jr* .'*;) ^^Nr- Jjf-SÊt > J^ T'"ir^- «&i ârS "^fsî!^ .i;-L, s J ^'- Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/rabelaisanatomisOOIedo *? %(:}' :> RABELAIS ANATOMISTE ET PHYSIOLOGISTE Le Docteur A." F. LE DOUBLE PROFESSEUR d'aNATOMIE A l'ÉCOLE DE MÉDECINE DE TOURS MEMBRE CORRESPONDANT DE L 'ACADÉMIE DE MÉDECINE LAURÉAT DE l'iNSTITL'T (ACADÉMIE DES SCIENCES) AVEC UNE PREFACE M. Mathias DU VAL PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS MEMBRE DE l'aCADÉMIE DE MÉDECINE i 74 illustrations pa- M. Louis Danty-Collas et 3 2 fac-similés dont 6 hors texte en héliogravure Ouvrage couronné par la Ville de Tours PARIS KKiNKST LKROUX. hUriKUR 28, RIK BONAPAUTE, 28 o^) 1899 ^O.Mw:U ■ - ^^^ "M ^|2_^, c -^-^^i^y^ ^ ^£^/7 6^^^-^ doU'^Ut^ ^ ^ '^ Cp^/^^L^^'^^*^^ ^^cc^^ é^// yc^^'' /f^:? Sf^pRANCOIS /ÎABELA/SDÔJjÊt'f. ES MEDECINE CVREE DE £: . MKVOON Cb^ PARIS. et T.^}rtb ct^ rare et Jiibhl . ■hitriitiVit, loiiial, âx i^J'iitil, t! par Cl il ih pas fur cc/^ y aoiit aiicc^ unis" la uic, Mancorriet.cx . NeH'Ciis par ci si Hy pas fur cty fiant X'izatjO', neimii/ itom ancc^ ntits" la mort de rab^Mi, Oii' reccff'/ioïf fou eidiiatitaçe, Dô- re,iiiu.rtt^ opr^2 Jo-ru tieâ?-2. RABEL4IS ANATOMISTE ET PHYSIOLOGISTE PAR Le Docteur A. -F. LE DOUBLE PROFESSEUR o'aNATOMIE A LÉCOLE DE MÉDECINE DE TOURS MEMDRE CORRESPONDANT DE l'aCADÉMIE DE MÉDECINE LAURÉAT DE LINSTITUT (ACADÉMIE DES SCIENCES) AVEC UNE PRÉFACE DE M Mathias DUVAL PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS MEMBRE DE l'aCADÉMIE DE MÉDECINE 32 fac-similés el 17', illuslralions par M. Louis Danty-Collas Ouvrage couronné par la Ville de Tours tSSR!!! PAIUS KlîMlST LKHorX, ÉDITEUR 2X, HUr. ItONAPAIîTi:, •A>< TOUS DROITS RESERVES AU PANÉGYRISTE DE DESCARTES A M. L. LIARD DIRECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR MEMBRE DE L'INSTITUT, CONSEILLER d'ÉTAT COMMANDEUR DE LA LÉGION DHONNEUR Je dédie ce livre. D-- A.-F. LE DOUBLE. Tours, le 28 Décembre 1898. P Pi É F A C E Combien cV éludes onl déjà été publiées sur Rabelais! Combien de volumes déjà consacrés à Vinlerprélalion de Vaulenr de Gararl à ce concours, et j'ai eu la honne i'ortune de voir mon manuscrit couronné (i'"" pi'ix, 1.000 lianes) par le jury, présidé par A. de Montaiglon. nKMiihrc (\c rinsli- tut, professeur à THcoli' des (Chartes, ("est ce luaiiuscril, dé|)osé depuis six ans à la nihliothèque municipale de la ville de Tours, dont il est la pro|iriélé, (jue je soumets aujourd'hui, après avoir obtenu l'autorisation de le rema- nier et de le l'aire imprimer, à l'appréciation du grand pu- blic. Puisse-t-il ratifier le choix dont il a été l'objet! INTRODUCTION 11 esl peu d huiiiines dont la vie cl les œuvres aient ins- piré autant de doctes commentaires à l'érudition contempo- raine rpie la vie et les œuvres de François Rabelais. On a peint Rabelais moraliste, Rabelais légiste, Rabelais péda- gogue, Rabelais botaniste, Rabelais médecin, Rabelais chirurgien, etc. On n'a pas parlé, ou on n'a parlé qu'inci- demment (i), de Rabelais anatomiste et physiologiste. Et cependant l'auteur de Gargantua et de Panlagruel mérite avec ses maîtres, les professeurs Schyron et Rondelh^l de l'Université de Montpellier, autant que Vésale et Michel Servet, d'avoir son nom inscrit en tèle du livied'or de Tana- tomie et de la physiologie. i\e lit-on pas dans le Irailé Ile Pondei'ibiis [-i], de Guil- laume Rondellet, les lignes suivantes dont notre génie natio- nal si souvent méconnu, mènic pai- nos pr(>j)res historiens, ne s;uirail trop s'enorgueiliii' : (i) I)"" Fôlix BaKMOM), Jlahi'htis médecin: Paris, i87()-i88G-i898. D"" Paquklin. /(/ lieviie île lilléralurc médicdle. S*" année, n° 19. [t. \\)\\, oclol.ro 1878. {:>) RoNDKLi.KT, l)e l'onilerihiis sire Km elTct, le dcniifr acte piiblir mnilionné avant rinniialriculalion ilu huiM'ux rs( liulirr csl le bacc;! hiun-al de Guilherme Ferrand (de Nîmes), en date du () janvier. {/Icf/islrc des Actes de ii"»:>.3 à i.").")»), fol. 7 i'".) Il est donc inadmissiide que Haln-hiis s'y soil inoniré, cai'. dans létal fâcheux où il se trouvait, aiguillonm'' pai- le temps et lai'gent (Discours prononcé ù l'inau- (/uralinn de lu statue de lialieUds ù Chinon, par M. le profrsstMU* nieni':, in Muiilprllicr mritiritl, I. XI, IX, n" I , |i. .'n-di 1, il naui ail pas |(u altcudre huil iiKiis ;iv;iiil de se f.iirc iiisci-irc ;ni\ niali'icules. () RABELAIS ANATOMISTE autres autographes de FîalK'lais (i), une main étrangère a écrit les mots : Solvil 1res libras. Quelques jours après cette immatriculation le })hiliâtre tourangeau assistait à la première «. anatomie » dirigée par Rondellet et signait sur une feuille ad hoc : <( Rabelœsiis quia prœsens fui. » Les expressions « quia preescns fui » dont notre compatriote a fait suivre sa signature sur le do- cument ci-joint ainsi que ceux très explicites « in congre- gatione », qui précèdent sur le même document le nom de Caruel, démontrent que les règlements des frais de cours s'établissaient sur le vu du compte soumis par le procureur à une assemblée dans laquelle figuraient les élèves qui avaient été présents à la leçon et pouvaient dès lors attes- ter de la sincérité des dépenses qu'elle avait occasion- nées (2). Serjnitur qiiod expositum fuit per me,procuratoris vices fjevenlem, con- sensu omnium scolaslicorum, pro nnalome facienda, in qiia nulliis sludentium dédit, prêter tonsures, a quitus liabui . XLIII solides. Dedipro scribe promotia, quo supplicationihus suis impetravimus X sol. Pro portarilnis et comitcuitibus IIII sol. 6 deniers. Pro linteo dissecantium corpus V sol. Pro îeda III sol. Pro tare. Pro stupis II sol. (') deniers. Pro candelis. Pro carbone et fdo X den. Pro vasculo V den. (1) Il avait alors trente-cinq ans suivant les uns, quarante et même plus suivant les autres. D"" Pointe, Diacoiirs prononcé à In séance publique de V Administra lion du chef-lieu du liljùne, 4 mai iSaS, et R. P. feuillant Pierre de Saint-Romuald, Tiirésor clu'onologiqne. (3) D'' Gordon, François Rabelais à la Faculté de médecine de Monl- pellier; Montpellier, 1876, p. 34. ■tl»ff IJ- ainrtfJhir^ *-~v; '/t Cfrpn^('^^ff^\v c^YK INTRODUCTION y Pro panno quo involnluii fuit V sol. Pro vhiriinjia XX sol. Pro J''.Scironio,ijui hislorianicorporisnararit. XXX sol. Pro lortore, qui repoiiarit prêter consuetu- dinem, qui policitus eram illum restituere . XIII sol. W den. Pro Indello V sol. Pro cena doctoris et servantium ostium. ... X sol. Pro missis XV sol. Horum omnium rationem dedi in comjrega- tione, coram omnibus scolasticis. Summa quam exposui pro hac anatomia, Wl libr. V sol. IX «Ion. Et recepi a domino Grifi quatuor lihras, et a barbitonsoribufi XLIIII solidos. Summa quam recipi, VI libr. IIII sol. Sic mihi debetur XXI sol. IX den. Prœsens fin in eon(/rc{/alione, CABUEL. liABEL.ESi'S, (jiiia prœsena fui, {Liher Procui-aloris, nl);dilenieiil I hi'lncn. D'un autre côté, André Tiraqueau, Jean r^risson. .Icin l'iantVcy r;i\;iirnt initii- i'i r(''fude (hi (h'oit, et le médecin i'>;iposés dans nu lieu maré- cageux. C'est Fr('d(''i'ir II, à la i-oui' (hupirl a (h'-hutéle grand nioin cmcnl seientifiquc ri liliér-airr auquel (»n a donné le nom de Henaissanre, (pii, au xiir' siêle, a |)ermis le pi-emier aux nn'Mierins de ses Ktats de diss(''(pier non |p|iis (1rs itêtes, mais des cadavres humains. Mundinus, savant dis- lin^MK-, médecin et conseiller de cet enq)ereur, a laisse- un trail('' d'ana- tomie basé sur des dissections pratiquées sur des corps dliommrs et de femnu's el dont la splanrhnolo^ie a «juehpie valeur. (\'oy. Annlomif dr Mdislre Monrlin, im|)rinu''e à Paris, par Alain et .lancd, ileunnuant en la rne Notre l>;iine. à l'enseigne de VEcu de i'ranro, ihW?..) lO RABELAIS ANATOMISTE Dans lès registres de la Faculté de médecine de Paris (Reg. m. s. de la Fac, t. VI, fol. 149, v») il est fait mention — propreler rarilatem casûs, h cause de la rareté du cas — de l'autopsie du corps d'une femme, morte en travail puerpéral, pratiquée dans les premiers jours de mars, i55i, à l'Hôtel- Dieu de Paris, sous la présidence de Jacques Goupil. En dehors des cadavres de criminels ou de suppliciés, les médecins de cette époque ne pouvaient guère, en effet, disséquer que ceux qu'ils avaient dérobés la nuit dans les cimetières, en bravant la hart et la répulsion publique. Un médecin bâlois, Félix Platner, qui a étudié à Montpellier, nous a laissé dans ses mémoires un récit curieux de sa première expédition à la recherche de a sujets d'expé- riences ». « Elle date, dit-il, du 11 décembre i554. La nuit était déjà sombre quand Gallotus (1) nous mena hors de la ville, au monastère des Augustins. Nous y trouvâmes un moine qui s'était déguisé et nous prêta son aide. Nous entrons furti- vement dans le cloître et nous restons à boire jusqu'à mi- nuit. Puis, bien armés et observant le plus profond silence, nous nous rendons au cimetière Saint-Denis. Nous déter- rons le mort en nous aidant des mains seulement, car la terre n'avait pas eu le temps de s'affermir ; une fois le cadavre à découvert, nous lui passons une corde, et tirant de toutes nos forces nous l'amenons en haut. Après l'avoir enveloppé de nos manteaux, nous le portons sur deux bâtons, jusqu'à' l'entrée de la ville. Il pouvait être trois heures du matin ; nous déposons notre fardeau dans un coin et frappons au guichet. Un vieux portier se présente et ouvre ; nous le prions de nous 'donner à boire, prétextant que nous mourons de soif. Pendant qu'il va chercher le vin, trois d'entre nous introduisent le cadavre et vont le porter dans la maison de Gallotus. Le portier ne se douta (1) Un des collègues et amis de Félix Platner. INTRODUCTION 1 i de rien. Ouaiit aux juvlrcs de Saint-Denis, ils se virent obligés de garder le cimetière, et de leur cloître ils déco- chaient des traits d'arbalète sur tous les étudiants qui s'y présentaient. » Quand les médecins ont eu acquis le droit de disséquer, ils l'ont refusé aux chirurgiens (i). Les chirurgiens de Saint- Cômc et leur prévôt Mauriceau, déjà célèbre par ses tra- vaux sur les accouchements, ont dû le 24 février 1G72, après avoir vu forcer les portes de leur collège par un serrui'ier flanqué de plusieurs archers, remettre à Puylon, doyen des Ecoles de médecine, un cadavre qu'ils avaient reçu plusieurs jours auparavant de l'exécuteur de la haute justice. Une sentence du lieulenant de police rendue le iG avril iG83. contre de Blégny, chirurgien du duc d'Orléans et de La Noue, son complice, prouve, au surplus, mieux que toutes les paroles (\uo nous pourrions ajouter, (pielle valeur la Fa- culté a attaché primitivement aux moindres sujets et avec quelle énergie elle a entendu s'en réserver la propi'iété, même au déti-iment de ses frères en Esculape, les chirui'giens-bar- biers. Cette sentence « condamne par contumace de Blégny à être bainii du loyaume à perpétuité, ses biens confisqués au profit du roi, et le complice de La Noue à être battu et fustigé nu de verges aux carrefours et lieux accoutumés, et de jdus à trente livres d'amende. » Et cela })our avoir acheté du fils du fossoyeur de Saint-Sulpice plusieurs cadavres exhumés. Disons i>i('ii vite (pie celte abominable sentence ne reçut (i ) ( )ii coiiroil (liriicilciiH'iil .111 joiiid'lmi la passion |ii'cs(|U(' liaiiit'iise <|ui a aiiiiiK' jadis les médecins contic les cliirurgieiis. Pondant des siècles, un iiKMlcrin <|ui cm! fail n-iivre de ses dix doigts, pi'ati(|iu'' niio opération, eut 'été rogardi'- (((iiiiik' indiiriic par ses confrères. Peu à jien ce préjugé s'est alTaildi, mais sans disparaître enfièrcMuenl. Kn 17>^<). il v avait encore des ni('d<'cins aiiatomistes, appeli'-s par (h'-rision mnlccins jnilprurs ou làlciirs el (pi"oM allai! clierclier spf'cialement » Un érudit bàlois. M. Roth, aurait, paraît-il, publié une brochure INTRODUCTION l3 Voici le poème complet de Dolet. Je le fais suivre crime traduction libre en vers français due à l'auteur des Soirs, M. Horace Hennion {H. de Conslhenn)^ un jeune poète tou- rangeau de talent et d'avenir : détaillée relative à cette préparation de Vésale. Je n'ai pu me la pro- curer. Rabelais, dit d'autre part Louis Barré {loc. cil. siiprà, p. xv), « fit au grand hôpital de Lyon, où il était médecin, un cours public d'ana- tomie sur le cadavre même, chose encore peu ordinaire et dont l'honneur est attribué au Bruxellois Vésale, bien que celui-ci, né en i5i4, n'ait guère pu devancer le professeur de la Faculté de Montpellier et de Lyon. » Conclusions : Vésale est né en i5i'',, et c'est entre i532 et i538 que Maître François a fait sa première leçon publique'danatomie. La première édition de la grande anatomie De corporis Inimarù fabricâ, de Vésale, illustrée par Jean Calcar, élève du Titien, a paru, d'autre part, à Bàle, en 1543, et lequatrième livre de Gargantua elde Panlagniel, où est décrite lanatomie de Ouaresmeprenant, le 28 janvier i552. l/; RABELAIS ANATOMISTE STEPHANI DOLETI CARMEN. CUJUSDAM EPITAPHIUM OUI EXEMPLO EDITO STRANGULATUS, PLBLICO POSTEÀ SPECTACULO LUGDUM SECTUS EST, FRANCISCO RABELiESO MEDICO DOCTISSIMO FABRICAM CORPORIS INTERPRETANTE. Stygem [i) paludem, et quicquid aler Oi\His fa) hahet, Forluna juvarat fiirens, Damniim mihi omne se reperturam, et proljriim. Qiiod dam stiidet, atqiie nititui\ Et L'irihiis totis sinim in me diriim odium Explet, satiiratqae, ut collibitiim est : Tïln ecce, piincto tempnris clnudor carcere : Ediicor, et laqiieo miser Mox strangiilatus pendeo. At qiiid non potest Fati impevium contrarii ? Lt temporis puncto perieram tiirpiter. Pari celeritate asseqaor, Oiiod vix liceat cuiquam a Jove siimmo poscere, Spectacalo lato expositus Secor : Medicus doctissimus planiim facit, Qiiàm pulchrè, et affabre, ordineque Fabricata corpus est hominis rerum Parens. Sectum frequens circunspicit Corona, miraturque molem corporis Tanto arlificio conditi. Ouare quid cigat potius, quàm ad extensum laqueum Fortuna frendens convolet, Et morte finem odio semel quœrat suo, Non invidia diutius Bumpenda ? Totus ad extremum cumulor Honoribus, circunfluoque Jam r/loria, quem Monstrum atrox voluit rapidis Corvis cibum esse, et flantibus Ludibrium ventis. Furat Sors, Jam furat : Ilonoritius circunftuo. (i) Le Styx, fleuve des Enfers. (2) Pluton, les Enfers en généraL Lorsc{ue les dieux avaient juré par les eaux du Styx, ils n'osaient plus être parjures ; ou, s'ils manquaient à leur serment, ils étaient privés pendant cent ans de la divinité. INTRODUCTION 10 POÉSIE DÉTIENNE DOLET Épilaphe dun pendu (jui, après avoir servi de haut exemple, fui,, pour rensei- gnement du public, disséqué à Lyon par le très savant médecin François Rabelais, expliquant la structure du corps humain. Par le Styx et l'Orcus, la Fortune ennemie Avait juré dans sa fureur De combiner pour moi le plus complet malheur La plus extrême ignominie. Tandis que tout entier à cela s'étudie L'effort de son cruel génie, Comme à plaisir sa haine est enfin assouvie. Un même instant me voit emprisonné, Devant le juge traîné. Et déjà, miséricorde ! Pendant au bout d'une corde ! Mais que ne peuvent les destins ? Quand de cette manière infâme En un moment j'eus rendu l'âme, Dans un temps aussi court j'obtins Ce que pas un ne se permettrait mèuie De demander au Dieu suprême : On me dissèque en grand spectacle ! Un médecin, Des plu^ doctes, démontre avec quel art divin Le sage Auteur de la Nature Du corps de l'homme a su disposer la structure Dans l'ordre le plus merveilleux. Formant cercle, un public nombreux, Une fois disséqué, l'admire, Ce beau corps, si parfait, qu'on vient de lui décrire. Ou'aurait donc la Fortune à faire alors de mieux Oue de voler, grincjant des dents, en frénésie, Droit au lac desserré, pour mettre fin d'un coup A sa haine comme à sa vie, Kl ii'nvoir plus le cœur déchiré par l'envie? ('.;ir. pour moi, je suis, après tout, Combl('' d liouneurs; en plein dans la gloire je nage, Moi que ce monstre sauvage Crut doniKM' en |tAlui"e aux noirs corbeaux rôdeurs. Connue en jouci aux ncuIs. Le Sort enrage, enrage! Mni, \r uauf dans les lioniH'ursI l6 RABELAIS AXATOMISTE En i534 et en i.j.'iG, Rabelais quitta Lyon pour aller deux fois à Rome, séjourna ensuite quelque temps à Paris et revint enfin conquérir ses derniers grades universitaires à Mont- pellier. Les cours publics terminés, les bacheliers avaient le droit de se présenter aux quatre examens per inlenlionem adipis- cendi licenliam. \\ fallait (i) soutenir quatre thèses succes- sivement, de deux en deux jours, sur un sujet donné la veille, et chacune de ces épreuves durait au moins une heure. Au bout de huit jours, on soutenait deux autres thèses appe- lées points rigoureux. Le premier point roulait sur une maladie et le second sur un aphorisme d'Hippocrate, tirés au sort vingt-quatre heures seulement avant la soutenance. En conséquence, le postulant yj/r/wrz/f dans deux livres, dans Fun chez le chancelier, dans l'autre chez le doyen. Cet acte durait de midi à quatre heures à la chapelle Saint-Michel de l'église Notre-Dame-des-Tables. Une fois admis, le candidat allait au palais épiscopal, dans la huitaine, recevoir la licence des mains de l'évêque ou de son vicaire général, en présence de deux professeurs délégués par la Faculté. Le père de Gargantua a passé ces examens. Lui-même a pris soin de nous apprendre que sa première thèse de licence a porté sur un sujet de physiologie dont le chapitre iv du livre III, « à la louange des presteurs et debteurs, » est un résumé succinct. « Et pensoys véritablement, a-t-il noté, en debtes consister la mon- taigne de vertu héroïque, descripte par Hésiode (2), en (1) Germain, la Renaissance à Montpellier, Mém. de la Soc. archéol. de Monlpellier, 1871. (2) Elle habile au sommet d'un roc inaccessible, Elle est de nos sueurs le fruit lent et pénible. (HÉSIODE, les Travaux et les Jours.) (' Lycinus. — Je crois donc que vous n'êtes pas éloigné du bonheur auquel vous aspirez, si vous n'en jouissez i)as déjà. « Hei-niotine — Eli I mon cher, je ne fais (ju"entrevoir la route. La vertu, 1^ crr- v^ 'fîliiii î'^'4 r-~*-r>. /. ' ''w/' ^''' r-A<^V^->»y->_ /.-yi T.'- y*-!^M/ CAXnille Co)ilet.Ëdit«i. INTRODUCTION l'7 Iciquelle je tenois degré preiniei' de ma licence (ij ». On n'a pas trouvé, il est vrai, l'acte de licence dans les registres de la Faculté, mais cette absence tient évidemment à ce que les thèses de licence étaient, comme nous venons de le dire, soutenues ordinairement dans une église et le titre de licencié conféré au domicile du prélat. La mention de paiement des droits de cet acte est consignée en ces termes à la suite du T\C(jidre des Matricules, ]5o:2-i5()i, 1'"' 38^, V : A Licenliandis : Magislro Francisco Rabelesio, libr. iV VII den. Ce document important, que nous reproduisons, a été découvert par M. Germain, professeur et doyen de la Faculté des Lettres de Montpellier, correspondant de l'Institut. Die lercia aprilis anni millesimi qiiingentesimi Irif/esimi scplimi, f/tiiini, (le roncensa rereretuloriiin mayistrorum.Johannifi Faleonis decani . Sli'phnui ('ofadldi. Pétri Laïu-enlii, J.eoiiis Ileremile, Dijonisii Pontano- nis, Anthonii dri/fij, per magislnim reverendam Johannem Schironiuni hic liher matricule fuit traditus prefato mcujistro Gilherto Griffij can- cellario, cuin honore recipiendi pro eodem domino Schironio omnia émo- lument a e.rier'ationem domi^ norum doclonim et sludentinm, qui voliiernnl ut processus contva Ver- seille figei'etur coniniuni omnium doctorum et studentium pecunia, ut constat per aclus acceptos a tabettione universitatis. FOXTAXl'S, procnralor. (1) L(*s iiisitriH's (lu (loclornl consisliiiciil en iiii Noiiiicl de drap iioii' suniKHil»'" (l'iiiir li(ni|i|i(' ;i soie ('iMiiioisif. iiiif hairiic dOr rt une («•iiiluit' (l(if<''('( à (Hioi sa joulail la rciiiisi' s\ ndp<(li(|iir ilii livre (rHi|>|i(>cralL'. 20 RABELAIS ANATOMISTE Anna eodem et die 18, accepi ego subsignatus, prcesenle Magislro Anthonio Pellitario, hic qiioqiie suhscripto, a domino Squironio siim- man XXI solidoram, pro procuralore se présentante, nostra caiissa, Tholose. Anlo PELLITARirs. FONTANi'S, prociimlor. Exhil>uit prœterea dominas Sclujronias tahellario,pro mercede reqai- sita, dam Tholosam detalerit syndicalam, (/ainqae solidos, idqne anno sapradicto, et die décima mensis decembris. IJoc faleor ego sabscriptas. FONTANUS, prociiralor. A baille mon dit siear Schyronis aa dit portear. leqael a porté le conget levé contre \ eseilles, la somme de cinq soulz tournois pour son labeur, lesquels a f taillé à ma présence, l'an i538 et le neufviesme de Janvier. An loi ne PELLETIER. Accepi prœterea a domino Scligronio aureum ununi solis, pro ana- lome quam inlerpretatus est dominus Iwanciscus Rabelais. FONTANPS, prociiralor. Item acceperam, pro sol vendis chirurgis et aliis nego/iis in anatome exponi solitis, duas libras, ex uno Itacchalaureo, quas falebatur acce- pisse dominas Schgronnis. FONT ANES, prociiralor (1). (1) L'Université de Moiitpelliei' a tenu à lionncur de conserver la robe de Rabelais. Cette robe est en drap rouge avec une épitoge et à manches très courtes. Les futurs docteurs la mettaient jadis pour passer leurs examens. Elle a été renouvelée en 1612, par le chancelier F. Ranchin; on en tait une troisi('me en 1720 (Asthi c, Mémoires pour ,'ierrir à ïlhisloire de la Facullé de médecine de Montpellier. Paris, 1767, j). 85). « Ne serait-ce point la robe de Vcscorcheiir de veau dont Panurge, dit INI. Dubouchet, s'affuitla i)Our réclamer et laire restituer les privilèges de rUniversité ? (' On a beau s'évertuer à nier la chose, il est certain que les privilèges ont été enlevés en i53i, et nous en avons la preuve dans un inventaire de pièces concernant la Faculté de médecine : « Sentence contre Jean Boi/er, lieiilenanl an f/ourernemenl de Montpellier en resliliilion des jn-irilèf/es (le ri^nirersité de l'an ir)3i. (A. Di isoichet, lac. cil. suprà, \). 100.) Le portrait de Ralielais ligure également dans la première collection de por- traits de prolesseurs qiu^ possède la Faculté de médecine de Montpellier et qui s'étend depuis H. de Guintonia, en 1289, jusipià nos jours. pT. /P n/.(.e«» • /t C«»'* J>-<»r5. ««'.^,.»,J> Jcv»^ ^^-^ .?* drULi-MH-nd ni (^ er^ly^ coi tyirmA -jonfamif'-}^' M'^ fi/'i,.JSJY- 'rriiU/î L>-^.. < . .4 -V Vi.. '.u^- 'wî^ •^'^•^ Hy/'t^-i cf'_ '■J^'^r^l c^ Ti^ ^^m*ije< . I t '1-^ INTRODUCTIOx\ 2i Plusieurs comniontateurs, et parmi eux le bibliophile Jacob (P. Lacroix), ont prétendu que Rabelais, à Tiniitation de divers hommes marquants du xvi^' siècle qui signaient tantôt en français, tantôt en latin, a orthographié son nom de dif- férentes façons. Je ne saurais clore ce relevé de pièces justificatives sans rectifier cette nouvelle erreur. Le docte médecin chinonais a toujours signé Rabelais en français et Uabclicsiis en latin. Le tableau suivant des sionatures du Maître que nous avons pu rassembler, P. Fillon, F. Audiger et moi, en fait foi (i). SIGNATURP:S DE RABELAIS iJif). — Au dos d'un acte de vente consenti au profit des Cordeliers de Fontenay-le-Comte (5 avril) (a). ^/^sjdt4^ ÛYi'?. ou i.j-i'L — Au bas d'une lettre adressée à Guillaume Budé ('i des nones de mars). J-rcmciJcR^ f\^<^bd<:yit. (2) Cette sii^ttatiii-e porte à croire (|ue l'auteur de PanUitjruel t'Iait di'-jà prêtre eu iHif) ; il est diriirilf d adnietti'c, en eflet, (|ne, dans un ordre où toutes les dii,'iiit('s <'C(|)''siasli(|n('s pouvaicnl rire conl'ért'es, on eût clioisi pour sifjniT nu ;irlc iinpoil.ud nn simple clerc. Tille est acconipatrnée d'une don/aine d anires et, parmi elles, de celle de I'. I, a m y, dont je (ion ne aussi plus loin le lac ■simili". 92 RABELAIS ANATOMISTE j53o. — Sur les registres de la Faculté de médecine de Moiit])ellier. (17 septembre. — Immatriculation.) i53q^ — Ibidem. (18 octobre. — Leçon d'anatomie dirigée par Rondellet.) .a\) i53o. — Ibidem, fi^'" novembre. — Baccalauréat.) ir)3o. compte.) Ibidem. (iT) novembre. — Reddition de i.'j.'îi. — Ibidem. (\f) mars. — Reddition de compte.) INTRODUCTION 9.3 i53i. — Ibidem. [^'^ octobre. — Reddition décompte.) f Jy^nc^cn^ js^^DACc4^ i53i. — Au bas d'un document à moitié rongé par les rats et se rapportant au premier séjour de Maître François à ^b)ntpellier (i). J P i53G. — Au bas d'une lettre adressée à Geoffroy d'Es- tissac, évêque de Maillezais. jY^-^rr f\^J>ytaÀÀ / i.'jltj. — Sur les registres de la Facullé de médcH^inc^ de Monlpfdlier. (•>:> mai. — Doctorat.) (i) Ainsi fjiiil ;i|i|mmI de l;i siirii.iliirc de Sapoi-I.i ,ui bas do C(^ iiK^nio domnicnl. Sapcu-ta avait i|iiilt<'' Monlprllicr iinarnl lîaliclais y est n'vomi pour la sf'coiidr lois. ^4 RABELAIS ANATOMISTE ir)/}^. — Ibidem. (7 Movenibrc. — Reddition de compte.) i54H. — Au bas d'une quittance de trente-deux écus d'or donnée, à Rome, à l'intendant du cardinal Du Rellay (18 juin). La fameuse lettre adressée à B. Salignac, la veille des calendes de décembre i532, n'est point signée Rabelœsiiis, comme on l'a imprimé par erreur; mais bien Rabelœsiis. Dans toutes les pièces qu'il a dû fournir pendant le cours de ses études médicales et que détient l'Université de Montpellier, le philiatre tourangeau a orthographié son nom de la même manière : ijci *9nci/lcf*^ ^^^S^h^n^iAs On trouve encore le nom de Rabelais écrit par lui-même et sans variation : 1'* Au bas de la première page d'un exemplaire des opuscules de P. Bembo, imprimé à Lyon en i582, et que l'on conserve à la Faculté de médecine de Montpellier ; U 'n'a ^^^t Yn£i dup. INTRODUCTION 2;) 1^ Au bas de la première page d'un Théophilacîe^uw- primé en lo.'îf), et que M. A. Dubouchel a sionalé dans son Rabelais à Monlpellier : lYantau' V $ 3 4\«S>»l*(j^ 3^ Sur un Platon imprimé en i5i3 à Venise, par Aide et André, exemplaire faisant actuellement partie de la biblio- thèque de M. Cavalier, le même peut-être que le savant médecin a réclamé à M. Le Secteur, par l'intermédiaire de M"-« A. Hullet(i); 4° Sur un P/«/rt/vy//<' imprimé en i542 à Baie, {)ar Froben. Ce volume appartient à M. Ernest Leroux; r>" Entin sur Irois autres volumes (pie Rathery a décou- verts à la Bibliothèque nationale. Jya/M-y ric^/^i TamoifU ^^\ oÂeit^^ hxecL^i (^elb' façon uniforme et réofulière de sifrner de Rabelais n'a p;is |)réoccupé ses contemporains, Boyssoné et G. Budé ont écrit tantôt liahalœsns et tantôt Babelœsns. (i) \-« Aiilojiii. Hnllel, à Ui-lt-aiis. .le ii"ai pu inr pro- nircf (Il Iciiips opporliiii le rac-siinili- dp cet ex librin, ni oolui ciii suivanl. 26 RABELAIS ANATOMISTE Sussanneaii, Etienne Dolet, Pierre Lamy (dans un qua- train reproduit par Marty Laveaux), Cl. Marot, G. Pelis- sier, ainsi que le poète Bourbon ont orthographié réguliè- rement Rabelais^ Babelsesiis. Salmon Macrin a écrit Hablœsus; Gabriel de Puits-IIer- baut, Rabclesins et Rabelesus ; le cardinal de Tournon, Babelezus. ()n lit, d autre part, avec de nombreuses variantes : 1*^' Dans différentes pièces des archives du département d'Indre-et-Loire se rapportant soit aux ascendants de Rabe- lais, soit à ses neveux: Rabellais, Rabelays, Rabelais; 2^ Dans l'acte de provision delà cure de Meudon : Rabe- leiiis ; 3'^ Sur les registres du secrétariat de rArchevêché de Paris : Rabelays ; 4° Sur les registres del'Hôtel-Dieu de la ville de Lyon : Rabellel, Rabellais, Rabellesê, Rabellaise, Rabelays^ Ra- bellays ; ^)^ Dans l'acte de résignation de la cure de Saint-Chris- tophe-du-Jambet : Rabelays ; 6*^' Dans l'acte de résignation de la cure de Meudon : Rabeloys. En dépit de ces divergences, il faut s'en tenir à l'ortho- graphe qui a été adoptée sans aucun changement pendant vingt-neuf années consécutives par le sarcastique écri- vain (i). (i) Après les signatures de Rabelais, ilme semble intéressant de donner celles de P. Lamy, J. Boyssoné, Ronsard, Jean Bouché, François Garasse, Budé, Ramus et Rondellet, ses amis ou ses ennemis. On peut s'assurer de suite que, contrairement à ce qui est généralement admis, Boyssoné a écrit son nom avec un seul n et que le précepteur de l'auteur de Ponîa- griiel à Fontenay-le-Comte, le moine érudit Pelrus Amiens, s'appelait Lamy et non Amy. C'est aux éditeurs du roman rabelaisien et non à l'au- teur qu'on doit de lire Pierre ^my dans le chapitre x du livre III et P. Lam»/ dans le chapitre xxxiii du livre V. Une dernière preuve de ces affirmations est la quittance ci-jointe délivrée à P. Lamy par un des voyageurs en INTRODUCTION 27 librairie de Henri Elstienne : « Je, Octave Ferrare, confesse avoir reçeu en nom de M'"' Eslienne, imprimeur à Paris, la somme de sept escuz au soleil, par les mains de F'''' Pierre Lamy, sur et en déduc-tion de ce qui est deu au dist Estienne à cause des livres vendus ce jourd'hui à Mon-"" rÉvesque de Malezois : c'est assavoyr la Cronique (de Nuremberg, sans doute), Aristoteles, Querela pacis (d"Erasnie), Homerus, Cicero. Carrara, la Voye Céleste et le Triumplie de Manfuene; de la quelle somme je me tiens pour content et bien payé etenquicte le dictF"'*' Lamij et tous aultres, et, en tesmoing, de ce, j'ai signé ces présentes. Faict à Fontenay-le-Comte ce dernier jour de juing mil cinq cens dix et neuf. — O. Ferrai'e. » (B. Fillon. Lellres th^riles onomatopée. (3) Secrètes, cachées, du latin lalens. (4) Homme laborieux, du grec tïovoç, travail, et /.paxo;, force. INTRODUCTION 2() l'étude « des faicts de nature » (i)et de « Testât humain » ! Chaque jour Gargantua et son maître « devisoient ensemble de la vertu, propriété, efiicace et nature de tout ce qui leur estoit servi à table : du pain, du vin, de l'eau, du sel, des viandes, poissons, fruicts, herbes, racines, et de Tapprest d'icelles (2)... Passant par quelques prés ou aultres lieux herbus, visitoient les arbres et plantes, les conférants (3) avec les livres des Anciens qui en ont escript comme Théophraste (4), Dioscoride (5), Marinus ((j), Pline (7), Nicander (8), Macer (()) et Galen (10) et en empor- toienl leui's pleines mains au loojis : desquels avoit la charge un jeune page Rhizotome (1 1), ensemble des marrochons (13), des pioches, cerlouettes (i3), bêches, tranches (1^,) et aultres instruments l'cquis à bien arl)orizer (iT)) ». (I) H Et quant à la coi;noissance des laicts de nature, je veulx que tu t'y adonnes curieusement, ([uil n'y ait mer, rivière ni l'ontaine dont tu ne coijfnoisses les })oissons : touts les oiseaulx de l'aer, touts les arbres, arbustes et frutices (arbrisseaux, en latin friilires) des l'orests, toutes les herl)es de la terre, tous les niétaulx cachés au ventre des abysmes, les pierreries de tout Orient (;l Midi, rien ne te soit ineogfnu.... Somme que je voie un abysnn; de science. » {Lelîre de Panlar/ritel à (rarf/anlua.) {9.) De celles-ci. (3) Les comparant, les incitant en parallèle, du latin confcrre. Cl) Théophraste, pliiloso])he fi:rec, disciple dAristole et de Platon, qui a entrevu la sexualité des plantes. (5) Célèbre médecin du lenq)s de César, ipii a laissé m\ traité de bola- ni((ue médicale. , ((») I)isci[»le de Procliis. (7) Pline l'Ancien. ct''lèlu(' nalni'alisle romain re de remèdes. (II) Conpe racine, ilu ii^rec o-'Ca, racine, et toixr,. coupe, taille. PiÇoto[j.Èo), couper des ra<'ines, cm'illir des plantes nn-dieinales. herboriser. (l'>) Petites houes. (i.'5) La cerl'onetli' e>l un iii-slrunient poni- i renier ;iul(un' des plantes, (bi latin circnni foilcrf, i renier ;iiilonr. (l '1) Outil en forme de eise;iu. (i.'i) Ilerboris<'r. Six eliiipilres de l'diilminul soid rt-servt'-s à l'anatomie et à la phy- 3o RABELAIS ANATOMISTE Si le temps était défavorable, au lieu crherboriser, ils entraient dans « les boutiques des drogueurs (i), her- biers (2) et apothecaires et soigneusement considéroient les i'ruicts, racines, feuilles, gommes, semences, axunges pérégrines (3), ensemble aussi comment on les adultè- re it (4) »• Et Gargantua, « si bien et entièrement retinct en sa mémoire les choses dictes par son précepteur que pour lors n'estoit médicin qui en sceust la moitié tout comme il faisoit », qu'il voulut plus tard que son fils reçût la même éducation et lui manda par lettre : « Soigneusement revisite les livres des médicins grecs, arabes et latins sans contemner (5) les talmudistes et les kabbalistes et par fré- siologie (1. III, ch. iv, xxxi. xxxii, et I. IV, eh. xxx, xxxi, xxxii), quatre à la botanique (1. III, ch. xlix et suiv.). ÏNIaître François a eu cure du nom, ilc l'origine, de la culture, de Tor- ganograi)liie, de Femploi industriel et des propriétés médicinales de beau- coup de plantes et de l'ennemi naturel (animal ou végétal) de plusieurs d'entre elles. Il a reconnu la sexualité des plantes, mais en prenant à tort pour le mâle la femelle qui porte la graine. Il a parlé de « l'aristolochia qui aide les femmes en mal d'enfant, du lichen qui guérit les maladies de son nom (Xsr/^Tiv, dartres), de la malve (mauve, du latin /na/w) qui mollifîe, de la graine de fougère qui est contraire aux femmes enceintes, du nénu- far, de la semence du saule cjui glacent et mortifient le germe proli- fique, de l'ellébore qui nettoyé toute altération et habitude perverse du cerveau, du glateron ou herbe aux teigneux, de la racine du chanvre (pan- tagruélion) qui, cuicte en eau, remoUist les nerfs retirés, les joinctures contractées, les podagres schirrotiques et les gouttes nouées, etc. ». Dans son Étude sur le XVI« siècle, Alfred Mayrargues a consacré à Rabelais botaniste plusieurs lignes élogieuses. Léon Faye, auteur d'une brochure publiée à Angers en 1854, a écrit que, « le premier en France, Rabelais a été vraiment digne du nom de botaniste ». (1) Droguistes. (2) Herboristes. (3) Graisses étrangères, du latin axungia, graisse, et du lnVm peregri- nus étranger, voyageur. On réserve aujourd'hui plus spécialement le nom d'axonge à la graisse de porc. (4) Altérait, falsifiait. Henri Estienne, dans son Apologie pour Héro- dote, a consacré de longs passages aux fraudes des apothicaires de son temps. Un médecin tourangeau, Sébastien Cojlin, a écrit, vers i553, une Décluralion des abus et tromperies que font les apothicaires. (5) Mépriser, du latin conlemnere. INTRODUCTION 3l qucntcs anatomies acquiers-toi la parfaicte cognoissance(i) de Faiillre monde qui est l'homme. » Le conseil, pour n'être pas nouveau — c'est le yvwOt creaurov de la sagesse antiqile, — est encore bon à suivre. Ce que l'homme connaît toujours le moins, c'est lui-même. Nous n'avons toujours que des notions imparfaites sur notre corps, notre cœur, notre intelligence, le principe de vie qui nous anime ; nous ignorons notre origine, notre berceau, notre histoire. Or savoir tout cela, ne serait-ce pas savoir le comment et le pourquoi des choses ? Bien habile était au x\i^ siècle celui (jui pouvait dire ce que Cornélius Agrippa regardait comme vrai. Paracelse dans ses assertions positives était nébuleux ou avait la naïveté d'un enfant. L'avenir était à l'observation di- recte, à l'étude des « faicts dénature ». C'était par l'ana- tomie qu'il fallait commencer. C'est ce qu'a fait Pantagruel, et, s'il n'a pas embrassé la médecine, c'est parce que « Testât est fascheux et par trop mélancholique et (jue les médicins senlent les clyslères comme vieulx diables ». Le corps de l'homme offre un ensemble de combinaisons dont les machines les plus complicjuées ne donnent (|u'nne idée imparfaite. On y trouve des modèles sans nombre de consti'uclions ingénieuses dont les architectes auraient souvent besoin de s'insjnrer {:î). Les fondements de nos phares et de nos monolillies établis daiirès les principes dune géométrie savante laissent à désirer (piand on comprend les règles (pii ont présidé à la distribution des os du pied* (i) Connaissance. (3) C'est apn-s avoir examiné, sou jourur (ri'iliccs, ;i li'uu\('' Ifs indications iju'ii avait vainement ilemanilrrs à lu iiK'diliitinn cl ,111 calcul. 32 RABELAIS ANATOMISTE L'insertion d'un mât de vaisseau dans son emplanture ne peut se comparer à l'articulation de la colonne verté- brale avec le bassin. Les tendons et leurs poulies de réflexion ont une per- fection rpion chercherait en vain dans les cordages les plus habilement disposés. Nul instrument de musique ne peut rivaliser avec l'ap- pareil vocal. L'hvdrodynamiquc retrouve ses pompes et ses soupapes dans le cœur et les canaux circulatoires. Et quelques pro- grès que les physiciens aient fait faire de nos jours à la construction des télescopes, des microscopes et des chambres obscures, l'œil demeure toujours le })lus mer- veilleux de nos instruments d'optique. A la vue de cette étonnante organisation, où tout a été si bien prévu et coordonné, Galien s'est écrié (i) « qu'un livre d'anatomie était le plus bel hymne qu'il ait été donné à l'homme de chanter au (Créateur! » Cicéron, Fénelon, Bossuet, ont poussé le même cri d'enthousiasme. L'anatomie serait encore la ])lus belle de toutes les sciences si elle n'en était la plus éminemment utile ! Quoi de plus réconfortant pour une Ame généreuse que cette idée : clijKpie ('()iinaissance que jjuMjnicrs est une conquête que je fais pour le soulagement de l'humanité soufîrante? Sansanatomie, il n'y a pas de chirurgie, de médecine, de physiologie ni même de psychologie possibles (2). La connais- sance des fonctions d'un organe découle, en effet, pres(|ue nécessairement de la connaissance de son mode de confor- (1) Sacrum sermonem ego condiloris noKlri veriiin hi/innein compono, e.vislimoqiie in hoc veram ensepielalcin, non ai lauvonim hecalomba ei pliirimas sacvificaverim, sed si noverim ipse primas casias aliaqiie sexcenla odora- menla ne ongnenla siiffhimit/arerim, scd si noverim i])se primas, deinde el aliis exposuerim (piivnam sil ipsiiis sa/de nlia. tjiirc virliis, (jure bonilas. (Galen, De Usa ]>arlium, lib. III.) (2) Tous les grands philosophes oatniauiéle scalpel, à commencer par Descartes, qui a découvert les actions réllexes. INTRODUCTION 33 mation. Pourquoi ignorons-nous les usages du thymus, du corps thyroïde, des capsules surrénales, etc. ? Parce que leur structure nous est encore peu connue. Il en est de même du cerveau. Du jour où nous saurons exactement comment il est constitué, la philosophie ne flottera plus entre le spiritua- lisme et le matérialisme, ou le sensualisme, ])our me servir d'une expression rajeunie. L'avenir moral, comme l'avenir physique de l'humanité, est subordonné aux progrès de l'ana- tomie et de la physiologie. C'est donc à ces deux sciences qu'il faut appliquer l'exclamation de llomenaz (i) : « Hélas, quand sera ce don de grâce particulière faict es (2) humains, qu'ils désistent de toutes aultres estudes et négoces (3) pour vous lire, vous entendre, vous sçavoir, vous user, prac- tiquer, incorporer, sanguilier (4) et incentriquer (5) es profunds ventricules (G) de leurs cerveaulx, es internes mouelles (7) de leurs os, es perplex (8) labyrinthes de leurs artères? 0 lors, et non plustost, ne (9) aultrement, heureux le monde (10) ! » Oue la génération qui s'élève, plus versée dans l'étude des sciences naturelles, médite ces paroles: elle améliorera sa destinée, si elle n'en déchitïre pas l'obscur, le déconcer- tant rébus ! (1) Ce mot signifie ici, comme ilans Merlin Coiicn'io {Ilifiloire macaronùjue, 1. XIX) cl dans le patois languedocien actiU'Kun homme grand, gros, mal lK\li. (2) Aux. (3) AITaires, du latin net/oliiim. {\) (Convertir en sang, cCst-à-dirc assimiler. (.'») Placer au centre, conccnlifr. ((3) Les Ancit-ns croyairnt qui- les \ iiili-icules du cerveau étaient principali'niriil le siège de rrnlfndrnu'nt. (Voy. JVévrolo/jic , phijsio- lofjii'.) (7) .Moelles. (8) Sinueux, lortueuv. du Udin iirrjilr.rits. (9) Ni- (10) L. IV. di. Li. 3 34 RABELAIS ANATUMISTE Il y a plusieurs espèces cranatomie: L'anatomie descriptive, qui étudie la situation, la forme, la direction, etc., des oroanes et les groupe par appareil; L'anatomie chirurgicale ou des régions, qui indi(|ue au chi- rurgien ce qu'il ne saurait impunément trancher; L'anatomie des formes ou artistique, qu'on peut définir : la connaissance de la surface extérieure du corps, soit dans les diverses attitudes du repos, soit dans les divers mouvements ; L'anatomie comparée ou zoologique, qui compare et classe tous les èti'es vivants ; L'anatomie pathologique, qui renseigne sur les modifica- tions que subissent les tissus et les humeurs pendant les maladies. Puis : L'anatomie embryogénique ou d'évolution (i), l'ana- tomie tératologique {-i), l'anatomie paléontologique (3), l'anato- mie philosophique (4), etc. Toutes ont été greffées sur l'anatomie descriptive comme sur un tronc commun. Celle-ci comprend : L'ostéologie ou étude des os ; L'arthrologie — des articulations ; La myologie ^ des muscles; L'angéiologie — des vaisseaux (artères, veines, capillaires, lymphatiques) ; La splanchnologie — des viscères ; La névrologie — des nerfs. Dans les propos des héros de l'immortel romancier, on démêle une connaissance certaine de l'anatomie descrip- (i) Elle s'occupe des transformalions que subit rembryon dans le sein maternel. (2) Elle a pour objet létude des monstres. (3) Elle détermine les caractères des espèces animales éteintes. (4) De la réunion et de la comparaison de faits particuliers elle dédnit des lois générales d'organisation. LXÏKUDUCTION '^^ tive, de l'anatomie chirurgicale, de ranatomie des formes, de l'anatomie comparée, de l'anatomie pathologique et de la physiologie. Je vais successivement reproduire et com- menter ces propos en commençant par ceux qui ont trait à l'anatomie descriptive et à la physiologie. .l'ai intercalé dans les pages qui suivent des dessins dus à un jeune artiste tourangeau réputé, M. Louis Danty- CoUas. Us augmentent la valeur de ce volume en même temps qu'ils rendent évidentes et compréhensibles pour tous les comparaisons de Maître François. Pour terminer, (pi'il me soit permis de donner un sou- venir ému à la mémoire de F. Audiger, fondateur de la Sociélé des Amis et Admirateurs de Rabelais, qui a mis à ma disposition des documents rares et précieux qui ont rendu ma tâche plus facile, et de remercier mon éminent confrère et ami. le D' Durrau. l)ibliothécaire de l'Académie (le médecine, dont jai mis souvent à conlribulioii la grande érudition et l'inépuisable conq^laisance. ANATOMIE DESCRIPTIVE ANATOMIE DESCRIPTIVE OSÏÉOLOGIE OU ÉTUDE DES OS D;ms l'œuvre (''norme wl li»ulTiie, élrange, coni[)Osée de raison prol'onde, d'ima<^inalion folle, de sentiments généreux et d'intarissable gaieté de Iiaixdais, voiei (I. IV, eh. xx\ et sniv.) « comment par Xenomanes (i) est anatomisé et deseripl Quaresmeprenant (•2). « Ouaresmeprenant, dist Xenomanes, quant aulx parties internes ha, au moins de mon temps avoit (3j : Les, os, comme cassemuseaulx. Les spondyles, comme une cornemuse. L alkatim, comme un billart. (i) Xciioiiiîiiics : i|iii .1 l;i iiiMiiic tics voyages, de xetvô; cl [xavfa. C'est. Jean Alplionsc le S:iiiiloiii,'t'(>is. (\ ny. V. DtCROT, la (jéof/j'aj)hic (Utnti Rabelais, oxirail du XIV* Coiiijrrcs national de Géograpliie, p. <) ; Tours, \Hij,].) M. Ducrof pense que ce cliaiJi'tre a été écrit en n)\H. (:>.) Onai'csinej)r"cnanl, le nierci'edi des ("endi'es. Halteliiis en a l'ail nn rire vi\ ;inl |»('rsoniuliant le (larènir hml rnlicr. (3) 'l'oulcs les expressions de celle lilnnie d'un nouveau ircnre (ud <''l('' t>niprunt(''es au Iant,Mtr(> an.iloiiii(|ne de i't'-poipic. On peul reni.inpier (pw ii^ pins L'r.'ind noinln-e dCnIre elles oïd encor'c coiu's. 4o RABELAIS ANATOMISTE Le crâne, comme une gibessière. Les coustures, comme un anneau de pescheur. Le frontal, comme une retumbe. Les os pétreux, comme un plumail. Les costes, comme un rouet. Le breschet, comme un baldachin. Les omoplates, comme un mortier. Les hanches, comme un vibrequin. Les genoils, comme un escabeau. Les fociles, comme faucilles. Les rassettes, comme des échasses. Les os, comme cassemuseaulx. Cassemiiseaulx, gâteaux très IViahlos, de forme variée, à |3Ate broyée, c'est-à-dire à cassure nette, que l'on fa- briquait autrefois surtout à Poitiers. Ces gâteaux étaient ainsi nommés par antiphrase. Le Sot Cassemuseaulx Chaulx ! Cassemuseaulx chaulx! [Farce des cris de Paris, Ancien Théâtre français, t. II, p. 3i3.) Les os, par conséquent, aréolaires, secs, peu résistants. C'est principalement chez les vieillards que s'observe ce mode de conformation des os. Chez quelques-uns ils se réduisent même à une simple coque qui se brise à la moindre chute. On sait (1. II, ch. v) que Pantagruel « vint à Poictiers pour estudier, et proficta beaucoup ». Les spondyles, comme une cornemuse. Les spondyles, les vertèbres (i) (aTOvouÀot) . Les vertèbres (i) Dans l'édition de Bahelaia de Pierre Dupont, illustrée par Gustave Doré, et dans celle de liabelais de Garnier, annotée par L. Barré, le mot ANATOMIE DESCRIPTIVE 4i siipcM'posées constituent la colonne vertébrale, lige creuse, incurvée plusieurs lois sur elle-même, plus volumineuse en bas qu'en haut, analogue à une cornemuse,, c'est-à-dire à une chalamie (i) (flûte champêtre), ou plutôt à un hautbois. (( Plust me plaist. d(''clare Panurge. le son de la rustique m Lea spondyles, comme une cornemuxe. siion(lyl(> est liadiiit pur i/i'iirr d'inaeeles coléoplères. Aristoto a (loniir, (Ml cl'U'i, le nom do Stzov^ûXt) à un insecte mal déferminé. et on donne encore aujonrdiini le nom de spondyles ti des Cérambycides aberrants apparte- nant à loidrc des Coléoptères et dont le type est le Spondyle bupreste {S/iondi/lis hiijursloidi'ft). Hahelais n'a jamais donné ce sens an mot spon- dyle. Le hfinrrean de Panurge fut tué par une bi-oche qui lui »> sortit jiar le haut des épaules entre les spondyles et l'omoplate senestre ". La tète et le corps d'Kpistemon décapité furent accolés h vène contre vène, nerl contre ner-r, spondyle contre spondyle, pour <|u'il ne i'usl loi-ji-colli .. Dans le clos dr' l'abbaye de Seuillé. Frère Jean • ('-s mis escarbouilloit la cer- velle, ("S aullr-es rompoit bi'.-is et jandies, l'-s aullres desloclioit (disloquait) les spondyles du col », etc., de. (I) l)u t^rec /.i).a[Ao;. roseau, eliainiiiean . pipeau. Dans les i.'lossaires rabelaisiens, dans celui île L. liarn- entre anii'cs. la elialaniie esl di'linie jusfenuMif : llùle clKunpi'tre ou <'ornemnse. 4^ RABELAIS ANATOMISTE cornemuse, ({ue les fredonnements des luts, rebecs et vio- lons auliques (i). » (L. in,ch. xlvi.) La colonne vertébrale était appelée conduit ou tuyau sacré par les Grecs, parce qu'elle contient une partie noble, la moelle. La chalamie dessinée ci-dessus est la reproduction exacte de celle qui a ligure, en 1892, à l'Exposition nationale de Tours (section de l'Art rétrospectif), dans la collection d'an- ciens instruments de musique de M. Tolbecque, de Niort. La seconde vertèbre du cou^ est la plus curieuse : elle est surmontée d'une apophyse ressemblant à une dent. Elle est décrite sous le nom de dent par Hippocrate, de vertèbre dentale, d'axis, d'epistropheas par d'autres, et de vertèbre dent i forme par Rabelais. Dans le royaume de la Quinte, Pantagruel vit un jeune pérazin (2) guérir les syphilitiques « seulement leur touchant (1) De la cour, du latin auliciis. (2) Parazon, péraron, pérason : pour certains commentateurs. Ce mot, qui dérive de l'hébreu perasim, veut dire chevalier. Le perasim est un des soixante-douze anges qui, d'après les talmudistes, marchent sous la conduite des dix ordres d'esprits qui président à tout ce qui existe et exécutent sur tout être créé les volontés de Dieu. Les noms de la plupart de ces anges et de ces esprits sont cités dans le fameux ouvrage : De occulta P/iilosophiâ, seu de Magiâ, de Cornélius Agrippa (trois éditions vers i520, i526 et i53o), et c'est par moquerie que maître François en a baptisé les serviteurs de la reine de la Quinte. Vers 1526 ou 1.527, Cornélius Agrippa, étant à Lyon, a protesté violem' ment contre les Romans gaulois, est allé même jusqu'à mander, dans une lettre à Jean Chapelain, médecin royal : « Parmi les Docteurs (il ne dit pas les savants), il s'en trouve cjui écrivent de honteuses facéties, livres empestés qui sont lus non seulement par les princesses, mais encore avec avidité par les damoiselles, et par lesquels les femmes s'ha- bituent à la dépravation. » {Epil., 1. IV, cli. m.) Rabelais, piqué au vif, s'est vengé en flagellant l'auteur de la Philo- sophie occulte dans les trois chapitres consacrés à la Quinte-Essence. J'ajouterai toutefois que ces chapitres sont considérés comme apocryphes par divers pantagruélistes, auraient été intercalés, ainsi que celui des Apedeftes, par JeanTurquet dans le V« livre qui est bien, quoi qu'en dise P. Lacroix, l'œuvre du maître, mais qui a été publié en i562-i564, c'est- à-dire après la mort de celui-ci, (Voy. Ducbot et F. Audiger, Soc. des Amis et Admirateurs de Rabelais, Tours, 1887, p. i3, et 1892, p. 16.) ANATOMIE DESCRIPTIVE 4*^ la vertèbre dentiforme d'un morceau de sabot par trois fois » (i). L'alkatim, comme un billart. h'alkatîm, mot dérivé de l'arabe et qui sert à désigner le sacrum (:i). Le sacrum, vulgd le croupion, est composé de cin(| v(M'tèbres soudées entre elles de manière à former \ui seul os appelé par Hippocrate u la grande vertèbre ». Il est enclavé entre les deux os des hanches au-dessous de la colonne vertébrale qu'il continue. Il est dirigé obliquement d'avant en arrière et de haut en bas et recourbé sur lui- même. Tous les anatomistes du moyen âge se servaient volon- tiers des termes d'Avicenne, d'Averrhoès et d'Abulcasis pour classer les diverses parties de l'organisme humain. Constantin l'Africain, né à Carthage et mort à l'abbaye du mont Cassin en 1087; Roger de Parme, élève de l'Ecole de Salerne. chanceliei' de lUniversité de Montpellier au com- mcnccmonl du xiii'' siècle; Guillaume de Saliceti, né à Plai- sance en i'2H), professeur à \ ér<)n(^ ; Lanfranchi de Milan, élèv(^ de Saliceli ; Henri de Mondeville. chirurgien de Plii- lijqx' le Bel; .lean Mathieu Ferrari de Gradi, Denis del (r;iil)(), Barthélémi Anglicus, Jacobus Foroliviensis, Guy de ( lliaiili.ic. t'Ic. de., iriisaicul pnui- (l(''sigii('r les organes de I liniiiiiir (jiie des expressions ;u"abes : ininich poiii- le bas- (1) Dans le livrer 1, cliapilir \\ de la /Vu'/o.so/y/i/Vd'Atfrippa, il est dit : « La planète Mars avait sous sa dominalion, dans le règne animal, les fesses et le dos, le canal du sperme, les reins; dans le règne végétal, le chêne, le piiiplii T. le hètro. » VA dans le chapilfe xxvii du même livre : i< Toute chose a son ami et son eniienii. Les inclinations des choses soumises aux iidluences des planètes suivent h's inimilif's de ces jilanètes. » De sorte (pie rurèllii'e iiiidade. ('■laid sous la domination de Mars, sera guéri par un ami de Mars, c'est-à-dire par le chêne et le hêtre. Oui ne sait ipTon emploie le hêtre dans la lahi'icalifm des sahols .' il est «'videnl (pie le remède est iiifaillilde. d'ajtrès Messii'c .Vgi'ippa. i'->) .\iiisi iioiiiiik'- parce (pie les .\Mcieiis a\ aient, dil-(Ui, coutume d'olTrir aux dieiiv. (I.iiis les s.ierilices, celte p;irlie de la victime. 44 RABELAIS ANATOMISTE ventre, siphac pour le péritoine, zirhiis pour l'épiploon, canna pour la trachée-artère, meri/ pour l'œsophage, etc. Andréas Bellunensis (i) dit positivement que Falkatim renferme les cinq vertèbres qui sont immédiatement au- dessous de la douzième vertèbre dorsale : Alchalim est pars conîinens spondi/Ies qninquc qui siint immédiate infra spon- dijlem \'2. Mieux encore Rabelais l'a dit lui-même. Dans le chapitre xx du livre III, où, selon Johanneau, Maître Fran- L'nlkalim, comme un Inllart. çois a voulu faire voir qu'il n'ignorait pas le langage par gestes des sourds-muets, il est mentionné que Panurge (s) « assist au-dessus des fesses, au lieu que les Arabes appellent Alkatim », le pouce de la main droite, puis celui de la main gauche. (i) Interprète des mots arabes qui se trouvent dans Avicenne. (2) Celui qui fait tout, du grec jiav, tout, et ëpYov, ouvrage. D'aucuns pensent que Panurge, c'est Ral^elais; d'autres, que c'est le cardinal d'Am- boise; quelques-uns, que c'est une personnification du peuple, etc. Autant d'assertions, autant d'hypothèses. ANATUMIE DESCRIPTIVE 4^ Fait curieux et (jui prouve bien ([ue la plupart des livres se font avec les livres des autres, tous les commentateurs de Rabelais que j'ai lus ont traduit alkatim par péritoine. Dillarl. — ■ Mail ou maillet à pousser les billes. « Crosse à crosser, » dit Ménage [Dictionnaire étymologique). Il faut donc entendre ici par billai't un gros bâton muni d'une crosse dont on se servait autrefois connue d'un maillet. Et MM billart de (luoi on crosse. (Villon, Ancien Testcunenl .) Le sacrum est bien, en eiïet, une crosse adaptée à la colonne vertébrale. Le crâne, comme une gibessière. La tète est composée de deux parties : le crànc et la face. Le crâne est une boîte osseuse cpii loge le cerveau. LUe a la forme d'un «jvoïde. Gibessière , gibecière. On a donné jus(prà la lin du xvi*' siècle le nom de gibecière à l'aumônière et à l'escarcelle de grande taille à fermoirs ou à recouvrement qu'on portait, la j)remièi"c devant 1 ai»dnin(Mi, au moven de deux coi-cbjus lixés à la ceintui'e, la seconde sur le liane dioit ou le llancgauche, au moyen d'une courroie passée en sautoir sur lune ou l'autre des deux é|)aules. L'aumônière et l'escarcelle de gi'ande taille ont la même origine et, [)ar suite, à peu près la même forme. Ouand elles sont distendues, elles resseml)lent au crâne. Lu égard à ses dimensions, le ci'àne a cependant plus (I analogie avec I auiiKUiière de grande taille (i); c'est, du (i) (^t'Ilr jumiùiiirrr |M)iiviiil coiilciiir des oliji'ls \ oluiuiiiciix. l);iiis la cliciiisoii (ir iliioii (le I >(ii'iI(m n\, on lil : Il prcnl le cor de hlaiic \voire cler, Oueii s'aimiosiiicre avoil ciivelopé. .If (loniic à 1 a[)i»iii de la coniparaisoii de Rabelais le dessin dnne auMiÔMiiTi' du xv"^^ sit''cl". 46 RABELAIS ANATOMISTE reste, cette dernière que Rabelais a, dans tout le cours de son œuvre, appelée gibessière. « L. Neratus, gentilhomme romain, faisoit emplir les gibessières de ses varlels d'or et d'argent monnoyé, et rencontrant par les rues quelques mignons braguars (i) leur donnoit grands coups de poing en face. Soubdain après, Le rvnne, comme une gibessière. pour les appaiser leur despartoit (2) de son argent. » (L. IV, ch. XVI.) « Gibessière de velours n'est reliquaire de testons (3) ni menue monnoye ; c'est un réceptacle d'escuts au soleil, » dit Panurge à frère Jean. (L. V, ch. xv.) Dodin, receveur du Coudray, répond à frère Couscoil qui lui demande s'il n'a pas d'argent sur lui: qu'il en a (( pleine gibessière )>. (L. III, ch. xxiii.) (1) Pimpants, bien ajustés. Ce mot tire, dit-un, son originelles bratjues, caleçon de toile fine. (2) Donnait. (3) Monnaie d'argent, frappée en France sous Louis XI, sur laquelle était gravée la tète du roi. Le teston valait quinze sous et six deniers. ANATOMIE DESCRIPTIVE 4? Les coustures, comme un anneau de pescheur. Les coustures sont les sutures ou articulations des os du crâne entre eux. Les sutures de la voûte du crâne i"es- semblent aux coutures mal faites (d'où leur nom primitif) des fillettes qui commencenl à manier Faiguille. Elles forment des cercles plus ou moins réguliers, verticaux et transversaux (sutures fronto-pariétale ou coronale (i), fronto- sphénoïdale, fronto-ethmoïdale, etc.), et verticaux et antéro- postérieurs (sutures médio-l'rontale, sagittale (2), inter-occi- pitale, etc.). Plusieurs d'entre elles sont indiquées dans Gargantua et dans Pantagruel. Marquet est frappé d'un coup de bâton « par la joinc- turc coronale de la teste sur l'artère crotaphique (3) du costé dextre (4) ». Au sac de l'abbaye de Seuillé « si aulcun saulver se vouloit en fuyant, a icelluy (5) Frère Jean faisoit voler la teste en pièces par la commissure lambdoïde » (G). Le moine batailleur se « defïeit d'un de ses gardes, lui coupant la teste sur les os pétreux, et enlevant les deux os breg- matis (7), et la commissure sagittale avec grande partie de Tos coronal (8) », etc. Les commentateurs voient avec raison, je pense, dans les mots anneau de pescheur une allusion à la formule (1) Parce (|ir('llc rcssciiil)lç à uin' comioihh'. (2) Pan'i'-lalc on sairitlalc, en latin .sv/7/7/'/, [jarcr ((n\>lle rossenil)le à une flèche. (3) L'artère de la Irniix-, du tri'ec /.poia^o;, tempe. (',) Du côté (Ii'oil. ) I.a Hninre oc<'i|)ilo-|)ai'i«'-tale, encore nonmii'c lanilidoido, |)arce ((uelle resseniMe an X i,M'ec (). et etôo;, lonue). (7) Lesd(Mi\ iiaiii'-tanv, dn irrec [ipeyiia, [îpeYftaTOç. 8) L'os dn Iront, le Irnnlal. 48 RABELAIS ANATOMISTE Lisilcc en cours de Home: « Siib annula piscaloris, sous le sceau de Tanneau du pêcheur, » de saint Pierre, qui fut successivement pêcheur, apôtre et pape. Le frontal, comme une retumbe. Le frontal. Tes du front. Dans le livre V, chapitre xxii, on lit : <* Beuvants, en belles et amples retumbes, vins de quatre sortes. » Parmi les vases d'artillerie bacchi({ue sculptés sur Tare antique sous le(|uel on devait passer pour arriver à l'oracle Le fronlal. comme une velambe. de la Bouteille figuraient : « cent formes de verres à pied, retumbes, hanaps, etc. » (i). Le Duchat pense que le mot retumbe vient peut-être « de rotunda, en sous-entendant cupa. (Voyez J. Bouchet, Annales d'Aquitaine, au feuillet 99, de Fédition de Poitiers, looj.) Là parlant de certain vaisseau de verre rond, plein de vin, qu'anciennement, dit-il, on jetait pendant les rogations contre la maîtresse châsse de l'église abbatiale de Saint- Cyprien de Poitiers, en marge de cet endroit du livre, ce vaisseau rond est appelé retumbe. » Cette signification est certaine. On lit dans du Gange : De rotumhis et ci/ fis vitreio, mais l'étymologie de Le Duchat est inadmissible (Esmangart et Johanneau). Voici la détinition que Cotgrave (1) L. V, ch. XXXIV. ANATOMIE DESCRIPTIVE 4.J donne de cet objet : « .1 false cap ivherein clrink falling inlo and odd corner seems to be dritnk up ; also a fiai vaiill or a room Ihat's made vaiill ivise. » La retumbe est un vase rond ou tasse à boire. On com- pare maintenant le frontal à une coquille de pèlerin. La coquille étant le premier vase qui ait servi à puiser de l'eau, il n'y a, par conséquent, qu'une difîerence de mot entre la comparaison de Rabelais et celle des anatomistes modernes. Les os pétreux, comme un plumait. Les os pélreiix ou l'ocliers, ainsi dénommés à cause de leur dureté, de leurs inégalités et de leurs aspérités, logent l'appareil de l'audition. Ils forment la partie inférieure et interne de chacun des os de la tempe. ^^r^Wt-^^r^ Les os jiclreiir. ronimc ii/i jikinidil. PlumaiL ailemn de volaille garni de ses phuiies. — (^e mol est (Micorc u>il<'' en Sainlonge et en Poitou poui' dési- gner un aileron d oie ou de dindon. Le dessin ci-dessus lixc le degiv de ressenddance qui existe (Mitre l'os péti'cux cl un pliiniail. Dan> I îl('(|t's j*.i|»ini;iiies (i), IVére.lean des l']ii loin meures (i) Lîlc Papy, sitin'-f l'iitn' I Islande cl Ic!? Ilt'ilii,'A di'iix ani liii-iurruc dn mol i,M'fc àiyj'')^, qui si^'iulir aui.dr ^.lilhiul. 54 RABELAIS ANATOMISTE Dans Tiie des Ferrements (i), les arbres semblent <( ani- maulx terrestres, non en ce ditîérentes des bestes qu'elles n'eussent cuir, graisse, chair, vènes, artères, ligaments, nerfs, cartilages, adènes (2), os, mouelle, humeurs, ma- trices, cerveau et articulations cognues (3) ; car elles en ont mais en ce qu'elles ont la teste, c'est le tronc, en bas ; les cheveulx, ce sont les racines, en terre ; et les pieds, ce sont les rameaulx, contremont (4) ; comme si un homme faisoit le chesne fourchu. Et ainsi comme vous de loing à vos jambes ischiatiques (5) et à vos omojilates sentez la venue des pluies, des vents, du serein (G), tout change- ment de temps; aussi, à leurs racines, caudices (7), gommes, médulles (8), elles pressentent quelle sorte de baston des- soubs elles croist, et leur préparent fers et allumelles con- venentes. » Les genoils, comme un escabeau. Les geniols, les genoux et spécialement l'os situé à la partie antérieure de l'articulation de la cuisse et de la jambe, la rotule. (1) Les îles Féroë, selon M. Ducrot. (Ducrot, loc. cil. siiprà,\ï.2^.) Ces îles, au nombre de quinze, étaient appelées, du temps de Rabelais, isles de Ferrô, îles de fer. (2) Glandes du cou, en latin adenes. (3) Connues. (4) En l'air. (5) Atteintes de névralgie sciatique, du grec îax.ta, les os des hanches. La névralgie sciatique, maladie très difficile à combattre, est guérie quel- quefois par l'action du feu (pointes de feu, moxas). C'est ce qui est arrivé à Panurge. « Notez, raconte-t-il à Pantagruel, que cestui rostissement me guérit d'une ischiatique entièrement, à laquelle j'estois subject plus de sept ans avoit, du costé auquel mon rostisseur s'endormant me laissa brusler. >> Les douleurs delà sciatique sont réveillées ou exagérées parles chan- gements de temps. (6) Du beau fenqis, du temps calme, du latin seirntis. (7) Tiges, du latin caiidex. (8) Moelles, du latin mediiUa, ANATOMIE DESCRIPTIVE OO La rotule est triangulaii'e comme le siège de la plupart des escabeaux du moyeu âge (i). A Ouaresmeprenant, émacié par les jeûnes, « foisonnant en pardons, indul- gences et stations, bon catholic, de grande dévotion, » fré- Les genoils, comme un l'scaheau. quemment à genoux, [)ar conséquent, cet os tenait vrai- ment lieu (rescal)eau. Les fociles, comme faucilles. L'avant-bras est formé par la réunion de deux os longs, le cubitus en dedans, le radius en dehoi's ; la jambe par la réunion de deux autres os longs, le tibia en dedans, le péroné en dehors. Dans les auleurs du moyen âge, les os de l'avant-bras et de la jambe sont appelés fociles ou faucilles, le tibia et le cubitus focilia majora, le péroné et le radius focilia minora. Tous CCS os s(jnt incurvés, triangulaires et tranchants comme une faucille. Dans le Berry on nomme encore les avanl-bras faucilles. Il sciiiMr ([iif li.ibelais se soit complu à jouer sur les (i) ^ oy. N'ioi.i.i-.T-i.K-Drc. DicUoniutiri' rdit^onm'' iln nuihilifr frnmjuifi dr réftotfue ottiovhniintnc à lu {{rnaiêininvi'. I. I, |i. i(»7 ; Paris, iBjtî. 56 RABELAIS ANATOMISTE mots fociles et faucilles. Maître François a c'^cril aussi, en effet, dans l'ancien j)rologue du quart livre : « Nous sommes parabolains (i) au long faucile et au grand code (2). » Et dans le chapitre xvii du livre P'' « Ceux-ci (3) s'en vont en Les JocUest, comme faucilles. paradis aussi droict comme une faucille et comme est le chemin de Faye (4). » Les rassettes, comme des échasses. Les rassettes^ rascheles, rachelles, rasquelles, les os du poignet, c'est-à-dire du carpe et ceux aussi du cou-de- pied (5) ou du tarse. (1) Hommes consacrés au service des malades dans les hôpitaux, frères convers, hommes de corvée, du grec 7capâ6o).oî, méprisé. (2) u Jeux de mots, dit L. Barré, d'abord sur faucille (petite laulx) et facile (os du bras) ; puis sur code (livre) et coubte (coude). » (3) Les pillards qui saccageaient le bourg et l'abtiaye de Seuillé. (4) Aujourd'hui encore, le chemin de Chinon à Faye-la-Vineuse décrit une courbe assez prononcée. (5) L'auteur a signalé un des petits os du cou-de-pied, l'astragale : ANATOMIE DESCRIPTIVE 07 (( Les os delà racheUe de la main qui sonthiiit. » (H. de MONDEVILLE, f" 1 .) (( La rasquette du pié est composte de quatre os lyés ensemble, avenammenl. » (Lanfranc, f"^ ^7, verso.) Les raxsellex, comme des échasses. Les échasses datent de très loin. Lue paire dédiasses analogues à celle dont on a le dessin sous les yeux est repré- sentée dans VHisloire du saint Graal jusqu'à Vempire de Néron, manuscrit (lin du xiii'' siècle) de la Bihliothèque nationale. Pantagruel « vouloit tenir quelques propos au capitaine « I);iiis les mciiilucs les plus iiilV'riciiis, dit ! >iii (L. V, ch. xix.) La comparaison exacte poui' les rassettes du pied, dont la plante regarde en haut (i), est inexacte pour celles de la main quelle que soit la situation dans laquelle on la place. Pourquoi? Peut-être parce que le malicieux satirique a fait abstraction de la main hors nature du roi de l'île de Tapi- nois {'2). Quaresmeprenant, il ne faut pas l'oublier, était un arrière-descendant des fils d'Antiphysie qui avaient « les bras et les mains tournez en arrière vers les espaules. Et cheminoient sus leur teste sphérique et ronde entièrement comme un ballon, continuellement faisants la roue, les pieds contremont (3). » Physiologie. — Les os sont creusés de cavités remplies de moelle. La moelle abonde surtout dans le canal des os longs. C'est une matière pulpeuse, d'un jaune grisâtre, qui, en raison de la grande quantité de graisse qu'elle con- tient (4), compose un aliment très nourrissant. Elle sécré- terait, d'après Bizzozero, les globules blancs du sang qui, pour certains auteurs, ne sont que des globules rouges en voie de formation. C'était un mets très estimé des hommes des âges de la pierre, ainsi qu'il appert de la quantité d'os d'animaux fendus en long, ramassés dans les stations pré- historiques des Eyzies, de Cro-Magnon, de Solutré, etc. (i) Les vraies échasses, les échasses anciennes et celles des bergers lan- dais actnels, ne remontent guère au-delà des mollets, sur lesquels on les fixe ainsi que sur les articulations du cou-de-pied, au moyen de cour- roies. (2) Vraisemblablement l'Islande. (Ducrot, loc. cil. siij)rà, p. 16.) Tapi- nois, hypocrite, homme qui se dégviise ; en tapinois, en cachette ; regarder en tapinois, regarder sournoisement. Ile de Tapinois veut dire exacte- ment île des gens mortifiés (du grec Tarsivov, humilité chrétienne). (3) Les pieds en l'air (1. IV, ch. xxxii). (4) 96 parties sur 100 (Berzélius). ANATOMIE DESCRIPTIVE bq Rabelais n'a donc rien avancé de trop lorsqu'il a écrit pour exposer sans trop de danger sa doctrine absconse (i). « Vistes-vous oncques chien rencontrant (juclque os médullaire (2). C'est, comme dict Platon, lib. II, DeRcp. (3), la beste du monde la plus philosophe. Si veu l'avez, vous avez })u noter de quelle dévotion il le guette, de quel soing il le garde, de quelle ferveur il le tient, de quelte prudence il l'entomme (4), de quelle affection il le brise, de quelle diligence il le sugce. Oui l'induict à ce faire ? Quel est l'espoir de son estude (5)? Quel bien prétend-il? Rien qu'un peu de mouelle. Vray que ce peu est plus délicieux que le beaucoup de toutes aultres, pour ce que la mouelle est ali- ment élabouré à perfection de nature, comme dict Galen, III, FaciilL nal., et XI, De Usii parlium (6).» (1) Cachée, niystéi'icuse, iini)(Mi(''tr;(l)h', du latin abscondilua. (2) Ui) ('crivain ordinaire aurait dit <• osa moelle ». Rabelais, qui est auatomiste, s'est servi du terme technique. (3) « Le chien aboie eoidre ceux (|u'il ne connaît pas, et flatte ceux qu'il connaît, (|uoiqu"ils ne lui aient t'ait aucun bien... Par là il manifeste un natui-el heureux etvfaiment philosophe, en ce qu'il ne disting\ie Tami de rennenii cpie parce fjuil coinuu't Tun et ne connaît i)as lautre, » (Platon, OEiwres. Trad. Cousin. — Paris, i833. T. IX, p. io3.) (4) L'entame, le coupe, du grec £v:o[jltî, incision, entaille. {')) Attention, du latin sludiiun fait du grec axouoT), attention, soin i)ar- ticulier, ai'deur, enq)ressement. (G) ^'oici la traduction des passages de Calien cités par Babelais : <( La nature a déposé dans certains os une provision d'aliments propres à leiu- nutrition... La moelle est l'aliment propre des os... Ce que le sang est pour les chairs, la moelle l'est pour les os... » ARTIIROLOGIE OU ÉTUDE DES ARTICULATIONS Quaresmeprenant avoit : Les ligaments, comme une escarcelle. Les cartilages, comme une tortue de garrigues. Les ligaments, comme une escarcelle. Les li(/aments, les ressorts des articulations, les liens fibreux, solides et flexibles, qui unissent et maintiennent dans leurs rapports naturels les surfaces articulaires des os. La souplesse des ligaments diminue dans les derniers temps de la vie. Escarcelle : « Grande bourse de cuir à l'antique qui se fermait à ressort avec du fer, » dit Furetière. Les ligaments aussi rigides que des lames de fer ou d'acier. Les cartilages, comme une tortue de garrigues. Si les surfaces articulaires des os, soumises à des frot- tements durs et fréquemment répétés, ne s'usent pas, c'est parce qu'elles ne sont pas en contact immédiat. Dans la machine animale il y a, en effet, comme dans les machines industrielles, des coussinets protecteurs qui tempèrent les chocs et résistent aux pressions. Ces coussinets prolec- ANATOMIE DESCRIPTIVE 61 leurs sont les cartilages. Ils sont constitués par un tissu très résistant et en même temps très élastique, qui recouvre d'une croûte plus ou moins épaisse [cartilayes articulaires ou d'encroûtement) les i)arties osseuses des jointures. Les carlildijes, comme une tortue de (junUjues. Tortue de (jarri(jues. «. On en voit beaucoup en Lan- guedoc, i)i\ on apj»elle ^^irrigues les landes et les hrossailles. » (Lel)ucliat.) « Prenez une lorlue de »>arri<>ues, c'est-à-dire de celles qui vivent en terre en lieux secs et qui n'entrent point dans l'eau. » iFouill. Fauc. iî.3.) De toutes les tortues (tortues terrestres, tortues de mer ou d'eau douce), la tortue terrestre est celle dont la cara- [lace (1), l'orlement bombée, rappelle le mieux la croûte cartilagineuse (pii revêt la tète de l'os du bras, la cavité de l'articulation de la hanche, etc. (1) Jciilcmls l;i |i. antres édit. in',, P;iris, 15U7, ^G•.!^(, et licluiuia librnriim, luannsci'if latin (If \:>7)o, imprimé scnlomrnt en i7>:<8.) (1) Du <,'r('c o'.âopaYtA», ('nlrt'-(l} ])(' uioycimr longueur. (:i) Sui'i.' df-N.rre. 68 BABELAIS ANATOMISTE arrière de frise rouge. Louis Guyon affirme qu'il en a vu un à Paris qui pesait 4 livres lo onces. (L. Guyon, Diverses leçons, 1. II, cil. vi.) Dans les Variétés historiques publiées par Fournier (t. III, p. 3(>), il est question également de ce bonnet. <( A la cocarde » vient, sans doute, du vieux mot français coquenard qui signifiait niais, borné. Le dessin du bonnet à la cocarde que nous a conservé Ambroise Paré — c'est celui (ju'on a sous les yeux — témoigne de l'analogie évidente qu'il y a entre cette coif- fure bombée, rouge en arrière et dont les deux brides, très larges à leur origine, se réduisent inférieurement cha- cune à un cordonnet, et la voûte et les deux piliers ou appendices du diaphragme qui décroissent progressive- ment de volume à mesure qu'ils descendent à droite et à gauche, le long de la colonne vertébrale. Les crémastères, comme une raquette. Les crémastères sont les muscles suspenseurs des glandes génitales, les agents du mouvement d'ascension brus({ue de ces glandes (du grec xpeaa'w, je suspends). Les faisceaux musculaires qui composent chacun des deux cré- mastères naissent, à droite et à gauche, de la partie interne du pli de l'aine et se terminent en formant autour du testi- cule du même côté une série d'anses d(jnt la concavité regarde en haut. ?]n marge du chapitre xxviii du livre V du manuscrit de la Bibliothèque nationale se trouve une liste de quinze phrases avec ce titre : Servalo in-ti' lib. Panorgiiim ad nuptiaSj et })armi elles : Les crémastères du taureau tant aimé de Pasiphaé (i). (i) Pasiphaé, fille du Soleil, femme de Minos, roi de Crète, et mère du Minotaure, monstre moitié homme et moitié taureau. ANATOMIE DESCRIPTIVE 69 (( De bled en herbe, apprend Paniirge à Panlagriiel (1. III, ch. Il), vous faictes belle saulse verde (1) qui dilate les vases spermatiques, abbrévie (r^) les crémastères, etc. » Les crémastères, comme une raquelle. La raquelle (par corruption du latin reliciiluni, diminutif de rele^ rets, réseau [Cazeneuve]) n'a pas changé de forme depuis longtemps. Elle donne non seulement une idée des contours et de la texture, mais encore des fonctions du muscle en question. Comme la balle, le volant, etc., s'élève et s'abaisse brusquement par le jeu de la raquette, chaque glande spermatique s'élève et s'abaisse rapidement })ar le jeu de son muscle suspenseur. Pantagruel a fait (1. II, ch. v) <( le blason et divise (3) des licentiés d'Aurelians (4), disant : Un esleuf i5) en la bra^uelle (6), En la main une laquelle^ Une loi en la cornette, (i) \'<'i'lc, (lu l;iliii riri'lis. {:>} iiaccouixil, ) A s;ilisr;iirf ses besoins ii.iturcls. 72 RABELAIS ANATOMISTE Villon les armes de France en paincture et lui disl : Voids-tu quelle révérence (i) je porte à tes roys françois ? Ailleurs n'ai-je leurs armoiries qu'en ce retraict icy près de ma selle percée. — Vous estes, respondit Villon, sage, prudent, en- tendu et curieux (2) de vostre santé ! Et tant bien estes servy de vostre docte médicin Thomas Linacer(3). Il (4), voyant que naturellement sus vos vieulx jours vous estiez constipé du ventre, et que journellement vous falloit un apothécaire, je dis un clistère, aultrement ne poviez vous esmeutir (5), vous afaictici aptement (6), non ailleurs, paindre les armes de France... Et Croy que si d'abondant (7) vous aviez ici en paincture la grande oriflambe («S) de France, à la vue d'icelle (9) vous rendriez les boyaulx du ventre par le fon- dement » (10). Le Martial des bords de la Vienne avait trop de bon sens pour approuver les excès studieux qui nuisent à l'action. Et, comme l'esprit ne saurait sedévelopper et s'accroître quedans un corps sain, mens sana in corpore sano, c'est dans un heu- reux équilibre des facultés morales et des facultés physiques (1) Respect, du latin reverenlia. (2) Soigneux, du latin ciiriosus. (3) Linacer, mort en i524, n'ayant pu être médecin d'Edouard V, et celui-ci n'étant pas roi d'Angleterre à l'époque du bannissement de Villon, il est certain qu'il y a ici confusion dans les dates et dans les person- nages. Un tel entretien a bien eu lieu, mais antérieurement, entre Jean, roi d'Angleterre, et Hugues le Noir, dont les plaisanteries sont demeurées longtemps proverbiales. M. Léopold Delisle l'a retrouvé dans un manus- crit du XIII'' siècle de la bibliothèque de Tours : Exempla clericorum (Léopold Delisle , Noies sur quelques manuscvils de la bibliothèque de Tours, 1868, in-8°, p. i3). (4) Celui-ci. (5) Aller à la garde-robe. Smal en anglais signifie saleté, ordure. Ainsi que le remarque Rabelais, la constipation est un des apanages de la vieillesse. (6) Justement, en latin apte. (7) En outre. (8) Oriflamme. (9) De celle-ci. (10) L. IV, ch. Lxvii. ANATOMIE DESCRIPTIVE yS qu'il a cherché lidéal de l'éducation. Après l'étude, l'élève de Ponocrates s'exerçait le corps comme *< il avoit son ame auparavant exercé », course à pied, sauts de haies et de fossés, équitation, voltige, escrime, chasse, natation, cano- tage en Seine (i), chant, tire à la butte et au papegai, etc., il n'était rien que l'écolier ne fît pour augmenter sa vigueur physique. Le jeu des muscles, les mouvements du corps et des membres ont été pour riniinortel écrivain une véritable mine à description. Il les a notés avec une de ces débauches de style qui lui sont familières, et où il est vraiment prodigieux par l'abondance des mots et les tours du langage. Les leçons du matin terminées, Ponocrates et Gar- gantua (2) « issoient hors (3), toujours conférants (4) des propos de la lecture et se desportoient (5) en Bracque (6) ou es (7) près, et jouoient à la balle, à la paulme, à la pile trigone(8), galantement (9) s'exerçants le corps comme ils avoient les âmes auparavant exercé. Tout leur jeu n'estoit qu'en liberté ; car ils laissoient la partie quand leur (1) Un si)Oi't doit ("'Ire un exercice de la souplesse, de la dextérité et de la lorce des muscles de l'homnie. Le canotage n'est en réalili' un spoi't que s'il y a manœuvre ;\ la voile et à l'aviron. Rabelais l'a énoncé avant moi. (2) Le chapitre dont j'extrais ces lignes (cli. xxiii, 1. I) est un de ceux qui ont l'ait dire à Guizot : « On ne m'entendra pas sans éton- iienient nommer d'abord Rabelais comme un de ceux qui ont le mieux pensé et le mieux parh' en fait d'éducation, avant Locke et Rousseau. » La Bruyère, Nisard, E. Chevalier, Geruzez, M. Compayré, etc., ont exprimé sous une autre forme la même opinion. (Geruzez, le Plulanjue français ; G. Co.mpayriî, Drs itléea de Rabelais en malière d'édncalion, dans Mémoires de V Académie des sciences, inscriplions el helles-lellres de Toulouse, 7« série; t. VllI, Toulouse, iHGG, p. 63 et suiv.). (3) .\.llaient dehors, soi-taient, du latin ire. (4) Traitant, s'entrelenant, du latin conferre. (5) Allaient, se transportaient. (6) Jeu d(^ paunu; du l'aubourg Sainl-Marceau, à Paris, ayaid pour en- seigne un chien l»ra ou mieux (h' <' g-ynuiasliiine en clunubrc ». (BnÉMONn, loc cil., Ganjonlua, note gy.) (il) An lieu, eu remplareuM'Ul. (r>) Di's exereices tTN uiiia^l i( pies, du l.iliii criTcildlio. (\'.\) 'ienue de l'iiueoiinerii'. la chasse pour hupielle luiseau est divssé yS RABELAIS ANATOMISTE temps de guerre escorts (i) et ja (2) endurcis au travail. Car venatio (3) est comme un simulachre de bataille, et oncques n'en mentit Xenophon, escripvant estre de la véne- rie comme du cheval de Troie, issus touts bons et excellents chefs de guerre. » Rabelais ne s'est pas borné à montrer tous les avantages qu'on peut retirer de la gymnastique ; il a fait pressentir aussi les inconvénients d'une trop grande sédentarité. Bri- doye avoue que « Feu M. Othoman Vadère, grand médicin, lui a dict que faulte d'excitation corporelle est cause unique du peu de santé et de brièveté dévie de touts officiers de jus- tice. » et les médecins de Pantagruel, immobilisé par des liens dans son berceau, préviennent son père « que si on le tenoit ainsi il seroit toute sa vie subject à la gravelle ». à voler d'autres oiseaux ou quelque autre sorte de gibier : // a haute cl basse vnlevie. — On appelait anciennement haute volevie la volerie du faucon sur le héron, sur les grues et sur les canards ; celle du gerlaid sur le sacre et sur le milan, etc. ; basse volerie, celle du laneret et du tier- celet du faucon qui volent la pie, la perdrix, etc. (1) Avisés, prudents, de Titalien scorlo. (^) Déjà. (3) Vénerie, en latin venalio. ANGÉIOLOGIE OU ETUDE DES VAISSEAUX Ouaresmeprenant avoit: Le cœur, comme une chasuble. Le médiastin, comme un guodet. Le rets admirable, comme un chanfrein. Les vènes émulgentes, comme deux glyphouéres. Les artères, comme une cape de Biart. Les vènes, comme un châssis. Les adénes, comme une serpe. Le sang bouillant, comme nazardes multipliées. Le cœur, comme une chasuble. Le cœur, rorgane central de la circulation. C'est un muscle creux et d'un rouge foncé. La chasuble est un ornement sacerdotal dont la l'orme s'est modifiée depuis le moyen Age. .Jadis c'était une espèce de long sac brodé d'or, rouge à l'extérieur, blanc à l'inté- rieur, dont le fond était ouvert pour laisser passer la tête et les côtés relevés ])()ur prrniclli'clcs niouvcmenls des bras. Elle se retournait et se portait le rouge en dehors, le jour des fêtes des Martyrs. Les pans antérieur et postérieur de celte chasuble, soutenus par les avant-bras fléchis, rapjieilcnl la forme du coCur (i), et l'enlre-croiscment — pt en sept pour arriver à Tannée climalérirpu'. (5) La veine cave inlV-iiciur. (6) A.i. (7) Le \rnlriridc (h'oit. (S) Vax \;i[in iiifdidsliniis, fait île /?jcr/mm, milieu. 11 y a d<'ux uK'diasIins : un sitm'' en avani de la l'acine d(>s poumons et (pii coidient lec(eur, «•"es! le métlittslin mili'rii'iir : un siiiu'' en arrière de cflle racine, c'est le mrdidslin jioslcrii'ur «pii l'enfi-rnie I ;Htrle, i'n'>opli;ige, etc. Les deux nu'diaslins correspondeul, i'iui et Tiiuli'c.ni |il;iu xcrlirjj médian de la poitrine. Par mé-diastin on i-idendait Lrt'-néi-alenienI autrefois le méiliaslin nnlrricnr. 82 RABELAIS ANATOMISTE fut csprins (i ) de témérité qu'il voulust résister de face à Frère Jean, la montroit il la force de ses muscles, car il leur transperçoit la poitrine par le médiastin et par le cœur ». Giiodet, <( petit vaisseau rond, dit Furetière, qui n'avait ni pied ni anse et dont on usait autrefois pour boire ; c'est la même chose que gobelet ». (( Enfants, buvez à pleins guodets, » lit-on dans le pro- logue du livre III. La ressemblance du médiastin et dun guodet apparaît nettement sur la coupe transversale du thorax dessinée plus loin. (Voy. Splanchnologie, appareil respiratoire. Laplèvre^ comme un bec-de-corbin.) Le rets admirable, comme un chanfrein. Le rels admirable ou merveilleux est un réseau formé à la base du crâne par l'anastomose des vaisseaux à sang Le rels admirable, comme un chanfrein. rouge qui se rendent au cerveau. C'est dans ce réseau que, (i) Pris. ANATOMIE DESCRIPTIVE 83 pendant quinze siècles, « les philosophes et les médicins ont affirmé les esperits animaiilx sourdre, naistre et practi- quer par le sang artérial purifié et affiné à perfection ». (L. III, ch. xiii)(i). D'où les épithètes d'admirable, de mer- veilleux, dont il a été qualifié si longtemps. On l'appelle maintenant Thexagone artériel de W illis. Chanfrein. Le chanfrein est une pièce de fer qui garan- tissait le front, l'entre-deux des yeux et les narines du cheval de guerre. A l'arc triomphal dressé par Pantagruel, en mémoire de ses prouesses et de celles de ses officiers, étaient suspendus (( une selle d'armes, un chanfrein de cheval, des espé- rons, etc. ». La comparaison de Rabelais vaut celle de \\'illis (2). Les vènes émulgentes, comme deux glyphouères. Les vènes émiilf/enles^ les veines des reins : du lalin emalgere^ épuiser à force de tirer. Les vènes émulgenles, comme deux gujpolntèrex. (1) I.r nls (»ii Irsprit vital est faict esprit niiimal, ■> dit A. Paré. (-2) Le cliaiirn-iii rcprésenlr ci-dossus est du xis" si«''clr. (Voy. à la Mi- bliolh. nat. les manuscrits : (ioilcfroi/ il,- Buuillon [preniiùrc année du Xiv° sièclr] cl le Miroir hislorial [Mu du xive siècle].) 84 RABELAIS ANATOMISTE Glyphoiiercs, olyphoires. Dans la Tourainc et dans le Berry on nomme encore glyfoire, glifoire, clifoire, et aussi tic-foire et flictoire, et, clans le bas Poitou et la Saintonge, flictoère une petite seringue fabriquée par les enfants avec une branche de sureau (i). Les veines rénales ou émulgentes ont à peu près le calibre, la longueur et la forme cylindrique des gly- phouères. Elles reçoivent généralement les veines capsu- laires moyennes. FJans la veine rénale gauche se jette nor- malement la veine spermatique chez Thomme et la veine utéro-ovarienne chez la femme. Les artères, comme une cape de Biart. Les artères sont les vaisseaux qui charrient le sang rouge du cœur à tous les organes. « Panuro'e distà Pantagruel : le canu* me bat dedans le corps comme une mitaine (2). Touchez un peu mon pouls, en ceste artère du bras gausche (3) : à sa fréquence et élévation (4), vous diriez (pion me pelaude (5) en ten- tative (()) de Sorbonne ». (L. 111, ch. xi.) (1) Glyphouèi'os, <' lïociili fevia. On appelle, dit Le Ducliat, clifoire en Anjou et à Bourges ce qu'on appelle à Paris une calonnière et en Normandie une saquebute, ce cpii est un petit canon de sureau avec lequel les petits enfants et les badins jettent de l'eau au nez des passants. " (\ oy. Ménage au mot Clifoire.) — « L'étymologie que donne Le Ducliat de ce mot, observent d'autre part, avec raison, Esmangart et Johanneau, est ridicule ; glyphouère ou glifoire vient de cliquer en foirant; calonnière est pour canonnière, et sacpiebute vient de saquer, tirer, et de but, tirer au but. » (2) Dans les anciennes noces poitevines, les convives, avant de se. séparer, se frappaient à coups de poing avec les mains garnies de gros gants fourrés. Voy. les Noces de Baschc, 1. IV, ch. xii. Dans le Printemps de Jacques-Hiver Poitevin, p. 38o, Lyon, i58o, et dans le Grand Tesla- menl de Villon, il est également fait mention de cet usage : Mitaines à ces nopces telles Bienheureux que rien n'y a. (Vn lon \ (3) L'artère radiale où on palpe le pouls. (4) Toutes les émotions morales modilîent le i)ouls. (5) Houspille, dispute, contredit. (6) Le premier acte (thèse) pour les grades de théologie. Allusion à ANATOMIE DESCRIPTIVE 85 Cape de Biart, eape de Béarn, cape à capuchon. Cette cape est presque toujours de couleur rouge. « Celle de la mère de ma bonne qui est née dans le village béarnais de Maumour était rouge, m'a écrit, le 28 mai i8()8, mon savant ami M. le D"^ Dureau, bibliothécaire de l'Académie de médecine; celle de sa grand'mère et celle de son aïeul étaient également rouges. Maintenant le tissu de cette cape étant souventà côtes, c'est bien un système artériel. » Un récent voyage que je viens de faire à Pau me permet de confirmer ces dires. Les Basquaises portent le foulard ou le mouchoir, les Béarnaises la cape à côtes qui, de rouge qu'elle était primitivement, tend à devenir brune ou noire. La cape de Béarn a été importée à la Cour de France par Henri IV. Les vènes, comme un châssis. Les veines sont les vaisseaux qui ramènent au cœur le sang noir de tous les organes. « Puisque de cestui endroict ne peulx sang de vous tirer, je vous saignerai d'aultre vène, » répond Panurge aux phi- losophe TroLiillogan. (L. IH, ch. xxxvi.) Châssis, « se dit d'un métier sur lequel a été tendue de la toile ou de l'étoffe pour broder, ou des réseaux pour y faire des dentelles ou autres ouvrages. » (Furetière.) « Sans le pantagruélion (le chanvre), de quoi l'eroit-on châssis? Comment sonneroit-on les cloches? etc. » (L. 111. ch. LI.) Les vaisseaux sanguins et lynq)hali(jues s'anastomosent en formant des réseaux à mailles plus on moins lâches et plus ou moins larges. En anatomie on dit : un réseau ai'léricl, vciiiciix, cjipill.iirc, i\ iii|iha(i(jn(\ les niailles (hi lissii \;isciilaire, etc. lY'fîil où Sf* Irouvjiit m Scs ti-oncs de terminaison des vaisseaux lymphatiques (canal tho- ra(i(pie et i.Mande veine lynq)halique droite) n'ont été découverts qu'après i.V):> par Knslachi et SIénon. Wharlon a prétendu que les amygdales étaient les organes du goid et que la salive ou lunneur pituiteuse qu'elles fournissaient leur venait du cerveau par les nerfs. i> On voit au-dessous de ces aniigdales deux autres glandes situé(!s à la région inférieure du larinx, une de chaque côté, tout auprès de cpiel- ques-uns des premiers amieauv de la trar que les démoniaques sont des épilepti-ci. {7i) .Nature, convenance, du latin compelere, coiiNcnir. (G) Celles-ci. {7) La casse est le fruit (gousse) du Cassia /islula, grand arbre de la famille des Légumineuses. On dislingue en pliai'uiacie : la cass(" en canon ou en l)Aton, (pii n'est auli-e chose (pu' le fruit à son étal nalnicl : la casse en noyaux ((iie l'on ()l)li<'nl eu ratissa ni l'intc-i'ieur du IVuil; la casse nutnd(''e qui <'st la pulpe de ce fniil que l'on a s<''|>ai(''e des noyaux; enlin la casse cuite, (|uand elle a t'-li' nièlé-e avec ilu suc sur un l'eu doux. La pidpe de casse est légèrcnirnf laxative. 90 RABELAIS ANATOMISTE sommier de gaïac (i), les marchettes (a) de rheubarbe (3), le suppied (4) de turbith, le clavier de scammonie (5). (( Furent les lépreux introduicts ; elle leur sonna une chanson ; furent soubdain et parfaictement guaris. Puis les empoisonnés ; elle leur sonna une aultre chanson, et gents debout. Puis les aveugles, les sourds, les muts (6) et les apoplectiques de mesme. » Quaresmeprenant était-il scrofuleux? On Fadmettrait d'autant plus volontiers qu'avec son chapelet cervical gan- glionnaire, son corps étique, ses boyaux rétrécis, il avait le ventre proéminent des enfants qui ont le carreau et les yeux chassieux. Ce qui est certain, c'est qu'il était syphili- tique. (Voy. Anatomie des formes : // avait le ventre à (i) Le gaïac, Gayaciim officinale, arbre delà famille des Rutacées dont le bois, récorce et la racine sont employés comme sudorifîques et dépu- ratifs. (2) Les touches. (3) Plante de la tamille des Polygonées dont la racine a, selon la dose, un effet tonique ou purgatif. (4) La pédale, du latin siib pede. (5) La scammonée est une gomme-résine extraite du Convolvnlus scam- monia. Elle appartient à la famille des Convolvulacées et renferme un principe purgatif très énergique. (6) Muts ou mutes, muets, du latin mulus. Remarquons la composition de ces orgues : Les tuyaux estoient de casse en canon. La casse était sous la domination de Jupiter ainsi que les côtes, l'esto- mac, les intestins, les bras et le sang. (Voy. C. Agrippa, Philosophie oc- culte, 1. I, ch. XXII, ) Le sommier de gaïac. Le santal, l'ébène, le gayac étaient sous la domination de Mars ainsi que les veines, les reins, les fesses et le dos. Les vertus antisyphilitiques de l'huile de gaïac ont été découvertes en i502 par les Espagnols, et le célèbre guerrier Van-Hutten, guéri par cette huile, l'a recommandée dans un ouvrage publié en iSig qui a fait grand bruit en Europe. Le gaïac a été appelé ligmim vilse. Les marchettes de rheubarbe. La rhubarbe était sous la domination de la lune, ainsi que le cerveau, le i)Oumon, la moelle épinière, les menstrues et tous les excréments. Le suppied de turbith. S'agit-il ici du turbith végétal, racine du Convnhnihis lurpelhum, appar- ANATOMIE DESCRIPTIVE qi poulaines; le mirach, comme un chapeau albanois; les œils, comme un eslui de peignes; le r..., comme un miroir crijslallin.) Quoi qu'il en soit, si on place — comme je le fais — le dessin d'un reptile à côté de celui d'un ganglion lympha- tique cervical avec ses vaisseaux afférents et efférents, tel (ju'il est représenté dans un traité d'anatomie moderne, puis le dessin de plusieurs reptiles à côté de celui des « con- duits lymphatiques et des glandes du col », tels qu'ils sont représentés dans l'ouvrage de Jacques Henri Pauli, c'est-à- dire peu de temps après la découverte du canal thoracique, on sera surpris de voir que, même chez un individu sain, la comparaison de Maître François est exacte. tenant à la même l'amille ({ue la scammonée ou du lni'l)ilh minéral ? Cette ('numération, qui ne comprend que des plantes, donne lieu de cr()ir<' qu'il s'agit du turliitli végétal. D'un autre coté, il est nott'' dans la Pliilos()j>hie occulle d'Agrippa : que le turbitli, composition alcliinu'que de intre et de vil'-argeid, l'esprit de vie des vénériens, était sous la donu" nation de Vénus, ainsi que les membres génitaux, la chair, la graisse, le ventre, le nond^ril, l'os sacrum et les lombes. Le clavier 3e scammonie. La scammonée était sous la domination tle.Marset de Saturne, qui pré- sidaient au l'oie et à la partie charnelle de la poitrine. Des orgues fabri(iuées avec ces différentes plantes possédaient, par consécpient, les propriétés curatives de ces plaides, et les sons se char- geaient de les transmettre aux parties malades, d'après Agrippa. " Isménie guérissait par les chants les plus gi-aves maladies. » {Philosophie occulle, 1. Il, eli. wiv.) « Le chant aitiliciel, soit de cordes, soit de llùtes, soif naturel de la voix, pthièti'e juscpianx plus intimes profondeurs ilu cceur et de l'âme, remue les nuMubres et purge les humeurs du corps. Démocrite enseigne que beaucoup de maladies humaines sotd guéries |)ar le son des flûtes. » {lùulem loco.) Des flùt<'s, dit Rabelais, mais j)lns il y en a, mieux cle, ini orgue form«'> d'un gi-arid iioiid»re de llùtes. Et c'est ici que sa malice se montre dans toute sa finesse. Touti's les llùtes sont conq)os<'es de telle sorte (pi'oii y retrouve les laxa- tifs, sudoriliipies, all<'i-.iids, dr-pural ils cl Ioniques desliiH-s aux |>aiivres iii;il;ides et sui-tout à ceux anxcpnds il a donné dans ses prologues la qualilicafion de Irèa précieux. (\'oy. l*h. Dvc.hot, Iilude surin ijuinlessence et la miujie. Inc. cil. siiprà, p. i(>.) f)2 RABELAIS ANATOMISTE Le sang bouillant, comme nazardes multipliées. Le sang, la chair coulante de Bordeii. Nazardes, chiquenaudes sur le nez. C'est un homme à nasardes, qui mérite des nasardes, dit-on familièrement. Nasarder, donner des nasardes. Dans les Enfers. « Tous les chevaliers de la table ronde estoient pauvres gagne-deniers, tirants la rame pour pas- ser les rivières de Cocyte, Phlegelon, Styx, Acheron et Lethe (i). Mais pour chascune passade, ils n'en ont que une nazarde, et sur le soir quelque morceau de pain chau^ meni (2). » Que le ciel affrontant, je nasarde la lune (M. RÉGNIER, Satire XI.) « Les esprits animaux, selon la différence de leur mouve- ment ou influence, dilatent, a noté Diemerbroeck, ou res- serrent plus ou moins les orifices du cœur, c'est-à-dire de ses ventricules ; d'où il s'ensuit que, dans les passions de l'âme, le sang entre plus ou moins facilement dans le cœur et en sort de même, et c'est de là que procèdent pour lors les différents changements des pouls ; et que, dans les grandes terreurs, on sent des palpitations de cœur ; dans la tristesse des constriclions avec un pouls petit ; dans la joye une agréable chaleur aux environs du cœur avec un pouls gai et vigoureux. » (Diemerbroeck, toc. cit. supra, t. II, p. G2.) Quaresmeprenant avait le pouls battant à petits coups (1) Rivières ou plutôt lleuves des Enfers. Le Cocyte (du grec xor/.jtdç, pleurs, larmes, dérivé de xoxûw, je pleure, je me lamente) était formé par les pleurs des méchants ; le Phlégéthon (dn grec 9)v£yw on oXeyeÔco, je brûle), roulait des torrents de flammes; le Styx faisait neuf fois le tour des Enfers; l'Achéron (du grec âx^oç, douleur, et poo?, fleuve) était le résultat du changement en fleuve d'Achéron, tîls du Soleil et de la Terre, qui avait fourni de l'eau aux Titans; le Lethé (du grec Xtjôtj, ovdjli) donnait l'oubli du passé à ceux qui buvaient de ses ondes. (2) Pain dur et grossiei-, plein de chaume ou paille; du latin calamus. On disait aussi chaumoisi. ANATOMIE DESCRIPTIVE ()3 d'un homme jeûnant depuis longtemps et « plourant les trois parts du jour ». Physiologie. — Dans le chapitre ivdu livre III, qui est, on le sait, un résumé succinct de la première thèse de licence de Rabelais, on lit : « La vie consiste en sang ( i ) : sang est le siège de Tame (î2) ; pourtant (3) un seul labeur poine (4) en ce monde, c'est for- ger sang continuellement. En ceste forge sont touts membres en office propre (5)... La matière, et métal (6) convenable |)oui' estre en sang transmué (7), est baillé (8) par nature : pain et vin. En ces deux sont comprinses (9) toutes espèces de aliments. Pour icelles (10) trouver, préparer et cuire, travaillent les mains, cheminent les pieds « L'appétit admoneste (11) d'enfourner viande. La langue en fay ressay(i2); les dents la maschent; l'estomach la reçoit, digère et chylitie. Les vènesmésaraï(jues (i3) ensuccentcequi esl bon et idoine (i4K délaissent les excréments, lesquels })ar (I) Olez le sang, la vie cesse. (■2) (Juin anima in sani/uine esl. L'âme de la chair est dans le sang. (Lrrili(jii(\ xvii, 2.) Enipédocle a placé le siège [de Tàme dans le sang et Pline {Ilisl. nal.,]. ii,cli.''|i)) dans le (•(eui-. Sanfjninein vomil ille anitnam, lit-on dans V Enéide: ce cpie le D' Bréniond Iradnit par: « il vomit son âme de sang. » (3) Ponr cela, pour (('Ile raison. (4) Peine. (5) En ce labiuir cliaciue mendjre a son office propre. (G) Le mot nu'tal tl«''signait autrefois loul corps liestiné à tMre travaillé. (7) Changé, du latin Iransmularc. (8) Donné. (9) Comprises. (10) C(dles-ci. (II) Piv'-vicnl, i]ii latin mlntoiici'r, l'oriiH- de ad augnu-ntalif cl nwncn\ a\iTlii- ; avci-tii- luriiMiicut . (12) La langnt; esl le priucii)al organe du i.i:<>ùt. (i3) Les veines intestinales contenues dans le uiéseutère, du grec [Aîaocûatov, le mé-scntère. (l'i) Utile, (■«Mivenable, du l;iliii idonciis. .. L(>s vciui-s ni('"^araïqiu'S pi'épar<'nl le r|i\|c d (ionui'td iduiuif «pu-lquc (•(luiuicuci'un-id au sang.» (S.vfVAUKO.N, Des j)arlics naliii elles, [G\G.) 9-V RABELAIS ANATOMISTE vertus expulsive sont vuidés hors par exprès contluicts (i) ; puis la portent au foye ; il la transmue derechef (2), et en faict sang (3)... Puis est transporté dans une aultre offi- cine (4), pour mieulx estre affiné (o) : c'est le cœur, lequel, par ses mouvements diastoliques (6) et systoliques (7), le subtilise et enflambe (8), tellement (9) que par le ventricule dextre (10) le met à perfection, et par les vènes l'envoyé à touts les membres. Chascun membre l'attire à soy, et s'en ali- mente à sa guise : pieds, mains, yeulx, tout. Par le ventricule gausche il le faict tant subtile, qu'on le dict spirituel, et l'en- voyé a touts les membres par ses artères, poui'l'aultre sang des vènes eschauffer et esventer (11). Le j)oulmon ne cesse (1) Je laisse momentanément de côté tout ce qui a trait aux fonctions des autres appareils organiques qui seront étudiés plus loin. (2) La transforme, la modifie de nouveau. (3) Pour Hippocrate (1. IV, des Maladies), Platon {le Timée) et Aristote (ch. II de Vllisl. des anim.; 1. II, eh. i, et 1. III, ch. m, Des parties des animaux), le sang était engendré parle cœur, et pour Galien (I. V, ch. xii et XVII, et 1. I, ch. xvi de VUs. des pari. ; 1. VI, ch. iv et v des Senl. d'Hippocr. et de Plat.), Vésale, Columbus, Picolhominus, Carpus, Bau- hin, Joubertus, et une infinité d'autres, tantôt par le foye, tantôt par les veines, tantôt par les deux. « L'action du foye est, dit Ambroise Paré, de tourner le chylus en sang : qui est la seconde coction. Car, bien que le chylus commence à prendre couleur de sang dès cju'il est tombé dans les veines mésaraïques : toutefois il n'acquiert point la vraye forme et haute couleur de sang tant qu'il ait esté élabouré au foye. » {Les Œuvres d' Ambroise Paré ; Paris, i658, p. 114.) (4) Retraite, lieu, du latin offîcina. (5) Purifié. (6) De i-elâchement, du grec oiaaTE'XXu), je sépare, j'ouvre. (7) De contraction, du grec au(jr£X).o), je contracte. (8) L'enflamme. Le cœur était considéré jadis comme la source de la chaleur et de la vie. « Le cœur est une cavité sinueuse, a dit Pline {Hisl. nal., 1. XI, ch. lxix) ; en lui se trouve le premier foyer de la chaleur et du sang; l'àme y réside.» — «Il est ridicule, a objecté Riolan à Guill. Harvey,de dire que le cœur reçoit du sang la [chaleur et la vie, puisqu'il est lui-même le foyer de la chaleur et de la vie, et que c'est de lui que toute chaleur du sang résulte. » — « Le sang tombant dans les ventri- cules du cœur y est enflammé et raréfié par le feu qui est naturel à ce viscère, » a écrit Franc, de Boë Sylvius. {Disputât, med. thesaur., i5-i6.) (9) Si bien, de telle sorte que. (10) Le ventricule droit. (11) Suivant Galien, l'esprit du sang spiritueux (artériel) était formé ANATOMIE DESCRIPTIVE f)D avecques ses lobes et soufflets le refraischir (i). En reco- gnoissance (2) de ce bien, le cœur lui en départ (3) le meilleur, par la vène artériale (4). Enfin, tant est affiné dans le rets merveilleux, que par après (5), en sont faicts les esperits animaulx (6), moyennant lesquels elle ima- gine, discourt, juge, résoult, délibère, ratiocine (7), et remémore (8). » Sauf une omission f(jrt importante, les lignes ci-dessus sont une synthèse parfaite de la théorie galéniste du cours du sang dans les vaisseaux. L'auteur n'a pas parlé des j)ertuis de la cloison interventriculaire au moyen desquels s'opérait, croyait-on autrefois, le passage du sang vei- neux du ventricule droit dans le ventricule gauche. Cette omission est-elle voulue ou involontaire? Elle est au moins singulière. Comparons aux })assages de Rabelais que nous venons de citer ceux du Chrislianismi resliliilio (9), dans lequel Michel Servet a fait la première fois mention de sa décou- verte de la circulation pulmonaire. Michel Servet affirme positivement que : « L'esprit vital tii'e son origine du ventricule gauche du cœur et que les poumons contribuent à sa perfection «jue les poumons au moyen de l'air ins})iré donnent au sang plus d'élaboration et d'aflinement. » Il ajoute de plus que « le sang est porté dans Ir vcutriciilc triiuche, et ce sanp^ était seul propre» à la consenalioii de la chaleur nalurelle lluente ». — « Dans le ventricule g-auclie, dit Dic- nierbroeck, le sang se fermente de nouveau, se dilate, se rend spiritueux et acquiert sa dernière perfection. » (Diemerbroeck, loc. cil. suprù, p. 94.) (1) Rafraîchir. (2) RecoiMiaissance. (3) Lui en fournit, du latin /iurliri, diviser, distril)tier. (4) Artère pulmonaire. (5) Qu'ensuite. (6) Les esprits animaux. Pour détails complénuMitairrs sur les cspi-its animaux et vitaux, voy. plus loin Xécrolotjic. (7) Raisonne, du latin rdliorinari. (8) Se rappelle, du latin rcmcmoittri. (9) Daniel Leclerc et Eloy, Biographie médicule, t. 1, p. 221 ; Paris, i853. 96 RABELAIS ANATOMISTE par la veine artérieiise (1) du ventricule droit du cœur dans les poumons que les rameaux de la veine artérieuse le versent dans ceux de l'artère veineuse (!2) avec lesquels ils communiquent; que le sang est attiré de Tartère vei- neuse dans le ventricule gauche du cœur dans le temps de la diastole ». Enfin « que l'esprit vital ou le sang affiné dans les poumons est distribué du ventricule gauche dans les artères de tout le corps, et que la portion la plus ténue passe vers les j)arties supérieures où cet esprit de vital qu'il était commence à devenir animal. » Il y a certes loin de la [physiologie de Rabelais à celle de Michel Servet; « cependant on ne peut moins faire, observe M. le D'" Paquelin (3), que d'être frappé de l'air de parenté qu'elles ont entre elles tant au point de vue du fond que de l'expression même. « Michel Servet étudia d'abord le droit à Toulouse puis la médecine à Paris en 1 430 et à Lyon en i535, époque où il publia une édition très estimée de la géographie de Pto- lémée. Quand il se rendit à Paris, il habitait Lyon depuis plusieurs années, et par conséquent s'y trouvait en même temps que Rabelais y enseignait l'anatomie sur le cadavre. « Enfin le Çhristianismi reslilulio a paru plusieurs années après Pantagruel. » De ces données, M. Paquelin croit avoir le droit de conclure sans trop s'avancer que « Michel Servet a été le disciple de Rabelais et que c'est à son enseignement verbal ou écrit qu'il a puisé les notions (|ui lui ont permis d'apporter son contingent de faits à la solution de la question qui préoccupait alors si vivement les esprits ». Parmi les vaisseaux à sang rouge cités dans Gargantua et Pantagruel^ j'ai indiqué l'artère pulmonaire, l'artère (1) Artère pulmonaire. (2) Veine pulmonaire. (3) Paquelin, la Revue de lillcraltire médicale, 3" année, n» 19, p. 449' octobre 1878. ANATOMIE DESCRIPTIVE 97 radiale, riiexagonc artériel de Willis, et, parmi les vaisseaux à sang noir, les veines mésaraïques etles veines émulgentes. Ce ne sont pas les seuls. Dans la bataille de Lerné, « Forgier atteinct Marquet de son tribard (i) par la joincture eoronale (2) de la teste, sur l'artère crotaphique (3) du costé dextre (4) ». Frère Jean des Entonimeures prisonnier «. terut (5) de son bracquemart (6) l'archer qui le leufjit à dextre (7) lui coupant entièrement les vènes jugulaires et artères sphagitides (8) avec le gargaréon (9) jusques es (10) deux adènes ». « L'estrange nativité » de Gargantua a fourni à Rabelais l'occasion d'une description des veines cave supérieure et inférieure qui ramènent au cu'ur droit le sang impropre à la nutrition. <- Des cotylédons de la matrice, par lesquels sursaulta l'enfant, il cuira dans la vène creuse (11), et gra- vant (i!i) par le diaphragme jusques au dessus des espaules où la dicte vène se part (i3) en deux, print (i4) son chemin à gausche et sortit |)ar l'aureille senestre (i5). » Les veines des organes de la génération émanent des veines rénales et celles-ci de la veine cave inférieui'c qui se (i) Gros et courl l)àlon dont les ci'ocheteui's cl autres gens de i)eine se servent encore pour se reposer. (•>) Suture fronto-pariétale. (3) Artèi-e de la tempe, lartère temporale, du grec /.pxa^oi, tempe. (*) Du côté droit. (5) Frappa, du \n\in feritr. ((i) Ki)ée eoui'te et large iiu'oii porhiil antiTlois le long de l;i cni-^sc iMi grec ppa-/_£!a, iii/%:p:c^ (•(iiirlc (''Imm". (7) A droile. (8) Les artères de la gorge, lesai-tères caroliilcs; du grec ^pavr;, gorge. {[)) La luette, du grec yapyapswv. (10) Aux. (11) Les veines cave supérieure et inlerieure étaient tlésignées aulrelois sons le nom de veine creuse. (i->.) .Montant, gravissant. (\'.i) Se divise. (1/,) Prit. (i:>) naucJH', du latin sinishr. 7 98 RABELAIS ANATOMISTE dégage dans le cœur droit. La veine cave supérieure se di- vise en deux troncs, dits troncs veineux brachio-céphaliques, auxquels aboutissent les jugulaires internes et externes qui reçoivent les veinules des oreilles. Un corps étranger charrié par le sang de la veine cave inférieure ne peut parvenir à l'organe de l'ouïe sans passer par les poumons, le cœur gauche et les artères du cou. Au XV® siècle, avant la découverte de la circulation pulmonaire, on croyait le contraire. Gargantua, sorti du sein de sa mère, a donc cheminé d'abord, selon Maître François, dans une des veines utéro-ovariennes, puis dans une des veines ré- nales, la veine cave inférieure, l'oreillette droite, la veine cave supérieure, le tronc veineux brachio-céphalique gauche et l'une ou l'autre des veines jugulaires qui en émane. Remarquons incidemment que le docte romancier a fait judicieusement s'engager l'énorme fœtus dans le tronc vei- neux brachio-céphalique gauche, qui est plus large que son homologue du côté opposé. Le savant écrivain a omis, il est vrai, les veines jugu- laires, mais il en a parlé et précisé les rapports, je le ré- pète, dans le chapitre XLiv du même livre. Quant aux veines caves, il a connu non seulement leurs connexions, mais encore leur structure, puisqu'il a signalé, on ne l'ignore pas (voy. le cœur, comme une chasuble), la présence, à l'embouchure de l'une d'entre elles dans le cœur, de la valvule en crois- sant à laquelle Eustachi doit sa célébrité. Dans les tubes de la fontaine fantastique « il y a, dit Bacbuc à Pantagruel, une quintuple infoliature mobile à chascune rencontre inté- rieure, telle qu'est en la veine cave on (1) lieu qu'elle entre le dextre (2) ventricule du cœur » (3). (i)Au. (2) Ventricule droit, du latin dejcler. (3) L. V, eh. XLii. SPLANCHNOLOGIE OU ETUDE DES VISCERES APPAREIL DIGESTIF TUBE DIGESTIF Quaresmeprenant avoit : Les maschoires, comme un goubelet. Les dents, comme un vouge. De ses telles dents de laitct vous trouverez une à Colonges-les-royaulx, en Poictou, et deux à la Brosse en Xaintonge, sus la porte de la cave. Le palat, comme une moufle. Le isthme, comme une portoire. La luette, comme une sarbataine. Le gaviet, comme un peloton destouppes. Lestomach, comme un bauldrier. Le pylore, comme une fourche-fière. Les boyaulx, comme un tramail. L'intestin jeun, comme un daviet. L'intestin borgne, comme un plastron. Le colon, comme une brinde. Le boyau c..., comme un bourrabaquin monachal. ANNEXES DU TUHK DIGESTIK La salive, comme une navette. Les amygdales, comme lunettes à un œil. Le foye, comme une besaguë. Le fiel, comme une doloire. La râtelle, comme un courcaillet. Le siphach, comme un brassai. Le mésentère, comme une mitre abbatiale. lOO RABELAIS ANATUMISTE Dans cette énumération ne figurent pas l'œsophage ni le pancréas. Mais llabelais a parlé incidemment ailleurs de l'œsophage. Quant au pancréas, l'auteur de Pantagruel n'a pu attacher une grande importance à cette glande dont les conduits excréteurs ont été découverts, chez l'homme, en 1622 par Wirsung, et les fonctions déterminées, seulement en 1848, par Cl. Bernard (1). TUBE DIGESTIF Les maschoires, comme un goubelet. La cavité buccale limitée en haut par le voile du palais, en bas par la langue, en arrière par l'ouverture du gosier, peut être comparée, quand les mâchoires sont rapprochées, au petit vase sans support et sans anses dont on se sert pour boire ou pour escamoter, faire des tours de passe- passe. « Pour rappareiller un gobelet d'or pour monseigneur d'Anjou, lequel gobelet estoit faict en manière d'un lon- nel, etc., 8 1. p. » {Comptes cl Etienne de la Fontaine, i532.) Panurge avait *< tout plein de petits goubelets, dont il jouoit fort artificiellement : car il avoit les doigts faicts à la main comme Minerve (2) et Arachne (3), et avoit autrefois crié le thériacle (4). » (L. II, ch. xvi.) (1) Anibi'oise Pai-r, (jui eu fait mention, avanC(' qu'elle est située « à rentour de la veine i)orte pour lui être comme coussinet et conservateur de ses divisions, en remplissanl les vacuités qui sont entre icelles, et pour défendre que par violents mouvemoils ou cheutes telles divisions ne soient rompues ». (2) Minerve, fille de Jupiter, déesse des beaux-arts et de la sagesse. (3) Aracliné. Très habile brodeuse qui fut changée en araignée (en grec apâ/^vr,) par Minerve (ju'elle avait jdéfif'e. (4) l^a thériaque, sorte dopiat composé de douze substances : le vin d'Espagne, la valériane, les pétales de rose, l'opium, le suc de réglisse, la chair de vipère, etc. La thériaque a été donnée comme un spécifique ANATOMIE DESCRIPTIVE lOl Les dents, comme un vouge. De ses telles dents de laict vous trouverez une à Colonges-les-royaulx, en Poictou, et deux à la Brosse, en Xaintonge, sus la porte de la cave. Vouge signifie dard, pique, épieu de chasse. Ce terme s'applique à la fois aux dénis incisives et canines, pointues et tranchantes comme un dard et une lance, et aux molaires massives, hérissées de cuspides (i) comme un épieu. La pique appelée vouge, qui est une des plus anciennes armes suisses, a été fort en usage autrefois. Au xv*^ siècle, il y a eu en France tout un corps d'infanterie nommé voiil- giers. Une vouge autrichienne, datant de U\ Jac(pierie (iG2o-i()25) et fabriquée avec un soc de charrue, mesure Go centimètres de longueur. (Collect. Az, à Lintz.) Sus la porte de la cave. Rabelais entend probable- ment |)arh'r (\c dents d'animaux fossiles qui, à son éj)oque, servaient d enseignes à des cabarets dans les deux hjcalités qu'il désigne. Si les dents de lait de Quaresmeprenant étaient si grosses, quelles dimensions devaient donc av(nr celles (jui les ont remplacées? Prodigieuses! A[)rès tout, })our(pioi pas?... Les jeûneurs ont les dents longues, dit un vieil adage. « Poui' ceste heure j'ai nécessité bien urgente de re- paislic, dit Panurge : dents aiguës, ventre vide, gorge sei- che, appétit strident, tout y est délibéré. » (L. 11, eh. ix.) L liMiiiiiic a plusieurs espèces de dents. L'illustre roman- cier les nomme : Dans la lutte entre Oudart et les chicanons, un des recoi-ds a « la man(lil)nle supérieure (•>) démanchée conn'c tous les venins. On la prr'parail jadis solcnnclItMiH'nl . Au dii'o lie -Maîln- Alherlus (dont la |)lac(; .Maidii-ii, à Pîii'is, porte encore le nom), clic n'a ac((nis toutes ses propriclcs (juau bout de douze ans. Du grec Orîp, Or.pdç, bête veiiinuMisc, et (xy.£0|Jiat, je guéris. (i) Du latin ctisiiis, pointe. (:>) F. a niàclioirc supcricui-c, du latin luniuiihiilti. l'ait de niamlcri-, inaui,''ei-. niàclicr. 10"2 RABELAIS ANATOMISTE de modo (nrdlc lui couvroit le menton à demi, avecques dénudation de la luette et perte insigne des dents mo- lares (i), masticatoires et canines. » Les dents sont constituées par une substance ossiforme, Tivoire ou dentine recouverte d'émail. L'ivoire est creusé d'une cavité qui contient une matière pulpeuse dont les ramuscules vasculaires et les fdets nerveux émanent des vaisseaux et des nerfs des mâchoires. c( Entre leurs dents les éléphants, dit Rabelais, ont deux grandes cornes, ainsi les appelloit Juba (2) ; Pausa- nias (3) dist estre cornes, non dents; Philostrate (4) tient que soient dents, non cornes : ce m'est tout un, pourvu qu'entendiez que c'est le vrai ivoire (5). » C'est de l'ivoire; les défenses desproboscidiens ne sont, en effet, que des dents modifiées. La matière pulpeuse des dents est très sensible et, dans la carie, son irritation par l'air ou un corps étranger cause une douleur insupportable. En nous racontant com- ment Gargantua mangea en salade six pèlerins << et les déni- gea (6) des meubles de ses dents » avec un cure-dent fait (( d'un noyer grollier (7) », Rabelais nous instruit également de cette particularité. « Par malheur, remarque-t-il, l'un d'eulx, tastant avecques son bourdon le pays, à scavoir s'ils estoient en seureté, frappa rudement en la faulte d'une dent creuse, et férut (8) le nerf de la mandibule; dont feit très (1) Molaires. (2) Nom de deux rois de Mauritanie, dont le second, vaincu par les Romains, a écrit à Rome des ouvrages sur l'histoire, la géographie, etc. Voy. 'Pline, 1. VIII, eh. m. (3) Pausamas, dans ses Eliaques. (4) Philostrate, Vie d'Apollon, II, i3. (5) L. V, ch. XXX. (6) Dénicha. (7) Noyer qui produit des noix à coques dures qu'entament les corbeaux ou grolles. (8) Rlessa, du latin ferire. ANATOMIE DESCRIPTIVE 1 o3 forte douleur à Gargantua, et commença à crier de rage qu'il enduroit. » Les dents apparaissent généralement du quatrième au dixième mois après la naissance. On observe pourtant des cas dans lesquels elles se montrent à une époque plus rap- prochée (i). L'enfant dont la dentition est précoce est d'or- dinaire plus robuste que les autres. Tel était Pantagruel auquel encore au berceau « les dents estoient desja tant creues et fortifiées, qu'il en rompit un morceau du grand tymbre de métal dans lequel on lui bailloit (2) sa bouillie ». Le palat, comme une moufle. Le palais ou palal {[jalalus) forme la partie supérieure de la cavité buccale. C'est une sorte de voûte parabolicjue limitée en avant et de chaque côté par les arcades dentaires et continuée en arrière par le voile du palais. « De l'eau fraische pour me gargariser le palat » (3), demande Thauniaste (4) au concierge de l'hôtel de Clunv. Moufle. Gant d'hiver sans doigts séparés ou avec un doigt séparé pour le pouce. Caucier sa nioiitlo {Poêl. avant liîoo, IV, f. iSGo.) lîraies et chemises VA mon tics contre la bise. (De rEschacit'i\ Joiujleiirs el trouvères du wxf et du \\\'' siècles, j)ubli('' par A. Jubinal, i8'35.; (1) On cit«* nirine îles enlants (jni sont nés avec «les il»Mits : LonisXH', Cnrius Dentatus, le vainqnenr »le Pyri'lins, etc. (2) Donnait. (:i) !.. m. (11. xviii. {\) Homme n«(ble, al'l'l<>pir. l.c <|nalilic;ilir d'Admirable (jne donne ;in sage Anglais le ni.iflic Lrimlois mordr-e en (|ncl estime il l'a tenu, l ne corn'spond;iiiif ,ii|i\c ,i (•iil.iiiirincnl rxislt'' cidit' Habrhiis c| le chance- loA RABELAIS ANATOMISTE Pantagruel voyant Panurge « égratigné des gryphes du célèbre chat Rodilardus (i), ne se put contenir de rire et lui dist : que vouliez-vous faire de ce chat? — De ce chat, res- pondit Panurge : Je me donne au diable, si je ne pensois que fust un diableteau à poil follet, lequel nagaires j'avais capiettement h) happé en tapinois à belles moufles. » Le palitl. comme une moufle. Au xv*^ siècle, on donnait également le nom de moutle ou miton [faiislhandschiih, en allemand, milieu ou inar- licitled guanllel, en anglais) au gantelet sans doigts séparés. L'armure de Jeanne d'Arc du catalogue de Dezest, la sta- tuette en bronze de Guillaume IV (i 404-1417) '^ Amsterdam, et l'armure de Frédéric I''", palatin du tOiin, conservée à la collection d'Ambras à Vienne, démontrent (|ue partout le miton était en usage dans la première moitié du xv*^ siècle. Ainsi (pie le gant d'hiver, il a la forme du palais. lier d'Angleterre. Le livre de T. Morus, De oplimo reipnblicx alahi, deqiie nova insiila Ulopia, a été publié à Louvain en i5i6. Maître François n'a pas emprunté à ce livre le nom seul du pays sur lequel a régné Gargan- tua. Il lui a emprunté aussi cette généreuse humanité de Grandgousier à l'égard de Picrochole et surtout le beau discours de Gargantua aux vain- cus. (L. I, ch. L.) (1) Ronge-lard, du latin rodere, ronger, et lardiim, lard. Ce mot, que La Fontaine a emprunté à Rabelais, paraît avoir été forgé par Élisius Calentius. (Voy. P. Jove, les Illiisi.) (2) Furtivement. ANATOMIE DESCRIPTIVE lOÙ Le isthme, comme une portoire. Le isthme, « l'embouchure des chasse-trappes guttu- rales (i) », rentrée du gosier, du pharynx^. Le mot isthme (kO-jLo'ç en grec) signifie une petite langue de terre située entre deux mers. (( L'isthme du gosier, dit Thévenin, est situé entre la bouche et le pharynx comme entre deux mers (2).» C'est un oritice limité en haut [)ar le voile du palais, latéralement par les piliers antérieurs de ce voile, en bas par la base de la langue. /.(' isllimr. rr/mmi' une purlnirc. Pofloire, portouoire, jJorloC're. La porloire est une hotte de vendangeurs, un panier cintré à dossier plat. Dans les pays montagneux, on se sert de paniers ou de baquets de ce genre, attachés de chaque <-) Le garou {Ddphne (fuidiiini, coccuni de (inide, cocco (/nidio) coidicid un acide vésicani, l'acide coccognidique. « Le coccum de Guide {cocco (jnidio) a la couleui- iiip<>lc, confiture, du latin romponila. 108 RABELAIS ANATOMISTE cueillerée, lui vint tel eschauffement de gorge avecques ulcération de la luette que la langue lui pela. » La sarbataine, encore appelée sarbarreaii, sarbaîane, sarbacane (i) (de Titalien cerboîtana, mot fait de Carpi, lieu où Finstrument était fabriqué, et du latin canna, roseau [A. Demmin]), est constituée par un tube avec lequel on lance de petites balles en terre en soufflant par un des bouts. Elle est encore employée aujourd'hui pour chasser les petits oiseaux (2). Comme arme de guerre, elle a servi à lancer des flèches empoisonnées, le feu grégeois qui s'en échappait en traits de fusées, et de petites balles appelées dragées. Comme la sarbacane n'est qu'un simple tube de verre, de bois ou de métal, ({ui varie seulement par la longueur et par l'épaisseur, je crois inutile d'en fournir un dessin. Le gaviet, comme un peloton d'estouppes. Le gaviet, le gavion, le gosier, l'arrière-bouche, le pharynx. Littré s'exprime ainsi à propos de ce mot: « Origine inconnue, la forme la plus ancienne est gosilier, primitif gosil. En patois lorrain on dit gosse pour gosier, d'où le \erhe gosser, gosser un dindon. » — « Gosse, ajoute le même auteur, pourrait bien être le primitif de gosier, mais d'où vient gosse ? » Diaz le fait venir du latin caviis, creux. Dans Du Gange, on trouve gaviette pour gosier ou jabot. Gaf en wallon et gave en picard signifient jabot, gosier. Dans le Roman du Renard, qui est très vraisemblablement du xii^ ou du xiii*^ siècle, on lit aussi gave pour gosier. (1) Le mot correct est savbalanne. <> Le ctiangement du / en c s'est accompli en raison de la ressemblance qu'on a remarquée entre cet ins- trument et une canne. » (Littré, Dicl. élymol. de la langue franc.) (2) La sarbacane moderne est souvent formée par des roseaux vissés bout à bout. ANATOMIE DESCRIPTIVE lOC) Lu de mes amis, agrégé de TUniversité, philologue très ériidit, élève de M. Gaston Paris, a vu successivement em- ployer gave, gaviot, gaviete, gaviette, gavion, gosil, gosilier, gouzier pour gosier. Les lignes ci-dessous justitient cette assertion : « Telles ulcères souvent commencent par les gencives et cheminent jusqu'au palais et entin gaignent jusques à la luette et gavion. » [A. Paré, XI, 17.) Damoisellc Ade La fille le Roy est malade. Il a passé huit jours entiers Oue ne pot boirre ne mangiers, Ouar une areste de poisson Lui aresta au gavion Or est li Roy si corociez S'il la pert ne sera pas liez (1). [faille du vilain mire (21; Montaiglon et I^aynaid, fable III, 161.) Les mules (3i au talon, Le petit cancre (4) au menton, La maie (5) toux au poulmon (6), Le catarrhe au gavion, Le gros fronde (7) au croupion. (Rabklais, Prologue du 1. \\.) (( Du stomarh vient cl n'est un panicle uS) (pii monte (1) Gai. (2) Mire, myre, chirurfficn i)lut(M que médecin; celui-ci se nommait physicien. En a iiiflais /^/i_ys/cm/MCul encore dire médecin. (3) Des .iiiiponlcs, des gerçures, dos engrhu-os. Suivant Le Dmluil. iiiide vient de mol et mol de mouillé, tin médecine V('tériii;n'i-e on appelait eireclivenieiil aulrerois nmles les l'entes ou ci'evasses (pii ap|taraissenl aii- (Irssns du lalon i\\\ rlie\al iorsnn"ai»i'ès avoir niandi('> dans la houe prndani loule une jouiiiée d hiver ou ramène l'animal, ayant encore les pieds niouill(''s, à l'/'eurie. (\'oy. La Marccluilevic de Laurent lU sii, trad. liiMH:., (11. Il»), des .Mules ou Sera<'i<"s.) (',) Hoidrui, excroissance, ulcère, i\n lalin cancer. (5) .Mauvaise, du lalin nialiis. (6) Poiuuon. (7) Furoncle. (8) Panicle. jHuiicitla. de imniis, fil di' lissei'aiid. lil en peloton. no RABELAIS ANATOMISTE par le gosilier, lequel gosilier est dict ysophage. » (II. de MONDEVILLE.) Qu'on n'aille pas induire de ces dernières lignes à une erreur anatomique de ma part. Le pharynx a été longtemps confondu avec l'œsophage sous le terme générique de gala. En résumé, le pharynx (en grec cpapjy;, arrière-bouche) est une espèce de vestibule membraneux commun aux voies digestives et aux voies respiratoires, situé entre la cavité buccale et la cavité nasale, d'une part, et l'œsophage et le larynx, d'autre part. Il a la forme d'une demi-gout- tière ouverte en avant. Il est constitué par une membrane muqueuse, une membrane fibreuse, des muscles intriqués, prodigieusement multipliés par Sautorini, rayonnant dans divers sens, et par un tissu cellulaire filamenteux, très lâche, qui n'est jamais graisseux, jamais infiltré de sérosité. C'est à sa structure si compliquée que le pharynx a dû, sans doute, d'être comparé par les anatomistes du moyen âge à un panicle, an peloton d'estouppes, etc. De ce que l'auteur de Garganlaa s'est servi dans sa litanie anatomique du mot gaviet pour désigner les parties situées immédiatement en arrière des piliers du voile du palais, il ne s'ensuit pas qu'il ait ignoré les noms de ces parties. La description fantastique de la bouche et de la gorge de Pantagruel et une remarque de Bacbuc (i) (1. V, ch. XLii) aux voyageurs qui lui rendent visite sont très instructives à cet égard. (( Je clieminois dans la bouche de Pantagruel — raconte le spirituel écrivain, — comme l'on faict en Sophie (2) à Gonstantinople, ety vid de grands rochers, comme les monts des Dannois, je croi que c'cstoient ses dents de fortes (i) Mot hébreux qui signilic bouteille, ou y trouve une onomatopée* (2) Sainte-Sophie. ANATOMIE DESCRIPTIVE 1 i i et grosses villes, non moins grands que Lyon ou Poicticrs, Aspharage (i), entre autres. Je délibérai d'y aller et la trou- vai belle, bien forte, et en bel aer, mais à l'entrée les por- tiers me demandarent mon bulletin (2), de quoy je fus fort esbahi, et leur demandai : « Messieurs, y ha il ici dangier de peste ? — 0 Seigneur, dirent-ils, l'on se meurt ici auprès (3) tant (4) que le charriot (5) court par les rues. — Vray Dieu, dis-je, et où? » A(|uoi ils me dire que c'estoient en Laringues et Pharingues (6). « Ha, dist Bacbuc, voilà que c'est non considérer en soy, ne (7) entendre les mouvements que faictla langue mus- culeuse (8), lorsque le boire dessus coule pour descendre non es (9) poulmons par l'artère inéguale (10) comme a esté l'opinion du bon Platon, Plutarque, Macrobe et aultres, mais en restomach par l'œsophage. » (i) Aspharage, le gosier, ««pâpayoi;; en altique àcjcpâpayo?, gargouillements. (2) Ce bulletin s'appelle aujourd'hui patente : patente brute, patente suspecte, patente nette, suivant que les médecins de nos lazarets aflirment, soupçonnent on nient Texistence d'une maladie contagieuse chez les gens qu'ils sont chargés de visiter. « Falloit que les soldats lussent visités par les médecins pour voir s'ils estoient malades et qu'ils eussent toujours sur eux leur patente pour faire foy, signée de son capitaiiuî et de son mé- decin. » (Bhantome, Rodomontades espagnoles.) (3) Ici prés. (4) TeUenienl. dans tie telles proportions. (5) Pendant les grandes épidémies on dél)arrassait, jadis, les maisons des cadavres en entassant ceux-ci, hâtivement et pcle-mèle, dans des voitures qui circulaient à travers les rues. (6) Dans le pharynx et le larynx. (7) Ni- (8) Galien [Liu. des alim. de bon.el inéch. suce, ch. iv), nioIan(.4n/A/'o/)o- gra/>lna,\. IV, ch. xviii), Aranlius, etc., ont soutenu que la langue était une glande. .lui. (^asserius Placent, au Liv. de Vorgane du goûh ch. v, a appelé la langue « non pas à la vérité un muscle, nuiis une partie niusculeuse >•>. Ce n'est donc pas sans raison (pie Hal>elais a parlé incidemment ici des mouvenirids de la langue et de sa iiiuscidiiturc. (9) Dans les poumons. (10) La ti'achée-arlère. (V^oy. .Xpparcij resjjiraloirc L'nsprc arlêrct comme un gouel.) Hi|)i)Ocratc la nomme: la vectrice des boissonsi 1 12 RABELAIS ANATOMISTE L'estomach, comme un bauldrier. Vestomac est la portion du tube digestif qui fait suite à l'œsophage. C'est une vaste poche membraneuse, logée dans la partie supérieure du ventre, au-dessous du dia- phragme et du foie. (( L'axe ou le grand diamètre de l'estomac est, observe Sappey (i), oblique de haut en bas, de gauche à droite et d'avant en arrière. Mais cette obli- quité est peu prononcée, et Ton |)eut dire d'une manière générale que la direction prédominante de cet organe est à la fois transversale et horizontale. » L'exloimirh, romine un hniihlrier. Bauldrier, bourse de cuir plate, en forme d'écharpe, qui se portait enroulée autour de la taille. Les habitants de nos campagnes usent encore d'une bourse analogue. Bien faschés d'avoir si mal employés l'argent de leur bauldrier. (Brantôme, ch. i, t. IV, p. 3i5.) Pendant le débat entre les fouaciers de Lerné et ceux du pays de Gargantua, Marquet appela Forgier en lui pro- mettant des fouaces. <( Lors Forgier en toute simplesse (2) approcha, tirant (1) Sappey, Traité d'analomie descvipHre, t. III, p. gS; Paris, iSSy-iSo^j. C'est aussi l'opinion de MM. Reynier, Souligoux, etc. (Voy. Bull, de la Soc. anal, de Paris, 1891, p. 709.) (2) En toute simplicité, en toute confiance. ANATOMIE DESCRIPTIVE llo un unzein (i) de son bauldrier, pensant (jue Marquet lui deut dépescher (2) de ses fouaces ; mais il lui bailla de son fouet si rudement à travers les jambes, que les nods (3) y apparaissoient. » « Frère, dit un des chicanons à Trudon, je te donnerai unes belles, grandes, vieilles lettres royaulx que j'ai ici en mon bauldrier. » (L. IV, ch. xv.) I/estomac occupe la même situation, a la même direction que le bauldrier. Il en a presque la configuration et les dimensions chez un homme comme Quaresmeprenant, éma- cié par des jeûnes prolongés et répétés. Sur sa face anté- rieure, on distingue une bande musculaire très accusée, dite cravate de Suisse, qui rappelle le bord inférieur saillant de la valve qui ferme le bauldrier en avant. Dans le chapitre xliii du livre IV, Rabelais a comparé aussi, comme on le fait aujourd hui, 1 estomac à une cor- nemuse. Le pylore, comme une fourche fière. hepfjlore (portier, du grec TniXr,, porte, et ojpeuto, je garde) est l'orilice qui fait communiquer l'estomac avec l'intestin. Cet orifice est garni d'une valvule qui ressemble tantôt au diai)hragme d'im instrument d'optique (4), tantôt, mais plus rarement, à un croissant à concavité supérieure (.")). (1) Lf^ icr;iml lihmc, onze iliMiicrs, du l;iliii iimlrrim, dix plus un. (2) Dut s'fMiipi'csscr (1(^ lui doiinor. (3) Les ikimkIs, du loliii nodns. L;i peau rinj^déc par im coup de l'ouct devient le siège dune extravasation sanguine, nppelée ecchymose. Dans les points atteints par les n(euds de la corde du fouet appai'aissent des laijics d'un Idcu ardoise, « des bleues » et parfois nit'Mue des nodosités. ('i) Sans en avoir cependant la parfaite rt-i^nlaritr. (.j) Sur dix esfonia<-s tpie j'ai ouverts [lour vc'-rilier si la comparaison de Hahelais était exacte, j'ai \\\ six lois la valvul<' pylori(|ue avoir la orme du diaphra^rme d'un insliiimrid d'opliipie. trois fois, d'un croissant 1.4 RABELAIS ANATOMISTE La valvule pylorique paraît avoir pour usage d'apprécier le moment où les aliments sont assez modifiés dans leur consistance et leur composition chimique pour pouvoir passer de Testomac dans l'intestin. Le pylore, comme une fourche- fière. Foiirche-fîère. fourche-ferrée — ou fiérée, comme on disait autrefois, — à deux ou trois dents. Le mot fier vient par corruption du mot ferré. Les poètes burlesques appellent le trident de Neptune une fourche-fière. Dans les anciennes gravures, Neptune et Pluton sont représentés tenant à la main, le premier, une fourche-fière à trois dents, le second, une fourche-fière à deux dents. La fourche, qui n'est plus qu'un outil d'agriculture, a été une arme de guerre (mililafi/ fork en anglais, stnrmr/ahel dont la partie moyenne était plus ou moins échancrée et regardait en haut; une fois, d'une cloison semi-ronde dont le bord supérieur hori- zontal correspondait au diamètre transverse de l'intestin. La compa- raison de Rabelais ne s'applique donc pas à tous les cas. N'en soyons pas surpris. L'auteur de Gargantua n'a pas eu à sa disposition asSeZ de cadavres pour se rendre compte des variations qu'offrent les divers sys- tèmes organiques; ANATOMIE DESCRIPTIVE HO en allemand) qui a commencé à apparaître vers la lin du xv*" siècle. On trouve à l'arsenal de Genève des fourches d'échelles d'escalades prises aux Savoisiens en 1602. La f(jurche de guerre est aussi mentionnée dans les récits du siège de Mons (1G91), où les grenadiers de l'ancien régi- ment Dauphin, commandés par Vauban, emportèrent d'as- saut un ouvrage fortitié et saisirent les fourches des Autri- chiens. C'est même depuis cet acte de bravoure que les sergents de ces grenadiers ont eu le droit de porter une fourche à la place de la hallebarde. Dans la collection Az, à Lintz, figure une fourche de guerre trident du wii^ siècle. Une aquarelle de Glockenthon, exécutée en i5o.j d'après nature (Arsenaux de Maxiniilien P'), donne une idée exacte (le ce qu'était à cette date la fourche d'échelle allemande. L'oncle d'un de mes camarades d'internat àTours et à Paris, M. Viollet, pharmacien, a eu en sa possession une vieille eau-forte où l'arme sl g.ii'uic (le llolt(Mn"> ou (le poids de fond. (1) A. I)i:.MMiN. (iiiiilc ili-s iimitli'iirs d'armes cl (iarmiircs fincicn/irs : Paris, i8(J9, pp. ',73 ol ',7',. h.) Arme nir<' ; «lu l;iliii (in-ii/>'ri\ dresser. (^,) M«'mii(' sens (jiic dovoii'. (T)) Halccnd cl aussi lialcrt'l, rorst-li-l de IVr IkiMii. (G) Arrmii'c (JIM cftiivrait le pditraili-l la croniic <\\\ dii-val. (7) (Cuissards, jaiidiards. 120 RABELAIS ANATOMISTE Un des archers d'Alexandre avait des flèches dont le fer était (( tant grand et poisant (i) (jvrii en persuil brancs d'acier (2), boucliers espais, plastrons » (3). L'ampoule csecale, brillante, d'un blanc bleuâtre avec des reflets métalliques, fixée dans la fosse iliaque, et dont on ne distingue pas généralement la face postérieure ni l'appendice vermiculaire, a d'autant plus d'analogie avec la pansière que celle-ci a été constituée pendant longtemps par des lames d'acier bombées, superposées, pouvant se mou- voir les unes sur les autres suivant les inflexions du torse. Telle était la pansière que portaient en i5i5 les arquebu- siers des bandes suisses au service delà France (4), celle du chevalier Adam Gall, mort en i574, et qui est conser- vée à l'Arsenal Impérial de Vienne, celle qui a appartenu au duc d'Albe (i5o8-i582), le bourreau des Pays-Bas (col- lection d'Ambras, à Vienne), etc. Le côlon, comme une brinde. Le côlon (xôjXov, de xoilvoi, je retarde), ainsi dénommé parce que les matières excrémentitielles y cheminent len- tement, forme presque la totalité du gros intestin. Il est bosselé comme le cœcum qu'il continue, mais il est beau- coup moins volumineux. C'est le côlon qui est le siège de cette maladie si dou- loureuse, accompagnée d'un développement considérable de gaz, qu'on appelle entéralgie ou colique nerveuse. (( Toute maladie naist et procède de ventosité, comme (1) Piquant, perçant, du latin piuujere. (2) Villon, dans son testament, a légué son épée branc d'acier ou braquemart, selon la note de Marot, à un certain Jehan le Cornu. Dans le glossaire de L. Barré, on lit : « Branc d'acier, lourde épée à un seul tranchant. » De l'allemand brand, feu. (3) L. IV, ch. XXXIV. (4) Voy. E. Fieffée, Histoire des troupes étrangères au service de la France; Paris, i854, p. 5o. ANATOMIE DESCRIPTIVE 121 déduict Hippocrates (Lib. de Flalibus) (i). Mais la plus épi- démiale est la colique venteuse. Pour y remédier les habi- tants de Fisle de Ruach (2) usent de ventôses (3) amples, et y rendent force ventosités. » (L. IV, ch. xliii.) Brinde, vase à boire dont on se servait autrefois pour porterdes toasts. On dit encore» être dans les brindes )),pour être ivre ; « porter une brinde », pour boire à la santé de quel- qu'un. Selon Ménage et Darmesteter, ce mot vient du fla- mand Ik brctKfl II. La poupe du neuvième navire de la flotte de Pantaoruel « pour divise (4) avoit une brinde de fin or obrysé (5) ». J'ignore quelle était la forme de la brinde. Ce que je sais, c'est que parmi les trois coupes queViollet-Le-Duc affirme, dans son Dictionnaire raisonné du mobilier f/'ançais., avoir été principalement employées au moyen âge, il en est une qui était cylindrique et bosselée comme le côlon. Le boyau c..., comme un bourrabaquin monachal. Le boijan c..., le rectum, la dernière partie du gros intestin. Ses })arois sont lisses, et son orifice inférieur — fermé par un anneau musculaire, le sphincter de l'anus, dont Rabelais a indiqué le mode de fonctionnement (Voy. Physiologie des Muscles) — présente à 3 centimètres au-dessus de l'anus une dilatation considérable dite ampoule rectale. Il a une direction à peu pi'ès rectiligne, d'où le nom de rectum sous lequel il est désigné. (i) HippocHATK, Livre des Venls. {•>) Mot h<''bivu qui signifie v(Mit, soiirilc. Les îles Lonoden, suivant M. Ducrot. En vieux celtique, LolToden est composé de deux mots : /o//", qui veut dire vent, llatuosité du ventre; et oden, route, ensemble, route des vents. En bas breton actuel, loiïetoden signifient encore la même chose. (DucBOT, loc. cil. siiprà, p. 18.) << Lotî est un trope, a écrit d'autre part Ja! (Arch. mu<., p. 179) ; c'est le r«Mé d'où vieid le vent. [)our le vent lui-niénu'. » (3) Vfutouses, (In lutin cenlosiis, \)\('\\\ s et violents de défécation, après l'absorption exagérée d'une nourriture lourde ou ralraîchissante. On se purge encore en Touraineavec du bouillon dans lequel on a fait cuire des issues (tètes, pieds, tripes, etc.) de bêtes à cornes. « En traversant le gué de Yede, le cheval d'Eudemon enfonça le pied droict juscpies au genoil dedans la panse d'un villain qui estoit là noyé, et ne le povoit tirer hors : ainsi demeuroit empestré, jusqu'à ce que (Gar- gantua, du bout de son baston, enfondra le reste des tri[)es du villain en l'eau, ce pendent que le cheval levoit le pied. Et, qui est chose merveilleuse en liii>piatrie, fust ledict cheval guari d'un surot qu'il avoit en cellui pied. » (L. I, ch. wxvi.) Le surot est une tumeur dure située sur la partie latérale de la jandje du cheval et ([ui dépend du canon. « Rabelais, observe M. le D'' F. Brémond, en faisant ainsi guérir le cheval d'Eu- demon a songé sans doute aux bains de tripes très employés de son temps. On s'en sert encore aujourd'hui, quoique rarement. Le bain de tripes a trouvé, il y a ({ueiques années, un défenseur convaincu dans le chimiste populaire, Rasjjail. ■> (1)' F. Hhkmonu, /oc. cil. siiprà, note 112.) Le bouillon de tripes, (pi'on |»eul considéi'cr comme une dissolution de gélatine mêlée de quchpn-s inalières grasses, est émollient. (•2) Échappait, sortait ; scajtjxtrc en italien, csrnixiv en espagnol et échapper en IVancais oui le même sens. (3) (i Nonobstant les i-emonstrances >< de son mai'i, <> le bon homnn^ Grandgousier ". qui lui avoit observée qu'elle approchoit de son lernu' et que cette Iripaillr nCsIoit viande nioiill loii.ilile >■, elle eu avait numgé « seze muids, deux i)ussarts (\'i> pintes) et six lu[)ins ([>ot(''es). .- (Ch. iv, 1. I.) Loiudde en nu-decine siguilie bien formé, c()uq)lètement déveloi)pé, de la"(|milil('' requise, et se dit sindout du pus. C'est seulement (pumd le pus est louable qu'où ouvre un abcès. « En jugeant un pi-ocès crud, verd et au coinniencenieni, dangier seroii, di-claie le juge lîridoye, de l'inconvc'- nienl «pie disent les nii'-dicins advenir ((uand on pei'se un aposième avant «pi il sdil nieiir, (piand on purf) I'"()rl. r('nirnl ir(''n(''r;d du s\sl<'-nif m-rvcux. 126 RABELAIS ANATOMISTE jciia dun serpent jeun, qu'après avoir repu tant l'homme que le serpent? Pourquoy est la salive de Fliomme jeun vénéneuse à touts serpents et animaux vénéneux? » Pour toute réponse, Pantagruel invite Eusthenes à se mettre à table et «. après le fruict », celui-ci, bien ras- sasié, reprend : « Je ne suis plus à jeun. Pour tout ce jourdhui sont en seureté de ma salive (i) : Aspics (2). Apimaos. Amphisbènes (3). Alhatrabans. Anérudutes. Aractes ou Araces. Abedissimons (4). Astérions (O). Alhartafs (5). Alcharates (7). (1) « Cette liste des animaux veuiaieiix, dit le bibliophile Jacob, a été dressée surtout d'après Pline et Aristote. » J'ai retrouvé presque tous les reptiles cités par Eusthenes dans Aristote, Pline, Nicander, Pausanias, Aetius, Galien, Albert le Grand, Barthélémy FAngloys, Aldrovan, Lucien, Paul d'Egine, Redi, Rondellet, Ambroise Paré, G. Linocier, P. Lacroix, etc. L'ordre alphabétique d'énumération des reptiles dont il s'agit est imité de Pline, 1. XXXVII, ch. x. (2) La couleur essentiellement variable de la Vipère aspic ( Vipera aspis merrem) en a fait décrire un certain nombre d'espèces {Coliibev aspis, Cohiber chej'sea, Vipeva Rhedii, etc.). Ces espèces sont purement nomi- nales. Dans une Histoire naliivelle des plantes et des animaux et principale- ment des serpents de Geoffroy Linocier, naturaliste et médecin de Tournon en Vivarais, histoire imprimée à Paris en ]584 chez Charles Macé et dédiée à Monseigneur de Tournon, il est fait mention de « trois sortes d'aspics: des terrestres, des hirodiniers et des cracheurs ». (3) Sous le nom d'amphisbène (du grec texte original sous le nom (l'ictis. Seba {The. jaunis de Seba). au lieu d'ici is, a lu idiii ((ui sigiu'fic niihin d fait de l'ictis un oiseau. D'aulrc p.iii, les cliicns de mer ont été souvcid (l(''sign(''s par les Grecs sous le nom de -foXeôi, tandis (jue sous celui de -^xIt], (\\\'\ s'en rapproche beaucoup, ils ont voulu parler lantcM du cli;il (lomesti<[uc, lanbM de certains |>clils carnassiers. La confusion a été laite |»ar Xylander dans sa version latine du livre d'Antigone Carystien {//isloii-rs merreilleiiscs, cli. wv) el jusiemeni relevé par Reckmaim ; elle pai-aîl nn'ine avoir »'lé commise très anciennement, et c'est ainsi proba- blenienl (pn- l'Iiisloire de la ix'lette s'est grossie de plusieurs traits ;i pp,iileii;iMl ;i celle (les S(piales, 128 RABELAIS ANATOMISTE Boies (i). Chenilles (G). Buprestes (2). Crocodiles (7). Cantharides (3). Crapaux (8). Catoplèbes (4). Caiiquemares (9). Cérastes (5). Chiens enragés. (1) Boas (Ophidiens i)téi'Oj)odes) serpents non venimeux qni, au dire de Pline, étaient communs en Italie du temps de Claude et dans le ventre de l'un desquels, tué au Vatican, on trouva un enfant entier. (Pline, 1. VIII, ch. IV.) Selon Metaxa, le reptile appelé boa par Pline est TElaphe-quatre- raies. « Les plus grands serpents d'Italie, a observé d'autre part Cuvier dans ses annotations de Pline, sont la couleuvre d'Esculape et la couleuvre quatre-raies,qui ne dépassent pas 2 mètres. Il faut donc supposer que le serpent tué dans le Vatican était véritablemeiït un boa ou un python. Mais comment un semblable ophidien se trouvait-il là ? -> Le nom vulgaire du boa constricteur est giboya, rjiboïa. (2) « Le bétail enfle après avoir mangé cet insecte, » dit Nicander. L'enfle-bceuf, encore employé . en médecine vétérinaire, est l'insecte coléoptère appelé meloé ou triongulin. (3) Les cantharides sont aussi des insectes coléoptères. Elles con- tiennent un principe vésicant et aphrodisiaque puissant, la cantharidine. La trop célèbre Aijua Tofana n'était, d'après Ozanari, qu'un extrait alcoo- lique de cantharides décomi)osé par l'eau. (4) « Bestes saulvages, petites de corps : mais elles ont les testes grandes sans proportion, à peine les peuvent lever de terre; elles ont les yeulx tant vénéneux, que quiconque les voit, meurt soubdainement, comme qui verroit un basilic. » (Rabelais, l.V, ch.xxx.) Du grec /(xtw, en bas,et,5X£;:w, je vois. (5) Vipères cornues, vipères d'Egypte [Vipera ceratiles, Cerasles ar la bave, la sueur ou l'urine du crapaud entrait immédiatement en putréfac- tion. Les glandes cutanées de ce batracien sécrètent, en effet, un venin, mais un venin peu puissant. (Voy. Phisalix, Recherches sur la toxicité du venin du crapaud, Mém. de la Soc. de Biologie, mai 1898.) Boccace a affirmé sérieusement (piun homme était « soubdainement mort i)ar s'escurer les dents d'un brin de saulge » sur lequel un crapaud avait répandu son venin (Rabelais, 1. IV, ch. xvii.) (q) Reptiles fabuleux dont Rabelais a parlé en ces termes dans ANATOMIE DESCRIPTIVE 12( Colotes (i). Chellydres (5). Cychriodes. Cronicolaptes (6). Cafezades (-2). Chersydres (7). Cauhares (3). Cenchrynes (8). Coulafbres (4). Coquatris (9). Gesharces. Tancien prologue du livre IV : « Je ferai tant avec le petit comte George de la basse Egypte, qu'à chascun de vous il fera présent d'un beau cro- codile du Nil et d'un cauquemarre d'Euphrates. » (1) Espèce de lézards (Pline, 1. XXIX, ch. iv) ; du grec /.wXwttjç, lézard. (2) Cafezates, petits serpents rougcàtres très venimeux (Biblioph. Jacob). (3) Serpents venimeux (Biblioph. Jacob). (4) Couleuvres (Le Duchat). La couleuvre possède des glandes veni- meuses, mais la matière toxique qu'elles sécrètent, au lieu de se localiser pour être inoculée par la morsure à un autre organisme, se répand, véhiculée par le sang, dans lorganime de l'animal. Voilà pourquoi la couleuvre mordue par une vipère ne succombe pas. Elle se vaccine elle- même contre le venin des reptiles dangereux. (Voy. Mém. de V Académie des sciences, 8 nov. 1895.) (5) «Le chellydre ou chesneau est, dit Linocier, serpent hoste perpétuel des chesnes, long de deux coudées, le corps assez charnu et garni d'écaillés fort rudes d'où vient qu'on l'appelle chellydre ou rude peau. Il est de couleur suye et si puants que si on ne voits, on le sent. » Linocier {loc. cil. suprà, p. 900) en a donné aussi le dessin. (6) Esmangart et Johanneau pensent qu'on doit lire ici cronacolaptes, du grec xpovoxoXa/--r,; (jui veut dire : araignée qui s'attacpie à la tète. (7) Serpents aquatiques qui ressemblent beaucoup à certains serpents de mer venimeux. Cuvier ne comprend dans le genre chersydre que le chersydre à bandes {Chersydrns facicalus). Dans son glossaire, L. Barré traduit ce mot par « serpents amphibies ». (8) Serpents doid la [teau est parsemée de petites taches send)lables à des grains de millet. Du grec y-'^TL?^'^ dont la racine v-e'T/.po; signiiie millet. (9) Serpent faluileux né d'un coq. On ci-oit encore, dans certaines régions de la Tonraine, du Berry et du Poitou, que les poules dont l'ovaire eslé[)uiséet f leur ressend)lance avec les (eufs avorlé's de poule; -j" la forme gi'ossière d'un («'til serpent (pie piésenle le ligament dû à l'union des ^; ne serait-ce pas VErijx jaculus de Linné '? (4) « Serpents d'eau. Ce nom, disent Esmangart et Johanneau, doit dériver du mot latin illex, illicis, qui charme, qui attire. » (5) Bats de Pharaon (Belon) ; Chercheurs (Li.nocier) ; Ilerpesles ichneu- mon (Geoffroy) ; Viverra ichneumon (Linné), etc. C'est l'ennemi né du crocodile et d'une Ibule d'animaux nuisibles. Les Égyptiens lui rendaient, en raison de son utilité, les honneurs divins. (Voy. Oppian en sa châsse.) (6) Serpents de terre (Bibliophile Jacob) ; du grec xeSo;, chagrin, et -jopa. (7) Aplysies, mollusques gastéropodes dont les deux tentacules anté- rieurs ressendjlent ;iu\ oreilles d'un lièvre. Les Aplysies ont été l'objet des fables les plus absurdes. D'après Pline, non seulement la chair du lièvre marin et l'eau dans laquelle on l'a fait infuser seraient vénéneuses, mais encore une femme en état de gestation ne pourrait supporter la vue d'une Aplysie sans èlre prise de nausées, de vomissements, etc. (Voy. Pline, 4I. XXIX, ch. v, et 1. IX, ch. xlviii; Bondellet; De Piscibus, 1. XVII, De Lepore marino.) (8) Le Seps chalcide (Lacevla chalcidaj, qui passe encore en Sar- daigne pour faire mourir les bœufs qui l'avalent en mangeant, est abso- lument inolïensif. (rà, p. 768.) (4) '. Crocodiles terrestres », d'après Pline (1. VIII, cli. xxv). Hérodote a également fait mention de « Crocodiles terrestres, semblables aux Lézards et vivant dans la région parcourue par les pâtres de la Lybie ». Ces pré- tendus Crocodiles sont — leur description ne permet aucun doute à cet égard — les Varans {Vavani arenarii). Quant aux animaux appelés main- tenant Scinques (Stinces), ils n'ont, liien qu'appartenant aussi à l'ordre des Saïu'iens, rien dt^ commun avec les Varans. (5) Serpents du genre des Sangles ; du grec aTÛow, resserrer. (6) On donne toujours le nom de Sangle à la Lisse de grande taille [Coronella aufilriaca), qui étouffe sa proie en s'entortillant auloui- d'elle. (7) Reptiles analogues aux Sei)s; du grec rs-^, seps, et elîoç, ressem- blance. (8) Grands seriients de mer. Le physétère tué par Pantagruel « se renversa ventre sus dors (dos, du latin dorsum), comme font touts pois- sons moi-ts; et ainsi, i-enversant les ]»oullres contre bas eu mer, ressem- bloit au scolopendre; sei'pent ayant cent pieds, comuu'riia descriptle sage ancien Nicander ». (Rabelais, 1. IV, ch. xxxiv.) (9) Il a été accepti; pendant des siècles (jue, parmi les Araignées (lu genre Lycosc, il en était une, très commune aux environs de Tarente, la Lycose larenlulr, dont la piep'M-e amenait une maladie singulière* carac- térisée pai" un besoin irrt'-sistiblc et immense île ilanser (Ifircnlismo), et dont la musi<|ue était le remède. Les airs qui guérissiMit les TnvenloUili sont indiqués dans le trfiilé des maladies de la peau de Samuel Ilafen- rcffci. I.a morsure Ai' la tarentule ne provoque, en réalité, que des acci- tli'uls l(nau\ de pt'U diuqxtrtauce. l36 RABELAIS ANATOMISTE Typholopes (i). Téristales. Tetragnaties (2). Vipères (3). Aristote (4), Nicander, Galien, Pline, Paul d'Egine, Sérapion et divers médecins du moyen âge et môme du siècle dernier ont écrit maintes lignes pour soutenir que (1) Serpents dont le regard provoque la stupeur ou qui ont des yeux stupides; du grec tu-joç, stupeur, et aiJ/, œil. (2) Tétragnathes, araignées dipulmonées , du grec -rexpa, quatre, et Yvdcôoç, mâchoire. (3) La partie active et délétère du venin de vipère est une loxalbu- mine désignée sous le nom de vipérine ou (ïéchinidine. Elle est très dan- gereuse puisque M. Viaud Grand-Marais a vu la mort survenir chez un septième des individus mordus par des Vipères (chez 53 sur 370). La durée de la gestation des Vipères est d'environ huit mois. Bien que les petits éclosent d'un œuf, ils sortent cependant vivants du sein de leur mère. Celle-ci se débarrasse à la fois de ses petits et des coquilles qu'ils ont brisées peu de temps avant de naître. Il est possible que ce soit dans cette particularité qu'il faille chercher l'étymologie du mot latin vipera dont nous avons fait vipère (de vivi, plur. de viviis, vivants, et parère, en- gendrer : qui engendre des petits vivants). Mais suivant Isidore, que nous serions plus disposé à croire, le terme vipera, au lieu de dériver de vivi- para, dériverait de vipara, formé de vi (ablat. de via) par violence, et parère engendrer : qui engendre par violence. Et cette étymologie trouve- rait son origine dans un préjugé ancien qui voulait que la femelle coupât, avant d'enfanter, la tète du mâle avec les dents et que les petits, pour venger la mort de leur père, déchirassent en naissant le sein de leur mère. (Voy. HÉRODOTE, Pline, Elien, L.\cuna, Imperat, Amatus, Vincent, Camérin, etc.) Il résulte des vers ci-dessous que Rabelais a cru aussi à cette sortie contre nature des vipereaux du ventre maternel : « En ceste vie, dit Panurge à Grippeminaud, vous rongez et mangez tout ; en l'aultre vous rongerez Et mangerez comme vipères Les costés propres de vos mères. Une bien jeune et toute blondelette Conceut un fils éthiopien sans père ; Puis lenfanla sans douleur la tendrette, Quoiqu'il sortist comme faict la vipère. L'ayant rongé, en moult grand vitupère, Tout l'un des flancs... » (L. V, ch. XII et XIII.) Je n'ai pu recueillir de renseignements précis sur les Anérudutes, les Apimaos, les Alhatrabans, les Aractes, les Cychriodes, les Cesharces, les Jarraries, les Rhaganes, les Selsirs, les Stabins, les Téristales. (4) Aristote, Des Animaux, 1. VIII, ch. xxix. ANATOMIE DESCRIPTIVE iSy la salive de l'homme à jeun est un poison mortel pour les animaux venimeux. En voici quelques-unes : Esl uli al serpentes hominis contacta salivis Disperit ac sese mandata conficit ipsa. Crachez sur un serpent, sa force l'abandonne ; Il se mange lui-même, il se dévore, il meurt. (Lucrèce, Trad. de Voltaire.) La salive fait mourir les scolopendres marines, ainsi que les rubètes (i)et les grenouilles. (Pline, 1. VII, ch. n. Trad. de du Pinet.) Salive d'homme. Tout serpent domme (2). (Leroux de Lincy.) « La salive d'un jeune homme bien sain à jeun est bonne pour les morsures des serpents et chien enragé. » (Lémerv, art. Homo du Dictionnaire den drogues simples, t. II ; Paris, 1788.) Dans le Dictionnaire philosophique, \ oltaire dit que deux personnes « lui ont attesté avoir vu un chirurgien tuer des serpents en les frappant légèrement avec une baguette humectée de salive » (3). Si Lémery et Voltaire se fussent renseignés sérieuse- ment, ils eussent su qu'au xviii*' siècle Redi, médecin de la cour du grand -duc de Toscane, a fait boire, pendant quinze jours de suite, de la salive humaine à des vipères sans que celles-ci en aient été aucunement incommo- dées (4). (1) Espèces de Grenouilles regardées à tort pendant longtemps comme venimeuses. (2) Dompte. (3) Pour (h; plus amples délails, voy. <( le Crachat et la Salive dans les superstilions et les croyances populaires », par P. Sébillol, in jouru. Vllomme, n° 10 , Paris, 1884. (4) Si les serpents ne redoutent pas la salive lunuaiiie. ils alTecfionuent par contre beaucoup le lait. " .l'ai, raconte frère .lean (I. IN', ch. xliv), aul- ti'cfois ouï dire que le serpent entré dedans lestoniach ne faict desplaisir aulcuii et souhdain retourne dehors, si par les pieiis on penti le patient, lui présentant près de la bouche un poeslon plein de laictchauld. — N'ous, l38 RABELAIS ANATOMISTE Il y a cependant quelques vérités générales dans la question d'Eusthenes. La glande venimeuse regorge de venin lorsque le serpent n'a pas mordu depuis longtemps, et le venin est plus actif que dans le cas contraire. Un serpent tue plus vite un être à jeun qu'un être qui vient de manger. Pour faire périr un animal en digestion, il faut une dose de strychnine double de celle qu'il faut pour le faire mourir quand il est à jeun (Cl. Bernard). Au dire de Brehm, de Salle, etc., les individus qui sont sous l'in- fluence de l'alcool ne ressentiraient même presque pas les terribles effets de la morsure des serpents. Si la salive de l'homme n'est pas toxique pour les animaux, elle l'est pour les plantes, en raison du sulfo-cyanure de potassium qu'elle contient (i). Les amygdales, comme lunettes à un œil. Les amygdales (du grec à;xuyoaX-/i, amande) sont deux glandes en forme d'amande logées, l'une à droite, l'autre à gauche de l'entrée de la gorge, dans une excavation limitée en haut, en avant et en arrière par les piliers du voile du palais et inférieurement par la base de la langue. Elles sécrètent un liquide onctueux qui favorise le passage des aliments à travers l'isthme du gosier. Chez certains sujets, elles existent à peine ; chez d'autres, au contraire, elles sont très prononcées. dist Pantagruel, l'avez oviï dire : aussi avoient ceulx cpii vous lonl racompté. Mais tel remède ne fut onques vu ne leu. Hippocrates, lib. 5, Epid., escript le cas estre de son temps advenu : et le patient subit estre mort par spasme et convulsion. » Si prononcé que soit le goût des Ophi- diens pour le lait, il est, en effet, difficile, sinon impossible, qu'un de ceux-ci, renfermé dans Testomac, puisse forcer le sphincter musculaire qui en ferme l'entrée. (i) Consultez : Chouppe, De l'action de la salive humaine sur la vie et la germination des plantes, Revue scienlif'ujiie, n*' 21, p. 584, 1888 ; et Florain, Sur la Salive et les propriétés du sulfo-cyanure de potassium. Gazelle médicale de Paris, 1884, et Bull, de la Soc. des se. méd. de Gan- nat, 1890. ANATOMIE DESCRIPTIVE 189 D'après Le Duchat, « ce passage (i) et celui du livre V, chapitre xxvii, où il est dit que les Frères Fredons (2), dor- mants avoient bezicles au nez, ou lunettes pour le pire, fait voir dans Ménage que ce qu'on appeloit lunettes du temps Les- ur plusioiirs luolils (luil est impossible dexposer dans lui Cl mil renvoi, nfnis croyons que ces Frères sont les Pénitents du tiers ordre i\r Sjiinl-Franeois (ionf la rè^le a subi au xv^ et au xvi* siècle di- verses inodificalions sur les(juclles les écrivains relicfieux ne sont i)as daicord. Dans le \ <)c;ilinlaii-<> nnisical du inovcn aire je l'rcdon (''l;iil une noie il airri'-nienl d i|ni ne cinnpi.iil pas. (!'csi pour ccjii cl ;iussi parce ipie le silence Icui' ('lait l'cconiinandi' cl qu'ils ne parlaient (pic par monosyllabes (pie .Maître Fran<;ois a a|»p(d('' l^'icdons les moines minuscules à peim» di^'iics de liji^urer au milieu des irlorieux Frères Mineurs, des Minimes ef même des (Capucins. l4o RABELAIS ANATOMISTE d'hui » (voy. Etienne Pasouier, les Recherches de la France, 1. VIII, eh. xxx) (i). Le Duchat a raison, et un des tableaux — le portrait de Léon X — peints au Vatican par Raphaël en fait foi. Dans ce tableau, le pape, assis devant un missel riche- ment enluminé, tient dans la main droite une lunette (2) à un œil ressemblant absolument à une loupe emman- chée, au simple oculaire biconvexe ou lentille convergente, qui se place au-devant de l'œil pour donner des images ampli- fiées des petits objets dont les détails échappent à la vue. Le mot besicle ne vient pas, comme on le croit communé- ment, du latin bis oculi (deux yeux), mais bien de Tancien mot français béricle (écrit quelquefois bérilei aussi bézicle), qui désignait le cristal dont on faisait autrefois les verres de lunettes; plus tard on donna ce nom au verre artificiel qui remplaça le cristal, et enfin, par extension, aux lunettes à deux oculaires assemblés, l'un à côté de l'autre, dans la même enchâssure. On appelle encore béryl une sorte d'émeraude (de Laborde, Notice sur les émaux du Louvre. Glossaire) (3). Bacon, après l'Arabe Alhazen-Ben-Alhezen, a parlé des lentilles à verres convexes comme moyens d'aider les gens (1) ais à son (îxlrémilé di'oile (ju'à son exti'émité gauche recourbée et terminée ])ai- une languette tranchante. Du milieu de sa l'ace inféricuic. h'-géi-cincuL coiu'avc^. (Miierge un gros tronc vascnl<)-ii(M'\Vt RABELAIS ANATOMISTE exerçea sa râtelle qu'il en eut la colique plus de deux heures » (i). Coiircaillel (2), appeau pour attirer les cailles. C'est une poche de cuir munie d'un sifflet, (|ui imite le cri des cailles quand on la serre entre les doigts. On fait aujourd'hui des La ralelle, comme an coiircaillel. courcaillets de diverses formes. Un chasseur de mes amis en possède un en cuir noir, rond, un peu allongé, qui a par conséquent l'aspect de la rate. Un courcaillet analogue existait-il au xvi^ siècle? Cela n'est pas absolument impos- sible (3). Je prends la simple caille, enlr'imilunt son chant. (Philippe Desportes, i544-i6o6.) (1) Corneille Agrippa, qui avait prédit à Panurge le malheur de son mariage avec une persistance outrageusement désobligeante. Descartes a dit : « que la rate sécrétait deux espèces de sang : un fluide ténu qui était la cause de la joie, un autre plus tenace qui était la cause de la tristesse; et selon que la rate envoyait au cœur une quantité plus grande de l'un ou de l'autre de ces deux sangs, on était gai ou triste. C'était sur le prétendu dégorgement de la rate du sang grossier qui la remplit dans la tristesse qu'était fondée cette locution vulgaire : s'épanouir, se déso- piler la rate. » (Adelon.) L'opération inverse a donné lieu à cette autre locution: s'échauffer la rate. Les fonctions de la rate ne sont pas encore connues. (2) ]Mot fait par onomatopée : koiivkû-ié, cri des cailles. (.3) Certains objets usuels n'ont subi depuis cette époque que desmodi- hcations insignifiantes, par exemple : la cognée, le compas d'épaisseur, la truelle, etc. ANATOMIE DESCRIPTIVE l!. iz,o Le siphac, comme un brassai. Le siphac, le péritoine (i). C'est une membrane trans- parente qui revêt la face interne des parois de l'abdomen et les viscères qui y sont contenus. Dans son traité De Meden- dis morbis, Leonellus Faventinus a défini le a siphac panni- culus nervosits continens inier se zirbiim (2), slomachum et hepar. Le siphac est un pannicule nerveux enveloppant l'épiploon, l'estomac et le foie. » Maître François eût pu aussi bien dire })ériloine. On lit, en effet, dans le chapitre xvii du livre V : « L'hoste de Houillac finoit (3) ses jours en crevant, plus ne povant le péritoine et peau clore et retenir ses trippes, qu'elles n'en- fondrassent (^4) P^i" dehors, comme d^un tonneau défoncé. » Brassai, brassard. L Instrument de bois, sorte de man- chon, dans IcMpu'l le joueui' de ballon enfonce le bi'as jusqu'au coude et qu'il tient en saisissant une forte cheville cjui en traverse obliquement l'intérieur. IL Garnitui'e eu cuii- donl on se couvre le l)ras pour jouer au ballon. III. Corbeille dOsicr foi't allongée que les joueurs de ballon attachent à leur bras droit pour doniici- plus dim- pulsion au projectile. Dans le livre III de ïIJisîoire macaroni(jiie de Folengo, je relève les deux phrases sui- vantes : « Dalde assez par force se met de la partie. On lui donne un brassart, il raccommode à son bras droit et sur sa main; il se présente à jouer. » l\ . Parties de rarnini'c ipii jii'olégcaient le bras cl sou- vent aussi bavant-bras. \ . Pièee (le ni(''t;d ou d'ivoire (pii servait à garantir (1) Du LMTc -iç,\, ;iul()il|- cl Tifvo), je tciiils. {•a) L'r|ti|iln(>ii, ciiroïc ;i|(|ii'l('' (iiiifiilitiii cl coc/J'f |t;ir les anciens analo- niislcs. Le ni(tl <-(ii/l'<' na pas ccsst'- d l'Irc cniployi'' par les Ixnniu'i's. (.'i) Fiiiissail. (^1) Ne s jnanl. I II e.xcite l'appétit, il i^j 1 nourrit la ratte et toute uilrc ]);iitie (|ui luy est seiiii>lal)le en tempéra- ture, comme les os. il y avait imminence ou état de maladie conlirmé lorscpie l'une ou ANATOMIE DESCRIPTIVE l/Jç) poine (i) est par Nature adjoincte (2), et, si ne obtempé- rons, résolution (3) des esperits. » A quelle cause rorifice stomacal doit-il d'être ainsi trans- formé en un serviteur aussi prévenant qu'indispensable? Dans le discours de Panurge à la louange des presteurs et des debteurs que j'ai déjà eu et aurai encore l'occasion de citer, mon illustre confrère a renseigné ses lecteurs sur ce sujet ainsi que sur la transformation dans l'estomac des aliments ^en un liipiide assimilable d'un blanc laiteux, l'absorption de ce li(|uide par les veines de l'intestin et sur les fonctions de la rate et de la bouteille du fiel. (( L'appétit, en l'orifice de l'estomach, moyennant un peu de mélancholie aigrette, que (4) luy est transmis de la râtelle, admoneste (5), dit Panurge, d'enfourner viande. La langue plusieurs de ces humeurs veiuiit à prédominer sur les autres ou à s'altérer qualitativement. Pour guérir les malades, il lallait donc, par des saignées, des purgatifs répétés et la diète, ramener ces humeurs ;\ leurs rapports normaux, h leur composition chimique accoutumée. L'énumération, dans la pi'eniière scène du Malade imaginaire, des l'emèdes fournis par M. Purgon n'a rien d'imaginaire, et le fameux : Clysterium donare, Postea seifjnare, Ensiiila pur y are, donne une idée exacte de la thérapeutii'(> dune maladie ou d'une luincur (|ui diniinue (piCllc se résout, qu'elle (^st en voie de rt'solnlion. (4)C>"i. (5) Avertit fortement. Les Anciens ayant l'cmarqué (pie les acides, le vinaigre entre autres, excitaientrappétit,ont cru que celui-ci était provo- (pié (je copie Diendjroeck, loc. cil., t. I, p. 55) k par des sucs acides poi'lt's d(! la rate au veniricuh; par le vaisseau veineux court. Mais cette opinion a été entièrement détruite parles recherches îles anatomisl(>s de ce lems, (]\n font voii', dans les animaux vivans, que véritablement il (Ifscciid l)irii (lu sanuf par ce vaisseau courl, du vcMlricide vers la rate, cl qu'il csl vcrs('' dans le l'ameau splciii(pi(\ mais ipTil n'en remonte point de la l'ate au ventricule, i (!(' vaisseau veineux cour! est une des lacim-s de la V('iM(> spl(''ni(pu' (pu Sf. jette dans la veine porte. « La ratle.a •'•ciit il'antic part Les lignes ci-jointes de Cornélius Agrippa résument assez l)ien, au surplus, les opinions qu'ont eues les Anciens sur la digestion et sur la façon dont elle s'opérait : « Les philosophes et les médecins ne sont pas d'accord, dit-il, sur la conversion ou digestion du boire ou du manger. Hii>pocrate, Galien et Avicenne attriluient à la chaleur de l'estomac la coc- tion des aliments. Erasistrate assure rju'elle se fait dans le ventre. Asclé- piade, niant la concoction stomacale, veut f[ue la nourriture soit partagée dans le corps toute crue comme elle y est entrée. » (Cornélius Agrippa, De Vanil. scienc, 1. LXXXIl.) Le terme physiologiqiie concoction (en latin roncoclio, dérivé, dans la même acception, de coqueve, cuire) n'a pas servi seulement à désigner les transformations qu'éprouvent les aliments dans le tube digestif, mais aussi les transformations ffue subissent les humeurs peccantes avant d'arriver à maturité. (Voy. Le boyau c..., comme un bourrahaquin mona- chal, p. 123, note .3.) (3) Il ne faudrait pas induire de cette phrase de Rabelais fj[ue celui-ci a cru cjue les phénomènes digestifs étaient limités à l'estomac. Le com- mentateur de Galien n'a pas dû ignorer que le médecin de Pergame a crit : « Quoique les intestins ne soient pas faits pour cuire le chyle, mais seulement pour le continuer et le distribuer, néanmoins, comme la nature ne demeure jamais oisive et sans agir, le chyle reçoit dans les intestins. ANATOMIE DESCRIPTIVE l5l succent ce qui est bon et idoine (i), délaissent les excré- ments, lesquels par vertu expulsive sont vuidés hors par exprès conduicts ; puis la portent au foye : il la transmue derechef, et en faict sang Les rognons, par les vènes émulgentes, en tirent Taiguosité (3), que vous nommez urine, et par les uretères la découUent en bas. Au bas se trouve réceptacle propre : c'est la vessie, laquelle en temps opportun la vuide hors. La râtelle (3) en tire le terrestre et la lie, que vous nommez méFancholie (4). La bouteille du fiel en soubstraict (5) la cholère superflue (G). Puis est transporté dans une aullre officine, pour mieulx estre affiné : c'est le cœur. » ;i niosuro qu'il y passo. sa dorniri'o coction. » (Galiex, 1. IV, De ['su pari.) Il a d'autant moins dû l'ignorer que Spigelius, Regius, Pemplius (en son 1. II des Fond, de méd., ch. viii), Aretœus et Aetius, etc., ont dit la même chose. Pour distinguer la digestion stomacale de la digestion intestinale, on ai)pelle aujourdliui la premitTC chymifîcation (du grec "/.uî^o;, l)ouillie grisâtre et homogène), et la seconde, chylifîcation. (1) Convenable, du latin idoneiia. (2) La partie aqueuse, l'eau, du latin aciita. (3) La rate. (/,) Du grec aAa?. noir, et y,oXr,, liile. L'humeur iiKMancholique, encore a|>pelée lie, terrestre, cholère noire, était avec la cholère ou par addition la cholère jaune, considérée comme une humeur excrémentitielle dont le sang devait être débarrassé avant d'être porté par les artères et les veines i'i toutes les parties du corps. « Le fiel n'est qu'une e\'cr('dion de la partie la plus vicieuse du sang et c'est pour cela (ju'il est amer. » (Pline, IJisl. nal., 1. XI, ch. i.xxiv.) Le mot français colère vient du mot grec /oXr), parce que les .Vnciens attribuaient la colère à l'agitation de la bile. L'('tymologie exigerait qu'on ('•crivîl cholère. ' (.">) En soustrait. (6) « La cholère jaune (ft/7/.s flava) est attirée par le follicule du fiel, dit Ambroise Paré, où elle demeure tant qu'elle ne pêche en quantité ou qualit('' : et alors elle jiasse par les intestins. jxMir les purger et nettoyer j)ar son amertume et acrimonie, et pour irriter la vertu expulsive d iceux, aussi pour tuer les vers qui y sont quelquefois engendrez. » F. deBoé Sylvius (G. Dinp. Med. Ihea., .36 et 37) et Regius (Pluloaoph. uni., 1. IV, ch. xii) ont prétendu que la bile était formée dans la vési- culf bilaiic aux dépens des i)arlicules du sang charrié par les artères cysliqucs. l52 RABELAIS ANATOMISTE Les vaisseaux de l'intestin absorbent les sucs des subs- tances nutritives comme les racines des plantes pompent ceux de la terre. Ce qui a fait dire à Hippocrate : « Oiicmad- modiim teira arboribiis^ ilà animalibus ventriculus ; » et à Boerhaave : « Les animaux ont leurs racines en dedans d'eux- mêmes ». Les vaisseaux absorbants de l'intestin sont les veines mésaraïques etleschylifères. Les chylifères (i), encore appelés vaisseaux lactés, ont été découverts en 1622 par Gaspard Aselli, professeur à l'Université de Pavie. Quelques physiologistes prétendent, il est vrai, qu'ils avaient été aperçus avant lui par Aristote, Erasistrate et Hérophile. Cela est douteux. Dans tous les cas, Aristote, Erasistrate et Hérophile n'ont pas soupçonné l'usage des chylifères, puisque Galien lui-même a prétendu que toutes les subs- tances alimentaires étaient absorbées par les veines mésa- raïques (2). Les théories galénistes touchant l'absorption exclusive par les veines mésaraïques des sucs nutritifs ont régné dans les Ecoles jusqu'au xvi^ siècle. Eustachi, influencé par elles, a regardé comme une veine le canal au- quel aboutissent tous les chylifères, le canal thoracique qu'il a découvert chez le cheval. Rabelais a accepté ces théories. Avec tous ses contemporains, il a admis également que le chyle, transporté en totalité par les veines mésaraïques dans le foie, y était converti en sang impur composé du sang proprement dit, principe essentiel de la vie, du phlegme, liquide séreux excrété sous forme d'urine par les uretères et la vessie, de la cholère (bile jaune), expulsé par l'in- testin après un court séjour dans la vésicule biliaire, et de l'humeur mélancholique (bile noire) dont une partie était destinée à nourrir la rate et une autre partie portée par une veine de cet organe à l'oriiice de l'estomac pour exciter l'appétit. (1) Du grec /^uXô?, cliyle, et oépw, je porte. (2) Les veines absorbent tous les produits de la digestion, sauf les graisses qui sont absorbées par les vaisseaux chylifères. ANATOMIE DESCRIPTIVE l53 De tous les actes de la digestion, l'acte de la digestion stomacale est un des plus importants, sinon le plus impor- tant (i). C'est celui sur lequel Rabelais a le plus insisté. (( Le pantagruélion (2), dit Pantagruel, éteincten l'homme la semence génératrice (3). qui en mangeroit beaucoup et souvent. Et quoi que jadis entre les Grecs d'icelle l'on feist (4) certaines espèces de fricassées, tartes et bignets, lesquels ils mangeoient après souper par friandise, et pour trouver le vin meilleur (5) ; si est-ce qu'elle (6) est de difficile concoc- tion, offense l'estomach, engendre le maulvais sang, et, par son excessive chaleur, féritfy) le cerveau et remplit la teste de fascheuses et doloreuses vapeurs (8). » « Mangez, dit Panurge au docteur Rondibilis, un peu de ce pasté de coings (9) : ils ferment proprement l'orifice du ventricule à cause de quelque stypticité joyeulse qui est en eux, et aident à la concoction première (10). » (1) Les i)lu''iionirn('s de (lis^estion pfédoiuiiicnt dans restomac, ceux d'assimilation dans le petit intestin, ceux d'excrétion dans le gros intestin. (2) Le chanvre. (3) Voy. Plixe, 1. VIII, ch. xiii. (4) On fît de celle-(;i. (5) Voy. Jean de la Brlykhe, De lie cihtirid. (G) Elle est pourtant. (7) Blesse, désoi-ganise, du latin ferire. (8) Le chanvre indien (Cannabis indica. de la laïuille des Urticées) cause des hallucinations qui rappellent des idées horribles o\i attrayantes. Les anciennes chi'oni(jues rapportent que le Vieux de la .Montagne en donnait aux hommes dont il taisait les instruments de son ambition et de son fana- tisme. C'est un médicament anti nerveux, recommandé encore, notam- ment contre les érections douloureuses. (9) Ce pAté, dont on mangeait autrefois au commencement du repas pour resserrer le ventre, était fait avec des coings cuits à p(^til feu, dont on avait enlevé le cœur, pour les remplii- de moelle assaisonnée de suci-c et d'un peu de sel. (Platine, De Obsoniis, lib. VIII.) Les coings sont slyptiques, c'est-à-dire jouissent de la [)ropriété de resserrer les vaisseaux <'t d'en tarir les exhalations, du grec dTunTt/.dî, fait de otû-j:iv, l'essei'rer. C'est « bien antidote l'estomach de cotignac de four et eau benisle de cave » que .lanolus de Hragmai-do est venu haranguer Gargantua. (10) On a cru, jusqu'à la décom file de la petite circulation, — je le note |ionr la dcinirri' l'ois, — (pic les aliinriils, a\aiit d'être transformés l54 RABELAIS ANATOMISTE (( De bled en herbe vous faictes, professe le châtelain de Salmigondin, belle saulseA^erde (i), de légère concoction, de facile digestion, laquelle vous espanouit le cerveau, esbau- dit (2) les esperits animaulx, resjouit la vue, ouvre l'appétit, délecte le goust, asseure (3) le cœur, chatouille la langue, faict le tainct clair (4), fortifie les muscles, tempère (5) le sang, allège (G) le diaphragme, refraischit le foye, desoppile la râtelle, soulage les rognons, assouplit les reins, desgour- dit les spondyles (7), vide les uretères, dilate les vases sper- matiques (8), abbrévie (9) les crémastères, expurge (10) la vessie, enfle les génitoires (ii), corrige (12) le prépuce, in- cruste (i3) le balane (i4), rectifie (i5) le membre, etc. » en un sang snljtil dans le cœur, ('-taient transformés en chyle dans Testo- mac par une première coction, en sang impur dans le foie par une seconde coction, en sang pur par l'absorption de la bile et de Tatrabile par la vésicule biliaire et la rate. « Les médecins des princes doivent avoir égard aux excréments naturels, qui sont les restes des codions qui se font dans nos corps. » (Cornaro, l'Arl de conserver la sanfé.) (1) Il n'entrait pas que du blé en herbe dans cette sauce verte dont a parlé Platine {loc. cil. auprà). (2) Rend plus vifs. (3) Rend plus dur, fortifie. (4) Le régime végétarien rend la peau plus blanche et plus brillante. Les Parsis, qui ne mangent jamais de viande, ont un teint éblouissant. On défend le poisson, le gibier, la viande de boucherie sous toutes ses formes et les boissons alcooliques aux gens qui sont atteints d'une mala- dies cutanée. (5) Diminue la chaleur, l'ardeur du sang, du latin Icmperare. (6) Rend plus léger, ôte une partie de la charge, du latin alleviare. (7) Les vertèbres. « Les Grecs appelaient ces os spondyles, à cause de la ressemblance qu'ils ont avec les petites pirouettes dentelées qui sont au bout des fuseaux à filer. » (Du Laurens, Des Os.) (8) Les glandes génitales. (9) Raccourcit, du latin abbreviare. (10) Nettoie, du latin expiirgare. (11) Les vésicules séminales. (12) Relève, porte en arrière, du latin corrir/ere. (i3) Met un revêtement de marl)re, du latin incruslare. (i4) Le gland, du grec pâXavo;; linflammation de cet organe est'encore appelée balanile. (10) Redresse, du latin reclus, droit, et facere, faire. ANATOMIE DESCRIPTIVE l5b « En attendant la concoction et la digestion de leur past (i), Ponocrates (2) et Gargantua faisoient mille joyeulx instruments. » (L. I, eh. xxiii.) « Le sommeil tousjours renforce la vertus concoctrice, selon les théorèmes de médicine(3). » (L. lil, eh. xiv.) A l'exemple de Socrate, « tousjours riant, tousjours dis- simulant son divin sçavoir », Rabelais a mis « en silènes », c'est-à-dire en petites boîtes d'apothicaires couvertes « de painctures contrefaictes à plaisir, pour exciter le monde à rire, ses fines drogues, pierreries et aultres choses pré- cieuses. C'est pour quoi fault ouvrir le livre, et soigneusement peser ce que y est déduict. Lors cognoistrez (4) que la drogue dedans contenue est bien d'aultre valeur que ne promettoit la boète, c'est-à-dire que les matières icy traictées ne sont tant folastres comme le tiltre au dessus pretendoit. » Qu'on se conforme à cet avis, qu'on mette à nu dans Garganlua et dans Panlac/rnel les pensées affublées d'un costume comique, et on trouvera, comme nous, des préceptes précieux, même dans les chapitres les plus osés. Celui qu'on a accusé d'une intempérance immorale et malsaine s'est moqué des gens qui font un dieu de leur ventre, des " Gastrolatres (5), poids et charge inutile de la terre » et les a renvoyés à leur « selle persée, voir, considérer, philo- sopher, et contempler quelle divinité ils Irouvoienl en leur matière fécale ». (1) Pàinro, noiirritiiro, o\ nussi ropas. (2) IloiniiU' laltoriouv, du ixvrr tto'vo-. travail. (>t Y.pizoi, l'orro. (3) C'est l'opinion d'Hippoci aie. Mlle i^st li-rs discutable ot a »'t<' vive- ment ot à juste titre ronil)aftuo par troussais. Chez les animaux liil)or- nants foutes les ionelions de la vie de nutrition sont ralenties. Si le sommeil en£?raisse, ce n'est pas parce qu'il aue:menle l'assimila- tion, c'est parce qu'il diminue les d('penses de l'organisme. (4) Connaîtrez, du latin cor/nosrm'. (')) Afloraleursdu venti-e, du grec yaiTTjp, ventre, ventricule ou estomac, et XaTpt; ou Xatrpo;, adorateur, serviteur. M. Ducrot jiense que l'île des (ïaslrolàtr-es correspond au df'parlement de la Somme et plus paitiiulière- ment à Amiens. (\'oy. Dicrot, /oc. cil., p. 22.) l56 RABELAIS ANATOMISTE (( Le disncM' de Gargantua estoit sobre et frugal : car tant seulement mangeoit pour refréner les abois de l'estomach : mais le disner estoit copieux et large ; car tant en prenoit que lui estoit de besoing à soy entretenir et nourrir. Ce que est la vraie diète (i ) prescripte par l'art de bonne et seure mé- dicine, quoi qu'un tas de badaulx médicins, herselés (2) en rofiicine (3) des sophistes, conseillent le contraire. » Une conversation de Pantagruel etd'Epistemon (4) com- plète cette assertion : « — Quantes heures sont? (5) demande Pantagruel à Epistemon. — Neuf, et d'advantage, respond Epistemon. — C'est, dist Pantagruel, juste heure de disner ; car la sacre ligne (G) tant célébrée de par Aristophanes en sa comédie intitulée les Prédicantes (7), approche, laquelle lors escheoit (8) quand l'umbre est décempédale (9). Jadis entre les Perses l'heure de prendre réfection estoit es (10) rois (1) Diète est ici synonyme de régime. En médecine, on dit d'un malade auquel il est défendu de prendre autre chose que du lait : qu'il est sou- mis à la diète lactée. (2) Elevés, instruits. (3) A l'École. Avicenne et ses disciples ont recommandé, et des hygié- nistes recommandent encore, de se lever de table avant d'être complète- ment rassasié. Si la cessation de la faim suffit à la conservation de la vie, la plénitude de la jouissance qui ne va pas jusqu'à la satiété donne plus de jeu à l'exercice des organes. A l'exemple de Gargantua, on pourra donc manger peu le matin pour avoir l'esprit plus libre pendant le jour et largement le soir. Qu'on n'oublie pas, toutefois, qu'il est dangereux de substituer à un plaisir naturel, physiologique, un plaisir artificiel qui est toujours payé par l'irritation ou par l'insensibilité prématurée des organes, par leur destruction ou par leur impuissance. (4) Savant, du grec ér.l'3za.[t.a.i, je connais. (5) Quelle heure est-il ? (6) La ligne sacrée. (7) Les Prédicantes, les harangueuses. « Dans cette comédie, nous apprennent Burgaud des Marets et Rathery, Praxorus, expliquantà son mari Blepyrus son plan de république communiste, lui dit (v. 652, 653) : « Tu « n'auras autre chose à faire que d'aller manger lorsque l'heure du cadran « sera de dix pieds. » C'était l'heure des repas; celle du bain était quand l'ombre marquait six pieds. » (8) Tombe, arrive. (9) Dix pieds, de decem, dix, et pes, pedis, pied. (10) Aux. AXATOMIE DESCRIPTIVE 1 oy seulement prescripte : à un chascun aultre estoit l'appétit et le ventre pour horloge. De faict, en Plante, certain parasite soy complainct, et déteste furieusement les inventeurs d'hor- loges et quadrants, estant chose notoire qu'il n'est horloge plus juste que le ventre (i). Diogenes, interrogé à quelle heure l'homme doibt repaistre, respondit : « Le riche, quand il aura faim ; le pauvre, quand il aura de quoy (2). » Plus pro- prement, disent les médicins l'heure canonique (3) estre : Lever à cinq, disner à neuf, Soupper à cin(i, coucher à neuf (4). La magie du célèbre roy Petosiris estoit aultre (5). » Que le souper soit, contrairement à la règle admise main- tenant, plus abondant que le repas du matin: l'esprit n'en sera que plus lucide dans la journée, et on ne s'en trouvera certainement pas plus mal pendant la nuit, si, comme Gar- gantua, on a soin de ne se coucher (jue longtemps après s'être levé de table (O), de ne pas prendre pour un besoin réel le désir qui naît de l'apprêt de certains aliments, de converser entre chaque bouchée et quelques instants (i) .\am. me piiero. uleriin hic eral solarium Mullo omnium inlorum optimum et uerissimum. (Lors([ue jetais enfant, le meilleur et le plus sûr de tous les cadrans était mon ventre. [Plaute, Frcujmenls].) (2) Voy. DiOGÈNE DE Laerce, Vie de Diofjène le Clinique. (3) Selon la règle. (\) Le |»rf)veri)e ajoute : Fait vi\i-e (raiis, uoiianle iienl". (.■")) Petosiris. (jui n'était pas i-oi. mais [)liil()soplie, lixaii toutes choses, et même l'heure des rei)as, par la position des asti-es. .lùjra licei juccul. capiendo nullu ridclur Aplior hora ciho, niai (pinm dedcril Petosiris. (Klaiil malade au lit, elle ne [)rendraile nourriture ((u'aux heures mai'- (pu'-es par l*etosiris. [Juvénai., sat. \'I, vers 53J.) I.a mairie de Petosiris a été éi,'alement eell<> d'un iionnné Crinas cm (iiinias, nn'deein à Marseille. (Voy. Pijm;, t. XXIX, eh. i.) ((>) l)ès (piils étaient à table, " Ponocrates et Garirantua eonuueneoieni à deviser joyensement enseml)le ». Le soir, après soui)er," ils s'adoiuioienl ài'hanlrr ninsicalenind. à joner (''s eliarles(au\ caries, du lalin citrld), ('s di'-/...; (inflipiefois alloieni visilei- les eompairnies des irenls lettrés... Ln pjcinr nuiel. devant «pie soy retirer, alloieni au lieu de leiu' loiris le pins dcscouver! voir la l'ace dw lirl, etc. (L. I, eli. xvni.) l58 RABELAIS ANATOMISTE après avoir mangé (i), et de se présenter, autant que pos- sible, aux mêmes heures, u es lieux secrets pour l'aire excrétion des digestions naturelles » (2). 11 conviendra aussi, une fois rassasié, de ne pas tra- vailler avant de se mettre au lit. « Nature ha faict le jour pour soy exercer, pour travailler et vaquer chascun en sa négociation (3) : et, pour ce j)lusaptement (4) faire, elle nous fournit de chandelle, c'est la claire et joyeulse lumière du soleil. On (5) soir, elle commence nous la tollir (G), et nous dict tacitement : Enfants, vous estes gents de bien : c'est assez travailler, la nuict vient : il convient cesser du labeur, et soy restaurer..., puis soy quelque peu esbaudir (7), coucher et reposer, pour, on (8) lendemain, estre frays et alaigres au labeur, comme devant. Ainsy font les faulconniers, quand ils ont peu (9) leurs oiseaulx. Ils ne les font voler sus leurs gorges, et les laissent enduire (10) sus la perche (11). » L'enfant, en raison de sa croissance, de sa circulation (1) Un habile médecin de Vichy, M. le D' Greletty, a publié, eu 1888, une brochure fort intéressante pour montrer les dangers qu'offre le silence imposé pendant les repas dans les pensionnats et les couvents. j^^^ digestion est meilleure, Lorsque l'on conteste un quart d'heure, Un moment après le repas, a dit, d'autre part, Scarron. La sécrétion de la salive qui contient un ferment digestif des plus puissants, la ptyaline, est en effet activée et persiste quand on cause en mangeant et immédiatement après avoir mangé. (2) A trois siècles de distance, le professeur Trousseau, le compati'iote de Rabelais, a insisté, dans un chapitre d'une de ses cliniques de rH(jtel- Dieu de Paris, sur l'importance d'une exonération régulière et ({uoli- dicnne des résidus de la digestion. (3) A ses affaires, du hiVmneyoliiun. (4) Convenablement, du latin aple. (5) Au. (6) Nous la ravir, nous l'ôter, du latin lollere. (7) Réjouir. (8) Le. (9) Pu ou i)eu, repu, fait manger. (10) Digérei', du latin indiicere. (11) L. III, ch. XV. ANATOMIE DESCRIPTIVE 1 5(J plus active, de sa vivacité plus grande qui lui fait brùlei- plus vite le carbone des aliments qu'il absorbe, ne saurait toutefois être soumis à ces règles. Il doit manger aussi souvent que sa faim, jjIus impérieuse que celle de l'adulte, l'exige. « Donnez à repaistre aux jeunes, prescrit Panurge (notez jeunes). Car, selon la sentence d'iiippocrates (i), jeunesse est impatiente de faim, mesmement (2) si elle est vivace, alaigre, brusque, mouvante (3), voltigeante (4), galoise (5). » Rabelais ne s'est pas préoccupé seulement de la quantité d'aliments que l'homme doit ingérer aux différents âges de la vie et des heures auxquelles il doit les ingérer, il s'est préoccupé aussi de leur préparation et de leui's propriétés physiologiques (Gj. Citons au hasard : Le bouillon s'obtient en faisant bouillir \ni morceau de bœuf dans de l'eau légèrement salée à laquelle on ajoute des légumes pour en rehausser le goût. L'eau dissout d'abord l'albumine dont une partie forme l'écume qu'on enlève, puis la créatine, la créatinine, l'acide inosique, etc., puis, eniin, (juelques portions des libres musculaires qui sont détachées })ar la continuité de l'ébullition. Pour avoir de bon bouillon et de bon bouilli, il faut que l'eau s'échauffe lentement, alin que l'albumine ne se coagule pas dans l'intérieur de la (1) Les vieillards supiiorleiil le mieux rabslineiice ; ai)rès eux, les lioiiiiues d'un Ajj^e l'ail ; les adolescents, point du tout ; encore moins les enfants, surtout crux (jui ont le plus de vivacité. (HirrocHATt:, UEiwics, trad. de Pariset.) (2) Surtout. (3) Remuante, du latin movcre. (/,) Même sens (pie ci-dessus. (.■j) Joyeuse alerte. (L. 111, cli. ii.) (0) IMus l'air est sec, plus les sé( i-t'-lions et lévaporalion pulmonaire sont activées rt plus lorf^anismc (h'dtilil»' n'-rlume une nourriture récon- l'oi-Jante. Il en va tout autrement cpiand l'air «'st satiné de vai»eur d'eau. « Par les temps humides, Ponocrates et Gai'ifanlua mani,'eoient plus sobre- nn-nt qu'i'-s aullres joui's et viandes i)lus désiccalives et exténuantes. » l6o RABELAIS ANATOMISTE viande; il faut que rébullition s'aperçoive à peine, afin que les autres composés chimiques qui sont successivement dissous puissent s'unir intimement et sans trouble. L'in- corrigible railleur fait déclarer gravement par le fondateur de l'abbaye de Thélème que c'était surtout pour mettre plus tôt « la marmite claustrale au feu », que les moines se levaient jadis de bonne heure. « Plus matin se levants, plustot estoit le bœuf au feu ; Plus y estant, plus cuict restoit; Plus cuict restant, plus tendre estoit, moins usoit les dents, plus délectoit le palat (i), moins gra- voit {2) l'estomach, plus nourrissoit les bons religieux (8). » La chair du chapon, de la perdrix, de la géline, du pigeon, est appétissante et très digestible. Et si « feu Amer, médicin d'eau doulceàAngiers, deffendoitaux malades Faisle du chappon gras ou celle de la perdrix, le croupion de la géline et \o col du pigeon, disant : Ala mala, cropiiim diibiitm, colliim boniim^ pelle remotâ (4) », c'estoitaffm que tout fust réservé pour sa bouche. — <( La rougeur des viandes est indice qu'elles ne sont assez cuictes. Exceptés les gammares (5) et escrevices que l'on cardinalise (6) à la cuicte (7). » — La charcuterie sous toutes ses formes (8), les (2) Le palais, du latin pakdua. (1) Chargeait, pesait sur, du latin (jravdve. (3) L. III, ch. XV. (4) « L'aile est mauvaise, le croupion passable, le cou bon quand on en a ôté la peau. » Jean de la Bruyère Champier (1. XV, ch. viii de son De Re cibaria) a écrit : Viilfjus jaclal colliim aviiim. sed prœserliin gallinacei generis, boniiin ciile delraclà. Alii clarilali oculorum officere crediderunl- Par « médicin d'eau doulce », Le Duchat croit que Rabelais a voulu dire : (( médecin dont les remèdes ne font pas plus de bien ou de mal que si ce n'était de l'eau douce ». (5) Les homards, du grec -/.àfAtAapo;. (6) Jules Janin, qui lisait assidûment Gar(/anliia, s'est soiivcmi sans doute de cette expression quniid il a appelé le homard le canliii.il (h-s mers. (7) L. I, ch. xxxix. (8) Le xvi*" siècle s'est gorgé de charcuterie et de salaisons. Leur éloge revient sans cesse dans Rabelais. Ici, c'est frère Jean apportant pour ANATOMIE DESCRIPTIVE l6l salaisons, « les langues de bœuf fumées, boutargues (i) et tels aultres sont avant-coureurs, aguillons de vin, conipul- soires de beuvettes ». — « La laitue tempère la soif [-a). » — « Nature nous instruit cueillir et mangei- les fruicts entrer en vin « quatre horrific({ues (énormes) pastés dt- jambon ». Là, ce sont les cuisiniers l'oyaux tuant ■' bœufs pour estre à .Mardy-gras salés, atTui qu'en la primevère (au [)rintcmps) ils eussent bonifsde saison à tas pour au commencement des repas taire commémoration des sa- lures ». Au nombre des « beaulx livres », conservés précieusement dans la bibliothèque Saint-Victor à Paris, figurent : Des Pois au lard, ciini comme nlo ; l'Arjuillon de rin : le Trijnei' de ban jtensemenl : Majovis, de modo faciendi boiidino^ : Beda , de ojdimildle Iripanim : Revevendi palvis fralris Lnbini, proi'incidlis: Barardia', de Croiiuendis lai'donibiis libri 1res, etc. Dans lilc Farouche (c'est lîle Griniin })()ur M. Ducrot ; — voy. Ducrot, loc. cil.aiiprà, p. 17 ; en vieille langue gotlii(iue. Grimm veut dire: furieux, féroce, fai-ouche. toujours en rage), où l'on adore Mardigras, quarante- deux mille Andouilles, attifées comme dans les féeries populaires et commandées par les capitaines Riflandouille et Tailleboudin, attaquent « alentour du chasteau de Saloir et de la forteresse de Caques » Tarmée de Pantagruel. Frère Jean, dont la mémoire est excellente, assiste par bonheur à ce combat. Il songe au cheval de Troie et fait construire « une grande truye en bois » capable de loger dans ses lianes deux cents cuisiniers, appelés : « Saulpiquet (sauce piquante), Grasboyau, Pille- mortier, Croquelardon, Tirelardon, Frizelardon, Grattelardon,Guaillardon (par syncope, Guaillartlardon), auquel se joint Boudinandière, etc. » En vain, « les Godivcaulx et les Saulcissons à cheval » tendent une embus- cade à Pantagruel. Le In-ros Gymnaste cou[)e en deux de son épée le fabuleux général Cervelat. Enhn l'infante Niphleseth {phallus en hébreu) et soixante-dix-huit mille de ses sujettes « Andouilles royales » sont envoyées à Gargantua qui en fait présent au « grand roy de Paris ». Mais, hélas! « par faulte de moustarde (baulme natui'cl et restaurant dandouilles) mourureid prescpie lontes ■■. Ce malheur est toutefois bieidôl coiiUMMisi'. Les voyageurs retrouvent, en elTet. che/ les Gastrolàtres, « d'autres andouilles caparaçonnées de moustarde Une, boudins, saulcisses, cei'velals, saulcissons, langues de ba?uf fumées, jambons, hures de sanglier, saumates (créions, menues fritures, de l'italien sommala). En ce tenq)s-là, le jambon l'Iail nu des premiers niels dn repas. (N oy. IviiConles d'Eiilriipel, i\\.\\\, t'\ les ]'i;/ilesdu roi (Juirles Vil. nouv. édil.. t. I, p 80.) (l) Cervelas d'uMirs de muge du d'esliirgeon conlits dans riiuile. (•?.) Les Romains terminaient, connue nous, leur repas [lar une salade, et pi'incipalemenl par une salade de laitue. Au moyen âge, on pro<'éilait en sens inverse. Gai'gantua mangeait de la salade au début lie ses repas, mais les II iBo RABELAIS ANATOMISTE quand ils sont meurs (i). » — Les poires de bons chrétiens cuites « en casserons (2) par quartiers avecques un peu de vin » sont très salubres, « tant es malades comme es sains » (3). — « C'est viande (4) céleste manger à déjeusner raisins avec fouaces fraisches mesmementfo), des pineaulx, des fiers (6), des muscadeaulx (7), de la bicane (8), des foi- rars (9) pour ceux qui sont constipés du ventre. » Il est de vieilles coutumes qui avaient du bon. La cure de raisins est de ce nombre. Voulez- vous débarrasser vos vis- cères de l'enduit qui les engorge? Faites une cure de raisins. Mangez-en autant de grains que vous voudrez, mais en évi- tant d'avaler les pépins et les pellicules, qui sont des corps indigestes et sans utilité. Ce qui agit dans le grain, c'est le jus qui contient tous les principes d'un excellent savon : des tartrates, des malates de potasse, neutralisants bien supé- rieurs au sel de Vichy (bicarbonate de soude) et un acide frères Iredons à la fin du leur : « Ils conimençoient leur repas par Cor- mage, eU'achevoientpar moustarde et laictue, comme tesmoigne Martial avoir esté Tusage des anciens. » Dans Tépigramme 14 du livre XIII de Martial, on trouve en effet les deux vers suivants : Claudere quse cœnas lacluca solebal avoriim Die mihi, car nostras inchoal ille dapes. A Rome, la salade de laitue était jadis servie de préférence le soir, d'après le conseil de Dioscoiide, qui avait reconnu les propriétés tem- pérantes et hypnotiques de la plante en question. L'empereur Auguste fit élever une statue à son médecin Musa qui lavait guéri au moyen de la laitue. A l'heure actuelle, le suc de laitue, ou lachicaviam, entre dans la composition de la plupart des potions calmantes et antispasmodiques. (i) Quand ils sont trop verts, ils contiennent un priucipc Acre qui irrite la muqueuse digestive et provoque la diarrhée. (2) En casseroles. (3) Pline dit (1. XVIII, ch.vii) que toutes les poires sont pesantes et indigestes, sauf quand elles sont cuites. (4) Dans le sens de mets, d'aliments; vivanda en basse latinité, fait de vivere, signifie tout ce qui fait vivre. (5) Principalement. (6) Raisins appelés aussi fumés. (7) Raisins muscats. (8) Raisins à faire le verjus. (9) En Guyenne on appelle ainsi les raisins ap])elés pineaux en Tou- raine. ANATOMIE DESCRIPTIVE l63 susceptible de se dédoubler comme Facide du vinaigre en alcool et en acide carboni({ue. Sous rinflueiice de ce jus « divin », les selles se multiplient entraînant l'acide urique, les engorgements du foie disparaissent, l'hypochondrie s'en- vole colorant l'avenir des tons les plus rosés, les affections cutanées s'éteignent laissant le calme et la douce chaleur dans les régions où régnait la veille un prurit dévorant. N^en déplaise à Brillât-Savarin, il est très bon de prendre quelquefois son vin en pilules. Le roi des condiments, le vinaigre, qui excite la sécré- tion des glandes salivaires et des follicules gastriques dont les sucs sont indispensables à la digestion des viandes noires, est prôné par Maître François : ... Manger levrault, c'est malheur Sans de vinaigre avoir mémoire (i j : Vinaigre est son ame et valeur. Retenez-le en poinct péremptoire (2). Les chevaliers de Pantagruel « feirent rostir leur venai- son. Et a})rès, grande chère à force vinaigre (3). » Les ragoûts sont en général mal supportés par les esto- macs délabrés. Il en est de même des sauces, sauf de quelques-unes, la sauce Robert ou sauce au pauvre homme, (1) L. Il, eh. wvir. (loniiilz rostis, aussi poulaille Sont lions pour cstrc bien repuz Avec la saulcc du vcM-jus. (Guillaume Bcm:l, Conseils pour se ])réserrer de ht pesle.) (2) I.e lièvre au vinaigre »'lait très prisé de nos aïtMiv. qui allrihuaient à la chair, aux viscères et même au sang de cet animal une ioule de vris dam iiicumbis, orexim Nulla tibi melius phavmaca restituent, Nulla et aliquaculi mage détergent pituitam^ Nulla alvum poterunt solvere commodius. Mirere id [jotius, quantum vis dulcia, sumpto, Saisamenta, Garo, nulla placere tibi (4). (( Ce Garum, que nos médecins ne connaissent plus, et que leurs prédécesseurs estimèrent tant, je te l'envoie. Tu ajou- teras, à ton gré, du vinaigre et de l'huile ; il en est cependant qui préfèrent le goût du beurre. Pour toi qui passes ta vie courbé sur les livres, il n'est j)oint de meilleur remède pour te rendre Tappétit, te balayer les humeurs et te relâcher plus commodément le ventre. Surtout, et cela ne sera point sans t'étonner, ({uelle que soit la tinesse des condiments (1) L. IV, ch. XL. La sauce Robert, encore indiquée dans les livres de cuisine, est une sauce dans la composition de laquelle entrent du vinaigre et de la moutarde. (2) Mieux coniis, lapins, du latin ciinicalns : on disait aussi connin. (3) Pline et Dioscoride en ont donné la recette. Mais cette recette était complètement tombée dans l'oubli. (Voy. S. Rondellet, Histoire des Poissons, trad. franc, de Laurent Joubert ; Lyon, MCLIII, 1. V, ch. xiv. — Du Picarel, pp. 126-127, 1. Vil, cli. x. — De la Sardine, p. 181 et 1. VII, ch. III. — DesAnchoies, p. 177.) (4) Florelum pliilosopliicum seii Indus Meiidonianiis in lerminos loliiis pfiilosopliiœ aiilore Antonio Le lioij presbylero Cenomanensi IV. Licenl opus elucubraliun Meudoninij in Musœo clariss. Fr. Rabelœsi, etc. Parisiis, iG4«j. {Propnefalione, L iij-) ANATOMIE DESCRIPTIVE 1 65 dont tu te sers, nul pour toi ne vaudra le Garum quand tu l'auras goûté. » Veut-on savoir ce que le prètre-médecin pensait du ré- gime quadragésimal? Il n'y a pas d'aliments plus excitants que ceux qui sont prescrits par l'P^glise pendant le Ca- rême (i) : <( febves, pois, phaséols (2), chiches (3), oignons, noix (4), huistres, harens, salures (5), garon (G), salades toutes composées d'herbes vénéréiques (7), comme éruce, «asitord (8), targon (9), cresson, berle (10), response (11), pavot cornu, houbelon (12), ligues, riz, raisins (i3) ». Le pain, qui est la base de notre nourriture, doit, comme lindique Pantagruel (i4), être salé et fermenté pour être léger et sapide. « Chose on (i5) monde plus les humains ne (1) L. V, ch.xxix. (2) Haricots, du \îi[u\ ithaseolim. (3) Les fèves, les pois, les haricots, les chiches, le riz sont les aliments végétaux qui contieiinenl le plus de matières azotées, principes essen- tiels de la nutrition. (4) Les hygiénistes croieiif que raction stimulante exercée par les oignons et les noix est due à une suhslainc acre et amère. (.5) Les salaisons et la chair de poisson sont très nutritives. La chair de la morue salée renferme 5,2 0/0 d'azote, celle de la raie .3,83, ctdle du maquereau, 3,74, etc., alors que celle du bond" nen renferme que 3,."j3. La chair d\i homard est plus riche en azote que celle du gil)ier. (6) Poisson appelé autrefois en Languedoc picard. Il doit son nom moderne à Hahclais ([ui s"en est servi pour reconq)Oser le garum. (7) Aphrodisiaipies, du latin venereiis, de Vénus. (8) Cresson ah-nois. (g) Estragon. (10) Plante ilr l,i Ijnnillr de- Oinlx'llifères. (11) La médecine tire un grand parti de la plupart de ces plantes et siiiluiil des Crucifères (ci-esson, raiponce) qui sont reconstituantes. (!•>) Le hipulin du li()ni)l(iii passe pour réunir les pr(tpri('-tés uarco- licpii's aux proprit'h's aromatiques et toniques. i\'.'>) Les fruits les i)lus nourrissants soid les ligues, et s\u'l<)ul h's ligues sèches, les dattes, les raisins secs, les pruneaux; les fi-uits les moins nourrissaids, les cerises, les oraiiges, les groseilles, etc. Pendant le carême, on ne peut nuingei- cpie des ligues et des raisins secs, cesl-à-iliic les plus nourrissants de tous les Iruils à leui- maximum de puissanci' nutrilivc (i4) L. IV, ch. i-xi. (i5) Au. l()() RABELAIS ANATOMISTE rend à maladie subjccts, que de pain non fermenté, non salé user (i). » Poursuivons. Après les aliments solides, les aliments liquides, les boissons. La menthe, qui entre dans la composition d'une excellente liqueur, rend le sang plus fluide. « En tesmoignage, sont les champs de Fisle de Samos (2), dicts Panema(3), c'est-à-dire tout sanglant, auxquels Bacchus les Amazones (4) accon- ceut(5), fuyantes de la contrée des Ephésians (6), et les mit toutes à mort par phlébotomie (7), de mode que (8) le dict champ estoit de sang tout embu (9) et couvert. D'ond ( 1 0) vous pourrez d'oresenavant entendre mieulx que n'ha descript Aristoteles, en ses problèmes (1 1), pourquoy jadis on disoit (1) Le pain sans levain et sans sel est fade, indigeste et moins nonris- sant. Le levain ou la levure transforme une portion de la fécule de la farine en dextrine et en glycose. Ainsi est commencé le travail de transfor- mation de la fécule de la farine en dextrine et en glycose, que complète l'action de la salive. Le sel entre dans la composition de divers tissus de l'organisme, du tissu musculaire entre autres. Il active la sécrétion des liquides de l'esto- mac indispensables à la digestion des aliments azotés. Les animaux ont, de même que l'homme, un goût prononcé pour le sel et le mangent avec avidité. (2) Ile de la mer Egée. (3) Du grec -à;, jiavtd;, tout, et al[xa, sang. (Voy. Plutaroue, dans ses Demandes des choses grecques, ch. xcvi.) (4) Femmes guerrières habitant la Cappadoce, sur les bords du lleuve Thermodon, et qui brûlaient le sein droit de leurs filles pour les rendre plus aptes à tirer de l'arc (du grec a, privatif, et fxaS^o'?, mamelle). (5) Atteignit, rejoignit, du latin adconcipere, de ad, augmentatif, et capere, prendi-e. (6) L'Ionie. (7) Par ouverture des veines ; du grec oXà^}', veine, et lopi fait de -c'iJLvw, je coupe. (8) De sorte que. (9) Imprégné, imbibé, du latin in, dans, dedans, et bibere, boire. (10) D'où. (11) Aristote a avancé (Sect. 20, Probl. 2) que la menthe étant froide par elle-même ne convient pas aux soldats. Le père de la botanique, Dios- coride, a, d'autre part, prétendu que les feuilles de menthe jetées dans le lait l'empêchent de se cailler et de se mettre en fromage. Selon Lœwis, ANATOMIE DESCRIPTIVE 1(37 en proverbe commun: <( En temps de guerre, ne mange et ne plante menthe. » La raison est, car en temps de guerre sont ordinairement despartis (i) coups sans respect (2), or que l'homme blessé, s'il ha celluy (3) jour manié ou mangé menthe, impossible est, ou bien difficile, lui restreindre (4) le sang (5). » Le vin, pris avec modération, donne des forces; <( les aca- démies ratîerment (Gj, rendants l'étymologie de Vin, lequel ils disent en grec oiNOS,estre comme y/s, force, puissance. (7) » — Le vin rouge est « Tesperon du fromage ». — Le vin blanc « soulage les rognons » (8). — « L'hypocras clairet est salubre et stomachal (9). » Trousseau et Pidoux, la lueiitlie nenipèche pas la eoagulalion du lait, mais la retarde. Au dire de Linné, les vaches qui mangent de cette labiée dans les pâturages ont un lait beaucoup plus séreux. Hippocrate a écrit, enfin, que « le lait est le l'rère du sang» et Galien (1. IV, De l'Usage des parties, ch. viii, et De ven. secl. contre Erasistrate, ch. v), que le lait est engendré du sang menstruel. Les Anciens ont conclu par analogie. (1) Distribué, du latin despartiri. (2) Sans égard, au hasard, du latin respeclus, l'ail île rcspicerc, regar- der, avoir égard. (3) Ce jour-là. (4) Arrêter, du latin restrinçjcre. (5) L. V, ch. xxxix'. (6) L'affirment. (7) L. V, ch. XLV. (8) Est diui'étique, lait uriner. Le vin blanc est la base des vins mé- dicameidcux diurétifjues de Trousseau, de Deljjrènes, de Tessier, de Corvisai't, etc. (9) Vin (rouge ou blanc) aromatisé. N'oici la recette qu'eu doiuie Taillevent : « Pour une pinte, trois tréseaulx (trois gros) de cynamone liue et parée, un tréseau de mesche ou deux qui veult; deux tréseaulx de girolle ; et de suc fin six onces, et mettez en poudre ; et le fault tout mettre en un contonoir (entonnoir) avec le vin, et le pot dessoubs, et le passer sans (juil soit coulé, et tant plus est passé et mieux vault; mais qu'il ne soit esventé. » La cannelle {Laurns cinnamonuim de la ianiille des Laurinécs) elles clous de girolles {Cari/ojt/ujlliis aronuiticiis de la lamille des Myrlacées) admi- nistrés dans du vin sont excitaids, slcjmacliiipies et toni(pu's. Toutes les anciennes (M)nq)Ositions cordiales et ale\ipliaiina(|ues contenaient de la cannelle. L'hypocras pai'lumé ;ivcc Jiinciis oilornliis je me con- tenterai d'indiquer : Forgier, auquel « les boviers, bergers et métayers de Seuillé et de Sinais, avec gros raisins chenins (i) estu- varent (2) les jambes contusionnées. » Et Epistemon (3), décapité, auquel Panurge (c net- toya très-bien de beau vin blanc le col et puis la teste; après les oignit de je ne scay quel oignement (4), et les afusta (5) justement vène contre vène, nerf contre nerf, spondyle contre spondyle, affin qu'il ne fust torti-colli. Ce faict, luy feit à Tentour (juinze ou seze points d'aguille (G) , affm qu'elle ne tombast derechef, » Etanclier la soif avec des boissons froides fut de tout temps un plaisir recherché. Le sensuel Horace enveloppait de neige l'amphore contenant son falerne. Par le chaud qu'il laisait, nous n'avions point de glace. Point de glace, bon Dieu 1 dans le fort de l'été I Au mois de juin !... s'écrie un des convives du festin ridicule. (( Lorsqu'entrastes en Lybie. demande à Picrochole (7) Urbain V, (jui a [tréconisc le pansement à l'alcool, n'eu est pas, comme ou le pense géurrakuneut, l'inventeur. Ilippoci'ate a dit, bien longtemps avant lui : « l.aver les plaies avec- du vin est toujours utile. » Comme pour juslilier le vei'S d'Horace : Milita renascenlur qiiœ jum cecidere, ce j)ausem<'ul, fli'hiissc ciepuis un quai't de siècle, vicut il'rlri' remis en liouueur en Alleuuigue, par MM. L(e\v, S;d/.e\ve(l<'l, llardelelieu, etc. (1) Haisin dout ou fait le gros viu. (2) Pansèreiil, hivèicnt. (3) Savaut, du gi'ec ir.h-zoL^ixi, je connais. (',) Onguent, du latin iiiifjuerc, oimlre. (."j) Les ajusta. (G) .\iguille. (7) Picrochole, 1 liomme ;'i l;i l)ile iimère; (\\\ grec -i/.&ô;, amère. et /oXr,. liile. (\'ov. Anal. iliiriirLT. | 172 RABELAIS ANATOMISTE un de ses officiers, la caravane de la Mécha (1) ne vous fournit-elle de vin à suffisance? « — Voire : mais, dist-il, nous ne busmes poinct frais. » <( Buvez frais, si faire se peult (2)... Buvez bon et frais assez (3), comme vous diriez sus le commencement du second degré (4), » recommande Maître François à ses clients (5). Boire frais, si faire se peut, est un conseil d'hygiène qui a besoin d'explication. La fraîcheur des boissons n'est pas un luxe, c'est une nécessité. A la température de 4*^7 1^^ boissons exercent une action stimulante sur l'estomac et l'intestin ; elles favorisent la digestion ; plus froides elles font crisper les (1) Mecque. (2) L. I, ch. I. (3) Prol. du 1. III. (4) Tempéré. Le froid, ainsi que le chaud, le sec et l'humide, com- prend, d'après Galien, quatre degrés. A peine marquée au premier degré, son action est appréciable au second, dangereuse au troisième, destructive au quatrième (Voy. Galien, 1. V des Simples et 1. I des Ali- ments.) (5) La même pensée est encore exprimée dans le chapitre xlv du dernier livre. (( Ainsi maintenons que non rire, ains (mais) boire est le propre de l'homme. Je ne di boire simplement et absolument, car aussi bien boivent les bestes; je di boire vin bon et frais», et dans le chapitre xlii du même livre: « Ce vin n'ha que ce mal qu'il est frais, mais je dis froid plus que glace, que Teau de Nonacris et Dircé, plus que la fontaine de Contoporie en Corinthe, laquelle glaçoit l'estomach et parties nutritives de ceulx qui en buvoient. » L'eau que fournissait la fontaine de la montagne de Nonacris en Grèce était, disait-on, si acre qu'elle perçait tous les vases, hormis ceux faits de la corne du pied d'un mulet. C'est elle qui, portée de Grèce à Babylone etversée à Alexandre, aurait causé sa mort. (Voy. Vitruve.VHI, 3 ; Plitaroue, dans la Vie d'Alexandre; Strabon, Vlll, p. 309, et Pausamas en ses Arcadiqnes. cit., par Prideau dans son Histoire des Juifs, édit. Amsterdam, 1722, t. II, pp. 476 et 477-) La Dircé ou Dircenna de Martial était froide comme de la glace. Avidam rigens Dircenna placabis. (Martial, Ep. 5i, du 1. I.) Pour des détails circonstanciés sur la fontaine de Contoporie, voy. Athénée, 1. IL ANATOMIE DESCRIPTIVE 1 78 vaisseaux du tube digestif et provoquent des congestions réflexes du poumon, de la plèvre, etc. C'est une pleurésie et non un empoisonnement qui a causé la mort du grand Dauphin auquel le comte de Montecuculli avait offert un verre d'eau glacée. Harpagon voulait qu'on gravât au-dessus de la chemi- née de sa salle à manger: « qu'il faut manger pour vivre et non vivi-e pour manger; » nous ajouterons « et ne pas boire trop frais ». Rabelais n'a pas dit autre chose. APPAREIL RESPIRATOIRE Oiiarcsmeprenant avoit : Le nou, comme un baril, auquel pendoient deux goi- trous de bronze bien beaulx et harmonieux, en forme d'une horloge de sable. -> L'aspre artère, comme un gouet. Le poulmon, comme une aumusse. La plèvre, comme un bec de corbin. Le nou, comme un baril, auquel pendoient deux goitrous de bronze bien beaulx et harmonieux, en forme d'une horloge de sable. Le nou, le larynx (i) ou nœud de la gorge, Torgane de la voix, la portion supérieure renflée du canal aérifère de l'appareil respiratoire. « Sa figure, dit Diemerbroeck, est à peu près circulaire, s'avançant sur le devant et étant aplatie sur le derrière pour laisser l'espace libre à l'œsophage (2). » Il est fermé en haut par une membrane fibreuse mobile, l'épiglotte (3), et constitué par une série de cartilages dont la partie moyenne du plus important, du cartilage thyroïde (4), forme, à la face antérieure du cou, une saillie appelée pomme d'Adam (.5). C'est à cette saillie que le larynx est redevable (i) En grec XâpuY?. (2) Diemerbroeck, loc. cil. siiprà, t. II, \). 179. (3) Du grec cVi, sur, et yXwit^;, la glotte, l'orgaue de la voix. (4) Ainsi nommé parce qu'on Ta comi)aré à un bouclier; du grec Ojp^ô;, rondelle, bouclier, et eIooç, ressemblance. (5) D'après Diemerbroeck, « cet avancement, d'autant qu'il est plus visible dans les hommes que dans les femmes, est appelé en eux pomme d'Adam, parce que le vulgaire s'est imaginé que le morceau de la i)omme AXATOMIE DESCRIPTIVE 170 (lu nom de nœud ou plutôt de nou, sous lequel il a été dé- signé autrefois par les anatomistes et sous lequel il est désigné encore dans les campagnes. Les barils {barris) anciens étaient des tonnelets s'ou- vrant par l'un des bouts ou munis d'un robinet, faits habi- tuellement, les uns d'un bois précieux, voire même d'ivoire ou d'argent, et que l'on plaçait sur les buffets et dressoirs pendant les repas, et qui contenaient des sauces froides, des liqueurs, de la moutarde (1), etc. ; les autres d'un bois -.~Jsi> Le non, comme un baril. grossier, et (jue lOii li'aiisportait sur les épaules ou sous le bras au moyen duiK» courroie et avec lesquels les reli- gieux quêteurs (2) s'en allaient demander du vin et de r;il,ili' (|irA(l;iiii voiilnl mnii^'-cr rcshi. pai' piinition divine, en son trosi(M', ce cl ;ivîui(;or on dehors ce cartilage et que cet avance- ment on protubérance est passé en ses descendants coninic par luM'i- tagc. » (DiEMERiiROECK, loc. cil. siij>rà. l. II, p. 180.) (1) Il est des caves à liqiu'urs en verre, des moutardiers, des pots â rillettes, etc., en faïence on en i^rès, cpii ont encore cette l'orme. (•>) Kt aussi les lépreux. " Aujourdliui on baille aux ladres des cli- quettes et un bai'il. alin «piils soient conneus du |»euple. - (And>i-oise Park, loc. lil. snprà. eh. \ii.) Comme I eMlrt-r de^, buuliquc^ l'-tiiit inlerdile aux li'"preux. eeux-ci se 176 RABELAIS ANATOMISTE l'huile. Il est évident que, dans la eomparaison en cause, il s'agit des petits barils de salle à manger. Un dessin de Vln- venlaire de Charles V permet de constater que ces barils n'étaient (jue des réductions enjolivées de nos barils actuels. A la naissance de la trachée et sur les parties latérales du larynx, ou, pour parler plus exactement, sur les parties latérales de son principal cartilage, on trouve un corps glan- duleux, le corps thyroïde, composé de deux lobes réunis par une portion rétrécie dite isthme du corps thyroïde. L'aug- mentation de volume du corps thyroïde constitue la maladie connue sous le nom de goitre, goêtre, gouètre (du latin gitt- tnr^ gorge). Cette augmentation de volume du corps thy- roïde peut être totale ou partielle. Quand elle porte seule- ment sur les deux lobes, ceux-ci, transformés en deux tumeurs plus ou moins symétriques, aussi dures que du bronze et très rapprochées par suite de l'aplatissement du conduit aérien et de la disparition presque complète de l'isthme, représentent assez bien « une horloge de sable (1) » couchée sur l'un ou l'autre de ses côtés. Le goître accompagne souvent le crétinisme et est très commun dans les pays de montagnes, principalement dans les Alpes et dans les Pyrénées. Le mot de Cagots s'applique, d'autre part, aussi bien aux moines mendiants revêtus de la cagoule qu'aux habitants du Béarn atteints d'une hyper- trophie de la glande thyroïde. On appelle même kagot, dans les Pyrénées l'hypertrophie de cette glande (2). Le « père servaient de leurs cliquettes pour prier les marchands de leur apporter dans la rue le pain et la boisson dont ils avaient besoin. (1) L' <( horloge de sable » était formée de deux ampoules de verre superposées où le sable, tombant de lune dans lautre, mesurait un cer- tain espace de temps. Le sablier dont se servent encore les cuisinières pour se rendre compte du degré de cuisson des œufs qu'elles déposent dans l'eau bouillante en est une réduction. (2) Pour de plus anqjles détails sur l'étymologie du mot Cagot, voy. : AXATOMIE DESCRIPTIVE I77 et nourrisson des médicins » était donc cagot d'esprit et de corps. A la suite d'une angine, le larynx et son couvercle l'épi- glotte sont parfois le siège d'une fluxion œdémateuse qui, en empêchant l'entrée de l'air. dans les poumons, peut ame- ner la mort par suffocation. C'est cette maladie, appelée œdème de la glotte, que les habitants de la Quintessence souhaitent en ces termes aux ennemis de leur reine : « Leur male-angine (i), qui leur suffoquast le gorge- ron (2) avecques l'épiglotlide. » L'aspre artère, comme un gouet. \Jaspre artère, la trachée-artère, est le tronc commun des canaux aérifères des poumons. Elle est verticale et a la forme d'un cylindre dont le tiers ou le quart postérieur aurait été enlevé. Située en partie dans le cou, en partie dans la poitrine, elle est formée par seize à vingt cerceaux cartilagineux superposés que séparent autant d'anneaux fibreux (3). Dans le chapitre xix du livre II, Maître F'rançois a donné à ce conduit le nom (ju'il porte aujourd'hui. Panurge, con- versant par signes avec l'Anglais Thaumaste (4), « ouvre quelque peu de la bouche, et avecques le plat de la main le Monde pvimilif de Court de Gebeliii, les Obserralions do Raïuond, le Voijfifje aux Alpea de Saussure, etc. (i) L'anffine nmligne. {•.i) Le nœud de la ^'oi-jj^e, le larynx'. (3) D"où son aspect noiu'ux et ses noms (\' expressions : avoit' la Vessie Irndiic. rclrichi'"»'. de l.-iclicr de l'eau, le ventre, l'ic. l88 RABELAIS ANATOMISTE Le col d'icelle, comme un batail. Le col cVicelle, le col de celle-ci ; le col de la vessie est l'orifice interne du canal de rurèthre. II '^st rond, évasé, plus large que Torifice externe et offre à sa partie médiane une saillie longitudinale, dite crête uréthrale ou verii-monlamim ^ dont l'extrémité postérieure est renflée. Par suite de l'augmentation de volume de la prostate, cette saillie est très prononcée chez les vieillards. Le roi d'icelle, comme un batail. Balail, battant de cloche. Il est fait mention, dans le chapitre xix du livre I, qu'un latiniste, demeurant près de l'Hôtel-Dieu, désirait que les cloches de Notre-Dame « fussent de plume, et le batail fust d'une queue de regnard (i) : pource (2) qu'elles lui engen- droient la chronique (3) aux tripes du cerveau (4) »• (Voy. Névrologie, Physiologie.) Entre l'orifice évasé du col de l'urèthre et le verii-monla- niim et une clochette dont le battant touche la paroi, c'est- (1) Renard. (2) Parce qu'elles. (3) Une maladie chronique, laquelle ? La migraine, répondent quelques commentateurs. Est-ce bien sur? (4) Aux circonvolutions cérébrales dont les flexuosités rappellent en petit celles de l'intestin. ANATOMIE DESCRIPTIVE 189 à-dire une clochette renversée dans le sens de son grand axe, il y a une certaine analogie. L'urine, comme un papefigue. Papefujiie, hérétique, homme qui fait la figue au pape. Rabelais nous apprend lui-même Torigine de ce mot (i). Autrefois, les Papefigues étaient appelés Gaillardets (2). Un jour, ils insultèrent le portrait papal, et les Papimanes (3), pour se venger, leur déclarèrent la guerre, « taillarent (4) à 111 d'espée tout homme portant barbe. Aulx femmes et jou- venceaulx pardonna rent avecques condition semblable à celle dont l'empereur Federic (ô) Barberousse jadis usa envers les Milanois. « Les Milanois s'estoient contre luy absent rebellés (G), et avoient l'impératrice sa femme (7) chassée hors la ville, ignominieusement montée sus une vieille mule nommée Tha- cor (8) à chevauchons de rebours (9). Federic à son retour, les ayant subjugués et resserrés (10), feit telle diligence (1 1) qu'il recouvra la célèbre muleThacor. Adoncques (12), au mi- lieu du grand Brouet (i3), par son ordonnance, le bourreau (i) L. IV, ch. xi.v. (2) Hommes qui ndiil |);is p<'ui\ hardis i^-aillards. (3) Les gens (lui aimciit le \)i\\n\ (jui sont dévoués au pape. On ) .Mors. (i3) « C'est la grand • halle de .Milan - (Briefve Déclaration). Lai)lace où HJO RABELAIS ANATOMISTE mist és membre honteux de Thacor une ligue, présents et voyants les citadins captifs: puis cria de par l'empereur, à son de trompe, que quiconques d'iceulx vouldroit la mort évader (i) arrachast publiquement la figue avecques les dents, puis la remist on propre lieu (2) sans aydc des mains. Quiconques en feroit refus, seroit sus l'instant pendu et estranglé. Aulcuns d'iceulx (3) eurent honte et horreur de telle tant abominable amende (4), la postposarent (5) à la craincte de mort, et furent pendus. Es aultres la craincte de mort domina sus telle honte. Iceulx, avoir à belles- dents tiré la ligue, la monstroient au boye (6) aperte- ment(7) disants : Ecco lo fico (8). « En pareille ignominie, le reste de ces pauvres et déso- lés Gaillardets furent de mort garantis et saulvés. Furent faicts esclaves et tributaires, et leur fut imposé nom de Papefigues, parce qu'au portraict papal avoient faict la figue (9). » était située cette halle porte de nos jours le nom de jjlace de Broglio, de Breuil en français, c'est-à-dire place du Petit Bois ou du Jardin. (1) Fuir. (2) Au même lieu. (3) Quelques-uns d'entre eux. (4) Châtiment, punition ; du latin emenda, pour emendalio, dérivé à" emendare ^ corriger. (5) La mirent après, lui préférèrent ; du latin posl, après, eiponere, poser. (6) Au bourreau; de l'italien boja. (7) Très visiblement; du latin aperlè, ouvertement, nettement. (8) « Voici la figue », en italien. (9) Cette périphrase se trouve dans maints écrits anciens. Puisque par l'aide de Dieu Sommes mis en noslre lieu, Et que nous faisons la figue Aux tyrans de la ligue (Leroux de Lincy, Recueil des chanls historiques, L II, p. ^87.) « C'est icy la vraye et souveraine liberté, qui donne de quoi faii-e la figue à la force. » (Montaigne, Essais, 1. I, ch. xvii.) Plusieurs se sont trouvés qui, d'écharpes changeants. Au danger, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue. (La Fontaine, la Chauve Souris et les Deux Belettes, 1. Il, fable 5.) Paire la figue, c'était montrer le pouce passé entre l'index et le ANATOMIE DESCRIPTIVE 191 Ce premier point fixé, il me reste à établir en quoi T urine de Quaresmeprenant ressemblait à un ennemi du pape, à un hérésiarque. J'y arrive. En 1546, Tannée qui suivit la concession d'un privilège donné à Rabelais pour imprimer le tiers livre de Panta- gruel, François P"" permettait d'employer les armes pour punir les Vaudois de Cabrières et de Mérindole. Grippemi- naud d'Oppède lit revivre un arrêt rendu cinq ans aupara- vant par « les Chats-fourrés » du Parlement d'Aix, et les soldats se mirent en campagne. « Tout était horrible et cruel dans la sentence qui l'ut prononcée contre les héré- tiques, nous apprend l'historien De Thou, et fut plus hor- rible et plus cruel encore dans l'exécution. Vingt-deux bourgs ou villages furent brûlés ou saccagés avec une inhumanité dont l'histoire des peuples les plus barbares présente à peine des exemples. Les malheureux habitants surpris pendant la nuit et poursuivis de rochers en rochers, à la lueur des feux qui consumaient leurs demeures, n'évitaient souvent une embûche que pour tomber dans une autre; les cris pitoyables des vieillards, des femmes et des enfants, loin d'amollir le cœur des soldats forcenés de rage, comme leurs chefs, ne faisaient que les mettre sur la trace des fugitifs et marquer les endroits où ils devaient porter leur fureur. » « Quiconque était soupçonné d'hérésie, affirme de son côté l'historien Macaulay, quel que fût son rang, son savoir, sa réputation, devait se disculper à la satisfaction d'un tri- bunal sévère et vigilant ou mourir parle feu. » médius, comme i)oui' ligurer une li^aie. Ew Italie, et principalement à Milan, ce geste a été considéré pendant l'oit longtemps comme exces- sivement injurieux. La punition inlligi'c aux Milanais pai- Frédéric Barberousse pourrait iiicn avoir pour oi'igine, (•<»ninie nos jeux i)opulaires de la poète et du larinier, le -cpuYoS'yr.aiî des Grecs, ou (pu'te dans la lie) sorte d"amusenuMit tjui consistait à mettre les mains derrièi-e le dos et à saisir avec laiiouche \ni ol)ji't i»laré au fontl d'un plat de lie. lf)2 RABELAIS ANATOMISTE L'urine de Ouaresmeprenant était brûlante, corrosive. avait la température d'un papcfigue sur le bûcher (i). Elle était en rapport avec la nourriture échauffante que prenait le fidèle observateur des lois du carême. (Voy. Physiologie de l'appareil digestif, aliments du carême.) Physiologie. — Après avoir analysé les phénomènes de la digestion et de la respiration, Rabelais a rendu compte de la façon dont s'opèrent les sécrétions de l'urine et du liquide spermatique. (( Les rognons, par les vènes émulgentes (2), tirent du sang, dit-il, l'aiguosité (3), que vous nommez urine, et par les uretères la découllent en bas. Au bas trouve réceptacle propre : c'est la vessie, laquelle en temps opportun la vuide hors. » Soumettons cette théorie à la critique de la science con- temporaine. Les Poissons ont une veine rénale afférente ou, si l'on veut, une veine porte rénale. Cette veine porte rénale existe chez les Batraciens, les Reptiles et même aussi chez les Oiseaux, s'il faut en croire les travaux de Jacobson. (1) En admettant que par Papefîgues Rabelais ait entendu désigner, comme le pense M. Ducrot, les habitants des îles Heiligoland, la conclu- sion serait la même. « En i5i9, dit M. Ducrot, Christian II, surnommé le Cruel, roi de Danemark, envahit la Norvège et ses îles, massacra les évoques, les prêtres et les moines, détruisit le culte catholique, et força les habitants à faire la figue au pape en embrassant le luthéranisme, après aVoir ravagé, brûlé, saccagé tout le pays. « Irrités de ces cruautés inouïes, les quatre états du royaume, le clergé, les nobles, les bourgeois et les paysans, s'insurgent, prennent les armes, massacrent les Danois, et forcent Christian II à s'enfuir en son pays. Le culte catholique est partout rétabli : mais on ne put relever aussi vite les ruines dont ce pays désolé était couvert. » (Ducrot, loc. cil. siiprù,\). 18.) (2) Les veines des reins, du latin emnUjere, épuiser à force de tirer. (3) La partie aqueuse, l'eau, du latin aqua. C'est à leur situation auprès de lacs limpides ou d'étangs marécageux que les villes d'Aiguebelle («(/HO, eau, et 6e//fl, belle, en basse latinité), Aigueperse {aqua sparsa, eau éparse), Aigues-Mortes {aqiiœ morliiœ, eaux mortes, eaux croupissantes), Aigues-Vives {aqiiœ vivse, eaux courantes), etc., doivent d'être ainsi dénom- mées. On dit encore aifjiie pour eau, dans tout le Midi de la France. ANATOMIE DESCRIPTIVE igô La veine porte rénale de tous ces Vertébrés concourt puis- samment à la sécrétion urinaire. Les Mammifères n'ont pas de veine porte rénale, mais Cl. Bernard a découvert que, chez eux, la veine cave a deux usages : celui de porter le sang au cœur et de le ra})porter par reflux au rein ; joue, par conséquent, le rôle de veine porte rénale indirecte. Des expériences ultérieures de Béraud ont établi enfin que, chez ceux-ci, « l'artère rénale et par moments la veine rénale concourent à la sécrétion uri- naire » (i). En écrivant : « les rognons par les vènes émulgentes, tirent du sang l'aiguosité, que vous nommez urine, » Rabelais a donc, après Galien, exprimé une vérité relative, du moins en ce qui concerne les Mammifères, y compris l'homme. La sécrétion urinaire est augmentée par l'ingestion de diverses substances médicamenteuses. Rabelais en cite plu- sieurs à propos du déluge urinai qui noya les Dipsodes et les Géants assiégés dans leur camp (2). « Panurge donna à manger à Pantagruel quelque diable de drogues composées de lithontripon (3), néphrocatarticon (4), coudignac cantha- ridisé (5) et aultres espèces diurétiques (6). » (i) Béraud, Elémenh de physiologie de ''homme, t. II, p. 102 ; Paris, 1807. (2) L. II, ch. xxviii. Pour M. Ducrot, les Dipsfxics, cii irroc alh'-rr (de ôi'l^a, soif), ce sont les Scythes. « Dans le mot « Scytlii », Hahclais lil, tlil-il {lac. cit. siiprn, p. 6), silis, en latin la soif, et joue sur ce mot avec d'autant plus de raison (jue cette contrée, très fertile en quelques parties, est remplie de déserts de sable ; l'hiver, les habitants ne peuvent se désal- térer : les fleuves, les lacs, les rivières, tout est gelé iKMuhuit neuf mois de l'année. » (3) Le liHiontrijJon (de X{0o;, pierre, et tp'!']/t;, broiement) est l'essence des lilhontriptiques. Les lithontrii)li(iues sont des substances qu'on croyait propres i\ dissoudre les pierres dans la vessie, le jaspe vert, le sang de bouc mêlé à du vin blanc, par exemple. (4) Le né|)lir()(;darlicon (de v^ypôç, rein, el d»^ /âOapai?, piirgalion) est une subslanee rpii servait à vider les rognons. Mais laquelle? (.j) La confiture de coings, à laquelle on a ajouté de la poudre de can- thaxides dont l'action sur l'appareil génito-urinaire est toute-puissante. (0) Kspèces est un terme générique qui désigne en médecine un i3 1^4 RABELAIS ANATOMISTE Jusqu'au xvii^ siècle, l'examen des urines a joué un rôle capital en médecine. Dans le tableau la Femme hydropiqiie qui est universellement regardé comme le chef-d'œuvre de G. Dow, un médecin contemple attenti- vement les urines de la malade, qui sont contenues dans un ballon de verre à long col. Parmi les nombreux ouvrages ayant trait à l'examen des urines, qui ont été publiés par les savants du moyen âge, je me bornerai à indiquer le Traciatusde urinis de Rondellet, le De Urinis de Montagnana, le De Urinis d'Actuarius, les Carmina de iirinariim jiidi- ciis d'Egidius, et le De Caulelis urinariim de Bernard Gor- don. Dans le dernier, il est fait mention de différents tours de passe-passe et d'un choix de réponses équivoques propres à tirer d'embarras les uropathes de cette époque, auxquels le liquide sécrété par les reins d'une personne souf- frante n'indiquait rien. Cette vogue de l'uroscopie aux xiv^, xv^etxvi*^ siècles est attestée par tous les vieux conteurs (i) et par divers passages de Gargantua et de Pantagruel, (( Prinse (2) Italie, remarque un des gouverneurs pré- somptueux de Picrochole (3), voila Naples,Galabre, Apoule(4) ensemble de racines, de fleurs ou autres parties végétales douées de pro- priétés analogues. Il y a des espèces astringentes, laxatives, narcotiques, etc. Les espèces diurétiques ou qui font uriner (en grec BioupiQTixo;, fait de Stoupew, jurine) sont le chiendent, l'asperge, la guimauve, etc. (1) Merlin Coccaie dit : u Le médicin trottant par la ville va contenqjler les urines. » (L. II.) Jean Bouchet : « Elle fust contraincte de demeurer au lict malade son espoux y fîst venir plusieurs médicins, mais ils n'eussent peu cognoistre son mal au poux, ne a l'urine. » {Le Paner/yric de Loys de la Trimoille^ ch. vu.) Marguerite de Navarre : « Quand elles perceurent qu'elle ne se disposoit à garison, elles ordon- nèrent que Tune d'elle yroit à Rouen porter son urine à ung médecin de grande renommée. )> {Cenl Xaiwelles nouvelles, xxi.) De diverses phrases de Caton et de Cicéron, on peut inférer que l'examen des urines était également considéré comme un moyen précieu?^ de diagnostic chez les Grecs et les Romains. (2) L'Italie prise. (3) L. I, ch. xxxiii. (4) L'Apulie, aujourd'hui la Pouille, AN'ATOMIE DESCRIPTIVE 1C)5 et Sicile toutes à sac, et Malthe avec. Je voudrois bien que les plaisants chevaliers, jadis Rhodiens (i) vous résis- tassent, pourvoir de leur urine (2). » Bringuenarilles (3) , avaleur de moulins à vent, « sus l'heure de sa digestion, estoit en griève maladie tombé, par certaine crudité d'estomach, causée de ce (comme disoient les médicins) que la vertus concoctrice de son estomach, apte naturellement à moulins à vent touts brandifs (4) digérer, u'avoit pu à perfection consommer les paelles (5) et co- quasses (6) : les chauldrons et marmites avoit assez bien digéré. Comme disoient cognoistre (7) aulx hypostases (8) et énéorèmes Uj) de quatre bussarts (10) d'urine qu'il avoit à ce matin en deux fois rendu. Pour le secourir usarent de divers remèdes selon l'art. Mais le mal fut plus fort que les remèdes. » « Gomme grandement est par Herophilus blasmé Callia- nax, médicin, qui, à un patient l'interroguant et demandant : « Et mon urine, vous dict-ellepoinct que je meure? » il (11) follement respondit : « Non, si t'eust Latona [m) mère des beaulx enfants Pliœbus et Diane engendré (i3). » (1) Les chevaliers de Malte, primitiveinent les chevaliers ilc Rhodes, (2) Tant elle serait curieuse à voir, modiliée [)ar les émotions du com- bat ou de la peur. (3) Feiideur de naseaux. De briiu/er, frotter, fouetter, et narilles, les narines. (L. IV, ch. xvii.) (4) Tout entiers. (5) Pelles. (6) Coquasses, de votjiierc, cuire; co((uemars. (7) Connaître. (8) IIijposluscs ou htji)Osl(il/inu's, sédiments de l'urine. (9) Nébulosités dans l'urine, du grec èv, dans, et aîtoseiv, suspendre. (10) 864 piidcs. (11) Celui-ci, Callianav. (12) I. atone, lille de (]éos et de Pluebé. a eu de Jupitei" d(>ux enfants, IMMebus-Ap(tilon et Diane. (1.3) Lettre au cardinal de Chàlillon. I. I\'. Rabelais a commis ici une erreui". Ce n'est pas Ib'i'ophile tpii a lilàmi' Callianax sou disciple, mais Haccliius. " N'oici, dit Le Duclial, ce (|u"(>n lil dans Galien, sur le sixième livic d liippfjcra tes (Z>(,'S MuladirH r/iiflrmii/iics, |)./(H2 et /|83du I. IX de lédiL KjG RABELAIS ANATOMISTE Stercus et urina medici siinl prandia prima. Ex aliis paleas, ex istis collige grana (i)... déclare Paiiiirge au docteur Rondibilis. (( — Vous prenez mal, dist Rondibilis : le vers subsé- quent est tel : Nobis sunt signa, vobis siint prandia digna (2). « Si ma femme se porte mal : j'en vouldrois voir Turine (3), toucher le pouls et voir la disposition du bas ventre, et des parties umbilicaires (4), comme nous com- mande Ilippocrates, 2, Aphoris. 35, avant oultre procéder. — Non, non, dist Panurge, cela ne faict à propos. C'est pour de Cliartier) : Car quelques-uns d'entre les médecins tiennent des discours d'une fatuité incroyable, semblables à ceux que cite Zeuxis du livre de Bacchius, où cet auteur a rapporté les paroles et les actions d'Hérophile et de ses sectateurs. Il raconte de Callianax l'Hérophilien que, voyant un malade qui lui disoit : — Mourrai-je? — Oui, lui répondit-il par un vers grec : oui, sans doute à moins que vous ne soyez le fils de Latone. A un autre malade qui lui demandoit la même chose, il répondit : Patrocle est bien mort, qui valoit infiniment mieux que vous. » (1) Les matières fécales et l'urine sont les mets préférés du médecin ; des autres recueille la paille et de ceux-ci la graine. Le premier de ces deux vers est une allusion à un règlement de Henri II, dont voici le texte : « Sur les déclarations des personnes décé- dées par la faute des médecins, il en sera informé et rendu justice comme de tout autre homicide, et seront les médecins mercenaires tenus de goûter les excréments de leurs patients et de leur impartir tout autre sollicitude, autrement seront réputés avoir été cause de leur mort et décès. » (Voy. Mercier, Tableau de Paris, vu, p. 227.) « Le second vers que Panurge accole plaisamment au premier est emprunté à un brocard de droit qui n'a aucun rapport avec le sujet. » (BuRGAUD DES Marets et Rathery.)* Dans la Briefve Déclaration, attribuée à Rabelais, on lit : « Maschm..., vivant d'excrément. Ainsi est par Aristophanes, in Pliiîo, nommé jÏIscu- lapius, en mocquerie commune à tous les médicins. » (2) Nous trouvons dans ces matières des éléments pour nos diagnos- tics, mais ce sont des mets dignes de vous. « Réponse, remarque judi- cieusement M. L. Sardou, que devait naturellement faire le médecin Ron- dibilis. ■>■> (3) Dans son traité De Urinis, Rondellet a recommandé que le méde- cin « voye l'urine des malades ». (4) Ombilicales, du latin umbilicus, ombilic, nombril. ANATOMIE DESCRIPTIVE 197 nous aultres légistes, qui avons la rubrique (i) De venlre inspiciendo (2). Je luy appreste un clystère barbarin (3). Ne laissez vos affaires d'ailleurs plus urgents (4). Je vous envoyerai du rillé (5) en vostre maison ; et serez toujours nostre amy. « Puys s'approcha de luy, et luy mist en main sans mot dire quatre nobles à la rose (6). Rondibilis les print (7) très bien, puis luy dist en effroy, comme indigné : — Hé, hé, hé, monsieur, il ne falloit rien. Grand mercy toutesfois. De méchantes gents jamais je ne prends rien (8). Rien jamais (1) Titre, du latin riibcr, voiv^^e. Dans les livres anciens, les titres et cer- taines remarques étaient imprimés à l'encre rouge. (2) De rinspection du ventre, Digesles, 1. XXV, t. IV. (3) « On comprend, observent Burgaud des Marets et Rathery, quel- est le clystère que Panurge apporte à sa femme; mais pourquoi Tappelle- t-il barbarin? Nous pensons que c'est là une facétie italienne dont l'ori- gine nous échappe. » Cette expression se rencontre dans diverses pièces de théâtre du moven âge : ^ LA FEMME {Elle reproche à son mari de la négliger) Enda jay le cueur si fasché Oue je vouldrois estre en purgatoire. l'homme Vous faut-il un suppositoire Ou (ung) clistère barbarin ? LA FEMME Vous m'avez abusée, marin, Avec \ ous je vis en langueur. {Ancien Théâtre français, t. I, p. 3u, Farce du frère Guilleberl.) Je suis drogucur appolicquaire, Je fais cbslères barbarins. {Le Varlel à louer, Recueils de poésies françoiscs, t. I, p. 83.) (.'i) Rabelais, comme bon nondjre d'écrivains de son époque, met au masculin le mot affaire. (5) Des rillons ou des rillettes. (G) Pièces d'or très fin valant vingt-cinq francs, frappées en i334 par Edouard III, roi d'Angleterre. Elles portent d'un côté la figure d'un navire et (1(^ l'autre celle d'une rose, armes des maisons d'York et de Lancaslre. La consultation était royalement payée. (7) Prit. (8) Traduction du vers latin de (ialulb' : Naniquc ego ah indignis pr.vmia nulla pelo. (Catcllk. De conul Dercnnis, v. 17"»!.) 1C)8 RABELAIS ANATOMISTE de gents de bien je ne refuse. Je suis lousjours à vostre commandement. — En payant, dist l^anurge. — Cela s'en- tend, respondit Rondibilis (i). » Maître François est, avec Lisset Benancio (2), un des rares médecins de la Renaissance qui n'ait pas eu une foi aveugle dans l'examen des urines. Je n'en veux pour preuves que les lignes dans lesquelles il a flagellé si cruellement (3) Pierre Gilles (4), « lequel dans le pays de Satin. » au milieu (1) « Quelques auteurs, entre autres de Tliou, ont fait, dit le profes- seur Planchon, ancien doyen de la Faculté de médecine de Montpellier, un reproche h Rabelais d'avoir traité légèrement et presque ridiculisé, sous le nom de Rondibilis, son ancien maître et ami Rondellet; mais Cuvier, moins sévère, plaide l'indulgence pour l'auteur de Panlagruel, parce que, d'une part, dans la comique consultation médicale de Panurge, Rondibilis, sous une forme badine, dit au fond des choses sensées, et que, d'autre part, la conclusion du chapitre, bien qu'ayant l'air de taxer le professeur d'avidité pour l'argent, n'est, ;'» vrai dire, qu'un badinage à l'égard du salaire des médecins en général. ^> (Planchon, Rondellel el ses disciples.) Selon M. Dubouchet, les motifs de l'animosité de Maître François envers Rondellet seraient tout autres. Durant l'année i53G, les droits de matricule et de baccalauréat furent, à la Faculté de médecine de Mont- pellier, élevés de deux livres à un écu d'or, iinum aiireiim. « Rabelais, n'ayant pas de quoi payer de suite et intégralement l'écu d'or en ques- tion, se contenta, écrit M. Dubouchet, de donner un acompte de trois livres, dont le versement fut indiqué en marge, sous forme de quittance. « Mais, le soir même de ce jour, il emprunta sans doute de l'argent ou en reçut d'un ami, car nous trouvons consigné dans le môme registre {liber Procnraloris) l'acquittement de cette dette; Rondellet en accuse réception : Francisciis Rabelœsiis diocesis TiironensiH solril, die 17 seplem- bris i53o, iiniim aureiim. « Ce zèle dut paraître extrême à Rabelais, et nous ne serions point éloigné d'y trouver l'origine de la rancune sournoise qu'il garda tou- jours un peu envers Rondibilis, ce rapace qui osa consigner dans un l'egistre public une dette qu'il voulait faire ignorer, puisqu'il ne l'ins- crivait pas lui-même, ainsi que cela se faisait habituellement. » (A. Dubou- chet, loc. cil. siiprà, p. 33.) J'estime, comme de Thou, que Rabelais a ridiculisé Rondellet, attaché au cardinal de Tournon, parce que son ancien maître l'a accusé, auprès du chancelier Dubourg, d'avoir révélé des secrets d'État. (2) Au moment où le diagnostic par les urines avait le plus de vogue, Lisset Renancio a écrit dans les Abus des aj>olhicaires : « Plusieurs mala- dies adviennent au corps, desquelles les urines ne justifient rien. » (3) L. V, ch. XXXI. (4) Pierre Gilles, naturaliste français, né à Albi en 1490, voyagea en ANAT()MIE DESCRIPTIVE ir)f) de philosophes et de géographes hàbknirs, parlant de tout par ouï-dire (i), « tenoit un urinai en main, considérant en profunde contemplation l'urine des poissons... » pour s'as- surer de l'état de leur santé ! Imitons notre grand Ancêtre, croyons à Turoscopie (2). Usons-en, mais ne lui demandons pas plus qu'elle ne peut donner. Si elle permet de reconnaître d'une façon irrécusable le diabète, l'albuminurie, la dégénérescence des rein^, etc., elle ne fournit encore que des indications insuffisantes dans beaucoup d'autres maladies. Asie et eu AlViinu', par ordir de François l""", pour recueillir des manus- crits. Ne recevant aucun secours, il l'ut obligé de s'enrôler dans les troupes de Soliman II, fut fait prisonnier par des corsaires et ne dut sa liberté qu'à la générosité du cardinal d'Armagnac. Gilles est mort à Rome en l553. Il a publié chez Gryphius, sous le titre de Piscium Mdssiliensiiim gallicis el lalinis noininibus, un catalogue très superficiel îles poissons de la Méditerranée. (1) Pour M. Ducrot, « le pays de Satin c'est le pays des draps de Frize dont parle Thibault de Pleini en sa description de la Touraine. C'est Tours où se fabriquaient ces riches étolYes, toutes bordées de Heurs, de fruits, d'animaux, de blasons, en toutes belles couleurs ». (Ducrot, loc. cil. supvà, p. 3i.) (2) « L'urine n'est que la lessive du corps » (Fourcroy); et « il est aussi naturel de juger les phénomènes nutritifs par l'urine que de juger ce qui se passe dans un fourneau par la nalnirdes produits (jue laisse échapper sa cheminée. " (Cl. Mer-NARU.) APPAREIL GENITAL Quaresmeprenant avoit : Le perinaeum, comme un flageolet. Le membre, comme une pantophle. Lesc..., comme une guedoufle. La penillière, comme une dariole. Les vases spermatiques, comme un gasteau feuilleté. Les parastates, comme un pot à plume. Les génitoires, comme un rabbot. La géniture, comme un cent de clous à latte. Et me con- toit sa nourrice, qu'il, estant marié avec la Miquaresme, engendra seulement nombre de adverbes locaulx, et cer- tains jeusnes doubles. Le perinseum, comme un flageolet. Le perinœum, le périnée. On définissait autrefois le périnée la région comprise entre la racine du pénis et Tanus; on la nomme aujourd'hui région périnéale antérieure. « Les gryphes d'un chat de mars (i) exulcérarent (2) tout le périnée (3) » de Gargantua. Comme un flageolet, c'est-à-dire comme un instrument à vent, comme une flûte de Pan (syrinx). On sait que cette flûte est composée d'un certain nombre de tuyaux (roseaux) de différentes longueurs, assemblés les uns à côté des autres, et sur l'ouverture de chacun desquels la bouche se (1) « Une martre », disent tous les commentateurs. Une chatte, selon moi. (Voy. Anat. comparée.) (2) Ulcérèrent, déchirèrent, (3) L. I, ch, XIII, ANATOMIE DESCRIPTIVE 201 promène successivement pour obtenir des sons. Au moyen âge, le syrinx (i) antique appelé fretel, frestel, fresteal, fretiau, sistre, a été employé dans les concerts (2). Au xi^ siècle, on le voit représenté dans Tantiphonaire prove- nant de l'abbaye de Saint-Martial de Limoges (Biblioth. nat., latin, n" 1118). Une chape masque les saillies et les dépressions que forment les sept tuyaux juxtaposés, tout en laissant libre, pour recevoir le souffle de l'exécutant, Le perinxiim. comme un flageolet. l'orifice de chacun d'entre eux. C'est chez l'homme surtout sur une préparation à l'aponévrose périnéale moyenne, vue de face,(|ue la ressemblance du frelel deTabbayede Saint- Martial de Limoges et du périnée saute aux yeux. — (Se reporter aux deux dessins ci-dessus.) (1) Syrinv, fille ilu lloiivc Ladoii, était une des nymi)hes de Diane. Pan laiina inutilement. Syrinx, luyant sa poursuite, arriva sur les bords ilu Ladon cl implora le secours de son père. Celui-ci la chani?ea en roseau, l'.iii unit ;ivfc dt" la cire plusieurs morce;in\-de ce l'oseau et en lorma la nùte. (2) '< Sonnent fleustes et IVelel, - lil-<»n {v. 20^,9) dans le lionutn • ht Violelle (xiii* sit-ele). 202 RABELAIS ANATOMISTE Le membre, comme une pantophle. Le membre, « le membre nerveux, caverneux (i), » la Yerge. Pantophle, pentophle (2), pantoufle (3). Gargantua, soumis à la discipline des précepteurs sophistes, « disoit (4) que les mètes (5) etbournes de boire Soleret ou pédieux Chaussure mililaire en mailles de Soulier français de la première moi- du milieu fer, des xiv« el xv« siècles. lié du xvi" siècle, du XV" siècle. estoient, quand la personne buvant, le liège de ses pan- tophles enfloit en liault d'un demi pied ». Constitué comme une pantophle, l'organe de Quarespre- (1) L. III, ch. xviii. Le membre viril est constitué en majeure partie par deux corps juxtaposés, érectiles, à peu près cylindriques, communi- quant l'un avec l'autre, appelés corps caverneux, parce qu'ils sont remplis par des travées et des lamelles fibreuses, limitant des espaces irréguliers. En anafomie, le mot caverneux signifie: qui a de petites cavités, de petites cellules. (2) Ce mot est orthographié de la sorte dansl'énumération des chaus- sures faites par Jehan Salle, .cordouonnier, pour le duc d'Orléans, Thierry, M. de Clèves, etc. {Catalogue des archives du baron de Joursauvaull.) (3) Spigelius {Anal., ch. x) a jugé, par la grandeur de la verge, du plus ou moins de penchant d'un individu pour l'acte vénérien. Selon Alex. Petronius (1. II des Malad. ilal., ch. xvii), la verge grande est un témoignage d'esprit pesant et grossier, semblable à celui d'un âne. D'après Dieraerbroeck {lac. cil. suprà, t. I, p. 171), « les gens de peu de sens et les stupides ont la verge grosse; ces règles néanmoins ne sont pas perpétuelles, et elles souffrent plusieurs exceptions ». Rabelais a fait dériver le mot pantoufle du mot grec « TtavToocXÀo';, tout fait de liège, oôÀXd;, escoixe de liège, suber ». (4) L. I, cli. XXI. (.5) Mesures, du latin melo. ANATOMIE DESCRIPTIVE 2o3 nant dont il s'agit était nécessairement susceptible, comme elle, (( d'enfler en hault ( i) ». Il n'est guère question de lapantoutle avantle xv^siècle, et il me serait difficile de donner sur cette pantoufle primi- tive des renseignements quelque peu précis. Tout ce que je puis dire, c'est que les dessins du soleret ou pédieux, du milieu du xv^ siècle (2), de la chaussure militaire en mailles de fer des xiv^ et xv^ siècles et du soulier français de la première moitié du xvi^ siècle (3), qu'on trouve dans le Guide (les amateurs d'armes et d'armures aneiennes de Demmin (Paris, i8G(), p. .'U)0, lîg. <)) et dans ï Histoire de la chaus- sure de Paul Lacroix, Duchesne et Seré (Paris, 1862, jtp. 65 et 72), et que je reproduis, ont Faspect général de la verge, et qu'il est présumable que d'autres chaussures avaient alors la même forme. Lèse..., comme uneguedoufle Les c..., le « palletoc des vases spermatiques », les bourses. Elles forment une poche à cavité double, située en avant du périnée dans l'intervalle des cuisses. Dans le Morvan on appelle encore c... un assez lonu* étui de bois, renn)li d'eau, suspendu en avant, entre les deux cuisses, et dans lequel les faucheurs placent la pierre à aiguiser le dard. La bourse de Gargantua « fut faicte de la c... d'un oriflant (^) ». (i) QiiarcsiiH'prciiaiit (Mail faiblf, dc'-ltilc cl (li'jà (i"iui corlaiii àLjc. mais il almsait dos alimciils o v(Mi(''r<''i(|uc » ol avait louez puissant. (\'ov. Ana- loiiiio dos rormos : Le nez, comme un br(nlc(jiiin anlé en escusson.) {•>.) Dapios les bas-reliefs en luarliro ayant fait partie de l'arc d'AI- |ili(nisr \ . roi d'Araj^'on, à Naplos, à son entrée triomphale on i.\\3, et mil' Iriic ciiilr de Nni'omberg du xV siècle, ai)pai'tonant à A. Demmin et i('-pr»''S('nlanl (lliarltMiiagno. (.'{) D'après Horbé. ('() K!<''|dianl, 1. i. cli. \iii. (( Des bourses <\c ce ))rodi^iou\ animal, dit Le Duclial, Haltclais fait iiiic Itoni'sr à mcllro l'ari^'ont «iiio lo jouno 204 RABELAIS ANATOMISTE Si le terme anatomique qui sert à désigner ici le scro- tum appartient aujourd'hui au langage libre et plus que familier, il a appartenu au langage scientifique, voire au langage poétique (i). Dans la Brie-Champenoise on donne toujours, sans y entendre malice, le nom de c... aux habitants du petit vil- lage de Coilly ou Couilly. Le professeur Malgaigne, qui a été, avec Littré, un des médecins les plus érudits de ce siècle, a toujours préféré ce terme h celui de bourses. Gaedoiifîe, coutoufle, contofle, gothelfe, guédolfe, guié- doufle, guedousle, guesdoule. A la page 4^3 du tome I du Glossaire archéologique du moyen âge de Gay (Paris, 1887), on lit : Gargantua portoit ordinairement sur soi; et ce qui le porte k cela, c'est que comme anciennement les Particuliers faisoient leurs bourses de la peau qui enveloppe les testicules de bélier, il faloit qu'un Géant et un grand Prince comme Gargantua eût une bourse incomparablement plus grosse, puisqu'elle devait être proportionnée aux richesses et à la taille de cet homme extraordinaire. » Cette interprétation de Le Duchat est confirmée par la phrase sui- vante que je relève dans le chapitre xvii du livre IH. « Panurge présenta à la sybille de Panzoust un bourrabaquin garni de breuvage, une c... de bélier pleine de Karolus nouvellement forgés (frappés) : enfin, avec une profunde révérence, lui mist au doigt médical une verge d'or. » Panzoult est un petit bourg du Chinonais. La Sibylle en question a habité, [)rès de ce bourg, une grotte que l'on voit encore. Le karolus est une monnaie de billon qui valait quatre deniers tour- nois (à peu près quatre centimes) et cpii remonte à Charles VIIL Elle est marquée d'un K, première lettre du mot Karolus, Charles. Le doigt médical des Anciens est l'annulaire. « On s'est généralement accordé à porter les anneaux principalement à la main gauche, et au doigt qui est à côté du plus petit et qu'on appelle doigt médical. » (Macrobe, Sahirnales, Vil, i3.) (1) Voy. feuillet 43 6 du Roman delà /?ose ; Clément Marot, Dialogue de deux Amoureux; Dodoens, Hisl. des plantes, trad.de Charles de l'Escluse, Anvers, iSôy, p. i52 ; Ambr. Paré, passim ; Antoine du Pinet, Commen- laires de M. Pierre-André Mallhiohis, Lyon, iSya, p. 473; Gui-Patin, Cor- respondance, lettres du 6 janvier i654 et du 24 avril 1647; Supplément du Calholicon ou Nouvelles des régions de la lune, ch. vi ; Satire Ménippée, harangue de Rose; etc., etc. ANATOMIE DESCRIPTIVE •203 (( Coiitoufle, vaseà double récipient et à deux becs oppo- sés l'un à l'auti-e, dont la courbure est disposée en sens inverse ; il est plus connu sous le nom de guédoufle. Une contofle d'argent pesant un marc et demy La m. 745. Valent III, 6. (Inventaire de Raoul de Clermonl.) » Etala page 801 du même tome: <( Coutoufle ou Gothelphe au xiv^ siècle était peu diffé- rent d'une sorte d'huilier à deux becs fabriqué, au xviii^ siècle, dans les verreries de la Lorraine. » Les c..., comme une ijaeduufle. r)'a[)rès Le Duchat : « La (igure de la (luedoulle, cpii esl celle d'un trèfle dont on a (jté la feuille d'en bas, convient très-bien à ce qu'ici Rabelais dit lui ressembler. » Maître François nous apprend, enlin, (pTil y avait deux ustensiles de ce genre : un dans lequel on ne mellait que de riuiile, l'autre dans lequel on ne mettait (|ue du vinaigre. Panurge « avoit une petite guédoufle pleine de vieille huile, el ((uand il trouvoit ou femme, ou lionnne qui eust un ^'land enfant. 208 RABELAIS ANATOMISTE élastique, le darlos (du grec oapxo'ç, écorché) ; 3° une tunique entièrement musculeuse, la tunique érythroïde (du grec IpuOpôç, rouge, et eTooç, forme) ; 4° une tunique celluleuse ; 5° une tunique séreuse. Le paletot actuel est le palletoc, le justaucorps modifié de nos aïeux. La penillière, comme une dariole. hsipenillière^ le pénil, la région couverte de poils située au-dessus des organes sexuels. (( Le feu que j'avois jecté au giron de mon paillard ros- tisseur lui brusla tout le penil, » déclare Panurge à Pantagruel. Dariole, gâteau à la crème. (( Les porphyres, les marbres du palais du seigneur Stozzi sont beaulx, observe le moine Pierre Lardon ; je n'en dict poinct de mal : mais les darioles d'Amiens sont meilleures à mon goust. » (L. IV, ch. xi.) La toison annelée du bas-ventre perdu dans le ]his cré- meux d'un écoulement uréthral ou cachée sous une carapace de concrétions melliformes engendrées par le défaut de soins ou la vermine. De ces deux opinions, la première me paraît la plus vraisemblable. Ouaresmeprenant était atteint en effet, quelquefois, d'une blennorrhée, par suite de la nourriture échauffante qu'il prenait : « aubers salés (i), casquets (2), morions salés (3) et salades salées » (4)- (1) Aubers salés, jeu de mot avec salade (casque). Larmure ap[)eléc aubert couvre avec le torse une partie de la tète, du cou et la nuque, et peut, par conséquent, être considérée comme une espèce de salade ou casque. (2) Autre jeu de mot avec salade (casque). Le casquet est une armure de tète, une sorte de salade. (3) Nouveau jeu de mot. — Voy. au paragraphe suivant la définition du terme morlon. (4) Même jeu de mot. La salade est une sorte de casque sans crête. Ce mot vient sans doute de l'espagnol celada (petit cas(pie). «Aubers salés, etc., toutes viandes de Carême indigestes et de haut ANATOMIE DESCRIPTIVE 209 Les vases spermatiques, comme un gasteau feuilleté. Les vases spcrmalifjna^, les glandes (|ui séerètent le sperme, les testicules (i). Ils ont la l'orme d'un ovoïde aplati latéralement. Dans Texclamation de Panurge en quête d'une prude femme : « Dieu gard' de mal les pelotons! {-2) » on trouve, disent judicieusement Esmangart, Johanneau et le D^ F. Brémond, une indication succincte de la structure de ces glandes. Le parenchyme testiculaire est composé, en effet, de tubes très étroits, eiu'oulés sur eux-mêmes et groupés au nombre de trois à six pour constituer des pelotons ou lobules qu'on peut séparer les uns des autres ainsi que les diffé- rentes couches d'un gasteau feiiillelé. Les tubes s|)ermatiques constituant ces lobules aboutissent, à droite comme à gauche, à un (jrgane collecteur appelé épididyme (parastate), auquel Jîoùt, (lit Le Duchat, dont les noms sont communs à aufanl de dilTérentes lormes de casques acconipaiifnés tie leur coiffe de maille (|u"on appeloit salade. » Le même commentateur ci'oit que, jjar morions salés, <( on peut aussi entendre de petites morilles salées pour lliyver >.. Il y a deux espèces d'écoulements uréthraux : lun viruImL laulre non virulent provoqué : Soit par (les relations intimes avec uiu' lenime lynqiiiatiipic en dehors ou |»endanl la période catam(''niale ; Soit i)ar une nourriture écliaulïanlc ou l'absorption en exc(','S de bois- sons fcrmentées (bière) ; Soit pal- l'injection de substances irritantes dans le canal excréteur de I iiriiir cl du sperme. II n'est pas un médecin militaire (|ui ne sache (|ue, paiMui les fraudes ('m|)loyi'-es [»ar les soldats pour tâcher d'enti'cr à I"h(')|»i- tal, la production v(dontaire de la bIeiinorrliaii:ie par l'injection d'vuie f(nl(' solution d'eau de savon ou une macération de ijarou est une des plus communes. L'assertion sns-iiidiqni''e de .M.iiJre I-'imikniIs doiuie à ci-oice ipi'il a su dis- tin^'ucr l'écoulement nr(''lhral virulent de l'écoulemeid u ri- 1 h rai non virulent. (1) .Vinsi nonunés |»arce (piils stud la mar(}ue, le témoit,MiaiJre de la virilit('-. du latin Irslis, |i'-nioin. Les Homains n'admettaient i>as à témoi- gner en justice ceux qui ('Ijuciit juivé-s de ces oi'iraues, comme n'étant pas des hommes. (■j) L. III. ch. vil. 14 !210 RABELAIS ANATOMISTE fait suite un conduit vecteur qui « en longs ambages et flexuo- sités.» (Voy. plus loin Physiologie), aboutit à un réservoir (lit vésicule séminale (génitoire). « Ayants (i) vidé et espuisé en ce jour précédent touts vos vases spermatiques, au jour subséquent (2) y en peut- il tant avoir? » demande Panurge au frère Fredon. u Fr. — Plus. (( Pan. — Ils ont, ou je resve l'herbe de Tlndie célébrée par Théophraste (3). » Les vases spennaliques, comme un gasleau feuilleté. Maître François ne s'est servi (ju'une fois du mot testi- cule, c'est quand il a mis dans la bouche du châtelain pro- digue de Salmigondin (4) ces paroles qui sont une allusion à la légende de la papesse Jeanne (5) : u II ne sera jamais pape, car : ieslicnlos non habel. » (1) Les auteurs d'alors, encore sous lenipire des règles latines, écri- vaient tous les participes présents en les faisant varier, et alors niènic que ces participes avaient des régimes ou compléments. (2) Suivant, du latin siib, après, et seqiii, qui suit, qui vient après. (3) Théophraste, 1. III, ch. v. (4) L. III, ch. XII. (5) Et la reproduction mi-française, nii-latiue de ce dicton rimé, très répandu au moyen âge : Tesliculos qui non habel Esse papa non polest. Celui qui n'a pas de testicules ne peut pas être papd. Une légende datant du vin'= siècle prétend qu'une femme élue pape sous le nom de Jean VIII, sans qu'on se fût préalablement assuré de son sexe, aui^it, au grand scandale de la chrétienté, accouché i)endantu ne i)rocession. Jean Bouchet et le Père Mabillon ont contribué à donner (juelque ANAÏUMIE DE&CHU'TIVE 21 1 Les parastates, comme un pot à plume. Les parastates [i)^ les épididyines. L'épididyiiic idii grec ETTi, sur, et oi'5u[/.oç, testicule) est la première partie du canal qui conduit le sperme du testicule à la vésicule sé- minale du même côté. Pot à plume, morion, casque ou salade à cimier des hommes d'armes à pied. Le morion du xm*" siècle était rond, allongé et couronné dun cimier coloré l'ait d'une matière Lf-s jutrunUiles, comme un jiol ù [ihime. souple. Sa visière, relevée en triangle par devanl el abais- sée latéralement pour [)roléger les oreilles, était réunie au couvre-nu([ue. Oiielquerois, ce})endant, il n avait j)as de rabat protec- leur. Dans la nef latérale gauche de l'église romano-gothi(pie fie l'ahhaye de Luxeuil, aujourd'hui église paroissiale, Allusion à yaXr.vds, nom grec de Galien, » dit LeDuchat. ANATOMIE DESCRIPTIVE 21 3 moindre mal) seroil poinct de cœur n'avoir, qne poinct n'avoir de génitoires. Car là consiste, comme en nn sacré repositoire (i), le germe conservatif de l'humain lignage (2). » « Les Utopiens avoient les génitoires tant féconds, et les Utopiennes portoient matrices tant amples, gloutes (3), tenaces (4) et cellulées (5) par bonne architecture, que, (1) Réceptacle sacré, tabernacle, du latin reposihiin. (2) « Les testicules sont plus précieux que le cunir lui-même, puisque, indé'pendannuent delà chaleur et de la vie qu'ils impriment aux animaux, ils leur lournissent le germe conservatif de Ihumain lignage.» (Cl. Galie.n, 1. I, de la Semence.) (3) Goulues, avides, du latin rjlulo. Aristote et Platon ont regardé la matrice comme un animal avide de sperme. Riolan, qui n'ignorait pas la nature mnsculeusi^ de cet organe, a écrit {Anlliropo(jrhie, Paris, 1629) : (( Jadvoue iranchement que je ne suis pas encore bien esclaircy sur l'usage de certain petit nerf qu'on treuve enfermé dans la trompe de la matrice par exprez, sur ce qu'on fient (pi'il attire ;\ soy la semence et la caclie. » Il est assez curieux de retrouver la théorie de la matrice gloutonne dans le livre sur la Slérililé, que vient de faire paraître M. le D"" Lul.uul, médecin de Saint-Lazare, c Pendanl lacopulation, dit M. Lutaud, rul(''riis entre lui-même en jeu. Sous rinnuciice de l'excitation génésiqiu\ sa tiiiii(iiic musculaire ouvre lorilice du col, expulse les sécrétions et produit en même leuq)s une sorte d'aspiration du sperme. » (4) Gardaid, conservant, retenaid si bien la senienc;' ; du latin Iciicre. « Si la femme doit concevoir, la semence ne lombc p;; . ."u dehors, mais demeure dans les matrices. En effet, les nuitriccs ayaii! recju et s'étant fermées, la gardent à l'iidérieur, l'orifice se serrant vermiculairemeni par l'effet du li(piide. <• (IIiim'ocrate, trad. Litfré, vol. VII. p. 477-) (û) l)ivis(''e en cellules, en loges, en conq)artiiuents. Pour llaii- Abbas, la matrice était divisée en trois loges; poui- Mundinus, Nico- las et Achillinus, en sept; pour Roiiareolus et Knneas, en dix. Vi'sale a décrit une i-\-r\i- saillanlc dans l'inl(''i'iciir (\t- ce! organe. « L'uté-rus possède, a déclaré l)iemeii)roe(;k {loc. cil. siijn-à. I. 1. p. .313), une ligne ou sutur<' un peu élevt-e <\m le divise parle milieu en deux parties : la droite el la i.Miirlie. Hippoci'ate et Galien disent (|ue les mâles sont conçus eu celle-là, et les femelles en celle-ci. " L'adjectif cellnli- se reiioiive, avec le sens que j<> lui atti-ibue, dans Guy i\o Ghauliac, Mniidinus et l?('ranger de Gai'pi, le seul anatoiuiste du moyen Age (pii ail |»roleslé conti-e l'opinion gé'n(''iale, alors, de la division de la matrice en plusiein-s lo^es. .l'en roninis la pi'euvc» : " Rien que l'ainary (la matrice) n'ait ipn- *\vu\ seins ou cavih'-s niani- lesles suivant le nond.ic des mamelles, joiilefois ell<- a chacniie d'icelles (de celles ci) liipienuMil <-ellidi'N'. el une an niilien. de sorti- qne, selon ■,a'. RABELAIS ANATOMISTE on (i) l)oiit de chascun ncuviesme mois, sept enfants pour le moins, que masles, que femelles (^), naissoient chascun mariage. » Rabbe^ rabbot, navet, grosse rave ; du latin râpa ou rapiim^ fait dans la même signification du grec pa'cpu; ou pOtTTUÇ (3). Lp.v génitoirex, eomm" un rnlihol. A trois siècles de distance, Sappey s'est rencontré, sans le savoir, avec Rabelais. Mundinus, on y trouve sept réceptacles. >' (Guy de Chauijac, Grande Chi- rurgie, p. 77, édit. Joul)ert, Rouen, 1682. ) « Concavilas vero ejim habel sepfem celliilaft, 1res in parle dexlra el 1res in parle sinislra el unam in summilale vel medio ejus. La cavité de l'uté- rus a sept cellules, trois à droite, trois à i^auche et une, au milieu, à la partie supérieure. » (Mundinus, Analnmia, ('ditée par Dryander, jii'ol'es- seur à Marpug, imprimerie de Clustliiar Egenolphus.) << Esl puriim mendacinm dicere qiiod malrix habeal seplem celhilas. C'est un mensonge absolu (jue de dire que la matiùce a sept cellules. » (Carpi Commenlaria cum amplissimis addilionibits snjter analomiam Mun' dini iina cum le.vlu ejnsdem in prislinum nilorem redaclo, p. 184.) Maître Fi-ançois a cru, avec ses contemi)orains, que l'utérus de la femme était cloisonné, comme il a cru que celui-ci était pourvu de cotylé- dons, doué d'une mobilité extrême et en rapport avec les principales parties du corps. (Voy. Physiologie de l'ajjpareil géintal de la femme.) (1) Au. (2) Tant mâles qiu^ femelles. (L. III ch. i.) (3) En Auvergne on noiunie rabiolc une sorte de grosse rave ou de turneps. ANATOMIE DESCRIPITVE 2l5 La géniture, comme un cent de clous à latte. Et me contoit sa nourrice, qu'il, estant marié avec la Miquaresme, engendra seulement nombre de adverbes locaulx, et certains jeusnes doubles (i). Le mot géniture signifie aujourd'hui descendance, pro- géniture. Jadis il servait à désignera la fois : 1" Les parties génitales de Thomme et celles de la femme ; 2^ L'œuf fécondé dans le sein de la mère lorsqu'il n'est encore qu'une masse informe dans son organisation (2). Hippocrate étend ce temps jusqu'au sixième jour, après lequel la géniture prend le nom d'emhryon et celui de fœtus. (Voy. Hippocrate, De Geniliirâ, et Galien, De Semine, cap. 9.) 3'* La semence de l'iiomme et celle de la femme. (Voy. Hippocrate, De Naliirâ piieri ; Amb. Paré, OEuvreiiWW] J. Chrestian, Génération delhomme, p. 102, i5r)9. ) Quel sens a-t-il ici ? Rabelais n'a certainement pas entendu désigner par ce terme l'appareil génital, puisqu'il en a étudié séparément chacune des parties, ni le produit de la conception, puisqu'il s'agit d'un homme. 11 a entendu (1) « De tout le carèiuc. il nv a que la mi-carènie où, dans la communion (le Rome, il soit i)ermis de se marier. C'est ce qui a l'ait naîtce ti Rabelais la pensée de marier ce jour-là avec QuaresmeprenanI ou le carême : et comme le eai'ème est stérile en lait de noces, de là vient ((ue d'un tel mariage il ne provieid (jne des adverlies locaux et certains jeûnes ilouldes ; les jeunes commençant, en cUcI, à se iciilorcer après la mi-carème, et chacun voulant savoir d'où l'on vient, on Ton ra, et imv où il faut aller pour gagner des intlulgences ». (Lk Dlcuat). ('i) Ma voix ne vous soil point ainère ; Sache/, ([lie je suis daine Nature (Jue vous formay en votre mère Tantôt après la f^éniture: De iiioy iivez forme et liyure Et coiiiplexioii corporelle VA «le l)ieu l.i noble Mine cl licie Et la vertu sjiirilnellc . ( I.ACO.MIU;.'! ■2i{\ RABELAIS ANATOMISTE désigner la semence humaine (i), et on se demande avec un suprême étonnement... s'il n'auiait pas eu notion des spermatozoïdes. La semence humaine (en grec, «jTtépfxa) tient en suspension des corps dits animalcules spermatirpies, spermatozoïdes, spermatozoaires, visibles seulement au microscope. Les spermatozoïdes sont pourvus d'un renflement antérieur (tête ou disque) terminé par une pointe onduleuse très fine (queue). Ce ne sont point, comme on Ta cru, des animal- cules ou des êtres reproduisant en petitle corps de Thomme, mais de simples éléments cellulaires. Le sperme qui n'en possède pas n'est pas de la semence, tant au point de vue anatomique qu'au point de vue physiologique. Pas de spermatozoïdes dans le liquide sécrété par les testicules, pas de fécondation. C'est dans une lettre datée du mois de novembre 16G7, mais publiée seulement en 1G78 {'2), sous le titre : Observa- tions sur les animalcules de la semence humaine^ que Leeuwenhoeck a fait connaître qu'il venait de découvrir des animalcules dans le sperme (3). (1) (( La semence, dit Diemerbroeck^/oe.c//.s«y>/'«, t. I, p. 35o), est appe- lée tantôt sperme, tantôt géniture : et quoique Aristote, I, De Orl. animal, c. 18, semble mettre quelque distinction entre la géniture et le sperme, comme si celle-ci était la semence des animaux qui s'accouplent, et celle- ci de ce qui ne s'accouple pas, comme les plantes ; néanmoins, parce que le philosophe lui-même confond par tout ailleurs ces noms, ainsi que l'ait Galien et plusieurs autres, nous aussi, nous nous servirons indilerem- ment de ce nom pour une seule et même chose. » L'ne dernière preuve qu'en attribuant ici au mot géniture la significa- tion de sperme je ne me trompe pas, c'est que, dans le chapitre wxi du livre III on lit encore qu' « Hippocrates maintient grande jiortion de la géniture sourdre du cerveau et de l'espine du dos ». (2) Trans. phiL, n° i4i, pp- io4i et io43. Société royale de Londres. (.3) La découverte des spermatozoïdes a été contestée à Leeuwenhoeck par Hartsoeker {Essais de dioplriqiie). « Si Leeuwenhoeck, dit Butfon, n'est pas le premier qui ait fait cette découverte, il est celui qui l'a suivie le plus loin et le plus accréditée. » (Blffon, Ilisl. «a/ar.. Delà Génération des animaux.) Leeuwenhoeck a été obligé de reconnaître lui-même que les spermatozoïdes avaient été vus avant lui par un étudiant de Leyden, L. Hamm. AXATOMIE DESCRIPTIVE 217 Si riiivention du microsco])(> n'rlait pas, — du moins on le prétend (i), — poslérienro d'une quarantaine d'années à Rabelais, on ])Ourrait croire quil a vu les spermato- zoïdes ; d'autant (3) mieux : 1" Qu'en raison de l'aberration de sphéricité des lentilles [irimitives les éléments fécondants du liquide spermatiquc examinés avec ces lentilles ont une tète très arrondie, une queue droite, courte, rectiligne, ressemblent étrangement, en un mot, à « des clous à latte », Ainsi les a décrits et représentés Le(Mnvenlioeck lui-même ; (1) C'est vers 1090 (iiie lurent, dil-oii. l'iihiiiiiirs p;u' Hans Janssens et son fils Zaccliarias les iireniiers microscopes. Ce qui n'est pas douteux, c'est que les lentilles ou globes de verre et leur j)ouvoir grossissant étaient connus des Anciens. Lyard en a laïuassé tine ilans les ruines de Ninive. Néron, dont la vue était mauvaise, regardait les combats des gladiateurs au moyen il'unc sorte de lunette ou plutôt d'une lorgnette itiunie d'une lentille d'émeraude. Vitlori (De Gli/plof/r(i]>hi(h 17^0^ raconte qu'il a trouvé, au musée ^■ittorio, des pierres précieuses ayant la grosseur de la moitié d'une lentille portant des gravures de figures invisibles ti l'feii nu. Dans l'iiistoire de la l'Académie des Inscriptions (ch. i, p. 276), on peut lire la description du célèbre cachet de Michel Angelo. qui, mesurant i5 millimétrés de long sur 12 millimètres de large, pi'ésente 17 figures d'animaux, une naissance de Bacchus avec une cérémonie rapportée aux Pyanepsis, fêtes athéniennes en l'honneur d'Apollon. L'invention du microscope a été, enfin, attribuée tour à four à Bacon, à Mi'-lius d'Alkmar, à Porta, à Galilée, etc. l'iic Icidillc sertie dans une monture métalliipic, composée de deux liiiiics, à hupielle s'adaptait un porte-objet mû par wno vis : tel est le iiiirr()S((»|)c avec lequel Leeuweidioeck a l'ait ses observations, celui (|u il a légué à la Société royale de Londres. Le savant anglais a ignoré' l'usage du miroir (pii sert à éclairer les objels et tenu son |ietil appai-eil à la main en le tournant vers la lumière du joui' ou d'une chandelle. (2) Hii)pocrale, dans son Iraib- />c Diilà, paraîl avoir insinué que les semences d'aniuiaiix son! renq)lies d'auinialcides. Platon l'a ('-nonce d'une manière rornielle dims le Timre (|». loSS, trad.de Marcus Picenos). Démo- crile ,1 p.ult- de certains vers (pii pr<'nnenl la nature humaine. Arislole a sonjenu (pie les pi'euiiers iKimuu's sont sortis de terre sons l'aspect d'un \cr. etc. On dira peul-étre que .Maître François, très érudil, a admis n l>ii(iri. à re\enii>le des auteurs |»r('cit(''s. (pi'il y avait dans le s[)erme des ('•li'tiients iniperceplililes dont ch;icnn ('lait le r(-siini(' (\i\ corps humain. A cel.i je ri''poii(li;ii : Poniipioi lein- .i-t-il (Icuuk'' la lornie ipTils oïd dans les pl.lliclies dr 1 .. ( • 1 1 W ( • h I M irr |^ .' P (pioi a-t-il llniiti' lelU" lloudire à ceid .' 9l8 RABELAIS ANATOMISTE 2^ Due le chiffre cent concorde avec la diminution du nombre des spermatozoïdes chez un homme d'un certain âge, émacié et vivant de privations (i) ; Spermatozoïdes, vus avec nos microscopes. Spermatozoïdes, vus avec les microscopes de Leeuwenhoeck. Clons à latte. IV^ Qu'il n'est pas besoin d'un très fort grossissement pour voir les spermatozoïdes (2), que Leeuwenhoeck lui- même les a vus avec des doublets et des triplets (3) ; 4*^ Qu'au moyen âge les Arabes étaient réputés les pre- mifTs lunettiers du monde et avaient des rapports constants avec la Faculté de Montpellier où a étudié Rabelais (4) ; Je n'insiste pas. Pour terminer, je ferai seulement obser- ver que c'est folie de croire qu'une invention quelconque ait été l'œuvre d'un seul jouret l'œuvre d'un seul homme (5). (1) Il y a des milliers de spermatozoïdes dans une goutte de sperme grosse comme une tète d'épingle. (2) A un grossissement de Sooà/joo fois, on voit que leur longueur totale est, chez l'homme, de 1 20'' de millimètre, et le grand diamètre de leur tète de 1 Soo" à i/200« de millimètre. (3) Avec des microscopes, différant sensiblement, par conséquent, du microscope composé actuel. i\) Rabelais a parlé couramment l'arabe. Un i)aragraphe entier du chapitre ix du livre II est écrit en arabe, et, en plus des termes anato- miques Alkalim, Mirach, Siphac, D'Algmala, etc., que j'ai cités, on trouve encore dans l'épopée pantagruélique les termes astronomiques arabes Azimiilh, Almicantai-ah, etc. (5) A l'époque oîi parut Newton, Descartes avait changé la face des sciences mathématiques par l'application féconde de l'algèbre à la théorie des courbes et des fonctions variables. La géométrie de l'infini, dont cette théorie renfermait le germe, commençait apercer de toutes parts. Wallis, Vren, Huyghens venaient de trouver les lois du mouvement. La découverte de Galilée sur la chute des graves, et d'Huyghens sur les développées et la ANATOMIE DESCRIPTIVE 210) Quel immense laps de temps s'estécoulé entre la découverte de la vapeur et son application à [la traction des wagons ! On commence seulement à emmagasiner l'électricité, qui est connue depuis Ampère. Il y a quelques siècles, il était plus prudent de garder le secret d'une invention scientifique que de la divulguer. Chassé de son monastère, emprisonné, Roger Bacon est mort en murmurant : « que les hommes ne valaient pas la force centrifuge conduisaient à la tlu'^orie du mouvement dans les courbes. Kepler avait dt-terniinr l'ellipse que décrivent les planètes. Enfin Hook avait très bien vu que les mouvements de ces planètes sont les résultats d'une force de projection condjinée avec la force attractive du soleil. La mécanique céleste n'attendait qu'un homme de plus pour être constituée à l'état de science parfaite. Cet homme fut Newton. Combien de siècles avait-il fallu pour faire éclore Descarfes, Wallis, Vren. Huygiiens. K(''pler, dalilée, Hook, Euclide et Arehimède, les prédé- cesseurs de Newton? C'est à l'imprimerie que le siècle de Rabelais doit son éclat. Elle avul- garisé et mis à la portée de tous des documents précieux qui contenaient en germe toute la science moderne. Que d'inventions regarilées comme récentes, dont l'origine se perd dans la nuit des tenqjs. N"a-t-nn pas rencontré dans les dolmens des ci'àiu's trépanés pour guérir des maladies locales ou générales; dans les hypogées de Thèbes et dans le cimetière étrusque de Tarquinia (Italie), le cimetière des douze villes confédérées du Latium, des dcids cariées aurifiées; dans la maison d'un médecin (h' Ponipéï. la sonde ur»''tlirale à double courljure de Sims"? N"a-t-on pas extrait des touibièrt>s du Danemark des lui's ou grands cors de bronze donnant 22 tons (4 octaves et demie) d'une pureté, d'une clarté, dune douceur et en même fenqis d'une force répondant aux exigences d'une oreille exercée. Ces lurs. b)ujours trouvés par |>aiie. ne donnent-ils pas à croire (|ue ce sont les Scandinaves de l'âge du bronze (jui ont dol«' la civilisation moder-ne de l'harmonie ? N'a-l-on pas ircueilli dans des décondjres à Solia ri diins les sarcf»phages d Anlinoë (Egyi)te) des miroirs qui établissent d une I'.k on positive (pian temps des enqiereurs romains la fabrication i\\\ \cire nM'Iallist'- ('-hiit chose eoui'anle ".' N a-t-on pas, enfin, retirt' également des sarcophages dAntinoë des soieries d\i répei'toii-e Ityzantin de Lyon qiu ténioignenl cpi'au 11" siècle les tisserands étaieid d('jà maîtres liis aiicieiiiiemeiit emi)loyrs. Les pilules anlc cihiiin, encore ordonnées aujoui'dliui, el qu'on prend avant de manger, coni[trennent : Aloès du Cap 6 parties. Extrait de quiiii|uiiKi 3 — (Cannelle i — Sirop dabsinllie i{. s. (3) Pour que, afin que nous ne soyons pas. (L. IV, cli. lv.) (-i) Lalere, a hilrre. Li'irat ' {Xcf des dames ver- liieuses, i)ar Symphorien Champier ; Lyon, i5o3). (6) Doué, doté. (G) Orné, du latin adornalus. (7) Celle-ci. (8) Unique, particulière, du latin singiilaris. (9) Cours rapide, du latin decursus. (xo) L. IL ch. VIII. A.NATUMIE DESCRIPTIVE 223 « Vous dictes, observe le docteur Rondibilis à Paiiurge, que sentez en vous les poignants aguillons de sensualité. Je trouve en nostre faculté de médicine, et l'avons prins de la résolution (ij des anciens platoniques (2), que la concu- piscence charnelle est réfrénée par cin(( moyens : « Par le vin prins intempéramment ; car par Tintempé- rancc du vin advient au corps lui main refroidissement de sang, résolution (3j des nerfs, dissipation de semence généra tive, hébétation des sens, perversion des mouve- ments, (jui sont toutes impertinences (4) à l'acte de géné- l'ation. De faict, vous voyez peinct Bacchus, dieu des ivrognes, sans barbe et en habit de femme, tout elîéminé, comme eunuche (5)... Aultrement est du vin prins tempé- raminent (G). L'antique proverbe nous le désigne (7), auquel (8) est dicl : (pie Venus se morfond sans la compa- gnie de Cerès et Bacchus (9). Et estoit l'opinion des anciens, selon le récit de Diodorc sicilien (10), mesmement des Lampsaciens (11), comme atteste le grand Pausia- iiias (1-2), que messer Priapus fut lils de Bacchus et \ eiius. » Les effets généraux de l'alcool sur le système nerveux sont bien tels. Ouanl à ses effets particuliers sur les fonc- tions delà génération, il est reconnu parlons les hygiénistes (I) Pris, ;ii)i)i'is, tic la décision. (•>) Disciples (le Platon. (3) Dépression des nerfs. (4) Dispositions impi'oprcs, du latin iinpcvlincns, (fj) Eunuque. (6) Avec modération. (7) Nous le montre, nous iinditpie. (H) Dans le(|uel. ( i[ui iialiitaicnl l.anips:ii[ur dans l'Asie Mineure. ( 1-2) P.MSAMAS, lil). IX, '.\\. 224 RABELAIS ANATOMISTE que ralcool pris passagèrement en excès excite les désirs vénériens, mais (pie piis habituellement en excès il affaiblit les fonctions génératrices. Examinons les autres moyens proposés par Rondibilis à son client : a Secondement, par certaines drogues et })lantes, les- quelles rendent Thomme refroidy, maléticié et impotent à génération. L'expérience y est en nymphéa heraclia (i), amerine saule (2), chenevé (3), periclimenos (4), tama- rix (5), vitex ((j), mandragore (7), ciguë, orchis le petit (8), la peau d\m hippopotame (9), et aullres, lesquelles dedans les corps humains, tant par leurs vertus élémentaires, que par leurs propriétés spéciiiques, glacent et mortifient le germe proliti<{ue ; ou dissipent les esperits qui le debvoient conduire aux lieux destinés par nature; ou opilcnt (10) les voies et conduicts par lesquels ])ovoit (11) estre expulsé. (1) Le nénuphar, ou volet d'eau douce, de la famille des Nyniphéacées. (2) Selon Marly, (jui a raison en cette circonstance, il laut écrire ces deux mots sans les séparer par une virgule. VAmerina salix est, en effet, une sorte d'osier d'Amérie, en Ombrie, qui n'est rien autre chose que Vamerino des Provençaux. (3) Chèncvis. {\) Le chèvrefeuille. (Voy. Pline, 1. XX'VII, ch. xii.) (5) Le tamaris ou tamarin. (G) « Le nom de vilex, disent Burgaud des Marets et Ualhery, servait à désigner les 'Verbénacées, telles que VAfjnus caslus ou gattilier, arbris- seau aromatique. » (7) L'empereur Julien a cependant mentionné, dans son épîtrc à Cal- lixène, qu'il buvait du jus de mandragore pour s'exciter au jeu de l'amour. (8) D'après Théophraste (1. IX, ch. xix), (( le plus grand des deux tu- l)erculcs de Torchis ou satyrion, pris dans du lait de chien, favorise l'acte vénérien, tandis qu'au contraire le plus j)etit renq)èche ». Le Satyrion a dû sa réputation à son odeur spermatique et à la l'essem- blance de son bulbe avec la glande séminale, d'où son autre nom d'Orchis. (g) 11 était également admis au temps de Rabelais que les goutteux étaient soulagés en portant, au-dessus du genou, une jarretière faite avec un morceau de la peau du même animal. (10) Bouchent; du latin oppilarc. Au livre I, chapitre 11, des Causes des symplôines, de Galien, il est dit que « l'inlluence de la faculté animale est empêchée lorsque le nerf qui a en soi des ouvertures est ou bouché ou comprimé ». (11) Pouvait. AXATOMIK DESCRIPTIVE 22b Comme au contraire nous en avons qui eschaufl'ent, excitent et habilitent à l'acte vénérien (i). » Je ne veux pas discuter la propriété anaijlirodisiaque de toutes les herbes indiquées par Rondibilis. On attribue cependant encore cette propriété au nénuphar, au gattilier (vitex), à la ciguë. Quant au tamarin, à l'amérino, au chè- vrefeuille (periclimenos), au chènevis (chenevé), il est dou- teux qu'ils la possèdent. « Tiercement (2), dist Rondibilis, par labeur assidu. Car en icelluy est l'aicte si grande dissolution {'.V) du corps, que le sang, qui est par icelluy (4) espars pour l'alimentation d'un chascun membre, n'ha temps, ne (5) loisir, ne l'acuité de (1) RabiMais 011 a cilé »|uelqu('s-iiiis : les aliments du carême (Voy. Physiologie de rA[)i)ai-eil digestif), les instigations des reins, l'émeraude. Panurge compare les Chicanons, qui mouraient de faim s'ils n'étaient pas l)atlus, « aux gens qui ne i)euveid le cercle caverneux vers le cercle équatorial di-esseï-, s'ils ne sont très bien fouettés ». C'est i)rinci|)al(Mnenl, en effet, sur les organes chargés de la reproduc- tion qu'agit la ilagellation. Les personnes qui ont lu les Confcssioiifi de Rousseau savent ce qu'il éprouvait, encore enfant, sous l'influence des corrections de M""" Land^ercier. Kt, sansévo(iuer les obsc('nités du règne de Néron, ni les flagellations de Henri III et de ses mignons, sans ren- voyer au dis(f)urs ii des Daines (jalanlea de Brantôme, sans feuillet(>r le traité de Meiboniius : De fhu/foriiin iisii in re venereà, ni ÏJIislviir des Flagellans de l'abbé Boileau, on pourrait trouver, dans l'aveu des mo- dernes i)i-èlr(>sses de Cythère, mille exempl(>s de résurrections opt'rées sous leurs vei'ges ensanglantées. La braguette de (Jargantua «Mait fixée i)ar« ileux crochets d"esnu\il. en un chascun des(piels estoit enchâssée une grosse csmeraugde de la gros- si qu'en dise Rabelais. " L'émeraude, a écrit, en iGG<), Roberl de Rertpien, cons(;rve la chasteté et (h-couvre l'adultère, ne pouvaid du tout sf>ulfrir rinq)udicit«' autrement (|u"elle se ronqd de soi-même en pièces, ainsi que le fait cnlcniji'c Agricola. » (DAinuKi:, Mémoifes de l'Inslilnl. (:>) Troisièmement, du latin /ç/7///n'. (!J) AITaiblissenK-nl. ain'-anlisscmciil. du laliii dissniiilio. Cl) Dans celui-ci. 0) Ni. '22(\ UAIŒLAIS ANATOMISTE rendre celle (ij résudatioii séminale (-i) et .suj^erlluité de la tierce concoction (3). Nature particulièrement se la réserve, comme trop (4) plus nécessaire à la conservation de son individu, qu'à la multiplication de l'espèce et genre humain. Ainsy est dicte Diane chaste, laquelle conti- nuellement travaille à la chasse. Ainsy jadis estoient dicts les castres, comme castes (5) esquels continuellement tra- vailloient les athlètes et souldars (6). Ainsy escript Hip- poc. lib. de Aère, Aqiia et Locis (7), de quelques peuples en Scythie, lesquels, de son temps, plus estoient inq)o- tents (8) que eunuches (9) à l'esbatement (10) vénérien, parce que continuellement ils estoient à cheval et au tra- vail (il). Comme au contraire disent les phylosophes, oisiveté estre mère de luxure. (Juand Ton demandoit à Ovide, quelle cause fut pourquoy ^Egistus devint adultère? i-ien plus ne respondoit, sinon qu'il estoit otieux {1-2). (1) Dans le sens de cette. (2) Sécrétion de la semence spei'nialiqne, du latin ra^iidalio, l'ait de yesudcre, rendre un liquide, le rejeter. (3) Voy. Appareil digestif. (4) Beaucoup. (5) Les camps {caslra, en latin), comme chastes {casla, (*n latin). Jeu de mots empruiité à Isidore qui dit, au livre IX de ses Eli/moloyies : « Dicla aiilem caslra, quasi casla^ eâ (/iind ibi caslvaveluv libido. On les appelle castres, comme (|ui dirait castes — chastes^ — parce que tout désir vénérien en était banni. » (6) Les soldats. (7) Au livre de lAir, de lEau et des Lieux. (8) Im[)uissants, du latin impolens. (9) Eunuques. (10) Au jeu, à Tamusement. (11) La microrchidic ou atrophie du testicule (de fjnzfd;, i»etit, et '^p/.t<, testicule) était en quelque sorte endémique chez les Scythes, aussi Tim- puissancc était-elle fréqueide parmi eux. La microrchidic est la maladie féminine d'Aristote. (^ oy. Les c..., comme une fjuedou/le.) (12) Oisif, du latin oliosus. Dans l'ouvrage d"Ovide intitulé De liemedio amoris (1. I, v. 161), on lit ; Qiierelur /Etjyslua ijuare sil farlus aduller, In promphi causa est, desidiosus erat. On demande i)Ourquoi iEgyste devint adultère, kl cause péremp- toire est qu'il était paresseux. ANATOMIE DESCRIPTIVE •i-i"^ Et (|ui osleruit oisiveté du monde, bien tost périroieiit les yrts de Cupido (i); son arc, sa trousse et ses flèches luy seroient en charge inutile, jamais n'en fériroit (2) personne. Car il n'est mie si bon archier (3), qu'il puisse lérir les grues volants par l'aer, et les cerfs relancés par les bocages (comme bien faisoient les Parthes) , c'est à dire les humains tracassants (4) et travaillants : il les de- mande cois (5), assis, couchés et à séjour (G). De faict, Théophrastc, quelque fois interrogué quelle beste ou (|uelle chose il pensoit estre amourettes, respondit (|ue c'estoient passions d'esperits otieux. Diogenes pareillement disoit paillardise estre l'occupation des gents non aultre- ment occupés (7). Pourtant (cS), Canachus (()) Sicyonien, sculpteur, voulant donner entendre (ju'oisiveté, paresse, iKjnchaloir (10], estoient les gouvernantes de ruffienne- rie (iij,feit [\-i) la statue de Venus assise, non debout, comme avoient faict ses prédécesseurs. » Il n est })as besoin de longs commentaires pour démon- lier (pie les travaux manuels, et encore plus le surmenage physitpie, chassent les idées éroti({ues. Les ouvriers et les paysans sont moins })ortés vers les plaisirs de la chaii' (pie les citadins el les oisifs. Et les raisons (|ue donne de ce fait (1) Tr;iiUnli()ii (le ce vers dOvido : 0//(( s/ lolkia, pericrc C.iipidinis (tries. {De Ikmcdio ainuris, 1. I. v. i3g.) (•'.) NCii rr;i|i|M'r;iil. du hdiii fcrirc. {'.i) Il iiCsl si l»<»ii ;ir) Mil re|(ns. (7) (■ (leili- ;i|i(p|ilil liriruic csl de l)i. Je le crois d'autant plus : 1" qu'Aristote et Galien ont dit que la semence du niàle, essentiel- lement chaude, contenait un souille qui dilatait les corps caverneux et en provoquait l'érection; •2° que Rabelais a appelé (1. III, ch. xviii) la verge .< le membre nerveux, caverneux ». (5) Pour eu juger. (6) L'apparence, rattitu(l«\ (7) Avec dextérité, rai)idité, du latin dexler, formé du grec SiÇtrapo^ ou ôeÇio';, droit, qui est du côt(; droit ; parce (ju'on travaille avec i)lus d'adresse de la main droite que de la gauche. (8) Appréhension, du latin aj>j)rehenlio. (9) Raisonnement, du latin raliocinatio. (10) Souvenance, du latin reconlalio. (11) Apparents, du latin manifesliis. (12) Sur. (i3) Voy. Angéiologie : Le rets admirable, comme un chanfrein ; clSéxvo- logie. Physiologie. (i4) Dans lequel. AXATOMIE DESCRIPTIVE 02f) artères, lesquelles de la senestre armoire (ij du cœur prenoient leur origine, et les esperits vitaulx affinoient (2) en longs ambages (il), pour estre faicts animaulx. Démode qu'en (4) tel personnage studieux vous voirrez suspendues toutes les facultés naturelles, cesser touts sens extérieurs : brief*(5) vous le jugerez n'estre en soy vivant, estre hors soy abstraict par ecstase (G), et direz que Socrates n'abusoit du terme quand il disoit : Phylosophie n'estre aultre chose que méditation de mort. Par adventure est ce pour quoy Demo- critus s'aveugla (7), moins estimant la perte de la vue, que diminution de ses contemplations (8), lesquelles il sentoit interrompues par l'esgarenient des yeulx (9). Ainsy est vierge dicte Pallas, déesse de sapience (10), tutrice (11) des gens studieux. Ainsy sont les Muses vierges ; ainsy de- meurent les Charités (12) en pudicité éternelle. Et me soub- vient avoir leu (i3) que Cupido quelquesfois interrogué de sa mère Venus, pour quoy il n'assailloit (i4) les Muses, res- (1) Du veiilririih^ gauche. (2) Piii'iliaieiil, rondaienf plus subtils, du Intiu af/iiu/cir, l'ornir do ad, nugmentatil", et finfjere, façonnci". (.3) Hu longs d('lours. Les artères verirhrales et les carotides internes, qui soid les brandies d'origine du rets admirable (hexagone artériel de Willis), ont un trajet Irrs ronii)li((iu''. (''1) De niaïu'ri't' i|U('. <:.) Hrcf. (G) Extase. (7) « La grande passion f{ue Déniocrite avait pour It-tudc lit (ju'il s'aveugla lui-même pour se mettre hors d'état de pouvoir s'api)li(pu^r à d'autres choses. Il exposa à découvert une plaque d'airain, qui renvoyait vers ses yeux les rayons du soleil, dont la chaleur lui fd à la fin perdre la vue. » (Fknelon, Ahréffé de la vie de a plus illii.tlres pliiloftojdiea. — N'oy. égaiiMuent (Iuikro.n. Oiieslions: liiandanes, 1. V, et Plltarolk, frai lé de lu Ciiriosilé.) (H) Méditations, du laliii coiili-fiiplalio. (9) La dislraili(»u (pic produit la vue du monde <'xt«''i'ieur. (10) De la sagesse, du latin sapicnlia. (11) protectrice. (i:>) Les (îraces, (pie ïow confond souvent avec les Muses, du grec Xio'.-i:. ']\. XoÉp'ç, la plus jciiiic des ( lr:'ices, Agla<' OU (Iharis. (i!») Dans Lucien, :iu ili.-iloiriic iiililuN'- : \'i''iuis ri Ciipidon. {\\) Il n'.'ill.'Kpi.'iil p.'is. a^O HAUKLAIS ANATOMISTE pondit (lu'il los trouvoit tant belles, tant nettes (i), tant ho- nestes, tant pudiques et continuellement occupées, Tune à contemplation des astres, Taultre à supputation des nombres, l'aultre à dimension des corps géométriques, l'aultre à invention rhétorique, l'aultre à composition poé- tique, Faulfcre à disposition de musique, que, approchant d'elles, il desbandoit son arc, fermoit sa trousse (2), estei- gnoit son flambeau, de honte et craincte de leur nuire. Puis ostoit le bandeau de ses yeulx pour plus apertement (3) les voir en face, et ouïr leurs plaisants chants et odes poé- tiques. Là prenoit le plus grand plaisir du monde. Tellement que souventil se sentoit tout ravy en leurs beautés et bonnes grâces, et s'endormoit à l'harmonie. Tant s'en fault qu'il les voulsist (4) assaillir, ou de leurs estudes distraire. En cestuy article (5), je comprend ce qu'escript Hippocrates au livre sus dict, parlant des Scythes, et au livre intitulé (G) De r/eni- tiirâ, disant touts humains estre à génération impotents (7) esquels (8) l'on ha une fois coupé les artères parotides (9) qui sont à costé des aureilles, par la raison cy-devant expo- sée quand je vous parlois de la résolution des esperits et du sang spirituel, ducpiel les artères sont réceptacles (10) : (1) Pures. (2) Sou carquois. (3) Distincteniont, du latin nperlè. (4) \'oulut. participe i)assé de l'ancien verbe vouloir. (5) En ce qui touche cette articulation, cette assertion. (6) De la géniture, de la semence. (7) Impuissants, du latin impolcm. (8) Auxquels. (9) Du grec naoi, auprès et ou;, wto? oreille. On appelle encore yjo/'o//V/f'.s les glandes salivaires situées près des oreilles. Chacune de ces glandes est traversée par l'artère carotide externe. (10) « Les artères sont destinées pour porter le sang spiritueux. Non pas que le sang artériel soit tout spiritueux, mais c'est que sa plus grande partie étant telle, il tire d'elle, comme étant sa plus noble partie, sa dénomination, (lar il faut remarquer que des parties du sang, les unes sont plus, les autres moins spiritueuses. En éfet, il ne faut pas croire que le chyle, qui après s'être mêlé avec le sang dans la veine cave, entre pour la première fois dans le cneur, y acquière dabord et sur le champ ANATOMIE DESCRIPTIVE a3l aussy qu'il maintient (i) grande portion de la géniture l'a) sourdre du cerveau et de Tespine du dos (3). » Que le sperme soit sécrété directement par les testicules au lieu d'y être, comme on le croyait autrefois, porté de la moelle et du cerveau, il ne s'ensuit pas moins que l'excès des travaux intellectuels, appliqués aux lettres, aux sciences ou aux arts, est reconnu comme une cause d'affaiblissement de la virilité, de l'éloignement des désirs vénériens et. enlin. de l'inipuissance. à cetfo mémo entrée, autant tle spirituosité, qu'en ont dt'ja acquis les autres particules du sang qui avoient auparavant été mêlées avec le chyle, et qui par la circulation ont passé souvent par le cœur, et y ont été plusieurs fois dilatées. Car tout ainsi que dans la distilation du vin, plus le vin est distilé de fois, plus l'esprit cju'on en tire est suldil, pur et éficace : de même, plus le sang est dilaté de lois dans le cœur, plus les particul(>s spirifueuses se débarrassent et se séparent de la masse épaisse, et plus elles s'atténuent. Celles qui sont moins spiritueuses, et non sutli- samment atténuées, et qui, par cette raison là sont peu propres pour la nutrition, retournent au cceur. par le moyen des veines, alin qu'y étant de nouveau rareHées, elles accpuérent une plus grande spirituosité. -> (DlKMERBROECK, loc. cH. SliprÙ. t. 11. p. \()S.) (i) Ainsi qu'Hippocrate assure. (2) De la semence. (3) Selon Hippocrate, le liquide spermati(pie est une sécrétion des par- ties les plus foi'tes et les plus essentielles de tout ce Cfuil y a d'iuimide dans le corps td particvdièrenient dans la tète. « parce que ceux auxqutds on a coupé les artères auprès des oreilles ne produisent plus qu'une semence (aible et souvent inféconde, >> (Hippocratk. lih. De (icniliirù, p. i-^y. et ///>. De Diclâ. p. 198; Lugd. Bat., t. I, i665.) Il existe un dessin, extrêmement curieux, inlilulé De doïlii. doul l'au- teur est un contempoi'ain de Rabelais, un grand peintr<' dovd)lé d'un grand savant. .J'ai nomuK' Léonard de \'inci. C'est la repi'oduction par le trait des anciennes doctrines concernant la génération dans l'espèce humaine. Chez l'homme, on voit des canaux qui charrient de la moelle et du cerveau aux testicides le sperme nécessaire à la fécondation, et les canaux ((iii portent des poumons à la verge le souffle qui, d'ajjrès Galien, produisait l'é-reclion. C.Uva la fenuue, on aper»:oit une matrice assez bi/.ai-re. de la([uelle naissent des conduits (pu vont se terndner aux ma- nudles, en ciud'iu-mité" de la théorie hippocratique, qui voulait tpi<" les règles se transformassent m lail, a|»rrs la délivraïu'e. |)Our servir à l'al- lailemcnl. Aujourd liui ••iir-orc. on rroil dans If pi-uplc r,[i.a, qui signifie volonté. (3) Si tu espaces d'une manière régulière. Conservé dans ce sens. (4) Si elles renoncent, si elles cessent, du latin desislere. (5) La verge. En latin menhila. (6) Ancienne maxime de droit canonique. (7) Pour ce motif, à cause de cela. (8) Logé dans un lieu obscur, du grec x[j<»-^'Kjvli-i^i, formé de tpoiY^.r, trou, et de oûvo) ou Sûio, j'entre. (9) Mot forgé, caché dans la l)raguelle. (10) Ni. ANATOMIE DESCRIPTIVE ^2'^^ Euphrates (i). Voila Afrique; icy est la montagne de la Lune (2) ; voids-tu les palus \'.\] du Nil? Deçà est Europe : voids-tu Theleme? Ce toupet icy tout blanc, sont les monts Ilyperborées (4).-- mon ami, quand les neiges sont es (5) montagnes, je di la teste et le menton, il n'y ha pas grande chaleur dans les vallées de la braguette. » « Ce qu'il y a de vif et de moelle est étouffé, par ses lon- gueries, » a dit Montaigne, ennuyé par un discoureur pro- lixe. Pour ne pas encourir ce reproche, je passerai sans transition de la description des organes génitaux de l'homme à celle des organes génitaux de la femme. La naissance de Gargantua a fourni à Maître François — je le rappelle (\'ov. Angéiologie) — l'occasion de parler des organes gé- nitaux de la femme, dès le vi*^ chapitre du livre L (( Gargamelle (G) commença à se porter mal du bas... Peu de temps après, elle commença à souspirer, lamenter et crier. Soubdain vindrenl 17) à tas sages-femmes de touts costés (8). (1) Grand neuve dAsie qui va se jeter dans le çroll'e Persiquc après avoir reçu un auli-e fleuve, le Tigre. (2) Les moidagnes de la Lune (en arabe El-Kamai-) limilenl au sud rancicnno Nigrilie ou Soudan. (3) Les marais, du latin prilus. (4) Du grée 0--'p, augmentatif, et Copiai, vent du nord. — Montagnes de la Sarmatie. .le trouve dans le dictionnaire deN. Landais que « c'est Voltaire qui, le premier, a dans l'Orphelin de Chine, francisé l'adjectif latin hi/per- boreiis j)our en faire le mot liyperbor.''e ». N. Landais n'a pas lu Rabelais. (.■j) Aux sommets des montagnes. Panurge n'avait cependant que ■- trente et cinq ans ou environ "(juand il a i-encontré Pantagruel. (N'oy.l. Il, ch.xvi.) (6) Grande gorge, en patois languedocien. (7) Vinrent. (8) <' Peiulanl fort longtemps, les femmes en rouches, même les reines, ont été sf)ign(''es exclusivement j)ar des sages-femmes. Astruc préteiul (\uc ce n'est qu'en i(J(J3 qu'on a comiuenc(>à lacour de France;» se servir d'un accoucheur, et ce fid, dil-il. dans une de ces occasions où riionniMir (mi danger ne prend c(»nseil <|ue du trouble qui l'égaré et viole une partie des règles jjour sauver l'antre. Oui le croirait ? ce fut la honte qui lit, pour- la première fois, recourir à des homnu's. Vu rf>i, qui connaissait le |iouvoir de l'exemple sur le trôiu' et qui voulait cacher ses faiblesses et nii'-nager la il('-licate>^^e de celle ipii |(»s i)arl(ageail , rv\\\ ne pouxoli- remelire cil i\c lueillnircs iiiain^- nu -^rcret si chei". On craiirnail que la 234 RABELAIS ANATOMISTE « Et la tastant par le bas, trouvarent iii quelques pellau- deries (2), assez de maulvais goust, et pensoient que ce fust l'enfant (3) ; mais c'estoit le fondement qui lui esca- poit (4), à la mollification du droict intestin (lequel vous appelez le boyau c.) (5), par avoir (G) trop mangé de tripes, comme avons déclairé cy-dessus (7). « D'ond (8) une... vieille de la compagnie (9), laquelle avoit réputation d'estre grande médicine... lui feit (10) un restrictif (ni si horrible (12), que touts les larris (i3) tant ( i4) furent oppilés (i5) et reserrés, que à grand'-peine avecques les dents vous les eussiez eslargis... présence d'une sage-femme dans le palais, où les soupçons régnaient déjà, ne foui'nît un nouvel aliment à la maligne curiosité des courtisans. On se servit pour leur donner le change d'un chirurgien, que son minis- tère attachait à la cour. C'est ainsi cjne Jupiter confiait quelquefois à des dieux subalternes, plutôt qu'à des déesses, son embarras et le soin de dérober auxyeux de Junon le fruit de ses infidélités. » (Histoire médicale cl philosoplwjiie de In femme, par le D"" Menville de Ponsan, a"" édit., t. I, p. 409.) (1) Trouvèrent. (2) Lamelles de peau, rognures de peau. En Xormaudio, on nomme les mégissiers : paultiers. (3) Allusion à l'ignorance des accoucheuses du temps. (4) Échappait, sortait. tond)ait ; scnppare en italien, escapar en espa- gnol et échapper en fraïKiais ont la même signification. (5) Le rectum. (6) Pour avoir. (7) Voy. Appareil digestif : /.c /yo//r/» c... comme un hoiirrahaijuin mona- rluil. (8) Par suite, j)our ce motif. (9) De la corpoi'ation des sages-femmes. (10) Lui fit. (11) Restrainctif, en langue romane, lui remède astringent, du latin veslvintjere. Un restrainctif, en vieux langage médical, est un renu'nle qui resserre le ventre. Dans certains cas de chute du fondement, on conseille encore aujourd'hui des topiques astringents(injection,liniment, pommade). (12) Énergique, excessif, violent, du latin horribilis. (i3) Le col de la matrice et les parois vaginales, du celte larriia, qui veut dire peau, cuir, membrane. Ce sens est attribué également au terme larris dans un passage des Cent .Yoiivellea nourellefi, qu'il est impossible de reproduire. (i4) Furent si bien. (ir>) Bouchés, du latin oppilare. Le remèdt>. dont la dose (Mait e\c<'s- ANATOMIE DESCRIPTIVE 235 <( Par cest inconvénient 1 1 1 furent au-dessus relaschés (2) les cotylédons (3) de la matrice, par lesquels (4) sursaulta (5) l'enfant, et entra en la vène creuse (6), et gravant (7), par le diaphragme jusques au dessus des espaules, on (8) la sive, avait agi à la l'ois sur le roctum et sur les organes creux avec les- quels celui-ci est iuiuKMliatement en ra()port en bas et en avant. (1) Dans le sens du mot latin inconvénient:, qui ne s'accorde pas avec les vues, les projets, les espérances, etc. ; formé de in négatif, et de con~ ventre, convenir, s'accorder. (2) En vertu de la vieille théorie du stricliim et du laxum d'Asclé- jiiade et de Ctelius Aurelianus, cjui prétend que, dans deux parties organiques voisines, lorsque l'une est resserrée, l'autre est relâchée. En faisant prescrire pour (ïargamelle un « restrictif si horrible >< par une des sages-femnirs. Maître François a donc eu ses raisons. Il a rendu impossible, dune part, la sortie de l'enfant par les voies naturelles, et rendu i)ossilde, d'autre part, le saut de l'enfant au-dessus des cotylédous couvrant les deux parois de la nialrice écarté-es l'une de l'autre. (.3) Il ne s'agit pas ici des villosités f>u franges vasculaires du dc'divrc ou placeida, ni de celles de la membrane qui enveloppe com[)lél(Mnenf le fœtus, du chorion (du grec, yopiov, fait de ywpsTv, contenir). (< Les cotylé'dons sont, ilit Dioclès de Caryste, des bras de poulpes ou des cornes, excroissances en forme de mamelles larges à la base, terminées en pointe au sommet, sur les deux côtt'S de l'utérus, créées l»ar pi'(''Voyance par la nature pour exercer le fcetus à attirer le mame- lon du sein. » .Vristofe en a fait mention (1. VII, ch. v). Dans le Tniilé des chairs d'IIip()Ocrate trad. Littré, vol. VIII, p. 598), il est mentionné que « l'enfant dans le ventre maternel ayant les lèvres coniinuellrmenf collées suce la matrice... Il n'aurait pas de matières excrénienlilielles s'il n'avait suce"' dans la matrice; et à la naissance il ne saurait prendre tout d'abord le mamelon, si dans IuIcmus il n'avait usé de la succion. » I/in(1uence de Démocrile sur l'anatomii^ a él(' consid(''rable. (\'oy. Dio(;knk m-: L.VKHTK et l'élude magistrale de I*\ EKci.KRcsur les mc'decins ai'abes) et il y a lieu de sou|)çounei- cpie les lignes précib-es d'Hi[»(KKrale ont été inspirées par le philosophe d'Abdère. Celui ci a allirmé, en elïet, « cfue c'est parce que l'enfant s'est nourri |)i"(''alableinent en sueant des sortes de tétines, situé'cs dans la matrice, (piil sait, dès (|u'il est m'-, tirer avec les lèvres le lait des mamelles de sa mère ». A \'(''sale et à Aranlius revient l'honneur d'avoir démontré pi'i'enqdoiremenl ({ue des cotylétbms de ce genre nexislent pas clie/. la femme. ('1; Au-dessus desquels. {'}) Sauta. ((») L<'s veines eaxes iiil'i rieiu'e et supé-rjenre. (\'(>y. Aiigé-ioloLfie. Pliy- sifdogie.) (7) Mnnlaiil. (8) OU. 2.% RABELAIS ANATOMISTE dicte vène se part (i) en deux, print (2) son chemin à oausche, et sortit par raiireille senestre (3). » Il appert de ce passage et de ce qne j'ai dit antérieure- ment (\ oy. Les génitoires, comme un rabbol) que Rabelais a admis non seulement la division de la matrice de la femme en plusieurs compartiments, mais encore la présence dans ce viscère d'excroissances mamelonnées, « cotylédons, » créées par la nature pour permettre au fœtus de s'exercer à la succion. Xe plaçons pas pour cela Maître François bien au-dessous de Vésale. Ce dernier n'a pas dépassé lui- même de beaucoup Achillinus, Déranger de Carpi. Gabriel (1) Se divise, se partage, du latin jxtrliri. En traitant de laiipareil circulatoire, j'ai ('tahli qne l'illustre professeur dont la Faculté de médecine de Moidpellier garde si pieusement le sou- venir, a fait mention çà et là, dans Garganlna et dans Panlagriicl, des veines rénales, des veines caves supérieure et inférieure (vène creuse) et de la valvule qu'olTre la veine cave inférieure à son entrée dans le cœur, des veijies jugulaires et qu'il a fait justement cheminer lénorme fœtus dans le tronc veineux brachio-céphalicjuc gauche, qui est plus large que le tronc veineux brachio-céphalique droit. Le moment est venu d'observer que Maître François n'a pas dit un mot des veines utéro-ovariennes. qui relient la matrice à la veine rénale gauche et à la veine cave inférieure, et par l'une ou l'autre desquelles veines utéro-ovariennes Gargantua a dû aussi forcé- ment passer. Le commentateur deGalienles a évidemment connues. Elles ont été, en effet, décrites en ces termes par le savant médecin de Pergame : « De la veine cave et de l'aorte partent également deux vaisseaux, deux veines et deux artères. Elles se divisent en deux groujjcs, comprenant chacun une artère et une veine. Le groupe droit se porte sur les parties latérales droites de l'utérus, le groupe gauche sur les parties latérales gauches. Avant d'atteindre la matrice, ces vaisseaux donnent quelques branches aux testicules (ovaires), puis elles viennent se ramifier et se perdre dans les tissus utérins. Ces vaisseaux naissent un peu au-dessous de ceux c{ui se rendent dans les reins. Les veines sont beaucoup plus grosses cjue les artères. Chez certaines femmes, ces vaisseaux pourraient provenir, à ce qu'assure Hérophile, des vaisseaux rénaux. Je n'ai rencontré que très rarement cette disposition chez les animaux, sauf chez les singes. Je ne dis donc pas ciu'Hérophile n'ait pas raison pour la femme. C'était en effet, à ce qu'il me semble d'après mon expérience personnelle, un excellent anafomiste cpii a travaillé Ijeaucouj) plus souvent sur les ca- davres humains que sur les cadavres des animaux. » {Liv. de lu dissecl. de riiténtf;, trad. Darenilterg.) (2) Prit. (3) (îauche. du latin sinialer. ANATOMIE DESCRIPTIVE 287 de Zerbis, etc. (i), dans sa description de Tappareil génital féminin (2). La longue tirade de Rondibilis sur le mode de genèse de l'hystérie chez la femme fourmille également d'assertions erronées. C'est une compilation pleine de verve, d'élégance et d'érudition, mais très diffuse et que je négligerais, si je ne tenais, avant tout, à être impartial et complet. « La nature ha dedans le corps des femmes, posé en lieu secret et intestin (3), professe Rondibilis, un animal, un membre (4), lequel n'est (5) es homme; onquel quelquesfois sont engendrées certaines humeurs salses ((j), nitreuses (7), bauracincuses (8), acres, mordicantes, lancinantes, chatoil- (1) Achilliniis, Béranger de Cai-pi, Gabriel do Zerbis vivaient au iv« siècle. Achillinus et Déranger de Carpi, professeurs à Bologne, ont découvert, le premier la membrane hymen, le second l'unité de Futé- rus; Gabriel de Zerbis de Vérone a isolé tous les ligaments de l'uliu'us, sauf le ligament rond. ("j) 11 a prétendu (pie la matrice était divisée en deux pai' une crête saillante et oublié la plui)art des ligaments de ce viscère. (3) Intérieur, du latin inleslinus. (/,) La matrice a été considérée i)ar Platon comme un animal; i)uis i)ar Guy de Chauliac, Mundinus, Mathieu de Gradilnis, etc., comme un mendjre viril retourné et interne. « Elle est, dit Guy de Chauliac, comme la verge renversée ou mise au dedans, au quatorzième de l'usage des parties. Car elle a au-dessous deux bras cellulaires avec les testicules, comme la bourse des testicules. Elle a aussi un ventre commun au milieu comme les parties du pénil. Elle a son col en bras canule comme la Verge. Elle a aussi la vulve comme une balance et la mitre. Elle a aussi le tentigo comme un prépuce. Elle a aussi sa longueur comme la verge de huit ou neuf doigts. Et, bien ([uelle nait «pie deux seins ou cavités manifesles suivant le nondjre des mamelles, toutefois elle a chacune d'icelles triplement cellulée, et une au milieu, de sorte que, selon Mvui- dinus, on y trouve sept réeeptacles. Elle a colligence ou alliance avec le cerveau, le cœur, le foie, lestomac, et est attachée au dos. Eidre elle et les mamelles sont continuées les veines du lail et des menstrues, à raison de quoi, dit Galien au chapitre vi, Hippocrat»- disait lelait eslre frère des menstrues. )>(Glv i)K Chauliac. (irnii.) (."») Oui n'existe pas cliez les hommes. (6) Salées. (7) (Contenant du iiilre, du salpêtre. (8) Henfermanl du lioiax. Dans les n-uvi-es de Bernard Balissy. iiurax est écrit hnurnic. 238 RABELAIS A.XATOMISTE lantes(i) amèrement : par la poincture (2) et iVetilleineiit doloreux (3) desquelles (car ce membre est tout nerveux et de vif sentiment) tout le corps est en elles esbranlé, touts les sens ravis, toutes affections intérimées (4), touts panse- ments (5) confondus. De manière que, si Nature ne leur eust arrosé le front d'un peu de honte, vous les voirriez comme forsenées, courrir Faguillctte (G), plus espouven- blement, que ne feirent (7) onques (8) les Prœtides (9), les Mimallonides (10), ne (11) les ïhyades (12) bacchiques au (1) Chatouillantes. (2) La piqûre, du latin punijerc. (3) Douloureux. (4) Éteintes, du latin inlerimcre. (5) Pensées. (6) On disait jadis des femmes de mauvaise vie qui sollicitaient les passants dans les rues qu'elles couraient raiguillelte. C'est pourquoi je reclierche une jeune fillette. Experte dès longtemps à courir raiguillette. (M. RÉGNIER. Épilrc II.) Suivant quelques étymologistes, cette locution aurait pris naissance à Toulouse, où, au moyen âge, les prostituées étaient obligées de porter, comme une marque d'infamie, une aiguillette sur l'épaule. Suivant d'autres, elle serait née à Beaucaire, où, la veille de la foire, les femmes de mœurs faciles célébraient la sainte Madeleine, en organi- sant entre elles une course dont le prix était un paquet d'aiguilletles, c'est-à-dire un paquet de tresses ou cordons ferrés par les deux bouts. Cette dernière explication est évidemment la plus plausible. (7) Firent. (8) Jamais. (9) Les Proétides, filles de Proétus, roi d'Argos, étaieid au nombre de trois, savoir: Lysippe, Yphinoé et Yphianasse. Ayant négligé le culte de Bacchus, au dire des uns, ayant osé comparer leur beauté à celle de Juuon, au dire des autres, elles furent punies par un accès de démence ((ui leur fit croire qu'elles étaient changées en génisses. Le divin Méhunpe les guérit en épousant l'une d'entre elles. Prœtides implerunl faUis minjUihiin (ujros. (VnîGiLE, Égl. VI, v. 48.) (10) Miimillonidea, Mimallones (Sthat.). Mimallonides (Ovide). Les bac- chantes, les prêtresses de Bacchus. Les Mimallonides ont tiré leur nom du mont Mimas, en Asie Mineure, où elles célébraient leurs orgies. (u) Ni. (12) Thyades, du grec Gvw, être en furie. Autre nom doinié aux bac- cliantes, parce que, dans les célébrations des orgies, elles couraient, çà et là, tout échevelées, vêtues de peaux de tigre, avec une vivacité qui res- AXATOMIE DESCRIPTIVE 2^ij jour de leurs bacchanales (i) ; parce que cestuy terrible animal a colliguance (2) à toutes les parties principales du corps, comme est évident en l'anatomie. « Je le nomme animal, suivant la doctrine, tant des aca- démiques (3) que des péripatétiques (4). Car, si mouvement propre est indice certain de chose animée, comme escript Aristoteles (5), et tout ce qui de soy se meut est dict ani- mal, a bon droict Platon le nomme animal (G), recognois- sant (7) en luy mouvements propres de suffocation, de préci- pitation, de corrugation (8), de indignation : voire si violents, ({ue bien souvent par eulx est tollu (9) à la femme toutaultre sens et mouvement, comme si fust lipothymie (10), syn- cope, épilepsie, apoplexie, et vraie ressemblance de mort. Oullre plus, nous voyons en icelluy discrétion (11) des odeurs manifeste (12), et le sentent les femmes fuir les semblait ;i de la rureur, en tenant des tliyi'ses, des torches, des flambeaux et en poussant des hurlements elTi'oyables. (1) Fêtes de Hacchus. (2) Alliance, union, relation. (3) Les disciples de Platon. On les appelait ainsi jjarce que Platon donnait ses leçons dans un jardin célèltre, AcademtiSi situé dans le Céra- mique, fauboui'i,'- iuq)ortant dAthènes. (4) Les philosophes de l'école dArislole. Ou les qualiliail de la sorte 8oit parce qu'ils se réunissaient dans les salles {mplr.axii) dii lycée^ soit l)arce que leur nuiîlre professait en se i)romenant {r.zp{r.a.-;v.v, se prbmenel'). (.■») Aristote. (6) « La matrice, dit Platon, est un aninud qui désire ai'demuu'ut engendrer des enfants ; lorsqu'il reste longtenq)s stérile après l'époque de la puberté, il a peine à le supporter; il s'indigne, il parcourt tout le corps, obstruant les issues de l'air, arrêtant la respiration, jetant le corps dans des dangers extrênies et occasionnant diverses nuUadies, jusqu'à ce que le désir et l'amour, l'éunissant l'homme et la fenuue, fassent naître un fruit, et le cueillent comme sur un arbre, semant dans la matrice, comme dans un champ, des animaux invisibles par leur petitesse et encore iid'ormes. "(Platon, le Timée. éilit. Cousin, t. XII, \). ■2\\.} (7) H('connaissaul. {X) De plissement, de froissemeiil, de contraction, du laliii torrii;/(iri\ () Évident. iiTlain. du lalin miniifcslits. v>4o RABELAIS ANATOMISTE puanlos, sLiiviv les aromatiques (i). Je scay que Cl. Ga- len (2) s'efforce prouver que ne sont mouvements propres et de soy, mais par accident; et qu'aultres de sa secte tra- vaillent à démonstrerque ce ne soit en luy discrétion (3) sen- sitive des odeurs, mais eflicace (4) diverse (5), procédente de la diversité des substances odorées. Mais, si vous exami- nez studieusement et pesez en la balance de Gritolaûs (6j (1) C'est la codification de la théorie de l'uléras mobile qui a dominé pendant de longs siècles l'histoire de l'hystérie. « Cette névrose, dit Hippocrate, s'observe surtout chez les femmes qui n'ont pas de rapports sexuels, et chez les femmes dun certain Age plutôt que chez les jeunes, parce que les vaisseaux sont plus vides, et la matrice, desséchée par la fatigue, est vide aussi et légère et se déplace ; elle se jette sur le foie, y adhère et se porte aux hypocondres; elle court, va en haut vers le fluide. Or, le foie est plein de fluide. Quand elle s'est jetée sur le foie, elle cause une suffocation subite, interceptant la voie respiratoire qui est dans le ventre. Parfois, en même temps, du phlegme descend de la tète aux hypochondres; alors la matrice quitte le foie, retourne à sa place, et la suffocation cesse; ayant i)ompé du fluide et étant devenue pesante, la matrice retourne ; d'autres fois, elle se porte vers les lombes ou vers les hanches et cause des souffrances. » (Hippocrate, édit. Littré, t. VII, p. 33.) Le traitement hippocratique de l'hystérie est le reflet et le corollaire de la théorie ci-dessus énoncée. « Comme les accidents convulsifs, ajoute le père de ta médecine, surviennent surtout chez les vieilles filles et chez les veuves qui, étant jeunes et ayant eu des enfants, i-estent dans la viduité, le mieux est de les engager à se marier. » (T. VII, p. 3i5.) « Quant aux médicaments antispasmodiques, les fétides font fuir l'utérus en haut, les aromatiques l'attirent en bas. On placera donc des substances fétides sous les narines : asphalte, soufre, corne, mèche de lanq>e, huile de veau marin, et on fera des fumigations aromatiques aux parties génitales. » (T. Vil, p. 343.) (2) Galien a maintenu lofrigine utérine de Ihystérie, mais repoussé connue absurde l'idée d'une matrice mobile se dé})laçant comme un animal. « Ceux qui ont accrédité, remarque-t-il, ces erreurs n'avaient aucune connaissance en anatomie, car les personnes exercées dans cette science savent que les mouvements de la matrice sont impossibles. » (Galien, De Locis effeclis, lib. VI, {)p. 3-38.) C'est la rétention dans la matrice des humeurs, et surtout du liciuide séminal, qui est pour Galien la véritable cause de la névrose. (3) Discernement, du latin discrelio, fait de discernere, discerner, dis- tinguer. (4) Vertu, du latin efficacia. (5) Contraire, opposé, du latin iliri'rsu>i. (6) Philosophe péripatéticien ((ue les Athéniens envoyèrent eli ambas- ANATOMIE DESCRIPTIVE a^l leurs propos et raisons, vous trouverez qu'en ceste matière, et beaucoup d'aultres, ils ont parlé par gayeté de cœur et affection (i) de reprendre leurs majeurs (2), plus que par recherchement (3) de vérité. En cette disputation (4) je n'entreray plus avant. Seulement vous dirayque petite n'est la' louange des preudes femmes, lesquelles ont vescu pudi- quement et sans blasme, et ont eu la vertus de ranger cest- tuy (5) effréné animal à Tobéissance de raison. » En anatomie et en physiologie humaines, c'est l'anato- mie et la physiologie des organes génitaux delà femme que Rabelais a le plus mal connu. Lui, l'anatomiste habile, qui a fait une coupe des ventricules du cerveau identique à celle qui est reproduite dans le Traité cranalomie de Beaunis et Bouchard (Voy. plus loin, Névrologie : Les vcnlriciiles^ comme un iirefond) et des comparaisons anatomicjues que Cruvei- Ihier, Marc Sée, Sappey, etc., croient avoir faites les pre- miers ; lui, l'humaniste j)ar excellence, a ignoré ou n'a pas mentionné les ouvrages d'Aetius (6) et de Paul dEgine, où se trouve une explication des accidents hystériques qui se raitjjroche de la n(jtre, n'a tenu aucun compte des sages réserves de GalicMi, cru avec Platon, Ilippocrate, Fernel, Sade ;i Home avec Canrado ot Diotjriio, l'an i5r> avant Jt'sus-Clii'isl. (Iri- tftlaiis appartonail à la troisième Acai^'-niic ([ui tMiscigiiait qiu- la [irolia- l>ililé est le deniiei' degré de la science. On peut admettre (jue les expressions « peser en la balance de Critolaûs » veulent dire : en tenant compte du po\u' et du contre. (1) L"and)ition. le di'sir, du latin (iffeclio. (2) Ceux qui les ont |»réctklés, du latin majoreu, les ancêtres, les aïeux. Fernel, qnona api)elé le réiormateur île la médecine, Fernel, le con- temporain de llahelais, a adressé le même rei)rochc à Galien: « En pré- tendant ((uc la matrice ne peut se déi)lacer dans l'abdomen et encore nu)ins dans la poitr-ine, (ialien, dit-il, s'est trompé ; j'ai senti, dans plu- sieurs cas, (;et orj^ane rcinonlcr sons ma main juscpie dans l'eslonuic. » (Fkrnkl, De Morbu jxtrliiint (/iL-r stih (lidjihrat/malc sunl, cap. xvi, iilere sijmpl.) (.3) R.'chcrclie. (\) I)(''l»at, conirovci'sc, du i;din disimldliu. (ô) Ce. (G) .Vetils. .Sc///i.. l\'. cap. lxviu. 242 RABELAIS ANATOMISTE Mundinus et Guy de Chauliac, que la matrice cellulée, gar- nie de cotylédons, mobile à Textrême, avait colligence ou alliance avec toutes les parties principales du corps. Pour- quoi ? Parce qu'il n'a disséqué et ne pouvait guère dis- séquer, comme ses contemporains, que des cadavres d'hommes, des cadavres de criminels (1). Qu'on me pardonne cette digression ; je reviens à la naissance de Gargantua. Va-t-on se récrier sur la façon dont il est venu au monde ? <( Pourquoy ne le croiriez-vous ? Pour ce, dictes-vous. qu'il n'y a nulle apparence. Je vous di que, pour ceste seule cause, vous le debvez croire en foy parfaicte ; car les sorbonnistes disent (|ue foy est argument des choses de null-e apparence. (( Est-ce contre nostre loy, nostre foy, contre raison, contre la saincte escripture? De ma part, je ne trouve rien escript es (2) Bibles sainctes, qui soit contre cela. Mais si le vouloir de Dieu tel eust esté, diriez-vous qu'il ne l'eust pu faire? Ha ! pour grâce (3), n'emburelucoquez (4) jamais vos esperits de ces vaines pensées. Car je vous di, que à Dieu rien n'est impossible. Et s'if vouloit, les femmes auroient doresenavant ainsy leurs enfants par l'aureille. Bacchus (5) (1) Et aussi, comme je l'ai indique quelques lignes plus haut, j)ai'ce que les femmes en couches ou atteintes de maladies du bas-ventre étaient alors soignées principalement, sinon exclusivement, par les sages- femmes. {2) Dans les. (3) Par grâce. (4) Ne torturez, ne tourmentez. Le verbe emburelucoquer se retrouve au chapitre viii du livre II et au chapitre xxii du livre III. Suivant Le Duchat, il signifie : « Ne vous remplissez pas la tète de chimères sem- blables à celles que les moines ont accoutumées de loger sous leur capu- chon de burCi » (5) Bacchus, fils de Jupiter et de Sémélé. Sémélé étant morte en état de grossesse, Jupiter enferma Bacchus dans sa cuisse, où celui-ci resta tout le temps qu'il aurait dû demeurer dans le sein maternel. ANATOMIE DESCRIPTIVE '2^'^ ne fut-il pas engendré par la cuisse de Jupiter? Roquetail- lade (i) nasquit-ilpas du talon de sa mère? Croquemouche, de la pantoufle de sa nourrice? Minerve (2) nasquit-elle pas du cerveau par Taureille de Jupiter? Adonis (3) par l'escorce d'un arbre de mj^rrhe? Castor et Pollux, de la coque d'un œuf, pont (4) et esclos par Leda (5)? Mais vous seriez bien d'advantage esbahisetestonnés, si je vous exposois présente- ment tout le chapitre de Pline, onquel (G) parle des enfante- ments estranges et contre nature. Et toutesfois je ne suis poinct menteur tant asseuré (7) comme il ha esté. Lisez le septiesme de sa Naturelle Histoire, chap. 3 (8), et ne m'en tabustez (9) plus l'entendement. » (1) Rabelais fait ccrtainenient allusion à une légende de la l'aniille de la Rociuetaillade. 11 existe encore, dans l'Aude, près de Carcassonne, où a liahité lauteur de ré|)0[>ée pantairniéliciue, un hameau de la Roijue- tailladc. (2) Déesse de la sagesse et de la guerre, ([ui sortil lout ai'uiée du cer- veau de Jupiter. (3) Prince célèbre par sa beauté, né du coninierce incestueux de Cynéras, l'oi de Chypre, et de sa fille Myrrha . Api'ès sa naissance, sa mère devint larbi'e qui porte la myrrhe. {\) Pondu. (5) Léda, femme de Tyndarc, roi de Sparte, fut aimée de Jupiter qui triompha délie sous la forme d'un cygne. Plus tard elle accoucha de deux œufs, de l'un desquels sortirent Pollux ci Hélène, ol de l'auli-c Castor et Clyleninestre. (G) Dans lequel il. (7) Effronté. (8) C'est au chapitre iv et non au chapitre m du li\i'e MI cpiOn trouve le texte de Pline auipu-i renvoie Rabelais. Le voici : « Il est avéré qu'il peut naître trois enfants à la fois, témoins les Horaces et les Curiaces. Un plus grand nombre est regardé comme un prodige, excepté en Egypte, où l'eau du Nil augmente la fécondité... Troguc nous apprend qu'en Egypte les femmes mettent au monde jus- qu'à sept enfants à la fois... Quelques individus naissent avec les deux sexes... .Vlcippe nul au monde un ('h'-phant, mais ce fait esl un de ceux qu'on regarde comme des présages sinistres. Ce fut au commencement de la guei're des Marses (ju'une esclave accoucha il'un serpent. On a rexenq)le ilun enfant (pii renli'a aussitôt dans le ventre de sa mère, à Sagonte, l'année (u'i cette villi- fut dt'fi-uite par Annibal. (Pi.im:, cIi. iv, I. \'II, Accnin-hrmrnls nu'nu'illiii.r. Iriid. de (îrandsagiie.) (<)) .Ne m en tourmente/, plus. Le verbe bdiuster esl un diininidif. une coidractiou du \erbe tarabuster'. 2^4 RABELAIS ANATOMISTE En faisant accoucher la femme de Grandgousier par Foreille, le prêtre-médecin a été inspiré par d'autres motifs que ceux qu'il accuse. Ces motifs, quels sont-ils? Ceux-ci, je présume : In principio eral verbutn, el verbiim eral apiid Deiim et Deits eral verbiim el verbiim caro facliim est, lit-on dans l'Evangile selon saint Jean. Nos bons aïeux ont para- phrasé (Voy. la dissertation de Grimaldi) à la Musset cet article de foi (i). Un noël de la Monnoye abonde en détails d'une naïveté charmante sur la conception et l'enfantement par l'oreille du divin enfant. Dans Vllisloire de la peinliire sur verre^ de Lenoir (t. II), figure le dessin d'un vitrail qui pendant la tourmente révolutionnaire, a été, grâce à l'intervention de l'évêque constitutionnel Grégoire et de Lenoir, transporté de l'église ] Saint-Leu au couvent des Petits-Augustins (alors le musée des monuments français, maintenant l'Ecole des Beaux-Arts). Ce vitrail, aujourd'hui (i) Où le père a passé, passera bien l'enfant. (Musset, le Rhin allemand.) <( Je suis entré en elle par le sommet de la tète, » dit Jesliu au sujet de la conception de la Vierge Marie. « Le Verbe du Père est entré par l'oreille de la femme bénie, » lit-on dans le bréviaire des Maronites. Selon saint Augustin et le pape Félix, la Vierge est devenue enceinte par l'oreille. Dans une hymne de saint Éphrem, dont l'inspirateur serait^ d'après Voisin, saint Grégoire Néocésarée ou le Thaumaturge, on trouve cette affirmation: « Vivfjo, tjrse per aiirem concepisli ; Vierge, qui as conçu par l'oreille. » (Voy. Voltaire, Dicl. philosoph., au mot Généalogie.) On chante maintenant dans les églises catholiques : Gaude, Virgo. mater Christi, Quœ per aiirem concepisli. Du temps d'Agobart, on y chantait : « Le Verbe est entré par l'oreille de la Vierge Marie, et il en est sorti par la porte dorée. » « Un sujet de sermon sur lequel, au moyen âge, les moines des dif- férents ordres revenaient sans cesse était si la Vierge, pendant l'opé- ration du Saint-Es[>rit, avait éprouvf' du plaisir. Lorsque deux ordres étaient d'accord pour le plaisir, il fallait agiter les questions : iibi et qiio- 'modof » (Noël, loc. cit. siiprà, p. 701.) Rabelais s'en est tenu sans doute à cet axiome physiologique : c'est toujours par la voie par laquelle s'est opérée la fécondation que sort le produit de la conception. VITRAIL DE L'ÉGLISE SAIM-LEU Colonihe (S'-Esprit) dardant un rayon uunineiix sur le côté gauclie de la tète de la Vierge. Jésus au centre du rayon lumi- neux. Vierge Marie Archange Gabiiel CONCEPTION DE LA VIERGE ANATOMIE DESCRIPTIVE 245 disparu, représente (Voy. la planche ci-jointe) une colombe (le Saint-Esprit) planant au-dessus de la Vierge, sur Tune des oreilles de laquelle il envoie un rayon lumineux, au centre duquel se trouve un petit fœtus avec une croix (Jésus) (i). A quelque distance de la Vierge se tient l'ar- change Gabriel, qui vient de lui parler. Le grand railleur s'est-il associé, avec une désinvolture toute gauloise, aux innocentes plaisanteries de ses contem- porains? Il me paraît difficile de soutenir le contraire. Ce qui est certain, c'est qu'en prolongeant la durée de la grossesse de Gargamellc au-delà du terme accoutumé Maître François a voulu protester contre l'opinion des mé- decins, des légistes et des philosophes grecs et romains qui ont déclaré légitime « l'enfant né de femme l'unziesnie mois après la mort de son mary » (2). A savoir : (( HiPPOCRATES, lib. de Alimenlo (3) ; « Pline, lib. Vil, cap. V (4) ; (1) .M. le D' A. Dureau, bibliothécaire de rAcadémie de médecine, m'a écrit qu'il a trouvé l'indication d'un vitrail analogue dans un des cata- logues de la librairie Tross, à Paris. (2) L. I, ch. III. (3) « Le l'fjetus est formé le 35*^ jour ; il se remue le 70® et il sort le 210" ; d'autres disent (juil nest formé que le 45* jom"' qu'il ne remue que le 76® et qu'il sort le 210'=; il y en a qui pensent qu'il a besoin de 00 jours pour être formé, de 100 jours pour se remuer, qu'il sort le 3oo* jour. Cela est et cela n'est point, suivant les cas. Les enfants restent dans le sein de leur mère pendant tout leur temps, on n'y restent que partie de ce temps. Il y en a davantage de ceux qui restent moins (jne de ceux qui restent plus » (HippocuATK. trad. (iardeil.) (4) « L'homme reçoit le ynw à toutes les ('poques de l'année et la durée de la grossesse n'a pas df terme lixe. Il naît des enfants au 7" mois, au 8" et jusqu'au commencement du 10^ et du u^ Ceux qui naissent avant le 7« ne vivent pas; ce n'est que lorsqu'ils ont été conçus la veille ou le len- main de la i)l('iii<' lune ou p<'n(lant l'iiiterlune ([ue des enfants naissent avant le 7' mois. Il est lommun en Lgypte de voir naître des enfants à 8 mois... La diu-ée de la giossesse varie beaucoup. Vestilia, successive- ment femme de C. Ilei'ditius, de Pomponius et d'Orsitus, citoyens très distingués, après être accouchée quatre fois de suite au 7* mois, eut Suil- lius Hiirns.in 1 r\ puis Coilmlon au 7' , cntiii fllr cul an S'' Cé-souée. femme 24C) RABELAIS ANATOMiSTE « Plaute, in Cistellaria [i); a Marcus Varro, Cil la satire inscripte le Testament, alléguant l'autorité d'Aristoteles (2) à ce propos (3) ; « Censorinus, lib. de Die natali (4) ; (( Aristot., lib. VII, cap. m et iv, de Natiira Anima- liiim (5) ; « Gellius, lib. III, cap. xvi (6); de Fempereur Caligula... Le préteur Papirius, sans s'arrêter aux récla- mations d'un héritier collatéral, donna droit de possession à un enfant sur la déclaration de la mère qu'elle avait été enceinte pendant i3 mois, jugeant qu'on ne pouvait préciser la durée d'une grossesse. » (Pline, trad. de Gransagne.) (1) « Celle-ci mit une enfant au monde après le lo'' mois passé..... Celle-là accouche dans le courant du 10" mois. » (Plaute.) (2) D'Aristote. (3) L'opinion de Varron est rapportée plus loin par Aulu-Gelle. (4) « Que la femme puisse accoucher au bout de 7 mois, c'est un point reconnu par la plupart des auteurs, tels que Theano, Aristote, Dioclès, Evenor, Straton, Empédocle, Epigène et beaucoup d'autres encore dont les colonnes serrées n'elîrayent point, cependant, Eutyphron de Gnide, qui nie intrépidement cette possibilité. Il est combattu à son tour par presque tous les philosophes qui, à l'exemple d'Epicharme, nient que l'enfantement ait lieu dans le 8" mois. Dioclès de Caryste, néanmoins, et Aristote, de Stagire, ont pensé le contraire. Quant à la naissance dans le 9'= et 10*= mois, elle est admise, et par la plupart des Chaldéens, et par Aristote dont je viens de parler. Epigène de Byzance ne la nie point pour le 9"^ mois, ni Hippocrate de l'île de Cos pour le lo^ mais le ii'^ mois, admis par Aristote seul, est rejeté par tous les autres. » (Censorinus, trad. Mangeart.) (5) « Le temps de la gestation des animaux est limité à un espace fixe; le terme où ils mettent bas n'est [joint sujet à variation. L'homme seul naît à différents ternies ; il naît à 7 mois, à 8, à 9, à 10. Ce dernier terme est le plus ordinaire. Quelquefois la durée de la grossesse entame le ii'^ mois l'ignorance de la véritable époque de la grossesse est vraisemblablement encore ce qui fait croire aux femmes qu'elles accouchent à plus de 1 1 mois. » (Aristote, trad. Camus.) (6) Et les médecins et les philosophes les plus célèbres ont élevé des questions sur le temps de la naissance d'un enfant et de la gestation de la mère. L'opinion la plus généralement reçue, et qu'on regarde même comme certaine, est que, le sein de la mère ayant été fécondé, elle met au monde son fruit, rarement au 7% jamais au 8% souvent au 9" et assez souvent au lo*^ mois; et que non le commencement de ce 10"= mois, mais la fin, donne l'époque la plus longue et la plus reculée. Cette opinion se trouve appuyée par cet endroit de la Cixlcllaire de Plaute, où cet ancien poète comique dit : ANATOMIE DESCRIPTIVE 247 « Servius fi), in ecl. exposant ce mètre (2) de \'iroile : Mat ri longa tleceni. olc. .. (3^. « Et mille autres fols (4j. Le nombre desquels ha esté par les légistes accreu... » Celle avec laquelle il avait eu commerce accoucha d'une petite fille à la fin du 10'' mois. Ménandre, poète plus ancien encore et très versé dans les opinions savantes, insinue la même chose dans sa comédie intitulée Plocinx où il s'exprime ainsi : « La t'emme accouche le 10'' mois. » Cœcilius, dans une autre comédie sur le même sujet et ayant le même titre, pièce qu'il a presque entièrement imitée de Ménandre, ne passe pas, comme son modèle, le 8*^ mois sous silence, en parlant des mois destinés aux accouchements; mais il dit : « Une femme a-t-elle coutume d'enfanter au 10'= mois? Certainement elle le peut, de même qu'au g"", au y*" et au 8'^. » M. Varron nous est garant que Cœcilius n'a point dit cela inconsidéré- ment, et qu'il a eu ses motifs pour être [d'un autre avis que Ménandre et plusieurs autres écrivains; car il assure que souvent on a vu des enfants naître au 8'' mois. Il ajoute qu'un enfant peut demeurer 11 mois dans le sein de sa mère, et il appuie ces deux assertions de l'autorité d'Aristote. Outre ce que je viens de rapporter des difft'-rents auteurs, je crois devoir citer au lecteur une particularité remarquable que j'ai entendue au sujet d'une dame romaine. Une dame connue par la sûreté de ses mreurs, et dont l'honneur ne pouvait être révoqué en doute, accoucha 11 mois après la mort de son mari. Cette affaire fit grand bruit; on l'ac- cusa d'avoii' eu un commerce illicite ajjrès la mort de son époux, parce que la loi j)orfée par les dt'cemvirs détermine l'époque de l'enfantement au 10" et non au 11'' mois. Mais l'empereur Adrien, au tribunal (lu(|nel la cause fut portée, décida que l'accouchement était possible au ii'\ J'ai même lu ce décret impérial dans lequel le prince assure n'avoir pris cette décisioinpie d'après l'avis des anciens philosophes et mt'decins les plus c(''lèbres. Aujourd'hui même, dans la satire de M. Varron, ayant pour titre le Tealamenl, j'ai lu ces paroles : n Si un ou plusieurs enfants niarrivent au io« mois, ce sont des ânes k la lyre ; je les déshérite; si c'est au u", à la manière d'Aristote, je n'en fais pas plus de ditTérence qu'avec les précédents que de Titus et d'Accitis. Ces dernières paroles font allu- sion au vieux proverbe sur les choses qui ne différaient guère entre elles. >■ (Aull-Gelle, Nnila allùiuea, trad. V. Verger.) (1) Servius Maurus Honoratus, grammairien i\\\ v« siècle, commenta- teur de N'ii'gile. (2) Vers, du latin mrlriim, inesiu-e. i'.i) Le vers complet est : Mnlri lonf/a dercm liilcrini fii.iiiu'. .\inli;i-isaik-iir ilf I-'rniiçois \" i\ Vcnisiv 200 RABELAIS ANATOMISTE Quand il est impossible à une mère d'allaiter son enfant, elle doit le confier à une nourrice. En racontant « comment Pantagruel transporta une colonie de Utopiens enDipsodie, et explora par sorts virgi- lianes (i), quel sera le mariage de Panurge )>, Rabelais a montré que le choix d'une nourrice n'est pas chose indif- férente. « Avec le laict de leurs mères nourrices, les Utopiens avoient pareillement succé la doulceur et débonnaircté. (( Jupin (2) ha esté le plus fort ruffian... (3) qui onques (4) fut (5), paillard, tousjours fumant comme un verrat (6) : aussy fut-il nourri par une truie en Dicté (7) de Candie, si Agathocles babylonien (8) ne ment ; et plus bouquin (9) que n'est un bouc : aussy disent les aultres qu'il fut allaicté d'une chèvre. » Ainsi que le grand Ancêtre, les doctrinaires de l'Ecole d'Alexandrie soutenaient que nous suçons avec le lait le germe de nos passions et de nos inclinations futures, de nos vertus et de nos vices. Caligula, ce monstre de cruauté, (1) Les vers de Virgile. (2) Jupiter, fils de Saturne et (\c Rlu-e, le plus puissant des dieux. (3) Débauché. (4) Que quiconque ne fût. (5) Il s'est métamorphosé en coq pour séduire Junon, sa sœur; en taïu'eau pour enlever Europe ; en pluie d'or pour pénétrer jusqu'à Danaé en cygne pour tromper Léda ; en pigeon pour charmer Phthie ; en satyre pour surprendre Antiope ; en aigle pour porter Ganymède au ciel. Il s'est présenté à Alcmène sous la forme de son mari ; il a pris la taille et la ligure d'un jeune homme pour plaire à Sémélé ; il a emprunté les traits de Diane pour en imposer à la nymphe Calisto; il s'est fait berger pour vaincre la résistance de Mnémosyne (6) Porc entier et aussi sanglier, du latin verres. (7) Montagne de l'île de Candie, dans la Méditerranée, aidrefois l'île de Crète. (8) Voy. Athénée, 1. I, ch. v. (9) Plus bouc. Le bouc a, comme le mulet, une réputation de lubri- cité bien établie. Quant à la truie, elle recherche les approches du mâle, quoiqu'en état de gestation, ce qui est un excès parmi les animaux dont la femelle, dans presque toutes les espèces, refuse le maie dès qu'elle est fécondée. ANATOMIE DESCRIPTIVE 25l et Néron, ce type d'immoralité, ce spécimen des mœurs corrompues de la Rome impériale, leur servaient de princi- paux exemples. Ils prétendaient que la férocité de Caligula lui venait de ce que sa nourrice frottait de sang ses mame- lons avant de les lui présenter. Quant a Néron, sa nour- rice était ivrogne, et il passa des bras de cette mégère dans ceux d'une danseuse et d'un barbier. Mithridate, dans un langage figuré, mais emprunté aux idées que je rappelle, disait que les Romains avaient pris le goût du sang dans ^ le lait de la louve qui avait nourri leurs premiers chefs. D'accord aussi avec cette théorie (i ;, les poètes et les au- teurs anciens, Macrobe (2),Colunielle (3) et Virgile lui-même, font allaiter 'eurs héros par des lionnes, des tigresses, etc. Didon, abandonnée par Enée, l'apostrophe en ces termes : i\ec lihi (lira parens generis, nec Dardanua auclor ; Perfide, aed diiris (jeniiit te caulihiis horrens, Caucasiis, Ilivcnmvque (idmoriinl iibera tigres. [Enéide.) Non, tu n'es pas le fils d'une déesse, non, tu ne des- cends pas de Dardanus ; perfide, tu es sorti des roches héris- sées du Caucase, et tu as sucé le lait des tigresses de l'IIvr- canie. Sans m'appesantir davantage sur ces citations (jue je pourrais multiplier à l'infini, je dirai (pu* l'éducilion com- mence dès le |)reniier jour de hi naissance, el «pie les pas- sions de la personne qui nourrit n'agissent pas seulement sur la santé de l'enfant, mais encore sur son caractère. Vm^ nourrice craintive, courageuse ou méchante peut, juscju'à (i) Maiin'ct'ini . un des iiirdcciiis-accouchoups les plus rnuiiouls du XVII* sièclo. croyiiih'ncoro fcrnuMneiif à roifo inlluonro do rall.iilcnifuf sur- le r.'ii-îicfrrc. ^ Ou ;i|)|)i-ivois(' les lions, a-l-il »''Ci'il. on leur r.'usani lôlfi-uno vaclir ou une àncssf. I.uidis qu»' le rliicn devient l'aronclie s'il esl allaili' par une louve. •■ (r>) Macrohk, .SV//(;/7;., lil). 1\'. {.'5) (^oi.r.MKi.i.K. hr /^• rnslirà. 202 RABELAIS ANATOMISTE un certain point, rendre son nourrisson courageux, craintif ou méchant. Certainement, si l'on attribue au lait, comme les philosophes de l'Ecole d'Alexandrie et Rabelais, cette influence exercée par la femme sur l'enfant, on avance une chose fausse ; mais si l'on ne reconnaît, pour expliquer le fait en question, que )a puissance de l'éducation, c'est-à-dire l'action de causes cérébrales directes et puissantes, opé- rant sur un cerveau infantile, modiiiant l'organisation de sa masse et l'imprégnant d'idées nouvelles, l'assertion cesse d'être inexacte, il s'agit d'un phénomène physiologique, naturel, facile à concevoir. C'est à la mère qu'il appartient de façonner le moral de son enfant à l'image du sien, d'approuver devant lui ce qui est bien, de lui faire entendre ce qui est mal, ce qu'il doit éviter. La raison, qui se forme plus tard, conserve toujours quelque chose de ce mystérieux assolement, et, de même que l'homme porte sur sa figure le signe de son siècle, la marque distinctive de sa nation, celui que sa mère a nourri de son lait, qu'elle a élevé sur ses genoux, porte toujours en lui un reflet des vertus de la famille, qualités héréditaires qui cir- culent avec le sang et finissent par faire partie intégrante du tempérament. Les préceptes qu'il recueille dans son adolescence s'altèrent et s'effacent comme un vernis qui s'use et se détruit, mais ce qu'il aura appris, encore vêtu de langes, il le conservera comme l'essence de lui-même. ORGANES DES SENS Ouaresmeprenant avoit Les narines, comme un béguin. La langue, comme une harpe. Les tympanes, comme un moulinet. Les nerfs optiques, comme un fusil. L'epidermis, comme un beluteau. Les narines, comme un béguin. Béguin^ coifTe d'enfant. « Ce que (i) faict les aureilles des asnes si grandes, déclare Panurge, c'est parce que leurs mères ne leur niel- toient poinct de béguin en la teste, comme dict d'Al- liaco (2) en ses Su[)positions (li). » Les narines très larges, très ouvertes. La langue, comme une harpe. I.;t harpe ancienne a la forme de la langue. Telle est la forme de celle que tient Apollon dans le tableau Apollon jouant (le la harpe que possède le musée de Tours (4). C'est celle dont le dessin accompagne ce texte. On nomme frein ou filet de la langue un rejili nnupieux (1) Ce f[ui IViif. {■>.) PifM-n^ (l'.Villi, docicur en Sorboniic, ;u'clu'vè<|ii<' de C;milji';ii, mort en i/,25. (3) L. Il, (h. \vr. (/,) UiH' Ii;ir|ti' miimIoltiic s(r voit sur l;i roiipc (l<* CastcI-Diii-iiilc, di- 1025 (Apollon <•! Maisyas), ([iii rst la |>i-oinii''t('' du niust'-c du Louvre. 254 RABELAIS ANATOMISTE étendu de la face inférieure de cet organe au plancher de la bouche. C'était jadis et c'est encore un préjugé, à peu près général, que la section de ce frein est indispensable pour assurer aux enfants une parole facile. Au xviii'^ siècle, on disait couramment d'un grand par- leur : « Il n'a pas de lilet. » La laïKjue, comme une harpe. Dans son épître iv, Boileau s'exprime en ces termes : Tout charme en un enfant dont la langue sans lard, A peine du filet encore débarrassée, Sait d'un air innocent bégayer sa pensée. M. Sébillot aflirme que l'usage de couper le frein ou siiblet est très répandu dans les campagnes de la haute Bretagne. M. Moisset assure que, dans l'Yonne, c'est une opinion acceptée par tous que le nouveau-né dont on aurait omis de couper le frein de la langue serait muet. Dans le Poitou, on répond à un bavard : « Celui qui t'a coupé le lignoiix n'a pas volé ses cinq sous. » « Il faut remarquer avec soin, avance Riolan, que la ANATOMIE DESCRIPTIVE 200 nature n'a mis de frein qu'à la langue seulement et aux parties honteuses; parce qu'elle a voulu que, sur toutes choses, les hommes fussent modestes dans l'usage de ces organes. » Le frein de la langue ne rend réellement la prononcia- tion et la succion dil'iiciles que lorsqu'il est très court ; alors, mais alors seulement, il est indiqué de le sectionner. Il est question de cette petite opération dans la comédie (la Femme mute) ( i), composée par Rabelais et jouée à Montpel- lier, en i53i ou i532, par lui et ses camarades, Antoine Sa- porta (2), Guy Bourguier, Balthazar Noyer, Tolet (3), Jean Quentin (4), Franç;ois Robinet (5) et Jean Perdrier (6) : n s'agit d'un « bon inary qui avoit espousé une femme mute. Il vouloit ({u'elle parlast. Elle parla par l'art du médi- cin et du chirurgien, qui luy couparent (j) un encyli- glotte (8) qu'elle avoit soubs la langue. La parole recou- verte (9), elle parla tant et tant, que son mary retourna au ( 1 ) Muette, du latin miilus. M. Dubouchet a retrouvé dans le Liber Procu- ■ valoris de la Faculté de Montpellier, ad. ann. i53u, l'indication de la sonune payée à l'auteur : « Pro coinjtosilofc moralitalis, sliilliœ el comédie (/iki- luor aiireos, valenles VI II libras Tiironensiiim. » (2) Antoine Saporta, d'origine espagnole, a été prolesseur en méde- cine et chancelier de l'Université de Montpellier. (3) Pierre Tolet a été médecin de l'hôpital de Lyon et a laissé divers ouvrages importants : un Traité de la (joiille ; une traduction des «euvres de Paul d'Égine, etc. (4) Peut-être Jean Ouintiani qui a habité Venise en io\ij et (pii a pris à partie Galien dans un opuscule intitulé : Vid. Is. Spach. Bibliolh. med. imi>. Francofurf, lôgi. (."») François RoJjinet a exercé la médecine à Vpres. (G) Rabelais était le i)r'écepleur de Jean Pertlrier, à l'époque (i53i ou \'hV>.) où celte i)ièce a ('lé représentée. (Voy. liisloire abirrjée de la ville de Monlpellirr arec un abré(/r de la rie de ijiielijiie.s hommes illuslres, îanl en droit ciril (^l'en médecine de Ut dite cille qui aif sont rendus recomnuindables, par M. Serre, 2' part., pp. 2^ et 20; Montpellier, mdccxix.) (7) Coupéi-enl. (8) « Ancyloglotle ou Kncyliglotie. Une maladie delà langue, scavoir est lin empescliement ou rétraction d'icelle (de celle-ci) : le (il ou lilel des petits enl'anls ; en Poitevin le I.igon ; ày/.jXo;, crochus, contre-iias, el ^hhz-a.. Voy. Paul Egin<'te, lie. (i, c/i. mj. » (.Mphabet de l'auteur fran^ois.) (<() Uecoiivrée. 256 RABELAIS ANATOMISTE médicin pour remède de la faire taire. Le médicin respoii- dit en son art bien avoir remèdes propres (i) pour faire par- ler les femmes; n'en avoir pour les faire taire. Remède unique estre surdité du mary (2) contre cestuy (3) intermi- nable parlement (4) de femme. » On sait que c'est dans cette comédie de Maître François que Molière a puisé les éléments de son Médecin malgré lui. Le D>' Chervin a démontré que les sourds-muets ne parlent pas parce qu'ils n'entendent pas et leur apprend à parler en lisant sur les lèvres de leurs interlocuteurs les lettres qui composent les mots (5). Si grand que soit le mérite de M. Chervin. les lignes qui suivent n'en cor- roborent pas moins, jusqu'à un certain point, l'opinion émise par Esmangart et Johanneau, à propos de la con- versation mimée de Nazedecabre (6) et de Panurge (Voy. Ostéologie : L'alkatim, comme un billarl), que Rabelais a eu peut-être notion du langage pai' gestes des sourds- muets, perfectionné, longtemps après lui, par Animant et les abbés de l'Epée et Sicart : (( Conseil prenez de quelque mut (7), recommande Panta- gruel à Panurge. — J'en suis d'advis, respondit Panurge. — Mais, dist Pantagruel, il conviendroit que le mut fust sourd de sa naissance, et par conséquent mut. Car il n'est mut plus naïf (8), que celluy qui onques n'ouït (9). — (i) Efficace, souverain, du latin /^/■o/>;-/«.s. (2) Ulinain aiil hic siirdns , aiil hœc miiUi fada si! , dit Davus, dans YAdrienne de Térence. (3) Cet. (4) Bavardage. (L. III, ch. xxxiv.) (5) D'après la forme quelles prennent en les accentuant. (H) Naz de cabre, nez de chèvre, en patois languedocien. (7) Muet, du latin mnliis, tiré du grec [xuoj, je ferme la bouche, d'où mystère. On dit encore rage-mue i)our rage muette. (8) Dans le sens du mot latin naliims, naturel, inué, sans fard, sans artifice. (9) N'entendit jamais. A.XATOMIE DESCKIPTIVE o5y Comment, respondit Panurge, l'entendez? Si vrai t'ust que l'homme ne parlast, qui n'eust oui parler, je vous meineroie à logicalement inférer une proposition bien abhorrente (i) et paradoxe. Mais laissons la. Vous doncques ne croyez ce qu'escript Hérodote (2) des deux enfants gardés dedans une case (3) par le vouloir (4) de Psammetic (5), roy des Egyptiens, et nourris (6) en perpétuel silence : lesquels, après certain temps, prononcearent (7) ceste parole, BeciiSj laquelle en langue Phrygienne signifie })ain? — Hien moins, respondit Pantagruel. C'est abus dire que ayons langage naturel ; les langages sont par institutions arbi- traires et convenances (8) des peuples ; les voix (9), comme disent les dialecticians, ne signifient naturellement, mais à plaisir (10;. Je ne vous di ce })ropos sans cause (11). Car Bartole, /. I, de Verhor. obligal., racomple que, de son temps, fui en Eugube {\-2) un nommé messer Nello «le Gahrielis. lequel par accident estoil soui'd devenu : ce (11 Absui">■ Wiliirà rci-tmi, Irad. A. Lefèvre: A. m-; l>iiossi:s, 'J'rtiilr 'le la /ormalidii nircanii/iic des huujin's, Paris, i~Ct7r. W'iin- NKv, 1(1 Vie (lu Idiu/dric liililiolh. sciciil. inlcriKtt. : Zauohowski. l'Orii/iitc (lu l(iii(j(itj(\ Paris, i<^7<(. elc) (r.>) LujLfidiliio (Ml (luliliio, \ ille de l'Apennin [)rès de I.Mjuelle on a trouvé, en iW\. sc[il insi-nplidu^ Irrs curieuses, gravées sur Iproii/.e, en laui-'ue ombrienne. 208 RABELAIS ANATOMISTE nonobstant entendoit tout homme Italian, parlant tant secrètement que ce fust, seulement à la vue de ses gestes et mouvement des haulièvres (i). J'ai d'advantage leu, en auteur (2) docte et élégant (3), que Tiridates, roy d'Arménie, au temps de Néron, visita Home, et fut receu en solennité honorable et pon\pes magnifiques, affin de l'entre- tenir en amitié sempiternelle du sénat et peuple romain : et n'y eut chose mémorable (4) en la cité, qui ne luy fust mons- trée et exposée. A son département (5), l'empereur luy feit de grands dons et excessifs ; oultre luy feit option (6) de choi- sir ce que plus en Rome luy plairoit, avec promesse jurée de non l'esconduire, quoy qu'il demandast. Il demanda seulement un joueur de farce, lequel il avoit vu au théâtre, et n'entendant ce qu'il disoit, entendoit ce qu'il exprimoit par signes et gesticulations (7) : alléguant que soubs sa domination estoient peuples de divers langages, pour aux- quels respondre et })arler luy convenoit user de plusieurs truchemens (8) : il (9) seul à touts suffiroit. Car, en ma- tière de signifier (10), par gestes, estoit tant excellent, qu'il sembloit parler des doigts. Pourtant vous fault choisir un (i) Des lèvres. Pour Le Ducliat ce mot vient de bis, deux, et labra, lèvres, et pour Esmaugart et Johanneaa de ban et lèvres ; Vn de ban s'étant changé en 11 comme dans couvent, de con-ventiis. La dernière étymologie me paraît plus plausible cjuc la première. On lit en effet bau- lèvres dans Fédition de i552. (2) Lucien, Dialogue de la danse. (3) Élégant, du latin elegans, signifie ici plein de goût, de charme. (4) De fameux, de beau ; du latin memorabilis. (5) A son départ. (6) Lui permit, lui donna le droit. (7) L'histoire nous apprend que certains mimes célèbres de ranciennc Rome rendaient avec une perfection inouïe les sensations et les senti- ments des personnages de la fable cju^ils représentaient. De nos jours encore, et d'une manière assez parfaite, on joue, à Naples, de petites pièces dont le public comprend parfaitement le sens dans tous ses dcHails sans C{u'aucune parole soit prononcée. (8) Interprètes. (9) Celui-ci seul. (10) Danslesens du verbe laWnsif/nificave, se faire entendre, comprendre. ANATOMIE DESCRIPTIVE 209 mut sourd de nature, affin que ses gestes (1) et signes soient non feincts, fardés ne (2) affectés. » Les tympanes, comme un moulinet. Les tijmpanes, l'oreille moyenne, la caisse du tympan. Chez rhomme, lorgane de l'ouïe comprend trois par- ties : Une externe, formée par le pavillon de l'oreille et le con- duit auditif externe ; Une moyenne, la caisse du tympan, ainsi nommée parce qu'elle ressemble à un tambour (du grec xùuTravov, liunbour) ; Les lyini>anes. comme nn moulinet. ^ Une interne, l'oreille interne constituée par des canaux renfermant un li(piide dans lequel baignent les extrémités du nerf acoustique. La caisse du lyiupan est Iravcrsée par une chaîne de petits osselets, dit osselets (h' l'ouïe, (pii transmet, à la manière d'une pouli'e unissant les parois opposées d'un appartement, les vibi-ations de l'oreille externe à l'oreille interne. On ap[)('l;iil autrefois, cl on ap[)elle encoi'e aujourd liui. (I) |-!ii liiliii iifslns, les iiKtiivriiM'iils iln ('s Mrmoifm ilc Iiour(io(iiu' : " La |tai\ si l'on m- le li',i\ ;iill;iit. cl la guerresi l'on le voiiliiit oUViistM-. ■ ('i) Cfdisiniilc ;iii ruiinucmciiiciil du xvr siècle, par MargiKM-ilc (TAii- Iriclir. lillr niu'' le l)iiqiu't pour nruic ou devise à la maison de Hourffoirne. a lelleiuenf é|('' épi'is de ce syndiole que. lorscpiil il eréf-, en iV-^-J. l'ordre de l;i Toison ilor, il ;i voulu (Pour détails complémentaires, voy. plus loin Nèvrologie et Aristote, Pro- blèmes ; B. ScoRTiAs, De Xal. el Incrcmenl. Nili, 1. II, ch. ii ; Grégoire DE Nysse, De Ilom. opific, cli. u; ^{(n.v.vw^, De Slnicl. hom. : Corixgius , Du Serment; Septalius, Comment, sur l(i secl. 'S des problèmes d' Aristote ; Descartes, Traité des passions de rame, par. 2, art. 128, i3o et i3i, etc.) (1) Conduites en coulant. Dans les clia[)itres vi et vu du livre VIII de Vi'sa(/e des parties, Galien a décrit longuement un conduit qui, passant à travers des tubercules mammilhui'es (Voy. Nèvrologie : Les additaments mammillaires, comme un Itobelin), est chargéde conduire des ventricules supé- licui's ou lat('Tan\ *U\ cei'veau jusqu'à l'os cribleux (l'ethmoïde) les humeurs pituiteuses accunuilècs dans ces ventrirvdes. Le même auteur (eodem loco,ch. m), J. Sylvius (.SVeo/u/c Ajtol.), Hiolau (Anlhropog., I. \', di. i), J. Casserius {De la Fabr. du nez, sect. 3, ch. i.), Holfmannus i/nslil.). F. (I.> le Hoë, SyhhiH (Disp. /,, tli. .33). F. Puteus, Du Laurens, etc., oui sdiilciiu (|ue le corps de l'os situé au milieu de la base du crAne,du sphénoïde, ('tail percé de trous par h'squels coulaient dans les fosses nasales les excrémeiils pituileux de la glande pituitaire (Voy. Né- vrolf»gie : L'entonnoir, comme un oiseau de masson) c\ du ventricule moyen du cerveau. La ci'oyancc à une (•onimiiiiicatiou entre le crâne el les fosses nasales est demeurée vivae(> (l.ins le |)eii|ile. (|ui donne encin'e le nom de rhuuK! de cervenu au cory/.;i on inll;nnni;ilion ijc la nnupiense des tusses nasales. (2) .\u[>i'ès, le long des, du l.ilin ///./7a. oM RABELAIS ANATOMISTE vieniKMil (111110 glande, dite glande lacrymale, s^iluée sons la paupière, à la partie externe de l'orbite et non du cerveau, « en transcoulant jouxte les nerfs optiques, » comme Font cru Galien, Hal)elais, etc. L'epidermis, comme un beluteau. La peau est composée de deux couches : une couche sup(M'licielle, Vépiderme, et une couche profonde, le derme; LV''piderme(du grec IttI, sur, et, SÉprjia, peau) est une membrane mince, résistante, criblée de petits trous correspondant aux poils et aux orifices des glandes qui sécrètent la sueur et Ihumeur sébacée. C'est la pellicule grisâtre que soulève la sérosité du vésicatoire. L'cpiili'nnis. rnmmc un hclnleau. Beluteau, bluteau, blutoir, crible pour bluter ou passer la farine (du latin bliilare, ancien mot barbare qui signifie vider, parce qu'en secouant le blutoir il se vide insensible- ment). « Loire pétrissoit sa paste ; sa femme belutoit la farine (i). » Dans le dessin ci-desus, Tépiderme comparé au beluteau est l'épiderme de la paume de la main vu par sa face pro- fonde à un grossissement de 8 diamètres. Il représente (i) L. IV, ch. XIV. ANATOMIE DESCRIPTIVE ^65 \o nombre dos orifices qu'on ol)sei've dans celle réui(jn sur un espace de 2.") millimètres carrés, Rabelais a-t-il vu ces orifices (1) ? A-t-il été conduit à se prononcer d'une façon aussi catégorique par l'existence et la croissance des poils et par le dépôt à la surface de la peau de la sueur et de l'humeur sébacée? Comme pour les spermatozoïdes, je ne puis le dire. Conslalalion de visu ou induction logique, il n'est pas moins vrai que Maître François a émis une opinion qui a été énoncéeences termes, maisseulementen i6()4,par Malpighi : " Ouand on soumet ré])iderme à l'action de l'eau bouil- lanle. la partie superficielle ou cornée, tenace, résistante, bien que plus mince de moitié en général, se détache sous forme de lame, alors que la partie profonde se présente sous forme de lambeaux criblés de ti-ous et figurant un réseau {9.). » Opinion encore contestée après les délicates et })atientes recherches de Grew (3) et d'Albinus (4) (1684-1 685). Physiologie. Odoral. — 1/(''I(miiii(mii(miI csI provixpié par toutes les causes qui font naîh'e une sensation pénible sur la nuKjueuse qui tapisse les fosses nasales. Parmi les slernulaloires, le suc desséché et pulvérisé de l'euphorbe (Euphorbia officinarum) est un des plus actifs. Panurge en plarail dans son nioiiclioir. << i^t (juand il se Irouvoit en compagnie de (piehjues l)Oinies dames, il les metloil sus le propos de lingerie, demandant : « Et cest ouvrage, est-il de Flandres, ou de Ilainault ? » Et puys tiroit son mouchenez (5j disant : « Tenez, tenez, voyez en ci (6) de (1) On les voil ;ivcc lin t;rossissemenf de \ dininrlros. (2) Malimoiii (Marc), ICpislola tic crlrruo huiits ori/ano, \Ct(\\. (3) N'kiikm Grew, Philonoph. Ti'dn^dcl., p. 566, 16S',. (/|) Alijinls, DisHcrl. de poiis /iiinuiiii cofporix, l^i'ancolnili ad N'iadr., in-/|, ot in IlALr.Kn, DiRserl. Anal., I. III, 168."). (.')) Mourlioir. (6) Eu \(>'\r\. rîBG RABELAIS ANATOMISTE l'ouvrage : elle est de Foulignan ou de Foutarabie (i). » Et le secouoit bien fort à leur nez, et les l'aisoit esterhuer quatre heures sans repos. » Ouïe. — L'oreille, qui distingue la hauteur, l'intensité et le timbre du son, n'en perçoit pas toujours l'origine. Les ventriloques (2) ou engastrimythes (3) donnent à croire que les paroles qu'ils prononcent viennent du ventre. La ven- triloquie (4) a été cultivée de tout temps par un certain nombre d'individus et ceux-ci considérés tantôt comme des êtres divins et inspirés (5), tantôt comme des démoniaques dignes du bûcher (G). Dans le chapitre lviii du livre IV, il est question de leur généalogie : « Les Engastrimythes soi disoient estre descendus de l'antique race d'Eurycles, et sur ce alléguoient le tesmoi- gnage d'Aristophanes en la comédie intitulée les Tahons, ou mousches-guespes. D'ond (7) anciennement estoient dicts Eurycliens (8), comme escript Plato (9), et Plutarche on (10) (1) Fontignaii et Fontaraljie, villes d'Espagne, sur la Bidassoa. Par ouvrage de Fontignan « on doit entendre, dit Le Ducliat, cette sorte de point que le Roman Bourgeois, p. 89, a})pelle le Ponlitjnac à la dillri-encc de celui de Gènes ». (2) Parler du ventre, du latin venter, ventre, et loqai, parler. (3) Du grec èv, dans, yaci-Tip, ventre, et [J1C60;, parole. (4) « Le mécanisme de la ventriloquie l'éside dans une expiration lente et graduée, fdée en quelque sorte, expirai ion qui est toujours précédée d'une forte inspiration au moyen de laquelle le ventriloque introduit dans ses poumons une masse d'air dont il ménage la sortie. » (Richerand.) (5) Par saint Chrysostome, Origène, l'archevêque Eustatlii. La célèbre Pythonisse d'Endor et maintes autres sibylles environnaient leurs prédic- tions d'un prestige plus éclatant en usant de la ventriloquie. (6) Par Augustinus Steuchus, dit Eugubinus, évèque de Ghïsaimo, en Candie. (7) D'où. (8) (( Devineurs Engast riens ab Eurijcle EiKjaslrimi/l/w, riijiis meminil Scholiasl. Arisloph. in Vespis, el Cœlius liodig., liv. 8, cli. 10. » (Alphabet de l'auteur françois.) Euryclès était un devin fameux d'Athènes, surnommé l'Engastrimythe, parce qu'on croyait qu'il avait dans le ventre un démon qui lui révélait l'avenir. (9) Dans celui de ses dialogues iiditulé le ^ophisle, (10) Au. ANATOMIE DESCRIPTIVE 267 livie de la Cessation des oracles. Es saincts décrets. 2G, q. 3 sont appelés Ventriloques ; et aussy les nomme en langue ionique Hippocrates, lib. 5., Epid. (t), comme par- lants du ventre. Sophocles les appelle Sternomantes (2). Cestoient divinateurs, enchanteurs, et abuseurs de simple peuple, semblants, non de la bouche, mais du ventre par- ler et respondre à ceulx qui les interrogeoient. Telle estoit, environ Fan de nostre benoist Servateur (3) i5i3, Jacobe Rodogine (4)2 italiane, femme de basse maison. Du ventre de laquelle nous avons souvent ouï, aussy ont aultres infinis en Ferrare (5) et ailleurs, la voix de l'esperit im- munde, certainement basse, foible, et petite; toutesfois bien articulée, distincte, et intelligible, lors que, par la curio- sité des riches seigneurs et princes de la Gaulle Cisal- pine (G), elle estoit appelée et mandée. Lesquels, pour ester toute double de fiction cl IVaude occulte, la faisoient despouillé!- toute nue, et luy l'aisoient clorre la bouche et le nez. » Vue. — Les longues lectures, les travaux délicats récla- mant une contraclion permanente et persistante du muscle ci- liaire ^le muscle de raccommodation) ont une action nuisible bien démontrée sur les yeux. Oue dc^ gens eussent peut-être eu une bonne vue (pii lonl perdue par suite d'une applica- lioii Irop (•()nlinuc dans leur eni'ancel (1) Ilippocrate a cru que les vfMitnlo(|iios parlaient réellement du veiilrc. haiis le deuxièiiie livre des l']|)i(l('iiii(^s, il est nol('> <[ue la i'eninie d(^ IMolf'iiiarque ('danf an'ecl<''e d'une antrine. il sorhiil de sa poilriiH* des sons pareils à ceuv (pii parlent la houelie close. (2) « La sici-noiiiaiilie, dil ralph.diel de laiileur, es! la diviiialioii ipn se fait f[uand Tespril malin parleet rend respons*' du profond de la poilrine de cellny dedans le corps du) V.\ aussi un nn, 268 RABELAIS ANATOMISTH Cedo vrrité est proclamée d'une façon plaisante au chapitre « Des l'aicts du noble Pantagruel en son jeune âge ». « Au regard de se rompre fort la teste à estudier, il ne le faisoit mie (i), de paour (2) que la vue luy dimi- nuast. » Rapprochons de ce chapitre celui • glossaire de L. Barré. (6) Galien, suivant en rela la pensée d"Hérophile, dit (1. Mil de l'Usage des jiarlies, ch. vi, et 1. XM, ch. m) que les nerfs optiques sont creux, ont un trou manifeste. Plenipius, au livre I de son Ophlhalmographie , a indiqué la manière de trouver ce trou. Le cordon fibro-nerveux, dit nert optique, qui unit la vésicule oculaire à la vésicule cérébrale est effective- ment creux. (^ oy, Xévrologie : Les nerfs, comme un vohinel.) Tous les philosophes et les médecins du moyen âge, et Descartes lui- même (Voy. sa Dioplrique c\ aussi son livre de l'Homme, art. 18, 19 et 20) ont pensé que les yeux étaient redevaljles de la faculté de voir aux esprits animaux ou visifs qui y affluaient en plus ou moins grande quantité par la cavité qu'offre chaque nerf en question. Riolan a enseigné {Animadv. sur Bauhin) (jne la jonction du nerf optique droit et du nerf optique gauche avait lieu }>ar lintermédiaire d'un petit canal ayant la forme de la lettre H. Bauhin, Mercatus, Sennert et plusieurs autres ont afïîrmé que cette jonction avait lieu par le mélange total de la substance des deux nerfs pour que les esprits visifs pussent passer avec facilité d'un œil dans l'autre pour augmenter l'étendue et l'acuité de la vision, <' non seulement dans les personnes saines, mais encore chez les per- sonnes qui n'ont qu'un œil et chez lesquelles cet œil unique doit avoi^*^ la force de deux. » Aristote, Galien, Alexander ont déclaré que ces esprits visifs, viciés, de mauvaise qualité, ternissaient les miroirs en sortant des yeux et communiquaient par contagion Fophthalmie. (7) « La couleur verte médiocrement excite et esmeut lorgane de la veue, partant luy donne soulagement et le conforte : ce que peut faire la couleur blanche, attendu rpi'elle excite, esmeut et change grandement ANATOMIE DESCRIPTIVE 2(Wj que vous plaignez de ne povoir bien regarder, ainsy que Xenophon escript estre advenu à ses gents : et eomme Galen expose amplement libi-o X de l su parlium i i). » A ees lignes relatives à l'organe de la vision qu'on relève dans Garr/anliia et Panlaf/riiel il faut ajouter les sui- vantes : « Galen. lib. <). de ILsage de nos membres (21, dict la leste estre faicte pour les yeulx. Car nature eusl pu mettre nos lestes aux genoulx (ju aux eouljtes (3j ; mais ordonnant roi-LTaiie (riccllc ; à causr ([uV'Uc tend à une plus grande violence et excel- lence, (lar, dantant plus qnc Tobjet sensible est excellent, d'autaid plus il débilite et destrnict le sens. ■> {Les Problèmes d Ari:<ïnh\ pai' Nicolas lioXFONS.) (i) <■ Rap[)elez-vous comment une lumière vive et brillante latigue les yeux. Peut-être ignorez-vous à quel point furent incommodés les soldats ipii marchaient, sous la conduite de Xenophon, par des chemins couverts dune neige éjjaisse; car je ne serais pas étonné cjuc vous n'ayez pas souci des écrits de cet historien. Vous ignorez également, je pense, cjue Denys, tyran de Syracuse, avait lait élever au-dessus de la [)rison et enduire de plâtre une pièce, d'ailleurs très bi'illante et ti'ès éclatante : qu"ai)rès un long séjour au fond des cachots, il y faisait monter les prisonniers: plongés si longtemps dans d'épaisses ténèbres et revoyant un jour brillant, ils devaient contempler la lumière avec ravissement, mais ils i>erdaient bien- t<')t les yeux Si vous n'en croyez pas Xenophon, vous i)Ouvez ai)preudre par expéi'ience combien un voyage dans les })ays de neige est pernicieux |i<)ur les yeux. » (Gauen, De ITlililé des parlies, 1. X, ch. m, trad. Darembcrg.) (2) Ce n'est pas dans le li\re IX mais dans le livre \"111 de VL'lililc des jtnrlies ((\ie se trouve ce passage de (ialien: <> La tète a paru, à l)eaucou[) (le [tersonnes, avoir été créée en vue de l'encéphale, et renfeiMuer cons(''- • piemmenl buis les sens commi' les serviteur^ el les satellilcs d'un LTcaiid roi. mais les ri-abrscl les autres crustacc'-s n'ont pas de lèle. La partie (pii diiiire les sens el les uiouvemcnts voloidaires est cerlainemeid plac(''e dans Ir liiorax, à l'endi'oit où chez eux se Irouveid tous les organes des sens il. \ m. eli. ii|. 11 est ('videnl que la tète n"(>sl pas créée en vue de l'encé- |ili.ili' : pour nos veux, lesidablir en un iii'u bas l'dait contraire à l'ulilili' qu'ils |»ri''scnlrid : les lixer sur un col nu n'i'laii pas sans danger, l'I la ualiire. ne \(Milaut ni les priver il'iine parlic Ar leui- ulililé-, ni abolir leur siriirib'-. a imagini- de les ('dablii" dans un lieu (''Icm' el propre en nièuie lenips à les prob'-ger. •• (L. \'II1, eii. \.) ['.\) (boudes, du latin ciihiliis. On donne encore le nom de ciibiliis à l'os inlerne de l'avard-bras, don! une pai'lie île rexin-mib'' supé'rieure foi'uie la s;ii|| je poslé-riein'e mobile ili' larl iiida I ion ilu ((uule. ( \ ov. C)sl(''ologie : J.es l'ociles, contint' jdiicilles.) !270 RABELAIS ANATOMISTE les yeiilx pour dcscoiivrir au loing, ticha (i) la teste, comme en un baston au plus hault du coq)s; comme nous voyons les phares et haultes tours sus les havres de mer estre éri- gées, pour de loing estre vue la lanterne (2). » Toucher. — Une des caractéristiques du génie de Rabelais, c'est de passer du noble au familier, du sévère au plaisant, sans gêne et sans disparate. Jamais écrivain n'a fait plus lestement et plus facilement volte-face. La sueur humaine est salée. Elle est composée d'eau, des sels ordi- naires du sang (le chlorure de sodium (3) domine : 22 p. 100). de principes gras et de plusieui's acides. Partant de là, Maître François a expliqué, avec un dévergondage inouï d'imagination, pourquoi la mer a un goût de saumure. «Au tem})s que Phœbus bailla (4) le gouvernement de son charriot lucilique (5) à son fils Phaeton (6), ledict Phaeton, mal- apprins (7) en l'art, et ne sçavant (8) ensuivre la ligne eclip- tique entre les deux tropiques de la sphère du soleil, varia de son chemin, et tant approcha de terre, (|u'il mist à sec toutes les contrées subjacentes... Adonc la terre fut tant eschaufée, qu'il luy vint une sueur énorme, dont elle sua toute la mer qui par ce est salée : car toute sueur est salée. Ce que vous direz estre vrai si vous vouler tastcr de la vostre. » Organe d'absorption, d'exhalation et de tact, la peau, pour conserver l'intégrité de ses fonctions, a besoin d'être débarrassée fréquemment de la poussière et des produits qu'elle sécrète (humeur sébacée, sueur, cellules épider- miques). Quand sa puissance éliminatrice est affaiblie, des (1) Fixa, plaça. (2) L. III, ch. VII. (3) Le chlorure de sodium est le sel de cuisine. (4) Donna accorda (1. II, ch. 11). (5) Qui porte la lumière, lumineux, du latin lucifcv. (6) Phaeton, fils d'Apollon et de Climène, une des Océanides. (7) Mal appris. (8) Sachant, du latin ncive. ANATOMIE DESCRIPTIVE '2^\ accidents morbides apparaissent; si elle est recouverte d'un enduit imperméable, la mort survient (i). A une époque où la propreté était loin d'être considérée comme une recommandation dans les collèges (2), les cloîtres et même les palais (3), l'auteur de Gargantua et de Pantagruel a insisté sur la nécessité de la balnéation, et même sur les avantages de la friction, du massage et de la sudation. Devant le manoir des Thélémites « estoient les nata- (1) Kn voilà un exemple éclataiil. <)ii (('jébrait à Païenne une lète populaire, mélange bizarre de traditions mythologiques et de pratiques chrétiennes. Au nombre des spectacles offerts à la curiosité des habitants et des étrangers accoiu'us de toutes parts, on admirait une brillante cavalcade composée de groupes de cavaliei's s})lendidement costumés et de chars ornés de trophées cl demblèmes allégoriques. Parmi ces chars, il en était un qui attii-ait principalement les regards : c'était celui de la Richesse figurée par un jeune garçon qui avait consenti à laisser recouvrir son corps entier de feuilles d'or. Pendant six heures consécutives, le long coi'tège parcourut les rues dt; la ville, soulevant sur son passage les exclamations joyeuses de la foule. Mais hélas! cette fête si gaie devait se terminer dans le deuil et la tristesse. Quand on voulut retirer le pauvre enfant de son enveloppe dorée, il ne restait plus de lui qu'un cadavre bientôt refroidi. C'est ce fait qui a donné au physicien Foucault, de passage à Palerme, l'idée de ses belles recherches sui- la chaleur animale, et c'est à la thermo- physique (piCsl (In rt'in|il(ii plus nu'thodi(pu>, plus scieulillipu' de l'eau dans le traitement aille i)endant l'hivei" et d'herbe pendant l'été. L(»s élèves devaient se vautrer dans cette litière soi-disant pour faire acte d lnimilité. Leur uniforme, consistant en une robe longue et serrée à la taille, (Hait fait pour l'amasser l'ordure et aussi pour la cou\rir. Qui pourrait dire ce qui se cachait sous l'haldt scolastiqu(> ? Nous en avons l'idée [)ar un article qui fut inscrit dans les règlements iidV'rieui's. Au rline de ses premiers précepteurs sophistes, Gargantua était très sale. Il se peignait avec un i)eigne quelque peu pri- luitif, les « quatre doigts et le poulce. Car ses premiers })récepteurs disoient que soy aultrement peigner, laver et nettoyer, estoit perdre son temps en ce monde. » Ponocrate s'est excusé en ces termes auprès de Grandgousier de n'avoir pas placé Gargantua au collège de Montaigu : « Mieulx soid traictés les forcés (les forçats) entre les Maures et Tarlares, les meurtriers en la prison criminelle, voire certes les chiens en vostre maison, que ne sont ces malaulrus audict collège de pouillerie. » (L. I, eh. xxxvii.) (6) Sans mouiller celui-ci, ce livre. (7) De celui-ci, de ce bateau. (8) Le fond. (9) Sortant de l'eau. (10) Descendait. AiNATOMlE DESCIUPTIVE -2^0 que le recommandait Priessnitz, le roiidaleur de riiydrothé- rapie, — bain d'immersion au sortir duquel, bien essuyé, énergiquement frictionné et promptenienl liabillé, on va faire une promenade plus ou moins longue en marchant plus ou moins vite? iS NÉVROLOGIE OU ÉTUDE DES NERFS Ouaresmeprenant avoit : Les membranes, comme la coqueluche d'un moine. La cervelle, en grandeur, couleur, substance et vigueur, semblable au c... gausche d'un ciron masle. Les ventricules d'icelle, comme un tirefond. La voulte, comme une goimphe. Le conare, comme une veze. L'entonnoir, comme un oiseau de masson. Les additaments mammillaires, comme un bobelin. L'excrescence vermiforme, comme un pilemaille. La nuque, comme un fallot. La mouelle, comme un bissac. Les nerfs, comme un robinet. Les esperits animaulx, comme grands coups de poing. Les esperits vitaulx, comme longues chiquenauldes. Les membranes, comme la coqueluche d'un moine. Les membranes (du latin membrana^ parchemin), les méninges, sont des gaines qui protègent les centres ner- veux. Elles sont au nombre de trois. Rabelais n'en a connu que deux. Frère Jean des Entommeures « tranchit les deux méninges » d\in des archers chargés de sa garde. La troi- sième méninge, appelée arachnoïde (du grec apa/w,, toile d'araignée, et elBoç, ressemblance, qui ressemble à une toile d'araignée), fort mince, transparente, très difficile à isoler ANATOMIE DESCRIPTIVE 276 entièrement, n"a été décrite que longtemps après la mort de Fauteur de Gargantua. L'inflammation des membranes constitue la terrible maladie appelée méningite. Coqueluche, capuchon, |)artie de Thabit de certains moines cpii leur couvre la tête. On dit familièrement prendre le capuchon, pour se faire moine. Un certain nombre d'éty- mologistes avancent que le nom de coqueluche, déjà attribué, en i4i4' ^^"^ temps de Charles VI, au catarrhe spasmodique et contagieux des bronches (Mézeray), déi'ive Les memhnuu's. comme la roquehtrhe d'an moine. de la co(pu'luche (ij (pi'ont portée primitivement les enfants atteints de cette maladie. Comme celui des moines, ce capuchon était généralement rond. Les membranes enveloj)pent le cerveau à la manière (r»ni caj)uchon. Le dessin ci-dessus de Hirschfeld et Léveillé [Xérrolof/ie ou descriplion el iconor/raj)hic du si/sfème ner- veux et des ort/unes des sens de lliomme, avec «)•> planches dessinées d'ajjivs nature, Paris, iSB.'î) en est une preuve évidciilc. (I) l'oiir (I ;mlics il (Iri-ivcrjiil de coquclicol (pavol roufj^c, Pajuirer rhœas dr l;i rMinilIc des l^apavéracces) parce que les fleurs de celli- |)l;iidi' f>iit (''Ir (Miipl(»y(''('s jndis dans la tnvix suITocaido et convulsivo, dans la \j{j RABELAIS ANATOMISTE La cervelle, en grandeur, couleur, substance et vigueur, semblable au c... gausche d'un ciron masle. Le testicule (/anche est plus volumineux que le testicule droit, mais constitué, ainsi que lui, par une substance d'un gris rougeâtre, assez peu consistante, diic pulpe iesticulaire. Le cerveau des aliénés et des idiots est revenu sur lui- même, piqueté de rouge et ramolli. En établissant un parallèle entre la cervelle de Quares- meprenant et la glande génitale dun ciron, un des animaux les plus infimes de la création, Rabelais confirme ce qu'il a donné antérieurement à entendre de Tétat mental du })er- sonnage susdit. En choisissant la glande gauche, })lus grosse que la glande droite (i), il tempère légèrement sa comparaison. Les ventricules d'icelle, comme un tirefond. Le cerveau est creusé de cavités, dites ventricules. Ces ventricules sont au nombre de trois : un moyen, vertical, plus large à sa partie inférieure qu'à sa partie supérieure et (jui est moins une cavité qu'une fente (fissura média, Gordon), et deux latéraux, horizontaux, communiquant entre eux par rintermédiaire du précédent (2). (1) Maître François s'est très bien aperçu que le testicule gauche est plus fort que le testicule droit, et ce cjui le démontre, c'est que, pour mieux marquer son amitié à frère Jean, Panurge en lui parlant a ajouté plu- sieurs fois l'adjectif gauche au mot c... « mon c... gausche ». (L. III, ch. wii.) Ce mot a ejicore un sens amical dans le i)euple. {•2} Il est à remarquer C{ue, dans les systèmes organiques dont il n'a cité que ciuelcjues parties, le savant anatomiste a toujours choisi celles qui étaient considérées de son t.en)ps comme les plus importantes. Elu m\ ologie : le diaphragme. En angéiologie : le cœur, le siège des esprits vitaux ; l'hexagone artériel de Willis, par lequel ces esprits vitaux étaient ti-ansmis au cerveau pour devenir animaux ; l'artère pulmonaire, les carotides, les veines cave sui)érieure et inférieure, les jugulaires, les veines mésa- raûpies, les veines rénales, les veines pulmonaires, etc. En névrologie: la voûte soutenanl toute la masse du cerveau ; les ven- ANATOMIE DESCRIPTIVE Tire-fond, instrunieiit d"acier avec lequel le chiruroien enlève la pièce d'os qu'il a sciée avec le trépan. Pour démontrer l'exactitude absolue de la compa- raison de Maître François, il me suffira d'accoler (Voy. le dessin ci-dessous i une coupe transversale et verticale du Lex venlrirnlex d'keUc. rommc un lirefond. cerveau en arrière des tubercules mamillaires (i) et le tire-fond, cpii est dessiné dans le X*" livi'e des œuvres d Ambroise Pai'é ip. '.]\'.]. Pai'is, i(>28). La voulte, comme une goimphe. La voiillr. la voùlc à trois piliers, le ti'i^one cérébral, est une cloison constituée par deux bandelettes de tissu nerveux, [)lates, blanches, juxtaposées, qui recouvrent le ventricule moyen du cerveau en décrivant une courbe à concavité infé- )'iar l;i raison (piil semble, dit Diemerbroeck. (ju Vu la ciilf"^ (If ccl (iii:;iii(', où s"()|i<''i';iil l:i Iriiiislorin;! lion des csin'ils vil;m\ en (•s|irils ,iiiiiii;iii\ cl s";icfuiiiiil;iil riiiiiiiciir iiiluilcusc ; les iiuMiiiitres. donl les cfnilradioiis iiiiics à crilos du tissu (•(''iM'Iirnl cliassaioiit col[o ImiiicMir oxciv'iiiciililiclic dos vcufriciilcs ; les ImIxtcuIcs inamill;ur(^s et la irlaiido pituilairc (•|iai-Lr(''S do coiiduii-c dos vcidi'icidos celle iikmiic imincur à des lions |»erc(''s dans la l)asc dn crâne, etc. (Il \A\t' est rc|irr'senl(''c dans le '/'ruilr il'itnnloinif luiHKiinc (de lîi: \i ms el l! M cnARlJ). 278 RABELAIS ANATOMISTE manière des tortues, ou des voûtes dans les bâtiments, elle soutient toute la masse du cerveau qui est appuyée dessus, et cela afin ({ue le troisième ventricule n'en soit pas com- primé » (1). Goimphe; yoixcpwaiç, en grec, signifie assemblage, réunion de plusieurs pièces en une seule. On donnait autrefois le nom de goimphe à un bonnet de femme composé de divers morceaux. J'ai entendu, dans le Morvan, dire encore goim- La vonlle. comme une goimphe. pher sainte Catherine, pour : coiffer sainte Catherine. Jusque sous le règne de François I", les femmes ont porté une coiffe sur laquelle était posée une bande d'étoffe, dont les pans pouvaient être et étaient généralement relevés sur le sommet delà tête, ainsi que le montre un des dessins (2) ci-dessus. Ces pans relevés donnaient plus de liberté au cou et plus de coquetterie à la coiffure. Le conare, comme une veze. Le conare, la glande pinéale, est une petite excroissance épithéliale avec quelques éléments nerveux, située sur la (1) DlRMEHBROECK (lOC . cU. Sllprà, t. II, p. 2/|l). (2) C'est la copie de la coiffure d'une des suivantes de Marguerite de Valois, reine de Navarre, sœur de François I", auteur de Vlleplaméron, ANATOMIE DESCRIPTIVE 279 ligne médiane du cerveau, en arrière du ventricule moyen. Galien et Oribase l'ont comparé à un cône (d'où ses noms divers de conore, concwitim, xtovâpiov, cone\ pinea, pomme de pin, etc. I. La glande pinéale est un vestige de l'œil pariétal impair et médian des Sauriens iguanides. Descartes en avait t'ait le siège de rame. Le connre, comme une veze. ]'czi', cornemuse, en langage poitevin et saintongeois. levers commentateurs écrivent un veze. En patois poitevin et saintongeois, ce mot est l'éniinin. Il vient, selon Esman- gart «'t .lohanneau, de resica, vessie. Les Andouilles l'arouclics marchaient au combat « au son des vezes et j>iboles ». Dans l'île de Huach [ii, où «* le nol)le Scurron (2) dos Cenl Xoiirrlles nouvelles, etc. (Ancienne collection Pillet, de Tours. Por- trait en pied de Marguerite de Valois et de deux de ses dames dhonneur.) (1) Les îles LotTodcn, selon M. Ducrot Hoc. cil. aiiprù. p. 18). En vieux (•eliit|iie. LolToden est composé de deux mots : lo/f. cpu veut dire vent, (l;ilu(isif('' du ventre, et or//vM'oute; ensendjle, routedes vents. Kn bas bre- ton .ictiirl. /(»//■ ri (iflcn sii^Miilient encore la même chose. « Lofï est un trop!-; c'est le ccMf- tlOù vient le vent, pour le vent lui-mùme. » (Jal, Arcli. nnv.. p. 179.) (t>) Un des mailles de Rai^elais. Son nom exact est Schyron. ainsi 98o RABELAIS ANATOMISTK médicin, passant un jour, nous comptoit que le Cierce (i) est si fort qu'il renverse les charrettes chargées... on avoit robe (2) au roy une veze pleine du vent })ropre (pie jadis à Ulysses (3) donna le J)()n ronlleur Eolus (4) pour guider sa nauf (5) en temps calme. Lequel il gardoit religieusement, comme un aultre Sangreal (G), et en guérissoit plusieurs énormes maladies. » (( Tellement que ceste mariée ne voulut jamais bouger de là où elle estoit, que les menours ne Tallassent prendre et que les piboleux et vezeurs n'eussent souftlé là. » (Bou- CHET, Serée, 5.) La glande pinéale est une réduction minuscule du sac de peau de la cornemuse, distendu par le souffle du musi- cien. Pour plus de précision scientifique et j)our mieux faire ressortir l'identité de forme des deux objets comparés, j'ai fait représenter, dans les dessins qui viennent à l'appui de ces lignes, la glande pinéale telle qu'elle est figurée dans la seconde édition du SijsVeme nerveux de V homme, de Van Gehuchten (Louvain, 1897, P- i^*^)' et une corne- muse poitevine du xvi*' siècle dont le tuyau d'embouchure, rejeté en arrière, est masqué par le sac. Cette vèze appar- qu'eu témoigne rinscripHoii suivante, gràvéo sur la porte du théâtre ana- tomique que tienri II fit construire à Mont|)e]lier : Ciifdnlihiis Johanne Schyronio, Anlonio Saporla, Guillielmo liondelclio et J. Bocalio i556. (Voy. Tessier, addil. à Téloge de G. Rondellet, et Vllisloire de VUni- versilé de Monlpellicr, de J.-E. Strobelger ; Nuremberg, 1625, en latin.) (1) Le vent circius (ouest-noi'd-ouest), que désiraient les peuples de la Narbonnaise pour purger leur pays des mauvaises exhalaisons. (2) Dérobé, volé. (3) Ulysse, fils de Laërte et dAnticlée, roi dithaque, dont Homère a narré les aventures dans V Odyssée. (4) Éole, fils de Jupiter, dieu des vents et des tempêtes. 11 régnait sur rÉolie (aujourd'hui les îles Lipari), et fit cadeau à Ulysse d'outrés dans lesquelles étaient renfermés les vents contraires à sa navigation. (5) Navire, du latin navis. (6) Sangreal ou saint Graal, espèce de calice dans lequel, suivant rÉcriture, Joseph d'Arimathie recueillit le sang qui coulait du corps du Christ. On entend aussi par ce nom le grand plat creux dans lequel on prétend que Jésus découpa l'agneau pascal. ANATOMIE DESCRIPTIVE 2«1 tient à une famille poitevine nniie de la mienne. In instru- ment analogue, mais avec trois tuyaux apparents, est sculpté en ronde-bosse sur le chapiteau en l)ois d'un des piliers de la petite porte de la façade de la maison d'Adam (xv^ siècle), regardant la place Sainte-Croix, à Angers. On en voit un autre à (juatre tuyaux entre les bras d'un des musiciens du tableau le Concert de Famille de Jacques Jordaens. L'entonnoir, comme un oiseau de masson. L'entonnoir est un cordon rougeâtre, creux, comprimé d'arrière en avant et évasé supérieurement (i), placé au- dessous du ventricule moyen. L'entonnoir, encore appelé choana. infiindihiiliim, tige du corps pituitaire, est terminé L'i'nlonnoir. rnmmo un par un corj^s grisâtre ovalaire, formé dim Idbule épilhélial et (11111 l()l»ul(' glandulaire intimement unis, le corps j)itui- l.iirr. Les .iiiciens anatomistes <»nt donné à ces deux l"»l»ul('s intimement unis le nom de coips pituitaire, parce (|n ils ont cru ([ue ce corj)s avait pour usage de rcH'evoir les Inimcurs pituitro(luclions iiiainillaires ou papillaires, n'élaient ) 0\\ appelai! aussi autrelois hohclin uuo espèce de savaleiloid se ser- vaient les ircns du lias peuple. 1 1 est évident que cette chaussure n'aauiMin |-apprii'l avec les •■ addilaiiieiils inanunillaii'es ». 2!S4 RABELAIS ANATOMISTE aujourd'hui cminence vermiforme. Cette éminence est cons- tituée par le lobe médian du cervelet, dont la surface annelée rappelle celle d'un ver. Pilemaillc, maillet dont on se servait jadis pour jouer au mail. Un pila, balle à jouer, boule, et de maliens, marteau, maillet. Le jeu même s'appelait palemail ou, comme a écrit Nicot, palemaille. Selon Burgaud des Marets et Rathery, on disait également paille-maille. Dans les Œuvres d'Ambroise Paré (loc. cit. stiprà, p. i6(S, 1. V), on trouve déjà un bon dessin de l'excres- cence vermiforme : c le vermiformis, tant antérieur que pos- térieur, dont l'antérieur est entièrement séparé. » C'est ce '( vermiformis antérieur entièrement séparé » qui figure, dans notre dessin, à côté du pilemaille. La nuque, comme un fallût. Rabelais a donné au mot nuque le sens que lui attribuaient les médecins de son temps (\ oy. Furetière) ; par nucpie il a entendu la moelle allongée, le bulbe rachidien. En arabe Non Khaa signifie moelle. Le bulbe rachidien ou bulbe crânien [pars cephalica medullœ spinalis, Hasse) est un renflement polygonal, aplati d arrière en avant, à base supérieure, qui couronne à la ma- nière d'un chapiteau la moelle épinière dont il constitue l'extrémité supérieure [principium medullœ spinalis des Anciens). Fallût, lanterne adaptée au bout d'un bâton. Falot, en terme de blason, désigne aussi une sorte de vase avec un manche. Dans l'île de Médamothi (i), « Panurge achapta (i) Nulle part, en hébreu. D'après M. Ducrot, c'est Arkliangel. Mais Arkhaugel n'est pas une île. De nos jours, non .'mais, au teniixs de Rabe- lais, c'en était une, séparée de la terre ferme par la mer Glaciale et par le neuve Pinègre, qui baignait la ville de Sabatea, et qui recevait comme tri- AXATOMIE DESCRIPTIN'E :285 un grand tableau painct vt transsumpt (i) de Fouvraoe jadis faict à Faiguille par Philomela (3)... Je vous jure par le manche de ce fallut, que c'estoit une paincture galante et mirifique (3) ». Au bal de la reine de Lanternois, « se faisoient bien valoirles gentils lallots avecques leurs jambes de bois » {f^). La nuque, comme un fallol. Oui coniiaîl ranatoniie el a vu les lanternes emmanchées qu'on porte encore, dans certaines campagnes, de chaque côté du dais pendant les processions ou devant le prêtre qui va administrer les derniers sacrements à un malade, ap- prouvera la comparaison (5). Ijulaii'c In rivitTc de (jiluir;i. d'iiiirrs les caries de Hoiidius et jiiscurau xviu'^ siècle (DucuoT, lor. cil. siipi-à, p. n). (1) Imité, ropié, ilu latin Iranssiimplus. {■2) Louvragc représentant lattcntat dont Philonièle, lille de Piandion roi (l'Athènes, avait ét(' rol)j(>f de la part de Terée, le mari de sa s(rur Prognée . (3) Merveilleuse, du la lin mifi/iriis. ('i) Il y avait enc()re au xvin'' siècle des porte-falots à Paris. Ils appe- laicid, à la sortie des tliéàti-es. les l'ipiipages des grands seigneurs ci accompagnaient dans les rues mal ('•clair(''es le bourgeois ou l'ouvrier jusque chez lui, montaient dans sa cliaudirc, allumaient sa chandelle. ■ \'oilà le falo! ! •■ était le dernier cri ipii id en tissa il le soir par la (iraude \'illc. il y a ci'UJ ciiupiaule ans. (.')) (]cliii-ci csl une n'-ducl ion d'un de ccu\ dont on se sei'l dans une c goiiiiiiciix les essen<"es les plus subtiles et les plus spiriliieiises. Ce sniig armse l:i chair, comme les l'oiilaines el les ri\ières ai'i'oseii! la (erre. Après s'i^'ire lilh('' (l;iii> les (1) \'()y Aiigôitjloi.Mc ri IMi\ siolo^ic dr rjqticiicil ^^--tMiihil. p. j'io, noir 10. >9 290 RABELAIS ANATOMISTE chairs, il revient à sa source, plus lent et moins plein d'esprits ; mais il se renouvelle et se subtilise encore de nouveau dans cette source pour circuler sans fin. » (P'énelon, Traité de V existence et des attributs de Dieu.) Ces esprits subtils, toujours prêts à partir, Attendent le signal qui les doit avertir ; Mon âme les envoie, et, ministres dociles. .Je les sens répandus dans mes membres agiles. (Racine fils, la Religion, ch. i.) « Je ne connais point de plus puissants remèdes pour les maladies de l'àme que l'application sérieuse et forte de l'esprit à d'autres objets. Cette application détourne le cours des esprits animaux. » (Voltaire, Correspon- dance.) « Outre les mineurs, tous ceux qui demeurent ou tra- vaillent aux environs des mines sont exposés aux mêmes maladies, puisqu'ils participent aux mêmes exhalaisons métalliques qui épaississent et altèrent les esprits vitaux et animaux dont la nature est éthérée et subtile. » (Ramazzini, Maladies des Artisans, trad. de Fourcroy.) Descartes a décrit les voyages de ces corps éthérés, leurs opérations, avec la même précision et les mêmes détails que s'il en avait été le témoin oculaire. Les miracles de la chimie, en séparant, dans le fluide qui nous entoure, le principe respirable de celui qui ne l'est pas, en montrant, dans le gaz respirable, l'agent de la coloration du sang, et, dans la décomposition del'airpar la respiration, la source de la chaleuranimale,ontinauguréradmirable théo- rie moderne de la calorification animale et mis fin à celle des esprits. Ceci établi, les deux comparaisons sus-indiquées sont expliquées. Quaresmeprenant étaitaussi lourd d'intelligence qu'il était débile de corps. (Voy. Angéiologie : Le pouls, comme nazardes multipliées .) ANATOMIE DESCRIPTIVE 29I Physiologie. — Dans le prologue du livre I, Rabelais prévient ceux qui le liront d'avoir « en révérence (1) le cerveau caséiforme (2) qui les paist (3) de ces belles bille- vesées ». Et, dans le chapitre xix du même livre. Jano- tus de Bragmardo (4), — « tondu à la césarine (5), vestu de son liripipion à l'antique (6), et bien antidote Testomach de cotignac de four et eau beniste de cave (7), » — péro- rant in modo et in figura, avec tout Tattirail de la dia- lectique syllogistique pour ravoir les cloches de Notre- Dame, emportées par Gargantua, s'exprime en ces termes : « Un quidam (S) latinisateur (9), demourant près Fhostel Dieu, dist une fois, alléguant l'autorité d'un Taponnus (je faulx (10), c'estoit Pontanus) (11), poëte séculier, qu'il dési- roit qu'elles fussent de plume, et le batail (12) fust d'une queue de regnard (i3); pource qu'elles luy engendroient (1) Respect, considération, du latin reverentia. (2) Ressemblant à du fromac^e, du latin raneiis, IVomairo, ot forma, l'orme. (3) Les instruit, les entrelient. (\) Comme Marijuet, Picrociiole, Rannnagioltis, (iri})peiuinaiid, etc., Janotus de Bragmardo a existé. Le Ducliat nous apprend que \'allaml»erl d'Avallon, médecin et poète, a lait des épigrammes contre un certain Janotus, orateur très fatigant. (5) (Chauve. Jules César était chauve et {>()rtait f)rdinairemeid une cou- ronne de laurier pour cacher sa calvitie. On dit encore aujourd'hui, d'un homme qui a la chevelure courte, qu'il est tondu à la Titus. (G) I>e liripi|tion ('dail h- cliapci-ou d(>s docteurs de Sorbonne. Jésus! t|Ue unt^ liripiuin Au(iuol nos maislrcs t;uit souliennent Que le Sainl-Ksjiril coiilicnnont Couvre d'iioiriltles tnaloficos. (Kxclamalion de la Raison dans la pièce anticatlioliqne poi-taid pour titre Farce dea T/u'oloffUSlcs.) (7) L'estomac bien repu de coiilitiir-e de coings et de vin. (8) Un certain, (y) Latiniste. (10) Je me trom|)e, du latin ftillnr. (11) Excellent poète latin de répoipu',(iue Janotus traite de [xiète sécu- li'i, ('pithète de dédain que les pédants appliquaient alors à \irgilc et à Horace. (rj) Le battant. (i;{) l'iie queue de renard. '2(y2 RABELAIS ANATOMISTE la chi'onique (i) aux tripes du cerveau (2), quand il c«jmpo- soit ses vers carminil'ormes (3). » Le ramollissement du cerveau amène la folie. On dit vulgairement d\in imbécile « qu'il est ramolli ». En préve- nant ses lecteurs qu'il avait le cerveau caséiforme, c'est- à-dire mou comme du fromage, Rabelais a fait à la fois preuve de savoir et de pi'udcnce. Il a avancé un fait vrai, créé un néologisme imagé, entré aujourd'hui dans le lan- gage médical (4), et s'est garé de la jjersécution. Les Sor- bonnistes, les Chats-fourrés et Grippeminaud lui-même ne pouvaient s'en prendre à un homme avouant à tout ve- nant qu'il n'avait pas l'esprit lucide. Le mot tripes^ employé par Maître François pour dé- signer les circonvolutions du cerveau, choquera peut-être (1) Voy. p. 188, note 3. (2) Aux circonvolutions cérébrales dont les tlexuosités rappellent en petit celles de l'intestin. (3) Carminiformes, en forme de vers, de poème. Vers carminiformes, pléonasme. Les habitants de lîle de Ruach « en leurs jardins ne sèment que les trois espèces de anémone. La rue et aultres herbes carminatives, ils en escurent (arrachent) soigneusement. » Certaines plantes de la famille des Renonculacées, notammeiit le bouton d'or (Raniinculiis biilbosus), la Renon- cule acre {Baniinciiltis acris), la Renoncule scélérate {Raniinciiliissceleraliis), ï anémone {Anémone piilsaUlla), etc., mangées à l'étatfrais parles bestiaux, déterminent dans la panse une production exagérée de gaz, à laquelle il faut remédier souvent par une opération. Quant à la rue, elle irrite égale- ment la muqueuse gastro-intestinale, mais cette irritation se traduit prin- cipalement par une douleur à l'épigastre, des éructations et de? vomisse- ments continus, etc. Les médicamenis (pii ont la vertu d'expulser les gaz contenus dans le tube digestif sont appelés carminatifs. Pour quelques linguistes, ce mot viendrait de carmen (chant). Dans le Diclionnaire universel de matière médicale, Mérat et de Lens ont écrit à ce proi)Os : <> L'étymologie qui fait venir carminalil* de carmen, i)arce qu'on employait des paroles magiciues pour dissiper les llatuosités, quoique assez généralement adoptée, nous paraît au moins ridicule. » J'inclinerais, en elîet, beaucoup plus volontiers à croire (jue carminatif vient de carminare, qui signi- fie carder de la laine et, par extension , tirer ce qu'il y a de grossier, purger. (4) Caijanis, pour ne citer que lui, s'en est servi à plusieurs reprises dans son traib' Du P/u/sif/ue el du Moral. ANATOMIE DESCRIPTIVE 2C)3 les lettrés délicats. Il n'en est pas moins absolument exact, tant au point de vue anatomique qu'au point de vue phy- siologique. Les circonvolutions cérébrales ressemblent en petit aux circonvolutions intestinales. Les unes sont les organes essentiels de la pensée qu'elles digèrent comme les autres digèrent la nourriture. Oue ces circonvolutions soient le siège d'une maladie aiguë ou chroni({ue, la pensée en jaillit moins brillante et moins belle avec son caractère d'immortalité (i). Le moindre labeur intellectuel provoque un afflux de sang vers la tète. Qu'on plonge le bras dans un vase, fine- ment gradué, contenant de l'eau, et qu'on se donne la peine de résoudre la plus simple des é(piations algébriques, on verra presque aussitôt le niveau de l'eau baisser dans le vase. Une partie du sang du bras immergé s'est portée au cerveau pour mettre en œuvre les combustions cellulaires nécessaires aux fonctions de l'intelligence. — Apprenez-moi, demandait un philosophe à Voltaire, si! n'y a pas une égale quantité de mouvement dans le monde? — C'est, lui répondit l'ermite de Ferney, une ancienne chimère d'Kpicure renouvelée par Descartes. FAi bieni cette chimère est devenue, grâce à Cai-not {'2), à Mohr, à Séguin, à Mayer, à Béclard, à Ilirn, à Lom- bard (de Boston), à Schiff, à Mosso, à Luys, etc., une des bases de la physifjuc cl de la |>hysiologie. Fout travail physiologicjue, comme mécanique, est mesuré par la dif- férence de température enti'e la chaleur avant le liavail (1) .M(nil;iit,'ii<' ;i dil «le niùriic (l;uis ses Essais : « Nofi-o ospi'it se constipe en vieillissjinf. •> (2) C'est mi iii^-éiiieur dont le nom est à lii«'n «les lilies jj^lorieux poni- la France, Carnot, qui, en 182/,. alorniiilé le premier tliéoi'ème de la ther- modynamique. Avant lui, on ne soupronnait aucune l'elatiou eidre le travail d'une macliine tl la ihaleur qu'elii' consomme. On ne savait nièine |»as que le lra\,ii! coiisuminail de la clialfiir. 204 RABELAIS ANATOMISTE et la chaleur après le travail (i). Ainsi qu'on peut s'en rendre compte au moyen d'un thermomètre placé en dehors du crâne, la température du cerveau croît en même temps que sa circulation, dès qu'il fonctionne. La congestion du cerveau pendant un effort intellectuel a été notée par Rabe- lais : « Contemplez, dist Rondihilis, la forme^{2) d'un homme attentif à quelque estude, vous voirrez en luy toutes les artères du cerveau bandées, comme lachorde d'une arbaleste, pour lui fournir dextrement (3) esperits suffisants à em- plir les ventricules du sens commun, de l'imagination et appréhension (4), de la ratiocination (5) et résolution, de la mémoire et récordation (6) ; et agilement courrir de l'un à l'aultre par les conduicts manifestes (7) en anatomie, sus la fin du rets admirable (8), onquel (9) se terminent les artères, lesquelles de la sénestre armoire (10) du cœur prenoient leur origine, et les esperits vitaulx affinoient (11) en longs ambages, pour estre faicts animaulx. » Les anciens anatomistes n'étaient pas d'accord sur la région du cerveau où s'opérait la transformation des esprits vitaux, engendrés dans le cœur et chargés de la conserva- tion de la chaleur vitale, en esprits animaux nécessaires au (1) Qu'il s"agisse d'une machine, d'une planète, d'un muscle ou du cerveau, la loi qui régit leur mise en œuvre, loi de la conservalion de la force, est la même. (2) L'apparence, l'attitude. (3) Rapidement. (4) Compréhension, du latin aj)j)rehensio. (5) Raisonnement, du latin raliocinalio. (6) Souvenance, du latin vecordalio. (7) Apparents, du latin manifestas. (8) L'hexagone artériel de Willis. (9) Dans lequel. (10) Ventricule du cœur. (n) Purifiaient. Je rappelle que Rabelais a écrit ailleurs (Dédicace au cardinal de Chastillon, 1. IV) : « Sans vous m'estoit le cœur failli (sans vigueur, qui faull) et restoit tarie la fontaine de mes esperits ani- maulx. » AXATOMIE DESCRIPTIVE 296 mouvement et au sentiment. Pour P. Laurembergius et D. Sennert [InstiluL, 1. I, ch. vu), c'était dans les sinus de la faux du cerveau; pour Descartes {Traité de r homme, 1. I), dans la glande pinéale; pour F. Sylvius [Dispu- tai. 4^ thés. i8), dans les artères situées à la surface du cerveau et du cervelet ; pour Bauhin, Hoffmann, /Emilius, Parisianus, etc., dans le tissu du cerveau; pour And. Du Laurens, Hiolan, Regius, L. Mercatus, dans les cavités des ventricules du cerveau, du sang artériel le plus chaud qui s'exhale du plexus choroïde ; pour les Arabes, dans le ventri- cule moyen seulement qu'ils ont appelé, pour cette raison, très principal, principalissimiim ; pour d'autres, enfin, dans le ])lexus choroïde. Ouantà Galien,il a enseigné tour à tour, connue And. Du Laurens, Riolan, etc., que la transforma- lion des esprits vitaux en esprits animaux s'opérait dans tous les ventricules du cerveau et, comme les Arabes, que cette transformation s'opérait uniquement dans le ventricule moyen. (Voy. Galien, De Usa parlium, 1. VII, ch. viii ; De Lacis aff'ect., \. III, ch. vu, et De Décret. Hippocralis et Plalonis, 1. Vll,ch. m.) Rabelais, plus éclectique encore, a placé le lieu de naissance des esprits animaux dans l'hexa- gone arlériel de W'illis, les branches artérielles (jui le conli nuent et les ventricules cérébraux. Une alinicnlalion insufiisanle de longue durée cause dans l'organisme des désordres profonds cai'actérisés par des hallucinalioiis de la vue cl de l'ouïe, la [tcrte plus ou moins com})l»''l«' du sumnicil, une exallalion délii'anle sinvic (rabaltement et de stupeur (i). Ces elîets d'une abslincnce jji'olongée ont été admirablemenl décrits |»ar le j)hilosopli(' cl physiologiste Ralxdais. « Rien, eroi-je, a-l-il nol<'' I. 111. ch. xiii . 1 hoinnic replet (a) de viandes et era- (i) Lîi mort |iar inanition est liorrihic. Le supplier dL irolin n'est pas le moins éponvanlalilc des suppliées de leiiler du Dante. (2) Gorgi', du hitin rriilrlus. 2i)Cy RABELAIS ANATOMISTE pille (i), difficilement concepvoir notice (2) des choses spi- rituelles (3) : ne suis toutesfois en l'opinion de ceulx qui, après longs et obstinés jeusnes, cuident (4) plus avant entrer en contemplation des choses célestes. Soubvenir assez vous peult comment Gargantua mon père (lequel par honneur je nomme) nous a souvent dict les escripts de ces ermites jeusneurs, aultant estre fades, jejunes (5) et de maulvaise salive (6), comme estoient leurs corps, lorsqu'ils compo- soient ; et difficile chose estre bons et sereins rester les esperits, estant le corps en inanition, vu que les })hiio- sophes et médicins afferment les esperits animaulx sourdre, naistre et praticquer par le sang artérial purifié et affiné à perfection dedans le rets admirable, qui gist sous les ventricules du cerveau (7). Nous baillant (8) exemple d'un philosophe, qui, en solitude pensant estre et hors la tourbe (9), pour mieux commenter, discourir et com- poser, ce pendent toutesfois autour de luy abayent les chiens, urlent les loups, rugissent les lions, bannissent les chevaulx, barrissent (10) les éléphants, sifflent les serpents, braislent les asnes, sonnent les cigales, lamentent les tour- (1) De vin. Pleniis erapiilœ (Liv.), Crapiilœ 'lislenhir (Apvl.). Dans lo cha- pitre XXXIV du livre V on lit encore : « Les pontifes, et touts personnages, qui s'addonnent et dédient (se consacrent, se vouent, du latin dedicare) k contemplation des choses divines, doibvent en tranquillité leurs esperits maintenir, hors toute perturbation de sens : laquelle plus est mani- festée en ivrognerie, qu'en aultre passion, quelle que soit. » (2) Concevoir, du latin concipere, concevoir, et nnUlia, notion, idée. (3) De rintelligence, du latin spiriliis. (4) Croient, du latin credere. (5) Vides, creux, du \aiin jejunufi. (6) Pour les propriétés nocives attribut'es à la salive de l'homme à jeun, voy. Appareil digestif : La salire, comme une navelle. (7) ^'oy- Angéiologie : Le rels admirable, comme un chanfrein. (8) Nous donnant, nous proposant. (9) De la foule, du latin lurba. (10) Barri, cri de l'éléphant; barriquer, crier comme un éléphant. On appelait autrefois l'éléphant barre aux Indes orientales; et c'est vraisem- blablement de ce mot qu'est dérivé le nom barras, que les Latins ont donné à ce pachyderme. ANATOMIE DESCRIPTIVE 297 terelles, c'est-à-dire, plus estoit troublé, que s'il fust à la foire Fontenay ou Niort; car la faim estoit au corps : pour à laquelle remédier, abaye l'estomach, la vue esblouit, les vènes succent de la propre substance des membres car- niformes (i), et retirent en bas cestuy esperit vagabond, néo-lio-ent du traictemenl de son nourrisson et hoste naturel, qui est le corps : comme si l'oiseau, sus le poing estant, vouloit en l'aer son vol prendre, et incontinent par les longes seroit plus bas déprimé (2). » Près de l'île deGanabin (3), frère Jean envoie Panurge « à toutsles diables qui luy [)uissent anatomiser la cervelle et en faire des entommeures ». Ce qui précède prouve que cette exclajnation n'est pas une simple boutade de Maître François, qu'il a dû « anatomiser » la cervelle et en faire maintes coupes pour savoir : 1° Que cette masse d'apparence pulpeuse, qu'on acru})ri- mitivement tenir le milieu entre les liquides et les solides, est aussi merveilleuse dans la délicatesse et dans l'artifice de sa structure que dans la sul)limité de ses fonctions; 2'' Ouil y a, jus(|u'à un certain point, une corrélation entre l'intégrité et la quantité de la masse encéphalique et l'intelligence; 3'^ Que la circulation cérébrale est plus active pendant un travail intellectuel; 4'' Qu'un travail intellectuel est rendu difficile, sinon impossible, (piand l'alimentation est insuflisante ou trop abondante. Les mouveiiKMits du cœur sont régis par le système ner- veux. Toutes les fois que. |)oui' une cause (pudconcpie telle que la crainte, la douleur, la joie, etc., lintlux des (1) l''nriii<'s (le clijiir. du l:iliii curnis, clKiii'. {■a) Hahiiisscr, du laliii di-juinuirr . (3) L'ilc des voleurs, »'ii li(-bn'ii. L Ani^dctnr.-, selon M. Ducrol. (Dlcrot, lue. cil. sufirù, |). Ti.) 998 RABELAIS ANATOMISTE centres nerveux sur le cœur cesse, diminue ou augmente, la mort peut survenir. Dans l'épopée pantagruélique, il (*st question de divers personnages qui ont fini ainsi leurs jours, mais dont Habe- lais a attribué, avec Galien, la mort à la (( résolution des esperits vitaulx » dans le cœur. <( Tout ainsy le cœur, par joye excellente, est interiore- ment espars, et patit manifeste résolution (1) des esperits vitaulx : laquelle tantpeult estre accrue, que le cœur demou- reroit spolié de son entretien, et par conséquent seroitla vie estincte par ceste péricharie (2), comme dict Galen, /. XI 1 Method.^ libro V de Locis affeclis^ et libre II de Sijmploma- lôn caiisis (3). Et comme estre au temps passé advenu tes- moignent Marc Tulle, libro I Oiiœstion. TiiscuL, Verrius, Aristoteles, Tite Live, après la bataille de Cannes, Pline, lib. VII, cap. xxxu et lui, A. Gellius, lib. III, xv et aultres; à Diagoras Rhodien (4), Chilon (5), Sophocles (G), (1) Et souffre de la diminution des esprits auiiuaux. « Le cœur est un viscère noble et royal duquel se répand continuellement de toutes parts dans les parties généralement de tout le corps une liqueur vitale avec une chaleur peri)étuelle qui y entretient la vie; de laquelle, lorsque ces parties en sont, pour si peu de temps que ce soit, privées, elles tombent et meurent. » (Diemerbroeck, loc. cil. tmprù, t. II, p. 63.) (2) Joie excessive, du grec r.ipi/ioci». (3) Voici les textes de Galien relatifs à Faction de la joie sur le cœur : « Chez beaucoup la joie, la colère provoquent une lipothymie subite. » {Méthode Ihérapeiilique.) — << La mort suit toujours les dyscrasies du cœur, car, si le cœur est vicié, toutes les parties du corps sont atteintes en même temps. » [Des Lieux affectés.) — (c La crainte, dont les effets sur le cœur sont semblables k ceux de la joie. » {Des Maladies.) (4) Diagoras, étant déjà avancé en âge, se rendit à Olympie avec ses deux fils, Damagète et AculisaCis. Ceux-ci, ayant été vainqueurs aux jeux» prirent leur père dans leurs bras et le portèrent au milieu de l'assemblée, qui l'accueillit par des acclamations enthousiastes ; un Spartiate qui assis- tait à cette scène s'écria pour exprimer le haut degré de gloire que Dia- goras avait atteint : « Meurs, Diagoras, car tu ne peux pas espérer de monter au ciel. » (Larousse.) (5) Chilon, l'un des sept Sages de la Grèce, mourut de joie, dit-on, en embrassant son fils couronné aux jeux Olympiques (Bouillet). (G) Sophocle mourut de joie en remportant le prix de tragédie (Pline). ANATOMIE DESCRIPTIVE 299 Dionys (1), lyfan de Sicile, Philippides (2), Philemon (3) Polycrate (4), Philistiuii (5), M. Juventi (6), et aultres qui moururent de joye (7) ! » « Le S upp le me ni II m .siipplemcnli rhronicoriim (8) dict que Gargamelle mourut de joye au chasleau de Grand- gousier (9). » Certains pois (',) Polycrate, ou mieux Polyci'ite, est le nom d'une l'emme {Xvn.Kyy.i: Ai'ahiim lUfilifaruni /ifini-i/iis r.r (Icrjudi ( jcmoiiciisis versionc. Vriirtiis, mdcviii, p. '^lo.) 300 RABELAIS ANATOMISTE Ail moyen âge, comme aujourd'hui, le safran, — Crocus saliuiis, phan\ do la famille des Iridées dont les stigmates sont seuls employés, — se trouvait dans -toutes les apothicaireries. « Au Mans, dist Eudemon, François Cornu, apothécaire, avoit en cor- nets emploicté (employé) unes extravagantes frippées, je désavoue le diable, si tout ce qui dedans fut empaqueté, ne fut sus Tinstant empoi- sonné, pourri et gasté ; encens, poivre, girofle, cinnamome, zaphran, cire, espices, casse, rhcubarbe, tamarins ; généralement tout, drogues, guogues et senogues. » (L. IV, ch. lu.) Gogues et senogues pour agogues et xénagogues, purgatifs. Extravagantes, constitution des papes ajoutée au corps du droit canon. Le safran est toujours d'un prix très élevé, et cela se conçoit puisque M. Pereira a calculé quil ne fallait pas moins que les stigmates de 79.200 fleurs pour fournir 5oo grammes de safran. ANATOMIE CHIRURGICALE ANATOMIE CHIRURGICALE La science pure précède toujours la science appliquée ; l'une est la source vive de l'autre. A côté deVonatomie des- criptive, i\ y a ïanatomie topographique, chirurgicale ou des régions, qui décompose le corps humain en un certain nombre de régions dont, à lafaçon delà géologie, elle étudie successivement, en procédant de la superficie à la profon- deur, les rapports des couches sujtei'posées et les différents éléments qui entrent dans la constitution de chacune de ces couches; Tanatomie qui donne au chirurgien l'audace d'aller chercher, à travers des parties dont la lésion serait dange- reuse ou niorleile, le vaisseau (pi'il faut lier, la tumeur (pTil faut extirper. Rabelais a eu des connaissances aussi étendues en anatoinie chirurgicale qu'en anatomie descriptive. Pour en être convaincu, il sullira de rel'euilleter avec moi les cinq livres de TOlMivrc (hi Maître. Dans le grand (I('l»;il centre les loiiacicrs de Lerné et ceulx du })ays de Gargantua », Forgier « jecta à Mar(piet(i) un gros f ribard 1'^.) (pi'il jxtrloil soubs son aisselle, el l'alhMncI (i) Il i''l;iil (le l,<'rm- i-l li(';ni-|t("'r(' «le IMcrncliolc ou (iaiicliri'. iinvlccin de Mîidninc dr FouIcn r;iult. (Voy. Audigkh, les Héros de Iidhehiis. \k 8.) (•2) Bàloii court ri ninssif des gens do peine. 3o4 RABELAIS ANATOMISTE par la joincture coronale (i) de la teste, sus l'artère crota- plîique (2), du costé dextre (3) : en telle sorte (4) que Marquet tombit (5) de dessus sa jument, niieulx semblant homme mort que vif. » L'artère temporale ou crotaphique est exactement en rapport avecla jointure coronale ou suture fronto-pariétale, et les coups portés sur ia tempe sont presque fatalement mortels. Au sac de l'abbaye de Seuillé, frère Jean, « frappant à tors et à travers à la vieille escrime (G). Es (7) uns escar- bouilloit (8) la cervelle, es aultres rompoit bras et jambes, es aultres deslochoit {9) les spondyles du col (10), es aultres démoloit (11) les reins, avaloit le nez, poschoit les yeulx, fendoit les mandibules (12), enfonçoit les dents, descroulloit (i3) les omoplates, sphacéloit les grèves (i4), (1) Suture rroiito-pari»''tah'. (2) L'artère de la tempe, du ^vcc /.^yj-a-yj:, teiiiin'. (3) Du côté droit. (4) De telle sorte. (5) Tomba. (6) « Sans toutes les laçons invcnlées par les maîtres d'armes. "(Lk DUCHAT.) (7) Aux. (8) Réduisait en bouillie. ('9) Disloquait. (10) Les vertèbres du cou, les vertèbres cervicales. (11) Démolissait, cassait. (12) Les mâchoires, du lalin mandihiihi . (i3) Désarliculait. (i4) .Meurtrissait les tibias au point d anicm-r leur ij^auijrrèut'. Dans un ouvrage de Cli. Estienne, imprimé à Paris, en i.'")',(j, par Simon de Colines, et intitulé : la Dissection des parties du corps humain, les deux os de la jambe sont représentés (p. 10), le péroné avec cette indication : le petit focile de la jambe ; le tibia, avec celle-ci : le gros locile de la jambe ou grève. A la page i3 du même ouvrage on retrouve un dessin du tibia accompagné de ces mots : la grève de la jandje. On donnait également autrelois le nom de grève à Tarmure ijui proté- geait la jambe. ANATOMIE CHIRURGICALE 8o5 desgondoit les ischîes (i), débécilloit les t'ocilles (2). « Si aulcun (3j saulver se vouloit en fuyant, à icelluy faisoit voler la leste en pièces pai- la commissure lamb- doïde (4). <« Et si personne tant fut espnns (5) de témérité rpiil luy voulust résister en face, là monti'oit-il la force de ses muscles.Caril leur transpercoitlapoictrine parle médiastin (G) et par le cœur; à d'aultres donnant sus la faulte des costes (7), leur suhvertissoit (8) Testomach, et mouroient soubdainement ; es aultres tant fièrement (9) frappoit par le nombril, qu'il leur faisoit sortir les tripes; es aultres parmi les c... pcrç-oit le boyau c... » Le rectum n'est, en efîet, séparé des bourses, qui con- tiennent les glandes génitales, que par quebjues muscles et quelques aponévroses et le bas-fond de la vessie. Un coup porté de haut en bas, et d'avant en arrière, peut léser les testicules, la région périnéale antérieui'e et la partie infé- rieure du rectum sans atteindre la vessie. Tripet voulut traîtreus(Mnent fendre de son épée la cervelle de Gymnaste, mais celui-ci « estoit bien armé, et de cestuy (lo; coup ne sentit que le chargement 1 11 t; et soulxlain se tournant, lança un estoc volant (i:>i audict Tripet, et ce pendent (i3) qu'icelluy se couvroit en liault. (I) Faisait sortir les hanches (îa/^^ov) de leurs gonds, luxait les lÏMiuirs. (a) Dislo(|ii:iit, d('i)oîfait les jambes ef les avaiil-lii-as (f'nrilid). (3) Si riiii d'ciiti-f iMi\. Cl) La suture oeei[)it()-|taii<''tale du eràne, encore nouiin(''e sutiiir laiid>- doïde parce (lueMe resseMil)le au lanilida grec (X et îioo;, foruie). {')) Pris, rempli. (G) Le iiuvliastiii antr-n'i-ur qui coulienl le cu-ur. (7) Au di''raul d<'S ciMes. dans les espaces iidercoslaiiv. (8) Lfur iir-chirail. (*)) llardimeid, lorleniriil . (10) C.'. (II) La i|i;irt.>^c, je p((id-~, le ronp . (12) I' (ioMct liàluli l'ciTi'-. de 1 idiiMIliind slm-/,-, lii'doM (L |{AHIil':). ( i3) l*iMid;inl !<■ It-uip-- i|uc. 20 3o6 RABELAIS ANATOMISTE lui tailla (run coup l'estomach, le colon et la moitié du foie. » « Peut-on, d'un coup, dit M. le D^ G. Brémond, tou- cher les trois organes cités, et dans l'ordre indiqué ? — Parfaitement, pourvu (pi'on dirige l'arme un peu de bas en haut, direction qui est indiquée par l'auteur ainsi : « icel- luy se couvroit en hault (i ). » Frère Jean, gardé par deux archers, « tira son bracque- mart (■2), et en ferut (3) l'archier qui le tenoit à dextre (4), luy coupant entièrement les vènes jugulaires et artères spha- gitides (5) du col, avecques le gargaréon (G),jusques es (7) deux adènes (8) : et retirant le coup, luy entre-ouvrit la mouelle spinale (9) entre la seconde et tierce vertèbre (10) : là tomba l'archier tout mort. » L'archer de gauche épouvanté se rend à discrétion : « A touts les diables, dist le moyne. « Lors d'un coup lui franchit la teste, luy coupant le test (1 1) sur les os pétreux (12), et enlevant les deux os breg- matis (i3), et la commissure sagittale (i4), avecques grande (1) D"" Brémond, loc. cil. suprà, noie 120 1er. (2) Épée courte et large qu'on portait autrefois le long de la cuisse, coutelas. Du grec Ppa/.£îa [Jiâyatpa, courte épée. (3) En i'rai)pa, du latin fevire. (4) A droite. (5) Les artères de la gorge, les carotides, du grec c^ay/j, gorge. (6) La luette, encore appelée columelle et gargaréon, du grec Yapfap^wv, et par extension gorge, gosier, yapyap{Çw, gargariser. (7) Jusqu'aux. (8) Adène n'a pas ici le sens qu'il avait précédemment (Voy. Anat. des- cript.. Appareil circulatoire : Les adènes, comme une serpe) et veut dire amygdale, du grec (xStj'v. (9) La moelle allongée, le bulbe rachidien. (10) La seconde vertèbre cervicale ou axis et la troisième vertèbre cer- vicale. (n) Le couvercle du crâne, du latin leshtm. (12) Voy. Anat. descript., Ostéologie : Les os pélreiix, comme un pliimail. (i3) Les deux pariétaux, du grec Ppe'yfAa, PpEyfzaxo;, la partie supérieure de la tète. (i4) La suture pariétale ou sagittale, du latin .soy///f/, parce qu'elle res- semble à une flèche. ANATOMIE CHIRURGICALE 3o7 partie de los coronal (i), ce que faisant lui tranchit les. deux méninges (2), et ouvrit profundement les deux posté- rieurs ventricules du cerveau (3) : et demoura le crâne pendant sus les espaules à la peau du péricrane par der- Blessuir à IminoUe ii xuccombé un des nrchers rlianjrs de siirrt'illci Frère Jeun [irixfinnier. i,, iiiciiiii^cs ; H. venlriciiles postérieurs es verilriciilcs lah'T.iiix du crrvcau. (\) Le dessin i|ui arcdinpairiK' rc Irxic est rni|iruid('' à .M, le D'Iîi't'-- So8 RABELAIS ANATOMISTE Tout est exact au poiut de vue anatomique dans le pre- mier paragraphe, et dans le second il n'y a qu'une erreur concernant le'chiffre des méninges, qui sont, je le rappelle, au nombre de trois et non au nombre de deux. Au point de vue physiologique, il n'y a rien à reprendre dans les deux para- graphes ; de telles blessures sont instantanément mortelles : l'une est une décollation en sens inverse de celle pratiquée par la main du bourreau ; l'autre, une abrasion complète de la voûte du crâne et des parties qu'elle recouvre. Les lésions traumaliques du cœur ont autant de gravité que celles du cerveau, du bulbe rachidien ou des gros troncs vasculaires du cou : aucun des personnages de l'épopée rabelaisienne n'y survit. Hastiveau transpercé un peu au-dessus de la mamelle gauche par l'épée de Toucquedillon « mourut incontinent ». Panurge raconte en ces termes à Pantagruel comment il a été détaché par le maître de sa maison de la broche à laquelle il avait été attaché par les Turcs. « De pleine arrivée (i), il tire la broche où j'estois embroché, et tua tout roide mon rostisseur, dont il mourut là par faulte de gou- vernement (•a) ouaultrement ; car il luy passa la broche peu au dessus du nombril vers le tlanc droict, et luy perça la tierce lobe du foye (3), et le coup haulsant luy pénétra le diaphragme, et para travers la capsule du cœur luy sortit la broche par le haut des espaules entre les spondyles (4) et l'omoplate senestre (.")). » M. le D'" F. Brémond a vérifié sur le cadavre que ce mond. (Voy. Ilahi'lnis-mrdcciiu par M. le I)'" Brémond, fig. 2, à la fin (lu I. I'''.)Je ne saurais trop rcniercicM' mon savant el Ijirnvi'illanl conlVère (le lautorlsalion ([uil ma donnée de le reproduire. (1) Aussitôt ai'i'ivé. (;>,) De pansement. (3) Le troisième lobe du l'oie, dit hjbule de Spigel. On a allribui'' tour à tour sa découverte à Spigel, à Eustaclii, à Sylvius, à ^'ésale. (4) ^'ertèbres, du grec ■3;Tdv8yÀo:. (.0) Omoplate gauche, du latin si/iislcr. ANATOMIE CHIRURGICALE 3oC) vigoureux coup de broche a un trajet parfaitement en règle avec ranatomie topographique (i). Une tige de fer péné- trant dans l'abdomen à droite, au-dessus de rombilic. peut traverser le foie, percer le diaphragme, pénétrer dans le péricarde et aller sortir entre la colonne vertébrale et Tomo- plate du coté gauche, après avoir lésé le poumon que Rabe- lais a oublié d'indiquer. Quant <( au tierce lobe du foye » ou lobule de Spigel, il présente à sa partie moyenne un ma- melon entouré d'un cercle artériel constitué par les artères splénique, coronaire-stomachique, hépatique, dont la bles- sure — abstraction faite de celle des vaisseaux et des vis- cères voisins — suffirait pour amener une mort presque foudroyante (2). Nombre de symptômes et de complications des contu- sions des plaies et autres traumatismes onl été du reste signalés par le savant romancier. Frère Jean « avec son baston de croix donna entre col et collet sus l'os acromion ÇA) si rudement à riravanl (juil l'estonna, et feit perdre tout sens et mouvement et tomba es pieds du cheval ». Par estonner il faut entendre ici « rester saisi, étourdi, éWoui ». Les mots estounna et resta tout estant ont encori- en provençal et en patois berrichon cette signification. Sur les bords de la Méditerranée, les matelots disent de (juel- (iniin (pii ne peut se mettre au bain (pie graduellenient : l'aïf/o l'estonno (4). Les éblouissements, les tintements d'oreille, la perte momentanée de connaissance et de mou- vement sont les symptômes de la commotion cérébrfile (1) !>' I*". HhkmoM), /or. cit. sii/ifà. ikiIc -îi."}. (2) On siiil que Henri III et le pn'sidcnt (>;irnot sont nioi-ts d'nno lii-Mioiiluii^ic inlcrnc. pcn de temps api'ès ;ivf)ii' recju dans le ilanc droit un ciMii» de |)oig^naropliysc de l »''|>ine tie IVunoplate, ilu ^rec axfo;, bout, et '.)|io;, épaule. (/,) L'eau je sai'^il. On lit dans les C.ommi'ulnin's siii- Didsroi'iilr cl 3lO RABELAIS ANATOMISTE j)rovoquée par un coup violent porté sur la tète ou le cou. Marquet « bailla (i) de son fouet à Forgier si rude- ment h travers les jambes que lesnods(2)y apparaissoient ». La peau cinglée par un vigoureux coup de fouet devient le siège d'une extravasation sanguine appelée ecchymose. Cette ecchymose, dont la coloration varie du noir foncé au jaune paille, suivant l'intensité, la période de la contusion et (|uelques autres conditions, est plus prononcée si la corde du fouet a des nœuds. Elle est limitée d'abord aux points qui ont été touchés par les nœuds de la corde. Le seigneur Basché (3) et Oudart {l^) « festoyarent à grands coups de gantelets un chicanons, si bien qu'il resta tout estourdi et meurtri, un œil poché au beurre noir, huict costes froissées, le breschet (5) enfondré (G), les omoplates en quatre quartiers, la maschoire inférieure en trois lop- pins !... Ainsy retourne à l'Isle Bouchard (7) chicanons accoustré à la tigresque et moyennant le secours des bons chirurgiens du pays, vesquit tant que vouldrez. Depuis Malîhiole d'Antoine du Pinet : liis iiiiciciiiics dans iidIpi' l;mii:ii(*. (ir<''i,'»)in' (le IVtui's, iJr (Hoi-iii murhji'nm, lilxT 1, c;ii)ut LX, laisaiil parler un prrlrc callioli*!!!*' diiii autre prêtre liéréti(|ue mort snl)ilonieiit : Perii! mrmovid rjits ciim sonilii cl Doniiniis in ii'lcvmim jicrnKtiicl. Klle est prise de la \'ulfj:ate, verse! 8 du psaume I.\. I/lH'Iti-eu dit cum illis an lien de ciim .son/7»; c'est-à-dire -. 3l6 RABELAIS ANATOMISTE SALMONIUS MACRINUS AD l-RANCISCUM RABL.ÏSUM CHINONIEN, MEDICUM PEHITISS. Idem, Rahlœsi, penè solum mihi esl Xatale tecum : Juliodunieis Nam China vicinus niicetis Contigiia regione flovel : Aërqiie nostris cii'ihiis ac luis Haiiritiir idem, parque serenitas. Par ruris uligo beati, M or uni eadeni quoque lenitudo. Nalalis agri concilians tibi Vicinilas me, jungit amabili Vinclo, sed impense tuarum Vis social mage lillerarum. Chinonienses inler enim luos Lnus, Rabla'si, es, cui Deus, el f avens Natura, doclrinam eleganlem Non negel, alque sales aculos ; Unus lepores cui simul Allicos El circularis dona perili^ Dilargialur, florulenlam el Cognitionem ulriusque linguse ; Arlem ul medendi pr^leream, el libi Sudore mullo parla malhemala, Ouid Luna, quid slellse minenlur, Ouid rapidi faciès planelce. Tu non Galeno Pergamœo minor, Mullos ab alris faucibus eximis Lelhi propinquanlis, luaque Depjosilos opéra focillas. Quid quœque radix herbave conférai, Ungues, lenes, et non secus ac luos, Famamque lucraris perennem., Arte levans genus omne morbos. Tesles tuarum Parisii artium, Teslisque Narbo Martius, alque Alax ; El dite Lugdunum, pénales Sunl libi ubi, placidœ que sedes. ANATOMIE CHIRURGICALE 3iy SALMON MACRIN A FBAN(.;OIS RABELAIS, DE CIUNON , MÉDtlCIN THES HABILE Nous avons, Rabelais, presque un berceau commun : Car Chinon, qui t'a donné lètre. Fleurit tout près de ce Loudun Dont les noyers me virent naître : C'est même air, même ciel, même sérénité Chez nous qu'en ta cité natale ; Aux champs pareille humidité Et dans les mœurs douceur égale. D'un sympathique nœud, mon cœur est joint au tien Par cet intime voisinage ; Mais tes écrits sont un lien Qui m'attache à toi davantage. Seul de les C-hinonais, Rabelais, tu reçus De Dieu, de la Nature amie La science élégante, en plus De la fine plaisanterie : Chez toi seul sont — largesse unique du Destin — Rassemblés ces dons : sel attique, Maîtrise en grec comme en latin. Et savoir encyclopédique ; Pour passer sous silence encor l'art médical. L'astrologie, Apre conquête. Oui, sur l'aspect, sait de (piel mal Menacent lune, asirc ou |>lanèle. Nombreux soid ceux que pivs déjà du noir lond)eau. Du bûcher dont couve la flamme, 'j'u sauves, (ialicn noiiNcan, Egal à l'ancien de Perganu'. Tu possèdes au bout des ongles les vertus Des simples, et niainlc vidoiic Sur nos maux, |)ar loi coniballus, Te vaut une élerneile gloire : Ti'io'iiphes par Paiis, |tar Xarbonne al lestés Et pai- Lyon, la riche ville, Où les pénales Iransporlés .loiiissciit d'un |»;Msibie asile (l). (i) ( !cllc version riiiii'c. runiinr relie des (lisli((ues de la pa^c |ii'(''rê lien te, es I diieaii lidéle I laiislaleiu' eu vers rran»;aisde la Mireille ilr Mistral M. Constant llenniou, i»ère du poète de Suii di'lé. 3l8 RABELAIS ANATOMISTE En 1537, Etienne Dolei a l'été dans un banquet le c6- lèlji'e tourangeau : « l'honneui' de la médecine, qui avait le [)()Uvoii' de rappeler les morts des portes du tombeau et de les rendre à la lumière. » Dans ses mémoires, de Thou a qualilié Rabelais (( d'homme extrêmement versé dans la connaissance des lettres grecques et latines et de tre^'s habile médecin. Mr lilleris grœcis, lalinisque instriicîissimiis et medicinse qiiam profîlebaliir pcritîssimas » (1). Pierre Boulanger, de Loudun, médecin et poète tout ensemble, a composé une épitaphe commençant par ces mots : <( Francisci liabclœsi medici dociissimi facelissi- miqiie liimiilus (2). » L'auteur de Garganliia et de Pantagruel a professé la médecine à l'Université de Lyon et à celle de Montpellier. Dans la notice de l'édition de Genève [OEuures choisies, iGSs), il est même dit que, « devenu célèbre par sa science mé- dicale. Maître François fut appelé, à une date non précisée, à l'Université d'Angers pour y donner des leçons; mais que la peste s'étant déclarée dans cette ville, il s'éloigna, laissant les médecins se débattre contre le fléau ». Je dois laver mon illustre confrère de l'accusation de lâcheté portée contre lui, comme je l'ai lavé de l'accusation d'avoir pris le titre de docteur avant de l'avoir conquis. Si son passage à Angers est indiscutable, il n'est pas certain qu'il ait habité cette ville. La peste à laquelle il est fait allusion dans Ui cinquième chapitre du second livre (8) est celle qui a éclaté (1) Guillaume Colletet, Nolicc sur liabelain et Mémoires de la rie de J. A. de Thou, 1. VI, De rilâ sud, — à raniiée 1698 ; édition de Lon- dres, 1734. (2) Tombeau de Rabelais, médecin 1res savant et très facétieux. (Bou- langer, Ilippocralis Aphoristnorum jxirujdirnsis poelica, 1587.) (3) Voici en quels termes : « Pantagruel s'en partit du Rhosne, et à trois pas et un sault vint à Angiers, où il se trouvoit fort "bien et y eust demouré quebiue espace, n'eust esté que la peste les en chassa. » ANATOMIE CHIRURGICALE 819 au mois craoùt i5i8 et forcé François I^»" à (juitter rAiijou. Or, à cette époque, le futur auteur de Pantagruel était encore au couvent de Fontenay-le-Comte (i). Au dos d'vni acte de vente consenti au profit des cordeliers de Fontenay- le-Comte, on trouve, à la date du 5 avril 1019, la signature de Maître François, à côté de celle de Pierre Lamy (2). Rabelais a été, de Pâques i546au 20 juin i.l^y, médecin de Thôpital de Metz, aux appointements de 120 livres par an (3), et pendant quinze mois médecin de l'Hôtel-Dieu du Pont-du-Rhône, à Lyon, aux appointements de 4o livres par an (4). Il a perdu, en i.jI^, sa place de médecin de l'Hotei- Dicu du Pont-du-Rhône, pour s'être « absenté de la ville et dudict hospital sans congé prendre pour la deuxiesme foys » (5). On a beaucoup reproché à Maître François ces deux manquements à ses devoirs professionnels. Le premier s'explique par le désir qu'il a eu de voir Rome et de ne pas s'aliéner son protecteur,',]. Du Bellay, évêque de Paris, en- voyé en ({ualité d'ambassadeur extraordinaire auprès du Saint-Siège par François I^^ (6) ; le second, par la néces- (1) Il est ;'i peu près cei'Iain (pie Rabelais a passé au moins seize ans au couvent de Fontenay-le-Comte, de 1007 ou i5o8 à \;y2\. (\'oy. Aluiuer, Rabelais à Fontenay-le-Comte, Ballet, de la Soc. des Amis el Admiraleiirs de Rabelais, Tours, 1892, p. 49; t^t Rloruier-Langlois, Angers el V Anjou. Angers, 1840.) (2) Voy. Introduction, p. 21, texte et notes. (3) Dans un I^xtrait des Comptes de la ville de .Met/, poui- les anm'-es, 1546 et i5''i7, publié i)ar M. Paul Fei'ry, ou lit : « 1547. Payé à M. Rabcllet pour ses gages duii an. (Testa savoii- à la Saint-Remy 60 livres, à Pâques darien, 60 livres ; coMniic plus cou lui oui {sic) po le (|uarf d'au de Saiid->Iean, 60 livres. » {liabelnis médecin sti- pendié de la ville de Metz, par CIi. Abkl, dans Mémoires de l'Académie de Metz, 1869, et lîabelais à .I/c/r, par M. Heulmard, Paris, 1890.) (4) Sans prétendre ({ue le mérite d'un nu''decin se juge à l'inipoilance de ses honoraires, je ferai cependant observer que Pierre du Castel, qui a succédé à Rabelais comme médecin de l'HtMel-Dieu du Poiil-du-RliAiu' à Lyon, n'a tonclu' (pu- .'l*» livres de « gages » par an. (."» \<)>. 1111 ;:rlic|i- iiililulé Oueslions li/oniiaiscs. |mlili('' dims !(> (j)iir- rier dr Li/on ;i l;i d.ilr du :>. juillet i.SSd. (6) Ce jiiriiiiiw si'-joiir de |{;d»el;iis à i{(»me a <'•!('• de couile diiit'-e; il ne eompreuil que les premiers mois di' l'ainu'e i.j3'|. C'est pourlaid peiidiml 320 RABELAIS ANATOMISTE site OÙ il s'est trouvé, quand le premier livre de Pantagruel a été censuré par la Sorhonne, de se réfugier à Grenoble, chez le président de Vachon (i), son ami, pour pouvoir, en cas de danger, franchir la fi'ontière. Dans le chapitre l du livre IV, il est fait mention par frère Jean qu'à « Seuillé comme les coquins (2) souppants un jour de bonne feste à l'hospital, et se vantants l'un avoir cel- luy jour gagné six blancs (3), Taultre deux sols, l'aultre sept karolus (4)i un gros gueux se vantoit avoir gagné trois tes- tons (5). (( x\ussy, luy respondirent ses compagnons, tu bas <( une jambe de Dieu (G). » Comme si (pielque divinité fust absconse (7) en une jambe tout sphacélée (8) et pourrie. » 11 y avait donc un hôpital à Seuilly? Oui, cet établissement déjà indiqué dans une charte de 127g, concernant une trans- action enlre l'abbé de Seuilly (()) et Guillaume Marmande, cette brève période que Maître Franç^ois aurait accouipli cette série de boulïonneries — (telle que celle sur la mule du pape, qui est indiquée dans le ch. xlviii du 1. IV) — dont la réalité n'est nullement démontrée et qui font plus d'honneur à Tiniagination des commentateurs qu'à la vérité historique. (1) « François Rabelais, dit Chorrier, eut chez lui une sûreté qu'il n'eût pas trouvée ailleurs. » {L'Impartial des. Alpes, numéro du 16 avril i885; l'article Rabelais, de Guv-Allard, dans le Diclionnaire historique, publié parGARiKL, et Rabelais à Grenoble et en Suisse, par F. Audiger dans /^«//e- lins de la Société des Amis et Admirateurs de Rabelais, Tours, 1889, p. 10.) (2) Les vagabonds, les mendiants, les gueux qin hantaient les cuisines, où ils trouvaient des restes dont ils se régalaient. Ce mot semble, comme cehu de maître-queue, venir du latin coquus, (\u\ signifie cuisinier. Dans la marine on appelle coq le cuisinier. (.3) Le blanc est une menue monnaie dont on se servait encore au commencement de ce siècle. 11 valait 5 deniers. J'ai entendu bien des l'ois estimer des denrées alimeidaires 6 blancs, c'est-à-dire 2 sols et demi. (4) ^^^y- P- 2o3, note 4- (5) Le teston est une ancienne monnaie d'argeid (pu valait i5sous et 6 deniers, et sur laquelle ('-tait gravée la tète du roi. Elle a conuuenc*' à avoir cours sous Louis XII, (6)« Une jambe, dit Sardou, (jue Dieu a frappée d'une infirmité iiuni- l'able. — C'est une locution hébraKjue. » (7) Caché, du latin absconsus. (8) Gangrém'e, du grec a3a/.î).;X">. avoir la gangrène. <■ Corronq^ue », dit la Briefve Déclaration. (9) La paroisse de Seuilly. sur le ferritoii-e de laquelle est située la ANATOMIE CHIRURGICALE 321 seigneur du Coudray-Montpensier, a été d'aljord une lépro- serie, puis une aumùnei'ie et. en dernier lieu, un hôpital. Avant d'éerii-e la ]'ie incdimablc du i/rand Gargantua, Clinlcnii (In C.oiulriuj-Monljn'nxier. à SeiiiUi]. si sup(''ri(Mir(' aux (rrfnidi's cl i/icsUijuihlcs (Ironicqucs du granl cl énorme gcanl (rurganlua et au piviniei' livre de Dcviiiirrc, où est iir. en \\H?i, lîiilK-lMis. n ('-tt'' .iulrcrois niic chàtellcnio, ayant droit «le liauto et basse justice et ({ui appartenait à lahbaye. (Voy. C. DE BrssKROLLKS, Dicl. (jrotjraph., hislor. cl hicx/i-aj). d' Indrc-elLoirc.) « Les chevaliers de Picrochole conrureid jnsqnes {)rès la ^'auguyon et la nialadcrie (maladrerie ou l<'prosei"i(^). mais nuques ne Irouvarent personiu' donc repassarent près le C.ouldi'ay. " (L. I. eh. \i.iii.) Huet, évèque d'Avranches, a lait naître lauteur du i-onian paidairrué- lique à Chinon, puis à Benais, près liourgueil {Mémoires, p. 383. et Th. Haude.ment, les liabelais de Iliiel, Paris, Acadénue des bibliophiles, 18G7. pp. Vi et 45). Or, dans tous les actes de la F'aculté de Montpellier, il est dit que Rabelais est Chinonais. Les autographes du .Maître ralfirnient. ainsi ((ue le jjassage ci-dessus du prologue du livre IL Ce qui est vrai, c'est que des parents de lillustre satirique ont habité Benais et que lui-même a possi'di'' la l'erme de (iravot , sifu<'e entre Benais et Boui'gueil. Brantôme (les Grands Capilaines français, édition de la Socit-lé de 1 his- toire de France, t. IH, p. 4i3), Beniier {Juyemenl sur la rie de liabelais, 1697, p. 3), Scévolc de Sainte-Marthe (Elofjia,\. 1), André Ihichesne (Anli- (jiiilés des villes el des rhaslean.v de France, Uiog. p. .")28), Niceron (Mémoires 17.3."», t. XXXII, p. 337). le Pèi-e (iarasse (liabelais réformé, ifii;)). Pieiie de Saint-Bomuald (Ttirésor rhronolot/itiiie. p. 180).. A. Leroy, Le Ducliat. le D"" Brémond, etc., etc., l'on! naître Babchii^ ;'i (lliiiioii. C'est ('!jralenient 11 ne ciTi-iir. Ij- ciiliiiicl des estampes de la r.ililiotlièipic nationale possède (pi;ili'e ;H|ii.Me||es l'.ijles en lijC);), d'aïu'ès nalni-e et sur les lieux mêmes, par ( ijiignières. 1 )eii\ représentent le ■ cabaret de la l.am- proye ■•, à Chinon et portent chacune une lé-gemle indiquant que l;i in.ii- son où se trouve ci- cabari I a i'-\r liabili'e jadis par lîali -lai^. Les deux aidres stud des vues de Seiùll\ Au-ilessous de ruiie de ces vues (Ml lit : 32a RABELAIS ANATOMISTE Pantagruel, roij des Dipsodes, publics antérieurement (i), Maître Alcol'ribas Nasicr (2) est revenu « visiter son pais de '( La Dcviuicre à une bonne lieue de Ghinon, à deux portées de luzil de Tabbaye de Sully et presque vis-à-vis la Roche-Clermault, et. le lieu où est né Rabelais ; de la paroisse Saint- Pierre de Sully en Tou- raine ; 1699. » Et au-dessous de l'autre : « Veue de Fabbaye de Notre-Dame de Sully, de Tordre de Clugny, en Touraine, 1699. — Saint-Pierre de Sully où a esté baptisé Rabelais, et la paroisse du Coudray-Montpensier. » (Bibliothèque nationale, départe- ment des estampes, n°^ 5323, 5324, 5325 et 5327.) Ce témoignage clôt tout débat. Il s'api)uie sur ce que le créateur de l'archéologie française a vu, sur ce qu'ont pu lui dire les moines de l'abbaye de Seuilly et les gens du pays, etc. Rabelais est né à la Devi- nière, dont sa famille a été propriétaire pendant deux siècles (i45o-i65o), et a été baptisé dans l'église paroissiale de Seuilly, placée sous le vocable de saint Pierre et non dans l'église abbatiale qui était placée sous le vocable de Notre-Dame. La naissance du grand railleur à la Devinière ne l'ait, du reste, aucun doute pour personne en Touraine, même à Chinon. (Voy. DuMOusTiER, Essais hisiorù/iies sur la ville de Chinon, 2^ édit., 1809, p. 192; Bellanger, la Touraine ancienne el moderne, i845, p. 523; Chevalier, Promenades pillores(/ues en Touraine, 1869, p. 459; Charles de Grandmaison, Guide du voyageur de Tours aux Sables-d'Olonne, 1875, p. 99 ; Invenlaire des archives déparlemeniales d'Indre-el-Loire, t. III, p. 17 de la préface j Mémoires de la Sociélé des anliquaires de VOuesl, t. II, p. 367; Mémoires de la Sociélé archéologique de Touraine, t. IX, p. 323 ; t. XXVIII, p. 465, et t. XXXI, p. 248; H. Grimaud, Revue poitevine el saumuroise, 1898, n°7, p. 48.) Pour la date de la naissance de Maître François, celle de i483, générale- ment acceptée, me paraît beaucoup plus plausible que celle de 1490, 1492» i^q5, yjroposée la première par Guy Patin, la seconde par H. Grimaud, la troisième par Rathery et divers autres commentateurs. Un dernier mot : Le père de Rabelais était-il aubergiste, comme l'alïirment les uns, ou apothicaire, comme l'assurent les autres? Auber- giste? je l'ignore. Apothicaire? je le nie formellement. Les privilèges et statuts de l'ancienne Université de Montpellier accordaient aux Maîtres le droit « d'élever gratuitement à la maîtrise leurs lils, leuis petits- fils, etc. » Or, l'illustre Chinonais a payé trois livres et un écu d'or pour son immatriculation. Il n'était donc pas fils de Maître. (1) Il est incontestable pour moi, comme pour Ch. Brunet, le biblio- phile Jacob, etc., que Gargantua a paru après le premier livre de Panta- gruel. (2) Pseudonyme dont Rabelais a signé ses deux premiers livres. C'est, ainsi qu'on peut le vérifier ci-dessous, l'anagramme de François Rabe- lais. ALCOFRIBAS NASIER 3 i3 5 6 1 2 7 11 14 8 i 10 16 i5 12 9 Ces deux noms viendraient, d'après M. Ducrot, du grec «X/.oj, du cel- ANATOMIE CHIRURGICALE 828 vache (1) et sçavoir si en vie estoit parent sien aulcun. » S'il faut en croire des témoignages dignes de toi, il a rem- pli alors, pendant un certain temps, les fonctions de médecin de l'abbaye de Seuilly et de l'hôpital qui en relevait, et soigné, même en dehors de l'abbaye, divers personnages de qualité du Ghinonais ou du Loudunais. C'est ainsi (|u"il a pu se rencontrer en consultation avec un irascible méde- cin loudunais dont il a eu gravement à se plaindre et (ju'il a fait, pour se venger, ligurer sous le nom de Picrochole dans son immortel roman. « Picrochole estoit médecin de Madame de Fontevraulx (a) . Il se nommoit Scévole ou Gaucher, grand père de Messieurs de Sainte-Marthe (3). 11 demeuroit à Lerné, ({ui est ung beau village despendant de Fontevraulx. Lequel village madame luy avoit donné sa vie durant, comme elle avoit l'aict à deux précédents (ce qui fut) cause qu'il (Rabelais) l'appela tiers du nom... Il estoit fort cholèrc : estant en consultation avec Rabelais, qui estoit médecin de l'abbaye de Seuilly. il rrap|)a Rabelais, qui fut cause (ju il rapj)ela ti(|uc /'/■/ cl h(ts, et tidsicr, C()nii)Osé de nasus, nez, en latin, et oniH'', irros et lont,'. M. Ducrot ei'oit((ne, dans cet anairrannne, .Maître François a vonln se peindre lui-nn^Mne et qu'il avait un nez llorissant au lieu du petit nez relrousst* «piil a dans certains portraits. (Voy. Soc. des Amis el des Admi- rak'iirs de Ilitoeldis, 1891, p. 11.) Avant» d'instituer Garijantua en telle discipline (|n"il nt; perdoit heure du jour, Ponocrates, considi'ranl (pic nature ne ciidiiri' nndalions sonhdaines sans grande violenc(>. ... supplia un scavaiil imMlicin de celluy temps, nommé Maisire Sérapliiii (!olo- hai'si, à ce (pi'il consid(''i'asl si possible esloil rcmelire Gai'gantua en meil- leure voie. Lc(piel lt^ puri^ca canonifpiemenl (selon les règles) avecipies elN'dnin' de Antist encoi'c pratiqué s\u' une vaste échelle dans le Cliinonais. (2) L'abbesse de Konlevraull, .Madame Hcik-c de Itourlmii. à I.Kpielle a succédé, en iW.V.i, Louise I" de l>ourlion. (!i) Célèbre l'aniille du l.oiidmiiiis. 3-2/; RABELAIS ANATOMISTE Picrochole (i), le roy de Lerné, Iroisièiiie du nom. 11 levuit les cens et rentes de sa seigneurie, et les loijalcs tailles (indè Boij). Il y eut un j)r()cès entre aulcuns de Lerné et les moines de Seuilly; leur tem[)orel fut saisi, entre aultres le clos de l'abbaye ; qui fut baillé à ferme, j)eu avant les vendanges. Les fermiers s'ingérèrent de jouir, à quoi s'opposa frère Jehan des Entommeui'es, qui estoit leur pi'o- cureur (2I ('.lu non. L'incomparable satiricpie a exercé la médecine avec non moins de distinction à Glatigny (3), à b"ontenay-le-Comte, (1) Du grec -:y.p6z, amer, et y/>M^ bUc (-2) Bil)liothèque nationale, m(imiscril.'< Ihijniij ; V. Aidumiu, les Iln-o^^dc Rabelais, \>\). 5 et 6, 1880; H. Gri.mauu, liabelais à Loiidnn, Ballcl. île lu .S'(«-. des Amisel Admiraleiirs de Rabelais, Tours, 1888, p. /|8. Le récit ci-dessus est encore confirmé j)ai' le texte suivant : « Messieurs de Sainte-Martlie mont dit que le Picrochole de l^abelais estoit leur grand-père, qui estoit uk'- decin à Fontevrault. » {Menat/iana, p. 429, édit. de 169.3.) (3) Au premier <-liapiti-e {\u livre \', il esl l'ait mention de Termite lîrn- <(uii)us, X natif de (Jlenay ■> en l^oitou, ou mieux, selon ]r manusci'i! t\c la l>il)liothèque nationale, de Glatigny, village où mon conl'rèrc a demeuiv* entre 1028 et i53o. ANATOMIE CHIRURGICALE 325 à Castres (i), à Paris, à Saint-Maur, etc., quà Montpellier, à Lyon et à Seuilly. Antoine Leroy, nn des arrière-succes- seurs de Rabelais dans la cure de Meudon, a dit de celui-ci : « que sa maison estoit à tout le monde, excepté auxlemmes; qu'il rassembloit souvent des sçavants pour s'entretenir avec eux; que les misérables trouvoientdes secours dans sa bourse; quil estoit dune si grande intégrité {|ue jamais on Anherge de lu Lamproie, à Chiium. {Reronxtilnlion à l'Exposilion luilionule de Tours de 189:?.) ne !<' Iiouva manquant à sa parole; que sa connoissance d;iiiN la m«''(lcciri(' le reiidil donblenienl utile à sa paroisse. » (1) l);iiis Ic^ ■ Anlii/iiilrs tir Caslrcs. de Pirn'i' lî<>i(i;i., iiii'-di'i-iii ilii lov, en i(J'(<( ■■, M. Dcliihoiiisso-liùclicrorl .1 lu ; " Il ne l'iiiit pas fniMicr à iiictln-. cnl ir les iiersomics (|iii Ihiuoi-ciiI (iasti'cs, Fi'aiirois naliclais, iii(''ilcciii, i|iii y a (■()iii[)()S('' uih" [lailic i\v ses u'iivrcs fl y a cxci'»»'- la m»''d('ciin'. ■■ haiis un aiiti'c ()ii\ rat^'c. l' AïKiclidrsis frainyiis (iSiJo, I. III), M. hcla- houissc-noclicloil ;i pu \(>ir : Ce plaisani Haiiclais. (pii iin-ili^ail de Saint l'^i'-n'-ol, cniupn^.i une j^iaiidc partie de ses De ces deux passaj^es. M. r)<*lal)Oiiisse-H()rliet'<>rl a «oiielu eeei 32() RABELAIS ANATOMISTE J'ai l(Mni, })<)ur i\c rien omettre, à rapporter cette décla- ration élogieuse, bien que je n'y attache qu'une im|)ortance très relative. Rabelais n'a été curé de Meudon que pendant deux ans moins quelques jours et il me paraît douteux qu'ily ait laissé des souvenirs aussi profonds et aussi vivaces dans les pays dont les bois charmants attirent pendant la belle saison un si grand nombre de Parisiens. Au mois de juillet i5.")i, lors de sa première tournée pastorale, l'évéque Eustache du Bel- lay a été reçu à Meudon par Pierre Ruchard et quatre prê- tres. La pièce qui le constate ne porte pas le nom de Ra- belais. Maître François a, d'autre part, résilié la cure de Meudon, ainsi que celle de Saint-Christophe-du-Jaml)et. du diocèse du Mans, le 9 janvier i559, pour ne pas entraver la publication de son IV'^ livre, qui est sorti entièrement imprimé des presses de Fésendat, le 28 janvier i.^).')2. Je ne dirai pas que l'illustre écrivain n'est jamais allé à Meudon, mais je suis intimement convaincu qu'il n'y a guère séjourné. Il a passé les dernières années de sa vie à l'abbaye de Saint-Maur (1), ou plutôt dans le magnifique château voisin, " De i525 à i.53i,il y a sept ans dont Rabelais a pu consacrer à Castres la plus grande partie. Borel le soutient, et personne ne le lui conteste. Objec- tcra-t-on que, Borel disant que Rabelais exerça la médecine à Castres, il n'aurait pu y habiter de i525 à i53i, puisqu'il ne fut reçu docteur à Montpellier qu'à la fin de cette époque? Mais cette difficulté tombe d'elle- même, puisque, dans son couvent, Rabelais avait étudié la médecine pour son i)laisir et pour son instruction, et qu'il la pratiqua longtemps avantde la professer. Il ne se fit agrégera la Faculté de Montpellier que de suréro- gation et pour se voir attaché à un corps illustre. Allaid habiter cette ville, il ne voulait pas avoir contre lui les membres d'une école aussi cé- lèbre, qui aurait pu lui nuire par prévention et par rivalité. Ainsi, je le répète, Borel est une autorité suffisante. Puisqu'on ne trouve pas la possibilité de lui répondre non, la question est résolue, et c'est oui.» J'ai dit précédemment ce qu'il fallait penser de la date fixée pour la récep- tion de Maître François au doctorat. (Pour détails complémentaires, con- sulter A. ForR^s, Rabelais à Toulouse, à Castres et à Narbonne, Biilleî. de la Soc. des Amis et Admiraleuvs de Rabelais, Tours, 1892, p. 44-) (1) " Lieu, ou (pour mieulx et plus proprement dire) paradis de salu- ANATOMIE CHIRURGICALE 827 l)àti, assure-t-on, ])ar Philibert Delorme pour le cardinal Jean du Bellay. Il 11 est cependant pas mort à Saint-Maur, mais à Paris (1), où il a été inhumé dans le cimetière de l'église Saint-Paul, selon le R. P. feuillant Pierre de Saint- Romuald et Colletet, dans la nef de cette église, selon le Père Garasse. Il n'a jamais cessé d'être le médecin de Guillaume du Bellay, ni de Jean du Bellay. Or le cardinal Jean du Bel- lay demeurait à Saint-Maur en i7Cji et en i552. Rabelais a donc exercé, quelque temps avant de mourir, la méde- cine à Saint-Maur et à Paris. J'ai vu, à Tours, chez mon regretté ami Audiger, un portrait sur toile du Maître avancé en Age, et avec cette inscription : Franciscus Rabelœsiis me- (licus Parisiensis (9). La même inscription se retrouve sur un })ortrail peint sur un petit panneau dans la manière de Janet, mais adoucie, ap})artenant à M. le baron de Beurnon- ville à Paris (3), et sur un portrait gravé ayant une cer- taine analogie avec celui de la Chronologie collée de Léonard Gaultier (n" 99) (4)- IL L'humanilé, — Rabelais a été aussi grand par le sen- liiiK'iil (pTil a été grand |)ar l'inlelligence et le savoir. britô, améiiitr. s<'T(''iiilr. comnioditi'', diMices et touts lioncstcs plaisirs d'aifi'icultui'p et vie i-iisti([ue. » (Dédii'.icc du livre 1\'. Lettre ;ni r;iriliii;d de Cliastillon.) (1) VraisemblablcriK'id en i553. ^2) Sans date et sans siii^iiafiire. mais ti'ès anricii, de Lavis de ions les artistes et desexperts rpii Loid vu. Il nipindlc icliii ([ue possèd*- le miisf'-e d'Orléans. (.'i) \'oy. (Icoi'ires dWi.iiKNAS, Ica Porlrtiils iViiilIcs. Le portrait de I^ahcdais qui (itrnre dans ce volume est «diii de la (Jironoloffie collée. Tous les vi-ais érndits sont d'accord pour reconnaître pie c'est le seul portrait ;ndlienti(pie du Maîtr»'. C'est l'avis de M. liouclioL riioiiiiiK' Ir plus r/./•), .V Halleruc [liall(inic), A Neric (Néris), \ \Utur\)Oui\i']]^\ (/joiirbon-Laiici/). et ailleurs. i;ii llali.- : A Mous trrol {Monlc-Cirollo.pyr^ d'Abano), A Appone {Ahario en Vénilit'), A Santo Petro di Padua (Sunlo l'clro di- i'aildiic), A Saincte llelene {Sanchi Ilelena de Padoiie», A Casanova {('.nsul-Xtuti'o.vw (Valable), A Sanid lîarlliiilomcd (N'/// liarlholomco, \n-t''S d'Abano), En la coml('' de Hoido^'ue, à la Poretle près de naiiiuci'. dans le l'ou- loruiis) et mille auti'es lieux. El m'csliahi i,''rMiid«'menl d'un l.is de luis pbilosnplics el mi''dicins ({ni 33o RABELAIS ANATOMISTE perdent temps à (lisi)u(er doiid (d'où) vient la clialenr de ces dictes eaux, ou si c'est à cause du l)auracli (borax), ou du soulplire, on de Taluni, on du salpestre qui est dedans la minière. Lesdicts bains sont cliaulds parce que ils sont issus par une chaulde pisse du bon Panta- gruel. » J'ai dit antérieurement que Maître François a dislingu»' luréthrite virulente de l'uréthrite non virulente. (Voy. Anatomie descriptive. Appareil génital : La penilière, comme une dario le). Quant au traitement antiblenno- rrhagique prescrit par ses médecins à Pantagruel, il était encore prescrit il y a quelques années et connu sous le nom de méthode du lesdvnrje. En 1874, quand j'étais interne à l'hôpital du Midi, on ordonnait aux individus atteints de gonococcie uréthrale des boissons « lénitives et diurétiques qui leur faisaient pisser leur malheur », puis des médica- ments astringents inlusei exlrà. Lorsque Rabelais a commencé ses études médicales, il n'y avait pas quarante ans qu'on s'occupait de la syphilis. Les uns prétendaient qu'elle avait pris naissance au siège de Naples, les autres qu'elle avait été apportée d'Amérique en Europe par les matelots de Christophe Colomb, ceux-ci qu'elle était causée par la conjonction des astres, ceux-là par l'usage de la chair humaine, quelques-uns jjar la bestialité (d'où le nom de syphilis, du grec aSç, pourceau, et «ptXstv, aimer), etc. Autant d'hypothèses, autant d'erreurs. Des crânes et des tibias humains provenant des, chambres sépulcrales des dolmens de l'Aumède (Lozère) et de Léry (Eure), des tombelles de l'Hermès (Oise), du cimetière franc de Bréhy (Aisne) et des hypogées de Lima (Pérou) portent des stigmates de la hideuse maladie. En cela, la science n'a fait, au surplus, que confirmer des données de l'histoire, dont on n'a pas assez tenu compte. Oviedo y Valdez et Crook assurent que les caraïbes de l'Amérique et les insulaires de Taïti étaient imprégnés du mal infectieux avant l'arrivée des Conquisladores. Sanga- rassiar et Alessianambi, médecins malabares qui vivaient il y a neut siècles, en disent autant des populations des Indes Oi'ientales et de la Malaisie. Des ordonnances de police en vigueur à Coi>enhague en 1400, à 'Venise en i3o2,à Londres en 1162, laissent croire que longtemps avant le retour de Christophe Colomb en Europe les Européens n'étaient pas moins contaminés que les Polynésiens, les Indous et les Américains. Vé- ritable protée pathologique, ce mal a été décrit par les mires et les physi- ciens du moyen âge sous les noms divers de pian de Nérac, boulon d'Am- boine, radezyge, etc. C'est, à coup sûr, le Morbus camjxinus des Romains et peut-être le Baal-Pehor des Hébreux. Le Chinois Hoang-ti, qui vivait il y a quarante siècles, a même établi la dualité de l'accident primitif et classé à part la blennorrhagie. Enfin, d'il- lustres savants allemands admettent la spécificité de certaines derma- toses qui ont rongé les téguments de momies du musée de Boulâq. Si la syphilis a pris un si grand développement au moment de la dé- couverte de l'Amérique et du siège de Naples, c'est parce que les mou- vements de troupes que provoquèrent ces deux événements la firent sortir des domaines où elle était en quelque sorte cantonnée. Rabelais en a i)lus su sur les affections vénériennes que Bettencourt, ANATOMIE CHIRURGICALE 33 1 Ulrich do Hutten ot Gaspard Torella.les plus célèbres spécialistes de son époque. Il s'est agréablement moqué de leurs dissertations sur l'origine du mal de Fracastor en en gratifiant Etion, un des ancèti-es de Pantagruel, « pour n'avoir pas bu frais en esté, comme tesmoigne Hartachin, » de môme qu'il a affirmé sa croyance en l'ancienneté dudit uial dans l'épitaphe de Thubal Holoferne, " un des précepteurs de Gargantua, mort en ... l'an mil quatre renia vingt, De la vérole qui luy vinl ». Or le siège de Xaples a eu lieu en l'ji)^»'! le l'ofour des marins de Chris- tophe Coloml) en Europe en i49y- Ge qui prouve pé'remptoirement que Rabelais a ('té convaincu que la syphilis était antérieure à ces dates, c'est que les deux vers précités ne sont eux-mêmes que deux vers modifiés de l'épitaphe composée par Clément Marot pour un moine d'Orléans nommé Eevèque, et non point pour l'évèque d'Orléans, comme cela a été dit. On'oii en juge : Cy gist, repose et dort léans Le feu evesque d'Orléans : .l'entends rcvesquc en son surnom Et livre .leaa en pro|»re nom. Oui mourul lan chu/ cent et vingt De In vérole qui lui vint. Qui oserait i)irlendre rpic la substilulion ne soil pas voulue ? Rabelais a partagé, par contre, les opinions erronées de ses conIVères du moyen Age sur le mode de transmission de la syphilis et des aidres maladies infectieuses, l'n tour de Panurge entait foi : « Un jour (pie l'on avoit assigné à louis les lli(''()l()gieiis de se li'ouver en Soi'honne, il l'eil niie tartre bourbonnoise, composée de force de ails, de galljanum, île assa f(etida, de castoreum et la destrenqiil en sanie de bosses chancreuses, et de fort bon matin en graissa et oignit tout le treillis de Sorbonne, en sorte que le diable n'y eust pas dur(>. l-'l loiits ces bonnes gens reudoieni là leurs gorges devani Idul le monde, l'.l en mourut dix ou douze de peste, quatorze en furent hulres (lépreux), dix et huicl en furent [louacres (couverts d'ulcères), et plus de vingt et sept en eui-ent la vérole ». Aujourd'hui, on n'admet plus hrcoiitagion par inhalation du mal de Fracastor, de la lèpi'e ni de la peste. On sait dnne l"a(;on certaine (|ue, pniii' ipi il y ait Iraiisniissidu d'une de ces maladies d'une personne à une autre, il faut (pi'il y ait (•(•ntact ou inoculation. Rabelais a été mieux inspin'' (piand il s'est demandé ponr(pu)i les pil- lards du bourg de Seuilh' furent préservés de la peste. « Combien, re- marfjue-t-il. (pie la peste y fust par la plus gi-ande part des maisons, ils entroieiit |i.ut(>nt, et ravissoient tout ce (pi'esloil (IimI.ius. et jamais nul n'en pi'iiit danger : (|ui est cas assez merveilleuv. (!ar les ciir('s. vicaires, prescheurs. ni(''dieiiis. eliiriirgiens et apoth(''caires ((ui alMieiit \isiter, l)aiiser, gm'-rir, presclier et admonester les malades est )ieiit tonts morts de rinfection. et ces dialtles pilleurs et meiirtiers oiupies n'y prindreiit niiil. I»()ihI e(|;i \ient. messieurs ? Pcnsez-y, jc VOUS |)rie » h'uii icl.i \iriil ? \(ius ne sommes ])as mieux renseigm's à cet éi/ard 332 RABELAIS ANATOMISTE délaissaient avec mépris ou gorgeaient de préparations mercurielles, après les avoir enfermés à jeun pendant plu- sieurs jours consécutifs dans une étuve ou un foui' chaud (i). 11 a plaidé chaleureusement la cause de ces victimes des que Maître François. Affaire de germe et de terrain, assurent les niicro- hiologistes ; idiosyncrasie, affirment les cliniciens. Ce qu'il y adecei-tain, c'est qu'il y a des professions qui semblent préserver du fléau, au cours d'une épidémie, ceux qui les exercent. « On a remarqué que, pendant la peste de Marseille, les porteurs d'huile avaient été généralemeni garantis, et, de nos jours, on a constaté que les fdles publiques n'étaient que très rarement atteintes du choléra. ))(D'' Brémo.xd.) Pour clore ce que Rabelais a dit de la syphilis, il me resterait à opposer à rénumération des qualités des organes génitaux de frère Jean (Voy. Appareil génital : Les c..., comme une guedoufle) celle des défauts des mêmes organes de Panurge. Mais cette seconde énumération, qui con- firme ce que j'ai déjà avancé des connaissances en anatoniie (jatholo- gique de l'auteur (Voy. Anat. descriptive, Appareil respiratoire : L^tspre- arlère, comme un gouel) et donne une idée des modifications que subissent la glande génitale et son produit de sécrétion chez un homme d'un certain âge et syphilitique, comprend, comme la première énumération, nu grand nombre de termes et ne rentre qu'incidemment dans mon sujet. Je m'en tiendrai donc à ceux de ces termes (jui sont les plus caractéris- ticiues. Les voici : C... ESGRENÉ, ayant ])erdu sa graine. Le fiquide sécrété par les glandes génitales d'un individu atteint de sarcocèle syphilitique est moins abondant et con- tient moins de spermatozoïdes. C... DYSCRAsiÉ, de mauvaise roiislitullon. C... BARATTÉ. On donne, en Touraine, le nom de baratté au petil-lait aigre qui reste quand le beurre est fait: baratté signifie donc ici : distillant un liquide séreux et acide. A létat normal, le sperme est épais et alcalin. C... sPHACÉLÉ, mortifié, gangrené. C... BiSTORiÉ, incisé par le bistouri. C. TRÉPANÉ, troué, percé, du grec ipsT^aw. En chirurgie, le mot trépanation s'applique surtout à l'ouverture du crâne. C... ESTHiOMÉNÉ, déformé, ulcéré, purulent. On ap])elle aujourd'hui eslliiomène ou lupus une maladie chronique tul)erculeuse siégeant presque toujours à la face. Autrefois on appelait également ainsi une dermatose serpigino- ulcéreuse de nature syphilitique. C... CROUSTELEVÉ, couvcrt de croûtes. Les croûtes vénériennes s'observent de préférence à la tète, dans le cuir clievelu. Elles ont été très bien décrites par Eracastor dans son livre De Morhis contagiosis. C... GRESLÉ, ayant des cicatrices semblables à celles qui suivent la variole. C... SYNCOPÉ, ayant des défaillances. C... coRNETÉ. etc., etc.. ventouse. Dans le Bourbonnais, les ventouses sont encore de petites cornes de bois percées à leur sommet. A Bourbon- l'Archambault, j'ai entendu souvent dire : « mettre des cornets » pour mettre des ventouses. (i) Pour Gaspard Torella le meilleur moyen de guérir les syphilitiques c'était de les iaire suer, dans une étuve ou un four chaud, pendant quinze ANATOMIE CHIRURGICALE 333 al)us (le riiydrHrgyrisinc et fait tous ses eflorts [iqur diminuer leur nombre. « 0 (juantesfois ( i ) nous les avons vus, dit-il, à riieure riuils estoient l)ien oino-ts, et enerais- ses (2) à ])oinct : et le visage leui" l'eluisoit comme la clavure '3; dun charnier et les dents leurs tressailloient comme font les marchettes (4) d'un clavier d'orgues ou d'es|)inétte, (juand on joue dessus, et le gousier leur escu- moil comme à un verrat (.jî (jue les vaultres (6) ont aculé entre les toiles (7). Il a reconnu et proclamé bien haut la nécessité impé- rieuse fpi'il y a }>our riiomme, aussi bien pour son perfec- tionnemenl iutellecluel et moral que pour ses besoins matériels, pour son bonheur, en un mot. de ne pas vivre seul. Il me serait lacile d ap|)uyer cette assertion de cita- tioii> nond)reuses. Mais" ce serait l'aire injure aux amis et aux adiiiii'.ilcurs de Raixdais (|iii me lisent ; je me boi'iierai donc à la suivante : Pour « bien seui'emenl et [)laisamment parfaii'e le che- îuiii (le la cognoissance divine, deux choses sont nécessaires: guide de Dieu et compagnie d homme » ; Kt à celle-ci (cS) : jours do suite. «' Les Araltes. dit .lenii l-'ei'uel (trad. Le Piieur). vèi'eMl avec succès l'Iiydrargvre le mêlant avec certaines huiles et poudres, ils en IVoltaieut les jf»inlures des bras et des cuisses on iViclionnail tantôt deux, tanlùt trois, et même quatre fois par jour. Le malade eiilcrmi'- dans une <'tuv<> (pie Ion maintenait à un(> température eonslanle et très élevée, y rc-^lail vinirl jours, trente jours et (juclquefois plus. <> (1) Cf)nd>i('n cic luis. (•2) (iraissi'-s. (3) La plaque de la scrruic, du lalin cltii'is. (',) L<"- loliclics. ('}) Sanirlirr. (6) Les cliirns de rcsprcc du iii;ilin cmploy/'s à 1,1 cli.-issi- du s;ini,di('r. On tHtmnu' encore /v/////v//7 li-quip;!!/»- de chasse pour le sanirlier. (7) Filels pour prendre îles siinirliei-s. des cerfs, des chevreuils, ejc. I.ii d(''C(doi"ali(>n de |,i pe;in. l'idiranlenienl e| le di-diail^'^enienl de-. denl><. rh\'pei''^<''ci'i'l ion de la s;di\e, di'dHU'danl s (le I inlnxica! iun li\ drai'iryriqne. (S) L. 111. cil. i\. 334 RABELAIS ANATOMISTE « Oiiittc et non marié, je n'ai personne qui tant de moi se soLiciast, et amour tel me portast, qu'on dict estre amour conjugal. Et si par cas tumbois en maladie, traicté ne serois qu'au rebours. Le Sage dict (i) : Là où n'est femme (j'entends mère-familles, et en mariage légitime), le malade est en grand estrif [•2). J'en ai vu claire expérience en papes, légats, cardinaulx, evesqucs, abbés, prieurs et moynes. » Les femmes n'ont pas changé depuis trois siècles. Elles sont encore l'idéale évocation de la charité ici-bas. Si, avec les âges et l'évolution scicntiti(|ue, les procédés de l'art mé- dical se sont modifiés, leur cœur, qui ressent les misères humaines, et leurs goûts, (pii les portent invinciblement à les soulager, sont restés les mêmes. Quel dévouement égale celui d'une mère pour son enfant alité par la lièvre ! Quel tendre soin I Dort-il, attentive, elle chasse L'insecte dont le vol ou le bruit le menace ; Elle semble défendre au réveil d'approcher. La nuit même d'un fils ne peut la détacher ; Son oreille de l'ombre écoute le silence, Ou, si Morphée endort sa tendre vigilance, Au moindre bruit ouvrant ses yeux appesantis, Elle vole, inquiète, au chevet de son tils, Dans le sommeil longtemps le contemple immobile, Et rentre dans sa couche, à peine encore tranquille (3). lil. Uaménilé de caractère, de yesles et de lanfjatje, le soin de sa personne. — Rabelais abhorrait lic |ti'iiic(',ct rcvcrciulissiiiic Moiiscigiicui' Ocicl, cardinal dt; Cliaslilloii. {•>.) Dans SCS Pi'cceples cl son livre do la Bienséance, Hippocralo esl revenu sur le même sujet. 0 *^y- Hh'I'ocratl;, trad. rratiç:aised"Egger.) (3) Toucher, contact. (4) Hemar impudentement (9) respondit : Et Patroclus à mort succomba bien : Qui plus estoil que n'es, homme de bien (10). dit, au fol. 268 : ^^ Philonhim, (piX^viov, mcdicamenliun i'mn\t'c jihiloniiiin a peut-être été inventée aussi par le niéiie- ciii IMiiloM. (1) Au lieu (Ir Pelrus Alexandrinits, il faut lire Joannes Alexandriiius, auteur d'un livic Super cpideinicoriim Ilippocralis lih., inipriuK- à A'euise en i',83. (2) << Déj;uiseuient, lictiou de [mm'soiuics » {liricfrc Drclanilion). Pro- sopopée df-rivc du uiot grec 7:fdaoj;îov, visage, d où l'on a tiré r.poaoir.v.'y/, nniscpu^. (3) Faire le Ikmu. (4) Faire uiontrc d"('légau(<', dv luxe, duuc uiisc pouipeuse. (.")) Le blesseï" et aussi lui nuire, du latin offcndcre. (()) Preniiei's uiots de la eouversaliou . (7) Eidr) cap. 2. et lib. de Reriim affeclibiis (7) (s'il est de Galeii) ; mais par crainte de tomber en ceste. vulgaire et sa lyrique moquerie : 'IvjTpôç àXÀcov, a'jTO; ÊAxst'. ppuojv (8). Médicin est des aultres en effecl : Toutesfois est (rulcères tout infect. (( De mode qu'en grande braveté (9) il se vente, et ne veult estre médicin estimé, si, depuis l'an de son âge vingt et huictiesme jusques en sa haulte vieillesse, il n'ha vescu en santé entière, exceptez quelques fiebvres éphémères (10) de peu de durée : combien (11) (pie de son nahirel il ne t'ust des plus sains, et cust l'estomach évidentenient (12) dys- crasié(i3). ^ Car, dict-il, lib.Y . de Sanil. liiend. (14), diffici- lement sera cru le médicin avoii- soing de la santé d'aul- ti'ui. (pii (le la sienne propre est négligent. » Encore plus (1) Des livres sacrés, du f^^rec [î^6Ào;, livre, t'I du latin sacer, sacré. (2) Coniui. (3) Chrétiens. (4) L. II. De rUsafje des ixtrlies. (6) L. II. Des f)i/Jërences fin pouls et des Ptilsalions du ctrur, cli. 3. (G) Et livi'f m. ch. 2, du même ouvrage. (7) On doit lire ici comme dans l'édition sans ilali' de Lyon (.Ican .Martin), De liennin a/feclihus, des afTeclions des reins. (8) Plutarque, dans son discovu's contre l'épicurien C.olotés, attribue cette sentence à un i)oèfe tragique grec. Les deux vers lran(-ais (|iu suivent, et qui en sont la ti'aduction, sont vraisemblablement de Rabelais. (9) En grande bravade, bravement. (10) « Lesquelles ne durent guère plus d'un jour natund. sçavoir est 2/f heures. » (Briefve Déclarulion.) (il) OiU)iqne. (l'j) l'^vidcnimcnl. (i3) De mauvaise conslilulion. Ce mol csl resté dans le langage médical et dans la langue d'oil. Du grec oj;, syllalu' entraînant l'idc-e dr peine, de difllculté', et y.sâai;. constitution. (i'i) L. \'. /)r lu mtiiiièn- de coiiseri'er sa Suitlé. 34o RABELAIS ANATOMISTE bravement se ventait Asclepiades (i) médicin avoir avecques Fortune convenu en ceste paction (2), que mé- dicin réputé ne fust, si malade avoit esté depuis le temps (ju'il commencea praticquer en Fart, jusques à sa dernière vieillesse. A laquelle entier il parvint et vigoureux en touts ses membres, et de la Fortune triumphant. Finablement (3), sans maladie aulcunc précédente, feit (4) de vie à mort' eschange, tombant par maie garde (5) du hault de certains degrés mal emmortaisés (6) et pourris (7). » Il arrive, malgré tout, qu'une maladie progresse et que tout espoir de guérison disparaisse. Alors «■ le prudent mé- dicin, voyant par les signes })rognostics (8) son malade entrer en decours de mort, par quelques jours devant advertit les femmes, enfants, parents et amis du décès imminent du mari, père ou prochain, affin qu'en ce reste de temps qu'il ha de vivre, ils l'admonestent (9) donner ordre à sa maison, exhorter et benire ses enfants, recommender la viduité de sa femme, desclairer ce qu'il sçaura estre nécessaire à l'entretenement (10) des pupilles; et ne soit de mort surprins (11) sans tester et ordoimcr de son ame et de sa maison » {12). (1) Asclrpiado, médecin de Bithynie au comnM^ncement du I^' siècle avant Jésus-Clirist, vint exercer son art à Rome, où il se lit une grande réputation et fonda une secte de médecins appelés Asclépiens. (2) Traité, accord, du \aVni paclio. Consult. Pline, 1. III, ch. xxxvii. (3) Finalement. (4) Fit. ^5) Par mégarde, (6) Mal emboîtés. (Nouveau prologue du livre IV.) (7) Dans le chapitre xxix du livre III, Rabelais avait déjà écrit : « les bons médicins donnent tel ordre à la partie prophylactique et conser- vatrice de santé en leur endroict, qu'il n'ont besoing de la thérapeuti(iue et curative par médicaments. » (8) Pronostics. (9) L'engagent instamment, du latin ad, augmejitatir, et/Mo/u'/'i', avertir, prévenir. (10) A l'entretien. (11) Surpris. (12) L. IV, ch. xxvji. ANATOMIE CHIRURGICALE 34 1 C'est ainsi que Rabelais se comportait vis-à-vis de ses clients et de la famille de chacun d'eux. Quant à ceux qui souffraient loin de lui, il leur destinait son livre comme un remède souverain. « En composant paresbat(i) cesmytho- logies pantagruéliques (2), a-t-il mandé au cardinal de Chà- tillon (3), je ne prétendois gloire ne louange aulcune : seu- lement avois esgard et intention par escript donner ce peu de soulagement que povois es (4) affligés et malades absents (5) : ce que voluntiers, quand besoing est, je fais es présents qui soi aident de mon art et service (6). » Il ne les guérissait pas, mais il s'estimait heureux de leur procurer quelques instants d'oubli. Et il en a connu « par le monde (cène sont fariboles) qui estants grandement affligés... n'ont trouvé remède plus expédient que de mettre lesdictes chroniques entre deux beaulx linges bien chaulds, et les appliquer au lieu de la douleur, les sinapizant avecques (1) Disfi-action, commo passo-temps, (2) « Faljuleuses narrations; c'est imdicton groc. » lit-on dans la Bvicfve Déclaralion, attribuée à juste titre ;i Rabelais. (3) Dédicace du livre IV. (4) Aux. (5) « C'est, disent Rurgaud et Ratliery, le témoignage que rend à Ra- belais Louis Rouzeau, lorsque, après avoir fait son éloge, il ajoide : Hoc elo(/iiim homini debiii quia non varo abeo melancholia Iiild, cilô eljiicundè liberalus siim. Je dois cet éloge à cet homme parce qu'il n'est i)as rare qu'il m'ait délivré de mélancolie entièrement, rapidement et joyeusement. » (6) Dans l'ancien prologue du livre \\\ le docte médecin chinonais a allirmé non moins catégoriquement que c'est pour essayer de distraire les malades qu'il ne pouvait directement soigner qu'il a écrit Gargantua et Pantagruel, \oici en quels termes : « Mes calunuuateurs les ont tollus (enlevés) es malades, es goutteux, es infortunés, pour lesquels en leur mal esjouir (réjouir) les avois faicts et composés. Si je prenois en cure tous ceulx qui tombent en meshaing (ennui, chagrin et aussi nuitilation) et maladie, ja besoing ne seroit mettre tels livres en lumière et impres- sion. i< ... Puis done que possilde n'est (pie dr lonts malailes soyeappellé, que lf)uts malades je [)renne en cui'e, quelle envie est-ce tollir ('s laiigoreux et malades le plaisir et passe lenqis joyeuix sans oITense de Dieu, du roy ne d'aultre, (pi'ijs prnini'nl (»y;iMls en iiioii idiscnce l.i Ircliii-f de ces livres. » 342 RABELAIS ANATOMISTE un peu de pouldre d'oribus (1)... F^st ce rien cela? Trouvez- moi livre en quelque langue, en (juelque faculté et science que ce soit, qui ait telles vertus, propriétés et préroga- tives et je payerai chopine (2), » Ce n'est pas un paradoxe de soutenir qu'il y a, en effet, dans la verve joyeuse, dans la puissante fantaisie, dans le franc et large rire du médecin philosophe, une vertu curative qui rassérène l'âme et fortilie le cœur. Montesquieu déclare qu'il n'a jamais 'eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé. Il estdifticile de l'en croire sur parole; mais n'est-il pas bien des soucis que le tète-à-téte avec un chef-d'œuvre de l'esprit peut tout au moins nous faire oublier? Et quel écrivain est plus capable d'opérer ce charme que Rabelais? Souvenons-nous des préceptes de Maître François. Si nous n'avons pas en nous cette source vive de belle humeur qui lui suffisait pour guérir <( les langoreux et les mélan- choliques par la transfusion en eulx de ses esperits joyeulx », essayons du moins de ranimer leur courage par des paroles consolantes et par un visage qui inspire la sympathie et la coniiance, comptons avec l'amour instinctif de la. vie, prenons garde de faire naître ce frisson de mort Uni contracte la cliair sur le cœur le plus fort. Agir autrement, c'est retrancher à la douleur son meil- leur palliatif, l'espérance. Pour le médecin comme pour le malade, pour celui qui lutte comme pour celui qui souffre, l'optimisme est une grande force (3). (1) Cette poudre crorihus, dont aucun conimentateur n'a pu déterminer la nature, est tout simplement l'espèce de colophane que laisse tomber en brûlant la chandelle de résine ou oribus dont on se sert encore dans les villages du centre de la France. (2) Prologue du livre II. (3) On ne me saura pas mauvais gré, j'espère, de ni'ètre écarté momen- tanément de mon sujet pour tracer le modèle du parfait médecin, d'après Rabelais. Je ne l'ai lait que pour préciser certaines particularités de la vie médicale de Maître François restées obscures ou mal interprétées. ANATOMIE COMPARÉE ANATOMIE COMPARÉE Quand on lit les ouvrages des auteurs anciens, on est stupéfait de constater combien les choses les plus évidentes, les plus faciles à voir, ont été mal vues. Pline a ajouté foi non seulement aux récits fantastiques de tels ou tels voya- geurs hâbleurs, mais encore à des assertions dont il eût pu contrôler aisément l'inexactitude. En ouvrant au hasard VHisloire naliirelle de ce naturaliste, j'apprends : « Que la langouste a une telle frayeur du poulpe qu'elle meurt de peur dès qu'elle l'aperçoit, et que les pourceaux cherchent les écrevisses et les mangent quand ils sont malades. » Et ce n'est pas seulement chez les auteurs anciens, c'est aussi chez les écrivains du xvi^, du xvii^ et môme du xviii^ siècles qu'on trouve de ridicules fables. Claude Duret, de Moulins (i), a décrit minutieusement, avec des dessins à l'appui, deux arbres doul lun est cou- vert de feuilles, pourvues chacune de deux pieds pour pou- voir aller se promenei-, et dont l'autre est chargé de fruits qui sont transformés en oiseaux quand ils tombent sur le sol, en poissons quand ils tombent dans l'eau. (i) V.\. DiHKT, Iiisloiri' (tdminihl)' des plunli's el lierhen rsmcvveillabU'a et mirtiiiili'iisi's en luihirc, nu'snwn iritiicnnes 7»; sont rniifc: zoo/>hilrs nu {thmlanimii/i-ii. jihmlfs ri aninuiii.r loul cnsemblt', j)oitr tiroir vie rétjélalirc, sfiisilire ri anirtutlc. Iii-i?. ; Pniis. chez Nicolas Buon, 1600. 3^() RABELAIS ANATOMISTE Le mémo auteur a écrit ailleurs (Cl. Duret, Discours de la vcrilc des causes el effecls des divers cours, flux et reflux el saleure de la mer Océane, mer Médilerranée el aulres mers de la terre. — In-12; Paris, chez Jacques Reze, iGoo) : « Il s'engendre dans la mer deux fois plus de sortes d'animaux que sur la terre ; non seulement les poissons, mais aussi quelques oiseaux nommés bernaches. Même on voit plusieurs autres oiseaux naître du sel qui est dans les navires. » Ce mode de génération semble une absurdité colossale. Qu'on ne s'indigne pas trop vite! Au temps de Louis XIV, le célèbre médecin alchimiste van Helmont a affirmé que les souris étaient engendrées par le linge sale ; beaucoup plus récemment, Réaumur a prétendu que le scorpion placé sur des charbons ardents se suicidait en s'enfonçant son aiguillon dans le ventre })Our se soustraire au martyre de samt Laurent; on croyait encore, il y a cinquante ans, à la génération spontanée des champignons et des moisissures. Voici, à titre de spécimens de niaiseries, quelques cita- tions extraites d'un petit livre fort curieux, datant de 1071 et intitulé La Description philosophale forme et nature des b est es : (( La chair de l'owrs étant cuite croît. L'ours n'a point de sang qu'autour du cœur. Quand il a la vue troublée, il cherche des mouches à miel et les mange, et les mouches poignent (1) l'ours de leurs aiguillons, le faisant saigner, et sa vue s'en éclaircit. « Quand la sinçjesses.àe\x\ faons, elle porte entre ses bras celui qu'elle aime le mieux, le serrant par grand amour si fort qu'elle le tue, et, quand elle le voit mort, elle nourrist l'autre plus simplement. (1) Piquent, «lu latin piinyere. ANATOMIE COMPARÉE 3/|y « Le singe se réjouit qu;and la lune est nouvelle, et est triste quand elle est pleine ou vieille (i). (« Le cer/, quand il est grevé de maladies, attire un petit serpent par le vent des narines, et le mange, et il est guéri. « Le bouc est de si chaude nature que son sang chaud brise la pierre du diamant qui ne peut être brisée ne par fer ne par feu, etc., etc. » Ambroise Paré, qui a eu l'idée simple et admirable de lier avec un fil l'artère coupée qui donne du sang, Ambroise Paré, un des plus grands chirurgiens français, a subi lui- mêni(» l'influence des préjugés de son temps, raconté les his- toires les plus extraordinaires et donné V image au naturel d'êtres étonnants. « L'an mil cinq cent-dix-sept, dit-il dans le chapitre de ses Œuvres consacré à l'élude des monstres, en la paroisse de Bois-le-Roi, sur le chemin de Fontainebleau, nasquit un enfant ayant la face d'une grenouille, qui fust vu et visité par (i) On a pn'tondu de iiirinc, jadis, que la lune à ses diverses phases avait une iutluence dilléreute sur lorgaaisme humain. « Quoiqu'il semble démontré, dit Zimmermann dans son Tniilé de l'ex- périence, que la lune n'a point d'influence sensible sur la terre, on croit cependant pouvoir prouvei* quelle en a sur l'homme. La dissertation cjue Mf'ad a écrite pour le pi-ouver est utile à certains éifards, mais elle porte sur un lau.v principe ; il prétend, en elîet, que la lune, par sa force attrac- tive plus grande lorsque la lune est pleine ou nouvelle, élève notre atmos|)hère; que par l;i Tair cpii nous environne immédiat(;ment devient |)lus léger, et que notre corps est moins conqirimé. Il ain'ive de là, selon lui, que les tluides se iiortent en plus grande ipiardité vers la superficie, étendent les vaisseaux et les ouvrent quehpiefois. Mead croit pouvoir expliquer ainsi le retour de loules les alTections qui se règlent sur le cours de la lune, et que ce pluMioniènc acM'ien est la cause des écoiiJiMnents périodiques des femmes. ■ " La lune estant humide (lors principalement (piClh; est pleitu-) remplit les corps d'humidili- supt-rllue, dont sui'vienf p(»ui'rit\ire. » (A. Pahk, y' ch. de In Pesle.) ■ Je croi, dit Panurge, (pie 1 innbre de monseigneur Pantagruel en- gendre les altérés, comme la lune faict les catarrhes. — A quoi se |)rindrent à rire les assistants. » (L. ILch. xiv.) La seconde phrase, à (jiioi se /irindrenl à rire les assislunls, indi(pu> clairemenl que Maître Fran(;ois n"a pas cru à Ijction de la lune bur riiunianilé. 848 RABELAIS ANATOMISTE Maistre Jean Bellanger, chirurgien en la suite de l'artillerie du roi. Ledit Bellanger, homme de bon esprit, désirant sçavoir la cause de ce monstre, s'enquit au père d'où cela pouvait procéder, lequel lui dit qu'il estimait que sa femme ayant la fièvre, une de ses voisines lui conseilla pour guarir sa fièvre qu'elle print une grenouille vive en la main, et qu'elle la tîntjusques ace que ladite grenouille fust morte... Et par la vertu imaginative, ce monstre avait été ainsi produit. » Selon Ambroise Paré : « J^a première cause des monstres est à la gloire de Dieu ; la seconde est la colère de Dieu; la troisième, la trop grande quantité de semence; la quatrième, la trop petite quantité ; les autres, l'imagina- tion, fangustie ou étroitesse de la matrice, les maladies hé- réditaires, l'artifice des méchants bélîtres, les démons et diables, etc. » En 1720, au lendemain de la peste de Marseille, Mau- get, docteur en médecine, médecin de S. M. le roi de Prusse et membre de plusieurs sociétés savantes, s'est étonné de voir certains hommes n'avoir aucun soin de leur santé. Elt il s'en est étonné en ces termes vraiment mirifiques : « Je prie ces hommes de considérer que les animaux même condamnent cette folle opinion du destin en suivant l'instinct naturel que Dieu leur a imprimé, d's leur nais- sance, pour chercher les remèdes qui leur sont convenables et nécessaires. L'hirondelle prend la chélidoine (1) et l'ap- plique sur les yeux aveugles de ses petits, afin de leur rendre la vue ; la cigogne se donne elle-même un clystère avec son bec qu'elle remplit d'eau salée, afin de purger son ventre des humeurs qui l'incommodent (2) ; le cheval ma- (1) Chelidonium majiift, la grande éclair, plante de la famille des Papa- véracées. Du grec x.£^i5«ijv, hirondelle, parce que, dit-on, cette plante fleu- rit au retour des hirondelles. (2) La croyance que c'est l'ibis et la cigogne qui ont enseigné aux hommes l'usage du lavement, et l'hippopotame l'usage delà saignée, a été générale dans l'antiquité et au moyen âge. On trouve encore un reflet ANATOMIE COMPARÉE 3^0 rin(i) se saione avec la pointe d\in roseau dont il s'ouvre la veine, afin d'évacuer une partie du sang qui cause son mal ; la belette mange de la rue (2), atin de se guérir de la morsure du serpent. Et nous verrons après cela des hommes si bru- taux et si stupides qui, étant attaqués, ne se mettront point en mesure de prendre les médicaments qui leur sont néces- saires. C'est ce que je ne puis comprendre. » Il ne tiendrait qu'à moi de. multiplier à l'infini ces sottes légendes et croyances. Mais je pense que celles-ci et celles du premier de ces préjugés dans la cigogne qu'on voit dans la viti'ine de la tlevanture de quelques vieilles pharmacies. Pline, qui a attribué à ribis rinvention du lavement, n'a fait que coi)ier Diodore de Sicile. Le nom du roi Toth s'écrit au moyen de l'hiéroglyphe de cet oiseau. Prenant ribis pour sa valeur figurative et imaginant le bec qui sert de canule, le narrateur grec aurait, selon quelques-uns. grotesquement travesti une tradition sérieuse, celle de l'antiquité du neler halajxi, autrement dit du remède cher à M. de Pourceaugnac. Selon quehiues autres, et M. Maspéro est de ce nombre, libis aurait été, dans l'ancienne Egypte, iJarlaitenient bien considéré comme l'inventeur du lavement, et cela par suite de l'ha- bitude qu'a cet oiseau de recueillir la matière graisseuse qui se trouve aux environs de sa ({ueue, pour lustrer ses plumes. (1) L'hip[)opotame, du grec iKKot;, cheval, et ;:ota(xo;, lleuve, a été ainsi d<'Mionuné par les Grecs, à cause : i" de sa eoui'se rapide et du séjour (pi'il lail dans les fleuves; 2" de son cri (pii a quelque rapport avec celui du cheval. Quoi qu'en ait dit Pline, ce pachyderme amphibie fuit l'eau salée. « Cet animal, qui est très sanguin, sait se tirer lui-même du sang dune nuuiièi-e i)arliiulière. Pour cet effet, cet ainmal chei'che la pointe tran- chante d'un rocher, et s'y frotte jusipi'à ce (ju'il se soit fait une ouverlure assez considérable pour en laisser ccuder le sang. Il se donne alors bcjui- coup ih; mouvement pour le faire sortir en plus grande quantili'-: et loi-squ'il juge qu'il en a perdu assez, il se roule dans la fange, ;iliii de fermer la blessure qu'il s'est faite. On ne trouvei'a rien dinqjossible d;iiis ce rajjpoi'l, mais comment le Père Labat a-l-il découvert celle sijigula- rib'-'.' H (Hli-i'on, I/isloirc naliirrlle.) {2) Jiiilu (jrareolcns, plante de la faunlh' îles /luldci'cs. Parmi les autres bètes auxquelles Arislole el Pline avaneenl que les hommes doivent l'endrc grâce pour leur avoir iiulitiué divers remèdes pn'-cieux. Mauget eût pu ajouter : Les sei-penis aveugles, qui se frolleid les yeux de fenouil pour revoir la clarté des eieuv : les r;iniiers. les merles, les perdrix, qui nuingentdes feuilles de laurier (piaïul ils sont consli[)és, etc. « L'invention d'abattre les tayes des yeux appelées cataractes fut trouvée, dit Ainliiojse Pan' (loc. cil. snprà, p. .')(»), par une chèvre ipii avait une la\e (lésant la |»npille, se frottant et gallaid contre des espim-s, aiiallii ladite la\e de devant la pupille, et [lai' ce moyen recouxra la vue.» 35o RABELAIS ANATOMISTE que j'ai indiquées en parlant des reptiles énumérés par Eusthenes (Voy. Anatomie descriptive, Appareil digestif: La salive, comme une navette) donnent une idée ^lus que suffi- sante de la crédulité sans borne de la plupart des anciens naturalistes. Dans Gargantua et dans Pantagruel^ on trouve égale- ment, à côté d'observations très fines et très judicieuses, des observations singulières. En voici quelques-unes pré- sentées sous forme de considérants. « Messer Gaster (i), premier maistre es arts du monde, ne trouvoit difficile de faire les bouUets arrière retourner contre les ennemis : <( Attendu que Therbe nommée étbiopis ouvre toutes les serrures qu'on luy présente (2) ; et que echineis, poisson tant imbécille, arreste contre touts les vents, et retienten plein for- tunal {'^) les plus fortes navires qui soient sus mer : et que la chair d'icelluy poisson, conservée en sel (4), attire l'or hors des puits, tant profunds soient-ils qu'on pourroit sonder (5). (1) Voy. Anatomie descriptive, Pliysiologie de l'appareil digestif. (2) Voy. Pline, 1. XXIV, ch. xvii, et 1. XXVI, cli. iv. (3) En pleine tempête. (4) Dans du sel. (5) Voy. Remores dans la liste des reptiles d"Eusthenes. Dans un vieux livre assez peu connu {le Microcosme, fig., avec une briefve exposition en vers françois, in-12 de la collection E. Louvet, de Fon- tainebleau), ie trouve, au milieu de beaucoup d'autres choses réjouis- santes, ces trois stances : Il se trouve un poisson, le remore nommé. Es écrits des anciens grandement renommé Pour la grande vertu qui dans son corps habite, Ors que de ce poisson la force soit petite. Ce poisson merveilleux, attachant son museau Contre le gouvernail de quelque grand vaisseau, Quoi qu'il ait vent en poupe et ait un bon i)ilote L'arrête tout dun coup au milieu d'une flotte. Et quoique de ramer on fasse tout devoir, On ne verra la nef pour cela se mouvoir Non plus que si la dent de quelque ancre fichée Bien avant la tenait fortement accrochée. ANATOMIE COMPARÉE Ôi31 « Attendu que Democritus escript, Théophrast l'ha cru etesprouvé, estre une herbe, par le seul attouchement (i) de laquelle un coin de fer profundement et par grande vio- lence enfoncé dedans quelque gros et dur bois, subitement sort dehors (2). De laquelle usent les pics mars (vous les nommez pivars), quand de quelque puissant coin de fer Ton estouppe (3) le trou de leurs nids, lesquels ils ont accoustumé industrieusement faire et caver (4) dedans le tronc des fortes (5) arbres (G). (i) Au seul contact. (2) Pline a emprunté, en elïet, celle fable à Déniocrite et à Théo- phraste. (Voy. Plixe, 1. XXV, ch. 11, 1. XXVIII, ch. viii,et 1. X, eh. xviii.) (3) Bouche. ('1) Ci'euseï'. Le pic-vert, pivert ou i)igrolier {Pictis mtirliiis), est uu oiseau grimpeur qui creuse son nid à 5 ou 6 mètres au-dessus du sol, dans un arbre vermoulu et de bois tendre et de prélerence dans un tremble. Il perce avec son bec long, anguleux, comprimé en coin, la par- tie vive de Tarbre, jusqu'à ce qu'il rencontre le ceidre carié, où il s'établit après avoir l'ejeté au dehors avec ses pieds la poussière et les copeaux. -V l'approche des pluies, il jette un cri plaintif qui peut se rendre par la rép(''fition du monosyllabe plieit et qu'on entend de très loin dans la campagne. C'est sans doute à la facultc- qu'il possède de prévoir le temps (pu* cet oiseau a dû d'être appelé avis j)liu'ialis par les Anciens, rain fiill pai- les Anglais, /j/'ot»/rn/- de meunier par les liourguignons, et d'avoir été mêlé à la mythologie des héros du Latiuni et considéré par les Romains comme uu être mystérieux dont les mouvements étaient signi- ficatifs et les apparitions fatales. (5) Rabelais a conservé aux substantifs dérivés du latin ou du grec le genre qu'ils ont dans la langue d'où ils sont tirés : arbre est [)our lui féminin comme arbor, navire comme naris, etc. (G) On retrouve des traces de cette légende dans divers pays allemands. « En Franconie, il existe, dit Musœus, une racine magique qui permet de découvrir les trésors les plus habilement cachés. Pour posséder cette racine, il faut connaître l'arbre où un pivert a fait son nid et boucher renln-e d(! ce nid avec un morceau d(> bois ou une pierre quaiul l'oiseau va cherchei- sa nourriture et (-elle de ses petits. A son retour, le pivert pousse des cris doiilonrcnx. |)uis s'envoh' tout à coup à tii-e-d'aile vers roccidcnt. Deux on trois joui's plus fard, il réapparaît tenant la racine iiMi\ lillciisc (Idiil il louche l'otijcl (pii fernu' le trou de l'arbre ; aussitôt cet «ibjfl es! Iaii<('' au dchoi-s avec violeuce.Ace uu»UH'nt, on doit édeudre sur II' sol lui large moi'ceau d'f''lo(Te écai'Iale; l'oiseau croyant voir du feu est effrayi- •■! laisse tomber la raciiif. Avant df s'en servir, il rst indispcii- sabh; de la suspcnilrc |n'iidaiil (pidqnr temps à un rameau vert. - 352 RABELAIS ANATOMISTE <( Attendu que les cerfs et bisches, navrés (i) prol'undé- nient par traicts de dards, flesches ou garrots {2), s'ils ren- contrent l'herbe nommée dictame, fréquente en Candie, et en mangent quelque peu, soubdain les flesches sortent hors (3), et ne leur en reste mal aulcun (4). De laquelle Venus guérit son bien aimé fils Eneas, blessé en la cuisse dextre (5) d'une flesche tirée par la sœur de Turnus juturna (G). « Attendu qu'au seul flair (7) issant (8) des lauriers, liguiers, et veaulx marins (9), est la fouldre destournée, et jamais ne les férit (10). u Attendu qu'au seul aspect d'un bélier les éléphants (1) Blessés. (2) Bâtons. (3) Voy. Pline, 1. MIL cli. xxvii, et I. XXV, ch. viii. Le dietanie paraît être l'origan, Oviganum diclainus, plante de la famille des Labiées. (4) Aucun mal. (5) Droite. (6) Voy. Virgile, Enéide, 1. Xll. (7) Odeur. (8) Émanant. (9) Le Calocéphale, veau marin {Calocephalim riliilinas), mammifère car- nassier amphibie du groupe des Pinnipèdes et de la famille des Phoques. Comme le phoque pousse de tenqjs en temps un mugissement qui res- semble à celui d'une vache ou d'un veau, les Anciens lui avaient donné le nom de veau marin. Au xvi^ siècle, Rondellet, le maître de Rabelais, voyait encore dans le Plioca crislala un moine ou un évéque marin : « De nostre temps, a-t-il écrit, en Nortuège (en Norvège), on a pris un monstre de mer ai)rès une grande tourmente, lequel tous ceux qui le virent incontinent lui donnèrent le nom de moine, car il avait la face d'homme mais rustique et mi-gra- tieux, teste rase et lize ; sur les espaules, comme un capuchon de moine, deux longs ailerons au lieu de bras, le bout du corps finissant en une queue large. Entre les bestes marines, Pline fait mention de Ihonime marin et du triton comme choses non feinctes. Pausanias aussi fait men- tion du triton. J'ai vu le pourtraict d'un autre monstre marin à Rome, où il avoit été envoyé avec lettres, par lesquelles on assuroit pour cer- tain que, l'an i53i, on avoit veu ce monstre en habit d"evesf|ue, comme il est pourtraict, pris en Pologne et porté au roy dudict pays, faisant cer- tains signes pour montrer qu'il avoit grand désir de retourner dans la mer, oîi estant amené se jecta incontinent dedans. » (Rondellet, De Pis- cibiis.) (10) Ne les frappe, ne les atteint, du latin fevive. (Pline, 1. VIII et L\'.) ANATOMIE COMPARÉE '^~^'^ enragés retournent à leur bon sens (i); les taureaulx furieux et forsenés approchants des figuiers saulvages (2), dicts caprifices (3), s'apprivoisent et restent comme grampes (4) et immobiles ; la furie des vipères expire par l'attouchement d'un rameau de fouteau (5). « Attendu aussy que en l'isle de Samos, avant que le temple de Juno y fust basti, Euphorion (6) escript avoir vu bestes nommées néades, à la seule voix desquelles la terre fondoit en chasmates (7) et en abysme. « Attendu pareillement que le suzeau (8) croist plus canore (9) et plus apte (10) au jeu des fleutcs en pays onquel (11) le chant des coqs ne sera ouï, ainsy qu'ont escript les anciens sages (12), selon le rapport de Theo- phrasle, comme si le chant des coqs hébéslal, amoUist et estonnat (i3) la matière et le bois du suzeau : auquel {i4) (1) Voy. Plutaroue, Propos de fable, 1. II. (2) Sauvages. (3) Figuiers de chèvres. (4) Surpris par une crampe. (Voy. Pline, 1. XXIII, cl», xxxvn.) (5) Hêtre. Pline a écrit que rôdeur du frêne l'ait également fuir les serpents et surtout les vii)ères. Est-il nécessaire d'ajouter (pu^ Redi a mis des feuilles de cette plante dans une cage renfermant des vipères et que ces reptiles, loin de fuir ces feuilles, se sont cachés sous elles. (6) Poète et historien du pays de Chalcide qui vivait 274 ans avant Jésus-Christ. (Voy. Elien, ///.s7. des animaux, 1. XVII, ch. xxvin.) (7) (iouffres, du laiin chasma. « Tiirn chasmala aperiunlui\ nlovs Ih terre s'entr'ouvre. » (SÉNÈyUE.) Les renseignements fournis sur les néades par Euphorion et Elien (Voy. Eliex, Ilisl. des animaux, 1. XVII, ch. xxviii) ne permettent pas de les rattacher exactement à un groupe quelconque des animaux connus aujourd'hui. (8) Le sureau. Le sureau est encore appelé suzeau dans (juelques vil' lages de la Normandie et de l'Anjou. (9) Harmonieux, mélodieux, du hitin canorus. «Aies canorus (Horace), l'oiseau mélodieux, » le cygne. (10) Convenable, du latin a/dus. (11) Dans lequel- (12) Dans le sens de savant, du latin sapiens. On dit encoi'edaiis les campagnes ardennaises : » sage comme un notaire ». (i3) Voy. Anatomi»' chirurgicale, p. 309, note 4- (l'i) L.-qiK-L •23 354 RABELAIS ANATOMISTE chant pareillement ouï, le lion, animant (i) de si p^rande force et constance (2), devient tout estonné et cons- terné (3). c< Et d'oresenavant soyez plus facilesà croire ce qu'asseure Plutarclie (4) avoir expérimenté : si un troupeau de chèvres s'enfuyoit courant en toute force, mettez un brin d'érynge (5) en la gueule d'une dernière cheminante (6), soubdain toutes s'arresteront. » Est-ce à dire que Maître François a été aussi crédule que les savants, môme les plus réputés, de son temps ? Non. La raison d'être des considérants sus-indiqués, ces considé- (1) Animal. (Voy. Pline, 1. XVI, cli. xxxvii.) (2) Hardiesse, assurance, du latin consianlia. (3) S'il fallait en croire Théophraste et aussi Pline et Lucrèce, le chant du coq mettrait en tuite le lion. Il ne serait pas absurde de croire qui] existe quelque antipathie de nature entre ces deux animaux, mais le fait est loin dètre confirmé par l'expérience. Les lions nourris dans les mé- nageries ne manifestent aucune frayeur quand retenlitauprès d'eux la voix du coq. Il est vrai qu'ils y sont peut-être accoutumés ; et il ne serait pas impossible que ces lions, vivant en liberté dans le désert, aient pris peur en entendant pour la première fois ce cri perçant et vraiment belliqueux. Quoi qu'il en soit, la terreur que le coq est censé inspirer au roi des ani- maux est devenue un des titres de gloire de notre oiseau national. Nos ancêtres se plaisaient à le représenter debout sur un lion et, dans cette po- sition périlleuse, entonnant aux oreilles de son ennemi humilié sa fanfare triomphante. Cette image s'est perpétuée jusqu'à nous, et le coq hardi est encore dans quelques-unes de nos provinces une des enseignes ordi- naires des cabarets et des auberges. De tous les coqs, le coq blanc est celui qui a passé et passe encore dans quelques contrées pour être le plus redouté du lion. Pourquoi? Écoutez l'illustre écrivain : « Ainsy que le dict Proclus, libro de Sacri- ficio el Magiâ, c'est parce que la présence de la vertus du soleil, qui est l'organe et promptuaire (du latin pvompluariiim, source) de toute lumière terrestre et sidérale, plus est symbolisante et compétente au coq blanc-, tant pour celle couleur, cjue pour sa propriété et ordre spécifique, qu'au lion. Plus dict, qu'en forme léonine ont esté diables souvent vus, lesquels à la présence d'un coq blanc soubdainement sont disparus. » (L. I, ch. X.) Proclus est un philosophe du v" siècle qui s'intitulait : le Prêtre de la nature entière. (4) Plutarque, loc. cil, suprà. (5) Panicaut, espèce de chardon. (6) D'une de celles qui cheminent les dernières. ANATOMIE COMPARÉE 355 rants eux-mêmes, plus surprenants les uns que les autres, la doctissime explication de la terreur du lion en présence d'un coq blanc, tout dénote ici encore un jeu de Tesprit du joyeux satirique. Rabelais a poussé si loin le scepticisme, en tout ce qui a trait aux sciences naturelles, qu'il a même mis en doute Texistence du singe vert (i), des chevaux polydactyles (2), du mouton à large queue, et relégué dans (1) « Lorsque Quaresmeprenant snbloil {siffkiil), c'ealoienl hollées de singea verds. » Sous les Valois, on disait proverbialement en France d'un récit invraisemblable que c'était hotlée de singes verts. Par cette méta- phore, il faut donc entendre, dans le cas actuel, que, lorsque Quaresmepre. nant sifflait, on l'entendait à peine, si on l'entendait. C'est une nouvelle confirmation de l'état débile, du manque de souffle du personnage en question. « Les tliériacleurs de Chaunys, en Picardie,... sont de nature grands jaseurs, et beaulx bailleurs de baillivernes en matière de singes verds. » (L. I, eh. XXIV.) Le singe vert existe, et a été très bien étudié par Vicq d'Azyr et Lordat (Vico d'Azyr et Lordat, Observations sur tjiielgnes points de l'anatoniie du singe vert ; Paris, 180/,.) C'est le Simia sabxa de Linné, le Cercopithecus sabseus de Cuvier, le Cercopithecus ex cinereo flavescens genis longis pilis obsilis de Briss, etc. Il a le corps vert, la gorge et le ventre d'un beau blanc et la face noire. Les marins l'appellent singe de Saint-Jacques, parce qu'on le trouve surtout dans cette île. ((ilaïuu-es d'EnwAuns.p. 10, iig. ibid.)Oi\ le rencontre aussi au Sénégal (Adanson, Voyage au Sénégal, p. 178) et sur le territoire de l'ancienne Carthage. (2) A ses contemporains, qui acceptaient av^euglément les récifs des voyageurs menteurs, le savant Chinonais a présenté la jument de (lar- gantua, donnée par Fayoles, cpiart roy deNumiilie, à Grandgousier : u La plus énorme et la plus grande «pie fut ()n([ues vu(î. et la plus monstrueuse : comme assez sçavez, que Afrique apporte tousjours quelque chose de nouveau. » Car elle avait la taille de six éléphants, les pieds four- chus du cheval de Jules César, immortalisé par Suétone, les oreilles aussi pendantes ^lue celles ties chèvres du Languedoc, le poil alezan brûlé mêlé de gris, une corne sur la croupe et la queue sendjlable ii la pile de (Mnq-.Mars, près de Langeais en Toui-aine, c'est-à-dire carrée, longue de 22 mètres et large de 4'", 17. <' Si de ce vous esmerveillez : esmerveillez-vous d'advantage de la queue lies béliers de Scythie, i\\w pesoit plus de li-ente livr(>s et îles moutons de Surie (Syrie), esquels faidt, si Tenaml dict vrai, afl'ustcr une charrette au c..., pour la poi-ter, tant elle t-st longue et pesante. » Les Équidés ont cin(| doigts à un momentde leur ontogenèse et Iliip- parioniît l'aïuîhitérium, leurs ancêtres des temps géologiques, reparaissent aiujrmalenKMit, le [tremier dans les chevaux à trois doigts, le secouil dans 356 RABELAIS ANATOMISTE l'île de Frize, au pays de Satin, dont les bêtes et les oiseaux étaient de tapisseries, et où « Ouï-dire tenoit eschole de tesmoignerie », les animaux fantastiques, voire même la girafe, les léopards, les dorcades, les pélicans, etc. Je lui rends la parole. Il n'a jamais mieux manié le fouet de la satire. A tout seigneur tout honneur, d'abord le portrait de Ouï-dire et de ses disciples : « Il avoit sept langues, ou la langue fendue en sept parties : quoi que ce fust, de toutes sept (i) ensemblement (a) parloit divers propos et langages divers ; avoit aussy parmi la teste et le reste du corps aultant d'aureilles comme jadis eut Argus (3) d'yeulx ; au reste estoit aveugle, et paralytique des jambes (4). Autour de lui je vid nombre innumérable (5) d'hommes et de les chevaux à cinq doigts, dont on a observé plusieurs exemples, sans compter Bucéphale, le fameux coursier d'Alexandre. Le mouton à large queue n'est pas davantage un mythe. Désigné en zoologie sous le nom cVOuis lalicdiidala, il est remarquable par la loupe graisseuse qui entoure sa queue. Ses principales variétés sont : le sleatopyr/a {avis slealopyya), de la Perse, de la Russieméridionale et de la Chine; le mouton à grosse queue, qui habite la haute Egypte; le mouton d'Astrakan, qui fournit une très belle fourrure, le mouton du Cap, etc. Non seulement Tenaud, dont la personnalité est toujours à détermi- ner, mais encore Hérodote (1. III, ch. ii3), Aristote (8, Animal., 28), Elien (,ch. 4 du 1. 10 des Animaux), Marco-Polo, Chardin, Boitard, etc., atrirment que chez certains de ces quadrupèdes la queue est si lourde qu'il faut la soutenir. (1) Ce chiffre fatidique était tout indiqué à l'impitoyable railleur. N'y a-t-il pas les sept jours de la création, sept ordres d'anges, sept plaies d'Egypte, sept sacrements, sept péchés capitaux, la bète à sept cornes de l'Apocalypse, le chandelier à sept branches, etc.? (2) Ensemble, en même temps. (3) Argus Panoptos, prince argien, époux d'ismène, lille de l'Asope, avait cent yeux, dont cinquante veillaient pendant le sommeil des cin- quante autres. Chargé par Jupiter de garder lo, il fut endormi puis tué par Mercure, et ses yeux répandus sur la queue du paon par la vindicative Junon. (4) On n'a pas besoin d'yeux ni de jambes, mais seulement d'une langue bien déliée et de beaucoup d'oreille quand on n'est que le porte- parole des autres. (5) Innombrable, du latin inniimcrabilis. ANATOMIE COMPARÉE I^By femmes escoutants et attentifs, et en recognut (i) aulcuns (2) parmi la trouppe faisants bon minois, d'entre lesquels un pour lors tenoit une mappemonde, et la leur exposoit sommairement par petits aphorismes, et y devenoient clercs et sçavants en peu d'heures, et par- loient de prou (l\) de choses prodigieuses élégamment et par bonne mémoire : pour la centiesme partie des quelles scavoir ne sufliroit la vie de l'homme : des pyramides du Nil (4), de Babylone(5), des Troglodytes (6), des Hymantopodes (7), desBlemmyes (8), desPygmées (9), (1) Reconnut. (2) Quelques-uns. En langage juridique, aucuns a encore ce sens. (3) Beaucoup. (4) Pyramides dÉgypte. (.5) Ancienne capitale de la (^haldée, sur lEuphi-ate, (6) Les habitants de la Troglodytique, contrée située au delà de l'Éttiio- pie, dans le golfe Arabique. Ils avaient sur la tète, en avant des maxil- laires, des cornes cjui descendaient jusqu'à terre (Albert Le Grand), couraient plus vite que des che^vaux (Cratès de Pergame), et logeaient dans des cavernes. Du grec TptoyXoojTat, fornn' de tpwy).r,, trou, caverne, et de Stivo) ou oûw, j'entre. (7) « Les Hymantopodes, peuple en Ethiopie bien insigne (remarquable du latin i/j.s/^7j/.s), sont Andouilles selon la description de Pline. » (L. IV ch. XXXVIII.) Les Hymantopodes étaient des peuples d'Ethiopie (|ui avaient les jambes et les pieds cagneux, et qui progi-essaient en rempant, à la ma- nière des serpents. (Voy. Pline, 1. V, ch. viii.) Du grec '[xxvtôttov;, qui a le pied tordu comme un cep de vigne. (8) Les Blemmyes ou Blemyes sont des i)euplades sauvages ([iii occu_ paient la parli<^ septentrionale de rÉtliicqjie. Les Anciens les confondaient avec ces races fabuleuses des tribus Allantides et Garamantides compo- sées de monstres ayant la tète dans la poitrine et formant, avec les Pyg- mées, la fraiisition entre le nègre et le singe. Du gi'ec p>,£[ji[xa, regard, aspect, visage. (9) Pour Aristote, les nains ou Pygmées (du grec rijvaaîo;. (h'i'ivé de nv»Y(XTf, coudée) étaient des hommes hauts de ileux coudées, (|ui logeaient dans des cavernes, près des sources du Nil. D'après Pline, les Pygmées étaii'id des lioniiuM'uIes qui descendaient, au printemps, montés sur des béliers, des montagnes de l'Inde pour venir vers la mer Orientale soutenir ti-ois mois dui"int la guerre contre les grues. Sur la carte de Mi'iT.ilor le mot de Piijiwi (Pygiué(>s) est inscrit dans la région située au sud d'Okosk. Il y a tout lieu de croire que les Pygmées des .Vnciens sont les peuples a|»|)elés .\kk;is. Akoas, Obougos, N'Kaniis. Mlioubuis et X)^ RABELAIS A,NATOMISTE des Ganibales (i), des monts Hyperborées (2), des Egi- panes (3), de touts les diables, et tout par Ouï-dire. « Là je vid, selon mon advis, Hérodote, Pline, Solin (4), Berose (5), Philostrate (G), Mêla (7), Strabo (8), et tant d'aultres antiques : plus Albert le jacobin grand (9), Pierre Baboukos, qui habitent au centre et sur le littoral de rAlriquc. Leur taille ne dépasse pas celle de nos adolescents de quinze ans. Le musée du Tro- cadéro possède quelques-unes de leurs armes ; ce sont des armes d'en- fant, mais non des armes de Lilliput. (1) " Habitent dans l'Amérique, au deçà et au delà de lÉquateur ; ^••ens cruels et mangeurs d'hommes, principalement leurs ennemis. » (Alphabet de l'auteur. ) (2) Des monts au-delà de Borée (voy. p. 233, note 4)- Les Grecs appe- laient ainsi les monts Ripsées : Vers les chamiis hyperboréens, J'ai vu des rois dans la retraite Qui se croyaient des Antonins. (Voltaire.) (3) « Le Nigris prend sa source entre les Ethiopiens et les Ecaliques... viendraient ensuite les Atlantes, les iïlgipans, demi-animaux, moitié homme et moitié bouc. » (Pline, 1. V, ch. viii.) Du grec a'iÇ, chèvre et Pan, le premier des dieux champêtres. (4) Solin (C. -Jules), contcnqjorain d'Héliogabale, a laissé, sous le nom de Polyhistor ou le Savant, une compilation de cinquante-six chapitres. Elle se compose de notices, la plupart géographiques, tirées de divers auteurs et princii)alement de Pline le Naturaliste. (5) Prêtre de Bélus et historien qui vint, vers l'an 263 avant Jésus Christ, à Athènes, où il fit connaître le cadran solaire. On trouve dans Flavius Josèphe C|uelc{ues fragments de ses œuvres. La plus importante d'entre elles est une Histoire de la Chaldée, où il est question de la créa- tion de l'homme et d'un déluge universel. (6) Nom commun à deux sophistes grecs, natifs de Lemnos. Le pre- mier a composé plusieurs ouvrages dont les plus connus sont la Vie des sophistes, les Hévoïdes et la Vie d' Apollonius de Tyane, Le second, neveu du précédent, a écrit un livre intitulé Images ou Description de tableaux. (7) Mêla Pomponius, géographe, né en Espagne vers la fin du i"' siècle, a laissé une Description de l'univers (De Situ orbis) en trois livres, où ron remarque beaucoup d'exactitude et de discernement. (8) Célèbre géographe qui vivait sous Auguste et Tibère. Il reste de lui une géographie pleine d'érudition. Avant de la publier, Strabon avait parcouru la majeure partie du inonde connu, afin de s'instruire et de rassembler des documents authentiques. (9) « Albert le Grand », dit le Bibliophile Jacob. Peut-être Alberti de Bologne, savant religieux (i479-i5o2). ANATOMIE COMPARÉE 869 Tesmoing (1), pape Pie second (2), Volaterran (3), Paulo Jovio (4), le Vaillant homme (5), Jacques Cartier (6), Chaï- ton arménian (7), Marc Paule vénitien (8), Ludovic ro- (1) Pierre Martyr d'Aiigiera, auteur d'une des premières descriptions de TAmérique sous ce titre : De navigalione el rébus Oceani et terris suo tempore apertis. « Il est ici désigné sous le nom de Pierre Tesmoin, parce que ji.apTup en grec signifie tesmoin en François. » (Le Duchat.) (2) ^ïlneas Sylvius Piccolomini, pape de i458 à i464- H !' composé divers ouvrages géographiques mis à contribution par H. Scliedel dans le fameux Liber chronicorum mundi. Citons parmi eux le De orlii rerjione ac gestis Bohemoriim et la Descriplio de situ, rilu, mnribus et conditione Ger- mon iœ. (.3) Ra[)haël Maffey, dit A'ulaleri'anus, à cause de son lieu de nais- sance (Volatcrros), auteur d'un gros volume géograpiiique : Commen- iarii rerum urbanarum, libri XXX\M1I, inq)rimé au commencement du xvi" siècle. (4) Pau! Jove, surnommé Plume d'or, historien latin moderne, né à Côme en i483, mort en 1552. Ses principaux livres sont un Traité des poissons et un manuel g(V)gra[)hique : De Piscibus romanis libellus, i545, in-8, ci Descriptiones ipiotquol e.rslant regionum attpw locorum. (5) « C'est André Thevet. dit le bibliophile Jacob, qui n'avait rien publié du vivant de Rabelais, mais qui voyageait alors dans le Levant. » (6) Jacques Cartier, né à Saiid-Malo en 1494, a visité dans trois voyages successifs Terre-Neuve, les îles .Madeleines, les l)aies Le Caspé et des Chaleurs, le Saint-Laurent, etc. Une maison qu'il fit bâtir près de Saint- .Malo s'appelle encore aujourd'iiui les Portes Cartier. Il a résumé les aveidui-es de ses longues pérégrinations dans un livre intitulé : Brief Récit de la navigation faicte es isles du Canada, Ilochelage, Saguenay cf aultres, i5'(4. Des deux pilotes de Pantagruel, l'un, Jamet Hrayel, est Jacques Car- tier. Rabelais rai)pelle Brayet parce ([ue Cartier, Breton bretonnant, por- tait la culotte nationale bretonne, la braye, ou bragou-braz. Quant à Jamet, c'est un diminutif de Jame (Jacques) en Anglais. (7) Haïton, tameux voyageur arménien, sur la lin du xiii* siècle et au comiiicncemeut du xiV. (V'oy, Vctssivs, Historiens latins, [). 497-) " Les anciens Français préposaient volontiers le C h de certains noms comme Huns, lllotaire et Hlovis. (pi'ils aspiraient extraoï-dinaii-fMuent. » (Le DUCIIAT.) (8) Marco- Paulo, né à Venise en 1254, mort en i323. C'est le plus cf'lèbi'e de tous les voyageurs du moyen Age. Il a parcouru la Tar- l.nie, leinpire des Mongols, la Chine, le Tliibel. l'Inde, Ceyian, la liinnanie, lAniiam, le (iandiodge, le Toid^iii, les cotes du Japon et de .lava, la Perse, l'Arnu'iiie, etc. « Au lenqts de Rabelais, la relation des excursions lointaines de Marco-Paulo n'avait pas encore ('dé publiée en italien, mais les manuscrits en étai<'nl l'oid communs. " (Bibliophile Jacob.) 3B() RABELAIS ANATOMISTE main (i), Pierre Alvarez (2), et ne sçai combien d'aultres modernes historiens cachés derrière une pièce de tapisserie, en tapinois escripvant de belles besognes, et tout par Ouï- dire. « Derrière une pièce de velovu's figuré à feuilles de menthe (3), près d'Ouï-dire..., nombre grand de Perche- rons et Manceaulx (4), bons estudiants, jeunes assez..., apprenoient à estre tesmoings, et en cestuy art proiictoient si bien que, partants du lieu et retournés en leur province, vivoient honestement du mestier de tesmoignerie, ren- dants seur tesmoignage de toutes choses à ceulx qui plus donnoient par journée, et tout par Ouï-dire. » Après cela, on conçoit que les tapisseries du pays de Satin soient décorées de dessins et de monstres hideux, hurlants, grimaçants, inconnus en zoologie, et d'animaux connus en zoologie, mais merveilleusement dressés pour le plaisir des yeux. Ainsi « y vismes, poursuit le romancier-médecin, que n'avions encores vu ; entre aultres y vismes divers élé- phants, en diverse contenance (5) : sus touts j'y notai les six masles et six femelles, présentés à Rome au théâtre par leur instituteur (6), au temps de Germanicus, nepveu de l'empereur Tibère, éléphants doctes, musiciens, philosophes, danseurs, pavaniers (7), baladins : et estoient à table assis (1) « Ludovic Vai'tomanni de Bologne, auteur d'un voyage dans TAlVique et TAsie écrit en italien. » (Bibliophile Jacob.) (2) Pierre Alvarez Capral, Portugais qui lit, en i55o, un voyage à Cal- cutta qu'on trouve dans le IIP volume des Navigations recueillies i)arRa- musio. Dans plusieurs des éditions anciennes ce nom est écrit AUiares, Alliâtes. (3) « Jeu de mots sur menthe et menterie. » (Bibliophile Jacob.) (4) Les Percherons et les Manceaux ont, comme les Gascons, la réputation d'être très hâbleurs. (5) Posture, maintien, du latin conlinenlia. (6) Celui qui les avait dressés. (7) Danseurs de pavane ou de padouane, espèce de danse cultivée ou inventée à Padoue, sçlon Ménage. La pavane se dansait encore au xvn« siècle- ANATOMIE COMPARÉE 36 1 en belle composition, buvants et mangeants en silence, comme beaulx-pères (i) au réfectoir (2). Ils ont le museau long de deux coubdées (3), et le nommons proboscide (4), avecques lequel ils puisent eau pour boire, prennent palmes (5), prunes et toute sorte de mangeailles, s'en deffen- dent et offendent (6) comme d'une main (7) : et au combat jectent les gens hault en Taer, et à la chute les font crever de rire (8). Ils ont moult (9) belles et grandes aureilles de la forme d'un van. Ils ont joinctures et articulations es jambes : ceulxqui ontescript le contraire, n'en virent jamais qu'en paincture (10). Entre leurs dents ils ont deux grandes (1) En tôte (lu IV' livre de Pantagruel on lit : *' Composé par M. François Rabelais, docteur en médicine et Calloier des isles Hyères. » Calloier, de r.aXôç et Ugo;, que les jésuites et les moines traduisaient par « bon père », était traduit par « beau-père ■> par les mauvaises langues. Or (ja, Jacobins, Cordeliers, Auguslins, Carmes, Bordeliers, D'où vient qu'on vous nomme beaux-pères? C'est qu'à l'ombre du crucifix, Souvent faites filles et fils En accointant les belles-mères. (•1) On peut avoir une idée du haut degré d'intelligence et d'éducabilité de l'éléphant dAlrique en consultant les annalistes romains des guerres contre Pyrrhus et les Carthaginois. Elien, Plutarque, Solin, Pline, Trelzes, n'ont même pas craint de donner à cet animal des mœurs raisonnées, une religion, etc. .Se ahlannl et purifu-ant. dein (utorant xolem et liinam. Cudavera nui (jeneris sepeliiinl. Sagiltas ejlrahunt lunnuam cluriiri/i jierili, el«'- (.'i) Ancienn*' mesure coi-respondaid à la longueur de la portion du mendjre sujKTit'Ui' de llionimc comprise enli-e le coude et lextrémifr'' des doigts. ('1) Trojupe, du gr(>c 7:30001/.;';. f/éléphant est un pachydernu" de l'ordre des Proboscidiens. (.5) Des branches garnies de feuilles, du \i\\'\u palma. (6) Atta^jucnt, du latin o/fcndrrc. (7) Vetcres profjosridrni rlrplutiiti mnmim appctlarrrnnl. (N'artomams apiul (Jesner, cap. De Elcphnnto.) (>)nsult. aussi Aiustotk, /^c I*art. anim. 1. II, ch. XVI, et le même. ///.s/, animât. 1. II. «h. 1. (8) Voy. Plink, 1. \111. .h. 11 .•! m. (()) Hien, 1res bfdles, du latin nuittnm. (lo)(>'est Ctt'sias, méd<>cin d'.Xrtaxci-xés Mni'uioM.qui a écrit le premier que r<''l(''phanl axait les jjuidx's sans artiiidalinns, (piil ne pouvait se cou- 362 RABELAIS ANATOMISTE cornes, ainsy les appelloit Jiiba (i); Pausanias dist cstre cornes, non dents (2) ; Philostrate tient que soient dents, non cornes (3) : ce m'est tout un, pourvu qu'entendiez que c'est le vrai ivoire (4), et sont longues de trois ou quatre coubdées, et sont à la mandibule supérieure (5), non infé- rieure. « Si croyez ceulx qui disent le contraire, vous en trouve- rez mal, voire fust-ce Elian, tiercelet de menterie (6) Là, non ailleurs, en avoit vu Pline, dansants aux sonnettes sus chordes, et funambules (7) : passants aussy sus les tables en plein banquet sans offenser (8) les buveurs buvants. « J'y vid un rhinocéros, du tout semblable à cestuy que Henry Clerberg (9) m'avoit aultresfois monstre : etpeudiffé- roit d'un verrat qu'aultresfoisj'avois vu à Limoges, exceptez qu'il avoit une corne au mufle longue d'une coubdée, etpoinc- tue, de laquelle il ausoit entreprendre un éléphant en com- cher ni se redresser, et que, loi-squ'il était blessé, il s'appuyait contre un arbre pour se soutenir, etc. Cette fable a été acceptée par Aristote, Dio- dore deSicile, Strabon, saint Ambroise, Cassiodore, etc. Ce (jui a i)u l'ac- créditer, c'est sans doute : A) La forme cylindrique des jambes de l'éléphant qui ont l'air d'être tout d'une pièce et sur lesquelles on aperçoit difficilement la trace des jointures ; B) Le mode de flexion des jambes qui est différent du mode de flexion des jambes des chevaux, parce que les jambes ne sont pas conformées sur le même plan dans les deux espèces ; 6') Le fait que l'éléphant, appuyé sur ses quatre membres comme sur quatre colonnes, dort souvent debout. (1) Noms de deux rois de Mauritanie, dont le second, vaincu par les Romains, a écrit à Rome des ouvrages sur l'histoire, la géographie, etc. (2) Pausanias, les Eliaques. (3) Philostrate, Vie rV Apollon, II, i3. (4) Voy. Anat. descriptive. Appareil digestif : Lea dénis, comme un rouge. (.5) La mâchoire supérieure. Celte observation est exacte, ainsi que celle concernant l'ivoire des défenses des éléphants. (6) Triple menteur. L'///s/o/re rfe-s anzmaiicc d'Elien est pleine d'erreurs. (7) Et marchant sur la corde, du latin funis, corde, et ambulo, je marche . (8) Sans attaquer, du latin offendere. (9) Encore orthographié Hans Cleberg et Haue Clebeir, personnage inconnu. ANATOMIE COMPARÉE ofj3 bat, et cricL'Ile le poignant (i) soubs le ventre (qui est la plus tendre et débile partie de l'éléphant) (2), le rendoitmort parterre. J'y vid trente-deux unicornes (3) : c'est une beste félonne (4) à merveilles, du tout semblable a un beau cheval, excepté qu'elle ha la teste comme un cerf, les pieds comme un éléphant, la queue comme un sanglier, et au front une corne aiguë, noire et longue de six ou de sept pieds, laquelle ordinairement luy pend en bas comme la creste d'un coq d'Inde : elle (5) quand veult combattre, ou aultrement s'en aider, la lève roidedroicte. Uned'icellesje vid, accompagnée de divers animaulx saulvages, avecques sa corne emun- der (G) une fontaine... purifiant l'eau d'ordure ou venin... et ces animaulx divers en seureté venoient boire après elle... (1) Le iiif|u;int, du latin iniiu/ere. (2) « Le rhinoeéros, dit Pline, est Lennemi né de riHéphant. Il aiguise sa corne sur une pierre ; dans le combat, il vise au venlre, sachant que c'est l'endroit le plus vulnérable, et tue ainsi l'éléphant. » L'inimitié de l'éléphant et du rhinocéros est vin conte comme l'amitié de cet animal et du tigre. (3) « Vous les nommez licornes. » (Alphabet de l'auteur.) La licorne a été également appelée unicorue et monocéros par Pline, au(piel Maître FraïK^ois a emprunté ces détails, ainsi que beaucoup d'autres qui pré- cèdent ou qui suivent. « Pline, assurent Esmangart et Johanneau, est, de tous les auteurs anciens, celui que Rabelais a mis le plus souvent à con- tribution : on dirait qu'il le possédait par cceur. En effet, Rabelais était le Pline de son temps; et il est encore aujourd'hui regardé, ainsi que l'a très bien dit Nodier, comme h> plus universel et le plus savant des écri- vains : c'était une encyclopédie vivante. » (4) Méchante. (5) Celle-ci, la licorne. (6) Faire disparaître ce qu'il y a d'inutile ou de iinisil)Ie. « (rest ici, prétend Le Duchal, une raillerie contre P. Jove, qui, au XVIII'^ livre de son histoire, a attribué à la coi'iie des monocéros, que nous appelons licornes, cette merveilleuse propriété sur la foi des peuples (lu royaume de rioiaiine <'n Afrif[ue. ) Itien (|ue les Aui-jens aient parfaitement connu les dau couverte de poil, alors ipie le ihinocéros a la peau glabre. Pour li'ailer 3H4 RABELAIS ANATOMISTE « J'y vid un chaméléon, tel que le descript Aristote, ettel que me l'avoitquelquesfois monstre Charles Marais (i), médi- cin insigne (2) en la noble cité de Lyon sus le Rhosne; et ne vivoit que d'aer (3) non plus que l'aultre (4). entièrement la question de l'animal décrit ici sous le nom d'nnicorne oM de licorne, il me faudrait entrer dans une discussion qui m'entraînerait trop loin. J'observerai seulement qu'il est possible qu'il y ait en Afrique quelque espèce d'Antilope à une corne ou plutôt à deux cornes soudées en une seule, dont les Anciens aient eu connaissance et que nous ne nous soyons pas encore procurée. J'ajouterai aussi que plusieurs espèces ani- males différentes, définies par ce caractère de n'avoir qu'une seule corne comme le rhinocéros, ou même qu'une seule grande dent comme la licorne marine, le Narval monocéros, mammifère de l'ordre des Cétacés monodontes, ont été réunies sous le même nom et ont jeté parmi les savants de la confusion. Il est singulier de voir combien il s'est débité, chez nos pères, de poussière de la corne de la licorne dont le blason seul a gardé le dessin précis- Ayons de l'eau de ces lycornes Qui^sert fort contre le poison. (CniCHEFACE, Recueil de poésies françaises, l. XI, p agi.) Pierre Pomet, le célèbre apothicaire du xvii*^ siècle, a avoué, il est vrai, que les tronçons de cette corne, vendus alors à Paris comme ailleurs, étaient des défenses de narval. (Pomet, ///.s/. r/^sr/ro^Hes, 2'' part., ch.xxiii, p. 78, et les Repas, pp. 22 et suiv.) (1) Charles Maris dans cjnelciues éditions. (2) Distingué, remarquable, du latin insifjnis. (3) Le caméléon vulgaire (Chamœleo viiU/aris, Daudin ; Lacerla Clia- mœleo, Linné) est un reptile saurien, propre à l'ancien continent. « Cet animal, dit Pline, est le seul qui ne boive ni ne mange ; seulement il hume l'air, se tenant debout, et ne vit d'autre chose. » Solin, Ovide, Stobie, saint Augustin ont soutenu la même opinion. Ce qui lui a donné vrai- semblablement nais-sance, c'est que, lorsque le caméléon aspire l'air, comme ses poumons sont très développés, l'air lui remplit tout le corps comme s'il se versait dans ses intestins et dans son estomac. Il faut ajouter à cela que le caméléon, de même que la plupart des reptiles qui ont peu de sang, et le sang froid, peut, sans paraître souffrir, jeûner pendant longtemps. Bien qu'il n'y ait guère d'apparence qu'un animal auquel la nature a donné des dents, un estomac, tout un appareil digestif, ne soit destiné à ne digérer que de l'air, il a fallu les expériences décisives de Lau- dius, de Belon, de Pieresc pour détruire ce préjugé. Le caméléon se nourritdinsectes, qu'il saisit de fort loin avec sa langue effdée et gluante qu'il darde hors de sa bouche à une distance presque égale à la longueur de son corps. (4) Dans les pages que Rabelais a consacrées à lanatomie comparée. AXATOMIE COMPARÉE liG.") « J'y vid trois hydres, telles qu'en avois ailleurs aultresfois vu. Ce sont serpents, ayants chascunsept testes diverses (i). il est une autre erreur que je tiens à relever de suite; c'est celle qui con- cerne le mode de développement des Ursidés. « Un procès à sa naissance première, avoue le juge Bridoye, me semble comme à vous aultres. Messieurs, informe et imparl'aict. Comme un ours naissant nlia pieds, ne mains, peau, poil, ne teste : ce nest qu'une pièce de chair, rude et informe. L'ourse, à force de leicher, la met en perfection desmembres.-.Ainsy voi-je, comme vous aultres, Messieurs, naistre les pro- cès à leurs commencements, informes et sans membres. Ils n'ont qu'une pièce ou deux : c'est pour lors une laide beste. Mais lorsqu'ils sont bien entassés, enchâssés et ensachés, on les peult vraiment diremembrus et for- més... Les sergents, huissiers, appariteurs, chiquaneurs, procureurs, com- missaires, advocats, enquesteurs, tabellions... succantsbien fort, et conti- nuellement, les bourses des parties, engendrent à leurs procès, teste, pieds, gryphes. bec, dents, mains, vènes, artères, nerfs, muscles, humeurs. » Parmi les mammifères, il n'y a que les Marsupiaux qui mettent bas des petits incomplètement développés. Pline, Aristote, Elien et les poètes de l'antiquité ont supposé qu'il en était de même des Ursidés et que c'est en léchant ses petits que la femelle de l'ours parvenait à leur donner la forme qu'ils doivent avoir. « Ce qu'enfante l'ours, a écrit Ovide, ce n'est pas un petit, mais une chair mal vivante que la mère fai;onne en membres en la léchant et qu'elle amène ainsi à la forme qu'elle désire. » On dit encore proverbialement aujourd'hui d'un homme mal tourné, déplaisant, que « c'est un ours mal léché >. Au moyen âge, Solin a attribué l'état d'imperfection des oursons nouveau-nés à ce que la gestation de l'ourse ne dure (pie peu de temps, trente jours environ. Les oursons sont complètement formés dans le sein de leur mère, qui les porte pendant sept mois et non pendant trente jours, et si les jeunes ours ont paru au premier coup d'œil informes aux Anciens, c'est que Fours adulte l'est lui-même par la masse, la grosseur et la dispropor- tion du corps et des membres. (Pour détails conq)lémentaires, voy. Mat- THioLE, Comme nlaires sur Dioacoride, et Alurovande, De Qnadriiped. diyil.) (i) L'hydre la plus célèbre est celle qui a ravagé les environs du ma- rais de Lerne, près d'Argos.Elle avait sept tètes, et, quand on en coupait une, il en revenait plusieurs autres à la place. C'est Hercule qui les a coupées — d'aucuns disent brûlées — toutes d'un seul coup. I.a lutte épique de l'hydre de Lerne contre Hercule constitue le second de ses douze travaux. L'hydre alTreuse oublia d'opouvanler les morts. (Virgile, Enéide, trad. de Dolillf.) Quand je vis en sursaut une btHe effroyable, Chose élrani^c à conter, toulefois vi>rilal>le, Oui plus (|u'une liyilre alTrousc ;i sept gueules nieupianl. Avait les dents d'acier, l'œil horrible cl sanglant. (M. Rkgnier, Épîlre I.) 3r>() RAfiELAIS ANATOMISTE (( J'y vid quatorze phénix. J'avois leii en divers auteursqu'il n'en estoit qu'un en tout le monde, pour un âge (i) : mais selon mon petit jugement, ceulx qui en ont escript n'en virent onques ailleurs qu'au pays de tapisserie, voire l'ust-ce Lactance Firmian (2). (( J'y vid la peau de l'Asne d'or d'Apulée (3). <( J'y vy trois cents et neuf pélicans (4), six mille et seze oiseaulx séleucides (5), marchants en ordonnance et dévo- rants les saulterelles parmi les bleds, des cynamolges (G), ())«Le phénix d'Arabie, dit Pline, l'emporte sur tous les autres oiseaux. Toutefois je ne sais si ce qu'on en rapporte est fabuleux ou véritable, savoir: qu'il n'y en aurait qu'un seul au monde et qui, encore, ne se laisse voir que dans des circonstances extraordinaires. Du reste, on dit que le phénix est de la taille de l'aigle, jaune doré par derrière et rouge pourpre sur le reste du corps. Il a la queue bleue entremêlée de plumes incarnat et la tête surmontée d'un panache magnifique. Mamilius,'illustre sénateur romain, est le premier qui en ait écrit avec détail. Il dit que jamais homme n'a vu le phénix manger, et qu'en Arabie cet oiseau est consacré au soleil et vit six cent soixante ans. Il ajoute que, se sentant vieux, il se fait un nid avec de l'écorce de cannelle et de l'encens et meurt dessus, et que de ses cendres sort un ver qui se change bientôt après en oiseau. » Cette fable égyptienne, dans laquelle on a trouvé une des preuves de la résurrection de la chair, a été accueillie et vulgarisée par les premiers auteurs chrétiens, par saint Cyrille, saint Épiphane, saint Ambroise, Tertullien, etc. Il est possible que ce soit la vue d'un de ces brillants oiseaux des régions troi)icales qui ait fait inventer l'histoire du phénix et inspiré l'idée de foi'ger à cet animal inconnu des mœurs aussi extraordinaires que son plumage. On suppose, non sans quelque apparence de raison, que ce peut être le faisan doré de Chine ou l'oiseau de paradis. (2) On a attribué à cet auteur, surnommé le Cicéron chrétien, un poème Du Phénix, qu'il aurait composé avant sa conversion. (3) Apulée Lucius, auteur latin, né vers 114 en Afrique. Le plus connu de ses ouvrages est la Métamorphose ou VAne d'or, roman fantastique en onze livres, dont la magie forme le principal ressort. On y trouve le déli- cieux épisode de Psyché, si admirablement imité par La Fontaine. (4) Voy. plus loin Onocrolales. (5) « On nomme séleucides certains oiseaux qu'à la prière des habitants du mont Cassin Jupiter envoie contre les sauterelles qui ravagent leurs moissons. On n'a pas encore découvert d'oîi ils viennent, ni dans quels lieux ils vont ; on ne les voit que quand on a besoin de leurs secoui's. » (Pline.) Apollon, comme dieu destructeur des sauterelles, avait un temple à Séleucie, en Cilicie. (6) Oiseaux qui font leurs nids avec des brins de cinnamome (ci/ja- ANATOMIE COMPARÉE 867 des argathyles (i), des caprimulges (2), des thyn- niincules (3) , des crotenotaires (4) , voire, di-je , des onocrotales avecqiies leur grand gosier (5), des molgus). « En Arabie, l'oiseau nommé cannellier construit son nid de brins de cannelle. Les habitants abattent ces oiseaux avec des flèches garnies de plomb ; ils en font un objet de commerce.» (Pllne, 1. X, ch. xxxni.) On disait aussi cinnamologos, cinnamiihjiis, cinnamiis, cinamulçjos, etc. (i) Sorte d'hirondelles (hirontielles il'eau, hirondelles de rivage, arga- tiles, ergatiles), selon les uns, de loriots, selon les autres, qui font leurs nids avec du chanvre et des étoupes. (Voy. Pline, 1. X, ch. xxxiii, addition de Du Pinet et Gesner, De aviiim aliirâ, de hiriindinibus ripœriis.) (2) Tette-chèvre ou engoulevent, caprimiiltjus, duluVm capra, chèvre, et mw/^ere, traire (Pli.ne, 1. X,ch.XL). Cet oiseau, encore apprlé a(iolhilem,capvi- viilgus œgolhelas, crapaud- volatil, fresaie, sèche-leri-ine, etc., se nourrit de guêpes, de scarabées, de cantharides (Klein, Charleton, etc.). C'est une variété d'orfraies. Il résulte de recherches de Schwenckfeld que jamais une chèvre ne s'est laissé téter par un oiseau (luelconque. (3) Sortes de thons, du latin Ihgnnus ou Ihunnus, formé du grec Oûvvo;^ thon. La pèche du thon s'est faite dans la Méditerranée dès la plus haute antiquité. Le garum retiré du thon était très recherché par les gourmets de l'ancienne Rome. " Je suis fille diui tlion, a écrit Martial à un de ses amis, eu lui envoyant du garum i)réparé avec ce poisson; si je l'étais d'un scondjre (maquereau), je ne t'aurais pas été envoyé. » (4) Notaires crottés, jeu de mot avec onocrotalesi (5) Pélican. Des deux noms pélican et onocvolale (pie les Anciens ont donné à ce grand oiseau, le dernier a rapport à son étrange voix (du grec ovoç,âne,et xporaXoç, son rude et âpre), quils ont comparée au brai- ment d'un âne. « Le premier nom pelecan, dit Buffon, a été le sujet liune méprise il'Aristote, et même de Cicéron et de Pline; on a traduit pt'/t'tu» par p/rt/ea, ce qui fait confondre le pélican avec la spatule, et Aristote lui-môme, en disant du pelecan (pi'il avale des coipiillages minces et les rejette à demi digérés pour en séparer les écailles, lui attribue une habi- tude qui convient mieux à la spatule, vu la structure de son lesophage ; car le sac du pélican n'est pas un estomac où la digestion soit seulement commencée, et c'est improprement que Pline compare la manière dont l'onocrolale (p«'lican) avale et reprend ses aliments à celle des aMlinaux qui ruminent. " Jintlinerai, pour ma part, assez volontiers à croire ipie Rabelais a entendu désigner par onocvolale le pélican, ainsi cpieu font foi les mots « grand gosier », et par {)élican l'oiseau dont on a fait le sym- bole de la tendresse maternelle et aussi de la chute de l'homme par Satan et de sa rédemption par le sang de Jésus-Christ (saint JéiAine, saint Angustin, etc.). Cet oiseau, qui s'ouvre la poitrine île son bec pour nourrir ses petits de son sang, n'est pas moins labuleux. en elïet, que l'acte qiToii lui [tnMe. Il esl teird tie vert et di- jaune, lauili>> que le |i(''licaM IM)S RABELAIS ANATOMISTE stymphalides (i) , harpyes (2), panthères (3), loups véritable est de couleur blanche; on le dessine avec un bec court et aigu, tandis que le bec du pélican véritable est large et aplati ; on lui donne la grosseur d'une poule ou d'un pigeon, tandis qu'il devrait avoir celle d'un cygne; on lui attribue des doigts divisés, tandis qu'il devrait avoii' les pieds palmés comme la plupart des oiseaux aquatiques; on le gratifie enfin d'un cou cylindrique, tandis que le pélican véritable porte, au-des- sous du bec, un jabot qui lui pend sur la poitrine. Voici, je crois, ce qui a donné lieu à la légende du pélican. Dès que cet oiseau aperçoit le poisson qu'il convoite, il s'élance rapide; à l'aide de ses longues ailes, il bat la surface de l'eau sur une assez grande étendue, en étourdissant par ce moyen les poissons, petits et grands, qu'il a dès lors tout le temps de choisir et de déposer dans la poche placée sous sa mandibule inférieure. Cette poche remplie, il gagne le rivage, où, sur un point escarpé, il va satisfaire son vorace appétit. Si c'est une mère et si, autour d'elle, ses petits se pressent affamés, elle leur dégorge la nourriture qui, dans son jabot, a subi une première macération. Fréquemment ces débris de poissons laissent quelques traces sanguinolentes qui tranchent avec éclat sur le plumage blanc de l'oiseau et font croire que celui-ci s'est blessé. (1) Oiseaux d'une grandeur prodigieuse qui hantaient le lacStymphale et dont le bec était si fort et si dur qu'il perçait le fer. Hercule les tua à coups de flèches. « Slymphalidas pepulii vohicres discrimine qiiinîo. Dans son cinquième travail. Hercule a abattu les Stymphalides. » Lucrèce a fait des Stymphalides des oiseaux de proie à ongles crochus. «... Uncisque timendœ Urujuibiis Arcadiœ uolucre s slijinphala colenies. H faut redouter les oiseaux d'Arcadie aux ongles recourbés, habitant le lac Stymphale. » (Lucrèce, 1. V.) (2) En grec «pituia, fait de àp^âÇeiv, ravir, enlever, parce que les harpies très voraces enlevaient tout. Oiseaux monstrueux et fabuleux qui avaient un visage de femme, « le col tors, les pattes peines » (1. V, ch. 11), le corps et les ailes d'un vautour et qui infectaient tout ce qu'ils touchaient. (3) Depuis Aristote et Pline jusqu'aux naturalistes de nos jours, on s'est toujours disputé sur la détermination exacte des trois félins aux- quels on a donné les noms de panthère, de léopard et d'once, et qu'on a considérés tantôt comme des variétés, tantôt comme des espèces distinctes. Ceux qui considèrent la panthère et le léopard comme des variétés parce qu'aucun naturaliste n'a réussi à établir les caractères qui les dis- tinguent n'oublient qu'une chose, c'est que les Romains, qui ont donné deux noms différents à ces animaux, ont eu beaucoup plus d'occasions de les étudier que nous. H nous serait bien difficile aujourd'hui de réunir un nombre de peaux de panthères et de léopards égal au nombre de ces ani- maux vivants qui concouraient ii un seul combat de bètes chez les Ro- mains. ANATOMIE COMPARÉE 869 garoux (1), onocentaures (2), tigres (3), léopards (4), hyènes (5), camélopardales (6), origes (7), dorca- (1) Loups dont il faut se garer. « Les loups seront loups et hommes, loups garoux et lutins, comme furent Lycaon, Bellerophon, Nabuchodo- nosor, » dit Rabelais dans le chapitre m du livre III. Par loups-garous. Maître François a donc entendu les hommes changés en loup. Ce qui a pu donner à croire à la transformation d'un homme en loup est vraisem- blablement la forme de folie appelée lycanthropie (de Xiixo? loup et (xvOpwrtoç, homme) presque inconnue de nos jours, mais très commune au moyen âge. (2) Bêtes monstrueuses résultant de laccouplement du taureau et de l'ânesse. Elles avaient les pieds de devant conformés comme des mains, le corps d'un homme, la tète d'un âne et cherchaient à imiter, sans y par- venir, la voix humaine. (3) Les Romains semblent avoir à peu près complètement ignoré l'exis- tence du tigre royal avant l'ère actuelle; mais lorsqu'ils étendirent leurs frontières jusqu'à l'empire des Parthes, ceux-ci leur livrèrent des tigres qui furent conduits en Italie. Pline dit que Scaurus exhiba, le premier, en 743 de la fondation de Rome, un de ces félins dompté, enfermé dans une cage. (4) Le léopard des Anciens, Leopardiis Anliqiiovnm, est le léopard d'Afrique. Les Grecs l'appelaient />a/'(/a//s et Aristote en a parlé souvent. Le mot pardus est plus récent. Lucain et Pline sont les premiers qui l'aient employé. Celui de leopardns paraît avoir été créé par Julius Capitolinus à la fin du m® siècle, oîi il était admis que cet animal, était un métis provenant du lion et de la panthère. Pline a écrit « que le lion sent quand la panthère mâle s'est approchée de la lionne et en tire vengeance ». (5) Les hyènes sont des animaux qui ont singulièrement prêté à la superstition. Les Anciens ont écrit que l'hyène était alternativement mâle pendant six mois et lemelle pendant autant de temps, qu'elle savait imiter la voix humaine, que la couleur de son poil et pelle de ses yeux étaient changeantes, etc. Cet animal est appelé tantôt hijœna, tantôt f//a/jHS par Aristote. (Hisl. anim., lib. III, cap. v.) Les auteurs latins ont conservé le nom de hyaena, mais celui de yanus ou gannus et celui de belhus a été employé [)ar Gesner. (Ilisl. iiundrup., p. .S55.) Cuvier a très bien explicpit' pour(iuoi on a pu croire au changement successif de sexe de ce quadrui)ède. (6)« Chameau moucheté» (Plini:). Ce chameau moucheté, c'est la girafe, Camelopardus girafa, du latin came/ws, chameau, et pardus, panthère. La gii'afe n'est pas seulement un composé de panthère et de chameau, ains* que l'a dit Horace, mais bien de plusieurs animaux. Klle a la tète et le corps du cheval, le cou et les éi)anl('s du chameau, les oreilles du bceuf^ la queue de l'âne, les jambes de l'antilope, le pelage de la panthère. (7) C'est VOnjx beisa, ruminant de la famille des Antilopidés. « Sa cou- leur, dit Oppian (ce qui est exact), ressemble au lait du printemps; il n'a que les joues noiies. •> Dans les chambivs tic la grande pyramide de Chéops. 24 'AjO RABELAIS ANATÔMISTE des (i), cémades (2), cynocéphales (3), satyres (4), carta- sonnes (5), tarandes (6),ures(7), monopes(8), pégases (9), on voit souvent celte antilope représentée avec une seule corne, et on a voulu en conclure que c'est loryxqui adonné naissance à la fable de la licorne. Voici ce que Pline en a dit : « Les déserts de l'Afrique produisent Toryx qui ne boit jamais dans ces lieux toujours arides et qui lui-même est d'une grande ressource pour les voleurs gétules qui trouvent dans son corps des poches remplies d'une liqueur très salubre. » (1) La gazelle commune, du latin Gazella dorcas. (Voy. Eliex, Nal. des anim., 1. XIV, ch. xv.) Le dorcas d'Aristote n'est pas la gazelle, mais le chevreuil. (2) Faons de cerfs. (Larousse.) (3) « Animaux des Indes qui ont un corps humain avec une tête de chien et qui aboient au lieu de parler, »ditElien (1. VI, ch. xlvi). (4) « Animaux qui vivent aux Indes et ressemblent aux satyres de la fable, » dit encore Elien (1. XVI, ch. xxi). « Les cynocéphales et les satyres sont d'un naturel plus farouche que les autres singes...' Les Minisminiens, qui font partie des Éthiopiens no- mades, se nourrissent du lait des animaux que nous nommons cynocé- phales. Ils en forment des troupeaux, ne réservant qu'un très petit nombre de mâles pour la reproduction, » a écrit d'autre part Pline (1. XXXI, ch. Lv, et I. VII, ch. xxxi). Sauf le cynocéphale gelada, tous les autres cynocéphales, c'est-à-dire les singes à tète de chien (du grec/.ûwv, chien, et /.ssaXTi, tète), étaient con- nus d'Hérodote, de Plutarque, etc. Un d'entre eux a été adoré par les Égyptiens sous le nom de Tolh et Och. Ce sont les plus hideux, les plus grossiers et les plus repoussants de tous les quadrumanes. Il est plus que probable que tout ce que les Anciens nous ont trans- mis sur les satyres, les faunes et les sylvainstire son origine de l'histoire mal connue des Anthropoïdes. La peau de satyre cjue saint Augustin a vue à Rome était une peau de gorille, et les peaux de satyres suspen- dues parHennon dans le temple de Junon Astarté, à Carthage, des peaux de chimpanzés. (Voy. Hannonis Periplus, grœce ciim annolaiionibiis, édit., J. L. Friburgi, i8o3, in-4.) (5) « Cartazanous, nom que les Indiens donnent à la licorne. » (Elien, 1. XVI, ch. XX.) Les Persans appellent carlazonon une sorte d'âne sau- vage fabuleux, dont le front est armé d'une longue corne. (6) Rennes, du latin larandus. (7) L'aurochs, le bison européen, le lur des Lithuaniens. L'urus a été chassé dans l'Europe centrale jusqu'au temps de Jules César. On ne le trouve plus aujourd'hui que dans la forêt Bi-alowicza, en Lithuanie. (8) Animaux de Pœonie, de la grosseur d'un taureau. « On dit que, lors- qu'ils sont poursuivis, ils lancent des déjections mortelles pour ceux qu'elles atteignent. » (Elien, I. VII, ch. m.) (9) Chevaux ailés. « Je mets au rang des fables, dit Pline^ les pégases ANATOMIE COMPARÉE 871 cèpes (1), néades (2), prestères (3), cercopithèques (4), bi- sons (5), musmones (6), bytures (7), ophyres (8), striges (9), à tète de cheval et les griffons aux oreilles saillantes, au bec crochu, les premiers dans la Scythie, les seconds dans TÉthiopie. Je ne crois pas plus aux sirènes, quoique Donon, père de Cléarque, auteur célèbre, affirme qu'elles existent dans Tlnde. » (Pline, 1. X, ch. xlix, et 1. VIII, eh. XXI.) (1) On doit peut-être lire Cepphes. Divers auteurs prétendent que les Anciens ont désigné sous ce nom la harpie. D'autres, et c'est le plus grand nombre, traduisent cepphiis par foulque. Le foulque est un oiseau aquatique appelé aussi diable, à cause de sa couleur noire. (Voy. His- loire des animaux de Gesner, 1. III, de haro.) Cèpes, néades, prestères, cercopithèques manquent dans les éditions de Hollande et dans les trois éditions de Lyon (i573-i58/j et 1600.) (2) Voy. p. 353, note 7. (3) Stères ou prestères, serpents venimeux de Lybie qui cheminaient, croyait-on, la bouche ouverte, semant du venin autour d'eux et dont la morsure provoquait une telle enflure du 'corps humain qu'il finissait par éclater. (Voy. p. i32, note 6.) (4) « Animaux qui ont la tète noire, le poil de l'àne et qui ne diffèrent des autres singes que par la voix. » (Pline.) Les cercopithèques de Pline, de Varton et d'Isidorus sont les guenons ou singes à grande queue, du grec xEpzo;, cjueue, et rMr,7.oi, singe. Les cercopithèques appartiennent tous à l'ancien continent. Les principales espèces sont la moue, le patas ou singe rouge, l'ascagne ou blanc-nez, etc. (5) Le bison d'Amérique ou le buffle, comme l'appellent les Amé- ricains. (6) « Moutons d'Espagne dont la toison ressemble plutôt à du poil de chèvre qu'à de la laine, ^ dit Pline (1. VIII, ch. xlix). C'est le mouflon {Musimon musmon) qui paraît être la souche primitive de toutes les autres races de moutons. (7) Ou Biures {Biunis, de bis, deux, et oùpâ, queue), animaux à deux queues qui rongent les vignes, au dire de Cicéron. (Voy. Pline, I. XXX. ch. XV.) (8) Selon Hesychiiis et Varinus, ro/j/j/u/'H.s est un oiseau d'Ethiopie qui a une queue de serpent; du grec oçfoupoç, qui a la queue d'un serpent. (Gesner, Histoire des animaux, I. III.) On disait autrefois : Africa porlen- losa, r.\frique est la terre des monstres. Vorphiurus était un des plus merveilleux. (9) Oiseaux qui se fjiisaient téter pai' les enfants avant de les mettre en morceaux et dont le cri et le vol avaient quelque chose delfrayant. Quels sont ces oiseaux? C. Poinsinet de Sivri veut que ce soit notre grimpereau ou torche-pot. Brottier pense que c'est le hibou d'Orient, " oiseau si vorace, dit-il. qu'il entre la nuit dans les maisons et qu'il déchire les enfants «. Brottier s'appuie sur l'autorité d'Assehiuis. (Voyage dans le Levani, t. II, p. 19.) 372 RABELAIS ANATOMISTE gryphes (1). J'y vid la Mi-quaresme à cheval (2), la mi- aoust et la mi-mars (3) luy tenoieiit Testaphe (4). « J'y vid une rémore (5), poisson petit, nommée échineis des Grecs, auprès d'une grande nauf (6), laquelle nesemou- voit, encores qu'elle eust pleine voile en haulte mer : je croi M Ovide en a fait mention en ces termes : Grande capul, slanles oculi, apta rapinœ : Canilies permis, unguihus hamus inest. Est illis slrigibus nomen ; sed nominis hiijus Causa, quod horrendâ sidère soient. « Les striges ont la tète grosse, les yeux fixes, le bec propre à la rapine, les ongles en hameçons; on les nomme striges parce qu'ils ont l'habitude de pousser pendant la nuit un cri acre. » {Slridor en latin signifie craque- ment, grincement, bruit désagréablement entrecoupé semblable à celui d'une scie.) A Rome, du temps des Césars, les sorcières et les magiciennes étaient appelées slrUjes ou volalices, parce qu'on supposait qu'elles pouvaient prendre la forme de ces oiseaux. (1) Oiseau plus gros qu'un lion, aux ongles formidables, au bec long et pointu, qui déterrait l'or et le gardait dans les montagnes des Indes- Pantagruel et ses officiers furent conduits au port de Condemnation par « certains gryphons de montagnes » (1. V, ch. xiii). Une planche du Livre des Merveilles, de H. de Mandeville, représente le combat d'un griffon et d'un centaure avec une explication du motif qui anime ces deux bêtes l'une contre l'autre. (2) L'auteur fait allusion ici à une vieille coutume tourangelle et berrichonne. On s'amusait, il y a quelques années encore, en Touraine et dans le Berry, à envoyer dans un carrefour ou carroi solitaire, le soir qui précède le vingtième jour de la sainte Quarantaine, quelque nigaud attendre jusqu'au lever du jour la Mi-Carème à cheval, en lui promettant que celle-ci le comblerait d'échaudées — gâteaux secs et triangulaires de la Mi-Carème, — en échange dune botte de foin. J'ai connu un jeune homme qui est allé ainsi faire le guet, à deux reprises différentes, au même endroit, et qui, la seconde fois, est revenu chez lui roué de coups par le bon apôtre qui, le visage barbouillé de suie et déguisé en femme, jouant le rôle de la Mi-Carème, avait prétendu que la botte de foin oflerte n'avait pas le poids voidu. (3) Mars tombant en Carême, on comprend que la mi-mars accompagne la mi-carème, mais que vient faire ici la mi-août? Est-ce un nouveau jeu de mots du grand moqueur ? Est-ce, comme le prétendent Esmangart et Johanneau, parce que, les chattes étant plus amoureuses pendant le carême, on y entend davantage de miaou ? Je ne voudrais pas dire non. (4) L'étrier, on dit encore estafîer, estafette. (5) Voy. p. i33, note 5, et p. 35o, note 5. (6) Navire, du latin navis. ANATOMIE COMPARÉE SyS bien que c'estoit celle de Perianderle tyran, laquelle un pois- son tant petit arrestoit contre le (i) vent. Et en ce pays de Satin, non ailleurs, Tavoir vue Mutianus (2)... « J'y vid des sphinges (3), des raphes (4), des oin- (1) Périaiidre, tyran de Corinthe, un des sept Sages de la Grèce. Il régnait 625 ans avant Jésus-Christ et a publié un Poème moral, dont les frag- ments sont édités d'ordinaire avec les sentences de Tliéogiiis, les vers dorés de Pythagore et de Solon, etc. (2) Les Anciens rapportent qu'un navire fut envoyé à Corcyre par ordre de Périandre ; l'équipage avait pour mission d'immoler une partie des enfants nés à Corcyre; malgré un vent favorable, le navire restait immobile, arrêté par un grand nombre de rémoras, qui, en souvenir de ce fait miraculeux, furent dès lors honorés dans les temples de Vénus. (3) Animaux dont Pline a parlé en ces termes (1. VIII, ch. xxi) : « Spiti- (jes fiisco j>ilo, mammis in peclore geminis, JElhiopia gênerai, miillaqiie alla monslra similia. — Avec beaucoup d'autres monstres, l'Ethiopie produit les sphinx au poil brun et aux deux mamelles pectorales. » Le sphinx de Thèbes, dont OEdipe a deviné la dernière énigme, a inspiré maints poètes anciens et modernes. Né parmi les rochers, au i)ied du Cilhéron, Ce monstre à voix liuinaine, aigle, femme et lion. De la nature entière exécrable assemblage, Unissant contre nous rartiflce et la rage ! (Voltaire.) (4) Loups-cerviers fchaua, rnphina, liipiia cerrnrius. felix lynx, le lynx ordinaire des auteurs). Les pi'emiers carnassiers de ce genre qui aient été vus à Rome, du temps de PonqK'e. venaient des Gaules. « Pompeii magni primiim ludi oslenderiinl cliatim guem Galli raphium vocabanl, effigie liipi, pardorum maciilis... « Siinl in eo génère {acilicel liiporiim), qui cervarii vocanlur qiialem, a (jalliâ, in Pompeii magni arenâ Kpeclalnm diximits. « C'est aux jeux du grand Pompée ({u'bn montra pour la première fois le chaus que les Gaulois nomment raphe et qui a la tigure d'un loup avec les taches d'un léopard. (' Parmi lcsIou|)siI en est qu'on nomme loups-cerviers tel que celui qu'on a vu dans ranq)liitiii'';itre du - (Plink, 1. VIII, ch.xixet xxii.) Il est peu d'animaux qui, dans l'antiquité, aient autant prêté à la fable que les loups-cerviers, et surtout, parmi ceux-ci, que le lynx. Il avait la vue si perçante qu'il voyait très bien à travers une muraille. Son urine se pétrifiait et devenait une pierre précieuse nommée lapis Igncitrius, qui, outi-e son éclat, avait la propriété de guérir une foule de maladies. Mais laissons laces contes ridicules de nos aïeux, et venons-en à la vérité. Le lynx a les mœurs du chat sauvage, « mais distingue sa proie à une distance beaucoup plus grande que la plupart des carnivores ». (Milne- Edwarus.) 3^4 RABELAIS ANATOMISTE ces (i), des cèphes (2), lesquelles ont les pieds de devant comme les mains, ceulx de derrière comme les pieds d'un homme; des crocutes (3), des éales, lesquels sont grands comme hippopotames, ayants la queue comme éléphants, les mandibules (4) comme sangliers, les cornes mobiles, comme sont les aureilles d'asne (5); les leucrocutes (6), bestes très légères, grandes comme asnes de Mirebalais (7), ont le col, (1) On lit dans l'alphabet de rauteur: « Lynx, c'est le nom d'un once ou loup-cervier qui a la vue fort aiguë. » L'once, que les Anciens ont regardé, en effet, les uns comme un loup-cervier, les autres comme une panthère, est un léopard. On ne peut en douter en lisant la description qu'en'donne Caius dans Gesner {Hist. qnadrnp., p. 825). Ce qui a pu faire croire que c'était un loup-cervier, c'est parce qu'il se place quelquefois comme celui-ci sur une grosse branche, attendant qu'un antilope passe à sa portée, et qu'il pousse des cris semblables à ceux d'un chien irrité, mais plus forts et plus rauques. (2) J'ai ditantérieurementque les satyres ou hommes sylvestres de nos aïeux étaient vraisemblablement des Anthropoïdes (chimpanzés ou go- rilles). Suivant Buffon, les cèphes seraient des gibons. (( Aux jeux du grand Pompée, on vit d'abord, dit Pline, des cèphes ayant des membres avec des mains et des pieds humains. » Une note de Daléchamp montre que Strabon a traduit le mot cephits de Pline par keipon : « Cephos Slrabo. lib. XV, Keipon vocal, esseque Iradil facie sahjro similem. — Strabon, 1. XV, appelle Keiphon les cèphes et rapporte qu'ils ressemblent aux satyres. » Buffon pense que du mot keipon on a fait giiibbon, gibon. (3) Crocotte, corocotte ou crocutte est un métis né de l'accouplement du chien ou de la louve ou du loup et de la chienne. Buffon n'en a pu obtenir, mais Daubentonenaconnu un, qu'il a décrit dans V Encyclopédie mélhodique. (4) Les mâchoires, du latin mandibula. (5) « Animaux de la grosseur d'un cheval marin, ayant des mâchoires de sanglier et deux grandes cornes mobiles », dit Pline (1. VIII, ch .xxi). « Quoique cette mobilité des cornes ne soit exactement vraie d'aucun animal, il semble cependant qu'on peut reconnaître à ces traits le rhinocé- ros d'Afrique, le rhinocéros bicorne, qui porte deux cornes moins immo- biles que celles de tous les autres animaux. » {Encijcl. mélh., Ilisl. nal. des animaux, t. 1.) (6) Animaux dont la voix pouvait, assurait-on, prendre les intonations de la voix de l'homme. Ils étaient regardés comme le produit de l'accou- plement de l'hyène mâle avec la lionne. On trouve aussi en français léoncrocutte, leucrocotte, léoncrocotte, et en latin : leoncrocula, leon- crola, leucrocola, leiilrochocha, leucurciila, etc. (7) Les ânes de Mirebeau, en Châtelleraudais, etceuxde Meung étaient ANATOMIE COMPARÉE SyÔ la queue et poictrine comme un lion, les jambes comme un cerf, la gueule fendue jusques aux aureilles, et n'ont aultres dents qu'une dessus, et une aultre dessoubs ; elles parlent de voix humaine : mais lors mot ne sonnarent (i). (( Vous dictes qu'on ne vit onques (2) aire de sacre (3), vraiement j'y en vid unze, et le notai bien. J'y vid des halle- bardes gauschières (4), ailleurs n'en avois vu. J'y vid des mantichores, bestes bien estranges : elles ont le corps comme un lion, le poil rouge, la face et les aureilles comme un homme, trois rangs de dents, entrants les unes dedans les aultres, comme si vous entrelaciez les doigts des mains les uns dedans les aultres : en la queue elles ont un aguil- lon, duquel elles poignent (5) comme font les scorpions, et ont la voix fort mélodieuse (6). J'y vid des catoplèbes, bestes et sont encore réputés pour leur beauté. Au chapitre vu du même livre, l'une qui est le héros de l'apologue raconté par Panurge est aussi du « Chastelleraudois ». (1) Ne dirent mot. (2) Qu'on ne vit jamais. (3) Nid de l'oiseau de proie appelé sacre. Bufïon a séparé le sacre des faucons pour le mettre à la suite du lanier. « 11 est rare, dit Belon, de trouver homme qui se puisse vanter d'avoir oncque veu l'endroictou il faict ses petits. » Plutarque affirme que cet endroit n'a jamais été déter- miné. (Plutarque, Demandes des choses romaines, ch. xciii.) (^,) « La hallebarde, dit Le Duchat, sied mal dans la main gauche, mais les hautelissiers n'y regardent [)as de si près. » Ilallcl)arde gauchère si- gnifie, présumons-nous, hallebarde de parade. Les suisses de nos cathé- drales portent la hallebarde de la main gauche. «' Derrière estoit le prieur des Jacobins en fort bon poinct traisnanl une hallebarde ii:auschère. » {Procession de la li'jue.) (5) Pi(pi('iil, du latin piuujere. (0) Voy. Pline, 1. Vil], ch. xxi ; Gautier de Metz, El livre de clerç/if^ en romans, bibliothè(]ue Mazarine, manuscrit 1103,870, et la mappemonde dite de Hereford. D'après Ctésias, la mantichore, de même que l'éale, se tronvjiit <'ii l'iliiiopic. Kii VikIc une autre ijcsle i a Ouon apclc niancliicora, Yeux de chièvre, corps do lion, El la kucuc de l'escorpion, Voix de serpent qui par doux chant. Attrait cl dcvcuro les f^ons. (Galtier de Metz.) Dan ^ 1 aiia loiiiir de Dirnieibr'oerk , iniprinn'-c ;'i P;iris en 17:>7, onlit ^7^ RABELAIS ANATOMISTE saiilvages, petites de corps : mais elles ont les testes grandes sans proportion, à peine les peuvent lever de terre; elles ont les yeulx tant vénéneux, que quiconque les voit meurt soubdainement, comme qui verroit un basilic (i). » Avant d'arriver dans ce pays de Satin, où se fabriquaient ces riches étoffes, toutes brochées de fleurs, de fruits, de blasons et d'animaux (2), Pantagruel avait visité l'île de Medamothi (3), où il avait acheté « trois beaulx et jeunes unicornes (4) • un masle de poil alezan tostade (5), et deux femelles de poil gris pommelé (6). Ensemble un tarande que encore (t. 2, p. 65i). « Deux rangs de dents est un cas très rare. Il est encore plus extraordinaire qu'on en trouve trois rangs, ainsi qu'on l'a observé d'Hercule au rapport de Rhodiginus, et que Colombus l'a remarqué en Phœbus son propre fils. Les tigres et les élaphants ont sou- vent trois rangs. De même aussi la mantichore, qui est une bête féroce, et le moraxus, qui est un poisson, sont armés d'un triple rang de dents. » Quelques naturalistes croient, sans raisons suffisantes, à mon avis, que la mantichore, nommée aussi manchicorc, marticore, martigore, mar- thicore, manticoreet manicore, du persan rnardicnuran, mangeur d'hom- mes, est le tigre. (1) Voy. Pline, 1. VIII, ch. xxi. Cet animal, qui ferait bientôt périr tout le genre humain s'il levait facilement la tète, n'est autre, comme l'a établi Cuvier, que le Gnou (Antilope gnou, Catoplébas gnou). L'air extraordi- nairedugnou — qui est un mélange d'antilope, debœufet de cheval — son regard lugubre, rendu plus effrayant encore par les longs cils blancs de ses sourcils, et enfin sa crinière sans cesse tombante sur son museau, contribuent à lui donner un aspect vraiment fantastique sur lequel s'accordent tous les naturalistes. (2) Ce pays de Satin, je le rappelle pour la dernière fois, c'est, pour M. Ducrot, le pays des draps de Frize dont parle Thibault de Pleignei en sa Descriplion de la Toiiraine ; c'est Tours, célèbre par ses fabriques de soieries et de draps de laine. (3) En hébreu : nulle pari. M. Ducrot croit, ai-je dit (voy. Anatomie des- criptive, Névrologie : La nuque, comme un fallol), que c'est Arkangel qui, du temps de Rabelais, était séparée de la terre ferme par la mer Glaciale et par le fleuve Pinègre, et visitée, à cause de ses grandes foires, par « les plus riches et fameux marchands d'Afrique et d'Asie ». (4) Licornes. (Voy. p. 363, note 6.) (5) Rrùlé, del'espagnol loslar, fait de loslare dit par métaplasme pour lorrere. (6) Dans la lettre qu'il a adresséeà son père à l'occasion de cetteacqui- sition, Pantagruel dit : « Je vous envoie trois jeunes unicornes, plu ANATOMIE COMPARÉE 877 lui vendit un Scythien de la contrée des Gelones(i). Ta- raude (2) est un animal grand comme un jeune taureau, por- tant teste comme est d'un cerf, peu plus grande, avecques cornes insignes (3) largement ramées; les pieds forchus, le poil long comme d'un grand ours ; la peau moins dure qu'un corps de cuirasse (4). Et disoit leGelon peu en estre trouvé par la Scythie, parce qu'il change de couleur selon la variété des lieux esquels (5) il paist et demoure. Et repré- sente la couleur des herbes, arbres, arbrisseaulx, fleurs, lieux, pastis, rochers, généralement de toutes choses qu'il domestiques et apprivoisées qui ne seroient petits chatons. J'ai conféré avecques l'escuyer, et dict la manière de les traicter. Elles ne pasturent en terre,' obstant leur longue corne on Iront. Force est que pasture elles prennent es arbres fructiers, ou en râteliers idoines, ou en main, leur offrant herbes, gerbes, pommes, poires, orge, touzelle, bref toutes espèces de fruicts et de légumages. Je m'esbahis comment nos escripvains antiques les disent tant farouches, féroces et dangereuses, et onques vives navoir esté vues. Si bon vous semble, ferez espreuvc du contraire; et trouverez qu'en elles consiste une mignotize la plus grande du monde» pourvu que malicieusement on ne les offense. » C'est la confirmation de ce que j'ai dit antérieurement de l'existence possible en Afrique de quelque espèce d'antilope à une corne ou plutôt à deux cornes soudées en une seule et ignorée de nous, mais connue des Anciens. (i) « Peuple de Scythie qu'on nomme aujourd'hui Tartares. » (Alpha- bet de l'auteur.) (2) Le renne, larandus raiif/ifer, appelé larandus par Pline, Gesner (Icon. qiiad., pp. 67-58, avec un dessin), Aldrovande {de Quad. bisiih I)p. 859 et 861), Iharandun par Hugues de Saint-Victor {De Besliis, t. II, fol. 2^1 des Opéra, lô^G) et Parandus par Brunetto Latini, Li livres don trésor, publiés par P. Chabaille, Paris, i863). Il n'était pas connu des Grecs. Gaston Phœbus semble parler du renne sous le nom de rangier ou ranglier, comme d'un animal qui aurait existé de son temps en France, dans les hantes montagnes telles que les Pyrénées. [Vénerie de Jacijues du Foiiilloii.r ; Paris, iGi',, feuillet 971.) (3) D'une grosseur et d'une grandeur remarquables, du latin insitjnis. (4) Cette description du renne est, ainsi qu'on peut s'en rendre compte, copiée dans le chapitre xxxiv du livre VIII de Vllisloire nalurelle de Pline : « Mulal colores el Sri/lhariun larandus... Tarando mat/nihulo 7».r bori capul majus cerrino, nec ahsimile : corniia ramosa, unijul.r bifides : rillus ma(jnHudine ursorum sed cuni libuil sui coloris esse asini similis esl, etc.. » Je ne sache pas que le mot larandus se trouve avant Pline dans aucun auteur latin. (.0) Dans lesquels. 378 RABELAIS ANATOMISTE approche (1). Cela luy est commun avec le poulpe marin (c'est le polype) (2), avecques les thoës (3), avec les lycaons (1) La couleur du pelage du renne change, « non selon la variété des lieux esquels il paist et demoure, » mais suivant les saisons. L'animal en question est blanc en hiver et gris en été comme les ânes de Meung-sur- Loire. (2) « Le polype prend la couleur des lieux oiJ il est, surtout quand il a peur. )> (Pline.) Sous la dénomination de Polypes (du grec r.oXûi, plusieurs, et 7:005, pied, qui a plusieurs pieds), Aristote et les auteurs grecs et latins ont désigné les Poulpes et autres Mollusques rangés aujourd'hui dans le groupe des Céphalopodes (du grec y.saaXïj, tète, et nou;, gén. r.oUi, pied ; qui a des pieds à la tète). Vers le milieu du xviii« siècle, après que Peyssonel et de Trembley eurent publié leurs observations, le premier sur le corail, le second sur l'hydre d'eau douce, le terme en question fut détourné de la signification qu'il avait chez les Anciens et appliqué par Réaumur et Bernard de Jussieu à tous les organismes marins que les auteurs du xvi^ et du xvii*' siècle avaient placés parmi les végétaux sous les noms de Lithophytes et de Cératophytes. Dans létat actuel de la science, les Polypes constituent dans Tembranchement des Cœlentérés la classe des Anthozoaires ou Coralliaires. Pourquoi certains mollusques céphalopodes, la pieuvre, la seiche, entre autres, qui sont habituellement d'un blanc gris, deviennent-ils subi- tement noirs sousl'influence de la peur? Il y a là un phénomène nerveux. Sous la peau des mollusques, on trouve un grand nombre de corpuscules sphériques, élastiques, remplis d'une substance noire. Lorsque l'animal est au repos, ces petites boules restent distantes les unes des autres, de telle sorte qu'elles foncent seulement la couleur de la peau et la font paraître grise. Lorsqu'il est effrayé, ces corpuscules tirés par des fibres musculaires, dont la mise en jeu est sous la dépendance du système ner- veux central, s'agglomèrent et leur réunion en masse donne aux tégu- ments une teinte noire. Lorsque la cause qui a provoqué la contraction des fibres musculaires cesse, les corpuscules se séparent et la teinte pâle de l'animal reparaît. (3) Le Thoës, Thos ou Thaos des Anciens est le chacal ou loup doré {Canis aiireu.t). Homère a comparé Ajax se précipitant au milieu des Troyens pour délivrer Ulysse, à un lion fondant sur des thos attroupés autour d'un cerf aux abois. Le scoliaste d'Homère, en traduisant le mot Ooi par celui de panthère, a commis une erreur. En traduisant ce même mot qui figure dans VHisloire des animaux d'Aristote (1. II, ch. xvii) par celui de lupus cervarius ou loup-cervier, Gaza en a commis une autre- Voici ce qu'a écrit Pline de ce Mammifère (1. VIII, ch. xxxiv et 1. X, ch. Lxiv, trad. Guérault) : « Les thos, espèce de loup dont le corps est plus long, les jambes plus courtes, agile au saut, vivant de chasse et n'attaquant jamais l'homme. Ils changent de fourrure et non de couleur ; couverts d'un long poil pendant l'hiver, ils sont nus pendant l'été..., ils sont ennemis des lions. » ANATOMIE COMPARÉE 879 de Indie (i), avecques le chaméléon, qui est une espèce de lizart tant admirable que Deniocritus ha faict un livre entier de sa figure, anatomie, vertus et propriétés en magie (2). Si est ce que je Tai vu couleur changer, non à l'approche seulement des choses colorées, mais de soi-mesme, selon la paour (3) et affections (4) qu'il avoit.Comme,sus un tapis verd, je Tai vu certainement verdoyer ; mais y restant quelque espace de temps, devenir jaune, bleu, tanné (5), violet par (1) Bufîoii considère comme très vraisemblable que le lycaon des Indes dont il est question dans les livres des naturalistes romains et dans ceux des naturalistes du moyen âge n'est autre que l'hyène. Tout ce que ceux-ci ont dit de fabuleux au sujet du lycaon convient à l'hyène. On donne aujourd'hui le nom de lycaon ou cynhiène (du grec xjwv, chien, et hyène, chien-hyène) à un animal qui tient à la fois de l'hyène et du chien. Le poil de l'hyène n'est pas plus sujet à varier de couleur que ce carnassier n'est sujet à varier de sexe (voy. p. ^69, n. 5). On sait que Lycaon, roi d'Arcadie, fut, selon la fable, changé en loup pour avoir essayé d'assassiner, pendant son sommeil, Jupiter qui lui avait demandé l'hospitalité. (2) Lire Diogène de Laerce et l'étude magistrale de L. Leclerc sur les médecins arabes et aussi Pline, 1. XXII, ch. vin. (3) Aristote, dont le nom se retrouve dans l'histoire de toutes les branches des connaissances humaines, n'a pas ignoré les changements de couleur du caméléon. Il a cru que ces changements de couleur coïn- cidaient avec le gonflement du corps ou la mort de l'aninud. Théo- phraste est le premier qui les ait attribués à la peur. L'opinion si popu- laire que le caméléon prend la couleur des objets qui l'environnent remonte au philosophe Antigonus Carystius. Ovide l'a exprimé dans le vers suivant : Protinus assimilât lelujil (luosciimjue colores. Vengeons le caméléon. Grûce à MM. Paul Gervais, Milne Edwards et Brucke, il est acquis aujourd'hui que l'animal dont il s'agit n'adopte pas, comme le courtisan, les couleurs dominantes. Il ne change que sous rinfluence de la lumière : l'obscurité le fait pâlir; le demi-jour marbre son corps des couleurs les plus variées; le soleil le noircit comme la peau des races nègres tropicales et fait luu'tre à la surlace de son épidémie des couleurs irisées. Ces modifications sont dues à un jeu de pigment (ju'on retrouve chez divers autres reptiles , les .\gamidés, les Iguanidés et plusieurs Batraciens. {\) Tourments, du latin a/p-clrrr. On dit encore être alTcctt' pour être tourmenté, chagriné'. (.■1) De couleur semblable à peu près à celle du tan. 38o RABELAIS ANATOMISTE succès (i), en la façon que voyez la creste des coqs d'Inde (2) couleur selon leurs passions changer. Ce que sus tout trou- yasmes en cestuy tarande admirable est que non seule- ment sa face et peau, mais aussy tout son poil telle cou- leur prenoit qu'elle estoit es choses voisines (3). Près de Panurge vestu de sa togebure (4), le poil lui devenoit gris; près de Pantagruel vestu de sa mante (5) d'escarlate, le poil et peau luy rougissoit ; près du pilot vestu à la mode des isiaccs (G) de Anubis en Egypte (7), son poil apparut tout blanc. Lesquelles deux dernières couleurs sont au chaméléon desniées (8). Quand, hors de toute paour et affections (9), il estoit en son naturel, la couleur de son poil estoit telle que voyez es asnes de Meung. » (1) Par succession, successivement, du latin successus. (2) Le Dindon. Galhis Indise. « Une tradition populaire fixe dans le XVI'' siècle, sous François P"^, l'époque de la première apparition du din- don en France ; car c'est dans ce temps que vivait l'amiral Chabot. Les auteurs de la Zoologie britannique avancent comme un fait notoire qu'il a été apporté en Angleterre sous le règne de Henri 'VIII, contemporain de François I*"". » (Buffon, Histoire des animaux.) C'est, en effet, du temps de Rabelais que ce volatile a été ramené des nouvelles Indes ou Amé- rique en Europe. Il n'en est pas question dans les œuvres de Clytus, d'Athénée, d'Elien, de Columelle, etc. Quand le dindon est en colère, la crête qu'il porte sur son bec supé- rieur s'allonge, se déploie et change de couleur. (3) Des choses qui étaient auprès, qui l'avoisinaient. (4) Toge (de) bure. (5) "Vêtement long enveloppant tout le corps. (6) Les prêtres d'Isis étaient vêtus de grandes robes de fin lin. Ce qui fait qu'Ovide les a appelés linigeva lurba. (7) Ce Dieu à tète de chien (voy. p. 870, note 4), considéré comme fils d'Isis et d'Osiris, avait son image placée à la porte de tous les temples d'Egypte. Il était honoré principalement à Hermopolis la Grande {Chem- nis ou Ouchmonnein, en arabe moderne). De ses temples quand Rome, Isis, l'ouvrit la porte Des dieux à front de chien l'aboyante cohorte Suivit. (LUCAIN.) On adore Anubis dans des cités entières, Mais l'autel de Diane, hélas! est sans prières. (JUVÉNAL.) (8) "Voy. Plutarque, Traité des causes naturelles, (9) Désirs. ANATOMIE COMPARÉE 38 1 Pantagruel était occupé à faire l'achat de ces animaux quand « furent ouïs du mole dix coups déverses (i) et faul- conneaux ». C'était un des céloces (2) de « Gargantua, nommé la Chélidoine (3). pource que sus la pouppe estoit en sculpture de aerain corinthien (4) une hirondelle de mer esle- vée(5). C'est un poisson grand comme un dar de Loire (6), tout charnu, sans esquames (7), ayant ailes cartilagineuses (quelles sont es souris-chaulves) {S) fort longues et larges, moyennant lesquelles je l'ai souvent vu voler (g) une toise au-dessus l'eau plus d'un traict d'arc. A Marseille on le nomme lendole. Ainsy estoit ce vaisseau léger comme (1) « Les verses dont parle Rabelais pourraient bien être, dit Le Duchat, des faucons, et même des doubles berches plus grosses que des simples bevches ou fauconneaux, » (2) Petit bâtiment à marche rapide, brigantin ou aviso, destiné à por- ter des dépèches, du latin celox. (3) Du grec /îXtSoiv, hirondelle. (4) Le plus précieux de tous les airains. C'était un alliage de cuivre, d'or et d'argent, dont les Anciens se servaient pour fabriquer des objets de luxe. Us croyaient qu'il était le résultat dun mélange accidentel pro- duit par la fusion des vases et des statues des temples de Corinthe, lors de la mise à sac de cette ville par Mummius (iG ans avant Jésus-Christ). (5) Les poissons volants, rougets volants, appartiennent à l'ordre des Télostéens et au genre Dactyloptère. Le plus connu est le Dactyloptère volant, appelé vulgairement, depuis Aristote, faucon de mer et surtout hirondelle marine. Les ichtyologistes du moyen âge, Belon, Rondellet, Salviani font nommé arondelle de mer et en ont donné de bons dessins. On ne doit pas le confondre avec l'exocet ou Muge volant. (6) Un dard de la Loire. Le dard est un poisson du genre cyprin, plus connu sous le nom de vandoise. Sa chair est très estimée et il nage avec une telle vitesse qu'il ressemble k un trait décoché. D'où ces expres- sions proverbiales en Touraine : sain comme un dard, vif comme un dard, (7) Sans écailles, du latin sqiiama ; on dit encore squammenx. (8) La membrane alaire des chauves-souris, mammifères de l'ordre des Chéiroptères, est formée de deux feuillets dermiques très fins, sous-tendus [)ar des piialanges, et des miUacarpiens os naluralis), dont la durée était comprise entre le lever et le coucher du soleil, et le jour civil {(lies civilis), qui était de 24 heures. Les premiers courriers, se reposant la nuit, on conçoit l'utilité de l'épithète que Rabelais accole au mot jour. (6) Maison, de l'italien cas//ja ou plutôt ca.smo, fait, dans la même signi- fication, du latin cY/sa, dont il est un diminutif. (7) Le mot ménagerie signifie exactement : lieu où on nourrit les animaux rares, et ici colombier. (8) La verveine a été considérée comme une plante sacrée par les Grecs et les Latins, qui l'appelaient hierobanle ou herba sacra. On s'en servait pour purifier les autels de Jupiter, pour les orner pendant les sacrifi- ces, etc. Au lieu du moyen indiqué par Rabelais, on emploie aujourd'hui, en Suisse, pour ramener les pigeons au colombier, une boule, composée de grains d'anis, d'argile et de sel. ANATOMIE COMPARÉE 385 suivies entre les villes. Ils ont même obtenu, par la sélec- tion continue des sujets, les gozals, qui sont les pigeons voyageurs les plus réputés pour l'élévation et la rapidité de leur vol. Ces gozals. Maître François en a entendu parler, et a dû par conséquent, ainsi que nous l'avons déjà dit, se trouver en rapport à Montpellier avec quelques étudiants ou savants arabes (i). L'écuyer de Gargantua avait quitté Medamothi et la flottille de Pantagruel, regagné, depuis cinq jours, la haute mer, quand elle fut accostée par un bâtiment contenant un troupeau de moutons. Ces moutons marchandés par Panurge, puis noyés, par un stratagème de celui-ci, avec leur proprié- taire Dindenault et leurs bergers, sont plus célèbres que ceux de M'"^ Deshoulières et de Rosa-Bonheur. Ils le méritent doublement : ils nous prémunissent contre les dangers d'une imitation servile et sont de noble race. « De leur toison seront faicts, dit Dindenault à Panurge, les fins draps de Rouen ; les louschets (2) des balles de Limestre, au prix d'elle, ne sont que bourre. De la peau seront faicts les beaulxmarroquins, lesquels on vendra pour marroquins turquins (3), ou de Montelimart ou de Hes- paigne (4) pour le pire. Des boyaulx, on fera chordes de violons et harpes, lesquels tant chèrement on vendra, comme si fussent chordes de Munican (5) ou Aquileie (6). (1) Voy. Anat. descript., Appareilgénital: La (jéniliire, comme nncenlde clous à lalle. (2) Ancienne espèce de serge croisée qu'on appelait aussi drap de Limestre. Combien, pour avoir mis leur honneur en séquestre. Ont-elles en velours échangé leur Limestre. (M. RÉGNIER, sat. XII.) (."i) Turc, d'un l)It'n turc. Le niarjjre turquin et les turquoises se trouvent en Turquie. (4) D'Espagne. (5) « On pourrait croire que ce serait ici Municken, capitale de la Bavière; mais c'est plutôt Monaco, dans la Ligurie. Les meilleures cordes de luth vienneid d'Italie. .. (Lk Ducuat.) (G) Aipiih't', ville d'Utric 25 886 RABELAIS ANATOMISTE « S'il VOUS plaist, dist Panurge, m'en vendrez un. (( Mon ami, respondit le marchand... ce n'est viendeque pourroys et princes. La chair en est tant délicate, tant savou- reuse, et tant friande que c'est basme d). Je les ameine d'un pays, onquel (2) lespourceaulx... ne mangent que myroba- lans(3). Lesfruiesenleur gésine (4) (saulve l'honeur de toute la compagnie) ne sont nourries que de fleurs d'orangers. — Mais, dist Panurge, vendez m'en un, et je vous le payerai en roy... Combien? — Nostre ami, respondit le marchand... ce sont moutons extraicts de la propre race de celluy qui .porta Phrixus etHelle, par la mer dicte Hellesponte (5)... Par touts les champs esquels (6) ils pissent le bled y provient (7)... Il n'y faut aultre marne ne fumier. Plus y ha. De leur urine les quintessentiaulx (8) tirent le meilleur salpestre du monde. (1) Baume, pâX^xii-ov en grec, bal sa mu m en latin. (2) Où. (3) Myrobalans ou mijrabalann, en grec [xupooâÀavo;, en latin tni/roba- lamim (PLiNE)etmy/'o!><7/rtrtHs(Julius Vallerius), sorte de noix aromatique, noix de ben. « Myrobalans, que les Arabes appellent Been, car ils sem- Dlent à glands el sont unctueux. » (L. III, ch. l.) (4) Festin de relevailles et aussi les couches, le temps des couches. « L'exposant 01 dire que icelle femme avoit esté aune gésine, aultre- ment nommée au pays. » (Coutances, i4i4» arch. J. J. 167, p. 89.) (5) Athamas, roi de Thèbes en Béotie, épousa en premières noces Néphélé ou Themisto, dontil eut, entre autres enfants, Phryxus et Hellé, et, en secondes noces, Ino, fille de Cadmus, qui le rendit père de Léarque et de Mélicerte. Cette deuxième épouse, irritée des dédains de Phryxus, détermina Athamas à le sacrifier aux dieux avec Hellé. Mais, la veille du jour désigné pour le sacrifice, Jupiter envoya à Phryxus un bélier à toison d'or, sur lequel il s'enfuit avec sa sœur. Celle-ci tomba dans la mer en passant l'Hellespont (le détroit des Dardanelles, mer d'Hellé); le jeune homme arriva sain et sauf en Phocide, où il devint le gendre du roi Aétés. (6) Dans lesquels. (7) Le fumier, Turiné et la chaleur du corps de ces animaux raniment en peu de temps les terres épuisées, froides ou infertiles. Cent moutons améliorent en un été huit arpents de terre pour six ans. (8) Les savants du moyen âge qui cherchaient la quintessence. « Tous les corps, a écrit Cornélius Agrippa {Philosophie occulte, 1. I, ch. xiv) sont composés de quatre éléments : le feu, l'air, l'eau et la terre. Ces corps ainsi matériellement formés possèdent des propriétés diverses, selon leur diverse composition. « L'esprit est essentiellement et spontanément mobile : la matière ne ANATOMIE COMPARÉE 887 De leurs crottes (mais qu'il ne vous en desplaise) les médicins de nos pays guérissent soixante etdixhuict espèces de mala- dies (1). La moindre desquelles est le mal sainct Eutrope de Xaintes (2), dont Dieu nous saulve et gard(3),.. Aussyme coustent-ils bon... ((■ Vendez m'en un, le payant bien, responditPanurge. « Nostreami, dist le marchand... considérez un peu les Test pas. Donc il faut un certain médium, ni àmotout h fait, ni corps tout à fait, qui relie ces ditïérents éléments comme cvqui unit l'àme au corps humain. « Ce médium, les philosophes l'appellent Tesprit du monde; nous l'ap- pelons, nous, Quintessence, parce que ce n'est pas un des quatre éléments mais un cinquième, subsistant au-dessus et en dehors d'eux. « C'est cette quintessence qui distribue à toutes choses les propriétés de l'âme du monde. Par la quintessence, toutes sortes de propriétés occultes sont distribuées aux animaux, aux plantes, aux métaux, par le soleil, la lune, les planètes et les étoiles. » C'est cet esprit du monde, cette quintessence, qu'ont cherchée avec tant d'opiniâtreté les alchimistes, les astrologues, les magiciens, sous le nom de pierre philosophale. (1) Les crottes de moutons ont été, en effet, employées autrefois en médecine contre l'hydropisie. (2) De Saintes. Dindenault, qu'on ne l'oublie pas, était de Saintes. (3) Une conversation tenue entre Lasdaller, le chef d'une bande de pèlerins, et Grandgousier nous ajjprend quel est ce mal : D'où venez-vous et où allez-vous ? demande Grandgousier aux pèle- rins (1. 1, ch. XLv). « Lasdaller pour touts respondit : « Seigneur je suis de Sainct Genou en Berry, cestuy-ci est de Paluau ; cestuy-ci de l'Onzay... Nous venons de Sainct Sébastian près de Nantes et nous en retournons par nos petites journées. — Voire, mais dist Grandgousier, qu'alliez-vous faire à Sainct Sébastian ? — Nous allions, dist Lasdaller, lui oITrir nos votes (vœux, prières et aussi offrandes, du latin votum) contre la peste. — 0, dist Grandgousier, pauvres gents, estimez-vous que la peste vienne de Sainct Sébastian ? — Oui, vraiement, res|)ondit Lasdaller... — Ainsy preschoit à Sinays un caphar, que Sainct Antoine mefloit le feu es jambes; Sainct Eutrope faisoit les hydropiques; Sainct Gildas les fols; Sainct (ienou les gouttes. » Saint Eutrope fait partie de cette série d'élus qui ont fait dire à >L Eugène Noël «pie, du temps de Rabelais, « le culte des Saintsétait sou- vent basé sur des jeux de mots et — l'on est honteux de le dire — sur de véritables calembours <■ : Saint Eutrope (eau trop) guérissait l'hydro- pisie ; saint Genou, la goutte; saint Main, la gale aux mains, la rogne; saint Cloud, les clous , saint Eustange ou Eustanche, les hémoi'rha- gies, etc., etc. 388 RABELAIS ANATOMISTE merveilles de nature consistants en ces animaulx que voyez, voire (i) en un membre que estimeriez inutile. Prenez- moi ces cornes-là, et les concassez un peu avecques un pilon de fer, ou avecques un landier, ce m'est tout un. Puis les enterrez en vue du soleil, la part que vouldrez, et souvent les arrosez. En peu de mois vous en voirrez naistreles meil- leurs asperges du monde (2). Je n'en daignerois excepter ceulx (3) de Ravenne (4)... A propos, si vous estiez clerc, vous sçauriez que, es membres plus inférieurs de ces animaulx divins, ce sont les pieds, y ha un os, c'est le talon, l'astra- gale (5), si vous voulez, duquel, non d'aultre animal du monde, fors de l'asne indian (6) et desdorcades de Lybie (7), l'on jouait antiquement au royal jeu des taies, auquel l'em- pereur Octavian Auguste un soir gagna plus de cinquante mille escuts (8)... Et quand... vous aurai-je, nostre ami... dignement loué les membres internes : les espaules, les esclanches, les gigots, le hault costé, la poictrine, le foie, la râtelle, les trippes, la gogue (9), la vessie, dont on joue à la balle ; les costelettes, dont on faict en Pygmion les beaulx petits arcs pour tirer des noyaulx de cerises (i) Où vous voudrez. (2) Inuenio {sylueslrem asparagurn ) nasci el arielis cornibiis iusisque alque defossis. Je trouve que Tasperge sylvestre est née des cornes broyées et enterrées d'un bélier. » (Pline, 1. IX, ch. viii.) (3) L'auteur, I. V, ch. vu, fait encore asperge du masculin. (4) Mollis in sequorea quse crevil spina Ravenna, non eril inaullis gra- lior asparagis. (Martial, épigr. xxi du 1. III.) (5) L'astragale est un os court situé entre les os de la jambeetceux du pied et dont la forme rappelle celle de la petite moulure ronde qui entoure le fût d'une colonne. Il était appelé lalus par les Latins et i.sxpi^xloi; par les Grecs. (Voy. Ostéologie : Les rasselles, comme des échasses.) (6) L'âne sauvage, l'onagre ("?). Pline avance qu'on le rencontre sur les bords de l'Indus (aujourd'hui le Sind). (7) La gazelle dorcas. (8) Voy. Suétone, ch. lxxi, de la Vie d'Auguste. Les taies sont les dés en or, en argent ou en ivoire ayant la forme de l'astragale, dont les Anciens se servaient pour jouer. (9) Le ventre. Le mot gogue est encore employé en Touraine pour désigner le gras-double qu'achètent les malheureux. ANATOM[E COMPARÉE 38i^) contre les grues ; la teste dont, avecqiies un peu de soulphre, on faict une mirifique décoction pour faire viender ( i ) les chiens constippés du ventre... Par le digne voult de Gharrous (2), le moindre de ces moutons vaùlt quatre fois plus que le meilleur de ceulx que jadis les Coraxiens (3) en Tuditanie (4), contrée de Hespaigne, vendoient un talent d'or la pièce (5) ». Les moutons, dont la lame, la chair, la graisse, les os, les entrailles, les résidus de la digestion, la litière four- nissent tout à la fois à l'homme de quoi se vêtir, se nourrir, s'éclairer, fumer ses champs, réparer ses instruments de musique (6), sont les animaux les plus sots de la création. La domesticité, en achevant de les dépouiller de la faible part d'instinct qui leur avait été dévolue par la nature, en a fait des espèces de machines vivantes. Abandonnés à eux- mêmes, dans les climats les plus favorables, ils périraient avant deux mois de misère ou par la dent des carnassiers. Lorsqu'ils sont en troupe, si celui qui va en tête s'arrête (1) « Viander c>st ici fienter. » (Le Duchat.) (2) Labbaye de Charroux, en Poitou, était célèbre par ses reliques, les pèlerinages et les vœux qu'on y faisait : Par la foy que je doy la couronne et li clou Que dans Challe et Chaux apporta à Charou. (DoM DE Nanteuil, cité par Fauchet. Lanrf. et poés. franc., p. ii4.) Ou jurait par limage {viillus) de Charroux. (3) Coraxi (Pline); les habitants de la Colchide. (4) En Andalousie. (5) Strabon, 1. III de sa GpOf/raphie, cité i)ar Budé, 1. IV de son De Asse. Il y a loin de la Colchide à l'Andalousie. •< C'est ce qui rendait, dit Le Duchat, si prodigieusement chers Iws moutons des Coraxiens parmi les Andalous, qui, ayant d'ailleurs chez eux une grande quantité d'or, comp- taient pour peu de chose ce que leur coûtaient ces moutons dont ils voulaient avoir la race. » (6) " Et pour conclusion les brebis sont grandenuMit i)rolilables pour l'usage des hommes. Aussi trouverons-nous en lEscriture Saincte que la richesse d'anciens Roys consisloit en troupeaux à laine, lescpiels même ils daignoient bien garder en leurs propres personnes (pour le profit et excellence de ces bestes), comme nous lisons d'Abraham, Isaac, Jacob, Laban, Moïse, David et autres. » (.\. Paré, loc. cil. siiprà, p. 57.) or)0 RABELAIS ANATOMISTE devant le plus léger obstacle, tous les autres en font autant, et on les tuerait plutôt que de les faire avancer ; le berger, dans ce cas, n'a qu'une ressource, c'est d'en prendre un et de le porter ail delà de l'obstacle, et alors les autres passent. Mais si, au contraire, poussé par quelque imbécile frénésie, le premier mouton se jette dans un précipice ou dans une rivière, les autres s'y lancent après lui sans la moindre hésitation. C'est en tablant sur cette particularité que Panurge a fait noyer Dindenault, ses moutons et leurs bergers. « Soubdain, je ne sçai comment (le cas feut subit, je n'eu loisir le considérer), Panurge, sans aultre chose dire, jecte en pleine mer son mouton criant et beslant. Touts les aultres moutons, criants et beslants en pareille intonation, commencearent soi jecter et saulter en mer après à la file. La fouUe estoit à qui premier y saulteroit après leur compagnon. Possible n'estoit les en garder. Comme vous sçavez estre du mouton le naturel, toujours suivre le pre- mier, quelque part qu'il aille. Aussy le dict Aristoteles lib. 9, de Ilislor. anim. estre le plus sot et le plus inepte animant (1) du monde. Le marchand, tout effrayé dece que devant ses yeulx périr voyoit et noyer ses moutons, s'effor- çoit les empescher et retenir de tout son povoir. Mais c'estoit en vain. Touts à la file saultoient dedans la mer et périssoient. Finablement (2), il en print (3) un grand et fort par la toison sus le tillac de la nauf, cuidant (4) ainsy le retenir, et saulver le reste aussy conséquemment. Le mou- ton fut si puissant qu'il emporta en mer avecques soi le marchand, et fut noyé, en pareille forme, que les moutons de Polyphemus (5) le borgne cyclope emportarent hors (1) Animal. (2) Finalement. (3) Prit. (4) Croyant, du latin credere. (5) Polyphème, le plus grand, le plus célèbre et le plus hideux des ANATOMIE COMPARÉE 891 la caverne Ulysses et ses compagnons. Aultant en firent les aultres bergers et moutonniers, les prenants uns par les cornes, aultres par les jambes, aultres par la toison. Les- quels touts feurent pareillement en mer portés et noyés misérablement. » Les grands Cétacés (baleines, cachalots, etc.) étaient plus communs autrefois qu'aujourd'hui dans les mers du Nord. Dans leurs longues pérégrinations, Pantagruel et ses compagnons en ont rencontré trois : deux (1) entre l'île d'Oultre (2) et le royanme de la Quinte (3), un près de l'île Farouche (4). Ce dernier a fourni à Rabelais l'occasion d'une description de la pêche pénible et dangereuse, mais lucrative, d'un de ces gigantesques mammifères. « Sus le hault du jour, approchants l'isle Farouche, Pantagruel de loing apperceut un grand et monstrueux physétère (5)... cyclopes, né des amours de Neptune et de Thoosa, habitait les côtes de la Sicile où il faisait paître de nombreux troupeaux. Ulysse et ses com- pagnons, enfermés par lui dans une caverne, en sortirent en se cram- ponnant au ventre des béliers qu'il surveillait. (1) Au moment oi!i le prince faisait passer des provisions aux marins d'Henri Cotiral pour les remercier d'avoir renfloué la thalamège ensa- blée, « tleux grands physétères impétueusement abordèrent leur nauf et leur jectèrent dedans plus d'eau que n'en contient la Vienne, depuis Chi- non jusqu'à Sanlouant (Saint-Louant) ». (2) L'île de Jersey, pour M. Ducrot. (3) Saint-Michel-en-Grève, pour M. Ducrot. (/,) « L'île (irimm, au nord-nord-ouest de l'Islande, de temps immémo" rial rendez-vous des pêcheurs de baleines, de veaux marins, qu'on exter- mine pour en avoir hi graisse. De même que Rabelais fait tuer, dit M. Ducrot, un grand physétère ou baleine par Pantagruel sur les côtes de l'Islande, h l'endroit même où Mercator en a dessini' un; il en reparle encore entre la côte noi-maiide et la côte; de Bi'ctagne, là où Mercator en a dessiné un autre. La rencontre est fort singulière, ou en conviendra sans |)eine. » (Ducrot, loc. cit. siij)t'ù, p. 28.) (5) On désignait autrefois, sous le terme générique de physétères, tous les gi'auds cétacés à grosse tète (macrocéphales), baleines, cachalots, etc. Aujourd'hui il désigne le cachalot. Dans le langagecommercial, on donne encor-e h' nom de blanc de baleine {spcrma-celi) à une substance vis- «picusc, lapidriiMiil roagulablr, (pi'on trouve dans les os du crâne du 392 RABELAIS ANATOMISTE bruyant, ronflant, enflé, enlevé (i) plus hault que les hunes desnaufs (2), et jectant eaux de la gueule en Taer devant soi, comme si fùst une grosse rivière tombante de quelque mon- tagne (3). « Pantagruel lemonstra au pilot et àXenomanes (4). Par le conseil du pilot furent sonnées les trompettes de la tha- cachalot. « Le physétère, appelé peis mular en Provence et sedenecle en Saintonge, est, dit Le Duchat, une espèce de baleine qu'on voit quelque- fois sur l'océan françois, particulièrement vers Bayonne. Les Grecs ont nommé ce poisson Physétère, comme qui diroit Souffleur, à cause de l'eau qu'il jette comme en soufflant, par un pertuis qu'il a dans le dessus de la tête. Voy. Rondellet, De Piscibus, 1. XVI, ch. xiv, où il cite Pline 1. IX, ch. IV. .- (1) Élevé. (2) Le penchant inné qu'a tout homme à exagérer encore les choses extraordinaires a pu se donner un libre cours au sujet des physétères et principalement de la baleine. Dans plusieurs ouvrages anciens, il est fait mention de baleines de 5o à 60 mètres de long. De fait, les baleiniers ne parlent plus, depuis trois ou quatre siècles, que de baleines de 20 mètres de long, ce qui est déjà bien raisonnable. Avec cette longueur, la circon- férence, derrière les nageoires pectorales, est de 10 à i3 mètres ; le poids est d'environ 100.000 kilogrammes. Celui que représenteraient environ trente éléphants, quarante rhinocéros ou hippopotames, deux cents tau- reaux. (Brehm.) (3) La respiration des Cétacés est singulière. Quand ils remontent pour respirer à la surface des flots, ils soufflent bruyamment l'eau qui a pénétré dans leurs narines incomplètement fermées, et cela avec une telle force que cette eau, réduite en poussière, s'élève à 5 ou 6 mètres, à i3 mètres même chez les grandes baleines, et peut être aperçu de plus d'un mille marin de distance. On dirait un jet de vapeur séchappant d'un tuyau étroit ; le bruit qu'elle fait ressemble aussi au bruit de la vapeur. Ce n'est donc pas un jet d'eau, semblable à celui d'une fontaine, et tel que le représentent les dessinateurs et que l'ont décrit quelques natura- listes. (4) J'ai déjà dit que l'un des pilotes de Pantagruel était Jacques Cartier et l'autre Alphonse le Saintongeois. Ce dernier est indiqué clairement par ces deux phrases de Rabelais : « Panurge l'amena du pays de Lan- ternois » (c'estLa Rochelle) et « icelluy... avoità Gargantua laissé et signé, en sa grande et universelle hydrographie, la route qu'ils tien- droient, » (L. IV, ch. i.) Or c'est précisément l'ouvrage de Jean Alphonse, qui a habité avec Pierre Sécalar en la rue de Saint-Jean-de-Prez, à La Rochelle, devant l'église de Saint-Jean-du-Perrot, près la tour de la Lan- terne. Son Hydrographie a été imprimée à Poitiers en loSg par Jean de Marnef, libraire. ANATOMIE COMPARÉE .Sqo lamege en intonation de gare serre (i)- A cestuy (2) son, toutes les naufs, gallions, ramberges (3), liburniqiies (4), selon qu'estoit leur discipline navale, se mirent en ordre et figure... « Le physétère, entrant dedans les brayes (5) et angles des naufs et gallions, jectoit eau sus les premières à pleins tonneaulx, comme si fussent les catadupes (6) du Nil en Ethiopie. Dards, dardelles, javelots, espieux, corsiques (7), pertuisanes, voloient sur luy de touts costés. « Frère Jean ne s'y espargnoit. « Panurge mouroit de paour (8). (( L'artillerie tonnoit et fouldroyoit endiablé, etfaisoitson debvoir de le pinser (9) sans rire. Mais peu proilctoit (10) : car les gros boullets de fer et de bronze, entrants en sa peau , sembloient fondre, à les voir de loing, comme font les tuiles au soleil (11). Alors Pantagruel, considérant l'occasion et (1) Pour avertir de se mettre en garde et de se serrer luii contre lautre, de faire la scie (serra), manœuvre navale stratégique ancienne qui consistait à avancer et à reculer tour à tour. (Vegetius, Aulus-Gel- LIUS.) (2) Ce. (3) Vaisseaux longs. (4) Navires légers des Liburniens. Liburna (Horace, Lucien, Tacite). Liburnica (Pline, Suétone). (5) Les écoutilles. (6) '< Lieu en Ethiopie onquei le Nil tombe de haultes niontaignes, en si horrible bruyt que les voisins du lieu sont presque tous sours, comme escripl Cl. Galen. L'evesque de Caramith, celluy qui en Rome fut mon précepteur en langue arabique, m'ha dict que Ion oyt ce bruyt à plus de trois journées loing, qui est aultant que de Paris à Tours. » (Voy. Ptol. CicKRON,/« Som. Scij>ionis, Pline, 1. Y, ch. ix, et Strabon.) (Briefve Dé- claration.) J"ai tenu à reproduire in exlenso cette note. Elle prouve : i" que Rabelais est bien fauteur de la Briefve Déclaration ; 2° que c'est à Rome qu'il a appris l'arabe. (7) Javelines. (8) Panurge n'avait pas absolument tort. On cite des caciialots qui ont attaciué sans motif des navires et les ont coulés bas. (()) Pincer. (Kt) Mais cela ne servait guère, était peu utile, du \diin j)ro/icere. (il) Le tissu graisseux qui double la peau de la baleine est tellement mollasse qu'il se laisse déi»rinier par la moindre pression et par cela 394 RABELAIS ANATOMISTE nécessité, desploye ses bras et monstre ce qu'il sçavoit faire. . . a Car avecques ses horribles piles (i) et dards (lesquels proprement ressembloient aulx grosses poultres sus les- quelles sont les ponts de Nantes, Saulmur, Bergerac, et à Paris les ponts au Change et aux Meusniers (2) souste- nus, en longueur, grosseur, poisanteur (3) et ferrure)... au premier coup, il enferra le physétère sus le front, de mode (4) qu'il luy transperça les deux maschoires et la langue, si (5) que plus ne ouvrit la gueule, plus ne puisa, plus ne jecta eau. Au second coup, il lui creva l'œil droict. Au troisiesme l'œil gausche. Et fut vu le physétère, en grande jubilation de touts porter ces trois cornes au front, quelque peu penchantes d'avant, en figure triangulaire équilatérale ; et tournoyer d'un costé et d'aultre, chancellant et for- voyant (6), comme estourdi, aveuglé et prochain de mort, <( De ce non content, Pantagruel luy en darda un aultre sus la queue, penchant pareillement en arrière. Puis trois aul- tres sus l'eschine en ligne perpendiculaire, par équale (7) dis- tancede queue et bec (8) trois fois justement compartie (9). Enfin luy en lancea sus les flancs cinquante d'un costé et cinquante de l'aultre (10). De manière que le corps duphy- mème « cède et ne rompt pas ». Ce tissu graisseux forme, d'autre part, une gaîne de 20 à 5o centimètres d'épaisseur autour du corps qui doit être entièrement traversée, ainsi que les muscles, avant que les parties nobles soient atteintes. (1) Javelots, traits; ;ctXo; en gvec, piliim en latin. (2) Le Pont-aux-Menniers n'était éloigné du Pont-au-Change que de quelques toises. 11 fut détruit, avec tous ses moulins, sous le règne de Henri II. (3) Pesanteur. (4) De sorte que. (5) Tellement, à tel point, si bien. (6) Reculant, du latin foras, dehors, et via, chemin. (7) Égale, du latin seqiialis. (8) Alias bac. (9) Partagée, divisée. (10) Le physétère de Pantagruel n'est pas une exception. Quand un animal de ce genre était harponné et entrait en agonie, on achevait autre- fois de le tuer à coups de lance, principalement dirigés entre les côtes. ANATOMIE COMPARÉE 896 sétère sembloit (1) à la quille d'un gallion à trois gabies (2), emmortaisée par compétente (3) dimension de ses poul- tres (4), comme si fussent cosses (5) et portehaubancs de la carine (6). Et estoit chose moult (7) plaisante à voir. Adoncques mourant le physétère se renversa ventre sus dors (8), comme font touts poissons morts; et ainsy, renver- sant les poultres contre bas (9) en mer, ressemblait au scolo- pendre serpent ayant cent pieds, comme l'ha descriptle sage ancien Nicander (10). » Alors les matelots « amenarent le physétère lié en terre de risle prochaine, dicte Farouche, pour en faire anatomie, et recueillir la graisse des rognons, laquelle disoient estre fort utile et nécessaire à la guérison de certaine maladie qu'ils nommoient faulte d'argent (11). » (1) Ressemblait. (2) Mâts. (3) Convenable, appropriée, (hi latin compelens. (4) Ce sont les llèches grosses comme des poutres. (5) Anneaux. (6) De la carène, du latin cavinn. (7) Très, bien plaisant, du \w\m miillum . (8) Après la mort, les nageoires pectorales qui maintiennent la baleine en équilibre cessant d'agir, l'animal tombe aussitôt sur le dos ou sur le flanc. (9) De haut en bas. (10) Dans le Traité des animaux d'Albert de Bollstadt {Opéra, t. \T, édition de iG5i) on lit : " Cenliipeda est de (jenere draconiim, militas valde hal)ens pedes. Le centipes est du geni't^ des dragons, nuiis a beaucoup plus de [)ieds. » Le scolopendre marin des Anciens ressemblait au centipes terrestre et était réputé jouir de l'étrange faculté de pouvoir vomir ses intestins percés par un hameçon, puis de les ravaler quand il les avait débarrassés de cet hameçon. En réalité, le scolopendre est nu ann('dide ({ui apparlirnl à l'ordre des Myriapodes ou .Milhî-pieds. 11 est pourvu d'une trompe charnue souvent fort volumineuse, et qui peut rentrer et sortir librement selon les besoins de l'animal. C'est ce qui a fait dire qu'il rendait ses intestins et les ava- lait de nouveau (Cuvikh). Sans nier absolument rexistence de grands siM[»enls marins, Hrehm pense, d'autre part, qu'on a pris généralement [)otu' des monstres de ce genre des algues gigaidesques couvertes de Barnacles, des Congres ou des Murénidés énormes. (11) De tous les mammifères marins, ce sont les baleines iloid la pèche 3f)6 RABELAIS ANATOMISTE Parmi les animaux, les uns (Vertébrés) ont un squelette intérieur osseux ou cartilagineux ; les autres (Invertébrés) en sont dépourvus. Les Mammifères, les Oiseaux, les Rep- tiles, les Poissons, les Batraciens sont des animaux verté- brés, les Articulés (Insectes et Vers), les Mollusques, les Zoophytes ou Rayonnes sont des animaux invertébrés. Dans les Articulés, ilest nécessaire, surtout au médecin, de connaître les Insectes diptères (i) et hyménoptères (2) et les Entozoaires (3) en raison des accidents morbides qu'ils cau- sent aussi bien à l'état de larves qu'à l'état de complet développement. L'homme tout entier respire en ses tableaux (4). Le docteur Rabelais n'a parlé, dans son Gargantua et son Pantagruel^ que des insectes et des vers dont il est question dans les traités de Zoologie médicale. Jadis « au-dessus d'Aurclians estoit une ample fo- rcst de la longueur de trente et cinq lieues et de largeur dix et sept, ou environ. Icelle (5) estoit horriblement fertile (6) et copieuse en mousches bovines (7) et fres- est, quand elle est heureuse, la plus fructueuse et la plus productive. Une baleine de 20 mètres de long et pesant 78.400 kilogrammes fournit 1.680 kilogrammes de fanons et 33. 600 kilogrammes de graisse, qui donnent près de 27.000 kilogrammes d'huile. Une tonne (1.120 kilo- grammes) d'huile coûte de 3 à 4 livres sterling (75 à 100 francs); une tonne de fanons se vend de 160 à 180 livres sterling (4.000 à 4-5oo fr.). Des baleiniers ont gagné près de 3oo. 000 francs dans une seule campagne. S'ils étaient atteints avant de la maladie qu'on nomme « faulte d'argent »i ils ont dû en être, à coup sûr, rapidement et complètement guéris. (1) Insectes à deux ailes, du grec S{;, deux, et Ttiepciv, aile; ce sontles mouches. (2) Insectes à ailes membraneuses, du grec u|j.rjv, membrane, et niepov, aile; ce sont les abeilles, les guêpes, etc. (3) Vers qui vivent dans l'intestin, du grec 's'vtepov, intestin, et Çow, je vis. (4) La Harpe, épître au comte de Schowalow. (5) Celle-ci. (6) Féconde, du \-A\in ferlilis. (7) La mouche des bœufs est un insecte diptère très voisin de la mouche domestique. Elle s'en distingue pai' les côtés de la l'ace et du front (pii ANATOMIE COMPARÉE 897 Ions (1), de sorte que c'estoit une vraie briganderie pour les pauvres juments, asnes et chevaulx. Mais la jument de Gargantua vengea honestement touts les oultrages en icelle (2) perpétrés sur les bestes de son espèce, par un tour duquel ne se doubtoient mie (3). (( Car soubdain qu'ils (Gargantua, son précepteur Pono- crates et ses gens) furent entrés en la dicte forest, et que les freslons luy eurent livré Tassant, elle desgaina sa queue, et si bien s'escarmouchant (4), les esmoucha (5), qu'elle en abattit tout le bois : à tords, à travers, de çà, de là, par ci, par là, de long, de large, dessus, dessoubs, abattoit bois comme un fauscheur faict d'herbes. En sorte que depuis n'y eut ne bois ne freslons : mais fut tout le pays réduict en campagne. « Quoi voyant, Gargantua, y print plaisir bien grand, sans aultrement s'en vanter, et dist à ses gens : « Je trouve beau ce. » Dont fust depuis appelé ce pays là Beauce. » A la fin du combat livré par Gargantua à Picrochole, les troupes de ce dernier, en proie à une terreur panique, « fuyoient comme vous voyez un asne, quand il ha au c... un sont blancs, par son abdomen à bande dorsale noire et par l'absence de jaune ebez les mâles. Cette mouche, très commune en France, se jette sur les narines, les yeux et les plaies des bestiaux. (i) La guêpe ou frelon {uesca crabro) est un insecte hypaénoptère de la tribu des Vespides. Elle a le caractère taquin, agressif, et la locution latine crabrones irrilare et la locution française « tomber dans un guê- pier » en témoignent. Le phlegmon, la gangrène, les ulcères rebelles sont les complications ordinaires des blessures qu'elle cause. On comprend après cela que les anciens Pharsalites aient quitté leur pays où elle s'était multipliée outre mesure; on s'explique les chapitres du livre de Josué et de \ Exode {Exode, m, 28) où il est dit « que le Seigneur diri- geait des essaims de guêpes contre les Hethiens et les Chananéens pour leur faire graduellement abandonner la terre qu'il destinait à son peuple ». (2) Celle-ci. (3) Ne se doutaient pas. ('',) Courant ch et Ij'j, de l'italien f;r(ira;n:!cciair, lait dans le même sens de l'alitMiiand schivarnien. (.^)) Chassa ces mouches. 398 RABELAIS ANATOMISTE œstre junonique (1), ou une mousche qui le poinct (2), courir çà et là sans voie ni chemin, jectant sa charge par terre, rompant son frein et rênes, sans auculnement res- pirer ni prendre repos, et ne sçait on qui le meut (car l'on ne veoit rien qui le touche). » Dans le chapitre xxu du livre III, il est fait mention en ces termes des connaissances de Raminagrobis (3) en para- sitologie : « Il parle absolument et proprement des pulces, punaises, cirons (4), mousches, culices (5), et aultres telles bestes : lesquelles sont unes (6) noires, aultres faulves, aultres {i)Les œstres sont des insectes diptères qui forment, sous le nom d'OEs- trides, une famille proche de celle des Muscides ; ce sont de grosses mou- ches très velues qui déposent leurs œufs dans l'épaisseur de la peau, sur les lèvres, dans le nez, l'orifice anal, etc., des animaux herbivores. Les larves qui en naissent vivent sous la peau (cuticoles) ou dans les cavités buccale, nasale (cavicoles), ou s'attachent aux parois de l'estomac et des intestins (gastricoles) jusqu'à leur complet développement, puis descen- dent dans le rectum avec les matières excrémentitielles et s'échappent par l'anus lorsqu'elles sont devenues aptes à de nouvelles métamorphoses. On distingue l'œstre du cheval {gaslrophilus heniorvhoïdalis), celui du bœuf {hypoderma bovis), celui du mouton {cephalemijca ovis), de l'âne, du chameau, etc. La piqûre d'une seule de ces petites bètes cause d'hor- ribles souffrances. Dans l'édition de Rathery, il est écrit que Rabelais appelle l'œstre «juno' nique » par allusion à celui que Junon mit après lo, que Jupiter avait changé en vache. (2) Le pique, du latin pnmjeve. (3) En breton va mine a c'hrnbiz, il fait mine d'important. On pense avec raison que Rabelais a voulu sous ce pseudonyme désigner Guillaume Grétin. En etîet, les vers qu'il fait écrire à ce poète mourant sont tirés presque littéralement d'un rondeau de Crétin adressé à Christofle de Refuge, maistre d'hôtel de Monseigneur d'Alençon qui l'avait consulté pour savoir s'il devait prendre femme. (Voy. Audiger, les Héros de Rabe- lais, p. 12, Saint-Antoine-Marseille, 1886.) (4) Par ciron il faut entendre ici le sarcopte de la gale. (5) Les cousins, du latin ciilex, culicis. Il y a une famille de Diptères monocères qui a pour type le cousin. La famille des Culicides se com- pose des genres cousin, anophète, etc. « Ces petites mouschettes qu'aul- cuns appellent aussi cincelles » étaient, disait-on autrefois, « engendrées de vapeurs corrompues et d'ordure. » Dans les pays chauds, les piqûres,, parfois assez nombreuses, des cousins, déterminent des inflammations violentes. (6) Dont les unes sont. ANATOMFK COMPARÉE 899 cendrées, aullres tannées (1) et basannées, toutes impor- tunes, tyranniques et molestes (2), non es malades seule- ment, mais aussy à gents sains et vigoureux. Par adven- ture ha-il des ascarides, lumbriques (3), et vermes (4) de- dans le corps. Par adventure pastist-il, comme est en Egypte et lieux confins de la mer Erythrée (5) chose vulgaire et usi- tée, es bras ou jambes, quelque poincture (G) de draconeaulx grivolets, que les Arabes appellent vènes Meden (7). » (i) A peu près de la couleur du tan. (2) Insupportables, du latin moleslus. (3) L'ascaride lombricoïde est un entozoaire vivant principalement dans le tube digestif des enfants. Connu dès la plus haute antiquité, signalé par Hippocrate lui-même, il a été pendant fort longtemps consi- déré comme n'étant autre que le lombric terrestre ou ver de terre, un peu modifié par son séjour dans les intestins. On sait maintenant qu'en dépit de la ressemblance il y a entre les lombrics terrestres et les vers ascarides des dilïérences d'organisation qui en (ont des espèces animales tout à fait distinctes. (4) Vers, du latin vermis. Outre les lombrics, on peut trouver dans le tube digestif d'autres vers : l'oxyure elle trichocéphale, helminthes à corps cylindrique et strié comme celui des lombrics, les ténias armés ouinermes et le botriocéphale, helminthes à corps plat. Dans le chapitre xxvi du livre IV il est dit qu'Hérodr, roi de Judée, eut « une mort horrible et espouventable en nature (car il mourut d'une phthi- riasis, mangé des vermes et des poulx, comme paravant estoient morts L. Sylla, Pherecides syrien, précepteur de Pythagoras, le poète grégeois avec Alcman, et aultres). » Les Pediciili corporis, quand ils sont très nombreux et infestent depuis longtemps un individu, s'accompagnent de diverses altérations de la peau, telles que pustules, papules et petites tumeurs foUiculeuses, indépendamment des excoriations et des égratignures pro- duites par le grattement. Portée à ce degré, la présence des poux constitue une maladie véritable nommée maladie pédiculaire, phthiriasis ou phthi- riase (du grec ^Mp, pou), sur laquelle on a débité plusieurs opinions eri'onées ou contestables. Quoi (juou en dise, il n'est pas probable que la maladie pédiculaire ait jamais causé la mort. (5) La mer Rouge, mare Rubnim des Latins, mare Hri/ Ihi'n'iimdcii iJiVf es, la mer de a Joncs de l'Écriture. (G) Morsure, piqûre. (7) Le dracoiMK'au grivolct. encore nommé Venes menden, Gordiim medinensix, Fildria Draciinridua, Dragonneau, Petit dragon. Ver ou N't'ine de Médine, V^er de Guinée, V'^er du Sénégal, Ver cutané, etc., est un ver annclé vivant hors du tube digostif de l'homme. On le rencontre surtout dans l'Arabie Pélrée, au Sénégal et au Congo. Galien en a eu connais- sance. (Voy. Galien, 1. VI, Des jxirlies.) 400 RABELAIS ANATOMISTE Bien qu'Avenzoar eût écrit dès xii^ siècle « qu'il s'en- gendre sous l'épiderme, dans une certaine maladie, des animalcules semblables aux poux, qui en sortent vivants quand on écorche la peau et qui sont si petits que l'œil a peine à les apercevoir » ; que Moufet, en i654 (Inseclorum minimorum animalium theatrttm, ch. xxiii, p. 26), et après lui Redi, Linné, Morgagni, Latreille et plusieurs autres eussent établi la réalité de l'existence de ces animalcules ; que Mikmann, en 1776, eût déterminé de la manière la plus exacte le mode de contagion de la gale, cette maladie était encore rangée, en 1842 (voy. Compendiiim de médecine), parmi les vices, les cachexies ou les phlegmasies par beau- coup de médecins. L'ami et le médecin du cardinal de Bellay était mieux ren- seigné. lia connu non seulementle siège de prédilection et de début de la gale, maisencore sa nature parasitaireetson carac- tère contagieux. « P'ond me vient ce ciron ici entre ces deux doigts (1) ? » demande Panurge à Her Trippa. (( Cela disoit tirant droict vers Her Trippa les deux premiers doigts ouverts en forme de cornes, et fermant au poing touts les aultres. » (L. III, ch. XXV.) Un des ancêtres de Pantagruel, « Enay, fut très-expert en matière d'oster les cirons des mains ». (L. II, ch. i.) Quenelault, « médicin normand, subitement à Mons- pellier trespassa par de biais s'estre avec un tranche- plume (2) tiré un ciron de la main >». L'entrée de l'abbaye de Thélème était interdite aux (1) La gale occupe et commence presque toujours dans l'intervalle des doigts ; aujourd'hui encore les médecins font ouvrir les « deux premiers doigts en forme de corne » aux individus qu'ils croient être atteints de cette maladie. (2) Sorte de canif. On lit dans l'édition de i548 : (( Guignemauld, normand médicin, grand avaleur de pois gris et brelandier très insigne, lequel subitement à Monspellier trespassa par faulte d'avoir payé ses dettes, et par de biais, etc.. » ANATOMIE COMPARÉE 4oi « galoux )> et aux individus atteints du mal de Fracas- tor(i). C'en est assez... Ne ressort-il pas amplement de ces citationsmultiples, de cette exégèse minutieuse usqiie adcal- cem, que Rabelais a aimé la nature à la fois comme l'aiment les poètes et les rêveurs, et comme l'aiment les savants : comme ceux qui veulent la saisir et l'admirer dans la magnifique variété de ses formes, et comme ceux qui veulent la pénétrer dans les secrets de ses lois éternelles ? En for- mulant un ensemble de faits positifs, au lieu de ne s'appuyer que sur des préconceptions fictives, en ne se bornant pas à brasser la matière ductile de l'esprit d'autrui, en s'occupant avec un égal bonheur de l'éléphant et du ciron, Maître Fran- çois a préparé et annoncé Bufîon, Lacépède, Daubenton et Guvier. (i) En plus de FAcarc de la gale, des Oxyures, du filaire de Mc'dino, des Reptiles et des Annélides nuisibles, on relève dans Ga7'^fl«/«a ctdans Panlagriiel les noms d'animaux qui fournissent des produits médica- menteux : le castor (1. II) ; la civette (1. I, ch. i et 1. II, ch. vi), le chévrotain porte-musc (1. I, Prol.), et, dans un autre ordre d'idées, ceux des cluils de Ouand « Ouareameprenanl (jrondoil, c'rsloienl chdls de mars ». Gargantua trouva '< derrière un buisson un chat de mars dont les gryphes luy exul- cérarent tout le périnée ». Les chats de mars, ce sont les martres, disent tous les commentateurs. Pourquoi? Les chats de mars, ce sont les chattes qui ne sont jamais si amoureuses que pendant le carême. 26 ANATOMIE DES FORMES ANATOMIE DES FORMES Lanatomie des formes, encore appelée Analomie arlis- licjne, Analomie des peinlres et des sculpleiirs^ a pour objet la description du modelé de telle ou telle région du corps humain, Texplicalion anatomique de ce modelé, de ses modiiications à l'état de repos et de mouvement. C'est elle ), Raphaël (3)^ (i) Dans la [mMace de l'édition publiée à BAle en i543, il est dit que la [tlupart des figures ont été exécutées })ai' J. Calcar. (2) Michel-Ange a fait à Florence de longues éludes de dissection et laissé divers dessins anatonii(iues dont plusieurs ont été reproduits par Choulant et Seroux d'Agincourt (Ludwig Choulant, Gesichle iind Diblio- f/riijilnc (les analomischen Abbildiinr/en, Leipzig, iSSa; Seroux d'AoïN- couHT, Ilialoire de Vavl par les moniimenls, Paris, 1811, t. VI, pi. 177). (!{) Parmi 1rs nondu'euses fs(piissrs d'analonii»' «le Hapliaël, iien est une (pii csl [)arliculièrenieid i"eniai(nial»le, c'est celle tlu scpu'lelte (jui a fourni à ce peintre génial, pour son lahleaii i\r la Miseaii lambeau, l'indication précise de la direction des membres cl de la disposition des jointures de la Vierge évanouie. 4o6 RABELAIS ANATOMISTE Léonard de Vinci (i), etc., etc., ont été de grands anato- mistes. Dès la fondation à Paris, en 1648, par Louis XIV, d'une académie de peinture et de sculpture — aujourd'hui FEcole des Beaux-Arts — deux enseignements ont été institués à côté des ateliers proprement dits, renseignement de la pers- pective et celui de l'anatomie. Depuis cettecréation. Lebrun, Camper, Lavater, Ch. Bell, Humbert de Superville, Gratiolet, Gerdy, Darwin, Du- chenne, de Boulogne, Fau, Lemoine, Piderit, Mathias Duval, Stevens, Richer, Cuyer, etc., ont noté et coordonné, en une sorte d'ensemble doctrinal, les rapports intimes qui existent entre l'ouverture de l'angle facial et lintelligence, entre la contraction de tel ou tel muscle facial et telle ou telle expres- sion de la physionomie, entre les déformations permanentes apparentes et la profession, etc. En anatomie artistique, comme en anatomie descriptive, en anatomie chirurgicale et en anatomie comparée, Rabe- lais a été un précurseur. Il a anatomisé d'ab(jrd Ouaresme- prenant, « quant aux parties internes », puis « quant aux parties externes ». Et, comme un maître de l'art, alliant à la connaissance de l'organisme Thabileté de la composition et la profondeur de la pensée, il a laissé de Quaresmepre- nant un portrait si ressemblant qu'il suffit de l'étudier un instant pour deviner non seulement l'âge, l'état de santé habituel, la valeur intellectuelle et morale, mais encore la parenté du modèle. Pour être mieux compris, l'incompa- (1) « Je suis absolument persuadé, a dit William Hunier, que Léonard de Vinci doit être considéré comme le meilleur et le plus grand anato- miste de son époque. Déplus, il est certainement le premier qui ait inau- guré l'usage des dessins anatomiques. » Oui a lu les manuscrits de Léonard de Vinci de la Bibliothèque royale de Windsor sera entièrement de Tavis de rillustre chirurgien anglais. (Voy. les Manuscrits de Léonard de Vinci de la Bibliothèque royale de Windsor. De l'anatomie, l'euillets A, publiés par Théodore Sabachmkoff, avec traducLion en langue française, trans- crits et annotés par Giovanni Piiunati ; précédés d'une élude de Mathias Duval, Paris, 1897.) ANATOMIE DES FORMES f^OJ rable satirique a fait, en effet, réapparaître par atavisme, chez l'observateur fidèle des lois du Carême, divers carac- tères anatomo-physiologiques de deux de ses aïeux, Amo- dunt et Discordance, qu'il a dépeints en ces termes dans le chapitre xxxii du livre IV : « Voilà, dist Pantagruel, une estrange et monstrueuse membrure d'homme (i), si homme le doibs nommer. Vous me l'éduisez en mémoire (2) la forme et contenence de Amo- dunt (3) et Discordance. a — Quelle forme, demanda frère Jean, avoient-ils? Je n'en ouï jamais parler : Dieu me le pardoint (4). « — Je vous en dirai, respondit Pantagruel, ce que j'en ai leu parmi les apologues antiques (5). Physis (6) (c'est Nature) en sa première portée enfanta Beaulté et Harmonie sans co- j)ulation charnelle: comme de soi-mesme est grandement fé- conde et fertile. Antiphysie (7), laquelle de tout tempsestpar- tie adverse de Nature, incontinent eut envie (8) sus ccstuy tant beau et honorable enfantement : et au rebours enfanta Amodunt et Discordance par copulation de Tellumon (9). (1) Il s'agit de Quaresmeprenant. (2) Vous me rappelez. (3) Sans forme. Ce mot est dérivé peut-être du laliu (i, modo et ens, être sans forme. (4) Me pardonne. (.5) La Monnoye dit que Rabelais a emprunté cet apologue à Cœlius Celeaginus, auteur qui n'est ni antique, ni très connu, et dont les œuvres ont été imprimées en i.")/,^ sous le titre île Cii(/anlcs. On lit, en effet, à la page 622 de cette édition des onivres de Ccelius Celeaginus : Xdliini iil esl pei- se ferax, jirirno parlii, Decorrm al({ue Ilurmoniam rd'ulil, niilla opéra viri adjiild. Anliphijcia vero, semjirr unlurre (idreiso, lam piilchrum fa-him pvolimia invidil, in^.fjiie Tellumoius timplexu, duo ex adverso monslra pepevil Amodunlem ac Diaerepenlidin nomine, si fornutin indicaro, excilabo risiiin lenenlihiis, etc.. Rabelais a traduit caA ajjologui; juscpi'à ces mots : I- Depuis elle engendra les matagols... » (()) La nnlure, otiaiç en grec. (7) Le [»rincii)e op[)«)S('' à la naliirc, ilu grec àvTi', conire, el -oj^'.;, nature. (8) Fid jalouse. (<)) Sorte de diviniti'- qiù syndiolisail les forces produclives ilc la terre; Varron et saint Augustin ont usé de celte e\'[»ression. (\'oy. lAlphabel de l'auteur.) 4o8 RABELAIS ANATOMISTE Ils avoient la teste sphoriquc et ronde entièrement comme un ballon : non doulcement comprimée des deux costés, comme est la forme humaine. Les aureilles avoient hault enlevées, grandes comme aureilles d'asne : les œils hors la teste, fichés (i) sus des os semblables aux talons, sans sourcilles, durs comme- sont ceulx des cancres (2) ; les pieds ronds comme pclottes ; les bras et mains tournés en arrière vers les espaules ; et cheminoient sus leurs testes continuellement faisants la roue, c... sus teste, les pieds contremont (3). Et comme vous sçavez que es singesses (4) semblent leurs petits singes plus beaulx que chose du monde, Antiphysie louoit et s'efforceoit prouver que la forme de ses enfants plus belle estoitetadvenente (5), que des enfants de Physis : disant que ainsy avoir les pieds et teste sphériques, et ainsy cheminer circulairement en rouant (6), estoit la forme compétente (7) et parfaicte allure retirante (8) à quelque portion de divinité, par laquelle les cieulx et toutes choses éternelles sont ainsy contour- nées. Avoir les pieds en l'aer, la teste en bas, estoit imita- tion du Créateur de Tunivers, vu que les cheveulx sont en l'homme comme racines, les jambes comme rameaulx. Car les arbres plus commodément sont en terre fichés sus leurs racines, que ne seroienl sus leurs rameaulx. Par cette démonstration alléguant que trop mieulx et plus apte- ment (9) estoient ses enfants comme une arbre droicte (10), (1) Fixés. (2) Crabes, du latin cancer. Les yeux des Crustacés sont sujjportés par un pédoncule, dit pédoncule oculaire. (3) Les pieds en l'air. (4) Aux femelles des singes. (5) Plus convenable, mieux adapté à ses fonctions; du latin advenive. (6) En roulant, en faisant la roue. (7) Convenable, du latin compelens. (8) Approchante. Selon Platon, la forme la plus belle et la plus par- faite est la forme ronde. (Voy. Montaigne, Essniii, 1. II, ch. xii.) (9) Justement, du latin aj)le. (10) Je rappelle que Rabelais a conservé aux substantifs dérivés du latin ou du grec le genre cju'ils ont en latin ou en grec. ANATOMIE DES FORMES 4o9 que ceulx de Physis, lesquels estoient comme une arbre renversée. Quant est des bras et des mains, prouvoit que plus raisonnablement estoient tournés vers les espaules ; parce que ceste partie de corps ne debvoit estre sans def- fenses, attendu que le devant estoit compétentement muni par les dents, desquelles la personne peut non seulement user en maschant sans Taide des mains, mais aussy soi deiïendre contre les choses nuisantes. Ainsy, par le tesmoi- gnage et stipulation (i) des bestes brutes, tiroit touts les fols et insensés en sa sentence (2), et estoit en admiration à toutes gens escervelés et desgarnis de bon jugement et sens commun. Depuis elle engendra les matagots (3), cagots (4) et papelars (5) : les maniacles pistolets (G) : les démoniacles Cal vins imposteurs de Genève (7) : les enragés Putlierbes (8), (1) Approbation, «lu latin slipiilalio. (2) Opinion, du latin senlenlia. (3) Moines rêveurs, du grec ai-aioi. (4) Hypocrites. (5) Fins, rusés et aussi papistes. (G) Les maniaques de Pistoie. Le Oucliat eslinie ({ue l^alielais vent désignei' ici des démoniaques ou sectaires, appelés noira et hlanca, qui parurent vers l'an i3oo dans la ville de Pistoie. Selon le dictionnaire de Trévoux, c'est de Pistoie, où ils aiu"aient été inventés, que les pistolets tirent leur nom. Pour M. A. Deminin, cei)endant, le mot pistolet dérive- rait de pis lallo, pommeau, garniture, en italien, et non de Pistoie, ville. Le pistolet serait originaire de Péi-ugia où, en ib(i/, déjà, on fabriquait des canons à mains de la longueur d'une palme. (7) Les calvinistes. On écrivait autrefois démoniacle pour démo- niaque, maniacle pour mania(]ue, fliériacle pour lliériaque, etc. En i.55o, (Calvin (De Scanddlis) a dénoncé Maître FrantMjis comme athée. Robert Esticnne a demandé (In l'nrfdl. ail (ilossar., iiov. i535) qu'on le brulàt avec son livre, cl le cardinal de Tournon qu'on lemprisonnAt. (Louis MoLANL), François Rabelais, lotil ce (jui e.risle de ses œuvres, pp. 2<) et 3o.) (8) Gabriel «le Puy-lb'ibaul iPiillierbeiis), moine de Foidevrault. a attacpié avecla i)lus extrême violence et accusé (dans un ouvrage intitulé : Tlieolimiis : sire île e.rfninfjentlis el lollendis malis libris, iis jtrœrijtuè s ri.r incoliimi /ide ar jdelale jderii/iie lei/ere (fiieanl, in-8, à Paris, clir/ .Iran de Hoignv, lan \')\\)) Habclais d'immoralité. Ce dernier a conspué, par repn'-sailles, Puy-IIerbaut et Calvin dans l'apologue ci- dessus. 4lO RABELAIS ANATOMISTE briffaulx (i), caphars (2), chattemites (3), canibales (4) et aultres monstres difformes et contrefaicts en despit de Nature (5). » Par moment, entraîné vers l'idéal, Rabelais a parlé avec sagesse et élévation, en homme qui a conscience de son génie ; ailleurs, il s'est laissé aller à une extravagance de fantaisie, à une débauche de plaisanteries, à un déluge de bons mots ou de gros mots. On a essayé d'expliquer ces contradictions, ce bizarre assemblage du sublime et du bouffon. On a dit que, ne voulant pas renoncer à sonfranc- (1) (1 Frères lais londés en bref par le Pape, dit Moland, et entretenus par des religieuses non rentées, afin de quêter pour elles. » « Chartreux, Jacopins, Carmes, Auguslins, Tous mocjues blancs, rouges, noirs ou vers, Cordeliers, Bonshommes et tous Celestins, Procureurs, BrilTaulx aussi convers Tout va ne scay comment a revers. » (Le Resveur avec ses resveries. Recueil de poésies françoisen, t. XI. p. 106 ) {2) Sournois, moines affublés dun capuchon, caphardam, en basse latinité. Les Turcs appellent cofar un renégat. Ce mot paraît venir du verbe hébreu caphar. cacher, couvrir. (3) Gens cpii accordent en riant, en faisant les bons apôtres; du latin catla, chatte, et militi , douce. Chatte qui fait la patte de velours. Un chat faisant la chattemitc. 'La Fontaine ) Ah ! Chattemites Je scay bien que en riant vous accordez. (Grégoire, Moralité du jeu des Princes des Sols el mère Sotie.) (4) « -Moines qui, comme à belles dents, déchiraient fauteur par leurs écrits et dans leurs discours. » (Le Duchat.) Pendant toute sa vie, Rabelais a été violemment attaqué par les écrivains de la Réforme, jaloux de ne pas sentir îi leurs côtés un homme qui aurait pu leur attirer des partisans, et par les moines mécontents de voir étaler au grand jour leurs mœurs licencieuses. Il a fallu au fécond et intarissable satirique, pour ne pas subir le sort de son ami Etienne Dolet, l'appui des évèquesde Paris, du Mans, de Maillezais, de Pierre Duchàtel, évèque de Tulle, lecteur ordinaire du roi, du cardinal d'Armagnac, etc., etc. (5) Les frères Fredons avaient « les genoils contrepoinctés (pointus à rebours),... deux braguettes en forme de pantophle, l'une devant» et l'aultre derrière,... des souliers ronds comme bassin,... le cahuet (l'extrémité) de leur capuchon attaché devant... les cheveulx en devant croissants en liberté et tondus à la partie postérieure de la teste, etc. » ANATOMIE DES FORMES 4l 1 parler, mais averti par des exemples journaliers du prix de la prudence, l'auteur de Gargantua et de Pantagruel a caché, sous le masque et les grelots de la folie, les témé- rités de la raison. On a dit (ju'il n'a fait que suivre les tra- ditions de liberté, de licence même, d'allures, de gestes et de langage admises par les mœurs de son époque (i). Quoiqu'il en soit, il y a, dans l'épopée pantagruélique, des expressions et des gauloiseries qu'il est difficile de reproduire. Je vou- drais faire pour les « contenences externes » de Quares- meprenant ce que j'ai fait pour ses «contenences internes », les analyser minutieusement et une à une, mais plusieurs d'entre elles ont })rèté à des compai'aisons si risquées de la part de Maître Fran(jois que cela m'est impossible. Je me bornerai donc à esquisser à grands traits le portrait du roi de l'île de Tapinois. On ne ni'en saura pas, au sui'plus, mau- vais gré, car ce j)ortrait, ainsi qu'on va s'en rendre compte, est loin d'être séduisant {-i) : Ouaresmeprenant était un homme déjà avancé en âge (3), (i) Les cours papales dAviiifiionet de Home n'ont |)as <''lé des modèles de purett' de mœurs sous Jean XXII, Alexandre VI et Léon X, jias plus que les cours de Toscane et de France sons les Médicis, sous François L"" et Henri IL Boccace, le grivois et très peu pudibond auteur du Déca- méron, auquel La Fontaine a fait tant d'emprunts, Boccace, comme Pétrarque, le chantre de l'amour, comme Ral)elais, était prêtre. Le Pulci, ce poète italien si licencieux, l'auteur du Morf/anle Maf/t/iore, était cha- noine de Florence. Que Béroalde de \'(>rville, chanf)ine de Tours, soit l'auteur du Moi/en de parvenir, ce livr<' ( iiroir plus dé'poiu'vn de pudeur que ceux de Maître François, ou ipiil ait été le plagiaire de celui-ci, tou- jours esl-il ipii' la langue vei le cl le- contes grivois n'el'fai'ouchaient pas plus alors certains habitants des cloîtres et des chapitres «jue les poésies plus que lestes de (i recourt et de Piron ne faisaient rougir les abbés de ruelles du xviir siècle. Le vi(Mix français comme le latin, auquel du lemp.-j de Bab-Iais on l'evcnail avec [)assion, dans les mots bravait l'hon- nèlcté. (•i) Le prètre-médccin naimait pas le carême. Il ne s'en est pas tenu à cette description (\u personnage dans lerpicl il l'a synthétisé, il a déclaré' (mi\ ci'lcmcnl il.ins le proloiinc du li\ rc \' : ■■ Le montle doncipics, ens;i<,'-iss;inl (dcxrnjiiil plus sage), [dus ne craindra... piloyalilemcnl croire, en qii.iresnie. ■■ (.'{, Il avait : « 1rs os, comme ciissemiiseiiiil.r . les liijami'iils, comme iiite 4l2 RABELAIS ANATOMISTE d'une taille élevée (i), maigre (2), débile (3), tourmenté moralement par le repentir (4) des fautes qu'il avait com- mises et physiquement par une maladie constitutionnelle honteuse (5) et quelquefois aussi par une gonorrhée provo- quée par une nourriture trop échauffante (6). Il avait la tête ronde (7), mais les joues creuses, la peau du visage ravagée de coutures comme si elle avait été escarcelle; le dors, comme une arbalesle de passe, etc. ». Le dos (du latin dorsiim) raboteux, arqué, difficile et long à redresser. Les exagérations de courbure de la colonne vertébrale, dues à Tinfluence de l'âge, intéressent surtout la région dorsale, tandis que celles qui dépendent des professions occupent de préférence tantôt la partie inférieure de la région cervicale, comme chez les porteurs, et tantôt la partie supérieure de la région lom- baire comme chez ceux qui s'adonnent à la culture du sol. C'est dans la région dorsale que commence Tankylose physiologique des vertèbres entre elles. Varbalesle de passe est une grosse arbalète qu'on tendait au moyen d'une machine et qui servait à armer une tour roulante, dite passe, qu'on approchait des remparts. (Froissard.) « Gargantua bandoit es reins les fortes arbalestes de passe. » (1) « Un demi-géant. » (2) Il avait : " les lumbes, comme un calhenal ; la poitrine, comme un jeu de recjnalles; les joues, comme deux sabbols, etc. » Les joues creuses, pro- fondes. Prov. pop. :" Dormir comme un sabot, » dormir profondément. (3) Il avait : « les muscles, commc]un soufflet : le sanfj bouillant, comme nazardes multipliées ; les esperits vilaulx, comme longues chiquenauldes; s'il subloit{sUÛR\l),c\'sloienthottées de singes verds, etc. ». (4) Il avait : « la repentance, comme Véquippàge d'un double canon. » (.5) Il avait : « le trou du c..., comme un miroir crijslallin ». Les anciens médecins donnaient le nom de cristalline à la syphilis des Ganymèdes, à la syphilis anale engendrée par des rapports contre nature. (Voy. le dictionnaire de Furetière et le Traicté second de la maladie appelée cristalline, autrement dit maladie indienne ou rongne espagnolle, par Tannegui Guillaumet, chirurgien du roy, Nismes, i6ii.) Quaresmeprenant sacrifiait en secret à la pierre noire d'Emesse déifiée par Héliogabale. (6) Il avait: « la penillière, comme une dariole » et pâtissait .rî, tète), et au type des tètes courtes ou brachycé, phales (du grecPpayûç, court, et /.ecpaXjJ, tète). Entre ces deux types, il y a ANATOMIE DES FORMES l^l'^ incisée avec le bistouri (i), les yeux les trois quarts du temps inondés de larmes (2), de hautes oreilles velues, mal ourlées (3), un nez à la Cyrano (4), surplombant sen- suellement (5) une bouche très ouverte, garnie de grandes dents jaunes et pointues (G). Il n'avait pas de des transitions nombreuses, mais il est bien certain que, quelle que soit actuellement et quelle qu'ait été primitivement la conformation du crâne humain, il est et a toujours été plus ou moins aplati sur les tempes. Il n'y a eu que Quaresmeprenant et ses aïeux qui aient eu « la teste sphérique, ronde entièrement comme un ballon : non doulcement comprimée des deux costés » pour pouvoir « cheminer circulairement en rouant ». (1) Il avait: « le visage bislorié, comme un basl de mulel ». S'était-il labouré, se labourait-il encore, en signe de deuil, la face avec ses ongles, inconsolé et inconsolable, comme Rachel dans Rama '?... (2) Il « plourail les trois paris du jour ». (3) Il avait : « les aureilles, comme deux mitaines ». Mitaines, «. gros gants fourrés où il n'y a pas de séparation pour mettre les doigts, à la réserve du pouce. » (FURETIÉRE.) {\) 11 avait : « les narines, comme un béijuin ; le nez, comme un brodequin enté en escusson ». On appelle écusson un morceau d'écorce portant un œil ou un bouton, qu'on détache d'uiî arbre pour l'insérer entre le bois et l'écorce d'un autre arbre. « Le nez, comme un brodequin enté en escusson » signifie donc le nez comme un brodequin. Grandgousier "feil faireà son fils des bottes faulves : Babin les nomme brodequins <>. Dans l'édition de Garnier, il est dit que «Babin paraît dési- gner une république fictive établie autrefois en Pologne comme le royaume de la Mère Sotte en France !... » Babin est tout simplement le nom patro- nymique d'une famille de cordonniers chi nouais. (5) ^< Ad formam nasi coynoscitur ad te levavi » [\. I, ch. xl), s'écrie frère Jean. Les dames romaines favorisaient, en proportion de la longueur du nez les gladiateurs. L'exemple, il est vrai, venait de loin et de haut. Le grand nez de Vulcain avait séduit Vénus, — Vénus qui devait s'y connaître. Noscilur a pedisquanhim sit viryinis anirurn. Noscilur a naso (juanla s// hasla uiri. (Ovide.) Qu'ya-f-il (le scientifique dans ce distique proverbial du poète, dont les licenlieux adages italien et provem-al : Al nazzo cognoscele il cazzo, et Gros nas, yros dabas, ne sont que des réminiscences ? (6) Il avait: « /e.s dents, comme un voutje. De ses telles dents de laict rous trouverez une à Colonges-les-royaulx, en Poictou, et deux à la Brosse en Xaintonge, sus la porte de la cave ». Il avait : " la bouche, comme une housse <>. Selon Furotière, ■• la housse 4l4 RABELAIS ANATOMISTP: barbe (i), et son crâne était orné de la double tonsure des moines, bordée d'une couronne de cheveux roides (2), pou- dreux (3), agglutinés, ainsi que les sourcils, les cils et les poils des autres parties du corps (4), par des humeurs et des croûtes gluantes ou desséchées de nature suspecte (5). Son cou était déformé par un goitre volumineux (6) et aussi, selon toute probabilité, par des écrouelles (7), et sa était- une couverture que les paysannes mettaient autrefois sur leur tète pour se défendre de la pluie et du vent ». Il n'y avait pas que les paysannes. Un règlement de l'ancien Senonais interdisait aux lépreux de sortir de leur borde sans être vêtus de leur housse. (1) Soit qu'il en fût naturellement dépourvu, soit qu'il la rasât de près. Dans le chapitre xxix du livre IV, Rabelais a écrit que Ouaresmeprenant était un (( demi-géant à poil follet et double tonsure » (la tonsure mona- cale), et, dans le chapitre xxxi du même livre, qu'il avait " la barbe, comme une lanferne», scilicel comme le parchemin ouïe papier huilé qui rempla- çait les vitres dans les lanternes primitives, ou cojnmela peau glabre des docteurs en théologie et des moines fréquentant les conciles et qui sont appelés plaisamment, à diverses repi-ises, lanternes dans le roman pan- tagruélique. Quaresmeprenant était, lui-même ", un extraict de Lanter- nois, bien grand lanternier ». (2) Il avait : « les cheveulx, comme un décrollonoire ». On donnait jadis le nom de décrottonoire à une brosse grossière de chiendent ou de crin qui servait à nettoyer les chaussures. (3) D'autant i)lus poudreux que Quaresmeprenant avait reçu les cendres sur sa double tonsure le premier jour de son règne. (4) Il avait : « les sourcilles (sourcils), comme une lichefrelle (lèchefrite) ; les œils, comme un eslui de peignes ; la penillière, comme une dariole, etc .>: (5) Engendrées par la mauvaise alimentation et par la malpropreté, la syphilis ou la scrofule. (6) Il avait : k lemenlon, comme un potiron; la gorge, comme une chausse d'hypocras ; le non, comme un baril, auquel pendoienl deux goilrous de bronze bienbeaulxel harmonieux, en forme d' une horloge de sable, etc. ".Avec ((deux goilrous de bronze si beaulx el si harmonieux », on comprend pourquoi quand Quaresmeprenant « dodelinoil de la lesle, c'esloienl charrelles fer- rées », pourquoi il avait le menton comme un potiron, la gorge comme nn pain de sucre. Chausse d'hypocras. Chausse feutrée de forme conique dont on se sert encore aujourd'hui pour filtrer, passer et clarifier le vin, les sirops, les liqueurs. (» Sur la tète les Circassiens ont un bonnet de feultre fait tout ainsi qu'vme chausse à hipocras ou qu'un pain de sucre. »(Belleforest, Cos- niogr., part. II, col. 855.) (7) Il avait : « les adènes, comme une serj)e •<. ANATOMIE DES FORMES l^\^^ poitrine, dont les côtes, au nombre de sept (i) perçaient les téguments, contrastait d'une façon étrange avec son gros ventre (2) logé dans un [)Ourpoing <( boutonné selon la mode antique et ceinct à l'antibust (3) ». Ses membres patauds (4) étaient terminés par (i) Allusion aux sept semaines du Carême. « Ouaresmeprenant, disoit Xenomanes continuant, quant aux parties externes, estoit un peu mieux proportionné, exceptez les sept costes quil avoil oultre la forme com- mune des humains ". (2) Il avait : « le ventre à poulaines » et le « mirach, comme un chapeau albanais ».Les ventres à poulaines étaient des gipons ou pourpoings rem- bourrés. Le grand satirique a, par suite, comparé à ces pourpoings et feint de les croire postiches les ventres de certains moines. « Un grand tas de sarrabaïtes (moines déréglés et vagabonds)... qui se sont desguisés comme masfjuespour tromper le monde... au contraire font chère, Dieu sçait qu'elle... Vous le povez lire en grosse lettre et enluminure de leurs rouges museaulx et ventres à poulaines. » (L. 11, ch. xxxiv.) .< On appelle mirach en arabe, dit L(;onellus Faventinus, en son traité De Medendis morbis, ch. l, la partie extérieure du ventre composée de peau, de graisse et de huit muscles du ventre : Mirach dicilur para venlris exlerior, composita ex cule, pinguedine el oclo musculis venlris. » Chapeau albanais, « chapeau i)oinctu, hault bonnet » (1. III. ch. xxv et I. V, ch. xxxii). (' Il a un ventre aussi i)ointu >- est une phrase encore employée couramment en Tourainc pour expi'inu'r ((uun individu à l'ab- domen très proéminent. Il est une maladie consistant dans l'engorgement des ganglions abdo- minaux sous l'influence de la scrofule ou de la tuberculose, le carreau, dont un des principaux symptômes est la distension du ventre. Quaresme- prenant était-il atteint de cette maladie : Ses <■ wils, comme un eslui de peignes; » ses « adènes, comme une serpe » porteraient à le croire. Il est à remarquer cependant que le carreau, assez commun chez l'enfant, est très rare chez l'adulte et surtout chez les vieillards et semble avoir été décrit pour la i)remière fois au xvi® siècle i)ar Benivieni (de Florence) et Fernel. (3) Ceint à la poitrine ; du latin/z/î/c, devant, el de l'italien buslo, partie supérieure du corps. « Et croyez qu'ils burent à ventiv desboulonné (car en ce temps là on fermoit les ventres ù boutons, comme les collets de présent) juscpies à dire : D'ond venez-vous? » (L. II, ch. xx.) (4) Il avait : " les hanches, comme un vibreipiin; les cuisses, comme un cre- nerpiin ; les genoils, comme un escabeau ; les jambes, comme un leurre; les bras, comme une barbule : les coubles, comme ralonoires, etc. ». Crénefpiin. — Le colonel Penguilly Lllaridon aflirme, dans son excel- lent Catalogue du Musée d'ai'lillerie de Paris, que le créneguin ou crane- quin n'est autre chose que le |)ied de biche. Il donne pour l'aison qu'on appelait cranequiniers les arbaléli'iers à cheval, el qu'il él.iil iMi[iossible à un cavalier ib- b;nidfr une ;irbalèt(^ à tour. Cepciidanl. Du Cange cite à l'ai-liclc ^,'/v7(*7.//iA//// Cl- passage datani de laiMU-e \\-r.> : • Icellui Hau- AiG RABELAIS ANATOMISTE doin prist une arbalète nommée crénequiii, qui est dire arbalète à pié. » Or, Tarbalète à pied est bien Tarbalète à étrier dont Tare est bandé, non par le pied de biche, mais par la moufle. On peut donc admettre avec Viollet-Le-Duc quau commencement du xvi« siècle le crénequin était la moufle dont nous donnons le dessin au trait ci-dessous et qui a la confi- guration générale de la cuisse. Le /eii/vr, dont la forme n'a pas changé depuis le moyen âge, est un morceau decuir rouge façonnéen l'orme d'oiseau, disent les traités de vénerie, — fa- çonné en forme du gras de la jambe, du mollet, dirons-nous avec Maître François, — et dont les fauconniers se servent pour appeler les tiercelets au réclame. 11 est rembourré pour permettre aux serres des faucons de s'y Crénequin. Leurre. Burbule. fixer. (Voy. le Livre diiroy Modiis; Tardif, Arl de la fauconnerie; Reliqiiia libroriim cil. suprà et Magasin pilloresque, t. XI, i843, p. 253, fig. 5.) Barbule. — Casque descendant très bas en arrière, « qno capul legebanl milites el équités in prœliis, » dit Du Gange. Les bras, par conséquent, déjetés en arrière comme ceux des enfants d'Antiphysie. Pour prouver cette assertion, j'ai fait dessiner au Musée d'artillerie de Paris la barbute qu'on a sous les yeux. Les archers à pied sont restés fidèles à cette coifïure que les argoulets, cavaliers du xvi*^ siècle, portaient encore. Les coubtes, les coudes, du latin cubitus. Ratonoires. — Piège à prendre les rats. Il y a des ratonoires de toutes les formes, même de la forme du coude. ANATOMIE DES FORMES 417 des mains rudes d'une propreté douteuse (1) et par des pieds dont la plante convexe était imprégnée d'une sueur huileuse (2). Ses doigts et ses orteils étaient armés (1) Il avait : « les mains, comme une eslrille ». Abstraction faite des doigts, la main est carrée comme est d'ordinaire une étrille. L'étrille, dont on ne se sert plus que pour enlever la crasse attachée au poil et à la peau des chevaux, a fait partie du matériel des étuves. A Rome, la peau des baigneurs était raclée au moyen d'un racloir oustrigille par les aliples, frictionnée par les fricalores, massée par les Ivaclaloves, en«luite de parfums par les unclores. En Grèce, la strigille était employée après les exercices du gymnase. Valentin et Orson « servoient aux estuvcs d'enfers et estoient rascle- torets [aliples] ». (L. Il, ch. xxx.) Parmi les termes de la litanie célébrant la puissance virile de frère Jean figure celui d' « estrillant », frottant vigoureusement. Des mains comme une étrille convenaient à Quaresmeprenant qui avait « les cheveulx, comme un décrollonoire ; la peau, comme une gaerval- dine, etc. », et qui était méchant. (2) Il avait : « les pieds, comme une fjuilerne ; les lalons. comme une mas- sue ; la plante, comme un creziou ». Guilerne, rjuinlevne, f/uislerne, quilerne, instrument à cordes i)incées qui est un dérivé de la cithare et de la rote. Harpes et gigues et rubèbes Si ia guilernes et leus (lulhes). [Roman de la Rose.) La table d'harmonie, échancrée de chaque côté, de certaines guiternes a les contours amplifiés du pied. La ressemblance de cette table avec le pied est déjà évidente sur la guiternedont joue avec un plectrum, pendant qu'un jongleur exécute un pas, le ménestrel debout figuré sur l'un des entourages du manuscrit de Tristan et Yseult (vers 1260, manuscrit de la Hibliolh. nat.). L(! mot guiternc ne semble pas toutefois avoir été employé avant le xiv° siècle. L'extrémité libre d'une massue est ronde. Dans le Poitou elle Chinonais, on appelle encore ci-éziou, crézieu ou cir- zion vnie petite lami)e composée d'une cuvelte plus ou moinsl)omb('e, mu- nir' d'une anse (pii sert à l'accrocher, et, du coté opposéà cette anse, d'un l>ec en formede tid)uline (pii tlonne à la mèche plus (h* si a bili lé. C'est, sauf quel- ques pointsde détails, le chaleuûc l'Auvergne, \c c/ialé du Boui'bonnais, le crinchet, cvachcl, craichel, craissel, crassel, crasse de l'Artois, le crachel ou lémeron delà Picardie, leco/u'/'o/jdes Arilennes, le crassin des Flambes bel- ges, le r/rs.sf/ de l'Angleterre, (;lc. (l'est la lampeanlique, d'usage courant, que lient à ia main le iJioijenes fossor ^l^'sCl\\^,n•^Hl\\^^'s. crllc doiil Ir poète Guilerne. Crezi 4l8 RABELAIS ANATOMISTE d'ongles acérés enroulés plusieurs l'ois sur eux-mêmes (i). Prudenlius a dit : Pendenl mobilibiis liimiiia funibiis, et qu'un personnage sculpté sur un cippe gallo-romain du Musée d'Amiens porte à la ceinture, celle dont on a trouvé de nombreux spécimens dans l'Allier et qui n'est peut-être elle-même qu'une imitation de l'appareil d'éclairage rudimentaire, de la simple feuille pliée suivant son grand axe contenant l'huile et la mèche, dont ont usé les hommes des âges de la pierre taillée. Le creziou permet aux paysans du Centre de la France d'utiliser l'huile de noix, devenue ab- solument impro- pre à la consomma- tion lorsque le pot tire à sa fin, et four- nit ainsi un éclai- rage économique. Celui dont nous donnons le dessin appartient à la mère d'une de mes domestiques habi- lantRichelieu,près de Chinon. « Il avoit aussi préparé une sa- lade composée de ■ plusieurs espèces d'herbes, y jetant un peu de sel des- sus et du vinaigre et quelques gouttes d'huile d'un cré- zieu. » (Histoire macaronique, 1. II. Trad. anonyme.) (i) 11 avait: « les ongles, comme une vrille ». S'il n'y a guère en France que des vieillards qui aient des on- gles en vrille, il n'en est pas de même dans l'Extrême-Orient. Les dandys de Bangok et de Hué se font honneur de leur oisiveté en s'agrémentant d'ap- Ongles en vrille. S^'^^ ANATOMIE DES FORMES 419 pendices unguéaux qu'ils enferment, pour les préserver de toute avarie, dans des étuis d"or ou d'argent. Sur le dessin ci-joint, qui est la reproduction fidèle de la main d'un seigneur anna- mite, on voit des ongles ne mesurant pas moins de 40 et même 45 cen- timètres de longueur. Un seul fait exception, c'est celui de l'index, mais il a été brisé. Les formes dites anormales de lonychrogryphose (du grec ô'vuÇ, ovy/^o;, ongle, et Yfurd;, courbé, crochu) ne sont que l'exagération des formes nor- males que prendraient les laziies cornées des doigts si nous obéissions à des modes aussi excentriques que celles qui régnent au Tonkin et en Co- chinchine. Les pathologistes, je le répète, ont décrit chez les vieillards des ongles en griffe, en spirale, en vrille, etc. J'ajouterai que, chez les cagots ou goitreux des Pyrénées, la lèpre est fréquente et caractérisée par l'hypertrophie des ongles et des doigts, le teint blafard, etc. (Voy. Pro- grès médical, 1892. De Vexislence de la lèpre alléniiée chez les cagots des Pyrénées, par Lajard et F. Regnault.) En donnant àQuaresmeprenant, qui était déjà âgé et doublement cagot, des ongles « comme une vrille », Rabelais a donc été bien inspiré. En mettant en parallèle la conformation physique de Quaresmepre- nant et celle de ses arrière-aïeux, on peut juger maintenant du degré de ressemblance qu'il avait avec eux. Quaresmepreiuuit avuit : « La lesle contourné, comme un alambic (un ballon d'alambic) ; « Les aureilles, comme deux niilaines ; u Les paulpiéres, comme un vebcc (l'exlré- mité libre renflée du manche d'un rebec); « Les sourcilles, comme une Hchefrelle (lè- chefrite) ; « Les bras, comme une barbule ; « Les lalons, comme une massue; la plante, comme un crcziou, etc. ■> Amodunt et Discordance, les lils d'Anliphysic, avaient ; « La teste sphèrique et ronde comme un bal- lon et non doulcemenl comprimée des deux costés, comme est la forme humaine ; « Les aureilles haull enlevées, grandes comme aureilles d'asne ; « Les œils hors la leste, fichés sus des os semblables au talon, sans sourcilles, durs comme ceux des cancres ; " Les bras tournés en arrière vers les es- liaules ; « Les pieds ronds, comme pelot tes, elc. » Dans sa longue énumération des ^< conlenences » deQuarosmeprenant, Maître François n'a fait mention ({uc de la marche à reculons de ce per- sonnage. Eh bien ! cette marche s'effectuait en roulant, ainsi que celle des lils d'Antiphysie : « S'il reciiloil, c\'sloienl coc. 19, omnibus {rUchinis) crtisla rsl Irnuis, tindit/iw spinis sive aciileis armalti (jiise j)ro jK'dihiis siinl. Ingredi esl liis in orbeni volvi. (^ela ne veut pas ilire que ces hérissons au lieu île marcher ne fassent que tourner dans leurs co- quilles, mais que les pointes de leurs co(iuilles leur servent de pieds et qu'ils marchent en roulant. » 420 RABELAIS ANATOMISTE Il était sale (i), inintelligent (2j, grossier (3), indis- cret (4), cupide (5), débauché (6), adonné aux pratiques contre nature en honneur à Sodome, sournois, chica- neur (7), méchant (8), entiché du passé (9), manquait d'ini- Je suis d'autant plus lieureux d'invoquer ici rautorité de Le Duchat, qu'il n'a pas soupçonné la parenté de Quaresnieprenant et des enfants d'Antiphysie et que l'erreur de Ménage, qu'il corrige dans la note ci-des- sus, en s'appuyant sur le meilleur ouvrage du maître de Rabelais, est provoquée par cette phrase du chapitre xlix de Garganliia : « que son royaulnie luy seroit rendu (à Picrochole) à la venue des cocquecigrues. » (i)Il avait: « le poil ,lel comme ha eslédicl; les mains, comme une eslrille; la plante des pieds, comme un creziou; Vepidermis, comme un beluleau; la peau, comme une fjaervaldine, etc. ». Gaerualdine, (jalvardine, sarrau, jaquette de paysan. La peau aussi rude et aussi mal soignée que le vêtement d'un rustre. (a) Il avait : « la cervelle en grandeur, couleur, substance el vigueur, sem- blable au c... (jausche d'un ciron masle; les esperils animaulx, comme grands coups de poing : les pensées, comme un vol d'eslourneaulx; V entendement, comme un bréviaire déssiré (déchiré) ; le sens commun, comme un bourdon ; les délibé- rations, comme une pochée d'orgues (un sac d'orge) ; les intelligences, comme limas sortants des fraires (des fraises, du latin fraga) ; le jugement, comme un chaussepied, etc. ». (3) « S''il parloit, c'estoit gros bureau d'Auvergne, tant s'en failloit (pie fusl saye cramoisie, de laquelle vouloit Parisatis estre les paroles tissues ceulx de gui parloient à son fils Cijrus roy des Perses. C'étaient paroles dures et grossières comme la bure qui se fabrique en Auvergne ; entièrement opposées aux paroles douces et moelleuses comme la soie dont Parisatis voulait qu'on usât avec son fils Cyrus. » (Voy. Plutaroue en ses Apophthegmes.) (4) Il avait:» la discrétion, comme une moufle ». Il faut entendre ici par moufle, comme Oudin, « couvercle de marmite». Quelque soit le poids de son couvercle, une marmite, mise sur le feu, laisse toujours s'évaporer, à un moment donné, une partie de son contenu, u La sapience (la science, le savoir, du latin sapienlia) des premiers précepteurs de Gargantua n'es- toit que moufles, abastardissant les bons et nobles esperits. » (L. I, ch. XV.) (5) « S'il resvoit, c'esloient papiers rentiers; si rien donnait, aultant en avoit le brodeur (le bourdeur, le trompeur). » (Voy. Pasouier, 1. VIII. p. 753.) (6) Il avait: « la crystalline ; le nez, comme un brodequin enté en escusson, et s il songeait, c'estoienl vils volants et rampants, etc. ». Dans le chapitre intitulé Défaut, de Béroald de Verville (t. II, fol. 427 de l'édit. de la Mon- noyé) est relaté un fait qui montre le danger de pareils songes. (7) « S'il marmonnait (marmottait), c estaient jeux de la bazoche. » (8)" Riait en mordant, mordait en riant. » (9) « S'il discourait, c'estaient neiges d'antan. » ANATOMIE DES FORMES l^'2l tiative (i), perdait son temps à rien (2) et faisait tout à rebours des autres (3). Signes particuliers : il avait au-dessus du sourcil gauche « un seing en forme et grandeur d'un urinai » et dormait les yeux ouverts (4). En face d'un pareil personnage, qui ne se serait écrié comme Pantagruel : « Voilà une estrange et monstrueuse membrure d'homme, si homme le doibs nommer! » (1) Il avait : >< les eiilrcprinseK, comme la sabourre (le lost, du latin sahurra, gros sable) d'un yallion ». (2) « Cas eslrarifje : Iravailloil vien ne faisan l, rien ne faisoil Iravaillanl.. (3) Il «se baignoil dessus leshaulls clochers, se seichoil dedans les eslangs el rivières. Peschoil en l'aer... Chassoil on profund de la mer, etc. » (4) '< Conjbanlioil dormant, dormoil cori/banlianl. » Corijbanlier vcni ihre dormir' les yeux ouverts à limitation des Coi-ybantes, prêtres de Cybèle, chargés de veiller sur Jupiter enfant pour lemijccher d'être dévoré par Saturne, son père. CONCLUSIONS CONCLUSIONS Je suis arrivé au l)ul (juc je m'étais proposé en com- mençant à écrire ces pages. J'ai expliqué les chapitres xxx et xxxi du livre IV de Tépopée pantagruélique, qu'il est prudent et sage, prétend- on depuis trois siècles, de ne pas chercher à éclaircir. J'ai prouvé que « celle insipide éniiméralion qui na pas cVaiilre but, selon le bibliophile Jîicob (i), que de rassembler la tech- nologie ancdomique », et « qu'il y aurait de la puérililé, selon Burgaud des Maretset Ralhery,«p/'c/K//'c aux sérieux » (2)' a au coiitraii'e un sens pi'écis, dénote une connaissance approfondie de VAnalomie descriptive de la part de celui (jui l'a écrite. J'ai établi, en m'appuyant sur des textes d'une autorité irréfragable, que Maître François a fait un des premiers, sinon le jiremier, des démonstrations publiques (r.iiijiloiiiie sur le cadavi-e. Et il est désormais acquis sans coiilcslc — cl cette découverle «pic j'ai l'aile me comble de joie et i\v palri<)li(|uc lici'té — (jue lîabelais a été l'émule de Vésalc. (1) Hililio|iliilt' JAt.di!, fhihchiis, riWï. l'ici'i"' Dnpoiil. p. ^Sf), en iioli'. Édilioii (le iH\\ . (•>.) Olùirri'ndc llnhrl'iis, I. II, p. i(i>, Piuis, i858. 426 RABELAIS ANATOMISTE J'ai montré que le médecin ordinaire du cardinal du Bellay a possédé assez bien son Analomie chirurgicale pour pouvoir indiquer d'avance le degré de gravité d'une blessure d'après son siège et sa* profondeur, inventer un instrument de chirurgie ingénieux et un appareil de frac- ture qui a été copié par Ambroise Paré ; a fait preuve, à une époque où les contes les plus ridicules enfantés par l'imagination des, voyageurs hâbleurs étaient universel- lement acceptés, d'un esprit scientifique sérieux, en appli- quant dans toute leur rigueur les règles de la méthode baconienne à V Analomie comparée : en ne tenant pour vrai que ce qu'il avait vu ou ce que plusieurs autres avaient vu avant lui. J'ai tracé, d'après ses indications, V Analomie des formes d'un des personnages de son immortel roman. Je me suis arrêté sur les descriptions qu'il a laissées du goitre et des déformations de la trachée qu'il provoque, du sarcocèle vénérien et de la stomatite mercurielle, descrip- tions qui témoignent que V Analomie palholof/iqne n'a pas été plus étrangère au « tant docte et gentil médicin chino- jîois )), que V Analomie descriplive^ ï Analomie chirurgicale, ï Analomie compulsée et V Analomie des formes. J'ai noté qu'il a signalé l'action physiologique des prin- cipaux aliments et des principales boissons pris modéré- ment, avec excès ou en quantité insuffisante, le rôle de la veine rénale dans la sécrétion urinaire, les conditions qui activent ou diminuent la spermatogenèse, la corrélation qui existe entre l'intégrité et la quantité de substance céré- brale et l'intelligence, l'afflux d'une plus grande quantité de sang dans les artères du cerveau pendant un travail intellectuel, la vertu rétentrice des nerfs des orifices natu- rels, etc. J'ai mentionné les divers préceptes d'hygiène qu'il a formulés, notamment ceux concernant le jeu des muscles et le soin de la peau (balnéation, hydrothérapie). CONCLUSIONS 427 .Fai appelé Fattentioii sur le modèle du parfait médecin qu'il a tracé, d'après Hippocrate et Galien, et qu'il s'est appliqué lui-même à suivre ; sur des incidents mal inter- prétés, peu connus bu ignorés de sa vie de praticien ; sur ses connaissances étendues en pathologie et en thérapeu- tique ; sur sa grande réputation médicale, attestée par les médailles frappées en son honneur et les écrits en vers et en prose de ses malades reconnaissants ; sur les hautes fonctions (ju'il a occupées dans les hôpitaux et dans l'en- seignement de la médecine. Squnro Rnhelaix, à Tours Dans ce « beau et plaisant »> })ays de Tourainc. où al)on- dent tous les avantages de la vie intellectuelle et matérielle, où il semble que rien ne se fasse parce que tout s'y fait sans efforts, la médecine a toujours été honorée et professée avec succès. Est-il nécessaire de citer parmi les médecins tou- rangeaux l)i(Mi coiuuis (pii jic sonl plus : Le moine ilu-^csdc la collégiale de Saint-Martin; Guil- laume Firmal, chatioiiie de Saint- Venant ; le frère Jacques Tetbert, de rabl)aye dcM armoutiers ; Piei're de la Brosse ou plus curreclement de Broce, chambellan de Saint-Louis et 428 RABELAIS ANATOMISTE de Philippe le Hardi ; Robert le Poitevin qui, de concert avec Coictier, soigna Louis XI ; Adam Fumée, maître des requêtes et garde des sceaux de Charles VIII ; Nicolas Pro- vost, auteur dupvemier Codex medicamenlariiisîrançSiiii; Gré- goire Martin, helléniste distingué ; Thibault de Pleini, qui a publié la Décoration du pays de Toitraine et un promp- luaire des médecines simples en rythmes joyeux ; Louis Burgensis, premier médecin de François P"^ et de Henri II ; Sébastien Collin, qui a écrit, vers i553, une Déclaration des abus et des tromperies que font les apothicaires; René Thion- neau, médecin ordinaire de la suite du roi, à la fin du règne des Valois; Laurent Feau, qui a composé un traité latin sur VEpicrasse et soutenu une longue controverse avec Victor Pallu, de FUniversitéde Paris, au sujet de la saignée; Poirier, premier médecin de Louis XIV; Heurteloup, premier chirurgien de la Grande Armée, puis Inspecteur général du service de santé ; Tourlet, professeur à l'Ecole des Chartes, le docte traducteur des odes de Pindare, de la guerre de Troie de Ouintus de Smyrne et des œuvres de l'empereur Julien, le zélé propagateur de la vaccine en France; Baillarger etMoreau, de Tours, éminents aliénistes de la Salpôtrière; Lorain, professeur d'histoire de la méde- cine à la Faculté de médecine de Paris ; Cottreau, professeur agrégé à la même Faculté; E. Labbé, Archambault, méde- cins des hôpitaux de Paris ,* Vidal, ancien président de l'Académie de médecine ; Bretonneau et ses deux immortels élèves. Trousseau et Velpcau ; Giraudet, l'historien érudit de la ville de Tours ; Tonnelé, qui a laissé le plus rare et le plus précieux des trésors, un trésor que la rouille ni les vers ne sauraient détruire: l'amour des malheureux; Et, parmi ceux qui vivent et qui vivront pendant long- temps encore, il faut l'espérer, pour le plus grand bien de la science et de l'humanité : MM. Raymond, de Saint-Christophe, qui a succédé à l'illustre Charcot dans la chaire de clinique des maladies CONCLUSIONS 429 nerveuses de la Faculté de médecine de Paris; R. Blan- chard, également dé Saint-Christophe, protesseur d'histoire naturelle à la même Faculté, membre de l'Académie de médecine, fondateur et secrétaire général de la Société zoologique de France; A. Robin, de Saint-Flovier, pro- fesseur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'Académie de médecine, médecin de l'hôpital de la Pitié, à Paris; X. Gouraud, médecin de l'hôpital de la Charité, à Paris ; Beaunis, d'Amboise, ancien pro- fesseur de physiologie à la Faculté de médecine de Stras- bourg, directeur du laboratoire de psychologie physio- logique à la Sorbonne ; Léon Marchand, de Tours, pour lequel le Ministre de l'Instruction publique a créé, en 1881, une chaire de cryptogamie végétale à l'École supé- rieure de pharmacie de Paris; Verneau, de la Chapelle-sur- Loire, professeur d'ethnographie à l'École coloniale, assis- tant au Muséum d'histoire naturelle, où il est chargé d'un enseignement spécial pour les voyageurs naturalistes; Renan t, de La Haye-Descartes, professeur d'histologie à la Faculté de médecine de Lyon, membre associé de l'iVcadé- mie de médecine; Boisseau, de l'Ile-Bouchard, professeur agrégé au Val-de-Gràce, médecin-inspecteur de l'armée ; Madamet, d'Huismes, sous-directeur de l'Ecole de méde- cine et de pharmacie militaires, membre du Comité tech- nique desanté; Moussu, de Saint-Laurent-en-Gàtines, pro- fesseur à l'Ecole vétérinaire d'Alfort, etc., etc. Dans cette brillante pléiade, il faut placer Rabelais au pre- mier rang. Maître François est une des personnifications les plus éclatantes de la Touraine, une des plus rayonnantes mani- festations de son génie médical. Inventeur précoce de toutes les idées et de toutes les curiosités modernes, esprit universel et fécond, chercheur solitaii'c et inassouvi, il a poussé ses devinationsau delà de son siècle, juscpià rejoindre le notre. Pour la pbqiai't (rentre n(jus. la niorl csl plus (pic la lin; /[3o RABELAIS ANATOMISTE c'est Toubli. Pour qaelques-uns, c'est en quelque sorte une apothéose. Les amis de l'humanité, les serviteurs de la science laissent une trace durable de leur passage ici-bas ; les frivoles et les inutiles, qui n'ont pas su consacrer au bien les facultés dont ils étaient doués, tombent comme les feuilles d'automne et disparaissent comme elles. Nul n'a mieux mérité de la postérité que le Martial des bords de la Vienne. La scolastique ne développait que le raisonnement. Elle tendait à faire de l'homme une machine Slalue de Rabelais, à Tours. à syllogismes et, pour ainsi dire, un automate dialecticien. Or, l'homme n'est pas seulement un être qui raisonne, c'est aussi une intelligence qui a soif de connaître et un cœur quiaspire à aimer. Rabelais l'a senti, ou du moins — et c'est là un de ses plus beaux titres de gloire — énoncé le premier. Le meilleur moyen d'honorer et de perpétuer la mémoire des hommes de génie, c'est de leur élever des statues. La Ville de Tours — pour ne parler que d'elle — s'est conformée à cette obligation. Le lo juillet 1881, la cité tourangelle était en fête. La CONCLUSIONS A3i Municipalité, entourée des délégués du chef de TÉtat. du Sénat, de la Chambre des députés, de rx\rmée et de la Presse, inaugurait la statue du grand railleur. Maître François Rabelais. Seule, la médecine ofticielle, oubliant que l'auteur de Gargantua et de Pantagruel a été l'orgueil de notre plus vieille Faculté de médecine, n'était pas repré- sentée. Cet oubli fut remarqué, il devait l'être. Ce livre est un hommage et une réparation. ADDENDA Page 56. — Ze.* '■*-m IN l*!»" ■*i. X- > W