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AT ” VV LU » " NU LUN * Ÿ ECM VAR We U k Ve \g Ce ÿ° M LA Li Vy “ia Ÿ © un EVE ARR M PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1839. ne à Rouen. « Neustria se (anti matrem miratur alumni, « Quem stupet ut rarum numinis orbis opus. « Quidquid Arabs, Phænix, Grains, docuitque Latinus, « Inclusum vasto pectore solus habet. » — P. Du Bosc. Ann. 4663. — PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1859. IMPRIMÉ CHEZ NICÉTAS PERIAUX, RUE DE LA VICOMTÉ, N° 66. 1840. AAA H'OHIMAUL TANT ta, à Rene Le PEL TA CAL Li 2 d et en! rot dc R La] La Pt CUP s s 2e: nr L ‘ LE eo, + s) L'EU : Î 4 rene eu | Se AATO à x L eAUAMANUE 21 Ya0rm tan 3e M | 4h + ” VO tie a } nn: 4 “ ; THE 4 | PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE Des Sciences, Belles-Lettres ct Arts DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1839. DISCOURS D'OUVERTURE De La Séance publique du 9 Août 1859, Prononcé par M. le Pasteur PAUMIER , PRÉSIDENT. Mais , Appele, dans cette solennité académique , à vous adresser la parole, et désireux de fixer votre attention sur un sujet digne de l'occuper , je n'ai pas cru pouvoir mieux y réussir , u'en invoquant ici le souvenir d’un des grands hommes que D Rouen se glorifie d’avoir vus naître. 1 a ACADÈME DE ROUEN. S'ilest vrai, comme on l’a dit :, que «Ja vie d’un écri- « vain sédentaire est dans ses ouvrages , » il doit en résulter qu’un auteur sera plus où moins connu , à proportion qu'il aura traité des sujets à la portée d’un plus ou moins grand nombre de lecteurs. Si, par exemple, cédant aux nobles inspi- rations de la poésie , il a travaillé pour le théâtre avec un succès marqué, ses compositions, généralement lues, ou fré- quemment représentées sur la scène, exciteront partout l’ad- miration publique , et rendront long-temps son nom aussi fa- milier que cher à ses concitoyens. — Voyez en la preuve, Messieurs , dans ce qui est arrivé à notre grand Corneille. Ses écrits, presque constamment sublimes , ne sont-ils pas universellement répandus , et son éloge n'était-il pas ici dans toutes les bouches, bien avant l’érection de la statue destinée à immortaliser parmi nous sa mémoire ? — Mais, au contraire, si un écrivain se livre consciencieusement à des recherches profondes et laborieuses ; s’il consigne les ré- sultats de ses infatigables travaux dans d'énormes volumes, écrits dans la langue des savants, il pourra bien aussi , sans doute , être admiré des érudits , et son nom, environné d’une auréole de gloire, retentira dans les Universités ; mais, le plus souvent , il n'en restera pas moins ignoré de la multi- tude , pour laquelle ses ouvrages seront inaccessibles. — Tel a été, et tel devait être le sort d’un de nos plus célèbres com- patriotes. Je veux parler de Samurz Bocarr. En effet, Messieurs, ce Rouennais, en faveur duquel les savants contemporains de la France et de l'étranger ont épuisé le vocabulaire des expressions laudatives ; ce grand homme qu’ils ont appelé la plus vive lumière des lettres sa- crées et profanes ?, un abime d’érudition *,.le miracle de ? Voltaire, Siècle de Louis XIT. * « Sacrarum humanarumque litterarum lumen clarissimum.» Tan, Faber, 3 « Eruditionis abyssus. » ei DISCOURS D'OUVERTURE. son siècle :, un esprit doué d’un génie divin ?; cet illustre théologien, géographe, naturaliste, philologue, qu'une reine du Nord fit venir à sa cour tout exprès pour applaudir à son profond savoir ;... ce même grand homme est aujourd'hui presque oublié, ou du moins peu apprécié dans sa ville na- tale ; il n’y est un peu connu que de quelques antiquaires , et des lecteurs de dictionnaires biographiques. Et son éloge his- torique, qui fut prononcé à Caen 1l y a quelques années, par un anglais, n’a jamais été fait dans notre ville, dont il fut, par sa naissance , une des principales illustrations !..…. Il yalà, ce me semble , Messieurs , une injustice à réparer , et je viens essayer aujourd’hui cette réparation. Sans doute , vous m’ac- cuserez de témérité , vu la grandeur de la tâche , la faiblesse de mes moyens , et la brièveté du temps dont il m'est permis de disposer. Mais , j'ai cru que l’Académie de Rouen devait un hommage public à la mémoire d’un des premiers fon- dateurs de la plus ancienne 3 Académie de cette province , après celle des Palinods. Et, par suite des croyances reli- gieuses de Bochart, et des fonctions pastorales qu'il rem- plissait, vous penserez peut-être avec moi , que c'était sous ma présidence qu'il convenait que ce tardif hommage lui fût rendu. Vers la fin du xvr*siècle , pendant les guerres si impropre- ment appelées guerres de religion , puisque le véritable esprit de la religion les réprouvait, les temples protestants furent fermés en France, partout où dominaient les armes de la Ligue, et beaucoup de ministres se refugièrent en Angleterre- 1 « Sæculi miraculum, » Fabricius. 2 «Divini ingenii vir.» Casaubon. — Vide Blount, Censura cele- briorum authorum , p. 1037. 3 L'Académie de Caen, établie dès 1552, fut confirmée par lettres- patentes. en 1705 (Huet, Orig. de Caen, p. 172.) à ACADÉMIE DE ROUEN. pour échapper à la persécution. Deux d’entr'eux, également distingués par leur naissance , leur savoir et leur piété, se rencontrèrent à Londres, et y passèrent ensemble quelques années , en attendant des temps meilleurs. L'un était René Bochart:, sieur du Ménillet, issu d’une ancienne famille noble de Bourgogne, qui a compté parmi ses membres un ambassadeur , un évêque , beaucoup de hauts fonctionnaires dans l’ordre judiciaire et administratif, et de laquelle descen- dait, par sa mère, le cardinal de Richelieu 2. L'autre était Pierre du Moulin , d’une maison non moins célèbre, et qui s’est lui-même fait un nom dans la carrière de l’enseigne- ment , aussi bien que comme prédicateur éloquent et contro- versiste habile. Ces deux hommes, faits pour s’entr’estimer , contractèrent l’un pour l’autre une amitié qui dura autant que léur vie ; et cette intimité s'accrut encore par l'alliance qu’elle occasionna 3, lorsque, vers l'an 1595, René Bochart épousa Esther du Moulin, sœur de son ami. Ce fut de cette union que naquit, à Rouen, notre Samuel Bochart, en 1599. J'ai découvert, dans les archives du Palais-de-Justice , l’acte de son baptème. Il porte la date du 30 mai , jour de la Pen- tecôle ; mais on n’y a point mentionné le jour précis de sa naissance , lequel est resté inconnu. A cette époque, son père, qui était d’abord venu exercer son ministère à Dieppe en 1590, et ensuite à Pontorson ds, avait été nommé , déjà depuis cinq ans, l’un des pasteurs de l'Église réformée de Rouen, dont les membres avaient tant de fois été dispersés par les troubles. IL se dévouait entiè- 1 [1 signait Bouchart; son fils, en latinisant son nom, le modifa. : Montjoye, Eloge de Bochart de Saron, p- 17. 3 « L’estroite amitié que j'avois contractée avec M. du Mesnillet, « à Londres, a été lune des causes qui l'ont porté à rechercher « mon alliance. » P. Du Moulin, Mémoires Mss. à Histoire de l'Église de Dieppe , Ms. DISCOURS D'OUVERTURE. 5 rement , avec ses deux collègues , au service de ce nombreux troupeau , auquel une circonstance particulière le mit à portée de procurer de précieux avantages. — Le 9 décembre 1596, Catherine de Navarre , sœur unique de HenriIV, était venue joindre le roi son frère, qui se trouvait à Rouen. Comme elle était restée fidèle au culte que son frère avait abandonne , elle désira , selon sa coutume , le faire célébrer dans ses ap- partements, pendant son séjour en cette ville, Mais , à cause de la présence du cardinal de Florence , légat du pape Clé- ment VIT *, la permission lui en fut refusée ; et, pour se faire administrer la Sainte-Cène aux fêtes de Noël, il lui fallut aller , malgré la rigueur de la saison , à une assemblée reli- gieuse qui se tint en plein air, sur les bruyères de Saint-Julien. Un peu plus tard, après la promulgation de l’Édit de Nantes, Pierre du Moulin, qui était devenu son chapelain de prédi- lection ? , lui recommanda ses co-religionnaires rouennais ; et ce fut, sans aucun doute, à sa requête , que, dans l’espace d'environ deux mois, le roi leur accorda deux brevets qui vinrent combler tous leurs vœux. Par le premier , donné à Blois le 27 août 1599, ils étaient autorisés à célébrer publiquement leur culte à Dieppedalle ; et leurs vieux registres font foi qu'ils s’y réunirent , en effet, pendant quelques semaines. Mais lincommodité du lieu n'ayant pas tardé à étre reconnue, un second brevet royal , daté de Saint-Germain-en-Laye, du 2 novembre même année, leur permit de bâtir un temple au Grand-Quevilly.— Aussitôt, on se mit à l’œuvre avec un zèle et une activité dignes de ces temps de pieuse mémoire. Un sieur Nicolas Genevois dressa les plans ; le charpentier Gigonday entreprit de les exécuter; et ce bel édifice,”"que Farin , qui l'avait vu , appelle * Farin, Hist. de Rouen, in-4° , {"° partie, p. 133 ? Benoit, Hist. de l'Édit de Nantes, t. 4 D Vi le p ACADEMIE DE ROUEN. admirable, «et qu'il décrit comme un des plus réguliers , des plus curieux et des plus hardis qui fût en France ; cet édifice, qui, selon le mème historien, pouvait contenir ai- sément plus de dix mille auditeurs , commencé en 1600, fut achevé avant la fin de l'année suivante. »: Ce fut dans ce beau temple , détruit par Îles Jésuites en 1685, et digne de tous nos regrets, que le jeune Samuel Bochart fut consacré au Seigneur , et destine dès son enfance, comme le saint Prophète dont il portait le nom, au service du sanctuaire. Son père se chargea des soins de sa première éducation ; il s’en occupa avec cette vigilance et cette appli- cation soutenues, que la tendresse paternelle est seule capable d'inspirer. Versé lui-même dans les langues anciennes , il faut qu'illes ait enseignées de bonne heure à son fils, par le moyen de la conversation ; car, autrement , il serait difficile de com- prendre comment le jeune Bochart aurait pu, dans la suite, se mettre en état de parler le latin, le grec et même lhe- breu , à peu près avec une égale facilité ?. Mais, plus l'élève montrait de dispositions précoces et remarquables, plus il parut nécessaire, pour les développer avec fruit, de le con- fier successivement aux meilleurs maïtres. Aussi, dès l’âge de douze ou treize ans , il fut envoyé à Paris chez son oncle Du Moulin, qui le confia au célèbre Écossais Thomas Demps- ter, professeur d'antiquités et de littérature grecque et latine. — Comme preuve des étonnants progrès qu'il avait dejà faits dans la poésie , pour laquelle il ne cessa jamais de montrer beaucoup de goût , On cite quarante-quatre vers grecs, pleins de beautés vraiment attiques 3, qu'il adressa à son précepteur, 1 Voy. Farin, Hist. de Rouen, 1668, t. 2, p. 406; — et Legendre, Hist. de la dernière persécution faite à l'Église de Rouen; Rotter- dam , 1704. 2 « Linguarum peritisssimus erat, latinà , græcà et hebraïcà scri- bebat et loquebatur. » Blount , ubë sup. 3 « Atticis leporibus.... referti. » E. Morin. DISCOURS D'OUVERTURE. , et que celui-ci trouva dignes de figurer avec honneur , en tête de son Cours d'antiquités romaines, r Cependant, la foi déjà vive et sincère de Bochart , et sur - tout sa vocation bien décidée pour le ministère évangélique, lui rendaient indispensables des études plus élevées et plus sérieuses. — De Paris il alla à Sédan, où il suivit les cours de philosophie du professeur Smith , sous la présidence du- quel il soutint, avec le plus grand succès, des thèses publiques, en 1615. Ces thèses furent dédiées par lui à son oncle et à son grand-père Joachim du Moulin, pasteur à Orléans. Hélas! il ne pouvait pas les dedier à son père , comme la reconnais- sance filiale lui en aurait fait un devoir , car il avait cessé de vivre en juin 1614 ?. Sentant combien sa mère, devenue veuve , avait besoin de consolations , il accourut près d'elle, dès qu'il dut passer de FAcadémie de Sedan à celle de Sau- mur , pour étudier la theologie sous Caméron, et pour ap- profondir lhébreu et la critique sacrée , sous le savant Louis Cappel. Nous le voyons , en effet , assister comme scribe à une discussion de controverse qui eut lieu à Rouen, vers la fin de novembre 1618, entre le pasteur Maximilien de Langle, et le père Veron, dont nous aurons bientôt occasion de parler. 3 __ Trois ans plus tard , Louis XII ayant retiré, par surprise , le gouvernement de Saumur à Duplessis Mornay , PAcadémie de cette ville fut momentanément fermée. Aussitôt, Bochart, qui y avait soutenu ses thèses théologiques # avec : Antiquitatum romanarum corpus, etc. Paris, 1613. — Genève, 1632, in-4°. 2 L'acte de son inhumation , du 22 juin 161%, porte qu'il avait cinquante-quatre ans, et vingt-trois ans d'exercice du ministère sacré. ( Anc. registres de Péglise de Quevilly, archives du Palais. ) 3 A la suite des actes imprimés de cette conférence , on trouve une pièce de vers latins, fort piquante , du jeune Bochart contre Véron, intitulée : Fr. Feronis Jesuitæ angina. À Sujet : De verbo Dei, 21 août 1620, 8 ACADEMIE DE ROUEN. une approbation toujours croissante, en partit avec Cameé- ron, qu’il accompagna en Angleterre. Il paraît qu'il ne s'arrêta que peu de temps à Londres, et ensuite dans la célèbre Université d'Oxford. Avec quel bonheur, pourtant , n’aurait- il pas prolongé son séjour dans cette dernière ville, à cause des monuments antiques et des richesses littéraires qui S'y trouvent ! Mais il en fut détourné par l'impossibilité de con- verser ‘en latin avec les savants anglais, par suite de la dif- férence de la prononciation. Un jour, par exemple, qu'il priait un officier de l’Université , qui allait être recu docteur , de lui procurer une place d’où il püt observer la cérémonie, ce docteur le comprit si mal, qu’il crut que, comme étranger , il sollicitait le secours qu'on accordait aux voyageurs ; et, après un instant de réflexion , il lui offrit quelques pièces d'argent, que Bochart refusa, en souriant de cette singu- lière méprise. — Il n’en fallut pas davantage pour le décider à se rendre à l’Université de Leyde; et là , il sut si bien mettre son temps à profit, que , tout en suivant les lecons de théologie de son oncle Ændré Rivet ‘, il apprit en deux ans, avec l’aide d'Erpenius ?, l'arabe, le syriaque et le chaldéen, et se rendit familiers les commentaires des rab- bins, et tout ce qui pouvait répandre du jour sur le texte sacré. Voilà donc Bochart parvenu, je ne dis pas au terme de ses études , car, à diverses époques de sa vie, il s’occu- pera encore des langues persane , copte, celtique, anglaise et italienne ; que dis-je ? on le verra même, dans sa cinquan- tième année, devenir le disciple du fameux Job Ludolf , qui * Mari d’une autre sœur de P. Du Moulin. 2 On assure qu'Erpevius correspondait en arabe avec le roi de Maroc, qui admirait l’élégance et la pureté de son style. 3 « Quinquagenarius, linguam ethiopicam discit.» Acta Erudi- tor. , Lipsiæ. DISCOURS D'OUVERTURE. 9 savait, dit-on, vingt-cinq langues, pour apprendre de lui l’e- thiopien ; mais, du moins, le voilà parvenu à l’âge où la plu- part des hommes regardent leurs études comme achevées,. Après de longues absences , il rentre dans sa patrie, chargé des couronnes académiques qu’il a recueillies dans les éta- blissements scientifiques les plus renommés de lEurope. Heureuse est l'église qui lui sera confiée , et qu'il édifiera par ses vertus, autant qu'il l’éclairera par ses lumières ! Car ne pensez pas , Messieurs , que , chez Samuel Bochart, la nais- sance , la fortune et de brillants succès universitaires , aient jamais été , comme chez tant d’autres , des prétextes à la ne- gligence de ses devoirs , ou des acheminements à cet orgueil qui vient trop souvent gâter les plus belles qualités. Non, quoique d’un naturel vif et d’une grande sensibilité , il se fit toujours remarquer par autant de sévérité dans les mœurs que de modestie et d’aménité dans le caractère. En sorte qu'on à pu dire de lui, sans flatterie et sans exagération : « Inter doctos nobilissimus , inter nobiles doctissimus, inter « utrosque optimus, et præsertim inter omnes modestissimus « fuit". » Aussi, l’église réformée de Caen, qui comprenait alors, suivant l’abbé Delarue?, un tiers de la popula- tion de la ville, et dans laquelle une place de pasteur était vacante, s’empressa-t-elle de se l'attacher. Personne n’a marqué l’époque de son entrée dans ses fonctions pastorales: Cependant , il est à peu près certain qu'elle eut lieu en 1625, puisque , l’année suivante , je trouve son nom inscrit sur la liste générale des pasteurs, dans les actes du Synode national tenu à Castres *., A peine avait-il eu le temps d'apprendre à connaitre son troupeau ; à peine y avait-il gagné l'estime universelle , par ‘ Blount , ubi sup. Essais hist. sur Caen, t. 1, p.248. Avmon, Synodes nation., 1.2, p. 422. 10 ACADÉMIE DE ROUEN. ses prédications aussi lumineuses que solides, et par un zèle et un dévoüment pour le salut des ames, que rien ne rebu- tait , lorsqu'on vit arriver à Caen le fameux controversiste Francois Véron ; c’était un ancien jésuite , curé de Charen- ton , que le cardinal de Richelieu faisait courir d’églhse en église pour forcer les ministres de disputer avec lui. Le jeune pasteur de Caen n’eut d’abord aucun égard à ses provoca- tions. On était en 1628. Cette époque mémorable du sicge de la Rochelle, lui paraissait mal choisie pour entrer dans une conférence publique plus où moins irritante. 11 savait, d’ailleurs , par la dispute à laquelle il avait assisté à Rouen , dix ans auparavant, que Véron cherchait bien plus à embar- rasser ses antagonistes par des raisonnements sophistiques et des syllogismes captieux, qu’à poursuivre la vérité avec cette impartialité ealme et pleine de bonne foi , sans laquelle il est impossible de l’atteindre. Toutelois les agressions ayant été renouvelées , Bochart dut accepter le défi. Il choisit pour second un de ses collègues ‘. Véron , de son côté, se fit ac- compagner par un ecclésiastique de son choix, et la confé- rence, qui dura neuf jours ?,et qui roula sur presque tous les points controversés entre les deux églises , eut lieu dans le château même et sous les yeux du due de Longueville , gouverneur de la province. Un grand nombre de personnes de distinction de l’une et l’autre croyance , y assistèrent avec empressement ; et elles y furent témoins, je ne veux pas dire du triomphe des opinions que Bochart soutenait , car il est d'usage , en pareil cas, que chaque parti s’attribue la victoire, mais au moins de l’incontestable supériorité que son immense savoir biblique lui donnait sur son adversaire. C'est ce dont Le pasteur Baillehache. 2 Leconte , doyen du S. Sépulcre , à Caen. 3 Du 22 septembre au 3 octobre 1698. DISCOURS D'OUVERTURE. 11 convint, avec une spirituelle ingénuité , si lon en croit Sc- grais', un gentilhomme catholique qui sortait d’une des séances. Des protestants lui demandèrent où en était la dis- pute : « A la vérité, leur répondit-il en faisant allusion aux « deux principaux disputeurs et à leurs deux acolytes , on ne « peut pas dire que notre savant soit plus savant que votre « savant; mais, en récompense , notre ignorant est dix fo’s « plus ignorant que le vôtre. » Après avoir publié les actes de cette célèbre conference , pour répondre à la publication tronquée que Veron en avait faite de son côté, Bochart reprit paisiblement le cours de ses pieuses fonctions. Comme il avait entrepris de développer de suite , dans ses sermons , le livre de la Genèse, il fat conduit, dès les premiers chapitres, à faire d’incroyables re- cherches sur cette antique et divine histoire de la naissance et des premiers âges du monde, Pendant près de vingt années consécutives, il s’en occupa sans relâche. Il y fit concourir, avec le zèle le plus soutenu et la plus admirable persévé- rance , toutes les ressources que lui fournissaient enfin ces langues orientales, dont l'étude lui avait coûté tant de veilles , et qu'il se trouvait si heureux de pouvoir utiliser! Et le précieux résultat de tant de travaux , fut sa Geogra- phia Sacra, dont la première édition parut en 1646. Il me serait impossible, Messieurs, vous le comprendrez sans peine, de vous donner ici une idée complète de cet immortel ouvrage. Qu'il vous suffise de savoir que les plus importantes questions relatives à la Bible, s'y trouvent indiquées ou longuement développées par Bochart ; en sorte que la plupart des critiques et des commentateurs, qui sont venus après lui, n’ont pu être, le plus souvent, que ses copistes ou ses imitateurs. Dans la première partie , intitulée : Phaleg, lauteur ! OŒuv. div. de Ségrais, t. 2. 12 ACADÉMIE DE ROUEN. s'occupe des premiers patriarches jusqu’à Noé, en signalant les rapports frappants qui existent entre leur histoire véri- table et les traditions conservées dans la mémoire des peuples, ou dans les récits défigurés de la Mythologie. Puis il traite successivement, et du déluge, en répondant d’avance aux objections qu'on pourrait faire contre la réalité de ce grand cataclisme, et de la dispersion des hommes! après la tour de Babel, et de la formation et de l’histoire des premiers empires. — Avant lui, le dixième chapitre de la Genèse paraissait ne renfermer que des généalogies, et n’indiquer que des rapports de père et d’enfant ; Bochart, le premier, s’avisa d'y voir des généalogies de peuples, et des rapports de colonies et de métropoles. Par l’étymologie des noms, la ressemblance des mœurs et des usages, la filiation et l’analogie des langues , il parvint à démontrer que, malgré toute opinion contraire, le genre humain tout entier descend d'une tige unique. — Depuis deux siècles , Messieurs , des milliers de savants et de voyageurs ont parcouru le globe; des contrées nouvelles, habitées par des peuplades inconnues, ont été explorées ; l’£Ethnographie et la Linguistique sont devenues des sciences régulières qui comptent de nombreux adeptes, et qui ont fait et continuent de faire de rapides progrès. Eh bien! chose vraiment remarquable ! toutes les découvertes ; toutes les observations qu'on a pu faire , n’ont servi qu'à changer la conjecture de Bochart en un fait avéré, qu'aucun critique instruit et sans prévention n'oserait plus maintenant révoquer en doute. Certes , en toutes choses , c'est à Dieu que nos premières actions de grâces sont dues. Gloire soit donc au Père des lumières:, de ce qu’il nous a révélé, dans l'Ancien Testament , qu'il fut un temps où la terre n'avait qu'une seule langue *, et, dans le nouveau, PS JACQUES, GC LT, Ve. 17: 2 Genèse XI, v. 21. « Erat terra labiüi unius, » DISCOURS D'OUVERTURE. 13 que c'est lui qui a formé d'un seul sang tout le genre humain *. Mais aussi, honneur et reconnaissance au savant orientaliste qui, par la force de son génie, contribua si puissamment à mettre cette vérité fondamentale à Fabri des attaques de l’incrédulité ! ! Dans la seconde partie de sa Géographie sacrée, qu'il intitule : Chanaan, Bochart a principalement en vue les Phéniciens , dont il recherche l'origine , et dont il nous fait, en quelque sorte, suivre les innombrables colonies, dans toutes les parties de l’ancien monde , et jusque dans les Gaules , la Grande-Bretagne et l'Islande. 1] s'efforce , avec une érudition infinie , de soulever le voile impenétrable qui couvre la langue de ce peuple essentiellement commercant et navigateur. Malheureusement, aucun des livres que nous a légués l'Antiquité, n’est écrit en cette langue. Tout ce que Bochart peut donc faire , c’est de rapprocher soigneusement ce qu’en ont dit les plus anciens auteurs , depuis le Phénicien Sanchoniaton dont il ne nous reste que quelques fragments traduits , jusqu'aux historiens de la Grèce et de Rome , et à Etienne de Bysance. Mais , hélas! tant de pénibles labeurs demeurent presque infructueux ! Ils servent seulement à rendre plus probable, aux yeux de Bochart, cette opinion traditionnelle ? , savoir : que le Phénicien devait être une dérivation de l'Hébreu. — Tout-à-coup, son ami et co- religionnaire , Claude Sarrau, conseiller au Parlement de Rouen, appelle son attention sur une scène d’une comédie de Plaute, Là, se trouve un passage prononcé dans une langue inconnue , lequel paraît ensuite répété dans un autre idiome , puis en latin. Bochart lit et relit ce fragment, resté jusqu’à lui une énigme pour tous les traducteurs. Il l’examine * AC. des Ap., ch. 17, v. 26. ? « Hebræorum verbum cognatum linguæ punicæ. » S. AUS, — S. Hieronymus idem docet. )/ ACADÉMIE DE ROUEN. avec le plus grand soin. Il se rappelle que, dans cette scène, c'est Hannon le Carthaginois qui parle; que Carthage fut fondée par des Phéniciens , et que , par conséquent, si la langue des Phéniciens a du rapport avec l’hébreu , il en doit étre de même de la langue carthaginoise. Guidé par ce raisonnement , Bochart relit, compare et examine encore. Il met des mots hébreux en regard des dix premiers vers du mystérieux morceau; et, avec une joie indicible, dont les antiquaires et les philologues peuvent seuls avoir quelque idée, il acquiert la certitude que les dix premiers vers sont en langue punique , que les six suivants disent presque la même chose dans le dialecte des Lybiens des environs de Carthage, et que les onze vers latins, par lesquels Plaute termine cette scène, n'en sont que la traduction! * Ici, Messieurs, ne vous semble-t-il pas voir, deux siècles plus tard, notre savant et regretté compatriote, Champollion le jeune , courbé aussi sur les cartouches royaux de la célèbre inscription de Rosette , et parvenant , à son tour , à retrouver une langue perdue , celle des hiéroglyphes ? — S'il y a quelque diffé- rence , il me semble qu’elle est à l’avantage de Bochart, car, après tout , il n'avait sous les yeux qu’un seul texte, maintes fois altéré par les copistes ; au lieu que l'Égypte offrait à Champollion une grande quantité d’inscriptions et de papyrus, comme moyens d’une facile comparaison. Il serait difficile, Messieurs, d'exprimer la profonde sensation que l'ouvrage dont je viens de vous entretenir produisit dansle monde savant, etles nombreux remerciments qu'il valut à son auteur. Parmi les personnes de marque qui lui écrivirent pour l'en féliciter, on compta Christine , reine de Suède , qui, depuis! ... Mais alors le voyage à Rome, et la sanglante tragédie du château de Fontainebleau, n’a- vaient pas encore eu lieu. Cette reine, qui se piquait de * Voyez Plaute, Pænulus, act. 5, scène 1r°. DISCOURS D'OUVERTURE. 15 protéger les lettres et les savants, invita Bochart, avec des instances réitérées, à venir à sa cour. Après quelques hésitations , Bochart , qui, à la suite de tant de travaux, sentait le besoin de se donner un peu de relâche, se décida à partir pour Stockholm. C'était en 1652. Accompagné de Huet, son disciple et son admirateur , depuis évêque d’Avranches , mais en ce temps-là seulement âgé de 22 ans, il fut heureux de revoir en passant les savants de la Hollande, de faire la connaissance de ceux qui entouraient Christine , et surtout de compulser, pendant une année entière , les précieux manuscrits arabes que cette reine possédait. Toute- fois , peu courtisan par caractère et s’accommodant difficile- ment aux usages des grands, dès qu'il eut atteint le but principal de son voyage , il prit congé de celle qui l'avait recu dans son propre palais , et il revint dans son église, sincère- ment touché des témoignages d'estime qu'il avait recus partout. Pendant son absence, une Académie , composée d’abord de membres peu nombreux , mais éminemmeut distingués, s'était formée à Caen , par les soins de Moysant de Brieux, chez qui elle s’assemblait. On s’empressa d'y admettre Bochart, qui en fut, jusqu'à sa mort, un des principaux ornements et des plus fermes soutiens. On dirait méme que ce fut là qu'il puisa un nouveau stimulant pour se remettre, avec sa première ferveur , à ses études favorites sur la Bible, Tout en continuant, en effet, le cours de ses prédications , tout en correspondant avec la plupart des savants de l'Europe , qui attachaient un grand prix à son commerce épistolaire , 1l sut trouver du temps pour achever un nouvel ouvrage encore plus étendu que le précédent , et non moins rempli de science et de recherches multipliées. Il le fit imprimer à Londres en 1663, et lui donna le titre de Hierozoicon , sive de animalibus Scripturæ sancteæ. Effectivement , ce livre , en deux volumes in-folio , est un 16 ACADÉMIE DE ROUEN. traité complet de tous les animaux dont il est fait mention dans la Bible. Ici , ce ne sont plus seulement les commenta- teurs et les philologues qui doivent s’empresser de venir puiser à cette abondante source de nouvelles lumières, où près de mille auteurs sont cités; ce sont surtout les hommes spéciaux , qui veulent remonter aux principes dela Zoologie, et en suivre la marche ascendante, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. Qui pourrait ne pas être frappé d'étonne- ment, en voyant à quelle hauteur scientifique Bochart s'est élevé, dans un temps où les Linné , les Buffon , ettant d’autres qui les ont suivis, étaient encore à naître; et où, par conséquent , malgré les livres d’Aristote et de Pline l’Ancien, l'histoire naturelle était, pour ainsi dire , dans l'enfance ! — Aujourd’hui, les naturalistes n'ont guère qu'à suivre la route tracée par leurs devanciers , où qu'à profiter des observations de ceux-ci , en y joignant, à leur tour, des observations nouvelles. La facilité des communications , le nombre toujours croissant des voyageurs ; la civilisation , par le christianisme, de plusieurs pays naguère sauvages , et dès-là même à peu près inaccessibles, augmentent chaque jour de riches collections , que les musées de nos grandes villes mettent à la portée de tous, Notre savant concitoyen, retiré dans son église de Caen , ne possédait point de pareils avantages. Et cependant, combien de préjugés et d'erreurs n’a-t-il pas dissipés ! Combien de vérités utiles n’a-t-il pas mises en évidence! Et quelle mine féconde sa Zoologie hébraïque ne présente-t-elle pas toujours à quiconque veut l'exploiter ! Aussi, remarquez-le, de même que le célèbre voyageur De Humboldt a, plus d’une fois, exprimé son admiration pour la Geographia sacra , de même aussi le grand Cuvier a souvent recommandé à ses studieux disciples Ja lecture du Æierozoicon. Après de si importantes recom- mandations , quel besoin peut avoir Bochart de mes faibles éloges ? . .. DISCOURS D'OUVERTURE. 17 Et toutefois , il s’est trouvé des hommes qui ont tâché de rabaisser son mérite. L’oratorien Richard Simon, entre autres, sans craindre de soulever l'indignation de tous les amis de la science, a osé soutenir que Bochart avait affecté de paraître savant et homme d’érudition, plutôt que ju- dicieux ‘. Il a avancé, ailleurs, que c'était un pur gram- mairien, un grand faiseur d’étymologies, et dont tout le savoir consistait à se servir de dictionnaires ?. Et ces asser- tions hardies, tout aussi paradoxales que tant d’autres émanées du même auteur, ont été crues sur parole, et reproduites par des biographes modernes *. — Pour toute réponse, le célèbre critique Jean Leclerc a prouvé à Richard Simon que le portrait qu’il a tracé est le sien propre, et non celui de Bochart; que si ce dernier n'’eût jamais écrit, les livres de l’oratorien détracteur seraient bien maigres, car, ajoute Leclerc, « pour ce qui regarde les sources mêmes, on a « tout lieu de croire que Simon, ou n’a pas pu les con- « sulter, où n’a pas voulu s’en donner la peine , comme, « au contraire, Bochart le faisait toujours » Du reste, Messieurs, ne pensez pas que les deux grands ouvrages précités aient tellement absorbé tous les loisirs de leur illustre auteur , qu'il n’ait pas pu en entreprendre d’autres d’une moindre étendue. Je fatiguerais votre atten- tion si j'essayais seulement d'énumérer ici tous les traités, toutes les dissertations, toutes les lettres pleines d'intérêt qui remplissent une importante portion de ses œuvres complètes 4, où qui ont paru , à diverses époques , dans des volumes séparés. Et que n’aurais-je pas à dire aussi de divers écrits précieux qu'il avait commencés ou achevés, et que Hist. crit. du Vieux-Testament, liv. 3, ©. 20. ? Rép. à quelq. Théologiens , ©. 3, p. 18. 3 Bibliot. Univ., t. 23, 1"° partie, p. 276. 4 En 3 vol. in-folio , Leyde , 1692, ibid., 1712. 18 ACADÉMIE DE ROUEN. la presse ne nous a point transmis? Lui-même ne nous parle-t-il pas * d’un dictionnaire arabe, qu'it fit étant jeune encore, et dans lequel trente mille mots de cette langue se trouvaient expliqués ? Etn'avons-nous pas également appris qu'il s'était beaucoup occupé des plantes et des pierres précieuses mentionnées dans les livres saints, ainsi que de la situation du Paradis terrestre? — Mais la mort qui vient si souvent déranger les projets du commun des hommes , met aussi , tôt ou tard, un terme aux vastes conceptions des génies les plus transcendants..... Du moins , Bochart ne fut pas surpris par sa fin, en ayant été averti, assez long- temps à l'avance, par un affaiblissement progressif de ses forces. Un triste concours de circonstances pénibles vint miner sourdement sa robuste constitution. — Comme pasteur, il eut la douleur de voir son église attaquée par des persé- cutions indirectes, prélude trop significatif de la funeste révocation de cet édit de Nantes, donné par Henri IV, et juré par ses successeurs comme /érme el stable à toujours. Dès 166%, un des collègues de Bochart , l’éloquent Pierre du Bose, que Louis XIV, qui s'y connaissait, appelait le plus beau parleur de son royaume?, avait été suspendu de ses fonctions , sans cause légitime , et exilé à Chälons. Ce fut à cette occasion que Bochart lui écrivit une lettre où se trouve le passage suivant : « Vous savez que je me « vieillis, et ay bien encore le même courage, mais non « pas les mêmes forces qu'autrefois; et ne pourrois guères « long-temps subsister dans le travail et chagrin que j’ay, « qui me ruine le corps et l'esprit. Ce n’est pas que je « n’aye beaucoup de soulagement de M. Morin, qui est un « homme fort actif, mais tant y a que nous ne sommes que « nous deux , et qu'il n’y a plus personne qui nous secoure. : Actes de la conférence avec Véron, p. 144. 2 Vie de Du Bosc, p. 63. DISCOURS D'OUVERTURE. 19 « Et en l'état où est notre église, et toute notre province, « nous avons deux fois plus d'affaires qu'à l’ordinaire , et « parmi cela des afflictions qui ne se peuvent exprimer , de « nous voir ainsi mal menez sans en avoir donné nul sujet *. » — Comme père, le cœur de Bochart souffrit une autre atteinte encore plus sensible. Marié, depuis long-temps , à Suzanne de Boutesluys, il n'avait qu'une fille unique qui faisait Louie sa joie, et qu'il avait unie à Pierre Lesueur de Colleville, conseiller au Parlement de Rouen. Et cette fille chérie, attaquée d’une maladie incurable, semblat devoir le devancer dans la tombe. — Enfin, pour comble d’infortune, Huet, pendant tant d'années son ami, rompit avec lui toute liaison intime pour le seul reproche qu'il lui avait fait d’avoir inexactement copié un manuscrit d'Origène !... Quelle que fût sa résignation dans ses peines, Bochart ne put résister à tant de coups successifs, et, le 16 mai 1667, après avoir éprouvé une dernière lueur de félicité dans ce monde , en écoutant son petit-fils, Samuel Lesueur de Colleville , sou- tenir brillamment une thèse à l’école de droit, il se rendit à l’Académie, où une dernière attaque d’apoplexie lemporta subitement , à l’âge de soixante-huit ans. La ville de Caen, qui l'avait en quelque sorte adopté , conserva long-temps sa mémoire. Il y a peu d'années, les voyageurs allaient encore visiter la maison qu'il y habitait, dans la rue Neuve-Saint-Jean ; et récemment?, l'autorité municipale à donné à une nouvelle rue, le grand nom de Samuel-Bochart , comme pour rendre hommage à sa juste célébrité. Je ne finirai pas, Messieurs, sans exprimer ici le vœu que cet exemple soit bientôt imité dans notre ville, qui souvent à prouvé qu’elle aussi sait attacher du prix aux 1 Jbid., p. 378 , 9. ? Par délibération du 10 juin 1833.—- Smith, Éloge de Bochart è D: 97. 20 ACADÉMIE DE ROUEN. grandes renommées qui l’honorent. Et à ce premier vœu, que j'ose recommander, au nom de toute l’Académie ; aux hono- rables magistrats qui m'écoutent ', qu’il me soit permis d'en ajouter un second, bien digne aussi de toute votre sympathie ; c’est que, du sein de tant d'établissements scientifiques et litte- raires que la France possède , et où tant d’encouragements sont accordés aux bonnes études, l’on puisse voir sortir beaucoup d'hommes dont la foi, la science et les vertus égalent, et même surpassent, s'il est possible , celles de SamuEL Bocnarr. : M. le Maire de Rouen, présent à la séance, a bien voulu don- ner à l’auteur l'espérance que ce vœu serait pris en considération. ERRATUM. Page 3, note 3 : au lieu de 1552, lisez : 1622. 20000000000000000000000000000000000000000000000000000000000nonnnox CLASSE DES SCIENCES. Rapport PAR M. C. DES ALLEURS, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE LA CLASSE DES SCIENCES. MESSIEURS , Je viens vous présenter, en peu de pages, je dirais presque en peu de lignes, le résumé annuel des travanx scientifiques de l’Académie : celle-ci ayant voté l'impression intégrale dans son Précis de presque tous les Mémoires relatifs aux sciences, lus dans ses séances hebdomadaires, ma tâche se trouve par là même très abrégée, puisqu'il ne me reste plus qu'à indiquer brièvement l’objet de ces travaux, qui seront bientôt soumis, dans leur entier, à l'appréciation du public. C'est de ce soin que je m’acquitte tout d’abord. 22 ACADÉMIE DE ROUEN. En 1837, l'Académie avait accordé à M. Auguste Borgnet, professeur de mathématiques au collège royal de Tours, une médaille d’or, pour son Mémoire sur les Barycentrides. Les difficutés matérielles que rencontrait, dans cette ville , l'impression d’un Mémoire de mathématiques pures, tout hérissé de chiffres, et accompagné de nombreuses figures, forcèrent l’Académie à renoncer à la publication immédiate de cet intéressant travail. Aujourd’hui , grâces aux progrès de la typographie dans nos murs et au zèle de notre impri- meur, ces difficultés ont disparu , et l'ouvrage de M. Borgnet sera imprimé , avec un supplément que nous a fait parvenir l'auteur. M. Lévy, interprète de la commission qui avait fait un rapport sur la première partie, nous a signalé la seconde comme tout-à-fait digne de celle-ci, dont elle est, d’ailleurs, le complément naturel et indispensable. M. Vingtrinier, médecin des épidémies pour l'arrondisse- ment de Rouen, nous a soumis, à çe titre, le rapport géné- ral qu’il a dû entreprendre sur les maladies qui ont régné à Rouen et dans les environs, en 1838. Les affections éruptives épidémiques et souvent conta- gieuses, qui se sont montrées en si grand nombre pendant cette période , ont trouvé dans l’auteur un historien fidèle , qui n’a pas hésité à dire, avec une entière franchise, son opinion personnelle sur les vaccinations, sur leur influence permanente, et sur la convenance ou l'utilité de leur renou- vellement. Les médecins lui sauront gré d’avoir pris une position nette dans un débat qui s’agite, avec quelques pas- sion peut-être, en ce moment méme. Le Mémoire de M. Vingtrinier a offert à M. Hellis une occasion naturelle d'entretenir l'Académie de la découverte de vaccin natif, contracté spontanément sur la vache même, CLASSE DES SCIENCES. 14 par une jeune laitière d’Isneauville ; découverte inattendue , qu'il a eu le bonheur de faire , à la consultation publique de l'Hôtel-Dieu de Rouen. Nous avons dû, à notre tour, comme secrétaire du comité central de vaccine, faire mention des expériences publiques tentées conjointement avec M, le docteur Desbois , sur ce même vaccin, et de leurs résultats, qui ont été consignés dans plusieurs rapports que nous avons, dès le mois d’avril dernier, adressés à l’Académie royale de médecine. Il y aura lieu, sans doute , de revenir, dans peu, sur cet important sujet. M. le docteur Avenel a présenté l’histoire d’une plaie pénétrante dans l'abdomen, et atteignant l'utérus chez une femme enceinte de huit mois et demi. Le récit du traite- ment prescrit par notre confrère et de la guérison qui l’a suivi rapidement, font de cette observation un fait chirur- gical remarquable, et qui aura nécesairement une influence directe sur le pronostg fächeux trop constamment porté par les auteurs les plus renommés dans des cas analogues, et souvent moins graves. La théorie et la pratique ont là un double profit à recueillir. M. Pouchet, inspecteur des établissements de secours pour les noyés, vous à prouve d’abord, par un long rapport sur un mémoire du docteur Navet, inspecteur du même ser- vice dans l'arrondissement de Dieppe, qu'il s'était occupé avec autant d'activité que de succès de tout ce qui est relatif aux secours à prodiguer dans les diverses asphyxies ; il a proposé, pour faciliter l’usage de ces moyens si variés, l'emploi d’un nouveau lit, qu'il appelle table de secours. Cet appareil ingénieux a obtenu votre approbation ; elle a ete pleinement confirmée par celle de plusieurs médecins distingués de Paris, au nombre desquels on peut citer le docteur Mare, médecin du roi, qui a consigné , en l’expli- 24 ACADÉMIE DE ROUEN. quant, son approbation personnelle, dans une lettre très flatteuse pour l'inventeur *. x À M. le docteur Pouchet, inspecteur du service des noyés et des asphyxiés du département de la Seine-Inférieure. Paris, le 19 juin 1839. « Monsieur et très honoré confrère, j'ai reçu l'extrait du rap- port sur le service des noyés et asphyxiés dans le département de la Seine-Inférieure , et que vous avez adressé , l'an passé, à M. le Préfet de ce département. Je vous prie d’agréer mes remerciments très sincères de cette communication fort intéressante. «J'ai examiné avec attention la table de secours dont vous m'avez fait parvenir le modèle. Cette invention, quoique simple , n’en est pas moins importante, et mérite la préférence sur d’autres inventions analogues : « 1° Parce que, par sa disposition, elle permet de donner au corps de l’asphyxié toutes les inclinaisons et autres positions que le service des secours pourra exiger ; « 2° Parce qu'elle donne toute la fac lésirable d'approcher du corps et de lui appliquer immédiatement tous les secours jugés nécessaires ; « 3° Parce que, surtout , elle offre un moyen puissant de ré- chauffer la partie postérieure du corps, particulièrement les nerfs rachidiens , et que ce résultat peut s’obtenir facilement avec une très petite quantité d’eau chaude ( à peine un pied cube), tandis que , dans les autres appareils, il en faut une quantité beaucoup plus considérable , et que, d’ailleurs, ils empêchent, par leurs parois verticales , d'appliquer aussi aisément qu’avec le vôtre les autres secours externes. « Je trouve donc votre appareil tellement convenable et si bien approprié à sa destination, que je me propose de le faire adopter pour Paris , dès que les circonstances nous permettront d'établir des locaux spéciaux et exclusifs pour les secours aux noyés et asphyxiés. « Veuillez agréer , etc. « MARC. » CLASSE DES SCIENCES. 25 La publication du travail de M. Pouchet aura, nous l’espe- rons , l'avantage de häter l’adoption de son appareil dans une foule de localités. Un mémoire de M. le professeur Girardin, dans lequel ila eu pour collaborateurs MM. les professeurs Morin et Blanche, a conquis nos suffrages unanimes. C’est un rapport contradictoire fait à l'autorité judiciaire , dans un cas de suspicion d’empoisonnement par l’arsenic. Il est vraiment consolant de voir la science éclairée et consciencieuse , répa- rer les erreurs de l’ignorance ou de la prévention , et con- jurant ainsi les conséquences terribles d’une accusation capi- tale, imprudemment faite. L'humanité avait contracté en- vers les auteurs une dette de reconnaissance que l'Académie a cru de son devoir d’acquitter , autant qu'il dépendait d'elle. Deux autres mémoires, dûs à deux nouveaux membres résidants, MM. les professeurs Amyot et Preisser, ont encore conquis les honneurs de l'impression. L'Académie, par cette distinction , qu’elle accorde bien rarement à ceux qui se trouvent vis-à-vis d'elle , dans la position où étaient nos deux nouveaux collègues, a voulu populariser , si j'ose parler ainsi, son double choix ; car elle ne donte pas que le public ne donne , à son exemple , à ces deux ouvrages, qui sont : une Nouvelle Théorie des parallèles, et une Notice sur les couperoses du commerce , Yapprobation qu’elle leur a elle même accordée , d'après les rapports savamment motivés de MM. Lévy, Morin, P. Pimont et Girardin. Ce dernier , que tous les besoins du commerce et de l'in- dustrie , tous les évènements qui ont un rapport plus ou moins direct avec les sciences qu'il professe, trouvent toujours present au premier appel, nous a communiqué une note sur la grèle, que les ravages récents et malheureusement trop nombreux de ce météore sur un grand nombre de points de 26 ACADÉMIE DE ROUEN. la France , rendent , pour ainsi dire, de circonstance. L'im- pression de cette notice répondra donc à la curiosité du public , et, nous le croyons, à l'attente qu'il doit fonder sur les talents éprouvés de l'auteur. Une autre note de M. Girardin, sur une nouvelle substance tinctoriale récemment introduite à Rouen, et qui porte le nom de Zibidibi, aurait certes figuré parmi les pièces à im- primer , si l’auteur, qui nous à lu , naguère , le détail de ses premières expériences sur cette substance, n'avait pris l'engagement de les poursuivre, de les compléter, et de nous en présenter ensuite de nouveau les résultats définitifs. Ce n’est donc que partie remise. M. Ballin nous a lu un second Mémoire sur les Salles d’asile de l'Italie ; ce travail de statistique, enrichi par l’au- teur d’anecdotes touchantes , qui prêtent un charme tout particulier à un sujet sigrave et si aride par lui-même, aurait été inséré en entier au Précis, si les statuts ne s’y étaient formellement opposés. En effet, ce même travail a déjà été publié dans un recueil périodique. Un Mémoire étendu de M. le docteur Avenel , sur des em- poisonnements causés par un aliment grossier de charcuterie très en usage dans cette ville, a fixé l'attention de l’Aca- démie , qui a engagé l’auteur àrechercher les faits semblables ou analogues , et à les coordonner de manière à en faire un travail complet qu’elle s’empressera de publier, dans l'intérêt de l'hygiène publique , puisqu'il inspirera nécessairement à l'autorité le désir d'exercer une surveillance de plus en plus active sur tout ce qui tient à la nourriture ordinaire du pauvre, dans notre populeuse cité. J'aurais maintenant à vous entretenir , Messieurs, de nom- breux rapports faits à l'Académie par divers membres , sur des ouvrages qu’une correspondance active , et à laquelle les CLASSE DES SCIENCES. 27 facilités données depuis peu par l'administration supérieure , font prendre chaque jour une nouvelle extension, Mais ; comment, dans une séance publique , faire bien apprécier tout ce qu'il y à de pénible et de vraiment méritoire dans ces labeurs de patience et d’érudition ? Si je pouvais reproduire une partie de ces rapports, il me serait facile de prouver au public, et surtout aux auteurs qui ont soumis leurs ouvrages à notre critique , qu'ils ont trouvé, dans nos honorables et laborieux confrères, MM. Bergasse, Duputel, Lévy, Avenel, Girardin, Ballin, Vingtrinier, Hellis, Pouchet, et dans la Compagnie elle-même, qui a souvent prête une attention soutenue à quelques-uns de ces rapports, pendant plusieurs séances successives, des juges compétents, et qui ont su dans leurs conclusions allier constamment à cette bienveillance académique qui ne doit jamais être mise en oubli, limpar- tialité qui convient à des juges consciencieux et éclairés. Nos correspondants nous ont adressé beaucoup de mé- moires , de notices , de livres mêmes, qui sont en ce moment aux mains des rapporteurs. Quelques-uns de ces travaux el notamment des mémoires manuscrits de MM. Germain , de Fécamp ; Bailleul, de Bolbec ; Tudot, de Rouen . etc. ; exigent des recherches et des expériences qui ont forcément retardé des rapports dont nous aurons à vous rendre compte plus tard. L'un de nos correspondants, M. Boutigny , pharmacien et chimiste distingué à Evreux » à fait aussi dans nos archives le dépôt d’un paquet cacheté , accompagné d’un mémoire , également scellé , qui doivent fournir la preuve que la prio- rité appartient de droit à M. Boutigny , dans la découverte qu'il croit avoir faite d’un procédé qui changerait entière- ment, et à son grand avantage , la face d’une industrie chi- mique importante. Nous dirons plus tard si le succès que 28 ACADÉMIE DE ROUEN. notre correspondant prévoit et que nous désirons , aura répondu réellement à son attente et à la nôtre. L'Académie a recu avec reconnaissance , et déposé avec honneur dans sa bibliothèque, des ouvrages imprimés offerts par plusieurs de ses membres résidants. Nous distinguerons surtout, parmi ces offrandes, celle que nous a faite M. Vigne, de la seconde édition de son livre sur le danger des inhuma- tions précipitées. Les additions introduites dans cette nou- velle édition nécessiteront un supplément de rapport dont nous nous félicitons d’être chargés. Je dois toujours dire, ici, d'avance, que l'exemple donné par le Conseil général de la Seine-Inférieure et par l'Académie de Rouen, lors de la publication de la première édition, a été imité par le ministre de Fintérieur , à l’apparition de la seconde. Il a incontinent souscrit pour un assez grand nombre d’exemplaires , qu'il destine aux principales bibliothèques du royaume. L'accueil fait au dernier volume publié par M. Girardin , et qui est un recueil de Mémoires de physique et de chimie appliquées à l'agriculture, à la médecine et à l’économie domestique , a été digne de celui qu'avaient recu ses aînés , et l'auteur a pu recueillir de l’Académie , par la bouche de M. Lévy , rapporteur , les témoignages d’une approbation flatteuse qu'il a recue également à Paris, au sein de la Société d'Encouragement pour l’industrie nationale, par l'organe de M. Gauthier de Claubry, et qu’il recevra encore , nous l’es- pérons , de l'Institut , auquel il a offert son livre, dans sa séance du 5 août dernier. Avant de parler des pertes que nous avons éprouvées parmi nos membres, durant cet exercice, je dois enregistrer les acquisitions que nous avons eu le bonheur de faire, afin de puiser dans les espérances que nous donnent les unes, des CLASSE DES SCIENCES. 29 compensations consolantes aux justes regrets que nous ins- pirent les autres. Ainsi que je l'ai annoncé plus haut, MM, les professeurs Amyot et Preisser ont été admis au nombre des membres résidants, Les occupations multipliées de M. Amyot , dans son enseignement , vers une fin d'année , l'ont empêché de siéger encore parmi nous ; M. Preisser , plus heureux, a déjà pris place dans nos rangs, et a prononcé, à cette occasion , un discours où dominent deux sentiments également honorables pour l’auteur, la modestie et la reconnaissance, Le sujet du discours du récipiendaire est une histoire abré- gee de la chimie, Il fixe à cette science, qu'il cultive avec amour , une origine assez récente, et il suit habilement ses progrès vraiment surprenants , depuis cette même époque jusqu’à nos jours , où , selon l’auteur , elle a conquis légiti- mement le sceptre du royaume scientifique. Pour ceux qui aiment à juger de l'esprit général d’un siècle, de ses tendances sociales, et par suite politiques , d'après ses tendances philosophiques, suivant que les sciences ou Îles lettres ou les arts, dans leurs applications usuelles , marchent exclusivement, ou bien avec une prééminence re- lative bien tranchée , en tête de ce mouvement aujourd'hui si rapide, et que ceux qu'il entraine appellent un mouvement de progrès; pour ceux-là , je le répète, les paroles de l’au- teur nous semblent de nature à devoir être recueillies , parce que , émanées d'une conviction profonde chez un homme plein d’ardeur et d'avenir, elles indiquent clairement la pente du courant auquel se laissent aller, en ce moment , une foule d’esprits même des plus distingués. Je cite de préférence un fragment de la péroraison du discours de M. Preisser , parce qu'il résume parfaitement sa pensée sur la philosophie des sciences et sur les destinées de la chimie en particulier , dont il vient de retracer l'histoire à grands traits. 30 ACADÉMIE DE ROUEN. « Placée pour toujours à ce rang élevé , s’écrie l’orateur , riche de toutes ses conquêtes nouvelles, ne connaissant presque plus d'obstacles ni de difficultés dans ses recherches, la chimie est devenue en méme temps la science la plus propre aux spéculations sublimes de la philosophie, et la plus utile à la perfection des arts. »— Puis, après avoir suivi sa science favorite, d'une manière vraiment éloquente et tout à la fois pittoresque, à travers tous les règues de la nature, après l'avoir placée face à face avec tous les phénomènes qu'elle prétend éclairer et expliquer, M. Preisser conclut en ces termes : « Rien n'échappe à cette heureuse science. Son influence est aussi générale dans la société que les faits dont elle s'occupe sont nombreux , que les occasions d'en appli- quer les préceptes sont multiples! « Bienfaisante pour toutes les classes, nécessaire dans le plus grand nombre des professions, faite pour éclairer presque tous les genres de connaissances humaines , quelle science mériterait mieux qu'elle le nom de science univer- selle ? » M. Paumier, président, a répondu au récipiendaire. Il Vapprouve sans réserve tant qu'il s’agit de l'application pra- tique de la chimie à certaines sciences , et surtout aux arts ; mais, en même temps, il cherche à maintenir la chimie elle-même au rang qui lui appartient en réalité dans la hié- rarchie des connaissances humaines. Il essaie aussi de prou- ver, par des faits que des découvertes archéologiques re- centes sont venues bien à propos confirmer , ainsi que par le texte de l'Exode , sur le sens duquel , en dépit de Voltaire et de son école, tous les hommes de conscience et d’érudition sont aujourd'hui d'accord , il parvient, dis-je, à prouver que les sciences chimiques étaient familières, non seulement aux Ro- mains, mais que, bien des siècles avant eux , elles étaient cultivées chez les Égyptiens, où Moïse en avait puisé une connaissance approfondie , ainsi que le prouve avec évidence CLASSE DES SCIENCES. 31 l'application qu'il en fit dans une circonstance solennelle , et qui est mise hors de doute par les paroles de l'Exode , aux- quelles M. Paumier a fait allusion. Le président s’est plu, d’ailleurs, à nous faire partager les espérances qu'il fonde, et pour la science en général et pour l’Académie en particulier , sur le concours actif d'un jeune et laborieux chimiste qui traite de l'objet de ses travaux avec une chaleur de conviction si profonde et si entrainante. La liste de nos correspondants s’est aussi enrichie de noms qu'il suflit de prononcer pour donner l’idée des connais- sances les plus solides unies au caractère le plus honorable. Personne ne nous démentira en entendant citer les noms des Planche et des Boutron-Charlard en tête de cette liste, Celui de M. Cap rappellera le triomphe récent obtenu , dans cette Académie, par l’auteur de l'éloge de Lémery. Les docteurs Gaudet et Navet, inspecteurs des bains de mer et des mai sons de secours de l'arrondissement de Dieppe , ont fait preuve, par leurs écrits et par leur pratique, qu'ils étaient dignes d’être inscrits à la suite de ceux qui précèdent. Quelques fleurs maintenant sur la tombe de ceux que nous avons eu le malheur de perdre! Si notre vénérable trésorier honoraire , feu M. Lerrevosr, vétérinaire, n'avait pas recu de M. Ballin, au jour de ses fu- nérailles, le tribut académique dû à ses talents éprouvés dans son art, et à son dévoment à l’Académie , nous essaierions aujourd'hui d'exprimer notre reconnaissance et notre respect affectueux pour la mémoire d’un confrère qui à siégé assi- duement dans cette compagnie pendant plus de vingt ans; et qui a su se mettre, avec l'abnégation , la probité et l’exac- titude les plus scrupuleuses , au service de l’Académie , dans les fonctions de trésorier » pendant une longue suite d'années, Dire que le sentiment d'affection et d'estime que nous accor- dions tous , de son vivant > À Sa personne et à son caractère , 39 ACADÉMIE DE ROUEN. est encore fidèlement conservé par nous à sa mémoire &t au souvenir de ses services, c'est le plus naturel, parce que c’est le plus sincère éloge que je puisse faire de ce respec- table et excellent homme, dont la modestie n’en eüt certes point ambitionné d'autre. L'un de nos plus anciens correspondants, le docteur Saissy , de Lyon, a aussi succombé durant cet exercice. Les éloges que ses compatriotes se sont plu à prodiguer à sa mémoire nous dispensent de retracer l’histoire d’une vie qui fut toujours honorable et constamment utile à la science et à l'humanité. La dernière perte que j'ai à déplorer, Messieurs, pro- duira , sans doute, ici plus d'émotion, et parce qu’elle est plus récente, et parce que celui que nous regrettons est mort jeune, et que son nom , prononcé dans cette Académie , qu'il a présidée avec distinction , et dans ce département où il a occupé d’éminentes fonctions, rappelle de suite une ca- pacité de première ligne et des talents d’un ordre élevé. Vous avez tous nommé M. LEPASQUIER. Nous avons l'espoir fonde qu'une notice nécrologique étendue retracera la vie tout entière de cet administrateur distingué; mais nous qui sommes privés des éléments et sur- tout des talents nécessaires, pour oser aborder cette tâche difficile et délicate , nous nous contenterons de donner un apercu bien rapide , mais exact, de la carrière administrative de notre malheureux confrère. M. Ambroise-Auguste Lepasquier était né à Turny , dé- partement de l'Yonne, le 24 mars 1788. Il n avait donc que cinquante-un ans au moment de son décès. Sa carrière de travail, qui ne fut jamais interrompue, commenca de bonne heure, Dès l’an 1805 , à dix-sept ans, il était employé à la préfecture de l'Isère, et se préparait , CLASSE DES SCIENCES. >) en méme teRps, AUX EXAMens pour l'Ecole Polytechnique, où il fut admis le 20 novembre 1806 , et il y séjourna un an. Rappelé à Grenoble par l'amitié du celèbre Fourrier, de l’Ins- titut d'Égypte, et alors préfet de l'Isère , il occupa des fonc- tons de confiance dans cette préfecture, jusqu’en mars 1812. Mélé dès-lors d’une manière active aux évènements polt- tiques de cette mémorable époque , 1l remplit les fonctions de secrétaire général à la préfecture de l'Isère, jusqu'au 18 juillet 1815. Il vint ensuite à Paris et fut nomme chef de division à la secrétairerie des conseils du roi, et v demeura jusqu'à la suppression de cette administration, qui eut lieu en septembre 1817. Il passa alors à la préfecture du Pas-de-Calais, sous M. Malouet , qui, placé plus tard à la tte du departement de la Seine-Inferieure, s’empressa d y attirer M. Lepasquier , du talent duquel il avait été à même d'apprécier la portee , et il lui confia la division de l'intérieur , qu'il dirigea, sans interruption, jusqu à la revolution de 1830. Appelé , à la suite de ce grand évènement, aux fonctions de secrétaire général par l'administration provisoire , il fut confirmé dans ce poste, aprés le 8 août 1830, et l'occupa jusqu’en juin 1832, où il futappele à la préfecture du Finis- tère. Au bout de deux ans, en 1834,1l fut envoyé comme inten- dant civil à Alger ; il y resta encore deux ans; puis, à son retour , fut investi des fonctions de préfet du Jura, dans le chef-lieu duquel il est mort subitement, le 19 mai 1839, à l'instant où il était sur le point de réaliser des projets qui auraient immortalisé son nom dans ces contrées, où il a assez fait cependant pour qu'il y demeure des siècles entiers inscrit sur des monuments durables , et, ce qui vaut mieux, dans la mémoire et dans le cœur des habitants. Au moment de sa mort, outre le rang de préfet, M. Lepasquier avait le titre de maitre des requêtes, et était officier de l'ordre 3, ACADÉMIE DE ROUEN. royal de la Légion d'honneur. La carrière publique de M. Le- pasquier sera, sans doute, diversement jugée, mais nul n'osera méconnaître sa rare capacité administrative , son activité et son zèle, qu'il ne sut jamais modérer , et qui ont usé avant le temps les fragiles ressorts d’une constitution nerveuse et délicate. Dois-je redire maintenant , Messieurs , la part active qu’il prit à nos travaux ? 5es heures de loisirs étaient consacrées à la composition de livres et de traités sur les matières ad- ministratives qui lui étaient si familières. La législation des Cours d'eau , celle de la vaine Pâture, son précis de celle sur les Machines à feu, ont vu le jour à Rouen, et notre Compagnie se rappelle avec orgueil qu’elle a eu les prémices de ses écrits sur les Enfants trouvés , sur les Monts-de-Piété , sur la Navigation entre Paris et Rouen , etc., écrits à la pu- blication desquels elle a eu souvent l'honneur et le plaisir de contribuer. Il est, en outre, de notoriété dans nos murs qu'il avait pris la plus forte part à la confection de la Statistique du département , publiée en 1823, comme à la rédaction de tous les actes importants de l'administration départementale , pendant tout le temps qu'il y fut attaché, Devenu chef Ini-même d’administrations importantes , son activité naturelle s’accrut encore de sa sollicitude pour les intérêts des provinces confiées à son zèle éclairé , et il usa de plus en plus ses forces , car il a mérité qu'on dit de lui, dans les lieux qu'il a administrés : « Il s'amuse en travail- lant , mais il travaille méme quand il est obligé de s'a- muser. » Je dois m'’abstenir devant vous, Messieurs, qui l'avez si bien connu, de détails sur les talents variés de M. Lepasquier, mais je me plais à redire, en me portant garant de leur réalité, les regrets universels que sa perte a inspirés dans le département où il est mort , puisque j'ai pu en recueillir , CLASSE DES SCIENCES. C9 Qt en personne, il y à peu de semaines , et sur les lieux mêmes, le témoignage le plus certain et le moins suspect. Je venais de franchir la frontière suisse à Ferney ; j'avais gravi cette fameuse route qui va de Gex à Lavatay , sur le revers méridional de la chaine du Jura, et je m'étais rafraichi à cette célèbre fontaine de Napoléon , qui rappelle le passage du fameux conquérant, qui, volant vers J'Italie , préluda, par la réparation de cette route magnifique, aux travaux gigantesques de celle du Simplon : descendu à Morez, je montais lentement vers Saint-Laurent, en admirant le pont solide et élégant à la fois qui vient d’être jeté sur le torrent qui gronde si souvent au fond de la vallée, et la large et belle voie neuve qui s’enroule aujourd'hui si mollement contre les flancs escarpés de la seconde ligne du Jura; je m'étais arrêté pour visiter la jolie église qui s'élève sur ja plus haute cime , monument qui s'achève en ce moment, et qui ne peut manquer de frapper vivement le voyageur, par le contraste piquant de sa riche et gracieuse architecture opposée aux sommets imposants mais arides de la sauvage montagne. Notre postilion se prétait avec complaisance aux désirs de notre curiosité et recueillait les exclamations de notre surprise, « Tout cela , nous disait il, a été fait depuis deux ans, et c’est à notre préfet que nous le devons.» Arrivé à Saint-Laurent et à Clairvaux , je vis partout de grands travaux exécutés ou en voie d'exécution avancée, et partout l'éloge du préfet sortait de toutes les bouches. Au dernier relais , il me vint naturellement en pensée d'aller redire à l'administrateur, qui avait su les conquérir, des éloges si sincères, en lui offrant , à mon passage , le salut de l'amitié et le souvenir d’une ancienne et cordiale confraternité, J’or- donnai donc au postillon de m’arrèter à Lons-le-Saulnier , à la préfecture même. « Mais, Monsieur, me répondit-il, il ny a pas de préfet en ce moment à Lons-le-Saulnier, — M, Le- pasquier, dont vous parlez avec tant de respect et de recon- 35 ACADÉMIE DE ROUEN. naissance, répliquai-je , est donc absent ou changé ? — Non, Monsieur, c'est un bien plus grand malheur: il est mort subitement, et c’est une perte irréparable pour notre pays! » Je n'ai pas besoin de vous dire, Messieurs, quelle im- pression me causa la nouvelle de cette mort inattendue. Mon premier soin , comme vous devez le penser , fut de recueillir des détails sur cette fin déplorable, à Lons-le-Saulnier , encore tout ému de la perte de son Préfet, dont les restes avaient été exhumés la veille, sur la demande de sa famille, pour aller reposer à jamais dans la terre natale. Je puis le dire , Messieurs , parce que-c’est la vérité, il me fut facile de juger que des hommes d’opinions d’ailleurs bien diver- gentes , étaient cependant d'accord sur celle qu'ils avaient concue de M. Lepasquier : tous se plaisaient , en effet, à le proclamer un administrateur capable , éclairé , sévère, mais juste, et par dessus tout infatigable , dont la perte, si vive- ment sentie dans le département où il venait de succomber, ne manquerait pas de retentir douloureusement dans tous ceux où il était connu et apprécié. Ne devais-je pas constater aujourd'hui dans le nôtre, Messieurs , et principalement dans cette enceinte , la justesse de cette prédiction ! Mémoires DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. DE LA CONSTITUTION MÉDICALE ET DES MALADIES ÉDIDÉMIQUES QUI ONT ÉTÉ OBSERVÉES EN 1838 , DANS L’ARRONDISSEMENT DE ROUEN ; Par M. VINGTRINIER, Médecin des Épidémies. — Séance du 12 Avril 1839. — L'influence fâcheuse de la constitution médicale de l’at- mosphère sur la santé de notre population, a été plus fré- quemment constatée pendant le cours de l’année dernière, que l'influence des autres causes génerales des maladies ; aussi cette influence particulière a-t-elle été considérée, par les praticiens , comme une exception dans l’ordre ordinaire des calamités morbifiques ; de mon côté, en faisant la même ob- servation , j'ai cru devoir, comme médecin des épidémies , me livrer à quelques investigations à ce sujet , et voici quel en à été le résultat. 38 ACADÉMIE DE ROUEN. Constitution atmosphérique. L'année 1838 , je veux dire l'hiver de 1837 à 1838, le printemps, l'été et l'automne, ont été dominés par une consti- tution médicale qui a favorisé, ce qui s’observe rarement , le développement des maladies éruptives. Plusieurs espèces d’éruptions ont été observées dans le même temps, et quel- quefois ensemble, sur le même sujet; toutes ont été funestes au jeune âge. La constitution atmosphérique s’est développée et s'est maintenue pendant près de six mois , sous l'influence d’une température froide et sèche , ou froide et humide. On se rappelle que l'hiver de 1837 à 1838 a été rangé parmi les plus longs et les plus rigoureux qui aient été ob- servés dans notre climat. Les vents ont été presque constam- ment nord-ouest ; le printemps a été froid et piuvieux ; les jours en ont été plusieurs fois marqués par de la gelée, et ce n'est qu'au milieu de juillet, et pendant quelques jours seulement, qu’on a ressenti de la chaleur. A la fin de ce mois, la température est descendue , et elle est restée à douze ou quatorze degrés R. pendant tout l'été et l'automne. Maladies observées. Durant l'hiver, le printemps , et la première moitié de l'été, il a régné plusieurs maladies épidémiques. La coque- luche, sans être épidémique , les a accompagnées et suivies ; toutes ont agi sur les enfants , et souvent d’une manière fà- cheuse. Si on les range d’après leur ordre d'influence, on doit les placer ainsi : la rougeole , la variole, la coqueluche , la miliaire , la searlatine, On a aussi observé , dans quelques localités , des fièvres typhoïdes. Si elles n'ont pas été remarquables par leur CLASSE DES SCIENCES. 39 nombre, elles l'ont été par leur gravité et par le cachet épi- démique ou plutôt contagieux qu’elles ont décele. Quelques réflexions relatives à chacune de ces maladies , sans offrir rien de nouveau peut-être, nous ont paru dignes d'intérêt pour la médecine pratique, et cela a sufli pour nous faire espérer que l’Académie voudrait bien les écouter avec bienveillance. SCARLATINE NON ÉPIDÉMIQUE. La scarlatine a été observée chez les enfants et chez les adultes. Il est arrivé toujours avec cette éruption, que lan- gine, sa complication ordinaire et caractéristique , l'accom- pagnait , et que, dans la plupart des cas qui ont été mortels, on lui a attribué la gravité de la maladie, soit par son inten- sité et l'étendue de l’inflammation dans l’arrière-gorge , soit par sa termination gangréneuse. On à vu la scarlatine enlever en peu de jours trois jeunes dames de Rouen qui étaient dans leur lit de couches ; on l'a vue aussi se concentrer dans des maisons d'éducation, ou dans des familles, comme une épidémie circonscrite ; ainsi, j'ai vu huit malades en même temps dans une seule maison, quatre enfants et quatre adultes ; deux enfants sont morts. Dans tous les cas, il a été remarqué que, pendant la durée de l'influence de la cause immédiate de la scarlatine , les per- sonnes de la famille des malades ont été atteintes de maux de gorge , et quelquefois ces angines ont été fort intenses et accompagnées de symptômes généraux prononcés, sans qu'il soit rien apparu à la peau. Ce fait a été déjà constaté par des médecins dans les épidémies de scarlatine plus considérables que celle-ci, et spécialement dans les cas où cette éruption semblait faire naître des foyers d'infection circonscrits dans les familles. La conséquence de cette observation, qu'il faut conserver ho ACADEMIE DE ROUEN. pour la science, est celle-ci, que la même cause trouve dés dispositions favorables à son action morbifique dans le tissu cutané et dans le tissu muqueux de la gorge ; c’est encore que, quand des angines se développent en temps d’épidémie de scarlatine, il devient important de soumettre les malades au régime et à quelques-unes des précautions sévères qu'on doit observer lorsqu'il se développe une éruption , parce qu'il y a raison de penser qu'on est sous l'influence de la même cause , et cette cause peut toujours prendre de la malignite. Dans tous ces cas d'angine sans éruption, nous avons constaté l'efficacité d’une médication qui a évidemment, pour nous , épargné aux malades de la durée et des complica- tions; nous voulons parler de l’émétique. Toujours , sans aucune exception, nous avons vu l'émétique faire avorter l'inflammation. Nous avons observé, en 1836 , dans la prison de Rouen, quinze cas d’angine sans éruption ; une seule fois, nous n'avons pas administré l'émétique, croyant voir dominer à un trop haut degré les symptômes inflammatoires, et le malade a succombé à une angine qui n’a pas tarde à se coni- pliquer de symptômes cérébraux et typhoïdes. MiLIAIRE. La miliaire a été observée en 1837 comme maladie isolce; mais, le plus souvent, on l’a vue compliquée des fièvres ty- phoïdes ; toujours elle a déterminé une fin malheureuse. Elle avait été épidémique à Dieppe et dans ses environs, en 1835 et en 1836. (On doit au docteur Navet une description in- téressante et complète de cette épidémie. } COQUELUCHE EF TOUX ÉPIDÉMIQUES. Un grand nombre d'enfants a été atteint de la coqueluche avec ses quintes, ses crises d’oppression , de toux, de suf- ’ bp L CLASSE DES SCIENCES. LL 4 focation et de vomissements ; chez d’autres, c’étaient des toux d'irritation continues , qui n'étaient pas beaucoup moins fa- tigantes pour les enfants que la coqueluche elle-même. Dans tous ces cas, et particulièrement dans les derniers , nous avons constaté l'efficacité d’un médicament qui a été à tort rayé de la matière médicale , si lon s en rapporte aux rédac- teurs du Dictionnaire Fhérapeutique ; M M. Mérat et Delens. C’est le sulfure de potasse : le bien que l'on retire des eaux sulfureuses naturelles dans les cas de maladies de poitrine, de toux chronique et de maladies du larynx, m'a donne l'idée, ainsi que cela est arrivé probablement à d’autres méde- cins, d'essayer du sulfure de potasse ; je l'ai mélange dans un sirop à une dose moins forte que celle proposée par Chaussier , à la dose d’un ou deux grains par once , de ma- nière à en faire prendre cinq ou six grains par jour , et, je le répète, dans les cas de toux d'irritation avec quinte, ce médicament a eu des succès extrémement satisfaisants. VARIOLE ÉPIDÉMIQUE. La variole a été sans doute favorisée par l'influence de ja constitution régnante , dans son développement, dans sa pro- pagation et dans ses formes confluentes , car, depuis long- temps , On n'avait pas eu Voccasion d'observer une épidémie de variole qui ait fait autant de victimes. La variole a sévi, en 1838, dans la plupart des communes de l'arrondissement de Rouen , et à Rouen même en nombre beaucoup plus considérable que cela ne s'était vu depuis plusieurs annees. Cette épidémie a mis de nouveau au grand jour combien est encore considérable le nombre des détrac- teurs de la vaccine, méme dans les grandes villes , malgre quarante années d'expériences ; et malgré tous les efforts de l'administration et des médecins. Ceci enseigne que si la vac- cine était abandonnée sans le secours des moyens adminis- 42 ACADÉMIE DE ROUEN. tratifs de propagation et d'encouragement, le fléau vario- lique reprendrait, sur la population, le tribut de désolation et de ruine que la vaccine lui ravit annuellement depuis quarante ans, et qu'il ne faut pas plus qu'aux premières années de sa découverte, manquer de zèle et de persévé- rance pour continuer la lutte. La variole à été principalement meurtrière dans les val- lées de Deville, de Maromme et du Houlme, ainsi que dans les villages élevés qui sont en communication avec ces vallées, sans doute à cause du voisinage des lieux et du rapprochement des personnes qui demeurent dans ces vil- lage, et vont, pour la plupart , travailler tous les jours dans les grandes usines de la vallée. Tableau présentant la proportion des varioles et leur résultat. NOMBRE COMMUNES. | — mme — "7 © Approximalif D'habitaus. De varioles, De morts. d’enfans ETES TUE, | © TTC CRUE CNE DER DESERT Maromme. . ... Bondeville . ..… Le Houlme. ... Totaux... Terme moyen 200 L’épidémie de variole a commencé dans ces contrées à la * La proportion est plus forte dans cette commune parce qu’on } met beaucoup d'enfants en nourrice. 2 CLASSE DES SCIENCES. 4 fin de la saison d'automne de 1837 , et s'est éteinte à la fin du printemps de 1838 ; mais on peut croire que c’est véri- tablement faute de sujets, car tous ceux qui étaient suscep- tibles de prendre la variole l'ont tous subie. D'un autre côte, l'épidémie a continué à Rouen pendant toute l’année , et on y voit encore des cas de petite vérole ( janvier 1839.) Mortalité, Il est certain que la mortalité causée par la variole a été de moitié dans beaucoup de localités; cependant , à l'Hôtel Dieu de Rouen , la mortalité a ékf bien moins considérable. Peut-être cela tient-il à ce que la plus grande partie des variolés admis , s’est composée de jeunes gens plus capables de résister à la maladie que les enfants du premier âge ; sur cinq cents variolés, dont un tiers formé de militaires, lon n’a compté que cinquante morts. M. le docteur Hellis , méde- cin en chef de l'Hôtel-Dieu, qui a eu l’obligeance de me donner ce renseignement , a remarqué aussi que la mortalité a été dans une proportion plus grande sur les enfants. Jamais on n'avait vu autant de variolés dans ce grand hôpital. Il serait difficile , ou plutôt impossible de dire combien de per- sonnes ont suecombé à la variole dans la ville de Rouen, parce que tous les éléments de statistique médicale nous manquent; cependant, par approximation et sur Îles renseignements que j'ai pris de diverses parts, je crois qu’on peut considérer comme bien près de la vérité, le chiffre de six cents variolés dans la ville , et de cent cinquante décès , non compris les hôpitaux. Dans la prison de Bicètre, il y a eu trois cas de variole ; un d’eux a été suivi de mort. Dans la prison du Palais, il y en a eu deux; un est mort. Dans le nombre de tous ces malades, on a eu à regretter plusieurs personnes âgées de plus de vingt ans. Il faut noter ici que, sur la plus grande partie des malades , la variole à été confluente ; et ACADÉMIE DE ROUEN. LH re que les symptômes typhoïdes les plus alarmants se sont très promptement développés. _ > Q ” l'ariolés non vaccinés. Un fait bien positif et qui a été recherché avec soin à l'égard des malades de la contrée de Maromme, si maltraitée, c'est que pas un seul des enfants que M. Bataille médecin a traités, n'avait été vacciné. Vaccinés varioles. A Rouen , où il existe yne population très considérable de personnes vaccinées; on a cité quelques faits de variole chez des individus vaccinés, plusieurs ont eu des varioles con- fluentes, et ont succombeé. Je n'ai pas eu personnellement l'occasion de voir ces cas exceptionnels , mais ils m'ont été donnés comme certains par des médecins très dignes de foi. J'ai eu , cependant , l’occasion de voir moi-même un enfant vacciné être atteint par la variole ; mais ce cas a été, pour moi et pour le confrère qui me faisait visiter cette malade , M. le docteur Desbois, une preuve de l'influence et de l'effet protecteur du vaccin. Le fait mérite d’être cité. Dans une famille pauvre demeurant dans une rue où la variole avait fait déjà plusieurs victimes , trois enfants cou- chaïent dans un même lit; deux furent atteints de la petite vérole; c’étaient les deux plus jeunes ; ils n'avaient pas été vac- cinés , et l’ainée fut chargée de donner des soins aux deux malades, ce qu’elle fit jour et nuit avec un zèle et une atten- tion bien remarquables pour son âge : cette petite avait douze ans. Au milieu d’un foyer d'infection et de contagion aussi intenses, après des fatigues aussi rudes pour son âge , cette enfant ne pouvait manquer de se ressentir de l'influence du méphytisme dans lequel elle vivait , et si elle n'avait pas été vaccinée , elle se füt trouvée assurément dans tontes les con CLASSE DES SCIENCES. 45 ditions propres à faire naître la variole la plus confluente. Or, il arriva, en effet, qu’elle fut prise des premiers SyImp- tômes d’invasion et d’incubation des maladies éruptives ;. fièvres, inappétence , céphalalgie , chaleur à la peau, nausées , vomissements, larmoiement , etc. ; mais, après quatre jours de ces signes, au lieu de voir naître une éruption générale , on vit sortir,au milieu du front, entre les sourcils ; un bouton, un seul bouton de variole, et ce bouton a suivi la marche ordinaire de la maladie. Je le répète , dans cette circonstance , loin de croire que la vaccine a failli, je crois, au contraire , qu'il a triomphé de l'influence et de l'action du virus absorbé. Jajoute que plu- sieurs médecins ont aussi pensé de la même manière, en voyant la malade et son entourage. Dégénérescence du vaccin contestée. Dans ce moment, où quelques médecins répandent une croyance nouvelle , celle de la dégénérescence du vaccin, il n’est pas inutile de citer de pareils faits et de dire ce qu'on pense de cette idée. Pour moi, je ne crois pas à la dégénérescence du vaccin : 1° parce que, depuis plus de vingt années que je vaccine , je ne vois pas qu'il faille recommencer aujourd'hui, plus souvent qu’autrefois , les vaccinations que l’on pratique de bras à bras; 2° parce que je n’ai pas remarqué que le vaccin suivit une marche différente ou incomplète ; 3° parce que le nombre des per- sonnes qui prennent la petite vérole apres avoir été vacci- nées, n’est toujours, comme autrefois, qu'une exception très rare, et j'ajoute plus rare, selon mon observation , que le cas de deuxième et troisième variole. Quelques personnes semblent croire, depuis un certain temps, que ces cas de chute ou d'insuccès du vaccin, sont assez nombreux pour qu'ils méritent l'attention qu'ils n'appelaient 46 ACADÉMIE DE ROUEN. pas il y a quarante ans : c’est une erreur, que je viens de ré- futer , et l’objection n’est pas fondée , car, si on se donnait la peine de lire les écrits qui ont été publiés pendant les dix premières années de l'introduction de la vaccine en France, et surtout en Angleterre, on verrait que les cas exception- nels dont il s’agit, ont été, au contraire, plus souvent révélés qu'ils ne le sont aujourd’hui. Pour moi, je déclare que, durant mes vingt années de pratique, je n'ai vu et constaté qu'un seul cas de variole chez une personne bien vaccinée, et je connais plusieurs praticiens qui n'ont pas encore vu un seul cas de variole chez un vacciné; il y en a même qui ont bien de la peine à se resoudre à y croire. Au surplus , la question de la dégénérescence du vacein a été traitée très complètement par des médecins qui ont réuni tous les arguments propres à combattre cette idée , particu- lièrement par M. Bousquet, de l'Académie royale de méde- cine , M. Barry, de Besancon, M. Desboiïs , de Rouen, dans son Mauuel de vaccine , M. Des Alleurs, dans plusieurs rap- ports au comité de vaccise. Je crois inutile de rien ajouter à ce qu'ont écrit ces Messieurs , et je confirme leur opinion. Seulement, je me permettrai une réflexion que la circonstance autorise , c’est qu'on ne combat pas assez, dans ces ouvrages, l'opinion qui voit absolument, dans le vaccin, l’existence d’un virus nouveau, su generis, bien différent de celui de la variole, qui croit ce virus de nature à détruire l’autre, et à combattre , comme d’ennemi à ennemi, ou comme un anti- dote, un spécifique, un préservatif, un neutralisant ( ex- pressions employées , mais erronées), opinion dont semblent fortement imbus les créateurs de la dégénérescence. Cepen- dant , si nous remontons à la découverte , il est évident que la pensée de Jenner , qui est devenue un fait accompli , n’a pas été la découverte d’un spécilique ; il a cru avoir trouvé une grande analogie entre le cowpox ou petite vérole des vaches, et la variole des hommes (ce que justifient la forme de l’érup- CLASSE DES SCIENCES. 47 tion et sa marche, etc. ); et, par suite , il a eu pour but de substituer cette petite vérole des vaches, après l'avoir re- connue dans sa transmission à l’homme , toujours bénigne et localisable , à la petite vérole des hommes, qui, toujours dangereuse , rest jamais circonscrite ni localisable par l’ino- culation. C'était, selon Jenner, la même maladie modifiée seulement ; et non pas deux espèces de virus ; c'était le même but que celui de l'inoculation de la petite vérole, que linoculateur du cowpox voulait atteindre, et par un moyen analogue, car ce but définitif est de mettre ceux qui ont été vaccinés , comme ceux qui ont été inoculés , dans le cas de ne pas con- tracter la variole épidémique , c’est-à-dire dans le cas de contracter une petite vérole bénigne et locale , au lieu d’at- tendre sans cesse une petite vérole maligne et générale. Or, ne fallait-1l pas avoir trouvé deux moyens bien analogues , s'ils ne sont pas parfaitement semblables, pour produire à peu près le même effet et obtenir le même résultat ; et n’est- t-il pas évident que le degré de virulence fait seul la diffé rence qui existe dans la cause première de la petite vérole des vaches et celle de la petite vérole des hommes ? Je ne sais pas si je me trompe, mais je crains que les mots aient fait tort à la chose : virus vaccin, vaccine, ne donnent pas l’idée du mot anglais cowpox , « cowv» vache, (pox» va- riole, ou variola vaccina , petite vérole des vaches, selon l’ex- pression de Jenner, de Moreau, Husson et beaucoup d’autres. Ils ne disent pas suffisamment et clairement aux gens du monde la chose qu'il faut savoir , c’est-à-dire que vacciner , c'est provoquer la petite vérole des vaches , toujours bénigne, pour ne pas attendre la petite vérole des hommes , toujours redoutable, * * Chacun admet, par l'expérience vulgaire, que l’on ne contracte pas deux fois la petite vérole dans l’ordre ordinaire des choses , 18 ACADÉMIE DE ROUEN. On croit généralement dans le monde que le vaccin est une maladie nouvelle d’une nature inconnue , ayant son virus particulier, et pouvant réunir les mauvaises qualités qui causent toutes sortes de maladies, selon les individus de qui on prend ce virus. C'est une erreur ; et je zépète que peut- être les mots nouveaux qui n’expriment pas bien l'idée et le fait, ne sont pas étrangers à l'erreur populaire que j ai relevée, et il serait utile de répandre dans le monde l'opinion que je viens d'exprimer , ou plutôt de reproduire , sur la nature vé- ritable de la vaccine. L'intérêt qu'inspire le sujet dont je viens de parler , etses graves conséquences sur la santé publique, m'ont conduit plus loin que je ne le voulais et que ne le comportait rigoureu- sement la constatation d’une épidémie de maladie aussi bien connue que la variole; cependant, je ne puis pas encore finir, sans dire que, dans les circonstances présentes , je considère un évènement heureux , le fait observé par M. Hellis , notre confrère , de l'inoculation naturelle du cowpox , parce que cela satisfera les médecins ébranlés dans leur foi, et qui croient à la dégénérescence du vaccin, et parce que la trans- mission du virus vaccin pris à cette nouvelle source , pourra faire reprendre confiance dans la précieuse inoculation du cowpox qu'il est si important de propager ; j'ajoute, parce qu'il prouve encore que le cowpox peut se produire et se transmettre en France, et je ne suis pas bien certain que ce fait ait été encore aussi bien constaté qu'il l’est aujourd’hui à Rouen. mais qu’on ne peut pas échapper à une première éruption; or il est démontré que la petite vérole bénigne, prise d'homme à homme, préserve aussi bien d’une seconde éruption que celle qui est maligne; tout le monde sait cela, pourquoi donc contesterait- on la possibilité du même effet par la transmission de la petite vérole des vaches qui, encore une fois, ne diffère de la nôtre que par son caractère immuable de bénignité ? CLASSE DES SCIENCES. 49 Un mémoire de M. Bousquet , de l'Académie royak de médecine, fait connaître aussi que le cowpox a été découvert à Passy , en mars 1836. Je ne crois pas qu'il y ait d'autre constatation bien authen- tique du fait de transmission. Averti par M. Hellis de son heureuse découverte, je suis allé visiter les vaches atteintes de l’éruption dans l'étable du fermier Quibel à Isneauville, avec mes confrères MM. Des Alleurs et Desbois, secrétaires du comité de vaccine; j'ai vu la jeune servante de ferme qui s’est inoculée le cowpox en trayant ses vaches , et j'ai participé aux expériences de trans- mission. J'enregistre ici ce fait, afin de contribuer à sa propa- gation et pour en faire honneur à notre confrère M. Hellis. J'ai fait des vaccinations les 4, 11, 18 et 25 avril derniers, sur quinze personnes , et toutes avec succès. J’ai vu chez toutes la mème marche, et j'ai noté seulement, sur une jeune dame, que sur dix piqüres il ne s’est développé qu'un seul bouton. Je profiterais de l’occasion que me fournit ce travail pour dire quelque chose aussi de la question des revaccinations, si j'avais pu appuyer mon opinion sur un plus grand nombre de faits et si je l'avais crue fondée aussi bien que celle que j'ai exprimée sur la soi-disant dégénérescence du vaccin ; mais j'ai fait trop peu d'expériences , et je me borne à dire que je suis convaincu que l'opération des revaccinations ne peut avoir d'autre inconvénient que celui de l'inutihté , et qu’elle ne doit laisser craindre aucun danger. J'ai revacciné plusieurs personnes , et je n'ai pas vu naître de vrai vaccin. Peut-être que les personnes qui sont disposées à prendre la petite verole deux ou trois fois, sont les seules qui soient aptes à la revaccination ; ceci est vraisemblable , mais il serait impossible de le prouver. On peut donc laisser cette idée se répandre et y céder dans la pratique, car elle ne peut que contribuer à occuper les familles de la vaccine. 4 5o ACADÉMIE DE ROUEN. Je, reviens à l'exposé des maladies épidémiques qui ont régné en 1838, et je vais terminer ce travail par celle qui a fait le plus de victimes et qui a signalé d’une manière toute particulière l’histoire médicale de l'année qui vient de finir. Je veux parler de la rougeole. ROUGEOLE. La rougeole a été observée pendant le cours de cette année 1838, dans toutes les contrées de la France, comme maladie sporadique, et, dans beaucoup, elle s’est montrée épidémique, notamment dans le département de la Seine- Inférieure; partout , elle a revêtu des caractères de mali- gnité qui lui sont peu ordinaires. Nos plus anciens médecins m'ont assuré ne l'avoir jamais vue aussi meurtrière. Lepecq de la Clôture lui-même, dans son livre des épidémies du dernier siècle en Normandie, n’en cite qu’un seul exemple semblable, et encore était-ce dans le pays de Caen que l’épi- démie dont il fait l’histoire a été observée. C'était en 1776. Ce médecin se borne à dire ailleurs qu’en 1766, en 1771 et 1772, il a été observé en Normandie des rougeoles épide- miques. L'épidémie de 1838 est donc pour notre pays un fait rare et qu'il convient de noter comme renseignement médical. Marche topographique. La rougeole s’est montrée d’abord parmi les populations qui avoisinent la partie supérieure de la Seine. En janvier et février , on l’a vue à Louviers , ville limitrophe du départe- ment de l'Eure et de la Seine-Inférieure , très peu éloignée de la Seine, avec laquelle elle communique par une rivière assez forte. Beaucoup d'enfants ont succombé. Peu après, la ville du Pont-de-l'Arche, voisine de Louviers, située sur les bords de la Seine , a eu des rougeoles, et, vers CLASSE DES SCIENCES. 5 J1I le milieu du mois de février, la ville d'Elbeuf, placée sur la même rive, a été tout-à-coup envahie. Le nombre des enfants malades a été promptement considérable , et bientôt des adultes , parmi lesquels des personnes d’un âge avancé , ont été gravement atteints. Jamais on n'avait vu à Elbeuf la rougeole épidémique prendre un caractère de malignité aussi prononcé. Ceci m'a été attesté par le vénérable docteur Henry , qui exerce dans cette ville depuis cinquante ans. Durée de l'épidémie d'Elbeuf. L'épidémie d’Elbeuf à duré trois mois à peu près ; du 15 janvier au 15 avril. Peu d’enfants ont échappe à la contagion ; et l’on peut dire sans exagération que douze cents individus ont été malades. La population d’Elbeuf est de treize mille habitants, et, sur ce nombre, on doit compter seize cents enfants jusqu’à dix ans. Les décès sur les enfants seulement ont été de cent trente pendant les trois mois d’épidémie. . La salle d’Asile ouverte aux enfants de la ville, a fourni l'occasion de connaître assez exactement, l’état général de la santé des enfants. Or, la population de la salle était, au ref février, de cent quatre-vingts, et au 25 février elle était réduite à vingt enfants; plus tard , 1l s’est pisse des jours sans qu'il y soit venu un seul enfant. Au 1‘ mai, elle était remontée à quatre-vingts. Pendant ce temps, on ne voyait pas encore de rougeole à Rouen. Cependant elle s'étendait le long de la Seine parmi les populations de la campagne qui sépare Elbeuf de Rouen, où son séjour devait être de plus longue durée. On a commencé à voir des enfants atteints de l’éruption en avril et en mai ; alors elle est devenue générale et elle est restée ainsi pendant les mois de juin et de juillet. Une mor- 52 ACADÉMIE DE ROUEN. talité notable , mais moindre qu'à Elbeuf, s'est montrée parmi les enfants. Je crois aussi que le nombre des malades à été, proportion gardée, moins considérable. On à vu également à Rouen un certain nombre de malades parmi les adultes. Dans les trois salles d’Asile de la ville , on voyait la moitie seulement de la population ordinaire; au 15 de mai et au 5 de juin, elle était réduite au quart. Quoique la maladie dont nous parlons ici ait été grave par ses résultats, je ne crois pas devoir en faire une histoire détaillée. La rougeole est une maladie très connue; elle est souvent épidémique, et, dans cette invasion, elle n’a présente rien de positivement nouveau ponr la science. Aucune influence locale ou générale n’a eu d'action appréciable sur le développement, la marche , la durée ou les résultats de l’épidémie. Je me bornerai donc à consigner brièvement les faits principaux qui sont ressortis de mes observations cliniques faites dans les diverses contrées que J'ai visitées. 1° Tous les sexes et tous les âges ont été atteints, mais l'enfance l'a été dans une proportion si forte, que c’est comme par excéption que des personnes âgées ont été malades. 2° La mortalité n’a frappé que sur des enfants. 3° L'invasion a été souvent marquée par les convulsions et l'éclampsie, et alors il est arrivé des congestions cérébrales mortelles. C'est ainsi qe dans la même maison, à deux jours de distance seulement , deux enfants sont morts en quelques heures. Nous avons pu croire que ces enfants succombaient aux premiers symptômes d’une fièvre éruptive, par la seule raison qu'il existait alors, dans la ville et dans les maisons voisines, d’autres enfants malades de la rougeole maligne. 4° Le cours de la maladie a été sans complication fâcheuse pour la moitie des malades ; mais l’autre moitié a éprouvé, dans des proportions diverses, des bronchites avec quinte, des angines , des affections vermineuses, des pneumonies et des leucophlegmasies. C'est surtout dans les convalescences CLASSE DES SCIENCES. ct oS et après un refroidissement accidentel que ces complications sont devenues fatales. 50 On à vu assez souvent des cas de récidive pendant la durée de l'épidémie ; ce fait à paru étonner nos plus anciens praticiens, et je n'avais pas eu, de mon côté, l’occasion de le noter, Je n’étendrai pas davantage l'histoire de cette épidémie de rougeole ; des recherches statistiques ou topographiques seraient ici complètement inutiles et sans portée , et c’est ce qui explique pourquoi je ne me conforme pas à la marche tracée par l'Académie royale de médecine, dans l'instruction que nous devons au célèbre docteur Double. C’est pour les épidémies d’une autre nature que ces recherches sont réservées, J'ai dit plus haut que la plupart des enfants qui ont eu la rougeole , ont éprouvé, après leur éruption, la coqueluche ou des toux opiniâtres. Je ne consigne pas ici comme épidémie cette maladie, qui à pu être considérée comme telle dans d’autres localités. Cependant, je dois dire au moins qu'elle a été vue chez beaucoup d'enfants, et qu’elle a paru avoir des rapprochements avec la rougeole. C'est aussi plutôt comme maladies régnantes que comme épidémies , que je dirai quelques mots de maladies qui nous ont paru avoir été modifiées, mais non déterminées par l'influence de la constitution atmosphérique qui a régné. Je veux parler des fièvres typhoïdes. A Rouen , il en a été observé quelques-unes seulement ; mais , dans diverses localités de positions très opposées , et dans la vallée de Maromme particulièrement , il en a été vu un plus grand nombre Ainsi qu'il arrive le plus ordinairement, la moitié des malades pour le moins à succombé. Une observation remarquabie à été faite dans des localites très différentes , c’est que plusieurs personnes de la même 54 ACADEMIE DE ROUEN. maison ont été atteintes et mortellement. Ces cas nous ont rappelé le travail fort intéressant sur les épidémies des petites localités, dû au docteur Gendron, de Vendôme, imprimé il y a quelques années dans le Journal des Connais- sances médico-chirurgicales. Seulement, nous n'avons pas pu constater, comme lui, la contagion, contre laquelle je suis loin d'élever des douies, car, au contraire, je crois que nous sommes arrivés à un degré d’incrédulité qui n’est pas de la prudence. J'ai entendu citer, comme fait de ce genre, par notre confrère M. Blanche, celui d’une famille tout entière, composée de cinq personnes, qui a succombé à la fièvre typhoide dans l’espace de deux mois à peine. On a cru que la maison avait été infectée par une femme de journée qui avait soigné deux de ses enfants morts à la suite de la méme maladie. Si, dans ces cas , il n’y a pas contagion bien démontrée, il y à néanmoins dans la cause de transmission quelque chose de bien extraordinaire , et il importe à la science et à l'humanité que cela soit examiné avec attention par les hommes de l’art. J'ai eu l’occasion d'observer de pareils faits pendant le cours de plusieurs épidémies , et particulièrement dans une commune voisine d’Elbeuf , où il était rare qu'il n’y eût qu'un ou deux malades dans chaque famille. J'ai vu jusqu’à huit malades dans une seule maison. Quant au traitement employé par les divers praticiens , je ne balance pas à le dire, je lai vu partout douteux, embarrassé, et cependant j'ai remarqué qu’on était générale- ment ramené à la médecine d'observation et aux opinions de Pinel et de M. Chomel son élève. Convenons donc qu'il manque encore à la science des données suffisantes pour justifier une théorie , et pour guider dans la pratique, lorsqu'il s’agit de ces grands désordres de l'organisme. POLICE MÉDICALE. TABLE DE SECOURS. Par M. POUCHET. L'application du calorique a une si manifeste puissance pour la revivification des noyés , que les médecins l'ont tou- jours considérée comme le premier et le plus énergique des moyens à employer, et aucune objection ne s’est jamais élevée contre cette pressante indication. Si l’on y réfléchit, cependant, on trouvera que , de la manière dont le service est actuellement organisé , cet agent énergique est rarement à la disposition des secouristes. On ne peut guère compter sur la température atmosphérique, parce que les accidents arrivent aussi bien en hiver qu'en été, et même , dans cette dernière saison , ils se présentent souvent à des heures de la journée où l'air est beaucoup trop froid. Le noyé est transporté dans un corps-de-garde , ou chez quelque particulier. Dans le premier lieu, il règne, il est vrai , une température salutaire , mais, malheureusement , l'air y est complètement méphytisé, et par cela même plutôt funeste qu'utile au malade. Chez un particulier , il est rare 56 ACADÉMIE DE ROUEN. que l’on tronve immédiatement le moyen d’échauffer le lieu où il est déposé, Si jamais il est permis de pouvoir adminis- trer la chaleur avec efficacité, ce sera quand , comme cela existe chez nos voisins , on aura érigée des endroits spéciaux disposés pour s’échauffer instantanément, et qui seront pour- vus d'appareils pour propager le calorique. Les principaux moyens préconisés pour réchauffer les noyés , sont l'application de vessies remplies d’eau , de fers à repasser, de la bassinoire , de l’appareïl de Chaussier , de cuirasses creuses , et enfin l'usage de l’appareil de la ville de Hambourg. Tous ces moyens sont extrémement défectueux, selon nous. Les vessies, ainsi que l’a reconnu le docteur Marc, pré- sentent de grands inconvénients, parce qu'elles sont atta- quées promptement par les vers , et que l’eau , en s’échap - pant , se répand sur l’asphyxié. En outre, il est impossible, par leur emploi , de réchauffer les parties postérieures du tronc , et elles ne peuvent agir que sur une surface fort peu étendue. Les fers à repasser et la bassinoire offrent aussi ces der- niers inconvénients, quoiqu'ils soient d’une utilité réelle ; leur action n'étant pas continue sur la même place , ils n’échauffent jamais qu’une petite partie du corps à la fois, qui, après qu’elle a subi leur influence , se refroidit promp- tement ,et, d’ailleurs, à moins de retourner l’asphyxié et de le tenir dans une position génante, on ne peut pas les ap- pliquer à la région postérieure du corps. L'espèce de bain de vapeur proposé par Chaussier pour réchauffer le malade, est extrémement difficile à appliquer , soit parce qu'on ne possède pas les appareils nécessaires , soit parce qu'on ne peut pas être assez maître de la température , et que bientôt elle dépasse la normale salutaire , et devient nuisible en accélérant trop la circulation et la respiration ; d’ailleurs , les nombreuses couvertures dont il faut recouvrir CLASSE DES SCIENCES. 57 le malade, employées pour ce moyen, pèsent sur sa poitrine, et, en comprimant les organes qu’elle contient, ralentissent le rétablissement de leurs fonctions. En outre, comme M. Marc l’a reconnu, l'emploi du bain de vapeur gène l'application des autres moyens, ce qui lui fait préférer la chaleur sèche, avec beaucoup de raison ; selon nous, la vapeur nuit à la respi- ration cutanée, et doit être bannie sévèrement. Les cuirasses creuses en étain ouen cuivre, que l’on remplit d’eau thaude , et que l’on place sur la poitrine et le ventre de lasphyxie, ont le grave inconvénient , signalé par M. Marc, de gêner les mouvements d'inspiration, et par cela même de s'opposer au succès du traitement. Reste à mentionner l'appareil à réchauffer , de la ville de Hambourg, proposé à la Société humaine de Londres par le mécanicien /arvey. Cet appareil est, en somme, une bai- gnoire à double paroi que l'on remplit d’eau chaude , et au fond de laquelle on place le malade ; il s’y réchauffe bien , il est vrai, et y éprouve l’action salutaire de la cha- leur sèche. Mais , placé dans la profondeur de cet appareil où il est étroitement posé comme un cadavre dans son coffre, l'emploi de tous les moyens accessoires est paralysé; les frictions , les mouvements nécessaires pour établir la respi- ration , ne peuvent pas être employés avec persévérance Sila situation du corps sur le fond de la baignoire n'est pas favo- rable , et la tête étant enfoncée dans cet appareil , il devient difficile d’administrer des médicaments au malade ou de passer des sondes dans sa bouche pour effectuer laspira- tion ; puis il faut certainement, pour remplir cet appareil , une grande quantité d’eau, et, par cela même , un temps assez considérable se passe avant qu’on ait chauffé cette eau au degré qu'il est nécessaire qu’elle ait acquis pour être em- ployée ; enfin, les secousses que l’on fait éprouver au noye pour le placer dans l'appareil de la ville de Hambourg et l'en extraire, doivent être défavorables à son rétablissement. 58 ACADÉMIE DE ROUEN. Ces considérations nous ont donné l’idée de faire construire une table mobile , renfermant dans son milieu un réservoir en cuivre étamé, occupant juste l’espace représenté par la surface du corps , et pouvant , en un temps fort court, ré- chauffer d'une manière continue toute la partie postérieure du noyé, c’est-à-dire celle contre laquelle il est presque impossible d’agir par les moyens proposés. Voici les avan- tages que cette table mobile nous paraît offrir sur les appa- reilsque nous venons de citer : s 19 D’agir sur toute la partie postérieure du corps , région que , par les procédés que nous avons à notre disposition , il est impossible de réchauffer d’une manière constante, excepté avec l'appareil de Hambourg ; 2° D'incliner à volonté et sans secousses le corps du noyé ; 3° De mettre la tête et le corps de lasphyxié exactement à la hauteur qui convient au médecin pour pratiquer l'aspiration, la respiration artificielle ou les autres secours, condition fondamentale à cause de la durée de ceux-ci, et de la lassitude que les assistants peuvent éprouver en les administrant ; 4° De ne demander que fort peu d’eau chaude , moins d’un pied cube ( 1080 pouces environ ), et, par conséquent, d’of- frir des secours plus rapides ; 5° De ne point échauffer la tête , et par conséquent de ne point y augmenter la congestion du sang, qui s’y manifeste si souvent ; 6° De pouvoir , en inclinant beaucoup la table , faire subir à la partie antérieure du corps l’action du feu d’une che- minée , si on le juge convenable ; 7° Par la disposition inclinée de la table, de rapprocher le corps le plus possible de la perpendiculaire, et de diminuer par cette position l’afflux du sang vers le cerveau; 8° De procurer une chaleur qu'il est facile de graduer à volonté, à l’aide du thermomètre annexé au bassin qui contient l’eau ; CLASSE DES SCIENCES. 59 9° Enfin , de pouvoir se tenir constamment chaud, à l’aide d’une lampe posée en dessous. Avant de faire connaître l'appareil que j'ai l'honneur de soumettre à l’Académie, j'en ai présenté le plan au docteur Marc, qui a jeté de si vives lumières sur l’art de secourir les noyés : ce savant m'a écrit que cet appareil lui paraissait remplir complètement le but auquel je le destine, et être, sous plusieurs rapports, supérieur à celui dont on se sert à Hambourg ; mais il ajouta qu’un médecin de Clermont lui ayant présenté une machine destinée au même usage que la mienne , il désirait que je lui en envoyasse un modèle pour Ja faire exécuter en grand, et s'adonner à des essais compa- ratifs sur les deux inventions. Ce petit modèle est destiné au célèbre médecin; mais je me rejouirai s'il trouve l'appareil de mon compétiteur plus parfait que le mien , car ce n’est point le désir de produire des innovations qui m'a animé , mais l'intention d'être utile, et de voir enfin s'organiser un service qui ne nous laisse plus craindre que ; sur nos rivages , des noyés expirent faute de secours. Je dois ajouter qu'aussitôt que M. le préfet connut le désir de M. Marc, il mit à ma disposition les fonds nécessaires pour l'exécution de plusieurs de ces modèles ; c’est un témoi- gnage que je me plais à rendre à ce magistrat, dont le zèle éclairé s'occupe activement de tout ce qui peut contribuer à la sécurité publique. OBSER VATION SUR UNE PLAIE PÉNÉTRANTE DE L'ABDOMEN. INTÉRESSANT L’UTÉRUS, SUR UNE FEMME ENCEINTE DE HUIT MOIS ET DEMI. Par M. AVENEL, D..M. P. Les plaies pénétrantes de l'abdomen sont des blessures réputées , en général, fort graves; mais, comme cette règle peut souffrir des exceptions , il en résulte que le pronostic est 4 priori, pour le chirurgien, d’une extrème difficulté. Tous les auteurs s'accordent, avec raison, à rapporter la gravité de la lésion à l'importance fonctionnelle des organes atteints, aux nombreuses sympathies qu'ils entretiennent , et surtout aux conséquences ultérieures qu'ils peuvent entrainer. Je vais démontrer, par la communication d’un fait tout récent, qu’à cet égard il ne peut y avoir encore rien d'absolu, et que les complications les plus redoutables peuvent trouver, dans la nature, des ressources précieuses sur lesquelles l'homme de l’art n’oserait rationnellement compter. Le 20 mai dernier, vers onze heures du matin, je fus ap- pelé auprès de la fille H., couturière , âgée de vingt ans, en- te] ceinte pour la première fois, et arrivée à huit mois et demi CLASSE DES SCIENCES. 61 de grossesse , pour remédier aux suites d’un accident très grave qui venait de lui arriver peu d’instants auparavant; elle s'était étourdiment précipitée à une fenêtre occupée déjà par un cordonnier tenant à la main son tranchet , et l'instrument avait pénétré dans la cavité abdominale de cette femme à la profondeur de sept centimètres, autant que je pus en juger par les traces du sang déposé sur la lame, et mieux encore par ses dimensions comparées à l’étendue de la plaie. Au moment où j'arrivai près de la malade, je la trouvai couchée sur son lit et dans l’état suivant : paleur de la face, lipothymie, vomissements, tremblement nerveux, traces abondantes de sang répandues sur la chemise et les autres vêtements ; douleurs très vives dans le ventre vers les ré gions ombilicale, lombaire, inguinales et hypogastrique, sentiment de pesanteur vers le siége , accidents survenus im- médiatement après la blessure. L'examen du ventre me permit de reconnaître une dis- tension énorme de ses parois, déterminée par la grossesse fort avancée de la fille H. Vers l’ombilic, existait une masse épi- ploique , du volume d’un gros œuf de poule , ayant fait her- nie à travers la plaie. En soulevant, avec difficulté, la base de cette tumeur , je reconnus la présence d’un anse d’intes- tin grêle, appartenant à l’iléum , cachée entièrement par l’épiploon hernie. L'intestin était sain et n'avait point été di- visé par l’instrumeut tranchant; la plaie, au lieu d’être li- néaire , comme aurait dù le faire supposer la forme de l'agent vulnérant, était tout-à-fait circulaire, par suite de la distension considérable de l'abdomen qui tiraillait, en sens inverse , les lèvres de la solution de continuité. En interrogeant la fille H., j'appris d’elle que, au mo- ment où l'accident avait eu lieu, l'utérus était porté en avant et un peu à droite, mais qu’aussitôt après, cet organe, déplacé par suite de contractions douloureuses et des mou- 62 ACADÉMIE DE ROUEN. vements tumultueux du fœtus , qu'il m'était facile de sentir moi-même , s'était alors logé entièrement dans l’hypocondre et Ja fosse iliaque gauches, et qu’à l'instant le paquet épi- ploïque et intestinal avait fait hernie à travers la blessure ; chaque mouvement d'inspiration , quelque faible qu'il fût, en faisait sortir une plus grande quantité. La plaie, située à onze millimètres en dehors , et un peu au-dessous de l’ombilic, avait deux centimètres un quart d’étendue; elle était obliquement dirigée de bas en haut, suivant la direction des dernières fibres du muscle grand oblique, d'avant en arrière et de dedans en dehors, sur le côté droit de la ligne blanche avec l'axe de laquelle elle for- mait un angle d'environ quinze degrés. L'instrument avait intéressé, de dehors en dedans , la peau, le tissu cellulaire sous-cutané , les rameaux de l'épigastrique qui le tapissent, les branches vasculaires et nerveuses susaponévrotiques de la même origine, l'aponévrose, toute l'épaisseur du muscle sterno-pubien droit, le péritoine et l’utérus immédiatement placé derrière lui pendant l’état de gestation dans les derniers mois ; l’extrémité supérieure de la solution de continuité se trouvait donc à un peu moins de trois centimètres du tronc de l'artère épigastrique. Conformément aux règles de l’art , je procédai à la réduc- tion des parties herniées ; en conséquence , je soulevai, en bas , par son côté le plus accessible, la base de la tumeur , et, à l’aide d’une sonde de femme , je pus faire rentrer , avec assez de facilité, l’anse intestinale sortie la dernière ; mais, quels que fussent mes efforts, la distension des parois du ventre s’opposa à la réduction de la masse épiploïque, dont un tiers seulement put suivre l'intestin : une portion repous- sée faisait ressortir avec plus de force celle précédemment introduite. Le temps pressait, je ne pouvais laisser plus long-temps l'air extérieur en contact avec Île péritoine ; je me décidai donc , eu égard au rôle peu important du paquet CLASSE DES SCIENCES. 63 graisseux qui forme l’épiploon, à retrancher tout ce qui ne pouvait être réduit, en ayant soin de maintenir comprimé fortement dans l'ouverture tout ce qui pouvait se présenter au tranchant des ciseaux. Un écoulement de sang, très abon- dant d’abord , mais réprimé bientôt par la compression et application d’une éponge imbibée d’eau froide , fut le seul accident auquel j'eus à m’opposer. Je procédai ensuite à la gastroraphie, qui n'offrit de véri- tables difficultés à vaincre, en raison de la tension si con- sidérable des parois du ventre. Je fis choix de la suture en- tortillée , comme la plus capable de résister aux violents efforts de traction que la parturition prématurée devait né- cessairement amener. À défaut d’aiguilles, j'employai de fortes épingles d'Allemagne pour la réunion de la plaie dont les lèvres eurent une peine extrême à se rapprocher, malgré les soins d’un aide intelligent. La résistance énorme qu’of- frait le tissu cutané voisin de l'ombilic, rendit cette partie de l'opération longue et laborieuse; trois ou quatre épingles phèrent sans pouvoir pénétrer. Enfin la suture fut achevée ; trois épingles, placées à égale distance, excepté vers la partie inférieure de la solution de continuité, pour laisser, à tout évènement ; une issue facile à un liquide épanché , réunirent la plaie aussi exactement que je pouvais le désirer, à l’aide d'un fil entrecroisé au devant de chacune d’elles. L’extrémité accrée des épingles retranchée à l’aide d'une tenaille inci- sive , je placai sous elle un petit rouleau de linge, autant pour préserver l’ombilie saillant de leur contact douloureux, que pour prévenir leur fuite au moment des inspirations. Une compresse enduite de cérat constitua tout l'appareil , at- tendu qu'outre la saignée que je pratiquai de suite, deux apphcations successives de vingt sangsnes chaque tois, furent prescrites autour de la plaie, pour prévenir la péritonite traumalique , qui ne manque jamais , en pareil cas , d'arriver. La position de l'utérus avant la blessure, son déplace- 64 ACADÉMIE DE ROUEN. ment instantané, les mouvements désordonnés du fœtus, les douleurs utérines, lombaires , iliaques, le poids existant sur le siége , et plus encore l'écoulement sanguin abondant par les parties sexuelles, tout mettait hors de doute la lésion de la matrice. Quel était son siège? Probablement la face antérieure et supérieure. Quelle était son étendue ? À deux ou trois millimètres près, la même que celle de la plaie extérieure , puisque, en cet endroit, l'épaisseur des parties molles externes n’est guère que de quelques millimètres , et que l'utérus, dans l’état nor- mal de gestation, est immédiatement situé derrière les muscles droits de l'abdomen. Quelle était sa profondeur ? D’un peu plus de cinq centi- mètres environ. Une certaine portion des eaux de l’amnios s’était-elle épan- chée au dehors de la matrice ? J’ai lieu de le supposer à l’aug- mentation de volume du ventre. Le fœtus était-il lui-même atteint ? Le palper médiat sem- blait faire reconnaître tout-à-fait à gauche la face postérieure du tronc du fœtus, mais cette position était-elle bien la même que celle qu’il occupait au moment de l'accident? Il était impossible de le savoir, puisque, d’après la déclara- tion de la malade, et pour moi-même, il était évident que les mouvements désordonnés du fœtus avaient dû modifier sa position primitive. Ce qui me semblait hors de doute , c’est que l’accouche- ment prématuré devait être la conséquence inévitable de la blessure. Peu d’instants suffirent pour confirmer cette opi- nion ; des douleurs d’expulsion se manifestèrent presque aussitôt, et revinrent toutes les dix minutes. Diète et repos absolu au lit, la tête fléchie sur la poi- trine, les jambes demi-fléchies sur le bassin , pour mettre les muscles abdominaux dans le relâchement et rendre moins CLASSE DES” SCIENCES. 65 pénible le tiraillement des lèvres de la plaie par les épingles ; cataplasmes émollients sur le ventre, autant pour s'opposer au développement de la péritonite que pour favoriser lécou- lement sanguin ; boissons délayantes. Telles furent les pres- criptions. La nuit fut fort agitée; les douleurs lombaires d’expul- sion furent assez vives ; la fièvre s’alluma ; l’intumescence du ventre devint considérable , mais sans douleur ; le pourtour de la plaie n'offrait d'autre sensibilité au toucher que celle occasionnée par les morsures des sangsues. Le 21, à six heures du matin, les contractions utérines devinrent plus fréquentes ; mais Pabaissement et la dilata- tion du col ne s’opérèrent que vers quatre heures après midi. Jusqu à ce moment, la malade avait suivi le conseil que je lui avais donné, d'etre, autant que possible, passive dans l'acte de Ja parturition, c'est-à-dire de ne faire aucun effort pour pousser , comme le disent les femmes ; mais alors il lui devint impossible de résister au besoin de contracter les muscles du ventre : un aide fut charge de comprimer fortement, non la plaie, mais son voisinage , en poussant les téguments vers l’ombilic pour prévenir la déchirure des lèvres et l'issue nouvelle des viscères. Vers onze heures du soir, la tête avait successivement franchi le détroit supérieur , l'excavation pelvienne, et se trouvait arrêtée par les bosses pariétales au détroit infé- rieur , où elle menacait de faire un long séjour. La malade, épuisée par trente-cinq heures de souffrances et d’insomnie, par d’abondantes saignées , par une diète inusitée pour elle, oubliant toute prudence, faisait, pour être plus prompte- ment debarrassee, des efforts si violents, qu'ils allaient indu- bitablement compromettre le succès de l'opération. J’appli- quai de suite le forceps , et, à onze heures et demie, j'avais recu un enfant du sexe masculin , cg état de mort ap- parente, par suite de la longueur du traail et de Ja compres- ) 66 ACADÉMIE DE ROUEN. sion qu’avaient exercée autour du cou deux circulaires du cor- don ; mais l’'insufflation pulmonaire et des frictions irritantes sur le thorax ne tardèrent pas à le rappeler à la vie. L’exa- men que je m'empressai de faire m'apprit que l'enfant avait échappé à l’action de l'instrument tranchant. Le placenta éprouvant un retard dans son expulsion, j'opérai la délivrance artificielle , et je pus m’assurer que son implantation avait eu lieu au-dessus de lasymphyse pubienne, vers la partie la plus déclive de la face antérieure de l'utérus, circonstance d’autant plus heureuse , que le délivre, par sa position, s'était trouvé à l'abri de toute lésion. En soumettant la blessure à un nouvel examen , j'eus la satisfaction de reconnaître que rien, dans les rapports des lèvres de la plaie, n'avait changé, et que, désormais affranchi de la distension par la diminution subite du volume du ventre et la retraction des parois utérines , je n'avais plus à redouter la reproduction de la hernie et l’'épanchement abdominal à travers l'ouverture traumatique de l'utérus , laquelle devait être singulièrement diminuée d’etendue. A dater de ce moment , les seuls accidents que j'aie eus à combattre consistèrent en symptômes de métrite, accompa- gnés de fièvre , de suppression des lochies, de météorisme partiel du ventre, principalement dans la soirée et la nuit du 23 au 24, époque de la réaction communément désignée sous le nom de fièvre de lait. Ces différents symptômes cé- dèrent promptement aux moyens appropriés. Le 27, je retirai les épingles ; un suintement purulent résultant de leur présence continua pendant trois jours en- core, et le gonflement douloureux qu’elle avait occasionne se dissipa par l'emploi des cataplasmes incessamment appliqués depuis l'opération. Le jour de l'extraction des épingles, la malade put prendre quelques LR légers et rester assise, légère- ment courbée en aväfit, dans un fauteuil , pendant plusieurs heures, sans fatigue. CLASSE DES SCIENCES. 67 Enfin, le 31 mai , c'est-à-dire dix jours précisément après l'évènement qui avait si gravement compromis sa vie, la femme H°*, entièrement guérie, put sortir et reprendre ses occupations habituelles. Réflexions. A l'exception du fait consigné en 1839, par M. le docteur Pigné , cette observation, Messieurs, est une des plus remar- quables que la science possède : elle vient appuyer l'authen- ticité de celle publiée par Reichard, au mois d’août 1735, et dont la terminaison fut heureuse, bien que les complications qui la suivirent en eussent fait désespérer. Dans cette his- toire de la femme d’un aubergiste, l'utérus > en effet, n’a- vait été traversé que par quelques grains de plomb sortis d'un pistolet; par conséquent, l'épanchement consécutif devait être nal, ou du moins fort peu considérable , si l’on compare l'étendue des différentes blessures. Dans celle dont vous venez , Messieurs, d'entendre les détails, la section n'a pas dû offrir une étendue de moins de deux centimètres , et cependant , à part les symptômes de métrite promptement combattus par les antiphlogistiques , les accidents consécu- tifs, grâces à l’énergie du traitement, ont été à peu près nuls. Cependant, Messieurs , je ne m'étais fait aucune illusion sur la terminaison probable d’une pareille blessure, que la complication formidable d’une grossesse aussi avancée rendait, pour ainsi dire , essentiellement mortelle. Les hémorragies , l’étranglement possible des parties réduites , l’inflammation suraiguë du péritoine, les épanche- ments de nature diverse, déterminés, soit par Ja lésion des parois utérines , si abondamment gorgées de liquides à cette Le) époque de la gestation , soit par les eaux de l’amnios ; l'ou- verture d'un ou plusieurs sinus utérins, la lésion du placenta, l'accouchement prématuré , les efforts considérables, surtout C8 ACADÉMIE DE ROUEN. chez une primipare, pouvaient déchirer les points de suture , et reproduire la hernie plus forte qu'auparavant; la section des parois utérines pouvait s’agrandir pendant le travail , et faire passer le fœtus dans la cavité abdominale, comme dans les déchirures spontanées de la matrice , circonstance qui entrainait absolument l'opération césarienne. Je ne m’é- tais, en aucune manière, fait illusion, je le répète, sur la gravité des conséquences d'un pareil accident. En envisageant l’heureuse terminaison que je viens de si- gnaler , Messieurs , à votre attention, je pourrais me fehci- ter doublement de pouvoir vous la soumettre ; car, en géné- ral, les faits de ce genre sont excessivement rares ; ils réclament une réunion de circonstances fort difficiles à ren- contrer, en raison des soins attentifs dont les femmes prètes à devenir mères sont l’objet. La situation profonde de la matrice dans l’état de vacuité la met à l’abri de la plupart des agents vulnérants à l'action desquels les parties les plus superficielles sont exposées, tan- dis que, dans l’état de grossesse , n'étant plus protégée par une couche épaisse de parties molles et par l'enceinte osseuse du bassin , placée au contraire derrière des muscles distendus et amincis , les corps extérieurs, même ceux qui agissent avec le moins de force , peuvent étendre leur action jusqu à cet organe , et entraîner des conséquences funestes, quelque légères que soient les contusions les plus simples. Arrétons-nous un instant sur quelques particularités im- portantes sous le rapport pratique. Ya-t-ileu ou non épanchement, soit de sang , soit des eaux de l'amnios , hors de la cavité utérine ? Je le suppose ; mais il a dû être assez faible, attendu que le déplacement de l'utérus , déterminé par les mouvements du fœtus , a, sans doute , reporté Lutérus vers un point quelconque des parois du ventre fortement distendues, lesquelles ont dù opposer un obstacle à l'issue des liquides. CLASSE DES SCIENCES. 69 Dans le traitement de cette blessure , je me suis involon- tairement écarté du précepte qui veut qu’on réduwiseen entier l'épiploon quand il est sain. Devais-je , pour «Nr + grais- seux à peu près sans utilité, fatiguer long-temps encore la malade , par des manœuvres pénibles , toujours sans succés , et mettre sa vie en danger en multipliant les causes d'inflam- mation déjà si menacantes ? Le résultat a prouvé que j'avais agi convenablement. La confiance et la docilité de la malade n'ont été , du reste, d’un puissant secours. Elles tenaient, en partie, à Pigno- rance complète du danger auquel elle était exposce. Elle n’en fut instruite qu'après sa convalescence. On m’adressera peut-être le reproche de n'avoir pas pro- fité de l'introduction de la main dans l'utérus, au moment de la délivrance forcée, pour rechercher le point et l'étendue de la lésion interne. Elle était, pour moi, tellement manifeste, que je n'ai pas dû , pour une vaine satisfaction d’amour- propre, où pour un motif tout speculatif de science , com- promettre l'existence de la femme H. Je me serais exposé à détruire le caillot ou le rudiment de cicatrice qui pouvait déjà réunir les bords de l'ouverture. Les plaies pénétrantes des organes abondamment pourvus de vaisseaux d’un certain calibre dans les trois cavités splanchniques, doivent être res- pectés par le chirurgien , et j'avais encore présentes à la mé- moire les savantes discussions soutenues à l’Académie de médecine, en 1820, dans une circonstance trop mémo- rable. Dès à présent, Messieurs, nous avons donc le droit de modifier le pronostic si fâcheux de ces sortes de lésions , et de nous féliciter de pouvoir vous fournir une nouvelle preuve de la puissance de la nature si ingénieuse à réparer. Mais une considération non moins importante ressort de ce fait pour la médecine légale : certes, au moment où je fus appelé près de la femme H., si, au lieu de constater les suites d'un ac- 70 ACADÉMIE DE ROUEN. cident fortuit , j'eusse été requis judiciairement d'enregistrer le résult n crime ou d’une rixe , j'aurais inévitablement porté x? mi des plus graves, des plus désespérés méme , et mes conclusions eussent recu un éclatant démenti. Ces erreurs sont toujours préjudiciables aux gens de l’art, dont les décisions devraient être absolues aux yeux des lé- gistes, et plus fâcheuses encore pour les prévenus , dont elle aggravent nécessairement la position. 0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-9-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-G-0-0-0-0-0-0-G-G-0-0 MÉDECINE LÉGALE. SUSPICION D'EMPOISONNEMENT PAR L'ARSENIC ; RAPPORT CONTRADICTOIRE Par MM. BLANCHE, MORIN #r J. GIRARDIN. — Séance du 17 Mar 1839. — De toutes les questions pour lesquelles la société réclame les lumières des médecins et des chimistes , il en est peu qui aient autant d'importance et de gravité que celles qui sont relatives au crime d’empoisonnement. Une terrible responsa- bilité pèse alors sur les hommes que la justice charge de la mission de faire apparaître l'innocence ou la culpabilité de ceux qui sont sous le poids d’une pareille accusation , puisque le rapport des experts, dans les affaires de ce genre, est presque toujours la pièce capitale du procès. Malheureusement , il faut bien le dire , la justice ne trouve pas toujours des interprètes dignes d'elle, non pas, toutefois, 2 ACADÉMIE DE ROUEN. 4 sous le rapport de la conscience et de la probité, mais sous celui du savoir et de la circonspection, Et ce qui le prouve, c’est le nombre assez considérable de jugements portés par des experts de province , qui sont annuellement réformés par les rapports contradictoires des chimistes plus expérimentés de Paris et des grandes villes des départements. Ilest facile, d’ailleurs, de concevoir qu’en s'adressant à des médecins et à des pharmaciens de petites villes , qui ont rarement l'oc- casion de faire des travaux de médecine légale, et surtout de toxicologie , pour lesquels il faut tant de tact et d’expé- rience , et qui, en outre, n'ont pas à leur disposition les instruments et les réactifs indispensables en pareil cas, les tribunaux du ressort s’exposent continuellement à n’obtenir que des renseignements inexacts, ou tout au moins incom- plets. Il n’en serait plus de même si, dans toutes les affaires de ce genre, Messieurs de la justice choisissaient leurs experts dans les chefs-lieux de Cour royale, puisque là existent des pharmaciens instruits, des professeurs de chimie et des médecins attachés à de grands hôpitaux. 11 y aurait, dans cette mesure, si elle était adoptée généralement, un double avantage , à savoir : De ne pas prolonger indéfiniment la captivité d’un accusé, souvent innocent , et d'apporter plus de célérité et d'économie dans l'instruction des affaires criminelles. L’humanité et la chose publique seraient ainsi toutes deux satisfaites. C’est là un point sur lequel nous nous permettons d'appeler les méditations de MM. les procu- reurs généraux. Ces réflexions nous sont suggérées par ce qui vient de se passer tout récemment dans une petite ville du ressort de la Cour royale de Rouen. Une femme meurt presque subite- ment, après avoir mangé d'une soupe préparée par elle : sa domestique est gravement indisposée ; un chat de la maison meurt de la même mort. Aussitôt le bruit d’empoisonnement se répand. La justice informe, Des experts déclarent, dans CLASSE DES SCIENCES. 73 leurs rapports, qu’il y a eu empoisonnement par l'arsenic. Le mari, chez lequel on a trouvé de l’arsenic qu'un épicier lui a vendu pour détruire les souris de son habitation , est soup- conné , malgré sa réputation d’honnêteté et une vie irrépro- chable , et gardé en prison pendant près de quatre mois. Il va paraître en Cour d’assises , lorsque la Chambre des mises en accusation, remarquant des contradictions , des points obscurs et douteux dans les rapports des experts , charge MM. Blanche, Morin et moi , d'émettre une opinion motivée sur ces rapports , et d’en discuter avec soin la valeur. II ressort de cet examen que rien n'autorise la pensée d’un em- poisonnement par l’arsenic ! Qu’ajouter après un pareil fait, dont les annales de la justice criminelle offrent, d’ailleurs, chaque année , plus d'un exemple? Il est utile , il est sage de rendre publics les faits de ce genre, pour l'instruction de messieurs de la justice , et pour celle des personnes qui sont dans le cas d'être appelées à témoigner devant les tribunaux. Nous allons donc donner connaissance à l’Académie des rapports des experts de B*, établissant l’'empoisonnement de la femme $*, et du rapport contradictoire qui a été rédigé par nous et remis à la Chambre des mises en accusation. Il y a autant d'intérêt dans la refu- tation d’une erreur que dans la découverte d'une vérité nouvelle. 1°, Rapport DE MM. Les MépeciNs DE B*. « Nous soussignés D”*, médecin à B*, et N°, médecin à B*, « certifions que , sur la réquisition de M. le substitut du « procureur du roi, nous nous sommes transportés aujour- « d’hui, en la commune de *, audomicile de M. L**, proprié- = «taire, pour visiter le cadavre de Madame A. S", son « épouse, morte le 21 janvier dernier, à six heures du soir, 74 ACADÉMIE DE ROUEN. «à la suite d'accidents de nature à faire suspecter un «empoisonnement, et pour constater la cause de sa mort. « « « 2 « Arrivés vers 11 heures du matin, nous avons trouvé MM. le juge d'instruction et le substitut, et l’on nous a donné, en leur présence, les renseignements suivants , que déjà l’un de nous, médecin ordinaire de la défunte, connaissait. « Madame L” préparait habituellement elle-même les mêts, et elle se faisait à part de la soupe, lorsque , le 18 janvier dernier, le matin, elle fit de la soupe pour le déjeùner des personnes de la maison, et s'en prépara pour elle-même dans un vase à part. Elle était ce jour-là occupée, avec sa domestique, à faire du pain, en sorte qu’elles vinrent toutes les deux déjeñner après que les autres personnes avaient terminé leur repas et étaient sorties. Madame L' mangea la soupe qu'elle s’était préparée, et la domestique mangea celle que lui avaient laissée les personnes de la maison. Madame L* méla le reste de sa soupe avec celle de la do- mestique ; la domestique en ayant auparavant mangé sufli- samment,ne mangea qu’une ou deux cuillerées de ce melange. « Peu de temps après , la maitresse et la domestique furent prises de vomissements. Madame L” dit qu’elle pensait qu’on lui avait joué un mauvais tour. Les accidents de la ser- vante cessèrent, mais ceux de la maitresse persistant , M. D* fut appelé trente heures après le développement des accidents. M. D* la trouva dans un état inquiétant. Il fut rappelé le 21 janvier le matin ; il trouva Madame L* sans connaissance ; il annonça une mort prochaine, qui en effet survint le jour même, vers six heures du soir. « Un chat , ajouta-t-on, présumé avoir mangé de la même soupe que la servante avait laissée , était mort. « Après ces renseignements, nous avons pénétré dans une chambre où était le cadavre ; il était dans un lit, « Nous l'avons fait transporter dehors et mettre sur une table : puis nous avons procédé à son examen. CLASSE DES SCIENCES. 75 « Le cadavre est celui d’une femme de soixante-neuf à « soixante-dix ans , de petite stature, d’un embonpoint pro- «noncé, morte, nous a-t-on dit, depuis quarante-deux heures. « Il exhale une odeur fétide; il présente un aspect bleuâtre 2 « dans toutes ses parties ; l’épiderme se détache avec facilité ; «il offre un emphysème général ; une sérosité sanguinolente « découle de la bouche et des narines ; le cadavre est dans = « un état de putréfaction avancée. « Le crâne est peu développé; ses parois sont minces. « Les lobes antérieurs du cerveau sont très peu développés. « La pie-mère est injectée ; de la sérosité sanguinolente se « remarque entre les circonvolutions et dans les ventricules « du cerveau. « La bouche, le pharynx et l’œsophage sont dans l’état naturel , ainsi que la trachée artère et les bronches. «Le ventricule gauche du cœur est vide ; sa membrane « interne, ainsi que celle de la crosse de l'aorte et du com- « mencement de l'aorte pectorale , sont d’un rouge vif; le A « ventricule droit contient peu de sang. «Les poumons sont gorgés de sang et entrent en putréfaction. « L’estomac contient une petite quantité d'un liquide bru- « nätre qui a été recueilli et déposé dans une bouteille ; la membrane muqueuse de cet organe présente de nom- « breuses ulcérations , de forme irrégulière, d’une à deux « lignes de diamètre , offrant , les unes, un aspect blanchätre , « les autres un aspect brunâtre; n’intéressant que la muqueuse «etsituées, pour la plupart, dans la grande courbure de l’esto- « mac. La membrane muqueuse de cet organe offre également « denombreuses ecchymoses noirâtres, dont trois plus grandes « de deux à trois lignes de diamètre , et situées dans le petit « cul-de-sac de estomac. « L’estomac a été déposé dans un vase particulier. « Les intestins grèles contiennent un liquide brunätre qui «acte depose dans une bouteille, 56 ACADÉMIE DE ROUEN. «La membrane muqueuse du duodenum offre trois ecchy- « moses noirâtres ; la muqueuse du jejunum et celle de l’iléon « ne présentent rien de remarquable. « Les intestins gréles ont été déposés dans un vase. « Les gros intestins n’offrent rien qui soit digne de remarque. « Le foie entre en putréfaction. Le pancréas, les reins, la « vessie, sont dans l’état naturel. Les deux angles supérieurs « de la matrice sont squirrheux. Autopsie du Chat. « Les organes contenus dans la poitrine et l'abdomen nous «ont paru sains, à l'exception de la membrane muqueuse de « l’estomac qui nous a présenté, vers le pylore, deux plaques « blanchâtres entourées d’un cercle brunâtre de deux à trois « lignes de diamètre. « L'estomac a été déposé dans un vase; cet organe était « dans l’état de vacuité, A « Les intestins grêles contenaient un liquide brunâtre qui « a été deposé dans une bouteille et conservé. « D’après les circonstances commémoratives , d’après la « coïncidence de la mort du chat, présumé avoir mangé du « mélange de la soupe de Madame L”,avec celle de la ser- «vante ; d’après les désordres offerts par l'estomac de cet animal; d’après les symptômes observés sur la domestique « qui a mangé du mélange de la soupe de sa maîtresse avec « la sienne ; d’après les symptômes qu’a présentés Madame L* « pendant la vie; d'après l’état avancé de la putréfaction du « cadavre, eu égard à Ja température de l’atmosphère et au «moment de la mort; d'après l’inflammation de la mem- « brane interne du ventricule gauche du cœur et de celle « du commencement de l'aorte; d’après les nombreuses ulcé- «rations et ecchymoses que présente la membrane muqueuse « de l’estomac ; CLASSE DES SCIENCES. 77 « Nous pensons que la mort de cette femme est le résultat « d’un poison que nous présumons étre une préparation ar seni- « Cale ; nous reposant, du reste, pour en déterminer la na- «ture, sur les expériences chimiques qu’un pharmacien «expert doit faire sur les liquides et les organes que nous « avons conservés avec soin, et qui ont été confiés à M. le « juge d'instruction , qui les a cachetés. « A S....., le 23 janvier 1839.» 2°, RappontT Du PHARMAGIEN DE B*. « Requis le 26 janvier 1839 , par M. O*, juge d'instruc- tion près le tribunal civil de B°, de procéder en sa presence à l'analyse chimique de substances déposées dans huit vases cachetés et étiquetés ainsi qu'il suit : Estomac (dans un pot); Contenu de l'estomac : liquide brunâtre, pesant quarante grammes ( dans une bouteille ) ; Intestins gréles ( dans un pot )6 Contenu des intestins gréles: liquide brunäâtre pesant trente-six grammes ( dans une bouteille ) ; Gros intestins ( dans un pot); Estomac du chat ( dans un verre ); Contenu de l’estomac et des intestins du chat: liquide brunâtre , mais bien moins chargé en couleur que les prece- dents, pesant vingt-six grammes ( dans une bouteille ) ; Crème : il y en avait net quatre kilogr. trois cent vingt grammes ( dans une cruche de grès) ; « Le contenu des cinq premiers vases avait été extrait du cadavre de Madame A. S”, supposée empoisonnée , femme du sieur J. B. V. L', de la commune de S”. « Le contenu des sixième et septième avait été extrait d'un chat, trouvé mort au domicile du dit sieur L”, et aussi supposé empoisonne, 78 ACADÉMIE DE ROUEN. « Le huitième enfin { la crème) avait été saisie au même domicile. « L'analyse n’a été commencée que le 28 du même mois. « L'arsenic étant presque toujours ce qui est employé dans les empoisonnemens, l'habitude que j'ai depuis longues années de voir les désordres qu’il cause aux organes , et aussi l'habi- tude de faire des analyses, m'ont porté à faire mes premières recherches plus particulièrement sur cette substance. « J'ai procédé ainsi qu'il suit : « Comme l'organe qui présentait le plus de traces inflam- matoires était l'estomac, c’est sur lui que j'ai plus spéciale- ment dirigé mes expériences. Il ne contenait aucun liquide. Je l'ai ouvert dans toute son étendue et examiné avec le plus grand soin, tant à l'œil nu qu’à l’aide d’une bonne loupe, pour m'assurer si quelque substance minérale n’adhérait point à sa surface. « Mes recherches de ce côté ont été tout-à-fait infruc- tueuses ; ensuite je lai partagé en deux parties égales , et j'ai enlevé d’une des parties les places enflammées , et les ai sou- mises, pendant une heure , à l'action d’une suffisante quantité d’eau distillée bouillante ; lalbumine s’est coagulée ; j ai passé dans un linge fin. « Le liquide était légèrement coloré en jaune , et avait l'as- pect de bouillon : je l'ai décoloré et filtré. « J'ai soumis une partie de ce liquide à l’action d’une solu- tion très étendue de sulfate de cuivre ammoniacal , et sur-le- champ le mélange s’est coloré en vert; il y a eu, après quelques heures de repos, un précipité à peu près impercep- tible de même couleur. « Une autre partie soumise à l’action de l’eau de chaux, a laissé apercevoir un léger précipité blanc. « Une autre partie , traitée par la potasse pure, et la dis- solution de nitrate d'argent, a donné aussi un peu , mais bien peu, de précipité de couleur jaune, mais qui bientôt a pris une teinte noire par l’action de l'air. CLASSE DES SCIENCES. 79 « Ces trois réactifs »1'indiquaient bien la présence de l'ar- senic ; mais les doses des précipités étaient si faibles, qu elles n’ont rien produit quand il s'est agi d'obtenir le métal et l'odeur alliacée , caractères particuliers de cette substance. « Une autre partie a été traitée par l'eau hydrosu'furée (acide hydrosulfurique) très chargée, réactif dont l'énergie est reconnue par tous les chimistes pour indiquer d’une ma- nière certaine la présence de l’arsenic. « Ce réactif a troublé très légèrement en jaune le liquide soumis à son action ; quelques gouttes d’ammoniaque ajoutées au mélange ont paru le décolorer, et l’addition de quelques gouttes d'acide hydrochlorique ont aussi paru faire renaitre la couleur. « Je dis ont paru , parce que la marche de l’action de ce puissant réactif, dans cette expérience , n’a pas été pour moi tranchée d’une manière assez positive. « Après quatre à cinq heures de repos, il s’est formé un peu de précipite; mais il y en avait si peu qu’à peine pouvais- je l'apercevoir ; il était de couleur jaune un peu foncée. Je l'ai recueilli sur un très petit filtre, et j'ai été obligé ensuite de couper le papier tout autour, ne pouvant l'avoir au- trement. « Le peu de papier contenant le précipité a été mélé avec le plus grand soin à du sous-carbonate de potasse sec et du charbon, et introduit dans un tube fermé par lun de ses bouts , et préalablement enduit de lut (d’après le procédé in- genieux de mon honorable confrère et ami M. Boutigny, pharmacien distingué à Evreux), et effilé par lPautre bout quand le mélange y a été mis. « Ce tube ainsi disposé, j'en ai chauffé la base jusqu’au rouge, et l'ai maintenu en cet état environ une demi-minute; alors je l'ai retiré et l’ai laissé refroidir ; ensuite , j'ai enlevé le lut; mais i/ne s'est pas trouvé de couche métallique dans l'intérieur du tube. attribue la non réussite de cette expé- 80 ACADÉMIE DE ROUEN. rience au peu de matière suspecte que j'avais, de même que pour les précipités obtenus par les trois premiers réactifs employés. J'ai cassé le tube ci-dessus décrit; j'en ai mis les morceaux dans une capsule de verre avec une dissolution de sulfate de cuivre ammoniacal. Après six heures de repos, la couleur n’a pas changé. « M. le juge d'instruction m'avait engagé à n’agir que sur moitié des objets qu'il me remettait; mais, m’eétant assuré de la trace de l'arsenie , je croyais qu'avec plus je pourrais arriver à l'obtenir à l’état métallique. Je lui en fis part, et il m'autorisa à employer le tout. Les places enflammées étaient assez nombreuses , mais elles avaient fort peu détendue , ce qui donnait peu de prise à l’action des réactifs. « Je pris les places enflammées de la partie réservée de l'estomac ; j'y joignis celles qui se trouvaient sur les intestins gréles ; elles étaient au nombre de trois, et avaient deux à trois lignes de diamètre ; et aussi deux de même dimension qui existaient sur l’estomac du chat; jugeant ces dernières, par le peu d’étendue qu’elles avaient , et surtout par la fai- blesse des traces produites par elles, que toutes les recherches que l’on ferait sur cet organe seul seraient absolument nulles. « J'ai opéré sur les parties ci-dessus détaillées comme je l'avais fait, à cette seule différence que la plus grande partie a été traitée par l’eau hydrosulfurée ; le mélange s’est com- porté comme dans la précédente épreuve. « Mes espérances d’avoir assez de produits pour obtenir l'état métallique ont été trompées, car le précipité formé n'était pas sensiblement plus considérable que celui de la pre- mière experience ; il en était de même, en proportion, pour les autres, « Les parties de l'estomac qui n'étaient point enflammées , le liquide qu'il contenait, les parties non enflammées des in- testins grèles , le liquide qu’ils contenaient, les gros intestins , le contenu de l'estomac et des intestins du chat, et enfin la CLASSE DES SCIENCES. 81 crème, ont été soumis séparément à l'analyse; aucune trace de substance vénéneuse ne s’est montrée dans le cours des opérations. « Toutes les parties enflammées de l’estomac, celles des intestins grèles et de l'estomac du chat, après avoir subi l’action de l’eau distillée bouillante, ont été desséchées , cou- pées , et traitées d'après le procéde de M. Rapp, modifié par M. Orfila, pour obtenir de l’arsenite. Ce procédé n’a rien produit. «J'avais conservé une petite partie du liquide suspect, voulant voir si quelque autre préparation n'aurait point été employée. J'en ai soumis la moitié à l'action des réactifs indi- quant la présence du mercure ; mes essais n'ont rien produit, « Le reste du liquide a été traité par lacide nitrique pur, our voir si je n’apercevrais point de traces de poisons végé- taux’, tels que la morphine , la strychnine, etc. Je n’ai rien remarqué. « D’après les traces d’arsenic , pour moi non équivoques, obtenues dans mes analyses , et aussi eu égard aux désordres de l'estomac , désordres que j'ai souvent observés, 724 Con- viction intume est que c'est l'arsenic qui les a causés, et que, si j'avais eu à agir sur une plus grande masse , je serais par- venu à l'obtenir à l’état métallique. « B..., le 15 février 1839. » RAPPORT CONTRADICTOIRE De MM. BLANCHE, MORIN et J. GIRARDIN. Nous soussignés, Antoine Blanche, docteur-médecin, Bon- Etienne Morin , pharmacien, et Jean-Pierre-Louis Girardin, professeur de chimie , nommés par arrêt de la Chambre des mises en accusation de la Cour royale de Rouen, en date du 6 82 ACADÉMIE DE ROUEN. 16 avril 1839, pour émettre notre opinion sur deux rap- ports , dans un cas de suspicion d’empoisonnement , faits, lun à S°, le 23 janvier 1839, par MM. les médecins D* et N°, et l’autre à B*, le 15 février 1839 , par M. L*, phar- inacien ; Après avoir prêté serment entre les mains de M. Boivin- Champeaux, conseiller commissaire, nous sommes réunis pour remplir la mission qui nous a été confiée, Après avoir attentivement examiné les deux rapports ci-dessus indiqués, les soussignés ont exprimé les opinions suivantes : Les symptômes de l’empoisonnement lui sont communs avec ceux d’un assez grand nombre de maladies ; les lésions, telles que rougeurs , ulcérations , etc., qui peuvent être ob- servées à la surface de la muqueuse de l'estomac ou des in- testins , ne sont pas toujours le résultat nécessaire de l’action d'un corps vénéneux. Il est plusieurs maladies à la suite des- quelles on observe des lésions de cette nature : la gastrite aiguë, la fièvre typhoïde, etc., etc. Les soussignés s’étonnent donc que, sur des indices aussi vagues, les docteurs D” et N° aient cru pouvoir regarder la mort de la femme S* comme le résultat d’un empoisounement; ils s’étonnent bien plus encore qu'ils aient pu signaler l’arsenic comme l’agent de cet empoisonnement , car , dans les lésions observées , pas plus que dans les symptômes qui ont précédé la mort, les sous- signés n’apercoivent aucun phénomène qui appartienne plus à l’action de l’arsenic qu'à celle de plusieurs autres corps vénéneux , où même qu'à l'effet naturel de certaines maladies ou fièvres de mauvais caractère , etc. Quant au rapport de M. L*, pharmacien, sur la nature des matières contenues dans l’estomac et les intestins de la femme S*, voici ce que nous avons à dire: 1. N'ayant point indiqué les moyens de décoloration mis en usage sur le décoctum de lestomac , l'expert aura pu être induit en erreur ; s’il a employée du charbon animal ordinaire; CLASSE DES SCIENCES. 83 et, s'il a versé seulement de l’eau de chlore dans la liqueur , il est certain que, par un semblable moyen, il n’a pu déco- lorer complètement le liquide. La décoloration n’eût été com- plète qu'autant qu'ileût fait passer , pendant quelque temps, un courant de chlore dans ce décoctum. Ce mode de trai- tement possédait encore l’avantage de précipiter toute la matière animale. 2. L'emploi du sulfate de cuivre ammoniacal ne peut don- ner aucune indication exacte pour la recherche des poisons arsenicaux, quand ces poisons sont dissous dans des li- quides animaux , attendu que ceux-ci, chargés de matières organiques ou de chlorures ou de phosphates , présentent toutes les reactions que lexpert dit avoir obtenues. Ce réactif n'a de valeur qu'autant que larsenic est à l’état d'isolement dans de l’eau pure. Nous ajouterons que, du moment que, dans une réaction chimique , il se produit un précipité , quelque imperceptible quil soit, il est possible de le recueillir et d’en constater la nature. 3. L'eau de chaux est un réactif sans valeur dans le cas dont il s’agit, car elle fournit des précipités blancs dans presque tous les liquides animaux, et avec une foule de com- posés qui ne renferment pas d’arsenic. 4. Nous n’entrevoyons pas ce qui a pu conduire l’expert à employer simultanément la potasse et le nitrate d’argent , puisque ces deux réactifs réagissent immédiatement l’un sur l'autre , et produisent un précipité olivâtre dont la couleur est d’ailleurs modifiée suivant la nature du liquide au sein duquel s'opère la précipitation. Le nitrate d'argent est un réactif très défectueux, à cause des chlorures et des phos- phates que l’on rencontre dans tous les liquides animaux , et qui donnent des précipites blancs ou jaunâtres qui res- semblent beaucoup à l’arsenite d'argent. 5. Aucune des réactions obtenues par l'expert au moyen du sulfate de cuivre ammoniacal , de l’eau de chaux et du C YA ACADÉMIE DE ROUEN. nitrate d'argent, ne peut prouver qu'il y avait de l’arsenic dans le liquide qu’il examinait , puisque , comme nous venons de le dire , les caractères que lui ont fournis ces trois réactifs peuvent être produits par bien d’autres composés que ar- senic. Les conclusions que tire l’expert sont donc erronées et empreintes d’une légèreté coupable Nous répèterons encore que les précipités , si faibles qu'ils fussent, pouvaient étre recueillis, et, s’ils avaient renfermé de l’arsenic, même dans des proportions très minimes , des fractions de grain, l'expert aurait obtenu le métal, et par suite l’odeur alliacée , et les autres caractères propres à ce métal. 6. L'emploi de l'acide hydrosulfurique , réactif très sen- sible pour la recherche de larsenic, ne donne point lieu instantanément, sans le concours de la chaleur ou l’addition de l'acide hydrochlorique, à un précipité jaune. Le préci- pité jaune que l'expert dit avoir obtenu pouvait appartenir à toute autre substance que l’arsenic, puisque les sels de cadmium et de deutoxide d’étain donnent, avec l'acide hydro- sulfurique, un précipité jaune ressemblant au sulfure d’arse= nie , et que les sels d'antimoine donnent un précipité jaune rougeâtre dont la teinte se rapproche beaucoup de celle de ce composé arsenical, quand le précipite est faible et mé- langé de matières étrangères. D'ailleurs , l'acide hydrosulfu- rique seul peut donner lieu à un précipité d’un blanc jau- nâtre quand on le verse dans un liquide acide, où qu'on l’abandonne à Pair pendant quelque temps. Quand un liquide renferme de l’arsenic , en aussi petites proportions que ce soit, il ne peut y avoir d'équivoque lorsqu'on emploie l'acide hydrosulfurique d’une manière convenable , attendu qu’on obtient toujours, dans ce cas, un précipité d’un beau jaune , soluble dans l’ammoniaque , et susceptible de reparaître par l'acide hydrochlorique, et cela indéfiniment. Il est toujours possible de recueillir ce préci- CLASSE DES SCIENCES. 85 pité pour pouvoir le soumettre à la calcination Nous disons donc que les résultats signalés par l'expert, en employant l'eau hydrosulfurique, sont sans valeur. 7. L'expert dit qu'après quatre à cinq heures de repos , il s’est formé un peu de précipité, mais qu'il y en avait si peu, qu'à peine il pouvait l’apercevoir. Puis il ajoute qu'il était d'une couleur jaune un peu foncée. W# en avait donc assez pour pouvoir l’apercevoir. L'expert. ébmme on le voit, tombe dans de singulières contradictions. 8. L'expert ayant recueilli le précipité sur un filtre, coupé celui-ci et l'ayant mélansé avec du sous-carbonate de potasse sec et du charbon dans un tube à calcination , puis ayant chauffé ce tube jusqu’au rouge pendant une demi-mi- nute, il n’a point observé dans ce tube de couche métallique. Le tube cassé et mis dans une dissolution de sulfate de cuivre ammoniacal, la couleur n’a pas changé après six heures de repos. Donc, il n’y avait pas d’arsenic : telle devait être la conclusion de M. L*; telle est la nôtre, ce que nous n’hé- sitons pas à affirmer. {7 n’y avait pas d'arsenic. L'expert attribue la non-réussite de son opération au peu de matière qu'il avait pu recueillir. Nous disons, nous, quil aurait pu obtenir l’arsenic à l'état de métal, s’il y en avait eu dans cette matière , quelque faible qu'elle fût, car il est parfaitement établi qu’on peut obtenir une couche métallique avec moins de 1/120° de grain de poison arsenical. 9. Les usages suivis avec raison jusqu'ici dans les exper- tises de chimie légale, font un devoir à l'expert de réserver toujours une portion des matières qu'on lui a confiées, et, dans aucun cas, il ne doit les employer en totalité. Nous re- grettons que M. le juge d instruction ait cru devoir céder au désir de l'expert , et qu'il n'ait pas plutôt nommé un autre expert plus habile pour faire de nouvelles recherches sur le restant des matières. 10. Nous ne pouvons nous empècher de blämer l'expert 86 ACADÉMIE DE ROUEN. d’avoir confondu, dans ses expériences, les matières prove- nant du chat avec celles provenant de la femme S”; car il pou- vait arriver que le chat eût été empoisonné pour avoir mangé des boulettes de mortaux rats où même une souris déjà em- poisonnée par ces boulettes, et que la femme n’eût pas été empoisonnée, En mélangeant donc les matières provenant des deux cadavres , l'expert s’exposait à trouver du poison, appartenant fniquement au chat, et qu'il aurait attribué au cadavre de la femme. Ce n’est pas avec cette légèreté qu'on doit procéder dans des affaires d’où dépendent l'honneur et la vie d’un homme. 11. L'expert dit avoir employé le procédé de Rapp , mo- difié par M. Orfila , pour obtenir de l’arseniie. Nous remar- querons que ce n’est pas de larsenite , mais bien de l’arse- niate, fort différent, qu’on obtient par le procédé de Rapp. 12. L'expert ne dit pas comment il a agi pour constater la non-existence d’un poison mercuriel. Dans un rapport de chimie médico-légale, on doit toujours relater, dans le plus grand détail, la série des opérations pratiquées. Anssi, par la manière dont s'exprime l'expert, nous ne pouvons dire s’il a bien ou mal opéré, relativement à la recherche d’un autre poison que l’arsenic. 13. Le procédé de l’expert, pour s'assurer de la présence de poisons végétaux, est tout-à-fait défectueux , et ne pou- vait lui donner aucun bon résultat. Ce n’est pas par l'acide nitrique qu’on traite les matières dans lesquelles on recherche les alcalis végétaux , et cet agent ne peut fournir aucune in- dication dans ce cas. En terminant ces observations sur le rapport du pharma- cien de B*, nous croyons qu'il est de notre devoir de de- clarer que l'expert n’a pas suivi, dans ses recherches, la marche rationnelle qu'on doit toujours adopter dans les tra- vaux de ce genre ; et, pour nous , son rapport 7 4 aucune valeur. CLASSE DES SCIENCES. 87 4 Il résulte de l'examen auquel nous venons de nous livrer, que , puisque , D'une part, les symptômes observés chez la femme S”, avant sa mort, et les lesions que présentaient les différentes parties de l'appareil digestif, ne sont pas le résultat néces- saire de l’action d’un corps vénéneux; Et que, d'autre part, les résultats des expériences chi- miques sont si peu concluants ; Rien ne pouvait autoriser les experts à déclarer que la mort de ladite femme S* a été Ja suite d’un empoisonne- ment par larsenic ; et nous n'hésitons pas à affirmer ici qu'aucune des expériences auxquelles s’est livré le pharma- cien de B* n'a eu pour résultat de démontrer la présence de l’arsenic dans les matières confiées à ses recherches. Nous terminerons ce rapport en exprimant le regret amer qu'un homme qui se dit fort habitué à des travaux de cette nature , ait montré, dans une aussi grave circonstance , une légèreté si coupable, une insuffisance si manifeste. La science et l'humanité ont droit même de s’offenser qu'une contradic- tion aussi évidente règne entre la conclusion du rapport de cet expert et le résultat des expériences qui l'ont precéde. Fait à Rouen, le 27 avril 1839. Signé: BLancne, Morin, J. GIRARDIN. — Quelques jours après la remise de ce rapport, la J I chambre des mises en accusation a rendu M. L* À la liberté, ATETE TE TETETETETETETET ET. TELLE TE TT TETE Te TT 0e EE LE BESE OR RER GE RER SATA MÉMOIRE SUR LES COUPEROSES DU COMMERCE ; Par M. F. PREISSER. Srance du 26 avril 1839. De tous les sels employés dans les arts, il en est peu, sans contredit, qui aient autant d’usages que la couperose verte (sulfate ferreux). On en emploie tous les jours d’é- normes quantités dans les ateliers de teinture et dans les fabriques d’imdiennes. Ce sel constitue la base des teintures en noir et en gris ; il sert à obtenir les couleurs olive, les violets et les bru- nitures; mélé avec la chaux et lindigo , il forme les cuves d’indigo à froid; il entre dans la préparation du bleu de Prusse; par sa calcination on obtient, à Nordhausen, l'acide sulfurique connu sous le nom d’acide sulfurique de Saxe, et le colcothar employé dans la peinture ; combiné à une matière astringente , il est la base de l'encre ; dans les fabriques de porcelaine , il est employé pour précipiter, deses dissolutions métalliques et en poudre très fine, l’or destiné à être fixé par la cuisson sur les porcelaines. Ce sel, par son importance, mérite donc de fixer toute l'attention des chimistes et des manufacturiers. CLASSE DES SCIENCES. 89 Ces derniers accordent souvent une préférence exclusive aux couperoses de telle ou telle fabrique. Quelquefois aussi ils les emploient indifféremment, et cependant elles sont loin d'offrir la même composition. Les unes , excellentes pour ob- tenir sur les tissus un noir bien intense, ne conviennent plus comme matière désoxigénante ; d’autres, et surtout les cou- peroses renfermant du cuivre, du sulfate de peroxide de fer et de l’alun, sont impropres à la préparation des cuves à in- digo. Aucun auteur , que je sache , n'a fait de travail spécial sur le sulfate de fer, Les différents chimistes qui en ont parlé dans leurs écrits se sont contentés d’en décrire les caractères dis- tinctifs, sans en classer les différentes espèces, et sans indiquer les substances étrangères qui s’y trouvent. L'Académie de Rouen avait bien senti toute l'importance de cette question industrielle , quand , en 1829 et 1830 ,elle proposa, pour sujet de prix, la question suivante : « Établir la différence chimique qui existe entre les sul- fates de fer du commerce, particulièrement entre ceux que lon extrait des pyrites et terres pyriteuses et ceux que l’on obtient directement de la combinaison du fer, de l'acide sulfurique et de l’eau. On devra, non seulement indiquer cette différence par rapport aux diverses quantités d’acide sulfurique , d’oxide de fer et d’eau qui entrent dans la com- position de ce sel, mais examiner s’il n’est pas, parfois, mélangé et combiné avec des substances étrangères prove- nant des matières employées à sa préparation ; et, en sup- posant ce fait démontré, déterminer quelle doit être l'in- fluence de ces substances dans les différents emplois du sul- fate de fer, tels que le montage des cuves d’indigo, la préparation des mordants, les différentes teintures, afin de connaitre positivement si la préférence accordée au sulfate de fer de certaines fabriques est fondée et justifie suffisam- ment la grande élévation de son prix , ou si elle tient seule- 90 ACADÉMIE DE ROUEN. ment à un préjugé, comme cela a lieu pour les aluns de Rome , à l’égard de ceux de France. « En supposant toujours qu'il existe , dans le sulfate de fer des corps étrangers, rechercher des moyens faciles et écono- miques pour les en séparer, ou pour en neutraliser les mau- vais effets, et tels que les sulfates de fer les moins estimés , étant traités de cette manière, présentent des résultats aussi avantageux que les autres , et sans que le prix en ait été beaucoup élevé. » L'intérêt que présente , pour les manufactures , la solution de cette question, engagea l'Académie à la mettre deux années de suite au concours. Aucun mémoire ne fut envoyé. La longueur du travail, la difficulté de se procurer tous les échantillons de couperose nécessaires , devaient en être ; en partie, la cause. J'ai pensé que ce serait être agréable à l’Académie que de lui présenter les résultats que j'ai obtenus ; heureux si, par mes efforts à remplir son but, je puis parvenir à mériter sa bienveillance. J’ai profité de la belle collection de coupe- roses qui se trouve dans le laboratoire de chimie de M. Gi- rardin. Je n’ai pas hésité, d’après les conseils de mon maitre, à me livrer à un travail qui, outre son étendue, présentait encore de graves difficultés , et j'ai dû souvent recourir à ses avis , à son expérience, pour les surmonter. Dans le commerce, on distingue plusieurs sortes de coupe- roses : 1° Les couperoses de Picardie ; 2° » de Forges; 30 » de Paris, partagées en couperoses de fabrique et en couperoses de refonte. 4° » de Honfleur , partagées de même ; Bo » d'Angleterre ; 6° » d'Allemagne. CLASSE DES SCIENCES. 91 Avant de parler de ces différentes espèces de couperoses, et d'en indiquer la nature et les propriétés, je donnerai d’a- bord les caractères de la couperose pure. J'ai traité un excès de limaille de fer bien pure par de l’acide sulfurique étendu d’eau, La liqueur étant neutre , j'ai filtré rapidement et fait cristalliser. J'ai repris les cristaux par de l’eau, et je les ai soumis à une nouvelle cristallisation, pour les obtenir exempts de toute substance étrangère. Pour être plus certain encore de la pureté de mon sel, j'ai suivi le procédé de Berthemot pour sa préparation. J’ai fait dissoudre , dans 550 p. d’eau distillée, 500 p. de sulfate de fer parifié, et j'ai jeté dans la liqueur 8 p. de limaille de fer. Après quelques instants d’ébullition , j'ai filtré dans un vase renfermant 375 parties d'alcool à 36°, et 8 p. d'acide sulfu- rique; par l’agitation, des cristaux de sulfate de fer se sont déposés. Ce sel, sous la forme de prismes rhomboïdaux transpa- rents, à une couleur d’un vert d'émeraudebleuitre et clair. Berzelius dit qu'il contient 45 p- 0/0 d’eau de cristallisation. Mitscherlich en admet 42,08 p. 0/0. Toutefois , d’après ce dernier chimiste , si la dissolution est saturée au point d’ébul- lition et abandonnée au repos , à 6°, on obtient des cristaux qui diffèrent des précédents par leur forme et la quantité d’eau qu'ils renferment. Je fus curieux de déterminer la quantité d’eau de cristal- lisation existant dans ce sel, quand on le sature à froid et qu'on le fait concentrer. Je préparai moi-même de la cou- perose très pure. La moyenne de quatre observations a été de 46,40 pour 0/0. * Cette couleur claire du sel pur n’est pas admise dans le com- merce. La couperose de cette teinte n’est pas vendable. De là l'idée de colorer les cristaux pour satisfaire au goût des acheteurs. 92 ACADÉMIE DE ROUEN. Les couperoses du commerce sont toutes impures. Les substances qu’on y rencontre le plus fréquemment , sont : un excès d’acide, du sulfate de peroxide de fer , des sels de zinc, — de manganèse ;, — d’alumine (de lalun) , — de chaux, — de magnésie. La couleur de ce sel indique déjà en partie sa nature. Certaines couperoses sont en gros cristaux d’une couleur vert pré. Ceux-ci ne s’effleurissent que très lentement au contact de l'air. Au bout d’un temps assez long, ils blan- chissent légèrement , mais ne se recouvrent que plus tard d'une couche ocreuse. Ils ne rougissent que peu la teinture de tournesol. Les couperoses de cette apparence contiennent du sulfate soluble de peroxide de fer (sulfate ferrique ), probablement combiné au sulfate de protoxide. D’autres couperoses sont d’un vert clair, bien transpa- rent, mais elles se recouvrent bientôt de poudre et de sous- sulfate de peroxide de fer (sulfate se-ferrique. ) Ces coupe- roses ne renferment primitivement que du sulfate de pro- toxide ; mais ce dernier , en s’effleurissant , s’oxide et se trans- forme en sel double ferroso-ferrique. Cette espèce de vitriol est très acide , et généralement moins pure que la première. Il est très difficile de dépouiller les couperoses des sels étrangers qui les accompagnent, car la plupart cristallisent en même temps qu'elles, et se dissolvent aussi facilement. Les sels de cuivre seuls, qui sont nuisibles dans bien des cas, sont précipités en grande partie par des lames de fer qu’on plonge dans la dissolution du vitriol. Le fer oxide s’unit à l'acide sulfurique abandonné par le cuivre. Les couperoses blanchâtres, fortement acides, ne con- viennent pas pour la plupart des teintures. Elles contiennent CLASSE DES SCIENCES. 93 un excés d’acide sulfurique qui attaque le coton ou les étoffes, et rend ces substances dures et cassantes. On prépare en grand le vitriol vert de deux manières. Dans les laboratoires et dans les fabriques , aux époques où la consommation en est très grande , on l’obtient direc- tement en faisant réagir l'acide sulfurique étendu d’eau sur de la vieille ferraille. Cette sorte de couperose d'un vert bleuätre est assez pure; on l’emploie presque toujours sur les lieux mêmes , etelle nest pas très commune dans le commerce. L'autre procédé est exécuté partout où l’on trouve du sulfure de fer (pyrites.) En France, dans les départements de l'Oise, de l'Aisne et de l'Aveyron, on expose les pyrites en tas au contact de l'air. Elles s’effleurissent et se transforment en sulfate de fer. La dissolution de ce sel contient une assez grande quan- tité de cuivre, dont une portion cependant a été précipitée par l'immersion de lames de fer dans les eaux de lessivage. Elle renferme aussi de lalun qui cristallise. avec le sel ; aussi n'est-il pas rare d’y rencontrer des cristaux d’alun blancs et isolés. Il est probable que la présence de lalun dans les couperoses , tient à un vice de fabrication, comme l’observe M. Guibourt. * A Beauvais et dans toute la Picardie , au lieu de faire con- centrer les eaux de lessivage des schistes pyriteux, pour obtenir le sulfate de fer et laisser dans les eaux mères le sulfate d’alumine incristallisable par lui-même, on ajoute de suite dans la liqueur de la potasse pour former de l’alun, qui cristallise plus facilement que le sulfate de fer. On concoit que les eaux mères en doivent retenir une partie qui reste : Histoire abrégée des Drogues simples, par G. Guihourt , t.1, page 219. 94 ACADÉMIE DE ROUEN. avec les cristaux de ce dernier sel, quand la liqueur est con- centrée jusqu'à 36° , terme auquel elle est à pellicule. Les schistes pyriteux utilisés en Picardie à la préparation des couperoses renfermant beaucoup de substances étran- gères , le sel que l’on obtient est toujours très impur. Il est nécessaire, avant de l’employer dans certains cas, de le purifier, c’est-à-dire de le mettre en contact avec du fer, pour en pre- cipiter le cuivre. Examinons actuellement la nature des diverses espèces de couperose. Les couperoses de Picardie se partagent en : Couperose Noyon, O » Noyon, OC » Noyon, R Couperose Mairancourt, O0 » Mairancourt, PS » Saint-Urcel, CF Couperose de Montatère , La couperose de Noyon 0 est en petits cristaux, entre- mélés de fragments brunâtres presqu’en poudre. Elle est d’un vert päle , très efflorescente. Elle a beaucoup de res- semblance avec la couperose de Honfleur. Sa saveur est atramentaire ; elle rougit le papier de tournesol et a une légère odeur de mélasse. J'ai cherché à reconnaître d’où pouvait provenir cette couleur d’un brun foncé dont certains cristaux sont revétus. Je les ai traités par de l’alcool faible, j'ai filtré et évaporé la liqueur jusqu’en consistance sirupeuse. La matière avait une saveur sucrée ; elle possédait tous les caractères de la mélasse; mise en contact avec une matière fermentescible, elle s’est transformée en alcool. Ainsi, les fabricants, pour masquer la couleur pâle de leur couperose, la colorent avec de la mélasse. Cette addition n’est pas très prononcée pour la couperose de Noyon O, CLASSE DES SCIENCES. 95 mais elle est plus forte pour d’autres espèces que j'ai exa- minces, et dont la plupart des cristaux en sont entièrement recouverts. Cette coloration artificielle à cependant un côté utile. Les* cristaux, ainsi revèétus d’un vernis protecteur , rendus gras comme on le dit dans le commerce, s’oxident bien plus difficilement. Les fabricants emploient encore un autre subterfuge pour cacher la couleur trop claire de leurs cristaux, provenant de leur trop grande acidité. Ils colorent la couperose avec une décoction de noix de galle, qui forme à sa surface un tannate de fer qui la rend très foncée. Dans le commerce, on n’estime que les couperoses d’une couleur foncée, et l'on n’accepterait qu'avec répugnance des sels possédant la teinte d’un léger vert bleuätre du sulfate pur. Aussi les fabricants sont-ils obligés de colorer artifi- ciellement la couperose , même quand elle est sensiblement exempte de matières étrangères. Il est du reste facile de re- connaître la coloration au moyen de la noix de galle, On prend les cristaux les plus foncés; on les place dans un verre, et on les recouvre d'alcool à 30°. Au bout de peu de temps et par l'agitation, ils perdent une grande partie de leur couleur brune. Ils deviennent d’un vert transparent. L’alcoo] surnageant a une teinte d’un brun sale. On décante et on évapore doucement la liqueur jusqu'à siccité, on re- prend par l’eau et on filtre. La liqueur donne un précipité noir avec les sels de fer; elle précipite en blanc par Palbu- mine et la gélatine. J'ai déterminé ensuite la quantité d’eau contenue dans la couperose de Noyon O. Cette quantité s'élève à 46,25 p: 0/0. La proportion de sulfate ferreux a éte obtenue en calcinant dix grammes du sel dans un creuset de platine, et pesant le résidu ocreux, Ce résidu est du peroxide de fer méle avec lalumine, le cuivre, le manganèse, existants primitive- 96 ACADÉMIE DE ROUEN. ment dans la couperose. J'ai analysé ce résidu par les moyens les plus exacts connus en chimie. La détermination qui m'a présenté le plus de difficulté est celle du sulfate de peroxide de fer. Il était important de dé- terminer la proportion de ce sel dans les différentes espèces de couperose. Le sulfate ferreux est seul utile dans la cuve d’indigo à froid , et on risquerait de perdre beaucoup de cette matière colorante, si l’on employait un vitriol trop oxigéné. L'indigo non attaqué tomberait au fond , et serait rejeté avec le dépôt formé au fond de la cuve. Henri Rose, dont l'excellent ouvrage mérite toujours d’être consulté quand on s'occupe d'analyses , dit que la détermina- tion des proportions d’oxide ferreux et d’oxide ferrique dans une substance , présente de nombreuses difficultés. Il indique le moyen suivant, qui m'a servi dans tous mes essais. J'ai eu occasion de m'assurer maintefois de son exactitude; mal- heureusement , il est loug et d’une pratique assez diffcile , et, sous ce rapport, il ne pourrait guère être suivi par des manufacturiers, souvent peu au fait des manipulations chi- miques. Je répéterai ici, en peu de mots, le moyen analytique indiqué par Henri Rose ! : On pèse une quantité déterminée de couperose ou de sub- stance renfermant les deux oxides de fer; puis on chasse l'air d’un petit flacon, en y faisant arriver un courant d'acide car- bonique. On y verse ensuite la quantité d’eau nécessaire pour dissoudre la couperose, et, après l'introduction de cette dernière , on bouche le flacon bien hermétiquement. On est ainsi sûr que l'air n’a pas oxigéné l’oxide ferreux. Quand la dissolution est bien opérée , on débouche le flacon , et on le ’ Traité pratique d'Analyse chimique, par Henri Rose, t. 2, page 79. CLASSE DES SCIENCES. 97 remplit promptement d’eau tenant en dissolution autant de sulfide hydrique que possible. Cette dissolution doit être très claire et exempte de soufre en liberté. On bouche de suite le flacon, etmême, pour plus de sûreté, on noue autour du bouchon une vessie de cochon mouillée, L'eau devient lai- teuse , mais elle s’éclaircit, au bout d’un certain temps, et laisse déposer du soufre ; ce dernier provient de la ré- duction de l’oxide ferrique par le sulfide hydrique. Lorsque le soufre s'est déposé, on décante la liqueur claire, on la filtre , aussi rapidement que possible, à travers un petit filtre pesé sur lequel on lave le soufre. On le pèse bien exactement , après l'avoir desséche à une douce chaleur. Il faut ensuite le brüler pour voir s’il est pur Par le poids du soufre , on trouve aisément la quantité d’oxi- gène de loxide ferrique qui s’est combiné avec l'hydrogène du sulfide hydrique pour produire de l'eau. L'oxide ferrique a été ramené à l’état d'oxide ferreux. La quantité d’oxide ferrique contenue dans la substance essayée est donc à celle du soufre obtenu comme le poids atomique de loxide ferrique est à celui du soufre. 10 grammes de couperose de Noyon O me donnèrent un résidu de soufre pesant 0,, 07. Il faut donc établir la proportion suivante : x : 08 07 :: 978,426 poids atomique de l’oxide ferrique : 201,165 poids atomique du soufre x —= 08 3404. D'où il suit que cette couperose renferme 35, 404 p. 0/0 de sulfate ferrique. Une autre méthode , indiquee par Berzelius , pour isoler et doser l’oxide ferrique d'un mélange des deux oxides de fer, n’est pas applicable dans ce cas : elle consiste à dis- soudre les deux oxides dans l'acide chlorhydrique , à in- troduire la liqueur dans un flacon prive d'air avec une quan- tité pesée d’argent métallique en poudre trés fine. Cet argent 98 ACADÉMIE DE ROUEN. réduit le chloride ferrique en chlorure ferreux, en passant lui- même à l’état de chlorure argentique. D’après l'augmentation en poids de l'argent, on détermine le poids de l'oxide ferrique. D'après les expériences de M. Chevreul, l’oxide ferrique a seul la propriété de se combiner avec les tissus. Ce chimiste a vu qu'un morceau de toile, plongé au milieu d’une solution de sulfate ferreux pur, dans un flacon bien bouche, et ne ren- fermant pas d’air , n'avait pas absorbé , au bout d’un an , de quantité notable de ce sel. La toile retirée du flacon et lavée ne manifestait pas, par les réactifs, la présence du fer. On pourrait se servir de cette propriété pour déterminer la quantité d’oxide ferrique dans une couperose On ferait une solution d'une quantité déterminée du sulfate à essayer ; on la mettrait en contact avec un morceau de toile dans un vase bien bouché. Le sulfate ferrique étant absorbé seul, on en doserait la quantité en calcinant le tissu dont on aurait -déjà déterminé le poids des cendres. Le premier poids moins le deuxième donnerait la quantité d’oxide ferrique existant dans la couperose, et par cela même la proportion de sulfate ferrique. Voici quelle est la composition en centièmes de la cou- verose de Noyon 0. Eau de cristallisation et excès d’acide. . + + : 46,250 sCulfate enrenx entries Aher:: bs 44,050 Sulfate ferrique .u. sens. be + eh page 3,404 Sulfate se-ferrique insoluble. . - + + + : - 0,584 Sulfate cuivrique. « + + + + + + = + + + + 0,820 Alune V2 ie nee pe Me) ce L'ile 4,034 Sulfate de manganèse . + - + + + + + + + traces. Sulfate destchauxe . (ie «ec -Nellatene » Sulfatemde.zinC., - ere cote 2e 0,120 99:259 Perte. ... 0,741 100,000 CLASSE DES SCIENCES. 99 Cette couperose on menu sel de Noyon a une valeur de gf.les 100 kilo. Elle est principalement employée par les teinturiers. Les fabricants d’indiennes préfèrent , et avec raison , les couperoses de refonte en beaux cristaux , beaucoup plus pures et renfermant moins d’alun. La couperose de Noyon , intitulée O C, se présente sous forme de cristaux d’un vert clair, entremélés d’un grand nombre de fragments plus foncés. Cette couperose est moins efflorescente que la couperose O ; elle rougit fortement la teinture de tournesol. Son odeur est peu prononcée, Ses cris- taux sont colorés artificiellement par la noix de galle, comme je m'en suis assuré par l’analyse. Sa composition se rapproche de celle de la couperose de Noyon 0. Elle renferme sur 100 parties, Eau de cristallisation et excès d'acide. : : - . 47,12 Sullatemferreuxe 22000 HR er. AUOT Suite fenrique 5 440.2 120. 1,61 Suliate Fse-ferrique. |:,2 +. 2120. ss à 0,48 Sulfate, cHivrique.. à; + = = mn," eur vi 1,24 ANUS DO ER NES. Déene PEE NS S ce &,00 Sulfate de manganèse. . . . . . : + . . . 0,12 Sulfate de RCA, 2002 0 MATE LE, de » SUIFATE deAZINC LT ee NP EUR. a ils » 9938 Pertes. Sr 0,63 100,00 La couperose de Noyon , intitulée couperose R , se pré- sente en beaux cristaux d’un vert d’eau bleuâtre, sans mélange de petits fragments. Ces cristaux sont transparents , très peu efflorescents , légèrement humides. On ne rencontre pas sur cette couperose les taches d’un brun noir qui existent sur les cristaux des espèces précédentes. Son odeur est nulle, Elle 100 ACADÉMIE DE ROUEN. rougit assez fortement la teinture de tournesol. Elle n’est colorée , ni par la noix de galle , ni par la mélasse. Voici quelle est sa composition : Eau de cristallisation et excès d’acide. Sulfate ferreux. . . , . Sulfate ferrique. . . .. Sulfate se-ferrique. . . Sulfate cuivrique. . . . . AUTRE dhtanhé qe, dt ef er MP di Sulfate de chaux. . . . . Perte. 7,82 : 1G5,8x 1,10 0,11 0:99 : 2,72 0,08 98,63 ; 1,37 100,00 Cette espèce de couperose, comme on le voit, est peu chargée de sels étrangers. Elle vaut 12 francs les 100 kilog. Elle est plus convenable que les autres pour la préparation des cuves d’indigo. La couperose de Mairancourt O , se présente sous forme de petits cristaux d’un vert clair, tachés de brun par la noix de galle. Ce sel n’a pas l'odeur de mélasse. Voici quelle est sa composition : au de cristallisation et excès d'acide. Sulfate ferreux. - 25. !,. Sulfate ferrique..…. . . . Sulfate se-ferrique. , . Sulfate cuiynique:2: 5. AID: Ar EN AC de Sulfate de manganèse. Sulfate de chaux. . . . . . Sulfate de zinc 47,18 41,02 3,08 0,81! 3/xa 4,09 0,18 n 0,11 99:59 0,41 100,00 CLASSE DES SCIENCES. 101 Cette couperose est, comme on le voit, très impure ; elle vaut cependant plus que la couperose de Noyon 0. Son prix est de so fr. les 100 kilog. La couperose de Mairancourt PS, est, pour ainsi dire , en poudre mélangée de petits fragments de cristaux. Elle a une couleur d’un vert foncé sale, tachée cà et là de brun. Elle est très humide et imprégnée de mélasse. Cette couperose est très acide; c’est pour cela qu'elle attire si fortement l'humidité atmosphérique. Voici sa composition : Eau de cristallisation et excès d’acide . . . . . 48,00 Sulfate ferreux : : + ... 4. 4.4 +: . | WA0,0f% SUP ÉORIQUE 0e rater vale Note à 2,91 sulfate se-fernique 4.2 su - De = ms 0,08 DULALE CRVPIQUE.: der As un Dé are ere 3.19 AUDE ne CR Peer ere TN 5,44 Nulfate-demanpanese 42% aus een » Suliate deiChauxs se 2 2 LUN AR NN AE 0,12 Sultate de Zinc: Lee 2 Re Te » 99:78 Pertes 0,22 100,000 Ce sel impur vaut , dans le commerce , 8 fr. les 100 kilog. La couperose de Saint-Urcel CF, est en petits cristaux mélangés de poudre. Ces cristaux sont d’un vert foncé, très humides , tachés de noir , très acides , d’une odeur très pro- noncée de mélasse. Elle est formée de : Fauldeicuistallisationt. 7. 7. 00610 Excèsrd'acide: 4 42: A.0:900 Re R'ARERE 2,70 DUIFATOTÉELREUSS A NS IE AR 42,0% Sulfate fernique he. SA de 3,18 Sulfate:se-fenrique in à f/iSnaletuss 0 des 0,08 A reporter... + «+. 94,40 102 ACADÉMIE DE ROUEN. Report. . . . . 94,h% Dulaté euvrique0 tire. Le Gels 1,90 AUDE EN RCE TE. CANTINE, CREER 01: 5 2,62 Sulfateideichaux NE 2 NES . D ITTACES: SUHATE JE MANRANESESs. à » + à se 2e ele Late TACES, DULEALE: del ZINC re PE NS ele Tel. » 98,92 Perte . “4 1,08 100,00 Cette couperose à une valeur de 12 fr. 5o c. les x00 kilog. dans le commerce. La couperose de Montatère esten cristaux d’un vert clair, légèrement effleuris, ne présentant aucune tache brune, sans odeur sensible. Composition : Ban defenistalisation . . . . 22... 4670 Excesrdiacide seat M Tele UNS RE Ur 0,90 SUateterLeuxa teen Ie ALP RT E 44,92 Dubateiennique fran. tits RM Es. SOLE SHHatetse Ferrique)« - us Alu se ds SENS, A 0,08 SES TONER Ie 0,85 ENTIER EE . 3,09 SULALE NE MTANGANESE: . à. ee à NO % de ere 0,08 Sulfate de chaux . » gulfate dune À Ne » 99:19 Pertes ue. à 0,81 100,00 Cette couperose a une valeur de 11 à 12 fr. les 100 kilog. La couperose de Honfleur se présente sous forme de cris- taux d’un vert clair, mélangés de petits fragments plus foncés, offrant ca et là des taches d’un brun intense. Ce sel rougit CLASSE DES SCIENCES. 103 fortement la teinture de tournesol. Il a une légère odeur de mélasse. Cette couperose, quoique n'ayant pas une belle apparence , est une des plus pures du commerce. Elle à une valeur de 14 à 15 fr. les ro0 kilogrammes. Voici quelle est sa composition : Bautde CHistallisation 260 Re 46,00 Ercesidaedé il and 64 dus 2,04 SulfateResreuxe tuer IS CM El fe 48,30 Subfatenierniquet A ete dl es ls attrtés à 1,40 pDulfaterSe-terrique.lens Di heu tante api 0,10 SuHatercHNrique ils db da a hdi arabe traces: AR TE pins. de Le CU 2. N Sulfate de manganèse. .,........... 0,41 Snltate de CHA, dE. heal nl Aube. » Suhate-de 2106: 4 bare Cite » 99,25 Perte... 157 100,00 La couperose de Paris est en petits cristaux d’un vert brun foncé, entremélés de cristaux d’un vert clair et transparents. Elle est très acide , et par cela même constam- ment humide. Elle est recouverte d’une légère couche de mélasse. Voici sa composition : EausdecristallSation FL Re 46,80 Excés d'acides 6DIPPE ire CAE Cr 3,48 Duliate fetes 2e + DR TE 00 JuHatet férrique 1 MAD: SR RS 0,80 Sulfate! Seférriqués CAROLeNLRAU CES 2e 0,40 Sulfate civriquent AT RM ETS UENNRE » lun, st RE Re ur Re » Sufate,dechatganie 'omoonann le ur » A reporter. . . . 99,38 104 ACADÉMIE DE ROUEN. Report : . . + : 99538 Sulfate de manganèse. . . . . + + + + + + - : 0,12 Gulfate de zncbrtos nr GE et 2e » 99,90 PertetA4et 4% 0,50 100,00 On distingue à Paris les couperoses de fabrique obtenues par une première cristallisation , et les couperoses de refonte, qui sont les précédentes cristallisées de nouveau. Les couperoses de Paris ont une valeur de 12 fr. à 12 fr. 5o c. les 10okilog. La couperose de Forges est la plus estimée dans le com- merce. On la partage en menu sel et en couperose de refonte. Cette dernière est en gros cristaux ; d'un vert émeraude as- sez foncé, serecouvrant facilement de taches ocreuses. Elle n'est que très peu acide et n’a aucune odeur. Elle renferme, sur 100 parties : Eau de cristallisation. . . . - 46,28 Sulfate ferreux. . . - . + - - 47,60 Sulfate ferrique. . . - . + - - 1,85 Sulfate se-ferriqne. . . + « - 0,99 Sulfate cuivrique . . . + - - - 0,39 PALIER ON RPM M OC ME 2,12 Sulfate de chaux. . - . . - » Sulfate de manganèse. . . . . » Sulfatétdenzinc 1 es » 99»15 Perte , 0,8) 100,00 La couperose de Forges est beaucoup plus chère que les autres espèces. Les cristaux coûtent de 27 à 28 fr. les 100 kilog., et le menu sel de 23 à 24 fr. Dans le tableau synoptique suivant, j'ai réuni la com- position de toutes les couperoses , pour qu'on puisse juger d’un coup-d’æil les différences qu'elles présentent. NCES. x n S SCIE x « DE ASOU44109 SOYH4109 r G bent pue = © = © & É as "DOUDL 0000] 18‘0 80‘0 60€ cs'0 80‘0 L1°€ c6‘#y 19 1940-qu1eS op ASOW44IA09 ASON44N0O9 Sd TINOOULLIE 00‘001 Fy‘<0 11‘0 « 81‘0 60‘ Cl'E 18‘0 80'£ GO‘1y op ASOW44nN0 » 0 u040XN op U ASOUH4NON AXSOUA4NO9 “r 00007 | 0000017 *S29P4 1€0‘# 0c8‘0 58ç‘0 pOy'£ 0G0‘yr 0cz‘9r ‘O uoÂ0X op ASOUAX4NON 2p Sas02dn07 2p sa0odsa say somor ap anbudou As nD2]QD] Le 9 "tt *t"ouIz 9p 9uJ[ns ‘’XNEU9 9p 97eJpns tt OSQUESUEUL 2p 21ey[ns EE “onbriamo 97eymns “o[qn{osur onbra}-9s o7e7pns s.sfnieto/ntere sioisise oubrao} oeyqns XNA] 93eJnS ‘°*:"oploe,p s00x7 | UOTESITILISTIO 9p nez ‘NOILISO4KON 106 ACADÉMIE DE ROUEN. . On voit par ce tableau : 10 Que les diverses couperoses de France sont bien loin d’avoir la même composition ; qu'aucune n’est absolument pure ; 2° Que les couperoses les plus pures sont celles de Hon- fleur, de Paris, de Forges , la couperose de Noyon R et celle de Saint-Urcel ; 30 Que les couperoses les plus acides sont celles de Paris, de Honfleur , de Saint-Urcel ; 4° Que celles qui renferment le plus d’alun sont les coupe- roses de Mairancourt O, de Mairancourt PS, de Noyon O, de Montatère; 5o Que les couperoses de Saint-Urcel, de Noyon O, de Mairancourt O, de Mairancourt PS, renferment beaucoup de sulfate ferrique soluble et de sulfate de cuivre. I] suit de là : 10 Que les couperoses acides de Paris, de Honfleur, de Saint-Urcel , ne conviennent pas pour le mordancage des cotons et des tissus, à cause de l’action nuisible de l'acide sulfurique sur la fibre ligneuse. Les couperoses de Forges, les couperoses impures de Noyon et de Mairancourt, peuvent, au contraire , parfaitement bien servir à cet usage; 20 Que les petites couperoses impures de Noyon et de Montatère , renfermant des sels de cuivre et du sulfate fer- rique , sont impropres à la préparation des cuves d’indigo. Le sulfate de cuivre a, comme on sait , la propriété d’oxigé- ner l’indigotine blanche. Ce sel, ainsi que le sulfate ferrique, précipiteraient donc une certaine quantité d’indigo au fond de la cuve, et occasionneraient ainsi des pertes plus ou moins grandes ; 30 Que les couperoses de Paris et de Honfleur conviennent parfaitement pour dissoudre l'indigo. Ces sels ne péchant que par leur grande acidité , leur excès d’acide sulfurique se trouve neutralisé par la chaux de la cuve ; CLASSE DES SCIENCES. 107 49 Enfin , que rien ne justifie la grande différence de prix qui existe entre les couperoses de Forges etles autres espèces. En effet, les couperoses de Paris et de Honfleur sont aussi bonnes pour les cuves ; celles de Noyon R , de Montatère , et plusieurs autres encore , conviennent parfaitement bien pour le mordancage et la préparation des gris olives employés en ieinture. Dans un second mémoire , je m occuperai des couperoses étrangères. NOTE COMMUNIQUÉE A L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE ROUEN, Par M. J. GIRARDIN. — Séance du 12 Avril 1839. — MESSIEURS , Tout ce qui se rattache à l’histoire des météores aqueux , à la constitution chimique de l'air atmosphérique au sein du- quel nous sommes plongés , mérite de fixer l’attention des chimistes et des physiciens ; et le fait le plus simple, lorsqu'il est bien observé , doit entrer dans les annales de la science. C'est sous ce rapport qu'il m'a paru utile de faire connaître à l'Académie les observations récentes que j'ai eu l’occasion de noter relativement à la grêle. Le 25 février 1839, entre dix heures du matin et deux heures de l'après-midi, il est tombé à Rouen plusieurs averses de gréle. Les grélons étaient petits. Chaque averse ne dura CLASSE DES SCIENCES. 109 LL pas plus d’un quart d'heure. La dernière fut très considée- rable, car, en peu de minutes, les toits furent recouverts d’une couche blanche assez épaisse. Le vent était plein nord. Jefis placer, au milieu d’une large cour, un vase très propre à large surface , en l'isolant de quelques pieds du sol , pour recueillir une certaine quantité de grélons. Je les introduisis, presque aussitôt leur chûte , dans un flacon lavé à l’eau dis- ullée, et je pris toutes les précautions pour que ces grélons n'eussent point le contact de matières organiques. Le flacon bouché fut placé dans mon cabinet. Il renfermait tout au plus trente-deux grammes de grèle. Cette grêle ne tarda pas à fondre, et le liquide qui en provint avait l'aspect d’eau au milieu de laquelle on aurait laissé tomber quelques gouttes de lait ; il était donc trouble et blanchâtre. Mais, peu à peu , il se forma dans son sein des flocons assez abondants , blancs et très légers , qui se rassem- blèrent bientôt en une seule masse nuageuse, et se dépo- sèrent au fond du vase. Le lendemain matin , le liquide était tout à fait limpide. Une certaine quantité de l'eau , tandis qu’elle était encore blanchätre et laiteuse , fut mise dans un verre et additionnée de quelques gouttes de nitrate d'argent. Le verre, bouché avec du papier, fut placé dans l'obscurité, et abandonné pendant douze heures. L'addition du réactif n'y produisit aucun phé- nomène apparent , et le liquide conserva son aspect primitüf , sans se colorer. Placé ensuite dans un lieu éclairé par une vive lumière , il devint presque subitement rougeâtre, puis , au bout d’une heure environ , il prit une couleur brune , et laissa déposer des flocons grisätres. Des pellicules miroitantes et blanches se montrèrent en même temps à sa surface. Les flocons , isolés du liquide , furent calcinés dans un petit tube de verre; il se dégagea une odeur de matière organique brûlée , et un papier rouge de tournesol , exposé au contact des vapeurs qui sortaient du tube, vira au bleu. Il resta dans 110 ACADÉMIE DE ROUEN. le fond du tube une poudre grisâtre ; c'était un mélange de charbon et d'argent métallique. La plus grande partie de l’eau de gréle, toute trouble et laiteuse , a été évaporée avec précaution dans une capsule de platine. Pendant l’évaporation . il ne se dégagea aucune trace d’ammoniaque. Le résidu était coloré en jaune brun, mais il était si faible , qu'il fut impossible d'en constater le poids. Pareille évaporation ayant éte faite dans un tube de verre, le résidu y fut chauffe jusqu’au rouge brun. Il exhala , pen- dant la calcination , une odeur bien sensible de matière ani- male , et le papier de tournesol rouge fut ramené au bleu. Il resta dans le fond du tube une trace de charbon. L'eau de grèle filtrée et claire donna Un trouble léger avec l’oxalate d’ammoniaque , Un trouble plus marqué avec le nitrate de baryte , trou- ble que ne fit pas disparaître l'addition de l’acide nitrique. Je n’ai pu constater , dans cette eau, vu la petite quantité qui était à ma disposition, l'existence de l'acide nitrique. Il résulte donc, de ce qui précède , que la grêle du 25 février dernier , renfermait : 1° Une matière organique azotée assez abondante ; 2° Une quantité sensible de chaux et d’acide sulfurique ; 3° Qu'elle ne présentait aucune trace sensible d’ammo- niaque Plusieurs chimistes ont dirigé déjà leur attention sur l'existence , dans l'air atmosphérique, de matières salines et d’une substance organique. Les expériences de Moscati , de Vauquelin, de Rigaud de l'Isle, de Julia Fontenelle , de Chevallier, de Boussingault, de Vogel, de Liebig, démontrent, d’une manière évidente, que l’eau de pluie, en tombant à travers l'atmosphère , entraine avec elle en dissolution ; dans CLASSE DES SCIENCES. 111 le sol , des sels ammoniacaux , des sels calcaires, et une matière organique floconneuse . qui est sans doute l’origine de ces principes délétères que nous désignons sous le nom de miasmes. Mais personne, jusqu'ici, n'avait constaté l’exis- tence de cette même matière organique au milieu des grélons'. Je regrette bien de n'avoir pu m'assurer si cette gréle ren- fermait aussi de l'acide nitrique. M. Liebig a reconnu qu'il y a toujours de l'acide nitrique dans les pluies d'orage, et seulement dans les pluies d'orage. Cet acide provient évi- demment de la combinaison des deux éléments gazeux de l'air , l’oxigène et l'azote , sous l'influence de la foudre. Les circonstances dans lesquelles la grêle apparaît ordinairement, sont les mêmes que celles qui accompagnent les orages , avec cette différence , toutefois, qu’il se produit un froid consi- dérable dans les couches d'air supérieures. Il est probable, " Depuis que cette note a été lue à l'Académie, M. Boisgiraud, professeur à la faculté des sciences de Toulouse, qui en a eu connais- sance par les comptes-rendus de l'Institut, où elle a été insérée, a. appelé mon attention sur un Mémoire qu'il a fait imprimer dans les Annales de Chimie et de Physique (t. 62, p.91, année 1836), et qui est intitulé: Quelques Observations sur la gréle. Dans ce Mémoire, qui nvavait échappé , le savant professeur de Toulouse décrit les faits qu'il a observés, en 1824, dans trois chutes de grêle remarquable, et il signale avec beaucoup de soin la forme et la contexture des grêlons qu'il a recueillis. Il a examiné l’eau provenant de la fonte de ces grêlons ; elle lui a présenté ous les caractères de l'eau pure; le sous-acétate de plomb seul a donné un précipité blanc qu’un léger excès d’acide faisait disparaitre ; et comme les éaux de chaux et de baryte ne troublaient pas cette eau, M. Boisgiraud à attribué la formation du précipité par le sel de plomb à /a présence d'une matière organique, mais il n’a pas cherché à s’en assurer d’une autre manière, J'ai cru devoir relater ici ces observations de mon confrère de Toulouse, afin de montrer la part qu'il a prise dans la découverte de la matière organique dont j'ai démontré, je crois, d’une manière irrécusable, l'existence dans l'eau des grélons. Rouen, > octobre 1839. 112 ACADÉMIE DE ROUEN. d’après cela , qu'on devra retrouver aussi de l'acide nitrique dans les grélons. C’est ce que j'ai l'intention de vérifier , et pour cela, je ne négligerai aucune occasion de recueillir de la grêle, à toutes les époques de l’année. Je communiquerai successivement à l’Académie les résultats de mes observations à cet égard. Quoi qu’il en soit , je crois que, dès à présent, c'est un fait acquis à la science , que l'air atmosphérique renferme , à toutes les époques de l’année, une matière organique qui , probablement, est tenue en dissolution dans la vapeur aqueuse. PRONONCE L2S0 SE SSSR 202000000000 D'UN GENRE DE COURBES AUXQUELLES DONNE LIEU LA CONSIDÉRATION DES CENTRES DE GRAVITÉ. EXAMEN DE L’UNE DE CES COURBES ; Par M. A. BORGNET, Professeur de Mathématiques au Collége royal de Tours. 1. Si nous imaginons un corps infiniment petit dans toutes ses dimensions , en sorte que la longueur de toute ligne comprise dans son intérieur soit infiniment petite, c’est-à- dire moindre que toute longueur qu'on puisse assigner , nous aurons ce que les geomètres appellent un point matériel. Si nous imaginons aussi un corps qui remplisse la portion de l'espace qu'occupe successivement un point matériel en mouvement, nous aurons une ligne matérielle. Lorsqu'un point matériel, partant d’un point déterminé A de l’espace, engendre ainsi une ligne matérielle , l'arc décrit depuis l'origine du mouvement jusqu’à une époque donnée , à un centre de gravité dont la position varie avec la densité de l'arc, sa forme et sa longueur , mais qui est 8 114 ACADÉMIE DE ROUEN. parfaitement déterminée, quand ces trois éléments sont connus. L'are augmentant d’une manière continue , il cor- respondra un centre de gravité à chaque position du point décrivant , et la suite de ces centres de gravité formera une courbe continue que nous nommerons une barycentride , pour éviter les circonlocutions, Pour plus de simplicité, nous supposerons , dans ce qui va suivre, que les lignes matérielles sont homogènes; et alors la position du centre de gravité ne dépendra plus que de leur forme et de leur longueur. Si, en outre , nous concevons, dans leur intérieur , la ligne mathématique décrite par le centre de gravité du point matériel générateur en mouve- ment , l'équation qui représentera cette derniere ligne repré- sentera suffisamment la ligne matérielle dont elle n’est que l'axe, à proprement parler. 2, En désignant par x, y,2z, les coordonnées d’un point de l’espace, rapporté à trois axes rectangulaires, on pourra représenter une ligne quelconque par deux équations , telles que CNE NA Appelons s la longueur d'une partie déterminée de cette 0 f(x 77) 0 ligne, comprise entre le point À (%, Yo» Zo ), Origine de cette ligne , et le point M (x, y, z). Soient £, n, €, les coor- données de son centre de gravité. Les moments de cet arc, pris par rapport aux trois plans coordonnés, seront s £ si st à D'ailleurs, l’arc s pouvant être regardé comme la somme d’une infinité d'éléments égaux à ds , ayant pour moments x ds y ds z ds les sommes des moments de tous ces éléments seront Jz ds Jo ds J 2 ds CLASSE DES SCIENCES. 11) Les intégrales devant être prises entre s=oet s=s. Onaura donc, en vertu du théorème des moments CS FREE sE= [x ds s = fr ds s e= [ds Les cinq equations (1) et (2) ne renferment que les six variables x, y, z, Ë, n, €; car s et ds sont des fonctions de æ,y,2. Si donc, entre ces cinq équations, on élimine les trois variables x, y, z, il restera deux équations en £,n, €, qui représenteront la barycentride de la ligne des équations (1). 3. Avant d'appliquer cette méthode générale à aucun cas particulier , nous allons donner le moyen de meuer une tan- gente à toute espèce de barycentride, quelle que soit la nature de sa génératrice. En représentant par x", y", 7" les coordonnées courantes des points de l’espace , on a pour les équations de la tan- gente au point (£, n, $) de la barycentride, r LIVE jai FLE _dn 2" T ET (z —Ÿ) J nd (z'—&) Mais la differentiation des équations (2) donne dé = (x—EË) ds (se sdun = (y—"1) ds sdt = (z—&) ds d’où l’on tire : £ _X—E du y —" AC ZE AT a ce qui permet d'écrire les équations de la tangente sous la forme , Or, ce sont là aussi les équations d’une ligne droite qui 116 ACADÉMIE DE ROUEN. passerait par le point M(x,y ,2), et par le centre de gravité N(Ë, 1,4) de l'arc qui se terminerait en M. On voit donc que, pour mener une tengente à la barycentride, en un point déterminé N, il suffit de joindre ce point au point de la génératrice qui termine l’arc ayant N pour centre de gravité. k. Par la combinaison des équations (3), on obtient une formule générale qui peut servir à la rectification des bary- centrides. Leur comparaison donne, en effet, ds dE dn _ dk 2 Vdé +dr+d€ —— TE 7 SE VEN de sorte qu’en appelant & un arc de barycentride, on obtient 2e te ONE ET AE TE) 5. Nous allons abandonner ces généralités, pour nous occuper de la barycentride de l’hélice et de celle du cercle. L’hélice est une courbe tracée sur la surface d’un cylindre droit, à base circulaire, et dont la propriété caractéristique est d’avoir toutes ses tangentes également inclinées sur la base du cylindre. Soient donc (5) x +y = a l'équation de la circonférence de cette base, et p le pas de l’hélice, c’est-à-dire la portion de la génératrice du cylindre comprise entre deux spires consécutives. Le point de départ de cette hélice sera, je suppose , à l’extrémité A du rayon qui se confond avec l’axe des x. L’angle constant que for- me, avec la base du cylindre, la touchante en chacun des points de l’hélice , aura pour tangente trigonométrique ss ; < £ € A Ta par conséquent , le cosinus de celui qu'elle fera avec l'axe . D “ du cylindre sera SR . D'ailleurs, on a, en 2 ’ Vire CLASSE DES SCIENCES. 117 général, pour le cosinmus de l'angle & que fait, avec l’axe des z , la tangente en un point quelconque d’une courbe £ I Ï q dz V'dx°+dy +dz COS & = d’où l'équation dz (6) ER — — rs (Pate à _— m V'dx’+dy°+dz’ Vp'+4r a en faisant, pour abréger,m = : Ana & Vp+ur'a Les équations (5) et (6) représentent l’hélice en question. Si l’on veut avoir sa projection sur le plan des (x ,z), il faudra éliminer y entre ces deux équations. Or, par la différentiation de l'équation (5), et par la combinaison avec l'équation (6), il viendra x A a m d— NS PES d [24 P [74 2== = REZ — ——— VAT à 27 x? LR 1 I — — «a y & d'où P Aa 4 7 z = Const. — arc sin — (7) + are sin = et, déterminant la constante par la condition d’avoir T=a pour z2=0, on aura ® : . 2T ? 2TZ (8) X'= 4 Sin — z +E ='aicos = P pour l'équation de la projection de l'hélice sur le plan des (x 2). L'équation de la projection sur le plan des {y z) se dé- termine également au moyen de l'équation (7), en changeant x eny, mais en déterminant la constante de manière que 118 ACADÉMIE DE ROUEN. P L = . l’on ait y=a pour z = <—; ce qui donne n (9) y =a sin aie Quant à la projection sur le plan des xy , elle est repré- sentée par l’équation (5). La division des équations (8) et (9) fait connaître une surface , autre que celle du cylindre, sur laquelle est aussi tracée l'hélice ; elle a pour équation Y 2T 2 (10) 5 = {ang C’est, comme on voit , une surface conoïde, Car toutes les surfaces conoïdes dont l'axe des z est la directrice, et le plan des x y le plan directeur, sont exprimées par une équation de la forme Z= É | Fa L’équation (10) ne nous servira pas dans la détermination de l’équation de la barycentride de l'hélice. Nous ne la men- tionnons ici que parce que cette surface contient aussi la barycentride , comme nous le verrons plus loin. 6. Pour obtenir l'équation de la barycentride , il faut , comme il a été dit, faire l'élimination de x, y, z, entre les équations (2), (8) et (9). A cet effet, différentions les équa- tions (8) et (9) , et il viendra dx = — Dre, SENTE P P dy sé ele dz P. P et par suite ds = Vdx’ + dy’ + ds? = = Vp° + 4 7° a dz Prenant l'intégrale depuis z = 0 jusqu'à z = z, on aura, CLASSE DES SCIENCES. 119 pour la longueur de l'arc de l’hélice correspondant au même intervalle , $S = D Vp? + 47° a? Ce résultat, que donne immédiatement l’intégration de l'équation (6), pouvait être obtenu d’après cette simple observation , que le développement de l'hélice sur un plan donne lieu à des lignes droites parallèles, dont la dernière est inégale aux précédentes, quand l'arc d’hélice développé ne contient pas un nombre exact de spires , et que, si l’on construit un triangle rectangle dont l'hypothénuse soit formée de toutes ces portions de lignes droites, mises bout à bout, et dont l'un des angles soit égal à & , ce triangle rectangle sera semblable à un second triangle rectangle, dont l'hypo- thénuse serait le développement d’une spire, et dont « serait aussi un angle aigu. Dans le premier triangle , l'hy- pothénuse sera égale à s, et le côté opposé à & sera égal à z ; dans le second, lhypothénuse sera égale à VD Eure, et le côté opposé à & sera égal à p. La proportion établie entre ces quatre côtes fera tomber sur l’équation précédente, Au moyen de cette valeur des, les équations (2) deviennent sE= |xd sn= [y 2e = [24 vo vo ou bien , en ayant égard aux équations (8) et (9) _ : VITE APN TZ z 3 È 4 [ cos dz 2n=4a Î sin dz zt= | z dz v o P o o Le et en effectuant les intégrations entre les limites assignées ap . 27TZ Las En 1, 27 a 27% N'a bo I — COS 27 1 = 22 120 ACADÉMIE DE ROUEN. Voilà trois équations entre lesquelles il ne nous reste plus qu’à éliminer z. Cette élimination donne immédiatement . 4TÈ SI (11) EE = P k TE P PAL #.. z P — ATÉ AI P P Ces équations sont celles des projections de la barycentride sur les plans des x et desy z. Pour avoir sa projection sur le plan des xy, nous diviserons l’une par l’autre les deux équations précédentes , et il viendra ñ 2T Se = tang Or , en quarrant et en ajoutant les mêmes équations, on obtient d’où l’on déduit pour l’équation de la projection cherchée (12) 2 = tang | ë Avant d’aller plus loin, nous remarquerons que l'équation en£,", 8, obtenue précédemment, c’est-à-dire, TE = lang AS laquelle représente une surface qui contient la barycentride, est identique avec l'équation (ro). On voit donc que l'hélice et sa barycentride sont placées sur la même surface conoïde, 7. Il y a une analogie de forme remarquable entre l’équa- CLASSE DES SCIENCES. 121 tion (11) de la projection de la barycentride sur le plan des æ7, et l'équation polaire de la projection sur le plan des æy. En eflet, si nous représentons par © l’angle que fait, avec laxe des x, une ligne quelconque menée par l’origine dans le plan des xy, et par p la distance d’un point de cette ligne à l’origine, il faudra , pour obtenir l'équation polaire en question, mettre p cos © etp sin & à la place de £ et de » dans l'équation (12), et il viendra | a sin : a sin © lang w = lang —————; et par sutew = —— P P d’où sin (t9) ere. = 4 | [0] équation exprimée en coordonnées polaires, comme l'équa- tion (r1) est exprimée en coordonnées rectilignes, 8. La recherche de la barycentride du cercle , qui sert de base au cylindre, va nous fournir un rapprochement d’équa- tions non moins remarquable, Dans ce nouveau calcul , il faudra employer les deux pre- miéres des équations (2), coneurremment avec l'équation (5) du cercle , de sorte que la question se réduira à élimine: x et y, entre les équations suivantes : D + = s £ = fx ds S— [y ds Or , la différentiation de la première équation donne ; a dx d a dy A = — a — SL — V/a? — y? V'a— y’ 9 122 ACADÉMIE DE ROUEN. t, par suite , les deux suivantes deviennent C4 É d’où , en faisant l'intégration entre les limites indiquées ; sEé=aVa -x sn=a(a— x) De ces deux équations on tire, par l'élimination de s, a — > Va > ë £ et cette équation, à son tour, que l'on peut écrire lA— TX Ve a+ x montre, ce qui est assez évident en soi , que le centre de gravité de l’arc s se trouve sur le rayon qui partage cet arc en deux parties égales ; ear son premier membre est la tan- gente de l'angle que fait, avec l’axe des x, la ligne menée de l’origine au centre de gravité, et le second membre est la tangente de la moitié de l'angle que fait, avec le même axe, la ligne menée de l’origine à l'extrémité de l'arc considéré. On a donc 1 # = — (ang 4 et , en vertu de l'équation sn = à (a-x) CRE la ñ ; ax — = tang ——— £ ren a-x ,ontire n M de l'équation —= ais, de l’équati al ls CLASSE DES SCIENCES. 125 DEL E an TNT + (2 Il viendra donc, par la substitution dans l’équation préce- dente , ñ an ë HAES Telle est l'équation de la barycentride du cercle : elle se = tang confond , comme on voit, avec l'équation (12). Ainsi donc, lhélice a pour barycentride une courbe dont la projection , sur la base du cylindre, est identique avec la barycentride de la projection de cette hélice sur le même plan. 9. L'équation s£ = a Va —x=ay, obtenue précédem- ment, donne lieu à la proportion 29:47 EPue laquelle fait voir que la distance du centre de gravité d’un arc de cercle au centre de ce cercle, est une quatrième pro- portionnelle à cet arc , à la corde qui le soutend et au rayon; car 2y peut être regardé comme la corde qui soutend l’are 2s compose de deux parties égales à $, et situées de part et d'autre du point A ; et, d’ailleurs, £ est la distance de l'axe des y au centre de gravité de l'arc 2s, aussi bien que de Parc s. Cette propriété permet d'obtenir l'équation polaire de la barycentride du cercle, sans passer par son équation expri- mée en coordonnées rectilignes. En effet, s étant l'arc de cercle considéré, et « l'angle que fait, avec l'axe des x , le rayon vecteur p mené au centre de gravité de cet arc, on a s=24w; d'ailleurs, la corde qui soutend l’are s est égale à 2 & sin © ; par conséquent, la proportion précédente donnera ; & sin © 240 : 2ASN0::&:p= [0] 124 ACADÉMIE DE ROUEN. 10. Pour varier nos méthodes de calcul, et en même temps pour vérifier, par un exemple, qu'un calcul aux différences finies est toujours plus épineux qu'un calcul aux différences infiniment petites, nous allons donner un nouveau moyen d'arriver à la barycentride du cercle. Imaginons un polygone régulier , d’un nombre quelconque de côtés: soient 4 son apothème et 8 son angle au centre. Considérons une portion de son contour , formée de 7 côtés consécutifs , et supposons un axe passant par le centre de ce polygone , et par le milieu du côté qui se trouve avant le premier côte de la portion considérée de son contour. Pre- nant cet axe pour axe des abscisses, et pour axe des coor- données le diamètre qui lui est perpendiculaire, désignons par x, et y, les coordonnées du milieu du pième côté, et par £ et » les coordonnées du centre de gravité de la portion considérée ,nous aurons , en vertu du théorème des moments, n£ = a(cos8 + cos 28 + cos30 +... +cosni) nn = a (sin Ê + sin 28 + sin 38+....—L sin n8) Si nous pouvions, entre ces deux équations, éliminer l'ndéterminée nr, l'équation en £ et en », que nous obtien- drions , représenterait un lien géométrique passant par tous les points (£ , n), et cette équation varierait avec 8 , et par conséquent avec le nombre des côtés du polygone. Ce serait l'équation de la barycentride du polygone, Tant que 8 conserve une valeur finie , l'indéterminée n ne paraît pas facile à éliminer ; mais si 8 devient infiniment petit, l'élimination se fait aisément. Pour faire l'élimination dans ce dernier cas, nous écrirons les équations précédentes sous la forme n£ =a% cos nô nn = &@Ë sin n La somme © s'étendant à toutes les valeurs entières de CLASSE DES SCIENCES. 129 n, depuis o jusqu’à ». Or, si 8 devient infiniment petit, les arcs » 8, que nous représenterons par la variable 4, varieront par nuances insensibles et égales à d 4, de sorte qu’on aura « C2 É AE 0=da et par suite n— ——,et le signe Z désignera une da intégrale définie commencant à 4=0 ,et s’arrétant à &=&«. Les équations précédentes deviendront donc ra a Ë=a | cos à d'a = a sin à ”/0 27 an= a | sin a d'a = a(1— cos à) } ) La question se réduira donc à l'élimination de « entre L deux équations qui ne renferment plus ni signe = ni signe On obtient, par la division de ces deux équations, ñ 1 —— tang—a Des deux mêmes équations on tire : æV/—1 a) AR mem ti an + e (ve TE 2uEV—1= 24 V—1 sin = a\e —e d’où l’on déduit aussi einer Œ\/—1 a—an+ar V—1=ae —y/—1 aman—arV—1=ae La multiplication de ces deux équations donne : 24an *SF+E 126 ACADÉMIE DE ROUEN. nee LE Pure re 44 : et, par la substitution dans l'équation g ={ang-—«, on » obtient be an ET NET C’est l'équation cherchée de la barycentride du cercle; elle est identique avec l’équation (12). 11. Passons maintevant à la recherche des propriétés de la barycentride de l’hélice , et de celles de ses projections. Nous observerons d’abord que cette courbe se développe quelquefois sous nos yeux, ou du moins sous les yeux de notre imagination , si l'on peut parler ainsi. Par exemple, lorsqu'on fait jouer une vis d’Archimèdé, le centre de gravité de la colonne d’eau ascendante parcourt la barycentride de l'hélice. De même, lorsque plusieurs personnes montent ou descendent un escalier en hélice , à la suite les unes des autres , le centre de gravité de leur masse décrit une bary- centride, tant que la dernière personne n’est pas engagée dans l’escalier. A cette époque, le centre de gravité cesse de suivre la barycentride , pour suivre une hélice dont le pas est celui de l'escalier , et qui se projeterait horizonta- lement suivant un cercle dont le rayon serait égal à la dis- tance qui séparait laxe de l'escalier, du centre de gravité de la masse ascendante , lorsque le centre de gravité a cessé de suivre la barycentride. Ce mouvement se continue, tant que la première personne n’a pas quitté l'escalier ; mais, à cette nouvelle époque , le centre de gravité abandonne son hélice , pour parcourir de nouveau un arc de barycentride identique de forme avec le premier arc parcouru , mais dans une position renversée. 12. A cause de l'analogie de forme des équations (11) et (13), la plupart des propriétés d’une des courbes représentées par ces équations, ont leurs analogues dans l’autre; c’est pourquoi nous ne nous occuperons que de l’équation (13). CLASSE DES SCIENCES. 127 sino LE) re [0] L'arc étant toujours plus grand que son sinus , p sera tou- jours plus petit que &, et par conséquent la courbe sera tout entière comprise dans le cercle générateur. Lorsqu'on a wo, on obtient p=a = OA (fig.1), c’est-à-dire que la courbe coupe l'axe OX, au même point où le coupe le cercle lui-même : © augmentant jusqu'à 7, p diminue toujours et devient nul, quand w = 7; par conséquent, la courbe partant du point A, s'élève d'abord au-dessus de l’axe OX, tout en se rapprochant du point O, qu’elle atteint quand &=T : © croissant à partir de 7, p devient négatif, ce qui prouve que la courbe est tangente en O, à l'arc OX ; bp reste négatif, tant que © ne surpasse pas 27, et redevient nul pour © = 27; de sorte que, pour les valeurs de comprises entre 7 et 27, la courbe partant du point O , s'élève de nouveau au-dessus de l’axe OX , et revient au point O, après avoir formé un anneau au-dessus de cet axe : entre 6=27 etw—=3T, p redevient positif et égal à O pour w=37; par conséquent, la courbe forme un nouvel anneau, au-dessus de l'axe OX. et intérieurement au premier : pour les valeurs de © comprises entre 3 et 47, p est négatif, et, comme il est nul à ces deux limites , on obtient encore un anneau intérieur au précédent : et ainsi de suite indéfiniment. Tous ces anneaux sont tangents en O à l’axe OX. Ainsi donc, la courbe, qui était partie du point A, fait, au-dessus de l’axe OX, une infinité de circonvolutions , en rentrant sur elle- même, et en touchant , à chaque circonvolution , l'axe OX au point O. | Les points R, S, T.... où elle coupe l'axe OY, corres- T : pondent aux valeurs © =(2n+41 pe ñn étant un nombre ; ‘ 24 entier quelconque ; et, pour ces points , on a p =-—— (2n4i)r 128 ACADÉMIE DE ROUEN. ce qui fait voir que les anneaux diminuent assez rapidement d'amplitude. 13. Si l’on différentie l’équation (13), il viendra dp __ cos w—sin« do —” w? On en conclut que les valeurs de ©, qui répondent à des valeurs maximum dep, doivent satisfaire à la condition (14)... © cos w—sin w=0 Il suit de là que si nous décrivons une circonférence decercle sur OA comme diamètre ( fig. 1), les points d’intersection A ,B,C, D... de cette circonférence avec notre courbe, répondent aux valeurs maximum de p. En effet, ce cercle ayant pour équation P =aCoso, et notre courbe ayant pour équation sin © D —IG : © on voit que les points communs à ces deux lignes satisfont à l'équation (14). Comme le cercle A,B,C, D... est tangent à l'axe OY, et que les anneaux diminuent rapidement d’am- plitude , il en résulte que les points B, C, D... s’approchent rapidement de l’axe OY, et que, par suite, les racines positives de l'équation (14), qui sont en nombre infini, commencent à zéro et se terminent à l'infini , tendent rapidement à suivre les termes d’une progression arithmétique croissante , dont la raison est 7. 1%. Dans ce qui précède , nous n'avons pas considéré les valeurs négatives de ©, parce que, d’après la manière dont nous avons concu que notre courbe prenait naissance , nous ne devions avoir égard qu'aux seules valeurs positives de © ; mais, si nous envisageons notre courbe sous un point CLASSE DES SCIENCES. 120 de vue purement analytique, ou bien encore , si nous chan- geons le sens du mouvement qui donne lieu à notre barycen- tride , nous devrons faire varier aussi © , depuis o jusqu’à l'infini négatif, et il est facile de voir que nous obtiendrons, au-dessous de l’axe OX , une deuxième branche de courbe , qui sera , avec la première branche , symétriquement placée par rapport à cet axe. 15. On reconnait facilement que la barycentride est ren- contrée aux points R, S,T...{(fig. 1), par la spirale hyper- bolique Il y a plus, en ces points communs, les deux courbes sont tangentes , car la tangente de l'angle que fait, avec un rayon vecteur, la touchante à la barycentride , a pour expression © Sin © =, €t l'expression analogue pour la spirale est © COS ©—sin © —0; or, ces deux expressions sont égales pour les points R,S,T...; ce qui démontre la proposition énoncée. 16. Pour mener une tangente à la barycentride (13), par un point de cette courbe qui répond à un angle quelcon- que o , il faut joindre ce point au point du cercle générateur qui correspond à un angle double. C’est une conséquence de ce que nous avons dit généralement , à l’article 3. On à, par la differentiation de l'équation (12), dy Y (2ax—x—7y*) 5) = ———— di (ax) (ay )=r ap ou bien, en coordonnées polaires, dy sin © ( sin w—20 cos w ) te Nr (16). . dr — 7 sin © (26 sin w4-cos ©)—o C'est , en fonction des coordonnées rectilignes et des coor- données polaires , l'expression de la tangente de l'angle que 10 130 ACADÉMIE DE ROUEN. fait, avec l’axe OX , la touchante en un point quelconque de la courbe. La seconde expression étant indépendante de a, on en conclut que si plusieurs barycentrides partent des différents points de l'axe OX, elles seront coupées sous le même angle par une ligne qui partirait du centre commun de leurs cer- cles générateurs. La première expression est nulle pour les points de la barycentride qui satisfont à la condition x’ y = 24x c'est-à-dire que si, du point À comme centre (fig. 1 AC: avec un rayon égal à 4, on décrit une circonférence de cercle, et que, par les ponts P, Q... d'intersection de cette circonférence avec la barycentride , on mène des tan- gentes à cette dernière courbe , ces tangentes seront toutes parallèles à l’axe OX. Les points de la barycentride où les tangentes sont per- pendiculaires à l'axe OX , seraient donnés par l'intersection de la barycentride avec une ligne du troisième ordre ayant pour équation AT a+x M= LA ou, en coordonnées polaires , COS 20 =a P cos © 17. En vertu de l’équation (15) , ona, pour l'équation de la tangente au point M (x, y); y (2ax—2x°—7") ax) (AY) 2 47° Si l’on voulait mener une tangente à la barycentride par un point extérieur ( x’, y"), il faudrait, dans l'équation pré- PQ (x"—x) CLASSE DES SCIENCES. 131 cédente , regarder x et y comme des coordonnées courantes, et cette équation, qu'on peut écrire : (2497) (y +ar -7'2) + ay" (xp) —2ax'xy =0, représente alors un lieu géométrique passant par les points de contact , et dont , par conséquent , l'intersection avec la barycentride fait connaître ces points. L’équation précédente devient, en coordonnées polaires , p’ip[y'cosw—(a+x')sinw]— a (cos 26—x'sin 2 w)| =o et elle est satisfaite quand on y fait p°=0, quels que soient x'ety'. L’équation p—=o représente le centre du cercle générateur ; par conséquent, toute ligne menée par ce centre est tangente à la barycentride ; et cela devait être , puisque le dernier anneau de cette courbe se réduit à un point. En désignant par «& l’angle que fait, avec l'axe OX , la ligne menée du point (x”, y") au point O, et par la distance de ces deux points , nous pourrons , dans l’equation précé- dente, remplacer x’ et y” par d cos « et bsinæ, et, après la suppression du facteur p*, cette équation deviendra (17)... pb sin(aæ —w)—asin w|—absin (&—2w)=0 Elle ne représente rien de remarquable , tant que D conserve sa généralité. Mais, si nous supposons =a, c’est-à-dire , si nous considérons le cas où le point par lequel on veut mener la tangente est place sur le cercle générateur, l'equa- tion précédente se simplifie encore; car alors elle renferme le facteur sûr (—a—0), et, après quelques transformations faciles , on peut l'écrire sous la forme LS RUN ge En RE SRE) on sin ( — d w) [p COS — a — a cos {w — — a) = 0. Cette équation est satisfaite quand on y fait" &—w—nr, ñn étant un nombre entier quelconque; et cela, quel que soit p. Or, l'équation a —w=nr convient exclusivement 132 ACADÉMIE DE ROUEN, à tous les points d’une ligne droite passant par l'origine et fesant, avec l'axe OX, un angle égal à ——«. Par conséquent , si M est le point par lequel on veut mener des tangentes , on partagera l'angle MOA en deux également par une ligne droite ON {fig. 2), qui coupera, aux points æ,B,y... la portion de barycentride placée au-dessus de l'axe OX, et aux points &’, 8", y"... la portion placce au- dessous , de sorte qu'en joignant le point M aux points au, B,y...eta, G',y'... on aura un faisceau de tangentes, parmi lesquelles se trouvera la ligne OM, déjà reconnue pour tangente. Supprimons le facteur sin (—e= w) dans l'équation pre- cédente , et il viendra a se P=-_-,,C0s(o— 2e) COS—4 FM 1 C'est l'équation d’un cerele passant par l'origine et décrit a RAD SR æ à sur un diamètre 1, Qu! fait, avec l'axe OX, un anglé égal à —«. Ainsi donc, M étant toujours le point du cercle générateur par lequel on veut mener les tangentes, on con- duira la ligne ON (fig. 3), bissectrice de l'angle MOA, et par les points O et M on fera passer une circonference de cercle qui ait son centre sur la bissectrice ; le diamètre ON a de ce cercle sera égal à ,,,_"_,, et fera, avec l’axe OX , un angle égal à —_ 4; cecerclesera donc celui de l'équation pré- 2 cédente. On aura, par conséquent, un second faisceau de tangentes, en joignant le point M aux points CANCER CE æ,B", y"... où la circonférence de ce cercle coupe la ba- rycentride. Quand le point M vient en A, toutes les tangentes dn premier faisceau se confondent avec l'axe OX , et celles du CLASSE DES SCIENCES. 199 second vont passer par les extrémités B,C, D... (fig. +) des rayons vecteurs maximum. Quand le point M vient à l’extrémite du diamètre, opposee à l'extrémité A, les tangentes du second faisceau se confon- dent, à leur tour , avec l'axe OX, et celles du premier vont passer respectivement par Îles points R,S, TT... (fig. 1}, où la barycentride est touchée par la spirale hyperbolique _a Re Lorsqu'on veut mener des tangentes parallèlement à une direction donnée , il faut faire b—% dans l'équation (17), et l’on obtient sin (4—20) p—=a Le lieu de cette équation, par son intersection avec la barycentride , ferait connaître les points de cette courbe où les tangentes sont parallèles à une droite, qui ferait angle & avec l’axe OX, Dans le cas particulier de 4=0o, l'équation précédente devient p—24 COS © et représente le cercle (fig. 1 ) décrit du point À comme centre , avec OA pour rayon : alors les tangentes sont paral- lèles à l'axe OX. Dans le cas de & = 90°, l'équation devient COS 20 Pos © et cette dernière équation donnerait les points de la bary- centride où les tangentes sont perpendiculaires à l'axe OX. Ces deux dernières conséquences sont conformes avec ce que nous avons dit art. 16. Lorsque les tangentes sont parallèles à l'axe OX , les por- tions de ces tangentes, qui vont des points de tangence P,Q... (fig. 1), à la circonférence du cercle générateur ; sont toutes 134 ACADÉMIE DE ROUEN. égales entr'elles et égales à a : cela est une conséquence de la position des points P,Q... sur une circonférence de cercle décrite du point A comme centre , avec un rayon égal à celui du cercle générateur. 18. L'expression de la somme des aires enfermées dans les anneaux est remarquable par sa simplicité. Ona, en effet, pour un secteur quelconque ,; commencant AMD = 01 et s’arrêtant à © =& RO) Co, De Npdo— = a jee, oo o 2 et intégrant par parties : [oO] 0] 2 n2 ÿ da” Sin” wo 1 2 sin 2 0) u=|———— )- Eve d 2 2 uw oO 2 o L'intégrale qui forme le second terme du second membre ne peut pas être obtenue en général , sous forme finie; mais on sait qu’en étendant la seconde limite de l'intégrale jusqu'à © sin 2 © I : % d2w—= - 7. D'ailleurs, le terme 2 w 2 l'infini , on a L hors du signe l devient nul entre les deux limites considérées ; L on aura donc, entre ces deux limites — = 2 U=S= TO # C’est aussi l'expression du quart de la surface du cercle géné- rateur. 19. Si nous décrivons une circonférence de cercle d'un rayon quelconque &, passant par le point O (fig. 4), et ayant son centre sur l'axe OY , l'arc de ce cercle, compris entre le point O et le point M d’intersection, avec la bary- centride , aura une longueur constante et égale au rayon & du cercle générateur, En effet, p=OM étant la corde qui soutend cet arc, et 2w étant, comme on le reconnait aisé- CLASSE DES SCIENCES. 135 ment, l'angle qui, ayant son sommet au centre P de cet arc, aurait le même arc pour mesure, la longueur de Parc est 6 er po — OM exprimée par 246, où par ———, à cause de = ——— SIL ) sin © ; F Sin © ou enfin par & , à cause de p=a— @) 20. La propriété précédente va nous permettre de tenter la quadrature de la barycentride, en ayant recours à un autre élément de surface que celui que nous avons considéré à l’art. 18. Proposons-nous de quarrer la portion de barycentride comprise entre deux circonférences quelconques & et & .. Pour cela, nous observerons que R {lig. 4) étant un point de la circonférence &, correspondant à l'angle MOA=w , et S un point infiniment voisin de la même circonférence , nous avons , pour l’expression du secteur infiniment petit ROS, ROS —=—"AR: do , et à cause de AR = 24sin ©. ROS= 24°sin°© do Si, maintenant, nous considérons le point R' de la circon- férence (4 — dx), correspondant à la même valeur de w, nous aurons, pour le secteur infiniment petit, R'OS’ R'OS'=2 (a—da ) sin’wde Or, en retranchant l’une de l'autre , les deux expressions précédentes , il viendra ; pour la surface infiniment petite RR'S'S, et en négligeant les infiniment petits d’un ordre supérieur au deuxième dy=, « sin © du do LL] d'où = 4 [| a sin? © da do LR L'intégration, par rapport à ©, devra être faite depuis o - LA! [14 * . jusqu'à 577, pour donner tous les éléments superficiels com- 136 ACADÉMIE DE ROUEN. pris entre les deux circonférences voisines & et 4—da, et l'arc de barycentride NT. L'intégration relative à &æ devra être faite depuis 4=4 jusqu'à 4 =4. Or, l'intégration par parties donne /» & [ À a NE 2 Le TT D . L sin? o dwu= —\ Æ ce A et par suite x{ «a AU: æ Le "=fa LL = IG — fe sin —d o) [2 (2 t æ %o ou Go : ab; 6 (74 : Pour continuer l'intégration , nous poserons —=8 , et il a en résultera Ë Na sin Bd 6 fa d'a sin = a fr ÊCÉ v & v B En intégrant deux fois par parties, nous obtiendrons RARE RES M a 1 cos B 1 TES rennes lloment (Je un etape HONTE L'intégrale du second membre ne peut être obtenue sous forme finie, on sait seulement qu'entre o et l'infini , elle est ” aux égale à TT. CREME Av: En remplacant 8 par sa valeur EE il viendra, en général , Ê a a «a sin — d— da De RDA ee Fra Ci Vlan | = NIrA2coS=|—=Z 240 C2 A 72 2 Pour le cas particulier où l'on prendrait l'intégrale depuis æ= jusqu'à &=0, les trois premiers termes du second CLASSE DES SCIENCES. 137 membre se détruiraient , et il viendrait Cr A D sin - _ sin= d= I v=—-a =-a? = 7 « 2 a 2 a 4 L CA oo C2 C’est l'expression de la somme des surfaces lunulaires conte- nues dans la demi-barycentride. Ce résultat est conforme avec celui que nous avons trouvé article 18. 21, La barycentride est une courbe mécanique qui résout d’une manière assez élégante le probléme de la division d’un angle en autant de parties égales que l’on désire. Veut-on, par exemple, diviser l'angle NOA (fig. 4) en trois parties égales ? On élèvera une perpendiculaire sur le milieu de ON, et le point Q, où cette perpendiculaire coupera l'axe OY, sera le centre d’un cercle qui passerait par Îles points O et N. On prendra, sur l'axe OY, une longueur OP, égale à trois fois le rayon OQ, et du point P comme centre ; avec un rayon égal à OP, on decrira une circonference de cercle qui coupera la barycentride en un point déterminé M. Ce point M étant joint au pointO, déterminera l'angle MOA égal au tiers de l'angle NOA. En effet, en vertu de la pro- priété art. 19, les deux arcs de cercle OR’N et OVM sont égaux ; donc. les deux angles NOA et MOA , auxquels ils servent de mesures, sont en raison inverse de leurs rayons , c’est-à-dire comme 3 est à 1. 22, Passons à une autre propriété non moins curieuse de la barycentride. On à , pour l’abscisse d'un point quelconque , a sin © sin 20 : L=pcosù=——cosw = a———. C'est la valeur de p qui «o 20 correspond à l'angle 20. Ainsi donc, la connaissance du point de la barycentride qui correspond à l'angle © , fait connaitre celui qui correspond à l'angle 20 ; celui-ci ferait connaitre le point qui correspond à l'angle 4o ; et ainsi de suite. 138 ACADÉMIE DE ROUEN. Delà un moyen d'obtenir la rectification du cercle , par une construction facile, et avec un degré d’approximation qui n’a d'autre limite que celle que lui donne l’imperfection des instruments. Ainsi, par exemple , voulez-vous rectifier la circonférence du cercle dont le rayon est OM (fig. 1 )? Tracez la ligne ON de manière qu’elle fasse un angle de 45° avec OM : partagez l'angle NOM en deux parties égales par la ligne ON’ ; du point N, menez NM’ perpendiculairement à ON’ ; au point M’ où cette perpendiculaire coupe l’axe OX, élevez sur MM’ la perpendiculaire M'N’ que vous arrèterez à la ligne ON’ : du point N’, abaissez la perpendiculaire N'M” sur la ligne ON”, bissectrice de l’angle N'OM’. Et ainsi de suite. Les longueurs OM, OM’, OM”, . .. qui dif- fèrent de moins en moins, à mesure que l'opération se pro- longe , ont pour limite le quart de la circonférence qui a OM pour rayon. Car, en appelant a cette limite, le lieu des à Mrs ; + L a sin, points N,N’,N”... est donné par l'équation p=——— (4 © et OM=OR est la valeur de p, qui correspond à w= 90°, = _—_—— 24 ; de sorte qu’on a OM =, et par suite a=—7 OM. 93, Si l'angle ROA { fig. 1), au lieu d’être un angle droit, est un angle quelconque 26, la construction précédente donne les relations qui suivent : OM =ON cos w ON=OM'=ON' cos —w + 1/4 LA L ON'=OM”=ON cos-—w LI ON/=OM”/=ON" cos +w En multipliant ces équations entr’elles , il viendra L OM=a cos & COS-—& COS --w COS-g-@. . » . 4 sin 20 et en remplaçant OM par 4 20 CLASSE DES SCIENCES. 139 sin 20 = COS © COS—& COS COS-G-O ++. 20 2 [A Cette série donne, dans le cas particulier de © = 45° 2 : 1 —=cos 15° cos—4b° cos-45° cos 45... < . 2 e ; ce qui permet d'exprimer — de la manière suivante : T AE AE A EE ES C’est une fonction de radicaux du second degré, en nombre infini, et du seul nombre 2. 24. La propriété de l'art. 22 donne lieu à un autre déve- loppement. En effet, d'après cette propriété , les triangles (fig. r) RON, NON’, N'ON”..... sont rectangles respec- tivement en R,N,N',N’.... . Desorte que, si l'angle ROA est représenté par 2®, On à les relations l 2 I 2 I : Sin” -0) SIT — 0) sun 2 W sin? 2 OR= a —,RN=a , NN'=a— N'N/= a Û 2 w 6) , À ml) m0) D'ailleurs, d’après la propriété du carré de l'hypoténuse , on a l'équation OR2HRN-ENN EN N 24... = OA! = a. et, par la substitution des valeurs précédentes, cette équation deviendra : I LL RU. 2 à \ “ L . A 5 . $ . (20) — sin° (2 w)= 2° sin w + af sin 642" sin —w4-2" sin' = 0 +... 2 4 140 ACADÉMIE DE ROUEN. Dans le cas particulier de w = 90°, cette série donne T 72 J'=1+2sini459Æoisiné 1 45° La6sink 454... F 2 4 25. Malgré la fécondité de la matière , malgré les rappro- chements que nous pourrions faire entre la question que nous nous sommes proposée , et une question d’un ordre plus élevé , la question de la propagation de la chaleur dans une sphère solide, nous allons mettre un terme à notre tra- vail; mais, auparavant, nous allons comparer la barycentride du cercle, avec la cycloïde et la quadratrice de Dinostrate , et faire voir comment la construction de ces deux dernières courbes peut servir à la construction de la première. Imaginons que le cercle générateur de la barycentride roule le long d’une ligne droite AQ (fig. 5 ), un point quel- conque M de la circonférence de ce cercle décrira la cycloide AM. Soit O le centre du cercle générateur dans une de ses positions ; l'arc de cercle QMÆ=AQ sera l'arc de cerele dé- roulé, et, si l’on abaisse du point Q la perpendiculaire QB sur la corde AM de l'arc cycloïdal déjà décrit, et du centre 0 la perpendiculaire OC, sur la corde QM de l'arc circulaire , le point de rencontre N de ces deux perpendiculaires sera le centre de gravité de l'arc de cercle QM. En effet, les deux triangles MAQ et NOQ sont semblables, et l'on a la proportion arc AQ : corde QM :: OQ : ON, ce qui suffit, d’après l’article 9, pour que le point N soit le centre de gravité de l'arc QM=AQ. D après cette propriété , il ne serait pas difficile d'imaginer une disposition qui permit de décrire la barycentride par ua mouvement continu. En effet, concevons que le point dé- crivant M, le centre O du cercle générateur et le point A soient chacun la base d’une saillie perpendiculaire au plan du cercle générateur. On conçoit aussi un mécanisme qui , CLASSE DES SCIENCES. 141 ‘eñ fesant rouler le cercle générateur le long de la directrice AQ, fasse en même temps glisser, le long de cette directrice, une saillie semblable aux précédentes, et qui se projette en Q, point de contact variable entre le cercle générateur et la directrice, Maintenant, imaginons une pièce solide et mobile, présentant une surface plane, sur laquelle on ait creusé deux rainures rectangulaires AM, QB, destinées , la première, à re- cevoir les deux saillies A, M, et la seconde la saillie Q. On concoit que , par le mouvement des deux points MetQ , la pièce mobile prendra une position en rapport avec la position relative des points À, M etQ. Si nous avons une seconde pièce mobile, portant, comme la première , deux rainures rectan- gulaires MQ, ON, destinées , la première, à recevoir les deux saillies MQ, et la deuxième la saillie O, il est visible que si les deux rainures BQ et ON traversent les deux pièces mo- biles de part en part, l’intersection de ces deux rainures présentera un espace vide, qui pourra recevoir un crayon perpendiculaire au plan du cercle générateur , et que la pointe de ce crayon tracera une barycentride sur la surface du cercle générateur. On pourrait remplacer la seconde pièce mobile , dont il vient d'être parlé, par lappareil suivant. Supposons que l'extrémité R du diamètre , qui passe par le point Q , porte une saillie analogue à la saillie Q. Construisons un parallélo- gramme STUV { fig. 6), variable de forme, et dont les côtés peuvent tourner autour des points par lesquels ils sont as- sembles : lun des rayons SU est pris égal au rayon du cercle genérateur , et l’autre côté a une longueur arbitraire : sup- posons que le côté UV de ce parallélogramme soit gêné dans son mouvement par un point fixe qui sera la saillie M, et qu'il en soit de même du côte ST, par rapport à la saillie Q. ( Les distances MU et OS sont égales.) Pour une position donnée des points O et M, il est clair que la forme du pa- rallélogramme ne sera pas déterminée , mais que cette indé- 142 ACADÉMIE DE ROUEN. termination cessera, si l’on assujétit la saillie R à se mouvoir dans une rainure pratiquée sur le côté UV de ce parallélo- gramme. Or, dans cette position, le côté UV, qui est tangent à la cycloïde , étant perpendiculaire à MQ , il en est de même du côté ST : la direction du côté ST va donc toujours passer par le point N. Par conséquent , si une rainure pratiquée sur le côté ST , traverse ce côté de part en part, le vide canaliculaire formé par l'intersection de cette rainure, avec la rainure BQ de la première pièce mobile conservée , pourra recevoir le crayon qui tracera la barycentride. 26. Deux axes rectangulaires OX et OY se coupant au centre O d’un cercle dont le rayon est 4, si une ligne, parallèle à l'axe OX, se meutuniformément , en s’'approchant de cet axe, à partir du point de rencontre du cercle a avec l’axe OY; si, en même temps , un rayon du cercle, parti du même point, tourne uniformément autour du centre, ense rapprochant de l'axe OX ; si, enfin, la droite et le rayon mobiles arrivent en même temps sur l’axe OX, la courbe continue qui résultera de l'intersection continuelle de cette droite avec ce rayon, sera la quadratrice de Dinostrate , et elle aura pour équation 24 w PET T Sin les angles w étant comptés à partir de l'axe OX. Par la comparaison de cette équation avec l'équation sin & p=a de la barycentride , on voit que le produit de [0] deux rayons vecteurs est constant dans ces deux courbes, Cette propriété peut done servir à construire la barycentride par points, quand la quadratrice est tracée, En effet > pour avoir le point de la barycentride qui correspond à la valeur w, relative à un point quelconque de la première courbe , il suffira de faire passer une circonférence de cercle par ce dernier point, par l’origine de la barycentride et par le point CLASSE DES SCIENCES. 143 où l'axe OX est coupé par la quadratrice ; l'intersection de cette circonférence avec le rayon vecteur, qui passe par le point en question, sera le point cherché. La construction sera d'autant plus facile , que toutes les circonférences qu'il faudra tracer auront leurs centres en ligne droite , et placées sur une perpendiculaire à l'axe the RO RL RER RES THÉORIE DES PARALLÈLES. Par M. AMIOT. 1. Une quantité est dite infiniment petite quand elle est susceptible d’être rendue plus petite que toute quantité donnée de la même espèce, et qu'on la considère comme ayant pris cet état. 2. Lorsque deux quantités finies et déterminées ne diffèrent que d’un infiniment petit , elles sont rigoureusement égales entr’elles. 3. Le rapport de deux angles quelconques est toujours une quantité finie et déterminée. En effet , il est égal à celui de deux arcs décrits de leurs sommets comme centres avec un même rayon , et compris entre leurs côtés. Or, étant donnés deux ares de même rayon, on peut toujours obtenir une valeur numérique , soit exacte , soit aussi approchée que l’on voudra du rapport de ces arcs. Donc , etc 4. Théoréme. Quand deux droites (AB et CD), coupées par une secante HK font , avec cette droite , dans le même sens ; des angles égaux { BAK =CDK ), ces droites sont pa- rallèles. dd sguiith be chiites aix AL énire leur cütés, Or, Athgt gp ind chu np ro LEE mairie © TI CS en, LUN x RUE Celle EU re , danse AN FR): ce: dati oi “ an r QU L 0 CLASSE DES SCIENCES. 145 En effet , si elles pouvaient se couper, par exemple, au- dessus de HK, on verrait aisément qu'elles devraient aussi se couper au-dessous de cette ligne, et réciproquement. 11 suffirait pour cela de faire tourner la figure BADC autour du point O milieu de AD, de telle sorte que OH vint coinci- der avec OK , AB tomberait sur DI et DC sur AL. On aurait donc deux droites différentes passant par deux points dis- tincts, ce qui est absurde. 5. Lemme. Si les deux angles BAK et CDK sont égaux, BADC le rapport de la bande BADC à l'angle CDK, CDK est une quantité infiniment petite. En effet, je puis concevoir la bande BADC placée dans la position CDD'C", puis dans celle C'D'D”C”, et ainsi de suite, sans pouvoir jamais remplir l'angle CDK. J'aurai donc CDK>n.BADC , 7 représentant un nombre entier que l’on pourra supposer aussi grand que l’on voudra. Il en résulte BADG BADC er BADC Le Or 2 L'an e DRM EMDE |, CDR. 7 de tn US ES plus petit que tout nombre donné ; donc le rapport pene CDK est un infiniment petit. 6. Réciproque. Lorsque deux parallèles {AB et CD ) sont rencontrées par une sécante HK , les angles (BAK et CDK ) qu'elles font dans le même sens avec cette droite, sont égaux (BAK=CDK.). Pour le prouver, je fais au point D , avec Ja ligne DK, un angle égal à BAK ; le deuxième côté ne peut prendre que lune des trois directions DG, DG intérieur à l'angle CDK ou DE extérieur à ce même angle. Dans le premier cas, le théo- réme est évident. Dans le deuxième, j'aurai BAK=CDK +BADC, et partant BAK BADC : BADC _BADG CDK = TT GDK Or, pour deux raisons, CDR GDK ? 11 146 ACADÉMIE DE ROUEN. quantité infiniment petite (5), puisque l’on a GDK=BAK. F “ Il en résulte (2) Per et partant BAK —CDK. CDK Dans le troisième cas, je prolonge AB, CD et DE, ce qui LDH LDAM LDAM _IDAM 4 me donne NH IDE avec a MA? Juantité infiniment petite (5). Donc, LDH=MAH, et partant CDK=BAK. Donc, dans toutes les hypothèses possibles , les angles BAK et CDK sont égaux C. q. f. d. 7. Corollaire. On ne peut évidemment mener par le point D, qu'une seule droite fesant l'angle CDK=BAK ; donc les droites DG et DE ne peuvent être supposées distinctes de DC , et partant on ne peut généralement mener , par un point, qu’une seule parallèle à une ligne donnée. DISCOURS PRONONCÉ SUR LA TOMBE DE M. THOMAS-PLACIDE LEPREVOST , MÉDECIN VÉTÉRINAIRE DÉPARTEMENTAL , Au nom de l'Académie Ropale de Rouen, EN L'ABSENCE DE M. LE SECRÉTAIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES, Par M. A.-G. BALLIN , ARCHIVISTE, Le 3 Septembre 1838, à 10 heures du matin. N. B. Ce discours , mentionné dans le rapport du Secrétaire des sciences, p. 31, aurait dû être imprimé à la suite du même rapport, mais la minute en ayant été égarée momentanément, on a cru devoir le placer ici. MESSIEURS, Un devoir impérieux' pouvait seul empêcher M. le secré- taire de la classe des sciences de l’Académie, de venir rendre un dernier hommage au digne confrère qui vient de nous être enlevé, J'essaierai donc de le suppléer , et si je n'exprime pas avec le mème talent des regrets que nous partageons tous, ce sera du moins avec la même sincérité. 1 M. Des Alleurs n’a pu se dispenser d'assister aux examens du jury médical, dont il est membre. 148 ACADÉMIE DE ROUEN. Les fonctions que j'ai occupées à la préfecture pendant plus der7 ans, m'avaient mis à portée d'apprécier dès long-temps les excellentes qualités de l’homme de bien sur lequel la tombe va se fermer à jamais! Hélas , Messieurs, nous devons tous un inévitable tribut à la mort , et quand nous la voyons si souvent se faire un jeu cruel de briser les espérances d’un brillant avenir, ce doit être un adoucissement à nos dou- leurs alors qu’elle*laisse parcourir à ses victimes une longue carrière, et, certes, on reconnaîtra que celle de Thomas- Placide Lxrrevosr a été bien remplie, surtout si l'on con- sidère le nombre de ses utiles travaux plus encore que celui de ses années. Né à Louviers, le 4 septembre 1765, il fut admis en 1583 à l'école vétérinaire d’Alfort , où il resta quatre ans, et où il sut se concilier l'affection de ses professeurs par son bon caractère et ses progrès dans ses études, qui lui valurent d’être choisi parmi ses condisciples pour aller observer une épizootie qui s’etait déclarée dans le département de l'Oise. C’est après s'être acquitté de cette mission de la manière la plus satisfesante, qu'il obtint, au concours , le brevet de médecin-vétérinaire , et qu’il fut réclamé, en 1788 , par l’in- tendant de lagénéralité de la Haute-Normandie pour exercer à Rouen, où il se fixa dès cette époque. Il ne tarda pas à s’y faire une réputation à laquelle il dût d’être nommé, en 1800, inspecteur vétérinaire des che- vaux de remonte qui furent levés alors en grand nombre par voie de réquisition, puis médecin-vétérinare et chef de la maréchallerie du département, I’Académie, qui lui ouvrit ses portés en 1815, et lui confia ses finances pen- dant sept années, lui décerna ensuite le titre de trésorier honoraire ; elle a toujours trouvé en lui un membre utile et zélé, un confrère aussi affectueux qu’estimable. Enfin , il fit partie du conseil de salubrité , dès sa formation, par arrêté du Préfet, en date du 29 juin 1837. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 149 Les publications de l’Académie , celles de la Socité cen- trale d'Agriculture , dont il était membre , et le Recueil de la correspondance du préfet avec les maires, contiennent un assez grand nombre d’opuscules de sa composition, qui at- cestent l'étendue de ses connaissances théoriques et pratiques , la justesse de ses observations et son désir de se rendre utile à ses concitoyens , en les fesant profiter du fruit de ses études et de sa longue expérience. Le temps me manque, Messieurs, pour rechercher et citer les titres de ses ouvrages ; je ne me rappelle en ce moment que ses Considérations sur l'utilité des Haras du gouvernement , et sur les moyens d’amé- liorer les races des chevaux 1, son Instruction complète sur les Maladies des moutons ?, son Abrégé historique sur l'Art Vétérinaire ?, et ses Instructions sur la péripneumonie des bêtes à cornes #, dont il serait à désirer que tous les éleveurs prissent connaissance ; ils y puiseraient, non-seulement des moyens de guérison, mais encore d'excellents conseils sur les soins et les précautions propres à prévenir l’invasion des maladies , ou du moins à en atténuer les dangers , qui ne peuvent que trop souvent être attribués à l'ignorance et à l'incurie. Il n’y a pas long-temps que M. Leprevost vaquait encore à ses occupations ordinaires , et son activité n’a pu être ra- lentie que par une maladie cruelle qui, après lui avoir laissé un peu de répit, est venu sévir avec une nouvelle force, et le séparer d’une famille et d’amis qui le chérissaient à si juste titre; puisse-t-il, dans une meilleure vie, jouir de la récompense due à ses vertus , et d’un repos si bien mérité pour ses longs et pénibles travaux. * Discours de réception à l'Académie, en 1815. 2 ]mprimée par ordre de la Société centrale d'Agriculture ct distribuée, par le Préfet, à tous les maires, en juillet 1824, 3 Précis de l'Académie, vol. de 1837. 4 Société centrale d'Agriculture , trim. de janvier 1835, p. 826. # boë al dant | vusiét 2 onrtt sabbgmart tale ut one edtersqu &i "Ms pd baitnoqn ot: 2n db Ghéumauyqoile silence fete, atrsès ÿ pu pd aus se fr Bérard: ur sé ldaret |ehinèe pacoltodebinne 434 2mûitr made mb | a messe cté He dhélse tétitorre rt rés ni Êl u fanpueus ranamaios séne és «Hépoate pren ob Ésaiiérrlntin #2 ahsrigi viens 234 LL ELU T ETS? pa vi um LATE “ saté te ons diurne: Fig \ Hé Las Aron an doi AUS ” 4 * Li resrut CN EHIS EPNIEE ein je Ave Hans si a TU MS 2 “ins x L SSSR ‘ ME, 0200600000070700700707:077000200620002000609050205555:000505e CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. Rapport PAR M. DE STABENRATH, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE LA CLASSE DES LETTRES. MEssiEURS , Les associations littéraires et scientifiques appellent chacun de leurs membres à concourir aux travaux communs, sui- vant l'étendue de leurs forces et dans le cercle de leurs études; c’est un des plus grands avantages qu'elles procurent. Les hommes capables d'approfondir toutes les sciences , de les saisir dans leurs rapports les plus intimes et les plus éloignés, d’être à la fois savants et littérateurs , sont très rares ; mais, au contraire, le nombre est considérable de ceux qui, entrainés par la nécessité, le hasard , ou guidés par leur goût, ont cultive avec ardeur et succès quelques- unes des branches des connaissances humaines, A ceux-là les associations intellectuelles sont utiles , car elles leur donnent 152 ACADÉMIE DE ROUEN. le moyen d'étendre et de développer les richesses de leur esprit, de découvrir les profondeurs de la science qu'ils ont cultivée, d'appeler , sur les perfectionnements, les décou- vertes et les innovations , l'attention , les investigations et les jugements , des membres de l’association , qui, sans cette heureuse réunion , seraient restés la plupart du temps étran- gers aux mouvements progressifs ou rétrogrades de l'esprit humain. Considérées sous ce point de vue, abstraction faite de l'influence qu'elles peuvent et qu'elles devraient exercer , hors de leur enceinte, les associations intellectuelles mé- ritent donc d’être conservées , protégées, et de recevoir dans leur sein tous les hommes studieux et amis de la science. On peut accuser une association, composée de savants et de littérateurs , où se trouvent réunis à la fois des disciples de Lavoisier, des médecins , des magistrats , des économistes, des poètes, des historiens, de manquer d’unité dans les vues , de grandeur dans les résultats , mais son action, pour étre presqu'insensible , n’en est pas moins puissante, peut- être, parce qu'elle se fait jour et s’infiltre, pour ainsi dire , dans la Société sans qu'on s’en apercoive ; car, en définitif, chacun des membres a profité des lumières de tous, en payant lui-même son tribut à tous, par une coopération active et désintéressée. Votre Académie, Messieurs , est l’une de ces associations , etle compte rendu de vos travaux de cette année ,que je suis chargé de vous présenter, sera la preuve évidente de ce que je viens d'avancer. Si nous jetons , en effet , un coup-d'œil rapide sur l’ensemble de vos séances , nous voyons que vous avez été occupés de l’examen des questions les plus graves ; que vous avez parcouru le domaine des sciences , de la litté- rature et des beaux arts, et que vous avez été fidèles à votre institution. Ainsi, M. Verdière vous a présenté un Mémoire CLASSE DES BELLES-LETTRES. 153 sur l'état actuel des Belles-Lettres en France. Déjà , dans votre dernière séance publique , je vous avais signalé cette « réaction qui se fesait sentir contre les novateurs ; je vous « disais que l'engouement manifesté pour la littérature dite «romantique, était tombé , que la mode avait changé d'objet «et que l'esprit public en avait fait raison. » Depuis ce mo- ment , le mouvement ne s’est pas ralenti , rayonnant de la capitale vers les provinces, s'étendant du centre à la cir- conference, il a touché en passant , notre vieille cité, et fait vibrer plus d'une corde long-temps restée muette, ré- veillé des sympathies cachées. Tous les drames, monstrueux, incohérents , enfants d’un génie puissant, mais sans frein, ont presque complètement disparu de notre scène , et parmi les manifestations de répulsion , les plus énergiques contre l'esprit qui guidait les Belles-Lettres, vous devez, sans contre- dit , ranger la dissertation de M. Verdière. Dès le commen- cement de son ouvrage, notre honorable confrère pose en principe que, depuis le siècle de Louis XIV, les Belles-Lettres n’ont pas fait de progrès et que leur décadence en France est évidente. Selon lui, l'éclat dont elles brillèrent sous le grand roi, tenait à quatre causes principales ; il résultait : De la civilisation avancée de la nation , de La stabilité de ses insti- tulions sociales , de la prospérité qui étend les jouissances du cœur et de l'esprit , et de l'encouragement du prince par les honneurs. C'est vers le milieu de la longue carrière de Voltaire, que la marche rétrograde à commencé. Pour ainsi dire créateur du philosophisme, dont il fut le plus ardent propagateur , il attaqua Ja religion dans sa base , poussa à la désorganisation, moins encouragée par le prince, qu’elle blessait, la littérature s’affaiblit faute d'émulation, et la France ne compta plus que des auteurs du second ordre ; tel fut, en peu de mots, l’état des Belles-Lettres sous Louis XV, et sous le règne de Louis XVI , lorsque la révolution vint » pendant des jours de deuil et de sang , détruire les institu- 154 ACADEÈMIE DE ROUEN. tions, bouleverser les fortunes , compromettre les existences et faire oublier les lettres tombées dans le mépris. Le plus grand capitaine de notre époque , Napoléon , chercha, mais en vain, à imprimer une marche ascendante à l'étude des lettres, les efforts de Louis XVIIT, pour la protéger et la développer , furent stériles. Qu’a donc produit notre siècle? quelques ouvrages remarquables, sans doute , mais ils sont en bien petit nombre. Dans les drames et dans les comédies on a rejeté et violé les règles imposées par le goût et l'usage ; la poésie a méconnu sa céleste origine ; l’éloquence de la chaire est perdue, mais les débats de la tribune , et les dis- cussions du barreau ont fait apparaître de grands orateurs. Il est, certes, difficile d’entrer plus franchement dans la lice, de définir plus nettement ses principes que notre hono- rable confrère; sa dissertation est un exemple qui nous encouragerait, Messieurs, à vous faire connaitre aussi nos convictions personnelles ; mais il faudrait établir une discus- sion, qui, par son étendue et son importance , dépasserait les limites dans lesquelles nous devons nous renfermer. Il n’y a rien de plus sujet à la controverse que les systèmes lit- téraires, si ce n’est , peut-être , les systèmes philosophiques. Cependant, au milieu de ces fluctuations , l'erreur finit par s’'évanouir, les systèmes tombent , se remplacent, et la vé- rité, long-temps obscurcie, brille dégagée des nuages qui l’enveloppaient. L'homme est perfectible de sa nature; 1} tend à s'améliorer, et, depuis les premiers siècles où l'œil de l’historien peut plonger, on apercoit le genre humain juttant sans cesse contre le mal et les désordres , s'avancant à pas lents, mais sûrs, dans les voies de la civilisation. De nos jours, une secte, dont les doctrines, nées d'hier, sont déjà tombées dans le domaine de l’histoire , la secte saint- simonienne , a voulu régénérer l'espèce humaine, s’est pré- sentée sous un triple aspect, et s’est posee à la fois , comme secte sociale , politique et religieuse. M, Mallet , professeur cr CLASSE DES BELLES-LETTRES. 15 de philosophie , vous a présenté, d'une manière lucide et précise , l'exposé de ses doctrines ; 1l les a combattues et dé- truites par des arguments sans réplique, il vous a montre que la pensée religieuse du saint-simonisme n’était qu’une imitation maladroite du christianisme dont elle attaquait les dogmes fondamentaux : l'existence de Dieu et limmortalité de lame. Le Dieu du saint-simonisme «était la vie univer- « selle, étendue et pensée tout ensemble, intelligence et force, « sagesse et beauté, unité infinie à deux faces, synthèse com- « plète de deux analyses partielles , savoir : d’une part, le « judaïsme qui n'avait envisagé lunité divine que sous le « côté matériel, et, d'autre part, le christianisme qui ne l’a- « vait envisagé, à son tour, que sous l'aspect spirituel. » Notre confrère, passant ensuite à l’examen des théories sociales et politiques , vous présente trois principes fonda- mentaux qui les résument : travailler à l'amélioration phy- sique et intellectuelle de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ; à chacun sa capacité, et à chaque capacité se- lon ses œuvres ; abolition de tous les priviléges de la nais- sance sans aucune exception; tel est le triple but qu'ils se proposaient d'atteindre ; tel fut le sujet de leurs prédications et de leurs écrits. Habiles à découvrir les imperfections de nos institutions politiques, à trouver les maux de notre ordre social, ils les sapaient par leur base, et cherchaient à les détruire ; ils montraient les plaies, mais les remèdes qu'ils voulaient apporter , étaient plus dangereux qu'elles. C'était peu de détruire l'édifice social, il fallait encore le recons- truire.— Alors , ils vous proposèrent une organisation poli- tique qui ressemblait tout à la fois à la constitution ecclésias- tique et cléricale du moyen-âge et à la constitution militaire de lempire. Cette partie du système saint-simonien était anti-sociale , impraticable , absurde , elle aurait fait naître dans son application les désordres les plus épouvantables ; car elle admettait une élection par en haut, quiexcitait toutes 156 ACADÉMIE DE ROUEN. les ambitions, et tout en proclamant à chacun sa capacité , à chaque capacité suivant ses œuvres , elle ne donnait d’au- tres juges de cette capacité que le saint-simonien lui-même. Le chef de l'état se posait, par exemple, seul, par sa pro- pre autorité et par son propre choix. Elle détruisait à jamais les liens de famille, mettait les enfants en commun, proscri- vait le mariage, et, pour compléter le système , pour abo- lir enfin tous les privilèges de la naissance, on ne devait plus rien posséder en propre , les fonds de terre , les instruments du travail appartenaient à la nation ; il n’y avait plus de suc- cessions , plus d’héritages. « Messieurs, dit M. Mallet, à l'heure où nous parlons , « Je saint-simonisme a passé sans retour : il est tombé parce « qu’en glorifiant la prostitution, et en fesant appel aux « passions les plus effrénées , il a outragé tout ce qu'il y « avait d’instincts honnêtes au cœur de l’homme , et la pu- « deur publique s’est soulevée contre une telle morale ; il est « tombé parce qu’en préchant l'abolition de la propriété, «ila, autant qu'il était en lui , renversé la base de toute s0- « ciété civile, et le bon sens public a réprouvé une telle po- « litique ; il est tombé parce qu’en panthéisant la substance organisée et vivante, il a voulu bannir le vrai Dieu de ce « monde , et la conscience publique s’est révoltée contre une « telle religion. » Et cependent, toute détestable qu’elle est, la doctrine saint-simonienne a produit quelque bien, car, ainsi que l’a dit un de nos grands poètes , Lamartine : Par le désordre, à l’ordre même, L'univers moral est conduit. C’est à cette doctrine que notre confrère attribue , d’une manière trop absolue, peut-être , l'immense mouvement CLASSE DES BELLES-LETTRES. 157 4 imprimé aujourd’hui à tous les grands travaux de l’industrie ; c'est elle qui a propagé, popularisé le dogme du progrès social, que le dix-huitième siècle nous avait légué ; c’est elle enfin, qui a proclamé que la seule aristocratie devait être celle de l'intelligence ; et qu'il fallait améliorer la position ficheuse des classes ouvrières, en leur donnant le pain de lame et celui du corps. Dans sa réponse au discours de M. Mallet , M, le président Paumier conteste la doctrine du progrès social indéfini; il pense que le saint-simonisme n'a pas eu sur le développe- ment de l’industrie, sur l'éducation du peuple, sur l’amé- lioration des classes ouvrières et sur leur bien-être, une aussi grande influence que le prétend notre honorable confrère. Il est, suivant nous, pourtant, une chose que l’on doit recon- naître; c’est qu'en parcourant les provinces, en exposant publiquement leurs doctrines, en appelant la discussion sur leurs principes, les Saint-Simoniens ont soulevé et réveillé une foule de questions du plus haut intérêt, semant à la fois, et sans discernement, l’ivraie et le bon grain. Qui ne se rap- pelle les avoir entendus, non loin de cette enceinte, attaquer, à l’aide d’arguments serrés, pleins de force , et de logique , la concurrence dans les entreprises industrielles, ils vous montraient les producteurs, se précipitant tête baissée dans cette lutte acharnée , et compromettant leur fortune, sou- vent celle d'autrui , et le bonheur futur de leur famille ; puis pour résultat de cette lutte, l'immense encombrement des objets produits , amenant à des époques plus ou moins éloi- gnées des crises commerciales , dont le contre-coup se fait cruellement sentir dans tout l’état, Ils en concluaient que la concurrence était la plus cruelle ennemie de l’industrie , et qu'il fallait la détruire, Ils reportaient donc ainsi nos pen- sées sur l’organisation de l’industrie et sur cette éternelle et insoluble question de la liberté illimitée du commerce. Alors accouraient en foule , les souvenirs des siècles passes , 158 ACADÉMIE DE ROUEN. le maîtrises, les jurandes apparaissaient , hérissées de leurs règlements prohibitifs, et de toutes leurs entraves, puis on revenait à cette liberté sans limites, queles intérêts internatio- naux rendent impraticable. Enfin, ces questions soulevées, débattues , repétées par la presse, produisaient cette enquête générale restée sans résultat , et rappelaient aux gouverne- ments que l’un des plus graves problèmes qu'ils aient à résoudre, c’est de donner à l’industrie une organisation qui, tout en favorisant ses développements , en assurant à cha: cun l'usage de sa liberté, puisse empécher les crises commer- ciales, en mettant la production en rapport avec les besoins des consommateurs, et en trouvant des débouchés pour pré- venir la gène résultant d’une production trop abondante. Si, des questions de littérature, nous sommes arrivés par une pente insensible aux questions les plus graves d’econo- mie politique et de morale, c’est que toutes les connais - sances humaines sont attachées par un lien commun, par une chaîne mystérieuse et indestructible, par la pensée re- ligieuse; vous la voyez se produire dans la dissertation de M. Verdière sur l’état des Belles-Lettres en France ; il dé- plore l'oubli des sentiments religieux et il attribue ce fà- cheux résultat au philosophisme du dix-huitième siècle. M. Mallet cherche à relever le courage des ames contristées ; il montre le christianisme dont on a, dit-il, trop tôt sonné le trépas, comme étant encore le plus puissant élément de civilisation ; il ne dément pas sa céleste origine ; ne répand- il pas , par tout et sur tout ses bienfaits ; n’a-t il pas des re- mèdes pour tous nos maux , des consolations pour toutes nos douleurs , des espérances pour toutes nos infortunes. Il ne faut donc pas désesperer de l'avenir. M. Homberg s'est inspiré de cette dernière pensée ; il l’a prise pour texte de son discours de réception ; il a examiné quel devait être l'avenir religieux de la société. Il s’est attaché à prouver CLASSE DES BELLES-LETTRES. 159 que la science, loin d’être hostile à la religion, en était le plus sûr auxiliaire ; que les contradictions qu’elles fesait naître n'étaient qu'apparentes et provenaient de ce que les phéno- mènes de la nature, les monuments des peuples, étaient restés incompris où mal expliqués. Il a foi dans l'avenir re- ligieux et chrétien, et il appelle de tous ses vœux le retour vers les croyances de nos pères. Le sujet traité par M. Hom- berg est si vaste, si important, que nous craindrions de nous égarer , en joignant quelques réflexions à cette imparfaite analyse; nous ne pouvons mieux faire, pour la clorre, que de citer les paroles graves de la réponse de M. le président ; ces paroles auront plus de poids et de portée que tous nos raisonnements. « Or , ce revirement de l'opinion, cette crise «intérieure, ne se fait-elle pas sous nos yeux ? Déjà l'aurore « du réveil se fait entrevoir , les grandes tendances de notre «époque reportent évidemment vers l'evangile ; un travail «secret, un mouvement profond agitent les nations chre- « tiennes. Dans les contrées idolâtres, s’allument mille foyers « nouveaux des lumières évangéliques. Les puissants empires « qu'avait créés l’islamisme, et derrière lesquels se retranchait « cette religion du sabre, croulent de toutes parts, et, tandis « que le silence de l’incrédulité remplace les cris de sa haine «et le bruit de ses attaques, des voix prophétiques, toujours « plus nombreuses , se font entendre et nous présagent l’'ap- proche du triomphe de la vérité. » La vérité ! mais n'est-ce pas elle que nous devons cher- cher à atteindre , partout et dans tout, dans la philosophie comme dans la religion, dans les arts comme dans les lettres ; n'est-ce pas elle aussi que les esprits éclairés de nos contem- porains poursuivent par tous les moyens et sous toutes les formes. La statistique est née de cette recherche active et infatigable, Science positive, hérissée de chiffres inflexibles, elle ne peutse tromper dans ses résultats; mais, mal appliquées, mal interprétés, ces résultats peuvent entraîner à de funestes 160 ACADÉMIE DE ROUEN. conséquences. En tout , il faut se garantir de l’exagération , et considérer les rapports des choses entr’elles, avant de se jeter dans des réformes, superbes en théorie et déplorables en pratique. Vous avez constaté avec M. de Villers, que le dépar- tement de la Seine-[nférieure dépassait de beaucoup, sous le rapport industriel et commercial , les quatre autres départe- ments formant l’ancienne Normandie, « et dès-lors on serait « porté à croire que la civilisation y a fait plus de progrès, « que les habitants de la contrée y sont plus instruits de « leurs devoirs, que la süreté des personnes et des proprié- « tés y est plus solidement établie, » Il n’en est pas ainsi, la statistique vous apprend , que linstruction primaire , en- travée par beaucoup d’obstacles , est moins florissante dans ce département que dans le quatre autres, et que le nombre des criminels à été proportionnellement, sur un nombre égal d'individus, bien plus considérable. Voilà donc, des résultats diamétralement opposés à ceux que l'on pouvait espérer, M. de Villers, se demande pourquoi il en est ainsi, et sans vouloir entrer dans une discussion approfondie, il nous a faitremarquer. «Que la concentration d’un trop grand nombre « d'établissements industriels , sur un même point du pays, « tend à placer une foule d'individus en dehors de notre ci- « vilisation, à créer pour eux une sorte de vasselage nouveau, « également défavorable à leurs mœurs , à leur instruction, «à leur constitution physique. — Que des parents avides, « étrangers aux plus simples connaissances élémentaires, y « spéculent sur le travail manuel de leurs enfants, dès leur « âge le plus tendre. — Que les chefs d'établissement crai- « gnent de perdre une heure de ce travail, anti-social , mais « lucratif. Que, lorsque cette population abâtardie, voit la «richesse et le luxe briller près d’elle , la religion et la mo- « rale qu’elle ne connaît pas, ou qu’on lui apprend à mépri- « ser ne peuvent lui servir de frein, et qu'elle est certes « plus accessible au crime. » CLASSE DES BELLES-LETTRES. 161 Vous le voyez, Messieurs , en généralisant les idées , et les prenant d’un point de vue plus élevé, nous revenons, avec tous les membres de l'Académie dont j'ai analysé les travaux , à cette grave question de moralisation de toutes les classes de la société. Mais cette moralisation ne pourra se faire qu'avec l’aide dutemps, qu'avec unegrande persévérance et après des tätonnements nombreux et souvent infructueux, Pour nous, nous pensons qu'il faut raffermir de plus en plus l'État sur ses bases , rendre le pouvoir fort, pour qu'il soit protecteur; faire taire, comprimer , éteindre les am- bitions haineuses ou déréglées, assurer à chaque sujet des moyens d'existence , sa part de bien-être matériel et d’ins- truction élémentaire. Alors , vous avancerez rapidement dans les voies de la civilisation, alors vous verrez les abus disparaître , le nombre des crimes diminuer, et vous n'aurez plus à sévir que contre ceux dont les mauvaises passions , les déplorables penchants auront résisté aux exhortations de la religion, aux exemples de la morale, aux bienfaits de l'éducation. Ainsi que les sectateurs de Saint-Simon , vous voyez le mal, mais vous êtes impuissants à le guérir. Réformez donc la Société pour les générations futures, par la génération qui s'élève, et n’a- doptez les nouveaux systèmes qu'avec beaucoup de retenue et de gircouspection. Quand nous envisageons la grandeur et l'importance de ces sujets, qui intéressent à un si haut degré l’ordre social , nous sommes tentés de nous plaindre d’être contraints de vous donner aussi peu de développements, mais nous n'avons ni le temps, ni les forces nécessaires pour les exposer et les discuter convenablement. Resserrés dans les bornes étroites d’un rapport, placés entre la crainte d'abuser de la patience de ceux qui nous prêtent une bienveillante attention , et celle d'omettre ou de négliger, dans cette rapide analyse, quelque chose qui mérite d'arrêter vos regards, nous avons fait 12 162 ACADÉMIE DE ROUEN. passer devant vous un tableau mouvant, animé, dont les figures diverses vous ont causé peut-être plus de fatigue qu’elles n’ont excité d'intérêt, et où, par hasard, vous aurez aperçu quelques lueurs qui ont illuminé l’ensemble de ce tableau. Maintenant, nous devons quitter ces sommilés , ces questions générales , livrées de tout temps à l'éternelle dis- cussion des hommes, et examiner en peu de mots les tra- vaux des autres membres de l’Académie. Il est encore , ce- pendant, un discours qui, par Îles objets dont il traite , se rapproche des questions vitales que nous avons indiquées : c’est le discours de réception de M. Lévesque, conseiller en la Cour royale de Rouen. Notre confrère a recherché quelles seraient les meilleures modifications à faire subir à l'institution si utile des juges de paix , pour la rendre par- faite. Ce travail, tout-à-fait d'application, où la théorie a besoin d’être appuyée par la pratique , n’est guère suscep- tible d'analyse dans une séance telle que celle-ci. Il faudrait , en effet, suivre l'auteur pas à pas, peser avec lui les avan- tages réels ou les inconvénients qui pourraient résulter de son système ; bornons-nous donc à dire, avec M. le presi- dent , dans sa reponse à ce discours : « Si l’on atteignait le but vers lequel vous voudriez que l'on tendit avec plus d'efforts et par des moyens plus efficaces , quels avantages «n’en verrait-on pas résulter pour les individus et les fa- milles ? Diminuer ou prévenir les procès, concilier ensemble A des personnes que divisent des intérêts opposés , souvent « mal entendus... Ah ! ce serait détruire l’un des plus grands « maux de la Société et contribuer puissamment à y ramener « le bonheur. » Cependant , il y a loin de ces discussions pacifiques qui s'établissent sous les yeux du magistrat charge de tenir la juste balance entre les parties, à cette manière de procéder par le glaive ou par le feu , que l’on employait au moyen- âge ; n0$ mœurs € sont adoucies ; nous avons fait d'immenses CLASSE DES BELLES-LETTRES. 163 progrès, et nous pouvons affirmer que nous valons mieux que nos aïeux ! L'histoire , en effet, nous représente, à cha- cune de ses pages , les malheurs de l'espèce humaine , dans ces siècles où la force et la violence avaient pris la place du droit et de l'équité. Relisez donc attentivement notre his- toire, celle des autres nations, pendant les temps qui se sont écoulés depuis les invasions des barbares dans les Gaules, et vous verrez à travers quels fleuves de sang, quelles misères, quels désordres , quels abus nous sommes parvenus enfin à jouir de la liberté la plus complète , sous la protection et l'égide des lois. L'Histoire du moyen-äge, par l'un de vos membres, M. Des Michels, recteur de l'Académie universi- taire de Rouen , offrira une longue suite de méditations , une foule de rapprochements , au philosophe et à l'homme d'état; nous sommes heureux de penser avec vous que cette histoire ne restera pas incomplète , et que vous aurez hûté , par vos suffrages , le jour où la suite pourra en être livrée à la publicite. Dans notre dernier rapport, nous vous fesions remarquer avec quel zèle et quelle ardeur on étudiait en province l’his- toire locale; ce zèle ne s’est pas ralenti parmi les membres de l’Académie. Cette ardeur ne pouvait s’eteindre au milieu d'une cité où sont réunis tant de documents précieux et ignorés ; vous retrouvez donc naturellement ici les noms de MM. Deville et Floquet. Vous devez , au premier , la partie de la Statistique historique du département de la Seine-Infe- rieure , comprenant les époques Gauloise et Romaine , et une discussion sur les médailles gauloises de Rouen. Ces médailles sont au nombre de cinq; elles ont le même module ; l’une d'elles porte le nom primitif de la ville de Rouen, Ratu- macos. — M. Deville , enfin , vient de terminer une /Zistoire complète du Chäteau d'Arques , dont il vous lira bientôt un fragment. M. Floquet vous a payé son tribut annuel. Toujours curieux 164 ACADÉMIE DE ROUEN. de recueillir les chroniques de nos aïeux , il a interrompu parfois l'ouvrage qui réclame tous ses soins pour vous faire assister aux entreprises, aux exploits, aux plaisirs de la basoche de Rouen, qui a eu l’honneur insigne de recevoir ses statuts en vers, des mains de Louis XII. Il vous a raconté aussi ces autres fêtes , dignes pendant de celles de l'abbé des Cornards, à Evreux, où le peuple masqué se précipitait dans les rues de notre ville , dans l'ivresse de la joie la plus folle. Il vous a encore lu une anecdote de la vie du savant abbé De la Rue, dont les antiquaires et les littérateurs dé- plorent la perte. Cette anecdote à pour titre la Focation. Vous allez l'entendre. Je m'apercois, Messieurs, que ce rapport s'étend outre mesure, peut-être, et pourtant j'aurais encore beaucoup de travaux à vous rappeler. Qu'il suffise de dire que vous avez écouté les rapports présentés par MAI. l'abbé Gossier , Chéruel, de Caze, de Glanville, Floquet, Deville et Lévesque ; que votre secrétaire pour la classe des lettres vous a lu quel- ques fragments d’une histoire de Rouen sous Louis XII, et que vos membres correspondants vous ont envoyé aussi beau- coup d'ouvrages de leur composition. En commencant , nous vous démontrions l'utilité de votre association , et nous avons passé en revue presque tout ce qui agite et dirige l'espèce humaine : morale , religion , éco- nomie politique, littérature ; vous avez donc, dans le cours de cette année, médité sur les sujets les plus graves et les plus élevés. Puisse cette froide et faible analyse de vos tra- vaux , réveiller vos souvenirs ; exciter les sympathies et l’at- tention de cette assemblée, pour ces questions qui intéressent à un si haut point l'humanité tout entière ! LISTE DES OUVRAGES ET RAPPORTS Pendant l'année 1838 — 1839. Dissertation sur l’état actuel des Belles-Lettres en France , par M. Verdière. Séance du 30 novembre 1838. La Basoche de Rouen, par M. Floquet. Méme seance. Discours de réception de M. Lévesque, sur les justices de paix. Séance du 7 décembre 1838. Réponse à ce discours par M. le président Paumier. Même séance. Rapport sur la traduction de la Batrachomyomachie de M. Berger de Xivrey , par M. de Glanville. Même seance. Rapport de M. Paillart , sur les opuscules de M. Homberg. Séance du 14 décembre 1838. Rapport sur le troisième volume de la Société des Anti- quaires de l'Ouest, par M. Deville. Même séance. Rapport sur les ouvrages de M. Tudot, dont l’un a pour titre : Eléments du dessin industriel , 1838-1839 , l'autre : Principes de Dessin des Beaux Arts pour sa plus utile appli- cation , par M. Deville. Séance du 21 décembre. Rapport sur l'Histoire generale du Moyen-Age, de M. Des- Michels , recteur de l'Académie de Rouen, par le méme. Séance du 21 décembre, 166 ACADÉMIE DE ROUEN. Rapport sur le Manuel de philosophie et sur les Études philosophiques de M. C. Mallet, par M. Chéruel. Même séance. Rapport sur la traduction des odes d’Anacréon et des poésies de Sapho, de M. Octave Portret, par M. de Glan- ville. Même séance. Précis historique sur la Normandie , pendant les époques gauloise et romaine , par M. Deville. Séance du 11 janvier 1839. Rapport sur la traduction d’Eschyle de M. Biard, par M. de Glanville. Séance du 18 janvier 1839. Rapport sur le t. 4° des Mémoires de la Société des An- tiquaires de l'Ouest, contenant les chartes poitevines laissées en manuscrit , par don Fonteneau Rapport , sur l'ouvrage de M. Lemonnier , intitulé Mo- saïque littéraire, par M. Magnier. Séance du 25 janvier 1839. Rapport sur l'Annuaire normand, par M. Martin de Vil- lers. Séance du 1° février 1839. Discours de réception de M. C. Mallet, sur la doctrine saint- simonienne, Séance du 15 février { Imprimé au Précis.) Réponse à ce discours par M. le président Paumier. Même séance. Discours de réception de M. Homberg, sur l'avenir reli- gieux et sur la religion par la science. Séance du re mars 1839. Réponse à ce discours par M. le président Paumier. Même séance. Rapport sur trois mémoires du bulletin de la Société des Antiquaires de lOuest, par M. Deville. Séance du 19 avril 1839. Rapport sur le volume de 1838 , de la Société royale des sciences , de l’agriculture et des arts de Lille , par le même. Rapport sur le Berquin du Hameau, de M. A.-C. Billiet- Renal , par M. de Caze. Séance du 26 avril 1839. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 167 Rapport du même sur les fables nouvelles de M. Mollevaut. Rapport du méme sur la traduction des Odes d'Horace , par M. A. Montémont. La Tourmente , pièce de vers, par M. Aug. Le Flaguais. Séance du 10 mai 1839. Histoire des Conards, par M. Floquet. Séance du 17 mai 1839. M. Ballin, dans la séance du 24 mai, a rendu compte à l'Académie d'un opuscule qui, sous le titre général de Sé- mélotique ; présente la table d’un projet de Méthode de la science qui a pour objet la connaïssance des signes au moyen desquels l’homme exprime sa pensée. Le rapporteur demande que mention honorable soit faite au procès-verbal de cet ouvrage et de son autenr, M. Casimir Jonquoy , lieutenant au 7€ de ligne , qui, aussi brave militaire que studieux litté- rateur , a trouvé la mort, le 12 mai 1839 , à l'attaque d’une barricade dressée non loin de la porte Saint-Denis , à Paris. ( V. le vol. de 1826 , p.91.) Le vieux pécheur du Rhône, par M. A.-C. Billiet-Renal. Séance du 31 mai 1839. Chant lyrique , par M. A. Montémont, Même séance. Rapport de M. l'abbé Gossier , sur trois ouvrages anglais, savoir : Table des articles de cinq des principaux journaux anglais ; Carte de lindostan, avec table alphabétique des lieux ; et Mappe-Monde biblique, par M. James Wyld. Séance du 3 juin 1839. Essai sur cinq médailles gauloises de Rouen , par M. De- ville. Même séance. Rapport sur l'ouvrage de M. Williams Goodhugh, intitulé Motives to the Study of biblical litérature. Séance du 2x juin. Discours de réception de M. Des Michels, recteur de l’Académie universitaire de Rouen. Séance du 28 juin. Réponse à ce discours, par M, le président Paumier. Méme séance. 168 ACADÉMIE DE ROUEN. Fragment de l’histoire de Château d’Arques , par M. De- ville. Même Séance. Anecdote de la vie de Gervais Delarue, par M. Floquet. Même séance. (Imprimée au Précis.) Fragment de l'Histoire de Rouen sous Louis XIIT, par M. de Stabenrath. Séance des 5 juillet et 2 août. Entrée à Rouen de l’archevéque Francois de Harlay , par M. de Stabenrath, Séance des 12 et 19 juillet. (V. à la fin du volume, la liste des ouvrages recus.) RRRRRRRRRRREERERRRERIRERREREREER LA VOCATION, ANECDOTE NORMANDE. Par M. A. FLOQUET. Dans l’une des dernières années du règne de Louis XV, aux Palinods de Caen , devant lassemblée la plus nom- breuse et la plus brillante qu'on eût vue de long-temps , après quelques pièces de vers assez mauvaises , futlue, enfin, une ode francaise qu'accueillirent de favorables murmures , et à laquelle le Recteur et les doyens de l'Université , juges du concours , décernèrent le prix tout d’une voix ; c’étaient cent beaux jetons d'argent , prix fondé sous Louis XIIT, par le seigneur de Saint-Manvieu , pour la meilleure ode qui, chaque année, serait envoyée au concours, Prenant donc , sur le bureau du Puy, une bourse brodée richement , qui contenait ces brillants jetons si désires , le Recteur appela à haute voix Gervais DELARUE , lequel n’eut garde de se faire attendre , on le peut croire , et alors commencèrent et reten- tirent long-temps de vifs applaudissements et de bruyants battements de mains. Grande, toutefois, à vrai dire, était la surprise de tous les assistants , public et juges ; non pas que Gervais Delarue ne fût, sans nul doute, un sujet hors de ligne ; et même l'Univer- 170 ACADÉMIE DE ROUEN. sité de Caen n'avait vu de long-temps se leverde ses bancsun plusbrillant élève. Mais, que ce jeune homme düût un jour faire des vers, des vers francais, une ode enfin , nul ne s’en fût jamais avisé jasqu’à ce moment, et le publie, les juges mêmes du concours, ébahis à l’envi, devaient , je vous jure , n’en pas revenir de sitôt. Quoi , se disait-on , des vers , une ode, lui occupé sans cesse à étudier nos églises , à contempler le tombeau de Guillaume-le-Conquérant, celui de Ja reine Ma- thilde, l'antique chapelle de Saint-Georges-du-Château , les bas-reliefs et les devises du Manoir des Gens-d’armes , les briques armoriées de l’ancienne grande salle des échiquiers ; et c'était à quis’extasierait davantage. Pauvres gens, de com- prendre si mal les tonrments d'une intelligence qui s’ignore et s'interroge, d’un génie qui se cherche lui-même; qui, rempli d’une immense mais vague confiance en lui , et in- failliblement sûr de se manifester quelque jour, ne sait toute- fois encore, et se demande avec anxiété et dans les transes , sous quelle forme le monde voudra bien, plus tard, le recon- naître et l’accueillir ! Pour Gervais Delarue , on le devine assez, il avait tres- sailli d’aise de voir ses premiers vers si bien recus, et son ame s'ouvrait aux rêves les plus enivrants. Avant lui, naguère, dans la méme ville, dans cette méme salle des Palinods , Ber- tant, Sarrazin, Segrais, Malherbe, n’avaient-ils pas commencé ainsi ? Il les voyait au terme de la carrière, qui semblaient Jui sourire, lui faire signe de venir les rejoindre. Horace, aussi, et Pindare , ses auteurs favoris , lui revenaient en mé- moire, avec leurs merveilleux dithyrambes qui parlent si splendidement des beaux vers où l’on voit le poète couronné touchant les cieux de sa tête. Et moi aussi je suis poète, se disait enivré le jeune lauréat du jour; et, dans la rue de Geôle, sous un beau ciel où scintillaient les étoiles , il se sur- prit à baisser machinalement la tête comme de peur de se faire mal. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 171 Encore un peu, c’en était fait de ce jeune homme , et notre Normandie, si peu explorée, si mal connue encore alors , au lieu d’un historien qu’elle avait pu espérer quelque temps, allait compter un versificateur de plus, dont ellesn’avait qne faire ; car cette ode couronnée tout à l'heure, il le faut bien dire, bonne pour des gens qui venaient d'entendre, avant elle, les plus fades choses du monde ; bonne encore pour de véné- rables et vieux recteurs et doyens de facultés, peu exigeants, cela s'entend, en fait de fougue, de verve et degénie , c'était, au fond, hélas! l’un des plus raisonnables et des plus lo- giques dithyrambes dont on eût mémoire ; dithyrambe où la methode domirait sur toutes choses, et d’une exactitude à faire honte au syllogisme le plus péremptoire , au plus inex6- rable dilemme. Mais, ces choses-là , nul n’a hâte de les aller dire aux inté- ressés ; et Gervais Delarue ne s’en fût jamais douté , peut- être , sans un abbé franc-parleur , ennemi juré de l’outre- cuidance à laquelle il menait rude guerre en toutes ren- contres, quoique , en vérité , il en fût lui-même , le digne homme, mieux pourvu que nul autre. C'était l'abbé Raffin , l’un des archidiacres de Notre-Dame de Bayeux , fort adonné à l'étude de Ja liturgie, qu’au demeurant il n’entendait pas mieux que les autres , mais s'y croyant des plus forts qu'on püt voir, et supputant dans sa pensée qu'’auprès d’un homme tel que lui, Durand { ce fameux évêque de Mende), et dom Martène, n'étaient qu'écoliers , à qui il eût fallu faire recom- mencer leurs classes. Épiant donc aux portes notre Pindare, et l’apostrophant tout juste au moment où il baissait la tête sous le ciel , comme de peur de se blesser : « Soyez antiquaire , Gervais Delarue , mon ami (lui cria-t-il bien fort, du plus loin qu'il le vit paraître }, soyez antiquaire ! à chacun sa sphère , entendez- vous, et sa vocation particulière. Voyez si je me méle, quant à moi , d'autre chose que de liturgie ; aussi , pour m'en re- 172 ACADÉMIE DE ROUEN. montrer sur ce point, faudrait-il se lever de bonne heure. Ne forcez point votre talent, Vous ne feriez rien avec grâce. « Adieu donc , la bonne nuit, et, sur toutes choses , évitez les sots rêves. » C'était, pour Gervais Delarue , revenir du plus loin qu'il fût possib'e, et tomber lourdement et de bien haut , d'autant , d’ailleurs , que le malencontreux archidiacre ayant débité sa tirade à tue-tête, il n'y en avait pas eu un mot de perdu pour la multitude qui sortait en foule en ce moment. Rouge , con- fus et pantois, Gervais Delarue, pour se remettre un peu, songeait, à part soi, à ces triomphes de l’ancienne Rome, où, au milieu des pompes et des fracas , aux oreilles du vain- queur enivré et hors de lui, un fâcheux, aposté tout exprès, venait dire soudain : O homme , souviens-toi que tu es mor- tel; où, aussi des étoupes, brûlées sous les yeux du héros, s’y évaporaient aussitôt en fumée , tandis qu’un autre fâcheux lui criait encore : Ainsi passe la gloire du monde. Mais à Rome, du moins, ces durs mots , ces étoupes légères , cette ironique fumée , étaient partie obligée et prévue du céré- monial; le héros de la fête avait été prévenu à lavance , et un homme averti en vaut deux. De venir , au contraire , ainsi à l'improviste secouer brutalement un triomphateur sur son char et le précipiter du ciel à terre, le moyen pour celui-ci de prendre en bonne part une morale si intempestive , et de n'en vouloir pas mortellement à ce rabroueur importun. Ce n’était pas, au demeurant, que ce coup si imprévu n’eût frappé droit à la conscience du lauréat désappointé, et je ne sais quoi, dans son cœur , lui criait, maintenant , plus haut que l’archidiacre : Plus de vers, Gervais Delarue, sois antiquaire. — De pardonner , toutefois, de sitôt, à ce maître archidiacre de l'avoir ainsi, brutalement et oyant tous , réveillé en sursaut et troublé en un si beau rêve, Ger- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 179 vais Delarue ne l'aurait pu prendre sur lui, rancunier qu'il était autant qu'homme de Normandie, et une susceptibilité vive , un irritable amour-propre étant, de tous les attributs du poète , le seul qui lui fût demeuré ; et qu’il ne dût jamais perdre tout-à-fait, si long-temps qu'il pût avoir à vivre, Aussi, aurait-il bien volontiers joué pièce à ce funeste abbé taffin. Mais quelle apparence , la distance étant si grande eutre un pauvret comme lui et un archidiacre de Bayeux , abbé de Mondais ! Promptement guéri , quoi qu'il en soit , de sa vocation lyrique, de rechef, l’ardent jeune homme s'en allait rôdant sans cesse dans les châteaux, les abbayes et les églises, supputant l’âge de ces monuments vieillis , déchif- frant des épitaphes, dévorant des cartulaires. L'église de Saint-Pierre, entr’autres, devait arrêter long-temps ses re- gards , avec ses riches pendentifs, les délicieuses arabesques qui décorent les dehors de son abside, et surtout ce fameux pilier de l’aile gauche, avec son chapiteau aux bizarres et inintelligibles figures, hiéroglvphesencore inexpliqués alors, où Debras de Bourgueville et le docte Huet étant venus, avant lui, suer sang et eau, avaient perdu leur latin et jete leur bonnet par dessus les moulins. Logogryphe insoluble , ce semblait, et dont, un jour, pourtant, notre archéologue trouva enfin tous les mots. C'est qu'aussi sur ce chapiteau bizarre l'architecte s'était avisé, qui l'eût pu croire, de re- produire quelques scènes assez profanes des romans de la Table-Ronde , des fables, pour tout dire, mais des fables d'un sens tout moral, où étaient raillées, avec autant d’éner- gie que de malice, les extravagances que peut conseiller un fol amour à ceux qu'il aveugle. C’étaient Tristan de Léonais traversant la mer sur son épée , pour rejoindre sa maitresse qui est censée l’attendre impatiemment au rivage; Lancelot du Lac, le chevalier Yvain, d’autres encore, tous en grande recherche de leurs belles , et fesant , pour les retrouver ou pour leur plaire , les plus sottes choses dont ils eussent pu 174 ACADÉMIE DE ROUEN. s’aviser ; Aristote, ce grand philosophe, servant de haquenée à sa maîtresse, qui, montée sur lui, à l'avantage, s’en va chevauchant vers le palais d'Alexandre, non sans fouetter vigoureusement sa monture ; Virgile , qui, décu par une voix menteuse, s’est laissé hisser en l'air dans une corbeille où il demeure, se morfondant tout une nuit à la belle étoile , sus- pendu entre le ciel et la terre, oublié, hélas ! de celle qu'il a bien voulu croire, et sévèrement puni d’avoir lui-même oublié le pieux Enée. Les curé, vicaires et obitiers de Saint-Pierre, en entendant Gervais Delarue leur expliquer ces énigmes, n’en pouvaient revenir d’aise. Non pas qu’au fond ces dignes prêtres eussent autrement à cœur Lancelot du Lac ni la reine Génèvre ; mais un si fin débrouilleur de vieux mystères leur parut en- voyé du ciel tout exprès pour les tirer d’une chicane à eux suscitée par l’officialité de Bayeux, et qui, depuis quelque temps , les tenait tous en cervelle. Il n’y allait de rien moins, à la vérité, pour ce curé et ses douze obitiers, que de mettre bas de belles et riches aumusses de petit-gris , que l'évêché de Bayeux leur voulait faire quitter à toute force, comme portées par eux sans titres , par abus et entreprise. Nossei- gneurs les membres du vénérable chapitre pouvant seuls, dans le diocèse , disait-on , porter aumusses et insignes de chanoines. Nos douze obitiers , de leur côté, tenaient fort à leurs riches fourrures qui , en hiver, les protégeaient contre le froid , et, en toute saison , leur donnaient bonne grâce, comme ils pensaient ; chose que tous mortels ont fort à cœur, aux champs comme à la ville, et en lieu saint, hélas ! non moins , parfois, qu'en lieu profane. Gervais Delarue , donc, après l'aventure du pilier , qui fit bruit, s'était vu assailli à la fois par les douze obitiers en- semble, le curé à leur tête, lesquels, le menant bon gré mal gré à leurs archives, l’y enfermèrent à double tour , le con- jurant à genoux de tant faire qu’ils pussent garder leurs CLASSE DES BELLES-LETTRES. 175 aumusses, chose pour eux de si grande conséquence, et à laquelle ils tenaient tous comme à la prunelle de leurs yeux. Or , la difficulté venant de l’archidiacre Raffin, le liturgiste (ce grand donneur de conseils et juré désabuseur de poètes). Delarue , vraiment , sans en rien de , n'avait guère la chose moins à cœur que les douze obitiers tous ensemble. Imaginez donc, je vous prie, la joie de tout ce monde, lorsqu'après une grande semaine de recherches désespérées, s’offrirent aux regards de notre antiquaire enchantée des pièces telles qu'il n'eût osé en espérer lui-même, de belles lettres patentes bien sceilées, en bonne forme, par lesquelles un roi de France avait maintenu naguère le euré et les douze obitiers de Saint-Pierre en leur droit de porter, tant dans l'église qu'en tous lieux , non seulement l’aumuche grise, mais de plus le capuchon à queue ou chape noire, pour en jouir, eux et leurs successeurs , jusqu’à la consommation des siècles. Obitiers, curé, vicaires, eussent volontiers, en une telle conjoncture, chanté un Te Deum à huis clos et en famille. Pensez surtout combien Gervais Delarue était aise d'avoir pu jouer un si bon tour à l’archidiacre, ce fin et consommé li- turgiste. Oncques plus , vous le pouvez bien croire , il ne devait, dans la suite, être question des aumusses de petit-gris. Mais l’archidiacre , tout en buvant, non sans rechigner un peu, ce calice jusqu'à la lie, mürissait en son esprit un projet bien autrement hardi, se promettant tout bas une éclatante revanche , dont l’idée seule le fesait rire sous barbe , et ré- citer son bréviaire d’un air plus satisfait que de coutume. Un beau jour donc, dans la paisible ville de Caen , arriva tout-à-coup la nouvelle inopince que, tel jour, à teile heure, l'archidiacre Raffin viendrait commencer à Saint-Pierre la visite de toutes les églises de la ville ; et ordre à tous de se tenir prêts sans faute pour la cérémonie. Grand émoi , aus- sitôt , dans les treize paroisses , où , de long-temps, j'ignore 176 ACADÉMIE DE ROUEN. ‘ pourquoi , n'avaient eu lieu de visites d’archidiacres. Mais , à quelques jours de là, émoi bien autre encore, quand on sut ce qui se passait dans les sept doyennés visités les pre- miers par l’archidiacre Raffin , et qu'à Douvres, à Troarn, à Condé-sur-Noireau , à Çambremer, à Maltot, dans le Cin- glais , partout enfin , à la voix de cet enragé liturgiste, la terreur des curés, ceux-ci , à désespoir ! s'étaient vus tous contraints , bon gré mal gré, de mettre bas devant lui leur étole pastorale. L’étole pastorale, entendez - vous, cette marque de leur juridiction , cet insigne de leur dignité cu- riale , précieux pour eux sur toute chose, comme à un évêque la croix d’or qui pend sur sa poitrine , à un maréchal de France son bâton, à un president de parlement son mor- tier de velours aux larges galons d'or et sa fourrure. L’étole, de tout temps , si chère aux curés, mais chère aussi, outre mesure , aux archidiacres qui , presque tous , jadis , au jour de leur visite , la voulaient porter seuls , à toute force, et ne pouvaient endurer que nul autre la portät en leur pre- sence. L’étole , enfin, objet, pendant deux siècles , de nom- breuses et très äpres disputes ; de pis que cela, si je voulais bien dire , mais , en tous cas, de procès sans nombre , suivis des deux parts , en Normandie surtout , avec une incroyable persévérance , au point qu’un célèbre archidiacre de Rouen, Adrien Béhotte , qui florissait sous Henri IV et Louis XIII, après une longue vie passée quasi tout entière dans cette polémique, revoyant enfin ses registres, et fesant ses comptes, trouva , et en convint de la meilleure foi du monde, qu'il lui en avait coûté dix mille bons écus , monnaie de France. Encore avait-il perdu, avec dépens, tant au parlement de Rouen qu'au conseil du roi , où il avait eu le crédit de faire évoquer enfin toutes ses affaires. Aussi, à Rouen, la chose n'était-elle plus controversée , en sorte que les trente-six curés de cette ville, au jour de la visite, gardaient leur étole sans qu'une voix s’élevät maintenant pour la leur faire CLASSE DES BELLES-LETTRES. 177 quitter , l’archidiacre Béhotte en étant mort à la peine , et il y avait long-temps de cela. Que, s’il en allait ainsi sous l'empire du Rituel de Rouen , qui ne disait mot de l’étole pastorale, pourquoi en aurait-il été autrement dans le diocèse de Bayeux , dont le Rituel n’en parlait pas davan- tage ? Aussi, dans tous les doyennés, mais à Caen surtout, lors des dernières visites d’archidiacres, les curés avaient- ils été vus portant paisiblement teurs étoles , sans l'ombre de dispute. Le fait était assez récent encore ; nombre de té- moins pleins de vie l'avaient vu de leurs yeux , et des pro- cès-verbaux en auraient fait foi en un besoin. Mais, à tous les registres, à toutes les offres d'enquêtes : « que prouvent,» répondait l'abbé Raffin, « que prouvent! tous vos actes et tous «vos témoins, sinon d’indues et hardies entreprises des ceurés sur les archidiacres mes prédécesseurs , lesquels n’en- « tendaient chose aucune à la liturgie, comme je l'ai déjà « reconnu en plus de cent rencontres: » Il les sommait donc de produire des titres valables , en attendant quoi, il allait , le digne homme , continuant ses prouesses ; et c'était, dans tous les doyennés , comme une Saint-Barthélemi d’etoles. Il va s’en dire que Gervais Delarue, le subtil debrouil- leur d’hiéroglyphes et de lettres patentes, avait été appelé tout d’abord au secours des cures et de leurs étoles en péril. Gervais Delarue était, dès long-temps, la providence de l'église de Saint-Pierre; mais providence qui, cette fois, allait, ce semble , lui faire défaut : les archives des obitiers, bien et dûment fouillces , tous les titres, soigneusement lus de mot à mot, n'offrant pas une clause, une ligne même ayant trait à la grande question qui, en cemoment, mettait, à Caen , tous les esprits aux champs. — C'était donc, désor- mais , une cause perdue sans ressource, l’archidiacre Raffin venant d'arriver enfin, que dis-je ? étant au presbytère de Sant-Pierre, et allant tout à 1 heure s’acheminer vers la ba- silique où clergé, croix, orgue, cloches, eau bénite , encens, 13 178 ACADÉMIE DE ROUEN. blanche étole, toutes choses requises, en un mot, étaient disposées pour le recevoir en cérémonie. Cependant, clergé, vicaires ,obitiers, euré surtout, n'étaient point à leur aise , on le peut croire, en une extrémité si pres- sante , l’archidiacre venant de s'expliquer crüment avec eux sur la fameuse question de létole , car on avait bien trouvé un gros volume latin d'environ quatre cents pages, composé naguère par le docte Thiers , curé de Champrond en Gastine, au sujet de l’étole pastorale, et pour le droit des curés qui, de vrai, y était démontré saus réplique. Mais, comme on venait d'apporter ce livre en häte à l’archidiacre , et qu’on en espérait des merveilles, celui-ci, sans en prendre au- trement connaissance , s'étant écrié que ce Thiers, en son temps , avait été un fougueux janséniste , il n'y avait plus eu moyen d'en parler davantage. Grandes donc étaient, maintenant, l’angoisse et la désolation, non plus seulement à Saint-Pierre , mais dans les dix autres paroisses de la ville que l’archidiacre allait visiter ensuite ; à Saint-Jean, à Saint-Sauveur, à Saint-Gilles, à Notre Dame, où les étoles pastorales allaient , de toute nécessité , avoir même fortune qu'à Saint-Pierre , par où commencait la visite. Or, c'en était faitsans ressource aucune, l’archidiacre étant mainte- nant en chemin par la rue pour se rendre processionnellement au parvis. Pour le curé, rentré dans l'église par son presbytère, il allait , avec ses douze obitiers, descendre la nef, la croix en tête , pour aller attendre l’archidiacre au grand portail, et déjà il marchait piteusement en surplis et sans son étole , le visage soucieux et le cœur gros; mais voila soudain que Ger- vais Delarue survint brusquement , colère et joyeux tout en- semble,maudissant les 4nes (ce fut son mot)qui, s'étant ingérés de compulser avant lui les archives de Saint-Pierre, avaient fait un énorme paquet de pièces inutiles , et les avaient jetées ignoblement au rebut. Pièces inuliles , en effet, où, jetant un coup d'œil tout à l'heure en désespoir de cause , il venait CLASSE DES BELLES-LETTRES. 179 d’en trouver une qu’il lut tout essoufflé , une bonne charte du cardinal de Trivulce, évêque de Bayeux au seiziemesiècle , de ces fines et délices écritures du temps, jaunie, de plus, par les années, partant illisible de tous points pour les bonnes gens qui l’avaient vue avant Gervais Delarue, et jetée par eux, en conséquence , aux pièces de rebut , suivant la règle fon- damentale : Græcum est , On legitur. Or , cette charte , sa- chez-le bien, n’était rien autre chose qu’une belle et bonne sentence épiscopale , où avait été solennellement reconnu et confirmé le droit des onze curés de Caen de porter leur étole devant les archidiacres et en présence du prelat lui-même ; pièce qui, assurément, leur arrivait à point, qu'aussi ils auraient bien baisée tous , et Gervais Delarue avec elle, sans que le temps leur manquait ; car, enfin, larchidiacre arrivait, en ce moment même, au portail, et iln’y avait plus un instant à perdre, Obitiers , vicaires, curé l’y eurent bientôt rejoint ; or, le curé, si peu de répit qu'il eût eu , avait toutefois bien su trouver le temps de passer vitement à son cou une magni- fique étole pastorale, à lui donnée, depuis peu, par la du- chesse de Franquetot de Coigny, l'épouse du gouverneur , étole riche au possible, où l'or se relevait en bosse, qui éblouissait comme un soleil, et jetait des éclairs. De vous dire, cependant, la stupéfaction , le courroux de l’archidiacre à la vue de cette malencontreuse étole, je ne saurais, en vérité, non plus que ses signes énergiques, impérieux et brusques au curé pour qu'il eût à mettre bas, sur l'heure, cette marque de juridiction , que lui seul archidiacre devait porter, disait-il, en un tel jour; n'était-ce pas, d’ailleurs, chose décidée et convenue sans retour? Mais la fatale pièce trouvée tout à l'heure (la charte du cardinal de Trivulce), exhibée à propos, bien vue, bien lue de mot à mot, müre- ment et circonspectement considérée, il ne restait plus à messire l’archidiacre que de s'avancer sans mot dire vers le chœur , comme si de rien n’eût été, ce qu'il fit sur l'heure , 180 ACADÉMIE DE ROUEN. prenant sa résolution bravement , en homme d'esprit, tandis que prêtres et paroissiens chantaient à pleine voix Benedictus, que l'orgue triomphait en noëls et fanfares , et que toutes les cloches de la ville de Caen sonnaient à qui mieux mieux. (Car, c’avait été chose convenue à l'avance , entre les onze curés , que si, contre tout espoir, celui de Saint-Pierre par- venait à sauver son étole , une certaine cloche de son église, d'un son perçant , et qu'on entendait de bien loin, serait mise la première en branle; ce qui étant advenu, commença in- continent dans la ville, pour ne finir plus de sitôt , un carillon universel , à incommoder les sourds.) C'était à l’archidiacre Raffin de prendre patience; ce qu'il fesait en s’inclinant , disant qu’il n'avait été nulle part si bien reçu , qu'on lui ren- dait trop d'honneur , et qu'il w’en était pas digne. Pensez que le bon homme se serait enfui volontiers. Mais que fut-ce, lorsque, entrant dans la sacristie , il y trouva le triomphant Gervais Delarue , qui, le saluant profondément , et lui of- frant ses devoirs , lui dit que , suivant son conseil , il avait, dans ces derniers temps , étudié les antiquités, voire même quelque peu de liturgie, pour en pouvoir deviser, au besoin, avec lui, sous la cheminée , et être plus en état de rece- voir ses lecons; qu'il les lui demandait instamment comme à celui qui l'avait poussé dans cette carrière, et lui avait ré- vélé sa vocation véritable; jurant bien d'y demeurer à jamais fidèle , et de ne plus faire de vers , en quelque langue que + Ôtr all4At-: » ] fé 1 in: à ce pütétre, y allât-il pour lui d'une principauté. A bien des années de là, un beau et vert vieillard , de petite taille, mais trapu et vigoureux encore , au teint vermeil et frais, aux cheveux blancs comme neige et fins comme lin, aux yeux bleus, vifs, malins et perçants , était assis à la Bibliothèque Royale, dans une des salles dorées des manuscrits , occupé à déchiffrer , la loupe en main, un très ancien manuscrit du roman de Lancelot du Lac, rempli de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 181 curieuses miniatures. Il en regarda long-temps une qui représentait ce preux chevalier , dans la charrette du nain, courant, bien empêché, après la reine Génèvre , sa mai- tresse. C'était le sujet d’un des bas-reliefs du fameux pilier de Saint-Pierre. Ces contes naïfs ravivant en lui de bien vieux souvenirs , il se mit rire, et, prenant à partie un élève de l’École royale des chartes , assis près de lui, et fort avide de l'entendre , je vous jure, il se mit à lui raconter quelques traits de sa piquante et laborieuse vie. De Caen, où il avait étudié , il était parti, vers 1792, pour Londres, d’où revenu, plus tard , rempli de savoir , il avait osé , avec succès , écrire , après Huet, les origines de sa ville natale, puis l’histoire des Bardes Ærmoricains , et enfin celle des Trouvères de Normandie, qui allait bientôt paraitre. Main- tenant , chanoine de Notre-Dame de Bayeux, professeur d’his- toire, digne membre de l’Institut de France , Gervais DELARUE rappelait gaiment son Ode des Palinods, la dure et salutaire lecon de larchidiacre Raffin, mais, sur toutes choses, l'his- toire de l’étole, dont l'élève, charme , prit note incontinent , se promettant bien de ne l'oublier de sitôt. Cette histoire , vous venez de l'entendre, mais redite sans charme et sans grâce, sans cette vive pantomime du vieillard, surtout sans cette parole pleine encore de colère , de verve et de malice, qui, alors, à mes yeux, lui avait donné tant de prix. Que si, toutefois, par fortune, vous l'avez écoutée sans trop d’ennui , encore vous plaindrai-je de ne la point tenir , comme moi, du savant et malin vieillard qui en avait été le héros, et vous dirai-je, en toute vérité: Que serait-ce si vous l’eussiez entendu vous la raconter lui-même ? RRPARÉORPEAENANONANENARNE En on Do RARE TRAVAUX DE LA STATISTIQUE DÉVOLUS A L'ACADÉMIE. Quoique convaincu , autant que personne , des difficultés sans {nombre que présente l'exécution d’une statistique gé- nérale du département , du moment que l'Académie a accepté une part dans cette œuvre que j'appellerai nationale, et dont on lui doit le plan, il est du devoir de chacun de ses membres de répondre à l’appel qui lui a été faiten parti- culier et de payer sa quote-part dans ce travail commun. C’est à ce sentiment que je cède, en venant vous présenter aujourd hui la portion qui a été mise à ma charge , dans la section historique, pour les temps qui se rapportent à l'époque gauloïse et romaine , et qui forment les chapitres 1 et 2 du titre 1 du deuxième livre du plan de statistique. Quel que soit le sort qui attende les premiers essais qui vous sont soumis, j'ai voulu, pour l’acquit de ma conscience, apporter les quelques pierres qui m'ont été demandées pour CLASSE DES BELLES-LETTRES. 183 entrer dans la composition de ce vaste édifice , dussent-elles rester ignorées dans un coin du chantier. Fais ce que dois , advienne que pourra , telle est ma devise. A. DEVILLE. Janvier 1839. STATISTIQUE. PARTIE HISTORIQUE :. 2° LIVRE. — TITRE 1°". — CHAPITRES Î ET 2. Époques Éauloise ct Romaine. Memorare veteres Gallorum glorias. — Tacire, Annales ,1liv. 111. — Quelques pièces de monnaies gauloises ; portant le nom de RATVMACOS ? (Rouen), d'ELIOCAOI * (Vélocasses), et au revers, celui d’un chef,.à tète juvénile, SVTICOS , SVTIC- COS ; d’autres au nom de KAL , KAA, KALET { { Calètes ) : voilà les monuments écrits les plus anciens que nous posse- x Cette notice historique, destinée à faire partie d'une Statistique générale, devait être extrèmement courte; nous avons cherché à lui conserver ce caractère. 2 Au Musée d’Antiquités de Rouen, et au Cabinet des Médailles à Paris. 3 Voir Revue numismatique, cahier de juillet et août 1838, p. 307. + Au Musée d’Antiquités de Rouen. 184 ACADÉMIE DE ROUEN. dions sur la portion de la Gaule que représente le territoire du département de la Seine-Inférieure ; encore n'est-il pas certain que ces monnaies soient antérieures à l'invasion romaine , sous Jules-Ceésar. C’est dans les commentaires de ce grand capitaine qu'il faut chercher les premières notions historiques sur cette contrée, Jules-César nous apprend qu’elle fesait partie de la Gaule belgique, qui était bornée, au midi, par la Seine et par la Marne’. Elle était occupée par deux peuples, les Calètes et les Vélocasses; les premiers ayant laissé , depuis , leur nom au pays de Caux, les seconds au Vexin. Les Belges étaient d’origine germanique. Seuls, parmi les peu- ples de la Gaule , ils avaient repoussé de leur territoire les Cimbres et les Teutons, vers le 5° siècle avant Jésus-Christ?. Ils furent moins heureux devant les Romains. L'an 5; avant l’ère chrétienne, César entra en campagne contre les Belges. Les Calètes fournirent, pour la défense commune, dix mille hommes ; les Vélocasses, un nombre égal. Les Belges, vaincus dans plusieurs combats , pesérent les armes. L'année suivante , César , après avoir attaqué les Ména- piens et les Morins , qui s'étaient soulevés , conduisit ses troupes en garnison chez les Aulerques et les Lexoves (les peuples d'Evreux et de Lisieux}, et’ dans les cilés voisines du théâtre de la guerre. Il dut traverser nécessairement le pays des Calètes et des Vélocasses , s’il ne s’y arrêta pas. Les Gaulois, vaincus, mais non soumis , Coururent aux armes pour défendre leur indépendance (Pan 52 avant J.-C.). Vercingetorix, de la cité des Arvernes , était à leur tête. Les Vélocasses avaient envoyé à l’armée fédérale trois mille : Commentaires, lib. 1, cap f. 2 Commentaires, lib. I, C. IV. 3 Commentaires , lb. Il, cap. Ev. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 135 hommes , les Calètes six mille", Les Gaulois sont défaits devant Alise. L'année suivante ( br ans avant J.-C. et 502 de Rome) les Bellovaques { peuples de Beauvais ), qui passaient pour le peuple le plus belliqueux des Gaules”, lèvent de nouveau létendart, et font un appel à tous les peuples belges. Leurs voisins les Calètes et les Vélocasses se joignent à eux, Après un combat malheureux, ils sont contraints de demander la paix à César. Ce dernier effort fut bientôt suivi de la soumission totale des Gaules { année 5x1 avant J.-C. ) César prit ses quartiers d'hiver dans le Belgium. Là, sa sage politique acheva le triomphe de ses armes {. Le pays des Calètes et des Vélocasses dut participer aux faveurs dont le vainqueur des Gaules chercha à euchainer les peuples vaincus. Désormais en paix , cette contrée, aidée par la civilisa- tion romaine , put profiter de l'avantage que lui offrait le grand fleuve qui la baignait pour se livrer au commerce : Strabon nous apprend que les marchandises du midi, trans- portées par le Rhône et la Saône , voiturées de là par terre à la Seine, étaient conduites au pays des Calètes, d’où elles passaient en Angleterre ?, Des monnaies gallo-romaines des peuples de la Saintonge , SANTONOS, de l'Anjou, ÂANDECON, découvertes de 1 Commentaires , lib. VIT, c. LXxXV. Quelques savants pensent qu'il s’agit ici de quelque peuple inconnu de la Bretagne, et non des Calètes. Le même doute s'élève au sujet des Vélocasses ; les Commentaires portent : Cadetes, Bellocassi. ? Commentaires , lib. VIIL, cap. VI. 3 Commentaires . dib. VII, cap. vir. 4 Commentaires, lib. VIIL, cap. XLIX. ® Strabon, lib. IV. 186 ACADÉMIE DE ROUEN. nos jours sur le territoire occupé par les Vélocasses et les Calètes ‘; des médailles de ces derniers peuples eux-mêmes, trouvées dans l’est et dans le midi de la France ?, prouvent que le commerce avait fait quelques progrès chez eux, et qu'il se pratiquait déjà autrement que par échanges. Ce fut sous Auguste, ou sous Tibère, que les Calètes et les Vélocasses , qui avaient fait partie jusque-là de la Belgi- que , furent incorporés à la Celtique, autrement dite Gau- loise, dont les limites étaient renfermées primitivement entre la Seine et la Marne d’une part et la Garonne de l'autre, et qui prit alors la désignation de Lyonnaise, Il est bien probable que c'est au premier des princes que nous venons de nommer, de la famille Julia, que la ville capitale des Calètes, dont le nom gaulois est resté inconnu , dut celui de Julia-Bona , que nous retrouvons dans Lille- bonne. Rouen , ville capitale des Vélocasses , plus ou moins heureux, si on veut admettre cette distinction, devait conserver le sien. En passant de la Belgique à la Lyonnaise, les Vélocasses et les Calètes restèrent distincts et séparés. Le géographe Ptolomée, qui écrivait sous les / ntonins , nomme les deux peuples , et cite Rouen, PwTouuyos, comme la cité des premiers, et Lillebonne, IuaroCoyæ , comme la cité des seconds. C’est le premier écrivain de l'antiquité qui.prononce le nom de ces deux villes. Assez long-temps après, sous Dioclétien , la Lyonnaise fut divisée en deux provinces, première et seconde. Rouen devint la métropole de la seconde Lyonnaise ; preuve de l'importance que cette ville avait acquise et qu’elle devait, * Elles ont été recueillies au Musée d’Antiquités de Rouen. 2 Revue numismatique , passim. 3 Commentaires , lib, 1, cap. 1. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 187 sans aucun doute ; à son heureuse position sur un grand fleuve navigable et à son commerce , plutôt qu'à sa grandeur rela- tive. En effet, son enceinte romaine, dont on connaît le tracé, égale à peine en superficie le dixième de celle de la ville actuelle : le contraire a eu lieu pour Lillebonne. On croit que c’est lors de cette nouvelle circonscription qu'on ajouta au territoire de Rouen, afin de donner plus de relief à la nouvelle métropole, la contrée comprise entre la Seine et la Risle, et connue depuis sous le nom de Rou- mois ‘. Plus tard, la deuxième Lyonnaise fut subdivisée en deux provinces : Lyonnaise deuxième et Lyonnaise troisième. Rouen fut encore la métropole de cette seconde deuxième Lyonnaise, qui se trouva restreinte au pays représenté par notre Normandie moderne. Cette dernière division, qui ne devait plus varier, paraît avoir eu lieu sous Gratien (années 372—383). Les peuples des cités des Vélocasses et des Calètes, ne figurent à aucun titre particulier dans les évènements histo- riques qui signalèrent la domination romaine dans les Gaules, et dont ils durent partager toutes les vicissitudes politiques et militaires : cette portion de l'empire était trop peu im- portante, à défaut d'évènements majeurs arrives sur son territoire , pour fixer l'attention des annalistes. Nous savons seulement , pour citer quelques faits en pas- sant, qu'en 296 , l’armée que Constance Chlore destinait à son expédition de la Grande-Bretagne , descendit la Seine , au pays des Calètes, pour rejoindre sa flotte à Boulogne?. Elle était commandée par le préfet du prétoire Asclépiodore. * Auguste Le Prevost. Voir Annuaire du département de l'Eure, 1834. 2 Panégyrique d'Eumènes; Recueil des Historiens de France, t. 19, p. 714. 188 ACADÉMIE DE ROUEN. C’est à cette occasion qu'Ammien Marcellin parle des camps de Constance, castra Constantia , qu'il place vers l’embou- chure de la Seine’, etque quelques savants, à tort ou à raison, veulent reconnaître dans les camps de Sandouville , de Bon- deville , etc.? Dix ans auparavant, les côtes du pays des Calètes , in- festées par les Saxons et les Francs , avaient été défendues par Carausius , chef de la station romaine de Boulogne, qui avait fini par s'associer à leurs pillages , et qui s'était réfugié dans la Grande-Bretagne , où il avait pris la pourpre ?. La grande invasion de barbares , décrite si éloquemment par saint Jérôme, qui, de 406 à 410, couvrit les Gaules de ruines, n’épargna pas le pays des Calètes. Tout porte à croire que Juliobona, détruite à cette époque, ne put pas se relever de ses cendres , et que les Calètes , privés de leur cité, furent annexés à celle des Vélocasses, Rouen, qui dut peut-être à cette agrégation, par suite de la diffi- culté du choix , l'avantage de ne pas voir échanger son nom gaulois , à l'instar des autres cités gallo-romaines , contre celui de son peuple ?. Pour se faire une idée de l'importance de la capitale des Calètes avant cette catastrophe , il suffit d'explorer letendue de terrain qu'occupent ses ruines et les débris de son im- mense théâtre, Les nombreux restes de constructions antiques qui ont : Ammien Marcellin, lib. XV. 2 Feu Emmanuel Gaillard émit le premier cette opinion. 3 Eutrope . lib. IX. 4 Epistola xcx ad Ageruchiam. 5 C’est ainsi que Lutèce , cité des Parisii, prit, à cette époque, le nom de Paris ; Samarobriva , cité des 4mbiani, celui d’Amiens ; Genabum , cité des Aureliani, celui d'Orléans , etc., etc. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 189 été découvertes et qu’on découvre journellement , sur une foule d’autres points du département, dont quelques-uns sont aujourd'hui inhabités ; les voies romaines qui le sillon- nent et qui ont conserve jusqu'à nous les noms de chemins des Romains, de Rome , de César, de rues de Rome, etc. ; les objets d'art en tout genre et de toute matière, statues, bustes, tombeaux , bas-reliefs, mosaïques, armes, usten- siles, ornements, etc., en or, argent, bronze, marbre, qu'on y rencontre, témoignent hautement que le pays, dans ces temps reculés, était plus peuplé et plus florissant qu'on ne le suppose généralement, et que les arts y étaient cul- tivés avec succés. Peu de temps après la destruction de Lillebonne , nous voyons, sous Valentinien II, de 423 à 455, Rouen figurer comme lieu de résidence du préfet des corps des Ursariens , prefectus militum Ursariensium' Cette circonstance ferait supposer que cette métropole de la seconde Lyonnaise né- tait point entrée dans la ligue des provinces armoricaines , tractus armoricus, dans lequel on comprend généralement toutes les côtes qui s'étendent de la Loire à la Meuse, ligue qui éclata sous Honorius, lan 408. Ces provinces, con- vaincues de l'impuissance des Romains à les délendre contre les excursions des barbares, et amoureuses de leur liberté, avaient chassé les magistrats et les officiers romains, et s'étaient constituées en république ?. C'est vers ce temps { le commencement du 5° siècle) qu’on fixe l'organisation ecclésiastique de la deuxième Lyonnaise. Les lumières du christianisme y avaient pénétré vers la fin du 3° siècle. Saint Mellon les avait fait briller le premier à Rouen et dans le pays environnant. Saint Avitien avait con- 1 Notitia dignitatem; Recueil des Historiens de France, t. 1*, p. 127. 2 Zozime, De Gallis, lib. VI. 190 ACADÉMIE DE ROUEN. tinué son ouvrage et occupé le siége épiscopal de cette ville. Ce dernier prélat assista au concile d'Arles, tenu en 314. C'est le premier acte où figurent les évéques de Rouen. La seconde Lyonnaise était divisée en sept cités’, L'or- ganisation ecclésiastique se formula sur l’organisation civile. Sept évêchés , ayant leur siége dans les sept chefs-lieux de cités : Rouen, Bayeux , Avranches, Evreux, Séez, Lisieux, Coutances, se trouvent constitués sous la suprématie du premier d’entr'eux. Rouen était la métropole de la province et avait devancé les autres cités dans l'établissement régulier du nouveau culte; c’est à cette double circonstance qu'il dut cet avantage. La puissance romaine allait baissant , s'éteignant dans les Gaules devant les invasions successives des peuplades du Nord. La portion d’outre-Seine de la deuxième Lyonnaise, par sa position reculée et occidentale , eut moins à souffrir , dans le cours du v° siècle, des incursions des barbares, qui, après avoir franchi le Rhin et ravagé ses bords, étaient pressés de se jeter sur le midi de l'empire, que des excur- sions des pirates qui désolèrent plus d’une fois ses côtes. Mais enfin les Francs debordent sur la Gaule, et la rangent tout entière sous leur domination. La seconde Lyonnaise fut obligée de subir le joug de Clovis (vers l'an 497). Ici finit l’ère romaine ; l'ère francaise va commencer. * Notitia provinciarum et civitatum Galliæ, sous Honorius; Recueil des Historiens de France, t. 1°, p, 122. SSII SSSNSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSS DISCOURS DE RÉCEPTION DE M. C. MALLET, PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE AU COLLÉGE ROYAL DE ROUEN. — Séance du 22 Février 1839. — MESSIEURS , Appelé par vos bienveillants suffrages à prendre place parmi vous, je viens, dès ce jour , m'associer à vos travaux, en vous présentant, dans la limite de mes forces , quelques considérations historiques et philosophiques sur une doc- trine à qui il a été donné , en ces derniers temps, d’inquiéter vivement les intérêts de plusieurs, et d’éveiller puissam- ment l'attention de tous: je veux parler du saint-simonisme. Quand une doctrine , soit religieuse , soit politique ou sociale , a pour elle l'avenir, on la voit se produire avec une audacieuse persévérance que rien n’arrête et ne décou- rage. Revelation de Dieu à l'homme , elle rencontre d’ardents 192 ._. ACADÉMIE DE ROUEN. et dévoués interprètes qui vont, missionnaires infatigables , prècher l’heureuse nouvelle aux masses toujours altérées de la parole céleste ; et il vient un jour où, victorieux des vieilles répugnances , victorieux des obstacles que l’esprit du passé amoncelait sous ses pas , victorieux enfin des tor- tures et des bourreaux, le dogme nouveau s'impose et com- mande à l’humanité. Tel on vit, de Tibère à Constantin, le christianisme. Imaginez , au contraire, une doctrine à qui l'avenir soit refusé. Dès le berceau, vous la voyez frappée d'impuissance. Les masses restent sourdes à la voix d'hommes qui n ont pas foi en eux-mêmes, et repoussent une parole qu'elles ne reconnaissent pas pour le verbe divin. Alors, si c’est un siècle de férocité et d’intolérance , la prison , les tortures et les büchers font taire les apôtres et mettent le dogme au néant. Si c’est, au contraire , une époque de civi- lisation et de mœurs douces, la controverse et le sarcasme ont bientôt fait justice de la doctrine nouvelle ; et, après quelques fastueuses démonstrations, on voit maîtres et dis- ciples descendre des hauteurs de l’apostolat , et abjurer une mission imaginaire. Nous le demandons : m’est-ce point là l'histoire du saint-simonisme pendant la durée Ce sa courte mais brillante apparition ? Le saint-simonisme prétendait à une régénération inté- grale. Dans la religion , le culte chrétien ; dans la politique , la forme représentative ; dans la société, la propriété et le mariage , double clé de voûte de l'édifice : tout cela s’en allait au vent, disparaissait, s'anéantissait, pour faire place à une société, à une politique, à une religion sans racines dans le passé et sans sympathies dans nos mœurs. En d’autres termes , la réforme saint-simonienne se présentait sous un triple aspect : reforme religieuse, réforme politique , réforme sociale, et c'est aussi sous ce triple aspect que nous nous proposons de lexposer et de 1 apprécier. Et d’abord , Messieurs , si nous examinons le côté reli- CLASSE DES BELLES-LETTRES 199 gieux du système, nous verrons que, d’une part, il n'était, sous plusieurs rapports , qu'une imitation du christianisme , en ce sens qu'il affectait de reproduire quelques-uns de ses rites, et parfois même son langage, tandis que, d'autre part , il battait en brèche les deux dogmes fondamentaux de cette antique croyance, et même de toute croyance religieuse , . savoir , l'existence de Dieu et l’immortalité de lame. En effet , le Dieu du saint-simonisme , c’est la vie universelle, étendue et pensée tout ensemble, intelligence et force, sagesse et beauté , unité infinie à deux faces‘, synihèse complète de deux analyses partielles , savoir, d'une part, le judaïsme, qui n'avait envisagé l'unité divine que sous le côté matériel , et d'autre part le christianisme qui ne Pavait envisagé, à son tour , que sous l’aspect spirituel”. Telest Dieu. L'homme, * « Dieu, l'être infini, universel, exprimé dans son unité « vivante et active, c'est l'amour infini, universel, qui se manifeste « à nous sous deux aspects principaux, Comme esprit et comme a matière, ou, ce qui n'est que l'expression variée de ce double « aspect, comme intelligence et comme force, comme sagesse et « comme beauté. » (Doctrine de Saint-Simon, Exposition, 2° année, 1829—1830 , p. 88.) 2 « La marche de l'humanité est successive; et, dans la série des « termes qu’elle comprend , l'homme tend sans cesse à se rappro- « cher de l'unité. Par suite de cette tendance, nous lavons vu a s'élever de la conception des êtres multiples et indépendants du « fétichisme et du polythéisme a celle d’un Dieu unique. Par suite « de cette loi qui lui a été imposée de ne connaître Dieu et le « phénomène de sa propre existence que successivement , nous « l'avons vu , après avoir conçu Punité, l’envisager d'abord sous « l'aspect matériel dans le judaïsme , puis ensuite sous l'aspect « spirituel dans le christianisme. Aujourd'hui que tous les termes « de l’évolution religieuse ont été parcourus, il est évident que a l’homme, en vertu de la loi à laquelle il a obéi jusqu'ici, doit «a s'élever à une conception qui comprendra, dans leur ensemble «et dans leur combinaison, les deux aspects de l'unité qui lui « ont été successivement révélés. » ( Exposition saint-simonienne, 2e année, p. 87—88.) 1 194 ACADÉMIE DE ROUEN. à son tour , autant qu’il est possible d’en juger par les termes un peu vagues de l’exposition de la doctrine", homme est, dans une mesure finie, ce qu'est Dieu dans des proportions infinies , c’est-à-dire , ni matière , ni esprit exclusivement , mais la fusion de l’un et de l’autre dans une complexité à jamais indissoluble , de telle sorte (et c’est ici une consé- quence irrésistible), de telle sorte que la mort n’est pas, comme au point de vue chrétien, la séparation de deux substances, l’une corporelle, l’autre spirituelle, mais une simple désunion d'éléments tous actifs, tous animés, et susceptibles de former, soit entr'eux , soit avec des élé- ments étrangers, une foule de nouvelles combinaisons éga- lement actives et vivantes. Ainsi, au lieu de cette patrie céleste que le christianisme promet au juste au sortir de ce séjour d’exil, le saint-simonisme condamne l’homme , sans distinction de vertueux et de coupable , à une indéfinie et perpétuelle série de transformations , depuis le plus haut degré dans l'échelle des êtres jusqu'à l’état le plus infime et le plus abject. Une telle doctrine n'ôte-t-elle pas au crime sa terreur , à la vertu son espérance ? Où veut-on que lin- fortune aille chercher le remède à ses affections , pour les- quelles le christianisme a des consolations si merveilleuses et si efficaces ? Le Dieu du saint-simonisme a-t-il , comme le nôtre, des entrailles pour la créature qui souffre et qui ? « L'homme, représentation finie de l'être infini, est, comme « lui, dans son unité active, amour; et, dans les modes, dans « les aspects de sa manifestation, esprit et matière , intelligence « et force, sagesse et beauté. .... L'esprit et la matière, sur les- « quels tant de discussions se sont engagées et se perpétuent en- « core, ne sont donc point deux unités réelles, deux substances « distinctes , mais seulement deux aspects de l'existence infinie ou « finie, deux abstractions principales. à l'aide desquelles nous « analysons la vie, nous divisons l'unité pour la comprendre. » ( Exposition saint-simonienne , 29 année , p. 88—89.) CLASSE DES BELLES-LETTRES. 199 supplie ? Est-il un Dieu de clémence et de miséricorde ? Son Dieu , c’est tout ce qui est"; c'est le soleil qui rayonne dans l’espace ; c’est l’éther qui enveloppe les mondes ;° c’est la planète qui gravite; c'est l'ensemble des êtres qui croissent, végètent, se meuvent et pensent; c’est un Dieu-substance , non un Dieu-Providence. Or, ce n’est point là le Dieu que la raison concoit et que le cœur réclame ; et, sauf quelques réveurs systématiques et un petit nombre d'heureux que la prospérité endurcit et aveugle, Fhumanité qui, malgré tous les progrès possibles , aura toujours en trop grande part les privations et les souffrances , ne saurait s’accommoder d’une doctrine aussi désespérante. Ce n’est point sous de tels auspices que s’annonea , il y a dix-huit siècles, le christianisme dout on s’est trop hâté de sonner le trépas. Sa mission, à lui, fut éminemment providentielle, et c’est à ce caractère qu'il dut ses miraculeux progrès. N'est-ce pas, en effet, un admirable et touchant spectacle que cette religion de paix et de miséricorde , ac- cucillant les farouches tribus germaniques à mesure qu’elles mettaient le pied sur le sol romain, et leur imposant le signe chrétien comme une condition de clémence et de mansué- tude envers les vaincus. Mettez, à la place du christianisme, les mœurs sensuelles et féroces du polythéisme, et l'empire romain, envahi par un déluge de barbares, n'etait plus qu'une vaste prison d'esclaves tombés en la puissance de maitres impitoyables , qui eussent renouvelé contre les vaincus les scènes atroces des arènes et du colisée. Et, plus tard, lors- qu'après Charlemagne, et malgre les efforts de ce vigoureux génie vers l'unité , l'organisation féodale se fut imposée à cette société de conquérants et de vaincus , le christianisme * « Dieu est tout ce qui est ; tout est en lui, tout est par lui, « tout est lui. » ( Exposition de la Doct. saint-simonienne , 2 année » p.88. 1 96 ACADÉMIE DE ROUEN. ne vint-il pas tempérer les penchants violents et tyranniques du suzerain , en lui montrant, dans son vassal, son égal aux yeux de Dieu? N’apparaît-il pas, alors , admirablement personnifié dans le prêtre , ange de paix entre le seigneur et le serf, messager du ciel destiné à rendre moins hostiles les rapports de l’oppresseur et de l’opprimé? Ce sont là d’éclatants services que les apôtres du saint-simonisme ont eux-mêmes éloquemment signalés. Mais, puisqu'ils laissent au christianisme son passé , pourquoi vouloir le déshéeriter de son avenir ? Le dogme chrétien serait-il épuisé ? L'évan= gile serait-il devenu lettre-morte pour les générations qui s'élèvent? Religion déchue, disent-ils, antipathique aux besoins dominants de l’époque actuelle et aux progrès de l'industrie. C’est là , n’en doutons pas, une fausse interpré- tation du dogme chrétien. Le christianisme , en prononcant anathème à Satan , à ses pompes et à ses œuvres, n’a pas fait autre chose que maudire les crapuleux excès et les effroya- bles débauches qui entraient comme éléments du culte dans le polythéisme ; mais il n’a pas entendu proscrire, par là, la légitime satisfaction des besoins inhérents à la nature hu- maine. D'ailleurs, les faits sont là comme autant de démentis à une semblable assertion. Voyez la France , où , sauf la capitale , le catholicisme a conservé une immense puissance. Voyez la Hollande , l'Angleterre, les Etats-Unis , c’est-à- dire les pays du monde où les traditions évangéliques et bibliques exercent le plus d'autorité. Quelles entraves la religion y a-t-elle imposées à l'industrie ? Non, le christia- nisme bien compris n’est hostile à aucun progrès, pas plus au progrès industriel qu'au progrès politique. Résultat lui- méme d’un progrès, il serait infidèle à sa propre origiue , s’il était quelqu'un des développements légitimes de l'huma- nité , soit dans la sphère de l’industrie , soit dans la sphère de la poésie et de Part, soit enfin dans la sphère de la science ou dans celle de l’organisation politique et sociale , qu'il essayât d’entraver ou de répudier. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 197 Du point de vue religieux, passons au point de vue poli- tique et social. ; ” Trois principes fondamentaux résument toute la théorie politique et sociale du saint-simonisme : Travailler à l'amélioration physique , intellectuelle et mo- rale de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. A chacun selon sa capacité, et à chaque capacité selon ses œuvres. Abolition de tous les privilèges de la naissance, sans aucune exception. Telle fut la triple devise qu'inscrivirent sur leur drapeau les nouveaux apôtres ; tel fut le texte sur lequel roulèrent tous leurs enseignements écrits ou parlées. Et, hätons-nous de le dire, ce sont là d'admirables maximes que jamais ne doivent perdre de vue ceux qui ont recu d’en haut la mission d'enseigner ou de gouverner les hommes. Mais, de bonne foi, le saint-simonisme peut-il se flatter d’avoir, le premier, proclamé ces hautes vérités ; ou plutôt, ne sont-elles pas, sous des formes moins explicites et moins rigoureuses, sans doute, de tous les temps et de tous les siècles , et chacun des âges de lhumanité n'a-t-il pas travaille, dans la mesure des forces et des lumières qui lui étaient départies , à leur réalisation ? Il faut le reconnaître , ou se condamner à nier l'évidence : la marche des sociétés, depuis leur enfance jusqu’à leur virilité actuelle , n’a été qu'une série de progrès lents , mais sûrs, vers un état de choses où ce triple résultat d’une si haute importance dans les destinées humaines , à ete de plus en plus garanti. Dans l'antiquité, l'esclavage ne fut-il pas une conquête morale sur le meurtre ? Et quand le christia- nisme, à son tour, vint guérir cette hideuse plaie sociale et faire cesser cette brutale exploitation de l’homme par homme , croit-on que ce ne fut point là l’abolition d'un odieux privilege de naissance, en même temps qu'une immense amélioration acquise à la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ? Au 198 ACADÉMIE DE ROUEN. milieu des malheurs et des atrocités dont l’histoire n'offre que trop fréquemment le tabléau , c’est un spectacle qui repose l'ame, que celui de la pauvre humanité , s’élevant ainsi à travers une série de transformations sociales , à une condition plus douce et meilleure. Otez ce progrès , et le monde moral n’est plus qu'un théâtre livré aux fureurs d'un génie malfaisant ou aux caprices d’un incompréhensible hasard. On a besoin de l’idée consolante de la perfectibilité humaine pour croire à la présence de Dieu et à son action providentielle sur les choses de ce monde. Or, les signes qui manifestent cetie action providentielle sont visibles à tous les yeux, et tout le cortége des siècles passés est là qui s’avance avecson magnifique et irrécusable témoignage. L’es- “clavage , tout impie et immoral qu’il fût, avait été un pro- grès en son temps. De l'esclavage au vasselage , il y eut pro- grès encore et progrès incontestable. Puis, ce qu'avait fait le christianisme au moyen-âge, la philosophie vint le faire dans l'âge moderne. Elle prit au corps et jeta par terre la vieille féodalité ecclésiastique et seigneuriale , et bientôt , passant de la prédication à l’action, couronna son œuvre par la révolution francaise. Or, que fut cette révolution (nous ne parlons pas iei de ses excès qui furent déplorables , mais de ses bienfaits), que fut, dis-je, cette révolution, sinon l'abolition du privilege en toutes choses, la libre car- rière ouverte à toutes les capacités et à toutes les vocations, enfin , l’affranchissement de tout une classe, qui passait d’un vasselage plus ou moins déguisé à l’état de citoyen, et à qui cette importante conquête politique conférait les moyens de travailler plus efficacement à son amélioration physique, intellectuelle et morale ? Ce n’est done point d'aujourd'hui, redisons-le , que datent ces sublimes vérités que le saint- simonisme a proclamées trop exclusivement comme siennes. Tous les âges ont le droit de les revendiquer pour une part plus ou moins large, et tous , aussi, ont contribué, par une CLASSE DES BELLES-LETTRES. 199 action plus ou moins efficace, à leur réalisation progres- sive. Toutefois , comme le saint-simonisme a hautement annoncé la prétention de pouvoir seul obtenir d’une manière com- plète et durable Les grands résultats qui viennent d’être signa- lés , et qu'il à taxé d’impuissance, à cet égard , toute organi- sation politique ou sociale, qui ne serait point calquée trait pour trait sur le gouvernement et la société que chaque jour il proposait à notre adoption dans ses prédications et dans ses écrits, il est important d'examiner plus en détail et d’ap- précier , une bonne fois, à leur juste valeur, les moyens dont il dispose , et qu'il compte employer pour fonder et consti- tuer son œuvre. Il commence par rejeter bien loin la forme constitution- nelle, qu'il regarde, non comme définitive , mais comme purement transitoire, bonne tout au plus comme mode plus ou moins expressif de protestation pacifique contre une société vieillie et contre un monde qui s’en va. La forme républi- caine n'obtient pas non plus grâce à ses yeux. Merveilleuse- ment habile à détruire , il la déclare impuissante à fonder. Un reproche non moins grave qu’il lui adresse encore, c’est d’être une cause incessante d'anarchie et de désordres , à la faveur desquels le pouvoir tombe des mains d'une minorité intelligente dans celles d’une multitude aveugle. L'organi- sation politique proposée par le saint-simonisme est quelque chose d’analogue tout à la fois à la constitution ecclésiastique et cléricale du moyen-âge , et à la constitution militaire de l'empire. Au sommet de l'échelle sociale, un chef unique, absolu , tenant en sa main le double pouvoir spirituel et temporel , à la fois pape et empereur ; puis, répartis sur les degres inférieurs, tous les membres de la société nouvelle , prêtres , philosophes , moralistes, artistes, industriels , sui- vant la capacité et les œuvres de chacun, et ainsi de suite . 0 , LL . jusqu'au dernier échelon ; de telle sorte que chacun soit 200 ACADÉMIE DE ROUEN. subordonné à celui qui le précède immédiatement dans cette gradation descendante, et tous à un seul. Admirable hiérar- chie , il faut le confesser , Messieurs, mais admirable à une condition seulement , à la condition d'être réalisable. Or, la constitution morale de humanité se prêéte-t-elle à cette réalisation ? Non, il faut le dire ; son égoisme, son orgueil, ses passions , seront un éternel obstacle à ce classement si régulier et si méthodique , qui n’a pu être révé que par des hommes accoutumés par les études de toute leur vie à opérer sur des abstractions mathématiques , loin de la pratique des choses et des réalités. Se trouvera-t-il beaucoup d'hommes d’une assez complète abnégation , d’un assez pur désinté- ressement , pour confesser ainsi la supériorité d’un rival , et se constituer les vassaux d’un de leurs semblables, philo- sophe, industriel ou artiste , quelle que soit sa vocation, aux mains duquel ils abdiqueraient l'indépendance de leur pensée et leur libre arbitre? N'est-ce pas vouloir aller en sens inverse des choses telles qu’elles sont , et donner un démenti à la réalité ? Sans doute , si, par une de ces abstrac- tions très communes dans les sciences mathématiques, mais que la science politique réprouve , vous dépouillez l’homme de toutes les imperfections de sa nature, et que vous le fassiez à votre fantaisie éminemment équitable et impartial, alors , oui, votre organisation gouvernementale cesse d’être impra- ticable. Mais, encore une fois , au lieu de prendre l’homme ce qu'il est, vous le supposez ce qu'il n'est pas. Accoutumés que vous êtes, en géométrie, à opérer sur des figures par- faites, et transportant involontairement , dans les théories politiques , vos préoccupations mathématiques , vous créez un étre d'imagination , et vous bâtissez , sur cette donnée, une société non moins imaginaire. Le saint-simonisme , nous ne l’ignorons pas , allègue , à l'appui de sa théorie , lexem- ple de l’église au moyen-âge et de l’armée sous l'empire. z . : Mais , supposé que les choses se soient passées exactement CLASSE DES BELLES-LETTRES. 201 comme il le prétend { ce qui serait en plusieurs points très contestable), que sont l’armée cléricale de Grégoire VIT et les légions de Napoléon auprès d’une nation tout entière, que dis-je, auprès de l’humanité en masse? Car le saint- simonisme ne limitait pas ses théories à la France seulement ; il prétendait encore les faire adopter à la société humaine tout entière. Ce qu'il fut donné à deux puissants génies de réaliser en d’étroites limites, peut-il être également réalisa- ble sur la masse d’une nation ou de l'humanité ? Assurément non, et je n’en veux pour preuve que la société saint-simo- nienne elle-même et ses propres destinées. Un instant elle avait paru constituée. Mais, dès-lors même, il était aisé de voir que deux esprits hostiles se disputaient l'empire au sein de cette théocratie nouvelle , le rationalisme et le mysti- cisme , représentés par deux hommes ! qui furent d'accord pour détruire, mais qui se divisèrent le jour où il fallut fonder. Eh bien! après trois années seulement d’existence , cette organisation éphémère a fait place à la plus complète et en même temps à la plus risible anarchie , alors qu'on vit le schisme s’introduire au sein de léglise naissante, et plusieurs autorités rivales surgir en face l’une de l’autre, se maudire, s’anathématiser, s’'excommunier. Et cette hiérar- chie, qui n’a pu tenir contre les passions et les volontés divergentes de ‘quelques centaines d’hommes , on eût voulu l'imposer à la France , puis à l’Europe , en attendant le reste du monde ! Étrange apostolat que celui de ces missionnaires de la pacification universelle , qui ne surent pas même main- tenir l'union au sein de leur propre secte, et qui s’envoyèrent pour adieux des paroles de blâme et de malédiction ! Une autre difficulté surgissait encore. Qui sera juge de la capacité et de la supériorité ? Question insoluble dans la : MM. Bazard et Enfantin. 202 ACADÉMIE DE ROUEN. doctrine saint-simonienne , ou à laquelle cette doctrine ap- porte une réponse dont on a le droit de s'étonner. Nous ne sommes plus ici, comme sous le régime constitutionnel, soumis aux suffrages de ceux d’entre nos concitoyens à qui la loi confère le droit d'élection. Nous ne procedons pas davantage par voie de suffrage universel , suivant les principes de l’école démocratique. Dans l’organisation saint-simo- nienne, chacun devient juge de sa propre capacité, chacun se constitue l’appréciateur de sa propre valeur intellectuelle et morale, nou-seulement d’une manière absolue, mais encore sous un point de vue relatif, c’est-à-dire compara- tivement à tous les membres de la société. Que si l’on ob- jecte qu'il pourrait se faire que cent, ou deux cents, ou mille, ou plus encore, se déclarassent tous à la fois, et chacun pour sa part , les plus capables, et qu’en vertu de cette appréciation tout arbitraire , chacun d’eux vint à se poser (c’est le terme sacramentel de la doctrine) au faite de la hiérarchie sociale , le saint-simonisme, qu'aucune difficulté n’embarrasse , a sa réponse toute prête : les moins capables finiront par confesser leur infériorité. Qui vous la dit, et oùen est le garant ? Oui, si l’homme était, en réalité , ce que vous le faites abstractivement et suivant le caprice de votre imagination ; oui , si l'ambition , si l’égoisme, si l'envie ne tenaient pas une si large place dans notre cœur. Mais si, au lieu de supprimer hypothétiquement tons les instincts égoistes et toutes les affections malveillantes, on vient à reconnaître l'immense part d’action qu’en réalité elles exer- cent sur les choses de ce monde , ne sera-t-on pas contraint de confesser que chacun, une fois constitué appréciateur de sa propre capacité , la jugerait, ou tout au moins la procla- merait supérieure ou égale à celle d'autrui , et qu’ainsi, la société se trouvant tiraillée en tous sens par les mille chefs qui se disputeraient sa direction , il faudrait, en définitive, en appeler au jugement de Dieu ou au jugement des hommes, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 203 c'est-à-dire aux armes ou à l'élection ? Ah! sans doute, si au sein de chacune des générations qui se succèdent , appa- raissait un Alexandre, un César , un Charlemagne & un Hil- debrand , un Bonaparte, il serait donné à de tels hommes de se poser les premiers entre tous , et d’invoquer, comme titre à la puissance , la légitimité du génie. A de tels hommes le premier rang appartiendrait du fait de Dieu, qui donne le génie, et du fait des hommes qui, devant le génie, s’hu- milient et se prosternent, De droit divin et humain la pre- mière place leur serait départie ; et l’on pourrait s’en remettre à eux, en de certaines limites toutefois, du soin d'organiser la société et d'y classer chacun selon sa capacité ,; et chaque capacité selon ses œuvres. Ce serait là le gouvernement de Dieu appliqué à ce monde ; car le genie est l’envoyé de Dieu sur cette terre. Alors, nous aussi , nous appellerions de tous nos vœux cette hiérarchie dans laquelle le meilleur se choisit et se pose lui-même de par Dieu et de par son génie, pour distribuer ensuite à tous leur place et leur rôle, suivant l'aptitude et la vocation de chacun. Alors, nous aussi , nous concevrions que le mode d’élection de haut en bas, proposé par le saint-simonisme , püt remplacer avantageusement l'élection de bas en haut , telles que la concoivent les publi- cistes de l’école anglaise , américaine et conventionnelle. Mais combien de tels hommes ne sont-ils pas rares , et com- bien n’apparaissent-ils pas de loin en loin , dans la succession des âges ? L’écueil de la politique saint-simonienne à donc été de raisonner toujours dans l'hypothèse toute gratuite de la présence perpétuelle d'un Grégoire VIT où d’un Napoléon, et dans l'hypothèse, moins réalisable encoré , de l'ancantisse- ment de toutes les passions égoistes et de tous les instincts envie ux. | Une réforme purement politique ne suffisait pas au saint- simonisme ; il lui fallait une réforme sociale; et, pour la rendre plus radicale, c’est à la base même de la société qu'il 204 ACADÉMIE DE ROUEN. s'attaqua. Dans sa doctrine , la propriété individuelle est abolie. Les instruments de travail, les usines , les terres, le numéraire , tout devient propriété de la communauté, ou, pour parler plus juste , du chef suprême, à qui appar- tient le droit de faire une distribution temporaire de ces instruments de travail entre les divers membres de la sociète nouvelle. D'où il résulte encore que chacun de ces membres est condamné , sous peine d’excommunication sociale, à exer- cer telle profession qu'il plait au chef supréme de lui im- poser; condition mille fois pire, assurément, que le régime des castes dans l'antique Egypte , où un homme était ou prêtre , ou guerrier, ou artisan, ou pasteur, par le fait même de sa naissance , et non par le caprice du souverain. Et puis , qu’on y songe, que produirait cette confiscation de toutes les propriétés individuelles , sinon de dissoudre, au moins momentanément, la société elle-méme ? Car la societe s'appuie sur la propriété. La propriété préexiste à la société, et c’est même pour assurer le maintien de la propriété que la société civile a été établie. Retirez cette base, et l’edifice s'écroule, Non que nous pensions que l’humanité se con- damnät pour cela à l’état sauvage; ses instincts les plus im- périeux et les plus irrésistibles y seraient un éternel obstacle ; mais ce qu’on peut prédire avec certitude, c’est qu'une nou- velle société se fonderait, qui s’appuierait sur une propriété nouvelle, c’est-à-dire que tout se réduirait à la spoliation des anciens possesseurs , à qui se substituerait par l’usurpation une classe nouvelle. La propriété ne ferait donc que subir un déplacement, non un anéantissement. Nous pions , d’ailleurs, que ce déplacement puisse jamais, et en aucun état de choses, devenir pour la société une condition d'amélioration phy- sique, intellectuelle et morale. La misère aurait passé du côté de l’opulence, et l’opulence du côté de la misère; les rôles seraient intervertis , et voilà tout. Le saint-simonisme nous à paru plus heureusement inspiré, quand , au lieu de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 205 l’anéantissement de la propriété individuelle et patrimoniale, il a conseillé, comme moyen efficace d'amélioration sociale, l'abolition progressive des successions collatérales. On con- coit, en effet, que l'état, devenant seul héritier en pareille circonstance , pourrait disposer de ces heritages, et s’en servir à soulager la misère des classes souffrantes et à doter des industries nécessiteuses. Par l'abolition de la propriété , le saint-simonisme com promettait le maintien de la société civile; par l’émancipa- tion de la femme , il abolissait la société de famille. Or, voici en quoi il faisait consister cette émancipation. Les lois exis- tantes soumettent la femme à une sorte de tutelle, en dépar- tant à l'époux la direction de la communaute ; il faut que cette tutelle soit brisée. Ces mèmes lois retiennent la femme en dehors de toute fonction administrative et politique ; il faut que cette interdiction soit levée. Une disposition de nos codes consacre l’indissolubilité du mariage ; il faut que cette indissolubilité fasse place à des unions libres et sans lien légal. Or, nous le demandons , cette émancipation ré- clamée pour la femme n’aboutit-elle pas à des conséquences pratiques d’une palpable absurdité sur les deux premiers points, et sur le troisième, à la plus honteuse immoralité ? Aucune autre religion , aucune autre philosophie que le saint- simonisme n’avait tenté d'élever la femme si haut, pour la ravaler ensuite aussi bas. Car, qu'est autre chose cette eman- cipation , sinon l’affranchissement de toute retenue et de toute pudeur ? Qu'est autre chose cette dissolution facultative des unions conjugales , sinon la destruction de la société de famille ? Et, sans parler ici du sort réservé aux enfants, fruits toujours redoutés et souvent abhorrés de ces unions éphémères , que deviendrait, sous une semblable organisa- tion , la condition de la femme elle-même ? Déchue du rang de compagne de l'homme, elle n’est plus qu’un ignoble instru- ment de plaisir que convoite la concupiscence et que la 206 ACADÉMIE DE ROUEN. satiété répudie. Puis, quand a fui l'âge de Ja beauté et des grâces, la malheureuse, dégradée par une série d’unions commencées par le caprice et finies par le dégoût, se voit condamnée à une vieillesse abandonnée, et achève dans amertume et le désespoir une vie écoulée dans la honte. Combien est différente la condition que le christianisme a faite à la femme ! Si, d’une part , il ne lui assigne pas un rôle à l’accomplissement duquel se refuseraient généralement les facultés que la nature lui a départies, d'autre part non plus il ne la condamne pas à la flétrissure. La mission qu'il lui impose en ce monde est tout à la fois moins ambitieuse et plus honorable, Compagne de l'homme , elle appelle la reli- gion à sanctifier une union que la mort seule doit dissoudre , parce que cette union est l’œuvre de Dieu. Puis, quand l'amitié et une douce sympathie sont venues insensiblement succéder à la passion , épouse respectée et mère vénérée , elle goûte dans les affections de la famille les plus pures joies de l'ame. Voilà la condition de laquelle le saint-simo- nisme prétendait affranchir la femme , pour lui faire subir, sous le nom d’émancipation , l’avilissement et l'ignominie. Messieurs , à l'heure où nous parlons , le saint-simonisme a passé du domaine de la polémique dans le domaine de l'appréciation historique ; car il ne saurait y avoir de polé- mique réelle que contre une doctrine vivante, et le sant- simonisme à passé sans retour. Il est tombé, parce qu’en glorifiant la prostitution et en faisant appel à la concupiscence la plus effrénée , il #outragé tout ce qu'il y avait d’instincts honnêtes au cœur de l’homme ; et la pudeur publique s’est soulevée contre une telle morale. Il est tombé, parce qu’en préchant l'abolition de la propriété , il a , autant qu'il était en lui, renversé la base de toute société civile ; et le bon sens public a réprouvé une telle politique. Il est tombé, parce qu’en panthéisant la substance organisée et vivante, il a voulu bannir le vrai Dieu de ce monde ; et la conscience publique s’est révoltée contre une telle religion. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 207 Néanmoins , Messieurs , en vertu de cette loi des choses, qui veut que le bien et le mal se trouvent partout ici-bas dans un indissoluble alliage , le saint-simonisme , comme toute doctrine , a eu sa part de bien, et nous ne saurions , sans injustice , la passer sous silence Cet immense mouve- ment que nous voyons aujourd hui imprimé à tous les grands travaux de l’industrie nationale, ces merveilleuses construc- tions destinées à supprimer les distances et à donner des ailes à la civilisation , c’est le saint-simonisme qui , plus que toute autre doctrine politique ou sociale, les a appelées et hâtés. Il a encore le mérite d’avoir propagé et popularisé le dogme du progrès social, que nous avait légué le dix- huitième siècle par l'organe de Turgot et de Condorcet. Eafin, à une époque où l'aristocratie de la richesse, héri- tière des prétentions et des priviléges de l'antique aristocratie de naissance , tend à devenir de plus en plus envahissante , il a solennellement proclamé, comme la seule légitime et la seule rationnellement acceptable, l'aristocratie de l’intelli- gence et de la capacité. Oublierons-nous plusieurs vérités utiles et consolantes qu'il a éloquemment proclamées , et pourra-t-on jamais lui savoir trop de gré de la persévérance avec laquelle il a appelé la pitié des heureux du siecle sur la condition déplorable où gémissent trop généralement les classes laborieuses ? Dans ses enseignements, dans ses pu- blications , par la voix de ses apôtres et de ses journaux !, n'a-t-il pas mille fois provoqué une répartition plus géne- ralement équitable entre le travail et le salaire ? N'a-t-il pas, chaque jour, répété qu'il fallait aux travailleurs tout à la fois le pain du corps et le pain de l'ame, c’est-à-dire une existence supportable, et, d'autre part, l'instruction et la moralité ? S’est-il lassé un seul instant de flétrir l’oisiveté * Voir notamment le Globe, pendant les années 1831, 1832, 1833. 208 ACADÉMIE DE ROUEN. et de glorifier le travail? Oui, Messieurs, ce sont là des idées que le saint-simonisme , plus que toute autre doctrine politique et sociale, a propagées , et, plus que toute autre aussi , il en a réclamé la réalisation comme la plus puissante garantie contre les révolutions et les bouleversements futurs. Pourquoi faut-il que des rêves bizarres et monstrueux, en- fantés par une imagination en délire , soient venus se méler à ce qu'il y avait de raisonnable et de praticable dans les protestations du saint-simonisme contre les anomalies de la société actuelle et dans ses vues réformatrices sur l'avenir ? C’est là, au reste, il faut le confesser , le travers dominant de notre époque. En toutes choses, on vise au paradoxal plutôt qu’au vrai; de peur de paraître penser comme tout le monde, on affecte de penser contrairement à tout le monde ; à force de prétendre au génie, on renonce au sens commun. Et pourtant , Messieurs , le sens commun n'est-il pas le juge en dernier ressort de toutes les doctrines, et n'est-ce pas de lui qu’émanent définitivement , ou leurs titres de légitimité, ou leur condamnation ? RÉPONSE DE M. PAUMIER , PRÉSIDENT DE L'ACADÉMIE, AU DISCOURS DE RÉCEPTION DE M. MALLET. MOoxsIEUR , Un observateur éclairé de la nature, qui en admire les beautés avec bonheur et enthousiasme , qui, possesseur d’un riche domaine , peut contempler tour à tour des parterres CLASSE DES BELLES-LETTRES. 209 émaillés de fleurs , des eaux limpides , des sites riants et pit- toresques , ou d'imposantes avenues d'arbres majestueux , s'éloigne quelquefois de tant de richesses, et s’en va méditer à l'écart, en présence de quelque ruine, conservée avec intention comme objet de curiosité où comme moyen de contraste. Tel , Monsieur , vous nous apparaissez aujourd'hui. Appelé par vos goûts , comme par vos importantes fonc- tions, dans la carrière de l’enseignement , à cultiver le vaste domaine de la philosophie , il vous eût été facile de nous présenter , avec le talent qui vous est propre, quelques-uns de ces sujets à la fois profonds et intéressants , de ces graves apereus , de ces appréciations de systèmes divers, qui font l'objet habituel de vos méditations, Assurément , nous eus- sions aimé à vous suivre dans l'exposition des richesses va- riées d’une science que vous professez avec distinction , et qui, renfermée dans ses justes limites, fait le plus grand honneur à l'intelligence humaine. — Vous avez préféré laisser de côté ces précieux trésors que vous aviez sous la main, pour fixer notre attention sur un sujet tout spécial, sur un système en quelque sorte né d'hier , et qui, pourtant, a déjà disparu , ou n'offre plus à notre contemplation qu'une in- forme ruine. Il nous siérait mal , Monsieur , de nous plaindre du choix que vous avez cru devoir faire. Bien loin de là, nous nous en félicitons , puisque ce choix vous a fourni l’occasion , tout en réfutant victorieusement des erreurs dangereuses, de rendre ici un éclatant hommage à la vérité. Nous savions depuis long-temps, et nous nous en étions réjouis, que le christianisme et la saine philosophie, bien loin d’être in- conciliables , comme on se l’est trop souvent pérsuade , sont en harmonie parfaite dans tous les points où ils se touchent. Les grands noms des Bacon , des Pascal, des Newton, des Leibnitz , et de tant d'autres esprits supérieurs , qui joigni- 15 210 ACADÉMIE DE ROUEN. rent à un profond savoir des convictions chrétiennes aussi éclairées que solides , nous en étaient d’irrécusables garants. Mais, à une époque où , comme vous le dites vous-même , Monsieur , tant de gens « visent encore au paradoxal plutôt qu'au vrai», on aime à entendre un professeur dont les doctes lecons peuvent exercer tant d'influence sur ses nom- breux disciples , déclarer que l’évangile est une « révélation de Dieu à l’homme», et repousser les réveries que l’on voudrait y substituer. — D'un autre côté , nous avons re- marqué avec satisfaction, qu’en attaquant un ennemi vaincu d'avance , et qui, sous plus d’un rapport, semblait provo- quer le sarcasme et la raillerie, vous ne l’avez combattu qu'avec les arguments d’une pressante logique. J’imiterai , en cela , votre modération et votre sage retenue ; et, oubliant ici tout ce qu'il peut y avoir eu de ridicule dans la retraite de Mesnil-Montant , dans les prétentions et le procès du père Enfantin , et dans ses recherches , en Orient , de la femme libre, qu'il n’a point encore trouvée, je m'abstiendrai de toute personnalité , pour ne considérer un instant que les principes. Quoi de plus absurde, par exemple , que cette assertion du saint-simonisme , que vous n'avez indiquée qu’en passant , savoir : « que le judaïsme n'avait envisagé l’unité divine que « sous le côté matériel, et que le christianisme , à son tour , « ne l’a envisagé que sous l’aspect spirituel !» Ne dirait-on pas, d'après cela, que ces deux parties de la révélation divine ont été en opposition? Cependant, pour qui les a lues , il reste hors de doute que l’ancien Testament , aussi bien que le nouveau, parle toujours de Jéhovah ; le Dieu unique et tout parfait, comme d’un être invisible et spirituel , dont il était sévèrement défendu aux juifs de faire aucune représentation matérielle. Comment doncles saint-simoniens ont-ils osé affirmer le contraire ? Nous ne les taxerons pas de mauvaise foi, mais du moins nous dirons d’eux que, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 211 comme beaucoup d'autres ennemis de la Religion, ils sont tombés dans une erreur palpable , en prétendant juger une question qu’ils ne s'étaient pas même donné la peine d’exa- miner. Il serait difficile, Monsieur , de faire ressortir mieux que vous ne l'avez fait, le contraste frappant qui se trouve entre le Dieu substance du saint-simonisme , et le Dieu providence, le Dieu miséricordieux et consolateur que le christianisme nous révèle ; entre la doctrine désespérante de ces transmu - tations successives de l’ame confondue avec la matière , et les magnifiques promesses faites au chrétien fidèle, dans une meilleure vie où ses larmes seront pour jamais essuyées. Mais il est peut-être à regretter que vous n'ayez pas repousse avec plus d’insistance le système de progression absolue et continuelle, que les saint-simoniens admettent dans ordre religieux. Après avoir établi que, dans leurs évolutions po- litiques , les sociétés humaines s'étaient constamment avan cées en élargissant leur cercle d'association vers l'unité, c’est-à-dire vers l'association universelle, il leur fallut bien trouver , dans les annales religieuses des peuples, une série de progrès qui correspondit à celle des progrès sociaux ; puisqu’à leurs yeux ces deux genres de perfectionnement n’en sont qu'un seul, envisagé sous deux faces différentes. De là cette prétendue découverte que la plus ancienne reli- gion a été le fétichisme, auquel a succédé le polythéisme , que le monothéisme à enfin remplacé. — D'où l'on à conclu que les peuples avancant ainsi toujours dans leurs idées religieuses, notre état religieux actuel, quel qu'il soit, méme le scepticisme , est donc un progrès, et qu'il est im possible que la France recule jusqu'à une doctrine qui parut sur la terre il y a dix-huit cents ans. Or, il me semble, Monsieur , que, l'histoire à la main, on ne peut pas admettre cette progression continue, où du moins qu’elle a souffert de nombreuses exceptions. 11 nous 212 ACADÉMIE DE ROUEN. paraît , au contraire, que les peuples ont souvent rétrograde , bien plus qu'il n’ont avancé, dans leurs idées religieuses. Les monuments historiques , et surtout les mystères de l'an- tiquité, prouvent que le monothéisme à précédé, en plusieurs lieux , le polythéisme. La théogonie d’Orphée et de ses con- temporains était plus pure que la mythologie du siècle de Périclès. La religion des anciens Guèbres était supérieure au culte idolâtre des Perses du temps d'Alexandre. Dans l’histoire du christianisme, les superstitions et les légendes du moyen-âge n'étaient pas ;, à notre avis, un perfectionne- ment de la doctrine des premiers pères de l'Eglise; et la religion de Mahomet, toute postérieure qu’elle est au chris- tianisme ,en Orient, lui est incontestablement bien inférieure sous tous les rapports. — Que devient donc cette progres- sion constante et non interrompue ? De quel droit a-t-on osé soutenir que toute révolution dans les idées religieuses est nécessairement un progrès? —Qu'est-ce que cette théorie, très peu philosophique , qui se résout en un calcul de chro- uologie , et qui pose cet étrange argument : « Tel système de « religion est venu après tel autre, donc il vaut mieux! » — En vérité , on s'étonne que des hommes qui se glorifiaient de ne rien croire du christianisme, aient eu pourtant une foi assez robuste pour faire, d’une règle d’arithmétique , la loi du monde religieux et moral. Par la négation de ce principe, on l’a déjà compris, nous nions la conséquence qu'on voudrait en tirer , par rapport à notre pays et à notre temps. Puisqu'en effet les peuples reculent à certaines époques au lieu d'avancer; puisqu'une religion qui vient après une autre, est pas toujours meil- leure, mais pire quelquefois ; puisqu'enfin il ne s’agit pas de comparer les dates , mais d'examiner les doctrines , nous n'avons pas le moindre motif de penser que le scepticisme actuel soit un progrès ; et, parce que tel système religieux est le plus nouveau , il ne nous est nullement démontré qu'il CLASSE DES BELLES-LETTRES. 213 soit supérieur à tous les autres. Si les orientaux, par exem- ple, abandonnaient l’islamisme pour redevenir chrétiens , croit-on qu'ils reculeraient ? Et si nos jeunes incredules et les vieux prosélytes du culte de la raison suivaient la même route , n'auraient-ils pas encore plus à gagner que les maho- métans ? On ne peut trop le redire, la chronologie n’a rien à faire dans une pareille discussion. Je voudrais pouvoir continuer à vous suivre , Monsieur , dans ce que vous avez ajouté sur la puissance civilisatrice du christianisme , sur l’action providentielle de Dieu dans les choses de ce monde, et sur l'incapacité du saint-simo - nisme pour réaliser ses projets anssi gigantesques qu'immo- raux , soit à l’égard de son association universelle, sous un seul chef, dont vous avez si bien prouvé l'impossibilité , soit à l'égard de Pabolition de la propriété ou de lémanci- pation de la femme , autres rêves , grâces à Dieu , tout aussi peu réalisables. Me bornant à donner mon assentiment à presque tout ce que vous nous avez dit là-dessus avec tant de force et de lucidité , ainsi qu'aux diverses causes que vous avez assignées à la chute du saint-simonisme , qui s'était trop hâté de sonner le trépas du christianisme , et qui, lui- méme, est tombé peur toujours, je finirai en vous soumet tant quelques idées, que je vous prie de regarder plutôt comme des doutes que comme des objections. Après avoir terrassé et vaincu votre adversaire, vous avez bien voulu lui accorder une capitulation qui ne fût pas trop honteuse pour lui, mais n’avez-vous pas été un peu trop généreux dans quelques-unes de vos concessions ? Est-il bien vrai que ce soit le saint-simonisme qui ait non seulement appelé , mais encore hâte le mouvement im- primé de nos jours aux grands travaux de l’industrie ? Nous n'avons pas appris que cette secte soit allée s'établir en 4n- gleterre et dans l'Amérique du Nord , et cependant , là aussi, les merveilles de l’industrie se font admirer , et les canaux 214 ACADÉMIE DE ROUEN. et les bateaux à vapeur, et surtout les chemins de fer , y sont beaucoup plus nombreux qu’en France. Est-il bien certain aussi que le saint-simonisme ait , plus que toute autre doctrine , excité la pitié des heureux du siècle sur la condition déplorable des classes laborieuses ? Et cette pitié, dépourvue de sanction, est-elle comparable , dans son principe et ses effets, aux prodiges de bienfaisance que la charité chrétienne opère depuis dix-huit siècles ? Le saint-simonisme , dites-vous , a flétri l’oisiveté et glo- rifié le travail : mais le grand apôtre des nations n’avait-il pas déclaré avant lui, que celui qui ne veut point travailler n’est pas digne de manger ? * Enfin, si le saint-simonisme a répété qu'il faut aux tra- vailleurs , tout à la fois le pain du corps et le pain de l’ame, c’est-à-dire l'instruction et la moralité , n'est-ce pas encore une vérité empruntée au christianisme , dont le divin fon- dateur a dit que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ? ? Quoi qu'il en soit , Monsieur , de ces questions , que j'aime mieux abandonner à votre jugement que de les décider moi-même, je suis persuadé, d’après ce que je ressens, que l’Académie a entendu votre discours avec un vif intérét. Elle y aura reconnu une digne production de la même plume d’où sont sortis les ouvrages remarquables que vous lui avez offerts; et j'ai la conviction que j'exprime ses sentiments, en vous assurant qu'elle regarde comme un beau jour pour elle , celui où vous venez vous associer à ses modestes travaux. * Epit. aux Thessal., €. 3, v. 10. ? S. Mathieu, c. #4, v. 4. PRIX PROPOSÉS POUR 18/40. Programme. L'Académie rappelle qu’elle distribuera des encouragements aux Beaux-Arts, dans sa séance publique du mois d’août 1840. Voici l'extrait de la délibération qu'elle a prise à ce sujet, dans sa séance du 237 avril 1838 : Art. 1%. L'Académie décernera , pour les Beaux-Arts, des encouragements tous les trois ans. 2. A cet effet , une commission triennale de quatre mem- bres au moins , et de huit au plus, et dont le Secrétaire des lettres fera nécessairement partie, sera créée et nommée au scrutin secret par l’Académie. 3. Cette commission présentera, chaque année, un rap- port détaillé sur les Beaux-Arts, sur leur marche et sur les ouvrages dont elle aura eu connaissance , soit par les expo- sitions municipales , soit autrement, et qui auraient pour auteurs des artistes nés ou demeurant en Normandie. 4. La commission indiquera, à la fin de la dernière année, les candidats qu’elle croira les plus dignes d’encouragements, le nombre et la nature des récompenses à accorder. 4e ? La “it f KA: gs ai "D RS " et k DO LTD dut dns sm ra ‘: f ! UE HRCTPRT LE | sin dat ru #2 NL n 2 UV 4 D'UN * ny QU DUT LUE ae NT tr ETS PRE " Wir, (4 us CUT mt 4 ne ve vŸ *), [P22 PT À * ALL dauk " k tu aie "4 CT Al MA OA TRE jean dus K y ap teur ui par GE 14 à OR À de * JL WE LR TA CHEATTE ju ii [TAN né jh nelou ie 1 \ | “a A rue dr 0 LT | RO Las, DR pa N AA LUE TIPANIE CPR “ AT ER EN 4 ty HA LE NA AL ét AM AU SAINS LR [ou ” N ML AGE k AY Ne CHTUUTES Hi UNE ls gg aires TA * “MD 40, yhr api 14 LUE “ At puis VA AUS ous na Aar: 4 "1 4 (0 ‘ip LIL Dre h its àl y Hi r vai Lialot ] ‘gai d' ‘ veu ! nt : L ! Ne ls hi “$ ul its ñ ty ET 4 toire à np. T7 AN. fe ‘ 1! «A ad bat! sk COUT EU LE 07 JR 1 : . : l : Airis L AL érta NET EUR ou ét tri a , n Lt 4! . AUTANT tr fi TOURS 4 hi un " CAC EUET) Len MU ty OMR LL, 4 Le ( dE Li y } of ph AUX re à si sb {ni tn gi L'ONp r1 du {LR un à ie M y, LE mis LE se ien gg: VER ? * Des AT LL A our inst | ! pa +rês ati os : 2 : LC EUR #uy, ne Finite DL! fin amd 7 ARS Tr ï L La DATA TE ALU LIL TOI VAR e Pan LOTO TL ASIE DAT us , Taie tu FL APT Jun vtiqui grin [TAT CE NL Ærun ji D PR Tru CAP ARE De, PELET PAR PRE LA TTC L'ERRLRTETT CIE RE à j dt du dde 0 }) D EL COL de nmsintené be ed ad anni: ob md DURE > TES Ù ve ( RU CENTS PUR MALI pére URENNTETEL ENS PS © V0 ten trade La PL MEL ia y olgbuién c , Le non agflrsti ET cl vb nome ki TABLEAU DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1839 — 1840. SIGNES POUR LES DÉCORATIONS. % Ordre royal de la Légion-d’ Honneur. O. signifie Offcrer. C! — Commandeur. G. — Grand-Offcier. G.C. — Grand’Croïiz. TABLEAU DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1839—1840. OFFICIERS EN EXERCICE. M. pe Virrers%, Président. M. GrrARDiN, Wice-Président. M. Des Arceurs, D.-M., Secrétaire perpétuel pour la Classe des Sciences. M. pe SragenraAtu, Secrétaire perpétuel pour la Classe des Belles- Lettres et des Arts. M. M. Avexez, D.-M., Trésorier. — Bazuix, Bibliothécaire-Archiviste. ANNFES ANNEES à | à ; d'admis- tr ACADÉMICIENS VÉTÉRANS, MM. sin à uon. ce. 1808. LezurreR p£ LA MarTez ( le baron Louis-Géne- 1823 viève) O ‘#, ancien Maire de Rouen, Maire d'Hautot-sur-Seine. 1819. RisarD (Prosper) K, ancien Maire de Rouen, 1828 rue de la Vicomté, n° 34. 1805. MEAuME (Jean-Jacques-Germain), Docteur ès sciences, 1830 etc., à Paris, rue de la Madeleine, n°9 539. 220 1824. 1830. Teste (le barun François-Etienne) G O #, Lieutenant 1833. 1803. 1804. 1809. 1817. 1818. 1819. MEMBRES ACADEMICIENS HONORAIRES , MM. S. A. E. Mg' le Cardinal Prince ne Croï, Archevêque de Rouen, etc., au Palais archiépiscopal. Général, commandant la 14€ division militaire, Pair de France, à Rouen. Duroxr-Dezrorte (le baron Henri-Jean-Pierre-Antoine ) C'XK, Pair de France, déc. de Saint-Léopold, Préfet de la Seine-Inférieure, à /’Adtel de la Préfecture. Barser (Henri) O #X, déc. de Juillet et de Saint-Léopold, Maire de Rouen, Membre de la Chambre des Députés, bouler. Cauchoïse, 5x. Eupe (Jean-François) O X , premier Président de la Cour Royale, rve des Champs-Maillets, 22. ACADÉMICIENS RÉSIDANTS , MM. ViGné ( Jean-Baptiste), D.-M., correspondant de la So- ciété de médecine de Paris, ze de la Seille, 4. LerTeccier (François-Germain), Docteur ës-lettres ; Inspec- teur honoraire de l’Académie universitaire, 7. de S'olleville, ;. Biéxox (Nicolas), Docteur ès-lettres, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie pour la classe des Belles-Lettres et des Arts, rue du Vieux-Palaïs, 30. Dupurez ( Pierre), re Morand, 15. ADam ( le baron André-Nicolas-François) #, Président du Tribunal civil, place Saint-Ouen, 23, BLANCHE ( Antoine-Emmanuel-Pascal) #, D.-M., Médecin en chef de l'Hospice général, re Bourgerue. Desrreny ( Pierre-Daniel), Directeur des Abattoirs, à l'éta- blissement, faubourg S'aint-S'ever. 1820. 1822. 1825 1827. 1828. 1829. 1830. RÉSIDANTS. 221 Hecrrs (Eugène-Clément), D.-M., Médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, place de la Madeleine. Manrarnvicee (Adrien-Charles Deshommets, marquis de) x, ancien Maire de Rouen, à S'assetot-le-Mauconduit. De LA Quérière (Eustache), Négociant, r. Herbière, 12. Lévx (Marc), Professeur de mathématiques et de mécanique , Chef d'institution, etc. , etc., r. S'aint-Parrice, 36. Des Azceurs (Charles-Alphonse-Auguste Harpy ), D.-M., Médecin adjoint de l'Hôtel-Dieu, professeur à l'Ecole de Médecine de Rouen , etc. , rue de L'Écureuil, 19. Gosster (l'abbé Joseph-François), Chanoine honoraire à la Cathédrale, rue du Nord, 1. Duereurz ( Guillaume), Directeur du Jardin des plantes, 44 Jardin des plantes. Baccx ( Amand-Gabriel), Directeur du Mont-de-Piété , rue de la Madeleine, 6. Morix ( Bon-Etienne), Pharmacien, professeur à l'Ecole de Médecine de Rouen, etc., rue Bouvreuil, 27. Device (Achille) #, Receveur des contributions directes, Directeur du Musée départemental d’antiquités, Correspon— dant de l’Institut, etc., etc., rue du Guay-Trouir, 6. Vrxérrinier (Arthus-Barthélemy), D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, rue des Maillots, 15. Pimoxr (Pierre-Prosper), Manufacturier, re Herbière, 28. Froquer (Pierre-Amable ) fils, Grefler en chef de la Cour royale de Rouen, correspondant de l'Institut, etc., etc., enclave de la Cour royale, rue S/-Lô. Ginarnpix (Jean-Pierre), Professeur de chimie industrielle de l'École municipale de Rouen; membre de plusieurs Sociétés savantes, rve du Duc-de-Chartres, 12. Poucuer (Félix-Archimède), D.-M., prof. d'Histoire na- turelle et conservateur du Cabinet, rue Beauvorsine, 200. 222 1831. 1832. 1833. 1834. 1835. 1836. 1837. MEMBRES MaGnrer (Louis-Eléonore), Docteur ès-lettres, Professeur de rhétorique au Collége royal, 4ou/. Bouvreuit, 6. Paumrer (L.-D.), Pasteur, Président du Consistoire de Rouen, rampe Bouvreuril, 16 bis. DE SragenRATH (Charles), Juge d'instruction, membre de plusieurs Sociétés savantes , £oulevard Cauchoïse, 22. DE Caze ( Augustin-François- Joseph), ancien Négociant, rue de Crosne, 15. GRÉGOIRE ( Heuri-Charles-Martin), Architecte des bâtiments civils, ze de Racine, 6. BErGAss£ ( Alphonse) #, Avocat, ancien Procureur général, rue de l'École, 44. VerDiÈèRE (Louis-Taurin) #, Conseiller à la Cour royale, rampe Beauvoisine, 10. Marx DE Viccers (Henri- Louis) #, président de la So- ciété philharmonique de Rouen, ancien député, etc., 71e de la Seille, :. CHÉRuEL ( Pierre- Adolphe ) , Professeur d’histoire au Collége royal de Rouen, Zoulevard Beauvoïsine , 59. Gors (Laurent), Professeur de mathématiques spéciales au Collége royal de Rouen , re de la Seïlle, 10. PERSON (Charles-Cléophas), Docteur ès-sciences, Professeur de physique au Collége royal de Rouen, 7e du Cordier, 34. Parrcartr, Docteur en droil, avocat général, 7ze des Carmélites , 16. Fayxer (l'abbé) O X#, doyen official , archidiacre des arron- dissements du Havre et de Dieppe, à l’Archevêché. Mazcer O #K, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Député , à Rouen , rue du Lieu-de-S'anté, 22. RAFFETOT (Deschamps, comte de), rue de Fontenelle, 3. DE GLANVILLE (Boistard), rve des Murs-Saint-Ouen, 1 BarrHÉLEemY (Eugène), Architecte, 7. Porte-aux-BRas, 32 CORRESPONDANTS. 2923 1833. Avenez (Pierre-Auguste), D.-M., secrétaire du conseil de salubrité , 7 S'aënte-Croir-des-Pellefiers , 22. ? MaupurT ( Victor), secrétaire général de la mairie de Rouen, à l'Hôtel-de-Ville. LÉVESQUE #, Conseiller à la Cour, r. de l'Écureuil, xx. 1839. Marrer, Docteur-és-lettres, Professeur de Philosophie au Collége royal de Rouen, r. du Petit-Bouvreuil, 14. HomeerG ( Théodore), Avocat , r. de l'École, 14 bis. Des Micnezs #, Docteur-ès-sciences, Recteur de l’Académie Universitaire de Ronen, r. des Carmélites , 16. PREISSER ( Frédéric-Joseph ), Professeur de Chimie, 7. des Arsins , 3. Amor, Licencié ès-seiences, Professeur de Mathématiques au Collége royal, re des Carmélites, 16. ACADEMICIENS CORRESPONDANTS , MM. 1803. GUERSENT #, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, à Paris, rue Gaillon, 12. Morcevaurt (C.-L.) #, membre de l’Institut, à Paris, rve S'aint-Dominique, 99, faubourg Saint-Germain. 1804 Decraxp (J.-V.), D.-M., Professeur de botanique, membre de plusieurs Académies, à Rennes (Ille-et-Villaine ). DemaniÈres ( le baron Pierre-Prosper) #, à Paris, rue Notre-Dame-des-Victoires , Lo. 1805. Boucner ne CRÈVECŒUR, correspondant de l’Institut, ancien Directeur des Douanes, à Abbeville (Somme). 1806. De GEraxpo (le baron) CG ##, membre de l’Institut, à Paris, rue de Vaugirard, 52 bis. Derarouisse-Rocaerort , Homme de lettres , à Castelnaudary ( Aude) Boïecpteu (Marie-Jacques-Amand), ancien Avocat à la Cour royale de Paris, à Paris. 22/4 1808. 1809. 1810. 1811. 1814. MEMBRES SERAIN, ancien Officier de santé, à Canon, près Crois- sanville ( Calvados ). Larr X ( Pierre-Aimé) , Conseiller de Préfecture du Calvados, etc., à Caen, Pont-S'aint-Jacques. Decancx X , Administrateur de la Bibliothèque de Sainte- Géneviève, à Paris, r. Neuve-du-Luxembourg, 33. Fraxcœur OX , professeur à la Faculté des sciences, Paris , r. de l'Université, vo. Duzuissox (J.-B.-Remi-Jacquelin), D.-M., membre de plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, rue Hauteville, 10, faubourg Poissonnière. Durois-Maisonneuve, Homme de lettres, à Paris, rue des Postes, 14. DecaruE (Louis-Henri), Pharmacien, ancien secrétaire de la Société libre d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l'Eure , à Breteuil ( Eure). Sesmaïsows (le comte Donatien de) C #, Pair de France, à Paris, 7. de Vaugirard, 54. BazmE , membre de plusieurs Sociétés savantes, à Lyon, 7. de l'Enfant-qui-pisse , 5. Lepmoc (l'abbé), Prêtre, Recteur émérite de l'Académie uni- versitaire de Rouen , à Hennebon (Morbihan). Le Sauvace, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes, chirurgien en chef des Hospices civils et militaires, à Caen. Laisse ( Alexandre-Gilbert-Clémence ), D.-M. , à Paris, rue de Ménars, 9. Bouzzax ( Pierre-François-Guillaume ) O #, Docteur de la Faculté des sciences , Membre titulaire de l’Académie royale de médecine, Pharmacien, à Paris, re du Helder, 5. Pécæeux (B.), Peintre , à Paris, rve du Faub.-S1.-Honoré, 7. PerceLAT X, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, Inspecteur de l'Académie de Metz (Moselle ). 1816. 1818. 1821. CORRESPONDANTS, 220 Fagre (Jean-Antoine) , correspondant de l’Institut et [n- génieur en chef des ponts-ct-chaussées, à Brignoles (Var). Lorsereur DEsLonGcHAMPs (Jean-Louis-Auguste) #, D.-M., Membre honoraire de l’Académie royale de médecine, etc. , à Paris, rue de Jouy, 8. Durrocuer (René-Joachim-Henri) # , D.-M., Membre de l'Institut, etc., à Paris, re de Brague , 4. Pari Xe , Maître des conférences à l'École normale, bibliothé- caire du Roi, etc., à Paris, ve de Tournon, 5. Mérar (François-Victor) #, D.-M.,membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, re des S'aints-Pères, 15 Lis. Hurtrez D’ARBOVAL (Louis-Henri-Joseph ), membre de plusieurs Sociétés savantes, à Montreuil-sur-Mer ( Pas-de- Calais). Moreau DE JoxxÈs (Alexandre) O # , Chef d’escadron d'État-Major , membre de l'Institut, du Conseil supérieur desanté, etc., à Paris, rue de l'Université, 72. DE Gourxayx, Avocat et Docteur-ès-lettres, Professeur suppléant de littérature latine à la faculté des lettres de Caen (Calvados), rve Gémare, 18. DE KerGarrou (le comte) O #, ancien Pair de France, à Paris, rue du Petit-Vaugirard, 5. De Moxtauct (le marquis) #, à Nointot, près Bolbec. (A Rouen, rue d'Ecosse, 10.) De Mmvize (le mis Eupes ) #, ancien Maréchal-de-Camp, à Filières, commune de Gommerville, près St-Romain. Mazouer (le baron) € #, Pair de France, ancien Préfet de la Seine-Inférieure, Maître des comptes, à Paris , rue Neuve-des-Mathurins , 20. D£pauuis (Alexis-Joseph) #, Graveur de médailles, à Paris, rue de Furstenberg, 8 ter. BertTRiEr (P.) #, Inspecteur général des mines, memb. de l’Institut, etc., à Paris, r. Crébillon, 2. 16 226 1821. 1823. 1024. 1825. MEMBRES Jamex (l'abbé Pierre-François) #, Prêtre, Supérieur de la Maison du Bon-Sauveur, Instituteur des sourds-muets, à Caen (Calvados). Vèxe 2# chevalier de Saint-Louis et de l’ordre d’Espagne de Charles 111, Chef de bataillon du génie, membre de la So- ciété d'Encouragement , à Paris, rze Jacob, 26. LapOUDERIE (l'abbé Jean), Vicaire général d'Avignon, à Paris, cloitre Notre-Dame , 20. Levoxnrer ( Hippolyte), membre de l'Académie romaine du Tibre, aux Battignoles-Monceaux, petite r. de l'Eglise, 21. De Moréon 2%, Directeur de la Société polytechnique, etc. à Paris, 7. de la Paix, 0. Tuiégaur DE BERNEAUD (Arsène), Secrétaire perpétuel de la Société linnéenne, l’un des Conservateurs de la Bibliothèque Mazarine, à Paris, re du Cherche-Midr, 30. Beuexnor (le vicomte Arthur) 2%, Avocat, membre de l’Ins- titut, à Paris, rze du Faubourg-S't-Honoré, 119. Sozcicorrre ( Louis-Henri- Joseph) %#, Sous-Directeur, membre du Conseil de l'administration des Douanes, à Paris, 7ze Saint-Lazare , go. Esrancezix # , Membre de la Chambre des Députés, corres- pondant du Ministère de instruction publique , à Eu. Marxer (Charles) O #, Inspecteur divisionnaire des ponts- et-chaussées, à Paris, rze T'aranne, 27. Jourpan (Antoine-Jacques-Louis) #, D.-M.-P., membre de l'Acad. royale de médecine, à Paris, rue de Bourgogne, 4. MoxFaALcoN, D.-M. 2, à Lyon, rve de la Liberté, 5. DE LA Quesnerte , membre de plusieurs Sociétés savantes, à St-André-sur-Cailly. Descaames, Bibliothécaire-archiviste des Conseils de guerre, à Paris, rze du Cherche-Midï, 39. Sareues, D.-M. P., médecin du Grand-Hôpital, membre du Conseil central sanitaire du dépt, à Dijon (Côte-d'Or). 1825. 1826. 1827. CORRESPONDANIS. 225 BouLLENGER ( le baron ) O #, ancien Procureur général à La Cour royale de Rouen , à S'aint-Denis-le-Thiboul (Seine-Inférieure.) D’AxGLEmonr ( Edouard ), à Paris, 7. dv l'aubourg-Mont- Mmartre, 157. Desmaresr (Anselme-Gaëtan), Professeur de zoologie à l'Ecole royale vétérinaire d’Alfort, Correspondant de l’Ins- titut, etc. ,à Paris, re St-Jacques, 161. JuLrA DE FONTExELLE > D.-M., Professeur de chimie, à Paris, rue du Cimetière-S'aint-André-des - Arts 17 CiviaLE (Jean) K, D.-M., à Paris, . Neuve-St- Augustin, 33. FErEr aîné, Antiquaire, conserv. de la Bibliothèque de Dieppe, Correspondant du Ministère de l'instruction publique. PAYEN (Anselme }X, Manufacturier, Professeur de chimie à l’école centrale, membre de plusieurs Sociétés savantes ; etc., à Paris, rze de l'Échigquier, v2. MorEAU { César ) 24, Fondateur de la Société française de statistique universelle et de l’Académie de l'industrie, etc. , à Paris, p/ace Vendôme, 21. MoxrÉmMoNr ( Albert), membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, 7ze Croïx-des-Petits-Champs, 27. LADEvÈzE, D.-M., à Bordeaux ( Gironde ). Savin (L.), D.-M. P. » à Montmorillon ( Vienne ): GERMAIX (Thomas-Guillaume-Benjamin ), correspondant de la Société des pharmaciens de Paris et de la Société royale de médecine, Pharmacien, à Fécamp. Huco (Victor) O % , à Paris, place loyale, 6. BLossevisce (Ernest de), à Amfreville, par le Neufbourg (Eure.) Bcossevizce (Jules de ), à Paris , Tue de Richelieu. DESMAZIÈRES (Jean-Baptiste-Henri-Joseph), Naturaliste, à Lambersart, près Lille; chez Mad. veuve Maquet, proprié- taire , rue de Paris, 44, à Lille ( Nord). 228 1827. 1328. 1829: MEMBRES Mao (Charles), Directeur de la France liltéraire, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, 7. de L'Éperon , 10. Vawssax (le baron Charles-A chille de) C #, ancien Préfet de la Seine-Inférieure , à la Barre, près St-Calais ( Sarthe) Court 2K, Peintre, à Paris, ve de l'Ancienne-Comédie, 14, ancien atelier de Gros. Virey (Julien-Joseph) OX, D -M. P.,membre de la Chambre des députés (H.-Marne ), et de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, ze Soufflot, x, près le Panthéon. Marrcer-Lacosre ( Pierre-Laurent), Professeur à la Faculté des lettres de Caen (Calvados). Laurarn (le chevalier J.-B.), D.-M, secrétaire perpétuel de l’Académie de Marseille, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Marseille (Bouches-du-Rhône). Dupras, Homme de lettres, à Paris, re de la Calandre, 54. Spsncer SaiTH (Jean), membre de l'Université d'Oxford, et de plusieurs Sociétés savantes, à Caen (Calvados), rze des Chanoïges, n° 5. ; Morremart-Borsse (le baron de) :#, Membre de ja Société royale et centr. d'agrie., cte., à Paris, 7. Jean-Goujon, 9. Monts ( Pierre-Etienne) 2#, Ingénieur en chef des ponts— et-chaussées, à St-Brieux (Côtes-du-Nord). » Correreau (Pierre-Louis) :#, D.-M., Professeur agrégé à la Faculté de méd. de Paris, etc., ze S1.-Honoré, 108. Fée X, Chimiste, Professeur à la Faculté des sciences, de Strasbourg (Bas-Rhin). Parez , D.-M.,rve de la Préfecture, 13, à Evreux (Eure). Gurrneuer (Ulric) #, Homme de lettres, à Saint-Germain- en-Laye (Seine-et-Oise), 7. Chäteau-Neuf, 5. Cazauis, Professeur de physique au Collége royal de Bour- bon, à Paris, 7e des Grands-Augustins, 22. ScHwiILGUÉ x, Ingénieur en chef des ponts et chaussées , à Strasbourg (Bas-Rhin). 1829. 1830. 1831 1892. CORRESPONDANTS. 229 Bécrx, D.-M., membre de la Société royale des antiquaires de France, etc., à Metz ( Moselle ). BerGer DE XIvREY (Jules), Correspondant de l’Institut, à Paris, 7. S/-Germain-des-Prés, 15, Cuapoxnier (le chevalier), D.-M., professeur d'anatomie et de physiologie, à Paris, re de Cléry, 16. Passx (Antoine) OK, ancien Préfet de l'Eure, député, à Paris, rue Caumartin , 5. Soyer-VWViLzcemMET ( Hubert-Félix), Bibliothécaire et conser- vateur du Cabinet d'histoire naturelle de Nancy (Meurthe). LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme ). Raraup, Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rxe Basse-du-Rempart, 46. BARRE DE JALLAIS, Sous-Préfet en retraite , Homme de lettres , à Chartres, pavé de Bonneval (Maine-et-Loire ). Hovez (Charles-Juste), membre de plusieurs Sociétés savantes, président du Tribunal civil de Louviers (Eure ). Murar (le comte de) C K, ancien Préfet de la Seine- Inférieure, à Enval, près Veyres (Puy-de-Dôme). Le Frceuc pes Guerrots, chevr de l'Eperon d’or de Rome, correspondant de l’Institut historique, aux Guerrots, com- mune d'Heugleville-sur-Scie, par Longueville (Dieppe). Le Teccrer X#, Inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaus- sées , à Paris, rue de Beaune, 1. Boucner DE PERTHES (Jacques ) # , Directeur des douanes. etc., à Abbeville (Somme ). Srxwer (Louis de), helléniste, Docteur en philosophie, à Paris, rue des S'aints-Pères, 14. Taxcnou %, D.-Médecin, à Paris, rve d'Amboise, 5. Fonrix (Francois), D.-M. P. à Evreux ( Eure ). Dosevez (Hyacinthe), avoué à la Cour royale d'Amiens, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Amiens ( Somme ). 230 1833. 1833. MEMBRES BRIERRE DE Borsmonr (A.)#, D.-M., chevalier de l’ordre du Mérite militaire de Pologne, Membre de plusieurs Sociétés avantes , à Paris, cé Bergere, 2. LE Fraçcuais (Alphonse), membre de l’Académie royale de Caen , rue des Jacobins, 10, à Caen (Calvados ). LEJEUNE (Auguste), Architecte, à Paris, rue de Paradis- Pofssonnière, 4o. Tri #, Conseiller à la Cour de cassation et Députe, à Paris, rue de Vaugirard, 50. LAURENS (Jean-Anatole), membre de plusieurs Sociétés savantes, Chef de div. à la Préfecture de Besançon (Doubs). BouTiGenx (Pierre-Hippolyte), correspondant de l’Académie royale de médecine, etc., pharmacien à Evreux (Eure). Ricozcor (J.) fils, Médecin de l’Hôtel-Dieu d'Amiens, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Amiens (Somme). LapoucerTe (le baron de) # , ancien Préfet, secrétaire per- pétuel de la Société philotechnique de Paris, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, ze S/-Lazare, 5. Mare (P.-N.-Fr.), Docteur en chirurgie, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Strasbourg (Bas-Rhin). PixceoN, D.-M., secrétaire de l’Académie des sciences et de la Société de médecine de Dijon, correspondant du cercle médical de Paris,etc., à Dijon (Côte-d'Or), place S1.-Jean, 5. Gervizze (de), Antiquaire, à Valognes ( Manche ). Boucron , Slatuaire, r. des Fossés-Neufs , à Lille (Nord). Ducuesxe (Edouard-Adolphe)#, D.-M.-P., à Paris, ve de Tournon, 2, faub. St-Germain. Juzzrex (Marc-Antoine) 3 ; Homme de lettres, à Pari, rue du Hocher, 23. AsseLIN (Augustin) #X, Antiquaire, à Cherbourg (Manche). Carey (Thomas), Docteur en droit, à Dijon (Côte-d'Or), hôtel Berbrsey. 1836. CORRESPONDANTS. 231 BREvIÈRE (L.-H.), Graveur de l’Imprimerie royale, sur bois eten taille-douce, à Belleville près Paris ,rve des Lilas, 12. Maurer-Durourray, Architecte, à Paris, rue d’Anjou- S'aint- Honoré, 58. Lx Prevosr (Auguste) 2%, Membre de la Chambre des Dé putés, de l’Institut et de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue et hôtel Jacob, faubourg Saint-Germain. Fôvice %, D.-M, à Toulouse (Haute-Garonne). BELLANGÉ (Joseph-Louis-Hippolyte) #, Peintre, conser- vateur du Musée de Rouen , rue du Champ-des-Oiseaur , 55 1er. LamBEerT (Edouard), Conservateur de la bibliothèque de Bayeux ( Calvados ). Murer (Théodore), avocat et homme de lettres, à Paris, rue d'Antin, 10. PescrE (J.-R.), membre de plusieurs Sociétés savantes, Chef de division à la Préfecture du Mans (Sarthe ). BarD ( Joseph) %#, Inspecteur, au ministère de l'Intérieur, des monuments historiques des départements du Rhône et de l'Isère, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Chorey, près de Beaune ( Côte-d'Or). Cesnox (Charles-Georges), Principal du Collége de Bayeux ( Calvados ). Hexxequix fils ( Victor-Antoine) , Avocat à la Cour royale, à Paris, rue des S'aints- Pères, 3. LEGLAY , Archiviste, à Lille (Nord ). Le Canre, Doct.-Médecin, rue d'Orléans, 19, au Havre Guyéranr #, D.-M.-P., membre de l’Acad. ray. de Méd. et de plusieurs autres Soc. sav.,à Paris, rve de Grenelle St- Germain, 55. SouBEtRAN (Eugène ) a directeur de la Pharm, centrale des Hôpitaux de Paris. 1837. MEMBRES REY (Jean), ex-membre du Conseil général des manufactures, membre de la Société royale des Antiquaires de France, etc., etc, à Paris, rve Neuve-S-Georges 5 18. Du Bors (Louis), Sous-Préfet de Vitré (Ile-et-Villaine) LE Ver(le Mis), membre de la Commission des antiquités, à Rocquefort (Yvetot). GARNIER-DuBOURGNEUF, juge d'Instruction au Tribunal de première instance de la Seine, à Paris, rve du Faubourg- S-Martin,s 143. Was-Desroxraines (Théodore), homme de Lettres, memb. de plusieurs Sociétés savantes, Régent au collége de Ville- neuve-d’Agen (Lot-et-Garonne.) DaxTan jeune, Statuaire, à Paris, rve Saint-Lazare, cité d'Orléans. Bricrer-RenaL (Antony-Clodius), à Lyon, quai Monsieur, 121. GARNERAY (Ambroise-Louis), Peintre de marine, à Paris, passage S'aulnier, 19. Prevosr (Nicolas-Joseph), Horticulteur au Bois-Guillaume. 1838 VacHEROT, docteur-es-lettres, directeur des éludes à l’École ’ 1 839. normale , à Paris, rve de Grenelle St-Germain, 126. SALADIN , Professeur de Chimie, à Moulins (Allier). BouLLÉE, ancien Magistrat, à Lyon, rue S-Joseph, 8. Muxarer , D.-M, à Lyon, ve du Büt-d’Argent , 9. LescectrèRe-LAFOssE (François-Gustave), Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier. GirALDÈs, D.-M. à Paris, rve des Beaux-Arts, 9. GrarerouP, D.-M, à Bordeaux, 71e Grande-Taupe, 56. Bourron-CnarrARD (Antoine-François) #, membre de l’A- cadémie royale de médecine, ete., 1er Adjoint au Maire du 3€ arrondissement, 4ou/evard Bonne-Nouvelle, 12. PLANCHE (L.-A.) %#, membre de l’Académie royale de mé- decine, etc, rédacteur du Journal de Pharmacie, rve de Pouttrine, 14. CORRESPONDANTS. 233 Car (Paul-Antoine), Pharmacien, membre de l'Académie royale de médecine, etc., à Paris, rve de la Chaussée- d'Antin, 1. Tuvor (Edmond), Peintre, directeur de l'École de Dessin à Moulins (Allier ). Gauoer, D.-M., Inspecteur des Bains de mer de Dieppe. Naver, D.-M., membre du Conseil de Salubrité , à Dieppe. Porrrer fils (Octave), Avocat à Paris. (A Rouen, 7. Beau- voisine, 45 ). CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 1803. 1809. 1812. 1816. 1817. 1818. 1823. Dsmozr, Directeur de la Chambre des finances, et correspon- dant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg (Autriche). Ggrrroy , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow (Ecosse ). ExGecstrorr , Docteur en philosophie , Professeur adjoint d'histoire, à l'Université de Copenhague (Danemarck). Lamoureux (Justin ), à Bruxelles ( Belgique ). Vocez , Professeur de chimie à l’Académie de Munich (Bavière). Campgerc, Professeur de poésie à l'Institution royale de Londres ( Angleterre). Kinxcknorr ( le chevalier Joseph - Romain - Louis de Kencruove , dit de), ancien Médecin en chef des hôpitaux militaires, etc., membre de la plupart des Sociétés savantes de l’Europe et de l'Amérique, à Anvers ( Belgique ). Dawson Turner , Botaniste, à Londres (Angleterre ). Cnaumerre DES Fossés, Consul général de France, à Lima (Amérique méridionale ). 234 1827. 1828. 1830, 1835. 1836. 1839. SOCIÉTÉS DE Luc (Jean-André), membre de la Société de Physique et d'histoire naturelle de Genève (Suisse), ete. Bruxez X, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre de la Société royale de Londres, à Londres ( Angleterre ). RAFx (le chevalier Carl-Christian), Professeur, secrétaire de la Société royale d'Écritures antiques du Nord, et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Copenhague(Danemarck), rue du Prince-Royal, bo. SAUTELET (Nicolas-Balthazar), Professeur de langues, à Colo- gne (Prusse), Perler Pfhull. STASSART (le baron Goswin-Joseph-Augustin de), Président du Sénat belge, Gouverneur de la province de Namur, à Courioule, près Namur ( Belgique ). CastizHo (Antonio Feliciano de), Bacharel Formado en droit, membre de l'Académie des Sciences de Lisbonne, etc. à Lisbonne (Portugal), calcada do Dugue, 58. Frzrppis (Pierre de), Médecin à Naples. KERK«HOVE D'EXAERDE ( le comte François de ), chevalier de l'ordre de Malte, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Exaerde, près de Gand ( Belgique ). REIFENBERG (le baron de ), à Louvain. — A Paris, chez M. Michaud , 7ze de Richelieu, 67. VWVs1D ( James), Géographe, à Londres. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES, Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où elles sont établies. Abbeville. Société royale d'Emulation (Somme ). Aix. Société académique ( Bouches-du-Rhône ). Amiens. Académie des Sciences (Somme). CORRESPONDANTES. 235 Angers. Société industrielle (Maine-et-Loire). — Société d'Agriculture Angouléme. Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département de la Charente. Bayeux. Société vétérinaire du Calvados et de la Manche (Calvados). Besançon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts ( Doubs). — Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs. Bordeaux. Acad. royale des Scienc., Belles-Lettres et Arts (Gironde). — Société royale de médecine. Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , du Commerce ct des Arts. (Pas-de-Calais } Bourg. Société d'Emulation et d'Agriculture du départemt de l'Ain. Caen. Acad. royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Calvados). — Association Normande. — Société royale d'Agriculture et de Commerce. — Société des Antiquaires de la Normandie. — Société Linnéenne. — Société Philharmonique. Calais. Société d'Agriculture, de Commerce, des Sciences et des Arts, (Pas-de-Calais). Cambrai. Société d'Emulation ( Nord). Chälons-sur-Marne. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne. Chäleaurour. Société d'Agriculture du département de l'Indre. Cherbourg. Société d'Agriculture, Sciences et Arts (Manche). Clermont-Ferrand. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Puy-de-Dôme ). Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Côte-d'Or). — Société de Médecine. Douaï. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du département du Nord. 236 SOCIÈTÉS Draguignan. Société d'Agricult. et de Commerce du départ. du Var. ÆEpreuxz. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. Falaise. Société d'agriculture. Havre. Société havraise d’études diverses. Lille. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du département du Nord. Limoges. Société royale d'Agriculture , des Sciences et des Arts (Haute-Vienne). Lons-le-S aulnier. Société &'Émulation du Jura. Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhône). — Société royale d'Agriculture , Histoire naturelle et Arts utiles. — Société de Médecine. Mäcon. Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Saône-et-Loire), Mans (Le). Société royale d'Agriculture , Sciences et Arts (Sarthe) Marseille. Acad. royale des Sciences, Lettres et Arts (Bouches-du- Rhône) Melun. Société d'Agriculture de Seine-et-Marne. Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d’Agricul- ture ( Moselle ). Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du département du Tarn-et-Garonne. Mulhausen. Société industrielle (Haut-Rhin). Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts ( Meurthe ). — Société centrale d'Agriculture. Mantes. Société royale académique des Sciences et des Arts du département de la Loire-Inférieure. Nimes. Académie royale du Gard. Niort. Athénée; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- tement des Deux-Sèvres. Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). CORRESPONDANTES. 237 Paris. Athénée royal, rue de Valois, 2. —- Athénée des Arts, à /’Hôtel-de-Ville. —— INSTITUT DE FRANCE, eu Paluis des Quatre-Nations. —— Académie royale des Sciences. —— Académie Française —— —— Historique, re des S'aints-Pères, 14. —— Société Anatomique. — Société d'Economie domestique et indust., r. Taranne, 12, — Société de Géographie, rve de l'Université , n3. — Société de la Morale chrétienne, rze T'aranne, 12. — Société de l'Histoire de France. ( M. Jules Desnoyers, secré- taire, à la Bibliothèque du Jardin du Roi.) Paris, Société d'Encouragement pour le commerce national, re S'aint-Marc, 6. — Société d’Encouragement pour l'Industrie nationale, 7ze du Bac, 42. —— Société de Pharmacie, ue de l’Arbalète, 13. — Société des Méthodes d'Enseignement, rve T'aranne 12: — Société des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles et industriels , à /'Hôtel-de-Ville. —— Société Entomologique de France , r. d'Anjou-Daupline, 6. — Société générale des Naufrages , r. Neuve-des-Maturins, 17. — Société Géologique de France, rue du Vieurz-Colombier, 26. — Socicté libre des Beaux-Arts , rue Saintonge, 19. — Société d'Horticulture, rve T'aranne, 12. — Société des Sciences naturelles de France, rue du Vieur- Colombier, 26. — Société Linnéenne, rue de Verneuil, no 51, faub. St-Germain. — Société médicale d'Emulation, à /a Faculté de Médecine. — Société Philomatique, rue d'Anjou-Dauphine , 6. — Société Philotechnique. 138 SOCIÈTÉES — Société Phrénologique , rue de l'Université, 25. — Société royale et centrale d'Agriculture, à /’Æôtel-de-Ville: Perpignan. Société royale d'Agriculture, Arts et Commerce des Pyrénées-Orientales. Poitiers. Société académique d'Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts ( Vienne ). — Société des Antiquaires de l'Ouest. Puy (Le). Société d’Agr., Sciences , Arts et Commerce (Haute-Loire). Rouen. Société centrale d'Agriculture du département de la Seine- Inférieure. — Société d'Horticulture. — Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences, Lettres et Arts. —— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de l'Industrie. — Société de Médecine. — Société des Pharmaciens. Saint-Etienne. Société d’Agr., Sciences, Arts et Commerce (Loire). Saint-Quentin. Société des Sciences , Arts, Belles-Lettres et Agriculture ( Aisne ). — Société Industrielle et Commerciale. Sirasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- ment du Bas-Rhin. Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ). — Académie royale des Sciences , Inscriptions et Belles-Lettres. Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d’Indre-et-Loire. Troyes. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Aube. Valence. Société de Statistique, des Arts utiles et des Sciences na- turelles du département de la Drôme CORRESPONDANTES. 239 Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- ment de Seine-et-Oise. — Société des Sciences naturelles. SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES. Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts. Copenhague. Société royale d’Ecritures antiques du Nord. Liëge. Société libre d’Emul. et d'Encour. pour les Sciences et les Arts. Londres. Société des Antiquaires de Londres. Nota.Vingt-quatre exemplaires du Précis seront en outre distribués, ainsi qu'il suit: À M. Frère, libraire à Rouen. ( Décision du 12 janvier 1827. R. des Lettres , p. 318.) — A M. Denacue , Libraire à Paris, et aux TROIS PRINCIPAUX JOURNAUX quise publient à Rouen. ( Déc. du 18 nov. 1831, R, des L. p. 2.et déc. du 23 déc. 1836. R. des D. p. 173.) — À la Revue DE Rouex et à M. H. Canxor, Directeur de Ja Revue en- cyclopédique, à Paris. (Déc. du 10 fév. 1832. R. des L., p. 28.) — Aux Bisriornèques de la Préfecture et des Villes de Rouen, Elbeuf, Dieppe, le Havre, Bolbec, Neufchâtel, Gournay et Yvetot, (Déc. du 16 nov. 1832. Reg, des Délib., p. 155; et Déc. du 5 déc. 1854. R. des L., p 226.)— A M. DE LA FONTENELLE DE VauDoRÉ, secrétaire perpétuel de la Société académique de Poitiers, directeur de la Revue Anglo-Francaise, ete. ( Déc. du 2 août 1833. R. desL, ; p.135.) — À M. Eugène Anwoucr, propriétaire-rédacteur du journal intitulé l'Institut, rue de Las-Cases, 18, à Paris. À la Bisrio- THÈQUE de Dijon. (Déc. des 5 et 12 déc. 1834.R, des L,, p. 226.)—A la Bisnioruèque du Muséum d'histoire naturelle de Paris ( M. J. Des- noyers, bibliothécaire), A la Bistiornèque de Pont-Audemer, Eure, (M. Canel, bibliothécaire.) (Déc. du 18 décembre 1835. R. des Délib, p. 533.) — A M. Nestor UrBaix, directeur de la France Départementale, rue de Monsigny, no 4. (Déc. du 11 mars 1836. R. des L, p. 3;0.)— A M, Tamiser, sous-chef au ministère des finances (gendre de M. Gois fils), pavillon de l'Ouest , à l'Institut, à Paris. ( Déc. du 26 janvier 1838). — A M. le ministre de l'Instruction publique, (R, des lettres, 22 Fév. 1839, p. 209). HE ' \ve EMILE a. PT a Li haut É L fur do À r J “ . r- * { + ne us 7” d'a, 0 l PAMÈ degree Li dog Aug: 3") ta Yen IR > " L " Le : n L'int.d Lu POTULER URLS re sw ot [ONE à L Bb : À n L ! p eee TES es Le }, L " | r ht + { Ü j CET Et pa ñ | : er sn atougtuei] fiaiv 00 purs ieeraotue tout hr vil litiient % chi] 7 MU \# ‘ À ED RAAM HER TR f qi vuiag pt \at | LOS (M À IN HE 4 : i , . " ‘ “1 ! : | 1 mt D 6 1-22 \ FE 4 PEUR, PU ELU A l " F d Te dk | Ë4 @ | i : ur Avr 1 r? 21% fy L ns ” h d L n Hell " { ant | à 1 u : t ! {! | CL 1 0 { Ta re fi: — LL 4 : ‘ { [L ; V1 ui ! ANT | tt. | . LE (sat L à Au LA CAS L ‘ v 4 » : , - at” } + ñ nl » : " s A A LOLUE SE À } fe re | vorthetate t Ft0 y l'URL w / f Lis 2 { t : CUT É : vi i il ai h s à à à  = | EPA 1 hi i ( < \ nés " us 21 NES OÙ 4 ME : A ” h ë U 113 AA niitt Aura ‘ + | Pa: j * | 100 0 ti { RL CALE LA LL à AA L CT j h é. Ar " ” y ; | À (OUTRE n; £ é L sud Ï | | : H db ” ‘ } à ( tan LU FE W ' \ rois, - … sp | é dun) y n14 ! nu , LA £ 92 491 | Y . ’ ab } l PTIT ll ' ‘ k { ‘ n 4 r] L î EN Tee he 148 , ? n TE Hi fur à l Q pit 7 f C1 1 > . Le TABLE DES OUVRAGES Reçus pendant l’année académique 1838-1839, ef classés par ordre alphabétique, soit du nom de l'auteur, ou du litre des ouvrages anonymes, soit du nom de la ville où sont publiés les ouvrages périodiques et ceux des sociétés savantes. Dressée conformément à l’art. 17 du Règlement. ABBEVILLE. Societé royale d'Emulation. Mémoires 1836 et 1837. Aix. Académie. Séance publique , 1838. Amans-Carrier. Le Propagateur de l’industrie de la soie en France , cahiers 1°" à 12. AMIENS. Académie. Mémoires , 1837. Amiot (B.), Traité de géométrie élémentaire à ! ‘usage des écoles normales primaires , etc. , 1839. ANGERS. Société d'Agriculture. Travaux du Gomice horticole, n% 1et 2. — 4° vol, div. 1e. ( L'Académie a reçu en même temps plusieurs n° anciens réclamés par son archiviste. ) ANGERS. Socielé Industrielle, Bulletin 1538 , n°% 2 à 6. — 1839 , n° 1 et 2. (/Académie a reçu en même temps plusieurs ñ°° anciens réclamés par son archiviste. ) ANGOULÈME. Societe d'Agriculture , Arts et Commerce. An- nales,t.20, n°° 4j, 5, 6, "1; 21, NT: Auzou. Leçons élémentaires d'anatomie et de physiologie, etc., 1839. Barré neveu. De la Nécessité de la cautérisation antero- postérieure dans certains rétrécissements du canal de l’urètre , 1839. 17 242 TABLE BayxEUx. Sociélé Vétérinaire du Calvados. Mémoires, n° 4, 1838. Berthier. Mémoires ou notices chimiques, minéralogiques, etc., 1833 à 1838. — Chimie minérale et analyses de subs- lances minérales , 1835, 36 et 37. >euzeville. Les Petits Enfants , poésies. Baudeloque neveu. De la Compression de l'aorte, etc. — De la Céphalotripsie , etc. Bayard (Henryÿ-L. ) Ævamen microscopique du sperme desséché sur le linge ou sur les tissus. Billiet-Réoal. Le Berquin du hameau, ou le Conteur des bords du Rhône, elc., 1835. Bourdon (Henri) et Darcet. Sur l'Industrie des soïes, 1838. BourG. Societé royale d Émulation de l'Ain. Journal, 1838, D°7à 12. — 1839 , n° ref 2. Boutrou- Charlard (Bussy et). Traité des moyens de recon- naître les falsifications des drogues simples et composées, x 829. — (Robiquet et). Nouvelles expériences sur les amandes amères et sur l'huile volatile qu’elles fournissent , 1830. — et Pelouze. Mémoire sur l'asparamide et sur l'acide as- paramique , 3 833. —(O. Henryet). Recherches sur le principe vénéneux du manioc amer ; 1836. — (Patissier et). Manuel des eaux mincrales naturelles , 1837. CAEN. Association Normande. Annuaire des cinq départe- ments, 5 années, de 1835 à 1839. Caux. Société Linnéenne de Normandie. Mémoires ; années 1834 à 1838. CaEx. Société royale d'Agriculture et de Commerce. Séance des 15 mars, 1Q avril et 31 mai 1539. Caëx. Discours el programmes de plusieurs Sociétés. Camaraderie (La }). Petits coups de béquille d'un bon > homme , 1839. DES PUBLICATIONS. 243 CamBRAY. Société d'Emulation. Mémoires. Séance publique du 9 septembre 1835. Castilho(de). Obras de À. Feliciano de Castilho. Lisboa, 1836. Caumont (de). Relation d’une excursion monumentale en Säcile et en Calabre, etc. CuaLoxs-sur-Manxe. Soc. d'Ag. Séance publique de 1838. Chaponnier. Nouveau traitement des scrofules, 5° édit., 1839. CHATEAUROUX. Ephémérides de l'Indre, 1838. Chuppin (M'e Emma). De l'état de la masique en Nor- mandie, depuis Le 9° siècle Jusqu'à nos jours. Civiale. Traité de ! ’affection calculeuse , etc. CLERMONT-FERRAND. Académie des Sciences. Annales de l'Auvergne. Mai à déc. 1838. — Janv., fév. et mars 1839. Congrès scientifique de France, tenu à Metz, en sept. 1837. De la Quérière. Refutation de l'opinion émise par M. Napo- léon Landais sur L. Mouillé , ete. Deluc. Note sur les glaciers des Alpes, 1839. Des Michels. Histoire générale du moyen-äge. Destruction du charençon, etc. Dusevel. Observations de M. Hiver sur la notice de M. Du- sevel, relative à la Bannière de Péronne. Domprmartin. ÂVouveau corset rotateur, appliqué au lit mécanique, elc., 1839. DRAGUIGNAN. Snciété d'A griculture du Var. Bulletin tri- mestriel, 1838 , n° 4. — 1099 nt mer 3; EVREUX. Société libre d’ Agriculture. Recueil, n° 33 à 36, 1538, et n° 37, 1839. ( L'Académie reçoit en mème temps quatre numéros anciens pour complément.) FaLaise. Societe Académique. Annuaire de l'arrondissement de Falaise , 3° et 4e année, 1838 et 1939. — Mémoires, 1 Bulletin 1838. — Troisième exposition générale des produits agricoles, ete. (L'Académie a reçu en même temps quatre numéros aociens pour complément. ) 244 TABLE Floquet. Anecdotes Normandes , 1838. Fournier (L.) Le Sucre colonial et le Sucre indigène , 1839. Gaudet. Nouvelles Recherches sur l'usage et les effets des bains de mer. — 2° édit., 1536. Giraldès (J.-A.) Note sur la terminaison des bronches. GiRARDIN. Mémoires de Chimie , etc. , 1839. Goodhugh (William ). Motives of the study of biblical Literature, in a coarse of introductory lectures , 1839. Grateloup. Mémoires sur les coquilles fossiles des Mol- lusques , etc., 1838. Grégoire. Les Quaire Vérités , 1838. Henry (O.) et Ch. Petit. Exposé d'un rapport sur l’effr- cactte des eaux de Vichy contre la pierre, etc. Hombre (Théodore) Le Pont de Bateaux. — L'Ange exilé. — Les Touristes. — De L’ Avenir des chemins de fer et de leur influence. — Droits d'usage. — Lettres sur les antiquités de Provins, 1837. — Napoléon à Provins, anecdote. Hombres (Firmas d’). Recueil de Mémoires et d’'Observations de physique, de météorologie, d'agriculture et d'histoire naturelle, 1838. Hugues. Le Propagalteur du progrès en agriculture, liv. 2° à 5°. BHurtre! d’'Arboval. Dictionnaire de médecine, de chirurgie et d'hygiène vétérinaire, 2e édit., t. 2 à 5, Johanys. Détermination des caractères spécifiques des roches, appliquée particulièrement aux départements de la Drôme et de l'Ardèche. Lair. Notices historiques lues à la Société royale d’Agricul- ture de Caen, 1830. Lemonnivr. Discours prononcé à la Société académique des Enfants d’Apollon, 1839. Lesceliière-Lafosse. Discours sur l'unité de la pathologie. Lire. Société royale des Sciences , etc. Mémoires 1838, 1'° el 2° partie. DES PUBLICATIONS. 245 ° 1 Limoces. Société d'Agriculture. Bulletin, t. x6, n°4, £. 17, n° 1 et 2. ( Plus, dix anciens cahiers pour réunir à la collection. ) LYox. Société royale d'Agriculture , etc. Annales des sciences physiques et naturelles, etc. t. 1%, nov. 1838 ; janv. 1839. — T. 2, mars et mai 1839. Mallet (C.) Manuel de philosophie, 2e édit., 1837. — Etudes philosophiques , 2 vol, in-8°, 1837. — Discours prononcé à la distribution des prix du Collége royal, 20 août 1838. Mans (LE). Société royale d'Agriculture. Bulletin | 1838, trim. 2 et 3. MErz. Académie royale. Mémoires , 1837-1838. Mollevaut (C.-1.). Fables en quatrains. Montémont (Albert). Les odes d'Horace , trad. en vers Jrançais , 1839. Nancy. Société royale des Sciences. Mémoires , 1838. Nantes. Société académique de la Loire-Inférieure. Annales, livraisons 43° à 57°. Navet. Notice sur la Bannière de Péronne , 1838. Nîmes.Academie du Gard, Mémoires , 1835-36-37. Niort. Societé d'Agriculture des Deux-Sèvres. Journal. 1838, n°%9,da12%.4089;; n° x à17: Niort. Societe de Médecine. Recueil 1837. Paillart. Discours prononcé à la rentrée de la Cour royale de Rouen, 1838. Paris. Académie de l'Industrie. Journal, vol. 5, n°159 à 167; pol. 8, n° q6. Paris. Athénée des Beaux-Arts. Mémoire couronné par l’Athénée sur cette question : Quelle serait l’organisation du travail la plus propre à augmenter le bien-être des classes laborieuses ? 1838. — Procès-verbal de la 107° Séance publique , 1839. Paris. Journal de l'Institut historique , liv. 48° à 58e. Panis. Livret des prix Montyon. 246 TABLE Paris. Société de Géographue. Bulletin, n°° 54 à 64. Paris. Société de la Morale Chrétienne. Journal, t. 14, nSràG.—T, 15, n%r à 6. — Assemblée générale annuelle de 1839. — T. 16, n° 1. Paris. Société d'encouragement pour l'Industrie nationale. Rapport sur les travaux de M. Girardin. Paris. Société Philotechnique, Séance du 23 décembre 1838. Compte rendu des travaux , 1839. Paris. Société royale et centrale d'Agriculture. Bulletin des Séances, 1838, août , septembre et octobre ; 1839, janvier à juillet. — Mémoires de 1836 et 1837. Paumier. Deux traductions anglaises de son discours de re- ception à l’Académie, l’une par M. Legg, l’autre anonyme. PERPIGNAN. Société Philomatique. 4° Bulletin , 1559. Pihan de la Forêt. Essai sur la vie et les ouvrages de M. S.-F. Schall, 1835.— Le même fait, en outre, hom- mage à l'Académie des ouvrages suivants : Traité com- plet de natation. Essai sur son application à l’art de la guerre, 3e édit. , 1836. — Essai sur le départe- ment de Seine-et-Oise , 1839. — Journai spécial des Lettres et des Beaux-Arts , t. 197, 1835. Planche. Recherches pour servir à l’histoire du sagou, etc. Porriers. Revue anglo-française, 1839 , lv. 20°. Poitiers. Société des Antiquaires de l’Ouest. Mémoires , t. 3°, 1837. — Table des manuscrits de D. Fonteneau, 4. 4°, 1839. — Bulletins du 2° et du 4° trim. , 1838. Porte (J.-K.). Des moyens de propager le goût de la musique en France, 1835. Portret, Odes d'Anacréon et poésies de Siphos ie Prévost. Analyse d'un mémoire sur la culture du mürier , par M. Dujardin aîné. — Rapport de la commission de pomolo- gie. — Réfutation d’un article relatif à la greffe en fente. RocnEroRT. Société d'Agriculture. Procès-verbal des Séances, 1838, n°° 11 à 10. DES PUBLICATIONS. 247 ROUEN. Société centrale d'Agriculture. Cahiers 67e à 7 ve. ROUEN. Societé d'Horticulture. Bulletin, n° 7. ROUEN. Suciété libre d'Emulation, 2e et 3e trim. , 1838. — 1°", 1039. SAINT-ETIENNE. Société Industrielle. Bulletin, t. 16. _ 1839, lv. 1'e à 4e. SAINT-QUENTIN. Societe Industrielle et Commerciale. Statuts et règlements. Sarrazin ( de). Nouvelle géométrie et trigonomeétrie , etc. — Principes généraux propres à accélérer l'éducation de la Jeunesse. Stassart (Bo de). Rapport à M. le Ministre de l'Intérieur et des Affaires étrangères du royaume des Belges, 1838.— De la situation administrative de la province de Brabant , 1838. STRASBOURG. Societé des Sciences, Agriculture et Arts. Nou- veaux Mémotres , t. 3°. Tonnet (J.) Notices biographiques et observations médi- cales-chimiques. TouLon. Societe des Sciences. Bulletin industriel, n°5 1, 2, 3. TouLouse. Académie royale des Sciences. Histoire et Mé- moires ; 1837. TouLouse. Societé royale de Médecine. Séance publique du 9 ma 1839. Tours. Société d'Agriculture. Annales d'Agriculture, t. 18. —n#“3e4.—T.19,n"“1et 2. TROYES. Société d'Agriculture de l’ Aube. Mémoires , 1837 , n®% Gr à 64. — 1838 , 1° et 2° trim. Tudot (Ed.) Eléments du dessin industriel, 1838-39. — Principes du dessin des beaux-urts pour sa plus utile ap- plication , 1839. Tudot (F.) Traité de lithographie. — Trois lithographies. VALENCE. Socielé d'Agriculture. Bulletins, n° 7,8, 9. Vanseun. Comice agricole de l'arr. de Chartres. — Mé- moire sur les maladies des bestiaux. 248 TABLE VERSAILLES. Société royale d'Agriculture. Mémoires, 38° année. Vien (Mme Céleste). La mort de la vieille année. Elégie, 1839. Vigné. Mémoire sur les inhumations précipitées, 2° édit., 1839. Wilhem. Programme généraldes études musicales, etc., 1839. Wyld (James). Monthly index of the metropolitan morning papers : January, 1839. — The World (grande carte collée sur toile.)— Index to Wyld’s map of India , etc. TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. Discours d'ouverture de la séance publique du Q août 1839, par M. le pasteur Paumier, président, sur Samuel Bo- chart , I CLASSE DES SCIENCES. Rapport fait par M. Des Alleurs, D.-M., secrétaire per- péluel, 21 Mémoire de M. Aug. Borgnet , sur les Barycentrides , ib. 133 Mémoire de M. Vingtrinier, médecin des épidémies , sur la constitution médicale et les maladies épidémiques observées en 1938 dans l'arrondissement de Rouen , 22, 37 Découverte du vaccin natif ou cowpox, par M. Hellis, 22, 45 Observation sur une plaie pénétrante de l'abdomen intéressant l'utérus , sur une femme grosse de 8 mois et demi, 25, 60 Table de secours pour les noyés, par M. le docteur Pou- chet, 23, 55 Rapport contradictoire de MM. Blanche, Morin et Girardin , concernant un cas de suspicion d’empoisonnement , 25, 71 Nouvelle théorie des parallèles, par M. Amiot, 25, 144 Note sur la grêle, par M. Girardin , 25, 108 Mémoire sur les couperoses du commerce, par M. Preis- ser , 25, 88 Note de M. Girardin, sur le Gbidibi, plante tincloriale re- cemment introduite à Rouen , 26 250 TABLE METHODIQUE Second mémoire sur les salles d'asile, par M. Ballin , 26 Mémoire de M. le docteur Avenel, sur les empoisonnements causes par des alignoles , 1b. Dépôt, par M. Boutigny , pharmacien d’Evreux, d'un paquet cacheté qui doit contenir la description de la découverte qu'il croit avoir faite d’un procédé qui changerait entièrement la Jace d'une industrie chimique importante , 27 Seconde édition du mémoire de M. le docteur Vigne , sur les énhumations précipitees , 28 Mémoires de physique et de chimie appliquées à l’agriculture, à la médecine et à l’économie domestique, 1b. Nouveaux membres résidants : MM. AM1OT et PREISSER, 29 Membres décédés : MM. LEPREVOST, vétérinaire ; SAISSY, médecin, et LEPASQUIER , préfet , 31932; A7 MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE À DÉLIPÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. De la constitution médicale et des maladies épidémiques qui ont régné dans l'arrondissement de Rouen en 1838, par M. Vingtrinier, 221,037 Table de secours pour les noyés, par M. le docteur Pou- chet , 23, 55 Observation sur une plaie pénétrante de l'abdomen interessant l'utérus, sur une femme enceinte de S mois et demi, par M. le docteur Avenel, 23, 60 Rapport contradictoire de MM. Blanche , Morin et Girardin, concernant un cas de suspicion d'empoisonnement, 35607 Mémoire sur les couperoses du commerce, par M. Preis- 5 , 88 ser, 2 Note sur la grêle, par M. Girardin , 25,108 DES MATIÈRES. 251 Examen des barycentrides , par M. Borgnet , 27, 113 Théories des parallèles, par M. Amiot , 25 , 144 Discours prononcé sur la tombe de M. Leprevost | médecin- vétérinaire, par M. Ballin, 31, x47 CLASSE DES LETTRES. Rapport fait par M. de Stabenrath , secrétaire perpétuel, 15x Sur Les associations intellectuelles , ib. Sur l’état actuel des belles-lettres en France, par M. Ver- dière , 153 Sur la doctrine saint-simonienne, par M. C. Mallet, 154, x91 Sur la concurrence dans les entreprises industrielles , 157 Sur le christianisme , par M. " 158 Sur la statistique , 129 Sur la concentration des établissements industriels, par M. de Villers , 160 Modifications à faire subir à l'institution des juges de paix, par M. Lévesque, 162 Histoire du moyen-äge , par M. Des Michels , 163 Statistique historique du département de la Seine-Tnferieure , par M. Deville, i1b., 182 Histoire complète du château d'Arques , par le méme, ib. Anecdotes, par M. Floquet, 164, 169 Fragments de l'histoire de Rouen, par M. de Stabenrath, 164 Liste des ouvrages et rapports lus à l’Academie pendant l'année 1838-1839, 165 MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. La Vocation, anecdote normande, sur l'abbé Gervais DELA- RUE, par M. Floquet, 164, 169 252 TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. Statistique de la Seine-Inférieure, époques Gauloise et Romaine, par M. Deville, 163, 182 Discours de réception de M. C. Mallet, professeur de philoso- phie, sur le saint-simonisme , 154, 191 Réponse de M. Paumier, président de l Académie, 157, 208 Prix proposes pour 1840, 215 Tableau de l Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, pour l’année 1839—1840, 217 Table des ouvrages reçus pendant l'année académique 1838 — 1839, 241 Table méthodique des matières contenues dans le présent volume , 248 A Fin. ERRATA. Page ligne 45 4 fièvres lisez : fièvre. 48 16 jeconsidère ajoutez : comme. PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1840. VHOINIA TA AIVANT | l L 5 XUAVARE ea “ v. * à * ñ l - | 21 % vu 0 se ATAOR HIMATADAN, | POU@PAA TA CRATTEI-ÉLIA. , 2HOMAIE AMC FA _ e RAVOA. AU 181 RAA I RAA 211 we h Fe LE ù “4 - \ 5) we \ « PREÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, PENBANT L'ANNÉE 1840. SNISSN08Z ROUEN, IMPRIMÉ CHEZ NICÉTAS PERIAUX, RUE DE LA VICOMTÉ, N° 65. 1841. J ue AT \ | AT. RER OLEL LEREEES ATAE, TA ex Lu RTE *, RADUAIDE A0: : ÊTÉ NOMME _rarod:1a , le , A à PPLTILINELILITES d an AMOR" PURE EP DLL TRE AE header és au mok "0 ts "ch Ni SAR UN 5 PRÉCIS ANALYTIQUE DES TRAVAUX DE L'ACADEMIE ROYALE Des Griences, Belles-Letives et Arts DE ROUEN, PENDANT L'ANNÉE 1840. DISCOURS D'OUVERTURE De La Séance publique du 8 Août 1840, Prononcé par M. MARTIN DE VILLERS , PRESIDENT. Messieurs ; ON trouverait, dans la marche et dans la direction des idées qui ont cours chez les peuples, un vaste sujet d'ob- servations. Plus on y réfléchit, plus on se croit fondé à dire que la gloire d’une nation ou son obseurité, que les vicis-— situdes qu'elle éprouve, proviennent en grande partie de 1 2 ACADÉMIE DE ROUEN. cette cause, et que bien des hommes célèbres dans les fastes de l'histoire, doivent leur renommée à l'art qu'ils ont eu de s'emparer des idées les plus actives d’une époque. Je n'ai point la témérité, Messieurs, d'entrer, devant vous, dans cette carrière immense. Je vais tenter d'en parcourir rapidement une seule partie, celle qui à le don précieux d'occuper à la fois l'intelligence, l'imagination et le cœur de l'homme, qui ne nous offre souvent que des illusions, mais des illusions dont l'heureux privilége est de charmer, d’ennoblir notre vie, de faire naître en nous les plus touchantes émotions : je veux parler des Lettres et des Beaux-Arts, du rang qui leur appartient dans l'ordre moral et intellectuel. Avec ce pouvoir qu'ils ont de se rendre maîtres de nos principales facultés, ils se font jour &ésl'enfance des peuples. Le sauvage même chante la victoire remportée par sa tribu , dégrossit l’image informe du dieu qu’il vénêre. Les temps ne sont point arrivés où des hommes encore incultes, pourraient être assez formés par la réflexion pour se livrer aux études abstraites. Rien n'est assez mür, dans un état social peu avancé, pour imprimer une semblable direction à leurs travaux intellectuels. Mais, à peine une forte émotion vient-elle s'emparer d'eux, qu'ils éprouvent le besoin d'exprimer, de faire partager aux autres le sen— timent quiles domine. Aussi la Poésie etles Beaux-Arts, quelle quesoit leur infériorité dans cestemps primitifs, font déjà de grandes conquêtes. Ils produisent tant d'effet sur des imaginations neuves encore, ils témoignent si haute- ment de lasupériorité de l'intelligence sur la force physique, qui cependant est en grand renom à cette époque de la vie sociale, qu'on les a considérés chez plusieurs peuples comme une émanation du feu divin, qu'on leur a attribué la puissance d’enfanter des prodiges. « L'intelligence « humaine, dit Vico, étant infinie de sa nature, exagère DISCOURS D'OUVERTURE. 3 « les choses qu'elle ignore , bien au-delà de la réa- « lité". » Chez les Grecs, ce peuple à impressions si vives, si passionnées , leshommesquise vouaient au culte de la Poésie et des Beaux-Arts, étaient les enfants d’Apollon; on pen- sait que les obstacles que toute la force d'un peuple n'aurait pas surmontés, s’aplanissaient devant ces hommes d'élite, et, de là, plusieurs des merveilles que raconte la mytho- logie. Lorsque la civilisation fait des progrès, que les positions sociales se classent, s’harmonisent; que chacun, dans la carrière ouverte devant lui, peut poursuivre l'avenir qu'il ambitionne, le temps ne manque plus pour s'occuper des choses positives; on pourrait penser que, dans cet état des esprits, l'empire des Beaux-Arts va décroître ; l'erreur serait grande, car ils s'identifient davantage encore avec le goût public. Les loisirs d’un grand nombre d'hommes, les sentiments, les passions que la civilisation a développés, étendent leur pouvoir. Comme ils ont la faculté de prendre, si je puis parler ainsi, toutes les couleurs de Fame, ils viennent à nous dans toutes les situations de la vie. Que l'homme soit dans la solitude, abandonné à la douleur; que, dans des réunions intimes , il se livre aux épanchements de l'amitié; que, dans les palais des chefs des peuples, il soit entouré de tous les prestiges de lam- bition; que, dans les temples consacrés au culte de la divinité, sa pensée s'élance vers le ciel, il appelle à lui le secours des Beaux-Arts qui s'unissent à toutes les affections de son ame. Consolations, plaisirs du foyer domestique, éclat des palais, élan du cœur vers l'auteur de l'univers, lui arrivent en foule de cette source féconde, inépuisable. 1 La Scienza nuovæ, édition de 1744. ACADÉMIE DE ROUEN. + Bien des hommes d'État voyant que les Lettres et les Beaux-Arts enveloppent la société entière comme dans un vaste réseau, les ont encouragés de tous leurs efforts, et ils ont trouvé, dans ces encouragements, un de leurs plus beaux titres de gloire. Leurs vues, assurément , étaient pleines de justesse. Les époques du monde les plus brillantes ne sont-elles pas celles où les Lettres et les Beaux-Arts ont fleuri davan- tage '? Un auteur, que j'ai déjà nommé? , a consacré tout un discours à faire ressortir cette vérité historique, qu'on ne saurait trop redire : je suis heureux’ de trouver un tel appui. Ce fut dans l'Assyrie que s'éleva la première monarchie puissante, et l'on sait que les Chaldéens firent faire aux sciences leurs premiers progrès. Lorsqu'au temps d'A- lexandre , la monarchie des Perses tomba , la Philosophie, les Lettres et les Beaux-Arts étaient dans toute leur splendeur parmi les Grecs. Scipion, le grand capitaine qui, par la ruine de Carthage, promit à Rome l'empire du monde , était à la fois philosophe, poète et orateur. Alexandre puisa l'amour de la gloire dans la lecture d'Ho- mère. Jules-César, en lisant le récit des hauts faits d'Alexandre, se prit à verser des larmes et s'engagea , pour limiter, dans les guerres brillantes auxquelles il doit son illustration‘. L'empire romain s'affermit sur 1 J'avais déjà réuni plusieurs faits à l'appui de cette assertion , quand je me suis rappelé qu’elle avait été le sujet principal d’un discours de Vico. J'ai hasardé un choix, alors, parmi les faits que cet écrivain a cités , et j'en ai rapporté moi-même quelques autres. 2 Vaico: 3 Plutarque, Vie d'Alexandre-le-Grand. ä « Une autre fois...... il (Jules-César) se mit à lire quelque « histoire des faits d'Alexandre, et, layant leuë, il demeurà « longuement pensif en soy-mesme, et puis se prit à plorer : ce DISCOURS D'OUVERTURE. ù ses bases sous Auguste, et ce fut l'époque où les noms les plus célèbres dans les Lettres ont illustré la capi- tale du monde. Ce fut encore lorsque les Alcuin redon- rèrent la vie aux Lettres entièrement déchues dans loc- cident, que Charlemagne releya pour quelques instants le vieil empire romain tombé sous les coups des hordes barbares du nord. La puissance des fiers Almanzor date de l'époque où les Arabess’adonnaient à l'étude de la métaphy- sique, des mathématiques, de l'astronomie et dela méde- cine’. Au siècle de Léon X, sur lequel la renaissance des Lettres et des Beaux-Arts a répandu tant de lustre, les luttes de Charles-Quint et du chevaleresque François [°', la découverte et la conquête d'un monde nouveau”, attestent l'activité des esprits à cette époque remarquable ; et ce fut au moment même où les Lettres et les Beaux- Arts se sont élevés, en notre France, à la plus grande hau-— teur , que Louis XIV donna un si grand poids à la monarchie française dans la balance des états européens. Après avoir parlé du rôle brillant que prennent les Lettres et les Beaux-Arts dans l'enfance et dans l'âge viril des pations, j'ajouterai que, plus la civilisation fait de progrès, « que voyans ses amis, s'esmerueillerent fort quelle douleur en « pouvoit estre la cause; il leur respondit : Ne vous semble-t-i] « pas que ce soit assez, pour se douloir , que le roy Alexandre, « en l'aage où je suis, ait iadis tant conquis de peuples et de pays, « et que je n’aye encore fait chose quelconque digne de mémoire ? » — Plutarque, Vie de Jules-César, traduction d'Amyof, ‘ Dans cette période de temps, le goût des connaissances in- tellectuelles était poussé très loin chez les Arabes. En voici un exemple : Aaron Alraschid , calife de Bagdad , après avoir baftu les Grecs de Constantinople, leur imposa pour conditions de laisser prendre copie de leurs manuscrits précieux. 2 La découverte du continent américain date de 1498, et se rapproche bien, par conséquent, du xvi' siècle. Fernand Cortez fit la conquête du Mexique en 1519, et Pizarre, celle du Pérou, en 1526. 6 ACADÉMIE DE ROUEN. plus le bien-être des classes sociales augmente, plus il est nécessaire qu'ils gardent leur position élevée. Honneur, cent fois honneur aux hommes studieux qui consacrent leurs recherches à l'application des sciences à Findustrie ; qui concourent à répandre en tous lieux mille produits industriels d'une haute utilité, et à mettre ces produits à la portée du plus grand nombre ; qui par là font pénétrer l'aisance dans des classes Sociales où elle était in- connue , et jettent quelques fleurs sur des existences vouées à des travaux de chaque jour et souvent bien peu productifs. Mais, il faut le dire, la jouissance de ces biens matériels n'est pas exempte de dangers pour ceux qui les possèdent. Quelquefois elle les éblouit, elle les porte à l'indifférence, elle attiédit leur cœur et elle y fait pénétrer le froid égoïsme. Rassembler sensuellementautour desoi, non seulement tout ce qui est propre à satisfaire des besoins réels, mais encore mille besoins factices créés par une civilisation avancée, voilà les principaux et souvent les uniques soins dont on se préoccupe. Il y a, dans cet état de choses, un grand mal qu'il importe de conjurer. Les travaux intellectuels, et surtout les Lettres et les Beaux-Arts, tendent merveilleusement vers ce but. N'ont-ils pas le pouvoir d’éveiller dans les cœurs une foule de sensations, de les faire sortir de la tiédeur dans laquelle ils se seraient engourdis, de présenter les devoirs de l'homme sous leur jour le plus vrai et le plus propre à entraîner les convictions ? Et, sans doute, cesimpressions si vives, sifortes, qu'ils produisent, ne sauraient manquer de développer une foule de nobles sentiments, de provoquer ces dévouements qui ne reculent devant aucun sacrifice. Je vais chercher maintenant à mettre en lumière quelques-uns des traits qui caractérisent davantage les Lettres et les Beaux-Arts, et qui leur impriment un cachet de supériorité qu’on leur disputerait en vain. Il est DISCOURS D'OUVERTURE. 7 constant, et je désire, Messieurs, attirer votre attention sur ce point, il est constant, dis-je, que rien n’est durable dans le monde autant que les fruits de l'intelligence. Tout ce qu'on tente, ce qu'on réunit de forces pour arriver à un but matériel, n'a que des résultats éphémères. L'œuvre qu'on a élevée au prix de tant d'efforts, tombe bientôt et disparaît. Les fruits de l'intelligence seuls traversent les siècles et peuvent aspirer à l'immortalité. S'il fallait des preuves, je redirais les noms toujours vivants des poètes, des philosophes, des historiens, des artistes célèbres de l'antiquité. Et même, l'instinct secret de l'avenir promis à ses pro- ductions est au cœur de l'homme de génie, le soutient, l'anime , lui donne la force et le courage dans ses labeurs. Ce n'est point en lui une vaine exaltation de Famour- propre : loin de là, c'est un sentiment intime, fécond, qui lui révèle la portée de ses travaux et qui l'incite à es Dour— suivre. Écoutons Horace traduisant, dans ses vers, cette pensée créatrice des plus sublimes beautés. I s'écrie, dans son enthousiasme * : « Plus hardi que le fils de Dédale, je verrai les rives « bruyantes du Bosphore : on entendra ma voix dans les 1 Jam Dædaleo tutior Icaro, Visam gementis littora Bosphori. Syrtesque getulas canorus Ales, Hyperboreosque campos, Me Colchus , et qui dissimulat metum Marsæ cohortis , Dacus , et ultimi Noscent Geloni; me peritus Discet Iber , Rhodanique potor. Absint inani funere næniæ , Luctusque turpes , et querimoniæ : Compesce clamorem , ac sepulcri Mitte supervacuos honores. (Horace, od. 20, L. 2.) 8 ACADÉMIE DE ROUEN. - « syrtes de Gétulie et dans les contrées du Septentrion. La « Colchide, le Dace, qui feint de ne pascraindre les cohortes « romaines, les Gélons les plus reculés, connaîtront mes « vers. Les doctes d'Ibérie, ceux qui boivent les eaux du « Rhône, voudront les apprendre. Je ne veux pas de chants « funèbres, ni de plaintes, ni de ces larmes qui désho- « norent. Je ne suis point mort. Retenez vos cris, et « gardez-vous de m'élever un tombeau qui ne renferme « rait rien de moi.» Les Lettres et les Beaux-Arts ont encore la puissance de transmettre d'âge en âge les enseignements" les plus utiles à la civilisation ; de donner une vie sans bornes à des faits qui n'ont été qu'instantanés dans le cours des temps; de garder à toujours la mémoire des hommes et des évène- ments remarquables. Je choisis un exemple dans la classe de ces grandes scènes de la vie des peuples qui frappent davantage l'imagination , qui exaltent au plus haut degré les passions humaines. Voyez, dans deux camps opposés, ces guerriers réunis de toutes parts. Ils ne se connaissent pas, ils n’ont entr'eux aucun sujet de haine, L’orgueil ou l'ambition de quelques chefs les a conduits peut-être dans l'arène où se prépare Ja grande lutte qui va s'engager. Les moyens de destruc- tion les plus actifs ont été rassemblés pour être placés dans leurs mains; voici qu'ils s'arment, qu'ils se jettent avec fureur les uns contre les autres ; le sang ruisselle et rougit la terre ; le danger qui menace toutes les têtes ne fait qu'en- flammer l'ardeur des braves; il y a des traits de courage inouïs, des faits d'armes admirables. L'amour de la gloire, Les savants propageraient moins facilement leurs découvertes . leurs axiômes et leurs théorèmes , sans le secours des Lettres, qui leur enseignent à les exposer d’une manière précise et claire, DISCOURS D'OUVERTURE. 9 l'amour de la patrie enfantent des héros; les cent bouches de la renommée proclament la victoire. Eh bien! Messieurs, ces combats de géants resteraient à peine dans les traditions populaires et finiraient par tomber dans l'oubli, si une main lettrée ne venait les buriner sur le livre de l'histoire, ou si le pinceau d'un autre Apelles * n'en reproduisait la scène orageuse. Et remarquez-le bien, l'homme d'intelligence, celui qui à conçu le plan de la bataille, qui à dirigé les masses combattantes , est à peu près seul sur le piédestal : il ne reste que de faibles traces d'une foule d'actes de valeur, de dévouement, quin’auront jeté qu'un honneur passager sur leurs auteurs. N'est-il pas vrai encore queles œuvres de l'espritviennent en aide à l'horame civilisé, dès le jour où les premiers germes de l'intelligence commencent à se développer en lui ? Notre goût se forme, s'épure ; notre cœur s'élève, reçoit de nouvelles impressions; notre imagination s'agrandit, sent croître ses forces par la connaissance que nous en avons. Nommer Homère, Virgile , le Tasse, Corneille, la gloire de notre ville, Racine, le plus pur de nos écrivains, c'est nommer des amis constants, des compagnons fidèles, des conseils indulgents et sûrs, qui nous prennent au jeure âge, qui nous suivent dans la bonne comme dans la mau- vaise fortune , qui nenous abandonnent aqu'alors quelhiver des ans a engourdi nos facultés , et qui, monuments éternels de la gloire attachée aux productions du génie , seront pour nos neveux ce qu'ils sont pour nous. La toile du peintre, le ciseau du sculpteur qui reproduisent les traits, les grandes actions des héros, ces édifices majestueux qui planent noblement sur une contrée, ces accords divins qui , au gré de l'habile artiste, nous arrachent des larmes, 1 Ou Appelles. 10 ACADÉMIE DE ROUEN. nous font bouillonner le sang, ou nous plongent dans d'ineffables rèveries, ne viennent-ils pas aussi doubler nos sensations et donner un nouvel essor à nos pensées ? Voyez quel intérêt s'attache aux grandes œuvres artis- tiques. Lorsque le voyageur lettré quitte le pays qui l'a vu naître, que cherche-t-il dans les nouvelles contrées qu'il va parcourir ? Supposons même qu'il ait un but déterminé , qu'il veuille acquérir la connaissance de la législation, des mœurs de la nation vers laquelle il se dirige ; qu'il se propose de suivre chez elle les progrès de la civilisation, de s’enquérir de ses découvertes industrielles ; quel que soitson but , quelle que soit sa spécialité, il voudra toujours admirer les chefs- d'œuvre dont les Beaux-Arts ont enrichi cette nation. Monuments d'architecture, tableaux et statues des grands maîtres attireront ses regards ; il mettrait une sorte de honte à répondre, quand il aura retrouvé ses pénates, qu'il ne sait rien de tout cela. Pourquoi la classique Italie est-elle la terre de choix, la terre d'adoption d'un si grand nombre de voyageurs ? C'est que cette terre est la plus féconde en souvenirs historiques, que les chefs-d'œuvre artistiques y sont répandus à pro- fusion. Et, dans notre Normandie, si riche par sa position géographique, par son sol, par l'industrie de ses habi- tants , et qui, sous ces divers aspects, doit attirer lat- tention de l'observateur, les admirables monuments du moyen-âge dont elle est si largement dotée, les noms de Malherbe, du grand Corneille, du Poussin , de Boïeldieu, sont bien au nombre de ses premiers ornements, font son orgueil et attirent avant tout les sympathies des étran- gers qui viennent y porter leurs pas. Si j'avais besoin d'ajouter quelque chose à ce que j'ai dit de la haute faveur dont les Lettres et les Beaux-Arts sont en possession, je vous parlerais du laurier poétique qui DISCOURS D'OUVERTURE. {1 fut décerné à Pétrarque dans la première ville du monde , de la couronne qui, deux cents ans plus tard, devait orner la tête du Tasse au Capitole, et qui ne put orner que son cercueil; je reporterais vos souvenirs sur les honneurs funèbres rendus à Boïeldieu , dans sa ville natale. Vous avez vu l'immense population de la cité réunie autour de l’urne qui renferme le cœur du grand artiste. Et si les statues des héros, des grands souverains s'élèvent sur les places publiques, on y distingue aussi celles des poètes célèbres, des artistes remarquables. Vous avez sous les yeux, sans sortir de l'enceinte de vos murs , ces témoignages éclatants de l'estime des peuples. Mais si les œuvres dugéniesontimpérissables , ce n'est pas sans luttes pénibles et prolongées que leurs auteurs montent à la position qui leur est due dans le domaine de l'in- telligence. I faut le dire , le répéter souvent, afin que ceux qui s'engagent dans cette carrière semée d’épines ne se découragent pas , il est rare que la vié des hommes de lettres distingués, des grands artistes, ne soit pas une vie toute de sacrifices. Dès leurs premiers pas, la route leur est souvent barrée ; c’est à peine si des censeurs rigides, infatués souvent d'un faible mérite, veulent jeter un coup d'œil d'encourage- ment sur leurs ouvrages. Qu'il leur faut de persévérance , qu'ils ont quefquefois même d'humiliations à subir avant qu'on se doute qu'ils doivent prendre place, un jour, au temple de mémoire ! Sont-ils parvenus , au milieu des obs- tacles sans nombre qui se croisent devant eux , àconquérir quelques suffrages honorables, aussitôt la jalousie, Ja basse jalousie de quelques rivaux indignes d'entrer dans le sanctuaire des Lettres et des Beaux-Arts, leur suscite mille embarras, d'amères critiques qui déchirent leur cœur sensible et fier. Mais que celui qui sent sa force, qui a foi dans son avenir, 12 ACADÉMIE DE ROUEN. persévère ; tôt ou tard le jour de la justice se lévera pour lui, ne serait-ce, comme il y en atrop d'exemples, qu'au moment suprême où la terre couvrira sa tombe ! N'ont-ils pas un noble prix dans les hommages de la postérité, ceux qui pensent que ce feu créateur qui les anime, est trop pur, trop ardent pour ne pas être immatériel et pour s'é- teindre au terme de la vie ? Devant vous, Messieurs, qui connaissez toute la valeur des travaux intellectuels, j'ai eru que le sujet que j'ai choisi devait exciter votre intérêt. Dire quelle position éminente les Lettres et les Beaux-Arts occupent dans les sociétés ; qu'eux seuls peuvent nous transporter en quelque sorte dans chacun des siècles écoulés et nous en présenter l'image vivante ; qu'il n’y a d'avenir pour rien au monde, sans leur puissante intervention ; qu'ils donnent la plus vaste étendue au domaine de l'intelligence, et qu'ils nous offrent une source intarissable de nobles pensées et de nobles dévoue- ments ; c'est, par*cela seul, faire naître vos sympathies et s'assurer des titres à votre indulgence. Vous appelez de vos vœux les plus ardents le progrès de toutes les connaissances intellectuelles, et, dans cette arène ouverte à tous les hommes, à toutes les associations qui tendent au même but, les conquêtes sont pacifiques et glorieuses. : Toutefois, si les Lettres et les Beaux-Arts sont si haut placés que je l'ai dit, on sent quelles obligations ont à rem- plir ceux qui lescultivent. Ces obligations leur prescrivent d'en faire usage dans un intérêt social et humanitaire, pour mettre en honneur tout ce qui est sacré parmi les hommes, ou du moins sans altérer le respect dù aux prin- cipes conservateurs des sociétés. Elle est belle, cette mis- sion, Messieurs, et ils sont bien coupables, ceux qui la profanent , en poussant au mépris des devoirs les plus impé- rieux , en versant dans les cœurs le poison de l'immoralité. DISCOURS L'OUVERTURE. 1: 22 C'est sous cet aspect qu'il a envisagé les travaux intellec- tuels, ce bon et respectable abbé Cossier que nous regret- tons tous, lorsqu'il a voulu qu'à toujours des encourage- ments soient donnés à ceux qui se distingueront dans la culture des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts. Sa mémoire , aussi, se perpétuera dans cette grande cité, tant qu'il y existera des associations intellectuelles, et les noms de l'abbé Le Gendre’ et de l'abbé Gossier, s'y con- fondront dans les souvenirs de tous les hommes de savoir et d'intelligence. ! L'abbé Le Gendre est l’un des fondateurs et le bicenfaiteur de l'Académie de Rouen. y D ER SORT #4 | 5 DE over er pa" DD elfe, L Eor sm à PAL holecit id ve Agir " mate CRC f: | A #b pe mr RH OÙ ls ali à toast ak emilie, 0. dioniegmallrnn td inaiaquepnadmaun samir à RE? DR TO AU DTA CES EE UNE NT OPOS A ENTET TES ARR : sat aie où, 7e DCE céder | œuvre PV UC" "ss dont ob dus parent etats Hnhéio | le re ru LU L” J pt viol DOLLREST 1714 fit. fs Î SG Ant ad: à Vie TANT tn HU Pa ENST - pren Lo Qi hit ; a be un dou uv 4 ere de d'hote vrt ter ECS MT L { x 7 … A hi +, # 1 + KT Æ 4e ‘ l Û A L) A ! Er: ñ i L Vi é A 7 1 LL L y de 1 d : L p'tit t ; { 0 A | ! L t Le” U Mig 0 : À n ! jé i h] CF { { L 1 h en ll 1 Û a ni Menu ar en Nes rates, THEN RT: sv} hi ri | VUE tr 5108 Mn LRU P03,, L LEA D / LR: | ! Tan EL À piu nc! ri CLASSE DES SCIENCES. Rapport PAR M. GORS, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE LA CLASSE DES SCIHNCES, En commençant ce rapport, je dois réclamer doublement votre indulgence. C’est sur la fin de l'année académique que vous m'avez appelé à l'honneur de remplir les fonc- tions de secrétaire pour la classe des sciences ; et, à cette époque surtout, mes occupations universitaires m'ont laissé peu de loisirs pour coordonner et vous exposer, comme je l'aurais désiré, l'ensemble de vos travaux scien- tifiques. D'un autre côté, je succède à un de nos confrères qui s'acquittait d'une manière si honorable et si satis- faisante des mêmes fonctions, que l'Académie conservera 15 ACADÉMIE DE ROUEN. long-temps le souvenir de son zèle et de ses talents, ainsi que les regrets qu’elle à éprouvés dans cette circonstance. Les nombreux et intéressants mémoires que vous avez reçus, et dont les auteurs, pour la plupart, sont au nombre de vos membres résidants ou correspondants ; les ana- lyses très développées, les rapports étendus qui vous ont été faits dans vos séances, témoignent de la part active que l'Académie prend à tous les travaux qui peuvent con- tribuer aux progrès des sciences en général. M. Pallin vous a donné l'extrait d’un discours italien qui lui a été communiqué par M. Capplet , d'Elbeuf, et qui a été prononcé par M. l'abbé Zezi, à Milan, sur l'institu- tion des salles d'asile. Ce discours révèle un fait assez curieux, c'est que l'invention des salles d'asile remon-— terait à l'archi-prêtre Dateo, &e Milan, qui, dès l'année 787 , en aurait institué une , où il faisait garder, nourrir, vêtir et instruire de pauvres enfants jusqu'à l'âge de sept ans. M. Bergasse, au nom d'une commission composée, avec lui, de MM. l'abbé Gossier et Girardin, vous à iu un rap- port sur un mémoire intitulé : Réclamations de L'Agricul- ture francaise , l'une des plus arriérées de l'Europe , près du gouvernement et des "chambres, par M. Berthier de Rôville. Après avoir entendu avec beaucoup d'intétèt la lecture de ce rapport, l'Académie a décidé qu'une copie en serait adressée au ministre de l'agriculture et du commerce , et une autre à la société royale d'agriculture de Nancy, qui vous avait transmis le mémoire, ayee prière d'appuyer ses demandes et ses vœux, s'ils vous paraissaient mériter votre adhésion. L'étendue de ce rapport ne nous permet que d'en in- diquer ici quelques points principaux. M. Berthier s'est CLASSE DES SCIENCES. 17 attaché à faire ressortir les graves inconvénients qui ré- sultent du retard apporté à la publication d'un code rural, et signale les dispositions fondamentales qu'il lui paraît devoir contenir. Deux ont surtout frappé la commission ; elles tendent au même but, celui d'empêcher que le morcellement des propriétés dépasse certaines limites au-delà desquelles toute amélioration dans la culture devient impossible. La commission reconnaît, en effet, qu'il est indispensable d'apporter un terme au trop grand morcellement de la propriété, et, si l'on n’y prend garde, son effet se fera sentir même dans les pays qui semblent placés hors de leur influence immédiate. Les nourrisseurs et les éleveurs des admirables vallées du Calvados et de l'Orne, se plai- gnent, depuis long-temps, du renchérissement des ani- maux qu'ils mettent à l'engrais , et l’attribuent à la divi- sion du territoire des pays de production, où l'éducation des bestiaux devient chaque jour plus difficile. Votre commission à pensé que le système proposé par l'auteur du mémoire favoriserait prodigieusement l'essor de l’agriculture , affranchirait le cultivateur de servitudes onéreuses , donnerait aux parcelles conservées une éten- due convenable, préviendrait une multitude de contesta- tions ruineuses, et imprimerait au cadastre un caractère de fixité dont il serait toujours dépourvu, si l'état actuel des choses se prolongeait. M. Girardin , en vous présentant un calcul intestinal de cheval, vous à fait un rapport à ce sujet. Ce calcul, du poids de 311 grammes, avait une forme triangulaire à bords arrondis, et présentait un volume d'environ un demi-décimètre eube. La composition chimique de ce calcul indiquait assez la cause de sa formation , qui réside dans la nature des aliments dont ce cheval avait été nourri. 2 18 ACADÉMIE DE ROUEN... M. Girardin, comme conséquence de cette observation pour la pratique , en conclut qu'il faut éviter de nourrir exclusivement les animaux avec du son et des recoupes , et en général avec les diverses substances qui renferment une grande proportion de phosphate terreux. M. Girardin a également déposé sur le bureau un grand nombre de pièces de plomb, offrant diverses variétés de soudure autogène par le procédé de M. Desbassyns de Richemont, procédé indiqué dans une petite brochure qui vous a été distribuée. Notre confrère à fait, à ce sujet, des expériences publiques dans son laboratoire, pendant plusieurs jours. M. Preisser vous a donné lecture d'une relation de son voyage en Angleterre. Le but principal de l’auteur a été d'appeler votre attention sur la prodigieuse quantité de manufactures qui existent chez nos voisins, et de vous communiquer ses observations sur quelques-uns de leurs procédés industriels peu connus en France. Cette relation, qui vous a intéressés sous plus d'un rap- port, a été publiée dernièrement, et sera reproduite en grande partie dansle Précisde vos travaux ; il serait donc su- perflu de vousenentretenir plus long-temps. Pour compléter les renseignements que M. Preisser a donnés dans cette re- lation, sur les nouveaux procédés anglais pour la fabrication du carbonate de soude, M. Girardin vous à fait connaître verbalement un moyen imaginé tout récemment en France pour le même objet, en indiquant une amélioration qui consiste à rendre plus économique ce procédé ingénieux. M. Girardin vous a communiqué une notice sur une nouvelle machine de l'invention de M. Perrot, relative à l'impression lithographique. En présentant à l'Aca- démie des échantillons d'épreuves qui ont été tirées sous CLASSE DES SCIENCES. 19 ses yeux, notre confrère donne une description détaillée de la machine , en fait ressortir tous les avantages, signale le rôle immense qu'elle est appelée à exercer, et indique les perfectionnements ou additions que M. Perrot doit apporter encore à son appareil. M. Bergasse vous a entretenus d'un premier mémoire de MM. Girardin et Dubreuil fils, relatif à la pomme de terre. Après avoir analysé toutes les parties de ce travail, le rapporteur déclare que les auteurs ont atteint leur but, et qu'ils ont eu le bonheur de donner des résultats nou- veaux el inconnus avant eux. L'Académie s'est empressée de les encourager dans le projet qu'ils ont formé d'étendre leurs recherches à toutes les espèces de sol dans lesquelles les diverses espèces de pommes de terre sont cultivées. M. Girardin vous a donné connaissance d'un procédé des imprimeurs Paul et Auguste Dupont, de Paris, pour transporter une impression ancienne ou nouvelle sur la pierre lithographique, et en obtenir ensuite de fort belles épreuves. Notre confrère rappelle , à cette occasion, que déjà, à l'époque de l'invention de la lithographie, M. Periaux père avait fait avec quelque succès de semblables trans- ports, mais seulement sur des épreuves tirées à l'instant même ; et que son fils, M. Nicétas Periaux , qui n'a aucune connaissance des procédés de MM. Dupont, que ceux-i ont tenu secrets jusqu'à ce jour , a cependant obtenu, sur d'anciennes impressions, des résultats à peu près aussi satisfaisants, et par des moyens qu'il croit pouvoir per- fectionner de manière à égaler au moins ceux de ses concurrents. M. Girardin vous à présenté des échantillons d'une terre à porcelaine, dont il existe de vastes dépôts en Angle- terre, et notamment dans le comté &e Cornouailles. H vous 20 ACADÉMIE DE ROUEN. a indiqué de nouvelles applications de cette terre, en vous signalant l'usage frauduleux que les savonniers anglais en font, en l'introduisant dans le savon. On s'en sert dans les manufactures anglaises pour confectionner les mé- langes avec lesquels on donne , soit aux calicots, soit aux tissus de fil, un apprèt qui leur communique un éclat et une raideur qu'ils conservent pendant toute leur durée. Notre confrère est entré ici dans quelques détails sur cet apprèt, et pense qu'il serait intéressant d'appeler l'atten- tion des blanchisseurs et des apprêteurs français sur cette terre, qui n'est autre que le £zolin, dont on se sert depuis longues années pour la confection des porcelaines. Un bâti- ment, chargé de cette matière , a été expédié pour Rouen, et M. Girardin ayant fait connaître les procédés de sa pré- paration, plusieurs de nos blanchisseurs et apprèteurs vont en faire l'essai; il est probable que notre industrie pourra imiter bientôt les admirables apprèts de nos voi- sins. M. Destigny vous a présenté un instrument qui, mis en communication avec une horloge, la règle d'une ma- nière certaine, et fait connaître en outre si la pièce d'échap- pement de l'horloge qu’on se propose de régler est faite convenablement. Dans un mémoire explicatif, l'auteur vous a fait remarquer que la construction de son appareil est basée sur la méthode de M. Le Pesqueur, et que le pro- blème mécanique qu'il a été assez heureux pour concevoir le premier, avait d'abord été considéré comme une chi- mère par quelques membres de l'Institut, qui, plus tard, a proclamé la beauté de cette méthode savante. M. Destigny vous a également lu, à cette occasion, un second mémoire ayant pour but de signaler les causes de variations dans les pendules ordinaires, et, enfin, les moyens de remédier à la fois à toutes les imperfections CLASSE DES SCIENCES. 21 qu'il a reconnues, même à l'inconvénient de l'épaississe- ment de l'huile employée dans les rouages, et ainsi qu'à celui de la dilatation ou de la condensation de la verge du pendule , occasionnée par une variation de la tempéra- ture. Les moyens proposés par M. Destigny pour remédier à ces irrégularités, consistent : 1° dans la propriété don- née à l'échappement de conserver l'isochronisme des oscillations , quelque variable que soit la force motrice, et, par conséquent, quelle que soit l'irrégularité des ares décrits par le pendule ; 2° dans l'emploi d'une petite lame d'acier destinée à servir de suspension, en remplacement de la soie ; 5° dans l'application d'un système de compen- sation, pour neutraliser les influences de la température. M. Destigny fait ici une observation très remarquable ; c'est qu'il n'est pas aussi difficile qu'on peut le penser d'obtenir à peu près l'isochronisme des oscillations. Il suffit, en général, lorsque la verge du pendule est longue et ja lentille pesante (les leviers de l'ancre et les arcs de levée étant presque les mêmes à toutes les pièces), ilsuffit, dans ce cas, de former l'ancre de inanière à ce que l'échappe- ment ait beaucoup de recul ; lorsqu’au contraire a verge du pendule est courte et la lentille légère, il faut que l'échappement soit presque à repos, et, entre ces deux extrèmes, donner plus ou moins de recul, suivant la lon- gueur de la verge et le poids de la lentille. Opération fort simple à exécuter, et qui n'entraîne à aucune dépense. L'Académie , partageant l'avis émis par M. Destigny, que la suspension au moyen d'un fil de soie est defec- tueuse, à cause de la qualité hygrométrique de cette substance, pense que, s'il est diflicile d'effectuer pour toutes les pendules la substitution d'une suspension à res- sort à celle de la soie, on devrait au moins l'exiger pour celles qui sont plus soignées, et pour lesquelles on au- rait obtenu l'isochronisme des oscillations du pendule. 22 ACADÉMIE DE ROUEN. M. Girardin, dans l'examen critique qu'il a fait d'un ouyrage sur la culture vauclusienne et l'histoire natureile de la garance, vous a démontré que la chaleur solaire n'est pas l'unique cause de la coloration de la racine, celle de toutes les matières tinctorinles, sans contredit, la plus intéressante. Après avoir dévoilé les fraudes honteuses, les coupables habitudes des producteurs de garance du Midi, qui falsifient leurs produits de toutes les manières, notre confrère, vous a présenté des échantillons teints compara- tivement par lui avec les alizaris de Rouen et les alizaris d'Alsace et d'Avignon. Les premiers sont, sinon supérieurs, au moins égaux aux seconds en richesse tinctoriale, et, quant aux couleurs qu'ils fournissent, elles sont aussi so- lides, pour ne pas dire plus, que celles produites par les alizaris d'Avignon. M. Girardin espère que la culture de cette plante se propagera dans d'autres contrées de la France , et quela Normandie reprendra enfin une industrie agricole qu’elleexerça avectantde succès dans le moyen-âge. MM. Girardin et Preisser vous ont fait hommage de leur mémoire intitulé : Essai chimique et technologique sur le Polygonum tinctorium, qui a remporté le prix , consistant en une médaille d'or de la valeur de 400 francs, proposé par la Société de pharmacie de Paris. Cet ouvrage a été publié depuis peu de temps, et nous nous en félicitons d'autant plus, que nous craindrions de rendre compte trop imparfaitement d’un si beau travail, en en donnant ici un simple extrait, que les bornes de ce rapport ne nous per- mettraient pas de développer convenablement. Madame la comtesse veuve de Raffetot , au nom de M. le comte de Paffetot, l'un de vos membres résidants dont nous déplorons la perte récente, vous a adressé la col- lec{ion d'un jeu de cartes que son mari, dans son dernier CLASSE DES SCIENCES. 23 voyage, s'était procuré pour l'offrir à l'Académie. Les figures de ces cartes ont été dessinées sur le modèle de celles des cartes primitives. La compagnie en a ordonné le dépôt dans ses archives, et ses remerciments ont été adressés à madame la comtesse de Raffetot. M. Girardin vous a informés d'une nouvelle applica- tion très intéressante et très utile qu'il a faite du char- bon animal, pour remédier à un inconvénient grave que présentent les citernes récemment construites, ou nou- vellement réparées. Dans les premiers temps qui suivent l'achèvement des travaux , l'eau qui séjourne dans les ci- ternes se sature de chaux qu'elle enlève aux parois, et elle est alors peu propre aux besoins domestiques. IL ré- sulte des expériences de notre confrère : 4° que le charbon d'os enlève à l’eau devenue calcaire la chaux ou les sels de chaux qui la rendent impropre à la boisson; 2 qu'il convient de Je substituer, dans tous les cas, au charbon de bois, pour approprier les eaux naturelles aux divers besoins de l'économie domestique ; 3° que les meilleures proportions à introduire dans une citerne nouvellement construite ou cimentée à neuf, sont de & kilog. environ par hectolitre. Deux de vos membres vous ont fait hommage d'un opuseule intitulé : Essai, par MM. Girardin et Ballin, sur les récompenses obtenues par les industriels de la Nor- mandie aux Expositions des produits de l'industrie, depuis la création de ces solennités. Les auteurs ont entrepris un travail statistique qui a pour but de déterminer le nombre des récompenses qu'ont obtenues les manufacturiers et les artistes de notre province aux diverses expositions des produits de l'industrie fran- caise, et aussi le nombre des brevets d'invention, de per- 2 ACADÉMIE DE ROUEN. fectionnement et d'importation pris chaque année par nog industriels. Toutefois, en raison des innombrables re- cherches que nécessite un pareil travail , les auteurs n'ont pu traiter que la première partie, qui concerne les récom- penses délivrées par le jury d'exposition, depuis 1798 jusqu'à 1839. Ils terminent ce tableau par une récapitu- lation qui embrasse les résultats des huit dernières expo- sitions , et d'où il résulte que le département de la Seine- Inférieure a obtenu près de 8 fois autant de médailles, près de 6 fois autant de mentions honorables, près de 5 fois autant de citations, et plus de 10 fois autant de dé- corations, que le terme moyen des 80 autres départements pris en masse, en laissant de côté le département de la Seine, qui se trouve dans une position tout exceptionnelle. Certes, disent les auteurs en finissant, et nous nous faisons un devoir de le répéter ici, de pareils résultats sont bien faits pour flatter l'orgueil national, pour soutenir le courage de nos compatriotes et les exciter à tenter de nou- veaux efforts, afin d'illustrer de plus en plus le sol qui les a vus naître. En déposant sur le bureau des échantillons de calcaire marneux extraits au pied de la Hève, près du Havre, et des fragments de chaux hydraulique qu'on en a ob- tenus, M. Girardin vous a communiqué la réponse qu'il a faite à une demande qui lui avait été adressée, de you- loir bien formuler son opinion sur un jugement du tri- bunal civil du Havre, dont était appel. Dans cette lettre , M. Girardin , après avoir rappelé les résultats qu'il avait obtenus de diverses analyses sur les pierres calcaires, entre dans quelques détails sur l'emploi du calcaire mar- neux pour obtenir la chaux hydraulique, et finit par adhé- rer, en tout et pour tout, aux doctrines établies par MM. les juges du tribunal. La lettre de notre confrère est CLASSE DES SCIENCES. 25 datée du 17 mars, et, par arrêt du 2% du même mois, la cour royale de Rouen, adoptant les motifs des premiers juges, mettait l'appellation au néant. Cet habile et laborieux chimiste vous à lu en dernier lieu un mémoire intitulé : Essai chimique sur l'huile d'olive, dite huile de Ressence, par MM. Girardin et Preisser. Les sayonniers connaissent, sous le nom d'huile de ressence, une sorte d'huile d'olive, trouble, épaisse et colorée en beau vert d'herbe, qui jouit éminemment de la faculté de rendre le savon dur. Les auteurs du mémoire exposent d'abord les moyens que l'on emploie pour obtenir cette huile , et les expe- riences qu'ils ont faites pour découvrir quel est le prin- cipe de cette propriété singulière de durcir le savon. ji résulte de ces expériences que l’on doit attribuer cet ellet à une matière insoluble dans l'éther, espèce de gommo-mucilage qui paraît être une de ces substances de transition qui offrent beaucoup d'analogie avec la pectine. MM. Girardin et Preisser ont cherché ensuite comment ce gommo-mucilage agissait dans l'usage de la saponifica- tion, et les conjectures qu'ils ont dù former, résultant de l'examen attentif des phénomènes, leur paraissent de toutes les hypothèses les plus simples et les plus pro- bables. Ils font observer, en finissant, que jusqu'ici on avait fait peu d'attention à ces parties mucilagineuses hé- térogènes tenues en simple suspension dans les huiles végétales, et que c’est à tort, comme ils le démontrent , que l'on à rapporté uniquement , et d'une manière trop absolue, aux seules proportions relatives des principes gras, solides et liquides des huiles, les différences de dureté etde consistance que présentent les savons alkalins. Indépendamment des travaux que nous venons d'expo- ser, vous avez entendu, dans vos diverses séances, un assez 26 ACADÉMIE DE ROUEN. grand nombre de rapports et de comptes rendus : Sur les Sciences mathématiques et physiques, par MM. Mallet, Destigny , Lévy, Person et Amyot ; Sur la Chimie, par MM. Girardin et Preisser ; Sur la Médecine, par MM. Vigné, Hellis, Vingtrinier et Avenel ; Sur les Sciences naturelles et l'Agriculture , par MM. Ber- gasse, Girardin, Lévy et Paillard ; Sur les Arts mécaniques, par MM. Destigny, Lévy et Person ; Enfin, sur les Arts industriels, par MM. l'abbé Gossier, Girardin, Preisser et Pimont. M. de Sauley vous a fait hommage d’un régulateur s0- laire de son invention, pour obtenir à volonté l'heure du temps moyen et du temps vrai. Cet envoi était accom- pagné d’un mémoire explicatif. La commission que vous avez chargée d'examiner cet appareil, vous en a fait un rapport développé, sous le point de vue théorique et pratique. En signalant les causes d'erreur qui peuvent influer plus ou moins sur les résultats, elle vous à fait connaître aussi ce que l'appareil présentait d'ingénieux, d'abord dans l'idée première , ensuite dans le mode d'exé- cution. L'instrument est principalement destiné à rem placer l'usage des tables d’équation. Votre commission ne partageant pas l'opinion de M. de Saulcy sur la difficulté que présente l'emploi de ces tables, et sans, toutefois, proscrire l'usage de ce régulateur, qui, d’ailleurs, a le mérite d'être portatif, vous a exposé les motifs qui la portaient à donner la préférence à une bonne méridienne, avec une table d'équation placée tout auprès. M. Chevallier, que vous comptez aujourd'hui parmi vos mesbres correspondants, vous à envoyé plusieurs mé- CLASSE DES SCIENCES. 27 moires dont les titres annoncent suffisamment leur degré d'utilité et d'intérêt. Le premier, sur Les Accidents aux - quels sont exposés les couteliers, émouleurs et aiguiseurs ; le second, sur un Moyen de rendre moins fréquent le crime d'empoisonnement ; le troisième , sur les Empoisonnements par les acides concentrés, et sur les premiers secours à donner; enfin, un quatrième intitulé : De l'Action des Eaux minérales sur la gravelle et sur les calculs de la vessie; Ce mémoire à pour but de réhabiliter la réputa- tion des eaux de Vichy, fréquemment attaquée dans ces derniers temps sous le rapport de leurs facultés dissol- vantes des calculs urinaires. M. Avenel, en vous ren- dant compte de ces ouvrages , vous a exposé les motifs qui ne permettent pas de partager cette opinion de l'au- teur, que la vertu des eaux de Vichy soit, à cet égard, incontestable. Cette question examinée tant de fois ne lui parait pas encore jugée. A l'appui de cette assertion , M. Avenel a cité un fait communiqué il y a peu de temps à l'Académie royale de médecine , qui tendrait à prouver qu'un malade soupconné porteur de calculs vésicaux , et sur lequel des explorations attentives n'avaient pu faire reconnaître leur existence, aurait été atteint d'un calcul énorme après trois mois consécutifs de l'usage des eaux de Vichy, dans la localité même. M. Chevallier vous à encore adressé quatre autres mé- moires dont M. Girardin vous a rendu compte. Le premier, intitulé : Du Sang , ses caractères , ses propriétés ; moyens de reconnaïtre les taches produites par ce liquide. Si ce tra- vail, vous a dit le rapporteur en finissant , n’est pas d'une grande originalité ; au moins c’est une excellente mono— graphie de chimie judiciaire , et, sous ce point de vue, elle remplit une lacune dans une science qui devrait, pour le bien de l'humanité, n'en offrir aucune. 28 ACADÉMIE DE ROUEN. Le deuxième mémoire a pour titre : Recherches sur l'hy - drogène arsenié, et Observations sur L ‘appareil de Marsh et son emploi. C’est encore une application de la chimie à Ja médecine légale. A ce sujet, le rapporteur fait observer que l'appareil de Marsh est un instrument fort ingé- nieux , qui peut rendre et qui rend de grands services , mais, comme il le démontre, son application à la dé- couverte de l'arsenic dans le cas de médecine légale , doit Ôtre faite avec prudence et ce n’est qu'avec une extrême réserve qu'il faut tirer des conclusions des résultats qu'il fournit. En vous rendant compte du troisième ouvrage, sur le Lait, sa composiuon, ses altérations, etc., notre confrère vous à parlé de deux nouveaux instruments décrits et figurés dans le mémoire. L'un de ces instruments, dits pèse-lait, a pour but de reconnaître le lait pur, le lait écrèmé, et le lait alongé d’eau; l’autre, pour établir ap- proximativement combien un lait contient de crème, et combien la crème isolée contient de beurre. Ces instru- ments sont considérés, par votre rapporteur, comme étant d'un usage très facile , et leurs indications assez précises pour qu'il y ait grand avantage à les employer. Enfin, le quatrième et dernier mémoire du même auteur , est un Essai sur la fabrique de poudre fulininante, avec la description des moyens de préserver les ouvriers qui y travaillent, du contact des vapeurs acides. Les ouvriers employés à cette fabrication sont exposés à des dangers de plus d’un genre; M. Chevallier a cherché à les pré- server du contact des vapeurs délétères qui empoisonnent l'air de ces établissements, et il y a parfaitement réussi. Le rapporteur vous a expliqué en quoi consiste ce pro- cédé, qui a été adopté dans toutes les fabriques de Paris, et avec d'autant plus d'empressement, qu'il procure aux fabricants un nouveau bénéfice, en teur donnant des li- CLASSE DES SCIENCES. 29 quides alcooliques d'où l’on peut isoler äiverses subst:nces susceptibles d'être encore utilisées. M. Jules Pelouze, membre de l'Institut, section de chimie, et que vous comptez aujourd'nui au nombre de vos membres correspondants, vous à adressé quatre mé- moires, l'un, sur le Phosphore ; un autre, sur l'Aspara- rude ; un troisième, sur l'Action mutuelle de l'acide phos- phorique et de l'alcool, et enfin , le quatrième , sur le Tan- nin. À ces mémoires était joint un rapport fait sur ce dernier travail, à l'Académie des Sciences. M. Preisser, au nom d'une commission composée «e MM. Person, Morin et Preisser, vous a rendu compte de ces ouvrages. Le rapporteur, après vous avoir parlé des progrès rapides de M. Pelouze dans l'étude de la chimie, et qui lui méritèrent bientôt la protection de Gay-Lassac , vous a exposé les nombreux travaux et les découvertes de ce jeune chimiste, actuellement professeur à l'École polytechnique et membre de Finstitut. Dans une rapide et sayante analyse des ouvrages de M. Pelouze, M. Preisser vous en à fait apprécier tout le mérite, et nous regret- tons que ce rapport tout scientifique ne puisse être sus- septible d'un simple extrait. Unautre de vos membres correspondants, M. Robiquet, vous a envoyé six opuscules dont voici les titres : Vou- velles Observations sur les principaux produits de l’opium ; Réflexions sur les Eaux thermales de Néris ; Notice histo- rique des travaux entrepris sur les amendes amères , ete. ; Observations sur la nature du kermès ; Nouvelles recherches sur la matière colorante de la garance; etenfin, Essai analytique des Lichens et de l'Orseille. M. Preisser, dans son rapport sur ces différents ou- vrages, vous à dit qu'ils se recommandent par un carac- 30 ACADÉMIE DE ROUEN. ière incontestable d'utilité. Ce sont les matières colorantes employées dans nos manufactures; ce sont Îles produits pharmaceutiques d’où la médecine tire ses remèdes les plus efficaces, qui attirent l'attention de M. Robiquet, dont le nom est lié à jamais à l'histoire de la garance, par les études de ce chimiste sur cette matière; études qui l'ont conduit à la découverte d'un grand nombre Ge faits nouveaux également intéressants, et pour la science, et pour l'indusirie. Le travail de M. Robiquet sur l'orseille, a eu pour con- séquence les modifications du procédé de préparation @e cette belle matière tinctoriale. L'opium avait été le sujet de tant de recherches savantes, qu'il semblait impossible de jeter une nouvelle lumière sur son histoire; cependant , M. Robiquet fit une étude plus complète de la narcotine, de la morphine, de l'acide méconique, et y découvrit un alcali organique nouveau , lacodeine . qui n'a pas tardé à recevoir quelques applications en médecine. Enfin, vous avez encore reçu de M. Borgnet, l'un de vos membres correspondants, un mémoire sur une théo- rie de haute physique-mathématique , sur l’Equilibre des températures dans les corps solides homogènes, terminés par des surfaces du deuxième degré , dépourvues de centre. Ce nouveau travail de M. Borgnet peut être considéré comme la continuation d’un mémoire publié en 1857, par M. Laîné, sur les surfaces isothermes dans les solides homogènes. L'auteur, par une élégante analyse, parvient à trois systèmes de surfaces isothermes, qui sont des paraboloïdes de méme espèce et qui ont les mêmes Joyers que ceux par lesquels le corps considéré est terminé lui-même. Abordant ensuite la question sous un autre point de CLASSE DES SCIENCES. 31 vue , il détermine a loi suivant laquelle se distribuent les températures entre les surfaces isothermes d'un méme système. M. Amyot , que vous aviez chargé de vous rendre compte de cet ouyrage, vous à dit, en terminant son rapport, que ce nouveau mémoire de M. Borgnet prouve, dans son au- teur, une grande habitude de l'analyse mathématique, jointe à une connaissance approfondie des travaux de nos grands géomètres. Écrit dans un style pur et clair , il con- tient plusieurs théorèmes nouveaux et bien formulés. Vous avez admis, comme membre résidant, M. Amyot, professeur de mathématiques au Collége royal. Dans son discours de réception , après un exorde où il se pose avec autant de modestie que de convenance, au milieu &@e ses nouyeaux collègues, le récipiendaire exprime son éton- nement que l'étude de l'astronomie , branche si impor- tante des connaissances humaines, n'ait pas obtenu, dans une yille comme la nôtre, et qui fait chaque jour de fructueuses avances à toutes les autres sciences et aux arts pittoresques etindustriels, le moindre encouragement, ni même le plus petitenseignement élémentaire. Pour prouver que cette lacune reste à remplir, et qu'il y va de l'intérêt et de l'honneur de la cité de la combler le plus tôt possible, M. Amyot , familier avec les hautes connaissances physiques et mathématiques qu'exige l'é- tude de cette science sublime, vous fait parcourir rapi- dement son histoire, e£ vous la montre au milieu des ser- vices positifs qu'elle a rendus, noblement appuyée sur les résultats de ses calculs infaillibles, confirmés, d'ailleurs, par le temps et l'expérience ; triomphante et dominant presque toutes les autres sciences philosophiques, qu'elle sert physiquement par l'application de ses principes les plus rigoureux. Entrainé par l'influence du sujet magnifique qui forme 32 ACADÉMIE DE ROUEN. l'objet de son discours , l'auteur identifie bientôt les doc- trines astronomiques les plus transcendantes avec les fa- cultés supérieures de ceux qui deviennent les favoris de cette science ; et, par suite de cette supériorité même qu'il reconnait aux hommes qui ont eu la gloire de faire l'ap- plication des qualités les plus rares de l'esprit humain à la culture et aux progrès de l'astronomie, on peut dé- duire l'espoir qu'on sera, sans doute plus tard, appelé à en admirer de semblables dans les sciences morales et politiques. M. le président, dans sa réponse, à suivi l'auteur dans le développement de son discours. Il admet avec lui la sublimité de la science astronomique , reconnaît la justesse et les titres de quelques-unes de ses prétentions, parce qu'il apprécie les véritables services qu'elle à rendus et qu’elle doit rendre encore. Aussi n’hésite-t-il pas à s’as- socier aux regrets qu'a exprimés l’orateur sur l'espèce d’a- bandon auquel cette science se trouye condamnée jusqu'à ce jour parmi nous, et il fait des vœux pour que cet ou- bli cesse bientôt. Arrivant à la partie la plus délicate des opinions émi- ses par M. Amyot, relativement aux espérances que l'on peut concevoir pour l'avenir des progrès de la science de la politique , d'après le haut degré de perfection auquel est parvenue aujourd'hui l'astronomie, votre président s'ex- prime en ces termes : « En considérant, sous un aspect général , le progrès « des sciences, vous croyez voir aussi, Monsieur, la « science de la politique promettre aux nations des bien « faits nouveaux. Plaise à Dieu que cette espérance se « réalise ! Ce serait chose bien heureuse si l’on pouvait « faire , un jour , de la politique, une science dont les « principes fondamentaux seraient discutés à froid dans le « silence du cabinet, dont on ferait l'application aux « « CLASSE DES SCIENCES. 33 peuples, comme on fait celle de la chimie et de la mé- canique aux arts industriels. «€ Moi qui ai vu de près les hommes en action sur cette grande scène de la politique, je voudrais partager votre conviction. Savez-vous bien, Monsieur, que c’est dans les débats qui s'y engagent, que les passions humaines ont plus de force , de violence ? On dirait que certains hommes, dès qu'ils mettent le pied sur le sol brûlant de la politique, sont tout-à-coup saisis de vertige, d'une sorte d’enivrement qui étouffe dans leurs cœurs les notions les plus ordinaires de la justice, et qui , trop souvent, les rend faux , perfides , cruels même , quand leur intérêt l'exige ? » M. de Villers termine sa réponse par ces mots qui s’appli- quent directement à notre nouveau collègue , aux fonctions duquel il fait une heureuse allusion : € N'est-ce pas , lui dit-il, une belle, une noble mission, que celle d'introduire de jeunes intelligences dans la carriere de l'étude et du travail ; de développer dans ces intelligences vierges encore, les facultés dont la nature les à dotées; de ménager à cette génération qui doit nous remplacer un jour, des forces contre les séductions qui l'environnent à ses premiers pas dans la société , et , avant tout, de la pénétrer de cette maxime, que la vérité et la justice sont, comme je le répète après vous, Monsieur, la base la plus solide de la paix pu- blique et de la paix de l'ame ? « Vous la remplissez, Monsieur , cette mission, avec conscience et talent, et c'est un beau titre pour venir prendre place, avec pleine confiance, au milieu de vos confrères , qui en connaissent toute la valeur. » , La liste de vos membres correspondants s'est augmen- 3 34 ACADÉMIE DE ROUEN. tée de plusieurs noms honorables que nous avons déjà eu occasion de citer dans le cours de ce rapport. Vous avez admis, en cette qualité, MM. Robiquet, membre de l'Institut, trésorier de l'école spéciale de Pharmacie de Paris ; Chevallier , membre de l'Académie royale de Médecine et du Conseil de salubrité du département de la Seine; Pelouze, membre de l'Institut, professeur de chimie à l'Ecole poly- technique , et Borgnet, professeur de mathématiques au collége royal de Tours. Vous vous êtes justement empressés et félicités de vous adjoindre des collaborateurs aussi distingués et aussi honorables, soit par des travaux déjà bien connus, pour la plupart d'entr'eux , soit par le mérite des ouvrages qu'ils vous ont envoyés. Pourquoi faut-il que l'un d'eux , à peine admis dans vos rangs, en ait été enlevé presqu'aussitôt par une mort tou— jours prématurée, quand elle emporte, au milieu de ses travaux, l'homme de génie et de talent! M. Robiquet a terminé , à 60 ans, une vie précieuse à plus d'un titre. En peu de jours , ce chimiste distingué a succombé , le 29 avril dernier, à une affection aiguë du cerveau. Un autre chimiste non moins connu , non moins recom— mandable, et que vous avez aussi admis depuis peu de temps parmi vos membres correspondants, M. Planche, de l'Académie royale de Médecine, a été enlevé, le 7 mai dernier , après trois jours de maladie, à l'âge de 6% ans. Il serait trop long d'énumérer ici tous les travaux de M. Planche. Les mémoires de l'Académie royale de Mé- decine et de la Société de Pharmacie, le Bulletin et le Journal de pharmacie, les Annales de chimie, renferment une foule de recherches , d'observations judicieuses, qui dénotent l'habile chimiste et le praticien consommé. M. Gaillon , naturaliste distingué ; né à Rouen, est dé- CLASSE DES SCIENCES. 35 cédé le # janvier 1839. Son goût pour les sciences natu- relles s'était décelé de bonne heure ; il s'attacha plus particulièrement à la botanique, et, dans cette spécialité, il porta son esprit d'investigation sur les plantes nom- breuses qui croissent dans les eaux de la mer, et publia, sur quelques-unes de ces plantes, des mémoires intéres- sants. Par ses nombreuses et importantes recherches, M. Gaillon s’est placé au rang des naturalistes les plus dis- tingués de notre époque. La mort a encore frappé deux de vos membres correspon- dants : M. Hurtrel d'Arboval, médecin vétérinaire , auteur de plusieurs ouvrages estimés sur la médecine et la chirurgie vétérinaire; et, enfin, M. Pingeon, docteur médecin, secrétaire de l'Académie des sciences et de la Société de médecine de Dijon. Le temps que vous devez consacrer à cette séance ne nous permet pas de vous donner lecture des notices nécro- logiques qui concernent chacun des cinq membres corres- pondants que nous avons perdus. Comme faisant partie de ce rapport, ces notices seront insérées dans votre Précis. En vous entretenant d’un si triste sujet, Messieurs , nos souvenirs et nos regrets se reportent encore sur notre illustre compatriote Dulong, dont nous déplorions la perte l'année dernière. Nous rappellerons ici que FAca- démie, dans sa séance du {3 décembre 4839, a voté une somme de cent francs pour concourir à l'érection d'un monument sur la tombe de ce chimiste célèbre. NOTICES NÉCROLOGIQUES. M. ROBIQUET. Il ya six mois à peine que l'Académie s'empressait d'ad-— mettre dans son sein l’un des chimistes les plus distingués de notre époque , M. Robiquet , trésorier de l'École spéciale de pharmacie de Paris, et déjà elle a la douleur d'effacer son nom de la liste de ses membres correspondants, car la mort a brusquement terminé, à 60 ans, une vie qui était précieuse à plus d’un titre. En moins de quelques jours, M. Robiquet a succombé , le 29 avril, à une affection aiguë du cerveau. Je n’entreprendrai pas de dire ici tout ce que la science doit à M. Robiquet, car l'appréciation de ses nombreux travaux m'entraînerait trop loin. Je rappellerai seule ment quelques faits qui montreront ce qu'était l'homme dont nous déplorons la perte récente. Né à Rennes, en 1780, le jeune Robiquet vint de bonne heure chercher à Paris cette instruction scientifique que la province ne pouvait point encore donner à ses enfants. La conscription l’enleva bientôt du laboratoire de Fourcroy et Vauquelin, pour l'entraîner dans les camps. II fit, comme pharmacien militaire, les premières campagnes d'Italie. De retour à Paris, il reprit avec une nouvelle ardeur les travaux de laboratoire pour lesquels il avait une si grande aptitude , et, pendant plusieurs années, il prépara les leçons du célèbre Vauquelin, son premier maître. Son premier travail scientifique date de 1805; il avait pour objet l’ana- lyse du suc de l’asperge , dans lequel Vauquelin et lui signa- CLASSE DES SCIENCES. 37 lérent ,un anaprès, l'existence d'un nouveau principe qui, plus tard, reçut le nom d'asparagine. D'autres recherches “chimiques intéressantes sur le soufre liquide de Lampa- dius, sur la baryte caustique , sur la purification du nickel ; sur l'analyse de la réglisse , sur les cantharides, sur la na ture du kermès, ete., recherches d'autant plus méritoires, indépendamment de leur valeur intrinsèque, qu'ellesétaient le fruit de loisirs arrachés à ses occupations commerciales , (car il avait acheté une pharmacie), attirèrent sur lui les regards de l'Institut, qui, en 1812, le présenta comme son candidat pour une chaire vacante à l'École de pharmacie. II professa successivement dans cette école la matière mé- dicale et la chimie, et, lorsque la faiblesse de sa santé l'o— bligea de renoncer au professorat , il reçut de la confiance de ses collègues la charge d'administrateur trésorier. Dans ces importantes fonctions , il trouva de nouvelles occasions d'être utile à la jeunesse qu'ilaimait, par les améliorations et l'extension qu'il apporta à toutes les branches de l'en- seignement. Les devoirs de M. Robiquet , comme trésorier de l'École, comme secrétaire général de la Société de pharmacie, comme membre de l'Académie royale de médecine et de la Société d'encouragement, la direction d’une importante fabrique de produits chimiques, qu'il créa en abandon- nant l'exercice public de la pharmacie, ne l'empéchèrent pas de se livrer incessamment à des recherches de labora= toire ; et si quelque chose doit étonner, c’est de le voir, au milieu d'une vie si active et si remplie de soins étrangers à la science, accomplir des travaux aussi remarquables et aussi consciencieux que ceux qui ont marqué si honora- blement sa place parmi les chimistes les plus éminents de notre époque. Il m'est impossible de mentionner ici tous les mémoires qu'il a publiés depuis 1815; je citerai seule- ment de curieuses recherches sur la matière colorante de la 38 ACADÉMIE DE ROUEN. garance et de l'orseille ; des considérations sur l'arôme et le bleu de Prusse, des expériences sur l’opium et les amandes amères ; des réflexions sur la constitution des corps orga- niques , Sur les eaux thermales de Néris, ete. Tous ces tra vaux portent le cachet d'une habileté d’expérimentation peu commune, d’une hardiesse d'esprit et d'un talent d'ob- seryation associés à la fidélité la plus scrupuleuse."Le nom de M. Robiquet se trouve mêlé aux découvertes les plus importantes de la chimie organique , dans ces dix dernières années. Ainsi, l'étude des radicaux composés date, pour ainsi dire, de ses recherches sur l'huile volatile d'amandes amères; on aperçoit, dans son mémoire sur l'acide mé- conique de l'opium, le germe de la loi remarquable for- mulée par M. Pelouze à l'égard des acides pyrogénés, etc. La part active que M. Robiquet a prise au développe- ment de la chimie organique, ne pouvait manquer de lui faire ouvrir les portes de l'Institut. C’est en 1833 qu'il fut élu membre de cette illustre corporation scientifique ; il succéda au célèbre Chaptal. Cette haute distinction sembla ranimer son zèle et doubler ses forces, car de nom- breux et importants mémoires signalèrent bientôt sa prise de possession d’un fauteuil qu'il était si digne d'occuper. Mais c'est assez parler de l'homme scientifique; disons quelques mots de l'homme dans sa vie privée. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici le portrait qu'en a tracé un de ses élèves, M. le professeur Bussy. «Robiquet était doué d’une imagination ardente , d'une constitution nerveuse, très impressionnable ; sa conversa- tion, vive et pleine de saillies dans l'intimité , était digne et mesurée lorsqu'il parlait dans une assemblée. Cependant, la franchise de son caractère, qui le portait toujours à aborder de front, et à résoudre sans ménage- ment les difficultés, lui suscita parfois de très vives oppo- sitions; mais il faut le dire, au milieu de ses nombreux CLASSE DES SCIENCES. 39 antagonistes, jamais il ne rencontra un ennemi, jamais ces discussions animées dont nous ayons été si souvent témoins, ne laissèrent de souvenirs fächeux dans son esprit ou dans celui de ses contradicteurs, car, en attaquant les opinions, il savait rendre justice aux intentions de chacun, et personne ne doutait des siennes. « Bienveillant pour les faibles, dont il prenait à tâche de défendre les intérêts, s'il eut quelquefois une parole sé- vère, ce ne fut que pour ceux que leur position semblait protéger ; aussi était-on disposé, en général, à excuser la vivacité de ses attaques, l'opiniâtreté de sa résistance, et son opinion finissait presque toujours par triompher. « Respecté de sesélèves, il avait surétablir, de nos jours, ces rapports de patronage et d'affection qui, dans les an- ciennes écoles, existaient entre le maître et les disciples. Pour lui, les fonctions de professeur n'étaient pas limitées au simple enseignement ; il aidait ses élèves de ses con- seils, de son expérience, leur aplanissait les difficultés tou- jours si grandes au début de la carrière, Jamais sa bien- veillance et son appui ne manquèrent à ceux qui s'en montrèrent dignes. Cette affection si vive qu'il portait à ses élèves, explique les preuves de dévouement qu'il en rece- vait chaque jour, et justifie les regrets unanimes que sa mort à inspirés. » Une circonstance de la vie de M. Robiquet prouve com- bien les jeunes gens avaient su apprécier son attachement , son zèle, et fait foi en même temps de l'amour qu'ils avaient, en retour, voué à sa personne. En 1830, le gou- vernement nouveau, cherchant à s'attacher toutes les illus- trations, avait donné la croix de la Légion d'honneur à plusieurs hommes distingués de notre époque , et pourtant le nom de M. Robiquet avait été oublié. Une pétition des élèves en pharmacie réclama pour le savant professeur cette distinction; le pouvoir s'empressa d'accueillir une 40 ACADÉMIE DE ROUEN. aussi juste demande. Voici la lettre qu'à cette occasion M. Robiquet adressa aux élèves en pharmacie, et qu'il n'est pas hors de propos de rappeler ici : « MESSIEURS, « Je viens de recevoir la décoration de la Légion d'hon- neur, et ce qui lui donne un grand prix à mes yeux, c'est de la devoir principalement à vos bienveillantes sollicita— tions. J'ai toujours cru qu'une telle récompense ne devait point être réclamée par ceux mêmes qui pensent y avoir quelques titres, mais bien par les personnes capables d'ap- précier les services qu'ils ont rendus. La demande que vous avez faite spontanément en ma faveur, prouve que yous m'avez jugé digne de l'honorable distinction qui m'est accordée, et je sens bien vivement tout ce qu’a de flatteur ce précieux témoignage de votre estime. Je ne crois pas pouvoir mieux vous en témoigner ma reconnais sance, qu'en faisant de nouveaux efforts pour justifier la bonne opinion que vous avez conçue de moi.» M. Robiquet a tenu parole; aussi, sur sa tombe, les élèves de l'École de pharmacie ont-ils fait entendre de pieux accents d'amour et de reconnaissance. Tel est l'homme éminent, le professeur chéri que l’Aca- démie de Rouen s’était associé ! Pourquoi les reflets de sa gloire n’oni-ils rejailli sur elle que pendant de si cours instants ! Rouen, 30 juillet 1840. J. GIRARDIN. 1 Journal de Pharmacie et des Sciences accessoires ; t. 17 , p. 89 ; année 1831. CLASSE DES SCIENCES. #1 M. PLANCHE. Louis-Antoine PLANCHE, que la mort a enlevé , le 7 mai dernier , après trois jours de maladie, naquit à Paris, en 1776, d'une famille honorable, qui faisait le commerce d'épicerie. Après avoir terminé ses études, il choisit la car- rière de la pharmacie , qu'il devait plus tard illustrer. En 1793, il partit pour l'armée comme simple volontaire , dans un de ces bataillons où s'enrôlait spontanément et en foule la jeunesse parisienne. II ne tarda pas à être employé dans les hôpitaux ; il fut élève de l'Ecole de Mars; puis, en 179%, envoyé à l'armée des Pyrénées orientales , il suivit en Espagne le général Dugommier. M. Planche se fit dis- tinguer dès-lors par son zèle et son aptitude, et des services importants lui furent confiés. Rentré en France , à la suite d'une grave maladie , il fut licencié, et put venir à Paris suivre les leçons des célèbres professeurs de cette époque, et se livrer tout entier à ses études de prédilection. Aussitôt qu'il fut reçu , il prit une pharmacie , et sa réputation ne tarda pas à s'établir. Personne n'a exercé avec autant de talent, de noblesse et de probité, une profession qui réclame tant de qualités diverses; aussi M. Planche jouissait-il d'une haute estime parmi ses confrères, et représentait-il en France, comme à l'étranger, depuis 30 ans, avec le plus de dignité, la pharmacie française. Employant les connaissances les plus variées et la sagacité particulière de son esprit ingénieux , vers un but spécial : la préparation des médicaments, notre confrère à singulièrement contribué aux progrès d'un art qui est l'application la plus intéressante des faits emprun- k2 ACADÉMIE DE ROUEN. tés à la chimie, à l'histoire naturelle et à la médecine, Les fastes de la Société de pharmacie, de l'Académie royale de médecine, le Bulletin et le Journal de pharmacie, dont il fut l'un des fondateurs et l'un des collaborateurs les plus assidus , les Annales de chimie, renferment une foule de précieuses recherches, d'observations judicieuses qui dé— notent l'habile chimiste et le praticien consommé. Tous les travaux de M. Planche attestent une éducation soignée , un esprit élevé, un jugement sain et une érudition qui s'était étendue par la connaissance de plusieurs idiomes étrangers, particulièrement de l'anglais et de l'italien, qui lui étaient devenus familiers. On sait avec quelle exac— titude il a fait passer , dans notre langue, les ouvrages de Brugnatelli et de Brande , sur la chimie médicale et phar- maceutique. Obligé de faireun choix dans la longue liste des mémoires de pharmacie et de chimie qu'il a publiés, je me contenterai de citer ici ses recherches : Sur la solubilité des huiles fixes dans l'alcool et les éthers sulfurique et acétique ; Sur la préparation du mercure doux , du carbonate d'a am- moniaque, des eaux minérales acidules ; Sur la racine de colombo ; sur les résines des convol- vulus ; Sur l’action réciproque de quelques sels ammoniacaux et du perchlorure de mercure ; Sur l'huile d'œufs et son application à l'extinction du mercure dans les graisses ; Sur l'existence du soufre dans les végétaux ; Sur l’action réciproque du protochlorure de mercure et de l'iode ; Sur les diverses sortes de sagou du commerce, ete., etc. M. Planche fut récompensé de ses efforts etde ses talents; la Société de pharmacie , la Société de médecine du dépar- CLASSE DES SCIENCES. 43 tement de la Seine, l'Académie royale de médecine, et plusieurs Académies de la province et de l'étranger , SeM- pressèrent de l'associer à leurs travaux. En 1838, il reçut la décoration de la Légion d'honneur. Cette haute récom— pense fut pour lui un sujet de satisfaction bien vive, car elle lui fut décernée à la demande de ses confrères de 'A- cadémie de médecine ; c'était consacrer sa grande no- tabilité pharmaceutique ; personne ne le méritait mieux que lui. Le caractère de M. Planche était plein de dignité et d'élévation, de cette élévation qui s'associe toujours à la délicatesse, et qu'il poussait quelquefois jusqu’à la suscep- tibilité. Naturellement sérieux et réfléchi, sa gaîté était aimable et spirituelle, D'une grande mobilité nerveuse , sujet à des accès de goutte et de rhumatisme , M. Planche était valétudinaire depuis plusieurs années. Une fluxion de poitrine l'a enlevé dans un âge peu avancé, alors qu'il mettait la dernière main à plusieurs travaux curieux. L'un de nos confrères, qui lui a succédé dans l'exercice de la pharmacie, M. Cap, à prononcé sur la tombe de son vénérable prédécesseur un éloge aussi simple que juste, lorsqu'il à dit de lui que ce fut «un savant ingénieux et modeste, un ami sûr et dévoué, un homme vrai, laborieux , utile, » Rouen, le {°° août 1840. J. GIRARDIN. 4 ACADÉMIE DE ROUEN. M. GAILLON. François-Benjamin GAILLON , né à Rouen le 2 juin 1782, était receveur principal des douanes à Boulogne-sur-Mer, lorsqu'il est mort, le 4 janvier 1839. Son goût pour les sciences naturelles se décela de bonne heure ; il s'attacha plus particulièrement à la botanique , et, dans cette spé- cialîté , il fixa son attention et porta son esprit investiga- teur sur ces plantes si nombreuses , si variées dans leurs formes et souvent si riches dans leurs couleurs , qui peu- plent les eaux de la mer. Il publia plusieurs mémoires intéressants sur ces plantes, entr’autres : Un Aperçu microscopique et physiologique de la fructifi- cation des thalassiophytes-symphysistes.— Rouen , Baudry, 1821 , in-8° de 16 pages ; Un Résumé méthodique de la classification des thalassio- phytes.— Strasbourg, Levrault, 1828, in-8° de 60 pages, avec un tableau ; L'article thalassiophytes du grand dictionnaire des scien- ces naturelles de Leyrault. Gaillon s'occupa de la couleur verte que prennent les huîtres des parcs à certaines époques (Essai sur Les causes de la couleur verte que prennent les huîtres des parcs à cer- taines époques de l’année. — Rouen , Periaux père , 1821 ; in-8° de 16 pages), et il reconnut que cette couleur dépend de la présence d’une infinité d'animalcules-microscopiques du genre vibrion, ainsi colorés eux-mêmes : il donne à cette nouvelle espèce le nom de brio ostriarius. En 1823 , il publia un mémoire intéressant sur le vau- cheria appendiculata, production marine commune sur les rochers auprès de Dieppe. De nombreuses observations engagèrent Gaillon à ne voir, dans cette production , re- gardée jusqu'alors comme une conferve, qu’une agréga- CLASSE DES SCIENCES. 15 tion filamenteuse d'animalcules-microscopiques du genre vibrion ; et il la rapporta au avbrio navicularis de Muller. Son mémoire, qui figura dans les bulletins de la Société d'émulation de Rouen, est intitulé : £xpériences micros- copiques et physiologiques sur une espèce de conférve ma- rine , production animalisée, et réflexions sur plusieurs au- tres espèces de productions filamenteuses analogues , consi- dérées jusqu'alors comme végétales. C'est dans ce mémoire qu'il commença à développer ses idées sur lanimalité des végétaux au dernier ordre, auquel il donna le nom de Nemazoona , et plus tard , celui de Vemazonira, En 1832, il publia des tableaux synoptiques et méthodiques des genres du !Vemazonira, dans les recueils de la Société d'agriculture de Boulogne-sur-Mer, dont il fut un des membres les plus actifs etles plus distingués. Il enrichit les mémoires de cette compagnie savante d'un grand nombre d'autres travaux intéressants, et, entr'autres, d'un Apercu d'histoire naturelle, et d'Observations sur les limites qui séparent le règne végétal du règne animal ; d’observa- tions curieuses sur la carie du blé, et sur l'uredo qui se développe à travers le parenchyme des feuilles et des tiges des plantes , etc. Par ses nombreuses et importantes recherches, M.Gaillon sut se placer au rang des naturalistes les plus distingués de notre époque. IL fit partie des Sociétés Linnéennes de Paris, de Lyon, de Bordeaux, de Normandie, de la So- ciété phrénologique de Paris , des Académies des sciences belles-lettres et arts de Rouen, de Caen, d'Amiens, de la Société libre d'émulation de Rouen, de la Sociéte d'agriculture de Boulogne-sur-Mer, de la Société d'his- toire naturelle de Paris, des Sociétés des antiquaires de la Morinie et de Normandie. Par ses mœurs douces et affables, Gaillon sut se faire beaucoup d'amis, et il eut le bonheur de ne pas compter un seul ennemi. J. GIRARDIN. PRIX PROPOSÉ POUR 1841. Programme. L'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen décernera , dans sa séance publique du mois d'août 1841, une médaille d’or de la valeur de 300 francs, au meilleur mémoire inédit, ayant pour objet : « 1° D'apprécier les résultats que peuvent avoir, sur la « santé des ouvriers des deux sexes et de tout âge , le « tissage des toiles de coton, soit à la main, soit à la « mécanique ; en s’attachant à faire connaître l'influence « particulière des habitations, des usines , des tissus fa- « briqués , des substances employées, et des divers pro- « cédés mécaniques. « 2° De rechercher et de proposer les moyens les plus « propres à remédier aux inconvénients qui pourront être « signalés dans la première partie du mémoire. » PRIX EXTRAORDINAIRE FONDÉ PAR M. L'ABBÉ GOSSIER. Program. L'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen propose , pour sujet du prix extraordinaire fondé par M. l'abbé Gossier , la question suivante : « Exposer l'état actuel de l'enseignement des mathé- « matiques dans les colléges, et en faire connaître le ré- « sultat pour le plus grand nombre des élèves. 2 « Si l’auteur pensait que ce résultat n’est pas tel qu'on « doit le désirer, quel mode pourrait-on substituer à « celui qui est en usage ? « Si le plan proposé pour l'enseignement des mathé- « matiques devait entraîner des modifications dans celui « des humanités, il faudrait en faire ressortir la nécessité, « et examiner avec soin si les études littéraires ne pour- « raient en souffrir. » Nora. Aux termes du testament de M. l'abbé Gossier , la ville de Rouen est légataire directe de la somme de 20,000 francs, dont l'intérêt d'un an doit être la valeur du prix proposé. Il n'est pas possible de prévoir quel sera le temps nécessaire pour remplir les formalités d'usage 18 ACADÉMIE DE ROUEN. relativement à un legs de cette nature, et à quelle épo— que la ville de Rouen obtiendra l'autorisation du gouver- nement de se mettre en possession du capital. L'Académie ne peut donc, jusque-là, ni préciser la valeur du prix, qui dépendra du taux de l'intérêt, ni indiquer l'époque de la séance publique où elle se propose de le décerner. Toutefois, dès qu’elle sera en état de le faire, elle s'em— pressera de l’annoncer. En attendant, et pour se confor- mer , autant qu'il a dépendu d'elle, aux intentions du fon- dateur , elle a dû proposer un sujet de prix. Mémoires \ DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. EXRRAIT D'UN VOYAGE INDUSTRIEL EN ANGLETERRE, EN IRLANDE ET EN ÉCOSSE, FAIT EN 1859, PAR M. F. PREISSER, Cu à l'Académie Ropale de Rouen, DANS SA SÉANCE DU 28 Mans 1840. A Londres, l'industrie chimique et manufacturière ne peut pas se développer d'une manière aussi vaste que dans certaines autres parties de PAngleterre. Autour de la ca- pitale, l'on ne rencontre pas ces mines de charbon de terre si abondantes qui se trouvent dans le Stafforshire , à 60 lieues plus loin; aussi voit-on peu de fabriques de produits chimiques, peu d'usines, peu de fabriques de Fr 90 ACADÉMIE DE ROUEN. toiles peintes, et en général peu de manufactures exi- geant l'emploi en grand de la houille. Je ne parlerai donc pas de ces industries, qui existent sur une échelle bien plus considérable dans d’autres parties du royaume , me réservant de traiter ce sujet séparément un peu plus tard. Une grande partie des maisons de Londres, comme celles des autres villes d'Angleterre, sont bâties en briques. En Ecosse, au contraire, la pierre de taille est partout employée dans les constructions. Il existe cependant à Londres une pierre calcaire avec laquelle on a construit tous les édifices. Cette pierre est d'une espèce particulière, et qui, presque toujours , ré- siste plus difficilement aux influences atmosphériques que les nôtres. Certaines parties de ces pierres se détachent par morceaux , par feuillets, et deviennent tendres au point de s’écraser entre les doigts comme de la craie ; c’est là ce qu'on voit facilement sur certains édifices, sur certains ponts, comme aux ponts de Londres et de Waterloo ; des morceaux entiers, en se détachant, forment des ca- vités remplies d'une poussière grisätre. Ce sont probable- ment des pierres gélives, avec lesquelles aujourd'hui on se garde bien de bâtir, et que l'on peut distinguer facile- ment des autres au moyen d’une dissolution de sulfate de soude. Un fait curieux à observer, c'est l’action de la fumée de charbon de terre sur ce calcaire. Certaines portions deviennent, après quelque temps, d'un noir assez foncé, tandis que d’autres conservent tout leur aspect, toute leur blancheur primitive. Ce phénomène s’observe sur- tout sur la belle église de Saint-Paul , dont la vue présente quelque chose de bizarre et de frappant. La majeure partie est sombre et noire, tandis que des angles, des colon- nades et quelques autres portions , ont conservé toute leur blancheur. Et que l'on ne croie pas que ce soient les par- ties de l'édifice exposées plus que les autres à l'action du CLASSE DES SCIENCES. D1 vent et de la pluie, car il est à remarquer que les enfon- cements, les parties creuses présentent ce caractère aussi bien que les saillies. Ces parties blanches résistent tou- jours à l’action de la fumée , et ne changent plus de teinte, quoiqu'elles y soient constamment exposées; car, le matin, au moment où les usines commencent à chauffer, et que le charbon est allumé dans les maisons, les che- minées vomissent de tels torrents de fumée , que Fatmos- phère en est obscurcie, et que l'on distinguerait diffici- lement les objets à quelques pas devant soi dans les rues, surtout dans celles qui sont un peu étroites. Aussi dans l'air remarque-t-on une foule de petits flocons de char- bon qui tombent sur la figure, les mains et le linge, et s'y attachent. Il est fort diflicile de conserver une che- mise blanche pendant quelques heures. Londres est moins remarquable par la beauté et la magnificence de ses édifices que par la régularité et la largeur de ses rues. Toutes les maisons d’une rue sont bâties sur le même modèle, avec de larges et beaux trot- toirs; toutes se distinguent par leur grande propreté, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les vitres, surtout bien lavées tous les matins, présentent un éclat que l'œil chercherait en vain dans les vitres des maisons françaises. Ce brillant du verre provient aussi en grande partie de la manière dont il est fabriqué. Les procédés employés pour la fabrication du verre sont tout différents de ceux que nous suivons en France. Chez nous, comme on le sait, on fabrique des cylindres en soufflant dans un tube en fer creux dont on à plongé l'extrémité dans le creuset plein de la matière vitrifiable. Le cylindre , une fois formé , est détaché au moyen d'un fer froid, fendu dans sa longueur , et exposé pendant quelques instants sur une plaque de fer chauffée. Le verre s'étend et S'applatit ; pour que la surface devienne bien plane, un ouvrier la frotte en tous D2 ACADÉMIE DE ROUEN. sens avec un morceau de bois. Le verre, ainsi préparé, a perdu une partie de son éclat primitif par son exposi— tion sur la plaque de fer chauffé. Il n’en est pas de même en Angleterre; on aime mieux suivre un procédé moins avantageux peut-être sous le rapport du rendement, mais qui donne un verre plus brillant. La matière vitrifiable étant fondue, comme chez nous, dans de vastes creu- sets, des ouvriers y plongent un tube de fer creux ; une portion de verre s'y attache, et se forme en cylindre peu alongé, au moyen de l'air qu'ils y introduisent avec la bouche. On applique alors à son extrémité une barre de fer préalablement plongée dans du verre fondu , pen- dant que l’on détache l'autre barre au moyen d'un fer froid. L'ouvrier place ensuite le tube sur un support à l'entrée d'une petite chambre fortement chauffée, puis il le tourne très rapidement entre ses mains; le tube s'étend par la force centrifuge qui se développe , et forme un vaste plateau que l'on détache facilement. Ce plateau n'offre jamais une surface entièrement plane ; elle est tou- jours légèrement bombée , et offre , à l'endroit où le verre est attaché au tube , une partie plus épaisse qui est dé- coupée , en Angleterre , pour la confection de vitres gros-— sières, ou pour celle de vitres qui doivent offrir une très grande résistance. Le verre est frappé, dans ce pays, d'un droit très fort ; aussi les verres à boire très ordinaires, qui, chez rous, ont une valeur de quinze à vingt centimes, coûtent-ils en Angleterre un à deux schellings (1 fr. 10 c. à 2 fr. 40 c.) Je ne dirai rien de la manière vraiment prodigieuse dont on voyage de Londres à Birmingham, à Manchester et à Liverpool , par le chemin de fer. On parcourt généra- lement de dix à douze lieues par heure, eton peut faci- lement aller jusqu'à quinze où vingt. Ainsi, partis à midi de Londres, nous arrivâmes avant quatre heures et demie CLASSE DES SCIENCES. D3 à Birmingham, qui est éloigné de cinquante-inq lieues de cette première ville. Le service se fait avec une régula- rité admirable. On part à heure fixe, et l'on peut prédire, à quelques minutes près, quand on arrivera. L'affluence des voyageurs est très grande , mais on est toujours sûr d'être placé. Quand on veut voyager d'une manière con- fortable , on se met dans les premiers wagons (first class). Vous pouvez alors vous plonger dans une espèce de grand fauteuil à bras parfaitement rembourré, qui vous isole de vos voisins, et vous permet de vous abandonner avec délices au cours de vos réflexions. Les frais d'établissement et d'entretien des chemins de fer sont énormes en Angle- terre; mais l’affluence des voyageurs estsigrande, qu'ils rap- portent encore, terme moyen, 8 à 9 p. 0/0. Le frottement des roues contre les rails use les premières avec une telle rapidité, que, quoiqu'elles soient en fer battu, elles se trouvent hors d'usage au bout de trois mois. Birmingham , où nous nous rendimes en quittant Londres, présentait en ce moment le spectacle d’une so- lennité scientifique. La neuvième réunion de l'Association scientifique de la Grande-Bretagne se tenait dans cette ville. Aussitous les logements étaient-ils occupés; les savants anglais avaient envahi tous les hôtels. Nous ne pümes nous loger qu'à grand prix d'argent. Une petite chambre valait jusqu'à quinze francs par nuit. On sera peut-être curieux d'avoir quelques détails sur cette Association scientifique, qui se tient chaque année en Angleterre. La réunion est formée de tous les savants des trois royaumes ; nous avons vu les professeurs de chi- mie, de physique, de mécanique, de Glascow, d'Edim- bourg, de Dublin, ete. I y à plus, des professeurs du fond de l'Allemagne , de la Suede, de la France , accou- rent à cette solennité, Il faut le dire, les Anglais ac- cueillent les étrangers, dans ces réunions , avec une cordia- 5% ACADÉMIE DE ROUEN. lité touchante ; aucune peine ne leur coûte pour les mettre au fait de tout ; ils les conduisent partout où ils pensent qu'il existe quelque chose d’intéressant pour eux. J'avais été assez heureux à Londres, pour être parfaitement bien reçu par le professeur de chimie M. Graham , par le sa vant docteur Ure, par M. Wheatstone ; aussi, en arrivant à Birmingham, quoique je n'aie encore rien fait pour la science , et que ces messieurs ne m'aient connu que par des lettres de recommandation puissantes, il est vrai, comme celles de M. Girardin , je me suis trouvé membre du co- mité de la section de chimie, et j'ai eu le droit d'assister à toutes les lectures et de visiter toutes les manufactures. L'Association scientifique à pour objet de réunir une fois par an les savants d'Angleterre, dans une des princi- pales villes du royaume, pour entendre les communi- cations importantes, les découvertes utiles , examiner les appareils nouveaux, assister à des expériences ingénieuses, et visiter les manufactures curieuses. Elle se divise en section de Chimie, de Physique, de Mécanique et d'His- toire naturelle. Dans la journée , on visite en corps les fabriques ; le soir , on fait des lectures et des expériences. Chaque membre de l'association, excepté les membres étrangers, paie une guinée pour la semaine que durent les réunions. Les dames anglaises sont avides de lectures scientifiques. En payant deux guinées, elle ont le droit d'assister à toutes les expériences qui ont lieu le soir. Aussi s'empressent-elles d'accourir de toutes les villes d'Angleterre. Imaginez-vous une grande salle bâtie comme les amphithéâtres de nos cours publics: une grande partie des places sont occupées par des dames en grande toilette. Elles écoutent, avec la plus grande attention, le professeur, qui, très-souvent, se trouve forcé de parler de sujets arides, hérissés de mathématiques. Mais rien ne les rebute, et, dès qu'on fait une expérience un peu curieuse, elles CLASSE DES SCIENCES. D9 ne se lassent pas d'applaudir. C'est pour plaire à cette belle partie de leur auditoire que les professeurs éloisnent presque toujours, avec beaucoup de soin , les explications mathématiques ; mais ils font de nombreuses recherches pour découvrir et inventer des instruments nouyCaux , des expériences intéressantes. Aussi est-on étonné , en visitant leurs cabinets de phy- sique, de rencontrer une foule d'appareils ingénieux au moyen desquels on peut faire de jolies expériences, qui frappent l'imagination et aident à retenir plus facilement les faits si nombreux de la physique moderne. Chaque fait possède, pour sa démontration , un appareil particu- lier , et toutes ces expériences si variées rendent les cours très amusants. C’est là ce qui explique en partie l'affluence des dames dans les amphithéâtres occupés chez nous par la jeunesse studieuse. Voyez le cours du célèbre Faraday : accourez vite, si vous voulez y pénétrer, car vous aurez à vous glisser entre une longue file de voitures remplies de dames habillées comme pour une grande soirée; elles en- vahissent à elles seules une bonne moitié de l'amphithéâtre. Au moment où la pendule sonne, le professeur entre, salue et commence, non pas à expliquer une série de faits entremêlés de quelques expériences, comme chez nous, mais une longue série d'expériences entremèêlées de rares explications. Dès que l'heure sonne de nouveau , ils’'arrête tout court, car tout son auditoire le quitte, même au milieu d'une expérience . et tout en l'applaudissant chau- dement. Il n'est pas rare d'entendre des dames anglaises parler de physique et de chimie. Elles retiennent le brillant de la science , les experiences frappantes ; mais aussi, c'est là tout ce qu'elles en savent. Il n'en est pas de même de la classe peu aisée, et même de la jeunesse possédée du désir d'apprendre. Les sciences 96 ACADÉMIE DE ROUEN. leur sont inconnues, car les cours, en Angleterre, ne sont pas publics. Les professeurs ne sont payésque par leurs élèves, qui leur donnent une rétribution d'une guinée chacun, et cette faible somme suflit pour éloigner la plupart des jeunes gens. Revenons à Birmingham et à l'Association scientifique. Toutes les occupations de la semaine étaient réglées avec une précision toute britannique, dans une petite brochure imprimée que l’on remettait à chaque membre. Et ne croyez pas que la sollicitude des membres du conseil ne se montrât que dans les détails scientifiques. Les repas étaient pour eux l'objet d'un soin tout parti- culier ; ainsi, dans mon bulletin , je lis que l'on déjeù- nera tel jour à telle heure, dans tel hôtel ; que la dépense sera de tant de schellings ; et je vous prie d'observer que cette somme déjà assez forte, de 10 à 12 schellings par exemple, était toujours dépassée à cause des prix exorbi- tants des vins en Angleterre. Après le déjeûner , on fait une excursion en corps dans quelques fabriques du domaine de la section dans laquelle on setrouve placé. A quatreheures, dit la brochure , vous dînez à tel hôtel, pour tel prix ; et, le soir, si vous le voulez, vous entendez une lecture faite dans l'amphithéâtre de la section : ces lectures, mêlées de tant d'expériences , ne se terminent guère que vers 10 à 11 heures du soir. Dans une vaste salle richement décorée, se trouvent tous les appareils nouveaux inventés depuis la dernière réunion, tous les perfectionnements, toutes les découvertes intéressantes, etc. On distribue un catalogue raisonné, et les inventeurs sont eux-mêmes là pour vous donner toutes les explications que vous désirez avoir. Les frais énormes qu'occasionnent tout ce luxe et ces décors, sont supportés par cette souscription d'une guinée par membre, mais CLASSE DES SCIENCES. o7 surtout par les riches lords qui assistent aux lectures, comme amateurs, avec toute leur famille, et qui paient souvent chacun plus de 50 livres sterling. L'électricité, et surtout l'électricité dynamique , a été l'objet de nombreuses investigations de la part des phy- siciens anglais. IIS ont imaginé et imaginent tous les jours une foule de jolis instruments dont la plupart sont inconnus en France, et qui ne sont que des applications curieuses et intéressantes des principes de la science. L'application de lélectro-magnétisme aux télégraphes électriques, est destinée à jouer un grand rôle , et il n’est pas douteux qu'un jour elle ne soit unanimement adoptée. Déjà , à Londres, un télégraphe électrique a été établi par les soins du savant physicien Wheatstone. Une grande partie est achevée et fonctionne sans difficulté. Puisque j'en suis sur ce sujet , je ne puis résister au désir de décrire cet appareil ingénieux , encore peu connu en France. Toutes les personnes qui se sont occupées de science, savent qu'OErsted, de Copenhague , posa les premiers fon- dements de l’électro-magnétisme, en découvrant qu'une aiguille aimantée, placée au-dessus ou au-dessous d’un courant électrique, se tourne toujours en croix avec ce dernier. C’est cette action des courants électriques sur les aimants et la propriété qu'ont les métaux de conduire à une énorme distance l'électricité, qui ont donné l'idée des télégraphes électriques. Imaginez un grand tableau en forme de losange, muni de cinq aiguilles placées verticalement sur un axe. Par- tagez ce tableau en petits losanges, en traçant des lignes parallèles aux côtés du tableau et passant par l'axe des ai- guilles; mettez les lettres de l'alphabet à tous les angles des petits losanges. IT est facile de concevoir, par cette disposition, que, quand deux des aiguilles s'inclinent sui- vant des lignes parallèles aux côtés du tableau, l'angle 58 ACADÉMIE DE ROUEN. formé correspond à une lettre de l'alphabet. Des petits points d'arrêt empêchent les aiguilles de dépasser les lignes parallèles. Un tableau semblable existe aux deux stations entre lesquelles on établit la correspondance. Les aiguilles, en dérivant des angles deux à deux , indiquent ainsi les lettres qui servent à former les mots. . Le moyen de mettre les aiguilles en mouvement est très simple et peut être facilement compris. Une petite pile de quatre couples est la source d'électricité. Les couples sont formés d’un petit vase cylindrique en terre poreuse, placé dans un vase plus large , en cuivre. Dans le vase en terre se trouve plongé un cylindre de zinc, qui communique avec le cuivre du deuxième couple, et ainsi de suite. Le zine est amalgamé ; la liqueur qui se trouve placée dans l'intervalle compris entre le vase en cuivre et le vase en terre est une dissolution de sulfate de cuivre, et celle qui se trouve placée dans le vase en terre est de l’eau acidulée par de l'acide sulfurique. Le courant ne tardant pas à se déve lopper , il se dégage par les deux fils conducteurs qui se trouvent prolongés jusqu'à l’endroit où l'on veut que la correspondance s'arrête. La vitesse avec laquelle le cou rant électrique parcourt les fils est presque infinie; elle est plus considérable que celle de la lumière. Le courant arrive jusqu'au tableau dont nous avons fait la descrip- tion , parcourt les fils de deux forts multiplicateurs placés par derrière, et dont les aiguilles aimantées se tournent en croix sous son influence ; mais, comme elles sont liées avec les aiguilles du tableau, on conçoit que le mouvement doit être instantané. Pour faire passer le courant dans telle ou telle aiguille, à volonté, pour obtenir telle ou telle lettre, M. Wheatstone emploie un appareil assez compliqué, mais très ingénieux et qui nécessiterait des figures exactes. Je me contente de dire, pour ne pas entrer CLASSE DES SCIENCES. 09 dans des descriptions trop minutieuses, que ce sont des lames de cuivre munies de fils correspondant avec les ai- guilles du tableau ; au-dessous des extrémités de ces lames se trouvent deux barres qui ne les touchent pas, et qui sont munies chacune de cinq petites touches , que l'on peut abaisser avec le doigt, de manière à ce qu’elles soient en contact avec deux lames placées en dessus, et communi- quant avec les pôles et la pile. 7 On conçoit que , par ce moyen , en touchant deux touches séparées, on peut mettre le pôle positif en contact avec une des lames, et le pôle négatif avec une autre, et, par là, produire la déviation de l'aiguille correspondante aux fils de ces deux lames de cuivre. Pour que la personne chargée d'écrire la correspondance ne soit pas prise à l'improviste, M. Wheatstone à imaginé un petit appareil curieux ; c'est une sonnerie qui se met en mouyement , et qui avertit le correspondant que l'on à une nouvelle à communiquer. Que l'on se représente un morceau de fer doux, en forme de fer à cheval et entouré d'une hélice en fil de cuivre; son armure , également en fer doux, se trouve à une petite distance des pôles du fer à cheval. Le faible courant, venant de l’autre station, ne serait pas suffisant pour transformer le fer doux en aimant, mais On y parvient au moyen de la disposition suivante : Une pile d'un seul couple à un de ses pôles en contact avec lhélice du fer à cheval, dont l'autre fil vient plonger dans un petit godet plein de mercure; l'autre pôle de la pile plonge dans un autre godet, également plein de mercure et placé à côté du premier, Dans cet état, le courant est interrompu , et aucun phénomène ne se manifeste. Pour mettre le courant en activité, on fixe une aiguille aimantée au milieu d'un fil tendu hori- zontalement , de manière à ce qu'elle puisse tourner 60 ACADÉMIE DE ROUEN. à la moindre impulsion. Cette aiguille est munie d'un petit bras métallique bifurqué, qui, au plus petit mou- vement, peut plonger sous les deux godets et complé- ter ainsi le courant. La petite fourche métallique, en plon- geant dans le mercure, quand le courant arrive de l’autre station, établit une communication entre les deux pôles de la pile. Le courant électrique traverse l'hélice du fer à cheval, qui devient un aimant, et attire brusquement à lui l'armature de fer doux; cette dernière, enfin, en s’a- vançant, presse la détente d’une sonnerie qui vous avertit aussitôt, et qui sonne tant que le courant existe. À Munich, M. Steinheil a fait construire, dès l’année 1833, un télégraphe électrique, différent de celui de Londres. M. Steinheil ne se sert que de deux aiguilles qui ne donnent que deux signes différents ; l’un, lorsque le courant est dirigé dans un sens, et l’autre, résultant de la direction du courant en sens inverse. Mais un télégraphe dont les signes ne sont que visibles ne peut jamais être parfait, parce qu'il exige une attention continuelle de la part des observateurs. Pour rendre son télégraphe exempt de cet inconvénient, M. Steinheil a tâché de produire des sons qui, frappant l'ouïe, puissent faire du langage télégraphique une imitation de la parole. Pour atteindre ce but, M. Steinheil place, à côté de deux aiguilles aimantées, deux petites cloches dont chacune donne un son qui lui est propre et qui se distingue facile ment de celui de la cloche voisine. Chaque déviation d'une aiguille occasionne, de la part de celle-ci, un choc contre la cloche correspondante ; et comme l’on produit à volonté la déviation de l’une ou de l’autre des aiguilles, en diri- geant le courant galvanique dans un sens ou dans l'autre, on obtient instantanément le son que l’on désire. M. Stein- heil ne s'est pas borné, dans la disposition de son télé- graphe, à la production des sons fugitifs ; il a voulu aussi CIASSE DES SCIENCES. 61 fixer ces sons, en traçant sur le papier des signes qui les représentassent. I y est parvenu en faisant avancer , au moyen de la déviation des deux aiguilles aimantées , deux petits tubes pointus, munis d'une encre particulière. A chaque coup de cloche , on peut voir l'une des pointes s'a- vancer contre une bande étroite de papier qui se meut très lentement, avec une action uniforme devant ces pointes, et y déposer un point bien distinct , représentant la note musicale que la cloche à fait entendre. C’est en combinant ces espèces de notes, que M. Steinheil à obtenu un alphabet écrit et parlé, comprenant les lettres néces- saires pour écrire tous les mots de la langue allemande , et, de plus, les chiffres. : Depuis la construction de son premier télégraphe gal- vanique, M. Steinheil à imaginé des moyens nouveaux, propres à simplifier la solution du problème qu'il s’est posé. Il a trouvé, par exemple, que la terre peut servir comme moitié du conducteur; découverte qui serait de la plus haute importance, si, comme il n’en doute pas, ses prévi- sions se réalisaient. M. Wheatstone, avant lui, avait déjà avancé que l'on pouvait établir, à une distance de quelques milles, une correspondance dans Londres, en se servant de la terre comme conducteur. Je citerai enfin, pour terminer ce sujet, le télégraphe de M. Morse, qui est en construction en Amérique. En voici une description très abrégée. A l'extrémité du circuit où les nouvelles doivent être reçues, est un élec- tro-aimant, dont le fil enveloppe forme le prolongement du fil du circuit, L'armature de cet aimant est attachée au bout d'un petit levier, qui, par l'extrémité opposée, porte une plume; sous cette plume est un ruban de papier qui marche à volonté, à laide d'un certain nombre de rouages. À l’autre extrémité du circuit, c'est-à-dire à la 62 ACADÉMIE DE ROUEN. station d'où les nouvelles doivent partir, existe un appa- ‘reil consistant en une pile aux deux pôles de laquelle finit le circuit. Une portion de ce circuit est brisée près de la pile. Les deux extrémités disjointes sont introduites dans deux coupes de mercure contiguës. A l'aide d'un fil en fourche attaché à l'extrémité d'un petit levier, les deux coupes peuvent être, à volonté, mises en connexion entr'elles ou laissées isolées. Ainsi le circuit est fermé ou rompu quand on le veut. Quand le circuit est fermé, l'aimant est chargé: il attire l'armature, et le mouvement de celle-ci fait que la plume touche le papier. Quand le circuit est interrompu , le ma gnétisme du fer à cheval cesse; l’armature revient à sa première position, et la plume s'éloigne du papier. Lors- que le circuit est fermé et ouvert rapidement, il se produit sur le papier mobile de simples points; si, au contraire, il reste fermé pendant un certain temps, Ja plume marque une ligne d'autant plus longue, que la fermeture est plus longue elle-même. Ce papier offre un large intervalle de blanc si le circuit reste ouvert un temps un peu considé- rable. Ces points, ces lignes et ces espaces blancs, con- duisent à une grande variété de combinaison , et, à l’aide de ces éléments, M. le professeur Morse a construit un alphabet et les signes des chiffres. Le choix que l’on a fait de Birmingham , comme lieu de réunion de l'association, est très heureux : il existe peu de villes aussi industrielles et aussi favorisées de la nature : c'est une vaste manufacture, lançant par cent ouvertures des torrents de fumée; tout s'y agite pour arracher aux entrailles de la terre ces richesses immenses que l'industrie a su si bien exploiter. Peu de choses sont plus intéressantes pour un chimiste que les vastes fonderies de Staffortshire. Figurez-vous une CLASSE DES SCIENCES. 63 plaine que borne l'horizon; aussi loin que vous pouvez porter votre vue, vous distinguez une foule de cheminées, noircissant l'air par l'épaisse fumée qui s’en exhale. Jei ce sont des extractions de charbon de terre, là des fonderies ou des fabriques de produits chimiques ; partout la terre est fouillée jusque dans ses entrailles, et partout aussi elle étale ses richesses. Le sol est creusé en tant d’endroits différents et si pro- fondément, que l'on peut le comparer à une immense ville souterraine, avec ses places et ses rues; aussi des affaisse- ments de terrain considérables ont-ils lieu à chaque ins— tant. J'ai passe par des villages et des hameaux , autour de Birmingham, dont des rues entières menacaient ruine ; les maisons sont crevassées; les murs se fendent en long, et font craindre à tout moment leur chute. Mais c'est la nuit que le spectacle de ces usines est vrai- ment pittoresque et curieux. Les hauts fourneaux lancent dans les airs une flamme large et brillante; les fourneaux à coke semblent autant de vastes antres, dont le foyer jette au ciel une lumière rouge; les carrières de charbon munies de leur chaudiere en plein air, répandent aussi de lugubres clartés sur les corps environnants, et des masses de char- bon allumées en plein champ achèvent ce vaste embrâse- ment. Rien ne saurait peindre leffet que produit ce spectacle sur le voyageur qui traverse ces contrées. Nous avons pu, grâce à la complaisance de M. AIf. How- nam, ancien élève de l'École de chimie de Rouen, nous introduire dans les usines de Horseley, situées à 10 milles environ de Birmingham. Cette célèbre fonderie est une des plus considérables de toute l'Angleterre. Le minerai de fer y sort à l'état de machines ou bien de fer battu ou d'acier. Mais, aussi, il serait impossible de se trouver dans une situation plus favorable et d'être mieux secondé par la nature. Les {rois choses quisont indispensables dans (HA ACADÉMIE DE ROUEN. une fonderie, le minerai, le charbon et le fondant , en tourent la manufacture et se trouvent à peu de distance dans la terre. Cinq à six exploitations d'une houille excel- lente fournissent tout le combustible nécessaire. Le miné- rai très riche est argileux; son aspect est d'un gris bru- nâtre, à cassure nette ; il accompagne très souvent la houille. Quant au fondant, c’est le calcaire de Dudley, présentant un aspect cristallisé analogue au marbre. Deux hauts fourneaux en forme de deux cônes tronqués, appli- qués base à base, sont jour et nuit en activité. Ils sont alimentés par un ventilateur à force centrifuge. Les hommes et les wagons chargés du minerai mêlé de com- bustible et de fondant, sont montés à la partie supérieure des hauts fourneaux , au moyen d'un chemin de fer placé sur un plan incliné. Une corde enroulée autour d'une poulie est attachée à des wagons vides qui descendent sur un autre chemin de fer, pendant que les premiers montent. Près des mines on voit les wagons rouler sur la terre, sans que l’on puisse apercevoir aucune force motrice qui les dirige. Ceux qui arrivent chargés de charbon s’éloignent de la mine, entraînés par ceux qui reviennent vides. Pour se donner une idée des nombreuses machines existant à Birmingham, on a calculé que la force des che- vaux de vapeur s'élevait à 3460. Le nombre des locomo- tives est de 240, et la consommation du charbon, chaque jour, est de 240 tonneaux, de 1,120 kilog. chacun. Dans les fonderies de Horseley, plus d’un millier d'ou- vriers sont continuellement occupés à fondre et à cons- truire. La machine du superbe bateau à vapeur le Phénix, qui fait le trajet du Havre à Londres, a été construite dans les ateliers de Horseley. J'en dirai autant de la Normandie et de la Seine, qui vont tous les jours de Rouen au Havre. Il faut ajouter, cependant, que les coques de ces navires sont françaises. Je crois avoir entendu dire, mais je ne CLASSE DES SCIENCES. 65 pourrais cependant pas l'aflirmer, que le British-Queen sort de la même fonderie. Ce magnifique paquebot à vapeur, qui fait le service de l'Amérique et de l'Angleterre, est de la force de 500 chevaux. Ce bâtiment, construit avec un luxe vraiment royal, jauge 2016 tonneaux, c'est-à-dire plus que les forts vaisseaux de ligne. C'est surtout par comparaison que lon peut juger de sa vaste capacité : en passant près de lui, le Phénix, sur lequel nous nous trou- vions ,avait l'air d'une simple barque, et il aurait fallu une longue corde pour nous hisser à bord. A Stoke-Prior, situé près de Bromsgrove, village à 15 milles de Birmingham, nous avons pu examiner la magni- fique et vaste fabrique de produits chimiques de MM. Cos- sage et compagnie. J'entrerai volontiers ici dans quelques détails qui ne sont que peu connus en France, et qui, cependant, se rattachent à des questions d'une haute im- portance industrielle. A Stoke-Prior , on fait des cristaux de soude, de la poudre de blanchiment, du sel marin et des savons. Une source d’eau, tenant en dissolution beau coup de sel marin, se trouve dans l'établissement. Ces eaux sont concentrées et mises à cristalliser dans de très grands réservoirs : il se dépose des cubes de sel très blancs et très purs. On fabrique chaque semaine 500 tonneaux de 1120 kilog. de sel marin; 250 sont employés à la fa- brication de la soude, et 250 tonneaux sont moulés en pain et vendus pour être livrés à la consommation; car, en Angleterre, ce sel ne paie aucun droit. Les eaux ren- fermant le sel marin destiné pour la soude, sont mises en ébullition pour que la cristallisation soit troublée ; par ce moyen, on obtient une poudre fine et blanche sur la- quelle l'acide sulfurique agit bien mieux et d'une manière bien plus complète que sur le sel cristallisé. En France, en agissant sur le sel gris, il reste toujours une petite Fr ) 66 ACADÉMIE DE ROUEN. portion sur laquelle l'acide n'a pas réagi, et qui se trouve par conséquent perdue. Les calcinations du sulfate de soude et sa transformation en soude brute, se font par des procédés peu différents de ceux que l’on emploie en France. On fabrique généralement 16,128 kilog. de sel de soude par jour; chez MM. Muspratt, à Newton, près Liverpool la production s'élève jusqu’à 28,000 kilog. par jour. Mais, depuis que le prix du soufre est presque doublé, par suite du monopole exercé par une compagnie française sur les soufres de la Sicile, des tentatives nombreuses ont eu lieu, dans différentes parties de l'Angleterre, pour retirer le soufre d'autres produits naturels. Un premier procédé a été déjà mis en exécution dans plusieurs fabriques de produits chimiques, et surtout dans la ville industrielle de Saint-Hélens, près de Manchester. Il consiste dans l'ex- traction du soufre des charrées de soude, qui sont, comme on le sait, le résidu de la lixiviation de la soude brute. Ces charrées renferment, à l'état d'oxi-sulfure de calcium, plus de 60 pour cent du soufre employé à la préparation de l'acide sulfurique destiné à convertir le sel marin à l'état de sulfate de soude. Ce résidu si volumineux, formé d’oxi-sulfure de calcium, de carbonate de chaux, d'un peu de chaux caustique, et d'un excès de charbon, est entassé devant les fabriques des produits chimiques, et n’est d'aucun usage. A l'air humide, une grande par- tie du sulfure se décompose par acide carbonique atmos- phérique, de sorte que ces tas laissent continuellement dégager du gaz acide sulfhydrique, dont l'odeur est très forte, et qui n’est pas sans influence pour la végétation. C'est ce soufre perdu qui a attiré l'attention de quel- ques chimistes-manufacturiers anglais. Le problème de son extraction méritait certainement tous leurs soins, car le soufre venant à augmenter de jour en jour, ét ayant dé- CLASSE DES SCIENCES. 67 ja doublé de prix, on avait hâte de secouer cet impôt oné- reux imposé par une compagnie étrangère, et de chercher, dans quelques autres produits, ce corps simple, si im- portant dans les arts. Décrivons leur procédé d'extraction. Les charrées sont, comme nous l'avons déjà dit, formées en grande partie de sulfure de calcium. Ce sulfure, comnte du reste tous les autres sulfures, se décompose entièrement par les acides , en donnant naissance à de l'eau et de Facide sul- fhydrique (hydrogène sulfuré). L'acide employé en Angle- terre est Facide chlorhydrique (acide muriatique), qui est perdu dans toutes les fabriques de soude anglaises. Les quantités de carbonate de soude que l'on fabrique sont si considérables, qu'il serait impossible de recueillir l'acide chlorhydfique" provenant de l'action de l'acide sulfurique sur le sel marin. Dans le midi de la France, à Marseille, où l'on fabrique des masses énormes de savon, on conduit les tuyaux qui amènent lacide chlorhydrique dans des montagnes de carbonate Ge chaux, qui absorbent tout l'a- cide, à mesure qu'il se dégage. En Angieterre , on le laisse se dégager dans l'air, et, pour qu'il ne nuise pas trop à la végétation, on élève les cheminées à une hauteur qui excite Fétonnement. Une seule cheminée existe dans ces fabriques, et tous les gaz, tous les produits volatils, se rendent dans l'air par cette unique ouverture. Cette cheminée énorme se trouve sou- vent placée à queique distance de la fabrique ; elle attire à elle tous les gaz et détermine un excellent Ürage dans les fourneaux. Dans nes fabriques, on voit rarement des che- minées de plus de 50 à 60 mètres. En Angleterre , la che- minée de la fabrique de produits chimiques de MM. Cos- sage et compagnie à 315 pieds de hauteur (pieds anglais) - elle a #2 pieds de diamètre à sa base, et 12 à son sommet, Ces cheminées se bâtissent toutes intérieurement, et sont 68 ACADÉMIE DE ROUEN. construites avecune régularité parfaite. Celle de la fabrique de produits chimiques de MM. Muspratt , à Newton , près de Liverpool, la plus haute de toute l'Angleterre, a #08 pieds de hauteur. M. Cossage, à Stoke-Prior, près de Birmingham, et M. Bell, fabricant de produits chimiques , à Newcastle, ont presque simultanément découvert un procédé d'extraction du soufre des charrées de soude , au moyen de Facide mu- riatique. Ils recueillent l'acide à mesure qu'ilse dégage des fours, en le faisant passer à travers une espèce de cône tronqué en maçonnerie, rempli de cailloux ou de morceaux de coke. L'acide muriatique, refroidi préalablement en passant par une série de tuyaux, se tamise à travers la masse de petits cailloux, et se trouve en grande partie céndensé. Un petit appareil à bascule, placé au sommet du cône tron- qué, verse continuellement de petites quantités d’eau qui condensent encore mieux l'acide. Il est vrai qu'il se trouve ainsi affaibli, mais ii conserve encore assez de force pour la décomposition des charrées. Cet appareil a, comme on le voit, la plus grande analogie avec la cascade chimique de M. Clément. Les charrées sont placées dans uge série de tonneaux à plusieurs fonds percés de trous. L'acide muriatique est amené en petits filets sur le sulfure ; il y a décomposition, formation d'hydrogène sulfuré, d'acide carbonique, pro— venant de l’action de l’acide sur le carbonate de chaux, et de chlorure de calcium ; mais cet acide carbonique, formé à mesure qu'il passe sur de nouvelles charrées , décompose aussi, malgré son peu d'énergie, le sulfure; de là, for- mation d'une nouvelle quantité d'hydrogène sulfuré. Ce gaz se rend dans un grand gazomètre construit comme ceux qui sont destinés au gaz de l'éclairage; et, quand l'eau se trouve une fois saturée d'hydrogène sulfuré, elle CLASSE DES SCIENCES. 69 n'en dissout plus, de sorte que les pertes sont peu sen— sibles. Un tuyau amène le gaz sous la chambre en plomb ; on y met le feu, et on le voit brûler tranquillement avec une large flamme bleuätre, et d’une manière régulière, quand le gazomètre est bien disposé. On sait qu'un atome d'hydrogène sulfuré , en brûlant au contact de l'air , se transforme en un atome d'acide sul- fureux et un atome d’eau. Ces deux corps sont précisé ment ceux qui, avec l'acide hyponitrique, servent à la préparation de lacide sulfurique du commerce. Plusieurs fabriques à S'Hélens, et quelques-unes dans d'autres localités, marchent par ce procédé, et recouvrent ainsi une moitié du soufre qui leur est nécessaire par la fabri- cation de la soude. Pour pouvoir se passer entièrement du soufre de la Sicile et se procurer l'autre moitié du soufre nécessaire à la préparation de l'alcali, on à imaginé divers procédés, En voici un des plus ingénieux , el qui est peu connu en France. Ce procédé, pour lequel M. Cossage a pris un brevet, et dont ilse déclare l'inventeur, n'est pas de lui, mais appartient en entier à M. Pelouze , chimiste français des plus distingués et professeur de chimie à l'école poly- technique. Le plâtre est, comme on le sait , du sulfate de chaux , que Fon rencontre abondamment dans certaines localités, notamment dans les environs de Paris. Ce plâtre, calciné en vase clos et au rouge cerise , dans des cornues ou ey- lindres en fonte, se décompose entièrement en sulfure de caleium et en acide carbonique , contrairement à Fopiniou de quelques chimistes, qui prétendent que ces deux corps calcinés donnaient naissance à de grandes quantités d'oxide de carbone. Nous nous sommes, en Angleterre , assuré de ce fait, que quelle que soit la quantité de charbon mêlée avec Le 70 ACADÈMIE DE ROUEN. platre , il se forine toujours de l'acide carbonique. En em pleyant un atome de plâtre et eux atomes de charbon, on obtient deux atomes d'acide carbonique. Un de ces deux atomes de gaz est suffisant pour la décomposition des char- rees, et l'autre peut servir pour la décomposition du sul- fare de calcium , provenant de la calcination du sulfate de chaux. Ce suifure de calcium, de même que les charrées, est mis dans des tonneaux munis de plusieurs fonds percés de petits trous, et traversé par le courant d'acide carbo- nique. I se forme de l'hydrogène sulfuré , que l’on trans- forme par la combustion en eau et en acide sulfureux, et il reste au carbonate de chaux qui peut servir pour la fa- brication de la soude brute. Ge procédé, si ingénieux , a été répété assez en grand dans les fabriques de produits chimiques de M. Malétra, devant M. Girardin et moi. La décomposition s'est bien opérée, et l'on a obtenu un beau jet de gaz hyGrogène sulfuré, que l'on a pu en- flammer. Un autre procédé, pour l'extraction du soufre, a été essayé en Angleterre; mais il présente encore certaines difficultés non résoiues. Ce procédé consiste à traiter direc- tement le sulfate de soude, en vase clos, par le charbon. ii se dégage encore ici deux atomes d'acide carbonique , et il reste du sulfure de sodium comme résidu, Ce résidu est traversé par un courant d'acide carbonique , et transformé en carbonate de soude, sans intermédiaire. Ce qui a em- péché jusqu'à présent d'utiliser ce procédé, c'est la diffi- culté que l'on à éprouvée de calciner le sulfate de soude * avec le charbon, Le sel se fond, et, en se décomposant par la chaleur et le ebarbon, présente une masse dure et com pacte, qui n'a pius assez de porosité pour se laisser décom- poser et traverser par Facide carbonique. Mais cette dif eulté pourra un jour être vaincue, et alors le procédé présenterait uu avantage incontestable, CLASSE DES SCIENCES. 71 Enfin, j'indiquerai ici un dernier procédé, que l'on va commencer à exploiter pour l'extraction du soufre. Les pyrites de fer quel'on rencontre dans les m'nes de charbon, souvent en très grande abondance, sont calcinées sur la soie d'un fourneau, entouré par le foyer. Hse forme beau- coup d'hydrogène sulfuré, à cause de la présence de l'hy- drogene carboné de la houille, mélangé avec les pyrites. Cet hydrogène sulfuré est brûlé directement dans les chambres en plomb, et transformé en eau et acide sul- fureux. Les pyrites, qui ne sont autre chose que des poly- suilures de fer, se transforment en sulfures simples, que lon traite par lPacide chlorhydrique, pour en retirer de l'hydrogène suifuré, que l'on brûle aussi. Le plâtre à peu de valeur en France; mais, malheureu- sement, là quantité de charbon nécessaire pour chauffer au rouxe plusieurs cornues en fonte, est assez considé- rable pour faire monter le prix du soufre à 20 francs à peu près les 100 kilo., et, quoiqu'il vaille actuellement plus de 30 francs ; on à trouvé, et avec-raison, qu'il ne serait pas prudent de monter des appareils coûteux, que Fon serait obligé d'abandonner si le prix du soufre retombait à 16 ou 17 francs, son {aux ordinaire. En Angleterre, le charbon n'est qu'une minime dépense , el, sous ce rapport, le procédé présenterait les plus grands avantages; mais un autre inconvénient S'y pré sente, Le sol de la Grande-Bretagne n'offre que très peu de gisements de plâtre , et le droit d'entrée de ce ser venant de France, est énorme, car ilest plus du double de sa valeur. Dans ce moment, des pétitions vont être adressées au ministre du commerce pour diminuer ce droit. La France en retirerait un grard avantage, car les vaisseaux allant en Angleterre se chargeraient de plâtre comme lest, et, assu- rement, nous aurions le charbon en retour à meilleur marche, Espérons que le gouvernement saura comprendre 72 ACADÉMIE DE ROUEN. tout ce que cette mesure aurait d'avantageux pour fe commerce de la France. Comme on le voit, la Chimie ne fait pas défaut à ceux qui ont recours à elle. C’est en faisant un appel aux chimistes, que Napoléon nous affranchit du tribut oné- reux que nous payions à l'étranger pour la soude natu- relle. Ce sont eux encore qui viennent de nous apprendre les moyens de retirer le soufre d’autres produits naturels, et même de nous en passer tout-à-fait pour la fabrication de la soude artificielle. Ainsi, à Marseille , une société avait, dit-on, été consti- tuée pour exploiter un nouveau procédé chimique au moyen duquel on obtient la soude par une seule opération. Ce moyen consiste à mêler à une dissolution aussi con- centrée que possible de sel marin (chlorure de sodium), une dissolution également concentrée de sesqui-carbonate d'ammoniaque, provenant de la distillation des matières animales. On obtient ainsi un dépôt abondant de soude carbonatée et une liqueur fortement chargée de sel am— moniac. Le dépôt de soude est recueilli sur des toiles , soumis à la presse pour en extraire la plus grande quantité possible d'humidité , puis chauffé fortement en vases clos, pour isoler le sel ammoniacal simplement mélangé. Le résidu est le sel de soude qu'on transforme en carbonate pur, ou cristaux de soude du commerce , par une dissolu- tion et une cristallisation. Quant à la liqueur contenant le sel ammoniacal, on l'évapore à iccité, puis on con- vertit le résidu en sesqui-carbonate d'ammoniaque par le procédé ordinaire, c'est-à-dire en le combinant avec du carbonate de chaux, dans un appareil distillatoire , à une température suffisamment élevée. De cette manière , avec une quantité donnée de sesqui-carbonate d'ammo- niaque, on peut convertir en carbonate de soude des quantités considérables de sel marin , en remplaçant seule- CLASSE DES SCIENCES. 13 ment les pertes inévitables dans une manipulation en grand. Cet ingénieux procédé, pour être économique , doit être modifié, au moins quant à ce qui regarde la conversion du sel ammoniac en sesqui-carbonate. La théorie indique, et l'équation suivante démontre facilement que, dans cette opération , un tiers de l'ammoniaque est perdu. 3 (Ch° H° + Az’ H°) + 3 (Ca O + C0’) = 2 (AZ HS + COS + IP 0) + (Az H9 + H° 0 +3 (Ca Ch’.) Pour obvier à ce grave inconvénient, il faudrait faire parvenir, dans l'appareil distillatoire, un courant d'acide carbonique pendant la sublimation du sel; par cette opé- ration, tout l'ammoniaque serait transformé en sesqui-car- bonate, et la perte serait presque insensible. Enfin, pour terminer ce qui a rapport à la fabrication de la soude, j'ajouterai que l'on parle beaucoup , à Paris, d'un procédé imaginé par M. Balard. L'on sait que les eaux-mêres des marais salants renferment principalement du sulfate de magnésie et du chlorure-sodium. Pendant la ouit où la température est plus basse, il s'opère , entre ces deux sels, une double décomposition, et il se forme du sul- late de soude qui cristallise sur les parois des bassins, et du chlorure de magnésium qui reste en dissolution. II serait facile d'enlever le sulfate de soude ainsi formé sur les pa- rois des bassins, et l'on éviterait , par ce moyen, la trans- formation si coûteuse du sel marin en sulfate de soude par le moyen de l'acide sulfurique. Mais abandonnons la fabrication de la soude, qui m'a déjà entrainé trop loin. J'ai beau fouiller dans ma mé- moire et me retracer, heure par heure, toutes mes im- pressions, tout ce qui m'a frappé à.Birmingham ; je ne vois que l'industrie représentée par de hautes cheminées surgissant au milieu d'innombrables manufactures. Un autre que moi saurait animer celte vie agitée. mais monotone , par des expressions heureuses, et entreméèler 7% ACADÉMIE DE ROUEN. l'explication des faits un peu arides, de détails piquants; mais, je l'avoue, quand je décris quelque procédé scien-— lifique, mon sujet m'absorbe entièrement, et je ne songe pas à égayer le tableau. Au congrès scientifique, plusieurs chimistes me par— lèrent avec beaucoup d'éloge d'un nouveau mode de pré- paration de la céruse. Une fabrique de ce carbonate venait de se monter sur une grande échelle, et on nous offrit de nous la faire voir. Voici, en peu de mots, en quoi con- siste ce nouveau procédé : Le plomb d'Angleterre est fondu dans une chaudière échancrée , et de ià se rend sur la sole d’un grand fourneau à réverbère dans lequel un ventilateur jette constamment de l'air. Le plomb se divise, présente une large surface à l'air, et coule dans un sillon dont les parois latéraux sont percés de petits trous. I s’oxide; la litharge s'écoule par les petites ouvertures que lon peut déboucher en même temps, et l'argent reste, en vertu de sa densité, au fond des sillons. Cette manière de préparer la litharge est on ne peut plus commode ni plus expéditive. Cette litharge , très divisée, est humectée avec un cen- tième d’acétate de plomb dissous dans l'eau, et placée dans des augets horizontaux , fermés par en haut, et qui communiquent entre eux. Un courant d'acide carbonique impur, provenant de la combustion du coke, placé dans un fourneau à réverbère , alimenté par deux bons ventila- teurs, à forme centrifuge, passe constamment à travers les couches d'oxide. Ces ventilateurs exercent une pres- sion suffisante pour faire passer le gaz à travers la masse de litharge. Les gaz sont refroidis dans des tuyaux qui passent sous l'eau. Pour mettre toutes les particules en contact avee le gaz acide, des espèces de radeaux , mus par une machine à vapeur, agitent continuellement loxide, et favorisent sa combinaison et sa transformation à Fétat de sel. CLASSE DES SCIENCES. 15 On obtient ainsi de la céruse d'une grande blancheur , qui convient très bien pour la peinture. Elle couvre bien, et on la préfère, en Angleterre , à la céruse de Clichy, préparée par voie humide, et dans laquelle on distingue des particules cristallines, Une chose qui m'a frappé dans cet établissement , c'est que la grande cheminée ne laisse dégager que peu de fumée; c'est une remarque que j'avais déjà faite dans d'autres localités. Ce n’est pas par économie ; car, en géné- ral, en Angleterre, on ne cherche à brüler la fumée que quand elle devient nuisible. Ici, la fumée pouvait ternir la blancheur de la céruse, et en diminuer par conséquent la valeur. J'examinai la manière dont on chauffait les chaudières, et je fus convaincu que tout dépendait des soins du chauffeur. On se sert d'appareils connus sous le nom de /écders, qui consistent en un grillage qui ne laisse tomber que très peu de charbon en petits fragments, et bien également, sur le brasier. La fumée , en petite quan- lité, se trouve brûlée à mesure qu'elle se dé veloppe: Une autre manière de chauffer, qui réussit aussi “très bien, consiste , quand le feu se trouve bien allumé , à ne mettre le charbon noir que sur le devant de la grille : il s'allume , brûle; mais tous les produits de la combustion étant obligés de passer par le foyer ardent pour se rendre dans la cheminée, sont ainsi en très grande partie consumeés. Quand la houille est rouge de feu, on la lance au milieu de la grille et on met une nouvelle quantité de charbon noir à l'entrée. Comme on le voit, il dépend du chauffeur d'économiser beaucoup de charbon , et d'empêcher qu'une fumée noire et riche en matière combustible ne se dégage par la cheminée. Depuis quelques mois seulement, dans plusieurs fabriques, à Rouen et à Bolbec, lon brûle la fumée au moyen d'un venlilateur à force centrifuge qui injecte, en dessous du foyer, de grandes quantités d'air 76 ACADÉMIE DE ROUEN. Le grillage est très serré , et l’on peut brûler , ayec ayan- tage, de mauvais charbon, Un sieur Barthélemy, qui s’est fait bréveter , assure quelquefois un tiers et jusqu'à moitié d'économie, selon la disposition des fourneaux. Du reste, ce moyen de brüler la fumée n'est pas nouveau , car déjà, vers 1832, on a pu le voir employé sur le bateau à vapeur la Seine, qui est venu à Rouen. C’est M. Colladon qui avait été chargé de la construction des machines. Je passerai sous silence toutes les autres manufactures que nous visitâmes pendant notre séjour à Birmingham ; je dirai seulement qu'une industrie d’origine française y a pris un grand degré d'extension; je veux parler de la fabrication d'objets en papier mâché. Ce n’est pas, comme on le croit généralement , une pâte de papier qui sert à la confection de ces objets; ce sont tout simplement des feuilles de papier réunies par une colle d'une composition particulière et qui est tenue secrète. Le papier, ainsi collé et réuni en épaisseur suffisante , acquiert , par la dessicca- tion, la dureté du bois ; aussi résonne-t-il comme ce der- nier , et le façonne-t-on avec des ciseaux et des rabots. L'objet ayant acquis la forme voulue , est trempé dans de l'huile de lin siccative, séché et recouvert plusieurs fois d'un vernis brillant. Un atelier rempli de dessinateurs et souvent d'artistes de mérite, est occupé à orner ces objets de luxe, de dessins, de vives couleurs, et, pour terminer, on passe sur le tout un vernis transparent. Nous avons pu admirer des objets d'une grande beauté , tels que plateaux pour table, boîtes à ouvrage, vases élégants , et même chaises et tables à ouvrages. La soli- dité de tous ces objets est très grande. Malheureusement le prix en est tellement élevé, qu'ils ne sont abordables que pour fes grandes maisons où l'on déploie beaucoup de luxe, et le nombre n'en est pas petit en Angleterre. CLASSE DES SCIENCES. 77 . siédhoh aire; A;s her m)lor dpi en aide m'tger fo): ps dit Su Manchester est une des villes les plus industrielles de l'Angleterre ; elle est surtout remarquable par ses nom- breuses manufactures d’indiennes et ses immenses fila- tures. Nous visitämes la vaste fabrique d'indiennes de M. Schwab; on y confectionne tous les jours plus de 1500 pièces, Huit machines à rouleaux, plusieurs machines à surface, y marchent continuellement. Douze presses à dé- charge rongent, au moyen du chlore , des dessins blancs sur le rouge d'Andrinople. Les machines à surface sont. très goûtées en Auzleterre. Pour en avoir une idée , repré- sentez-vous un rouleau en bois gravé en relief, destiné à faire les parties mates des dessins. D'autres rouleaux en cuivre, placés derrière le premier, impriment en même temps les parties fines et délicates. Un tablier en drap s’im- bibe de couleur, et est pressé latéralement sur le rou- leau en bois , après avoir été raclé par un couteau en bois disposé sur la machine. Ce drap s'applique sur le rouleau par une légère pression, et dépose ainsi la matière colo rante ou les mordants destinés à être fixés sur la toile. Les mouchoirs et les cravates y sont faits par un procédé par- ticulier, Une planche plate en cuivre, de la grandeur du mouchoir , représente le dessin en creux ; elle s’imprègne de couleur, et est raclée par un couteau qui ne laisse Ja matière colorante, ou le mordant, que dans les parties creuses. La toile, pressée par un rouleau en fonte, roule sur cette planche et se charge du dessin; la couleur se trouve ainsi alternativement, par des moyens mécaniques é fixée sur le cuivre, puis sur le dessin. On imprime plusieurs couleurs à la fois, au moyen des planches plates. Le châssis de l'imprimeur est partagé en différents compartiments, non par des lignes parallèles , mais par des lignes contournées selon le dessin, Un certain nombre de petites bouteilles renversées sont placées à l'ex- trémité du châssis, et, lorsqu'onexerce ayecla planche une 78 ACADÉMIE DE ROUEN. légère pression sur ce dernier ,une petite quantité de couleur s'échappe des bouteilles, et vient, par des conduits parti culiers , imbiber les différentes cases. Pour pouvoir mettre plus d’imprimeurs dans un même atelier, les tables des tireurs, avec leur baquet , ont été supprimées. À une pe- tite distance au-dessus de la table de l'imprimeur, se trouve suspendu le chässis. Il pose sur deux petites roues qui peuvent rouler sur un petit chemin de fer qui longe la fable. Le tireur, placé lui-même à cette élévation, fait avancer ou reculer le chariot, par le plus léger mouvement. L'impri meur n'est pas obligé de se retourner pour imbiber sa planche de couleur ; il la prend latéralement, sans même lever les yeux, et le tireur s'éloigne de lui, avec son chàs- sis, à chaque coup de planche. Il serait à désirer que l'on adoptât ce mécanisme si simple dans nos ateliers d'in diennes. A mesure que l’on approche de Liverpool, les routes, les champs, les usines, les canaux, la foule innombrable des voitures, annonce une ville de premier ordre. Cette ville est toute moderne : les antiquaires du pays ont eu beau fouiller dans les vieilles annales, ils n'ont pu lui trou- ver une illustre origine. Elle était à peine connue dans le xve siècle. C'était, à cette époque, un petit port de mer peuplé de quelques milliers d'habitants, qui faisaient avec l'Irlande un commerce fort peu lucratif. En 1710, l'ac- croissement déjà sensible de son commerce inspira le pro- jet de creuser un bassin, et la ville y fut autorisée : c'esi celui qu'on appelle aujourd'hui «Old-Dock » Vieux-Bassin. Dès-lors la circulation devint plus active ; les relations avec l'Irlande furent plus fréquentes, et la décadence du port de Chester tourna encore au profit de Liverpool. Ces grandsdéveloppements n'auraient pas sufli, toutefois, pour élever Liverpool au rang qu'elle occupe aujourd'hui ; CLASSE DES SCIENCES. 19 mais elle trouva de puissantes ressources dans la contre- bande long-temps et ostensiblement exercée avec les Colo- nies espagnoles, la Véra-Cruz, Porto-Bello, Mexico, Lima ét le Pérou. Les débouchés étaient si assurés et si produc- tifs de ce côté , et les demandes pour Manchester si multi- pliées, que souvent, après le départ des vaisseaux, on ne trouvait plus une pièce d'étoffe dans les magasins de la ville. Le vigilance du gouvernement espagnol parvint à faire cesser cette contrebande dévorante, qui avait duré plus de vingt ans. Alors, et mème quelque temps aupara- vant, les armateurs de Liverpool se livrérent à la traite des noirs, et ils réussirent si avantageusement dans ces spéculations aujourd'hui proscrites avec une chaleur tar- dive, que leurs bénéfices dépassérent les plus belles espé- rances : comme ils avaient offert les toiles de Manchester au rabais, ils vendirent les nègres à des prix beaucoup plus bas que les nations rivales, et même que leurs propres compatriotes. La ville et la population ont grandi, avec le commerce, d’une manière prodigieuse. Le nombre des habitants, qui dépassait à peine dix mille ames, en 1720, s’est élevé, en 1830, à plus de 120 mille, On compte aujourd'hui plus de 15 bassins , tous revêtus en pierre de taille, chacun d'eux pouvant contenir une petite flotte. En parcourant Liverpool , on n’est pas frappé, comme dans beaucoup de grandes villes d'Angleterre, par l'éclat et le luxe des boutiques. Les négociants ne perdent pas leur temps en étalages ; c'est au port et dans les bassins qu'il faut aller chercher les richesses. D'immenses ware- houses ( magasins) les environnent, précédés d'un quai assez large pour permettre la libre circulation des mate- lots, des voitures et des marchandises. Il y en à qui con- tiennent jusqu'à dix étages assez rapprochés les uns des autres, et deux ou trois étages encore au-dessous du sol. S0 ACADÉMIE DE ROUEN. Des milliers de machines sont occupées sans cesse à monter ou à descendre les ballots de laine , de coton, de chanvre , le fer, les grains, les bois de teinture, etc. C'est là qu'il faut passer des journées entières pour se faire une idée exacte du mouvement de tant d'hommes, excités par des intérêts souvent contraires , et courant tous à la fortune. Au premier abord, les yeux sont fali- gués de cette cohue ; mais, peu à peu , la scène s’éclaircit, les détails se classent , et l'esprit finit par apercevoir net- tement tous les ressorts qui font mouvoir ce grand en-— semble. Liverpool n'est pas précisément une ville de manufac-— tures, quoiqu'il y en ait beaucoup dans ses murs et aux environs , et que la grande étendue de son commerce ex— térieur en fasse supposer un plus grand nombre encore. Mais il ne faut pas perdre de vue que les travaux des ports et des magasins occupent la presque totalité des ouvriers. Manchester est, depuis long-temps, en possession de four- nir la majeure partie de ses exportations, et il paraît d'autant plus difficile de lui enlever ce privilége, qu'il est appuyé par des considérations locales de la plus haute importance , fondées sur la qualité supérieure de ses pro- duitset le predigieux développement de ses manufactures. A Liverpool, les chantiers de la marine, ordinairement employés à la construction des bâtiments marchands , ont offert à l'État, pendant la guerre, des vaisseaux de 50 ca- nons et plusieurs frégates. Cette ville envoie des bâtiments dans toutes les mers voisines, en Irlande, en Écosse, dans la Manche, dans la Baltique , et même dans la Médi- terranée. Nous avons vu, surtout, beaucoup de bâtiments en fer en construction. Ils sont destinés à des navigations de longcours ; on en sent tous les jours mieux les avantages. CLASSE DES SCIENCES. sf uen n’est plus simple que la construction de ces vais- seaux. De grands cercles en fer, attachés ensemble par des traverses courbes, forment la carcasse du navire. Les intervalles qui existent entr'eux sont remplis par des plaques rectangulaires de fer battu. Ces plaques sont liées ensemble par des bandes de fer placées aux lignes de jonction et percées de trous, par lesquels on introduit des boulons rouges de feu. Ces derniers sont rivés à coups répétés de marteau, de manière à faire corps et à ne pas dépasser les parois du navire. Des centaines d'ouvriers, occupés ainsi à frapper, en tous sens, ces masses de fer, font un bruit étourdissant qui retentit au loin dans la ville et la campagne. Parmi les fabriques de produits chimiques, les plus importantes sont celles où l'on prépare en grand le borax et les chromates de potasse. Ces derniers sels, surtout, y sont fabriqués avec tant de perfection et d'économie, au moyen de la mine de chrôme du pays, qu'il nous est diffi- cile de lutter, pour ce produit, avec les Anglais. En Angleterre, où les entreprises par actions ne sont pas , comme chez nous souvent, le sujet de honteuses spéculations, on voit surgir quelquefois, eten fort peu de temps, de grands établissements. Une réunion de capi- talistes et de chimistes a formé, à Liverpool, une vaste pharmacie centrale (Apothecaries-haH). Là on prépare en grand tous les produits pharmaceutiques, et avec tout le degré de pureté désirable. Les pharmaciens peuvent employer ces produits en toute confiance, car, à mesure qu'ils sont préparés, des chimistes attachés à l'éta- blissement les analysent avec soin pour en déterminer la valeur. Le bâtiment est vaste et construit avec luxe, et les appareils les plus commodes s'y trouvent réunis. Une machine à vapeur de 20 chevaux y sert de force motrice pour tourner les meules et les cylindres destinés à la pul- 6 82 ACADÉMIE DE ROUEN. vérisation des diverses drogues. L'excès de vapeur, au lieu de se dégager dans l'air, est recueilli avec soin, et forme une eau distillée employée pour la plupart des dissolutions. Les bains-marie sont surtout bien entendus ; leurs ap- pareils peuvent donner une température plus élevée que 100 avec la vapeur d'eau, température souvent néces- saire pour concentrer des sucs végétaux qui brûlent à feu nu, etquine s'évaporent bien qu'à une chaleur supérieure à celle de l'eau bouillante. Pour cela, les petites chau- dières à vapeur sont fermées par une soupape munie d'un levier. En chargeant ce levier d’un poids plus fort, ou en mettant ce dernier à l'extrémité d’un bras plus long, la vapeur d'eau ne peut prendre naissance qu'à une tem-— pérature plus élevée que 100. Nous ne voulümes pas quitter l'Irlande sans l'avoir par- courue plus en détail, et, surtout, sans avoir visité une des belles filatures de lin de Belfast. Nous primes donc des places pour cette dernière ville, située au nord, sur les bords de la mer. shus: fa » . Nous n'avions pas de lettres d'introduction pour des fila- teurs de lin; j'essayai d’user de ma qualité d’étranger , et je me présentai à M. William Cowan, l’un des filateurs les plus riches de Belfast. Notre espoir ne fut pas déçu ; nous fûmes reçus avec cordialité , et on nous fit voir les ateliers dans les plus petits détails. Il y a plus , nous fûmes obligés d'accepter à dîner , et on nous fêta comme de vieilles con- naissances. Voici en peu de mots comment on file le lin. Les fibres, tels qu'elles sont préparées chez les cultiva- teurs, sont triées et partagées en qualités différentes, on CLASSE DES SCIENCES. 85 les fait passer sur des peignes formés par des pointes d'acier serrées. Les déchets que le peigne a séparés sont filés séparé- ment, pour être convertis en tissus grossiers. Le lin est ensuite mis en paquet, fixé par un bout, entre deux mor- ceaux de fer, et abandonné, par l'autre extrémité, sur un tambour hérissé de pointes , qui tourne d'un mouye- ment uniforme. Ces pointes déchirent le lin et l'égalisent parfaitement. On est obligé de le faire passer par des peignes de plus en plus serrés, pour obtenir la finesse convenable. Les filaments sont ensuite étendus sur un métier hérissé de très petites pointes d'acier, et tournant sur lui-même. Ils se trouvent attirés par une extrémité, et rassemblés de manière à passer entre deux petits cylindres en bois, qui les aplatissent. De 1à ils sont conduits par un tube en fer blanc, de la grosseur du pouce. Ce sont ces boudins de lin que l’on fait arriver autour des bobines en bois, pour obtenir un gros fil bien égal et à peine tordu. Le mécanisme qui fait tourner ces filaments est très compliqué. Des roues dentées forcent les bobines à monter et à descendre alternativement, pour que le fil ne forme pas un bourrelet. La dernière opération est la conversion de ce fil en un autre aussi fin qu'on le désire. Les bobines précédentes sont toutes placées sur des axes verticaux , de manière à tourner librement. La disposition de ce métier a beaucoup d’analogie avec le métier à filer le coton. Le fil, à mesure qu'il se dévide, vient se rendre dans une petite auge , renfermant de l'eau échauffée par la vapeur. Là, il se passe un phénomène remarquable ; les cônes des filaments s'alongent considérablement sans se séparer. Le fil devient alors plus fin, et cependant sa force est augmentée; il s'enroule sur une petite bobine qui tourne d'un mouvement très rapide , et le fil se trouve bien tordu. Les bobines mouillées sont ensuite transformées en éche- veaux, que l'on dessèche dans une chambre chaude. 84 ACADÉMIE DE ROUEN. Pendant long-temps on a simplement mouillé les fils avec de l'eau froide, méthode évidemment copiée sur l'usage qu'ont les femmes qui filent au métier, d'humecter le lin avec leur salive ; mais, depuis quelques années seu- lement, on fait passer les {IS grossiers dans des augets pleins d'eau chaude, comme nous l'avons dit , et ce per- fectionnement est regardé comme un des plus importants en Angleterre. Le fil que l'on obtient est plus uni, plus fin et plus fort. À Pour se donner une idée de la rapidité de l'exécution et de la somme des résultats, il suffit de dire que, dans une filature mécanique, une seule broche produit un kilo. par semaine de fil n° 30, c'est-à-dire autant que deux fileuses à la main ; et une seule ouvrière suflit pour sur- veiller un métier de {20 broches. Le produit des filatures anglaises s'élève, d'après les caleuls les plus modérés , à plus de 210 millions de francs. II est facile de pressentir quels ont été, pour l'Angleterre , les résultats de ces in- ventions. Les rôles ont été changés. L'Angleterre, qui était au dernier rang parmi les peuples d'Europe pour la production des fils et des tissus de lin, s'est élevée d'un bond jusqu'au premier, et s'est acquis, en peu d'années, une supériorité sans rivale. L'absence de la matière pre- mière n'a pas été pour elle un obstacle ; elle s'est adressée à la Belgique et à la Russie, et elle y a trouvé sans peine un aliment pour son travail. Il est vrai de dire , au sur- plus, que la Russie lui a fourni des lins à bien meilleur marché que la France n'aurait pu le faire , et que, par cet autre effet de la politique anglaise , qui favorise tou- jours le travail, les lins bruts n'ont payé, à leur entrée en Angleterre, que des droits insignifiants. Glascow est certainement la ville la plus industrielle de CLASSE DES SCIENCES. 8 l'Écosse. Sa population a subi un développement prodi- gieux, qui passe tout ce que nous avons appris de Liver- pool et de quelques autres villes d'Europe; elle s'élevait , en 1611, à 766% habitants, en 1820, à 159 mille, et ac- tuellement elle en compte plus de 230 mille. Celle de Glascow et de sa banlieue industrielle, dans laquelle nous devons compter Paislay, ville de 60 mille ames, Renfrew, Dunbarton, Lanarck, Port-Glascow et Greenock, s'élève à près de #50 mille ames. Glascow renferme un grand nombre de beaux monuments publics. Les bords de la Clyde, trop long-temps ravagés par des discordes civiles oureligieuses, ont reproduit les merveilles de Birmingham et de Manchester, sans rien perdre de ce charme poétique attaché au souvenir de tant de héros et de tant d'infor- tunes. C'est un privilège de cette ville, que l'aspect de son activité présente n'ait pas diminué le prestige de sa phy- sionomie passée. La cathédrale et le collége , vieilles fon- dations du moyen-âge, obtiennent toujours la même vénération des habitants, les mêmes hommages du voyageur. Partout où nous nous sommes présentés avec nos lettres d'introduction, nous avons reçu cette naïve et simple hos— pitalité qui semble craindre lhésitation et se dérober À l'embarras d'un remerciment. Nos hôtes se mettaient à notre entière disposition, et notre seule crainte était d'a buser de leur inépuisable complaisance. L'université de Glascow a acquis une grande célébrité. Toute la jeunesse studieuse de l'Écosse s'empresse d'ac- courir aux leçons des professeurs. On compte au moins vingt chaires occupées par des hommes d'un talent dis- tüneué, entièrement voués à leur état, lequel, pour le dire en passant, est plus honoré qu'en France. Il en est quelques- uns dont le traitement s'élève à plus de 30,000 francs de notre monnaie ; mais, dans cette contrée , (out imbuc de 86 ACADÉMIE DE ROUEN. préjugés nobiliaires, la première aristocratie est celle du talent. Un professeur de l'université de Glascow marche légal des grands seigneurs, parce que ses connaissances sont utiles au pays, et que la fortune n'y sauve personne du mépris attaché à l'ignorance et à la nullité. C'est une des villes de la Grande-Bretagne où l'instruc- tion est la plus libérale et le plus répandue. Il n'y a pas de citadin, même de la classe indigente, qui ne sache lire, écrire, calculer, et qui n’ait quelque teinture de l'histoire de son pays; et il n’est pas d'ouvrier qui ne sache lire. Il y à plus de quarante écoles gratuites, ouvertes dans chaque quartier de la ville. Une statistique assez curieuse a établi que chaque école qui s’ouvrait enlevait, en dix années, au moins 40 à 50 malheureux à la déportation ; et, alors, par une philan— tropie bien entendue, on s'est appliqué à multiplier le nombre des écoles. L'invention de James Watt fit, de Glascow, jolie ville du second ordre, une grande ville industrielle. On ren- contre partout des manufactures d'indiennes, des fabri- ques de produits chimiques, des fonderies, des ateliers de construction, des filatures. La vapeur donne, à tous ces immenses établissements, une vie qui ne peut se dé- crire. C’est elle qui met tout en action, qui met en mou- vement les machines, qui soulève les leviers, qui fait mouvoir les masses, le tout sans confusion et avec un ordre et une adresse qui feraient honneur à l’ouvrier le plus intelligent. C'est que la vapeur, après tout, n'est que la force domptée et dirigée par l’homme ; c'est le plus robuste de ses serviteurs. C’est un esclave sans passions, ni caprices, ni moments de paresse, et auquel on peut donner la plus haute somme d'intelligence possible, et imposer l'ordre le plus parfait, c'est-à-dire l'intelligence qui repose sur la science, l'ordre qui résulte du calcul, CLASSE DES SCIENCES. 87 L'immortel Watt méritait bien la statue que la ville recon- naissante éleva à celui qui avait changé la face du monde. Grâces aux lettres de mon ami M. Claudius Arnaudtizon : ancien élève de l'École de chimie de Rouen, nous pûmes voir en détail les belles fabriques d'indiennes de MM. Todd et Higsinbotham, et celle de M. Dalglish, à Campsie. Dans Ta première, le coton arrive tel qu'on le reçoit des colonies, et en sort sous forme de toiles imprimées. On le file, on le tisse et on l’orne de couleurs dans la même manufacture. L'activité qu'on y déploie est prodigieuse , et il faut bien qu'il en soit ainsi pour qu'on puisse confec- tionner par jour 15 à 18 cents pièces , plus courtes, à la vérité, que les nôtres. À Rouen, il est rare de voir fonc- tionner, dans une fabrique, plus de deux machines à rouleau , exécutant chacune 100 à 160 pièces par jour ; en Angleterre , dans beaucoup de fabriques, on voit tra- vailler six à huit machines à rouleau , comme dans celle que je viens de citer , et où fonctionnent en même temps plusieurs machines à surface et à mouchoirs, et huit à dix presses à décharger. À Rouen, une fabrique d’indiennes brûle pour #0 à 50 mille francs de charbon pour l’alimen- tation d'une seule chaudière de la force de 15 à 20 che- vaux ; en Angleterre, dans les belles fabriques, on voit toujours au moins deux grandes machines à vapeur, de la force de 30 chevaux chacune, et quatre à cinq chau- dières, dont la vapeur produite peut être évaluée à la force de plus de 159 chevaux. Jugez, d'après cela, de la quantité énorme de charbon de terre nécessaire à l'alimentation de ces nombreuses machines, Eh bien! quaïd le fabricant n'est pas proprié- taire d’une mine, il passe un marché par lequel on lui livre toute la houille qu'il veut demander, et générale- ment il ne paie pas même la somme de 10 mille francs! Si on examine maintenant, comparativement, les pro- ss ACADÉMIE DE ROUEN. duits des manufactures françaises et anglaises, on est bientôt convaincu que, si FAngleterre l'emporte sous le rapport des masses, en France on fabrique avec plus de soin, on varie davantage les genres, et les procédés chi- miques sont plus perfectionnés. En Angleterre , quand un genre à bien réussi, on l'exécute aussitôt pendant une grande partie de l'année , souvent pendant plusieurs an- nées de suite , et on en trouve un écoulement facile dans les vastes colonies qu’elle possède. En France, l'écoule- ment des marchandises est plus difficile ; on est obligé de varier davantage les dessins et les combinaisons de cou- leurs, pour se créer plus de chances de réussite et gagner sur un genre, quand d’autres moins heureux vous ont fait épouver de la perte. Les Anglais sont si convaincus de la supériorité de nos produits, que, dans les magasins, bien souvent, on met l'étiquette de French sur des in- diennes d'Alsace où de Rouen, pour qu'on ne les con— fonde pas avec les indiennes anglaises, Cela me rappelle toujours cette dame de Rouen, qui, dans son voyage en Angleterre, voulant rapporter de belles toiles peintes, acheta, sans le savoir , à Londres et dans d'autres villes encore, des indiennes des manufactures de MM. Henry Barbet, Arnaudtizon , Keittinger , etc. Les coloristes français sont très recherchés et bien piyés en Angleterre, et plus d'un fils d'indienneur, à Rouen, peut se rappeler l'accueil bienveillant et peut- être, quelquefois, un peu intéressé , qu'il a reçu chez nos voisins d'outre-mer. Dans une ville où les manufactures d’indiennes sont si nombreuses, on conçoit parfaitement que les fabriques de produits chimiques doivent abonder. La plus importante est, sans contredit, celle de MM. Tennant. Ces chimistes , les premiers, préparèrent la poudre de blanchiment connue encore en Angleterre sous le nom de poudre de CLASSE DES SCIENCES. 89 Tennant. Le chlore destiné à la fabrication de cet hypo— chlorite, est produit par le procédé de Berthollet, c'est- à-dire par l'emploi du sel marin, de l'acide sulfurique et du péroxide de manganèse. Ce procédé, du reste, est généralement préféré en Angleterre. Les masses de ce sel qu'on y confectionne sont si considérables, qu'elles peuvent suflire à la consommation d'une grande partie de l'Écosse. Le résidu de l'opération est loin d'être rejeté, comme cela arrive quand on prépare le chlore par le procédé de Scheele. C'est un sulfate de soude mêlé de sulfate de manganèse, qui est employé à la fabrication de la soude artificielle, préparée aussi très en grand dans cette fabrique. Le sulfate de manganèse se décompose par la chaleur, et ne laisse qu'un oxide double insoluble pour résidu , tandis que le sulfate de soude, dans la même calcination , en pré- sence du charbon et de la craie, se transforme en carbo— nate de soude. A Campsie, près de Glascow, M. Daniel Fauquet, an- cien élève de l'Ecole de chimie de Rouen, qui nous reçut très amicalement, nous conduisit dans une immense ma- nufacture de prussiate de potasse et d’alun. Le premier de ces sels se prépare avec une rare perfection et en cris- taux tellement volumineux , que je n’en avais pas encore vu de pareils en France. Des matières animales très azo- tées, mélées de carbonate de potasse , sont placées dans une série de chaudières en fonte armées de leurs couver- cles et placées sur leurs fourneaux. Quand, par la calci- nation, tous les gaz ammoniacaux se sont dégagés, une machine à vapeur met en mouvement des agitateurs qui plongent dans chaque chaudière, et mélangent ainsi par- faitement la masse. Quand la fusion est arrivée au point convenable , on se garde bien de jeter le produit dans de l'eau froide, comme on le fait quelquefois dans certaines fabriques. On risquerait de décomposer une portion du 90 ACADÉMIE DE ROUEN. cyanure formé. Il faut le laisser refroidir lentement, puis le dissoudre dans l’eau. Avant l’évaporation de la lessive, on à soin d'ajouter à la liqueur un peu de sulfate de fer, pour faire passer le cyanure de potassium, s’il y en à de libre , à l'é‘at de prussiate de potasse ; puis on opère lentement, quand les liqueurs sont concentrées, la cris- tallisation dans des vases de plomb, dans lesquels on plonge des lames de même métal, et autour desquels des cristaux très volumineux viennent s'agglomérer. Tout l’alun anglais est fabriqué à Withby, en Angle- terre, et à Campsie, près de Glascow. Nous n'avons pu visiter que la manufacture de Campsie. De loin elle pré- sente un aspect assez pittoresque. Il semble qu'on ap- proche d'une terre travaillée par des éruptions volca- niques. Une dizaine de collines d'une couleur rougeâtre fument continuellement, et semblent autant de petits volcans en activité. Les minerais que l’on exploite sont des schistes alumi- neux. Ils renferment plus ou moins de pyrites de fer, mêlés de matières charbonnées et bitumineuses. Ces schistes sont amoncelés en tas énormes sur un lit de char- bon ; on y met le feu, et la combustion continue ainsi pendant plusieurs mois. A cette haute température , les pyrites perdent la moitié de leur soufre, qui se sublime et se transforme à l'état d'acide sulfureux. Elles se chan- gent en monosulfure de fer, qui, par l'oxigène atmosphé- rique , se transforme en sulfate. Ce dernier, en présence de l'alumine , lui cède son acide en grande partie. I faut avoir bien soin de ne pas calciner les masses trop forte— ment ; le sulfate d’alumine se décomposerait à son tour. On reconnaît que la calcination est bonne, par le sel qui se montre en efflorescence sur les tas. On jette ces derniers dans des bassins ou vastes réservoirs en pierre , disposés par gradins ou en amphithéâtre, c£ dans lesquels , au 4 CLASSE DES SCIENCES. 91 moyen de pompes, on fait arriver de l'eau. Cette dernière absorbe tous les principes solubles, coule dans le second bassin, se charge davantage de matières salines, jusqu’à ce qu'enfin elle soit arrivée au dernier bassin de récep- tion. Là, les eaux sont soumises à une concentration convenable , puis mélangées avec du muriate de potasse en solution, également concentré. Le sel se dépose en une poudre grenue , qu'on enlève et qu'on lave à petite eau pour la débarrasser du sulfate de fer qui l'imprègne toujours. On arrête les lavages quand les dernières eaux ne bleuissent plus par la prussiate de potasse. Quand on a ainsi purifié le sel, on le dissout dans une très petite quantité d'eau, et on le fait cristalliser lentement. Ce lavage à petite eau est une opération indispensable pour avoir un sel bien pur; on dissout, par ce moyen, à peine un soixantième d’alun, tandis que tout le sel de fer disparaît, C'est là une précaution que nos fabricants d'indiennes devraient toujours avoir, quand ils achètent un alun ferrugineux. En concassant le sel en petits mor- ecaux , et en les lavant à petite eau , ils ne risqueraient pas d'obtenir des mordants qui leur donnent des nuances aan rouge terne dont ils ignorent souvent la cause, et qu'ils pourraient éviter par une analyse facile de l'alun et par l'opération si simple que nous venons de décrire Newcastle est une ville noire et enfumée, plus remar- quable par son industrie que par son aspect et la beauté de ses édifices. C'est une vaste mine de charbon de terre , qui fournit annuellement 36,000,000 de quintaux mé- triques de ce combustible ; 70,000 ouvriers sont continuel- lement occupés à cette extraction. C'est Ie long de la Tyne que se font surtout les excavations ; le charbon, sorti des mines, est trainé sur des chemins de fer et descend Le 92 ACADÉMIE DE ROUEN. long d'un plan incliné, pendant que les wagons vides remontent parallèlement , entraînés en sens inverse par les premiers. Les chariots arrivés sur le bord d'une planche qui domine la rivière, se déversent dans des bateaux qui stationnent le long des bords. Ces bateaux se remplissent avec rapidité et sont aussitôt remplacés par d’autres. Il règne un mouvement et une agitation continuels sur les bords de la Tyne. On n'entend que le fracas des usines, le choc des marteaux et le bruit sourd du charbon qui tombe dans les bateaux. Pour bien connaître la population immense qui habite ces demeures souterraines , sources de tant de richesses et de prospérité , il faut l’aller trouver chez elle et descendre dans les mines. Ce voyage exige une toilette particulière. On est obligé de s’envelopper la tète comme un ture, de s'affubler d'une large veste de bure, et de recouvrir ses jambes d’un large pantalon de drap. Ainsi vêtus, on nous mit quatre dans un panier où un seul n'aurait pu se placer commodément. Notre conducteur s’est contenté d'y introduire une jambe; l'autre lui servait pour nous repousser des bords du trou, et nous empêcher de nous frapper contre les murs. Au cri d'al right ( tout va bien, on est prêt), on nous a poussés sur le gouffre, et aussitôt nous ayons perdu de vue le ciel et la terre. On ne peut se défendre d'une certaine impression de crainte en se voyant ainsi suspendu sur un trou si pro- fond par une corde souvent détériorée par le frottement, ou amincie par un long usage. L'obscurité est si grande, que l’on croit être stationnaire. Peu à peu un murmure sortant de dessous terre parvient à votre oreille ; le bruit augmente; on entend distinctement le choc du marteau contre le charbon qui gémit, et, enfin, on touche terre à 159 mètres au-dessous de la rivière. A peine descendus, chacun s'arme d'une torche et se laisse conduire dans les CLASSE DES SCIENCES. 93 labyrinthes de la mine. Nous n'avons pas tardé à rencon- trer une troupe de mineurs accroupis dans une galerie. Dès qu'ils nous ont vus, ils nous ont salués de vives accla- mations, auxquelles on à l'habitude de répondre par des shellings. I nous a fallu garder la même habitude à chaque rencontre. Les travailleurs n'ont pour tout vêtement qu'une espèce de cuir ou une peau de mouton qui s'attache à la ceinture ; les bras, les jambes et la poitrine restent à découvert. Du reste, il faut une certaine habitude pour s'en apercevoir, car toutes leurs parties nues se confondent sensiblement avec le charbon de terre. A peine à l'ouvrage, on voit arriver de toutes parts des cargaisons de charbon sur de petites voitures roulant sur un chemin de fer et traînées par des chevaux. Ces derniers, une fois qu'ils sont des- cendus dans les mines, ne remontent plus jamais à la surface de la terre. Au bout de peu de temps, ils deviennent aveugles, et ne peuvent plus servir que dans ces antres privés de la lumière du soleil. Partout on entend, dans les galeries, les coups mesurés de plus de cent marteaux. Les masses de houille, atta— quées dans tous les sens, se détachent avec des craque- ments affreux. Pendant que nous étions à contempler ces travaux, on avait mis le feu à une mine d’une autre galerie; un bloc énorme de houille se détacha avec un horrible fracas. Ce moyen est souvent employé pour ob- tenir de gros morceaux de charbon avec peu de travail. On creuse un trou dans le mur, on y enfonce de la poudre, puis un ouvrier met le feu à une traînée qui communique avec elle. Ce moyen si expéditif n'est pas, comme on le conçoit, sans danger pour les mineurs. La plupart des ouvriers sont obligés de se tenir assis pendant toute la durée du travail, à cause du peu d'élévation des tran- chées,. 9% ACADÉMIE DE ROUEN. Les couches de charbon de Newcastle sont horizontales ou très légèrement inclinées; elles ne présentent que peu de failles. Leur épaisseur dépasse rarement 1 à 2 mètres. Elles se montrent déjà à quelques mètres du sol ; mais, à une profondeur plus considérable, le charbon est d'une qualité supérieure et est seul exploité. Quand nous sortimes de la mine, nous avions la figure d'une belle couleur noire, et il fallut des lavages et des frottements répétés, pour nous donner une physionomie européenne. RRRRRRRRRRRERRRRRERERRRREREE RL R EXAMEN D'UN CALCUL INTESTINAL DE CHEVAL ; Par M. J. GIRARDIN. {Lu à l’Académie royale des Sciences de Rouen, le 6 mars 1840.) Dans le courant de 1839, un meünier de Varengeville perdit successivement cinq chevaux sans causes apparentes. On trouva, dans les intestins de ces animaux, des calculs volumineux et en très grand nombre; c'est à leur pré- sence qu'il faut sans doute rapporter la mort des chevaux. Dans le pays, où l'on croit encore aux influences mysté- rieuses et aux sortiléges, on est fermement convaincu que le meûnier a été victime d’un sort jeté sur ses bêtes par un ennemi. M. Arsène Maille, naturaliste fort distingué, et dont les sciences déplorent la perte toute récente, ayant recueilli plusieurs des calculs, s'empressa de m'en remettre un, en me priant d'en faire l'analyse. Ce calcul avait été expulsé naturellement par le cheval un peu avant sa mort. Mon honorable ami m'apprit, en même temps, que le meünier avait l'habitude, comme tous ses confrères , de 96 ACADÉMIE DE ROUEN. nourrir ses Chevaux avec du son , au moins en grande par- tie, et il me demandait si ce régime n'était pas sans quelque influence sur la production des calculs trouvés en si grand nombre dans le corps de ces animaux. Je me rappelai aussitôt une note intéressante publiée en 1831, par M. Lassaigne , dans le Journal de chimie me- dicale (t.T, p.376), note dans laquelle ce chimiste émet l'opinion que l'usage du son et des recoupes donnés aux mulets de l'Alsace est la cause prédisposante des concré— tions intestinales qui amènent la mort de beaucoup de ces animaux. M. Lassaigne appuie son opinion : 4° sur la na- ture chimique de ces concrétions , qui sont presque toutes formées de phosphate ammoniaco-magnésien ; 2 sur les expériences de M. Théodore de Saussure , qui démontrent que les phosphates sont bien plus abondants dans les se- mences des céréales que dans la paille et le foin. En effet , d’après l'analyse comparative de la paille ét des grains de froment, faite par le chimiste génevois, on voit que , tandis que la première ne renferme que 11 pour cent de phos- phates alcalins et terreux , les seconds en contiennent 76,5 pour cent (Recherches sur la végétation.) Il était intéressant de corroborer l'opinion de M. Las- saigne par de nouveaux faits ; et, comme l'observation re- cueillie par M. Arsène Maille ne laissait aucun doute sur la nature du régime auquel avaient été soumis les chevaux du meünier de Varengeville, j'ai cru devoir procéder à l'analyse du caleul qui m'avait été remis. Ce calcul est triangulaire, à bords mousses et arrondis, et sa forme irrégulière , ainsi que l'usure de ses faces et de ses arêtes, indiquent assez qu'il n'était pas seul dans les intestins du cheval. Son volume est celui d'une grosse pomme. Il a été cassé en deux, et, dans son centre, il existe un noyau plus gros qu'une aveline, de même ap- parerce et de même couleur que le reste du calcul. Ce CLASSE DES SCIENCES. 97 noyau offre, dans son intérieur, un petit fragment aplati, blanc et cristallisé de carbonate de chaux. Tel qu'il m'a été remis, le calcul pèse 311 grammes. Il devait peser davantage, car, par sa fracture , il a été ébréché en plu- sieurs endroits. A l'extérieur, il a une couleur d'un blond foncé ; sa surface est très lisse. A l'intérieur, il a une texture cris— talline et une couleur d'un jaune brun. On n'y aperçoit point de couches concentriques. Les lamelles cristallines sont toutes disposées en rayons divergents, du centre à la circonférence. IL est assez tendre; le couteau l'entame. Sa poussière est d'un jaune isabelle. Sa densité est de 1,741. Il ne fait point effervescence avec les acides. Trituré avec la potasse caustique, il répand une odeur très vive d'ammoniaque. Chauffé dans un creuset de platine , il blanchit d’abord à la surface, puis noircit et exhale une odeur de matière animale. Au chalumeau, il noircit, puis blanchit sans présenter d'apparence de fusion. L'acide sulfurique concentré le dissout au bout de plu- sieurs heures , sans résidu ; seulement, il nage, au milieu de l'acide légèrement coloré en jaune, des flocons d'un brun rouge qui sont la matière animale qui servait de ciment aux sels terreux du calcul. Il se dissout dans l'acide azotique, qui se colore faible- ment en jaune rougedtre ; il reste indissous quelques flo- cons de matièreanimale. La dissolution, évaporée à siccité, donne un résidu jaune et gélatineux. I se dissout dans l'acide chlorhydrique, qui se co- lore en brun; il y a encore un léger résidu de matière animale. Il se dissout dans l'acide acétique à 5°; il reste une ma tière jaunâtre organique. La liqueur acide, neutralisée par / 98 ACADÉMIE DE ROUEN. le carbonate d'ammoniaque, donne un précipité grenu qui offre , à la loupe , de fort jolis petits cristaux de phos- phate ammoniaco-magnésien. Chauffé dans une fiole avec un peu d'acide chlorhy- drique , il fournit une sublimation de sel ammoniac en aiguilles dans le col du vase. L'eau froide, mise en contact avec la poudre de ce calcul, à plusieurs reprises, lui enlève 6,6 pour cent de son poids de substances solubles. La liqueur est alcaline ; elle se trouble légèrement par la chaleur ; L'acide tannique y produit un trouble très sensible ; Le phosphate de soude ammoniacal, un précipité blanc gélatineux , abondant ; L'ammoniaque, un précipité blarc également très abon- dant ; L'azotate d'argent, un précipité blanc en partie soluble dans l'ammoniaque ; Le chlorure de barium, un précipité blanc que l'acide azotique ne redissout qu’en partie ; L'oxalate d'ammoniaque , un trouble léger. L'acide perchlorique et le chlorure de platine ne font naître aucun trouble dans la liqueur concentrée, La poudre du calcul, épuisée par l'eau, a été soumise à l'action de l'alcool! à 53%, qui a enlevé # pour cent de substances solubles. La liqueur alcoolique s’est colorée en jaune brun, par la concentration ; le résidu, traité par l’eau , a laissé une matière grasse indissoute , et la solution donnait un léger trouble par l'ammoniaque, par l'oxalate d'ammoniaque, par les sels de baryte; le trouble causé par ces derniers ne se redissolvait pas dans l'acide azotique. Cette même solution était fortement précipitée par le phosphate de soude ammoniacal et par l'azotate d'argent ; le précipité formé par ce dernier réactif, était entièrement soluble dans l'ammoniaque. CLASSE DES SCIENCES. 99 L'éther enlève au calcul, épuisé par l'alcool, 7 pour cent de matière grasse. L'eau bouillante se charge d’une matière organique azotée, d'un peu de sel marin, et de phosphate ammo- niaco-magnésien. Réduit en poudre fine et exposé à une chaleur de 100p, lecalculexhale d'abondantes vapeurs ammoniacales ; même à la température de + 40°, il abandonne de l'eau et de l’'ammoniaque, et se décolore complètement. Ce déga- gement d'ammoniaque provient de ce qu'aux plus basses températures, le phosphate ammoniaco-magnésien se dé- compose, et perd la plus grande partie de sa base volatile , comme je m'en suis assuré directement en opérant sur du sel pur préparé à dessein. Ce fait intéressant n'avait pas encore été indiqué. Il est commun à tous les autres sels ammoniacaux ; aussi devra-t-on y avoir égard quand il s'a- gira de déterminer leur proportion d'eau d'interposition et de cristallisation. En raison de cette circonstance, j'ai été obligé de dessécher le calcul sous le vide de la machine pneu- matique. Il a perdu, dans ce cas, {1 pour cent de son poids. Voici, en définitive, la composition de ce calcul sur 100 parties : Eau d'interposition.. . , . . . . . . . . . . . 14,00 Phosphate ammoniaco-magnésien . . . . . . . #8,00 Phosphate de chaux . FACE 19,00 Matière animale coagulée, insoluble dans les acices et dans l'eau. SAS" GROS Matière soluble dans l'eau, consistant en albu- minate de soude, sel marin, sulfates alcalins, sels de chaux et de magnésie. . . . . . . . 6,60 À FOROEDE ST ti ENT ARCS 2007 JOUER 100 ACADÉMIE DE ROUEN. Matières extractives solubles dans l'alcool, avec sel marin, sels de magnésie et matière DrASSC MEME SU plis MARNE DES MR 4,00 Matière grasse soluble dans l'éther.. . . . PES A Perte? 29 20 STNUUUES + 0,60 100,00 La composition chimique de ce calcul intestinal, indique assez la cause de sa formation; celle-ci réside bien certai- nement dans la nature des aliments donnés aux chevaux du meünier de Varengeville. La conséquence de cette observation pour la pratique, c’est qu'il faut éviter de nourrir exclusivement les animaux avec du son et des recoupes, et en général avec les diverses substances qui renfermentune grande proportion de phosphates terreux. DE NOUVELLES APPLICATIONS TERRE A PORCELAINE, Par M. J. GIRARDIN. Lue à l’Académie royale des sciences de Rouen, Le 22 mai 1840. J'ai déjà fait connaître, par une note insérée dans fes Bulletins de la Société libre d'émulation, en 1837, qu'en Angleterre, on est maintenant dans l'habitude d'ajouter aux savons ordinaires, des matières terreuses , soit argile, soit silice pure, pour augmenter leur poids. Cette fraude est pratiquée ouvertement, puisque, dans certaines bou- tiques de Londres, on voit afliché du si4ca soap, c'est-à- dire du savon de silex. Un propriétaire de mires du comté de Cornouailles, M. lago, m'a envoyé tout récemment des échantillons d'une terre à porcelaine, qui sert actuellement à l'usage frauduleux dont je viens de parler. Si telle devait être aussi, en France, l'unique destination de cette substance minérale, je me garderais bien d'appeler sur elle Fatten— tion des industriels, dans la crainte qu'on ne voulût imi- ter les coupables pratiques des savonniers anglais. Mais 102 ACADÉMIE DE ROUEN. un emploi plusimportant, et surtout plus honnête, de cette espèce d'argile, le seul que je veux voir adopter chez nous, c'est de servir à confectionner les mélanges avec lesquels on donne , en Angleterre , l'apprêt aux calicots et aux tissus de fil. C’est sous ce point de vue que je crois utile de présenter à l'Académie quelques renseignements. Les apprêts que l’on donne aux tissus sont destinés à leur procurer assez de corps pour qu'ils ne prennent pas aussi facilement, que cela leur arriverait dans leur état naturel, des plis qui détruiraient bientôt leur éclat et leur fraîcheur; et, dans un très grand nombre de cas, ces apprèts doivent même communiquer aux tissus une raideur qu'ils conservent pendant toute leur existence. La nature de ces apprêts varie nécessairement avec celle des étoftes. Pour les calicots, les toiles de coton, les tissus de chanvre et de lin, on passe les pièces dans de l’eau amidonnée , ou dans une espèce d’empois plus où moins consistant, coloré par de l’azur ou de l'indigo. On soumet ensuite les pièces, amidonnées et séchées, à l'opération du calandrage, qui a pour effet de les lustrer, de leur donner une surface unie, presque polie et glacée. Pour rendre les toiles plus fermes, moins perméables à l'eau, on introduit fortsouvent, dans les apprêts, du savon, des résines, de la cire, parfois des substances terreuses blanches, telles que carbonate de chaux ou craie, sulfate de chaux ou plâtre, sulfate de baryte. Les matières pulvéru- lentes et très fines ont cet avantage qu'elles s’introduisent dans les pores des tissus, les bouchent, et, par conséquent, leur font acquérir une plus belle apparence et plus de fermeté. Les apprôteurs anglais emploient, depuis un certain temps, pour remplir ces indications, la terre argileuse dite terre à porcelaine, et comme cette argile est exces— sivement fine, douce et onctueuse au toucher, qu'elle est CLASSE DES SCIENCES. 103 susceptible de prendre un certain poli par la pression, il en résulte que leurs toiles et calicots apprêtés ont une apparence beaucoup plus belle, et sont bien plus estimés que les mêmes tissus apprêtés chez nous. Il est donc intéressant d'attirer l'attention des blanchis- seurs et apprèteurs français sur cette terre à porcelaine, que M. Iago peut expédier en fort grande quantité et à un prix très peu élevé, puisque c'est leur fournir les moyens de mieux confectionner leurs apprèts, et de riva- liser, en ce genre, avec nos habiles voisins. La terre dont je parle est le Azo!n, quisert depuislongues années à la fabrication de la porcelaine. Ce kaolin provient de la décomposition du felspath , ou plutôt des roches pri- mitives, composées de felspath , de quarzet de mica , tels quelesgranites, les gneis , les pegmatites ;aussile trouve-t- on dans les carriéres, mêlé avec ces roches réduites par la désagrégration à l'état de sable. Il existe de vastes dépôts de ce felspath décomposé, en Chine, en Saxe, en Russie, en Angleterre et en France, notamment à Saint-Yriex, dans la Haute-Vienne. Dans le comté de Cornouailles, à Saint-Austell, où habite M. Iago, il y en a un dépôt con- sidérable, au sein du granite qui abonde dans cette con- trée de l'Angleterre. Voici la disposition des couches de ce dépôt. LL RAI E vég 10% ACADÉMIE DE ROUEN. -Je mets sous les yeux de l'Académie : 1° un échantillon de granite de Saint-Austell; 2° un échantillon de ce même granite, décomposé et converti en kaolin ou terre à porce- laine. Ce kaolin a la composition suivante : Alumine. MAÉ RRAIMENSE Cr LE O2 SUCER SP Route IL RUE 20 UE POTASSE EE. ERA MERE TTL ML TO Oxide de manganèse. . . . . .. 2 100 Il est beaucoup plus riche en alumine que les autres espèces de kaolin de France et de Saxe, qui ont été ana— lysées ; il renferme aussi plus de potasse, et, au lieu d'oxide de fer, il contient de l'oxide de manganèse en propor- tions notables. Il offre donc une composition distincte. Voici comment, chez M. lägo, on traite le kaolin, pour le convertir en terre propre à la vente. On extrait de la carrière une certaine quantité de kaolin, et on l’arrose dans ane fosse avec un faible courant d’eau, pendant que des hommes sont employés à agiter la ma- tière pour favoriser sa désagrégation, et la réduire en petites particules que l'eau tient en suspension. Quand l'eau a pris l'apparence du lait, on la laisse reposer pour qu'elle abandonne le sable le plus lourd (dont voici un échantillon), puis on la fait écouler dans un réservoir où elle dépose un sable plus fin et très blanc, qu'on appelle improprement mica dans le pays. En voici un échantillon. Quand le dé- part de ce sable est opéré, on fait couler dans un nouveau réservoir l'eau qui retient en suspension les particules ter— reuses les plus fines qui se précipitent avec le temps. Le dépôt est alors la terre à porcelaine proprement dite. Quand on en a ainsi recueilli une suffisante quantité, on la remet en suspension, puis on la fait couler dans un CLASSE DES SCIENCES. 105 vase très large et peu profond , où elle reste quatre à cinq mois, pour acquérir une consistance telle qu'on puisse la couper en blocs carrés, que l’on fait sécher au soleil. On gratte leurs surfaces extérieures, pour en séparer les im-— puretés, et on les livre au commerce. Voici un échan- tillon de cette terre préparée, telle qu'elle sort de l'usine de M. lago, et telle qu'il la vend aux savonniers et aux apprèteurs. Le sable fin, nommé ruca. qui se dépose en dernier lieu, pendant la lévigation du kaolin, commence à être employé à la fabrication du verre; mais, auparavant, on le prive, par des lavages, de l’alumine qu'il contient, car, sans cela , le verre qu'ilfournirait ne serait pas transparent. Voici sa composition avant les lavages : PA ON Le SR SE ER DE SINGER ES Te ie ET ROTASSE RAR EN RE TT Oxdedefers "V2 ru M5 — de manganèse ....... 9 100 M. lago vient d'expédier à Rouen un bâtiment chargé de sa terre à porcelaine. Plusieurs de nos blanchisseurs et apprèteurs, avec lesquels j'avais mis M. Jago en rapport, lors de son passage en notre ville, il y a quelques mois, vont essayer l'usage de cette terre, et ilest bien probable que notre industrie, riche de cette matière première, pourra imiter dorénavant les admirables apprôts de nos voisins. INDUSTRIE NORMANDE. ESSAI RÉCOMPENSES OBTENUES PAR DES INDUSTRIELS DE LA NORMANDIE Aux Expositions des Produits de l’Industrie , depuis la création de ces solennités, Par MM. J. CIRARDIN et BALLIN. Lu à L'Académie Royale de Rouen, DANS SA SÉANCE DU 17 JUILLET 1840. La Normandie a toujours tenu une place honorable dans l'histoire, tant par la haute intelligence de quelques- uns de ses glorieux enfants, que par cet esprit de sagesse répandu parmi ses indigènes, qui lui a valu le nom de pays de sapience. De nos jours encore, où le progrès des lumières et des relations plus fréquentes entre les CLASSE DES SCIENCES. 107 habitants de diverses contrées, tendent à faire disparaître les nuances de localité, il ne serait sans doute pas dif- ficile d'établir que cette ancienne province conserve le rang distingué qu'elle s'estacquis depuissilong-temps, et que l’une de ses fractions administratives, le département de la Seine-Inférieure entr'autres, peut être surtout comparé sans désavantage, sous quelque rapport que ce soit, aux trois où quatre principaux départements du royaume. Nous ne voulons nous occuper, en ce moment, dela Nor- mandie, que sous le point de vue de l'industrie, qui, depuis le milieu du siècle dernier, y a pris un développe- ment prodigieux. L'examen des causes qui ont amené ce résultat, pourrait donner naissance à un ouvrage d’un grand intérêt ; mais nous n’essaierons pas même d'en tracer l'esquisse : plus modestes, nous nous bornerons , quant à présent , à rassembler des matériaux et des documents qui pourront servir un jour à rédiger l'histoire scientifique et industrielle de notre belle province. Parmi les faits qui peuvent, jusqu'à un certain point, donner une idée exacte de la prospérité de son industrie, il en est deux surtout qui méritent d'être pris en grande considération, à savoir : le nombre des récompenses qu'ont obtenues ses manufac- turiers et ses artistes aux diverses expositions des produits de l'industrie française, et le nombre des brevets d'inven- tion, de perfectionnement et d'importation, pris chaque année par les industriels. Il nous a semblé qu'en établis- sant un point de comparaison entre le nombre des récom- penses et des brevets concédés à des Normands, et le nombre de ceux qui ont été délivrés dans le reste de la France , il serait plus facile que par tout autre moyen, de faire apprécier la marche incessamment progressive de la Normandie , dans la carrière des sciences et de l'industrie, 108 ACADÉMIE DE ROUEN. et de mieux faire ressortir, sous ce rapport, sa supério— rité sur les autres régions de la France. C'est là le travail statistique que nous avons entrepris ; c'est, comme on le voit, un chapitre curieux du livre sur l'industrie, compris dans le grand ouvrage statistique que l'Académie de Rouen a eu la pensée de faire exécuter pour le département de la Seine-Inférieure. Toutefois, en rai— son des innombrables recherches que nécessite un pareil travail, nous n'avons pu mener jusqu'ici à bonne fin que la partie qui concerne les récompenses délivrées par le jury des expositions des produits de l'industrie. C’est cette partie que nous plaçons aujourd'hui sous les yeux de l’Académie ; plus tard nous complèterons ces ren- seignements statistiques par tout ce qui a trait aux brevets d'invention. Depuis #2 ans, neuf expositions des produits de l'indus- trie française ont eu lieu ; l'honneur de la création de ces solennités industrielles est dû au ministre François de Neufchäteau, qui eut l'heureuse idée de faire paraître, dans une fête nationale, donnée au Champ-de-Mars , à la fin de l'an VI (1798), les ouvrages les plus remarquables qui étaient confectionnés à Paris et dans les contrées les plus voisines de la capitale. Voici le tableau chronologique des expositions, depuis l'origine de l'institution. 109 CLASSE DES SCIENCES. DTA ANTES: 109] -10dder op qurod . 21IISNPUI,P 21N)eU "SOpSATA - SUP) [onbeyo anod xnero (*pPaoN Sp J44vo puri |odssinoyioddersoq np) univ “ppmf 86 “IPUL 10} “GEST 26 ‘apaoou0) [op ‘14 | ‘urdnq Sopieq) “SHIUL SCI ELITE: ‘PU 307 "YC8T 28 “UOLQUSII 19 “O1ANOT 97 ÜIUL 9P HOLD! 21914109 0 2440190 & J00P 12} LR ol "UOHUSTE 19 "HIANOT 97 AINUEL 9P HU! 91914109 94 “014000 CI “nor ct “ef 29 “HIANO'T 97 *ZU1S0) *S2ZV9) 9( “o1quoidos 0€ "1u0e CG “GISI 20 ‘SAPITEAUT S9P 99ETd ‘Zu1509 *£u$edwreq9 2 “2140100 GI “1quades cz ‘908H op ; æ- “oiqur91dos #z “oaquia]dos 87 ‘(tO8r) JJANOT 97] ‘Z81S09 ‘eideq) IX UE 241IPIHPpuoA & l'ontequoumopduos 27] X y 2€ » RRIY ob 20) | “oiquades #% “oaqu9)dos 6} “(T08r) SJDU919S S2P SIC[Cd ‘Zv1S07) ‘ride X UP 9HPIUPpUIA & | 'oneqmuompduos 27 | XI UV CY4 PRCEUETSE "REAIEHINAN 9p “o1qurodos 76 “a1qu91dos 6] (8621) -2p-duieq) 97 “den SIOOULA 94reJuUp [duo oc | ‘oarequomodutos 0€ | JA UV | 0x1 SR Re | 9 es ec ‘SUL L F “suorSodxY sa] | SUOIHSOÏXT Sop Aunfenp aSrip j00 mb “AUALO mr *21P10,P, XOa1 SUAHLUOdAV\ A SE DEQAY ANAIMIANO SOUAKAN SHULSININ | 110 ACADÉMIE DE ROUEN. La 1" exposition , de 1798, annoncéeseulement quelques jours avant son ouverture , ne réunit qu'un petit nombre d'exposants, la plupart de Paris; aussi ne la considérons- nous que Comme un simple essai, et ne la faisons-nous pointentrer dans les comparaisons que nous avons établies sur les suivantes. Nous remarquons, toutefois, que, dès cette époque, la Normandie y fut représentée d’une ma- nière honorable , car, outre deux médailles d'argent accor- dées au département de l'Eure, le Jury signala à l'atten- tion du ministre des coutils et des cuirs de Pont-Audemer. Dès la 2° exposition , la Normandie obtint deux médailles d'or, sur douze, et cinq médailles d'argent, sur vingt dis tribuées. L'ordre de la Légion d'honneur n'existait point lors des trois premieres expositions; et, quoiqu'il fût institué avant celle de 1806, l'Empereur ne crut devoir en accorder la décoration à aucun industriel à cette occasion ; il n'en fut décerné qu'aux expositions de 1819, 183% et 1839, et la Normandie y à pris une part assez large. Le départer.ent de la Seine-Inférieure, en particulier, en a obtenu six, qui ont été décernées, savoir : A la 5° Exposition, A MM. Viraus, professeur de chimie, à Rouen. A la 8° Exposition, FAUQUET-LEMAITRE, filateur de coton , à Bolbec ; FLAvIGNY (Robert), fabricant de drap, à Elbeuf. A la 9 Exposition, CHEFDRUE, fabricant de drap, à Elbeuf; PERROT, ingénieur civil, mécanicien à Rouen ; PONS DE PAUL, directeur de la manufacture d'horlogerie de Saint-Nicolas-d’Aliermont, près Dieppe. CLASSE DES SCIENCES. 111 Quant aux autres récompenses, nous en avons formé un tableau extrait du rapport des Jurys, publié par ordre du gouvernement, et nous y avons consigné, outre les nombres effectifs, les nombres proportionnels à la tota- lité de chaque catégorie de récompense. Ce tableau pré- senteles résultats afférents à chacun des cinq départements de la Normandie, puis à la Normandie entière, au dépar- tement de la Seine en particulier, et enfin aux quatre- vingts autres départements, pris en masse. Nous avons terminé ce tableau par une récapitulation qui embrasse les résultats des huit dernières expositions, et dont voici le résumé, exprimé en nombres proportion- nels à mille. : ———_—_—_—_— ua ; Aa : AE | É EMENTS à LES : À DÉPARTEMENT MÉDAILLES Nentons É } ne a — — DA 2 ; hono- = | Désigna- : ; de S < E 2: )r argent. d: S., 1 AE d’or, |d’arg NE 1bles 5 mms À remennne | en, mt NN EEE NN Seine. 368 418 487 420 467 l 330 h n Normandie 95 95 74 SI 98 À 109 Autres 537 487 439 499 435 561 = ee CN —— >roportion pour un | de ces derniers dé- | partements....,... 6,9 6,1 5,0 6,2 5,4 7 >roport on pour la ; Seine-Inférieure .f 54 47 | 44 35 26 73 | I s'ensuit, en définitive, que le département de la Seine-Inférieure a obtenu près de huit fois autant de mé- dailies, près de six fois autant de mentions honorables, près de cinq fois autant de citations, et plus de dix fois autant de décorations que le terme moyen des quatre- vingts autres départements, pris en masse, en laissant 112 ACADÉMIE DE ROUEN. toujours de côté le département de la Seine , qui se trouve dans une position tout exceptionnelle. Certes, de pareils résultats sont bien faits pour flatter l'orgueil national, pour soutenir le courage de nos compa- triotes, et les exciter à tenter de nouveaux efforts, afin d'illustrer de plus en plus le sol qui les a vus naître. : DT °6ç lnmonp, r}?€ 2, on con, ?€ fe "wma! "PIS ÇaITN gone ox mmend » © smrddes 42 Na DV CTARTULE IUWTW Ly mb Le) aQ que xp? : genananc Ï 2Q ma © WW fs (LA 1 h 4 NA As 7e ad ui emd axe y. nh anse 2207: à NrIIM. od 1 (3) . 6 vi pe at 4 Ne (haut 1 smemsods grong 2 nb emoperone 20 amqqere AP PA JC N CCE ; 2 17 (ap) ARE . à moe eng» 9} SRG Mt =" OMAN CNT DRE LET) CEE) FAN { MERE : 2Y7WeUg 1) De ee ua fc AE de) LA) SOW une AMYUWI M mar) Lao m0 Q A7 çoel qua u snow mh (LT CRC à GUMAIU TC sp? Ta ve ipof mnumd 21 smocl imnpsodxe 2y}n Li »vf a nu 1Ç rar ? VIL27 9800 LI OT 0IP *f00 = NEUÇ 3 re m œ | amoa] Dmornso de) ) INA se / y 4 AAA VD) vie CC 20 {eo 29%, Mod ; Geo 0 Ç£o00 9 Pl 4/7) 227259 2/01 D - PUTIS START P en M Lo sine “sp d'otÿr reg p poly anpnp} 2 Pan" P £ |) est usi|ser (2 cer |éco | er’ (724 r2 A DT eserpesder comen e-mmddes mr qd IT EE se" Lean mb enr Pr An Le Al am 0 Ru qnb empurense 20 erdides re er HP ee Et amnbne red rave 3 (2) 2102 A k 26 ep 58 27 3677: meer 0 ee A ob meme EP ANEE 21 7 TC à Danse gr ner2p ompf emme \ 222 7u22 Le pures re = pr . panel mare) amd en erunemnedre eng en og 1e D Tage) ae t vaprémuc eg med me je 20 y eme 1m use onu rare) rétp Mere ed ques mn eneu mb mqmeurd 2 quon re cpddes pre leef mind, — = 0 ere; (e) le) L'e.setle le id s ecriront A, de +2: FA (x) Anh; 4 (a) = 0 nus A shiiter eil6) 6. Cela posé, imaginons d’abord un corps terminé par deux surfaces de second degré, dépourvues de centre, de méme axe , et maintenues à une température constante pour chacune d’elles , mais différente de l’une à l’autre , et voyons si les surfaces isothermes , dans un pareil corps, peuvent être de même espèce que les deux surfaces isothermes qui le terminent. Ensuite nous chercherons la loi des tempéra- tures dans ces différentes surfaces. Toutes les surfaces du second degré, dépourvues de centre, et ayant même axe, peuvent être exprimées par l’equation ee — mx +nÿ =z—-p ( laquelle représente un paraboloïde elliptique , si »2 et » sont de même signe, et un paraboloïde hyperbolique, dans le cas contraire, Nous allons, dans l'équation ( 3 ), regarder les constantes 72,n et p, comme des fonctions inconnues de la variable à ; nous en déduirons, par la différentiation , la va- leur de ses paramètres différentiels ; et, en écrivant les condi- 140 ACADÉMIE DE ROUEN. tions pour que ces valeurs satisfassent à l'équation ( 2), inde- pendamment des coordonnées x, y, z, nous aurons le moyen de déterminer les quantités 2, n, p, en fonction de à ,et, par suite, de déterminer l'équation générale des surfaces isothermes dans le corps considéré. On tire de l'équation (3) dh _—2mx dx —2nÿ dx m'xÆny:+p'l dy — m'x+n'y+p' da 1 ds — m'x+n'y+p! En posant dm dn dp Penn EE NET ATNAR FORZA PAU et des précédentes on obtient , par une nouvelle différentiation , CLONE 4m x°(m'x+n"y"+p") AR Cr (m'a Lny+ pl En 2m(m'xLn'y+p")—8 mm'x° TT en PT | da hr (m'en y tp) pe Pose | (mx Æny+pl) __2n(m'aætnly#+p") —8n 8 Ca ny +) da n'en" : LM (m'x?+n'y"+p") En posant NE A, isa EL P = Par suite, les paramètres différentiels des surfaces (3) deviendront à GX +4 ny +1 h, =-—— À (n'a +ny+p' » CLASSE DES SCIENCES. 151 À __—2(mn) (rte pt) + 8(mm'xtnny Li (mx ny pl} On"? Æn"y ve )(4 mx + 4 ny? Hi) Le Si l’on substitue ces deux expressions dans l'équation (2), : 4 , RNRE REC apres y avoir remplacé. L par — ,9° etant égal à — » et en po- ? dx sant aussi 722 + n = 2 L,il viendra 4[+ (2m—£L) m°?— mm" — $'m'm"]x À +4) (2r—L)n®—rn")—ermn]y L ne 1,2 | r' 4 U |2 (m4n—L)mn ner" mn | —+" (mn mm nm2)]x2y? E [e 8(m [ 81 L\nto! 2 an! | Mer LEE A k Lo, € (n — L)n'p —n —/4np | —® (n + 42p")ly 1 / r m1 PET } Tle(4LpEtp )+xp?"1 | Cette dernière équation devant être satisfaite pour toutes =0 L'm'p'—m"— 4 np" | —e"(m'+ 4 mp")]zx? les valeurs possibles de x ,7, z, on aura les conditions suivantes : eLa"'=a"g+ta'e \ ee qu {a 2La'b'+2{a"—b) eu Je+(a +0')e 8{aL Da — { ap' Tj+ae(e—4pl}=0 8 (bE—x)0" pl — 202 DE — 4 bp" +0 (b—4p) = 0 (6) { { { | e(4Zp°+p")++"p=0 / | dans lesquelles on a posé m = LEE n = L,e = da é a b dx 142 ACADÉMIE DE ROUEN. Les deux premières conditions donnent, par l'élimination 4 9 de — ® a db’ La-W)=2z. à Si l’on retranche la troisième de la somme des deux pre- mières, +” et + se trouvent encore éliminés , et l’on a Eee — a(a—v)(£ 7) Il en sera de même, si l’on multiplie la première par & , la sixième par 4 &, et qu'on ajoute leur somme avec la quatrième, ce qui donnera La(a+p}=aa(a + ip) Une combinaison analogue des 2°, 5e et 6°, donne Lo(d + 4p'} = 20 (0 + 4 pl). Enfin, en combinant la sixième successivement avec les deux premières, on obtient : Lap(a + pl)= ap — ap" nor: r PONT DUET 17 Lb'p'(b'+ 4p') = L’p' — b'p Les six dernières relations , que nous désignerons par ( 6”), peuvent donc remplacer les six précédentes. Or, il est facile de voir que les équations ( 6”) sont vérifiées, quand on y fait a =b=—{p',et par suite a” =b"=—4p", par où l’on reconnait que les quantités a, db, et— 4 p, ou 1 I ; ; 5 —, —et—4p, sont,à une constante près, les mêmes nm nm fonctions de À. On aura donc des valeurs de p, met n, en posant Li L _— #7, FD ee er n = hp ? AT à Ài—cC CLASSE DES SCIENCES. 143 bet c étant deux lignes constantes et déterminées , et la pre- mière, par exemple, plus petite que la seconde. Il est vrai que d’autres valeurs pour »2, n et p, pourraient peut-être satisfaire aux équations { 6”). Ainsi, la première et la seconde, débarrassées du facteur (a'-b'), pourraient, par leur intégra- tion simultanée, faire connaître des valeurs de & et de b Ë vérifiant les quatre autres équations conjointement avec une valeur convenable de p; mais ces valeurs de a et b seraient indépendantes de À, et par conséquent devraient être rejetées. D’après cela, les valeurs précédentes de m, n, p; sont les plus générales possible, et, par suite, on a pour l'équation générale des surfaces isothermes, dans le corps considere , L° ÿ da 1 + = + À — D A—e , 4 L'équation (3) représentant des paraboloïdes d'espèces différentes, suivant que 2 et x sont de même signe, ou de signes contraires, et dans la première espèce, la position du paraboloïde étant différente, suivant que »2 et n sont à la fois positifs ou à la fois négatifs; nous désignerons par ge, v, p les valeurs de la variable À, suivant qu’elle sera à la fois plus grande que b etc, plus grande que b, mais plus petite que € , ou à la fois plus petite que Let c. Alors, nous aurons les équations PAT A x? y° S [i 2 y — bd asie CE 4 Là (7) x? au L 1 ptet rt | pour représenter trois systèmes de surfaces isothermes com- pris sous la forme générale (3). Nous le répétons, le x°° et le 3° système ne sont pas essentiellement différents; nous ne les distinguons ici que parce que l’ensemble des trois sys- 14 ACADÉMIE DE ROUEN. tèmes forme un système de trois'surfaces orthogonales con- juguées, comme nous le verrons plus loin. Mais, auparavant, reconnaissons la disposition relative des surfaces isothermes d’un même système. L'un quelconque des paraboloïdes elliptiques donnés par la 1° des équations (7), est représenté, quant à ses sections principales, par les équations , ŒZ ORNE PANNE RE Ne Lie 5 A AE 0 Sr 7 a 20 u—b ce sont les équations de deux paraboles dont le sommet com- : AQU A mun est distant de l’origine de la quantité Te et des deux Ê 2 . I I foyers des quantités respectives Fa (4-b) et (w-c). Les + différences de chacune de ces quantités à la précedente, qui - % SE I sont constantes et respectivement égales à 4 b Se C, re- + présentent les distances de l’origine aux foyers des sections principales. Ainsi, lorsqu'on entretient à des températures constantes, les parois d'une enveloppe solide, terminée par des paraboloïdes elliptiques , dont les sections principales ont les mêmes foyers, les surfaces isothermes , dans l'intérieur de cette enveloppe, sont encore des paraboloïdes elliptiques , ayant les mêmes foyers que les précédents. Une remarque analogue est applicable à la seconde des équations ( 7 ). On en conclut que : St un corps est terminé par deux paraboloïdes hypertoliques ayant les mêmes foyers, et entretenus à des tempéralures constantes , les surfaces iso- thermes, dans un pareil corps, seront encore des parabo - loïdes hyperboliques qui auront les mêmes foyers que les paraboloïdes limites. Cherchons maintenant suivant quelle loi se distribuent les températures entre les surfaces isothermes d'un même CLASSE DES SCIENCES. 145 système. Pour cela, nous avons besoin de connaitre la fonction .L relative à chaque système, afin qu'après l'élimi- nation des paramètres différentiels entre les équations ( 1” } et(2"), nous ayons , entre uw et À, une relation qui ne con- tienne plus rien d’indéterminé, et qui exprime par conséquent la loi cherchce. Or, nous avons. m =? n = DHEA EN) À—c — I —— I LI m' C0} — cr p =— 7 = 2 k SSS 2 AP ERE mr MES 2/1 (Ac) 14 — © Et, par suite , en ayant égard à l’équation (4) _ 16 (A—E {ae À &at(Aa—c) +4y (a—b} + (a— 8) (ac) Et, en ayant égard à l'équation (5), 8(m+n)(a—b}{(a—c}) peace} hr (a) arc) Ces valeurs, substituées dans l'équation ( 2”) donnent : , A,A — - I ®. 1 de I ï 1 Male ({m+ n), ou bien - -,-— (=, + ) 2 og dA 2 À— 0 D'où l’on tire e=Va—b Va—c Nous aurions pu également déterminer la fonction L, en faisant usage de l’une quelconque des équations (6 ); la der- nière, par exemple , conduit à la valeur de L , presque sans calcul. 10 146 .. ACADÉMIE DE ROUEN. Actuellement , si nous faisons l'élimination des parametres différentiels entre les equations ( 1) et( 2 }, il viendra du , du PP", 149 au —— + L(A)===0, ou bien == + — -— —- = 0 dr ” da dx? + dx da On en déduit, par une première intégration , du A du A es TT OUR CAT ES PA nie A étant une constante. Supposons qu'il s'agisse d’un corps terminé par deux para- boloïdes elliptiques; il nous faudra, dans l'équation préce- dente, remplacer À par, et la loi des températures sur les surfaces isothermessera donnée par l'intégration de l’équation (8) Fe l di u —= re JVa—b Va—c laquelle se fait aisément. L'application de la méthode d’in- tégration des expressions irrationnelles du second degré, conduit à la relation bc = A og (ET + VeTVae)+8 (8 » B étant une nouvelle constante, qu’on déterminera , ainsi que A, d’après la température des surfaces qui terminent le corps. « Si nous observons qusy-b et y-c sont les paramètres des sections principales dans une surface isotherme quelconque , nous déduirons la loi qui suit, de l'équation précédente : Peut-on avoir la température qui règne dans toute l'étendue d’un quelconque des paraboloïdes y, comparec à la tempéra- ture constante B? on fait la somme des moyennes arithmétique et géométrique , entre les paramètres des sections principales de ce paraboloïde, etle logarithme de celle somme est propor- tionnel à la température qu'on cherche. CLASSE DES SCIENCES. 147 Lorsque b = c, toutes les surfaces isothermes sont des paraboloïdes de révolution, et alors Les différences des tem- pératures qui règnent sur ces surfaces sont proportionnelles aux logarithmes des paramètres de leurs sections meridiennes. Ou, en d’autres termes : Si, parmi les surfaces x homofocales , isothermes et de révolution autour du méme axe ,on considère celles dont les sommets s'éloignent du foyer commun, de quantités qui varient comme les termes d'une progression géométrique , leurs températures varieront comme les termes correspondants d'une progression arithmétique. Pour déterminer les constantes A et B qui entrent dans l'équation précédente (8'), on donnera successivement à la température w, les valeurs «, et u, qui conviennent aux deux surfaces limites, et aux paramètres 4-b et u-c . les valeurs Po €t os P, et q,, Gui conviennent aux sections princi- pales de ces mêmes surfices, et l'on aura ainsi les deux équa- tions : à (Po+go) +WpPogoe | +B u, = A log Fi, + g)+Vp.4, LE B u,, = A log ou bien U = À dog SE B-1n, = A logs, +B en désignant , pour abréger, par la lettre S, la somme des deux moyennes arithmétique et géométrique entre les para- mètres des sections principales d'un même paraboloiïde. Des deux équations précédentes , on tirera À Us — U, B U,/0Z3S,— u,logS, 7 Log S— (088$, log S, — logs, Daws le cas où le corps donné sera plein , l’une des surfaces limites se réduira à une ligne centrale dont tous les points auront la température u, et alors A sera égal à la différence entre la température extérieure et la température centrale , 148 ACADÉMIE DE ROUEN. divisée par le logarithme de la somme $, , tandis que B sera tout simplement égal à la température centrale. Après avoir considéré le système des surfaces isothermes données par la première des équations (7), nous avons à nous occuper de celles que donne la deuxième de ces mêmes équations. Imaginons donc un corps terminé par deux paraboloïdes hyperboliques, maintenus à des températures constantes 49 etu,, et dont les sections principales ont, deux à deux, les mêmes foyers. La loi des températures stationnaires dans ce corps, sera, comme précédemment, déterminée par léqua- tion : d'u du 12 de À (A ge avec la condition L(a) = L(m+n) RTS I Mais ici il faudra remplacer À par v, 72 par =D et 7 par y x A — , et alorsil viendra y-C y ——— e(r)=Vr—8 Ver et par suite , CLS OPREN Le, PNR UUE ! — De EE 5 4 V’, b Vc—» = dy et NN a — (9) Vr—bVc—y Le second membre s’intègrera par un arc de cercle, et l’on aura, pour la loi des températures stationnaires, (RENE A4 EEE) à (9°) U = À arc sin CLASSE DES SCIENCES. 149 D'ailleurs , les constantes A et B se déterminent au moyen des relations . Po EX Jo U = À ATOS ET B Pa F de cs ê ME u, = À arc sin + B Pr + L'équation précédente fait voir que : & l’on prend sur la circonférence d'un cer cle de rayon égal à l'unité , un are dont le sinus soit le rapport de la différence à la somme des para- mètres des sections principales dans l’un des s paraboloïdes A l'arc qui correspondre à ce sinus représentera , à une quan- tité constante près , la température qui règne à la surface de ce paraboloïde. Dans le cas particulier de b = c, les trois équations pré- cédentes donnent u = u, =u, = B. Ce résultat ne doit point étonner, si l’on remarque que c étant égal à b, et » devant toujours être compris entre € et b, on aurac =b+Ac, ety=b+Ay, Ac et Ay étant deux quantités infiniment petites, dont le rapport peut passer par toutes les valeurs possibles, D’après cela, la seconde des équations (7 ) de- viendra, dans le cas particulier que nous considérons, é Ac ) à Y = — — 7x1 x > Avy C’est l'équation d’un plan méridien quelconque dans les surfaces de révolution que représente la première des équa- tions { 7}, dans la même hypothèse à = c. Pour une raison que l’on comprendra plus loin, et quoique, comme nous l’avons déjà dit, les surfaces du troisième Sys- tême ne diffèrent pas essentiellement de celles du premier, nous mentionnons ici l'équation 150 ACADÉMIE DE ROUEN. qui donnerait la température dans les surfaces p, et qu’on obtiendrait de l’équation J(a)=i(m+n) -1 -] et 72 par b-p c-p en y remplacant À parp, 72 par Nous avons annoncé que les équations (7) représentent un système de surfaces orthogonales conjuguées : c’est ce que nous allons démontrer. D'abord , nous observerons que, non-seulement toutes les surfaces données par l’une des équations (7), ont les deux mêmes foyers B et C, mais que ces deux foyers sont toujours les mêmes , quand on passe d’un système à un autre système de surfaces. D'ailleurs , une quelconque de ces surfaces est suffisamment déterminée, quant on connaît ces deux foyers, avec la variable 4, y, ou p, qui répond à cette surface. Enfin, les trois surfaces que l’on obtient pour trois valeurs particu- lières, données à 4, y, p, se coupent nécessairement, et se coupent en quatre pointes symétriquement placés par rap- port aux plans des 3 et des yz. Il résulte de là qu’un point de l’espace est parfaitement déterminé , quand on connait les quantités y, v, p, qui répondent à ce point, c’est-à-dire quand on connait les trois surfaces paraboloïdales et homofo- cales qui passent par ce point, avec la position de leurs foyers. ( La position des foyers est déterminée par les valeurs données aux constantes b et €, qui représentent le quadruple de la distance de ces foyers à l’origine. ) Il est bien entendu que si l’on concoit l’espace partagé en quatre régions par les plans des #2 et des yz, il faut aussi connaître dans laquelle de ces quatre régions se trouve le point. Les variables 44, v, p sont donc des coordonnées d’une espèce particulière, que nous appellerons coordonnées paraboliques, pour prendre un nom analogue à celui dont s’est servi M. Lame. Les coordonnées paraboliques d’un point sont lices à ses CLASSE DES SCIENCES. 151 coordonnées orthogonales par les équations ( 7 ), ou par les suivantes, qu'on en déduit aisément : rVe—b=iVu— VD VE —p | AMC DV eee? Ge) 20e gr —p) | Dans une parabole donnée en coordonnées orthogonales, _ pa) nous pouvons dire que le paramètre est perpendiculaire à Vaxe; et, dans le fait, le paramètre est Ja longueur de la corde passant par le foyer, perpendiculairement à cet axe. D’apres cela, et d'après les formules précédentes, nous voyons que : si un point de l'espace est rapporté à ses coor- donnces paraboliques, chacune de ses coordonnées orthogo- nales ,non parallèle à l'axe commun des trois surfaces homo- Jocales, sera égale à la racine carrée du produit des trois paramètres, qui, dans les sections principales de ces sur- Jaces, ont la méme direction qu'elle, divisée par le qua- druple de la racine carrée de la distance focale ; tandis que la coordonnée orthogonale parallèle à l'axe , sera égale à la différence entre deux sommes, dont l'une est la somme des distances qui séparent l'origine des sommets des trois surfaces homofocales , et l’autre la somme des distances de cette même origine aux deux foyers. Si nous prenons un point x, y, = Commun aux trois surfaces (7), nous aurons pour les équations des plans tangents à ces trois surfaces , en ce point 2% 2y RD CR EE 0 2% À 2Y DIRE CRT ue) ST ET pp NU (perl ) sr ») Or, la condition de perpendicularité entre ces trois plans, deux à deux , est satisfaite; car si nous prenons les deux premiers, 152 ACADÉMIE DE ROUEN. par exemple, et que nous comparions leurs équations aux deux suivantes : Ax+By<+C:+D=o A'x + B'y + Cz+D'=0o nous aurons see 44 AA! LBB H CC = ——_—_—— — se Don @=ote—r)T or, en ayant égard aux équations ( 10) b — C— r r jee RE P AA" + BB’ +CC= =; ie et, comme le second membre est nul , on reconnait que les deux plans considérés sont perpendiculaires. Il en serait de méme du premier plan tangent et du troisième, ainsi que du second et du troisième : donc, ces trois plans sont perpen- diculaires deux à deux, et, par suite, les trois surfaces ho- mofocales considérées se.coupent orthogonalement. De ce que les équations (7) donnent trois systèmes de surfaces orthogonales conjuguées , on peut en conclure immé- diatement que deux quelconques de ces trois systèmes tracent, sur une surface du troisième, toutes ses lignes de courbure. C’est un théorème que M. Lamé a démontré d’une manière générale ; dans un mémoire sur les surfaces orthogonales con- juguées , qui fait partie d'un travail relatif aux lois de lé- quilibre de l’éther (Journal de l’école polytechnique, XXVHT° cahier )- D'ailleurs, c’est ce que nous pouvons démontrer pour le cas particulier qui nous occupe. Et eu celà encore, nous ne faisons qu'imiter les calculs de M. Lamé , dans le mémoire que nous avons cité en commencant. On a, pour les équations de la normale , en un point, y, d’une quelconque des surfaces 2X x! — x + u—b NS NS Er le NE finesse ITA CLASSE DES SCIENCES. 155 et, si l’on considère une autre normale en un point x+4x , ÿ+dy, 244, infiniment voisin éu premier, on aura, par la différentiation de x, y, z (u—d) dx + ax ds = 2 (z'—z)dxr (u—c) dy + 27 d3 = 2 (3'—2) dy 2 Or, pour que ces deux normales se rencontrent, ou, en d'autres termes, pour que le second point se trouve sur une des lignes de courbure qui passent par le premier, il faut que les coordonnées du second point satisfassent à la condition C—Ù0 1 y < : STE A NUS PTT ki qu’on obtient par l'élimination de z’ entre les deux relations précédentes. D'un autre côté , si nous imaginons la trace que laisse, sur la surface 2, la surface y qui passe au point x, y, z , il faudra, pour avoir la relation quiexiste entre les coordonnées du point æ y z, et les coordonnées du point de cette trace, qui en est infiniment voisin, différentier les équations ( 10), en y regar- dant g et y comme constants; l’on aura ainsi Re a UE dz dp dy — dp dx — dp Ces valeurs satisfaisant à la condition { 11), on en conclut qu’en effet le point de la trace considérée , est sur une des lignes de courbure qui: passent au point x, y, z. Un calcul analogue ferait voir qu'un point infiniment voisin du point æ, y, 3, étant près sur la trace que produit la surface p, passent par le point x,y,7z, ses coordonnées satisfont également à la condition (11). Donc, ce nouveau point se trouve sur la seconde ligne de courbure qui répond au point æ, y, Z. Le théorème est donc démontre. Calculons maintenant le flux de chaleur qui traverse 11 154 ACADÉMIE DE ROUEN. une portion déterminée d’une surface de chaque système. Prenant d’abord une des surfaces 4, d’un corps terminé par deux paraboloïdes elliptiques , considérons sur cette surface un point #, y, z, et l'élément dw? de la surface correspon- dant à ce point. Les deux surfaces y et p qui passent en ce point , se coupent suivant une courbe normale à la première , de sorte que, si nous appelons & s l'élément de cette courbe u la température au point x, y, Z, et k la conductibilité inté- rieure du corps auquel appartient la surface, nous aurons d'u — À LE d'w? pour l'expression du flux de chaleur qui tra- s verse l'élément do *, pendant l'unité de temps , du du ou bien —K— — du? du ds parce que u et s sont à la fois deux fonctions de 4. L’équa- tion { 8) nous donpe A du Vu—b Vu—e et l'expression du flux devient — KA du d —— -— de? Va Va—c % oi dt marqueron ’en dési pour avoir —— nous remarquerons qu’en désignant par dx, d'y, d2 , les variations qu'éprouvent les coordonées x , y, z, quand on passe de la surface # à la surface infiniment voi- sine gg + dy, nous aurons de = VSr + Sy + d2' or, pour avoir dr, dy; dz, il faudra différentier les équations 10), en y regardant y et p comme constants ; ce qui donnera CLASSE DES SCIENCES. 155 et, pour l'expression du flux de chaleur , 3 Il ne nous reste plus que Zw? à obtenir, mais, auparavant , nous remarquerons, en passant, que si l'élément «7? était placé successivement aux sommets des paraboloïdes y, on ; À 1 aurait pour ces points 4= 0, y =0,7=- mL» P=U;t==c; et l'expression précédente deviendrait — 4 KA dw? Vu —d Vu—c c'est-à-dire que Les flux de chaleur aux sommets de ces dif- Jérents paraboloïdes , sont réciproquement proportionnels à la moyenne géométrique entre les paramètres de leurs sections principales. En appelant s” et s” les courbes normales aux surfaces v et p, et analogues à la courbe s, nous aurons a Vy —db Ve—y Vu—p Vy —p dp LUE Me CE FRE PR PRE PE et dos = ds! Ps" = SE AP SN - d'y dp Vi —0 Very VD 0 Ve —p &l- Le flux de chaleur devient donc enfin : KA(v—0)fy fn V'y DV ce» Vb—D Ve—p Cette expression est indépendante de #. Ce qui fait voir que : LE 4 si l’on considère, à travers le corps proposé, un canal in - 156 ACADÉMIE DE ROUEN. finiment délié, ayant pour axe la courbe s, qui coupe nor- malement les surfaces x, et pour sections normales , les rec- tangles ds" à s', qui varient d'une surface y à la suivante, ce canal laissera écouler la même quantité de chatur, dans le même temps, par toutes les sections normales ; et ses paroïs , qui appartiennent à quatre paraboloïdes aux mêmes Joyers, infiniment voisines deux à deux, ne seront traversées par aucune molécule calorifique. Le corps considéré est partagé par les surfaces y et p, en une infinité de canaux infiniment déliés. Et si l’on imagine un faisceau formé par un très grand nombre de ces canaux rapprochés, ce faisceau sera une portion déterminée du corps, et les sections de cette portion du corps, par l’une quel- conque des surfaces mu, seront, dans le même temps, tra- versées par la même quantité de chaleur, laquelle sera don- née par l'intégrale : 7 Ç (v — p) dy dp mn —— —— D à Vy—b Vc—y Vo —p Ve—p à prise entre des limites convenables. Si l’on considère l’ensemble de tous les faisceaux, c’est-à- dire non plus une partie déterminée du corps, mais le corps tout entier, l’ensemble de tous les filets calorifiques qui le traversent deviendra la quantité totale de chaleur qui, dans l'unité de temps, traverse une des surfaces y. Cette quan- tité de chaleur est donc la même pour toutes les surfacesy ; et cela devait être, puisque les températures ont atteint l'état stationnaire. Pour donner un exemple de l'usage de léquation(14), proposons-nous de déterminer la quantité de chaleur qui passe, dans l’unité de temps , à travers les portions finies des surfaces 4, que limite l'intersection de ces surfaces, avec lune des surfaces p. Il est bien évident qu'il faudra prendre CLASSE DES SCIENCES. 157 Pintegrale relative à 5, depuis la valenr de p qui répond au sommet de la surface x, jusqu à une valeur quelconque de p, CES cs pe a er. GRR ER UE EL ; NS Nr c’est-à-dire depuis p = bd, jusqu'à p=p. Quant à l’inté- gration relative à », on l'étendra à toutes les valeurs pos- sibles de y, c’est-à-dire depuis y = D jusqu’à y = €. Puis enfin , on quadruplera l'intégrale pour l'étendre aux quatre régions de l’espace. On aura ainsi 2 fr (v—p) dr dp VD Very Vb—P Ve —p b à © p c do y dy Vip Ve—p Von Ve b 2 P dy p dp du AT ATEZ Vo—p Ve—p eJ8 €/b Or c vdy rs [ dy VF Ver Re UET yes 6 ep P : pdp YU y F Mare Ve—Pp e)b P dp 158 ACADÉMIE DE ROUEN. Donc, en substituant et réduisant dy Vr—db Ve =—Vé—r Ve-p Ô e)b =—7W6—r We—p et, par suite, la quantité de chaleur cherchée aura pour ex- pression : 7 KA Vb—p Ve —p On voit donc que : toutes les surfaces paraboloïdales corres- pondantes aux différentes valeurs de 4, et terminées à leur intersection avec les parabolo:des p , sont traversées, pendant le même temps, par des quantités de chaleur égales pour une même valeur de p, maïs proportionnelles à une moyenne géométrique entre les paramètres des sections principales dans les paraboloïdes p, pour des valeurs différentes de p. On peut arriver à la même conséquence d’une autre manière. Pour cela, il convient d'exprimer la quantité du S — KE qui en coordonnées orthogonales. Or, x,Y,7 du de étant toujours les coordonnées d’un point quelconque de la surface um; x + dx,y + dy, z + dz, celles d’un point infiniment voisin pris sur la courbe s qui passe au point x, Y»Z>0na pour les équations de la tangente à la courbe s au point x,Y,2. D'ailleurs, la normale à la surface gx ayant pour équations x'—x = — CLASSE DES SCIENCES. 159 et la courbe s étant normale à la surface ge , on à les relations JT . —07 dy _— 27 LE pet LU rer d’où l’on tire =Ù/ Sr NL: {_4x 47° 2 ds=l/ Sa + +4 va re Gp hu d'z et en observant que £z = — ? du f 4 se= hk x? ET 71 (æ 0) Pere LT De plus ,on à pour le cosinus de l’angle (P, xy) que fait, avec le plan des xy, le plan P tangent à la surface g, au point xyz, cos (P, XY ) — PAIE TOUErG 4e (A E — ———— ! Ve Flac À donc, dxdy étant la projection de l'élément do? sur le plan des xy, on aura, do? = — dd / 4x”? NC ra + 0) Flac) À L'expression des flux de chaleur devient, par la substitution du des deux valeurs que nous venons de trouver, pour, + et s pour de*. 4 K Cr dxdy ou bien RL LEE dxdy du PRET Vu x L intégrale 4KA e LEE 5 V4 | dx dy (15) 160 ACADÉMIE DE ROUEN. représente donc la quantité de chaleur qui passe, dans l’u- nité du temps, à travers une partie paraboloïde g, déter- minée par les limites de l'intégration. Ainsi, pour prendre l'exemple dejà traité, si l’on cons dère la partie de ce pa- raboloïde , qui est terminée à son intersection avec le para- boloïde p , comme cette intersection a pour équation de sa projection sur le plan des x y be y? 3 (4—b) (b DES EST (u— 0) ep — 11 faudra étendre l’intégraie précédente à toute la surface de l’ellipse représentée par cette équation; ce qui donnera f] didy = 27 Vu bd Vu —c VE —p WE piyte par suite, P 4KA Ê C’est la valeur trouvée précédemment. De la forme de l'expression ( 15) , résultent ces deux prin- cipes géneraux : 1° Les quantités de chaleur qui, pendant le même temps, traversent des portions déterminées d'une des surfaces iso- thermes paraboloïdales pr, sont proportionnellzs aux projec- tions de ces portions de surfaces , surun plan perpendiculaire à l'axe commun des surfaces isothermes. 2° Les quantités de chaleur qui, pendant le même temps, traversent des portions déterminées de surfaces isothermes paraboloidales , ayant même projection sur un plan perpen- diculaire à l'axe commun de ces surfaces, varient, d'une surface à l'autre, en raison inverse des moyennes géomé- triques, entre les paramètres des sections principales de ces mêmes surfaces. CLASSE DES SCIENCES. 161 $$. Dans ce qui précède, nous avons reconnu la loi des températures stationnaires dans un corps plein, ou dans une enveloppe solide creuse, quand les parois sont des parabo- loides Romofocaux, maintenus à la même température , en chacun de leurs points. Nous allons maintenant étudier la loi des températures stationnaires dans les mêmes corps, mais en supposant qu’en chacun des points de leurs parois, sont appliqués des foyers de chaleur, constants pour chacun d’eux, mais variables d’un point à l'autre. L’équation ( o ) est toujours l’équation du problème. Nous allons , toutefois, Ja transformer, en la rapportant à des coordonnées paraboliques, et mieux encore à un autre genre de coordonnées €, #, g, lices aux coordonnées parabo- liques , par les relations suivantes : de à dy = |, , = ——— = dp — nantes (16 J Hope ta Ces nouvelles coordonnées ne sont donc rien autre chose, comme on le voit, que les températures qui règnent sur les surfaces isothermes de chacun des trois systèmes examinés précédemment. Les surfaces 4 , y, p, se coupant orthogonalement, on à les relations du dy du d' du dy dr. dx T dy dy + dz Il © dx dx dy dy z ds dp dy |: dp dy , do dy FASE OU Aer æ'& ? 12 162 ACADÉMIE DE ROUEN. On à, en regardant we, », p comme des fonctions de x ;,y ,z dn _dn de dn dy dn dp de Dfab AE dits dn _dn ) dn [dy ) dn (£ 2 dy? dx dp? .) dx? du? Xdx dn dy dn d'y dn æp FA da dx? dy dx? dp dx’ d’n du dy d°n du dp d'n dy dp Hdi de de Ÿ ? udpdx de Ÿ *’dydpdx de dn Le et de 5e a- 1 L'EE à à d' formant de même les expressions de TE Ÿ joutant, réduisant d’après les relations précédentes, et ayant égard aux notations convenues, l'équation (o) se chan- gera en celle-ci: dn dn dn d'n , 7 DNree RSS, a ae Kms 52 dé CA dy dar NU Th d?n ,? rare G7 Or, lesfonctions w, v, p vériñent l'équation (2), en pre- nant, pour (A), les trois expressions trouvées précédem- ment Lost) 40 Ci) Hot (=+E) CLASSE DES SCIENCES. 163 On a donc, d’après les notations convenues, I 1 .\,? Les (+ ——), es — ee I I LI a =—— |. a (18 re rene Fa on à de plus pu . 16(#—b)(u—c): : M ar (ue) hp (ab + (ue —cy et, en vertu des équations (10), le second membre devient 16(uw—b\{(u—0c) (Hæ—v)(#—p) des paramètres différentiels relatifs aux surfaces » et p, on . En faisant le même calcul pour chacun trouve AT A re D 2 RE er el tam Re a nn © On) < (d—p]) (c—p) ee QE nl ( ‘p RER 0) (19) Les équations (18) ec t-(19) permettent d'exprimer , en coordonntes paraboliques , l'équation (17), qui devient alors tn fe > ——;—— t4 | (u—v){@—r) Vert ra MR Tr 16% ACADÉMIE DE ROUEN. Ouenfn, SÉRRR r temp Rae nee E st; ge QE an, d£? d'y? dé? Cave) ere) (Ep) et en chassant les dénominateurs on) Der ha +(a—n) = —o (ar) équation dans laquelle on devra considérer, , p, comme des fonctions de £, #, 8 , données par les formules ( 16 ). Suivant toujours la marche de M. Lamé, nous allons faire voir que l'intégration de l'équation (21°) dépend de l’'inté- gration de trois équations différentielles linéaires du second ordre à deux variables. Nous observerons d’abord que les équations ( 16 ) donnent = Va} Ve = =Vyr=EVc—Y, à, _. =. =Vi—Ve—p, et si l'on pose, K'=V/x Vu—b L'=-ÿ,V;,-7 M=—Y} Vo on aura les identités qui suivent : en (+0 fi) +1 (2) = (v—p}{(u—p)(x#— 7) (pK + lu—p)L uv) M = (r—p) (up) (uv) —p}K®—(u—p)L® —(u—r) M = (v—p) (up) (ur) CLASSE DES SCIENCES. 165 Il résulte de là, quesi X, Y, Z sont des fonctions, la première de seulement, la seconde de #, et la troisième de £, satisfaisant aux équations différentielles linéaires du second ordre suivantes : dx \2 À Me 0 La frl 4 mec dr? d£ ee Let + om | ve (22) te Ce) — qu) z=e où P,Q,R sont des paramètres indéterminés et constants, l'équation (21) deviendra, en y posantn = X YZ, FP—p)fe-p){e-r)(P#+QHRR)= 0 et sera satisfaite, si l’on établit entre P, Q, R, la relation PHQ+HR=o (23). On pourra donc prendre, pour l'intégrale , la plus géne- rale de l'équation ( 21), une série de la forme n=ZA.XYZ. (24). A etant un coefficient constant, et chaque terme de cette serie correspondant à un système particulier de valeurs de P,Q,R vérifiant l'équation (23.) En vertu de la même équation (23), les équations { 22) pourront s’écrire ÆX æ + { Wlu—e)+ne(u—v) | x=o DH] @ie—r)— Re (r—0) | Y=o } (35) æZ ON ere 166 ACADÉMIE DE ROUEN. les quantités, y, p, devant être regardées comme des fonc- tions de £, n, €, données par les équations { 16 ). Les équations (25), exprimées en coordonnées parabo- liques , deviennent dus + I Qbiu—c)+Re(u—b | K=o Cchv)(r 5) TY = . = æ — 0 —_b\ dx (u—b)(u—c me +(E +4 | F 2 2 (26) +{Q5 (c—r)—Rc(r—b) | H=0 2? U— Ce d en tin D = | en D dp? 2 + {—Q6(c—p)— RU) | Z = 0 Telles sont les équations qui donneraient la loi des tem- pératures stationnaires dans le corps considéré : les cons- tantes arbitraires que l'intégration amènerait, se détermi- neraient , dans chaque cas particulier, d’après les circonstances initiales, A. BORGNET, Froffess. de math. au Collége de Tours. CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. DTLPLILAY LA LULU LAN LL LL LULU LLALAAILLL CLASSE DES BELLES-LETTTRES ET ARTS. BARS apport PAR M. DE STABENRATH . SECRETAIRE PERPETUEL DE LA CLASSE DES LETTRES ET ARTS. MESSIEURS, La direction imprimée aux travaux de l'esprit humain , depuis un certain nombre d'années, a singulièrement. porté atteinte aux classifications académiques qui avaient pour but üe séparer les sciences, des belles-lettres et des beaux-arts. Aujourd'hui plus que jamais apparaît cette vérité, éternel lieu commun de toutes les intelligences , que les sciences , les arts et les lettres se prêtent un mu- tuel appui. Mais cet appui n'est plus en théorie seule- ment , il est entré dans la pratique; il existe maintenant une fusion qui rend leur alliance indissoluble , et qui, de trois branches distinctes, a formé un faisceau compact , un tout homogène. 170 ACADÉMIE DE ROUEN. Ainsi, vous trouverez tout naturel de rencontrer parmi les œuvres scientifiques proprement dites, cette abon- dance de style et de pensées , cette poésie, ce savoir lit- téraire qu'on n'était pas habitué à y rencontrer ; et vous entendrez avec satisfaction les artistes et les littérateurs parler des sciences qui leur sont devenues familières. Cette fusion de choses et d'idées s’est fait sentir dans votre compagnie , et la division de vos travaux en deux classes , est, pour ainsi dire , nominale. Sans aucun doute, les ma- thématiques pures, la médecine, la chimie, les autres sciences , seront toujours comprises dans l'une de vos classes. La littérature, les beaux-arts, l'économie poli- tique dans l’autre classe ; mais qui pourra tracer la ligne qui les sépare , et décider d’une manière absolue , que certains ouvrages appartiennent à une classe plutôt qu'à une autre ? It faut le reconnaître ; dans les rangs de la société , le nombre des intelligences supérieures est rare ; mais celui des hommes doctes et lettrés est considérable. La marche des études est grave , elle tend vers un but sérieux, et principalement vers la position sociale de lhomme. On étudie ses penchants, on consulte ses mœurs et ses usages ; on examine et l’on pèse ses lois. On appelle , à l’aide de la réforme, les théories et l'expé- rience ; ceux même qui, par leur position ou leur inclina- tion , sont le moins aptes à réfléchir , sont amenés cepen- dant à apprécier et à juger les usages et les lois que l'on veut modifier, les mœurs ou les mauvais penchants que l’on cherche à corriger. Vous ne pouviez, Messieurs , rester étrangers à ce mou vement général des esprits, et les travaux de vos membres devaient se ressentir de cette impression, de cette im- pulsion presque universeiles. Aussi voyons-nous que toutes les pensées se sont portées vers un but d'utilité actuelle , CLASSE DES BELLES-LETTRES. 171 et d'améliorations à la position de tous ; soit que les uns aient parcouru le domaine de l'histoire , soit que les autres aient embrassé dans leurs investigations les faits qui s’ac- complissent sous nos yeux. Parmi les premiers , il faut citer d'abord M. Homberg, qui à lu un travail fort étendu sur l'histoire du Régime dotal, Ne croyez pas, Messieurs, que ce titre , tout-à-fait mo- deste, et n’offrant, au premier abord, que l'idée de re- cherches curieuses etutiles peut-être , de jurisconsulte, soit le véritable titre de l'ouvrage de M. Homberg. Il faut bien le dire, en examinant la plus grave, la plus haute, la plus importante question historique, celle de la condition des femmes dans la Société, il a fait autre chose que de se traîner sur des articles de la coutume ou de la loi. I s'est placé à un point de vue élevé, dégagé des arguties de l'école, de l'interprétation judaïque des textes, et sur- tout du souvenir de la pratique, propre à rétrécir les esprits, à obscurcir le jugement, et à donner à la médio- crité une apparence de profondeur et de savoir. Quelle fut la condition &es femmes , depuis les temps historiques ? Que sera-t-elle un jour ? immense question, à laquelle le genre humain tout entier est intéressé, Question qui comprend tout, le passé, le présent, l'avenir. Question qui remue toutes les entrailles; car elle rappelle les sentiments les plus doux et les plus puissants ; elle fait revivre les idées de la famille ; car elle provoque les mou- vements les plus généreux de Fame. s. Voyez, avec notre confrère, le travail du temps et de la civilisation ; suivez pas à pas leur marche lente , mais pro- gressive. Dans l'origine, et toujours pendant l'enfance des peuples, la condition de la femme est d'être esclave ; placée dans une position tout-à-fait inférieure , elle parti- cipe aux mœurs grossières de l'homme, et n'occupe aucun 472 ACADÉMIE DE ROUEN. rang dans l'État; loin d'être l'égale de son mari, elle ne possède rien en propre , elle n'a aucun droit. Comment pourrait-il en être autrement aux yeux de celui qui la achetée ? : En effet , chez les peuples de l'antiquité , la femme ne recevait pas de dot de sa famille. L'homme qui se propo— sait de l’épouser l'achetait par des présents à son père. Chez les Romains, qui reconnaissaient trois sortes de ma- riage , l'achat, la confarréation, l'usage, la femme était soumise à un régime d'oppression caleulée , n'ayant d'autre mérite que celui d’être logique et en parfait accord avec les principes du droit et les faits sociaux contemporains. Elle était dans un état de dépendance et d'infériorité telles, qu'on cherche vainement la limite qui sépare sa condition civile de celle de lesclave : « C'est un état, «dit M. Homberg, qui n'offre aux femmes ni protec- «tion pour leurs personnes, puisque leur mari devient «à la fois leur juge et leur bourreau, ni garantie pour la « conservation de leur dot, puisque celui-ci, qui en est « seul propriétaire , peut en disposer comme il veut. » Il ne faut pas croire , pourtant , d’une manière trop abso- lue à cet esclavage complet de la femme. Il y a des choses vraies en droit, et qui peuvent n'être pas vraies en fait, parce qu’elles sont presque toujours inexécutées. Ainsi, à Rome, la position d’une mère de famille recomman- dable par le nombre de défenseurs qu'elle avait donnés à la république, par les vertus dont elle leur avait fourni l'exemple , par son dévouement et sa tendresse pour son mari, était, si nous en croyons l’histoire , honorable et ho- norée. Oui, la condition de la femme , à Rome, dépendait d'une loi dure et cruelle, ses droits étaient méconnus et pour ainsi dire nuls; mais les mœurs adoucissaient et tem- péraient souvent cette loi, dans ce qu'elle avait de trop rigoureux. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 173 Quoi qu'il en soit, peu à peu sa condition changea, devint meilleure , ses droits s'accrurent ; elle n’appartint plus au mari seul, mais elle fut considérée comme étant la propriété de l'état, qui dut alors la défendre et la pro- téger, en la confiant à l'homme, dans l'intérêt de la répu- blique. | La femme ne s'appartenait done pas; son individualité n'était pas reconnue, l'infériorité de sa race était mainte- nue, elle n'avait pas encore le rang où elle devait monter, pour n'en plus descendre. Le christianisme , seul, opéra cette dernière transformation. Et maintenant , quelle est sa condition chez les peuples civilisés du globe ? EHe n’ap- partient plus à l'homme que par les liens d’une soumis- sion volontaire. Membre de la grande famille de l'État, elle a tousles droits compatibles avec sa natureet saconsti- tution physique. A l'homme appartient la direction des affaires extérieures de la famille ; à la femme celle des soins plus doux de l'intérieur du ménage, Maintenant la femme est l’associée et légale de Fhomme ; mais chacun de ces deux associés à des devoirs différents à remplir. Certes, à aucune époque , la condition des femmes n’a été plus heureuse qu'à celle-ci, et quand on considère com- bien il a fallu de siècles pour qu'elles pussent arriver à cet état, on est tenté de s'irriter contre les folles et ridi- cules prétentions de quelques personnes qui ont réclamé , pour les femmes, l'exercice des droits politiques et l'entrée dans les assemblées nationales. Et pourquoi n’ont-elles, pas réclamé aussi celui de porter les armes et de faire la guerre? Chacun doit conserver le rôle que la nature lui a départi ; à la femme, à la mère de famille, n'est-il pas échu le plus beau, celui d'élever ses enfants, de les entourer de tendresse et de soins, de veiller sur leur existence, de protéger leur faiblesse et de leur enseigner la vertu! À l'homme n'appartient-il pas de veiller sur le 17% ACADÉMIE DE ROUEN. repos de la famille ; de couvrir, pour ainsi dire, deses ailes le nid maternel , de régler les affaires de l'État et d'assurer le bonheur et la tranquillité de tous? Pendant que l'émancipation de la femme s’élaborait lentement, la servitude recevait de faibles mais conti- nuelles atteintes, les mœurs s’adoucissaient , les liens de l'esclavage devenaient moins serrés, et de nouveaux rap- ports s'établissaient entre les hommes. Les lois trop ri- goureuses tombèrent successivement en désuétude, et finirent par être complètement abrogées; quelquefois seulement par laction du temps, quelquefois aussi par un arrêt solennel du pouvoir modérateur. L'un de nos confrères, M. Floquet, dans une nouvelle anecdote normande dont il vous a donné lecture, ap- porte un exemple frappant de l'abolition d’une coutume barbare , par arrêt du Parlement de Rouen, abolition qui était déjà un pas immense fait dans la réforme de nos lois pénales. C'était en l'année 1558. Un homme nommé Guillaume Laurent avait été condamné à mort, pour meurtre. Sa sentence avait été exécutée. Après avoir eu le poing coupé sur la place de la Cathédrale , il avait été décapité sur celle du Vieux-Marché. Le coupable était mort, mais çe n'était pas assez pour la justice humaine, elle le punissait encore jusque dans ses enfans ; ainsi, aux termes de la coutume de Normandie non encore réformée, les trois enfants en bas âge du supplicié ne devaient avoir aucune part à ses biens, qui, confisqués, tombaient entre les mains du fisc. Is étaient aussi déshérités des biens de leur aïeul qui venait de mourir, et dont les héritiers autres que les petits enfants pouvaient seuls recueillir la succes sion. Forte du droit que lui attribuait la coutume, la tante des trois orphelins réclama l'héritage , sans pitié pour leur faiblesse et leur misère! CLASSE DES BELLES-LETTRES. 175 L'avocat Brétignières, touché de compassion pour les orphelins demanda et obtint solennellement du Parle- ment , la réformation de la sentence du bailliage de Rouen, qui les condamnait. 11 proclama hautement ce principe, devenu lune des bases les plus solides de notre droit criminel, que les fautes sont personnelles, et qu'elles flé- trissent seulement ceux qui les ont commises. Je m'arrête sur ce trait de notre histoire provinciale , non pas pour vous faire remarquer les grâces du récit de notre confrère ; vous connaissez le talent avec lequel il ra- conteetembellitles chosesles plus vulgaires ; mais j'ai voulu constater, avec vous, cette marche incessante et progressive de l'humanité vers le perfectionnement des institutions, et la reconnaissance des droits quiappartiennent à tous. C'était une victoire immense remportée sur la barbarie, C'était peu encore, car la confiscation existait toujours et devait sub- sister encore plusieurs siècles. D'ailleurs , la justice crimi- nelle était cruelle dans ses investigations, atroce dans ses condamnations. On déployait, pour arriver à la décou- verte du coupable, un grand luxe de tortures corporelles et morales. Quand on le croyait convaincu, on le livrait au bourreau qui lui faisait faire amende honorable, en che- mise, pieds nus, une torche à la main, devant la porte de la principale église ; puis il était pendu ou décapité , et son corps, coupé par morceaux, était cloué dans les princi- paux quartiers de la ville. Quand on rapproche, par la pensée , les siècles où sub- sistaient de pareils supplices de celui où nous vivons, on est tenté de ne pas ajouter foi au récit trop véridique des historiens. Qui oserait, maintenant, regretter ce temps, et ne pas se trouver heureux de vivre dans une pleine liberté, sous la protection de lois douces et presque toujours équi- tables ; de lois qui garantissent à tous les citoyens Fexer- 176 ACADEMIE DE ROUEN. cice de leurs droits et la défense de leurs intérêts? Les lois répressives se sont singulièrement modifiées; tout ce qui tient à la poursuite et à la répression des crimes, appelle, depuis quelques années , d’une manière toute par- ticulière , les méditations des économistes. Ils se sont dit: notre législation n’est pas encore parfaite ; les hommes con- damnés pour leurs méfaits sont oubliés dans les prisons, où ils gémissent etse corrompent ; les condamnations qui les frappent restent sanseffet, puisqu'ils ne se corrigent pas. Cherchons la cause du mal, et portons y remède. La cause du mal n'était pas diflicile à découvrir, les sources d'où il découle se montrèrent bien vite aux explora- teurs. Ce qui offrait plus de diflicultés, c'était et c'est encore de trouver un remède salutaire, infaillible, en rendant les peines eflicaces, et mieux encore en empê— chant les infractions à la loi, par de bonnes lois préven- tives. Il faut s’empresser de le dire, on a exécuté d'excel- lentes choses depuis quelques années, pour améliorer l'éducation populaire. On a créé des Salles d’Asile, des écoles ; on a fondé des cours publics; la sollicitude du gouvernement s’est étendue bienveillante et éclairée par toute la France; il a compris sa tâche, il la poursuit avec persévérance. Plus tard nous recueillerons les fruits de ces mesures que je nomme préventives; elles ont, en effet, pour objet de rendre les hommes meilleurs, et de prévenir les crimes et les délits. Là ne s’est pas bornée sa sollicitude. Il est bon de pré- voir pour l'avenir, mais aussi il faut s'occuper des faits accomplis. Le régime des prisons, signalé comme mauvais, a été l'objet de ses études approfondies, Un grand nombre d'hommes distingués par leurs lumières et leur philantropie, l'ont précédé et suivi dans ces études. Divers systèmes se sont produits au grand jour, et les meilleurs CLASSE DES BELLES-LETTRES. {FA esprits sont en lutte, pour faire triompher des opinions complètement divergentes. — I est vrai que le gouverne- ment lui-même a semblé exciter les deux camps rivaux, en se plaçant, en quelque sorte, comme juge du combat, puisqu'il devait adopter les idées et les mesures qui lui paraîtraient les meilleures. Notre confrère M. Vingtrinier, fort d'une expérience acquise depuis long-temps, est venu aussi se jeter dansla mêlée, et vous avez entendu, avec un grand intérêt, la lecture de son ouvrage sur Les prisons et les prisonniers. ù - L1 Je n'ai ni le temps ni l'intention de reproduire ici l'analyse d'un travail plein de détails et de faits curieux , pas plus que d'exposer d'une manière complète les divers systèmes pénitentiaires proposés par les utopistes philan- tropes. De gros livres ont été imprimés sur la matière; la presse quotidienne a souvent ouvert ses colonnes à l'ex— posé des résultats plus ou moins véridiques, et ee serait se traîner dans des sentiers trop battus, que de revenir sur ce que tout le monde sait ou doit savoir. H me suffira , pour arriver à l'ouvrage de M. Vingtrinier , de dire briève- ment l'état où il a trouvé la question. Nous ferons con- naître , en peu de mots, ses convictions personnelles. Ainsi qu'on Pa vu, les philantropes ont constaté, qu'a- vant les réformes partielles introduites dans les prisons, ceux qui s'y trouvaient renfermés étaient souvent dans une position déplorable. Les salles, les cachots, les dor- toirs étaient malpropres , l'air y circulait difficilement , la nourriture des détenus était mauvaise, les classifications entre les prisonniers étaient ou nulles ou défectueuses , les détentions préventives se prolongeaient au-delà d'un terme raisonnable. A la vue de {ant de misères et de bien d'autres encore dont je ne veux pas soulever le voile, le 178 ACADÉMIE DE ROUEN. cœur des philantropes s'émut ; ils se prirent d'une passion noble mais exagérée, pour les prisonniers , ils les regar— dèrent comme des frères égarés qu'il fallait traiter avec d'autant plus de douceur et de bienveillance, qu'ils étaient accusés de crimes plus odieux. Alors on les entoura de soins, et, pour ainsi dire de prévenances. On était parti d’un bon principe , l’'exagération humanitaire le gâta. Tout mouve- ment extrême éprouve, tôt ou tard, un mouvement prononcé de réaction. L'excès de ces sentiments de mansuétude et de bien- veillante sollicitude amena naturellement cette réaction, et produisit des effets mauvais en sens contraire. On avait tout fait pour rendre supportable , trop supportable peut- être, le séjour des prisons. On avait pensé au bien-être physique des détenus, les idées se portèrent sur leur moral ; on voulut les rendre meilleurs, les régénérer par l'application de la peine, et inculquer, bon gré, mal gré , des principes de probité et de vertu dans ces natures abruties et perverses. Oh !'alors, le champ des expériences s’ouvrit immense pour toutes les intelligences, on proposa des réformes, on inventa des systèmes. Deux enfin pa- raissent avoir dévoré tous les autres. L'un de ces deux systèmes est celui de la réclusion soli- taire , indistinctement, pour tous les condamnés. Le second est celui de la réclusion en commun avec silence absolu, et prohibition de toute communication intérieure. Les hommes et les femmes seraient également soumis à l’un ou à l'autre de ces systèmes. Quant aux enfants détenus dans les maisons de correction, on a essayé plu- sieurs méthodes pour amender leur naturel et rappeler dans leur cœur des sentiments d'honneur et de probité. Certes, il y a quelque chose à faire dans notre système de détention, et dans la manière d'appliquer les peines ; CLASSE DES BELLES-LETTRES. 179 mais il faut y regarder de près avant de toucher à l'éco- nomie de nos lois pénales, et l'on ne peut qu'approuver le gouvernement d’avoir consulté les conseils généraux sur ces graves questions, avant de se décider lui-même. C'est dans ces circonstances que M. Vingtrinier à com-— 0sé son ouvrage sur les prisons et les prisonniers, après avoir examiné les diverses opinions des économistes, après “avoir combattu leurs arguments par d’autres arguments, répondu à leurs chiffres par d’autres chiffres, il croit, dit-il, « avoir établi d’une manière victorieuse, que la corrup- « tion doit être arrêtée à sa source ; que ce sont les enfants « quiréclament, en premier lieu, des soins, parce que , le «€ plus souvent, ils forment une vaste pépinière de crimi- « nels. Pour atteindre ce but, dit-il encore nous avons fait « ressortir tous les avantages qu'offre le patronage et le « placement au dehors des jeunes détenus, ainsi que l’a « prescrit M. le comte d’Argout, et nous avons émisle désir « que cette bonne œuvre se propageàt et se consolidât..….» M. Vingtrinier n'approuve pas l'application du système pé- nitentiaire ou d'isolement à toutes les prisons du pays, à tous les prisonniers, parce que les motifs qui ont dé- terminé les philantropes sont entachés d’exagération , et que quelques-uns mêmes lui ont paru contraires à la vérité. «Le nombre des récidives, dit-il plus loin, « ne peut-être attribué au bien-être des prisons, car les « prisonniers sont fort malheureux partout; que si « quelques-uns sont insensibles à la perte de la liberté, et « se trouvent mieux là qu'ils ne le seraient dans la vie «€ commune, c'est par exception, c’est le plus petit nombre, « et cela ne peut justifier, ni faire désirer la création de « moyens d'intimidation, qui devront être assez puissants « pour opérer la réforme de l'homme physique , comme « de l'homme moral, c'est-à-dire, par une nouvelle tor- € Lure que, par un écart inconcevable de la raison, on veut 150 ACADÉMIE DE ROUEN. « également appliquer à tous les enfants , à toutes lex femmes, « à tous les hommes, à tous les âges comme à toutes les « constitutions , aux bons comme aux mauvais qui se « trouvent en prison. » Il est difficile, Messieurs, de présenter d’une manière plus nette et plus victorieuse , une partie des vices du sys- tème pénitentiaire ou d'isolement. Cependant notre con- frère n’a pas tout dit encore, car ce système, comme celui du silence absolu, comme les systèmes analogues pour les enfants, sont en opposition à la loi. Egarés par leurs bonnes intentions, les économistes n’ont pas songé à cette pierre fondamentale de la société, et ils ont construit leurs édifices sur le sable, au lieu de les asseoir sur cette large base. Je comprends fort bien qu’on dira que l'expérience apprendra le meilleur système, que la loi sera modifiée alors. Mais on oublie encore que les tortures corporelles et morales sont contraires aux droits naturels de l'homme, que la société, en vertu de son droit de conservation, peut priver ceux de ses membres qui compromettent sa tran- quillité, de leur liberté ; mais elle ne doit pas excéder les justes limites que trace la raison. Et la raison elle-même ne se révolte-t-elle pas, en songeant , comme le dit M. Ving- trinier , que c'est une nouvelle torture que l’on veut appliquer & toutes les infractions de la loiet à tous les criminels ; et, pour juger tout d'un coup ce système d'isolement, dont on fait une peinture si séduisante, où l’on construit des cellules, d'où l’on peut entendre sans être vu et sans voir, les pa- ternelles instructions des philantropes, il me suflira de prendre un exemple dans ce que nous voyons tous les jours. On peut trouver, réunis sous les mêmes verroux, un assassin, un voleur dès long-temps perverti, un faussaire, l'un de ces hommes qui a cédé un instant à la violence d'une passion irrésistible, enfin un condamné pour délit, politique ; Ja durée de leurs peines est la même, le CLASSE DES BELLES-LETTRES. 181 système d'isolement leur doit être appliqué , et l'œuvre de leur régénération doit commencer. Or, je vous le demande, qu'allez-vous faire pour l'homme d'intelligence, pour lecon- damné politique ? Lui parlerez-vous le même langage qu'au voleur, à l'assassin et au faussaire; et prêcherez-vous à celuiquia oublié un instant ses devoirs, un retour à la vertu, alors que son ame est bouleversée par les remords, et que la récidive devient, pour ainsi dire, impossible. Et cessant les exhortations pieuses ou charitables, que sera donc l'isolement, un supplice épouvantable , pire mille fois que la mort. L'isolement pour le condamné à perpétuité, Pi- solement pour le condamné à vingt-quatre heures de prison , deux limites d’une condamnation horrible dans le premier cas et nulle dans le second. Le grand argument en faveur de l'isolement consiste à dire que, par le contact journalier, les détenus se corrompent mutuellement. Cela est vrai; mais, lorsqu'ils sont libres ne se corrompent-ils pas d'avantage ? II y a de ces natures rebelles, qu'en vain l'on voudrait modifier ; leur constitution physique , leurs penchants les entraînent comme irrésistiblement vers le crime; et, ni les exhortations, ni les punitions, ne peuvent les faire changer. Que fera done l'isolement sur ces hommes? il les abrutira , loin de les rendre meilleurs... Messieurs, les législateurs de notre siècle, ont bien senti que l'isolement était une torture affreuse, qu'il portait atteinte aux droits naturels de l'homme, puisqu'ils ont entouré la perte de sa liberté, lorsqu'elle est devenue né- cessaire pour rassurer la société justement alarmée, de me- sures ayant pour but de déterminer dans quelles limites il fallait se renfermer. Ainsi, tout en accordant aux magistrats le droit de mettre les accusés au secret, de les tenir isolés, éloignés de tous, pour parvenir plus sûrement à la dé- couverte de la vérité, elle ne les a investis de ce pouvoir 182 ACADÉMIE DE ROUEN. exorbitant que comme exception à la règle générale , et elle a eu soin d'écrire, dans ses lois , ces sages disposi- tions : « Si quelque prisonnier use de menaces , injures « ou violences , soit à l'égard du gardien ou de ses pré- « posés, soit à l'égard des autres prisonniers , il sera, sur « les ordres de qui il appartiendra , resserré plus étroite « ment, enfermé seul, mème mis aux fers, en cas de fureur «ou de violence grave ; sans préjudice des poursuites « auxquelles il pourrait avoir donné lieu. » La règle générale est donc la réunion des prisonniers ; l'exception , la punition aux infractions commises dans la prison, est l'isolement. Je comprends fort bien que , s'emparant du texte même de cette loi, on demandera son abrogation , comme con— traire aux principes que l'on veut faire triompher ; mais, en attendant, on devrait l'exécuter, fût-elle aussi mauvaise qu'elle me paraît sage ; et, dans notre état de civilisation avancée, une loi ne doit pas tomber en désuétude, quand cette désuétude a pour but de modifier profondément tout notre système répressif. Cependant la loi a été ouvertement violée avec d'excellentes intentions ; car on ne s’est pas borné à des améliorations compatibles avec elle; on a complètement changé, dans certains lieux , l'organisa- tion des prisons. A Paris, par exemple, on a appliqué le système d'isolement cellulaire aux jeunes détenus , et vous sayez ce que pense notre confrère , M. Vingtrinier, de ce système ; dans d'autres prisons, c’est le silence absolu qu'on exige. Ailleurs, on à cru que le meilleur moyen, pour donner une bonne éducation aux enfants , pour leur imprimer de bons principes , était quelque- fois d'employer des moyens de répression auxquels la violence ne serait pas étrangère. Ainsi, partis d'un principe louable d'humanité , les philantropes se sont proposé d'abord l'amélioration ma- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 183 térielle des prisonniers ; puis, poursuivant leur entre- prise , ils ont voulu améliorer leur moral, former leur intelligence, etarrèter leur corruption ; alors ils sont tombés dans un excès qui les ramène à rendre le sort des détenus insupportable, et à substituer, aux peines infligées par nos lois , des peines exorbitantes et qui participent à la fois des tortures physiques et morales. De pareils systèmes, s'ils sont appliqués, ne sauraient subsister long-temps. Les tortures et les supplices cruels ne sont plus de notre temps, et les gardiens de nos libertés publiques , nos législateurs n'oublieront ja- mais ce principe proclamé en 1799, « que toutes les ri- «gueurs employées dans les arrestations, détentions ou «exécutions , autres que celles autorisées par les lois, « sont des crimes. » Comment donc s'opposer à la corruption, au déborde- ment des vices et des crimes qui nous pressent et nous entourent de tous côtés , si l’on n'attaque à la fois le mal dans sa racine et dans ses rameaux les plus vigoureux ? comment y parvenir, si l’on n’adopte l’un des systèmes pénitentiaires proposés? Voilà ce que vous diront les dé- fenseurs , les propagateurs de l'un ou de l'autre de ces systèmes. Je leur répondrai, avee M. Vingtrinier : c'est à sa source que la corruplion doit étre arrétée. Vous y arri- verez par de bonnes lois préventives , et alors vous pour- rez espérer de voir diminuer la moyenne proportionnelle, presque invariable , des crimes et délits annuels, mais en combattant les inclinations perverses des criminels, déja depuis longues années faconnés au crime ; vous exercerez contre eux une rigueur inutile ; vous perdrez votre temps et les fonds de l'État. Messieurs , cette discussion sur l'ouvrage de M. Ving- trinier, nous raménerait à lexamen de la constitution actuelle de la société ; elle nous ferait jeter un regard 184 ACADÉMIE DE ROUEN. approfondi sur les classes qui la composent, et qui toutes sont dangereuses , mais à des titres divers. Nous aurions à rechercher ensemble quels sont ses éléments de corruption, ses ressources pour revenir au bien , et nous serions conduits à cette conclusion inévitable, et qui, pour moi, a l'évidence d'un axiome : que, malgré tous les symptômes de la corruption , notre état social est préfé- rable , sous tous les rapports , à tous ceux qui l'ont pré- cédé ; que nous n’avons jamais joui, à aucune époque de l'histoire, d’une liberté plus grande , d'une tranquillité plus complète , et d’un bien-être plus général. I ya, cependant, de profondes misères à secourir, de grandes infortunes à soulager. C’est ici que le génie de la philantropie est véritablement ingénieux et admirable. C'est lui qui crée les salles d'asile , érige les hôpitaux , guide les associations charitables, et qui répand partout sa bienfaisante et douce influence ; c'est lui qui dirige la pensée de ces écrivains distingués, ardents à représenter toutes les misères pour appeler sur elles les effets de /a bienfaisance publique. M. de Caze vous à fait connaître l'ouvrage de M. de Gérando, sur cet immense et inépuisable sujet ; il a rendu justice à ses nombreuses et savantes recherches , à son esprit plein de bonté et d'élévation. I a fait ressortir, en peu de mots, le mérite d'un ouvrage qui embrasse pour ainsi dire, toute notre constitution sociale, décrit les établissements de bienfaisance des pays étrangers , aussi bien que ceux de la France, qui s'occupe à la fois du riche et du pauvre, du capitaliste producteur et des ouvriers, et qui s'apitoie avec raison sur la misère des pro- létaires , sur l’état précaire où ils sont souvent placés ; appelant de tous ses vœux une amélioration de position en rapport avec les intérêts généraux et les intérêts par- Liculiers. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 185 Dans notre pays, Messieurs , la classe ouvrière souffre souvent ; mais, douée d'un instinct merveilleux d'ordre et de respect pour les lois, elle souffre en silence, at- tendant des jours meilleurs, et confiante dans l'avenir. Depuis dix ans, pas un désordre grave n'a été signalé, et pourtant le commerce a eu des crises longues et difli- ciles à traverser. Chez nous, la classe ouvrière est bonne, sage, et n'a besoin d'être amendée que sous le rapport des mœurs. Et encore, au milieu d'elle, combien ne rencontrerez-vous pas de familles, où la probité, l'éco- nomie , la tempérance sont en honneur ; combien où les arts, la littérature même, sont cultivés modestement ; et n'avez-vous pas sous les yeux, dans cette cité, l'ou- vrier dont les poésies ont cette force, cet éclat, cette verve qu'on voudrait rencontrer plus souvent dans les poètes de profession? Vous savez tous la vie de Théodore Le Breton ; ouvrier, il cherche , à l’aide de son travail matériel, à nourrir sa famille ; poète, il charme ses loisirs, endort ses souffrances aux accents de sa lyre , et ses concitoyens applaudissent à ses chants. Mais le poète, riche de poésie, est pauvre d'argent , noble indigence qu'il supporte avec courage , et dont la ville qui Fa vu naître saura tarir la source ; car, aimé de tous, il compte , dans chacun de ses concitoyens , un frère où un ami, et tous veulent soutenir le talent qui s'élève au-dessus du vul- gaire. Les poésies de Magu, cet autre poète, de Lisy-sur- Ourcq, ont été l’occasion, de la part de M. de Caze, d'examiner celles de Théodore Le Breton, et vous , Mes- sieurs, vous avez encouragé le poète par tous les moyens qui sont en votre pouvoir, et par la recommandation que vous avez adressée pour lui à M. le maire de Rouen, et à l'Académie française. Grâces soient donc rendues à ce magistrat, qui a si bien compris votre pensée ; grâces 14 186 ACADÉMIE DE ROUEN. à vous, Messieurs, qui avez si noblement et si fran- chement prêté la main au poête, enfant de la cité. L'histoire de la Normandie et de la ville de Rouen, ont toujours été , de la part de vos membres, l'objet de re- cherches approfondies. Ainsi, vous retrouvez M. Deville, avec sa belle histoire du Chateau d'Arques ; M. Chéruel , avec son histoire curieuse et savante de Rouen sous la domination anglaise ; M. Floquet, avec son /istoire du Parlement de Normandie. Outre ces travaux d'une haute importance, publiés pendant le cours de cette année, et qui ne peuvent souffrir d'analyse incomplète, vous avez entendu , avec intérêt , un grand nombre de rapports sur les ouvrages de vos membres correspondants et des sociétés savantes, plusieurs de vos membres résidants vous ont présenté des mémoires sur des points d'histoire ou sur des découvertes. M. Deville vous à dit comment il avait retrouvé , dans les archives départementales , un registre des comptes de la paroisse Saint-Saureur , de 1622 à 1653, dont une partie a été écrite de la main de Pierre Corneille. Il est entré dans beaucoup de détails sur ce registre, où figure, aussi comme trésorier, le père du grand poète. Vous devez à M. de Glanville un examen critique de deux autres célèbres écrivains. Fidèle à ses études pre- mières, notre confrère vous a entretenu de Lucien et de Plutarque. Le premier aurait été digne de faire parler Corneille, dans ses Dialogues des Morts, le second de raconter sa vie. Enfin, Messieurs , votre secrétaire vous à Hu une notice sur la découverte d'une sépulture celtique dans lesenvirons de Saumur, et vous avez jugé convenable de soumettre à l'analyse de MM. Girardin et Preisser, un os humain pétrifié, provenant de l'un des Celtes enterrés dans cet endroit. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 187 Il me reste à vous parler, Messieurs, des pertes que vous avez éprouvées. Trois de vos membres sont morts. M. le comte de Raffetot était allé demander au climat de liItalie une santé perdue à jamais ; l'Italie devait être sa tombe. M. l'abbé Gossier , dont je vous entretiendrai bientôt, s’estéteint après une douloureuse maladie, dans cette ville. M.lelieutenant-général, comte Rivaud de la Raflinière, est mort à Poitiers, dans sa patrie, et au sein de sa fa- mille. La mort de ces trois hommes laisse dans vos rangs des vides que vous avez déjà cherché à remplir ; mais, tout en appelant parmi vous de nouveaux collaborateurs , des savants, des littérateurs français ou étrangers , tels que MM. Pelouze, Chevalier, Borgnet, Olry, le vicomte de San- tarem, vous n'oublierez pas que M. le comte de Raffetot possédait des connaissances variées, qu'il appliquait heu- reusement aux études géographiques , objet constant de ses recherches; que l'abbé Gossier estdevenu le bienfaiteur des Sociétés savantes de la ville, et que vous l'avez compté pendant seize années au nombre de vos membres les plus laborieux ; Qu'enfin, la mort, en frappant le général Rivaud de la Rafinière, vient encore d'enlever Fun de ces vétérans des armées de l'empire, dont les rangs s'éclaircissent si rapidement, et dont la gloire passée tombera bientôt tout-à-fait dans le domaine de l'histoire. C'était un devoir pour nous, Messieurs, de vous entre- tenir de nos trois confrères, de vous dire en peu de mots ce qu'ilsétaient, et les regrets qu'ils nous ont causés. Nous ne pourrons donc presque jamais, n'avoir pas à remplir cette triste et pieuse mission, nous voudrions, au contraire, dans cette solennité annuelle , n'avoir à vous rappeler que des 188 ACADÉMIE DE ROUEN. souvenirs agréables, que des travaux grands et utiles, et à vous voir, pendant longues années, entourés de tous nos confrères. Alors, vos études commencées seraient poursuivies avec persévérance. Alors l'expérience ne ferait pas défaut à la théorie ; votre marche serait plus assurée , et le but vers lequel vous voudriez tendre serait plus nettement déterminé. Les importantes questions que ce rapport à fait entrevoir, seraient discutées et appro- fondies; mais nous subissons le sort commun à toutes choses ; ce n'est pourtant pas là une cause de décou- ragement ; car, plus la durée de la vie est incertaine, plus nous devons l’employer, la remplir utilement. Concevons nos projets comme si nous devions vivre éternellement, exécutons-les sans retard, comme si nous ne devions vivre qu'un jour. Nous laisserons ainsi beaucoup de travaux imparfaits , d'entreprises ébauchées ; mais nos descendants, se mettant à l’œuvre après nous, termineront ce que nousaurons si bien commencé. Ne nous lassons done pas d'appeler l'attention de nos concitoyens sur ces questions vitales qui agitent aujourd'hui la société. Exposons-leur sans préjugés, s’il se peut sans arrière-pensée, ce que furent les nations antiques ; développons à leurs regards leurs institutions civiles et politiques. Montrons-leur le sort de l'homme s'améliorant peu à peu, en passant à travers la rude épreuve des siècles si fertiles en maux de tous genres ; pour arriver enfin à notre époque, si mal jugée et si souvent calomniée , à notre époque où la phi- lantropie exerce une si puissante action, où les établisse- ments charitables se multiplient avec tant de rapidité , et où le gouvernement lui-même donne et soutient Fim- pulsion qui porte tous les esprits vers l'amélioration des classes pauvres et ignorantes. LISTE DES OUVRAGES ET DES RAPPORTS Pendant l'année 1839 — 1840. Séance du 29 novembre 1839.— Rapport de M. Adam, sur le Traité de natation de M. Pihan de la Forest. Séance du 20 décembre 1830. — Rapport de M. Auguste de Caze, sur les poésies de Magu et Théodore Le Bre- ton. Séance du 17 janvier 1840. — L'arrêt du Sang damné, anecdote normande , par M. Floquet. Séance du 24 janvier 1840. — Rapport de M. Devilie, sur les volumes des années 1836 , 1837, 1838, comprenant les travaux de la Société d'Agriculture , Sciences et Arts de Douai. Rapport du même membre, sur deux opuscules de M. Lambert, l'un concernant des bas-reliefs de la cathé- drale de Bayeux, l'autre relatif à la bibliothèque pu- blique de la même ville. Détails biographiques sur le grand Corneille et sur son père, découverts dans un registre de la paroisse de Saint-Sauveur, par M. Deville. 190 ACADÉMIE DE ROUEN. Rapport de M. Des Michels, sur le recueil de Ja Société des Antiquaires du Nord , à Copenhague. Rapport de M. Vingtrinier , sur le compte rendu des tra- vaux de la Société de Patronage de Lyon, année 1838. Séance du 31 janvier 1840. — Rapport de M. l'abbé Gos— sier, sur le procès-verbal de la Séance publique an— nuelle de l'Académie des Sciences , Arts et Belles-Lettres d'Aix, pour l’année 1837. Séance du 14 février 1840. — Aperçu critique sur Lucien et ses écrits, par M. de Glanville. Des Prisons et des Prisonniers, par M. Vingtrinier, pre— mière lecture. (2° lecture, 28 février; 3°, 6 mars; ke, 27 mars, et 5°, 10 avril.) Séance du 22 février 1840. — Histoire du régime dotal, par M. Homberg, première lecture. (2° lecture, 6 mars ; 3°, 15 mai ; et 4°, 17 juillet.) Séance du 28 février 18/40.— Rapport de M. Deville, sur l'Histoire de Rouen sous la domination anglaise, au 15° siècle, de M. Chéruel. Le même membre fait connaître que M. Barthelemy à découvert, dans le couvent des dames Ursulines de la rue Morand, les fondations de la tour où Jeanne d'Arc a été renfermée. Il donne ensuite des détails sur l'état actuel du donjon de Philippe-Auguste, encore existant dans le même couvent. Séance du 27 mars 1840 — Rapport de M. Auguste de Caze, sur l'ouvrage de M. de Gérando , ayant pourtitre : De la Bierfaisance publique. M. Charles Durand, professeur d'improvisation oratoire, assistant à cette séance , donne des détails intéressants sur une colonie française, importée en Allemagne depuis la révocation de l’édit de Nantes. Séance du 15 mai 1840.— Rapport de M. Lévesque, sur les Mémoires de l'Académie de Dijon , années 1837 et 1838 CLASSE DES BELLES-LETTRES. 191 Séance du 29 mai 1840. — Quelques réflexions sur les vies de Plutarque, par M. de Glanville. Pièces de vers de M. Théodore Le Breton. Séance du 5 juin 18/40. — Rapport par M. Mauduit , sur les ouvrages de M. Olry. Notice sur Héraclite d'Ephèse, par M. Mallet, professeur de philosophie. Séance du 26 juin 1840.— Rapport de M. de Caze, sur les ouvrages de M. le vicomte de Santarem , ancien ministre de Portugal. Séance du 3 juillet 1840. — Introduction à l'histoire du ’arlement de Normandie, par M. Floquet. Rapport de M. Paillart, sur un volume du Recueil de l'Académie des jeux floraux de Toulouse. Notice sur des Sépultures celtiques, découvertes récem- ment dans la commune de Rochemenier, arrondisse- ment de Saumur, par M. de Stabenrath. Rapport de M. Deville, sur l'ouvrage de M. Auguste Le Prevost, ayant pour titre: Dictionnaire des anciens noms de lieu du département de l Eure. Séance du 10 juillet x840. — IL est donné lecture d'une Pièce de vers en l'honneur de E.-H. Langlois, offerte à l'Académie par l'auteur, M. de Lérue. Séance du 24 juillet 1840. — M. de Jolimont présente à l’Académie une suite de dessins coloriés, reproduisant des objets d'antiquité. L'ARRÊT DU SANG DAMNÉ, ANECDOTE DU XVI‘ SIÈCLE , ( Aunales du Parlement de Normandie ) ; PAR M. A. FLOQUET. La journée du vingt-six août 1558 devait être long temps mémorable, à Rouen, dans les fastes du palais. A ce jour-là avait été renvoyée la décision d’une des affaires les plus graves que le Parlement de Normandie eut jamais vu porter à sa barre. Cause importante sans doute, puisque la grand'ehambre, compétente pour la juger seule souverainement, avait voulu , toutefois, que les Enquêtes, la Tournelle et les Requètes lui vinssent en aide; en sorte (chose presque sans exemple alors) qu'un procès allait, ce jour-là, se débattre devant toutes les chambres du Parlement, qui, d'ordinaire, ne s’assemblaient que pour les affaires de discipline intérieure ou de grande police , et pour accepter ou rejeter les édits de nos rois. C'estqu'aulieuqu'il nes’agissait, la plupartdutemps, aux CLASSE DES BELLES-LETTRES. 193 audienées de cette cour souveraine, que d'éclaircir des faits obscurs, et de déterminer Ja disposition législative qui devait les régir, la loi, à cette fois, la loi elle-même était en cause, loi claire s’il en fut jamais, loi précise, écrite, que dis-je ? reproduite plusieurs fois en divers titres du même code. Le grand Coutumier de Normandie, en un mot, allait être attaqué en ce chef, où, non content d'ad- juger au fise tous les biens d'un criminel exécuté à mort, il voulait encore que les enfants du condamné fussent privés des héritages qu'eût recueillis leur père vivant, et ne pussent même (ce père étant mort), succéder à leur aïeul venant à mourir après jui. Dure et inhumaine cou- tume, apportée en Neustrie par les Normands, il y avait plus de six siècles , et que le bailliage de Rouen venait d'ap- pliquer tout récemment encore dans un procès qui feisait bruit dans la province. C'était au sujet d’un bourgeois de Rouen, Guillaume Laurent, qui, condamné pour meurtre, à la Tournelle, avait eu le poing coupé devant le grand portail de Notre- Dame , et la tête tranchée au Vieux-Marché. Puis, quoiqu'il laissät trois enfants en bas âge , ses biens avaient été dévo- lus au fisc ; et jusque là nul n'eût osé rien dire ni penser même , la confiscation des biens d'un supplicié étant alors , partout presque en France, un dogme fondamental et révéré de tous. Mais, peu de temps après l'ignominieux et sanglant supplice de Guillaume Laurent, le vieux père du condamné étant mort de honte et de douleur, alors avait été donné à la ville de Rouen un hideux spectacle, Chose horrible, on avait vu aussitôt, non plus, cette fois, les agents du fisc, mais la fille de ce vieillard mort tout-à- l'heure, la sœur germaine de Guillaume Laurent le déea- pité, la tante des trois orphelins, venir dire à ces inno- cents, qu'avait recueillis leur aïeul, après le supplice ignominieux de leur père : «Or sus, sortez d'ici tous trois, 19% ACADÉMIE DE ROUEN. rien de ce qui fut à votre grand-père ne vous peutsppar- tenir; ces biens de mon père, dont le vôtre eût hérité sans son crime, me doivent revenir sans partage.» Elle l'avait dit, etelle l'avait pu dire, car, (prononçait le grand Couturier de Normandie, ) l'enfant d'un supplicié ne peut hériter de personne’. Et comme le tuteur des trois enfants avait dénoncé au bailliage de Rouen une inhumanité sicriante, les juges, émus de la détresse de ces infortunés , indignés de la dureté de cette tante, n’en avaient pas moins prononcé tout d'une voix contre les trois pauvres orphelins. Car «nul homme engendré de sang damné ne pouvoit avoir, comme hoir, aulcune succession d'héritage » ; et, la loi Ctant si claire, quel moyen de s’en défendre ? Avocats, légistes, praticiens, présents alors en foule au bailliage , avaient , la plupart, hélas, approuvé la sentence. Quelques-uns, toutefois, en petit nombre, avaient osé se récrier ; mais plus haut , plus énergiquement que les autres, l'avocat Brétignières, qui, indigné contre cette famille dénaturée, révolté d'une loi si barbare, profondément touché de la détresse de ces trois orphelins, qu'il voyait sortir courbés sous la dure sentence qui venait de les vouer à la misère, s'élançant vers eux, comme leur tuteur les emmenait, s'était écrié, en les étreignant dans ses bras, qu'il en fallait appeler en hâte au Parlement, et qu'il ferait réformer la sentence, ou y laisserait son chaperon et ses lettres de licence. Le jour était venu, pour Brétignières, de tenir cette promesse, que lui-même, peut-être, jugeait maintenant téméraire; et, le 26 août 1558, le peuple, qui naguère avait vu mutiler et décapiter Guillaume Laurent, aujour- d'hui encore courait, de toutes parts, en foule , au palais, ! « Aulcun qui soit engendré de sang damné ne peut avoir, comme hoir, aulcune succession d'héritage. » Le grand Coustu- atier du pays et duché de Normendie, titre XXIV : PE ASSISE. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 195 pour voir les trois jeunes enfants du condamné disputer à des parents avides et dénaturés leur dernier morceau de pain qu'on leur voulait ravir. De long-temps on n'avait vu pareille affluence dans la grand'chambre du plaidoyer ; avocats, légistes, praticiens s'y étant rendus, dès le matin, avant l'audience; et là, groupés autour de l'avocat Bré- tignières, beaucoup lui reprochaient sa témérité doser s'attaquer ainsi à la Coutume, à des textes si clairs, et lui prédisaient un inévitable échec. Mais Brétignières n'était pas un homme que lon püt si aisément décourager. Enfant du seizième siècle, de ce siècle inquiet, hardi, ré- formateur, il avait remarqué, dès long-temps, dans les vieilles lois de Normandie, des dispositions qu'il lui tardait de voir abolir; aujourd'hui qu'il allait en attaquer une, la plus inhumaine de toutes sans contredit, il attendait la lutte avecassurance ; et, àsongré, présidents, conseil- lers et gens du roi tardaient bien à venir. Ils parurent enfin, le premier président Saint-Anthot à leur tête , homme ferme , sage, éclairé, supérieur à tous les préjugés de son temps, un de ces juges, enfin, tels que les devait désirer Brétignières, pour une cause où la raison et l'humanité osaient, de concert, traduire à la barre de la cour ce vieux Coutumier que tous avaient respecté jusque-là, en Normandie, à légal presque de la loi de Dieu. Cependant MM. du Parlement étant assis en jugement, attentifs à ce qui s’allait dire, et la cause appelée enfin, la conduite de Brétignières parut étrange à tous. Avocat des trois orphelins (appelants devant la cour), c'était à lui de parler le premier, et d'engager le combat qu'il avait si hardiment pro- voqué; tous attendaient, fort en peine de ce qu'il pourrait proposer contre une loi siclaire; le doute, Fin crédulité étaient peints sur les visages. Quand done on le vitse contenter de conclure à l'annulation de la sentence, 196 ACADÉMIE DE ROUEN. puis s'asseoir aussitôt, et l'avocat des intimes se lever con- fiant, et entrer résolument en matière, vous eussiez entendu alors s'élever, dans la grand'chambre, un sourd bruissement , un murmure confus et réprobateur. Avocats, praticiens , secouant la tête, regardaient sévèrement Bré- tignières; et, plus que jamais, de toutes les bouches, presque , sortaient ces mots : Outrecuidance , cause perdue. Que fut-ce done en entendant l'avocat des intimés alléguer les lois, invoquer le Coutumier, y montrer, non pas dans une disposition isolée, mais dans plusieurs, mais partout, dans le texte de ce vieux code, et plus encore dans son esprit, le rigoureux anathème lancé na— guère aux enfants des condamnés? car, avait dit le dur législateur normand, les enfants du condamné ne pour- ront jamais rien prétendre, non seulement aux biens que possédait leur père au jour de son crime, mais aux héri- tages même qu'il eût recueillis vivant, et qui viendront à s’ouvrir après son supplice. Ces biens iront aux autres plus prochains du lignage ; en telle sorte que les enfants du condamné n’y auront rien. « Aulcun qui soit engendré de sang damné ne peult avoir, comme hoir, aulcune succes- sion d’héritage.» — « Et (avait-il dit plus explicitement encore ailleurs), les enfants à ceulx qui sont damnéz ne peuvent riens réclamer des biens de leur aïeul. » — Quels textes avaient jamais été plus clairs? Et, puisqu'il la fallait défendre , cette coutume attaquée, et réhabiliter ce législateur si long-temps révéré, aujourd'hui traduit à la barre de la cour, l’orateur, évoquant les temps passés, faisant revivre les anciens Normands , les durs compagnons d'Ogeric, de Ragener et de Rollon, montrait aux juges ces grossiers et farouches aventuriers, non moins âpres, alors, à larapine et au meurtre, qu'invinciblement enclins aux courses hasardeuses, aux périlleuses aventures, à l'invasion et à la conquête ; puis, au milieu de ces aommes CLASSE DES BELLES-LETTRES. 197 féroces, qu'aucun châtiment ne pouvait retenir, leurs chefs , leurs juges , s'avisant d’une salutaire pensée. Car, au fond de ces cœurs si durs, le législateur ayant ren- contré des entrailles de père, le seul endroit chez ces pirates qui püt s'émouvoir et craindre, alors, dans un dessein profond , il avait fait cette loi qu'on attaquait si mal à propos aujourd'hui. Un jour, dans les rangs de ces hordes sauvages, avait couru le bruit, de proche en proche, que , désormais, pour l'expiation d'un crime , ilne suffirait plus du supplice de son auteur, que le châtiment survivrait au condamné, que les enfants, en un mot, seraient à jamais punis du crime de leur père. En entendant promulguer cette loi nouvelle, les barbares avaient frémi ; puis, comme elle avait été appliquée bientôt, sans merci, aux premiers d'entr'eux qui avaient volé, qui avaient tué, qui avaient brülé, voyant ensuite les enfants de ces condamnés errer nus et pauvres, les fiers Normands, pris, enfin, de peur, avaient regardé leurs enfants, et tremblé pour ces inno— centes créatures; puis, d'année en année, on avait vu moins de vols, d’incendies, d'assassinats ; ils s'étaient détournés de mal faire, voyant leurs enfants en porter infailliblement la peine; tant il est vrai que le père souffre plus au mal de ses enfants qu'au sien propre ! Ainsi, conti nuait-il, ainsi sans doute l'avaient pensé les Romains. Car, dans une de leurs lois, parlant de ces violences insur— montables qui vicient et rendent nulle l'obligation qu'elles ont extorquée, ils mettaient au premier rang celles exercées sur un enfant pour contraindre ses parents et leur arracher une promesse ; un père (disaient-ils )}, un père craignant toujours plus pour ses enfants que pour lui- mere. Mais, arrêtant ici l'avocat des intimés , Brétignières s'était levé brusquement, rompant enfin un silence qu'il voyait si mal compris. «Eh ! pourquoi done, s'écriaitil d'une 198 ACADÉMIE DE ROUEN. voix tonnante, pourquoi ces Romains dont vous parlez avaient-ils exclus de leurs codes la loi cruelle que vous n'avez pas honte de nous vanter ici comme bonne, saincte et faïcte à bonne cause ? Car nous venons de vous entendre tous la qualifier ainsi. Pourquoi leurs sages, leurs empereurs, Callistrate, Arcadius, Honorius, ont- ils, au contraire, proclamé si haut que le crime du père et son supplice ne peuvent ni entacher ses en-— fants, ni influer en rien sur leur destinée; que la peine est pour le coupable, ne regarde que lui seul, et qu'on doit laisser en paix ses proches, ses amis, ses gens, qui, pour avoir appartenu de si près au condamné, n’en sont pas moins sans doute étrangers à sa faute ? Pourquoi (les Normands seuls exceptés) ne la trouve-t-on , cette dure coutume, chez aucun peuple du monde? Ah ! c'est qu'elle est inique, contraire au droit divin, contraire au droit naturel, qui ne sauraient permettre que le fils porte Fini- quité du père, et que la peine survive au coupable. Elle détourne du crime, dites-vous? Dites plutôt, dites qu'elle y pousse violemment. irrésistiblement , les enfants qu'elle deshérite ; dites qu'elle les précipite dans l'abime. Car, que deviendront, je vous prie, ces enfants errants et nus, sans parents, sans pain, sans abri sur la terre ? Que devien— dront-ils, en guerre désormais avec le monde qui les repousse, avec les lois qui les flétrissent ct les ruinent , avec des proches, heureux de leur imfortune, riches de leur désastre ? Il verra, l'enfant du condamné, il verra le frère, les neveux de son père, il les verra riches de ses dépouilles, jouir, prospérer, s’enorgueillir, bien venus du monde dont, pour lui, il sera le rebut. A eux lopulence ; pour lui la nudité, les dédains et la faim! Un grand crime, cependant, entre tous ces proches, mais crime sans suites faâcheuses pour les collatéraux innocents, que dis-je ? source, pour eux, de richesses, de créditet d'hon- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 199 neurs ; tandis qu'il a voué à la honte, à l'indigence, au désespoir, l'enfant, le malheureux enfant qui, ce semble, n'y avait pas plus de part; et toujours, apparemment, ce fils prendra patience; toujours il sourira au monde qui l'aura maudit, aux lois qui lauront ruiné, à des proches engraissés de sa substance ? Il sourira! croyez-le, vous, et adorez une loi si humaine et si sage, qui assure la paix du monde et l'indissoluble union des families. Vous parlez de respect pour les coutumes; mais où donc eroyez-vous être? Regardez le monde rouler dans l'espace, changeant sans cesse d'aspect et de figure. Voyez, les siècles se succèdent, inégaux, dissemblables ; les nations vont chan- geant, se renouvelant sans cesse ; et leurs institutions ne changeront point, ne se renouvelleront point comme elles ! Quoi, chez les peuples les plus éclairés de la terre, des lois mürement délibérées par des rois et des sages, bonnes peut-être pour le temps qui les vit faire, tom-— beront, toutefois, à la fin, vieilles, surannées, et sans vertu ; elles ont fait leur temps. Et l'éternité serait assurée aux dures et cruelles inventions de peuplades errantes, pillardes, dévastatrices; et des coutumes, des usages, expression grossière d'un instinct brutal et sauvage, de- vront à jamais régir le monde, à légal des lois éternelles ! «Ces coutumes, ces usages dont s'éprirent des peuples nais- sants, il leur sera rigoureusement, et à toujours, défen- du de s'en déprendre ! — Un législateur pourra biffer dans les codes la loi qu'y écrivirent ses sages devanciers ; et, chez nous seuls (peuples de coutume, comme on nous appelle), tout retour à l'humanité, au vrai, à la justice, au bon sens, serait à jamais interdit ! Et les stupides cruautés dont s'avisèrent des hordes de maraudeurs et de pirates, il faudra qu'un peuple civilisé, régénéré, éclaire par les lecons des siècles, les subisse à jamais en silence, lorsqu'illes abhorre au fond de son cœur ! Ah ! si du peuple 200 ACADÉMIE DE ROUEN. grossier qui fit la dure loi que vous osez invoquer en- core, j'osais, moi, en appeler au peuple humain qui vit aujourd'hui, à ce peuple venu en foule à une si solennelle audience, qui nous écoute avide et silencieux, et dont la conscience, croyez-le, réprouve énergiquement une iniquité si criante, ce que firent ses pères en des temps d'ignorance et de barbarie, croyez-vous, dites, qu'il hésiterait à l'anéantir aujourd'hui ? — Mais qui pour- rait lui en disputer le droit ; et les lois des hommes, ainsi que leurs conventions, ne prennent-elles pas fin par les mêmes moyens qui leur ont donné l'être ? Vous tous, leur dirais-je, bourgeois, peuple, qui naguère vites tomber au Vieux-Marché la tête de Guillaume Laurent le meur-— trier, écoutez : cet homme possédait de grands biens, qui, lui mort, allèrent tous au fisc; trois petits enfants lui survivaient toutefois; leur aïeul les recueillit, leur voulant servir de père, puis mourut bientôt, les laissant orphelins une seconde fois ; et , le cadavre gisant la encore, survint la fille du vieillard, la sœur du décapité, la tante des trois innocents, dont, alors, le dernier n'avait pas trois ans ; elle survint, les yeux secs, le cœur sans douleur et sans merci. Dès longtemps, elle avait été richement do- tée par ce vieux père; n'importe, maintenant il lui fallait tout, à l'exclusion de ses trois neveux. À elle d'hériter, à eux d'aller nus, errants par le monde; elle le disait; elle le cit encore aujourd'hui; et tenez, voyez-la, honteuse et päle à cette audience, elle et le digne époux qui l'a si bien conseillée. Puis, regardez maintenant ces trois pauvres orphelins, ces enfants innocents de l'homme coupable que naguère vous voyiez mourir. Parce que leur père fut homicide, on veut, entendez-vous? qu'ils soient mendiants, vagabonds, désespérés, meurtriers aussi peut- être ; et, pour toute raison, on nous allègue des usages, des coutumes... Ah! je loue Dieu : vous m'ayez compris, el CLASSE DES BELLES-LETTRES. 201 j'entends vos murmures unanimes l'anroger, enfin, cette dure coutume que vous léguèrent vos aïeux. «Que la cour me pardonne , c’est à elle seule que je devais parler ; mais, aussi, qu'elie daigne le dire, je l'en adjure. Dans ce vieux Coutumnier dont elle est imbue, les siècles ont-ils donc tout respecté ? Gtest le combat judiciaire dont ce code barbare prescrivait la forme ; étrange audience où les points de droit se discutaient naguère à coups de lance et d'épée entre les gentilshommes, et, le baston cornu à Ja main, entre gens de roture ! Où est ce fer brülant, gage infaiilible d'absolution pour celui dont les mains endurcies pouvaient, pendant quelques instants, supporter la brû-— lure? Pourquoi Fempoisonneur, Fassassin, le parricide, échappant aux gardes chargés de le trainer à l'échafaud , irait-il vainement aujourd'hui étreindre la croix d’un cimetière, se réfugier dans l’aître d'une église, souiller le sanctuaire de sa présence ? Pourquoi aussi a-t-on cessé de brüler, de démolir de fond en combie les maisons des for-- bannis ? Et où sont tant d'autres vieilles lois, écrites dans ce Coutumier, Jong-temps suivies, mais dont l'humanité et la raison ont fait, à ia fin, justice ? C’est que des cou- tumes, chères aux Normands des anciens temps, paraissant ineptes et barbares à leurs arrière-petits-fils, humains , civilisés et polis, ceux-ci peu à peu les ont délaissées. C'est que les coutumes, les usages, expression mobile des mœurs variables des peuples, de leurs conditions muables, de leurs volontés changeantes, doivent peu à peu s'effa- cer et disparaître avec elles. Ainsi en sera--il, je me le promets, de cette dure loi de Normandie, qui, pour le crime du père, dénie, depuis tant de siècles, aux enfants la succession de leur aïeul. Mais, au reste, est-il vrai qu'elle soit encore pleinement en vigueur, cette coutume inbumaine, opposée avec tant de confiance aux trois enfants de Guillaume Laurent ? La sentence du bailliage de 1 202 ACADÉMIE DE ROUEN. Rouen , dénoncée par nous à la cour, sentence plus digne du siècle de Rollon que du nôtre, est-elle, à coup sûr, j'invariable expression de la sapience normande , et le vœu bien avéré du pays tout entier? Vous tous, lieutenantsdes bailliages, vicomtes, avocats du roi, que j'avise à cette audience, assis aux pieds de la cour, levez-vous, je vous en adjure ; levez-vous, la cour le permet ; son équité m'en assure ; voyez, le premier président l'ordonne , levez-vous , et dites ce qu'il en est, aujourd'hui, dans vos bailliages , de ce vieil usage; dites si, dans chacun de vos vastes ressorts, on voit aussi, de génération en génération, les fils, les petits-fils, les arrière-petits-fils errer mendiants et nus sur la terre, parce qu'autrefois un de leurs au— teurs, condamné par la justice, expia son crime sur l'é- chafaud ? » En ce moment, dans la grand'chambre du plaidoyer , barreau , juges , peuple, tous avaient frémi. Fascinés par cette voix impérieuse et tonnante, les lieutenants des baillis, les vicomtes, les avocats du roi s'étaient levés tous ensemble , et ils répondirent aux questions du pre- mier avocat du roi Laurent Bigot, et du premier pré- sident Saint-Anthot. Ce fut une solennelle exguête pur tourbes, Yune des dernières qu'ait vues la province ; en- quête honteuse, disons-le, pour le bailliage de Rouen, le seul qui, maintenant, appliquât cette disposition du Coutumier, peu à peu tombée en désuétude dans les autres bailliages, où Fhumanité, l'équité, la raison avaient su prévaloir, à trait de temps, sur tant de textes écrits. Le peuple, pour tout dire, en Caux, à Evreux , à Caen, dans le Cotentin, dans le Vexin normand, dans le Perche , avait tacitement abrogé , en ne l'appliquant plus, ce statut barbare ; et à Rouen même, on venait de l'en- tendre tout à l'heure, ce peuple, protester tout d'une voix contre la dure sentence de son bailliage. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 203 Restait, maintenant, au Parlement à s'expliquer sur cette transgression flagrante, publiquement confessée par les juges ses inférieurs, de la loi la plus claire et la plus précise qui füt écrite dans ses codes ; à choisir entre la juris- prudence du bailliage de Rouen et celle des six autres bailliages de la province, entre l'équité et le texte le plus formel qui fut jamais. A lui, en cette solennelle conjonc- ture, d'agir, non plus en cour de justice qui applique des dispositions législatives auxquelles elle-même est subor- donnée, mais en souverain sénat qui établit et proclame des règles auxquelles tous les juges d’un pays devront désormais obéir. A lui, en un mot, ce jour-là, non plus d'appliquer la loi, mais de la faire. — Peuple, légistes, étaient là dans l'attente , jamais cause pareille n'ayant été vue au palais ; mais les esprits, maintenant, étaient bien changés : les avocats, à cette fois, entouraient tous Brétignières ; et leurs félicitations unanimes et cha- leureuses lui faisaient bien augurer de Pissue de ce procès , si téméraire, quelques heures avant, au gré de la plupart. Le Parlement, cependant, retiré dans le secret du con- seil, y tardait plus que d'ordinaire; jamais délibération n'avait été si longue, et déjà dans la salle d'audience on ne savait plus que penser. C’est qu'hélas ! il faut bien le dire, quelques magistrats, zélateurs endurcis de la cou- tume , essayaient de défendre les dispositions si claires et si répétées de la loi normande. Car, pour tous presque, en Normandie , la coutume était chose inviolable et sainte , et s'y attaquer était commettre un inexpiable sacrilége. « Après qu'une clause aura été biffée (disaient ces apolo- gistes du statut normand ), quel pouvoir, ensuite, sauvera les autres? » C'était, à leur sens, mettre tout enpéril. «/4 faut (disaient-ils) laisser le moustier où il'est,» L'humanité, toutefois, la raison, la justice durent, à la fin, prévaloir. 20% ACADÉMIE DE ROUEN. Les fortes paroles que l'avocat du roi Laurent Bigot venait de faire entendre à l'audience, avaient affermi les sages , décidé les timides, ébranlé les opiniätres , et donné bon espoir à Brétignières; sa confiance ne devait pas être déçue. Un grand bruit s'étant fait entendre, MM. du Parlement revinrent bientôt dans la grand'chambre du plaidoyer ; mais tous, cette fois, en robe rouge, et les présidents avec leurs amples marteaux d'écarlate, fourrés d'hermine. Car c'était avec cette soleunité qu'avaient toujours été prononcés les grands arrêts, les arrêts géné- reux destinés à devenir la loi du pays. Or, c'était (dit La Roche-Flavyn) cun des plus célèbres et pompeux actes de la cour. » 31se fit un profond silence ; et, au ton ferme et pé- nétré dont parla le premier président Saint-Anthot, avocats, peuple, praticiens, virent quelle part ce grand magistrat pouvait revendiquer dans l'importante décision qui venait d'être prise. «La cour, les chambres assemblées (dit-il), dé- clarant abrogé, par no usance , la coutume de non-suc- céder par les enfants des damnés, met au néant la sentence du bailliage de Rouen, et envoie les trois enfants du con- darané Guillaume Laurent, en possession de tous les biens meubles et immeubles de leur aïeul, leur tante , d'ailleurs, ayant autrefois recu son mariage. Orphelins innocents, rentrez tous trois dans la maison de votre grand-père, d'où on vous avait si inhumainement chassés. Maitre Bréti- gnières , la cour me fait vous dire que vous l'avez fort con- tentée en cette journée.» Le Parlement sorti, il faisait beau voir, dans la chambre dorée, dans la grande salle, une multitude attendrie se presser autour de Brétignières , lui témoignant combien il avait su la contenter. Aussi tous bénissaient cette justice souveraine qui venait, à si bon droit, de faire «Ze riche pauvre et le pauvre riche ; » ! r Paroles du premier président Saint-Anthot, au lit de justice tenu au Parlement de Rouen, le 17 août 1563, par Charles IX, ou par déclarations de majorité. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 205 et les trois orphelins, le matin sans asile, rentrèrent , reconduits par le peuple, dans cette maison pater- nelle, dont un arrêt solennel venait de leur ouvrir la porte. A cinq ans de là, dans cette même grand'chambre dorée du plaidoyer, où, naguère, il avait fait abolir une coutume absurde et barbare, Brétignières, enhardi par un si beau succès, osait attaquer la confiscation même. Avoir obtenu que les fils d’un condamné pussent hériter de leur aïeul, c'était trop peu pour sen cœur , pour sa raison ; il voulait, maintenant , que les enfants innocents pussent hériter aussi, désormais, de leur père coupable et puni ; etille demandait, non plus seulement au Parlement de Normandie, réuni là tout entier, mais aux princes, aux pairs , aux seigneurs , aux prélals, aux premiers magistrats du royaume, qui tous étaient là, dans la grand'chambre , assis en jugement ; il le demandait au roi Charles IX lui- même, séant en son lit de justice, où, tout à l'heure, il venait de se déclarer majeur. Le grand chancelier L'Hô- pital était là aussi, assis er sa chaire , pensif, perplexe, vi- siblement touché des fortes raisons de Brétignières, mais témoignant toutefois, par son attitude, que le temps n'était point venu de formuler en loi des idées si neuves encore , et si hardies. Brétignières, en effet, perdit alors, en ce seul chef, une grande cause, qu'il gagnait d’ailleurs sur tous les autres ; mais du moins avait-il jeté une semence qui, un jour, devait germer et pousser sa fleur; et, au Parlement de Normandie, lui si épris de sa coutume, restait la gloire insigne d'y avoir effacé une loi barbare qui, pendant six siècles, avait régi la province. Son ar- rêt de 26 août 1558, l'arrét du sang damné, comme on l'appela , lu, publié dans tous les bailliages, crié en tous lieux, à son de trompe, devint plus tard un des notables articles de la coutume de Normandie réformée, Célèbre 206 ACADÉMIE DESROUEN. alors en tous lieux, mais bien oublié depuis, en Nor- mandie même, cet arrêt méritait peut-être qu'on le remit en mémoire ; honoré des suffrages du seizième siècle, il me semblait avoir droit à ceux du nôtre, et j'ai cru devoir vous en raconter l'histoire. pU RÉGIME DOTAL CHEZ LES ROMAINS. Par M. HOMBERCG. Ilne faut jamais séparer les lois des circonstances dans lesquelles elles ont été faites. MONTESQUIEU, ÆZsp. des Lois, 1. 29 , ch. I4. Le régime dotal est si usité en Normandie, que son histoire à, en quelque sorte, un intérêt de localité. Peut-être un jour oserai-je soumettre à mes concitoyens , sur les véritables conséquences de ce régime , tant aimé des Normands , le résultat de mes observations et de mes études. Quant à présent, je me sens effrayé par le prestige dont l'entourent et la consécration des siècles et l'importante autorité du droit romain. Lors de la discussion du code civil au corps législatif, un orateur se représentait placé sur une haute montagne , 208 ACADÉMIE DE ROUEN. d'où, d’un côté, il voyait briller une iumière vive et pure, qui était la législation romaine, et, de l'autre, voyait régner encore celte confusion de coutumes diverses, de lois barbares, caprices superbes des vainqueurs, disait-il, habi- tudes serviles des vaincus, ete. ".… Si, au lieu de rester sur la montagne , l'orateur dont je parle avait marché à la rencontre de cette lumière qui l'éblouissait, peut-être l'aurait-il vue s’affaiblir et dispa- raître comme ces feux follets qui ne trompent qu'à dis- tance. Ce que je dis là, je le justifierai par un seul mot. Quand le régime dotal a pris naissance à Rome, la femme était l'esclave de l'homme ; aujourd'hui, elle est son as sociée. Voudra-t-on bien reconnaître que ce qui à pu convenir à l'une de ces époques, puisse ne-plus convenir à l’autre ? Qu'au xu° siècle de notre ère , lorsque les Pandectes de Justinien , depuis si long-temps perdues, furent re- trouvées au siége d’Amalf , les populations, réduites aux lois barbares importées par la conquête, ou aux souvenirs à demi effacés du code Théodosien, se soient prises d'enthousiasme pour cet ensemble de décisions si sages et si justes, qu'à cette époque où l'autorité des textes subju guait les esprits, le précieux volume, porté en triomphe de Pise à Florence, et conservé dans cette dernière ville avec un culte religieux, soit devenu loracle des écoles d'Irnérius et de Placentin, c’est ce que, sans peine , nous comprenons; Mais, aujourd'hui que l'éclectisme domine dans les sciences comme dans la philosophie ; aujourd'hui que notre société, fondée sur des bases nouvelles, a besoin d'un droit nouveau, sachons au moins discerner, dans " Fenct, Travaux préparatoires du Code civil, tome 13, p. 768. — Un autre orateur félicitait les contrces du Midi de la France d’être à la fois éclairées par le soleil et par le digeste. Id., page 749. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 209 la législation des Romains, ces maximes de justice éter- nelle, véritable raison écrite, toujours également appli- cables à tous les temps et à tous les lieux, de ces lois positives, créées au milieu de mœurs et d'institutions qui ne sont plus les nôtres. Quel fils de famille voudrait, de nos jours, se soumettre à la despotique autorité du Pater familids ! Quelle femme mariée n'aurait pas horreur du régime de la Manus! Et, en un mot, que pouvons-nous envier à la constitution de cette famille romaine , basée sur l'esclavage des servi teurs , et sur le servage des femmes et des enfants? Ce ne sont, à vrai dire, ni les lois primitives ni les insti- tutions des Romains qui méritent notre admiration ; mais la manière dont elles ontété interprétées par ces éminents jurisconsultes, dont les sages réponses ont acquis dans les siècles suivants Fautorité législative. Et si nous avons un regret à former, c'est que le génie d'un Paul, d'un Ulpien, d’un Papinien, se soit trouvé emprisonné dans les entraves d’une législation si étroitement forma- liste à certains égards, et encore si barbare à certains autres. Avant, donc, d'invoquer pour une loi française l'auto- rité d'une loi romaine , il faudrait rechercher par qui, et à quelle occasion, cette loi romaine a été faite; car les temps pe sont plus les mêmes, et les circonstances ont pu changer avec eux. Ces considérations m'ont fait entreprendre l'histoire du régime dotal, et, pour première récompense de mes efforts, j'ai trouvé dans cette étude unintérêtque, du reste, on comprendrasans peine. L'histoire de la dot est l'histoire de la condition des femmes, qui n’est autre, elle-même, que l'histoire de la civilisation. 210 ACADÉMIE DE ROUEN. NS er. DU MARIAGE ET DE LA PUISSANCE MARITALE CHEZ LES PREMIERS ROMAINS. La puissance maritale n’était pas toujours chez les Ro- mains, comme chez nous, la conséquence nécessaire et forcée du mariage. Is distinguaient entre le mariage en lui-même, Nuptiæ, qui se formait par le seul consentement des parties"; et cer- taines solennités du droit civil ?, ou une prescription *, qui donnaient naissance à la puissance maritale, la Manus, et faisaient passer la femme, avec tous ses biens, de la famille de son père dans celle de son mari; or, les noces pouvaient être légitimes, justæ, et n'être pas suivies de ces solemnités ou de cette prescription. Ce qui, alors, les distinguait du simple concubinat, n'é- tait autre chose que l'intention des contractants , et il semble d’après cela que, dans certains cas, ildevait être fort difficile de connaître s’il y avait justes noces ou concubinat. Nousdirons, toutefois, que les justes noces se présumaient aisément quand la femme était d'une vie honorable et d'une condition égale à celle de son mari ?. Au reste, le concubinat dont il est question ici n'était pas frappé par les lois de la réprobation que le concubinage encourt parmi nous; et il jouissait, même sous certains rap- 1 «Nuptias consensus.... facit. » 2 Coemptio, confarreatio. 3 Usus. # « Concubina ab uxore dilectu separatur. » Pauli Sentent., lib. 2, tit. 20. — « Concubinam ex sola animi destinatione œstimari opportet. » L. 4, ff. De concubinis. 5 «In liberæ mulieris consuetudine non concubinatus sed nup- tiæ intelligendæ sunt, si non corpore quæstum fuerit. » 6 « Concubinatus per legesnomen assumpsit. » L. 3, ff, De Concu- binis. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 211 ports, des mêmes prérogatives que le mariage ; mais, comme la puissance maritale n'avait jamais lieu à son égard, nousn’aurons pas à nous en occuper. Quand les justes noces n'étaient pas suivies des solen- nités du droit , les femmes restaient sous la puissance de ieur père , ou sous la tutelie de leurs agnats ; car telle était leur condition, qu'il fallait toujours qu'elles fussent sous puissance d'autrui; elles vivaient alors comme des étran- gères dans la famille de leur mari, qui n'avait de droits que sur leur personne sans en avoir sur leurs biens ; et, si elles venaient à mourir, ce n'était ni leur mari ni leurs enfants qui recueillaient leur succession, mais leur père ou leur tuteur. i Rien, à coup sûr , ne répugne davantage aux idées que la civilisation nous à faites, que de considérer les femmes comme des choses, soumises, dans les mains du père, à toutes les conséquences du droit de propriété, et le ma— riage comme une vente qui fait passer ce droit du père au mari, ainsi que de vendeur à acquéreur. Tels sont cependant les véritables caractères sous les- quels il faut bien que nous envisagions la puissance pater- nelle, le mariage et la puissance du mari, chez les pre- miers Romains, si nous voulons voir un peu clair dans ces intéressantes antiquités de l'histoire du droit. Tout le monde sait combien était absolue chez les Ro- mains la puissance du père de famille. Le principe qui a fondé cette puissance est celui qui a présidé à la formation de toutes les sociétés antiques ; c’est le droit du plus fort, du premier occupant; ce droit primitif et violent des porte-lances, où quirites, en vertu duquel le père possède les enfants qu'il a engendrés, comme les terres qu'il a conquises , et dispose du tout suivant sa volonté ou son caprice. La loi des XET Tables donne expressément au pére droit 212 ACADÉMIE DE ROUEN. de vie etde mort sur ses enfants”. N'est-ce pas là ce jus utendi el abutendi qui caractérise chez nous le droit de propriété ? | Les enfants appartenaient donc au père, au même titre que ses esclaves, ses bestiaux et tous ses autres biens ; s’il pouvait les tuer, à plus forte raison pouvait-il les léguer par son testament , les donner en gage à ses créanciers, et enfin les vendre. & Il y avait si peu de différence, aux yeux du père, € quant à la propriété, entre les personnes et les biens, » dit M. Granier de Cassagnac, dans son Zistoire de la Fa- mille, «que, dans la langue des juristes, et jusqu’à la « fin du 6% siècle, le mot famille désignait les terres, «et le mot argent les esclaves et les enfants... Un « fragment des XII Tables , rapporté par le jurisconsulte € Paul, dans son 49: livre sur l’édit, reconnaît le droit qu'a « le père de disposer à son gré, en mourant, de l'argent « et de la tutelle, ce qui prouve que le mot argent désignait « les enfants. » De ce que tous les principes relatifs au droit du proprié- taire sur la chose acquise et possédée sont applicables à la puissance paternelle, il s'ensuit que tous les biens acquis par les enfants, à quelque titre et de quelque manière que ce soit, entrent immédiatement, et, par la seule force des choses, dans l'avoir du père. Ce sont, si l'on peut s'exprimer ainsi, des accessoires de la chose qui suivent le sort de la chose elle-même; arcesserium sequitur principale ?. 1 4° table, 1. 26. ? « Legum romanorum authores , liberos in manu parentum ad instar servorum esse voluerunt, neque suorum bonorum jipsos esse dominos , sed parentes donec manu-mittantur , eo modo quo mancipia solent.» Sextus Empiricus. «Adquiritur autem non solum per nos, sed etiam per eos ques in potestate, ma'iu, mancipiove habemus. » Gaius, Comm., 2, $ 86. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 213 Quand le fils de famille avait atteint un certain âge, il pouvait être émancipé, et les formes de cette émancipa- tion méritent d'être remarquées. Une loi des X{E Tables ayant déclaré indigne de conserver la puissance pater- nelle , le père qui avait vendu son fils trois fois ; le père qui voulait émanciper son fils le vendait fictivement trois fois de suite, et l'acheteur employait cette formule sym- bolique : «J'affirme que cet homme 7'oppartlien! par le «droit quiritaire. Je lai «c/elé au prix de cette mon- «naie, avec cette balance de cuivre. » De même , si la femme voulait devenir maîtresse de ses droits, elle épousait, par le rit de la coemption, un homme qui l'émancipait. J'ai tort de dire qu'elle cpousait, car, dans ce cas, la coemption était si peu un mariage, qu'elle ne rompait même pas les justes noces que la femme pou- vait avoir précédemment coniractées. C'était encore une vente ,et rien de plus. Nous avons dit précédemment que les noces avaient quelquefois lieu sans la puissance maritale. Ici la puis- sance maritale avait lieu sans les noces. Sauf le cas de ces émancipations dont nous ne trouvons la mention que dans Gaïus (Lomme, 1, $ 11%), et qui pa- raissent avoir été fortrares, la femme, quel que fût son âge, ne recouvrait pas sa liberté, comme le fils de famille à la mort de son père *. La tutelle, qui, chez nous, est une charge imposée au tuteur, dans l'intérêt du pupille , était, au contraire, con- sidérée à Rome, dans les premiers temps, comme une valeur profitable pour celui qui en était revêtu. Aussi, à la mort du père, et à défaut d'un testament qui en dis posät autrement, la tutelle, soit de l'épouse , soit du fils ! « Veteres voluerunt fœminas, etiam si perfæœtæ ætatis sint, propter animi levitatem in tutela esse, » Gaius, Comment., 1, 144. 21% ACADÉMIE DE ROUEN. en minorité, soit des filles, revenait-elle de droit aux agnats; c'est-à-dire aux parents du côté du père, qui étaient appelés, par la loi des XII Tables, à recueillir la succession. Ces tuteurs, testamentaires ou légitimes, avaient-ils, sur la personne de leurs pupilles, tous les droits du père de famille ? C’est ce que nous n'oserions affirmer en l'ab- sence de textes formels qui nous y autorisent ; mais cela nous paraît tout-à-fait dans l'esprit de la législation d'alors, et, pour ce qui concerne les biens, nous dirons, sans hé- siter, que la puissance tutélaire était, en tous points, sem- blable à la puissance paternelle. La tutelle, en effet, était si bien une valeur dans les mains des agnats, qu'ils en pouvaient céder l'exercice, et qu'à la, mort du cessionnaire, elle leur faisaitretour (Gaïus, Comm., 1, $ 168 et 172); d'un autre côté, la femme ne pouvait aliéner , s'engager , ni mème tester, sans l’auto- risation de son tuteur (Gaïus, Comment., 2, 6 #7), tandis que celui-ci pouvait disposer des biens de sa pupiile, qui, n'étant pas sui juris, n'avait jamais d'action contre lui. Telles étaient, dans les premiers siècles de Rome, la puissance paternelle et la puissance tutélaire. Voyons maintenant comment elles se transmettaient au mari ; par- lons de ces solemnités du droit civil, qui, lorsqu'elles accompagnaient les noces, avaient pour effet de faire sortir la femme de la famille et de la puissance de son père ou de son tuteur, pour la faire entrer dans la famille et sous la puissance de son mari, #2 manu DIE, Servius , qui vivait au 1v° siècle, a mentionné, dans son commentaire sur le quatrième livre des Gcorgiques de Virgile , trois sortes de mariages qui réduisaient la femme in manu , à savoir : l'usage , usus ; la confarréation, con- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 2145 farrealio, et l'achat, coemptio. La vérité historique vou- drait peut-être que ces trois rites fussent nommés dans un ordre contraire. Le mariage par achat est, sans contredit, le plus an- cien de tous ; c'est aussi le plus généralement usité. Le droit que s’attribuaient les pères, de vendre leurs enfants; l'usage où étaient les maris, d'acheter leurs épouses, se trouvent à l'origine de toutes les sociétés, et constituent l'une des principales bases de toutes les 16 gislations primordiales. Chez les Hébreux, les Grecs, les Thraces , les Ger- mains et tous les anciens peuples , le mariage se montre à nous avec les caractères d'un contrat de vente ou d'é— change. 1] paraissait tout naturel aux pères qui croyaient avoir la propriété de leurs enfants, d'en tirer le meilleur parti possible, et les hommes qui voulaient avoir des femmes étaient obligés de les payer à leur père. Ainsi, nous lisons, dans la Bible, que l'intendant d'Abra- ham, allant demander Rebecca en mariage pour Isaac, part avec dix chameaux chargés de toutes sortes de ri- chesses ; puis, quand il a donné des habits, des vases d'or et d'argent aux frères, à la mère, à la jeune fille elle-même , on lui dit, comme si on lui livrait une mar chandise : «La voici devant vous, emportez-la et partez. » En Rebecca coram te, tolle cam, et proficiscere. Jacob sert Laban quatorze ans pour obtenir en mariage Lia et Rachel, ses filles. Sichem , pour obtenir Dina, promet de donner à Jacob tout ce qu'il lui demandera pour elle. Dans l’/iade, nous voyons Othrion acheter Cassandre à Priam, moyennant des secours pour soutenir le siége de Troye, et Sperchius acheter, par de grandes richesses, Polydora, fille de Pelée. Dans l'Odyssée, Nélée achète Cloris. fille d'Amphion , 216 ACADÉMIE DE ROUEN. et l'un des amants de Pénélope lui propose, pour vider leur différent, que celui-là soit son mari, qui pourra l'acheter le plus cher à son père. Xénophon nous raconte comment le roi de Thrace, Teutès , ému pour lui de reconnaissance , lui proposa de lui donner sa fiile en mariage et de lui acheter la sienne, ajoutant que telle était la loi des Thraces. Dans la comédie des Acharnaniens, Aristophane nous montre un habitant de Mégare, apportant sur le marché d'Athènes ses deux filles enfermées dans un sac, et les vendant, l'une pour une botte d'ail, et l'autre pour un chenix de sel. Le titre 6° de la loi Saxonne fixe à 300 sous le prix d'une fille qu'on veut épouser ; et le titre 12° de la loi Bourguignonne de Gondebaud, également très formelle sur la vente des filles, donne à la somme dont on les paie, le nom de préc nuptial. Enfin, chez les Allemands, l'expression acheter, pour épouser , s’est conservée jusqu'à la fin du moyen-àâge ”. Ces exemples pourraient être multipliés à Finfini. A Rome, et au temps dont nous nous occupons, le mariage par achat était plutôt un rite, une consécra- tion religieuse, un symbole, un souvenir des anciens usages, qu'une vente réelle; car il ne paraît point qu'il y eût de prix payé, par le mari qui achetait, au père qui vendait. A la vérité, dans les cérémonies qui accom- pagnaient cette solennité, il était fait usage d'une balance et de pièces de monnaie; mais ce n'était qu'un symbole , comme pour le testament per &s et libram, et Yémancipa- tion par les trois ventes successives. Quoi qu'il en soit, cette vente fictive produisait, quant 1 Voir l’Aistoire de la Famille, par M. Granier de Cassagnac, les Origines du Droit francais , par M. Michelet , et la préface du Traité de la Dot, de Roussilhe. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 217 à la puissance maritale, et à la subititution du mari dans les droits du père, tous les effets d'une vente réelle. La femme tombait £e man v ». selon la forte express on du drot. Elle devenait la chose du mari, et prenait place, dans son avoir, avant ses esclaves et ses bestiaux. S'il n'a vait pas précisément sur elle le ,2s vend et abitem il s'en fallait de bien peu ; deux lois sttribuces par Denys d'Halicarnasse à Romelus, et r: pportées au Coûe P:py- rien, sous les n° 23ct2%!, permettent au mari ce ju_er sa feinme, et de la tuer, sie Le s'est rendue coupable d'a- dultère, ou, cho e fort étrance pour nous, si elle a bu du vin ?. Il pouvait vendre sa femme (+ ucip l'ouc), comme Néron venait son épouse Livie à Auzuste *, la prêter comme Caton prèla la sienne à Hortensiust, ou, enfin, la lézuer par testament en lui choisissant un tuteur °. Tels étaient les effets incontestables du mar'age cocmp- lione. Quant aux deux autres rites, co farreationce et usu , c'est une question, encore controversée aujourd'hui, que celle de savoir s'ils donnaient au mari la même puissance. La confarréation était le mariage usité dans les familles sacerdotales, et celui que l'on tenait pour le plus solennel. Certains prêtres, comme le flamen de Jupiter et les vestales, ne pouva ent être choisis que parmi ceux dont les parents avaient été unis par la confarréation °. * Voyez Terrasson, Histoire de la Jurisp. romaine, p. 49 et 50. ? Valère Maxime rapporte qu'un certain Egnatius Metellus con- damna son épouse ct la fit mourir parce qu'elle avait bu du vin, et que, loin que cette /io!ence attirât une condamnation à Métellus, il n'en fut pas même blämé. (Lib. 6., ch. 359.) 3 Tacite, 4nn., liv. 5, 1. * Plutarque, fie de Caton. ? Gaïus, Comment., 1, $ 149. 6 \dam, Antiquités romaines, 1%, p. 292. 16 218 ACADÉMIE DE ROUEN. Les cérémonies de ce mariage se faisaient en présence de dix témoins, et ons'y servait d’un gâteau de froment que le prêtre de Jupiter faisait goûter aux deux époux. Ce partage d'un gâteau semble indiquer, entre les conjoints, une certaine égalité de condition qui a fait supposer à quelques historiens * que la confarréation ne faisait pas tomber la femme sous la puissance maritale, au même titre que la coemption. Cette opinion s’est appuyée sur deux textes, dont l'unestuneloi attribuée à Romulus, par Denys d'Halicarnasse, insérée au Code Papyrien, et portant qu'une femme, qui a été légitimement unie à un homme, par le sa- crifice de la confarréation (juxta lezes sacras), entre, avec lui, en participation des mêmes Dieux et des mêmes biens (participem omnium bonorum et sacrorum.) L'autre texte est un passage du discours de Cicéron pour Flaceus, dans lequel le mariage par achat, et le mariage par usage, sont seuls mentionnés, comme donnant lieu à la manus. Ce serait trop nous écarter de notre sujet, que de vou- loir discuter cette question avec tous les développements qu'elle comporte. Nous nous bornerons à dire que, sui- vant nous, quelques spécieuses que puissent paraître, au premier abord, les inductions qui se tirent des deux textes cités, elles ne peuvent prévaloir contre un témoignage aussi positif que celui de Servius, qui dit si formellement que trois sortes de mariages faisaient autrefois passer la femme sous la puissance de son mari, à savoir : la confar- réation , l'usageet la coemption. Gaïus dit, à peu près dans les mêmes termes, qu'autrefois, les femmes tombaient in manu de trois manières, par l'usage, la confarréation et l'achat”. 1 V. Nougarède, Zist. des lois sur le mariage, et M. Granier de Cassagnac, Hist. de la famille. 3 Comment., 1,$111. CLASSE DES BELLES-LETTRES. "219 Enfin, Uipien s'exprime ainsi: « Par la confarréation (Jr co), la femme (uxor) tombe sous la puissance de « Son mari (conmnt in munumn), au moyen de certaines « paroles, prononcées en présence de dix témoins, et « d'un sacrifice solennel, dans lequel on fait usage d'un « pain de froment (penis forreux) *, » Vouloir douter, après de pareilles autorités, c'est, à coup sûr, porter loin Le pyrrhonisme de l'histoire. Qu'on ne dise pas qu'au temps de Gaïus et d'Ulpien, les choses avaient pu changer ; nous voyons que Gaïus parle, non pas de ce qui se faisait de son temps, mais de ce qui avait lieu au- trefois (4m). Certes, Gaïus n'était pas plus ignorant que nous des antiquités du droit romain. En y réfléchissant, la loi du Code Papyrien ne présente pas une objection bien sérieuse; la femme, qui, comme nous le verrons, occupait, dans la famille de son mari, la position d'une fille, devait participer à ses biens comme les enfants participent aux biers de leur père ?, c'est-à- dire , en jouissant avec lui. Le mari pouvait faire participer sa femme à ses biens et en rester le maitre ; il n°y à rien là d’inconciliable. Le passage de Cicéron, si on le considère dans son en- tier, n'est pas plus embarrassant. Valeria, femme de Sextilius, étant morte sans avoir fait de testament, on reprochait à Flaccus, qui était l'un de ses tuteurs, d'avoir agi comme si la success.on lui ap- partenait. La question était de savoir si Valeria était en puissance 2 1 Ulpiani fiagmenta , tit. 9: « De his qui in manu sunt. » ? « Quemadmodum enim in sacris paternis erant liheri, eaque sa- croruim conmnainio, cum patrià potestate et succedendi, erat con- juncta, ita Dyouisius Halyearn. Uxores confarreatas esse ait parti- cipes sacrorum pecuniæque.» (Heineccius, De Marit. tutor,et curat. axor., ies., Cap. { , exercit. 25, & 14 et 15.) 220 ACADÉMIE DE ROUEN. de mari (?» menu), parce que, au cas contraire , sa sueces- sion pouvait être valablement recue:llie par ses luteurs. Cicéron, pour établ r que Valeria n'était pas sr manu, de- mande à ses adversaires si elle y est tombée par l'usage ou la coemption, et leur fa t observer qu'elle n'a pu y tom- ber, ni par l'une, n° par l’autre de ces deux oies, parce qu'il aurait fallu, pour cela, le consentement de tous ses tuteurs, et que Flaccus, qui était du nombre, n'avait pas donné le sien. On vo't de suite que Cicéron ne parle pas ici en hito- rien, mais en orateur,; qu'il n'avait pas à s'occuper de toutesles man èresdont, eng'néral, la sons pouva ts'éta- blir, mais seulement de celles qui auraient pu la faire er courir à la femme de Sextilius ; or, si,comme e ucoup 2 pensent , le rite de la confarréation n'éta t en usa re que dans les familles sacerdotales, et si Valeria n'appartenait point à une de ces familles , il était vrai de dire qu'elle ne pouvait tomber #7 #anu que par lusaize ou la coemption. Adam, qui a su faire entrer berucoup de science dans deux petits volumes, cite le passage de Cicéron pour preuve que, de son temps, la confarréalion était per usitée, et me songe aucunement à en tirer la conséquence que ce rite ne donnât pas lieu à la anus ?. Disons donc, avec Servius , Ulpien et Gaïus, que, par la confarréation comme par la coemption, la femme tombait sous la puissance maritale. Y tombait-elle aussi par l'usage? 1 Voir les auteurs cités par Heineccius, qui est d'un sentiment contraire. { Antiq. rom.) L. 1, tit. X, $ 3. 2 V. Antiq. rom.,t. 2, p. 292. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 221 Le mariage par usage ou par prescription, usu, doit être considéré comme ua annexe du mariage par achat, et il vient confirmer l'idée de propriété, de chose possédée, qui, dans le mariage romain, s'attache si fortement à la condition de la femme. C'était, en effet, chez les Romains, (comme du reste ce l’est encore parmi nous,) une manière d'acquérir la pro- priété, équivalente à l'achat, que de posséder un objet, sans trouble, pendant un certain temps. Ce que nous ap- pelons prescription, ils l'appelaient wsucapion. Suivant la loi des XII Tables, l'usucapion rendait pro- priétaire d’une chose celui qui l'avait possédée, pendant deux ans, si cette chose était un immeuble, ou pendant un an seulement, si c'était un okjet mobilier. USUS. AUCTO- RITAS. FUNDI. BIENNUM. ESTO. COETERARUM. RERUM. ANNUS. (L. #2 de la 6° table.) C'est précisément à la suite de la loi que nous venons de citer, et sur une table exclusivement relative aux ventes, aux possessions et aux revendications, qu'on trouve la loi qui porte que lorsqu'une femme , maî- tresse d'elle-même, a demeuré pendant un an entier dans la maison d'un homme, sans avoir fait une absence de trois nuits, elle est réputée son épouse. MULIERIS. QUE. AN- NUM. MATRIMONIL ERGO. APUD. VIRUM. REMANSIT. NI. TRINOCTIUM. AB. EO. USUPPANDI. ERGO. ABESSIT. USUCAP- TA. ESTO. Cetteabsence de trois nuits,«/roct'umusurpatio», comme l'appelais le droit romain, répond au trouble, qui, de nos jours encore, interrompt la prescription. Toute interrup- tion d'usucapion était appelé usurpation par les Romains ®, comme l'usucapion était souvent appelée usage (eus. ) Ainsi, la femme romaine est complètement assimilée à ® « Usurpatio est usucapionis interruptio. » L.2, ff. De Usurp. 64 usucapt. 222 ACADÉMIE DE ROUEN. tout autre objet mobilier, quant à la manière dont la propriété peut s’en acquérir par usage ou par usucapion, deux mots synonymes dans le langage du droit romain. Maintenant , quels étaient les effets du mariage par usage ? Nous avons vu que Servius et Gaius, atent l'usage en même temps que la coemption et la confarréation, comme faisant passer la femme en puissance maritale. Le pissage de Cicéron, que nous avons cité plus haut, ne peut, d’ail- leurs, laisser aucun doute sur ce point, puisque l’orateur reconnaît que Valeria avait pu tomber par l'usage sous le pouvoir de son mari, si ses tuteurs y avaient donné leur consentement. C'était donc un effet commun aux trois sortes de rites usités pour le mariage chez les Romains, de faire naître la mrarus, c'est-à-dire de faire passer la femme sous la puissance de son mari, comme une vente fait passer aux mains de l'acheteur l'objet acquis, avec subrogation dans tous les droits du vendeur. Nous avons déjà parlé de cette subrogation, quant aux droits sur la personne de la femme ; il nous reste à en développer les conséquences, quant aux biens qu'elle possédait lors de son mariage ou pouvait acquérir par la suite. Le jurisconsulte Gaïus, qui vivait sous le règne de Marc- Aurèle, résume par un mot très remarquable toute cette partie de l’ancien droit : ffliæ locum ob inebut (Comm.2, $ 111), elle devenait comme la fille de son mari ; ainsi, sa position ne changeait pas. Ce qu'elle avait 6té dans la fa- mille de son père, elle l'était encore dans la famille de son mari. On ne pouvait, certes, exprimer d’une manière à la fois plus significative et plus concise, cette substitution qui se faisait au mari dans tous les droits du père. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 223 Dès que la femme est devenue la fille de son mari , elle lui succèdera comme une fille succède à son père, comme sua hares. Elle succèdera à ses enfants à titre de sœur ; et c'est à ce même titre qu'ils viendront à sa succession. Quant à son père, ou son tuteur, elle leur est devenue étrangère, ils n'ont rien à attendre de sa succession , et elle ne leur succèdera point ; si son mari meurt avant elle , elle ne rentrera pas sous leur puissance , mais elle restera dans sa nouvelle famille , et passera sous la tutelle des agnats de son époux qui sont devenus les siens. Enfin , cette situa- tion de fille de son mari, que lui a faite la loi, devient la règle de tous ses droits, et cela va même si loin, que, comme elle est la sœur de ses enfants, elle est la petite- fille de son beau-père , et que c'est à lui qu'elle appartient si son mari est encore en puissance paternelle", Nous avons dit plus haut que tous les biens acquis par les enfants appartenaient au père ; de même, tous les biens que la femme possède lors de sa venue en puissance de mari, tous ceux qu'elle acquiert depuis, à quelque titre que ce soit, sont dévolus de plein droit au chef de famille qui l'adopte, c'est-à-dire au mari, si le mari est maître deses droits, et au père du mari, si le mari est encore sous la puissance de son père; car le droit de propriété ne peut pas plus résider sur la tête de la femme qui n'est pas sui Juris, que sur celle du fils, #n potestate ?, Telle était la anus aux premiers siècles de Rome. ! « Uxor quoque, quæ in manu est, sua hœres est quia filiæ loco est. Item nurus, quæ in filii manu est, nam et hæc neptis loco est. Sed ita demum erit sua hœres , si filius, cujus in manu erit, cum pater moritur, in potestate cjus non sit. Idem que dicimus, et de “ea quæ in nepotis manu, matrimonii causa, sit, quia pro neptisloco est. » (Gaïus, Comment. 3, 3.) 2 F. M. Laboulaye, Hist. de la Propriété foncière en Occident, div. 4,ch.5,et M. d'Hautuille, Revue de législation , t. 7, p. 407. 224 ACADÉMIE DE ROUEN. Ce système n’a qu'un mérite, c'est d'être logique et en parfait accord avec les autres bases du droit, les idées reçues , et tous les faits sociaux contemporains. Du reste, c'est un régime, sinon d'oppression calculée pour les femmes, au moins de dépendance et d'infério- rité telle, qu'on cherche vainement la limite qui sépare leur condition civile d'avec celle de l'esclave. C'est un état qui ne leur offre, ni protection pour leur personne, puisque leur mari devient à la fois leur juze et leur bourreau , ni garantie pour la conservalion de leur dot, puisque celui- ci, qui en est seul propriétaire, en peut disposer comme il veut. Nous allons examiner, dans un second parasrephe, com- ment le rézime dotal a pu naître, au milieu d'un pareil état de choses. $ IL. DE L'ORIGINE DU RÉGIME DOTAL CHEZ LES ROMAINS. Entre le régime de la anus et le régime dotal , la dis- tance est énorme. La ranus, en effet, implique, comme nous l'avons vu, la confusion des b'ens de la femme dans ce1x du mari, et la plus entière disposition du tout donnée à ce dernier. Ce qui caractérise le régime dotal, au contraire , c'est la séparation toujours permanente des patrimoines de chacun des époux ; c'est la conservation de la fortune de la femme, pendant l'association conjugale, à l'écart de toutes les chances que peut courir celle du mari; c'est, enfin, l'obli- gation imposée à celui-ci de rendre, à la dissolution du mariage , l'apport de la femme, tel qu'il Fa reçu au mo- ment de sa célébration. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 225 Comment le régime dotal a-t-il pu succéder à la manus ? Comment ces fiers quirites se sont-ils laissé imposer un joug qui , de nos jours et avec nos mœurs adoucies, paraît encore pesant aux maris qui le supportent? C'est là un problème dont l'histoire va nous donner la so- lution, en nous montrant la conservation des dots intime ment liée à l'intérêt de la république, cette loi suprême, cette ullima ratio devant laquelle tout, à Rome, pliait et s'effaçait. Mais cela demande quelques développements. Denys d'Halicarnasse, au 3° livre de ses Antiquités, rapporte un fait qui nous paraîtrait à peine croyable si . nous nous rendions mal compte de ce qu'étaient, dans les premiers siècles de Rome, la puissance des idées reli- gieuses et la crainte des Aruspices : « ILest certain, dit-il, (je traduis textuellement), que, « pendant les 520 premières années qui suivirent la fon- « dation de Rome, aucun divorce n'eut leu. Ce fut seule- « ment sous la {37° olympiade ‘ , M. Pomponius et C. Pa- « pyrius étant consuls, que Sp. Carvilius, qui n'était pas « un homme obscur, forcé par les censeurs à prêter ser- « ment de se séparer de sa femme parce qu'elle était sté— « rile, donna le premier exemple de divorce. A cause de « cela, et quoiqu'il y eût été contraint par la nécessité, « Carvilius fut toujours depuis détesté par le peuple. » I est sans doute fort étonnant que ce peuple, à qui ses lois civles permettaient le divorce ?, soit demeuré plus de cinq s ècles sans y avoir recours une seule fois. Cepen- dant, comme le témoignage de Denys d'Ialicarnasse est ‘233 ans avant Jésus-Christ, 2? La 5° loi du Code Papyrien, attribuée par Plutarque à Ro- mulus, autorise le divorce pour le cas où la femme a empoisonné ses enfants, fait fabriquer de fausses clefs, on commis l'adultère. 226 ACADÉMIE DE ROUEN. confirmé par celui de Valère Maxime : et d’Aulu-Gée : il faut bien tenir le fait pour constant. D'ailleurs Plutarae, dans ses Questions romaines, nous apprend que les &é- monies de la diffarréation étaient lugubres et effrayares, qu'elles avaient toutes pour objet d'exprimer l'indisa- tion céleste et d’en conjurer les effets. C'était donane opinion reçue à Rome, que les Dieux voyaient avec o— lère la dissolution d'un mariage contracté suivantles rites sacrés. D'un autre côté, le droit civil, d'accorten cela avec les mœurs , autorisant l'entretien d’une ou put- être même de plusieurs concubines , concurremient avec l'épouse légitime, et celle-ci étant tenue dansine dépendance qui n'avait pour limites que la volont du mari, le désir de divorcer devait naître moins souven Il estcertain , toutefois, qu'après que Carvilius liga qui, comme l'atteste Denys d'Halicarnasse , n'était prun homme obseur, eut donné, avec l'autorité des censers, l'exemple d’un premier divorce, et quelle qu'ait été l'idi- gnation du peuple, causée par cette violation des mœus et des lois religieuses, ou plutôt, encore, comme leait observer Montesquieu *, par cette faible condescendace pour un pouvoir détesté, les divorces devinrent, à Rae, dans les siècles suivants, d’une fréquence extrème. Por le plus léger motif, on répudiait sa femme. L'épouse de al- picius Gallus avait paru sans voile dans la rue, cellede Q. Antitius Verus avait eu une conversation avee uneal- franchie mal famée, celle de Sempronius Sophus ait été au spectacle à l'insu de son mari: toutes furent reu- ATAV 2 CRE D NT RE no GE 3 L. 144, au Digest. « De verborum signif. » Voyez aussi M. Granier de Cassagnac, Hist. de la famille. 4 Esprit des lois , liv. 16, chap. 16. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 227 diées ’, Quand on demandait à Paul Emile pourquoi il répudiait Papyria, si belle et si vertueuse? Il répondait : « Ce soulier n'est-il pas beau, bien fait et neuf? Personne « parmi vous ne sait où il me blesse *.» Enfin, tout le monde connaît ces vers dans lesquels Juvenal se plaint de l'inconstance des Romains de son temps, et de la facilité avec laquelle ils répudiaient leurs femmes dès que l’âge avait terni le premier éclat de leur beauté : « Tres rugæ subeant et se cutis arida laxet ; « Fiant obseuri dentes , oculi que minores ; « Collige sarcinulas , dicet libertus ; etexi. » Jam gravis es nobis, ut sæœpe emungeris : exi « Ocius et propera ; sicco venit altera naso. Si ces exemples nous montrent de quels frivoles pré- textes s'autorisait à Rome l'inconstance des maris, nous voyons, par celui de Carvilius, que ies censeurs, loin de combattre un si fécheux penchant, semblaient le favori- ser en ajoutant aux motifs déjà trop fréquents de répu- diat'on suggérés par le relâchement des mœurs , un autre motif puisé dans un intérêt public d’accroissement de po— pulation, celui de la stérilité. Les passions seules trouvèrent leur compte dans cet encouragement donné à la dissolution des liens conjugaux. La république n’y gagna rien, et le dépeuplement, cette grande plaie de toutes les nations guerrières, fit, à Rome, sous la double influence de la guerre étrangère et du déré- glement des mœurs , d'inquiétants progrès. ! Valère Maxime, liv. 6, ch. 3, $ 9, 10 et 11. ? Plutarque, sur Paul Emile. 3 Satire 6. ® 28 ACADÉMIE DE ROUEN. Loin d'y porter remède, la fréquence des divorces ne pouvait que l'accroître, et voici pourquoi : Par l'effet dela manu, tous les biens de la femme, et tous ceux que, durant le mariage, elle avait pu acquérir, en- traient dans l'avoir du mari , et devenaient sa propriété exclusive ; sile mariage se dissolvait par la mort de celui-ci, la femme , lui succédant à titre de fille, trouvait dans sa suc- cession de quoi fournir une nouve le dot à un nouvel époux, et pouvait contracter un second mariage ; mais , si c'était une répudiation qui mettait fin à la anus. la femme, en quittant le domicile de son mari, n’en emportait rien; car le mari avait g 777 ‘la dot, suivant une expression qui s'est long-temps conservée dans le droit; et comme, d’un autre côté, d'après la loi Voconienne, elle ne suecédait pas à ses parents , elle se trouvait réduite au plus complet dénue- ment’. Que de malheureuses femmes, ainsi dépouillées , souf- frissent toutes les privations du besoin, c'était ce dont, à Rome , on ne s'inquiétait guère ; les femmes étaient si peu de chose aux yeux des législateurs d'alors! Mais, n'ayant plus de dots à otfrir à la cupidité des hommes, elles ne trou- vaient plus à contracter de justes noces, et étaient perdues pour la fécondation de la république. Là, on vit un danger dont les préteurs s'émurent , et qui donna naissance à cette maxime fameuse que , sans la comprendre, on cite encore de nos jours : /lumporte à la répu lique de conserver lx dot des femmes, afin qu'ell s pu:ssent se remarter . CREIPUBLICÆ * Voyez Montesquieu, Esprit des Lois, liv. 26, ch. 6. Il résulte d’un passage d Antu-Gele (Nuits attiques, iv. 17: ch. 6), que ce fut M. Caton, le censeur, qui Bt rendre la li Voco- nienne. Or, M. Caton naquit 233 ans avant Jésus-Christ, c’est-à-dire précisément | année du divorce de Carvilius. Cette indicat'on nous donne à peu près la date de la loi Voconieune , qui ne fut abrogée que par Constantin. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 229 INTEREST DOTES MULIERUM SALVAS HABERE PROPTER QUAS NUBERE POSSUNT '.» Cette maxime mérite qu'on lui donne une grande atten- tion , car elle est le fondement du rézime dotal. Pomponius l'a commentée ainsi : « La cause de la dot est toujours et partout préférée « à toute autre ; car ilest de l'intérêt public de conserver « aux feinmes leurs dots, d'autant qu'il est ab-olument « nècessa.re qu'elles en aient pour pouvoir donner des « enfants à l'État, et repeupler larépublique. Dotuium ce. usa @ senpes et ubique per peux est naur ele polie tte est does nuviesum conservari eu dotutas esse fominus ad « suboien proc ean lun sep'endimque überis civititem CMATUNE SUUOHE CESSE LUI 7 D C'est à la su te de ces paroles de Pomponius que , dans le Dige.te de Ju:t'nien, se trouvent ces autres paroles d'Ul- pen: oo matiunoun, sou nuL est “os debet. » Lors de la dissolution du mariage, la dot doit être rendue à la femine. Ces textes font voir lenchainement des idées. La république dépeuplée demande aux mariages la fé- condation de son territoire ; mais Favarice des Romains n'accepte pour épouses que les femmes richement dotées. ILimporte done à la république de conserver la dot des femmes, afin que, si elle deviennent veuves, elles puissent convoler à de secondes noces , et fournir ainsi à l'État de nouveaux rejetons. Dans nos sociétés modernes, où la terre, divisée jusqu'à 1 L. 2, ff. De Jure dotium.— Des premiers mots decette loi ro- maine, nos jurisconsultes ont fait une maxime à l'usage de toutes les causes, dans lesquelles il {s'agit de la dot d'une femme. Mais, parmi ceux qui en font usage, il en serait peut-être fort peu qui pourraient’citer laÿloi tout entière, et dire en quoi la conservation des dots peut intéresser Pctat. 2 L. 1°", ff. Soluto matrim. quomodo dos pet. 230 ACADÉMIE DE ROUEN. l'infini, ne suMit plus à nourrir ceux qui la cultivent, où les arts de la paix sont en honneur , où l'armée n'est qu'un corps dans l'État, et la guerre qu'un accident, où les femmes sont aimées avec un sentiment jaloux qui, mème hors du mariage, produit des liaisons durables, et où tous les enfants, quelle que so't l'irré sularité de leur nais-— sance, p'ennent place comme c'toyens dans l'État, nous comprenons peu ce besoin d'accroissement de population qui s’est fat sentir chez tous les anciens peuples. C'est pourtant là un fait qu'il est im)oisible de m'connaître , et dont l'histoire de toutes les 16xishitions primitives nous fournirait au beso'n de nombreux témoignages. Chez les Hébreux, par exemple, à vingt ans il fallait prendre femme, et ceux-là même qui demeuraient veufs avec des enfants, n'étaient pas dispensés de se remarier , si leur âge et leur santé leur permettait d'en avoir encore. « Celui qui ajoute une ame au peuple d'Israël, bätit pour « ainsi dire le monde », disait un proverbe". Les Perses accordaient toujours des récompenses aux pères et mères qui enrichissaient l'État par une prospé- rit’ nombreuse. Nous en trouvons plusieurs exemples dans Sirabon, Hérodote et Nicolas de Damas. La même chose se pratiquait chez les Grecs, où le besoin d'augmenter la population allait jusqu'à faire donner des encouragements au concubinage. Enfin, les Lacédémoniens avaient une loi qui exemptait de toutes charges et impositions publiques ceux quiavaient plus de quatre enfants ?. * Quand, dans sa vieillesse, Elisabeth devient mère, elle s'écrie: Ita mihi fecit Dominus, hoc tempore quo ad me rexpexit, ad tol- lendam ignominium meam inter homines. (Liv. 1, 25.) La stérilité était une ignominie ! ? Voyez Terrasson, sur la 32° loi du Code Papyrien et Heineccius ad leg. Papiam Poppæam, lib. {, cap. 2. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 231 Ainsi, encourager l'accroissement de la population semble avoir été la pensée dom nante de tous les anciens législateurs , et avoir constitué la principale base de leur économie politique. Chez les Romains, il en a toujours été de même, et, dès le règne de Tullus Hostilius, une loi, insérée depuis au Code Papyrien, autorisait ceux qui avaient trois enfants males, vivants en même temp:, à les faire élever aux dé- pens de la république, jusqu'à ce qu'ils eussent atteint l'âge de puberté. Loi fort sage pour le but qu'on se pro- posait, car c'est ordinairement par la crainte de ne les pouvor élever facilement, que les sens mariés évitent d'a- voir beaucoup d'enfants. Lors de la guerre contre Porsenna, tous les citoyens qui avaient des enfants à élever furent dispensés d'y contri- buer , soit de leurs personnes, soit de leurs biens ; enfin, Cicéron * et Aulu Gelle* nous apprennent qu'une des principales fonct'ons des censeurs consistait à poursuivre les célibataires et à adresser cette interpellation à tous les citoyens : £x amini tu sententid , tu urorem habes ? Nous verrons, plus tard, d’autres encouragements ac cordés par les lois à la fécondité. Mais déjà nous en avons dit assez pour indiquer sous l'influence de quelles circons- tances et de quels principes le rézime dotal s'est établi dans la législation romaine, et y a développé ses consé- quences. Si maintenant, nous comparons la chronologie de la jurisprudence avec celle de l'histoire, nous pourrons re- marquer que ce fut surtout à des époques où la république épuisée sentait plus impérieusement le besoin d'un accrois- sement de population, que de nouveaux moyens de pro— * De Orat., lib. 2, cap. 259. 2 Lib. 10, Cap. 20. 232 ACADÉMIE DE ROUEN. tection et de nouvelles garanties étaient données par les lois : la conservat on des dots. Le premier pas fait dans cette voie a suiv: de fort près le divorce de Carvilus Ruyga. C'éta:t l'époque où Rome, maîtresse de l'Italie après les guerres Samn te et Tarentine, venait d'en zager avec Carthage cette lutte sanzlante qui lui a coûte tant de ses citoyens, tous alors soldats. Un certain Servius Salp'cius, à ce que nous apprend Aulu- Gelle, publia sur les dots un 1 vie que nous n'avons plus, et dans lequel il démontra la nécess té d'oil er les mx ris à rendre « leurs femmes, quand ils les répadiaient, les b'ens qu'elles leur avaient 2 pportés. Ce fut, comme nous l'app end encore Aulu-Gelle, à l'é- poque et à l'occasion du divorce de Carvilius, que ce livre fut écrit !, et nous voyonseectivement les préteurs donner des actions pour qu'ea cas Ge divorce, les femmes puissent revendiquer leur dot, si elles jouissent de leurs droits, ou que leur père pussent les revendiquer pour elles, si elles sont encore sous puissance paternelle ?. ! Ce passage d’Aulu-Gelle est assez important, pour que nous le fassions connaître dans son entier: « Memoriæ traditum est, quingentis fere annis post Fomam « condètam , nullas rei uxoriw neque acticnes neque cautiones, ën « urbe Roma, aui in Latio fuisse : quia profecto nilul desirabantur, « aullis etiam tunc matrimoniis divertentibus. Servius quoque Sul- « picèus, in libro quem composuit de dotibus, tum primum cau- « tiones rei uxoriæ necessarias esse visas scripsit ; cum Sp. Carvi- « lius, cui Ruga cognomentum fuit, vir nobilis, divortium cum «a uxore fecit, quia liberi ex ed, corporis vitio, non gignerentur. » Lib. 4, cap. 9. 2 «Divortio facto si quidem sui juris sit mulier, ipsa habet actio- nen rei uxoriæ , id est dotis repetitionem , quod , si in potestate patris sit, pater adjuncta filiæ persona habet actionem ( revera) : necinterest adventitia sit dos aut profectitia.» Ulpian, regul., tit. 6: De Dotibus, $ 6. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 233 Ces actions ( actiones reiuxorie) ne sont pas encore le régime dotal tel que nous le comprenons dans notre droit français ; car, chez nous, le mari est aussi bien tenu, sous le régime de la communauté, que sous le régime dotal, de rendre, lors de la dissolution du mariage, la dot à la femme (ou à ses héritiers); toute la différence consiste en ce que, S'il n’y à pas communauté, il rendra la dot telle qu'elle lui aura été apportée, sans diminution ni augmen- tation. Mais si, parmi nous, où la femme est considérée comme légale, la compagne, l'associée du mari, l'union des personnes semble appeler la confusion et la communauté des biens, à Rome, au contraire, pour peu qu'on se rende compie de l'état de la société et des mœurs, on comprendra aisément que le régime dotal était seul admissible. En effet, le long usage de la 2anus avait habitué les femmes à un tel état de dépendance et d'infériorité , qu'elles ne pouvaient avoir aucune part à l'administration des biens communs. Reléguées avec les esclaves, dans latrium de leurs demeures, occupées comme elles, et quelle que soit d'ailleurs la condition de leurs époux , à filer la laine ! et aux soins les plus vils du ménage, vivant tout-à-fait en dehors des habitudes et des occupations de leurs maris, il est certain qu'elles n'avaient même pas sur eux l'autorité du conseil, ni cette douce et si puissante influence que là ! On sait que filer la laine était l'occupation des dames romaine: les plus riches et les plus nobles. Le fuseau, entouré de laine , jouait un rôle symbolique dans les cérémonies du mariage. Quand Sextus et Collatus vinrent à l’improviste surprendre Lucrèce, ils la trou- vèrent filant de la laine au milieu de ses femmes. (Fit. Liv.,1, p. 7; Ovide , Fastes, 11,741.) Auguste ne portait jamais que des vêtements tissés par sa femme et par ses filles. 23% ACADÉMIE DE ROUEN. confiance, la tendresse et l'affection leur donnent parmi nous. ” 1 Si l'on veut, par un seul exemple , se former une juste idée de ce qu'était, aux plus beaux temps de la république romaine, la condition des femmes, il faut lire ce que Plutarque nous raconte de la manière dont le sage et vertueux Caton d’Utique disposa de la sienne en faveur de son ami Hortensius. Ce trait nous paraît si caractéristique de la manière dont les femmes étaient encore considérées dans les derniers temps de la république, et le style du traducteur Amyot lui prête, d’ailleurs, tant de charmes, que nous n’hésitons pas à le reproduire en entier : « Entre plusieurs qui aimoyent et admiroyent les vertus de « Caton , il y en avoit qui le monstroyent et le découvroyent les « uns plus que les autres, comine Quintus Hortensius , personnage « de grande autorité et homme de bien, lequel désirant estre, « non seulement amy privé et familier de Caton, ains aussi son « allié, en quelque sorte que ce fust, et joindre, par quelque affinité, « toute la maison de lui à la sienne , tascha de lui persuader qu’il « Jui baillast, en-mariage, sa fille Porcia , laquelle étoit ja mariée à « Bibulus, et lui avoit ja fait deux enfants, pour y semer aussi, ne « plus ne moins qu’en une terre fertile, de sa semence, et en avoir « de la race, lui remonstrant que cela sembloit bien un peu estrange « de prime face quant à l'opinion des hommes; mais, quant à la « nature, qu'il étoit honneste et utile à la chose publique qu'une « belle et honneste jeunefemme, en la fleur de son aage, nedemourast « point oiseuse, laissant esteindre son aptitude naturelle à conce- « voir, ny, aussi, ne faschat ni n'appauvrit point son mary en lui « portant plus d'enfants qu'il n’en auroit de besoing , et que, en « communiquant ainsi les uns aux autres les fenimes idoines à la « génération, à gens de bien, et gens qui en fussent dignes, la « vertu vint à se multiplier davantage, et à s’espandre en diverses « familles , et la ville, conséquemment, à s'en mesler, unir et incor- « porer en soy mesme davantage par alliance ; mais si, d'aventure, « Bibulus aimoit tant sa femme qu'il ne la voulust point quitter « entièrement , il la lui rendroit incontinent après qu'elle lui au- « roit fait un enfant, et qu’il se seroit conjoint par un plus étroit « lien d'amitié, moyennant ceste communication d’enfans , avec « Bibulus mesme et avec luy. « Caton fit response qu'il aimoit bien Hortensius ; et auroit bien « aggréable son alliance, mais qu'il trouvoit estrange qu'il lui CLASSE DES BELLES-LETTRES. 235 Plus on étudie la vie privée des Romains, plus on de- meure convaincu que, chez eux, le mariage n'était vérita- blement qu'un moyen de donner des citoyens à l'État, des défenseurs à la patrie. Ce sentiment jaloux et exclusif qui , parmi nous, fait d'une femme une compagne pour la vie entière, n'était pas connu chez eux. Vivant toujours au dehors, dans les rues et sur les places publiques, ne se « parlast de lui bailler sa fille pour en engendrer des enfans, veu « qu'il savoit bien qu'elle étoit mariée à un autre. Adonc, Horten « sius, tournant le propos, ne faignit point de lui descouvrir son « affection , et lui demander sa femme , laquelle étoit encore assez « jeune pour porter des enfans , et Caton en avoit déjà suffisam- « ment : et si ne sçauroit-on dire que Hortensius feist cette pour- « suite, à cause qu'il S'apperceust que Caton ne feist compte de « Marcia, car elle étoit lors enceinte de luy : mais tant y a que, « voyant le grand désir et la grande affection que Hortensius en « avoit, il ne la luy refusa point. Ains lui répondit qu'il falloit, « donc, que Philippus, père de Marcia, en fust aussi content, lequel « entendant que Caton s'y consentoit , ne voulut point néanmoins « lui accorder sa fille que Caton lui-mesme ne fust present au « contract et stipulant avec lui... Plus tard... Caton, ayant sa maison « et ses filles besoing de quelqu'un qui les gouvernast, reprit en- « core Marcia, qui, lors , étoit veuve , et avoit beaucoup de biens, « pour ce que Hortensius, venant à mourir, l’avoit instituée son « héritière. » On voit qu’une seule chose a frappé Plutarque, dans cette sur- prenante histoire, c'est que la vertu de Caton et sa renommée aient été assez éclatantes pour avoir inspiré à Hortensius le désir de mêler son sang avec le sien. Du reste, il paraît trouver tout simple que Caton dispose ainsi de sa femme, sans même l'avoir consultée et avoir obtenu son assentiment. Pour nous, rien ne nous paraît mieux caractériser la différence des mœurs entre cette époque et la nôtre, que ce prêt d’une femme , ainsi consenti, en arrière d'elle, par son père et son mari. vertueux tous deux , mus tous deux par les intentions les plus pures et les plus droites, jaloux seulement de ne pas contrarier un homme de bien, qui voulait avoir de la race des Caton, et de ne pas laisser oiseuse une belle et honneste jeune femme, en la fleur de son nage. 236 ACADÉMIE DE ROUEN. distrayant du soin des affaires et des discussions du Fo-— rum que par ces honteuses orgies dont Juvénal et Pé- trone nous ont transmis le souvenir, et où les femmes n'apparaissent qu'en qualité de prostituées, ou bien, comme l'épouse de Trimalcion, pour recevoir les ou- trages de leurs maris, et être témoins de leurs dé- bauches *, ayant, d’ailleurs, leurs maisons peuplées d'es- claves et d'affranchies toujours prêtes à recevoir leurs caresses et à leur offrir des plaisirs qu'une étrange dépra- vation , commune du reste à toute l'antiquité, leur fesait le plus souvent chercher dans des liaisons hors nature ; ils ne pouyaient connaître ces joies intimes du foyer do- mestique , ces relations d'estime , de confiance et d'amour où les grâces de son sexe donnent à la femme qui conseille et qui prie, souvent plus d'autorité qu'au mari qui décide et ordonne. Pour eux, la femme ne pouvait jamais être une associée. C'était un être fort subalterne , complètement étranger aux affaires, aux plaisirs, etordinairement aux af- fections du mari, mais utile pour perpétuer sa race et peu- pler la république , que le père de famille accueillait, et que la loi protégeait à cette seule intention. Tout le monde comprendra que, dans un pareil état de ! Dans un festin, que Pétrone suppose donné par un nommé Trimalcion , et dont ïl décrit minutieusement tous les détails, Fortunata, l'épouse de ce Trimalcion , ne se montre qu'à la fin du repas, parce qu’elle s'est occupée à ranger l’argenterie, et à partager les restes entre les valets. Trimalcion, qui est ivre, fait des legs à tous ses domestiques, puis à sa femme, qu'il confond avec eux dans ce même mot, famille (farmnilia). Quelque temps après, entre un jeune garçon, auquel Trimalcion prodigue les caresses les plus passionnées ; Fortunata, jalouse, adresse des reproches à son mari, qui lui jette une coupe au visage et l’accable d'injures, sans que personne songe à prendre sa défense, ni que Pétrone, lui- mème, paraisse blàmer la conduite de son héros. Tout cela est bien dégoûtant ; mais, en même temps, c’est bien significatif. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 237 choses, le régime dotal fût seul praticable, etque la femme, qui n'avait aucune part aux affaires du mari, ne dût ni pro- fiter ni souffrir de ses bonnes ou mauvaises fortunes. Il fallait que la loi veillât pour elle à la conservation de sa dot ; il fallait qu'elle empêchät le mari d'y porter at- teinte , afin qu'après avoir servi à celui-ci, durant le ma- riage, à en soutenir les charges, elle püt être du même secours à ceux qui viendraient, après lui, féconder la femme pour l'avantage de la République . Les moyens pris par la loi pour atteindre ce but furent : 1° La défense faite au mari de rendre la dot à la femme pendant le mariage ; 2° La défense faite à la femme de s'obliger pour son mari ; 3° L’inaliénabilité et l'imprescripbilité du fonds dotal ; 4° Enfin, l'hypothèque légale. Disons quelques mots de chacune de ces mesures, dont l’ensemble a constitué le régime dotal. Plusieurs auteurs n'ont voulu voir , dans la défense de restituer la dot, qu'une conséquence des dispositions qui, dans le droit romain, interdisaient, d’une manière absolue, les avantages entre époux. Il est certain que la dot, étant devenue la propriété du mari, la rendre à la femme, durant le mariage, c'eût été lui faire une sorte de donation; mais, en y regardant de plus près, on trouve bien des différences entre les deux prohibitions. Ainsi, la donation entre époux était validée par le prédécès du mari, mort en persistant dans la même volonté; la restitution anticipée de la dot ne l'était ja- ‘ Chez les Romains, ct à cette époque, dit Montesquieu, c'était la destinée des femmes de passer successivement dans les mains de plusieurs maris, qui en tiraient , chemin faisant , le meilleur parti possible. { Lettres persanes , 116.) 238 ACADÉMIE DE ROUEN. mais ‘. Ainsi, il y ayait lieu à répétition des fruits et in- térêts de la dot restituée avant le temps? , tandis que les choses données par un époux à l’autre ne pouvaient être répétées. Ainsi, encore , la prohibition de restituer la dot souffrait des exceptions que ne connaissait point la prohi- bition générale des donations entre époux? , et ces excep- tions sont faites, précisément, pour le cas où l'usage que la femme fera de sa dot sera pour elle d’une si grande utilité, qu'on ne pourra la considérer comme perdue. « Manente matrimonio , disait Paul, NON PERDITURA uxori dos reddi potest, ut sese suosque alat, ut fundum idoneum emat, ut, in exilium, vel insulam relegato , parenti præstet alimonta ; aut ut egenlem virum, fralr em, sororemve :ustineal. » 5 Ainsi, la prohibition de restituer la dot avait, dans le droit romain, un motif tout spécial, qui ne s’appliquait pas à la prohibition générale des avantages entre époux , et qui, comme nous l'avons dit, consistait dans la crainte que la dot rendue intempestivement à la femme ne fût dissipée par elle. | Mais, sans avoir pendant le mariage la disposition ac tuelle de sa dot , la femme aurait pu contracter, sous l'in- fluence et au profit de son mari, des obligations pour l'exécution desquelles elle se serait trouvée engagée, au moment de la dissolution du mariage. !L. 1, $3, ff. De dote prælegata. 2 L. unic. Cod. Si const. matrim. 3 V. l’art. de M. d'Hautuille, Revue de Législation, t. 7, p. 323. 4 Dans notre Droit, où la femme ne cesse pas d'être considérée comme propriétaire de sa dot, il n’était pas besoin de défendre au mari de lui rendre ce qu’elle ne lui avait pas donné. La conservation du fonds dotal n’est assurée chez nous, que par son inaliénabilité durant le mariage, et cette inaliénabilité souffre, à peu près , les mêmes exceptions que souffrait la défense de resti- tuer la dot, chez les Romains. (V. l'art. 1558 du Code civil.) CLASSE DES BELLES-LETTRES. 239 Un fragment d'Ulpien, qui forme la loi 2 au Digeste . « Ad senat. velleranum », nous apprend qu'il y eut d’abord un édit porté par Auguste, suivi d'un autre porté par l'em- pereur Claude, qui défendaient aux femmes de s’obliger pour leurs maris, et qu'ensuite, on fit un senatus-consulte , par l'effet duquel elles se trouvèrent mises parfaitement à l'abri contre ces sortes d'obligations. Ce sénatus-consulte est devenu trop célèbre, dans le droit, sous le nom de sénatus-consulte Felléien, pour que nous ayons besoin d'en occuper long-temps nos lecteurs. On sait qu'il proscrivait, d’une manière absolue, les obliga- tions contractées par les femmes, soit pour leurs maris, soit pour tous autres ; qu'il leur interdisait, non seule- ment de contracter des dettes, mais de cautionner celles contractées par d’autres; qu'elles ne pouvaient non plus céder les priviléges ou les hypothèques de leur dot, ni renoncer aux actions que la loi leur donnait pour se la faire restituer . C'en était assez pour assurer aux femmes la conserva- tion de leur créance dotale. Comme leur dot n'avait pu leur être restituée pendant le mariage; comme , d'un autre côté, elles n'avaient pu consentir d'obligations qui per- missent, soit au mari de la retenir, soit à des tiers de s'en emparer pour se payer, sur elle, des dettes contrac- tées envers eux, elles se trouvaient toujours, lors de la dissolution du mariage, qu'elle eùt pour cause le divorce ou le prédécès du mari, dans toute la plénitude de leurs droits pour en réclamer la restitution, soit de leur mari, soit de ses héritiers. Mais ce n'est pas tout que d'avoir une créance , il faut pouvoir l'exercer ; et, si le mari avait vendu le fonds dotal, s'il en avait dissipé le prix, s'il était devenu insolvable , ‘ Digest., lib. 16, tit. 1: 4d senat. cons. l'elleian 240 ACADÉMIE DE ROUEN. les droits de la femme devenaient illusoires. Elle perdait sa dot. Pour prévenir ce danger , il ne restait au législateur romain d'autre moyen que celui de rendre la dot inalié- pable dans les mains du mari. La loi Julia, promuiguée sous Auguste , déclara que les fonds dotaux, situés en Italie, ne pourraient, durant le ma- riage, être vendus sans le consentement de la femme, nihy- pothéqués, même avec ce consentement ; et Justinien , effa- cantces distinctions entre la vente etlhypothèque, les fonds italiques et les fonds des provinces, décida, d’une manière absolue , que le bien dotal, en quelque lieu qu'il fût situé, ne pourrait jamais être vendu ni hypothéqué pen- dant le mariage, mème avec la permission de la femme. Alors, si, malgré cette défense, le mari avait vendu les immeubles dotaux , la femme pouvait faire révoquer les aliénations, et reprendre son bien, en quelques mains qu'il fût passé. Mais tout n'était pas encore prévu , car si la dot, in- duement aliénée , consistait en capitaux ou en mobilier , la femme ne pouvait pas toujours la retrouver. Justinien lui donna , pour ce cas, une hypothèque légale sur les biens propres à son mari, au moyen de laquelle elle pouvait les faire vendre, et toucher , sur leur prix, de préférence à tous autres créanciers, l'équivalent de sa dot. Une fois ce dernier pas fait, le régime dotal se trouva constitué avec tous les caractères qui le distinguent encore dans notre droit ; car alors , comme aujourd'hui, la femme était assurée de retrouver sa dot tout entière, entre les mains de son mari, lorsque le mariage viendrait à se dissoudre. L'inaliénabilité de la dot, et, par inaliénabilité, j'en— tends la défense de l'hypothéquer aussi bien que celle de la vendre, étant, chez nous , le principal caractère du CLASSE DES BELLES-LETTRES. 241 régime dotal, etce en quoi ce régime diffère surtout de celui de la communauté, nous devons faire connaître, avec quelques détails, de quelle manière elle s'établit dans la législation romaine. $ I. INALIÉNABILITÉ DU FONDS DOTAL CHEZ LES ROMAINS. Jamais la cité romaine ne s'était trouvée encore aussi dépeuplée qu'elle le fut sous les règnes de César et d'Auguste. Les discordes civiles, les proscriptions , les triumvirats, l'avaient plus affaiblie qu'aucune guerre qu'elle eüt encore faite. Il restait peu de citoyens, dit Montesquieu , et la plu- part n'étaient pas mariés ”. IL faut dire aussi que, jamais, plus de causes n'avaient concouru à éloigner les citoyens du mariage. Pour des hommes étrangers aux tendres émotions de la paternité et de la vie de famille, qui ne cherchaient dans l'union des sexes que le plaisir des sens, et regardaient les femmes comme indignes d'un amour véritable * , le mariage n'offrait que des embarras sans compensation, tandis que le célibat, qui permettait de disposer, en mourant, de sa fortune entière, se voyait entouré de prévenances et d'égards, sans doute intéressés, mais fort profitables \ Esprit des Lois, liv. 23, ch. 21. «L'union légitime de l’homme avec la femme, comme étant nécessaire à la génération, est, à bon droit , louée par les législa- teurs, qui en disent bien devant le commun populaire ; mais, quant au vrai amour, les femmes n'y ont aucune part. » Plutarque, Traité de l'Amour 242 ACADÉMIE DE ROUEN. dans ces temps de cupidité et d'ambition'. D'un autre côté, les femmes, traitées en esclaves, avaient pris des mœurs d'esclaves. Sans attachement pour des maris qui les méprisaient, sans intérêt pour l'avenir d’une fa- mille dont elles pouvaient être chassées d’un moment à l'autre, et qu'elles-mêmes pouvaient quitter quand bon leur semblait ?, vivant au jour le jour, gaspillant la fortune de leurs époux dans les frivolités d’un luxe désordonné , se livrant, sans prudence et sans frein , à des débauches de toutes sortes *, combien ces Romains, si ayares , si soup- çonneux , si jaloux de leur indépendance, et si emportés dans leurs plaisirs, ne devaient-ils pas redouter de s'unir à elles par les liens toujours sérieux du mariage? Aussi, le censeur Métellus Numidius, dans une harangue qu'il faisait au peuple, en faveur du mariage, ne trouvait- il rien de mieux à dire que ceci: « S'il était possible de « n'avoir point de femmes, nous nous délivrerions de ce « mal; mais, comme la nature à établi qu'on ne peut « guère vivre heureux avec elles, ni subsister sans elles , « il faut avoir plus d'égards à notre conservation qu'à des « satisfactions passagères #, » Vaine et stérile recommandation ; Car, par la considé- ration de l'intérêt public, on exposera bien sa vie : mais ‘ «Satis prætii est orbis, quod multà securitate, nullis oneribus 8 gratiam, honores , cuncta prompta et ocia habent.» (Tacite, lib. 15, $ 19. * Dans les derniers temps de la république, les femmes pou- xaient , à Rome, répudier leur mari, comme les maris pouvaient répudier leur femme. Nous en trouvons un exemple dans une lettre de Cicéron à Atticus : Decimus Brutus , écrit Cicéron , a reçu le libelle de sa répudiation le soir même de son retour de lAsie. Ÿ V. Heineccius. ad leg. pap. popp., L. 1, cap. 2, 12. * Aulu Gelle, Liv. 1%, ch. 6. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 243 on ne prendra pas une femme et on n'élèvera pas des enfants. Jules César, parvenu à la dictature, et effrayé du petit nombre des citoyens dont ii venait de faire le recensement, crut que, pour encourager au mariage, il suflirait de remettre en vigueur les anciennes lois, et d'accorder des récompenses à la fécondité. Ces mesures n’arrêtèrent pas les progrès du mal, et. lors qu'Auguste se fut emparé de la puissance souveraine, son premier soin fut d'imposer de nouvelles peines à ceux qui n'étaient point mariés, et d'augmenter les récom-— penses de ceux qui l'étaient, de ceux, surtout, qui avaient des enfants". Mais les lois sont souvent impuis- santes à réformer les mœurs, et leschevyaliersromains, ne trouvant qu'une gêne dans celles dont nous venons de parler, en demandèrent à grands cris la révocation. Pour mettre fin à leurs clameurs , Auguste se rendit un jour au milieu d'eux, et, ayant fait mettre d'un côté ceux qui étaient mariés, et de l'autre ceux qui ne l'étaient pas, le nombre de ces derniers se trouva être si nombreux, que tous s'en étonnèrent et se trouvèrent confondus. Alors, Auguste, avec la gravité des anciens censeurs, fit une longue harangue * , après quoi il rendit ces lois fameuses, appelées de son nom, lois Juliennes, et des noms des consuls de cette année-là , lois Papiennes Poppéennes, qui, suivant Montesquieu, forment, à elles seules, la plus belle partie des lois civiles des Romains * , et qui, cepen- dant, manquèrent leur but, parce qu'en opprimant les citoyens. elles ne changèrent pas les mœurs. ! Montesquieu , Esprit des Lois , Liv. 23, ch. 21. ‘ Cette harangue est rapportée par Dion , Hb. 26. Ÿ Montesquieu , Esprit des Lois, Liv. 23, ch. 21. 244 ACADÉMIE DE ROUEN. À une époque où on faisait de l’érudition pour le seul plaisir d'en faire, on s'est beaucoup inquiété de savoir quelle place occupait, parmi ces lois Juliennes et Pop- péennes, la loi Julia de Ædulterüs et de Fundo dotuli, qui prohibait l’aliénation du fonds dotal. Ce qui est certain, c’est que cette dernière loi a été rendue par Auguste, ainsi qu'Ulpien nous l'apprend au k8° livre du Digeste (1. 1%, tit. 5), et il suffit de la rapprocher des autres lois Juliennes, pour reconnaître entre elles communauté de but et d'origine. En effet, d'après les lois Juliennes, les pères étaient obligés de doter leurs filles, et les femmes veuves ou divorcées étaient forcées de se remarier. Quand done un père, contraint par le prêteur, avait fourni une dot à sa fille, il fallait bien que cette dot servit à tous les maris qu’elle pouvait être successivement obligée d'épouser. De là la nécessité de conserver la dot, et, pour la conserver, de la rendre inaliénable. Mais , à force de vouloir favoriser les mariages, les lois Juliennes dépassèrent le but, et devinrent odieuses aux Romains. Auguste, voyant la république épuisée d'argent, en même temps que de citoyens, et voulant remplir à la fois les coffres de l'œrarium et les tables censitaires, inventa des fiscalités nouvelles pour punir les infractions à ces lois, de façon que le dégoût que l’on avait déjà pour une chose qui paraissait accablante, fut augmenté par celui de se voir continuellement en proie à l’avidité du fisc. Enfin, les empereurs, qui, d'ailleurs, eurent quelquefois a souffrir personnellement des entraves de ces lois’, furent obligés de les adoucir. ! Tibère étant vieux et voulant épouser Agrippine , fille de son frère Germanicus, fut obligé de faire adoucir le chef de la loi Papia Poppæa , qui défendait le mariage entre hommes sexagé- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 249 Tibère’, Trajan*, Sevère?, y apportèrent successive— ment des modifications, et, sous l'empire des idées chré- tiennes, Constantinles abolitpresqu'en touts points!. Enfin, Justinien leur porta le dernier coup, en déclarant valables tous les mariages qu'elles avaient défendus ?. Il semble que la loi Julia 2e fundo dotali, qui se liait si intimement à tout ce système de législation, aurait dù périr avec lui. En effet, sous les empereurs chrétiens, le célibat, depuis silong-temps poursuivi par les amendes des censeurs et par les pénalités des lois Juliennes, était exalté comme une union plus sainte que le mariage, comme l'union ia plus intime de l'ame à Dieu”. Les secondes noces n'étaient plus considérées que comme une incontinence licite, et, loin d'être obligatoires comme autrefois, elles étaient à peine tolérées. Le législateur du Bas-Empire, Justinien, les regarde même comme funestes”, naires et femmes quinquagénaires , et de faire rendre un sénatus- consulte pour autoriser le mariage des oncles avec leurs nièces. Avant d’épouser la comédienne Théodora, Justinien fut égale- ment obligé de faire abroger le chapitre de la loi Papia Poppæa, ui défendait de prendre pour épouse les femmes qui étaient [ montées sur le théâtre (Terrasson, Hist. de la Jurisp. romaine , p. 246 et 295.) 1 V. Tacite, Annales , liv. 3, p. 117. 2 Pline, Panégyr., 36. 3 Tertulien, A4pologet., ch. 4. 4 L.1,C. De infirm. pœnis cœlibatus : 5 L. 27, c. De Nupliis. 6 « Aliud est, s'écriait Tertulien, si et apud Christum, legibus Juliis, agi credunt et existimant cœlibes et orbos, ex testamento Dei, solidum non posse capere. » De Monogamia , p. 583. 7 « Matre jam secundis nuptiis funestatà. » L. 3, $ 1°", cod. De secund. Nupt. 26 ACADÉMIE DE ROUEN. et, dans plusieurs de ses Novelles , il accorde des avantages aux veuves qui ne se remarient point’. Et cepandant , loin d'abolir la loi Julia De Jundo dotali , qui n'avait été faite qu'en vue des seconds mariages, il lui donne une consécration et une extension nouvelles. Ainsi, la prohibition d'aliéner ne concernait que les biens dotaux situés en Italie; il l'étend aux biens situés dans les provinces. La vente était permise avec le consentement de la femme ; il la défend même avec ce consentement”, dif- férence capitale, et qui seule sépare, dans notre droit , le régime dotal du régime de la communauté; car, aux termes de l’art. 1428 du Code civil, les biens personnels de la femme mariée en communauté, ne peuvent être vendus sans son consentement. Pour comprendre la raison de cette anomalie , il faut se rendre compte de la lutte qui existait encore au temps de Justinien, entre les souvenirs de l’ancien droit et les prin- cipes de la société nouvelle fondée par le christianisme. En associant la femme aux mêmes devoirs, en l'appelant aux mêmes destinées que l'homme, le Christianisme la— vait élevée à la même dignité et l'avait constituée son égale. Considéré de ce point de vue, l’ancien droit qui reposait, 1 V. notamment nov. 118, cap. 5, et nov. 127, cap. 3. ? « Dotale prædium maritus, invita muliere, per legem Juliam « prohibetur alienare, quamvis ipsius sit dotis causà ei datum. « Quod nos, legem Juliam corrigentes , in meliorem statum de- « duximus. Cum enim lex in solis tantummodo rebus locum habebat quæ Italicæ fuerant, et alienationes inhibebat quæ, invita « wuliere fiebant, hypothecas autem earum rerum , etiam volente « eâ , utrique remedium imposuimus , ut, etiam in eas res, quæ «in provinciale solo positæ sunt, interdicta sit alienatio vel obli- « gatio. » Institut., lib. 2, tit. 8 : Quibus alienare licet. Rr Y. aussi L. unic., C. De rei uxoriæ actione, lib. 5 , tit. 13. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 247 quant au mariage et à la puissance du mari, sur des prin- cipes tout opposés, ne pouvait plus être compris. Mais , sans le comprendre, souvent on le suivait encore, et c'est ainsi que Justinien, trouvant la dotalité établie , et voulant, sous l'influence des idées chrétiennes. amélio- rer la condition des femmes, ne crut pouvoir mieux faire en leur faveur , que de renforcer ce régime qui, s'il n'a- vait pas 66 originairement créé dans leur intérêt, leur offrait cependant un incontestable moyen de protection. Voilà ce qui, selon nous, explique l'extension donnée par cet empereur aux dispositions de la loi Julia, sur l'ina- liénabilité du fonds dotal. Sans doute , pour placer les femmes au rang qu'elles étaient appelées à remplir dans la société nouvelle, il pou- vait bien y avoir quelque chose de mieux à faire que d'en- traver ainsi la circulation de leurs biens, et de paralyser leur dot dans les mains de leurs maris, les époux s'unis- sant l'un à l’autre par des liens qui, sous la consécration religieuse, tendaient à devenir indissolubles , devant vivre de la même vie et être deux dans la même chair, suivant la belle expression de l'Évangile’, ne semble-t-il pas que l'union des personnes demandait lunion des biens, et qu'en associant leurs destinées, on devait asso cier leurs fortunes? Mais, nous le répétons, au temps de Justinien, les principes de cet ancien droit civil, dont les applications semblaient déjà si absurdes et si barbares, ne laissaient pas que d'exercer encore une grande influence sur les bases de la législation. e Depuis que la découverte toute récente des institutes de Gaïus”, nous ont mis à même de bien connaître l'histoire & Matt. chap. 19, v. 3. * Les institutes de Gaïus, depuis long-temps perdues, ont été 218 ACADÉMIE DE ROUEN. du droit romain, rien n'est plus curieux à observer que cette lutte continuée jusqu'au sein de la civilisation et du christianisme, contre une législation vieillie que les Romains respectaient encore pour son ancienneté, quand ils ne pouvaient pluscomprendre ses principes générateurs. On voit cette lutte commencer timidement sous la répu- blique par le droit Prétorien, qui rusait, en quelque sorte, avec l'ennemi qu'il n’osait attaquer en face , et qui puisait souvent , dans la loi elle-même , les moyens de l'éluder : qui, par exemple, invitait le fils qui voulait être émancipé à se faire vendre trois fois de suite par son père, ou la femme que gênait la tutelle de ses agnats, à employer les formes de la coemption pour s'en affranchir. La lutte s'établit ensuite, sous l'influence des écoles philosophiques, avec le droit des gens, si bien représenté par les jurisconsultes des règnes de Marc—Aurèle et d'A- lexandre Sevère, qui savent toujours se mettre à côté de la loi pour dire mieux que la loi, et dont les réponses aux consultations qu'on leur adresse obtiennent elles- mêmes, par la force de la raison, l'autorité législative. Puis viennent, enfin, les empereurs chrétiens, éclairés par un flambeau divin, mais barbares et ignorants, qui, sans respect pour les sources de l'ancien droit dont ils ont perdu le sens, sans égard pour les subtilités prétoriennes dont ils ne comprennent plus les intertions, guidés seu lement par un instinct civilisateur , et effrayés de l'immen- sité des lois que l'autorité législative, donnée aux réponses retrouvées en 1816, par deux illustres allemands , MM. Niebuhr et Savigny , dans la bibliothèque du chapitre de Vérone. Un moine du moyen-âge avait lavé, de son mieux, le parchemin qui les contenait, pour leur substituer Les Epitres de S. Hiérôme. Des tentatives réitérées ont fait revivre l’ancienne écriture, et les vraies institutes de Gaïus ont été rendues au monde savant, presque daus leur intégrité. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 249 des prudents et aux constitutions impériales, ont multi- pliées à l'infini, sentent, avant tout, le besoin d'en réduire le nombre, et entreprennent des Codes et des Digestes, dans lesquels ils font entrer pêle-mêle, et souvent sans un grand discernement, des lois empruntées à tous les âges et puisées à toutes les sources. C’est là ce que , de l’aveu de tous, a fait Justinien. Grand guerrier , grâce à Bélisaire et à Narsès , Justinien se crut aussi grand législateur par la grâce de son ministre Tribonien. Mais Tribonien était avare et vendait la jus- tice’ ; en outre, il était courtisan et cherchait à flatter les passions de son maître, qui lui-même subissait la domi- | nation de cette comédienne éhontée que, sans respect pour les mœurs ni pour la loi, il avait arrachée aux jeux du cirque et aux prostitutions du Libarum, pour las- socier à son empire, qu'il citait avec complaisance dans ses constitutions comme étant son conseil dans le gou- vernement, * et qui, enfin, comme le dit Jean Zonaras, « était non moins, mais peut-être plus puissante que lui. » Sans prendre à la lettre tout ce que Suidas , Procope, Evagrius, et tous les auteurs qui ont écrit l'histoire de Justinien nous disent de la médiocrité de son esprit, sans admettre avec eux qu'il participät au trafic infâme de Tri- bonien dans la vente à prix d'or des jugements et des lois?, à tout le moins pourrons-nous dire que son au- 1 V. Hugo, Hist. du Droit romain, et les auteurs cités par lui, $ 389. 2 V.entr’autres le ch. 1°" de la Novelle 8. 3 Montesquieu est loin de l'épargner : « La mauvaise conduite «“ de Justinien, dit-il, ses profusions, ses vexations , ses rapines , « sa fureur de bâtir, de changer, de réformer, son inconstance « dans ses desseins , un règne dur et faible, devenu incommode 18 230 ACADÉMIE DE ROUEN. torité, comme jurisconsulte, ne peut être d'un grand poids, et que c’est pour une loi une faible recommanda- tion, que d'avoir été rendue par lui. Et, cependant, de nos jours, les partisans du régime dotal citent encore avec emphase le nom de Justinien , et il semblerait , à les entendre , qu'il y a sacrilége à discuter une institution qui lui doit son origine. Quand bien même , et c'est ce qu'avec l'appui de Mon— tesquieu et de tous les historiens que nous venons de ci- ter, nous nous permettons de contredire, l'autorité de ce législateur mériterait toute l'importance qu'on veut bien lui donner ; encore faudrait-il se demander , d'abord, si, d'après l'état où se trouvait, de son temps, la propriété foncière dans la domination romaine , les considérations d'économie politique qui s'élèvent, de nos jours, contre l'inaliénabilité des fonds dotaux, pouvaient être d'un grand poids , et, ensuite, si cette inaliénabilité fut jamais consa- crée par ces lois d’une manière aussi absolue qu'elle l'est aujourd'hui par le régime dotal du Code civil. Disons d’abord quelques mots de la propriété : « par une longue vieillesse, furent des malheurs réels, mélés à « des succès inutiles et à une vaine gloire, » Plus loin , l’auteur de l'Esprit des Lois fait la remarque que, sous ce règne, l’on a vu, dans le cours de quelques années, la jurisprudence varier davantage qu'elle ma fait dans les trois cents dernières années de notre monarchie. « Ces variations, ajoute-t-il, sont la plupart sur des choses de si petite importance, qu’on ne voit aucune raison qui eût dû porter, un législateur à les faire, à moins qu’on n’explique ceci par l’histoire secrèle, et qu’on ne dise que ce prince vendait également ses jugements et ses lois. » ( Grandeur et décadence des Romains , ch. 20.) : Cest surtout dans les lois concernant la condition des femmes , que les juri consultes ont cru voir percer l'influence qui dominait le prince et gouvernait l'Etat. Ils citent comme exemple d'une injuste partialité pour ce sexe si long-temps opprimé et ene faveur duquel “opérait, au temps de Justinien, me réaction légitime CLASSE DES BELLES-LETTRES. - 251 La division du territoire , faite par Romulus, entre les terres de propriété limitée et privée , agri limilati, divisi, assignali Où agri privali, et les terres du domaine public, agri arcifinales ou agri publici *, subsistait encore au temps de Justinien; seulement le trésor du prince (fscus } avait remplacé le trésor du peuple (ærarium ); les biens de la république étaient devenus les biens de l'empereur, les Jundi fiscales, fundi rer private, avaient pris la place des agri publici, et ce domaine impérial, incessamment accru par les conquètes de territoire , les biens vacants, les suc- cessions caduques , et, plus que tout le reste, les amendes et les confiscations, avait fini par tout envahir. Comme autrefois lager publicus, le domaine de l'em- pereur était imprescriptible ; édit du prêteur confirmait, à la vérité, les transmissions qui s’opéraient entre posses- seurs ; mais les lourds impôts qu'ils payaient , en nature d'abord , vectigalia , en argent plus tard , #ibuta , avertis- dans son principe, mais quelquefois inconsidérée dans ses moyens, la fameuse loi assiduis (1. 12, cod. Qui potior. in pign. hab.) , qui donnait la préférence à la femme, pour la répétition de sa dot, sur tous les créanciers de son mari, même ceux antérieurs au mariage, iniquité monstrueuse, puisque chacun, en se mariant, pouvait ainsi rendre illusoire le gage de ses créanciers! Dans le préambule de cette loi, Justinien énumère, avec toute lemphase orientale , les titres des femmes à sa sollicitude. « Quis enim , S'écrie-t-il, earum non misereatur, propter obse- quia quæ mariti præstant, propter partis periculum et ipsam liberarum procreationem. » * « Après avoir divisé son peuple eu tribus et les tribus en curies, « Romulus partagea le sol en trente portions égales, et assigna une « de ces portions à chaque curie., Du surplus des terres, il attribua « au culte une part convenable, et laissa le reste à l'Etat. » ( Denys d'Halic:, Art 010: 3; 1°.) On sait que les terres qui constituaient la propriété privée étaient limitées, d'après certains rites empruntés aux usages étrusques, tandis que celles du domaine de PFtat n'avaient d'autres limites que les limites naturelles. 252 . ACADÉMIE DE ROUEN. saient ces mêmes possesseurs que leur titre était précaire, et qu'un jour ou l'autre, le caprice du prince pouvait, comme si souvent autrefois le caprice du peuple, leur en- lever, par de nouvelles lois agraires, cette terre souvent fécondée par de longs travaux, enrichie par des plantations, embellie par des édifices. D'un autre côté, la contribution foncière était devenue si énorme, qu'elle rendait la petite propriété impossible. Salvien nous représente la classe des petits propriétaires libres, étranglée par les liens du fisc, comme par les mains des voleurs, tributorum vinculis quasi pradonum manibus strangulata *. Aux rigueurs de l'impôt se joignait, pour ces petits propriétaires, la charge des fonctions euriales , si honorées sous la république, mais si redoutées sous l'empire , qu'il fallut en venir à condamner des malfaiteurs à les remplir ?. Aussi l'Italie était-elle devenue déserte, et les provinces encore plus. Les terres sans valeur s'offraient à qui les voulait cultiver ; mais les cultivateurs manquaient, et les riches les acquéraient à vil prix, pour accroître leurs im— menses domaines. Ces misères de la propriété avaient donné naissance au colonat ; l’esclave avait été attaché au 5ol, et on lui avait accordé une demie liberté, sous la condition de cul- tiver cette terre abandonnée. Le barbare avait été accueilli au même titre au sein de l'Italie, et, comme les terres étaient alors la valeur la plus commune, c'était avec des terres données en emphytéose que l'État soldait les services ou les dépenses publiques *. ! De Gubernat. Dei, lib. 4. ? V. le Code de Justinien , Bb. f0, tit. 31. 3 V. pour plus de détail sur cé qui précède, un Mémoire très remarquable de M. Fdouard Laboulaye, couronné en 1838, par CLASSE DES BELLES-LETTRES. 253 Maintenant, nous le demandons, qu'importait, dans un pareil état de choses , l'inaliénabilité du fonds dotal ? Déjà les biens des décurions, ceux composant le pécule des colons, ceux donnés en emphytéose, ne pouyaient être vendus sans le consentement du Judex *, du patron: ou du propriétaire ?, Que fesait une entr ave de plus parmi tant d’entraves Ë et que pouvait être, pour ces biens sans valeur, et possédés à titre précaire , ce besoin de circulation qui rend nos éco— nomistes si impatients de l’aliénabilité dotale ? Ajoutons à cela que cette aliénabilité n'était pas alors ce qu'elle est aujourd'hui. Ainsi, quand le bien dotal avait été vendu durant le mariage, si la femme décédait la première, et si le prix de la dot avait profité au mari, l’aliénation ne pouvait être révoquée{. Elle ne pouvait l'être non plus , même au cas où la femme survivait, si le mari lui avait fait un legs pour lui tenir lieu de son bien dotal ?. Enfin, d'après le droit des Novelles, l’aliénation était encore valable quand la femme l'avait approuvée, et que, deux ans après, elle avait réitéré son consentement, pourvu toutefois que les biens du mari fussent suffisants pour répondre de la dot‘, D'un autre côté encore, les priviléges de la dot n’e- l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres , et ayant pour titre : Histoire de la propriété foncière en Occident. L. 1%, cod. De Præd. Decur. sin decret. non alien. ? L.C. Zn quib. caus. col. 3L.3, C. De jure emphyt. 4 L.17,ff. De fund. dot. OS PA 2 PR SE à D 2 leg. — Pandectes de P. Potier, lib. 23, tit. 6: © Novel, 61 254 ACADÉMIE DE ROUEN. taient donnés qu'à la femme elle-même, et ne passaient point à ses héritiers *. Le régime dotal du Code civilne connaît, ni ces distinc- tions , ni ces restrictions; et, sauf quelques rares excep- tions dont nous avons parlé plus haut’, non seulement la femme qui s'y est soumise, ou ses héritiers, peuvent, après la dissolution du mariage, faire révoquer l'aliéna- tion du fonds dotal consentie pendant sa durée, mais le mari peut demander aussi cette révocation, et alors même que le mariage dure encore . Ce serait donc bien à tort qu’on voudrait se prévaloir du régime dotal de Justinien pour défendre celui du Code civil. Is différent tout à la fois, et par les principes qui les constituent l'un et l'autre, et par les effets qu'ils produisent. Il y à plus, et nous verrons au paragraphe suivantqu’en même temps que Justinien apportait au régime dotal ro- main sa dernière sanction par l'inaliénabilité absolue des biensde l'épouse, il fesait subir à ce même régime une modi- fication capitale, en consacrant la plus complète assimila- tion entre la dot apportée par Ia femme au mari, et une donation à cause de noces, faite par le mari à la femme. $ IV. DU DERNIER ÉTAT DE LA LÉGISLATION ROMAINE SUR LA PUISSANCE PATERNELLE, LA PUISSANCE MARITALE ET LES STATUTS MATRIMONIAUX. Devenue capitale de l'empire , Constantinople avait con- servé le nom et le fantôme des institutions romaines ; ! L. unic., cod. De priv. dot., nov. 61 et 91. ? Voir la note 4 de la page 238. 3 Art. 1560 du Code civil. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 255 nn mais, en réalité, les hommes, les choses, les idées, tout était changé. Le christianisme avait , suivant l'expression du prophète, renouvelé la face de la terre, et une révolution complète s'était opérée dans les lois aussi bien que dans les croyances et dans les mœurs". Nous ne nous occuperons de cette révolution qu'au- tant qu'elle concerne l'objet de nos recherches, et encore sera-ce à pas très rapides que nous mesurerons la distance qui sépare l’époque à laquelle la femme esclave de l'homme, chose de l'homme , était achetée et vendue par lui comme un objet de son commerce , et celle où, élevée à sa dignité, elle pouvait traiter avec lui d'égale à égal. Toutefois, avant de parler de la puissance du mari, nous avons quelques mots à dire de celle du père ; car ces deux pouvoirs ont toujours eu, entre eux, une étroite liaison, et nous avons vu que £’est dans la puissance pa- ternelle que la manus avait trouvé autrefois son principe et son origine, le mari prenant sur la femme achetée les droits du père qui l'avait vendue. Depuis long-temps , à l'époque à laquelle nous sommes arrivés, les pères n'avaient plus droit de vie et de mort sur leurs enfants. Sous Trajan, un père avait été contraint à libérer son fils de sa puissance , parce qu'il l'avait traité inhumaine- ment, contra pietatem ?. Sous Adrien, un père qui avait tué son fils à la chasse, parce qu'ils’était rendu coupable d'adul- tère avec sa belle-mère , fut condamné à la déportation”. “Il faut lire, sur ce sujet, un excellent article de M. Ch.Poubaër , inséré dans le neuvième vol. de la Revue de Législation, et ayant pour titre : Znfluence du Christianisme sur le droit. 2 L. 5, digest. Si à parent. quis manumiss. sit. * L. 5, digest. De lege Pompeia de parricidiis 256 ACADÉMIE DE ROUEN. Alexandre Sévère écrivait à un père : « votre puissance paternelle vous donne le droit de châtier votre fils, et, s'il persévère dans sa conduite, vous pouvez, recou- rant à un moyen plus sévère , le traduire devant le prési- dent de la province, qui prononcera contre lui la punition que vous demanderez'.» Enfin, on trouve au code une constitution de Constantin, qui condamne aux horribles peines du parricide le père qui aurait tué son enfant. Le droit que les pères s'étaient arrogé de vendre leurs enfants avait également subi d'importantes modifications. Au temps du jurisconsulte Paul, il fallait, pour qu'il s'exer- cât, que le père y fût contraint par la misère et le besoin de se procurer des aliments. Cortemplatione extreme neces- sitalis aut alimentarum gratii?. Constantin voului, de plus, que la vente se fit au moment de la naissance , quand les enfants étaient sazguinolentes 3; et Justinien, en fesant ins- crire au code la constitution de Constantin, conserva ce dernier droit encore si barbare. L'abandon des enfants par leur père, en réparation du dommage qu'ils avaient causé , subsistait encore au temps de Paul , mais pour les fils seulement‘; et, au temps de Justinien, il était entièrement tombé en désuétude *. Voilà pour les personnes ; quant aux biens, les fils de famille n'avaient, sous la république , que leur pécule pro- fectice, composé de biens, dont le père leur laissait pré- cairement et par tolérance l'administration et l'usage, mais qui ne cessaient point de lui appartenir. Ils commen- cèrent , sous les premiers empereurs , à jouir de tous les : L. 3, cod. De patriæ potestate. a Sent, l1b.16, titi Sie 3 L. 9, cod. : De patrib. qui filias suas distrax. 4 Sentent., lib. 2, tit. 31, < 9. 5 Inst., lib. 4, tit, 8, 7. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 257 droits de la propriété sur les biens qu'ils avaient acquis aux armées, et qui formaient ce qu'on appelait leur pécule castrans; flifamuilias , disait une loi devenue un axiome, in cartrensi peculio, vice patrumfamiliarum fungantur*. Plus tard , et à l'imitation du pécule castrans, on leur accorda les mêmes droits sur d’autres biens qui leur for- mèrent aussi un pécule appelé par Constantin : quasi cas- trense, et dans lequel cet empereur fitentrer tout ce que les officiers du palais gagnaient pendant leurs fonctions ?. Ce pécule quasi-castrans, fut, par la suite, successivement étendu à beaucoup d'autres professions, et, enfin, le même Constantin institua un quatrième pécule , le pécule adven- tice (peculium adventitium), qui se composait de tous les biens recueillis par les fils de famille dans la succession de leur mère, soit par testament, soit ab intestat. Le père n'acquérait sur ce pécule qu'un droit d'usufruit; la pro- priété restait au fils *. Ce pécule advyentice fut ensuite étendu, par Arcadius et Honorius, à tout ce qui provenait au fils de famille, de ses ascendants maternels *, puis par Théodose et Valentinien, à tout ce qui était donné par un époux à l’autre *, et, enfin, par Justinien, à tout ce que le fils de famille acquérait par une cause quelconque , sauf ce qui lui provenait des biens de son père. Ainsi, sous Justinien, les fils de famille ont la pleine propriété de leurs pécules castrans et quasi-castrans. Ils ont la nue propriété de leur pécule adventice ; enfin, ils conservent l'administration et la jouissance du pécule pro- fectice. ‘ L. 2, digest. : De senat. macedoniano. ? L. unic., cod. : De cast. omn. palat. pecul. Ÿ L. 1, cod. : De bonis maternis. Ans 2,14: ? L. {, cod.: De bonis que lib. in potest. pat., etc... 258 ACADÉMIE DE ROUEN. Occupons-nous maintenant des filles. Nous avons dit, dans notre premier article, sur quels principes reposait, dans l’origine , la tutelle perpétuelle à laquelle les femmes étaient soumises, et nous savons que si Gaïus attribuait cette mesure à la fragilité du sexe, il la considérait plutôt avec les idées de son temps, qu'avec les idées de ceux qui l'avaient créée. C’est, au surplus, là un phénomène qu’on a bien souvent l’occasion de re- marquer dans la législation romaine. Les mœurs se cor- rigent et se modifient ; les institutions demeurent. Seu- lement, on les comprend, on les applique, on les interprète , et souvent aussi on les explique différem- ment. L'arbre a poussé de nouvelles branches, son feuillage a reverdi, son aspect est changé, mais ses vieilles racines sont toujours les mêmes. Déjà les donations entre époux et l'inaliénabilité du fonds dotal nous ont présenté des exemples de cette ano- malie législative; nous en trouvons un nouveau dans la tutelle des femmes. Il est vrai qu'à l'époque à laquelle Gaïus attribuait cette tutelle à la légèreté de leur esprit !, ses rigueurs s'étaient beaucoup adoucies. Tous les tuteurs, à l'exception des tuteurs légitimes, c'est-à-dire les agnats et les patrons, avaient en réalité perdu leur pouvoir. Les femmes traitaient elles-mêmes leurs affaires , et si les tuteurs interposaient , dans certains cas encore, leur autorité , c'était pour la forme seulement. Encore le pré- teur pouvait-il les y contraindre; ce qui faisait dire à Cicéron, dans une de ses harangues : «Nos ancêtres vou- « laient que les femmes fussent au pouvoir des tuteurs. : « Veteres enim voluerunt, feminas etiam si perfectæ ætatis « sint , propter animi levitatem , in tutela esse.» Comment. 1, $ 144. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 259 « Les jurisconsultes ont inventé des espèces de tuteurs qui « se trouvent au pouvoir des femmes ". » ar lun des chefs de la loi Papia Poppæœa, Auguste ac- corda, comme récompense de leur fécondité , aux femmes ingénues qui avaient plus de deux enfants , d'être libérées, même de la tutelle légitime, et, plus tard, sous l'empe- reur Claude , une loi appelée de son nom, loi Claudia, supprimant entièrement la tutelle des agnats sur les femmes, ne laissa plus subsister, parmi les tutelles légi- times et réelles, que celles des ascendants et des patrons. Au temps d’Ulpien, sous Alexandre Sévère , ce droit se soutenait encore ; mais, par la suite, tombant successive- ment en désuétude , il finit par s'éteindre , et il n’en est plus question dans les Institutes de Justinien ?. Avec la puissance paternelle et la tutelle des femmes, la manus, qui reposait sur les mêmes principes, devait tomber en désuétude. Dès le temps de Cicéron , beaucoup de mariages, et peut- être même, dit Hugo ? , la presque totalité, commençaient et se continuaient sans que la femme fût placée sous la main du mari. Gaïus, qui vivait sous Mare Aurèle, nous apprend que, de son temps, la cohabitation non interrom- pue pendant une année (usus), ne faisait plus naître la manus, toute cette portion de l’ancien droit s'étant trou- vée abrogée en partie par les lois, en partie par l'usage, (partim legibus sublatum , vartim ipsa desuetudine oblitte- ratum); et Si, à la même époque, la coemption était encore ‘ Cic. pro Murat. , ch. 12, 27. 2 V. l'excellent ouvrage de M. Ortolan , ayant pour titre : Expli- cation historique des Institutes de Justinien, lib. 1°", tit. 22. 3 Hist. du Droit romain, $ 196. 1 Gaïus, Comment. 1, 6111. 260 ACADÉMIE. DE ROUEN. quelquefois empioyée pour produire la manus, elle ser- vait le plus souvent à d’autres usages, comme à faire sortir les femmes de la tutelle gènante de leurs agnats , à donner la possession de biens en vertu d’un testament, et à faire parvenir aux mains d’un héritier la partie utile d'une suc- cession dégagée de la charge du culte privé . Quant à la confarréation , Ulpien, qui vivait un demi- siècle après Gaïus ?, la cite comme étant le seul mode sui- vant lequel, de son temps, K #24nus pouvaits'établir; *eten- core voyons-nous , par un passage des annales de Tacite , que , sous le règne de Tibère , le flamine de Jupiter étant mort, et son successeur devant, d’après les anciens usages, être choisi parmi trois praticiens nés de parents mariés par confarréation, on eut beaucoup de peine à trouver ce nombre , parce que, dit l'historien , l'usage de ces sortes d’unions s'était perdu dans presque toutes les familles. Omissa confarreandi adsuetudine aut inter paucos retent'i 4. Enfin ce rite, dont le caractère était tout religieux , dut nécessairement tomber ayec le paganisme. Aussi, ni dans le code de Théodose, ni dans les institutes de Justinien , n'est-il plus question de la 24nus Les filles qui, en se mariant , ne tombaient pas sous la puissance maritale , restaient dans la famille de leur père , et n'y perdaient aucuns de leurs droits d’agnation. Elles n'étaient, dans la famille de leur mari, que desalliées , et y tenaient à peu près la même place que celle qu'elles y occupent encore aujourd'hui. Comme aujourd'hui , pour soutenir les charges du ma- riage , elles apportaient à leur mari une dot. Cette dot n'était plus constituée à titre universel, mais ‘ V. Hugo, Hist. du Droit romain , $ 96. 2 Ulpius est mort l’an 226 de Jésus-Christ. 3 Ulpiani regular. , tit. 9. # Lib, 4, & 16. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 261 à titre particulier. Elle était transmise au mari lors du mariage, au moyen des actes ordinaires d'aliénation re— connus par le droit civil ‘ ; ou bien, elle lui était promise par celui qui avait l'intention de la donner ; ou enfin , elle était déclarée « dicta», par la femme, ou ses ascendants, si c'étaient eux qui devaient la fournir. Ce qu'Ulpien résume ainsi : Dos aut datur, aut dicitur, aut promittitur ?. D'un autre côté , la dot était profectice ou adventice. Profectice , si elle avait été constituée à la femme par son père où son aïeul paternel ; adventice , si elle lui pro- venait de toute autre personne, ou si elle se l'était consti- tuée à elle-même de ses propres biens. Cette dernière distinction était importante pour déterminer à qui devait revenir la dot en cas que la femme vint à mourir durant le mariage. La dot profectice retournait alors au père ou à l’aïeul qui l'avait constituée, sauf un cinquième réservé au mari, s'il y avait des enfants. La dot adventice, et même la dot profectice , si l'ascendant qui l'avait consti- tuée était prédécédé, restaient au mari, qui était dit alors gagner la dot*. Justinien modifia ce dernier droit , et voulut que , si la femme décédait la première , la dot fût dévolue à ses héritiers *. Ainsi, dans aucun cas, la dot ne devait, après Je ma- riage, rester au mari; nous avons vu, d’un autre côté , que le mari ne pouvait, durant le mariage, ni l'aliéner in l'hypothéquer, et cependant, au temps de Justirien en- core, le mari était considéré comme propriétaire de la " Comme la mancipation , la cession jurique ( cessio in jure) ou simplement la tradition pour les choses nec mancipi. Gaïus, Comm. 2, S 63. ? I n'est plus question de la dictio dotis, sous Justinien. 3 V. les Fragments d'Ulpien , tit, 6 — V. aussi Heineccius, Aut. rom. , lib.2,tit. 8, S 8. 4 L. unie, cod.: De rei uxoriæ act., $ 6 et 13 262 ACADÉMIE DE ROUEN. dot. Cet empereur fait seulement remarqner, dans ses Institutes, comme une singularité, qu'il peut y avoir des cas où, quoique l'on soit propriétaire d'une chose, on ne puisse en disposer. Ce qui prouve que si, quel- quefois, chez les Romains, les lois survivaient à leurs principes , quelquefois aussi les principes survivaient aux lois elles-mêmes *. À coup sûr, nous sommes déjà bien éloignés du temps où le mari devenait propriétaire des biens de sa femme, comme d'un accessoire de cette femme elle-mème , qu'il achetait à son père ; même de celui où, après la dissolu- tion du mariage, la dot n'était rendue à la femme que pour qu'elle pût s'en servir à contracter de nouvelles noces, et donner à la république de nouveaux rejetons. Nous nous en trouverons plus éloignés encore, quand nous aurons fait connaître une institution tout-à-fait étrangère au droit romain de l'époque classique, mais qui, dans le Bas-Empire, a toujours marché parallèlement avec la dot. Nous voulons parler de la donation à cause de noces, donatio propter nupiias. La constitution la plus ancienne qui, dans le code de Justinien , fasse mention de la donation à cause de noces, appelée alors donation avant les noces , donatio ante nuptias, émane des empereurs Théodose et Valentinien qui en parlent, à lavérité, comme d’une chose déjà établie ?. Justi- nien en parle également comme d'une sorte de donations entre-vifs entièrement inconnue des anciens prudents, et " Chez nous, la dot ne devient pas la propriété du mari; elle n'est, dans ses mains, qu’un dépôt qui lui est confié pendant que le mariage dure, pour lui aider à en supporter les charges. 2 institut: l:2%ntit.1%6.$"3. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 263 introduite après eux par des émpereurs plus récents, junro- ribus principibus *. D'abord, le futur époux fesait une donation à sa future épouse , et celle-ci lui rendait , à titre de dot , ce qu'elle avait reçu de lui à titre de donation’. La donation dut ensuite égaler la dot. Toutes deux étaient destinées À sou- tenir les charges du mariage sous l'administration du mari; toutes deux étaient également inaliénables ?. A la dissolution du mariage , de même que la femme repre- nait sa dot, de même le mari reprenait les objets compo- sant sa donation. De même aussi que, dans certains cas, la femme encou- rait comme punition la perte de sa dot, de même le mari , s'il se trouvait dans les mêmes cas, perdait sa do- nation. Enfin, si les époux étaient convenus que le mari, en cas de survie, pourrait retenir une certaine part de la dot, par réciprocité, la femme avait droit au même avan- tage sur la donation *. I ne restait qu'une différence, et Justinien l'effaça. La dot, n'étant pas considérée comme une donation, pouvait être constituée ou augmentée après le mariage contracté. Il n'en était pas de même de la donation à cause de noces, qui, comme toutes les donations entre-vifs, était défen- due entre époux. Justinien permit, par dérogation au principe , de consti- tuer où d'augmenter la donation à cause de noces, comme la dot pendant le mariage? , ce qui fit que la donatio ante " L. 17. Cod.: De Donat. ante nupt. y RTE CE 3 Nov. 61. # L.9, cod. De pact. convent. tam sup. dot. quam. sup. donat. ante nupt. et paraph., et nov. 9, cap. 1. 5 L.20, K 1, cod.: De nuptiis. 26% ACADÉMIE DE ROUEN. nuplias changea de nom , et dévint donatio propter nuplias. Ce fut aussi Justinien qui exigea une égalité absolue, une égalité numérique entre les gains de survie stipulés sur la dot, et ceux stipulés sur la donation ‘. Enfin , c'est encore ce même empereur qui, dans une de ses constitu- tions , fait ressortir la complète analogie qui existe entre la dot et la donation à cause de noces, qu'il appelle aussi , antipherna. « Nonune et substanti@ , dit-il xhil distat à dote, ante nuplias donutio?. Nous insistons sur ce point, parce qu'il nous paraît donner au statut matrimonial de Justinien un caractère tout particulier qui exclut l'assimilation qu'on en veut faire à notre régime doial. Que l'on suppose , en effet, le bien de la femme et celui du mari confondus pendant le mariage, el administrés par le mari dans un intérêt commun ; puis, lorsque le mariage vient à se dissoudre , partagés également avec les fruits qu'ils ont pu produire entre les époux ou leurs re présentants, el, sans s'être écarté beaucoup du statut de Justinien , on en sera venu à notre communauté de biens. C’est qu'au temps où vivait Justinien, le véritable ré- gime dotal romain avait perdu sa signification. Ce n'était plus dans l'intérêt de la république qu'on voulait conser- ver les dots , et ces Romains , si fiers de leurs institutions vieillies, ces Romains dégénérés, ou plutôt régénérés, pre- naient à leur insu des leçons de jurisprudence auprès de ces peuples qu'ils appelaient barbares , et quiavaient mieux compris qu'eux la destinée des femmes. Il est certain que, chez les Germains et chez les Gaulois, nous trouvons des lois et des coutumes qui nous révèlent 1 L. 10, cod. : De nupliis. 2 L. 20, cod.: De donat. ante nuptias.— V. pour plus de détails, sur la donation, à cause de noces un article de M. d'Hautuille, inséré Reque de la Législation, À. 7. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 265 en même temps les principes générateurs de notre com- munauté de biens entre époux, et l’origine de cette dona- tion à cause de noces , fondée, comme la communauté, sur une complète réciprocité d'avantages, entre le mari et la femme. Pour n'en citer qu'un exemple , voici ce que César nous apprend des usages des Gaulois : Utri quantas pecunias ab uxoribus, dotis nomine, acceperunt. tantas ex suis bonis estimatione fact: cum dotibus COMMUNICANT. /lujus omnis pecuniæ conjunctim ratio habetur fructusque servantur. Uter earum vita superuit ad eum pars utriusque ,; cum fructibus superiorum temporum perventt”. Ainsi, apport fait par le mari en compensation de la dot, gain attribué au survivant de l'apport du prédécédé, voilà bien deux principes qui dominent toute la théorie de la donatio propter nuptias. D'un autre côté, confusion entre le bien du mari et celui de la femme , et disposition des fruits en faveur du survivant : c’est le fondement de la communauté de biens. Nous allons développer cette dernière thèse dans le paragraphe suivant. $ V. COMMUNAUTÉ DE BIENS. — CONCLUSION. L'histoire de la société conjugale, chez les Romains, nous à présenté trois époques distinctes. L'une, toute barbare, pendant laquelle la femme , sou- mise au droit du plus fort, appartient au père qui l'a en- gendrée ou au mari qui l’a achetée. L'autre , que j'appellerai sociale, époque de civilisation païenne, où la société civile s'étant constituée , les hommes De Bello gallico, lib. 6, cap.9 19 266 ACADÉMIE DE ROUEN. ayant réuni leurs forces pour soutenir et défendre ensemble des intérêts communs, la femme n'appartient plus à l'in- dividu, mais à l'association, à l'État, et n’est confiée à l'homme qu'à la condition que l'homme la fécondera, la fera produire dans l'intérêt de la république. La troisième, enfin, est l’époque chrétienne. La femme a conquisson individualité. Elle n'appartient plus à l'homme que par les liens d'une soumission volontairement con- sentie, en échange de la protection dont elle a besoin, ni à l'État, sice n’est comme membre de la grande famille que l'État dirige et gouverne. Elle s'appartient, avant tout, à elle-même. Elle dispose d'elle et peut opposer aux volontés de l'homme une résistance puisée dans les libres inspirations de sa conscience. Enfin, la femme a une ame qui la fait légale de l'homme. Elle est soumise aux mêmes devoirs, appelée aux mêmes destinées. Ce n'est plus un instrument, c'est une intelligence, qui complète celle de l'homme en s’associant à elle. La première de ces époques est celle de la r2anus; la seconde, celle de la dotalité; la troisième, celle de la donation à cause de noces, équilibrant la constitution do- tale et établissant entre les époux complète réciprocité d'avantages. Si, maintenant, nous supprimons par la pensée la seconde de ces trois périodes ; si nous supposons la troisième suc cédant immédiatement à la première , le flambeau du chris- tianisme venant luire directement sur l'époque de la bar- barie, nous verrons la femme accomplir, au sein même de la famille, sa transformation morale ; nous la verrons s'é- manciper peu à peu, à mesure que la lumière divine, pé-— nétrant dans son ame, lui révèlera le secret de ses desti- nées providentielles, et que l'homme, au pouvoir de qui elle se trouve encore, apprendra à respecter , en elle , l'image de la nouvelle divinité qu'il adore. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 267 Alors une intimité plus grande unira les deux époux ; les relations se modifieront ; le mari demandera à la con- fiance , à l'amour de sa femme, ce qu'avant il exigeait de son abjecte servilité. Celle-ci, de son côté, viendra prendre place auprès de lui au foyer domestique. Les enfants, les serviteurs, respecteront en elle la compagne , l'associée du maître; et, si le mari continue seul encore à diriger la famille, à gérer la fortune, ce ne sera plus comme propriétaire de Vune et de l’autre; mais ce sera comme le plus puissant et le plus capable, comme le chargé de tous les pouvoirs, enfin , comme le chef de la communauté ; car la communauté de biens doit tout naturellement prendre place dans ce nouvel état de la société conjugale. C'est là ce qui estarrivé chez tous les peuples autres que les Romains, et ce qui serait arrivé chezles Romains eux- mêmes, si des circonstances politiques que nous avons fait connaître , des besoins sociaux d'accroissement de po- pulation, n'avaient créé pour eux un ordre de choses tout spécial, tout exceptionnel, et engagé leur législation dans des voies inconnues aux autres nations. Ainsi, tandis que les Romains, dépravés par les fausses lumières d'une civilisation païenne et inquiets de la dépo- pulation de leur cité, fesaient des lois pour assurer aux femmes la conservation de leur dot, les Germains, en- core barbares, mais dirigés par les heureux instincts de leur nature, vivaient avec leurs épouses dans une intimité qui rendait ces précautions inutiles, et qui, comme nous allons le voir, contenait en germe cette communauté de biens sur l'origine de laquelle nos jurisconsultes n'ont tant disputé que parce qu'élevés à l'école du droit romain, et pre- nant l'exception pour la règle, c’est du point de vue de la dotalité qu'ils l'ont toujours cherchée. Lorsque Tacite, imbu des idées qui dominaient dans la législation de son pays, voulut décrire les mœurs des 268 ACADÉMIE DE ROUEN. Germains, il s'étonna de ce que, chez eux , ce n’était point la femme qui apportait une dot au mari, mais le mari qui offrait une dot à la femme, dotem non uxor marilo seduxori maritus offert. (De morib. Gérm., $ 18.) Et pourtant, ce qui paraissait à cet historien une singularité, tenait à un fait commun à toutes les législations primordiales, à celle de Rome elle-même , au mariage par achat. Les Germains en étaient encore à cette période de barbarie , dans laquelle la femme était achetée par le mari qui la payait à son père. Ce qui s'appelait la manus chez les premiers Romains , s’ap- pelait le mundium chez eux. Le mundium exprimait à la fois le droit du père sur les enfants et le droit du mari sur la femme, et nous voyons, par les lois barbares qui nous ont été conservées, que ce mundium passait du père au mari au moyen d’un certain prix qui, sous les différents noms de «prix d'achat (pretium emptionis) , prix nuptial ( pretium nuptiale), witemond, meta, morgengabe ou don du matin», n'était autre que la dot offerte par le mari à la femme ou aux parents de la femme. Disons pourtant qu'entre le mundium et la manus , il exis- taitune différence qui nous est, en quelque sorte, indiquée par l’étymologie des deux mots. Aundium vient d'un mot germain qui veut dire bouche?, manus veut dire ”#14in. La bouche conseille, persuade, et, au besoin, commande ; la : Heineccius, Elementa juris germanici, Gb. 1, tit. 6, $ 132. 2 Ainsi, l’homme qui, par le mariage, acquiert le #undium , se trouve subrogé aux droits du père sur la femme qu'il épouse. Nous nous sommes attaché, dans notre premier chapitre, à dé- montrer que, chez les Romains, la manus n’était que la conti- nuation de la puissance paternelle. Ici notre tâche serait plus aisée , puisque c'est le même mot qui exprime à la fois le droit du père et celui du mari. Encore de nos jours , dans la législation des Suédois, le même mot, «giftoratt», exprime à la fois le droit du père et celui du mar!. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 269 main force et contraint ; la bouche représente la puissance morale, la main la puissance matérielle. C'est qu'au milieu de leurs forêts et de leurs marais sauvages, les Germains avaient mieux compris la nature de l'association conjugale, que ces fiers Romains qui les traitaient de barbares. Tacite nous les représente conduisant avec eux leurs fem- mes et leurs enfants à ces armées nomades et permanentes où chaque famille formait un bataillon, combattant sous les yeux de leurs épouses, s'excitant de leurs clameurs , et leur apportant avec orgueil leurs blessures à compter". Une femme , chez eux, n'a qu'un mari, nous dit encore Tacite, comme elle n’a qu'un corps et qu'une ame; le mari borne toutes ses pensées, tous ses désirs ; il n’est pas seulement un mari pour elle, il est le mariage tout entier‘. De leur côté, les hommes aiment leur femme de cet amour jaloux qui n’est pas connu à Rome; ils craignent plus la capti- vité pour elles que pour eux-mêmes ; supposant à ce sexe quelque chose de religieux et d'inspiré , ils se gardent bien " « Quodque præcipuum fortitudinis incitamentum est non casus nec fortuita conglobatio, turmam aut cuneum facit ; sed familiæ et propinquitates, et in proximo pignora unde fœminarum ululatus audiri, unde vagitus infantium : hi cuique sanctissimi testes , his maximi laudatores. Ad matres, ad conjuges vulnera ferunt, nec illæ numerare aut exigere plagas pavent, cibosque et horta- mina pugnantibus gestant. » De morib. Germ., $ 7. 2 « Sic unum accipiunt maritum , quomodo unum corpus, unam- qué vitam , ne alla cogitatio ultra, ne longior cupiditas , ne tan- quam maritum, sed tanquam matrimonium ament.» (1d., $ 19.) 3 Chez les Germains, l’adultère était puni plus sévèrement encore par les mœurs que par les lois. La femme conpable, ignominieu- sement chassée de la maison de son mari, ne recevait d'appui nulle part. Ni son jeune âge , ni sa beauté, ne pouvaient lui faire trou- ver des consolateurs ; nemo enim illic vitia rèdet, nous dit encore Tacite. Aussi, le même historien remarque-t-il que , pour une na- tion aussi nombreuse, on ne comptait que fort peu d'adultères ; Paucissima in tam numerosa gente adulteria. {$S 19 270 ACADÉMIE DE ROUEN. de rejeter ses avis ou de douter de ses oracles: Znesse sanctum aliquid et providum putant, nec aut concilia earum adspernantur , Gut TCSpOnsa negligunt. Enfin, c’est la vie patriarcale et de famille transportée au milieu des camps. L'épouse se fait guerrière pour par- tager les dangers et les fatigues de son mari, comme , chez les peuples pasteurs, elle s'associe aux paisibles occupations de sa vie champêtre. Maintenant que, la conquête ayant terminé la guerre, les Germains s'établissent en vainqueurs au sein de nos fertiles contrées, qu'ils fassent succéder les occupations de l'agriculture, du commerce, del'industrie , de tous les arts de la paix , au tumulte des combats, et nous allons voir la condition de leurs épouses se rapprocher beaucoup de ce qu'est encore aujourd'hui la condition des nôtres. Tout na- turellement , la femme qui fesait la guerre avec son mari, cultivera son champ avec lui, l’aidera dans les opérations de son négoce, s’associera aux spéculations de son indus- trie ; et si cette collaboration commune a augmenté le patri- moine des époux , lorsque le moment de la séparation sera venu , l'équité suggèrera l’idée de partager les biens acquis par les efforts communs, en d'autres termes, la société des acquets. Ainsi voyons-nous les éléments de la communauté de biens entre époux, sortir du chaos des institutions bar- bares, au souflle vivifiant de la civilisation chrétienne. Ce partage des acquets , nous le trouvons dans la loi des Wisigoths’, dans celle des Saxons* , et dans celle des Francs-Ripuaires *. : « De omnibus augmentis vel profligationibus , pariter conqui- sitis, tantam partem unusquisque obtineat, quantam ejus facul- tatem fuisse. » ( Lib. 4 , tit. 2, ch. 16.) - De eo quod vir et mulier simul conquisierint mulier me- diam portionem accipiat. » (Tit, 8. 3 « Si maritus uxori per seriem scripturarum nihil contulerit, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 271 Nous le retrouvons ensuite dans les capitulaires de Charlemagne’, puis dans les formules de Marculphe*, puis encore dans toutes nos anciennes coutumes, et, enfin, sous notre Code civil, où ilforme, avec la confusion des biens sous l'administration du mari, le principal caractère de Ja communauté entre époux. Quant à cette confusion des biens, nous avons vu qu'elle existait chez les Romains avec la »#2anus ; de même devait- elle être, chez les Germains , la conséquence du #7undium ; car il fut nécessairement un temps où les Germains, aussi bien que les Romains, se regardaient comme propriétaires de leurs femmes, et nécessairement de tous les biens de leurs femmes. Ce qu'on achète est bien à soi, a dit Martial F1 Quand les maris ne furent plus propriétaires absolus de leurs femmes, ils ne furent plus également propriétaires si virum supervixerit, 50 solidos in dotem recipiat , et tertiam partem de omni re quam simul conlaboraverint, sibi studeat evindicare..….…. Quod si ex his quæ conscripta vel tradita sunt simul consumpserint aliquid, nihil requirat.» (Tit. 37, 2 et 5.) ‘« Volumus ut uxores defunctorum, post obitum mariti, tertiam partem conlaborationis , quam simul in beneficio conlaboraverunt accipiant. » ( Lib. 4, $ 9.) 2 « Quas pariter stante conjugio adquisivimus prædicta conjux tertiam habere potuerat.» (Lib.2, cap. 17.) 3 Jd quod emas possis dicere jure tuum. Lib. 2, epig. 20. César nous apprend , dans ses commentaires (De Bello gallico, lib. 6, cap. 10 ), que les Gaulois avaient , sur leurs épouses , droit de vie et de mort. Quelques auteurs en ont conclu que les Ger- mains en usaient de même. D’autres, se fondant précisément sur le silence de César à l'égard de ces derniers , ont soutenu le con- traire. La question n’est que dans les dates. Dans l’origine, les mêmes faits ont dû donner partout lieu aux mêmes droits. Déjà, au temps de Tacite , les mœurs étaient fort adoucies, et, lorsque les lois barbares furent rédigées, la puissance maritale n'était guère autre chose que ce qu'elle est de nos jours. (V Heineccius, Elem. jur. germ., Gb. 1°", tit. 6. 272 ACADÈMIE DE ROUEN. absolus de leurs biens, mais ils en conservèrent, durant le mariage , l'administration et la jouissance. Enfin , une institution qui, sous notre ancien droit, a toujours marché à côté de la communauté de biens, le douaire , nous vient encore des Germains, et trouve son origine dans ce prix d'achat , dans cette dot que le mari, autrefois, offrait à sa femme ou aux parents de sa femme , en l’épousant. Tacite nous apprend en quoi cette dot consistait de son temps. Ce n'était point de ces superfluités qui flattent la vanité des nouvelles épouses et servent à leur parure, c'étaient des bœufs, un cheval tout bridé, un bouclier avec la framée et le glaive. (De morib. Germ., $ 18.) Après la conquête, nous voyons, par les lois barbares, que la dot avait changé de nature. Le mari offrait à son épouse une partie de sa fortune ou un certain nombre de solidi, qui variait suivant les diverses tribus, mais dont le maximum était toujours fixé avec rigueur. Au moyen-âge , le mariage se célébrait encore suivant la loi salique, par le sou et le denier , per solidum et dena- rium ; et même, de nos jours, dans les cérémonies du mariage catholique, la pièce de monnaie qui représente la dot n'est pas donnée par la femme au mari, mais par le mari à la femme. Suivant le rituel de l'église de Reims, le fiancé dit à la fiancée , en passant l'anneau à son doigt, et en lui mettant trois deniers dans la main droite : Le mon corps Je vous honor? , et de mes biens je vous doue. Enfin , de même que chez les Germains , le lien se for- mait entre les époux par les présents réciproques :. De même, dans notre ancien droit, et l'église nous en a con- ' Tacite, De mor. Germ., Ç 18. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 273 servé le symbole, la constitution du douaire formait l'une des principales cérémonies du mariage . C’est ainsi que , par la succession des temps, les insti- tutions se modifient. Ce qui, autrefois, était un des plus révoltants abus du droit du plus fort , l'achat des femmes, a donné lieu, dans notre France coutumière, et sous l'in- fluence civilisatrice des idées chrétiennes , à une mesure toute de générosité et de protection pour ce sexe réha- bilité. Sans doute on peut trouver encore dans les détails bien des différences entre la communauté de biens des lois barbares et celles des coutumes, comme on en trouve entre la communauté coutumière et celle du Code civil; mais les principes générateurs sont les mêmes. La confusion des biens sous l'administration du mari, le partage des fruits de la collaboration commune, les caractérisent toutes trois, parce que toutes trois ont leur source dans les rapports Loysel, dans ses /Zrstitutes coutumières, mous apprend que cette constitution de douaire se fesait à la porte de l’église, et avec ces paroles solennelles : «et du doïre te doue , qui est devisé entre mes amis et les tiens.» D’après Tacite, il fallait également que les présents du mari fussent agréés par les parents de la femme. , On pourrait encore dire que les deux principaux caractères du douaire, qui sont la donation en usufruit et l’inaliénabilité, se trouvent en germe dans une disposition de la loi des Bourguignons de Gondebaut , qui veut que si la femme convole à de secondes noces, elle ne jouisse de la donation nuptiale qu’en usufruit, et ne puisse, ni donner , ni aliéner aucun des biens qui la com- posent. ( Tit. 24, p. {.) Enfin , il est à remarquer que , de même que dans quelques-unes de nos anciennes coutumes, le douaire n'était acquis à la femme que par sa cohabitation avec le mari, ce qui fesait écrire, dans la coutume de Bretagne : femme gagne son douaire à mettre son pied au lit ; et dans celle de Normandie , le douaire se gagne au coucher ; de même, chez les Germains , c'était au matin qui suivait la première nuit des noces, que se donnait le morgengabe 274 ACADÉMIE DE ROUEN. naturels de l'association conjugale , et que, pour conser- ver la distinction des biens là où l'union des personnes est si intime , ila fallu, en quelque sorte, chez les Romains, une déviation des principes du droit naturel. Aussi voyons-nous que la communauté de biens a pré- valu avec des combinaisons différentes , mais toujours fon- dées sur les mêmes bases, dans toutes les contrées que le droit romain n’a pas régies, principalement dans toutes celles d'institution germanique '. Nous la trouvons établie aux Indes par les lois de Manou?; et même elle se mariait en quelque sorte avec la #2anus dans l’ancienne législation des Romains. Nous avons cité cette loi du code Papyrien, portant qu'une femme lice à un homme par les rites sacrés, entre avec lui en participalion des mêmes dieux et des mêmes biens. Si l'Académie daigne accorder quelques encouragements à ces premières recherches , nous pourrons, dans un autre travail, suivre parallèlement l'histoire du régime dotal et l'histoire de la communauté de biens entre époux jusqu'au sein de notre législation actuelle ; puis comparer ensemble ces deux régimes dans leurs applications pratiques , envi- sagées tant sous le rapport du bonheur des ménages, que sous celui de l'économie sociale. Mais que , dès à présent, il nous soit permis de constater ce résultat qui servira de point de départ à nos recherches ultérieures, à savoir que le régime dotal est né à Rome, au milieu de mœurs entièrement opposées aux nôtres, et n’a dû son existence qu'à des besoins politiques d’aceroissement de population , ‘ Heïineccius , lib. 1", tit. 12, 274. 2? Le bien est commun au couple marié. Digest of Hindu law, 3—458 , cité par M. Michelet , dans ses Origines du Droit français , p. 16. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 275 tandis que la communauté de biens, plus conforme aux vrais principes de l'association conjugale, existait en germe dans l'intimité des époux au sein des forêts de la Germa- nie, a été fécondée par le flambeau de la civilisation chré- tienne , et n’a eu besoin, pour se développer, que de suivre la pente naturelle des lois et des mœurs. NOTE BIOGRAPHIQUE PIERRE CORNEILLE Par M. A. DEVILLE. L'intérêt qui s'attache à tout ce qui rappelle le nom de Pierre Corneille, est si puissant, surtout pour cette ville qui se glorifie de lui avoir donné le jour, que je ne doute pas que l'Académie ne me sache gré de l’empressement que je mets à lui communiquer quelques détails presque entièrement inconnus, qui peuvent servir à compléter la biographie de cet homme célèbre. Onsait que Pierre Corneille est né rue de la Pie, le 6 juin 1606, dans la maison paternelle. Cette maison, que vous connaissez tous, Messieurs, dépendait de la paroisse de Saint-Sauveur, dont l’église, qui occupait une partie du Vieux-Marché, a complètement disparu. Ayant eu occa- sion d'examiner les anciens registres de cette paroisse, aux archives du département, où ils furent transportés à la Comte ez gel de ne + 74 ca ELA Des ie De r 3 , 2 En _ FE Les 214 see F0 73 Es — Eu peau . Dre Fe ee. à Le Ai Ro — pare A ne Guru Potu' fa ‘D EN UE 00 as. ru crée re re CLASSE DES BELLES-LETTRES. 277 révolution, j'ai été assez heureux , aidé que j'étais, je dois le dire, par les recherches antérieures d'un des conser- vateurs de ce dépôt public, feu M. Legendre, pour acquérir la preuve que la famille de Pierre Corneille et lui-même n'avaient pas été étrangers à l'administration de cette paroisse, et que des témoignages, écrits de leur main, subsistaient sur ces registres. Un de ces énormes volumes, du format in-folio, tout déformé par son poids et par le temps, quoiqu'assez bien conservé du reste, et revêtu encore de sa vieille couver- ture en veau, renferme les comptes de la paroisse de Saint-Sauveur, à partir de l'année 1622 jusqu'à l’année 1653, inclusivement. Ce registre passait, chaque année, dans les mains du trésorier en charge, pour qu'il y inscrivit lui-même, à la suite, le compte de sa gestion. Le compte qui ouvre le registre, pour l'année 1622- 1623, de Pâques à Pâques, est de la main du père du grand Corneille ; il commence ainsi : « Compte de la recepte mise et despense que moy Pierre « Corneille cydeyant M° des eaux et forestz de la vicomté « de Rouen ay eue et faicte comme trésorier de la pa- «roisse de Saint-Sauveur du dit Rouen des rentes et «revenus appartenantz à la d. esglize pour ung an à « Pasques mil six centz vingt deux et finissant à Pasques «nil six centz vingt trois pour estre procédé à l'audition «et clausion d'icelluy.» Le père du grand Corneille rendait ce compte comme trésorier en exercice de la paroisse de Saint-Sauveur. Un des articles de la recette est ainsi conçu : « Se charge le dit comptable de la somme de dix livres « pour une année escheue au jour de Pasques mil six «cents vingt trois de pareille somme de rente deue « à cause d'une fondation faicte en la dicte esglize par 278 ACADÉMIE DE ROUEN. a damoiselle Barbe Houel sa mere et par luy par contrat « passé devant les tabellions de Rouen le vingt” feburier « mil six cents quatorze. » Peu de temps après, le père de Corneille faisait une autre fondation à sa paroisse , ainsi qu'il résulte destermes suivants du compte du trésorier, pour l'année 1624- 1625. » «Reçu ..…. du dit Pierre Corneille ( le trésorier venait « de mentionner la rente de 10 livres) la somme de «soixante livres, pour deux années escheuez au dit « jour de Pasques VIS vingt cinq pour pareille somme « de rente par luy constituée sur tous ses biens et héri- «tages pour et à cause d’une fondation par luy faite en «icelle esglize à condition de luy faire dire et cellebrer à « perpétuité par son chapelain abbitué en la d'° esglize «une basse messe le vendredy de chacune semaine de l'an « à l'heure de huict heures de matin et une haulte messe « de requiem le jour des Trespassés et jour précédent qui «est le jour de Toussaint après vespre vigilles des mortz «de neuf seaulmes dit neuf lessontz et avec SOUS FRANGES «ordinaires pour ce cy. LX “.» Ces deux rentes de 10 livres et de 30 livres, furent servies par le maître des eaux et forêts, jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée en 1639, et depuis, par ses héritiers : les registres de Saint-Sauveur en font foi. Si le grand Corneille , Pierre , ne succéda pas immédia- tement à son père, comme fabricien de la paroisse de Saint-Sauveur ( les fabriciens portaient alors la désigna- tion de trésoriers), il est certain, du moins, que , quelques années après, il apposait, en cette qualité, sa signature sur les registres de la paroisse. Elle y brille, aux comptes de 1648, 1649, 1650, au milieu de noms bien obscurs. En suivant la trace de ce glorieux nom, sur le vieux CLASSE DES BELLES-LETTRES. 279 registre de Saint-Sauveur. quelle fut notre surprise , notre joie, de reconnaître, au compte de 1651-1652, l'écriture de ce grand homme, remplissant trente-trois pages entières ! Tout était de sa main. C'était l'état des recettes et dépenses de la paroisse, que Pierre Corneille présentait, comme trésorier en charge, à ses confrères. Le libellé de ce compte, écrit de sa main comme tout le reste, est conçu ainsi : « Compte et estat de la recepte mise et despense que « Pierre Corneille escuyer cydevant advocat de sa majesté « aux siéges généraux de la table de marbre du palais à « Rouen’, trésorier en charge de la paroisse de Saint- «Sauveur du dit Rouen a faite des rentes revenus et « deniers appartenantz à la dicte eglise et ce pour l'an— «née commençant à Pasques mil six cens cinquante et «un et finissant à pareil jour mil six cens cinquante et « deux par luy présenté à messieurs le curé et trésoriers « de la dite paroisse à ce que pour sa décharge il soit « procédé à l'examen du dit compte et clausion d’ice- «Iuy. » Suit le compte détaillé, de la recette, d'abord, puis de la dépense, par chapitres, en 182 articles, avec les sommes sorties en marge ; le tout écrit avec beaucoup de netteté , et classé dans un ordre remarquable. Les deux articles de la rente de 10 livres, et de celle de 30 livres, fondées par son père et par la mère de celui-ci, Barbe Houel, n’y sont pas omis. Is figurent à la recette , de la manière suivante : «de la somme de dix livres deue par le présent comp- r Pierre Corneille avait été recu comme avocat à la Table de marbre , le 18 juin 1624( archives du Parlement). Le 18 mars 1650, par acte passé devant Hélye, tabellion à Rouen, il cédait son office à un sieur Alexandre Leprevost (archives des notaires). 280 ACADÉMIE DE ROUEN. «table comme héritier de feu sieur Corneille vivant « M° des eaux etforetz de cette vicomté de Rouen pour une « année eschue à Pasques mil six cens cinquante et deux « de la rente qu'il doibt au dit trésor à cause de la fonda- «tion faicte en la dite paroisse par damoiselle Barbe Houel « son ayeule paternelle et le dit sieur Corneille son père « suivant le contrat passé pardevant les tabellions de Rouen «en l’année mil six cens vingt et quatre le huitiesme de « feburier. » En marge: «Nota qu'il y a erreur aux comptes précé- «dens pour la dabte du dit contrat qui est du 20 de « feburier 161% *.» Suit : « De la somme de trente livres reçue de Thomas Cor- « neille escuyer, sieur de lisle, frère du dit comptable, a pour une année eschue à Pasques mil six cens cin- « quante et deux de la rente foncière par lui deue comme «héritier du dit feu sieur Corneille à cause d’une fonda- «tion par lui faite en la ditte paroisse par contrat passé « devant les tabellions de Rouen le dix septiesme d'avril « mil six cens vint et trois ?. — XXX *.» A la suite du compte rendu par Pierre Corneille, est inscrit , au registre , sous la date du lundi 4° avril 4652, le quitus qui lui est délivré par le curé et les trésoriers de la paroisse. Ce quitus est signé par ceux-ci, et par Pierre Corneille lui-même. x L'acte original, qui existe au dépôt des notaires, porte bien la date du 20 février 1614. Pierre Corneille, en maintenant dans le corps du compte celle du 8 février 1624, nonobstant l'observation consignée par lui en marge, se conformait à la date mentionnée par les trésoriers qui Pavaient précédé, afin d’éviter toute confusion. 2 Il résulte de ceci que les deux frères s'étaient fait le partage de ces deux rentes. Celle de 10 liv. était restée à la charge de Pierre Corneille, celle de 30 liv. à la charge de Thomas. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 281 Cestrente-trois pages, in-folio, écrites tout entières de la inain de ce grand homme , sont, malgré le peu d'intérêt de la matière, un monument bien précieux pour la ville de Rouen’. C'est la même année que Corneille écrivait, et peut-être avec la même plume qui avait tracé le compte de sa paroisse, son admirable tragédie de Nicomède ; il n'y à pas à douter qu'il ne l'ait composée à Rouen. I est curieux de voir le grand Corneille interrompant ses sublimes inspirations et laissant Nicomède et les Romains, pour aller faire raccommoder une des branches du chandelier & trois branches et faire refaire le petit chan- delier de l'église de Saint-Sauveur , pour s'occuper de la Journiture du lüminaire, chandelle, huile, et de { escurage des chandeliers et de la lanterne de ! “église, pour recevoir {es loyers des boutiques du cimetière, débattre les droits d'en terrement , et compter la cucrllecte des bassins de quête. Le séjour prolongé de Corneille dans sa ville natale, contrairement à l'opinion généralement accréditée, se trouve confirmé par nos registres de Saint-Sauveur, Nous avons dit que la signature du grand Corneille y figure dans les années 1648, 1649, 1651, 1652, et témoigne de sa présence à Rouen. Nous l'y retrouvons presque sans discontinuité, jusqu'en 1662’, époque où son dernier biographe suppose , avec raison , qu'il quitta Rouen pour aller se fixer à Paris’. A partir de 1662, son nom ne reparaît plus. * Rouen ne possédait , de la main de Corneille, que quelques signatures (au nombre de sept ou huit) apposées au bas d'actes publics, et un ex dono mis sur un exemplaire de l’Imitation en vers: ce volume est à la Bibliothèque de la ville. L'écriture du grand Corneille est de la plus excessive rareté. ? Compte des trésoriers et registres des délibérations. Les années 1656, 1659 et 1661, font seules exception. Ÿ M. Taschereau : Histoire de la Vie et des Ouvrages de P. Cor- neille, p. 198. 0 282 ACADÉMIE DE ROUEN. C'est dans ce laps de temps, les quatorze années qui se sont écoulées de 1648 à 1662, que parurent sur la scène : | AHOrOMEUS 2. PNR 1650 Don Sanche d'Aragon . . . . . . . 1650 Nicomede te Me PRE LG PertNAr etes Ne UNE CESR IG ES LL: 0 2 JE End -obs Sig ve de ut 5 RAMROSON DORE M MEN MIE Sertorius (25"février): . . : . . + . 1662 Et que Pierre Corneille publia, en plusieurs parties, de 1651 à 1656, l'imitation, en vers, de Jésus-Christ. On peut aflirmer, d'après ce qui précède, que ces ou- vrages ont été composés à Rouen, et dans cette petite maison de la rue de la Pie , immortalisée par la naissance et par le séjour de ce grand homme. A ja suite du compte présenté par l'auteur du Cid et des Horaces, aux trésoriers Ge sa paroisse, on lit, dans le registre , sous la date du {° avril 1652, la note sui- vante : « Il à esté donné par le sieur Corneille au trésor de la «d. église un drap de veloux noir mortuaire pour le Le 7 octobre 1662, Pierre Corneille, par acte passé devant Maurice, tabellion à Rouen , donnait sa procuration à P. Corneille , son cousin, pour gérer toutes ses affaires à Rouen. En quittant sa ville natale, vers la fin de l’année 1662, Pierre Corneille ne renonça pas à y faire quelques apparitions. C'est ainsi que sa présence nous y est signalée, en 1668, par un acte du 18 mai, en vertu duquel il constituait une rente de 400 livres pour la dot de religion de sa fille Marguerite, qui entrait au couvent de Saint-Dominique, du faubourg Cauchoiïse. Pour faire cette rente, P. Corneille abandonnait le loyer d’un héritage qu’il possédait dans Ja paroisse du Petit-Couronne , auprès de Rouen. ( Archives des Notaires. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 283 « quel madamoiselle sa mère a contribué de la somme «de cent livres qu'elle a donnée au d. trésor parce que «le d. s° Corneille aura la faculté de sen servir pour «eulx et sa famille et domestiques »(ce dernier mot a été ajouté après coup, sans doute sur l'observation du dona- teur), «sans pour ce payer aucune chose, la mesme fa- « culté demeurantz à messieurs les trésoriers leurs veufves «et enfantz seulement, et ou le dit drap mortuaire «seroit baillé ou presté à aucun ce qui ne se fera que du « consentement de m' le curé et de mons' le trésorier «en charge, il sera payé et donné au d. trésor par « chaque fois soixante solz au moins et ce pour ceulx de «la d°. paroisse seulement à réserve des parentz du d. « sieur Corneille qui l'a donné, et ce au trois® degré avec- « que ceulx qui portent le nom. » Ce don prouve que Corneille avait, à cette époque , l'intention de vivre et de mourir à Rouen. Il en fut au- trement. Le drap mortuaire de veloux noir de l'église de Saint-Sauveur ne couvrit pas les restes du grand poète ; Saint-Roch , à Paris, devait voir ses funérailles. 0 —— SUR LUCIEN, SON CARACTÈRE ET SES ÉCRITS, Par M. BOISTARD DE GLANVILLE. Il est des temps qu'on est convenu d'appeler époque de décadence , parce que les génies y sont plus rares, et que chaque peuple à ses phases en littérature comme en puis- sance. Semblable à une terre fertile , mais épuisée , parce qu'elle a beaucoup produit, la Grèce avait vu succéder les sophistes à ses orateurs de tribune, aux historiens d'obscurs narrateurs, à ses philosophes leurs commentateurs ou leurs copistes; cependant il se rencontrait encore , dans ces temps de repos de l'esprit humain, des écrivains du premier ordre, soit parce qu'ils avaient su se tenir en garde contre les défauts de leur temps, conserver leurs con- victions, et protester contre une admiration ridicule et usurpée ; soit parce que, venant à la suite des modèles, ils avaient été plus à portée de se former par la lecture de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 285 leurs ouvrages, de rectifier quelques-unes de leurs erreurs, de compléter leurs idées, d'étendre leurs plans, enfin de parvenir encore, aidés du goût qui doit toujours présider aux productions de l'esprit, à imprimer un cachet d'origi- nalité à des écrits qui n'avaient plus alors le mérite de la nouveauté. L'histoire, entr’autres, et Plutarquele prouve, peut être incessamment élaborée, peut être envisagée sous des rapports qui avaient échappé aux premiers historiens ; ses vies parallèles sont là pour déposer de cette vérité. IL est un autre genre, qui les comprend tous, ou qui n'en comprend, à proprement parler, aucun; c'est celui de ces écrivains qu'on appelait chez les Grecs polygraphes, et que nous appelons, nous, auteurs de mélanges; quitraitent une multitude de sujets, sans en approfondir un seul, ou sans lui donner un développement tei, qu'il puisse se pro- duire dans les dimensions et sous la forme qui constitue véritablement l'ouvrage. Ces opuscules, dont la brièveté est déjà un mérite, ne doivent pas, s'ils sont bien faits, offrir une idée qui ne soit saillante , pas un mot qui ne soit bien placé, pas une peinture qui ne soit bien tracée ; sans quoi le lecteur, qui s'est promis un plaisir de quelques instants, mais un plaisir réel, met bientôt le livre de côté, s'il voit que ce qui devait l'intéresser vivement, peut à peine captiver son attention. Lucien paraît en première ligne, dans cette classe de polygraphes, ou plutôt il y paraît sans rivaux; car on ne peut en citer un seul qui réunisse en lui toutes les qualités qui le distinguent , et surtout ce talent de la bonne plai- santerie, qui ne l'abandonne jamais, et qui suflit pour le rendre inimitable. Ce talent n'était guère, il faut en convenir, celui des anciens. Aristophane est caustique, mais, tout modèle qu'il est d'atticisme , quant au style, il manque de finesse, et surtout de bon goût. Ses invectives , dirigées , en pleine 286 ACADÉMIE DE ROUEN. scène , contre les principaux citoyens d'Athènes, sont d'un mauvais ton, et trop empreintes de l'aüstérité républi- caine. La gravité des Romains devait naturellement s'arranger encore moins du genre d'écrire ; et, en effet, les plaisan- teries de Cicéron n'ont rien de bien fin; Ovide est facile, mais non plaisant; le mordant de Juvenal n'est que sombre ; et Horace n'a détendu les cordes de sa lyre que pour donner des préceptes, ou pour s’entretenir avec ses lecteurs, sur un ton qu'on peut à peine nommer sati- rique. Nous n'avions donc pas de modèle en ce genre, jusqu'à Lucien. Imitateur de Platon pour la forme de ses écrits, qui est presque toujours celle du dialogue , Lucien ne s'élève pas aussi haut que lui, quant au style... Les mots poétiques, les phrases ambitieuses du philosophe athénien, eussent été fort peu en relation avec les sujets qu'il traite, sujets presque toujours frivoles, et généralement hors du do- maine de la haute philosophie. Il fallait une diction ma- jestueuse et sévère pour traiter des sujets sérieux ; un style facile et naturel s'accordait mieux avec un ton presque toujours plaisant et badin. Aussi, excepté la forme, rien de plus dissemblable que leurs écrits; autant l’un est rai- sonneur et analyste , autant l’autre est léger et superficiel. Chez Platon, l'obscurité ne s’unit que trop souvent à la profondeur ; mais Lucien est toujours clair, d'abord par un mérite particulier de son style, et ensuite parce qu'il n’approfondit rien, ne discute même pas, et se contente de mettre en œuvre les matériaux qu'il a sous sa main, sans chercher à résoudre aucun problème de morale ou de philosophie. Quel que soit le genre auquel il se livre , il y excelle. Philosophe dans son Timon , joignant tout le mor- dant de la satire à toute la force comique dans ses Dialogues des morts el des dieux, critique exercé dans son Traité sur CLASSE DES BELLES-LETTRES. 287 la manière d'écrire l'histoire, érudit dans la Presse Sy- rienne, ilest encore orateur, ou, du moins, rhéteur ha- bile, dans la plupart de ses petits traités, où il paraît s'être livré à un simple jeu d'esprit, en se proposant un thème quelconque à développer. Semblable au Protée de la table, qui lui fournit le sujet d'un de ses traités, il change à chaque instant de forme ; et cependant, il a tel- lement l'art d'assortir ce qui semblerait contraire, un style badin avec un sujet grave, qu'il n’en résulte aucune disparate. Quand il est sérieux, il est encore aimable ; et, quand il est frivole, il sait encore penser; toujours atta- chant, parce qu'il est toujours varié, il effleure les sujets qu'il traite, s'adressant plus à l'esprit du lecteur qu'à sa raison. Peu lui importe de quoi il s'occupe, pourvu qu'il amuse, ou plutôt qu'il s'amuse lui-même ; car il semble avoir composé en se jouant, laissant courir sa plume sans contrainte, mais toujours avec le même choix et le même discernement. Cet auteur peut-il compter parmi les philosophes; et, cette question résolue aflirmativement , dans quelle classe convient-il de le ranger? C'est à quoi il est assez difficile de répondre. En effet, s’il se permet de détruire, jamais il n'ose édifier ; il n'établit aucun principe ; s’il fait voir le ridicule de certain système, jamais il n’en fonde un autre à sa place; toujours de l'ironie et du scepticisme, jamais rien de positif. S'il fait l'éloge d'un Demonax, d'un Ni- grinus, personnages qui paraissent avoir fait exception parmi les philosophes de son temps, vousle voyez, d'autre part , sacrifier à ses sarcasmes les Socrate, les Platon, tous ceux enfin qu'avant lui on regardait comme des oracles. Il les blâme de ce qu'ils n'ont rien établi de fixe, de ce qu'ils n'ont été d'accord sur rien. Cela est vrai; mais ils ont fait ce qu'il était donné de faire à des hommes privés de con- naissances surnaturelles ; ils ont cherché, non dans Îles 288 ACADÉMIE DE ROUEN. mêmes voies, non par les mêmes moyens, la vérité, qui les a toujours fui, parce qu'il était impossible que, d'eux- mêmes , ils pussent la saisir. Il est donc très difficile de juger à quel système de philosophie appartient un homme qui, non seulement ne professe aucune opinion, mais se moque de tous ceux qui en professent, qui tourne en ri- dicuie leurs mœurs, fort peu en rapport avec leurs pré- eptes ; leurs préceptes mêmes, dont il fait apercevoir ou l'incohérence ou l'absurdité. Les nouveaux philosophes, surtout ceux de son temps, sont les moins ménagés; il ne perd aucune occasion de relever leur impudence, leur gourmandise, qui lui fournissent mainte scène plaisante, mainte peinture grotesque et récréative. A la vérité, il paraît que les philosophes de son temps n'étaient, au moins en grande pertie, que des sophistes affamés, qui s’abattaie nt sur la ville de Rome, comme un essaim d'in- sectes destructeurs. Exploitant un certain talent de bien dire , ils soutenaient , pour de l'argent, le pour et le contre. Parasites effrontés , ils étaient, tout à la fois, les institu— teurs et le jouet de ces Praticiens superbes, qui, ne pou- vant se défaire de leur antique respect pour la Grèce, à laquelle ils devaient toutes leurs connaissances, accueil- laient encore avec empressement ses enfants dégénérés ; embrassaient , au défaut du corps, l'ombre de cette idole, pourvu qu'elle leur offrit encore quelque ressemblance avec les anciens modèles, objet constant de leur admiration. C'est pour les Dieux que Lucien a réservé les traits les plus acérés de son ridicule, et en particulier pour Jupiter , qu'il cite continuellement à son tribunal, devant lequel ce dernier défend assez mal sa cause. Aussi fut-il accusé d'athéisme, inculpation à laquelle son penchant vers les principes d'Epicure ne donne que trop de fondement. Il est au moins à peu près certain, par ses écrits, qu'il ne croyait pas à la providence. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 289 Mais était-il bien facile de croire à ce dogme sacré, avec le système mythologique des Grecs? Le père des dieux et des hommes, qui est soumis aux destins, qui, lié par une puissance occulte et mystérieuse , est souvent forcé d'agir contre sa volonté, ne peut sans doute offrir un type tant soit peu raisonnable d'immutabilité; il ne peut pas plus être considéré comme veillant aux des- tinées humaines, celui qui n’est pas maître de les diriger. Le dieu qui lance la foudre n'est, d'ailleurs, presque jamais offert aux regards des mortels, sous d'autres rap- ports que sous celui de la puissance. Comment admettre , avec ce seul attribut, l'idée d’une providence attentive ? IL n'y a que notre Dieu, le Dieu des Chrétiens, qui, souverainement puissant, mais en même temps souve— rainement bon et miséricordieux, puisse prévoir et diri- ger, parce qu'il réunit, au suprême degré, tous les attributs essentiels à la faculté providentielle. Lucien fut le Voltaire de son siècle; même talent pour l'ironie, même esprit, même facilité, même inclination à médire ; mais il existe une différence entre eux ; et cette différence est énorme : le premier a attaqué de front, et voué au ridicule, les objets d'un culte, fruit de Fimagina-— tion des poètes, d'un culte corrompu etévidemment dé- placé de ses antiques bases; le second, moins aidé par la nature du terrain sur lequel il combattait, s'est contenté de décocher ses traits de loin, et n'a osé se mesurer corps à corps avec un géant qu'il croyait vulnérable, mais qu'il savait ne pouvoir être blessé à mort. La mythologie n'a- vait rien à opposer aux sarcasmes de Lucien; car jamais il ne fut articulé, en sa faveur, rien de raisonné , rien de sérieux. Il n'en était pas de même du christianisme , qui a ses preuves, et qui répondra toujours par des arguments solides , basés sur des faits incontestables , aux sophismes spécieux , mais souvent perfides, de ses détracteurs. 290 ACADÉMIE DE ROUEN. Malheureusement (mais dans un petit nombre de ses écrits seulement), Lucien n'a pas toujours respecté la décence ; plusieurs de ses peintures sont trop libres, et quelques-unes, même , dégoütantes de cynisme. Cette dernière observation s'applique principalement à son Lu- cius ; histoire fantastique , pleine , d'ailleurs, d'esprit et d'invention, et qui a probablement fourni à Apulée, qui vivait peu de temps après notre auteur, quoique dans une autre contrée du globe, des matériaux pour ses mé-— tamorphoses, connues sous le nom de l'#ne d'or. Au milieu de cette multitude de traités de Lucien, et qui réclameraient chacun un article à part, il est difäcile de faire un choix, et d'analyser. Il y a, d’ailleurs, quelque chose de si subtil, je dirais presque de si volatil, dans les pensées de l’auteur, qu’on peut toujours craindre qu'elles ne se réduisent à rien, qu'elles ne s'évaporent, en quelque sorte, sous la plume du critique. Le Songe est le premier de ses opuscules. C'est une imitation d'un ancien auteur, de Prodicus de Ceos, chez lequel on trouve l’allégorie d'Hercule sollicité, à la fois, par la vertu et par la volupté, et se décidant pour la vertu. Lucien est de même sollicité par la sculpture et par la science. La première lui fait envisager les avan- tages dont il jouira en suivant la profession de son père, profession lucrative, et par le moyen de laquelle il peut un jour s'élever jusqu'aux grands modèles ; la science , venant là-dessus, lui oppose le renom qu'il obtiendra, s'il se décide à écouter ses leçons. «Peux-tu comparer, lui dit-elle , une occupation mécanique et servile, qui te tiendra toujours le ciseau à la main, et le front courbé vers la terre, avec la noble fonction d'enseigner le genre humain, avec la brillante réputation, et les couronnes qui t'attendent? » On voit, par ce peu de mots, que le père de Lucien CLASSE DES BELLES-LETTRES. 291 n'était pas un sculpteur fameux. il paraît qu'il se bornait à faire de petites statues de Mercure; qu'il était ce qu'on appelait alors hermoglyphe , et non artiste dans la plus noble acception du mot; car, autrement, la sculpture était tellement en honneur chez les Grecs , que Phidias, à qui l’on devait la statue de Jupiter Olympien, avait peu de chose à envier à Homère; il était presque son égal, car il l'avait compris; car son ciseau était parvenu à rendre ce sublime froncement de sourcils qui ébranlait l'Olympe. Le second Prométhée est un sujet qui avait déjà été traité en vers , par Eschyle, dans sa tragédie de ce nom. Lucien nous le donne en bonne prose , avec plus de goût d'ailleurs, et de sentiment des convenances. Il insiste moins que le premier sur les détails du supplice , détails révoltants , et qui n'inspirent que le dégoût ; en revanche, il plaide la cause du défenseur de l'humanité, avec une force de raisonnement qui confond Mercure , et rend Vul- cain entièrement muet; ce qui n'est pas très difficile, car sa seule occupation étant de frapper sur l'enclume , il n’en- tend pas grand chose à la dialectique. On peut dire , toute- fois, que Prométhée gagne sa cause, en ce sens qu'il ferme la bouche à ceux qui sont chargés de le punir; mais il n'en demeure pas moins bien et dûment cloué sur le mont Caucase ; et, pour se consoler un peu, il prédit le moment de sa délivrance, qui, un jour, résultera d'un conseil sa- lutaire qu'ildoit donner à son juge , jusqu'alors inexorable. Timon était célèbre par sa misanthropie; il fut riche, et les flatteurs, les parasites, lui aidèrent à dissiper tout son bien. Réduit à travailler à la terre, il s'en prend à Jupiter de la détresse qu'il éprouve, et qu'il ne doit pourtant attribuer qu'a lui-même; il débute par adresser les injures les plus piquantes au maître des dieux. Cette sortie, comme on voit, est assez peu méritée ; Jupiter 292 ACADÉMIE DE ROUEN. l'avait rendu riche , c'était à lui de se rendre digne de ses faveurs. Quoi qu'il en soit, le dieu a l'extrême bonté de prêter l'oreille à des plaintes qui lui sont adressées avec aussi peu de retenue ; il envoie Mercure , qui décide enfin Plutus à établir encore une fois son domicile dans la mai- son de Timon. Les flatteurs ont bien vite connaissance de ce changement de fortune ; ils viennent , ils accourent en foule, ils veulent encore essayer sur lui l'effet de leurs prestiges habituels ; mais, pour le coup, Timon les reçoit d'une manière assez incivile, car il les menace de la pioche qu'il tient à sa main, et leur déclare formellement la volonté où ilest de vivre désormais pour lui, de jouir seul de ses biens, qu'il eut dans un temps la sottise de partager avec eux. Ce traité est un des plus vantés de l’auteur; l'ironie y est sanglante ; mais Timon s'y montre injuste encore plus que misanthrope. Hermotime est le dialogue qui se rapproche le plus, peut-être, de la forme platonique. Lucien rencontre Hermotime qui va chez son professeur de philosophie, et paraît fort absorbé dans ses réflexions. Voilà déjà vingt ans que vous étudiez, lui dit Lucien ; sans doute vous voilà arrivé au terme de vos travaux ? Je ne fais encore que commencer , lui répond Hermotime; la vie d'un homme est à peine suffisante pour parvenir au but vers lequel je tends constamment, sans avoir fait encore de progrès sensibles. (Hermotime a choisi la secte des stoïciens.) — Vous-êtes vous porté vers ce système de philosophie avec connaissance de cause, lui dit Lucien ? Pour vous décider convenablement, avez-vous aussi étudié tous les autres ? Êtes-vous certain de posséder la vérité? Ilme semble que les stoïciens l'ont trouvée, lui répond Hermotime ; mais Lucien lui prouve facilement qu'il ne peut acquérir, sur ce point, aucune certitude; et, de conséquence en consé— CLASSE DES BELLES-LETTRES. 293 quence, il lui fait si bien envisager, comme inutiles, toutes ces opinions, que le pauvre Hermotime , découragé , laisse là ses livres, et dit un adieu solennel à tous les philosophes. Mais ici, la probabilité suffisait sans la certitude ; Her- motime est donc excusable d'avoir choisi la secte qui lui offrait la plus grance apparence de vérité. En général, il n'est pas diflicile de reconnaître que, dans toutes ces disputes, où l'auteur cherche à faire prévaloir une idée, il y a toujours un interlocuteur qui est destiné, dès le commencement, À avoir tort. En conséquence, les rai sons qu'il apporte sont toutes assez faibles ; tandis que l'ad- versaire rassemble toutes ses forces, et accable sans peine un antagoniste qui se défend mal, et est, en quelque sorte, battu dès le premier coup qui lui a été porté. Dans son Zraité sur la manière d'écrire l'histoire, Yucien se moque, ayec son talent habituel, des narrateurs de son temps, qui semblaient, dans leurs récits, choisir à dessein les circonstances les plus communes, pour les revêtir des plus brillantes couleurs, en tenant impitoya- blement le lecteur enchaîné sur des accessoires dont la connaissance lui importait le moins, tandis qu'ils négli- geaient de parler, ou ne parlaient qu'à demi, de faits es- sentiels, et véritablement dignes de passer à la postérité. Il s'occupe également de ceux qui, semblables au poète épique dont parle Horace, commencent avec pompe et finissent avec misère ; annonçant des faits éclatants en style plus éclatant encore : Fortunam Priamis cantabo et nobile bellum. Et ne racontent ensuite que des aventures communes , en style plat et trivial : Parturient montes , nascetur ridiculüs mus. 29" ACADÉMIE DE ROUEN. Enfin ceux qui, conséquents cette fois avec eux-mêmes, sont à terre dès leur début, et rampent continuellement , jusqu'à la fin d'une narration aussi fastidieuse que pro- lixe. Il est à regretter, au surplus, que Lucien n'ait pas, lui-même, écrit l'histoire; car il avait tout ce qu'il faut pour cela. Mais peut-être eût-il tombé dans les défauts qu'il reprochait aux autres, contradiction qui n'est pas sans exemple en littérature, comme dans beaucoup de situations de la vie. Que dire du traité intitulé Æistoire véritable ? Peu de chose ; c’est la critique, mise en action, de ces écrivains menteurs, déjà persiflés dans le précédent article. L'au- teur paraît avoir voulu faire comme les Lacédémoniens , qui, pour guérir du vice de l'ivrognerie, enivraient, dit-on, leurs Ilotes ; de même Lucien nous présente une histoire menteuse, pour guérir ses contemporains qui écrivent l'histoire, de l’idée de mentir. Ces deux livres sont une des œuvres les plus faibles de l’auteur.'1l ne se- rait pas, toutefois, étonnant que l'Arioste y eût puisé la première idée des aventures incroyables de son Roland furieux, du Voyage d’'Astolphe dans la lune, et, notam-— mement, de son Æippogryphe (cheval griffon), qui révèle plus d'une marque de parenté avec l'Æippogype (cheval vautour) de Lucien. Je terminerai par ce qu'il y a de plus connu dans notre auteur, par ce qui fait son principal titre de gloire aux yeux des gens du monde, quoique ce soit la partie la moins étendue de ses œuvres. L'idée de faire converser entre eux les morts, sur ce qu'ils ont été, sur ce qu'ils ont fait dans leur vie, est in- génieuse et philosophique ; Elle est ingénieuse, car ce sont là de véritables scènes dramatiques, dont les acteurs ont déjà joué leur rôle dans CLASSE DES BELLES-LETTRES. 295 la société; c'est, en quelque sorte, la seconde représen- tation d’une pièce, corrigée et augmentée, où toutes les situations sont rentrées dans le vrai, où toutes les ci- tations, entre les personnages, sont rétablies de la ma- nière la plus conforme à la réalité. Elle est, en même temps, philosophique, car, dans la vie, ces hommes n'étaient, à vrai dire, connus que d'eux- mêmes; presque toujours ils dissimulaient les véritables motifs de leurs actions ; mille passions les détournaient de l'idée de rendre justice au mérite d'autrui. Mille consi- dérations les empêchaient de paraître ,au dehors, ce qu'ils étaient au dedans. L'heure de la vérité a sonné; les raisons de la tenir captive n'existent plus; on a donc droit d'attendre de ces morts, désabusés à jamais des illusions diverses de la vie, un exposé franc et vrai de leurs plus secrètes pensées. D'un autre côté, leurs rapports avec les autres hommes ne sont plus gènés par des considérations de toute espèce; l'époque des ménagements est passée ; la crainte ne retient plus le faible en présence du puis- sant; l'humiliation ne comprime plus le pauvre devant le riche ; tous sont égaux dans la tombe; et les éloges sont, alors. aussi sincères et aussi désintéressés que le blâme est libre et sévère. Fontenelle et Fénélon ont imité Lucien , chacun à sa manière. L'évèque de Cambray à eu en vue Flutilité, la morale de l'histoire ; le savant se renferme plus dans le cadre tracé par le fondateur du genre; il est, comme lui, plaisant et léger, sans cependant négliger l'instruction , qui ressort d'elle-même de la forme de son dialogue. Le comte Verri, dans ses /Vuits romaines, a étendu le plan de ses devanciers ; chacune de ses ombres compa- raît au tombeau des Scipions, et, là, fait l'énumération des principales circonstances, des principales actions qui l'ont rendu illustre pendant sa vie, et prononce, enfin, 296 ACADÉMIE DE ROUEN. en sa faveur, un véritable plaidoyer. Cette forme, plus favorabie à l'éloquence , a, d'un autre côté, moins de na- turel, et par conséquent inspire beaucoup moins d'in- térêt, dépouillée qu'elle est du mouvement et du prestige dramatique ; c’est l'histoire romaine discutée froidement. En terminant, je dirai que, pour bien apprécier Lucien, il faut le lire ; car que fait le critique? qu'avons-nous fait nous-même? nous avons peut-être éteint, dans une froide analyse, tout ce qui était échauffé par le flambeau du gé- nie; nous avons peut-être décoloré, sous de pâles des- criptions , tout ce qui était enrichi par les pinceaux de l'imagination. C’est l’auteur lui-même qui doit inspirer au lecteur ses émotions, et ce ne peut être celui qui, à grand peine, a pu s'en pénétrer pour lui, et, consé- quemment, est loin de pouvoir les communiquer aux autres. z mn ————— ll j 00 jo (1) fl () (0 ÿ (| 1} () ÿ 00 )0 )) (0) (1) NOTICE L'ABBÉ GOSSIER Par M. DE STABENRATH. A une époque telle que la nôtre, où les hommes s'usent avec tant de rapidité, où les réputations les mieux établies, les plus populaires, disparaissent presque subite- ment, où les passions s'agitent, où les caractères les plus fermes en apparence, se démentent et se parjurent, n'est-ce pas une chose rare et digne de remarque que de voir arriver, au terme de sa vie, un vieillard qui n’a ja- mais vacillé dans ses opinions, dont les convictions sont toujours restées les mêmes, et qui, suivant avec persévé- rance les impressions reçues dans son enfance, n'a pas dévié de la route qu'il s'était tracée ? Ce vieillard , il est vrai, était doué de ces qualités qui, tout en étant utiles au bonheur des autres, assurent la tranquillité et le bonheur de celui qui les possède. Car il était plein de cette charité évangélique et douce quile por- tait, par un sentiment de bienveillance, vers toutes les infortunes. Également ennemi de tous les excès , il cher- ) 1 298 ACADÉMIE DE ROUEN. chait à rapprocher les hommes dont les opinions parais- saient les plus divergentes ; il voulait, et c'était là le trait le plus saillant de son caractère, concilier les hommes et les choses. Dès les premières années de sa jeunesse, il commença , en effet, cette œuvre ; il la suivit pendant le cours de sa vie, et la continue même après sa mort. Tel fut M. l'abbé Gossier, qui, naguère encore, était assis au milieu de nous. Malgré son âge et ses infirmités, ilétait resté plein de douceur et d'aménité, et, jusqu'à ses derniers moments, il a montré, dans ses souffrances, cette patienceet cette résignation, compagnes inséparables d'une conscience pure et d'une ame chrétienne. M. Joseph-François Gossier est né à Dieppe, le 12 août 1765, de parents exerçant dans le commerce une profession honorable. Il appartenait à cette classe moyenne de la société , qui forme le fond de toute ration et dans la- quelle se réfugient et se conservent les vertus, alors que les classes élevées sont livrées, sans frein , à la corruption. On l’envoya fort jeune à Rouen, chez sa grand'mère ma- ternelle. Il fit toutes ses études dans cette ville, au sémi- naire fondé par le cardinal de Joyeuse. Son penchant l'en- traina vers les travaux sérieux et propres à le former au saint ministère qu'il devait remplir plus tard. Il fut or- donné prêtre en 1789, à l'âge de 2% ans. Déjà la France ressentait les symptômes d'une profonde agitation ; les vieilles institutions de la monarchie , minées et attaquées de toute part, menaçaient de s'écrouler et d'entraîner, dans leurs ruines, le trône où avaient régné saint Louis, Henri IV et Louis XIV. Les opinions les plus hardies, les plus nobles ou les plus extravagantes étaient professées en public. Et, dans le cours des trois années suivantes, la marche de l'esprit public eut une telle vio— lence, qu'elle renversa tout sur son passage. AU milieu du désordre général d'une société en travail de dissolution CLASSE DES BELLES-LETTRES. 299 et de recomposition, M. l'abbé Gossier ne se laissa pas éga- rer, malgré sa jeunesse, Ennemi de tous les excès, il ne chercha pas à fomenter le feu de la guerre civile ; il ne se jeta pas non plus dans le rang des réformateurs ou des apostats. Mais il eut assez d'énergie pour rester fidèle, suivant sa conscience , au saint caractère dont il était revê- tu, et il aima mieux, en 1792, quitter la France, que de prêter le serment auquel on assujétissait les prêtres. Son séjour en Angleterre se prolongea jusqu'en l'année 1816, époque où il rentra en France; car on ne doit pas considérer comme des interruptions, les absences qu'il fit lorsqu'il y vint après la paix d'Amiens et lorsqu'il visita diverses contrées de l'Europe. Pendant ces vingt-quatre années, M. l'abbé Gossier ne cessa de remplir ses fonc- tions , et il acquit une assez grande fortune par son travail. Son instruction était aussi solide que variée ; il en tira un honorable parti et fut précepteur de quelques-uns des en- fants des plus nobles familles de la Grande-Bretagne ; aussi aimait-il à répéter, dans sa vieillesse, les noms de ses élèves, qui étaient restés ses amis. Nous l'avons tous en- tendu parler , avec effusion, de lord Arundell, de lord Fin- gal et du comte de Perth. La langue anglaise lui était devenue aussi familière que sa langue maternelle. Dans l’année 1801 , il monta en chaire dans la chapelle Diruham, et y prononça un sermon en anglais. Ce sermon est, sans contredit, la production la plus re- marquable de M. l'abbé Gossier ; il était alors dans la force de l'âge et du talent; il possédait toute la vigueur de la pensée , mais tempérée et adoucie par cet esprit de conciliation dont je vous ai déja parlé. Sa posi- tion, devant un auditoire étranger, était fort délicate, Emigré, on pouvait craindre qu'ilne se répandit en plaintes amères contre sa patrie; que, pour se rendre favorables ceux qui l'écoutaient , il n'oubliât qu'il était né Français ; il ne 300 ACADÉMIE DE ROUEN. se dissimula pas lui-même les difficultés de sa situation dans cette circonstance solennelle : « Je dois, dit-il en « commençant, vous montrer la nécessité d'implorer la « bénédiction de Dieu sur vos armes, et pourtant, « ces armes seront principalement dirigées contre la « France, ma patrie. » Puis, après ayoir énuméré les maux qui accablent l'Angleterre et avoir rendu des actions de graces reconnaissantes à lord Arundell et à sa famille , pour la cordialité avec laquelle il fut toujours traité par eux , il arriva à la division de son sujet, dont le XIIT° cha- pitre, verset V de Tobie, lui avait fourni le texte : « 2! nous a chétiés à cause de nos iniquités, et il nous sauvera pour si- gnaler sa miséricorde. » «Deux maux, dit-il, se font surtout sentir en ce moment: « l'un semble particulier à l'Angleterre , et consiste dans « la cherté des choses nécessaires à la vie; l’autre est « commun à presque toute l'Europe, et même: à d’autres « portions de l’ancien continent , et se compose de divi- « sions intestines et de guerres au dehors. Contre le pre- « mier de ces maux, le remède est dans la charité et la « résignation ; contre le second, dans la fidélité et le cou- « rage, et contre tous les deux, dans un esprit d'humilité « et de pénitence. » M. Paumier, à qui nous devons l'analyse de cette œuvre remarquable de M. l'abbé Gossier, pense qu'il y avait là plus de matière que n’en pouvait contenir un seul discours; que, cependant, l'habile orateur trouva le moyen de remplir son plan avec autant de concision que de clarté, et souvent avec une onction et une éloquence chaleureuse qu'on trouve rarement dans la plupart des prédicateurs anglais. Mais, au milieu de cette réunion anglaise, le souvenir de la patrie absente, de cette France qu'il chérissait toujours , préoccupait l'orateur ; aussi ne peut-il s'empêcher de s'écrier, en terminant son CLASSE DES BELLES-LETTRES. 301 discours : « à France, à ma patrie! que j'aime toujours, « malgré les maux que tu m'as faits, pardonne-moi si je « souhaite tant de bonheur à une nation que tu n'as cessé « de regarder comme ton ennemie! Non, jamais je n'au- « rai la bassesse d'appeler sur toi la vengeance du ciel. « Ministre du Dieu qui priait pour des bourreaux , il y a « long-temps que je t'ai pardonné le mal que tu m'as « fait ; puisse le meurtre d’un roi trop bon et d’une reine « infortunée, puisse le sang de tant d’innocentes vic- « times, de tant de prêtres du seigneur, dont tes mains « sont souillées, ne point attirer sur toi la colère céleste! « Puisses-tu effacer l'énormité de tes crimes! Puissé-je « voir encore la paix et la tranquillité, l'harmonie et la « concorde, le contentement et le bonheur sourire à mes « compatriotes! Puissé-je , avant de fermer les yeux dans « le sommeil de la mort, voir mon pays natal rétabli dans « sa première gloire , et la religion fleurir de nouveau. « Dieu m'est témoin que c’est-là le premier désir de mon « cœur.» Et puis, comme s’il eût craint d’éveiller la sus- ceptibilité anglaise, par cet élan spontané parti d'une ame toute française, il ajoute : « Mais je ne puis oublier les « obligations que j'ai contractées dans cette terre de mon « exil. Elles seront toujours présentes à ma pensée; que « ne puis-je espérer de m'en acquitter quelque jour ! » Des pensées si nobles, aussi bien exprimées, durent singulièrement émouvoir l'auditoire de l'émigré français , et l'on peut juger de l'effet qu'il produisit, puisque son sermon fut imprimé aux frais de ses auditeurs, et sur leur demande. Les vœux qu'il formait avec tant d'ardeur se sont réalisés, car il a revu le sol natal, il a retrouvé cette France après laquelle il soupirait ; il a contemplé, pendant de longues années encore, les développements de ses arts et de son industrie ; il a pu suivre ses pas vers toutes les améliorations, compter les fidèles nombreux proster- CLS 302 ACADÉMIE DE ROUEN. nés sur le payé de ses temples, et voir notre pays croître en force, en puissance, fier d’une gloire que n'ont pu ternir les revers, et assez fort pour lutter encore, s’ille fal- lait, sans crainte de succomber, contre l'Europe coalisée ! Depuis 1816, M. l'abbé Gossier a vécu au milieu de nous, dans cette ville où il avait passé les premières an— nées de sa jeunesse, et qu'il avait quittée trop tôt pour y laisser de grands souvenirs; mais bientôt tous ceux qui eurent le bonheur de le connaître lui vouèrent des senti ments de respectueuse amitié. On se sentait attiré vers lui; sa douceur, son affabilité, sa bonhomie, rendaient sa société douce et recherchée. Possesseur d'une assez belle fortune, il vivait en sage et en philosophe. Ami des arts et des lëttres, il s'était créé, au milieu d'un vaste jardin dessiné et planté par ses soins, une retraite, où il avait réuni tous les objets de ses affections et de ses études. Là , il aimait à converser avec des amis , à raconter les premières années de sa carrière, les jours de son exil, et à rendre aux étrangers la généreuse hospitalité qu'il avait jadis reçue d'eux. N'était-il pas véritablement pos- sesseur de cette aurea mediocritas dont parle le poète latin, et rien eût-il manqué à son bonheur, s’il avait pu long-temps encore conserver sa vigueur et sa santé ? — M. Cossier avait été admis dans le sein de l'Académie en l'année 1824. Depuis ce moment, il s'est montré l'un des membres les plus laborieux de cette compagnie. Il ne recula devant aucune oblisation, et vous lui devez un grand nombre de rapports et de travaux littéraires de sa com— position ; il prit une part fort active à la discussion qui s'éleva, dès 1824, sur le classique et le romantique. Les opinions qu'il manifesta avaient encore pour but d'ame- ner les deux camps rivaux à une transaction raisonnable, à une fusion de principes avantageux pour chacun d'eux ; mais il voulait une conciliation impossible, un rappro- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 305 chement impraticable. Cependant, il faut bien le recon- naître , les prétentions des uns et des autres étaient exa- gérées et également éloignées de la vérité. C'est à peu près dans le temps de ces luttes littéraires qu'il fit connaissance et se lia d'amitié avec le célèbre Brunel, cet autre normand, qui aura la gloire et le bonheur de terminer son étonnant passage sous la Tamise. Il s'éta- blit alors entr'eux une correspondance active , piquante, pleine de détails curieux, propre à faire connaître les pensées intimes de l'ingénieur normand et les circons- tances remarquables de sa vie. M. Brunel fut, comme Fabbé Gossier, comme le peintre Boulanger de Boisfremont , obligé de s'expatrier au mo- ment de la révolution française. Long-temps il habita les États-Unis, où il fut chargé d'importants travaux ; il vint enfin se fixer en Angleterre, sa seconde pa- trie , sa patrie d'adoption, où M. Gossier avait lui-même choisi sa résidence ; mais le narrateur de la fuite de l'abbé Edgeworth, le chanoine honoraire de la cathé- drale de Rouen, ne devait retrouver son ancien condis- ciple Brunel que sur le sol de leur patrie commune. C'est au milieu de ses amis, lorsqu'il se livrait à ses plus douces occupations , que l'abbé Gossier a été atteint de sa dernière maladie ; déjà souffrant depuis long-temps , il se raidissait contre le mal qui le minait. Il devait enfin succomber , et, le 22 mars de cette année , il passa de cette vie dans une vie meilleure , et quitta son enveloppe terrestre ; et cette ame, qui avait été en ce monde si bonne, si douce , si charitable , dut l'abandonner sans regrets. Mais, comme si ce n'eût point été assez pour lui d'avoir fait le bien pendant sa vie , il voulut encore rendre plus chère sa mémoire à tous ses concitoyens, et aux sociétés savantes en particulier , en les comblant de bienfaits. Son testament , que ses nièces exécutent avec le 30% ACADÉMIE DE ROUEN. plus noble désintéressement , contient beaucoup de legs pieux , utiles, et vous, Messieurs, vous n’y êtes pas oubliés ; qu'il me soit permis de lire les dispositions qui yous concernent. Cet acte porte la date du 27 février 1839 : Sixièmement : « Je lègue à la ville de Rouen, une « somme de vingt mille francs ; ce capital étant placé, « les intérêts seront recus tous les ans par son trésorier, « et la somme à laquelle ces intérêts s’élèveront sera « employée à des prix que je désire fonder à perpétuité, « prix extraordinaires dont on décernera un chaque an— « née, mais en alternant de manière que les trois so— « ciétés savantes , 4° l'Académie de cette ville, dont je « suis membre ; 2 la Société centrale d'Agriculture de « la Seine-Inférieure , dont je suis pareillement membre ; « 3 la Société libre d'Émulation de notre ville, qui, « depuis plusieurs années, me traite comme un de ses « membres , par l'envoi précis de ses travaux , en décer- « neront un, tous les trois ans, dans leur séance pu- « blique. « Les sujets de ces prix seront en conformité avec le ca- « ractère du fondateur, et en rapport avec les travaux de «chaque société. Celui de l'Académie sera alternative ment un objet : 4° de sciences ou beaux-arts ; 2° de lit- térature. Celui de la Société d'Agriculture sera relatif alternativement , d’abord à l'agronomie ou à la théorie , «et ensuite à l’agriculture proprement dite ou pratique ; celui, enfin , de la Société d'Émulation alternativement : 1° pour les arts industriels ; 2° pour invention , perfec- « tionnement ou construction de machines. Si, pour raison « quelconque , le prix proposé n’est pas décerné à l'époque « énoncée dans le programme , il sera continué et pro- posé pour l'année suivante ; mais si, en cette seconde « année , ilin'est pas encore remporté , alors la société = A A _ ES LC 2 Le = 2 « 2 CLASSE DES BELLES-LETTRES. 305 « disposera de l'argent dont elle avait à faire usage, et « l'emploiera en faveur, soit de l'auteur d'un des meilleurs « ouvrages publiés dernièrement en rapport avec le but « général de cette société, soit en récompenses ou encou- «ragements pour écrits non publiés ou expériences, essais, «etc. , dirigés vers le bien religieux moral ou même ma- « tériel de l'humanité. Les sujets de prix seront annoncés «trois ans d'avance pour chaque société, après avoir été « choisis et présentés à l'adoption du corps, par des com- « missions spéciales , tirées du sein du corps lui-même. A «la première séance publique de l'Académie , après ma «mort, sera annoncé le programme du sujet de prix « pour l'année suivante ; l'année qui suivra celle-ci, la « Société d'Agriculture proclamera son programme ; et, «enfin , à la troisième année, viendra celui de la Société « d'Émulation ; après quoi viendront les années alterna- «tives indiquées comme ci-dessus. « Si des trois Sociétés une ou deux venaient à s'éteindre « ou à être supprimées, ou enfin si un jour elles se réu- «nissaient, alors, la seule restant ou les deux restant «recevraient l'intérêt de la somme léguée, de manière que, «dans tous les cas, un prix extraordinaire soit toujours « décerné , chaque année , pour les sujets , et dans l'ordre « déjà spécifié. » Telles furent, en faveur des trois sociétés savantes, les dernières volontés de M. l'abbé Gossier ; il les confondait toutes dans sa pensée , car il aimait les arts, les sciences, les lettres, l’industrie, l'agriculture , et ila voulu, en les unissant dans un même legs, leur donner à toutes un témoignage éclatant de l'intérêt qu'il leur portait. Messieurs , montrons-nous donc dignes de ce noble héri- tage, et consacrons-le en l'employant à l'amélioration morale et matérielle de nos concitoyens ! Notre respectable confrère avait, avant de mourir, 306 ACADÉMIE DE ROUEN. témoigné le désir qu'aucun discours ne fût prononcé sur sa tombe ; nous avons religieusement obéi à sa vo- lonté dernière ; mais, aujourd'hui, aucun obstacle ne nous était opposé, et nous avons pu vous dire quel était l'homme dont la perte se fera long-temps vivement sentir parmi nous, et dont la mémoire ne s'éteindra jamais , puisqu'elle est perpétuée par ses bienfaits. DUDUTUONNNONONNNOONN0ON0O00000000000000000000000000000000000000000000NN NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR M. LE BARON ADAM, DÉCÉDÉ PRÉSIDENT DU TRIBUNAL CIVIL DE ROUEN, Prononcée sur sa tombe, le 14 août 1840, et lue à l’Académie, dans sa séance de rentrée, le 20 novembre 1840; Par M. DE STABENRATH. MESSIEURS , L'évènement douloureux qui nous rassemble , nous à frappés d'une manière soudaine , et pour ainsi dire im-— prévue. Depuis quelque temps, M. le président Adam ayait formé le projet de faire un voyage en Angleterre, et il avait demandé un congé pour le mettre à exécution ; mais ce voyage, qu'il croyait être un délassement à ses travaux , un repos utile à sa santé , devait avancer l'heure de sa mort. Déjà souffrant lorsqu'il avait quitté la France, il revint malade; et beaucoup d’entre nous ont appris en même temps son retour, sa maladie et sa mort, La perte que nous avons faite est vivement sentie par 308 ACADÉMIE DE ROUEN. nous. Il est bien difficile, en effet, de laisser à ses parents, à ses collègues , à ses amis, plus de causes de regrets. Pourtant , M. Adam aurait pu conserver encore de longs jours. Il n'était âgé que de 73 ans, et montrait beau- coup de vigueur et de vivacité. Membre de la première administration municipale de Rouen, M. Adam fut nommé juge au tribunal de première instance au mois d'avril de l'année 1800. Il exerça les honorables fonctions de juge jusqu'à la fin de 1811. Il devint alors et fut vice-président jusqu'à la mort de M. Boullenger père, auquel il succéda, comme président du tribunal de première instance de Rouen, en 1821. Pendant ces quarante années de magistrature, il se montra toujours juge intègre, remplissant avec dévoüment et conscience les devoirs souvent pénibles et toujours im-— portants de ses fonctions. Il était doué d'une grande facilité de conception ; dans presque tout le cours de sa longue carrière , il saisissait rapidement , avec une grande sévérité de jugement, les points difficiles des questions qu'il avait à décider ; et, plus tard, quand l'âge amortit cette utile et précieuse qualité, l'expérience vint heureusement la remplacer. M. Adam ne fut pas seulement un magistrat éclairé, un juge intègre , il fut aussi l'ami des lettres, qu'il cultiva toujours avec ardeur. Il fit partie des membres de l'Aca- démie royale de Rouen, depuis l'année 1817, et deux fois il fut élu président de cette Compagnie. Cette double marque de confiance de ses confrères l'avait touché vivement, et souvent il se retrouvait avec plaisir au milieu d'hommes dont il partageait les travaux, et qu'il comptait au nombre de ses amis. Et maintenant, Messieurs, le voilà descendu dans la tombe , lui qui pouvait avoir tant de bonheur encore ; car les jours de sa vieillesse étaient honorés , et il les coulait au sein d'une famille , avec des amis qui le ché- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 309 rissaient. Puisse cet hommage rendu à sa mémoire, apporter quelque consolation aux parents, aux amis, aux collègues qui le pleurent ! Puissent mes paroles avoir assez de retentissement , pour apprendre à tous nos conci- toyens la perte que la magistrature et l'Académie viennent de faire, et les regrets qu'elle nous cause ! EEE PEpEpDDDDE daceeesemeceeeeeest RAPPORT DE LA COMMISSION DES BEAUX-ARTS , Présenté par M. DEVILLE. L'Académie, dans plus d’une circonstance ( il nous serait facile d'en fournir les preuves), a témoigné sa sympathie pour les beaux-arts. Mais, pour entrer plus intimement dans le but de son institution, qui ne les sépare pas des sciences et des lettres, elle a voulu donner une marque directe de l'intérêt dont elle les environnait. Chaque année , l'Académie , depuis l’origine de sa fon- dation , décerne un prix qui alterne entre les lettres et les sciences ; les beaux-arts entreront désormais en par- tage. L'Académie a fait plus. Elle a voulu qu'à l'époque triennale marquée pour le prix des beaux-arts, qui s'ouvre aujourd'hui , un rapport lui fût présenté , sur leur marche , sur leur développement en Normandie , et qu'il fût lu en séance publique, en même temps que le prix serait décerné , sous forme d'encouragement , aux artistes CLASSE DES BELLES-LETTRES. 311 nés où domiciliés dans l'un de nos cinq départements, dont les ouvrages auraient été jugés dignes de cette faveur. C'est au nom de la Commission chargée par l'Acadé- mie de lui présenter ce rapport, que je prends en ce moment la parole. L'Académie ne s'interdit pas, Messieurs , d’applaudir au talent de ceux de nos artistes qui ont déjà conquis leur place, de s'associer à leurs nombreux admirateurs. Justement fiers de les posséder ou de les avoir vus naître parmi nous , nous proclamerons leurs noms , nous énu- mérerons leurs titres à la faveur publique , dans la revue triennale que nous avons mission de passer ; mais nous réserverons nos encouragements pour ces élèves , espoir futur du pays, qui attendent avec anxiété qu'une voix amie prononce leur nom et leur jette quelques paroles bienveillantes. Il nous à semblé, Messieurs , que cette société rem- plirait utilement, noblement sa mission, en tendant ainsi la main à ces jeunes artistes, qui, arrêtés par tant d'obstacles au début de la carrière , ont besoin d'appui, de guide, et qu'une voix connue , en les signalant à l'attention publique, ranime leur courage souvent prêt à les abandonner. Les arts, long-temps négligés en Normandie , semblent y Ôtre sortis, depuis quelques années, du long engour- dissement où ils avaient été plongés. Cette contrée , si favorisée de la nature, si célèbre dans les fastes de lin- dustrie et du commerce , s’est souvenue enfin qu'elle a donné le jour aux Jouvenet , aux Poussin , aux Boïeldieu, et qu'il lui reste encore quelques palmes à cueillir. La ville de Rouen s'est placée à la tête de ce mouvement. Le réveil des arts, préparé par quelques hommes pleins de foi et de talent, parmi lesquels l Académie doit compter 312 ACADÉMIE DE ROUEN. avec orgueil notre confrère de regrettable mémoire , E.-Hyacinthe Langlois , le vénérable Descamps , date sur- tout de nos expositions municipales. En ouvrant le champ de la publicité à nos artistes , en leur décernant , au nom de la cité, des récompenses nationales, la ville de Rouen, qui avait fait un premier pas par la fondation d’une école de dessin et de peinture, a imprimé une impulsion, qui déjà réagit des artistes au public, et donne ainsi le gage le plus assuré du triomphe des beaux-arts parmi nous. La création de Sociétés des Amis des Arts a com- plété l’œuvre commencée. Ce puissant auxiliaire n'a pas peu contribué à. développer à la fois le goût du public et l’ardeur de nos jeunes artistes. Venant en aide à ces derniers , les Sociétés des Amis des Arts ont su, par d'utiles secours , par d’honorables distinctions , leur faci- liter leurs moyens d'étude et exciter leur talent. Dans une autre branche des arts, une institution à peu près analogue , la Société Philharmonique a produit, dès son début , des résultats non moins satisfaisants. Caen, le Havre, ont participé à ce mouvement rénoyateur. Ces deux villes importantes , à l'imitation de Rouen, ont aujourd'hui leurs expositions municipales , leurs sociétés des Amis des Arts. Caen, à son tour, a donné à la capitale de la Haute-Normandie un exemple, qu'elle de- vrait suivre , en ouvrant une école de musique. Puisse , à son tour , l'Académie de Rouen , en jetant à nos artistes quelques couronnes , en applaudissant à leurs succès, en leur montrant le but qu'ils doivent s’efforcer d'atteindre, entrer dans cette confédération toute sym-— pathique , et mériter que son suffrage ait quelque prix à leurs yeux. Elle n'oubliera pas, Messieurs, que tous les arts sont frères. Aussi la peinture , qui , jusqu'à présent , il faut le reconnaître, a été l'objet d'une faveur peut-être trop CLASSE DES BELLES-LETTRES. 313 exclusive parmi nous, n'aura pas seule part à ses encoura- gements. La sculpture, trop peu cultivée en Normandie, la gravure , l'architecture , la musique, auront les mêmes droits à sa sollicitude. Elle s'en occupera avec d'autant plus de faveur , que ces arts ont été plus négligés. Leur exercice est entouré de tant d'obstacles matériels, que c'est un devoir pour elle de leur venir en aide. Donnez à un homme de talent une toile, des couleurs et des pinceaux , et il va produire une œuvre qui marquera du premier coup sa place. Pour le statuaire , que d'entraves, que de dépenses, avant d'arriver à rendre sensible sa pensée aux yeux de {ous ! Que sera-ce de l'architecte ? Vainement aura-{-il consumé les plus belles années de sa vie à l'étude des monuments de l'antiquité et des chefs- d'œuvre modernes ; vainement aura-t-il tracé sur le pa- pier les plans les mieux concus , les plus savants , les plus hardis; qui mettra à sa disposition des millions pour réaliser les conceptions de sa feconde imagination ? Force lui sera de descendre des hauteurs de l'art pour se faire, comme tant d'autres , entrepreneur maçon, et se mettre à la merci d'un propriélaire ignare el sans goût. Croyez-vous , Messieurs, que la carrière du musicien soit semée de moins d'épines et d'obstacles? Que deyien- draient un Rossini, un Boïeldieu , un Meyer-Beer , sans poètes pour tracer un canevas à leurs savantes mélodies, sans orchestre, sans chanteurs, sans théâtre pour les faire entendre ? Que de génies étouflés faute d'occasions et d'interprètes ! Encourageons done , autant qu'il est en nous, ces arts si nobles , si utiles, si attrayants, mais si peu favorisés. Nous devons le dire avec regret, par là même que la musique , que l'architecture ont reçu moins d’encoura- gements sur le sol normand, et qu'ilest, par la nature même de ces arts, plus difficile, nous ne dirons pas d'y 2 31% ACADÉMIE DE ROUEN. briller , mais même d'y débuter, nous n'aurons mal- heureusement pas à vous signaler d'œuvres dignes de votre attention et de vos récompenses. Ce n'est pas que les trois années que nous venons de traverser n'aient vu, dans ces deux genres , surgir des ouvrages notables, exécutés par des artistes du pays, ou pour le pays. Mais c'est à des sommités artistiques qu’elles sont dues , et, s’il est de notre devoir de vous en entretenir, nous nous sommes interdit d'appeler, sur eux vos encouragements. C'est ainsi, pour commencer par la musique , que nous avons entendu , au commencement de cette année , un opéra en deux actes , les Catalans, qui a vu pour la pre- mière fois le jour sur notre théâtre. M. Elwart, pension- naire de Fécole de Rome et professeur au Conservatoire de musique de Paris , auteur de cette partition , effrayé des difficultés qui ferment l'entrée de la scène parisienne à tout ce qui n'est pas du petit nombre d'élus qui s'en est exclusivement emparé , est venu frapper à la porte du théâtre de Rouen ; il y a trouvé une douce hospita- lité. Mais ces mêmes obstacles accumulés sous les pas du compositeur de musique , que nous vous signalions tout à l'heure , sont venus presque aussitôt interrompre le cours des représentations de cet opéra , dont le mérite avait frappé quelques auditeurs instruits, et charmé, surtout par un fort bel air du second acte, un public bienveillant , qui ne demandait qu'à faire plus ample connaissance avec l'œuvre de M. Elwart. Parlerons-nous d'un compositeur dont les nombreux ouvrages , pétillants de grâce , de fraîcheur et de verve, sont depuis long-temps en possession de la faveur pu- blique et vous ont cent fois enchantés ? Si nous nom- mons l’auteur de /4« Muette, du Domino noir, de l 4m- bassadrice, €est pour rappeler à la Normandie qu’elle CLASSE DES BELLES-LETTRES. 319 compte M. Aubert au nombre des siens : la Normandie, fière et jalouse d'avoir donné le jour à Poïeldieu , n’a voulu confier sa lyre qu'à l'un de ses enfants. Nous avons prononcé le nom de Boïeldieu, Messieurs ! touen à rendu à l'un de ses plus illustres rejetons des honneurs tels qu'aux beaux jours de l'antiquité, Athènes et Rome en rendaient à leurs plus grands hommes. Cette mère éplorée à fait plus : elle a voulu que le bronze transmiît à la postérité les traits de l’auteur de la Dame blanche, Au Calife, de Jean de Paris et de cent autres dé- licieux ouvrages. C’est à un Rouennais qu'elle s'est adres- sée pour nous rendre l'immortel Rouennais. M. Dantan jeune s'est acquitté avec zèle et talent de la tâche qui lui avait été confiée ; il s'est montré digne d’une si bonne fortune. Boïeldieu, la tête découverte, le cou nu, le corps enveloppé d'un long vêtement, qui n’est rien moins qu'antique , mais dont lartiste, par une heureuse har- diesse , a su le draper avec grâce , est dans un moment d'inspiration. À ses pieds vibre encore sa lyre ; ça et là sont répandues ses partitions chéries, le Calife, le Chape- ron, la Dame blanche. Prêt à se lever du fauteuil dans lequel il est assis, il a entendu une harmonie céleste, qu'il va traduire sur le papier qu'il tient à la main : cette tête si noble, si belle, s’est tournée vers le ciel, comme pour se mettre en communication avec lui. Tel M. Dantan nous à rendu Boïeldieu. L'Académie regrettera, sans doute, qu'il ne lui soit pas donné de placer une couronne sur la tête de l'auteur de cette belle statue. Qu'il recçoive ici le témoignage de son admiration , et, s'il nous était permis de parler au nom de tous, l'expression de la reconnaissance des Rouennais. Tandis que la ville de Rouen dressait sur une de nos 316 ACADÉMIE DE ROUEN. promenades publiques la statue de Boïeldieu , à peu de distance de là s'élevait, par les soins de l'autorité mu- nicipale, un monument destiné à embellir, sur une plus grande échelle, cette partie de la ville. L'ancien bâtiment de la Douane , qui n'était pas sans caractère , et auquel le ciseau de Coustou prètait un certain éclat, condamné, par suite de l'alignement du port, a fait place à un édifice plus en harmonie par son élévation, par son développement et par la richesse de sa décoration, avec cette longue façaäe de maisons en pierre qui garnit majestueusement le quai. Vous vous rappelez, Messieurs , que le plan de la nouvelle Douane fut donné au concours, et qu'un Normand , M. Isabelle, sortit vainqueur de cette lutte brillante, où vingt-huit concurrents se disputaient la palme. Si cet artiste, enchaîné dans les prescriptions d'un programme impératif, n'a pu donner au plan général de l'édifice qu'il était chargé de construire , le caractère de grandeur et d'ensemble, qu'on cherche, peut-être en vain , à lui restituer par des additions successives , on doit reconnaître que là où il était libre , soit que nous considérions l’élégante façade de l'édifice, son en trée vraiment monumentale, soit, à l'intérieur , la belle disposition de la cour et sa hardie coupole , il a su dé- ployer un talent aussi pur qu'élevé. S'inspirant à la fois de l'architecture grecque et de l'architecture florentine, mais entraîné toutefois de préférence vers cette dernière, M. Isabelle , par un mélange heureux et plein de goût des deux architectures, tout en imitant , est resté origi- nal et neuf. Félicitons-le de s'être appuyé , pour la déco- ration du monument, sur un auxiliaire d’un aussi grand talent que l’auteur du fronton du Panthéon et de la statue de Corneille, En représentant la Navigation sous les traits d'une femme aux formes musculaires , qui, CLASSE DES BELLES-LETTRES. 317 d'une main , découvre le monde : en regard, le Com merce , le front chargé de grandes pensées , étreignant de son bras puissant l'Europe , l'Asie , l'Afrique , l'Amé- rique, qui lui offrent leurs tributs, M. David , s’affran- chissant de ces vieilles données allégoriques , si rebattues, si froides, à donné la mesure de son talent penseur , énergique, et n'a pas peu contribué à imprimer un caractère noble et élevé à la façade qu'il était chargé d'embellir. Si le bâtiment de la Douane est le premier grand édi- fice que M. Isabelle ait construit, cet heureux coup d'essai décèle le maître déjà consommé, qui n'attendait qu'une occasion (occasion toujours si rare , nous l'avons dit) pour faire apprécier la portée de son talent. M. Isa- belle a su marquer sa place. Aussi le ministre de lIn- térieur , juste appréciateur de son mérite , s'est-il em- pressé de le nommer architecte du Gouvernement. Cette haute position le place en dehors des encouragements que se propose de décerner l'Académie. Si nous ne craignions de parler d’un membre de cette compagnie , d’un membre de la commission elle-même dont je suis en ce moment l'organe , je vous entretien- drais (puisque nous nous occupons de l'architecture ) de la restauration du Palais de justice de Rouen. Vous avez tous nommé avec moi M. Grégoire , architecte des bâtiments civils du département , qui a été chargé de cette œuvre importante. Si la position exceptionnelle de M. Grégoire ne m'imposait quelque réserve, je cherche- rais à faire sentir, bien qu'il ne s'agisse ici que d'une restauration et d'achèvement de parties préexistantes , combien ce travail, si simple au premier coup-d'œæil , présente de difficultés réelles. Que d'études, en effet, Messieurs , que d'art , que de goût, pour comprendre , coordonner , égaler cette architecture si hardie , si 616— 318 ACADÉMIE DE ROUEN. gante , si capricieuse, de la fin du xv° siècle ; pour gui- der la main du sculpteur, de l'ornemaniste, si neufs encore dans cette lutte avec les prodigieux artistes du vieux Rouen, et qui, à chaque instant, ont besoin de s'inspirer des conseils de l'architecte initié avec l'étude intime du monument! Puisse M. Grégoire , aussi heu- reux que M. Isabelle, avoir rencontré , pour le seconder dans son œuvre, un sculpteur qui sache , dépouillant la manière des écoles , s'identifier avec la grâce, la pi- quante naïveté du tailleur d'images rouennais, de ce toger Ango, dont nous avons été assez heureux pour exhumer le nom dans nos vieilles archives , et qui à im- primé son génie sur ces murailles vénérables. De l'architecture passant aux arts du dessin propre- ment dits, et, pour nous arrêter en premier lieu à la gravure , nous trouvons tout d'abord un nom cher à cette Académie et à cette ville, celui de notre confrère et compatriote, M. Henri Brevière. La gravure sur bois, long-temps traitée comme un art industriel et pour ainsi dire mécanique, de nos jours encore ayant gardé ce caractère officiel, puisque, par un contre-sens que nous n’osons qualifier , on lui ferme les portes du Louvre pour lui ouvrir celles des expositions de l'industrie , s’est élevée, grâce au talent de quelques artistes d'élite, au niveau de la gravure sur cuivre. L'anglais Thompson commença cette révolution à Paris , il y a une vingtaine d'années. Il existait, à cette époque , à Rouen, un jeune artiste, modeste, laborieux, plein d'intelligence , bon dessinateur , habile buriniste. Ce que l'artiste anglais était à Paris, celui-ci le devint à Rouen ; un plus grand théâtre le réclamait, Paris nous enleva Brevière. Aujourd'hui, Messieurs , il y tient la première place dans un art qui a fait des progrès immenses. Que de délicieuses vignettes , que d'admirables gravures sor- CLASSE DES BELLES-LETTRES. 319 ties de la main de notre compatriote ! Le bois , sous son burin, n'a plus rien à envier au cuivre, à l'acier , dans leurs compositions les plus finies et les plus savantes. Je fatiguerais votre attention , si je voulais énumérer les travaux dus à Henri Brevière ; si je voulais faire passer sous vos yeux ces magnifiques ouvrages sortis des presses de l'imprimerie royale, des Didot , des Everat , dont ses gravures font encore le plus bel ornement ; tous ces livres de luxe, dont le contenu ne paraît être qu’un prétexte pour étaler la décoration , et qui auraient semblé impar- faits, si le talent et le nom de Brevière ne s’y étaient pas donné rendez-vous. Nous devons encore plus à notre compatriote. C’est lui qui a formé cette école de jeunes graveurs sur bois , qui marchent dignement sur ses traces, les Dujardin , les Hébert , les Hans, les Desmarest, tous Rouennais comme lui ; école pleine d'avenir, qui assure à la ville de Rouen la palme et comme le monopole de la gra- vure sur bois. Que ces jeunes graveurs n'oublient pas que ce n'est point seulement par l'habileté pratique de la main, mais par l'étude approfondie du dessin , que leur maître s'est élevé au rang qu'il occupe ; qu'ils ne perdent jamais de vue cet axiôme : n'est pas bon graveur qui ne sait pas dessiner. Il est un genre, intermédiaire entre la gravure et la peinture , puisqu'il participe de la première comme art d'imitation, et de la seconde par ses procédés d'exécu- tion, dans lequel s'exerce, avec un talent remarquable , un autre de nos compatriotes, M. de Jolimont. Cet ar- tiste est parvenu , avec une patience , une habileté vrai- ment étonnantes , à reproduire , d'une manière à {rom per l'œil le plus exercé , les miniatures , les rubriques , les ornements en tout genre, si admirables , de nos an- ciens manuscrits. Il a étendu ses imitations coloriées aux 320 ACADÉMIE DE ROUEN. reliüres de ces mêmes manuscrits, aux étoffes, aux ta- pisseries, aux peintures sur verre, aux fresques , aux mosaïques , à une foule d'objets d'art, enfin , de manière à former une espèce de musée d'archéologie curieuse. M. de Jolimont a mis sous les yeux de l'Académie quelques spécimens de sa riche collection, qui se compose déjà de près de trois cents dessins : rien d'aussi nombreux , rien de supérieur , peut-être, n'aura été exécuté dans ce genre. La gravure nous paraît impuissante à reproduire l'œuvre de M. de Jolimont. Espérons que cet artiste trouvera un moyen de mettre les amis des arts et le public à même de voir-et d'admirer ses belles reproductions ; faisons des vœux pour qu'elles n’aillent pas se perdre dans les car tons obseurs de quelque bibliothèque. M. de Jolimont occupe depuis trop long-temps une place honorable dans les arts du dessin, pour que l'Académie se permette de le ranger dans la classe des jeunes artistes qu'elle à pris mission d'encourager ; mais elle a à cœur de ne pas res- ter la dernière à lui payer un juste tribut d’éloges. Nous avons fait lénumération de nos richesses dans la musique , la sculpture, l'architecture, la gravure ; il ne nous reste plus qu'à parler de la peinture. Si nous l'avons mise à la fin de cette revue générale , ce n’est pas qu’elle y tienne la dernière place par le nombre et par le mérite, mais à raison même de l'éclat dont elle brille, et parce qu'elle nous servira naturellement de transition pour arriver aux propositions que nous allons bientôt vous soumettre, au sujet des encouragements à décerner. La patrie de Jouvenet, de Géricault, ce jeune artiste enlevé sitôt aux beaux-arts et que Rouen doit être fière d’avoir donné à la France, a retrouvé un digne repré- sentant, pour le genre historique , dans l'auteur du ta- bleau de /a Mort de César, Œune scène du Déluge et du CLASSE DES BELLES-LETTRES. 321 Boissy d'Anglas. Si M. Court , dans la période triennale qui vient de s’écouler, n'a rien produit qui puisse être mis à côté de ces grandes et brillantes compositions , pouvons-nous oublier ces portraits d'un faire si franc, d'une couleur si puissante ; ces délicieuses études de femmes , qui, sous les gazes et le turban de l'odalisque , sous la mantille noire de l'Espagnole , sous les fleurs, les diamants de la grande dame , sous les bouquets de roses de la grisette, tour-à-tour langoureuses , vives , nobles, agaçantes, ont attiré nos yeux, enflammé nos sens ; {tant le pinceau de l'artiste à su jeter sur la toile de vérité, de grâces, de séduction. Ah! puisse la voix d'un ami du peintre et de sa gloire, comme jadis celle qui se fit entendre dans les jardins d'Armide , l'arracher à ces enchanteresses, le rappeler aux grands combats du peintre d'histoire ! Que, ressaisis- sant les pinceaux de la mort de César et des scènes de la Convention, il enfante, de nouveau, de ces grandes et nobles pages, qui font la gloire de l'artiste et celle du pays qui l’a vu naître ! Si, des hauteurs du genre historique, nous redescen- dons à ces scènes populaires, si goûütées, si pleines de charme, là nous trouvons, au milieu de nous, ce peintre fécond, spirituel, qui, soit qu'il nous entraîne dans la chaumière du paysan , au presbytère du curé de campagne , au bivouac du troupier ; soit que , s'animant au bruit des tambours et du canon, il nous précipite, avec lui, aux champs d'Hondtschoote et de Wagram, au milieu des vieux soldats de la République et de l'Empire , tour à tour aimable, gai, vif, toujours vrai, naturel, à Fheureux privilége de captiver et de plaire. Si, dans l'histoire et dans le genre , nous pouvons mon- trer , avec orgueil, des talents aussi distingués que ceux de MM. Court et Bellangé , nous ne serons pas moins heu- 322 ACADÉMIE DE ROUEN. reux dans le paysage ; Rouen ne réclame-t-il pas M. Paul Huet pour un de ses enfants? Dans les arts, l'étude, si nécessaire , si indispensable, et nous voulons parler de l'étude longue et conscien- cieuse , ne suffit pas seule. Si l'artiste ne sent pas en lui cet instinct, cette flamme secrète, l'ame des beaux-arts, il se traînera peut-être jusqu'aux premières limites du talent ; jamais il n’entreverra celles du génie. Heureux les êtres privilégiés à qui le ciel a départi ce feu sacré. M. Paul Huet semble être du nombre. Ses compositions , toujours grandes , originales, bizarres même quelquefois, ont un cachet à elles. Ce n'est ni la sévère majesté des paysages du Poussin , ni le fini précieux et vrai de Carel Dujardin ; ce sont des effets pittoresques, la nature prise dans son luxe, avec ses exagérations éblouissantes, de la poésie enfin. Ajoutez l'éclat d'un pinceau éminemment coloriste, et vous aurez, sinon le secret, du moins l'appréciation du talent de M. Paul Huet. Que ne pouvons-nous remettre sous vos yeux ces belles peintures qui ont figuré à nos expositions : le souvenir d'Auvergne , le Soleil d'Automne , le château d'Eu, mais surtout cette admirable Sorrée d'Automne , que Paris a admirée et que l'Angleterre nous a ravie ? Elles vous en diraient plus que toutes nos paroles. Comme coloriste, Messieurs, un jeune artiste , né dans cette ville, et que nous avons le bonheur d'y posséder, ne le cède à aucun de ces maîtres que nous venons de nommer et dont la Normandie se montre justement fière. Nous avons vu ses toiles si brillantes ne pas pâlir, dans nos expositions municipales, à côté des tableaux les plus justement renommés de nos premiers talents modernes. Si M. Gustave Morin n'eût pas été enlevé à nos récom- penses par la haute position que lui a faite la ville de Rouen , appréciatrice de son mérite, en le nommant pro- fesseur de notre école de dessin et de peinture , nul doute CLASSE DES BELLES-LETTRES. 323 que son nom n'eût été proclamé vainqueur dans cette enceinte. Nous avons payé notre tribut à nos sommités artistiques, empressés que nous élions d'étaler nos richesses et de montrer que l'Académie n'était pas restée spectatrice in- différente de la marche et des progrès des arts parmi nous. Il nous reste une dernière tâche non moins douce à remplir. Reportant nos yeux sur les différentes branches des beaux-arts que nous avons déjà passées en revue, mais les détachant de ces œuvres magistrales hors ligne , nous reconnaîtrons , ainsi que nous l'avons fait pressentir plus haut , que l'architecture, que la musique, que la gravure , prises dans la plus large acception , n’ont rien produit, comme compositions, et, pour ne pas nous arrêter à de simples ébauches, d'assez notable, pour que nous les proposions à vos encouragements. II ne nous eût pas été impossible, Messieurs, de signaler quelques essais, quel- ques œuvres non dépourvues de tout mérite ; mais nous avons pensé que , pour donner quelque poids à vos éloges, quelque prix aux récompenses que vous allez décerner , l'Académie, dans l'intérêt bien entendu des arts, dans l'intérêt des artistes eux-mêmes, devait s'en montrer économe. Les beaux-arts sont environnés de tant de charmes, de tant de séductions, qu'on ne saurait trop prémunir contre leurs attraits presque toujours si déceyants , cette foule de jeunes gens qui, trompés par des dispositions incomplètes, abandonnent pour eux une carrière utile, où ils auraient pu rendre d'honorables services à leur pays , à leur famille, à eux-mêmes. Ne flétrissons pas leur erreur par une critique amère; respectons-la, car un sentiment noble et éleyé à abusé leur jeune imagination ; mais ne l'encourageons pas par des louanges, bienveil- 324 ACADÉMIE DE ROUEN. lantes peut-être , mais imméritées, et par là même plus perfides et plus funestes. Réservons, Messieurs, nos éloges, nos récompenses pour ces artistes chez qui un heureux naturel , aidé, fortifié par l'étude , laisse percer les germes d'un talent, qui peut quelquefois avorter , mais qui donne , du moins , de justes espérances. Dans la peinture, Messieurs, nous les trouverons au milieu de nous, ces jeunes talents. Forcée de faire un choix, votre commission a été unanime pour présenter deux noms à vos suffrages ; ce sont ceux de MM. CABASSON et BALAN. M. Cabasson , pensionnaire de la ville de Rouen, après avoir suivi quelque temps les leçons de M. David, notre grand statuaire , est entré dans l'atelier de M. Paul Dela- roche , dont il est en ce moment un des premiers élèves. Docile aux conseils de ces maîtres habiles, M. Cabasson s’est appliqué, avec ardeur et persévérance , à l'étude du dessin, cette base première, sans laquelle les plus heu- reuses dispositions demeurent stériles, semblables à ces rameaux sans fruit. M. Cabasson avait envoyé à l'une de nos dernières expositions municipales une figure peinte de Sarnt Sébastien , fort bien dessinée , qui avait fait conce- voir des espérances qui se sont réalisées et au-delà. Cette année , il a exposé un tableau représentant /4 captivité de saint Louis. Disons-le, les progrès de ce jeune artiste, marqués par cette belle composition , sont excessivement remarquables. Son talent a grandi de toute la différence qui sépare l'étude d'une figure d'une composition histo- rique. Saint Louis, prisonnier des Sarrazins, épuisé par la fatigue , la faim, la maladie, la tête appuyée contre une colonne, semblable au Christ flagellé, est à demi étendu sur le pavé d’une salle basse, que recouvre à peine une natte déchirée, Une couverture de laine, teinte de boue CLASSE DES BELLES-LETTRES. 325 et de taches de sang, est jetée sur lui. D'une main défail- lante , il tient le livre d'heures aux fleurs de lis royales, seul trésor qu'il ait disputé à l'avidité des Infidèles. Sur sa figure amaigrie, décolorée , respirent la religion , le calme du héros et du chrétien. A ses côtés, plus dans l'ombre, assis sur la même natte, ayant une tunique grossière pour tout vêtement, captif comme lui, mais ayant conservé toute sa force et toute sa vigueur, un de ses chevaliers raidit ses bras athlétiques , et fait rouler , sous son sourcil contracté, un œil rouge de feu et de sang. Cette belle opposition du courage grossier du soldat et du courage noble et calme du héros, vous a frappés tous. Sur un plan plus reculé, apparaît, caché sous son long bournou blanc, et tenant sa lance à la main, le Sarrazin qui est chargé de veiller sur le royal prisonnier. On voit que cet heureux sujet a été parfaitement conçu par M. Cabasson. La manière dont il l'a traité révèle en lui autre chose que la main du peintre ; la pensée à passé par là. Hätons-nous d'ajouter que le dessin et l'exécution ne sont pas au-dessous du choix et de la conception du sujet. Les figures sont bien agencées et purement dessi- nées, les nus et les extrémités étudiés avec soin, les draperies sont jetées avec goût et naturellement. Quant à la couleur, sans être d’une puissance extraordinaire , elle n'est pas dépourvue d'un certain éclat ; il y a des parties très bien peintes : l'effet général du tableau est suave et harmonieux. Une des grandes difficultés du sujet était la figure même de saint Louis, dont les traits, peu heureux, sont trop connus pour que le peintre pût se permettre de les déna- turer ; il s'en est tiré avec bonheur. La commission, appréciant tout le mérite du tableau de M. Cabasson, l'importance et les difficultés du genre historique auquel il s'est attaché, ainsi que les progrès 326 ACADÉMIE DE ROUEN. remarquables qu'a faits ce jeune artiste, vous propose , à l'unanimité, de lui accorder une médaille d’or. M. Balan , qui a précédé de quelques années M. Cabasson dans l'étude de la peinture, et dont le nom et ie talent sont plus connus dans cette ville, n'a pas trouvé, au dé- but de la carrière, les mêmes secours ni les mêmes encou- ragements ; il n’a pas eu, comme M. Cabasson , le bonheur d'être admis au nombre des pensionnaires de la ville. Luttant, avec un courage au-dessus de tout éloge, contre l'indifférence, les privations, le besoin, M. Balan ne s’est pas laissé abattre un seul instant ; car il sentait en lui ce qui fait les artistes. Honneur à lui! Après s'être essayé avec succès dans plusieurs genres : nature morte, intérieurs , monuments, paysages , M. Ba- lan paraît vouloir se livrer plus exclusivement à celui qui avait marqué ses premiers pas, et dans lequel , soit qu'il s'y soit exercé avec plus d'amour , soit qu'il y rencontre moins de concurrents , il a le juste espoir de se faire distinguer. Ce jeune artiste a enrichi notre der- nière exposition municipale de plusieurs tableaux de nature morte , aussi remarquables par la fermeté de la touche que par l'éclat du coloris. 11 serait difficile de rendre avec plus de verve et de vérité ces oiseaux, orne- ments de nos bois, de nos basses-cours , de nos volières, de formes , de plumages si variés, si riches , si élégants : la perdrix, le rouge-gorge, le canard de Barbarie, le faisan , la pintade. Ce n'est pas nous, qui n'avons pas oublié quelques- uns des tableaux de M. Balan dans un autre genre, cet intérieur de l’église de Saint-Étienne-du-Mont , cette grande vue du portail de la Calende de Rouen, peints avec tant de sûreté de main et de franchise de pinceau , qui vou- drions le voir se renfermer dans l'étude plus bornée de CLASSE DES BELLES-LETTRES. 327 la nature morte ; mais si, aspirant à se faire un nom à part , saisi de cette noble ambition, il veut, comme il lui est donné peut-être d'y arriver, marcher là sans rivaux , l'Académie, le suivant dans la route qu'il s'est tracée, se plaît à lui jeter, par avance , une palme, présage de couronnes plus brillantes : nous vous propo- sons donc de décerner à M. Balan une médaille d'argent. L'Académie , heureuse de couronner ces deux artistes, que la ville de Rouen doit se féliciter d’avoir vus naître , de s'associer à leurs succès, donne ici, dans trois ans, rendez-vous à leurs jeunes émules. Qu'ils s'élancent, à leur tour, sur les traces de ces maîtres, honneur de la Normandie , dont nous avons proclamé , en débutant , les noms, dont nous avons signalé les œuvres. Qu'ils re- doublent d'ardeur et d'efforts; mais qu'ils n'oublient jamais que , quand les Poussin , les Jouvenet, les Boïeldieu conquéraient leurs palmes immortelles , ils les avaient achetées au prix de longues années d'étude et de travail. Aug. DE CAZE ; H. GRÉGOIRE ; H. MARTIN DE VILLERS; Ch. DE STABENRATH ; BARTHELEMY , z2embres de la com- mission ; DEVILLE, rapporteur. A la suite de ce rapport, le président s'exprime en ces termes : «L'Académie, heureuse de s'associer aux propositions de «sa commission des beaux-arts, dont vous venez d'entendre «le rapport, décerne une médaille d'qr à M. CABASSON, et «une médaille d'argent à M. BALAN. » ÉVOCATION. A l'heure où l’ame en deuil se couvre de ténèbres Et se livre, en priant, à des pensers funèbres, A l'heure où le silence invite à méditer , Dans le champ du repos , la demeure dernière , Où l’humble et le puissant confondent leur poussière , Mon esprit voulut s'arrêter. Là, saisi de respegt, je contemplais la tombe, Vaste abime qui s'ouvre à tout mortel qui tombe ; Là, mon esprit révait de sinistres accords. Puis, au pied de la croix qui bénit cette enceinte , Ma prière éloquente , ainsi qu'une voix sainte , Évoquait la cendre des morts. CLASSE DES BELLES-LETTRES. Je criais : Levez-vous, cendres que rien n'agite , Levez-vous et sortez de votre dernier gite, Où la main du trépas vonlut vous enchainer ; Pour un instant, cessez d’être une ombre muette , Ressaisissez une ame à la voix du poète , Levez-vous pour m'environner. Et soudain , du cercueil dont se brisait la chaine , Dans un bruit d’ossements, cette poussière humaine Se leva, comme au jour du grand avènement ; Moi qui donnais l'essor à ma sombre énergie , J'osais interroger ces restes , que la vie Semblait réveiller un moment. «0, m'écriai-je, vous, débris où fut une ame , « Débris où s’allumait une céleste flamme , « Répondez : quel destin vous gardait l'avenir ? « Dans son éternité , quel destin doit nons suivre ? « Ici-bas , répondez, est-ce un malheur de vivre ? « Est-ce un bonheur que de mourir ? « Sur la terre où passa votre éclair d'existence , « Viviez-vous sous un ciel doré par l'opulence , « Ou par le toit du pauvre étiez-vous abrités ? « Répondez : au milieu de votre nuit profonde, « Avez-vous conservé le souvenir du monde? « Regrettez-vous ses voluptés? » 329 330 ACADÉMIE DE ROUEN. LES MORTS. « Mortel, écoute bien, et nous allons t'apprendre « Ce que Dieu nous permet de te laisser comprendre. « Nous qui t'apparaissons sur un cercueil ouvert, Nous avons entendu ta fervente prière ; « Car nous étions les fils du peuple , et, sur la terre , « Bien long-temps nous avons souffert. En arrosant de pleurs notre moisson stérile , Le travail épuisait notre force débile ; « Nous étions à la glèbe enchainés par le sort : « Ne trouvant à vider que des coupes amères , « Pliés sous le fardeau de toutes les misères , « Notre voix implorait la mort. « Nous demandions la fin de la triste agonie, « Qui flétrissait nos jours passés dans l'insomnie ; « Nous mettions notre espoir dans la bonté du ciel. « Et, quand sonna pour nous l'heure de délivrance, « Nous avons tressailli de joie et d’espérance « Devant le repos éternel. « Non , ce repos qui suit un pénible voyage, « Ce calme qui nous vient après les jours d'orage, « N'est point dans le néant ; car le néant n’ei pas. « Notre repos, à nous, est un céleste asile, « Où remonta notre ame en quittant son argile, « Que brisait la main du trépas. CLASSE DES BELLES-LETTRES. 331 « Heureux celui qui souffre ,he ureux celui qui pleure ! « Sans regrets , sans remords , il voit s'approcher l'he « Qui doit unir son ame avec l'éternité. « Pour l’enivrer des biens qu'au cie « Dans le sein d'Abraham Me ure Lil lui prépare, omme un autre Lazare , « Le Seigneur veut qu'il soit porté. » Théodo:e LE BRETON, ouvrier. Avril 1840. or “ie Hg | ge": Ce aber Dieihont parinredle 2e Jitar Chine. | 104 #0 Qu d'apparalene mur ini étoilé | | "ne L | avi : nd RE 1 AA be WTis 1 | if Te DEUTE SNL Nat TA » Duvmné [n repos stat | ‘ 1 Lo drole, Lui Re . “ le CHA art : "> 16e Must DS Mine | À ‘ no 1'Par. Ÿ A » Run x hé. À 4 A | LE RTL 2272 hr | AL 7 | ‘+ TABLEAU DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1840 — 1841. SIGNES POUR LES DÉCORATIONS. % Ordre royal de la Légion-d'Honneur. O. signifie Offcier. C —— Commandeur. GC. — Grand-Offcrer. G.C — Grand’'Crorz. TABLEAU DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, POUR L'ANNÉE 1840—1841. OFFICIERS EN EXERCICE. M. J. GrrARDIN, Président. M. Des ALLEURS, Vice-Président. M. Gors, S'ecrélarre perpétuel pour la Classe des Sciences. M. DE STABENRATH, S'ecrélaire perpétuel pour la Classe des Belles- Lettres et des Arts. M. Baux, Bliothécaire-Archiviste. M. AvENEL, D.-M., Zrésorter. Mas A d'adris- réct ACADÉMICIENS VÉTÉRANS , MM. ‘ion ce, 1808. LezurtER DE LA ManrtTez (le baron Louis-Géne- 1823 viève) O #, ancien Maire de Rouen, Maire d'Hautot-sur-Seine. 1819. RisarD (Prosper) X , ancien Maire de Rouen, 1828 rue de la Vicomté, 34. 1805. MEAUME (Jean-Jacques-Germain), Docteur ès sciences, 1830 etc., Inspecteur honoraire de l'Université, à Nancy (Meurthe), rue de la Poissonnerie, 34. 1834. VEnDiÈRE ( Louis-Taurin )#%, Conseiller à la Cour 1840 royale, rampe Beauvoïsine, 10. 336 1833. 1803. 1804. 1809. 1518. 1519. 1820. MEMBRES ACADÉMICIENS HONORAIRES , MM. S. A. E. Mgr le Cardinal Prince DE Croï, Archevêque de Rouen, etc., ax Palais archiépiscopal. . Teste (le baron François-Etienne) G O #, Lieutenant Général, commandant la 14e division militaire, Pair de France, à Rouen. Durowr-Derponre (le baron Henri-Jean-Pierre-Antoine ) C:X, Pair de France, déc. de Saint-Léopold, Préfet de la Seine-Inférieure, à l'hôtel de la Préfecture. Barget (Henri) O #, déc. de Juillet et de Saint-Léopold, Maire de Rouen, Membre de la Chambre des Députés, boûlev. Cauchoïse, 51. n Eupe (Jean-François) O # , premier Président de la Cour Royale, rze des Champs-Maillets, 22. ACADÉMICIENS RÉSIDANTS , MM. Vigxé (Jean-Baptiste), D.-M , correspondant de la So ciété de médecine de Paris, rve de la S'eille, 4. Lereccter ( François-Germain), Docteur ès-lettres , Inspec- teur honoraire de l’Académie universitaire, r de S'ofterrlle, 5. Biéxox (Nicolas), Docteur ès-lettres, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie pour la classe des Belles-Lettres et des Arts ,rze du Vieux-Palais, 30. Dupvurez ( Pierre), re S'ainte-Croix-des-Pelletiers , 20. BcaxCuE ( Antoine-Emmanuel-Pascal) #, D.-M., Médecin en chef de l'Hospice général, rxe Bourgerue. Desrienx ( Pierre-Daniel), Directeur des Abattoirs, à l’éta- blissement, fzubourg S'aint-S'ever. Hecurs (Eugène-Clément), D.-M., Médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, place de la Madelerne. * 1820. 1522. 1824. 1825. 1827. 1828. 1829. 1830. 1831. RÉSIDANTS. 337 ManTaAINVILLE (Adrien-Charles Deshommets, marquis de) 4, ancien Maire de Rouen, à S'asselot-le-Wauconduit. DE LA Quérière (Eustache), Négociant, 7. Æerbière, 12. Lévx (Marc), Professeur de mathématiques et de mécanique , Chef d'institution, etc. , etc., r. S'aint-Patrice, 36. Des Arreurs (Charles-Alphonse-Auguste Harpyx ÿ D.-M., Médecin adjoint de l'Hôtel-Dieu, professeur à l'Ecole de Médecine de Rouen , etc. , rue de L'Écureuil, 19. Dusreurz ( Guillaume), Directeur du Jardin des plantes, au Jardin des plantes. Bazin ( Amand-Gabriel), Directeur du Mont-de-Piété , rue _ de la Madeleine, 6. Mori ( Bon-Etienne ), Pharmacien, professeur à l'Ecole de Médecine de Rouen, etc., rve Bouvreuil, 25. Device ( Achille ) X, Receveur des contributions directes, Directeur du Musée départemental d’antiquités, Correspon- dant de l’Institut, etc., etc., rue du Guay-Trouir, 6. Vixérrenier (Arthus-Barthélemy), D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, re des Maillots, 15. Pimoxr (Pierre-Prosper), Manufacturier , re de Crosne, 23. Froquer ( Pierre-Amable) fils, Greflier en chef de la Cour royale de Rouen, correspondant de l’Institut, etc., etc., enclave de la Cour royale, rue St-Lô GimaRDIN (Jean- Pierre), Professeur de chimie industrielle de l’École municipale de Rouen; membre de plusieurs Sociétés savantes, rue du Duc-de-Chartres, 2. Poucuer (Félix-Archimède), D.-M., prof. d'Histoire na- turelle et conservateur du Cabinet, rue Beauvorsine, 200. MaGnier (Louis-Eléonore), Docteur ès-lettres, Professeur de rhétorique au Collége royal, 4ou/. Bouvreuil, 6. Paumier (L:-D.), Pasteur, Président du Consistoire de Rouen, rampe Bouvreuil, 16 bis. 335 1532. 1833. 1834. 1835. 1836. 1839. MEMBRES De SragenrATH (Charles), Juge d'instruction, membre de plusieurs Sociétés savantes , £oulevard Cauchoïse, 22. De Caze ( Augustin-François-Joseph), ancien Négociant, rue de Crosne , 15. Grécorre (Heuri-Charles-Martin), Architecte des bâtiments civils , rue de Racine , 6. BerGasse (Alphonse) #, Avocat, ancien Procureur général, rue de l’École, 44. Marrix DE Viccers (Henri - Louis) #, président de la So- ciété philharmonique de Rouen, ancien député, etc., ze de la Seïlle, 5. Cnéruez ( Pierre- Adolphe ) , Professeur d'histoire au Collége royal de Rouen, Zou/evard Beauvorsine , 59. Gors (Laurent), Professeur de mathématiques spéciales au Collége royal de Rouen, 7ve de la Serlle, 10. Person (Charles-Cléophas), Docteur ès-sciences, Professeur de physique au Collége royal de Rouen , 71e du Cordier, 34. Fayer (l'abbé) O #, doyen official , archidiacre des arron- dissements du Havre et de Dieppe, à l’Archevéché. Marcer O X, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Député, à Rouen , re du Lieu-de-S'anté, 22. … DE Graxvizce (Boistard), rve des Murs-S'aint-Ouer , 21. Barraécemy (Eugène), Architecte, 7. Porte-aux-Rats, 32. AVENEL (Pierre-Auguste), D.-M., secrétaire du conseil de salubrité , place des Carmes, 30. MaupurT ( Victor), secrétaire général de la mairie de Rouen, à l'Hôtel-de-Ville. Lévesque X, Conseiller à la Cour, r. de l'Écureuil, 11. HowgerG ( Théodore), Avocat, 7. de l'École, 14 bis. Des Micuezs X , Docteur-ès-sciences, Recteur de l’Académie Universitaire de Ronen, r. des Carmélites, 16. 183. CORRESPONDANTS. 339 PReisser ( Frédéric-Joseph ), Professeur de Chimie, rve loyale, en face S'ainte-Marte. Amor, Licencié ès-seiences, Professeur de Mathématiques an Collége royal, rue des Carmélites, 16. MoriN (Gustave), Directeur de l'Ecole de dessin et de peinture, ue Poussin. Leroy (N.) Conseiller à la Cour royal: de Rouen, rue des Carmelites, 16. Verrrer, Médecin-vétérinaire, rze Saint-Laurent, 9. AUADEMICIENS CORRESPONDANTS , MM. 1503. » y 1504. 1$05. 180}, 1808. GuErseNT #K, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, à Paris, rze Gaïllon, 12. Morcevauut (C.-L.) #, membre de l'Institut, à Paris, rve S'aint-Dominique, 99, faubourg Saint-Germain. DeGzanD (J.-V.), D.-M., Professeur de botanique, membre de plusieurs Académies, à Rennes (Ille-et-Villaine ). Boucner DE CRÈVECŒUR, correspondant de l’Institut, ancien Directeur des Douanes, à Abbeville (Somme). De GEraxo (le baron) C #, membre de l’Institut, à Paris, rue de Vaugirard, 52 bis. Derasouisse-RocHEFoRT (J.-P .—Jacq.-Aug. ), Homme de lettres, à Castelnaudary ( Aude). Boïecnreu (Marie-Jacques-Amand), ancien Avocat à la Cour royale de Paris, à Paris. SERAIN, ancien Officier de santé, à Canon, près Crois- sanville ( Calvados ). Larr Et (Pierre-Aimé) , ex-Conseiller de Préfecture du Calva- dos, Secrétaire de la Société royale d'agriculture, etc., à Caen, Pont-Saint-Jacques. Derancy #X, Administrateur de la Bibliothèque de Sainte- Géneviève, à Paris, 7. Neuve-du-Lurembourg, 33. 340 1809. 1810. 1811. 1814. 1816. MEMBRES Fraxcœur O X# , professeur à la Faculté des sciences , à Paris, 7. de l'Université, vo. Duguissox (J.-B.-Remi-Jacquelin), D.-M., membre de plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, rue Hauteville, 10, faubourg Poissonnière. Dugors-Maïsonneuve, Homme de lettres, à Paris, rze des Postes, 14. Decarue (Louis-Henri), Pharmacien, ancien secrétaire de la Société libre d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l'Eure , à Breteuil ( Eure). Sesmaisows (le comte Donatien de) C #, Pair de France, à Paris, 7. de Vaugirard, 54. Bazme, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Lyon, 7. de l’Enfant-qui-pisse, 5. Leprioc (l'abbé), Prêtre, Recteur émérite de l’Académie uni- versitaire de Rouen , à Hennebon (Morbihan). Le Sauvage X, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes, chirurgien en chef des Hospices civils et militaires, à Caen. LaFissE ( Alexandre-Gilbert-Clémence ), D.-M. , à Paris, rue de Ménars, 9. Bouzcax ( Pierre-François-Guillaume) O #, Docteur-ès- sciences, Membre de l’Académie royale de médecine, à Paris, rue du Helder, 5. Pècaeux (B.), Peintre , à Paris, rve du Faub.-S1.-Honoré, 7. PERCELAT 2K, ancien Recteur de l’Académie universitaire de Rouen, Inspecteur de l’Académie de Metz (Moselle ). Fagre ( Jean-Antoine) , correspondant de l’Institut et In- génieur en chef des ponts-et-chaussées , à Brignoles (Var). Lorsezeur DesconGcHames (Jean-Louis-Auguste) #, D.-M., Membre honoraire de l’Académie royale de médecine , etc. , à Paris, rve de Jouy, 8. CORRESPONDANTS. 341 1816. Durrocaer (René-Joachim-Heuri) # , D.-M., Membre de l'Institut ,ete., à Paris, ve de Braque ; 4. 1817. Pari, Maitre des conférences à l'École normale, bibliothé- caire du Roi, etc., à Paris , ve de Tournon, 7. Mérar (François-Victor ) XX, D.-M.,membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, re des S'aints-Pères, 17 bis. MonEau DE JonnÈs (Alexandre) O %# , Chef d’escadron d'État-Major, membre de l'Institut, du Conseil supérieur desanté, etc., à Paris , rue de l'Université, 72. 1818. DE Gouray, Avocat et Docteur-ès-lettres, Professeur suppléant de littérature latine à la faculté des lettres de Caen (Calvados), rue Gémare, 18. De KerGarrou (le comte) O #, ancien Pair de France à Paris, rue du Petit-Vaugirard, 5. De Monrauzr (le marquis) #, à Nointot, près Bolbec. (A Rouen, rue d'Ecosse, 10.) DE Manvrese (le mis Eupes ) :# , ancien Maréchal-de-Camp, à Fillières, commune de Gommerville, près St-Romain. Mazouer (le baron) C >X , Pair de France, ancien Préfet de la Seine-Anférieure, Maître des comptes, à Paris , rze Neuve-des-Mathurins , 20. Dgpauuts (Alexis-Joseph) #, Graveur de médailles, à Paris, rue de Furstenberg, 3 ter. Sat. Berrarer (P.) #, Inspecteur général des mines, memb. de l'Institut, etc., à Paris, 7. Crébillor , 2. Jamer (l'abbé Pierre-François) #, Prêtre, Supérieur de la Maison du Bon-Sauveur, Instituteur des sourds-muets , à Caen (Calvados ). Vie 2X chevalier de Saint-Louis et de l'ordre d'Espagne de Charles 111, Chef de bataillon du génie, membre de la So- ciété d'Encouragement ; à Paris, rue Jacob, 26. 1823. LanouenE (l'abbé Jean), Vicaire général d'Avignon, à Paris, céoitre Notre-Dame ; 20. 342 1823. 1825. MEMBRES LEmonKIER ( Hippolyte), membre de l'Académie romaine du Tibre, à Saint-Prix, vallée de Monmorency, par Frauconville. DE Moréon #4, Directeur du Recueil industriel et de la Société polytechnique, ete., à Paris, 7. de la Paix, 20. TuarégaurT DE BerneauD (Arsène), Secrétaire perpétuel de la Société linnéenne, l’un des Conservateurs de la Bibliothèque Mazarine, à Paris, rue du Cherche-Midr, 30. Beucxor (le vicomte Arthur)%4, Avocat, membre de l’Ins- titut, à Paris, rve du Faubourg-St-Honoré, 119. SocLiCOFFRE ( Louis-Henri- Joseph) 2#, Sous-Directeur, membre du Conseil de l'administration des Douanes, à Paris, rue Saint-Lazare, go. EsTanCELIN # , Membre de la Chambre des Dépntés , corres- pondant du Ministère de l'instruction publique , à Eu. Foxranter ( Pierre), Homme de lettres, Officier de l'Uni- niversilé, ete , à Moissac, près Murat (Cantal). Maczer (Charles ) O %#, Inspecteur divisionnaire des ponts- et-chaussées, à Paris, rve T'aranne, 25. JourpAN (Antoine-Jacques-Louis) #, D.-M-P., membre de l'Acad. royale de médecine, à Paris, re de Bourgogne, {. MoxraLcon, D.-M., 2%, à Lyon, re de la Liberté, :. DE LA Quesxente |, membre de plusieurs Sociétés savantes, à St—André-sur-Cailly. Descamps, Bibliothécaire-archiviste des Conseils de guerre ; à Paris, rze du Cherche-Midr, 39. SazGues, D.-M.P., médecin du Grand-Hôpital, membre du Conseil central sanitaire du dép, à Dijon (Côte-d'Or). BouLLenGER ( le baron ) O X, ancien Procureur général a la Cour royale de Rouen, à S'arnt-Denis-le-Thiboult (Seine-Inférieure.) D’AxGcemonT ( Edouard), à Paris, r. du Faubourg-Mont- martre, 17. 1825. 1826. 1828. CORRESPONDANTS. 343 JuzrA DE FONTENELLE , D.-M., Professeur de chimie , à Paris, Cimetière-S aint-André-des-Arts, ;. CrvraLe (Jean), D.-M., à Paris, r. Neuve-St-Augustin, 23. Ferer aîné, Antiquaire, conserv. de la Bibliothèque de Dieppe, Correspondant du Ministère de l’Instruction publique. PAYEN (Anselme)#, Manufacturier, Professeur de chimie à l'école centrale, membre de plusieurs Sociétés savantes ; etc., à Paris, re de l'Échiguier, 12. Moreau (César) 4, Fondateur de la Société française de statistique universelle et de l’Académie de l’industrie , etc., à Paris, place Vendôme, 24. Moxrémoxt (Albert), membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, ve Croir-des-Petits-Champs, 23. LADEvVÈZE, D.-M., à Bordeaux ( Gironde). Savix (L.), D.-M. P., à Montmorillon ( Vienne). GERmAIN (Thomas-Guillanme-Benjamin), correspondant de la Société des pharmaciens de Paris et de la Société royale de médecine, Pharmacien, à Fécamp. Huco (Victor) O # , à Paris, place Royale, 6. BLossevicre (Ernest de), à Amfreville, par le Neufbourg (Eure.) BLosseviece (Jules de), à Paris, rve de Richelieu. DESMAZIÈRES (Jean-Baptiste-Henri-Joseph), Naturaliste, à Lambersart, près Lille; chez Mad. veuve Maquet, proprié- taire , rze de Paris, 44, à Lille ( Nord). Maro (Charles), ancien Directeur de la France littéraire : membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue S'aint- Germain-des-Prés , 9. Vaxssay (le baron Charles-Achille de) C #, ancien Préfet de la Seine-Inférieure , à la Barre, près St-Calais (Sarthe) Court #, Peintre, à Paris , ve de l'Ancienne-Comédie, 14, ancien atelier de Gros. 344 1828. 1629. MEMBRES Virey (Julien-Joseph)O:%, D -M. P., membre de l'Académie royale de Médecine, et de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rze Soufflot, x, près le Panthéon. Marcer-Lacoste ( Pierre-Laurent), Professeur à la Faculté des lettres de Caen (Calvados). Laurarp (le chevalier J.-B.), D.-M, secrétaire perpétuel de l’Académie de Marseille, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Marseille (Bouches-du-Rhône). Duras, Homme de lettres, à Paris, rve de la Calandre, 5. Srexcer Smirx (Jean), membre de l'Université d'Oxford, de la Société royale et de la Société des antiquaires de Londres et de plusieurs Sociétés savantes, à Caen (Cal- vados), rue des Chanoïnes, n° 5. Morremart-Borsse (le baron de) #, Membre de la Société royale et centr. d'agric., etc., à Paris, 7. Jean-Goujon, q. Monix ( Pierre-Etienne) #, Ingénieur en chef des ponts- et-chaussées, à Vesoul ( Haute-Saône). CorTEerREAU (Pierre-Louis) #4, D.-M., Professeur agrégé à la Faculté de méd. de Paris, ete., re S/.- Honoré, 108. Fée %, Chimiste, Professeur à la Faculté des sciences, de Strasbourg (Bas-Rhin). Parez , D.-M.,rue de la Préfecture, 13 , à Evreux (Eure). Gornneuer (Ulric) #, Homme de lettres, à Saint-Germain- en-Laye (Seine-et-Oise), r. Chateau-Neuf, 5. Cazaus, Professeur de physique au Collége royal de Bour- bon, à Paris, re des Grands-Augustins, 22. SCHWILGUÉ x, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Strasbourg (Bas-Rhin). Béçrx, D.-M., membre de la Société royale des antiquaires de France, etc., à Metz ( Moselle). Bercer pe Xivrev (Jules), membre de l’Acad. royale des Inscriptions et Belles-Lettres de l’Enstitut, à Paris, 7. 5 Germain-des-Prés, 15 1829. 1830. 1831, 1832. CORRESPONDANTS. (et = ct Cuaponnrer (le chevalier), D.-M., professeur d'anatomie et de physiologie, à Paris, rve de Cléry, 16. Passy (Antoine) OX, ancien Préfet de l'Eure, député, à Paris : rue Caumartin ; be Soyer-WViLLEMET (Hubert-Félix), Bibliothécaire et conser- vateur du Cabinet d'histoire naturelle de Nancy (Meurthe)- LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). RrauD, Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue Basse-du-Rempart, /6. BARRÉ DE JaLtais, Sous-Préfet en retraite » Homme de lettres, à Chartres, pavé de Bonneval (Maine-et-Loire ), Hover (Charles-Juste), membre de plusieurs Sociétés savantes, président du Tribunal civil de Louviers ( Eure ). Murar (le comte de ) € *, ancien Préfet de la Seine- Inférieure, à Enval, près Veyres (Puy-de-Dôme ). Le Ficceuc Des GuErnors, chevr de l'Eperon d’or de Rome à correspondant de l'Institut historique, aux Guerrots, com- mune d'Heugleville-sur-Scie, par Longueville (Dieppe). Le Terrier %, Inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaus- sées , à Paris, rue de Beaune, 1. Boucer DE Pertes ( Jacques ) # , Directeur des douanes, etc., à Abbeville (Somme ). SINNER (Louis de), helléniste, Docteur en philosophie, à Paris, rue des Saints-Pères, 14. Taxcnou X, D.-Médecin, à Paris, re d'Amboise, 3. Fourix (François), D.-M. P. à Evreux ( Eure ). Dusevec (Hyacinthe), avoué à la Cour royale d'Amiens , membre de plusieurs Sociétés savantes, à Amicns( Somme. } BrierREe DE Botsmowr (A.)#, D.-M., chevalier de l’ordre du Mérite militaire de Pologne, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, cé Bergkre, 2. 24 346 1832. 1833. 1835. MEMBRES Le FcaGuais (Alphonse), membre de l’Académie royale de Caen, rue des Jacobins, 10, à Caen (Calvados). LEJEUNE (Auguste), Architecte, & Paris, rue de Paradis- Poissonnière, 40. ps Truc 2%, Conseiller à la Cour de cassation et Député, à Paris, rue de Vaugirard, 50. LaAuRENS (Jean-Anatole) , membre de plusieurs Sociétés savantes, Chef de-div. à la Préfecture de Besançon (Doubs). BouriGnyx (Pierre-Hippolyte), correspondant de l'Académie royale de médecine, etc., ancien pharmacien à Evreux (Eure). Ricozror (J.) fils, Médecin de l'Hôtel-Dieu d'Amiens, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Amiens (Somme), EapoucerTe (le baron de) # ; ancien Préfet, secrétaire per— pétuel de la Société philotechnique de Paris, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rze S/-Lazare, 5. Macce ( P.-N.-Fr.), Docteur en chirurgie, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Strasbourg (Bas-Rhin). Gervice (de), Antiquaire, à Valognes ( Manche ). BouGron, Slatuaire, 7. des Fossés-Neufs , à Lille (Nord). Docnesxe (Edouard-Adolphe )#, D.-M.-P., à Paris, rve de Tourror, 2, faub. St-Germaïn. Juzzrex (Marc-Antoine) #, Homme de lettres, à Par::, rue du Rocher, 23. ASSELIN (Auguslin) 14, Antiquaire, corresp. du Minist. de l’Intér., pour les Études historiques , à Cherbourg (Manche.) Carey (Thomas), Docteur en droit, à Dijon (Côte-d'Or), hôtel Berbrsey. Breviëre (L.-H.), Graveur de l’Imprimerie royale, sur bois et en taillé-douce, à Belleville près Paris , ve des Lilas, 12. Marzer-DueouLLAY, Architecte, à Paris, rue d’'Anjou- S'aint- Honoré, 58. CORRESPONDANTS. 347 1835. LE Prevosr (Auguste) #, Membre de la Chambre des Dé- 1836. putés, de l'Institut et de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, rue et hotel Jacob, faubourz S'aint-Germaïn. Fôviize #, D-M, à Paris, r. Madame, 20, près le Luxembourg. BELLANGÉ (Joseph-Louis-Hippolyte) #, Peintre, conser- vateur du Musée de Rouen , 7e du Champ-des-Oiseaux , 55 4er. LamgErT (Edouard), Conservateur de la bibliothèque de Bayeux ( Calvados ). Muret (Théodore). avocat, rédacteur de la Gazette du Dauphiné, à Grenoble ( Isère ). PESCHE (J.-R.), membre de plusieurs Sociétés savantes, Chef de division à la Préfecture du Mans (Sarthe). Baro ( Joseph) #, Inspecteur, au ministère de l'Intérieur, des monuments historiques des départements du Rhône et de l'Isère, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Chorey, près de Beaune ( Côte-d'Or). Cnesxox (Charles-Georges), Principal du Collége de Bayeux ( Calvados). HEXNEQUIN fils ( Victor-Antoine) , Avocat à la Cour royale, à Paris, rue des S'aints-Pères, 3. LeGcayx, D.-M., Archiviste, à Lille (Nord). LE CaoRe, D.-M., rue d'Orléans, 29, au Havre. Guxérant #, D.-Ch.-P., membre de l’Acad. ray. de Méd. et de plusieurs autres Soc. sav.,à Paris, rue de Grenelle St- Germain, 55. Sougetran (Eugène) #£, directeur de la Pharm. centrale des Hôpitaux de Paris, rue de Tournelle, 1. REYx (Jean), ex-membre du Conseil général des manufactures, membre de la Société royale des Antiquaires de France, ete., etc, à Paris, re Neuve-St-Georges , 18. Du Bois (Louis), Sous-Préfet de Vitré (Ille-et-Vilaine). 348 1837. 1838. 1839. MEMBRES GarnIER-DUuBOURGNEUF, juge d’Instruction au Tribunal de première instance de la Seine, à Paris, ve du Faubourg- S-Martin, 143. VV axs-DESFONTAINES (Théodore), homme de Lettres, memb. de plusieurs Sociétés savantes, Régent au collége de Ville- neuve-d’Agen (Lot-et-Garonne.) DanTax jeune, Slatuaire, à Paris, rve Saint-Lazare, cité d'Orléans. Brurer-RexaLr (Antony-Clodius), à Lyon, guai Monsieur, var. GarwerAx ( Ambroise-Louis), Peintre de marine, à Paris, passage S'aulnier, 19. Prevost (Nicolas-Joseph), Horticulteur au Bois-Guillaume. VacneroT, docteur-ès-lettres, directeur des études à l'École normale , à Paris, rue de Grenelle St-Germain, 126. SaLADIN , Professeur de Chimie, à Moulins ( Allier ). BouLLéE, ancien Magistrat, à Lyon, rve S-Joseph, 8. MuxarerT , D.-M. à Lyon, 7ve du Bät-d’Argent , 9. LESCELLIÈRE-LAFOSSE (François-Gustave), D.-M., Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier. GiRALDÈS, D.-M. à Paris, rze des Beaux-Arts, v?. GrareLoup ( J.-P.-Sylvestre de ), D.-M.-P. à Bordeaux, rue Grande-Taupe, 76. Bourrox-CrarLARD (Antoine-François) #, membre de l’A- cadémie royale de médecine, ete., ver Adjoint au Maire du 3e arrondissement, £ou/evard Bonne-Nouvelle, 12. Cap (Paul-Antoine), Pharmacien, membre de l'Académie royale de médecine, etc., à Paris, rue de la Chaussée- d'Antin, 1. Turor (Edmond), Peintre, directeur de l'École de Dessin à Moulins ( Allier ). Gaunet, D-M., Inspecteur des Bains de mer de Dieppe. Naver (Stanislas- Victor-Amédée), D.-M.-P., Médecin ad- joint des hôpitaux de Dieppe. CORRESPONDANTS. 349 1839 Porrrer fils (Octave), Avocat à Paris. 1840. Parzcarr, D. en droit, Avocat général à Nancy (Meurthe). Marcer (Charles-Augustin), D.-ès-lettres, Prof. de philos. au Collége royal de Versailles (Seine-et-Oise ). BorGxer, Professeur de mathématiques au Collége royal de Tours (Indre-et-Loire ). Orry, Docteur-ès-lettres, Membre de l’Académie de Nancy (Meurthe). Pecouze, Chimiste, Membre de l'Institut, Professeur à l'École polytechnique, à Paris. Caevarrter 3%, Membre de l’Académie royale de Médecine , Professeur à l'École spéciale de Pharmacie de Paris , etc. guai Saint-Michel, 25. 1841. D’Ancer OK, Membre de l'Institut, Inspecteur général des essais, à la Monnaie de Paris, etc. H. ScazumserGer, Chimiste, Membre de la Société indus trielle de Mulhouse (Haut-Rhin). Puictppar, Professeur de culture à l’Institut royal de Gri- gnon, Professeur de Botanique à Versailles et à l'Ecole normäle primaire de Paris, etc. Carre, Docteur-Médecin, Professeur de Physiologie et de Pathologie spéciale, à Paris, Membre de plusieurs Sociétés savantes, rze de la Ferme, 45. LACABANE, employé au Cabinet des manuscrits à la Biblio- thèque royale, à Paris, Président de la Société de l’école des Chartes. CORRESPONDANTS ETRANGERS, MM. 180$. Demorr, Directeur de la Chambre des finances , et correspon— dant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg (Autriche). GEFFROY , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow (Ecosse ) 350 1803. 1809. 1812. 1816. 1817. 1818. 1823. 1827. 1828. 1830. 1830. 1895. SOCIÉTÉS ExGeLsTorT , Docteur en philosophie , Professeur adjoint d'histoire à l'Université de Copenhague (Danemarck). Lamoureux (Justin), à Bruxelles ( Belgique ). Vocez , Professeur de chimie à l’Académie de Munich (Bavière ). Campgecz, Professeur de poésie à l'Institution royale de Londres ( Angleterre). KirckHoFF ( le vicomtee Joseph - Romain — Louis de KerCkHOYE , dit de), ancien Médecin en chef des hôpitaux militaires, etc., membre de la plupart des Sociélés savantes de l'Europe et de l'Amérique, à Anvers ( Belgique ). Dawson Turner, Botaniste, à Londres ( Angleterre ). Caaumerre pes Fossés, Consul général de France, à Lima (Amérique méridionale ). De Luc (Jean-André), membre de la Société de Physique et d'histoire naturelle de Genève (Suisse), etc. Bruxez K, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre de la Société royale de Londres, à Londres ( Angleterre ). Rarn (le chevalier Carl-Christian), Professeur, secrétaire de la Société royale d'Écritures antiques du Nord, et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Copenhague(Danemarck), rue du Prince-Royal, 40. SaurTecer (Nicolas-Balthazar), Professeur de langues, à Colo- gne (Prusse), Perle Pfhull. SrassarT (le baron Goswin-Joseph-Augustin de), Président du Sénat belge, Gouverneur de la province de Namur, à Courioule, près Namur ( Belgique ). CasrrzHo (Antonio Feliciano de), Bacharel Formado en droit, membre de l'Académie des Sciences de Lisbonne, etc. à Lisbonne (Portugal), ca/cada do Dugue, 58. Frerppis (Pierre de), Médecin à Naples. CORRESPONDANTES. 351 1836. KerkHovE D’Ex4ERLE (le comte François de ), chevalier de l'ordre de Malte, membre de plusieurs. Sociétés savantes, à Exaerde, près de Gand ( Belgique ). REIFENBERG (le baron de), à Louvain. — A Paris, chez M. Michaud , rue de Richelieu, 67. 1839. WVxz (James), Géographe, à Londres. DE SanrTarEm (le Vicomte), anc. Minist. de Portugal, memb. de i’Inst. de France et de plusieurs Académies franç. etétrang., à Paris, rue Blanche, 40. 1841. Narvo, Médecin de l’Institut central des Enfants trouvés de Venise, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Venise. Morren , Docteur ès-sciences et en Médecine, Professeur de Botanique à l'Université de Liége. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES, Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où elles sont établies. Abbeville. Société royale d'Emulation (Somme). Aix. Société académique ( Bouches-du-Rhône ). Amiens. Académie des Sciences (Somme). — Société des Antiquaires de Picardie. Angers. Société industrielle (Maine-et-Loire). — Société d'Agriculture Angoulême. Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département de la Charente. * Bayeux. Société vétérinaire du Calvados et de la Manche (Calvados). Besançon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Doubs). — Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs. Bordeaux. Acad. royale des Scienc., Belles-Lettres et Arts (Gironde). — Société royale de médecine. 352 SOCIÈTES Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture, du Commerce et des Arts. (Pas-de-Calais) Bourg. Société d'Emulation et d'Agriculture du départemt de l'Ain. Caen. Acad. royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Calvados). — Association Normande. —— Société royale d'Agriculture et de Commerce. —— Société des Antiquaires de la Normandie. — Société Linnéenne. —— Société Philharmonique Calais. Société d'Agriculture, de Commerce, des Sciences et des Arts, (Pas-de-Calais). Cambrai. Société d'Emulation ( Nord). Chélons-sur-Marne. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne. Chéleaurour. Société d'Agriculture du département de l’Indre. Cherbourg. Société d'Agriculture, Sciences et Arts (Manche ). Clermont-Ferrand. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Puy-de-Dôme ). Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Côte-d'Or )* —— Société de Médecine. Douai. Société royale et centrale d'Agriculture , Sciences et Arts du département du Nord. Draguignan. Société d’Agricult. et de Commerce du départ. du Var. Evreux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. Falaise. Société d'agriculture ( Calvados). Havre. Société havraise d'Études diverses. Lille. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du département du Nord. CORRESPONDANTES. 353 Limoges. Société royale d'Agriculture , des Sciences et des Arts (Haute-Vienne). Lons-le-S aulnier. Société d'Émulation du Jura. Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhône). — Société royale d'Agriculture , Histoire naturelle et Arts utiles. — Société de Médecine. Macon. Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Saône-et-Loire). Mans (Le). Société royale d'Agriculture, Sciences et Arts (Sarthe). Marserlle. Acad. royale des Sciences, Lettres et Arts (Bouches-du- Rhône) Melun. Société d'Agriculture de Seine-et-Marne. Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d’Agricul- ture ( Moselle ). Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du département du Tarn-et-Garonne. Mulhausen. Société industrielle (Haut-Rhin). Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts ( Meurthe ). — Société centrale d'Agriculture. Nantes. Société royale académique des Sciences et des Arts du département de la Loire-Inférieure. Nimes. Académie royale du Gard. Niort. Athénée; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- tement des Deux-Sèvres. Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). Paris. Athénée royal, rue de Valois, 2. —- Athénée des Arts, à /’Hôtel-de-Ville. — IxsriTur DE FRANCE, au Palais des Quatre-Nations. —— Académie royale des Sciences —— Académie française 354 SOCIÉTÉS — — historique de France, rve S'aint-Guillaume, 9. —— Société Anatomique. — Société d'Economie domestique et indust., r. Taranne, 12. — Société de Géographie, rze de l'Université , 23. —— Société de la Morale chrétienne, rve Taranne, 12. — Socicié de l'Histoire de France. ( M. Jules Desnoyers, secré- taire, à la Bibliothèque du Jardin du Roi.) —— Société d'Encouragement pour le commerce national , re S'airt-Marc, 6. —— Société d’Encouragement pour l'Industrie nationale, 7ze du Bac, 42. —— Société de Pharmacie, rue de l'Arbalète, 13. — Société des Méthodes d'Enseignement, rve Taranne , 12. —— Société des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles et industriels de France , à /’Hôtel-de-Ville. — Société Entomologique de France , r. d'Anjou-Dauphine, 6. —— Société générale des Naufrages , r. Neuve-des-Mathurins, 17. — Société géologique de France, rze du Vieux-Colombier, 26. — Socicté centrale des Amis des Arts et des Lettres , rue S'ainlonge, 19. — Société Linnéenne, ze de Verneuil, no 51, faubourg Saint Germain. — Société médicale d'Emulation, à /2 Faculté de Médecine. — Société Philomatique, rze d’'Anjou-Dauphine, 6. — Société Philotechnique, rve de la Paix , 11. — Société Phrénologique , rue Jacob, 54. —— Société royale et centrale d'Agriculture, à /’Hüôtel-de-Ville. —— Société royale d'Horticulture, re Taranne, 12. Perpignan. Société royale d'Agriculture, Arts et Commerce des Pyrénées-Orientales. CORRESPONDANTES. 355 Poitiers. Société académique d'Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts ( Vienne). — Société des Antiquaires de l'Ouest. Puy (Le). Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Haute-Loire). louen. Société cent. d'Agriculture du dép. de la Seine-Inférieure. — Société d'Horticulture. — Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences, Lettres et Arts. —— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de l'Industrie. — Société de Médecine. — Société des Pharmaciens. S'aint-Etienne. Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Loire) — Société industrielle. Saint-Quentin. Société des Sciences , Arts, Belles-Lettres et Agriculture ( Aisne ). — Société Industrielle et Commerciale. S'rasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- ment du Bas-Rhin. Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne). — Académie royale des Sciences , Inscriptions et Belles-Lettres. Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts ct Belles-Lettres du département d’Indre-et-Loire. Troyes. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Aube. Valence. Société de Statistique, des Arts utiles et des Sciences na- tuielles du département de la Drôme. Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- ment de Seine-et-Oise. —— Société des Sciences naturelles. 356 SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES. SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES. Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts. Copenhague. Société royale d’Ecritures antiques du Nord. Liége. Société libre d’Emul. et d'Encour. pour les Sciences et les Arts. Londres. Société des Antiquaires de Londres. Nota.Vingt-quatre exemplaires du Précis seront en outre distribués, ainsi qu’il suit: À M. Frère, libraire à Rouen. ( Décision du 12 janvier u827. R. des Lettres , p. 318) — A M. DERACHE, Libraire à Paris, et aux TROIS PRINCIPAUX Journaux quise publient à Rouen. ( Déc. du 18 nov. 1851 R. desL, p. 2.et déc. du 23 déc. 1836. R. des D. p. 173.) — A Ja Revue ne Rouex et à M. H. Cannor, Directeur de la Revue en- cyclopédique, à Paris. (Déc. du 10 fév. 1832. R. des I, p. 28.) — Aux Brecornèques de la Préfecture et des Villes de Kouen, Elbeuf, Dieppe, le Havre, Bolbec, Neufchätel, Gournay et Yvetot, (Déc. du 16 nov. 1832. Reg. des Délib., p. 155: et Déc. du 5 déc. 1834. R. des L., p 226.)— A M. ne LA FONTENELLE DE V AUDORÉ, secrétaire perpétuel de la Société académique de Poitiers, directeur de la Revue Anglo-Francaise, ete. ( Déc. du 2 août 1853. R. desL, , p.133.) — A M. Eugène Anxourr, propriélaire-rédacteur du journal intitulé l'Institut, rue de Las-Cases , 18, à Paris, — A la BiBLi0- THÈQUE de Dijon. (Déc. des 5 et 12 déc. 1834.R. des L., p. 226.) —A la Breuoraëque du Muséum d’hisioire naturelle de Paris ( M. J. Des- noyers , bibliothécaire), A la BIBL10THÈQUE de Pont-Audemer , Eure, (M. Canel, bibliothécaire.) (Déc. du 18 décembre 1855. R. des Délib, p. «:3.) — À M. Nestor Urzaix, directeur de la France Départementale, rue de Monsigny, n° 4. (Déc. du 11 mars 1336. R. des L. p. 3z0.)— À M. Tamiser, sous-chef au ministère des finances (gendre de feu M. Gois fils), pavillon de l'Ouest, à l'Institut, à Paris, ( Déc. du 26 janvier 1838). — A M. le ministre de l'Instruction publique, (R, des lettres, 22 Fév. 183q, p. 209 )« TABLE DES OUVRAGES Reçus pendant l'année académique 1839—418 40 , et classés par ordre alphabétique, soit du nom de l'auteur, ou du litre des ouvrages anonymes, soit du nom de la ville où o } ; sont publiés les ouvrages périodiques et ceux des sociétés savantes , Dressée conformément à l’art. 17 du Règlement. Aix. Académie. Séance publique , 1838 —1839. Amans-Carrier. Le Propagateur de l'industrie de la soie en * France, N9S 13 à 24. Amiens. Académie. Mémoires ; 1839. Amrens. Société des Antiquaires de Picardie. Mémoires, L. 1, 2et3; 1"e partie, 3, 2° partie avec un Atlas. — Statuts et règlements. V. Bouthors. AxGens. Societ* d'Agriculture. Travaux du Comice horticole de Maine-et-Loire, n°8 6,7 et 8, :839 ; 2° vol., n° 10. — Mémoires, 4° vol, 1e div. 1859. Axcenrs. Societé industrielle. Bulletin, 10e annee, n°5 3, 5, 6. — 10° année, n% 1 et 2. AncouLème. Societé d'Agriculture. Annales, &. 21, n° 3 à 6. — 1840, n° 5. Bailleul (H.. Cas rare de chirurgie. Observation manuscrite. Ballin. Petit Traité d'Arithmétique décimale ; 3° édit. , 1840. Bard (Le chevalier J") Pensées et souvenirs pour la jeu- nesse. — Slalistique monumentale, dressée dans la ville de Ravenne. Lyon , 1840. Bastet (J.) Nouvel essai sur la Culture vauclusienne et l'histoire naturelle de la garance, 1859. Bayeux. Société Vétérinaire. Mémoires, 1837 , n0 5. Besancon. Societé d'Agriculture. Mémoires pour les annees 1838—1839. 358 TABLE Billiet-Reénal, Le Père, ou l’Immortalité ; poème par J.-H. Regaldi , traduit de l'Italien. Blagny ( D.) Quelques mots sur quelques productions nou- velles. Bourocxe-sur-MEr. Societé d'Agriculture. Mémoires, 2e S 1er pol. 1834 à 1836. Bourc. Svcielé d'émulation. Journal d'Agriculture , n°95 3 à 9» 1839.— 1840, n° 1, 3, 4 et 5. Bouteiller. Discours d'ouverture de la Séance publique de lu Société libre d’'Emulation de Rouen. Bouthors. Coutumes locales du bailliage d'Amiens , rédigées en 1507. Boutigny. Mémoïre sur quelques phénomènes de caléfaction. Bresson (Jacques ). {listoire financière de la France. An- nuuire des Sucietes par actions , anonymes, civiles et en commandite, etc. Catalogue de ses Ouvrages. Sa Bio- graphie , par MM, Germain Sarrut e B. Saint-Elme. Brierre de Boismont et Marx. Leçons orules de clinique chi- rurgicale fuites à l'Hôtel-Dieu de Paris, par M. le baron Dupuytren, 2€ édition. Caen. Association normande. Annuaire 1840, Ge année. Canel. Notice sur les Sobriquets, 3 petits cahiers. Canonge (J.) Le Tasse à Sorrente, etc., Poème , Nouvelles el Impressions , 1839. Castilho ( de). Quadros historicos de Portugal. Lisboa 1838. Caumont (A. de) Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie , 2e S., 1 vol, 11€ de la collection. Caazons-sur-Marne. Societe d'Agriculture. Notice sur les dé- gats occasionnés , en 1837, par quelques insectes. Autre sur le méme sujet, par M. Dagouet. Séance publique 1839. Caarrauroux. Societe d'Agriculture. Ephémérides 1839. Chéruel. Histoire de Rouen sous la domination anglaise au 15e siècle , etc. 1840. Chevallier { A.) Des accidents auxquels sont exposés les DES PUBLICATIONS. 359 couteliers-émouleurs et aisuiseurs. — De l'action des eaux minérales sur la gravelle et sur les calculs de la vessie. — fssais sur les moyens à mettre en usage dans le but de rendresmoins fréquent le crime d'empoisonnement. — Mé- mo e sur le lait. — lu sang, ses caractères , ses prapriètes, etc. — Becherches sur l'hydrogène arsenié et obsercations sur l'appareil de Marsh et son emploi. — Sur les empoison- nements par les acides cencenirés , elc. — Essai sur les Jabriques de poudre fulminante , etc. Civiale, Du traitement de la pierre et de la gravelle. CLenmont- FERRAND. Annules de | Auvergne, 1939. Congrès scientifique de France , tenu à Clermont-Ferrand , 6° session, septembre 1838. Delérue. 4 la mémoire de E.-H. Langlois , pièce de vers. Deluc. Sur les coupures transversales qui donnent passage aux rivières dans Les chaînes de montagnes , 1839. Desbassyns de Richemont. De la soudure autogène du plomb. Deville. {Histoire du Chäteau d'Arques , 1839. ( Ex. sur gr. papier vélin. ) Dion. Acad. Mémoires, années 1837-1838. Douai. Societé d’Agr. Mémoires, 1835-1836, 1837-1838. Doublet de Boisthibault-Giroust (Eure-et-Loir), 1839. DraGuIGNawx, Soc. des Sciences. Bulletin trimestriel , n°° 3 et 4. Dujardin. {istoire d'une plantation de müriers à Rouen , en 1938. D. Notices extraites du Catalogue manuscrit de la biblio- thèque de M, D., 1839. Du Sommerard. Circulaire et pruspectus sur l'ouvrage : Les Arts au moyen-âge. Évreux. Soc. libre d'Agr. Recueil n°38, 39 et 40. Faraise. Soc. Acad. Mémoires, 1° Bulletin 1859. — An- nuarre , 5° année, 1840. Floquet (A.) flistoire du Parlement de Normandie, 1. 1* el2, 1840. 360 ù TABLE Garnier (J.) Mémoire sur les monuments religieux et histo- riques du département de la Somme, 1839. Gerando (Baron de). De la bienfaisance publique. Girardin et Dubreuil fils. 1°° Mémoire sur la pornme de terre, 1839. Girardin et Preisser. Essai chimique et technologique sur le polygonum tinctorium , 1840. Grateloup. Discours sur la zoologie fossile , 1839. Hombres (Firmas , baron d”). Nivellements barométriques des Cevennes. — Recueil de mémoires et d'observations de physique , de météorologie , d'agriculture et d'histoire natu- relle , 1838. Hurtrel d’Arboval. Dictionnaire vétérinaire , t.6, 1839. James. Journal de yvaccine el des maladies des enfants. Juillet 1839. Julia de Fontenelle. Recherches médico-légales sur l’incer- titude des signes de la mort, les dangers des inhumations précipilées . elc., 183/. Lair. Extrait des séances de la Sociélé royale d'Agriculture et de Commerce de Caen, 1839. Lambert (Ed.) Votice sur les bas-reliefs qui décorent la partie la plus ancienne de la cathédrale de Bayeux, 1837. — Bibliothèque publique de Bayeux , 2° et 9° article. Laurens. Annuaire du Doubs. Lebret., Notice sur le madia sativa , plante oléagineuse, 1840. Lebreton (Théodore). Heures de repos d'un ouvrier, 3° édi- tion, 1840. Lecoupeur. Une Consultation médicale et une histoire de Sorciers. — Notice sur les embaumements par le procédé de M. Gannal. Lemaire (N. Eloi). Classiques latins, Lucrèce. 2 vol., 1838. Le Prevost (Aug.} Dictionnaire des anciens noms de lieu du département de l'Eure , 1840. Leroy (N.) Les Noces de Thétis et de Pelée, trad. en vers , 1839. — Épithalame de Julie et de Manlius , trad. en vers. DES PUBLICATIONS. 361 Lescellière-Lafosse. De { Étude des fluides normaux et anor- maux. — Thèse , 1840. Licze. Chambre de commerce. Observations. Lirre. Sociélé royale. Mémoires 1838, 3° partie. 1839. Limoces. Societé d'Agriculture. Bulletin, t. 17, n° 3 et 4. — T. 18, nm 2, Lyon. Societé royale d’Agriculture. Annales des sciences physiques et naturelles d'agriculture et d'industrie , 3°, 4° e! 5e Ho, — T.2ett.3, 1840. Magu. Poésies, 1839. Mans (Le). Société d'Agriculture. Bulletin, année 183q. Martin jeune. Éloge historique de Philibert Parat. Merz. Académie royale. Mémoires, 1839. Mollevaut. Cent épigrammes de Martial, toutes traduites vers pour vers, 1840. — La Postérité, ode, 1840. MoxrreLLien. Societé de medecine pratique. Journal , mai et Juin , 1840. Morren (Ch.) Recherches sur le mouvement et l'anatomie du style du Goldfussia anisophylla. — Votice sur l'excitabi- lité et le mouvement des feuilles chez les Oxalis. — Obser- valions sur l'anatomie des Hedychium. — Rapport sur le mémoire de M. Auguste Trinchette, de Monza, intitulé: De Oribus florum, etc. — Observations sur la formation des huiles dans les plantes. — Observations sur l'anatomie des Musa, — Observations sur l'épaississement de la mem- drane végétale dans plusieurs organes de l'appareil pi- leux, etc. Nancy. Soc. centrale d'Agriculture. Réclamations de l'agri- culture française, par M. Berthier de Rôville, 1839. V. p. 117. — Précis des travaux , 1837-1838. Nardo ( médecin de Venise). Di una raccolta centrale dei prodotti naturali e industriali delle Venete provincie, — Elenco degli scritti riguardanti le Scienze naturali, etc. Programma di un Commentario chimico-farmaceutice € 29 362 TABLE medico-pratico sulla natura e modo d'agire delle sos- tanze epispastiche. — Sull’uso delle emulsioni di semi di ricino , etc.—Sulla virtù espettorante del sale marino , etc. — Discorso sulla natura delle cantaridi , etc. Nimes. Académie royale. Mémoires , 1838-1839. Niort. Société d'Agriculture. Journal, n° 8 à 10 , 12. — 1840 , n® r à 4. Olry. Gilbert , chant lyrique. — Du beau idéal considéré comme principe des beaux-arts. — Coup-d'œil sur les fa- cultés des lettres. — De l'influence des lettres sur les insti- tutions sociales. — Considérations sur l'universalité de la langue française. — De la nécessité des études littéraires pour la haute classe industrielle. — Douze odes d’Anacréon. Traduction de l’ode 3° du 1* livre d'Horace. Hommage à la mémoire de Pellet. — Les Neméennes de Pindare , tra- duction nouvelle. Prospectus et les deux premières feuilles. Orsel. Compte rendu des travaux de la Société de Patronage de Lyon, 1838. Paris. Académie de l'Industrie. Journal, vol. g,n®% 102 à 105. — Mémoires, vol. 5, n°® 195 à 235. Paris. Athence des Arts. Procès-verbal de la 108° séance publique, 1840. Paris. Comité historique des Arts et Monuments. Bulletin , ns 1,2 et 3. Paris. Jnstitut historique. Journal , 59° à 71° livraisons. Paris. Journal des Savants. Collection de 1816 à Mai, 1840. Paris. Jury central. Rapport sur l'exposition des produits de l’industrie française , en 1839. Paris. Sociélé anatomique. Bulletin , n° 4. Paris. Société de Géographie. Bulletin, n° 65 à 77. Paris. Société de la Morale Chrétienne. Journal, n°* 3et4, 1839. — T.16,n® 5et6. —T.17, n°1 à 6.— As- semblée générale annuelle , 1840. — T. 18,n7. DES PUBLICA T'Y». 363 Paris, Societé d'encouragement pour l'Industrie nationale. Description d'une machine propre à imprimer trois couleurs à la fois, inventée par M. Perrot. Paris. Sociéle de Statistique. Cahier , p. 89 à 120. Remarques sur la nouvelle édition de l'Histoire du Poilou, de Thi- baudeau. Paris. Société française de Statistique universelle. Journal ; vol, 4, n° 12. — Val. 5, n% 1 à 5. Paris. Societé générale des Nuufrages. Journal , Jévrier à mai, 1830. Pas, Société Philotechnique. Annuaire , 1. 1®, 18/40. Paris. Société royale et centrale d'Agriculture. Bulletin des Séances, n% 13 à 18. Patin. Mélanges de littérature ancienne et moderne , 1840. Paumier. {loge historique de Samuel Bochart. (Extrait du vol. de 1839.) Pelouze (Jules). Sur Le phosphore, etc. Thèse, 1832. — Mémoire sur Le tunnin, etc. — Mémoire sur l’action mu- tuelle de l'acide phosphorique et de l’alcoul. — Rapport sur un travail de M. Pelou:e, ayant pour titre : Mémoire sur le tannin, etc. Poésies d'une jeune aveugle, 1839. Porrrers. fievue anglo-française , 2° sem. , 1", 2° et 3° iv. 1839. Porrrers. Societé des Antiquaires de ! Ouest. Bullelins, annees 1839-1840 , 1° et 2° trimestre. Porriers. Societe royale des Antiquaires du Nord. Lapport des Séances annuelles de 1838 et 1839. Pux (Le), Société d'Agriculture. Annales, 1839. Ripault (H.) Quelques propositions sur les fonctions du foie el de la veine porte ; 1839. Robiquet. Nouvelles Observations sur les principaux produits de l'opium, 1832. — Réflexions sur les eaux thermales de Néris, 1835. — Observations sur la nature du kermès , 364 TABLE 1812. — Nouvelles recherches sur la matière colorante de la garance, 1826. — Essai analytique des lichens de l’orseille , 1829. (V. p. 29 et 36.) Romain (E.) Notice sur la culture du mürier. Rouen. Conseil de Salubrité. Rapport de 1838-1839. Roue. Société centrale d'Agriculture. Cahiers 72 à 76. Rouex. Societé d'Horticulture. Bulletin , n° 8, 1839.—N° q, 1840. Roues. Société libre d'Émulation. Bulletins , 2°et Strim., 1839. — 1° frim., 1840. SAINT-ANTOINE (De). Motice nécrologique sur Zacharir Macau!ay. SaiNT-Érienne. Société Industrielle. Bulletin , 5° et G° li. , 1839. — T. 17, n% 1,2 «13. SaixT-Quenrin. Societé Académique. Mémoires, 1831 à 1833. Sanson--Alphonse, École auxiliaire et progressive de mede- cine , à Paris , rue des Grès, w° 7. Santarem (V'* de). De l'introduction des procédés relatifs à la fabrication des étoffes de soie dans la péninsule hispa- nique ; sous la domination des Arabes , etc. — Notice sur quelques manuscrits remarquables qui se trouvent en Por- tugal. — Introduction du tableau élémentaire des relations politiques et diplomatiques du Portugal, etc. — Mémoire sur les connaïssances scientifiques de Dom Jean de Castro , elc.— Analyse du journal de la navigation de la flotte qui est allée au Bresil en 1530-32. — Articles biographiques sur Vasco de Gama ef sur Florida Blanca, Saulcy (de). Description et modèle d’un appareil, au moyen duquel tout cadran solaire quelconque, susceptible de dépla- cement , peut étre mis en état d'indiquer à volonté le temy;s moyen ou le temps vrai. Soubeiran et Capitaine. Observations pour servir à L'histoire de l'acide tartrique. — Mémoire sur les campheènes. DES PUBLICATIONS. 365 Soubeiran, Notice sur la fabrication des eaux minérales artificielles. Soyer-Willemet. Observations sur la gamme mineure , 1837. — Sur le cerastium manticum et quelques espèces de ce genre , elc., 1839. Tiersot fils. Obseroations sur l'emploi de l'acide arsénieux. Tourouse. Académie des Jeux floraux. Recueil, 1839, 1840. Tours. Societé d'Agriculture. Annales , t. 39. — N° 3 et 5. — T.20,n*1e12. Troyes. Societé d'Agriculture. Mémoires , n° 69 à 73. VaLExcE. Societé d'Agriculture. Bulletin, n° 10. VænsaiLLes. Sociéle royale d'Agriculture. Mémoires, 39° année , 1839. Wyld (James). The London and Southampton railway guide, etc. etc. , 1839. LE hé A a me m5 | DES bras oe : Rd À PINOT de nef, <° : wa L L'or bre Din alto, ve Gti Bore ÿ 850: €. rremtt “rahureh he, rot à = A are 00 AN Pa 4 sa anlpigh he no amet DT papes PRO me Bect, assaut “ . 2,1 sb Ses: dist aa perse: tien pieds shmtadr CITE 1:08 sons dévdrpuye. ner tar one tal F n37 “ + : es 4 Ca . » uehD-Atolitaué. : Cr. sg haine et PCTOETCMENNE de 7 os | LE La mr fi À Este 2 + ja = A vre : # AT A : érac da roéaills à , € { L A 7 e i éterotihe 2 ML /e ‘# dans primaire le ; 4, 20 mg Ur et, 4 œbcs ei, 2e dFeioud LE L ro 0% Lx Luis de EM ut CP , . u L'UL nr Li d. Lula, EE deles re'ortr. be) 7. "1 ñ A ñ ee ni - x ds ve | JLRETE"L DR LIT LT" LL cime e Ce, s s noenale Den Je | LA : Éd 7” dl W n + gs +: #1 F6 ñ 4 0 f a 15% Hume fÉrisadiiE fo qgruapits 1 » [N + dl yon À die ia, will, y tour or 4 , , és A LA A its CR Che 1 4 ' c'e TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. Discours d'ouverture de la séance publique du 8 août 1840, par M. Martin de Villers, president , sur le rang qui ap- partient, dans l'ordre moral et intellectuel, aux Lettres et aux Beaux-Arts , 1 CLASSES DES SCIENCES. Rapport fait par M. Gors, secrétaire perpétuel , 15 Sur les salles d’asile de Milan, traduction de M. Ballin, 16, 113 Rapport de M. Bergasse, sur un ouvrage intitulé : Réclamations de l'agriculture francaise, etc., par M. Berthier de Rôville, 16, 117 Notice sur un calcul intestinal de cheval, par D. Girardin , 17 9? Soudure autogène par le procédé de M. Desbassyns de Richemont, 18 Voyage industriel en Angleterre, en Irlande et em Ecosse, par M. F, Preisser , 18, 49 Notice par M. Girardin, sur une nouvelle presse lithographique de l'invention de M. Perrot, ibid, Rapport de M. Bergasse, sur un premier memoire de MM. Girardin et Dubreuil fils, relatif à la pomme de terre , 19 Détails donnés par M. Girardin , sur les experiences de transport d’une impression nouvelle ou ancienne sur la pierre lithographique , faites par MM. Du- pont, de Paris, et Nieëtas Periaux , de Rouen, ibid. 368 TABLE MÉTHODIQUE Echantillons de terre à porceluine , présentés par M. Girardin , avec des explications sur les nou- velles applications qu'on fait de celle terre, dite kaolin , pour blanchir et appréter les tissus de fil ou de coton, Instrument de l'invention de M. Destigny , servant à régler une horloge d’une manière certaine, et mémoire du méme, sur les causes de variations des pendules ordinaires , ainsi que sur les moyens de les perfectionner , Observations de M. Girardin , sur la culture de la garance , Essai chimique et technologique sur le polygonum tinctorium , par MM. Girardin et Preisser , Jeu de tarots, offert par madame la comtesse de Raffetot , au nom de feu M. de Raffetot, Moyen découvert par M. Girardin , de remédier aux inconvénients graves que présentent les citernes récemment construites ou nouvellement répa- rees , Essai par MM. Girardin et Ballin , sur les recom- penses qu'ont obtenues les industriels de la Norman- die , aux Expositions des produits de l’industrie , depuis la création de ces solennites, Opinion de M. Girardin, sur l'exploitation du calcaire marneux , extrait au pied de la Hève, près du Havre , Essai chimique sur l'huile d'olive , dite huile de Ressence, par MM. Girardin et Preisser , Indication d’un grand nombre de rapports et comptes rendus, Régulateur solaire de M. de Saulcy , Plusieurs mémoires de M. Chevalier , examinés par MM. Avenel et Girardin , 20, IOI ibid. 22 ibid. ibid. 23 DES MATIÈRES. Travaux de M. Jules Pelvuze, et rapport par M. Preisser , Opuscules de M. Rolïquet , examinés par M. Preisser, Rapport de M. Amiot, sur un mémoire de M. Bor- gnet , sur l'équilibre des températures dans les corps solides homogènes , etc. , Discours de réception de M. Amiot , sur l’astrono- mie , Reponse de M. le président , [Nouveaux membres correspondants , Décès de plusieurs membres correspondants : MM. ROBIQUET , PLANCHE , GAILLON , HURTREL D'An- BOVAL €l PINGEON, Monument à Dulong , Notices nécrologiques, par M. Girardin, sur MM. ROBIQUET , PLANCHE , GAILLON , 'ota. Les renseignements demandés à Dijon n'étant pas parvenus , il n’a pas été possible de rédiger la no- tice sur M. Pingeon. Il en a été de même à l'égard de M. Hurtrel d’Ar boval. Prix proposé pour 1841, programme , Prix extraordinaire, fonde par M. l'abbé Gossier , programme , 369 =. ibid. 31,236 ibid, 32 34, 187 ibid. 35 46 47 MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBERE L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES: Extrait d’un voyage industriel en Angleterre, en [rlande et en Écosse , fait en 1839 , par M. F. Preisser , 18, 49 3-0 TABLE MÉTHODIQUE Londres , Birmingham, neuvième réunion de l'association scientifique d'Angleterre , T'élégraphes électriques , Soke-Prior. — Détails sur divers produits chimiques : soude , poudre de blanchiment, sel marin, sayons, soufre, elc., Nouveau procédé de préparation de la céruse , Fabrication d'objets de papier mäché , Manchester , Liverpool , Pharmacie cenfrale , Belfast wfilatures de lin, Glascow et Campsie , Newcastle et ses mines de houille , Examen d'un calcul intestinal de cheval, par M. Gi- rardin , Note sur de nouvelles applications de la terre à por - celaine , par M. Girardin , Essai sur les récompenses obtenues par les industriels de la Normandie aux expositions des produits de l’industrie, à Paris, par MM. Girardin et Ballin, Salles d’asile de Milan. Extrait d'un discours ila- lien , traduit par M. Ballin , Rapport sur l'ouvrage intitulé : Réclamations de l'agriculture francaise, etc., par M. Bergasse , De l'équilibre des températures dans les corps solides homogènes , terminés par des surfaces du second degré , dépourvues de centre , par M. Borgnet , QI SJ «1 eo + œ 1 3r, 136 CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. Rapport fait par M. de Stahenralh, secrétaire per- pétuel, DES MATIÈRES. 3-2 Sur l'histoire du régime dotal, par M. Homberg, 171, 207 L’Arrét du sang damne, par M. Floquet, 174, 192 Sur les Prisons et les prisonniers , par M. Vingtrinier, 177 De la bienfaisance publique, par M. de Gerendo , 184 Poésies de Théodore Le Breton , ouvrier , 185, 328 Poésies de Magu , autre ouvrier , ibid. Histoire du château d Arques, par M. Deville, 186 Histoire de Rouen sous la domination anglaise, par I. Chéruel , ibid. Histoire du parlement de Normandie. par M. Floquet, ibid, Note biographique sur Pierre Conxerire , et fac simile de son écriture, par M. Deville, 186, 276 Examen de Lucien et de Plutarque , par M. de Glan- ville , 186, 284 Découverte d'une sépulture celtique, dans les envi- rons de Saumur, par M. de Stabenrath , 186 Membres decédes : MM. le comte ve Rarreror, l'abbé Gossier, le lieutenant général comte Ri- VAUD DE LA RAFFINIÈRE , 34, 187, 297 Nouveaux membres correspondants , 34, 187 Liste des ouvrages et des rapports lus à l’Académie , pendant l’année 1839-1840 , 189 MEMOIRES DONYT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER DANS SES ACTES. L’Arrét du sang damné , anecdote du xr1° siècle , par M. A. Floquet, 174; 192 Histoire du régime dotal chez les Romains, par M, Homberg , 171, 207 SIer, Du mariage et de la puissancé maritale chez les premiers Romaïns, a1e 372 TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. SIL. De l'origine du réxjime dotal chez les Ro- mains, 224 S III. Znaliénabilité du fonds dotal chez les Ro- mAINS , 241 SIV. Du dernier état de la législation romaine sur la puissance! paternelle, la puissance mari- tale et les slaluts matrimonraux , 254 SV. Communauté de biens. — Conclusion , 265 Note biographique sur Pierre Cornetzze, et fac simile de son écriture, par M. Deville , 186 , 276 Sur LuciEN, son caractère et ses écrits, par M. de Glanville , 186, 284 Notice nécrologique sur M. lable Gossier , par M. de Stabenrath , 187, 297 Notice nécrologique sur M. le baron Avax , par M. de Stubenratk , 307 Rapport de la commission des Beaux-Arts, présenté par M. Deville, 310 Médailles décernées à MM. Cabasson et Balan, 327 Évocation , pièce de pers , par M. Théodvre Le Bre- ton , ouvrier , 185, 328 Tableau de l Académie royale des sciences , belles- lettres et arts de Rouen, pour l’année 1840-1841, 333 Table des ouvrages reçus pendant l’année académique 1839-1840 , 357 Table méthodique des matières contenues dans le présent volume , 367 Fiw. AVIS AU RELIEUM. Le tableau des Expositions doit être mis en regard de la page 112 , et le fac-simile de l'écriture de P. Corneille , en regard de la page 276. DAT Re Lei dd, OT SW y CARACAS Ef° +, CUUUU TU UNE ee. RATS ET EEE L Eye be he Wie Ve, "WU & CEE TE £ Po VUE ve AU + A ÿ A JUbe RL MARNE HE CCE HET ut PS JEU SV EU ES 0 FLULECE v C : LE - £ it" Cdt {54 DRASS ! gere Hidd: nf bye Fr, ” a J 5e fi: à | ni Lis bb ne : iii de . sets” MILLES NES Je sw LDC “av vd on MY y STE LUE Mb va, # M ACTE ue, W STE prie ' TH MMA EN CE ARR CLS ENT eu RPERE NV PS HR Hiuee pese Venere TN NE 1 COM Ur ge vue NV ÿ ÿ: v v ‘y vin ARS 1 QU 4 ME V ver VW 4 uv bi Maé er VU me on \: 111: ÉTFRRR } À AU V V : _ - YUMHUrV VISE NIV -- LA y | M AVS Mi ÿ CARO P TS ù CV A\ Hd Ni AAAMMAM EME MNNÈRSE 3 = JV" uv F1: VYVYVLIRVIT UT UV A “veus AAC js 7 4 de 2y TUE M 4 vVy CE { VU UV Le MY M | 2 A MY fi | V TEL \ fes: M de et ME NS RO Re d = À me © FUN À SU AM JV M : We | | || D PL | LL M ) En L Ass POS Mon A, MAÉ NU VON VV VV VENT à ls 4 WA Ger) Le AS EL LA M Ù Wv SAS N 2% YU UV VYUL V Ÿ 4 W V G LU LL À Y ÿ Ÿ V LES W VW \ 2 VYUVY IYNVÉ LÉ JPA YVPVE LS} ÿV 1} 7 VU UV" Ÿ V V V VU Ÿ V 4 UN UV VENU 2 > > 22 DD >> > - a D 3) 2> DD Ÿ V v Ÿ PONIN) VU AN M YYOUU D JD) DE? 2 à Es EL se > 5 nn nn 2 ࣠« d UVLLUUY? 104 VUCUUYE UVLUUVUU V 5% ) D 2 UUUVL EPT RO MM VON VE V 4, UT 4 H4 VÜV V ÿY M V2 W MAN MAT VU VE ACIONRE Uyw ÿ MN ANA TU V V V IV N AY J 2