.f^-r^p itf... MM f 1(0 ' QUATRE LEÇONS SUR LES SÉCRÉTIONS INTERNES DU MÊME AUTEUR Essais de philosophie et d'histoire de la bio- logie, 1900, 1 vol. in-18 Jésus de iv-341 pages. . 5 fr. Études de psychologie physiologique et patho- logique, 1903, 1 vol. in-8° de vm-335 pages, avec figures (épuisé). Recherches sur l'action physiologique des ichtyotoxines. Contribution à l'étude de l'im- munité, 1912, 1 vol. gr. in-8° de vin-232 pages (en collaboration avec Lucien Camus) (épuisé). Traité élémentaire de physiologie, cinquième édition, 1920, 1 vol. gr. in-8° de xlvii-1234 pages, avec 302 figures 45 fr. — Traduction espagnole su* la 3e édition, Bar- celone, 1914. Les sécrétions internes, principes physiologi- ques, applications à la pathologie, deuxième édition, 1921, 1 vol. in-16 de 89 pages 3 fi. — Traduction anglaise, New-York, 1917, — Traduction allemande, Berne, 1920. QUATRE LEÇONS SUA LES iTIONS I NTER1 E. PAH GLEY PROFÏ88EUU AU COLLÈGE DE FRANCE MEMBRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDEC1 Deuxième édition, revue et corrigée v. \*)o<] S 3. S". S'- S3. PARIS LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÊRE ET FILS 19, rue Hautefeuille, ig 19a A LA MÉMOIRE DE DEUX DES PLUS ILLUSTRES PROFESSEURS du COLLÈGE DE FRANCE CLAUDE BERNARD ST BROWN-SÉQUARD Je dédie ces leçons issues de leur géniale conception des sécrétions internes. A AUGUSTO PI SUNER Président de la « Sogietat de Biologia » de Barcelone et a mes' COLLÈGUES de cette Société PAR QUI j'Ai EU CETTE OCCASION D'EXPOSER MES IDÉES ACTUELLES SUR L'UNE DES GRANDES DOCTRINES DE LA PHYSIOLOGIE QUATRE LEÇONS SUR LES SÉCRÉTIONS INTERNES INTRODUCTION Ces leçons ont été faites à la fin de l'année 1917, les 11, 13, 15 et 17 décembre, sur l'invitation de la Société de Biologie de Barcelone, dans l'amphithéâ- tre de physiologie de la Faculté de médecine de cette ville. Elles y ont reçu un accueil que l'auteur n'a pas oublié et ne saurait oublier et duquel il reste très reconnaissant à tous ses auditeurs. Le lecteur ne doit pas s'attendre à trouver dans ces pages un exposé, même sommaire, des données acquises sur les divers organes à sécrétion interne. D'excellents ouvrages existent, par exemple le livre de Sir Edw. Sh. Schafer, The endocrine organs (1), (l) Un vol. grand in-8« de ix-156 pages, Londres, 1916 (trad. française par Guy Laroche et G. Richard, Paris, 1920). 10 INTRODUCTION qui présentent clairement ce tableau. On a tenté ici de montrer les directions suivies ou à suivre, de dégager les idées des recherches heureusement accomplies ou en voie sûre d'exécution, de déter- miner les conditions et d'indiquer, si possible, quelques-unes des lois des phénomènes étudiés, bref de découvrir les principes qui permettent d'établir une doctrine. C'est donc là proprement une étude de physiologie générale. Dans la première de ces leçons l'auteur a voulu, en présentant un exposé à la fois historique et cri- tique de la doctrine des sécrétions internes, en don- ner une idée générale précise. La deuxième montre à quelles conditions exactes doit répondre le fonc- tionnement d'une glande pour que celle-ci puisse être légitimement qualifiée d'endocrine; un exem- ple tiré des recherches propres de l'auteur illustre cette démonstration. La troisième leçon est consa- crée à la critique approfondie des méthodes trop souvent, voire communément employées dans l'in- vestigation des sécrétions internes et, d'autre part, à l'exposé des méthodes rationnelles qui devraient être seules mises en œuvre pour cette étude. La quatrième leçon présente les résultats acquis jusqu'à ce jour ou en voie d'acquisition dans le domaine des sécrétions internes et en dégage la signification bio- logique. La conclusion générale est que, en dépit des fautes commises dans ces recherches, en dépit des erreurs de direction, les notions nouvelles sorties INTRODUCTION 11 des faits déjà obtenus constituent une véritable révolution en biologie. C'est ici le cas plus que jamais de rappeler les paroles de Claude Ber- nard : «Les faits sont les matériaux nécessaires; mais c'est leur mise en œuvre par le raisonnement expérimental, c'est-à-dire la théorie, qui constitue et édifie véritablement la science (*).» — «On donne généralement le nom de découverte à la connais- sance d'un fait nouveau; mais je pense que c'est l'idée qui se rattache au fait découvert qui cons- titue en réalité la découverte (2). » Le texte de ces leçons est à peu près le même que le texte espagnol qui a été publié dans la revue de Barcelone Laboraiorio (numéros de janvier, février, mars et avril 1918, t. II, p. 428, 516, 614 et 698), sauf plusieurs additions, quelques discussions com- plémentaires et une bibliographie plus complète. Les additions sont à peu près exclusivement rela- tives à des travaux dont je n'ai pu prendre connais- sance ou qui n'ont été publiés que depuis que ces leçons furent faites. Il convient de se rappeler, en effet, que ce travail a été effectué à une époque où les communications étaient difficiles entre la France et les divers pays avec lesquels elle était (*) Claude Bernard. Introduction à Vélude de la médecine expé- rimentale. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1865, p. 47. (•) Idem, Ibid., p. 61. 12 INTRODUCTION alliée ou avec les pays restés neutres durant la guerre. On a cru bon d'ajouter des titres aux divisions principales de chacune de ces leçons, Le lecteur sait ainsi tout de suite où il va et ce qu'il trouvera. La présente édition comprend plusieurs addi- tions importantes, en particulier pages 51, 52, 56, 58, 142 et 164. PREMIÈRE LEÇON LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES, SON ÉVOLUTION, SON ÉTAT PRÉSENT Messieurs, Je voudrais d'abord, dans cette première leçon, vous présenter une vue générale de la question des sécrétions internes. Le mieux est pour cela d'en montrer le dévelop- pement. Ce sera une sorte d'introduction à la fois historique et critique. Les grandes questions scien- tifiques et plus spécialement les questions biolo- giques, si complexes, ne se comprennent bien, tout de même que les êtres vivants, que si l'on en connaît l'évolution à partir de leur origine première. L'or- ganisation d'un animal ne se comprend parfaite- ment que si l'on a déterminé les différentes phases de son développement, que si l'on sait comment il s'est peu à peu formé et comment il est arrivé à son état présent. De même, il est très rare qu'une question biologique ait été posée et résolue d'em- 14 LA QUESTION DES SÉCHÈTIONS INTERNES blée; à la différence de la déesse sortie, selon la fable antique, tout armée, parfaite, du cerveau de son créateur, une découverte physiologique ne se complète et ne s'achève presque jamais que len- tement et progressivement. D'où la nécessité où l'on est, pour saisir son exacte signification et sa valeur réelle, de suivre et marquer tous ses progrès. Ainsi en va-t-il pour la question des sécrétions internes. Rien, ce me semble, ne la fait mieux connaître que l'exposé des différentes phases par lesquelles en a passé l'étude. Son développement, aussi bien, est très simple; il peut se ramener à deux grandes étapes avant la période contempo- raine. Les prétendus précurseurs de Claude Bernard. C'est à deux physiologistes français, à Claude Bernard et à Brown-Séquard, que l'on doit l'in- troduction dans la science de la notion de sécrétion interne. Claude Bernard a trouvé le mot et la chose ; il a le premier découvert une sécrétion interne et il a créé cette expression. Il est donc bien le fondateur de la doctrine. Mais il est juste de reconnaître aussi ce mérite à Brown-Séquard, parce que celui-ci a ajouté une idée nouvelle et d'importance capitale a celle qui seule avait d'abord LES PRÉTENDUS PRÉCURSEURS DE BERNARD 15 été conçue par Claude Bernard et que c'est à partir de ce moment que la doctrine a pris la pro- digieuse extension que Ton sait. C'est pourquoi je l'ai qualifié, lui aussi, de fondateur et, en outre, d'instaurateur de la doctrine (1). A son tour, l'idée nouvelle, lancée par Brown-Séquard, acquit peu à peu plus de précision en même temps qu'elle se développa; et la théorie s'est complétée. Nous aurons à juger de son degré d'achèvement. On a prétendu quelquefois que l'idée de sécrétion interne avait été émise avant Claude Bernard et j 'ai moi-même parlé des « précurseurs de la doc- trine » (2). Ce mot en réalité dépassait ma pensée Deux remarques, en effet, s'imposent ici. La pre- mière, c'est que ces précurseurs, Bord eu, Legal- lois, Henle, Kôlliker, n'ont rien vu de positif; ils ont émis des hypothèses et ces hypothèses n'of- frent pas d'autre intérêt qu'un intérêt de curiosité historique. Rien n'illustre mieux ce que je dis ici que les textes que j'ai cités du célèbre médecin de Montpellier, de Bordeu, dans mon livre sur les Sécrétions internes (1914) (3). En science, une hypo- thèse, pour cesser d'être un jeu de l'esprit, doit (*) E. Gley. Les sécrétions internes. Un vol. in-16, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1914, p. 22 et 24; 2e édit., 1921, p. 20 et 22. (•) E. Gley. Loc. cit., p. 6 et suiv. (8) Je n'en donnerai ici qu'un exemple. « Ce que je crois, écrit Bordeu, c'est que chaque organe... ne manque pas de répandre autour de lui, dans son atmosphère, dans son département, des exhalaisons, une odeur, des émanations qui ont pris son ton et ses allures, qui sont enfin de vraies parties de lui-même. « Examinez le sang qui revient de chaque région principale. 16 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES être soumise à des vérifications expérimentales. — La seconde remarque que je voudrais faire, plus importante, c'est qu'il ne faut pas confondre la notion de glande vasculaire sanguine (Duciless gland des Anglais) avec la notion de sécrétion interne. Les anatomistes qui se sont occupés des glandes ont vite constaté qu'il y a des organes qui parais- sent bien être des glandes et qui cependant sont dépourvus de canal excréteur. Au début du xixe siècle, cette observation a conduit Burdach d'abord, puis J. Mïïller et, un peu plus tard, Henle, Kôlliker, d'autres encore, à supposer que le sang ou la lymphe qui viennent de ces organes clos doivent y avoir subi un changement et, dé- versés dans le sang de la circulation générale, le modifier lui-même peu ou prou. Mais ce ne fut là qu'une conclusion théorique, déduite d'une obser- vation anatomique. On sait depuis longtemps, on savait déjà, à l'époque de J. Muller, que ce qui caractérise une sécrétion, c'est, dans le liquide sortant de la glande, la présence d'une ou de plusieurs subs- tances qui ont été élaborées dans cet organe, subs- tances pourvues de propriétés spéciales. Aucun des biologistes dont je viens de citer les noms n'a jamais eu un mot à dire des produits que les glandes celui de la tête, de la poitrine et du bas-ventre; il est évident que chacun d'eux a des qualités particulières qu'il a acquises dans le tissu des parties d'où il revient. » (Th. Bordeu, Œuvres complètes, édition Richerand, t. II, p. 942-943, Paris, 1818.) L'ŒUVRE DE CLAUDE BERNARD 17 sans canal excréteur livrent au sang. Ils se sont contentés d'affirmer que ces glandes, en raison même de leurs dispositions structurales, doivent modifier le sang. Ainsi la notion anatomique de glande vascu- laire n?a pas engendré la notion physiologique de sécrétion interne; celle-ci est évidemment liée à la première, mais elle n'en est pas sortie. Elle a une autre origine, une origine qui lui est propre, purement expérimentale. Et c'est pourquoi, à pro- prement parler, Claude Bernard n'a pas eu de véritables précurseurs. II L'Œuvre de Claude Bernard. C'est en 1855 que Claude Bernard, après avoir trouvé qu'il se forme de la glycose dans le foie et démontré que ce sucre se déverse dans le sang des veines sus-hépatiques, comprenant du coup la haute signification de cette découverte, exprima pour la première fois la théorie des sécrétions in- ternes. Par une série d'expériences mémorables, aussi logiquement conçues que rigoureusement conduites, il établit la présence constante de gly- cose dans le sang qui sort du foie, quelle que soit l'alimentation, l'origine hépatique de ce sucre, sa formation à partir du glycogène, sa teneur cons- tante dans le sang artériel. La conclusion s'impo- glev, Sécrétions internes. 2 18 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES sait, irrésistible : puisque le sucre, formé dans le foie, passe régulièrement dans le sang, il faut le tenir pour un produit de sécrétion. C'est ce que Claude Bernard affirme dans les termes les plus nets : « On s'est fait, dit-il, pendant longtemps une très fausse idée de ce qu'est un organe sécréteur. On pensait que toute sécrétion devait être versée sur une surface interne ou externe, et que tout organe sécréteur devait nécessairement être pourvu d'un conduit excréteur destiné à porter au dehors les produits de la sécrétion. L'histoire du foie éta- blit maintenant d'une manière très nette qu'il y a des sécrétions internes, c'est-à-dire des sécrétions dont le produit, au lieu d'être déversé à l'extérieur, est transmis directement dans le sang (1). » — « Il doit être maintenant bien établi, dit-il encore, qu'il y a dans le foie deux fonctions de la nature des sécrétions. L'une, sécrétion externe, produit la bile qui s'écoule au dehors; l'autre, sécrétion interne, forme le sucre qui entre immédiatement dans le sang de la circulation générale (2). » Quelques mois plus tard, il revient sur le même thème : « Tous les liquides que nous avons examinés jusqu'ici étaient ce qu'on appelle des liquides excrétés ou sécrétés, c'est-à-dire des liquides préparés par des organes qui puisent dans le sang les éléments de leur sécré- (*) Claude Bernard. Leçons de physiologie expérimentale, Paris, 1855, t. I, p. 96. (*) Ibid.y p. 107. L'ŒUVRE DE CLAUDE BERNARD 19 tion. Tous ces organes versaient au dehors du sang le produit de leur sécrétion. Mais il est une autre catégorie d'organes qui se rapprochent des organes glandulaires, avec cette différence qu'étant dé- pourvus de conduit excréteur, ils doivent déverser le produit de leur sécrétion dans le sang lui-même. C'est ce que nous avons désigné sous le nom de sécrétions internes, pour les distinguer des sécrétions externes, dont les produits sont versés au dehors du sang. « Je vous ai montré que le foie établissait en quelque sorte le passage, en ce qu'il présente les deux espèces de sécrétions : celle de la bile, qui est une sécrétion externe, et celle du sucre, qui est une sécrétion interne. Les organes qui fournissent les sécrétions exclusivement internes sont la rate, le corps thyroïde, les capsules surrénales, les gan- glions lymphatiques (1). » Cette conception des sécrétions internes, telle que l'a émise Claude Bernard, provient unique- ment de sa découverte de la glycémie normale. Et c'est pour cela sans doute qu'il n'a jamais considéré ces sécrétions que comme présidant à la compo- sition du milieu intérieur, à la composition du sang. « Il est hors de doute, dit-il en 1859, que ces organes modifient ie sang et qu'il se rencontre dans le sang (») Claude Bernard. Leçons sur les propriétés physiologiques el les altérations pathologiques des liquides de l'organisme. Paris. 1869, t. II, p. 411-412. 20 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES qui en sort des produits qui ne se trouvaient pas à l'entrée. On peut donc considérer que c'est l'union de toutes ces sécrétions qui constitue le sang, qu'on devrait, suivant moi, considérer comme un véri- table produit de sécrétion interne (1). » 11 ne s'ex- primera pas autrement une dizaine d'années plus tard, en 1867, dans son célèbre Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale en France. « Je pense, y écrit-il en effet, que le sang, ou autrement dit le milieu intérieur organique, doit être regardé comme un produit de sécrétion des glandes vasculaires internes. Comment pourrait-il en être autrement? Si le sang était le résultat direct de l'absorption alimentaire, il devrait avoir une constitution différente chez l'herbivore et chez le earnivore, et il devrait changer de composition selon le genre de nourriture. Il conserve, au contraire, sensiblement la même constitution dans toutes les alimentations et chez les différents animaux. En outre, les principes immédiats du sang, tels que Faibumine, la fibrine, etc., ne se rencontrent point dans le canal intestinal à l'état de fibrine et d'albu- mine. Il faut donc que ces substances soient des produits de sécrétions d'organes ou d'éléments encore indéterminés (2). » — « Le foie glycogénique, (x) Claude Bernard. Leçons sur les propriétés physiologiques el les altérations pathologiques des liquides de l'organisme. Paris, 1859, t. II, p. 412. (') Ci aude Bernard. Rapport sur les progrès et la marche de te physiologie générale en France. Paris, 1867, p. 79. L'ŒUVRE DE CLAUDE BERNARD 2î écrit-il un peu plus loin, forme une grosse glande sanguine, c'est-à-dire une glande qui n'a pas de conduit excréteur extérieur. Il donne naissance aux produits sucrés du sang, peut-être aussi à d'autres produits albuminoïdes. Mais il existe beaucoup d'autres glandes sanguines, telles que la rate, le corps thyroïde, les capsules sunénales, les glandes lymphatiques, dont les fonctions sont encore au- jourd'hui indéterminées. Cependant on regarde généralement ces organes comme concourant à la régénération du plasma du sang, ainsi qu'à la for- mation des globules blancs et des globules rouges qui nagent dans ce liquide. D'où il résulte finale- ment qu'il faut considérer le sang comme un véri- table milieu organique intérieur sécrété, c'est-à-dire créé par l'organisme lui-même (1). » Veut-on encore une expression analogue de la même idée? En voici une, sous forme de définition : « Les sécrétions internes, écrit Bernard, sont géné- ralement des sécrétions nutritives qui préparent des principes immédiats destinés aux phénomènes- de nutrition des éléments histologiques (glycogène, albumine, fibrine, etc. (2). » C'est lui qui a souligné les mots : principes immédiats. Que ce fût là toujours la conception de Claude Bernard, j'en pourrais citer d'autres preuves, (*) Claude Bernard. Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale en France. Paris, 1867, p. 84. (*) Ibid., p. 74. 22 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES tirées de ses Leçons de pathologie expérimentale de 1859-1860. Celle que je viens de produire est la der- nière en date et la plus décisive, en raison de la place qu'occupe dans l'œuvre de l'illustre physio- logiste son fameux Rapport et de l'importance qu'il y attachait lui-même. D'ailleurs, à partir de 1867, il n'est plus revenu sur ce sujet. C'est ici l'expres- sion pour ainsi dire définitive de sa pensée. Cette pensée n'a donc jamais varié. Pour lui, les glandes sans sécrétion extérieure déversent dans le sang les principes constitutifs de ce liquide. Ainsi, comme je l'ai dit en 1913 (1), ce que l'on doit à Claude Bernard dans ce nouveau chapitre de la physiologie qu'il a ouvert, c'est la première démonstration directe d'une sécrétion interne (pas- sage dans le sang du sucre formé par le foie) et la conception générale de ces sécrétions comprises comme servant à maintenir la composition du sang. Aucun texte ne permet de penser qu'il ait vu autre chose dans les sécrétions internes. C'est donc à un problème chimique qu'il a ramené la recherche de leur rôle; il n'a pas cru qu'il y eût des actions phy- siologiques à chercher de la part du sang sorti des glandes endocrines. Aussi ne puis-je comprendre comment Dastre (2) a été amené à dire que Ber- (x) E. Gley. Relations entre les organes à sécrétions internes et les troubles de ces sécrétions. Rapport au XVII* Congrès iniern. de Médecine, Londres, 6-12 août 1913, p. 8. (2) A. Dastre. Les sécrétions internes. L'opothérapie. Revue des Deux-Mondes, 1" mars 1899, p. 197-212. L'ŒUVRE DE CLAUDE BERNARD 23 nard avait fait ressortir l'importance du rôle de ces organes non seulement pour la constitution du sang, mais aussi pour l'établissement « d'une sorte de solidarité humorale entre toutes les parties de l'organisme ». En réalité, cette idée est apparue beaucoup plus tard. Au moment où Dastre a écrit l'article que je critique, elle avait pénétré dans tous les esprits, il semblait qu'elle fût naturellement impliquée dans la notion de sécrétion interne; de là à la reporter à l'origine même de la notion, à l'époque où Bernard concevait celle-ci, il n'y avait qu'un pas, explicable d'ailleurs par une étude insuf- fisante des documents. La vision de Bernard n'a jamais dépassé le point que j'ai signalé tout à l'heure. Peut-être a-t-il ainsi payé en quelque sorte la rançon de sa magni- fique découverte de la glycogénie. animale, parce que la nature de la sécrétion hépatique, de cette sécrétion sucrée dont il venait de déterminer de toutes pièces l'origine, le mécanisme et les condi- tions, avait trop frappé son esprit. Le génie lui- même a des bornes; quelquefois il n'embrasse pas tout l'horizon qu'il a ouvert. Et ceci n'est pas une supposition. De cette interprétation il y a deux preuves convaincantes. La première, c'est que Claude Bernard, comme je l'ai déjà fait remar- quer (1), n'a nullement saisi la signification des (») E. Gley. Rapport au Congrès de Mèd. inîern., Londres, 1913, p. 9, et L'es sécrétions internes, Paris, 1914, p. 17; 2e édit., p. 16. 24 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES expériences faites à côté de lui, de 1856 à 1859, sur le thyroïde et sur les surrénales, et desquelles on pouvait conclure que ces organes ont probable- ment une fonction sécrétoire et que les sécrétions internes doivent jouer un autre rôle encore que de maintenir la composition du sang, Il est vrai que les auteurs eux-mêmes de ces expériences n'y voyaient rien de tel. Preuve de plus que la notion de sécrétion interne était plus que méconnue, qu'elle restait ignorée. En 1856,Brown-Séquard (*) montre que l'extirpation des surrénales est mor- telle et ses expériences l'amènent à la conclusion suivante : « La question relative aux fonctions des capsules surrénales revient donc à celle-ci : quelles sont les substances qui, portées à ces glandes par le sang, y sont modifiées et quels sont les produits de ces modifications que le sang emporte en sortant des capsules? » La même année 1856, Vulpian (2) constate que la coloration brun verdâtre que pré- sente la section d'une capsule surrénale quand on la traite par le perchlorure de fer se retrouve avec le sang veineux de l'organe et il ajoute : « Ainsi serait prouvée pour la première fois, et d'une façon décisive, l'hypothèse qui regarde les capsules surré- (l) Brown-Séquard. Recherches expérimentales sur la physio- logie et la pathologie des capsules surrénales. Arch. générales dt médecine, 1856. (*) Vulpian. Note sur quelques réactions propres à la substance des capsules surrénales. C. R. de VAcad. des Sciences, 27 septem- bre 1856, XL III, 663. L'ŒUVRE DE CLAUDE BERNARD 25 nales comme des glandes dites sanguines, c'est-à-dire versant directement dans le sang leur produit de sécrétion. » Mais ni Brown-Séquard ni Vulpian ne vont plus loin. D'autre part, leurs observa- tions restent isolées et ne suscitent aucun travail, sinon, en ce qui concerne celles deBROWN-SÉQUARD, des travaux contradictoires; je n'ai qu'à rappeler ceux de Gratiolet (1), de Philipeaux (2), etc. En 1859, Moritz Schiff fait connaître ses premières expériences sur les effets de l'extirpa- tion du corps thyroïde et en 1862 les résultats de ses recherches sur les rapports qu'il s'efforce d'établir entre le fonctionnement de la rate et l'ap- parition du pouvoir protéolytique de la rate. Mais Schiff ne songe nullement à rattacher ces données à la théorie des sécrétions internes. De son côté, Claude Bernard ne s'inquiète pas davantage de la signification de tous ces faits par rapport à la conception des glandes qu'il a tout récemment émise. En 1870, Élïe de Cyon trouve que le sang qui passe à travers le foie s'enrichit en urée et conclut de là que le foie forme l'urée. On sait qu'ÉLiE de Gyon travailla ensuite dans le labo- 0) P. Gratiolet. Sur les effets qui suivent l'ablation des cap suies surrénales. C. R. de VAcad. des Sciences, 1er septembre 1856, XLIII, 468-470. (a) M. Philipeaux. Note sur l'extirpation des capsules surré- nales chez les rats albinos (Mus ratus). C. R. de VAcad. des Sciences, 10 novembre 1856, XLIII, 904-906. et 22 décembre 1856, XLIII, 1155-1156; — Ablation successive des capsules surrénales, de la rate et du corps thyroïde sur des animaux qui survivent à l'opé- ration. Ihid., 1857, XL IV, 396. 26 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES ratoire de Claude Bernard ; il n'est pas possible que celui-ci ait ignoré les expériences d'un phy- siologiste qui vécut dans son intimité et dont il appréciait beaucoup le talent; et cependant il n'a jamais rapproché la fonction uréopoiétique du foie de la fonction glycémique. Toutes ces remarques ne prouvent-elles pas que la notion de sécrétion interne, loin d'être utilisée, restait inconnue ? N'est-ce pas justement parce que Bernard n'en avait guère vu que le côté chi- mique et parce que le c(JLé physiologique, chose singulière chez ce grand physiologiste, lui avait échappé ? Gela est tellement vrai, — et c'est ici la seconde preuve que je voudrais invoquer à l'appui de mon interprétation de la pensée de Bernard, — que, quand celui-ci voulut déterminer toute la signifi- cation de sa découverte de la fonction glycogénique, il remarqua d'abord que cette découverte a ouvert une voie nouvelle (*), puis, l'appréciant au point de vue de la physiologie générale, il nota qu'«elle a résolu deux questions d'une grande importance »(2): en premier lieu, elle a montré que les animaux, tout comme les végétaux, créent des principes immédiats nécessaires à leur existence; d'autre part, elle a montré que le sucre se forme chez les animaux par (*) Voyez le Rapport sur les progrès ei la marche de la physiologie générale en France, p. 80. (•) lbid.t même page. l'œuvre de brown-séquard 27 un mécanisme tout à fait identique à celui que l'on trouve chez les végétaux. Et c'est tout. N'y avait-il donc pas, justement du point de vue de la physio- logie générale, ce grand fait à mettre en lumière des relations étroites établies, grâce à la sécrétion du sucre hépatique, entre le foie et les muscles? A la vérité, ce n'est pas Claude Bernard qui a suivi la destruction dans l'organisme du sucre sécrété par le foie. On sait que cette découverte est due à Chauve au (1). Toujours est-il cependant que jamais Bernard n'a fait de remarque de ce genre. Le problème chimique le préoccupa trop exclusivement. III L'Œuvre de Brown-Séquard. Brown-Séquard, au contraire, va voir le pro- blème physiologique. Avec lui tout change. La théorie, comme endor- mie pendant plus de trente ans, se ranime, puis évolue rapidement. Quelle est la cause de cette renaissance ? Elle est très simple. Dans la doctrine de Claude Ber- nard, dans la doctrine primitive, Brown-Séquard apporte une idée nouvelle. Sans doute à beaucoup cette idée parut insuffisamment fondée, établie (*) Ch au veau. Nouvelles recherches sur la fonction glycogé- olque. C. R. de VAcad. tes Sciences, 26 mai 1856, XLII, 1008-1012. 28 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES qu'elle était sur des expériences incomplètes, sans contre-épreuves. Mais elle n'en était pas moins neuve, l'intérêt en était saisissant ; elle éveilla tout de suite l'attention générale. Dastre (x) a tenté d'opposer l'un à l'autre sur ce point Claude Bernard et Brown-Séquard. Il a voulu diminuer le mérite de ce dernier ; il a dit que l'idée des sécrétions internes ne lui est pas due, ce qui est vrai, mais il a ajouté, ce qui n'est pas exact, qu'il n'avait fait que «vulgariser dans le monde médical » une connaissance « banale parmi les physiologistes ». Assurément la notion de sécré- tion interne est due, non à Brown-Séquard, mais à Claude Bernard, tout le monde le sait aujour- d'hui, mais c'est moi qui l'ai le premier rappelé, et à une époque [1892 (2), 1893 (*), puis 1897 (*)] où Dastre lui-même, ancien préparateur du maître, semblait bien l'avoir oublié. Pour défendre sa thèse, il fait remarquer que Le gallois avait exprimé le principe des sécrétions internes en 1801, que Claude Bernard en avait donné une démons- tration positive avant 1853, que les travaux de (^ hoc. cit. (2) E. Glsy. Exposé critique des recherches relatives à la physiologie de la glande thyroïde. Arch. de nhysiol., avril 1892, p. 391. (3) E. Glby. Conception et classification physiologiques des glandes. Revue scientifique, 1er juillet 1893, LU, p. 8-17. (*) E. Gley. Exposé des données expérimentales sur les corré- lations fonctionnelles chez les animaux. V Année biologique, 1897, \, p. 313-330. l'œuvre de brown-séquard 29 Schiff, de Reverdin, de Kocher sur la thyroïde et ceux de J. von Mering et Minkowski sur le pancréas l'« avaient consacré définitivement ». Que d'erreurs dans cette prétendue démonstration ! Dans le texte de Legallois, auquel Dastre fait allusion et qui paraissait complètement ignoré des physiologistes quand je l'ai remis en lumière en 1897 (*), il n'est pas question des sécrétions internes, il est question des sécrétions en général dans leurs rapports avec les différences de composition des sangs veineux. Quand j'ai rappelé ce texte, j'en ai signalé moi-même toute l'importance, mais il est évident qu'on n'y saurait voir le fondement de la notion des sécrétions internes. Quant aux travaux de Schiff (1859 et 1884), de J.-L. Reverdin (1882), de J.-L/. et A. Reverdin (1883), de Th. Kocher (1883) sur la thyroïde et à ceux de von Mering et Minkowski (1889) sur le pancréas, les uns sont, il est vrai, antérieurs aux premières publications de Brown-Séquard, mais les autres, ceux de von Mering et Minkowski, sont postérieurs, et d'ail- leurs ni dans les uns ni dans les autres il n'est parlé de sécrétion interne. En ce qui concerne la thyroïde, je crois bien avoir été le premier physiologiste, après que Brown-Séquard l'eût avancé hypothé- tiquement, à rapporter son fonctionnement, d'après des expériences positives, au mécanisme d'une (*) In L'Année biologique, citée ci-dessus. 30 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES sécrétion interne (1). Quant au pancréas, ce n'est ni von Mering ni Minkowski qui parlèrent de sécrétion interne à son sujet, c'est R. Lépine qui écrivit ces mots en 1891 (2). Personne donc, à com- mencer par les auteurs, ne songea, avant les pre- mières publications de Brown-Séquard, à attri- buer les troubles résultant de la destruction soit de la thyroïde soit du pancréas à la suppression d'une sécrétion interne. De même il n'est pas un Traité de physiologie, avant 1893, où il soit question des sécrétions internes et de leur rôle. C'est en 1893, alors que Brown-Séquard vivait encore, que pour la première fois, dans une leçon faite à la Faculté de médecine de Paris (8), puis en 1897, dans un article de V Année biologique (4), ont été remis au jour les textes montrant la part de Claude Bernard dans la découverte des sécrétions internes et dans l'établissement de la notion générale; nul jus- qu'alors, et même à partir de 1889, au bruit fait par les premières expériences de Brown-Séquard, (l) E. Gley. Note préliminaire sur les effets physiologiques du suc de diverses glandes et en particulier du suc extrait de la glande thyroïde. C. R. de la Soc. de Biologie, 18 avril 1891, p. 250, et Arch. de physiol. (loc. cil.). (*) R. Lépine. Sur la question du ferment glycolytique. C. R. de la Soc. de Biologie, 25 avril 1891, p. 271. Déjà en 1889 le pro- fesseur Lépine avait dit que le pancréas doit être considéré comme une glande vasculaire sanguine (Nouvelle théorie du diabète. Lyon médical, 27 décembre 1889, LXII, p. 620). Voy. aussi du même : La pathogénie du diabète. Revue scientifique, 28 février 1891, p. 273. (*) E. Gley. Loc. cit. (Revue scientifique). («) E. Gley. Loc, cit. l'œuvre de brown-sequard 31 ne les avait cités (x); ils paraissaient bien oubliés, même de Dastre. Gomment, dans ces conditions, celui-ci a-t-il pu dire que la connaissance des sécrétions internes était « banale » pour les physio- logistes, si elle était ignorée des médecins ? Ignorée, elle ne l'était pas moins de ceux-là que de ceux-ci, puisque les auteurs eux-mêmes des travaux faits sur la thyroïde et sur le pancréas avant le coup de théâtre de Brown-Séquard ou à peu près en même temps n'avaient pas eu le soupçon que le rôle qu'ils découvraient à ces glandes tient à leur sécrétion interne. Quelle « consécration », pour reprendre le mot de Dastre, auraient-ils pu donner à une doc- trine qui, pour si importante qu'elle fût et si clai- rement qu'elle eût été énoncée par son auteur, était plus que méconnue, ignorée de tout le monde ? Pourquoi d'ailleurs vouloir opposer Claude Bernard à Brown-Séquard, rabaisser l'un au bénéfice de l'autre ? A chacun d'eux revient une part fondamentale dans l'établissement de notre conception actuelle des sécrétions internes. J'ai montré celle de Claude Bernard. Il me reste à faire voir celle de son émule. La raison pour laquelle Brown-Séquard peut être (*) Seuls, dans la période comprise entre les années 1855 et 1889, Charles Robin (Leçons sur les humeurs normales et morbides, 1867, p. 237; 2e édit., 1874, p. 316) et Paul Bert, dans un livre élémen- taire (Leçons de zoologie, 1881, p. 248 et 254), disent quelques mots des sécrétions internes et Ch. Robin cite le nom de Claude Ber- nard; mais ces paroles furent sans écho. Voy. E. Gley, Le» sécrétions internes, Paris, 1914, p. 17-19; 2e èdit., p. 16-18. 32 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES considéré comme étant aussi le fondateur de la doc- trine actuelle des sécrétions internes, c'est qu'il a in- troduit dans la notion première, telle que Bernard l'avait conçue, une idée tout à fait nouvelle et d'une fécondité exceptionnelle; il a donc élargi et développé cette notion ; de plus, cette idée en entraînait une autre, non moins importante et non moins féconde. Par ses expériences sur l'action thérapeutique de l'extrait testiculaire et par la généralisation qu'il en fît à d'autres extraits d'organes, Brown- Séquard( 1889-1891) fut conduit à cette donnée, que beaucoup d'organes sécrètent dans le sang des prin- cipes qui agissent d'une façon élective sur d'autres organes. « Ces produits solubles spéciaux, écrit-il, pénètrent dans le sang et viennent influencer, par l'intermédiaire de ce liquide, les autres cellules des éléments anatomiques de l'organisme. Il en résulte que les diverses cellules de l'économie sont ainsi rendues solidaires les unes des autres et par un mécanisme autre que par des actions du système nerveux (x). » Ainsi, ce que Brown-Séquard a vu d'intéressant dans une sécrétion interne, c'est la production et le passage dans le sang d'une subs- tance douée d'une action physiologique spéciale qu'elle manifeste sur tel ou tel organe. On a beau faire observer — je l'ai remarqué moi- (*) Brown-Séquard et d'Arsonval. Recherches sur les extraits liquides retirés des glandes et d'autres parties de l'organisme et sur leur emploi, en injections sous-cutanées, comme méthode théra- deutique. Arch.dephysioL, 1891, 5e série, II I, p. 491-50G ; voy. p. 496. l'œuvre de brown-séquard 33 même dès 1897 — que cette idée ne reposait que sur des expériences insuffisantes et d'abord sur une « auto-expérience » susceptible de critiques ; c'est un fait que des expériences précises, réalisées par divers physiologistes, vinrent très vite, pour diffé- rentes glandes, montrer le bien-fondé et la haute importance biologique de la conception due à la hardiesse d'esprit et à l'audace expérimentale de Brown-Séquard. Aussi sa fortune fut-elle rapide. De cette notion des excitants fonctionnels spé- cifiques, de ces excitants que je caractérisais comme tels en 1897 (*) et en 1899 (2), et auxquels en 1905 Starling appliqua le nom d'hormones, découlait nécessairement une autre idée, celle des rapports s'établissant entre deux ou plusieurs organes par l'intermédiaire d'un produit de sécrétion interne, autrement dit celle des corrélations fonctionnelles humorales. Le développement de cette notion nou- velle a naturellement été solidaire de celui de la notion des excitants fonctionnels ou hormones. Combien s'enrichissait ainsi la doctrine des sécré- tions internes ! Quelle différence entre ces idées et l'idée première de Claude Bernard ! Et, par suite, n'ai-je pas raison d'appeler Brown-Séquard l'autre fondateur et, en outre, l'instaurateur de la doctrine? H In Vannée biologique, déjà citée. (') E. Gley. Mécanisme physiologique des troubles vasculaires, in Traité de pathologie générale de Ch Bouchard, t. 113, p. 133- 211; voy. p. 165-172. gley, Sécrétions internes. 3 34 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES Voici la preuve, en effet, preuve très simple, que tout le développement prodigieux de la question date de ses publications. Pendant plus de trente ans, la théorie des sécrétions internes de Claude Bernard, encore que fondée sur un exemple du plus haut intérêt physiologique et émise de la façon la plus nette, ne suscite point de travaux. Au con- traire, à peine Brown-Séquard a-t-il exposé ses idées que les travaux, dans la direction qui vient de s'ouvrir, se pressent et s'accumulent. Et, depuis plus de vingt-cinq ans qu'il a commencé, le mou- vement ne paraît pas près de s'arrêter. Qu'on me cite des doctrines physiologiques qui aient été plus fécondes. IV L'état présent de la question. La notion des sécrétions internes, au fur et a mesure qu'elle s'est enrichie de faits plus nombreux, n'a pas tout de suite et parallèlement acquis plus de précision et de fermeté. Gela tient à ce qu'elle s'est encombrée d'expériences incomplètes, d'hy- pothèses aventurées, de vaines théories et même d'erreurs. C'est que l'expérimentation s'y est trop souvent appliquée sans pensée logique et sans méthode réfléchie, comme au hasard. Ce n'est que peu à peu que des recherches ordonnées ont été entreprises; alors, des résultats plus solides étaot l'état présent de la question 35 acquis, se sont produites des distinctions impor- tantes et se sont faites des classifications utiles* Notre connaissance de la question, en même temps que mieux fondée, plus réelle, est devenue plus rationnelle. Les distinctions ont porté aussi bien sur les exci- tants fonctionnels spécifiques que sur les corréla- tions de cause humorale. Les nombreuses expé- riences réalisées au sujet de celles-ci comme sut ceux-là ont conduit à distinguer des hormones de nature et d'action différentes (*) et à en séparer les substances à action morphogène ou harmozones {*) et à répartir les corrélations en des catégories di- verses (3). Au cours de ces études, il est apparu que tous les produits de sécrétion interne ne sont pas des hormones, qu'il en est qui ne se comportent point comme des excitants ; les uns manifestent des actions sur les échanges matériels, les autres sur la morphogénèse, d'autres encore, et ici reparaît la notion que Ton doit à Claude Bernard, servent à maintenir la composition du milieu intérieur. De même, on remarqua que le mécanisme de toutes les corrélations n'est pas identique. Comme je viens de le dire, ce travail n'a pas été accompli sans difficultés et ne s'est pas poursuivi (l) E. Gley. Les sécrétions internes, p. 54-63; 2e édit., p. 50-58. (*) De âpfiô^u), régler, diriger. Voy. E. Gley. Le néo-vitalismc et la physiologie générale. Revue scientifique, 4 mars 1911, XL IX, 257-265; voy. p. 262. (•) E. Gley. Traité de physiologie, lre édition, 1909, p. 1142-1143, 36 LA QUESTION DES SÉCRÉTIONS INTERNES sans à-coups. Swale Vincent a remarqué avec raison (1909) que les connaissances que nous pou- vons acquérir sur les sécrétions internes ne sont pas comparables en précision et en certitude à celles que nous fournit l'étude des sécrétions externes. Dans le cas de la glande sous-maxillaire, par exemple, nous sommes à même d'observer les conditions dans lesquelles les cellules glandulaires se chargent et se déchargent de leurs produits, nous savons provoquer l'écoulement de la sécrétion par des excitations nerveuses, nous savons inscrire les variations de l'afflux sanguin simultanément avec celles de la sécrétion, enfin nous pouvons déterminer une diastase dans le liquide sécrété et son action sur une catégorie d'aliments. Considérons le cas de la thyroïde ou de la surrénale : nous ne connaissons pas les changements cellulaires caractéristiques de l'acte sécrétoire, nous ne pouvons montrer qu'à l'aide de méthodes laborieuses et indirectes que la sécrétion se déverse dans le sang, où nous ne trou- vons que très difficilement, si même nous l'y pou- vons déceler, son produit actif. Et ceci sans doute explique que le champ des sécrétions internes soit encore encombré de tout un fatras d'expériences à peine ébauchées, d'observations insuffisantes, de suppositions inexactes, d'idées fantaisistes. Il est grand temps de débarrasser le terrain de ces maté- riaux inutiles où nuisibles, si l'on veut que l'édifice en voie de construction s'élève plus facilement et l'état présent de la question 37 ne soit bâti qu'en pierres solides, toutes éprouvées. — Nous ferons ce travail de critique dans une leçon ultérieure (IIIe leçon). Travail quelque peu ingrat sans doute, mais nécessaire. Auparavant, il importe de montrer par un exem- ple comment, de quelle façon rationnelle, doit se faire l'étude d'une sécrétion interne et à quels résultats conduit cette expérimentation logique. Ce sera l'objet de la leçon suivante. DEUXIÈME LEÇON LA CONDITION PHYSIOLOGIQUE NÉCESSAIRE D'UNE SÉCRÉTION INTERNE DÉMONSTRATION PAR L'EXPOSÉ DE FAITS NOUVEAUX CONCERNANT LA PHYSIOLOGIE DES SURRÉNALES La conférence d'aujourd'hui est comme le nœud de ces leçons, parce qu'elle montrera, je pense, quelle doit être désormais la direction à suivre dans les investigations sur les sécrétions internes. I Les conditions des sécrétions internes. Dès que la notion de sécrétion interne fut donnée, on pourrait croire que l'étude expérimentale en fut conduite conformément à la logique. Ce qu'exigeait celle-ci était en effet très simple, au moins en appa- rence. Supposer à une glande une fonction de sécré- tion interne, c'est par définition se proposer de rechercher et de caractériser dans le sang efférent de cet organe ou dans la lymphe le produit de la 40 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES sécrétion. De fait, c'est la découverte de la glycose dans le sang des veines sus-hépatiques qui mena tout droit Claude Bernard à la conception des glandes à sécrétion interne. Mais j'ai déjà dit que ces expériences et l'idée qui en sortit ne servirent ni d'exemple ni de type. Et quand, trente-cinq ans plus tard, reparut la question des sécrétions in- ternes, ce fut d'abord sur de tout autres bases que sur la recherche des produits spécifiques dans les sangs veineux glandulaires qu'on en reprit l'étude. Deux méthodes principales furent alors mises en œuvre : la première consiste dans l'observation des phénomènes de déficit consécutifs à l'extirpation des organes dont on veut explorer le rôle; et la seconde dans l'observation des effets physiolo- giques consécutifs à l'injection des extraits de ces mêmes organes. Ces deux méthodes ont été large- ment employées. La raison en est sans doute qu'elles sont d'un emploi facile, en regard surtout des diffi- cultés que présentent les expériences qui ont pour but d'obtenir du sang veineux d'une glande comme la surrénale ou la thyroïde, puis de déterminer exactement les propriétés de ce sang. Quoi qu'il en soit, elles ont donné des résultats dont nous aurons à examiner la valeur. Ce n'est en tout cas qu'ulté- rieurement que de rares chercheurs, revenant à la méthode originellement suivie par Claude Ber- nard, recueillirent, dans des conditions diverses, le sang veineux de quelques organes glandulaires CONDITIONS DES SÉCRÉTIONS INTERNES 41 et tâchèrent d'y déceler une propriété physiolo- gique. Ces essais restèrent isolés. Il y a quatre ans, en 1913, coordonnant ces ten tatives ainsi que celles faites dans d'autres direc- tions, j'ai montré qu'il est un critérium qui permet de reconnaître sûrement si une glande doit être considérée comme endocrine et à la fois de décou- vrir son rôle. C'est le critérium des trois conditions. Trois conditions, ai-je dit (*}, déterminent une sécrétion interne : la première, histologique ; la deuxième, chimique, et la troisième, physiologique. 1° Les glandes sans conduit excréteur sont péné- trées par de nombreux vaisseaux sanguins et leurs éléments cellulaires sont ordonnés par rapport aux vaisseaux efïérents. 2° On doit pouvoir déceler chimiquement dans le sang veineux de ces organes un produit spécifique. 3° Le sang veineux de ces organes doit posséder des propriétés physiologiques qui se manifestent quand on l'injecte en quantité suffisante à un autre animal. Or, la preuve histologique, à elle seule, est insuf- fisante pour que l'on puisse affirmer la nature endocrine d'une glande et, en tout cas, n'apprend rien sur la fonction de cette glande. La preuve chimique, pour des raisons d'ordre technique, peut (») Rapport au XVIIe Congrès intern. de Médecine, Londres, 6-12 août 1913, p. 17. Voy. aussi Les sécrétions internes, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1914, p. 31 et suiv.; 2e édit., p. 28 et suiv. 42 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES être difficile à administrer. Il est bon néanmoins de remarquer que par ces deux premières condi- tions on est en droit de caractériser les glandes sécrétrices de matières nutritives, comme la gly- cose, ou de produits de déchet, comme l'urée. Mais la troisième est nécessaire quand il s'agit d'une glande sécrétrice d'hormone ou d'harmozone (x) et, de plus, bien supérieure aux deux autres. La preuve physiologique, en effet, se suffit à elle-même; elle établit l'origine et en même temps révèle le rôle de la sécrétion. C'est pour ces raisons que, depuis quelques années, j'ai fortement soutenu la nécessité absolue pour quiconque, physiologiste ou patho- logiste, s'occupe des sécrétions internes, d'entre- prendre systématiquement l'étude des sangs vei- neux glandulaires. De tout ce que j'ai dit alors je n'ai rien à retran- cher. Mais j'ai quelque chose à ajouter. II La condition physiologique nécessaire. La détermination de l'action physiologique d'un sang veineux glandulaire constitue bien la condi- tion physiologique d'une sécrétion interne. Ce n'est là cependant qu'un premier stade. Le produit dont on a constaté la présence dans un sang veineux, puisqu'il va agir sur un organe (x) Sur le sens de ce mot, voy. p. 35. CONDITION PHYSIOLOGIQUE NÉCESSAIRE 43 plus ou moins distant de celui duquel il sort, doit, pour pouvoir exercer cette action, pénétrer dans un autre département veineux ou dans la circulation générale. Rien ne prouve a priori que le produit trouvé dans le sang efïérent d'une glande au mo- ment où on provoque l'activité de celle-ci passe dans la circulation générale; il peut en effet se diluer dans la masse sanguine au point de n'y plus conserver aucune action; il peut s'y détruire; il peut se décomposer dans son passage à travers les poumons, s'oxyder et par suite perdre là ses pro- priétés. Il faut donc que ce produit, pour être à juste titre considéré comme un produit actif spé- cifique, soit suivi jusque dans le sang artériel. Son passage, il est vrai, peut y être si rapide ou se faire en quantité si minime qu'il échappe par cela même aux investigations les plus minutieuses; il est vrai aussi que les substances endocrines, sitôt qu'elles sont parvenues dans le sang artériel, n'y séjournent pas, mais se fixent tout de suite sur les organes sur lesquels elles agissent, cette fixation étant la condi- tion de leur action; d'où la difficulté soit de saisir le moment précis où on peut les trouver dans le sang aortique, soit de les y trouver en quantité suffisante à un moment donné; la nécessité s'impose alors, pour être assuré de leur destination physio- logique, de les déceler dans le sang du cœur gauche. C'est que, seule, la destination physiologique, le rôle du produit sécrété, sa fonction, pourrait-on 44 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES dire, donne vraiment la signification d'une sécré- tion. Dès la première étude générale que j'ai pu- bliée sur les glandes, en 1893 (*), j'ai soutenu cette thèse et j'ai posé ce principe comme base d'une classification des organes glandulaires. Or, en ce qui concerne les sécrétions internes, la destination se marque par le passage d'une substance spécifique du sang veineux de la glande dans le sang général, et ce ne sont que les propriétés physiologiques du sang veineux, temporairement acquises par le sang général, qui peuvent l'attester. Il faut donc, pour caractériser une sécrétion interne, pouvoir retrouver dans le sang du cœur gauche ou dans le sang artériel un principe actif et que les propriétés de celui-ci manifestent sa pré- sence dans ce sang. Remarquons cependant que cette preuve physio- logique peut être directe ou indirecte. Elle est directe quand on décèle dans le sang général sinon la substance même sécrétée, du moins les propriétés physiologiques caractéristiques du sang efférent de la glande. C'est ce que l'on a pu faire pour la sécré- tine, par exemple. Et c'est ce qui n'est guère pos- sible, il faut le reconnaître, que pour les produits glandulaires dont les conditions de sécrétion sont connues, au moins en partie, et dont nous savons (*) E. Gley. Conception et classification physiologiques des glandes. Revue scientifique, 1er juillet 1893, LU, p. 8-17. et Essais de philosophie et d'histoire de la biologie, Paris, Masson et C", 1900, p. 123-160. CONDITION PHYSIOLOGIQUE NÉCESSAIRE 45 par suite provoquer la sécrétion. Il est loin d'en être ainsi pour les substances à action morphogène, les harmozones ; nous n'avons pas encore de moyens assurés de faire entrer en fonctionnement à notre guise les glandes qui les produisent, de les mettre en état de suractivité, de façon à augmenter la quantité de substance qu'elles déversent dans le sang. Aussi la preuve, en ce qui concerne les glandes morphogénétiques, est -elle indirecte; elle consiste en ceci que, après l'extirpation d'un organe donné, on prévient le déficit de la fonction au moyen de la transplantation de tout ou partie de cet organe en un point quelconque du corps; cette transplantation, qu'il ne faudrait pas, comme font en général les chirurgiens, confondre avec la greffe (1), n'agit qu'autant et tant que le tissu transplanté est résorbé ; et c'est dans ce fait même de la résorption avec la restauration fonc- tionnelle qui l'accompagne que se trouve la preuve du passage d'un produit actif dans le sang. Un exemple frappant des effets de la transplanta- tion se voit chez les castrats qui reprennent tous les caractères de leur sexe quand on transplante sur eux la glande génitale mâle d'un animal de la même espèce; mais le transplant finit par s'atrophier et, dès que toute sa substance a été (*) Voy. E. Gley. Traité de physiologie, 5e édit., Paris, 1920, p. 707-708. 4ô LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES résorbée, l'animal perd de nouveau les caractères qu'il avait récupérés et redevient un castrat (1). Ainsi se présente ce que j'ai appelé la condition physiologique des sécrétions internes. Condition double pour ainsi dire, car elle a trait d'abord aux sangs veineux glandulaires et ensuite au sang arté- riel. On pourrait dire aussi qu'il y a deux conditions physiologiques, la première concernant la sécrétion même de la glande, c'est-à-dire la présence du pro- duit de sécrétion dans le sang veineux de cette glande, et la seconde concernant la destination du produit sécrété et par conséquent sa présence dans le sang artériel. Telle est l'importance, qui ressort sans doute suffisamment de ce qui précède, de la recherche des produits endocrines dans le sang artériel, qu'on est amené à tenir cette recherche pour la condition physiologique nécessaire La recherche dans les sangs veineux glandulaires n'est qu'une condition préliminaire. Cette conception se fût à coup sûr déjà produite, si l'on avait donné en temps voulu à deux ou trois séries d'expériences probantes leur exacte signifi- cation, aux expériences sur le rôle du pancréas comme glande endocrine, à celles sur la fonction anticoagulante du foie, à celles sur le mécanisme humoral de la sécrétion du suc pancréatique. Je {*) Voy. les expériences de Pézard résumées dans la demi ère leçon. CONDITION PHYSIOLOGIQUE NÉCESSAIRE 47 reviendrai sur tous ces faits dans la leçon suivante. Mais, quel qu'ait été leur intérêt, c'est une chose sûre qu'au point de vue doctrinal, au point de vue de la théorie des glandes endocrines, on n'en eut pas l'intelligence complète. Et on n'en tira pas tout le profit qui se présentait. La conclusion vraie resta dans l'ombre. Il est grand temps qu'elle apparaisse maintenant dans toute son importance. C'est à quoi servira sans doute un exemple saisissant par lequel se révèlent bien et la signification et la haute valeur de la condition physiologique nécessaire d'une sécrétion interne, telle que je l'ai définie tout a l'heure et telle qu'elle doit être désormais enten- due, à mon sens. On verra alors que, seule, elle permet de reconnaître le rôle réel d'un produit glandulaire et par suite de déterminer la véritable fonction d'une glande endocrine. L'étude des glandes à sécrétion interne, faite ainsi, toutes les fois qu'il est possible, par l'explo- ration des propriétés des sangs veineux de ces glandes, puis du sang artériel général, est toujours laborieuse, souvent difficile et délicate, décevante même quelquefois, mais la méthode est sûre et conduit à des résultats qui ne trompent pas. Il est évidemment beaucoup plus simple et plus aisé d'injecter un extrait d'organe et d'observer les effets consécutifs à cette injection, mais, nous le verrons dans la leçon suivante, c'est là une méthode trop souvent trompeuse. 48 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES III Exemple tiré de la physiologie des surrénales. La physiologie des surrénales fournit présente- ment un exemple notable des erreurs dans lesquelles peut tomber l'expérimentation qui a négligé de suivre la voie logique. 1. La conception actuelle de la fonction des sur- rénales. — Les études physiologiques relatives à ces organes peuvent être réparties en trois phases, qui d'ailleurs ne se succèdent pas rigoureusement dans le temps, qui au contraire se confondent quelquefois, en ce sens que des recherches apparte- nant à Tune d'elles se poursuivent dans une autre. La première phase est celle des recherches (Teodirpa- lion, la deuxième celle des recherches sur V action des extraits surrénaux et de V adrénaline, et la troisième celle des recherches sur les propriétés du sang vei- neux surrénal. La phase des recherches d'extirpation commence avec les expériences de Brown-Séquàrd de 1856. Dans la leçon précédente, j'ai rappelé que ces expé- riences étaient rapidement tombées dans l'oubli. En 1891-1892, E. Abelous et J.-P. Langlois les reprennent; c'est avec leurs travaux et avec ceux CONCEPTION ACTUELLE DE LA FONCTION SURRÉNALE 49 de J.-P. Langlois (1893, 1897) que la physiologie des surrénales prend son essor. Le principal résultat obtenu durant cette période est la notion de la nécessité vitale de ces organes. La phase des recherches sur l'action des extraits surrénaux s'ouvre avec la brillante découverte d'ÛLivER et Schafer (1894-1895) concernant l'ac- tion de ces extraits sur la pression artérielle et sur le cœur. L'importance est capitale du fait décou- vert par les auteurs anglais. Pour la première fois un extrait d'organe apparaissait comme doué d'une propriété physiologique spécifique, déterminant, à l'instar d'une action nerveuse, un fonctionnement; il contenait donc une substance possédant cette propriété. De fait, en 1901, Takamine isolait cette substance, l'adrénaline, qui se montrait pourvue )> de toutes les propriétés des extraits surrénaux telles que venaient de les déterminer non seulement Oliver et Schafer, mais aussi beaucoup d'autres physiologistes. La caractéristique de cette action, on le sait, c'est l'excitation de toutes les terminai- sons du système nerveux sympathique. La découverte d' Oliver et Schafer prit encore plus d'importance quand Gybulski (1895), puis Langlois (1897) eurent montré que le sang veineux surrénal manifeste la même action sur la pression artérielle que l'extrait surrénal. On constata ensuite ou on inféra que ce sang possède les autres pro- priétés des extraits surrénaux ou de l'adrénaline. gley, Sécrétions internes. 4 50 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES Tous ces faits furent complétés et corroborés par ceux que Ton établit par la suite et desquels il résulte que, sous l'influence de l'excitation du nerf splanchnique, il passe une plus grande quantité d'adrénaline dans le sang veineux surrénal. Ici enfin se place l'intéressante série des expériences de Gannon et de ses collaborateurs (à partir de 1911) sur les effets des excitations psychiques sur la sécré- tion d'adrénaline qui, dans ces conditions, serait notablement augmentée ; ce passage d'adrénaline en excès dans le sang expliquerait la glycosurie d'ori- gine émotive. Telfë fut la phase des recherches sur les propriétés du sang veineux surrénal. De cet ensemble de données expérimentales était sortie une conception séduisante et qui paraissait bien établie de la fonction surrénale : les surrénales ont pour rôle essentiel de sécréter l'adrénaline et celle-ci a pour rôle le maintien de la pression arté- rielle et, d'une façon générale, du tonus du système sympathique. Et les médecins firent à l'envi des applications cliniques de cette doctrine. En 1913, A. Biedl écrivait que l'entretien et la régulation d'une innervation tonique dans tout le domaine du système nerveux sympathique est une fonction de la sécrétion interne surrénale (*). 2. Critique expérimentale du rôle attribué à l'adrénaline. — Nous allons voir que les deux (l) A. Biedl. Innerc Sekretion, 2« édition, t. II, p. 30. RÔLE ATTRIBUÉ A L'ADRÉNALINE 51 parties de cette conception sont dès maintenant très ébranlées. 1° C'est la seconde partie qui a été la première battue en brèche. Dès 1899, Lewandowsky (*) avait vu, dans un nombre d'ailleurs restreint d'expériences (cinq expériences dont quatre sur le chat et une sur le chien), que l'extirpation des surrénales n'amène pas un abaissement de la pres- sion artérielle, du moins dans un laps de temps de vingt à trente minutes. On pouvait objecter que cette durée était insuffisante. L'année suivante, L. Camus et J.-P. Langlois (2) vérifient le fait annoncé par Lewandowsky et constatent même que, six heures après la surrénalectomie double, un chien avait une pression carotidienne de 13 cen- timètres de mercure. A la vérité, ces faits avaient été négligés de toutes parts. Dix ans plus tard, ni les expériences de Lewandowsky ni celles de L. Camus et J.-P. Langlois n'empêchèrent Strehl et Weiss de sou- tenir que l'adrénaline est absolument nécessaire au maintien de la pression artérielle (3). L'expérience de Strehl et Weiss et son résultat : extirpation (*) M. Lewandowsky. Zur Frage der inneren Sekretion von Nebenniere und Niere. Z. far klin. Med., 1899, XXXVII, p. 535- 646. (■) L. Camus et J.-P. Langlois. Sécrétion surrénale et pression sanguine. C. E. de la Soc. de Biol., 3 mars 1900, LU, p. 210-211. (3) H. Strehl et O. Weiss. Beitrâge zur Physiologie der Ne- benniere. Archiv f. die gesamte Physiologie, 1 901 , LXXXV1L, p. 107-121. 52 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES d'une surrénale sur le lapin, compression du tronc veineux de l'autre surrénale et chute immédiate de la pression artérielle, ont été maintes fois invoqués en faveur de la théorie d'après laquelle le tonus vasculaire dépendrait de la sécrétion d'adrénaline. C'est pourquoi nous avons exactement, mon colla- borateur Quinquaud et moi, répété cette expé- rience (*), et non seulement sur le lapin, mais aussi sur le chien, et nous avons toujours vu, après l'ex- tirpation d'une surrénale et la compression du tronc veineux de l'autre, la pression artérielle ne subir aucune modification tout le temps (2) que durait la compression. De leurs expériences, L. Camus et J.- P. Langlois avaient conclu que sans doute « la sécrétion interne des capsules n'exerce aucune action sur la tonicité artérielle », mais que, comme « la sécrétion peut s'exagérer », elle peut exercer, dans des cas à déter- miner, une influence importante sur la pression; et les auteurs ajoutent, et nous retrouverons bien- tôt cette idée, que « l'action des capsules surrénales sur la pression sanguine, au lieu d'être continue, serait seulement éventuelle ». Plus tard, d'autres expériences faites dans le (*) E. Gley et Alf. Quinquaud. La sécrétion surrénale n'est pas nécessaire au maintien de la pression artérielle. Comptes rendus de la Société de Biologie, 15 novembre 1919, LXXXII, p. 1176 (avec 3 tracés). (») Ge temps a varié, dans nos expériences, de 62 à 93 secondes. RÔLE ATTRIBUÉ A L'ADRÉNALINE 53 laboratoire de Swale Vincent (*) sur des animaux dont les veines surrénales avaient été liées et sur les- quels on observait durant plusieurs heures la pres- sion artérielle, confirmèrent les résultats de ces premières expériences de Lewandowsky et de L. Camus et J.-P. Langlois. Aussi Sw. Vincent pensa-t-il que « ces expériences paraissent montrer en définitive que l'excrétion d'adrénaline dans la circulation ne peut être regardée comme un facteur du maintien de la pression sanguine normale » (2)« Mais alors, reprenant l'idée émise par L. Camus et J.-P. Langlois, il se demande si la sécrétion sur- rénale ne servirait pas, dans des circonstances don- nées, à relever la pression artérielle ; et il cite à ce sujet les expériences de Cannon et de La Paz, qui démontrent l'influence des émotions sur la sécré- tion d'adrénaline. Ces expériences cependant ne lui paraissent pas décisives, car il ajoute : « Cette manière de voir a été très généralement acceptée, mais il serait téméraire d'alfirmer qu'elle a été solidement établie (3). » Or, voici la preuve que cette idée du rôle de l'adrénaline doit être abandonnée : l'excitabilité (*) Sw. Vincent. Récent views as to the function of the a^renal bodiea. Endocrinologg, avril 1917, I, p. 140-149. (*) «Thèse experiments app ar to show conclusively that the •ecretion of. adrenin into the circulation is not to be regarded as a factor in the maintenance of the normal blood-pressure * [loc. cit., p. 145). (•) « This view has received very gênerai approval, but it would be rest to affirm that it has been firmly cstablished » (loc», til., p. 146). 54 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES des nerfs splanchniques n'est en effet nullement modifiée à la suite de la surrénalectomie double ou de la ligature des veines surrénales. C'est ce que nous avons vu, mon collaborateur Quinquaud et moi, dans de nombreuses expériences pratiquées sur le chat, sur le chien et sur le lapin (*). La fonc- tion vaso-motrice si importante de ce nerf, que l'on avait déjà attribuée [T. R. Elliott, 1912; G. von Anrep, 1912 (2)], au moins en grande partie, à la sécrétion d'adrénaline qui accompagne son exci- tation, est donc d'ordre purement nerveux. — Nous avons fourni une autre preuve de cette indépen- dance du système nerveux vaso-moteur par rap- port à la sécrétion d'adrénaline en montrant que les effets vaso-moteurs de l'asphyxie ne sont point changés par l'extirpation des surrénales ou par la ligature du tronc veineux lombo-surrénal (3). (*) E. Gley et Alf. Quinquaud. Des rapports entre la sécré- tion surrénale et la fonction vaso-motrice du nerf splanchnique. C. R. de VAcad. des Sciences, 10 janvier 1916, CLXII, p. 86; — La fonction des surrénales. I. Du rôle physiologique supposé de l'adrénaline. Journ. de physiol. el c'e palhol. générale, juillet 1918, XVII, p. 807-835). — Ultérieurement nous avons encore montré que, contrairement à ce qui avait été soutenu par quelques expé- rimentateurs, l'excitabilité des nerfs du cœur, tant accélérateurs que modérateurs, n'est nullement modifiée par la surrénalectomie double ou par la ligature des veines surrénales (voy. E. Gley et Alf. Quinquaud : La fonction des surrénales. IL De la pré- tendue influence de l'adrénaline sur les nerfs du cœur. Arch. néer- landaises de physiol., 15 novembre 1918, III, p. 1-6). (*) T. R. Elliott. The control of the suprarenal gland- by the splanchnic nerves. Journ. of physiol., 1912, XL IV, p. 374-409. — G. von Anrep. On the part played by the suprarenal in the nor- mal vascular re étions of the body. Ibid., 1912, XLV, p. 307-317. (3) E. Gley et Alf. Quinquaud. La sécrétion surrénale d'adré- naline ne tient pas sous sa dépendance l'effet vaso-constricteur RÔLE ATTRIBUÉ A L'ADRÉNALINE 551 Voilà donc trois séries de faits, maintien d'une pression artérielle normale après la surrénalectomie double, persistance d'action des nerfs splanchniques et des nerfs du cœur et persistance des effets du sang asphyxique après la même opération, qui rui- nent la conception du rôle physiologique de l'adré- naline. On remarquera particulièrement la signi- fication des expériences qui établissent l'autonomie du nerf splanchnique; les résultats de ces expé- riences sont tout à fait contraires à l'interprétation que Gannon a donnée de celles qu'il a réalisées sur l'action adrénalinogène des émotions; car les émo- tions ne peuvent évidemment agir sur les surrénales que par l'intermédiaire des splanchniques. S'il est vrai, comme nous l'avons montré, Quinquaud et moi, que ces nerfs conservent leur excitabi- lité après la surrénalectomie, n'est-on pas amené à penser que l'augmentation d'adrénaline cons- tatée par Gannon n'a probablement pas la valeur qu'il suppose ? Une contre-épreuve au moins s'impose : il faudrait répéter, après ligature préa- du sang asphyxique C. B. de la Soc. de Biol., 6 janvier 1917, LXXX, p. 15-18. Ces expériences ont été confirmées par celles de G. N. Stewart et J. M. Rogoff (The influence of asphyxia upon the rate of libération of epinephrin from the adrenals. Journ. of I harmacol. and exper. Pher., juillet 1917, p. 49-72), qui ont montré que l'action du sang surrénal sur l'intestin ou l'utérus isolé est la même, que ce sang ait été recueilli avant ou pendant l'asphyxie. Les mômes auteurs avaient d'ailleurs trouvé antérieu- rement (The spontaneous libération of epinephrin from the adrenals. îbid., septembre 1916, VIII, p. 479-524; voy. p. 517-521) que l'asphyxie n'augmente pas l'excrétion d'adrénaline. 56 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES lable des veines surrénales (*), les expériences d'émotions provoquées. Cependant Cannon, abandonnant la théorie de l'action constante de l'adrénaline sur le tonus vas- culaire, s'efforce de maintenir la théorie de l'action éventuelle de cette substance (2). Il s'appuie pour cela sur trois arguments qu'il tire des expériences de G. von Anrep (3) relatives à la modification de la courbe de la pression artérielle sous l'influence de l'excitation d'un nerf splanchnique après la sup- pression des surrénales; des expériences de Flo- rovsky (4) sur la sécrétion réflexe de la glande (*) Des expériences de Stewart et Rogoff répondent déjà à &e desideratum. Ces auteurs ont vu en effet que des chats, sur les- quels ils avaient enlevé une surrénale et coupé les nerfs de l'autre surrénale et qui, dans ces conditions, n'excrètent plus d'adréna- line, réagissent a la colère ou à la frayeur comme des chats nor- maux (même réaction pupillaire, mêmes réactions piîo-motrices). Voy. G. N. Stewart et G. M. Rogoff : The spontaneous libération of epinephrin from the adrenals. Journ, of Pharmacol. and exper. ïherap., septembre 1916, VIII, p. 479-524; voy. p. 510. Voy. aussi des mêmes : The alleged exhaustion of the epinephrin store in the adrenal by emotional disturbance. Proceedings of ihe Soc. for exper. Biol. and Med., 1916, XIII, p. 184-186. Des expériences analogues sur le chien ont encore conduit Stewart et Rogoff à la même conclusion (The influence of certain factors, especially emotional disturbances, on the epinephrin content of the adrenals. Journ. of exper. Med., décembre 1916. XXÏV, p. 709-738). (2) W. B. Gannon. Studies on the conditions of activity in endocrine glands. V. The isolated heart as an indicator of adrenal sécrétion induced by pain, asphyxia and excitement. Amer. Journ. of physiol, décembre 1919, L, 399-432. (») Loc. cit.; voy. p. 54. (*) G. B. Florovsky. On the mecanism of reflex salivary sécrétion. Bull, de VAcad. impériale des Sciences, Petrograd, 1917, p. 119-135 (avec 4 pi.). RÔLE ATTRIBUÉ A l' ADRÉNALINE 57 sous-maxillaire avant ou après la suppression des surrénales, cette opération amenant une diminution notable de la sécrétion, et enfin de ses propres expé- riences sur l'accélération du cœur énervé causée par l'excitation du bout central d'un nerf sensible, Je sciatique par exemple. Or, Gley et Quinquaud ont publié des tracés qui montrent que l'élévation de la pression artérielle déterminée par l'excitation d'un splanchnique (sur le chien) se fait en deux phases après comme avant la surrénalectomie double (1). D'autre part, Gley et Quinquaud ont constaté que le réflexe salivaire, consécutif à l'ex- citation du bout central d'un nerf sciatique, n'est nullement modifié (d'après leurs expériences sur le chien), contrairement à ce que dit Florovsky, après l'extirpation des deux surrénales (2). Enfin Stewart et Rogoff se sont chargés d'établir (3) que, malgré l'abolition de toute sécrétion d'adré- naline (par ligature des veines surrénales, par (*) Loe. cit.; voy. p. 53. On peut dans ce travail remarquer les tracés, que nous avons d'ailleurs choisis parmi beaucoup d'autres semblables, des p. 812, 813 et 815. (") Voy. E. Gley et Alf. Quinquaud. Persistance, après la surrénalectomie double, du réflexe salivaire causé par l'excitation du nerf sciatique (C. R. de la Soc. de Biol., 23 avril 1921, LXXXIV, p. 706-708). (•) G. N. Stewart and J. M. Rogoff. The relation of the epi- nephiin output of the adrenals to changes in the rate of the denervated heart. Amer. Journ. of Physiol., 1920, LU, 304-363; — Essentiale in measuring epinephrin output with furthe? observations on its relation to the rate of the denervated heart. Ibid., 1920, LU, 621-561. 58 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES extirpation d'une surrénale et énervation de l'autre, par surrénalectomie double), l'excitation du sciatique provoque l'accélération du cœur énervé; il n'est pas possible de résumer ici toute la longue discussion consacrée par Stewart et Rogoff au mécanisme de ce phénomène (x); il importe de la lire avec soin dans l'important travail original de ces deux physiologistes. Ainsi subsiste la critique que j'ai été amené à faire du rôle encore généralement admis de l'adré- naline. 2° La question se pose maintenant de savoir si la sécrétion d'adrénaline a bien la signification physiologique qui y est communément attribuée, si, en d'autres termes, il y a bien une adrénalinémie normale, physiologique. Qu'il se trouve de. l'adrénaline dans le sang des veines surrénales, le fait est certain. Que cette subs- tance, dans des conditions qui ont été déterminées, s'y déverse en plus grande quantité, cela n'est pas moins certain. Mais c'est sa destination qu'il s'agit de connaître, par où se découvrira vérita- blement son rôle. Sa présence dans le sang veineux surrénal n'implique pas qu'elle aille exercer dans l'organisme son action élective. Encore faudrait-il s'en assurer. Il n'y a pour cela qu'un moyen. On ne sera en droit de prétendre que l'adréna- (l) Voy., dans le premier mémoire cité ci-dessus de Stewart et Rogoff. p. 357-362. LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES 59 hne, sortie de la glande, joue un rôle physiolo- gique que si on en décèle une quantité suffisante dans le sang artériel. A côté de la condition phy- siologique préliminaire, présence d'un produit spé- cifique dans un sang veineux local, nous retrou- vons donc ici ce que j'ai appelé (x) la condition physiologique nécessaire d'une sécrétion interne. Et cet exemple met en lumière toute l'importance de cette condition. On a avancé qu'il existe des traces d'adrénaline dans le sang général, d'après des recherches faites surtout avec le sérum. Or, toutes les recherches faites avec le sérum doivent être considérées comme à peu près sans valeur depuis qu'on a démontré qu'au cours de la coagulation du sang il se produit des substances vaso-constrictives (2). D'après O'Connor, tandis que dans le plasma du sang surrénal l'adrénaline est décelable en quantité notable et peut être identifiée par diffé- rentes méthodes concordantes, il est impossible de prouver avec certitude la présence de cette substance dans le sang veineux ou artériel péri- phérique lorsqu'on emploie à cette recherche, au lieu du plasma, le sérum. Cependant il en a trouvé dans le plasma du sang de la veine cave, sur le lapin, de 0 mgr. 0001 à 0 mgr. 001 par centimètre {') Voyez plus haut, p. 46. (*) Voy. J. M. O'Gonnor : Ueber den Adrenalingehalt des Blutes. Archiv f. txper. Paihol. urtd Pharmak.. 1912, LXVII. p. i 95-232. 60 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES cube, mais dans le plasma du sang carotidien, sur le même animal, il n'a pu en déceler. Gannon et de La Paz (1) n'en ont point trouvé sur le chat normal, dans le plasma du sang de la veine cave. Borberg non plus n'en a pas trouvé (2) dans le sang du lapin. Dans le sang de l'homme Brôking et Trendelenburg (3) en ont découvert des traces, 1/2.000.000 à 1/2.500.000.— Mais la question n'est pas seulement de savoir si on peut déceler de très petites quantités d'adrénaline dans le sang général, elle est encore et surtout de savoir si ces quantités sont suffisantes pour que la subs- tance manifeste son action physiologique. Tout est là. Or, les expériences que nous avons faites, Quinquaud et moi, nous permettent d'affirmer que le sang de la veine cave, à partir de l'embou- chure des veines sus-hépatiques, dans quelque condition que ce soit, ne contient pas d'adréna- line ou n'en contient qu'exceptionnellement en minime quantité. Voici en effet les expériences que nous avons systématiquement instituées (4). Elles ont été (]) W. B. Cannon and D. de La Paz. Emotional stimulation of adrenal sécrétion. Amer. Journ. of physiol., 1911, XXVIII, p. 64. (») N. G. Borberg. Das Adrenalin und der Nachweiss des- selben. Skand. Archiv fur Physiol., 1912, XXVII, p. 341. (a) E. Brôking und P. Trendeuenburg. Adrenalinnachweiss und Adrenalingehalt des menschlichen Blutes. Archiv f. klin. Med.t 1911, CIIT, p. 168-187. (*) Voy. E. Gley et Alf. Quinquaud, Journ. de Phynol, el de Paihol. générale, 1918 (mémoire cité plus haut, p. 54). RÔLE ATTRIBUÉ A L'ADRÉNALINE 61 faites sur le chien. Je les diviserai en trois séries : lre série : On recueille 20 ce. de sang de la veine cave un peu au-dessus du point où débouche le tronc lombo- surrénal dans la cave ou, en tout cas, au-dessous des veines sus-hépatiques et on les injecte à un autre animal. La pression arté- rielle sur ce dernier ne change pas ou, si elle pré- sente une élévation, celle-ci est très faible, de quelques millimètres de mercure à peine. Mais si on recueille ce même sang pendant une exci- tation prolongée d'un nerf splanchnique (d'une durée d'une minute au moins) et qu'on l'injecte comme précédemment à un autre animal, la pres- sion artérielle de ce dernier s'élève de 2 à 3 ou 4 centimètres. Il résulte de ces expériences que le sang veineux cave, recueilli un peu au- dessus de l'embouchure des veines surrénales, contient de l'adrénaline après excitation du nerf splanchnique. 2e série : Il s'agit ici d'expériences tout à fait identiques à celles de la précédente série, mais dans lesquelles le sang cave est recueilli au-dessus des veines sus-hépatiques, avant et pendant l'exci- tation du splanchnique. Dans les deux cas, ce sang s'est montré sans effet sur la pression arté- rielle d'un autre animal. Quelquefois cependant on observe une réaction, mais très faible et fugace. La différence est donc très grande dans l'action 62 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES du sang veineux cave sur la pression artérielle, selon qu'il est recueilli au-dessous ou au-dessus des veines sus-hépatiques, pendant l'excitation du nerf splanchnique. 3e série : Le sang, aa lieu d'être recueilli dans la veine cave, est retiré du cœur par ponction, soit du ventricule droit, soit du ventricule gauche, avant et pendant une excitation prolongée du splanchnique; puis très rapidement on injecte à un autre animal ou on réinjecte au même animal les 20 ou 40 ce. de sang obtenu dans ces deux conditions. L'un et l'autre échantillons ont été inactifs ou si, dans quelques cas, l'échantillon de sang recueilli durant l'excitation nerveuse a pro- duit un effet, cette réaction fut aussi faible que brève; les élévations de la pression cana- dienne, observées sous cette influence, ne dépas- sèrent pas en effet 3 ou 4 millimètres de mercure et une durée de 4 secondes. Ce sont là des réac- tions pratiquement insignifiantes. La conclusion générale de ces expériences est très simple : l'adrénaline, présente dans le sang veineux surrénal et dont la quantité, comme on le sait depuis les recherches de Biedl, de G. Dreyer et surtout de Tscheboksaroff, augmente nota- blement par l'excitation du splanchnique, ne se retrouve ni dans le sang de la veine cave au- dessus des veines sus-hépatiques, ni dans le sang du cœur." Elle n'est donc pas portée jusqu'aux LA QUESTION DE LA FONCTION SURRÉNALE 63 organes sur lesquels elle peut agir. Mais dans le trajet de la veine surrénale au cœur droit elle est détruite ou diluée à un degré tel qu'elle devient inefficace. Et ainsi il n'y a pas, à proprement parler et contrairement à l'opinion admise par presque tous les physiologistes et par les médecins, d'adrénalinémie physiologique; et l'adrénaline ne doit plus être considérée comme un produit de sécrétion vraie. Pour ébranler les fondements des notions actuel- les sur la fonction surrénale, il a suffi de quel- ques expériences conçues suivant la logique et d'après l'enchaînement rationnel des faits; ces expériences auraient dû être réalisées depuis long- temps. N'est-ce pas là une preuve convaincante de cette nécessité que je signalais de suivre la destination des produits sécrétés? C'est que le vrai critérium d'une fonction glandulaire est dans cette recherche. L'exemple que je viens de donner illustre singulièrement, ce me semble, la thèse que je soutiens. 3. L'évolution de la question de la fonction surré- nale. — Trois questions resteraient à résoudre. 1° La première concerne le sort de l'adrénaline. Qu'est-ce que devient l'adrénaline qui passe nor- malement dans le sang eiïérent des surrénales? Disparaît-elle avant d'arriver au cœur, en vertu 64 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES d'un processus chimique quelconque, d'un proces- sus d'oxydation par exemple, ou bien est-elle simplement diluée dans la masse sanguine au point, de perdre toute activité? Sans doute l'adrénaline, ajoutée à du sang in vitro, ne se détruit pas. C'est ce que J.-P. Langlois a vu dès 1897 dans des expériences faites avec L. Camus (l) : un mélange de sang et d'extrait surrénal conserve son action sur la pression arté- rielle après un séjour à l'étuve à 38 degrés pen- dant trente et quarante minutes. L'année suivante, L. Camus et J.-P. Langlois (2) constatent que l'extrait surrénal, injecté dans un segment de vaisseau, artériel ou veineux, ou dans le canal thoracique et laissé en contact avec le sang de ce segment durant sept minutes et même seize mi- nutes avec la lymphe du canal thoracique, mani- feste son activité au bout de ce temps, dès qu'on enlève la ligature qui suspendait le passage de l'extrait dans la circulation. Cependant, on t a reconnu que l'adrénaline se détruit dans le sang défîbriné et plus rapidement encore dans le sang laqué; en deux heures, 0 gr. 1 de chlorhydrate d'adrénaline, ajouté à 200 ce. de sang défîbriné H Voy. J.-P. Langlois. L'action des agents oxydants sur l'ex- trait de capsules surrénales. C. /?. de la Soc. de Biologie, 29 mai 1897, XLTX, p. 524-526. (8) L. Camus et J.-P. Langlois. De la non-destruction de l'ex- trait capsulaire dans le sang et la lymphe in vivo; modifications de son activité dans différentes conditions de circulation. C. R. de la Soc. de Biol., 7 mai 1898, L, p. 497-499. JtA QUESTION DE LA FONCTION SURRÉNALE 65 de bœuf et oxygéné, disparaît presque complè- tement (*) ; et il s'agit là d'une dose énorme. Quoi qu'il en soit d'ailleurs, cette question n'offre qu'un intérêt secondaire. Ge qui est important, c'est de savoir ce que devient l'adrénaline lancée dans la circulation. Or, des expériences de Lan- glois montrent que, quelle que soit la dose d'extrait surrénal injecté, l'hypertension produite ne dure jamais plus de trois minutes (2). Ainsi cette substance disparaît très rapidement du sang. C'est ce que prouvent semblablement les expériences de J. de Vos et M. Kochmann, dont voici le prin- cipe (3) : l'adrénaline est injectée dans la veine mar- ginale de l'oreille d'un lapin, puis, après un lap» de temps variant de une minute et demie à dix minutes, on recueille quelques centimètres cubes de sang carotidien sur cet animal et on injecte 1 à 2 ce. de ce sang à un second lapin, dont on mesure la pression artérielle; on sait la quantité d'adré- naline que contient le sang injecté d'après un cal- cul très simple, puisqu'on connaît la dose injectée au premier animal et, d'autre part, la quantité totale de sang de cet animal. De ces expériences (*) G. Embden und O. von Furth. Ueber die Zerstôrung des Suprarenins im Organismus. Beitrâge zur chem. Physiol. und PathoL, 1904, IV, p. 421. (") J-.-P. Langlois. Le mécanisme de destruction du principe actif des capsules surrénales dans l'organisme. Arch. de physiol., 5« série, 1898, X, p. 124-137. (8) J. de Vos et M. Kochmann. De la rapidité avec laquelle le principe actif des capsules surrénales disparaît du sang. Arch* internat, de pharmacodynamie, 1905, XIV, p. 81-91. glby, Sécrétions internes. 5 66 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES très soigneusement faites, il est résulté que, dix minutes après l'injection intra-veineuse de la dose mortelle minima d'adrénaline et cinq à trois minu- tes après l'injection des deux tiers et du tiers de cette dose, on ne peut plus déceler d'adrénaline dans le sang. D'autres expériences, dues à Tren- DELENBURGf1) et à Jackson (2), il suit que, dès que l'élévation de la pression artérielle produite par une injection d'adrénaline a cessé, on ne trouve plus trace de cette substance dans le sang. Ce que corroborent des recherches de Kretschmer qui prouvent que l'action de l'adrénaline sur la pres- sion artérielle ne persiste que si l'injection en est continue; il est nécessaire d'en injecter pour cela 0 mgr. 001 à 0 mgr. 002 par minute (8). Et ce fait ne concorde guère avec ce que nous savons des quantités d'adrénaline déversées dans le sang de la veine cave. Ainsi l'adrénaline disparaît très vite du sang. Des expériences de J.-P. Langlois donnent à penser que, en passant par le foie, elle peut 8e détruire (*). En premier lieu, l'extrait surrénal (*) P. Trendelenburo. Bestimmung des Adrenalingehaltes im normalen Blut sowie beim Abklingen der Wirkung einer einma- lingen intra-venôsen Adrenalininjektion mittelst physiologischer Messmethode. Arch. f.exper.Palh. und Pharm., 1910, LXIII,p. 161. (•) D. E Jackson. The prolongea existence of adrenalin in the blood. Amer. Journ. of PhysioL, 1909, XXIII, p. 226-245. (8) W. Kretschmer. Ueber den Mechanismus der Adrenalin wirkung und dauernde Blutdrucksteigerung durch Adrenalin. Archiv /. exper. Palkol. und Pharmak., 1907, LVII, p. 348. (4) J.-P. Langlois. Du foie comme organe destructeur de h substance active des capsules surrénales. C. R. de la Soc. de Biof. 12 juin 1897, XLVII, p. 571-575. LA QUESTION DE LA FONCTION SURRÉNALE 67 injecté dans une veine mésentérique provoque une élévation de la pression artérielle beaucoup moin- dre que celle que le même extrait détermine, quand on l'injecte dans une jugulaire; d'autre part, si on recueille le sang de la veine cave sus-diaphragma- tique et en même temps d'une veine de la circula- tion générale après injection d'une assez grande quantité d'extrait surrénal et qu'on réinjecte ce sang à un autre animal, on voit que le sang recueilli dans la partie sus-diaphragmatique de la cave se montre moins actif que celui qui provient d'une jugulaire; enfin, après la suppression fonctionnelle du foie (1), l'action de l'extrait surrénal est plus marquée et dure plus longtemps. Je ne puis m'em- pêcher de rapprocher ces faits de ceux que j'ai observés avec Quinquaud (voy. plus haut) concer- nant'la disparition dans la veine cave, au-dessus du foie, de l'adrénaline excrétée de3 surrénales. Ici enfin doit prendre place une importante série d'expériences qui démontrent que des animaux dans le sang desquels ne se déverse plus d'adré- naline ou ne se déversent que des quantités de cette substance inappréciables pour nos procédés d'investigation les plus sensibles, restent néan- moins en parfaite santé et se comportent tout à fait comme des animaux normaux; ce sont les (*) Atiianasiu et J. P. Langlois. Du rôle du foie dans la des- truction de la substance active des capsules surrénales. C. R. de la Soc. de BioL: 12 juin 1897. XLVII, p. 575-576. 68 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES expériences faites sur des chats sur lesquels une surrénale a été enlevée et l'autre complètement énervée (*). Les auteurs de ces recherches remar- quent d'ailleurs avec raison que la section de la moelle dorsale qui supprime toute sécrétion spon- tanée d'adrénaline n'est nullement incompatible avec la vie, comme le prouvent de nombreuses observations sur les animaux et sur l'homme (2). 2° Supposons admise l'opinion que nous venons de produire, à savoir qu'il n'y a pas d'adrénalinémie physiologique. Mais ne peut-on soutenir qu'il en va peut-être autrement dans des cas pathologiques, que l'adrénaline dans ces cas serait sécrétée en telle quantité par des glandes en hyperactivité qu'elle passerait alors dans la circulation générale et parviendrait à toutes les parties du système sym- pathique sur lesquelles elle agit électivement. Je répondrai simplement que l'on est obligé maintenant, après nos expériences, de fournir la preuve qu'il y a une adrénalinémie pathologique, à défaut de l' adrénalinémie normale, inexistante. Et, en attendant cette preuve, ne sommes-nous pas fondés à mettre en doute les théories sédui- (*) G. N. Stewart and J. M. Rogoff. Quantitative experiments on the libération of epinephrin from the adrenal after section of their nerves, with spécial référence to the question whether epinephrin is indispensable for the organism. Journ. of Pharmacol. and exper. Therap., juillet 1917, X, p. 1-48. (2) G. N. Stewart and J. M. Rogoff. The relation of the spinal cord to the spontaneous libération of epinephrin from the adrenals. Journ. of exper. Med., novembre 1917, XXVI, p. 613-636. Voy. aussi le mémoire précédemment cité des mêmes auteurs. LA QUESTION DE LA FONCTION SURRÉNALE 69 santés et que l'on a été si prompt à propager sur les syndromes surrénaux liés à l'hypo et à l'hyperadré- nalinémie, sur le diabète surrénal, sur la pathogénie de l'athérome et sur quelques autres questions. Déjà cependant il paraît bien peu probable qu'un excès de sécrétion d'adrénaline puisse don- ner lieu au diabète. Dans des recherches faites dans mon laboratoire, il y a deux ans, Quinquaud a démontré (x) que, sur des lapins sur lesquels les nerfs splanchniques droits ont été coupés et la veine surrénale gauche liée, la piqûre du quatrième ventricule n'en produit pas moins la glycosurie. Or, d'après la théorie en vogue, ces animaux n'au- raient pas dû devenir glycosuriques ; en effet, la surrénale droite, aux nerfs sectionnés, est soustraite à l'influence de la piqûre bulbaire, et la surrénale gauche, aux nerfs intacts, mais à la veine liée, si elle reçoit bien l'excitation nerveuse,ne peut déverser dans le sang l'adrénaline qu'elle excrète en excès. Déjà, d'ailleurs, les expériences de Wertheimer et Battez sur cette même question (2) inspiraient des doutes sur la réalité du mécanisme surrénal de la piqûre diabétique. Ces auteurs, en effet, sur trente-six chats ayant subi la surrénalectomie (*) Alp. Quinquaud. Relations entre la piqûre diabétique et la sécrétion d'adrénaline. Thèse pour le doctorat en médecine, Paris, 1915. (•) E. Wertheimer et Battez. Ablation des capsules surrénales et piqûre du quatrième ventricule chez le chat et chez le chien. C. R. de la Soc. de Biol.t 4 avril 1914, LXXVI, p. 617-619. 70 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES double en un temps, avaient observé sept fois l'effet positif habituel de la piqûre du quatrième ventri- cule et, sur trente-cinq chiens opérés de même, neuf fois le même résultat; d'où ils avaient conclu que la question « soulève encore des objections qui demandent à être résolues ». La cause pour laquelle Wertheimer et Battez, comme les expérimentateurs qui les ont précédés, à partir de A. Mayer (1), n'ont pas constamment obtenu l'effet positif de la piqûre du quatrième ventri- cule, chez les animaux surrénalectomisés, est du reste facile à découvrir. C'est celle même qui fait que l'excitation du splanchnique peut devenir inefficace à la suite de l'extirpation des surrénales, si cette opération est pratiquée hâtivement, sans de minutieuses précautions et de façon à ne pas léser le système splanchnique, comme nous l'avons montré, Quinquaud et moi (2). — Des expériences plus récentes et conduites avec beaucoup de soin de Stewart et Rogoff résolvent, je pense, la question, expériences sur des chats dont une sur- rénale a été enlevée et l'autre énervée (3) et qui, dans cette condition où il ne peut plus y avoir d'adrénaline en circulation, présentent néanmoins, soit sous l'influence de l'asphyxie, soit sous celle f1) André Mayer. Sur le mode d'action de la piqûre diabé- tique. Rôle des capsules surrénales. C. R. de la Soc. de Biol., 30 juin 1906, LVI1I, p. 1123-1124. (a) Voy. notre mémoire cité plus haut, p. 54. (•) Voy. plus haut, p. 69. LA QUESTION DE LA FONCTION SURRÉNALE 71 de l'anesthésie par l'éther, la même hyperglycémie que des animaux normaux f1). Quant à l'hyper- glycémie par émotion violente, comme la frayeur, les auteurs n'ont pu l'observer et la considèrent tout au moins comme très inconstante. Quoi qu'il en soit de ce dernier point, leur conclusion paraît s'imposer, et c'est celle même à laquelle nous avaient conduits les expériences de Quinquaud : «Si l'adrénaline n'est pas nécessaire pour une forte et prompte augmentation du sucre du sang dans les conditions étudiées, a1 ors les déductions faites relativement à l'importance de la sécrétion adréna- linique des surrénales dans la mobilisation du sucre ne peuvent être plus longtemps soutenues (2). » Passons aux syndromes d'hypo et d'hyper- adrénalinémie; ne devient-il pas malaisé de les conserver tels quels dans les cadres nosographi- ques où ils ont pris avec tant de facilité une si grande place? Si l'adrénaline ne joue guère de rôle physiologique, puisqu'elle ne passe qu'excep- tionnellement et en infime quantité dans le sang de la circulation générale, l'état dit d'hypoadréna- (') G. N. Stewart and J. M. Rogoff. The alleged relation of the epinephrin sécrétion of the adrenals to certain expérimental hyperglyceraias. Amer. Journ. of physioL, novembre 1917, XLIV, p. 543-580. (3) « If epinephrin is not necessary for the marked and prompt augmentation of the blood-sugar observed in the conditions stu» died, then the déductions which hâve been. drawn as to the importance of the epinephrin sécrétion of the adrenals in the mobilization of sugar can no longer be upheld* (G. N. Stewart and J. M. Rogoff, loc. cit., p. 570). 72 LA CONDITION DES SÉCRÉTIONS INTERNES linémie ne correspond pas à une réalité; la quantité d'un produit fictif ne peut pas diminuer et les troubles soi-disant liés à cette diminution tiennent de toute évidence à une autre cause. Peut-être conviendrait-il de rechercher s'il existe un hypo- surrénalisme. En tout cas, les insuffisances du fonctionnement surrénal, si elles existent, ne paraissent pas dépendre d'une moindre sécrétion d'adrénaline. — D'autre part, en ce qui concerne l'hyperadrénalinémie, il est absolument nécessaire, si on veut justifier sa réalité, de prouver au préalable que, dans les conditions pathologiques auxquelles on croit qu'elle répond, on trouve de Padrénaline dans le sang général, et qu'on en trouve en quantité suffisante pour provoquer les troubles qu'on prétend expliquer par là. 3° La dernière question est la plus grave. Si, dans la physiologie des surrénales, l'adrénaline, après avoir été tout, n'est plus rien ou pas grand '- chose, si elle ne doit plus être considérée vraisem- blablement que comme un produit d'excrétion, sans rôle fonctionnel normal, et non comme une sécrétion, quelle est donc la fonction surrénale? Si les surrénales n'ont pas pour fonction de sécréter l'adrénaline, quels sont les produits qu'elles sécrètent? A moins qu'elles ne soient pas en réalité des organes sécréteurs et qu'elles n'agis- sent que in situ. A cette question capitale, ce sont de nouveaux travaux qui devront répondre. LA QUESTION DE LA FONCTION SURRÉNALE 73 Dès maintenant, n'entrevoit-on pas une voie dans laquelle s'engager? Des recherches de Biedl (1), qu'on ne peut certes encore considérer comme décisives, mais qui sont tout au moins très suggestives, encore que leurs résultats n'aient pas retenu l'attention, celle-ci étant sans doute trop exclusivement fixée sur l'adrénaline, d'autres recherches plus récentes, faites par Wheeler dans le laboratoire de Swale Vincent (2), tendent à montrer que c'est la partie corticale des surrénales et non la médullaire, qui est nécessaire à la vie. D'autre part, la corticale paraît bien être un organe élaborateur de lipoïdes et spécialement de la cholestérine, et les recherches de Chauffard et de ses élèves sur la cholestérine des surrénales et l'hypocholestérinémie dans les infections font apparaître une nouvelle fonction de ces organes. Déjà, dans mon laboratoire, R. Porak et Alf. Quinquaud ont déterminé une condition dans laquelle la cholestérine augmente dans le sang surrénal (3). Il serait légitime, en tout cas, de pour- suivre des recherches sous l'influence de cette idée directrice du rôle de la corticale surrénale. (*) Voy. A. Biedl. Innere Sekrction, 2* édit., t. I, p. 374, Berlin et Vienne, Urban et Schwarzenbcrg, 1913. (2) Voy. Swale Vincent. Re eit views as to tha function of the adreml bod.es. Endocrinology, avril 1917, I, p. 140-149. (3) René Por\k et Alf. Quinquaud. Teneur du sang veineux surrénal en cholestérine dans diverses conditions expérimentales. C. R. de la Soc. de BioL, 18 juillet 1914, LXXVII, p. 368. TROISIÈME LEÇON L'ORIENTATION NOUVELLE DES RECHERCHES SUR LES HORMONES ET SUR LES HARMOZONES De ce qui a été dit dans les leçons précédentes, il ressort que l'étude des sécrétions internes devrait consister surtout dans la recherche des propriétés de chaque sang veineux glandulaire et dans la recherche dans le sang artériel de ces mêmes pro- priétés à un moment donné, au moment où la glande considérée entre en activité. C'est dans ce sens que doivent s'orienter actuellement les expé- rimentateurs. Il s'en faut qu'il en soit ainsi. Et le fait que les physiologistes et les médecins n'ont pas obéi à la logique dans cette question a été cause de nom- breuses erreurs qui ont abouti à encombrer de trop de notions non démontrées et de trop d'hypo- thèses la physiologie et la pathologie. Il m'a semblé qu'il était plus que temps d'insister sur les dangers des méthodes d'investigation le plus générale- 76 HORMONES ET HARMOZONES ment employées aujourd'hui et sur les moyens d'y remédier. Ce sera le sujet de cette leçon. Trois questions principales se posent alors : 1° Comment a-t-on surtout étudié et comment étudie-t-on encore le plus fréquemment les sécré- tions internes? C'est la partie critique, destructive, de la leçon; — 2° Comment doit-on les étudier pour que nos connaissances progressent réellement? C'est la partie constructive de la leçon, établie sur des exemples; — 3° L'insuffisance actuelle des moyens techniques peut nous empêcher dans quelques cas d'appliquer à l'étude que nous envi- sageons la méthode rationnelle; comment alors remplacer celle-ci, de façon que les résultats obtenus soient à l'abri de la critique? Nous aurons, dans cette troisième partie de la leçon, à consi- dérer surtout où en sont nos connaissances sur les harmozones. I Confusion entre sécrétions internes et actions physiologiques des extraits d'organes CRITIQUE DE LA MÉTHODE DES EXTRAITS D'ORGANES L'étude des sécrétions internes, indépendam- ment des expériences de suppression brusque d'une sécrétion par l'extirpation de l'organe sécréteur, s'est faite surtout au moven des observations SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 77 recueillies sur les effets de l'injection d'extraits des organes supposés sécréteurs. On aurait dû s'étonner depuis longtemps de la facilité avec laquelle non seulement beaucoup de médecins, mais aussi bien des physiologistes ont considéré ces extraits d'organes comme étant de véritables substituts des sécrétions propre- ment dites. Deux séries d'expériences heureuses avaient produit cette confusion, abstraction faite des expériences sur lui-même de Brown-Séquard, trop sujettes à critiques,, sur l'action thérapeu- tique de l'extrait testiculaire. La première série est celle des expériences de G. Vassale et de E. Gley (1890, 1891) sur l'action de l'extrait de glande thyroïde chez les animaux éthyroïdés; l'injection de cet extrait atténue ou fait temporai- rement disparaître les troubles graves qui sur- viennent après l'ablation de l'appareil thyroïdien. C'était là le premier exemple de l'action spécifique d'un extrait d'organe et cet exemple est d'ailleurs presque le seul (*). Ensuite, et très vite, plusieurs pathologistes traitèrent avec grand succès par l'administration de ces extraits le myxcedème, puis le goitre, puis ce que l'on appela plus tard les insuffisances thyroïdiennes. Et les guérisons, (*) Exception faite de l'extrait de muqueuse duodéno-jéjunale qui contient la sécrétine et dont l'action spécifique sur la sécré- tion pancréatique est classique. Exception faite aussi de l'extrait de la glande interstitielle du testicule (voy. IVe leçon). 78 HORMONES ET HARMOZONES qui se multiplièrent dès lors, d'une maladie incu- rable, comme le myxœdème^ par l'application si simple d'une donnée physiologique, achevèrent et fortifièrent la démonstration du rôle de l'extrait thyroïdien. Aussi bien, ce traitement est-il resté le triomphe de l'opothérapie. — La seconde série d'expériences fut aussi décisive. J'ai déjà eu l'oc- casion de signaler toute l'importance de la décou- verte par Oliver et Schafer de l'action cardio- vasculaire de l'extrait surrénal (1). Ce qui donna à cette découverte plus de valeur encore, ce fut la constatation que ïe sang surrénal possède sur la pression artérielle la même action que l'extrait. A partir de ce moment, la conviction se répandit que les extraits d'organes, d'une façon générale, contiennent le produit de sécrétion des glandes vasculaires et par conséquent peuvent être à juste titre considérés comme les représentants de la sécrétion de ces glandes. Des effets observés à la suite de l'injection d'extraits glandulaires quel- conques, on se crut donc en droit de conclure au rôle physiologique des glandes. Rien cependant n'était plus téméraire. Et, dès (l) Voy. E. Gley. Les sécrétions internes, 1914, p. 43; 2e édit., p. 40. Voy. aussi du même auteur : Comment s'est formée et comment a évolué la notion de sécrétion interne. Revue générale des sciences, 30 juin 1915, XX VI, p. 372. — Telle est aussi l'opi- nion de Swale Vincent. Intimai sécrétion and thc duclless glands, London, Edw. Arnold, 1912 : t The remarkable discovery of Oliver and Schafer, dit-il, stimulated numerous observations upon the spécial physiological effects of extracts made from différent organs and tissues » (p. 25). SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 79 le début de ces recherches, pour des raisons théori- ques bien apparentes, quelques avertissements s'étaient fait entendre; dans mon rapport sur les sécrétions internes au xvne Congrès international de Médecine, à Londres, en 1913 J1),. j'ai cité les réserves présentées par Gley et par Lewandowsky en 1899 contre l'emploi de la méthode des extraits d'organes, puis plus tard par M.Lambert, en 1907, et par Biedl, en 1913. De son côté, en 1906, Swale Vincent avait fait observer qu' « il est douteux que ces résultats physiologiques ou plutôt pharmacologiques aient quelque importante valeur dans la question de la sécrétion interne des diffé- rents organes » (2). (*) Voy. aussi E. Gley. Les sécrétions internes, Paris, J.-B. Bail- lière et fils, 1914, p. 43-44; 2« édit., p. 40-41. (2) « IL is doubtful whether those physiological or rather phar- macological results hâve any very important bearing upon the question of the internai sécrétion of the différent organs » (Swale Vincent, Internai sécrétion and ductless glands, The Lancet, 11 août 1906, p. 349). Sw. Vincent n'a pu naturellement que persister dans cette opinion et, à plusieurs reprises, il s'est élevé avec beaucoup de force contre les erreurs auxquelles conduisait la méthode des extraits d'organes. C'est ainsi que, dans l'étude qu'il a donnée en 1910 dans les Ergebnisse der Physiologie (IX, S. 451-586) sur les sécrétions internes (Innere Sekretion und Drusen ohne Ausfilhrung-gang), il traite de « naïveté • (p. 483-485) la division des glandes endocrines en deux groupes, celui des glandes « hypertensives » et celui des glandes « hypotensives », suivant l'action de leurs extraits sur la pression artérielle (voy. plus loin, p. 84). Même attitude dans son livre Internai sécrétion and the ductless glands (Londres, 1912), qui est ïe développement de cette étude des Ergebnisse. Il critique aussi, pour des raisons identiques, la thèse d'une hormone thymique régulatrice de la pression arté- rielle, et fait remarquer la faiblesse des arguments de K. Svehla à l'appui de cette idée. Récemment, revenant sur cette question, il dit avec un grand 80 HORMONES ET HARMOZONES Toutes ces remarques donnaient clairement à entendre que rien ne prouve a priori que les subs- tances présentes dans un extrait d'organe et qui se montrent douées d'une action physiologique sont formées in vivo dans cet organe et passent dans le sang efïérent et de là dans la circulation générale. bon sens : « I hâve for some years taught any students that organs and tissues of the body yield to extract substance or substances which lower the blood-pressure. But I hâve warned them not to assume that this fact bears any direct interprétation in the direction of internai sécrétion » (Swale Vincent. The newest t hormone ». Endocrinology, oct.-décembre 1918, II, 420-430; cf. 424). Au point de vue auquel je me place ici, cet article contient du reste une intéressante critique et qui ne me paraît que trop justifiée, quoique très vive, d'un travail de P. Marfori « sur la fonction hormo- nique des ganglions lymphatiques » (Arch. italiennes de Biol. 1918, LXVIII, p. 113-127); de recherches sur l'action physiolo- gique des extraits ganglionnaires, Marfori a en effet conclu à l'existence d'une hormone, qu'il décore du nom de « lymphogar- gline ». « Now professor Marfori appears on the scène and givc a careful account of the physiological action of extracts of lyn- phatic glands !... » (loc. cit., p. 424). — « The lymphatic glands are not in the ordinary acceptance of the term, secreting glands. They are not formed of a highly specialized epithelium, and their struc- ture does not suggest any kind of sécrétion activity. The substance yielded to extracts by a lymphatic gland is not powerful, andis not spécifie, but common to ail organs and tissues. Reviewing tho whole matter, it seems abondantly clear that there is not the slightest reason for believing that thèse bodies carry out any endocrine function. It follows that the term « lymphogangline » as applièd to the active principle in the extracts, is both useless and dangerous, and it is to be hoped that it will aot flnd any place in the literature » (ibid., p. 428-429). Ailleurs (p. 426) il dit encore, — et l'on remarquera la justesse de l'observation à laquelle les inventeurs d'hormones n'ont jamais pensé ou n'ont jamais fait la moindre attention — : si l'on était fondé à reconnaître une fonction de sécrétion interne à toutes les parties du corps, par ce seul fait que des extraits de ces parties manifestent des propriétés physiologiques, t thèse observers might hâve already named a whole séries of c hormones» — «nervinea, « musculine », ijeco- rine », « testine », t ovarine », and so on. * SECRETIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 81 Ces avertissements ne furent point écoutés. A quelques exceptions près et dont l'intérêt et la force démonstrative, quoique très grands, ne sus- citèrent pas d'imitation, l'étude des sécrétions internes, par une singulière aberration expéri- mentale, pendant longtemps se réduisit surtout à l'étude des propriétés des extraits d'organes. Récemment encore, l'auteur d'un livre apprécié sur les sécrétions internes n'hésita pas à dire que l'on peut « considérer chaque extrait d'organe comme équivalant à la sécrétion interne totale de la glande (*) ». Que d'erreurs et que d'hypothèses ont ainsi encombré et encombrent encore la physio- logie et la pathologie i Peu à peu d'ailleurs les faits se chargèrent de prouver combien les censeurs prudents avaient vu juste. Laissons de côté les faits accessoires. Deux ordres de faits principaux déposent contre l'emploi de la méthode des extraits d'organes. La première série comprend les expériences desquelles il résulte que, dans un grand nombre f1) G. Maranon. Las glândulas de sécrétion interna y las enfer* medades de la nutrition, un vol. in-8°, 2e édit., Madrid, 1916, p. 7. Déclaration d'autant plus surprenante d'ailleurs que, quelques lignes plus bas, l'auteur reconnaît que le problème de la fonction endocrine « est beaucoup plus complexe que nous ne sommes amenés à le croire par les expériences faites avec les grossiers extraits d'organes » (« ... en realidad, el problema de la funciôn endocrina, para cada glândula, es mucho mas complejo de lo que inducen a créer los experimentos hechos con los groscros extractoa de ôrganos,»). C'est ici que MaraSon a raison. glby, Sécrétions internes. 6 82 HORMONES ET HARMOZONES de cas, les extraits d'organes ne manifestent une action physiologique que si on les injecte à doses élevées; souvent ces doses représentent en poids non seulement la masse totale des organes d'où proviennent les extraits, mais même plusieurs de ces organes. Aldo Patta, après avoir expérimenté avec les extraits de thyroïdes, de parathyroïdes, de testi- cules, d'ovaires, d'hypophyse, a signalé l'impor- tance de ce fait (1). D'autres l'ont observé, mais sans en avoir été frappés. Dans un mémoire que j'ai publié avec Quinquaud en 1914, nous l'avons également noté (2) ; on y peut voir que la substance de toute une glande, la thyroïde par exemple, ne suffit pas pour produire un effet; il y faut la matière de deux ou trois organes. Cette observation s'ap- plique encore mieux, si c'est possible, aux actions thérapeutiques. Ainsi Ch. Fiessinger remarque qu'une hypophyse de bœuf pèse en moyenne 2 gr. 20; que le lobe antérieur pèse 1 gr. 80 et le postérieur 0 gr. 10; que, pour une médication avec le lobe postérieur, il faut employer par jour les hypo- physes de trois bœufs, soit 0 gr. 30, et conséquem- (*) Aldo Patta. Contributo critico e sperimentale allô stud'o deir azione dcgli estratti di organi nella funzione circolatoria. Arck. di farmacologia sperimenlale c se. affini, 1906, V, p. 188-215 et 576-605, et 1907, VI, p. 80-119. (2) E. Gley et Alf. Quinquaud. Contribution à l'étude des in ter relations humorales. Action de l'extrait thyroïdien et en général des extraits d'organes sur la sécrétion surrénale. Arch. internat, de physiol., 1914, XIV, p. 152-174. SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 83 ment qu'on a besoin des organes d'une centaine de bœufs si l'on veut instituer un traitement de quelque durée (1). Est-il admissible, dans ces conditions, qu'il s'agisse là d'une action spéci- fique? Ne s'agit-il pas plutôt d'une action pharma- cologique? On objectera peut-être que, quand une glande sécrète activement, il arrive qu'elle pro- duise un poids de matière égal à son propre poids. Par exemple, on a vu que, par l'excitation de la corde du tympan au moyen de courants sinusoï- daux durant dix heures consécutives, une glande sous -maxillaire de chien, pesant environ 7 à 10 grammes, a sécrété au bout de ce temps 210 ce. (2). Mais dans cette production de substance très supé- rieure à la masse même de l'organe producteur, il n'y a qu'une apparence ; c'est un cas qui s'observe seule- ment avec les glandes digestives, dont la sécrétion est riche en eau; c'est le cas particulièrement des glandes salivaires; et c'est surtout de l'eau qui est ainsi sécrétée. Pour les glandes à sécrétion interne, nous ignorons complètement les quantités de (1) Ch. Fiessinger. La médication opothérapique (Journal des Praticiens, 24 novembre 1917, p. 747). (2) Voy. M. Lambert. La résistance des nerfs à la fatigue. Thèse pour le doctorat en médecine, Nancy, 1894. Dans son Traité de physiologie comparée des animaux, 3e édit., t. I, p. 649, Paris, 1886, G. Colin donne le chiffre de 13 grammes pour le poids des glandes sous-maxillaires. Malheureusement il n'indique pas les poids des animaux qui ont servi à la détermi- nation de ce poids moyen. J'ai moi-même trouvé sur des chiens de 20 à 24 kilos des glandes du poids de 18 à 22 grammes. Dans l'expérience de Lambert relatée ci-dessus, le poids de l'animal était de 15 kil. 500. 84 HORMONES ET HARMOZONES produit actif qu'elles peuvent livrer en un temps donné; ces quantités d'ailleurs doivent être assez minimes, à en juger par l'activité des produits qui y sont formés. En tout cas, aucune donnée positive ne permet d'établir une relation entre la masse des organes sécréteurs et la quantité du produit actif qu'ils sécrètent. Et puisque nous a' avons aucune notion sur les quantités de produit actif que peuvent livrer à la circulation les glandes endocrines (1), c'est une raison de plus pour estimer la valeur de cette sécrétion d'après l'activité phy- siologique non pas de l'extrait de l'organe sécré- teur, mais seulement de son sang efférent et d'après la même activité, temporairement acquise, du sang de la circulation générale. La seconde série d'expériences que je voudrais invoquer contre la méthode des extraits d'organes est celle des expériences de tachyphylaxie. J'ai donné ce nom à un phénomène remarquable qui a été découvert et étudié presque simultanément (*) On peut cependant trouver quelques suggestions ou indica- tions sur ce point dans plusieurs des travaux de David Marine et J. M. Rogoff : The absorption of potassium iodid by the thyroid gland in vivo, following its intravenous injection in constant amounts. Pharmac. andexper. med., août 1916, VIII, p. 439-444; — How rapidly does the intact thyroid gland elaborate its spécifie Sodin containing hormone ? (Ibid., octobre 1916, IX, p. 1-10), et de G. N. Stewart et J. M. Rogoff : The spontaneous libération of epinephria from the adrenals {Ibid., septembre 1916, VIII, p. 479-524); — The influence of certain conditions on the rate at which epinephrin is liberated from the adrenals into the blood {Proceed. of ihe Soc. for exper. Biol. and Med., 1917, XIV p. 77-79). SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 85 en 1911 par Cesa-Bianchi en Italie, par H. Ro- ger, par Ancel, Bouin et M. Lambert, et par Champy et Gley en France, par H. Dold en Alle- magne, et qui consiste dans l'immunisation rapide contre la dose toxique d'un extrait d'organe, produite par l'injection préalable, quelques minutes auparavant, d'une très petite dose de cet extrait ou de l'extrait toxique d'un autre organe. Partant de ce fait solidement établi, j'ai demandé (x) s'il est possible de considérer, sans plus, comme pro- duits de sécrétion interne les extraits contre les effets duquel l'organisme se protège si rapidement, quel que soit d'ailleurs le mécanisme de cette protection. Une des propriétés caractéristiques d'une sécrétion interne, de celles du moins, trop rares, que nous connaissons vraiment comme telles, est au contraire la répétition quasi indé- finie de son effet. On ne peut d'ailleurs objecter que, dans les expériences de tachyphylaxie, il s'agit de l'action toxique générale des extraits organi- ques. Ge phénomène de protection rapide s'observe aussi pour des actions physiologiques spéciales de ces extraits, comme l'action sur le cœur (2)s i1) E. Gley. A propos du phénomène de tachyphylaxie (C. R, de la Soc. de BioL, 28 octobre 1911, LXXI, p. 352); — Les phéno- mènes de tachyphylaxie et leur signification présente (Arxivs de VInstitut de Ciencies, Barcelona, 1912, I, n° 2, p. 11-21); — Les sécrétions internes, Paris, 1914, p. 48-51; 2e édit., p. 44-47. (*) G. Etienne et J. Parïsot. Action sur l'appareil cardio- vasculaire des injections répétées d'extrait d'hypophyse. Compa- raison avec l'action de l'adrénaline. Arch. de méd. expérim. ei eb HORMONES ET HARMOZONES sur la pression artérielle (1), sur la diurèse (2), sur la contractilité vésicale (3), sur la sécrétion mammaire (4). Tous ces faits nous imposent donc cette idée, qu'on n'a pas le droit, de recher- ches sur l'action physiologique ou thérapeu- tique des extraits organiques, de conclure à la réalité d'une sécrétion interne de ces organes aux extraits desquels on a reconnu quelque activité. C'est pourtant ce que l'on fait communément, alors que, comme je l'ai dit déjà (5), rien n'auto- rise à penser que sécrétion interne et propriétés d'extrait organique s'équivalent. Faut-il s'étonner dès lors que l'emploi presque d'anal, palhol., 1908, XV, p. 423-437; — J. Salvioli et A. Car- raro. Sur la physiologie de l'hypophyse. Arch. ilal. de BioL, 1908, XLIX, p. 1-38. (*) N. H. Howell. The physiological effect of extracts of pitui- tary body. Journ. of exper. med., 189?, III, p. 215-245; — E. A. Sh. Schafer and Sw. Vincent. The physiological elïects of extracts of pituitary body. Journ. of physiol., 1899, XXV, p. 87- 97; — H. Roger et O. JosuÉ. Action de l'extrait d'intestin sur la pression artérielle. C. R. de la Soc. de BioL, 24 février 1906, LVIII, p. 371; — H. Roger. Toxicité des extraits pulmonaires. Arch. de mcd. expêr. et d'anal, palhol., 1911, XXIII, p. 37-63; — Chr. Champy et E. Gley. Sur la toxicité des extraits de corps jaune. Immunisation rapide consécutive à l'ingestion de petites doses de ces extraits (tachyphylaxie). C. R. de la Soc. de BioL, 22 juillet 1911, LXXI, p. 159. (*) E. A. Sh. Schafer and J. T. Herring. The action of pitui- tary extracts upon the kidney. Procecdings of Ihe Roy. Soc. 1906, LXXI, p. 571. (•) Von Frankl Hochwart und Frôhlich. Ueber die Wirkung des Pituitrins Wiener klin. Wochens., 1909. (*) E. A. Sh. Schafer and R. Mackenzie. The action of animal extracts on milk sécrétion. Proceedings of Ihe Roy. Soc, 1911, LXXXIV, p. 16-22. (•) E. Gley. Loc. cil. [Arxius de t'institul ae Cimcics, p. 20). SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 87 exclusif de cette méthode suspecte des extraits d'organes ait conduit. à des suppositions erronées ou tout au moins aventurées, à des généralisations hâtives, à des applications thérapeutiques dont on a déduit sans scrupules des données physiologiques hypothétiques ? Il ne doit pas s'ensuivre néanmoins de tout cela, je m'empresse de le dire, que tout ce que nous savons des extraits d'organes soit à regarder doré- navant comme sans intérêt et sans valeur. Loin de là. Les travaux dont je parle et dont je critique seulement la signification physiologique ont fait reconnaître en divers extraits des propriétés phar- macodynamiques d'un réel intérêt. Ces propriétés, la médecine, présentement et dans l'avenir, peut toujours les utiliser dans un but thérapeutique. Il est bien clair que, quoi que l'on doive penser par exemple de la sécrétion surrénale, l'adrénaline possède des actions physiologiques remarquables qui justifient son emploi fréquent. Cette réserve faite, il n'en est pas moins opportun de montrer par des exemples la gravité des abus que je viens de signaler. Le simple exposé de Terreur est utile à la vérité, ne fût-ce que parce qu'il peut empêcher d'errer de nouveau. Théories aventurées. Généralisations hâtives. — Le mot d'hormone a été employé trop légère- ment et du même coup on a étendu abusive- 88 HORMONES ET HARMOZONES ment la notion de sécrétion interne. Une preuve saisissante de cette erreur se voit dans la division des glandes endocrines en « hypertensives » et « hypotensives ». De ce que beaucoup d'extraits d'organes ont une action sur la pression artérielle, on a tout de suite conclu que ces organes déversent dans le sang des substances qui ont pour rôle soit d'élever, soit d'abaisser la pression. D'où la théorie que toutes ces glandes agissent normalement sur le tonus artériel et contribuent à régler la tension sanguine, parce qu'elles sécrètent constamment dans le sang deux produits antagonistes, l'un, hypertenseur, l'autre hypotenseur. Aussi Gh. Livon, en 1899, intitule-t-il sans hésiter son travail sur ce sujet : « Action des glandes à sécrétion interne sur la tension sanguine » ; il n'écrit même pas : Action des extraits de glan- des... — Malgré les réserves que j'avais faites cette même année sur ce sujet (1), l'habitude était déjà prise de passer de l'action des extraits à celle des sécrétions proprement dites. Dix ans après, en 1908, Jacques Parisot (de Nancy) publie un livre de 562 pages : Pression artérielle et glandes à sécré- tion interne. Et tout le livre pour ainsi dire prouve que l'action des extraits est tenue pour identique à l'action de la sécrétion in vivo. « L'extrait de foie, dit l'auteur, jouit de propriétés hypotensives, injecté dans les veines d'un animal; il est logique {*) Loc. cit., voy. p. 79. SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 89 de penser qu'une sécrétion exagérée du foie déverse dans la circulation une quantité plus ou moins abondante de produits hypotenseurs et amène par ce fait même un abaissement de la pression arté- rielle. » Ce qu'il eût été logique de chercher, c'est si le foie cède normalement au sang une substance à action hypotensive. Même raisonnement au sujet d'une sécrétion interne du rein; comme l'extrait rénal élève la pression artérielle, l'auteur estime que, si la pression est abaissée dans les néphrites aiguës, c'est parce que le rein sécrète alors moins de substance hypertensive. En Allemagne, Falta soutint aussi cette thèse de l'antagonisme de deux sortes de glandes, hyper et hypotensives, et de telle façon qu'on dut lui rappeler qu'il ignorait même que les extraits de presque tous les organes abaissent la pression artérielle (1). Aucune preuve donc à l'appui de cette conception. Et, supposé celle-ci admise, encore aurait-il fallu chercher en quelle quantité chaque organe verse dans la circu- lation son principe actif, les variations de ce prin- cipe suivant l'état de l'organe, ce qu'il en advient et ce qu'il advient de la fonction circulatoire quand (*) Voy. Swale Vincent. Récent views as to the function of the adrenal bodies. Endocrinology, avril 1917, I, n° 2, p. 140-149). « Falta's book is so extensively used by physicians and students that it is necessary to refer to its extraordinary defïciencies in the sections that bear upon physiological questions. Thus it is pointed out (p. 273) as something significant, not to say extraordinary, that extracts of the glandular portion of the pituitary body lower the blood-pressure. The author... seem to be unaware that extracts of ail organs ani tissues hâve a similar action » (p. 146). 90 HORMONES ET HARMOZONES est suspendue l'activité de l'organe, comment est éliminée la substance sécrétée. Aldo Patta l'a fait justement remarquer, on était loin, vu toutes ces incertitudes, de la démonstration des rapports qui peuvent exister entre les glandes à sécrétion interne et la fonction circulatoire. On en est plus loin que jamais, aujourd'hui qu'il faut de toute nécessité reconnaître qu'aucune de ces prétendues sécrétions n'a subi l'épreuve du critérium physio- logique de toute sécrétion interne. D'autres hormones n'ont pas été moins légère- ment imaginées. Dans mon livre : Les Sécrétions internes, en 1914, j'ai démontré combien suspect est cet extrait intestinal que l'on a décoré du nom d'hormonal. On n'a pas hésité non plus à parler d'une hormone prostatique, quoique, dans ce cas encore, il s'agisse seulement d'expériences faites avec l'extrait de l'organe; l'injection de cet extrait abaisse la pression artérielle et ce fait a suffi pour que l'on attribue à la prostate une influence dépressive sur la circulation. C'est de suppositions de ce genre qu'est venue l'extension abusive de la notion de sécrétion interne. Reprenant une idée de Brown-Séquard, M. Loeper écrit en 1911 : «A côté des glandes vasculaires proprement dites, toutes les autres glandes apparaissent ou à peu près comme des glandes mixtes, toutes possèdent une sécrétion interne, toutes sécrètent des « hormones » qui SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 9] impressionnent les autres appareils et en permet- tent le fonctionnement synergique (1). » Force est de se demander quels sont les faits qui autorisent ces affirmations. Qu'il y ait là un singulier abus, je le démontrerai par deux exemples seulement, — il ne serait que trop facile de les multiplier, — en considérant les théories que Ton a avancées sur la sécrétion interne de l'estomac et sur une sécrétion interne du rein. D'après Frouin (1905) et d'après Loeper (1911), le suc gastrique injecté dans les vaisseaux exciterait la sécrétion stomacale. En admettant que le fait soit exact, s'ensuivrait-il que ce fût là un mécanisme normal de la sécrétion gastrique? Le suc gastrique se résorbe-t-il normalement et tel quel? La chose est tout à fait hypothétique. Loeper a invoqué une autre preuve, l'action des macérations totales de muqueuse gastrique sur la sécrétion de l'esto- mac; «comme la sécrétine duodénale, écrit-il, la sécrétine gastrique est déversée directement dans la circulation sanguine (2) ». C'est là une simple affirmation, sans aucune preuve. Même insuffisance en ce qui concerne la sécrétion interne des reins. J'ai déjà dit que rien ne prouve que le rein, en tant que glande endocrine, à sup- poser qu'il fonctionne comme telle, sécrète une (») M. Lœper. La sécrétion interne de l'estomac. La Semaine médicale, 3 mai 1911, p. 205. (») Loc. ciL, p, 205, 92 HORMONES ET HARMOZONES substance hypertensive. Mais on a été beaucoup plus loin et on a attribué à cette substance hypo- thétique un effet stimulateur sur le rein lui-même. « Meyer et d'autres, dit Legueu en 1912, en injec- tant l'extrait rénal, à doses peu élevées et discon- tinues, ont mis en relief ses effets stimulateurs sur le rein (1). » Or, jamais Ed. Me ter, que je sache, n'a fait pareille démonstration; il n'a injecté d'extrait rénal qu'à des animaux ayant subi la néphrectomie double. Legueu n'en conclut pas moins : « Il est donc possible, vraisemblable, que c'est cette sécrétion qui entretient, règle et répartit l'activité compensatrice et parfois alternante des deux reins. Ce serait donc une hormone qui régle- rait dans notre appareil l'association fonctionnelle de ces organes. » Tout cela n'est qu'hypothèse. Plus hypothétique encore se montre la notion de l'action « homo-stimulatrice » des hormones qu'on a essayé de répandre (2). On a même parlé à ce propos d' « homo-stimulines ». On avance qu'une glande est en état de moindre fonctionne"ient; le moyen est simple de remédier à cette insuffisance; il suffit d'injecter pendant plus ou moins longtemps de petites quantités d'extrait de cette même glande ; bientôt l'organe est revenu h son état normal. On peut se demander si cette théorie, produite à f1} F. Legueu: La Presse médicale, 13 novembre 1912, p. 952. (■) Voy. par exemple L. Hallion. Les hormones. La Presse médirait, 13 mai 1912, p, 433-436 SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 93 l'époque où l'opothérapie battait son plein, n'a pas été inspirée par des intérêts thérapeutiques. Il semble qu'elle soit d'abord issue d'observations de Caussade, d'ailleurs très sommaires, sur l'hyper- trophie des surrénales consécutive à des injections répétées d'extrait surrénal chez le cobaye (1). Mais on n'a pas tenu compte des observations contraires, telles que celles de Sw. Vincent (*) ; d'autre part, Elliott (3), puis Borberg (4) ont constaté que les injections d'adrénaline ne font pas varier le contenu en adrénaline des surrénales ; et, dans des expériences très soignées faites dans le laboratoire du professeur Lafayette Mendel (de New-Haven), Kuriyama vient encore de constater que les injections répétées d'adrénaline ne modi- fient ni le poids ni le contenu en adrénaline des surrénales (5). Que pèsent les observations incom- plètes et sommaires de Caussade en face de tous ces faits? Et quelles autres données a-t-on invo- (*) G. Caussade. Sur les effets de l'injection sous-cutanée d'ex- trait de capsules surrénales chez les animaux. C. R. de la Soc. de BioL, 18 janvier 1896, XLVIII, p. 67-68. (*) Sw. Vincent. On the gênerai physiological effects of extracts of the suprarenal capsules. Journ. of physiol., 1897, XXII, p. 111- 120. (3) T. R. Elliott. The action of adrenalin. Journ. of physiol., 1905, XXXII, p. 401-467. ( 4) N. C. Borberg. Das chromaffine Gewebe. Nebennieren Untef- suchungen. Skandin. Arch. f. Physiol., 1913, XXVIII, p. 81. ( 8) Shigenobu Kuriyama. The adrenals in relation to carbo- hydrate metabolism. III. The epinephrinc content of the. adrenals in various expérimental conditions. Journ. of biological Chemisiry, 1918, XXXIV, p. 299-319. 94 HORMONES ET HARMOZONES quées en faveur de l'action « homo-stimulatrice » et « homo-restauratrice » des hormones? Applications thérapeutiques hasardeuses. Abus de l'opothérapie. — Les applications thérapeuti- ques de ces notions fausses ou aventurées sont naturellement hasardeuses. J'ai déjà mentionné tout à l'heure Y « hormonal »; c'est ici le lieu de rappeler que ce produit peut n'être pas sans danger. Que d'autres l'on pourrait citer ! Que d'applications proposées sans fondement expéri- mental ! Voici, par exemple, les femmes qui, pendant la grossesse, présentent des troubles de la nutrition, des vomissements, de la pigmentation cutanée; d'après R. Robinson (*), elles seraient en insuffi- sance surrénale; or, ce médecin a constaté que quinze femmes en cet état avaient toutes mis une fille au monde et il propose de donner de l'adré- naline aux femmes chez lesquelles s'observent ces accidents, afin qu'elles aient un enfant du sexe diffé- (x) R. Robinson. Sur les rapports des glandes surrénales avec l'état de gravidité et sur l'efficacité de l'emploi de l'adrénaline dans les vomissements incoercibles de la grossesse. C. R. de VAcad. des Sciences, 24 avril 1911, CLII, p. 1118-1120. — L'auteur donne l'explication (?) suivante : « La pigmentation de la peau, les vomis- sements rebelles, la lassitude qu'on observe dans la maladie d'Àd- dison se rencontrent également dans certains cas de gravidité... On peut interpréter ces manifestations par la théorie suivante : les produits des surrénales et des glandes génitales se neutralisent & l'état normal, mais lorsque l'un des deux producteurs est en activité, l'autre succombera fatalement, à moins d'une suppléance de la part d'un organe vicariant. » SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 95 rent (x). Combien de femmes cependant ont engen- dré des filles sans jamais avoir présenté le moindre signe de cette prétendue insuffisance surrénale ! Un autre médecin professe la même opinion que le précédent ; il cite deux femmes dont les « petits » symptômes d'insuffisance surrénale ont été amé- liorés par l'opothérapie surrénale et il ajoute : « Ces notions... laissent entrevoir la possibilité de favoriser au choix la procréation d'un garçon ou d'une fille par des traitements opothérapiques quand le rôle de chacune des sécrétions internes sera bien déterminé (2). » Je n'ai rien lu, depuis que ces lignes ont été écrites, et n'ai rien appris qui pût donner à penser que la procréation des sexes eût été réalisée par le traitement surrénal ou par quelque autre médication similaire. Convient-il d'insister sur toute cette opothé- (*) Je n'exagère nullement la pensée de l'auteur. Voici, en effet, comment il s'exprime dans sa seconde note sur le même sujet (Programme d'études sur la question de la détermination du sexe. C. R. de VAcad. des Sciences, 22 mai 1911, CLII, p. 1407-1408) : c Chez quinze femmes présentant les signes évidents d'insuf- fisance des glandes surrénales, nous trouvons comme produit de fécondation quinze filles. Voilà un fait qui élucide les ténèbres de la causalité du sexe {sic !). » Et il conclut un peu plus loin : t Puisque la femme qui présente des troubles de nutrition, des vomissements, de la pigmentation, etc., est un être infériorisé par ses capsules surrénales, et que cette femme donne naissance quinze fois sur quinze (d'après nos observations) à une fille, il n'y a qu'un moyen de produire un sexe différent : c'est l'opothé- rapie à l'adrénaline. » (2) Jules Regnault. L'opothérapie surrénale dans les vomis- sements de la grossesse. Rôle des sécrétions internes dans la déter- mination du sexe. C. R. de VAcad. des Sciences, 22 mai 1911, CLII, p. 1408-1410. gg HORMONES ET HARMOZONES rapie? Que dirait-on alors du traitement du rachi- tisme par les extraits de moelle osseuse, de diverses dermatoses par les extraits de peau, de l'asthénie- par les extraits de muscles, de la neurasthénie par l'extrait prostatique, de la paralysie générale par l'extrait de substance grise cérébrale, du paludisme par l'extrait de rate, etc.? Et l'on emploie commu- nément tous ces extraits par la voie gastrique, alors que la preuve n'a nullement été administrée qu'ils sont efficaces par cette voie. Pareille preuve n'a en effet été fournie que pour l'extrait thyroï- dien. En présence de tels abus, on ne peut s'em- pêcher de se rappeler les pratiques bizarres de la thérapeutique de l'Antiquité et du Moyen-Age, cette ancienne o^anothérapie, fantaisiste tou- jours, grossière souvent et même immonde, à propos de laquelle un thérapeute français, peu suspect cependant de rigueur envers Popothé- rapie, écrivait : « Les extravagances de certaines pratiques finirent par discréditer tous les médica- ments animaux, même les plus utiles. L'opothé- rapie sombra ainsi dans le ridicule et l'oubli (1). » Si tes errements qui ont motivé ce jugement sévère ne sont plus possibles, d'autres se sont produits, on l'a vu, à coup sûr moins grossiers, mais non moins répréhensibles peut-être au point de vue de la logique et des saines méthodes scientifiques. (l) P. Carnot. Médicaments animaux. Opothérapie, un vol. in-8 de 602 p., Paria, J.-B. Baillière et Fite, 1911 ; voy. p. 2. SECRETIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 97 En tout cas les excès dans lesquels, depuis la diffusion des premiers résultats expérimentaux obtenus sur les fonctions des glandes endocrines, sont tombés tant de médecins, suffiraient à prou- ver, ce me semble, combien j'ai raison de combattre l'emploi de la méthode des extraits d'organes dans l'étude des sécrétions internes. Je ne puis me repro- cher ni l'énergie ni la persévérance que j'y apporte, en voyant que, malgré tout, on persiste à se servir de ce procédé de recherche, aussi facile que trom- peur. Que de temps et de travail qui pourraient être mieux et plus utilement employés ! Il semble cependant qu'une réaction soit com- mencée. J'ai rappelé plus haut (1) que déjà Swale Vincent, dans un livre très répandu dans les pays de langue anglaise, et Biedl, dans un ouvrage non moins répandu en Allemagne et qui a d'ailleurs été traduit en anglais, ont condamné, comme moi, la méthode des extraits d'organes. Swale Vincent, depuis, n'a pas cessé de la réprouver; et main- tenant il n'hésite même pas à montrer toutes les incertitudes qui se rencontrent dans la théorie des sécrétions internes, ces incertitudes que, pour ma part, j'attribue surtout à la méthode défectueuse que je critique; dans l'étude qu'il a publiée récem- ment, « The newest hormone », et que j'ai eu l'oc- casion de citer déjà (2), il ne craint pas de déclarer C1) Voy. p. 79. (8) Voy.p. 80. gley, Sécrétions internes. 7 98 HORMONES ET HARMOZONES que « les vues courantes, sur toute la question des sécrétions internes réclament une critique sévère. Il n'est pas de branche de la physiologie qui pré- sente un fouillis de tant d'hypothèses vagues, non démontrées et dans beaucoup de cas indémon- trables» La terminologie devient excessivement compliquée et on rencontre un mot nouvellement forgé presque chaque mois. Le terme d'hormone est dans la bouche de tout le monde, mais combien peu nous savons sur ces corps ! » (1). En France quelques médecins ne laissent pas d'avoir été frappés par mon argumentation. Ainsi J. Camus et G. Roussy, étudiant la polyurie dite hypophysaire, critiquent, en s'appuyant sur mon Rapport au Congrès de médecine à Londres en 1913, l'idée de la spécificité absolue des extraits d'organes, et écrivent : « Quant à l'action thérapeutique des extraits d'hypophyse, si souvent invoquée, disent- ils, elle n'est pas obligatoirement spécifique et ne peut servir, à notre avis, à prouver que le diabète insipide relève d'une insuffisance fonctionnelle de l'hypophyse.,. » Bien des extraits organiques, injectés brusque- (*) « Current views on the whole subject of internai sécrétion demand a severely critical investigation. There is no branch of physioîogy Iittered with to raany vague, unproved, and in many cases unprovable hypothèses. The terminology is becoming inor- dinately complicated, and one meets with a ncwly coinéd v.ord every few months. The term « hormo -e » is in everybody's moiûh,, yct how little do wc know about thèse bodies. s Endocri- nology, oct. -décembre 1918, II, p. 425. SÉCRÉTIONS INTERNES ET EXTRAITS D'ORGANES 99 ment dans les veines, font tomber la pression arté- rielle, vomir les animaux et rendent le sang incoagu- lable ; il est invraisemblable que le rôle normal des organes qui ont fourni ces extraits soit de main- tenir la pression basse et de faire vomir les ani- maux, etc. » Pour en revenir à l'hypophyse, ses extraits font contracter l'utérus, c'est un point acquis, mais si l'extrait d'hypophyse de bœuf ou de tau- reau possède cette propriété, on est plutôt gêné si on essaye de tirer de ce fait une conclusion quel- conque touchant le rôle normal de cette glande chez le bœuf ou le taureau 1 L'argument thérapeutique nous apparaît ainsi quelque peu simpliste (1). » Un praticien très connu, Gh. Fiessinger, entre- prend une révision des actions thérapeutiques des extraits d'organes et, s 'inspirant de mon livre sur les sécrétions internes et fort de sa grande expé- rience clinique, réprouve les indications incertaines, les « opothérapies douteuses », qu'il dénombre (a). J'ai cité tout à l'heure (3) sa réflexion humouristi- que au sujet de la médication hypophysaire. Toutes ces pratiques d'une thérapeutique mal fondée prêtent d'ailleurs à des réflexions de ce genre, (x) J. Camus et G. Roussy. Diabète insipide et polyurie dite hypophysaire. La Presse médicale, 8 juillet 1914, p. 517-521; voy. p. 518. {*) Cn. Fiessinger. La médication opothérapique. Journal des Praticiens, 19 novembre, 24 novembre et I" décembre 1917, p. 729-732, 745-748, 761-763. (•} Voy. p. 83. 100 HORMONES ET HARMOZONES témoin celle de J. Camus et G. Roussy que je viens de rapporter, témoin celle qui suit, dans le fascicule que j'ai déjà cité d'Endocrinology (*), l'analyse d'un travail de Lœper, Beuzard et Wagner (2) sur « la dyspepsie surrénale » : « Il faut rappeler, est-il dit, que la démonstration de Pacti- vité pharmacodynamique de l'épinéphrine, dans quelque cas que ce soit, ne prouve pas plus l'étio- logie surrénale que l'effet bien connu de la cascara ne prouve que la constipation est due à un hypocas- carisme (3). » Là-dessus, l'auteur de cette remarque renvoie au travail que nous avons publié, Quin- quaud et moi, sur la fonction surrénale dans le Journal de physiologie et de pathologie générale, en 1918; c'est le travail qui a été analysé dans la leçon précédente. Si la raillerie se met de la partie nous aurons bientôt cause gagnée. II Méthode rationnelle d'étude des hormones L'étude positive des hormones ne peut plus se concevoir autrement que comme l'étude des pro- priétés physiologiques du sang veineux des glandes et, secondairement, mais non moins nécessaire- (*) Endocrinology, oclobre-décembre 1918, II, p. 469. (*) Bulletin de la Société médicale des Hôpitaux (Paris), 1917. (») « It should be remembered that the démonstration of phar- macodynamic activity of epinephrin in any given case no more proves its suprarenal ctiology than does the well known effect of cascara prove that constipation is due to « hypocascarism ». méthode d'étude des hormones 101 ment, du sang artériel auquel ces propriétés sont pour un temps transférées. Etant donné ce critérium et puisque, comme je Pai montré dans la leçon précédente, l'adrénaline doit être dépossédée de son rôle d'hormone, il n'existe plus actuellement qu'une seule hormone, au sens propre de ce mot, satisfaisant à la condition physiologique qui permet de tenir un produit de sécrétion pour hormonique; c'est la sécrétine. Tous les physiologistes connaissent l'expérience de Bayliss et Starling (1902) sur l'excitation de la sécrétion pancréatique par les extraits acides de muqueuse duodéno-jéjunale. Cette action fut tout de suite rapportée à une sécrétion interne de la muqueuse. En réalité, les expérimentateurs anglais n'avaient fourni aucune preuve directe à l'appui de leur opinion, qu'ils exprimaient en ces termes : «A chemical sympathy between différent organs hasoften beenassumed...,butwebelievethat this is the first case in which direct expérimental proof has been afïorded of such a relationship (1). » Telle était donc à cette époque la force de la croyance en l'identité des extraits d'organes et des sécrétions internes que des physiologistes tels que Bayliss et Starling n'ont pas vu sur-le-champ l'insuffisance de leur démonstration. Ce n'est que (*) W. M. Bayliss and E. H. Starling. On the causation of the so-called « peripheral reflex sécrétion » of the pancréas. Pro- ceedings of the Royal Soc, 23 janvier 1902, LXIX, p. 352-353. 102 HORMONES ET HARMOZONES quelques mois plus tard, dans leur mémoire du Journal of physiology, paru la même année 1902 (1), que, par une expérience qu'ils qualifient de «cruciale » (2), ils ont prouvé la réalité d'une relation d'ordre chimique entre deux organes; c'est l'expérience qui consistait à isoler un segment du jéjunum en le liant à ses deux extrémités et à l'énerver, puis à injecter dans ce segment, qui ne communiquait plus désormais avec l'organisme que par ses vaisseaux, une solution d'acide chlor- hydrique; la sécrétion pancréatique qui se pro- duisit alors était aussi marquée que celle que l'on observe à la suite de l'injection intra-duodé- nale de la même solution; c'est donc qu'il s'était formé dans cette portion d'intestin quelque chose qui, passant par le sang, était arrivé jusqu'au pancréas. De fait, Wertheimer, toujours dans cette même année 1902, isolant un segment du jéjunum sur un chien et plaçant une canule dans le confluent commun des veines de ce segment, recueillit le sang veineux qui s'écoulait de la canule après introduction dans l'anse intestinale d'une substance irritante, le réinjecta dans le système circulatoire du même animal et, dans ces condi- tions, en constata plusieurs fois l'action sur la (») W. M. Bayliss and E. H. Starling. The mechanism of pancreatic sécrétion. Journ. of physicl., 1902, XXVI II, p. 325- 353. P) loc. cit., p. 330, méthode d'étude des hormones 103 sécrétion pancréatique; c'est avec l'essence de moutarde ou le chloral comme excitants qu'il eut ce résultat; trois fois, au contraire, la solution acide, l'excitant normal, fut sans effet (x). Mais au début de l'année suivante, un jeune physiologiste français, mort depuis très prématurément; Fleig (de Montpellier), réussit à provoquer la sécrétion pancréatique par injection à un animal du sang veineux provenant d'une anse intestinale d'un autre chien dans laquelle il avait introduit une solution d'acide chlorjiydrique (2). Or, en même temps, Enriquez et Hallion obtenaient le même effet en transfusant dans une veine jugulaire d'un chien, porteur d'une fistule pancréatique, partie du sang carotidien d'un autre chien dans le duo- dénum duquel ils venaient d'injecter la solution acide (3). La démonstration était donc complète : la sécrétine se trouve dans le sang efïérent de l'in- (*) E. Wertheimeb. Sur le mode d'association fonctionnelle du pancréas avec l'intestin. C. R. de la Soc. de Biol., 3 mai 1902, LIV, p. 474-476. (*) G. Fleig. Sécrétine et acide dans la sécrétion pancréatique C. R. de la Soc. de Biol., 7 mars 1903, LV, p. 293-296; — Action de l'acide et action de la sécrétine dans la sécrétion pancréatique. Arch. générales de méd., 16 juin 1903, CXCI, p. 1473-1494; avec 22 figures. (3) Enriquez et Hallion. Réflexe acide de Pavloff et sécrétine : mécanisme humoral commun. C. R. de la Soc. de Biol, 14 février 1903, LV, p. 233-234). — Quelque brève que soit cette note, les auteurs en avaient parfaitement compris la signification, puisqu'aù début ils font remarquer qu'« il n'était pas établi qu'une injection d'acide dans le duodénum s'accompagnait d'une pénétration de sécrétine dans le sang ». A la vérité, ils oubliaient, ce disant, l'ex- périence « cruciale » de Bayliss et Starling rapportée plus haut. Il faut convenir que, dans le cas de la sécrétine, la preuve du pas- 104 HORMONES ET HARMOZONES testin, dans la cavité duquel a agi un liquide acide, et passe ensuite dans le sang de la circulation générale. Mais ce qui prouve combien peu s'im- posa la signification de ce dernier fait et comme on fut loin d'y voir la condition nécessaire de la fonction de sécrétion interne, c'est que l'un des auteurs de l'expérience précitée, une dizaine d'années plus tard (1), dans un article sur les hormones en général, en même temps qu'il déclare avec raison qu'une substance trouvée dans un extrait de tissu, « n'est une hormone que si elle passe dans le sang normalement, par sécrétion interne, en sorte qu'elle aille influencer au loin des mécanismes physiologiques », se contente, citant l'adrénaline comme hormone, de rappeler qu'il a été établi « par diverses expériences que le sang qui sort des capsules est plus riche en adré- naline que le sang qui y pénétre (2); aussi la sécré- tion interne de cette substance est-elle générale- sage de cet agent dans le sang veineux de l'intestin (Bayliss et Starling, Fleig) était suffisante pour que l'on admît qu'il y a là sécrétion interne, puisque l'on savait, d'autre part, que la sécrétion pancréatique se produit quand on injecte une solution acide dans la cavité duodénale ou jéjunale; si, dans cette condition dont on a eu soin d'exclure toute action nerveuse, il y a sécrétion, c'est qu'un produit excito-sécréteur arrive au pancpéas, et il ne peut y arriver que par la voie sanguine. (x) Voy. L. Hallion. Les hormones- La Presse médicale, 18 mai 1912, p. 433-436. (*) L'auteur a voulu assurément parler du sang artériel général, car la disposition des artérioles qui se rendent aux surrénales est telle, on le sait, qu'il est impossible de songer à y prélever du sang. D'ailleurs, le sang aortique ne contient pas d'adrénaline (voyez p. 62). MÉTHODE D'ÉTUDE DES HORMONES 105 ment admise. » C'était d'ailleurs, à cette époque, •t c'est encore l'opinion acceptée. Et l'on a vu dans la précédente leçon son peu de fondement; l'opinion de tous était due à une erreur de méthode : on avait négligé de rechercher le sort de l'adréna- line au delà des veines surrénales. Chose plus digne de remarque encore : l'auteur de cet article est l'un des physiologistes qui, en France, ont le plus étudié l'action des extraits d'organes en considé- rant ceux-ci, implicitement ou explicitement, comme des produits de sécrétion interne. Quoi qu'il en soit advenu d'ailleurs par la suite, il reste que la preuve de l'origine et du mode d'action de la sécrétine a été donnée. Origine et mécanisme sont d'ordre humoral. Il s'agit bien ici d'un excitant chimique, il s'agit bien d'une hormone. Voilà l'exemple à invoquer pour qu'il soit fait, pour les autres hormones supposées, le même tra- vail, sans lequel leur existence reste ou hypothéti- que ou tout au moins incomplètement établie. Ainsi, qu'il y ait une hormone provoquant la sécrétion lactée, le fait n'est guère douteux; Mironoff n'a-t-il pa6 montré que, chez la chèvre, après la section de tous les nerfs de la glande mammaire, celle-ci s'hypertrophie néanmoins lors de la mise- bas et sécrète comme sur un animal normal (^î (») M. Mironoff. De l'influence du système nerveux sur le fonctionnement des glandes mammaires. Arch. des sciences biol. (Pétrograd), 1895, III, p. 353-380. 106 HORMONES ET HARMOZONES et Ribbert n'a-t-ii pas vu la sécrétion d'une ma- melle, transplantée sous la peau du pavillon de l'oreille, sur une femelle de cobaye, sécrétion qui commença quand cette femelle fécondée eut mis bas (*)? et K. Basch n'a-t-il pas réussi la même expérience sur la chienne (2)? et, chez la femme, n'a-t-on pas constaté le développement et la sécré- tion des mamelles de Josepha Blazek, quand sa sœur pygopage Rosa devint grosse et eut ace ou* ché (8) ? Mais l'origine de cette .substance galaoto* gène n'est pas déterminée sûrement. Si l'on accepte ia manière de voir d'ANCEL et Bouin, si l'on admet que cette substance provient de la glande myomé- triale de l'utérus (*), il y a lieu d'essayer l'action du sang efférent de l'utérus d'une femelle en lac- (x) H, Ribbsrt. Ueber Transplantation von Ovarium, Hoden und Mamma. Archiv /. Eniw.-Meeh., VII, p. 688-709. Ribbert n'a réussi cette expérience qu'une seule fois. (a) Karl Basch. Ueber experimentelle Milchauslôsung und ttber das Verhalten der Milchabsonderung bei den zusaramen- gewachsenen Sch western Blazek. B. med. Wochtnt., 26 mai 1910, XXXVI, p. 987-990. — C'est sur la peau du dos du même animal que Basch transplanta une mamelle de chienne en lactation; sur cette chienne redevenue grosse, la mamelle transplantée se déve* loppa comme celle laissée en place et pourvue de ses nerfs. Basch croit que ce développement est causé par des excitants qui pro- viennent de l'ovaire fécondé, tandis que le déclenchement de la sécrétion lactée serait dû à des excitants d'origine placentaire» (•) Voy. C. Trunecek. L'accouchement du pygopage Rosa- Josepha Blazek. Semaine médicale, 18 mai 1910, p. 229. Voyez aussi l'article cité ci-dessus de Karl Basch. (*) A. Bouin et P. Ancel. Sur l'évolution de la glande mam- maire pendant la gestation. Déterminisme de la phase glandulaire gravidique. C. R. de la Soc. de Biol., 27 janvier 1912, LXXlI, p. 129-131; — A propos de la glande myométriale. Ibid., 14 dé- cembre 1912, LXXIII, p. 637-639. méthode d'étude des hormones 107 tation sur la glande mammaire. L'expérience pour- rait être d'autant plus probante que l'on aurait la contre -épreuve toute prête, par Fessai des pro- priétés du sang veineux utérin de femelles aux différentes période» de leur vie sexuelle. Beaucoup moins sûre est l'existence d'une hormone hypophysaire. On sait aujourd'hui que les différentes parties constitutives de l'hypo- physe ont des fonctions distinctes; le lobe antérieur ou glandulaire, s'il n'est pas indispensable à la vie, exercerait une grande influence sur la crois- sance et spécialement sur le développement du squelette; la partie intermédiaire et le lobe posté- rieur produiraient une hormone agissant sur le cœur, sur la pression artérielle, sur les muscles lisses et sur quelques sécrétions, celles du suc gastrique, du lait, de l'urine. Murray n'a pas hésité à écrire : « Thèse hormones hâve been shown... to control the contractility and tone of plain muscular fibres. They stimulate the constrictor muscles of the arteries, utérus, bladder and in- testine, and they increase the sécrétion of the kidney and mammary gland. » Ainsi, l' e hypo- physine » surpasserait en importance l'adrénaline elle-même! Mais toutes les expériences sur les- quelles on prétend établir ce rôle du lobe posté- rieur ont été faites uniquement avec des extraits (*) G. R. Murray. The use of hormones in medicint. The Prac- liiloner, février 1915, XCIV, p. 260-267; voy. p. 264. 108 HORMONES ET HARMOZONES d'hypophyse. Est-il possible de leur concéder encore la valeur qu'on leur a indûment attribuée? III Méthode rationnelle d'étude des harmozones Comme les hormones, les harmozones doivent répondre à la condition physiologique des sécré- tions internes. C'est le cas de quelques-unes. Dans la classification des glandes endocrines et de leurs produits de sécrétion que j'ai donnée en 1913 (*), j'ai distingué parmi les harmozones des substances servant aux échanges nutritifs, des substances servant au maintien du milieu intérieur et enfin des substances morphogénétiques. Le produit de la sécrétion interne du pancréas est une substance de la première catégorie, puis- qu'elle commande un processus d'assimilation; si l'organisme en est privé, le sucre passe en excès dans le sang et de là dans les urines, l'hyperglycémie entraînant le diabète, soit parce qu'il n'est plus détruit en quantité suffisante (théorie de la glyco- lyse de R. Lépine, dès 1889 et années suivantes) (2), soit parce que le foie a perdu son aptitude à l'em- magasiner sous forme de glycogène (théorie de (x) E. Gley. Classification des glandes à sécrétion interne et des produits qu'elles sécrètent. Presse méd., 23 juillet 1913, p. 605. Voy. aussi Les sécrétions internes, Paris, 1914, p. 70-72; 2e édit., p. 63-64. (*) Cf. le grand ouvrage de R Lépine, Le diabète sucré, un vol. grand in-8° de. xv-704 pages; Paris, F. Alcan, 1909. méthode d'étude des harmozones 109 Gley (*) et de Lafon (2), 1906), soit par tout autre mécanisme. Quoi qu'il en soit, c'est bien par une sécrétion interne que le pancréas exerce cette influence assimilatrice sur la glycose et donc régulatrice de la glycémie normale. Ce rôle ne pouvait être qu'inféré à la suite des expériences d'extirpation de l'organe (1889-1892). C'est seule- ment en 1908-1909 que les expériences de para- biose sur le chien, dues à Forschbach (8), et en 1909 et 1912 celles de circulation croisée entre chien diabétique et chien normal, dues à Hédon (4), montrèrent que la substance d'origine pancréatique et par laquelle est régi le métabolisme des sucres, est vraiment déversée dans le sang. Forschbach n'avait-il pas vu, en effet, que, si l'on enlève le pancréas à un chien, préalablement réuni à un autre chien par les sutures appropriées, la glycosurie qui se produit chez cet animal reste très faible durant le temps qu'il est en symbiose avec son conjoint? C'est donc que la substance (x) E. Gley. A propos du diabète pancréatique. C. R. de la Soc. de BioL, 29 décembre 1906, LVIII, p. 715-717. (-■) G. Lafon. Recherches expérimentales sur le diabète et sur la glycogénie. Thèse de doctorat en médecine, Toulouse, 1906. (8)-J. Forschbach. Zur Pathogenese des Pankreas diabètes. Arch. f. exper. Paihol. und Pharmak., 1909, LX, p. 131-153. (*) E. HilDON. Sur la sécrétion interne du pancréas. Revue de médecine, 1910, XXX, p. 617-630; — Sur la sécrétion interne du pancréas et la pathogénie du diabète pancréatique (effets de la transfusion du sang sur le diabète). Arch. internai, de physiol., 1913, XIII, 4-53; — Sur la sécrétion interne du pancréas et la pathogénèse du diabète pancréatique (expériences de transfusion). lbid., 1913, XIII, p. 255-288. HO HORMONES ET HARMOZONES sécrétée par le pancréas de l'un de ces deux ani- maux avait passé dans le sang de l'autre, de celui qui, privé de cet organe, devenait diabétique. La preuve fournie par Hédon est encore plus directe. Dans ses recherches de circulation croisée, il constate une diminution de la glycosurie chez le chien diabétique à la suite du mélange du sang de cet animai avec le sang du chien normal, à la condi- tion que ce mélange se fasse pendant plusieurs heures. De même, il observe que la transfusion du sang veineux pancréatique d'un chien normal dans une veine de la circulation générale d'un chien diabétique réduit considérablement l'excré- tion du sucre chez ce dernier. A la vérité, dans toutes ces expériences, celles de Forschbach aussi bien que celles de Hédon, on n'observe que la diminution, et non la suppression, du trouble nutritif. Il n'importe; c'est le sens du phénomène qui est caractéristique. D'ailleurs, l'on ne peut guère supposer que la sécrétion interne d'un pan- créas soit insuffisante pour deux animaux, d'après tout ce que nous savons, de par les expériences d'extirpation presque totale, de l'activité d'un produit fourni par un minime fragment de cette glande ; il convient en outre de remarquer que nous ignorons les conditions dans lesquelles la glande doit se trouver pour que sa sécrétion interne se fasse normalement; et il est possible que ces condi- tions, chez des animaux en parabiose ou dans le méthode d'étude des harmozones 111 cas de circulation croisée, soient réalisées incom- plètement. On peut donc admettre que la fonction endocrine du pancréas a été démontrée. Seulement, il semble que des expériences sur ce sujet on n'ait retenu que le fait. La question de méthode qui y est attachée n'éveilla pas l'attention. Il en alla de même avec les recherches sur la fonction anticoagulante du foie. La substance qui maintient le milieu intérieur dans sa forme liquide nécessaire, en s'opposant à la coagulation du sang, est d'origine hépatique; on la désigne communément aujourd'hui sous le nom d'anti- ihrombine. Après que G. Fano eût découvert en 1882 (*) que, sous l'influence d'une injection de peptone, le sang de l'animal qui a reçu cette injec- tion acquiert la propriété de rendre incoagulable le sang d'un autre animal, d'où l'on peut inférer qu'il s'est formé dans l'organisme du premier une substance anticoagulante, après que Gley et Pachon eurent fait voir en 1895-1896 (2) que cette (*) G. Fano. Das Verhalten des Peptons und Tryptons gegen Blut und Lymphe. Arch. /. Physiol., 1881, S. 277-296; — De. la substance qui empêche la coagulation du sang et de la lymphe lorsqu'ils contiennent de la peptone. Arch. italiennes de biologie, 1882, II, p. 146. (2) E. Gley et V. Pachon. Du rôle du foie dans l'action anticoa- gulante de la peptone. C. B. de VAcad. des Sciences, 26 août 1895, CXXI, p. 383; — Influence des variations de la circulation lym- phatique intra-hépatique sur l'action anticoagulante de la pep- tone. Arch. de physiol., 1895, 5e série, VII, p. 711-718; — Influence de l'extirpation du foie sur l'action anticoagulante de la peptone. C. B. de la Soc. de BioL, 23 novembre 1895, XLVII, 741; — Influence du foie sur l'action anticoagulante de la peptone; Ibid., 23 mai 1896, XLVIII, p. 523; — Recherches concernant l'in- 112 HORMONES ET HARMOZONES substance est formée dans le foie et que Delezenne à son tour en 1896 (*) l'eût trouvée dans le sang des veines sus-hépatiques, par le rapprochement les unes des autres de ces diverses données expéri- mentales la démonstration était fournie d'une sécrétion interne et de son passage dans le sang général. Mais pendant longtemps personne ne vit les faits sous ce jour. Et aujourd'hui encore, Biedl ne rattache pas cette nouvelle fonction hépatique aux sécrétions internes; dans son livre bien connu Innere Sekretion, il n'en parle même pas. Tel était sans doute l'intérêt de toutes les ques- tions relatives à la coagulation du sang et à son mécanisme que l'attention était uniquement fixée sur ce point. C'est en 1899 seulement que pour la première fois, ce me semble, la fonction anticoagu- lante du foie fut rangée parmi les fonctions des glandes à sécrétion interne (2). Je suis resté fidèle à cette manière de voir en attribuant cette fonc- tion du foie, dès la première édition de mon Traité de physiologie (3) et, bien entendu, dans les éditions fluence du foie sur l'action anticoagulante des injections intra- veineuses de peptone. Arch. de physiol., 1896, 5e série, VIII, p. 715-723. (*) C. Delezenne. Formation d'une substance anticoagulante par circulation artificielle de peptone à travers le foie. Arch. de physiol., 1896, 5e série, VIII, p. 655-668. (2) Voy. E. Gley. La Société de Biologie de 1849 à 1900. Rap- port présenté à la séance du cinquantenaire de la Société. C. R. de la Soc. de Biol, 27 décembre 1899, LI, p. 1011-1080; voy. p. 1054, et Essais de philosophie et d'histoire de la biologie, Paris, Masson et Gie, 1900, p. 257-258. (8) E. Gley. Traité élémentaire de physiologie, Paris, J.-B. Baillière «t Fils, 1" édit., 1907, p. 577 et 596. méthode d'étude des harmoxones 113 suivantes, au foie sanguin que j'ai distingué et séparé du foie biliaire. Dans la classification des glandes à sécrétion interne que j'ai donnée en 1913, j'ai considéré le foie comme une telle glande sous les trois rap- ports de sa fonction glycémique, de sa fonction uréopoiétique et dé sa fonction anticoagulante (1). En 1$12, Doyon écrit que le sang circulant peut perdre la propriété de se coaguler par suite de « la présence dans le sang d'un excès de sécrétion interne anticoagulante : l'antithrombine ('). » De telles preuves directes font malheureusement défaut pour les substances à action morphogène, celles^ qui, de provenance thyroïdienne surtout et feypophysaire et peut-être aussi thymique, servent à la constitution du squelette, celles qui, de pro- venance thyroïdienne, servent au développement du système nerveux central et des glandes génitales, ceMes qui, provenant de la glande interstitielle du testicule ou du corps jaune, servent au développe- ment du tractus génital. Gomment alors ont pu être établies toutes ces données si neuves et si intéressantes, quelques lacunes qu'elles présentent encore? Il a fallu pour cela recourir à une méthode (*) E. Gley. Classification des glandes à sécrétion interne et des produits qu'elles sécrètent {Presse méd., 23 juill. 1913, p. 605) et Les sécrétions internes, Paris, 1914, p. 70-72; 2e édit., p. 62-64. (■) M. Doyon. Rapports du foie avec la coagulation du sang. Journ. de physiol. et de paihoL générale, 1912, XIV, p. 229-240. gley, Sécrétions internes. Q 114 HORMONES ET HARMOZONES de convergence. Gomme je l'ai dit déjà (*), pour pouvoir admettre une fonctio i de sécrétion interne, il est nécessaire, à défaut de la preuve chimique et de la double preuve physiologique, que les phéno- mènes de déficit, constatés à la suite de l'extirpa- tion d'un organe donné, réalisent un syndrome parfaitement caractérisé, et il est nécessaire que l'administration régulière d'extrait de cet organe et de ce seul extrait, ou la greffe, ou la transplan- tation atténue ou fasse disparaître ce syndrome. La concordance constante de ces deux séries de faits est suffisamment probante. C'est cette con- cordance que l'on a observée dans les études sur la fonction thyroïdienne et sur la glande génitale mâle (2) ; mais c'est celle aussi qui n'a encore été obtenue avec la même précision ni dans les recher- ches sur l'hypophyse ni surtout dans les recherches sur ie thymus. Convient-il néanmoins de se déclarer satisfait en ce qui concerne la thyroïde et la glande inters- titielle et les corps jaunes? Assurément non. Per- sonne ne niera que, si l'on pouvait recueillir en quantité suffisante du sang thyroïdien actif, il serait très intéressant d'y déceler les propriétés que manifeste l'extrait de thyroïde sur le développe- ment du système osseux ou du cerveau et que de (*) Voy. E. Gley. Relations entre les organes à sécrétion interne et les troubles de ces sécrétions. Rapport au XVIIe Congrès inlern, de Méd., Londres, 1913. (a) Voy. p. 142. méthode d'étude des harmozones 115 ces investigations il sortirait des éclaircissements précieux. Et on ne le niera pas non plus pour le sang revenant des testicules et qui contient sans doute les produits élaborés par les cellules intersti- tielles. J'ai déjà proposé un moyen de reconnaître si le sang veineux thyroïdien manifeste des pro- priétés morphogènes, moyen difficile, à mettre en pratique assurément, mais possible; on sait que l'on peut obtenir assez aisément des lapins présen- tant des troubles trophiques cutanés et un état général qui rappellent le myxœdème (E. Gley, 1891-1892 et années suivantes); « the only conclu- sive test, which would be actually practicable, ai-je dit, would consist in the treatment of myxœ- dematous animais, not with thyroid extract, but by injections of thyroid venous blood » (x). « La seule épreuve sûre, actuellement applicable, consisterait à soumettre des animaux myxcedéma- teux non pas au traitement par l'extrait thyroï- dien, mais à un traitement par des injections de sang veineux thyroïdien (2). » On aurait un maté- riel d'épreuve plus considérable et les expériences seraient plus simples si on avait recours à l'expé- rience si claire de Gudernatsch (3) (1912) sur (*) E. Gley. The theory of internai sécrétion : its history and developpment. The Praclilioner, janvier 1915, XGIV, p. 2-15; voy. p. 15. (a) E. Gley. Comment s'est formée et comment a évolué la notion de sécrétion interne. Rev. générale des sciences, 30 juin 1915, XXVI, p. 368-374; voy. p. 374. (3) J. F. Gudernatsch. Feeding experiments on tadpolcs. I. The influence of spécifie organs given as food on growth and 116 HORMONES ET HARMOZONES l'influence de l'alimentation thyroïdienne sur le développement des têtards de grenouilles, en rem- plaçant le tissu thyroïdien par une préparation de sang de la thyroïde (sang desséché par exemple). — Des recherches analogues peuvent être imaginées pour étudier les actions du sang des testicules. C'est, il me semble, us devoir que de conseiller aux chercheurs de s'engager dans cette voie, féconde et sûre. Voie sûre et féconde, en effet, parce qu'elle est la seule vraiment physiologique, idiffereniiations. A contribution to the knowledge of organe with internai sécrétion. Archiv f, Entvicklangsmechanik, 1912, XXXV, p. 457. QUATRIÈME LEÇON LES RÉSULTATS ESSENTIELS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES. UNE RÉVOLUTION EN BIOLOGIE Encore que la question des sécrétions internes- aon seulement soit toujours à l'étude, mais même, eomme je crois l'avoir montré dans les deux leçons précédentes, soit en pleine évolution, on peut dégager des connaissances déjà acquises un ensem^ ble de résultats d'un haut intérêt. A côté des résultats d'un grand intérêt pour la physiologie, puisque sur divers chapitres de cette science il a été apporté un ensemble de données tout à fait nouvelles, d'autres apparaissent, plus importants encore, car la biologie générale y trouve des enseignements neufs et d'inestimable valeur. Ge sont les résultats qui concernent d'abord les excitants humoraux, excitants autogènes, puis tes corrélations fonctionnelles humorales et, en troisième lieu, l'influence de quelques produits endoerines sur F ontogenèse. Telle est la portée biologique des faits relatifs à ces trois questions •fondamentales que l'on est en droit de penser quil 118 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES s'est opéré là une véritable révolution dans nos connaissances. C'est ce que je voudrais montrer. Je laisserai donc de côté les résultats que j'ap- pellerai partiels des recherches faites sur telle ou telle glande endocrine. Ni les physiologistes ni les médecins n'ignorent que c'est depuis ces recherches que la physiologie a pris connaissance du méca- nisme de la sécrétion pancréatique, que la physio- logie et la pathologie sont entrées en possession de notions positives sur les fonctions de l'appareil thyroïdien et sur les maladies de cet appareil, qu'elles savent qu'il y a un diabète pancréatique et ce qu'est ce diabète, etc. Quelle que soit l'im- portance de ce groupe de faits positifs, il s'agit ici de bien autre chose. Il s'agit d'un ensemble de vues nouvelles. C'est donc sur les résultats généraux, les idées issues des faits, que je voudrais insister. Essai d'autant plus intéressant qu'il peut permettre de prévoir, pour autant que l'on est à même de prévoir en une science mouvante comme est la physiologie, les résultats que l'on peut attendre encore des - recherches d'endocrinologie. I Les causes chimiques des fonctionnements organiques. Les excitants humoraux Avant l'étude des sécrétions internes, qu'est-ce que l'on savait des causes qui mettent en jeu les fonctionnements organiques ? LES EXCITANTS HUMORAUX jjg D'une façon générale, c'était un sujet dont on parlait fort peu. Il y avait à cela une bonne raison. Les connaissances des physiologistes sur ce sujet étaient très restreintes, exception faite des données relatives à l'influence du système nerveux sur les activités fonctionnelles. On ne cherchait en effet de renseignements que du côté du système nerveux. On croyait, et bien des physiologistes peut-être croient encore, que, du moment où l'on a décou- vert à l'origine d'un phénomène fonctionnel une action nerveuse, on a rendu compte de ce phéno- mène. Une distinction fondamentale est cependant à faire ici. Beaucoup d'actes fonctionnels se produisent à la suite d'excitations sensibles. Ainsi les mouve- ments réflexes des muscles du squelette sont com- mandés par des excitations sensorielles (cutanées, auditives, visuelles), l'équilibration est régie par des sensations spéciales, les mouvements rythmiques de la respiration sont régis en partie par des excita- tions de nerfs sensibles; il en est souvent de même pour les mouvements des muscles de la vie orga- nique : ce sont des excitations sensitives qui déclan- chent cette succession de mouvements divers qu'est la déglutition; la sensation de distension com- mande, en grande partie du moins, l'évacuation des réservoirs musculaires, tels que l'estomac, le gros intestin, la vessie; dans ce même domaine des fonctions organiques, il y a des sécrétion» qui ont 120 RÉSULTATS DE i/ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES été à juste titre dénommées psychiques, ce qui indique suffisamment leur origine, la sécrétion salivaire, la sécrétion gastrique; celle de la sueur et l'excrétion du lait 'sont également commandées par des phénomènes de sensibilité; tout un impor- tant mécanisme, la régulation de la chaleur, dépend aussi pour partie d'actions sensitives. Et à ces exemples, quelque nombreux qu'ils soient, d'autres pourraient être ajoutés. Dans tous ces cas on con- naît et les nerfs qui mettent en jeu ces divers mouvements ou ces sécrétions et les influences sous lesquelles ils sont incités à agir; ces influences sont toujours des stimulations de terminaisons sensibles ou de filets nerveux sensitifs par des excitants appropriés qui ont été déterminés. — Mais il y a des actes fonctionnels, comme les mouvements du cœur en beaucoup de circonstances, dont on sait seulement qu'ils sont sous la dépendance du sys- tème nerveux. Or, ceci n'explique rien, tant qu'on ignore par quels excitants ce système nerveux a été stimulé. La détermination de l'excitation qui pro- voque un phénomène n'explique pas à elle seule ce phénomène; il faut surtout connaître la cause de l'excitation, c'est-à-dire l'excitant. Comme tous les éléments organiques, les éléments nerveux n'agissent que sous l'influence d'excitants; montrer qu'un mécanisme donné, l'accélération du cœur par exemple, est Gommandé par le système ner- veux, ce n'est que la partie la plus aisée de la tâche LES EXCITANTS HUMORAUX 121 du physiologiste; celui-ci doit ensuite et doit surtout rechercher comment se met à fonctionner le mécanisme exploré. C'est là la recherche des excitants, recherche féconde parce qu'elle aboutit à la connaissance des causes (1). — On voit donc la raison de la distinction que j'établis entre les actions nerveuses. Les unes se produisent à la suite d'excitations nerveuses sensibles; ainsi l'exci- tation des filets du trijumeau commande des mouvements respiratoires, les impressions ther- miques provoquent la sécrétion sudorale, etc.; ce sont, en somme, toutes les actions réflexes. Des autres on ne sait rien dire, sinon qu'elles sont nerveuses; on ne connaît que le fait d'un fonc- tionnement organique dépendant de telle ou telle partie du système nerveux ; mais quelle est la cause provocatrice de l'activité de cette partie? Tant que l'on n'a pas déterminé cette cause, rien n'est expliqué. Or, nous avons appris à connaître quelques-unes des causes sous l'influence desquelles des parties déterminées du système nerveux central ou péri- (*) J'ai déjà signalé l'importance de ce point de vue; voy. E. Gley : Rapport sur la physiologie pathologique du myxcedème {XIIe Congrès internat, de Méd., Moscou, 1897) et Les relations actuelles entre la physiologie et la pathologie de la glande thy- roïde (Revue générale des sciences, 15 janvier 1898, IX, p. 13^22; p. 19); — Les sciences biologiques et la biologie générale (Revue scientiflqae, 2 janvier 1909, XLVII, p. 1-11; p. 9); — Le néo- vitalisme et la physiologie générale {lbid.t 4 mars 1911, XLIX, p. 257-265; voy. p. 260). 122 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERN ES phérique entrent en action et provoquent un fonc- tionnement organique. L'une de ces causes est connue déjà d'ancienne date; c'est l'anhydride carbonique, produit de déchet; mais son rôle physiologique n'a été pleinement compris que du jour où d'autres causes semblables ont été découvertes. J'ai montré en 1911 et surtout en 1913 (*) pourquoi l'anhydride carbonique ne saurait être considéré comme une véritable hormone; c'est le type de ce que j'ai appelé les « parhormones » ; car c'est un produit de déchet destiné à être excrété et qui, en passant dans le sang, joue accessoirement le rôle d'excitant, ce n'est pas un produit de sécrétion spécialisé; il convient de réserver le nom d'hormones aux produits glandulaires spécifi- ques (2). Une augmentation de la quantité d'anhy- dride carbonique présent dans le sang suffit pour que le centre nerveux bulbaire qui commande aux nerfs moteurs des muscles respiratoires entre en activité : les mouvements respiratoires prennent tout de suite plus d'ampleur et de fréquence; l'anhydride carbo- nique est donc un excitant du bulbe ; et on tient là une des causes de la mise en jeu de la fonction (*) E. Gley. Le néo-vitalisme et la physiologie générale (Reu. scientifique, 4 mars 1911, p. 257-265); — Relations entre les orga- nes à sécrétions internes et les troubles de ces sécrétions {Rapport présenté au XVII0 Congrès internat, de Mèd., Londres, 1913). (') Voy. de E. Gley le travail cité dans la note précédente (Revue scientifique, p. 261). LES EXCITANTS HUMORAUX 123 respiratoire. — Prenons un autre exemple : quand l'acide chlorhydrique sécrété par les glandes sto- macales a rendu acide la région pylorique de l'estomac, le pylore s'ouvre; la conséquence est que l'estomac se vide; mais alors c'est la région supé- rieure du duodénum qui devient acide; et ce fait détermine la fermeture du pylore. On a démontré que l'ouverture et la fermeture de cette porte gastro-intestinale sont les effets d.'une action de l'acide chlorhydrique sur les terminaisons sensitives de cette région, action réfléchie sur les nerfs de la musculature pylorique. — Autre cas encore : ce même acide chlorhydrique, arrivant dans le duo- dénum et jusque dans le jéjunum, met en liberté une substance qui passe dans le sang, la sécrétine, et va exciter les éléments cellulaires du pancréas dont elle provoque la sécrétion. Ainsi a été décou- verte la cause directe, immédiate, de l'une des sécrétions digestives les plus importantes de l'organisme. — Avec l'action excitante de l'extrait thyroïdien sur les échanges gazeux respiratoires et sur les échanges azotés, contrôlée d'autre part par ce que l'on sait de la diminution de ces échan- ges dans le cas de suppression ou d'altération de la thyroïde, il est possible qu'on ait affaire à un excitant que l'on pourrait appeler trophique, comme je l'ai proposé en 1909 (*), la sécrétine (*) Cours du Collège de France. 124 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES étant le type d'une autre catégorie d'excitants, les excitants fonctionnels. ,La preuve a donc été largement fournie de l'existence d'excitants humoraux, autogènes-, qui agissent sur différents tissus ou organes, soit par l'intermédiaire du système nerveux dont ils met- tent en jeu les fonctions, soit directement. Mis à part le cas de l'anhydride carbonique, rien, avant les études concernant les glandes endocrines, ne laissait soupçonner ce fait. Par cette découverte, les vagues explications d'actions nerveuses auto- nomes ont été remplacées par des mécanismes précis, parfaitement déterminés. C'est toute une conception nouvelle du fonctionnement organique qui s'est développée. ÏI Les corrélations fonctionnelles humorales La notion des excitants humoraux a engendré celle des corrélations fonctionnelles de nature chimique. Avant l'ère des glandes endocrines, on croyait que le système nerveux seul était capable d'établir entre les différentes parties de l'organisme la soli- darité nécessaire à l'accomplissement synergique de leurs fonctions. '« Dans les organismes élevés, disait Claude Bernard en 1867 (*), c'est seule- (*) In Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale en France, p. 204. — Ces mots sont écrits plus de dix ans après que Claude Bernard lui-même avait trouvé le premier LES CORRÉLATIONS HUMORALES 125 ment par l'intermédiaire du système nerveux qu'on agit sur la plupart des phénomènes vitaux. » Vingt ans plus tard, la même doctrine s'impose toujours aux physiologistes et François-Franck, par exemple, écrit que « la sensibilité nous apparaît comme l'attribut essentiel de l'être vivant, comme le point de départ de toutes ses réactions et comme leur moyen d'harmonisation »(1). Cette conception était la conséquence naturelle et nécessaire des nombreux faits accumulés sur la physiologie des nerfs et de la moelle depuis le début du xixe siècle. L'expérience avait montré en effet que, grâce au système nerveux, les différentes parties du corps sont fonctionnellement reliées entre elles et que, par l'intermédiaire des cordons nerveux qui les unissent, elles peuvent agir les unes sur les autres; les nerfs transmettent aux centres les impressions du milieu et transportent du centre à la périphé- rie les impulsions qui provoquent dans les organes des réactions diverses, motrices, vaso-motrices, glandulaires, inhibitrices; d'autres fibres nerveuses font communiquer entre elles toutes les parties des centres nerveux. Le système nerveux dans son ensemble est donc un appareil de réception et de cas et un type de sécrétion interne. Ge texte seul suffirait à prouver" le bien-fondé de la thèse que j'ai soutenue relativement à l'évo- lution de la question des sécrétions internes et au rôle respectif de Claude Bernard et de Brown-Séquard dans cette question (voy. en particulier la première de ces leçons, p. 22 et suivantes). (*) François-Franck. Système nerveux, in Dictionnaire ency- clopédique des sciences médicales, p. 647. 126 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES conduction. D'où l'idée qu'il est un appareil d'har- monisation, de coordination, par conséquent de régulation. C'est ainsi que, au début du xixe siècle déjà, Ducrotay de Blainville l'appelait le grand harmonisateur des fonctions de l'organisme. En termes plus explicites, François-Franck dit qu'il « reçoit, transmet, réfléchit, perçoit les impressions et règle les réactions en les adaptant à certaines fins » (1). Jusqu'à nos jours, les interrelations orga- niques, les corrélations fonctionnelles, apparais- saient à tout le monde comme étant l'apanage exclusif du système nerveux. Quand on ne décou- vrait pas le phénomène de sensibilité qui devait être le primum movens d'une stimulation nerveuse provoquant le fonctionnement de quelque organe, on le supposait. On peut se demander si ce n'est pas en raison de cet état d'esprit, de cette conviction invétérée des physiologistes, que l'on a admis si aisément le pouvoir réflexe des ganglions du système sym- pathique. De cette croyance trop absolue sont venues sans doute les conclusions des recherches de Pavloff concernant le mécanisme de l'ac- tion du suc gastrique acide sur la sécrétion pancréatique et sans doute aussi les idées de Wertheimer et Lepage sur la dépendance de cette sécrétion par rapport à des réflexes ganglion- naires supposés. Pavloff en effet attribuait la (*) François-Franck. Loc. cil. LES CORRÉLATIONS HUMORALES 127 sécrétion pancréatique à l'excitation des termi- naisons périphériques des nerfs centripètes de la muqueuse duodénale par l'acide chlorhydrique du suc gastrique, excitation qui se transmettait aux nerfs sécréteurs du pancréas. Et, de leur côté, avec quelle patience Wertheîmer et Lepage ne se sont-ils pas attachés à déterminer le trajet de ce réflexe? Ayant constaté, après de nombreuses et laborieuses expériences, d'abord que la destruc- tion de la moelle combinée à la section des pneu- mogastriques et des sympathiques n'empêche pas les solutions acides injectées dans l'intestin de provoquer la sécrétion du pancréas, ils pensèrent que les ganglions abdominaux du sympathique sont les centres du réflexe sécréteur; puis, ayant vu que ce réflexe se manifeste encore malgré l'ablation des ganglions solaires, malgré la section des plexus cœliaque et mésentérique supérieur jointe à celle des pneumogastriques et des cordons thoraciques du sympathique, force leur fut d'ad- mettre que les cellules ganglionnaires éparses dans le pancréas jouent aussi le rôle de centres d'action réflexe; quant aux expériences dans lesquelles ils avaient trouvé que la sécrétion continue à se pro- duire après la suppression apparente de toutes les connexions nerveuses entre l'intestin et le pancréas, ils en repoussèrent la valeur, supposant que dans ces cas l'énervation n'avait pas été complète. G'est justement ce fait de la persistance de la sécrétion 128 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES en dépit de la destruction de toutes les voies ner- veuses pancréatico-intestinales qui orienta les recherches de Bayuss et Starling dans une tout autre voie et leur fit chercher un mécanisme humoral là où l'on voulait toujours voir un méca- nisme nerveux. Il n'est pas sans intérêt de remar- quer ici que, vers 1900, les physiologistes anglais, à la suite des recherches de Gaskell et surtout de Langley et sous l'influence des idées issues des expériences de ce dernier, ne reconnaissaient plus aux ganglions sympathiques ce rôle de centres réflexes qui leur était encore attribué ailleurs et peut-être en France plus particulièrement. Et ainsi il me semble que Wertheimer a été pour ainsi dire maintenu par une force irrésistible dans le dogme de la toute-puissance du système nerveux, en dépit des faits qui l'entraînaient vers une autre idée. Comment s'étonner d'ailleurs de la persistance de cette idée du rôle exclusif du système nerveux, quand, il y a quelques années, en 1910, Grasset écrivait encore : « On comprend de plus en plus ce mot de Guvier : le système nerveux est au fond tout l'animal (*) »? Le vrai est que, s'il a pu en effet être considéré comme étant tout, il se trouve maintenant, au contraire, dépossédé de son pouvoir absolu. On a vu qu'il existe des corrélations fonctionnelles indé- (l) 3. Grasset. Idées médicales, Paris, Pion, Nourrit et C'% 1910, d. 232. . LES CORRÉLATIONS HUMORALES 129 pendantes de toute action nerveuse. A côté des corrélations d'origine nerveuse, dont le nombre et par suite l'importance sont considérables, se placent des corrélations neuro-chimiques et des corrélations purement chimiques ou humorales. Telle est la classi- fication que j'ai proposée dans mon cours du Collège de France en 1908-1909, dans une leçon sur le néo-vitalisme, publiée en 1911 (*) et dans mon Traité de physiologie (2). Dans ces mêmes publications j'ai indiqué quels sont ces nouveaux rapports de dépendance entre organes et fonctions. Dans les corrélations d'origine humorale, j'ai introduit une distinction que je crois nécessaire. J'ai distingué entre les substances qui provoquent des fonctionnements et celles qui règlent des pro- cessus chimiques (voy. p. 35) et particulièrement le développement. Les premières sont les hormones; le type, c'est la substance qui conditionne le mécanisme de la sécrétion pancréatique; sous l'influence d'une hormone aussi se fait la sécré- tion lactée. Si solides sont ces relations d'ordre chimique dans le domaine des fonctions digestives, l'adaptation des actes sécrétoires et moteurs gastro- intestinaux est tellement parfaite, comme l'a fait remarquer Pi Suner (3), que ces actes se déroulent (^ Citée plus haut, p. 35 et 122. (») 1" édition, 1909, p. 1142. (•) A. Pi Suner. Coordinaciones y adaptaciones motrices en el apparato digestivo. Revisla de ciencias medicas de Barcelona, novembre 1908, p. 482. gley, Sécrétions internes. 9 130 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES comme s'ils étaient gouvernés par une volonté consciente. Quant aux substances à action mor- phogène, qui sont les plus importantes des har- mozones et celles qui méritent surtout ce nom, je les ai appelées ainsi pour ne rien préjuger de leur nature. Sont-ce des excitants ? Nous ne con- naissons bien comme tels que des excitants de fonctions* Existerait -il des excitants trophiques (1)? Mais quel serait lem mode d'action? Faciliteraient-ils ou même provoqueraient-ils, en vertu d'une action d'ordre catalytique, les phénomènes d'assimila- tion? Détermineraient -ils, par exemple, la fixa- tion des matières minérales dans les tissus en voie de développement? Ou bien apporteraient-ils aux cellules un élément indispensable à leur prolifé- ration? De ce point de vue, faudrait-il les rappro- cher de ces acides aminés dont Th. Osborne et Lafayette Mendel ont si bien étudié l'action sur la croissance (2)? Dans notre ignorance présente de ces questions, j'ai jugé préférable, pour désigner ces agents, de me servir d'un mot qui spécifie, non leur nature, mais leur rôle. Car leur action est incon- (') Voy. p. 123. (•) Voy. en particulier de ces auteurs : Amino-acids in nutrition and growth. The Journ. of biological chemistry, 1914, XVII, p. 325- 349; — The amino-acid minimum for maintenance and growth, as exemplified by further experiments with lysine and tryptophane. Ibid., 1916, XXV, p. 1-12; — The effect of the amino-acid content of the diet on the growth of chickens. Ibid., 1916, XXVI p. 293-300. LES CORRÉLATIONS HUMORALES N13î testable.Et ici s'est dévoilé tout un ordre nouveau de connaissances. J'y reviendrai tout à l'heure. Qu'il s'agisse de ces corrélations humorales commandant à la morphogénie ou des corrélations proprement fonctionnelles, l'importance de ces notions ne saurait être exagérée. Importance phy- siologique et philosophique. En physiologie, c'est plus qu'un chapitre tout neuf qui s'est ouvert, ce fut l'introduction d'un principe nouveau, le prin- cipe des corrélations de nature humorale. Et on sait qu'une thérapeutique en est sortie de toutes pièces. A lui seul, le traitement infaillible du myxœdème et des états crétinoïdes par l'extrait thyroïdien justifierait toutes les espérances qui ont été conçues quand la méthode a fait son appa- rition. Philosophiquement, au point de vue de la biologie générale, la théorie des corrélations de nature chimique bat fortement en brèche toute doctrine vitaliste, comme je l'ai montré en 1911. Voilà qu'il est établi que la régulation de plusieurs grandes fonctions se fait sans la participation du système nerveux, au moyen de substances qui proviennent du fonctionnement même de certains organes; c'est, comme je le disais il y a déjà vingt ans (1), une auto-régulation. Une substance formée (l) Voy. E. Gley. Rapport sur la physiologie pathologique du myxœdème. XII* Congrès internat, de M éd., Moscou, 1897; — Les relations actuelles entre la physiologie et la pathologie de la glande thyroïde. Reu. Générale des sciences, 15 janvier 1898, IX, p. 13-22. 132 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES dans un organe donné est de composition telle qu'elle constitue l'excitant approprié d'un autre organe. La relation qui s'établit ainsi entre les deux organes considérés est donc purement chimique, c'est-à-dire, au point de vue doctrinal, d'ordre mécanique. La régulation des actes fonctionnels peut donc se faire par des causes chimiques. C'est toute une partie des dernières défenses du vitalisme qui s'est effondrée. III Les causes chimiques de la morphogénèse Cette révolution physiologique s'est complétée par la découverte des actions chimiques morpho- gènes. Et le changement qui s'est produit ici dans nos idées est peut-être encore plus grand que le précédent. Et je ne sais si la révolution n'est pas surtout ici. Le grand mystère de la vie a toujours été jusqu'à présent le problème de la croissance i1). Il a tou- (*) A. Dastre a qualifié la nption morphogénique de « dernier réduit de la force vitale ». « Les naturalistes, dit-il, ont considéré plus spécialement... la fonction de l'espèce, la génération, le déve- loppement et l'évolution... Pour Aristote, c'est la force vitale elle- même qui, dès qu'elle s'introduit dans le corps de l'enfant, en pétrit la chair et la façonne à la forme humaine. Des naturalistes" contemporains, comme les Américains C. O. Whitmann et C. Phi- CAUSES CHIMIQUES DE LA MORPHOGÉNÈSE 133 jours paru et il paraît encore à beaucoup de biolo- gistes que le problème de la formation de l'être ne peut s'expliquer que par une activité innée à l'organisme et préexistant à la forme que ce dernier doit prendre justement sous l'influence de cette activité, quand celle-ci commencera de se manifes- ter, activité qui le rend capable aussi de réparer ses altérations. Ainsi se ferait et se conserverait l'organisme, par le même pouvoir qui coordonne le fonctionnement de tous ses éléments. Car où placer ce pouvoir, sinon dans le système nerveux? Mais cette coordination, nous savons maintenant qu'elle ne provient pas uniquement du système nerveux, qu'elle est en partie purement chimique. Or, il en est de même de la puissance formatrice (*). lips, ne raisonnent pas autrement. D'autres, comme Blumenbach et Needham au xvine siècle, invoquaient la même divinité sous un autre nom, celui de nhus formativus. D'autres enfin se payent de mots : ils parlent d'hérédité, d'adaptation, d'atavisme comme si c'étaient des êtres réels, actifs et efficients, tandis que ce ne sont que des appellations, des noms qui s'appliquent à des collections de faits » (A. Dastre, La vie et la morl, Paris, E. Flammarion, p. 43). — « Dans tout le règne animé, des plus simples microorga- nismes jusqu'aux êtres de l'organisation la plus complexe, cet impérissable pouvoir de croissance qui, depuis la genèse du pre- mier protoplasma dans l'infini du passé, a créé la structure des débris fossiles des premiers âges aussi bien que notre propre exis- tence, cette capacité de croître est restée comme le plus remar- quable phénomène de la nature, la suprême énigme de la vie » (M. Rubner, Das Problem der Lebenfdauer und seine Beziehung zum Wachstum, Miinchen, 1908, p. 81). ('} II est intéressant de noter que Claude Bernard avait remarqué l'indépendance des phénomènes de développement par rapport au système nerveux. «Le système nerveux, dit-il en 1867 (Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale en Francet p. 215) qui chez les êtres élevés est un modificateur si 134 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES Cette puissance, que l'on imaginait d'essence mys- térieuse et dont le mode d'action était inconnu, se ramène à des forces chimiques; il n'est plus que d'en déterminer la nature exacte et le mécanisme précis. Qu'il existe en effet des substances par l'action desquelles se produit ou se règle la crois- sance, c'est ce que prouvent les arrêts de dévelop- pement résultant de la suppression de la glande thyroïde. Je ne dis pas que toute l'ontogenèse se puisse d'ores et déjà expliquer par les propriétés de substances du même genre. Mais que l'on remarque que, jusqu'à présent, en dehors des constatations de formes, des données numériques, des mesures de surface et de volume, on ne savait à peu près rien sur le fond même du problème de la croissance, on ne savait a peu près rien des causes qui amènent puissant de toutes les manifestations vitales, est sans influence directe sur les phénomènes organiques évolutifs... En effet, les phénomènes de développement organique précèdent l'apparition des nerfs. J'ai coupé les nerfs sur des ailes de pigeons naissants, sans empêcher les plumes de pousser... J'ai enlevé le ganglion eervical supérieur chez de jeunes chats et chez de jeunes lapins. L'accroissement de l'oreille n'a pas été modifié. La section du nerf maxillaire inférieur n'empêche pas non plus les dents de pousser, etc. » Inutile d'ajouter que ces remarques furent sans effet sur la direction des recherches physiologiques. Il aurait cependant suffi, pour orienter ces recherches, de réfléchir que, dans la période embryonnaire, alors que le système nerveux n'est pas encore formé, le développement ne peut dépendre d'influences nerveuses et doit être commandé par des actions purement chi- miques, par des agents qui circulent de tissu à tissu. On aurait pu penser aussi au développement normal de l'organisme chez les anencéphales et qu'il est des anencéphales qui ont survécu des mois et même des années (observation de Edinger et Fis- cher d'un anencéphale qui vécut quatre ans). CAUSES CHIMIQUES DE LA MORPHOGÊNÈSE 135 la croissance de l'être. Le développement des espèces, la phylogénèse, s'était éclairé. Que d'ob- servations sur la formation des espèces, d'où étaient même sorties des lois, dont quelques-unes sans doute encore discutées, mais toutes intéres- santes ! On sait l'ampleur qu'a prise la doctrine transformiste. Le développement des individus, au contraire, restait quelque chose de très obscur; rien de plus mystérieux que ses causes. Voici qu'il se dévoile à la lumière des découvertes faites dans le domaine des sécrétions internes. Et ce que, en peu d'années, nous avons déjè appris sur cette question, hier inexistante, autorise les plus belles espérances pour ses progrès futurs. Nous savons en effet que la formation du sque- lette tout entier est sous la dépendance de la sécré- tion thyroïdienne et peut-être aussi, à certains égards, du thymus; elle ne laisse pas non plus, d'autre part, d'être réglée par la glande génitale mâle et par l'hypophyse, puisque, chez les animaux castrés, il y a allongement des os des membres par persistance des cartilages de conjugaison et que, dans les altérations de l'hypophyse, il se produit un accroissement démesuré en longueur et en épaisseur des extrémités, ' squelette et parties molles. Nous savons aussi que la sécrétion thyroï- dienne régit le développement du cerveau et des fonctions cérébrales, même des plus hautes, des fonctions psychiques. Nous savons que les glandes 136 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES génitales ne se développent que sous l'influence de la thyroïde et peut-être aussi de l'hypophyse et du thymus. Nous savons que la glande intersti- tielle du testicule ou les corps jaunes de l'ovaire tiennent sous leur dépendance le développement des caractères sexuels secondaires et en particulier des glandes génitales accessoires et du tractus génital. Sans doute, bien des points restent à déterminer dans toutes ces questions. Le processus d'ossifica- tion est un ensemble de phénomènes complexes, division des cellules cartilagineuses, prolifération de la moelle osseuse, formation d'osséine, forma- tion de calcaire; la sécrétion thyroïdienne agit-elle sur tous ces phénomènes ou sur l'un d'eux seule- ment et sur lequel? Et ce processus, à en juger par ce qui se passe après la castration ou après la destruction de l'hypophyse, comparativement à ce qui se passe après la thyroïdectomie, est-il réglé à la fois par des substances qui l'activent et par des substances qui le modèrent, des chalones (de xaXàw, je relâche), pour emprunter le mot créé par Sh. Schafer(1)? Pourquoi, d'autre part, faute de quelques centigrammes de matière thy- roïdienne, les cellules cérébrales deviennent-elles inaptes à se développer? Quels matériaux néces- saires à leur développement deviennent-elles alors (*) Voy. Edw. A. Sh. Schafer. The endocrine organs, London, Longmans, Green and C°, 1916, p. 5. CAUSES CHIMIQUES DE LA MORPHO 3ÉNÈSE 137 impuissantes à fixer? Tous ces problèmes, dont la solution serait d'un si grand intérêt, doivent être mis à l'étude. Nul doute que cette étude ne nous fasse pénétrer très avant dans la connaissance du mécanisme de l'ontogenèse. Mais ce ne sont là que des questions de fait, de la plus haute importance, il est vrai. Des questions de méthode aussi se posent. Il faudrait pouvoir déterminer les conditions dans lesquelles se pro- duit l'activité des glandes morphogénétiques. Combien plus vrai en effet à propos de ces glandes ce que j'ai déjà dit à ce sujet des glandes endo- crines en général (x) ! Nous pouvons bien penser que c'est dans le jeune âge, chez l'être en pleine croissance, que ces organes sont en condition de sécréter le plus activement; encore faudrait-il chercher à savoir à quel moment, sous quelle in- fluence et pour quelle durée, d'une façon continue ou à intervalles plus ou moins éloignés, le sang de ces glandes et le sang général contiennent les substances spécifiques -qu'elles doivent y déverser. Quelle œuvre intéressante à entreprendre, par' exemple, pour la thyroïde (2) ! Une des premières choses à faire, c'est en effet de découvrir ces pro- (*) Voy. p. 41 et suiv. (*) On peut déjà trouver quelques données intéressantes sur le fonctionnement de la thyroïde dans des travaux récents de physiologistes américains. Voy. O. T. Manley and David Ma- rine : Studies in thyroid transplantation. I. Data relative to the problem of secretory nerves. Proceed. of the Soc. for exper. Biol. liib RÉSULTATS DE i/ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES duits à action morphogène dans le sang veineux des glandes qui les élaborent. Reconnaissons que cette démonstration, dans l'état actuel de la tech- nique, paraît bien difficile, sinon impossible, à fournir pour l'hypophyse; mais on peut espérer pouvoir la donner avec le sang veineux thyroïdien et avec le sang qui revient de la glande génitale mâle (1). Une autre question urgente serait celle des rela-< tions possibles entre l'action morphogénétique de la thyroïde, par exemple, et l'action sur la crois- sance des acides aminés, tels que la lysine, si bien étudiée par Th. Osborne et Lafayette Mendel. Il se peut que ce soient des phénomènes indépen- dants, mais il se peut aussi qu'il y ait entre ces actions, en apparence similaires, quelque rapport, La détermination de ce rapport, s'il existe, réali- serait à coup sûr un grand progrès dans l'étude de la morphogénèse. En ce qui concerne les fonctions de la glande génitale mâle, des faits récemment acquis sur son rôle dans la formation des caractères sexuels and Med., 1914, XII, p. 202-204; — David Marine and H. 0. Feiss : The absorption of potassium iodide by perfused thyroici glands and sorae of the factors modifying it. Journ. of pharmacol. and exper. med., décembre 1915, VIT, p. 557-576. Cf. aussi les travaux de D. Marine et Rogoff cités p. 84, H Voy. p. 114-115 et 146. CAUSES CHIMIQUES DE LA MORPHOGÉNÈSE 23g secondaires (*) illustrent singulièrement les consi- dérations précédentes. Le point de départ de ces recherches qui ont été effectuées dans mon laboratoire, c'est le fait connii de la dualité morphologique et fonctionnelle du testicule, organe à sécrétion externe qui est eu même temps glande endocrine, comme le foie, comme le pancréas. On a admis que, en tant que glande endocrine, il tient sous sa dépendance, du moins chez beaucoup d'animaux, plusieurs des caractères sexuels secondaires et l'activité sexuelle Il s'agit de le prouver. Les caractères sexuels primaires étant les glandes génitales elles-mêmes, les caractères secondaires (') A. Pézard. Rôle des sécrétions testiculaires dans le déter- minisme des caractères sexuels secondaires. Travaux de la Station physiologique du Collège de France, 1908-1909, p. 13-15; — In- fluence de la sécrétion interne testiculaire sur le développement des caractères sexuels secondaires. Ibid., 1910-1911, p. 7-8; — Sur la détermination des caractères sexuels secondaires chez les Gallinacés. C. /?. de VAcad. des Sciences, 20 novembre 1911, CLI1I, p. 1027, et 29 avril 1912, CLIV, p. 1183; — Rôle d'une sécrétion interne testiculaire dans le développement et le maintien de quelques caractères sexuels secondaires. Travaux de la Station physiologique du Collège de France, 19 12- 191 3, p. 8-12; — Recher- ches histologiques sur le testicule des Gallinacés. Ibid., 1912-1913, p. 16-18; — Développement expérimental des ergots et crois- sance de la crête chez les femelles des Gallinacés. C. JR. de VAcad. des Sciences, 16 février 1914, CLVIII, p. 513-516; — Trans- formation expérimentale des caractères sexuels secondaires chez les Gallinacés. Ibid., 15 février 1915, GLX, p. 260-263; — Loi numérique de la régression des organes érectiles consécutive à la castration postpubérale des Gallinacés. Ibid., 7 mai 1917, GLX IV, p. 734-736; — Le conditionnement physiologique des caractères sexuels secondaires chez les Oiseaux. Thèse pour le doctorat es sciences naturelles, Paris, 1918; un vol. in 8° de 176 pages. 140 RÉSULTATS DE i/ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES sont, d'après Hunter, ceux qui produisent et renforcent la différence entre mâle et femelle. Ils sont de deux sortes, les uns sont intimement liés à la fonction de reproduction : tel est le tractus génital, pénis, prostate, vésicules séminales. Les autres n'ont que peu ou même pas de rapport avec cette fonction; c'est, chez les Mammifères, comme l'homme, la forme du squelette, notamment du bassin osseux, la barbe, la voix; comme le lion, la crinière; comme les herbivores, les canines des mâles ou les cornes; c'est, chez les Oiseaux, la parure des mâles, comme la crête, les barbillons et les oreillons du coq et le camail, les lancettes et les faucilles du plumage, ainsi que les ergots, ou le magnifique plumage des faisans, qui contraste avec la livrée terne et uniforme des femelles. Dans d'autres espèces animales, chez les Batraciens, les Poissons, les Insectes, d'autres particularités ont la même signification. Dans quelle mesure tous ces caractères dépen- dent-ils des testicules? Les expériences de castra- tion répondent à la question. L'opération peut être pratiquée soit avant, soit après la puberté. 1° La castration prépubérale a été autrefois pratiquée sur l'homme; elle l'est encore chez les animaux domestiques. Il s'ensuit des effets très nets : l'infantilisme du tractus génital, l'élévation de la taille due à l'allongement des membres par per- sistance des cartilages de conjugaison, la tendance CAUSES CHIMIQUES DE LA MORPHOGENESE J^j à l'obésité, l'abolition de l'instinct génital. Chez les Gallinacés, Pézard a vu que la crête, les barbillons et les oreillons, c'est-à-dire le système érectile, ne se développent pas, pas plus que le chant et l'instinct sexuel, mais que le plumage et les ergots, c'est-à-dire les phanères, se développent comme chez des témoins non castrés. C'est là une distinc- tion d'une grande importance, puisqu'elle nous apprend que, parmi les caractères considérés comme sexuels, il en est qui, contrairement à ce que l'on croyait depuis un temps immémorial, n'ont pas cette signification; il faudra donc cher- cher le mécanisme de leur production. Chose curieuse, chez les poules ovariectomisées, les ergots et le plumage prennent le développement qu'ils ont chez les mâles. Ce ne sont donc point là en réalité des caractères masculins; ce ne sont que des caractères somatiques et c'est leur absence chez la femelle qui constitue un caractère sexuel secondaire féminin, caractère sexuel que l'on pourrait qualifier de négatif. Pézard en a conclu que l'ovaire, fonctionnant comme glande à sécré- tion interne, empêche normalement l'apparition de ces phanères ; l'ovaire sécréterait une subs- tance à action empêchante, une chalone (1). 2° Pézard a étudié les effets de la castration postpubérale chez les coqs : la crête diminue, s'atrophie, devient farineuse; il en est de même (') Voy. p. 136. 142 RÉSULTATS DE l'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES des barbillons et oreillons; l'instinct sexuel et le chant disparaissent. Cette régression s'accomplit d'ailleurs suivant une loi géométrique simple qu'il a parfaitement déterminée. — D'autres expériences de castration, mais intra-pubérale (c'est-à-dire effectuée à un moment où la crête, déjà soumise au conditionnement testiculaire, n'est cependant pas encore complètement développée), réalisées aussi par Pézard (j), ont montré que la régression de la crête et des organes similaires se fait suivant la même loi géométrique que chez l'adulte, le phé- nomène débutant toujours avec la même vitesse, quelle que soit la longueur de la crête au moment de l'opération. — De cet ensemble de faits il résulte que non seulement lé testicule est nécessaire au maintien des organes vasculaires (crête, etc.), mais aussi que l'action de cette glande est analogue à celle d'une force statique constante. La contre-épreuve de ces expériences consiste dans des transplantations de testicules dans le péritoine sur des animaux castrés, opération assez pratique parce que le testicule se régénère aisé- ment chez les Oiseaux. Sur des coqs ainsi traités, c'est-à-dire ayant subi la castration suivie de transplantation immédiate de l'organe enlevé, Pézard a vu, après que la crête avait diminué et 0) A. Pézard. Castration intra-pubérale chez les coqs et géné- ralisation de la loi parabolique de régression. C. R. de VAcad. des Se, 29 novembre 1920, CLXXI, p. 1081; — Numerical law of régression of certain secondary sex characters. Journ. of gen. Physiol., janvier 1921, III, p. 271-283. CAUSES CHIMIQUES DE LA MORPHOGÉNÈSE 143 que l'instinct sexuel avait disparu, la vie sexuelle se réveiller; mais cet effet n'est pas immédiat; il ne se manifeste habituellement qu'après plusieurs semaines (*); c'est vraisemblablement le temps que met la masse des nodules transplantés à atteindre le minimum efficace (»). Auparavant, le sujet opéré présente l'aspect d'un chapon (régression de la crête); au moment de la reprise, les phénomènes se renversent brusquement ; la régression fait place, sans transition, à une reprise de la croissance nor- male; il existe une discontinuité remarquable entre les deux périodes. L'autopsie des animaux sur lesquels il y a eu transplantation et l'étude histologique des transplants ont mis Pézard en mesure d'établir le minimum de glande nécessaire pour assurer la fonction; ce minimum correspond à 0 gr. 5 de parenchyme normal, c'est-à-dire à 1/30 environ de la masse que possède d'ordinaire un coq. De plus, l'action morphogène est totale ou nulle; prenant la crête comme critère de la masculinité, Pézard* observe en effet que les coqs en expérience sont ou bien des mâles complètement (x) A. Pézard. Temps de latence dans les expériences de trans- plantation testiculaire et loi du « tout ou rien ». C. R. de l'Acad. des Se., 17 janvier 1921, CLXXII, p. 176-178. (a) A. Pézard. Loi du «tout ou rien» ou de constance fonc- tionnelle relative à l'action du testicule considéré comme glande endocrine. Ibid., 3 janvier 1921, CLXXII, p. 89-92; — Secondary scxual characteristics and endocrinology. Endocrinology, 1920, IV, p. 527-540 144 RÉSULTATS DE L 'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES évolués, ou bien des chapons parfaits, suivant que la masse de tissu endocrine est supérieure ou infé- rieure a 0 gr. 5, nonobstant les variations très larges de ce tissu. — Ce développement et cette influence des nodules testiculaires transplantés après la cas- tration ont été constatés aussi par Steinach sur le cobaye et sur le rat (1). Le choix de Gallinacés, au lieu de Mammifères, comme sujets d'expériences, qui a permis à Pézard des mesures méthodiques d'organes liés à la sexualité et par conséquent de suivre systématiquement la régression ou le déve- loppement de ces organes, lui a par cela même fourni des données numériques desquelles il a su tirer des lois (') ; de ces lois ressort en partie le mode d'action de l'harmozone testiculaire. C'est un progrès considérable dans notre connaissance des caractères sexuels et de leur détermination. A quels éléments des testicules revient cette action morphogène ? Deux histologistes français, Ancel et P. Bouin, ont fait voir que le testicule est formé de deux glandes enchevêtrées, l'une (l) E. Steinach. Geschlechtstrieb und echte sekund&re Ges- chlechtsmerkmale als Folge des innersekretorischen Funktion der Keimdrusen. Centralbl. f. Physiol., 17 septembre 1910, XXIV, p. 551-566; — Umstimmung des Geschlechtscharakters bei Sâugetieren durch Austausch der Pubertâtsdrusen. Ibid., 11 no- vembre 1911, XXV, p. 723-725; — Willkûrliehe Umwandlung von Sâugetiermànnchen in Tiere mit ausgeprâgt weiblichen Ges- chlechtscharakteren und weiblicher Psyché. Archiv f. die ges. Physiol, 1912, CXLIV, p. 71. (*) Voy. surtout les deux articles de Pézard de Endocrinology et du Journ. of gênerai Physiol. cités ci-dessus. CAUSES CHIMIQUES DE LA MORPHOGÉNÈSE 145 spermatogène, orientée autour des canalicules déférents, l'autre endocrine, orientée autour des vaisseaux sanguins, dans les espaces interlobu- laires. Cette dernière, développée chez l'homme, le taureau, le cheval, est particulièrement volumi- neuse chez le porc; en raison de la disposition de ses éléments, Ancel et Bouin l'ont dénommée interstitielle ou diastémcdique. Les recherches expé- rimentales de ces auteurs sur le cobaye et sur le lapin ont ensuite démontré le rôle de cette glande spéciale; ils ont pu en effet détruire la glande spermatogène en laissant l'interstitielle intacte; et les animaux, chez lesquels cette dernière subsis- tait seule, conservaient tous les caractères sexuels. Il en est de même chez les animaux cryptorchides, cheval, porc, chez lesquels l'épithélium séminal est dégénéré, alors que l'appareil interstitiel per- siste, et qui sont des mâles dans tout le sens du mot. — Pézard a réalisé une expérience qui cons- titue une contre-épreuve et qui est en même temps une preuve directe de cette action de l'interstitielle; il injecte à des coqs châtrés de l'extrait testiculaire de porc cryptorchide, c'est-à-dire en réalité un extrait d'interstitielle presque pure; la crête et les barbillons, sous l'influence de ces injections, reparaissent, puis le chant et l'instinct sexuel, comme chez les animaux sur lesquels a été trans- planté du parenchyme testiculaire. Et ces carac- tères régressaient avec la cessation des injections. gi.ey, Sécrétions internes 10 146 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES De tous ces faits on est en droit de conclure qu'il existe réellement une harmozone testiculaire. Nous en avons la preuve histologique et la preuve physiologique indirecte. La preuve chimico-physio- logique directe, la démonstration de la présence dans le sang d'une substance à action morphogène ne fait elle-même pas défaut, depuis une expé- rience de Harms (1). Celui-ci introduit sous la peau d'une grenouille mâle, à l'époque convenable, au commencement du printemps, ce qui reste du bourrelet copulateur dégénéré d'un autre mâle châtré ; or, ce coussinet se développe alors et prend ses caractères histologiques. C'est donc qu'il cir- cule dans le sang, au moment de la reproduction, une substance morphogénétique. A coup sûr, ces expériences doivent être éten- dues. Et il importe qu'elles soient effectuées sur des Mammifères. Je ne doute pas que l'on n'arrive à recueillir et à conserver dans des conditions satisfaisantes les quantités de sang testiculaire nécessaires pour que puissent être décisives les expériences établissant la réalité de la sécrétion interne de la glande interstitielle et la production par cette glande de l'harmozone spécifique. Quels que soient les résultats de ces futures (l) W Harmr. Ueber Degeneration und Régénération der Dau- menschwielen und-drûsen bei Rana fusca. Archiv f. die ges. Phy- siol., 1909, CXXVIII, p. 25; ~ Hoden-und Ovarialinjektionen bei Rana fusca-Kastraten Ibid., 1910, CXXXIII, p. 27. LA MORPHOGÉNÈSE 147 recherches, dès maintenant la fonction de repro- duction, c'est-à-dire celle que les philosophes et même beaucoup de biologistes considéraient comme la plus mystérieuse et la moins accessible à l'expé- rimentation, apparaît comme gouvernée en partie, et en grande partie, par des forces chimiques. C'est sous l'influence de substances, dont la nature est encore indéterminée, mais dont l'action physio- logique est connue et sera de mieux en mieux analysée, que se construisent les formes et s'établis- sent les instincts caractéristiques de la sexualité. En résumé, nous avons déjà pénétré profondé- ment dans la connaissance de la morphogénèse. L'œuvre que pressentait Claude Bernard et qu'il appelait de tous ses vœux est en voie de réalisation et lui-même, par sa conception des sécrétions internes, il y aura aidé longtemps après sa mort. Telle est la force des idées de génie qu'une fois émises, elles poursuivent d'elles-mêmes leur magnifique chemin. « Les physiologistes, écri- vait Bernard en 1867 (*), n'ont pas même encore entrepris d'une manière sérieuse la recherche expérimentale et scientifique des phénomènes et des conditions organotrophiques... Les lois spé- (*) Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale en France, p. 127-123. J48 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES eiales à la physiologie sont les lois mêmes de l'orga- nisation, et elles embrassent la connaissance exacte des conditions sous l'influence desquelles l'évolution vitale s'accomplit et la matière orga- nisée se crée et se nourrit. » J'insisterai sur la nécessité de diriger l'inves- tigation physiologique expérimentale sur les phé- nomènes organotrophiques des êtres vivants, parce qu'on a peut-être aujourd'hui de la tendance à exagérer l'importance de l'étude des phénomènes vitaux d'ordre mécanique et physico-chimiques. » Ejt il ajoute, en une vision à la vérité un peu trouble de telles investigations (*) : « Il ne nous est donné de modifier l'organisation des êtres vivants qu'in- directement et par l'intermédiaire de la force orga- notrophique qui lui est propre... » Ce qui importe au physiologiste, c'est de pou- voir expérimentalement diriger les phénomènes évolutifs de façon à modifier la nutrition de la matière organisée, afin d'arriver par là à changer plus ou moins la durée, l'intensité ou même la nature de ses propriétés vitales. » Combien cette pensée prophétique n'a-t-elle pas été justifiée par ces résultats des recherches sur la fonction thyroïdienne qui ont montré qu'une substance extraite de la thyroïde modifie toute l'évolution d;un organisme arrêté dans sa croissance normale ! i1) Rapport sur les progrès el la marche de la physiologie générale en France, p. 128-129. LA MORPHOGÉNÈSE 149 Mais Claude Bernard a été plus loin encore. Il semble qu'il ait prévu les actions morphogènes. « Nous avons vu, dit-il (*), qu'il y a des excitants nutritifs ou des substances qui agissent différem- ment sur la nutrition quand elles sont introduites dans le milieu où vivent les éléments organiques. Le sucre, par exemple, est l'excitant nutritif de la levure de bière. Pour les éléments biologiques ani- maux, la même chose doit exister. Il doit y avoir des excitants spéciaux pour le développement et l'évolution de chacun d'eux. » Cette dernière iphrase n'est-elle pas de la prescience? Et je relè- verai enfin celle-ci, que l'on pourrait considérer comme l'une des conclusions essentielles de tout ce qui précède : « C'est seulement par le côté des phénomènes organogéniques ou organisateurs que le physiologiste pourra réellement comprendre et régler les fonctions physiologiques du corps vivant (2). » Or, cette « force organotrophique » que Claude Bernard, en dépit de son esprit mécaniste et faute de données positives dont il concevait bien la nécessité, mais non la possibilité, en était réduit à invoquer, nous avons pénétré son essence; nous Pavons ramenée à des facteurs chimiques. Nous avons reconnu, en effet, que le pouvoir organotro- (!) Rapport sur les progrès el la marche de la physiologie générale en France, p. 216. (») lbid., p. 220. 150 RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DES SÉCRÉTIONS INTERNES phique est la propriété de substances dont la nature nous échappe, en partie du moins, ainsi que le mode d'action; mais n'est-ce pas déjà beaucoup que d'avoir découvert et analysé leur rôle et d'avoir vu qu'il n'y a là, dans le complexus de ces phénomènes du développement, si mystérieux en apparence et que jugeaient tels les biologistes les plus sagaces et les plus éminents, rien autre chose que des actions chimiques? L'étude expérimentale de l'ontogenèse devenue donc possible, grâce aux découvertes récentes de la physiologie, voilà l'immense progrès en voie de réalisation, voilà ce qui s'est produit et se déroule sous nos yeux. N'est-ce pas là, comme je le disais, une révolution en biologie? C'est pourquoi il m'a semblé utile, dans cet exposé général de l'état présent de la question des sécrétions internes, d'insister non pas tant sur les faits que sur les idées issues de ces faits. Ces idées, j'avais tâché déjà de les mettre en lumière en 1909, en 1913 et en 1914. Mais plus je les considère, mieux j'en saisis moi-même toute la portée et mieux je puis la faire comprendre à tous et ainsi susciter peut-être à mon tour des travaux qui l'accroîtront encore. Et, profitant de l'occasion qui m'était offerte d'y revenir par ces leçons, j'ai voulu essayer de pénétrer toujours plus avant dans leur signification, « Le vrai savant, a dit Claude LA MORPHOGÉNÊSE 151 Bernard ('}, est celui qui trouve les matériaux de la science et qui cherche en même temps à la construire en déterminant la place des faits et en indiquant la signification qu'ils doivent avoir dans l'édifice scientifique. » f1) Rapport sur les progrès et ia marche de la physiologie générait en France, p. 221. TABLE ALPHABETIQUE Acides aminés, 130, 138. Acide chlorhydrique, 123, 127. Action nerveuse, 119. Adrénaline, 49, 71-73, 93-95, 104. — sécrétion, 50-57. — sort de cette substance, 63-67. Adrénalinémie physiologique, 58 et suiv., 68. — pathologique, 68. An encéphales, 134. Anesthésie, 71. Anhydride carbonique, 122, 124. Antithrombine, 111. Asphyxie, 54, 55, 70. Asthénie, 96. Bourrelet copulateur, 146. Bulbe, 122. Caractères sexuels primaires, 139. — secondaires, 136, 139 et suiv. Castration, 136. — prépubérale, 140. — postpubérale, 141. Castrats, 45, 135. Cerveau, 114, 135. Chalones, 136, 141. Cholestérine, 73. Circulation croisée, 109-110. Corps jaune, 113, 136. Corrélations fonctionnelles, 126, 131. — humorales, 35, 117, 129, 131. — neuro-chimiques, 129. Croissance, 132, 134, 148. Cryptorchides (Animaux), 145. Diabète, 108 et suiv. — et surrénales, 69. — insipide, 98. — pancréatique, 118. Dyspepsie « surrénale», 100. Échanges azotés, 123. — gazeux respiratoires, 123. Émotions et sécrétion d'adréna- line, 53, 55-56. Érectiles (Organes), 141. Estomac, 123. États crétinoïdes, 131. Excitants autogènes, 117. — fonctionnels, 33, 124. — humoraux, 117. — nutritifs, 147. — trophiques, 123, 130. Excitations sensibles, 1 ] 9 et suiv. Extraits d'organes, 32, 47, 76 et suiv., 84 et suiv., 97, 105. — propriétés pharmacodynami- ques, 87. — surrénaux, 48, 49, 64, 67, 93. — testiculaires, 32, 77, 82, 145. Foie, organe double, 18-19, 113. — fonction anticoagulante, 46, 111-112. — fonction glycogénique, 21, 26-27. — uréopoiétique, 25. Fonctions psychiques, 135. Ganglions sympathiques, 126, 128. — abdominaux, 127. Glande diastématique, 143. — interstitielle, 113, 136, 143, 144. — mammaire, 105-107. — myométriale de l'utérus, 106. — sous-maxillaire, 36, 83. — vasculaire sanguine (Notion de), 16-17, 20-21. Glandes endocrines, 9, 41, 137. 154 TABLE ALPHABETIQUE. Glandes génitales, 135-136. — hyper et hypotensives, 79, 88-89. — morphogénétiques, 45, 137. Glycémie, 19, 109. Glycogène, 17, 108. Glycolyse, 108. Glycose du foie, 17. Glycosurie, 109. — émotive, 50. — et surrénales, 69. Goitre, 77. Greffe, 45. Grossesse et adrénaline, 94-95. Harmozones, 35, 42, 108, 130, 144, 146. Homo-stimulines, 92. Hormones, 33, 35, 42, 87, 90, 92, 98, 100, 104, 107, 122, 129. Hormone prostatique, 90. Hormonal, 90, 94. Hyperadrénalinémie, 71. Hyperglycémie, 71, 108. Hypoadrénalinémie, 71. Hypocholestérinémie, 73. Hypophyse. Action de l'extrait, 82, 99, 107. — fonctions, 107, 113, 135. — polyurie, 98. Hyposurrénalisme, 72. Interrelations organiques, 126. Instinct sexuel, 143. Insuffisances thyroïdiennes, 77. Lymphogangiine, 80. Moelle osseuse, 96, 136. Morphogénèse, 35, 132, 138, 147. Morphogénie, 131. Mouvements respiratoires, 119, 121. Myxœdème, 77-78, 115, 131. Nerfs du cœur, 54, 55. Neurasthénie, 96. Ontogenèse, 117, 134, 148. Opothérapie, 78, 94-96, 99. Organothérapie, 96. Organotrophiques (Ph énomènes) 145-147. Osséine, 136. Ovaires, 136, 141. — action de l'extrait, 82. Ovariectomie, 141. Paludisme, 96. Pancréas, 29, 127. — glande à sécrétion interne, 30-31, 46, 108 et suiv. — mécanisme humoral de la sé- crétion, 46, 101 et suiv., 118, 123, 126-128. Parabiose, 109, 110. Paralysie générale, 96. Parathyroïdes. Action de l'ex- trait, 82. Parhormones, 122. Phanères, 141. Phylogénèse, 135. Piqûre diabétique, 69-70. Polyurie hypophysaire, 98. Pression artérielle et surrénales, 51, 55. Prostate, 90, 140. Pylore, 123. Rachitisme, 96. Rate (Extrait de), 96. Réflexes ganglionnaires, 126. Régulation thermique, 120. Rein, 89. — sécrétion interne, 91-92. Sang, milieu intérieur, 20-21. — coagulation, 111. Sang veineux pancréatique, 110. — — surrénal, 49-50. — — testiculaire, 115, 138. — — thyroïdien, 11 4-1 16, 138 — — utérin, 107. Sangs veineux glandulaires, 41, 42, 44, 46-47, 138. Sécrétine, 101, 123. TABLE ALPHABÉTIQUE 155 Sécrétinc gastrique, 91. Sécrétion (Nature de la), 16. Sécrétion interne (Notion de), 14, 19, 28, 30, 32, 34. — prétendus précurseurs, 15-16. — conception de Claude Ber- nard, 21-22. — conception de Brown-Séquard'» 32-33. Sécrétion gastrique, 91, 120. — lactée, 105, 129. -7 psychique, 120. — salivaire, 120. — sudorale, 121. Sécrétions, 29. — externes et internes, 36. Sécrétions internes. Conditions, 40 et suiv. — condition physiologique né- cessaire, 43, 47. — rôle, 118. Sensibilité, 125. Splanchniques (Nerfs), 50, 54-55, 61-62, 69-70. Substances vaso-constrictives,59. Surrénales (Fonction des), 24-25 72. — conception actuelle, 48. — extirpation, 51. — ligature des veines, 54. Surrénales (Rôle de la corti- cale), 73. Sympathique (Système nerveux), 50, 127. Système nerveux, 124-126, 131, 133. Système nerveux central, 121. Système osseux, 114, 135. Tachyphylaxie, 84-85. Testicule. Action de l'extrait, 32. — dualité, 139. — glande interstitielle, 113, 136, 145, 146. Têtards, développement, 116. Thymus, 113-114, 135. Thyroïde, 25, 29, 36. — action de l'extrait, 77, 82 114, 123, 133. — fonction, 118, 135-136, 148. — glande à sécrétion interne, 29, 31. Tractus génital, 113, 140. Transplantation, 45, 106, 142. Trijumeau, 121. Utérus, 106. Vésicules séminales, 140. Vitalisme, 131-132. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Abelous, 48. Ancel, 85, 106, 144-145. Anrep (G. von), 54, 56. Arsonval (A. d'), 32. Athanasiu, 67. Basch (Karl), 106. Battez, 69-70, 71. Bayliss, 101-104, 128. Bernard (Claude), 11, 14, 15, 17-23, 25-28, 30, 31, 33-35, 40, 124-125, 133, 147-149, 151. Bert (Paul), 31. Beuzard, 100. Biedl (A.), 50, 62, 73, 79, 97, 1 12. Blainville (D. de), 126. Borberg, 60, 93. Bordeu, 15, 16. Bouchard (Ch.), 33. Bouin (P.), 85, 106, 144-145. Brôking, 60. Brown-Séquard, 14, 15, 24, 25, 27-34, 48, 77, 90, 125. BURDACH, 16. Camus (J.), 98-100. Camus (L.), 51, 52, 53, 64. Cannon, 50, 53, 55, 56, 60. Carnot (P.), 96. Carraro (A.), 86. Caussade, 92. Cesa-Bianchi, 85. Champy (Chr.), 85-86. Chauffard (A.), 73. Chauveau (A.), 27. Colin (G.), 83. Cuvier, 128. Cybulski, 49. Cyon (E. de), 25. Dastre (A.), 22, 23; 28, 29, 31, 132-133. De La P„az, 53, 60. Delezenne, 112. Dold (H.), 85. Doyon (M.), 113. Dreyer (G.), 62. Elliott (T. R.), 54, 93. Embden (G.), 65. Enriquez, 103. Etienne (G.), 85. Falta, 89. Fano (G.), 111. Feiss (H. O.), 138. Fiessinger (Ch.), 82-83, 99. Fleig, 103-104. Florovsky, 56-57.- FORSCHBACH, 109-110. Franckl-Hochwart, 86. François-Franck, 125-126. Frôhlich, 86.^ Frouin, 91. Fûrth (O. von), 65. Gaskell, 128. Gley (E.), 15, 22, 23, 28, 30, 31, 33, 35, 41, 44, 45, 52, 54, 55, 57, 60, 67, 70, 77-79, 82, 85-86, 100, 108-109, 111-115, 121-123, 129, 131. Grasset (J.), 128. Gratiolet, 25. gudernatsch, 115. Hallion (L.), 92, 103-104. Harms, 146. Hédon (E.), 109-110. Henle, 15-16. Herring (P. T.), 86.. Howell (W. H.), 86. HUNTER, 140. 158 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Jackson (J. E.), 66. Josué (O.), 86. Kocher, 29. Kochmann (M.), 65. kôlliker, 15- 10. Kretschmrr, 66. KURIYAMA (S-I)GENOBU), 93. Lafon, 109. Lambert (M.), 79, 83, 85. Làngley, 128. Lanolois (J. P.), 48, 49, 51, 52, 53, 64-67. LEGALLOiS, 15, 28, 29. Legueu 92. Lepage, 126-127. Lépine (R.), 30, 108. Lewandowsky, 51, 53, 79. Livon (Ch.), 88. Lœper (M.), 90-91, 100. Mackenzie (R.), 86. Manley(0. T.), 137. Maranon (J.), 81. Marfori (P.), 80. Marine (David) ,84, 137, 138. Mayer \André), 70. Msndel(Lafayette),93,130,138. Mering (J. von), 29, 30. Meyer (Ed.), 92. Minkowski, 29, 30. MlRONOFF, 105. MÛLLER (J.), 16. Murray (G. R.), 107. O'CONNOR (J. M.), 59. Oliver, 49, 78. Osborne (Th.), 130, 138. Pachon (V.), 111. Parisot (J.), 85, 88. Patta (Aldo), 82, 90. Pavloff, 126. Pézard (A.), 46, 139, 141-145. Philipeaux, 25. Pi Suner, 129. Porak (René), 73. Quinquaud (Alf.), 52, 54, 55, 57, 60, 67, 69-71, 73, 82, 100. Regnault (Jules), 95. Reverdin (A.), 29. Reverdin (J. L.), 29. Ribbert (H.), 106. Robin (Ch.), 31. Robinson (R.), 94-95. Roger (H.), 85, 86. Rogoff ( J. M.), 55, 56, 57, 53, 68, 70, 71, 78, 84, 133. Roussy (J.), 98-100. Rubner (M.), 133. Salvioli (J.), 86. Schafer (Edw. Sh.), 9, 49, 78, 86, 136. Schiff (M.), 25, 29. Starling (ErnY), 33,101-104,128. Steinach, 144. Stewart (J. N.), 55, 56, 57, 58, 68, 70-72, 84. Strehl (H.), 51. Svehla'(K.), 79. Takamine, 49. Trendelenbubg (P.), 60, 66. Trunecek (C), 106. Tscheboksaroff, 62. Vassale (G.), 77. Vincent (Swale), 36, 53, 73, 78- 80, 86, 89, 93, 97-98. Vos (J. de), 65. Vulpian, 24, 25. Wagner, 100. Weiss (O.), 51. Wertheimer(E. 126-128. Wheeler, 73. ,69-70,102-103, TABLE DES MATIERES Introduction 9 I" LEÇON . La question des sécrétions internes, son évolution, son état présent 13 I. Les prétendus précurseurs de Claude Bernard 14 IL Vœuvre de Claude Bernard 17 III. Vœuvre de Brown-Séquard 27 IV. Vêlai présent de la question 34 II» LEÇON La condition physiologique nécessaire d'une sécrétion interne. Démonstration par l'exposé de faits nou- veaux concernant la physiologie des surrénales . . 39 I. Les conditions des sécrétions internes 39 IL La condition physiologique nécessaire 42 III. Exemple tiré de la physiologie des surrénales 48 1. La conception actuelle de la fonction surrénale. 48 2. Critique expérimentale du rôle attribué à l'adrénaline -. 50 3. L'évolution de la question de la fonction sur- rénale 63 160 TABLE DES MATIÈRES III6 LEÇCN L'orientation nouvelle des recherches sur les hormones et sur les harmozones 75» I. Confusion entre sécrétions internes et actions physio- logiques des extraits d'organes. Critique de la méthode des extraits d'organes 76 IL Méthode rationnelle d'étude des hormones 100 j XII. Méthode rationnelle d'étude des harmozones 108 IVe LEÇON Les résultats essentiels de l'étude des sécrétions internes. Une révolution en biologie 117 I. Les causes chimiques des fonctionnements organiques. Les excitants humoraux 118 IL Les corrélations fonctionnelles humorales 124 III. Les causes chimiques de la morphogénèse 132 BORDEAUX. — IMPR. GOUNOUILHOU, RUE GUIRA.UDB, Unîversity of Toronto library DO NOT REMOVE THE CARD FROM THIS POCKET Acme Library Card Pocket Under Pat. "Réf. Index File" Made by LIBRARY BUREAU :vng 1f; S->