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COLLECTION
The Reuel Dnnkwater and Saditha
McCullough Robbins Fund
Established by Dr. Lloyd M. Robbins
SCHOOL OF LaW
University OF California AT Berkeley
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«.UESTIONS
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DROIT NATUREL,
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OBSERVATIONS
Sur le Traité du Droit de la Nature de M. le Baron de Wolf.
Par m de VATTEL,
A BERNE, M D C C L X I I.
AVERTISSEMENT.
|^«'S| Es Obfervations n'ont tà C Im ^'^'^ord été deftinées
^.®®:>^^ ticulier. Avant deC fein de donner un Traité du Droit 3es Gens , à peu près fuivant les Principes de M. le Baron de Wo L F , je commençai par faire ine étude approfondie de fou >oit de la Nature , & quand je encontrois une propofition qui a'arrétoit , je couchois mes re- larques fur le papier. A mefure ue j'avançois , & que je les' oyois s'étendre fur des matières itéreffantes , je commençai à enfer , qu'il ne feroit peut-être
s inutile de les donner au public.
Muis j'ai long-tems héfité à fui- t ^ vre
,v AVERTISSEMENT, vre cette idée. Pénétré du rare méritedeM-Wolf, & plem de reconnoiflance envers Im, pour les lumières que j'ai reçues de la Philofophie, je craignois de lui faire quelque peine, & je crai- gnois bien plus encore de don- ner occafion aux injuftes enne- mis de ce grand-homme , de dé- crier fes ouvrages , fi capables d'éclairer le genre-humam & de donner une nouvelle face a toutes
lesfciences, en y portant 1 efprit de jufteffe & de folidite , avec l'ufao-e des bonnes définitions.
Deux réflexions ont furmont* mes fcrupules : M. le Baron d« \(^oLF eft animé d'un zèle ar dent pour la vérité ; il approu vera fans doute les efforts que ] ferai de mon côté , pour la de velopper & pour l'établir. Soi ouvrage traite d'une matière dans laquelle aucune erreur n'ei indifférente : s'U eft échappé au
Au
AVERTISSEMENT. V
Auteur d'un fi grand poids quel- que décifion peu jufte, fon au- torité entraînera plus d'un lefteur dans des erreurs danp^ereufes pour la pratique : une petite remarque peut prévenir ce mal. Le Droit de la Nature de M. W. eft d'un volume qui ne permet pas d'en efpérer fi-tôt une nouvelle édi- tion : il ne refte donc , pour rendre cet ouvrage aufli utile qu'il peut l'être , que d'offrir aux lec- teurs , & fur - tout aux jeunes gens , une note des propofitions qu'ils ne doivent pas admettre fans précautions , & de leur fai- re connoitre l'erreur , par tout où elle peut s'être gliffée. C'cft ce que j'ofe entreprendre aujour- d'hui , fans craindre que perfon- ne foit aflez injufte pour me taxer de préfomption.
Je connois la grande fupério-
rité des talens de M. W o l f ,
& j'ai aflez fait voir , dans d'au-
t 3 très
■VI AVERTISSEMENT, très ouvrages , que je lui rends toute la juftice qui lai eft due , & que je le reconnois pour un Maître , dont les écrits m'ont été fort utiles. Mais on peut re-^ marquer, & même redreffer, les fautes d'un Ecrivain , que Von feroit d'ailleurs très-incapable d'é- galer, 11 ne faut , pour cela , que de l'attention , avec quelque juf- teTe dans l'efprit : il faut un vafte génie , pour donner un fyftéme entier d'une folide philofophie. Ceci me conduit à ma féconde réflexion.
Je me fuis perfuadé que tou- tes mes remarques ne feroient pas capables de nuire , dans l'efprit des gens fenfés, à l'ouvrage que je commente , ni d'afFoiblir î'ef- time qui eft due à fon excellent Auteur. C'eft bien d'un pareil li- vre que Ton doit dire : Ergo tel plura nitent &c. Le fyftéme eft admirable, les principes généraux
font
AVERTISSEMENT, vu
font excellens , la plupart des confcquences que l'Auteur en ti- re , font julles : s'il lui eil arrivé de fe tromper , dans quelques cas particuliers ; fi , dans ce fil im- nienfe de propofitions , il s'efl: glifle quelques paralogifmes ; ce- lui qui prendroit occafion de ces inadvertences , de nicprifer l'ou- vrage entier , montreroic plus d'humeur & d'injuftice , que d'a- mour pour la vérité.
Au refl:e , fi j'ofe bien penfer que M. "W. a pu tomber dans l'erreur , je fuis très éloigné de me flatter que j'en fois toujours exempt. 11 femble d'abord que le Droit de la Nature efl: une fcien- ce 5 dans laquelle il feroit aifé de ne jamais quitter le fentier de h vérité: mais les matières y font fouvent fi compliquées , Se les nuances, qui diltinguent les ob- jets 5 fi délicates , qu'il efl; facile de s'y méprendre. Ce malheur t 4 nie
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^U ESTIONS
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DROIT NATUREL,
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OBSERFATIONS
Sur îe Traité du Droit de la Nature de M. le Baron de Wolf.
PREMIERE PARTIE.
I^^^^U ^ ^^^'^ Naturel eft une Introduc; ^ -. B fcience très intéreffimte tion. X -'-' 3e pour tout homme rai- ^?^ ^.f\ îbnnable; Tétude en eft
\^i^^^liz^ agréable , & elle ns pafTe point la portée du plus grand nombre des ledeurs. On peut donc le flatter que des Queftioug clioifies
A de
Q, Introduction.
de cette fcieiice, difcutées avec net- teté & précifion , feront favorable- ment reques dans un fiecle où Fefprit Philofophique fait tant de progrès.
Peut-être ces Queftions traitées à part, fans rapport direél à aucun Ouvrage , auroient-elles eu plus d'a- grément pour bien des gens ; mais on a cru pouvoir faire quelque léger facrifice à une plus grande utilité. Le Traité du Droit de la Nature de jj^. le Baron de W o l F nous offre de toutes parts des Définitions lu- mineufes, & des Principes également furs & féconds. C'eft la vraie fource où Ton doit puifer déformais de jut tes idées fur les Loix Naturelles : il mérite d'être lu & étudié par tous ceux qui cherchent les folides con- iioilfanceSo Voilà ce qui m'a déter- mine à ne point fupprimer , dans la forme de mes réflexions , leur rela- tion avec cet excellent ouvrage : je veux eflayer de rendre la ledure du Traité de M. Wolf plus utile , par de courtes Obfervations fur les arti- cles qui m'ont paru fujets à quel-j ques difficultés , ou dans lefquels' j'ai cru découvrir de l'erreur. Qiiand la matière fe trouve intércflante , je
la
Introduction. i la difcute roigneufement, bien qu'en peu de motsj j'établis les foiidemcns de mon opinion, loiTqu'elle s'éloi- gne de celle de l'Auteur, & je tâche de mettre mon ledeur en état de choiiîr avec connoiiil'nce de caufe. Je me fuis propofé encore une au- tre fin, non moins utile aux jeunes gens qui fe deftinent aux fciences , c'eft de les accoutumer à une bonne dialedique ^ de leur préfcnter , s'il m'eft polîîble , des exemples d'un raiFonnement net , précis & lumi- neux. Si j'y ai reuflî, à G ces jeu- nes gens veulent fe former , par ces exemples , dans l'art de faifir l'état d'une Queftion, d'en démêler les vrais principes , de faire de ces prin- cipes une jufte application , & d'eu fuivre avec fagacité les véritables conféquences ; je me flatte que par cela feul je ieur^urai été très utile, & je me féliciterai d'un fi heureux fuccès.
Pour donner dès l'entrée un échan- tillon de cette dialedique exade & pour en montrer l'ufage , je débute 3ar une obfervation , qui combe fur a manière de démontrer de M.
WOLF.
4 CLU ESTIONS DE
Sur l'o- Jtir, Nat. Part, 1. §. 28o. L'Au-^ bjigation ^g^r dit , que P homme efi obligé de dacque- ^y^y^jH^y ^ acquérir la félicité ^ à licite. éviter V infélicité j & il le prouve ea difant que rhomme eft obligé de cul- tiver la vertu , qui le rend heureux , où de laquelle la télicité eft infépa- rable , & de fuir le vice , qui le rend néceflairement malheureux. Cette manière de démontrer ne me paroit pas dans la bonne méthode i car en général , il ne s'enfuit point de ce que je fuis obligé à une chofe , que je le fois à une féconde , qui elfcl l'efFet , même néceffaire de la pre- mière. Il fe pourroit que je n'cûffe point du tout en vue cette féconde , en travaillant pour la première ; & alors elle n'entreroit pour rien dans le motif qui doit me faire agir , '& ] par conféquent elle ne feroit point l'objet de mon obligation. La dé* monftration de l'Auteur prouve fort bien, que la félicité eft une fuite na- turelle & nécefTaire de l'accompliffe- ment de nos obligations j mais non qu'elle en foit l'objet. En un mot ♦ c'eft , à mon avis , renverfer les idées que de dire , que nous fommes obligés à la fin, parceque nous le
fom-
Droît Naturel.^ ç
Ibmmes aux moyens, j'aimerois bien mieux commencer par établir que nous fommes obligés à Ja fin , 6; en conclurre que nous le fommes aux moyens.
Il eft donc plus naturel & plus fo- ! Ilvie , Je prendre le foin de notre fé- ' lidté pour l'objet de notre première I & plus générale obligation ; puifque ' Tamour de nous-mêmes étant notre premier mobile, & l'obligation n'é- tant autre chofe que la ccnnexion du motif avec Vaciion j l'obligation de travailler à notre bonheur eft la pre- mière, la plus générale, & même le fondement de toutes les autres. Voyez mon Effai fur le Fondement du Droit Naturel ç^ fur le premier frinàpe de r Obligation (a). De cecte première obligation , on dédui- iroit celle de travailler à notre per- Ifeclion , feu! moyen d'obtenir la fé- licité j celle d^acquerir & de prati- quer la vertu , fans laquelle il n'y a point de perfecflion &c. Dans la no- te fur le §. 287- l'Auteur , pour fe tirer d'une obiedlion, dit, que Ton 21'eft point obligé diredement a fe A 3 pro-
( a ) Dans le Loifir Philcfophiaue.
C QjJ ESTIONS DE
procurer la félicité , mais qu'elle nait de la perfedion , à la recherche de laquelle on eft obligé : ce qui con- tredit la Propofition^go. dans la- quelle il n'eft point dit que l'obliga-- tion de rechercher la félicité ne Toit qu'indirede. Il s'agit dans ce §. 287- des plaifirs pafTagers & innocens , que TAuteur die être permis y c'eft- à-dire , fuivant lui , que Pon peut également les goûter, ou s'en abC. tenir , comme on le trouve à pro- pos. Par exemple , de àçux mets également convenables à la fanté , toutes chofes d'ailleurs égales , on peut choifir le plus agréable au goût, 6U le moins agréable 3 fans être lié dans ce choix par aucune obligation» Sur quoi M. "W. fe fait lui - même cette objedion: fi l'homme efl: obli- gé de rechercher la félicité 1 il doit fe procurer un plaifir innocent, quoi- que palfager , parce que ce plaifir contribué quelque chofe à fa félici- té , la félicité n'étant autre chofe qu'un état dans lequel on éprouve, fins mélange , des fentimens agréa- bles. A quoi iî répond , que l'obli- gation de rechercher la félicité ne yimt point de ce que ie plaifir qui
h
Droit Naturel. ^
la produit eft innocent , mais de ce qu'elle eft une fuite de la perfedion, que nous fommes obligés d'acqué- rir. Suivant lui^ dans cette note , la félicite eft donc reifet , ou le fruit de raccomplillement de notre obli- gation 5 & non pas fon objet diredt, N'eft-il pas beaucoup plus net & plus folide de dire , que la vraie fé- licité eft le grand but auquel nous tendons , que la perFedlion eft la vraie & unique fource de cette féli- cité, & la vertu, le feul moyen d'acquérir la peifeclion ? Dans ce fyftème, les plaifirs innocens Se paf. fagers , que Ton peut également fe donner , ou fe refufor , feront ceux dans lefquels nous n'appercevron$ aucune relation avec notre perfec- tion , fource de notre vraie félicité 9 qui ne nous paroitront ni favora-. blcs , ni contraires à cette grande fin. Car bien que , fuivant une fai^ ne Philofophie , tout foit Hé dans la nature, & que par conféquent , au-» cune adion , foit par elle- mème^ foit par fes fuites , ne foit inditfé"^ rente à notre perfedion & à notre bonheur ; lorfqu'il nous eft impoC fîble d'appercevoir les rapports & la A 4 liai-
s Que ST IONS de ïiaifon d'une adion avec ces deux chofes , cette même adion ne peut être l'objet d'aucune obiigat'on pour nous. Si elle n'eft pas indiiïerente en elle-même, elle Teft par rapport a notre devoir , lequel ne peut tom- ber fur les chofes qui nous font né- cefTairement inconnues. Ainfi , de ^eux mets également falubres, j^e puis choifir le plus agréable au goût, û je ne vois aucun inconvénient à me permettre ceplaifîr, ou le moins agréable , fi je ne veux pas céder â mon goût. Mais fi j'ai quelque bon» ire & folide raifon de préférer Vun à l'autre , le choix n'en efl plus in- difFcrent. Si vous me dies, qu'un plaifir innocent ne laiffant pas, quoi- que pafTager , de contribuer quelque chofc à ma félicité, je dois me k , procurer 5 je répons , que de ceî^ feul que je veux m'en priver fans i lîé.tffité, il paroit uffez que ce ptaf- fir cft de petite conféquence pour mon bonheur , Se que je lui préfère 3a fatisfadion d'exercer mon empire" fur mes fcns & fur mes goûts. En toute occafion , où je ne puis apper- ccvoir aucune influence fur ma per-, fedion , ni par conféquent fur ma'
Yraie
Droit Naturel. 9
vraie félicité , je fais ce qu'il me plait ; & par cela même , je me don- ne un plaiiîr.
$. 349. Hnwo ohîigatur ad corfm Jtturn i'ortjervundum,
JI. W. donne ici deux dcmonf- Oblîga- trations de cette vérité , que Thom- "^"^ ^^ me eft ob'ij^é de confcrver fon pro- S^" ^^^
o n ' i-r -.1 Ion corps,
pre corps: i . Il a établi ailleurs^ fa vie. cet excellent principe , que 1 hom- me doit déterminer lés udions libres, par les mêmes fins qui déterminent les actions naturelles , c'eft - à - dire ces udions qui s'opèrent dans notre corps par un effet de fon méchanit me, fans que notre volonté y ait part -, or , dit-il ici , les adions na- turelles du corps dépendantes de la faculté vitale , tendent à fa coiifer- vation ; donc nos a(^ions libres doi- vent y tendre aullî , & elles ne peu- . vent légitimement aller à fa deftruo- - tion. 2*. Il déduit la même confé- quence, de l'obligation où nous fom- mes de diriger nos adlions à notre plus -grande perfeftion , en faifant voir que les avions qui tendent à la A 5 xoa-
lO Q_U ESTIONS DE
confervatioii du corps, tendent par cela même à fa perfed^ion.
Cette double démonftration ne paroîtra pas fuffifante à bien des gens , & die demeure fujette à des difficultés. On dira qu'elle ne peut conferver toute fa force que dans le cas où le corps eft fain , & ou tou- tes fes allions naturelles tendent à fa confcrvation & à fa perfedion % que fi le corps eft ruiné par une ma« îadie incurable , ou par la vieilleife ^ il femble que, dès ce moment, les adions naturelles rendent peu-à-peu à fa deftru(flion 5 ce qui détruit > au moins pour le cas, la preuve de TAuteur.
Et quant à Pobligation de travail- kr à fa propre perfedion 5 lorfque le corps accable famé de maux & cfe langueurs , lorfqu'il la trouble dans les fonctions, au point de lui ôteE prefque h faculté de penfer , cer- tains efprits oppoferom à M. W* que rhoaime fembleroit plutôt tra* vail'ler à la per{ie<flion de fou être > s'il délivroit fon ame de ces organes détraqués,, qui lui font déformais, à charge.
La preuve aurgit , ce me femble>
plus
Droit Naturel, ii^
plus de Force , en difant fimplemeiir, que les vues de la Nature ou de fon Auteur, font de faire vivre notre corps pendant un certain efpace ds temps, dont le terme nous elt in* connu , & que Thomme étant obli- gé de fe conformer à ces vues , il doit y concourrir par Tes adions li- bres , & ne point entreprendre d^ les lompre eu détruifant prématu- rément un corps, que la nature feu-» le amènera a f(^n terme.
Mais j'aime mieux encore ni'ei> tenir à la preuve que CiCEROîf donne d'après PyTHAGORE,^ E le revient dans le tonds à ce que je viens de dire 5 mais le tour la rend plus perfuafîve, & plvjs fura dans tous les cas :
V^tai Fytbag&ras înjujju impera-t toris , U eji , Dei , de frafidtO ^ ficitione vita decedere (h). Nous de- vons laiffer faire la Providence ik ne point quitter la vie fans Porc^re de celui qui nous y a placés. Oa dira , peut * être , qu'il ell des cas eu la Providence ellc-mènie femblé mms apeller à quitter la vie. Il en.
A 6 eftr
(b) Cato IVIaior de fen^^, c, ao.
12 QjJESTl ON S I>E
cft fans-doute , où elle nous apelîe à rexpofer 5 & ce font ces occafions dans lefquelles nous ne pouvons remplir nos devoirs fans mettre no- tre vie en péril 3 mais il n'en cft point où nous puiiTions nous aflu- rer , par des raifons qui ne regar-- dent que nous-mêmes , que la Pr€K vidence nous apele précifément à perdre la vie , & fur-tout à }a per- dre par nos propres mains. Nou^ yerrons , en pailant d-e la foc! été Civil'e , s*il eft des conjondures dans îefquellcs nous puilîions croire , que lîoiis agiflbns conformément aux vues de la Providence , en facrifiant notre vie pour i^ne fin grande & îouableo
§. 3^. Homhn non comptfit âonri^ nium i7i vitarnfuum. & §. 374. iV#- wini homnmm compttit demiuitim in corpm jmm ve-l u-llum ejm orga-^ von feu membrunh
Si l'hom- L'Auteur établit ces deux propo- me t\\ le fiti *ns fur ce que Thomme étant mairre de ^:\y |gé à eonferver fa vi<; & fes menv. fa vie & ^^ç^ ^ Il j^g ^^^^j. en difpofer àfa fan-
^rnbre* ^^^^^^ 5 ii'où M, W. qouclut qu'il
Droit Natukel. 13
li*cn c{\ pas le m.iicre. Cette dé- fnondr.itioa peut s'ap^^liquer éga'e- menc au patrimoine d'un homme & à tout ce qu'il pollcde. Il n'y a qu'à mettre le mot de patrimoine au lieu de la vie , ou du corps & de fe$ membres. Car Thomme eft obligé à confcrver fon patrimoine, & la Loi Naturelle lui impofe la neceliité de n'en faire qu'un ufage convena- ble à {es devoirs Donc il ne peut pas en di'pofer à ù fantaifie : d'où il fuît qu'il n'en eft pas le maître , ou le Seigneur. Il faudra conclure dc-là, que l'homme n'eft véritable- ment m litre de rien. 11 ne pourra être cenfé maître de fon patrimoine que par une forte de fidion , rela- tivement aux autres h-mnics, qui n'ont pas le droit d'empêcher qu'il n'en falfe l'ufagc qu'il trouve à pro- pos. Certainement il paroit par la démonftration même du §. 374. que l'homme a fui fes membres , le mê- me droit qu'il peut avoir fur fon patrimoine. Pourquoi donc, dans le Droit Naturel, diftinguer fi fort ces deux cho'^s iî' D'^iHeurs, c'eft s'expofer à de grandes d'ilicultcs que d'uter abfoiuaienc à l'homme le rio-
7mme
14 Q.UESTI 0 >ÎS DE
piaine de Tes membres. L' Auteur .établit dans la fuite , que celui qui n'etl pas inaitre d'une chofe ( non dominus ) , ne peut point en difpo- fer : d'où il fuivra que l'homme ne peut difpofer d'aucun de fes mem- bres , au moins quant à la fubftaii- • ce 5 par exemple, qu'ayant un bras dangereudment bleiïe , il ne lui eft pas permis de le faire couper j qu'il ne lui elt pas permis , non plus , de fe gâter la vue en lifant beaucoup» quo que fon but foit de perfedion- ner fon ame & d'acquérir d'utiles connoi flan ces. J'ai Tufage d'une mai- fon , dans laque' le fe trouve une vieille tour , dont la chute, que je fuppofe encore incertaine» pourroit endommager tout l'édifice : je n'ai alTârément pas le droit d'abattre cet- te tour , fans le confentement d\i maitre de la maifon. De même , je ne puis, fans le même conlentement, faire de cette maifon quelque ufage extraordinaire , capable de la dété- riorer. Il fcrtût inutile de dire , par raport à nos organes , que la Loi Naturel'e nous donne droit aux chev- fes fans lefquelles nous ne pouvons fatisliàire à nos devoirs. Car fi je ne
puis
Droit Naturel, if
puis, laiis difpofer de ce qui n'eft pas à moi , faire une chofe a laquel- le, confidérée en général & en elle- même, je ferois obligé, robligation €ciîb , dans ce cas particulier j par- ce que la chofe n*eft pas en mon pouvoir.
5. 37^. Homini conipetit jus utendi
orgw'îs fuis , qiioîies eornm nfum
exigit obli^Litio quddam natnralts.
Par une fuite «^e ce que je viens SuiV de de dire, l'Auteur ne prouve pas i^o- ^^ ^-^^^ lidement, dans les principes , que l'homme ait droit de fe fervir de fes organes, pour fatisfaire à fes obli- gations, s'il n'elt pas le maître de fes organes. Il s'enfuivra plutôt , qu'il n'eft obligé à rien de ce qui exige l'ufage de fes organes. Je fuis obligé, par exemple, à afFifter un miférable, mais fi ie n'ai rien à moi^ fi je ne puis l'aiîifter que du bien d'autrui , ie ne dois pas le faire. Prouverai-ie que j'ai droit à Tufage de ce qui n'eft pas à moi , en difint que Hms^vet ufage, ie ne puis fatis- faire à i'ob igation d'affifter celui qui en a befoin '< Ne feroit-il pas mieux
de
ï5 Q^Ul STÏONS DE
de procéder aucrement , dans cette matière , Si de dire : que l'homme doit ufer de fa vie , de Ton corps , de Tes fatu'tés , de fes organes , & en rénéral de tous fcs bie.is , d'une miinicre conforme à Tes obligations; qu'il n'a pas dioit d'en faire un^fa- ge contraire ; qu'il efl obligé à les coiiferver autant que fes devoirs le lui permettent & qu'il eft en Ton pouvoir : que la vie, en particu- lier , étant le fondement , la bafe de tout le refte , toutes Tes relations, tous Tes devoirs fur la terre finiifant avec elle, il ne lui eft pas permis de la quitter de lui-même , & qu'il doit attend'. e que le Créateur, fon fcuverain Maître, la lui redemande & l'apelle ailleurs ?
§. 384- Carnihn animalium vefci Ih Cîtum eji.
S'il eft îl manque quelque cbofe à la dé- peimisdc monlVation , pour prouver qu'il eft ï"a' ^f permis à l'homme de le nourrir de la ISS bctes. ^|^,^jj. ^^^ bères. Car on pourroit
obieder à l'Auteur , qu'il faut s'en al 11 nir par la même raifbn qu'il en.poie J. 388- pour faire voir»
qu*à
Dkoit Naturel.' 17 qu'à moins d'une extrême néceflité, on ne doit pas fe nourrir de chair humaine , même dans les cas où quelque accident offriroit a cet ufa- ge le corps d'un homme que l'on n'auroit point tué pour le manger. Cette raifon eft , qu'en ie nourrit faut de chair humaine , on pour- roit fe familiarifer avec le meurtre j & la raifon eft fort bonne. Mais l'expérience prouve qu'en égorgeant les bètes , on s'accoutume infcnfi- blement à verfer même le fnng hu- main avec moins d'horreur: & c'cft peut-être pour afFoiblir ce mauvais etfet , que la Loi de Moife défend de manger le fang. De plus on pour* roit dire, que ne connoit^mt pas avec affez de certitude ce principe qui anime les bètes > & n'étant pas îiflTirés qu'elles n'ont point une ame pcnfante, capable de bonheur & de malheur , il ne nous eft pas per- mis de les tuer pour nous nourrir de leur chair. Il faut donc , pour lever ces doutes , faire voir que l'homme fe trouve dans la néceffitc de manger les bètes : que les plan- tes , & le lait des animaux ne fuffi- roient pas pour nourrir les hommes,
&
î 8 Q_U ESTIONS DE
& que d'ailleurs , ks bètes fe mul- tipliant à l'excès 5 fi on n'en tuoit point 5 elles diminueroient infini- ment les alimens que Phomnie tire des plantes , & rendroient bientôt la terre inhabitable pour lui ; d'où il fuivra que le Créateur les a ma- nifeftement deftinées à fervir de ' nourriture à l'homme , tout comme nous voyons que certaines efpeces de bètes font deftinées à la pâturé d'autres efpeces. Il fe fait ainfi, comme M. /-Tb^ l'obferve fort bien, dans la note fur ce paragraphe , une circulation & une préparation de matière, qui la rend enfin propre à nourrir le corps de l'homme. Cette faqon de lui préparer des alimens , contribue à relever l'idée que nous ûvons de la beauté de l'univers 8c de la fc igeife infinie du Créateur.
J. 407. Temperans non appétit cihuni ac poturn nifi fanitatis confir^ vand^i gratia.
Sur la Cette propoflrîon n'efi: pas bien
tempe- d'accord avec la 411. dans laquelle
rance. pAutcur en feigne, qm de deux ali^
msns , ou de deux hûijfom faiiibres ,
on
Droit Naturel. 19
en -peut en préférer une à caufe de fort gOHt agréable , lorfque Pon ejl tempe' rciyit y & il eft befoin d'explications, pour fauver la contradidion. Ne vaudroit-il donc pas mieux , au lieu de toutes ces faqons de parler , dire fimplement: que notre fin princi- pale dans le boire & le manger , doit être la confervation d^ notre fauté j mais que les plaifirs innocens étant permis , nous pouvons aulE avoir égard au goût & à l'agrément, autant que cela fe peut fans man- quer à aucun de nos devoirs , & particulièrement fans nuire en au- cune faqon à cette fin principale? Ainfi il nous eft permis de profiter, fuivant notre état , des alimens les plus agréables , pourvu que nous ne péchions point contre notre fanté , ni dans la qualité ni dans la quan- tité de ces alimens , & pourvu en- core que nous ne nous expolions point à contrader l'habitude de fais, re plus d'attention, dans notre nour- riture , à l'agrément, qu'à la falu- bricé ; habitude que Ton apelie i«- tern^érance,
$. 482.
7,0 Q_U ESTIONS DE
5. 482. Homo ohligatur aâ pulchri-. tudimm naturalem confervandam.
Obliga- Ceft ce que FAuteur prouve en
conferter ^^'^^^^^ ' ^"^ ^^ nature , en nous fa beauté donnant la beauté , fe propofe de na;ui€lie. faire que nous plaifîons aux autres , & qu'aiufî en cottfervant notre beau- té, nous déterminons nos adions libres par les mêmes raifons finales qui déterminent les adlions naturel- les î c'eft-à-dire que nous nous con- formons aux vues de la nature , ce que nous fommes obligés de faire. Donc &c. Cette démonstration ne me fatisfait pas j parce qu'elle ne peut conduire à faire voir que tous les hommes généralement doivent avoir foin , autant que cela fe peut, de rendre le'<r petfonne agréable aux yeux des autres , & en particu- Tier , qu'un homme en qui il (e rencontre quelque difformité natu- lelle, doit la corriger, s'il peut le faire fans inconvénient. H fembîe même qu'on pourroit réduire la dé- monftration à Tabfurde , en l'appli- quant à la Idideur , de cette maniè- re : illa nature , en faifant ua hom- me
Droit Naturel. ii
me beau , s'cfl propofée âc le ren- dre propre à plaire ; en vous faifanc laid , elle a voulu que vous fulTiez chcftiné à déplaire par votre figure. Lors donc "que vous travaillerez à conferver votre laideur , toutes les adions que vous ferez dans ce but feront déterminées par la même rai- Ion finale, qui détermine les adlions naturelles. Et puis que Thomme eft obligé à déterminer fes adlions libres par les mêmes raifons finales qui dé- terminent les adlions naturelles , c'eft-à-dire , à fe conformer aux vues de la nature, vous êtes obligé de travailler à conferver votre laideur naturelle. J aime ois donc mieux prouver la prcpoUtion préfente par ce raifonnement : la beauté naturel- le nous rend agréables aux yeux des autres & capables de leur plaire -y ce qui eft un avantage réel , qui rend notre état meilleur. Or l'homme ed obligé à conferver les avantages de ifbn état & à les augmenter même , ^autant qu'il le peut. Donc il eft obli- gé à conferver , autant qu'il le peut » fa beauté naturelle.
Au refte je ne prétens point ici ni ailleurs , conune je Tai déjà fait
con-
aZ QjJ ESTIONS DE
çouiloître dans mes remarquer fur îe $. 349. rejetter ce principe , que rhomme doit diriger fes allions li- bres fur les mêmes fins qui déter- minent les adions naturelles. Le principe eft folide , lumineux & fé- cond : mais je n'en trouve pas l'ap- plication jufte dans ce paragraphe ; &: elle ne me paroit pas fans diffi- culté, ni affe2 évidente dans le 349e.
§. Ç49. Imprimls de perfe&ione anintdz acquifita.
Fonde- jg ^q fq^j pourquoi M. W. prend
?eftlme ^^^ ' ^^^^ P^^euve , que i'eftime porte principalement fur la perfedlion ac^ qiiife de l'ame. On eftime les grands talens , la fermeté & la graiideur du courage , l'élévation des fentimens , la bonté naturelle du cœur : tout cela ne s'acquiert pas ; il fe perfec- tionne feulement par l'exercice. Je fqai que l'on dit vulgairement, qu'on ne loue pas un homme des dons qu'il a requs de la nature , mais de ce qu'il a acquis. Mais cela fignine feulement qu'on ne lui attribue pas le mérite de l'acquifition , qu'on ne k regarde pas comme l'auteur de
Droit Naturel. 2J ce qu'il tient de la nature. On Ted time comme pofTefTeur de ces dons » qui font de lui un homme recom- niandable j mais on ne le loue pas comme auteur & artifan de ces mê- mes dons : on l'eftime aufU comme poiTeiTeur des vertus qu'il a acqui- Tes 5 & on Teftime & le loue , de plus, de les avoir acquifes par fcs foins & Ton travail. Puifque l'efti- me eft, félon M. W. , le jugement que l'on porte de notre perfedion ; les qualités naturelles ne contribuant pas moins à notre perfedion que les qualités acquifes, elles font égale- ment l'objet ou le fondement de l'ct time. L'eftime ne fuit pas toujours les mêmes règles que l'imputation. On n'impute à l'homme que ce dont il eft véritablement l'auteur : on l'ef- time pour ce qu'il poifede d'eftima- ble. S'il joint à fes belles qualités le mérite de fe les être acquifes , l'ef- time en eft augmentée.
M. W. fe fonde fans-doute fur ce qu'il a enfeigné ailleurs , que les vertus , tant intelleduelles que mo- rales , font des habitudes , & que les habitudes s'acquièrent par l'ufa- gc. Mais le fonds mêmj des vertus
vient
24 QjO ESTIONS DE
vient de la nature & ne s*acquîert point i il confifte dans les difpofi- tions naturelles, lefquelles difpofi- tions fe dévelopent , fe fortifient & paflent en habitude par Tufage & Texercice. L'expérience prouve que la nature en fait la plus grande par- tie des fraix , puifque Ton trouve de ces vertus chez les hommes les moins cultivés, & qu'elles manquent quelquefois totalement en ceux dont réducation a été la plus foignée.
J'aimerois mieux prouver cette propofition ^49. en difant tout Am- plement , que les vertus intelleduel- les & morales, font, le principal fon- dement de Teftime, parce qu'elles font ce qu'il y a de plus excellent dans rhomme.
§. 562. Ho7no exijîhnationem ^ hO'
norem ac lauâem non débet inten^
dere tanquam Jînem,
àol ^'fe^ L'Auteur prouve cette propofitiott propofer ^^ difant , que les hommes font li- reftims bres dans leurs jugemens & par con- comme féquent dans leur eftime , que nous unetinàe j^^2^Qj^s nul droit d'exiger qu'ils fe tfon^ coi^forment à cet égard à notre vcv
Droit Naturel. 2^ lontéî & qu'ainii, pmTque l'agent agit pour la fin qu'il Te propofe, nous ne devons pas nous propofer l'eitime pour fin de nos adlions. A quoi il ajoute , d.ins la note , que vouloir qu'un autre faire ce que nous délirons être fait, & fe plaindre s'il ne le fait pas , c'eft fuppofer tacite- ment qu'il eft obligé de fe confor- mer à notre volonté ; ce qui blefTe fon droit de liberté naturelle. La démonitration ne me paroit nulle- ment concluante. Je puis me pro- pofer dans quelque démarche , d'ac- quérir de l'eftime, de l'honneur & de la louange , fans pour cela me croire en droit de les exiger , beau- coup moins de contraindre perfon- ne à me les accorder. Si on me les refufe, il pourra m'arriver de me plaindre que l'on ne m'attribue pas œ que je crois me convenir; à moins que je ne fois alTez Çàgo pour me dé- fier de mon propre jugement , ou alfez prudent pour me taire : mais je ne ferai procès à perfonne, & je laiiferai un chacun jouir à cet égard de fa liberté naturelle. Montrons par un exemple, que la démondra- tion eft nulle. Je fréquente un Fa-
B Yori ,
^> QjJE STIONSDE
vori , pour obtenir fa recommanda- tion auprès du Prince. Il eft le mai-, tre de me raccorder,- & s'il mêla ï'cfufe , je ne puis dire qu'il me fait injure : s'enfuit-il de4à que je n'ai. pas dû me propofer pour but de mes- affiduités , d'obtenir fa recomman-. dation i* Voici nn autre exemple,, parfaitement applicable à la démonf- tration. L'aumône elldue à un, pau- vre qui en eft digne , tout comme . l'eftime & la louange à celui qui les mérite. Mais Paumone n'eft due que par une fuite de nos devoirs , & en vertu du droit interne; parce qu'il eft libre à un chacun de faire de fon bienl'ufage qu'il trouve à propos, & que c'eft à lui de juger s'il eft dans le cas de faire l'aumône, ou de ne la pas faire; enforte que le pauvre n'a aucun droit de l'exiger de nous , mais il doit fe remettre à notre volonté de ce qu'il nous plaira de faire. Conclûra-t-on de ces prin- cipes , que le pauvre , en nous ex- pofant fes befoins , ne doit pas fe propofer pour lin d'obtenir raumô- ne? Quant à la propofition en elle- même 5 je ne la crois vraie qu'en y ajoutant le mot de principale (pnt2-
D R O I T N A T U U E L. l^:
cipimm , vcl primariiim ). Car nous i devons nous propofcr pour fin prin- cipale de remplir notre devoir : mais ne nous eft-il pas permis de nous propofer Teftime des autres comme une fin fubordonnéc & fécondaire? Je dis plusj puifque Tedime des; hommes rend hm contredit notre - ^tat meilleur, & que nous fom mes t obligés à perfedionner notre état ; > ne fommes nous pas dans Tobliga*' tion de rechercher l'eftimc des autres par des voies honnêtes , & par con- iéquent de nous la propofcr pour une des fins de nos adions ? Ce n'ed que dans ce fens que la pro- > pofition préfente peut s'accorder avec > la s^9- dans laquelle TAuteur enfeû • gne qu'il n'eft pas permis de néglU • ger le foin de fa renommée.
$. 5^4. Magmnimitas dici fuevit vir^^
tiu moderandi appetitwn circa
honores magnos.
Cette définition de la ntagnanU Défînî. mité me paroit également éloignée tion de la de l'analogie & de i'ufage. On apel- "lagnanû le communément magnammité y cet- "^"^ te élévation de fentimens & de cou- B ^ rage,
28 QjU ESTIONS DE
rage, qui porte un homme au grand,' qui , dans les occafions , le met au defTus des pallions qui dominent les âmes moins élevées. La définition de M. W. ell trop particulière , & ne comprend qu'une efpèce , au lieu de définir le genre. Un homme qui, par le fentiment de fon devoir , re- fufe une grande dignité , eft fans doute magnanime : Cefar Tétoit aut fi, lorfqu'il pardonnoit de il bonne grâce & qu'il accordoit même fa fa- veur à des ennemis vaincus , qui avoient tout mis en ufage pour le perdre. Sa grande ame s'élevoit au deflus de tout defir de vengeance , & au deffus de toute crainte des maux que fes prifonniers relâchés pouvoient encore lui faire. En un mot , il fçmblc que l'on apelle Am- plement jufte, honnête, modefte &c. celui qui réfifte à quelque tentation médiocre & grolliere ; & magnani- me, celui qui fqait réfifter noble- ment & fans eiforts aux tentations grandes & délicates.
J. Î7^.
- \
Droit Naturel. 29
J. ^ 7 ^. Ex peyfe&ione propria ngnof- cimus , quod ohligatiotii riatiirali fatiifeceri'rHus & quantum eidtm fatjsfeceriwîis j ex imperfetiione au^ tem propria , quantum eidem noy}' dwn faiisfecerimiis,
II me femble que pour connoitre Ufage de
juCqu'à quel point nous avons fatis- la con-
fait à notre obligation naturelle , il noi^ance
faut joindre à la connoilîance de no- ^ ^^^"^^
r rv' ' r n- propre
tre perteétion , ou impertedlion , perfec.
r<irt de difcerner & de bien connoi- tion , ou
tre ce qui eft en notre pouvoir ; imperfec-
puifque nous ne fommes obligés à ^^^^'
acquérir la perfcdion , que précifé-
ment autant que nous le pouvons.
§. ^i^. Vnicmlihet homini conjîans ^ perpttua ejfe débet volontas per- fe&ionem ac felieitatem homini s ai- teriiis cujufcunque promovendi,
La démonftratîon prouve feule- De quelle ment que chaque homme doit avoir volonté une volonté confiante & perpétuelle ^qI'^'^^^ç d'avancer la pcrfedion & le bon- ^^^ £„, heur de tous les hommes , autant vers les qu'il fera en fon pouvoir & qu'il autres,, ^ B 3 pour-
32 Q_UE sr ION s DE
avec Tappétit raifonnable , ou la vo- lonté, & que celle- ci doit préférer ^ dans le cas de coHifion , notre pro- pre bien à celui des autres -, il faut bien que Tamour, qui réfide dans l'appétit fenfitif 5 foit plus fort en- vers nous-mêmes , qu'envers les au- tres , pour être à l'uniiîbn avec ^a volonté: autrement illa troubleroit dans Texercice du devoir , bien loin de la féconder. Auflî voyons - nous que la nature y a pourvu. Toutes ks fubtilités des Dodeurs ne l'em- porteront jamais fur un fentiment fi naturel , û fort & fi intime. Bor- nons - nous donc à faire voir aux hommes, qu'ils doivent régler ce fentimeiic par la raifon.
§. 6^2. Vnufqûifque homimim etîam' inimkum quemvis diligere ^ ama^ re débet tanqtiamfe ipfum , nequa* quam vero odijfc.
De TA- Voici la preuve qu'en donne PAu-
inour desteur : votre ennemi ne fatisfait point
ennemis. ^ ç^^^ obligation naturelle , lorfqu'ii
vous hait. Mais lî un autre ne fa-
tisfait pas à fon obligation, il ne
vous eft pas permis pour cela de
man«
Dr oit N atu rel. 33 manquer auiîi à la votre. Donc &c. Cette démonflration ne me parolt pas Tuffifante : elle prouve feulement qu'il ne s'enfuit pas de ce qu'un homme poche en nous haiifant , que nous foyons autorifés à le hair réci- proquement. Auifi n'eft-ce point là - defliis que l'on fe fondera pour juftitîcr la haine que Ton porte à un ennemi. On dira, que l'obli- gation générale d'aimer les autres hommes, eft fondée fur des raifons prifes du befoin d'aiTiftance mutuel- le, raifons qui n'ont plus lieu en- vers celui qui fe déclare notre en- nemi j que par conféquent , il y a exception contre un ennemi aduel, & qu'il futfit , pour remplir l'obli- gation générale , d'être difpofé à re- prendre pour lui tous les fentimens qui font dus aux hommes , dès qu'il fe remettra dans le cas de les méri- ter ; de fouhaiter même qu'il fe re- mette dans ce cas , en ceiTant de nous hair , & d'y travaille^ autant que nous le pouvons } enfin de nous tenir dans les bornes de la modéra- tion , en confervant les fentimens de la douceur Si. de la miféricorde ^ fçntimcns qui nous portent k rendre
32 Que st i on s dé
avec Tappétit raifonnable , ou la va-- lonté, & que celle-ci doit préférer^ dans le cas de collifion , iiotre pro- pre bien à celui des autres ; il faut bien que Pamour, qui rcfiîk dans l'appétit fenfitif 5 foit plus fort en- vers nous-mêmes , qu'envers les au- tres 5 pour être à l'uniiîbn avec \q volonté: autrement iila troublerok dans l'exercice du devoir , bien loin de la féconder. Auffi vovons-nous que la nature y a pourvu» Toutes les fubtilités des Dodeurs ne rem- porteront jamais fur un fentiment fi naturel , fi fort & fi intime. Bor- nons - nous donc à faire voir aux hommes , qu'ils doivent régler ce fentimenc par la raifon.
§. 6^2. Unufqtiifque homimim etîam' inimkurn quemvis diligere ^ amu- re débet tanqtiamfe ipfum , neqiii^ quant ver a odijfe-.
De TA- Voici la preuve qu'en donne l'Au- mour des ^eur : votre ennemi ne fatisfait point ennemis. ^ ç^^^ obligation naturelle , lorfqu'il vous hait. Mais 11 un autre ne fa- tisfait pas à fon obligation, il ne vous eft pas permis pour cela de
man-
Droit Naturel. 33 manquer auiîi à la votre. Donc &c. Cette déniondration ne me paroît pas iuffifante : elle prouve feulement qu'il ne s'enfuit pas de ce qu'un homme pèche en nous haiifant , que nous foyons autorifés à le hair réci- proquement. Aulfi n'eft-ce point là - defliis que l'on fe fondera pour juftihcr la haine que l'on porte à un ennemi. On dira, que l'obli- gation générale d'aimer les autres hommes , eft fondée fur des raifons prifes du befoin d'afliftance mutuel- le, raifons qui n'ont plus heu en- vers celui qui fe déclare notre en- nemi y que par conféquent , il y a exception contre un ennemi aduel, & qu'il fuffit, pour remplir l'obli- gation générale , d'être difpofé à re- prendre pour lui tous les fentimens qui font dus aux hommes , dès qu'il fe remettra dans le cas de les méri- ter -y de fouhaiter même qu'il fe re- mette dans ce cas , en ceffant de nous haïr , & d'y travaille^ autant que nous le pouvons i enfin de nous tenir dans les bornes de la modéra-» tion , en confervant les fentimens de la douceur <Sc de la miféricorde ^ fentimens ^ui nous portent à rendre
34 CLUESTIONSDR
les offices de l'humanité , même à nos ennemis > lorfque par ces offi- ces nous ne leur donnons pas les moyens de nous nuire : on préten- dra quecVft là tout ce que peut con- tenir de réel le précepte de l'amour des ennemis , fur-tout en Droit Na- turel, & qu'on ne peut l'étendre jufqu'à nous prefcrire un amour ac- tuel pour celui qui cherche à nous perdre. Ce fentiment paroit contrai- re à la nature , qui nous infpire de l'averfion même pour les chofes ina- nimées dont nous recevons quelque mal 3 & elle nous donne cette im- preffion afin d'animer & de rendre plus Fort le foin qu€ nous devons prendre de notre confervation. Ne reifcmir ni haine , ni colère , nî froideur même , contre celui qui •veut nous nuire , feroit très - bieji dans un être auquel la raiion feule donneroit toujours Tadivité nccet ■faire , fans le fecours des paiîîons. •C'efc la prérogative de Dieu. Mais. l'homme eft incapable de ce haut degré de fageife : ne le dépouillons pas des refforts que le Créateur a mis eu lui pour luppléer à fa foiV
Dr o iT Naturel. 5^ WeHè j exhortons-le feulement à les bien diriger.
Refumons en peu de mots les vrais principes de la Loi Naturelle fur cette matière. Nous nous aimons premièrement nous-mêmes , & nous nous devons , préférablement à tous, le foin de notre confervation & ce- lui d'avancer notre perfcdion. Mais rhomme ne pouvant fe fuffire à foî- mème, fe conferver & fe perfeclion- ner feul & fans le f^cours de fes femblables , la nature & l'elfence des hommes les obligent à s'aidec réciproquement , & il faut qu'ils y fuient lincerement & conftamment difpofés : d'où il fuit , qu'ils doivent s'aimer les uns les autres. Mais l'a- mour que je dois aux autres ne dé- rivant que de celui que jcme dois à moi-même , il cède à celui-ci $c ne peut jamais lui nuire. Si un hom- me rompt les liens qui doivent noiîs unir , 6c fe déclare mon ennemi , cherchant à me nuire, bien loin de m'aiderj il m'eft permis de faire con- tre lui tout ce qui eft néceffûrc à ma défenfe & à ma fureté. Mais comme cette divîfion eft un mal dans la focieté humaine , & un mal B 6 pour
3<^ Qj} ESTIONS VÉ
pour mo^mèaiç , je dois faire moa pofîible pour empêcher qu'elle ne s'aigriiTe , & pour la finir entière- ment 5 & rien n'y contribuera da- vantage que ma modération dan$ ma jufte àéknCQ^ & la générofito avec laquelle }c rendrai , dans l'oc- çafion ^ à mon ennemi même les de- voirs de riiumanité, <Sc lui ferai tous les biens qui ne contribueront pas à le mettre mieux en état de me nui- ye , ou à lui donner , & à fes pa- reils 5 plus de hardieife à ni'attaquer. Voilà 5 ce me femble , tout ce que Ton peut déduire de la feule na- ture & de Teflènce des hommes y dans leurs relations mutuelles , & par conféquent tout ce que prefcrit la Loi Naturelle prife dans ce point de vue. Voulez -vous vous élever plus haut ? Il faut recourrir à un principe plus fublime , à Tamour de Dieu. Un homme alfez heureux ,. pour fe fentir enflammé de cet amour dans toute fa force , fera de Dieu le c^rand objet de toutes fes affec- tions , le centre auquel aboutiront toutes fes pcnfées. Fout ce qui ap- partient à fon divin Maitre échaufte fon cœur 3 il aime toutes fe§ awvresj,
a
Droit Naturel.' 97
il chérit toutes Tes Créatures intelli- gentes j il défire de les voir promp- tement arriver à la perfedlion & au bonheur que la bonté de Dieu leur deftine : heureux (Ty contribuer avec zèle , dans fa fphere , 8c fuivant les talens qui lui ont été confies ! Ce fentiment fublime abforbe en lui tous les autres j la haine , naturelle à tout homme pour ce qui lui nuit, ne lempoifonne plus de Ton amer- tume. Se fou venant de ce qu'il fç doit à foi-mèmc , il fe défend, il fe garde des attaques & des embûches d'un ennemi -, mais il ne lui fou- baite que du bien : il voudroit le convertir & le rendre heureux. Voi- là la fource où il faut puifer , pour ctabHr 8c fur-tout pour faire naître l'amour des ennemis. Et peut-être qu'alors on pourroit en quelque fa- qon régaler à l'amour de foi-mème > parce que fi un homme éroit capable de ce haut degré de vertu » il ra- porteroit tout à Dieu , & confon- dioit tous fcs intérêts en lui. Mais dans ce fens élevé , l'amour des en- jiemis eft plutôt une fuite des de- voirs envers Dieu , qu'un devoir çuvçrs les hommes.
En-
38 QjU ESTIONS DE
Encore un coup , ce n'eft qix^eiii Dieu., & par raport à Dieu, que Ton peut étendre aufTi loin l'amour des ennemis , & non fur les relations immédiates & réciproques , que les hommes ont entre eux. C'eft là le fens le plus raifonnable que Ton puiC- fe donner à ce qui s'eil: dit fi fou- vent , que les préceptes de J E s u s- Christ s'élèvent au-deifus de la Loi "Naturelle ; parce que ce n'eft qu'en donnant de juftes idées de la Divi- nité & des fentimens qui lui font dûs , que Ton peut porter la Mo- rale à fon plus haut point de per- fection. D'homme à homme , & par rapport aux devoirs qui découlent de leurs f'iations réciproques , l'a- mour des ei '.émis ne peut s'enten- dre que comme nous l'avons expli- qué ci-deifus. C'eft tout ce qu'exige le bien de la focieté. Et (ï l'on veut aprofondir la chofe , on trouvera que ce fentiment, pouffé jufqu'aii degré où l'amour de Dieu eft capa- ble de relever , ne feroit convena- ble que dans un homme dont la per- fection répondroit à tous égards à la pureté & à l'élévation de l'am.our divin. Ce n'eft que dans un hom- me
Droit Naturel. 39 me aulii parfaic , que la fligcfTe fuf- firoic à tout ce qu'exige le loin de fa confervation, fans le iccours de l'ap- pétit fenfitit", ou des pHlFions. Oa Iqait en Philofophie, que les impuî- lions de cet appétit font dedinées par le Créateur à fuppléer chez des êtres aulFi imparfaits que les hom- mes , au défaut de lumières & à la foiblelfe de la raifon. C'eli: pourquoi j'ai dit tout-à-l'heure, qu'il ne faut pas dépouiller l'homme des refforts que le Créateur a mis en lui pour fuppléer à fa foiblcife. Ces re(forts tomberont d'eux - mêmes ^ loifque l'ame plus élevée vers la perfection , celfera d'en, avoir befoin : & c'cft ce qui ne paroit pas devoir arriver, au moins naturellement , pendant le cours de cette vie.
•§. ^48. Vnufquîfqxie aîtert honorem exhibere débet , qtiem meretur , ^ tcintu'm tribiiere tandis , qiumtum meretur.
Ce riion.
Il manque quelque chofe à la dé- neur&de
monftration , pour la rendre con- ^^ louan,
cluante. Nous devons ejîimer chacun 5^ t^'dâs
fuivantfon mérite. Or cette ejiiyne ne ^ q^gi.
^eut qu'un.
40 QV ESTIONS DE
feut être connue des autres , fi nous ne r exprimons par nos paroles & nos aBions. Donc nous devons marquer par nos paroles & nos û&ions l'ejiime que nous avons pour quelqu'un. Qui lie voit qu'il y a un vuide dans ce raifonnement ? On y fuppofe que nous devons faire connoitre aux au- tres redime que nous avons pour quelqu'un. C'ait ce qu'il falloit prou- ver. On peut le faire en général de cette manière : l'eftime que l'on a .:;^our un homme rend fon état meil- leur «& plus agréable, quand elle eft connue. Nous fommes obligés à contribuer autant qu'il fe peut au bon état & aux avantages des hom- mes. Donc nous fommes obligés à manifefter l'eftime que nous avons pour eux. Mais cette règle générale fouffre des exceptions , dans les cas où il y auroit de l'inconvénient à manifefter cette eftime , c'eft-à-dire où nous ne pourrions le faire fans; manquer à quelque devoir plus im, portaut.
5- ^7^.
Droit Nati/rel. 41
j. ^73. Qiiodfi impedis , quomhîui
alter perfe&ionem aliqnam confequi
pojjit y enm ladis,
\
:; La dcmonftration de cette împor- Si cmpc. tante vcritc ne me paroît pas fuffi- cher la
• * lier rCC
fante, parce qu'on niera peut-être |.^^ ^^ la première propofition , qui ell la g^^gi. mineure du lyHogirme : Qin facit , qu'un, eft ut alter rnanent imper fcdior , ejus im- une/^o», perfetlionem promovet. Et on dira, qu'empêcher les progrès , n'étant pas la même chofe que détériorer , ou rendre plus imparfait , & la /e- fion étant un adle qui rend l'état de . quelqu'un plus imparfait , fuivant la définition ($. ^69. ) > i' s'enfuit que Tadle qui empêche feulement que Ton état ne fe perfedionne , n'eft pas une kfion. Voici donc , ce me femble , comment il faut dé- truire cette difficulté & établir la vé- rité de la propofition préfente. Lorf- que vous empêchez qu'un autre n'acquière quelque perfedlion , fans vous, ou fans ce que vous avez fait, il l'auroit acquife : autrement on ne pourroit pas dire que vous l'avez empêché. Donc fou état , avant
votre
42 Q_U ESTIONS D fi
votre adion , étoit capable de le conduire à cette perfedion i & il n'en eft plus capable , depuis ce que vous avez fait. Son état étoit donc meilleur , & votre adion l'a rendu moindre, ou plus imparfait j & c'eft précifément en cela que confifte la léfion.
§. ^88- Honor^ laus ^ fama honci fortxina funt,
^ M. W. prouve cela en dlfant ,
biensfont ^"^ ^ ^^^^ jouiffons de l'honneur , Thon- de la louange & de la bonne rcputa- neur> la tion que nous méritons, notre état louange externe s'accorde avec notre état in- ^ ^;'. ^^" terne , &-que, par conféquent, ill ** "' eft plus parfait y la perfedion coin iîftant in confenfu plurium a fe ijty^ vîcem differenlàan in uno (Ontol.- §. 503. ) Cette démonftration ne me paroît pas jufte , & le principe métaphyfique qui lui fert de bafe , me femble mal applique. Il eft vrai que quand l'état externe d'un honv me s'accorde avec Ton état interne , cela eft mieux en général , cela eft dans l'ordrej mais cela n'eft pas tou- jours mieux pour l'homme dont il
s'a-
Dr 01 T Natu RE L. 45
s*agit, & ne rend pas toujours fou état plus parfait. Si cet homme mé- rite le deshonneur , le blâme Se une niauvaife réputation , fera - ce per- .fet^lionner fon état que de lui pro- .curer tout cela, en divulguant fes vices î* Cependant ce feroit le moyen de mettre fon ctac externe en con- fonnance avec fon état interne. J'ai- merois mieux prouver que Thon^ neur , la louange & la bonne re- nommée font des biens de la fortu- ne , c'eft-à-dire des biens qui ren- dent notre état externe plus parfait , en obfervant que s'ils font mérités, comme onlefuppofe, ils donnent k celui qu'ils concernent un plaifir vrai & innocsnt , & qu'ils lui font utiles dans fes affaires avec les au- tres hommes.
§. 777. Si amico ^ hiimlcOf vel etp qui indiff'erenti in te efi animo , p'cejîandiîm aliquod officitim , ^5* titriquefimul idem pr<ejiayi nonpnf. fît aiit ut pYdifies non ^fit in poteflate tua, amicus prdferendus efi inimico^ veleiy qui indiffèrent Un te efi animo,
La démonftration de cette vérité P^ ^''^*
tcfcncs
me paroic bien faible, .& même nul- due à "un
le. ami.
44 QU ESTIONS DÉ
le. Dire que Parni doit être préféré , parce qu'il mérite plus , amiciis pra» ferendtis , quia magis ineretur , n'eft- ce pas prouver une vérité par une ! autre vérité , qui fignifie à peu-près : la même chofe , Se qui n'eft pas plus évidente que celle que l'on veut dé- montrer ? L'Auteur pouvoir démiMi- trer plus folidementia propofition., en faifcint voir que notre propre in- térêt demande que nous préférions nos amis à nos ennemis & aux in- diiférens , & qu'ainfi les devoirs envers nous-mêmes fe joignent en faveur d'un ami, aux devoirs géné- raux envers tous les hommes > ce qui produit une obligation plus for- te. Il pouvoit encore dire que la re- connoiflfance nous oblige à préfé' er un ami, & il avoir déjà dans les principes précédens , dequoi établir que la reconnoilTdnce eft une vertu ; car fi les hommes doivent s'aimer & s'aider les uns les autres , parce qu'ils ont befoin de fecours mutuels pour vivre comme il convient à des hommes , il s'enfuit qu'ils doivent aimer & aider plus particulièrement ceux qui les aiment davantage & de qui ils reçoivent plus de fecours.
Pra-
Droit Naturel.' 4f Pratiquer & mettre en honneur la reconnoilTance , c'elt cncourdger les bien-faiteurs , & par conféquent fer- vir la fociecé humaine : les ingrats la trahilTent & fe déclarent Tes en- nemis. Enfin on peut obferver , que la gratitude eft un fentiment que la nature elle-même 5 ou plutôt fon Auteur , a mis en nous, & que nous devons nous conformer aux vues de la nature. .»
§ §• 787. & 790. Il y a dans ces Du mh paragraphes quelque défaut d'exac- P"«« titude dans l'expreffion , qui faic naître des difficultés , & femble y mettre de la contradidion. Dans la définition du mépris §. 787. l'Au- teur s'exprime ainfi : Contenttus ejt a&us quicunque externus , quoftgni^ ficatiir altemm honore ac Ltude in- Sgntim ejfe. Dès-là on eft furpris de trouver cette décifion §. 790. Nemo eji contemnendus. Ce que l'Auteur prouve en difant , qu'il faut rendre à un chacun Thunnetir & la louan- ge qu'il mérite. Mais on lui dira , que pour rendre fa preuve complet- te , il falloit encore faire voir qu'il n'eft perfonne qui ne mérite quel- que honneur & quelque iouans^e.
C'é-
4jS Questions de
C'étoit une prémifTe néceiîaire, & fans laquelle le raifonnement , tel qu'il eft exprimé, n'ell pas con- cluant. M. W. s'explique , dans la Hote de ce §. 790. en difant : Coru^ fiftit contenitui in denegatmie honoris âebiîi debitcuque laudis. C'eft ce qu'il falloit mettre dans la définition , & alors le raifonnement eut été folide & fans difficulté , comme Teft celui qui fe trouve ici dans la note. Il fe-^ roit mieux encore de laifTer fubfifter la définition du mépris telle qu'elle fe trouve §. 787. en difant , que le mépris confifte dans un adle exté- rieur , par lequel nous marquons^ qu'une perfonne eft indigne d'hon- neur & de louange ; & au lieu de décider abfolument qu'il ne faut mé- prifer perfonne , nemo eji contemnen» dus §. 790r , dire feulement , nem& eJi temere contemnendus ^ il ne faut niéprifer perfonne, fans de juftes & graves raifons. Car en effet , il faut rendre l'honneur & la louange à celui qui les mérite j & Ci quel- qu'un ne les mérite en aucune ma- nière 5 la charité nous défend de le faire connoitre fans néceilicé , & à
moins
Droit Naturel. 47 moins que nous n'en ayons de jut tes & fortes raifons.
Au refte je fqai que le terme de mépris fignifie fouvent en franqois , le jugement même que Ton porte intérieurement fur le peu de mérite de quelqu'un ; ce que Ton dit en l^ùn ^ parvi , velnihilifacere. Mais. iiotre langue n'en fournit point d'au- tre 5 pour exprimer Tadle par lequel on déclare qu'un homme eft indi- gne d'honneur & de louange.
$• Si?» Qiiîîihet fihi ah ignominia vera cavcre débet.
Cette propofition & les fui van- Obîîga- tes, forment un exemple bien pro- ^'P" ^y." pre à faire voir combien il eft diffi- ^n^miniJ* eue qu une Icience morale , quoi- & d'en que traitée fuivant la méthode des préferver Géomètres , atteigne l'évidence <Sc la ^^^J"^"^,"' folidité des Mathématiques. Il fau- ^^f^ff droit , pour l'élever à ce point de quer la certitude , que toutes les idées, tous méthode les termes & toutes les propofitions géometri- y fuflent exadtement déterminés , 5^^ ^"^ comme dans h Géométrie , & que j^orales. l'on prit bien garde à toutes les dé- terminations d'une idée, ou d'une
pro*
4? Qy ESTIONS DE
propofition , lorfqu'on veut l'em- ployer comme un principe, dans la démoiiftration d'une prc^ofition fui- vantcj autrement, on en voudra déduire des chofes qui n*en décou- lent point. Or c'eit - là ^a grande difficuké , hoc opus , hic labor efl. Les idées compliquées , les termes complexes produifent des propofi- tjons vagues, d^s proportions qui , à les bien prend: e , en renferment réellement plufieurs fous une feule énonciacion , & defquelles , par cet- te raifon , il y a des conféquences toutes différentes à tirer , fuivant le fens & le point de vue dans lequel on les prend. Les mêmes caufes pro- duifent encore des propofitions dont le vrai fens diffère de celui qu'elles préfentent d'abord. Vous démon- trez la propofition dans fon vrai fens : s'il vous arrive enfuite de la prendre pour principe dans fon fens apparent , votre raifonnemcnt ne fera plus qu'un fophifme. Telle eft la propofition gi?- fa démonltra- tion prouve évidemment qu'elle ne fignifie autre chofe , finon , que nous devons faire tous nos efforts pour ne pas mériter l'ignominie ;
car
DroitNaturel. 4^
car c'efl-là tout ce que TAuccur dé- montre. Or éviter de mériter l'igno- minie , eft bien différent d'éviter ^ Tignominie elle - même j puifqu'ou peut éviter Tignominie lors même qu'on la mérite , en évitant que fes fautes ou Ton imperfedion, ne vien- nent à la connoiifiiice des autres hommes. Cependant TAuteur com- binant cette propofition avec le prin- cipe établi cideiTus, que nous de- vons aux autres hommes tout ce que nous nous devons à nous mê- mes, autant qu'ils ont befoin de notre fecours & que nous pouvons le leur accorder fans nous manquer à nous-mêmes i il en veut conclu- re , dans les deux articles fuîvans , que chacun de nous doit prendre foin 5 autant qu'il le peut , d'em- pêcher que les autres n'éprouvent l'ignominie , & qu'il n*eft pas per- mis de les en couvrir. Mais tout ce qu'il pouvoit conclure du §. 8i7- combiné avec le principe que je viens de raporter, c'eft que nous devons travailler autant qu'il eft en nous , à empêcher que les autres ne fe mettent dans le cas de mériter riguoramie. On peut démontrer
C que
f O QjJ ESTIONS DE
que nous devons éviter l^ignomlnlé elle-même , autant que cela fe peut fans manquer à nos devoirs , en po- fant comme une vérité confiante & d'expérience , que Pignominie eft un mal qui nuit beaucoup à notre état externes & comme nous de- vons éviter tous les maux, même les maux externes , autant que nous pouvons le faire fans manquer à nos devoirs , la conféquence eft aifée à tirer. Il fera facile auiïî de faire voir, par le principe raporté tout-à-Pheu- re , que nous devons épargner Tî- gnominie aux autres hommes , au- tant que nous le pouvons , & au- tant que d'autres devoirs ne nous înterdifent pas cet office de chari- té. De - là vient que nous devons cacher nos fautes & nos imperfec- ' tions, autant que cela fe peut fai- re innocemment , & travailler à les réparer & à nous en corriger , en obfervant la même chofe à Vé^cird des fautes & des imperfections d'au- trui.
§. 888.
Droit Naturel, ft
i- 888- Stiferhus dicitur , qui fU' pra altos fefe effert , feu majoris jieri vu If aliis. §. 889- Nemo ho- minum fuperbus ejje debe$.
Ces deux paragraphes ne font pas De TOt- fentir affez diftindement en quoi gueiL confifte le vice du fuperbe, ou de l'orgueilleux, & la démonftration du 889- ne me fatisfaic pas. Il cft permis de fe propofer l'eftime d'au- trui, comme un avantage qui rend notre ficuation meilleure , pourvut qu'on cherche à l'acquérir par des moyens légitimes , en s'en rendant véritablement digne ; & fi un hom- me mérite réellement d'être plus et timé que les autres , il peut afpirec légitimement à une eftime qui le dif^ tingue de la foule , & même qui le place au premier rang. Mais i*. il doit fe fouvenir que s'il a quelques bonnes qualités , il eft encore infi- niment éloigné de la perfedlion. 2°- La connoiiTance qu'il a de fon mérite , & le dcfir d'être connu & eftimé , ne doivent jamais être ac- compagnés d'un fentiment de dédain pour les autres. 3*. Il ne doit point C z pré-
fa QjJ ESTIONS DE
prétendre à leur eftime avec hauteur, & comme s'ils étoient obligés de la lui accorder au degré où il la pré- tend ', mais fe bornant à faire fes ef- forts pour la mériter , il doit iailTer un chacun dans fa liberté naturelle d'eftimer ce qui lui paroit eftimable. Il paroit donc que le vice du fuper- be confifte , en ce qu'il s'eftime lui- même outre mefure , qu'il ne fait point alTez de cas des autres , & en- iSn qu'il blefffî l'égalité des hommes & leur liberté naturelle. De la Souvent aulTi l'orgueilleux , ou le Vanité, fuperbe, prétend être eftimé pour des chofes qui par elles-mêmes ne font point capables de lui concilier l'efti- me , par exemple , pour fes titres , ou pour fes riche iTes : il joint alors la vanité a l'o- gueil.
A ce propos , je remarquerai que l'Auteur a oublié de définir ce vice de la vanité , & d'en montrer la tur- pitude. Je crois que la vanité con- fifte à s'eftimer au-dcfTus des au- tres 5 pour des raifons faufles , vai- nes 5 ou frivoles : c'eft l'orgueil ap- puyé fur des fondemens chiméri- ques , ou frivoles. Ce vice joint à la turpitude de l'orgueil» celle de
s'at-
Droit Naturel. n
s\nttribuer des avantages que l'on ne polfede pa» , ou de s'eftimer pour des chofcs qui ne peuvent rien ajou- ter au mérite de celui qui les polTcde.
$. 904. Jus pet en ai ah altcro officia Immanitatis jus perfe&um ejl.
La démonftratîon n'eft pas bien i^ç j^^j^ nette. On peut > ce me femble , de de- démontrer cette propofition avec manrler plus d'évidence , par le grand prin- y^ ^,!?'^* cipe de la liberté naturelle , laquelle ^ . '^'" clt un droit partait. Car li quel- gft un qu'un vouloit m'empècher de de- droit par. mander un office d'humanité , dont f^t. je juge avoir befoin , il violeroit ma liberté naturelle. Donc j'ai le droit de le contraindre à ne pas m'empè- cher de demander cet office. Donc mon droit de le dem.ander'jfeft un droit parfait , puifqu'il eft joint avec le droit de contraindre celui qui m'en refufe l'exercice. Toute la différence entre le droit parfait & le droit im- parfait eft fondée fur la liberté na- turelle 5 qui doit toujours demeurer entière de part & d'autre. Voyez dans M. W. les § $. fuivans.
C 3 §. 1040.
54 Que stiok s de
$. 1040. Fama ^ exiftimatio aliter defendi neqnit , nifi ver bis t>cl fac- tis contrarium eortim ojiendendoy qu<z dicit calunmiator,
Manière ^* ^- ^ivance ici, qu'il n'y a de défen- d'autre moyen de fe défendre contre dre Ta ré- un calomniateur , que d'étabiir > putation f^'^^ p^j. ^çg paroles , fbit par des contre \in r.- 1 ^ • j ri
calomnia- ^^"^^^ ' ^^ contraire de ce qu il nous leur. impute j & dans la note , il remar- que 5 qu'il eft inutile ? pour détrui- re h calomnie, de contraindre le calomniateur à reeonnoitre qu'il a parlé fauirement. J'avoue que je ne puis être de fon fentiment. On peut forcer un calomniateur à s'expliquer, à expofer les motifs qui l'ont porté à la calomnie y à en déveloper tou*. tes les circonftances , de faqon que fa rctradlation , quoique forcée , de- vienne capable de convaincre toute perfonne raifonnable , de la faufleté^ àe ce qui nous étoit imputé. Et en général , n'eft - ce pas un bon moyen d'empêcher que l'on n'ajou- , te foi aux difcours calomnieux d'un homme , que de faire voir qu'il eft capable de iiie r dans une occaiion
ce
Droit Naturel. <i^ ce qu'il avoit affirmé dans une au- tre ? Quand même on pourioic di- ^ re que la crainte lui a arraché ce defaveu , il fert toujours à montrer que le calomniateur eft un lâche , capable de fe contredire , & qu'il ne mérite aucune créance.
La pratique de tous les Tribu- naux eft conforme à ce que j'avan- ce -, car l'action en droit a été fubC- tituéc dans la focieté , à la guerre, qui , dans l'état de nature, avoic lieu entre particuliers j or les Tribu- naux admettent l'adtion en répara- tion d'honneur , par laquelle on for- te un calomniateur à confefTer qu'il a parlé fauflement.
Cette propofition 1040. ne s'ac- corde pas avec la 1049. conçue en ces termes : Fama ^ exijiimcitio dC' fendiintur ver ht s ofieudendo falfitaîem eoriim , qua dicip calumnintor , aiit veritatem contrarii , et f I D E M CALUMNIATORIS LABEFAC- T A N D O &c. D'où il arrive que les propofitions 1041. & lo^o. fe con- tredifent , ou au moins qu'il eût été befoin d'une explication , pour fau- ver la contradidion. L'une décide , qu'il n'eft pas permis de défendre fa C 4 ré'
5<? QjJtSTl O NS DE
réputation nutnmertiP que par des fa* rôles oti des a&ions qui prouvent h contraire de ce que dit le calomnitu leur : & l'autre porte , qu'H eji peV'» mis aujjï^ s'il en eJi befoin , de ren* dre le calomniateur fufpe& de mauvais fi foi & indigne de créance , fidem calynuiiatoris labefadare.
S. 10S9' In eum^ qui te Ufit ^ fan» tumdem tibi licet , quantum ad ave7'tendum periculum Ufionis ft§' tura , five ab eodem tibi atque aliis, five ab aliis ejns exemplum fecutis tibi m€tnend(zfufflcit : Si quelqu^ua vous a fait tort , il vous eft per- mis de faire contre lui tout ee qu'exige votre fureté & celle des autres, foit pour Tempècher de récidiver, foit pour fervir d'e*. ïcmple.
De la me- Je ne fqaurofs admettre cette pro- fure des pofition fans quelque modification , peines, ^ j^ voudrois y ajouter , qu'il fauc toujours garder quelque proportion entre la peine & Poifenfe, ou la léfion. Me feroit - il permis , pour mettre en fureté ki fruits de mon jardin ^ de tuer celui qui en viendroit man-
Droit Naturel. 57 gcr fans m.i perraiilîon , fuppofé me- me , comme cela arrive en certains pays, que le peuple de mon voifi. nage fut Ci porté à cette efpece de vol , que des peines plus légères ne puflent le contenir '^ Qui ofera pro- noncer une décifion Ci cruelle ? Di- fons donc que je puis infliger à ce- lui qui me fait tort , une peine fuf- fifante pour le corriger & pour fer- vir d'exemple aux autres, pourvu toutefois que le mal que je lui ferai fouffrir , ne foit pas trop difpropor- tionné au mal que je veux prévenir pour moi ou pour les autres. S'il ne s'agit que de prévenir une perte légère, dont ni moi, niperfonne, ne peut être fort incommodé , je ne puis recourir à une peine extrême- ment grave , à celle de mort fur- tout , quoique j'aie lieu de croire que des peintfsT plus légères ne feront pas toujours fuffifantes pour me ga- rantir de cette perte. Cette décifion découle , ce me femble , des princi- pes mêmes de M. W. Car le droic de punir dérive de l'obligation ou je fuis , de pourvoira ma fureté & à celle de tout ce qui m'apartient , & même à la fureté des autres hom-
C 5 mes
^8 CLU ESTIONS I>E
mes & de ce qui leur apartient : & je fuis obligé de pourvoir à cette fu- reté > parce que je dois travailler à ma confervation , à ma perfedioiv & à la perfedion de mon état , & auiîî à. la confervation & à la perfec- tion des autres & de leur état. Lorsr donc qu'il s'agit d'une chofc peu im- portante à la perfection de mon étatv Se àe laquelle je puis me paffcr fan& beaucoup d'incommodité , l'obliga- tion où je fuis de la conferver n'eft pas 11 forte , qu'elle puifle prévaloir fur l'amour & k charité que je dois à tous les hommes , & par confé^ quent au voleur même qui m'auroit enlevé cette bagatelle. Mes devoirs envers moi-même prévalent, il eft Trai 5 llir mes devoirs envers les au- tres 5 mais^ c'eft dans les cas où les ebjcts de ces devoirs , qui le trou.- vent en concurrence , ne ibnt pas abfolument difproportionnés : au- trement y je ne ferois pas obligé r par exemple , de mouiller mes fou- licrs pour fauver un homme qui fe noie. Il n'y a nulle proportion entre îa vie d'un homme & quelques pom- mes qti'il volera dans mon jardin» Je ne puis donc le p\;nir de mort
pour
Droit Naturel. ^'9 pour ce vol , quand même je ferois bien certain que C\ je ne pouffe pas la punition jufques-là , ce même vo- leur, ou Tes pareils, méprendront encore quelques fruits. Cette pro- portion à obferver entre la peine & Toffenfe, eil tout ce qu'il y a de réel & de vrai dans ce fameux Droit de Rhadamanthe, donc parle M. W. ( not. du §. 105^.) Il faut combi- ner cette règle avec celle que l'Au- teur donne dans le paragraphe que nous examinons 5 car il eft certain que s'il fiuit garder quelque propor- tion entre la peine & le mal com- mis, il faut avoir égard aufîî à ce qui eft nécelfaire pour prévenir le mal dans la fuite. Dc-là vient que dans les focietés Civiles , fi une et pece de délit y devient plus fréquen- te , par la grande propenfion des Citoyens, on ftatue contre ce dé- lit, des peines plus féveres qu'il ne femble les mériter en lui - même. Mais alors, la fréquence du délit rend le mal beaucoup plus grand , & le met ninfi en proportion avec une peine plus griéve. Par exem- ple, Cl l'on voit que les peines ordi- naires ne peuvent earentir les jar j C 6 din
^o Qy E s Tï ORS Dr
dins & les vergers d'être totaîemcnt pillés chaque année > comme le mal devient par-là fort eonfidérable , on peut y pour l'arrêter y ftatucr défor- mais une peine très-forte contre les coupables i & ce ne fera pas excé- der la mefure des peines. Car être privé chaque année de fes fruits >. eft un mal qui n'a point de propor^ tion avec celui d'en perdre de tems fn tems quelque partie 5^ & un pa* leil defordre dans la fodeté, doit abfolument être réprimé.
§. II tf}. Bypocrifis ligi naturaîk
adverf(BL
DeVhy- ^^ démonftration preuve lie» pociifie. qu'un hypocrite n'eft point obéiiTant à. la Loi Naturelle , ce qui n'a pas befoin de preuve. On fqait par la définition même, qu'un hypocrite fi]e Tê conforme point intérieurement à la Loi Naturelle : il eftmanifefte qu'il ( éche envcela. La queftion efii de fçavoir , s'il ajoute à fon péché , en aiïedant une pieté qu'il n'a pas» La preuve doit s'en tirer, à mori avis , i *. De ce qu'il trompe les au-* ues hommes & leur tend des pièges
par
Droit Naturel. (Çî
par fbn hypocrifie. 2^. L'hypocrite doit avoir le cœur plus mauvais 8c plus corrompu que celui qui maii* que fimplemcnt à Ton devoir , fans fe parer d\inc feuife vertu , car ce» lui-ci peut être emporté par la foiv gue des palîîons, ou négliger la ver- tu parce qu'il ne la connoit pas , ou faute de réflexion : mais le premier ayant aflez d'empire fur lui-même, pour atfeder une vertu qu'il n'a pas , il pourroit la pratiquer réelle- ment, il fon cœiLT n'en étoit pas abfolument éloigne , 8c il ne pèche pas fans réflexion , ou foute de coiv noitre la vertu , puifqu'il fqaic en revêtir les dehors. 3^. Il fe joue de la pieté , & pèche contre elle beau- coup plus grièvement que celui qui la néglige limplcment» 4"*. Enfin il décrédite la pieté , & rend fufpedi ceux même qui en font véritable- ment animés , puifque fcs dehors font les mêmes que les leurs. Voilà ce qui fait voir la turpitude imriiii- féque de l'bypocrijii.
$. 1170»
d2 QV ESTIONS DE
§. 1170. Si âx perfe&ione Dei funu mavoluptatempercipimns y eum fupra omnia amamus»
De Ta- S*; la Souveraine perfedion de mour de Dieu ^ produit en nous un fenti- I^ie"' ment agréable, nous aimons Dieu par-deiius toutes chofes. Comme Famour nait de ce que nous obfer- vons dans un être quelque chofe qui nous plait , l'Auteur prouve fa thefe en difant, qu'il n'y a aucun être dont la p. %dion puifTe nous donner autant de plaifir que celle de Dieu , & que par conféquent (î une fois nous y prenons plaifir , elle nous plaira plus que toute autre chofe 5 & nous aimerons Dieu par de/Tus toutes chofes. La démonftra- tion feroit bonne,. ïi nous avions un fentiment afTez vif de la Souve- raine perfedion de Dieu. Mais on peut n'avoir ce fentiment qu'à un degré médiocre 5 & alors quoique nulle idée ne foit fî propre en elle- même à remplir l'ame d'une vraie volupté, il arrive, faute de voir affez clairement cette idée , que l'on n'aime pas Dieu par dellus toutes
cho-
p£ Droit Naturel. 6^
chofes, mais qu'on Taimc foible-
Iment j & cela n'eft que trop ordi- naire. L'Auteur fuppofe fans-doute que cette connoiilànce de Dieu eft ^ne connoiirancc plus parfaite , une idée fcntie vivement.
il $. 117Ç. Qui alterum amat, nil fa- ^ cit quod eidem difplicet. ^/r/ enim alterum amat , t/dium ejtis aver- fatiir. Qimmohrem cum id dtfpli- ceat , ex quo tddiiim percipitur i nil facit , quod ei , quem amat , difplicet.
Celui "qui aime , ne fait rien de ce qui deplait à la perfonne aimée. Car il craint de lui faire de la peine , ou de lui donner du déplaifir : or ce qui déplait eft juftement ce qui caufe du déplaifir. De ce principe , l'Auteur conclut , dans les paragra- phes fuivans , que comme nous de- vons aimer Dieu , nous devons être remplis d'une follicitude qui nous porte à nous conformer exadement à fa volonté, c'eft-à-dire , le crain- dre d'une craiyite filiale. Cela ne me paroit pas former une démonftra- tion, parce que nous favons bien
^4 Q-U ESTIONS DE
que nous ne pouvons caufer de de* plaifir à Dieu , et udium creare. Il îalloit partir d'un autre principe» par exemple , de celui-ci : quand on nime quelqu'un^ onfouhaite d'obtenir fin approbation Ç«f d'en être aimé afilfi: Se tout le refte étoit fans dit ficulté. Obfervons fur le mot dif- flicet , qui fe trouve dans la propo- fition 1 17^ que, par raport à Dîeu, on ne peut définir ce terme en di- fant , id difplicet , ex qno tadium perâpitur. Cela eft bon parmi les hommes > mais rien ne peut déplai- re à Dieu , dan&ce fens. Quand on dit qu'une chofe lui déplait , cela figniEe feulement , qu'il la defa- pKouve.
J. 1223. jjd orandum ohligamur
( fcilicet ve-^bis ore prolatis ) , feu
oratio lege naturali prcecepta.
De îa Je ne fens nullement la néceflîté Prière, que le corps fe joigne à l'ame pour fervir Dieu 8c le prier , par les raî^ fons all-equées dans cet article. CeU les que k^on tire de l'exemple à don- ner aux autres, & de la force que les adions du corps peuvent don^
ner
Droit Naturel, 6^
ner à nos méditations , me pnroit fent plus fatisfaifantes. La propo- fition 1147. à laquelle FAuteur ren- voie , en touche une partie j mais on ne voit pas qu'elle foit citée ici dans cette vue.
Fin de la première Partie,
1
i^l/fS.
"* ÎA? ÎA^ 5a? Ça? ÎA? î*? s*? - •' **2 - - Ç*^ ?*? î*3 ÎA? ?A? <A? ^^ ^*? A.
QUESTIONS
DE
DROIT NATUREL,
E T
OBSERVATIONS
Sur le Traité de M. Wolf.
SECONDE PARTIE.
Commu- ^®®^^ A R T. IL §. 29. 7« cow- nautedcs|i p ^ mimione prim^eva etiam res
lihoklks i^ë«@| t"^''>'*^^'' ^ «r///?cia/e/ & des y^^^^ communes.
fruits de Dans la communion primitive des Finduf- chofes, les productions même de l'art * & de rinduftrie Ibnt communes. Cela
eft vrai , par Phypothèfc , puifqu'on fuppofe une Communauté abfoluc fans aucune propriété quelconque. Mais n'y a - t - il pas , indépendam- ment de rhypothèfe , une différence fenfible entre les choies purement
na«
Droit Naturel. 6j
naturelles , & celles qui font les fruits de Pinduftrie ou de l'art ? La parfaite communauté des premiè- res cft établie par Tégalité des hom- mes , qui ont tous le même droit aux bienfaits de la nature ; mais ce- lui qui a fait naître un fruit par Ton induilrie , ou qui a fabriqué quel- que meuble utile , n'y a-t-il pas plus de droit qu'un autre ? Car fi tous font obligés de procurer autant qu'ils le peuvent une abondance fuffifantc des chofes néceffaires , utiles & agréables 5 comme chacun fe doit premièrement & préférablement à foi-mème tout ce qu'il peut devoir à autrui , il femble qu'il a un droit de préférence fur les fruits de fon induftrie & de fon travail.
C'eft de-là probablement que fera venue l'introdudlion du domaine , ou du droit de propriété , qui a mis fin à la communion primitive. Celui qui cultivoit un champ , trou- va qu'il avoit un droit particulier fur les fruits de ce champ , & fe les appropria. Infenfiblement il fe fera approprié le champ même, & tous l'auront fucceffivement imité.
$. 8î.
^ QjU ESTIONS DE
S- iS* In fimplicitate vîta non nlîa homini boni notio efi , quant qttod bonum exiftimet ^ quod a udio five molejiia vel doiore libérât ^c.
Notion Cette idée de la fimplicfté de la du bien vienerefTembleàrien. Il eft impôt (implicite concevoir un tems auquel
delu vie. ^^^.'^^"^"^^^ n'aient connu d'autre pîaifîr que celui d'être délivrés de la douleur. Nous voyons que les bê- tes mêmes connoiffent le plailir en lui-même, & qu'elles ont une notion pofitive du bien. Un chien dont la faim eft apaiféc , refufera du pain ; ofFrcz-lui un morceau de rôti , il le prendra avidement : preuve mani- fefte qu'il connoit un autre plaifir que celui d'apaifer la douleur. Dans la vie la plus fîmple, les hommes ont fans doute mis de la difFérencc entre les alimens ; & par conféquent ils ont connu un autre plaifir que celui d'apaifer leur faim. Et les plai- firs de l'amour ? Sera-ce toujours le befoin d'apaifer une douleur qui y portera les hommes les plus fimples & tous les animaux ? En vérité, je crois qu'il y a bien là un plaifir réel
Droit NATUREt- Csi & une notion politive du bien. Je conviens que cette notion fera bor- née aux feuls plaifirs des fens, dans une fimplicité de vie telle que M. W. la fuppofe.
J. II g. Jus proprium difponenâi de re pro arbitrio fuo , Dominium appellaimis. Et S- 131. Jus Mfpa^ vendi de ipfafubjîantia ni Proprie- tas dicitur.
M. W. diftingue avec raifon , le Définî- domainc , de la propriété. Cep en- ^'°" du dant comme la plupart des écrivains J^^l^^^f François traduifent le mot dominium Propriété» par celui de propriété, il pourra m'arrivcr quelquefois , pour me fai- re entendre, de joindre , ou de con- fondre les termes de domaine & de propriété i dans les occafîons où il n'cft pas ncceffaire de les diftingucr.
§.173. 5/ quis in communione prima-'
va aBti quodam externo déclarât y
quod ipfefolus ea ( re ) uti frui i/f-
lit , feu ufum ejus fibi foîi ajferit f
eandem dominiofuo fubjicit. Voyez
aufli la note.
T , A ^ • 1 • Manière
L Auteur ne me parojt pas bien d'ac^uc-
prou«
70 Q,U ESTIONS DE
ût le Do- prouver , que le confentement , au wame , moins tacite , des autres hommes » commu- ^^ ^^^^ P*^^ néceiTairemcnt requis , nion pri- po^r qu'un particulier , vivant dans Biitive. la communion primitive , ait pu en fortir , & s'attribuer la propriété ou le domaine de quelque chofe, fur- tout d'un fonds. Il s'appuie de la liberté naturelle , en vertu de la- quelle, un homme peut, dit -il, juger que telle & telle chofe , les productions d'un fonds, par exem- ple 5 lui font néceffaires , & décla- rer aux autres qu'il fe les attribue exclufîvement. Mais félon M. W. lui-même , dans la communion pri- mitive , perfonnc ne peut être ex- clu de l'ufage des chofes qui fe trou- veront fous fa main, au moment où il en aura bcfoin. Je fuppofe donc que d'autres hommes , palTant au- près de ce fonds , au moment que quelqu'un veut s'en aproprier le do- maine , auront befoin des fruits qu'il produit ; n'auront - ils pas le droit d'en prendre , & le prétendu maitre aura-t-il celui de les en em- pêcher ? 11 ne pourroit défendre avec juftice que ceux qu'il tiendroic actuellement pour les manger. J'ai- me-
Droit Naturel. 7t
inerois mieux déduire l'origine de la propriété , ou du domaine , de la manière fuivantc.
A mefure que le genre - humain fe multiplioic, que les fimples pro- ducflions de la terre ne furent plus fuffifîintes , que Tinduftrie & l'art devinrent néceiraires, quelques hom- mes plus prcvoyans auront jugé qu'il leur convenoit mieux de faire des proviGons , & de s'attacher mê- me à cultiver un fonds , que de vi- vre à l'aventure j & comme ils avoient droit à tout indifféremment, ils ont pu reftreindre leur droit à une portion déterminée , en renon- çant au refte , fans faire aucun tort aux autres , & par conféquent fans leur donner aucun fujet légitime de s'y oppofer. Ils acquirent d'ailleurs , par leur travail, un droit particu- lier aux produdlions de la portion de terre qu'ils cultivoient ( voyez l'obfervation fur le §. 29. ) Les au- tres , à leur imitation , en auront fait autant : voilà la propriété & le domaine établis. Et fuppofé qu'une partie des hommes , préférant une vie errante & inculte , fe fuffent oppofés à tout partage } h commu-
nioa
72 Q.U ESTIONS Dï
nioti ne convenant plus aux hom- mes 5 dès que le genre-humaîn fe fut multiplié & éloigné de la pre- mière fimplicité de la vie ; la pro- priété des bicnç leur étant devenue nécdTaire pour travailler à leur per- fedlion ; & Thomme ayant droit à ce qui lui eft néccflaire pour travail- ler à fa perfedionj ils ont eu le droit de repoufTer ceux qui auroient voulu s'oppofer à un partage équitable 9 qui ne nuifoit à perfonnc.
§. 320. in nota. Fonamus operarios jujfu tuo effbdere terram in fundoi tuo, , , .@ intra ejus vifcera repe^ riri mineras aut minérale quoddam$ in cafu propojîtionis prafentis (cum jus ea eruendi a te non fuerit oc- cupatum ) dubium non efi , quin quod inveniunt fit operariorum , modo quod inveniunt occupare , ad" coque occupandofuum facere velint.
Des cho- J^ doute un peu de ce que TAu- fes trou- teur affirme ici. Il me femble que vées en tout ce que contient mon fonds m'a- fouillant p^rtient , lorfqu'il en fait partie , fonds comme les minéraux , & que per- d'autrui. fonne autre que moi n'a droit de
l'y
D R 0 I T N A T U R E L. 75
l'y chercher. Si j'y fais travailler, ks ouvriers y travaillent en mon riom & à ma place , & il femble que j'aie droit à ce que leur travail fait découvrir , quoique par hazard. Co feroit autre chofe, fi un ufufruiticr, ou celui qui tient à louage , travail- lant félon fon droit, dans le fonds dont il a la jouiflance , venoit à y trouver un tréfor. Le tréfor feroit à lui , dans le cas où le droit de chercher ce que la terre renferme , n'apartiendroit pas en propre au maitrc du fonds. Mais toutes ces diftindions me paroilTent inutiles j car fi j'occupe un fonds , j'occupe en même tcms tous les ufages qui «'en peuvent tirer, & je me les ap- proprie. L'ufage & le droit publi» de toutes les nations , de même quo le droit des gens communément re- çu , font conformes à ce que j'a- vance. Aucun Souverain ne fouffri- roit qu'un étranger s'appropriât un tréfor , qu'il auroit trouvé dans fon territoire. Ce tréfor cft à la nation , ou au Souverain, parce qu'en oc- cupant le pays , ils ont occupé , par cela même , tout ce qu'il contient. Or l'occupation d'un pays par une
)
■
K4 QJJESTIONS Dl ^
îiation , répond précifémcnt à Voi> cupation d'un fonds, dans l'état de nature , par un particulier. Par un eiFet de la Loi Civile , les tréfors , les mines &c. dans prefque tous les pays , n'apartiennent point au par- ticulier dans le fonds duquel ils fe trouvent j parce qu'ils font demeu- rés en commun : mais ils aparcien- nent certainement à la nation , ou au Souverain.
5. 323. Si jus omnium homintim corn»
mune cum jure proprio collidatuvi
proprium vincit commune,
La démonftration de cette pro- Fonmor Pofition ne me fatisfait point. L'Au- entre un teur y dit, fans preuve: qui jurt éroit communi uti vult cedere fotms débet commun ^ ^ ^j^j j^y^ utitur proprio , quant f ."'' utn<^enderepoJJlt, hune in gratiam tT^''"" fui juri proprio eedere dehere, Ceft précifément ce qu'il falloit prouver. Mais la propofition elle - même ne me paroit pas vraie dans cette géné- ralité. J'ai'un droit propre d'empê- cher que perfonne ne palTe fur mon terrein -, cependant ce droit cède au droit commun à tous les hommes ,
dans
Droit Naturel." 7^
dans le cas où quelqu'un fuiant des alla (fins , feiok obligé de paiîer fur mes terres , pour fauvcr fa vie. Ne dites point , pour éluder la difficul- té , que mon devoir m'oblige à lui donner padage : cela eft vrai ; mais ce n'eft pas tout ; car cet homme eft en droit de forcer le paiîage fi }e le lui refufe , parce que mon droit propre de domaine n'a pu s'établir au préjudice d'un droit commun, que rien ne peut ôter aux hommes. Lors qu'un droit propre eft par fx nature une limitation , une reftric- tion que l'on a pu légitimement mettre au droit commun , le droit propre l'emporte , en cas de colli- lion i & c'eft une fuite néceflaire de la notion de domaine , de droit pro- pre. Voilà , ce me femble , quelle doit être la règle pour décider les queftions de cette nature. Suppo- fons, par exemple, une plaine qui n'appartient à perfonne , & dans la- quelle le droit de chaiTer eft com- mun à tout le monde. J'acquiers le domaine d'une portion de cette plai- ne , pour en faire un jardin : il n'eft plus libre à chacun d'entrer fans ma permiilion dans mon jardin pour
75 QU E s T I 0 N s D E
chafTer j & c'eft une reftridion que j'ai pu apporter au droit commun de chafler , puifque j'ai légitime- ment acquis un droit propre fur cet- te partie de la plaine.
Suppofons au contraire une ri- vière dont la navigation demeure commune , & fur une partie de la- quelle un homme s'approprie le droit de pèche. Cet homme pourra - 1 - il empêcher les autres d'y naviger lort qu'il pèche aduellement , parce qu'ils interromproient Ton opération ? Nullement. Car dès qu'il n'occupe point le domaine de la rivière mê- me , il eft cenfé ne poiTéder le droit d'y pêcher , qu'autant qu'il pourra l'exercer en laiffanc fubfiiler dans toute Ta liberté , le droit commun de navigation.
Lorfquc le droit propre & le droit commun fe trouvent en oppofition diredle pour le même objet , le pre- mier l'emporte j car il eft alors ma- nifeftement une exception, une ret tridion formelle & légitime au droit commun.
Dans le cas que nous avons al- légué tout- à -l'heure, fi celui qui veut entrer chez moi pour fauver
fa
Droit Naturel. 77
fa vie , ne peut le faire ians met- tre la mienne dans un péril évi^ dent , je puis lui refufer Pentrée ; car mon droit de propriété & de domaine ne fignifie rien , s'il ne m'alllire pas la préférence dans les mêmes circonifances & pour le mê- me fujet. Ainfi un vailfeau battu de la tempête, a le droit commun de fe réfugier dans un port quel- conque : mais s'il efl: infedé d'un mal contagieux, le maître du port eft en droit de lui refufer un afy- Je. Le port ne pouvant fervir au falut des deux enfemble, le droit propre forme une exception nécet faire au droit commun; car la pro- priété eft établie précifément pour avoir un droit de préférence dans le même objet.
$. 341» Nova fpecies ex aliéna ma- teriafaBa adhiic commimis erit do- tyiino materU ^ fpeciei autori pro rata ejns , quanti unumqiwdqtie ejf, etiamfi hic in mala fide verfetur , hoc eft , etiamfi norit materiam ejfe uherius.
Cela eft vrai, s'il eft queftionDcIafpé^ D 3 feu-c^fica-
tion de
troduc- tion d'u ne nou-
78 Q_U ESTIONS DE ou feulement de décider en général de ^^' ce qui appartient à chacun des in- térefles , indépendamment de leur volonté 5 ou en les fuppofant d'ac-
1
de m au vaife foi dans une matière apparte- nante à autrui.
velle for. cord. Mais s'ils ne peuvent s'accor- me , faite cier , & qu'il faille juger à qui la chofe doit denieurer, il me paroit bien évident que la mau vaife foi , & mènie la faute, de celui qui en a changé la forme , doit entrer en confidération , & mettre de la dif- férence dans la décifion. L'Auteur a prouvé dans le paragraphe précé- dent, que Cl quelqu'un a mis en œuvre la matière d'autrui , la chofe fabriquée apartient en commun au maître de la matière & à l'ouvrier , à proportion du prix de la matière & de celui du travail 5 & il fe fon- de fur ce principe , que le mien ne peut devenir x'O/re m.algré moi. Mais ce principe n'eft vrai qu'avec cette reftricflion s à moins opte je ne me fois mis par ma faute dans le cas ds le perdre. Car ù par ma faute, & fur-tout par ma mauvaife foi , j'ai mis les chofes en tel état , qu'il fail- le néceffairement qu'un autre perde ce qui lui appartient, ou fe prive de l'ufage qu'il en vouloit faire , à
moins
Droit Naturel. 79 moins que je ne perde le tmen , quel droit ai-je de le mettre en fouf- francc , pour éviter une perte à la- quelle je me fuis expofé volontaire- ment ? Certainement , il y a une grande différence entre le fpécijica^ ttiir de mauvaife foi , qui a travail- lé fur la matière d'autrui, & le maî- tre de cette matière. Ce dernier ne peut perdre le fien malgré lui ; Tau- tre a bien voulu s'expofcr à perdre fon travail. Il paroit donc en gé- néral^, que le maître de la matière mérite la préférence fur l'ouvrier de mauvaife foi, qui a donné une nou- velle forme à cette matière.
Mais la déciHon des cas de cette nature dépend encore de toutes les circonftances , lefquelles peuvent donner droit au maître de la matiè- re , ou lui fournir des raifons d'en iifer différemment à Tégard de ce- lui qui l'a mife en œuvre fans fa permilTlon. Telles font les circonf- tances du befoin que le propriétai- re aura de fa matière , de Tufjge qu'il pouvoit en faire , de celui qu'il pourra ou voudra faire de la chofe qu'on en aura fabriquée &c. Telles font encore la parc que le D 4 pro-
Sg Qjj estions de propriétaire de la matière peut avok à ce qui eft arrivé , & les difpofi- tions de celui qui Ta mife en œuvre: il faut voir sï\ a agi par ignorance , invinciVe , ou vincible, ou bien ée mpuvalfe foi ; & dans ce dernier cas, en quelle intention , & dans quelles fuppofitions i à quoi le maî- tre de la matière , peut & doit avoiç plus ou moins d'égard dans le droit qu'il a de réclamer fa matière, & aufli dans fon droit de punir celui qui l'a travaillée fans fon confente- ment. Par exemple , j'ai amafle du bois pour le brûler, & cela pour un ufage néceflaire , & je n'en ai point d'autre : un fculpteur s'avife d'en faire une ftatue : j'arrive fur ces entrefaites , & fans confuker au- tre chofe que mon droit fur le bois & le befoin prefTant , je brûle la fta- tue , fans que l'ouvrier ait aucun droit de s'en plaindre. Il perd fon travail juftement, parce qu'il s'eft expofé mal-à-propos à le perdre , & que je ne dois pas fouffrir de fa fau- te. Mais Cl je n'ai pas un befoin prelTant de mon bois , je dois confi- dérer toutes les autres circonftan- ces mentionnées ci • deflus : je ne
pour-
Dro it Naturel. 8i
pourrois, par exemple, m'aproprier la ftatué 8c la vendre comme telle , fans examiner combien je dois avoir égard au travail du fculpteur ; à nioins que je ne veuille le punir ain- fide fa faute, ou de fa mauvaife foL
Que fi la matière ell peu de cho- fe, & le travail d'un grand prix , je pcnfe , avec M. Barbeyrac , que le propriétaire de la matière doit fe contenter d'un juile dédommage* ment ; parce que l'ouvrier a pu rai- fonnablement fuppofer , qu'il ne re* fuferoit pas de lui vendre cette ba- gatelle.
Hors de ce c?^ , lorfqu'un ou- vrier fe met par fa fute, ou de mauvaife foi, dans le cas de don- ner une nouvelle forme à une ma* tiere qui apartient à autrui , la cho- fe fabriquée doit demeurer au maî- tre de la matière, s'il le veut, en ayant les égards convenables au tra- vail de l'ouvrier -, Se cela par la rai- fon même que l'auteur allègue, qu'il ne peut perdre fou bien malgré lui , parce qu'il n'y a pas de fa faute ; ce que l'ouvrier ne peut pas dire de la perte de fon travail.
Si la matière a été mifc en œuvr« D 5 par
i2 Q_UE S T TON S 0Ë
parla faute de celui à qui elle apar^ tient y Touvrage fabriqué demeurera à l'ouvrier , lequel dtivra feulemeivt rendre autant de la même matière, ou en payer la valeur. Enfin s'il n'y a de la faute ni du propriétaire , nr de l'ouvrier ,- l'ouvrage d&nieurera en commun entr'eux , & chacun y aura une part proportionnée à ca qui s'y trouve du fien-
§. 374. Bipte qua termini fiinâi fetf agri fimt ejiis , cujus ejî furnliis r feu ager jîuvio adjacens y qua pars: aîvei ejus , cujus ah eus eJL . Un de porro fequitur , ripas oppofitas qua teryninos furidorum '^ agro* rum in diverforum dominio ejfc pof- fe-i et fi qua extremitates aivel in unius domitiio fint,
Aquifont Ce double domaine me paroit les rives contradidloire. Puifque le domaine d m fleu- eniporte le droit de difpofec de la fubilance même d^une chofe , com- ment àe\}'x. perfonnes pourront-elles avoir en même tems le domaine d'une même chofe y à moins qu'eU les ne la polTédent en commun & par indivis '{ Ce n'eft pas le cas des
rives
Droit Naturel. 8î rives d'un fleuve. Elles font ou par- tie du lit , ou partie du terreiii ad- jacent î & en ce dernier cas , elles aparticnnent au maître de ce ter- rein , mais avec cette efpècc de fer- vitude qu'elles doivent former le bord du lit & y contenir le fleuve; enforte que le maître ne peut pas y faire quelqu'ouvrage qui les empê- cheroit de fervir à cet ufage , com- me feroient de grandes coupures 9 par lefquelles Teau du fleuve s'écou- leroit. Souvent par le mot de rives , on entend cette partie du lit , qui demeure ordinairement à fec ; il cft clair qu'elles font alors partie du lit , & qu'elles aparticnnent au maî- tre du fleuve & de fon lit.
§. 377. Si fîivius alveo in univerfurti derelicio ad aliam fartent fluens fi* hi fecn'it alveum ex agro tuo ,* pof- fejjiomm agri amittis , alveits no- vus qua alveiis ejus eji , cujus efi fumen . . .
Cette décîfion ne me paroit pas t^ jufte en Droit Naturel , ni par con- arrive de féquent pour le droit des gens. Le droit fleuve, en ce cas, périt pour Tan- quand ua D 6 cien
84 Q^UE 8T I ONS DE
fleuve cieti pofTefTeur , & liait pour le maî- change ^^q ^j^ fonds par lequel il a pris fou nouveau cours. La Mofelle apartient à PEledeur de Trêves, tant qu'elle traverfe fon pays : (î elle changeoie fon cours , au-deflbus de ThionviU le, & qu'elle traverfât deforrr^ais les Pays-bas , la Souveraineté de l'Elec- teur la luivroit-elle dans fon nou- veau lit ? Ce que TAuteur décide auroit lieu dans un Etat, quand le fleuve y changeroit fon cours fans fortir du territoire ; mais c'eft par un€ autre raifon , favoir, parce que les fleuves apartiennent au public y ou au Souverain , dans tout l'Etat r en quelque lieu qu'ils coulent. Objec §§• 379- ^ 38Q- ^^ns les notes.. tion con. L'Auteur pouvoit encore obferver tre une contre le fentiment des Jurifconful- deofion ^ç^ Romains , que les fonds voifins des Junf. j ',.^ , ^ • ^m
conful es ""^* nouveau lit , n ayant ponit le Romaini. fleuve pour bornes, maïs étant du nombre des linùtati , ou des ajji- gtiaîi , ils n'ont point le droit d'al» luvioiiu
Droit Naturel. 8î
$. s ^6. Si ex re viea noyi aivptitts fX- tA)it€ fadiîS es bcupletior ^ tantwn Viihi rejiituere teueris , in quantum locufUtior fa&iis es.
Si le fens de cette propofîtîon cfl:,SurIarer- que je dois rendre tout ce que j'ainturion gagné avec une chofe apartenantcj!^ ^^ ^^® à autrui 8i qui iVexifk plus i je "^gné V^c la crois pas vraie dans tous les cas }\q [^\q^ & dans ce fens, la démonftration d'autrus. fcroic fautive. Elle porte toute fur cette maxime : Nemo locHpletior fie- ri débet cum danmo alterhis i & par conféquent elle tombe, Ci j'indrm- nife pleinement le propriétaire ; en- forte qu'elle prouve feulement qu'il faut reltituer le prix de la chofe qui n'cxlfte plus , avec tous les domma- ges & intérêts. Ne peut-on pas con- venir avec le propriétaire d'un prix qui le fatisfafle , quoiqu'il n'égale pas celui que l'on aura tire de la chofe , dans des circonftances par- ticulières ? C'eft cette dernière quef- tion dont il fàudroit prouver la né- gative ou l'affirmative. La décifion dépend beaucoup des circonftances. Si l'on peut fuppofer avec laifon ,
que
8^ Qja E s T I O N s DE
que le propriétaire , au cas qu'il eût été préfenc , auroit fait de fon bien le môaie ufage que vous en avez fait , vous devez lui remettre tout le profit que vous en avez tiré j par- ce qu'en pareil cas , vous n'avez pu faire autre chofe que vous mettre à fa place & agir pour lui , & il vous doit feulement une récompenfe, fi la négociation lui eft avantageufe , comme vous lui devez un dédom- magement , fi elle lui eft préjudicia- ble. Par exemple , un marchand charge du bled fur votre vaiifeau , avec ordre de lef lui tranfporter dans un certain pays , où il efpere le faire vendre avantageufement. Vous tou- chez , en pafTant , à un port mena- cé de la famine , où les bleds fe ven- dent à très-haut prix : vous y ven- dez celui du marchand : il eft cer- tain que vous devez lui remettre le prix que vous en avez tiré. Mais dans tous les cas où le propriétaire n'eût pu faire , ou n'eût point fait ce que nous avons fait , je pen{è qu'il faut le mettre dans l'état où il feroit, a nous n'avions point fait ufage de la chofe qui lui aparte- noit, & qu'en outre, fi nous ne
D>R o r T Naturel. '87 jermmcs pas exempts de mauvaifc foi & même de faute, il elt en droit de nous ^unir , pour avoir difpofé, fans fon aveu , de ce qui étoit à lui» Il faut eiKorc confidérer il en fe fervTint du bien d'autrui , oii a mis le propristaiie en péril de le perdre 5 ou 11 on étoit en état de le lui ref^ tituer , au cas que Tentreprife eût mal tourné. Dans le premier cas, tous les profits lui font dûs , par- ce que c'eft à fes rifqucs, & par conféquent avec fon bien véritable- nient que le gain s'eft fait , & qu'on n'a pu faire autre chofe qu'agir à fa place. Par exemple , un commis fans fortune fe fert dcs fonds de fom maître pour acheter des avions ,. dans un tems critique : les adions hiuirent : les profits apartiennent au maître. Mais dans le fécond cas > le propriétaire doit feulement être indemnifé , 8c il a de plus le droit de punir celui qui lui a fait Tinjure de (e fervir de fon bien fans fa per- miifion. Le même commis prend dans la caiiîe du maître dix Louis , qu'il eft en état de rendre , <Sc il en acheté un billet de lotterie : s'il g?^^ gnç un lot , le lot eft à lui ^ mais
il
88 Q_UE ST I ON 8 DE
il rendra les dix Louis avec les în- téfèts , & le maître fera en droit de le punir , pour les avoir pris fans permiiTion.
Enfin je diftinguerai encore un autre cns , dans lequel il paroitra que c'eft la chofe dont on a difpo- fe , qui , par elle - même , a opéré le gain , en forte que toute autre , de la nème efpece indifféremment ne l'auroit pas procuré. En ce cas , tout le gain eft dû au maître de cet- te chofe-là. J'ai un cheval excellent coureur, qui me couie cent gui- nées: quelqu'un le monte f à mon înfqû , aux courfes de chevaux ; il gagne un prix de deux cents pièces » & mon cheval crevé : ks deux cents pièces me font dues , parce que c'eft réellement mon cheval qui les a gagnées , & qu'elles en font le produit.
$. ^lO. Jmpertfa nccejfaria uttlibus pr<efererjcl:e.
S\ les dé- Cela cft évident , à l'égard d'une penfrsne.feuiç ^ même chofe: mais quand celi irej, -j j^îg^j^ ^^ ^^^^ objets différens » doivent
toujouts ^^ dcmonftjration me paroit fautive.
Droit Naturel. 89
rhomme , dit M. W. efl obligé à être pré- conferver , autant qu'il eft enfo7i pou- j^.^^"r°^ voir , toute chofe quelcotique qu'il pof- ^^\^^ fede. Mais pour quelle raifon ? Ceft uniquement parce qu'il doit confer- ver fou patrimoine , & même Taugr mentor , autant qu'il le peut ( Ç. 60%. ). Suppofé donc que je puilTe améliorer au double une polfeffioii qui vaut mille Ecus , mais que je ne le puilîe fans négliger & laiffer périr une autre chofe qui en vaut cent i ne dois - je pas lailfer périr celle-ci , par la raifon même fur laquelle l'Auteur fe fonde , puifque par - là mon patrimoine fe trouve augmenté de neuf-cents Ecus ? M. W. dit encore (not. $. 60%. ) que l'homme eft oblige à conferver les chofes , à caufc de leur utilité. Mais dans le cas où je ne pourrois en conferver une, fans négliger dans une autre une amélioration beau- coup plus utile que cette première chofe , ne dois - je pas préférer le plus utile ? La chofe confervée de- viendroit nuifible , fi elle n'exiftoit qu'aux dépens de ce qui vau droit mieux qu'elle. La propofition que l'on veut démontrer ici n'eft donc
pas
90 QU ESTIONS DE
pas univeifelle. Si l'on entend par- ler de dépenfes ou de réparations qui concernent un feul & même ob- jet , efl: - ce la peine de s'arrêter à démontrer que les réparations né- cellaires à la confervation d'un fonds, doivent être préférées à celles qui tendent feulement à rendre ce fonds meilleur ?
$. 626, lmpefif£ utiles , quihus res utilior fa&a , fojfejfori b, f. refiu tuenâA: ajî pojfejjori m. f. rejii- tuendiZ nonfunt , nijt qunîenus do- mino aque utiles fint , velin quan- tum res pretiofior fa&a.
De la rcf- La première partie de cette pro- tituîion pofition ne me paroît pas vraie, des de- q^ ^^^ j^j^ reftituer les dépenfes miles au i^^^^^^s au pofTeiTeur de bonne foi , poffeneur qu'avec les mêmes reftridions que de bon- i'Auteur apporte à la reftitution des ne, ou de (dépenfes , due au poifeiTeur de mau- mauvuile ^^i^g ^^. . c'eft-à-dire, autant que ces dépenfes ont rendu la chofe plus utile & plus précieufe pour le maî- tre, fans quoi elles ne font point dépenfes utiles pour lui. S'il eft vrai que le poflefTeur de bonne foi
ne
Droit Na tu ir e l. 91 ne foit pas tenu de Tes faits envers le propriétaire , celui-ci doit-il fouf- frir de ce qu'un autre a poiVédé fon bien , & lui rembourfer des dépen- fcs qu'il a juge à propos de faire , parce qu'elles lui étoicnt utiles , mais qui ne le font pas à lui pro- priétaire, & qu'il ne lui convenoit point de faire ? Les chofes doivent être au-moins égales entre ces deux perfonnes : celui qui fait une per- te 5 fans qu'il y ait de la faute de l'autre, & fans que cet autre en devienne plus riche , doit fuppor- ter cette perte. Je conviens au ref- te que comme on ne peut rien im- puter au polTeflcur de bonne foi 9 réquité demande que le maître ait égard aux dépenfes de cette natu- re , faites par ce pofleifeur , autant qu'il le pourra fans s'incommoder lui - même. Mais le poiTcfTeur de mauvaife foi ne mérite point que le maître fouffre lu moindre chofc en fa faveur.
$. 6Zt
^2 QUESTIONSDE
$. 62S' Impenfa voluptuaria , qud tolli nequeunt fimpliciter , vel fi^ ne rei detrimento , pojjejjori bondt jidei rejtituenddi , quanti funt tem^ pore rejhtutîonis rei,
De la rcf- J^ ^"^'^^ ^^^ mêmes obfervations titution ^^^ cette propoficion. Elle n'eft des dé-^ vraie qu'en y ajoutant ces mots : penfesfai- quanti funt domino , autant qu'el- î'ag/é?"' les valent pour le maître , car | ment. ^'^^ ^^ ^^^^ feulement que le mai- tre feroic plus riche , s'il ne ret j tituoit pas ces dépenfes. Pour- • quoi reftituerois - je des dépenfes faites pour le feul agrément, dans le cas où ces embelliffemens ne font d'aucun prix pour moi , ou dans celui où ma fortune ne me permet point d'en faire les fraix? J'avois dans l'héritage de mes pe- res y une maifon folide & com- mode ; pendant mon abfence , un homme riche , poffelfeur de bon- ne foi tant qu'il vous plaira, s'a- vifera de la rebâtir fuperbe , en- richie de dorures & de peintures de grand prix j il changera , à
grands
Droit Naturel. 93
grands fraix, mou potager eti par- terre , mon verger en bofquets délicieux. Faudra -t -il que je lui abandonne mon héritage , parce que je ne ferai pas en état de lui rembourfer la moindre partie de Tes dépenfes ? Je lui dirai , ma miifon me ruffifoit , & me con- venoic mieux que votre palais , & je luis en foulFrance pour mon potager & mon verger, que. vous avez changés en chofes inutiles. J'accorde volontiers le principe , qu'/7 ne faut pas s'enrichir aux dé- pens d'autrui i mais dans le cas que je fuppofe , le propriétaire ne fe trouve pas plus riche , quoi- que fon fonds ait été embelli, & qu'il put être d'un plus grand prix pour un autre.
S. ^3ï*
$4 QS ESTIONS DE
§. ^31. Qiioniam daninum pro ca- fuaîi habeiidum , fi damniim tuum colliditur ciim dam no alterius , uterque autem ciilpa vacet ; dam^ num ejus ejfe débet , qui damnum cafuale patiatur necejje eji. Et dans la note l'Auteur tire cette confé- quence : Hinc ojiendi poterat , pojjejfori bondi fidei refiituendas ejfe ^ utiles Ç^ voluptuarias impcn- fas y non attento damno , fi quod inde patiatur dominus, Damnum enim hoc in prafenti cafu haben^ dum pro cafuali , adeoque ferert- dtxm et cui res périt.
Autre ob- j'e^ conclûrois plutôt le contrai- fcrvation ^^ qj^^ ^^ malheur purement ca- me ma-' ^"^^' ^ ^^ poiTefleur de bonne foi ticrc. perd les dépenfes qu'il a faites pour embellir ma maifon , dépenfes qui m'étant abfolument inutiles , & peut-être nuifibles, ne lui feront pas rembourfées par moi. Il doit y avoir parité de droit. Si la cho- fe s'eft détériorée entre les mains du poffelTeur de bonne foi , même par fil faute, l'Auteur veut (§. 620.)
que
Droit Naturel. 9Ç -que le maitre la rcqoive telle qu'el- le fe trouve , fans aucun dcdom- magement. Pourquoi doit - il fup- '
porter cette perte ? C'eft par la railon que ne pouvant Timputer au poiTelFeur de bonne foi , il doit la regarder comme cafuelle , & que le dommage cafuel eft pour celui à qui il arrive, damnnm cafuale efl ejus , cui res périt. De même donc le poffefl'eur de bonne foi doit fup- porter la perte des dépenfes qu'il avoit faites pour fon plaifir , & qui font inutiles au maître; par- ce qu'il ne peut pas l'imputer à ce- lui-ci , & que c'eft à lui poffelfcur qu'elle arrive , ei res périt,
$. ^4f . Si antmalia quidam aluntar propter folum ufiim , quicunque tatjdem is fuerit i dominus fine pabuli reftitutione animal futim re^ cipere débet. Et dans la note l'Auteur apporte l'exemple des chiens , des paons & des autres oifeaux que l'on nourrit pour le plaifir.
Mais cet ufage d'un chien , d'un ,^1 * ^?. paon &c. peut ctre quelque choie ^^^^ ^
pour
J^ QjU ESTIONS DE
ftoarrîtu- pour le maître , & rien du tou redonnée pQyj. ççjyj q^j \ç^ ^ trouvées; S
L^rli!!^^ dans ce cas , le maître doit refti animaux, , , ^ , . .
par celui tuer la nourriture a celui qui a trou qui les a vé fon chien , ou fon paon.
En de la Seconde Partie,
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L*?it:tr* QUESTIONS
D E
DROIT NATUREL,
E T
OBSERFATIONS
Sur le Traité de M. WoLP.
TROISIEME PARTIE. $. 209,
R-^^-^^ A féconde définition que Des ^nîg. 9 L S r Auteur donne ici de ré- nies» ^ M nigme, ne me paroit pas
BOO^ia bonne, car une bonne énigme ne doit pas confifter dans l'ambiguicé des termes , mais dans la fineffe des rapports , qui les rend difficiles à apercevoir.
J. 3^9' Virtutem fimulare nonlket,
n TiPt Les quatre demonftrations de cet- ^''^ ^^ ^'^n £ çç permis de
5^ QjU ESTIONS DE
«onrrîtu- pour le maître , & rien du tout redonnée pQyf celui qui les a trouvées; & a certains j ^ , *. j • n.-
animaux "^"^ ^^ ^^^ ' ^^ maître doit reiti-. par celui ^"^ ^^ nourriture à celui qui a trou- qui les a vé fon chien , ou fon paon.
En de la Seconde Partie.
XlUES-
QUESTIONS
D E
DROIT NATUREL,
E T
OBSERFATIONS
Sur le Traité de M. Wolp.
TROISIEME PARTIE.
R35^in:^ A féconde définition que Des énîg, § L ^ l'Auteur donne ici de Té- mes*
nigme, ne me paroit pas
ïO^iOsl bonne, car une bonne
énigme ne doit pas confifter dans
l'ambiguïté des termes , mais dans
[îa finefle des rapports , qui les rend
i difficiles à apercevoir.
[S. 3^9' Virtutem fimulare non licet.
Les quatre demonftrations de cet- ^"^^ eft
98 Q_UES TI ONS DE
feindre la te propofition prouvent feulement ^ ^"'"* que celui qui feint la vertu n'eft pas vertueux j ce qui eft bien clair , car on feint ce que Ton n'a pas. Si l'Au- teur veut dire qu'on ne doit pas s'en tenir à la feinte , il a raifon j mais en ce fens , la propofition eft la mê- me que la 32^e. H eft évident que celui qui feint feulement une vertu ne remplit p;is fon devoir. Mais la feinte par elle-même eft-elle illicite ? Ajoute-t-eile quelque turpitude au défaut de vertu? C'eft une autre queftion à çxamîner.
Duns un cas particulier, où l'on n'a pas encore acquis l'habitude d'u- ne vertu , eft - il permis de la fein- dre, en agiifant comme fi on la pot fédoit if Cette feinte , dans une oc- cafion particulière, eft peut-être inditférente en elle - même , & de- vient licite ou illicite, fuivant la En pour laquelle on l'emploie. Un homme peu chafte dans le fond du cœur , fe trouve avec des femmes refpedlables j on loue la pudeur & la chafteté , on lui demande ce qu'il en penfe : il les loue aulîi, & mon« tre de cette manière une vertu qu'il
ut
Droit Nature t. 9^* ne poiîede pas. Qiii ofcra blâmer ù, prudence ^ fa retenue ^
Mais arfeder habituellement & avec oftentation , une vertu que Vvïi n'a pas , e(l une infamie. Il feue montrer la turpitude de cette habitude , qui s'apelle hypojyijte , autrement qu'on ne le fait dans ce paragraphe 8c dans le 322. L'hy- pocrite eft plus éloigné de la vertu qu'il affede , que celui qui lie s'en pare point quand il ne l'a pas ; car m Te mettant point en peine dz l'ac- quérir réelleinent , lodqj'il peuc bien en atFedler les dehors , c'eft une preuve qu'il n'e\^ fait intérieu- rement aucun cas, mais qu'il abufe infolemment d'une chofe fainte & refpectable , pour tromper les hom- mes. Voyez mes obfervations far le 5. II 53. de la le. Partie.
$.451. Furiojï in lucidis intervalis valide promittere pofunt.
L'Auteur fonde celte décifion fur rieux 2^ que les furieux ont l'ulage de 1 1 p*""»- con. raifon dans leurs i. ?rvalles lucides, tra^tct & le fondement efl bon & fuliJc. ^^"^ ^? Maispour ne s y ponit tromper d.uis jes luci- E 2 la des.
lOO QU ESTIONS DE la pratique, il faut bien prendre gar^ de fi cet ufage de la raifon , que le furieux a repris dans un intervalle , eft bien entier , & particulièrement à regard de l'objet fur lequel il con- tradle, ou déclare fa volonté. Un furieux peut retenir , dans fes mo- mens lucides , de fauiTes impreflions, qu'il aura reçues dans fes mauvais momens j & ces impreflions l'indui- ront en erreur. Par exemple, s'il eft évident que fon dérangement lui a fiiit prendre en haine fes héritiers naturels , pourra- t-il les deshériter validement , dans un moment lu- cide ? Non certes ; car il paroit évidemment que cette exhérédation prend fa fource dans le dérange- ment de fa raifon. Je ne voudrois donc lui accorder la faculté de con- tradter & de difpofer , dans fes mo- mens lucides, qu'avec de grandes précautions.
S. ^13.
Droit Naturel. lor
$. ^13. Si pVôillatîO afirJtta miïïi cer-^ to diei alligatur , fit miteDi in ttfnm amii cnjuslihet ; quoâ anno primo prtcjitiutîum , fiatim exigi fotefi^ conjequenfer promijjio quoad annnmprimum in diem non fit.
L'énoncé de cette propofitîon eft En quel
un peu louche. Si TAuteur veut di- F.^* ""^ . livr^ncc
re , comme il y a aparencc , qu'en p,.oj„ife
pareil cas , on peut commencer à annuelle- compter les années dès le moment ment e(l de la promefle ; je fuis de Ton fen- d'^bj'i'd timent. Mais s'il prétend que la H- ^"^'8'°^ vrance de la première année le peut première exiger d'abord , ou en quelque par-annife. tie de l'année que ce foit ; cela ne me paroit pas jufte. Quand je pro- mets de donner à certain jour, j'ai tout ce jour-là pour m'aquitter , & félon M. W. même , on ne peut l'e- xiger de moi qu'à la fin du dit jour. De même, quand je promets de donner annuellement une fomme , n'ai-je pas l'année entière pour m'a- quitter j & cela auiïi bien la pre- mière année que les fuivantes ? Ce- pendant il peut y avoir des cas , 011 la propofition fera vraie , même en E 3 ce
J02 QV ESTIONS DE
ce fens ; par exemple , quand la pro« meliè eft hite pour l'entretien d'un homme, que Ton fqait bien n'avoir. pas d'autre moyen de fublifter, la première année fe peut exiger de» qu'il en a befoin , ou à mefure qu'il en a befoin.
$, Ç22. Si covJitio poteftatha fmrii ex parte promijji.ris , /'/ eam pro- trahere non débet eojîne , ne qiioâ frcmijfîim prajiare teneatiir. Et $. 523-. miilto minus efficere débet y ^ ne exjlet conditio , eodem jine,
Obllga- J^ î^c croîs cela vrai que de&-pro« tîon de mefîès faites à titre onéreux , c'eft^ celti? qui à- dire contre un équivalent. Si je Broî>^ "fT ^ m'étois engagé à donner gratuite- fous une "^^i^t uri^ grollefomme à quelqu'un, condition au cas que j'allafîe à Paris , & que qui eft en je ville dans la fuite , que cette fom- fa i uif. j5^g ^ proniife trop légèrement , dé* rangeroit mes affaires, ne me ie- roit - il pas permis de renoncer au plaifir de voir cette ville , afin de n'être pas dans le cas d'accomplir ma pro m eiTe '< En promettant gra- tuitement quelque chofe fous une - condition qui dépend de moi ^ je
don-
Droit Naturel.^ 103 donne afîèz à entendre que je veux faire dépendre de ma volonté dans la fuite , raccompliflement de ce que j'aurai promis. Mais comme il n'ciï pas beau de changer de volonté fans raifon , j'avoue que , fans de bon- nes raifons , on ne doit pas éviter d'accomplir la condition , dans la eu le vue d'éluder la promeffe qui en dépend.
Quand celui à qui on a promis , â foit ou donné quelque chofe , en vue & en échange de cette promef. fe , ce feroit le tromper que d'évi- ter la condition , dans la vue d'élu- der la promeffe j parce que fe fiant à votre bonne foi , en admettant une condition qui dépend de vous , il a compté que vous donneriez lieu à la promeffe , fi rien ne vous en empê- choit. Aidez - moi aujourd'hui dans mon travail , ^ je vous aiderai de^ main dans le votre , fi je Juis ici : Cela fignifie certainement , que je vous aiderai demain , fi rien ne m'empêche de rcf^er ici. Je vous tromperois donc, fi je m'en allois fans néceffité , & feulement pour n'être pas dans le cas de vous aider ; ma promeffe auroit fervi à vous et E 4 cro-
J04 QjJf. STI ONS DE
croquer ce que vous m'avez fait en -échange. Cependant vous n'auriez ^as adion contre moi , ou droit de -jme contraindre , jus belli , dans l'é- tat de nature ; parce que c'eft à moi de juger fi je fuis dans le cas de ret ter 5 ou de m'en aller , puifque •vous vous en êtes raporté à moi. Mon adion eft deshonnête , fans vous donner un droit parfait con- tre moi. De îa va- Pour donner de juftes décifions Jidité de fur les cas où Ton prétend que l'er- certaines reur a donné lieu à la promefTe , À prome.- g^^^ ç^ p^^jj^g ^^^ -^^^^ j^-^j^ diftinétc
quelles ^^ ^^ ^^^ ^'^^ ^^^^ entendre par da» Terre r 2^T€ caujhm promijjh. M. W. dit eu quel- .(§. 570. ) , que l'erreur dat caufam que ï>^i^' fprowijfo y quand elle eft la caufe ^inique de la promefTe. J'aimerois tnieux dire, quand elle eft le fon- dement de la promeiTe , la vraie & principale raifbn en vue de laquelle elle a été faite. Ainfi toutes les fois que l'erreur eft le vrai fondement d'une promefTe , elle rend la pro- mefTe invalide , parce qu'il n'y a pa» de vrai confentement : mais lorfque- l'erreur tombe feulement fur quel- qu'im des motifs 5[ui nous ont porté
Droit Naturel, roç
à promettre, fans être prccifemenc le fondcinent de la promeflc , elle ne la rend pas invalide.
A cette occafion , je voudroîs ob* fcrver en général fur les promefTes purement gratuites , qu'elles fuppo- fent toutes cette condition tacite : Je vous promets dans la fuppofition que vous êtes de mes amis , ou au moins que vous ne vous rendrez pas indigne de mes bienfaits. Si je pro- mets à quelqu'un de lui faire dans quinze jours un prélent de cent écus, & que dans l'intervalle , cette per- fonne fe déclare mon ennemi , je ne fuis affùrément .pas obligé à lui faire ce préfenc.
§. ^58. Si quis promittit , quoà fuum non efi , fuum tamen fieyd fojje putat , quia fuum jteri poffe futaty ts ad tantundem tihi ohli^ gatur y quantum impendendum erat , ut fuum fieret , fiquidem fuum feri nequit.
Promeflc
Cette décifion ne me paroît pas faite d'u-
juftc pour tous les cas. Dans Te- ^^ thofe,
xemple allégué , je puis avoir des ^"^ "°^^
raiions particulières de vous donner pouvoir
E 5 un acquérir.
rO^ CL^ESTIONS DE
un certain livre , mais non pas de^ vous sn donner la valeur. Il faut ,. je crois , juger de ces queftrions , à- regard des promeflès gratuites , par Tintention fuififamment manifeftée- de cC'ui qui pron-:et. S'il paroît que- fon intention principale étoit de fai- re une gratification , de donner la^.. vaVur de la cbofe qu'il promet ô- alors il doit en donner ie prix , s^iU ne peut pas donner la chofe même, La v-'.éGifion de FAuteur eft jufte, à- Vé^'did d'une promeffe Fa-ce à titre- d'équivalent-, ' ou de réœmpenfe 5; alors le but principal eft de donner la valeur de la chofe que l'on- promet.
5. ^81. Si qins rem tihi promijfam'
dmuo alteri promittit ; promijfio
prior valet , non poJierioK
Sî î3îie Peut-être n'eft-il pas mutile ât c Ole qui î-eniQiquer qu'en ce cas 3 la prémie-.- p omife ^^ promefTe doit être remplie à la hu peut erre tre , & la dernière par un équiva- Vi lide- lent, fî cette dernière eft de ccllea ratntpro- ^^ J'intention générale , ou bien autre.^ "" l'obligation , eft de donner la va- leur de ce qu'on promet ^ mais fî
en
Droit Naturel. T07 en vertu de cette dernière promcf. fe, on ne doit donner que la chofe même , & non point fa valeur , la promelfe cil: nulle , fon accomplilTc- ment étant impoffible.
$. ^97. Si urius correorum promit^ tendi , vel debendi , promijjioncm totam folus adtmpUt , vel debiium totum foins folvit ,* ccteri correi ipfi in nihil tenentur.
Cette décifion n'eft pas bien prou- si jgj ^^^ vée dans la démonftration , & elle débiteurs ne me paroit pas juite dans cette gé- folidaires néralité. Quand plufieurs ont rtqu 'on^^terus enfemble une fomme, dont chacun , . '^Vl^^- a tire la part , & le lont engages tr'gux qui folidairement à la payer , ne doi- a payé le vent - ils pas réellement chacun fa tout, quote-part \ & cela n'emporte - 1 - il pas rengagement tacite de payer cette quote - part à celui d'cntr'eux qui aura payé feul pour tous ? Ceux qui ne font pas recherches par le créancier , pourroient-ils avec juftice laiffer retomber fur un au- tre , la charge de rembourfcr ce qu'ils ont reçu ? S'ils fe font enga- E 6 gés
ic8 QJ3ESTÎ0 ns DB
^és fôlidairement , cela figiiifie fiu-- lem^nt , que chacun d'eux a eu aC^ fez de confiance dans les autres ,. pour s'engager à devenir leur cré- ancier , en payant pour eux , û celui à qui ils doivent vient à? Fexiger.
Mais dans le cas oùplufieurs per^ fonnes auroient fôlidairement pro- dnis de faire une chofe , à titre de; fervice gratuit, & fans rien rece- voir par contre , la décifion de l'Au-^ teur eftr jufte y parce qu'alors , cha- cun des promettans eft cenfé con- fentir à foire feul ce qu'ils promet- teiît , au cas que celui à qui ils s'o- bligent , l'exige de lui. Celui-ci peuU «'adrciTer à tel d'entr'eux qu'il lui plaira j & la promelTe une fois rem- plie , tous les promettans font dé- chargés , & ne doivent plus rien à perfonne. Voyez Wolf. Tome. IV.
775«
Droit Naturel. i«9
J. 773. Si temeritas promijforis fut^ y'it manifejia -, promijjioncm accep" tare fw>i dshemm , çf? , jihi poji accepfationeiu ea noh'is âernum m- ?ioteJcif , ea rcnntteyirîn > lùjt tua interfj promijfum ejjè. Idem teneU' dwn de proniijjlone cnwno indelibC" raso fada.
Je voudroîs même mettre des bor- Du devoir nés à cette exception , nifitua hiter- "^.cei"» a
r r \y ViT ^ A-> nui on 3
Jit j car (1 i accomphlicment d une ^^j^ ^^^ pareille promelîe porcoit un grand promeflb préjudice à celui qui me l'auroit fai- témérai» te , & que mon défiftement ne me ^^ caufât qu'un léger dommage , je me croirois obligé à m'en défifter.
Au refte , fi j'accorde que nous devons nous délifter d^une promef^ fe , que nous découvrons nous avoir iCté faite témérairement , ce n*ei^ pas par la raifon qu'en donne l'Au- teur ', car on ne peut pas dire , qu'en nous tenant à une femblabls promctre , nous concourrions au pé- ché d'autrui. Le péché eft commis , dès le moment que la promelVe té- méraire a été faite , & nous n'y avons aucune part , puifque nous
iguo-
IIO QjUE s TI 0 NS DE
ignorions que la promelTe fût faîte témérairement. Ce péché confifte à faire une promelTe fans but & fans raifon ; mais non pas à exécwter ce qu'on a promis ( & que je fuppofe licite en foi ). La faute ne peut plus être anéantie ; c-e ibnt feulement fes fuites qu'il s'agit de prévenir , c'eft- à-dire le dommage qui en re- faite an promettaDt. Or nous de- vons éviter le dommage d'autrui , fi nous pouvons le faire fans nous en attirer un confidérable 5 bien loin de nous prévaloir de fes fau- tes , pour le mettre en fouffrance , lorfque nous pouvons éviter fon dommage & le notre. Voilà le vrai fondement de la décifion. Remar- quons que Cl celui dont l'Auteur s'appuie avoit lieu, il excluroit ab- folument fon exception , Jtifi tua irt" terfit promijjlim ejfe. Car s'il eft vrai, comme il le dit n. 2. que fe préva- loir d'une promelTe après qu'on l'a reconnue pour téméraire , foit la même chofe que li on l'eût acceptée la connoiiiant pour telle, & que ce foit , par conféquent , concourrir au pé hé d'autrui , il faut y renon- cer , quanu ruciût ou en reifentiroit
du
Droit Naturel, iir
diî domnv.ii^e -, ne nous étant pas permis de concourrir au péché vi'au- trui , pour éviter nutre dommage» Qiielqu'un m'a promis de faire un voyat^e pour mes affaires ', )e décou- vre enfuice qu'il ab:indonne, pour ce voyage , le foin de fcs enfans 9 ou d^auties fondions facrées: je ne dois point profiter de fa prnmelTe, quj nd même je devtois faire une perte confidérable , lliute de Pavolr pour mon comrniirionnaire. Pour- quoi cela ? Parce que fa promeiîe n'eft" pas feulement téméraire, mais qu'elle eft criminelle. l\ ne lui eft pas permis de la tenir j & fi j'en ao- ceptois Fexécution , je concourerois à fon péché.
4. 823. Si pa&ttm tacite renova fur (id eft, $. 820. fi quid ab uno contrahentium pado temporario finito fiât , quod nonnifi vi ejut dem fieri poterat , altero confcio, nec dillentiente } per tayitwn teîft- forJs intei'valliim valet , qiumto antea duraverat.
Il me femble qu'en ce cas , le pac- Durée du te eft plutôt étendu , ou continué pac^e ta-
ÎT2 CLUÊSTl ONS DE
cîtement à bien plaire, c'eft-à-dire , pour atï-i renouvel- ^^nc de tetns que Tune & Tautre des parties le trouveront bon , à moins que la nature de la chofe , ou Tu* fage , ne déterminent un terme. Je vous loue ma maifon pour fix ans, à tant par an ; au bout de ce ter- me, vous continuez à y demeurer, & je ne dis rien : le pade ne me femble , en pareil cas , renouvelle que pour un an. Car notre (îlence dit feulement que vous voulez con- tinuer à occuper ma maifon au mê- me prix , & que j'y confens > mais il ne dit rien fur le terme.
f. 872- Si jtirans moraîïter faïfwn
loquititr y tnentitnr i ptrfidus efi
Ë^ gloriam divhiam obfcurat,
Torpîtu- Le ferment efl la plus forte afîî?- dediifaix fancg qu'un homme puiffe donner
ermcnt. ^^ ç^ bonne-foi j car en prenant Dieu à témoin de îa vérité de ce qu'il dit , & en fe foumettant à fa vangeance, au cas qu'il jure à faux, il déclare qu'il connoît parfaitement combien il eft obligé d'être vrai dans ce qu'il dit , ou réel dans ce qu'il promet, 11 «la^ioie donc tout ce
qu'a
Droit Naturel. 1T3
qu'il peut imaginer de plus fort pour tromper , s'il fait un faux ferment « 8c par conféquent il eft perfide au plus haut degré. Outre ce dégrc de perfidie , il fe rend encore coupa- ble de profanation du nom de Dieu. Rien n'cft plus criminel que d'em- ployer ce nom auguRe à tromper plus fùrement fon prochain.
5. 9 3 5. Perjtirium ejlperfiâia omnium maxima.
Dans la démcnflratîon l'Auteur f'^'itra.
•die : Jurans fidem fmwt ei adllrin ^^^^^^^^
i ^ ..-^ r^ avec le
git ^ cm jnrato promu tit, Quanio- c ,^
brem fi contrariiim ejus facit , quoâ fe fa&urum promifit , confequentcr etiam fi non facit , quod fe fadlu- rum promifitj pcrfidus efi. Ces pa- roles conféquent er &c. ne s'accor- dent pas avec la définition de la perfidie §. ^66. Perjidia eji vitium faciendi contrarium ejm , ad quod faciendum quisfidem fuam adjïrinsif. Et dans la note , ad perjidiam pra- cife requirittir , ut quis fidem fuam adjhmxerit , ^ hoc non objiante fciens ac volens contrariurn ejus fa* cit y ad quod faciendum tenebatur.
Ne
114 Q„VE s Tl ONS DE
Ne pas faire ce qu'on a promis , 5c faire le contraire de ce qu'on a pro- mis, font deux chofes ditférentes. 11 y a donc quelque changement à faire , ou dans les paroles de la dé- monftration, que nous venons de rapporter , ou dans la définition de la ferpdie , pour mettre ces deux palîages d'accord. Le changement doit peut-être fe faire dans la défi- nition. M. W exige deux chofes , pour caradtérifer la perfidie & la difl tinguer d'un flmple manquement à fa parole, qu'il àipeWc fi.iem failere , fdvuir 1**. Que l'on ait engagé fa foi par quelque chofe de plus fort qu'une fimple pollicitat.on , ou af- firmation de ce que l'on fera {ut quisfidemfuam adjirinxcrit ). 2*. Qiie Ton faiTe le contraire de te qu'on a promis de cette manière. Mais , fui- vant l'ufage ordinaire , il femble que l'une ou l'autre de ces deux conditions fufïîfe pour établir la per^ jidie , enforte que celui qui a enga- gé fa foi , qui s'efl fortement obligé à faire quelque chofe, eft un perfi- de, s'il ne le fait pas j & celui qui a fimplement déclaré & affirmé qu'il fera une chofe ( qw fident dédit j
Droit Naturel, iif ce que Von peut traduire , qid n Aon^ né parole j ) & qui fait enfuira le contraire, d\ de même un perfcde. Quelqu'un m'a promis ( ce qui d.ms ru(;!ge ordinaire ne s'entend pas d'une promelfe parfaite & obligatoi- re ) ou m'a donné parole de me re- commander à un grandi ; s'il ne le fait pas , il manque feu'ement à (a paole: s'il tait le contraire, en me dcifervant auprès du grand, il e(t perfide. S'il avoit engagé fa toi , s'il s'étoit obligé à me recommander , & qu'il ne le falFe pas , il cft encore periide.
Cependant le fécond des trois cas que nous venons de pofcr , favoir celui où un homme , après m'avoir afîiirc qu'il me recommandera, faitt le contraire, & me delTert auprès d'un grand, n'eft pas une perhdie, félon M. W. Il apellc cela , contra fidem datant agere , §. 7^9. fi polli^ citator contrarhim ejm facit , quodfe fa&urum pollicim ejî y contra fidem datam agit , fed perfidies non eJL II paroic donc que , dans fes princi- pes , celui-là feul peut devenir per- fide , qui a engagé fa foi , qui fidem fLdfirinwt j mais il faudra dire qu'il
le
Uê Q_UE STIONS DE le fera , foit qu'il manque feulemetlt de faire ce à quoi il s'étoit engagé , foit qu'il aille jufqu'à faire le con- traire : & ce dernier cas fera un plus haut degré de perfidie. Je croîs que c'eft-là la penfce de M. W. Il l'inlhi'ié quand il dit (not. §. 76^. ) qu';/ y a divers degrés de per- fidie. Il faut donc encore, dans cet- te fuppofition , changer quelque chofe à la définition de la perfidie , & dire : Perfidus efi qui contrarium ejîts facit , vel qui id non facit , aâ quod faciendum fidem fuam adjinn* 9cerat,
$. 9^8. Talfiloquîum licitîtm juramen" to confirmare non licet.
Qu'il n*eft Cela eft très vrai 5 mais j'ohferve pas per- ici que la démonftration du §. 884- mis d'em- fur lequel cette proportion eft fon- ployer le ^^q ^ contient quelque chofe de fu-
dansTel P^*"^" ^ ^^ P^" exad, qui y jette
occafions ^^ l'embarras ; l'Auteur y dit : Jh-
où l'on rans fefe ohli^at ad vermn alteri di-
déguife cendim (§. 880.) Cela eft vrai ;
mnocem- j^^^j^ j| ^'oblige d'une obligation in- ment Is •
vérité terne, comme on peut le voir par
la démonftratiou du §. 880. Donc
l'Au-
Droit Naturel.^ Ï17 PAuteur ne dévoie pas en conclure comme il fait , coufequcnter in eiim transfert jus a fe cxigendi ut ve^'um dicat. Car on ne peut transporter ce droit qu'en contradant une obli- gation externe. D'ailleurs cette con- féqucnce , in eum transfert jus ^c. c/l ici luperfluë. 11 fuffifoit de dire qu'en convenant de jurer, on con- vient que celui qui jure dira la vé- rité , & que par conféquent on eu fait un padle. On pou voit encore démontrer cette propofition 884- par la 881. Jurnns fidem fuam acL Jîringit ei , au jurât , de veritate diUorum. Car en eiFet , le ferment étant une manière foleinnelle & fa- crée de s'engager à dire vrai , quand vous convenez avec quelqu'un d'af- firmer ce que vous dites par fer- ment , vous vous engagez par cela même à lui dire la vérité 3 c'cft un padle qui fe fait entre vous , & que vous êtes obligé de tenir. De cette fkqon , on aura une démonftration folide & évidente de la préfente pro- pofition 958- Mais encore faut -il obferver que , par ces principes » elle n'eft pas démontrée d'une ma- nière aflez générale 5 car il peut ar- river
I T 8 Q_V ESTIONS DE
river que quelqu*un confirme par le ferment un difcours contraire à la vérité 5 £àns que celui à qui il parle l'en requière , & même fans qu'il y confente j auquel cas il n'y a point entre eux de pade de dire la vérité.
II faut donc , pour établir cette pro- pofition dans toute fon écenduë, recourir à nos devoirs envers Dieu » lefquels ne nous permettent pas de profaner fbn nom. Il n'eft permis d'employer ce nom augufte, que pour conftater la vérité dans des occa- fions importantes.
§* 964, Vovtnsfe Deo ohîi^at ad vo- tum fervandum,
Î5es Ne faut - il pas qu'une promefïe vœux, foit acceptée pour qu'elle devienne obligatoire ? Je trouve d'ailleurs l'objedion rapportée dans la note , aflTez forte , malgré tout ce qu'on y répond. Peut-être feroit-il plus folide d'envifager un vœu , comme une ferme réfolution d'exécuter tel- le ou telle chofe louable , de s'a- quitter déformais de tel ou de tel devoir , réfolution à laquelle on donne cette forme de vœu , afin
qu'el-
Droit Naturel, ixi
qu*elle demeure plus préfeiite à TeC prie , & que la volonté foie plus furement dccermiucu à y perfiller. La Philorophie peut nous cnfeigiier plulieurs femb'ablcs artifices , donc nous nous fervoiis utilement envers nous-mêmes, pour nous affermir dans la pratique de nos devoirs.
$. lO 1 8- Qjiod in cafu Aubio , ^uait'
do certitiido haheri nequit , pYàt^
fuiit'îtnr , id in ne^otiis humanis
contra eum pro vero habetur , co«-
tra qiiemfit p'xfumfio.
Cette règle , fur laquelle l'Auteur Examen fondera le Droit d'Ufucapion & la d'une rc- Frefcription , ne peut être admifègle don- fans explication. Il eft vrai , que ?^^ ^" ^"" quand un homme donne lieu , par pj^fomp, fes faits , à la prcfomption , nous tion. fommes en droit de prendre pour "Vrai , contre lui , ce que nous pré- fumons ; & l'effet en demeure fer- me , dans tous les cas où il ne te- noit qu'à lui de faire connoitre la vérité. En toute autre occafîon, où rintéreffé n'a pu s'expliquer , il eft bien vrai que parmi Us hommes , \à préfompcion doic tenir lieu de la
cer-
ISO Que stions de
certitude , dans les cas où on ne peut obtenir celle - ci ; mais TefFet n'en doit durer qu'autant que dure Tincei titude ; & dès que la vérité paroit, TelTet de la préfomption cet fe. Par exemple , j'occupe une cho- fe que j'ai lieu de préfumer avoir été abandonnée par le propriétaire: j'en jouis légitimement, tant que îes chofcs demeurent dans cet état, &, j'en fuis réputé maître ou pro- priétaire moi-même. Mais fi le pro- priet.iire paroit , la reclame , Se me prouve qu'il ne l'a jamais abandon- née 5 je fuis obligé par la Loi na- turelle , à la lui reftituer. Il eft vrai que je ne dois peut-être aucune reftitution de fruits, ou au moins que je ne dois rendre que ce dont je me trouverois plus riche du "bien, d'autrui -, parce que ma poffelîîon etoit légitime, tant que duroit la légitime préfomption. Il eft vrai encore , que fi ce propriétaire avoit îndirciflement donné lieu , par fa faute, à la préfomption qu'il avoit abandonné cette chofe-là ; & qu'en l'occupant , induit en erreur par lui- même , j'eufle négligé facquifition de quelque autre bien 5 que j'aurois
faite
Droit Naturel, izr
taite fans cela, il ne pourrok me redemander le fien fans me dédom- mager Remarquez que je dis ici , s il a donné lieu wdiyedcmenù à ïa prelomption j car s'il y a donne heu lui-même diredement , lorfqu^l pouvoïc foire connoître la vérité, retfec de la préfompcion demeure Itable , comme je Tai dit d'entrée. Mais s'il n'eft point en faute , il ne doit fouffrir aucun dommage , & c'cft moi plutôt qui doit fupporter celui que j'ai bien voulu rifquer de iouttrir, en me fondant fur une prefomption. La règle de l'équité me paroit être ici , que chacun foifc tenu de fes faits.
De ce que j^ai établi ci- de/Tus, Il luit encore , que Ci la chofc que J tvois occupée en vertu d'une pré- iomption légitime, ne fe trouve plus en mon pouvoir , lorfque je Viens à en découvrir le propriétaire, & que je n'aie rien requ en échan- ge, je ne fuis tenu à aucune refli. tution , parce que je n'ai rien du bien d'autrui , & que j'ai pà légiti, mement aliéner ce que j'occupois de cette manière 5 la prefomption dc^ vaut me tenir lieu de la vérité , tant
F que
laît QjJESTION s DE
que celle-cî ne peut m'ètre connue.' Par la même raifon , fi j'ai vendu cette chofe-là , je rendrai feulement le prix que j'en ai retiré -, mais l'a^ cheteur n'eft tenu à rien , par le droit externe , & il ne pourra être dépofledé ; fon titre eft valide , puifque j'étois en droit de lui ven-« dre , tant que duroit la légitime prc- fomption.
Voilà , ce me femble , quelles font les difpofitions de la Loi natu- relle fur ces cas-là. Mais jufques ici je n'ai parlé que du Droit Naturel externe. Le droit interne & de confcience va plus loin. La règle générale eft ici , que nous ne de- vons point nous enrichir du dom- mage d' autrui j & par confcquent , quelque légitime, quelque bien fon- dée qu'ait été la préfomption , etl vertu de laquelle je me fuis emparé d'un bien , que j'ai crû abandonné; fi je viens à découvrir avec certitu- de que l'intention du maître n'étoit point de l'abandonner, je fuis obli- gé en confcience à le lui rendre. Suppofé qu'un homme eût été affez înconfidéré pour vous lailTer , de gaieté de cœur, poiféder fon bien
pen-
Droit Naturel. 125
pendant long-tems , fans rien dire , gardant le filence lors même qu'il devoit s'expliquer. Se qu'il vint en- fuite vous le redemander , en vous feifant connoître clairement , que jamais Ion intention n'a été d'y re- noncer ; de bonne foi , pourriez- vous profiter de fa folie , pour vous enrichir de fes dépouilles ? Il n'cft point d'honnête homme , qui ne fe crCit obligé à la reftitution. Il eft vrai que s'il y alloit du fien , foie par les dépenfes que cette pofïèffiou kii auroit occafionnées , foit par d'autres chofes qu'elle lui auroit faic négliger , ou de quelque manière que ce fut , il fcroit très fondé à préten- dre des dédommagemens. Ceft le cas d'un pofTcfleur de bonne foi , qui poffede par la faute du pro- priétaire.
Au refte, tout ce que je viens de dire fur le fondement de Pufu- capion & de la prefcription , ne m'em- pêche pas de convenir , que l'on peut, avecjultice, en ftatuer au- trement dans la focicté , pour main- tenir la tranquilité , rendre les pof- feiîions certaines , favorifer Tamé- F % lio-
sa4 Q_u ESTIONS de lioration des fonds &c. Mais c'eft alors un Droit Civil.
§. 10^7. Si quis multo tempore rem alienam pojfîdet , dominm . . . frdi^ fumitur ... . fi res mohilis fuerit , dejperare , quod ad notitiam fuam fit perventurum , quinam eam pojjldeat.
Préfomp. Il nie fcnible qu'un homme ne
tion d*a. perd jamais entièrement Pefpérance
fcandon- ^q recouvrer une chofe qu'il a per-
f ^nîd^"^ due ; il attend cette faveur de quel-
fur le dé- Q^e heureux hazard , comme il en
faut d'ef- arrive fi fouvent. Dans les cas donc
pérance. où la chofe perdue vaut la peine
qu'on s'en fouvienne , on ne peut
jamais préfumer que le maître" ait
abandonné fon droit de propriété.
$. 10^9. Prafumtio dereli&ionis rei adverfifs negligentem in inquireyido in res fuas efl prafinntio ahfohita , feujuris & de jure.
Si la pré. La démonftration me paroit être fomption ^y^ paralogifme. Il eft manifefte que donne- ^*-^"^^"^ prend ici cette propofition, ment , ^^ mtmA idt jm ad sqs a&u> fine
qui"
Droit Naturel, i'k;
qu'eus dominiorum certitudo ohtineri contre un nequit , comme fi elle fignifioit , que n^g'|g5"^ la Loi naturelle nous donne droit j^^ ^^ à tout ce qui peut rendre notre do- jurù ^ mai ne , ou notre propriété lure & de jure. ftable. Or elle ne peut (lénifier au- tre chofe finon , que la Loi natu- relle nous donne droit à tout ce qui peut nous rendre certains, que tous les biens que nous polfédons nous apartiennent juftement & légitime- ment; & ce n'cft qu'en ce fens qu'el- le cft démontrée dans les §§. 1048. 1049. & \oso.
Pour ce qui eft de cette propofi- tîon 10^9. en elle-même, je la crois vraie quant au Droit externe , même naturel ; car le bien & la tranquilité des hom.mes ne permet- tent pas , & par conféquent la Loi naturelle défend , qu'un homme , dans le cas préfent , puiflc entre- prendre d'inquiéter un poiTefTcur. Mais le droit interne ne décide-t-il pas autre chofe , fur-tout en certains cas ? Le polTeffeur eft obligé d'ap- porter tous fes foins à s'alfurer de la réalité , ou de la légitimité de fon domaine ( §. 1049. ) S'il vient donc à découvrir que ce qu'il polTéde F 3 apar-
J26 QjJE S T 10 NS DE
apartenoit légitimement à un autre , qui en a perdu la poiTefîion par fa négligence , peut-il en confcience le retenir ? N'cft- il pas plutôt obligé à le rcftituer , pourvu que ce pro- priétaire négligent le dédommage du tort que fa négligence , qui a don- né lieu à une préfomption légitime, pourroit lui avoir caufé , en lui fai- fant perdre un tem$ qu'il auroit em- ployé ailleurs , en lui fàifant man-^ quer Poccafion de faire quelque au- tre acquifition , ou en d'autres ma- nières ? Fonde- jg finirai mes obfervations fur ^^^^ L ^^^^^ matière , en établifTant ce qui la pref-^ ^^^^ » ^^^^" moi, le fondement le cri|ition. plus légitime de la prefcription. Le prétendu maître , ou propriétaire y en laifiant écouler un tems confidé» rable, fans réclamer ce qu'il pré- tend aujourd'hui être à lui , a mis les chofes en tel état, que le pof- fefleur n'ayant plus les moyens de prouver manifeftement fon droit de propriété, il pourroit arriver que celui qui reclame h chofe conteftée , produiroit en fa fiveur des preuves démonftfatives en apparence , mais qui ne paroitroient telles c^ue par
k
Droit Naturel. 127 le manque de quelque document , perdu par laps de tems , du té- moignage d'un homme qui ne vit plus (Sec. Le polfeiTcur de bonne- foi n'cft donc point obligé de cour- rir les rifqucs d'une difcufTion , dans laquelle le bon droit pour- roit fuccombcr , par ce défaut au- quel l'autre a donné lieu j & il peut légitimement & en confcicn- ce , tant que le droit contraiie ne fc montre pas à lui avec une plei- ne & entière certitude , s'en te- nir à fufuiapion , fur - tout Ç\ elle eft fondée fur une préfomption ab- foluë , ou juris & de jure. Je m'explique par un exemple. Qnm vend fon fonds à Tite , en pré- fence de Mevins & de Sempronim^ & part pour les Indes. Tite pé- rit avec fon titre , fans lailfer d'hé- ritiers 5 & les deux témoins meu- rent , avant que perfonnc ait eu connoiffance du' marché fait avec Cam. Celui-ci repafle dans fa pa- trie , il y féjourne , fans reclamer le fonds , qui n'eft plus à lui j il part de nouveau. Vingt - ans s'é- coulent , fans qu'il s'en informe.
F 4 Ce.
328 QV ESTIONS DE Cependant Luc , qui prcnoit fom de Ja terre , voyant qu'on Pabîin- donne, Te l'approprie comme un bien délaifle. Caïm , informé de ce qui s'eft paiTé , revient & reven- dique fon fonds. N'cft-il pas vrai que par la mort de l'acheteur & des deux feuls témoins , Caïus fera en état de démontrer , en appa- rence , qu'il eft le vrai & feul maître du fonds ? Cependant il ne l'cft pas. Suppofons mainte- nant qu'il n'eût point vendu fon fonds à Tite , mais laiffons fub- iifter toutes les autres circonftan- ces de l'hiftoire , Caïus ne mérite- t- il point de n'être pas feulement admis à prouver ià propriété , & l'acquéreur , ou le premier occu- pant , eft - il obligé de s'expofer , en la difcutant , à être trompé par une fuite de chofes , refuU tantes des faits de Caïm , comme notre première fuppofîtion prouve que cela eft poiîîble ? Si quel- qu'un doit rifquer de perdre le fien y il eft jufte que ce fnjt ce- lui qui eft en faute. Mais (î le polTeireur favoit très-certainement ,
que
Droit Naturel. 129 que le bien qu'il polTcde par ufu^ capion , appartenoit à celui qui le reclame , & que celui - ci ne l'a point réellement abandonné , je crois que le droit interne & de confcience robligcroit à rendre ce bien.
fin de U Troifieme Partie,
F 5 ilVES^
^ V ESTIONS
D E
DROIT NATUREL,<
E T
OBSERFATIONS
Sur le Traité de M. Wo lf.
(QUATRIEME PARTIR.
$. 35. Benejtcmrius amare dehet hs^
îiefiiBorem oh bénéficia fibi
ti-ibiita.
Que l'on ^&>^^ A démonftratîon de cette
r^el un i L S propofition prouve feule- b'cnfai, B^s>^^ ment, que narurellement ttur, ^ il arrive que l'on aime un
Bien-faiteur , mais il falloic prouver qu'on eil obligé à Taimer , à caufc de Ton bien-fait. Cela fe peut faire de cette manière : nous fommes obligés à conformer nos adions U^ bres aux vues de la nature , & par
COU'
Droit Naturel. 131
conféquent à les déterminer par le^ mêmes raifons finales , qui déter- minent nos adions naturelles. Or Tamour eft un fentiment que la na- turc a mis en nous pour tout ce qui nous eft avantageux , quand nous le connoiHons pour tel , afin que nous nous y attachions ; nous devons donc confidérer le bien que l'on nous fait , de manière que nous en aimions Tauteur.
Voici une autre démonftration , qui fatisfera davantage bien des gens. Nous avons abfolument befoin du fecours des autres hommes. Pour l'obtenir , il faut que nous nous rendions agréables , & par confé- quent , que nous aimions nos bien- faiteurs ; puifque les ingrats font généralement odieux.
$. 4^. Bmeficiarim ohHgatur adgra* tias benefaâori agendas.
Ceci tombe un peu dans la mi- Des ac nutic. Mais la propofition n'eft pas ^'^"^ ^^ même bien prouvée. Nom devons ^J^^^^ être recoiiyjoijfans , dit l'Auteur ,* mais bje ïfai- cette dijpofition ne petit être connue teurs. dn bienfaiteur , fi on ne la lui témoin F 6 gnc.
133 QjJE s TI 0 N s DE ^ne. Donc on doit lui rendre grncef^ Il falloit prouver qu'il eft abfolit- ment nécefîaire que notre recoîi- noiflance foit connue du bien - fai- teur y ce qui n'étoit pas aifé , car il «ft des cas où il n'eft point néceirai- re de faire connoître notre recon- «oiflànce, & d'autres où cela ne fs- foit pas convenable. Ceft feulera c:u dans PoccaGon , qu'il faut néceirai- rement la témoigner , plus par das^ effets que par des paroles*-
§. 350. Pecunia, qua djlimaturp'e^ îiumremm^ qtu iis utendofrnen^ do non confw7îîintur ^ accmfenM- pecuniie [uperfaia-,.
©u fuper- Cette proportion me paroît fort: "* fînguliere , & je n'en vois pas l'u-
i^Lga, La valeur de ma maifon 3 quoique cette maifon foir fimple & bornée au néceffairc , doit donc être comptée parmi mon fuperâu ^ On fent d'abord que cette aflertion ne peut être admife > mais je le dé- montre , par les principes mêmes da TAuteur. Si quelque un , dit -il ( J. 347. ) a de l'argent ,, dont il ne fe fert pas pour fe procurer ks chofis
qtù
Droit Naturel. 153
qiu fervent h pajjey la vie commodé- ment , agréablement çf? décemment » cet argent lui efi fitperflu. Lors donc que l'employé une Ibmme à acqué- rir une maifon commode & agrca^ ble , cette fomme n'ell point chez moi du fupcrflu. De même , j'ai des champs & des prés -, je ne les mange pas , pour mon entretien , mais feulement leurs produits. Donc, dira l'Auteur, leur valeur clt duftu ferfiu^ puifque vous ne la confu- mez pas. Point du tout j car fans tes fonds , & par conféquent fans leur valeur , je ne puis avoir ce qu'ils me produifent , & dont j'ai befoin chaque année , pour mon entretien. La fin , ou la deftina^ tion naturelle des biens de toute eC pèce, eft de pourvoir à mes be- foins pendant toute ma vie. Par conféquent les fonds , dont le ra- port annuel etl employé pour ces mêmes befoins , ne font point du fuperjîu. La propofition 347. ne peut s'entendre que des revenus ^ ©u de l'argent qu'on tiendroit en caiffe , fans en foire ufage, & non pas des fonds , ou des capitaux.
Si
134 Q_UE s T 1 0 N s DE Si VOUS me dites que le fimple uTufruit de mes fonds fuffiroit à mes befoins , & que par confé- quent le prix de leur propriété eft chez moi du fuperflu ; je répons que c'ed tomber dans des fubti- Jités inutiles & incommodes , car riiHige naturel & ordinaire de la propriété d'un fonds eft d'en avoir le revenu ou la jouilîjnce , & Ton ne peut pas toujours s'afTurer Tu- fijfruit d'une chofe , (î l'on n'en a la propriété > d'où il fuit qu'en cer- tains cas , on ne pourra dire en au- cune manière, que la propriété foit du i'uperflu.
J. 482. In commodato paSfio hccc y ne dolus prdLJîetnr , valida non eft. Et dansja dém onftration > legi na^ iuralî répugnât j ita conveniri , ut commodatario Ikeat fcienti ac volenti rem dejiruere , vel deterio- rem redckre y nec de refarciendo damno teneutur , confeqiienter ne dolus prétjieturo
S*il m'eft Je ne vois pas trop comment cet-
penmsde^ç convention eft contraire à la Lot conlent'r ,,
Que celui "^^^^^^^^> *^ muui« cil certains cas»
&
Droit Naturel. I3f êi rAuccur ne le démontre point, à qui je Comme je puis détruire , ou aban- PJ'^'jP ^"^ donner une choie qui m apartient , „^ ^^ il j c!t ai de bortnes railons v de me- détruire me , je puis permettre à quelqu'un d'en ufer comme il lui plaira , » l'égard d'une choie que je lui prête, ^ Pexcmter de toute reftitution , s'il trouve à propos de la détruire. Cette elaufe eft dans le fonds, ' une ef.^èce de don conditionel , dans lequel je ne vois rien d'illicite. Je prête à un voyageur une chofe de" peu de v<4leur, ^ je confens que s'il vient à Id jetter en chemin , ixirce qu'elle l'embaraiTera , il ne me la rende point. Qu'y a - 1 - il là de contraire à la Loi naturelle 'i
§. 493. 5V duohuf vel plurihus eadem res commodatnr , wmfquifque obli-^ gfftur ad eam refiituendctîn , fin^ gîili antem cuîpcim prà>jîare tcnen- tuv , nifi aliter convenerit , utfch- licef finguli teneayitur infolidwn.
Cette proportion eft vraie, pour- P*""^, vu qu'on ne reftreigne pas l'excep- , " 5 P," tion , mjj aliter convenei'it , a une figurs, convention çjprefic j car cette con-
Î3^ QjJ ESTIONS CE ventian peut être tacite , comme réfultant naturellement des circonf- tanccs du prêt. Pour donner de juf- tes décidons des diiférens cas qui peuvent fe préfenter, lorfqu'on a prêté fimplement à plu (leurs , fans s'expliquer , il faut bien diftinguer les cir confiances du prêt. Si j'ai prê- té un livre , par exemple , à plu- fieurs perfonnes , pour s'en fervir tour-à-tour , & chacun en fon par- ticulier y ce prêt général doit être confidéré comme autant de prêts particuliers , qu'il y a de commoda- taires , enforte que il le livre périt dans les mains du premier , c'eft comme s'il lui avoit été prêté à lui feul y s'il périt entre les mains du fécond , c'eft comme fî le premier me l'eût déjà rendu , & que je l'eut fe prêté de nouveau à ce fécond , puifqu'il n'a paifé dans fes mains que par mon confentement. Mais fi les commodataires font afîbciés pour l'ufage qu'ils veulent faire de la chofe qu'on leur prête , on doit préfumer que le maître a eu inten- tion de la leur prêter en commun ; enforte qu'ils fuflènt tenus folidaire-
jnent
Droit Naturel. 137 ment à la lui payer , au cas qu'elle périt par la faute de quelqu'un d'eux.
$. 497. Commo^atum tacitam hanc ' habet conditionem , nifi interea pro^ priis nfibus ra fkerit necejfaria,
La propofition eft inconteftable , y^^^"^-
/ / 1 1 M r ui t'on tacite
en gênerai j cependant il me Immole ^^^^ ,
qu'il y a une exception à faire, p^ét à Quand on prête une chofe , dont ufage. l'ufage ne peut être interrompu fans préjudice pour celui qui s'en fert, iî femble qu'on s'engage à la lui laii- fer , jufqu'à la fin de l' ufage pour lequel il la demande. Par exemple, vous me prêtez un fourneau , pour une opération chymiquc, qui doit durer huit jours , & qui ne peut être interrompue un moment , fnns canfcr la perte de ce que je me pro- pofe de faire. Dès -lors vous êtes obligé à me laifler ce fourneau , pendant les huit jours entiers , fi une fois mon opération eft en train , & vous ne pouvez le reprendre , quand même vous viendriez inopi- nément à avoir befoin vousnième de votre fourneau. Vous êtes cenfé
avoir
158 QjJE STI OKS DE
avoir confenti à cette condition. Mais fi en me prêtant ce fourneau , vous ignoriez l'ufage que j'en vou- lois faire, je dois vous le rendre, dès que vous en avez befoin , ou vous dédommager du retard. Tou- tefois 5 fi la privation du fourneau devoit caufer au propriétaire une perte réelle & confidérable , tandis qu'elle privcroit feulement le com- modatairc d'un gain qu'il pourroit faire , celui > ci devrait rendre le fourneau , parce qu'il ne doit pas s'enrichir au dommage d'autrui , & fur- tout d'un homme qui ne s'eft propofé que de lui faire plaifir 5 & de p'us , l'intention du propriétaire ne peut avoir été de s'expofer à ce dommage, quoiqu'il puifîè bien a- voir confenti au rifque peu proba- ble de fe priver d'un profit. La re- gle générale eft de voir , ce que l'un & l'autre auroit probablement fait & dit , s'ils fe fuifent expliqués fur les cas qui pouvoient fe pré- fenter.
§. îî«.
Droit Naturel. 13^
$. ^ Ç2. Si fumma pecunid mutuo da- tuTy exprejfo moneU génère^ ea- dem fumma rejiituenda eft ht eo- dem mouita génère juxta bonita^ tem extrirtffcam ^ wtrirjfecam , quant tempore contra&Hs h ah ébat.
Cette propofition eft contredite Contra^
diredemenr par la propofidon SSI- ^'^'°"^^ ^ n- r ^ • deux pro-
que je raporte : Si fumma pecwuA ^^i^^^^l^^
mutuo data fuerit , expreffe moue ta ç^^ \^ rgf. génère^ ac interen^ douée rejHtutio titution fiât j bonitas extrwfeca falva intrin- jf^f^'C feca fuerit au&a , debitor earidem jJ'^Tj^'/jj^ fummam rejlituens inerementum de- ^^^^^-^^ trahere débet \ fin il la fuerit dimimi- nunt le ta , defeBivn fupplere débet. Le cas genre de eft le même dans l'une & dans Pau- nionnok. tre propofition , & la dccifion eft oppofée. La contradicflion devient plus manifcfte encore par ces paro- les de la note §. 552. Et hoc de- mum patio ptrinde eji , ac fi peciu 7Ùam mutuo non dediffes , fed ea in cijia repofita pênes te manfijfet, quem- admoditm requirit mutuum , confé- rées avec la note du Ç. 558. & particulièrement avec ces mots % Hoc cnim pa&o O'cditor confervat
I
I40 QV ESTIONS DE tandem pecuni^ fummam in eodem ge* tiere moneta ejufdem bonitatls intrift" feCiZ , qjioâ inîendit qui mutuo dat Jummayn exprejjb moneta génère. Au refte , je crois cette dernière décî- < fionjufte. Celledu $. ^52. ne con- 1 vient pas à ce cas , mais à celui où Ton a prêté les efpèces mêmes (ce que M. W. apelle genns peawia mu- tuo dare) Se non unefbmme, ou une valeur numéraire. Mais au- jourd'hui on va au-devant de tou- te difficulté , en fpécifiant non feu- lement le genre de monnoie, mais encore fa valeur : jt payerai cent écm 5 en Biicat de poids , à 2| écm le Ducat,
1
$. ^91. Si deponens rem cuJîodieriÀ dam cornniîttit bomini negligenti Ji quem negligentem ejfe novit , vel' mjfe poterat , ge? res depofita ne. giîgentia depofitarii vel périt , vel deterioratur j damnum inter depo> nentem £cf depofitaritim dividen- . dum in ratione culpiz ntriufque.
De celui l^ comparaifon que l'Auteur fait ,
qui met 1 Il , !
en dépôt "^^^ '^ "°^^ ' "^ ^^ c^s ^v^c celui entre les ^^ P^^^c à ufage ( commodatum ) ne
me
Droit Naturel. 141
me paroit pas juftc. Dans ce der- ntaîni nier , c'eft le commodataire qui ^^ "^ doit reparer fcul le dommage , par- ^ *^^^ • ce qu'on ne lui a prêté la chofc perdue que pour fon feul avanta- ge. Dans le dépôt , au contraire » le bénéEce du contrat eft tout en- tier pour celui qui dépofe: 11 eft beaucoup plus en faute que celui qui prête , s'il contrade avec un négligent , & il ne devoit point confier fon dépôt à un homme dont il connoilfoit la négligence ; c'ell en quelque faqon lui tendre un piège , c'elt l'expofer à une per- te , fans qu'il puilTe lui en reve- f nir aucun avantage. Si donc le dioit externe oblige en général un dcpofitaire à payer le dépôt per- du par fa négligence, le droit in- terne oblige celui qui a dépofé » à dédommager ce négligent d'une perte à laquelle il Ta expofé par ik faute»
5. 7ï^
142 QV ESTIONS DE
$. 713. Quoniam mandatum fadi turpis nuUam producic obiigacio- nem ; ex mandato turpi ntc maum âatarim mMidartti , nec mandant mandat ario ad qukquam tenetur , confequenter . ... fi mandatarm mandatum non adimflet , mandan- ti non tenetur ad id , quod inteT" efi mandatum adimpletum non fui f^ fi » & i fi adimplet , mandator eidem non tenetur ad impenfas ref- tituendas damnurnque , quod in- currit occafione mandati , refar^ ciendum , feu eum indemnem fr£f tare non obligatur.
Si un ^^^^ ^^ ^^^^ quant au contrat, mande- 9"i ^^ ^ff^t n'oblige ni l'un ni Pau- ment ou tre. Mais je voudrois obferver que une corn- le mandaceur peut être tenu d'ail-
'"'^"°" leurs à indemnifer le mandataire, pour cho- ,, . , . ,
fe des- ^^^'^'^l'^^G 1 ayant induit a une niau-
honnéce vaife adion , qui Ta mis en fraix ,
cft obli- ou qui a eu de mauvaifes fuites j
gatoire. \^ confcience l'oblige , ce me fem-
ble , à indemnifer ce mandataire
trop Gomplaifant. Il eft vrai que les
Loix Civiles, qui les punilTent l'un
& l'autre avec raifon , ne doivent
ac-
DuoiT Natvuel. 143 accorder au mandataire aucune ac- tion en dédommagement , parce qu'il en ell indigne , & fur - tout parce qu'il faut détourner les hom- mes de fe charger de pareilles com- niiflîons.
§. 729. Si quisper epiflolam tibi matt"
dat , tu vero non refpondes , man"
datum contrabitur.
Voici comment l'Auteur prouve Si le fi- cette propofition. Qitand on vous lence de donne par lettre , une commijjion , ^^\"^ * doyit vous ne voulez, pas vous charger , S^nne " il eft nécejfaire que vousfaj/lez répon une corn. fe , pour dire que vous ne le voulez miffioa pas. Si donc vous vous taifeZi A??*/^ par lettre, que vous ne devez pas vous tairez ^"""^.^c- votre conjentement je préjume de vo- tacite trefilence même. Mais il falloit prou- ver, que je dois nécelTairement fai- re connoitre mon refus , par une réponfe. Cela feroit vrai , fi la commiflîon me venoit de quelqu'un à qui je fulFe obligé d'obéir. En ce cas , fi j'ai , dans une occafion par- ticulière , quelque raifon de ne point exécuter fes ordres , je dois fans- doute le lui faire coiuioitie. D'où
il
144 C1.UE STÏONS DE il fuit , que fi je garde le filetice avec lui , il préfume avec raifon » que je veux faire ce qu'il me com- mande. En tout autre cas , il eft plus naturel de fuppofcr, que fi on acceptoit le mandement , on en in- formeroit le mandateur , en répon- dant à fa lettre. N'étant point obli- gé à me charger d'une commilfion , pourquoi mon filence fîgniiicroit-il un confentetneat de ma part ? Je puis avoir des raifons de ne pas écrire à un homme, qui s'avife de me commettre quelque chofe j ce peut être auifi un homme , à qui je ne daigne pas feulement répon- dre : la préfomption n'eft donc point que je confentc au mande- ment , ou à la commilllon de ce- lui , à qui je ne prens pas la peine de repondre.
Remarquons de plus , fur la dc- monftration de PAuteur , que Je filence d'un homme ne vous autori- fe point à préfumer fon confente- ment , dans toutes les occafions où H peut & doit parler , mais feule- ment dans celles où il eft obligé par- ticulièrement à s'expliquer , au cas qu'il ne coareme pasi autrement,
quelle
Droit Naturel.' 14^
quelle raifon auriez-vous de préfu- mer plutôt fon coiiientemeiu que fou retus '^ Je demande à un hom- me , voulez - vous me vendre votre cheval '< Et il ne répond rien. Cer- tes ce filence marque plutôt un re- fus , qu'un confentement. Mais lort que je lui dis , je viens finir le mar^ ché que nous avions commencé , voilà trente Louis pour votre cheval , que je compte l'argent , <& que j'em- mène ce cheval } s'il me lailTe fai- re, & fe tait , fon filence eft «n vé- ritable confentement.
$.8^7. Si pUires fidejujfores fimut promittunt , ita ut fingtili teneri velint creditori in folidum ; crem ditor eligere poteji eiim , à quod debitum exilât ^ quando principa» lis folvere neqnit , unius folutione hbercintur omnes , ceteri autcm ei* dem ad nihil tenentur.
La propofitîon eft vraie; "^^Is Q^j^gQ^t^ c'eft par la raifon que , quand plu- il yaplu- fieurs font cautions folidaires , cha- fieurj cun d'eux eft féparément caution ^^^}j^.^^ du tout, comme s'il étoit feul. Le ^''^^'**"^^^- créancier peut s'adreflcr à celui qu'il
G lui
i
14-6 Que stt on s de lui plait , & le paiement les libère tous. Quant à la dénionftration de ce paragraphe, voyez mes Obfcr- vations fur le §. 697. de la III. Partie.
§. 1044. VitJa reiy qua in ocuîos non incurrunt , vel aliunde nota non funt , emtori inàicare tenetur venditor.
Si un Voilà qui eft bien. Mais quand vendeur^ TAuteur ajoute n. 2. nec venditor doit indi- ^.y^^-^ y^i ^ ^n^ lyi oculos incurrunt ,
défautr ^^^ori indiccire tenetur ,* cela r.e me vifiblesde paroi t vrai que quand au droit ex- ce qu'il terne , & même feulement dans les . vend, cas q^ {\ ne s'agit pas d'un vice bien confidérable. En ce cas, le droit externe n'autorife pas l'ache- teur à revenir contre le marché ; & il décide ainfi pour prévenir les difficultés , & afin que les négocia- tions ne foient pas trop expofées à devenir nulles ,* ce qui troubleroit le commerce j l'acheteur devant s'en p- endre à lui-même , s'il acheté uni cliofe fans l'avoir examinée. C'cll à l'égard d'un léger défaut, qui
peut
Droit NATtiKEir 147 peut avoir lieu la raifon que M. W. alléi^ue dans la noce, lavoir, que quand ie dciaut eft vKlble , on prc- fume que l'acheteur s'en c(l aper- qîi. Mais tout cela n'cnipèclie pas que par le droit interne , qui eft celui de la confcience , le vendeur ne foit oblige d'indiquer tous les défauts qu'il connoic dans la cho- fe qu'il vend , dès que ce font des défauts réels & nuifibles. Qj.iand il s'agit d'un vice confidérable, & qui rend la chofe à peu-près inu- tile , ou d'un beaucoup moindre prix, le droit externe même auto- rife l'acheteur à revenir contre le marché ; parce qu'on ne peut point préfumer qu'il eût acheté, s'il fe lut aperqii du vice. Par exemple, (i j'ai acheté une tabatière , fans prendre garde qu'elle étoit fendue, je puis obliger le marchand à la re- prendre , pourvu que je prouve , qu'elle étoit fendue lorfque je l'ai achetée.
G z §. 109 f
^43 Q-U ESTIONS DE
§. 1095. '^^ ^^i^ commijforU certm dies non fuit adje&m , natiirali- ter vel ex foji fa&o adjiciendm , Vf/ i fi de eo convenir i nequit , emtor ad folvendum pretium cortî' pellendus.
De la Ne devroit - on pas dire plutôt , claufe que, dans ce cas , la vente eft nul- commif- \q ^ ^^^ \ç moment que le vendeur foire, fans ^^^^-^^^^^q Je pj-jx & que Pacheteur le fiené. refufe ? Car fi je ftipule que la vente fera nulle , au cas que vous ne me payez pas , & fi noi^s ne fi- xons point de terme ; cela parole fignificr que vous devez , fous pei- ne de nullité de la vente , me payer quand je Texigerai.
§.1121. Si contra pa&um de retro^ vendendo res vendatur y venditîo qiiidem valida manet , venditori îamen primo tenetur fecundus ad id , qiiod intereji &c.
Delaren- Je ne puis être de ce fentîment.
te faite Emtor , dit l'Auteur , promifit ven-
contre e ^^Yon primo , fr rem et iterum ven^ orou de ,. ^ ^ •' ,. .
ïétmtion àiturum , fi eam redimere votmnt ,
non
Droit Naturel. 149 non vero fibi ademit jus eam alteri veyidetidi. Je n'accorde point cela : au contraire , l'acheteur n'a jamais eii le droit de la vendre à un au- tre , Ç\ ce n'eft falvo jure veuditO'^ ris primi y puifqu'élle ne lui a été vendue que fous la charge de ré- ennion 5 & il n'a point fur elle un plein domaine , tant que le padle de rcomtion rubfiftc. On ne peut enlever au premier vendeur, malgré lui , le droit de racheter , qu'il s'eft refcrvé. L'Auteur eft de mon fentimcnt , dans le cas de la propoiîtion fuivante §. 1 1 22. Si pa&o de retroveyidendo adjiciatur fa&uni , ne Uceat eryit'jvi , quanidiu pa&um de retrovendendo jnbfijiit , alii vendere rem ^ nifi jalvo jure fuo ^ lel prorfiis non vendere \ fine cnn- f en fil vendîtoris primi eam venders 7/ eq îiit. Qtwdfi vendidc rit , x en dit or i primo falviim 7nanet jus fiium redi* tnendi. Mais il me fenible qu'il n'eft pas naturel de faire cette dit tindion. L'engagement eft le mê- me y tacite, dans le cas du §. 1 I2i. ; exprès , dans celui du §. 11 22. Car il y a dans le premier , plus qu'une fimple promefTe 3 il y a G 3 une
I f o QLu sstioks ûë ■une referve , de la part du veit- deur, & un engagement, de la part de l'acheteur , qui limitent le droit de propriété de ee dernier. Si le padte de Yetrovmâendo n'étoit pas- eompris dans le contrat de vente ^ ou ne raccompagnoit pas , pour fai- re une des conditions de la vente , & qu'il fe fit feulement dans la fuî^ te 3 ce pourroit être une fîmplc pro- meiTe de revendre au premier ven^ deur 5 & en ce cas , le fentiment qu« je combats feroit fondé,
§. 11^2. Si Jua Y es aùernative ve?^ dantur y & emtor in mora futrii 9 ns optio fiât) a die mora fsricU' ium ad ipfum pcrtimP,
Four qui ^^ paroit que le péril feulement de* eit le pé- la moitié de ces deux chofes , doit ril, quand être pour le compte de^f acheteur. Facheteur Q^r s'il eût choifi dans le tems mar- doit cnoi- ^^^ ^ p^^^g ^gg ^gy^ demeuroit aux
deux cho- P^'^^'^ du vendeur. Si vous dites, Tes l'une, qu'il auroit peut - être vendu à un & qu'il eft autre celle qui feroit reftée, il fau- en retard, ^jj-^ examiner s'il eft en eifet proba- ble que le retard de l'acheteur l'ait em.pêché is la vendre. Mais ne poui^-.
roit-
Dro it Naturel. i^i roic-on pas dire aufTi, que le ven- deur étoic le maître de vendre l'u- ne 6c l'autre , dès que Tachetcur u a pas foit fou choix au tems marqué? On ne pourroit gueres juger de ces fortes de cas fur une decifioii générale. Les cireonftances parti- culières doivent être bien pcfccs , & elles peuvent opérer des décidons toutes diiférentes. Il eft incontefta- ble que l'on doit reparer tout le dommage que l'on a caufé par fa faute. Mais quoiqu'il foit aifé de voir fi quelqu'un eft en faute , il ne l'eft pas également de déterminer jufqu'à quel point fa faute a influé flir le dommage.
5. T225. Si condu&ori rem fimilem £<v diqiie commodam prdjîat locaîor Ahjqiie uuo ipfius furntu , rem ven- il ère, velpropriis ufibiis necejfariam au adimsre poteji.
11 eft vrai qu'en ce cas , le devoir gj ^^^^
du preneur exige de lui qu'il accep- peut reti-
te l'équivalent , parce que tout rer ou
homme doit procurer le bien d'au- vendre
^ vi ^ 1 r • unechofe
trui, autant qu il peut le ï^aire , 1^^^;^^ ^^
fans fe manquer à foi- même : mais çn four- , G 4 je nilTant
1 ^2 QjJ ESTIONS DE
une autre je ne crois pas que le bailleur ait au pre-^j-QJ^. de l'y contraindre , puifque, ^^* félon les principes mêmes de l'Au- teur 5 en vertu de la liberté naturel- le 5 il faut laiîTer à chacun le droit de décider de ce qui lui convient le mieux. Si vous me préfentez une autre chofe en remplacement de •elle que vous m'avez louée y c'ed à moi de juger fi cette échange me convient , & fi elle ne me poîtc aucun préjudice : vous ne pouvez donc me contraindre à l'accepter»
$.1242. Si locatio fa&afuit ad ieni^ pus ddjimtum , çf? condutîor , lo- calore non comrudicente , ultra if- tuà tempus re utatur ^ relocatio in modiim an£eriorer/i fa&a tacii e intelligitur.
Comment Cette décifion eft jufte, quant à un louage toutes les conditions , excepté le
„!.if^?^"" terme du bail. Peut - être fcroit - il velie t3ci-
tement. P^"^ naturel de dire , à cet égard , que le preneur doit payer le loyer , à rate de tems, fuivant le prix con- venu , a au moins la chofe eft de nature à pouvoir fe louer pour quel- que terme que ce foit. C'eft au
baiU
Droit Naturel. 1^3
bailleur , s'il ne veuc pas confentir à ce louage indéterminé quant au tems , à faire expliquer le preneur. S'il ei\ quellion d'un fonds qui ra* porte des fruits , le louage eft cenfé renouvel !é pour une année , parce que c'eit-là le terme naturel de pa- reils louages. J'ai déjà touché cette matière fur le §. 823. de la HT. Partie.
§. 12^6. Si operi , qtwd aîteri h» cafii , vel cœpto , veljam confe&o cajus quidam fine onmi ctilpa con^ du&oris opevii accidaù ,• damniim tuum eji : fi vero vitio operis coU" tingit dantnum condu&or operis re- [ardre tenetur.
Si Ton n'ajoute pas ici la condi- Du àom* tîon , quod opus fit ex materia tua : mage ac- cette propofition contredit manifef- c'dintej
tenient le §. 1268. dans la note du- . „'^^ ^ 1 i>A ^' ' r €>• un ouvra-
quel lAuteur s énonce amli : Si au- gg.
rifaber tibifacere debeat cinnulum ex auro /wo ^ eidem in c lu dere gemmant fnam , Imc zéro in ipfo a&u inclufio^ nà vitio materice frangatur , dam^ num utique fabri eJi ^ ncctii pro ope, ris fruftraneis nr.ercedem uHam ipiî G s fol-
I f 4> Q-.^ ESTIONS DE
vere teneiis. Il paroit par la dS. monftration, que l'Auteur veut par- ler du cas où je prendrois un ou-- vrier à mon fervice & à mes gages , afin qu'il travail'ât pour mon comp- te j & fur ce pied-là fa décifion fe- roit Julie. Mais il eût fallu dire ici , cperAS conducere , & non pas , opus hcctre y ce qur doit fignifier autre chofe y & cette dernière exprelîion convenoit plutôt à l'exemple de For-- févre allégué dans la note du §. 1 26^.
Quand je loue un ouvrier, quand je le prens à mes gages , il n' ett rcf- ponfable que de fes fautes j il tra- vaille comme à ma place & pouî? mon compte , & les accidens arri- vés à l'ouvrage me regardent fcul.
Mais fî je commets un ouvrage ^ il y a diverfes diftinclions à faire y pour favoir qui doit fupporter les dommages purement accidentels. Et d'abord celle de Floreyitinus & de Javoiemis , que M. W. raporte dans îa note, me paroit jufte & fondée fur les principes du Droit Naturel. Car dans un marché en gros , ou en bloc, je ne dois rien à l'ouvrier, à moins qu'il ne me livre l'ouvrage tout fait i n'ayant rien promis qu'à
cette
Droit Naturel, i^^
cette condition. Et dans un marché en détail, à tant pour chaque par- tie y dès que j'ai aprouvé les parties fiiices , je fuis ccnfé les avoir reçues, & j'en dois le prix : avant que je les aie aprouvies, je ne puis être ccnfé les avoir reçues , & je n'en dois point le prix , fi elles périt fent , à moins que je ne fufle en re- tard , in mora , dans l'examen que j'en devois faire. Par exemple , je trouve un chaipenticr avec fes gens, dans une Isle déferte , & je con- viens avec lui , qu'il m'y conitruira un vaifTcau , duquel je lui payerai tant. Si le feu du ciel confume le vaifTeau , avant qu'il foit fini & li- vré y la perte eft pour le charpen- tier. Mais fi je lui avois commis de me travailler, dans cette même Isle , cent mâts de navire , à tant le mat, lailfant un commis, pour examiner chaque pièce h voir fi el- le fe travaille bien & félon notre accord ; je dois payer tous les mâts que mon commis aura vus & aprou- vés , quand même un accident les confumeroit , avant que les cent ful- fent achevés.
Si uu ouvrier fa^t chez moi , un G C ou*
ï ^^ Qj] ESTIONS Dl
ouvrage aproprié à ma maifon , ou s'il fait un ouvrage attaché à raan fonds 5 le dommage arrivé par ac- cident , me regarde feul , parce que l'ouvrage eft à moi , à m'aparttenr, à mefure qu'il fe fait ,. & que , res ferit domim. Mais s'il fabrique chez lui, ou ailleurs, ou même dans une chambre que je lui aurai prêtée pour cet uiage, un ouvrage détaché, qu'il doit me livrer quand il fera fini j comme feroit, par exemple, un or^ févre , à qui j'aurois commandé une pièce de vaiffclle i le dommage acci- dentel le regarde en entier , lî la fiiatiere étoit à lui , Se feulement pour fon travail , fi la matière m'a- partcnoit : toujours fuivant la mè^ me règle, res périt domino.
Le §. 1278. peut fervir de clef à la folution de ces fortes de queitions. 11^ faiit examiner fî le cas peut être réduit au contrat de vente Se d'à- chat , ^ ou à celui de louage. Si c'efi: au premier , les accidens regardent l'ouvrier, jufqu'à ce qu'il ait livré i'ouvrase..
f Hï^^
Droit Naturel. M7
$. 141 6. Si qni^ pecunU tu.z ufu vix tautioiiiem lucVivi poteji , quivi- tnm ad pr.^jhitetn vit^ ueiejua^ ton JHjidt j ufto\t illicitcz funt. J. 1417. Si qiiis iifitris miixiyne indigeat , peciini^ fiu uftim am- cedere rinn débet ei , qui eodeift vix tantimdem lii:rari potcji , quantum ad pydcfentem vide Piecef. Jitatem p^jjïcit.
Il me Temble qu'il peut réfulter S'il cft des inconvéniens de ces deux pro- permis de pofitions i car , de cette niaiiiei e , ^j^^^" ^ uu pauvre pourra fe trouver fans ^n pg^. fecours pour gagner (a vie. J'ai- vre , qui merois mieux me borner à dire , "Ç peut qu'il faut , dans ces cas - là , cher- ^^^,^^ cher les moyens de concilier les^j-p^^^^ devoirs envers foi - même & ceux avec Tar- de rhumanicé. On ne peut, ce me gem piê- femble , décider abiblument , qu'il ^^* eft illicite de recevoir rintérèt d'u- ne fomme que l'on prête à un pau- vre , lors que ce pauvre , en fiii- fant valoir ce qu'on lui prête , ne peut gagner précifoment que ce qui lui eil néceffaire pour vivre.
158 CLUE s T I O N s DE
J'ai mille écus à prêter , dont je veux retirer 50. écus par an , ayant befoin moi-même de ce re- venu 5 pour vivre. Je ne puis , di- tes - vous , les prêter à cinq pour cent , à un homme qui en retire- ra chaque année un profit de cent écus, par la raifon qu'il a befoin de ces cent écus pour vivre. Voi- là une décifion furprenantc. Après m'avoir payé 50. écus d'intérêts, ce pauvre n'a -t- il pas encore 50. écus de plus qu'il n'auroit , iî j'a- vois rcfufé de lui prêter 'i Suppo- fons que cet homme fera un dou- ble gain , s'il a un fonds double. Qii'un autre faffe comme moi , & lui prête auifi mille écus , à cinq pour cent : il gagnera 200. écus par an , & de cette manière , il lui reliera cent écus j nous lui four- nirons le moyen de gagner fa vie , & nous retirerons cependant l'in- térêt de notre argent. Qui ofera décider que notre action eil illici- te ? La propolition 141 <?. ne peut donc fubfiRer , qu'en fuppofant que cet homme ne peut poant faire va- loir un plus grand fonds que celui
que
D RO iT Naturel. iS9
que je lui prèterois , & qu'il pour- roic Tobtciur d'un autre Ihns inté- rêt. En ce cas , fi j*ai befoin moi- imême de mon argent , je dois laif- fcr à un plus riche que moi , le foin de lui prêter fans intérêt. C'eft (iuis dautc un devoir pour un riche , d'alîifter ceux qui font dans le befoin.
Fin de la QttaSriems F^riic,
ilUES'
QUESTIONS
D E
DROIT NATUREL,
E T OBSERFA TIONS
Sur le Traité de M. Wolp.
CINQ^UIEME PARTIE.
$. I20. Si in contra&u dsjîimatorîo
Aomimmyt non îransfertar^ fru&m^
donec ea vendatur , tradctitisfunt i
fi vero transfertur , ant pmctdum
in fe fufapt accipiens , accipientà
fwu. Qîtodfi accipiens rem reddat ,
non atiteîn pretiuyn folvat ^ eamcum
friîchbm rejiituere îenetur.
Des fruits Bc-^^ri-sj x a - prove- y U ^ "Minière partie de cette
nans d'u- ^ L ë propofition ne me paroît "^ 'r^'^r^ pl R pas jufte , & elle contre,
qudqu'j'n ^^^*^^ ^l'c 'es deux précédentes. pour' la Lorfque la propriété , ou le domaifi^y vendre, a
Droit Naturel, i^i
a cté traiifportc dans ce contrat , à celui qui fc charge d'une choft pour la vendre , à condition d'en payer un certain prix , ou de la ren- dre j les fruits lui aparticnnent fans doute , de même que les dommages font pour fon compte : & quand il a pris la choie à fes périls , fe char- geant des accidens , les fruits lui aparticnnent auifi , fuivant le n. 3. tout comme fi ic domaine lui eût été tranfportc. Pourquoi donc feroit-il obligé de les rendre, loifque n'a- yant pas pu vendre la chofe , il^h rend à celui qui la lui avoic remife , fuivant leur accord ? La raifon al- léguée par l'Auteur ne me paroit pas julle : il dit que celui qui retien- droit les fruits , en rendant la cho- fe , s'enrichiroit du bien d'autrui. Les fruits ne font, en cas pareil, qu'un équivalent des dommages -dont il a couru le rifque. Si la cho- fe s'étoit détériorée par accident , la perte le regardoit ; il eft donc juf- te que , fi elle produit des fruits , ces fruits lui aparticnnent. Quand quelqu'un prend les accidens fur fon compte,- les accidens profitables le regardent auffi bien que les accidens
donv-
162 Q^UE S TI O ?4S DE
dommageables. M. W. lui-même obferve dans la note , qu'il fauc garder l'égalité dans les contrats onéreux , & que cette égalité de- mande , que fi quelqu'un eft chargé de la perte , le profit le regarde auC- fi , ui nemo in Je ftifcipint inconimo- àum , [me commodo. Si on me dit , que dans cette quatrième décifion , l'Auteur fuppofe que le doQiaine n'a point été tranlporté à celui qui a re- qu la chofe , & qu'il ne l'a point prife à fes périls , j'avoue que fur ce pied - là la décifion eft juftc ; mais alors elle ne feroit plus qu'une répétition de la première , car la circonftance que l'on rend la chofe , au lieu d'en payer le prix , n'aporte ici aucune différence : il faut tou- jours rendre les fruits , quand le domaine de la chofe n'a pas été tranf- porté, & qu'on ne l'a pas prife à fes périls , foit qu'on la remette en nature , foit qu'on en paye le prix convenu, après l'avoir vendue.
$. Z6<),
Droit Naturel. i^3
§. 26^. Si magifter contra lèvent prd-
pofitio7tts contrahens iwprovide dam-
nim dut et , cum quo contrahit ,*
ad damnum refarciendim eidem
tenetur , non exercitor.
L'énoncé de cette propofition cft ^.« c^«^^|J» unpeH louche. Elle doit Signifier , ^Yade que fi le patron d'un navire agit avec le contre les inftrudions , contre les pa^ron , ordres du propriétaire, ou armateur, contre les c'ed au patron de fupportcr le ^^om-^/^^^^_ ^ mage qui en arrive. L'Auteur n'u^^^^ "* ç,^, pas voulu dire , fans doute , qu'en pro^rie- pareil cas , le propriétaire du vaif- taire du feau n'eit pas tenu des faits du pa- vaifleau. tron , envers celui qui contradte avec ce patron ; puifqu'il dit ( not. ^. 166.) ab dqiiitate aimiumnon ef- fe , ut contrachi centra lêgem pr^^ pofitionvs inito etiam obligetnr exer- citor ^ fi ea contrahenti non fuerit ma- nifejiata. C'eft donc au patron de fupporter le dommage qu'il a occa- jfionné, en contractant contre fes inftiudions , ( contra legem ptApofi- tionis ). Mais celui qui a fouffert le dommage , a fon recours contre le propriétaire , à moins qu'en con-
trac-
1^4 Q."^ ESTIONS DE
tradant avec le patron , il ne fcût que celui-ci agiiToic contre fes inf- trudions. Car s'il Tignoroit , il étoit en droit de fuppoler le contraire ; & le propriétaire eft tenu des faits de celui à qui il a confié la conduite de Ton vaiiTctiu. Voyez les §§. 262* & 266, & les notes particulièrement.
$• 3^3' J^f^s intey'no lot aria illîcita eji , qnatcnm coninihitur , folo lucrandi aniino , vel contrahens ali- qiiîd committit qiioâ eJi contra offi- cium erga feipfum , aut contra aiios.
S'il eft La prétr.iere des deux décifions pern is de çQ^^pj-jÎ^gg dans ces paroles, ne me
une lot- F^''^^^ ^^ i^ft^ ' ^''^ ^^^^"^ prouvée.
tcrie. L'Ai.'teur prétend la démontrer par ce principe , qu'il n'cft pas permis de s'expofer à perdre fon bien , & par celui-ci: nemo locupletior fieri debtt ex re alterim ; perfonne ne doit s'enrichir du bien d'autrui. Mais le premier n'eft vrai que quand il s'agit d'une perte confidérable pour celui qui s'y expofe , & d'une perte à laquelle on s'expofe fans rai- fon. Pour ce qui eft d'une petite
fom-
Droit Naturel. j6s
fomme , donc je puis airément me palFer , je ne vois pas pourquoi je ne pourrois pas la rifquer , pour en acquérir peut-être une grande , qui nie mettroit en état de faire beau- coup de bien. Un marchand ne s'cx- pofe-t-il pas tous les jours légitime- ment à faire quelque perte , dans la vue de gagner ? Quand au fécond principe, il faut voir, par fa dé- monilration même, dans quel fens il eiï vrai ; c'eft lorfque nous nous enrichiffons du bien des autres fans leur confentement , ou même , fi Von veut, fans leur confentement légitime. Mais dans une lotterie, où je puis fuppofer que perfonne ne met qu'une petite partie de fon fu- perflu , & où fi quelqu'un y rif. que davantage , c'ell fans qu'il y ait du tout de ma faute j fi je m'y enrichis par un bon lot , je l'ac- quiers légitimement , puifque cha- cun a bien voulu rifquer fa mife , & que chacun l'a rifquée fans que je l'y aie induit , & fans que j'culfe pu l'en empêcher.
J'aimerois donc mieux prendre feulement pour règle la féconde par- tie de cette propofition , favoir :
Qu'u-
j66 QJ5 estions de Qu'une lotcerie eft ilîicicc pour moi, îorfqu'eti m'y intéreirant je manque à mes devoirs envers moi - même , ou envers les autres.
Il eft plus difficile de juftifier ceux qui font la lotterie , dans la feule vue du gain , & à moins que cetre reflburce ne foit néceffaire pour atteindre à un but louable.
§. 381- Si res ajfccuranâa jmn extra omne pericidnm conjîituta , vd ca- fus , ob quem ajfecnranda , in ea jam contigit , antequam contraha- tur y contra&us nm valet , etfi hona fide iitrinque fiterit cori" tra&um,
D'uncon- Je ne puis être de ce fentiment. trot d'af. M. W. fe fonde fur ce que Pun &
furance poutre des contradans penfe, fui- rait après ^ , . \-)f > \. •> a. l'événc ^^^'^^ ^"^ ' ^^^ 1 événement n elt pas ment , encore décidé , & que il l'aiTureur mais de avoit fqu que la chofe alîiirée étoit bonnefoï. d^ja périe, il n'auroit point con- tradlé , & vice verfà ; d'où il con- clut que , le contrat eft fondé fur l'erreur , error dat caiifam contraBui: ce qui en établit la nullité. Mais je répons que les coutraclans ne croient
point
Droit Naturel. 167 point nccciTairement , dans ce cas , que révcnement n'eft pas décidé ; ils ignorent feulement, ou qu'il le Toit , ou de quelle manière il Ta été , ^ quand ils Teroient bien perfuadcs que révénement eft décidé , ils pour- roicnt également contrader, pour- vu qu'ils fufTent afTùrés que ni l'un ni l'autre n'en peut avoir requ des iiOLivelles. Ce n'eft donc point l'er- reur qui donne lieu au contrat , dans ce cas 5 c'eft l'incertitude où font les deux parties fur l'événe- ment. Je ne vois pas pourquoi il ne feroit point permis de contrac- ter de la forte. Un marchand , ne fâchant point encore 11 fon vaiiFeau eft arrivé à bon port , ou s'il eft péri en chemin , veut s'aflT'irer d'un profit modique , qu'il préfère à l'ef- pérance d'un plus grand gain, ac- compagnée de péril 5 l'aiïureur ne peut-il pas , pour une jufte rétribu- tion , prendre fur lui l'événement , qu'il foit déjà décidé , ou qu'il n« le foit pas , pourvu que l'un & l'au- tre l'ignore entièrement ? L'igno- rance de ce qui eft arrive , quand il eft impofîible que j'en aie des nou- velles , n'eft - elle pas équivalente à
ri-
ï^8 Que s t î 0 ns dî
^ignorance de Tavenir. L'une ne fait pas plus que l'autre , pour la validité ou l'invalidité du contrat. Cependant , pour éviter toute fraude, & trancher fur toute diffi- culté, quand il feroit queilion de juger (i l'un des deux con'radlans n'étoit point déjà inftniit de Tévc- nement -, les Loix Civiles , ou les reglemens des compagnies d'aifù- rance peuvent ftatuer avec fagelTe , que le contrat d'aiîïirance fera nul , dès qu'il paroi tra que fa date eft poftérieure à celle de l'événement.
5. 39^. Fretium rei ajfecurandtz mU
nus Jîatuer^ poteji dominus , feâ
non majut vero.
Si Ton La démonftration du fécond mem- peut eiti- i^j-ç ^g çgj.çg propofition , me paroît mer au- / . . 1 • • t 1 / •
defiiis de "^^ pétition de principe. La deci-
fa valeur, fion en elle-même peut être fondée la mar- fur le même principe , en vertu du- chandife q^ç] l'Auteur condamne ceux qui
S^^ ^" mettent à une lottcrie dans la feule
fait aflu- .. , ,T • • r • /-
rer. ^"^ "^ g^gi^^r- Mais je ne iqai li ce
principe , ainfi appliqué , fait une
bonne preuve. Voyez ma remarque
fur le §. 323. J'ai dit que la dé-
mont
Droit Naturel, r^*^
tuoiittratioii eft: une pétition de prin- cipe. En etfct, l'Auteur dit, que redurcur n'étant obligé qu'à vous mettre hors de perte , vous ne pou- vez mettre votre marchandifc à un prix plus haut que fa véritable va- leur. Mais ne peut-on pas convenic en d'autres ternies qu'en ceux de réparation de perte , ou d'indemni- té 'i Je puis dire à ralFurcur , j'at- tache un tel prix au ballot que j'ai fur tel vaillèau , quelle qu'en foit la valeur , & lui payer un prix d'aC- furance proportionné. Loin de ïuî faire du tore , en meccant le prix de mon ballot fort haut, je dois lui faire plailîr ; car fon avantage cou- jirte à avgir des contrats d'aifurance pour de grandes fommes , puilqu'à la longue il fuit dans ce négoce un profit confidérublc. Or fî j'attache un double prix à ma marchandifc , c'eft conmie (î deux nij-rchands fai- foienc alfurer chacun un baiiot fera- blable , à fon jufle prix.
Au refte , les aifurcurs peuvent avoir des raifons '\k^ ne point per- mettre qu'on Faife alfurer plus que Ton n'a réellement fur un vaiffeau , crainte des fraudes , par exemple , H qu'ofl
I70 Qj^ ESTIONSDE qu'on ne fit périr exprès le vaifleau: Mais c'eft une autre qucltion , qui regarde leur prudence , & non la validité du contrat.
§. 4-8 3- A focietrJe metaîlica fine con^
Jhijii joaoru-n recéder e non licet ,
nifi alias in locum juwn [uhititua^
tnr , qni fymhohvn pro nitix nof-
ira injodindm extrcenâam conférât.
Si Von Je t^ou^e que ce foit ici renoncer peut fe à la focieté , cura damno focietatls j retirer fuivant que l'Auteur le du oour fon- d'une fo- ^^^ ç^ décîGon. Car ii Teiitreprife cieté de n probablement bonne, la focieté trouvera aifément à remplacer celui qui la quitte ; & fi elle paroît mau- vaife, ou trop hazardcufe , celui qui quitte ne fait point de tort aux autres , quand même en quittant il les mettroit dans la néccffité d'aban- donner l'entreprife ; & je ne vois pas pourquoi il feroit obligé à de venir la victime de l'opiniâtreté de fes affociés. Nous ne devons caufer du dommage à perfonne : mais fi mes aflbciés veulent s'expofer à per- dre, dois- je demeurer avec eux,
&
D R O I T N A T U R E L. I?!
& perdre auflî, afin que leur per- ce foie moindre d'autant ? Nous avons acheté une mine enfemble, pour la faire exploiter à fraix com- muns : au bout d'un an , j'en conçois mauvaife opinion ; je vous abandonne ma part , & je me re- tire. Quel tort vous fais - je par- là ? Mais cette quedion fe décide aifément , dans les cas particu- liers , par les clrcnnftances , & par la nature de la focieté ; ou' plutôt on prévient toute diffiouU té , par les conditions de renga- gement. Si la ib leté eft pour uit terme , aucun des afTociés ne peut la quitter avant le terme , fans le confentement des autres. S'U n'y a point de terme, cela fi^nî- fie que chacun s'eft réfervé la li- berté de quitter quand il le juge- ra à propos , lorfqu'cn quittant il abandonne tout , ftns rien de- mander pour fa paxt.
R z S. %z^i
l^Z CLUE s T ION s DE
§. f22. Negotiorum gejîio eji quafi^ mandatum cum libéra,
Delagef- A la bonne heure! pourvu que tion d'af- Ton n'abufe pas de cette expreflîon , foires, cum libéra , & qu'on reftrcigne foi- gneufement l'objet de ce quafi-man* datum , à Tadminiftration ordinaire des biens , fur le pied qu'on les trouve. Car on n'a aucune raifon de préfumer un confentemcnt du propriétaire plus étendu. Ainfi il ne feroit pas permis au gereur d^af" f aires , ( negotiorum gejlor ) de ven- dre les fonds , ou d'en changer en- tièrement la nature 5 par exemple , d'arracher une vigne , pour en fai- re un jardin y à moins qu'une né- celîîté abfolue ne l'exigeât.
Quand je donne une commiffion, ou un m^mdement cum libéra ; de ce que je n^ ai mis aucune reftric- tion , lorfqu'il m'étoit facile d'y en mettre telles que Maurois voulu , on doit conclure , que mon intention eft de m'en raporter abfolument à mon commiffionnaire , & que je veux qu'il fuive fon propre juge-
ïïL^Ul $ lérac^ignânt aiOTe;: que je ne
pii.
Droit Naturel. 173 prétens puinc qu'il s'attache à fe conformer au mien , puifque je ne veux pas le faire connoître , &, tout ce que l'on doit préfumer que j'ai foug-entendu , c'efi: que mon corn- miifionnaire agira de bonne foi & pour le mieux. Mais dans la gejion d'affaires^ le propriétaire n'ayant point témoigné qu'il s'en raporte à votre jugement , vous ne devez ab- foJumcnt ricii ^TÎrc que ce que vous pouvez rail* f ment prcfumer qu'il auroit Fait lui-inème. M. W. donne ceite règle, au §. ^23. Elle doit être la bouifole & la dircdion générale du géreur d affaires , pour peu qu'il s'en écarte , il fe charge de révénemcnt. Mais de plus, com- me un propriétaire diflficultueux pourroit, quand la geftion a mal tourné , alléguer quelque raifon pour faire voir , que l'on ne devoit pas préfumer fi hardiment fon con- fentement, il femble que pour ren- dre le ^««yî mandatum folide , & agir fûrcmcnt en çonféquence , il faut qu'on puiffe l'inférer légitime- ment de quelque fait , ou de quel- que obligation du quafi mayidans. Alors il oblige véritablement celui-ci. H 3 C'cft
ï74 Ojj estions de Ceft ainfi que tout homme étant obligé de prendre foin de Ton patri- moine , fi quelqu'un fe trouve ab- fent, fans avoir commis à perfon- ne le foin de fes affaires, on peut s^en charger validement, parce qu'on a droit de préfumer fon confente- ment , & on devient negotioriim gef. /or. De même , un père étant obli- gé de nourrir fes enfans , fi en Tab- fence de quelqu'un , je trouve fon enfant abandonné , j'en prens foin » je le nourris , en vertu du confente- ment préfumé du père , & celui-ci eft obligé de me rembourfer mes fraix , autant qu'ils n'excèdent pas ce à quoi je devois raifonnablement préfumer qu'il les auroit portés lui- même. Si l'on infère le confente- ment de quelqu'un de fon propre fait , il peut être que ce fera un confentement tacite ; ce qui a plus de force que la propt>fition.
$. 5^3:
Droit Naturel. 17^
$• ^^3» Ql*^ confenttt in rem ali» qiiam y aui fa&um quoàdam , 1; etiam coyifmtire pr^fiwiitur in ea , ad qi(<e naturaliter ex re ifia vel fa&o ijio fine refiri&ione ohligci- tus eft.
Voyez auflî la note du $. ^6 y, Poj^ie. L'Auteur fait dériver la force des ment d' s qiicifi contrais , robligation externe , ^««/i coftm parfaite , qu'ils produifcnt , du con- ^^^^'^' fentement préfumé , lequel forme une forte de promeiTe. Mais je ne fqai , fi dans bien des cas , & en particulier dans la quafi-focieté , l'o- bligation parfaite externe , ne vient pas auflî de ce que Tune des parties ne peut faire certaines chofes , ou en omettre d'autres , fans violer un droit acquis à l'autre partie , fans ufurper ce qui lui apartient & fans lui faire injure ; ce qui produit flrns- doute un droit parfait , & le pro- duit par la force des circonftances , ou de l'état des chofes. Par exem- ple , on nous fait préfent d'un champ , à vous <Sc à moi. Nous voilà en qiiafi-focieté pour ce champ, H 4 jut
iy6 QjJES T I ON s DS jufqu'à-ce que nous l'ayons parta- gé : qu'ai-je b^foin de préfumer auu cun confentement de votre part , pour vous obliger à me céder la inoitic des fruits -, puifquc vous ne pouvez les prendre tous, fans me faire injure , en ufurpant ce qui eft à moi '^ Si on nous a fait préfent en commun d'un cheval. Se que je Paie nourri , en attendant qus nous en difpofions , vous me devez ) embourfer la moitié des fraix de ia nourriture ; & pour vous y obli- ger, je ne me fonde pas tant fui? \^otre eonfentement préfumé > que fur le droit que j'ai eu de nourrir h cheval , pour le eonferver & n'en pas perdre ma part , & fur l'impof. iibilité où vous êtes d'en prétendre la moitié , fans faire la moitié des fraix de fa nourriture. Je conviens cependant qu'il eft d'autres cas , dans lefquels il faut recourrir au eonfentement préfumé.
§. V7Î>
Dro it Naturel. 177
§. 57 f. Indehiti acceptio ^ feu, quod vulgo dicitur, indehiti folntio qua- fi conti'CiBtH efty quod accîpiem ohiU gatur ad indehite acceptum reJiU titcndum , atit , fi id rejiittii non pojjitf ad pKtJîandam Ajlimationcm,
Qu'cft-il bcfoin de ces fubtilitcs ? Obliga. Si quelqu'un pofTede ce qui m'apar- "^".,^^. tient , n'eft- il pas obligé, & cela ^^"*l?.?i
une obligation parhite & exter- ce qui ne ne , à me le rcftituer ; & n'ai - je lui étoit pas le droit de l'y contraindre ? pa« dû. C'cft par erreur que je lui ai cédé ce qui m'apartenoit j donc ma ceC. fion eft nulle. Voyez la note du §. ^2î. à la fin, où M. W. enfei- gne , que l'obligation , même ex- terne , de reftituer ce qu'on a reçu injuftement, naît du droit de pro- priété , ou du domaine , plutôt que d'un confentenient préfumé.
§. 578. hjdehitwn folvens dominiwn transfert in accipientem.
Tout açfle fondé fur l'erreur étnnt ^'^}^ ^^
nul , un paiement fait par erreur til ^"^"f *® 1 c r' 1 r tranlpor-
nulj & par conlequent, le tranU tg^ quand
H y port
178 QjJ ESTIONS DE «n paye port du domaine , fait dans ce paîe'=» «e qu'on ^^^^^^^ cft nul aufE. me doit
§. ^03. Oh caufcim âatum caufa non fecuta reftitusre teneris,
Deîaref- L'Auteur dit , dans la note, que titution naturellement il n'eft pas befoin de de ce qui diftinguer, uîrum caufa nonfequa- acte don, ^^^^^ £ VOUS ne faites pas ce en vue ne pour . . j -
caufe* dequoi on vous a donne , parce que.
vous ne voulez pas , ou parce que vous ne pouvez pas. Il me paroife cependant que cette diftindHon eft néceffaire , pour bien juger de Te- bligation de celui qui a promis quel- que chofe > en retour de ce qu'il a requ. Il s'eft engagé précilement à faire ^ ou à donner , certaine cho- fe 5 & non pas feulement à reftituer ce qu'il a requ , au cas qu'il n'ac- compHife pus fa promeflè. Si c'eft donc volontairement qu'il y man- que , il eft tenu , non feulement à la reftitution d€ ce qu'il avoit requ > mais encore aux dommages & inté- rêts, ad id quoâintereji i car nous devons dédommager celui à qui nous caufons quelque perte, en nxinquant à a©3 engagemens* M^s s'il fè
Droit N AT u RE L. 179
trouve dans rinipoflibilité de don« ner , ou de feirc , ce qu'il avait promis ', il eft dégagé de fa promef- fe , & il ne lui relte d'autre obliga- tien que celle de rendre ce qu'il avoit requ en échange , afin de n'ê- tre pas plus riche du bien d'autrui. Prenons l'exemple qui fe trouve dans cette note. Je vous donne quatre bœufs, afin que vous me donniez votre cheval dans quelque tems. Si vous pouvez retenir le cheval , en me rendant feulement mes bœufs , il n'y a plus d'égalité entre nous. Car s'il fe trouve par la fuite , que votre cheval vaille mieux i vous me rendrez mes bœufs: & s'il arrive qu'il vaille moins ; vous me le don- nerez , & je ferai oblige de le re- cevoir. Mais fi le cheval périt, cet accident annulle notre convention : vous n'êtes point en faute, & vous devez feulement me rendre mes bœufs.
Remarquons encore, que ces con- ventions peuvent être une efpece d'échange , comme celle dont nous venons rie parler , ou revêtir la na- ture d'un don conditionnel. Elles font de cette dernière efpece 5 quand
n 6 ce
J 80 Q^U ESTIONS DE ce que j'ai promis n'iiitérelTe pas pro^' prement Je donateur, & me regar- de plus diredemenci ou toutes les fois que je n'ai pas exprefTément pro- mis d'accomplir ce qui fait le but de fondons mais que je fuis plu- tôt cenfé avoir feulement promis la reftitution , au cas que je ne fa/fe pas ce qu'il exige. Par exemple , vous me donnez cent ducats. , afin que je me faife recevoir Docleur : fi après avoir fini mes études, je me déî ermine à prendre le parti des ar- r'».es j je ne mis tenu à autre chofe qu'à vous rcnd.re vos cent ducats j parce que ce qui s'eft paffé entre nous, écoit moins uneprorae/fe de ma part, qu'Ui-. don conditionnel de la vôtre. Il n'cii point à préfu- mer que ie me n:>is pojtivement en- gagé à devenir Do^:2iir , mais feu- lement que j'a. accepté vos cent du- cats , à la cbui-ge de les rendre, fi je ne prens | :.i ce grade.
f» €1%,
Droit Naturel, igi
$. 6i%- Qtioâ âatum , ne fii&um
turpe committatur ; accipiens na-
turaltter rejiituere non teiietur.
Il y a peut-être un moyen de con- Si noM
ciliér l'Auteur avec les îurifconfultes devons
Rr\ 1 ' • '• ^ j ^ rcrndre ce
oniams. On peut légitimement don- ,q^
lier , ou promettre quelque chofe à nous t
un homme , pour l'engager à s'abf- donné
tenir d'une mauvaife adion ; mais P^i'umout
cet homme , s'il a de l'honneur , "^four. j . n- ^ 1 • j / ner du-
doit reltitucr ce qu on lui a donne ^^^ ^^^
dans cette vue. Il n'y efl; pas obligé vaife ac* par la juftice , l'autre n'ayant plus tion. de droit fur ce qu'il a volontaire- ment donné , ou promis ; mais par l'honnêteté , qui lui défend de pro- fiter fans caufe de la charitable gé- nérofité d'un autre , & fur-tout par l'honneur & le foin de fa réputation, intéreffce à ce qu'il faife voir , que ce n'eft pas principalement par un motif mercenaire, qu'il veut s'abftc- nir du ma).
Tout le monde étant abfolument obligé de s'abllcnir du mal , il pa- roit que l'on n'eft pas en droit de rien recevoir pour s'en abftenir : & fui ce pied-là , il fembleroit que la
de-
li^ QU ESTIONS DE
démonftratioii du §. ^20. pourroit également s'appliquer à cette propo- fition 6i2- & par conféquent, que les deuxdémonftrations feroient con- tradidoires. Cependant les deux pro- pofiiions elles - mêmes peuvent fub- fifter 5 en expliquant la première comme je viens de le faire , & en faifant mieux fentir dans la démonf- tration de la 620. pourquoi celui qui accepte , n'a pas droit d'accep- ter. C'cll ce qu'on peut établir par rinjuftice & l'eipece de violence de celui qui ne veut pas rendre ce qu'il doit rendre, fans recevoir quelque chofe qui ne lui eft point due. Ceft une extorfion , comme l'Auteur le montre dans le §. fuivant , qu'il fait à celui qui lui donne quelque chofe , pour le déterminer à lui ren- dre ce qu'il eft obligé de lui ren- dre : & voilà ce qui diftingue ce cas, de celui du §. 6i8. & qui éta- blit l'ob'igation indifpenfable de refi tituer ^ car on doit rendre ce qu'on a extorqué injuftemenu
§. <?78.
Droit Naturel. 18-3
$.^78- Si periculum fit i âtbitorem
non fore folvendo , qiiando folvere débet i aute diem adjolutionem com- felli poteft y mfi crcdiîori cavere T^jJi^ 3 y^^< ficîiritatem dehiti pvd^ Jtare,
Cette propofition me paroît mal sî fon démontrée. Car de ce que vous êtes peut fe ob'igé à conferver vos biens , il ne ^'"^ s'enfuit point que je fois obligé à ^^^^ ^ vous payer avant le terme conve- terme , nu. Je ne la crois pas vraie non d'un dé. plus généralement , mais feulement biteur en certains cas & avec de certaines *"*P**-^ rettridions. Quand le créancier a donné un terme , dans le tems que le débiteur paroiflbit folvable , il Ta fait dans la fuppofition qu'il ne s'expofoit pas par - là à perdre fon jufte dû. S'il arrive donc un chan- gement , & que le débiteur paroifle prendre le chemin de ne pouvoir payer , le créancier eft en droit de prendre fes fùretés , & d'exiger fon paiement , fi on ne peur les lui don- ner. Et lors en particulier, que le débiteur travaille manifeftement à le rendre iufolvable ^ il peid le droit
de
i84 QJJE ST 10 N s DE
de ne point payer avant le terme convenu y parce que le créancier ne lui a accordé ce terme que dans la fappolicion qu'il ne feroic rien dans Tintervalle qui pût le rendre infol- vable. Et dès qu'il dilHoe Ton bien , il ne lui eft pas permis de diiïî- pcr aufîl ce qu'on lui a conÊé. On peut alors le retirer , à caufe de l'abus qu'il en fait ; comme , dans le prêt - à - ufage , fî j'avois prêté , par exemple , un cheval pour quinze jours , & que je m'a- percuflè qu'on l'excède de fatigue, je pourrois fans doute le repren- dre avant le terme. L'emprunteur manque à fes engagemens , en ce cas y & le débiteur y manque aut fi 5 quand il dilîîpe ce qu'on lui a prêté , n'ayant pas d'ailleurs dcquoi le rendre,
Repeti- j 1034. Ce paraojraphc n'eft qu'une tion d'un ^ ^* ,.^. % K ,^,^ ^ paragra- répétition du $. 1015».
phe.
$. 1037. Tejliiunm, etiamfi juratm 4C mmifnej'ufpe&m , feu integer y jufficienter non prohaf.
Combien Ccttc propolîtion nc me paroit ilf^itdc *^ *^ ^ pas
DrO IT N A TURE L. I8V pas dcmoiuiic j & en comparanc tcmoînp ce paragr;iphe avec le $. 1044. on pour^^'^t ne voie pas aiTez clai renient la rai- P"^^"^^* ion pour laquelle le témoignage de deux perfonnes ell fuHîfant , quoi- que celui d'une féale ne prouve ; point.
Il n'efl pas facile en Droit Natu- rel , de déterminer , daîis la thefe générale, combien il faut de témoins pour prouver fuHifamment un fait. Dans le cas particulier , les circonC- tances fervent à faire connoître fi la probabilité eft affez grande pour tenir lieu d'une pleine certitude. En Droit Civil , on fixe le nombre de témoins ncceifairc pour faire preu- ve ', parce qu'il faut néceffairement dans les affaires humaines , que la probabilité tienne lieu de la certitu- de, dans les occafions où l'on ne peut pas toujours obtenir celle-ci: & on détermine ce nombre , en pc- fant les inconvéniens de part & d'au- tre , & en choililfant ce qui en en- traîne le moins grand nombre & les moins confidérables. On peut feu- lement dire en Droit Naturel , que la prudence & l'équité demandent eu général 9 que Ton n'admette pas
I8<? QjJESTi ON s DE comme fuiEfante, la preuve par un feul témoin, bien qu'irréprochable; parce que ce témoin unique peut ai- fément fe tromper. Mais lorfque deux témoins s'accordent parfaite- ment, on ne peut gueres penfer qu'ils fe trompent 5 parce que, fila vérité, quieftune, ne les guidoit pas , leur confonnance feroit un cas fortuit, qu'il n'eft pas raifonnable de fuppofer. M. W. infinuë cette raifon 5 mais j'ai cru que je ne ferois pas mal de la déveloper.
S. IC97. Duelh pera&o , Jlafidum
€fi eOi de qiio litls fimendi:^ caufa
conventum.
De la ma. Cette décifion n'eft fondée que riere de fur une fubtilité, qui ne me paroît terminer ^^^ r yj r • 1 ^ ^
undifFé- P^ lolide, Içavoir, que le pade
rent ppr ^f ^^ battre en duel, eft un pade le duel, féparé de celui par lequel on con- vient de la manière dont le diffé- rent fera terminé par le duel ; d'où l'Auteur conclut , que ce dernier pade ne contenant rien d'illicite, il doit avoir fon effet , après le duel. Mais peut-on convenir de la manière dont ie différent fera ter^
mini
Droit Naturel. iS7
miné par le duel , fans s'engager par cela même au duel ? S'il y a ici deux padlcs , ils font tellement liés, que le vice de Tun ne peut man- quer de fe communiquer à l'autre. Celui de fe battre lera le fonde- ment de l'autre , & le rendra nuL Nous nous difputons quelque cho- fe y nous convenons de nous bat- tre, & que la chofe controverféc demeurera au vainqueur. N'eft-ce pas dire : je promets de vous céder cette chofe -là, à condition que vous vous battrez avec moi , & que vous demeurerez vainqueur ? C'eft , à mon avis , le cas d'une promeffe faite fiib conditicne tiirpi i & une pareille promefle eft nulle.
Je penfe donc que cette maniè- re de terminer un différent étant illicite, la promeffe qui y eft at- tachée eft nulle, & point du tout obligatoire. Mais la faute une fois commife , & le combat £ni , l'hon- nêteté demande que le vaincu ea accompliffe les conditions, au cas qu'il ne s'y trouve pas des incon- véniens trop confidérables. Le ref- ped qu'il doit à fa parole, exige de lui , qu'il ne révoque point fa
pro-
Ï88 Q.UE s T I ONS DE promefle , en profitant du droit qu'il a de la déclarer nulle -, à moins qu'il n*en ait de fortes raifons. On peut en dire autant de toute promefle hkeftih conditione turpi , en obfer. vant foigneufemcnt la ren:ridtion , pourvu qu'il n'y ait pas â'inconvé^ nient. Si deux hommes , allant fc battre pour quelque fujet qui les di- Tife 5 convenoient en chemin , que le vainqueur aura le cheval & les armes du vaincu j ce fcroit alors vé- litablement un pade à part, en vue duquel le duel n'auroit point été en^ trepris j & il feroit valide.
5. 10^8. Be pramio contendere îti duello iîlicitum eji , nec minus iilU citum exponere pr^emium dandum vi&ori: vi&ori tamert pramium ex^ pofitum dandum.
Du prix Je fais la même obfervation fur
promis au ^ç paragraphe. Pour qu'il foit per-
queur, ^^^ "^ promettre un prix au vain-
dans un queur, & par conféquent , pour que
Auel. la promeffe foit valide , il faut que
les combattans foient déjà , & fans
cela , réfolus de fe battre. C'eft fdris
doute auffi ce que l'Auteur fuppofe ;
Droit Naturil. 185?
51 le dit diiis la note. Miis il me fem* ble que la condition devoit être cx- prcilcmciit énoncée dans la piopofi- tion elle-même , puifque cette pro- pofition ne peut être vraie que fur ce pied-là. On n'ell pas obligé de donner ce qu'il n'a pas été permis de promettre ; autrement une pronieflè illicite feroit valide.
Ç. II 20. In flatti imturcili res loco S'il faut tii<t , vel tîbi débita ahlata taxanda faire ta- eji aperitis ac impartialibus , ^ />; ^^-"^ ""c. tuo arbitrio pofitum eJi , iitrum ip- ^^°^^ f^^' \cpYO eo y quod altm offert ^ pretio ^^^.i, eam retinere , an alii vendi mails, quéc.
$. II 48. InJîatH natiircili pignmvel hypotheca ante taxari débet , a pe^ ritis ac impartialibus , quant ven^ datiir y & in arbitrio tuo pofitum , nwn ipfe pro eo , quod aliits ojfert » pretio rem oppignoratam retinere velis &c.
Maïs s'il ne me convient pas de retenir la chofe pour mon compte , à quoi fert la taxe ? En ce cas , la c'ioiè ne vaut pour moi que ce qu'el- le peut être vendue. Il iemble donc plus naturel de dire, quelle (ioit
être
il
I9^ QjJ ESTIONS DE
être vendue au plus ofFrant , en averciiTanc cependant le propriétai- re, afin que, s'il lèvent, il puifle la dégager , en payant ce qu'il doit.
5. 122^. Sires antichreJiicareflitHSH*
da , cum fruBihus fendentihm
refiituenda,
Aquîront Cela ne me paroît pas jufte, nî pendant ^^"^^^^^^ ^^^^ explication. Je prête quind on ^ "^^ homme mille écus , pour un rend un tems illimité , enforte qu'il peut me fonds que payer quand il lui plaira. Il m'enga- 1 on te- ge pQ^j- Ç^-^q^^ u^e vigne , dont le
antichrc- ^^P^^^ ^^ ' année commune, de 50.
fe, écus , & m'en abandonne les fruits >
pour l'intérêt de mon argent. Si no- tre contrat commence d'abord après la vendange , le débiteur pourra-t- il , en me rembourfant au bout de 5. ou 10. mois , reprendre fa vigne avec les fruits pendans ? De cette manière , je ferois fruftré de ce que je devois avoir pour l'intérêt de mon argent. Il doit fans doute me faire part des fru'ts , à proportion du tems qu'il a joui de mon argent. Ou, dans un contrat de cette nature, e'eft-à-dire d' antiçhrefç ^ quand il
s'agic
Droit Naturel.' ipr
s^dgic d'une chofe dont les fruiu ne fc perçoivent pas chaque jour , d*u- iie manière uniforme , il fout né- ccirairement fous-entendrc, que le contrat eft foit pour durer d^année en année, & ne peut finir qu'au même terme dans lequel il a com-i mencé.
5.12 ^4. Si res jam diiohm fiierit oppignorata ^ creditor primtu in pigywrationem tertiam confentit , tertius creditor fit hypotbecariiK p'imus ^c.
Cette décîfion ne me paroit pas Sur U cet bien certaine ; car le fécond créan- fio" du cier hypothécaire peut avoir des ^f°*' raifons particulières pour lefquelles t^gaug, il a bien voulu fe contenter de fui- vre le premier créancier dans foû droit d'hypothèque , & ne fe con- tenteroit pas de même de fuivrc celui qu'on veut lui fubftituer. Il faut donc , pour qu'il ne puifTe for- mer aucune oppofition , que le pre- mier créancier cède fa créance au nouveau créancier , avec fon droit d'hypothèque,
Au
192 QjJE STIONS DE
Au refte , l'Auteur fuppofe fans doute, que la nouvelle detcc n'eft pas plus confidérable que la pre- mière , & que le terme du paie- ment eft le même j car fans cela , il eft bien évident que ce trant port de droit d'hypothèque ne pour- roit fe faite fans le confentement 3u fécond créancier.
$. 1390. Si fiiiîâum aliènes ea /f- ge y ut tibi ^ extraneo cuidam fervitm in eodem fit confiititta , fervitus quoad te fubfijîit , non quoad extraneum^
Si celui Cela ne me parolt ni démontre l qui vend ni même vrai. Pourquoi ne pour- un fonds j-Q-g _ jg p22 ^ çj^ vendant mon
fcrverurfê ^^^^^^ ' Y réfervcr le droit de paf-
fervitude ^"^g^ pour mon voifin , à qui je
en feveur veux faire ce plaifir ? L'Auteur
unucrs. dit , dans la note , que Taccepta-
tion de ce troifieme manque au
contrat. Mais elle peut n'y pas
manquer : c'eft- là une circonftan-
ce étrangère, dont il n'eft pas fait
mention dans la propoiition , qui
cfl; générale. Cette propofition ne
fera
Droit Naturel.' 1^3 fera donc pas vraie , H celui en faveur de qui je rcferve la fervi- tude, eft préfent 3c accepte.
$. 1411. Si domimts pr<zdii donti" nvîîh fit etiam dominus fervien^ tU y vel contra j fervitus amittitur.
Je ne vois pas la néceflîté de Silafer- ccJa. Il dépcîid du maître de pot vitude
féder fcs biens fur tel pied qu'il ^ ^^f'"^ 1.1* c- j ' parla rcù-
lui 4)lait. bi donc en acquérant Jj^j^ ^^^
îc fonds qui doit la fcrvitude, il fonds, veut laifTer fubfifter les chofes com- me il les trouve ; rien ne Ten empêche. Il peut même avoir de bonnes raifons d'en ufer ainfi. Dans l'idée qu'il pourra fc défaire quelque jour de l'un des fonds , ou les laiifer à deux héritiers dit fércns , il confervera chaque fonds avec tous fcs droits & fcs dépen- dances, afin que chacun conferve fon même prix.
De cette proportion , l'AuteuE tire la conféquence fuivante.
5, 1412. Quoniam fer pradioruni
confufionem fervitus amittitur 1
pr^dium [erviçns fit liberum , nec
I pr^"
ï<^4 QjUESTIONS DE
pràidio dominanti iilla amplius âe^ bstur [ervitm , cenfequenter fi fofihac prdidmm iinum alienatur ahfque aîtero , vel per aliénation nem pradia rtirfus feparantur ., ut ad divcrfos dominos perti- | néant, nec quoâ olim ferviehat y iiwu iterum fervit , nec olim do- niinans , nunc iterum dominatur , nife in alienatione [ervitui denuo ]\ conjîituatur.
Il eft des cas dans lefquels }e ne crois pas que cette décifion puifle avoir lieu. Par exemple , j'ai droit d'avoir des fenêtres ou- vertes fur un fonds voifm Çfenef- iras profpe&ivas ) : je bâtis ma maifon en conféquence. J'achète cnfuite ce fonds , qui doit la fer- vitudc , & quelques années après , je le revends , fans faire aucune mention de la fervitudc. Comme il eft manifefte que je veux la re- tenir , puifque ma maifon ne peut me fervir fans cela j Tacquereur ne pourroit prétendre que la fer- vitudc a été abolie, & me faire fermer mes fenêtres. De même , j'achète m fonds, qui doit l'uni- que
Droit Naturel." 19c
que paiîdgc que j'aie , pour arrf^ ver au mien : je laiiTe celui - ci à mon fils aine , & celui que j'ai acheté , à mon cadet. L'ainé n'au^ ra-t-il plus de palTage, fi je n'ai pas eu foin d'impoler une nou- velle fervitude au fonds que j'ai légué à Ton frère ?
Si la fervitude n'étoit point né- celf lire au fonds dominant , il fe- roit à préfumer qu'elle a été étein- te , par la réunion des deux fonds fous un même maître. Tout dé- pend des circonftances , qui peu- vent faire préfumer, ou que l'in- tention du maître a été de faire fubfifter la fervitude , ou qu'il a voulu réteindre. Mais le plus fîir cft de s'expliquer nettement , dan* des adles de cette nature.
Fin de la Cinquième Peirtiel
Iz ^UES.
QUESTIONS
DE î
DROIT NATUREL.
E T OBSERVATIONS
Sur le Traité de M. Wolf.
SIXIEME FARTIE.
§. 8- Jtis mmutandi fine jure aliC"
ncindi inutiliter refiringitur ad
alium.
Sur le j^îS?^^ L faut Tans-doute Tous-en- droit de fâ , ^ tendre ici , nifi adfint ra^ changer li ^ È .• - r r^
la nature 1®^! ^T'' exmnfic^. Car ce d'un ^(^'^^^ j^^Qjj. ^Q |,^jj.g ^es change- fonds, mens dans le fonds d' autrui , ou de les interdire , pourroit m'èti;e utile, par des raifons étrangères à ce fonds. Par exemple , ce droits que j'aurai fur mi champ voilîn r
me
Droit Naturel.^ 197 me mettra eu état d'empcdier que Ton n'y bâtife une maifon , que l'on n'y faiîe un étang , ou tel au- tre ouvrage capable de nuire à mon fonds.
§. ^9. Emphy tenta in gratîam do^ mini emphytettfeos emphytcufin re- mittcre potejl , ^ qmn do hoc feu- ci t , âominm emphy t tuf eos fit ju- re pleno dominus rei emphyteuti- ex i remijjio tamen hisc fieri ne^ quit 5 domino emphyteufeos invita.
Je ne vois pas que la dernière c- l- 1 _ ^ r ' r . 1 . Si on peut
partie de cette propolition foit bien remettre
démontrée. Le contrat emphytéo- l'cniphy- tique n'oblige pas l'emphytéote à téofe. garder l'emphytéofe ; mais feule- ment à en remplir les conditions, tant qu'il la garde.
I 3 §. 72;.
1^8 CLUE s T I O N§ DE
§. 72, Si fundm melkratîonis caufa in emphyteufin datur , emphyteiu ta îamen eundem meliorern non reddit , fed potim détériorent ; do- minus emphyieiifeos eidem jmfimns anferre poujh
De quel- L'Auteur fonde fa décifion fur ce dues cas prir.cipe , que fi Tun des contrac- de corn- tans ne remplit pas Tes engagemens , mue. Pautre n'eft pas obligé de remplir les ficns j & la preuve me paroît bon- ne. Mais ce même principe ne peut- il pas s'appliquer également à plu- fieurs cas précédens , que M. W. a décidés tout au contraire de celui- ci i & fur- tout à celui du §. 20. ? On y décide que fi Temphytéote refufe de payer le canon emphytéoti- que , ou la redevance annuelle , qu'il doit au feigneur de l'emphy- téofe, celui-ci peut bien le contrain- dre à payer , mais non pas le faire déchoir , à moins qu'on ne foit ex- prefîement convenu qu'il aura ce droit. Le payement du canon , ou de la redevance annuelle, étant une condition expreffe du contrat , il ièmble que Tcmphytéote qui le re- fufe.
Droit Naturel. T99
fufe , viole diredement lis ciigae^e- mens, & par conféquenc qu'il dé- lie le feigneur des liens. Il ne fq.iu- roit les violer en matière plus iin- portante; puifque le canon ewphy» téotique eft deftiné à marquer la re- connoiifance du domaine dired.
Il eft des cas où la commiie a lieu naturellement , quand celui qui a reçu une chofe à certaines condi- tions , s'écarte de Tes engagemens ; il en eft d'autres où elle n'a pas lieu. Voici , je crois , la règle : quand celui qui a requ ne remplit pas les conditions , en vue defquelles ou lui a donné, la commife a lieu : quand il s'écarte d'autres condi- tions , impofées par celui qui a don- né , pour raifons à lui connues , fans toutefois qu'elles aient été la fin qu'il fe propofoit en donnant ; la commife n'a pas lieu ; mais ce qu'a fait l'infradeur eft nul , s'il peut s'annuUcr , ik le même infrac- teur eft tenu à un dédommagement, s'il y a lieu
I 4 5- Ï34'
tZ^QQ QV ESTIONS DE
§. 134. Natm-aliter domînm foU fu- ferficiarium taniummodo fibi ohli' gcîtum hahet ad pr^fiandiim foia- rium y non vero ipfam fuperficiem, nifî in contratiu fuperfxiario hy- potheca in eadem exprcjje fumt confiituîa.
Du foh- î^e cette propofjtion , l'Auteur r/jw/, qui infère §. 13^. (]iie fi la redevance {e pays poyj- ]e fQ] (folarium^ n'a pas été ^\?/ A payée 5 & que la fuperficie Te ven- ibpeifi. ^^ 5 ^^ nouveau poiTefTcur n'eft pas cic. obligé de payer ce qui étoit dû. Il
. paroit difficile d'accorder cette àicu flon avec celle au §. 25. dans le- quel il eft dit 5 que jfi le canon em^ fhytéotique n'a pas été payé , le feigneur de l'emphytéofe peut l'e- xiger du poilclTeur quelconque ; parce que Ton droit d'exiger le ca- non eft un droit réel , jus in ve , comme découlant du droit de pro- priété & de domaine , qu'il a fur l'emphytéofe. Ne peut«on pas dire de même, que le maître du fonds n'ayant accordé le droit de fuper- Écie qu'en fe refervant la rede-
van-
Droit Naturel. 201
vance apelléc folarium , fou droit d'exiger cette redevance ctl jm in re, puifqu'il découle de fon droic de propriété & de domaine iur le fonds ? Il aliène une partie de fon domaine , fqavoir le droit de fupcrficie ; mais il s'y réferve une rente annuelle : cette réfervT eft, ce me femble , un droit réel , jus in re. Ce n'eft pas la fuperjBcie elle-même, ou l'édifice, mais le droit de fuperficie , qui cft char- gé de cette redevance , & fur le- quel le maître du fonds a jus in re , quoiqu'il n'ait point de droit fur l'édifice. Votre maifon ne me doit rien : mais je ne fuis obligé de la fouffrir fur mon fonds , que moyennant une certaine rede- vance y & le droit de fuperficie ne peut fubfifter, fi la redevance ne m'eft pas payée,
§• 3^3- y^f^lltis fervitutem prd^dio acqiiifitam remittere non poîejl.
L'Auteur s'expliquant dant la no- S» le Vaf. te , dit qu'il n'importe que le Vaf- ^^^^^^^^ fil ait acquis lui-même cette fervi- unefervi» tude 3 ou qu'elle apartint déjà au tudc qu'il
I 5 fief
202 QjJ ESTIONS DE a àcquife fief avant lui. Cela ne me paroit
r" }^\^^ P^s iufte. Cardans le cas où le VaC féodal. f. , ■' .... r V 1
ial a acquis iui-meme une lervîtude
à fon fief 5 je ne vois plus de raifon qui lui ôte le droit de fe relâcher de cette fervitude. Il ne fait point de tort à ceux qui ont droit au fief, lefquels ne peuvent exiger qu'il le leur remette en meilleur état qu'il ne Ta requ j à moins qu'il ne lui eût été donné à condition de Tamé- Horer. La défenfe de dccérîorer le bien féodal n'emporte que l'obliga- tion de le conferver dans l'état où on l'a reçu.
$. 452. Naturaliser ' per feîonîam nec Vafalhis feudum , nec domi- nm dire&ns âorninhim dire&iim aniittit , nifi fpeciahter fiierit cQiu ventiim , ut Lwiittaînr,
Si le fief Autre propofition peu concor-
fe perd dante avec la 72. Car il paroit ma-
par felo- nifelleme.u , que le feigneur don-
^^* nant un fief gratuitement, ne le
donne que pour avoir un Vafîal ,
qui iui rende les devoirs féodaux ;
de forte que , fi le VafTal y man*
que , le feigneur n'eft plus obligé
de
Droit Naturel. 203 de tenir )a convention , & en la révoquant, il peut reprendre le fief. De même , dans un fief offert , le but du Vaffal a été manifeftement de fe procurer la protedion & les autres devoirs du feigneurs fi donc celui-ci manque à fes engagemens, le VafTal n'ed plus tenu d'obfcrver la convention , & en Tannuliant , ii fait perdre au feigneur le domaine direct, qu'il ne tient que de cette même convention. A la vérité, il paroit que ceci ne doit s'entendr« que des contraventions foutenues , & non point des fautes dans le(^ quelles on ne perfifte pas. En of- frant de réparer celles-ci par des dé- do mmagemcns 5 on fe remet dans la règle , & on ne perd pas fon droit.
§. 494. Favorabile dicitur , quoâ ad îitilitatem ctliciijus promove?idam fixât, . . . Odiofum igitiir , quoâ eidem opponitur^ appellatur, quod ad utilitatem alkujus promu u en- Aam non facit , eumqiie onsrat.
Voici 5 je crois , la première fois , .^ ^"^ qu'il m'arrive de m'écarter de TAu- favorable teur, dans fes définitions 5 qui font &odieux, 1 6 crdi-
S04 Q-U ESTIONS DE ordinairement admirables. Celle-ci ne me fatisfait pas. Favorable en droit 5 eft ce qui mérite faveur ; odieux eft le contraire. Cette diftinc- tion n'a lieu que dans les cas dou- teux , lorfqu'il faut interpréter une îoi , ou un contrat : alors on fait attention à la nature des chofes dont il s'agit : il en eft en faveur defquclles l'équité demande que l'in- terprétation fe faife plutôt dans un fens étendu , que dans un fcns ret ferré , ce font les choies favorables : d'autres font telles , que l'on rifque moins de bîeiTer Féquité en les ret ferrant , qu'en leur donnant toutp l'étendue dont les termes de l'ade pourroient être fufceptibles y ce font les chofes odieufes ( * ).
On apelle , par exemple , favO' rails , tout ce qui eft conforme à la bienveillance univerfelle j c'eft- à-dire , tout ce qui peut ètte utile SI quelqu'un , fans nuire pofitive- mcnt à un autre j & odieux , ce qui eft contraire à cette bienveillance ,
ce
( * ) Voyez fnr cette queflion , mon Traité du Droit des Gens , Liy. II. Chap» XVll. §. 5CO.
Droit Na.turel. 2oç ce qui charge Tun , fi on le prend à rigueur, & qui étant fupprimé , ou adouci , le décharge , fans faire perdre à perfonnc rien de ce qu'il avoit auparavant. C'eft ainfi que l'aclion de dainno vitando , cft fa- vorable , & celle de liicro captando , odieufe. En ce fens la définition de l'Auteur elt vraie ; mais je ne la trouve pas complette , ni aiTez précife.
La manière dont M. W. raî- fonne , dans la note du §. ^ 1 1. fur Texemple qu'il prend dans C i c E- R o N , prouve ce me femble , que fa définition , dont je viens de par- ler 5 eft défedtueufe , & que celle que je lui fubftitue , eft plus capa- ble de fournir la folution des cas qui peuvent fe préfenter. Un mari lègue à fa femme fon argent : C l- C E R o N dit que par ce mot , on ne doit entendre que l'argent comp- tant , & non celui qui eft placé à intérêt. M. W. obferve , que fi la femme eft pauvre , & que l'argent comptant , joint à celui qui eft pla- cé 5 fufRfe à peine pour la faire vi- vre d'une manière convenable au rang dii piari : tandis que les autres
biens ^
^06 QjJES TIONS DE
biens , qui pafTent à Théritier , font confidérables ; en ce cas , on doit admettre une interprétation plus étendue , & comprendre dans le legs , tant l'argent placé , que Par- gant comptant. Il a raifon. Mais pourquoi ? Parce que Féquité favo- rife cette interprétation , étant na- turel & raifonnable de penfer , que le mari a voulu donner à fa femme dequoi vivre convenable- ment , puifqu'il lai/Te d'ailleurs ad fez de bien à fon héritier. Ce fe- roit tout le contraire , fi la fem^ me étoit riche , l'argent comptant confidérable , de même que l'ar- gent placé 5 & les autres biens d'une petite valeur, ou feulement médiocres -, alors l'équité combat- troit pour l'héritier , & deman- deroit que les termes fulfent pris dans un fens plus reiferré.
$• Î7^.
Droit Naturel. 207
J. ^72. Si quis n&fts fuerit mcdinm unicum futisfaciendi obligationi tuA indifperjjabili ac removenS impedi^ rnentnm , vel refifiendi te Udere couayiti > is lege probibitivu , ne hoc fadas , no7i continetur.
$• S 87» ht fumma cibi penuria nec inviium, nec forte duclion occide* re licet , ne omnibus fit pereiindum.
Je ne vois pas bien comment ces De ce qui deux propolitions & leurs démonl^ eft per- trations peuvent s'accorder ; & il J?'^' P°"' femble qu^il manque ici quelque ^ ^"^ ^^' principe. Car pourquoi une chofc descas de illicite, favoir le meurtre, devient- ncceifité. elle licite dans un cas de ncceiîîté ( dans la défenfe de foi-mème ) , & non pas dans l'autre, qui eft celui du §. 587 i* Ne pourra-t-on pas di- re , fuivant la propofition 5:72. & fon corollaire §. 573. que fi la né- cefîité rend licite une adlion , d'ail- leurs illicite , on peut aullî bien, dans une extrême difette , tuer quelqu'un , pour fe nourrir de fa chair , que l'on peut tuer un agret fcur , pour fe conferver^ puifque
k
9^0% QjJ ESTIONS DE îa néceiîîté eft la même ? Ou , au contraire , ne dira - 1 - on pas , en fuivantles principes du §. 587» <iue dans run & dans Pautre cas , la loi préceptive eft en collifion avec la loi prohibitive , & par conféqucnt , que la loi préceptive doit céder ? Si donc elle cède dans un cas , & non dans Pautre , ou fi la néceiîîté n'o- père pas le même effet dans tous les deux 5 il faut en alléguer la raifon. Voici , ce me femble , le principe qui manque dans les démonftrations, & qui doit fournir la folutioii de la difficulté ,* c'eft qu'il ne nous eft ja- mais permis de faire tort à quel- qu'un , d'aller contre fon droit bien établi. Qiiand on dit que nous a- vons droit à toutes les chofes , fans lefquelles nous ne pouvons fatisfai- re à nos obligations , on fuppofe que ces chofes- là ne foient pas illi- cites en elles-mêmes , ou contraires au droit abfolu d'un autre. Car fi elles font telles, elles doivent être réputées impoffibles s &; ainfi , le cas dans lequel on ne peut remplir une obligation 5 ' fans avoir recours à des chofes de cette nature , eft un cas d'impolfibilité , ou d'impuiifan-
ce ,
Droit Naturel. 209 ce , dans lequel Tobligatioii ccfle. Or je ne fais point tort , ou injure , à un agrefTeur, en le tuant i c'cll lui qui s'attire ce mal , par fa faute. Car s'il a en général le droit de vi- vre oc de fe conferver , il ne Ta pas à mon exclufion. D'où il fuit qu'il n'a point en particulier le droit de demeurer inviolable , dans le mo- ment qu'il veut me nuire, ou m'ô- ter la vie. Notre droit cft le même: il peut obtenir le fien , en dcmcH- rant en paix ; mais s'il m'attaque , je ne puis obtenir le mien qu'en rc- poulTant la force par la force. 11 n'en feroit pas de même d'un innocent , que l'on tucroit pour fe nourrir de fa chair. Ce feroit lui ravir fon droit, fans qu'il eût rien commis qui pût l'en faire décheoir , & violer l'éga- lité qui règne parmi les hommes 9 à cet égard. Mais s'il confentoit à fe facrifier pour la confervation des autres , je ne vois pas pourquoi il ne feroit pas permis d'accepter fon facrifice. L'Auteur , dans la note ce ce §. ^87- le nie ; parce , dit-il, que cet homme-là n'a pas droit fur fa propre vie. Pourquoi donc peut-il
rcx-
110 CLUE s T I 0 N s DE rexpofer, la facrifier même, pour le falut ctc fa patrie ?
M. W. nie même , fur ce prin- cipe , que plufieurs hommes fe trou- vant fans vivres en pleine mer , puiâènc tirer au fort, pour favoir qui d'entre eux fervira de pâture aux autres. Il faudra douG plutôt qu'ils périffent tous de faim. Cette décifion ne me paroît pas foutena- blc y & plufieurs pratiques contrai- res , avouées par l'Auteur lui - mê- me , la démentent. Lors qu'une ville eft attaquée, n'eft-il pas per- mis , & même louable , à une par- tie des citoyens , de fortir pour re- poufTer l'ennemi ? Ces braves gens font très-aflîirés que plufieurs d'en- tre eux y périront : mais ils s'expo- fent à la mort pour le falut de leurs concitoyens. Les retiendra-t-on en leur repréfentant , qu'ils ne font pas les maîtres de leur propre vie ? Le cas dont il s'agit revient dans le fonds à la même chofe. La faim eft un ennemi cruel , qui menace tous ceux qui font dans la chaloupe : en tirant au fort , chacun s'expofe à la mort , pour le falut de fes compa- gnons , & pour le fien propre , s'il
fe
Droit Nature l. 211
fc trouve au nombre des heureux. Cette conduite s'accorde mieux avec les devoirs envers foi - même , & avec les devoirs envers les autres , que la réfolution de fe lailfer tous enfemble mourrir de faim.
Ces règles générales que l'Auteur veut établir , me paroilïcnt fujettes à bien des embarras, & à bien des difficultés 5 peut-être impolfibles à réfoudre. Je ne voudrois donc pas dire qu'un homme n'eft point le maître de fa propre vie j mais je dirois , qu'il eft obligé de la confer- vcr précieufement , à moins qu'il n'ait des raifons très-fortes & très- importantes de l'expofer , ou même de la facrifier.
Ces autres règles , que nos de- voirs envers nous - mêmes l'empor- tent fur nos devoirs envers autrui i que la loi préceptivc cède à la loi prohibidve , font de même fujettes à beaucoup d'exceptions. C'eft un devoir envers moi-même de préfer- ver mon corps de tout accident ; & c'eft un devoir envers autrui , de fauver la vie d'un homme que je vois en péril : fi je ne puis le fauver fans m'expofer à une légère bleifure,
le
fltiî Q.U ESTIONS DE le devoir envers moi - même l'em- portera-t-il ? Non fans - doute. De même , la loi me défend de nuire aux biens de mon prochain , & elle m'ordonne de le fécourir , en cas de befoin : je vois un pauvre , at- taqué par une bète féroce , & je ne puis aller à fon fecours , fans fouler sux pieds un champ de bled appar- tenant à un tiers : la loi prohibi- tive ne cédera-t-elle pas , dans ce cas particulier ?
Peut-être pourroit-on donner une règle plus générale encore , & qui étant bien entendue , comprendroic les deux précédentes , & concilie- roit tous les devoirs. Dans tous les cas qui fe préfentent , il faut choifir 3e plus grand bien, ou le moindre mal y mais en confidéiant la chofe dans toute fon étendue, avec tou- tes fes liaifons & toutes fes confç-- quences 8< dépendances. Car la dé- cifion ne doit pas fe fonder feule- ment fur le cas préfent , confidéré en lui-même & indépendamment de fes conféquences dans le monde.
Par exemple , c'eft à caufe de ces conféquences , que je dis , contre le fentimenc de M. W. dans fon
Droif
Droit Naturel. 213
Droit des Gens , qu'il n'cft pas per- mis d'empoifoniicr les armes, à la guerre. Car bien qu'à prendre un combat en lui-même & abdradive- ment à fes conféquences , il paroiilc indifférent de quelle manière on fc défait d'un injulte ennemi i il faut confidérer , que fi un parti fc ferc d'armes empoifonnécs , l'autre ne manquera pas de s'en fervir auflî , & que fi une fois l'ufage s'en établit foit , la guerre deviendroit atroce » fes maux n'auroient plus de bornes, & elle feroit capable de détruire le genre-humain. Or il cft du devoiu de l'homme, de modérer les fu- reurs de la guerre , autant qu'il peut le faire fans négliger fa propre dé- fenfe. Et il n'eft permis à perfonnc d'introduire une coutume pernicieu- fe au genre-humain, comme feroit celle d'empoifonncr les armes j cou- tume qui ne donneroit à celui qui cft injuftement attaqué aucun avan- tage pour fe défendre, parce qu'il feroit inceflàmmsnc imité par fon ennemi.
On peut encore obferver , que dans une bataille, il fuffit , pour remporter la viftoke , de mettre
fon
X
SI4 Que s ti o ns de
fon ennemi hors de combat; & il n'eil: ^oinc néceflaire pour le vain- queur , que les bleiles , parmi les vaincus , meurent de leurs bleifures,
J. 573. NeceJJitas irrefi'Hhilis licitum efficit aâum , qui alias foret illidm tus , qua-ido fit médium unicunt fatisfaciendi ohlig.xtioni indi/penfa^' bili ac removendi impedimmtum ei» ■ dem fatisfaciendi.
Si la né- ^out bien entendre cette propo- cciïité fition , il faut remarquer , que ces rend per- adions , que la néceiîité peut ren- mifes des ^^^ licites , ne font point de celles d'ailleurs ^"^ ^^^^^ illicites abfolument & en illicites, elles-mêmes; mais de celles dont la qualification dépend des circonf. tances. Aucune néceffité ne rend li- cite , ce qui eft illicite & mauvais abfolument & en foi-mème. Car (î je ne puis fatisfiiire à mon obliga- tion , fans commettre une adion. de cette nature , je fuis cenfé , com- me je Fai dit tout-à-Pheure , être dans rimpoflîbilité de remplir cette obligation ; ce qui eft illicite étant moralement impofîible : & en pa- reil cas, mon obligation ceffe. Auflî
Droit Naturel. 21 f
M. W. n'applique- 1- il cette règle qu'au cas d'une obligation indifpcn- fablc. Il fera donc qucftion , dans tout cas particulier, de favoir, (î Tobligation eft indifpenlable , ou fî le moyen unique de la remplir eft illicite. Et c'eft alors qu'il faudra avoir recours à la règle que je viens de propofer, en vertu de laquelle on doit toujours préférer le plus grand bien , & le moindre mal.
$. 588- Si in naufragio plures m fcsL^ pham infilierint , quam illa ferre fojjh, neqiie ad iinnm pscnUari ju-- re fcapha pertineat , qui priores infilierunt fofieriores projicere pof' fiint , non vero idem licet pojîerio- rihus in priores, Qiiodft vero om- nés fimul infilierint , qui poteji , ei alterum projicere licet,
La dernière partie de cette pro- Ducas où poGtion s'accorde-t-elle bien avec le plusieurs paragraphe précédent ? Si les plus g^jj^p^^^s forts jettent à la mer les plus foibles, ^'u^c lorfqu'une chaloupe fe trouve fur- chalou- chargée de monde , & que tous y pc 1 dans ont un droit égal ; u'eft ^ ce pas la "" "^^' jncme çhofe que fi > daas une cx^ ^^^^'
2IS CL^ESTIONS DE
trème difctre, les pius forts mait« genc les plus foibles ? Jecter un homme à la mer, ou le manger 5 cela revient nu même pour le mal qu'on lui Fait. Je ne vois pas la dif- férence eiTentielle de ces deux cas. Dans Tun & dans l'autre , le plus fort ôte la vie au plus foible , pour conferver la (îenne. S'il cil donc permis de tirer au fort, pour voie à qui la chaloupe doit refier , & qui doit être jette à la mer 5 pour- quoi ne le feroit-il pas , dans une difette entière de vivres , de tirer au fort, d'un commun confentc- ment , pour décider qui doit périr & fauver les autres , en leur lailîànt fa chair pour nourriture ? Au refte , je fijppofe que ce fut - là l'unique moyen de fe lauver. Tant qu'il ref- te quelque efpérance , on doit fans- doute différer d'en venir à un ex- pédient fi horrible. C'eft ce qu'un Capitaine HoUandois , dont le vaif- feau avoit fauté en l'air , étant en pleine mer , obtint de fes gens par les inftances , quoiqu'avec bien de îa peine > & ils eurent le bonheur de gagner la terre- , avant que d'être réduits à cette çxwellc extrémité.
Droit Naturel. 7,iy
§. 6S7' Sijii&u fa&o navis tamenfla- tim interit , nulla fit contributio , etianifi qiiis in naufragio res quaf. dam fiias fcrvaret.
Il poiirroit fe trouver à^s cas , S\ ceux dans lefquels cette décifion ne fe- ^"* ^^u- roit pas iuftc. Suppufons qu'après ^^"^^"^^- que Ton a jette des marchandifes à ^Tnu-l'^ À mer , le vailieau coule a foud , h vaif. & qu'enfuite on en retire la plupart ^'^^ péHfc des cifets par le moyen des pion- "^^'g^'é le geurs j ceux dont on a jette les '^l;^,^^^ niarcnandiles , ne pourront-ils pas que dé- dire , que lî elles fuffcnt demeurées domma- comme les autres , enfermées dans cernent à le vaiiTeau , ils ne les auroient pas "^"'^o"!^ perdues, & par conféquent que les y^^ ç^gts! autres doivent les dédommager d*u- ne perte faite pour la caufc commu- ne, & cela à proportion de ce que valent les efFets rétines du vaitTeau , après le naufrage ?
Dans tous les cas où il eft évi- dent que les marchandifes jettécs fe feroient également perdues , quand même on les auroit laiflees daru» le vaiffeau , la décifion de l'Auteur eft jufte. Par exemple , lî on a jette*»
K fies
'^tg QjJES TI ON s DE
i > !;s tonneaux de fel , le proprietaî- ■ ,' ne pourroit pas dire qu'il les eut ^couvres par des plongeurs , fi on 3S eut laiffés dans le vaifleau. Js , le penfe pas non plus , que celui î lont les marchandifes fe retrouve - coient ailleurs que dans le vaifleau s dut rien contribuer au dédommage- > ment de celles que l'on auroit jct- tées pendant la tempête.
§. 7if. Laudem alteri y quant mère» tur ^ etiam pofi mortem trihucre dehemus , ac opérant dare , uûfa" mam , quarn meretur , confequa* tiir , Mit ut ea confervetur , quarn confeciitus ejl,
Delalou- Je crois la propofîtîon vraie 3 ange due mais il manque quelque chofe à la ^"^ démonftration. Car on pourroit
*"°''^' objeder , qu'il cft inutile à un homme d'être loué après fa mort. Il faut donc employer encore d'au- tres principes , pour répondre à cet- te exception j & on peut les trou- ver dans nos devoirs envers nous- mêmes & envers les autres hommes & la focieté. Nous nous devons à
nouS''
Droit Naturel. 219 nous mêmes de Faire voir, que nous fommes prêts à louer tout ce qui cft louable , & il eft utile au gen- re-humain d'encourager les hom- mes à la vertu , par l'idée qu'ils feront loués même après leur mort, 8c qu'ils laiflèronc une bonne ré- putation. Cette idée eft chère k tous les hommes qui ont du fen- timent. Elle peut fournir encore un principe plus direcl à la dé- monftration de cette propofition. Puifque la louange eft due à ce- lui qui fait de bonnes adlions , & qu'il fe fait un plaifîr de l'et pérance d'être loué après fa mort , ©n doit le louer en effet après fa mort i car fi on ne le doit pas , il ne pourra fe flatter de cette ef. pérance. Voyez mes remarques fur le paragraphe 648. de la première Partie.
$. 719. Bomim houo referre âebemus morfuis in iis , quos vivi amarunt.
Il faut faire fur ce paragrahe à Obliga-
peu près les mèm.es obfervations ^'°" ^^ ] r • r 1 , ^ rendre
que nous venons de taire lur le 71 5. .^^^^
K 2, Ce- morts le
220 Q_U ESTIONS DE
Lien pour Celui qui reqoit un bien - fait ^ ^^ \^^^J contrarie une obligation , de cel- fonne^de^^^ au moins qui produifent un ceux ^^oiû imparfait i de rendre le bien qu'ils ont pour le bien, & de marquer fa aimés, reconnoiiîànce au bien-faiteur j ce qui pouvant fe faire, non feule- ment en fa perfonne même , mais auffi en celle de ceux qui lui font chers , l'obligation fubiifte même après la mort du bien-faiteur. Car il eft agréable pour celui - ci de pouvoir fe flatter, qu'on lui mar- quera fa reconnoiflànce , lorfqu'il lie fera plus, dans la perfonne de ceux qu'il aime.
§. 823. Cadavera hwnana fecare /i*
cet-» [en anatomia natiiraliter
licita.
S'il eft Pour qu'il ne manquât rien à
permis de la démonrtration , il falloit prou-
tes ^^^à^ ^^^ ' avant que d'en venir à cette
vres hu- propofition , que la dilfedion des
mains, cadavres humains n'a rien en foi
d'illicite. C'eft ce que l'Auteur fait
feulement dans la fuite §. %2%.
& même il ne le fait pas aulîî
bien
Droit Naturel. a2r bien & d'une manière auffi com- piecte , qu'il pouvoit le faire i mais il cft aile d'y iuppléer.
$. 84«- J«^'' t^^yte in nondiim mit os
triwfmittendo reyiwjciare potes pro
te £^ nondiim yuUis citra injuriam
voyjdiim natorum , non tamen pro
fétu in utero.
L'Auteur fonde fa décifion fur Si quel- ce que les enfans qui font nés , ^^' ^^'^
ou conçus , ont un droit que per- ^^^"' ^^* P 1 ^ r r noncGr
lonne ne peut leur ôter lans leur p^^^ (v^
confentemcnt ; au lieu que ceux enfans ;
qui ne font pas nés , ni même qui ne
conçus , n'ayant encore aucun iont point
droit , le père , par fa renoncia- '^"^"'^.^ / ' ^ . , . conçus.
tion , ne leur ote rien de ce qui
eft à eux. Ces principes ne me fa- tisfont point j & pour en montrer l'infuffifance, il n'y a qu'à confî- dérer la chofe fous une autre fa- ce. Lorfque quelqu'un donne fou bien à un autre, à condition qu'il paffera à toute fa poftérité , dans un certain ordre ; ne peut- on pas regarder cette difpofition comm.e une loi , qui afïïire la polTefîion de ce bien à tous les defcendans du K 3 pi^é-
S22 Q^U ESTIONS DK
premier donataire , fqavoir à chi- cun dans fon rang ? Perfonne n'a droit de cafler cette loi , ni d'y don- ner atteinte ; & il paroit évident que chacun de ceux à qui elle don- ne quelque droit , ne peut y renon- cer que pour lui-mènie. La loi que le donateur étoit en droit de faire , puiiquc chacun peut dilpofer de fon bien 5 à telles conditions qu'il lui plait , doit fubfider éternellement ; & par conféquent , tous ceux qui fe trouveront dans le cas , doivent jouir du bénéfice qu'elle leur donne. Je voudrois donc établir d'autre» principes , pour réfoudre cette fa- s-Reufe queftion. Lorfqu'un bicn^ ou un droit , appartient au pcre ea toute propriété , les enfans n'y fuc- cedent que comme héritiers de leuK père. Lors donc que celui-ci y re- nonce , comme il peut le faire , ce bien , au ce droit , ne fe trouve plus dans la maffe de fes biens , & fes enfans ne peuvent en hériter» Mais lorfque le père ne peut point difpofer de ce bien, ou de ce droit, à fa volonté j lorfqu'il ne le poifede qu'en vertu d'une loi, fuivant la- quelle il doit paifer à {k poftérité ,
dans
Droit Naturel, ._
dans un certain oidrej il n'a p.is le pouvoir de changer , ou 4'uhnul- Icr cette loi. Il peut renonccf pour lui-même au bénéfice qu'elle lui don- ne ; mais fa renonciation ne chail* gc rien à ce qui concerne fes derçgfl. dans , lefqijels parviennent: à leur tour 5 à moini) que celui , ou ceux qui ont fait la loi l'ayent le pouvoir de T'ibroger, & ne l'abrogent en ciFet. Ceft ici la qucftion tant agi- tée à Toccafion des renonciations fai- tes par divcifes Ptiuceircs , à des fuccclîîons auxquelles la loi de l'E- tat les apelloir. Il me paroit que ces renonciations , Ci elles avoient pour objet des Etats non patrimoniaux , ne pouvoient valoir que pour la perfonne même des Princefles qui les avoient faites , & nullement pour leurs cnfans , nés, ou à jiaître , k moins que l'Etat n'eût changé à l'é- gard de ces enfàns , les difpofitions de fa loi fondamentale; & c'ell; ce qu'il peut faire en approuvant la re- nonciation d'une Princcfle , pour elle & fa pollérité.
K 4 $• 893-
^24 QJUE ST 1 ON S DB
§. 893. Nemo ei'uaitorvm alterius/a"
ma ac îaudi , five merka , five im-'
meritéH detrahere dcbe^.
S'il eft ^^ démonftratlon de cette pro- permis pofition n'eft point folide ; car de il'atta- ce qu'on ne doit pas livrer fon cœur
qucr une ^ Y^riviQ , il ne s'enfuit point qu'il repurs- p . • 1- rr'-i V
tion non- ""^ ^^'^ P^^ permis a aftoiblir , ou méiiiée. ^^^ détruire une réputation non mé- ritée; on peut le faire par d'autres motifs. Mais la décifion en elle-mê- me, quant à une réputation mal- fondée , ne me paroît pas jufte , fur- tout dans cette généralité, i*. Il y a une grande diiFérence entre ôter à un homme une louange qu'il ne mérite pas , & lui attirer un blâme qu'il mérite. Je conviens que la cha- rité nous défend de révéler ce qui peut nuire aux autres , à moins que de juftes raifons ne nous y obligent: mais nous défend - elle de même de redreifer les faux jugemens de ceux qui attribuent à quelqu'un une lou- ange , qu'il ne mérite point ? Cet homme peut-ii fe plaindre, fi nous contribuons à lui ôter une chofe, à laquelle il n'a aucun droit , &
qu'il
D R 0 I T N A T U R E L.' 22 ^ qu'il iifurpe contre fou devoir ? Je dis contre Ton devoir ; car il ne doit pas affedler une gloire qui ne lui apartient point , & en impofer ainfi au public. 2^. Il faut au moins convenir , qu'il eft mille cas , où rintcrct public nous oblige à ôter à un homme une gloire & des lou- anges , qu'il ne mérite point. Cette faulTc idée que l'on a de lui , peut faire tomber bien des gens dans des démarches , qui leur feront fort pré^ judiciables j ils peuvent conférer un emploi important à cet homme , qui aura fqCi fe faire la réputation d'en être capable, & qui s'en aquittera mal ; ils peuvent confier l'éducation de leurs enfans à un maître , fauffe- mcnt réputé habile &c. Enfin , les réputations ufurpées nuifent aux véritables , «Se à ceux qui en méri- tent une bonne: la gloire & les lou- anges , proltituées à d'indignes fu- jcts, perdent leur prix & s'avilif- fent ; le monde devient défiant , & à force d'avoir été la dupe des char- latans , il refufe enfin de louer ceux mêmes qui méritent de l'être. Doit- on contribuer à tous ces maux:, pour ne pas priver un impofteur de la K î gloi.
S.2^ Que stions de
gloire dont il jouit fans titre ? J^ voudrois donc réduire la propofi- tion à ceci : aucun favant ne doic nuire à la jufte réputation d'un au- tre ; & quant à la réputation non méritée , on ne doit pas l'attaquer fans de juftes raifons, & jamais on ne doit chercher à robfcurcir , par envie & pour le feul plaiiîr d^ Fobfcurcir.
En de la SiKiensi Farlii^
QVZS^
5 V ESTIONS
D E
DROIT NATUREL,
E T OBSERVATIONS
Sur le Traité de M. Wolf.
SEPTIEME PARTIE.
$. 88' Si 'vota fîumerantur ^ con^
jungi neqiieunt ^ nifi qu^eprorfus
eadeni [nnt.
r^-^QE ne puis être du fentî- Sur la m??. .^ T S ment de l'Auteur , daus nierc d© M w cette dodrine touchant Ç0"ip^er
ton^iïZld la manière de compter les ^^ ** futïrages, <Sc j'adopte plutôt celui de Grotius , quand ce grand - homme veut que Ton réuniflè les opinions en ce qu'elles, ont de commun. Les K 6 fub.
2t2S Q-U ESTIONS DE fubcilités auxquelles M. W. a re- cours , & qu'il va chercher jufques dans l'ontologie , ne me perfuadent point. Ces chofes-là font vraies en elles - mêmes , & fort bonnes pour les objets tellement déterminés , que l'on peut en établir fûrement Se conftamment tous les raports & tou- tes les différences i mais elles man- quent ) quand on veut les appliquer aux penfées & aux fçntimens des hommes. Les motifs qui détermi- nent ceux-ci 5 ont toujours , ou au moifiTS le plus fouvent , quelque chofe d'obfcur , d'incertain & de vague , ou quelque chofe de com- mun , qui donne lieu de les rapro- cher 5 & de les compter avec raifon comme compris dans une même claiTe. Par exemple , quatre Juges condamnent un accufé à la corde, deux le condamnent au banniflè- ment , deux à mille éeus d'amende , deux à cent écus, & trois le ren- voient abfous. Pour fcavoir ce qu'il faut conduire fur ce partage de voix, on doit confidérer ce qu'elles ont de commun , & ce qu'elles ont d'oppofé. i^. L'accufé ne peut donc être pu ni de mort , puifque quatre
fu&
Droit Naturel. 229
TufFrages feulement Vy condamnent, êc que neuf lui confervent la vie. 2°. Il ne peut pas non plus être ab- fous, n'y ayant que trois voix pour ce parti. 3°. Dix voix s'accordent à lui infliger une peine , elles ne dif- férent que par raport .au degré: 4^ Comme donc il eft certain que les degrés inférieurs font compris dans les fupérieurs , les Gx premiers Juges , donc quatre vont à la peine de mort , & deux au banniifement , ne peuvent penfer que la peine de mille écus d'amende foit trop gran- de, puifqu'ils la trouvent, au con- traire , trop légère. D'où je conclus que ne pouvant en infliger une plus griéve , ils font cenfés aprouver cel- le-ci , faute de pouvoir mieux faire. Voilà donc huit voix , qui font la pluralité pour Famendc de mille écus.
Prenons un autre exemple. Ca'iiis & Sempronius fe difputent un champ; ils plaident. De douze Juges , cinq donnent gain de caufe à Caïus , avec dépens -, quatre prononcent en faveur de Sempronius , auiîî avec dé- pens ; & trois lui adjugent le champ, mais fans dépens ; S^jiy^int le Çy'àQ-
me
230 Que S tï oks de
me de l'Auteur , il faudroit dire que Ccrsits a gagné fon procès. Cepea- jdant il y a fept Juges qui le coii- damnent , quant au fonds. Je pea- fe que tous les Tribunaux pronon- ceroient comme moi, que Sempra" mus doit avoir le champ, fans dé- pens -, parce que la pluralité lui ad- juge le champ , & que cette même pluralité ne lui adjuge pas les firaix. Lorfque les opinions compren- nent deux ou plufieurs chefs , & peuvent être décompofécs, comm« dans cet exemple pris d'un procès , ou il s'agit d'abord du fonds & en- fuite des dépens > c'eft le cas de fai- re ce qui fe pratiquoit fagement dans le Sénat Romain, & qu'on apelloit âividere fentcntiam : il faut divifer l'opinion , & dé.ibércr fépa- rément fur les diiférens chefs.
§. 9S'. Si vota majora haberi ne- queurît , fiquendum erit id, qnad paucioribus difplicet , feu cui pau^ cijjhna vota adverfantur.
Suite dû La. règle cft fans-doute très bon- m^mc fi> ^e j pour les cas où l'on délibère jet» eu*
Droit Naturel. 231
entre plulieurs partis , iefque^s n*a- yant rien de commun , ne peuvent être envifagés comme compris les uns dans les autres; parexemp'e, dans les élcdlions , quand il y a plus de deux concurrens. Douze Elec- teurs doivent nommer à un emploi: A aura cinq futfrages , B quatre, C trois. A l'emporte fans - doute. Mais d ius les autres cas , comme celui d'un accufé, TaiFjire ne peut fe décider de cette manière. Par exemple , dans le cas que nous ve- nons dcraporter, où de treize Ju- ges , il n'y en a que quatre qui vo- tent pour la mort ; où eft le Tribu- nul qui oferoit prononcer , que l'ac- cufé doit être pendu ? Cet avis fe- roit manifeftetnenc contraire à lii pluralité des fuifrages j car il y en a neuf qui lui fauvent la vie. Je penfe donc que dans tous les cas de cette nature, les moindres dégrét étant compris dans les plus grands , il faut réduire les dégrés fupéricurs, à ceux qui les fuivent , jufques-à-cc que Ton ait la pluralité des fuifra- ges , & l'avis de cette pluralité eft alojrs cely^i 4^f derniers fuifrages
doas
a^Z CLUE STIO ÎTS DE dont la jondion la produit. Dans notre exemple , il y a
Suffrages pour la mort. 4
pour le banniffement. %
pour l'ameade de mille écus. 2 pour l'amende de cent écus. Z pour rabfolution. 3
Les trois premières clartés faifant 4, 2, & 2. c'eft-à-dire 8- empor- tent la pluralité . & le coupable fe- ra condamné à mille écus d'amende. Je fuppofe que cette peine eft plus douce pour lui que le banniffement. Remarquez que mon fentiment eft fortifié par ce que l'Auteur lui- même avance qu'il faut fuivre le fentiment qui a le moins d'oppofans, quod paucîorihus difplicet. Car on ne peut pas dire , que les fentences plus douces déplaifent à ceux qui font pour les plus rigoureufes , avec la même raifon que les plus rigoureu- fes déplaifent à ceux qui font pour les plus douces. Le criminel qui pourroit mériter une plus grande peine, mérite fans-doute la moin- dre j mais celui qui mérite la moin- dre, ne mérite pas de même la plus
gran-
Droit Naturel. 233
grande. Les Juges qui le trouvent digne de la corde , ou du banniflc- ment , peuvent être fuppofcs con- fentir à Pamende , faute de mieux. Mais il eft impolfible de fuppofer de même le confentement d'aucun Juge à une peine plus févere que celle qu'il prononce i parceque elle feroit injufte , fuivant lui.
D'ailleurs , il y a des peines qui n'admettent aucune comparaiion avec d'autres. Celle de mort n'eft pas comparable au banniflement , aux amendes &c. On prend donc avec raifon collectivement tous les fuflrages qui ne vont pas à la mort, pour en former un avis oppofé à celui de ceux qui décernent cette peine. Si de douze Juges , cinq con- cluent à la mort , & les fept autres fe divifent entre plufieurs fortes àc peines plus douces , banniflement , amendes &c. il eft d'abord décidé par la pluralité , que le criminel ne doit pas mourir.
Dans le fécond exemple dont je me fuis fervi, fept Juges trouvent la caufe de Ciiïus injufte , quant au fonds y ils ne varient qu'à l'égard des dépens : & cinq feulement le
trou-
3t34 Q^UES T I ON s DE
trouvent bien fondé. N'eft - il pas d'abord décidé que Caïus ne peut avoir le champ ?
§. 113. Conclîifim mutari ncquît mfi
unanimi fuffragantium conjhifu , ^» ubi per hocjam tertio cuùam jus qu^fitivrn fiierit ^ nec confenfu ijio mutari poteji.
Si Ton La première décifion cft contfai- peut rc à la pratique de toutes les Répu- changer bliques , dans Icfqucllcs on rcvicHt été^une ^^^^^^^^ d'une réfolution prife & fois con- arrêtée , fans que , pour en revenir, du. il foit befoin de l'unanimité. Je ne
vois pas non plus , que l'Auteur dé- montre fon fcmimcnt, & il mepa- roît que l'on peut prouver le con- traire. Le fcnument de la pluralité , dans une République , eft toujours cenfé être le fentiment delà Répu- blique entière, à moins que la loi n'en ordonne autrement : lors donc que la République juge à propos de changer une réfolution qu'elle avoit prife , perfonne n'a droit de s'y oppofer j puifque perfonne , dans ces délibérations , n'a d'autre in- térêt, ni d'autre droit, que celui
de
DuoiT Naturel. 23c Ac la Republique même. Vous vous oppofez à ce qu'on change une icfo- lution pour laquelle vous aviez opi- ne : avez-vous en cela un autre in- térêt que celui Hc TEtat? Non, di- tes-vous. Hé bien î la pluralité trou- ve qu'il eft avantageux à l'Etat de changer cette rcfolution. Vous vou- lez donc que votre fentimcnt préva- le fur celui du plus grand nombre. Le droit de fufFrage ne peut donner d'autre droit , que celui de dire Ton fentiment en toute occafion , & d» voir fa voix comptée comme les autres.
C'eil toute autre chofe , dans le cas où l'arrêté intéreffe le droit d'un tiers : il n'cft plus permis alors de le changer j parce que cet arrêté une fois formé fuivant les règles, donne à ce tiers un droit acquis , que per- fonnc ne peut lui ôter.
$. 1^4. Quoniam ad focietatem ca applicanda, quae de officiis ergafeip- fum prsecipiuntur legenaturali qua- .tenus finis illius admittit , homo autem obligatur ad corpus fuum confervandum j qiid'ibet etiam /o- Cietas obligLïtur adfe confervandum^
La manière dont cette propofition
cft
^^6 ^ Q.UE s TION s DE cft déduite des précédentes me pa- roît fophiftique ; car la raifon pour laquelle f homme eft obligé à la con- fervation de fou corps , ne peut pas s'appliquer à toutes les focietés j & la propofition en elle - même ne me paroît vraie que des focietés dont la confervation eft néce€iire au bon- heur & à la confervation des mem- bres , telle que la focieté Civile. Si nous avons contra<flé une focieté marchande , pour un tems indéH^ ni , ne pouvons-nous pas la rompre quand il nous plaira ? Nous ne femmes obligés de travailler à h\ confervation de la focieté Civile elle - même , qu'autant que cette focieté nous eft avantageufe & con- venable , & que nous y demeu- rons ; car il eft permis aux Cito- yens de la rompre , d'un commun accord , s'ils le trouvent à pro- pos , ^ foit en fe difperfant , foit en s'incorporanc dans un autre Etat.
$. ZOZ\
Droit Naturel." 2^37
5. 202. Qiwniam natura nemo impe* riutH in alteriim habet , JUhje&us vero altcri efi is ^ in quem alter impcrium habet i natura nemo aU
UrifubjcLiiis efl.
Je fuis furpris que TAuteur ne fe pe l'cn^- foit pas apcrqu du vice de fon rai- P*"*^^ ^® fonncment. Il venoit de remarquer ^j^^^ j^^ Jj^ ( not. §. 200. ) potejiatem latiorem fonne- habere fignificatum , quam imperium, ment peu & de rapeller ainfi la définition de cxa^ Tue fujet (5. 201. ) alteri fubjeiius di^ ^^ ""^^^ citur^ in quem ipfipotejias çompetit. Puis donc que le terme de puijfance a une Cgnification plus étendue que celui d'empire , on pourroit avoir puifTance fur quelqu'un , fans avoir empire fur lui ; & le fujec étant celui fur qui on a puilTance , quelqu'un peut être fujet à un au- tre , quoique celui - ci n'ait point d'empire fur lui. Dans la majeure , fubjeclus alteri eft is , in quem aller imperium habet , le mot fubje&us eft pris dans un fens particulier ; & dans la conclufion , on le prend dans un fcns général. Cette ma-
jeu*
E3S Q_tJE STIONS ci
jeure fignifie reuîemenc , que celui- là , fur qui un aucce a empire , eft ' fujct ; & nullement , qu'il n'y a point d'autres fujets que ceux fur qui on a empire. Le raifonnemcnt rcffcmble à celui-ci : il n'y a point de Roi en SuiiTe. Ceux qui vivent fous l'empire d'un Roi , font fujets. Donc il n'y a point de fujets en SuiiTe.
4. 203. Similitcr quia nemo fibi îii invitum imperium arrogare po- teft, nec imperium in aliquem acquiri nifi confenfu iplîus vel ex- prefTo , vel tacite , vel praefum- to, fubjedus vero alteri eft is, in quem ille imperium habet î nemo quoque rï/^m invitus fuhjici poteji 5 fed ad fuhjeBionem requiri^ îur confmfus ipjjus Jtvc exprejjtis ^ five tacitus ^ fivc frafumtus.
Suite de La même faute revient dans ce
îaméme paragraphe, & reviendra dans les
Qiaticrc. fuivans; en forte que, s'il n'y a
point erreur dans la décifion , il
faut convenir que imperium & fo^
$ejia$ font des termes éqwivalcns,
con-
Droit Na TUR it. 239
contre la remarque de TAiitcur (not. S' 200.) ; ou plutôt il iaut reltiein- dre la définition de lujct , en di- fant , fuhjeiïtis eft is , in quem aUer mperiiim ( & non pas potejiatem ) hahet.
Dans la langue franqoife, on évi- tera l'équivoque , en difant , que Ton eft fournis à U puillancc , & fujet à Tempire. Mais fi vous di- tes, foteftas latiorem hahet fignifica^ tum , quam imperium j & fuhje&us eft is , in quem alteri poteftas compe^ tit i pour prouver que perfonne ne peut devenir fujct, fans fon con- fcntement , il ne fuffit pas de dire , fîemofebi in invitum imperium arro- garepotefty mais il faut dire, nem9 ftbi in invitum fotefiatem arrogarc pofefiy & le prouver.
En un mot , ces trois paflages : Alteri fiibje&us dicitur , in quem ipji fotefias comperit ( §. 134. part. f. Jur. nat. ) Fotfflas latiorem h ah et fignificatum , quam iynperiwn ( not. $. 200. ) Imperium ^ fubje&io cor- relata funt , quorum umv.n fine alte- ro Yioa intelligitur. Ubi ergo nullum àatur imperium , uhi nec locum ha- bctfubjçciio ( not, J. 2,QZ>) Ces trois
pat
a4<3 Qj^ ESTIONS DE
paiTages , dis-je , ne peuvent fubGC ter enfcmble , Se ils fe contrcdifenc manifeftemeiiè. En vertu du pre- mier , c'eft potejtas & Juhjecfio , qui font corrélatifs : & pai le recond paifage , imper ium ne peut point être fubftitué à potejîas , dont la fi- gnification eft plus étendue ; quanta vis enim imperium poteflas fit , non tamen eidem coaquatur , comme le dit r Auteur lui-même (not. $. 200.)
§. 239. Lex naturd vuh i uthomines foholem procresnP , nec concuhitum appsfaiu , nifi foyolis procrcandd gratis,
Slîesplaî- La féconde partie de cette pro-
firs de l'a- pofîtion porte , que la loi naturelle
mour ncj^Q permet point de rechercher les
font per^ , -r j d
cnîc n»t- plailirs de l amour pour aucune au-
pour le ^^^ nn , que pour la propagation de fcul but i'efpece. Voilà une décifion Gngu- de la pro- Wq^c , qui furprendra fans - doute pagation. j^-g^^ ^^^ ^^^^ ^ ^ q^j pourroit, trou- bler la confcience de plufieurs. Il ne fera donc pas inutile de l'exami- ner. Je dirai d'abord que fi elle fe raportoit au commence entier, à l'u- nion durable d'un homme avec une
fem-
Droit Naturel. 241
femme, elle pourroit avoir quelque chofe de vrai. Mais appliquée en particulier aux difFcrens ades de ce commerce , elle eft infoutcnable. L'Auteur fe fonde fur ce que , dans cet ade , les adions naturelles ten- dent à la propagation de Pefpece. Et comme il a prouvé ailleurs, que l'homme doit fe diriger, dans ics adions libres , par les mêmes rai^ fons finales, qui déterminent les idions naturelles j il en condut, que dans celle-ci , on ne doit avoir pour but que la propagation feule. Mais c'eft une pétition de principe , de fuppofer que le feul but de \z nature , dans les defirs mutuels qu'elle infpirc aux deux fexcs, & dans ce qui en eft l'effet , foit la procréation des enfans. Si cela étoit, la femme n'auroit plus aucun defir de cette efpece, dés qu'elle feroit groflc, & elle n'en exciteroit plus chez Phommc , comme on voit que cette règle a lieu parmi les animaux brutes. La propagation eft, fans- doute, le grand but que la nature fe propofe , dans tous les animaux ; mais elle peut bien y en joindre d'autres chez l'homme en particu-
L lier.
Ç.^2 Qvt s T I ON s DE
lier. Et d'abord , pourquoi n'au- roit-ellc pas en vue de donner auffi par-là un plaifir innocent à l'hom- me & à la femme , comme on voit qu'elle fe le propofe en tant d'au- tres occafions ?
Si l'on fait attention que ce plai- fir contribue efficacement à reflcrrer les nœuds qui unifTent le mari & la femme , à entretenir & à augmen- ter leur tendrefTe mutuelle ,• & que cette union , cette bonne intelligen- ce eft ncceflaire pour l'éducation de leurs enfans j on ne doutera point que la nature ne les incite au plaifir, dans la vue d'entretenir des fenti- mens fî convenables.
Pourquoi auroit-elle fait l'homme & la femme de manière , que non- feulement ils font en état de fe don- ner ces marques de tendreife , beau- coup plus fouvent que la propaga- tion ne l'exige , mais même c[u' elles deviennent néceffaires à la confcr- vation de leur fanté ? C'eft ici une nouvelle raifon contre l'Auteur , & une nouvelle fin, qui légitime le plaifir condamné dans fa décifion. La plupart des femmes , & tous les hommes d'une faute florilfante ,
pour-»
Droit Naturel. 245^
pourroicnt en rendre témoignage. Enfin M. W. lui-même établit ailleurs , que le plaifir innocent ♦ vèluptas iwwcua y eft licite , & que l'homme a droit de le goûter j il va même jufqu'à dire , qu il y efl: obli- gé. Or toutes les fois que celui dont il s'agit e(l pris modérément , qu'il ne nuit pomt à la fin principale, fa- voir à la propagation , & que loin de nous y rendre moins habiles & de déranger notre fanté , il contri- bue plutôt à nous conferver en bon ctatj enfin lorfqu'il n'entraîne au- cun défordre ; n'a-t-il pas tous les caradcrcs d'un plaifir innocent, & n'cft-il pas licite , par conféquent ?
Si la décifion que je combas eft jufte , il faudra qu'un mari s'abf. tienne de tout commerce avec (a femme, aufîî-tôt qu'elle cft groffe. Mais outre que ce commerce , com- me je viens de le dire , eft fort pro- pre à nourrir leur tendreffe, & à maintenir leur unions une fi lon- gue ablHnence fcroit, pour Pordi- naire , peu convenable à leur fanté , & à-peu-près impoiîible à des per- fonnes robuftes & qui ont du feu flans le tempérament. Quelques uns^ L z corn-
S44 Oj^ estions de
comme M. Smith dans fon voyage de Guinée , prétendent que ce com- merce avec une femme groffe , cft nuifible au fruit qu'elle porte. Si cela étoit , il feudroit fans-doute s'en abftenir. Mais alors la pluralité des femmes deviendroit néccflaire à un homme bien conftituc.
Avec le même raifonnement de TAuteur , je prouverai qu'il n'cft pas permis de fe promener unique- ment par plaifir. Car la nature nous ayant donné des jambes pour nous tranfporter par tout où nos affaires exigent notre préfence , nous ne devons nous en fervir que confor- mément à fes vues. Chacun me re- pondra, que tout plaifir innocent étant permis à l'homme , il peut fe promener toutes les fois qu'il n'a rien de mieux à foire , & fur - tout lorfque la promenade convient à fa
fanté.
Bornons-nous donc à dire , que la propagation de l'efpece étant via principale fin des plaifirs de l'amour , nous n'en devons jamais ufer d'une manière qui puiffe préjudlcier à cet- te grande fin , foit en nous en dé- tournant 5 foit en nous y rendant
moins
Droit Natur EL. 24f
moins habiles. Voilà , ce me fem* ble , tout ce que la Loi Naturelle nous prefcrit à cet égard , & tout cf qui mérite le nom de chaftetc.
$. 264. Dens viiît ^ ut ^cms huma" mim propagetur,
L'Auteur tire fa preuve de ce que Que Diei Dieu , en créant le monde , s'eft veut la propofé de manifefter fa fouveraine P/opaga- perfedion. Il y auroit peut - être ^'^'Ig i" bien des chofes à obferver fur cette nijiu. démonftration. Mais elles trouve- roient mieux leur place dans des remarques fur la Théologie naturel- le. Je me borne à remarquer ici, que Ton pouvoit donner une autre démonftration , plus convenable , ce me femble , en cet endroit , puifqu'clle auroit été prifc des pro- pofitions précédentes. On vient de voir que la nature tend manifefte- ment à la propagation du genre- humain. Dieu èft PAutcur de la na- ture : d'où il fuit que Dieu veut la propagation du genre-humain.
Il cft fait mention , dans la no- te , de cette preuve a pofieriQri, Si Ton veut une preuve a priori ^ j'ai- L 3 me-
^4^ Q-P ESTIONS DE
merois mieux la prendre de la bon- té de Dieu , que du but de manifef«. ter fa fouveraine perfection. Dire que le but de Dieu , en créant l'u- nivers 5 a été de manifefter fa pcr- ^ fedion infinie , cela ne me fatisfaia pas autant que fi l'on difoit , que îbn but a été de produire des Etres capables de goûter le bonheur , en s'attaehant à lui.
5. 28^. Commimio uxorum naturel^ liter illicita efi,
Dç la L'Auteur fonde cette décifîon fur €omniU- ce que le père étant incertain , fi les. naute des femmes font communes , l'éduca- fcmmcs. j.JQ^ jjgg enfans en fouifriroit. Mais- ne pourroit-on pas remédier à cet inconvénient 3 par de bons établif- femens , au moyen defquels tous> les enfans feroient élevés aux dé- pens du public ? Il n'eft pas impôt îible que ces enfans ainfi élevés y ne fu fient mieux formés aux vertus- qui font les bons citoyens , qu'ils- ne le font d'ordinaire par des pères &; des mères ignorans , ou aveu- glés par leur tendreife, ou dénués des moyens néccifaires pour donner
un«
Droit Naturel.' 247
une bonne éducation '1 leurs cnfans. Cette raiibn ne fiiHRc donc pas pour condamner en général la commu- nauté des femmes. Peut - être en trouveroit-on d« meilleures dans les defbrdres , la licence & la corrup- tion, qu'une pareille communauté cntraîncroit après elle , & dans la parelfc , Tindolence & le manquf d'induftrie , qui pourroicnt s'empa- rer de refpric des citoyens , Ci les cnfans étoient communs , incer- tains , par conféqucnt , pour tous , & élevés aux dépens du public. Cet- te police ne pourroit guercs réûflîr, que dans un petit Etat.
$. 293. Moyiogynia generi humano fropagando abunde fufficit.
Cette afTertion peut être vraie Si le ma- pour une bonne partie de notre Eu- riageavec rope , dans l'état où elle fe trouve ""^ ^^"^j? aujourd nui ; mais elle ne lelt point Çy^^^^y^^^ en général. Il feroit très - avanta- pour la geux que les hommes fe multipliaf- pronaga, fent davantage dans les diverfes co- C\on du lonies de l'Amérique. Ce principe Scn/e-nu- n'étant donc pas vrai généralement, les deux propofitions fuivantes , L 4 aux^
M^ Qj^ ESTIONS DE
auxquelles il fert de bafc , ne peu- vent être d'une vérité univerfcUe i & par conféquent , on ne peut les regarder comme faifant partie de la Loi Naturelle.
S. 295. loîygynîa îege nature fer^ mijfa non efi.
Si la ?o- J'obfcrvcrai en particulier fur ce!»
lygamie le - ci , que la pluralité des femmes
eflpermi. pourroit être permifc pour d'autres
le par la ^^^Çq^^ ^^j^s leg ^^g mômes où elle
Loi Ma- o ^ / m • ^
lurelle. ^^ *^ trouve pas neceliaire pour la
multiplication de l'efpece. Il y a
des hommes d'un tel tempérament ,
qu'ils ne fçauroicnt s'abftenir de
leur femme , pendant tout le tems
de fa grofleffe , fans en foujffrir
beaucoup & déranger leur fanté.
Mais l'Auteur condamne tout ade
d'amour conjugal qui n'a pas pour
but la propagation. Ne fuit - il pas
delà, qu'en ce cas , un homme doit
avoir plufieurs femmes , fur - tout
s'il eft en état de pourvoir à l'édu-.
cation d'un grand nombre d'en-t
fans ?
§. 296.
Droit Naturel. 249
5. 295. Si quis cnm phirihus fmninis matrimonium fimul contvahitfolius voluptatis percipiendâî cauja , aut liberis , quos ex pluribiis uxoribm toUit , educaridis , frouti educari debent , non fufficit i polygyma hge naturali prohibita tji.
La manière dont cette propofition Su^ le cft énoncée , infinue aflez , ce me même fu* femble , que l'Auteur a fend quelque J^t. douce fur runiverfalité des propofi^ tions précédentes. Car dire que la Loi Naturelle interdit la pluralité des femmes , à un homme qui ne la rccherchcroit que pour le plaifir feu- lement , ou qui ne fcroit pas en état d'élever un grand nombre d'enfans , c'eft donner à entendre qu'elle ne l'interdit pas à celui qui ne fera ni dans l'un , ni dans l'autre de ces deux cas. Et de-là on elt en droit de conclure, que cette même loi per- mettra la pluralité des femmes à tout homme qui aura quelque bonne rai- fon d'en époufer plus d'une , & qui fera en état de bien élever tous les enfans qu'il pourra avoir d'elles.
L î §. 297.
2ÇO QjJE S TIONS DE
$. 25^7. Monogamia primis nature convenu».
Contï- Frima natur^i font \qs chofes aux» ruation quelles les animaux font portés par fJjer'^^ leur nature. M. W. obferve que quand il efl néceflaire que les foins; du mâle fe joignent à ceux de la femelle, pour l'éducation de leur» petits 5 on voit qu'un feu! mâle sV nit à une feule femelle : d'où il eon^- clut , que le mariage de feul à feule cil conforme primis naturài. On pourroit, peut-être, contefterTob- îervation. Mais pal&ns - la : je nie l'univerfalité de la conféqucnce , par raport à l'homme. L'inftind natH» rel porte certains animaux à s'unir lèuls avec une feule femelle , parce que les foins réiinis du père & de la mère font néeelfaires pour l'éduca- tion d€ leurs petits. Cet inftind, & ce que M. W. apelle prima nntU'- ne, varie donc, fuivant la diverfe nature des animaux. Si donc un homme , dans certaines circonftan- ces , fe trouve en état de pourvoir à l'éducation des enfans qu'il auFa de pluileurs femmes, aidé en cela
par
Droit Naturel, ayi
par les foins des mères j il cil , à cet
égard , dans le cas des animaux qui
peuvent avoir plufieurs femelles ;
& la pluralité des femmes , quant à
lui , fera conforme primis natura,
$. 299. & $. 300. L'Auteur ap- Raifons
porte , dans ces deux paragraphes , contre la
de meilleures raifons contre la plu- Ç ? '^® ,. , , ^ ^. . *^ des tcm*
ralite des temmes. On peut a)outer ^^^^
à fes obfervations , que la pluralité des femmes a toujours plus d'incon- véniens , à mefure que les hommes s'éloignent davantage de l'innocen- ce & de la (implicite de la vie. Dans ces anciens tems , où le nombre des enfans faifoit la force & la richeilb d'une famille,* où l'éducation, con- venable au tems & aux circonftan- ces , étoit facile , où enfin le père ' de famille étoit refpedlé de fes fem- mes , comme leur chef & leur fei- gneur \ non - feulement la pluralité de celles-ci n'avoit point les incon- véniens auxquels elle feroit fujette parmi nous , mais peut-ècre conve- noit- elle mieux que le mariage do feul à feule.
L 6 5. 301;
ÔÇ2 Questions de
§. 301. Impoffihile efi , ut Jîn^ mares ducant uxores ânas.
Cela eft fondé fur ce qu'il naît autant de mâles que de femelles. L*obfervation eft vraie en général ; mais la conféquence que Ton en ti- re, n'eft pas aulîi certaine. La guer- re , la navigation , les voyages &c. font périr un grand nombre d'hom- mes, & en empêchent un grand nombre de fe marier j enforte que, dans bien des pays , on voit quan- tité de filles , qui demeurent inuti- les à la propagation, faute de trou- ver un mari. Si ceux qui fe marient les prenoient pour fécondes femmes, perfonne n'en fouffriroit, & l'Etat le peupleroit davantage. Cela foit ^it 5 fans préjudice des raifons foli- es es que l'on peut alléguer contre la pluralité des femmes.
Mais ce que j'obferve fur cette propofition , détruit la conféquence que l'Auteur en tire dans le §. fui- vant , fa voir , que la pluralité des femmes ne peut être de droit natu- rel 5 & que la monogamie feule con- vient à es droit.
Droit Naturel. ^^J
$.30^. Si matrimoninm contrah'ittir 9 mas fonhiiK Jf? /i7>//>/a mari pro- mit ut , qiiod corporis fut tifiim ge^ veranoms cauja concedere velint fi- hi invicem ^ quidem jolis , Ç^ qnod ainlfO ad educafinnem prolis conjerre velint , quod pojfunt.
La démonftration ne prouve point Sj le mn-
que le mariage emporte naturelle- "''8^ ^"^' ^ - ,^ ^ , porte une
ment , de la part du mari , une promcffe
promefle à la femme de n'avoir com- récipro- merce qu'avec elle. Tout ce que q-ie défi. PAuteur allègue prouve bien, félon délite. fes principes , qu'un homme doit fe borner à fa femme , & à une feule femme ; mais c'ell par d'autres rai- fons , étrangères au contrat qu'il a fait avec fon époufe , lequel n'em- porte 5 par lui - même , d'autre en- gagement à cet égard , que celui de ne fe point mettre , par d'autres commerces , hors d'état de lui faire autant d'enfans , qu'elle en pourra concevoir. Selon les principes de l'Auteur , dès que la femme elt grof- fe, el'e n*a plus rien à prétendre > jufqu'à-ce qu'elle fe retrouve en état de concevoir de nouveau i enfortc
que
iH Qvt s T I 0 NS DE
^que pendant cet intervalle , le mari n'agit point contre Tes engagemcns , en le livrant à d'autres commerces, pourvu qu'il ne fe rende pas moins propre à la génération.
^ Il faut donc chercher d'autres raifons de la fidélité que le mari doit à fa femme , & on peut en tirer une bonne de l'amour qu'il lui a promis , lequel pourroit s'aifoiblir, ou mê- me s'éteindre , dans le commerce qu'il auroic avec d'autres femmes. Et fi l'on admet , comme nous l'a- vons fait ci-delTus , pour une fin lé- gitime , quoique fubordonnée , de l'amour 8c du conmierce conjugal , un plaifir innocent & fouvent né- ceiTaire à lafantéj ce fera une rai- fon pour interdire à la plupart des hommes , la pluralité des femmes ; parce que, dans cette pluralité, cha- cune n'obtiendroit pas ce qu'elle a pu légitimement fe propofer en fe mariant.
^ Je penferois comme l'Auteur , s'il difoit , que pour bien faire, le con- trat de mariage doit contenir la pro- meiïe dont il parle. Je dis feule- ment , qu'il ne la contient pas né- celTairement &par lui r même, par
une
Droit Naturel. 2^ y
une fuite de fou eflcncc & de fa na-. turc, au moins de la part du m. ri; & fur - tout dans les principes de l'Auteur. Le mariage emporte né- ccffairement cette promeife , de la part de la femme , parce qu'en fe livrant à d'autres , elle fe mettroit hors d'état, pour tout le tems de fa grolTelfe, de donner des enfans à fon marii & de plus , le mari pour- roit-ètre chargé d'cnfans qui ne fc- roient point à lui , & il ne s'alta- cheroit pas à leur éducation , s'il avoit lieu de croire qu'un autre en fut le père.
Mais , dit M. W. , les pades ne font naturellement licites & vali- des , qu'autant qu'ils font confor- mes à la Loi Naturelle. Or cette Loi reprouve tout autre mariage que celui de feul à feule. Donc ce padle emporte, même de la part du mari , la promeife de n'avoir de commerce qu'avec fa feule femme. J'ai fait voir ci-delfus , que la plu- ralité des femmes n'eft pas interdite par la loi de la nature d'une maniè- re abfolue , & que l'Auteur lui-mê- me le donne ainli à entendre. Voyez ma remarque fur le §. 2^6. Voyez
auili
2S^ Qj^^ s TIONS DE auflî le §. 300. dans lequel M. W. établie , que la pluralité des femmes ne répugneroit pas à la Loi Natu- relle , fi les hommes étoient maîtres de leurs paflions.
§. 330. Zelotypia inter prima fîatUf
ra referenka , çf? juri natur4b
convenit.
De la ja- Il efl; affèz fingulier de mettre la loulic. ja^oufie conjugale au nombre des frima nature , & d'en faire ainfi une efpece de devoir , ou au moins une chofe très - convenable. Pour lui attribuer cette qualification, il fàudroit qu'elle fut commune à tous les animaux , ou au moins à la plu- part. Il ne fuffit pas qu'elle s'ob- îcrve dans quelques-uns. On voit, par exemple , beaucoup d'animaux portés à ravir la proie des autres , en abandonnant même pour cela , la leur. Mettra-t-on, pour cette rai- fon , le goût de la rapine parmi les p'ima naturit , & en conclurra-t-on qu'il eft conforme au Droit Natu- rel ? Il me femble que les prima na^ turA doivent-ècre tellement une fui- te de la nature des animaux qu'ils
fc
Droit Naturel. 2^7 fc trouvent conftammcnt dans tous, en cas femblablcs , lorfquc les cir- conftances le permettent, lorfqu'au- cunc caufe étrangère n' empêche l'ef- fet des difpofitions naturelles. La jaloufic entre mari & femme , me paroit venir bien plutôt des obfer- vations , da réflexions , des préju- gés , de l'amour-proprc & de diver- fes autres pafîions des hommes. L'exemple des coqs ne fuffit pas pour prouver qu'elle vienne immé- diatement de la nature ; autrement il prouveroit aullî , que la nature porte tous les mâles de la même et pece à fe haïr réciproquement , & à fe battre , & que cette haine cft au nombre des prima 7jatur£ 3 car un coq ne peut en fouffrir un au- tre , quand même celui - ci ne tou- cheroit pas à fes poules.
On peut obferver encore , que cette jaloufie des animaux ne fe borne pas à la femelle qu'ils ont choifie , aucun mâle ne verra tran- quillement les careffes qu'un autre de la même efpece fera à une femel- le , quelle qu'elle foit. Cette jalou- fie univerfellç feroit-clle au nombre
de
2^8 Q^UES T I ONS BE
\ de ces prima nature qui indiquent
le devoir de Thommc ?
$. 333« Concuhitus cum pelîice aduU terium eji,
Silecom- Cette décifion ne quadrc point merce du avec la définition de l'adultère mari avec (§. 31g,) ^ ^H^ ^^ contradio- une con. "^ . r 1 1 xi
cubine , ^^'^^ ' ^^ "^^ lemble , a la propo- cft un fition 319. dans laquelle PAutcur adultère, dit : Vxorum comymmkatio ^ conu modatio adulterium non efl. Ce qu'il fonde fur la définition de l'adultè- re, en vertu de laquelle un com- merce avec une perfonne mariée n'eft point adultère , à moins qu'il n'ait lieu à l'infqu , ou contre lé^ gré de fon conjoint. Comment donc peut-il dire, que dans les pays ou le concubinage eft autonfé , le com- merce du mari avec fes concubines cil un adultère ; vu que ce com- merce a lieu du fqû & du confente- ment de la femme ? La raifon qu'il allègue dans la note de ce §. 333. pour défendre fa décifion , favoir , que la promeffe de n'avoir de com- merce qu'avec fa femme , ou fon nxari , eft naturellement comprife
dans
Droit Naturel. 2S9 dans le padc du mariage , & que la Loi Naturelle ne permet point au mari de fe réfcrvcr la liberté d'a- voir commerce avec d'autres ; cette raifoii , dis - je , peut s'alléguer de même contre le cas où un mari prê- te fa femme à un autre j & d'ail- leurs elle fuppofe que la pluralité des femmes eft abfolument interdite ,
par la Loi Naturelle î ce qui n'eft point prouve , & ne peut l'être. Voyez l'ubfervation fur le §. 30 S-
$. 3 ^4. Fœmina , qu^ vi comprimé'
tur 5 competit jus pudicitiam dt-
fendendi ^ hoc jm injinitwn eji.
Ceft ce que l'Auteur prouve fort Ï5«^ droîe bien. Je ferai feulement une réfîe- ^^^^^^^''^l xion fur ce qu'il dit dans la note : ç^ ^^^^^^^ Vulgo hac redditur ratio , pudicitiam drc con- vittz adcequari communi ajlimationc , tre un ra. fed non ojienditur , àijiimationcm banc ^1^^"'- re&e Jteri. Il n'ell pas néceflaire , ce me femble , de faire voir que cet- te manière de penfer eft fondée j il fuffir qu'elle foie générale parmi les hommes , pour que la pudicité d'u- ne femme , ce que l'on apclle fort honneur , lui devienne auilî pré- cieux
S^O QV ESTIONS Dl cieux que la vie. Que les hommes aycnt raifort , ou non , de penfer comme ils font , il n'en cft pas moins vrai que Phonneur d'une femme lui eft abfolument néccflaî- re , pour vivre tranquile & heu- rcufe. Le vrai honneur d'une fem- me, fa pudicitc réelle , confifte dans la pureté de fon cœur , qui l'cloignc de tout commerce contraire à fou devoir & aux règles établies j cet honneur prétendu , qu'un raviffeur peut lui enlever malgré elle , n'eft , fi vous voulez 5 qu'une chimère : mais cette chimère cft généralement reque parmi les hommes ; fans elle une femme ne peut mener qu'une vie miférable : dès - là clic lui de- vient un bien nécefTaire & très-pré- cieux , qu'elle a droit de défendre comme ia vie même.
f. 481. Qtiotîes ftatuenium ^ quidfo^ holis procrearîda ac educandat ^ vitàt confuetudims caufa fieri de^ beat y id utriufque conjugis con- feytfu determinandtim , ^ fi cafta quidam emergit , qui ad focieta^ tem conjugakm fpe&at , utriqiic conjuré de eo , quod feri débet ,
Droit Naturel. 2t<?ï
voluntatem fuam delarandi jus eji. Voyez auffi les $$. fuivaiu &c.
§.488- Naturaliser mn mitm tixor iniperium hahet in marittim^ quant marittu in uxorem quoad eas aciio- nés , quA ad fobolis frocreationem ^ educatiênem , ad viu confue-^ tudinem & ad onera matrimonii ferendti pertinent.
M W. va dédommager les fem- A qui nies des cruelles dccihons qu'il a m^^^ prononcées contre leurs plailirs. ^^^^ |g Suivant lui , le Droit Naturel eta- fanage* blit une parfaite égalité entre le ma- ri & la femme , & notre Auteur rc- jette comme une notion vague , ce que plufieurs Auteurs , & même prefque tous , difent de la fupcriori- té, ou prééminence du fexe, qui donne des droits particuliers au ma- ri. Cependant il paroît manifeftc que la nature a fait les hommes plus propres à bien des chofes , que les femmes. Ils font plus capables des affaires importantes , plus fermes , plus forts & plus courageux. Il pa- roit donc que la nature a dcftiné la femme à vivre fous la procedion du
insiri>
i,62 QjS ÎSTÏOHS DE
mari , & cette protedlion donne dé- jà une fur^crioritc. De plus , com- me iî eft nécelTaire poui le bien d'u- ne focieté , qu'elle ait un chef qui en dirige les afFaires , & qui déci- de, dans les Càs où les fentimens font partagés , & où il faut pour- tant prendre un parti ; la nature n'a-t-elle pas deitiné cette autorité de chef au mari , en lui donnant des qualités fupérieures à celles de la femme j plus de capacité , plus de force , plus de courage &c. ? N'cft - il pas raifonnable , & par conféquent conforme à la Loi Na- turelle 5 que dans une pareille fo- cieté , qui n'eft pas abfolument vo- lontaire , puis qu'on eft obligé de la cdntrader , quand on le peut rai- fonnablement , & dans laquelle il s'agit des chofes les plus importan- tes pour le genre - humain , auiîî- bien que pour les aifociés ; que dans une pareille focieté, dis -je, celui qui eft le plus capable ait le droit de décider , en cas de parta- ge dans les fentimens ? Faudra-t-ii que le mari fe voie arrêté dans i'cs réfolutions , Se dans fes vues pour le bien des affaires , pour l'éducation
des
Droit Naturel. 2^3 d-es enfiins , & fur-tout des mâles , par l'oppolkion de fa femme i' Une pareille égalité rendroit la focietc ruineufc & très-féconde en querel- les ; la Loi Naturelle ne peut la prefcrire. Il me paroit donc que cet- te loi établit le mari chef de la maî- fon. Mais elle lui prcfcrit d'ufer de fa fupériorité avec douceur, avec fagelfe & avec équité , pour Tavan- tage commun ; & s'il veut s'ériger en Tyran, la femme n'effc |»as obli- gée de le fouffrir. Outre Tamour & les foins que le mari lui doit, elle a fes droits , qu'il eft obligé de réf. pedler. Au relte , en contradant mariage , les époux peuvent conve- nir fur toutes ces chofes , comme l'Auteur le remarque fore bien dans la fuite.
5. 497. Natur aliter maritus impe- rium in uxorem invitam fibi arro^ gare nequit : fi vero uxor arro^an^ ti non contradicit , loyi^a patientia tandem in jut trayifit»
Si le mari n'a naturellement au- Si le mari cun empire fur fa femme , je ne P^"^ ^^ crois pas qu'en fç l'arrogeant injuf- "^^^^^l^^^
te-
2^4 Q-U ESTIONS DE
•omman- tement , il puilTc l'acquérir de droit, der^par le p^,. |^ longue patience de la femme, filence de ^ -i n. -en. >
infi.^«.> Car il elt maniteltc, qu en ee cas »
la remme ne lourtre cette uiurpation que pour le bien de la paix, ou pour ne pas s'expore»^ à de mauvais trai- temens. Le droit ne s'acquiert , par le filence de celui qui y cft inté- reiTé, que dans les cas où cetinté- reiTé eil obligé de s'expliquer , s'il ne veut pas nous céder ce droit ; parce qu'alors , Ton filence peut lé- gitimement être pris pour une mar- que de fon confentement. Mais dans les cas où le fîlen:e peut ve- nir de toute autre caufe, il n'ac- quiert aucun droit à celui qui s'ar- roge quelque chofe 5 parce que , dans ces cas , il cft manifefte que le filence n'annonce pas le confente- ment.
Il y a plus encore , dans les oc- cafions où il n'y a point de terme peremptoire , je puis foufFrir pen- dant long - tems , par mon filence , que vous vous arrogiez l'exercice d'un droit , fans que pour cela , je fois ccnfé vous le céder pour toujours. Ëc tel feroit le cas de la
fem-
Dkoit Naturel.' 2^f
femme envers (on mjri , dins là fuppofition de PAutcur , tant quel- le ne diroic mot , le mari uourroit commander; mais aulU tô»- qu'elle ne voudroic plus le foutFrit , cet empire devroic cefTer.
J. Ç07. Q'janJo luilli adhuc geuîii Jtwt Ubert , aiU qui nati fiin'ii>i$ decelferunr ; m.ftrinioivum mtitua coujugum dijjenfîi naturulitcr dif^ folvi potefi.
Il me paroit qu'on doit étendre ^'^'f^J'cc plus loin cette p'opofition , «î^ que î^^^'^'^ il un mari a une temmc Itciilc, il f ^^ ^^ peut la renvoyer , dès que la (Icii- nlité. lité eft conftatée , quand même elle rcfurcroit d'y confentir. Ceft une conl'équence nécelTairc de la nature du mariage , dont la fin eircntielle eft d'avoir des cnFans. Le bien de rhumanité n'exige pas moins cette décifion.
$. ^08. Non licet marito pro luhitu
dimittere itxorem , ',iec axori licc:t
fro lubitu a marito dtJceJerc,
La démonftration de cette nro. ^.' ^^ "•*-
M nage cS
po- *
266 Questions de
naturelle- poikion fuppofe que le mariage cfl ment in- naturellement contradé pour toute ^;['''^"- la vie. Ceft ce que TAuteur n'a pomt prouve , & qu il ne Iqauroit prouver. Dans l'état de nature , les conjoints ne font tenus à perfifter dans l'état de mariage, que pour le tems qui fera néceifaire à l'éduca- tion des enfans j à moins qu'ils n'ayent promis l'un à l'autre d'y perfifter plus long - tems , ou tou- jours. Cependant ce que l'Auteur apelle confuetudo vit^t , fembleroit entraîner un engagement pour la vie, tant que l'une & l'autre des parties fera fidèle à fes devoirs. Mais ce but de vivre en commun & d'avoir une aide , n'entre pas , félon M. W. dans l'cflence du ma- riage. Il ne peut donc pas en dé- duire l'obligation des contradans , de ne le point rompre , fans un con- fentemei)t mutuel. Cette confuetudo vit(£ cft feulement une chofe à la- quelle ils font obligés , tant que le mariage dure : mais ils ne font pas ccnfés s'y engager tacitement pour toujours.
M. W. prétend démontrer dans h fuite , i'mdiffolubilité du ma- ria-
Droit Naturel. K7
rîag« (J. 1078.)- Mais fii dcmonC. tration ne me paroit nuliemenc convaincante , & elle demeure fu- jette à une infinité d'exception» , dont chacune la renverfe. J'aime- rois mieux donner un autre tour à cette dodrine. Il feroit, ce me fem- blc , beaucoup plus net & plus foli- de d'établir,, que le mariage n'ell point indilfolublc en foi , mais que U Loi Naturelle nous impofe l'obli- gation de ne le point rompre , fans de fortes & juftes raifons , ; princi- palement quand il y a des enfans.
§. 530. Çjd copHÎa carnali jungun" tur 5 fiint quafi conjures.
Cette proportion ne me paroît |^^|:^"* nullement vraie , & la démonftra- ^^^^^ 'i, tien n'ert rien moins que convain- \q qnaji* cante. Deux perfonnes qui ont en- conjuger, fcmble un commerce illicite , ne fc propofent d'ordinaire que le plailîr. Elles craignent la naiffance d'un en- fant 5 bien loin de fe la propofer pour but. Il n'y a donc rien en- tre elles , qui reflèmble au mariage. Nous verrons en fon lieu , fi les conféi^uences que l'Auteur fe pro- M Z pofe
%6% (X,V ESTIONS DE pofe (not. §. 632.) dé tirer de cet- te propofition & des fuivaiites > font bien julles.
5. ^71. Metii pxnarum obîigcntur U^ beri ad inobedientiam vitundcim ^ ohedientiam non abjiciendam y fpt autem pramionan obligantur ai Qb§dkntiam pr^Jîandam,
Despeî- La propofition eft fort juftc & res&c!es fenfée, elle fera utile dans la prad- ^l'^^r"' 9^^^ ' fi o" l'envifage comme un diftr^ précepte , & l'Auteur paroit la don- buées par "^1^ ^^^ ce pied - là dans la note. Jes pcrcs Mais à la prendre dans cette vue , à leurs Ja démonftration n'eft pas fatisfai- enfans. fa^te. On pourroit en donner une meilleure. Il faut détourner les en- fans du mal , par la crainte des pei- nes , afin de leur en faire fentir la turpitude , & de les accoutumer de bonne-heure à penfer , que le mal doit être évité , parce qu'il eft hon- teux & nuifible, & qu'on y eft tel- lement obligé, que l'on n'a point droit de prétendre à une récompen- fe , pour cela feul qu'on a évité de ]e commettre. Au contraire , il con- vient de les excitejT à la pratique du
bien^
Droit Naturel. 2^^ bien , par les recompcnfcs , afin de le leur rendre aimable, & parce que, les accoutumer à le faire, par une crainte fervile, ne feroit point les former à la vertu. Dans les cas particuliers , la prudence doit dé- terminer les parens dans le choix entre les motifs pris des peines , Se ceux qui fe tirent des récompenfcs. Les circonftances , & fur- tout le ca- radere des enfans , doivent indi- quer le motif qui mérite la préfé- rence.
f. 692. Si pareyites liheris exempta maîa prabeanf , vel bona pr adhère rtegligunt , erga liberos fuos injujii funt.
Cette propofitîon n'eft pas exac- ^' ^^* P^- te , & la démonftration cft fautive. •^"^[^"^ Les enfans , dit T Auteur , ont droit quand ils de requérir leurs parens (pojiularjdi) donnent de ne pas leur donner de mauvais de mau- exemples. Si donc ils leur en don- ^^'* f' nent de tels , ils vont contre le ^ j^^^^^ droit de leurs enfans. Point du tout; enfaiis> ils violeroient feulement ce droit , s'ils les cmpèchoient de leur faire
M 3 h
^^O QjJ ESTIONS DE la réquifition qu'ils ont droit de faire. Le droit de requérir , jus fojluhmdi , ne donne qu'un droit imparfait à la chofe dont on re- quiert. M. W. n'a point dit que ni un enfant (§. 691.-), ni pcr^ Ibnne en général (§. 933. fart. i. Jur. nat. ) , ait le droit d'exiger qu'on ne lui donne pas de mauvais exemples , mais feulement celui de le demander avec force (poftiilandi)^ Puis donc que l'on n'a un droit par- fait à une chofe, que quand on a droit de l'exiger j & que celui - là feulement cft injuje , qui va con^ tre le droit parfait d'un autre ; l'Auteur ne pouvoit pas dire que les parens qui donnent de mauvais exemples à leurs enfans , ou qui négligent de leur en donner de bons, [ont wjajies envers eux. Que s'il prend ce terme d'ininfie dans un fens plus vague, & relativement à cette juftice univcîfeîîe , qui com- prend tous nos devoirs & toutes nos obligations , même imparfaites » envers les autres , il devoit en avertir.
Droit Naturel. 271
$. ^9^. Qui pueris atque adoîefceiu
tibui mala exempla pr<zhent , in
tos maxime injnrii fiint*
La même faute fe trouve dans Sj ceux cette propofition (Se dans fa dcmonf. ^"^ ^l^^'^" tration. Le droit de demander {puf ^^^^^^\^ SulmiJi) que Ton ne nous donne exemples pas de mauvais exemples , eft un aux en- droit parfait. Mais remarquez bien ^'"s, îeur que c'ed le droit de demander qui ^"'
elt parfait, & non pas le droit de fiavnir pas de mauvais exemples. 11 en cil de ce droit , fuivant M. W. lui-même ( -not. §. ^'^'^.part. i. Jiir. nat. ) comme de celui de deman- der les otfites de Thumanitc. Nous avons un droit parfait de les de- mander i mais nous n'avons pas un droit paçfait à ces offices mêmes, & nous ne pouvons les exiger par force. Puis donc que l'injm'c con- fifte feulement dans la violation du droit parfait d'autrui j on ne peut pas dire , que celui qui donne un mauvais exemple à des enfa ns , ou à de jeunes gens , leur faffe injure. lî leur en feroit une , s'il vouloit les empêcher de requérir de lui j M 4 qu'il
27^ QjP ESTIONS DB qu'il ne leur donne pas de mauvais exemples.
11 ftut dire de ce devoir , comme de tous ceux qui lie font pas fondé* iiir une obligation externe , parfai- te y qui ne répondent pas à un droit parfait de quelqu'un : c'eft pécher, ians-doute , & commettre une gran* de faute , que de donner de mau^ vais exemples , fur-tout aux jeunes gens : mais dans l'état de nature , chacun eft le maître de fes adions, quand elles n'intéreffent pas le droit, parfait d'un autre 5 & fi }« donne un mauvais exemple à quelqu'un , il n'a pas le droit de me rcprimei pai la force 3 droit qu'il aurait pour- tant , fi lui donner un maurait exemple, ctoit lui faire wjure^
f. 739. Liherî amare âehent parenierl
De Ta- La dcmonftratîon de ce dcvoîï tnour que important ne me paroît pas fuffi- lesenFans ^^j^^ç puifqu'elle ne pourroit pas doivent à , ,. ^ ? , V t jT
leurs pc- ^ ii'Ppliquer a tous les entans. L Au-
res ^ me- teur la fonde uniquement fur ce res. que les pères & les mères font les
bien-faiteurs de leurs enfàns. Or il eft des eufans ^ui n'ont re<;u au- cun
Droit Naturel. 273 cun bien-tait de leurs pcrcs , ni de leurs mères. Car h naiflance , que ceux-ci leur ont donnée , ne peut pas toujours être mife en ligne de compte. Il cft des pères & des mè- res , qui nDH-feulement ne fe font pas propolés la naiffance d'un en- fant, mais qui ont même cherche àTempècher. Je vcudrois donc ajou- ter une féconde démonftration , qui iïit abfolument générale.
Nous fommes obligés d'aimer tous les hommes. Le bon ordre veut que nous le foyons plus cx- preifément encore, d'aimer ceux avec qui nous avons des relations plus particulières y & la Providence , erx nous faifant naître de cet homme & de cette femme , a mis entre eux & nous une relation intime , qui a félon fes vues , & pour le bon or- dre & le bien général de l'humani- té , nous oblige à les aimer d'un amour fingulier 5 & s'ils s'écartent des devoirs que cette relation leur impofc , leur faute ne nous autorife pas à nous écarter aufli des nôtres.
M î «. 747.
274 Q-U ESTIONS DE
§ 747. Qtiamditi liber i ttfu rationis Jejjitnuntur , vel yioudum fuffiden- te pollettf , metii fervili iuihueyidm eji ammî4S : q'iamprhmitn verofari foteji , operam diire tmentur pa^ rentes y ut metum fervilem in jilia- iem convey-tant»
IVTsnîer© La première partie de cette pro.
de goit. pof^tjon ell mal démontrée. L*Aù- verner les . r r j r 1 r
eiifans ^^"^ roFide iur ce que les entunSa
dont la raifon n'eft pas formée, Ae peuvent difcerner le bien & lé mal, ni agir en vue de leur devoir. Mais alors , ne peut-on pas les gouver- ner par Tefpoir des récompenfes , aulTi bien , & fou vent mieux , que pur la' crainte des peines ? ■'<■'
La déciGon en elle -même peut être jufte en bien des cas v mais je ne cois pas qu'elle doive être ad- milè dans cette généralité. Il «ft des enfans d'un heureux naturel , que Tamour envers leurs parens porte à Tobéiflance , avant même que leitr raifon foit formée ; il fe- roit donc mal , d'employer les me- naces avec ces enfan*^-'à, & de leur infpirer une crainte fervile, à la-
queU
DabiT Naturel. 27Ç quelle il ne fauc avoir recours qu'à la dernière extrémité. Je voudrois donc que TAuteur eût au moins ajouté ce corrcdlif, que la crainte fer vile ne doit être mife en ufage , qu'au détaut des autres moyens , ou dans les cns où elle convient particulièrement, comme nous Pa- vons obfcrvé ci - delFus , fur le §. 671. Hors de ces cas, Tefpoir des récompenfes elt un moyen phis d"ux & plus cr)nvenablc , & également à la portée des enfans.
5. 7^4. L'iheri parentes hi prà>flan^à Ojjidis hiimct ntaîis in cafu coiliJiOiiù pr.tferre debeiit aliis , coujnge faU tem ac liber is propriis , fi quos ba^ bent , excepta.
L'exception ne me fembîe pas De la pré* bien démontrée. La preuve , quant f^^'^rence aux enHms , fuppoie preofément ''^^ ^"^ ce <|ui ell en queftion. Quant à îci yu^n^res femme, l'Auteur veut établir Pcx- par leurs cepcion fur l'union intime, en ver- en fans. tu de laquelle le mari & \.\ femme ne font en quelque forte qu\n"*e feu- le & même peifonne. Mais ii vous remontez aux principes fur lefque-ls M ^ U
2yé! Q.UE s T î ONS DE il a établi cette union §.4^1. & fuivans , vous trouverez qu'elle n'el^ pas plus intime , ni plus forte , que celle des enfans. avec leur père & leur mère.
Suppofons toute - fors qu^elle le foit davantage pour l'ordinaire lç en elle - même , la manière dons l'Auteur en déduit fon exception :n'en eft pas plus folide y & ne prou- ve point que cette exception foit ab- folue & de devoir. Puifque le mari & la femme ne font qu'un, dit-il, & qu'en cas de collifion , chacun doit préférer fa propre félicité à cel- le d'autrui , le mari doit préférer la félicité de fa femme à celle de tout autre , & réciproquement. Mais (ï la confervation & la félicité de la femme ne font point le bon- heur du mari y comme cela n^arrive que trop fouvent , il ne fera donc phas obligé de leur donner cette pré- férence, puifque vous ne la fondez que fur celle qu'il fe doit à foi-mê?- me. Si ce n'eft pas l'intérêt du ma- ri de préférer fa femme , votre raj- fon tombe , ou plutôt elle fait con- tre vous. Vous me direz qu'il eft ©bligé de confidérer fa femme com-
Droit Naturel. 277
fne ne faifant qu'un avec lui. C'eli ce que vous n'avez pas prouve , même dans le §. 4^9. Et cela ne pouvant fe dire que d'une manière figurée, ne f(;auroit vous fournir un argument folide , en le prenant à la lettre. \^ous avez feulement fait voir » que l'union de deux époux e(\: fort étroite. Il refte à prouver qu'elle doit l'emporter fur toute autre. On peut le faire , au moins en général , de cette maniè- re. D'abord les époux n'ayant qu'un même intérêt , & l'un étant très néceflaire au bonheur de l'autre > «'ils font leur devoir 5 il eft certain , que par la préférence que nous nous devons à nous -mêmes, les époux font en droit de fe préférer mu- tuellement à tout autre , dans l'af- lîftance & les autres offices de l'hu- manité. Ils ont , dis je , ce droit: voici dequoi leur en faire un devoir. La focieté conjugale exigeant que deux époux n'aient qu'un même in- térêt, qu'ils vivent enfcmble, qu'ils s'aiment tendrement , qu ils s'ai- dent & s'alfirtent réciproquement , le bien de chaque famille , î'> bon ordre même de la focieté humaine ,
de-
278 Q.UE STIONS DR
demandenc en général que le mari & la femme s'accordent mutuelle- ment cette préférence fur toute au- tre perfonne. De -là vient que M. W. a avancé ci-deifus ( ^. 46 >j. ) que le mariage emporte tacitement & par lui-même , la promeife^ réci- proque de cette préférence , & je fuis furpiis qu'il n'ait pas cité ce paragraphe , pour toute preuve de la propofition préfente.
Ces mêmes raifons , prifes de l'intérêt propre , du bon ordre » & du bien de chaque famille, peu- vent fervir à démontrer la préféren- ce qui efl: due aux Cf.fans. Un hom- me une fois marié , eiè décaché de la famille de fon père , pour en for- mer une nouvelle; tous fes foins font donc dûs par préférence à cette fimiiie, qui lui eft propre, & le bon ordre rc;xige ainli.
Cependant on voit bien que ces preuves ne font pas telles , que la maxime ne puitfe fouffrir des ex- ceptions , en vertu même des prin- cipes qui rétabli lîènr. S'il m-e fal- loit orter entre la confervation d'ua père plein de mérite, très - utiîe à X^oi-mènic & aux autres, ^ c^Hc
d'uns
Droît Naturel. 279
d'une femme d*un mérite fort com- mun , ou d'un enfant en bas âge, ou peu rccommandable , doutera- t - on qu'en pareille extrémité, je nepuHè, ^' ie ne duilè même pré- férer le falut de mon père î' La rai- fun même fur laquelle l'Auteur fe fonde, fcavoir, que mes devoirs envers moi-même l'emportent fur mes devoirs envers autrui i cette raifon , dis - je , feroit , en pareil c^s , contre (a déciii<Mi. Car il me feroit, dans ce cas -là, plus utile de fauver mon père,, que de con- ferver ma femme , ou mon enfant. On pourroic encore oppofer à l'Au- teur ce qu'il dit ailleurs (§. ^26.) que les enfans doivent faire plus de cas de leurs pères Si mères , que d'eux - mêmes-. Ce grand refped , cette révérence filiale, portera, ea plufieurs occafions , un fils bien né, à préférer fon père , à foi-mê- me. Donc , de ce que fa femme 8c lui ne font qu'un , il ne s'en- fuit pas qu'il doive préférer fa fem- me à fon père.
§. 7^6.
agO QjJES TIONS I)B
s. y 66, Tarent es bon a liber is rejîî» tuentes , qiia durante educatione if fis undecmjque ohvenerunt y ra» tiones adminijtrationis reddere non tsnentur.
Si îe père Je ne penfe pas que la propofi-
& lameve ^j^j^ ç^^-^^ vraie généralement & à ri-
doivent o i j / n •
ren^ire g^eur , & la démon Itration me pa-
compce à ^^^^ manquée j car on ne peut pas un en- dire abfolument , que demander fant,dont qu'un père , ou qu'une mère rende ils ont ad- compte de fon adminiftration , foit k bien, contraue aux devoirs d un enrant envers Tes parens : ces deux chofes peuvent s'accorder. Il me paroît donc que l'un doit Te borner à dire qu'en général il eft honnête & très convenable aux devoirs d'un en- fent, de ne point exiger que Ion pece, ou fa mère, lui rende comp- tes qu'il ne doit pas l'exiger fans de très-fortes raifons , & que, s'il s'y trouve obligé , il doit obfervec autant qu'il eft polîlble , tous les égards dûs aux auteurs de fa vie. Mais quand on palTeroit à l'Auteur, que les eiifans , en vertu de leurs
de-
Droit Naturel. «8^
devoirs envers leurs pcres <^ leurs mères , ne doivent jamais leur de- mander compte 5 cela ne prouvcroit point, que ceux-ci ayent le droit de n'en point rendre,
J. 8co. Tarentihus competit jus /û bi:ros [nos in adoftiomm dandi.
La propofition me paroic vraie , Si les pci mais il étoit à propos , ce me fem- rcs & les ble, de remarquer, que ce droit- "|fj^'^^^ là n'oblige les enfans que pendant ^^^^^^ leur minorité. Quand ils font par- leurs en- venus à l'âge de raifon , ils peu- fens en Tcnt rompre l'adoption , en indem. adoption, nifant le père adoptif, s'ils trou- vent qu'elle a été faite à leur pré- judice. On me dira , peut - être , que les enfans, félon le droit na- turel , fe trouvant émancipés , dès qu'ils ont atteint l'âge de raifon , l'adoption eft comme finie , par ce- la même. Mais il en rcfte des ef- fets , qui peuvent incommoder les enfans adoptife , & leur déplaire par de julUs raifons.
i 819.
^8^ Q„UBS T I ONS DE
$. 8 19- Ex eadem ratione (quo- niam a voluntate unientium de- pendet, qua lege liberos ex di*. verfis matrimoniis unire velint) pat et 5 unionem ea legejîeri pojje , uf vel fimpliciter , vel certo cafu ajjiciat bona unitorum , qua ex priori matrimonio habent, vel etiam fa&a unione iijdem obveniimt ex cafu quodum praev^Jh ^c»
S» ce Cela me paroît abfolument înfou- '^'^ jJI^ tcnable. Les pères & les mères n'ont
wiio pro- P^^ ^^ ^^^^^ ^^ difpofer ainfi des iic^m p 'uc biens de leurs enfans. L'Auteur lui- affedter même le dit cxptcflemenc (§. 814.)- les biens j[ ni'eft impolîible de concilier ces de"' en. ^^^^^ propoîicions. Il eft vrai que fans. ^^"s la fui^ ante ( §. 820. ; l'Au- teur apporte un corred.f aipfîble de lever une partie r'es difficultés , quand il exige le confeiuement, ou la ratification des en (an s, ou à leur défaut , l'approbation de gens im- partiaux, qui confentent au nom des en Fans. Mais il eût été mieux de l'inférer dans celle- ci > cir cha- que propofition do^r être vraie en éle-aiètne , & indépendamment de
h
Droit Naturel. 281
la fuivaiitc. Je ne fc;»! même fi cet- te piopolltion 820. eft à l'abri (îc toute objedlioii ^ dans Çjl dernière partie, & il me feinble que f union , dès qu'elle affede les biens propres des enfans , ne peut être folide que par leur confentement exprès , s'ils font en âge , ou par leur ratification, après qu'ils font parvenus à cet âge»
$. ^26. Fater filiatn uxovem duco'e ueqiiit , nec mater Jilio nubsre pO" teji , feti matrinionium hiler peu rentes ^ liber os natur aliter iUi^ citiim,
La démonftration de cette pro- p^ '"'i- pofition me paroit bien foible. Elle "^^^^ ^^" tondee toute entière lur le rcl- ^^^^ ^ peci & la révérence que nous de- defcen. vons aux auteurs de notre vie. Mais dans. e(l il bien démontré que le maria- ge foit abfolument incompatible avec ce refpcdl & cette révérence ? Cela fe pourroit dire du mariage entre la mère & le fils, dans le fy llème or* dinaire, qui attribue une fupério- rité au mari. Mais félon M. W. les conj')int^ font dans une parfiite égalité , & même le aiuri peut céder,
s'il
a84 Q^UE sTioNs de
s'il le veut , la fnpérioritc à fa fem- me. Dans le mariage du père avec fa Elle , il y auroit une familiarité , qui n'elt pas fort convenable au ref- pecl filial i mais qui , peut-être , ne lui eft pas nbfolument contraire , tn forte qu'il foit impcffible de les concilier. Pour rendre la démonf. tration de l'Auteur complettc , il faudroit prouver encore , qu'il n'eft pas permis à un père & à fa fille , qui voudroient fe marier enfemble , de fe dépouiller , d'un commun ac- ford, des fentimens qu'ils fe doi- vent dans la relation de père à fil- le , pour en revêtir d'autres , plus convenables à la nouvelle relation dans laquelle ils veulent entrer. Ces alliances doivent être défen- dues dans la focieté Civile , & il y a de très bonnes raifons pour cela. La loi naturelle autorife même les hommes à infpircr de l'horreur pour les ufagcs dangereux , qui pcurreicnt trop facilement donner lieu à des abus énormes. Je con- viens auiîi que pour l'ordinaire, ces unions feroicnt peu convena- bles > qu'elles choquent la bien-
féaii-
Droït Naturel. 2tf
féance i & que par - là elles font contraire à la Loi de perfcdlioii C ^^i"' perfeLiivd, ) , laquelle nous oblige à chercher toujours ce qui eft le meilleur. En particulier » l'uriion de la merc avec le fils cft peu convenable au grand but du mariage , qui efl: la propagaciott de refpece. Remarquons enfin , qu'il convient au bien général de l'humanité, & à ce même but de la propagation , que chacun revête & conferve à l'égard d'autrui, les fcntimens que leurs relations exi- gent. Autres font les fentimens qui doivent régner encre les peies & leurs en fins i autres les fenti- mens qui Géent aux époux. Les pcrcs & les mères doivent élever leurs enfans pour former de nou- velles familles i & pour qu ils s'ac- quittent bien de ce devoir , il ne faut pas qu'ils ayent feulement la pcnfée de fc les aflbcier un jour par le mariage. Cette dernière confidération eft peut-être ce qui fait le mieux fentir que les ma* riages entre afcendans & à^^cen.- dans 9 font centriûxcs à \% nature.
âgg QJIES TI ONS DE
Peut-être y trouverons - nous aufîî dequoi expliquer diltindement cet- te horreur , que la nature infpi- re, dit - on , à tous les hommes, pour de femblables unions. Les fentimens qu'un père doit avoir pour fa fille, font fi différens de ceux que Ton a d'ordinaire pour une époufe , & fur- tout pour une peifonne que Ton recherche en mariage, qu'ils paroifTent d'abord incompatibles , & qu'en etfet ils s'allieroient difficilement. C'eft cet- te oppofition de fentiniens , qui éloigne naturellement un père , de penfer à s'unir de cette faqon avec fa fille. Auffi voyons - nous que les peuples dont l'éducation étoit mauvaife , ne fentoient pas cette répugnance. Dion de Prufe , cité par G R 0 T I u s , attribue à iUne mauvaife éducation , la cou- tume des Perfes à cet égard.
Voilà, à mon avis, ce qu'on peut dire de plus fatisfaifant fur cette matière.
S. 83^.
Droit Naturel. 287
5. 83^' Cogtmti Jtlri invicem fpeciali ratione obtigantur ad bénéficia 7niu tua prjtjlanda y qiiantwn m potef- tatc ejL
La dcmonftration me paroit un Oblîga- pcu tbible , au moins à l'égard des ^^°" "]"' parens éloignes. L idée de nos de. païens yoirs envers des aïeux , qui écoient de fc faire morts avant notre naiirancc , n'eft du bien. pas fort propre à faire impreilîon. Je fcrois plus fatisfait & plus tou- ché de cette preuve ici : je dois ai- mer cous les hommes & leur faire du bien , pour me conformer aux vues de Dieu , qui les a faits de la même efpece que moi , & qui a voulu que nous tuifions befoin les uns des autres. Je dois donc , pour me conformer aux mêmes vues , aimer & aider particulièrement ceux avec qui le Créateur m'a donné des relations plus étroites. Ajoutez que cda eft conforme au bon ordre & à mon propre avantage, étant très utile aux familles de demeurer unies, en furte que les membres s'alfillent mucueilcmenc.
ti% Qjr ESTIONS Dt
$. 888. Bofta tutoris ncituralUcr ohlU gâta fwit pupillo.
Si les La prétendue demonftratîon de biens du cette propofition ne me convainél tuteur nullement de fa vérité. On fuppo- gés au ' ^® ^^^^ ^^^^^ dénionftration , que çupilie. les biens du pupille ne peuvent être mis en fureté , à moins que ceux du tuteur ne lui foyent engagés. Cela eft- il bien vrai? Ne peut -on pas pourvoir fulfifamment à ia fu- reté du pupille , en choifiifant un tuteur fdgc, accommodé lui-même des biens de la fortune , en lui ôcant le pouvoir d'aliéner les biens du pu- pille , pouvoir qu*il n'a même point» fuivant l'Auteur , en l'obligeant > comme le veut aulli M. W. à ren- dre compte tous les ans à un tu- teur honoraire ? Tout cela, dis-je, ne fuffic-il pas , faut recourir à un engagement des biens du tuteur , qui emporte un droit d'hypothèque ( §. fuivant ) ? Cette précaution cm- pccheroit que l'on ne put contrac- ter fùrement avec un tuteur , pour fes biens propres » & qu'il ne pût
1^
Droit Naturel. 259
les vendre quand il le jugeroic à propos. Qiù voudroit fe charger d'une tutcle , à des conditions fi onéreufes ?
$. 911. Natur aliter tutori, vel eu-
ratori fa/arium coyiftitucre nequit ,
niji pater-, vel mater.
Quoi ! Apres la mort du père 8c Si îe père de la mcre , les plus proches parens "^' ç ^^' d'un pupille , auxquels des raifons peuvent légitimes ne permettront point de alTuiner fe charger de fd tutele, & ^ul ne un fihire trouveront perfonne qui veuille s'en au tuteur, charger fans falaire , n'auront pas le droit d'afîîgner un falaire à celui qu'ils choifiront pour tuteur ? Quels înconvéniens ne fuivroient pas de cette doctrine ? Mais je crois pou- voir démontrer le contraire , par les principes mêmes de l'Auteur. Le? plus proches parens font tuteurs naturels des pupilles ( $. 838- ) > <&: même , à leur défaut , tout homme capable peut fe charger lui-même de la tutele (§. 8390- Suppofons donc qu'un parent , ou tout autre hom- me , prenne d'abord la place Se les fondions de tuteur , & que fes af- N fai-
^po Q_U ESTIONS DE faires ne lui permettent abfolunient point de les garder. Un tuteur n'eit pas obligé d'clever fon pupil- le à fes dépens , & il peut employer les revenus , &; même , en cas de ncceiTitc , les fonds du pupille à fbn éducation, & par conféquent à la diredion & confervation de fon patrimoine (§. 845- )• 9^ Pa- ient, ou tout autre qui a pris d'a- bord la place de tuteur , ne pou- vant la garder , ni trouver un au- tre tuteur qui en veuille faire les fondions fans récompenfe aflurée , cft donc en droit de convenir d'un falaire raifonnable avec un homme capable , qui fe chargera de la tu- tefe j puifque cette convention eft non - feulement pour l'avantage du pupille, mais même néceifaire à fa confervation & à celle de fes biens. Le falaire de fon nouveau tuteur clt compris dans les fraix de fon éducation.
Si la raifon fur laquelle l'Auteur Te fonde , eft valable , favoir que le propriétaire feul eft en droit de difpofer de fort bien ; perfonne n'au- ra le pouvoir de payer ceux qui cultivent les biens d'un pupille &
le€
Droit Naturel. 291 les dotneftiqiies qui le (ervent. Ce- pendant les parcns , le tuteur , un fin\p\e gereur d'affaires (negotiorum gejior)f font ta droit de payer ces gens-là. Et pourquoi TAuteur dit-il lui-même ( §. 8450» q^e le tu- teur peut dirpofer des revenus & des fonds mèiiies du pupille, pour fournir aux fraix de fon éducation ? La ri' i fon dont il s'agit , n'a pas plus de forcj dans un cas, que dans Fautre.
Difons dortc que perfonnc n'é- tant obligé de fcrvir un autre , ou de lui donner quelque chofe pour rien , quand cet autre a dequoî payer ; il le pupille eft en état de payer un tuteur , & fî perfonne ne veut l'être pour rien , les plus proches parens font en droit d'at fîgner un jufte falairc à un tu- teur, tout comme ils peuvent l'aC- figncr au vigneron qui cultive la vigne du pupille; celui-ci n'ayant pas moins befoin d'un tuteur , que d'un vigneron.
N 2^ §. 98T.
2,2,2 Qji ESTIONS DE
§. 985'' Jfi^ hareditarium parentum Ëf lihsrorum mutuum efi jus perfe&um.
Du droit Cette propofition ne me paroît à l'hérita- p^g vraie fans exception , & dans gc en il- ^Q^^Q pétcndue qui lui cft ici don-
cendante ^^^- ^^^ ^ ^^^^ ^^ admife dans ce &dcfcen. fens abfolu, un perc, ni un £ls, dante. ne pourra difpofer d'aucune partie des biens qu'il laiflc en mourant. L'Auteur dit que leur droit à l'hé- ritage découle de leurs devoirs ré- ciproques , lefquels font fondés fur un qunfi contrat , fqavoir , celui de la focieté paternelle s & que le quafi-contrat produifant des obliga- tions & des droits parfaits , le droit d'hériter , qui en découle , eft un droit parfait. Mais il faut obfervcr , que ce droit ne dérive des devoirs , que jufqu'à un certain point & d^ns une certaine mcfure , c'eft-à-dire , autant qu'il cft nécelfaire pour que les devoirs foient remplis. Par exem- ple, un père eft obligé d'élever fes enfans , de travailler à îeu»" bon- heur &c. ce qui donne awx enfans iiii dioic parfait à fon alliftance
pen-
Droit Naturil. 293 pemiant l'a vie , & à une partie de les biens après fa mort. Mais fi le père poiffde beaucoup plus de biens que les enfans n'en ont befoin pour vivre heureux , ne pourra-t-il pas dilpofer d'une partie pour quelque ufage louable. Il remplit fes de- V(^iis envers eux , en leur laiflant de^uoi vivre heureux.
Il faut obTeivcr fur cette démonf- tration , ( & il y en a plufieurs fembiables dans cet ouvrage ") qu'el- le nV-ll pas rioou'cufement juite , paice qu'elle efl: Fondée en partie fur d<s principes qui ne font pas d'ime vérité ablo'ument nécefTaire. L'Aii^our a fait voir ci-deflus , qu'un ptic lit « bii^c de travailler à aug- meiuer les b:ens de Tes enfans , par- ce qu'il doit travailler à les rendre l;^urcux , & que les ritheffes con- ti ibuciu au bonheur de la vie. Ce- la elè vrai en général : mais com- me un certain dé-^ré de richeflfe , fuivant les circonllances , eft fou- vent très luffifant au bonheur d'un homme, & que le plus haut degré n'cit pas toujours le meilleur i cet- te conféquence , tirée du foin qu'un N 3 pe-
294 Q_" ESTIONS DE père doit avoir de rendre fes enfans heureux, n'eft ni illimitée, ni mê- me d*une vérité abrolue.
Il cil vrai que l'Auteur s'expli- que dans la fuite , pr.r deux déci- fion-s , qui lèvent toute difficulté , quant à la doctrine, mais non pas, à mon avis , quant à fa manière de l'établir Si. de la démontrer. Il dit donc, i°. Que Ton peut deshé- riter un père ( §. 1014. ) 5 ou ufi enfant (§. 1000. ) 1 ^i'î» manquent ouvertement & à deiiein , aux de- voirs eiientiels que ces quaHtés leuï impofent. Comme il fc fonde fur ce qu'un père , ou un enfant , qui agiiîenc au contraire de leurs de- voirs , fe déoouillent eux - mêmes de la qualité qui leur donnoit di oie à l'héritage ; cette déeifion lailTe fubfifter i'idce du droit parfait , que l'on peut effecflivement perdre par fes prc près faiti. Mais il dit , 2^. une chofe , q\ii ne s'accorde pas Cl bien avec cette idée , fqa- voir , que les pères (§. 1005. ) de même que les enfans (§. ioc8-) peuvent léguer une partie de leurs biens aux pauvres & à des gens qui en font dignes, lors que leurs
hé-
Droit Naturel, t^^
héritiers iiicurels , c'cltà-dire leurs Cîilaiis , ou leurs pères «Se mères , ont allez de biens pour fe procu- rer les ncceiricés , les commodités ^ les agrémeiis de U vie. Si j'ai un droit pafait à une chofe , on ne peut m'en ôter aucune partie, qumd même Tufage que Ton vou- droit faire de cette partie , feroit en foi bon & louable. Vous ne pouvez prendre ce qui cft à moi, pour en gratifier un autre. Il pa- roit donc que TAuteur auroit dû s'expliquer fur le droit parfait qu'il attribue aux héritiers en ligne di- recte, afcendante ou defcendanre. S'il eût dit , comme nous l'établifl fons au commencement de cette remarque, qu'un enfant a un droit parfait de fuccéder à une portion des biens de fon père , portion dé- terminée par les circonftances j 8c de même, qu'un père a un pareil droit à l'héritage de fon enfant , qui meurt fans lignée -, il eût évité toute difficulté : & c'eft-!à tout ce que prouve fa demonftration , com- me nous l'avons fait voir.
Les Loix Civiles ont fuivi prêt que par-tout cette équité natuiclle ,
N 4 ea-
29^ CLU ESTIONS D F
envers les en fans , en leur aiÏÏ- gnant une légitime , que le pers FiC peut leur ôter , fans de très-for» tes raifons , qui rendent un en- fant indigne de cette qualité & de toute part à l'hérita ge.
§. 988. S^ liheri fcientes ac voîen" us ea commitiunt , quA e diame» tro ipforum erga parentes officio répugnant , vel a vita fcdejia fs - fe r^vociwi non pattuntar y natu^ r&liter eos ahdicars. licet»
Der^bdi. Ceci doit s'entendre des enfans canon émancipés , fur lefqucls le pcre n'a feèns P'^^ aucun pouvoir \ autrement la propoiition ne pourroit fjbfifter , le la démonftation feroit fautive. Car le foin qu'un père doit pren- dre de fcs enfans & de leur con- duire, n'eft pas uniquement fonds fur ce qu'il doit à ces enfans. L'o- bligation où il fe trouve à cet égard, venant encore d'autres prin- cipes (voyez §. 263. ), il n'en eft pas dégagé par la raifon qu'un en- fant manque à fon devoir & à fes eneagemens tacites. Ce qu'un pcre-
Droit Naturel. 297 fe doit à foi - même , ce qu'il doit aux aunes hommes »Sc aux vues du Créateur, tout cela Toblige plutôt à ufer de fou autorité ik de Tes droits contre un enfant rebelle & dénaturé, Tautorifc à le punir, à lui marquer Ton indignation j mais non pas à Tabandonner à fa mau- vailb conduite.
5. 991. in nota. Parentes emm , cum in bona âefundorum liheroriim nnnqiiam [iiccedtxnt ^ nift qiiifuut ejufdem gradm '^c.
Il fe préfente ici une difficukc. Du droit Le droit de fucccder aux biens d'un des ukux enfant , qui apartient aux pères , -^ l'F^' mères, & aïeux, dérive de l^obli- rit.iee gation où ell un enfant de contri- d'un en-, buer à leur bonheur , & de las f^nt, nourrir , s'ils font dans le befoin. Cette ob'igation étant plus étroite & plus immédiate envers le père & la mère , ceux-ci héritent , à Tex- clufion des grand- pères & des grand- meres i & c'eft à eux de pourvoir aux befoins de leurs oropies pères, aieux du défunt , s'ils vivent en- N s co-
29S Q_UE S T I 0 N S DE
core. Cela efi: fort bien. Mais fijpptJ- fons qu'un enfant , dont le père eft mort , laiffe en mourrant une mère riche, & un grand - père pa- ternel dans la mifére , la mère héritera - 1 - elle feule? Le père ne vivant plus , pour avoir foin du grand - père 3 ce que Penfant de- voit à fon pcre, ne Is dçit-il pas à fun grand - père ; & cette rai- fon , qui fait le droit de la marc a fa fuccefTion , n'en donne-t-elle pas un au grand - père ? Il fem- ble donc que le droit de répré- fentation , établi en faveur des petics - fils ( §. 980. ) V doit avoir lieu auiTi dans la ligne afcendan- te. L'Auteur fonde ce droit de ré- p' éfentacion pour les petits - fils ,. fur ce que le grand - père eft obii» gé de prendre foin d'eux , au dé- faut de leur père. Ne doit - on pas dire de même , qu'au défaut du fi's , le petit - fils doit prsii- dre foin du grand -père î
$. J038.
Droit Naturel. 29^
$. 1058. Si h^res fuh conditmie fue^ rit injtitutiis , naturixliter f endetta te conditione bonis tt defun&o re^ li&is lititur fruitur hoives ah in- tcjiato , ^ ea non exijknte , vel fotefiativa non âdimplsta hd-redi- tAtem acqiiirit,
La première partie de cette pro- De l'inllU pofition ne me paraît pas auffi évi- tution dente que la fui vante. 11 femble conduio- plutôt que les revenus doivent être amafles & conlërvcs , jufques-à-ce que la condition exille , ou qu'il foit décidé qu'elle n'exiftera pas. Si elle a lieu , tout appartient à rhériticr inftitué j fi elle manque, tout eil à l'héritier ab-inteflat.
Le cas de la propofition fuivan- te eft tout diiférent ( il s'agît d'un hciicier inftitué in diem certum). Là vous voyez une raifon de pré- fumer que le teftateur a vcuîu laif- fer à fon héritier ah-inteji^t l'ufu- fruit de fcs biejis , jufqu'à certain jour 5 puifqu'il ne veut pas que celui qu'il inftitue , fuit fon héri- tier avant ce jour - là. Mais ici , • N <5 il
3CO QU E & T I 0 N 9 DE il n'y a rien de femblable : il pa^- rok feuiement que iè teflateur a voulu attacher à une certaine con- dition ,. la donation qu'il fait de Tes biens après fa mort; & qu'au dé- faut de cette condition , il entend que fa fucceiiion paiTe à fon héritier ah-intejiai,
$; 1074, Si conjttx unus moritîir j in bon a ejtis fnccedtmi h^redes feve ÎH ttjiamento injUtuti, five fini ah iîu
tefiato fuccsdunt.
Du droit Cette propofition ne me paroîfi des con. pas bien d'accord avec les principes jo' ts à de l'Auteur. Il fait découler le droit leiif heri ^ Théritage des pères & des enflvns de leurs devoirs réciproques (§. 97 S*- & fuiv. ) Or il établit ( §. 754. ) 9 que quant aux devoirs ds l'humank té , la femme doit être préférée au père & à la mère. Si les devoirs. du mari envers elle font plus forts» que les devoirs, d'un fils envers foH père, pourquoi ne donneront -ils pas à la femme un dj'oit à la fucceH fion du mari , plus fort encore que celui du père , fondé fur des de- voirs plus foibks. En yain TAutcuf
cb-
tage reci i:)ioque
Droit Naturel. 301 obferve, que la mort rompt le lieii du mariage. Ne rompt-elle pas de mcmc toute autie relation 'i' Liitiis c]ui meurt, ne peut plus ainUer foix perc i il y pourvoit par les biens qu'il lui lailTe, Un mari mourant, doit pourvoir aux befoins de fa fem- me : ce devoir établit donc le droit de la femme , de la même manière qifun femb'able devoir établit ce- lui du père. Je ne vois pas corn* ment on peut fe refufer à cette con* féquence dans les principes de TAo» leur.
Mais en réduifànt les devoirs ré- ciproques des conjoints à leurs juC- tes bornes, comme nous avons ef- fayé de le faire , dans nos obfer va- lions fur le §. 7^4. & en les com- binant avec les devoirs envers les parens , il en réfultera des règles mieux liées & plus équitables pour les fucceiîions. Un époux doit pour- voir aux befoins & au bonheur de fon époufe ; il doit pourvoir auiîî à ceux de fes pcrcs & mères : il doit préférer fes propres parens à ceux de fon époufe. De tout cela, il fuit , 1°. Qi^ie répoufc doit avoir, après la mort de Tépoux , Tufufruic
d'u-
$0% QjU ESTIONS DE
d'une partie des biens qu'il laiflc , ou du tout , Tuivant les circonftan- ces , mais qu'elle ne doit point en avoir la propriété , parce qu'en ce Cas , elle les tranfmettroit à fes pa- ïens , au préjudice des parcns de répoux. 2*". Qiie fa part à l'ufu- fruit doit fe régler fur fes befoins & fur ceux du père & de la mère , des grand-peres & des grand-meres de répoux, GOQibincs avec équité. 3°. Qiie s'il y a des enfans , ils doivent hériter de tout y parce que c'ell alors à eux de pourvoir aux befoins de leur mère & de leurs aïeux. 4^^. Que il la femme vient à fe remarier , elle doit perdre jut qu'à l'ufufruit qui lui eft afligné î parce qu'alors c'eft à fon nouveau mari de pourvoir à fes befoins. ^*. Que Cl l'époux mourant ne laiffe point de proches parens , la femme doit être fon héritière, puifqu'ellc eft fans doute alors la perfonne dont le mari doit avoir le plus de foin , & que la fucceilion ab - inteftat eft fondée fur la volonté préfuméc du défunt (§. 1031.)- Ce que nous difons de la femme ^ doit s'enten- dre
Droit Naturel. 303 drc rccipioquement du mari , wti^ tutis vmtundts,
L'Auteur établit à -peu -près les mêmes chofes dans le paragraphe fuivant. Mais il dit que Tcpoux mou- rant les doit faire par manière d'ot £ces , tî^ comme chofes convenables à famour conjugal 3 & non pas erî vertu d'aucun droit parfait , que le furvivant ait à Çà fucceffion. Je n« vois pas la raifon pourquoi , en ob- fervant les règles que nous venons d'établir, & ^yant égard aux cir- co:\rtanccs , l'époux furvivant n'au- rolc pas , dans les principes de M» W. , un droit parfait à une partie de la fucceiïion , ou plutôt des re- venus, proportionnée à fcs befoins. Le droit parfait des pères & des en- fans vient , fuivant lui , de la f(>- cieté paternelle : la rûcicté conjuga- le ne peut-elle en donner un pareil ? Je conviens que la première étant iniiituéepar la nature, elle eft plus facrée que celle qui doit fon origine d li volonté de l'homme i auili ac- Cordai -je plus de droit aux pères & aux cnfans , qu'au conjoint (urvi- van: j comme il ell: aifé de le voir dans les cinq règles que je viens d'é-
ta-
304 QjJ ESTIONS DE
tablir : mais il ne s'enfuit pas qiie ce conjoint n'ait aucun droit. Di- ra-t-en que la focieté conjugale n'cft contraclée que pour le tems de la vie des deux conjoints, & qu'elle eft diiîbute par la mort de l'un d'eux? Mais puifque les devoirs d'un en- fant envers fon père , aiFeclent fss . biens après fa mort , pourquoi les devoirs d'un mari envers fa femms n'auront - ils pas la même force ? Toute la différence que j'y vois , c'elt que la femme perd fes droits , il elle palfe à un fécond mariage , parce qu'alors c'cft à fon nouvel époux de remplir envers elle les de- voirs que cette qualité impofe.
§. 1080. Servitus efl fubje&îo ^ qua
qiiis opéras perpétuas pro alimen'»
îîs psrpetuis pr<£jîare ^bligatur.
^ Défini- Je ne fçal s'il ne feroit pas mieux 1'*^" ^^ de ne faire aucune mention des ali- gg^ ' ' mens, dans la définition de la fer^ vitnde , ou de Pefclavage , & de déduire l'obligation où eil le maître de nourrir fon efclave , de ce que l'cfclave ne peut vivre fans alimens, & ne fçauroit fe les procurer lui-
Droit Naturel.' jof
même , étant obligé de travailler pour fon maître. L'inconvcnicnt de la définition , telle que l'Auteur li donne , ne tarde pas à fe fan e fcn- tir. Dès le §. log^. TAuteur en dé- duit , que Tefclava^e n'a pas lieu dans la communioo primitive 5 par- ce que , dans cet é^at , tout le mon- de a un droit égal aux alimcns qui fc trouvent fur la terre. La Gonfc- quence cft julle. Ci Ton admet fa définition. Cependant, Tefclavage peut avoir lieu dans la communion primitive , tout aufîî-bien qu'après rintrodudion de la propriété , & il n'ell pas difEcile de le prouver p d'où il rcfultera que la définition n'eft pas exadlc. Dans cette com- munion , comme dans tout état de nature , le cas d'une jufte défenfc me donne le droit d'ôter la vie à un injulte aggrefleur , fi cela efl: ni. celLire pour ma fureté. Mais Ci j'ai- me mieux îe réduire en fervitude , que de lui ôter la vie , ne fuis - je pas en droit de le faire , fuppofé que j'en aye les moyens ? Il fervira alors , non à augmenter mes richet fes , puifque tout eft commun , filais à me foulagcr dans le travail
us*
^06 QjJE STI 0 N s DE
néceflaire à ma fubfiftancc , à ma commodité , ou à mes agrémetis. Au refte , je m'explique ailleurs fur la queftion de refclavage ( voyee Droit des Gens. Liv, IlL On^p. VUL
J, 1092. Si parentes aliter llhms fuis de lis profpico'e non fojfunt , qiAH ad educationem reqiiiruntur y eos in [ervitutem vetido'e litet.
Si les pe- Cela ne me paroît pas affez exacft res & les j^çj pères & les mères n'ayant au- le droit ^"^^ droit lur la liberté, non plus de vendre Q^e fur la vie de leurs enfans , ils leurs en- ne peuvent raliener & en recevoir fins pour le prix. Tout ce qui fuit de la dé- e c avft. lîionltrntion , c'eil que , Ç\ un pc- re , ou une mère , fe trouve ab- folument hors d'état de nourrir fon enfant , il peut convenir avec quelqu'un , qui fe chargera de nour- rir & d'élever cet enfant , ^ qui aura droit de le faire travailler, jufqnes-à- ce qu'il foit récompenfc de fes avances , & du rifque qu'il a couru de les perdre , par une mort prématurée de Tenfant , ou par quelque autre accident. Puis
qu'a*
Droit Naturel, foy qu'une pareille convention efl au pcre un moyen fuffil'anc de remplir Tes obligations envers Ton enfint , ces mêmes obligations ne lui don- nent que ce droic-là. Comment lui donneroient-elles de plus , celui de vendre la liberté de Tenfant & d'eu recevoir le prix ? Cette vente , fans pourvoir plus fùrement aux befoins de l'enfant, rendroit (a condition plus dure. Se Ton retour à la liber- té plus difficile & plus éloigne. Le f . 1 1 27. confirme ce que nous cta-» blidbns ici. L'Auteur y prouve , que fi la pauvreté a oblige un perc à vendre fen enfant , le maître eft ob'igé de Fatïranchir, fi on lui ret titue le prix qu'il en a donné, & les dcpenfes qu'il a faites pour Ton édu- cation. (>ie le père donc ne le ven- de point , qu'il n'en retire point un prix, auquel il n'a aucun droit j & l'enfant , pour fe remettre dans la liberté qu'il a rcque de la nature, 11' Aura à reflituer que les fraix de Ton éducation. On ne dira pas que le père ne pourroit trouver à faire la convention que nous lui pref- crivons. Cela lui efl: plus facile que dç vendre fon cnfcnc, aux condi- tions
308 Q^UE s T I 0 NS DE
tiorts que l'Auteur établit 3 puit que celei qui fe chargera de l'en- fent , épargnera l'avance du prix qu'il en auroit donné en l'ache- tant , & évitera le rifque de perdre cet argent.
§. 1102. Dominus permittere non débet , ut fervus fit vitio dediius i fed dare potius operam , iit viT" tuii Jludeat^
Bu droit II manque quelque chofe à cet
du maiciv; article , pour rendre folides les
lur toute ^ f lî \ ^
lacon." i ^^l'iequ^nces que r Auteur en tnc
te de ibn ^^^^^ les deux fuivans. Cette obli- cfclave. gation impofée au maître , de ne pas permettre que fon efclave s'a- donne au vice , n'étant fondée , par la démonftration , que fur la qualité d'homme , que reicave ne perd point dans la fervitude ( §§. 1099. & iioi.)i il ne s'enluic print que le maître ait le droit de régler la conduite de Ton efclave , dans ce qui ne regarde pas le tra- vail qu'il lui doit , & de le pu- nir, s'il s'udonne à quelque vice, ou s'il néglige la vertu. Car bien
que
Droit Naturel. 509
ijuc la Loi Naturelle nous oblige de travailler , autant qu'il ei\ en notre pouvoir, à rendre les hom- mes vertueux , elle ne nous donne point le droit de les punir , s'ils répondent mal à nos foins , à moins que nous n'ayons un droit particulier fur leur conduite. Or le maître , dans les principes de TAuteur , n'a droit que fur le tra- vail de fon cfclave , ik fur fes au- tres adlions , en tant feulement qu'elles fe rapportent à fon tra- vail (5. 109(5.)- Il falloir donc, pour étalilir l'autorité d'un maître , fur toute la conduite & fur les mœurs de fon efclave , & fon droit de le châtier , s'il s'adonne au vice, commencer par faire voir, que les mœurs d'un efclave inté- relfent confidérablement le fer vice qu'il doit à fon maître , ce qui n'étoit pas difficile. Car il eft évi- dent que le fervice d'un efclave vicieux n'cft ni auflî fCir, ni auiîî pro^table , qu'il le feroit , fî ce même cfclave ctoit homme de bien. D'où il fuit, que le maître a droit d'empèçhcr que fon cfclave ne fc
cor-
gîO QjJ ESTIONS DE coâ rompe, de le corriger, & d'ufe|f des moyens les plus convenables à cette fin.
Dans d'autres principes que ceu3p de TAuteur , dans ceux des Ro- mains , par exemple, qui metioient les efclaves dans une abiolue & en- tière dépendance de leurs maîtres, l'obligation de veiller fur leurs mœurs , & le droit de les punir , que cette obligation donne au maî- tre , peuvent être déduits de cette dépendance même , laquelle livrant abfolument les efclaves à la con^ duitc du maître , impofe à celui- ci une obligation plus étroite de procurer leur perfedion & leur bonheur , puifquc ce font des hom- mes 5 qui dépendent entièrement de lui j & qui lui font foumis en toute chofe. Ses obligations & Tes droits fe déduifent à peu-près com- me ceux d'un perc à l'égard de fes cnfans.
Le §. 1109. n'étant qu'une con- féquence de celui - ci , nous n'y ferons point de remarque particu- Kcrc.
J. II 13.
Droi t Naturel. 311
$. 1 1 13. Aciiones fervi funt in dO' minio domini.
Cette aflcrtioa ne peut pas être Suite» fi générale , dans les principes de M. Vf. Il faut la rciheindre dans les bornes marquées au §. 1095. Domino non coinpetii jus mjt in ope- ras ajfervo prajiandas ^ in acho- nés esteras , quatenns refpe&ian ipten- dam ad illas hubent. Et quant aux adtions qui n'intéreJent pas direc- tement le fervice , il feroit plus cxacl de dire , qu'elles font fuh im- ferio domini,
$. 114^. He}'us famulum ad aliquoù dies alteri commodare poteji.
Il paroît, par la preuve même, Si Ton que cette propofition ell inutile, ^ç^^/^îo^ Elle ne donne aucun droit au mai- gjcitiquc tre. Puis que celui-ci ne peut prê- ter fon domellique à quelqu'un pour quelques jours , à moins qu'il ne foie égal au domeftique de fer- vir , pendant ces jours - là , ion XHàicrc , ou de fervir un autre ;
û
3T« CXyt STI O NS Dl
fi le domeltiquc répugae à ce chaK- gemenc de fervice , le main e ne peut pas l'y contraindre : s'il y confent , on n'a pas beloin , pour le prêter , d'en avoir le droit.
Fm de la Se^tiemç Partie.
jç^VES^
QU£STIONS
D E
DROIT NATUREL,
E T
OBSERFATIONS
Sur le Traité de M. Wolf.
HUITIEME PARTIE.
§. 4. Societas inter plures domus con^ tra&A eo Jîne , ut conjundim fibi furent ad vita necejjiditem , com» moâitatem ac jucunâitatem , immo felicitatem requifita , ^ curent , m^ umifquifque jure fuo quiète fruatur ^ tuto uh alto iâ conjequatur , at^ quefefuaque adverfus vint quamlibet extcrnam défendant^ civitds dicitnr,
^ L y a quelque inconve- Définî- ^ *j nient à dire , que ce font ^'^" ^5^* ^ les focieiés particulières , l?^'.^*^^ apellées Familles (Domus), qui con- dri'twt!
314 Q-UE s T I 0 N s DE
tradent entre elles la grande fo- cieté que Ton nomme Civile ; & cet inconvénient paroît dès le § 6. où l'Auteur donne la définition du citoyen : Memhra civitatis , feu JiHguli , qui focietatem civilem ineunt , Jicimtur cives. Et de fait , ce ne font point les familles qui con- tractent la focieté Civile, car ces focietés particulières n'ont point affez d'autorité fur leurs membres, pour les aifujettir à l'empire d'une focieté Civile , & elles n'en ont pas non plus le droit. Ce font donc les particulières eux-mêmes, qui ont contradé une focieté Ci- vile, quand ils fe font apperqus que la focieté particulière , dans laquelle ils vivoient çn famille , n'écoit pas fuffifante , pour affu- rer leur bjnheur & leur tran- quillité. Mais l'Auteur s'explique , dans la note du §. 6. & au moyen de cette explication , nous foaiines d'accord avec lui.
5. f5.
Droit Naturel, arf
f, S9' Siimmitas twperii non femper jîeccjfayio pênes popidiun eji , cun- fequenrer populo non femper jftr aliquod competit ijj a3us recioris civitatis y adeoque jiec jus coèr^ cendi atqne pmieaS Re^es impe^ rio abuteittes,
La propoGtioti cfl vraye à ces ^' ^ \^o"* mots prèij , adeoque nec jus cocrcen- ^^'[f,^"^ di t^c. Il elt certain que le peu- âparcicnc pie étant le maître des conditions, toujours quand il défère l'Eiii nre à que'- ^^ k^^^- qu'un, il peut le lui donner en P^^' pleine fouverainetc. Mais 'es quet tions de pratique, que l'Autcur tou- che dans la note , ne font pas dé- cidées pour cela.
Le peuple peut donner TEnipire en toute fouveraineté , à celui qu'il choilit pour le gouverner j & alors ce Régent Souverain de l'Etat , ne doit compte de fon aJininilhaiioii à perfonne. Mais s'en'uit-il qu'il puiiTe abufcr impunément de Ion autorité '^ Non , fans • doute. Le peuple , dans les cas mène où il n'a rien réfervé , n'a pà lui con- O Z £cr
3Ï(^ QjU ESTIONS DE
fier l'Empire , que fous la condN tioiî tacite , qu'il s'en ferviroit pour procurer le bien & le falut de la focieté. Si donc le Prince manque à cet engagement indifpenlable , s'il gouverne en Tyran, il rompt lui-même le pade , ouïe contrat, qui Fait le fondement de fon pou- voir ; le peuple rentre dans fes droits , & peut légitimement punir Topprelfeur. Mais comme ces cho- fes ne s'exécutent point fans trou- bles & fans etfufion de fang , à eau- fe des forces que le Prince a en miins , il ne faut point les entre- prendre légèrement, & pour des fautes fupportables que le Prince au- ra commifes : on n'en auroit pas même le droit j car le Prince étant homme , il feroit abfurde & injufte de prétendre, qu'il ne commit ja- mais aucune Faute. Si fes vexations n'intérelTent que quelques particu- liers , c'eft à eux de foutfrir coura- geufement, plutôt que de troubler l'Etat , par une révolte. Il faut at- tendre que les maux foyent venus au point , qu'il convienne au peu- ple de tout rifquer , plutôt que de les luuâik i & alors , tous les Ci- toyens j
Droit Naturel. 317
toyens , ou au moins la grande plu- raiitc , Tentant la néceifiré de cour- rir au remède, y prêtent la main d'un commun accord, & la révo- lution s'exécute , fans grand dan- ger pour TEtat. S'il étoit permis à un paiticulier de fe.roulever, tou- tes les Lis qu'il penie que le Sou. verain manque à Tes engagemens, il i]V auroit jamais de repos allure dans la focieté; en voulant éviter Vi\ mal, on y introduiroit le plus grand des maux , & on fe rendioit ainfi uès-coupable envers elle.
5. 61. Iwperium civile y feu publi- cum varia cowple&itiir jura , qt{(t a fe invicem fep.ir^.ri poffimt . feu tîon neceffario eidem fubje&o fimid infurjt.
Te conviens que Texercice des l^ ^^ r"'f- *.rr» 1 . 1 HT- • .. lance lou-
différens droits de l'Empire , ou ^ ^^.^ ^
du fouverain commandement , peut p.^t être fe confier à diverfcs perfonnes, quant partagée* au détail , & même que cela ait convenable à l'cgard de quelques- uns. Mais comme ils ont entre eux ime liaifon intime , en vertu de la- quelle chacun de ces droits influé O 3 fur
3IS Q_UE s T î 057 s D2 iur les autres , & réciproquement les autres fur lui j il faut que la puillànce Souveraine ait au moins vne infpc(flion fur rexercice de touF, aÊn qu'elle puiiTe les diriger au bien cop'-mun.
Il n'y a aucun de fes droits qui f uiife être féparé Ci eommodémeni des autres, que celui de rendre la jurtice aux Citoyens , en terminant leurs procès ; & dans un grand Etat^ fur - tout dans un Etat Monarchi- que , il convient tout-à-fait que et droit ne foit pas exercé par le Sou- verain lui même.
Mais il eft des droits , dont Is divifion feroit dangereufe , fi le peuple ne les reteirant pas à foi , en confxoit l'exercice Souverain à des perfonncs afférentes, qui fe trou- "veroient , dans cet exercice , entic- ïement indépendantes l'une de l'au- tre ', Si je m'étonne que l'Auteur , dans la note du §. 6^. nie une cho- fe, qu'une fun^fte expérience a ren- due fi évidente. Qiie'S maux n'a pas enfanté l'indépendance, où le facerdoce a voulu fe mettre à l'é- gard de la Couronne ? Les Parlc- înen« ée Fr^iuce défendent avec une
Êdcle
Droit Naturel. 3^9
fctîèle conftancc , la maxime que j'établis. Qiic Ton confie le loin des atfaires de Religion à des per^ fonncs particulicrenieiu dcflinécs aux Autels j à la bonne heure î Mais 11 vous les rendez indépen- dantes de la puilHincc Civile , vous ouvrez la porte à mille defordres , à des troubles dangereux ; & les Rois ne font plus fermes fur leur Tiône.
Il eft encore important de remar- quer fur cette matière , que la di- vifion des diifcrens droits qui conf- tituent la puiifance Souveraine, ou l'Empire public, n'ed pas dange- reufc, quand le peuple en retient quelques-uns , & confie l'exercice des autres à une même perfonne; mais s'il les partage entre deux ou plufieurs perfonnes indépendantes , c'eft mettre dans l'Etat un principe de difcordc, & une fource de de- ford es. De la manière dont les hommes font faits, chacune de ces Puilfances travaillera à tirer les af- faires & Taiitorité à elle, & n'ayant point de fupérieur , pour les con- tenir & les mettre d'accord, elles O 4 ex-
^320 Q_TJE STIONS DB
excireront de fréquens mouvemenss: & elles en vienclron>t bien - tôt s une diirenfien ouverte. Je fuis per- fiinâé que M. W. par un moment de réflexion , fentiroit lui-même îe peu de fondement de ce qu'il dit èjus la note du §. 6^. fay^e ahCur- dum minime répétant , -ut popiilus qidtdam jura ad imperium fpe&antia fjbi retineat , in quibus- dependere fion vult à I{e&oris vohmtate. Non^ ne vero peYinde ej} , five jus fibi rtf- Jèrvatum exerceat per fe , five idem' transférât in a lin m ^ ut idem exer^ ceat , prouti fibi videtnr f' "On ne trouve pas abfurde , ou peu convenable , que le peuple fe ré- ferve quelques-uns des droits de 5, la fouveraineté , à Pégard det 3, quels il ne veut pas dépendre du „ Prince. Mais n'e s t - i l p a s
55 I N D I F F e' R E N T , que le peu- „ pie exerce par lui-même le droit »j qu'il s'efi: rcfervé , ou qu'il le ,, trnnfporte à un autre, pour Pe- „ xercer " ? Nous en avons dit afi fez, pour faire voir que cela n'eft tien moins qu'indifférent.
Droit Naturel.^ 32ï
§. 8l- Si poptiltts faltem exprimit volurîtatem ftiam de nonnullis , qu(Z Re&or civitatts facere , mit von facere deheat , non vero ex- prejfe déclarât fe ejiis jndicio Jiare nolle , fi feciis fecerit , aut conci» lium conftituit , fine ciijus confenfu nihil eorivn decernere valet j niiL Iwn fibi jus in ad us Re&oris re- fervat.
Cette propoficion efl vraye, pour- Du droit
Vu qu'on ne ^entende que du train du peuple
ordinaire des chofes , parce que ^^'f^^ ]^
dans le cas luppoie , il paroïc que ^^^^^
le peuple a voulu s'en remettre aux marqué
lumières du Prince & à fa bonne fa volonté
foi, plutôt que de fe réferver un ^"^^""c^>
droit général de contrô^.er fes ac J"'^"' Jl""''
j 'c lî 11 ter ion
tions, de ratiher ou dannuller ce pouvoii.
qu'il aura Fait , droit qui ponrioit être la fource de mille troubles dans l'Etat. Mais fi le Prince abuioit de cette confiance, jufqu'à mettre en un pdril évident le falut de l'Etat & du peuple , le peuple n'auroit-il pas le droit de le redreHer i' Salus fopuli fuprema Lex. Il ne Faut ja- mais perdre de vue cette grande ma-
^2Z Q_UE S TÎONS DE iime. Le point difficile eft d'avofe les moyens d'agir en conféquence;. Si le peuple a ces moyens , en vaia cffay eroit-on de lui perruader par des fubtiiités , qu'il doit fe laiiTer périr, plutôt que de donner la moin- dre atteinte à des droits dont oit: abufe , mais qu'il a conHés fans ré- ferve expreiTe. La réferve tacite eft. ■de nécefTité abfolue. Tout adle du Prince évidemment contraire au fa- lut de l'Etat , eft nul par lui-même^ Le peuple fe remet au jugement da- Prince pour radminittration de l'E- lat. Miis remarquez bien que l'on* ne peut fe remettre au jugement 4'autrui que pour les chofes douteu* fes. Si j'ai promis de me foumettre aveuglément à la conduite d'uri Gouverneur, s'enfuivra-t-il que je ferai obligé de le îaiifer faire , s'il veut me précipiter dans la mer ,. ou m'égorger? Si j'ai donné à quel- qu'un des pleins-pouvoirs pour ad- miniftrer mes affaires , pourra- 1 - il ine dépouiller de tous mes biens , & en faire préfent à qui il lui plaira ?
11 faut faire la même obfervat'ou fur les deux paragraphes fuivans.
Cer-
Droit Naturel. 323
Certainement il feroic impraticable de déférer l'Empire fous la condi- tion énoncée au §. 82. fqavoir , que le peuple obéira au Prince , s'il gouverne bien , & lui réfillera, s'il gouverne mal. Mais s'en fui- vra-t-il deJà, que le peuple doit fuutf"ir patiemment les plus grands excès d'un mauvais gouvernement , & qu'il n'a plus le droit de fe pré- ferver t^e fa ruine totale , dès qu'il a confié au Prince la puiirance Sou- veraine, & fur-tout une puilfdnce abfulue ?
f. 90. Jmpçrium ReSloris civîtatis taie e/f , qaale populns in eum aC" tu trivijiulit , no?j quale trmisferre debiiercit,
$.91. 5"/ imperhim in Eetîorem et' vitatis transfertur , quale eji in populo y iviiperium habet plénum , abjoliifum , fwnnuim iclqne jure froprietatis , feu in pairimonio.
Je ne f(;ai fi l'on raifonne d'une De la na- maniere bien folide en envifageant ^^""^ ^!^ l'empire, ou llpuilTance Souverai- T"'"'''' ne 5 comme une choie qui etoit ^jin Aoxh, O ^ cri- ni au
3H CLUES T I QNS Dfi
Prince Dar originairement dans le domaine iix le peuple, peuple ^ & en y appliq^uant tout ce qu'on a démontré du tranfporc de domaine & de propriété. Outre que Tempire eft fore différent , & dans fon but , & dans fa nature , des biens proprement dits , & des droits utiles , qui ne fe rapportent qu'à la fortune. 5 il faut obferver que Tempire ne fe trouve chez le peuple que par la convention deâ particuliers libres, qui fe font unis ,cn fbcieté. L'intention des hom- mes, en s'^unilfant ainfi, n'a point été de renoncer à leur liberté natu- relle y mais trouvant de l'avantage à agir à forces réunies , ils ont: voulu ne plus former enfemble qu'une même volonté , & font convenus, que l'avis du plus grand nombre pafferoic pour la volonté commune de tous. Cette volonté commune a bien pu décider enfui* te , que Ton commettroit le foin du Gouvernement à un feul hom- me, & qu'on s'en fîeroit à fa ver- tu & à fa fageiîe ; mais elle n'a pii que lui en confier l'exercice y & non lui tranfmejtre le droit lui-- même comme un propre. C'eft un
Droit Naturel.' }^f
dcpoc , dont la propriété demeure toijjou s à la fociecé, parce que cet- te iocieté n'a pu Taliéner : elle n'en avoic pas le droit j les particuliers qui Tout formée étant feufcment convenus , que les réfolutions fe prendroient en commun , Se n'a- yant jamais eu intention de fe dé- pouiller de leur liberté même, mais feulement d'en reitreindre Tcxerci- ce, à l'égard des adions qui inté- reiïent la focieté. Or la focieté alié- neroit leur liberté, fi elle donnoit à un autre Tempire comme un droit poOédé en propriété , & non point comme une fondion dont on lui confie Texercice.
Aucun citoyen ne pouvant être cenfé avoir renoncé à fa liberté , que jufqu'au point néeeiTaire pour former une focieté bien réglée, ce- la doit faire ia mcfure du droit & du pouvoir de la pluralité. Puis donc qu'il fuffit évidemment , pour atteindre à ce but , que la plurali- té ait le droit de confier à un feul & à fes dcfcendans , l'ad.T.iniftra- tion de la piiitfaivce fouveraine , elle n'a pas celui de la donner en propre , quant à la fubftance ,
corn*
52<^ Q_UES T I ON s DE comme un patrimoine , dont 1e Prince pourroit faire ce qu'il lui pîairoit , & qu'il feroic en droit d'adminiftrer pour Ton avantage particulier, plûtôc que pour celui du peuple.
C'eft feulement en envifageant la chofe de cette manière , que l'on peut prouver folidement , que ceux qui naiiîent dans la fuite font obli- gés d'obéir au Régent de l'Etat. Car rien n'a pu les priver de la liberté que tous les hommes tien- nent de la nature ; mais ils font obligés , pour s'aquittcr envers la focie^é, à laquelle ils doivent leur nailîimce Si leur éducation , de rem- plir les juftes devoirs qu'elle pref. cr;t ; & fuppofé qu'ils ne lui duf- fent rien, au moins ne leur feroit- îl pas permis de rien faire qui pût en troubler l'ordre & la tranquil- lité , & s'ils ne vouloient pas fe foumettre à fcs loix, ils n'auroient d'i^utre parti à prendre , que celui de la quitter.
En étabiilfant que l'Empire ap- partient toujours a tout le Corps de l'Etat , quant à la propriété ,
Droit Naturel. 317 & que l'aclminillrarion en cfl feu* Icnient confiée au Prince , ccimme un dépôt , on peut démontrer, 1®. Qii'il n'appartient point à un particulier , ni à quelque partie du peuple , de redemander ce dépôt , mais à la totalité du peuple en- femble , lequel décide à la plurali- té des voix , Ci celui à qui on l'a- voit confié s'efi: mis dans le cas de le perdre, en manquant à fes en- gagemens, & s'il convient à la fo*» cietc de le reprendre. 2*. (^e cecte opération ne pouvant fe fai- re Pans troubles & fans danger > Cil ne doit y venir que dans une nécclRté urgente. Ceft la condui- te que les Anglois ont tenue en- vers leur Roi Jaques 1 1. Ils le fupporterent long-tems, & ils n'en tinrent à prendre des mefures poutf lui arracher la Couronne , que quand ils fe virent dans un dan- ger imminent de perdre leur liber- té temporelle & rpirituelîc. De bon- ne - foi , où eft rhomme qui , en fa confcience , condamnera la con- duite de cette nation ? Je doute que perfonne fe complaife aifez
dans
3^8 QjIE STTONS DE dans refciavage pour penfer aînfî; mais je ne fcai que trop combien la crainte , ou Tadulation ont dic- té de décifions contraires aux vrais principes.
Sur toutes ces queftions en gé- néral , la diftindlion du droit ex- terne & du droit interne, ne me paroit pas fort propre à produire une véritable convidion. J'aime- rois mieux diftin^uer entre le droit en lui - même & l'exercice de ce droit , lequ'cl exercice eft fouvent reltreint par de juftes raifons , qui ne permettent pas que l'on falFe ufage de fon droit , ou limité par les droits d'autrui , qu'il faut concilier avec les nôtres. Et fi l'on y prend garde, ces deux diC tindions reNiennent au même. J'en dis autant du droit parfait & du droit imparfait : mon droit eft parfait 5 ou imparfait, fuivant que fa combinai fon avec les droits de$ autres le détermine.
$. 113.
Droit Naturel. 52^
§. 113. Si fa lu s public a exigat y vS de ipfis civihus qutbufdam , feu perfonis civiitm certo quodam >i/o- do difpouat Re&or civitatis y jus ita dijponcndi eidem cowpsiif,
L'Auteur enfeigne ici , qu'en 5,* fç j^oj vertu de la puiffîmce é-niyieyite qui veriio e(t un des attriburs de Tempire, ou peuc fa- du fouverain commLindement , le ^V "* "" Régent de la focieté p^ut difpofer, ^ll^lç^^^^ dans un cas de ncceirué , de la pour le perfonne même des citoyens. S'il fi'ut de difoit feulement des adlions des ci- l'état, toyens, je n'y verrois nulle diffi- culté j mais puis qu'il parle de leur perfonne, il femb'e qu'il attribue par4à au Souverain , le droit d'ô- ter la vie à un citoyen innocent » dans un cas "de nécefîité, c'eft-à- dire , s'il ne voyoit aucun autre moyen de fauver l'Etat. Comme il ne s'en explique point plus clai- rement , on pourroit croire qu'il a voulu éviter de s'engager exprefîe- ment dans cette queftion. Elle eft très délicate en elle-même, & par- ticulièrement difficile dans les prin-
ci-
330 Q.UE STION s DE
cipes de M. W. Le droit émînent vient, comme il le montre § iig. du confentement tacite des citoyens, quand ils fe font unis en focieté. Ils ont bien pu coniëntir à être ©bli^^es, dans un befoin , par l'au- torité pub que , d'expofer leur vie pour l'Etat ; parce que la nature leui a donné le droit d'expofer leur vie , dans le cas d'une jufte dé- fenfe , & en d'autres occafions fembliibles; & tout ce qu'ils font pour rttat , ils le font pour eux- mêmes. Mais , fuivant M. W. > la nature ne leur a pas donné le droit de difpofer de leur vie : ils n'ont donc pu tranfporter ce droit à un autre. D'où viendra donc à la focieté , ou à fon Régent , le droit de facrîEer la vie d'un ci- toyen innocent ? La néceiîité ne nous donne pas droit aux adions qui font illicites abfo^unient & en elles-mêmes. Ces adions font in- terdites par une loi immuable. La fameufe maxime de Ctù'phe , // ejî expéciient qiiiin feul homme meitre pour tout Je peuple , eft donc une maxime injufte , à moins que cet homme ne fe foie mis lui - même
dans
Droit Naturel. 531 dans cette alternative , ou de pé- rir , ou de voir périr fa patrie à caufe de lui ; car alors la focieté n'eft pas obligée de fe (acrifier pour lui. Ajoutons une féconde excep* tion : s'il étoit bien certain que la focieté entière, c'clt-à-dire tous les membres qui la compofent , duC fent périr , à moins qu'elle ne fit le facrificc d'un certain citoyen , elle devrolt le facrifier, parce que, €11 ce cas, cHe ne lui feroit aucun tort , & qu'il feroit inutile à ce citoyen malheureux , d'entraîner les autres dans fa perte.
Ne pourroic-on pas lever In diC ficuicé de cette manière '^ En con- fentant d'avance d'être facrifié , dans un cas de nécelEté > pour le public, je ne facrifie pas ma vie , je l'expofe feulement à un danger incertain , & même peu apparent. Or il m'eft permis de rcxpofer , pour me procurer la fûrecé & les autres avantages , dont la focieté me fait jouir ; avantages dont je ne puis me paifer , Ci je veux vi- vre comme il convient à un honî- mc fie vivre. Mais pour que la fo- cieté
33^ QjO ESTIONS DE
cieré foit établie fur de folides fottJ démens, & en état de fe mainte- nir, il faut que chaque citoyen foit prêt à fe facrifier pour fon fa- lut. Donc il a été permis & avan- tageux à chacun , de confcntir , en entrant dans la fncieté , à être facri£é pour elle , fi la néceifité venoit à l'exio^er 5 car le bien que les citoyens fe procurent par - là , eft préfent & certain , & le péril auquel ils s'expofent , eft très- éloi- gné & très - incertain. Puis donc qu'ils ont pu prendre un pareil en- gagement , la focieté peut profiter » dans Toccafion , de leur confente- ment donné d'avance.
Il feroit plus court , & peut-être plus folide, de dire tout fimple- ment, qu'un homme a droit de facrifier fa vie, de fe livrer à une mort certaine , quand des raifons très - graves , quand des motifs grands & loû:ibles l'y apellent j parce qu'alors il paroît que la Pro- vidence, en le plaçant dius de pa- reilles circonftances , l'appelle elle- même à faire ce facrifice. Mais ce feroit s'éloigner des principes de
i'Au^
Droi T Naturel. 333
PAuceur ( ^ ) : (Se je crois quVa etfec , il fauJroit bien s*en éloigner en certains cas. Q^ie dira-t-il, par exemple , de Tadlion de Codrus? Elle a fait Tadmiratioii de tous les fiecles. Si un Prince , fi un ci- toyen voyoit que fi mort e(l ab- foiunient néceiHure au faluc de TG- tac , mais que fes concitoyens ne peuvent fe réfoudre à le facrifier, ne feroit-il pas une adion louable & héroïque , en fe dévouant lui- même pour le falut public if Notre vie fera , fi vous voulez , un dé- pôt , dont nous ne fommes pas les m litres ; mais , comme je viens de le dire , les circonftdnces ne peu- vent - elles pas être des fi^nes , qui nous ave.tiifenc que la Providence nous appelle à rendre ce dépôt ? Si une fois ce principe eft admis, il ne relte plus de dirficuké. Il eft avantageux aux citoyens de conve- nir d'avance, que nul ne refufera de fe facrifier , dans un cas de nc- celfué, pour le falut de tous 'es autres j cet engagement ell cenfé
com-
( * ) Voyez les Obferva^ionf; fur les JJ. Î49- ÎS*» ^^ 37^' ^^ l(i première Parue. '
354 CI.UES T I ON^ DE
compris dans celui par lequel otl contrade la focieté Civile , & 1» cas arrivant , la focieté peut profi- ter du droit qu*il lui donne. Mais il faut bien remarquer que ce cas n'exifte que dans une abfolue né- celîîté , & lors qu*il n*eft pas poffi- ble de fauver PEcat d'une autr«. manière.
$. 120. Si in délations imperii irtfpe" cie quadam exprimantur , qu<s. ad niodum iîlud exercendi pertinent ; tacita iis inefl exceptio , nifi falas puhlica aliter exilât,
Dfs ex- Voici encore une queftion déll- ceptions cate , & qui ne doit être décidée * ^^'l^'x qu'avec beaucoup de circonfpedion. fonda- ^^ ^^"^ admet'.ez la décilîon gêné- mentales, raie de l'Auteur , il fenible que c'eft en cas de ouvrir au Prince un moyen alfuré ncccflité. d'éluder les Loix fondamentales , par iefquelles on a voulu mettre des bornes à fon pouvoir. Comme c'eft à lui , fuivant M. W. , de juger de ce qu'exigent les conjondures , re- lativement au bien public, un Prin- ce ambitieux trouvera toujours que c'eft le cas de fe mettre au - delfus
des
Droit Naturel,' 33?
des coiiltitutious qui b gênent. D'un autre côcc , il efl: certain que tout doit céder au bien & fur-tout au falut de l'Etat ; que c'eft au Ré- gent de l'Etat de juger , dans un cas preffint , de ce qu'exige le fa- lut public , & qu'il ne doit pas être arrêté par des conltitutions particu- lières. Voici peut-être le moyen de tout concilier. Le Prince ne peut abroger feul une Loi fondamentale; il doit obtenir pour cela le confen- temcnt du peuple : mais il peut y faire une exception , dans un cas prclfant y fiuf à demander enfuite l'approbation & la ratiâcation du peuple.
§. 121. De cette propofition 120. l'Auteur tire ce corollaire : ^i po- Jjulus jus quoddiim fihi refervare velit in a&us Re&oris crjîtatis a le- gihiis fondamentixiibus aùeuntes, wff- cejje cji ut eos a corjfenfu certi CU' jufdam coUegii vel totius populifuf- fendut j nec fine eo fint validi.
Je ne fcns pas la nécefîîtc de cet- Suite de
te conféquence. Dès que la Loi fon- l^ n'éme
j^^ matière.
3B^ Q.UEST1 ON s DE*
d Mrt n»- lie ei\ é ab ie , ce que le Pri.i.e a fait contre elle, d.ns une occalloii peii^ntc, a toujours be- fom d^ la rjiiicdtion du peuple» quand mè.ne ou ne P.mroïc pas ex- pairérneiu réfervé. Mais il y a plus , Se pour me fervir de l'exemple alié- gué ici dans la note ; fi le peuple, en confiant le gouvernement à un Prince, lui a défendu abfolument de ia:nais imp'jfer aucun nouveau tribac , n'a t il pas pu le lui défen. dre fans aucune exception j aimant mieux s'expofec au danger peu ap- parent, qui pourroit réfulter de ce manque de nouveaux tributs , dans un cas de nécelîîcé, qu'au danger trop probable de fe voir accablé d'impôts, fous de fpécieux prétex- tes '^ L'expédient que nous venons de propofer pare à tout. Qiie !e Prince confulte le peuple , s'il en a le tcms ; ou qu'exigeant des fecours extraordinaires , dans une conjonc- tuie prefîante , il {'dff'Q enfuite ap- prouver & ratifier ce que la nécet fité i'a contraint de faire.
J. iZ6»
DuoiT Naturel^ 337
î. 1215". Fa&a generalia , qtu faU tem exprimiint ojficmm boni Rec- toris , cum Redore civitatis infiif- ceptione imperii iiiita , mdltim tri- 'huant jus populo in a&us impe- rantis.
J'avoue que quand le peuple fe Du droit contente d'exiger de celui à qui il que ies défère f empire , ces promefTes gé- pi^o^^^cs iiérales , q^iii expriment feulement jg^'b^^* le devoir d'un bon Prince , il pa- gouvcr- roît qu'il -s'en rapporte à lui , pour ncr, don- Ic détail , & pour le choix des"^"t au moyens j & alors ces promefTes , P^"P^^- faites avec ferment , ne fervent , comme M. W. l'obferve , qu'à lier puis fortement la confcience du Prince , & à s'afTurer d'autant mieux qu'il ne manquera pas à fon devoir 5 fans toute- ibis reftreindre {&i\ pouvoir : & tout ce qu'il fait en vertu du pouvoir qui lui a été confié, cft valide. Mais je ne com- prens pas comment l'Auteur peut dire, que ces promeiîès du Prince ne font, à parler exadement, que des promefTes imparfaites , ce qu'on apeile en latin poliicitatio. Ce font
P des
J3S QU ESTIONS DE
des proaieires partaices & très-obîi- garoÎLes , puis qu'elles font faices folemnelleaient , & même avec fer- ment. Il felloit plutôt obferver , que coiiime elles ne contiennent que des généralités , & que le peu- ple fe remet au jugement du Prince pour le déiùil & les moyens , il eft difficile de juger s'il y manque , à moins qu'il ne gouverne tout-à-i'ait en mauvais Prince j & perfonne ne peut dire qu'elles l'obligent fpécia- lement à tel ou tel ade , ou qu'el- les lui interdifent telle ou telle cho- fe , fi cette chofe-là n'eft pas abio- lumenc & en elle-même, contrai- re au bien & au falut de l'Etat , indépendamment de toute circonC- tance. En tout ce qui peut être incertain & douteux , c'eft au Prin- ce feul qu'efl remis le droit de ju- ger de ce qu'il convient de foire.
S'il gouverne ouvertement en mauvais Piince & en Tyran, les promeiTes qu'il a faites & jurées » ferviront à c.;ièlir d'autant plus évi- demment le droit que le peuple a de lui réiîiler, & de lui ôccr mê- me un pouvoir dont il abufe.
Obfcrvons encore , que fi ces
pro»
Droit Naturel; 55^ promeifes s'éloigaenc tant foit peu de la généraîicé , 8c contieiinenc* quelque chofe de fpécial , elles de- viennent des réferves expreifes Se' des loix qui lient le Prince. Par exemple, (î on exige de lui la pro- meiîe de garder les franchiiles 8c les immunités établies , il ne peut y toucher, fous aucun précexte, lans l'aveu du peuple. Car le peuple , en faifant cette réferve , témoigne clairement qu'il ne foumet point Tes franchiles au Prince , 8c qu'il ns veut pas ccre gouverné fur un au- tre pied. S'il en réfultc des incon- véniens, le peuple a été le miitrc de s'y exporor , préféra u cî dan- ger à celui d'être opprimé fous di- vers prétextes. CLiand il veut tout foumectre au jugeme.it & à la dif- crkioa du Priiic3, il lui défère rcni- pire abn)!u , fins réferves.
Il fe préfencc ici une dillind'on très- importance à faire. Quand on parle du droit du peuple fur l:s ac- tes du Prince y cela peut s'enten- dre du droit d'annulîer ces adcs , lors même qu'ils intérelTcnt un tiers, ou du droit de réfilter à un mau- P Z vais
340 Q^U ESTIONS DS
vais Prince , & de réprimer fes en- treprifes.
Au premier égard , il faut obfer- ver les mêmes règles que l'on fuit à l'égard d'un Procureur , ou Man- dataire : tout l'Etat eft tenu des ac- tes d'un Prince , à qui il a remis fes pouvoirs , tant que ce Prince n'a point excédé fes pouvoirs j & fî le peuple s'en trouve mal , qu'il s'en prenne à lui - même , d'avoir mal placé fa confiance. Il ne peut donc les annuller au préjudice d'un tiers 5 à moins qu'ils ne fulTent évidemment contraires au falut de l'Etat , Loi fuprème , qui limite le pouvoir du Prince le plus abfolu.
Mais au fécond égard , le droic du peuple eit plus étendu , & d'autres règles en déterminent l'e- xercice : il peut , s'il en a les rhoyens , arrêter & redrelTer un Prince , dont le Gouvernement s'éloigne du bien de l'Etat. Voyez nos obfervations fur le §. 59.
S. 14?.
Droit Naturel. 341
$. 14^. Libertas civilis popiili efi iiidependentia qiioad aUns ni bo- num piihlîcum promovendum rcquU fitos a voluntate aUerius.
L'Auteur apelle ici liberté Civile , Delà li. rétat d'un peuple qui fe gouverne .,^^^ ^'' par lui-même, cett-a-dire Ja '^f- publique mocratie. En France on entend par liberté Civile , précifément ce que M. W. apelleroit la liberté naturel- le reftreintc par les loix. C'elt cet état dans lequel les citoyens jouif-. fant de leur liberté naturelle dans ce qui n'intérefTe pas le bien public, font fournis à un Gouvernement réglé par les Loix , & non à \^n pouvoir arbitraire 5 cette liberté en vertu de laquelle le Prince ne peut commander que fuivant les formes & les loix établies , & non p^s ab- folument comme il lui plaît. En ce fens , la liberté Civile n'eft détruite que par un Gouvernement defpori- que. Sous un Gouvernement ab- folu & illimité , elle eft réduite à ce qui refte aux fujets de leur liber- té naturelle dans tout jufte Gou- V 3 ver-
34^ Qj^ ESTIONS DE . vernement j fqavoir, de n'être fu- jets que par rapport aux adticHs qui intéieffent le bien public.
$. 1^5. Regnum patrimoniale J/Vi- tur , fi imper ium fuerit in ^aîri- jTiomo Rt^gis,
,Cc ,que - Il'îe'-oit à fouhaiter que l'on proC- c*tft ,erivit gcncralement cette appellation qu un ^g Royaume , ou d'Etat pa^'iwo-
11) no- ^^'"^' •^'^^ ^^ ^^^^ ^^'^ perluader à niai. ï^i"^ Prince qu'il peut dirpofer de TE-
tat & dupetiple qui lui cft fournis ^^ comme il difporeroir d'un cliamp y ,ou d'un troupeau de bétail. La chafe même défigncê par ce terme ^ ne peut avoir lieu par l'établiffe- ment de Va focieté, qu'autant que le peuple, en déférant l'empire « quelqu'un , aura eu aiîèi de con- .iîance en lui , pour lui donner Ic- pouvoir de faire paifer cet empire à un autre , s'il trouve que cela foit convenable au bien de l'Etat. Et de - là il paroit que l'exprcffion de ]\oyatime patrimonial n'efl pas Jufte. Le patrimoine d'un homme eft une fÀïoïz qui lui appartient en propre 5 & donc il f eut difpofer comme il le
trou-
Droit Naturfl. 343 trouve à propo'j , pour Çon avanta- ge particulier. Ce qu'il fe doit à foi-mème Pob!i2;e bien à n'en faire qu'un ufage raifonnable j mais il n'elt tenu de faire attention qu'\ foi-mème , lorfqu'il en difpofe ; il n'en doit compre à pcrfonne, & s'il en ufe mal , il ne fait tort qu'à lui-même. Peut- on dire la même choie d'un Roi, à qui on aura con- fié le droit de tranfmettre l'empue a un autre? Peut^il regarder, dans ce tranfport , à fon avantage parti- culier ; & ne doit - il pas , au con- traire, fe diriger uniquement par des vues prifcs du bien pub'ic ? On ne lui a ceitainement confié que le droit de juger de ce qui cft le plus convenable au bien public.
Le peuple fcul , j'entens le peu- ple entier & unanime, poflede l'em- pire comme véritablement patrimo- nial j parce que c'eft fon bien pro- pre , qu'il peut , & qu'il doit mê- me , en difpofer pour fon avanta- ge particulier. A parier exa6:ement , la pluralité même du peuple ne poi- fede point l'empire comme patrt- niOnial ; elle a ieulemeiit le dr oie F 4 de
344 Qj^ B s T I ON S^ » B
de répréfenter la focieté entière^, en vertu des conventions , fuiva^ît lefquelles l'avis de la pluralité doit paiïer pour h fentiment de tous. Et une preuve que la -majeure partie ne polTede point la fouveraine^é comme un patrimoine, c'eft qu'il- ne lui eft pas permis d'en uferpour fon 2V[^ntage particulier , à l'exclu- fion des autres citoyens. Si les trois quarts des citoyens vouloisnt fe fer- vir de rautorité publique pour pri- ver les autres de leurs biens, pour les réduire en efclavage , ou pour ks faire périr , ceux-ci. feroient - ils oblii^és de le fouffrir ? Toute idée de patrimoine, lequel eft deftiné à l'ava-n^age particulier du maître-, eft incompatible avec l'idée de l'en- pire , ou du gouvernement , qui= ne doit janiais fe rapporter qu'au bien & au falut du peuple,
§. 1^4. in nota. FalhmtuY fane y
qui fibi perfnadent Reges & optu
yiiates ymn ejje nifi magijhaîus a
fopïilo ad gubernandam I{eînj). con^
JiitutQS.
SiksRoi? 1^ ^^ ^*^2l que l'exprcilion de ces & les Au-
Droit Naturel. 54 ç Auteurs n'ell pas julle , en pre- Princes liant le terme de Mcigirtrat dans 'e "^ 'jj"^ fens procis que lui donne M. W. ^^„^ç^ §. 162. Mais fi ces Auteurs veulci.t ^^^^5^ dire feulement par-là , que les Rois & tous les Souverains n'exercent dans le fonds que le droit du peu- ple , ou de la focieté , ont - ils (î grand tort ? Et M. W. lui-même ne dit - il pas la même chofe , ca d'autres termes , lors qu'il établit $. 160. Que le Prince répréfcnte le peuple? Ce Rcpréfentant ne fait donc qu'exercer le droit du peuple, quoiqu'il l'exerce Souverainement, fi le peuple n'a pas mis de bornes à fa confiance. Mais Ci le Rcpré- fentant vouloit ufer de fon autori- té pour opprimer & détruire le peu- ple, celui-ci n'auroit-il pas le dioit de l'arrêter dans fes entreprifes ? 11 faut donc convenir que le Prince n'agit pas par un droit qui lui foie propre , à parler exadement , 8c dont il puilfe faire tel ufage qu'il lui plaira ,* mais feulement en veitu d'une adminiftration , qui lui a été confiée. Il doit toujours fe fouve- nir , qu'il ne règne pas pour lui- même , mais pour le peuple j %
P 5 a^'il
3^6 QjJ ESTIONS DE
qu'il n'eft exempt de rendre comp. îe , que par un eiîet de la conBao- ce entière que la focieté a mifc en luL
$. 193- in nota. Nec hi (Tribuni piebis) hr.psdire potuenmt , qm^ minus Siuatus pariem hupmifum^ mipotiorem fihi vindicaret,
î?n^i^7^" L'obrervatîon ne me paroît pas un point ^ ^^ ^^^^^ Romain etoit ea
De l'hif- po^eiîion d'une grande autorité > toire Ro. avant la création des Tribuns du mkine. peuple j & bien loin d'augmenter cette autorité, il la vit diminuer ^oniidérabiement, depuis i'inltitu- tion de ces Magii^rats. Il eft vrai 9ue S Y L L A réduillc en fuite à peu de chofe le pouvoir des Tribuns > & étendit celui du Sénat. Mais ce fut par la force des arrnes. Les Tri- buns ayant recouvré dans la fuite kur autorité , par une lourde bévue de Pompe'e, quelques-uns s'en fervirent pour favorifer César, iSc furent un des grands inftrumens> Qiii le mirent en état d'opprimer 1^ Jîberté. Il eft vrai que les chûfe§ eg étoient ^Q^^t^ au point , qu'y
fei-
Du OIT Naturel. 347
falloic opter entre deux iivaines , C L s A R , ou P O M p e' E. Les armées & les grands Gouvcrne- mens, confiés trop long-tems au même Chef , perdirent la Répu< blique.
§. 201. In democratia fianâwn efi fentenîia partis majoris , eHivnft in kac nmlitia adverfiis aliqiios
Tout ce que l'Auteur dit ici de Q,j»i] hut TEtat populaire , peut très bien fe fou-^ s'appliquer à l'Etat Monarchique , J^emc^^j^ en mettant le Monarque a la pla- ^ . y j^^g ce de la partie majeure , ou de la i'£tat po- pluralité , dans les ailèmblées du puhire , peuple : & fes raifonnemens font qu;in'-l fort jultes. Ils fourniifent le grand j^^^J^^-f principe qui doit convaincre tout quelques ie monde , que l'on ne doit oas injulU«<;s. exCiter des révoltes contre le Prin- ce, pour quelques injures particu- •lieres. Nous développeronb ce ptiii- •cipc dans la remarque ruivailte.
P ^ ^. 2o^
348 Q_UE ST I 0 NS DE
s. 202, Si pars waJQr in id confi prêt , ut vel onmes qui in partf minore ftmt, vel magnam eorum partent pro liibitu vita ^ hùms-: exuat ; id parti minori fer^ndum non efi.
En quel Voici, la démon ftratimi que PAu-
moindre 'T '^^''^' ^' ''"" propofuion. partie ^«aque citoyen , en formant la. fo- îi'eit pas cieté , s'eft engagé à procurer le^: obligée bien 5 la tranquillité & la fïireté defe foiî- des. autres. Si donc la plus nom- îTplma^ ^î'eufe partie entreprend d'opprk mer & de perdre la plus foible;, elle viole Tes engagemens , & par conféquent, Tautre partie eft dé- liée des liens. La propoiîtion eft très vraie, mais il manque quel- que chofe à la démonftration , car elle pourroit s'appliquer également à la proportion contraire de celle qui eft établie dans le paragraphe précédent, & que nous avons trou- vée jufte. Il eft donc néceiTaire , pour accorder ces àQU^ déciiions, également vraies, d'indiquer le prin- cipe de roppofition qui fe trouve dans la décilîon des deux cas.
Il
Droit N a t u r ï t. 3^9
Il cil bien vrai ,, en géuéral , qui a run des contradans manque à lès cngagemens , Tautre n'tiï pas obli- gé de remplir les. (îens : mais cela fignifie feulement , qu'il n'y eft plus obligé envers celui qui y a manqué le premier : il peut y être tenu d'ailleurs & par d'autres rai^ fons. 11 ne faut donc pas conclur- re tout de fuite , qu'il foit permis de fe foulever contre la Puiffance publique , pour quelques injuftices , faites à quelques perfonnes. Car en admettant ce principe , il eft impoifible qu'aucune République r qu'aucun Etatfubfifte, ou demeu- re tranquille. 11 n'eft aucun Gou- vernement humain qui ne puiife fai lir 5 & commettre des injultices> & quand il n'en commettroit au- cune , la faqon de penfer des hom- mes eft G diverfe , que fouvent les uns trouveront injuftc , ce qui pa*- roitra jufte aux autres. Or les hom- mes, en s'unilTant enfocieté, pour leur falut & leur bien commun , ont dû nécel1£iircment confentir , comme M. W. l'obferve (V 20i.) à ce , fans quoi cette focieté ne fqauroit fublilter. Donc ils ont
con»
3 ^© Q.U ESTIONS DE
confenci à fupporter patiemment quelques torts particuliers, pour. ne pas rompre les liens de la focieté. Mais (i ces injuitices , fi la violence du plus grand nombre , dans un Etat populaire , ou du Régent de la focieté , dans tout autre Etat , alloient jiifqu'à opprimer , & jufl ^u'à perdre une partie des citoyens ,* comme ils fe verroienc privés par- là 5 des biens mêmes en vue defquels la fucietc a été formée , quelle rai- fon pourroit les empêcher d'ufer du droit qui les dégage envers des con- tracians qui manquent à leurs cn- gagemens i* Aucun citoyen ne peut ètie préfumé avoir confenti de fe foumettrc à une PuiiTance qui vou- dra l'opprimer & le faire périr : e'eft ce que PAuteur obferve fort bien dans la note de ce paragraphe. 11 remarque très-bien encore , qu'il faut mefurer le droit de la partie majeure du peuple , ou du Régent de la focietc , par le pacte originai- ic qui le lui a donné 3 & que la na- ture de ce droit d\ déterminée par la fin , ou le but , de la focieté. Voilà ce qui montre évidemment, que l'on peut réiîtkr à la Puiiiance
Droit Nature l. ^n
publique , lors qu'elle-même détruit ce but de la focietc.
$. 227. Si jus optimatis fr^cdio />/- hiCret i ah todem jeparciri ^ jeor- fim alienari neqiiit : njus tiVfien h H jus juris ad certitm îeripus , vel qaamdiu vivit prdcdii dominus aL teri coijcedï poleji.
Le fécond membre de cette pro- Si celui
pofiiion me parole infoutenable. qui a part
Chacun , dit l'Auteur , eft le mai- '^^ p°^
trc d'exercer fon droit par lui-mè- .,fj„^^"
me , ou par un autre. Cela elt p^^ ^^^
vrai des droits purement utiles , der l'ufa-
qui n'intcreffent que le propriétaire gc de Ton
du droit. Mais il n'en eit pas ainli ^'^'^ * "^ 1 1 • ^^ autre»
ce ces droits que d autres vous ont
confiés , plutôt en vue de leur uti- lité, que de la vôtre : vous ne pou- vez point en difpofer , ni en ufer comme d'un bien qui n'jntéreiîè que vous. Si le peuple a attaché le droit d'avoir pp.rt au Gouvernement , à la pofTciiion de certains fonds , il ne lui eft pas indifférent que c« droit foit exeicé par le maître du fonds lui-même , ou par un tiutre.- Il aura penfé que le poffelfeur d'un
fonds
3 ^2 CLU ESTIONS DE
fonds confidérable fera plus attaché au bien de l'Etat , qu'il fera moins fujet à fe laifler corrompre par un fordide intérêt &c. Il eft donc cer- tain , félon mci , que le maître du fonds ne peut céder l'ufage de fon droit à un autre, dès que ce droit intéreife le public , qui le lui a don- né > & la pratique générale des peu- ples confirme ce que je dis. Ura Magiftrat une fois établi dans fa charge, a le droit de rendre la iu£ tice : lui eft - il permis de la faire rendre par un autre ?
J. 228- Si cni îtfusfrii&us coTiftitui^ tur in pr^dio , cui jus optimatr3 inhxitret j nfui hujus juris îion ad àominnm , fed ad fru&uarium pcr^ tinet.
Suite. J'obferve la même ehofe fur cet- te décifion , & je ne la crois vraye que des droits purement utiles, dont l'abus , ou le bon ufage n'intérefîè que le polîèil'eur y Se nullement d'un droit au Gouvernement , lequel doit plutôt être envifagé comme une fondion publique , que com- me un droit , dans le fens vulgaire.
. Ce
Droit Naturel. ^^^ Ce terme de droit emporte commu- ncment Tidéc d'un avantage parti- culier , à celui qui le poflcde ; & le Gouvernement n'eft point établi pour l'utilité particulière de ceux q;ii Texercent , mais pour le bien commun de la focieté.
$.2^9. Si pop tt lus veîit impei'iuTff herile transferre in B^gem , vel op^ tiniatos ^ hoc ipfi permit t en dum hûI' tur aliter , idem tamen transferre non prttfnmitnr.
Il faut obferver fur cette propo- si îe pec- /îtion , 1®. Que le peuple ne peut pie peofc donner l'empire defpotique ( impe^ donner rium herile ) que par le confente- /3^!^^^!-^ ment unanime de tous les citoyens, q^^^ Car les hommes , en formant une focieté , font convenus de fe gou- verner en commun, pour l'avan^- tage commun de tous. D'où il fust que la focieté peut décider , à la pluralité des voix , de ce qui con- vient le mieux au bien public , & établir telle forme de Gouverne- ment qu'elle juge la plus avanta- geufe. Mais ce doit toujours être un gouvernement , c'eft - à - dire ,
3 H Q-V ESTIONS DB
une ridminiftration des intérêts com- muns, dont le but efTcntiel eft le faJut & le bien de la fôcieté. Or le defpotifme a pour but principal l'avantage particulier du maître. Donc il n'eft point un Gouverne- ment Civil. Donc le contrat de fô- cieté ne met point la pluralité en droit de l'introduire. Chaque par- ticulier, en contradant une focie- tc Civile , a eu intention de con- fcrver fa liberté naturelle & fes biens; & c'eft même pour les mieux alTû- rcr , qu'il eft entré dans cette fôcie- té. D'où il fuit encore évidemment , cju'il n'a pas voulu confier au Corps de cette fociete le droit de le livrer à l'efclavagc.
2^. Si le peuple avoit confcntî unanimement à recevoir un maître, ou defpote , & à devenir efclave , cet engagement feroit valide pour tous ceux qui l'auroient contrarié; mais il ne pourroit lier leurs en- fans , lefquels tiennent de la natu- re une liberté , dont il n'a pas été au pouvoir de leurs pères de les pri- ver. La génération fuivante pour- roit donc révoquer ce que la pré- ié dente àuroii éuMi à cet égard.
DrO IT N A T L REL. 35f
f. 28 1- in nota. Quifterninas ah wu perio exclufas ejfe voliint , eas ad iinperandnm parum api as prunun- ciant vel defectu earum dotiion , qiiiS. ad re&e imperanâum requimn' tur y vel qnod omnibus negotiis pii- hlicis , 'yelîiti fi popidus adverfiis vint hofiium defe}idendus , inter- eJfe neqnennt. Sed ratio prior faL lit 5 experientia tefe i pojhrior ve- ro nihil probat , cum imper ans per aliosfacere pojjit , qnod per Je fa- cere iiequit ^ nec ea de omfii ab imperio arceantiir viri. Q^ii êbji^ ciunt , per faminas in extruneum devolvi imperium pojfe , // fnccef. forium fv.erit , eorum ratio nidla efl , cum a populi voluntate depen^ deat , utriirn imperium in extra^ 7ieam perfonam traiisferre velit , tiec ne.
Je fuis furpris de la manière dont S'il con. niilbnne ici notre Auteur. 11 rejet- vient te trois raifons , qui ont paru fort "^^'"^^* folides aux plus habiles Politiques, fenimcj 1*. Peut- on nier qu'en général les au {^aivc* femmes ne foyent beaucoup moins r.'in coin- propres au Gouvernement , que leg ^'^'''^"tlc-
hom- '"^''•'-
3^<^ Q_UE s T I ON s DR
hommes ? Je fqai que l'on a vu , & que Pon voit encore , de grandes PrinceiTes , qui ont bien gouverné. Mais la prudence fe dirige fur ce qui arrive communément, &: non point fur quelques exemples rares , qui ne font que des exceptions à îa règle générale. 2°. Comment peut-il dire , pour répondre à Pob- Jedion prife de ce qu'il y a des fonc- tions dont une femme ne peut pas s'aquitter, que celui qui comman- de peut faire par autrui , ce qu'il n'eft pas en état de faire par lui-mê- me ? Cela revient-il au même ; & feroit-il donc indifférent qu'un Roi gouvernât par lui - même , ou paï des Minières ? 3^. Enfin, l'incon- vénient de voir paifer la Couronne fur la tête d'un étranger, eft très réel. Ce n'eft point détruire î'ob- jedion , que de répondre , le peu- ple ei\ le maître de donner , s'il veut , la Couronne à un étranger. Si vous me dites , que le peuple peut faire une loi , qui défende ce tranf. port de la Couronne -, cette loi ne le mettroit pas hors de danger , & il eft même probable qu'elle expo-
ferojt
Droit Naturel.^ 3 ^7
feroit l'Ecac à des fadions & à des guerres.
$. 288- Cutn bona regia a prîva- tis fine feparata bona, nec cura his maiTani unam confticuere pof- fint i fi Hjx vnperhim in patrimo^ nio habeat , feu regrium fuerit pa- irimonmle > bona tamen regia a bonis Régis privatis a&u fiint fepa- rata , ipfo nimirum jure , confe- quenter fi cui competit aliqnod jus fuccedendi in bonis privatis , non tamen ideo jus competit fuccedendi in bonis regiis , & per confe- quens B^x qui imperium habet in patrimonio aliter difponens de bo» nis regiis , aliter de privatis ni^
\ hil facit , quod efi contra jus eo- rum , qui in bonis privatis fucce- dendi jus habent.
Cette difcufîîon prouve la nécef- Nouvel. fité de recourrir à robfervation que lesraifons
nous avons déjà faite ci - deiTus , p°"^'^^r r ' 1 1 .1 exureU
Iqavoir , que le terme de patrinio- f,on de
7iial n'eft appliqué que fort impro- Royaume prcment , à un Etat dont le Prince p^^y^wo. peut difpofer comme il le juge à"^^'* propos > & qu'il eft bien plus na- turel
B^S Q^UE s TI ON s DE
turel 8c plus vrai , de conlîdérer cette faculté de dirpofer de la Cou- ronne , moins comme un droit pro- pre , que comme un pouvoir , que* le peuple a donné au Souverain , par un elFet de fa confiance , en conréquence de laquelle f il si efpéré que le Souverain dîrpoferoit de Tem- pire plus convenablement au bien de rÉtat , que le peuple ne pour- roit le faire lui-même. Si Ton n'ad- met pas ce principe , la démonftra- tion contenue dans les paragraphes 284- & fuivans , tombe néeelTiir^- ment ; car elle porte toute fur la diftlndion faite entre les A&es Royaux du Prince 8c fes a^es pri- vés , de entre fes biens Bj)yaux 8c fes biens privés. Or cette difti no- tion n'a de fondement réel que dans l'obfervation que nous venons d'é- tablir , & qui rapporte au bien pu- blic , tout ce qui concerne l'empire public ; en forte que fans cette ob- fervation, la diftindlion deviendrcic purement arbitraire , 8c toute la démonilration ne feroit fondée que fur une pétition de principe.
L'Auteur fait voir dans le para- graphe fuivam , que h fuccelfion
Droit Naturel. 3^9 à Te iipire el\ toujours ditférente de rhoréditc , & qu'elle n'y elt point comprile. D'où je conclus encore , que le terme de pammonial ne peut convenir à l'empire. Car ce qui cfl: pacrimonial ell compris dans le pa- trimoine , & le patrimoine conîU- tue la malFc de riiérédité.
5. 373. Defun&i fratris Jilius , vel etiam plia prafertiir patruo B^egii tum in fuccejjione linealiy quant in htzreditariii , fiquidem in hac juri repr^fentationis locus rslinquitiir , libi vero hoc non obtinet , qui fe- Kti aiU Atate potior eji vincit.
Cette diftinclion, fiqiiidem in hac Le neveu ^c. me paroic mal fondée. Car le proféré neveu exclut Toncle, indcpendem- ^^'^"^J^^ ment du droit de réprcfen cation , fuccef. comme plus proche héritier ,• parce fiorrbîi^é* qu'il eft de la famille du père du dkaire, défunt , au lieu que l'oncle eft feu- lement de la famille de fon aieul : le neveu appartient au défunt par un lien plus étroit. C'eft ce que M. W. lui-même a fort bien établi ci-deiius , P. VII. §.1034.
Il
3'(jO Qjj estions de
Il eft vrai que de deux héritiers au même degré, de deux neveux par exemple, le plus âgé exclut le ^ plus jeune, dans la fuccefîîon hé- réditaire, quand le droit de répré- fentation n'a pas lieu ; quand mê- me le plus jeune defcendroit de l'ai- né. Car la branche aînée n'a au- cune prérogative , lî ce n'eft dans la fucceffion iinéale. Mais Tonde & le neveu du défunt ne font pas lès héritiers au même degré.
§. 378. Controverfimn de jure fuc^
<:edendi fuo ordine nec I{ex pra-
feus , necpopulus décidera pot ejî*
Sî le peu- Cette décifion paroît bien fingu- pleadroit liere^ quant à fa féconde partie, de pro- (^Qi^^rnefit le peuple qui a fait la noncer . . , «i i 1 • j u
entre ^^^ > n aura-t-il pas le droit de 1 ex- deux pré. pliquer & d'en faire l'application ? tendans à Je conviens qu'il n'a pas le droit la Cou- 5g décider arbitrairement de la fuc- ronne. QQffion , & de la déférer à qui il lui plaîr , comme s'il n'y avoit rien de ftatué à cet égard par les loixj parce que la loi de fucceffion don- ne au véritable héritier un droit que perfonne ne peut lui ôcer :
mais
Droit Naturel, g^r cnais c'elt au peupie , qui a fait la loi, de l'expliquer. Ci elle parole obfourc ♦ ou équivoque , de con- noicre de fa jufte application , & par conféquent de prononcer entre deux concurrens.
Outre cette raifon , n'eft - il pas de retfence de toute focieté Civile» que toutes les controverfes y foycnt décidées par un Juge ? La plus im- portante de toutes , la pliîs capa- ble de troubler l'Etat , feroit - elle feule exceptée '< Or qui fera Juge entre deux Prétendans à la Cou- ronne, fi ce n'elt 1^ peuple 5 à moins que ce même peuple n'ait écabli d'dvance un Juge, pour des queftions de cette nature ? C'eft , à m )\\ avis, une vérité néceffiire, & qui découle de la nature m^'^me delachofe, que le peuple, en dé- fc an. la Couronne, & en faifant \t^ loi de fucceifion , s'efl: tacite n-^nc réfervé le droit de décider, eii cis de doute , entre deux ou plufieurs concurrens. Puis qu'il a incontef- tablemenc le droit d'empêcher que Ton ne change, par de fauifes in- terprétations, ou qu'on n'élude , ■ ks difpolitiors d'une Ici qu'il a fai-
CL te,
^6t Qj^t ST I ONS DE te , c'ell à kii ds déclarer le fcns de cette loi , & de connoître de fa jafte application. Que lui fervira- t-il d'avoir fait une loi pour régler la fucceffion , fi dans les occafions , il n'a pas le droit de déclarer quel eft celui des concurrens qui fe trou- ve dans le cas de la loi , & à qui elle adjuge la Couronne ?
M. W. veut (§. 380.) que les Prétendans à la Couronne , termi- nent leur controverfe de la même manière qu'on doit les terminer dans l'état de nature, c'eft- à-dire, qu'ils tâchent de s'accommoder amiablement , ou de tranfiger , ou qu'ils fe foumettent à des Arbitres , ou enfin qu'ils ayent recours au fort , pour décider le différent : & que fi l'un ne veut admettre aucun de ces moyens , l'autre ait le droit de l'y contraindre par les armes (§.381.)- Ilveut auflî ($. 38^)> que le peuple demeure neutre , & ne donne fecours à aucun des com- pétiteurs y ou qu'en cas de doute , il fuive la polTeffion ( §. 384- )• Quoi î le peuple demeurera tran- quille fpedateur d'une querelle qui l'intéreffe fi effentiellemcnt , dans
Droit Naturel.' 3^.^ laquelle il s'agit d'interpréter une loi qu'il a faite en vue de fes inté- rêts les plus précieux , de fqavoir lequel des concurrens il a eu inten- tion d'apeller à la Couronne '^ Il ne pourra fecourir celui qui lui paroi- tra le mieux fondé , celui qu'il re- garde d'avance comme fon Roi lé- gitime? Et fi un Arbitre , Çi le fort, ou enfin fi la force des armes déci- de en faveur de celui qui paroît n'avoir aucun droit véritable ; il faudra fe foumettre à lui , & re- noncer à ce qu'on a voit prétendu établir par la loi de fucceiîîon ? Si celui que le peuple croit mal fon- dé , a cependant trouvé le moyen de fe mettre en poffefîion , le peu- ple fera obligé de le maintenir dans cette polfelfion , quoiqu'il le regar- de comme un ufurpateur , & de le foutenir contre le véritable héritier? Vous me direz que le peuple ne doit fuivre la poffeffion qu'en cas de doute. Mais je vous demande : qui décidera fi le cas eft douteux J* Ce ne peut être que le peuple lui- même 5 qui confidérera en fa eonf- cience , fi le poifefTeur eft manifef.^ tcment mal fondé , ou fi les pié-
364 Q_UE STI ON s DE
tentions de fon compétiteur n'ont rien de folide. Donc le peuple doit prendre connoiiTance des raifons al- léguées par l'un & l'autre ; & fi une fois il fe perfuade que Tun des deux eft le véritable héritier , ne doit- il pas fou tenir de toutes fes for- ces celui qu'il reconnoit pour foti Prince légitime ? Concluons dojic qu'en cas de conteftation , le de- voir, auiîî bien que le droit & les intérêts du peuple exigent , qu'il examine foigneufement les préten- tions & les raifons des concurrens , & qu'il reconnoiife pour fon Sou- verain celui, à qui il trouvera que les loix adjugent la Couronne.
§.391. Si in regno légitima E^xprS"
feus de jure fuo quid remittit y id
fiiccejfori non nocet,
SiîeRoi II faut bien prendre garde de ne rl-^de"' P^^"^ entendre ceci comme Ci le Roi, concert ^^ concert avec le peuple , ne pou- peuvent voit apporter à la forme du Gou- faire aux vernement aucun changement qui conititu- |jg (^Qj^ fuccefTeur. Certainement le tions des , 1 1 r j /-^
change- P^^pl*> ^" réglant la torme du Gou-
vernement , & le Roi en l'accep- tant
Droit Naturel. ^6^
tant fuf le pied réglé , & avec les n^ens qui
limitations convenues , ne peuvent ^^^^'
être cenfés avoir renoncé au droit de ""^"^ ^® r • 1, j , pouvoir
taire , a un commun accord , de (jes fuc-
îiouvelles loix , de nouveaux règle- ccfleurs. mens , pour le bien de l'Etat. Ce bien de l'Etat eft la Loi fuprêmc, elle lie le Prince , aulH bien que le fujet. Si un Roi fage , équitable & plein d'amour pour Ton peuple , venant à réfléchir que le pouvoir abfolu , à certains égards , qui lui a été tranfmis par fes ancêtres , peut être dangereux & devenir per- nicieux à l'Etat 5 propofoit à fon peuple, de changer à cet égard la loi fondamentale , & d'y en fubfti^ tuer une autre , qui reflerrat le pou- voir du Prince dans des bornes plus étroites ; le peuple confentant una- nimement au changement propofé , ofera-t-on dire que le fucccireur d« ee bon Roi ne fera pas obligé de s'y foumettre , parce qu'il tient fon droit de la première inftitution ? Je fcai que l'on ne peut ôter à per- fonne fon droit, malgré lui. Mais je fcai auifi , que c'eft un abus dan- gereux de conlldérer les pouvoirs , autorités 6<c, du Prince , comme CL 3 des
366 QjDE s T I O N s DK des droits proprement dits , comme des droits utiles , qui iui appartien- nent pour Ton avantage. Ce font plutôt des fondions , qui lui ont été confiées pour le bien «& le falut commun , & dont ce bien & ce fa- lut font l'unique fin. Il a droit de gouverner & de commander 5 mais il doit le faire pour l'avantage com- mun. Il a droit pareillement à tout ce fans quoi il ne pourroit atteindre au grand but qui lui eft prefcrit. Si donc il s'eft fait un nouveau rè- glement pour le bien public, il ne doit pas i'envifager comme un tort qui lui arrive , comme ime diminu- tion de fes droits > mais comme une nouvelle précaution , que la vue du- bien public a didée. En s'écartant de cette dodrine , & en preffant celle que l'Auteur femblc enfeigner , on ébranle tous les privilèges , fran- chifes , exemptions &c. accordées aux peuples, aux particuliers, on à quelques corps , depuis la confti- tution primitive , & toutes les loix fondamentales nouvelles, lefquellcs ne demeureront ftables , qu'autant que chaque fucceifeur du Prince ,
fous
Droit Naturel. 3^?
fous lequel elles auront été établies, voudra bien les ratifier.
$. 4^3. Do&ores puhlici munere fiio fiingi debent in templis.
Et 5. 4(34. Ideo officio eornm parwn convenit in ddibus fuis privatis conventns privatos injiituere ctdtus divinicaiifa, conroquenter ï^cSor civitalis id ferre non teneUir,
La démondration de la propofi- Contre tien & de foa corollaire , ne me les con- paroit pas folide ; mais la note du f;^^""^^"j $. 464. en établit fort bien h ^ç^^^i- vérité. ^>l^cs par.
ticulieres.
$. 4(^7. In I{epHblica infiituendi funt dies fejîi.
Te ne vois rien dans la démonf- Si la loi *'. • ' t.}'ir\ u rr^r'itJ' Ae> naturelle
tration , qui etablifle la vente de ^^^^.^^.^
cette propofition. Tous les princi- ^,j,^(^i_ pes cités prouvent feulement qu'il tuer des faut rendre un culte , même public, jours de à Dieu ; mais non que l'on doive fête. affedcr certains jours à ce cuite, La confécration de certains jours , eft une inftitution de la Religion révélée , ou une loi de TEglife , Q^ 4 fon-
g^S QjJ ESTIONS DK fondée fur des raifons prifcs de fa Révélation. Dans la Religion na- turelle 5 on pourroit alléguer des raifons qui confeillerDient de deftiw ner certains jours réglés au fer vice divin, mais ces raifons ne font pas fi décifives g & d'une telle né- ceiîîté , q;ue l'on puifle en faire une k)i de la nature. Une focieté qui au» roit foin de rendre à Dieu un cul- te public, en des tems convena- bles , mais feîîs y aifeder aueun^ pur fixe , pécheroit-elle donc con- tre la loi de la nature ?
$. 471. ^Sfor cîVîtaifs adtgers vr ^otejl fiibâitos , nt conventibus pit^ blicis in templis Àiehus fejiis intey^ Jitit 5 nec SOS temtve negligant.
Si îe Sou- ^^ ^^ ^^'^^ furprenant de trou-
verain ver dans un Traité de Droit Na-
f eut ufer turel une propofition , où l'on pré-
de con- ^^^^ établir la perfécution & la con- trainte en • • 1 T^ !• • c m- liere ^^^^"^^ ^^ matière de K^ligton , &
de Reli- nième en d-émontrer la juftice.
gion. Mais l'Auteur , qui a prévu notre
. étonnement, dit qu'il n'avance rien
qui ne fe déduife des principes évi-
dens & indubitables. Voyons donc
quels
Droit Naturel. 5^9 quels font ces principes. Voici ce- lui fur lequel il fonde la contrainte en niàticre de culte pubHc : le FJ- gent de la focieté Civile doit employer la force pour obliger ceux qui yiegli- gent leur devoir , à corifonner an moins leurs aclions extérieures à Li toi naturelle. Mais il nV a qu'à jet- ter les yeux fur la démonftration de ce principe ( §. 39 ^. ") , pour voir qu'il cft uniquement fondé fur ce que nos actions externes bleiïent les droits des autres hommes , & leur deviennent préjudiciables, lorfqu'el- les ne font pas conformes à la loi naturelle. D'où il fuit que la ma- xime n'eft applicable qu'à celles de nos adions qui intérelTent les droits d'autrui. Laiiîer à chacun le fien , ne lui point faire d'injure &c. font des devoirs auxquels la PuiiTance Civile peut & doit contraindre les réfradlaires , <Sc (1 elle ne peut leur infpirer de Tamour pour la juftice, elle les forcera au moins à Tobfer- ver au dehors , afin que perfcnne ne foit léfe , & pour maintenir l'or- dre & la tranquillité dans la focie- té. Quant aux autres devoirs , qui nous regardent proprement nous-
370 Q_U ESTIONS DB
mêmes , qui font unit^uement d'ct-^ ne obligation interne ; il faut fe fouvenir de ce que M. W. a très- bien établi lui-même,, que chacun», à cet égard , doit être laiiTé en pai- fib'e poircffion de fa liberté natu- relle. Les devoirs envers Dieu , le^ culte qu'on lui rend , sntéreffent tellement Tame & la confdence ^ que perfonne ne doit être contraint dans fa manière de les remplir -y iî& tirent tout kur mérite de la llncé* rite, & chacun doit s'en acquitter fuivant les lumières de fa confcien- ce. Puifque tout homme doit ren- dre à Dieu le culte qu'il croit être le plus agréable à cet Erre fuprê^ me ; perfonne n'a pu s'engager à fe conformer , à cet égard , aux volontés du Souverain. La focie- té , ou le Souverain q.ui la répré- fente , n*a donc aucun droit de gê^ ner la confcience des citoyens. S'il en eft qui croyant le culte établi fuperftirieux & défagréablc à Dieu , les forcerez- vous à y prendre part , & à a^uiler aux aiTembîées pu- b.iques ?
Miïi, dira-t-on, il eft utile & impoicanc à la focieté qu'il y ait
un
Droit Naturel. 571 un culce public. Sans - doute , & par cette laifon , la puifîànce publi- que a droit de régler ce culte , de le Ibutenir , de punir ceux qui en- treprendroient de le troubler ou de le détruire i elle a droit même d'em- ployer des moyens de peifualion , d'encouragement , & autres moyens doux , fans violence & fans con- trainte , pour engager tous les ci- toyens à y prendre part : elle au- ra foin de faire enfeiçner & incul- quer de bonne heure à chacun , que le vrai culte agréab'e à Dieu confifte à le fervir publiquement de la manière qui cil établie par les loix de l'Etat : elle peut marquer haute,ment , qu'elle n'approuve pas ceux qui s'abftiennent du culte pu- blic , ou qui veulent fe diftinguer des autres y & par des faveurs & des préférences accordées aux ci- toyens fages & pieux , empêcher que l'on ne fe livre à l'indil^érence pour la Religion & au relâchement. E 'e peut auiîi prendre, fans vio- lence , de fages mefures , pour pré- ve ir les innovations. Mais qu'elle lai lie en paix , fur cette affaire de cowibience > tous ceux qui y lailfe- Q, 6 ront
372 QV ESTIONS DE ront les autres. Le culte pulbîÎG ii'eft louable & utile , qu'autant (ju'ii eli fmcere j fans cette condi- tion eiTentielle, il ne fait que des hypocrites , les plus méprifables > & les plus- méchans , peut-être y de tous les citoyens :. comme la violence engendre les fanatiques ç^ plus dangereux encore.
On objedera le fcandals que donnent ceux cl- négligent le culte public. Mais d'abord ^ une fia louable ne légitime point des moyens injuftes en eux -mêmes 5 & il eft- injufte de violenter les confciences,. En fécond lieu , il faut prendre gar- nie 5 que Ton ne doit jamais entre- prendre de remédier à un mal ^ par des moyens qui entraineroient; d'autres maux plus grands & plus funeftes. Telle eil: fans - doute la voye de k contrainte & de la vio- lence, en matière de Religion. On peut prévenir y ou diminuer le fcan- dale dont nous parlons , par des moyens exempts de danger 3i d'in- convénient. Faites inftruire foi- gneufement le peuple , faites lui- bien inculquer que la Religion eft une affaire de confcience , dans la»
qufl?e '
Droit NATURft.* 373 quelle chacun doit luivrc fes lu- mières & fe comporter avec une entière fincéritc ; fans fe lallfer dé- tourner par l'exemple des autres , & auifi fans prétendre les troubler & gêner leur confcience. Réprimez févcrement tout efprit d'intolérance Se de perfécution : que la douceur & h charité , foyent l'ame & le caradlere de la Religion que vous ferez annoncer. Par cette condui- te, vous concilierez tout, & vous obtiendrez plus fûrement les fins auxquelles le culte public eil delli- iié dans un Etat.
Les inconvéniens que l'Auteur lui-même touche dans la note du f. 475. font voir évidemment, que la contrainte & la violence font très dangereufcs en matière de Re- ligion. Chacun croit fa Religion la meilleure , Ci même il ne la croit la feule bonne ik agréable à Dieu , la feule convenable à la focieté. Si donc on fe hâte d'employer la vio- lence contre quiconque ofera s'é- carter de la Religion rcque y TI- dolàtre , le Mufulman , le Chrétien , le Catholique , le Proteftant , cha- cun non > lèulement perfillcra dans
fia
374 Q_UE STIONS DE
fa Religion , ou dans fes erreurs » mais perfécutera les auties & en fc* ra perfécuté. Qu'un fupport mu- tuel anime les hommes > que ce- lui là feul foie réprimé, qui entre- prendra de troubler les autres j la paix demeurera dans le monde , quic nque voudra chercher la vé- rité avec foin , la trouvera j & U Re .gion produira des fruits pré- cieux , fans enf mter des troubles funeftes , & fans faire couler le fang humain.
Au refte , j^oppofe une partie de ces réflexions, plutôt au mauvais ftns que l'on pourroit donner à ce $. qu'au vcricable fentiment de l'Au- teur. Il en feigne dans la fuite ($§. 947. & fuivans) , une doc- trine fort iaine fur cette matière j & il adopte une bonne partie des idées que nous venons d'établir. Quand on aura vu ces paragraphes» on fera porté , comme nous le fom- mes , à pcnfer qu'il a voulu dire feulement ici , que le Régent de la foc'eré doit ufer de contrainte en- vers ceux qui négligent le culte pu- b ic , uniquement par indifférence & paj: libertinage. Mais je n'en per-
fifte
DHOIT Na TUREL. 57Ç /îfte pas moins à dire que la maxi- me elt mal fondée & très dangereu- fe. Toute contrainte elt illicite & peu convenable » en matière de Re- ligion y & il n'eil permis d^exiger par force que la paix , ou le iilence.
J. 48 <^. Imagines , quA attribut a ^ bénéficia njftgnia Dei , iteuique exempla fingularia pietatis in nie» tnorian revocant , in templis coU iocare Liât.
L'Auteur aîîeguc en faveur des Tmagct images , les bons effets qu'elles peu- dans les vent produire , comme de contri- Temptes. buer à foire connoître Dieu , d'ani- mer la dévotion, de graver dins I2 mémoire les attributs de la Divû nité , fcs bien-foits, & divers mo- tifs à la pieté. La démonftration ne conclut pas , car il refte à fqa- voir (î les inconvcniens des ima- ges , ou les dangers qui réfultenc de leur ufage dans les Temples, ne furpaflent point Tutilité que Ton en peut retirer. T eft une quelHon dans laquelle ]c n'entre point ici. Je veux feiilement faire ©bfervcr, que pour démontrer la légitimité
dua
37<^ QU ESTIONS DE d'un ufage , il ne fufEt pas de fai- re voir qu'il peut être utile à cer- tains égards 5 il faut encore prou- ver qu'il ne peut pas être dange- reux , & produire plus de mal que de bien.
§. 5'03. Mutât a religione in aîîqm
ioco , Ecclefia parîicnlaris interit ,
quài antea ibidem fmrat,
SiTEglife Ceci mérite explication, à caufe particu. des conféquences que l'Auteur en liere pé- tirera dans la fuite. L'Eglife parti- f^^'3"?" culiere périt fans -doute, quant à gion Y eft ^'^ relation particulière; celta-di- cfeangée ; "^ j que il un village Catholique , & à qui /ar exemple , em.braiTe la Réforma- apartien- ^^jqji ^ PEglife Catholique particu- b^'n/^^ liere qui sV trouvoit , ne fubfifte plus. Mais doit - on dire que cette Eglife particulière périt abfolument? Elle fubfifte dans fa relation géné- rale d'Eglife, les hommes qui la compofent demeurant unis , pour fervir Dieu en commun. Ces hom- «les font encore eifentiellement la même Eglife , quant au but géné- ral de leur afîbciation , qui cil de fervir Dieu en commun , queiqu'ils
ayent
Droit Naturel. ^77 ayent réfolu de le fervir d'une au- tre manière. L'Eglifc demeure fubt tantiellement la même, quoioji'elle fe trouve changée en pluiieurs cho- ies. Ceft un habit qui change de forme & de couleur. Elle n'cft plus Eglife Catholique , mais elle demeure Eglife. Tout ce que l'Au- teur dit dans la note du i. 50 5- ne me paroit pas détruire mon rai- fonnement. Le lien eft uniquement fondé fur ce que rejcttant la déter- mination générale & eirenticlle d'E^ glife , que je dis être une afïbcia- tion pour fervir Dieu ; il veut que rcflencc de TEglife conliftc dans une afljciation pour fervir Dieu d'une certaine manière': ce qui n'cft, fé- lon moi , qu'une détermination par- ticulière , qui conftituë Tefpece. Je ne vois pas comment il peut prétendre , qu'une focieté Civile demeurant la même focieté , quoi- que la forme de la République foit changée , une Eglife ne demeure pas la même Eglife , lorfquc la ma- nière de fervir Dieu y eft changée.
Ce ne font pas ici de vaines dit cuflions. Pour fc convaincre de leur
ufage,
378 QV ESTIONS DE
ufage , il n'y a qu'à lire les §§. ^24,' ^28- 5 dans lefquels M. \7. enfei- gne , que fi une EghTs périt ( mê- me par un cbanp^ment de Reli- gion) , fes biens appartiennent au premier occupant , ou au Prince , quand il a le droit exclufiFde s'em- parer des chofes qui n'appartien- nent à perfonne. Tous Tes raifon- nemens tombent avec leur princi- pe, fi ce priîicipe n'eft pas folidc.
En y fubltituant le mien , il s'era fuivra , que dans le cas du change, ment de Religion , la même aflem- blée qui formoit , par exemple , une Eglife Catholique devenue Pro- teftante , demeure maîtrefle des biens de cette Eglife , & qu'elle doit les appliquer à l'ufage de Ton nouveau culte; ou fi quelques-uns ont été donnés expreiTément pour quelque ufage que l'on fupprime entièrement , par exemple , pour faire dire des Mefll^s pour l'ame d'un mort ; il faut les rendre aux donateurs , ou à leurs héritiers. Si les donateurs ou leurs héritiers ne fe trouvent plus , ces biens , dans l'état de nature , font au premier occupant , Se dans l'état Civil , on
doit
Droit Naturel. 37* doit en faire une deftination con- forme aux loix. Ceft ainfi que Ton en ufa en Suiffc & ailleurs, dans le tems de la Réformation. Nous verrons bien-tôt ce qu'on doit fta- tuer , touchant les biens d'une Egli- fe qui périt véritablement.
§§. 507. &fuivans. Une perfon- Sur la mè- ne morale cft une fidion de droit, mcmatic & par conféquent elle n'eft dite^^' avoir des droits que par une fic- tion femblable. Dans la réalité , fes droits ne font véritablement qu'un réfultat des droits apparte- nant aux êtres réels qui la confti- tuent , entant que , par leur union, ils forment cette perfonne morale. On dit que certains droits appar- tiennent à la perfonne morale , & non aux particuliers; parce qu'ils appartiennent à tous enfcmble in- divifiblement , 8c non à chacun pour fa part , ou parce que ces droits ne naiflent que de l'union qui fait la perfonne morale. Mais les vrais fujets réels , dans lefqucis ces droits réfident , ne font autres que les particuliers , dont l'union for- me la perfonne morale , quoique la relation par laquelle les particuliers
for-
Si une Eglife peut changer quelque chofe dans la deftina- tiondefes biens«
380 Q_UE s TÏONS DE
forment cette perfonne morale , dé- termine la nature & Tufage de ces droits. Cette obfervation nous fer- vira à éclaircir , ou à décider les queftions qui fe préfentent dans ces paragraphes.
$. 505. EedefiA non competit jus ré- bus facris & ecclefmjiicis aliter utendi , quant ut adhibeantur ai eumufum, cui dejiinaufuni.
La première raifon alléguée en preuve , & qui eft prife de l'inten- tion des donateurs, eft fort bon- ne , parce qu'en ce cas , PEglife ne polfede CCS biens qnc conditionnel- lement , & qu'elle ne peut les re- tenir & en jouir , fi elle ne rem- plit pas la condition à laquelle leur polTefîion cft attachée. Mais enco- re faut - il remarquer , qu'il fuffit de fe conformer à rintention gé- nérale du donateur, fans infifter trop fcrupuleufement fur des déter- minations fpéciales , qu'il n'a pas cxpreffément ordonnées. Par exem- ple, des biens donnés pour l'en- tretien d'un Curé, ont été légiti- mement appliqués à l'entretien d'un
Droit Naturel. aS^ Miniftre , après la Réfornvation > parce qu'ils avoient écé donnés pour procurer un Pafteur à cette Eglife particulière. Eh quoi î Des biens donnés par un citoyen à la focieté Civile , pour en iaire les ga- ges des Magiftrats , dans le temps que le Gouvernement étoit Arillo- cratique , ne feront -ils pas légiti- mement appliqués à Tentretien d'un Prince , fi d'un commun accord la focieté trouve à propos de fe don-« ncr un feul chef?
Pour ce qui eft de la féconde raifon , tirée de l'intention de ceux qui ont acquis ces biens pour TE- glife , à fraix communs ; les mem- bres adluels d'une Eglife ayant ac- quis , à fraix communs , des biens qu'ils deftinent à l'ufage de l'Egli- fe , ils ont droit à ces biens , & s'en fervent comme il leur plaît : ils les tranfmettent à leurs héri- tiers & fucceifeurs , Icfquels en- trent dans leurs droits. Si donc ces fucceifeurs , d'un confentement unanime , jugent qu'il leur con- vient de faire quelque changement dans la deftination de ces biens > 4 qui feront - ils tort ? Qui eft-ce
quî
322 Q,USST10NS DE qui aura droit de s'en plaindre ? Leur pollérité , direa - vous , leurs après - venans. Mais ces après- ve- nans n'exiftant pas encore , ils n'ont encore aucuii -Iroit , fuivant M. W. lui-même.
' Il e il vrai que dans un Etat Ci- vil 5 la chofe doit être confidérée fous une autre face. Comme il ira- porte à l'Etat, qu'il y ait dans cha- que Eglife particulière, dequoi pour- voir aux dépenfes néceflaires pour le fervice divin , fi par un caprice extraordinaire , tous les membres d'une Eglife particulière s'avifoient de vouloir diftraire les biens de l'E- glife , le Souverain devroit l'empê- cher , parce que tout l'Etat eft in- térefle à la confervation de ces biens & à leur deflination.
Mais dès que toute perfonne vi- vante eft mife hors d'intérêt , n'eft- il pas permis à chacun d'ufer com- me il l'entend , de ce qui lui ap- partient ? Or nous venons de fai- re voir, que les membres adluels de toute Communauté font les vrais fujets réels auxquels les droits de la Communauté appartiennent , quoiqu'ils ne leur appartiennent
qu'en
^Droit Naturel. 38?
qu'en commun , & e.itant qu'ils ne font tous enfemble qu'une per- lonne morale. Il peuvent donc , d'un confentement unanime , dé- terminer ce qu'ils ont araire, fans craindre de bleiTer les droits de per- fonne. Il eft vrai qu'en ceci » comme en toute autre chofe , ils doivent fe conduire d'une manière fage & raifonnable ; ils doivent avoir égard à leur vrai bien , à celui de leur poftérité &c. Mais autre chofe eft le devoir , autre chofe ^ft le droit ; comme M. W. Tenfeigne lui-même mieux que per- Tonne. Mais il femble que cet il- luftre Philofophe ait ici un peu perdu de vue fes principes. Voyez les §§. 512. & fuivans , dans lef- quels il établit, qu'en cas de né- cefRté , les biens de l'Eglife , ou partie d'entre eux , peuvent être aliénés pour des ufagcs louables & pieux. Si ces biens n'appartiennent point aux membres aduels de l'E* glife, ceux-ci peuvent -ils les alié- ner validemenc , pour quelque ufa- ge que ce foit ? S'ils peuvent ju- ger du cas de nécefîîté , de la lé- gitimité de l'ufagc qu'ils veulent
faire
3S4 Q-U ESTIONS DE
faire de ces biens j ils en font donc les maures , ils peuvent en difpo- fer y à la vérité avec l'obligation interne & de confcience , de n'en faire que le meilleur ufage ; obli- gation qui lie même chaque par- ticulier dans r ufage de fon patri- moine. Voyez fur- tout le §. 514. dans lequel l'Auteur enfeigne que , dans un cas de ncceflîté , on peut employer les biens de TEglife au foulagement & à la nourriture des pauvres > & il le prouve en difant , qu'un pareil emploi eft une œu- vre de miféricorde , laquelle Dieu approuve & commande , & que robéilfancc aux Commandemens de Dieu regarde le culte intérieur , lequel, en cas de collifîon , l'em- porte fur le culte extérieur. Je l'arrête ici d'un mot. Dieu veut que j'aiîifte les pauvres de mon bien; mais il ne veut pas que je prenne le bien d'autrui , pour les en afiîfter. Donc fi les biens de FEi^life n'appartiennent point à la totalité des membres adluels qui la compofent , ces membres ne peu- vent employer les biens de l'Eglifs au foubgement des pauvres.
De
Droit Naturel- ggf
De tou: ceci il rcfulte cvidem- îttcnc , ce me fembic , que pour ne point fc contredire, & fe jctter dins des difficultés infurmontables , il faut laiiTer à la totalité de ceux qui compofent une Eglife partiailierc ( & en général une focieté quelcon- que ) , la propriété des biens qui appartiennent à cette Eglife (ou à cette focicté), & le droit d'en dit pofer ; mais établir quel eft leur de^ voh' 1 l'égard de cette difpolition. Au lieu de dire ils ne peuvent pas , je dirois ils ne doivent pas les alié- ner témérairement, ils ne doivent pas les employer, fans de bonnes raifons, à d'autres ufages &c. A quoi il faut ajouter, que fi quel- qu'un, comme PEtat en générai, ou le Prince , ou un particulier membre de cette Eglife a quelque droit , même indired , fur les biens de TEglife , il peut empêcher que l'on n'en fafTe un autre ufage , que oelui auquel ils ont été deftinés j à moins qu'on ne lui-cn prouve !a né- ceffr-é , ou qu'on ne le dédom.mage, lorfqu'on fe propofe une plus gran- de utilité , à laquelle ce tiers ne peut participer.
R 5. çiQ.
38^ Questions dk
5. 5Î0. Ecclefia res facras ^ Eccîe- ftajikas po luhitii alienare neqiiit,
S\ une Prenons garde aux conféquences Egl'î's (le cette décifion , car elle peut s'ap- peut alié. piîq^jej. avec tout autant de roifoa ïlf ' , à toute autre focieté. Dira - 1 - on que la fociete Civile ne peut , mê- me d'un confentement unanime , aliéner les biens qui appanienncnt au public , &- qui foiit deftinés à de certains ufages -, qu'elle ne peut en changer la dcftination &c. ? Que deviendroient tous les Traités en- tre les Puiirmces, tous les arran- gemens , toutes les conftitutions nouvelles", qui s'introduifeiit dans un Etat ? 11 eft un cas où une Egli- fc ne peut aliéner validement fes biens , c'eft lors qu'ils lui ont été donnés à condition qu'ils demeure- ront perpétuellement à l'Eglife. A- lors rEglife adluelle n'en a vérita- blement que l'uruiruit , & elle ne peut non plus les aliéner , qu'un particulier ne peut aliéner une ter- re, qui lui a été donnée avec la claufe de fubftitution perpétuelle dans (a famille.
DïiôiT Natwrkl. 387
*§. iiT. Qui nunc ecclefmvî facumS de rehus facris & ecclefiajlicis âif. ponere non pOjfimt in pvajiidicium ecclefut pro tempore fntiiro.
Je ne vois pas comment accor- Sîîefîroit der cette propoficion, fa démonf- «es meni^i tration & ce que l'Auteur dit dans ^'^ ''^^- Janotc, avcccequ^ilaétablid-î,t^^^ aejius , que ceux qui n exifieut par les point encore ne font capables d'rj. droits des cun droit (§. 830. & fuiv. Part, C. ^cn,bxs Jtnr. nat. ). Si cejjx qui n'exident ^"^'^^*- point encore n'ont aucun droit, comment peut - on dire que ceux qui compareront PEglife dans b {\\i^ te, ont droit à Tufage de Tes biens, & qu'on ne peut le leur ÔLcr fans leur faire injure? Injuvimn facinnt Us qui fiitiiro tempore ecdefiam fa- cient.
Il cft mriniFefte que dans ce pa- ragraphe & dans les fuivans , tout ce que TAuteur ccablit fe rapporte plutôt aux devoirs d'une E^!if3 , dins radniiniftiation de fes biens, qu'à fcs drnit<:.
R 2 5. f24-
'38S Q-UE STIONSDE
§. ^24. Si Eccîefta intérim, res fct»
crji, & ecciefmfiica finnt res
nullius,
A qui ap- Quelle conféquence ! Ne prou- partien- vc-t-elle pas feule qu'il y a quelque rent les défaut dans les principes dont elle ^'g^g'fjJH'eft tirée? Quoi! Les hommes qui oudetou- ^^"^P^^^^^ une Eglife particulière, te autre font forcés par quelque calamité , focieté , par l'irruptfon d'un ennemi , d'à- qui fe de- jj^^donner le lieu de leur habita- *'^"^^' tion , & de fe difperfer j cette Egli- fe périt : tous fes biens deviennent donc res nullius ^ les membres qui formoient cette Eglife n'ont pas plus de droit à ces biens , que le pre- mier venu ; en forte que des étran- gers, qui fe rencontreront -là for- tuitement , pourront légitimement s'emparer des vafes facrés , des fla- tues , des tableaux &c. & en pri- ver les membres de cette Eglife dit perféc & détruite? De même, cai: les raifons font exadement les ma- rnes , H un peuple rompt fon aflb- ciation , l'Etat , ou la focieté Ci- vile périt : tout ce qui lui apparte- iioit comme deftiné aux ufages pu-*^
blic^ ,
Droit Naturel. 389 blics , cil au premier occupant ; en forte que , dans ce moment fa- tal , des étrangers pilleront légiti- mement le tréfor public , s'ils peu- vent s'en emparer les premiers ? Pour moi je dis , conformément à mes principes , que les membies de cette Eglife, ou de cet Etat, étant les vrais fujets réels auxquels les biens de l'Eglife, ou de l'Etat appartiennent , ayant droit à ces biens , quoiqu'un droit reftreint par leur deftination , dès qu'ils ne peuvent plus les pofTéder en com- mun , fuivant leur établiflement , ni en faire l'ufage auxquels ils é- toient dedinés , je dis qu'ils ont un droit cxclufif de fe les appro- prier, & qu'ils doivent les parta- ger équitablement entre eux. Leur droit fur ces biens ne périt point par leur difperlion 5 c'eft plutôt la Feftricftion mife à ce droit , la def- tination particulière de l'ufage de ces biens , qui eft détruite par la néceffité.
R 3 S. 529.
390 QjÛ ESTIONS B 2-
$. 529. Comœdias dichntis repr<e^ fentntionss fa&arum perfonayiim Jive veraruni , five fichimm èff exitus idîi. Tragœdias autem va-. camus rsprcîfe/iîaîiQy:€s fa&orum ferfonamm jjve verarum , five fiCiarum ^ exigus îrifjs.
Défini» Ces définitions ne font point tions de conformes à Pufage. Il n'eft pas Ja come- néceilâire que le dénouement foie
die « p<^ J^eureux (kf7is) dans la comédie g Ja trage- . ,-. r • -i r p / . r
die. ^^ ^" ^^ ^^^^ ^^'^^^^ ' ^" ianeite ( m/-
///) dans la tragédie. La comédie répréfente gaiement des actions Se des paffions , qui n'ont rien di bien ferieux , 8c le dénouement ne doit pas confiîrer dans un évcnc- îïient funelle, mais il peut confit ter dans la confuilon d'un perfoiî- Kage vicieux , ou ridicule. La tra- gédie espofe avec dignité des ac- tions grandes & intéreiTantes , des paiïions nobles , des pallions férieu- fes, dés padlons funeiies & terri- bles 5 elle met en ufjge Fadm-ita- lion 5 la terreur & la pitié : mais elle peut Ênir par lin événement ieurcu;^.
§. Î47.
DRO IT N ATU REL. 39^
5- 547- ^^ ^'"'^ fenîsntia jidicis fe gravatum exijUmet , et peymijfiun ej]e débet querelas fuas ad fuperio^ rem déferre & ejufdem decifioni ciiHJam commit t ère»
On ne doit pas entendre ceci Jj^^ ^«P- comme fi un Souverain , k parti- {upç^ieur culiercment un Monarque , devoit en matie- juger lui-même les procès, qucredepro- l'on porteroit devant lui par ap- ces. pel. Il feroit fort bien à lui de les juger , autant que cela fe pourroit , s'il étoit infaillible. Mais comme un Prince peut fe tromper , & mê- me plus aifcment que bien d'autres hommes , en pareilles matières s comme il lui feroit impoffible d'e- xaminer à fond toutes les caufes dont on lui demanderoit la revi- fion j qu'il feroit obligé de s'en rapporter au fentiment de fes Mi- niftres &c. c'eft avec ftgeiTe que l'on a établi dans la pKi-part des Etats , des Tribunaux Souverains , pour juger les procès en dernier reifort , «Se fans que le Prince puif- fe y intervenir , beaucoup moins les décider lui - même. Le Prince
R 4 ne
3SZ Q_u £■ s T î on s 3 e ne peut mieux s'acquitter de cettr partie de fes foiK^ions , qui concer- ne Tadminiitration de la Juftice, qu'en Gonfiant le foin de la rendre à tout le monde , à une compagnie de gens fages , intégres & éclairés. S'il arrive que cette compagnie erre dans fon jugement , & prononce une icntence injufte , il vaut mieux la fouifrir , que d'introduire un re- cours au Prince , qui, de la manie* re dont les hommes font faits , fer- viroit plus fou vent à mettre la fa^ veur & la puiffance en état d'oppri- mer les foibles , qu'à Fournir au plai- deur bien^ fondé un moyen d'obtc^ nir fon droit. Mais ii cette même compagnie fe livroit manifeftement à la corruption 3 ou à la partialité , le Prince devroit prendre eonnoif- fance de fa conduite , & y apporter ies remèdes convenables.
Ce que l'Auteur dit des appeîîa» tions , peut s'accorder avec les ob- fervations que nous venons de faire. Le Souverain peut établir un Tribu- nal fuprème , devant lequel les cau- fes jugées par les Tribunaux ordi- naires , fe porteront par appel.
Droit Naturel. 393
§. ^37. Pœnje tajttdc licita fioit , qumu tA ad deterrendwn nocituros a de^ UlIo vel crinùyie perpetrando , qnaju tum Jieri poîeji , fujficinnt , con- fequcnteu fi apparent^ non fujfU cere Uniores , gravioribus iiti licst.
Cette maxime doit être tempe- 5^^. f^ rée par celle que l'Auteur lui-même mefure a établie oi-dclTus (§5. 625. & 626\àcs pcU ' fçavoir , qu'il faut avoir égard au "^^ ^?"^ mal que produit le délit , & au '^ ^^^ danger qui en ré fuite , pour en dé- terminer la peine. Le but des pei- nes eit de procurer la fureté & la tranquillité des Citoyens & de l'E- tat. Si donc un certain délit na caufe pas de mal bien confidérabîe , s'il n'eft pas fort dangereux j on ne doit pas le punir d'une peine capitale , quand même l'expérience feroit voir , que le penchant des hommes à le commettre eft Ci fort , que les peines moins terribles ne fuffifcnt pas pour les en détourner toujours. Pour qu'il foit vrai de dire , que Ton doit faire uiiige de peines plus féveres , Ci de plus dou- ces ne fuiïifent pas , il faut que l'ob-
R 5 jet
694 Q_l^E s T i ON s D I
jec en vaille la peine. Le droit de punir , qui appartieat à la puifran> ce publique, dérive de celui que la riature a donné à chaque homme en particulier , pour fa défenfe. Or dans l'qtat de nature, lî un voleur îç'empQi'te, une chofe de. petite con- féquence , 8i dont je puis aifément: jne paifer y il ne m'eil apurement pas permis de le tuer , quand mc^ rue je n'aurcis aucun autre moyen de recouvrer ce qu'il m'a dé robe* . De même ^ je ne penfe pas qu'au^ €un Magiftnit voulut, faire pendre, quiconque ircit vcier des fruits dans^ un jardin 5 quand même il remar^ queroit que le peuple eft fi enclin àr cette efpèce de voi^ que nlla prU fon 5 ni le carcan , ni d'autres pei- nes femblables ns peuvent l'en dé^ tourner entièrement. Il eft impor- tant d'obfcrver encore fiiï cette ma- tière, que la rigueur des psines- n'ed pas toujours le plus fur moyea: d'empêcher que le defordre & le c i=- me ne fadent des progrès. SouvcnEî on y rculEt mieux par des peines. plus légères , en y joignant beau- coup de vigilance , une extrênie at- tention à ac pas laiiTer é.haperles
CCU'
e
Droit Naturel. 39^
coupab es , ik un foin tout parti- culier de veiller fur les mœurs des cit03'ens , & d'en écarter tout ce qui peut les conduire au crime.
Ajoutez qu'il cli; très dangereux de rendre communes les peines ca- pitales , qui doivent être réfervées pour les grands forfaits. L'expé- rience nous apprend que le brigan- dage elt devenu fréquent dans bien des pays , où le vol cft puni d^ mort.
§. 642, Peut-être ceux qui ont Sur fa n».
loué cet ancien droit de RlmâamaU' ture & V
the , dont il cft encore ici parlé dans . ^^^ , .. (. . ^ , peines,.
la note , ont - ils ieulement voulu ^
dire , que l'ordre & la raifon de- mandent qu'un méchant ne jouilîe point du même état de bonheur^ dont un homme de bien doit jouir;, ce qui eft vrai: & même ii l'on approfondit les choies , un trouvera qu'il en doit ècre ainfi naturelle- ment; puifque le bonheur eft une fuite naturelle de la. perfcôion >. comme ie malheur elt celle de i'imw perfedion. Mais il ne fuit pas de- là , que pour être juftc , il lai^l-e nécelfeiremcnt faire louifrii- un mal poj[îtif> à quiconque a commit» ui%c Fv 6 muu-
39<^ C1.U ESTIONS DE
mauvaife adion. Le but de ces maux pofitifs , que Ton inflige aux malfaiteurs , fous le nom de pei- nes , ne peut être que leur amen- dement , ou Texemple , comme Mo W. le prouve fort bien. Je ne puis m'empècher de faire oblerver , à cette occafion , combien on a d'o- bligation à cet illuftre Auteur , pour avoir rendu diftindes tant d'idées , qui étoient iî confufes dans les éeri. vains qui l'ont précédé. Comparez 5 pour vous en convaincre , fcs prin« cipes lumineux fur la matière des peines, avec ce qu'en dit Grotius- de J. R & P. L. IL C. XX. §. i, & fuivans. Il n'eft pas aifé de dé- mêler au jufte la penfée de Gro^ tins y mais on voit que cet excel- lent génie a vu la vérité , quoi- qu'il ne l'ait pas vue aiTez diftinc». tement. Il dit , comme M. W. le rapporte , qiCuvie des chofes , que M ytature tnènie nous enfeigne être permifes & n avoir rien d^injnsîe y c'ejî que celui qui a fait du mal en fouffre. Mais je crois qu'il a vou- lu dire feulement par-là , que quand celui qui a fait du mal eft puni , il n'a aucun droit de fe plaindœ ,
pui£
Droit Naturel. 597 puifqu'il ne lui arrive rien qu'il n'ait mérite , & qu'il ne fe Toit attiré volontairement. Il eft vrai que GrO" tins s'embrouille enfuite dans des idées Théologiques j & il lui arrive ici 5 comme en d'autres occafions , que le Théologien nuit au Fhilofo- phe & au Jurilconfulte. Mais il pa- role cependant qu'il n'a point perdu de vue les vrais principes , par ce qu'il ajoute §.4. n. I. Ce que nous avoyis dit jufqnes ici fert feulement à montrer , que , quand on punit ceux qui font véritablement coupables , on ne leur fait aucun tort. Mais il ne s^ enfuit point de - là ^ que tout coupable doive être puni nécejfaire-' ment ^c. Et il loue ce mot cé- lèbre de Platon , traduit & adop- té par Sénéque ; Que l'on ne doit pas punir précifément à caufe du mal qui a été commis 9 ( car ce qui ejl fait , eft fait \ on ne fçauroit faire qu^il ne l'ait pas été ) , mais à cxiufe du mal qui pourroit être commis à l'avenir. Plat, de Legib. Lib. XI.
€<;{.
598 QjJE s T I 0 NS DE
$. 6^4" Ne plîires [celer a quidam comynîîtant , aut vitio cnidam fe dedant , rei in dvitate pienis coér- cerCpojJïmt , eiiamfi iifdem non U" daiur alius.
De la pu- Ce principe eft de ceux qui fe- Tiitiondes roient fore bons, [\ les Princes & vices qui |gg autres fuperieurs étoient tou-
ient pas i^^^s ^^^^ ^ ^'^ aevroient être : les droits i^^^s il pourroit devenir trop dan- ^'autrui, gereux pour la liberté des citoyens; & je doute qu'aucun peuple voulût l'admettre fans reftridion. Il feroit dans les mains d'un mauvais Prin- ce , un puiilant inttrument de Ty- rannie. On me dira que l'abus n'ô- te pas le droit. Mais je répons que l'on n'a pas le droit d'employer des ^ moyens dangereux, quand on en a de fufElans qui font fans danger, ni de recourrir aux moyens févc- res 5 quand de plus doux fufHfent. Or le fupérieur peut garandr la fo- cieté du mal indircd qu'elle pour- roit recevoir des vices des particu- licis, par de (âges éfublafemens , qui préviennent les progrès du vi- ce, en fa vorifant çeu::^ de Iti vertu.
Il
Droit Naturel, 59^ 11 peut détourner les citoyens d\x vice , en ne conférant les emplois & les honneurs qu'aux gens ver- tueux. En exclure les vicieux 5 cil, il eft vrai , une forte de peine -, mais je ne précens pas non plus exclure, dans le cas donc il s'agit , toute et pece de peine. Je veux dire feule- ment, que celui qui ne nuit à la focieré que par une conféquence in- direde , ne doit pas être puni com- me celui qui viole le droit de quel- qu'un , & que le peuple peut avoir de bonnes raifons de ne point con- férer au Prince le pouvoir d'infli- ger des peines affliclives, pour des fautes qui ne blefTent le droit de per- fanne. Enfin il paroit que ce pou- voir ne découlant pas nécelTairement de l'aiTociation Civile, le Souverain^ ne peut fc l'attribuer , s'il ne lui a pas été donné exprefTément.
§.688' Si cri'iHen e diarnetro feairi- taîi publics ndverfctur , ijiqiii/itiis ejiis valde fit [ufpe^his , corpore aiitetn fano ^ rohujlo , ^ nialU îia ejus 'numifcjla ^ per î or ment a 'ad cojifejioiiem adîgi pctejL ., j . Contre
J avoue qiiiÇ dans toulcs ces cir- l'^r-ge de
COni- lal':r;urv.\
400 Q.UE s T IONS DE
conftances , quand le crime eft df- redemeiic contraire à la fureté pu*- blique , raccufé extrêmement fut peà, d'ailleurs fain , robufte , Si d'une malice avérée ; l'ufage de la torture eft moins condamnable. Mais il n'eft pas juftifié , &; je ne trouve point que la proportion foit démon- trée. Une vniie démonftration doit être bâtie fur des principes indubi- tables &, d'une vérité ai3folue. Or parmi ceux que l'Auteur employé ici , il n'y en a aucun qui ne foit fujet à quelque doute, ou à quel- que exception, i*. Il eft vrai qu'il importe extrêmement à la focieté que les grands crimes , contraires à la fureté publique , ne demeurent pas impunis. Mais il ne lui impor- te pas moins qu'aucun innocent ne foit expofé à être traité comme cri^- minel. La fureté publique exige donc feulement que l'on ne néglige rien de ce qui eft raifonnable & juf. te , pour parvenir à découvrir les coupables, & qu'on les punifle avec une fé vérité proportionnée a'^ cri- me , afin que les méchans ne foyent point enhardis par la négligence , ou par la moUefle des Magiftrats.
Ma*is
Dro iT Naturel. 40Î
Mais 11 , par des circonlhnces iiii- g^lieres , il arrive qu'un accufc ex- tréincment fufpcdt ne puifle être convaincu , & qu'un Juge foit obli- gc de le renvoyer abfous , la fure- té publique n'en peut fouffrir beau- coup j parce que ces cas- là font fî rares, que les malfaiteurs ne peu- vent gueres en prendre occafioii d'efpérer fimpunité. Il fuffit qu'ils voyent des Magiftrats habiles & Vi- gilans , toujours prêts à pourfuivrc le crime avec une fage févérité.
2**. Quoiqu'on manque de moyens pour amener l'accufé à la confelîîoii du crime , peut-on y fuppléer par la torture , laquelle , fuivant l'Au- teur lui - même , n'cft point un moyen propre à découvrir la vérité 't 3". On ne doit pas craindre ici y dit M. W. de tourmenter un imio^ cent. J'avoue que quand l'aceufé eli; extrêmement fufped: , & fur - tout; quand il fe coupe dans l'interroga- toire , il eft fort apparent qu'il ell coupable j mais tant que Ton n'a pas contre lui une preuve complet- te , il demeure pofïible qu'il foit innocent, & par conféquent on ne peut pas dire , qu'en l'appliquant
à
402 QjJ ESTIONS DE
à la torture, il ne refte aucun lieu de craindre que Ton fera cruellement fouiFrir un innocent. Or livrer un innocent à des tourmens affreux & infâmes , eft quelque chofe de (i hor- rible , qu'il ne paroît pas permis de s'y expofer jamais.
Où eft l'homme qui , tn corrtrac- taat une focieté Civile, confenti- roic à courrir le rifque de fe voir jamais expofé à un traitement iî cruel ? La puiffance publique n'a d'autres droits que ceux qu'elle tient du confentement exprès , ou tacite des citoyens. Donc elle n'a point celui- d'cxpofcr un innocent à une infâme torture.
4®. Enfin la force 8c la fantc d'un aecufé donnent bien quelque lien de prcfumcr , qu'il n'aimera pas mieux s'avouer coupable, s'il ne l'cft point , que de fouifrir la torture j mais elles n'en donnent aucune certitude. Car il y a des gens fains 8c robuftes , qui crai- gnent de longues & violentes dou- leurs, plus que la mort. Et ceux qui favent fouffrir ne foutiendront- ils pss également la torture , qu'ils foyent coupables ou innocens ?
II
f) R o I T Naturel. 403 Il femble que l'illulhe Auteur ait fend lui - même la force de tout ce qu'on peut oppcfer à fa démonC. tration. Voici comment il termine {a note fur ce paragraphe i Uhi vcro abiifus ejus^ (torîurse) vel mi- nimum metueudus , nec tantafit «c- cejjitns exewpii , ultro fatemur , east firmiter âefendi non pojje. Et le $. fuivant fait voir , qu'il eft à peu près de notre avis. Peut - être n'a- t-il pas voulu s'expliquer plus net- tement.
$.70^. oh morhiim gVAviorem (quo fcilicet totum corpus hm^uet ) ptt^ va capitalis & corporis afflichva Aijferenda,
La première demonftration du Si 1 on premier membre de cette propofi- doit d;ee- . . 1 r 1 11 ler l cx€-
tion , me paroit abiolumenr nulle. ^^^^^^ ^
La maladie d'un criminel n'cmpè- ^^^ufe de che en aucune faqon les fpedateurs u mah-^ de pcnfer , qu'il eft puni pour fon clietJacn- crime ; elle ne fait qu'augmenter J^^"^^^- leur compaiîion , & par confcqucnt elie leur infpire une plus foi te hor- reur pour le crime.
La
404 CLUES T 10 N s DE
La féconde démonftration de ce môme membre , ne me fatisfoic pas non plus ; car je ne vois pas que ce foit un ade d'humanité' envers un criminel déjà condamné, que de le lai/Ter Janguir dans une mala- die , pour le faire mourir après Ton retablifTement. L'Auteur lui - même n'a-t-il pas établi ci-delTus (f. 693. )>L que l'exécution d'une fentence ne doit pas être différée, parce que ce feroit augmenter la peine du cou- pable ? Si vous dites que le ruppli- ce eft plus terrible pour un criminel malade, ou au moins, qu'il paroît plus terrible aux yeux des fpeda- teurs 5 je répons , que j'approuve fort ce que l'Auteur dit dans la no- te de ce paragraphe , que le Juge doit adoucir le fupplice , quand ii l'inflige à un criminel atteint d'une maladie confidérable. Il fe peut que le fupplicié malade fouffre moins , que s'il eut été en fantc : mais dans le doute, on doit pencher à la clé- mence ; & d'ailleurs il fout, par humanité , avoir és^ard à Fimpref- iion que reçoivent les f edateurs. Les peines capitales éteint princi->a- icment deftinées à détourner les
hom-
Droit Naturel. 40^
hommes du crime , il fuffit qu'une peine paroiflc terrible , dans un dé- gré proportionné au crime , quand même elle ne le feroit pas réellement.
Au reftc , fi TAuteur veut dire feulement , que Ton doit différer le fupplice , au cas que le criminel foit atteint de quelqu'une de ces mala- dies violentes , dont révénement cft promtement déterminé , qui met- tent le malade hors de lui-même , & fufpendent Tufage de Tes facul- tés ; tout le monde fera de fon fen- timent.
Quant au fécond membre de li propofition , qui regarde les peines corporelles , non capitales 5 M. W. prouve très - bien que Ton doit en diiférer Texécution , en cas de ma- ladie un peu confidérable du cri- minel.
§.714. Pœms in civUate effet locus y ctiamji homo in a^endo tantum* modo appareret , non vero ejftt liber.
Cette propofition &; le raifonnc- Si les peî.
ment de T Auteur ne font juftes , "^.' P^^"
. . 1 ,:, / roient a- que contre ceux qui mène la liberté , ^^^^ jjçy
pas:^
4<3<^ QjT g s T r 0 ¥ s DE
-quand parce qu'ils croyent que les moti& ?y auroit ^."^^^^^^ent la volonté , par une ac- point de ^*^^ phyfiquenient nécelîàire. Mais liberté, ceux qui la rejettent, parce qu'ils admettent je ne fcai quel fàtalifmc abfolu & univerfel , fe contredi- roient , s'ils accordoient que les motifs peuvent être de quelque ufa- ge. Si une aveugle fatalité me pouf- fe à une adion , je la commettrai infailliblement ; 8c il feroit ridicule de penfer à prendre des mefures pour m'en détourner. Mais puifque fuivant les partifans du fatalifme , rien ne dépend du choix libre des hommes , il eft fort inutile de rai- fonner avec eux , pour fqavoir s'il efl jufte & raifonnable d'établir des peines civiles. Qae ces peines foyent juftes & convenables , ou quelles ne le foyent pas ; les fupérieuis les établiront , Ci la fatalité les y por- te , & aucun raifonnement ne pour- ra les en détourner. Remarquons en paflant , que Terreur de ceux qui nient la liberté , en admettant l'efficace des motifs , conGfte mani- feihment en ce qu'ils entendent, par ce mot de liberté, une liberté de pure indifférence , qui eft une
«hi-
Droit Naturel. 407 chîmere. S'ils avoieiu une jufte idée de cette foculté , inféparHble de tout Etre intelligent , il eft apparent qu'ils ne hk refuferoicnt plus à rhomme.
§. 792. Domania niiîlo tempore prjtf- crihi poJfuHt,
Il faut prendre garde de ne pas Si les doi r , i- • j r mairies de
étendre cette propolition au «s-*^ l'Etat
de fcs julles bornes. Elle ed yraye peuvent dans le Droit Public j c'elt-à-dire fc prcCi que des particuliers , ou même des crire, Puiflances étrangères , qui auroient agi en répréfeiuant en quelque fa- çon la perfonne d'un particulier, ne peuvent point prefcrirc contre le Souverain., dans la poiTelfion de quelque domaine de l'Etat, parce que ces domaines étant inaliénables pour le fonds , mais chaque Prince pouvant en abandonner le revenu pendant fa vie , on ne peut point préfumer , de ce que pluficurs Prin- ces de fuite auront laiffé la pofTeC fion d'un domaine à quelqu'un , qu'ils ayent confenti à lui en aban- donner la propriété 5 ^*^ais feule- ment , que chacun de ces Princes
a
4^1 Questions de
a confenti à lui en abandonner !é revenu. Le Prince n'ayant pas le adroit d'aliéner les domaines, fans le confentcment de la nation , il ne peut non plus les aliéner tacite- ment qu'expreflcment , & la pré- fomption qu'il les abandonne cft împofîibU.
Mais dans le Droit des Gens , îe même raifonnement ne peut avoir îi€u, en entier & fans modifica- tion. Parce que , de nation à na- tion , les faits du '^rince , ou du Souverain quelcon^ font ccnfés faits de PEtat , quand la nation ne réclame point contre. Si donc un Ecat abandonne , par fon filence , à un autre Etat , la poiTeffion d'un domaine qui lui appartenoit , & ce- la pendant un tems confidérable , toute la nation eft cenfée avoir con- fenti à abandonner ce domaine. Or îa nation , ou l'Etat , peut aliéner ce qui lui appartient. Décider au- trement, ce feroit Cipper les fon- demens de la tranquillité des Na- tions, & anéantir tous leurs Traités.
Au refte , j'obferverai que pour rendre cette <f ropofition exadle , il feUoit y ajouter, comme dans le
S. 789.
\
Dro iT Naturel. 409
5- 7^9- "'7^ y^gnum fitn'it patrimo^ ?iiale. Car cette exception efl: ma- nifcilemeiit fuppoféc dans la dé- monftiation, où le §. 789. ell cité comrrîe un principe. Mais alors ne ruffifoic-il pas de dire, que ce qui ne fe peut aliéner cxprefTément , ne peut pas non plus s'aliéner tacite- ment & par une fuite de la préfomp- tion , qui eft , en Droit Naturel , le fondement de l'ufucapion & de la prefcription ?
§. 794. Domania alienari nequennt in regno fuccejjorio , cum popiiii conjeiifu y ni fi aquivalens in eorunt locum fubjiituatur.
Nous avons déjà obfcrvé , queSidansuii
des principes tels que celui - ci , Royaume
iroient à ébranler tous les fonde- J"^^^^^^»
mens de la tranquillité des peuples, ^ y"^!.,
& à anéantir leurs Traités. Si on^^^ 1^3*
admet ce principe , que le Prince , domaines
dans un Etat fuccelfif , ne peut , avec le
même avec le confentement de laconfente- ,./ ment du
nation entière , aliéner aucune par- pç^pjç^
tie de fon domaine , parce que fon
fuccefTeur , déjà né , y a un droit
acquis ; que deviendront tous les
S Trai<
'4Î0 QjUE ST I ON s Dfi
Traités par lefquels un Etat cède à un autre quelque Ville, ou quel- que Province ? L'erreur vient de ce qu'on applique au droit de fuc- ' céder à la Couronne , des règles qui ne concernent que les biens ordinaires , que ces biens qui ne font que pour l'avantage du pro- priétaire. L'empire, ou la fouve- raineté , eft d'une nature plus re- - levée. Comme il n'eft établi qu'en vue du falut & de l'avantage de la nation , le Prince ne le poiTede que pour le plus grand bien du peuple , & le fuccefleur n'a droit d'y fuc- céder , que fur le pied qui aura été jugé le plus convenable , par le Prin- ce aduel & par fon peuple. M. W. dit fort bien lui-même dans la fuite (§. 809. ) : Quicunque fuerït , qui irnperium puhliciim exercet ^ id non fui , fed bo7îi publia gratia exercef. Si donc les conjondures obligent le Prince & la Nation à aliéner quel- que partie de l'Etat , ou du domai- ne, le fucceifeur ne peut fe plain- dre qu'on lui ait fait tort j parce que l'empire n'eft pas fon bien pro- pre, & qu'il n'a pas été fait pour lui. En l'appcllant d'avance à la fuc-
cef-.
Droit Naturel. 4îi
■ctiTion , on lui a donné feulement en général le droit de fuccéder à TEmpire tel qu'il le trouvera établi par la volonté du peaple, volonté qui fe trouve exprimée par le Prin- ce aduel , dans les chofcs que le peu[)le a rcmifes à fa difpolîtion.
Ç. 8 1 ^- Potejîati le^isîatorU non fub- fufjt leges funâamentaies.
La note de ce §. & celle du fui- ^' ^'^^
vant, font excellentes. Elles prou- ^Y^V ^. 1 , . 1 ^ changer
■vent que le peuple même , de con- \^^ Iqj^
icert avec le Souverain , dans quel- fonda- •que Gouvernement qlie ce foit , ne mentale*, peut pas changer les loix fondamen- tales , à moins d'un confentement unanime de la nation. Si la ma- jeure partie entrepnend de le faire , inalgré les oppofans , elle fait tort i ceux-ci, & ils peuvent renoncer -^ la focieté ; à moins que pour pre- mière loi fondamentale , on ne foie convenu de fuivre toujours , & en toute matière, ce que la pluralité des fuffrages aura décidé. Car les loix fondamentales font proprement les conditions 'luxquelles chaque particulier a confcnti de fe foumet- S 2 tre
tre au Gouvernement Civil , & de fe dépouiller en partie de fa liberté naturelle , pour fe conformer à la volonté publique , dans toutes les ehofes qui intéreffent la focieté.
$• Si?» Jus mutandi leges jure ahrO' gandt continetur.
Change- Cela n'eft pas exad \ car le droit ment & de changer les loix comprenant ce- abroga- \^{ d'abroger les anciennes , & ce- uon des jyi j,gj^ £^-j.g jç nouvelles 5 c'eft
plutôt le droit d'abroger , qui eft compris dans celui de changer. Mais cette méprife ne tire pas à conféquence , parce que l'on prou- ve que le Législateur a le droit d'é- tablir des loix nouvelles , auffi ai-- fément que l'on démontre fon di oit d'abroger les anciennes 5 & le droit de changer les loix s'établit indé- pendamment du droit de les abolir. Il eût été plus fimple & plus jufte , de prouver premièrement le droit de changer les loix , & d'en dédui- re , par une conféquence nécefllii- re 5 celui de les abolir.
S. 84<^^
Droit Naturel. 415
§. 840. PœTja capitalis homicifiii , furti , rnpiyiA , rrc Jinpri viol en ti injnjia no>t ejl , fi ijfii'fmodi crinii- lia pœnïs minime capitalihus coèr- ceri veqjmint.
Il y a peut être une exception à ^^ 1<^7°^ faire au fujet du vol. Je ne fqai ^^^\ ^^ fi dans rétat de nature , il feroit ^^^^^^^ permis de tuer un voleur , qui nous emporter^oit une chofe de peu de conféquence , & dont nous pourrions aifément nous pafTer. S'il vouloir nous l'enlever par force , & que nous ne puflîons nous dé- fendre autrement , il nous feroit permis de le tuer , parce qu'il join- droir la violence au larcin \ & on le tueroit plutôt pour fe garantir de cette violence , qu'à caufe du Vol qu'il vouloir faire. Mais au cas qu'il eût dérobé fecrettement cette chofe de peu de valeur, ^ que s'éloignant de nous par la fiK- te 5 il ne nous reliât d'autre moyen de retenir ce qu'il emporte , que de le tuer d'un coup de fufil , je ne penfe pas qu'un homme vertueux voulut recourrir à ce moyen. A la S 3 vé-
4H ^ Qj^s. s-T r© N s tt
vérité , le voleur n'auroit pas droit de fe plaindre qu'on lui fait tort y fur-tout fi on raveitiiToit aupara- vant , d'abandonner ce qu'il em- porte. Mais ce qu'il n'eft pas en droit d'exiger de nous , l'humanité & la charité notjs en font une loi. Ces mêmes vertus doivent donc em- pêcher Ja focieté , oafes fupérieurs,. d'infitger la peine de more , pour des. vols peu conlîdérables,
§. 841- Nemo p^£na capitalî afficiem
dus 5 niji ecï a fiiperiore fuerit
confirmdta.
Sur la ' Cela eft bien dans un petit Etat j confirma- mais dans un grand Royaume , iï- tion à^s feroit. impoffible que le Prince fe fît de mort , ^"^^^^^^^^ ^ ^^nd de toutes les cau- riç^^^,^^' its cxiramd\QS', & s'il entreprenoit auSouve- de revoir & d'exa/niner les fenten- rain. ce,s , il pourroiç tomber fouvent dans Terreur, 8^, foire plus de maî que de bien. J'avoue qu'il doit veil- ler avec un foin tout particulier^ fur une partie fi importante de i'ad- miniftration publique; & qu'il ne doit confier le pouvoir de pronon- cer définitivement fur la vie de$
hom-
Droit Naturel. 4t<| hommes , qu'à une Compagnie , lut- fifamment nombreule , ^^e Magil- trats Tages , intègres & éclairés. ^
i 848. La grâce eft U remilFinn .^^^^"J*^ de la peme, accordée a un coupabe ^J^J"^^ ^^ convaincu. Vaholitloyi eft la mcme j, j,^.;_ rémlifion , accordée à un accufé. tmu , & Elle fuppofe qu'il s'eft commis \m\ à^ \am. délit , ou un crime -, mais elle laiU ^'P'' fe dans le douce , fi cdui qu'on en nccufe en eft coupable , ou non. Vcimniftie eft un oubli de faits , que Ton ne veut pas caraf^érifer. Ceux qu'elle concerne ne doivent pas être regardés comme coupables , ni mê- me comme accules dans les formes. On oublie tout ce qui s'cft pafle , fans prononcer fur la nature des faits. Le Souverain l'accorde quel- que fois à tout le peuple d'une vil- le, ou d'une Province, après des guerres civiles, ou des tumultes, auxquels ce peuple prétend avoir eu de juftes fujeis de fe porter. Elle tient alors de la nature du traite , comme M. W. l'obferve au §. fui- vant. On ufe encore de ce terme dans les Traités de paix , de na- tion à nation i & cet ulage prouve
S 4 ^^^
4^6 Q_UE ST I O K s DE
que le vrai fens de ce mot eft celui que nous lui donnons ici.
§. 2 60. In cafu duhio jus interpre-
tamâi privj/egium non competit
nijj coJicedenti,
t^^Jt^' . ^^ ^^ ^^^^ P^^ comment cette dé. thn^^ts ^^'^^" P^"^ s'accorder avec celle du Privilèges^' ^21. dans lequel l'Auteur dit ^desloix que le peuple ne peut interpréter les fonda- loix fondamentales. Il eft aifé de mentales, yoir que les loix fondamentales ^ qui règlent & définiiTent le. droit du Souverain , ont beaucoup de rapport avec la conceffion d'un Pri- vilège. Puis donc que celui qui a fait les unes , ne peut pas les inter- prêter j pourquoi celui qui a con- cédé le Privilège auroit- il le droit de l'interpréter > Il eut fallu indi- quer la raifon de cette différence. Bien loin de là , fi vous examinez les deux démonftrations , vous ver- re2 que l'une & l'autre peuvent éga- lement s'appliquer à chacune des décidons 821. 8c S60. Celle du $-821. revient à ceci : Les loix fou^ . damentaies règlent le droit du Jùpé- rieur, qui eji précifimmUel qu'elles
U
Droit Naturel. 417
le lui attribuefît ,• Ç^ pevfonne ne pou- ijaat le lui àter , le peuple u'a pas le droit d'interpréter ces loix. Ne pour- roic-on pas dire de même : la con- celFion du privilège règle & définit le droit du privilégié , lequel ell précifémenc tel que la conceflioii le lui attribue , & perfonne ne pou- vant le lui ôrer , celui qui Pa accor- dé n'a pas le droit de Tinterprècer ? L'Auteur dit encore, dans la note, que 11 le peuple vouloit interprêter les loix fondamentales , il feroit ju- ge dans fa propre caufe. J'en dirai autant du Prince , qui interprète- roit un Privilège , qu'il auroit ac- cordé ', une exemption de tributs , par exemple ,
Voici maintenant la démonftra« tion du §. 860. Le droit du privi^ lègié ejï détermiyjé par la volonté de celui qui accorde le privilège , fuffi- jamment dédarèe dans la conceljlon. Donc , en cas de doute , le droit ^interpréter le privilège n"^ appartient qn^à celui qui l'a accordé. Je dirai avec tout autant de fondement i le droit du Prince eft décerminé par la volonté du peuple , Tuffifamment déclarée dans les loix fondamentales. S 5 Donc,
4^8 Qj! ESTIONS DE Donc , en cas de doute . le droit d'interpréter les- loix fondamentaîes n'appartient qu'au peuple. Le pri- vilégié-, dit encore M. W. dans la note , yie peut acquérir pins de droit qiie le concédant n\i voulu lui en don^ ner. Il faut donc que , dans le dou- te-, celui' ci déclare quel droit il a voulu accorder. Ajoutez que le droip dit privilégié ne peut être augmenté 9 ou diminué^ contre la volonté du concédxint j or f.un ou l\xutre arrive* roit fjLcilcment , fi un autre que le concédant mter prêtait le privilège. Tout cela ne peut - il pas fe àrxQ avec, plus de force encore , pour iiC. fûrer au peuple le droit d'interpr^- ter les loix fondamentales ?
Je vais plus loin , & je penfe que l'on pourroit décider les dcivx queftiuns > tout au rebours de ce que l'Auteur prononce fur chacune, (^1 md le peuple établit & règle le G^juvernement par des loix fonda- mentales , c'eft fon afïàire propre 5 qui n'intérefle que lui, il déclare comment il prétend être gouverné. Si donc il s'élève dans la fuite quel- que doute à cet égard , n'eft-ce pas à lui de s'expliquera & de décla- rer
Droit Naturel. 419 rer plus precifément ce qu'il a vou- lu dire i On doit toujours fuppo- fer qu'il n'y a point ici d'autre in- térêt que celui de l'Etat. Ajoutez qu'il n'y a perfonne pour décider de pareilles quellions , Ç\ ce n'clt le peuple lui - même. Il n'en eft pas ainfi des privilèges. Ils font faits pour le bien & l'avantage des pri- vilégiés , qui même les ont fouvent acquis à titre onéreux, & qui les polfédcnt comme partie de leurs biens. Celui qui les a accordés , ou fcs fuccelTeurs , pourraient chan- ger de volonté , & être incéreifés à les expliquer d'une faqon qui les détruiroit , ou qui les reftreindroit au préjudice des privilégiés. Ils ne doivent donc pas prétendre les in- terpréter eux - mêmes i parce qu'ils fcroient manifeRement, & fans né- celFité , juges dans leur propre cau- fe. Il n'y a pas d'inconvénient à foumettre ces queftions aux Ju:^es ordinaires. Et en cliet , les Tribu- naux en connoillènt, dans les Etyts policés , comme de toute autre con- testation de cette nature , même entre le Souverain & les fujets.
S 5 $. 870."
420 CLUESTIONS Df
S. 870. Privilégia certo cuidam or- dim, vel collegio data a fuperiort reiocari ^ immutari paffimt f mn tameu is temere hoc fuccrt débet.
^cltiot ^''"' P^^^^"^> l'abus que l'on des privi.^'''"^^^^^,^^^^^ de cette décii]c,n , il leges ac ^^t <^^^erver rleux chofes. i*. Que cordés à àms tout ce Chapitre, l'Auteur eiu lin Ordre, tend par le ^/,m>«r, celui qui Lge"ouàT''^/^" Empire plein & abfolu, une 'corn- , ^"'^^ ^^ trouve oiiginxjirement pagnie. eues le peuple entier & réuni ; ca forte que dans une forme de Gou- vernement mixte , quoique Je Prin* ce ait le pouvoir d'accorder certains privilèges, parce qu'ils n'intéreiTe^t que lui , & n'ôtent rien aux droits des autres fujets , il ne s'enfuit pas qu'il ait de même le droit de les révoquer. 2^. Il eft apparent que par ces mots. Or do & Collegiwn, M. W. entend un Ordre , ou ua Collège , dans lequel perfonne n'a un droit acquis d'entrer , comme par droit d'héritage &c. 3 tels qi>'u^ ne Académie, une compagnie âh gens de métier &c, Quai:t aux
Droit Naturel. 421
Communautés, dont les droits pat feiu à la pnftérité de ceux qui en funt membres , à la Bourgcoifie d'une Ville par exemple*, tuus les droits, tous les privilèges perpé- tuels de cette Bourgeoilie , font au nombre des biens des Bourgeois , leiquels biens palfent aux {uccef- feurs, &ils révèlent la nature des privilèges perfonnels , lefquels, com. me M W. le reconnoit dans la no- te, ne peuvent être révoqués avec la même facilité. Ces privilèges- là ne peuvent être révoqués que dans le cas où ils deviennent évidem- ment pernicieux à TEtat , & il faut une autorité Souveraine , pleine & abfolue pour le faire, c'eft-à-dire, Tautorité de la République elle-mê- me , de tout l'Etat , de toute la fo- cicté. Il pourroit même fe trouver des cas , où la focieté , pour être jude, feroit obligée de donner un dédommagement à la Ville dont el- le aboliroit le privilège. Les privi- leges perpétuels accordés à une Vil- le , lui font donnés pour elle-mê- me , fouvent à titre onéreux : Us deviennent des droits qui lui font piupres. 11 n'en eft pas de même
de
4^2 Q_U ESTIONS DE
de ceux que le Souverain attache à ces compagnies, à ces Collèges, auxquels peiTonne n'a un droit ac- quis. Ce font proprement des re- glemens faits pour le bien de TE- tat , lefquels peuvent être abolis , ou changés , quand ce même bien de l'Etat l'exiges & celui qui a le droit de décider de ce qui convient, ou ne convient pas au bien de TE- tat , a le droit de les abolir & de les changer.
$.873- Si privilégia quctflam vergant in detrimenîutn B^eipiélicct , aiii muliormn civium i fuperior ea fol- 1ère potejî.
Abolition II faut appliquer à ce §. les ob- des privi. fervations que nous venons de fai-
tournent''^ ^"^ ^ ^- ^^O. & particulièrement au dom- ^^ Première. J'ajouterai ici , que mage du quand il ne s'agit que de fufpendre public, l'exercice d'un privilège pour uii tems, & dans un cas de néccfîîté , cela le peut faire beaucoup plus ai- fément. Par exemple, fi 'une ville jouit du privilège, ou de l'immuni^ té de ne pas recevoir une gamifon, il eft bien évident que le Prince ,
quand
Droit N a t u r e l. 4f 3
quand même foii autorité fcroit iort limitée , ou même que fun Général» ne doit avoir aucun égard à une pa- rc-Ile immunité , lors que l'ertnemi approche , & qu'il importe au dilut de l'Etat qu'il ne puid'e s'cmparcE de cette ville privilégiée.
§. 91 8- Qiii offido publico fttngittir ,
fine coyjjmfu fuperioris , aiit coila-
torisfe eodem abdicare nequit.
L'Auteur enreigne, que celui qui fe charge purement & fimplemcnt d'un office public , n'eft pas moiris obligé à le garder , que celui qui l'a conféré n'eil obligé à le lui laiffer , tant qu'il fait Ton devoir. Il avoue bien que dans cette continuation , il y va plus de Tintérèt de l'Om- cier , que de Cului du Prince qui l'e- tablit. Mais il prétend que cette diifércnce n'en met aucune dans leur droit : Hanc tanien dijferentiam non tayn juftiti'i , q'^(a^^ charitas at- tendi jnhet , ac fer confequens ea at- tendendA mm eji , uht de jure agi- tur , qiiod ex pa&n metiendim. Cet- te différence iemble cependant opé- rer tacitement quelque chofe dans
le
4^4 Qjî ESTIONS DE
le padle , qui intervient entre ceîui qui donne un office, & celui qui le reqoit. Celui- ci n'ayant peut-être pas d'ailleurs dequoi fubfilter , fe voueroit fans douce a autre chofe , plûiôt qaie d'accepter cet office , s'il ne luppofoit pas qu*on le lui donne pour toute fa vie, & qu^on ne Teii privera pas , tant qu'il fera fon de- voir : mais celui qui confère l'offi- ce , ne manquant en aucun teras de fujets pour le remplir , ne lait feroit pas de le donner à un hom- me habile & plein de mérite , quand même il penferoit que cet homme ne vaudra pas le conlerver toujours. Il femble donc que la claufe tacite de perpétuité eft mife avec plus de force de la part de celui qui reqoit l'office, & par conféquent, que ce- îui qui le donne eft obligé plus for- tement à laifFer fubfifter le padbe qui eft entre eux. De là vient que la coutume s'eft infenfîblement éta- blie prefque par tout , que le fupé- rieur ne refufe point le congé aux Officiers qui le demandent , fi ce n'eft dans des cas de néceffité, quoi- qu'il ne puifTe les priver de leurs offices, qu'ea les convaincant d'a- voir
I
Droi T Naturel. 42c
voir manqué à leur devoir. L'Of- ficier peut dire , je n'aurois pas confacré mes plus belles années à delîèf vir cet emploi , Ci je n'eufle compté qu'il m'étoit donné pour tout le tems de ma vie -, & je me trouve maintenant hors d'état d'en- treprendre autre chofe. Mais le fu- périeur ne peut pas dire de même, qu'il n'auroit pas donne l'office , s'il eût crû qu'on ne s'en chargeoic pas pour toujours. Car il ne lui ar- rive pas de préjudice de ce qu'un habile homme s'ell chargé pendant un tems de cet office , qu'il ne veut pas exercer toute fa vie.
$. 9^v in nota. Qui abfurdum pit^ tant ^ jus circa facra feparatum ab imper io civili ejjè , qu^ifi Rçfp- in B^efp. Jîngatur ,* judicium omnivio précipitant , nec abfurditatem de^ monjirare valent.
Siîe droit
Il eft vrai que cela n'eft pas ab- ^'^^^^^^" lurde metaphyjiqnement , c elt-a-di- f^jres de re contradi(floire , puifque ces deux Religîoti chofes ne font pas inféparables de elt infe- leur nature , & qu'elles peuvent P^'^^ble c;icifter féparément : mais leur fé- -^ ^^'^
para*
42^ Q.U ESTIONS DE paration eit très-fort abfurde mortr^ lement & en politique, c'eft-à-dire, qu'elle eft fort déraifonnabîe & dan- gereiife (comme nous l'avons obfer- vé fur le §. 6r.), a moins que le peuple ne retienne à foi le droit fur les affaires de RehVlon. Car s'il confie TEmpire Civif à une uerfon- ne, & fon droit touchant les ma- tières de Religion à une autre , il expofe l'Etat à des troubles & à des defordres fans fin ; & l'expérience ne l'a que troD prouvé. Puis donc que celui qui exerce l'Empire a na- turellement droit à toutes les cho- fes , fans lefquelles l'Empire ne peut être exercé d'une manière conve- nable au bien public , M. W. a bien raifon de dire, que quaîid le peuple défère l'Empire à quelqu'un, on doit préfumer qu'il lui confie en même tems fon droit fur les affaires de Religion , à moins qu'il ne l'ait formellement excepté , ou qu'il n'y ait de fortes raifons de eroire qu'il l'a réfervé tacitement.
S- ^57.
Droit Naturel. 427
J. 9^7. 5"/" Ux nulla fHndameyitalis ohjiet i fuperior quaynciinque reli' gmiem toUrare potefi in civitate , viodo ea non fit jiatiti civili ad- ver fa , cf? cam pi\tfcribtre potejl îegem , fiib qua to 1er are velif.
Pour plus d'exaditucîe , je vou-^j.°"^ drois dire , dans le fécond article Qj^|p!j°re de cette propoiltian , que le Ré- ^u bien îjeiu de la focieté ne doit oas tolc- public rer une Religion contraire au bien peut être de la focieté , & non pas , qu'il ne tolérée. le peut. Car obfervez que , dans l'hyputhefe, c'eiï au Régent à ju- ger (1 une Religion eft pernicieufe à l'Etat Civil, ou Ci elle ne Teft pns. Il eft donc remis à fon jugement & à fa confcience, de la tolérer, ou de la profcrire j & dès lors il peuC ce qu'il veut y mais il ne doit vou- loir que ce qui eft bien.
.Concluons nos obfervations fur cette matière par cette remarque , que l'on doit mettre le droit d'inf- pccftion fur les affaires de Religion , mais un droit tempéré & détermi- ne par la raifon , la prudence & les droits de confcience de chaque par- ti-
428 dUES TIONS DE
ticulier; que l'on doit, dis - je, mettre un pareil droit au nombre de ceux que Ton appelle Jura ma. je/iattca j cnr il eft manifefte que le Souverain ne fçauroit exercer Tem- pire d'une manière capable de pro. curer toujours le bien public, s'il n'a pas quelque autorité fur des af- faires qui ont tant d'influence fur la tranquillité & la profpérité de l'Etat. ^ Mais il doit exercer cette autorité de manière qu'il pourvoie au bien public, fans blefler les droits f icrés de la confcience , dont aucun particulier n'a voulu , ni n'a pu fe dépouiller.
$. 1041. Imperium fummum per fe irrejîjiibiîe efi.
Sur ro. Voyez auffi les 5§. fuivans. Cet-
dûe au^ ^®, .^^•^^^''^ ^^ également difficile. & Souve- délicate. D'un côté il faut prendre rain. garde de ne pas autorifcr la licence d'un mauvais Prince , qui devient le tyran & roppreffeur de fon peu- ple , au lieu d'en être le père & le protedeur. De l'autre côté , il eft fort dangereux d'établir des princi- pes capables de perfuader trop aifë-
men£
Dkoit Naturel 42^
ment au peuple, qu'il peut rcfiller à Ton Souverain i car ce n'elt que par une fage & parfaite obéiffancc des peuples , que l'Etat peut être gouverné d'une manière falutaire à toute la focieté.
Le meilleur feroit fans doute d'c« tablir une forme de Gouvernement fagement tempérée , qui obligeroit les peuples à une fage obéitrance » en même tems qu'elle ôteroit au Prince le funeftc pouvoir d'abufer trop facilement de fon autorité. Mais quand le pouvoir abfolu fe trouve établi dans un Etat , foie par le confentement exprès du peu- ple , foit par fon confentement ta- cite, fonde fur un long ufage, la queftion eft de fqavoir , jufqu'où TobéilTance des fujets doit s'étendre. Pour la bien refoudre , il faut pofer les principes fuivans , qui font in- conteliables.
i**. Tout Gouvernement eft éta- bli pour procurer le bien & le falut commun.
2*. C'eft au Gouvernement éta- bli de prefcrire ce qu'il convient de faire p»ur atteindre au but que l'on s' eft propofé en s'uniflant en, focieté;
430 <i.U E s T I O N s D 8
& chaque membre de la fociecé eft obligé , par Tes engagemens , de Te conformer à fes ordres. Cette dé- férence étant le feul moyen de par- venir au but de la focieté.
3**- Quand on défère à quelqu'un le Gouvernement avec un empire abfolu , cela lignifie que Ton pro- met de fe rapporter uniquement à fa décKioh , de ce qui convient aa bien & au f^lut commun, &-de prendre fa volonté pour celle de tout TEtat.
De ces principes , il fuit évidem- ment, qu'il n'eft pas permis de con- trôler les ordres d'un Souverain ab- folu, que l'on doit s'y foumcttre , acquiefcer à fes déciûons , & fup- pofer qu'il a de bonnes raifons de faire ce qu'il fait. On doit envifa- ger fes commandemens comme on feroit le réfultat du commun Con- feil de la nation , puifque tous les Citoyens font convenus d'avance, de prendre le jugement & la volonté du Prince , pour le jugement & la volonté de toute la nation.
Mais il n'eft pas moins évident que ce raifonnement ne peut avoir lieu que dans les cas où les com-
man-
D R O I T N A T U R E L. 451
man.^emcns du Piincc ne font pas manifeltcmenc & indiibitablcmenc injiilles & pernicieux à la focieté » dans ces cas ou ils paroiiTenc à la vérité injuftes & nuifibics à l'Etat , mais où cependant , il demeure pof- fible qu'ils foyent dans le Fond juf- tes & utiles , malgré les apparences. Pour ce qui elt des entrcprifes ma- nifeftement tyranniques & capables de perdre l'Etat , par exemple , fi le Prince entreprenoit de réduire fes fujets en eiclavage j s'il les faifoit périr , quoiqu'innocens , fans au- cune forme de procès ; s'il cnlevoit leurs biens , fans prétexte apparent; s'il attentoit publiquement , & avec violence , à la pudicité des femmes; s'il vouloit brûler & détruire une ville fans raifon , ou livrer l'Etat aux ennemis j etl-il poflible de fup- pofer que le peuple lui a promis une docile obéiifance , pour des cas de cette nature ? Y a-t-il alors la moin- dre raifon, la moindre apparence de prendre fa volonté pour celle du peuple entier? Et le peuple entier pourroit - il ordonner de pareilles chofes (' Notre premier principe s'oppofe à une doâiiiiiç jG mont
trueu-
433 (1.UEST IONS DE trueufe , & ce feroic en vain qu'on elTaicroit de la perfuader aux horn- mes y le fentiment naturel reclame trop fortement contre elle. Que To- béifTance due au Prince abfolu , ne puiiTe regarder fes commandemens évidemment injuftes , cela fe prou- ve par la décifion de l'Auteur ($. 1 044. ) , que Port ne doit point lui obéir , lorfqu'il commande des chofes contraires à la Loi Naturelle. Il eft vrai qu'il ajoute dans le §. fuivant , que fi le Prince ofe punir ^ en ce cas ^ le fiijet qui refufi de lui obéir , cefu^ jet doit foujfrir patiemment. Mais cela eft fondé fur une autre raifon , que nous allons toucher.
En effet , il fuit de notre fécond principe, que fî les injuftices du Prince ne produifent que quelques maux particuliers & fupportables , on ne doit s'y oppofer que par des plaintes & des remontrances j par- ce qu'il vaut mieux fouffrir quelque mal , que d'exciter des troubles dans l'Etat , ou que d'y introduire l'anarchie. Il eft impoffible qu'il fe trouve parmi les hommes un Gou- vernement toujours parfaitement fa- ge , jufte & équitable , & plus
Droit Naturel. 453
împofTible encore d'accorder tou- jours la manière de penfer de tous les Citoyens -, cnfortc que s'il étoic permis de rcliiter à toutes les injud tices & k toutes les fautes de ceux qui commandent , la fociecé ne fe- roit jamais tranquille , ou plutôt , il n'y auroit point de Gouvernement. Voilà , Cl je ne me trompe , des principes capables de convaincre 8c de diriger tout homme un peu rai- fonnable , & bien Tuffifans pour établir le bon ordre & la jufte au- torité des Rois. Vous perfuaderez bien moins , Ci vous voulez fonder cette autorité fur de prétendus en- gagemens , que perfonne ne peut être cenfé avoir voulu prendre , & auxquels même il ne feroit pas per- mis de confentir. Bien moins en- core, rculfirez-vous à faire croire, qu'une autorité deftrudive & pcr- nicieufe foie fondée fur la volonté de Dieu , qui ne peut rien vouloir , ni rien commander que de très jut te. Il paroit par les ^$. 1047.& 1060. que dans ces réflexions, nous ne nous éloignons pas du fentiment de rilluftre Auteur.
T §. 1044.
434- QjTESTIONS DÉ
$. 1044. Si fiiperior imper at tegî
vatiiYt^ repugnanîîa ,• obediendum.
non eji.
Qu'or ne Cette décifion eft très jufte. Mais <^ )it pas comme il s'agit d'une qiieftion dé^ ki obéir ij^gre & très - impcrtante, elle mé- ruand il ^.-^^ ^^j^j^ ^■>^^^^ expliquée avec un
(\ç des pe^ P^^'^ de détail. Pour cet eit-ec, chofes il faut remarqjiier , qu'il eft des eho- oue 1;> lo'' fef injuftes & illicites en elles-mè- riturJle ^^.^ ^ ^ tellement contraires à la défend j^^j j^g^^j^eiie^ qu'iucune circonftan^ €e ne peur les rendre légitimes j & que d'autres font juftes , ou injuf- tes, permife*;, ou défendues. Avi- vant les c^s & les circonfl-ances. O11 ite doit jamais obéir à un Prince ,. qui commande des chofes de la pre- mière efpece. Quant aux dernières ,. eux qui par leur état & leur voca- tion , ne font point appelles au Con~ f(il & à prendre connoiflànce de ce que l'Etac doit entreprendre, ou re- jetter , ceux en un mot qui font faits pour exécuter & obéir, doivent fe conformer aux ordres qu'ils re- ijoivent , faire leur devoir , chacun dans fon département , & fuppofer
que
Droit Naturel. 43^
que les Tupéiieurs ne commandent ric^n que de julie. Par exemple , la guerre peut être jude , ou injut te , fuivant les Tu jets que l'on a de rentrcpiendrç. Mais Tarméc n'cft point faite pour j-Jgcr de la néccf- fité , ou de la légitimité de la guer- re i ù vocation elt d'exécuter. Les Officiers & les foldats doivent donc iiùïQ leur devoir en braves gens , toutes les fois qu'ils font comman- dés pour une expédition ; & fi le Prince les employé à une guerre in- jufte , lui feul ti\ coupable des maux qui en réfulcent. Mais le viol étant une adion deshonnête & illicite ab- folument & en elle-même , le fol- dat ne devroit point obéir à un Général barbare , qui lui comman- deroit de violer les femmes d'une ville prife d'aflaut. Cette dodrine met en même tems la confcience des fujets en fureté , & elle donne au Prince une autorité fuffifante pour radminiftration de la Répit- blique.
T 2 §. 104^.-
43^ Q_U ESTIONS DE
J. 104^. Si fîiperior facere uûlerjtemi qiiod kge vaturali prohibitum , vel non fjcere recufantern , qmd eadem lege pr^cepnnji , pœnis ajj:^ cere audeat , id cum fit in ter ad»- verfa référendum , qu9e mutari non poifunt , patienter ferendiwK
S 1! faut Cette décifion ne me paroîc point
padcm. P^^"7«e- ^^>«^ ^it M, W., re^ ment la g^^^^'^ cette injufie punition comn^e pdne «w malheur ^ que l^on ne peut pas évi- qu'il )rfli. ter-, c'eft-à-dirc, qu'on ne le peiU: ^^^^ ^ . pas moralement , ou avec iuft-ice;
C^UX GUI
lui dtfo. P^'-'^^Q^îoi ne le peut-on pas ?. Il Faî- btiront ^f>it en dire la raifen. Seroit-ce par- en pareil ce qu'on n'a pas droit de réfider a»- ^^^' fupérieur ? 11 n'eft pas prouvé qu'oa
n'ait p-as ce droit , en pareil cas* Mais de qui s'agit-il ici '< Eft-ce de tout le peuple ? Si M. W. prêtent, doit que le peuple entier n'eft pas en droit de rcfifteràun Prince, qui voudroit punir ceux qui refufent ds lui obéir , quand il commande de3 chofes contraires à la loi de la na^. ture , fa décifion ne feroit pas d'ac- cord avec le §. ÎO47. dans lequei il enfeignc , qu'il eft permis de ré-
fifter
Droit Naturel. 457 fiftcr à un Tupérieur , qui entre- prend fur les droits du peuple. C'eft fans-doute un Hroit du peuple, & un droit parfait , de ne pouvoir être contraint par des peines ^ à faire des chofes contraires à la loi naturelle. Lors donc que le Supérieur entre- prendroit d'ordonner de pareilles chofes , & de punir ceux qui ne voudroicnt pas les faire , le peuple feroit en droit de lui rélifter & de le réprimer.
Je conviens que ii cette injufe vio'ence ne regardoit qr.'un parcico- Her, Si qu'il ne put s'en garantir, fans exciter des troubles dangereux dans TErat , il feroit d'un bon 81 vertueux citoyen de la fouiîrir plù^ tôt avec patience. Mais remarque! bien que ce fcroic moins par une fuice de la foumiliion q l'il devroit à ce Prince injude , qu'en vertu de ce qu'il doit a l'Etat. Car s'il pou- voit fe prcferver de l'oppreifion , fans expofer l'Etat , ou réuiîîroit mal-aifément à prouver, qu'il ne lui feroit pas permis de s'en dé- fendre.
T 3 §. 104^.
f38 (1.UES TIOK s DE
$. 1 04^. Si fuperior imper at legihits fundamentalibîis adverfa y fubditi oh e dire non oh lisant ur j ohedire tar/ien HceL
Si l'on II faut (liflinguer. Si le fupérîeur^ peutobéir commande des chofes contraires aux au fupe- jç,;^ ^fondamentales , 6<; que tout le ^^^^^ A '} peuple confence à obéir , cela lui eft comrfian- Permis , parce qu il clt libre a tout de des le monde de renoncer à fon droit, chofes Mais il n'eft pas permis de même contrai- ^^^ particuliers d'obéir à des com- res aux j . i • r
ioix fon n^^ridemens contraires aux loix ton-
damenta- damentalei* ; parce que tout citoyen
Us, eft obligé envers PEtat à contribuer
au maintien de ces loix. Ceft ians-
doute le fcntiment de TAuteurj m.ais
cette explication n'eft pas inutile.
$. lOgo. Suhditi PyS&orem civitatis qiia ^dorer/2 civïtatis amare dibent.
De l'a- ^^ ^^ évident que les fujets doi- jnoiir qui vent aimer un bon Prince , même e(t dû au un Prince médiocrement bon; mais Legent ç^ \^ Prince gouverne fort mal, quoi-
ceté où ^^^'^' ^^ ^^^^ P""*^ précifément un ty- su Prince, ^^n furieux 5 je ne vois pas pour- quoi
Droit Natukil. 439
quoi on devioit lainur en ù qualité de Prince. Nous devons aimer le Prince , parce qu'il elt notre bien- faiteur. Mais celui qui gouverne tout-à-fiit mal, eft-il notre bien-fai- teur ? Oui , dit M. W. parce que fon mauvais gouvernement n'empê- che pas que l'état civil ne foit enco- re préférable à l'état de nature. IMais cft-ce à ce mauvais Prince , que nous devons le bonheur de vi- vre dans une focictc Civile ? Non , cette fucieté exiftoit avant lui-, elle fxillcroit fans lui , & fans lui elle fcroit plus avantagcufe Si plus florif- fante. Il ne contribue donc en rien aux biens dont elle nous fût jouir ; au contraire, il les ajffuiblit & les diminue. Ah î permettez - nous , Dodcurs , de refcrver notre amour pour les bons Princes , comnie la plus précieufe récompcnfe que nou8 puiiTions offrir à leur vertu.
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