ï^i' *i m L'*^, ■■^/.ii mÊÊS^t^^---^^'-^ U dVof OTTAWA lllliii 39003010255551 A gift of Associated Médical Services inc. and the Hannah Institute for the History of Medicir^e /■ ÛWit C4.ii-^i 9 \ if u,42Mil^ n ^JL' QUELQUES VUES N°27. SUR L'HEREDITE PHYSIOLOGIQUE ET PATHOLOGIQUE; THÈSE Présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris^ le i" février i854 ; Par François-Pierre CATTOIS, de MaroUes, ^^^^--^--"""^-^ Département de la barthe; f/ ^A L3LI07HECA \ DOCTEUR EN MEDECINE. *^ '^ Quis potest facere mundum de immundo conceptum semine? Nonne tu qui solus es? Job. Chaque forme organique portant en elle-même un principe de destruction , si deux de ces principes viennent à s'unir , ils pro- duiront une troisième forme incomparablement plus mauvaise; car toutes les puissances qui s'unissent ne s'additionnent pas seu- lement, elles se multiplient. Dk Maistbe. A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE DIDOT LE JEUiNE IMPRIMEUR DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE , rue des Maçons-Sorbonne , n° i3. )834. FACULTE DE MEDECINE DE PARIS. M.ORFILA, DoTBR. Mbssiechs. Anatomie CRUVEILHIER. Physiologie BÉR ARD. Chimie médicale ORFIL A. Physique médicale PELLETAN, Examinateur. Histoire naturelle médicale ^ RICHARD, Examinateur. Pharmacie DEYEUX, Président. Hygiène DES GENETTES. „.,.,.., f MARJOLI^'. Pathologie chirugicale ........ ^ ^ GERDY. Patholohic médicale , J 1 AINDRAL. Pathologie et thérapeutique générales BROUSSAIS. Opérations et appareils RICHER AND. Thérapeutique et matière médicale ALIBERT. Médecine légale , . ADELON. Accouchemens , maladies des femmes en couches et des enfans nouveau-nés , MORE AU . ÎFOUQUIER, Suppléant. BOUILLAUD. CHOMEL. ROSTAN. „,..,.., J JULES CLOQUET. Llinique chirurgicale < ^ ^ I DUPUYTREN. ^ ROUX, Examinateur. Clinique d'accouchemens ». .< ,.- Professeurs honoraires. MM. DE JUSSIEU, LALLEMENT, DUBOIS. Agrégea en exercice. MEssiEcaii MEssiBvas Bayle. Uatiit. BÉaABD (Auguste). HouanAaN. Blakdir. Jubeet. BoYER (Philippe). Ladgieb. Bbiquet. Lesdeub. BBoncniABT. Mabtin Solor. Bbocssais (Casimir). Piobby, Examinateur. GOTTEBEAC. REQ^I^, Daluas. Sansor (aîné). DcBLED. Sanson (Alphonse). Geébabd, Suppléant. Royeb-Collabd. Tbocsseac, Examinateur. Par délibération du 9 décembre 1798, l'École a arrêté que les opinions émises dans les dis- sertations qui lui seront présentées doivent être considérées comme propres à leurs auteur», qu'elle n'entend leur donner ni approbation , ni improbation. A MA MERE F. -P. CAïTOIS. A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE. A LA MÉMOIRE DE MONSIEUR JEAN-FRANC OIS, MARQUIS DU CASTEL. F.. p. CATTOIS. QUELQUES VUES SUR L'HÉRÉDITÉ PHYSIOLOGIQUE ET PATHOLOGIQUE. PREMIÈRE PARTIE. Le Créateur de toutes choses imposa à la matière, sous quelque forme que sa main toute-puissante la produisit , des lois dont il fit autant de nécessités de son existence : ainsi l'étendue, la pesanteur, l'impénétrabilité , furent ses conditions générales et essentielles. Tous les êtres, depuis le grain de sable jusqu'à l'homme, considéré maté- riellement, y sont irrévocablement soumis dans l'ordre actuel des phénomènes de la nature. On ne peut concevoir qu'aucun changement puisse être apporté à ces modes propres des êtres créés , sans que l'idée de leur destruction immédiate se présente incessamment à { 6) Tesprit. La matière est ce que nous la voyons par ces lois; l'absence d'une seule l'anéantirait; et partout où nos sens la rencontrent, elle est toujours semblable à elle-même par ces propriétés générales. Mais dès que nous cherchons à pénétrer sa substance d'une manière plus intime et en même temps plus spéciale, nous y trouvons bien- tôt de profondes modifications , de frappantes dissemblances : ce n'est ni la réflexion , ni la science qui nous les font apercevoir; un mou- vement involontaire et spontané de 1 intelligence , sans nous dérober les grands rapports qui unissent les élres matériels entre eux , nous fait instantanément apprécier les principales différences qui les sé- parent. INous embrassons tout cela d'une seule vue. Notre esprit, en les rassemblant dans sa conception par leurs ressemblances nécessaires , les distingue tout aussitôt par des traits particuliers , par des carac- tères qui les isolent de l'ensemble et les rapportent tous à deux grandes divisions : d'un côté, il voit la matière inerte, brute ou morte; de l'autre, la matière active, organisée, vivante. A celle-là , l'état passif , immuable; à celle-ci, la force de transmutation, le mouvement libre et la puissance communiquée. A cette dernière seule encore appar- tient le privilège de la génération , qui est sa faculté propre , distinc- tive et spéciale. Elle seule aussi peut nous donner quelques lumières sur l'importante question de l'hérédité physiologique et pathologique: car quels éclaircissemens pourrions-nous obtenir de propriétés entiè- rement étrangères aux phénomènes de la vie? La matière inerte n'est soumise qu'à des alternatives qui ne changent jamais sa nature inor- ganique. Simple ou composée, à quelque point de son existence qu'on la considère , elle est toujours inhabile à transmettre rien de ce qu'elle est elle-même. Cependant , sans participer en aucune ma- nière à la vie , elle est douée d'une force et d'une action que nous ne retrouvons qu'en elle. La cristallisation , qui varie à l'infini ses formes géométriques, lui appartient exclusivement; et, chose digne de re- marque , elle cesse d'être modifiée par elle dès qu'elle entre comme partie constituante dans la matière organisée. La cristallisation ne peut donc être regardée comme un phénomène vital, puisqu'elle est ( 7 ) suspendue partout où elle rencontre la vie. Le mobile premier du dé- veloppement de l'organisation doit différer essentiellement , pour cette seule raison , du mobile qui agglomère les molécules inertes sous des formes régulières , que la science est parvenue à déterminer mathé- matiquement. Ce peu de mots suffît sans doute pour faire voir qu'il y f. une différence de nature entre les deux causes dont l'une cris- tallise la matière , et l'autre l'organise et la vivifie. Mais de toutes les lois qui régissent la matière orgaBÎsée , les végé- taux et les animaux , l'hérédité est assurément la plus générale : nous la retrouvons au fond de tous les phénomènes physiologiques qui constituent la vie. La vie, quelle que soit sa manifestation , ne peut se perpétuer que selon l'ordre primordialement établi de la trans- mission héréditaire. Entre les deux termes extrêmes de sa durée , termes qui ne sont appréciables pour le médecin qu'autant qu'il les considère au-delà et en deçà de leur véritable point de départ , il y a une plus ou moins longue série de phénomènes qui s'engendrent les uns les autres et se provoquent réciproquement. Malgré ce grand nombre de phénomènes, qui en sont l'expression , elle est simple dans son principe, une dans sa cause: action compliquée, phénomène multiple se produisant dans un organisme multiple et compliqué lui-même , elle est un centre où aboutissent tous les points d'une cir- conférence, dont le rayon est d'autant plus grand que l'organisation est plus composée. L'ensemble des fonctions, dont chacune prise séparément est un signe, une révélation partielle de la vie, doit, comme elle, participer nécessairement à son indispensable condition d'hérédité ; mais les fonctions n'étant que l'exercice réglé des organesj nous sommes forcés de conclure qu'ils portent aussi dans leur struc- ture et leur forme l'empreinte héréditaire. Partout où nous voyons similitude d'actions , nous sommes contraints d'admettre similitude de moyens. D'ailleurs, pourquoi n'admettrions-nous pas une res- jsemblance intime , moléculaire , pour ainsi dire , puisqu'il y en a une quelquefois si prononcée dans l'habitude extérieure des corps vivanSi- Un enfant répète souvent avec fidélité toute la phj'sionomie extérieure ( 8 ) de son père ou de sa mère ; l'analogie doit nous faire juger que , dans son organisation intime , atomistique , si je puis m'exprimer de la sorte, il existe un cachet d'une aussi parfaite ressemblance profon- dément gravé. Malgré les protestations de la nature en faveur de cette importante vérité, des préventions systématiques en ont nié l'évidence; mais le génie, qui ne peut résister aux exigences de ses préconceplions , est bien faible contre la puissance des faits. La loi d'hérédité gouverne tout ce qui a vie sur la terre ; sans elle, tout un règne de la nature serait détruit, non dans sa substance, mais dans sa manière d'être. Dans la moindre trace d'organisation , nous pouvons affirmer qu'il y a eu transmission de vie. La configura- lion spécifique de tout organisme vivant est héréditaire ; s'il en était différemment, les espèces ne pourraient se conserver, ni même les individus se perpétuer ; mais la sagesse du Créateur a heureusement fait de l'hérédité une loi presque absolue dans ses résultats. Si quel- quefois nous avons vu naître des monstres qui s'écartaient plus ou moins du modèle originairement établi , ces dégradations n'ont jamais - appartenu , au moins spécifiquement , à la classe d'êtres qui les a accidentellement produites; car ces organisations, égarées dans leur développement , comme honteuses d'elles-mêmes , n'ont point été pourvues d'assez de vie pour vivre d'une individualité propre hors du sein qui les a nourries à regret. Cependant ne serait-ce pas dans ces monstruosités, si éloignées du type originel, qu'on pourrait saisir la vie élémentaire de chaque espèce organique? La mole utérine , par exemple, a une existence active à elle, un moment isolée ; toutefois elle se soutient faiblement et passe avec rapidité. C'est au moins dans l'élément organique de l'espèce qu'on peut saisir et étudier l'élément vital du genre. La mole peut offrir ces deux élémens enrayés dans leur développement par des causes qui n'ont pu en interrompre l'ac- croissement. Ainsi, selon nous, les animaux de l'ordre le plus élevé ne partent point d'un principe d'animalité commun aux animaux d'un ■■ordre inférieur dans l'éciielle de l'organisation; chaque espèce a son (9) germe spécial d'organes et de fonctions qu'elle transmet avec son type invariable par voie de génération. Toutes les fonctions qui s'accomplissent dans l'ordre de la conser- vation de la vie sont héréditaires. La première de toutes, la nutrition, celles qui se manifestent hors du sein de la mère, telles que la diges- tion, la respiration, participent à ce caractère général de transmission; nos pères nous ont donné la puissance la plus complexe d'organisa- tion, puissance que nous pouvons donner à notre tour. C'est ainsi que depuis le premier homme jusqu'à nous la forme extérieure et la physionomie intime de l'humanité se sont fidèlement conservées. Les formes des autres êtres animés se sont de même exactement mainte- nues dans la sphère de leur organisation; les individus dégénèrent, les variétés s'altèrent insensiblement et disparaissent; les métis ne vivent qu'en eux-mêmes et pour eux-mêmes, privés qu'ils sont presque tous de la faculté de se reproduire. Mais quels que soient les accidens qui contrarient la marche des espèces dans le cercle de leur évolution, la nature trouve ordinairement en elle-même assez de force pour leur rendre les titres premiers de leur perfection. Cette force, elle la puise dans l'hérédité, pourvu que ses efforts de régénération ne soient pas trop constamment heurtés. Non coutens d'avoir à constater ce phénomène universellement ré- pété par la matière organisée, des savans de toutes les époques ont voulu en donner une explication qui pût satisfaire à la fois leurs dé- sirs de gloire et leur avidité de science. Ils se sont adressés alternati- vement à la métaphysique et à la mécanique pour en obtenir quel- ques théories contradictoires , dont on s'occupe à peine aujojrd'hui. Cependant, pourquoi dédaignerait-on l'étude des causes premières? le génie le plus généralisateur des temps modernes n'en a-t-il pas prescrit la méditation comme condition de l'agrandissement indéfini du domaine de l'esprit humain? On semble revenir maintenant, il est vrai, à ce noble travail de l'iiitelligence; et des essais récens, diri- gés vers ce but , ont reçu d'honorables encouragemens de personnes qui, il n'y a pas long-temps encore, refusaient de rien voir au-delà des 2 ( .0 ) faits eux-mêmes. La génération est au nombre de ceux qui ont été abandonnés de nos jours, sans doute comme étant trop éloignée de l'observation des sens. C'est pourquoi l'hérédité, qui en est la con- séquence immédiate, a été écartée des questions importantes qui res- tent à résoudre en physiologie comme en médecine. Chose étonnante, l'on a beaucoup parlé de la contagion, sans presque jamais faire re- marquer ses rapports avec l'hérédité; l'hérédité néanmoins n'est sou- vent qu'une sorte de contagion. La génération a fixé l'attention de tous ceux qui ont fait des recherches plus ou moins étendues sur le sujet qui nous occupe. Cliacun d'eux a voulu établir son système. Le plus spécieux n'a pas eu deux siècles de retentissement : ces efforts stériles prouvent bien l'inutilité de leurs travaux; la vérité, une fois dévoilée , ne se perd plus; elle se perpétue par la parole et la science, qui sont elles- mêmes une génération non interrompue de l'intelligence. Nous allons exposer quelques vues simples sur cette question ; nous som- mes loin de croire qu'elles en soient une solution complète et satisfai- sante. Nous espérons seulement qu'elles embrasseront un bien plus grand nombre de faits que les hypothèses qui ont été le plus favora- blement accueillies. JNous admettons dans tout organisme l'existence simultanée de deux forces distinctes , l'une propre et l'autre sympathique. La première est dévolue à une partie de cet organisme exclusivement à toutes les autres ; mais elle est toujours revêtue d'une nature analogue et rela- tive au siège de son action. La seconde, qui est la puissance des rap- ports de toutes les parties entre elles dans l'organisation développée, les unit par un lien nécessaire pour en former uu tout qu'on apptîlle vie : ce qui revient à dire que tout organe a sa fonction spéciale, ai- dée, soutenue par les fonctions dont il est entouré , et qui sont avec lui dans une sorte de solidarité indispensable à l'unité de l'organisme vivant. Ce jeu simple des deux forces propre et sympathique, quand il est dans "un ordre parfait de convenances et de rapports , constitue la santé et la plénitude de vie. Ces principes étant compris, il est facile de se rendre compte de la ( '> } grande diversité des phénomènes de la génération. La ressemblance des enfans à leurs auteurs immédiats, comme la ressemblance des en- fans à leurs aïeux paternels ou maternels; la présence chez eux d'un membre qui manque depuis plus ou moins long-temps à leur père ou à leur mère, ou à tous les deux en même temps; les difformités, les monstruosités, tout peut, jusqu'à un certain point, se compren- dre et s'expliquer. Cette opinion n'est pas assez claire par elle-même pour que nous nous dispensions d'entrer dans quelques détails qui la feront concevoir plus aisément. Nous regardons l'organe génital (nous devrions plutôt dire le système génital) comme un abrégé, un résumé, une synthèse de l'organisme entier. Cette concentration de l'économie vivante a pour résultai commun de la reproduire complète et parfaite chez le plus grand nombre des animaux. Ce que nous allons dire s'ap- plique particulièrement à l'homme, qui peut seul nous offrir les exemples frappans dont nous avons besoin pour le développement de nos idées. Cependant l'organe générateur est dans une dépendance évidente de sympathie avec tous les autres organes de l'être humain. 11 est placé à l'une de ses extrémités pour le reproduire organique- ment, comme la tête à l'autre extrémité pour le reproduire par la pensée. Mais cette distance où il est du centre de l'innervation géné- rale ne rompt point les rapports qui les doivent unir étroitement. Le cerveau est dans une relation nécessaire d'action et de réaction avec l'appareil génital. Sans cela, il n'y aurait point d'unité de viedans l'individu propre à la reproduction de l'espèce. Nous rassemblerons à présent les faits qui paraissent se rapprocher le moins de ce que nous avons dit de la génération, fonction qui s'o- père au moyen d'un organe spécial revêtu , pourvu d'une force pro- pre; mais cette force est constamment aidée dans son action par une autre puissance , que nous appelons force de rapports organiques , ou force sympathique. Un enfant naît apportant une ressemblance frap- pante avec un de ses aïeux : d'où vient ce retour à une physionomie, à ime image dont le type semble ne plus exister depuis de longues an- nées? Un fils qui n'a pas hérité des traits sensibles et extérieurs de ( 12 } son père, peut cependant avoir avec lui une ressemblance intime et profonde qui échappe à la plus pénétrante observation. L'appareil générateur d'un fils peut être empreint de ce cachet intérieur de similitude : et comme nous ne voyons dans cet appareil qu'une syn- thèse destinée à reproduire un projet complet de l'être à qui il appar- tient, sa force propre , sa spontanéité, à lui, pourra l'emporter dans l'acte delà génération sur la force sympathique générale : cette prédo- minance do la force propre sera telle qu'elle puisse transmettre la fidèle copie d'un original ( qu'on me passe ces expressions ) , dont nos sens n'aperçoivent plus aucun linéament tranché dans tout ce qui les environne actuellement. C'est ainsi que l'on se rend compte de ces ressemblances éloignées les unes des autres qu'on trouve reproduites dans les galeries de tableaux de famille. On peut encore expliquer de celte manière cette perpétuité qui n'est guère que suspendue, et rarement interrompue, des types, des moules de toutes les organisations primitives. Mais, dira-t-on , peut-être qu'il devra v avoir alors une reproduction constante du même phénomène. Non , cela ne doit point être , nous en ferons sentir facilement la rai- son. Une foule de causes inappréciables peuvent exalter la force sym- pathique , qui de son côté modifiera dans son exercice la force propre de l'organe génital à un tel degré , que l'enfant , dans ces cas assez fréquens, ne ressemblera ni à son père, ni à son aïeul, ou ne ressemblera qu'à son père seulement. C'est pourquoi l'on voit des membres d'une même race n'avoir presque rien de commun dans les formes , dans les apparences extérieures. Leur image a existé dans le passé a des distances plus ou moins grandes de temps et de lieux. Leur image sera répétée dans l'avenir. On peut en quelque sorte assurer d'avance que s'ils se rendent à un des principaux vœux de la nature, la génération, leur physionomie ne périra pas. Sans doute il y a des ressemblances qui se perdent ou s'altèrent pour toujours : car le concours de deux êtres, ordinairement dissemblables, est indispensa- ble pour accomplir la loi de reproduction dans les espèces les plus élevées ; ce qui fait concevoir comment la physionomie intime et su- perficielle d'un enfant se mêle des traits de ses deux auteurs , dans la ( '3) proportion de l'activité de leurs forces propre et sympathique aU moment de la conception. Mais on trouve également, dans cette explication, la raison de l'exis- tence des monstruosités que la nature jette quelquefois à notre éton- nement. La plus commune de toutes, la mole, dans son organisation la plus simple, peut être regardée comme l'élément de l'organisme vivant, arrêté dans sa sphère de principe élémentaire, quant à son développement, et non , comme nous l'avons déjà dit, dans la pro- gression de son accroissement. Si l'on veut la considérer sous un autre point de vue , la mole ne sera autre chose que le produit rudimentairc d'un appareil générateur dans un état latent de maladie. L'organe qui résume à lui seul l'organisation et la vie est susceptible d'être tel- lement modifié, que sa force propj-e _,sii fonction spéciale soit sensible- ment troublée, et produise ces désolantes erreurs de la génération, de la conception ou de la gestation ; car les monstruosités ne recon- naissent pas toujours pour causes les troubles organiques ou moraux qui se manifestent dans l'union actuelle des deiix sexes. La gestation , n'étant qu'une génération continuée par la mère , laisse une bien plus longue prise aux causes qui peuvent entraver le déroulement physio- logique d'un fœtus qui a déjà atteint un certain degré de formation. La génération n'est, à proprement parler, terminée et définitive qu'au terme de l'accouchement naturel , et ce n'est qu'à l'instant où le pro- duit en est normalement disposé dans toutes ses parties qu'il est des- tiné à abandonner normalement aussi son support maternel. Les infirmités en plus ou en moins, d'ordinaire, ne se transmettent point héréditairement , parce que l'organe qui synthétise l'organisa- tion tout entière existe tout entier avec sa fonction tout entière. Cependant, à cause des connexions intimes des sympathies, de la solidarité de toutes les parties de l'organisme vivant entre elles , l'en- fant qui naîtra de parens privés originairement ou par accident d'un ou de plusieurs membres , portera l'empreinte générale ou locale d'une dégénération quelquefois sensible dès la naissance. Le peuple , dont toutes les opinions sur la santé et la vie ne sont pas à dédaigner , ( i4 ) sous le prétexte qu'elles sont de vains préjugés , pense que ces enfans arrivent plus vite au terme de leur carrière par ce qu'il appelle une maladie de poitrine, c'csl-à-dire la phthisie. 11 n'en est pas de même de ceux qui naissent de parens pourvus de membres surnuméraires. Cette infirmité en plus ne porte point ordinairement atteinte à la vie; mais elle se transmet plus fréquemment que la précédente. L'une et l'autre, après quelque durée et quelques transmissions, peuvent, pendant long temps, se perpétuer de race en race par la double ac- tion de la force propre et de la force sympathique. €ettc loi de l'hérédité physiologique sentie par tous les hommes , ])lutôt que comprise et expliquée par eux , a présidé à toutes les institutions sociales qui les ont gouvernés jusqu'à notre époque. Sur elle reposaient les gouvernemens du patriarcat, de la royauté et de la noblesse héréditaire. iNous lui devons cet ordre de succession des enfans à leurs pères dans la possession de leurs biens et de leurs ti- tres ; car l'homme voit dans ces deux fortunes deux moyens de se conserver jusque dans sa postérité. iNos pères lui devaient aussi ces jugemens justement sévères qui, pour un crime , privaient plusieurs générations d'une même famille de l'estime , de l'intérêt et des hom- mages publics. Mais cette loi , féconde en heureux résultats , dans le passé et même dans le présent, perdra beaucoup de sa puissance chez les peuples de l'avenir. Les privilèges qu'elle prodiguait seront remplacés par des privilèges plus nobles, et plus favorables au bon- heur et au progrès de l'humanité. Les talens et la science ne peuvent être que des titres acquis par le travail et l'émulation. Il est réservé , nous l'espérons, à rintelligence de gouverner le monde. Celte courte digression ne nous semble point étrangère à notre sujet; elle fait en- trevoir comment la médecine se rattache aux plus hautes questions do la philosophie; car n'est-il pas vrai de dire que toute loi qui est devenue par sa durée une mœur , une coutume nationale, n'a existé qu'en vertu d'un besoin physiologique socialement exprimé par une agglomération successive d'individualités ? Voyez les premiers hon- neurs rendus à la fécon lité. L'homme, au comnîenccment de l'es- ( '5 ) pèce, répugnait à vivre isolé, souffrait d'être seul et comme aban- donné au milieu de l'univers. Mais bientôt il sent qu'il lui manque un appui contre ses propres frères , contre ses semblables. Les hon- neurs vont passer à la force organique, au courage qui le protégera. De là la royauté , le plus souvent héréditaire de mâle en mâle paï* ordre de primogéniturc , et qu'une nécessité sociale rendra peut-êlre indestructible. Delà encore le droit d'aînesse pour les royautés se- condaires , les noblesses de tous degrés. Plus tard , la force organique ne suffit plus à l'aide et au soutien de l'homme; il s'adresse enfin à la puissance du génie. Il ne veut plus reconnaître d'autre patronage que celui de la science. Ici commence le dernier développement de la perfectibilité sociale. Le médecin philosophe doit fixer son atten- tion sur le phénomène physiologique et moral qui l'accompagnera. Celui qui , de nos jours, se trouve plus qu'aucun autre ennobli à la fois par une gloire héréditaire et par une gloire acquise nous offre un double exemple qui , eu témoignant en faveur des destinées passées de la société, peut faire pressentir ses destinées futures. La noblesse nouvelle mourra de son immortalité même. Le génie est une fièvre dévorante , qui empêche souvent la transmission même de la vie ; heureusement que les symptômes nous en restent impérissables. L'on a dit , il n'y a pas long-temps , au grand étonnement peut- être d'un nombreux auditoire , qu'il était réservé à la médecine de faire une philosophie de l'homme. Cela est bien vrai : elle seule comprendra tout ce qu'il a été , tout ce qu'il est , tout ce qu'il sera. Mais avant d'arriver à cette sublime compréhension , il faudra que bien des erreurs et des préventions se dissipent ; il faudra surtout agrandir le cercle, encore si restreint aujourd'hui, de son activité. Dans cet état seulement , nous pourrons le voir tout entier , organi- que et social. Là , il s'expliquera dans ses organes , dans ses fonc- tions, dans ses actions, dans ses rapports. Pour ne choisir qu'un exemple, qui paraîtra futile , sans doute, nous saurons pourquoi l'on a appelé une longue suite de siècles du nom de moyen âge : en effet, ces temps intermédiaires ne correspondent-ils pas précisément ( '6) au développement moyen rie la civilisation , au règne de la force or- ganique? et rhérédité sociale, conséquence naturelle de l'hérédité physiologique , nous paraîtra avoir été justement appréciée à celte époque dans toutes ses applications. Nous ne serons plus surpris de cet empressement instinctif des peuples à se soumettre aux enfans de celui qui leur avait montré une grande vigueur de corps unie au courage et à la richesse. Nous admirerons l'inexplicable pré- voyance de ces familles puissantes qui agissaient si politiquement en déshonorant leurs mésalliances. Nous saisirons la raison physiolo- gique qui poussait instinctivement les Bouchard à ne s'unir qu'à des Thibault ou à des Gaucher. Ainsi considérée , l'histoire , dans ses principes les plus généraux, ne sera qu'une partie de la science de J'homme, de la philosophie de l'homme, de la physiologie. DEUXIEME PARTIE. La transmission héréditaire des qualités physiologiques étant une fois établie , l'on concevra facilement la transmission héréditaire des aifectionset des dispositions morbides : car celles-ci ne sont et ne peu- vent être que des modes exagérés ou diminués de l'organisme vi- vant , relativement aux besoins de son état présent. Tout homme en naissant apporte une tendance organique qui doit Tenlraîner tôt ou tard à sa destruction complète : c'est là le péché originel de toute matière vivante. Mais ici nous ne voulons point nous arrêter à cette fatalité de l'organisation ; nous n'entendons par- ler que de ces états spéciaux qui n'eussent peut-être jamais existé dans telles circonstances . s'ils n'avaient été perpétués par hérédité. ( >7 ) Nous ferons observer, en abordant la question pathologique, que ce qui sera dit dans la suite des maladies héréditaires s'appliquera mieux encore aux simples dispositions à ces maladies. Nous ajoute- rons que le terme de maladie , étant pris dans un sens plus général qu'il ne l'est ordinairement , s'étendra jusqu'aux privations d'un ou de plusieurs membres, répétées pendant plusieurs générations sans interruption. L'absence d'un organe quelconque nous fournira les exemples les plus frappans de l'hérédité pathologique. Les maladies peuvent se transmettre de trois manières bien dis- tinctes , premièrement par la génération , secondement par la gesta- tion , troisièmement enfin par l'allaitement. Un enfant vient au monde sans bras d'un père ou d'une mère qui sont nés comme lui privés du même membre. Ce fait se reproduit assez souvent pour qu'il soit impossible de nier l'évidence de l'hérédité par voie de généra- tion. C'est à ce premier genre d'hérédité qu'on doit rapporter ces variétés quelquefois si nombreuses dans les espèces animales. La cou- leur des nègres, qui ne nous paraît point un motif suffisant pour faire remonter le genre humain à deux origines distinctes , n'est transmise immédiatement que comme simple disposition : effet unique de deux causes séparées d'existence, elle ne se fût point développée sans leur concours; une cause prédisposante pour la produire est secondcc par une cause occasionelle. Remarquons en passant que la première est souvent produite par la seconde , et celle-ci ne devient sensiblement efficace sur l'organisme, tout en étant hors de lui, qu'autant que celle-là est efficace elle-même au dedans de l'organisme. Une mère est atteinte de la petite vérole dans les derniers temps do sa grossesse ; elle met au jour un enfant qui apporte la même mala- die. INe sera-t-on pas forcé de rapporter ce fait au second genre d'hé- rédité, c'est-à-dire à l'hérédité par gestation? On objectera cependant qu'il est arrivé plusieurs fois que des enfans sont nés avec une mala- die, que leur mère n'avait jamais eue ou qu'elle avait eue bien des années auparavant ; on ira même jusqu'à prétendre que dans le cas cité delà petite vérole , c'est l'enfant qui a pu communiquer la contagion 3 ( i8 ) à sa mère. Pour arrêter sur cet important sujet un jugement décisif, quel besoin ne sent-on pas d'observations scrupuleusement recueillies par la science et la bonne foi. Un nombre infini de petites circon- stances qui échapperaient à la bonne foi sans science, ou qui seraient inventées par la science sans bonne foi , seraient heureusement ap- préciées par l'une unie à l'autre ; mais puisque ces avantages nous manquent encore aujourd'hui , choisissons un exemple qui n'offrira pas de semblables difficultés. Une maladie contagieuse, et non épidé- mique, la syphilis, est communiquée à une femme enceinte, soit par les lèvres, les yeux ou le sein; un enfant naît d'elle, présentant une affection , une ophthalmie, je suppose , affection, ophthalmie dont la mère souffre depuis plus ou moins long-temps : personne ne pourra refuser alors de se rendre à l'évidence de l'hérédité par gestation. Ce phénomène morbide a été assez fréquemment constaté pour ne pas laisser de doute sur cette seconde voie de transmission des maux qui abrègent la vie jusque dans sa source première. Les maladies propagées par l'allaitement reconnaissent aussi pour cause celte nutrition immédiate , dont les matériaux passent inces- samment de la mère ou de la nourrice à l'enfant. L'on conçoit cette contagion moléculaire dont nous avons déjà parlé, bien que la molé- cule nutritive d'un lait vicié soit élaborée par les organes digestifs de l'enfant à la mamelle. Qui donc , je le demande, oserait boire le lait d'une femme pestiférée? J'avoue qu'il y aurait de plus à craindre pour l'enfant allailé le contact du sein qui le nourrit; mais le scorbut, dont les conditions de développement sont différentes de celles de la peste, peut bien s'insinuer d'un organisme à un autre organisme, en tant toutefois que l'un d'eux fournira des élémens de nutrition à l'au- tre. Telle est notre triste destinée , qu'après avoir hérité de la ten- dance originelle et nécessaire de toute la matière organisée à la désor- ganisation, nous apportons en outre en partage les fautes organiques de ceux qui nous ont donné naissance , ou qui ont pourvu de leur propre substance à notre première alimentation. Ces trois moyens de propagation des maladies n'agissent pas tou- ( '9 ) jours isolément ; ils peuvent l'un après l'autre exercer leur délétère influence sur le développement organique du fruit de la conception. Ainsi produit par ce triple ressort de la vie, la génération, la gesta- tion et l'allaitement , l'état morbide de l'enfant offrira des caractères de gravité bien plus durables et plus inquiétans. L'allaitement, sans aucun doute, est celui dont les traces doivent s'effacer avec le plus de facilité. Mais quels obstacles ne rencontrera-t-on pas en en- treprenant , pour ainsi dire, des pieds à la tête, la reconstruction d'un organisme altéré dans ses principes paternels et maternels. C'est pourquoi nous avons si souvent à nous plaindre de l'impuissance de notre art à triompher de ces cnvahisscmens cachés des maladies hé- réditaires. Nous aurions encore à la déplorer davantage, si la nature, dont les efforts chez les animaux tendent sans cesse au bien-être de la vie , selon les lois de conservaîion qui lui ont été prescrites , ne trou- vait en elle assez de puissance pour écarter toute cause, toute action destructive de l'organisation naissante. 11 faut que cette puissance soit bien grande, puisqu'on la voit se manifester chez ceux qui semblent vouloir la tromper en se détruisant de leurs propres mains. Plus forte que leur volonté et que la mort, elle tente un dernier essai, de con- servation , inutile il est vrai; mais enfin elle a marché invinciblement à son but. L'homme, jusque dans la vieillesse la plus avancée, rend cette vérité sensible et incontestable, si le désespoir l'entraîne à se pendre ou à, se suffoquer dans certaines positions. Quand l'homme dirige sa violence contre la vie dans son foyer le plus actif, l'ensemble du cerveau , elle ne succombe et ne s'éteint qu'après avoir produit une étincelle, comme si elle voulait encore se ranimer et se perpétuer dans l'espèce. Nous regardons comme transmise par l'hérédité la syphilis , les scrophules , l'état tuberculeux , le rachitisme , le cancer, la lèpre , les vices herpétique , arthritique et rhumatismal , le strabisme, le bec de lièvre , les doigts surnuméraires , la surdité , le mutisme , l'épilepsie et l'idiotisme. Parmi les maladies qui n'apparaissent qu'à la suite de plus ou moins longues dispositions dont la transmission héréditaire a ( 20 ) été observée depuis plusieurs générations , nous comptons la phthi- sie , l'apoplexie , l'asthme, le goitre , l'hydropisie , les anévrysmes, tant internes qu'externes ; toutes les affections du cœur ; la chorée , l'hvstérie , l'hypocondrie , la manie , et toutes les variétés des affec- tions nerveuses et mentales. L'on trouve dans des ouvrages dignes de la plus entière confiance des exemples de l'hérédité de toutes ces ma- ladies. Ici on cite une famille dans laquelle des individus de plusieurs générations avaient les doigts de la main réunis par une membrane. Là , c'en est une autre dont tous les membres commençaient par être affectés de jaunisse , et finissaient par mourir hydropiques. Ailleurs on voit des familles où la variole n'est pas moins meurtrière que la peste. On parle de gales devenues endémiques et héréditaires pour avoir été trop long-temps négligées , de vomissemens , de melaena , transmis immédiatement d'une mère à ses enfans , et de mille autres accidens pathologiques , dont la cause ne peut se rapporter qu'à une influence particulière de la génération , de la gestation ou de l'allai- tement. Il est impossible de fixer d'une manière précise le nombre des ma- ladies héréditaires. Mais ce qui n'a point échappé à la sagacité des meilleurs observateurs , c'est que toutes les affections chroniques , toutes celles qui altèrent profondément l'économie entière , sont celles qui se propagent le plus communément par hérédité. Ces sortes d'altérations sont des maladies de constitution , de tempérament , d'appareils , si l'on veut encore. Ln portant atteinte aux fonctions , en entravant le jeu , l'action de l'organisme , elles ne laissent cepen- dant pas quelquefois que de s'exprimer localement par une partie qui ne sera pas en équilibre organique avec l'ensemble. Rarement elles prennent un développement rapide en présentant un caractère aigu. Elles minent insensiblement et à petit bruit l'organisation et ses forces. Ce sont des feux souterrains qui ravagent l'économie vivante , et qui ne s'éteignent d'ordinaire que par la mort. On les voit fréquemment parcourir leurs périodes sans produire de douleurs vives. Trop sou- vent elles prennent au dépourvu celui qu'elles détruisent ainsi peu à ( 21 ) peu , parce qu'en lui laissant l'exercice de ses facultés, elles ne lui ôtenl point l'espérance. Puis enfin, ce qu'elles lui laissent de vie passe bientôt comme une ombre. Les maladies héréditaires , presque toujours lentes à se compléter pour arriver à leur terme, ressemblent beaucoup, parce qu'elles ont de plus extérieur dans leurs symptômes, à ces maladies acquises , dont les envahissemens ne sont pas plus prompts dans leur marche; mais elles diffèrent de celles-ci en ce qu'elles ont bien plus de gravité dans leurs résultats. Les dangers auxquels elles exposent la vie sont plus difficiles à repousser, parce qu'elles en ont altéré le support pri- mitif dans son principe même , ou du moins dans les premiers élé- mens qui lui ont été fournis, Des circonstances de temps et de lieu peuvent produire des vices de constitution , des modifications géné- rales de l'économie, que d'autres circonstances de temps et de lieu feront disparaître. Il faut d'ailleurs une longue durée des influences malfaisantes pour changer un état sain en un état de maladie chro- nique , c'est-à-dire de maladie paresseuse à se manifester comme à s'effacer. L'individualité du type normal de la santé empêche d'a- bord d'apercevoir clairement les premiers effets de ce changement. C'est pour cela qu'il faut au médecin , outre la science , ce tact déli- cat et pénétrant qui les lui fasse apprécier, tout cachés qu'ils soient dans les profondeurs de l'organisme; et cette qualité, si rare, est en- core bien plus nécessaire pour découvrir les nuances individuelles des dispositions morbides qui sont dues à l'hérédité. Souvent on ne peut saisir la filiation des maladies qu'en rapprochant des dates et des existences séparées par plus d'un demi-siècle d'intervalle. Il en est des maladies de famille comme des ressemblances de famille ; elles peuvent être interrompues pendant une ou plusieurs générations, et reparaître ensuite dans toute leur spécialité et leur activité premières. Elles peuvent se répéter de la sorte par l'action isolée de la force pro- pre de l'organe générateur ou de la force des rapports de toutes les parties de l'économie entre elles, ou bien encore par l'action réunie de ces deux forces , qui régissent tout organisme vivant. Dans cette {22 ) simple explication , il n'est plus besoin d'admettre ces germes , ces \irus des anciens , entités dont l'expérience rend de jour en jour l'exis- tence moins probable. Comment concevoir , en effet , ces principes destructeurs de la vie , immobiles et comme enchâssés durant des années entières dans les recoins d'une organisation dont le mouve- ment incessant décompose et recompose chacune de ces molécules éiémentaires? Comment concevoir ces embryons de maladies incrus- tés dans un tissu vivant, comme la graine dans l'épaisseur d'un mur? On les verrait donc , comme celle-ci , quand elle trouve Iç moment favorable de pousser sa tige à la lumière et à l'air, se faire jour tôt ou tard à travers les organes pour en ruiner peu à peu la substance? rSou , les maladies héréditaires ne sont [oint différentes des autres affections , quant à leur nature ; elles ne sont point des êtres , mais bien des modifications d'un être qui , avant même d'avoir sa person- nalité , son moi , se trouvait privé de la tendance naturelle et générale des corps organisés vivans à atteindre sa perfection progressive et à se conserver. L'équilibre rompu des conditions fondamentales de la vie à son origine , voilà la maladie héréditaire. L'oscillation, l'incerti- tude des puissances de l'organisme , dans son principe et son déve- loppement , voilà la simple disposition. La nature ne semble avoir rendu cette dernière plus fréquente que pour donner à celui qui l'apporte en naissant le temps de se pourvoir de toutes les circon- stances incapables de rien ajouter à ce qu'elle est actuellement. Nous reconnaissons encore ici un de ces efforts dont elle est loin d'être avare , afin , sans doute , de laisser à notre volonté à choisir entre une conservation possible et un suicide certain. Avant d'être héréditaires, les maladies qui le sont depuis plusieurs générations ont été d'abord simplement congéniales ou acquises par un concours de circonstances extérieures à l'organisation ; autrement il faudrait supposer qu'elles viennent du premier homme, ce qui est insoutenable. 11 est presque toujours impossible de déterminer le temps où eljcs ont commencé à se manifester dans une famille, aussi bien que celui où elles ont entièrement disparu. Une disposition mor- ( 20 ) bide peut modifier tous les élémens organiques , sans pour cela laisser apercevoir aucune trace, aucun signe de son existence, jusqu'à ce qu'elle rencontre une aide dans les influences extérieures, quilui donne son premier élan. Une fois la première impulsion reçue, malgré les obstacles des lieux, des saisons et du régime, il peut arriver qu'elle continue invinciblement ses ravages ; mais il arrive aussi que, ne ren- contrant point de mobile qui la pousse en lui imprimant un mou- vement de progression , elle s'affaiblit peu à peu, et l'affection mor- bide, perdant même son état rudimentaire de disposition, abandonne enfin l'organisme auquel elle semblait inhérente. Sans celte heureuse tendance de la vie à se délivrer de tout ce qui la gêne et l'entrave , l'on verrait des races, des peuples entiers dégénérer jusqu'à l'impuissance absolue de se reproduire. Nous déplorons sincèrement que tant de familles nobles et anciennes soient pour nous aujourd'hui une triste preuve que la vie n'est pas toujours victorieuse dans ses tentatives de régénération, quand on lui offre volontairement tant d'obstacles. L'homme et la femme participent d'une manière nécessaire, chacun selon sa nature , à l'accomplissement de la conception. Si donc tous deux sont dépositaires par héritage de dispositions, d'affections diffé- rentes chez l'un et chez l'autre , le fruit qui naîtra d'eux pourra ap- porter un mélange de ces deux modifications distinctes , mélange qui constituera souvent un état nouveau de maladie. En se rendant à l'opinion de ceux qui pensent que les évacuations menstruelles ne sont qu'un accident, devenu général, de l'organisation de la femme, on concevra aisément ce que nous entendons par une formation mor- bide qui s'exprime par des caractères jusqu'alors inconnus. Nous ne pouvons mieux comparer les maladies qu'aux couleurs primitives qui se combinent et s'arrangent entre elles pour produire à nos veux ces phénomènes si variés qu'ils saisissent bien , mais qu'ils ne peuvent pénétrer. Quand nous parlons d'élat nouveau de maladie , nous ne prétendons pas pour cela dire qu'il se forme des maladies nouvelles. Les maladies primitives, simples, sont moins nombreuses, sans doute , qu'on ne le pense généralement ; il n'y en a peut-être pas da- ( 24 ) vantage que de tissus primitifs , simples ; et tout ce que nous croyons voir de nouveau, d'inaccoutumé dans les manifestations pathologi- ques de l'organisme vivant, peut bien n'être rapporté qu'à une sorte de combinaison des phénomènes qui résultent de l'existence simul- tanée d'un état morbide des différens tissus fondamentaux. Or, dans les maladies héréditaires , cette espèce de combinaison de phénomènes complexes est surtout remarquable, car elles affectent ordinairement les éiéme:.s généraux de l'économie. Il n'y a rien de surprenant en cela , puisque ces élémens se sont trouvés si rapprochés , si concentrés dans le double support paternel et maternel de la vie individuelle à son commencement; là 5 dansée point, un, géométrique, pour ainsi dire, de la vie, les influences propres et sympathiques se sont trou- vées comme confondues, identifiées, et ont produit la santé ou la ipaladie , selon que les sources organiques d'où elles sont sorties étaient elles-mêmes saines ou malades. C'est pour cette raison qu'une maladie de l'appareil génital, qui nous paraît locale dans son siège comme dans son expression extérieure, porte ces altérations profondes et générales dans un organisme dont le principe s'est isolé au moment de sa plus grande intensité. Un grand nombre de maladies hérédi- taires tiennent, sans aucun doute, à ces affections latentes des organes générateurs qui doivent modifier nécessairement le germe animal , selon les circonstances de leur état et de leur action. Cependant nous ne prétendons pas soutenir que toutes les anomalies d'organisation et de fonctions que les enfans apportent en naissant ne puissent être le résultat de plusieurs autres causes; nous reconnaissons, au contraire, qu'elles doivent être souvent rapportées à ces émotions vives et sou- daines qui troublent les deux vies génératrices au moment où elles s'unissent pour se communiquer , ou bien encore à ces agitations profondes de l'une d'elles seulement pendant la gestation et l'allaite- ment. Mais dans ces accidens eux-mêmes n'aperçoit-on pas une sorte de transm-ission qui n'a pu se faire qu'à travers les organes et la sen- sibilité des deux êtres qui se sont reproduits dans un troisième? La dépendance qui règne entre l'enfant et la mère qui l'a conçu et qui le; (i5) porte dans son sein est si intime , qu'il doit être assez rare que celui- là trouve dans l'activité de son organisme , à lui , la cause du dévelop- pement des maladies dont il est atteint dès les premiers temps de son existence. Comment en serait-il autrement , puisqu'il jouit à peine d'une vitalité propre , et qu'en outre les causes occasionelles de toutes les aflfections et dispositions morbides ne l'entourent que médiate- ment? Pour arriver jusqu'à lui, elles ont bien des obstacles à vaincre dans la vie maternelle. Par là nous voyons que ce que nous avons dit dans la première partie de notre travail sur la trans- mission de la vie normale, des qualités physiolog;iques de Torganisa- lion , s'applique parfaitement aux modifications pathologiques qui passent d'un organisme à un organisme nouveau par voie de généra- tion ; les deux forces, propre et sympathique, pourront agir ensemble ou séparément pour perpétuer dans les organisations qu'elles pro- duiront les différens états de maladie des organes qui leur servent de moyens. Nous rattacherons encore aux différentes dispositions héréditaires certaines habitudes d'un ou plusieurs organes, ou de l'économie gé- nérale, à reproduire dans un ordre constant et uniforme les mêmes intermissions et les mêmes phénomènes. Pat mi les nombreuses tendan- ces de l'organisme vivant à répéter les mêmes actes , il n'y en a sans doute point de plus remarquable que celle qui r été observée par les médecins praticiens, et qu'ils ont appelée tolérance. C'est en efîet chose merveilleuse que de voir les causes les plus destructives de la vie perdre parleur action , soutenue et progressivement augmentée, toute prise, tout empire sur elle. Cette tolérance, elle aussi, n'est-elle pas quelquefois héréditaire ? A quelle autre cause qu'à l'hérédité attri- buerait-on la disparition insensible de ces maladies qui ont ravagé l'humanité pendant des siècles entiers, si ce n'est à l'habitude devenue plus forte de race en race dans chaque organisme pour repousser l'ac- tion délétère des causes extérieures. L'économie vivante s'accoutume à tolérer un miasme comme un poison violent, et elle le tolère d'au- tant mieux qu'elle a été plus de fois recréée depuis son existence. L'ex- 4 (a6) plication est la même pour l'afFaiblissement graduel de l'eRicacité de quelques moyens médicaux à qui leurs heureux résultats avaient mé- rité le nom de spécifiques. Le vaccin , daas nos pays, semble perdre de jour eu jour sa propriété préservatrice de la petite vérole. Serait-ce qu'il aurait éprouvé quelques changemens dans son essence, ou plu- tôt qu'il ne serait déjà plus assez nouveau pour nos organes? L'o- pium ne donne plus le sommeil aux Turcs , et les panacées vantées par tant d'illustres médecins qui les préconisaient comme universellement et souverainement salutaires, sont aujourd'hui presque sans gloire comme sans puissance. Malgré l'autorité de l'expérience et de l'observation, des savans de notre époque, tout en professant le matériulisme pur et simple, se sont élevés avec force contre la transmission héréditaire des affections pathologiques. Mais que veut-on donc que la matière transmette au- tre chose que ce qu'elle est elle-même? Et si elle se trouve dans de bonnes ou de mauvaises conditions d'existence organique, pourquoi soutient-on que sou action génératrice n'en puisse être modifiée de telle sorte qu'elle les reproduise indéfiniment? Si tout en nous est matière revêtue d'une propriété qui l'organise, qu'y a-t-il de plus fa- cile à concevoir que l'hérédité physiologique et pathologique? Pour nous, nous l'admettons comme un phénomène incontestable, bien que nous ne partagions point l'opinion des médecins physiologistes ou ma- térialistes, qui ne veulent admettre en l'homme qu'une certaine somme de matière plus ou moins bien ordonnée. L'organisation, selon nous, n'est qu'un état spécial delà matière, soumise à une force dont elle est l'objet et le but vital; mais comme une force ou une propriété n'existe Doint sans une cause ou sans un être qui la contienne virtuellement, nous ne pouvons placer celle qui organise la matière dans la matière elle-même sans une évidente contradiction : car il y aurait eu un mo- ment où la matière se serait organisée sous l'influence d'une propriété sans cause ou sans sujet, ou bien cette propriété sans cause aurait existé primitivement dans la matière sans organisation. En un mot, on peut demander à la physiologie si l'organisation est la cause de la ( ^7 ) propriété qui organise, ou si la propriété qui organise est la cause de l'organisation. Dans la première de ces deux hypothèses, il y a un cercle bien justement appelé vicieux ; dans la seconde , il nous man- que une inconnue sur l'existence de laquelle la métaphysique reli- gieuse peut seule nous éclairer. Les maladies héréditaires sont de celles qui offrent le plus de résis- tance à une guérison complète et durable. L'organisme en étant en quelque manière modifié jusque dans ses élémens constitutifs, il doit être difficile de faire pénétrer à une si grande profondeur de nos organes les moyens hygiéniques et médicinaux qui pourraient les . ramener à leur état normal et à leurs fonctions physiologiques. Ce- pendant , que ces moyens soient employés avec prudence et circon- spection; qu'ils soient essayés dans de justes proportioL s d'énergie dès les premiers temps de la vie; que les saisons, les climats, les ali- mens, les exercices, les vêtemens , soient autant d'auxiliaires de mé- dications plus ou moins actives et variées selon la gravité du mal ; que les plaisirs , les travaux d'esprit , toutes les habitudes de la vie , soient soumis à des règles de prudente et rigoureuse observation ; enfin , que les traitemens spéciaux , convenablement appropriés à la nature des affections héréditaires, soient aidés dans leur action de toutes les circonstances les plus favorables de temps et de lieux et l'on pourra parvenir ainsi à arrêter quelques-uns de ces effrayans ravages qui épuisent l'organisation dans son essence individuelle et générique. Souvent les soins propres à en prévenir le retour, et surtout à en interrompre la propagation , doivent être de toute la vie : car les maladies héréditaires subsistent long-temps à l'état simple et caché de disposition dans les conditions des tempéramens dont les signes extérieurs sont les plus rassurans. Mais pour en prévenir encore avec un succès plus assuré les développemens dans les générations succes- sives , que les législateurs s'attachent surtout à donner une nouvelle forjce à ces institutions civiles sur le mariage, dont l'Europe entière est redevable à la sage discipline de l'Église chrétienne. Repoussons ces alliances pour lesquelles une longue et heureuse soumission à ses lois (2S) nous a inspiré une aversion exlrême. La graine se développe à regret eur ce même sol qui porta la tige dont elle descend. Déplorons , avec le philosophe de notre temps , qui a peut-être pénétré le plus profon- dément les plaies de l'ordre social, que ce qui reste aujourd'hui de races nobles et puissantes se précipitent par leurs exclusions à leur propre perte, pour avoir refusé de reconnaître cette vérité physiolo- gique. Cependant elle leur était enseignée à elles comme à tous les peuples, depuis bien des siècles , par le catholicisme , dans ses prohi- bitions à ces mariages que trop souvent décident le seul intérêt des richesses ou l'orgueil de la naissance. Ces unions si fréquentes des mêmes fanûlles entre elles peuvent-elles laisser arriver aux enfans autre chose qu'une faible et languissante vie, déjà à demi éteinte dans ceux qui la leur ont communiquée? Qu'elle est admirable cette doc- trine qui est à la fois et la plus sublime religion de l'esprit et la plus parfaite religion du corps! Dans tous les temps on l'a vue , antérieure à toutes les sciences , en promulguer tous les plus utiles résultats , pour la perfection organique et sociale de l'homme : et en rendant ses décisions immuables sur le mariage, elle n'a pas moins fait pour les progrès de l'égalité civile et politique dans le monde que pour le bien-être intime de l'organisation humaine, qu'elle a arrachée au fu- neste héritage de tant de causes de destruction. Grâces soient donc à jamais rendues aux lois de sa divine prévoyance pour le bonheur de l'humanité! FIN. ( ^9 ) HIPPOGRATÏS APHORISML I. Impura corpora quo magis nutriveris , eo magis laedes. Sect. 2 , apli. îo. II- Qui naturà valdè crassi sunt , magis subiiô moriuntur quàm qui graciles. Sect. 2 , aph. 44- III. Plurimae quidem afFectiones in pueris judicantuj?, aliae in qua- draginta diebus, aliae in septem mensibus , aliae in septem annis, aliae ipsis ad puberlatem accedentibus. Quae verô in pueris permanserint, neque solutae fuerint circa pubertateni , aul in fœminis circa men- sîruorum eruptiones , diù perseverare soient. Sect. 3 , ap/i. 28. IV. Quae secundûm naturam ad tabem disposita sunt , omnia quidem vehementia, qusedam vero etiam lethalia... — Sect. 8, aph. 8. Ad summos morbos , summae curationes diligentissiraè adhibitae oplimè valent. Sect. i, aph. 6. La ^IbUothlciU.^ Université d'Ottawa Echéance Jhz LlbMAy Uni vers ity of Ottawa Date Due Cf 1_3 90 0 3 02025 5 55 Ib Université d'Ottawa University of Ottawa COLL ROW MODULE SHELF BOX POS C 333 15 10 05 06 11 5