ctff. fut- tJà Digitized by the Internet Archive in 2011 with funding from University of Toronto http://www.archive.org/details/recherchesanatomOOdutr H I ï C H E R C H E S ANATOMIQITES ET PHYSIOLOGIQUES LA STRUCTURE INTIME DES ANIMAUX ET DES VÉGÉTAUX, ET SUR LEUR MOTIIJTÉ. ^ôô$¥ù CATALOGUE DES OUVRAGES DE M. DUTROCIIET, avec l'indication des divers recueils dans lesquels ils ont été imprimés. Essai sur une nouvelle théorie delà voix. Dissertation inaugurale. 1806. Nouvelle théorie de l'habitude et des sympathies. i8ug. Mémoire sur une nouvelle théorie de l'harmonie. 1810. Recherches sur les rotifères, dans les Annales du Muséum d'histoire naturelle j tomes 19 et 20. Recherches sur les enveloppes du foetus, dans les Mémoires de la So- ciété médicale d'émulation de Paris , 8e année, pages 1 et 760. Recherches sur la métamorphose du canal alimentaire chez les in- sectes, dans le Journal de physique, février et mars 1818. Note sur la hauteur du météore qui a projeté des aérolithes à Char- sonville en 1810, dans le Journal de physique, mars 1820. Note sur un annélide d'un genre nouveau, dans le Bulletin des sciences delà Société philomatique, année 1817, page i5o. Histoire de l'œuf des oiseaux avant la ponte, dans le Journal de phy- sique, février 1816. Observations sur la structure eî la régénération des plumes, avec des considérations générales sur la composition de la peau des animaux vertébrés , dans le Journal de physique, mai 1819. Mémoire sur les enveloppes du fœtus humain, par MM. Dnlroehet çl Breschet, dans le Journal complémentaire du Dictiorniaîrc c(n. . sciences médicales , janvier 1820. Recherches sur l'accroissement et la reproduction des végétaux ( ex- trait des Màmoires du Muséum d'histoire naturelle, tomes 7 et 8 ) , 1 vol. in-4°, fig., 5fr. Observations sur l'ostéogénie, dans le Journal de physique, sep-*4 tembre 1823. • IMPRIMERIE DE LACHEVARDIERE FILS, MC.CÏSSKD» 1>K CBI.I.OT, Hue du Colombier , u ôo RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES SUR LA STRUCTURE INTIME DES ANIMAUX ET DES VÉGÉTAUX , ET SUR LEUR MOT1MTE. M. H. DUTROCHET, DOCTEUR EN MÉDECINE, CORRESPONDANT DE l'inSTITUT DE FRANCK DANS l'académie royale des sciences, membre associé dk l'académik royale dk médecine, des sociétés phi lomatique , linnéennr kt mbdicalk d'émulation de paris, des académies de roukn , de lyon , DR TOULOUSE , CtC. , AVEC DEUX PLANCHES, A PARIS, CHEZ J. B. BAILLIE&E, LIBRAIRE, RUE DE l'RCOI. E DE MÉDECINE, !f° 1 \ . l824. su ?6 RECHERCHES ANAT03IIQUES ET PHYSIOLOGIQUES SUR LA STRUCTURE INTIME DES ANIMAUX ET DES VÉGÉTAUX, ET SUR LEUR MOTILITÉ. INTRODUCTION. Tous les êtres vivants sont susceptibles de subir certaines modifications vitales , par l'influence de certains agents qui leur sont extérieurs. Les physio- logistes ont donné le nom de sensibilité à la faculté, à la propriété vitale , en vertu de laquelle a lieu celte influence des causes extérieures sur letre vivant. Ce que nous appelons sentir ne se peut guère déiinir ; chacun sait ce que c'est par sa propre expérience. Ce sont nos sensations qui nous donnent la conscience de l'existence , qui font que nous avons un moi. Toutes les lois que nous observerons, dans un être vi- vant , des preuves bien certaines qu'il possède la conscience de l'existence, nous pourrons ailirmei -, 1 2 INTRODUCTION. par cela même , qu'il possède la sensibilité ; nous serons autorisés à lui refuser cette faculté lorsqu'au contraire il nous sera bien démontré qu?il ne possède point la conscience de son existence individuelle. Les végétaux sont dans ce dernier cas: personne , je pense, ne sera tenté de leur accorder un moi , et par con- séquent des sensations; cependant ils manifestent souvent, par les mouvements qu'ils exécutent à l'oc- casion de l'influence de certaines causes extérieures, qu'il se passe chez eux un phénomène analogu à celui que l'on appelle sensation chez les animaux. Les physiologistes de l'école de Bichat considèrent ce phénomène comme appartenant à la sensibilité que cet auteur nomme organique ; sensibilité d'une na- ture particulière, qui n'est point une source de sensa- tions, et qui existe de même dans les organes intérieurs des animaux. Chacun connaît la distinction que Bi- chat a établie de deux vies, l'une animale, l'autre organique, chez les animaux . Selon ce physiologiste, ces deux vies possèdent chacune une sensibilité par- ticulière: la sensibilité animale est la seule qui soit une source de sensations ; la sensibilité organique n'en procure aucune. Or, si Ton prétend que, dans l'exer- cice de la sensibilité organique, la sensation est bor- née à la partie sur laquelle agit la cause qui la met en jeu , on est conduit par cela même à admettre dans cette partie des sensations individuelles et un moi particulier. Le corps d'un animal devient de cette manière un assemblage d'êtres qui ont tous leurs sensations , leurs appétences , leurs aversions parti- INTRODUCTION. ) culières. Cette théorie entraîne nécessairement l'idée d'un moi particulier , d'une volonté particulière dans chaque organe. Cette hypothèse est évidemment inadmissible. On ne peut véritablement pointdire que les organes qui ne procurent jamais de sensations aient de la sensibilité; cependant les organes inté- rieurs des animaux exécutent des mouvements sous l'influence de certaines causes qui leur sont exté- rieures; ils ont donc une propriété vitale analogue à la sensibilité. Ces conséquences contradictoires prou- vent que c'est à tort que Ton se sert en physiologie du mot sensibilité. Que Ton supprime ce mot, lequel ne réveille que des idées purement morales , et qu'on le remplace par une expression qui représente la nature matérielle du phénomène en question , et loiues les difficultés disparaîtront à cet égard. Nous pouvons trouver celte expression nouvelle dans l'étude de la manière dont nos sensations sont produites. Les agents extérieurs, lorsqu'ils nous font éprouver des sen- sations, produisent une modification d'une nature quel- conque dans les sens sur lesquels ils agissent ; il y a par conséquent production d'un mouvement par- ticulier ; l'organe est remué. Nous ignorons quelle est la nature de ce mouvement , mais son existence n'en est pas moins incontestable. Ce mouvement est transmis , par le canal des nerfs, au cerveau, siège unique du moi , et par conséquent des sensations. Je donne a .;e phénomène de mouvement , produit dans les sons par les agents du dehors et transmis par tes nerfs , le nom de nervimotion, et à la propriété vitale 1 . 4 INTRODUCTION. en venu de laquelle il a lieu , le nom de nervimoti* lité ' ; je donne aux agents extérieurs qui sont sus- ceptibles de produire la nervimotion , le nom d'agents nervimoteurs. La nervimotion est un phénomène pu- rement physique ; il précède constamment le phéno- mène moral delà sensation, mais il n'en est pas toujours suivi : ainsi nos organes intérieurs possèdent la ner- vimotilité, ils éprouvent la nervimotion', mais il n'en re'sulte point de sensation, comme cela a lieu pour nos organes extérieurs; ceci tient à des secrets parti- culiers de la vie. Cette distinction étant une fois bien établie entre les phénomènes moraux et les phéno- mènes physiques , la science de la vie devient plus simple et plus facile ; elle peut même devenir une science exacte. Il était impossible d'appliquer des mesures à la sensibilité et à la sensation , tandis que la nervimotilité et la nervimotion sont susceptibles de mesures, comme tous les phénomènes physiques. Je le répète, ce n'est qu'en bannissant de la physiolo- gie toutes les expressions qui n'éveillent que des idées morales , qu'on se mettra sur la voie de lui faire faire de nouveaux progrès. La nature de la sensibilité _, comme celle de la sensation, est totalement inacces- sible à notre investigation. Notre faculté de sentir est 1 M. Flourens, dans ses Recherches sur tes fonctions dusysttmi nerveux, nomme irritabilité la piopriete vitale que je désigne ici sous le nom de nervimotilité. Je regrette de ne pouvoir adopter avec lui cette expression , qui, détournée ainsi du sens qui lui a été donné par tous les physiologistes , ne pourrait que produire la plus grande con- fusion dans les idées. [NTRODUCTION. .> celle à l'aide de Laquelle nous connaissons, il nous est par conséquent impossible de la connaître elle- même. Il est donc contraire à la saine raison, à la bonne philosophie, de placer dans une science d'ob- servation, telle que la physiologie , celui de tous les phénomènes de la nature qui est le plus nécessaire- ment soustrait à nos recherches; l'étude de la sensi- bilité et de la sensation appartient exclusivement à la psychologie. La vie , considérée dans l'ordre physique, n'est autre chose qu'un mouvement: la mort est la cessa- tion de ce mouvement. Les êtres vivants nous offrent diverses facultés de mouvement; à leur tête est la netvimotilité\ faculté d'éprouver certaines modifica- tions , certains changements dans leur être, par l'in- fluence de certains agents du dehors, ou des agents nervimoteurs. Ce premier mouvement , qui est invisi- ble , est la source des mouvements visibles qu'exé- cutent les parties vivantes. La faculté d'exécuter ces mouvements qui déplacent les parties peut recevoir le nom de locomotilité : elle offre deux mouvements opposés , la contraction et la turgescence. Toutes ces facultés de mouvements se rattachent à une seule faculté générale, que je désigne sous le nom de moli- lilé vitale ' : c'est la vie elle-même. La motilité vitale nous offre, chez tous les êtres ' On sail que le mol motitité a clé introduit dans le largage physio- logique par M, Chaussier* mais avec une signification moins étendue que celle que je lui donne ici. O INTRODUCTION. vivants, les mêmes phe'nomènes principaux. Partout il y a nervimotilité , et par conséquent nervimotion sous l'influence des agents nervimoteurs ; partout aussi il y a locomotillté ou faculté de changer la po- sition des parties. Les ve'ge'taux offrent , comme les animaux, ces deux facultés de mouvement; mais elles sont, chez eux, bien moins énergiques, bien moins développées. Il est fort peu de végétaux dont les parties soient susceptibles d'exécuter ces mouve- ments brusques, rapides qui, tels que ceux que l'on observe chez la sensitive, frappent d'étonnement par leur ressemblance avec les mouvements des ani- maux; mais tous les végétaux ont la faculté de don- ner une direction spéciale à leurs diverses parties, et cette faculté se rattache aux lois générales de la mo- lilité vitale, ainsi que cela sera démontré dans le cours de cet ouvrage. L'étude des lois qui président à la mo- tilité vitale est, chez les animaux, dune difficulté peut- être insurmontable, à raison de l'extrême complica- tion des causes, tant intérieures qu'extérieures, qui peuvent influer sur l'état de cette motiîité. L'étude , à cet égard, se simplifie beaucoup chez les végétaux, et c'est probablement à eux seuls que l'on devra la solution des principaux problèmes de la science de la vie. Les secrets de cette science sont disséminés dans tout le règne organique; aucun être en particu- lier et même aucune classe d'êtres ne fournit les moyens faciles d'apercevoir tous ces secrets. Le phy- siologiste doit donc interroger tous les êtres vivants sans exception : chacun deux lui dira son mol ; INTRODUCTION. 7 chacun d'eux soulèvera à ses yeux une portion particulière du voile dont la nature couvre ses mys- tères; et c'est de l'universalité de ces recherches que sortira la connaissance complète des phénomènes de la vie. STRUCTURE DES VEGETAI X. SECTION I". OBSERVATIONS SUR LANATOMIE DES VEGETAUX , ET SPÉCIALE3IENT SUR l'aNATOMIE DE LA SENSITIVE ( mimosa pudica. L.). L'anaiomie végétale, étudiée avec le plus grand soin par les observateurs les plus exercés, est certai- nement arrivée au dernier degré de perfection auquel il soit possible de la conduire par les moyens mis en usage pour cette étude. Que pourrait-on, en effet, at- tendre de nouveau de l'observation microscopique des organes des végétaux, après les recherches de Leu- wenhoeck, de Grew, de Malpighi, d'Hedwig; après les travaux récents de messieurs Mirbel , Link , Tré- viranus, Sprengel, etc.? On doit penser qu'après de pareils observateurs il y a bien peu de chose . faire, à moins que l'on ne trouve de nouveaux moyens d'investigation. Bien persuadé de cette vérité, j ai cher- ché, par des essais nombreux, à rendre plus facile qu'elle ne l'a été jusqu'à ce jour l'étude de l'anniomie végétale , et j'y suis parvenu au moyen d'un procédé bien simple. Le plus grand obstacle que la nature ait mis à l'étude des organes intérieurs des végétaux n'est pas leur extrême petitesse; c'est la difficulté d'isoler ces petits organes les uns des autres pour les étudier séparément. Leur forte adhérence mutuelle rend cet stri cri m: DES \r.(ii:TM \. 9 isoleaient presque impossible; de plus, ces organes sont opaques pour la plupart, ce qui augmente la (iiilicnltc de leur observation , qu'on ne peut faire qu'avec le secours du microscope. J'ai essayé divers moyens pour remédier à ce double inconvénient, et j'en ai trouvé un qui a parfaitement rempli le but que je me proposais. Je place un fragment du végétal que je veux étudier dans une petite fiole remplie d'acide nitrique , et je plonge cette fiole dans l'eau bouillante. Par cette opération, les parties qui composent le tissu végétal perdent leur agrégation et deviennent transparentes, ce qui facilite singulièrement leur étude. En même temps les trachées et les autres vais- seaux se remplissent d'un fluide aérifbrme, ce qui leur donne au microscope un aspect tout particulier, et fournit un nouveau moyen pour les observer. On sent qu'il ne faut pas que cette opération soit poussée trop loin, car le tissu végétal serait lout-à-fait désor- ganisé : c'est à l'observateur à limiter le temps que le végétal doit rester dans l'acide nitrique, et cela se- lon la délicatesse plus ou moins grande de son tissu. Moins lebullition est prolongée, mieux cela vaut: en général, il ne faut pas attendre que le tissu végétal soit devenu tout-à-fait transparent , et qu'il se divise spontanément. Avant cette époque de dissolution, il est déjà devenu facile à déchirer dans l'eau avec des pinces , et ses éléments organiques dissociés sont de- venus très faciles à étudier. Pour taire cette observa- tion, je place dans l'eau, contenue clans un cristal de montre, des fragments aussi petits qu'il est possi- 1 0 STRUCTURE DES VEGETAUX. Lie de se les procurer par la division mécanique , et je les soumets au microscope. C'est le désir de connaître l'anatomie particulière de la sensitive [mimosa pudica L.) qui m'a engage' dans ces recherches, que j'ai étendues ensuite à beau- coup d'autres végétaux. Ce sera donc l'anatomie de cette plante qui me servira de texte. J'y rattacherai des considérations sur l'organisation des autres végé- taux, lorsque cela me paraîtra nécessaire pour éclai- cir des points obscurs, et résoudre certaines ques- tions. Je commencerai l'étude anatomique de la sensitive par l'examen de la moelle. Elle est , comme celle de tous les végétaux, entièrement composée de tissu cellulaire. Les cellules qui la composent offrent une forme hexagonale assez régulière dans quelques en- droits, et, dans d'autres, leur forme est tout-à-faii irrégulière; en général, elles sont disposées en séries longitudinales. Grew a comparé le tissu cellulaire à l'écume d'une liqueur en fermentation, et M. Mirbel adopte cette comparaison, qui s'accorde parfaitement avec la manière dont il considère le tissu cellulaire. En effet, il admet que les cellules ont une paroi com- mune là où elles se touchent, en sorte qu'elles se- raient pratiquées dans un tissu membraneux continu; mais l'observation infirme celte assertion. En efïèt , lorsqu'on soumet à lebullilion dans l'acide nitrique la moelle de la sensitive ou celle de tout autre végétal , ob voit toutes les cellules se séparer les unes des au- tres, et se présenter comme autant de vésicules com- STMJCT1 RE DKS VEGETAI \. . 11 plètes qui conservent leur forme, laquelle leur avait été donnée par la compression que les cellules voi- >incs exerçaient sur elles: ainsi, parlout où deux cel- lules se touchent, la paroi qui les se'pare offre une double membrane. On voit d'après cela que la com- paraison du lissu cellulaire à l'e'cume manque tout-à- fait de justesse. Dans la moelle de la sensitive, chaque cellule porte plusieurs corpuscules arrondis, opaques dans leurs bords , et transparents dans leur milieu. (Fig. 1 .) Ces petits corps à demi opaques, et percés, en appa- rence , dans leur milieu , ont été observe's dans le tissu cellulaire de beaucoup de végétaux par M. Mir- bel : il les considère comme des pores environne's d'un bourrelet opaque et saillant. L'observation de la moelle de la sensitive ne me permettait guère d'ad- mettre celte assertion; en effet, le tissu cellulaire dont elle est composée est incolore et d'une trans- parence parfaite , tandis que le trou prétendu qui est au centre des petits corps dont il est ici ques- tion transmet à l'œil une lumière verdâtre. Il me parut que ces petits corps n'étaient autre chose que des petites cellules globuleuses, remplies d'une ma- tière verdâtre transparente, lesquelles , en leur qua- lité de corps sphériqnes transparents, rassemblaient les rayons lumineux dans un foyer central , el de- vaient, par conséquent, paraître opaques dans leur pourtour. Chacun sait que tel est l'effet de la réfrac- tion des rayons lumineux par les corps transparents sphériqnes ou lenticulaires. Ce soupçon s esi changé ï^ .STRUCTURE DES VÉGÉTAUX. en certitude par l'observation de l'effet que produit l'acide nitrique sur ces corpuscules transparents: en effet, lorsqu'on fait chauffer la moelle de la sensitive dans cet acide , les cellules acquièrent une grande transparence , et les corpuscules dont il est ici question deviennent complètement opaques ; leur centre ne transmet plus aucun rayon de lumière. Cette observation prouve d'une manière incontesta- ble que les petits corps qui sont situes sur les parois des cellules ne sont pas des pores environnés d'un bourrelet opaque, comme le pense M. Mirbel, mais que ce sont véritablement des petites cellules glo- buleuses , remplies d'un fluide qui est concrète et rendu opaque par l'acide nitrique. On sait que les fluides qui ont été concrètes par les acides sont or- dinairement dissous et fluidifiés de nouveau par les alkalis. Il était important de savoir si ce phénomène chimique se manilèsterait par rapport aux corpus- cules concrètes de la moelle de la sensitive. J'ai donc placé sur une lame de verre quelques fragments de cette moelle dont les corpuscules étaient devenus opaques par l'action de l'acide nitrique ; je les ai couverts d'une grosse goutte de solution aqueuse de potasse caustique ' , et j'ai présenté la lame de verre avec précaution à la flamme dune lampe à esprit de vin , afin que la chaleur favorisât la disso- lution. Au bout de quelques minutes, ayant examiné 1 '.'est de la potasse caustique a la chaux, ou hydrate de potas.se (juc j'ai t'ait usage. STRl CTl RE DES VEGETAUX. 10 i e tissu cellulaire au microscope, j'ai trouve tous les corpuscules transparents dans leur milieu, avec une teinté verdàtre, comme cela avait lieu dans l'état naturel : ainsi il est évident que l'alkali avait dissous il rendu transparent le fluide que l'acide avait con- crété et rendu opaque. Cette double expe'rience, qui sera répétée souvent dans la suite de cet ouvrage , ne permet donc plus de douter que les corpus- cules arrondis dont il est ici question ne soient , comme je l'ai dit plus haut , de petites cellules glo- buleuses remplies d'un fluide concrescible par les acides et soluble dans les alkalis. 11 n'y a point de végétal dont le tissu cellulaire ne soit muni avec plus ou moins d'abondance de ces petites cellules globu- leuses , qui sont situées dans l'épaisseur des parois des grandes cellules ; nous verrons plus bas qu'on les trouve aussi à la surface de certains tubes végé- taux. Quelle est la nature , quels sont les usages de ces corpuscules globuleux vésiculaires ? c'est ce qu'il est impossible de déterminer par l'étude des seuls vé- gétaux. Ce n'est que l'étude comparée de la structure intime des animaux qui peut ici nous fournir des lu- mières. Les recherches microscopiques de plusieurs observateurs, recherches qui seront exposées plus bas, ont appris que tous les organes des animaux sont composés de corpuscules globuleux agglomérés. Il est évident que ces corpuscules sont les analogues de ceux que nous venons d'observer dans le tissu orga- nique des végétaux, chez lesquels ils sont infiniment moins nombreux qu'ils ne le sont chez les animaux. l4 STRUCTURE DES VEGETAI X. Cette observation nous montre une certaine analogie de structure organique entre les végétaux et les ani- maux , mais elle ne nous e'claire point sur les fonc- tions de ces petits organes globuleux. Comme ils composent tous les organes des animaux , cela prouve que ce n'est point de leur forme qu'il faut tirer des inductions pour de'terminer leurs fonctions ; mais , chez les animaux , la nature chimique de ces cor- puscules globuleux n'est point partout la même. Ainsi , ceux qui composent les muscles sont solubles dans les acides , tandis que ceux qui composent le système nerveux sont insolubles dans ces mêmes acides , mais seulement solubles dans les alkalis. Or, telle est aussi la nature chimique des corpuscules globu'eux que Ton observe dans les végétaux , ainsi que nous venons de l'exposer. Ceci peut donc auto- riser à penser que ces corpuscules globuleux sont des organes nerveux , ou plutôt que ce sont les élé- ments épars d'un système nerveux diffus . ou qui n'est point réuni en masses , comme il l'est chez les animaux. Celte considération , appuyée sur l'analogie de la nature chimique des corpuscules globuleux , est encore fortifiée par l'observation de la structure intime du système nerveux de certains animaux : ainsi, chez les mollusques gastéropodes, la substance médullaire du cerveau est composée de cellules glo- buleuses agglomérées, sur les parois desquelles il existe une grande quantité de corpuscules globuleux ou ovoïdes, comme on le voit dans la ligure 20. Ces corpuscules, de couleur blanche, sont évidem- STRUCTURE DES VEGETAUX. 1 ,"> i ne ut tic très petites cellules remplies de substance médullaire nerveuse; elles sont situées sur les parois des grandes cellules qui contiennent une substance demi- transparente. La similitude de cette organisa- tion avec celle du tissu cellulaire mé'dullaire des végétaux est évidente : nous voyons ici de même de petites cellules globuleuses , remplies de substance eoncrescible par les acides , et situées sur les parois des grandes cellules. Cette analogie très remarquable di structure qui existe entre le tissu cellulaire mé- dullaire des végétaux et la substance du cerveau des mollusques estdonc une analogie de plus, qui sert à étayer l'opinion que nous venons d'émettre sur la nature et sur les fonctions des corpuscules végétaux que nous considérerons comme des molécules ner- veuses éparses sur les parois des cellules ; et , en effet , les pbénomènes singuliers que présentent les végétaux irritables ne permettent guère de douter qu il n\ ail chez eux quelque chose d'analogue aux fonctions que remplit le système nerveux chez les animaux. Ces phénomènes tendent , par conséquent , à prouver qu'il y a chez les plantes , sinon un sys- tème nerveux , au moins quelques éléments de ce système. On sent qu'il serait impossible de trouver un plus grand nombre de preuves tirées de l'analo- gie entre les animaux et les végétaux, pour établir , chez ces derniers, l'existence des éléments du système nerveux. L'immense distance qui sépare ces deux classes d'êtres ne laisse subsister entre elles aucune de ces analogies empruntées de la forme générale et l6 STRUCTURE DES VEGETAUX. de la position des masses qui nous servent , dans l'anatomie comparée des animaux, à déterminer la nature des organes. De'jà ces analogies ont disparu graduellement chez les zoophyles; il ne reste, chez les végétaux , lorsqu'on veut les comparer aux ani- maux , que les analogies empruntées de la forme, de la position, et de la nature chimique des particules qui composent le tissu organique. Lors donc que nous avons saisi ces analogies des particules , nous avons saisi tout ce qu'il y a de comparable dans la structure organique des végétaux et des animaux. Fondé sur les observations qui viennent detre expo- sées, je n'hésiterai donc point à considérer les cor- puscules globuleux de nature concrescible qui sont situés dans les parois des cellules des végétaux , comme des corpuscules nerveux; je les désignerai dorénavant sous ce nom , que l'on devra considérer comme une expression abrégée qui signifie une cellule globuleuse microscopique, remplie de sub- stance nerveuse. Les cellules de la moelle ne contiennent que de l'air dans les tiges de la sensitive un peu âgées; mais lorsque ces tiges sont naissantes, comme elles le sont aux extrémités des rameaux , les cellules de la moelle contiennent un fluide diaphane concrescible par la chaleur et par les acides, et soluble cependant dans ces derniers. Pour voir cela, il faut couper une tranche de moelle extrêmement mince, et la mettre dans un peu d'eau. Cette tranche transparente, observée au microscope, ne fait apercevoir que des cellules dia- STRUCTURE DES fEGETAUX. 17 phanes dans les parois desquelles on distingue une grande quantité de corpuscules nerveux; mais si l'on trempe cette tranche dans l'acide nitrique froid pen- dant une ou deux minutes, on voit que plusieurs de ces cellules deviennent opaques, tandis que les autres conservent leur transparence, comme on le voit dans la figure 2. C'est spécialement auprès de l'étui mé- dullaire que ces cellules opaques sont nombreuses. Cette observation prouve que ces cellules contien- nent, dans l'état naturel , un fluide diaphane qui est concrète par l'action à froid de l'acide nitrique. Si l'on fait chauffer dans cet acide la petite tranche dont il vient d'être question, toutes les cellules qui étaient devenues opaques reprennent leur transparence; il y a dissolution complète de la substance concre'tée quelles contenaient. L'étui médullaire de la sensitive est composé d'une assez grande quantité de trachées qui, dans l'état na- turel, ne se déroulent point; elles sont extrêmement petites. Lorsqu'on fait bouillir la tige de cette plante dans l'acide nitrique , les trachées se remplissent d'air; on les voit alors très facilement, d'autant plus que le tissu végétal environnant a acquis de la transparence. La propriété de l'acide nitrique, à chaud étant de dé- truire l'agrégation des organes qui composent les végétaux, il en résulte que par ce moyen les trachées s'isolent lout-à-fait du tissu végétal environnant, et quelles deviennent plus faciles à dérouler qu'elles ne l'étaient auparavant. J'espérais, par ce moyen, obte- nir le déroulement des trachées de la sensiitve ; ce- l8 STRUCTURE DES VEGETAUX. pendant, quoique je leur eusse fait subir une ébulli- tion de dix minutes , elles refusèrent de se de'rouler : on pourrait penser, d'après cela, que ce ne sont point des trachées. On sait que M. Mirbel a admis chez les végétaux des fausses trachées , c'est-à-dire des tubes qui , par leur aspect , ressemblent extérieurement aux trachées, mais qui en diffèrent parcequ'ils ne se déroulent point comme elles : mais tels ne sont point les vaisseaux de la sensitive dont il vient d'être ques- tion ; car, en les faisant bouillir pendant long-temps dans l'acide nitrique , ils finissent par devenir suscep- tibles de se dérouler. Ainsi , l'impossibilité qu'il y avait de dérouler ces trachées dans l'état naturel pro- venait de l'adhérence mutuelle de leurs spires qui était plus forte que la ténacité du fil spiral , en sorte que celui-ci se rompait plutôt que de quitter l'adhé- rence qui l'unissait aux spires voisines.* Une longue ébullition dans l'acide nitrique détruit cette adhé- rence, et alors les apparentes fausses trachées se trouvent être des trachées véritables. M. Link, dans ses Recherches sur Vanatomie des plantes ', a fait mention de ces trachées qui ne se déroulent point ; il les nomme vaisseaux en spirale soudée. Au reste, j'ai observé que les spires des trachées sont unies entre elles par une membrane transparente qui se déchire lorsqu'on déroule le fil spiral ; cela se voit avec facilité lorsque, par l'ébullilion dans l'acide nitrique, on a complètement isolé des trachées qui • Annales du Muséum d'histoire naturelle, tome 19. STRUCTURE ni: s VEGETAI \. 19 se trouvent remplies d'air, et dont les spires sont, un peu éloignées les unes des autres. L'un des végétaux qui se prête le mieux à ce genre d'observations est le solarium tuberosum. Les pétioles des feuilles de cette plante contiennent des trachées très grosses et plon- gées dans un tissu très délicat, ce qui rend leur ob- servation très facile, surtout a l'aide de l'acide ni- trique. On peut, sur ce végétal, voir avec facilité la membrane qui unit entre elles les spires des trachées. M. Mirbel a fait mention de cette membrane dans son Traité d' anatomie et de physiologie végétale ; car il dit positivement que la trachée , en se déroulant , présente quelquefois deux filets réunis par une mem- brane intermédiaire. Il dit un peu plus bas : On peut conjecturer tftiee quelque apparence de raison que, dd us beaucoup de cas , les trachées ne se déroulent quepareequon déchire les membranes qui unissent les spires entre elles \ Mais, quittant bientôt cette manière de voir, qui ne s'accordait pas avec sa théo- rie, M. Mirbel considère les trachées comme formées d'une lame roulée en spirale, bordée souvent de petits bourrelets calleux2; à l'appui de cette opinion, il donne la ligure très grossie d'une portion de trachée , ligure dont je reproduis ici l'analogue (lig. 5, a\ Dans l'explication que M. Mirbel donne de celte tigure, il considère la trachée comme ayant des fentes transversales bordées en dessus et en dessous par le Traité d'anatomie et de pliysioioyie vèyétafc , chap. /\, article f Eternelles de 'physioiogic végétale et de botanique, p-iï?^ 3a. '2. 20 STRUCTURE DES VEGETAUX. bourrelet ou cordon saillant que l'on voit ici de chaque côté de la lame qu'a formée la trachée en se déroulant. D'abord je dois faire observer que la l'orme de trachée représentée ici est assez rare; je ne l'ai observée que dans quelques trachées du sureau (sambucus nigrà) . Ici la trachée est composée de deux tils spiraux juxta- posés et formant une lame opaque par leur réunion ; cette lame est roulée en spirale dont les spires sont écartées les unes des autres, et leurs intervalles sont remplis par une membrane transparente c. Lors- qu'on essaie de dérouler cette trachée , le déroule- ment s'opère par la séparation des deux fils qui for- ment la lame opaque, en sorte que la membrane trans- parente qui remplissait les intervalles des spires se trouve rester intacte et bordée de chaque côté par un fil opaque , qui est la moitié de la lame opaque qui composak la spire de la trachée avant son déroule- ment. J'ai représenté la continuation de cette trachée non déroulée en b. Cette figure fera voir, mieux que l'explication que j'en pourrais donner, l'erreur où est tombé M. Mirbel , en prenant pour une lame spirale de trachée ce qui n'est dans le fait que la membrane intermédiaire aux spires , bordée de chaque côté par un des deux fils spiraux qui forment cette lame par leur réunion. L'adhérence mutuelle de ces deux fils étant moins forte que ne l'est la résistance de la mem- brane intermédiaire aux spires, il en résulte que le déroulement de la trachée s'opère seulement par la séparation de ces deux fils qui, dans l'état naturel, ne sont point séparés par une lento comme l'admet STIUC.TIRK DES VEGETAUX. 2 1 \|. \lii bel. Au reste, ou sait que les trachées, qui souvent n'ont qu'un seul fil spiral , en possèdent quelquefois deux, irois et quatre, ainsi que je l'ai observe moi-même; M. Link en a compté jusqu'à sept, (^cs fils spiraux, qui se suivent parallèlement , forment, par leur assemblage, une lame en spirale plus ou moins large; et la réunion de ces fils, opérée par une membrane intermédiaire quelquefois a perce- vable J ne laisse point subsister de fentes entre eux. Ainsi les trachées n'ont point de fentes transversales en spirale, comme le pense M. Mirbel , qui trouve dans ces fentes et dans les bourrelets prétendus qui les bordent, une transition heureuse pour passer des trachées attt fausses trachées, dans lesquelles il a cru reconnaître des fentes transversales bordées de bourrelets , lentes qui, selon lui, ne diffèrent que par leur forme alongée, des pores, également bordés d'un bourrelet. Nous avons prouvé plus haut (piè- ces prétendus pores n'existent point dans le tissu cel- lulaire; nous verrons tout à l'heure qu'ils n existent point non plus sur les tubes que M. Mirbel appelle poreux* Nouys venons de voir que les trachées n'ont point de lentes transversales en spirale; nous ver- rons dans un instant que les fausses trachées ne sont point non plus fendues transversalement. Lés trachées sont, eu général, des tubes dont la longueur est considérable; la manière dont ils se terminent n'a point encore été observée. M-. Mirbel end que ces tubes se métamorphosent vers leurs extrémités en tissu cellulaire, et qu'il en est de même 22 STRUCTURE DES VEGETAUX. des autres tubes végétaux. Cette assertion est encore infirmée par l'observation. J'ai vu clans les pétioles des feuilles du noyer (juglans regia ) , et dans l'étui médullaire du sureau ( sambucus nigra ), que les tracbées se terminent en devenant des spirales co- niques dont la pointe devient très aiguë, comme on ie voit dans la ligure 4 '•> j'ai vu que cette terminaison des tracbées étai: la même en haut et en bas , c'est- à-dire à la base et au sommet de ces tubes spiraux. Les trachées sont très souvent munies extérieure- ment de corpuscules nerveux plus ou moins nom- breux. On peut faire cette observation avec facilité dans les tiges du solanum tuberosum et du cttcur- bita pepo , en dissociant leurs parties constituantes par le moyen de lébullition dans l'acide nitrique , qui rend opaques les corpuscules nerveux , lesquels , dans l'état naturel, ne sont point apercevables , à cause de leur transparence. On voit , dans ces deux végétaux , les trachées accompagnées souvent de deux rangées de corpuscules nerveux qui restent adhérents à leurs spires lorsqu'on les déroule , comme on le voit dans la figure 5. Ces corpuscules concrètes par l'acide ni- trique, étant mis dans la solution acqueuse de po- tasse caustique, y deviennent fluides et transparents : ainsi il n'y a pas de doute qu'ils ne soient tout-à-fait semblables à ceux qui sont situés dans les parois du tissu cellulaire. Quelquefois les trachées sont cou- vertes de rangées transversales de corpuscules ner- veux, comme on le voit dans la figure 6, qui repré- sente une trachée du clematis vitalba. Une portion s j m cTrm: nus yecktai \. 20 «le cette trachée se trouve dépourvue de corpuscules nerveux, et cela ne provient évidemment que de ce que ces corpuscules ont été enlevés par la manière dont s est opérée la déchirure du tissu végétal , car ils n'adhèrent que faiblement aux trachées sur lesquelles ils sont appliqués; ils ne font point partie essentielle de leur organisation. Il n'en est pas de même des corpuscules que Ton observe à la surface des tubes ipie M. Mirbei a nommés tubes poreux (-fig. 7 ) , pareequ'il prend les corpuscules nerveux qui les cou- vrent pour des pores environne's d'un bourrelet opa- que et saillant. Le tube que je représente est emprunté au sureau ( sambucus nigra ). Ces corpuscules sont ici contenus dans les parois mêmes du tube qui les porte ; ils ne peuvent jamais en être séparés. J'ai dé- montré plus haut (pie M. Mirbei était tombé dans l'erreur en prenant les corpuscules nerveux du tissu cellulaire pour des pores 5 les mêmes preuves me ser- viront ici pour démontrer la véritable nature des pie- tendus pores de ses tubes poreux-. Dans un grand nombre d'observations et d'expériences que j'ai laites SIM? les vaisseaux corpuseuliieres de beaucoup de vé- gi [taux, j'ai toujours vu que les corpuscules qu'ils offraient se composaient exactement comme ceux du tisMi cellulaire, lorsqu'on les soumettait à faction de l'acide nitrique ou de la potasse caustique. Le pre- mier les rend opaques et parait les concréter ; la séM onde les rend transparents et les dissout. Ainsi il ne peut lester aucun doute sur leur nature ; ce sont des corpuscules nerveux fixés dasas les parois des vais- ^4 STRUCTURE DES VÉGÉTAUX. seaux , comme ils sont situés dans les parois des cel- lules. Il n'y a donc point de vaisseaux poreux y sui- vant l'acception que M. Mirbel donne à cette expres- sion. De'jà M. Link avait émis l'opinion que les points obscurs que l'on remarque dans le tissu cel- lulaire et à la surface des vaisseaux ne sont pas des pores entourés d'un bourrelet saillant, mais que ce sont des petits gî^ains transparents au milieu ' ; il pense qu'il en est de même des lignes transversales obscures et interrompues qu'on observe dans les vaisseaux , auxquels cet observateur donne, avec M. Mirbel, le nom àe fausses trachées. On sait que ce dernier naturaliste considère ces lignes transver- sales interrompues comme des fentes bordées d'un bourrelet. Si l'on veut observer ces vaisseaux avec facilité, il faut soumettre à l'ébullition dans l'acide nitrique un morceau de bois de vigne ( vitis vini- fera ) , et cela pendant un espace de temps suffisant pour que l'agrégation de ses parties constituantes soit presque complètement déiruite ; alors on observe avec la plus grande facilité tous les organes qui en- trent dans sa composition. Lorsque Ton coupe trans- versalement le bois de la vigne, on découvre, à l'œil nu, les ouvertures d'une grande quantité de gros tubes : ce sont des fausses trachées de M. Mirbel. Ces tubes, que l'ébullition dans f acide nitrique rem- plit d'air, sont articulés et chacun des articles dont ils sont composés est environ trois à quatre lois plus 1 Ouvrage cité, pages 5 1 4 e* 55o. STRUCTUnii DES VÉGÉTAUX. 25 long qu'il n'est large. Les eavite's de ces articles ne communiquent point entre elles ; cela se voit facile- ment, parceque 1 air qui les remplit forme autant de bulles alongées et séparées les unes des autres qu'il y a d'articles; cela prouve bien e'videmment qu'il y a une cloison intérieure à chaque articulation. Je donne ( fig. 8 ) la figure de l'un de ces articles ; on voit qu'il est couvert de lignes transversales interrompues. Ces lignes, que leur opacité fait paraître noires, res- semblent assez bien à des spires de trachées qui se- raient interrompues de distance en distance : je ne sais si ce sont ces lignes ou bien leurs intervalles de- mi-transparents que M. Mirbel considère comme des fentes transversales. Pour savoir à quoi m'en te- nir sur la nature de ces lignes opaques, j'ai eu recours au moyen dont j'ai déjà fait mention; j'ai fait chauffer dans une forte solution acqueuse dépotasse caustique le tissu de la vigne déjà préparé, comme il a e'te'dit ci- dessus , par le moyen de l'acide nitrique. Ce second réactif a complètement fait disparaître les lignes opa- ques dont il vient d'être question; et les articles des gros vaisseaux , sur lesquels on les observait aupara- vant , n'ont plus présenté qu'un aspect et une demi- transparence uniformes. Nous avons vu plus haut que tel était constamment l'effet produit sur les corpus- cules nerveux par la potasse caustique; elle les rend transparents ; et les fait ainsi disparaître quand ils ne possèdent aucune coloration. La potasse caustique ne produit point le même effet sur les fils spiraux des trachées : malgré l'action prolongée de cet alkali, ils 26 STRUCTURE DES VEGETAUX. conservent constamment leur opacité ; ainsi , il n'y a aucune analogie entre ces fils spiraux et les lignes opaques dont il vient detre fait mention ; ces der- nières sont évidemment des corpuscules nerveux alon- gés et linéaires. Peut-être ces lignes sont-elles for- mées par des séries de corpuscules globuleux place's à la file et qui se touchent ; nous verrons bientôt un exemple qui pourra fortifier ce soupçon. Le clematis vitalba contient, comme la vigne, une grande quan- tité de ces gros tubes articulés , dont les orifices sont visibles à l'œil nu ; leurs articles sont très courts , et ils sont couverts de corpuscules nerveux qui repré- sentent des lignes transversales extrêmement courtes , comme on le voit dans la figure 9. C'est en vain que je cherche ici ce qui a pu induire M. Mirbei en er- reur, en lui faisant voir, dans les tubes qu'il appelle des fausses trachées?des fentes transversales bordées d'un bourrelet. On pourrait croire que ce natura- liste a vu cela sur d'autres végétaux que ceux que j'ai observés. A cela je répondrai que M. Mirbei à donné spécialement la figure du gros vaisseau de la vigne ' dont je viens d'exposer la structure , et qu'il y 'dessine les fentes ouvertes à jour qui constituent ses fausses trachées. Il est donc certain que M. Mirbei s'est laissé induire en erreur par quelque illusion d op- tique; et, dans le fait , il n'est pas étonnant qua\ant pris des corpuscules nerveux semblables à des points 1 Eléments de phijsio(o>/ic wyilaic et de hoianujve . plaçchi ;i:;iiit 10. sTRrc/n ri: DES VÉGÉTAUX. 27 pour des pores , il ait pris dos corpuscules nerveux linéaires pour des lentes. Ainsi il n'y a point défausses trachées , dans le sens que M. Mirbel attache à cette expression; il y a des trachées qui ne se de'roulent point, pareeque leurs spires sont fortement/ soudées \ il y a des tubes couverts de corpuscules nerveux li- néaires dont la direclion est transversale : voilà les deux sortes de vaisseaux que M. Mirbel a pris pour des fausses trachées. Ces organes n'existent pas plus que les tubes poreux , pas plus que le tissu cellu- laire poreux , dans le sens que AI. Mirbel attache à ces dénominations. J'en dirai autant des tubes que ce naturaliste appelle mixtes, et qui, véritables trachées dans une portion de leur longueur , seraient , dans les portions suivantes, successivementym^e.? trachées et tubes poreux , en sorte que le même tube offri- rait une organisation différente dans les diverses por- tions de son étendue. La source de cette erreur est facile à découvrir. Les trachées sont quelquefois cou- vertes de corpuscules nerveux qui masquent leurs spires en partie , comme nous venons de le voir ( fi- gure 6 ) ; M. Mirbel , considérant ces corpuscules comme des pores, et voyant les lignes transversales de la trachée interrompues par les corpuscules ner- veux qui les masquent, a été conduit par là à penser que la trachée qu'il observait avait quitté sa struc- ture en spirale, pour devenir un tube muni de pores et de petites fentes transversales. Pour moi , j'ai tou- jours vu les trachées conserver l'organisation qui les caractérise dans toute leur étendue ; cependant le 2 8 STRUCTURE DES VEGETAUX. moyen d'analyse que j'emploie m'a souvent permis de suivre ces tubes dans une portion considérable de leur longueur. Mes observations à cet égard ont été telle- ment multipliées et tellement précises, que je ne crains point d'affirmer que jamais un même tube végétal ne présente successivement l'organisation en spirale des trachées et la structure particulière aux tubes corpus- culiières que M. Mirbel désigne sous les noms de tubes poreux et défausses trachées. Ainsi, il n'existe point de tubes mixtes , à moins qu'on ne veuille ap- pliquer ce nom aux tubes dont la surface présente simultanément des lignes transversales obscures et des points obscurs, c'est-à-dire des corpuscules ner- veux linéaires dirigés transversalement, et des cor- puscules nerveux globuleux. On trouve cette réunion, par exemple , sur les gros tubes dont on voit les ori- fices à l'œil nu dans le bois du chêne ( quercus 7*0- bur ). La figure 10 représente l'un de ces tubes, que l'on pourrait appeler mixtes , si la forme des corpuscules nerveux qui les couvrent leur donnait un caractère particulier d'organisation, ce que je ne pense pas. En effet , quand on considère la forme et la po- sition desgros tubes corpusculifères, on ne peutsedis- penser de reconnaître que tous ces tubes sont iden- tiques , bien qu'ils ditfèrent souvent par la lorme et par la position des corpuscules nerveux qui sont située dans l'épaisseur de leurs parois. S'il fallait reconnaître autant de sortes de tubes qu'il y a de i'ormcs particu- lières dans les corpuscules nerveux qui les couvrent , on multiplierait d'une manière indéfinie les disline- STRUCTU1E DES VEGKIAIX. 2C) lions et les dénominations; car il est probable qu'il \ a beaucoup de diversité à cet égard. La sensitive, à elle seule, nous offre deux variétés toutes nouvelles dans la configuration des corpuscules nerveux de ces gros tubes ; en effet , dans L'étui médullaire de celte plante, à côté des trachées, on trouve des lubes dont le diamètre est environ le double de celui de ces der- nières , et dont les parois offrent des corpuscules ner- veux disposés en losanges irrégulières , comme on le voil dans la figure 1 i . Lorsqu'on observe ces tubes encore adhérents aux organes qui les environnent, on les prendrait volontiers pour un faisceau de trachées à moitié déroulées ; tel est , en effet y l'aspect que pré- sentent, au premier coup d'oeil, les lignes en losanges qui parcourent ces tubes dans le sens longitudinal. J'avoue que j'ai moi-même douté si cette apparence n était point produite par des trachées fort petites, collées sur Je tube dont il est ici question ; mais ayant plusieurs fois obtenu ce tube parfaitement isolé, j'ai pu l'examiner dans tous les sens , et me convaincre que les lignes en losanges que présente sa surface sont bien réellement des corpuscules nerveux conte- nus dans l'épaisseur de ses parois. Dans les pétioles des feuilles de la sensitive, on trouve des tubes dont les corpuscules nerveux offrent une autre configuration ; ils présentent des lignes longitudinales disposées sy- métriquement, comme on le voit dans la figure 12. Quelles sont les fonctions de ces tubes corpuscu- lifères? quelles sont les fonctions des trachées qui leur sont associées dans l'étui médullaire? Voilà des ques- 00 STRUCTURE DES VEGETAUX. lions auxquelles il est impossible de répondre d'une manière satisfaisante dans l'état actuel de nos con- naissances. Nous ne pouvons offrir ici sur cet objet que des conjectures plus ou moins probables. Je pense que les gros tubes corpusculifères sont les ca- naux par lesquels la sève opère son ascension dans le végétal. Ces tubes n'occupent pas seulement l'étui médullaire, ils existent dans tout le système central du végétal , et se remarquent spécialement chez les végétaux ligneux dans les intervalles des touches an- nuelles du bois; ils sont très nombreux dans le bois de la vigne , et il m'a paru que c'était par leurs ori- fices que sortait la sève qui coule si abondamment au printemps des rameaux tronqués de ce végétal. Une force considérable préside à ce mouvement d'ascen- sion de la sève, ainsi que l'a expérimenté Haies; cette force n'est pas le seul résultat de la capillarité, puis- que l'ascension de la sève n'a plus lieu dans les bran- ches mortes qui tiennent encore au végétal vivant, branches dont la capillarité est cependant toujours la même. Les fonctions des trachées ont été l'objet de bien des discussions. Les premiers naturalistes qui les dé- couvrirent, séduits par leur analogie avec les trachées des insectes , n'hésitèrent pas à les considérer comme des organes respiratoires ; d'autres observateurs af- firmèrent que ces tubes ne contiennent jamais d'air, mais bien de la sève ; mes observations mont prouvé la vérité de cette dernière opinion. Les trachées con- duisent bien certainement un liquide diaphane, et STRICITTIK DES VEGETAUX, Jt jamais on ne trouve une seule bulle d'air dans leur intérieur. Le moyen d'analyse que j'emploie, l'ébul- lition dans l'acide nitrique, remplit les trachées, comme tous les autres tubes, d'un fluide acri- tbnne; elles offrent alors un aspect tout particulier il très différent de celui qu'elles présentent dans l'état naturel. Ainsi il est bien certain que, dans ce dernier état, elles ne contiennent jamais d'air. Quelles sont donc leurs fonctions? Admeltra-t-on, avec M. Mirbel, quelles servent, comme les tubes corpusculifèies, à conduire la sève dans son ascension? mais il répugne à croire que la nature ait attribué des fonctions sem- blables à des tubes aussi différents dans leur organi- sation, surtout lorsqu'on voit ces tubes placés les uns à côté des autres dans l'étui médullaire ; car on con- cevrait peut-être qu'une position très différente d'un même organe entraînât une modification dans son or- ganisation. Ce qu'il y a de certain, c'est que les fonc- tions des trachées ont un rapport nécessaire et immé- diat avec les fonctions des feuilles ; on ne les trouve que dans les feuilles et dans l'étui médullaire, parties qui, dans les jeunes tiges, ont une correspondance intime et immédiate. Les fonctions des feuilles ne sont pas encore bien connues; il est certain cependant que la lumière exerce spécialement sur les feuilles une action vivifiante , soit par elle-même, soit en déter- minant certaines combinaisons chimiques dans les fluides que contiennent leurs vaisseaux. Ceci est un objet important de physiologie végétale qui n'est point encore suffisamment éclairé, malgré les re- ,J2 STRUCTURE DES VEGETAUX. cherches dlngenhonz et de Sennebier, malgré les travaux encore plus e'tendus de M* Théodore de Saus- sure. Quoi qu'il en soit, il me paraît probable que les trachées sont destinées à transmettre dans le corps du végétal un liquide modifié dans les feuilles par les agents du dehors , et propre à propager l'action vivi- fiante dont nous avons parlé plus haut; ainsi elles seraient comparables, jusqu'à un ceriain point, aux trachées des insectes qui transportent dans toutes les parties de l'animal l'air atmosphérique qui doit y pro- duire une influence vivifiante. Considérées sous ce point de vue, les trachées des végétaux seraient des organes respiratoires qui conduiraient un liquide vivifiant. Après avoir étudié les organes qui composent l'étui médullaire, nous arrivons naturellement à l'examen de la couche ligneuse qui le recouvre. En effet, la sensitive , plante frutiqueuse , possède des fibres li- gneuses tout-à-fait semblables à celles qui compo- sent le bois des arbres. Ce mot fibre ligneuse, em- ployé par quelques naturalistes, doit être banni de la science comme n'offrant aucune idée exacte; il in- dique seulement que les parties dont le bois est com- posé sont susceptibles de se diviser en filets très fins; cette division, comme on le sait, s'opère dans le sens de la longueur de la tige. Rien nest plus difficile, dans f état naturel , que Y observation microscopique du tissu qui compose le bois proprement dit, ou la partie ligneuse du système central; cette difficulté disparaît entièrement par le moyen que j'emploie. STRUCTURE DES YKf.KTWX. T).> En faisant chauffer un petit fragment d'un i>ois quel- conque dans l'acide nitrique, ses parties constituan- tes ne tardent pas à perdre leur agrégation , elles se séparent au moindre effort, et alors leur observa- tion au microscope ne présente plus aucune diffi- culté. On voit de cette manière que le bois est en majeure partie compose de tubes renfles dans leur milieu , et qui se terminent en pointe aiguë par leurs deux extrémités , comme on le voit dans la figure 1 3. Je désignerai ces tubes f us i formes par le nom de closlres ■ ; ils sont appliqués les uns à côté des autres. Les clostres voisins se touchent par leur par- tie renflée , et laissent entre leurs pointes des inter- valles qui sont remplis par les pointes des clostres qui les suivent en- dessus et en-dessous. Chez la sensilive, plusieurs de ces clostres sont divisés dans leur milieu par une cloison transversale (fig. |3 a ) , d'autres offrent deux ou trois cloisons, bb. La mem- brane qui forme ces tubes est très solide; elle est d'un aspect nacré. J'ai vu qu'ils étaient creux jusque dans leurs pointes , par les bulles d'air que l'action de l'acide nitrique produit souvent dans leur intérieur. Leurs parois ne contiennent aucun corpuscule ner- veux. Ces organes fusiformes appartiennent spécia- lement aux végétaux ligneux ; cependant on les rencontre aussi dans les parties des végétaux herba- cés, qui présentent une certaine solidité; les végétaux dont le tissu est mou et délicat en sont lout-à-fait 1 Mol dérivé de x\<ùmy»t fuseau. 54 STRUCTURE DES VEGETAUX. dépourvus. Ainsi il paraît que les clostres sont les organes auxquels les végétaux doivent spécialement la solidité' de leur tissu. Cependant je noterai, comme un fait remarquable, que la tige du clematis vitalba, quoique ligneuse , ne contient point de clostres ; elle est, en majeure partie, composée de petits tubes ar- ticulés qu'on peut considérer comme du tissu cellu- laire alongé et articulé. Les clostres ne présentent pas toujours exactement la forme de fuseau que nous venons de leur reconnaître. Quelquefois ils repré- sentent des tubes parallèles qui se terminent brus- quement en pointe aiguë ; c'est sous celte forme que se présentent, par exemple , les clostres du pimis picea (fig. \l\). La forme des clostres a été figurée d'une manière assez exacte par M. Link ; il désigne l'assemblage de ces organes , sous le nom de tissu d'aubier. M. Mi r bel a également aperçu, quoique d'une manière peu distincte , cette organisation ; il regarde le bois comme formé de tissu cellulaire a- longé. Nul doute en effet que les clostres ne soient engendrés par un développement particulier des cel- lules , mais on conviendra que leur forme les éloigne trop du tissu cellulaire pour leur en conserver le nom. Les clostres sont les réservoirs d'un sue qui est sus- ceptible de se concréter, et qui, presque toujours, acquiert en vieillissant une couleur plus ou moins foncée et une plus grande dureté. C'est ainsi que s'opère le changement de ïaubier en bois de cœur. En effet, ce n'est point par eux-mùmes que les clos- tres sont durs ci colorés , c'est par la substance STRUCTURE DES VÉGÉTAUX*. 55 concrAoe qu'ils contiennent. Si l'on fait chauffer du s dVbène dans l'acide nitrique, cet acide dissont la substance noire que contiennent les closires, qui peu à peu acquièrent ainsi de la transparence, tandis que l'acide nitrique se colore fortement en noir. Ce fait prouve bien évidemment que la couleur du bois de cœur est due au suc colore et endurci . que con- tiennent les clostres. Ceux-ci sont, parleur nalurc, d'un blauc nacré; c'est dans leur intérieur qu'est contenue la substance colorante des bois employés dans la teinture. On pourrait penser que la dureté plus ou moins grande du bois proviendrait de la ténuité plus ou moins considérable des clostres; mais il n'en est rien. En effet, j'ai vu que les clostres qui forment le bois ont des dimensions semblables dans le buis (buœus sempervirens) et dans le peu- plier (popnlus fastigiata ), c'est-à-dire dans les deux bois indigènes dont la dureté et la pesanteur spécifique offrent les plus grandes différences. Ce fait achève de prouver que la dureté et la pesanteur spécifique du bois dépendent exclusivement de la substance endurcie que contiennent les closires; i! paraît que ces organes sont vides dans lepeuplier; aussi ce bois est-il tendre, extrêmement léger, et d'une cou- leur blanche, qui est la couleur naturelle des clostres. C'est par la même raison qu'il n'offre point la dis- tinction de l'aubier et du bois de cœur ; les closires , partout également vides , sont partout également blancs , puisqu'ils ne doivent leur coloration qu'à la substance qu'ils contiennent chez les bois colorés. ~6 STRUCTURE DES VÉGÉTAUX. Au reste, la coloration et la dureté' qu'acquiert celte substance en vieillissant , et d'où résulte la transfor- mation de l'aubier en bois de cœu7\ est un phénomène chimique dont l'essence n'est point connue. Les clostres , dans l'aubier de formation récente, me paraissent être les réservoirs de la sève élaborée qui sert spécialement à fournir les matériaux de l'accroisse- ment en diamètre du végétal, et qui, transmise de clostre en closlre par un mouvement descendant, va fournir aux racines les matériaux de leur accroisse- ment. Je pense que cette sève élaborée, transmise à travers le tissu perméable du végétal, se mêle à la sève ascendante pour fournir aux bourgeons les ma- tériaux de leur accroissement, et qu'elle va fournir aux vaisseaux propres les matériaux de la sécrétion qu'ils opèrent. On sait que c'est au moyen dune diffusion semblable d'un suc élaboré que s'opèrent et la nutrition et les sécrétions chez les insectes. Lors- que cette sève élaborée est tout entière employée à l'accroissement du végétal , l'accroissement de ce der- nier est rapide, et ses clostres restent vides; alors le bois est blanc , tendre et léger : lorsque , au con- traire, la plus grande partie de cette sève élaborée demeure dans les clostres, et n'est point employée à l'accroissement , ce dernier est plus ou moins lent , et le bois demeure lourd, dur et coloré. Les clostres, quoique contenant un liquide diffé- rent de la sève ascendante , ne doivent cependant point être confondus avec les vaisseaux propres ^ lesquels sont des organes sécréteurs. Ces derniers sont des STRUCTl IRE DES VÉGÉTAI X. J7 lu!)cs dont Je diamètre esl toujours plus grand que celui des clostres*, ils sont, comme eux, toujours pri- ves de corpuscules nerveux, mais les substances qu'ils contiennent sont bien différentes, et paraissent être purement excrérncntitielles. Telle est, par exemple, la résine pure que contiennent les vaisseaux propres des arbres résineux. Celle substance n'est bien cer- tainement pas destinée à l'accroissement et à la nutri- tion du végétal; mais ne serait-elle point le résidu de la substance alimentaire, qui aurait été absorbée, et avec laquelle elle était mêlée dans le principe? Les sucs laiteux, que l'on comprend généralement dans la classe des sucs propres, me paraissent devoir être considérés comme des liquides, au moins en partie excrémentitiels. Cette partie de la physiologie végétale demande, comme on le voit, de nouvelles recherches, et je ne m'y arrêterai pas davantage ; je me contente- rai de l'aire observer ici incidemment que les sucs rési- neux, qui sont abondants dans l'écorcede la plupart des conifères, ne sont point contenus dans des la- cunes ou dans des cavités produites par le déchire- ment du tissu cellulaire , comme le pense M. Mirbel. Ces sucs résineux sont contenus dans des vaisseaux irrégulièrement renflés et tortueux. On les isole complètement par le moyen de l'acide nitrique. Ce fait et quelques autres me font penser que la théorie de M. Mirbel sur les lacunes a besoin de recevoir des modifications. Les faisceaux des clostres sont mêlés, chez la sensi- uve, avec un tissu cellulaire qui se divise mécani- 58 STiiLCTLRE DES VÉGÉTAUX. quement en filets longitudinaux, composes de séries de cellules, comme cela se voit dans la figure i5, ab , cd. Ici je crois devoir rappeler que, dans mes Recherches sur V accroissement et la reproduction des végétaux \ j'ai désigné sous le nom de fibres ces assemblages de cellules qui se prêtent avec facilité à la division longitudinale en filets , parceque les cel- lules qui les composent adhèrent plus les unes aux autres dans le sens de la longueur de la tige que dans le sens transversal , ce qui n'a point lieu pour le tissu cellulaire irrégulier. Mais, reconnaissant que ce mol jîbre a été appliqué à plusieurs sortes d'organes linéaires très différents entre eux , et que par consé- quent il est difficile d'y attacher une idée exacte, jai résolu de désigner ces assemblages rectilignes de cellules articulées les unes avecles autres par le simple nom de tissu cellulaire articulé. Pour peu qu'on multiplie un peu ses observations sur la structure intérieure des végétaux, on ne larde pas à trouver des cellules articulées qui, par leur alongement dans le sens longitudinal, tendent à devenir des tubes. C'est ce que Link 2 a désigné sous le nom de tissu cel- lulaire alongé. On trouve, enfin, de véritables tubes articulés les uns avec les autres dans le sens longi- tudinal. Ces observations prouvent que, du tissu cel- lulaire articulé aux tubes articulés, il y a une transi- tion évidente, et que ces organes ne diffèrent que par Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, tome 7. Annales du Muséum d'histoire naturelle, tome ly. STRUCTURE DIS VEGETAUX. .>9 les proportions respectives de leurs parues. Après celle petite digression, je reviens au tissu cellulaire articulé, qui m'y a conduit. Ce tissu cellulaire est assez généralement semblable à celui de la moelle ; il est, comme ce dernier, tout couvert de corpus- cules nerveux places d'une manière fort irrégulière. Quelquefois cependant j'ai observé des portions de ce tissu cellulaire articulé qui offraient dans le milieu de chacune des cellules un seul corps linéaire placé longitudinalemcnt, comme on le voit en b (ligure 1 5); c'est un corpuscule nerveux qui $ vu avec une forte lentille, paraît formé par une série de quatre ou cinq corpuscules globuleux placés à la file 3 comme on le \oii en a. Ce fait justifie le soupçon que j'ai émis précédemment touchant la nature des corpuscules nerveux linéaires, que j'ai considérés comme proba- blement formés de très petits corpuscules placés à la file* Le tissu cellulaire articulé dont il est ici question est l'organe générateur des rayons médullaires dans les végétaux ligneux et frutiqueux. Les végétaux totalement herbacés ne possèdent point ces rayons , qui existent dans la tige frutiqueuse de la sensitive. Dans les jeunes tiges de cette plante , ce tissu cellu- laire mêlé aux clostres est articulé dans le sens longi- tudinal (c d, ûg. 1 5) ; ce n'est que dans ce sens qu'il se divise mécaniquement en filets. Dans les grosses branches ou. dans le tronc , le sens de cette articula- tion est changé , et ce même tissu se trouve articulé dans le sens do, c'est-à-dire dans le sens trans- versal, pour former les rayons médullaires. Ainsi, dans 4o STRUCTURE DES végétaux. les liges naissantes ou dans les jeunes branches des végétaux ligneux dicotylés , le tissu cellulaire ar- ticulé et ccrpusculifère qui est mêlé aux faisceaux des clostres, et qui est évidemment une émanation latérale de la moelle, est articulé dans le sens longi- tudinal , comme cela a lieu dans les petites plantes herbacées dicotylées. Lorsque ces liges ou ces bran- ches prennent de l'accroissement en diamètre, ce tissu cellulaire cesse de présenter une articulation longitudinale; il en prend une transversale, et c'est ainsi que se forment les rayons médullaires qui sont exclusivement formés de tissu cellulaire articulé. Le système cortical de la sensitive est composé de clostres beaucoup plus alongés que ceux qui existent dans le système central , leur diamèire est également plus grand. Au reste , en parlant de 'la longueur de ces organes , je n'entends faire mention que de leur apparence au microscope ; car , dans le fait , ils sont toujours d'une extrême petitesse. J'ai mesuré les clostres de la sensitive , et j'ai trouvé que les plus alongés , dans le système cortical , ont à peine un millimètre et demi de longueur sur -~ de millimètre de largeur ; les clostres du système central n'ont guère que la^ moitié de ces deux dimensions \ Les clostres du système cortical sont, comme ces 1 Je me sers du microscope solaire pour mesurer les objets d'une extrême petitesse. Je compare l'image ou l'ombre produite à une dis- tance déterminée par l'objet que je veux mesurer, avec l'ombre que produit, à la même distance , un petit morceau de fil méiallique dont le divituèlie uxaet m'esi connu. STRUCTURE DES VÉCVTAl'X. 41 derniers, prives de corpuscules nerveux; leurs fais- ceaux sont plongés dans un tissu cellulaire corpus- eulifere tout-à-fait semblable à celui de la moelle. On \ trouve de même, et en assez grande quantité, des cellules remplies de ce fluide concrescible par l'acide nitrique froid , et soluble dans le même acide chaud ; cellules dont j'ai fait mention plus haut en étudiant la moelle. Cette identité parfaite de structure et de composition chimique entre la moelle et le paren- chyme cortical est une preuve à ajouter à celles que j'ai exposées dans un précédent ouvrage ', pour dé- montrer que ces deux tissus organiques ne diffèrent en aucune façon et ont des fonctions semblables; c'est donc avec raison que , dans cet ouvrage , j'ai donné à la moelle le nom de médulle centrale , et au paren- chyme de l'écorce le nom de médulle corticale. Les feuilles de la sensitive sont portées sur un long pétiole, à la base duquel existe une portion renflée a b , c d ( fig. 1 8 ) que je désignerai par le nom bourrelet. Des renflements semblables, mais plus petits, existent à l'insertion des pinnulessur le sommet du pétiole , et à l'insertion des folioles sur les pin- nulcs ; c'est en eux que réside le principe des mouve- ments qu'exécutent les feu illes de la sensitive , comme nous le verrons plus bas. Le bourrelet qui est situé à la base du pétiole est le seul qui présente une grosseur suffisante pour qu'il soit possible d'en ob- server la structure intérieure : en le fendant longitu- dinalement,ctcn l'examinant à la loupe, on voit (pie ce nccfici rfics sur Vaocroiifemeni cl (a reproduction des véjéUnuè. /| 2 STBICTDBE DES VÉGÉTAUX. bourrelet est principalement formé par un développe- ment considérable du parenchyme cortical ; le centre est occupe' par les tubes qui établissent la communi- cation vasculaire de la feuille avec la tiije : si Ton veut voir avec facilité l'organisation intérieure du paren- chyme cortical qui constitue essentiellement ce renfle- ment , il faut , avec un rasoir , enlever d'abord l'épi- démie sur l'un de ses côtés ; ensuite on enlève une tranche de parenchyme, aussi mince qu'il est possible de l'obtenir , et on la soumet au microscope, plongée dans un peu d'eau. On voit de cette manière que le parenchyme du bourrelet est composé d'une grande quantité de cellules globuleuses et diaphanes dont les parois sont couvertes de corpuscules nerveux. Si on supprime l'eau dans laquelle est plongée la petite tranche, et qu'on mette en place un peu d'acide ni- trique , on voit, en peu d'instants , les cellules dia- phanes devenir d'abord jaunâlres , et ensuite com- plètement opaques. On reconnaît alors que ce sont des cellules tout-à-fait semblables à celles que nous avons déjà observées dans la moelle et dans le paren- chyme cortical , excepté que celles-ci sont de forme globuleuse. Ces- cellules, qui ne sont point en contact immédiat, sont alignées dans le sens longitudinal , comme on le voit dans là figure 16. J'ai représenté, dans celle figure , quelques unes de ces cellules ali- gnées, et les autres dans un ordre confus, pareeque c'est ordinairement ainsi qu'elles se présentent à l'ob- servation , l'instrument tranchant avec lequel on en- lève la lame minée du bourrelet, ne rencontrant fie STRUCTURE DÉS VEGETAUX- l\J par hasard la direction alignée des cellules. La figure 1 1 représente ces cellules globuleuses plus grossies ; on voit qu'il existe entre elles des intervalles qui sont occupe's par un tissu cellulaire très délicat, et rem- pli dune immense quantité de corpuscules nerveux semblables à des points opaques. Si l'on lait chauffer l'acide nitrique où se trouve la petite tranche de bour- relet mentionne plus haut , en présentant avec pré- caution le cristal de montre qui le contient au-dessus d'une lampe à esprit de vin , on ne tarde pas à voir disparaître complètement toutes les cellules globu- leuses. La substance quelles contiennent est entière- ment dissoute par l'acide; il ne reste plus alors que les cellules et le tissu extrêmement délicat qui les en- vironne. J'ai vu qu'il suflisait dune chaleur de 4o à 5o degrés R. pour que l'acide nitrique opérât la dissolution de la subslauce contenue dans ces cellules globu- leuses. J'ai essaye sur ces organes l'action de la solu- tion aqueuse de potasse caustique. Je n'ai observé à froid aucun changement dans leur transparence , mais à chaud j'ai vu que tout le parenchyme prenait une teinte verte uniforme ; on n'apercevait plus les cellules globuleuses , ce qui me fit penser que la substance qu'elles contenaient avait été dissoute. Ce- pendant, ayant soumis à la même épreuve une lame de parenchyme du bourrelet dont les cellules globuleuses avaient été rendues opaques par l'acide nitrique froid, je vis ces cellules globuleuses devenir encore plus opa- ques, et acquérir une couleur noire : ceci prouve que la Puasse caustique carbonise ces cellules, lorsque son 44 STRUCTURE DES VEGETAUX. action succède à celle de l'acide nitrique , car elle ne produit point du tout cet effet lorsqu'elle agit sur ces cellules dans leur ëtat naturel. Ce serait à tort que l'on croirait pouvoir conclure de celte expérience que la po- tasse caustique ne dissout point la substance que con- tiennent les cellules globuleuses; en effet , la solubilité de cette substance clans la solution alkaline est bien prouvée par les expériences suivantes. Si l'on tait bouillir dans l'eau un bourrelet de sensitive , les cellules globuleuses qu'il contient deviennent toutes opaques , ce qui provient de la concrétion de la sub- stance contenue dans ces cellules; alors si l'on verse sur cette substance concrétée un peu de solution aqueuse de potasse caustique , cette substance con- crétée se dissout et disparaît avec une extrême rapi- dité. Je me suis un peu étendu sur les propriétés de la substance contenue dans les cellules globuleuses du bourrelet , parceque ce dernier organe est la partie la plus intéressante à étudier dans la sensitive , comme étant, cbez cette plante, l'organe immédiat du mouvement. Les bourrelets situés à l'insertion des pinnules sur le sommet du pétiole ont la même organisation que le bourrelet situé à la base de ce dernier , seulement leurs cellules globuleuses sont plus petites. Le pétiole de la feuille de sensitive offre à sa partie extérieure une grande quantité de clostres fort a- longés; ils forment, pour ainsi dire, l'écorce du pé- tiole; dans son intérieur , on trouve du tissu cellulaire articulé cl corpusculifère , et de gros tubes corpus- L'- STRUCTURE DIS YÉCKTAI'X. /|5 lifères, dont nous avons déjà fait mention plus haut (fig. 12). Au centre du pétiole, existent des trachées à spires qui ne se déroulent point dans l'état naturel , mais que Ton parvient à dérouler au moyen d'une lomme ébullition dans l'acide nitrique. 'o 'îqi Les folioles de la sensitive contiennent une im- mense quantité' de corpuscules nerveux ; pour les voir, il faut plonger une feuille de cette plante dans l'acide nitrique, à la température de leau bouillante, pendant une minute seulement , et la transporter de suite dans l'eau pure. Par cette ope'ration, les folioles deviennent fort transparentes, et laissent apercevoir, au microscope , leurs innombrables corpuscules ner- veux , qui sont devenus opaques. Ilssontd'une extrême petitesse; leurs groupes sont spe'cialement place's au- tour des nervures, ou plutôt des vaisseaux qui par- courent la foliole. Les rameaux les plus fins de ces vaisseaux , chargés de ces corpuscules globuleux , ressemblent tout - à - fait à un végétal charge de fruits. La racine de la sensitive offre , dans son système central , des clostres mêlés avec de gros tubes tout- à-fait semblables par leur forme, leur grosseur et leur position aux tubes corpusculifères de la tige; mais on n'aperçoit point de corpuscules nerveux dans leurs parois; cela tient probablement à la petitesse et à la grande transparence de ces corpuscules. Le tissu cellulaire articulé est disposé en rayons médullaires conceniriques dans les grosses racines, cl en filets longitudinaux dans les radicelles. Les cor- 46 STRUCTURE DES VEGETAUX. pusculcs nerveux qu'il contient sont fort transparents , et l'acide nitrique ne les rend point opaques , ce qui fait qu'ils sont bien moins visibles que ceux du svs- tème central de la tige. On sait qu'il n'y a , dans les racines , ni moelle, ni étui médullaire , ni trachées. Ce fait est général. Cependant MM. Link et Tréviranus prétendent avoir trouvé des trachées dans les racines: n'en avant jamais trouvé dans des recherches assez nombreuses que j'ai laites , je suis porté à penser que ces deux naturalistes ont observé des tiges souterraines, en croyant observer des racines véritables. Il est en ffet facile de les confondre; j'ai indiqué les movens de les distinguer dans mes Recherches sur V accrois- sement et la reproduction des végétaux \ Ces liges souterraines possèdent en effet des trachées, de même que les tiges aériennes , ainsi que je l'ai ob- servé. Le système cortical de la racine de sensitive ne diffère point essentiellement du système cortical de la lifre , sous le point de vue de sa composition ana- tomique; seulement je n'ai point vu que les cellules de son parenchyme continssent un fluide concresci- ble par les acides. Lorsqu'on coupe une jeune tige de sensitive , ou le bourrelet du pétiole de l'une de ses feuilles ? on en voit sortir sur-le-champ une goutte d'un liquide dia- phane qui, vu au microscope, paraît composé d'une immense quantité de globules transparents. J'ai rc- ' Mémoires du Mvscuw d'histoire natureile, lomc 8, p;>S<% 29. STRUCTURE DBS VÉGÉTAUX. f\ 7 cueilli une certaine quantité' de ce fluide sur une lame de verre; et ayant mis dedans une goutte d'acide ni- trique très affaibli, il s'y est forme' sur-le-champ un coagulum membraneux qui , vu au microscope , s'est trouve entièrement compose de globules opaques agglomères : ces globules sont ceux que l'on aper- cevait à peine auparavant, à cause de leur transpa- rence. Ayant mis une goutte de solution aqueuse de potasse caustique sur ce coagulum membraneux, les globules dont il e'iait composé ont été entièrement dissous. La propriété que possède ce fluide d'être concrète et rendu opaque par l'acide nitrique , met à même de déterminer quels sont les vaisseaux dans lesquels il est contenu. Une lame mince et transpa- rente, coupée longitudinalement dans le milieu d'une jeune tige, étant plongée dans l'acide nitrique froid, et examinée ensuite au microscope, on voit que les seuls organes qui soient rendus opaques par cette opération sont quelques unes des ceiluies des deux médulles centrale et corticale, cellules que nous avons vues contenir un fluide concrescible ; tous les autres organes conservent leur transparence. Ainsi il n'y a point de doute que le fluide concrescible dont il est ici question ne soit celui qui sort de celles de ees cellules qui ont été ouvertes parla section, ou par la lacération du tissu végétal. Les divers organes creux que nous avons observés dans le tissu végétal, c'est-à-dire les cellules, les trachées , les tubes membraneux et les clostres. nom entre eux que des rapports de contenue'; il n'existe 48 STRUCTURE DES VEGETAUX. jamais de communication directe entre leurs cavités. Ainsi les fluides qu'ils contiennent ne peuvent être transmis des uns aux autres que par les pores de leurs parois. L'existence des pores n'est donc point douteuse , mais on s'en ferait une idée Lien fausse , si on les considérait comme des trous faits exprès pour livrer passage aux fluides; ce ne sont, dans le fait , que des espaces inter moléculaires. Les solides organiques sont généralement composés de molécules intégrantes globuleuses , ainsi que nous le verrons plus bas, en étudiant la structure organique des ani- maux. Or , on conçoit que ces molécules globuleuses doivent laisser entre elles des espaces vides qui n'exis- tent point entre les molécules polyèdres des miné- raux ; molécules dont les facettes s'appliquent exac- tement les unes sur les autres. De là vient la grande perméabilité pour les fluides aqueux que présentent en général tous les tissus organiques , quoiqu'on n'aperçoive aucun trou, ou aucun pore proprement dit dans leurs membranes, même dans celles que nous savons être les plus perméables. L'épiderme bumain , par exemple , dont la perméabilité est si grande , ne laisse cependant apercevoir aucun pore avec les plus forts microscopes. Ainsi la doctrine émise par M. Mir- bel, touchant l'existence des pores visibles dans les parois des tubes et du tissu cellulaire des végétaux, serait douteuse , par le seul fait de la grandeur et de la ibrme de ces pores prétendus , quand bien même celte doctrine ne serait pas infirmée directement par l'observation. STRUCTURE DES VÉGÉTAUX. 49 Les fluides , pour passer d'un organe creux dans nu autre, oni besoin de traverser les deux parois continues de ces organes ; car l'observation démontre que tous ces organes ont chacun une membrane propre, et qu'ainsi ils n'ont jamais de paroi com- mune, là où ils sont continus. En effet, nous avons vu que, par le moyen de L'ébullition dans l'acide nitri- que, on isole les unes des autres tontes les cellules de la moelle , lesquelles , ainsi isolées , se trouvent former chacune une vésicule complète ; il en est de même du tissu cellulaire articulé, chacun des articles dont il se compose se détache en formant une vésicule sans aucune ouverture. Ainsi les cellules sont des vésicules simplement agglomérées, et sans aucune continuité entre elles; leur forme originelle est la forme globuleuse : c'est par l'égalité de la compres- sîon qu'elles éprouvent dans tous les sens, qu'elles prennent souvent une forme polyèdre symétrique. Les cellules isolées et extrêmement petites conser- vent cette forme globuleuse que nous avons observée dans les corpuscules nerveux. J'ai encore observé cette forme globuleuse des cellules dans la substance dure qui forme le noyau ou Yendocarpe de l'abricot; cette substance étant soumise à l'ébullition dans l'acide nitrique , perd complètement sa dureté , ses éléments organiques se dissocient avec facilité , et on voit qu'elle est entièrement composée de petites cel- lules vésiculaires et globuleuses , qui sont agglomé- rées , comme on le voit dans la figure 19. Ces cel- lules contenaient une substance concrète et fort dure 1 00 STRUCTURE DES VEGETAUX. dont l'acide nitrique a opère la dissolution. C'est ici spécialement que l'on voit avec évidence que les cellules sont tout-à-fait indépendantes les unes des autres , et que leur forme originelle est la forme glo- buleuse. Les clostres, qui ne sont que des cellules tubuleuses soumises à un mode particulier de déve- loppement, n'ont de même jamais de parois com- munes dans les endroits où ils sont contigus ; il en est de même de tous les tubes végétaux : on les ob- tient toujours , par le moyen que j'ai indiqué , par- faitement nus et complètement isolés de tous les organes qui les environnaient , et auxquels ils étaient simplement contigus. Les tubes qui sont réunis en faisceaux n'ont point non plus de paroi commune là où ils se touchent ; car j'ai toujours vu ces tubes se séparer les uns des autres , en formant chacun un tube complet. Ce n'est point sans regret que je me trouve encore ici dans la nécessité de combattre les assertions d'un naturaliste célèbre que je semble avoir entrepris de contredire en tout , tant il y a de disparité entre ses observations et les miennes. Selon M. Mirbel, les cellules auraient une paroi commune là où elles se touchent; il en serait de même des tubes rassemblés en faisceaux : les tubes isolés se- raient latéralement continus avec le tissu cellulaire qui les environne. Sur ces assertions, que l'obser- vation infirme , M. Mirbel fonde une théorie de l'or- ganisation végétale dont on voit de suite le peu de solidité. Selon ce naturaliste , toutes les cellules ei tous les tubes seraient le résultat des diverses ma- STT1Ï CITHE DES YKf.KTUK. 5l nières d'être d'un seul et même tissu membra- neux continu dans toute retendue du végétal , et dont l'épidémie ferait la limite. Considère de cette manière, et pour me servir d'une comparaison gros- sière, mais assez juste, le tissu végétal, rempli de ca- vités de différentes formes, ressemblerait, en quelque sorte, à un pain dont la substance, continue dans toutes ses parties, offre une immense quantité de cavités cellulaires; mais l'observation, comme je viens de le dire, n'est point d'accord avec cette théorie : elle prouve que chaque tube et chaque cel- lule est un organe circonscrit qui possède des parois qui lui sont exclusivement propres , et qui se détache dune manière nette des autres organes qui l'envi- ronnent, ce qui peut faire penser que ces organes contigus étaient simplement agglutinés. On peut supposer, il est vrai, que l'acide nitrique ne sépa- rerait ces organes les uns des autres qu'en détrui- sant un tissu intermédiaire qui établissait leur con- tinuité , mais ceci est une pure hypothèse. Nous verrons à la fin de cet ouvrage des observations sur la composition organique des animaux qui viendront à l'appui de la théorie nouvelle que l'on pourrait déduire de mes observations, et qui tendraient à faire considérer le tissu organique comme formé par la réunion d'une immense quantité de vésicules cel- luleuses ou lubuleuscs dont les parois sont en con- tact, et qui tiennent les unes aux autres par une simple force d'adhésion ou d'agglutination. 32 MOTILÏTE DES VEGETAUX. SECTION IL OBSERVATIONS SUR LES MOUVEMENTS DE LA SENSITIVE ( mimosa puclica ). Depuis long-temps les mouvements de la sensitive attirent les regards des curieux , et sont devenus l'objet de l'étude des savants. On a fait sur cetie plante beaucoup d'observations et d'expériences , sans parvenir à connaître la cause des mouvements sin- guliers qu'on lui voit exécuter. On connaît les tra- vaux de Dubamel et Dufay sur cet objet *. Les expériences de ces deux savants sont nombreuses et intéressantes; cependant elles laissent beaucoup à désirer. On ignore encore quel est, cbez la sensitive, le tissu organique auquel appartient la faculté que l'on nomme V irritabilité végétale ; faculté que les physiologistes n'ont point encore distinguée de la sensibilité chez les végétaux : pour parler le langage que j'ai adopté , je dirai que l'on ignore si la nervi- motilité et la locomotilité ont une existence à part chez la sensitive. On ignore si des organes , si des tissus particuliers sont affectes à l'exercice de cha- cune de ces deux facultés de mouvement; on ignore, enfin, quelle est la nature de ce mouvement organi- que et intérieur auquel est due la locomotion végé- ' Mémoires de l'académie royale des sciences , 1706. MOTIUTE DES VEGETAUX. '.).) laïc. Comment serait-on parvenu à la solution de ces problèmes sans la connaissance de l'anatomic de la plante qui les présente? C'est cette anatornie, que nous avons présentée dans la section précédente , qui va guider nos recherches. Elle nous a appris que la sensitive possède un appareil nerveux très déve- loppe , spécialement dans les feuilles et dans les bourrelets qui sont situes dans leurs articulations. Cet appareil nerveux, siège de la nervimotilite' de la plante est-il aussi le siège de la locomotilité? L'ex- périence va nous apprendre ce que nous devons penser à cet égard. Les mouvements de déplacement qu'offrent les par- ties des végétaux ne s'exécutent point exactement comme les mouvements de déplacement des membres des animaux articulés. Chez ces derniers, il y a des articulations mobiles, et les organes du mouvement, les muscles, sont plus ou moins éloignés de ces arti- culations. Chez les végétaux, il n'y a jamais d'articu- lations mobiles; leur locomotion s'opère toujours au moyen de l'inflexion de parties douées d'une sou- plesse et dune mollesse remarquables ; ici les organes du mouvement sont dans le lieu même où la flexion s'opère; le tissu organique éprouve dans cet endroit un mouvement intérieur qui détermine la flexion ou le redressement de la partie. C'est de cette manière que se meuvent également les membres de certains ani- maux inarticulés, tels que les mollusques céphalo- podes, les hydres , etc. On ne doute point (pie chez ces derniers le mouvement ne soil du à l'action mus- 54 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. culaire ; mais en est-il de même chez les végétaux ? L'analomie ne nous a rien fait voir chez la sensitive que nous puissions comparer à des muscles. Eludions donc la manière dont s'opèrent les mouvements de déplacement dans les feuilles de cette plante. On sait qu'au moindre attouchement , à la moindre secousse , ces feuilles se ploient avec rapidité ; cette plicature s'opère de la manière suivante. Les folioles se ploient par paires en se joignant par leurs faces supérieures ; par ce mouvement, elles se rapprochent de leur axe commun qui est la pinnule ; les pinnules se ploient en se rapprochant également de leur axe commun , qui est le pe'tiole , au sommet duquel elles sont im- plantées par paires ; le pétiole se ploie en s'éloignant de la tige sur laquelle il est implanté. Ce mouvement d'éloignement du pétiole est si étendu que ce dernier s'incline vers la terre en se rapprochant de la partie de la tige qui est située au-dessous de son insertion; ainsi le mouvement du pétiole s'opère en sens inverse de celui des pinnules et des folioles. Ces deux der- nières se rapprochent de la partie supérieure de l'axe duquel elles émanent; le pétiole, au contraire, s'é- loigne de la partie de la tige qui lui est supérieure , et se rapproche de la partie de celte même lige qui lui est intérieure. Tous ces mouvemenis s'opèrent au moyen de la flexion de certains bourrelets alongés qui sont situés à la base de ces parties mobiles. Le bourrelet du pétiole présente seul une grosseur suffi- sante pour qu'il soit possible de le soumettre à l'ex- périence. Ce bourrelet, lorsque la feuille est redres- MOTILITK DES VÉGÉTAUX. 55 *>ée, est disposé comme on le voit en ab ( figure 18); on voit en cd la forme qu'il prend lorsque le pé- tiole est fléchi et la feuille inclinée vers la terre. Droit dans le premier cas, ce bourrelet forme dans le se- cond une courbe dont la convexité est dirigée vers le ciel : cette courbure n'est point un état d'affaisse- ment, car elle résiste à l'effort que l'on fait pour la redresser ; c'est véritablement le résultat d'une action organique des parties qui composent intérieurement le bourrelet. Nous avons vu plus haut que ce dernier est principalement composé de cellules globuleuses qui contiennent un fluide concrescible et qui sont en- vironnées par un tissu cellulaire très délicat , dans lequel il existe une immense quantité de corpuscules nerveux ; ce tissu est un développement particulier du parenchyme cortical; le centre du bourrelet est occupé par un petit faisceau de tubes. Il fallait d'a- bord savoir quelle est celle de ces deux parties qui est l'organe du mouvement ; pour y parvenir, j'ai fait l'expérience suivante. J'ai enlevé tout le parenchyme cortical du bourrelet, en le grattant doucement avec un canif bien acéré, en sorte que le faisceau central de tubes est resté à nu. Cette opération n'a point fait mourir la feuille, dont seulement les folioles ont été pendant plusieurs jours sans se déployer. Le ré- sultat de cette expérience a été que le pétiole a com- plètement perdu la faculté de se mouvoir; ce qui prouve que les tubes contenus dans le bourrelet ne sont pas les organes de son mouvement, qui m'a paru ainsi devoir résider uniquement dans le parenchyme 56 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. cortical. Les deux mouvements opposes , de flexion et de redressement, que présente le bourrelet me parais- sant devoir être en rapport avec les fonctions de la portion supérieure a et de la portion inférieure b ( figure 18 ), j'enlevai, par une section longitudinale, tout le parenchyme cortical sur le côté supérieur a , de plusieurs bourrelets; je fis la même opération au côté inférieur b de plusieurs autres bourrelets. Les feuilles continuèrent à vivre et à présenter leurs phé- nomènes habituels, excepté seulement en ce qui con- cerne le mouvement du pétiole. Ce mouvement fut tout-à-fait anéanti dans les pétioles dont le bourrelet avait été dépouillé de son parenchyme cortical à son côté inférieur b ; le pétiole resta constamment fléchi vers la terre et ne fit aucun effort pour se relever. Ce fait me prouva que le redressement du pétiole n'est point opéré par le côté supérieur du bourrelet ; car ce côté supérieur étant resté intact n'aurait pas manqué d'opérer le redressement du pétiole. Au con- traire, tous les pétioles dont le bourrelet avait été dépouillé du parenchyme cortical par son côté supé- rieur a ne tardèrent point à se redresser, et même ils se redressèrent beaucoup plus qu'ils ne le faisaient avant l'opération 5 et je remarquai qu'ils ne se- flé- chirent plus vers la terre pendant la nuit , comme ils le faisaient auparavant : les secousses que je leur im- primais n'avaient plus le pouvoir de déterminer cette flexion. J'employai, dans la vue de provoquer celte dernière, les moyens que je savais être les plus éner- giques ; telle est, par exemple, l'ustion légère des MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. 5y folioles Ce moyen produisit une légère hésitation de flexion sur quelques uns de mes pétioles el laissa les autres complètement immobiles. Je m'aperçus que cette différence de résultat tenait à ce que, dans les premiers , le côte supérieur du bourrelet n'avait pas clé enlevé exactement jusqu'à la moitié de ce dernier : j'achevai cet enlèvement , et alors les pétioles demeu- rèrent immobiles dans leur état de redressement. Le lait du redressement du pe'liole après l'ablation du parenchyme cortical au côté supérieur du bourrelet, me prouva de nouveau que ce redressement n'est point du à l'action de ce côté supérieur; il me prouva en même temps qu'il est dû. à l'action du côté inté- rieur. Ainsi c'est l'action organique de la moitié supérieures du bourrelet, considéré comme fendu longitudinalement , qui opère seule la flexion du pé- tiole; et c'est Faction organique de la moitié inté- rieure b qui opère seule son redressement. Dans la dernière expérience, le redressement fut plus consi- dérable qu'il ne l'est dans l'état naturel, parceque l'action redressante du côté inférieur n'était plus contre-balancée par l'action fléchissante du côté su- périeur. Quelques jours après cette dernière expé- rience les feuilles qui y étaient soumises fléchirent leurs pétioles vers la terre, tandis que les autres feuilles de la plante conservaient leur état de redressement. Ce fait était en contradiction avec mes expériences précédentes; j'en recherchai la cause, et soupçon- nant que la plante n'avait pas assez d'eau, je l'arrosai; bientôt après les pétioles abattus se redressèrent. Ce 8 MOTIMTÉ des végétaux. fait me prouva que la flexion de ces pétioles n'était point due, dans ce cas, aune action vitale, mais qu'elle était seulement le résultat de l'affaissement des cellules par le manque d'eau. L'afflux de la sève dans les cellules occasiona le redressement du pétiole, qui ne se fléchit plus, moyennant que j'eus soin d'ar- roser suffisamment la plante. Ce dernier fait me prouva que l'action organique par laquelle le côté inférieur b redresse le pétiole ne peut avoir lieu qu'à l'aide d'une sève abondante , et cela me donna lieu de penser qu'il en était de même de faction organique par laquelle le côté supérieur a opérait la flexion du pétiole. Je voulus toutefois m'en assurer par l'expé- rience. Pour cela, je retranchai le côté inférieur b aux pétioles des trois dernières feuilles d'une tige fort a- longée , puis ayant courbé cette tige de sorte que son sommet était dirigé vers la terre , je la fixai dans cette position ; de celte manière , le côté supérieur a , qui restait seul à chaque pétiole, regardait la terre ; il était devenu inférieur. Le premier jour le poids de la feuille l'entraîna un peu vers la terre, mais dès le se- cond jour la feuille et son pétiole se portèrent vers le ciel par le moyen de la courbure du côté a, qui, dans cette expérience, était devenu inférieur. Cette posi- tion ne varia point pendant la nuit, et les irritants extérieurs appliqués aux folioles ne la firent point varier non plus. Cet état de redressement constant, ou plutôt de flexion ascendante, dura pendant quinze jours. Je n'avais point arrosé la plante pendant cet es- pace de temps, et je l'avais tenue à l'ombre pour éviter Moin. m; des rÉGÉTAi x. 59 que ses feuilles, trop peu fournies de sève, ne tussent desséchées par les rayons du soleil. Je vis alors les pétioles s'incliner vers la terre par la cessation de la courbure du côté a du bourrelet ; les autres feuilles de la plante avaient perdu la plus grande partie de leur motilité : lorsqu'on les frappait vivement avec le doigt, les folioles se ployaient imparfaitement et le pé- tiole demeurait immobile. Alors j'arrosai la plante, et quelques heures après je vis les pétioles inclinés se porter de nouveau vers le ciel , par le rétablissement de la courbure du côté a, dont la convexité regar- dait la terre, par l'effet du renversement de la tige. Cette expérience me prouva deux choses , 1 ° que la courbure du côté supérieur a est le résultat d'une ■ action organique ; 2° que cette action organique perd de son énergie lorsque l'abondance de la sève est di- minuée , et qu'elle récupère cette énergie par le re- tour d'une sève abondante. 11 résulte en outre de ces expériences que les deux côtés a et b du bourrelet présentent le même phénomène, mais en sens inverse: le côté a , par son action organique prédominante , fléchit le pétiole vers la terre, et le côté b , par son action organique à son tour prédominante , relève le pétiole vers le ciel. Dans l'expérience précédente , nous avons vu que le manque d'une sève suffisa ru- inant abondante avait occasioné l'extrême diminu- tion de la motilité des feuilles de la sensitive ; cette observation achève de prouver le rôle important que joue la sève abondante dans la production des mou- vements de cette plante. 60 MOTljLIjÉ DES VÉGÉTAUX. J'ai dil , dans la section précédente , que pour voir l'organisation intérieure du bourrelet je le divi- sais en tranches minces. Cette opération m'a l'ait apercevoir un nouveau phénomène. En plongeant ces tranches dans Feau, on ne tarde point aies voir se ployer en cercle. Si ces tranches sont enlevées sur le côte supérieur a, leur concavité occupe toujours la partie qui regardait le centre ou l'axe du bourrelet ; il en est de même si les tranches sont enlevées sur le coté inférieur b ; en sorte que le bourrelet se trouve ainsi composé de deux ressorts antagonistes , et qui tendent à se courber en sens inverses : le ressort in- férieur b redresse le pétiole, et le ressort supérieur a le fléchit. L'action de ces ressorts ne se manifeste d'une manière bien sensible dans les tranches en- levées aux bourrelets que lorsqu'on plonge ces tran- ches dans l'eau , qui joue certainement un rôle im- portant dans le développement de cette force élastique. En effet , nous avons vu que, dans l'état naturel , c est la présence d'une sève abondante qui donne l'énergie à ces ressorts. Ceci pourrait faire penser que leur force élastique dépendrait d'une sorte de turgescence des cellules gonflées par l'abondance du liquide; mais comment concevoir une turgescence qui courberait et qui redresserait alternativement le même organe ? Il faudrait donc admettre que le liquide se porterait avec excès, tantôt vers le côté supérieur du bourrelet , tantôt vers son côté inférieur. Il faudrait également admettre uue dans les tranches minces du bourrelet •> lesquelles se courbent en cercle, le liquide remplirait MO ïl LUE DES VÉGÉTAUX. C)l avec excès les cellules du côté convexe, et se porterait avec moins d'abondance dans les cellules du côté concave. Ces explications, purement hypothétiques , seraient nulles pour la science. Nous n'apercevons ici qu'un seul fait, c'est l'existence d'une force élastique qui diminue ou qui même cesse d'exister par l'absence d'une quantité suffisante d'eau,et qui, suivant certaines circonstances, tantôt courbe le bourrelet vers la terre, tantôt le redresse vers le ciel. Le résultat de cette force élastique est une courbure du tissu organique dans un sens détermine; je donnerai à ce phénomène le nom à1 incurvation. Les côtés supérieur et inférieur du iKMirrelet tendent à s incurver dans des sens inverses ; cette incurvation se manifeste dans toutes les tranches. quelque minces qu'elles soient, dans lesquelles ces côtés peuvent être mécaniquement divisés ; elle cesse tout-à-coup d'avoir lieu par l'immersion des tranches courbées dans un fluide qui anéantit la vie, tel qu'un acide ou une solution alkaline. Le contact de ces substances fait à l'instant cesser la courbure : les tranches deviennent droites, et ne sont plus susceptibles de se courber de nouveau; ainsi cette incurvation élastique est un phénomène vital. Les deux ressorts vitaux dont l'antagonisme opère alternativement le redressement et la flexion du pé- tiole sont en rapport , sous le point de vue de leur action , avec des causes occasionelles différentes. L'incurvation du ressort supérieur a est déterminée par la plupart des causes extérieures qui agissent sut la planté entière , ou seulement sur Tune de ses 62 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. parties ; telles sont principalement les secousses , l'ac- tion subite du froid ou d'une trop forte chaleur , l'action des substances caustiques , etc. Alors le res- sort inférieur b éprouve une incurvation qui s'effec- tue dans un sens opposé à celui dans lequel son in- curvation naturelle tend à s'opérer ; c'est le résultat d'une augmentation momentanée et d'une prédomi- nance dans la force du ressort supérieur a. L'incur- vation naturelle du ressort inférieur b se manifeste à son tour d'une manière prédominante, par le seul effet de l'absence des causes occasionelles qui avaient déterminé l'incurvation du ressort supérieur , c'est- à-dire par le repos. L'influence de la lumière dé- termine également cette prédominance du ressort inférieur ; aussi la perd -il et le ressort supérieur devient-il prédominant par le seul fait de l'absence de cet agent; c'est pour cela que les feuilles se ploient le soir. Jusqu'ici nous avons considéré le bourrelet de la sensilive comme composé seulement de deux ressorts antagonistes , l'un supérieur a , qui fléchit le pétiole , et l'autre inférieur b qui le redresse. Ces mouvements sont en effet , dans l'état naturel , les seuls qu'exerce le bourrelet , mais on peut lui en faire exécuter d'au- tres : ainsi , si l'on ploie une tige de manière à déran- ger la direction naturelle des feuilles vers la lumière , on voit cette direction se rétablir bientôt, et cela s'opère souvent par l'inflexion latérale du bourrelet ; il y a donc aussi des ressorts latéraux. Effectivement , si Ton enlevé des tranches minces sur les parties la- IfOTILITÉ DliS VÉGÉTAUX. 63 térales du bourrelet , ces tranches plongées dans l'eau se courbent en cercle , de îa même manière que cela arrive aux tranches enleve'es aux côtés supérieur et inférieur ; en un mot , quelle que soit la partie du bourrelet sur laquelle on enlève une tranche, celle-ci jouit toujours de la propriété' d'affecter , lorsqu'on la plonge dans l'eau, une courbe dont la concavité' regarde l'axe du bourrelet. Ainsi , le bourrelet du pétiole est organisé pour se mouvoir dans tous les sens; cepen- dant il ne se meut ordinairement que dans deux sens seulement, celui de la flexion, qui est une abduction du pétiole , et celui du redressement , qui est une adduction de ce même pétiole. Or il est tort remar- quable que dans le même moment, et sous l'influence d'une même cause , les folioles et les pinnules se meuvent dans des sens opposés à celui du pétiole. En effet , lorsqu'on provoque les mouvements d'une feuille de sensitive, les folioles et les pinnules se meu- vent dans le sens de Y adduction , elles se rapprochent de la partie supérieure de l'axe commun qui les porte ; le pétiole , au contraire, se meut dans le sens de X ab- duction, il s'éloigne de la partie supérieure de la tige sur laquelle il est implanté , et ce mouvement d'ab- duction est tellement étendu, que le pétiole se rap- proche de la partie de la lige qui lui est inférieure. Ces organes étant abandonnés à eux-mêmes , ne tardent pointa se mouvoir spontanément dans des sens oppo- sés à celui de leur mouvement provoqué, c'est-à-dire les iolioles et les pinnules dans le sens de l'abduction , ci le pétiole dans le sens de l'adduction. 64 MOTILITÉ DES VEGETAUX. Nous venons de voir que c'est dans une incurva- tion vitale , et qui s'exerce dans des sens alternative- ment opposés, sous l'influence de certaines causes extérieures, que consiste Y irritabilité de la sensilive. Si actuellement nous jetons les yeux sur les autres plantes chez lesquelles on observe celte irritabilité , nous voyons partout le même phénomène , c'est-à- dire une incurvation vitale du tissu organique. \jhedisarum girans nous montre dans les pétioles de ses feuilles, sans cesse oscillantes, une incurvation oscillatoire , c'est-à-dire qui s'exerce dans des sens alternativement opposés. Les étamines du cactus opuntia et du berberis amlgaris offrent de même , lorsqu'on les touche , un simple phénomène d'incur- vation dans un sens déterminé et suivi de redresse- ment quelque temps après que la cause occasionelle de l'incurvation a cessé d'agir : il en est de même des feuilles de la clionée [dionea muscipula). Dans toutes ces circonstances l'incurvation ne s'effectue que dans un sens ; il n'y a qu'une seule courbure qui alterne avec un état de redressement ou avec une courbure dans un sens opposé; mais il est quelques cas où celte incurvation oscillatoire s'effectue dans plusieurs sens différents, tel est, par exemple , le phénomène que présente une plante du genre ypomœa , observée aux Antilles par M. Turpiri , plante encore inédite, qu'il désigne sous le nom cYypomœa sensitiva. Le tissu membraneux de la corolle campanulée de cette plante est soutenu par desjilets ou par de9netvùres qui , au moindre attouchement , se plissent ou si'71- moulut: des végétaux. 6:> Cicrventsinueusement, de manière à entraîner le tissu membraneux de la corolle, laquelle, de cette ma- nière, se ferme complètement; elle ne tarde point à s'ouvrir de nouveau lorsque la cause qui avait dé- terminé sa plicature a cesse' d'agir. Ce phe'nomène , dont l'observation appartient à M. Turpin , n'est point , au reste , essentiellement différent de celui que présente la corolle des convolvulus dont le genre ypomœa est très voisin. C'est , en effet , par le même me'canisme que la corolle de ces plantes se ferme le soir et s'ouvre le matin; c'est encore par le même me'canisme que s'ouvre et se ferme la corolle des nvetaginées. Il n'y a de particulier dans Xypomœa sensitiva que la propriété' que possède sa corolle de se former sous l'influence des agents me'caniques. Ces di- verses observations prouvent que l'incurvation oscil- latoire des végétaux est tantôt simple ou à courbure unique , et tantôt sinueuse ou à courbures multipliées. Outre Yincuivalion oscillatoire , il y a chez les végétaux une incurvation fixe , c'est-à-dire une incurvation qui n'alterne point avec un état de redres- sement. Ce second phénomène est beaucoup plus commun que le premier, dont il ne diffère pas essen- tiellement. L'ovaire de la balsamine en offre un exem- ple très remarquable. A l'époque de la maturité, les valves de cet ovaire se séparent les unes des autres , et se roulent en spirale. Avant leur séparation elles se pressaient mutuellement par leur force élastique , ou par leur tendanee à l'incurvation. Les vrilles et les liges grimpantes qui se roulent en spirale autour de 5 65 AIOTILITÉ DES VEGETAUX. leurs appuis offrent de même un phénomène d incur- vation fixe. Ainsi on peut établir en thèse générale que la locomotililé végétale consiste dans une ten- dance à l'incurvation/bre ou oscillatoire. Je ne cher- cherai point ici à déterminer la cause de ce phéno- mène de la vie végétale. Ce serait d'ailleurs en vain que l'on essaierait de le faire avec les seules notions que nous avons acquises jusqu'ici. On ne peut expli- quer les phénomènes de la nature que par un rappro- chement de laits ; or , le fait de l'incurvation vitale est encore pour nous un phénomène isolé. Ce ne sera que dans l'étude des animaux que nous trouverons de nouveaux fûts du même genre , à l'aide desquels nous pourrons tenter l'explication de ce phénomène. Je me contenterai donc de prouver ici que l'incurvation vé- gétale est un résultat de faction nerveuse mise en jeu par les agents du dehors. Les chocs ou les secousses sont les movens les plus généralement employés par les curieux pour provo- quer les mouvements de la sensitive. Lorsqu'une feuille se ploie sous l'influence d'un choc, on peut penser avec raison que cette influence s'est fait sentir directement et sans imermédiaire aux bourrelets qui exécutent le mouvement; on en peut dire autant, lorsqu'une secousse imprimée à la plante entière dé- termine la plicature de toutes les feuilles. Ainsi ces expériences laissent douter s'il existe un mouvement nerveux antérieur au mouvement de flexion des bour- relets; elles ne permettent pas de distinguer la /vmv- motilité de la locomotiUté, Il \{vn est pas ainsi lors- M UTILITE DES YECETAUX. 67 qu'on sollicite les mouvements de la sensilivc par des agents dont L'influence ne s'exerce que sur une par- lie déterminée, qui est plus ou moins éloignée des bourrelets ou des organes locomoteurs. Les mouve- ments qu'exécutent alors ces organes prouvent bien e'videmrnent que leur action est la suite d'un mouve- ment nerveux , et que par conse'quent la nervimoti- lite' et la locomotilité existent d'une manière distincte chez la sensilive. Ainsi, lorsqu'on brûle une seule foliole avec les rayons du soleil rassemblée par une lentille , ou avec une flamme le'gère , on voit à l'instant cette foliole se ployer avec son opposée; les folioles voisines se ploient ensuite , et le mouvement se com- munique ainsi de proche en proche et de haut en bas jusqu'à la hase de la pinnule qui porte ces folioles : les autres pinnules se ploient, et ensuite on voit le mouvement se communiquer de même de proche en proche et de bas en haut aux folioles qu'elles sup- portent. Pendant que cela s'exécute, et après un certain intervalle de temps, on voit le pétiole se flé- chir. Ge n'est pas tout, les autres feuilles qui garnissent la tige au-dessus et au-dessous de la feuille qui a été brûlée se mettent aussi en mouvement les unes après les autres , et l'on voit la plicature de leurs pinnules et de leurs folioles succéder à la flexion de leur.pé- tiole. Il est impossible de ne pas reconnaître qu'il existe ici un mouvement invisible qui se transmet de proche en proche. Il existe donc un phénomène vital antérieur à la locomotion , et postérieur à l'influence de la cause extérieure. Ce phénomène est la nervi- 5. 6& MOTILITÉ DES VEGETAUX. motion; mouvement vital invisible par lui-même 7 appréciable seulement par ses effets ; mouvement dont on peut suivre et calculer la marche ; mouve- ment, enfin, qui détermine la locomotion végétale, lorsqu'il parvient aux parties qui, en vertu de leur organisation, possèdent cette faculté de mouvement. La nervimotion paraît être un mouvement vital passif, c'est-à-dire communiqué par les agents nervi- moteurs; ce premier mouvement vital est la cause immédiate du mouvement vital secondaire ou de la locomotion qui opère le déplacement des parties. Ce mouvement vital secondaire, dépendant immédiate- ment d'une cause intérieure et vitale, est par cette rai- son nommé spontané. La faculté locomotrice n'appartient qu'aux bour- relets des feuilles chez la sensitive; toutes les autres parties de cette plante sont étrangères à cette faculté vitale; il n'en est pas de même de la nervimotililé; cette dernière existe dans toutes les parties de la plante. Aussi avons-nous vu que toutes possèdent des organes nerveux en quantité plus ou moins considé- rable. Ainsi, si Ion dirige un verre ardent sur les fleurs de la sensitive, il ne se manifeste à l'extérieur aucun mouvement dans ces fleurs ni dans leur long pédoncule commun ; cependant la nervimotion y est produite, car quelques instants après on voit les feuilles de la tige se ployer les unes après les autres. Le même phénomène a lieu lorsqu'on agit sur les fleurs non encore développées et en bouton. Une cha- leur un peu vive appliquée par le même moyen à fé- MOTILITÉ DIS VÉGÉTAL*. 0() corccde la tige produit les mêmes mouvements dansles touilles de cette tige. Lorsqu'une feuille est complète- ment ployée , et qu'il n'est plus possible de provoquer chez elle aucun mouvement appréciable, elle ne laisse pas cependant d'être encore susceptible de nervi - motion, car l'ustion de ses folioles provoque la plica- ture des autres feuilles de la tige à laquelle elle appar- tient. Ces faits prouvent que la nerviwiotilité appar- tient à toutes les parties de la plante, et qu'elle est très distincte delà locomotililé. Ici une question fort im- portante se présente ; nous voyons que la nervîmo- lion produite dans une partie quelconque de la plante se transmet de proche en proche aux autres parties. Ce mouvement invisible se transmet-il par tous les organes intérieurs du végétal, ou bien y a-t-il des organes spécialement affectés à cette transmission? Pour arriver à la solution de cette question, j'ai fait des expériences assez nombreuses, eî. la plupart fort dé- licates : je vais les exposer. J 'enlevai un anneau d'écorce sur une tige; les feuilles, comme on le pense bien, se ployèrent toutes par l'effet de leur agitation pendant cette opération; mais elles ne tardèrent pas àreprendre leur position de déploiement. Alors je brûlai légèrement quelques folioles de la feuille située au-dessus de la dé cortication annulaire. Cette feuille se ploya, et quelques instants après les autres feuilles situées au-dessous de l'endroit décortiqué se ployèrent tour à tour. Je ré- pétai cette expérience , en brûlant les folioles de la feuille située au-dessous de l'endroit décortiqué. Les feuilles situées au-dessus de cet endroit ne tardèrent 70 MOTILITE DES VEGETAUX. point à se ployer. Ces expe'riences me prouvèrent que la nervimolion se transmet également Lien en montant et en descendant , malgré l'enlèvement de l'écorce. Après avoir enlevé un anneau d'écorce, j'ouvris latéralement le canal médullaire, et j'enlevai toute la moelle ; après celte préparation et le repos nécessaire, je brûlai quelques folioles de la feuille située au-dessus du lieu de l'opération. Les feuilles subjacentes ne tardèrent pas à se ployer. Cette expérience me prouva que 3a nervimolion se transmet malgré l'enlèvement simultané de l'écorce et de la moelle. Les parties de la plante situées au-dessus et au-dessous du lieu de l'opération ne communiquaient plus ici que par la parlie ligneuse du système central. Je voulus savoir si la moelle seule était susceptible de transmettre la nervimotion. A cet effet, je choisis l'un des derniers articles d'une lige dont la moelle était encore verte et pleine de sève; j'enlevai tout le tissu végétal jusqu'à la moelle sur trois de ses côtés avec un instrument bien tranchant', ensuite je fortifiai la tige , affaiblie par cette opération , au moyen d'une petite attelle de bois que j'attachai avec du fil au-des- sus et au-dessous du lieu de l'opération. Cela fait , j'enlevai le tissu végétal jusqu'àla moelle sur le côté de la tige qui était resté intact. Je m'assurai que la moelle était parfaitement à nu d^ns tout son pourtour en l'examinant à la loupe. J'enveloppai la plaie avec du coton imbibé d'eau , afin d'empêcher que la moelle ne se desséchât, et j'attendis que les feuilles situées au-dessous du lieu de l'opération se fussent déployées, MOTIUTÉ DES VEGETAUX. 71 car la feuille située au-dessus ne se déploya point. Je brûlai légèrement celte dernière, sachant, par mes expériences précédentes , que la feuille dans L'état de plieature est tout aussi susceptible de nervimotion que dans l'état de déploiement. Les feuilles, situées an-dessous du lieu de l'opération , n'éprouvèrent au- cun mouvement, quelque forte que fût l'ustion delà feuille supérieure. Cette expérience me prouva que la moelle ne transmet point du tout la nervimotion. Il me restait à savoir si l'écorce était susceptible de transmettre ce mouvement. Je préparai donc une tige de manière que sa partie supérieure ne commu- niquait avec sa partie inférieure que par un lambeau decorce, qui n'était guère que le tiers de l'écorce entière. Cette opération fut faite avec assez de légè- reté pour que les feuilles de la partie inférieure de la tige soumise à l'expérience ne se ployassent point, en sorte qu'il me fut possible de faire celte expérience immédiatement après l'opération. Ayant donc brûlé les feuilles de la partie supérieure de la lige, celles de la partie inférieure ne se ployèrent point , ce qui me prouva que l'écorce ne transmet point la nervimotion. Dans un essai tenté antérieurement , j'avais obtenu un résultat opposé, lequel m'avait fait penser que l'écorce était susceptible de transmettre la nervimotion. Mais, ayant répété plusieurs fois cette expérience avec beaucoup de soin , je me suis pleinement convaincu que l'écorce ne jouissait point du tout de cette faculté , et que si quelquefois elle paraissait transmettre la nervimoiion, cela provenait 72 MGTILITE DES VEGETAUX. de ce qu'en détacbant l'écorce, j'avais entraîne' avec elle quelques filets ligneux du système central. Celait par ces filets que la nervimotion se trans- mettait dans ces expe'riences trompeuses. Il était important de savoir si le tissu cellulaire rempli de corpuscules nerveux, qui forme la ma- jeure partie des bourrelets , e'iait susceptible de transmettre la nervimotion. Pour faire cette expé- rience , il s'agissait de laisser une portion de ce tissu cellulaire subsister seule , en enlevant complètement le faisceau de tubes qui occupe le centre du bourre- let. Cette opération est extrêmement délicate : je vins cependant à bout de l'exécuter, et j'eus une feuille qui ne communiquait plus avec la tige que par le moyen d'une portion du tissu cellulaire de son bourrelet pétiolaire. Je brûlai les folioles de cette feuille; mais les autres feuilles de la tige restèrent parfaitement immobiles , ce qui me prouva que le tissu cellulaire rempli d'organes nerveux , qui con- stitue essentiellement le bourrelet , ne transmet point du tout la nervimotion. Je fis une contre-épreuve : j'enlevai tout le tissu cellulaire du bourrelet , et je ne laissai subsister que le très petit faisceau de tubes qui en occupe le centre , en sorte que là feuille ne communiquait plus avec la tige que par ce petit faisceau. Je brûlai ses folioles, et bientôt après les autres feuilles de la tige se ployèrent. Il résulte de ces expériences, que la moelle, l'écorce, et le tissu cellulaire rempli de corpuscules nerveux , qui constitue le bourrelet, sont également incapables MO lïLITli DES VÉGÉTAUX. ^3 de transmettre la nervimotion, et que ce mouvement nuisible est exclusivement transmis par la portion ligneuse du svstème central. L'anatomie que nous avons pre'sente'e plus haut , de toutes les parties de la sensitive nous met à même de rechercher les causes de cette différence qui existe entre les facultés des diverses parties de la plante. La moelle est en- tièrement composée de lissu cellulaire qui contient des corpuscules nerveux. Comme elle ne transmet point la nervimotion, cela prouve, i° que ce mou- vement n'est point transmis par le tissu cellulaire, 2° qu'il ne se propage point non plus par le moyen des corpuscules nerveux que contient ce tissu cel- lulaire. Cette inaptitude des corpuscules nerveux à transmettre la nervimotion est encore démontrée dune manière plus évidente par le tissu cellulaire corpusculifère du bourrelet. Ici les corpuscules ner- veux sont extrêmement nombreux ; cependant ce tissu cellulaire corpusculifère ne transmet point la nervimotion. Nous sommes donc forcés de recon- naître que les corpuscules nerveux , qui sont , dans ma manière de voir , les agents de la puissance ner- veuse , ne sont cependant point les organes de la transmission de celte puissance. Il nous reste à comparer l'organisation du système cortical qui ne transmet point la nervimotion avec l'organisation de la partie du système central qui transmet ce mouvement. L'écorce est exclusivement composée de clostres et de tissu cellulaire articulé corpusculifère. La partie ligneuse du système cen- 74 MOULUE DES VEGETAUX. irai contient des trachées, des tubes corpusculifères, des clostres et du tissu cellulaire articulé corpus- culifère. L'inaptitude des clostres et du tissu cellulaire articule' corpusculifère à transmettre la nervimotion dans le système cortical doit nous porter à refuser cette fonction à ces mêmes organes dans le système central. Il ne nous reste donc, dans ce dernier sys- tème , que les trachées et les tubes corpusculifères , auxquels, par voie d'exclusion, nous puissions at- tribuer la faculté de transmettre la nervimotion. Mais l'expérience prouve que cette transmission s'opère sans le concours des trachées. En effet , j'ai vu qu'en laissant subsister le plus petit filet de la partie exté- rieure du système central comme seul moyen de communication entre les deux parties d'une tige , cela suffisait pour transmettre la nervimotion de l'une à l'autre. Or les trachées occupent exclusivement l'étui médullaire : elles sont donc , dans cette expé- rience, étrangères à la transmission de la nervimo- tion. Il ne reste donc , en définitive , que les tubes corpusculifères auxquels nous puissions attribuer cette transmission. Ces tubes , mêlés aux clostres , se trouvent en effet dans toute l'épaisseur de la couche ligneuse. Ici l'on peut se demander si c'est par le moyen de la sève qu'ils conduisent , ou par le moyen des corpuscules nerveux qui sont placés dans leurs parois , que ces tubes transmettent la nervimotion. Nous avons constaté plus haut l'inap- titude des corpuscules nerveux pour opérer celte transmission, il reste donc démontré qu'elle s'opère MOTILITÉ DliS VÉGÉTAUX. 75 par l'intermédiaire de la sève. Cette conclusion est mise hors de doute par les observations suivantes. Il est certain que les parties qui conduisent la sève sont les seules qui conduisent également la nervimolion. Lorsque deux portions de tige ne communiquent plus entre elles que par le moyen de la moelle ou par le moyen de la seule e'corcc , la portion supérieure ne tarde point à se flétrir et à mourir, pareeque la moelle et l'écorce ne transmettent point la sève dune por- tion à l'autre. Elles ne transmettent point non plus la nervimotion. Lorsqu'une feuille de sensilive ne communique plus avec la tige que par le moyen du tissu cellulaire du bourrelet de son pétiole, elle se fane promptement, pareeque ce tissu cellulaire ne transmet point la sève ; il ne transmet point non plus la nervimotion. Lorsqu'au contraire une feuille ne communique plus avec la tige que par le moyen du petit faisceau de tubes qui occupe le centre du bourrelet du pétiole, ce petit faisceau de tubes continue a nourrir la feuille ; en lui transmet- tant la sève, il transmet également la nervimotion. Toutes les portions du système central qui contien- nent des tubes propres à transmettre la sève, sont également propres à transmettre la nervimotion. En un mot, nous voyons toujours la transmission de la sève liée d'une manière exclusive et inséparable à la transmission de la nervimotion; il n'y a donc pas de doute que la transmission de la puissance nerveuse ,, chez la sensitive , ne s'opère par l'intermédiaire du liquide séveux. Les corpuscules nerveux sont élran- 76 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. gers à cetle transmission, bien qu'ils soient les or- ganes producteurs de celte puissance , au moyen de l'influence des agents nervimoteurs. La nervimotilité n'appartient pas exclusivement aux diverses parties de la tige de la sensitive, on l'ob- serve aussi dans les racines de cette plante; l'expé- rience qui prouve cette assertion appartient à l'il- lustre Desfontaines , et je l'ai répétée. Si l'on arrose les racines de la sensitive avec de l'acide sulfurique, on ne tarde point à voir les feuilles de la tige se ployer les unes après les autres; celles qui sont les plus voi- sines de la racine se ploient les premières ; les feuilles qui occupent les extre'mite's des rameaux se ploient les dernières. Il y a évidemment, dans ce phénomène, une transmission de la nervimotion qui provoque la plicature des feuilles à mesure cfu'elle parvient jus- qu'à elles , et qui tire son origine de l'action exercée sur les racines par l'acide qui les baigne. Je n'avais versé de l'acide que dans un seul endroit sur les ra- cines de ma sensitive. Lorsque je vis toutes les feuilles ployées , j'enlevai , en les cernant avec un couteau , toutes les racines offensées, ainsi que la terre impré- gnée d'acide : la plante, quelques heures après, re- dressa ses pétioles, mais elle ne déploya ses folioles que le lendemain; cette opération ne la fit point mourir. La transmission de la puissance nerveuse ou la nervimotion s'opère avec assez de lenteur chez la sen- sitive. Il s'écoule en effet un temps assez considérable entre le moment où l'on brûle légèrement une fo-* MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. 7 7 liolc avec un verre ardent, et celui où la nervimo- lion produite par cette action parvient aux autres folioles, aux pinnules , au bourrelet du pétiole, et enfin aux autres feuilles de la tige. Il me parut donc qu'il n'était point impossible de mesurer le temps qui s'écoulait entre ces diverses actions, et de comparer les espaces parcourus par la nervimolion avec les temps employés à parcourir ces espaces. Il était im- portant de savoir si les variations de la température influaient sur la vitesse de la transmission de ce mou- vement intérieur. J'ai fait dans cette vue un grand nombre d'expériences; voici la méthode que j'em- ployais : je brûlais légèrement les folioles terminales de lune des pinnules d'une feuille, soit avec un verre ardent, soit avec une flamme légère. A l'ins- tant les folioles commençaient à se ployer par paires les unes après les autres. Je tenais près de mon oreille une montre dont le balancier effectuait ses os- cillations , composées chacune de deux battements, dans une demi-seconde; je comptais le nombre de ses oscillations, à partir du moment de l'usiion jus- qu'à celui où les pinnules opéraient leur flexion; je mesurais de la même manière le temps qui s'écoulait jusqu'au moment de la flexion du pétiole; j'appliquais ensuite la même mesure au temps qui s'écoulait jus- qu'au moment de la flexion successive des pétioles des autres feuilles de la tige. Celte première partie de l'observation étant faite, je mesurais la longueur de la pinnule, celle du pétiole, et celle des articles de la lige intermédiaires aux feuilles dont les pétioles 78 MOTILITÉ DES VEGETAUX. s'étaient fléchis. De cette manière il m'était facile de comparer les espaces parcourus par la nervimotion avec les temps employés pour les parcourir. J'ai fait cette expérience la température de l'atmosphère étant à 10, à 1 5 , à 1 5 , à 1 8 , à 20 et à 25 degrés de cha- leur au thermomètre de Réaumur. Voici les résultats généraux que j'ai obtenus : la progression de la ner- vimotion est toujours beaucoup plus rapide clans les pinnules et dans les pétioles qu'elle ne lest dans les articles de la tige. La vitesse ordinaire de ce mouve- ment dans les pétioles est de huit à quinze millimètres par seconde, tandis que dans les articles de la tige ce même mouvement n'excède pas deux à trois milli- mètres par seconde, et souvent est encore plus lent. La température de l'atmosphère ne m'a paru exercer aucune influence sur la vitesse de ce mouvement; car j'ai obtenu des résultais peu différents les uns des au- tres aux divers degrés de température dont je viens de faire mention. Les variations que j'ai obtenues dans ces résultats ont été purement accidentelles, et sans aucun rapport fixe avec les variations de la tem- pérature extérieure; seulement j'ai observé que, lors- que la température était à -f- dix degrés, la nervimotion provoquée par l'uslion se transmettait à une distance moindre que celle à laquelle elle parvenait lorsque Ja température était plus élevée. Nous venons de "voir que la nervimotion a cons- tamment une vitesse plus considérable dans les pé- tioles que dans la lige, lorsque es mouvement pro- voqué dans les folioles iraverse le pétiole en descen- U0T1LITE DES VÉGÉTAUX. 79 daiu pour gagner le corps de la lige. J'ai observe que le même phénomène a lieu lorsque la nervimotion provoquée dans la tige par l'ustion de son e'corce ar- rive aux pétioles et les traverse en remontant pour gagner les pi 1111 ides et les folioles. Voici comment je faisais cette expérience : après avoir brûle vivement l'écorce de la tige avec un verre ardent, je ne tardais pas à voir les feuilles les plus voisines fle'chir leur pétiole. Bientôt après, les pinnules et les folioles de ces feuilles se ployaient à leur tour; je mesurais le temps qui s'écoulait entre le moment de la flexion du pétiole et le moment de la flexion des pinnules; puis je comparais le temps e'coulé avec la longueur du pétiole. J'ai trouve', de celte manière, que la nervi- motion avait , en remontant dans le pétiole , la même vitesse que nous avons observe' qu'elle avait en des- cendant dans ce même pétiole, c'est-à-dire que ce mouvement parcourait toujours de huit à quinze mil- limètres par seconde , tandis que dans le corps de la tige ce même mouvement ne parcourt que deux à trois millimètres dans le même temps. L'eïude com- parative que nous avons faite plus haut de la structure anatomique de ces parties ne nous apprend point du tout la cause d'une différence aussi considérable. 11 me paraît donc probable que cette différence tient spécialement à la différence du diamètre des parties; la nervimotion est plus rapide dans les pétioles, les- quels ont peu de diamètre, qu'elle ne l'est dans la tige, dont le diamètre est plus considérable. Ce mou- vement nerveux ressemblerait par conséquent , sous 80 MOTILITÉ DES VEGETAL X. ce point de vue, au mouvement des fluides qui, mus avec une vitesse déterminée dans un canal étroit, per- dent de cette vitesse en proportion de l'élargissement du canal qui les transmet , et la reprennent de nou- veau lorsque le canal se rétrécit. Cette explication du phénomène dont il s'agit devient encore pius plau- sible par l'observation que nous avons déjà faite, que c'est par l'intermédiaire du liquide séveux que la ner- vi motion se transmet. La nervimotion provoquée par l'ustion d'une feuille se propage quelquefois jusqu'aux branches voisines de celle qui porte cette feuille, en sorte qu'on voit quelquefois se ployer des feuilles très éloignées de celle sur laquelle on fait l'expérience. Il m'a semblé que l'intensité de lustion influait sur l'étendue de la propagation de la nervimotion ; ce mouvement ne s'é- tendait qu'à peu de distance lorsque l'ustion était ex- trêmement légère. On sent qu'il est difficile de déter- miner d'une manière certaine le degré d'intensité de l'ustion que l'on opère; cependant je pouvais juger approximativement de son intensité comparative lors- que j'employais le verre ardent ; car je modérais à vo- lonté la chaleur produite en pareil cas , en plaçant le verre de manière à ce que la feuille soumise à son ac- tion fût située plus ou moins en-deçà ou au-delà de son foyer. De cette manière on peut provoquer dans la feuille une nervimotion qui ne s'étend pas plus loin que la base de son pétiole. La communication en ligne droite, au moyen des tubes séveux , influe beaucoup sur la promptitude MOTILITÉ DES VÉGÉTA IX. (Si de la propagation de la nervimotion. On sent cpie cela doit être ainsi, puisque c'est le fluide séveux qui transmet ce mouvement. Aussi ai-je observe que, lorsqu'on brûle une feuille de sensitive , il arrive souvent que la nervimotion parvient à la feuille qui est située du même côté deux articles plus bas, avant de se manifester dans la feuille situe'e dans l'article voisin, mais du côte' oppose' de la tige; car on sait que les feuilles delà sensitive sont alternes. Les feuilles de la sensitive perdent complètement leur motilité., lorsque la température de l'atmosphère se trouve à sept degrés environ au-dessus de glace, au thermomètre de Réaumur; on peut alors les brû- ler sans qu'il en résulte chez elles aucun phénomène de mouvement appréciable. La lumière solaire exerce sur l'énergie de la mo- tilite de la sensitive une influence extrêmement re- marquable, et qui pourtant n'a point encore été ob- servée. Cependant plusieurs naturalistes , et notam- ment MM. Duhamel, Dufay et Decandolle, ont cherché à étudier les phénomènes que présente cette plante, lorsqu'elle est plongée dans une profonde obscurité. Ces naturalistes ont toujours choisi des caves pour faire cette expérience; mais, la température de ces lieux souterrains me paraissant peu favorable au libre et plein exercice des facultés vitales de la sen- sitive, je résolus d'employer, pour soustraire cette planie à l'influence de la lumière y un procédé qui laissât subsister sur elle l'influence nécessaire d'une température plus élevée. A cet effet, je plaçai un 6 S 2 MOTILITE DES VEGETAUX. pied de sensitive , planté dans un pot sous un réci- pient fait avec du carton fort épais. Toutes les pré- cautions possibles avaient été prises dans la fabrica- tion de ce récipient pour qu'aucun rayon de lumière ne pénétrât dans son intérieur. J'accumulais de la sciure de bois autour de son orifice, afin d intercepter tout-à-fait la faible lumière qui aurait pu pénétrer par cette voie. Cet appareil fut établi dans un appar- tement qui, situé sous la tuile et exposé au midi, éprouvait pendant le jour une forte chaleur, qu'il conservait avec peu de diminution pendant la nuit, C'était pendant les chaleurs de l'été; le thermomètre se tint constamment, dans cet appartement, à une élévation de + 20 à 2 5 degrés pendant mon obser- vation. La sensitive, ainsi plongée dans une pro- fonde obscurité sans être soustraite à l'influence de la chaleur, commença par ployer toutes ses feuilles. Vers le milieu du premier jour, elle les déploya à demi, et les ferma complètement le soir. Le lendemain au matin , je trouvai toutes les feuilles complètement déployées, et déjà leur motilité était sensiblement di- minuée ; elles ne se fermèrent plus d'une manière complète, et le troisième jour, je les trouvai à moitié déployées, et leurs folioles avaient perdu leur moti- lité; le pétiole seul avait encore la faculté de se fléchir. Je voulus voir si, dans cette diminution considérable de la motilité , la nervimotion aurait éprouvé de l'altération dans la rapidité de sa progression. Je brûlai légèrement l'une des folioles d'une feuille; la nervimotion se transmit, comme à l'ordinaire, à la tf UTILITÉ DES VKGKTAIX. 85 b ase du pétiole et de là aux pétioles de deux autres feuilles de la tige. Dans cette progression, la nervi- motion parcourut dix millimètres par seconde dans la pinnule de la feuille et dans son pétiole; elle par- courut deux millimètres par seconde dans la tige. La même expérience, faite sur un autre pied de sensitive qui était dans le même appartement, et qui jouissait de toute sa motilité, me donna des résultats à peu près pareils. Ainsi il me fut prouvé que la diminution de la motilité n'en apporte aucune dans la rapidité de la progression de la nervimotion. Seulement je remarquai que ce mouvement se propagea moins loin chez la sensitive dont la motilité était dimi- nuée. Je la remis sous le récipient pour continuer mon observation. Le quatrième jour, les pétioles des feuilles se ployaient encore, mais faiblement lorsqu'on les frappait vivement; les folioles étaient immobiles: le cinquième jour, toute espèce de motilité appré- ciable avait disparu. L'ustion elle-même ne provoquait plus aucun mouvement dans les feuilles qui étaient à moitié ouvertes, et dont les pétioles étaient redressés. J'exposai alors cette sensitive à la lumière du soleil; les folioles tardèrent peu à se déployer complètement et, au bout de deux heures, elles commencèrent à se mouvoir légèrement lorsqu'on les frappait. Cepen- dant le pétiole continuait à demeurer immobile. Après deux heures et demie d'insolation, les pétioles com- mencèrent à manifester de la motilité; elle augmenta peu à peu, et , dans le courant de la journée suivante, la sensitive avait complètement récupéré sa moti- V). 84 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. lité. Il résulte de cette expérience qu'il suffit de pri- ver la sensitive de l'influence de la lumière pour lui faire perdre les conditions de sa motilité , et que c'est dans l'influence de cet agent qu'elle puise de nouveau ces conditions, lorsqu'elle les a perdues. J'ai voulu voir quelle était l'influence qu'exerçait la température extérieure sur ce phénomène. J'ai donc répété cette expérience de la même manière sur d'au- tres pieds de sensitive, car celui sur lequel cette ex- périence avait été laite avait un peu souffert; plu- sieurs de ses feuilles étaient tombées. Je plaçai donc une de ses plantes sous mon récipient; la chaleur de l'appartement était alors de -f- 22 degrés Réaumur, et elle monta jusqu à 24 degrés pendant la durée de l'expérience. Au bout de quatre jours et demi d'obscu- rité , la sensitive avait complètement perdu sa motilité. Je fis alors , sur le phénomène du retournement des feuilles, une expérience qui sera rapportée dans l'une des sections suivantes. Dans cette seconde ex- périence , l'abolition de la motilité fut un peu plus rapide que dans la première ; cela me parut devoir dépendre du degré de la température extérieure, qui avait été constamment de-f- 22 à il\ degrés, tandis que dans la première expérience cette même température avaitétéassezconstammentde-|-2oà25 degrés; elle ne s'était élevée qu'un seul jour à 2 5 degrés. Pour réas- surer davantage du degré de l'influence qu'exerçait la température extérieure sur la production de ce phé- nomène, je fis de nouveau cette même expérience par une température qui varia de-f- \[\ à 20 degrés. 11 MOBILITÉ DES VÉGÉTAUX. 8f> fallut dix jours d'obscurité à la sensitivc pour lui faire perdre complètement sa motilite. Il me parut bien évident , par celte troisième expe'rience , qu'une tem- pérature modérée retardait l'extinction de la motilite chez la sensitive, plongée dans l'obscurité; les expé- riences précédentes m'avaient appris que cette extinc- tion était bien plus rapide lorsque la température était élevée. J'avais vu précédemment que l'exposition aux rayons directs du soleil rendait assez promptement les conditions de la motilite à la sensitive qui les avait perdues. Je voulus voir, dans cette circon- stance, si le même effet serait produit parla lumière diffuse du jour. J'exposai donc ia sensitive tirée de dessous le récipient , en plein air, derrière un bâti- ment qui la garantissait des rayons directs du soleil. Le premier jour, la sensitive ne manifesta aucune motilite, mais lorsque la nuit arriva, quelques unes de ses feuilles , celles qui avaient le plus récemment atteint leur complet développement , se ployèrent , et présentèrent ainsi le phénomène du sommeil qui avait cessé d'avoir lieu sous le récipient. Le lende- main, les folioles se déployèrent, mais elles ne ma- nifestaient aucune motilite sous l'influence des plus fortes secousses. Les vieilles feuilles avaient presque toutes perdu leurs folioles ; celles qui restaient com- mencèrent à présenter le phénomène du sommeil le second jour. Le troisième jour, les folioles commen- i «Vent à se mouvoir sous l'influence des chocs; les |utiolcs riaient encore immobiles. Le quatrième jour, les pétioles commencèrent à se mouvoir assez lé- 86 MOTILITE DES VÉGÉTAUX. gèrernent, et , le cinquième jour, la sensitive avait récupéré sa motilité. Ainsi il fallut cinq jours d'ex- position à la lumière diffuse du jour pour ren- dre à la sensitive les conditions de sa motilité : nous avons vu qu'il suffisait de quelques heures d'exposition à la lumière directe du soleil pour pro- duire le même effet. Je recommençai cette expérience une quatrième fois par une température qui varia de -f- %3 à 17 degrés. Il fallut onze jours d'obscurité pour opérer l'extinction complète de la motilité de la sen- sitive. Celle fois je ne pus observer le retour de la motilité, parceque la sensitive rendue à la lumière perdit toutes ses feuilles. Je répétai une cinquième fois l'expérience dont il est ici question par une température qui varia de + 1 0 à 1 5 degrés dans l'appartement où était le récipient sous lequel était placée la sensitive. Celte plante , plongée dans une obscurité complète, conserva sa motilité sans aucune altération bien sensible pendant dix jours. Le douzième jour , les folioles cessèrent de se mou- voir lorsqu'on les frappait; les pétioles seuls pos- sédaient encore leur motilité. Le quinzième jour, toute motilité appréciable avait disparu. La sensitive avait souffert par cette longue obscurité; plusieurs de ses feuilles avaient jauni et leurs folioles tombaient à la moindre secousse. Cependant un assez grand nombre de ces feuilles avaient conservé leur couleur verte et me paraissaient susceptibles de récupérer leur motilité. Je voulus voir si cet effet pouvait être pro- duit par Vexposition de la plante à la lumière diffuse M0T1L1TK I ) 1 1 S \F,CETU\. Bj /\lu jour, telle qu'elle parvient dans une chambre par les fenêtres au moyen de la réflexion des nuages ei des objets du dehors. Ayant donc tire ma sensitive de dessous son récipient , je la plaçai dans un lieu de l'appartement qui était bien éclaire, mais qui ne recevait point la lumière directe du soleil; dès le soir du premier jour quelques unes des feuilles les moins âgées commencèrent à présenter le phénomène di. sommeil, qui avait cessé d'avoir lieu sous le récipient. Le lendemain , les folioles se déployèrent à la lumière, mais restèrent immobiles sous l'influence des plus fortes secousses. Les feuilles plus âgées ne commen- cèrent à présenter le phénomène du sommeil que le quatrième jour. Alors les folioles des jeunes feuilles se mouvaient fort légèrement lorsqu'on les choquait vivement avec le doigt ; les pétioles étaient immobiles. I ,e cinquième jour , la plante continua de présenter les mêmes phénomènes d'une molilité languissante. Le sixième jour, je plaçai la sensitive aux rayons d'un soleil ardent ; au bout de quatre heures, les jeunes feuilles avaient complètement récupéré leur motilité, et les vieilles feuilles l'avaient récupérée en partie. Ces dernières avaient jusqu'alors refusé de se mouvoir sous l'influence des chocs. L'exposition de la plante m soleil pendant la durée du septième jour acheva de iui rendre complètement sa molilité. Il résulte de ces expériences que la privation de la lumière oc- casione chez la sensitive l'abolition des conditions de la molilité, et que l'exposition de celle plaine à la lumière lui rend ces conditions perdues. Celle 88 MOTILITÉ DES VEGETAUX. perte des conditions de la motilite dans l'obscurité est fort rapide quand la température est très élevée, elle est beaucoup plus lentelorsque cette température offre un certain degré d'abaissement. En effet, nous avons vu qu'il n'a fallu que quatre à cinq jours d'absence de la lumière, par une température de-f- 20 à 25 degrés , pour abolir complètement la motilite d'une sensi- live, tandis que, par une température de + i5 à 20 degrés il a fallu dix jours d'obscurité pour produire cette abolition ; et qu'il a fallu quinze jours d'obscurité pour produire ce même effet , lorsque la température était de -f- 10 à i5 degrés. La rapidité du retour des conditions de la motilite chez la sensitive qui les a perdues dans l'obscurité est en raison de l'in- tensité de la lumière à laquelle elle est soumise. Nous avons vu en effet qu'il ne faut que quelques heures d'exposition à la lumière directe du soleil pour réparer ces conditions perdues , tandis que pour produire le même effet il faut plusieurs jours d'ex- position à la lumière diffuse du jour. Il résulte de ces expériences que la lumière, et spécialement la lumière solaire, est l'agent extérieur dans l'influence duquel les végétaux puisent le renouvellement des conditions de leur motilite. J'ignore en quoi consiste cette in- fluence réparatrice, mais le fait de cette réparation est certain, comme l'est celui de l'abolition de ces conditions dans l'obscurité. Dans les expériences qui viennent d'être exposées , j'ai observé que les folioles ont perdu leur motilite avant les pétioles , et l'ont ré- cupérée avant eux. J'ai observé de même que les KOTILITB DES VÉGÉTAUX. SC) jeunes feuilles ont récupère' leur motilite avant les vieilles feuilles, et que , chez les unes comme chez les autres, les premiers indices de la motililé réparée se sont manifestés par les seuls phénomènes du som- meil et du réveil. Ces phénomènes de motilite vitale ont été pendant quelque temps les seuls qu'ait pré- sentés la sensitive dont la motilite n'était pas encore entièrement récupérée. Il résulte de là qu'en privant une sensitive d'une portion des conditions de sa mo- tililé , on la réduit au mode d'existence des végé- taux vulgaires , c'est-à-dire qu'elle ne meut point ses feuilles sous l'influence des agents nervimoleurs mécaniques , bien qu'elle les meuve encore pour présenter les phénomènes du sommeil et du réveil. Il est enfin un état d'épuisement des conditions de la motililé qui , sans occasioner chez la sensitive la mort de la feuille, fait quelle demeure quelque temps dans un état d'immobilité parfaite , et qu'elle est incapable de sommeil et de réveil appréciables , comme le sont tant d'autres végétaux. Cela prouve que toutes les différences qui existent à cet égard entre les plantes dérivent seulement de ce qu'elles possèdent en quantité différente les conditions de la motilite , conditions dont la nature est encore inconnue. Ces conditions sont réparées chez les végétaux par la lu- mière solaire ; par conséquent l'influence qu'exerce la lumière sur les végétaux est comparable à celle qu'exerce l'oxigénation respiratoire sur les animaux. On sait que chez ces derniers l'énergie de la motilite est généralement en raison de la quantité de la rès- 90 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. piration, c'est-à-dire en raison de la quantité de l'oxi- gène absorbé ; toute motilité cesse rapidement lors- que l'oxigénalion du sang n'a plus lieu. Le genre de l'influence qu'exerce l'oxigénation des fluides sur l'énergie de la motilité animale est inconnu; le l'ail seul de cette influence est bien constaté. Il en est de même de l'influence qu'exerce là lumière solaire sur l'énergie de la motilité végétale; le genre de cette in- fluence est inconnu, mais le fait de cette influence esi constaté. Donc V insolation est pour les végétaux ce que Xoxigénation est pour les animaux. Ce sont deux sortes de vinification , si je puis m'exprimer ainsi. Il résulte de ce rapprochement que Yétiolement des végétaux est un état analogue à celui de Vas- phjxie des animaux ; dans l'un comme dans L'autre il y a diminution ou abolition des conditions de la motilité , par cause de l'absence de l'agent exté- rieur qui sert à les entretenir. Ce rapprochement inattendu est encore fortifié par la considération sui- vante. On sait combien l'asphyxie est rapide chez les animaux à sang chaud; on sait combien elle est lente chez les animaux à sa? ig froid ; on sait enfin, par les expériences de M. Edwards , que chez ces derniers l'asphyxie peut être a volonté accélérée ou retardée , en augmentant ou en diminuant la température ex- térieure dans certaines limites. Or, chez la sensitive, nous observons le même phénomène. Nous voyons son asphyxie arriver promptement quand il lait chaud, et tardivement quand la température est plus bas>< Tout concourt donc à prouver qu une même lbnc- moti un: n es \ t < ;ét aux. 91 tion réparatrice de la motilité est exercée de deux manières différentes par les animaux et par les végé- taux. Les premiers exercent cette fonction réparatrice au moyen de Yoxigénation , et les seconds au moyen de Y insolation. Il est à remarquer que ce sont là les deux causes les plus universelles de la production de la chaleur. La conclusion définitive que nous tirerons de ces expériences est que la motilité de la sensilive dé- pend de trois conditions principales, i° de l'exis- tence d'une température plus élevée que le septième degré au-dessus de zéro, au thermomètre de Réau- mur ; 20 de l'influence de la lumière ; 3° de la pré- sence d'une sève suffisamment abondante. L'absence dune seule de ces conditions suffît pour anéantir com- plètement la motilité de cette plante. 92 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. SECTION III. DES DIRECTIONS SPECIALES QU AFFECTENT LES DIVERSES PARTIES DES VEGETAUX \ Les phénomènes les plus généraux de la nature , ceux qu'elle présente sans cesse à nos yeux, sont en gé- néral ceux que la plupart des hommes remarquent le moins. Celui qui n'a point appris à méditer sur les phénomènes naturels , a peine à se persuader , par exemple , qu'il existe un mystère profond dans l'as- cension des tiges des végétaux, et dans la progression descendante de leurs racines. Ce phénomène , cepen- dant , est un des plus curieux parmi ceux que nous offre la vie végétale. Le mouvement descendant des racines paraîtra facile à expliquer pour la plupart des esprits: elles tendent, dira-t-on , comme tous les autres corps , vers le centre de la terre, en vertu des lois connues de la pesanteur; mais comment expli- quera-t-on l'ascension verticale des tiges, qui est en opposition manifeste avec ces lois? C'est ici qu'ont échoué ceux qui ont tenté d'expliquer ce phéno- ' «Ce mémoire avait été présenté (a l'Académie royale des sciences) «pour le prix de physiologie, et l'Académie a dû regrette! que ce prix p fût restreint dès cette année à la physiologie animale.» Analyse des travaux de t' Académie royale des sciences pendant Vannée iS-u, par M. le baron Cuvier. HOTIIITE DES VEGETAUX. 9.) mène. Doclart ', le premier, à ce qu'il parait, qui ait recueilli quelques observations sur cet objet , prétend expliquer le retournement de la radicule et de la plumule dans les graines semées à contre sens , par l'hypothèse suivante : il admet que la racine est composée de parties qui se contractent par l'effet de l'humidité, et que les parties de la tige , au contraire, se contractent par l'effet de la sécheresse. Il doit en résulter, selon lui, que, dans la graine semée à con- tre sens, la radicule tournée vers le ciel se contracte et s'incline vers la terre, siège de l'humidité; tandis que la plumule, au contraire, se contracte et se tourne du côté du ciel, ou plutôt de l'atmosphère, milieu plus sec ou moins humide que ne l'est la terre. On cannait les expériences de Duhamel , et les tentatives qu'il a faites pour contraindre des graines à pousser leur radicule en haut , et leur plumule en bas , en les enfermant dans des tubes qui ne permettaient pas le retournement de ces parties; ne pouvant obéir à leurs tendances naturelles , la radicule et la plumule se contournèrent en spirale. Ces expériences prouvent que les tendances opposées de la radicule et de la plu- mule ne peuvent être interverties , mais elles nous laissent dans une ignorance complète de la cause à laquelle sont dues ces tendances. Nous ignorons de même la cause du retournement des feuilles. Bon- net 3 a cru pouvoir appliquer à l'explication de ce ' Sur la perpendiculaire des tiges par rapport à l'horizon. MimofTM de V Académie des sciences . 1 700. ■ Recherches sur t'uingc des feuilles 94 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. phénomène l'hypothèse imagine'e par Dodart pour expliquer le retournement de la radicule et de la plumule dans les graines semées à contre sens. Selon ce naturaliste , la face intérieure des feuilles est, comme la radicule, composée de fibres qui se con- tractent à rhumidité, tandis que leur face supérieure est , comme la plumule , composée de fibres qui se contractent à la sécheresse. Cherchant à donner des preuves à ces assertions , Bonnet imagina de fabriquer des feuilles artificielles, dont la face supérieure était en parchemin , qui se contracte par l'effet de la séche- resse, et dont la face inférieure" était en toile , dont les fils se raccourcissent par l'effet de l'humidité. Il soumit ces feuilles à la chaleur et à l'humidité, et crut voir qu'elles se comportaient à peu près comme de véri- tables feuilles. Ce que prouve le mieux cette étrange expérience , c'est le danger qu'il y a d'observer la nature avec des systèmes faits à l'avance , et dans l'intention de leur trouver des preuves. Convaincus de l'insuffisance des hypothèses propo- sées pour expliquer les directions spéciales qu'affec- tent lesdiverses parties des végétaux, les physiologistes se bornent aujourd'hui à dire que ces directions spé- ciales sont des phénomènes vitaux. Mais% cette asser- tion, dont au reste tout concourt à prouver la vérité ; cette assertion , dis-je , ne nous apprend rien sur la cause de ces phénomènes. Il en est du phénomène de la direction opposée des tiges et des racines comme de la plupart des phénomènes que la nature offre à notre observation: rarement ils sont les effets d'une cause MOTILITE DES VEGETAI \ <)f> unique; la plupart du temps plusieurs causes concou- rent à les produire. La tâche de l'observateur consiste à démêler des causes diverses , et à assigner la pari que prend chacune d'elles dans la production du phénomène. En voyant les tiges se diriger constamment vers le ciel, et les racines se diriger toujours vers la terre, on peut penser qu'il existe un certain rapport entre (la cause de la gravitation et celle de la vie végétale ; la direction également constante des tiges vers la lu- mière peut aussi porter à penser que cet agent est poul- ies végétaux une cause de direction spéciale. Les tiges pour se développer ont besoin d'être placées dans le sein de l'atmosphère; les racines au contraire ont besoin de se trouver dans le sein de la terre : existe- rait-il une tendance entre l'atmosphère et la tige , entre la terre humide et la racine, tendance de la- quelle résulterait l'ascension de la tige , et le mouve- ment descendant de la racine ? C'est à l'observation à éclaircir nos doutes sur ces différents objets. J'ai rempli de terre une boîte dont îe fond était percé de plusieurs trous; j'ai placé des graines de haricot (phaseolus vulgaris) dans ces trous, et j'ai suspendu la boîte en plein air à une élévation de six mètres. De cette manière les graines, placées dans les trous pra- tiqués à la face inférieure de la boîte, recevaient de bas en haut l'influence de l'atmosphère et de la lu- mière : la terre humide se trouvait placée au-dessus d'elles. Si la cause de la direction de la plumule et de la radicule existait dans une tendance de ces par- ties pour la terre humide et pour l'atmosphère , on Ç}6 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. devait voir la radicule monter dans la terre placée au- dessus d'elle, et la tige au contraire descendre vers l'atmosphère place'e au-dessous; c'est ce qui n'eut point, lien. Les radicules des graines descendirent dans l'atmosphère, où elles se desséchèrent bientôt; les plumules, au contraire, se dirigèrent en haut dans l'intérieur de la terre. Je plaçai verticalement en haut la pointe de la radicule de quelques unes de ces graines germées , en les enfonçant dans les trous dont il vient d'être question ; ces radicules , au lieu de se diriger vers la masse de terre humide placée au-dessus d'elles, se courbèrent en bas. Je voulus voir si une grande masse de terre, placée au-dessus des graines, exercerait plus d'influence sur la direction de leurs radicules. Je fixai donc des graines de haricot au plancher d'une excavation qui était recouverte d'en- viron six mètres de terre, et je les y maintins dans de la terre humide par des moyens appropriés. Les résultais de cette seconde expérience ne furent point différents de ceux de la première. Ces expériences prouvent que ce n'est point vers la terre humide que se dirige la radicule, et que ce n'est point vers l'atmosphère que se dirige la plu- mule. Ces deux parties se dirigent toujours l'une vers le centre de la terre , l'autre dans une direction opposée. Quoiqu'il paraisse résulter des expériences précédentes que la radicule des embryons séminaux ne possède aucune tendance spéciale vers les corps humides, on pourrait cependant penser que, dans les expériences dont il s'agit, la tendance de la radicule MOT I LIT É DIS VÉGÉTAUX. 97 vers le centre de la terre étant plus forte que la ten- dance supposée de cette même radicule vers les corps humides, cette dernière tendance n'aurait pas pu se manifester. J'ai vu évanouir ce soupçon par l'expé- rience suivante : j'ai suspendu dans un bocal une petite soucoupe que j'ai remplie d'eau, et dans la- quelle j'ai placé une éponge taillée et placée de ma- nière à présenter une face plane verticale; ensuite, au moyen d'un fil de fer fixé au couvercle du bocal , j'ai suspendu dans l'intérieur de ce dernier une fève nouvellement germée, ayant soin de placer la radi- cule aussi près qu'il était possible de la face verticale de l'éponge sans la toucher. De cette manière le corps humide était placé latéralement par rapport à la ra- dicule, et comme il n'y avait point d'eau au fond du bocal , et que la face verticale de l'éponge dépassait un peu le bord de la soucoupe qui la contenait , il en résultait que la radicule, si elle avait une tendance vers riiumidité, devait se courber latéralement pour se diriger vers 1 éponge qui l'avoisinait; car il n'y avait point d'eau ni de corps humide de tout autre côté. Au reste, l'air de l'intérieur du bocal se trouvant saturé d'eau , et la radicule étant extrêmement rap- prochée de l'éponge mouillée, cela non seulement empêchait cette radicule de se flétrir, mais fournissait ta son absorption une quantité d'eau suffisante pour suffire à son développement et même à la production de nouvelles racines latérales. Cette expérience donna les résultats suivants : ia radicule ne manifesta aucune tendance vers l'éponge imbibée d'eau; les racines la- 7 98 MOTïLITÉ DES VÉGÉTAUX. térales qu'elle produisit du côté de l'éponge pénétrè- rent dans les cellules de cette dernière 5 mais les autres racines latérales qui prirent naissance dans les autres points de la surface de la radicule ne manifestèrent aucune tendance vers l'éponge, quoique plusieurs de ces racines late'rales prissent leur origine très près de ce corps mouillé. Il résulte de ces diverses expé- riences que les racines n'ont aucune tendance vers les corps humides, et que, par conséquent, cette cause n'est point une de celles qui déterminent la direction des racines vers la terre. Il est probable que les tiges n'ont pas plus de tendance spéciale vers l'air atmosphérique, que les racines n'en ont vers l'eau, mais on ne peut guère s'en assurer par l'expérience. Tous les végétaux ne sont pas destinés par la na- ture à plonger leurs racines dans la terre ; les végé- taux parasites enfoncent leurs racines dans la sub- stance d'autres végétaux : les radicules de leurs em- bryons se dirigent-elles aussi vers le centre de la terre? L'observation de la germination de la graine du gui résout cette question par la négative. On sait depuis long-temps que la graine du gui germe dans toutes les directions. Le premier développement de l'embryon de cette graine consiste dans une élonga- tion caulinaire de sa tige , qui puise la matière de cet accroissement dans la substance des cotylédons, auxquels elle aboutit par l'une de ses extrémités , et qui est terminée à son autre extrémité par un petit renflement d'un vert moins foncé qui est la radicule. Lorsque la graine est fixée sur une branche d'arbre MOTIMTK DBS YÊC.KTM'X. t)f) .m moyen de sa glu naturelle, on voit la tige de l'em- bryon se courber pour diriger la radicule dans un sens perpendiculaire à la surlace de la branche; car cette radicule elle-même, qui ne consiste qu'en un petit corps hémisphérique , ne subit ordinairement aucune inflexion. Lorsque la radicule louche la sur- face de la branche, elle s'épanouit dessus en une sorte de disque , résultat de l'aplatissement du tubercule hémisphérique qui la constituait. C'est de la partie de ce disque qui est collée sur la branche que sortent les racines qui vont puiser leur nourriture dans la substance de la branche qui porte cette plante para- site. Quelle que soit la place qu'occupe la graine du gui sur la branche d'un arbre, l'embryon dirige constamment sa radicule vers le centre de cette bran- che ; en sorte que celte radicule est , suivant la posi- tion de la graine, tantôt descendante, tantôt ascen- dante, tantôt dirigée horizontalement, etc. Existe- t-il dans cette circonstance une tendance de la radi- cule vers les parties vivantes du végétal dans lequel elle doit s'implanter? Pour éclaircir ce doute, j'ai fixé des graines de gui sur du bois mort, sur des pierres, sur des corps métalliques, sur du verre, etc., tou- jours j'ai vu la radicule prendre une direction perpen- diculaire au plan sur lequel la graine était collée. Je fixai un grand nombre de graines de gui sur la sur- face d'un gros boulet de fer; toutes les radicules se dirigèrent vers le centre du boulet. Ces faits prouvent que ce n'est point vers un milieu propre à s;\ nul ri - tion que l'embrvon du gui dirige sa radicule, mais 7- 100 MOTILITE DES VEGETAUX. que celle-ci obéit à l'attraction des corps sur lesquels la graine est fixée, quelle que soit leur nature. Ainsi, les radicules des végétaux terrestres obéissent à l'at- traction de la terre, tandis que la radicule du gui parasite obéit à l'attraction particulière des corps. Les tiges des végétaux terrestres se dirigent dans le sens opposé à celui de l'attraction du globe, et s'élèveni ainsi au-dessus du sol , auquel elles deviennent per- pendiculaires ; la tige du gui affecte toujours une direction perpendiculaire à celle de la branche sur laquelle elle est implantée ; en sorte qu'elle est des- cendante lorsque l'implantation a lieu à la face infé- rieure de la branche, ascendante lorsque celle im- plantation est faite à la face supérieure, etc.; elle se dirige constamment dans un sens opposé à celui de l'attraction de la branche. Ainsi , l'embryon du gui se comporte, par rapport à la branche qui le nour- rit, comme les embryons terrestres se comportent par rapport à la terre. Ces deux phénomènes , diffé- rents au premier coup d'œil , se trouvent , au moyen de celte analyse , être du même genre. Les moisis- sures nous offrent encore un exemple remarquable de la perpendicularilé des tiges par rapport aux corps" sur lesquels elles sont fixées , et de l'absence de celte mémo perpendicularilé par rapport à la terre. Spal- lanzani a noté une partie de ce phénomène dans ses observations sur l'origine des moisissures , mais il ne l'a point aperçu dans son entier; il n'a point vu que les moisissures affectent constamment une direction perpendiculaire à celle de la surlace sur laquelle elles Mo m. m; DES VEGETAUX. 101 sont implantées. J'ai observé ce feit chez ies moisis- sures aquatiques comme chez les moisissures aé- riennes. Les poils des végétaux se comportent à cet égard comme les moisissures, c'est-à-dire qu'ils sont toujours perpendiculaires à leur surface d'implan- tation. Il parait que l'extrême ténuité de ces produc- tions végétales les soumet spécialement à l'influence de 1 attraction particulière des corps sur lesquels elles sont implantées, et les soustrait à l'influence de iat- traction du globe terrestre. C'est ainsi que nous voyons les corps réduits en poussière line adhérer aux corps les plus polis, et manifester par là qu'ils obéissent à rattraction'particulière fie ces corps, de préférence à l'attraction du globe terrestre. La ten- dance des racines et des tiges, les unes dans le sens de la pesanteur, les autres dans le sens diamétrale- ment opposé, ne se remarque dune manière spéciale1 que dans les caudejc ascendants et descendants, c c.si-a-dirc dans l'axe du végétal considéré dans son entier. Les productions latérales de cet axe prennent toujours une direction plus ou moins différente. On sait que les branches qui naissent aux parties laté- rales de la tige principale, ainsi que les racines qui sont produites latéralement par la racine pivotante, n'affectent point ordinairement une direction parfaite- ment verticale. Plusieurs causes influent sur la direc- tion quelquefois parfaitement horizontale quelles prennent : nous tacherons d'exposer ces causes di- verses; l'une d'entre elles est indubitablement la ten- dance générale qu'ont toutes les parties végétantes à J 02 MOTIL1TÉ DES VEGETAUX. affecter une direction perpendiculaire à leur surface particulière d'implantation. La branche latérale et la racine late'rale se comportent comme le gui par rap- port à la branche sur laquelle il est implanté; la tige principale et la racine pivotante sont des surfaces particulières d'implantation auxquelles les branches et les racines latérales tendent à devenir perpendicu- laires : mais comme cette tendance est combinée avec les tendances générales qui portent les tiges en haut et les racines en bas , il en résulte ordinairement une direction moyenne , en sorte que les branches et les racines font , avec l'axe vertical du végétal , un angle plus ou moins ouvert. En faisant germer et dévelop- per des graines dans de l'eau ou dans de a mousse humide , on est à même de voir que les racines laté- rales n'ont qu'une faible tendance vers le centre de la terre. On voit de ces racines latérales, longues d'un ou de deux centimètres, qui sont dirigées dans une horizontalité parfaite; j'en ai même vu quelques unes qui étaient tout-à-fait ascendantes : ce n'est que lors- qu'elles ont acquis une certaine longueur qu'elles commencent à se diriger en bas; elles sont en cela bien différentes de la radicule pivotante , qui , dès qu'elle commence à se manifester, tend vers le centre de la terre avec une énergie et une constance qu'il est impossible de vaincre. On peut faire, sur les bran- ches , des observations semblables. J'ai vu des bran- ches de chêne nées à la surface inférieure de grosses branches horizontales se diriger verticalement en bas jusqu a ce qu'elles eussent acquis environ la longueur MOI II. I il pES \ KGETAl \ 1 o3 d'un décimètre; alors seulemeni elles commencèrent i relever leur extrémité végétante vers le ciel. Dans beaucoup d'arbres, les branches latérales végètent dans une horizontalité plus ou moins parfaite; cette horizontalité qui , dans la branche naissante, parait chic à la tendance mie possède cette branche à se dis- poser perpendiculairement à sa surface d'implantation, qui est ici la surface de la tige verticale, cette hori- zontalité', dis-je, est due à d'autres causes lorsque la branche a acquis une certaine longueur. Son poids l'entraîne vers la terre, et les branches supérieures qui s'étendent au-dessus d'elle , de même dans le sens horizontal, l'empêchent de se dresser vers le ciel. Ces deux, causes tendent à maintenir son horizontalité, qui est encore entretenue par l'action de la lumière, que les extrémités végétantes des branches horizontales ne reçoivent que latéralement. L 'influence que les tiges, considérées comme sur- laces d'implantation , exercent sur la perpendicula- ire des branches auxquelles elles donnent nais- sance paraît ne s'étendre qu à une très petite distance; elle parait même quelquefois proportionnelle à la masse de ces tiges : je dis quelquefois y car il s'en tant beaucoup que cette règle puisse être donnée comme générale. Cependant il est un fait qui tend à prouvée qu elle n'est pas sans fondement. Nous avons vu plus haut que la graine du gui tend constamment à implanter sa radicule perpendiculairement à la sur- iat e de la branche, ou plus généralement du corps >ur lequel elle est fixée ; or, j'ai observé que sa ra- 104 MOTILITE DES VEGETAUX- dicule ne se dirige poinl vers ce corps lorsqu'il est trop délié, ou lorsqu'elle en est trop éloignée. Une distance de cinq à six millimètres suffit pour anéan- tir toute tendance de la radicule du gui vers les corps qui l'avoisinent. Il suffit encore, pour anéan- tir cette tendance , de fixer la graine du gui sur des corps filiformes qui aient moins d'un millimètre de diamètre; dans ces deux circonstances, la radicule ne se dirige point vers le corps qui porte ou qui avoi- sine la graine, elle prend une direction particulière, ainsi que je l'exposerai plus bas. Nous venons de voir , par l'exemple des moisissures et des poils des végétaux, que l'extrême ténuité de ces productions végétales les soumet spécialement à l'attraction par- ticulière des corps , comme cela a lieu pour les corps inorganiques. Ces faits prouvent que l'influence des surfaces d'implantation pour déterminer la direction perpendiculaire des productions végétales est en rapport avec l'étendue de ces surfaces; ils prouvent en même temps que cette influence est en rapport avec la distance qui existe entre ces surfaces et les produc- tions végétales qui leur deviennent perpendiculaires. Les faits qui viennent d'être exposés prouvent que la cause inconnue de l'attraction générale agit sur les végétaux comme cause de direction spéciale , mais ils prouvent en même temps qu'il s'en faut beaucoup que cette cause agisse sur les végétaux comme elle agit sur les corps inertes. Chez ces derniers, elle pro- duit constamment la tendance vers le centre de gra- vité; chez les êtres vivants végétaux , elle ne produit MOTILITE DES VEGETAUX. 103 cette tendance que pour les racines; elle détermine une tendance opposée dans les liges. Ce phénomène, en apparence paradoxal, peut l'aire soupçonner que la cause de la gravitation n'est point la cause im- médiate de la direction des tiges et des racines , mais qu'elle en est seulement la cause éloignée ou occasionelle ; pour ëclaircir ce doute, j'ai t'ait l'ex- périence suivante. J'ai pris une graine de gui , que j'avais fait préalablement germer suspendue à un fil délié, d'où il était résulté que la tige de l'em- bryon s'était développée sans que la radicule hémi- sphérique qui la terminait eût manifesté aucune ten- dance à se fixer. J'ai collé cette graine germée à l'une des extrémités d'une aiguille de cuivre construite comme une aiguille de boussole et suspendue de même sur un pivot; une petite boule de cire placée à l'autre extrémité de l'aiguille formait contre-poids. Les choses étant ainsi disposées, j'ai approché latéra- lement de la radicule une petite planche de bois que j'ai placée à un millimètre environ de distance de la radicule. J'ai ensuite couvert cet appareil d'un réci- pient de verre, afin qu'aucune cause extérieure ne pût faire mouvoir l'aiguille sur son pivot. Au bout de cinq jours j'ai vu la tige de l'embryon se fléchir et diriger la radicule vers la petite planche qui l'avoisi- nait , et cela sans que l'aiguille eût changé de posi- tion, quoiqu'elle frit extrêmement mobile sur son pivot. Deux jours après, la radicule était dirigée per- pendiculairement vers la planche, avec laquelle elle s'était mise en contact ; et cependant l'aiguille , qui 106 MOTILITE DES VÉGÉTAUX. portait la graine, n'avait point varié dans sa direction. Cette expérience est fort délicate, et demande, pour réussir, des précautions particulières. Il faut que l'appareil soit mis à l'ombre, car si le récipient était échauffé par les rayons du soleil , il communiquerait à l'air qu'il contient un mouvement qui se ferait sen- tir à l'aiguille ; il faut que cette expérience soit faite par un temps chaud , car la germination de la graine du gui ne s'opère qu'avec une extrême lenteur lors- que le thermomètre de Réaumur n'est pas au moins à quinze degrés au-dessus de zéro. Comme il est fa- cile de trouver des graines de gui mûres de l'année précédente jusque vers le milieu de l'été, j'ai pu faire l'expérience dont il s'agit pendant les jours les plus chauds de cette saison. Malgré ces précautions, mon expérience a quelquefois été dérangée par une autre cause. La glu qui enveloppe la graine est fort hygrométrique ; l'eau qu'elle absorbe de l'atmosphère ou quelle lui livre augmente ou diminue son poids, en sorte que, suspendue à l'une des pointes d'une aiguille mobile , elle fait éprouver à cette dernière des mouvements de bascule qui peuvent un peu dé- ranger sa direction; aussi m'a-t-il fallu répéter plu- sieurs fois l'expérience pour la voir réussir à souhait. Cette expérience prouve que la direction de la ra- dicule du gui vers les corps qui l'avoisinent n'est point le résultat immédiat de l'attraction exercée SOI elle par ces corps, mais qu'elle est le résultat d'un mouvement spontané exécuté par l'embryon , à l'oc- casion de l'attraction exercée sur sa radicule, attrac- HOTILITE DES VEGETAUX. 1 ( • ~ tion qui n est ainsi que la cause médiate ou occasio- nelledu phénomène. Il est facile, en effet, de comprendre que l'inflexion de la tige de l'embryon du gui ne peut être due à l'action immédiate exercée sur la radicule par l'attraction de la petite planche de bois , car une force extérieure capable d'opérer cette inflexion eût opéré avec bien plus de facilité un changement dans la direction de l'aiguille a l'une des pointes de la- quelle la graine était fixée. Il n'y a donc point de doute que ce mouvement ne soit spontané , c'est-à- dire qu'il ne soit du à une cause intérieure et vitale mise en jeu par l'influence d'un agent extérieur. Cette spontanéité de la direction de la radicule du gui sous l'influence de l'attraction prouve d'une manière incon- testable que cette attraction n'a agi que sur la ner- vimoûlité du végétal , et point du tout sur sa matière pondérable. 11 en est indubitablement de même pour les végétaux terrestres. La cause inconnue de l'at- traction n'est que la cause occasionelle du mouve- ment descendant des racines et de l'ascension des tiges; elle n'en est point la cause immédiate; elle agit, dans cette circonstance , comme agent nervimoteur. Nous verrons plus bas de nouvelles preuves de la gé- néralité de ce fait important en physiologie, savoir, que les mouvements visibles des végétaux sont tous des mouvements spontanés , exécutés à l'occasion de l'influence d'un agent extérieur , et non des mouve- ments imprimés par cet agent. La lumière est pour les végétaux une cause de di- rection spéciale non moins énergique que celle dont 108 MOTILITÉ DES VEGETAUX. nous venons d'observer l'influence. On sail qu'une plante renfermée dans un appartement qui ne reçoit la lumière que par une seule ouverture dirige con- stamment vers cette ouverture sa tige, qui cesse d'af- fecter une position perpendiculaire à l'horizon. Nul doute que cette tendance des tiges vers la lumière n'ait également lieu en plein air. La lumière affluant de toutes paris, à peu près en égale quantité par la réflexion des nuages et de l'atmosphère , doit déter- miner l'ascension des tiges vers le ciel; elle est en cela l'auxiliaire de la cause de la gravitation. On pourrait même penser que la tendance vers la lu- mière serait la cause unique de l'ascension des tiges et de leur position verticale , si l'expérience ne prou- vait le contraire. J'ai couché sur le sol, dans un en- droit sec et parfaitement obscur , des tiges Gallium cepa et Gallium porrum, arrachées avec leurs bul- bes ; on sait que ces plantes , quoique déracinées , continuent long-temps à vivre : ces tiges se courbè- rent dans une portion de leur longueur, et leur partk supérieure se dirigea vers le ciel. Je n'obtins ce ré- sultat qu'au bout de dix jours , tandis qu'il ne me fallut que trois jours pour l'obtenir en répétant la même expérience en plein air. L'absence de la lu- mière, dans la première expérience, ne permet d'at- tribuer le redresse in eut de la tige qu'à la cause de la gravitation , seule cause connue qui agisse dans le sens perpendiculaire à l'horizon ; cependant on pour- rait peut-être penser que L'humidité agirait ici pour rendre convexe le coté de la tige en contact avec le MOTILITE DES YKGETAUX. io() sol, et déterminer ainsi la flexion de la tige vers le hanl. J'ai déjà dit ([ne le lien où se faisait eettc expé- rience était fort sec, ainsi il n'était pas probable que le redressement de la tige fût du à la cause que je viens d'indiquer; cependant, pour dissiper tous les doutes à cet égard, j'ai répété l'expérience en couchant une tige Gallium porvum dans une auge qui conte- nait assez d'eau pour couvrir entièrement cette tige retenue au fond. Ici l'influence de l'humidité devenait nulle, par ceki même qu'elle s'exerçait simultanément sur toutes les parties de la tige : celle-ci ne laissa pas de se dresser vers le ciel. Je voulus voir si la spathe remplie de fleurs qui terminait cette tige avait quelque influence sur son redressement : je l'enlevai ^ et la tige à laquelle j'avais fait cette amputation ne laissa pas de se redresser. Je variai l'expérience : ayant couché la tige et l'ayant courbée en arc, je la fixai solidement au sol en deux points de son étendue. L'are couché sur le sol se redressa et tourna sa con- vexité vers le ciel. Cette expérience me réussit éga- lement bien en plein air et dans l'obscurité ; seule- ment il fallut, dans ce dernier cas, un temps beau- coup plus long. Ces expériences prouvent que le re- dressement des tiges vers le ciel est dû simultanément à l'influence de la cause de la gravitation et à l'in- fluence de la lumière. Ce n'est point seulement par leur partie supérieure que les liges tendent vers le ciel ou vers la lumière. Bonnet a prouvé cette vérité par des expériences que j'ai répétées, et qui m'ont donné des résultats semblables à ceux qu'il a obtenus. 110 MOTILITE DES VEGETAUX. J'ai enfoncé le sommet d'une tige, encore jeune, de mercurialis aiinua dans l'ouverture d'une fiole rem- plie d'eau, et placée verticalement; puis, fléchissant la partie inférieure de cette tige vers îa terre , je l'ai maintenue dans cette flexion avec une ligature fixée au col de la fiole. La portion de tige ainsi flé- chie était dépourvue de feuilles ; exposée à l'influence de la lumière , celte plante ne tarda pas à dresser vers le ciel sa portion libre , qui était la partie infé- rieure de la tige. Ainsi ce n'est point seulement par leur sommet que les tiges tendent vers le ciel ; nous verrons bientôt que cette tendance se manifeste dans toutes leurs parties mobiles lorsqu'elles sont colorées. Les tiges se dirigent quelquefois vers la terre, dans laquelle elles tendent à s'enfoncer comme des racines. Ce phénomène mérite une attention toute particu- lière, tant pour lui-même que par rapport aux cir- constances qui l'accompagnent et qui le déterminent. Beaucoup de végétaux, outre leurs tiges aériennes, possèdent des tiges souterraines, ainsi que je l'ai fait voir dans mes Recherches sur V accroissement et la reproduction des végétaux \ Ces tiges souterraines rampent horizontalement dans l'intérieur de la terre, sans manifester aucune tendance vers le ciel ; elles sont blanches comme les racines dont elles affectent la direction et dont elles habitent le séjour. Quelque- fois cependant elles sont de couleur de rose, comme cela s'observe , par exemple , chez le sparganiiun .".;,/ îi'i du Miisium tî'hrstcire naturelle, tome S. pag MOTIUÏÏi DIS YKCKTWX. 1 1 1 ( rectum; mais alors c'est 1'épidermc qui se trouve» colore et non le parenchyme subjacent. Lorsque la pointe de ces tiges souterraines approche de la sur- liu'c du sol, elle verdit, et dès lors elle tend vers le ciel Pourquoi cette tendance, qui était nulle dans la tige blanche ou plutôt décolorée, se manifeste- t-clle dans cette même lige lorsqu'elle vient à verdir? Y aurait-il donc un rapport secret entre la coloration des parties des végétaux et les tendances diverses qu'elles affec- tent? L'observation va nous éclairer sur ce mystère. En général, les tiges se dirigent vers la lumière, ce qui coïncide avec leur coloration, presque toujours en vert; les racines n'affectent ordinairement aucune direction vers la lumière, ce qui coïncide avec leur défaut de coloration. La couleur des racines n'est autre, en effet, que celle du tissu végétal décoloré; leur blancheur ne saurait être comparée au blanc mat que présentent les pétales de plusieurs végétaux, et qui est du à la présence d'une matière colorante blanche. La lumière, principale mais non pas seule cause de la coloration des tiges et de leurs organes, ne possède aucun pouvoir pour colorer les racines, ainsi qu'on peut s'en assurer en faisant développer les racines d'une plante dans l'eau contenue dons un bocal de verre ; malgré linfluence de la lumière elles restent constamment incolores; ceci ne tient point à leur im- mersion dans l'eau , car les feuilles des végétaux aqua- tiques sont colorées malgré leur submersion. En gé- néral , les racines ne possèdent aucune tendance vers la lumière, mais celte tendance se manifeste lorsque 112 MOTILITE DES VEGETAUX. le bourgeon terminal d'une racine acquiert une teinte légèrement verdâtre , comme cela arrive quelquefois. J'avais fait germer des graines de mirabilis jalappa dans de la mousse humide, et je remarquai que les ra- dicules, déjà de la longueur du doigt, étaient termi- nées par un bourgeon de couleur légèrement ver- dâtre. Je voulus voir si ces racines dirigeraient leur pointe vers la lumière. A cet effet je les plaçai dans un bocal de verre rempli d'eau et dont le couvercle de bois était percé de trous pour recevoir les racines et fixer les graines. J'enveloppai le bocal avec une étoffe noire; en laissant seulement une fente verticale de peu de largeur , par laquelle la lumière parvenait dans l'intérieur du bocal. Je dirigeai cette fente vers la lumière du soleil; quelques heures après, je vis que toutes mes racines en expérience avaient courbé leur pointe en crochet , pour la diriger vers la fente qui leur transmettait la lumière. Je fis la même expérience avec d'autres racines dont le bourgeon terminal n'était point verdâtre , elles demeurèrent immobiles. D'après cette expérience . il esi évident que la colo- ration est une des conditions qui déterminent la ten- dance de parties des végétaux vers la lumière, et par conséquent vers le ciel. Cela est si vrai que, lors- qu'elles sont décolorées, les tiges naissantes se diri- gent vers la terre. J'ai observé ce fait curieux chez plusieurs plantes aquatiques , et notamment chez le sagUlaria sagittifolia. Des tiges naissent des bour- geons situés dans les aisselles des feuilles toutes radi- es Cales de cetleplanie, qui, comme on sait, croit au fond MOTIF, HT. DES VÉGÉTAI X. 1 I 5 «1rs eaux. Ces bourgeons nni leur pointe dirigea vers le ciel, comme cela a lieu chez tous les végétaux. Les jeunes tiges qui naissent de ces bourgeon} sont entière- ment décolorées comme des racines: aussi, au lieu de se diriger vers le ciel, comme le font les liges colorées , elles se courbent et dirigent leur pointe verticalement vois ie rentre de la terre; se comportant dans ce retour- nement comme laradicule d'une grainesemécà contre sens. Pour parvenir à prendre cette position, la jeune lige perce de vive force toute l'épaisseur du pétiole engainant de la feuille dans faisselle de laquelle elle a pris naissance, surmontant ainsi l'obstacle méca- nique qui s'oppose à sa tendance vers la terre. Celte lige souterraine, munie de feuilles décolorées comme elle, se plonge^dans la vase, où bientôt sa progres- sion devient horizontale ; ce n'est que lorsqu'elle a acquis une certaine longueur que son bourgeon ter- minal commence à acquérir une couleur verte; dès lors elle devient ascendante et sort de la vase, elle devient tige aérienne. Les racines offrent quelquefois un phénomène analogue quoique inverse. On sait que plusieurs végétaux produisent des racines sur diifé- rentes parties de leur tige : lorsque ces racines aé- riennes sont incolores, elles se dirigent toujours vers le centre de la terre; mais lorsqu'elles ont une cou- leur verte elles recourbent leur pointe et la dirigent vers le ciel. J'ai observé ce dernier phénomène chez le pothos crassineivia et chez le cactus phyllan- thus. Ainsi , ce n'est point en leur qualité de tiges que les tiges se dirigent vers le ciel, c'est parcequ'elles «S Jl4 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. ont un parenchyme coloré ; et ce n'est point en leur qualité' de racines que les racines descendent vers la terre, c'est par ceque leur parenchyme est incolore. Au reste, en indiquant la présence ou l'absence de la coloration du parenchyme superficiel comme la cause de la différence de la direction des tiges et des ra- cines , je ne lais qu'indiquer une condition générale de l'organisation végétale qui accompagne constam- ment cette différence de direction. Nous reviendrons plus bas sur cette coïncidence de phénomènes. Les racines des végétaux terrestres } ainsi que nous ve- nons de le voir , se dirigent vers la lumière lorsque leur parenchyme est coloré ; elles n'affectent aucune tendance ni vers la lumière , ni dans le sens opposé , lorsque leur parenchyme est incolore. La radicule de l'embryon du gui offre à cet égard un phénomène tout particulier. Cette radicule, qui est d'un verd bien moins foncé que celui de la tige de l'embryon , au lieu de se diriger vers la lumière comme cela sem- blerait devoir être , en sa qualité de partie verte , se dirige au contraire constamment en sens inverse, comme si elle était repoussée par la lumière. Pour être témoin de ce phénomène, il faut , dans l'intérieur d'un appartement, et vis-à-vis d'une fenêtre, tendre un fil sur lequel on collera des graines de gui, au moyen de leur glu naturelle. Ces graines , si le temps est chaud, ne tarderont point à germer, et l'on verra toutes les radicules se diriger vers le fond de l'appar- tement. Cette tendance à fuir la lumière est ici la seule à laquelle obéit la radicule de l'embryon du gui, MOTILITÉ DES VÉGÉTAI X. 1 1 5 pnrceque le fil délié sur lequel la graine est fixée n'exerce pas sur celte radicule une attraction assez puis- sante pour la déterminer à se diriger vers lui. Plus on approche de la fenêtre le fil qui porte les graines, plus la tendance de la radicule à fuir la lumière de- vient énergique. J'ai collé plusieurs de ces graines sur les carreaux de vitre en dedans de l'appartement; toutes les radicules se sont dirigées vers le fond de cet appariement, obéissant ainsi à leur tendance à fuir la lumière , de préférence à la tendance qui , dans toute autre position, les eût portées vers la surface du carreau sur lequel elles étaient fixées. J'avais en même temps collé un pareil nombre de ces graines en dehors , sur la face opposée du même carreau de vitre; toutes les radicules se dirigèrent vers la surface de ce carreau, obéissant ainsi aux deux tendances qui les sol- licitaient dans le même sens, c'est-à-dire à la tendance à fuir la lumière et à la tendance à obéir à l'attraction du corps sur lequel elles étaient fixées. J'ai retourné quel- ques unes de ces graines, et je les ai placées en sens inverse de celui qu'elles avaient pris naturellement : les graines, de l'intérieur dont j'avais dirigé les radicules vers le carreau de vitre , ne tardèrent point à ramener ces mêmes radicules vers l'intérieur de l'appartement; les graines de l'extérieur dont j'avais dirigé les radi- cules vers les objets du dehors , ramenèrent en même temps ces mêmes radicules vers la surface du carreau de vitre. La lumière directe ne possède pas seule le pouvoir de déterminer le mouvement rétrograde de la radicule de gui; la lumière réfléchie par les objets 8. UO MOTILITE DES VEGETAUX. terrestres produit le même effet : je m'en suis assuré par l'expérience suivante : j'ai pris un tube de bois fermé à l'un de ses bouts par une lame de verre , et recouvert à l'autre bout par un couvercle de bois fer- mant exactement; j'ai collé plusieurs graines de gui sur la face intérieure de la lame de verre, et j'ai sus- pendu le tube verticalement sous l'abri du toit d'une fenêtre en mansarde, et de manière à ce que l'extré- mité de ce tube qui était fermée par la lame de verre fût en bas : ainsi l'intérieur du tube n'était éclairé que par la lumière que réfléchissaient les objets ter- restres. Les radicules des graines de gui mises en ex- périence se dirigèrent toutes verticalement vers le ciel, fuyant ainsi la lumière qui leur arrivait de bas en haut. Il était intéressant de savoir si cette tendance singulière de la radicule du gui était le résultat d'une répulsion exercée sur elle parla lumière. Je pris une graine de gui que j'avais fait préalablement germer sur un fil et vis-à-vis de la lumière. Cette graine por- tait deux embryons dont les radicules étaient fléchies du même côté. Je fixai cette graine à l'une des extré- mités de l'aiguille de cuivre qui m'avait déjà servi dans une expérience rapportée plus haut, aiguille qui se suspend sur un pivot à la manière des aiguilles de boussole; je couvris d'un récipient de verre cet appareil que je plaçai auprès d'une fenêtre que n'é- clairaient point les rayons directs du soleil, et j'eus soin de diriger les deux radicules vers la lumière. Au bout de quelques jours , ces deux radiculeschangèrent de direction, et se dirigèrent vers le fond de l'appar- MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. 1 1 7 lement, sans faire éprouver aucun changement à la direction de l'aiguille. Celle expérience me prouva que la radicule du gui fuit la lumière par un mouve- ment spontané, et non par l'effet d'une répulsion qui serait exercée sur elle ; car une force extérieure qui serait capable de fléchir la lige de l'embryon du gui serait bien plus que suffisante pour opérer un chan- gement de direction dans l'aiguille extrêmement mo- bile qui portait cet embryon. Il résulte de ces expé- riences et de celles qui ont été rapportées plus haut que la radicule de l'embryon du gui affecte deux tendances spontanées à l'occasion de l'influence de deux agents nervimoteurs différents. Le premier de ces agents , qui est l'attraction particulière des corps , est la cause occasionelle de la tendance spontanée de cette radicule vers ces mêmes corps; le second de ces agents, qui est la lumière, est la cause occa- sionelle de la tendance spontanée que manifeste cette radicule à fuir cette lumière elle-même. Pour compléter mes observations sur la graine du gui, il me restait à observer la tendance qu'af- fecterait la radicule dans l'obscurité, la graine étant fixée sur un fil, et par conséquent soustraite à l'in- fluence de l'attraction particulière des corps. Les ex- périences que j'ai faites à cet égard ne m'ont rien appris de bien positif; j'ai vu, dans cette circon- stance , la radicule affecter toutes sortes de directions ; cependant j'ai observé que très rarement la radicule s'est dirigée vers la terre; un peu plus souvent sa di- rection a élé horizontale , ou inclinée diversement à Il8 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. l'horizon ; dans le plus grand nombre des cas, la ra- dicule a ëtë ascendante. Le seul fait bien certain qui résulte de ces observations, c'est que la radicule du gui ne possède aucune tendance vers le centre de la terre, comme cela a lieu chez la radicule des vé- gétaux terrestres. On peut tirer de là cette conclusion vraiment paradoxale, que la radicule du gui , qui obéit à l'attraction particulière des corps , n'obéit point du tout à l'attraction du globe terrestre ; attraction qui n'est cependant que la somme des attractions particu- lières exercées par les corps dont le globe est composé. Dans les observations que je viens de rapporter sur la graine du gui , je n'ai point parlé de la direc- tion de la plumule , parceque ce n'est qu'un an après la germination qu'elle se développe ; il ne se mani- feste d'abord du caudex ascendant de l'embryon du gui que la portion de la tige qui est comprise entre l'insertion des cotylédons et l'origine de la radicule. La plumule, située entre les cotylédons, reste pen- dant la première année à l'état rudimentaire , et ne prend ainsi aucune direction particulière pendant la germination ; les cotylédons eux-mêmes, fixés sur les corps au moyen de la glu qui les environne, n'ont aucune liberté pour prendre une direction quel- conque ; ce n'est que dans le printemps de la seconde année que les cotylédons desséchés se détachent de la tige qui commence à développer ses premières feuilles. Les végétaux offrent un autre phénomène de direc- tion spéciale qui a beaucoup occupé les observa- teurs de la nature : je veux parler de la direction MOTIMTÉ DES VÉGÉTAUX. 1 1 9 constante de la face supérieure des feuilles ters le ciel , et de leur face inférieure vers la terre. Lorsqu'on renverse une feuille , et qu'on maintient la face infé- rieure dirigée vers le ciel , il s'opère, soit dans le corps de la feuille, soit dans son pétiole, une torsion au moyen de laquelle la face inférieure est ramenée vers la terre, et la face supérieure vers le ciel. Bon- net ' a fait beaucoup de recherches sur ce phéno- mène qu'il a cru pouvoir expliquer par l'influence qu'exercerait, sur la face inférieure des feuilles , l'hu- midité qui s'élève de la terre; mais cette tendance de la lace inférieure des feuilles vers l'humidité ne peut être admise, puisque le retournement de ces organes a lieu dans l'eau comme dans l'air. Cette expérience est due à Bonnet lui-même , et il est bien singulier qu'il n'ait pas vu qu'elle renversait sa théorie. Au reste , c'est faute d'avoir observé le phénomène de la direction des feuilles dans toute sa généralité que Bonnet a affirmé que la face des feuilles appelée supé- rieure se dirige constamment vers le ciel, et la face opposée vers la terre ; il existe à cet égard des excep- tions fort remarquables : il y a presque toujours une différence sensible d'organisation entre la face supé- rieure et la face inférieure des feuilles , la face supé- rieure est presque toujours plus colorée que ne l'est la face inférieure , qui est ordinairement d'un vert blanchâtre. Cette différence de la coloration des deux faces de la feuille coïncide constamment avec la dit- 1 Recherches sur l'usage des ftuiUcs^. )20 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. ierence de la direction de ces faces ; la face la plus co- lorée se dirige toujours vers la lumière, ou plus gé- néralement vers le ciel ; la face qui a le moins de coloration, c'est-à-dire dont la coloration est moins vive , se dirige toujours vers la terre : aussi lorsque la face supérieure est moins colorée que la face in- férieure , la feuille présente une position inverse de celle qui s'observe chez presque tous les végétaux; sa position est renversée , c'est-à-dire que sa face supérieure est dirigée vers la terre, et que, par con- séquent , sa face inférieure est dirigée vers le ciel. C'est ce que j'ai observé chez plusieurs graminées : beaucoup de plantes de celte famille ont leurs feuilles renversées , la face supérieure de ces feuilles est d'un vert glauque ; la face inférieure de ces mêmes feuilles est au contraire d'un vert éclatant : aussi est-ce cette dernière qui se dirige constamment vers le ciel , au moyen d'une torsion qui s'opère dans le corps même de la feuille. Ce phénomène est surtout facile à obser- ver chez les graminées céréales ; ces plantes , avant l'apparition de l'épi , offrent une multitude de feuilles qui , élancées dans l'atmosphère, ramènent leur pointe vers la terre, et sont ainsi disposées en arceaux : or c'est toujours la face inférieure de la feuille qui , dans ces arceaux, est dirigée vers le ciel; la face supé- rieure regarde la terre. Avec un peu d'attention, on voit la même disposition dans la feuille de plusieurs des humbles graminées que nous foulons tous les jours aux pieds. J'ai trouvé peu de graminées qui lus- sent étrangères à celte disposition. On ne l'observe MOTIMTE DES VEGETAUX. 12 1 point, par exemple, chez le zea majs ; elle n'existe point non plus chez le tviticum repais ni chez Ya- grostls rubra : aussi , chez ces végétaux, n'observe- i-on point la prédominance de la coloration de la face intérieure de la feuille, comme cela s'observe chez la plupart des autres graminée ■;. J'ai remarqué (jue les substances qui masquent extérieurement la coloration des feuilles ne nuisent en rien à la direc- tion qu'elles affectent en raison de cette coloration; ainsi la feuille du seigle dirige constamment sa face inférieure vers le ciel , quoique cette face soit couverte d'une poussière glauque qui masque sa cou- leur verte, et qui lait que cette face inférieure paraît moins colorée que la face supérieure. Cette apparence disparaît en essuyant la feuille ; alors on voit que sa face inférieure , dirigée vers le ciel , est effectivement plus colorée que ne l'est sa face supérieure dirigée vers la terre. Les feuilles dont les deux faces sont également colorées ne dirigent aucune de ces faces vers la lumière, mais leur pointe s'élève ordinaire- ment droit vers le ciel; telles sont les feuilles des ty- phinées et les feuilles subulées des alliacées. L'ascen- sion verticale de ces feuilles résulte de la même cause que celle qui produit l'ascension verticale des tiges dépourvues de feuilles, et qui sont également colo- rées dans tout leur pourtour, telles que les tiges des plantes qui appartiennent aux genres allium, scir- pus y /une us y etc. Les feuilles du gui, également co- lorées sur leurs deux faces» les dirigent de même in- différemment vers la lumière, et j ai remarqué que la 122 MOTItITÉ DES VÉGÉTAUX. pointe de ces feuilles lend aussi vers le ciel, de même que les extrémités des tiges de cette plante lors- qu'elles ont acquis une certaine longueur. Il résulte de ces observations que les directions spéciales qu'af- fectent les faces opposées des feuilles sont constam- ment en rapport avec la différence de la coloration de ces faces. C'est toujours la face dont la couleur est la plus éclatante qui se dirige vers le ciel , la face la moins colorée se dirige toujours vers la terre; ainsi ce n'est point en leur qualité de face supérieure ou de face inférieure de la feuille , que ces faces affectent des directions spéciales , c'est en leur qualité de faces différemment colorées. Les pétales des fleurs sont soumis , sous le point de vue de la direction de leurs faces, à des lois sem- blables à celles qui président à la direction des feuilles ; c'est toujours leur face la plus colorée qui se dirige vers la lumière , et c'est en général , comme chez les feuilles , la face supérieure qui présente cette prédo- minance de coloration qui , quoique souvent peu sensible , est cependant toujours réelle. On la remar- que même dans les pétales de couleur blanche : que l'on observe , par exemple , un pétale de lis blanc {lilium album), on verra que sa face supérieure est d'un blanc mat et fort éclatant, tandis que sa face intérieure offre une teinte beaucoup plus pâle ; la couleur blanche des fleurs, comme toutes les autres couleurs que l'on observe dans ces organes , est due à une matière colorante particulière qui est déposée dans le parenchyme subjacent à lépidevme; il en est MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. 125 de même de la couleur verte des feuilles. Ainsi la blancheur des pétales de certaines fleurs n'est point due à la même cause que la blancheur des racines ainsi que des tiges e'tiolées. Dans les pe'tales blancs , il y a existence d'une matière colorante blanche; dans les racines ainsi que dans les tiges étiolées , il y a absence de toute matière colorante , ce qui laisse apercevoir la couleur propre au lissu végétal , cou- leur qui approche du blanc. Les pe'tales tendent à se retourner comme les feuil- les, lorsqu'on dirige leur face supérieure vers la terre, en maintenant renversée la fleur à laquelle ils appar- tiennent. J'ai fait cette observation sur les pe'tales du lilium album; mais leur retournement , qui ne s'opère qu'au moyen de leur torsion, n'est jamais aussi com- plet que lest celui des feuilles que leur pétiole rend fort mobiles; on observe avec plus de facilité la ten- dance de la face supérieure de la fleur tout entière vers la'lumière , ce fait est si connu que je ne crois pas devoir m'y arrêter. Il est cependant des fleurs dont l'ouverture est constamment dirigée vers la terre, cela, sans nul doute, provient souvent de leur pesanteur et delà faiblesse de leur pédoncule ; mais je pense que cela provient aussi quelquefois d'une tendance naturelle de la face inférieure de la fleur vers le ciel, comme étant plus colorée que la face supérieure. Dans les fleurs du digitalis purpurea , du symphytum officinale, du fritillaria imperialis , par exemple , la face supé- rieure est moins colorée que la face intérieure , qui doit, par cela même, tendre de préférence vers la 124 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. lumière, et par conséquent vers le ciel: delà vient que ces fleurs ont toujours leur orifice dirigé vers la terre; c'est par une action spontanée qu'elles se dirigent ainsi. Nous trouverons la preuve de cette assertion dans la section suivante. Dans les fleurs papilionacées , il est presque général de voir le pavillon diriger sa face supérieure vers la lumière , ce qui coïncide avec la plus forte coloration de cette face ; les ailes , au contraire , appliquées ordinairement l'une contre l'autre par leur face supérieure , qui est peu colorée , présentent latéralement à l'influence de la lumière leur face inférieure, dont la coloration est beaucoup plus forte. Dans le genre phaseolus , on remarque même que les ailes se tordent sur elles-mêmes pour diriger vers le ciel cette même face inférieure*, le contraire a lieu dans la fleur du melilotus officinalis ; chez elle, c'est laface supérieure des ailes qui se dirige en haut, au moven de la torsion de ces mêmes ailes , et cela coïncide encore avec la plus forte coloration de la face dirigée vers le ciel ; ainsi les pétales se comportent exactement comme les feuilles, sous le point de vue des directions spéciales qu'ils affectent : chez les uns comme chez les autres, la prédominance de la coloration de l'une quelconque des deux faces est la condition organique qui détermine la direction de cette face vers la lumière et vers le ciel. Les ovaires , après la chute de la fleur , affectent souvent une direction spéciale et différente de celle que présentait la Heur; chez le digiialis purpurea , par exemple , après la chute de la fleur qui était diri- MOTILin-: DES VÉGÉTAI \. 12$ gee vers la terre , l'ovaire se redresse ci dirige sa pointe vers le ciel ; ce fait coïncide avec la couleur verte de l'ovaire ; il se dirige vers le ciel comme le ferait une tige , et par la même raison. Un phénomène ab- solument inverse s'observe chez les convolvulus volubilis et arvensis : la fleur est dirigée vers le ciel; à peine est-elle tombée, que l'ovaire tend à se diriger vers la terre au moyen de la torsion du pédoncule : à coup sûr cette torsion du pédoncule, lequel est fort robuste t n'est point due à la pesanteur de l'ovaire qui , immédiatement après la chute de la fleur , est encore tort petit, et par conséquent très léger; il faut donc chercher ailleurs la cause de cette direction spéciale. L'ovaire qui est nu est blanc, ou plutôt décoloré comme une racine, il tend comme elle et par la même raison vers la terre; le même phénomène n'a point lieu chez le convolvulus sepium , dont l'ovaire, après la chute de la fleur , reste enveloppé par deux larges bractées, qui, en leur qualité de parties vertes, tendent vers le ciel et maintiennent l'ovaire dans cette direction. Ainsi , les phénomènes de direction spéciale que nous observons dans les diverses parties des végétaux coïncident constamment avec la nature de la colora- tion de ces parties : nous ne pouvons donc nous dispenser de reconnaître que la différence de colora- tion est la condition organique à laquelle est attachée la différence de cette direction. Les tiges se dirigent vers le ciel et vers la lumière , pareequ elles possè- dent un parenchyme coloré; les racines se dirigent vers la terre, pareeque leur parenchyme est incolore: 126 MOTILITÉ DES VÉGÉTAUX. les feuilles et les pe'tales dirigent l'une quelconque de leurs faces vers le ciel et vers la lumière , parceque dans cette face le parenchyme subjacent à l'épidémie est plus fortement coloré que ne l'est celui de la face opposée, qui se dirige vers la terre. Ainsi la coloration des tiges opposées à la décoloration des racines est un phénomène du même genre que la forte coloration de la feuille sur l'une de ses faces , mise en opposition avec la moindre coloration de l'autre face. Après avoir étudié les directions spéciales qu affec- tent les faces opposées des feuilles, il nous reste à décider cette question : Ces directions spéciales sont- elles mécaniquement imprimées à la feuille par des agents extérieurs , ou bien sont-elles les résul- tats d'actions spontanées , exécutées à l'occasion de V influence de ces agents? Pour décider cette question, j'ai fait les expériences suivantes: j'ai pris des feuilles de divers végétaux , et, après avoir retran- ché leur pétiole , je l'ai remplacé par un cheveu fixé dans le corps de la feuille au moyen d'un petit cro- chet; à l'autre extrémité du cheveu était attaché un petit morceau de plomb. J'ai ensuite plongé cet ap- pareil dans un bocal plein d'eau, après avoir pris le soin de laisser ce bocal long-temps en repos, afin que l'eau qu'il contenait n'eût aucun mouvement propre. La pesanteur du plomb précipitait la feuille au fond du bocal ; mais , comme , en vertu de sa pe- santeur spécifique moindre que celle de l'eau, la feuille tendait vers la surface de ce liquide , il en ré- sultait qu'elle se plaçait dans une position verticale. M0TIL1TK DES VEGETAUX. 1 27 ayant sa pointe dirigée vers le ciel, et j'avais soin de la placer de telle façon qu'elle eût sa face inférieure dirigée vers la lumière. On sait, par les expériences de Bonnet , que les feuilles plongées dans l'eau se re- tournent de la même manière que dans l'air : si donc le retournement de la feuille était dû à une attraction exercée par la lumière sur la face supérieure de cet organe, ce retournement devait s'opérer, dans l'ex- périence en question, au moyen de la torsion du cheveu qui remplaçait le pétiole , et cela même avec plus de iacilité que dans l'ordre naturel , puisque ce cheveu opposait moins de résistance à la torsion que n'en opposait le pétiole lui-même, qui cependant se tord en pareille circonstance. Le résultat de cette ex- périence a été que la feuille est restée parfaitement im- mobile , et n'a manifesté aucune tendance au retour- nement. Cependant , lorsque j'ai mis en expérience des feuilles alongées et lbrt jeunes, telles que des feuilles de pêcher ( amygdalus persica ) ou des fo- lioles de noyer (juglans regia ) , j'ai vu la partie su- périeure de la feuille se tordre sur elle-même et ra- mener sa face supérieure vers la lumière, sans que le cheveu éprouvât la moindre torsion, ce dont je ju- geais à la direction du crochet au moyen duquel la feuille était attachée au cheveu. Ces expériences com- mencent à prouver que la lumière n'exerce aucune attraction sur la face des feuilles qui se dirige ordi- nairement vers elle , et que le retournement de ces organes est le résultat d'un mouvement spontané. Cette vérité est mise hors de doute par l'expérience 128 MOTIT.ITÉ DES VEGETAUX. suivante: j'ai pris un fragment de lige àepolygonwn convolvulus , chargée de deux feuilles situées du même côté et dirige'es dans le même sens. J'ai fixé avec un petit crochet un cheveu à la partie supérieure de ce fragment de tige ; un morceau de plomb , fixé à l'autre extrémité du cheveu a précipité dans l'eau d'un bocal ce fragment de tige dans une situation renversée , en sorte que les deux feuilles qu'il portait avaient leur face supérieure dirigée obliquement vers la terre et à l'opposite de la lumière. La plante se te- nait suspendue au milieu de l'eau du bocal, sans tou- cher les parois de ce dernier, qui était placé auprès d'une fenêtre. Les deux feuilles ne tardèrent pas à se retourner au moyen de la torsion de leurs pétioles ; le fragment de tige qui les portait ne changea point de position , et le cheveu qui le retenait au milieu de l'eau n'éprouva pas la moindre torsion. Ce cheveu délié offrait à la torsion une résistance infiniment moindre que celle qui lui était opposée par les deux pétioles des feuilles ; si donc ces deux derniers ont été tordus par l'effet du 'retournement des feuille* , sans que le cheveu ait participé le moins du monde a cette torsion, cela prouve d'une manière irréfragable que ce n'est point une attraction , ou une autre cause mécanique extérieure qui détermine le retournement des feuilles, mais que ce retournement est le résultat d'un mouvement spontané, exécuté à l'occasion de l'influence d'un agent extérieur sur la feuille. La lumière n'est point le seul agent dont l'influence soit susceptible de déterminer le retournement des motiuï l ci:s VKCKTM \. 1 mq feuilles. J'ai observe, avee Bonnet, que ces organes se retournent dans une obscurité complète, et tendent ainsi, sans le secours de la lumière, à diriger Tune de leurs faces vers le ciel et l'autre vers la terre. Cette observation prouve que la cause de la pesanteur joue, dans la production de ce phénomène, un rôle sem- blable à celui de la lumière; la face la moins colorée de la feuille tend, comme les racines, vers la terre, ou dans le sens de la pesanteur; la face la plus colo- rée tend , comme les tiges , vers le ciel , ou dans le sens opposé à celui de la pesanteur. On pourrait peut-être penser qu'il n'y aurait qu'une seule des faces de la feuille qui affecterait une tendance déter- minée , et que l'autre face serait passive dans cette circonstance; il est, je crois, impossible d'éclaircir chez les feuilles ce doute qui se trouve levé par l'ob- servation de la tendance que manifeste la radicule du gui à fuir la lumière. Cette radicule est moins co- lorée en vert que la tige à laquelle elle fait suite, et c'est cette moindre coloration qui est la cause de sa tendance évidente à fuir la lumière. On ne peut se refuser ici à admettre les inductions de l'analogie, et à reconnaître que la face la plus colorée des feuilles tend vers la lumière, et que la face la moins colorée tend à la fuir; par la même raison on peut affirmer que les deux faces de la feuille ont une tendance in- verse, par rapport à la cause inconnue de la pesanteur. Ainsi il est bien établi par l'observation que la diffé- rence de la coloration est la condition organique qui accompagne constamment la différence delà direction l30 MOTILITE DES VEGETAUX. des parties végétales; il est également de'montre' que c'est toujours par des mouvements spontane's que les vége'taux dirigent d'une manière spéciale leurs diverses parties, et, que, par conséquent, les agents extérieurs qui déterminent ces directions spe'ciales n'agissent sur le végétal qu'en qualité' d'agents nervimoteurs. C'est la nervimotion, produite par ces agents, qui produit à son tour les mouvements spontanés dont il est ici question. Aussi , quand la nervimotilité de la plante est abolie, ses feuilles renversées ne se retour- nent plus. Nous avons vu, dans la section précédente, qu'on peut abolir la motilité de la sensitive , en la plaçant dans une obscurité complète pendant un temps plus ou moins long. Or j'ai expérimenté que, lorsque cette plante est réduite par ce procédé à ne plus mouvoir ses feuilles sous l'influence des secousses, elle n'est plus capable non plus de les mouvoir pour les retourner , lorsqu'on les place dans un état de ren- versement. Les feuilles de la sensitive étant renversées se retournent assez promptement , même dans la plus profonde obscurité. Or , ayant renversé plusieurs feuilles d'une sensitive qui était depuis quatre jours et demi dans une obscurité complète , par une tempé- rature de + 22 à 24 degrés, et dont les feuilles n'of- fraient plus aucune motilité sous l'influence des agents nervimoteurs mécaniques , ces feuilles con- servèrent leur position renversée , sans faire aucune tentative pour la quitter pendant trois jours que je les laissai en expérience. Ceci achève de prouver que le retournement des feuilles dépend entièrement d'une MOTII.ITÉ DES VÉGÉTAUX. l3l action intérieure et vitale, et que les agents extérieurs qui déterminent ce phénomène ne sont , dans cette circonstance, que des agents nervimoteurs. Or, comme la différence de la coloration des parties des végétaux apporte une différence dans la direction qu'elles affectent , il en résulte qu'il y a deux modes différents de la nervimotion, qui sont en rapport avec la différence en plus ou en moins de la coloration des parties végétales. On doit à Bonnet plusieurs observations qui ten- draient à faire penser que les végétaux cherchent à fuir les abris desquels ils sont voisins. Ainsi les plantes qui croissent près d'une muraille inclinent leur tige pour s'en éloigner ; les feuilles que Ton cou- vre d'une planche s'éloignent spontanément de cet abri. J'ai répété et varié les expériences qucBonnet a faites à cet égard ; je ne me suis pas contenté de les faire sui- des plantes exposées à l'influence delà lumière, je les ai répétées sur des végétaux plongés dans la plus profonde obscurité. J'ai vu que lorsqu'on couvre d'une petite planche la face supérieure d'une feuille d'un végétal situé en plein air, cette feuille tend à se soustraire à cet abri par des moyens qui ne sont point toujours les mêmes , mais qui sont toujours ceux qui doivent arriver le plus facilement et le plus promptement à cette fin; ainsi c'est tantôt au moyen de la flexion latérale du pétiole que la feuille est re- tirée de dessous l'abri, tantôt c'est au moyen de la flexion de ce même pétiole vers la tige. Lorsque la planche est trop large pour que la feuille puisse être 9- l52 MOTILITÉ DES VEGETAUX. retirée de dessous, le pétiole se fléchit vers la terre, et la feuille se présente ainsi à l'influence de la lu- mière, qui lui arrive latéralement par-dessous la plan- che. J'avais couvert d'une petite planche la foliole terminale d'une feuille de haricot [phaseolus vul- garis), feuille qui, comme on sait, possède trois folioles; cette foliole ne pouvait point se retirer de dessous la planche par l'inflexion de son pétiole par- ticulier, à cause du peu de longueur de ce dernier; ce fut le pétiole commun qui, par son inflexion , retira la foliole de dessous l'abri qui la recouvrait. En voyant cette diversité de moyens employés pour parvenir à une même fin, on serait presque lente de croire qu il existe là une intelligence secrète qui choisit les moyens les plus convenables pour accomplir une action déterminée. Les feuilles plongées dans une profonde obscurité, et recouvertes par un abri , ne manifestent aucune tendance à s'y soustraire. C'est ce dont je me suis as- suré par des observations multipliées et faites avec beaucoup de soin; seulement j'ai observé quelque- fois que les feuilles recouvertes d'une petite planche s'en éloignaient en s'abaissant ; mais , comme ce mou- vement peut être causé par la pesanteur de la feuille , on n'en peut rien conclure pour l'existence chez cette dernière d'une tendance spéciale à fuir l'abri qui la recouvre. Il faut donc admettre que le mouve- ment par lequel les feuilles exposées en plein air se retirent de dessous les abris qui les recouvrent est uniquement du à la tendance naturelle que ces or- MOT1UTÉ DES VÉf.ETAfX. 1 35 gancs onl à diriger l'une de leurs faces vers la lu- mière; c'est un phénomène analogue à celui de leur retournement. On peut conclure de là que si les liges s inclinent en avant lorsqu'elles croissent dans le voisinage d'un mur, cela ne provient point d'une lendance particulière qu'elles auraient à fuir cet abri , mais que cela est occasionë par la tendance de la lige vers la lumière qui lui arrive principalement en avant, et à l'influence de laquelle elle est presque to- talement soustraite en arrière, c'est-à-dire du côté du mur. Il existe chez les végétaux un autre phénomène de direction spéciale dont la cause s'est jusqu'ici dé- robée à toutes les recherches des naturalistes; je veux parler du phénomène auquel Linné a donné le nom de sommeil des plantes. On sait qu'aux ap proches de la nuit les feuilles et les fleurs de beau- coup de végétaux affectent des directions et des positions différentes de celles qu'elles offraient pen- dant le jour. Bonnet , qui a beaucoup observé ce phé- nomène j croit qu'il dépend de l'humidité qui s'élève le soir de la terre. Cette hypothèse est repoussée par l'observation ; car j'ai vu qu'une feuille de sensitive plongée dans l'eau ne laisse pas de présenter pendant la nuit le phénomène du sommeil ou de la plicature de ses folioles, qui se déploient au retour de la lumière du jour. M. Decandolle, qui a fait de belles expé- riences sur les deux états de sommeil et de veille des plantes , a reconnu que ces phénomènes dépendent exclusivement de l'absence ou de In présence de la 1 34 MOTILITB DES VEGETAUX. lumière; mais cela ne nous apprend point la cause du phe'nomène lui-même , et ne nous instruit point sur sa nature. La lumière exerce deux influences bien distinctes sur les végétaux ; elle est à la fois agent re'parateur de la nervimotilité végétale , et agent nervimoteur , c'est-à-dire qu'elle répare et consomme tout à la fois les conditions vitales de la nervimotilité. J'ai fait voir, dans la 2e section , que la lumière re'pare chez la sensitive la nervimotilité' que l'absence de cette lumière avait baisse' éteindre ou épuiser. Cette répa- ration de la nervimotilité par la lumière a lieu en vertu d'une propriété de cet agent qui n'est pas con- nue. Nous venons de voir que la lumière agit comme cause de nervimotion pour déterminer certaines di- rections des parties végétales. 11 résulte de cette com- plication d'actions de la part de la lumière sur les végétaux que ceux-ci doivent avoir un état diurne en rapport avec la double influence réparatrice et nervimotrice de la lumière , et un état nocturne en rapport avec l'absence de cette double influence. L'observation nous apprend que dans l'état diurne les feuilles de plusieurs végétaux offrent deux direc- tions spéciales différentes ; tantôt elles présentent di- rectement l'une de leurs faces à la lumière , tantôt elles dirigent leur pointe vers elle; c'est ce que l'on re- marque, par exemple, chez la sensitive ( mimosa pu- dica), chez le robinia pseudo acacia , etc. Le matin les feuilles de ces végétaux présentent leur face supé- rieure à la lumière , mais dans le milieu du jour, sur- MOTILITÉ DES VEGETAUX. 1 35 tout si Ja lumière du soleil est fort intense, les iblioles dirigent leur pointe vers la lumière ou vers le eiel. (les deux directions différentes, qui se croisent à angle droit, composent par leur assemblage l'e'tat diurne des feuilles. Ces deux directions ne s'observent pas chez tous les végétaux , mais il est un phénomène assez commun qui s'y rattache : ce phénomène , qui a été noté par Bonnet, est celui de la forme concave que prennent les feuilles un peu larges lorsqu'elles sont soumises à l'influence d'une forte lumière. Cette concavité de la feuille est produite par la tendance de ses bords ou des extrémités de ses nombreuses nervures vers la lumière; ce phénomène est évidem- ment du même genre que celui que l'on observe dans les feuilles qui, comuie celles de la sensitive, diri- gent vers une forte lumière la pointe de leur nervure unique. Ce phénomène provient de ce que les extré- mités des nervures des feuilles se comportent comme si elles étaient des extrémités de liges , et qu'elles tendent, en cette qualité , à se diriger vers la lumière. Ainsi, pendant le jour, les feuilles de certains végé- taux obéissent successivement à deux tendances qui se croisent à angle droit ; la première de ces tendances dirige leur face supérieure vers la lumière, la seconde dirige leur pointe vers ce même agent. Il est à re- marquer que la première est le plus constamment prédominante, et qu'il faut une grande intensité de lumière pour faire prédominer la seconde, encore ce dernier effet ne s'observe-t-il que chez quelques vé- gétaux. Dans leur étal nocturne, les feuilles n'offrent l56 MOTLLITÉ DES VEGETAUX. qu'une seule direction spéciale, et cette direction , considérée, chez les divers végétaux, est assez va- riable, quoique constante et unique chez chacun d'eux. On sait qu'alors les folioles de la sensitive sont ploye'es le long de leur pinnule ou de leur axe com- mun, que les folioles du roblnia pseudo acacia ont leur pointe dirigée vers la terre ; que les folioles des casses tordent leurs pétioles pour se joindre par paires par leurs faces, supérieures en même temps qu'elles dirigent leur pointe en bas , etc. Ces phénomènes ont leur cause dans un état particulier de la nervimoti- lité dn végétal; cette cause se trouve spécialement dans la diminution des conditions de la nervimotilité, conditions qui, sans cesse épuisées par le milieu environnant , ne sont plus réparées en suffisante quantité , à cause de l'absence de l'agent répara- teur, qui est la lumière. En un mot, le sommeil des feuilles est la position particulière qui doit résul- ter d'une diminution considérable et rapide des con- ditions de leur nervimotilité : aussi toute cause qui produira cette diminution produira une position des feuilles semblable à celle du sommeil. C'est ce que l'on observe chez la sensitive ; une secousse imprimée à ses feuilles, en épuisant momentanément une por- tion des conditions de leur nervimotilité , leur fait prendre la même position qu'elles affectent pendant le sommeil ; leur plicature est véritablement alors un sommeil diurne. Il n'y a point de différence entre ce sommeil diurne provoqué par un agent nervi moteur violent, lequel consomme et diminue rapidement les M0T1LTTÉ DES VEGETAUX. 1 37 conditions de la nervimotilité , et le sommeil noc- turne, qui est provoque par la diminution de ces mêmes conditions de la nervimotilité, par le fait de l'absence de l'agent réparateur de ces conditions vi- tales sans cesse consommées par le milieu ambiant. Les fleurs , comme on le sait , présentent , de mi'irie que les feuilles , ces deux états de sommeil et de veille , qui reconnaissent certainement pour cause un état particulier d'épuisement ou d'accumulation des conditions de la nervimotilité. La lumière agis- sant à la lois comme cause réparatrice de la nervimo- lililé végétale, et comme cause nervimotrice , ou comme cause d'épuisement de cette même nervimo- tilité, elle doit, considérée dans un degré déterminé d'intensité, tantôt réparer plus qu'elle n'épuise , tan- tôt épuiser plus qu'elle ne répare, et cela suivant l'organisation particulière des végétaux. Ainsi , il n'est point étonnant que l'on rencontre des parties végé- tales qui offrent la plicature du sommeil pendant le jour, et qui se déploient à la faible lueur du crépus- cule; telle est, par exemple, la fleur de la belle de nuit ( mirabilis jalappa ). La plicature de cette fleur est provoquée par une forte lumière qui agit sur elle plus comme cause d'épuisement que comme cause de réparation , tandis que le même degré de lumière pro- duit un effet inverse sur la plupart des autres fleurs. 1 38 MOTILITÉ DES VEGETAUX. SECTION IV. DE l/lNFLUENCE DU MOUVEMENT DE ROTATION SUR LES DIRECTIONS SPÉCIALES QU'AFFECTENT LES DIVERSES PARTIES DES VEGETAUX. Les expériences rapportées dans la section précé- dente nous ont prouvé que les directions spéciales qu affectent les diverses parties des végétaux sont dues à des actions vitales et spontanées dont la cause immé- diate se trouve dans l'influence qu'exercent sur la ner- vimotilité végétale deux agents extérieurs , la lumière et la cause inconnue de la pesanteur. Si nous pouvions imiter les procédés de la nature , si nous pouvions em- ployer des agents nervimoteurs différents de ceux qu'elle met en usage pour déterminer ces directions spéciales et spontanées des végétaux, cela nous mettrait à même de déterminer quel est le mode d'action de ces agents sur lanervimotilité végétale. Deux naturalistes, MM. Hunter et Knight,ont déjà tenté ce genre d'expé- riences; ils ont voulu voir ce qui arriverait à des graines qui , soumises à un mouvement de rotation continuel, présenteraient ainsi leur radicule et leur plumule , chacune successivement au ciel et à la terre. Hunter mit une lève au centre d'un baril plein de terre et qui était animé d'un mouvement continuel de rotation sur son axe horizontal :1a radicule se dirigea dans le sens de l'axe MOTIUTK DES VÉGÉTAUX. 1 5ç) de la rotation du baril. M. Knight' fixa des graines de haricots à la circonférence d'une roue de onze pouces de diamètre, laquelle, mue continuellement par l'eau dans un plan vertical , faisait cent cinquante révolu- tions par minute. Il résulta de cette expérience que chaque graine dirigea sa radicule et sa plumule dans le sens des rayons de la roue ; les radicules tendirent vers la circonférence et les plumules vers le centre. M. Knight répéta la même expérience avec une roue de semblable diamètre et qui était mue dans un plan horizontal ; elle faisait deux cent cinquante re'volutions par minute. Toutes les radicules se dirigèrent encore vers la circonfe'rence et les plumules vers le centre, mais avec une inclinaison de 1 o degre's des radicules vers la terre et des plumules vers le ciel. En réduisant à quatre-vingts révolutions par minute la vitesse de rota- tion de cette roue horizontale, l'inclinaison des radicules vers la terre, et des plumules vers le ciel, devint de 4^ de- grés. Ces expériences sont extrêmement intéressantes, en ce qu'elles démontrent qu'il existe des moyens d'oc- casioner artificiellement chez les plantes des directions différentes de celles qu'elles prennent naturellement. Je résolus de répéter ces expériences et de les varier; mais comme je ne pouvais disposer d'un appareil mu par l'eau sans interruption, je pris le parti de faire con- struire un mouvement d'horlogerie assez semblable à un tournebroche. Il est mu par un poids de deux cent soixante-dix livres, que l'on remonte de douze ' Philosophicat Transactions ofthe rayai Society of London, 1806. l4° MOTILITÉ D1 i-: S \\l\i \l \. i63 SECTION \. OBSERVATIONS SUR LA STRUCTURE INTIME DES SYSTEMES NERVEUX ET MUSCULAIRE, ET SUR LE MECANISME DE LA CONTRACTION CHEZ LES ANIMAUX *. L'élude de la physiologie végétale est presque gé- néralement négligée par ceux qui s'occupent de la science des animaux ; il est rare de même que les botanistes cultivent la physiologie animale. La science générale de la vie ne peut que perdre à cet isolement de deux sciences qui n'en font véritablement quune, et qui doivent mutuellement se fournir des lumières et se prêter des secours ; car il est des problèmes de la physiologie anima e dont on ne peut trouver la so- lution que dans l'étude des végétaux , et réciproque- ment il est des mystères de l'organisation végétale qui ne peuvent être dévoilés que par l'étude comparative de l'organisation animale. Nous avons déjà eu lieu de nous convaincre de cette vérité en étudiant l'anatomie de la sensitive : sans le secours de l'aualomie micro- scopique animale, la nature des organes que nous avons considérés comme nerveux dans cette plante 1 Les résultats généraux des obscivations contenues dans cette sec- tion ont été communiqués à la Société pliilomatique, dans ea séance du 6 décembre i8»3. i 1. 1 64 STRUCTURE INTIME nous eût été totalement inconnue. Actuellement nous allons porter nos recherches sur le phénomène de l'ir- ritabilité animale , et nous serons puissamment aidés dans cette investigation par les notions que nous avons précédemment acquises sur l'irritabilité végé- tale ; mais avant de nous livrer à cette étude il est nécessaire de connaître la structure intime des sys- tèmes nerveux et musculaire. Le système nerveux des animaux , observé dans ses éléments microscopiques , est essentiellement com- posé de corpuscules globuleux agglomérés; cette organisation est connue depuis long-temps par les re- cherches de Leuwenhoeck, par celles de Prochaska, et de Fontana; par les observations de sir Everard Home, de Bauer, des frères Wensel , et en dernier lieu par les observations de M. Milne Edwards. Ces cor- puscules globuleux paraissent être des cellules d'une excessive petitesse , lesquels contiennent une sub- stance médullaire ou nerveuse , substance qui est concrescible par l'action de la chaleur et par celle des acides. Cette opinion a été émise partir Everard Home *j qui Ta empruntée à MM. Joseph et Charles Wensel2; on ne pourra se dispenser de l'adopter quand on aura jeté les yeux sur la structure microscopique du cerveau des mollusques gastéropodes. Le cerveau des mollusques gastéropodes , comme on le sait , est composé de deux hémisphères > si toutefois on peut donner ce nom aux deux parties « Philosophicat Transactions , 1818. ■ De penitioro structura cerctri hominis et brutoium. ET HOTILITÉ DES VMM Al X. 1 65 ilont se compose ce corps syme'trique. De ces deux hémisphères partent deux cordons nerveux uni em- brassent l'œsophage , et se réunissent pour former un ganglion. Le cerveau est enveloppe' par une mt'in- brane fibreuse dont on peut le de'pouiller avec la pointe d'une aiguille et des pinces très fines; on obtient de celte manière le petit noyau pulpeux qui occupe le «entre de chacun des hémisphères; cette opération, étant fort délicate, ne peut guère être faite que sur les grosses espèces; aussi est-ce exclusivement sui \helix pomatia, et sur le Umax rufus que j'ai l'ait ces observai ions. Les deux petits noyaux pulpeux qui composent essentiellement le cerveau de ces mollus- ques doivent être placés dans l'eau pour les exami- ner au microscope ; car on ne peut faire d'observa- tions délicates sur les tissus organiques qu'en lès observant dans ce fluide ; c'est ainsi que j'ai fait la plupart de mes observations microscopiques; je dois en outre prévenir les observateurs qui sciaient cu- rieux de les répéter, qu ils ne doivent point se servir du microscope eomposé, mais du microscope simple, qtii seul peut procurer une vision très nette et très distincte. Cette supériorité du microscope simple, sur le meilleur microscope eomposé, est connue depuis long-temps, mais je ne la croyais pas aussi considé- rable quelle lest réellement; des lentilles de trois lignes à une ligne do loyer suffisent pour faire la plupart des observations qui vont être exposées, et auxquelles je m'empresse de revenir apiv> pcni. digression 1 66 STRUCTURE INTIME Le petit noyau pulpeux qui tbrme chacun des hé- misphères du cerveau , chez le Umax rufus et chez Yhelijc pomatia, est composé de cellules globuleuses, agglomérées, sur les parois desquelles on voit une grande quantité de corpuscules globuleux ou ovoïdes, comme on le voit dans la figure 20. Ces corpuscules globuleux sont très évidemment de petites cellules remplies d'une substance médullaire ou nerveuse, demi-transparente, et cependant très sensiblement de couleur blanche. Les cellules globuleuses sur les parois desquelles ces corpuscules sont placés con- tiennent de même une substance médullaire nerveuse, laquelle, autant qu'on en peut juger au microscope, est d'une couleur un peu grisâtre et demi-transpa- rente : ainsi ces deux substances nerveuses sont ana- logues aux deux substances grise et blanche que contient le cerveau des animaux vertébrés; il n'y a de particulier ici que la manière dont ces deux sub- stances sont disposées l'une relativement à l'autre; la substance grise est contenue dans de grosses cellules globuleuses , la substance blanche est contenue dans de très petites cellules également globuleuses , et placées sur les parois des grosses cellules, auxquelles elles n'adhèrent que faiblement : elles s'en détachent assez facilement. Cette observation nous prouve que les corpuscules nerveux dont se compose le cerveau , et en général le système nerveux des animaux , sont véritablement des cellules remplies par la substance nerveuse proprement dite. Ces cellules sont adhé- rentes les unes aux autres, sans aucun médium ap- KT M Oïl Mil. DES \ M M AUX. !() parent) ainsi que l'oiu pense' MIVI. Wcnsc! pour lis corpuscules vésiculaires dont esi compose' le cer- \e;m des animaux vertèbres. Les nerfs de Y helùt pomatia et gvisea ornent ex- térieurement une tunique ceiluleuse assez e'paisse et demi-transparente ; les cellules agglomérées qui com- posent celte tunique sont globuleuses et contiennent un fluide diaphane et incolore; les parois de ces cel- lules contiennent des corpuscules également diapha- nes , comme on le voit dans la figure 2 1 , a. Cette organisation est , quant a la forme , tout-à-fait sem- blable à celle que nous venons d'observ r dans le cerveau (iig. 20) ; mais elle en diffère essentiellement par l'apparence et par la nature de la substance qui est contenue dans les cellules. Au centre du canal que Corme celle enveloppe ceiluleuse est le nerf propre- ment dit , dont le tissu est représente' en b (fig. 21). Ce tissu est compose d'une immense quantité de cor- puscules nerveux d'une excessive pelilesse, adhérents à deux sortes de fibres , les unes longitudinales , et qui sont les plus grosses, les autres, d'une prodigieuse ténuité, qui sont distribuées irrégulièrement dans les intervalles des pre'ce'dentes. J'ai observe' que le nerf b pénètre seul dans l'intérieur des organes auxquels il se distribue; l'enveloppe ceiluleuse a se continue avee une enveloppa analogue, qui revêt tous les or- ganes. Chez la grenouille, les nerfs sont composc's de cor- puscules nerveux, transparents, adhérents à des fi- bres longitudinales , également transparentes. Pour 1 68 STRUCTURE INTIME taire celle observation , il faut , avec la pointe d'une aiguille, diviser un nerf en filets aussi délies qu'il est possible de le faire : de cette manière on sépare les fibres nerveuses les unes des autres. La figure 22 re- présente une seule de ces fibres considérablement grossie. Ces fibres paraissent être des tubes remplis d'un fluide diaphane; les corpuscules nerveux sont collés sur leur surface ; la plupart du temps on ne voit d'une manière très distincte que les corpuscules qui sont situés sur les bords de la fibre, parcequ'ils forment une légère saillie qui aide à les distinguer ; les corpuscules qui sont situés sur le milieu de la fibre s'aperçoivent plus difficilement , parceque leur transparence les confond avec la fibre , qui est trans- parente elle-même. Fontana * avait déjà annoncé que les nerfs sont composés d'un grand nombre de cy- lindres transparents ; M. Milne Edwards pense que ces cylindres longitudinaux sont formés par la réunion d'un certain nombre de fibres élémentaires , qui elles-mêmes sont composées de globules placés à la file. Ici les illusions du microscope permettent diffi- cilement de distinguer la vérité ; cependant il m'a paru évident que ces cylindres longitudinaux ne sont point composés de fibres élémentaires y formées elles mêmes de globules alignés, ainsi que le pense M. Milne Edwards , mais que ce sont des cylindres d'une substance diaphane dont la surface est hérissée de corpuscules globuleux , lesquels tantôt sont en 1 Traité du venin de (a vipt r i.l MOTILITÉ DES ANIMAI \. 1 ()f) contact et places à la file , tantôt sonl sépares les uns des antres. Comme ils couvrent toute la surlace du cylindre, on est porté, clans l'observation microsco- pique, à croire qu'ils le composent intérieurement. Ainsi les nerfs de la grenouille me paraissent compo- ses de filets transparents, environnés de corpuscules nerveux : cette organisation est surtout évidente dans les nerfs de X hélix pomatia (fig. 21), ainsi que nous venons de le voir. Ici les fibres sont très dis- tinctes des corpuscules globuleux qui les environ- nent. Cette manière de voir est d'ailleurs singulièrement confirmée par l'induction analogique, qui nous mon- tre, chez les végétaux, les corpuscules globuleux garnissant la surface des cylindres tubuleux; nous allons voir d'ailleurs , chez les animaux , un autre exemple bien évident de cette disposition : je n'hésite donc point à considérer les nerfs comme composés de deux éléments organiques ; savoir , des cylindres diaphanes et des corpuscules globuleux qui les en- vironnent de toutes parts. Le cerveau de la grenouille est entièrement com- posé par une agglomération de corpuscules nerveux semblables à ceux qui existent dans les nerfs ; quel- ques fibres diaphanes assez rares sont mêlées parmi ces corpuscules agglomérés: la figure 25 représente ce tissu intime du cerveau de la grenouille. Ainsi la substance du cerveau de ce reptile ne diffère de celle de ses nerfs que par une différente proportion des mêmes éléments organiques : les corpuscules nerveux abondent dans le cerveau , les fibres nerveuses v sonl 17O STRUCTURE INTIME rares; c'est le contraire dans les nerfs, qui offrent des fibres nombreuses et très développées , tandis que les corpuscules nerveux y sont plus rares qu'ils ne le sont dans le cerveau. Les inductions physiologiques que Ton peut tirer des observations précédentes sont extrêmement im- portantes; en effet, nous voyons d'un côté le cer- veau , organe éminemment destiné à la production de la puissance nerveuse , être éminemment composé de corpuscules nerveux; nous voyons d'un autre côté que les nerfs, qui sont éminemment destinés à la transmission de la puissance nerveuse, ou de la ner- vimotion, sont éminemment composés de fibres ner- veuses ; cela nous donne droit de conclure que les corpuscules nerveux sont les organes producteurs de la puissance nerveuse, et que les fibres nerveuses sont destinées à la transmission de la nervimotion. Nous avons vu que, chez les végétaux , la nervimo- tion est transmise par l'intermédiaire du liquide sé- veux; cela peut faire penser que les fibres nerveuses des animaux sont des tubes remplis d'un liquide par- ticulier , et que c'est par l'intermédiaire de ce liquide que s'opère la transmission de la nervimotion. Les polypes , comme on sait , n'ont point de nerfs; ils sont composés d'une substance en apparence ho- mogène ; cependant, comme ils manifestent , par leurs mouvements, qu'ils éprouvent l'influence des agents au dehors, ou doit penser qu'ils possèdent des or- ganes nerveux. Effectivement, dans la pulpe Iraaspa- rente et en apparence homogène qui les compose L ET MOTILITÉ DUS ANIMAUX. 1 '; 1 microscope fait «apercevoir une grande quantité de granulations qui ressemblent tout-à-fait aux corpus- cules nerveux des autres animaux, et encore plus à ceux des végétaux. Cette ressemblance peut autoriser à les reconnaître pour des organes nerveux épars dans tout le tissu organique : on se fera une idée de cette organisation en jetant les yeux sur la figure 24 •> qui représente un tronçon de l'un des bras d'une hydre. Ces corpuscules nerveux sont bien moins nombreux, et sont proportionnellement plus gros chez les po- lypes à bouquets {yorticella convallaria ) ; ils occu- pent exclusivement la partie centrale des rameaux , comme on le voit dans la figure 29. Les muscles , chez les animaux vertébrés , chez les crustacés et chez les insectes , sont composés de fibres ou de corps cylindriques filiformes auxquels on donne, par excellence, le nom de fibres mus- culaires. Ces fibres , comme chacun le sait , ont la propriété de se contracter , ou de se raccourcir dans le sens de leur longueur, en se ridant transversale- ment, et en devenant plus grosses qu'elles ne l'étaient dans leur état de relâchement. L'extrême petitesse de la fibre musculaire rend très difficile l'observation de sa structure intime. Leuwenhoeck ■ a cherché à ob- server cette structure chez divers quadrupèdes , chez les poissons et chez quelques crustacés. Le seul ré- sultat de ses recherches &t que la fibre musculaire est composée d'une grande quantité d'autres fibres 1 Transactions philosophiques , 1674 • *72 STRUCTURE INTIME plus petites , lesquelles sont réunies en faisceau par une membrane enveloppante commune. Dans les premières observations qu'il publia sur cette ma- tière il affirma que les fibres musculaires étaient composées de globules; mais quelques anne'es après, il revint sur cette assertion , et déclara que c'était une erreur. Cependant Hook affirma avoir observé ces globules dans les fibres musculaires des écrevisses et des crabes ; il considérait chaque fibre comme composée de filaments semblables à des fils char- gés de perles. Leuwenhoeck , auquel il fit part de cette observation , la répéta et continua d'af- firmer que ces globules n'étaient autre chose que les plis transversaux des fibres , et que cette appa- rence de petites boules était causée par la chute va- riée de la lumière sur ces plis plus ou moins éle- vés \ Dans cette circonstance Leuwenhoeck , mal- gré son grand talent pour les observations microsco- piques, a méconnu une vérité qu'il avait d'abord entrevue ; en effet , les observations rapportées par sir Everard Home 2 ne laissent point de doute à cet égard. Ces observations , qui sont dues à M. Bauer, et qui ont été faites sur les fibres musculaires de l'es- tomac humain, et sur celles du mouton, du lapin et du saumon, prouvent que ces fibres sont composées île globules placés à la suite les uns des autres , et qui sont de la grosseur des globules sanguins. Cette dé- 1 Lettre à Hook, insérée dans la Collection philosophique de . 178 STRUCTURE INTIME celle des organes linéaires , en général , n'est pas in- dispensable pour le mouvement musculaire , puisque nous voyons ici ce mouvement exe'cute' par un tissu composé de corpuscules musculaires agrégés dans un ordre confus. Je donne à ce tissu musculaire , dans lequel il n'existe point de fibrilles, le nom de tissu musculaire corpusculaire. Il y a grande apparence que les fibrilles, dont on ne peut apercevoir la structure intime , sont composées de ce tissu musculaire cor- pusculaire , soit articulé, soit confus, mais d'une telle petitesse qu'il échappe à nos yeux armés des meilleurs microscopes. Après avoir étudié la structure intime du tissu musculaire , j'ai fait plusieurs tentatives pour dé- couvrir le mécanisme du mouvement qui lui est propre , c'est-à-dire du mouvement de contraction. Les insectes m'ont paru devoir se prêter avec plus de facilité que d'autres animaux à ce genre d'observa- tions , pareeque plusieurs d'entre eux ont leurs fibres musculaires complètement isolées les unes des autres; tel est , par exemple, le cerf-volant , lucanus cervus. Les fibres musculaires de cet insecte sont fort grosses , et ne sont point liées les unes aux autres par du tissu cellulaire. C'est à tort , pour le dire en passant , que l'on a prétendu que cette organisation était générale chez les insectes ; chez la plupart d'entre eux , en effet , j'ai vu les fibres musculaires liées entre elles par du tissu cellulaire , comme cela a lieu chez les animaux des autres classes. Pour observer au microscope la contraction <\es ET -MO m. ni. DES \MM \1 \ 1 ~() libres musculaires chez le cerf-volant, j'enlevais avec un rasoir une partie du corselet sur un de ces in- sectes vivant. De celte manière , je mettais à décou- vert les muscles du thorax , et je pouvais observer l'action de celles de leurs fibres qui n'avaient point perdu leurs points d'attache par cette ope'ration. Je n'ai vu, dans cette observation, que ce qui est connu depuis long-temps ; savoir, que les fibres muscu- laires , en se contractant , rentrent, pour ainsi dire , en elles-mêmes ; elles deviennent plus grosses qu'elles ne l'étaient dans l'e'tat de relâchement, et elles se cou- vrent en même temps de plis transversaux plus ou moins irréguliers. La figure 26 représente une de ces fibres musculaires du cerf-volant , la portion a est dans l'e'tat de contraction , la portion b dans l'état de relâchement. On voit que les plis sont extrêmement rapprochés et multipliés sur la portion contractée , dont la grosseur est beaucoup plus considérable que ne l'est celle de a portion relâchée. J'ai répété ces observations sur les muscles du thorax de plusieurs autres insectes , et j'ai vu partout que les fibres mus- culaires se comportaient de la même manière. Ainsi il me fut démontré que le mouvement de contraction de la fibre dépend d'un mécanisme intérieur qu'il n'est point possible d'apercevoir dans ces organes , à cause de leur défaut de transparence. Je résolus donc de diriger mes recherches sur les organes musculaires qui n'ont point de fibres , mais dont le tissu, consi- déré dans son entier , est composé comme le sont intérieurement ic:^ fibres musculaires proprement 1 2. lSo STRUCTURE INTIME dites ; nous venons de voir que telle était l'organisation du cœur chez les batraciens et chez les mollusques gastéropodes. Che'ô les premiers , le cœur est com- posé de tissu musculaire fibrillo-corpusculaire ; chez les seconds , cet organe en entièrement composé de tissu musculaire corpusculaire; mais ici il existe pour l'observation une très grande difficulté. On ne peut observer au microscope le tissu du cœur de ces ani- maux que dans l'état de mort : en effet , cet organe étant toujours dépourvu de transparence , et d'ailleurs étant trop épais . ne peut être observé au microscope pendant la vie ; il faut , pour observer son tissu intime ; qui est le siège du mouvement de contraction , il faut, dis-je , le lacinier en parcelles d'une extrême peti- tesse, qui cessent d'être vivantes par le seul fait de cette opération ; ainsi, il faut renoncer à observer au microscope la contraction du tissu intime des organes musculaires pendant la vie, mais il existe des moyens par lesquels on peut solliciter cette con- traction dans les plus petites parcelles du tissu mus- culaire détaché de l'animal , et qui par conséquent n'est plus sous l'influence vitale de ce dernier. On sait , par exemple , que les acides provoquent éner- giquement le mouvement de contraction tant pen- dant la vie qu'après la mort ; on connaît leur action styptique : nul doute que la contraction qu'ils pro- duisent en pareils cas sur le corps vivant ne soit une action vitale. Il reste à déterminer si le mouve- ment qu'ils produisent dans les organes musculaires privés de la vie est aussi une contraction, et si le KT H0Î1LITE DES \M.\!AI \. l8l mécanisme Je cette contraction est semblable à celui de la contraction musculaire vitale. Pour résoudre ce problème , j'ai fait l'expérience suivante : j'ai pris un muselé long de Y hélix pomatia, je l'ai fixe' solide- ment par l'une de ses extrémités, avec épingle, sur une lame de cire , puis l'ayant un peu aiongé , pour dé- truire la contraction, je l'ai fixé, ainsi distendu, sur la lame de cire , au moyen d'une seconde épingle placée à son autre extrémité , et enfoncée dans la cire d'une manière peu solide, afin qu'elle put s'arracher au moindre effort. J'ai couvert le muscle ainsi dis- posé d'une petite nappe d'eau , à laquelle j'ai ajouté ensuite une petite goutte d'acide nitrique. Un instant après cette addition le muscle s'est contracté , et a arraché l'épingle qui fixait peu solidement l'une de ses extrémités. Celte expérience me prouva que l'action des acides détermine, après la mort, dans le tissu muscu- laire , une contraction qui , par elle-même , ne dif- ière point de la contraction qui a lieu pendant la vie , mais qui en diffère seulement par sa cause détermi- nante. Cette similitude de l'action musculaire sous l'influence intérieure d'une cause vitale, et sous l'in- fluence extérieure des acides me lut encore démontrée par l'expérience suivante : ayant mis à nu les mus- cles de la cuisse d'une grenouille vivante, j'en arra- chai quelques fibres avec des pinces très fines. En examinant au microscope ces fibres, placées dans de l'eau , je les vis se courber et se pelotonner les unes sur les autres, comme auraient fait des vermisseaux. Ce mouvement des fibres était quelquefois assez T8n STRUCTURE INTIME rapide , d'autres fois il était d'une grande lenteur. Si dans ce dernier cas j'ajoutais une goutte d'acide à l'eau j je voyais à l'instant les fibres se ployer avec vivacité'; ainsi , il est évident que l'influence des acides détermine dans les fibres musculaires des mouve- ments entièrement semblables à ceux qu'elles exécu- tent spontanément sous l'influence vitale. Je regar- derai donc désormais cette proposition comme dé- montrée, et je reviens à la dernière expérience qul vient d'être exposée. Les fibres musculaires, séparées des muscles auxquels elles appartiennent, et plongées dans l'eau , tendent à se ployer ou à s'incurver. Ce mouvement est le résultat d'une propriété vitale par- ticulière de la fibre; car il n'y a certainement là ni sensation déterminante de ce mouvement , ni volonté pour l'exécuter. Si donc la fibre s'incurve spontané- ment , cela prouve qu'il existe dans le tissu qui la constitue une disposition qui fait , ou que ce tissu se contracte du côté qui devient concave, ou que ce même tissu sedilate du côté convexe ; peut-être ces deux états opposés du tissu de la fibre existent-ils à la fois ; toujours en résulte-t-ii qu'il existe dans la fibre une tendance au mouvement d'un seul côté, tendance de laquelle résulte son incurvation. Pendant que j'obser- vais des fibres isolées qui venaient de s'incurver, il me vint dans l'idée d'ajouter une goutte de solution aqueuse de potasse caustique à l'eau dans laquelle ces fibres flottaient; à l'instant de cette addition, je vis les fibres qui étaient alors immobiles dans leur état d'incurvation se déployer rapidement et demeurer ET MOTU.1 rE DES VMM \l \. li'S.) « nsiûie immobiles dans cet état de redressement. J'a- joniai alors âne goutte d'acide à l'eau; à L'instant les libres s'incurvèrent de nouveau. J'ai répété un grand nombre de fois ces expériences, qui m'ont constam- ment donné les mêmes résultats. Ainsi, les acides déterminent l'incurvation des fibres musculaires, et les alkalis déterminent leur redressement ou la ces- sation de l'incurvation. Quelquefois ies fibres exécu- tent spontanément , et sous la seule influence de la vie qui les anime, ces mouvements alternatifs d'in- curvation et de redressement. J'ai observé ces phéno- mènes , non seulement dans les fibres musculaires de la grenouille, mais aussi dans celles de plusieurs in- sectes. Ainsi je ne doute point que l'incurvation de la libre musculaire ne coopère pendant la vie au rac- courcissement des muscles, et qu'elle ne soit ainsi l'auxiliaire de la contraction de cette même libre Nous allons actuellement nous livrer a l'étude de ce dernier mouvement que nous allons observer d'a- bord dans le tissu du cœur de la grenouille. Cet or- gane, comme nous venons de ie voir, est composé de librilles et de corpuscules musculaires. Quel est le rôle que jouent ces deux sortes d'organes dans le phé- nomène de la contraction On regardera sans doute comme lbrt probable que les librilles se contractent comme les libres, c'esl-à-dire quelles rentrent en y l!e*-mèmes en acquérant de la grosseur aux dépens de ieur longueur. Mais celte contraction des fibrilles , quoique probable, nest [joint prouvée; elles sont si petites qu'on ne peut point apercevoir leurs plislraiis- 1 84 STRUCTURE INTIME versaux, si elles en possèdent, comme on aperçoit ceux de la fibre musculaire. Ce qu'il y a de certain , c'est qu'on ne les voit point se raccourcir dans le sens de leur longueur sous l'influence des acides; on les voit seulement s'incurver ; je m'en suis assuré par l'expérience suivante : ayant mis des fragments laci- niés du cœur de grenouille dans un petit cristal de montre rempli d'eau, je les ai soumis au microscope : quelques fibrilles flottantes dans l'eau débordaient le pourtour de ces fragments laciniés , comme on le voit en a (figure 27). Je pris alors une petite goutte d'a- cide avec la pointe d'un cure-dent, et je la mis légè- rement dans l'eau du cristal de montre; je mis à l'ins- tant l'œil au microscope , et bientôt après je vis très distinctement les fibrilles flottantes se courber rapi- dement en demi-cercle ; les fibrilles de l'intérieur du fragment musculaire s'incurvèrent de la même ma- nière, et il en résulta un racourcissement accompa- gné de gonflement dans la petite portion de tissu mus- culaire que j'observais. Je ne pus voir quel était , dans cette circonstance, le jeu des corpuscules musculaires intercalés en grand nombre aux fibrilles : toujours résulte-t-il de cette observation que c'est en s'ineur- vant que les fibrilles opèrent la contraction du tissu musculaire fibrillo-corpusculaire, c'est-à-dire le rac- courcissement accompagné de gonflement qui con- stitue cette contraction. Le cœur des mollusques gasté- ropodes étant entièrement composé de corpuscules musculaires, cet organe pouvait seul me dévoiler le mécanisme de la contraction dans le tissu muscu- ET M0TIL1TÉ DES ANIMAUX. 1 cSÔ laire corpusculaire; je m'empressai donc de le sou- meltre à L'expérience. Je pris le cœur d'une limace Jinui.v rufus) , ei l'ayant laeinié dans l'eau en par- celles fort petites avec la pointe d'une aiguille, je plaçai quelques unes de ces parcelles dans un petit cristal de montre rempli d'eau, et je les soumis au microscope : ayant ajouté une goutte d'acide nitrique à l'eau, je vis bientôt les fragments de cœur que j'ob- servais se contracter ; mais il ne me fut point d'abord possible de distinguer le mécanisme de cette con- traction; je voyais seulement ce tissu se resserrer sur lui-même, et par là devenir plus épais. Je découvrais dans ce tissu, entièrement composé de corpuscules globuleux d'une extrême petitesse , des lignes paral- lèles, comme on le voit dans la figure 28. Je jugeai que ces lignes parallèles obscures n'étaient point des fibrilles comme on aurait pu le croire , mais que c'é- taient des plis formés par la membrane qui résultait de l'agglomération des corpuscules musculaires; en effet , lors de la contraction, je voyais ces lignes con- server leur longueur première, et le mouvement de contraction resserrer le tissu que j'observais dans le sens b c. Ce soupçon fut confirmé par l'expérience suivante : ayant soumis au microscope un autre frag- ment de cœur de limace qui offrait la même disposi- tion , j'ajoutai une petite goutte de solution aqueuse de potasse caustique à l'eau du cristal de montre dans lequel était ce fragment. Bientôt je vis les lignes pa- rallèles disparaître au voisinage des bords du frag- ment; il s opéra un véritable déplisscmeni. au moyeu 1 86 sTJiu/nr.E intime duquel le fragment musculaire membraniiorme prit une e'tendue plus grande que celle qu'il possédait au- paravant, et cessa de pre'senter des lignes parallèles, comme on le voit en a (figure 28). Ce fait me con- firma ce que j'avais précédemment observé, touchant la propriété qu'ont les alkalis de déployer les organes musculaires incurvés; car le plissement observé dans cette circonstance est une véritable incurvation dont les courbures sont dirigées dans des sens alternative- ment inverses. Les choses étant dans cet état, j'ajoutai une goutte d'acide nitrique à l'eau du cristal ; un in- stant après , je vis la membrane déplissée a se resser- rer sur elle-même, et se plisser de nouveau de la même manière quelle l'était auparavant , offrant par conséquent des lignes parallèles obscures qui n'é- taient autre chose que des plis. Je recommençai celte expérience sur un autre fragment de cœur de limace, en employant pour déplisser son tissu une goutte d'ammoniaque ajoutée à l'eau dans laquelle flouait ce fragment; j'obtins le même effet qu'avec la solution de potasse caustique : l'incurvation sinueuse de ce tissu fut détruite par cet alkali , et je la rétablis en- suite au moyen d'une petite goutte d'acide sulfurique ajoutée de même à l'eau. Il me fut prouvé de celte manière que , dans le tissu musculaire corpusculaire 7 la contraction consiste dans une incurvation sinueuse de ce tissu , lequel forme de cette manière des plis ex- u ornement fins. Ces expériences achevèrent en outre de me prou- ver que les alkalis ont la propriété de faire cesser Il MOULUT. DES \MM.U;X. \&n j rincurvaiion du tissu musculaire , connue les acides ont la propriété de provoquer cette incurvation. Pour opérer dune manière heureuse le déplisse- ment du tissu musculaire du cœur de la limace, il tant que la dose de solution alkaline ne soit point trop forte, car elle opérerait la dissolution complète de ce tissu , qui disparaîtrait tout-à-lait; mais il est une dose d'alkali qui , trop forte pour opérer le simple déplis- sement, est trop faible pour opérer la dissolution com- plète et la disparution des corpuscules musculaires. Alors , selon la dose de l'alkali, il y a , en sus du dé- plissement , tantôt écartement léger des corpuscules musculaires, tantôt dissociation complète de ces cor- puscules; mais, je le répète, sans dissolution. Cepen- dant cette dernière ne tarderait pas à s'opérer , dans celle circonstance, si l'on tardait un peu «à faire l'ex- périence qui va suivre. Lorsque l'alkali , après avoir opéré le déplissement du tissu musculaire, eut en outre un peu écarté les uns des autres les corpuscules qui constituaient ce tissu , j'ajoutai une goutte d'a- cide nitrique à l'eau; un instant après , je vis ce tissu musculaire corpusculaire se resserrer sur lui-même , mais sans offrir aucun plissement ; ce resserrement ou cette contraction consistait ainsi dans un simple rapprochement des corpuscules musculaires, qui au- paravant étaient lâchement unis; mais non dissociés. Dans une autre expérience du même genre , j'aug- mentai un peu la dose de l'alkali ; alors il y eut disso- ciation des corpuscules musculaires, lesquels, quit- tant leur adhésion mutuelle , se répandirent comme I 88 STRUCTURE INTIME un fluide sur le fond du cristal , toutefois en conser- vant leur forme globuleuse ; je me hâtai d'ajouter une goutte d'acide nitrique à l'eau , et dans l'instant je vis cette couche fluide , composée de corpuscules disso- cies, se coaguler; les corpuscules se précipitèrent les uns sur les autres et s'agglomérèrent de la même manière que cela a lieu dans la coagulation du sang , où l'on voit aussi des corpuscules globuleux dissocies se réunir et s'agglomérer. Ces observations sont fécondes en résultats : elles prouvent, i° que le resserrement du tissu muscu- laire qui constitue la contraction dépend d'une double cause, c'est-à-dire d'un rapprochement corpuscu- laire et du plissement ou de l'incurvation sinueuse de que la contraction et la coagulation sont &' des degrés différents d'un seul et même phénomène ; 5° que les alkalis ont la propriété de faire cesser la contraction musculaire ; on sait depuis long-temps que les acides ont la propriété de provoquer celle même contraction; et il esta remarquer que les acides produisent également la contraction des solides et la coagulation des fluides, et que les alkalis, au con- traire , détruisent ce double effet. Nous allons étudier successivement ces résultats généraux , qui vont nous conduire à quelques autres résultats secondaires. L'observation nous a démontré que la contraction des fibrilles et celle du tissu musculaire corpusculaire consistent dans un plissement ou dans une incurva- tion sinueuse ; or , comme les libres musculaires proprement dites sont composées de fibrilles et de ET MOTIMTK DES WIMUX. 1 So, corpuscules musculaires , il en résulte que leur con- traction résulte du plissement extrêmement fin ou de l'incurvation sinueuse du tissu cpii les compose inté- rieurement. Nous avons vu que le cœur des mollus- ques gastéropodes ne contenait point de fibres , mais qu'il était entièrement composé de corpuscules mus- culaires agglomérés de manière à former un tissu membraneux ; ainsi il demeure prouvé que la con- traction ne s'opère pas exclusivement avec des organes linéaires appelés fibres , mais qu'elle s'opère aussi avec des organes membraneux formés par la réunion d'une grande quantité de corpuscules musculaires agglomérés. Le gonflement que présente le tissu mus- culaire contracté provient de son incurvation sinueuse, qui produit le plissement extrêmement fin des parties intimes de ce tissu. On conçoit en effet qu'un fil ou qu'une membrane qui possèdent des plis qui les rac- courcissent , doivent , par cela même, offrir , dans leur masse ainsi plissée , une augmentation dans le dia- mètre transversai de cette masse. Les plis transversaux que l'on observe à la surface des fibres musculaires contractées sont le résultat de l'incurvation sinueuse des fibrilles superficielles de la fibre; les fibrilles inté- rieures de cette même fibre possèdent indubitablement la même incurvation sinueuse, à plis extrêmement fins, laquelle opère leur raccourcissement, et par conséquent celui de la fibre qu elles forment par leur assemblage. Il résulte des observations qui ont été précédem- ment exposées, qu'il y a deux sortes de contrac- tions; Tune qui résulte du rapprochement des cor- 190 STRUCTURE INTIME puscules musculaires, l'autre qui résulte de l'incur- vation du tissu que ces corpuscules forment par leur agglomération. La première de ces deux contractions est, par sa nature même , extrêmement bornée ; elle ne pourrait pas produire le raccourcissement considérable que l'on observe dans les organes musculaires , rac- courcissement qui réduit quelquefois le muscle au cin- quième de la longueur qu'il offre dans son état de relâchement , ainsi que je l'ai vu dans les muscles qui servent à opérer la rentrée de l'œil pédoncule des escargots. Il fallait , pour opérer un raccourcissement aussi considérable , un antre mécanisme que celui qui résulte du rapprochement simple et uniforme des corpuscules musculaires ; c'est ce que la nature a fait en employant l'incurvation sinueuse , incurvation qui est produite par un rapprochement inégal des corpuscules dans les différentes parties du tissu. Ce rapprochement existe spécialement et peut-être ex- clusivement au côté concave; en effet, le seul fait de la courbure prouve qu'il y a rapprochement des parties constituantes du tissu , spécialement dans len- droit où existe la concavité de cette courbure. Ainsi, l'incurvation dépend de ce que la cause qui produit l'attraction corpusculaire , ou le resserrement , n'agit que sur un seul côté du tissu organique ; n'y aurait-il point là une sorte de polarisation transversale . en vertu de laquelle les deux côtés opposés de la partie incur- vée seraient modifiés en sens inverse l'un de l'autre ? Mais ceci est une pure hypothèse , et je ne m'y ar- rête pas. Quoi qu'il en soit , le résultat positif que l'on ET MOTILÏTK DIS WiMWX. 191 peut tirer des observations qui viennent d'être expo- m:( >, est qu'il existe dans le tissu organique une tbree de resserrement ou de rapprochement corpusculaire, force qui peut être mise en jeu par divers agents. C'est l'emploi de celte force suivant un mécanisme par- ticulier qui produit l'incurvation du tissu organique, incurvation qui produit à son tour des mouvements d'une étendue à laquelle ne pourrait point arriver le rapprochement corpusculaire tout seul. Ainsi ce que l'on appelle la contraction n'est point un phénomène simple; c'est un phénomène complexe, compose du rapprochement corpusculaire et de F incurvation , qui résulte elle-même de l'emploi de ce rapprochement corpusculaire , suivant un mécanisme particulier. Cette incurvation sinueuse est , chez les animaux proprement dits , un phénomène cache dans l'inté- rieur des organes et soustrait la plupart du temps à nos yeux armés des meilleurs microscopes ; mais , chez quelques zoophytes , ce phénomène devient tout-à-fait extérieur , et peut être aperçu presque sans aucune difficulté. Ainsi , chez les vorticelles ou polypes à bouquets ( vorticella convallaria ) , on observe des contractions extrêmement rapides qui se répètent à chaque instant ; ce sont les rameaux qui portent les polypes qui se contractent ainsi, et qui se relâchent alternativement. On ignore le but de ce mouvement spasmodique continuel; il est fort curieux à observer au microscope: on voit ces rameaux, dont la ténuité est très considérable , prendre avec rapi- dité une incurvation sinueuse , comme on le voit en 192 STRUCTURE INTIME a (figure 29);cetteincurvationcesseun instant après , et le rameau relâché reprend sa rectitude , comme on le voit en b; puis il recommence à se contracter, et ainsi de suite. Ces polypes nous offrent ainsi à dé- couvert, et en dehors , le mécanisme de la contraction, qu'il faut chercher dans l'intérieur des organes des autres animaux. Les bras des hydres offrent de même une incurvation sinueuse, dont les courbures of- frent des directions très variées ; c'est par le moyen de ces courbures multipliées que ces bras , en se pelotonnant, pour ainsi dire, portent vers la bouche de l'animal la proie qu'ils ont saisie. Dans cette in- curvation sinueuse, les bras de l'hydre ne deviennent point plus gros qu'ils ne l'étaient auparavant. Cette incurvation, dans laquelle consiste essentiellement le mouvement musculaire, est évidemment un phéno- mène tout - à-fait semblable à celui de l'incurvation qu'offrent diverses parties des végétaux ; les recher- ches qui ont été exposées plus haut nous ont appris, en effet, que le mécanisme du mouvement exécuté par les bourrelets de la sensitive consiste dans une incurvation élastique , dont la puissance nerveuse mise en jeu par les agents du dehors est cause oc- casionelle, et à laquelle succède, après un certain temps , un redressement qui n est autre chose que la cessation de cette incurvation ; il en est de même de toutes les parties des végétaux qui exécutent des mouvements visibles; car nous avons vu plus haut que tous ces mouvements, sans exception, cVst-à-dire non seulement ceux des végétaux que l'on appelle ] : i Mo I 11. i II. DES INIMÀUX. l(p irritables par excellence, mais aussi les mouvements par lesquels les végétaux prennent des positions de sommeil ou de réveil , ceux par lesquels les vrilles s attachent à leurs appuis, etc. , sont tous les résultats dune incurvation. Chez les végétaux , ce phéno- mène se montre au dehors et dans toute sa simplicité ; chez eux l'incurvation est le plus souvent simple , c'est-à-dire à courbure unique ; tandis que généra- lement, chez les animaux, ce même phénomène est , pour ainsi dire, masqué; son mécanisme est caché dans l'intérieur des organes, et de plus, chez eux , l'in- curvation est presque toujours sinueuse ; car je n'ai observé l'incurvation simple, ou à courbure unique, que dans la fibre musculaire considérée dans son entier. Nous avons vu, en effet, que cette fibre jouit a la fois de la faculté de se contracter et de celle de s'incurver en demi-cercle; il résulte de ce rappro- chement de faits que Y irritabilité animale et Xir- r habilité végétale sont deux phénomènes essentiel- lement identiques ; elles dépendent l'une comme l'autre de Xincurvabilité du tissu organique, ou de la faculté vitale que possède ce tissu de se courber et de se maintenir dans cet état de courbure d'une manière élastique. Les notions que nous venons d'ac- quérir sur la cause de cette incurvation chez les ani- maux nous mettent à même de rechercher la cause de l'incurvation végétale; recherche que nous avons été contraints d'abandonner plus haut, faute de points de comparaison. Nous venons de voir que le tissu musculaire est essentiellement composé de corpus- i3 1 g4 STRUCTURE INTIME cules vësiculaires agglomères , tantôt de manière à former des organes linéaires , tantôt d'une manière confuse, et que ces corpuscules ont cela de parti- culier, qu'ils sont solubles dans les acides; ce qui les distingue essentiellement des corpuscules nerveux , qui sont insolubles dans ces agents chimiques. Or, dans l'examen que nous avons l'ait plus haut du tissu organique des bourrelets de la sensitive (fig. 1 6) , nous avons vu que ce tissu offre une grande quan- tité de cellules globuleuses alignées, et remplies d un fluide concrescible par l'acide nitrique froid , et soluble dans le même acide chaud; ces cellules globuleuses sont donc de véritables corpuscules musculaires ^plus gros que ceux des muscles des animaux, mais essentiellement semblables à ces derniers parleur alignement, et sur- tout parleurs propriétés chimiques; en effet, les corpus- cules musculaires des animaux sont rendus opaques par les acides avant d'être dissous par eux , comme cela a lieu pour les cellules globuleuses des bourrelets de la sensitive. Or, comme le phénomène de l'incurva- tion est essentiellement le même chez les végétaux et chez les animaux, il en résulte que cette incurvation dérive également chez les uns et chez les autres d'un rapprochement corpusculaire qui n'a lieu que d'un seul côté. Les corpuscules musculaires , ou les cellu- les globuleuses des bourrelets de la sensitive, ne sont point en effet en contact immédiat, ainsi que nous l'avons vu; ils peuvent par conséquent éprouver un rapprochement suffisant pour produire l'incurvation que l'on observe dans le tissu de ces bourrelets, et ET MOTll.ni. DES \NI\I.\l \. IQ.) s'éloigner de nouveau lors du redressement de ces organes ; il résulte de là que , sans posséder de véri- tables muscles , la sensitive possède réellement le tissu musculaire élémentaire, c'est-à-dire des corpus- cules musculaires organes de l'incurvation; c'est ainsi que , sans posséder de véritables nerfs , celle même plante possède les éléments du système nerveux, ces-à-dire des corpuscules nerveux, qui du reste se rencontrent également chez tous les autres végétaux. L'incurvation vitale , celle qui a lieu sous l'in- fluence de la puissance nerveuse, est ordinairement un phénomène de peu de durée; la parti;4 incurvée re- tourne plus ou moins promplement à l'état de redres- sement, qui, chez les animaux, constitue l'état de relâchement; les alternatives d'incurvation et de redressement ont lieu à des intervalles de temps assez considérables chez les végétaux. Une feuille de sen- sitive , qui s'est ployée subitement par l'effet d'une secousse légère , se redresse lentement au bout de quelques minutes : cette incurvation , toujours suivie du redressement , se renouvelle autant de fois qu'on la sollicite. Ces alternatives d'incurvation et de redressement ont lieu sous l'influence d'une cause dé- terminante intérieure chez Yhedysarum girans , dont les feuilles sont animées d'un mouvement oscillaloire perpétuel. Ces oscillations dépendent également dune cause déterminante intérieure , et sont bien plus fréquentes chez les oscillaires , êtres qui sont situes tout-;.-fail sur la limite qui sépare le règne végétal du règne anima!, et dont les filaments offrent perpé- i5. 196 STRUCTURE INTIME tuellement des phénomènes alternatifs d'incurvation et de redressement. Si des végétaux nous passons aux polypes , nous voyons, chez les vorticelles (fig. 29) des alternatives, très fréquemment répétées , d'z?z- curvation sinueuse et de redressement , sous l'in- fluence de la volonté. Les muscles des animaux , proprement dits , nous offrent un phénomène tout- à-fait semblable. Tout le inonde sait que la contrac- tion de ces organes , sous l'influence de la puissance nerveuse, est un phénomène de peu de durée, et qu'il est nécessaire qu'ils se relâchent lorsque leur contraction dure depuis un certain temps , après quoi ils sont susceptibles de se contracter de nouveau. D'ailleurs cette contraction , qui nous paraît fixe et permanente pendant certain temps , ne l'est point réellement : on sait que la contraction des muscles , sous l'empire de la volonté , n'est point un état d'im- mobilité , mais qu'elle est le résultat d'une multitude Ôl oscillations ou de contractions partielles suivies de relâchement qui se succèdent à des intervalles de temps très courts ; aussi , nos membres ne peuvent- ils affecter une position qui exige une action muscu- laire soutenue , sans offrir un léger tremblement , qui est presque imperceptible chez les individus vigou- reux , qui devient très sensible chez les personnes faibles , et notamment chez les vieillards. C'est ce tremblement, c'est ce frémissement oscillatoire des organes musculaires que l'on entend en se boucha m l'oreille avec la main ; cette palpitation des organes musculaires est facile à voir sur des muscles de gre- t i mo ni. ni- des am\i \i \. 107 nouille mis à nu , et que l'on saupoudre Légère- ment de sel commun finement pulvérise ; on voit de celle manière que la contraction des muscles soumis à la volonté n'a que la durée de l'éclair, comme elle en a la rapidité. Si donc nos muscles se contractent d'une manière qui nous paraît fixe , cela provient de la petitesse de leurs oscillations ou de leurs alterna- tives de contraction et de relâchement. Ces oscilla- tions sont beaucoup plus lentes dans les fibres mus- culaires des mollusques , des annélides et même des insectes , ainsi que je m'en suis assuré par diverses observations. Il n'enlre point dans le plan que je me suis tracé, d'offrir ici un traité complet sur la contraction con- sidérée chez les animaux. Je me bornerai donc à présenter ici quelques considérations générales sur cet objet. Plusieurs des tissus de l'économie ani- male ont la propriété de se contracter ; mais ce n'est que dans les organes musculaires que celle propriété existe à un degré éminent ; c'est ce qui fait qu'elle peut être mise en jeu chez eux par des causes tout-à-fait insuffisantes pour en déterminer l'exercice d'une manière sensible dans les autres tissus. Ainsi , la puissance nerveuse et l'électricilé galvani- que provoquent vivement la contraction des muscles, et n'ont point d'influence apercevable sur la contrac- tion des autres parties; ces phénomènes ont fait penser qu il existait plusieurs sortes de contractilité. Ainsi Bichat reconnaît , outre une contractilité animale et une contractilité organique sensible , une contractilité î 98 STRUCTURE INTIME organique insensible et une contractiliiéde tissu qui est indépendante de la vie; il porte enfin ses regards sur le phénomène du racornissement , sur ce phénomène de mouvement que présentent plusieurs tissus animaux lorsqu'ils sont soumis à l'action du feu; et, par un rap- prochement extrêmement philosophique, il considère tous ces phénomènes de mouvement comme dépen- dants également de la texture et de l'arrangement des molécules des tissus organiques, qui ont ainsi en eux la faculté de se raccourcir , faculté qui peut être mise en jeu par des causes très diverses , soit pendant la vie , soit après la mort \ Ce dernier aperçu d'un observa- teur profond , dont la plupart des idées sont mar- quées au coin du génie , est de la plus grande vérité ; ainsi , en nous reportant aux causes et au méca- nisme de la contraction , nous voyons , i° sous l'in- fluence de la puissance nerveuse émanée des centres nerveux ou déterminée par des agents extérieurs , les fibres musculaires éprouver une contraction qui al- terne plus ou moins rapidement avec leur relâche- ment ; c'est Y incurvation sinueuse oscillatoire et à mouvement très étendu ; elle est propre aux seuls muscles. Cette incurvation rapide et de peu de durée peut être sollicitée dans les muscles de l'animal fraî- chement tué par l'électricité galvanique, laquelle ressuscite la puissance nerveuse , ou peut-être la remplace. 20 Sous l'influence de certaines causes inté- rieures ou extérieures , plusieurs tissus de l'économie • Analomic (jènèraic , considération* générales, § 5. BT MOTILITE DES ANIMAUX. l()f) animale éprouvent une eon traction faible, qui alterne, mais d'une manière lente, avec un état de relâche- ment : cette contraction est l'effet de ce que Bichal nomme la contraclililé organique insensible. Quoi- qu'on n'ait point observe directement le mécanisme! de celle contraction , on ne peut guère douter qu'elle ne consiste dans une incurvation sinueuse ; cette in- curvation , à mouvement peu étendu, est lentement oscillatoire. 5° Lors de la cessation de la vie, les fibres musculaires se contractent avec assez de force ; c'est leur contraction qui produit, dans cette circonstance, la roideur des membres, ainsi que l'adémontréNyslen1 Cet auteur, considérant que celte contraelion cesse spontanément quelques jours après la mort, lorsque la putréfaction commence à se manifester , a pense qu'elle était le résultat d'un reste de vie organique qui ne s'éteignait que plusieurs jours après la mort. En cela, je pense quil est tombé dans l'erreur: la con- traction des muscles après la mort est un phénomène du même genre que la coagulation du sang, qui ar- rive en même temps ; ces deux phénomènes attestent également l'absence de la vie. Si les muscles cessent d'être contractés lorsque la putréfaction commence, cela provient évidemment du dégagement , dans ces organes, de l'ammoniaque, qui, en sa qualité d'al- kali , iait cesser l'incurvation du tissu musculaire ; cette incurvation est sinueuse , fixe , cest-à-r*ire qu'elle n'alterne point spontanément avec un état de Recherches de physiologie et de chimie fatholoniqu.es. 200 STRUCTURE INTIME redressement ou de relâchement. La contraction des muscles occasionée par l'absence de la cause immé- diate de la vie est un fait qui mérite toute l'attention des physiologistes ; car il tend à prouver que la con- traction de ces organes a lieu dans toutes les circon- stances, comme dans celle-ci , par la soustraction d'un principe ou d'un élément inconnu , qui abonde au contraire dans le muscle relâché. 4° Sous Finfluence de l'extension mécanique, la fibre animale , complète- ment morte , reprend , lorsqu'elle est abandonnée à elle-même , son état antécédent de raccourcissement : c'est l'effet de ce que Bichat appelle la contraciilité de tissu. Cet elïèt résulte de l'élasticité des fibrilles , qui tendent à persister dans l'état d'incurvation qu'elles ont pris ; elles agissent alors comme de véritables ressorts : c'est encore une incurvation sinueuse fixe. 5° Sous l'influence de l'action du feu , le tissu fibreux animal , complètement mort et même desséché, sagite presque comme le ferait un animal vivant : c'est un ré- sultat des incurvations partielles et multipliées qui sont produites dans ce tissu , soit par le développe- ment de gaz, soit par la dilatation ou par l'évaporation des fluides. Ainsi, partout où nous observons des mouvements dans les tissus organiques , soit pendant la vie, soit après la mort, nous les voyons dépendre également d'incurvations élastiques, dont les causes occasionelles sent différentes , mais qui dépendent toutes de la texture organique de ces tissus, tous essentiellement composés de corpuscules ou de cel- lules vésiculaires agglomérées: telle est, en effet, la ET MOI 11.11 K DES WI.UAl \. '201 composition intime de tous les organes des animaux , sans aucune exception. Leuwenhoek avait déjà an- nonce une partie de cette vérité , qui a été confirmée par les recherches récentes de M. Milne Edwards ' , <[ui a examiné avec beaucoup de soin la structure mi- croscopique des principaux tissus organiques des ani- maux : il n'a vu partout que des globules agglomérés. J'ai vérifié l'exactitude de ces observations : partout , en effet, on ne trouve, dans les organes des animaux , que des corpuscules globuleux , tantôt réunis en sé- ries longitudinales et linéaires, tantôt agglomérés d'une manière confuse. C'est sous ce dernier aspect que ces corpuscules globuleux se présentent dans tous les or- ganes- sécréteurs , tels que le foie , les reins , les glandes salivaires , les testicules , etc. ; la rate et les ovaires ne présentent pas une nutre structure intime. Cette si- militude fondamentale du tissu de tous les organes parenchymateux est telle, chez la grenouille, qu'il est presque impossible de distinguer les uns des autres , au microscope, les tissus du cerveau, du foie, des reins, de la rate, etc. : partout on n'aperçoit que des corpuscules globuleux agglomérés d'une manière confuse , et constituant ainsi le parenchyme de l'or- gane par leur assemblage. Chez les animaux verté- brés, les corpuscules globuleux sont tellement petits qu'il est impossible de savoir si ce sont des corps so- lides ou des corps vésiculaires; mais cela s'aperçoit 1 Mémoire sur la structure élémentaire des principaux (issus orga- niques. 902 STRUCTURE INTIME avec beaucoup de facilité chez les mollusques. En ef- fet, en examinant au microscope le tissu du foie, des testicules ou des glandes salivaires des he'lix et des li- maces, on voit que ces organes se'créteurs sont com- poses , comme ceux des animaux vertébrés , de petits corps globuleux agglomérés d'une manière confuse ; mais ici ces petits corps globuleux ne sont point d'une excessive petitesse, ils sont même assez gros, si tou- tefois on peut se servir de celte expression en parlant d'objets microscopiques, et l'on voit de la manière la plus évidente que ce sont des corps vésiculaires ou de véritables cellules, dans les parois desquelles on aperçoit même d'autres corpuscules excessivement petits. On pourrait peut-être douter que ces cellules globuleuses soient les analogues des corpuscules glo- buleux que Ton observe dans les organes sécréteurs des animaux vertébrés, mais l'examen le plus super- ficiel dissipera tous les doutes à cet égard, en faisant voir que les cellules globuleuses des organes sécré- teurs des mollusques, et les corpuscules globuleux des organes sécréteurs des animaux vertébrés , com- posent de même immédiatement le parenchyme de ces organes; leurs masses entourent de même les vaisseaux sanguins et les canaux excréteurs Cette observation prouve que les corpuscules globuleux dont l'assemblage compose les organes parenchyma- teux des animaux vertébrés sont des cellules d'une excessive petitesse, et dans les parois desquelles on distinguerait des corpuscules plus petits, si le micro- scope pouvait taire pénétrer notre vue dans ces pro- ET MOT! LITE DES ANIMAUX. 20 3 fondeurs de l'infinimcnt pelit. Nous avons déjà vu plus liant que , chez les mollusques gastéropodes, la niasse du cerveau est compose'e de vésicules globu- leuses, contenant la substance nerveuse; nous avons également fait remarquer que cette observation con- firmait l'opinion de MM. Wenzel. qui considèrent sous le même point de vue les corpuscules globuleux du cerveau des animaux vertébrés. On peut tirer de là cette conclusion générale, que les corpuscules glo- buleux qui composent par leur assemblage tous les tissus organiques des animaux sont véritablement des cellules globuleuses d'une excessive petitesse, les- quelles paraissent n'être réunies que par une simple force d'adhésion; ainsi, tous les tissus, tous les or- ganes des animaux, ne sont véritablement qu'un tissu cellulaire diversement modifié. Celte uniformité de structure intime prouve que les organes ne diffèrent véritablement entre eux que par la nature des sub- stances que contiennent les cellules vésiculaires dont ils sont entièrement composés : c'est dans ces cellules que s'opère la sécrétion du fluide propre à chaque organe , fluide qui est probablement transmis par transsudation dans les canaux sécréteurs. Dans le cerveau, ces cellules agglomérées opèrent la sécréliou delà substance nerveuse proprement dite, substance qui reste stationnaire dans le tissu cellulaire qui l'a sécréiée. Ainsi la cellule est l'organe sécréteur pas excellence : elle sécrète, dans son intérieur, une sub- stance qui tantôt est destinée à être portée au dehors par le moyen des canaux excréieurs , et qui tantôt est 204 STRUCTURE INTIME destinée à rester clans l'intérieur de la cellule qui la sécrétée, et à faire aussi partie de l'économie vivante, où elle joue un rôle qui lui est propre : telle est spé- cialement la substance nerveuse proprement dite qui remplit les cellules microscopiques du cerveau et des nerfs; substance qui, dans le corps vivant, jouit de propriétés si étonnantes et si inconnues dans leur nature. On ne peut guère douter que les organes pa- renchymateux, tels que la rate, qui n'ont point de canal excréteur, n'opèrent également dans leurs cel- lules la sécrétion d'une substance qui est destinée , soit à y demeurer stationnaire , soit à passer par transsudation dans les vaisseaux sanguins. Il faut bien que la cellule ait des qualités particulières dans chaque organe, puisqu'elle y sécrète des substances aussi dif- férentes; et, à cet égard, on ne peut s'empêcher d'ad- mirer la prodigieuse diversité des produits de l'or- ganisation , diversité qui est bien plus grande encore dans le règne végétal qu'elle ne l'est dans le règne ani- mal. Quelle variété dans les qualités physiques et chi- miques des substances sécrétées par les cellules qui composent le parenchyme des fruits ou celui des tiges, des racines, des feuilles et des fleurs, dans tous les végétaux répandus sur la surface du globe! On ne peut concevoir qu'une si étonnante diversité de pro- duits soit l'ouvrage d'un seul organe, de la cellule. Cet organe étonnant , par la comparaison que l'on peut faire de son extrême simplicité avec l'extrême diversité de sa nature intime, est véritablement la pièce fondamentale de l'organisation; tout, en effet , KT MOTILTTK DES ANIMAUX. 2Q3 dérive évidemment de la cellule dans le tissu orga- nique des végétaux, et l'observation vient de nous prouver qu'il en est cle même chez les animaux. Nous sommes arrives plus haut, par le moyen de l'observation, à ce résultat, que la coagulation des liquides est un phénomène analogue à celui de la con- traction des solides : ce fait est d'une grande impor- tance en physiologie, car il prouve que certaines propriétés organiques appartiennent également aux solides et aux fluides; ces derniers, en effet, ne sont point semblables aux liquides inorganiques. Les fluides du corps vivant sont organisés , c'est-à-dire que leur composition intime est tout-à-f'ait semblable à celle des solides; ils sont, comme eux , entièrement com- posés de corpuscules globuleux; mais, dans les so- lides, ces corpuscules sont adhérents les uns aux autres, tandis que, dans les fluides, ils sont libres et dissociés. Tout le monde connaît les globules dont le sang est composé; ces globules ont été observés avec soin par plusieurs naturalistes célèbres dont je vais exposer ici très succinctement les découvertes , en y ajoutant les résultats de mes propres recherches. Les globules sanguins ont été découverts, comme on le sait, par Leuwenhoek , et depuis ils ont été étudiés par un grand nombre d'observateurs , a la tête des- quels on trouve Haller, Spallanzani et Hewson. Dans ces derniers temps, ils ont été de nouveau étudiés par sir Everard Home, par M. Bauer , et tout récemment par MM. Prévost et Dumas. Le nom de globules , par lequel les premiers observa- 206 STRUCTURE INTIME teurs ont désigné ces corpuscules flultanls dans le sang, prouve qu'ils les considéraient comme de pe- tites sphères ; certains observateurs, voyant que leur milieu était transparent, tandis que leurs bords étaient opaques, crurent pouvoir en conclure que ces petits sphéroïdes étaient percés d'un trou dans leur milieu; mais cette assertion mérite peu d'attention, car il est de la plus grande évidence que cette apparence ne provient que de ce que ces globules transparents ré- fractent la lumière de manière à la rassembler dans un foyer central, en sorte que leurs bords paraissent opaques et leur milieu diaphane. Nous avons déjà fait cette observation plus haut, relativement, aux cor- puscules globuleux et transparents que M. Mirbel a pris pour des pores dans le tissu des végétaux. Jus- qu'à Hewson , on s'accordait généralement à considé- rer les globules sanguins comme des sphéroïdes ou des ellipsoïdes ; cet observateur prétendit que telle n'était point leur forme, mais qu'ils avaient celle d'un disque renflé dans son milieu '. M. Bauer, reprenant ces observations, crut devoir leur restituer la forme sphéroïde qui leur avait été attribuée par la plupart des observateurs 2. En dernier lieu, MM. Prévost et Dumas, revenant à l'opinion de Hewson, ont con- sidéré ces corpuscules comme ayant la forme dis- coïde 3. Ce que l'on peut soupçonner, au milieu de cette divergence d'opinions, c'est que les observateurs ' Transactions phiioaoph ifues , tome 63. a Idem, 1818. * Examen du saut/ , cte. ET M0T1LITÉ DES ANIMAUX. 20*) qui les ont émises ont en ions également raison. Si, en effet, tous les eorpuscales sanguins étaient dis- coïdes, comment cette ibrine aurait-elle échappe à tant d'excellents observateurs? D'un autre côté, il est incontestable que telle est quelquefois leur forme, ainsi que je l'ai observé moi-même; mais, il faut en convenir, cette forme se présente assez rarement, et , dans le plus grand nombre des cas, on peut même dire presque toujours , les corpuscules sanguins se présentent sous la forme sphérique ou elliptique. Peut-être dira-t-on qu'ils ne se présentent sous celle forme que pareeque leur disque offre alors l'une de ses faces à l'œil de l'observateur; mais alors il faudrait admettre qu'il y aurait un nombre immense de chances pour qu'ils affectassent celte position, tandis que le nombre des chances pour qu'ils se présentassent de champ seraient assez rares. On pourrait penser que la direction de la pesanteur influerait sur la position à plat de ces corpuscules prétendus discoïdes , et comme on observe ordinairement au microscope avec un rayon visuel vertical, il en résulterait, en effet, que ces corpuscules présenteraient le plus souvent une de leurs laces à l'œil de l'observateur. Quoique cette position à plat soit peu probable pendant la circulation , cependant j'ai voulu m'assurer si une position différente de l'animal changerait l'aspect sous lequel se présentent ces corpuscules. J'ai donc di- rigé le rayon visuel de mon microscope dans le sens horizontal, et dans cette position, j'ai observé la cir- culation dans la. queue d'un têtard : le vaisseau que 208 STRUCTURE INTIME j'observais était dirigé dans le sens vertical. Si la pe- sanleur eût influé sur la position horizontale des cor- puscules discoïdes, il en fût résulté, dans mon ob- servation , que ces disques se seraient tous présentés de champ. Or , j'ai continué à voir ces corpuscules ovoïdes; je n'ai même pu, dans cette observation, en apercevoir un seul qui lût discoïde. Tout concourt donc à prouver que cette dernière forme est rare , qu'elle est purement accidentelle, et que la forme normale des corpuscules sanguins est celle d'un sphé- roïde ou d'un ellipsoïde; d'ailleurs, ce fait est prouvé par les changements de forme que les corpuscules sanguins sont susceptibles de prendre. Fontana et Spallanzaniont vu, le premier dans la grenouille, et le second dans la salamandre, les globules sanguins se former en un ellipsoïde très alongé quand ils étaient engagés dans un vaisseau d'un diamètre plus petit que le leur , se courber en forme de croissant dans les courbures anguleuses des vaisseaux , et reprendre enfin leur forme ordinaire quand ils étaient parvenus dans un vaisseau suffisamment large. Ces change- ments de forme ne peuvent dériver que d'un sphé- roïde : on sent qu'un disque ne pourrait pas les pré- senter. Une membrane d'une extrême délicatesse environne les corpuscules sanguins. Cette membrane vésiculaire est seule dépositaire de la matière rouge qui colore ces corpuscules ; son extrême délicatesse fait qu'elle s'altère très promptemeut après la mort et quelle se détache du corpuscule, ainsi que l'ont observé MM. Bauer et ET M0TIL1TE i)i;s \\mu\. 20() Home; après cette séparation de l'enveloppe colorée, le corpuscule sanguin paraît blanc, et conserve sa l'orme. On pourrait penser qu'il ne consiste plus alors que dans un noyau de matière solide, mais la faculté qu'ont les corpuscules sanguins de changer de forme, ainsi que nous venons de le voir, prouve que ce noyau est composé d'une substance très molle ou même li- quide; par conséquent, la conservation de sa forme après la disparition de la membrane colorée qui l'en- veloppait extérieurement semble prouver que le cor- puscule sanguin possède une seconde membrane plus solide que la membrane colorée à laquelle elle est subjacente, et dans l'intérieur de laquelle est contenue la matière molle ou liquide qui constitue le noyau du corpuscule : toujours résulte-t-il de l'existence de la membrane vésiculaire colorée que les corpuscules sanguins doivent être considérés comme des corps vé- siculaires. L'existence de cette membrane, prouvée par les observations de Bauer et de Home, a été pleine- ment confirmée par celles de MM. Prévost et Dumas. Un jeûne prolongé diminue considérablement le nombre des corpuscules sanguins : je les ai vus dis- paraître totalement chez un têtard de crapaud accou- cheur que j'avais conservé une année entière sans lui donner de nourriture. Leuwenhoek avait annoncé que les globules sanguins avaient un mouvement de ro- tation sur eux-mêmes ; mais les observations de Hal- ler ' et de Spallanzani 2 prouvèrent que ce mouve- 1 Mémoire sur le mouvement du sang. > De' fenomeni délia circotlazionc. 2 10 STRUCTURE INTIME ment n'existait point. Ces deux derniers observateurs ont toujours vu les globules sanguins , plonges dans le fluide diaphane qui les environne, se tenir constam- ment éloignes les uns des autres : jamais, tant que la vie subsiste, ces globules ne sont en contact immé- diat. Spallanzani a vu un grand nombre de fois que lorsque deux de ces globules se présentaient ensem- ble à l'orifice d'un vaisseau qui ne pouvait admettre que l'un deux, l'autre, repoussé à l'instant, rétro- gradait sans avoir touché le globule qui le précédait dans le passage ; Haller ■ a vu de même que ces glo- bules se repoussaient réciproquement quand le mou- vement progressif du sang tendait à les rapprocher. Ainsi, il a observé que l'un de ces globules étant placé lans une espèce de cul-de-sac, il repoussait, sans les avoir touchés , les globules qui venaient vers lui. Cet isolement constant des globules sanguins au milieu du fluide séreux dans lequel ils nagent , et cette répul- sion qu'ils exercent les uns sur les autres, quand une cause extérieure les rapproche, ne cessent d'exister que lorsque la vie commence à s'éteindre : c'est alors que Haller a vu ces globules s'agglomérer en perdant leur forme sphérique; mais ils reprenaient cette forme en se séparant de nouveau , si la circulation languis- sante venait à se ranimer. J'ai répété toutes ces ob- servations de Haller et de Spallanzani, et je me suis assuré de leur exactitude. J'ai beaucoup observé la circulation du sang dans les parties transparentes des 1 Deuxième Mémoire sur le mouvement du sang. Il If UTILITE DES vMM M \. :>ll jeunes salamandres et des jeunes têtards, et j'ai tou- jours vu les corpuscules sanguins être éloignes les uns des autres tant que la vie eonserve une certaine énergie; mais aux approches de la mort, lorsque le sang avance dans les vaisseaux pendant la systole d\\ cœur, et rétrograde dans ces mêmes vaisseaux pen- dant la diastole de cet organe; alors, dis-je, les cor- puscules sanguins cessent de se tenir éloignes les uns des autres ; ils s'agglomèrent et forment ainsi de petits caillots qui remplissent certaines parties des vais- seaux, tandis que les autres ne contiennent que du se'rum. Il n'y a donc point de doute qu'il n'existe pendant la vie une force répulsive qui tient les cor- puscules sanguins isole's les uns des autres, et qui disparaît lors de la mort; alors ces corpuscules, aban- donnes à une force d'attraction qui les précipite les uns sur les autres ; s'agglomèrent , et c'est leur réu- nion qui forme ce qu'on appelle le caillot. On sait, par des expériences positives, que ce n'est point le refroidissement qui est la cause de cette coagulation, de laquelle il résulte tantôt des corps membrani- fbrmes ou couenneux > tantôt des corps filiformes semblables à des fibres, ce qui a fait donner le nom de fibrine à la substance composante de ces corps, et cela avec d'autant plus de raison que cette sub- stance est lout-à-fait semblable à la substance mus- culaire, sous le rapport de ses propriétés chimiques : aussi a-t-on appelé le sang de la chair coulante , et cela n'est point une métaphore , c'est une vérité exacte La substance musculaire , en effet, est essentiellemew •4- 212 STRUCTURE INTIME composée de corpuscules globuleux comme le sang ; mais, dans ce liquide, ces corpuscules flottent isolés , tandis que , dans le muscle , ils sont agglomérés , et forment ainsi un solide organique. Après la mort, le sang se coagule par le rapprochement de ces cor- puscules; dans le même temps, le tissu musculaire se contracte par le rapprochement et le resserrement de ses plis sinueux. Il y a, dans ces deux circonstances, éçale absence d'une cause d'écartement corpusculaire ou de répulsion dans les parties intimes. Nous avons vu plus haut, par des expériences positives, la tran- sition tout-à-fak insensible qui existe entre le phéno- mène de la contraction et celui de la coagulation ; nous avons vu , en effet , que le tissu musculaire cor- pusculaire, simplement déplissé par un faible alkali , était susceptible de se plisser de nouveau ou de s'in- curver par l'accession d'un acide, tandis que ce même tissu, dont les corpuscules étaient dissociés par un alkali un peu plus fort , formait alors un liquide or- ganique simplement susceptible de se resserrer sur lui-même par le fait de sa coagulation; il n'est donc point douteux que les deux phénomènes de l'incur- vation et de la coagulation ne soient très voisins , et ne tiennent au même principe ; il reste à déterminer quel est le lien qui réunit ces deux phénomènes. Les corpuscules sanguins, pendant la vie , ne sont jamais en contact immédiat; après la mort, ou lorsque le sang est tiré hors des vaisseaux, ces corpuscules s'agglomèrent, et il en résulte une espèce de solide organique : c'est le phénomène de la coagulation; il ET M0T1LITE DES AMM\l\. 21a dépend évidemment de ratiraction que les corpuscules sanguins exercent les uns sur les autres. J'ai voulu voir si cette espèce de solide organique était suscep- tible de se contracter comme le tissu musculaire. J'ai mis une goutte de sang de grenouille dans l'eau que contenait un cristal de montre ; cette goutte de sang s'est coagulée en formant une membrane diaphane qui tapissait le fond du cristal ; on pouvait enlever la membrane et l'agiter clans l'eau sans que ces corpus- cules quittassent leur adhérence mutuelle. Ayant ajouté à l'eau une goutte d'acide nitrique, je vis, au microscope, la membrane se resserrer sur elle-même par le rapprochement plus considérable des corpus- cules dont elle était composée ; ainsi le solide formé par la coagulation du sang est susceptible de présen- ter seulement le mode primordial de la contraction , c'est-à-dire le resserrement par rapprochement géné- ral des corpuscules; il ne présente jamais le mode secondaire de la contraction, c'est-à-dire l'incurva- tion sinueuse qui résulte du rapprochement corpus- culaire opéré d'un seul côté; ce mode secondaire de la contraction paraît dépendre essentiellement de la puissance nerveuse, laquelle est étrangère au solide formé par coagulation. Les propriétés vitales des liquides organiques sont encore peu connues : d'après ce que nous avons vu plus haut, il paraît que la répulsion corpusculaire, ou plutôt que la faculté que possèdent les corpuscules des liquides de se tenir éloignés les uns des autres, est la principale propriété vitale des fluides, puisque l'i^ '2ll[. STRUCTURE INTIME solement de ces corpuscules cesse généralement avec la vie. La contractilité est nécessairement étrangère aux fluides : elle ne peut appartenir qu'aux solides. Pour ce qui est de la nervimotilité , nous ignorons si elle appartient exclusivement à ces derniers. Nous avons vu que , chez les végétaux , la puissance ner- veuse est transmise par l'intermédiaire d'un liquide organique , il n'est pas bien certain qu'il n'en soit pas de même chez les animaux, et même il paraît fort probable que la production de la puissance nerveuse est la propriété physique que possède pendant la vie le liquide contenu dans les cellules vésiculaires dont le cerveau est entièrement composé ; cellules qui ne diffèrent peut-être pas , sous ce point de vue , des cel- lules dont se composent les organes électriques de certains poissons. Ce que nous venons de voir touchant la similitude de la composition organique des solides et des fluides du corps vivant pourrait faire penser que les glo- bules vésiculaires^contenus dans le sang s'ajouteraient au tissu des organes et s'y fixeraient pour les accroître et les réparer ^ en sorte que la nutrition consisterait dans une véritable intercalation des cellules toutes faites et d'une extrême petitesse. Cette opinion, tout étrange qu'elle puisse paraître vest cependant très fon- dée, car l'observation parle en sa faveur. J'ai vu plu- sieurs fois les globules sanguins, sortis du torrent cir- culatoire , s'arrêter et se fixer dans le tissu organique : j'ai été témoin de ce phénomène, que j'étais loin de soupçonner , en observant le mouvement du sang au ] I MOTILITÉ DES ANIMAUX. 2l5 microscope clans la queue l'on transparente des jeunes têtards du crapaud accoucheur. Des artères formant des courbures nombreuses se répandent dans la partie transparente de la queue de ces têtards ; ces artères sont inrnie'diatement continues avec les veines, en sorte qu'il n'existe ici aucune distinction, aucune ligne de démarcation entre les deux circulations arté- rielle et veineuse : le sang, dont on aperçoit parfaite- ment les globules, qui sont assez gros, offre un tor- rent dont le mouvement Réprouve aucune interrup- tion depuis son départ du cœur jusqu'à son retour à cet organe. Entre les courbures que forment les vais- seaux , il existe un tissu fort transparent dans lequel on dislingue beaucoup de granulations de la grosseur «les globules sanguins ; or , en observant le mouve- ment du sang, j'ai vu plusieurs fois un globule seul s'échapper latéralement du vaisseau sanguin et se mouvoir dans le tissu transparent dont je viens de parler,avec une lenteur qui contrastait fortement avec la rapidité du torrent circulatoire dont ce globule était échappé-, bientôt après le globule cessait de se mou- voir, et il demeurait fixé dans le tissu transparent; or, en le comparant aux granulations que contenait ce même tissu, il était facile de voir qu'il n'en dille'raii en rien; en sorte qu'il n'était pas douteux que ces gra- nulations demi- transparentes ne fussent aussi des glo- bules sanguins précédemment fixés. Par quelle vole ces globules sortent-ils du torrent circulatoire ? C'est ce qu'il n'est pas facile de déterminer. Peut-être les vaisseaux ont-ils des ouvertures latérales par lesquelles 2l6 STRUCTURE INTIME le sang peut verser ses éléments dans le tissu des or- ganes; peut-être le mouvement de ces globules n'é- tait-il ralenti d'abord, et ensuite arrêté que parcequ'ils étaient engages dans des vaisseaux trop petits relati- vement à leur grosseur. On expliquera cette fixation des globules sanguins comme l'on voudra , mais le fait de cette fixation demeurera toujours démontré ; je l'ai observé un trop grand nombre de fois pour croire que ce soit un phénomène accidentel. Cette fixation des globules est indubitablement un phénomène dans l'ordre de la nature vivante : cela explique le rôle que jouent les globules sanguins dans la nutrition ; ce sont des cellules vagabondes qui finissent par se fixer et par se joindre au tissu des organes ; aussi les cel- lules vésiculaires et microscopiques qui composent essentiellement le tissu de tous les organes , sans au- cune exception , ne sont-elles généralement que de la grosseur des globules sanguins chez les animaux vertébrés : Leuwenhoek le dit positivement par rap- port au tissu du foie du mouton et de la vache \ Mes observations m'ont prouvé la même chose par rapport aux autres organes. Chez les mollusques, ces cellules microscopiques sont incomparablement plus grosses que les globules contenus dans le sang de ces ani- maux, ce qui peut provenir de ce qu'elles se sont développées après leur fixation. Au reste, le phéno- mène de cette fixation explique pourquoi les globules ont disparu tout-à-fait dans le sang du têtard que ' Transactions philosophiques, \G~i. ET MOT1LITK DKS \MM\I\ A \ 'J j'avais soumis à un jeûne très prolongé : celte dispa- rition prouve en même temps que ces globules tirent leur origine des aliments : aussi Leuwenhoek les a-t-il trouve's en abondance dans le chyle. Cela peut faire penser que ces globules vésiculaires sont introduits tout formés dans l'économie. Les substances alimen- taires, qui sont toutes des matières organiques, sont essentiellement composées de ces globules, et la di- gestion ne consiste probablement que dans leur disso- ciation, opérée par le menstrue stomacal. Ces obser- vations paraîtront sans doute très favorables au fa- meux système des molécules organiques de Buffon ; système que je suis fort éloigné d'admettre dans son entier , mais dont la base essentielle me paraît être ap- puyée sur les faits que je viens d'exposer. Ici je dois rappeler ce que j'ai exposé plus haut touchant la texture organique des végétaux : nous avons vu que ces êtres étaient entièrement composés ou de cellules ou d'organes qui dérivent évidemment de la cellule ; nous avons vu que ces organes creux étaient simple- ment contigus et adhérents les uns aux autres par une force de cohésion , mais qu'ils ne formaient point , par leur assemblage, un tissu réellement continu; en sorte que , dès lors , l'être organique nous a paru for- mé d'un nombre infini de pièces microscopiques qui n'ont entre elles que des rapports de voisinage. Les observations que nous venons de faire sur les animaux tendent évidemment à confirmer ce premier aperçu; il est encore confirmé par les observations si curieuses de M.Bory de Saint- Vincent sur ces arthiodiées, qui 2lS STRUCTURE INTIME sont composées de pièces de rapport qui se réunissent successivement les unes aux autres , en sorte que ces êtres singuliers nous montrent en dehors le phéno- mène de l'agrégation corpusculaire , que les autres êtres vivants cachent dans l'intérieur de leurs tissus organiques. ET MOTIJ.m: DES ANIMAUX. 219 APPENDIX. L'espèce d'avidité' avec laquelle la nature est au- jourd'hui interrogée de toutes parts met les natura- listes dans la nécessite de publier très promptement leurs découvertes, s'ils ne veulent pas courir le risque de se voir privés, par des observateurs plus diligents, de l'honneur qui y est attaché. Mais cette précipita- tion expose à publier des travaux incomplets et quel- quefois fautifs ; elle ne permet pas de rassembler et de coordonner une masse de faits. C'est cette dernière considération qui m'a engagé à retarder de plusieurs mois la publication des observations qui m'ont dé- voilé le mécanisme de la contraction musculaire. Pen- dant ce temps , deux observateurs très distingués , MM. Prévost et Dumas, se livraient à des recherches sur le même sujet, et arrivaient, par une autre voie, au résultat auquel je suis parvenu. Le travail de ces deux observateurs , communiqué à la Société philo- matique et à l'Académie des sciences , en juillet et août 182J, a paru, en extrait, dans le cahier de sep- tembre du Bulletin des sciences de la Société phi- lomatique > cahier qui ne m'est parvenu que dans le milieu du mois de novembre. Alors mon travail était complètement rédigé , et j'ai cru devoir le publier sans J20 STRUCTURE INTIME y rien changer, me réservant seulement d'y ajouter cet Appendix, dans lequel je vais exposer la décou- verte de MM. Prévost et Dumas, et la ihéorie qu'ils en de'duisent. Le travail de ces deux savants a été im- prime' en entier dans le numéro d'octobre du Jour- nal de physiologie expérimentale de M. Magendie. MM. Prévost et Dumas ayant placé sous le mi- croscope un muscle de grenouille suffisamment mince pour conserver sa transparence, et y ayant excité des contractions , au moyen d'un courant galvanique, ont vu les fibres se fléchir en zig-zag d'une manière in- stantanée , et cette flexion a déterminé le raccourcis- sement de l'organe; ils ont fait, en même temps, cette importante observation, que les dernières ramifica- tions des nerfs coupent à angle droit la direction des fibres musculaires , et que c'est toujours dans le lieu de leur intersection qu'existent les sommets des courbures qu'affectent les fibres musculaires en se courbant sinueusement. Ainsi, MM. Prévost et Du- mas ont vu, comme moi, que la contraction des orga- nes musculaires consiste dans une courbure sinueuse de leurs parties constituantes, et la date de la publi- cation de cette découverte leur en assure incontesta- blement la propriété , bien que j'eusse fait la même découverte de mon côté, au moyen d'expériences différentes. Toutefois, ceux qui liront mon travail et celui de MM. Prévost et Dumas avec attention ver- ront qu'ils contiennent des faits différents, quoique du même genre. Je vais essayer d'établir ici la dis- tinction de ce qui m'appartient et de ce qui constitue F.ï MOTIUTK DES ANIMAUX. 22 1 la part de MM. Prévost et Dumas, dans la découverte du mécanisme de la contraction musculaire. MM. Prévost et Dumas ont observe' la flexion si- nueuse de la fibre musculaire, flexion tout-à-fait sem- blable à celle des tiges des vorticelles, et que j'ai représentée dans la ligure 29, en a. Pour moi, je n'avais observé que l'incurvation semi-circulaire de cette fibre, arrachée à l'animal vivant , et plongée dans l'eau; j'avais cru pouvoir conclure de cette observa- tion que l'incurvation semi-circulaire de la fibre coo- pérait au raccourcissement du muscle, et qu'elle était l'auxiliaire de la contraction de cette même fibre. Par ce mot de contraction j'ai entendu exprimer l'ac- tion par laquelle la fibre musculaire se raccourcit en devenant plus grosse, sans perdre de sa rectitude. Or j'ai prouvé que cette contraction de la fibre trouve sa cause dans le plissement extrêmement fin, ou dans l'incurvation sinueuse des fibrilles et du tissu cor- pusculaire qui composent intérieurement la fibre mus- culaire. C'est ici que mes observations ont été plus loin que celles de MM. Prévost et Dumas. Ces obser- vateurs ne regardent comme une contraction que la courbure sinueuse de la fibre musculaire considérée dans sa masse ; ils ont bien observé que celte fibre se raccourcissait aussi sans aucune flexion , mais ils ont considéré ce raccourcissement comme le résultat de celte propriété que Haller nomme Yélasticité de la fibre, et que Bichat désigne sous le nom de contrac- tilité de tissu. Du reste, ils ne cherchent point à se rendre raison du mécanisme au moyen duquel cette 222 STRUCTURE INTIME élasticité est mise en jeu : ils admettent , dans la fibre musculaire, un état de repos, qui est celui qu'elle prend quand aucune cause ne tend plu^ à Talon ger. Ce n'est, selon ces observateurs, que lorsque la fibre a atteint, dans son raccourcissement élastique, cet état de repos , qu'elle devient susceptible de se cour- ber sinueusement pour se raccourcir de nouveau, et c'est à ce dernier phénomène seul qu'ils donnent le nom de contraction. Ici tout est exactement vrai dans l'exposition des faits : il n'y a d'erreur que dans la théorie. MM. Prévost et Dumas, n'ayant pas poussé assez loin leurs recherches, n'ont point vu que le raccourcissement de la fibre, sans aucune flexion , est dû à l'incurvation sinueuse à plis extrêmement fins du tissu intérieur de cette fibre, qui s'alonge par le déplissement de ce lissu, et qui se raccourcit , en conservant sa rectitude , par le plissement ou par l'incurvation sinueuse élastiaue de ce même tissu in- ê. Unie. Lorsque ce plissement intérieur est parvenu au summum, la fibre ne peut plus se raccourcir de cette manière , elle se trouve dans Y état de repos > suivant l'expression fort inexacte de MM. Prévost et Dumas. C'est alors que commence le développement d'un se- cond phénomène , celui de l'incurvation sinueuse de la fibre elle-même , qui se raccourcit en perdant sa rectitude, et cela par un mécanisme entièrement sem- blable à celui qui avait opéré son raccourcissement avec conservation de rectitude. Toute la différence qu'il y a, c'est que, dans le premier cas, le phéno- mène que présente la fibre est extérieur, et que, dans ET M0TIL1TÉ DES ANIMAUX. 2 25 le dernier cas, il est intérieur. Or, l'observation du premier de ces phénomènes appartient à MM. Pré- vost et Dumas ; l'observalion du second m'appartient exclusivement. C'est de l'ensemble de ces observa- tions que résulte l'explication complète du mécanisme de la contraction musculaire. Au reste, c'est faute d'avoir envisagé sous son véritable point de vue le phénomène de la contraction de la fibre qui conserve sa rectitude y que MM. Prévost et Dumas ont été con- duits à le considérer comme le résultat d'une simple élasticité étrangère, en quelque sorte, à la vie. Cette incurvation du tissu intime de la libre est tout aussi vitale que son incurvation de masse; elle est fort diffé- rente, quant à la cause occasionelle, de la contrac- tilité de tissu ou de la propriété que possède la fibre complètement morte de se raccourcir quand on l'a- bandonne à elle-même après l'avoir distendue. Ce dernier phénomène, comme je l'ai exposé plus haut, dépend de l'élasticité avec laquelle les parties intimes de la fibre tendent à conserver un certain état d'in- curvation qu'elles ont pris par le fait même de l'absence de la cause immédiate de la vie, absence qui paraît avoir occasioné celle d'une cause d'écartement corpuscu- laire. Ainsi , la contractilité de tissu après la mort est le résultat d'un état élastique fixe et permanent, tan- dis que la contraction vitale de la fibre, sans perte de rectitude de cette même fibre , est le résultat d'un état élastique susceptible deproi. dés variations dans son intensité, et même de cesser d'exister, jusqu'à un certain point, par le fan du relâchement. MM. Pré- 22l\ STRUCTURE INTIME vost et Dumas ont observé que c'est au moyen de ce raccourcissement sans perte de rectitude de la fibre que s'opère la contraction des organes musculaires membraneux , tels que ceux qui existent dans les pa- rois du canal alimentaire, et ils en ont conclu que la contraction de ces organes diffère entièrement de celle des muscles de la locomotion. On a lieu de s'é- tonner qu'une assertion aussi hasardée ait pu être émise par des observateurs qui , habitués à envisager la nature sous plus d'une face, ont dû voir qu'elle réunit constamment la simplicité et l'uniformité des causes premières, à la variété et à la fécondité des ré- sultats. Ainsi, le seul raisonnement à priori devrait faire admettre qu'il n'existe point de différence essen- tielle entre la contraction des muscles de la locomo- tion et celle des organes musculaires soustraits à l'em- pire de la volonté; et effectivement l'observation apprend que , dans ces deux cas , la contraction dé- pend de même de l'incurvation du tissu musculaire; dans l'un et l'autre cas , il existe un état élastique dont la cause est vitale : telle est l'idée que l'on doit se faire de l'incurvation sinueuse du tissu intime de la fibre musculaire, et de l'incurvation sinueuse de celte fibre elle-même. En effet , l'observation de l'incurva- tion végétale nous a démontré d'une manière bien évidente que cet état est dû au développement d'une force élastique; nous avons établi l'analogie de cette incurvation végétale avec l'incurvation animale; et en étudiant les phénomènes que présente cette dernière, nous avons vu qu'elle trouve sa cause dans un certain ET M0T1L1TK DBS \M>iU\. 223 rapprochement corpusculaire. Ainsi, il nous a été dé- monire (pie l'incurvation végétale et animale dépend du développement d'une force élastique, qui elle- même trouve sa cause dans certains phénomènes mo- léculaires ou corpusculaires; les muscles, par con- séquent, agissent comme des ressorts, mais ces ressorts ont une nature et un mécanisme tout particulier dont il est facile de se faire une idée. Il y a deux choses à considérer dans un ressort, sa position , et la force élastique avec laquelle il tend à conserver cette posi- tion, ou à y revenir quand il en est éloigné. Un ou- vrier qui veut faire un ressort d'acier commence par lui donner la position y c'est-à-dire l'état de rectitude ou de courbure particulière qu'il veut que ce ressort possède dans Y état de repos ; ensuite il lui commu- nique, au moyen de la trempe, la force élastique qui lui donne la tendance à persister dans cette position et à y revenir lorsqu'il en est éloigné. Or les fibres muscu- laires sont des solides qui, sous l'influence de certaines causes intérieures ou extérieures, prennent, soit dans leur masse, soit dans leurs parties intimes, nue position de courbure accompagnée d'une force élastique qui tend à faire persister celte position. Ainsi la contrac- tion musculaire est un véritable phénomène d élasti- cité; mais c'est une élasticité qui naît et qui disparait successivement avec la position de courbure qui l'ac- compagnait; or, comme l'élasticité est, en dernière analyse, un phénomène d'action moléculaire , il en résulte que la contraction se trouve de même , en dernière analyse, dépendre d'un certain mode i .") 226 STRUCTURE INTIME d'action des molécules ou des corpuscules qui com- posent les solides organiques. Cette théorie est toul- à-fait en opposition avec celle qui a été émise par MM. Prévost et Dumas : ces deux savants ayant ob- servé que les dernières ramifications des nerfs cou- pent a angle droit la direction des fibres musculaires , ont pensé que le courant galvanique excité au travers des filets nerveux déterminait le rapprochement de ces filets, qui s'attireraient réciproquement, et qui en- traîneraient ainsi avec eux les faisceaux musculaires auxquels ils sont fixés, ce qui déterminerait le plisse- ment des fibres. D'après cette hypothèse, les nerfs seuls seraient les organes du mouvement de contrac- tion, et les fibres musculaires seraient des organes inertes, destinés seulement par la nature à assujettir les filets nerveux les uns aux autres. On sent tout ce qui s'opposerait à l'admission dune pareille hypo- thèse, quand bien même il ne serait pas prouvé qu'elle doit être rejetée. Mais si l'hypothèse disparaît , les faits sur lesquels elle paraissait pouvoir être établie subsistent, et cette découverte suffit pour la gloire de ses auteurs, auxquels la science doit déjà beau- coup, et qui l'enrichissent tous les jours par d'impor- tants travaux. Je profiterai de l'occasion qui m'a été offerte d'a- jouter cet appendix a mon ouvrage, pour discuter l'o- pinion d'un savant fort célèbre sur l'irritabilité végé- tale. J'avais d'abord résolu de n'en point parler , pen- sant que les faits que j'avais établis sur l'observation suffisaient pour combattre une théorie purement i >.- ET MOTILITE DES ANIMAUX. \>.>>~ lionnelle, sans qu'il fût besoin d'entrer clans une dis- cussion à cet égard : cependant j'ai senti qu'il était nécessaire de changer ma première manière de voir sur cet objet; car, bien que les laits soient tout dans la science, cependant l'autorité des noms ne laisse pas d'avoir aussi quelque influence. Je discuterai donc ici brièvement 1 opinion de M. de Lamarck sur l'irri- tabilité. Ce naturaliste célèbre, dans son Introduction à l'histoire des animaux sans vertèbres , prétend établir une démarcation tranchée entre les mouve- ments des animaux et ceux des végétaux. Vroici com- ment il s'exprime ( chap. 3 ) : « Les végétaux sont » des corps vivants non irritables , et dont les ca- 1 ractères sont, i° d'être incapables de contracter » subitement et ilérativement, dans tons les temps , » aucune de leurs parties solides, ni d'exécuter, par » ces parties, des mouvements subits ou instantanés, » répétés de suite autant de fois qu'une cause stimu- » lante les provoquerait. » Pariant de ce principe, il prétend qu'aucun des mouvements des végétaux n'est dû à L'irritabilité ; que ce ne sont que des mou- vements de détente, ou des affaissements de parties, produits par l'évaporation de certains fluides subtils qui cessent de gonfler les cellules. Il affirme qu'au- cune des parties de la sensitive ne se contracte lors- qu'on la touche, mais que les mouvements qu'on lui voit exécuter ne sont que des mouvements articu- laires opérés par détente, sans qu'aucune des dimen- sions des parties de celle plante soit altérée, ce qui, selon lui, établit une différence tranchée entre ces 2 28 STRUCTURE INTIME mouvements et ceux qui résultent de l'irritabilité ani- male , dans laquelle il y a bien évidemment change- ment dans les dimensions de la partie contracte'e. Poursuivant , d'après les mêmes principes , le con- traste qu'il établit entre l1irritabilité animale et les mouvements des végétaux, M. de Lamarck donne comme une différence spécifique entre ces deux or- dres de phénomènes, que chez les animaux l'irrita- bilité reste la même dans les parties qui en sont douées tant que l'animal est vivant, et que leur con- traction peut se répéter de suite autant de fois que la cause excitante viendra là provoquer ,tandis que chez les végétaux prétendus irritables la répétition de l'attou- chement ou de la secousse ne peut plus, produire au- cun mouvement lorsque la plication articulaire est complètement effectuée. D'après cet exposé, les différences tranchées que M. de Lamarck prétend établir entre l'irritabilité ani- male et l'irritabilité végétale se réduisent aux points suivants : i ° les mouvements des végétaux ne sont que des plications articulaires; il n'y a point chez eux de véritable contraction ou de raccourcissement de parties; 20 ces mouvements ne peuvent être pro- duits itéraiwemeniy c'est-à-dire déterminés plusieurs fois de suite. 11 ne me faudra que quelques mots pour com- battre ces diverses assertions. D'abord , c'est une er- reur que de regarder les mouvements de la sensitive comme des plications articulaires. On a donné le nom $ articulai ion , dans les feuilles, à l'endroit où Il MOTIMTi: DES AMMAl \. 22Çf elles se séparent naturellement de la tige lorsqu'elles ont atteint le terme de leur vie: or, ce n'est point dans cet endroit que s'opère le mouvement des feuilles de la sensitive, c'est dans une portion renflée du pé- tiole, portion voisine de l'articulation, et à laquelle j'ai donne' le nom de bourrelet. C'est par l'incur- vation élastique de ce bourrelet que s7opère le mou- vement du pétiole de la feuille; ce mouvement n'est donc point articulaire , comme le pense M. de La- marck : on en doit dire autant des mouvements des pinnules et des folioles de la sensilive; ces mouve- ments ne sont point non plus articulaires , ils n'exis- tent que dans les bourrelets , parceque ces organes possèdent seuls la structure intime nécessaire pour l'exécution de ce mouvement. M. de Lamarck prétend qu'il n'y a point de véri- table contraction ou de raccourcissement de parties cliez les végétaux : l'observation infirme encore cette assertion. Nous avons vu que, chez Xypomœa sensi- tiva, les nervures de la corolle présentent un raccour- cissement de parties ou une contraction qui ne diffère en rien de celle des fibres musculaires , car elle con- siste de même dans une incurvation sinueuse. Le fait de la contraction de la corolle chez Xypomœa sen- sitwa n'était point connu du public, il est vrai, puis- que je suis le premier qui l'ait public', avec l'agré- ment de M. Turpin, qui a observé ce phénomène: mais tout le monde connaissait le phénomène essen- tiellement semblable que présente la corolle des cou- volvulus et celle de la bellc-de-nuit {mirabilis ja- 200 STRUCTURE INTIME lappa), qui se ploient au moyen d'une incurvation sinueuse pour présenter les alternatives de sommeil et de réveil. Mais il manquait à M. de Lamarck, pour établir l'analogie de ce mouvement avec l'irritabilité animale, de connaître le mécanisme de cette dernière, qui consiste de même dans une incurvation sinueuse. Enfin, M. de Larnarck objecte que les mouve- ments des végétaux ne peuvent être produits itérati- vement. Cette objection tombera d'elle-même , au moyen d'une réflexion bien simple : l'incurvation ne peut être produite une seconde fois que lorsqu'elle a cessé d'exister, c'est-à-dire lorsqu'elle a été rempla- cée par le redressement ou par le relâchement, selon l'expression ordinaire. Or, cbez les végétaux, le re- dressement ou le relâchement n'arrive que long- temps après l'acte de l'incurvation , en sorte que la partie reste long-temps incurvée, tandis que cbez les animaux le redressement ou le relâchement de la fibre arrive immédiatement après l'acte de son incurvation sinueuse ou de sa contraction; en sorte qu'il n'y a presque aucun intervalle entre ces deux phénomènes. De là vient que, chez les animaux, la contraction ou l'incurvation sinueuse peut être produite itérative- ment un grand nombre de fois de suite dans un très court intervalle de temps , tandis que cbez les végé- taux l'incurvation ne peut être produite itérativement qu'à des intervalles de temps assez longs : il faut at- tendre que le redressement ait succédé à l'incurva- tion. N'est-il pas évident que, dans cette circonstance, la longueur du temps qui s'écoule entre les deux actes ET MOTILITÉ DES ANIMAUX. 2?)\ de l'incurvation et du redressement n'apporte aucune différence essentielle entre les phénomènes de Vùyi- tabilité animale et de X1 irritabilité végétale? Dans L'une et dans l'autre, les mouvements sont produits itérative/fient , mais à des intervalles de temps diffé- rents. Pour ce qui est de l'hypothèse émise par M. de Lamarck, que les mouvements des végétaux sont dus à des affaissements de cellules produits par l'évapo- ration des fluides , il ne me faudra, pour montrer son peu de fondement , que rappeler l'expe'rience sui- vante, que j'ai plusieurs fois répe'te'e. La sensitive, en- tièrement plongée dans l'eau, meut ses feuilles sous l'influence des secousses, comme elle le fait dans l'air; elle y présente de même les phénomènes du sommeil et du réveil. Or , il est évident que dans cette cir- constance il ne peut y avoir ni évaporation ni affais- sement de cellules. Dans le cours de cet ouvrage j'ai opposé avec fran- chise mes opinions à celles de plusieurs savants cé- lèbres ; et je l'ai fait sans crainte de les blesser , per- suadé que tout philosophe observateur de la nature ne ^doit rechercher que la vérité, et qu'il ne peut manquer de la voir avec plaisir, même lorsqu'elle heurte ses idées les plus favorites. F I \ . TABLE DES MATIÈRES. Pages. Introduction : . . . . 1 Section Ire. Observations sur l'anatomie des végétaux , et spécialement sur l'ana- tomie de la sensitive 8 Section IL Observations sur les mouve- ments de la sensitive 52 Section III. Des directions spéciales qu'af- fectent les diverses parties des végétaux. 92 Section IV. De l'influence du mouvement de rotation sur les directions spéciales qu'affectent les diverses parties des vé- gétaux i38 Section V. Observations sur la structure intime des systèmes nerveux et muscu- laire , et sur le mécanisme de la con- traction chez les animaux fG3 APPENDIX 2I() Tableau synoptique des diverses modifi- cations de l'incurvation organique dans les deux règnes animai et végétal. ... 233 E riON ORGANIQUE ÉTAL. Incurvation simple oscillatoire des végétaux. Incurvation os- cillatoire, cYst-à-Iucurvî»tion simple oscillatoire des fibres musculaires. direalternantspon tanémcnt;'avec un état de redressen caractère est d'être lente, faible et très peu étendue: c'est la mtractilité organique insensible de Bicbat. Incurvation simple fixe des végétaux. Incurvation fixe oVsl-à-dire n'alter fr nant point d'um manière spontané" Incurvation sinueuse fixe des végétaux, avec un état de re dressement. Incurvation sinueuse fixe des muscles , occasionne par l'absence e la cause immédiate de la vie. Imurvation sinueuse fixe, suite de la précédente: elle est nom ée par Ilalkr élasticité d$ la fibre, cl par!Bichal conlrartilitè I tissu. ( 233 ) TABLEAU SYNOPTIQUE DES DIVERSES MODIFICATIONS DE L'INCURVATION ORGANIQUE DANS LES DEUX RÈGNES ANIMAL ET VÉGÉTAL. Simple ou à cour- bure unique. Sinueuse ou i courbures multi pliées. Simple ou à cour- bure unique. Sinueuse ou à courbures multi- Incurvation et redressement'alternatifs des bourrelets de la sen- sitiïe , des étamlnes du cactus opuntia et du ierberis vulgaris , des feuilles du dùmea muscipula ; oscillation des folioles du l'As- , . ... . j ii • i / incurvation simple oscillatoire des végétaux. dysarum gyrans ; incurvations en sens inverses , desquelles resul- / tent les positions alternatives de sommeil et de réveil chez les plantes ; mouvement des oscillaires Incurvation de la fibre musculaire arrachée à l'animal vivant et l , , ... . . , ~„. . . c. iiuinu^uiai.t an v « Incurvation «impie oscillatoire des fibres musculaires. plongée dans 1 eau » Plissement et déplissement des nervures de la corolle de j'y- ) Incurvation sinut.use osci|latoîre des végétaux et des zoophytes. ■pomœa stnsxtiva, des bras des hydres, et des tiges des vorticelles. ' Plissement et déplissement du tissu intime de la fibre niuscu- \ ,ncurTation sinueuse osci„atoire des mmdes . son caractère est laire, qui se raccourcit en devenant plus grosse et en conservant I ^^ ^.^ foneet ^ é|endue . ^ |a c01lt„ctilite animale sa rectitude. . \ ct la contractilité organique sensible de Bichat; c'est l'irritabilité Plissement et deplissemeot de la fibre musculaire elle-même , I , «aller qui se raccourcit en perdant sa rectitude ' „.. „ „ , . \ Incurvation sinueuse oscillatoire des organes nou musculaires: ^Plissement et depl.ssement des tissus qui ne sont point muscu- I ^ caractère egt d>être |entC) faiMe ct très peu étcBdue: c'eit la ' ) contractilité organique insensible de Bichat. Incurvation des valves de l'ovaire de la balsamine ; incurvation 1 des diverses parties des végétaux , pour affecter des dii celions spé- V Incurvation simple fixe des végétaux, ciales et fixes ) Incurvation des vrilles des végétaux : elles s'effectuent sous l'in- 1 fluence delà vie , et persistent après la mort et le dessèchement > Incurvation sinueuse fixe des végétaux, de la plante ) Plissement de la fibre musculaire, d'où résulte la contraction ) Incurvation sinueuse fixe des muscles , occasiom'c par l'absence des muscles, et par suite la roideur des membres après la mort. . V de la cause immédiate de la vie. ri,.... ,i i» «!,-„ „.. i • .i . i> i i ) Incurvation sinueuse fixe, suite de la précédente: elle est nom - riisscment de la fibre musculaire morte lorsqu on 1 abandonne ( , ,T „ ,. ..... . ,., * .„. . .,. . à elle-même après l'avoir distendue en l'alon-eant inec par Haller «/«wl.»* *• la fittrê, et parJBlchat contrarliUt* J rie tissu. /y . /. a : ïfckl T T 7| S32f£f -^îlli!!*'! Wd •."£•*• I&1 V'v /. VPfc fcr„ , - ES* , f\ n.2 TiirDtn a izprrs les Jisnuij-.'-es dr iLAuhur r P/" ■ 4- •OS^N, 6*«-tb X £ b 76S"7