mais ce correspondant n’a fait de cette his- toire qu’un préliminaire à son Dictionnaire topographique , historique et statistique de la Sarthe, auquel même il a ajouté CLASSE DES BELLES-LETTRES. 93 une biographie, réunion d'œuvres formant un livre qu'on accuse et que je veux défendre. Sans doute, c’est une bi- bliothèque tout entière, et l'esprit se confond, quand on songe que nos départements exigeraient quatre vingt-six descrip- tions de cette longueur; mais, si ce livre non encore achevé peut tenir lieu de tout ce qui fut publie sur la contrée , s’il indique jusqu'aux moindres vestiges d’antiquité, n'est-ce pas un immense service rendu au Maine, que d’avoir eu cette patience , ce zèle, et souvent cette sagacité. ( À ) Un autre de vos correspondants, M. Dusevel, remar- quable par la facilité et l'élégance de sa plume, vous a of- fert l'Histoire d'Amiens , la Bibliographie du département de La Somme et une Notice sur l'arrondissement de Mont- Didier, modèles de recherches curieuses et fort rapidement exposées. Il est fâächeux que l’ordre adopté dans l’histoire d'Amiens, sacrifie la chronologie à une certaine similitude dans les matières. Souvent le passé vient se présenter après l'avenir, défaut qu'une nouvelle édition peut faire disparaître. M. Dusevel a bien concu ce que devait être l'histoire d’une ville : là, sur des plans divers, se mon- trent les accroissements successifs de la cité , ses monuments, ses hommes célèbres; tout l'ouvrage offre des scènes va- rices , avec les costumes de tous les temps et les mœurs de tous les âges, sans que l'histoire de Picardie vienne jamais se mêler à celle d'Amiens. ( 8) M. le comte Arthur Beugnot vous a présenté de bien plus vastes recherches encore. Son {istoire de la chute du paga- nisme en Occident renferme, dans son cadre, les faits les plus importants arrives en Europe, depuis Constantin jusqu'à Charlemagne. Votre secrétaire des lettres vous a offert l'analyse de ce bel ouvrage, et on la retrouve en entier dans le journal de g4 ACADÉMIE DE ROUEN. l'Institut historique : ce qui me dispense de la reproduire ici, mais me conduit à remarquer combien de rapports, faits pour vous, se trouvent ainsi disséminés dans une foule de recueils. Les recherches que ce même secrétaire a faites sur le royaume d’Yvetot, vous ont paru mériter d’être imprimées dans votre Précis, où vous ferez paraître aussi son discours sur la langue francaise au x1x° siècle. Ici , à l’histoire civile et politique succède l'histoire litté- raire. Ce qui m’amène à mentionner honorablement le don que vous a fait M. Patin de son Histoire de la poésie latine ante- rieure à Auguste, M. Bignon, en vous rendant compte de ce peu de pages dues à notre habile corrrespondant ; vous à fait sentir leur mérite : en effet, que de remarques fines et justes ! quelle brièveté! et, d’un autre côte , quel soin de ne rien laisser à dire sur des poètes dont la série finit à Catulle, éle- gant et pathétique auteur des Noces de Thétis et de Pélée ! Ce même Catulle a eu pour traducteur M. Mollevaut , poète qui vous a adressé son Ode à la postérité. Et c'est en- core M. Bignon qui, dans une spirituelle improvisation , vous a très bien fait connaître cette nouvelle production de l’un de nos correspondants les plus laborieux. Que si, du latin, nous passons aux langues vivantes , nous nous souvenons aussitôt du rapport de M. Ballin sur les re- cherches de M. Mary-Lafon. Celui-ci s’est occupé à mon- trer , dans la langue romane, l'origine de l'italien, de l’espa- gnol et du portugais. Grâce à l'élément romain , au celtique, au grec, au goth et à l'arabe , infiltrés dans les idiômes du midi, ceux-ci ont pris leur forme actuelle, mais avec ces différences que la langue limousine est passée en Espagne , la provencale en Italie, et que, vers 1072, l'établissement CLASSE DES BELLES-LETTRES. 95 de Henri de Bourgogne a formé le portugais , en le remplis- sant de provencal. Venu à Rouen, M. Mary-Lafon a souhaité d'assister à une de vos séances, où il vous a peint ce qu'il venait d’é- prouver dans une ville par lui nommée le Musée du moyen- âge. Etant allé sur notre fleuve, il avu surses eaux se refléter le bronze de Corneille, et, depuis lors, l’auteur du Cid a parlé fortement à son imagination, et l'a conduit à vous expliquer comment il concoit que l'aspect de Rouen , il y a deux siècles, a dû diriger l'intelligence de Corneille, et mettre dans son idiôme et son théâtre le grandiose de nos monuments religieux et civils. ( €) Dans une séance subséquente, M. Victor Hennequin , que vous veniez de nommer votre correspondant, malgré, ou mieux à cause de ses dix-neuf ans, vint aussi vous lire un fragment de ses études sur l’histoire de la philosophie ; philo - sophie, dit il, quine fut féconde que dans la Grèce, et dont le caractère , d’abord religieux et lyrique, se transforma, sous Périclès, en un éveil des esprits destiné à les agiter et à leur faire oublier les dieux. Un âge de transition entre les deux époques est la pein- ture à laquelle le très jeune historien s’est appliqué devant vous. Son effort nous a valu deux portraits, l'un de Solon , l'autre d’Anacharsis, à la suite desquels il a recu vos justes louanges , par l'organe de votre président, (D) Déjà M. Floquet, au nom d’une commission, vous avait fait connaître tout le mérite du Voyage philosophique en Angleterre et en Écosse, livre du même M. Hennequin , et qui abonde , selon le rapporteur, en pensées neuves, pro- fondes , généreuses , élevées, toutes exprimées avec un rare bonheur ; livre amusant et sérieux, où l'intérêt ne se refroi- dit pas, mais se soutient depuis la première page jusqu’à la dernière. 96 ACADÉMIE DE ROUEN. On pourrait en dire autant des Voyages en Italie et en Bavière, dont M. Hippolyte Le Monnier vous a fait hom- mage : «Je ne sache pas, vous à dit M. Garneray, qu'il «existe beaucoup d'ouvrages descriptifs plus consciencieux «et plus intéressants que ceux-ci. C'est une comparaison « continuelle du présent et du passé. L'auteur y parle des «arts et des artistes de la manière la plus judicieuse et la « plus éclairée. » Cette louange vive, donnée par un juge tel que M. Garneray, vous a semblé méritée, quand elle s’ap- plique à un correspondant tel que M. Le Monnier. Dans une revue monumentale , historique, et surtout cri- tique, intitulée Rouen, M. de la Quérière, selon M. Dupu- tek, a porté de bien sévères arrêts : « Un mauvais génie, dit « l’auteur, semble présider à tous les travaux qui s'executent « dans notre cité: ce génie fait avorter les conceptions les « plus heureuses , ou bien il mêle des idées mesquines et par- « cimonieuses à des plans qui devraient se dessiner larges et « grands. » Dans son rapport, M. Duputel a eu soin d’indi- quer une foule de passages où le style de l'écrivain brille par sa verve et sa vigueur. L'esprit de critique anime aussi le Petit Glossaire de M. Boucher de Perthes : « Sous une forme légère , ce corres- «pondant, dit M. de Caze, a le mérite de nous offrir les « réflexions les plus graves et les idées les plus sensées : pa- « lais, salon, boudoir , bureaux, surtout ceux des douanes, c et jusqu'aux abîmes du vice, lui donnent lieu de présenter LC des apercus piquants et des contrastes inattendus. Que si «le bien public, la guerre civile , le mariage , le divorce, « sont aussi de son ressort, on peut dire pourtant qu'où il est « vraiment sur son terrain, c’est dans le portrait du direc- « teur en province *, article dont le sel égale l'enjouement. » : M. Boucher de Perthes est directeur des douanes à Abbeville. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 97 Dans plusieurs autres occasions, M. de Caze à employé ce même style : ainsi, Messieurs, vous vous rappelez ce qu'il vous a dit des travaux de la Société philotechnique de Paris; des vers, toujours spirituels, mais parfois négligés, dont M. Le Flaguais compose ses Neustriennes ; d’un jeune pâtre, décrit au Mont-d'Or par M. Lecoq; de lutilité pro- blématique d’une Société qui se charge d'encourager le com- merce national; et, enfin, de cette Revue anglo-francçaise, dont ses comptes-rendus vous ont fait apprécier le rare mé- rite. En l’absence de M. de Caze, M. Emmanuel Gaillard s’est chargé de vous parler de la 12° livraison de cette même Re- vue, où trois articles ont recu ses éloges , savoir : le Siege de Parthenay, en 1419; l’Insurrection de l’Aquitaine, en 1367, et la Notice sur Jean Bailleul, roi d'Écosse, due au savant marquis Lever. De son côté, M. Paillart vous a fait connaître un morceau curieux , extrait de la Revue de Lorraine, où se trouvent exposées les raisons favorables à la résurrection des pro- vinces, mesure politique dont nous n'avons pas à nous oc- cuper ; mais On Y joint l'idée de briser le joug littéraire qu'on dit appesanti sur nous par la Capitale, ville fort innocente de ce dont on l’accuse. Ce thème, fourni par l'esprit de ja- lousie, s'est emparé de tous les recueils, où on l'a usé à force de le reproduire : les Sociétés savantes ont une plus noble émulation. Voyez l’Académie royale de Dijon : son Recueil, dont M. Auguste Leprevost vous a rendu compte par l'organe de M. Ballin, est la meilleure preuve des travaux consciencieux qui se font en province. Aussi votre rapporteur vous a-t-il conseillé, en terminant, de consulter tous, et souvent, les œuvres d'une académie telle que celle de Dijon. J'en dis autant du Précis qui vous a éte offert par la So- D] / 98 ACADÉMIE DE ROUEN. ciété des Études diverses, instituée depuis trois ans dans la ville du Havre. Le résumé analytique de 1835, que j'ai exa- miné , m'a montré un esprit sage, modeste, laborieux. Une foule de questions d'économie politique sont abordées avec courage , traitées avec conscience , et résolues dans des vues d'intérêt local. On peut combattre les systèmes adoptés , mais on estimera toujours la lucidité avec laquelle ils sont expo sés. Le Havre, par sa Société d'Études diverses, a pris un rang élevé parmi nos villes littéraires et scientifiques. Entrés, tout-à-l'heure, dans l'examen des rapports qui vous ont été faits sur les travaux des Sociétés qui correspon- dent avec vous, c’est l'instant peut-être de se demander si, imposant , ainsi que vous, leur censure paternelle sur les œuvres qui se produisent dant leur sein, elles ne surpassent pas, en fécondité et en mérite littéraire et scientifique , les recueils de la presse indépendante? Pour aider à résoudre cette question, il suffit, peut-être, de montrer combien les mémoires de l'Académie des Sciences et ceux de l’Académie des Inscriptions sont compulsés, tandis que sont peu relues les Revues parisiennes, d’ailleurs si distinguées. La solidité des recherches faites par nos corps savants leur attire les hommages de l'étranger, et c’est une sem- blable justice que votre secrétaire des lettres a voulu rendre, dans deux rapports , à la Société de l'Histoire de France et à l'Institut historique (£ et F#). M. Paillart vous a dit, de son côté, combien étaient estimables les pièces que la Societé libre de l'Eure a consignées dans son 23° Numéro. Il s’est associé à une idée émise par M. Sellier : non-seulement , avec lui, il veut qu'on popularise la connaissance des lois pénales , en les présentant sous une forme claire et précise ; mais il désire, en outre , que l’on mette ainsi à la portée de tout le monde les dispositions legales les plus usuelles. M. Hellis, en étudiant les travaux faits par l'Académie CLASSE DES BELLES-LETTRES. 99 ë royale de Lyon, s’est plaint qu'une telle réunion d'hommes d'élite se montrât si sobre d'impressions. 11 s’est plu à énu- mérer les précieux documents qui restent, à Lyon, enfouis dans les cartons d’un corps laborieux, mais trop timide dans ses productions. Quant à vous, Messieurs, on ne peut que vous féliciter de votre ardeur à publier. C'est ainsi que M. Deville, qui vous à lu sa Notice sur le château de Gisors, vient de la faire paraître dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie; que son Tombeau de Virgile , poésie imitée de l'antique, après avoir recu de vous un doux accueil, s’est trouvé inséré dans la Revue de Rouen ; qu'un Mémoire sur Pabbaye de l'Isle-Dieu, dont M. de Stabenrath a occupé June de vos séances, se lit dans la Revue historique des cinq départements normands. M. Ballin, ayant fait pour vous seuls sa Notice sur le comte Aldini, vous avez décidé de donner une place dans votre Précis à cette biographie, touchante marque d’une constante gratitude ! Pourrais-je oublier ici le livre de M. Magnier, dont deux ans de suite vous avez publié des fragments, et sur lequel, cette année, j'ai eu l'honneur de vous faire un rapport, trop long pour que je ne me borne pas en ce moment à une simple mention, félicitant notre confrère d’avoir achevé un plan d'éducation fort ingénieux , à l’aide de ses expériences de père ((). Je regarde aussi comme un livre d'éducation ce Georges, roman de M. Théodore Muret, que M. de Villers à analysé pour vous. Style pur et brillant, mœurs prises dans l’époque , inten- tion vraiment philosophique, voilà ce que M. de Villers a reconnu dans l’œuvre de notre compatriote et correspon- dant. Toutefois, il n’a pas dissimulé que la contagion du suicide à une telle gravité, qu'il ne suffit pas d'attaquer 100 ACADÉMIE DE ROUEN. quelques coureurs d'aventures galantes , quelques jeunes o1- sifs succombant sous le poids de leur nullité. « Quand la ma- « ladie prend pour victimes un Castelreagh , un Léopold Ro- « bert, un Gros, c’est au roman, dit M. de Villers , à élargir « son cadre. » Je regrette que le besoin d’être bref ne me permette pas de m'arrêter sur une composition si distinguée et un rapport de cette importance (1); mais, pour détourner votre atten- tion du suicide, je dois arrêter vos esprits sur ces exemples de vertu dont le prix Montyon est la glorieuse récompense. M. Duputel vous les a fait connaître, en vous rendant compte des publications faites, à ce sujet, par l'Académie française. Le même rapporteur, après avoir félicité la compagnie de ce que presque toutes les fables du recueil de M. des Guerrots se trouvent dans nos Précis, a exprimé, en peu de mots, les sentiments de constante affection que vous portez au fa- buliste. Votre Précis de 1835, qui contient plusieurs des fables de M. des Guerrots, a donné lieu à M. Deluc, de Genève, de vous offrir des reflexions critiques, que vous accueillerez toujours avec profit et bienveillance. Ici se men- tioune un rapport de M. Delaquérière, sur le Guide à Fé- camp, de M. Germain : appréciation rapide et juste d’un ou- vrage où l'on remarque des inexactitudes et beaucoup de faits utiles à connaitre. La lettre que M. Berger de Xivrey a adressée à M. le comte Anatole de Montesquiou , nous a valu, de M. Langlois, un compte-rendu dans lequel, à propos de sujets d'archéologie, il a déposé quelques-unes des fleurs de son érudition. M. l'abbé Gossier ne vous a pas fait moins de plaisir, en vous parlant de plusieurs discours prononcés, en Belgique, par M. le baron de Stassart. Je me hâte de men- tionner ce que je vous ai dit sur des labarums remarqués par M. de Raffetot, à la porte des églises de la vallée de Baréges, pressé que je suis d'accomplir un devoir impérieux , celui de vous parler des titres de ceux que vous vous êtes associés. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 107 Qui de vous ne se souvient du rapport de M. de Staben- rath sur les œuvres de M. Leglay, et de l’anecdote ra- contée par ce savant sur les Archives du Nord, dont il est le conservateur ? Condamnées un moment à la destruction, ces archives furent considérées comme un pur reste de la féodalité. Accueillant M. Leglay, vous nommâtes aussi, pour votre correspondant, M. le baron de Reiffenberg, l'une des lumières de la Belgique, titre que vous prouva le rapport de M. Gossier. Les droits à vos suffrages , qu'avait M. Victor Hennequin , ayant été reconnus, M. Bignon nous exposa ceux de M. Rey, dont la plume est si féconde et les connaissances si variées, soit dans l’histoire, soit dans les arts manuels. Je me suis trouvé appelé à vous parler de la haute considération dont jouit, parmi les érudits, M. le marquis Lever, l’un des fondateurs de la Société de l'His- toire de France. Possesseur d'innombrables notes sur l'histoire de la Picardie et de la Normandie, M. Lever est ici invité solennellement à faire jouir le public de tant de précieuses recherches. M. Louis du Bois , que vous avez nommé également votre correspondant, ne vous était pas moins précieux par les services multipliés qu'il a rendus à l’histoire de la province. Vous avez , durant l’année académique, appelé dans vos rangs MM. Fayet et de Glanville. Lors de leur réception, je ne manquerai pas de puiser , dans leurs discours, de quoi enrichir mon futur rapport. Mais, Messieurs, pourquoi faut-il qu'après avoir énu- méré vos collaborateurs nouveaux , j'aie à déplorer de nouvelles pertes. M. Masson de Saint-Amand, l'historien du comté d'Evreux, n’est plus. Il n’est plus, ce peintre nonagénaire qui vous appartenait comme vétéran, et sur la tombe duquelj'ai déposé l'hommage de vos regrets. (I) M. Descamps recevra de l’un de vous un éloge décerné 102 ACADÉMIE DE ROUEN. par l'amitié, par le savoir, et surtout par l'équité, Ce que dira M. Des Alleurs me dispense aujourd'hui d’ajouter rien à mon d'scours funéraire ; mais, à un autre de vos vétérans, M. Brière de Lesmont, je dois un tribut que son mérite réclame. M. Brière naquit à Dieppe, d’une famille riche, le 24 dé- cembre 1761. Élevé dans la religion protestante, il vécut très attaché à sa communion. Veuf de bonne heure, père d’un fils bien aimé , il est mort à Paris, le 6 décembre 1835. Jeune, il fut, à Paris, avocat au parlement. C’est alors qu'il concut pour nos vieux magistrats un enthousiasme qui ue s’est jamais refroidi, et dont il s’est inspiré plus tard. Mœurs , principes , études , il voulut tout conformer , en lui, à ce qu'il avait admiré dans le parlement de Paris. D'abord, maire de Dieppe dans des temps difficiles, il consacra ses soins et ses veilles à l’approvisionnement de sa ville. Dire les difficultés qu'il eut alors à vaincre pour nourrir ses vingt mille concitoyens, ce serait long; mais, ni ses services, ni ses opinions, ne le préservèrent de la prison. Sous les verroux, il traduisit Tacite, l'aimant pour avoir flétri la tyrannie. Sa seule vengeance fut, en sortant de la maison d'arrêt, de sauver d’une ruine complète celui qui Fy avait conduit. La somme prêtée fut considérable. Cependant, la profession d'avocat le captiva sous la répu- blique ; mais, vers le consulat, il fut appelé dans la magis- trature. Alors il se montra savant, profond, et surtout lumineux. Homme d’esprit, il ne s’est écarté qu’une fois de sa carrière, pour faire partie d’un corps politique ; mais, bientôt rentré dans le temple des lois, il a obtenu, sous tous les régimes , les honneurs de son état. Successivement attaché au ministère public à Dieppe et à Rouen, on le vit bientôt avocat général dans cette cour, procureur général à Limoges; enfin, douze ans, il s’assit sur les hauts sièges de la Cour de Cassation. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 103 Ce qui vous a fait songer à vous l’associer, ce furent ses succès d'audience. Vous lui ouvriîtes cette enceinte. Il y vint avec la réputation d’un immense savoir, range dans un ordre parfait, et tout entier dirigé vers les sources du droit. Vous ignoriez peut-être qu'il savait par cœur tous les discours de Daguesseau. Cependant une discussion sur les convenances littéraires, où il se montra d’abord irascible, vous révéla son amour pour les lettres. Noblement, il reconnut son tort, et fut aimable pour celui qu'il avait combattu. En 1819, devenu votre président, au lieu d’affecter les formes sévères de la robe de pourpre, il sut apprécier avec goût les plus célèbres écrivains de la Grèce, de l'ancienne Rome et de la France, depuis Corneille. Néanmoins, tou- jours magistrat , il Gt plus briller sa raison que sa chaleur. C’est que son caractère le portait à tout subordonner à cette raison qui est le guide, lornement et la pensée habi- tuelle du jurisconsulte. D’esprit et de cœur , il fut et ne voulut jamais être que magistrat. Parvenu à la vieillesse la plus honorée, cent fois il s’est dit heureux et fier tout en- semble de sa position si haute. Le dirai-je? cet homme voué à la justice, et qui voulait qu'on fût modéré, ne l'était pas toujours , comme homme du monde : tribut fatal payé à l'humanité! Contre ceux qui l'irritaient , il lancait des traits percants: nouvelle preuve qu'un cœur généreux peut s’allier à une humeur caustique. Ce défaut, je n'ai pas du le taire. Il ne vous empéchait pas d'aimer M. Brière : vous lui aviez donné le titre de vétéran, dont vous êtes avares. La Normandie a fait une autre perte. Mais un homme tel que M. l'abbé Dela Rue, pour être convenablement apprécie, demande plus de temps qu'il ne m'en reste. Aussi avez-vous ordonné que l'éloge que j'ai dû faire de ce grand érudit serait imprimé dans votre Précis. 104 ACADEMIE DE ROUEN. Je termine ce compte-rendu de vos travaux, en annon- cant une nouvelle marque de votre intérêt pour les arts. Conformément à la proposition que vous a faite M. Gar- neray, les artistes recevront de vous un encouragement égal à celui que vous donnez aux savants et aux litterateurs. NOTES ET ADDITIONS. (A) M. Pesche. En consultant l'ouvrage de M. Pesche, pour y trouver ce qui intéresse l'histoire de Normandie, on voit qu'au xr° et au xvre siècle, le Maine se trouva étroitement lié à notre province. D'abord, Guillaume-le-Conquérant et ses fils possédèrent cette province, sans cesse occupée à briser leur joug ; puis, de 1417 à 1450, durant l'occupation de la Normandie par les Anglais, la partie du Maine possédée par le duc d’Alencon fut le théâtre d’une résistance hé- roïque aux rois Henri V et Henri VI. C’est alors qu'on vit briller Ambroise Loré, capitaine, que M. Pesche appelle immortel, et qui fut l'honneur du Maine et légal des Lahire et des Xaintrailles. Sous ce rapport, le dictionnaire de la Sarthe mérite toute notre attention. Il la commande aussi par le jour qu’il jette sur nos camps et nos tombelles gallo-romaines. En effet, une suite de stations et de tumuli qu’on apercoit dans le Maine en général, et le long des rives du Loir en particulier, et qui sont à des distances rap- prochées et uniformes , donnent à penser et jettent du jour sur des stations pareilles trouvées sur les bords de la Seine = un = CLASSE DES BELLES-LETTRES. 10) et dans l’intérieur du pays. Parlerai-je de ce fait singulier concernant les vitraux de la cathédrale du Mans, dus à un évêque normand contemporain de Robert Courteheuse ? J'avoue que, ici, lassertion de M. Pesche me semble ha- sardée. Jusqu'à ce jour, la peinture sur verre n'avait pas paru remonter si haut dans l’ouest de la France. (B) M. Dusevel. Y a-t-1l quelque chose de plus rare que cette sobriété qui sacrifie l'abondance des ornements, et qui sait se renfermer dans un sujet qu'à chaque pas, on serait tenté d’etendre ? Ce mérite est celui que montre constamment M. Dusevel : et quiconque lit son Histoire d'Amiens avec le désir d’ap- prendre des faits relatifs à l'histoire générale de la Picardie , est surpris, et finit par être charme de voir que la narration se concentre dans Amiens. Il en est de même pour l'arrondissement de Mont-Didier. Le lecteur est occupé uniquement des lieux les plus re- marquables de cette contrée et des événements qui s’y sont passés. Cette preuve de sagacité et de retenue pleine de goût est aussi louable qu'elle est rare: d’ailleurs , il est im- possible de mieux choisir les couleurs servant à peindre l’une de nos plus grandes cités, et de la montrer avec plus de netteté dans ses formes successives, depuis les huttes de la Samarobrive gauloise jusqu'aux huit mille maisons de notre époque actuelle. Quel est celui de nous qui n'est pas allé admirer , dans la patrie de Gresset et de Ducange, cette cathédrale magnifique que bâtit un évêque du nom normand d'Eu, et qui eut pour architecte Robert de Luzarche , né en Normandie ? (C) M. Mary-Lafon. Selon M. Mary-Lafon, « il est impossible, à qui n’a pas 106 ACADÉMIE DE ROUEN. « vu Rouen, de bien apprécier Corneille. Le xvrrr° siècle , «a-t-il dit, n’a pu le juger. I] ne le comprenait pas, Cor- « neille n’a pas été seulement le fils d’un maître des eaux «et forèts et de Marthe Lepesant , il a été normand avant «tont, c’est-à-dire ardent et généreux, le sang des Nor- « mands ayant toujours été chaud et fécond; et puis, du « choc des vieilles guerres de la ligue , était provenue une « secousse nécessaire pour produire un grand homme. 1793 « nous à valu Napoléon, de même la ligue et la réforme ont produit Corneille, c’est-à-dire le vieux génie normand « fait poète. « Réformateur de la scène, Corneille prit la couronne « d’épine de tous les réformateurs , et elle ne quitta plus « son front.» Retracant l’état du théâtre, sa misère, sa tur- pitude, il s’écrie : « Partir de ce pointet créer la langue, « la tragédie , la scène du xvri° siècle, quelle audace! Or, « voici qui explique cette audace, c’est que Corneille fut « nourri dans une cité qui appartenait encore au xr1° siècle ; «et, vivre parmi un peuple presque immuable dans les cou- « tumes de ses pères, c’est être forcé à avoir une ame et « des mœurs antiques. Dans son imagination d'enfant se « trouvaient gravées les colonnades monumentales de vos « édifices, les grandeurs de Saint-Ouen, laustérité toute chrétienne de la Cathédrale: aussi sa pensée devait-elle R être grave et austère ! « Richelieu fut alarmé de l'essor que prit Corneille. Il se « crut rejeté dans l'ombre, et, cependant, il n’osa pas sup- « primer le Cid, tant la censure d’alors avait de respect « pour l'opinion en matière littéraire. « En revanche, que de dégoûts abreuvèrent Corneille! « Corneille, pauvre, avait rêvé les honneurs, la fortune ; mais Corneille ne voulut pas ramper, et il lui fallut re- venir à Rouen. De là le secret de sa sublimite ; car, si ses ouvrages sont grands de conception, immenses de portée , CLASSE DES BELLES-LETTRES. 107 « magnifiques d'exécution, c'est qu'ils ont quelque chose « qui, involontairement , rappelle vos cathédrales, » M. Mary-Lafon termine par exposer son opinion sur la tragédie. « Il n'existe plus, dit-il, de tragédie. Ceux qui ont voulu « retremper l’art aux sources anglaises et allemandes , ont, « pendant seize ans, lutté contre les copistes de nos grands « maîtres. D’un côté, de la sève, de l'imagination; de « l’autre , de l'habitude et de la sagesse, mais nulle part des « études fortes et sérieuses. Heureusement que lavenir ap- « partient à une jeunesse ardente au travail. Elle prépare «ses forces , elle exploite la mine riche et négligée de lhis- « toire. Le culte de toutes les gloires est profondément en- «raciné dans son cœur. Système dramatique, système lit- «téraire, système historique, tout sera renouvelé et amé- « lioré par les hommes de labeur; mais, pour marcher bien “et vers un noble but, il faut s'unir, il faut avoir foi au « progrès. » Et ici, s'adressant à l’Académie, le jeune ora- teur lui dit, au nom de la jeunesse studieuse : « Mettons en commun notre intelligence; nous, nous « apporterons notre zèle et nos efforts; vous, votre expé- «rience et vos lumières. Que les départements organisent « leur force littéraire, et un jour le monopole du centre « succombera. » (D) M. Victor Hennequin. M. Hennequin marque l’époque de ce qu'il nomme le réveil de l'esprit philosophique , à Solon , qui fut plus qu'un législateur, puisqu'il fut, en outre, un philosophe ; car, avant de donner des lois , il fut moraliste et physicien. Dans le calendrier , il introduisit des réformes, et il fit des vers, chantant jusqu'à l'amour qui fait horreur, tant il nous paraît souiller l'amitié. 108 ACADÉMIE DE ROUEN. Avec sa poésie, il sut, contrefaisant le malade, réveiller le patriotisme engourdi, et porter à la guerre la trop paci- fique Athènes. Quant à Solon, sa parole fut brève, et son ton imita l’o- racle : saillies étudiées qui faisaient partie du rôle de sage, aussi bien que le bâton et le manteau de laine. Sous cette nature artificielle, Solon laissait se trahir une ame douce qui penchait vers la faiblesse. Athénien avant tout, il ré- vélait à chaque instant le secret d’une mollesse qu’on pourrait appeler attique. Son opposition contre Pisistrate l’honore, mais dément son caractère. Doux et facile, il confondit dans ses lois les caresses et les violences, croyant qu'il était aussi difficile de résister aux unes qu'aux autres. Aussi, sa législation terminée, il s'enfuit d'Athènes , évitant par là les objections qu’il redoutait. M. Hennequin loue beaucoup Solon de n'avoir donné qu'un siècle de durée à ses lois; prévision supérieure, dit- il, à l'esprit général de l'antiquité. Et, en cela, il met l’Athé- nien bien au-dessus de Lycurgue, qui avait cru que Sparte devait être éternellement une caserne. Dans Solon, il y avait déjà l’idée toute moderne que l’humanité est vouée au progrès. A côté de Solon, modéle de civilisation athénienne, M. Hennequin fait apparaître Anacharsis et sa figure sau- vage. Et d’abord , il peint les mœurs féroces des Scythes et des temps héroïques, et il les compare aux dures habitudes de l’âge féodal. On à peine à croire, dit-il, qu'un homme de cette nation féroce des Scythes ait pu se polir assez, même sous le ciel d'Athènes, pour être digne du nom de sage. Aussi Ana- charsis avait-il pour mère une grecque, et de bonne heure il fut versé dans les deux langues. Ce qui distingua l’en- fant du désert au milieu de l'élégance athénienne, ce fut l’audace des discours, discours francs et fermes comme les CLASSE DES BELLES-LETTRES. . 109 Scythes. Presque toutes ses paroles exprimaient, ou cette brusquerie qu'il montrait à Solon, en lui disant, sans pre- liminaire : Soyons amis ! où l’étonnement railleur que lui causaient les coutumes athéniennes. Anacharsis avait fait un poème. Sa prétention était d’être homme civilisé. Il fut chez Crésus, qu'avaient voulu voir Esope , Thalès et Solon , et il retourna en Scythie avec le désir de tenter la fusion du génie grec et du génie scythe. Mais son propre frère le perca d’une flèche. Plug, d’un siècle après, les Grecs disaient : « La Scythie! elle est habitée par des cyclopes chauves et aux pieds de chèvre. On y dort six mois, et les griffons y gardent des trésors. » (E) Société de l'Histoire de France. Dans son rapport sur les douze bulletins mensuels publiés en 1835 par la Societe de l'Histoire de France , M. E. Gail- lard s’est appliqué à retracer l'état actuel des travaux de l'érudition en France. Ainsi, la Société de l'Histoire de France paraît s'occuper avec ardeur de l'impression successive d'ouvrages, soit inédits, soit incomplets, soit même mal traduits, tels que Strabon pour la partie qui concerne la Gaule, Gregoire de Tours, Eginhart, Ville-Hardouin, Froissart, Fenin.et le cardinal dé Retz. L'Académie des Inscriptions, de son côté, continue avec persévérance les grandes collections qui surpassent en 1m- portance tout ce qui se publie en ce genre en Angleterre , en Allemagne, en Belgique et en Piémont, Ces collections sont au nombre de six, savoir : les Historiens de France, ceux des Croisades, l'Histoire littéraire, les Notices et Ex- traits des manuscrits de la Bibliothèque Royale, le Recueil des ordonnances et celui des chartes et diplômes. 110 À ACADÉMIE DE ROUEN. Beaucoup d'efforts particuliers sont faits de toutes parts pour indiquer au public toutes les richesses ou curiosités bibliographiques renfermées dans nos grands dépôts. Ici, M. Gaillard sonde l’abime des sources où il faut puiser notre histoire, et cite un frappant exemple de l'immense étendue des matériaux qu'il faut mettre en œuvre : les re- gistres du parlement de Paris ont fourni, dit-il, aux archives judiciaires dix mille volumes , et le Comité historique placé près le ministre de l'instruction, en même temps qu'il s’est charge de dépouiller ces dix mylle volumes, provoque dans les départements, de la part de ses correspondants, des re- cherches semblables. M. Floquet répond dignement à cet appel. Sur l'histoire, la philosophie, la littérature , et l’ori- gine des sciences exactes ou naturelles, ce même Comité pose aussi des questions qui supposent le plus infatigable labeur de la part de ceux qui les résoudront. Pour prouver que lérudition peut se charger de tels far- deaux , le rapporteur cite M. Monteil, dont l'ouvrage sur les divers états de la societe en France, durant les cinq der- niers siècles, a forcé à l'emploi de tant de documents, que la description de ceux-ci forme, à elle seule, deux volumes in 8°. Sur l'histoire des villes , il rappelle beaucoup de travaux estimables , ainsi que des notices précieuses sur nos vieux chroniqueurs. Il montre des réunions d’archeéologues s’ap- pliquant, dans beaucoup de nos provinces, à décrire tous les monuments et à débrouiller les obscurités de la géographie gallo-romaine et féodale. Pour achever de prouver combien, en tous lieux, il y à d’études consciencieuses, il n'oublie pas cette commission de Besancon occupée à dévorer les 85 volumes de la collec- tion amassée pour former la vie du cardinal de Granvelle, épi- sode de l’histoire des troubles des Pays-Bas au xvr° siècle, branche d'histoire qui exigera le compulsement de bien d’au- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 11) tres pièces qu'indique M. le baron de Reiffenberg avec un zèle admirable. Afin de raidir les érudits contre les difficultés sans nombre qu'ils rencontrent sous tous leurs pas, il les anime de l'exemple de M. Léchaudé d’Anisy , qui, pour composer une diplomatique normande, a inventorié dix mille pièces et a copié cinq cents sceaux. De leur côté, MM. Auguste Le Prevost et de Gerville dépouillent une foule de chartes ; ce que fait aussi à Rouen M. Deville : et , avec les vies des Saints, cela formera les matériaux d’une exacte description de notre vieille province. Pour rendre le même service à d’autres con- trées, MM. Lever et Guérard se proposent de publier Fol- cuin et Aganou. Le rapporteur termine par rendre hommage à M. Fran- cisque Michel, qu'il appelle le rival de notre abbé De la Rue, et dont il fait connaitre les principales découvertes opérées dans les dépôts publics de l'Angleterre. Il n'oublie pas MM. Cartier et de la Saussaye , et leur revue numismatique ; MM. Cimber et Danjou, et leurs archives curieuses, ni la Revue rétrospective; et, tout en regrettant le travail patient des Bénédictins et leur haine pour l'esprit de système , il glorifie notre patrie de conserver encore assez d’érudits dans son: sein, pour continuer à surpasser l'Allemagne et l’Angle- terre. (F) Institut historique. L'Institut historique éveille les esprits, agite des ques- tions, s'efforce d’unir entr’eux les hommes d’études : il rend donc des services. Son journal, d’ailleurs, donne à chaque province le narré fidèle de tous les faits archéologiques, dé- couvertes de monuments, de médailles et de figurines, qui ont lieu dans leur sein. Ainsi, dans les numéros du journal analysés par M. Gail- 112 ACADÉMIE DE ROUEN. lard , le système de M. Victor Courtet se trouve expose. Cet auteur, tenant grand compte des inégalités physiques des races, explique , avec elles, tous les grands faits de l’histoire : conquêtes, mélanges de peuples et inégalités de rangs. De cette manière , il indique l’origine des castes, de l'esclavage et de lasimple servitude. Si, chaque jour, les rangs se nivè- lent de plus en plus, M. Courtet l’attribue aux effets du croisement des races humaines. De son côte, M. Fresse- Montval enlève, au moyen du bel ouvrage des Antiquités mexicaines, à Amérique son titre de Nouveau-Monde. Les antiquités décrites paraissent tantôt cyclopéennes , tantôt celtiques, et toujours d’un caractère qui force à admettre une haute civilisation dans le monde atlantique. M. E. Gaillard a remarqué, dans un des numéros, une Notice biographique sur un de nos compatriotes, M. l'abbé Nicole, l’un des chefs de l'Université. Né à Fresquienne, près Rouen , ce principal chef de Sainte-Barbe fut trop estimable et trop utile pour n'être pas revendique par sa province, fière de le compter au nombre de ses fils. Pour honorer un tel homme, le secrétaire des lettres a jeté des fleurs sur la tombe de l'ami de l’enfance et du prètre vertueux ; et il a - cru remplir les vues de l'Académie, si empressée de recueil- lir tous les héritages de gloire qui sont dévolus à la Nor- mandie. (G) Plan d'éducation de M. Magnier. M. Magnier a pour dessein de faire étudier les langues par le mode avec lequel on apprend sa langue maternelle. Chez l'enfance , il exerce les facultés d'analyse, qui sont propres à cet âge, et renonce aux méthodes ordinaires. Elles trans- forment les enfants en hommes faits, les assujétissant à la synthèse, opération trop forte pour eux. De cette manière, il transporte sur les maîtres tout le CLASSE DES BELLES-LETTRES. 113 fardeau des études. Dans ce système, plus ou peu de travail isole pour l'ecolier : ce qu'on nomme éfudes dans les colléges se trouve aboli. La classe ne cesse pas d’être tenue, et là il m'est parle aux élèves que le moins possible en francais. Pareillement, plus de dictionnaire , plus de lecons recitées par cœur, Quant à lPetude de la grammaire , elle est ren- voyée à l’âge de quinze ans. Le mot-4-mol est aussi supprimé, ainsi que la traduction telle qu'on la fait au collége. Enfin, M. Magnier modifie le thème. Mais pourquoi de si grandes innovations? C’est que notre confrère voit, dans un avenir peu éloigné, labandon des langues grecque et latine, non pas comme études d’érudi- tion, mais comme base de l'instruction scolaire ; et M. Ma- gnier redoute ce divorce du monde moderne avec le monde antique ; il essaie donc de prévenir un malheur si grand ; car, selon lui, le sort de la civilisation est attaché à la con- servation d’études qui font la communauté d'idées entre toutes les nations, et sans lesquelles, d'ailleurs, nous ne pourrions jamais avoir, ni l'intelligence de la belle littérature, ni une suffisante connaissance de l'antiquité, de ses idées, de ses arts et de ses mœurs. Dans le système scolaire actuel, le mal est que le petit nombre, seulement, retire quelque fruit de linstruction, tandis que la société a pour besoin impérieux la diffusion des lumières et leur égale répartition. L'ensemble systématique des moyens proposés par M. Ma- gnier consiste à inculquer aux enfants, non plus des mots, mais des choses ; enseignant le latin par l'histoire, et lhis- toire par le latin. Le but de la méthode nouvelle est de faire sortir l’ecolier de ses classes, non, comme aujourd’hui, avec la connaissance de fragments divers équivalant à deux vo- lumes , mais avec celle de tous les classiques grecs et latins, sans exception, et de plus de cent volumes de classiques francais. 8 114 ACADÉMIE DE ROUEN. Les deux grandes difficultés de cette méthode sont de trou- ver des professeurs capables de la suivre, et une classe d’en- fants suffisamment attentive. Quant aux maîtres, M. Magnier les veut très forts pour les classes de commencants. Dans l’ordre aujourd'hui suivi, on est professeur passable avec l'habitude du métier. Le Plan d'éducation est tout autrement exigeant. L'École nor- male serait d’un grand secours, si on y songeait moins à créer des savants et plus à la profession d'enseigner. Quant à rendre attentive toute une classe de jeunes en- fants, la difficulté est d’autant plus grande que les vues de M. Magnier tendent à mettre l'esprit, l'oreille et la langue de l'enfant sans cesse en action. Dès-lors, plus de succès possibles, si l'enfant devient inattentif; au lieu que, par la méthode actuelle, on s’accommode jusqu’à un certain point de l’inattention des élèves. Terminons par dire que les pages du livre de M. Magnier sont peu nombreuses, mais qu’elles sont substantielles. Quel enchaînement dans les pensées! quelle verve dans le style! quel talent dans les discussions ! et quelle grâce af- fectueuse mélée à une chaleur véritable! () Groncrs , par M. Th. Muret. M. Théodore Muret s’est ému, dit M. de Villers, en voyant la frénésie qui s'empare de notre France, où la jeu- nesse était autrefois si vive, si légère, si pleine de franche gaîté. Et il a fait son livre en mettant une action en scène, et en donnant à son Georges lord Byron pour héros, et Child-Harold pour modèle. A Georges il oppose Bénard, que la nature fit laid, mais d’une bonté et d’une énergie peu communes. Le cercle de dandys au milieu desquels M. Muret place Georges, a pour contraste sa mère , demeu- rant à Caudebec, sa mère à laquelle son suicide donne la CLASSE DES BELLES-LETTRES. 115 mort. À une femme sans principes , l’auteur ne manque pas aussi d’opposer l'image de la femme vertueuse unie à un joueur. Cette entente de la composition d’un roman moral est une des qualités de M. Muret; il y joint le style, chez lui doux, pur, souvent élégant. M. de Villers loue les détails de la vie intérieure de la mère de Georges dans sa petite ville, la peinture du caractère de lhonnète femme , sur le- quel M. Muret a su jeter un doux coloris. Enfin, le jeune Bénard sait se faire aimer. Il est laid, il n’est rien moins que brillant, mais il à une belle ame. Le roman ne pèche donc que par le cadre. (1) Discours prononcé sur la tombe de M. Descamps. Messieurs, C’est plein de jours, c’esten comptant quatre-vingt-quatorze années ; que M. Descamps est mort. Vétéran dans nos rangs académiques , il a vu passer devant lui plusieurs générations d'artistes, de gens de lettres et de savants. Comme le vieil- lard d'Homère , il se plaisait à faire de longs récits de tous les règnes qu'il avait vus. Ses anecdotes étaient piquantes, et sa conversation avait du charme. Né d'un père célèbre, auquel Rouen doit son école de peinture, et que recommandaient ses ouvrages , ses connais- sances , ses élèves et son goût, notre vénérable confrère se trouva, dès ses premiers pas dans le monde, favorisé de cet avantage de la naissance qui fait que votre nom vous protège et vous avance. Il dut donc, avec une ame honnète , aimer un ordre social qui le soulevait du sein de la foule, et voir avec douleur détruire un régime que d’autres artistes, moins recomman- dés, haïssaient et attaquaient. Son amour pour l’ordre antique donna un caractère à sa 116 ACADÉMIE DE ROUEN. vie. Il fut, dans des temps affreux, jeté dans une prison. Long-temps privé de tout emploi, en proie à mille besoins , il demeura constant à dédaigner les faveurs d’un gouverne- ment qu'il n’aimait pas. La constance de ses opinions et le désintéressement de son âge mûr, joints à l’auréole dont la persécution environne toujours nos têtes, surent rendre sa vieillesse honorée. Académicien , il devint conservateur de notre Musée des Arts, et il meurt, sinon dans cette fonction, au moins avec ce titre. Son père, par ses écrits, avait ajouté à l'illustration de l’école flamande; lui, il a enrichi l’école francaise des talents que déploie l’un de ses élèves : Court est sa gloire , Court est l'œuvre de sa vie de peintre qui lui fera le plus d'honneur. Avec quel zèle il sut cultiver de si grandes dispositions ; ex- citer une telle verve , un si beau feu , soutenir une si humble fortune! M. Court , en faisant le portrait de son maître , a travaillé avec amour, on le voit , au mérite de la ressem- blance et à la perfection des détails. Cette marque de reconnaissance indique assez l'étendue du bienfait. Qu'elle est belle, Messieurs , la vie de lartiste ! qu'il est noble le patronage d’un maitre ,le dévoment d’un élève let qu'indépendamment de la gloire des œuvres, il y a de doux sentiments chez un peintre! Ce que je dis ici sur la tombe de M. Descamps, sa vie en dépose, et son histoire l’atteste. OUVRAGES IMPORTANTS Dont les Rapports sont renvoyés au mois de novembre 1836. — Les Mémoires de John Tanner, traduits et offerts par M. le vicomte Ernest de Blosseville, membre corres- pondant. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 117 — La Chronique des Normands de Sicile, ouvrage publie par la Société de l'histoire de France. — La Notice sur Darnetal, par M. Lesguilliez. — La Revue historique des cinq départements de la Nor- mandie , par M. A. Canel. — Le Roman de Brut, offert par M. Edouard Frère. — L'Histoire des Anglo-Saxons, traduite de l’anglais de sir Francis Palgrave , par M. A. Licquet. — Le Pélerinage en Suisse, poésies de M. H. Le Monnier, membre correspondant, — Le Recueil académique de la Société de Cherbourg. e&os roc csscsceessccooe Mémoires DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EX ENTIER DANS SES ACTES. NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR ANTONIO ALDINTI, LUE A L’ACADÉMIE ROYALE DE ROUEN, DANS SA SÉANCE DU 12 FÉVRIER 1836, Par M. A.-G. BALLIN, ArcnivisTe. Les éditeurs de l’{talie pittoresque ont annoncé qu'ils voulaient faire suivre cet ouvrage de la Galerie des Hommes célèbres du méme pays. Jignore s'ils y comprendront le comte ALpiNi, qui mériterait, à juste titre, d'y figurer ; mais , possédant sur son histoire des renseignements dont je puis garantir l'exactitude, je vais essayer de tracer sa biographie. L'avocat Joseph Arnixt épousa Catherine Galvani, sœur du célèbre auteur du Galvanisme ; il en eut deux enfants, Antoine et Jean, qui devaient aussi occuper un rang dis- tingué. parmi leurs plus illustres contemporains. Le dernier se fit une réputation dans les sciences physiques et, mar- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 119 chant sur les traces de son oncle, publia, entr'autres ou- vrages estimés, un Æssai théorique et expérimental sur le Galvanisme. Quelque temps avant sa mort, qui eut lieu il y a environ un an , il avait inventé un appareil ingénieux pour préserver de l'atteinte des flammes les hommes qu’un noble dévoñment porte à braver le danger des incendies. Antoine, dont je veux m'occuper spécialement , naquit à Bologne, le 27 décembre 1755 ; après des études aussi solides que brillantes, ayant à peine 17 ans, il soutint, en 1772, pendant trois jours consécutifs, une thèse sur trois cent trois propositions de philosophie, répondant, avec un grand succès et en langue latine, à tous les arguments qui lu furent opposés par les assistants, notamment par le profes- seur Palcani, renommé pour son éloquence, et par la cé- lébre Laure Bassi, qui, dans sa jeunesse, avait, à la suite d’une thèse , obtenu le doctorat et une chaire de philosophie à l'Université de Bologne. Convaincu de la sagacité et du merite distingué d’Aldini, le sénat de Bologne lui confia, deux ans après, la chaire de droit naturel et des gens, et la lui conserva même pendant une absence de deux ans, qu'il passa à Rome pour s’instruire de plus en plus et se perfectionner dans la science du droit, sous la direction d’Erskine , auditeur de Rote, et depuis car- dinal. De retour à Bologne, il se fit un tel honneur par ses ad- mirables plaidoyers, tant au civil qu'au criminel, qu’en 1795, le souverain pontife, Pie VI, le nomma défenseur officieux des accusés et avocat des pauvres, à la cour cri- minelle de Bologne. Ce fut alors que les Francais étendirent leurs triomphes à toute l'Italie ; Bologne les recut comme ses libérateurs , et le sénat créa une commission chargée de rédiger un projet de constitution. Les comices furent réunis le 4 décembre 1796, dans l’église Saint-Pétrone , et choisirent pour prési- 120 ACADÉMIE DE ROUEN. dent Antonio Aldini', qui se montrait zélé partisan des idées nouvelles, parce qu'il les croyait favorables au bon- heur et à la gloire de son pays. Bientôt il fut appelé, à Milan , aux premiers emplois, par les divers gouvernements qui se succédèrent jusqu'en 1799. Il se signala toujours parmi les plus fermes soutiens des intérêts et de l'honneur de l'Italie, comptant pour rien les dangers auxquels l'expo- sait son dévoüment. En effet, il fut exclu du Conseil des Anciens , pour avoir combattu avec vigueur le traité dal- liance trop onéreux que la France voulait imposer à la Re- publique Cisalpine, et, peu de temps après, il se vit encore éliminé du comité extraordinaire de la même république, parce qu'il s'était mis à la tête de lopposition aux exigences exorbitantes des agents du gouvernement francais. Cependant, diverses charges honorables ne tardèrent pas à lui être conférées : il fut député en 1800 pour défendre les intéréts de l'Italie près le gouvernement francais; en 1802, il était du nombre des 450 représentants de FItalie aux comices de Lyon, où devait se traiter limportante af- faire de l’organisation de la République Cisalpine. 11 y fut élu président de la députation transpadane , et devint en- suite membre du conseil législatif de la République italienne. Au retour des comices , il recut la mission difficile de di- riger les opérations des colléges électoraux, et il s’en acquitta d’une manière si distinguée, que Melzi, vice-pré- sident de la République italienne , lui en témoigna , par lettre autographe, la vive satisfaction du gouvernement. Nommé à la présidence du conseil législatif, elle lui fut retirée par décret de ce même Melzi, à qui il fesait om- brage, sous prétexte d’une absence non justifiée, mais, en effet, à eause de son opposition constante à tout ce qui ne ! Histoire d'Italie, par M. Ch. Botta, t. 2, liv. 3, p. 124 de la traduction de Th. Licquet. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 121 lui paraissait pas conforme à la stricte justice. Les lettres pleines de dignité et de solides raisons qu'il adressa alors au vice-président et au conseil, pour démontrer l'injustice de ce décret, prouvent combien il était supérieur aux coups de la fortune. Aussi, loin que cet acte arbitraire diminuât la haute considération qu'Aldini avait su mériter, elle n'en devint que plus générale, et, lors de la nouvelle convocation des colléges électoraux , en 1805, il fut élu, à une grande majorité, non seulement président du college des proprie- taires, dont il fesait partie, mais encore des deux autres et de la censure’; il fut, en même temps, renomme membre du conseil législatif par les trois colleges. Cette époque fut la plus glorieuse de la vie d’Aldini, puisque sa nomination à la présidence des premiers corps de la représentation nationale leleva au-dessus de tant de celèbres italiens qui pouvaient prétendre au même hon- neur , et justifia la haute estime qu’en fesait Napoléon, qui semblait attendre , pour réparer l'injustice dont il avait éte victime, que le suffrage universel prouvât qu'une répara- tion publique lui était due. C’est alors que l'empereur, cou- ronné roi d'Italie à Milan, le 26 mai 1803, fit appeler Aldini pour lui ordonner, avec une bienveillance toute par- ticulière, de le suivre à Bologne, et de lui indiquer ce qu'il jugerait convenable de faire en faveur de cette ville, pour signaler son arrivée par des actes de justice et de munif- cence. Ce fut, en effet, sur les propositions d’Aldini que ‘ Il est bon de placer ici une explication que je tire de l'Histoire de l'Italie, de M. Ch. Botta. (t.4, liv. 21, p. 413, trad. de Th. Licquet.) Le conseil se rendit aux comices de Lyon, le 11 février 1802. 1 proclama Melzi vice-président de la République Cisalpine, et approuva la constitution par laquelle furent institués {rois colléges électoraux : un des propriétaires, un des savants et un des com- mercants. La Censure était la magistrature suprême, elle se com- posait de neuf propriétaires, six savants et six commerçants. 122 ACADÉMIE DE ROUEN. Napoléon rendit plusieurs décrets qui accordèrent d'im- menses avantages à la ville de Bologne. Je me bornerai à relater l’objet des principaux : il déclara nationale la dette de dix-sept millions contractée par la seule province de Bologne , sur les ordres du Pape, pour des travaux publics d’un intérét general ; il ordonna les grands travaux de la jonction du Rhin au P6; il rendit l'Université de Bologne légale de celle de Pavie, en lui assignant un fonds considé- rable pour compléter son observatoire et son laboratoire de chimie , ainsi que ses cabinets d'anatomie, de metéorologie et de physique ; enfin, il mit à la disposition de la magistra- ture urbaine une somme de deux cent mille francs , pour faire exécuter de magnifiques jardins publics , qui devinrent un des plus beaux ornements de la ville. A peine Napoléon s’était-il éloigné de Bologne, que, par décret de Plaisance , du 29 juin 1805 , il nomma Aldini mi- nistre-secrétaire d'État du royaume d'Italie, en résidence à Paris; le 19 septembre suivant, il lui conféra le grand aigle de la légion-d’honneur; puis, en 1806, il le créa comte et grand dignitaire de l’ordre de la couronne de fer, dont il le fit en même temps trésorier. En 1807, au retour de l’empereur en Italie, après la paix de Tilsit, le comte Aldini, qui l'avait suivi dans les campagnes de Prusse et de Pologne, le suivit encore à Venise et à Milan, où Maximilien-Joseph, roi de Bavière, lui témoigna , par deux lettres autographes, qu'il mettait sa confiance en lui pour obtenir de l'empereur qu'un traité de commerce fût promptement conclu entre la Bavière et FItalie. Mais l’Europe va changer de face ; je n’ai plus rien à dire du ministère d’Aldini, sinon que, pendant sa trop courte durée , il eut fréquemment , et saisit toujours avec ardeur , l’occasion de se rendre utile à sa patrie; c'est ainsi qu'il travaillait à sa propre gloire. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 123 En 1814, lors de l'entrée des alliés à Paris ,il eut plusieurs audiences de l’empereur d'Autriche, qui, appréciant l'avan- tage qu'il pourrait tirer de son expérience des affaires pu- bliques, l'invita à se rendre à Vienne, où il le retint pendant tout le temps du congrès. Après les grands évènements de 1815 , le comte Aldini ren- tra dans la condition privée et revint vivre à Bologne, lais- sant dans l'ame des souverains et des personnages avec les- quels il avait été en relation, une haute estime de son sa- voir et un honorable souvenir deses mamières , où l’affabilité s’alliait toujours à la dignité. En 1816 , le gouvernement pontifical l’appela à faire par- tie du conseil de la magistrature de Bologne , qui, pour le récompenser de sa constante fidélité à en soutenir les droits, lui en conféra le patronage , en le nommant, par acclama- tion, dans sa séance du 6 février 1817, oraleur extraordi- naire de la cité de Bologne près S. S., mission qui lui va- lut les éloges les plus flatteurs et les plus mérites. Le pape Pie vrr le choisit, en 1818, pour représenter la province de Bologne, dans la commission du Rhin. Il s’y distingua par la profondeur de ses connaissances, que con- sultèrent souvent les cardinaux Consalvi, Lante, Spina et Albani; par la lucidité de ses résumés des diverses opinions émises sur une question dont il fesait ainsi ressortir le véri- table état; enfin, par le talent avec lequel il développait les arguments qui militaient pour ou contre telle ou telle mesure. Aussi savait-il, par des improvisations aussi bien pensées que bien exprimées, éclairer, persuader et convaincre ses audi- teurs, don précieux qui l'avait rendu cher et pour ainsi dire necessaire à Napoleon. Les collèges de l'Université pontificale de Bologne ayant été réorganises , en 1824, par le pape Léon XIE, le comte Al- dini fit partie de la Faculté de droit, et fut associé à plusieu 1 académies italiennes et étrangères. 124 ACADÉMIE DE ROUEN. C’est à peu près à cette époque qu'il fut atteint d’une longue et douloureuse maladie, qui mit fin à son existence le 30 sep- tembre 1826, dans sa soixante-onzième année. Le comte Aldini s'était concilié l'estime et l'affection des personnages les plus illustres de son temps, tels que les princes Talleyrand, Cambacérès, Berthier, Metternich , Schwartzemberg; les cardinaux Erskine, Dugnani , Caprara, Albani, Consalvi, Lante , Spina ; les comtes de Ségur, La- cépède, Paradisi; Canova, Monti; les sénateurs bolonais Grégoire Casali et Louis Savioli , et tant d’autres ; mais c’était moins aux dignités dont il était revêtu, qu'à l’urbanité et à la noblesse de son caractère, qu'il devait des liaisons si hono- rables, qui ne l’empéchérent pas de conserver une vive re- connaissance pour ses professeurs, une tendre affection pour ses parents et les amis de sa jeunesse. Après avoir esquissé la vie publique du comte Aldini, j'a- chèverai de le faire connaître en parlant de sa personne et de sa vie privée. En 1813, lorsque M. Aldini m'admit dans son ministère, sa santé commençait à s’altérer ; ses chevenx blancs, ses joues tombantes , et sa grosse lèvre inférieure, le fesaient paraître plus âgé qu'il n’était, quoique la frisure et la poudre dissi- mulassent un peu la nudité de son crâne, parfaitement régu- lier et d’une vaste capacité. D'une taille un peu au-dessous de l'ordinaire, il avait le ventre gros. L'âge et l'habitude des grandes affaires lui avaient fait perdre la vivacité d'action, naturelle à ses compa- triotes, et on l'aurait cru apathique sans les éclairs de son re- gard scrutateur, qui auraient pu intimider, s'ils n’eussent été tempérés par l'expression de bonté peinte sur sa physiono- mie. Son costume était ordinairement fort simple, mais il portait des habits magnifiques pour aller à la cour. Il riait peu ; cependant, sa conversation était enjouée, amusante et instruc- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 125 tive. Doué d’une mémoire prodigieuse , il citait souvent les poètes et les prosateurs latins et italiens, mais sans aucune af- fectation, et parlait alternativement francais et italien, avec la méme facilite. Ses affections étaient concentrées sur sa fille adoptive, personne aussi aimable que gracieuse , qu'il avait mariée à un jeune homme d’une haute espérance. Indulgent pour tout ce qui l'entourait , il était généreux sans ostentation. J'en citerai un exemple qui me concerne personnellement. Peu de temps après mon entrée au minis- tère, je le priai de m'avancer 900 francs: « Je ne prête pas « d'argent, me dit-il en souriant , mais voici la somme dont «vous avez besoin. » On lui disait, un jour, que son cocher vendait l’avoine de ses chevaux : «Je sais bien, répondit-il, que c’est un fripon ; «mais qui me garantira qu'un autre vaudra mieux; et « puis, si je le chasse, que deviendront sa femme et ses « enfants ? » Souvent, il admettait à sa table deux ou trois de ses principaux employés, et nous emmenait à son charmant chà- teau de Montmorency, qu'il se plaisait à orner avec une re- cherche qui fesait honneur à son goût, et qu'il a eu le regret de quitter avant de l'avoir achevée. C'était une des habitations les plus élégantes et les plus agréables des environs de Paris, et, cependant , il ne s’est trouvé personne pour la sauver de la hache des démolisseurs! M. Aldini se couchait ordinairement d’assez bonne heure , et, pour provoquer le sommeil, il se fesait lire des romans francais par un de ses domestiques italiens , ou bien il se fe- sait raconter les guerres d'Italie par notre garcon de bureau, le brave Soudan, homme de bon sens, et dont le langage de troupier ne laissait pas d'être piquant. Le comte tenait dans sa main, hors du lit, une pièce de 5 francs ; quand elle tom- 126 ACADÉMIE DE ROUEN. bait, Soudan s’empressait de la ramasser, en s’applaudissant de l'effet de sa narration , soufflait les bougies, et s’esquivait sans bruit, M. Aldini n’était point homme à imiter l'exemple de tant d’ingrats qui ont oublié les bienfaits dont l'empereur les avait combles ; aussi, ne manqua-t-il pas, à Vienne, de défendre les intéréts de la famille Napoléon avec plus de persévérance et de fermeté qu'il ne convenait, sans doute, à ses propres in- térêts, puisqu'il ne fut point employé par l'empereur d’Au- triche, comme il avait droit de s’y attendre, et n’en obtint même qu'à grand'peine une modique pension de 10,000 fr., qui fut ensuite réduite à 7500 francs. Au surplus, M. Aldini s'occupait si peu de ses intérêts personnels, que, loin d’avoir conservé une fortune considé- rable, comme le dit la Biographie universelle, ses affaires étaient fort embarrassées lorsque les évènements de 1814 vinrent consommer sa ruine , à laquelle ne contribuèrent pas peu les dilapidations dont son indulgence le rendit victime, et j'ai sous les yeux la minute, écrite de sa main, d’une sup- plique adressée, en 1821, au cardinal Consalvi, secrétaire d'État du Saint-Père, pour obtenir le paiement des termes arriérés de sa pension, qui était alors sa seule ressource , aussi mourut-il pauvre , après avoir joui d’une très grande aisance, et l’un de ses plus cuisants regrets, en quittant la vie, fut de ne pouvoir faire du bien à ceux qu'il avait aimés. Aux favoris de la fortune les flatteurs ne manquent pas, même lorsqu'ils ont cessé de vivre; mais Aldini, qu'elle avait abandonné, ne devait pas en trouver : les honneurs qui lui furent décernés, un an après sa mort, ne peuvent donc être considérés que comme l'expression vraie de la reconnais- sance publique. C’est, en effet, un hommage glorieux rendu à sa mémoire, que la délibération par laquelle, dans sa séance du 16 novembre 1827, le Conseil municipal de Bo- _…—… 128 ACADÉMIE DE ROUEN. EPITAPHE. Exuviis. et. Nomini. viri per Europ. clariss. ANTONTII. ALDINI. COM. Qui. ob. ingenium. maximum Et. eximiam. publicarum. rerum. prudentiam. Sub. utroque. Imperio Titulis. honoribusque. amplissimis. exornatus Et. muneribus. summis. functus Principium. gratiam. et. procerum. praeconia. retulit Vixit. À. LXX. Diem. suum. obiit. prid. kal. oct. A. HMDCCCXXVI. O2bO BONONIENSIS Ob. civis. rarissimi. erga. patriam. merita Monumentum. decrevit. TRADUCTION LITTÉRALE. A la dépouille mortelle et à la mémoire d’un homme très iliustre en Europe, DU COMTE ALDINIT, Qui, pour le plus grand génie Et la plus rare prudence dans les affaires publiques, Sous Fun et l’autre empire, Fut décoré des titres et des honneurs les plus brillants, Et, dans l'exercice des plus hautes fonctions, Obtint la faveur des princes et les éloges des grands. Il vécut soixante-dix ans, Mourut la veille des calendes d’octobre de l’année 1826. LE CONSEIL MUNICIPAL DE BOLOGNE, En reconnaissance des service rendus à la patrie par ce citoyen très distingué , " Lui a décerné ce monument. mm 202200090000 9-550000000010020220000023S CONJECTURES SUR LE ROYAUME D'YVETOT, PAR M. E. GAILLARD. SÉANCE DU 15 AVRIL 1536. Messieurs , Chargé , dans la division du travail de la Statistique, de la partie de nos annales départementales qui s'étend depuis 120/ jusqu'en 1499, époque où Louis XII rendit sédentaire notre Échiquier , je me suis fait une loi de chercher à carac- tériser , par quelque notable événement , le cours de chaque année, Ce qu'il y eut de plus remarquable dans l’année 1392, fut cet arrèt de l'Échiquier de Normandie qui donna le titre de roi au sire d'Yvetot. Il m'a semble que c'etait la plus ancienne reconnaissance légale que la ville d’'Yvetot püt pro- duire de son illustration commeseigneurie. \ ce sujet, je me suis demandé sur quoi réellement était fonde cet arrêt; puis j'ai senti que, si je ne sortais pas du cercle dans lequel les érudits ont fait leurs recherches ; je ne ferais que répéter mal ce qu'ils ont dit si bien. Je ne leur ai donc emprunte que la partie expositive du problème , je veux dire les faits constatés durant les cinq derniers siècles , 9 130 ACADÉMIE DE ROUEN. et c’est en vous exposant ce tableau , fort resserré dans son cadre , que je vais entrer dans mon sujet. D'abord , une enquête faite au xv° siècle, et que dom Duplessis rapporte, établit que, dans le cours du x1v° siècle, les Espagnols apportaient leurs marchandises à Harfleur , et de là à Yvetot, où les marchands de France venaient faire leurs échanges, comme sur un territoire neutre. Personne jusqu'ici n'a pu expliquer pourquoi Yvetot fut une échelle de commerce dans le moyen-âge ; mes conjectures se porte- ront en premier lieu sur ce point. Successivement , et en 1380, Jean d'Yvetot prit le titre de sire, par la grâce de Dieu. Je rappellerai, à ce sujet , la savante dissertation de Bonamy, où il est prouve que , jusqu'au règne de Charles VIT, ce titre de par la grâce de Dieu ne signifiait ni supériorité , ni indépendance , mais seulement la jouissance de droits régaliens. Ceux-ci, je prouverai qu'ils ont appartenu aux sires d'Yvetot. Quant à ce Jean d'Yvetot, sire, et non pas roi, et non pas prince, il prélevait, par ses fermiers, 4oo livres de droits de coutume et 60 livres pour minages, somme énorme pour le temps; mais ses sujets étaient, d’ailleurs, affranchis de toute taxe envers le roi. Le 2 mai r4o7, Martin d'Yvetot , qui était un dissipateur, et qui se qualifiait de prince, vendit sa royauté, expression tirée de l'acte de vente, à Pierre de Vilaines dit le Bègue , et ,le 27 août suivant, Charles VI ratifia la vente. Entre Charles VI et Henri IV, tous les rois se sont plu à respecter les droits de ce singulier royaume. Il ny a que Francois IL, dont le règne fut d’un moment, qui n'ait pas souscrit d’acte confirmatif des prérogatives attachées à la terre d'Yvetot; mais Louis XI, Charles VIIT, Louis XIT, Francois 17, Henri Il, Charles IX et Henri IL, ont donné lien à De la Roque de rapporter et d'expliquer leurs lettres données’ en faveur d’Yvetot. Je renverrai au Traité de la CLASSE DES BELLES-LETTRES. 131 Noblesse, ouvrage de cet auteur, ceux qui seront curieux de voir ces reconnaissances itératives que les rois d’Yvetot ont bien su faire valoir. Quant au xvrit et au xvrri* siècle, la scène change: des écrivains s'élèvent contre ce que le premier d’entr'eux, Mornac, en 1615, appelait le faux royaume d'Yvetot, et alors une controverse s'établit. Le Journal des Savan!'s S'en occupe en 1694; Vertot et l'abbé des Thuileries engagent ensuite une polémique ; immédiatement après, l'esprit de critique se montre dans dom Duplessis; enfin, on rassemble les faits de toutes parts , et vous avez vu M. Duputel, notre confrère, rapporter des pièces ignorées. Excités par cette opinion hostile, les magistrats, les financiers , veulent sans cesse ou juger, ou taxer les habitants d'Yvetot; mais ni Henri IV, nises descendants , n’écoutent ces réclamations , et, jusqu'en 1789, nos rois répriment les entreprises de leur fise et les démarches de leurs cours de justice. Ce respect des monarques pour les droits des sires d'Yve- tot ne fut-il qu'une longue duperie? Charles VI avait-il eu tort de laisser Le Bègue de Vilaines exercer le droit de grace en 1417, en délivrant des lettres de rémission à un criminel, Jean Tourville , exemple qui ne fut pas le seul de ce genre ? Louis XI, en 1467, tomba-t-il dans une grave erreur en empéchant que l’on contestât au seigneur d'Yvetot le droit de garde-noble ? Francois 1° fit-il, en 1543 , un acte inconvenant en don- nant dans ses lettres de cachet le titre de Reine à la dame d'Yvetot ? Henri HI ne renonça-t-il pas aux droits de sa couronne, en ordonnant que le seigneur d’Y vetot percevrait l'impôt du 4° , tel que lui, roi de France , le percevait en Normandie ? Enulin, Henri IV, en recommandant qu'on fit placer hono- rablement, dans une cérémonie, son petit roi d'Yvetot, ne fit-il qu'un simple badinage ? 132 ACADÉMIE DE ROUEN. Toutes ces questions, M. Alfred Canel les décide d’une manière contraire aux prétentions qu'Yvetot a d’être un royaume du moyen-âge ; mais cet écrivain, dont j'honore les connaissances historiques , admettra-t-il, au moins , comme un fait constant, que , durant cinq siècles, on a reconnu et respecté le royaume, dont un manuscrit de l'abbaye de Saint- Victor, de Paris, a cherché à faire connaître l’origine ? Ce manuscrit a été examiné par M. Lacabane, et il s’est twouvé bien moins ancien qu'on ne l'avait cru: « Par le ca- « ractère de l’écriture , me mande l’érudit bibliothécaire, 1l « n’est pas antérieur à la première moitié du xv° siècle. » Sans doute, ce manuscrit rapporte une tradition admise au xv® siècle; mais est-il vrai que cette tradition ait fait l'erreur de l'Échiquier en 1392, et l'erreur du roi Charles VI en 1401? Voilà, ce me semble, ce qu'il fallait se demander, avant de prononcer que les évidentes erreurs contenues dans le récit du manuscrit imprimèrent à la royauté d’Yvetot le caractère de fable ridicule. Quant à moi, il me semble qu'on a tort de douter de cette tradition, qui nous apprend que Gautier, du pays de Caux, seigneur d’Yvetot, fut tué méchamment par Clotaire 1“. I] me semble probable que ce fut par suite du repentir de ce roi mérovingien qu’'Y vetot fut érigé en royaume. Certes, l'abbé de Vertot peut aiguiser contre cette his- toire tous les traits de sa critique; il démontrera facilement la fausseté palpable des détails; mais la question n'est pas là : elle consiste, à mon avis, dans l’étude du fond de Fhis- toire et de faits tout autres qge ceux-là, et que je crois in- contestés. Pourquoi, au x1v° siècle, vit-on la ville d’Yvetot être une échelle de commerce ? Pourquoi les droits de douane y étaient-ils dans la main du seigneur? Pourquoi ce seigneur, douze ans avant larrét de lÉchiquier, s’intitulait-il sire, par la grâce de Dieu? CLASSE DES BELLES-LETTRES. 133 D'ailleurs, si l'Échiquier a fondé son arrêt de 1592 sur une tradition mensongère, et si cette même tradition à in- duit en erreur Charles VI, on peut l’accorder, comme le nier ; mais ce qui ne peut être, ce me semble, révoqué en doute, ce sont ces Espagnols venant traiter avec les Francais dans Yvetot, territoire neutre pour les deux nations; ce sont des droits de douane dans le domaine du sire d’Yvetot; c’est, enfin, celui-ci s'intitulant par la gräce de Dieu. Tächons, en suivant des routes nouvelles, d’apercevoir quelques lumières au milieu de ces ténèbres. J'ai fait, d’abord, attention à l’état des choses autour d'Yvetot : c'était un soin qu'on avait négligé jusqu'ici. De la seigneurie d’Yvetot dépendaient, en différents temps, trois paroisses, savoir : Saint-Clair-sur-les-Monts , Écalles-Alix ? et Sainte-Marie-des-Champs. Comme Y vetot, ces trois paroisses étaient de l’archidiaconé du Grand-Caux ; doyenné de Fauville. A l'est et au nord , l'archidiaconé changeait : à l’est était celui de Rouen , capitale du Vexin; au nord, celui du Petit-Caux, jadis comté de Talou. Ce fait de géographie ecclésiastique me parait grave; car les diocèses eurent pour limites les cités gauloises où ro- maines , et les archidiaconés nous donnent les limites des an- ciens pagi; chaque pagus, ou pays, ayant son peuple. Dans le diocèse de Rouen se confondent deux cités : celle des Vélocasses, Rouen en étant le chef-lieu , et celle des Ca- lètes, dont Juliobona ( Lillebonne ) était le chef-lieu. Il importe de savoir si l'archidiaconé du Grand-Caux n’é- tait pas aux Calètes, et celui de Rouen aux Vélocasses. Le doyenné de Saint-Georges , qui comprenait Lillebonne, n'é- tant réuni à l’archidiaconé de Rouen que parce que les con- quètes du christianisme s’étendirent long-temps sur la ville principale des Calètes, avant de comprendre le reste du ‘ Écalles-Alix dépendait d'Yvetot en 1495. 134 ACADÉMIE DE ROUEN. pays de Caux, lequel resta bien tard dans son idolâtrie, saint Romain paraissant seul l'avoir converti. Comme il me parait difficile de se refuser à cet examen, j'ai soigneusement examiné la frontière de larchidiaconé du Grand-Caux , et j'y ai vu des faits curieux, que je prie de peser à un poids rigoureux. Saint-Clair-sur-les-Monts, qui est l’extréme limite , voyait, chaque année, se rassembler à sa fête, ou foire, une multitude innombrable, sans qu'on pût dire pourquoi ce concours extraordinaire. Il me paraitrait sage, ICI, de se sou- venir que, dans les vieux temps, on se rassemblait ainsi sur les confins (fines); chaque peuple venant, dans ces sortes de foires, traiter d'échanges de marchandises : or, nous avons vu tout-à-l'heure qu'Yvetot, dans le moyen-âge, fut une échelle commerciale. Mais occupons-nous de Baons-le-Comte , qui est au nord d’Yvetot, les communes dont je viens de parler étant à l’o- rient. Ce Baons-le-Comte , nous le prouverons tout-à- l'heure , existait avant Guillaume-le-Conquérant, c’est-à- dire en un temps où le nom officiel du duc de Normandie était Le comte, et non le duc. Ban signifiant seigneurie, c'e- tait donc la seigneurie du comte. En effet, à Baons-le- Comte, il y avait un bureau domanial, une justice ducale, dont le ressort enveloppait Yvetot, mais sans y pénétrer : ce qui prouve à la fois l'antiquité de Baons-le-Comte et l'in- dépendance ancienne d’Yvetot. Mais où j'en veux venir, c’est à remarquer qu'à Baons-le-Comte, un des fiefs se nommait les Bordes, chose digne d’attention dans une paroisse du doyenné de Fauville, tandis que Grémonville et Ectot- les-Baons , paroisses limitrophes, sont du doyenné de Can- ville, c’est-à-dire du Petit-Caux, que nous nommerons Talou. Je retrouve la même trace de frontière entre Hautot-Saint- Supplix et Étoutteville. Hautot était une grande seigneurie, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 139 qui s’'étendait, dit Farin, t. v, p. 255, sur quatre-vingt- « seize paroisses , et qui était du doyenné de Fauville » , con- séquemment du Grand-Caux ; Étoutteville, au contraire, se trou vait du doyenné de Canville. De là, la limite des deux archidiaconés allait chercher la Durdent, la rive gauche étant du Grand-Caux, et la rive droite bordant le Petit-Caux. J'ai ici une observation à consigner, c’est que beaucoup de lieux placés sur cette frontière étaient importants : Croix- mare, qui était de l’archidiaconé de Rouen, avait vingt- trois fiefs dans sa dépendance; Hautot-Saint-Supplix avait quatre-vingt-seize paroisses dans la sienne. Étoutteville fut le berceau d’une illustre famille ; Baons-le-Comte avait une grande banlieue ; Saint - Clair-sur-les- Monts, une assem- blée considérable ; enfin, Yvetot se dit royaume. Et pour- quoi cela? Ne peut-on pas conjecturer que le commerce , attirant la population antique sur ces points, dut y créer des centres de puissance ? Mais si je prouve qu'Yvetot, Hautot et Baons-le-Comte furent des séjours romains , il me semble que je fortifierai ma conjecture. Inspecteur des antiquités départementales , j'ai dû étudier les voies romaines qui ont passé par Yvetot : or, deux me paraissent s'être croisées dans cette ville. L'une partait de Lillebonne , ayant un agger très visible à la Trinite-du-Mont, à Lintot et à Trouville ; là , elle est voi- sine d’un tumulus, et elle longeait des tombeaux romains que le dernier président de Coqueraumont fit ouvrir sous Louis XVI. L'autre venait de Caudebec ; Guillaume-le-Conquérant la parcourut en allant étouffer la revolte du comte d’Arques , son oncle. Écoutons maître Wace : « Les Vez passa délivrement « Baienes passa et puis Caen, 136 ACADÉMIE DE ROUEN. « Semblant fist d'aller à Roem, « Quant il vint à Punt au dumer, « À Chaudebec ala passer , « De Chaudebec as bans le Cunte. J'ai dit qu'il y avait une voie de Caudeheg à Yvetot ; elle passait par Maulévrier et Auzebose. Pour aller aux Baons-le-Comte, Guillaume dut prendre, à Yvetot, la voie de Lillebonne et Trouville. Si Guillaume avait con- tinué la route de Caudebec, il aurait été à Hautot-Saint- Supplix. Yvetot était donc , ainsi que je l’ai annoncé , un point d’in- tersection entre des voies; et il y en avait plus que je ne lai encore dit ici; car, de Caudebec et d’Yvetot, il y avait une troisième voie, se dirigeant sur Saint-Valery, vieux chemin disparu sous le labour, dans le haut de la vallée de la Dur- dent, mais resté dans la mémoire des vieillards, et sur le- quel se trouve, en face du Beaucol, contre le cimetière de Saint-Denis-d'Héricourt, une motte très singulière, de la nature de ces monuments (tumuli) élevés sous la domination romaine, surtout près des carrefours, et dont parle M. de Caumont dans la page 120 du tome 11, deuxième partie de son Cours d'Aniiquilés monumentale. Yvetot, placé ainsi à abord de tant de chemins romains, et sur la frontière de deux cités gauloises, ne put manquer d’être un lieu commercant ; tant dans l'antiquité que dans le moyen -âge; celui-ci s’étant toujours servi des voies de communication romaine. J'espère, par ces remarques, avoir suffisamment indiqué l'importance commerciale d’Y vetot. Maintenant, si je jette un regard sur les siéges de puis- sance ou d'indépendance au moyen-âge, je dirai qu'il est pour moi démontré que, dans notre pays comme en Alsace, ainsi que l'ont observé MM. Golbéry et Schweighaeuser, les séjours romains ont transmis à leurs possesseurs de la pré- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 137 pondérance, sans pour cela qu'il y eût toujours grandeur dans les lieux où se manifestait le pouvoir feodal. Ainsi, dans les fondements de Cany-Caniel, on a trouve des ruines romaines, seigneurie qui étendait sa prépotence depuis la Durdent jusqu'aux portes du Havre. Cany-Caniel fut le séjour du dapifer, ou senechal Wanassé Bize:. Il en est de même d’Eu, d'Arques, du Pont-Saint-Pierre , dont Romilly fesait partie, de Tancarville , de Bacqueville , tous lieux romains. En effet, à Eu et à Arques , des comtes possédés par des princes du sang de Rollon; au Pont-Saint- Pierre, Mahahulce , oncle de ce même Rollon, et le titre de premier baron de Normandie ; à Tancarville, le chambellan ; à Bacqueville, un guerrier teuton ; puissant auxiliaire de nos ducs. Mais à Yvetot, où fut un roi, il convient de faire remar- quer l'existence , signalée par le célèbre agronome M. Le Marié, d’un camp au bois de la Salle ; il a environ cent cin- quante pas de long et autant de large : ce bois est à un quart de lieue d'Yvetot , mais sur Touffreville-la-Corbeline. Il n’est pas le seul dans cette contrée: entre Maulévrier et Al- louville, derrière Sainte-Gertrude, est un autre camp, plus grand que celui de la Salle, et à deux enceintes. Non loin de là est la motte du Cheval-Blanquet , où l’on trouve un puits et une forme toute semblable à celle que j'aï assignée , dans mes Recherches archéologiques, à la motte de Saint-Denis-le- Thiboult. Ces vestiges de puissance; personne ; jusqu'ici, ne les avait connus; ils viennent, ce me semble, éclaircir la question. On a beau objecter que vainement on créerait à Yvetot une importance antique ; qu'il n’en serait pas moins vrai que, au xu° siècle, le fief originaire d'Yvetot était très petit, je répondrai que, tout en admettant ce fait, je tiens néanmoins à constater l'importance romaine d’'Yvetot; car, pour ceux qui ont dirigé leurs études vers l'histoire de notre province, 138 ACADÉMIE DE ROUEN. y a-t-il quelque chose de plus ordinaire que des siéges de puissances antiques changés, plus tard, en points obscurs ? Néhou, cette demeure des Néhels, vicomtes du Cotentin , Mézidou qu'occupait Stigand, si grand sous Guillaume-le Bâtard, Bonneville-la-Louvet, Roncheville, Lethuit-Boulon, ces sièges de comtés et de vicomtés dont la dernière avait dans sa dépendance les quarante paroisses du Cinglais, et qui fut l’une des résidences du riche Tessou, descendant des comtes d'Angers; Tosny, Malvoisine-le-Héron , habitation ducale de Guillaume-Longue-Épée et de laquelle dépendit une grande part de la vallée d’Andelle ; le Plessis, entre Touffre- ville et Écouis , splendeur éclipsée depuis Philippe-Auguste ; Crétot dont la haute motte près de Goderville appartenait au Bouteiller hérédital de Normandie, que n’ont-ils pas été jadis? Et que deviennent-ils après 1204? Comment donc s’é- tonner de l'importance d’Yvetot dans les temps primitifs , abaissée sous nos ducs de la race de Rollon, et qui s’est re- levée sous les rois de France du xrv£ siècle. Un souvenir de grandeur qui se revivifie, voilà ce qui ne se voit pas partout, et c’est là ce qui fait le mérite singu- lier d’Yvetot; quant à des grandeurs d’abord resplendis- santes et qui s’éclipsent tout-à-fait, on en trouve à chaque pas. C’est ainsi que les plaids de l’honneur de Gravenchon se tenaient jadis au Val-Infray; de la Roque, dit Auffray, ferme obscure, voisine de Lillebonne , cachée entre des bois et des côteaux. Là les vieux comtes d’Evreux, fils et arrière- fils d’un comte-archevéque de Rouen, venaient siéger , car Gravenchon leur appartenait, et de même une carrière à sable dans le fond de laquelle on a trouvé des vestiges ro- mains, semble, à Caumont près la Bouille, avoir domine la haute seigneurie de Mauny; pareille en cela à Courcy près Falaise, où des ruines romaines expliquent pourquoi Courcy rendait son seigneur suzerain de soixante-trois fiefs. De tels exemples, en révélant d’étranges vicissitudes , CLASSE DES BELLES-LETTRES. 159 ôtent tout le merveilleux que présentait d'abord la splendeur ternie d’Yvetot, et en fait comparer la petite seigneurie du xut siècle à un petit fief primitif de l'abbaye de Nivelle en Brabant , qui donnait le titre de reine à l'abbesse de ce mo- nastère. Mais voici le lieu d'examiner Yvetot, tel qu'il nous ap- parait dans le xr1° et dans le xrrr° siècle. Selon le Pouillé de l’archevèque Eudes Rigault , con- temporain de Saint-Louis, cette ville (villa ) avait un bénéfice ecclésiastique qui valait trente livres, et ses paroi- siens (communiants) étaient au nombre de quatre-vingts. Le seigneur , qui se nommait Richard , présentait à la cure, et l’archevèque y nommait. Dès avant 1165, le fiel originaire, qualifié de franc fief, avait obtenu des accroissements restés assujétis aux ser- vices militaires. De telle sorte que, indépendamment de toutes les raisons alléguées par l'abbé des Thuileries, tendant à prouver que les d’Fvetot servant le duc dans ses armées n'étaient que des puinés, et non des seigneurs d’Yvetot, il faut avouer que les sires eux-mêmes auraient pu figurer sous la bannière du duc, à cause des fiefs formant l'accrois- sement feodal du fief originaire. Mais, comme je l'ai dit, qu'importe cette petitesse d’un siège de puissance , si, à travers cette humble fortune, on apercoit des vestiges de grandeur. Or, à ce fief d’un terri- toire si borné s’attachait un droit régalien , celui de péage sur la Seine à Caudebec, droit que le duc Robert Courte- heuse possédait aussi à Petiville, lieu également sur la Seine, "Je dois à l'érudition de M. Auguste Le Prevost l'extrait du Pouillé d'Odon Rigault, que voici : «Yvetot; dominus ejusdem villæ patronus; valet xxx. libras; parochiani LXxx:; Thomas presbyter presentatus à dicto domino receptus a domino Roberto. Magister Johannes receptus fuit ab archiepiscopo Odono Rigalto ad presen- tationem Ricardi, » 140 ACADEMIE DE ROUEN. et plus bas que Caudebec, et il en fit don à l’église cathé- drale de Rouen , le jour de l'assomption 1101 ”. Certes, pour le sire d'Yvetot, avoir le droit de prélever une taxe sur les voyageurs allant de Pont- Audemer aux Baons-le-Comte, à Hautot-St-Sulpice et au delà , cela sup- pose une grandeur primitive d'autant plus remarquable que Caudebec fut ville romaine, située sur le mont Calidu, où se trouvent des vestiges antiques très nombreux, apercus seu- lement depuis quelques années. Cette ville romaine était de- venue , au 1x° siècle, un simple hameau alors habité par des pécheurs. Guillaume-le-Conquérant en fit une paroisse, et Henri 1 un marché. On voit, dès lors, pourquoi le sire d’Yvetot s’intitulait sire, par la grâce de Dieu. I possédait un droit régalien , lequel suppose que, dans l'origine, celui qui en jouissait était le seigneur de tout un canton, ou centaine. En effet, M. Leber , dans la collection de pièces relatives à l’histoire de France, nous dit , t. 7, p. 4b2 et 453 , que les possesseurs de cantons particuliers devaient seuls pourvoir aux dépenses locales qu'exigeaient les ponts et bacs de leur centaine, district ou arrondissement. En 1203 Richard d’Yvetot, fils de Gauthier, vendit ce droit de péage à l’abbaye de St- Wandrille, et le vendit pour une rente de dix livres , qui représentait la centième partie des mille livres que valait un comté en Angleterre. Mais il se réserva pour lui et pour ses hommes le droit de passer sans payer sur le bac de Caudebec : « excepto passagio sibi et hominibus ipsius de libero feodo de Yvetot.» Voici donc un titre où le fief d’Y vetot est qualifié de franc fief; ajoutons que, pour tout autre fief que celui-ci auquel * De la Roque, p. 54 de son Zist. de la maison d'Harcourt, dit 1111; mais c’est une erreur de chiffre évidente, puisque, vaincu à Tinchebray , Robert était en 1111 prisonnier dans Cardiff. — CLASSE DES BELLES-LETTRES. 141 était attaché un droit régalien et qui possédait les dimes , et qui fesait prendre le titre de sire, par la grâce de Dieu, ce titre de fief libre n'aurait pas pour nous d'autre impor- tance que celle attachée à un simple franc-alleu , mais, envi- sagé sous tous ses rapports, ce franc-alleu me parait rappe- ler ces fiefs ou très petits royaumes dont la Flandre nous fournit quelques exemples. En effet, Dagobert 1°" donna des droits régaliens à l’abbaye de Saint-Amand en Flandre, dont il était le fondateur ; le roi Thierry 1°° fit don à Saint-Waast- d'Arras de ces mêmes droits. N’a-t-1l pas pu être fait un pareil don au sire d’Y vetot par Clotaire 1°", autre roi mérovingien ? De là, la tradition dont nous allons avoir à nous occuper. Et, à ce sujet, racontons que Richard d’Yvetot, conjoin- tement avec son père Gauthier, avait transigé avec Roger , abbé de Saint-Wandrille, mort en 1165. Contre les deux tiers des dimes d’'Yvetot cédées à l'abbaye, le sire d'Y- vetot recut 10 un fief, à Yvetot, qui avait appartenu à Guillaume-le-Conquérant ; 20 un autre fief, notons-le bien, qui s'appelait le fief de Gauthier l'Éventé. Mais l'Éventé ressemble fort à l'Inven'é, et cela dans un pays où l’on dit Grainville-la-Renard pour Grainville-la- Regard, Orcher pour Auvrecher, et Anxtot pour Au- soltot, etc., etc. L'Inventé ne ferait-il point allusion au corps retrouvé d’un Gauthier, etce Gauthier ne serait-il pas le chambellan de Clotaire ? Remarquons que le fief de Gauthier l'Erenté provenait de Saint-Wandrille, abbaye qui possédait Vatteville, domaine royal de Clotaire °°, et que ce Vatteville, où se trouvent les restes du manoir royal mérovingien, joint à d'immenses vestiges romains, était en face de Caudebec, où les sires d'Yvetot exercaient leur droit de barrage; que, dès-lors, Gauthier d'Yvetot et le roi Clotaire avaient leurs domaines contigus, et qu'ainsi la tradition est mieux fondée qu'on ne le pense. 142 ACADÉMIE DE ROUEN. Rien donc de moins étonnant qu'une chapelle érigée à Gauthier d’Yvetot par un roi qui vivait à Vatteville, et qu'un fief attaché à cette chapelle plus tard ruinée. Lisez Orderic Vital: combien d'histoires curieuses sur des pierres tom- bales, retrouvées à Ousche, où aux Deux-Jumeaux, près Bayeux, et qui appartenaient à de grands personnages, évèques ou seigneurs, mais dont l'invention frappait de sur- prise la multitude ! Supposez l'invention du corps de Gauthier dans le do- maine de Saint-Wandrille, qui fut jadis celui de Clotaire, et voyez combien la tradition a pu recevoir alors d’embellisse- ments, que l'échange des dimes d'Yvetot contre le fief n'aura pas épurée, et concevez dès-lors l'origine des fables recueillies par l’auteur du manuserit de Saint-Victor. Néanmoins, réfléchissons que si, au x1° siècle, dans sa chronique mensongère, le faux Turpin, archevéque de Reims, avait fait voyager et combattre Charlemagne dans des lieux que ce monarque ne vit jamais, toutefois cette chronique , déclarée authentique, en 1122, par le pape Calixte IL, n’en repose pas moins , malgré ses fables, sur des personnages réels, tant il est vrai, comme l'a dit Voltaire, qu'un peu de vérité fait l'erreur du vulgaire. Et, de méme que le roman de Turpin n’est pas toute fiction, de méme aussi on n’a pas inventé Clotaire et Gauthier d’Yvetot, et le don de certains droits régaliens , quand on voit le monarque à Vatteville , le chambellan à Yvetot, et le droit régalien vendu en 1203 par Richard d'Yvetot, puis sa race s'intitulant sire , par la grâce de Dieu, et le roi d’Yvetot enfin déchargé par nos rois de tout hommage et battant monnaie avant le xv° siècle. Terminons par dire que tant que le fief à prérogatives royales a été petit, personne n’a pensé au royaume; mais qu'au xrrte siècle , se trouvant agrandi par divers échanges et peuplé par le commerce au x1v'°, alors est apparu le CLASSE DES BELLES-LETTRES. 143 royaume ; il a été reconnu en 1392. Ainsi le fut le royaume d'Esterno, ainsi celui de Mande, près de Tournay, dont l'étendue avait de la peine à former trois charrues de labour. De ces minimes royautés, nos rois ne se sont pas plus étonnés qu'ils ne se sont étonnés des droits régaliens des abbayes de Saint-Amand et de Saint-Waast, etils les ont tous respectés, non par crédulité, mais par honneur et conscience. A AAA AAA RAA AAA AA AAA AAA AAA AA DE LA LANGUE FRANÇAISE AU XIX° SIÈCLE, \ CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS AVEC LA LITTÉRATURE , PAR M. E. GAILLARD. Seance du 9 dun 1836. Sed nos veremur, ne parum hic liber mellis, et absinthii multum , habere videatur , sit- que salubrior studiis quam dulcior. Quintilien , 1. IL. €. I. Messieurs, Nous sommes témoins, chaque jour, du choc de deux opi- nions contraires. Selon l’une, les œuvres contemporaines ne sont que faiblesse ou décadence ; à en croire l’autre, notre littérature lemporte sur celle de nos devanciers, et il y a en nous un génie mâle et des conceptions vigoureuses. Tâchons d'apprécier le faux et le vrai de ces sentiments opposés ; et, d’abord, cherchons une mesure qui nous serve à prendre la hauteur du siècle où nous sommes. Sans doute le génie est de tous les temps. Toutefois, 1l y a des âges qui en paraissent comme déshérites. Ainsi, pour nous, normands, se montre le xv° siècle, qui ne produisit que le seul Alain Chartier. Rappelez-vous, d’ailleurs, que, dans cette ville, il se forma , vers la fin de cette période, une société destince à CLASSE DES BELLES-LETTRES. 145 honorer et à récompenser les poètes. On peut voir, par les premières productions couronnées aux Palinods de Rouen, quels étaient ces poètes: les Chaperon, les Bonne-Année, les Tasserie, malheureux qui n'avaient pas la moindre cuncelle du feu poétique. En effet, la langue dont ils se servaient arrétait tous les élans de leur esprit. Aussi nous fallut-il cent cinquante années et je ne sais combien de persévérance et d'efforts avant d’enfanter Corneille. Mais cet esprit divin, comment créa-tl la lumière ? Ne fut-ce pas en dotant la France de la langue dont elle est fière ? Malherbe avait bien trouvé quelques accents de cette langue ; Corneille seul les employa tous, et Racine ne fit que polir le langage que deux normands avaient inventé. Cependant, à peine la pensée eut-elle acquis un organe souple et brillant, que le talent accourut bien vite, et alors, sur ses pas, les chefs-d'œuvre se montrèrent et se multiplièrent. Nulle année ne s’écoula plus sans qu'une œuvre immortelle ne se fit admirer. La littérature fut ainsi le résultat du perfectionnement de Ja langue. Ici, demandons-nous s'il ne se peut pas qu'un jour la corruption du goût dénature la belle création de Cor- neille, et sachons même si ce malheur, reconnu par de La Harpe dans la langue révolutionnaire, ne se voit pas aussi dans notre langue actuelle, si différente de celle du grand siècle. Grâce à cette étude du langage, nous pourrons assigner au xix° siècle le rang qui lui est dù ; nous saurons si le style n’a point dégénéré, si l'expression est restée constam- ment pure, vive, douce et forte. Sans doute, réduire lappréciation des œuvres d’un siècle à un seul jugement à porter sur l’état de la langue, c'est simplifier la difficulté du problème. Mais, vu le grand nombre des œuvres que la presse publie, la difficulté serait encore trop grande pour nos forces, si nous ne réfléchissions 10 1,6 ACADÉMIE DE ROUEN. pas combien le temps, dans sa marche, doit dévorer décrits auxquels la vie n’a été donnée que faiblement. Au lieu donc de nous occuper d'auteurs sans gloire durable, destinés , comme des ombres fugitives, à s'évanonir de mo- ments en moments , bornons-nous à l'étude des œuvres dont la postérité fera sa seule étude. Mais qui, en fait d'œuvres de l'esprit, se transmet ainsi d'âge en âge? N'est-ce pas ce qu'on nomme habituellement les ouvrages qui font textes de lanque ? Et ne donne-t-on pas ce nom à ce qui non-seulement est bien écrit, mais d’une originalité telle, qu'on Île prend pour modèle. Or, combien, dans le xvrrr® siècle, de ces textes de langues ? En est-il qu'on puisse citer après Voltaire, Fontenelle, Vauvenargues, Montesquieu, Rousseau, Gresset, Buffon , Delille, Barthélemy et notre Bernardin de Saint-Pierre ? Dix textes de langue pour tout un siècle, c’est bien peu sans doute; et si, déjà, dans Îles trente-six années du x1x° siècle, nous pouvons montrer plusieurs écrits destinés à servir éternellement de types, combien ne devons-nous pas relever la tête avec fierté, et laisser paisiblement Pa- venir se charger du soin de marquer la place où brillera le siècle présent. Toutefois, prenons garde de nous tromper: la langue, toute maniée qu'elle est par de très beaux génies, a pu, même sous leur main, recevoir plus d’une atteinte. Sénèque, aussi, fut jugé par les Romains digne d’un immortel sou- venir ; et, cependant, Sénèque fit dégénérer la langue des maitres du monde. Cette langue, fixée par Lucrèce, Ci- céron et Virgile, fut, pour le précepteur de Néron, non- seulement un moyen de rendre ses idées avec force et clarté, mais aussi un effort destiné à produire de leclat, supposant dès-lors beaucoup de recherches et montrant peu de naturel. Dans le siècle de nos pères, Montesquieu aussi avait eu, dans l'expression , quelques reproches à se CLASSE DES BELLES-LETTRES. 147 faire ; Fontenelle n'en avait pas été exempt. Thomas avait enchéri sur ces défauts, et Diderot les avait portés à l'excès. De nos jours , qui oserait dire que plusieurs de nos plus illustres auteurs se sont préservés de toute affectation , que leur langue est coulante et simple, qu'elle ne sent pas le travail, n’est pas martelée ou tout au moins brillantée ? Jusqu'en tête du dictionnaire de la langue, ne pourrions- nous pas trouver plus d’un exemple de ces artifices du lan- gage, destinés, selon l'expression méme de cette préface (p. xvir), à couvrir tout l'artifice de la pensée, masque ainsi superposé sur un masque, afin de nous donner une sorte de torture: celle de comprendre soudainement la pensée qui se dérobe et l'expression qui s’enveloppe. Ah! quand du sanctuaire même des lettres, il sort ainsi des discours ambigus, n'est-ce pas l'instant de s’alarmer pour cette clarté, cette noble simplicité, qui furent, jusqu’à nos jours , le caractère spécial de la langue francaise ? Parlerai-je du mélange de tous les tons, de ce familier qu’on sait rendre fin, mais qui souvent vient se heurter dans le discours soutenu contre la phrase tout entière ! Ces sur- prises, qu'on ménage avec intention, étonnent sans doute, mais elles affligent plus encore. Qui ne déplorerait le mal- heur de voir un très bel esprit descendre des hauteurs où son essor l’a porté pour s’abattre sur de petites fleurs, comme si l'aigle devait jamais emprunter la trompe de l'abeille ! Non-seulement, de nos jours, on prétend confondre ce qui doit être séparé, le noble et le vulgaire, mais, comme on sait tout le mérite qui s'attache à un style simple , de combien de peine on se travaille pour donner à ses narra- tions la forme d’un récit tout uni. Le plus brillant genie se coupe les ailes, affaiblit sa voix, étouffe ses accents , et cherche ainsi à prendre le ton de bonhomie que la Bible donne à ses patriarches et qu'Homère prête à ses heros. 148 ACADÉMIE DE ROUEN. Je goûte sans doute ces efforts piquants ; ils me placent , sans sortir de Paris, près des tentes d'Abraham et dans les champs où fut Troie; mais je crains, à vrai dire, les imi- tateurs , et que chacun, ravi par. cet art de combiner, ne s’essaie dans ces difficiles et ingénieux artifices qui pro- viennent plus du métier que du génie. C’est toujours une habitude fâcheuse que de préparer son expression au lieu de lui laisser suivre le mouvement de la pensée. Perdant toute simplicité, on à un naturel qui est feint. La phrase est savante , j'en conviens , puisqu'elle est calquée et prise sur un chef-d'œuvre ; mais toute cette habileté est-elle lexpres- sion de la nature? Je ne le pense pas. Jugez l'effet de cette méthode d'imitation par ce qui est advenu à l’homme de notre siècle qui paraissait avoir le mieux compris le bel adage , que la parole ne doit être faite que pour l’unique besoin d’exprimer la pensée. Nourri des saintes écritures, il a voulu faire de la polémique avec les visions des prophètes, et, se remplissant du génie d'Ézé- chiel et de Baruch, il a répété leurs sombres cris. Tantôt sublime et tantôt sauvage, il nous a plongés dans une espèce de délire. Sortis du rêve fatiguant, nous avons re- marqué que ce français-lébraique gâtait notre idiôme sans produire des beautés originales , et que Racine savait tout autrement transporter dans notre langue les richesses de la Bible, imitant toujours et ne copiant jamais. Un disciple affranchi et véhément a répondu à son maître; mais comment la-t-il fait? Se formant sur Bossuet , il s’est complu à reproduire la grande maniere, la large et rapide diction de l'historien des desseins de Dieu dans l’universa- lité des âges. Il y a eu des moments où l'illusion a semblé prête à devenir complète ; mais une forme de style emprun- tée se trahit bien vite; et, tout en croyant parfois lire Bos- suet, on demandait à grands cris le moderne ; en le priant de rester dans sa nature, et de ne calquer sur personne. ‘ CLASSE DES BELLES-LETTRES. 149 Dirai-je que l’érudition est le cachet des talenis contem- porains? Voici qu'un homme a fouillé dans les vieilles chro- niques : charmé des grâces naïves de Froissart , il les a étudiées au point de se les approprier. Nous avons dont de belles histoires où le francais des x1v° et xv° siècles se méle artistement et se soude à la phrase racinienne. L'entreprise Supposait un goût etun travail faits pour mériter les suffrages universels ; mais que la pente fut glissante, et comme elle nous a conduits dans d’adultères alliances avec le moyen-àge ! Aussi, lisez la plupart des livres qui ont maintenant les temps feodaux pour objet, et vous verrez la langue des chroniques s’infiltrer dans les écrits du jour ; et cela, sous le prétexte de répandre sur la narration des couleurs locales. Ce genre est plus aise, apparemment, qu'on ne serait tenté de le croire ; car on y réussit souvent, et pour peu qu'on y ap- porte un peu d'art. Toutefois, je doute que ce soit au profit de notre belle langue ; car elle s’accommode mal des inver- sions brusques et saceadces de nos ancêtres , et de ce tour inusité, qui jette dans bien des pages, le dirai-je? un baroque dont les amateurs se disent ravis. À mon sens, belles et châteaux, preux et ménestrels, amènent un grand ennui , et cet ennui, on le trouve partout où les récits s'enjolivent de ce clinquant. Sans nous éloigner de ce sujet, disons hautement , et avec une joie indicible, que, à propos des journées de Crecy et de Poitiers , nous avons vu des narrations admirables ( Études historiques , par M. de Châteaubriand , t. 1VŸ. La phrase y est simple ; elle semble respirer la noblesse de nos bons auteurs, l'énergie de l'antique et le charme des temps chevaleresques ; mais, remarquons-le bien, c'est par cette fusion habile de la manière propre à chaque âge qu’on parvient à enrichir une langue , tandis que trop souvent on la gâte, en ne fesant qu'imiter servilement ce qui fut fait ailleurs et en d’autres temps. 150 ACADÉMIE DE ROUEN. Tout admirateur que je suis de la vieille Rome, je déplore qu'on fasse de longs tableaux ‘terminés par des phrases brèves et épigrammatiques ; que de pompeuses déclamations soient contenues dans deux membres de phrases toujours arrangees en antithèses ; que, à tout propos et dans un style rapide et coupé, bref et nerveux , jusqu'à devenir obscur, on cherche à paraître profonds et originaux. Eh! mon Dieu! auteurs doués de talents naturels, faits pour briller en étant vous-mêmes, pourquoi vouloir reproduire tantôt Tacite, et tantôt Florus ou Salluste? Ne voyez-vous pas que vos efforts troublent la douce et simple émission des idées, em- péchent la véritable originalité, et donnent à toutes les com- positions de l'esprit cet air d'imitation qu'ont aussi nos monuments d'architecture contemporaine , où tout parait un effort de la mémoire, et non une inspiration du génie. Mais, me dit-on, depuis Louis XIV n’avons-nous pas as- soupli notre idiôme, à force de faire passer nos idées dans le moule de la poésie? N’avons-nous pas ôté à notre prose ce qui la rendait lente ou languissante, un peu pâle et pas assez véhémente? Notre poésie elle-même, grâce à la facilité de tout exprimer, n'est-elle pas capable de prendre et plus de variété et plus de relief ? De là, des compositions sail- lantes par les détails, lors même qu’elles pèchent par le plan. Vraiment, qui oserait le nier? Et si on l’osait, ne serait-on pas accablé par une preuve sensible , tirée de ces descrip- tions, aujourd’hui si communes, où la peinture des senti- ments de l’homme se méle à celle des accidents variés de la nature? Cependant, tout en convenant de cette souplesse donnée au langage, pourquoi fatigue-t-elle ? Pourquoi sommes-nous rassasiés par ces images répétées du souffle des orages et du calme des champs, de la diversité des col- lines et de la majesté des flots? On aimerait que notre idiôme n’eût pas une souplesse qui se prête tant au genre descriptif, l’une des plaies de l’époque. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 151 Quand Delille eut composé sa traduction des Géorgiques de Virgile, œuvre jusqu'alors jugée impossible; quand il eut fait de l’art un mécanisme, chacun, initié daus ses pro- cédés ingénieux par la lecture de ses trop nombreux ou- vrages, se mit à décrire sans être convenablement ému ; on peignit sans génie et sans chaleur, et avec des combinaisons de mots : mieux, certes, eût valu en faire à l’aide des idées ! Je le dis avec douleur, ceux-mémes qui font notre juste or- gueil se laissent aujourd’hui entraîner dans cette voie. Pourquoi les a-t-on vus, plus versificateurs que penseurs, négliger la conception des plans , la liaison entre les détails ; former leur Parnasse de figures entassées sur des figures, et de mots sur des mots? Des succès faits pour tout le monde auraient-ils dû être l'objet de leur ambition? Que n’emprei- gnaient-ils leurs compositions de ce caractère d'œuvre mé- ditée , fruit d’études sérieuses , et d’une lenteur commandée par la raison? Mais non: Voltaire et son universalité, Vol- taire et ses cent volumes , ont égaré les plus beaux esprits ! On à cherché à éblouir la postérité en grossissant ou en multipliant les productions. La Bruyère , avec son seul livre, n'a pas paru un modèle à suivre. Invinciblement, la préci- pitation a entrainé après soi la négligence : aussi, tel ou- vrage, réduit de moitié, serait-il un chef-d'œuvre, tandis que, alonge par le prosaïisme , il afflige par ses taches autant qu'il réjouit par ses beautés. Cette négligence, due à l’envie de produire beaucoup, ne peut être que fatale à la langue. Le vers peutl sortir châtie de dessous des plumes qui n’effacent rien et qui courent sans s’'arréter? Qu'on ne s'étonne nullement du néologisme d'un homme de talent, puisqu'il ne se donne pas la peine de ré- ver au mot propre. Prenant avidement l'expression forgée sans besoin, il détourne les mots de leur sens: puis, que d'enjambements vicieux, de repos où l’art les défend, de rimes sans cousonnances , de vers revendiqués par la prose, 152 ACADÉMIE DE ROUEN. et que’la poésie méconnaît. O fatale précipitation! Quoi! le laurier obtenu fascine ainsi des yeux d’ailleurs si clair- voyants! Eh bien, avertissons le génie que sa plume, natu- rellement facile, a des malheurs à redouter si elle se né- glige, Au travail seul appartient le droit d'obtenir un succès constant. Mais c'en est assez : la critique n'importune; et, pour me servir d’une expression de Boileau, je me fatigue du #é- chant métier de médire. Consacrons-nous désormais à rele- ver le mérite des efforts de nos poètes et de nos prosateurs ; disons les services qu’ils ont rendus à la langue , les beautés dont ils l'ont enrichie; n’omettons rien, s’il est possible : il est doux d’en être à l'éloge, et il est dur d’adresser des re- proches à ce qu'on aime. Sans doute, rien de mieux que de s’épuiser en traits contre la métaphore vulgaire , et contre toutes ces figures dont l'effet est de bouffir et d’obscurcir le discours : je suis le premier à m'indigner contre cette rhétorique ; mais, je l'en conjure! que la critique respecte soigneusement ce que nous admirons tous : ce secret de matérialiser avec des fi- gures les élans, secret que l’auteur des Héditations et des Élarmonies a su arracher aux Muses, toujours soigneuses , jusqu'ici, de dérober ce mystère à leurs plus chers favoris. Tel est ce merveilleux talent, que la langue francaise a enfin donné une forme poétique à expression du ravisse- ment, à la parole de l’homme en extase, et à l'épanchement du cœur devant Dieu. De là, les sons se trouvent bannis, et là, l’action mentale fait comprendre , à quiconque rêve ou médite, ce que le poète a exprimé avec un art ignoré jusqu’à lui, donnant un corps, une voix, à ce qu'il y a de plus éloi- gné de la matière. Le poème de Jocelyn, composé sous l'influence des doc- trines anglaises connues sous le nom de lakistes, a su triom- pher d’une autre difficulté : celle de voiler, sous une image CLASSE DES BELLES-LETTRES. 153 chaste , l'ivresse des sens et le trouble d’un cœur que la vo- lupté fait palpiter. Pauvre Laurence ! Les bouillonements qui agitent ton sein, nous les avons vus sous la forme heu- reuse de cette femelle du rossignol qui se consume de son souci maternel, tout en écoutant les accents de son mélo- dieux époux. Il n'y a point à ce que les mots sembleraient dire. Ce n’est ni la tendresse qui couve de doux œufs, ni la voix qui tombe dans un cœur, c’est lame tout entière et brülante de la jeune fille. Elle nous apparaît au moment qu'elle s’épuise de langueur. Ainsi une image diaphane laisse voir une autre image. Et des voiles jetés Pun sur autre, mais transparents , permettent de montrer et d’ennoblir lesmouve- ments de notre nature la plus terrestre. A ces conquêtes du génie, n’associerons-nous pas le ta- lent réel, puisqu'il fait école, de changer la verve en chaleur ? On l'accuse d’être prestigieux; la vérité est qu'il y a, dans M. Victor Hugo, plus de travail que de laisser-aller, et que chez lui expression, toujours frappante, n’est habituelle- ment ni naturelle, ni juste. De ces combinaisons , il en sort, toutefois, une poésie qui vous remue sans être saisissante , une poésie qui a la méme puissance que la prose de Tacite. Rien de fluide sans doute; néanmoins le magicien nous charme. 11 a de lor pur dans sa baguette. Que si le fer s’allie à cet or et si le fer nous effraie, nous n’en sentons peut-être que mieux combien la force fait souvent de la puissance, sans se créer pourtant de l'autorité. Aussi j'ose ici prédire que lécole de M. Hugo ne sera qu'éphémère. On étudiera long-temps sa manière ; on ne la suivra pas toujours. Voyez comme il abaisse son vol cet autre poète, qu'on peut, cependant, regarder comme un parfait modèle, car , si la chanson n’est qu'un genre assez humble , chanter comme le fait M. de Béranger , n’est-ce pas se placer au premier rang? J’en appelle à l’universelle approbation qui se mani- feste sitôt qu'une chanson nouvelle sort de cette brillante 154 ACADÉMIE DE ROUEN. plume. Elle ne connaît ni revers ni détracteurs. Elle est trop frondeuse pour n'avoir pas des ennemis , et qui sait si, moi- même, je ne suis pas du nombre : n’attaque-t elle pas ce que je révère? Mais, tout en blämant l'emploi du talent, per- sonne n’en conteste la supériorité , et la langue n'a pu que gagner à la popularité de chansons , dont les meilleurs , litté- rairement parlant, sont loin d’être celles que l'esprit de parti a vantées avec enthousiasme. Ce n’est pas comme un fils de la lyre, que je celébrerai ici M. de Fontanes, quoiqu'il ait fait de beaux vers; mais, présidant un des grands corps de Fétat, il a su donner à ses harangues un éclat de couleurs et une pompe qui nous étaient alors inconnus. Ses qualités étaient la réunion de celles de l’homme de lettres et de l’homme d’etat , et ses dis- cours participaient de la grâce de lun et de l'étendue des vues de l’autre. Ils s’adressaient à un homme d’une grande puissance et de tête et de volonté. Naturellement incorrect dans sa parole, celui-ci savait pourtant buriner sa pensée, et le recueil de ses harangues militaires sera l'objet des études de l'avenir. On y verra plus d’un beau modèle : le héros emprunte à chacun de ses poètes favoris quelque chose de leur manière, à Ossian son emphase, à Corneille sa profondeur. Les mots sont ici chargés de choses, et l’homme le plus spirituel de son siècle dit tour-à-tour ou tout à la fois à l’armée, à la France , à l'Europe, ce qui lui convenait de leur dire pour manifester ses desseins et les plier à son joug. De grands historiens devaient naître où écrire sous un homme qui donnait tant d'occupation à l’histoire. En effet, ce siècle est celui où la France a le plus de droits d’être fière d’un Michaud, à la manière large et noble et aux récits pleins de scènes attendrissantes ; d’un Guizot, si remarquable par l'art d’ordonner les parties de sa narration et de les disposer pour le triomphe d’une opinion; d’un Thiers, qui décrit CLASSE DES BELLES-LETTRES. 155 notre révolution d'une manière si vive qu'on croit en revoir chaque journée ; d’un Thierry , qui s'attache à donner aux nations Où aux races un intérét dramatique qu'avant lui, on n'avait su inspirer que pour les individus ; d’un Michelet, qui fait de la philosophie avec des narrations, et d’un Barante, qui, après avoir été délicieusement pur dans Sœur Harque- rite, vernitson ffistoire des Ducs de Bourgogne avec les plus belles couleurs des vieilles chroniques. Nous n’eloignerons pas de lai cette femme dont les me- moires présentent un intétét si profond et si soutenu , joignant les manières de la cour à la simplicité vendeéenne. Dans ce livre, nulle gloriole littéraire : Mad. de la Roche- Jacquelin n'a prétendu que faire connaître et faire aimer des paysans héroiïques , et son récit la place au rang de nos plus brillants auteurs. Mais à peine s’est-on occupé de ceux qui racontent les troubles des empires, qu'on est frappé de la vue des orateurs dont la parole agite les nations. Et quel siècle fut plus fécond que le x1x° en hommes sachant créer, par le geste et par la voix, leur domination sur les esprits, soit qu'ils servent, soit qu'ils frondent les passions populaires? Trop souvent, hélas! ce grand pouvoir estfatal à celui qui s’en empare. Une mort prématurée n’a- t-elle pas déjà privé la France de plusieurs hommes vrai- ment éloquents. Ainsi de Serre, Foy, Martignac, sont tom- bés avant l’âge, après nous avoir charmé par leur bien dire. Ils nous ont laissé Royer-Collard, Dupin, de Fitz-James et Berrver. Grâce à tous ces organes de partis divers, la langue a gagné à être comme asservie au besoin de produire de grands effets de tribune. Que de finesses et de ressources se trouvent inspirées dans ces luttes, au sein d’un grand débat ! La nation, de plus en plus charmée de ses orateurs , leur doit un goût nouveau, mais excessif, pour l'argumentation 156 ACADÉMIE DE ROUEN. animée. Ainsi, aux nobles et douces causeries, ont succéde des discussions de salon, animées du feu des discussions publiques, où se voient souvent une force et une chaleur jointes à une facilité dont se ressentent les publications jour- nalières , car les feuilles quotidiennes ne sont que des imita- tions souvent heureuses des entretiens du soir et des oraisons de la tribune , mais mises sous la forme du pamphlet. Dans le.pamphlet , ce genre habituellement dégradé, nous avons vu Paul-Louis Courier s'élever à une hauteur qui atteint Swift si ingénieux, Pascal si pur, et Rabelais si piquant. De sa prose, fluide à force d’être lentement tra- vaillée et plus lentement corrigée, l'helléniste lui-même a pu dire qu'elle était inimitable, jugement à la fois naïf, orgueilleux et juste. Au reste, cette justice Courier la ren- dait mal aux autres. Lui, si plein de goût, il trouve l’abbé Barthélemy, faible écrivain , et nie que personne, depuis Louis XIV pas même J.-J. Rousseau, ait su écrire dans notre langue. Eh! quoi, me dira-t-on, vous voulez faire un des maîtres de l’art d’un écrivain dont le feu fut vif sans doute, mais si promptement éteint, qu'il ne produisit jamais que des étincelles. Qu'importe, vraiment, la longueur des œuvres , si le cachet de l'originalité s’y trouve empreint ! L'éditeur des quatre volumes de Courier, Armand Carel, dans des feuilles légères, n’a pas su seulement montrer une vigueur extrême. Sa polémique chaleureuse s’est fait remar- quer , surtout par une suite d’idées , une fixité de principes, une générosité de sentiments , capables de faire pardonner bien des erreurs. Loin de l’arène où combattent ces hommes toujours plus politiques que littéraires, nous voyons s'ouvrir des écoles paisibles, où retentissent cependant de bruyantes acclama- tions, lorsque M. Villemain sut réhabiliter, par sa parole pleine de verve et d'éclat, les gloires des hommes du moyen- âge, écrivains méconnus durant deux siècles de lumière, le CLASSE DES BELLES-LETTRES 157 ‘dix-septième et dix-huitième ; lorsque M. Pariset versa sur des études difliciles les flots de son cloquence rapide; sur- tout, lorsque M. Cuvier, comme un phare lumineux, vint montrer leur route aux explorateurs de la nature. Hélas! cette lumière s’est éteinte : Cuvier n’est plus, mais il nous a laissé ses écrits, modèles d’une haute raison, d’une science sans limites , et d’une clarté radieuse. A sa suite, montrons nos philosophes. Vrais preécepteurs des peuples , ils se sont charges de lavenir, comme nos orateurs le sont du présent. On distingue parmi eux un écrivain très pur, Bonald, aujourd’hui peu lu , ou tout au moins peu médité, mais qui frappera l'esprit de nos neveux par ses apereus nouveaux et par son style noble, grave et toujours ingénieux. Ballanche se plait, de son côté, à reproduire la philosophie telle que l'antiquité l'avait conçue. Loin d’un siècle positif, il se rap- proche de l’époque où vécut Platon, dont il a parfois l’atti- cisme et la poésie. Suivant d’autres sentiers, on apercoit méditer Lamennais. Jamais écrivain n’eut une chaleur plus vraie ; de là, sa véhémence, semblable au volcan. Il brûle plus encore qu'il n’éclaire. Le suivez-vous , il arrache devant vous la rive, et vous consume de son souffle embräsé. Mais, voici qu'au-dessus de tous s'élève un puissant colosse ; dominant notre âge, il semble absorber tout son siècle dans ses rayons. Pour bien concevoir ce que notre langue doit à M. de Châteaubriand , il faut distinguer, dans ses écrits, quatre manières différentes, dont la réunion compose un talent d'autant plus extraordinaire, qu'il a eu plus de phases et a parcouru plus d'espace. Ce genie a commencé par être imitateur, mais si bien qu'on le dirait fils de tous les maîtres de l'art , et contemporain de toutes les époques. Tour-à-tour, biblique, homérique , ayant dans la voix quelque chose de Bossuet et dans l’ac- 158 ACADÉMIE DE ROUEN. cent du Bernardin de Saint-Pierre, il frappait par un je nè sais quoi de sauvage et d’altier , qui ne ressemblait à rien au monde. Ne pour les voyages et pour les traductions, son genie souple, ses connaissances variées et son coloris sans égal , firent de son apparition un évènement dans le monde. Novateur , il alarmait les amis de notre belle langue , et sem- blait prét à ébranler les statues de nos grands écrivains de dessus leurs piédestaux. Cependant, on se rassura, quand on le vit sans cesse occupé à revoir ses œuvres publiées, sublimes, mais in- cultes, et à leur ôter les taches que déjà le troupeau servile regardait comme des beautés. On le vit dès-lors, avec ses véritables traits, partisan du grand siècle, mais pourvu d’un caractère original. Cette fidélité aux meilleures traditions fut encore mieux prouvée par ses discours de tribune, et sa polémique litté- xaire et politique, jointe à son {tinéraire de Paris à Jéru- salem, où se trouvent de si belles images, surtout celles qui sont écrites sur les ruines de Carthage. Dans cette partie de ses œuvres, il a tout-à-fait la diction des plus beaux temps de notre littérature. Là, on le croyait arrivé à ce point où le genie, ayant choisi sa route, s’y complaît, et y demeure; mais il avait encore à monter. Et je me trompe fort, ou il s’est eleve à son apogée, quand il a eu publié ses Études historiques, où se trouvent des morceaux détachées d’une histoire de France qui serait un des chefs-d’œuvre de l'esprit humain, si elle était achevée. Jamais notre langue n'avait eu le nerf et la mâle vigueur qu’il sut lui donner, lorsque, luttant à la fois contre Bossuet et Tacite, mais ne les imitant plus, il sut, d’une manière rapide et véhémente , raconter avec profondeur ce moyen- àge commencé sous Constantin et fini sous Louis XI. Si jamais notre histoire nationale recevait, dans toutes ses CLASSE DES BÉLLES-LETTRES. 159 pages, cette même couleur brillante et chevaleresque, unie à un fond de philosophie et à des vues de progrès social, le dix-neuvième siècle aurait la même auréole de gloire que le siècle d'Homère et celui de Corneille. Après l'achèvement d’une si haute entreprise, de par un tel maître, il serait interdit à quiconque manierait la plume d’être vide ou boursoufflé, ou de parler pour næ&tre que disert. Un si grand exemple obligerait. Pans ses derniers écrits, M. de Chäteaubriand , s’aban- donnant à tous les mouvements de son ame, dédaigneux de rien dissimuler , a repris un peu de la verve de ses Vatehéz; il y a uni les formes acerbes du sarcasme et le ton d’une indignation qui n’est pas jouée. Cette liberté a pu soulever des haines ; mais, considérée sous le rapport littéraire , ces quelques opuseules ont imprégné notre langue d’un fieT inac- coutumé. Nos auteurs ne nous offraient encore aucun modèle de ce style virulent, où le mépris dicte les mots, et choisit les tours de phrase. Démosthènes s’en était servi pour con- fondre les mensonges d’Eschine; Cicéron, pour plaider contre Vatinius. Juvenal aussi étincelait de pareilles hyper- boles. Dans ses Essais sur la Littérature anglaise, la palette du peintre n’est plus chargée de ces couleurs vives et crues. A une acre polémique succède le découragement que fait naître des temps et des nations qui dégénèrent. C’est Salvien, le prêtre de Marseille , qui a vu arriver les barbares. Résumant ce que ce discours peut contenir d’enseigne- ments divers sur l’état actuel de la langue , je crois pouvoir dire que les trente-six années de ce siècle doivent s’enor- gueillir d’un progrès sensible. Mieux que leurs prédécesseurs, nos grands écrivains trou- vent des expressions propres à rendre le rêve ou l’enthou- siaäsme; mieux encore que nos pères, ils sont capables de donner aux sentiments violents, à la colère , à l’indignation, L1 e = 28 3 nl * l'expression convenable, 11 y a, en un mot,. une énergie 160 ACADÉMIE DE ROUEN. plus grande dans la manifestation des volontés, une vivacité plus soutenue dans l'émission des idées. Les conceptions, les affections, prennent, mieux que jamais, des formes sensibles ; et, par des images ingénieuses , on rend palpable ce qui de- meurerait obscur , s’il était présenté sous la forme logique d’un simple énonce. Sans doute, les œuvres de l'imagination sont souvent gä- tées par l'abus de ces moyens; mais, lorsque tant d’arti- fices du langage sont transportés dans l’exposition des ma- tières scientifiques, celles-ci, qui commandent d’ailleurs une extréme simplicité, trouvent une foule de secours dans le sobre emploi de ces conquêtes de notre âge. En terminant cette appréciation rapide, croyons-nous avoir dissimulé les torts, épargné les reproches aux maîtres de l’art? Non: nous pensons même nous étre préserve , et de l'injustice qui ferme les yeux, et de l'engouement qui ne sait qu'admirer. Beautés, défauts, nous avons tout signale ; et, tour-à-tour, nous les avons loués ou blâmés. Aussi, après de telles hardiesses , il nous semble que nous pouvons dire , avec Quintilien : «Je’ crains que ce discours ne contienne peu de miel, « beaucoup d’absinthe, et qu'au fond , ilne soit plus salu- « taire qu'agréable. » AAA A AAA A A AAA AAA ÉLOGE DE M. L'ABBÉ DE LA RUE, MEMBRE DE L'INSTITUT ET DE L'ACADÉMIE ROYALE DE ROUEN. PAR M E. GAILTARD. Séance du 24 Juin 1836, Messieurs , Ne me permettrez-vous pas de rendre hommage à un homme dont lérudition fut prodigieuse? Depuis de longues années, vous vous l’étiez associé : il était l’un de vos cor- respondants. Arrivé à l’âge où l'on ne travaille plus, M. l'abbé De la Rue s’est trouvé une telle vigueur, qu'il a mis au jour, étant plus qu'octogénaire , une œuvre égale à celle des Millot et des Raynouard, et il a fait, pour le nord de la France, ce que ceux-ci avaient fait pour le midi. Eh quoi! me direz-vous, votre devoir n'est-il pas de rendre justice aux talents de ceux qui ne sont plus? Oui, mais en peu de mots; tandis que le nom de M. l’abbe De la Rue et la nature de ses travaux demandent qu’on s’étende sur le merite d’œu- vres destinées à honorer notre province. C'est, en effet, aux recherches de l'historien des Trouvères que nous devons la preuve irrécusable que les Normands marchèrent les premiers dans la carrière des lettres fran- caises, et tirent le sceptre en tout temps. Si donc jadis nous 11 162 ACADÉMIE DE ROUEN. ne parlions que de Malherbe et de Corneille, maintenant uous n’oublierons pas de nous glorifier de trois cents trou- vères, qui finissent par Alain Chartier, le père de notre prose française, par Bertaut et par le cardinal du Perron. De telle sorte que, grâce au savoir de M. l’abbé De la Rue, admiré par Walter Scott, et loué par M. de Chateaubriand, notre province fera désormais remonter sa gloire littéraire jusqu’à ses écoles carlovingiennes de St-Ouen de Rouen et du Mont St-Michel, au sein desquelles nos ancêtres ne cessèrent d'étudier la docte antiquité, alors méme que, partout ail- leurs, on n’avait plus autour de soi que ténèbreset barbarie. Vous, Société normande, vous préposée à la garde de toutes nos gloires provinciales, commen: négligeriez-vous , dans l'année de la mort d’un savant si patriote, de rappe- ler que son érudition nous a conquis le moyen-âge, comme le génie de Corneille nous avait conquis les temps civilisés. « Je suis né à Caen, dit M. l'abbé De la Rue, sur la pa- « roisse St-Sauveur, le 7 septembre 1751. Je fait toutes mes « classes au collège du Bois, et ma théologie à l'Université « de la même ville. En 1773, je fus ordonné sous-diacre , « diacre en 1774, et prêtre en 1735. Vers 1785, je fus « nommé membre de l'Académie royale des Belles-Lettres de « Caen. Mon discours de réception eut pour objet la chro- « nologie des anciens peuples. En 1786, le roi Louis XVI « me nomma professeur royal d'histoire au collège du Bois, «et, en 1790, je fus élu pour la seconde fois doyen de la « Faculté des Arts, ayant été le dernier deces doyens, comme « le prouve ma signature attachée à la protestation de l'Uni- « versité de Caen contre la constitution civile du clergé. « Bientôt, condamné à la déportation pour refus de serment, « je m'embarqnai au Havre ; le 7 septembre 1792, avec une « centaine d’ecclésiastiques , et je débarquai à Southampton, « où nous fûmes recus avec beaucoup d’hespitalité, et même « logés par les habitants. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 163 « Après quelques jours de repos, je partis pour Londres, « Où je restai une quinzaine, voulant aller trouver M. de « Mathan, qui était allé à Coblentz se réunir à son régiment « des gardes francaises. » En effet , l'idée fixe de toute la vie de M. De la Rue a été de vivre près de M. de Mathan; c'était plus que son elève, plus que son ami : c'était son bonheur, la pensée de tous ses instants. Rentré en France, il renonca aux établissements avantageux que Paris lui offrait , ne se croyant heureux qu'à Caen et au Château des Cambes, c’est-à-dire partout chez M. de Mathan, et, lorsqu'il est mort, le 17 septembre dernier, c’a été chez M. de Mathan, à plus de quatre-vingt-quatre ans. Aünsi , celui qu'il avait aime si long-temps lui a ferme les yeux : sentiment aussi pur que long, et qui honore autant celui qui l'a pu éprouver que celui qui a su inspirer. C’est par ce seul trait, Messieurs, que vous connaîtrez l'ame de M. De la Rue. Maintenant, renfermons-nous dans l'appréciation de ses œu- vres, tout en ne disant qu'un mot de son humeur ; son por- trait devant étre joint ici à son éloge. C’était, aux derniers temps de sa vie, un petit vieillard , au teint rosé, à la chevelure blanche , remarquable par un œil doux et bleu , qui pétillait de malice. As-is à côte de lui, vous le voyiez vous regarder d’un air scrutateur, quoique toujours gai ; il prenait assez long- temps votre mesure; puis venaient ensuite des saillies par explosion, plus piquantes les unes que les autres. Si, conser- vant des formes modestes, vous teniez à cet orage, alors, se levant, il venait à vous d’un air caressant et vous don- nait des preuves de cordialité, quise mélaient à des reproches sur les fautes que vous aviez pu faire, en citant ou en con- cluant sur quelque matière d’érudition. Etses reproches, il les fesait sans ambages ni circonlocutions, mais en vous em- brassant. Il faut ajouter que ce qu'il épargnait le moins , c’étaient les on { 164 ACADÉMIE DE ROUEN. absents. Pour eux, ses épithètes étaient riches et rarement flatteuses : malheur vraiment à qui l'avait heurté de sa con- tradiction, ou irrité par ses erreurs. Je ne dissimule rien, comme on le voit, mais aussi j'af- firme que personne ne savait mieux que lui les matières dont il s'était occupé, étant d’ailleurs éminemment propre à dé- couvrir le côte faible de chacun. Avant son départ en Angleterre, il avait amassé pendant dix ans les matériaux d’une histoire civile littéraire de la Normandie, et, il faut le dire, M. de Mathan avait mis à sa disposition les immenses documents rassemblés sur la Nor- mandie par le laborieux-et savant dom Le Noir. Pourquoi faut-il que, durant nos affreuses discordes , toute cette par- tie dutravail de M. l'abbé De la Rue ait été perdue? Les Essa's sur Caen, dont le troisième volume n’a pas encore paru, ne sont que les vestiges des premières études de notre histo- rien. En Angleterre , il a publié plusieurs dissertations d’un tel mérite, que Walter Scott se plut à le regarder comme un de ses maîtres. En France, lorsqu'il eut fait connaitre son plan d’études à l'Académie des Inscriptions , il se trouva en- couragé , applaudi par des hommes tels que dom Brial, Cu- vier et M. Daunou ; car il revenait parmi nous riche des tre- sors que, pendant six ans, il avait puisés dans les archives anglaises , dont sir Joseph Banks lui avait fait onvrir toutes les portes; et, dans un travail de huit heures par jour, notre érudit avait copié plus de quatre mille pièces, concernant l'histoire du commerce, de la marine et des arts, chez les Francais, pendant les xr1*, xi11°, x1v° et xv° siècle. Le Roman de Rou, tout entier, avait été par lui transcrit, et on ne peut dire ce qu'il avait vu de manuscrits écrits par des poètes normands, picards, lorrains, flamands, artésiens, ou- vrages enlevés à la France par les rois anglais Henri V et Henri VI, lors de l'occupation de 1415 à 1450. CLASSE DES BELLES-LETTRES. ! 160 Vint enfin le moment où, pour la gloire de sa province , M. l'abbé De la Rue, âgé de quatre-vingt-trois ans, dédia à son cher et noble ami, le marquis de Mathan, pair de France, ses Essais historiques sur les bardes, les jonçleurs et les trouvères. Les volumes furent au nombre de trois, tous sub- stantiels, souvent amusants et toujours instructifs. Là se trouve raconté comment la France , l'Angleterre et l'Italie sont redevables à la Normandie de leur poésie, de leurs rimes et de leurs modèles. M. l'abbé De la Rue prouve que trois de nos premiers ducs furent trouvères : ces vieux poètes septentrionaux parurent à la fin du x° siècle, tandis que les premiers troubadours ne sont que de la fin du siècle suivant. Richard-sans-Peur, petit-fils de Rollon, éleve par les Da- nois de Bayeux, se plut, comme eux, à chanter des servan- Lois, où il rivalisait avec les scaldes de la Scandinavie. En effet, Sigvatur, scalde scandinave, était venu à Rouen pour y faire admirer ses talents, et y recevoir des récompenses ho- norables. C'est là qu'il écrivit ses Chansons occidentales. D’autres scaldes l'avaient suivi; mais, pour plaire à nos dues , ils avaient écrit dans la langue du pays, sans oublier pourtant le caractère des inspirations norwégiennes. A ces hommes du Nord, les Normands doivent l’introduc- tion dans leur poésie des songes, des prodiges et des visions poétiques, dont la Grèce et Rome n’offraient pas de modèles, Les Normands y joignirent la rime, que M. De la Rue prouve être une invention celtique, et non arabe, les trourères l'ayant prise dans la poésie latine des derniers siècles de l'empire, laquelle l’avait empruntée aux compositions des bardes, qu'Elien qualifie de très habiles. Cette poésie latine rimée était cultivée , parmi nous, vers la moitié du x* siècle. Deux contendants, Warmer et un moine de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, disputaient en latin. Warmer s'adresse à Robert, premier comte d'Évreux 166 ACADÉMIE DE ROUEN. - et archevêque de Rouen, et il lui cite Horace, Virgile et Stace ; puis il fait connaître qu’à l’école de Saint-Ouen , on énseignait alors les sept arts liberaux. Vers la même époque, le chanoine Dudon de Saint- Quentin composait, tant en vers qu’en prose, l’histoire de nos premiers ducs, qu'il disait tenir de Raoul, comte de Bayeux. Sous Guillaume-le-Conquérant, Robert du Bec-Crépin, puissant baron des environs de Montivilliers, s’exila aux champs de la Sicile, et, parvenu au palais du comte nor- mand qui régnait sur cette ile, il fut frappe, en entrant, du son des harpes et des vielles : on y chantait sons et lais. Ces vers, ou s0.:s, ont donc été les modèles des premiers vers italiens, écrits tous en sicilien, et depuis la venue du sire du Bec-Crepin. Quant aux leçons données par la Normandie à l’Angle- terre, M. De la Rue fait remarquer que Guillaume-le-Con- quérant avait des poètes à sa suite. Parmi les hauts barons était son cousin Hugues d’Avranches, comte de Chester. Le Conquérant aimait tellement les vers, qu'il donna trois sei- gneuries, dans le Glocestershire, au jongleur Badi. Vraiment, il fallait que les Normands goûtassent les chants guerriers, pour que Taillefer commencät la bataille d'Has- tings en entonnant une chanson, que les Francais disent de Roland, et les Anglais de Rollon. Deux des fils du Conquérant furent frouréres, savoir: le malheureux Robert-Courteheuse, et Henri Beau-Clerc. De leur temps vécut Guillaume IX, duc d'Aquitaine, le plus an- cien des troubadours. A cette priorité évidente des poètes du Nord sur ceux du Midi, M. l'abbé De la Rue joint une supériorité incontesta- ble, qu'il leur accorde surtout sous le rapport du sujet. « Les troubadours, dit-il, ne savent que parier d'amour ; « tandis que les trouvères , les yeux fixés sur l'antiquité , CLASSE DES BELLES-LETTRES. 167 + traitent, en outre, de religion, de chevalerie, de morale, « d'histoire et d’enchantements. Ce sont eux qui ont traduit, « augmenté et rendu populaires, les romans de la Table- + Ronde, dont les Armoricains ont le mérite de l’inven- Uon. » M. De la Rue avoue ensuite que c’est aux Flamands que nous devons nos Puys de Rouen, de Dieppe et de Caen; mais il fait observer que les Puys d'amour flamands, établis, dès le milieu du xrrr° siècle, à Lille, Douai, Cambrai, Va- lenciennes , ne chantaient que des flammes mondaines , tan- dis que nos Puys de la Conception, qui sont du xv* siècle, furent élevés en l'honneur de la Vierge sans souillure. Ailleurs, pour prouver à ses lecteurs combien la gloire de la Normandie est resplendissante , M. De la Rue, dans son {listoire des Jongleurs, a fort bien établi que ce furent les Normands et les Anglo-Normands qui, par leurs jon- gleurs, firent revivre, en Europe, l’art dramatique. Ces jongleurs, qu'il ne faut pas confondre avec les trou- vères, chantaient ce que ceux-ci ne fesaient que réciter. S'accompagnant de la harpe, de la vielle et de la rote, ils couraient de châteaux en châteaux , ou demeuraient attachés à des évêques, à des monastères, ou à de grands barons. Bardes dégénérés, ils se livraient parfois à de telles bouf- fonneries |, que Charlemagne les interdit aux personnes consacrées à Dieu. Cependant ils étaient chers aux Rouennais, mais Louis-d’Outremer , qui craignait leur indignation et leur accents patriotiques, les bannit, lors de son usurpation du trône de notre jeune due Richard-Sans-Peur. Sur la fin des temps moyens, les jongleurs s’associèrent des jongleresses; et, dès-lors, dissolus, ils dégénérèrent tellement, que nos aïeux les oublièrent. M. De la Rue prolonge, au contraire, l'existence des trouvères jusqu’à Malherbe. En effet, les lettres francaises n’eurent véritablement leur caractère actuel qu'au xvrrf siècle ; 168 ACADÉMIE DE ROUEN. jusque-là, elles ont le cachet que les trouvères normands avaient mis sur toutes leurs œuvres : mélange d'inspiration propre au barde, de rèverie , partage du scalde , et d’épo- pée empruntée à la muse armoricaine, toute remplie de Charlemagne et de la Table-Ronde. Terminons en disant : Honneur à l’érudit qui a su mettre en lumière des verites si nouvelles, et qui, pour les rendre incontestables , a pâli sur de poudreux manuscrits, et a lu consciencieusement les manuscrits renfermés dans les bi- bliothèques de France, de Belgique et d'Angleterre ! J € au Muste De Rouen par ER. £onalois Conser Buste Des & Grav. Japres le 2700600000 6000070000660600000000006006600060606600666063060e RAPPORT SUR LES MÉMOIRES ENVOYÉS AU CONCOURS POUR LE PRIX RELATIF A JOUVENET. MM. Gaillard, Des Alleurs, Langlois, Floquet , Garneray, commissaires ; Hellis, rapporteur. Parmi les hommes célèbres dont notre ville peut s’enor- gueillir, Jouvenet est peut-être le plus remarquable. Sans avoir vu Rome et les chefs-d’œuvres de l'antiquité ; sans autres guides que son instinct, l'étude de la nature et l'effort de son génie, il devint un grand peintre. 11 se fit une ma- nière à lui, noble, élevée, digne des sujets qu’il aimait à traiter ; ses œuvres, multipliées par son étonnante fécondité , furent l'admiration des étrangers et sont encore un des plus beaux ornements de nos musées , de nos temples et des maisons royales. Son nom à pris place parmi les illustrations que vit éclore le règne de Louis XIV. Après les hommages rendus à Boïeldieu, le monument élevé à Pierre Corneille ; l’Académie ne pouvait oublier Jouvenet, qui fut aussi une de nos gloires ; c’est là ce qui l'a déterminée à proposer pour sujet de prix une Notice his- torique et critique sur Jean Jouvenet et ses ouvrages. Je vais avoir l'honneur de vous rendre compte de ce concours 170 ACADÉMIE DE ROUEN. au nom d’une commission composée de MM. Gaillard , Des Alleurs, Langlois, Floquet et Garneray. Deux mémoires ont été envoyés, l’un avec cette épigraphe : Mirum est et in tabulis loquitur ; le second avec celle-ci : Deficiente dextra. L'auteur du premier trace la généalogie du peintre et fait connaître la maison où il est né; il appuie ces deux points sur des pièces justificatives recueillies avec le plus grand soin, mais ce qui concerne la vie de Jouvenet et l'appréciation de ses œuvres est tellement concis, tellement incomplet, que la commission ; tout en appréciant les efforts de l’auteur n’a pu admettre au concours, puisqu'il ne s'était occupé que d’une partie du programme exigé. Le second mémoire, ayant pour titre Deficiente dextrà, a paru plus digne d’un examen approfondi. 11 présente d’a- bord la généalogie de la famille de Jouvenet et indique la maison où ilest né. On voit que les auteurs ont puisé aux mêmes sources. Leurs renseignements, sur ces deux points, sont exacts et également authentiques. Il résulte de ces do- cuments que Jouvenet est né sur la paroisse Saint-Lô, rue aux Juifs, n° 9, dans une maison achetée par Noël , son grand-père, qui l'habita longtemps avec sa nombreuse fa- mille. Le nom de Jouvenet est éteint depuis la fin du siècle dernier , le peintre n'ayant eu aucun enfant mâle ; il ne reste plus maintenant que des cousines provenues de branches collatérales; cinq d’entr’elles, parentes au 6e ou 7° degré, habitent notre ville et celle de Neufchätel. L'auteur du mémoire place la naissance de Jouvenet au 12 avril 1644, d’après l'autorité des biographes qui ont adopté cette date ; il n’en fournit aucune preuve. La chose est possible, mais elle paraît peu probable ; l'acte de baptème qu'il produit, et qui est du 1° mai 1644, permet d’en douter. Dans un temps où les observances religieuses étaient dans toute leur vigueur , il eût fallu des circonstances bien extraordinaires pour retarder de 18 jours une célébration rigoureusement prescrite dans CLASSE DES BELLES-LETTRES. 171 les trois jours qui suivent la naissance. Ce que lon peut présumer , c’est que , baptisé le 1° mai , Jouvenet était né dans les derniers jours du mois d'avril précédent. Si l’on consulte les auteurs qui ont parlé de ce peintre , la plupart lui donnent pour père Laurent, fils de Noël ; quelques-uns , et la Biographie universelle est de ce nombre, le font descendre de Jean, autre fils de Noël ; il était facile de s’egarer au milieu d’une aussi nombreuse famille. L'au- teur du mémoire a tracé une généalogie complète , qui ne permet aucun doute à cet égard. De ces recherches, il demeure constant que Jean Jou- venet, originaire d'Italie, vint se fixer en France dans le courant du xvr° siècle ; il eut un fils du nom de Laurent, père de Noël, qui passe pour avoir donné des lecons au Poussin. Ce Noël euttrois fils : Laurent, Jean et Noël; notre JouvENET fut le premier enfant mâle issu de l'union de Laurent avec Catherine Deleuze, qui eut quinze enfants ; ainsi Jouvenet fut neveu de Jean et non son fils , ce qui s'accorde parfaite- ment avec les diverses particularités de son histoire. Jouvenet eut de son mariage deux filles : l’une qui mourut jeune, l’autre qui épousa un avocat au parle- ment de Paris. Cette question ne fut jamais douteuse. Il existait d'autant moins d'incertitude à cet égard , que, dans son tableau du Repas chez Simon le Pharisien, le peintre s’est représenté avec sa famille , et ses deux filles ne sont point oublices. D’Angerville, la Biographie universelle et beau- coup d’autres, sont ici complètement d’accord. On sait que Jouvenet , veuf de bonne heure , ayant perdu une de ses filles et marié l’autre, eut souvent pour com- pagne une de ses sœurs. S'il eût été fils de Jean, qui n'eut qu'une fille , mariée et mère de nombreux enfants, il est peu probable qu’elle eût quitté son ménage pour s'occuper de ce- lui de son frère ; tandis que, dans une suite de quinze enfants , il se trouve toujours quelque sœur veuve ou célibataire qui 172 ACADÉMIE DE ROUEN. devient la providence d’un frère, dans la même position qu’elle. Cette sœur, qui passa avec lui de nombreuses an- nées, qui l’accompagna dans notre ville lors du placement de son tableau de la Salle des Enquêtes , qui l’assista dans ses derniers moments, ne fut autre que Marie Elisabeth, plus jeune que lui de dix ans. Le grand-père et le bisaïeul de Jouvenet furent peintres et sculpteurs ; une de ses cousines épousa Pierre Rabon, maître sculpteur; son oncle exercait la même profession ; Laurent, son père, fut artiste comme ses ancêtres ; on dit qu'il recut des lecons de sa mère; il avait assez d'autres mo- dèles au sein de sa famille, et, comme le remarque l’auteur du mémoire, quinze enfants à élever, dans le cours de vingt-quatre ans, ne laissent guère le temps de manier la palette et les pinceaux. Une de ses sœurs épousa Restout, dont le fils devint peintre du roi. Celui-là pouvait bien avoir recu des lecons de sa mère, car elle peignait avec quelque succès; et, lors de son mariage, elle eut la coquetterie de faire consigner au contrat, que sa dot était uniquement le produit de la vente de ses tableaux. Francois, frère de Jean Jouvenet, eut le titre de peintre du roi; Noël, un de ses neveux, fut sculpteur des bâtiments du roi à Versailles. Il orna cette royale demeure des produc- tions de son ciseau. Il est rare dans une même famille de ren- contrer une aussi longue suite d'artistes. Ce qui, dans le mémoire, regarde la biographie, quoique traité avec détail et étendue, laisse pourtant beaucoup à désirer. Sans doute Jouvenet, homme simple et modeste , passa une grande par- tie de sa vie dans son atelier; on ne pouvait rien attendre de romanesque d’une existence qui fut toute de patience et de labeur ; mais une carrière aussi longue et aussi bien rem- plie, les éminents personnages avec lesquels il fut en rap- port, les grands travaux qui lui furent confiés, l’eclat de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 173 * ses succès, les louanges et les dénigrements dont il fut l’ob- jet, ont nécessairement laissé des traces qui ne sont point entièrement effacces : il n’eût pas été impossible de les decou- vrir et de les utiliser. Nous aimons à signaler les efforts de l'auteur pour arriver au but, efforts qui nous paraissent dignes de quelques éloges; mais il nous a semblé qu’en se bornant à coordonner ce que ses devanciers avaient recueilli, il n'en avait pas tiré tout le parti désirable , et que cette por- tion de son travail était susceptible de plus de variété, de mouvement et d’intérét. L'Académie, en demandant une Notice historique et cri- tique sur la personne et les ouvrages, désirait quelque chose de plus. Elle ne voulait point un éloge, car alors la vérité fait trop souvent place au désir de briller. Elle attendait des concurrents l'appréciation de ses œuvres et la révision de ses titres à la renommée; elle désirait savoir si, après cent cinquante ans , ses productions avaient conservé le même charme ; si le temps ne leur avait rien dérobé. En étudiant le peintre dans la fable et l'allégorie, dans l’histoire et les sujets sacrés, on eût fait connaître sa flexibilité. En parcou- ant les créations de sa jeunesse, de son âge mur et de sa vieillesse, en suivant les diverses phases de son talent, en indiquant la manière qu’il avait d’abord adoptée et celle qu'il suivit ensuite, on eût fait savoir s'il s'était constam- ment maintenu à la même hauteur, et si ses dernières produc- tions ne trahissaient point une main défaillante. Il eût été facile, en comparant quelques-unes de ses productions avec celles des grands maîtres, de faire ressortir les qualités de chacun et de démontrer comment, suivant son génie particu- lier, chaque peintre sait donner à une même composition de l'attrait, de l'éclat ou dela nouveauté ; ainsi FExtréme Onction inspira plus d’un artiste ; la Descente de croix de Rubens et de Daniel de Volterre passent pour des merveilles de l’art ; Jouvenet n'a point craint d'aborder un pareil sujet après 174 ACADÉMIE DE ROUEN. eux : il l’a fait avec un tel succès, qu’on eût pu sans crainte établir un parallèle dont il n'avait rien à redouter. En pre- sence des écoles d'Italie qui brillent de si vives couleurs , qui se recommandent par un goût sipur, un dessin si cor- rect, qui dominent l’art par la sagesse des conceptions et l'élévation des pensées, on eût pu faire sentir jusqu’à quel point le peintre rouennais méritait les reproches qu'il a en- courus, et ce qui lui a manqué pour soutenir la comparaison avec ces modèles inimitables qui sont restés les maîtres de l’art, l'admiration du monde, et le desespoir de quiconque a voulu les imiter. En placant le mot de critique dans son programme, PAca- démie donnait à penser que tout n’était pas à louer dans Jouvenet : il fut un grand peintre, mais il ne fut point un peintre sans défauts. Sur ce point délicat, nous devons ètre d'autant plus sincères, qu'intéressés dans la cause, notre patriotisme pourrait faire suspecter notre impartialité. Jusqu'à quel point peut-on le blämer d’avoir trop souvent visé à l'effet, en exagérant la vérité? Son dessin est-il tou- jours pur et correct ? S’est-il toujours maintenu à une hau - teur suffisante, lorsqu'il offrait à nos yeux des êtres au-dessus de l'humanité ? Est-il constant que sa couleur soit peu vraie, que ses draperies soient lourdes et dissimulent trop les formes? Tout en avouant ces taches qui existent dans quelques-unes de ses œuvres, on eût pu signaler celles qui en sont exemptes, et dire par quelles brillantes qualites il avait su les faire excuser dans les autres. Mais Jouvenet est par dessus tout un peintre français : quel rang doit-il occu- per dans l'école française ? En le comparant aux grands maîtres du xvrr° siècle, on voit qu'abandonnant le sentier qu'ils avaient tracé, et se dégageant des entraves qu'un goût sévère et de profondes études leur avaient imposées, il se lanca dans une route nouvelle, il se fit une manière à lui, n’obéissant qu’à la fougue de son imagination, Peintre par CLASSE DES BELLES-LETTRES. 175 instinct, fort de sa verve et de sa facile exécution , il sut sau- ver à force d’eclat ce qu'il y avait parfois de hasarde dans des compositions qui échappaient aux lois rigoureuses de la science et de l'analyse. Si après lui l'école francaise dége- néra, C'est qu'il est aise de prendre la facilité pour du talent, l’'affeterie pour de la grâce , l'emphase pour de la subli- mité; on se croit poussé par le génie quand on n’est que boufli de présomption : c’est qu'il est plus commode d’exé- cuter sans réflexion que de méditer avant de produire. Si les Boucher , les Vanloo , les Coypel , amenèrent la décadence de Part et firent régner le mauvais goût, c’est qu'ils exa- gerèrent les défauts d’un homme dont ils ne possédaient au- cune des qualités ; c’est qu'au lieu d'étudier la nature, ils ne cherchaient leurs modèles que dans un monde maniéré, dans les romans du jour et sur les planches de l'Opéra. Jouvenet n’en saurait être accusé : ce ne sont pas là les le- cons qu'il donnait à son neveu Restout; ce n'est pas à cette source qu'il puisait ses inspirations, lorsqu'il créa ces pages qui lui ont assuré l’immortalite ! En jetant un regard sur lécole francaise régénérée par Vien et ramenée à une méditation profonde, à l'étude et l'amour de l'antique, il eût ete bien intéressant de laisser pressentir quelle place notre peintre pourrait occuper au sein de cette foule de talents qui se sont succédés depuis un demi-siècle, et qui peuvent à leur tour faire dire à Paris avec une juste fierté que Rome n’est plus dans Rome. Les artistes par inspiration sont rares dans notre pays, malgre leurs prétentions en ce genre; ils n’abondent pas, chez nous, ceux qui sont emportés par la fougue de leur imagination. L'expérience démontre que, dans les beaux-arts, ceux qui s’y firent le plus beau nom furent guidés par le raisonnement et le savoir. David, Guérin, Girodet, furent des esprits réveurs et profondément méditatifs ; c’est ainsi qu'au siècle precedent avaient procédé Stella, Lebrun , 176 ACADÉMIE DE ROUEN. Lesueur , Mignard et Poussin , l'honneur et la gloire de notre France; c’est dans cette voie laborieuse que s'était engagé Léopold Robert, si douloureusement ravi aux triomphes qui se préparaient pour lui. Gros, plus guidé par l'imagination que par la science et la reflexion, Gros, remarquable par la franchise , la savante liberté de son pinceau, le jet hardi de ses lignes et la mer- veilleuse animation de ses figures, me paraît surtout pou- voir être compare à Jouvenet. Comme lui, il ne se trouvait à l'aise que sur de vastes toiles, où pouvaient se développer la fécondité, la facilité de son pinceau; ce n’est point dans le cabinet des amateurs qu'on les peut juger : pour les bien- comprendre , il faut les voir dans les musées , au milieu de de nos temples, dans le palais des rois. L’un se plut à repro- duire les faits antiques et les fastes de lhistoire sacrée; l'autre se consacra aux annales de son pays, et réunit sa gloire à celle du plus grand homme que le siècle ait produit. Si Jouvenet est plus aventureux, plus fécond , plus varié, Gros est plus correct, plus élégant, plus vivant que lui. Tous deux se surpassèrent en peignant à fresque les dômes - qui ornent la capitale ; ces œuvres du génie sont soumises aux regards de la postérité, il ne n'appartient point de décider entre deux pareils rivaux, mais je doute que la coupole des Invalides ait rien à envier à celle de Sainte-Geneviève. Je pense avoir fait comprendre ce que demandait PAca- démie et le regret qu’elle éprouve de ne pouvoir décerner la couronne. La Commission a été unanime sur ce point; elle à témoigné le désir qu'une mention des plus honorables fût accordée à l’auteur du mémoire , comme récompense du soin qu'il a pris de remplir quelques conditions du pro- gramme. Il a rétabli la généalogie complète de la famille Jouvenet, et fait cesser toutes les variations des biographes à cet égard. Cette partie de son travail a paru digne d’être Eu) » rade edcent'ance (ee Ji Dlre Felicu), Cle & Prerre Rodebuw, MausT Fee À me Cou de CEA ane of. actuels Eyeuuye) . Dow 2 PR pe SP dame ue b T® te ubon Due h etme 3 rt : & dim ,& CH Lee mul se Tate OT 7% se. 4 Cjosser.. Rem. 1H usn. are de 19 au À Ma. .. 7: (2) TC Ë Jean ouvertes e «Fableau genea COTE péceeeuss) De ta Famille ou pener, Are inde. Cumexe a mémenu que Vendue royale De ouen ae meteo \/ Ha Penotablenent Das Sn Sauce publique du 5 (lot 1836. (a) Parenéhnee De Paru ouvenes «5e air mItère Crus. vlan ct blacks. Maddie Fer, ClaihDe - Picrave Cavrage crnveue au cerceuts ar MHotel, t SE ma à 2nrerre tré) D, means , A Hé Te TETE £ £ 2 £ Alu ter Prat CNE rate Done ais al are Liurent Pouvene IN Prime SRE N TL ce rénale laure REED au of d'a qu ynaët DS SPORT ME ne 16. achuaflase tune EURE Vi lignatire vu Fevrier ITR RE = Haue-f Das: Cuphainu nd a5 he uyBe Mani Sel Ron, de VAN 17C, made à CRE SUR LES Ceanne JouveneiY. Aa maude, avan 1bié, à e ol. Jouvenet) mais panne - man, te 10 fu 1643, CHENE CEA DES res rer a Jean CRT El) Fer és auront Jouvenc® n1br9) maine pass - Julytane, mont à ÉDAPECOITTT Em 1616, É mi : - : LE Î 5 Jean Pierres \ Jacques Ÿ François Hart \ Alan, TeHlarie \ Via } Giulaume;] laurent | Tram Ÿ Pranços| C4 Gel, Ÿ Hot, PDenré, \Jouvenen] Same | ire | es | asser | mue |CAdaéet, raane,| Restows| ane Ars je | saut | Daptidte, | line eur] panne deep se ne ne mecs ‘a | [ii named] ét ec Te) TC 6h \64t 1668 ne ae” [Me (6), monte [proue Caus| 666 1668 - 1660 flo qter66£ | 6, june sou] m AMV Aameveer \GUD [eue med [male 36. 1644 Mania mme De | Mt. 5 miss Wiaiua de 5° 56. 1654 18 Jim 168 (1), à. 2 ile, CRTLLATT ES ELA ; ve PES, AU es | le | ML San 1717. | es filer, mr. 28 RTE Im 2084 % 1702 M 18 avuf lg] LIPPATETE MN 17 Gaëe1}37, | RP ENTER RENE RER 170$ qpuapee dom travail De jaune jutne Aou —. Ge Etes Abe, md In Par Fungi mg so hou 16 7, #52 Don, m.17 3e nt aie, poome Se vers D Re Jun nt frotte LE nant 1717. Vo am 1A3S Jun Bn=D Ave, mat De Ca2e) Ne pétu. = Us CLASSE DES BELLES-LETTRES. 177 conservée; l’Académie en a arrêté l'impression dans ses actes. On ne peut que remercier l’auteur d’avoir étendu ses recherches à toutes les branches collatérales de la descen- dance de cette nombreuse lignée ; mais le tableau tracé était suflisant : il était bien superflu de consacrer une partie no- table de son travail à l'histoire des décès, naissances, al- liances des parents éloignés de cette longue filiation de branches masculines et féminines, incapables par elles- mêmes d’inspirer aucun intérét. Je ferai la même remarque pour les pièces justificatives, au nombre de soixante, qui forment plus de la moitié de son œuvre. Peu d’entr’elles intéressent directement Jou- venet. Elles se composent d’actes de baptème, de décès, de testaments , contrats de ventes, de mariages, quittances et pièces relatives aux inhumations , successions , renonciations, révalidations , qui ont trait aux membres plus ou moins proches du peintre, celui-ci ayant constamment vécu à Paris; quelques-unes, à peine, de ces pièces l’intéressent directement. Ce qui concerne la biographie était le plus facile et a été traité avec plus de succès ; mais quant à ce qui regarde la partie historique et critique des tableaux , question majeure et qui dominait le sujet, l’auteur est resté trop loin du but. Autant il a mis de soin, de recherche, de scrupule , en parlant de la maison, de la filiation, de l'existence du peintre, autant il est réservé lorsqu'il s’agit d'émettre une opinion. Il cite, il est vrai, un grand nombre de tableaux; il en fait connaître soixante-dix-huit; mais, le plus souvent, c’est par une aride nomenclature , sans donner aucun détail sur la composition ; s’il formule un jugement, il ne dépasse guère celui qui est consigné dans les livrets ou dans les auteurs anciens qui lui ont servi de guide. La Compagnie avait souhaité que l’on indiquât la maison où était né Jouvenet. Ce vœu a été doublement rempli: les 12 178 ACADÉMIE DE ROUEN. deux concurrents ont donné les indications les plus précises à cet égard, et leur concordance prouve leur exactitude. Cette partie du programme n'était point une question capitale; il est à craindre qu'elle n'ait écarté quelques rivaux qui, loin de la localité, ne pouvaient facilement se livrer aux investigations qu’elle nécessitait. Le désir de l'Académie était bien naturel; il émanait d'un sentiment d’orgueil national que l’on retrouve chez tous les peuples , comme dans tous les cœurs. C’est ce sentiment qui donne un si grand prix aux objets possédés par ceux qui nous furent chers; c’est cette pensée qui nous attache au foyer de nos pères, qui nous fait verser des larmes sur le lieu où repose leurs froides dépouilles ! Les hommes illustres d’une ville sont les proches de tous les concitoyens capables de les comprendre et de Îles ad- mirer. De tout temps, on prit soin de recueillir ce qui pouvait, en perpétuant leur nom, enhardir à marcher sur leurs traces. Sept villes de la Grèce se disputèrent l'honneur d’avoir vu naître Homère. Si une d’entr’elles eût pu fournir ses preuves, un temple élevé par la reconnaissance et l’admi- ration eût bientôt décoré son enceinte. Après 1800 ans, on cueille encore des lauriers sur la tombe de Virgile; la mai- son de Pindare devint un lieu d’asile lors du sac de sa patrie. On montre à Anvers la chaise où s’asseyait Rubens, et dans notre ville, si féconde en grands hommes, si riche en précieux souvenirs , lorsque l'étranger aura visité les bords de la Seine qui furent teints du sang du Jeune Arthur, le marbre qui recouvre le cœur de Rollon, la pierre où fut délaissé Guillaume-le-Conquérant, le lieu où Jeanne-d’Arc acheva son généreux sacrifice; lorsqu'il aura contemple les vestiges des arts au moyen-âge et limposante majesté de nos vieilles basiliques , il ne sera pas sans charme de lui dire, en l’arrétant devant de modestes demeures, si simples CLASSE DES BELLES-LETTRES. 179 qu'elles n’attireraient pas ses regards : Voici la maison de Fontenelle, ici vécut Corneille , €t là naquit Jouvenet ! D'après l'invitation de l'Académie, Monsieur le Maire s’est empressé de faire placer sur la maison où est né Jouvenet À un marbre avec cette inscription : JEAN JOUVENET £#sr Né DANS CETTE MAISON , EN AVRIL 1644. COQCT" 602050060700 6007220070002007207707720070007072779725770 RAPPORT DE M. DE CAZE, FAIT EN 1835, SUR LE PRIX DE POESIE. Messieurs , L'Académie avait proposé, l'an dernier, pour prix de poésie, une pièce de vers sur Boïeldieu et sur les honneurs funèbres rendus à sa mémoire dans son pays natal. Elle dut s’applaudir du sujet qu’elle avait choisi, car elle eut rarement à juger un concours aussi nombreux, et cet empressement d’un heureux augure lui parut un nouvel hommage rendu à un homme dont le noble caractère et la grâce, unis à la beauté, augmentaient encore la haute répu- tation qu'il devait à son délicieux talent. Mais son attente a été décue en partie. Sur dix-sept morceaux envoyés au concours, plusieurs ont été remarquables , mais aucun n’a paru mériter le prix qui avait été offert. Les numéros 6 et 14 sont dignes d’une mention très honorable. Dans le premier, portant pour épigraphe Manibus date dilia plenis, on s’est plu à reconnaître de la verve et de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 18 l'élan poetique; mais, sacrifiant trop à la poésie moderne, l’auteur, dans la première partie de son discours , a réuni tant d'expressions bizarres, de locutions obscures et d'images que le goût même le plus indulgent ne peut approuver, que, malgré quelques beautés très supérieures de la seconde partie, qui n’est pourtant pas sans défaut, ila été impos- sible de le couronner. Dans le second, ayant pour épigraphe : ÆAroay, Avay ! on a reconnu plus de sagesse; mais, si les dernières parties de cette pièce offrent des beautés, les premières se trainent avec lenteur sur une anecdote biographique de Boïeldieu , ou se complaisent dans l’énumération affectée des œuvres de notre lyrique, arrangée d’une manière précieuse et recherchée. L'Académie a pensé qu'un si beau sujet devait ètre remis au concours pour l’année prochaine, et la manière distin- guée, dont il a été traité par plusieurs concurrents, doit nous donner l’espérance d’avoir un beau poème à cou- ronner dans notre séance prochaine. Cette décision nous privera de vous faire connaitre aucun fragment des pièces qui nous ont été envoyees. Mais si la poésie n’a pas tout-à-fait répondu à nos désirs, la peinture, à laquelle nous n'avions rien demandé , a offert à l'Académie un beau souvenir de Boïeldieu; souvenir d’au- tant plus cher que nous le voyons presque revivre au milieu de nous, et que la main habile à laquelle nous devons cette brillante page est non-seulement celle d’un artiste célèbre, mais encore celle d’un compatriote et d’un confrère; et ce n'est pas sans orgueil que nous rappelons ces titres divers, car ils prouvent qu’en fait de beaux arts, le sol si fecond de la Neustrie ne cesse point de produire. Aussi, profondément touchée de l'hommage que M. de Boisfremont a bien voulu lui faire du portrait fidèle que vous avez sous les yeux , où le mérite de la ressemblance s’unit à 182 ACADÉMIE DE ROUEN. toutes les grâces d’un modèle qu'il n'avait cependant jamais vu, l’Académie a pensé qu’on regarderait comme une jus- tice le témoignage de gratitude qu’elle décerne aujourd’hui publiquement à M. de Boisfremont, en lui offrant une mé- daille d’or au type de celui que Rouen se plait à nommer son Boïeldieu , et dont il a si heureusement rendu l'image. - Nota. Cette pièce qui a été omise dans le volume de 1835 , trouve naturellement sa place dans celui de 1836, avant le rapport sur le nouveau concours pour le même sujet. 206060003200 7000 253000200000092000500000 RAPPORT DE M. MAGNIER, FAIT EN 1836. PRIX DE POÉSIE. Messieurs , L'amour de la patrie est un des sentiments qui se pro- duisent sous les formes les plus variées. Depuis le dé- voûment et l’enthousiasme, qui n’appartiennent qu’à quel- ques ames privilégiées, jusqu’à la jouissance que chacun éprouve à la vue des lieux témoins de sa naissance, com- bien de fois dans la vie ce sentiment est le principe de nos actions et de nos discours! Mais nulle part il ne parait mieux que dans le penchant général de lhomme vers la gloire de son pays. Sans songer à la noblesse pour nous- mêmes, nous y tenons pour le lieu qui mous à vu naître. Nous lui fesons même un titre des avantages qu'il ne doit qu'à la nature, de la position qui contribue à sa richesse, ou du site qui l’embellit. Mais, s’il offre à nos regards des traces d’antiquité, des monuments qui attestent l’art et la puissance ou les actions dont il a été le théâtre, quel est 184 ACADÉMIE DE ROUEN. celui de nous qui ne sente un doux plaisir, souvent même un secret orgueil à les étaler aux yeux de l'étranger ? Parmi les monuments dont s’enorgueillit le patriotisme, la plupart se bornent à l’espace où la vue les contemple. Mais il en est d’autres que le pays a produits, et qui, sortis de son sein, s'élèvent, aux yeux de la terre entière, source éternelle de jouissance , objets impérissables d'amour et d’admiration. Le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte , Corneille enfin ! qui de vous voudrait échanger de telles merveilles contre les plus magnifiques monuments en pierre ou en marbre de Rome antique ou moderne? C’est à vous que ce grand homme appartient : de votre sol et du milieu de vos pères est sortie cette lumière qui maintenant éclaire le monde. Le génie et ses œuvres, la vertu et ses inspirations , la plus haute manifestation de la partie de notre être qui nous rapproche de la divinité, voilà ce qui constitue la noblesse la plus réelle, non-seulement pour l’homme, mais aussi pour le pays qui lui a donné le jour. Cette jouissance patriotique n’est permise à personne mieux qu'à vous, Messieurs. Nulle part la noblesse du pays n’est fondée sur des titres plus réels et plus authentiques. Corneille , il est vrai, s'élève entre vos grands hommes , comme, parmi les temples d’une vaste cité, le temple majestueux qui parait seul arrêter nos regards. Mais, après lui, son frère a droit à nos hommages, et dans la même famille nous avons encore un des esprits les plus variés et les plus universels qu'aucun âge ait pro- duits, Fontenelle, dont le caractère et les ouvrages sem- blent former le lien des deux siècles quise sont partagé sa vie de patriarche A la même époque, un autre homme né dans vos murs occupait une des sommités du grand siècle. Lémery , le précurseur de Lavoisier, doit être regardé comme le créateur de la chimie, dont il fit une science, en substituant l’observation aux hypothèses, la précision et la CLASSE DES BELLES-LETTRES. 185 clarté aux obsecurités d’un langage inintelligible. Les paroles que vous venez d'entendre sur Jouvenet me défendent d’insister sur le rang que ce grand peintre occupe dans l'histoire de l’art. J’aurais même encore d’autres noms à vous citer; mais c'en est assez pour montrer que, dans tous les genres, notre cité peut revendiquer sa part de gloire. Cependant, Messieurs , à tous ces grands noms vous avez maintenant le droit d’en ajouter un autre, et ce qui dis- tingue celui-ci, c’est qu'il se présente avec une gloire toute nouvelle pour le pays qui s’honore de sa naissance. Dans un art dont l'antiquité avait divinisé les prodiges, les créa- tions de Boïeldieu ont été pour ses contemporains la source des jouissances les plus vives et les plus variées. Repré- sentant de son époque, éminemment français par l’expres- sion comme par le sentiment, y en a-t-il dont les chants aient mieux sympathisé avec nos cœurs, et parlé à notre imagination un langage plus pur et plus facile à com- prendre ? Mais il ne n'appartient pas, Messieurs, de ten- ter un éloge au-dessus de mes forces. Ce serait d’ailleurs méconnaître la pensée de l’Académie : car elle a jugé que c'était à la poésie à célébrer celui qui, dans son art et par ses inspirations , s’est fait légal des plus grands poètes. Le concours ouvert en son honneur était le plus digne hom- mage que nous pussions joindre à ceux de nos compatriotes, €t la plus noble manière de consacrer le nouveau titre que la ville de Rouen s’est acquis dans la personne et les œuvres de Boïeldieu. On a répondu avec empressement à notre appel. Dix-sept pièces nous ont été envoyées l’année dernière ; mais , quoique plusieurs d’entr’elles ne fussent pas sans mérite, nous avons pensé quil y avait moyen de faire mieux. Nos espérances n’ont pas été trompées. Quelques-uns des pre- miers concurrents n'ont pas cru devoir reparaître dans 186 ACADÉMIE DE ROUEN. l'arène ; mais d’autres s’y sont présentés: et, cette année , nous avons encore recu onze pièces. Il n’y en à presqu'au- cune où l’on ne trouve des vers heureux, des sentiments bien exprimés, et des morceaux assez remarquables. Il est même à croire que plusieurs des concurrents auraient mieux reussi, s'ils avaient mieux possédé leur sujet. Dans la poésie aussi bien que dans la prose, il faut avant tout savoir ce qu’on veut dire. Les uns ne connaissent pas assez Boïeldieu ; quelques autres se sont laissé égarer par un article de journal, où se trouvaient sur sa personne et sur sa vie beaucoup de détails erronés. Il y en a qui se contentent de décrire les honneurs rendus à Boïeldieu, et d’autres au contraire en parlent à peine. Ces observations générales pourraient suffire à la majorité des concurrents ; nous croyons cependant devoir y joindre le jugement que l’Aca- démie a porté sur chaque pièce. L'auteur de la pièce ayant pour épigraphe Etiam si, aver- tit dans une courte préface qu'il n’a mis que quelques heures à la composer. Quoiqu'il nous invite à juger le plus poète au lieu du plus habile arrangeur de mots, nous dé- clarons que l'inspiration ne paraît pas lui manquer, mais que l’incorrection du style, les fautes de français, de me- sure même , et surtout la bizarrerie des idées et de l’expres- sion, mettent sa pièce hors de concours. Il n’en sera pas surpris : ce n’est qu’une improvisation. Nous en aurions dit moins s’il ne nous avait paru d'âge à profiter de nos conseils. Plu- sieurs parties de sa pièce donneraient quelque espérance ; mais il est engagé dans une voie où le plus beau talent ne peut que s’égarer. Nous sommes aussi forcés d’écarter la pièce ainsi dési- gnée : Flebilis occidit. Il y a de Ja poésie, une douleur bien sentie, beaucoup de strophes heureuses, mais rien sur CLASSE DES BELLES-LETTRES. 187 les honneurs rendus à Boiïeldieu. La partie la plus impor- tante du sujet n’est pas traitée. Nous reprocherons au contraire à l’auteur d’une pièce sans épigraphe, commencant par ce vers : Au plus grand de tes fils rendant un noble hommage... d’avoir fait des funérailles, son unique sujet. Le début , dans une étendue de cinquante vers, prévient en faveur du poète. Mais , ensuite, le vers alexandrin, qu’il emploie seul, semble gêner sa marche. Sa description n’est trop souvent que celle de M. Walsh. On y trouve cependant assez de vers remarquables, pour regretter que le sujet n’ait pas été autrement concu. Le génie fécond des grands hommes à naître est dans la justice que l'on rend aux grands honwmes qui ne sont plus. La pièce désignée sous cette épigraphe n’est que la bio- graphie du grand compositeur, parsemée de vers qui ré- veillent de temps en temps le lecteur ; mais ce n’est point là ce que demandait l'Académie. ss... Nec turpem senectam degere , nec cythara carentem. Cette pièce se divise en trois odes, dont une retrace la vie et la mort de Boïeldieu ; les deux autres, les honneurs rendus à sa mémoire. La forme choisie par l'auteur a souvent contrarié sa pensée et gêné son expression. Le ton poétique qu'il sait prendre ne se soutient pas assez. Dans la pièce dont lépigraphe est Persévérance et Foi, la poésie se révèle de temps en temps, mais souvent par des expressions plus hardies que justes. L'auteur réussit mieux 188 ACADÉMIE DE ROUEN. dans le vers lyrique : son vers alexandrin est généralement faible et languissant. Une autre pièce sans épigraphe commence par ce vers : Honneur, honneur trois fois à l'homme de génie. On y trouve de la facilité, mais aussi le défaut qui sou- vent accompagne ce mérite, trop de vers faibles; et ce- pendant le style n’est pas dépourvu de poésie , surtout dans la partie consacrée à la composition musicale. Les suc- cès de Boïeldieu y sont ensuite heureusement exprimés. Manibus date lilia plenis. Nous reprochons à d’autres la faiblesse de l'expression et l'absence du sentiment poétique; ici ce serait plutôt le défaut contraire. L'auteur est poète , maisilabuse de la poé- sie. Il ne sait ménager ni les couleurs ni les images. Il de- crit sans cesse : c’est à ne pas s’y reconnaître, d'autant plus que la justesse n’y est pas toujours, et que l'expression est quelquefois étrangère à notre langue. L'harmonie ne manque pas; mais l’auteur ne croirait-il pas suppléer par ce mérite à d’autres qualités, sans lesquelles la poésie ne produit que de vains sons ? Honorer les talents, c'est leur donner naissance. S'il y avait moins de vague et d'incertitude dans le plan, cette pièce aurait mérité plus d'éloges. On y reconnaît une main exercée, une certaine habitude de faire le vers et de développer la strophe. Nous en aurions cité plusieurs pas- sages, si nous n'avions dû plutôt insister sur les deux pièces dont il nous reste à parler. Rien ne peut remplacer l'homme grand par lui-même. Quelques vers sufliront pour faire apprécier le mérite que CLASSE DES BELLES-LETTRES. 189 nous avons reconnu dans plusieurs parties de cette pièce. Voici comment l’auteur retrace les modestes commence- ments de Boïeldieu : Ainsi parut Boïel : d’un vol audacieux Il n’osa point d’abord s'élever à nos yeux; Et, tandis qu'en naissant s’élançait de son aire Un aigle dont l’essor à fait trembler la terre, Que cet aigle puissant empressé de jouir , Dévorant le présent, poursuivait l'avenir , Le chantre aussi, marchant au temple de mémoire , Ignoré, lentement préludait à sa gloire : Lui seul se devinant, le modeste Boïel, Sous de légers couplets nous cachait Avenel. Ainsi longtemps voilé par Pherbe des prairies , Resserré dans son cours par deux rives fleuries, Un ruisseau ne dit point aux gardiens des troupeaux Que plus loin, fleuve immense , il fait mugir ses flots. Sans approuver ce rapprochement avec Bonaparte, qui nous parait un peu forcé, nous trouvons de la poésie dans ce morceau, et surtout dans la comparaison qui le termine. Celui que nous allons citer, malgré quelques taches, est aussi remarquable : Mille cris ont cessé. L’urne paraît, s’avance.…. Le peuple, le front nu, se replie en silence. Ainsi Rome autrefois saluait ses guerriers, Alors que, chez les Dieux déposant ses lauriers , Le vainqueur leur offrait les fruits de sa victoire, Et décorait leurs murs des marques de sa gloire. Mais des rois enchainés, des femmes, des enfants, Mélaient à ces honneurs d’affreux gémissements , 190 ACADÉMIE DE ROUEN. Et vingt peuples en deuil soumis par la conquête, Sur des débris fumants , maudissaient cette fête. Ah! combien sont plus doux et plus chers à mon cœur Les honneurs décernés au talent d'un auteur ! Si parfois ses lauriers ont fait couler nos larmes , Heureux de les verser, nous y trouvions des charmes. A ses soupirs aimant à mêler nos soupirs, Les douleurs qu’il créait devenaient nos plaisirs. Nous aurions encore d’autres citations à faire. Cependant, Messieurs , cette pièce n’aurait pu mériter le prix. Son prin- cipal défaut est d'offrir dans un développement fort long , mal tracé et souvent languissant, beaucoup d’idées communes en elles-mêmes ou par l'expression. Mais en considération du mérite évident de plusieurs passages et des beaux vers qui brillent au milieu de taches trop nombreuses , l’Acadé- mie décerne à l’auteur une mention honorable. Away ! Away! (En avant ! En avant!) BYRON. MAZEPFA. Cette pièce se distingue de toutes les autres. Elle nous est présentée comme un dithyrambe. Sous cette forme, la poésie lyrique devient une œuvre plus facile que l'ode as- treinte à ses retours et à ses mouvements réguliers; et le poète peut se permettre, dans la nature des pensées et des images, une variété, des inégalités même, que le goût ne sup- porterait pas dans un autre genre. C'était peut-être le meil- leur moyen de réunir dans une même œuvre les contrastes bien marqués du sujet : d’un côté les jouissances que le nom de Boïeldieu rappelle, et les titres quelquefois badins et toujours gracieux sur lesquels sa gloire repose; de l’autre, les hommages funèbres rendus à sa mémoire. Le danger était encore de ne faire qu’un froid récit et de se perdre dans des CLASSE DES BELLES-LETTRES. 191 détails inutiles. Mais, au moyen de la forme qu'il a choisie, notre poète pouvait à son gré hâter ou ralentir sa marche , et remplir enfin les conditions du programme , sans blesser le goût et sans manquer aux règles de la poésie. Nous au- rions seulement désiré qu'il se fût laissé davantage emporter aux mouvements du dithyrambe , et qu'il y eût mis un peu plus de cette variété que comporte le sujet ainsi concu. Un avantage de l’auteur sur la plupart de ses concurrents, c'est qu'il est maître de sa pensée. Aussi son plan est simple, facile à suivre, et presque toujours bien rempli. D'abord, la jeunesse de Boïeldieu, caractérisée d’une manière toute poé- tique par le génie qui l’entraine, par le démon qui l’obsède ; ensuite, les triomphes qui signalent sa carrière ; enfin, la cé- rémonie funèbre , qui, comme le programme l’exigeait , forme la partie principale. Ce qui répand sur l’ensemble de la pièce un mérite d'unité remarquable, c’est que nulle part le poète n'oublie qu’elle est faite pour la ville natale de Boïeldieu. Ce n’est pas une œuvre sans défaut ; mais les taches que nous sommes les premiers à reconnaître nous ont paru peu de chose en comparaison du mérite général. Notre désir était d'obtenir un poème qui ne fût pas au dessous des honneurs dont nous voulions consacrer la mé- moire : nous devons nous trouver heureux d’en avoir recu un tel que celui-ci. Le prix que nous lui décernons a son charme pour nous comme pour l’auteur. L'Académie de Rouen n'aura pas en vain tenté d'apporter sa part aux hom- mages rendus à Boïeldien par ses compatriotes. J'aurais pu, Messieurs, donner plus de détails sur cette pièce , si, par une analyse trop étendue, je n'avais craint de lui enlever la nouveauté et la fraicheur qui ajoute au charme d’une première lecture. Vous deviez entendre l’auteur lui- méme ; mais une indisposition le force d’avoir recours à un 192 ACADÉMIE DE ROUEN. autre organe. L’éloge de vos grands hommes lui porte bonheur. Disposés comme vous l’êtes en faveur du poète qui semble vous avoir consacré ses chants, nous espérons qu'il ne vous paraîtra pas avoir été moins heureusement inspiré pour Boïeldieu que pour Corneille. SESESSOCSOCSOCCCOcCe0ec0c0000000c00200S DITHYRAMBE sun BOIELDIEU, PAR M. WAINS-DESFONTAINES. PIÈCE COURONNÉE. Away ! away !.…. En avant! en avant! BYRON. — Mazeppa. Au fond d’un royal Gynécée, Parmi les vierges de Scyros, Achille, à la Grèce offensée Dérobe un vengeur, un héros; — Des combats la brûlante flamme Sommeille encore dans son ame, Mais Ulysse a paru... Son bras Fait briller une épée... — Achille a vu la Gloire, Et, le cœur plein de Mars, aux champs de la victoire : D'Ulysse il a suivi les pas. — Tel, un soir, spectateur au milieu du Théâtre Où de Grétry les sublimes accords Moissonnent d’un peuple idolâtre Les hommages et les transports !, Boïeldieu, qui, dans son délire, Soudain a vu briller Pétoile de sa lyre, ACADÉMIE DE ROUEN. Fier des destius promis à ses futurs travaux, Aux acclamations de la foule ravie, Se lève, et, d’une voix prophétique, s’écrie : « Des Ronennais aussi j'obtiendrai les bravos!!... » C'est que le foyer du génie N'attend, pour s’allumer, qu'une étincelle amie ; Que ce volcan mystérieux, Pour répandre les flots de la féconde lave Qui dans ses flanes sommeille esclave, Ne veut qu'un souffle généreux. II. Depuis ce temps, pour son ame obsédée, Plus de repos ni le jour ni la nuit : Thémistocle nouveau, toujours la même idée Et le travaille et le poursuit ?. En vain il veut la fuir; — Grétry, Grétry sans cesse Est là près de lui, qui le presse, Qui lui montre son front de gloire rayonnant, Et qui, lors même qu'il sommeille, Sur sa couche l’étreint, en sursaut le réveille, Et lui crie: — «En avant !!» Aussi, le voilà qui s’élance ! — Toi qui l'as porté dans ton sein, Adieu Rouen! Adieu berceau de son enfance : De Paris il preud le chemin. — Paris! c’est l'Eden du génie, C’est le temple de l'harmonie, C’est là que, face à face, il pourra voir son dieu; H part…..— Oh! dans ce jour de périlleux voyage, Vous qui restez sur le rivage, Faites des vœux pour votre Boïeldieu !! CLASSE DES BELLES-LETTRES. Au Cygne la voix est venue: Le voyez-vous, s'élevant dans les airs, Livrer ses chants aux échos de la nue ?.. —— Qu'ils sont beaux ses premiers concerts! Honneur à l'aiglon magnanime Dont l'aile puissante et sublime De l’oiseau-roi déjà nous présage l'essor! Gloire à l’athlète qui débute, Et dont les premiers coups prouvent que de la lutte Son front sortira ceint de la couronne d’or! Et vous qui lui disiez naguère , Du haut de votre vanité: «Arrière! allons jeune homme, arrière! « C’est par trop de témérité... » 3 Aux cris de la foule inquiète Ecoutez le nom que l’on jette: Boïeldieu !!— Ce nom vous surprend, Vos lauriers tremblent sur vos têtes ? —— Eh bien! orgueilleux que vous êtes, A-t-il trop osé maintenant ? Cependant, vos regards encore De ce soleil si radieux N'ont vu que la première aurore Et déjà vous fermez les yeux ; Des flots brûlants de sa lumière Quand il emplira la carrière , Quel sera donc votre courroux ? Retenez ces mots d’un grand maître # , « Cet astre, qui vient d'apparaître, « Peut-être un jour nous éclipsera tous ! » ACADÉMIE DE ROUEXK. 1V. Mais le Cygne de la Neustrie, Fuyant le ciel si doux de sa chère patrie, S'exile sur un autre bord. Quelle fatalité l’arrache à nos rivages ? Comment peut-il, à nos heureuses plages , Préférer les glaces du Nord ? ? Enfin, après huit ans d’une féconde absence, Il reprend son essor , il revient vers la France, La France, unique objet de ses tendres amours! Comment l’abandonner cette France si belle ? O Boïeldieu!=— vivre loin d’elle N'est-ce pas mourir tous les jours P.... Il revient... — Quels trésors sublimes I va déployer à nos yeux ! Quels concerts éclatants! quels bravos unanimes Vont accueillir son retour glorieux !.… —— Fils aînés de ses doctes veilles, Levez-vous, saluez les nouvelles merveilles Qui prennent place parmi vous ; Et vous, détracteurs de sa gloire, Voici de nouveaux chants promis à la victoire. Réveillez vos serpents jaloux !!.…. — Oui, prodiguez-leur vos outrages ; Contre vous, pour les protéger, Ces chants divins n’ont-ils pas les suffrages De la France et de l'étranger ? Et toi, termine en paix ta glorieuse vie; Ta noble tâche est accomplie, CLASSE DES BELLES-LETTRES. O Boïeldieu! tu peux mourir ; La gloire, désormais assise sur ta cendre. . ... — Un prélude s’est fait entendre, La Dame-Blanche va venir!! La voilà !.. grands dieux, qu’elle est belle! Que ses accents sont purs et doux! Comme , à l’aspect de l’immortelle, Ses rivaux tombent à genoux ! Rouennais, il vous le dédie Ce chef-d'œuvre de mélodie ; Du Cygne c’est le chant d’adieux! L'homme acquitte aujourd’hui la dette de l'enfance ; Accourez..... ACCOUrEZs + «+. — Que la reconnaissance Réponde à ce don précieux ! | Silence !— Au milieu des ténèbres Entendez-vous ces glas funèbres ? Quel noir pressentiment soudain vient m'accabler ? C'est la cloche des morts qui sonne ; Elle tinte un trépas!!... A sa voix monotone Quelle ame vient de s’exhaler ?..... La France a perdu son Orphée ? 7 La voilà donc sous la tombe étouffée, Cette voix si féconde en chants délicieux ! Cette voix descendue , au jour de nos alarmes, Pour charmer notre exil, pour adoucir nos larmes , La voilà donc qui s’en retourne aux cieux ! Place au cercueil! Allons, superbe capitale > SUE 0 ; Ouvre du Mont-Louis l'enceinte sépulcrale, 199 à, ACADEMIE DE ROUEN. Parmi tous les grands morts qui dorment dans ton sein, Place au prince de l'harmonie; Place à celni dont l’immortel génie N'a pu désarmer le destin !! Place !..— Oh non! tout entier il n’y doit pas descendre, Paris, à toi son corps, à toi sa noble cendre, Mais son cœur ne L'apparlient pas... Rouen l’a réclamé... Rends aux pleurs d’une mère 8 Ce cœur glacé d’un fils que sa douleur amère A vu mourir loin de ses bras !! VI. Mes vœux sont exaucés!.… Rouen! sur ton rivage 1 descend ce legs précienx; Au devant du riche héritage Tout un peuple est venu morne et silencieux ; Quand donc la verrons-nous éclore ? Oh! qu’elle tarde, cette aurore Où l’airain sacré du saint lieu, Où les transports brûlants de la cité pieuse Proclameront la marche glorieuse Du convoi de son Boïeldieu ?.….. Elle a brillé; l’airain s’agite, La foule aux cris tumultueux Dans la rue, à longs flots, roule et se précipite; Qu'il sera beau ce jour imploré par nos vœux! — Vers le ciel relevez la tête, Il a pris sa robe de fête, Ce soleil radieux, cette vive clarté, C’est le même soleil, c’est la clarté vermeille Qui brillait le jour où Corneille Montait au piédestal de l’immortalité ! Ÿ CLASSE DES BELLES-LETTRES. Le tambour sonrdement résonne : Aux sons entrecoupés de ses longs roulements Voyez en funèbre colonne Le convoi marcher à pas lents! — Tous ils sont là, tous le front triste, Ouvriers, magistrats, savants. — Au grand artiste Nul n’a fait défaut en ce jour; Tous, ils sont accourus à l’heure, Tous pour accompagner à sa froide demeure Ce cœur qui fut trente ans leur gloire et leur amour. — ls sont venns aussi, ses frères en génie, Ses rivaux, ses amis: — Berton dont l'harmonie 1° Lui consacre un chant de douleur ; Martin, Adam, Sewrin, Zimmermann son élève; Au monument qu'à sa gloire on élève, Tous sont venus payer la dette de l'honneur. VII. Le cortége a franchi du saint lieu le portique ; Qu'il est beau le spectacle à nos regards offert ! Quels riches ornements parent la basilique ! !! Mais écoutez ce funèbre concert ! — C’est l'hymne saint de la victoire, L'adieu fraternel de la gloire ; C’est la mort saluant la mort; C’est Béthowen, de son lit de poussière, S'éveillant pour charmer le sommeil funéraire De Boïeldieu qui comme lui s'endort! ! 1? Le prêtre a terminé la prière sacrée; Reprenez sur vos bras la relique adorée, 199 200 ACADÉMIE DE ROUEN. Elevez-la bien haut! Qu'il brille à tous les yeux, Ce cœur où s’est éteinte une voix si connue; Qu'il salue en passant cette ville accourue Pour recevoir ses suprêmes adieux ! Commandez une halte en face du Théâtre ; Qu'il voie encor ces lieux où la foule idolâtre Couronna ses premiers efforts; Où, tout petit enfant, il sentit dans son ame S’allumer tout-à-coup cette invincible flamme Qui vient d’en briser les ressorts. VIE. Mais, aux yeux du cortége, une sombre verdure Annonce tout-à-coup la cité du trépas; — De tous les cœurs s'échappe un sourd et long murmure Il va passer le seuil qu’on ne repasse pas! — La porte sur ses gonds crie et roule... Silence! Le convoi funèbre s’avance ; Vous qui dormez !— du fond de vos tombeaux muets, Levez-vous !.. revenez un instant à la vie, Debout! le Roi de l'harmonie Entre dans son dernier palais! ! Oh! qu’elle est belle la couronne ui, dans ce jour de gloire et de deuil, l’environne ! 1 J 6 ? Qui pourrait ne pas l'envier ? u’il est grand ce monarque à son heure suprême! $ q p Qu'il est riche son diadème Formé d’un peuple tout entier !! 13 Adieu, chantre immortel, orgueil de la Neustrie ! Dans cet enclos funèbre, où ta mère chérie CLASSE DES BELLES-LETTRES. Te consacre un culte pieux, Repose en paix, embaumé dans ta gloire ; 1à , chaque jour, nos fils, à ta sainte mémoire Apporteront leur prière et leurs vœux. Et toi, sois heureuse, sois fière , Rouen, à féconde cité! Que ton nom, dans l’Europe entière, Soit de bouche en bouche porté. A l'étranger qui, chaque année, Vient visiter ta rive fortunée, De ton poète demi-dieu Montrant le bronze altier , tu diras, l'ame ému : «Ià, de Corneille la statue, « Ici, le cœur de Boïeldieu !! » 201 202 ACADÉMIE DE ROUEN. NOTES. : Ce fut l'opéra de Grétry, Zarbe-Bleue, qui alluma dans l'ame de Boïeldieu l’étincelle du génie lyrique. 2 Trophæa Milliadis me de somno excitant. (Conx. NEp., in Themistoclis vitä.) 3 Les jaloux de la gloire naissante de Boïeldieu s’efforcèrent de le dégoûter , en lui insinuant qu’il n’était point né pour la mu- sique. 4 Chérubini, que Boïeldieu, le front couvert des lauriers d’une double victoire, vint prier de le recevoir comme élève, répondit à quelques professeurs du Conservatoire qui cherchaient à le dé- précier devant lui, en disant que ce n’était qu’un petit pianiste : « Prenez garde que le pianiste ne nous éclipse tous! » 5 Poïeldieu, pour s’étourdir, dit-on, sur quelques chagrins domestiques, partit, en 1803, pour Saint-Pétersbourg. 6 Ce vers est le refrain d’une romance de Boïeldieu, romance qui eut un succès prodigieux, et que l’on chante encore aujour- d'hui. 7 Ce vers est de Le Franc de Pompignan , dans sa belle ode sur la mort de Jean-Baptiste Rousseau. 8 Aussitôt la nouvelle reçue de la mort de Boïeldieu , la ville de Rouen députa auprès de sa veuve et de son fils, pour réclamer le cœur de l’auteur de la Dame-Blanche. 9 Le jour de l'inauguration de la statue de P. Corneille, le temps qui, depuis huit jours, était pluvieux et sombre, fit place à lune des plus belles journées d'automne (le 19 octobre 1834). x0 Berton avait composé pour la cérémonie une marche funèbre dédiée à la ville de Rouen. Dans le cortége, on remarquait, comme artistes, MM. Martin, pensionnaire de l’Académie royale de musique ; Adolphe Adam , Zimmermann, compositeurs et élèves de Boïeldieu ; Sewrin, auteur dramatique, son collaborateur et son ami. 1: Les ornemens de l’abbaye de Saint-Denis, destinés aux services funèbres des rois de France, avaient été apportés à Rouen pour orner le cénotaphe de Boïeldieu. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 203 3 À l'entrée du cortége, dans la cathédrale, 250 musiciens, sous la direction de M. Schaffner, firent entendre la marche si belle de Béthowen, qui, comme Boïeldieu, a fini aussi sa carrière d'harmonie. — C'était, dit le vicomte Walsh, dans son récit si poétique de la cérémonie, un mort saluant un mort ! 13 C'était un beau spectacle que toute cette population qui, à ceux qui venaient d'en bas, apparaissait sur les hauts lieux qui entourent le cimetière monumental , comme une couronne vi- vante. 920000700700 7000057002022070000000000007020000000500052055e QUELQUES MOTS PRONONCÉS SUR LA TOMBE DE M. EMMANUEL GAILLARD, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L'ACADÉMIE DE ROUEN ;, POUR LA CLASSE DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS; Le G Movembre 1836, Par SON COLLÈGUE M. DES ALLEURS SECRÉTAIRE PERPÉTUEL POUR LA CLASSE DES SCIENCES. C’est un lieu bien imposant que celui qui nous rassemble en ce moment, Messieurs! Les passions humaines n’ose- raient en franchir le seuil redoutable ; car, malheur à l’homme qui, guidé par elles, refuserait la justice de la terre à ceux qu'on vient livrer ici, dans un cercueil, à la justice du ciel! Les sciences, les lettres, les arts en général, et la Normandie en particulier, font aujourd’hui une perte bien sensible en la personne de M. Emmanuel Gaillard, qui a succombé , dans un âge encore peu avancé, à une cruelle maladie, résultat probable de ses fatigues scientifiques ! L'Académie Royale de Rouen, dont il était l’un des secrétaires perpétuels, et au nom de laquelle j'ai l'honneur de parler, la ressent profondément, et sa douleur sincère sera partagée par beaucoup d’autres Sociétés savantes de cette ville et de l'étranger ! Ce n’est pas le moment de faire une notice régulière sur la personne de notre infortuné confrère , ni sur ses travaux CLASSE DES BELLES-LETTRES. 205 nombreux et variés: chacune des Sociétés dont il était membre actif et assidu, voudra payer son tribut individuel d'estime à ces mêmes travaux. Ils en sont tous dignes , et l'intérét qu'ils doivent inspirer se trouve garanti par le beau succès de quelques-uns d’entre eux, qui méritèrent à leur auteur les glorieuses couronnes du premier corps savant de la France, de l’Institut! Ici ne devraient, sans doute, retentir que les accents du deuil! Permettez-moi, cependant, Messieurs, de vous faire réapparaître, un mo- ment, celui que nous pleurons, homme de science, homme du monde, et enfin citoyen. Homme de science, Messieurs, E. Gaillard devait être compté parmi les plus distingués de la Normandie. Ses connaissances étaient vastes; son érudition choisie s’appli- quait spontanément à tous les objets que traitait , chaque jour, sa plume élégante et facile. Partout, dans ses ou- vrages, brillent les reflets d’une première éducation clas- sique et libérale, aussi profonde que solide. Il savait bien ce qu'il savait, et il savait beaucoup ! Nul sujet, en effet, ne le prenaii au dépourvu ; mais il a souvent traité, de main de maitre, ceux qui tenaient, d’une manière plus intime, à ses études favorites: l’histoire et l'archéologie. Il préparait à sa Normandie, qu'il chérissait, un monument historique, dont il m'avait bien des fois entretenu, et que nous regretterons sans cesse, en songeant surtout qu'il n’a été interrompu que par la mort! Nul ne connaissait mieux que lui, on peut l’affirmer, ces débris précieux, restes vénérables de la domination romaine dans nos contrées ; il avait présidé long-temps à leur recherche, avec autant d’ardeur que de succès, surtout à Lillebonne, dont le théâtre antique demeurera désormais celui de sa propre gloire. Nul, non plus, ne savait mieux la liste de nos il- lustrations normandes , de tous les rangs, de tous les genres, de tous les temps; et il joignait à ces connaissances fonda- 206 ACADÉMIE DE ROUEN. mentales celle, plus rare encore, des localités, des mo- numents , des usages , etc., qu'il s'était rendue familière par une longue pratique. Tout cela, uni à ses talents éprouvées et à son amour du travail, présageait une fin heureuse à sa patriotique entreprise; c’est donc une perte irréparable pour nous et pour notre pays, qu’elle demeure si malheu- reusement inachevée ! Vous parlerai-je, en particulier , Messieurs, de ce qu’il a fait comme secrétaire perpétuel de l’Académie? Mais qui peut ignorer , dans nos murs , les obligations que nous avons contractées envers son zèle si éclairé, qui ne nous a jamais failli, puisque les derniers mots que sa main affaiblie ait tracés nous étaient encore consacrés ! Dans le monde, M. E. Gaillard fut toujours accueilli, recherché même avec empressement et faveur. Chacun l'y rencontrait avec plaisir, parce qu’il était vraiment aimable ; beaucoup s’attachaient promptement à lui, parce qu'il était véritablement bon. Rien qu’en le voyant, on sentait qu'il avait fréquenté , de bonne heure, ces réunions élevées, qui impriment aux manières habituelles un caractère de no- blesse , de charme et d’urbanité qui ne se perd plus. Il fut toujours, en un mot, homme d'excellente compagnie. Sa conversation était, d’ailleurs, animée, abondante, pas- sionnée même! Mais, comme dans les discussions les plus vives , sa bonté naturelle ne l’abandonnait jamais, ses ad- versaires, vainqueurs où vaincus , n’hésitaient pas à rendre justice à l'excellence de son cœur, en même temps qu'ils admiraient l'élévation de son esprit. Sa perte sera donc aussi ressentie au sein de cette Société d'élite, où il comptait de vrais amis, et à laquelle il apportait toujours, en retour de son bienveillant accueil, le tribut des dons de lesprit et de l'ame, relevé par les charmes entrainants d’une bonne éducation et d’une politesse exquise ! Comme citoyen, M. E. Gaillard fut toujours dévoué à sa CLASSE DES BELLES-LETTRES. 207 patrie et à sa bien-aimée province! C'était un cœur tont français! Ah! si on lui à parfois reproché d’avoir révélé ses opinions personnelles, d’une manière inopportune, qui oserait aujourd’hui len blämer, puisque chacun est con- vaincu qu’elles étaient consciencieuses, et que, d’ailleurs, il ne les produisait que sous l'égide de cette garantie, qui les rend toutes respectables, qu’elles qu’elles soient, Le té- moignage publie qu'elles n'avaient jamais changé. Les nombreux écrits de M, E. Gaillard portent, sans exception, l'empreinte honorable de sa foi politique et sociale, qui se résumait dans le symbole que renferment ces deux mots : religion et monarchie ! Des hommes prévenus lui ont fait une guerre dans laquelle une absence trop fréquente de bon goût et de délicatesse aurait dû effacer à ses yeux ce que cette guerre, par son acharnement inexcusable, pouvait avoir de pénible pour son cœur. Ses adversaires regretteraient amèrement aujourd’hui, j'en suis convaincu, leurs attaques peu me- surces, s'ils venaient à penser qu’elles ont pu avoir une influence funeste sur la santé de celui que voilà maintenant étendu dans sa bière, désarmé et sans défense ! A ce triste aspect, Messieurs, toutes les oppositions , toutes les haines doivent s’éteindre! La vérité seule conserve le droit de parler : qu'on l’entende donc proclamer bien haut qu'ils ont étrangement calomnié les pensées et les sentiments de notre malheureux confrère, ceux qui ont affecté de le dépeindre comme un ennemi du progrès intellectuel. Il fut, au con- traire, et sa vie entière est là pour le prouver, l’un des champions les plus ardents et les plus infatigables de l’éman- cipation provinciale! 11 lappelait de tous ses vœux, ja secondait de tous ses efforts, et c'est à cette pénible lutte, on peut le croire, qu'il a épuisé les dernières ctincelles de son énergie et de son activité! Il serait digne, à ce seul ütre, de l'estime et de la reconnaissance de ses concitoyens ! 208 ACADÉMIE DE ROUEN. C’est une justice que bientôt personne n’aura le courage de lui refuser ! Adieu donc, cher et honorable collègue! Repose en pax dans ce même asile où ta voix émue et pénétrante reten- tissait encore, naguères, auprès du cœur de Boieldieu et sur les restes de notre bon M. Reiset! Adieu, ta vie et tes œuvres demeureront honorées et respectées dans ta patrie, et parmi ceux qui ne doivent jamais oublier ton dévoñment et tes services! Adieu! mais non pour toujours, car cette tombe ne restera point délaissée ! Nous y revien- drons t'offrir l'hommage d’un affectueux souvenir , toutes les fois que des pertes, toujours trop fréquentes, nous ramèneront dans cette lugubre enceinte. Moi, surtout, cher collègue, moi, que des fonctions semblables , que nous remplissions en confrères dévoués, avaient mis à même d'apprécier toutes les qualités de ton cœur , toute la portée de tes talents réels; moi, dis-je, pour qui cette terre est doublement sacrée, puisqu'elle renferme, presqu'à tes côtés, et au milieu de tant d'amis , le plus précieux de tous, celui qu'on n'obtient qu'une fois de la bonté du ciel, je re- viendrai souvent , lors de mes saints pélerinages, saluer ton ombre fraternelle, lui redire tous nos regrets , lui peindre l'estime et la reconnaissance publiques environnant à jamais ta mémoire, et ton ombre sera consolée ! Adieu , tu peux désormais reposer en paix, car je l'ai dit, et je le répète: Les passions humaines n'ont pas le droit de pénétrer ici! Crne52120%30022% 222002020025092202000020520230222022022200200 DISCOURS PRONONCE SUR LA TOMBE DE M. P. PERIAUX, PAR M. DE STABENRATH, SÉCAUTAIRE PERPÉSUEL DE L'ACADÉMIE POUR LA CLASSE DES DBELLES-LETTRES ET DES ARTS , % Le 16 Décembre 1836. Messieurs, Quelques jours seulement se sont écoulés depuis que nous avons rendu un public hommage à la mémoire de l’un de nos confrères, Aujourd'hui, nous nous rassemblons encore pour rem- plir la douloureuse et touchante mission d'accompagner, jusqu'à sa dernière demeure, la dépouille mortelle d’un autre de nos confrères. Eh! Messieurs, quand je jette un regard autour de moi dans cette enceinte, je sens mOn ame con- tistée et je partage toute votre douleur; car la mort épargne ni läge, ni les talens, ni les vertus, et il n'est pas un de nous qui wait éprouvé des pertes cruelles et versé des larmes amères! Cette terre est véritablement sainte , car elle renferme les restes de ceux que nous avons aimés, de ceux dont nous chérissons et véncrons la mémoire. Maintenant qu'elle doit couvrir pour toujours l’homme de bien qui vient de terminer sa longue et honorable / 14 210 ACADÉMIE DE ROUEN, carrière, qu'il nous soit permis de dire ce qu'il fut, et de prononcer , en quelques mots, son éloge pour dernier adieu. M. Periaux était imprimeur; il exerca son art avec succès, etse montra digne successeur des typographes dont la ville de Rouen a le droit d’être fière. Il pensait, avec raison, que cet art qui est devenu le levier le plus puissant de notre époque , méritait tous ses soins, demandait toute son attention. Excité par les progrès que l'imprimerie faisait dans la capitale, il cherchait à lui donner une impulsion nouvelle dans sa patrie. On le vit créer, à Rouen, une feuille commerciale, et tenter de nombreux essais pour étendre et perfectionner la typographie. Plus tard , il se servait de ses presses pour publier les ouvrages qu'il avait lui-même com- posés. Ces ouvrages avaient tous un but utile , et ils reste- ront comme un monument recommandable de son savoir. On lui doit l'introduction, dès 1821, de la lithographie à Rouen. L'Académie de Rouen n'oublie pas, Messieurs, que M. Periaux a long-temps partagé ses travaux ; elle n'oublie pas ce qu’elle a dù à son talent et à son zèle. Mais les infir- mités, inséparables de la vieillesse, vinrent , trop tôt pour nous, apporter des entraves à sa vie laborieuse et active. Il fut obligé d'abandonner son art et ses plus chères occupa- tions , et de rester éloigné de ses confrères, qui lui avaient voué une estime et une affection dont ils lui donnent, en ce moment, la preuve. Puisse ce dernier hommage , de notre part, faire pénétrer quelques consolations dans le cœur de sa femme, de ses enfants et de ses amis, et suspendre , pour quelques instans du moins, leur douleur et leurs larmes ! CLASSE DES BELLES-LETTRES. a11 L'Académie, dans sa séance du même jour, a décidé l'inser- tion de ce discours au Précis de ses travaux de l'année der- nicre, avec l'indication des principaux ouvrages de M. Pe- riaux, en attendant qu'une Notice nécrologique plis étendue puisse être rédigée, pour faire partie du prochain volume. M. Picrre Periaux, imprimeur-libraire, élu membre de l'Académie le 13 novembre 1805, est auteur d’un grand nombre d'ouvrages dont voici les plus remarquables : El'ments d'Arithmitique ; Nouveau Manuel Métrique, 1810. Il y en a eu depuis deux éditions ; Observations relatives au rétablissement du Calendrier Grégoricen ; Carte du département de la Scine-Infirieure et Plan de Fouen, exécutés en caractères mobiles, 1806 ; Discertations sur la d'nomination des lunes , 1813 ; Dictionnaire indicateur des rues et places de Rouen, 1819; . Enfin, une table générale manuscrite des 27 volumes du Précis analytique des Travaux de l’Académie ; depuis sa fondation en 174%, jusqu'en 1825 inclusivement. Ce travail considérable est le dernier de sa laborieuse carri re, il l'a présenté à l'Académie le 5 mars 1830, AA ANA AAA MA AAA AA AAA AAA AAA LANAAAAAAN AN AA APE ALL VAE DISCOURS PRONONCÉ SUR LA TOMBE DE M. LE VIEUX, COMMISSAIRE DU ROI PRÈS LA MONNAIH DE ROUEN y MEMDNS VÈTÉRAN DR L'ACADÈMIE 3 PAR LE SECRÉTAIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES, LE 24 DÉCEMBRE 1806. La mort a des rigueurs à nulle autre parcilles ! Comment cette exclamation du célébre poëte normand ne viendrait-elle pas s'offrir à notre esprit en ce moment, Messieurs ? Quelle société, en effat, fut jamais traitée plus rigoureusement par la mort, la cruelle qu'elle est! que l'Académie de Rouen ne l'a été dans ces derniers temps ! Juyez-en vous-mêmes, Messieurs ? 1] y à moins de deux mois que nous déposions dans sa tombe notre secrétaire perpétuel de la classe des Belles-Lettres et des Arts, dans toute la force de Fäge et du talent! Il n’y à que peu de jours que nous y descendions M. Periaux, l'un de nos vé- térans ; et voici, avant que la fosse de ce dernier soit com blée, qu'il s’en ouvre déjà une nouvelle, et que nous nous retrouvons encore, remplissant pour un autre de nos membres émérites, pour M. Le Vieux, commissaire du Roi près la Monnaie de Rouen, les mêmes devoirs de douleur et de confraternité ! A des coups si sensibles et si répétés, on eût pu s'écricr, en songeant surtout à la triste mission que je viens remplir CLASSE DES BELLES-LETTRES. 219 ici: « Elf! mon Dieu! à quoi bon les sciences! à quoi bon les succès! À quoi bon la fortune! puisque l'implacable mort est incessamment 1 pour tous les âges , pour tous les temps, pour toutes les conditions? Mais j'ai dû rejeter bien Join de moi ces stériles et désolantes pensées , car elles eussent été indignes de la vie et des convie tions de celui auquel nous rendons un dernier hommage ; encore plus in Lynes du corps dont j'ai l'honneur d’être, une nouvelle fois, l'interprète! Repoussons, Messieurs, re- poussons la cruelle image du découragement et du déses- poir, surtout en présence de la mort qui tient sa faulx suspendue et menacante! car, songeons-y bien, faire en- tendre d’imprudents murmures à cette providence qui, seule, dirige cette redoutable faulx, serait un mauvais moyen de ralentir ses coups! Disons done, j'y consens, avec le plus grand de nos orateurs chrétiens : Tout est va- nié !! Mais , loin de nous, je le répète, le désespoir! Pro- clamons, au contraire , puisque Dieu nous donne le pouvoir de sentir ct l’occasion d'énoncer cette pensée de consolation et d'immortalité, au sein méme du lugubre appareil des funérailles, proclamons, dis-je, que la probité, l'usage journalier des qualités du cœur et de l'esprit, dans la société où l'on a longtemps vécu avec honneur, en hi donnant le fructueux exemple des vertus privées et pu- bliques, du dévcûment à la science et à ses confrères, sont la plus douce des compensations, la garantie des espérances les plus consolantes , lorsqu'arrive le jour fatal! Oh! alors, Messieurs, ceux qui sont bien pénétrés du sentiment d'une si touchante , d'une si précieuse vérité, au lieu de se dé- courager et de prendre en dégoût les t'fvaux et les devoirs de ce monde, toujours mélés, même pour les plus favorisés, de soucis, de déceptions, de revers, sentent plutôt re- tremper leur courage et leur dévotment à l'humagité, au simple aspect des regrets et de la vénération qui se ma- 214 ACADÉMIE DE ROUEN, nifestent de toutes parts à l’entour du cercueil de homme de bien! Oui, Messieurs, vous le redirez tous avec moi, cette con- solation est la plus puissante, la plus féconde de toutes! Goûtez-la donc, 6 vous, les parents, les amis, les confrères de M. Le Vieux! L'occasion est favorable ; goütez-là, sans réserve, près de la dépouille mortelle de notre vénérable collègue ! J'exposerai, dans le jour solennel de notre séance pu- blique, alors que les souvenirs rassemblés ne permettent plus ni oublis ni omissions, j'exposerai ses travaux, ses services ; je peindrai son attachement pour l’Académie , qui Jui avait unanimement décerné ce titre de véléran, dont elle s’est toujours montrée si sagement avare! Nous devons nous contenter d'adresser aujourd’hui, à celui qui n'est plus, ce dernier adieu : Repose à jamais dans la paix du Seigneur, excellent vicillard! Ta carrière fut utile, bien remplie, et toujours honorable. Tes confrères, en te saluant pour la derniére fois, aiment à te considérer pénétrant dans le sanctuaire de la félicité Cternelle! Ah! quand ils seront près de venir à leur tour, et Dieu veuille qu'il ne soit pas trop prochain! reposer dans cette même terre, ils n'auront qu’un désir, ils ne formeront qu'un souhait : l'espoir qu'on dira d’eux, ce que l'opinion publique se plait à répéter de toi: c'était un homme de capacité , d'honneur et de conscieuce ; esclave de ses devoirs, il a su vivre et mourir aimé et estimé de tout le monde ! Puisse cet hommage si simple, et le plus précieux de tous , cependant, i pareille heure, ajouteront-ils, nous être rendu avec autant d’unanimité , d’empressement et de sincé- rité ,que nous venons de te le rendre à toi-même !! ———— TABLEAU 9 4 DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, Pour l'Année 1836—1837, lune dé. OT ête per) # ve 144 ve t bats ny le Cine Ve An | real er joe [A rh ef, tr Meg de he gai t ar | à er des A y 8 A. DU UE terre A #4 Pos 15e, Que & Fort Ghk YEN. hyuit F din a gene, te. PL gels SLI E LES Li). LE * toy, (Ve Wii, É Ah en 2 AN AR Dr dede CAR TC CES nr le SN ax ds POUE bé LE Luc (LA ENTRE di tuile nié 10° : “ré (ei CS Reg À ee LR 4 " RES QE à pat LD ” ; ad: CT sk eu sr dl). see 0 v * ses, MA 4 “ U 4 [EL » SE LR TABLEAU DE T'ACADÉMIF ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1836—1837. OFFICIERS EN EXERCICE, M. Gors, Président. M. Parcrantr, Vrce-Président. M. Dss Arreuns, D,-M., Secré/aire perpétuel pour la Classe des S'crences. M. De Srarexratrn, Secré/aire perpétuel pour la Classe der Belles Leltres et des Arts. M. Bazuix, Péébothécaire-Archiviste, M. Hevus, D.-M., Trésorier. ANNEES ANNEES le di adauis- TENTE MICLENS VÉ FÉRANS, MAL. mn à 1 lion. éléran- ce, 1808. LezunEern p£ LA Manrec ( le baron Louis-Géne- 1823 viève) OQ %%, ancien Maire de Rouen, Maire d'Hautot-sur-Seine. 1819. Rivann (Prosper) 2%, ancien Maire de Rouen, 1828 rue de la Fivomié, n° 34. 180%. Mrauue (Jean-Jacques -Grégoire), Docteur às sciences, 1820 cie, à Paris, zoo de la Madeleine, w Go 218 1824. 1830. 1833. 1803, 1804. 1808, 1809. [L'ILE MEMBRES ACADÉMICIENS HONORAIRES , MM. S. A. E. Mgr le Cardinal Prince ne Cnoï, Archevéque de Rouen, etc., au Palais archiépiscopal. Tesre (le barun François-Etienne ) G O # , Lieutenant- Général, commandant la 14€ division militaire , à Rouen. Duroxr-Derrours (le baron Henri-Jean-Pierre-Antoine ) C %, Conseiller d'Etat , Préfet de la Seine-Inférieure , à l'hôtel de la Préfecture. Banser (Henri) %#, Maire de Rouen, Membre de la Chambre des Députés, dowlev. Cauchoïse, n° 54. Euve (Jean-François) O X , premier Président de la Cour Royale, sue des Champs-Maillets , n° 32. ACADÉMICIENS RÉSIDANTS, MM. Vicxé (Jean-Baptiste), P.-M , correspondant de la So- cicté de médecine de Paris, ue de la Seille, n° 4. Lerezuer (François-Germain), Docteur ës-lettres ; Inspec- teur honoraire de l’Académie universitaire, rue de Sotlerille , n° », faubourg St-Sever. Biexox (Nicolas), Docteur ès-lettres, secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie pour la classe des Belles-Lettres et des Arts ,rue du Vieux-Palais, n° 30. Duguc (Guillaume) l'ainé, Chimiste, correspondant de l'Académie royale de médecine de Paris, etc., ete., rue Percière , n° 20. Dururez ( Pierre), rxe Bourg-l'Abbé, n° 30. Lepnevosr (Thomas-Placide), Médecin vétérinaire départe- mental, rve Saint-Laurent, n° 3. Apam (le baron André-Nicolas-François) %, Président du Tribunal de première instance, place Saint-Ouen, n° 25, Du Rouzeau (Pierre-Denis) #, Conseiller à la Cour royale, glace S'aiut-ÆElor, ne 1518. 1810. 1820. 1822. 1824. 1825. 1827. 1828. RÉSIDANTS. 219 BLaxcne (Antoine-Emmanuel-Pascal) 2 , D.-M., Médecin en chef de l'Hospice général, rue Lourgerue. DesriGxx (Pierre-Daniel), Adjoint à M. le Maire de Rouen, rue Longue, n° 14, faubourg Beauvorsine. Heruis (Eugène-Clémeut) fils, D.-M., Médecin en chef de l'Hôtel -Dieu, place de la Madeleine. ManraiNviLse (Adrien-Chasles Deshommets, marquis de) #, ancien Maire de Rouen, 42 de Moulinet, n° 11. De a Quémère (Eustache), Négociant , rue du Fardeau, n° 24. Lévy (Marc), Professeur de mathématiques et de mécanique ; Chef d'institution, ete. , etc., rue Saint-Parrice, n° 36. Des Azceuns (Charles-Alphonse-Auguste) , D.-M., Médecin adjoint de l'Hôtel-Dieu, professeur de pathologie générale à l'Ecole de Médecine de Rouen , etc. ,rue de l'Écureuil, 19. Gossien (l'abbé Joseph-F rançois), Chanoine honoraire à la Cathédrale, rve du Nord, n° 1. Pnévosr (Nicolas-Toseph), Pépiniériste, au Bois-Guillaume, (A Rouen , rve du Champ-des-Oiseaux , n° 65.) Duosreurz ( Guillaume), Directeur du Jardin des plantes, aa Jardin des plantes. LaxGzors (Eustache-Hyacinthe) #X , Peintre, Directeur de l'École municipale de dessin, membre de plusieurs Sociétés savantes, rze Poussin, enclave Sainte-Marie. Baccix( Amand-Gabriel), Chef de la division du secrétariat général à la Préfecture, ete., rxe de Crosne,n° 14. Monix ( Bon-Etienne }, Pharmacien, correspondant de l’Aca- démie ruyale de médecine, etc., rue Bouvreuil, n° 23. Devise (Achille )}#, Receveur des contributions directes, Directeur du Musée départemental d’antiquités , ete., etc. rue du Guay-Trouin, n° 6. VixGrmxier (Arthus-Barthelemy), D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, rue de la Prison, n° 33, Piuoxr (Pierre-Prosper), Manulicturier, se Werbière, n° af, 220 MEMBRES 1829. FLoovrr (Pierre-Amable ) ils, Greffier en chef de la Cour 1833, 1834. 1835, royale de Rouen, correspondant du Ministère de l’Instruction publique, exclave de la Coxr royale, rue S1.-Lô. Gimarnen (Jean- Pierre), Professeur de chimie industrielle de l'École municipale de Rouen; membre de plusieurs Sociétés savantes, rte du Duc-de-Chartres, n° 2. Poucner ( Félix-Archimède), D.-M., prof, d'Histoire na- _turelle et conservateur du Cabinet, rue Beauvorsine, n° 200. Macxien (Louis-Eléonore), Docteur ès-lettres, Professeur de rhétorique au Collége royal, 4ow/. Bouvreuil, n° 6. Pauwer (L.-D.), Pasteur, Président du Consistoire de Rouen , rampe Bouvrenil, n° 16 bis. De Srasexnare (Charles), Juge d'instruction, membre de plusieurs Sociétés savantes , rve de la Perle, n° 2. De Caze (Augustin-François- Joseph), ancien Négociant, rue de Crosne , n° 15, Grécomne (Henri-Charles-Martin), Architecte des bâtiments civils, rue de Racine, n° 6. Bercasse (Alphonse) 2, Avocat, ancien Procureur général, rue de l'École, n° 44. Vennière (Louis-Taurin) :#, Conseiller à la Cour royale, rue du Duc-de-Chartres, n° 8. Mann pe Vuccers (Henri - Louis) #, président de la So- ciété philharmonique de Rouen, 7ze de la S'eille, n° +. Cuérwrz ( Pierre-Adolphe), Professeur d'histoire au Collége royal de Rouen, rue du Faubôure-Martainville , : n° 25. Gons (Laurent), Professeur de mathématiques spériales au Collége royal de Rouen, re de la Seille, n° 10. Pensox (Charles-Cléophas), Dücteur ès-seiences, Professeur dé physique au Collége royal de Rouen, ze du Cordier, n° 34. Parcranr, Docteur en droit, avocat général, zac Jloyale. Ganxenay (Ambroise-Tonis), peintre de marine, conservateur du Musée de peinture de Pouen, 24 usée, RÉSIDANTS. 221 1856, Faxer (l'abbé) O #, doyen ofleial ; archidiacre des arron- | dissements du Havre et de Dieppe, à l'Archevéché. Maucer, O 2% Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Député, à Rouen , rue du Licu-de-S'anté, n° 22. RarFetot (Deschamps comte de), rze de Fontenelle, n° 3. 1 ACADÉMICIENS CORRESPONDANTS , MM. 1588. DEescexETTEs (le baron ) C #, Médecin, membre de l'Aca- démie royale de médecine, à Paris, rve de Lille, no 58. 1:89. Moxxer , ancien Inspecteur des mines, à Paris, 7e de l'Uni- versilé, n° Gr. Tesster (le chevalier Henri-Alexandre) #, membre de l'Institut, à Paris, rve des Pelits-Augustins , no 6. 1803. GUuERsExT 2, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, à Paris, rve Gaïllon, no 12. Morcevaust (C.-L.) #, membre de l'Institut, à Paris, re S'aint-Dominique, n° 09, faubourg S'aint-Cermuin. 1804. DeEGraxp (J.-V.), D.-M., Professeur de botanique, membre de plusieurs Académies, à Reunes (Ille-et-Vilaine ). DewaniÈres ( le baron Pierre-Prosper) 2, à Paris, rue Notre-Dame-des-Victoïres, n° 40. 1805. BoucnEr, correspondant de l’Institut, ancien Directeur des Douanes, à Abbeville (Somme). 1805, De Geraxpo (le baron) C #£, membre de l'Institut, à Paris, rze de Vaugirard, n° 52 bis. Derasouisse , Iomme de lettres, à Paris. Boïecoreu (Marie-Jacques-Amand), ancien Avocat à la Cour royale de Paris, à Paris. 1803. Srraix, ancien Oflicier de santé, à Canon, près Crois- sanville ( Calvados ). Lan Es ( Pierre-Aimé), Conseiller de Préfecture du Calvados, etc., à Caen, Pont-S'aint-Jacques. 222 Sur. 1813. 1814. MEMBRES Dezancy XX, à Paris, rve Duphot, n° 14. Fnaxcœur OX , professeur à la Faculté des sciences, à Paris, rue de Las-Cases, n°8, Rosxar DE Viccers ( André-Marie-Memmie )}, à Nevers (Nièvre). Duauissox (J.-B.-Remi-Jacquelin), D.-M., membre de plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, ue Hauteville , no 10, faubourg Poissonnière. Durois-Masonseuve, Iomme de lettres, à Paris, rue des Francs-Bourgeois-S aint-Michel, no 3. Decarue , Pharmacien, secrétaire de la Société d’agricul- ture, médecine et arts, à Evreux (Eure } Sesmaisoxs (le comte Donatien de ) C #, Pair de France, à Flamaville, près les Pieux ( Manche Ÿ. Sussx , Docteur-Médecin , à Lyon. Bazxe, membre de plusieurs Sociétés savantes ; Secrétaire de la Société de médecine de Lyon. Lrprroc (l'abbé), ancien Recteur de l'Académie universitaire de Rouen , à Paris. Le SauvaGe, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes, chirurgien en chef des Hospices civils et militaires, à Caen. Larisse ( Alexandre-Gilbert-Clémence ), D.-M. , à Paris, rue de Ménars, n° 9. Bourzax ( Picrre-François-Guillaume) O #, Docteur de la Faculté des sciences, Membre titulaire de l’Académie royale de médecine, Pharmacien, à Paris, rue du Helder, n° 5. Briquer (B.-A.), ancien Professeur de belles-lettres, à Niort (Deux-Sèvres ). 4 Lawaxné (Mandé-Corneille) #, Inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaussées, à Paris, rve du licgard, m1, Saubourg Saint-Germain. Tangé pes Saurons (Scbastien-André) XX, ancien Chef de divis. au Ministère du commerce, à Paris, ve Casselle, 55. Picneux (B.), Peintre, à Paris, rue du Faub.-S1.-Iunoré, n°7. 1816. 1815. 1818. CORRESPONDANTS. 223 PenrcELAT #, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, Inspecteur de l'Académie de Metz (Moselle ). Famne ( Jean-Antoine) , correspondant de l’Institut et In- génieuren chef des ponts-et-chaussées, à Brignoles (Var). Box O #, Médecin en chef des Hospices, à Bourges. Lorsezeun DEsconGciamPs (Jean-Louis-Auguste) #€, D.-M., Membre honoraire de l’Académie royale de médecine, etc. , à Paris, rue de Jouy, n° 8. Durrocuer (René-Joachim-Henri) #, D.-M., Membre de l'Institut, ete., à Paris, rve de Braque , n° 4. Pain 2% , maitre des conférences à l'École normale, bibliothé- caire du Roi, etc., à Paris, rve Cassette, no 15. Mérar (François-Victor) #,D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, zve des S'aints-Pères, no 15 Lis. Hurrnez p'ArtovaL (Louis-Ilenri-Joseph ), membre de plusieurs Sociétés savantes, à Montreuil-sur-Mer ( Pas-de- Calais). Moreau DE JonNEs (Alexandre) O %# , Chef d’escadron d'État-Major, membre de l'Institut, etc., à Paris , rue de l'Université, no 72. DE Gounxay, Avocat et Docteur-ès-lettres, Professeur suppléant de littérature latine à la faculté des lettres de Caen (Calvados), rue Gémare, no 18. Parru, Ingénieur en chef des ponts-et-chaussées , à Caen. Borra (Charles), ancien Recteur de l'Académie de Rouen, Homme de lettres, à Paris, rve de Verneur!, n° 30. De Kencamou (le comte) O X, ancien Pair de France, à Paris, De Moxrauct (le marquis) %, à Nointot, près Bolbec. (A Rouen, ze d'Ecosse, no 10.) rue du Petit-V'augirard, n° 5. Eunes pe Minviese (le marquis), ancien maréchal de Caen : à Filières, commune de Gommerville, près St-Romain. Masouer (le baron) C #, Pair de France, ancien Préfce de la Seine-Inférieure, Maitre des comptes, k Paris, r2e Neure-des-Mathurins , n° 20. 224 1821. 1522. 1823. A 1924. MEMBRES Deprauuts (Alexis-Joseph)#%, Graveur de médailles ; à Paris, ruc de Furslenberg, n° 8 1er. Gamcon ( Benjamin), Receveur principal des Douanes, membre de plusieurs Scciétés savantes, à Boulogne-sur- Mer (Pas-de-Calais). Bentrien (P.) #, Ingénieur en cheî des mines, Prof. de docimasie, memb. de l'Institut, à Paris, rved'Enfer, n° 34. JamET (l'abbé Pierre-François), Prêtre, Supérieur de la Maison du Bon-Sauveur, Instituteur des sourds-muets, à Caen (Calvados ). Cuauenx X, Inspecteur général honoraire des ponts-et-chaus- sées, à Paris, rue de l'Université, n° 44. LavOuDERE (l'abbé Jean), Vicaire général d'Avignon, à Paris, éloitre Notre-Dame , n° 20. LemonniER ( Hippolyte), membre de l'Académie romaine du Tibre , à Paris, rze S1-Cuillaume, no 25. Tinévaur DE BenneauD , Secrétaire perpétuel de la Société linnéenne, l’un des Conservateurs de la Bibliothèque Maza- rine, à Paris, re du Cherche-Midi , n° 28. BEucxor (le vicomte Arthur )#, Avocat, membre de l'Ins- tilut, à Paris, rue du 'autourg-St-Honoré, n° 110. SorciCoFFRE ( Louis-Henri- Joseph) #, Sous-Directeur, membre du Conseil de l'administration des Douanes, à Paris, sue S'aint-Lazcre, m go. Esrancezix # , Membre de la Chambre des Députés , corres- pondant du Ministère de l'instruction publique , à Eu. Foxranter (Pierre), Humme de lettres, oflicier de l'Uni- versité, adjoint du maire de Moissac, près Murat (Cantal). Marzet (Charles ) #, Inspecteur divisionnaire des ponts-et- chaussées, à Paris, rte T'aranne, n° 23. JourpAx (Antoine-Jacques-Louis) #, D.-M.-P., membre de «l'Acad. royale de médecine, à Paris, rve de Bourgogne, n° 4. Moxrarcox, D.-M., à Lyon. BourGsors (Ches) XX, Peintre de portraits, à Paris, guet Malaquais, ue 5, 1826. 1827. CORRESPONDANTS. 225 DE LA QUESNERIE , membre de plusieurs Sociétés savantes, à St-André-sur-Cailly. Descamps, Bibliothécaire-archiviste des Conseils de guerre, à Paris, rue du Cherche-Midi, n° 39. SazGues, D.-M. en exercice au Grand-HHôpital. secrétaire du Conseil central sanitaire du dép', à Dijon (C e-d'Or). BouLLexGER ( le baron ) O. #, ancien Procu: ur général à la Cour royale de Rouen, 7e de la Chaîne, v° 12. D’AxGcemowr ( Edouard), à Paris, rve de 4 voie ; n° 24. Desmaresr (Anselme-Gaëtan), Professeur de zoologie à l'Ecole royale vétérinaire d’Alfort, correspondart de l'Ins— ütut, etc., à Paris, rve S-Jacques , no 161. Juzra DE FONTENELLE , D.-M., Professeur de chimie, à Paris, place S'aint-André-des-Arts, n° vx. Crvrace K, D.-M., à Paris ,rve Neuve-St-Augus in, n° 23. Feret aîné, Antiquaire, conserv. de la Bibliothèque « e Dieppe, Correspondant du Ministère de l’Instruction publique. PAvEx (Anselme }#, Manufacturier, Professeur de chimie à l’école centrale, membre de plusieurs Sociétés savantes , etc., à Paris, rze Favart, n0 8. BcaxcHARD (François-Gabriel-Ursin, comte de la Musse), ancien Conseiller an Parlement de Bretagne, etc., etc., à Rennes, ve de Paris (Wle-et-Vilaine). Moreau (César) , Fondateur de la Société française de statistique universelle et de l'Académie de l’industrie, etc. , à Paris, place Vendôme, n° 24. MoxTémonT (Albert), membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue Croir-des-Petifs-Champs, n° 2;. LavevÈze, D.-M., à Bordeaux (Gironde). Savix (L.), D.-M., à Montmorillon ( Vienne). LExXORMAND , Professeur de technologie, à Paris, rze Percée- S-André, n° 11. Germatx (Thomas-Guillaume-Benjamin), correspondant de la Société des pharmaciens de Paris et de la Société royale de médecine, Pharmacien, à Fécamp. 15 226 1828. 1829+ MEMBRES Huco ( Victor) #X , à Paris, p/ace Royale, n° 6. BLossevizze (Ernest de), à Amfreville, par le Neufbourg (Eure.) BLossevizce (Jules de), à Paris, rue de Richelieu. DesmaziÈREs (Jean-Baptiste-Henri-Joseph), Naturaliste, à Lambersart, près Lille; chez Mad. veuve Maquet, proprié- taire, rue de Paris, n° 44, à Lille (Nord). Maro (Charles) , Homme de lettres, Directeur de la France littéraire, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue des Grands-Augustins, 0° 20. Ë Vaxssay (le baron Charles-Achille de) C. #, ancien Préfet de la Seine-Inférieure , à la Barre, près St-Calais (Sarthe) Courr , Peintre , à Paris , ze de la Vieille-Comédie, n° 14, ancien atelier de Gros. Virey (Julien-Joseph) x, D.-M.-P., membre de la chambre des députés (H.-Murne), et de plusieurs Société savantes, à Paris, rve Soufflot, n° 1, près le Panthéon. Marccer-Lacosre ( Pierre-Laurent), Professeur à la Faculté des lettres de Caen (Calvados). Laura» (le chevalier J.-B ), D.-M, secrétaire perpétuel de l’Académie de Marseille, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Marseille (Bouches-du-Rhône). Dupras, Homme de lettres, à Paris, ve de la Calende, n° 54. Spencer Smrrx (Jean), membre de l’Université d'Oxford, et de plusieurs Sociétés savantes, à Caen (Calvados), re des Chanoïnes, n° 3. Morremart-Boisse (le baron de) #, Membre de la Société royale et centr. d'agric., etc., à Paris, ze Duphot, n° 8. Morix ( Pierre-Etienne) %, Ingénieur en chef des ponts- et-chaussées, à St-Brieux (Côtes-du-Nord). CoTTEREAU (Pierre-Louis), D.-M., Professeur agrégé à la Faculté de méd. de Paris, etc., 74e Marie-Stuart, 6. Fée %, Chimiste, Professeur à l'hôpital militaire du Val- de-Grâce , à Paris, 1830. 1830, CORRESPONDANTS. 227 Partez , D.-M., rue de la Préfecture, n° 13 , à Evreux (Eure) GurriNGuER (Ulric), Homme de lettres, à Saint-Germain-en- Laye (Seine-et-Oise ), Cazauis, Professeur de physique au Collége royal de Bour- bon, à Paris, re des Grands-Augustins, n° 22. SCHWILGUÉ , Ingénieur des Ponts et Chaussées, Chef des bureaux de la navigation à la Direction générale des ponts- et-chaussées, à Paris. BéGiN, D.-M., membre de la Société royale des antiquaires de France, etc., à Metz ( Moselle ). BerGer DE XIVREY (Jules), Homme de lettres , à Paris, ve du Cherche-Midi, n° 14 (faubourg St-Germaïn). CHaponnierR (le chevalier), D.-M., professeur d'anatomie et de physiologie, à Paris, rve de Cléry, n° 16. Passy (Antoine) O #, Préfet de l'Eure, à Evreux. SoyEer-VViLLEMET ( Hubert-Félix), Bibliothécaire et conser- vateur du Cabinet d'histoire naturelle de Nancy (Meurthe) LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme ). RirAuD , Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, ze Basse-du-Rempart, n° 46. BARRÉ DE JALLAIS, ancien Administrateur, Homme de lettres, à Chartres, pavé de Bonneral (Maine-et-Loire ). Hovez (Charles-Juste), membre de plusieurs Sociétés savantes, président du Tribunal civil de Louviers (Eure). Murar (le comte de) C %#, ancien Préfet de la Seine- Inférieure, à Enval, près Vayre (Puy-de-Dôme). Rivaun DE La RAFFINIÈRE (le comte de) G O K, Lieute- nant-Général, à la Raflinière, près Civray (Vienne). — (A Rouen, re Porte-aux-Rats, no 13, chez Mme de Bracquemont ). Le Ficreu pes Guernots, chev' de l’Eperon d’or de Rome, correspondant de l'Institut historique, aux Guerrots, com- mune d'Heugleville-sur-Scie, par Longueville (Dieppe). 228 MEMBRES 1831. Je Tecrter X, Inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaus- sées, à Paris, rue de Beaune, n° x. Boucner DE PERTRES ( Jacques ) X , Directeur des douanes, etc., à Abbeville (Somme ). Sixwer (Louis de), helléniste, Docteur en philosophie, à Paris, rue des Saints-Pères, n° 14. BouLcENGER DE BoIsFREMONT , Peintre d'histoire, à Paris, rue du Rocher, n° 34. Tancaou, # D.-Médecin, à Paris, rve d'Amboise, n° 7. Fortin, D.-M. à Evreux ( Eure). Dusevez (Hyacinthe), avoué à la Cour royale d'Amiens, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Amiens (Somme ). Brrerre DE Borsmonr (A.)#, D.-M., chevalier de l’ordre du Mérite militaire de Pologne, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, cé Bergère, n° 2. Le Fcaçuais (Alphonse) , membre de l’Académie royale de Caen, rue des Jacobins , n° 10, à Caen (Calvados). Lepasqurer ( Auguste ) %£, préfet du Jura, à Lons-le- Saulnier. LeseuxE (Auguste), Architecte, à Paris, rue des Pelits- Hôtels, n° 14, faubourg Poissonnière ; à Rouen, place S1.- Armand, n° 19. Tic X, Conseiller à la Cour de cassation, à Paris, ve de Vaugirard, 50. LAuRENs (Jean-Anatole), membre de plusieurs Sociétés savantes, Chef de div. à la Préfect. de Besançon ( Doubs). Bourienx ( Pierre-Hippolyte), correspondant de la Société de chimie-médicale de Paris, etc., pharmacien à Evreux (Eure). Ricozror (J.) fils, Mvedecin de l'Hôtel-Dieu d'Amiens, membre de plusieurs Sociétés savantes , à Amiens (Somme). LapoucerTe (le baron de) # , ancien Préfet, secrétaire per- pétuel de la Société philotechnique de Paris, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, zze S/-Lazare, 5. Macce (P.-N.-Fr.) Docteur en chirurgie, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Strasbourg (Bas-Rhin ). CORRESPONDANTS. 229 PiKGEON , D.-M., secrétaire de l’Académie des sciences et de la Société de médecine de Dijon, correspondant du cercle médical de Paris, ete., à Dijon (Côte-d'Or), place S/.-Jean, 5. Gerviize (de), Antiquaire, à Valognes ( Manche ). BouGroN, slatuaire, à Paris, 7e du Faubourg-S'aint- Denis, 154. Docnesxe (Edouard - Adolphe), D.-M., à Paris, ve de Tournon, n° 2, faub. St-Germaïn. JucciEX (Marc-Antoine) , Homme de lettres, à Paris rue du Rocher, n° 23. AssezIN (Augustin) #X, antiquaire, à Cherbourg (Manche). CasriLno (Antonrio-Feliciano de), Poète portugais, à Paris. Carey (Thomas), Docteur en droit, à Dijon (Côte-d'Or), hôtel Berbrsey. BRreviÈère (L.-H.), Graveur de l'imprimerie royale, sur bois et en taille-douce , à Paris, re des Quatre-Fils, n° 9. 35. Mauzer-Durourcay, Architecte, à Paris, re d’Anjou- S'2- Honoré, n° 58. LE Prevosr (Auguste) #, Membre de la Chambre des Dé- putés, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rve Jacob, hôtel Jacob, faubourg S'aint-G. rmain... Fôvizce, # D-M., à Toulouse (Haute-Garonne). BELLANGÉ (Joseph-Louis-Hippolyte) #, Peintre, à Paris, no 8 #5; à Rouen, chez M. Walter, rue du Champ-des-Oiseaux, n° 55 ter. Lameert (Edouard), Conservateur de la bibliothèque de Bayeux (Calvados ). Murer (Théodore), avocat et homme de lettres, à Paris, ruc d'Antin, 10. rue de Furstenberg, Pescne (J.-R.), membre de plusieurs Sociétés savantes, Chef de division à la Préfecture du Mans (Sarthe). Baro (Joseph) %#, Inspecteur, au ministère de l'Intérieur, des monuments historiques des départements du Rhône et 230 1835. 1836. 1837. MEMBRES. de l'Isère, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Chorey, près de Beaume (Côte-d'Or). Cresxox , Principal du Collége de Bayeux ( Calvados). Bac (Jacques-Henri), Professeur de philosophie au Collége de Besançon (Doubs ). GuyéranrT, D.-M.-P., membre de l’Acad. roy. de Méd. et de plus. autres Soc. sav,, à Paris, ve Taranne, n° 10. SougetrAN, Chef de la Pharmacie centrale des Hôpitaux de Paris. REY, ex-membre du Conseil général des manufactures, a Paris, ve Notre-Dame-des-Victoires ; n° 26. Dupors (Louis), Sous-Préfet de Vitré (Ille-et-Vilaine). Lever (le Mis,) membre de la Commission des antiquités, à Rocquefort (Yvetot). LecrAy, Archiviste, à Lille (Nord )., Le Capre, Doctenr-Médecin, au Havre. Le Bron (Charles), D.-M., à Paris, re Neuve-Sainte- Géneviève, n9 21, Courant #, Ingénieur des ponts-et-chaussées, à Digne ( Basses-Alpes ). VVarxs- DESFONTAINES (Théodore), homme de Lettres ct Avocat, Instituteur, à Alençon ( Orne). CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 1803. 1809. 1812. 1816, 1817. Demorz, Directeur de la Chambre des finances , et correspon- dant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg (Autriche). GerrroY , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow (Ecosse ). ExGeLsTorr , Docteur en philosophie , Professeur adjoint d'histoire, à l'Université de Copenhague ( Danemarck). Lamoureux (Justin ), à Bruxelles ( Belgique ). VoceL , Professeur de chimie à l’Académie de Munich (Bavière), Campeezc, Professeur de poésie à l'Institution royale de Londres ( Angleterre). KimçkHOFF ( le chevalier Joseph = Romain = Louis de 1833. 1835. 1836. CORRESPONDANTS. 231 KerCkHOvE , dit de), ancien Médecin en chef des hôpitaux militaires, etc., membre de la plupart dés Sociélés savantes de l'Europe et de l'Amérique, à Anvers ( Belgique ). . Dawson Turxer , Botaniste, à Londres ( Angleterre). . VÈNE 2, Capitaine de génie, au Sénégal. ' . Cuaumerre Des Fossés, Consul général de France, à Lima (Amérique méridionale ). .…. VINCENZ0 DE ABBATE (le comte), Antiquaire, à Alba (Piémont). . Deruc (Jean-André) , Professeur de Géologie, à Genève (Suisse). . BRUNEL 2, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre de la Société royale de Londres, à Londres ( Angleterre ). LA . “ # » 30, RAFx (le chevalier Carl-Christian), Professeur, secrétaire de la Société royale d’écritures antiques du Nord, et de plusieursautres Sociétés savantes, à Copenhague (Danemarck). rue du Prince-lioyal, w 0. SauTELET (Nicolas-Balthazar), Professeur de langues, à Colo- gne (Prusse), Perler Pfhull. SrassarT (le baron Goswin-Joseph-Augustin de), Président du Sénat belge, Gouverneur de la province de Namur, à Courioule, près Namur ( Belgique ). Ficipris (Pierre de), Médecin à Naples. KERKHOVE D'ExAERDE ( comte de ), à Anvers. REIFFENBERG (le baron de), à Louvain. — A Paris, chez M. Michaud , 7e de Richelieu, n° 67. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES, Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où elles sont établies. Abbeville. Société royale d'Emulation (Somme ). Aïr. Société académique ( Bouches-du-Rhône ). Amiens. Académie des Sciences (Somme). Angers. Société industrielle (Maine-et-Loire). Angoulême, Société d'Agriculture, Arts et Commerce du départemen \ de la Charente. 232 SOCIÉTÉS Besançon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Doubs). — Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs. Lordeaux. Acad. royale des Scienc., Belles-Lettres et Arts (Gironde). — Société royale de médecine. Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , du Commerce et des Arts (Pas-de-Calais). Bourg. Société d'Emulation et d'Agriculture du départemt de l'Ain. Caen. Acad. royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Calvados). — Association Normande — Société royale d'Agriculture et de Comnrerce. — Société des Antiquaires de la Normandie, — Société Philharmonique. Cambrar. Société d'Emulation (Nord). Chälons-sur-Marne. Société d'Agriculture , Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne. Chäteauroux. Société d'Agriculture du département de l'Indre. Cherbourg. Société d'Agriculture , Sciences et Arts (Manche ). Clermont-Ferrand. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Puy-de-Dome ). Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Côte-d'Or). — Société de Médecine. Douaï. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du département du Nord. Draguignan. Société d'Agricult et de Commerce du départ. du Var. Evreux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. — Académie Ébroïcienne. Falaise. Société d’agriculture. Havre. Scriété havraise d'études diverses. Lille. Soci té royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du départenent du Nord. Limoges. Suciété royale d'Agriculture, des Sciences et des Arts (Haute-Vienne). Lons-le-S culnier. Société & Émulation du Jura. CORRESPONDANTES. 233 Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhône). — Société royale d'Agriculture , Histoire naturelle ek Arts utiles. — Société de Médecine. Mäcon. Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Saône-et-Loire). Mans (Le). Société royale d'Agriculture , Sciences et Arts (Sarthe). Marseille. Acad. royale des Sciences, Lettres et Arts (Bouches-du-R). Melun. Société d'Agriculture de Seine-et-Marne. Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d’Agricul- ture ( Moselle ). Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres &u département du Tarn-et-Garonne. Mullhausen. Société industrielle (Haut-Rhin). Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts (Meurthe ). — Société centrale d'Agriculture. Nantes. Société royale académique des Sciences et des Arts du département de la Loire-Inférieure. Nimes. Académie royale du Gard. Niort. Athénée; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- tement des Deux-Sèvres. Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). Paris. Athénée royal, rue de Valois, n0 2. — Ixsrrrur DE FRANCE, au Paluis des Quatre-Nations. —— Académie royale des Sciences. — Académie Française. — — Historique, ze des Saints-Pères, n° 14. — Société d'Economie domestique et industrielle, 71e T'a- ranne, N° 12. — Société Entomologique de France , rue d'Anjou-Dauplire , n° 6. — Société de Géographie, rue de l'Université , n° 23. — Societé de la Morale chrétienne, rue T'aranne, n° 12. — Société de l'Histoire de France. ( M. Jules Desnoyers, secré- taire, à la Bibliothèque du Jardin du Roi.) — Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale, 7e du Bac, n° 42, 134 SOCIÉTÉS — Société d'Encouragement pour le commerce national, rve S'aint-Marc, n° 6. — Société de Pharmacie, rve de l'Arbalète, no 13. — Société des Méthodes d'Enseignement, rze T'aranne ; n° 12. — Société des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles et industriels, à 'Hôtel-de-Ville. — Société Géologique de France, r2e du Vieux-Colombier, 26. — Société libre des Beaux-Arts , 71e Saintonge, n° 19. — Société d'Horticulture, ve T'aranne, n° 12. — Société des Sciences naturelles de France, rve du Vieux- Colombier, n° 26. — Société Linnéenne, rve de Verneuil, no 51, faub. St-Germain. — Société médicale d'Emulation, à /a Facullé de Médecine. — Société Philomatique. — Société Phrénologique , re de L'Université, n° 25. — Société royale et centrale d'Agriculture, à /'Æôtel-de-V'ille. Perpignan. Société royale d’Agriculture, Arts et Commerce des Pyrénées-Orientales. Poitiers. Société académique d'Agriculture , Belles-Lettres, Sciences et Arts ( Vienne). — Société des Antiquaires de l'Ouest. Puy (Le). Société d’Agr., Sciences , Arts et Commerce (Haute-Loire). Æouen. Société centrale d’Agricult. du départ, de la Seine-Inférieure. — Société d'Horticulture. — Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences, Lettres et Arts. —— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de l'Industrie. —— Société de Médecine. — Société des Pharmaciens. —— Société pour l’encouragement de l’Instruction élémentaire par l’enseignement mutuel, dans le département de la Seine-Inférieure. Saint-Etienne. Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Loire). Saint-Quentin. Société des Sciences, Arts, Belles-Lettres et Agriculture ( Aisne ). CORRESPONDANTES. »35 S/rasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- ment du Bas-Rhin. Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ). — Académie royale des Sciences , Inscriptions et Belles-Lettres. Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d’Indre-et-Loire. Troyes. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Aube. Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- ment de Seine-et-Oise. SOCIETES ÉTRANGÈRES. Anvers. Société des Sciences, Leltres et Arts. Copenhague. Société royale d’Ecritures antiques du Nord. Liége. Société libre d’Emul. et d'Encour. pour les Sciences et les Arts. Londres. Société des Antiquaires de Londres. Nota. Vingt-trois exemplaires du Précis seront en outre distribués ainsi qu'il suit: À M. FRège, libraire à Rouen. { Décision du 13 janvier 1827. R. des Lettres , p. 318.) — A M. Deracue , Libraire à Paris, et aux QUATRE PRINCIPAUX JounNaUx qui se publient à Rouen. (Déc. du 18 nov. 1831, R. des L., p. 2.) — A la Revue ne Rouen et à M. H. Canxor, Directeur de la Revue encyclopédique, à Paris, (Déc. du ro fév, 1832, R. des L., p.28.) — Aux Biezioruèques de la Préfecture et des Villes de Rouen , Elbeuf, Dieppe , le Havre, Bolbec, Neufchâtel, Gournay et Yvetot. ( Déc. du 16 nov. 1832. Reg. des Déhb., p. 153; et Déc. du 5 déc, 1834. R. des L., p. 226.)— A M. ne LA FONTENELLE DE Vauponf, secrétaire perpétuel de Ja Société académique de Poitiers, directeur de la Revue Anglo-Francaise, ete. ( Déc. du à août 1833, R. des L, p.133.) — À M. Eugène Arnourr, propriétaire-rédacteur du journal intitulé l'Institut, rue de l'Université, no 34, à Paris, A la Bigrio- THÈQUE de Dijon. (Déc. des 5et 12 déc, 1834.R, des L., p. 226.)—A la Breuornèque du Muséum d'histoire naturelle de Paris ( M. J. Des- noyers, bibliothécaire), A la Bisuoruèoue de Pont-Audemer, Eure, M. Canel, bibliothécaire, ( Déc. du 18 décembre 1835. R. des Délib,, p. 1733.) — À M. Nestor Ursax, directeur de la France Départementale, rue de Mousigny, n° 4. (Déc, du 11 mars 1836. R, des L, p. 5zu). PORTE ETUIS ER PA ue avr sé Pure Lt4 28/Py As: ÊTES ver Hak DS 68 EL ui wish (sbinnis Vbet à - sed” RES PR lies nt PE * Ph, " PIE 7 ui at] HART BATUNOS “@ SE éarra-e DUT phima P «FAN à Lu at, de metilo. ssenlsë mb ho event 40 diet ehasmpison soumet "à plaqin hé main and sl 10 vmanisl dl 1004 anna ds Joel à édit bibi v0ë eu à duijon le 00 étiited ab-ediemilinà, RTE DOUTE, | nié pos sé: Det al PAR SNS et Robe } envol à rlemtit 28408 M À MP AT ET atardkt, netauté Jaià (866 AR enbei ab°.A xéb Moug os lorp ataradel répnoctes ETES | vue déxkr anlrb,d-18 | d MP À Des mov si Eu sent AV sii2s° [ M isetaronantt mé — (et 477 eh [4 var 0 aie js RE, à ee db AO % 10e 4 à ARC ant: af OR dr vus de nb0Mi PamrT 13 RIT TT ps aù MA à à 44 ads AE Ms «219 ue ve D mepinblgue afbret ed ob doute] ne) visu usb al \ewt AL 0e. sement cg À ‘oeil fab Ge eme tetael sr PR - | rt LT) pare as Ps Fc \ 6.2 bleeez sites À sal ME À — CAE: QU AU OMRE DUT ET LI et No 2 . TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. Discours d'ouverture de la séance publique du 5 août 1836, par M. Deville, président, sur l'incendie de la cathédrale de Chartres et la cloche de Rouen, nommée Georges-d'Am- boise. I CLASSE DES SCIENCES. Rapport fait par M. Des Alleurs, D.-M., secrétaire per- pétuel , (e] $ 197, — SCIENCES PHYSIQUES. Traité élémentaire de physique, par M. Person, 10 Du magnetisme, par M. Gors, ib. Expériences barometriques, par M. le comte de Raffetot, 13 Expériences nautiques et hydrauliques, par feu le colonel Beau- Joy; ib. $ 2. — CHIMIE. Notice de M. Dubuc sur la sophistication des farines de céréa- les, elc., 14 Chimie minérale et analyse de substances minérales par M. Ber- thier. t5 338 TABLE METHODIQUE Travaux de M. Soubeiran, 15 Expériences pour constater la présence de l’alcoo! dans un ca- davre inhumé depuis plusieurs jours, ib. Tmprimées en entier, p. 35 Annalyse des eaux de la source dite pétrifiante de St-Allyre, 16 Imprimée en entier, p. 51. Sur le donium, ib. Savons composés en partie de silex, ib. Leçons de chimie élémentaire par M. Girardin, ib. $ 3 — AGRICULTURE. Divers rapports, 17 Analyse d'une bonne terre à betteraves et dissertation sur la carie ou maladie noire des bles, par M. Dubuc, 18 $ 4e — BoTANIQUE. Nouveaux éléments de botanique appliquée, par M. Pouchet, 20 Mémoires de M. Soyer-Willemet, ib. Ierbier des plantes médicinales indigènes, par M. Dalmenes- che, D.-M., ib, $ 5. — GÉOLOGIE. Stalactite prèsentée par M. Dubuc, 2: Memoire sur quatre puits artésiens, tentés à Rouen , par le même ; ib. Imprimé en entier, p. 39. $S 6. — MÉDECINE. Topographie medicale de la ville du Havre, par M. Le Cadre, D.-M., 23 Sur la pellagre et la folie pellagreuse, par M, Brierre de Bois- mont, D.-M. ib. DES MATIÈRES. 239 Recueil de la société de médecine de Lyon, 24 Notice nécrologique sur le docteur Lassis, ib. Réorganisation du service de la vaccine dans ce département, 25 $ 7. — ARTS INDUSTRIELS. — COMMERCE. Sur les premiers essais de la typolithographie et de la chalcoli- thographie , par M. Berger de Xivreÿ , ib. Rapport, par M. Pimont, sur plusieurs N°° du journal de L'Académie de l’industrie, 27 Mémoire de M. Giffard de Blosseville , sur la pêche des gros cétacées au moyen de l'acide prussique, ib. Sur la perrotine , par M. Girardin , 26 $ 8. — MATIÈRES DIVERSES. Diverses rapports, 29 L'Institut et le journal de santé, ib. Mémoires offerts par plusieurs membres de lAcademie, 30 $ g+ — CONCLUSION. Nouveaux membres, 31 $ 10. — NÉCROLOGIE+ Notices sur MM. Lhoste, Antide Janvier, Le Prevost, D.-M., et Levieux ( V. membres décédés, p.241) 32, 87, 212. Méworres DONT L'ACADÉMIE A DÉLIPÉRÉ L'IMPRESSION ENENTIER DANS SES ACTES. Réponse à des questions chimico-judiciaires, par MM. Gérar- din et Morin, Ù 1 5-35 240 TABLE METHODIQUE. Notice historique et géognosique , sur quatre puits artésiens , tentés sans succès à Rouen, etc., par M. Dubuc, 21, 39 Analyse chimique des eaux minérales de Saint-Allyre, à Cler- mont-Ferrand, et du travertin qu’elles déposent, par M. J. Girardin, 105157 Analyse des eaux minérales d'Auvergne, par Vauquelin, 77 Discours prononcé par M. Hellis, sur La tombe de M, Le Pre- vost, D.-M. 87 Prix proposé pour 1837, classe des sciences, 89 CLASSE DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS. Rapport fait par M. Em. Gaillard, 91 L'histoire de Normandie, par M. Théodore Licquet, ib. Ouvrages de D. Pesche, 92, 108 Histoire d'Amiens, par M. Dusevel, 93, 105 Histoire de La chute du paganisme en Occident, par AL. le comte Arthur Beugnot , 93 Recherches sur le royaume d'Yvetot , par M. Em. Gaillard, (#. la note , p. 242.) 94 Tmprimées en entier p. 129. Discours sur la langue française au 19e siècle, par M. Emm. Gaillard, ib. Imprimé er entier p. 144. Histoire de la poésie latine, par M. Patin, ib. Kecherches sur l'origine de l'Italien, de 1 "Espagnol et du Por. tugais, par M. Mary-Lafon. ib. Réflexions du méme auteur, sur Rouen et Corneille > 99, 106 Discours et Voyage philosophique en Angleterre et en Écosse, par DE. Victor Hennequin , ib. 107 Voyages en Ltalie et en Bavière, par M. Hippolyte Lemon- yag P PPa7 nier , 96 Revue monumentale, historique et critique de Rouen, par M.E, De la Qucrière, ib. DES MATIÈRES. 241 Petit Glossaire , par M. Boucher de Perthes, 96 Societé Philotechnique , 97 Neustriennes de M. Le Flaguais , ib. Le Jeune Pätre, par M. Lecog, ib. Societe d ‘Encouragement pour le commerce national , ib. Revue anglo-française , ib. Revue de Lorraine , ib. Recueil de l’Académie royale de Dijon , ib. Précis de la Société Havraise d’études diverses. ib. Süciété de l'histoire de France et Institut historique, 98 , 109, 111 Soctete libre d'agriculture de l'Eure , 98 Académie royale de Lyon, 1b. Notice sur le château de Gisors et vers sur Le tombeau de Virgile, par M. Deville, 99 Mémoire sur l'abbaye de l'Isle-Dieu, par M. de Stabenrath, ib. Notice sur le comte Aldini, par M. Ballin , ib. Imprimée en entier, p. 118. Plan d'éducation, par M. Magnier, ib. , 112 Georges , roman de M. Théodore Muret, De » 114 Prix Montyon , 100 Fables de M. Le Filleul des Guerrots , ib. Observations de M. Deluc , sur le Précis de 1835, ib. Le Guide des voyageurs à Fé écamp, par M. étre ae 0 dB Lettre de M. Berger de Xivrey à M. le comte Anatole de Montesquiou , ib. Discours prononcés par M. le baron de Stassart , 1b. Membres nouvellement nommes , 101 Membres décédés : MM. Masson de St-Amand, Descamps, * Ainsi qu'on l'a dit page 102, M. Des Alleurs avait bien voulu se charger de faire l'éloge de M. Descamps, mais des circonstances indépendantes de sa volonté l'en ayant empêché, on s’est borné à insérer le discours funéraire composé par M. Em. Gaillard, et qui se trouve page 115. 16 242 TABLE METHODIQUE Brière de Lesmont, l'abbé De la Rue, Emm. Gaillard et P. Periaux , 101, 102, 103, 161, 204, 209 (W.. nécrologie , p. Z39.) Encouragement aux Arts, 104 Notes et additons , ib. MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIF A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. Notice biographique sur Antonio Aldini, par M. 4.-C. Ballin , 99, 118 Conjectures sur le Royaume d'Yvetot, par M. E. Gaillard, 94 , 129 De la Langue Française , au 19° siècle , considerée dans ses rapports avec la littérature , par le même , 94, 144 Éloge de l'abbé De la Rue, par le même, 103, 161 Rapport de M. Hellis, sur les mémoires envoyes au Con- cours pour le prix relatif à JOUVENET, * 169 Rapport de M. de Caze, fait en 1835, sur les prix de poésie. Portrait de Boïeldieu , par M. de Boisfremont, 180 Rapport de M. Magnier, sur le prix de poésie (BOÏELDIEU et les honneurs rendus à sa mémoire, par Rouen, sa ville natale ), 183 Dithÿrambe sur Boïeldieu , par M. Wains-Desfontaines, pièce couronnée , 19% Quelques mots prononcés sur la tombe de M. E. Gaillard, par M. Des Alleurs, 204 Discours prononcé sur la tombe de M. P. Periaux, par M. de Stabenruth, 209 En 1811, M. Duputel a lu à l’Académie un mémoire sur le royaume d’Yvetot, qu’il a fait imprimer en 1835, au nombre de 75 exemplaires, dont 5 sur grand papier vélin de couleurs différentes. 2 L'auteur du mémoire mentionné très honorablement est M. J. Houël. Voyez à la fin du volume un extrait de son ouvragé. DES MATIÈRES. 243 Discours prononcé sur la tombe de M. Le Vieux, par M. Des Alleurs, 212 T'ubleau des membres de l'Académie , pour l'annee 1836 — 1837, 215 Table methodique des matières , 237 Fin DE LA TABLE DES MATIÈRES Nota. Par délibération du 9 décembre, l'Académie a décidé l’in- sertion à la fin de ce volume, de l'extrait, fait par son trésorier, du mémoire de M. J. Houël , sur JEAN JOUVENET. Ki y ee .…. Uni Le she e h ve n ; É ant Î ' pes nr L'edhi , »Mbbieires es £ “Acadie! d'orité ve dre am LL LES Wyses aTES | À 14 " à dé ut 4 Tee L) L 1 ré PE te | ; à. "74 | Œret Hi ae-9" mr Hokis Ales, par ‘ 6. { | : } wi ? 3rà | re v or 4 ALagenrhs e FPS, ser x à tue Le 1 | ‘pe D. + AR 1% | AM 1 1 ha b gt » + Er, cle réi 41 é MES “Fe CE She +. - vu . MT ne ee ie or de M. Melle, dr des ti et Len Pur NX" ne. 20m ; pt ex p le prix Eh ET (L- 0 PL 1% 4bé ph ® L'M. dé Co, ee. cé ONE 4 lee. it d- vote, Portrait EBANS:: à: pie M Ge TON 7 ALL: Lbèsur: de hf. Wu rec, dur Ka pi las pire CD fiv # AT 12 \ . c ! 2 rÙ x. es br ger: rhin Tæ oriié N®.:44 ven, à RL MUR : SL. ME: EP ARE al Piel De AL M DEN ® v MACE SUR hèfe : 1] 4 - Xe + Cl'euly fratrie & r A (rod: F, n,% on \ 1 n LE va M: A bave | PA > LL L | DR TT da ROLE: ri - Li * . | ä LE (0, pic à dep aride dé triale vig 2$. #:: Fer 00 PART, QUES Te pe rene EE FOR Pt tr dE 600 aan AD récanss 0 mb à Ne sérdhni non aigu Shore os EE HANE Ni : " J2 . L » - ‘ n s = . 1 ] TABLE DES OUVRAGES Reçus pendant l’année académique 1835— 1836, et classes par ordre alphabétique, soit du nom de l’auteur, ou du titre des ouvrages anonymes, soit du nom de la ville, où sont publies les ouvrages périodiques et ceux des Sociétés savantes , Dressée conformément à l’article 17 du Règlement. A —— Aix. Académie des sciences. Séance annuelle , 1835, = 1836. Andrieux. D.-M. De l'emploi du Galvanisme. ANGERS. Société industrielle. Bulletin n°% 1 et 2. — 7° année. Bailly de Merlieux. Mémorial encyclopédique, n° 62. Ballin. Notice sur Le théâtre romain de Lillebomne et le musée départemental d’antiquites. Bard (Joseph). Archéographie de l'insigne église collégiale de N.-D., et du Beffroi de Beaune. 1836.— 100 tétes sous un bonnet. 1836. Beaufoy. Nautical and hydraulic experiments, etc., etc., 13 Berger de Xivrey. Traditions tératologiques, ourécits de l’an- tiquité et du moyen âge, 1856. — De la typolithographie et de la chalcolithographie. 1836. 25 Berthier. (P.) Chimie minérale et analyses de substances mi- nérales. Trav. de 1829, 30 et 31 id. de 1832, 33 et 34. 15 BESANGÇON. Académie, — Séance publique du 26 août 1835 et du 28 janvier 1836. Beugnot. (de l'Institut}. Histoire de la destruction du paganisme en Occident, 2 v. Paris, 1835. 93 Blosseville ( Ernest de }. Mémoires de John Tanner. 2 vol. Paris, 1835. BORDEAUX. Académie, — Séance publique du 10 septembre 1835. 246 TABLE Bottex (D. M.). De la nature et du traitement de la Syphilis. Bouchers de Perthe. Petit glossaire , ete. 2 vol. 1835. — De la Probité, 1835. 96 Boullay (P.-F.-G. et Polydore). Méthode de déplacement , 1833-1855. BouLocxe-sur-MERr. Societé d'agriculture. — Séance publi- que, 1834. BourG. Societé royale d'émulation.— Séance publique, 1835. — Journal d'agriculture, n°5 1x et 12, 1835 ; 2, 3, 4, 1836. Boutigny. Réflexions sur les opérations des experts écrivains. Bunel (Hipp.). Description et usage du sigmagraphe , 183). CAEN. Société linnéenne. — Séance publique, 1835. CAEN. Association normande. — Annuaire des cinq départ. de l’ancienne Normandie, 1836. Caillieux. Des causes de la diminution du commerce des che- vaux en Normandie, etc. Canel. Combats judiciaires en Normandie. — Revue histori- que des cinq départements de la Normandie, cinq numéros, 1836. Castaing. Deuxième et troisième recueil de romanes avec ac- compagnement de piano et plusieurs autres. — Le prin- temps, etc. 1836. — Le Charlatan pièce de vers. Champollion-Figeac. L'ystoire de K Normant, etc. Paris, 1835. Chargé (Alexandre). Notice nécrologique sur le docteur Las- sis, 1836. CuareauRoUXx. Société d'agriculture. — Ephémérides, 1835. Chaussier (Hector). Manuel des contre-poisons. — 4° édit. 1836. CuergourG. Société académique. — Mémoires, 1835. CLerMonr-FERRAND. Académie. — Annales de l Auvergne, juin et juillet 1835 ; janvier et février 836. DES PUBLICATIONS. : 247 CoPENHAGUE. Historisch-antiquarische mittheilungen , heraus- gegeben von der koniglichen Gesel-Schaft für nordische at- terthumskunde. Découverte des causes physiques des mouvements des corps célestes , etc, 1836. De la Quérière. Revue monumentale, historique et critique de Rouen, 1855. 96 Des Alleurs et Desbois, secrétaires du comité de vaccine.— Manuel de vaccine pour le département de la Seine-Infer., 1836. — Compte rendu de la distribution solennelle de ré- compenses, faite pour les vaccinations de 1833 et de 1834. 1835. 25 Deville. Notice historique sur le château du Gisors , 1835. — Id. sur Robert-le-Diable, 1836. 99 DRAGUIGNAN. Annuaire du départ. du Var. Dubois (Louis). Dissertation sur les chansons , le vaudeville et Olivier Basselin. LOL Dubuc. Obsero. géorgiques sur la culture de labetterave. 18, 100 Dumas. Eloge historique de J.-B. Dugas-Montbel. Dupin (Charles). Tableau des intérêts de la France, etc. — Défense du système protecteur de la production française. Dusevel (H.) Notice sur l'arrondissement de Montdidier, 1836. Eudel. Principes généraux de la langue française. — Arithmé- tique commerciale. — Manuscrits. Evreux. Société libre d'agriculture. — Recueil n° 23, 24 et 24 bis, 1835. Evreux. Académie ébroïcienne. — Bulletins, n° 6 à 10,1836. FaLaIsE. Société d'agriculture. — Recueil n° 5. France départementale ( La ). G...(J.-B.) Découverte des causes physiques des mouvements, des corps célestes , etc. 1836. Gaillard (Em). Conjectures sur un accroissement de puis- sance obtenu sous César par les peuples du pays de Caux et du Vexin, — Des états de Normandie. 248 TABLE Germain (B.). Guide des voyageurs à Fécamp, 1836. 100 Giffard. Chasse et pêche des gros animaux , au moyen de l’acide prussique. Dieppe , 1835. 27 Girardin. Quelques conseils à propos de la sècheresse, 1835. — Rapport sur Les papiers de sûreté de M. Mozard , 1835. — Mémoire sur les moyens de reconnaître l'existence de l'acide sulfureux , dans l'acide hydrochlorique du commerce, 1835. — Cours de chimie élémentaire, en 2 5leçons. — La Perrotine. — Mémoire sur les falsifications qu’on fait subir au Rocou. 16, 28 Girardin (L. de). À M. Pages de l'Arriége, 1836. Guyétant. Le médecin de l’âge de retour et de la vieillesse , 1836. — Essai sur l’agriculture du Jura. Havre. Societé havraise d’études diverses. — Travaux de la seconde année , 1835, 97 Hennequin ( Victor ). Voyage philosophique en Angleterre et en Écosse , 1836. 95 Jullien ( de Paris). Poésies politiques. Kerchove B°1 d'Exaerde (C'° de). Essai sur la suppression de la peine de mort. Gand, 1835. — Mémoire sur la Marne. Gand , 1834. Lacène. Mémotre sur Les Courtillières , 1835. La Doucette (B°° de). Discours sur la proposition de défricher les foréts. Lafosse. Tableau des maladies, observées à l’Hôtel-Dieu Saint-Éloi, 1829. Lambert ( Edouard). Note sur une monnaie d’or de la x'° race des rois de france , 1835. Laurens. Ænnuaire du Doubs , 1836. Le Cadre, D.-M. Extrait d'une topographie statistique et médicale du Havre. 23 Le Filleul des Guerrots. Fables et poésies diverses, 1836. 100 Le Glay. Recherches sur l’église métropolitaine de Cambray, 1825. — Notice sur les archives de la chambre des comptes de Lille, 1835. DES PUBLICATIONS. 249 Lemonnier (A.-H.) Discours prononcés aux séances pu- bliques de la Société académique des enfants d'Apollon, en 1834 et 1835. — Un mois en Allemagne , 1835. — Savoie, Piémont. — Pélerinage poétique en Suisse et poësies diverses , 1836. 96 Le Noble, Les Nudzudelphines ( Nuits sœurs ) , croquis poé- tiques , 1836. Le Roux de Lancy. Le Roman de Brut , par Wace ( offert par M. Frère, Lib.) Lesauvage, D.-M. Mémoire sur les luxations dites spon- tanées ou consécutives. — Recherches sur les annexes du fœtus humain, 1835. Lesguilliez. Motice sur la ville de Darnétal, 1835. Lever (le marquis). Notice sommaire sur quelques diffi- cullés historiques relatives à Jean Bailleul , roi d'Ésosse. Licquet (Alex.) Histoire des Anglo-Saxons, par Sir Francis Palgrave. Trad. de l'anglais (offert par M. Frère, lib.) LiLLE. Societé royale et centrale d'agriculture , mémoires , 1833—34, 1835. — Rapport sur l'impôt à établir sur le sucre indigène. Limoces. Societé royale d'agriculture. Bulletin, 1. 13, n° 4. Loiseleur des Longchamps. Trois opuscules sur le mürier et le chéne-liége. LonNs-LE-SAULNIER. Société d'émulation.— Séance publique du 27 décembre 1834, LyoN. Académie royale. — Compte rendu , 1836. Mans (Le) Societé industrielle. — Bulletin, 3° année, n°3, 4, 5,8et9. Mary-Lafon. Examen de l'influence de la langue romane sur les langues italienne, espagnol: et portugaise. 94 Masson. Moniteur de la propriété et de l'agriculture. Journal mensuel. Janvier 1836. Minart. Les deux convois ; pièces de vers 3836. — Pétition à l'effet qu'une loi ou du moins une ordonnance règle d'une 250 TABLE manière positive les expositions en faveur des artistes. 1836. Mollevaut. Ode à la postérité. Montémont ( Albert). Introduction aux voyages entrepris pour découvrir un passage maritime de l'Atlantique au grand Océan par le Nord-Ouest. — L’Océanie. Monville (de). Petit cours d'astronomie , suivi d'un mémoire sur l’unité mathématique, etc. 1835. Y joint une notice autographiée sur les comètes et le prospectus de la Trom- pette française. Morin. Memoire sur les encombrements des ports de mer, 1835. — Correspondance météorologique. Prospectus. Naxcy. Societé centrale d'agriculture. — Rapport sur l’expo- sition de Fuchsia de M. Rudeau. — Société royale des sciences. — Mémoires, 1833-1834 Nantes. Société académique. — Journal de la section de mé- decine, 11° ». 44° li. | OrLÉANS. Société royale. — Annales, t. 13, n° 6. Paris. — Journal de santé. — Journal des travaux de l'Académie de l’industrie. — Journal des travaux de la Société française de statistique universelle . — Journal de la societé générale des naufrages et de l'union des nations. — Journal de l’Institut historique. — La france départementale , 2° vol. , liv. 9° et 10° — Institut. Plusieurs numéros. — Société d'encouragement pour le commerce national. Jour- nal, nS x, 2. — Société de Géographie. — Bulletin. Plusieurs cahiers. — Societé de la morale chrétienne. — Plusieurs cahiers. — Société de l'histoire de France. — Plusieurs cahiers. — Société libredes Beaux-Arts.— Séances publiques de janvier 1834, et février 1835. DES PUBLICATIONS. 251 — Societé Philotechnique.— Compte rendu des travaux. Séance du 20 novembre 1835. — Societé royale et centrale d'agriculture. Mémoires , 1834. Passy. Concours de charrues. Discours. Patin, Histoire de la poésie latine depuis son origine jusqu'au siècle d'Auguste , 1835. 94 PERPIGNAN. Société philomatique. Bulletin , 1*° année 1834. Person. Éléments de physique , 1836. 10Z Pesche , jeune. Des avantages qu'offre l'étude simultanée de l’histoire et des antiquités nationales , etc., 1835. 92, 108 PorriErs. Revue anglo-française. Plusieurs livraisons. — Société des antiquaires de l'Ouest. Mémoires, t. 1°, 1835. Pouchet. Traité élémentaire de botanique. 2 vol. in-8. 20. Ratel (J.) Tableau dessiné à la plume avec beaucoup de soin, représentant les ENFERS , d'après Virgile, fait et inventé pour servir à l'explication du 6° livre de l Éneide. Reiffenberg (B° de). Votices et extraits des manuscrits de la bibliothèque dite de Bourgogne. Bruxelles, 1829. Rey. Les quatre sources de la Reuss au St-Gothard. — La source et le glacier du Rhône , en juillet 1834. — Essais historiques et critiques sur Richard IIT, roi d'Angleterre. — Histoire du drapeau, des insignes et des couleurs de la monarchie française, etc. — Fragment de l'ouvrage précédent: L'oriflamme à Bovines en 1214. — Origine française de la boussole et des cartes à jouer. — Disser- tation sur Berenice. — Dissertation sur Régulus. — Le Moeünier de Sans-Souci, en mai 1829, conte historique. — Discours prononcé à l’occasion de la distribution des prix aux élèves des écoles israélites. — Honneurs rendus à la mémoire de Bichat. — Etudes pour servir à l'histoire des châles. = Mémoires sur la necessite de bätir un édifice specialement consacré aux expositions générales des pro- duits de l'industrie. RocueronT. Socëté d'agriculture. — Compte rendu des travaux de 1835. 252 TABLE Rougier. Rapport fait à la société de médecine. Lyon 1835. Rouen. Revue de Rouen. Plusieurs cahiers de 1835. — Societé centrale d'agriculture. — Extrait aes travaux. Cahiers 56, 57, 58. Séance publique du 27 mai 1835. — Société libre d'émulation. Séance publique du 6 juin 1835. SAINT-ETIENNE. Societé industrielle, Bulletin, t. 2. 5° Liv. Soyer-Willemet. Euphrasia offuinalis et espèces voisines. Erica vagans et multiflora , x833—34. 20 Spencer Smith. Souvenirs de l'assemblée generale tenue par la Société linnéenne de Normandie, à Bayeux , le 4 juin 1835. Stassart ( Bo de). Deux discours. 100 STRASBOURG. Société des sciences. — Nouveaux mémoires , 1. second en deux parties. TARN-ET-GARONNE. Société des sciences. — Plusieurs cahiers. Tougard. Notice historique et biographique sur M. d'Ornay. TouLouse. Société de médecine. — Séance publique 1836. Tours. Societe d'agriculture , etc. — Annales , 1. 35 ; n° 4. Troyes. Société d'agriculture. — Mémoires , n° 54, 55, 56. — 1835. Vacquerie. Un souvenir de mon enfance. Pièce de vers. Louviers 1835. VERSAILLES. Sociélé centrale. — Mémoires,36° annee 1836. , ERRAT'A. Page ligne 6 % un des lisez : un de ses 8 19 mille — mil 21 » — vingtet huitiesme 67 13 qui dissolvit qui fit dissoudre 14 débarassai débarrassai 183 15 vu naître vus AVIS AU RELIEUR. Fac simile de la lettre d’Aldini, page 127 Portrait de Jouvenet, 169 Généalogie de Jouvenet ; 177 Jean Jouvenet et sa maison natale, à la fin du vol. ae Sa die one vener.) APE 4 . ei. Sa) CA ANR ! ÆADDT IN | ! >] || | | | | | || Î La] gi Ho nr ET | a6o1 wa A1 D'ArrO d 1 pbs 5 d mr NTI ‘97 20 MY VIN make D init yod HW,U vogrow pre 47 Ç MG pDiy0M — TMIRC é - RAS . “1 UE | nf POS PME ES ©) LP PEU 0€ 2€ Er) ÿ 1 è (resc/ Île des cd 26 ei % 5 wo tp Ace Suy” LA vera DR Site vu natale), Craie um mnémouter mentiount ts Poowouxble- eue par L'Orndomie wyale De Rouen, dont Sa stanec publique du $ Loi A83C ; ouvuage Omvoye qu toneours pas A LATE 08 el membre couvre pordom. Je? ea demie or De Lo Socidtb De D'Émue De Promerr, Dres- Ou bu wi je D te 1834, L'EteDémre puoyo sx pour yo De pue à decomer en 1836, Te notice ? Lihorique cé crilque, #red Detarllee, Sur Jean Jouvenel ir des ouvrage, avec” L'inbi cation de la maion où d'ragui Deus mémaues Aoslemeni— furem ewoges an RE baS re No tre ds ae tn P no à Fe $ NE D niaiones- De eos pour 2 nl de wo you desquelles Ù Jom. pau mA a cowmnibre) lo _génealogie) de Luvenet, ami que OR TN Ljour, ex 4 om pre dus à de copier D'actes authentiques Dom Re nom ue DNS DES PS porheveramte. À auteur QE pt cipal memcue à ému Fasspuune d'un it tar ve qu'il en Difale He be ap precaer a Morts ddr Èbes occupe Je uawaut du mime ge. On dloquene rappoux fau à l'Etiodemie Dome umo ue gémeraÎle De co ouvenae, mous Les amateurs De Lioqueyhie veurome avec mr L'ectrau. 9 Sivante Des Rues bues curieux qu À elormes. CD apres La eye de. le paroi Le Se de Pisuess Vase Souvent. fe De? MA Ge De (OST ds Soge, 4 fus bapise Le 5% Otar 164.0) L'une ean () LE Jhiogayte universe Me Ru fa maifs auce ou Ÿ1 Dome 6hy, DE LT : ÉD Pr Seb consid gas Ve meme” Puêm om . CISTS une QALcux | 4 d' ywe pl iqurs autres Dons ca- at le. 6 Jpuvem. Sow cure, ac mariaime CalusesCRNE. Quslouet auteurs ps temowrr La moïfsance ou 12 où oi 1h Oil. is 1 and qu'il es ven où monde peu De jouet avan Aou baprème, c'es -à Die, & La fuDe we mème more D'Evul. On ou que la Fame fouvenue cu o ajmaine D' Fin Îes a que cenow a ot fume De celui aliibere rire CO PR TT Era ES ouvenek, nd vou Slotablr 2 Rouen vers Le milan Du 1CE Sièdles oi gant amsn ous D'eblite De Se Cd db des fonts Capa. On doucpenter qu'il mn ae petnhre eh doupteur conan L'ev 2% Sen fs laurent cn-predaue tout es poses Ne Fe De founem enangas eu professions où Len puirmD qu Dons Des Lagon au enfin. 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