Mémoire extrait des Nouvecces ArcHives pu Muséum d'Histoire Naturelle de Paris publiées par MM. les Professeurs- Administrateurs de cet Établissement. PARIS LIBRAIRIE DES SCIENCES NATURELLES { MaIsoN À. BOUVIER) 55, Quai des Grands-Augustins, 55. A LA MÊME LIBRAIRIE Maison A. BOUVIER. — 55, Quai des Grands-Augustins, PARIS. — HSE D Ornithologie Française par J.-P. Vieizcor, ou Histoire naturelle des oiseaux de France, dessinés d’après nature par P. Ouparr. Exemplaire de 109 planches coloriées grand in-4°. . 100 » Exemplaire"de 60 MEME A nee 3 60 » L'ouvrage devait former deux volumes de 60 feuilles et 372 planches ; mais il n'a paru que HUIT LIVRAISONS DE 6 PLANCHES, La première en 1823, la huitième en 1826. (Brunet. Manuel du libraire, 1864). La mort à empêché l'auteur de terminer l'ouvrage, qui n’a eu environ que le quart de ses planches de dessinées. Le tirage borné à quelques exemplaires (en partie détruit accidenteilement) n'a jamais paru dans le commerce. Recherches sur les ossements fossiles par G.Cuvier; ou l’on rétablit les caractères de plusieurs animaux dont les révolutions du globe ont détruit les espèces. Quatrième édition, Paris 1836, 10 vol. in-8 et 2 atlas in-4 de 280 pl. (au lieu de 150 fr.) 85 » Cette édition revue et complètée au moyen de notes additionnelles, et d'un supplément laissé par l’auteur, renferme aussi: les discours sur les révolutions de La surface du globe et les changements qu'elles ont produits dans le règne animal, ainsi que l'Éloge de Cuvier, par M. LAURILLARD, et une fort utile Explication des planches, formant à elle seule presqu'un volume in-4e. Nouvelles archives du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris. — Publié par MM. les professeurs-administrateurs de cet établissement. Cette collection est formée de 10 volumes grand in-4° comprenant dix années (de 1865 à 1874.) Chaque volume se compose par année de 40 à 50 feuilles de texte et de 22 à 30 planches gravées ou lithographiées, noires ou coloriées selon que les sujets le comportent. « Chaque volume est divisé en deux parties, dont l’une est consacrée aux mémoires dans lesquels les professeurs ou les naturalistes atfachés au muséum, exposent les résultats de leurs recherches, et dont l’autre sous le litre de Bullelin comprend les rapports sur les collections, des extraits de ia correspondance des voyageurs du muséum, des descriptions sommaires d'espèces nouvelles ou peu connues, et quelques autres articles du même ordre ; le tout accompagné des planches que la nature des travaux comporte. 10 volumes grand in-4° (1865-74) avec planches noires et coloriées, ( au lieu de 550 fr.). . . . . . . 330 » Chaque volume séparément. . . . . DOS DE UT CRE IE SRE A Te 2: 45 9 Voyage sur la corvette l’Astrolabe, exécuté de 1826 à 1829 sous le commande- ment de M.-J. Dumonr D’urviLe : 10 vor. gr. in-8 en 20 tomes, accompagnés de vignettes et de planches et 5 ArLas gr. in-folio, renfermant 533 planches lithographiées etIPTAVÉES AVEC SOIN Re CARTE FC 0 DU De hd nr, D 2 CHRSRER 240 » On peut acquérir séparément : Histoire du Voyage par M.-J. Dumont D'URVILLE, 5 vol. en 10 tomes, avec 100 vignettes dans le texte et 2 atlas renfermant 8 cartes, et 235 planches lithographiées. . . . . . . . . . . . MNT TES 0 D A CRE 70 » Mammifères et Oiseaux, par MM. Quoy ET GAIMARD, À vol. avec atlas et 59 ne BTAVÉRS RE Te: à 40 » Entomologie par le Dr BoispuyAL, 1 très-fort volume, en 2 tomes, avec’atlas et 12 planches gravées . . . . . 24 » Mollusques et Poissons, par MM. Quoy Er GAïmaRD, 2 vol en 4 tomes avec atlas de 113 pl. gravées . . . 80 » Zoophytes par MM. Quoy Er GAYMARD, À vol. avec atlas de 26 planches gravées. . . . . . . . . . . . . . .. 24 » Botanique, par M.-A. RicHarp, À vol. en 2 tomes avec atlas de 80 planches gravées. . . . . . . . . . . . . 54 » On peut aussi acquérir séparément: Mammifères, 1 broch. avec atlas de 98 pl. grav. 24 » | Mollusques, 2 vol. en 4 tomes, et 93 pl. .. 72 » Oiseaux, 1 broch. avec atlas de 51 planches. . 27 » | Poissons, 1 brochure (extraite du 4° tome des Lépidoptères, 1 vol. avec atlas de 5 planches. . 12 » MoLLusQuEs) et 20 planches. . . . . . . . . . 16 » Coléoptères et autres ordres, 1 fort volume, avec atlas | Essai d'une flore de la Nouvelle-Zélande, de 7 planches... . .............. 20 » A vol. avec atlas de 41 planches, (2 Fu Les planches des Coléoptères etc. portent les n°° de 6 à ches bis). . . . . .. APCE CS Ë 35 » = RS 1] planches étaient consacrées aux Lépi- | Sertum Astrolabium, 1 no avec atlas de 39 ONE UE Op! le A LA MÈME LIBRAIRIE : Les Ouvrages de Sciences naturelles en LANGUES ÉTRANGÈRES. / NT œr* di D Ce + En l {AC ee _ ai RECHERCHES / 373 POUR SERVIR À L'HISTOIRE JAVZ : LOMBRICIENS TERRESTRES, PAR EDMOND PERRIER AIDE =NATURALISTE AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, MAITRE DE CONFÉRENCES A L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE De tous les animaux, les Lombriciens ou Vers de terre sont peut- être ceux qu'on a le moins étudiés. Il n'y a pas vingt ans qu'on a acquis les premières notions pré- cises sur nos Lombrics indigènes, et, malgré les travaux publiés jus- qu'à ce jour, Claparède pouvait encore écrire, il y a deux ans, sur le Lombric terrestre, un volumineux mémoire qui est loin d’avoir épuisé l’histoire anatomique de cet animal. Si nos Lombrics indigènes ont tardé si longtemps à être connus, c'est bien pis encore pour les Lombrics exotiques. À peine en a-t-on signalé quelques espèces par des descriptions rapides, à peu près uniquement remplies par la liste des caractères extérieurs. C'est dire que toute une classe d'animaux, aussi distincte de ses 6 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. voisines que les oiseaux peuvent l'être des mammifères, ne nous est encore connue que par quelques-uns de ses types. C'est là ce qui nous a engagé à étudier avec soin la collection des Lombriciens du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Monsieur le professeur Deshayes a bien voulu nous autoriser à faire sur les échantillons de la collection toutes les opérations qui nous paraîtraient nécessaires à leur étude; nous l'en remercions ici. Nous avons, en conséquence, ouvert un certain nombre de doubles et même quelques individus uniques, en prenant soin néanmoins qu'ils ne fussent, après cette opération, en aucune facon détériorés et puissent reprendre dans la liqueur la forme qu'ils avaient avant. Ce genre de recherches a dû limiter beaucoup l'étendue de nos études sur chaque animal. Bien des questions délicates ont dû être réservées; néanmoins nous en avons vu assez pour nous assurer que sous une apparence extérieure des plus uniformes, les Lombrics devaient présenter une variété de types presque aussi grande que celle qu'on observe chez les véritables annélides, variété qu'il était impossible de soupçonner à l'avance. Notre travail se composera de trois parties. Dans la première nous ferons un historique rapide des travaux publiés jusqu'à ce jour sur les Lombrics, et nous préciserons autant que possible les problèmes que pouvait soulever l'étude de ce groupe. La seconde partie sera consacrée à l'étude particulière de chacun des types que nous avons eus à notre disposition. Enfin, dans la troisième partie, nous exposerons les résultats généraux qui paraissent se dégager de notre travail. LOMBRICIENS TERRESTRES. Fr PREMIÈRE PARTIE. HISTORIQUE. — GÉNÉRALITÉS. Nous ne nous arrêterons pas ici sur les premières phases de l’histoire des Lombriciens. Linné les confondait avec tout ce qui était mou dans sa grande classe des Vers. Cuvier, les réunissant aux sangsues, en faisait l’ordre des Abranches de sa classe des Annélides; dans cet ordre, les Lom- brics étaient néanmoins séparés des sangsues à cause de la présence de soies locomotrices sur leurs téguments. IIS formaient pour la première fois une /amille naturelle, celle des Annélides abranches sétigères. Telle était encore, en 1830, la manière de voir de Cuvier rela- tivement aux Lombriciens. C'était un progrès sur Lamarck qui, tout en plaçant dans un ordre particulier les Sangsues et les Lombrics, unissait à ces derniers un certain nombre d'animaux appartenant à un tout autre groupe. Dans la classification de Lamarck, les Lombriciens vrais ne forment qu'un seul genre de la famille des Annélides apodes échiurées. En 1820. dans son système des Annélides. Savigny réunit aussi dans un même ordre les Lombrices et les Échiures, qui sont maintenant des Géphyriens; mais il forme pour les Sangsues un ordre particulier. celui des Hirudinées. D'ailleurs, dans son ordre des Lombriciens. Savigny fait deux familles : une pour les Lombriciens vrais, l’autre pour les Échiures et les animaux analogues, qu'à l'exemple de Lamarck, il rapproche des Lombrics. Savigny est le premier qui ait indiqué quelques divisions dans le genre Lombric. II sépara, sous le nom d’AHypogéons, des Lombrics qui avaient une rangée de soies dor- 8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. sales, de même qu’il créa le genre Clitellio pour des vers qui se rap- prochent de nos Naïs. De Blainville, en 1828, donna dans le Dictionnaire des Sciences naturelles une classification des Vers dans laquelle les Lombrics, consi- dérés comme famille distincte, concourent, avec la plupart des Anné- lides errantes, à former l’ordre des Entomozoaires Chétopodes homo- criciens. En 1838, M. Milne Edwards réunissait encore aux Lombriciens, pour former la famille des Annélides mésobranches terricoles, les Thalassémiens qui sont, comme nous l'avons dit plus haut, des Géphy- riens, et les Clyméniens qui sont de véritables Annélides. Plus tard. en 4841, il adopte purement et simplement, en changeant un peu les noms. le groupement de Savigny. Ce n’est qu’en 1845, dans une publication de Johnston ‘, que les Lombriciens apparaissent formant un ordre spécial. Grube a adopté cette manière de voir dans son ouvrage intitulé die Familien der Anne- liden: il fait avec les Lombriciens l’ordre des Annélides oligochètes et divise cet ordre en deux familles : Lumbricina, Naïdea. Ce nom d’Anné- lides oligochètes a été adopté par Claparède dans les nombreux travaux qu'il a publiés sur ce sujet. Au contraire, d'Udekem a conservé le nom de Lombriciens, qu'avait créé Savigny et que nous n'avons aucune raison de rejeter. Nous arrivons à l'opinion de l’auteur français qui s’est le plus occupé des Annélides, M. de Quatrefages. M. de Quatrefages limite tout autrement que ses devanciers la classe des Annélides ; il réserve ce nom aux Vers dioiques, à corps com- posé d'anneaux portant des pieds en forme de mamelon el armés de soies eæsertiles et rétractiles. Dans ce système, les Géphyriens, les Lombriciens et les Hirudi- 1. Annals of Natural History, t. XVI. 1845. LOMBRICIENS TERRESTRES, 9 nées forment autant de classes distinctes ayant une valeur équivalente à celle des Annélides proprement dites. Cette manière de voir paraît la plus naturelle. Le mode d'existence des Lombriciens, l'absence chez eux de métamorphoses, la disposition tout autre de leur appareil locomoteur, l'absence constante d'appareils respiratoires comparables aux branchies des Annélides, l’hermaphroditisme à peu près général de toutes les espèces sont autant de caractères dont la valeur est certainement supérieure à celle des caractères qui séparent, par exemple, les Coléoptères des Orthoptères dans la classe des Insectes. Les Lombriciens, tels que les comprennent tous les naturalistes aujourd'hui, sont tout aussi différents des véritables Annélides que les Arachnides le sont des Insectes et des Crustacés. Si l'on adopte le nom de classes pour les groupes d'articulés dont nous venons de par- ler, il faut l'adopter aussi pour le groupe des Annélides, comme l’en- tend M. de Quatrefages, pour ceux des Lombriciens et des Hirudinées. Une certaine similitude trompeuse dans la forme extérieure ne peut être un argument suffisant contre cette manière de voir; aussi devons- nous nous étonner de cette rubrique : ORDRE DES ANNÉLIDES LOM- BRICINES, que M. Léon Vaillant a placée en tête de son tableau de la classification de ces animaux’, tableau qui n’est pour ainsi dire que le prologue d'un ouvrage devant compléter les trois volumes que M. de Quatrefages a publiés sur les Annéiides, dans les Suites à Buffon de Roret. Les Lombriciens étant admis comme classe distincte, nous devons maintenant faire connaître les principaux travaux dont ils ont été l’objet. Les premiers mémoires anatomiques traitant spécialement des 1. Annales des Sciences naturelles, 5° série, t. X. VIII. 2 10 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Lombries sont ceux de Montègre?, Leo * et Morren*. Is traitent du Lombrie comme l'ouvrage de Strauss traite du hanneton. Ees princi- paux organes y sont décrits, mais avec de nombreuses erreurs; ainsi Montègre croyait les Lombrics vivipares, Leo prend les testicules pour les ovaires et les vésicules séminales ou poches copulatrices pour des testicules. Néanmoins il donne aux canaux déférents qu'il a le pre- mier signalés, leur véritable signification. Morren commet les mêmes fautes, sans parler des canaux déférents. En 1828, Dugès publie dans les Annales des Sciences naturelles un travail intitulé : Recherches sur la circulation, la respiration et la repro- duction des Annélides abranches. Dans ce travail, Dugès décrit six espêces de Lombries sur lesquelles ses observations ont porté ; sa description de l'appareil circulatoire est assez exacte; il en est de même, au point de vue anatomique pur, de sa description des appareils génitaux; seu- lement ses déterminations physiologiques sont fautives ; il prend, Tui aussi, les testicules pour des ovaires, les vésicules séminales pour des testicules; mais il décrit et figure surtout fort bien les canaux déférents qu'il prend pour des ‘oviductes. On retrouve dans sa figure les pavillons vibratiles terminaux de ces canaux; mais dans le texte il donne ces pavillons comme constitués par le pelotonnement des ovi- ductes. L'erreur dans laquelle sont tombés presque tous les auteurs rela- tivement aux testicules s'explique par la quantité considérable de grégarines à tous les degrés de développement que renferment ces organes. Ces grégarines, lorsqu'elles sont à l’état de psorospermies ou de pseudo-navicules, ont effectivement la forme de petits œufs et, chose remarquable. j’ai trouvé des organismes en tout semblables dans les testicules d’un Perichæta venant de Calcutta et dans ceux du 1. Mémoires du Muséum d'Hist. nat. 3° cahier, 1815. 2. Diss. inaua. de structura Lumbrici terrestris, 1820, 3. Lumbrici terrestris historia naturalis nec non anatome, 1822. LOMBRICIENS TERRESTRES. EL Ver des Antilles que j'ai désigné sous le nom de £udrilus decipiens. Il semble donc que ces grégarines soient un parasite constant du testi- cule des Lombriciens terrestres. Henle, le premier, décrivit exactement le contenu des testicules t. Stein ? leur attribua leur véritable signification ; mais Weckel *, prenant un terme moyen, vit, dans les véritables testicules, des ovaires et des testicules accolés, et Von Siebold* émit l'idée que chez les Lombrics le testicule et l'ovaire étaient invaginés l’un dans l’autre. Pour Steenstrup, les glandes en question sont, chez certains Vers, des tes- ticules, et, chez d’autres, des ovaires. On voit par ces citations combien cette question est demeurée longtemps embrouillée. Par la découverte des véritables ovaires, Jules d'Udekem détermina enfin le véritable rôle de chaque partie ; il montra que les glandes controversées étaient purement et simplement des testicules, que leur produit se déversait à l’extérieur par une paire de canaux s’ouvrant très en avant de la ceinture et se terminant cha- cun par deux pavillons vibratiles, englobés dans l'enveloppe membra- neuse des testicules. Quant aux ovaires. il les trouva vers le treizième anneau, de chaque côté de la chaîne ventrale; mais ne put voir comment ils communiquaient avec l'extérieur. On reproche à d'Udekem d'avoir attribué à de petits corps placés auprès des poches copula- trices le rôle de glandes capsulogènes, d’avoir considéré même quelquefois comme telles de véritables poches copulatrices. Ge reproche est fondé; néanmoins, le mode de sécrétion de la capsule qui enveloppe les œufs est encore à trouver, et il n’est pas démontré le moins du monde que ce soit la ceinture qui effectue cette sécrétion comme le veulent quelques auteurs. 1. Müller’s Archiv., 1835. Uber die Gattung Branchiobdella und über die Deutung der inneren Geschlechtsglider der Anneliden. 2. Müller's Archiv., 1842. 3. Müller's Archiv., 1844. 4. Manuel d'analomie comparée. — (Trad. franç., pag. 227.) a 42 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Le travail de d'Udekem, couronné par l'Académie de Belgique en 1853. n'avait pas encore épuisé la question. En 1557, un étudiant en médecine de Leipzig, Æwald Hering, publia dans le Zeïtschrift für wissenschaftliche Zoologie de von Siebold et Kôlliker, un remarquable tra- vail qui complète les résultats de d'Udekem. Hering a démontré que les ovaires étaient greffés sur les téguments et ne s'ouvraient pas directement à l'extérieur. Les œufs, à leur maturité, tombent dans la cavité générale du corps; ils sont alors recueillis par des pavillons vibratiles à pédoncule très-court, logés, pour le Lumbricus terrestris, dans le quatorzième anneau du corps et qui, eux, s'ouvrent à l'extérieur. Hering étudia en même temps avec soin l’accouplement des Lom- brics, confirma quelques-uns des faits trouvés par ses prédécesseurs, et signala le premier une paire de soies, plus grosses que les autres, situées au quinzième segment, au point même où s'ouvrent les canaux déférents. Nous retrouverons des soies analogues chez d’autres espèces; elles jouent dans le phénomène de l’accouplement un rôle variable, mais d’une importance probablement assez grande. Hering démontra enfin que la semence n’est pas déposée directement dans les poches copulatrices; mais qu’elle est éjaculée dans une sorte de gouttière temporaire formée par les téguments pendant l’accouple- ment et qui va de la ceinture aux orifices des poches copulatrices. La semence chemine dans cette gouttière par l'effet de contractions rhythmiques exécutées par les parois du corps. Ge fait, vrai pour les Lombries de notre pays, ne l’est sans doute pas pour ceux des Lom- briciens exotiques que nous trouverons pourvus d’un appareil copu- lateur bien développé. Les découvertes de d'Udekem et de Hering furent assez vivement attaquées en 1858 par le docteur Williams (de Swansea) ‘ qui nia d’une manière absolue l'existence des canaux déférents, celle des pavillons 1. Transactions of the Royal Society, vol. GXLVIIT, 1858. LOMBRICIENS TERRESTRES, 13 vibratiles découverts par Hering et même lexistence réelle des ovaires. Malheureusement pour lui, le docteur Williams s’est laissé entrai- ner par une idée préconçue; c’est ainsi qu'il n’a pas vu des choses que tous les observateurs consciencieux ont retrouvé sans trop de peine, ont pu revoir avec la plus grande netteté et qui ont été figurées de nouveau, en 1865', par l’un de ses compatriotes, le docteur Ray Lan- kester. Toutefois le docteur Williams a introduit dans la science des idées morphologiques qui paraissent justes, quand on ne veut pas les exagérer, et qui ont été adoptées en particulier par Claparède et par Ray Lankester. Ce sont ces considérations. morphologiques que nous allons maintenant exposer. Chez un grand nombre d’Annelés, il existe, dans chaque anneau du corps, des organes s’ouvrant à l'extérieur et présentant le plus souvent la forme de longs tubes tortueux, glandulaires sur une portion plus ou moins grande de leur longueur, munis intérieurement de cils vibratiles et se terminant, à l’intérieur du corps, par un pavillon béant et vibratile. Chez les Naïdiens ce pavillon traverse, en général, la cloison antérieure de l'anneau dans lequel est situé le tube tortueux ; il en résulte que chaque anneau du corps communique avec l’exté- rieur par l'intermédiaire d’un tube situé dans l'anneau suivant et s’ouvrant à l'extérieur à travers les téguments de ce dernier anneau. Williams a donné à cet appareil le nom d’organe segmentaire (segmental organ ) *. Les orifices de ces organes segmentaires sont chez nos Lom- brics et chez les Naïdiens situés en avant de chacun des faisceaux de soies de la rangée inférieure. 1. Quarterly Journal of microscopical science, janvier 1865. 2. Transactions of the Royal Society, vol. CXLVIIT, 1858. Researches on the structure and homology of the reproductive organs of the Annelids. 14 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Ces organes sont connus depuis longtemps. Willis. Morren, Leo les ont décrits chez le Lombric comme des vésicules aériennes, des espèces de trachées. Dugès constata que les tubes qui y sont annexés sont pourvus de cils vibratiles et contiennent un liquide aqueux. Henle ! fit la même observation en ce qui concerne l'Enchytrœus, petit ver transparent, plus voisin des Naïs que des Lom- brics, mais habitant la terre humide, comme ces derniers. Déjà, en 1893, Gruithuisen les figure chez sa Naïs proboscidea ?, et en 1828 chez divers Chætogaster; il leur attribue, comme tous les au- teurs dont nous venons de parler, le rôle d'organes respiratoires. C’est aussi l'opinion de Siebold * qui signale le premier l'ouverture interne de ces organes dans les Tubifex rivulorum, Lumbriculus variegatus, Naïs elinguis, et même chez l'£nchytrœus albidus. Mais il n’a pu voir cet orifice chez les Lombrics dont les organes segmentaires sont compli- qués d'un appareil vasculaire très-développé. La première bonne des- cription de ces organes et de leur mode de terminaison, chez le Lom- bric terrestre, a été donnée en 1853, par Gegenbaur *, qui attribue à Leydig la découverte de l’orifice interne de ces canaux ; mais le Mémoire de Leydig sur la Branchiobdelle et la Pontobdelle auquel il est fait allu- sion n’est que de 1852. A peu près à la même époque, et un peu avant le travail précé- dent, d'Udekem publiait son mémoire sur le Tubifex rivulorum *, daté du 5 février 1853 et, pour la première fois, il attribuait nettement aux organes segmentaires le rôle d'organes sécréteurs et excréteurs; il les comparait aux reins des animaux supérieurs. Cette interpréta- tion de d'Udekem a été depuis universellement adoptée. C'est ici que doit se placer le travail du docteur Williams dont nous A. Archiv. für Anatomie von J. Müller, 1837. Uber Enchytrœus. 2. Nova Acta Academiæ Leopoldinæ curiosorum naturæ, t. XT. 3. Manuel d'anatomie comparée, pag. 216, t. I. (Trad. franç., 1849.) 4. Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, t. IV. 5. Mémoires couronnés de l’Académie royale de Belgique, t&. XXVI, 1854-1855. LOMBRICIENS TERRESTRES,. 19 avons déjà parlé. Ce naturaliste, reprenant les travaux de ses devan- ciers, y ajoutant ses propres observations, considère l'existence des organes segmentaires comme l’un des traits fondamentaux de l'orga- nisation des Annelés. On les retrouve en effet chez les Hirudinées, chez la plupart des Annélides, et quelque chose d’analogue existe chez Ha Bonnellie, comme Pa montré M.de Lacaze-Duthiers, et même chez les Rotifères ; à ce point de vue, M. Williams a raison d'attribuer une grande importance à ces organes ; il va beaucoup plus loin. Pour lui les organes segmentaires représentent en quelque sorte la portion génitale du zoonite. Ils ne se spécialisent pas de cette façon dans tous les anneaux; mais partout où se trouve un organe tenant en quelque façon à la génération c’est, selon M. Williams, par une transformation de tout organe segmentaire ou de lune de ses parties que l’organe en question est produit. Cette idée conduit M. Williams à dire qu’il n'existe pas d'autre canal déférent que les organes seg- mentaires des anneaux où sont situés les testicules ; que les testicules sont greffés sur la base de ces organes et possèdent avec eux une ouverture extérieure commune ; qu’il en est de même pour les ovaires et les oviductes. Ce sont là manifestement des erreurs anatomiques qu'il eût été facile à M. Williams d'éviter. Toutefois il y a dans cette doctrine quelque chose à garder. Depuis le mémoire de Williams, depuis ceux de d’Udekem, l'étude des Lombri- ciens aquatiques a fait, entre Les mains de Claparède, de grands progrès. Dans deux mémoires publiés par les archives de la Société des sciences physiques et naturelles de Genève‘, Claparède s'occupe de la structure des Eombriciens, auxquels il donne le nom d’Annélides oli- gochètes?. 1, Tome XVI, 2° partie, 1862, 2. Recherches sur les Annélides, Turbellariés, etc., du golfe de Naples; et Recherches anatomiques sur les Oligochètes. 16 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Il est surtout question dans ces mémoires du groupe des Naïdiens, et l’auteur y démontre que, dans tous ces animaux, les glandes géni- tales se développent indépendamment des organes segmentaires ; mais que les canaux déférents ne sont pas autre chose que des organes segmentaires diversement modifiés. Il va plus loin et soutient que les poches copulatrices ne sont également que des modifications de ces mêmes organes et parfois de leur portion inférieure seulement, la portion supérieure se terminant comme d'habitude en pavillon vibra- tile et allant se greffer sur l'organe segmentaire de l'anneau suivant. Ainsi Claparède admet les doctrines du docteur Williams, sauf cependant en ce qui touche les testicules et les ovaires qui, bien évi- demment, ne sont jamais greffés sur des organes segmentaires. Il est remarquable, en effet, que, chez tous les Naïdiens, les organes segmentaires disparaissent dans tous les segments génitaux et qu'à leur place on trouve des organes qui leur ressemblent jusque dans leur forme (canaux déférents, oviductes) ou tout au moins s'ouvrent à l'extérieur par un orifice à peu près placé comme le leur (poches copulatrices). Cette coïncidence perd peut-être un peu de sa valeur si l’on remarque que, chez les Naïdiens, les organes segmentaires manquent encore souvent dans les quatre ou cinq premiers anneaux du corps, bien que ceux-ci ne contiennent ni canaux déférents, ni poches copu- latrices; que de plus ces mêmes anneaux sont fréquemment modifiés de manière à ne pas ressembler à ceux qui les suivent, comme on le voit chez plusieurs Naïs et chez les Dero, où le faisceau supérieur des soies disparait. Néanmoins la coïncidence en question existe et, jointe à l’analogie de la forme et de la fonction, excrétive dans les deux cas, des canaux déférents et des organes segmentaires, elle suffit à donner un certain poids à l'opinion commune de Claparède et de Williams. Quand on passe des Naïdiens aux véritables Lombrics, une grosse difficulté se présente toutefois à ce sujet : c’est que chez ces derniers LOMBRICIENS TERRESTRES. 17 les organes segmentaires coexistent ordinairement avec les canaux déférents et les poches copulatrices, dans les anneaux génitaux. L'ho- mologie n'est donc plus possible et il fallait s'y attendre, dit Claparède, car, chez les Lombrics, l’orifice des poches copulatrices est situé tout autrement que celui des organes segmentaires. Le premier est très- rapproché de la paire de soies supérieures, tandis que les seconds sont compris au contraire entre les deux paires de soies inférieures. Quant au canal déférent, il traverse plusieurs anneaux sans appartenir plus spécialement à aucun d'eux et doit être, suivant Claparède, considéré comme un organe de nouvelle formation. De prime abord cette conclusion paraîtra étrange. Physiologique- ment, ces divers organes jouent chez les Lombrics le même rôle que chez les Naïs; anatomiquement, ils présentent exactement la même constitution; il est très-surprenant que dans des animaux aussi voisins, pour former des organes presque identiques dans la forme et dans la fonction, la nature ait employé des procédés différents. De deux choses l’une : ou l'homologie généralement acceptée pour les Naïs est aussi vraie pour les Lombrics, ou elle est fausse pouf les deux groupes d'animaux. Tel est le dilemme qui semble s'imposer de lui-même aux naturalistes. Tandis que Claparède s’efforçait de l’esquiver, le docteur ay Lankesler' proposait une solution, sans l'appuyer cependant sur aucun fait d'observation. Pour lui, on doit considérer le zoonite du Lombricien comme portant normalement quatre paires de soies symétriquement placées el quatre organes segmentaires s’ouvrant, deux dans la région ven- tale, deux sur les côtés, entre les paires de soies latérales; mais dont il ne peut cependant préciser davantage la position. Chez iles Nais, l'organe segmentaire supérieur avorte constamment; chez les Lom- 1. Quarterly Journal of microscopical science, janvier 4865. VIN, 3 18 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. briciens cet avortement se produit aussi dans presque tous les anneaux, sauf cependant dans les anneaux génitaux où les organes segmentaires supérieurs persistent, pour former les canaux déférents et les poches copulatrices. Cette théorie est ingénieuse; mais elle ne peut être défendue sérieusement que si toutes les conséquences qu'elle entraîne avec elles sont vérifiées par l'observation. Ces conséquences sont les sui- vantes : 4° On ne voit pas à priori de raison pour que les poches copula- trices et les vaisseaux déférents occupent plutôt tel ou tel anneau que tel autre. On doit donc s'attendre à voir les positions relatives de ces organes varier dans les différents types de Lombriciens vrais; 2% Dans un anneau qui présente déjà un organe segmentaire, on ne doit jamais trouver à la fois une poche copulatrice et un canal déférent ; 3 Si la condition fondamentale du zoonite est réellement de posséder quatre organes segmentaires, on ne voit pas pourquoi l'organe supérieur avorterait toujours, sauf dans les anneaux géni- taux; on doit dans certains types en retrouver des traces, et ces types doivent pouvoir conserver, au moins dans quelques anneaux, quatre organes segmentaires ; h° L'avortement doit pouvoir porter tout aussi bien sur le système inférieur que sur le système supérieur; il doit donc y avoir des types dans lequel c'est l'organe supérieur qui persiste et l'organe inférieur qui avorte ; 5° [ doit être possible de rattacher morphologiquement chaque série d'organes segmentaires à une autre série d’organes plus constants de manière à pouvoir affirmer, quand il n’y a qu'une seule paire d'organes segmentaires, que cette paire dépend de tel ou tel sys- tème ; 6° Il doit enfin y avoir des cas où l'organe segmentaire et le LOMBRICIENS TERRESTRES, 19 canal déférent soient assez évidemment semblables pour que l'homo- logie que l’on cherche à établir soit indiscutable. De toutes ces propositions, la deuxième est absolument exclusive; si, dans un seul cas, elle n'est pas remplie, il faut rejeter de toute nécessité la théorie supposée; quant aux autres, si les conditions qu'elles expriment n'étaient jamais réalisées, cela ne rendrait pas l'hypothèse absurde; mais celle-ci ne pourrait jamais être considérée comme démontrée; de plus, elle serait inutile parce qu'une théorie n’a d'autre but que de grouper des faits en apparence différents et que, dans le cas actuel, il serait beaucoup plus court de constater purement et simplement ce qui existe et de l’énoncer comme une loi, que de faire une supposition gratuite et de la substituer à la réalité des faits. Au contraire, s’il existe des types dans lesquels se manifestent ces diverses conditions, diversement combinées, il y a avantage à accepter l'hypothèse tant que d’autres faits ne viennent pas l’infirmer; il y a de plus des chances pour qu’elle exprime réellement une loi de la nature; on peut s’en servir comme d’un point de départ pour de nou- velles investigations et prévoir à l'avance un certain nombre de com- binaisons organiques qu'il sera possible de rencontrer. IL était probable qu'un travail du genre de celui-ci pourrait servir d'épreuve à la théorie de Ray Lankester; après ce que nous venons de dire, la conclusion ressortira d'elle-même de l'exposé de nos observations anatomiques. Les questions relatives aux organes segmentaires et à l'appareil génital se trouvant ainsi posées, considérons maintenant les diverses $ Ï parties de l'organisation des Lombrics, parties qui, pour avoir sou- levé moins de discussions, n’en sont pas moins intéressantes. Le système digestif des Lombrics se trouve exactement décrit dans tous les ouvrages qui ont traité d’une manière générale de l'ana- 20 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. tomie de ces animaux; il est inutile d’en parler ici, d'autant plus que nous n'avons pas à indiquer de grandes modifications de cet appareil dans les types que nous avons examinés. Au contraire, il est bon d'indiquer ce que l’on connaissait de l'appareil circulatoire. Les meilleures figures qui en aient été données sont dues à M. de Quatrefages”®. On y voit un vaisseau dorsal unique et deux vaisseaux médians sur la ligne médiane ventrale. Le premier de ces derniers vaisseaux est entre l'intestin et la chaîne ganglion- naire, le second est au-dessous de la bandelette nerveuse. Le vaisseau dorsal est plus ou moins contractile; antérieurement il est uni au vaisseau ventral supérieur par une série de six paires de gros vais- seaux latéraux, en chapelet, éminemment contractiles, embrassant assez lâchement l'intestin et qui jouent le rôle de cœur. Le vaisseau dorsal et les deux vaisseaux inférieurs émettent cha- cun dans chaque anneau une paire de branches lätérales; il est pro- bable que les ramifications ultimes des branches émises par les vais- seaux ventraux et celles des branches du vaisseau dorsal s'unissent finalement en anses. ainsi que je l’ai constaté sur les Perichæta?. Du reste, le vaisseau ventral supérieur dessert principalement l'appareil digestif, tandis que le vaisseau ventral inférieur est plus spécialement dévolu à la circulation périphérique. Dans un mémoire sur les Perichæta. publié à la fois dans les Annales des Sciences naturelles* et dans le Recueil d’une société savante de Montpellier, M. Léon Vaillant donne une figure inédite de d’Uke- kem représentant l'appareil circulatoire du Perichæta posthuma. Chez cet animal le vaisseau sous-nervien paraît manquer; M. Vaillant ne s'étend pas davantage sur ce point dans une communication‘ qu'il a 1. Règne animal de Cuvier, grande édition de Masson; et Suites à Buffon, Annélides, pl. 1 2. Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 871, 2° semestre, page 277. 3. T. X, 5° série, 1868. &. Comptes rendus, 1871, 2° semestre, page 385. LOMBRICIENS TERRESTRES. 21 adressée depuis à l’Académie des sciences. Nous avions fait nous- même à l’Académie, dans la séance précédente, une communication sur les Perichæta; mais, préoccupé à ce moment d’autres recherches, nous n’avions pas porté notre attention sur ce point de manière à émettre une opinion suffisamment motivée. Nous regrettons de n'avoir pu jusqu'ici combler cette lacune. Quoi qu'il en soit, à part ce point réservé, à part aussi le nombre des cœurs latéraux qui n’est que de cinq paires, dont deux incomparablement plus dévelop- pées que les autres, l'appareil circulatoire des Perichæla ne paraît pas s'éloigner beaucoup de celui des Eombrics. Il y a cependant un point que nous avons indiqué dans la communication déjà visée et sur lequel nous insisterons ici. c’est le suivant: il est manifeste que du vaisseau ventral unique que nous avons observé naissent deux séries de branches dans chaque anneau. les unes réservées à l'intestin qu’elles embrassent étroitement et sur lequel elles émettent de nom- breux rameaux; les autres, constamment accompagnées chacune d’une branche du vaisseau dorsal qui se divise comme elle, les rami- fications terminales des deux branches s’unissant finalement en anses”; ces derniers sont uniquement consacrés à la circulation périphérique. Le vaisseau ventral en question cumulant ainsi les fonctions des deux vaisseaux sus et sous-nervien du Lombric, il ne serait pas étonnant que chez les Perichæta l'un de ces vaisseaux fût supprimé; mais une pareille remarque ne saurait en aucune façon tenir lieu d'une bonne observation, et la question, pour nous, demeure entière. Voilà, à notre connaissance, tout ce qui a été dit sur la consti- tution générale de l'appareil circulatoire des Lombriciens vrais, nous aurons occasion de montrer dans la suite de ce travail quelles modi- fications nombreuses peut subir cet appareil dans le type Lombric. 1. Comptes rendus, 1871, 2e semestre, page 27 d. 2, PI. ur, fig. 45 et 46. 22 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Un important mémoire de Claparède sur lhistologie du Lombrice‘ ajoute quelques faits intéressants relativement aux détails de l’appa- reil circulatoire dont il montre la liaison avec les différents groupes d'organes. Malgré tout ce que ce travail contient de neuf et d’impor- ant, nous ne croyons pas cependant que toutes les conclusions en soient rigoureusement exactes. C'est ainsi que la connection des folli- cules en voie de formation des soies avec des diverticulum de l'appareil circulatoire nous paraît demander à être revue. D'ailleurs Claparède sest certainement mépris lorsqu'il refuse aux follicules sécréteurs des soies une véritable constitution cellulaire, et sa méprise tient sans doute au mode d'investigation qu'il a employé. Le durcissement par l'alcool concentré a dû donner aux éléments de ces follicules sécré- teurs une cohésion qui a empêché la distinetion des cellules. En employant un procédé opposé on arrive à de tout autres résultats. Si l’on fait macérer pendant quelques heures un Lombric dans l'acide acétique très-dilué , ses tissus deviennent transparents, et leurs éléments se dissolvent avec une extrême facilité. Les fibres muscu- laires intérieures s’enlèvent alors fort bien par un simple raclage et on arrive sans peine à mettre à nu un grand nombre de follicules séti- gères, à différents degrés de développement. Chaque follicule est double*, de telle façon que les deux soies d'une même paire sont sécrétées simultanément; néanmoins chaque soie a ses cellules sécrétoires spéciales, au nombre de quatre ou cinq, pourvues d’un beau noyau brillant pouvant mesurer jusqu'à 15 & et d'un nucléole qui a environ 34 de diamètre. Quant aux cellules elles-mêmes, qui sont.en forme de triangles à côtés courbes et à angles arrondis”, elles ontenviron 62 y de large sur 50 de long et sont pourvues de parois très-épaisses, réfringentes, atteignant 2 ou 34 d'épaisseur. Leur con- 1. Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, t. XVII. 2. Pl. 1, fige 4,2; 31et% LOMBRICIENS TERRESTRES. 23 tenu est granuleux et on y distingue souvent des stries qui. partant du noyau, se dirigent vers la soie. Ce qu'il y a de remarquable dans le développement des soies du Lombric ordinaire, c'est que la pre- mière chose qui apparaît n’est pas, comme dans les Naïs ou dans les Annélides. le bout externe de la soie (crochets, pointes, etc.). Il se forme d’abord une sorte de palette translucide", triangulaire, dont l'un des sommets s’épaissit de manière à former le bout de la soie. La soie et sa palette basilaire s'allongent d'abord simultanément, cette dernière passant de la forme triangulaire à une forme irrégulière- ment rectangulaire, puis sa résorption se fait et la soie demeure seule, plus ou moins en forme d'S. Chez les Perichæta les choses se passent un peu autrement ; mais là encore il y a une production spéciale qui est formée avant la soie proprement dite. Ce mode de sécrétion n'ayant encore été signalé que chez les Lombriciens et se trouvant très-différent de ce qu'on observe soit chez les Naïs, soit chez les Annélides, il était bon de le signaler. Il est important de savoir si c’est là un caractère général appartenant au groupe des Lombriciens tout entier, ou s’il est particulier seule- ment à quelques espèces. En ce qui touche le système nerveux, il y a fort peu de choses à dire. Le seul fait important à rappeler, c’est la description donnée par M. de Quatrefages du système stomato-gastrique qui naît de nombreux ganglions très-étroitement rattachés eux-mêmes au collier œsopha- gien. Nous avons trouvé un ganglion analogue, mais unique, chez les Perichæta*. La question de la constitution histologique des ganglions. de la répartition et de la terminaison des nerfs est d’ailleurs à peine entamée, malgré les travaux de Faivre* et de Claparède ‘. Nous …Pler, fig. 1; 2, 3 4 et 5. 2. PI. 1, fig. 51. Il 2 3. Ann. sc. nal., t. V, 4° série, 1856, . Zeitschrift für wissenschaft. Zoologie, & XNHI. rs 24 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. navons rien à y ajouter nous-même dans cette partie de nos recherches ; mais nous y reviendrons plus tard et nous donnerons, au moins pour les espèces de notre pays, un travail étendu sur les rela- tions des diverses ramifications issues d’un même ganglion et sur leur mode de terminaison dans les organes. Ces relations nous servi- ront de base pour l'établissement ultérieur des lois morphologiques qui régissent le type Lombric. Il nous reste à indiquer maintenant les iravaux purement des- criptifs ou de classification qui ont été publiés sur les Lombriciens. Le premier qui ait, depuis Linné, ajouté quelque chose à ce que l'on savait sur les espèces de Lombries est Savigny. Il distingua le premier diverses espèces parmi les Lombriciens des environs de Paris, et créa pour des vers exotiques à neuf rangées de soies, dont une dorsale, le genre Hypogeon”. Après lui Dugès * décrivit et caractérisa un certain nombre d'espèces indigènes. Enfin le travail de ces deux auteurs fut refondu dans un mémoire de Hoffmeister, publié en 1845 et intitulé : « Die bis jetzt bekannten Arten aus der Familie der Regenwürmer. » Dans ce mémoire, accompagné d’une planche coloriée, Hoffmeister décrit huit espèces de Lombrics et crée les trois genres Phreoryctes, Criodrilus et Helodrilus, qui méri- tent peut-être une place à part parmi les Lombriciens. - M. Grube a publié, en 1851, sur la classe des Annélides, un tra- vail général dans lequel il est question des Lombries comme d'un ordre de cette classe, ordre auquel il donne le nom d’Annélides Oligo- chèles: c'est la première fois que ce nom, dont s’est toujours servi Claparède, apparaît dans la science. Pour Grube, les Lombriciens se divisent en deux familles, les Lombriciens proprement dits et les Naïdiens. 1. Système des Annélides. LOMBRICIENS TERRESTRES. 25 Les premiers comprennent les genres : Lumbricus, Hypogeon, Peri- chœta, Criodrilus, Helodrilus, Phreoryctes, Euaxes et Lumbriculus. Ces deux derniers genres d'après leur groupement sont considérés comme fai- sant le passage aux Naïdiens; mais il n’est pas permis, ce nous semble, de les éloigner beaucoup des Tubifex et, à moins de former, pour eux et quelques autres, un groupe spécial parmi les Lombriciens, nous ne voyons pas qu'on puisse les maintenir dans la même famille que le genre Lombric et que ceux dont nous allons avoir à parler. Ici viennent se placer les travaux de Claparède, qui constituent plutôt une série de petites monographies qu'un travail d'ensemble. Néanmoins le savant génevois a proposé, en 1862, une classifi- cation des Oligochètes qu'il divise en deux familles : 1° Les TERRICOLES, qui ont deux vaisseaux ventraux, des organes segmentaires dans les anneaux qui renferment les oviductes, les canaux déférents et les réservoirs de la semence; le clitellum placé très en arrière des pores génitaux mâles; enfin un réseau vasculaire entou- rant les organes segmentaires; 2° Les Limicoces, dont le vaisseau ventral est unique, qui n’ont pas d'organes segmentaires dans les segments contenant les oviductes, les canaux déférents et les réceptacles de la semence; leur clitellum comprend toujours le segment porteur des pores génitaux mâles. Ils n'ont ni réseau, ni anses vasculaires embrassant les organes seg- mentaires. Dans la première famille, Claparède ne range avec certitude que le genre Lumbricus et, avec doute, les Hypogeon Sav., et les Criodrilus Hoffm. Dans la deuxième famille se trouvent les genres : Tubifex, Lamk. Limnodrilus, Clap. Clitellio, Saw. Lumbriculus, Grube. vi. A 26 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Nemodrilus, Clap. Enchytrœus, Henle. Pachydrilus, Clap. Naïs, Müller. Stylaria, Linn. Chœætogaster, Von Baër. Euaxes, Grube. Serpentina, OErsted. Œolosoma, Ehrenberg. Ces trois derniers genres n’ont pas été ‘examinés par l’auteur, mais il les range cependant dans cette famille, non pas avec restric- tion, comme l’a écrit M. Vaillant’, mais, sans nul doute, ce qui n’est pas la même chose. Les genres que Claparède range avec restric- tion dans cette famille sont ceux qu'il place après le membre de phrase et peut-être aussi, et ce sont les Helodrilus, Hoffm.; Phreoryctes, Hoffm.; Mesopachys, OErsted; Dero, Oken. Nos recherches sur les Dero * nous permettent d'affirmer que ces animaux sont bien, en effet, de vrais Naïdiens très-voisins même des Naiïs. Il ne reste donc comme douteux que les genres Helodrilus, Phreo- ryctes et Mesopachys, sur lesquels nous n'avons non plus aucune obser- vation personnelle. En ce qui concerne les familles mêmes de Claparède, nous ferons remarquer que leur diagnose est actuellement tout à fait erronée. Nous connaissons aujourd’hui, on le verra par la suite de ce mé- moire, de véritables Terricoles ayant leurs pores génitaux mâles avant, sur et après la ceinture. L'appareil circulatoire possède une grande variabilité qui ne semble guère autoriser à l’'employer dans une carac- 1. Note sur les Perichæta, Ann. se. nat. (5° série), t. X. 2. Archives de zoologie expérimentale et générale publiées sous la direction de M. H. de Lacaze Duthiers, t. KT, janvier 4872, LOMBRICIENS TERRESTRES. 27 téristique. I faut donc, de toute nécessité, rayer le premier de ces caractères et se tenir au moins sur la réserve en €e qui concerne le second. Les caractères restant sont beaucoup plus importants, car ils paraissent se rattacher à une différence typique entre les deux familles d'Oligochètes admises par Claparède. Si dans les anneaux contenant l'appareil excréteur des orifices génitaux on trouve aussi des organes segmentaires, cela tient à ce que chez les Terricoles chaque anneau contient typiquement deux paires de ces organes, l’une inférieure, l’autre supérieure ; que généralement fune ou l'autre de ces paires, quelquefois les deux, avortent dans Ja plupart des anneaux, sauf dans ceux qui contiennent l'appareil géni- tal où elles coexistent. Nous décrirons des genres dans lesquels c’est la paire supérieure d'organes segmentaires qui avorte (Lumbricus, Titanus, etc.); d’autres dans lesquels c'est la paire inférieure (Anteus, Rhinodrilus), d’autres enfin (Pericheta) où les deux paires manquent à la fois. D'autre part, si les organes segmentaires des Terricoles sont accompagnés de vaisseaux, cela tient à ce que, chez ces Vers, aux troncs longitudinaux principaux et aux anses latérales qui les unissent est surajouté un réseau capillaire très-complexe qui pénètre dans les parois du corps jusque sous l'hypoderme, accompagne tous les organes internes, envoyant des canaux dans toutes leurs parties‘ et que nous croyons jusqu'ici ne se rencontrer à ce degré de dévelop- pement que chez les Lombriciens vrais. Ce sont là, à la vérité, des caractères anatomiques, presque histo- logiques, mais, il faut bien le reconnaitre, c’est à eux que les Lombries doivent leur aspect spécial ; ils constituent leur véritable caractère et sont bien autrement liés au plan de leur organisation que la bifidité des soies. Celle-ci dépend simplement du mode particulier d'existence 4. Voir la planche ur de ce mémoire relative aux Perichæta. 28 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. des animaux qui les présentent; elle nous parait devoir exister chez tous les Lombriciens vrais, mais les caractères propres aux Naïdiens peuvent certainement coexister avec la simplicité de la terminaison de ces organes; en sorte que la forme des soies ne doit pas être con- sidérée comme un caractère exclusif, ainsi que l’a fait un savant dont nous aurons tout à l'heure à examiner les travaux. En 1865, M. d’Udekem a publié dans les Mémoires de l’Académie royale de Bruxelles’ un travail qu'il considère comme le résumé des connaissances acquises à cette époque sur les Lombriciens. Rejetant la classification de Grube comme trop peu précise, s'exprimant dans les termes les plus flatteurs sur la classification de Claparède. d'Udekem, tout en ne faisant à cette dernière qu'un reproche grammatical, propose cependant une classification qui lui est propre et qui est basée sur les modes de reproduction. Pour d'Udekem, comme pour M. de Quatrefages, les Lombriciens forment une classe parallèle à celle des Annélides, des Géphyriens, des Hirudinées. Des Lombriciens, les uns se reproduisent uniquement au moyen d'organes sexuels, les autres peuvent se reproduire en outre par gemmes ou plutôt par une scission compliquée de bourgeonne- ment. Ce sont là les caractères qui distinguent les Agemmes des Gemmi- pares. L'ordre des Agemmes comprend trois familles : 4° — Les Lombricidées, c’est-à-dire tous nos Lombriciens ter- restres ; 2° — Les Tubifécidées, composées des Tubifex, des Limnodrilus et de quelques genres voisins qui se rapprochent d’ailleurs beaucoup des Naïs par tous leurs autres caractères ; 3° — Les Enchytricidées ne comprenant encore que le genre Enchytræus. A. T. XXXV, 4865. LOMBRICIENS TERRESTRES. 29 Quant à l’ordre des Gemmipares il est constitué par les ais, les Dero, les Aulosomes, les Chætogaster et les genres voisins. On remarquera que, de tous ces animaux, les Lombricidées seules ont des œufs microscopiques, placés après la ponte dans une capsule et entourés dl'albumen ; ils s’éloignent donc sous ce rapport, ainsi que sous beaucoup d'autres, des autres familles. Aussi n’est-on pas étonné de voir d'Udekem citer, sans se récrier du tout, la classification de Claparède qui en fait sa première famille, celle des Oligochètes terri- coles, tandis qu'il rejette tous les autres genres dans la famille unique des Oligochètes limicoles. Nous n'avons à nous occuper ici que des Lombricidées de d'Ude- kem, équivalant aux Terricoles de Claparède. Claparède admet trois genres dans ses Terricoles, ce sont les genres Lumbricus, Linné, Hypogeon, Savigny, et Criodrilus, Hoffmeister. En 1863, époque où fut rédigé son travail, d'Udekem n'admet comme bien établis que les genres : Lombric. L. — Soies ventrales en deux ou quatre séries; vivant dans la terre humide. Pontoscolex *. — À quatorze séries de soies; vivant sur les bords de la mer. Perichæta. — Schmarda. — Soies disposées en anneaux autour du corps; terre humide. Hypogeon. — Savigny. Une série de soies dorsales. La première partie seule de ce travail a paru; d'Udekem y décrit huit espèces de Lombrics qui sont celles adoptées par Hoffmeister, lequel considère comme de simples variétés un assez grand nombre d'espèces de Savigny et de Dugès. Voici la liste de ces espèces * : 1. Écrit par erreur, sans doute, Penthoscolex, Schmarda. 2. Nous rétablissons dans cette liste l’orthographe d’un certain nombre de noms qui ont éte imprimés, dans le recueil belge, d’une manière évidemment fautive. 30 NOUŸELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. 4. — Lumbricus agricola, Hoffmeister. SN. : Lumbricus terrestris, Linn., F. Muller. Enterion herculeum, Say. — uwerrestre, Sax. Lumbricus gigas, Dugès. D, — Lumbricus communis, Hoffmeister. SYN. : Lumbricus anulomicus, Dugès. Enterion carneum, Sav. 2 — caliginosum, Sav. — Cyaneurn, Say. — iclericum, Say. L. trapezoïides, Dugès. 3. — Lumbricus rubellus, Hoffmeïister. Sy. : Enterion ferum, Say. h. — Lumbricus riparius, Hoffmeister. SyN. : Enlerion octaedrum, Say. — chlorolicum, Say. — ‘wirescens, Say. 5. — Lumbricus olidus, Hoffmeister. SyN. : Enterion fœtidum, Sav. — rubidum, Say. 6. — Lumbricus stagnalis, Hoffmeister. Sy. : Lumbricus complanatus. 7. — Lumbricus pictus, Hoffmeister. 8. — Lumbricus agilis, Hoffmeister. SyN. : Enterion tetraedrum, Sax. Lumbricus amphisbæna, Dugès. LOMBRICIENS TERRESTRES. 31 Les Mémoires précédents ne traitent guère que des Lombriciens indigènes. Le travail le plus riche en renseignements sur les espèces exo- tiques, qui ait été publié dans ces dernières années, sur les Lombri- ciens, est celui de Kinberg, daté de 1866", et qui a passé trop inaperçu. C’est un travail général sur le groupe tout entier des Annélides ayant pour but de faire connaître un grand nombre d'espèces nouvelles et postérieur à celui de Schmarda; il ajoute à la liste des Lombriciens onze genres nouveaux. Les Lombriciens sont d'ailleurs considérés comme une simple famille de la classe des Annélides. L'auteur ne paraît pas tenir compte des recherches anatomiques de d’Udekem, de Ray Lankester, de Hering, puisqu'il donne le nom vague de Tubereula genitalia à ce que les anciens auteurs appelaient la Vulve et qu'aujourd'hui nous savons être au contraire les orifices géni- taux mâles. Voici comment il établit sa classification : Soies de chaque segment, chez l'adulte, au nombre TAG MES R QU EURE AE DECO, 2 RE Trigogenia, nov. 2. — de huit. A. — Partout géminées et rapprochées. Tubercules ventraux de chaque côté au nombre : Ch UOTE oi HMS SRE A: Lumbricus, Linn. Bud ours A MR USE al cali Mandane, nov, B. — Alternant dans les anneaux antérieurs. . . . Geogera, nov. C. — Antérieures rapprochées par paires, posté- rieures écartées. Segment buçcal : NON AOC 0-0 . Alyattes, no. BENIIOnEE UE ICE EL CHUTES Eurydame, nov. D. — Géminées et distantes. . . . . . . . . . . Hypogeon, Say. E. — Antérieures dorsales distantes; ventrales rap- prochées, postérieures toutes distantes. . Hegesypile, nov. 1. Ofversigt af Kongl. velenskaps. Akademiens Fôrhandlingar, t. 23, 4866, Stockholm. 32 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. 3. — de plus de huit. A. — Plus nombreuse en arrière qu’en avant. Plis papilliformes de la bouche : a. — Nuls. Lobe céphalique : +. — Terminalet supère, à bord postérieur : Ke — OPSDICLO Er Rue - = - - Amyntas, nov. DC RAT UE EE Ne CU ce Nilocris, nov. ++. — Terminal... 4... 0... Pheretima, nov. PES IPrÉSEILS MEN CS Eee Re Rhodopis, nov. B. — En nombre égal sur tout le corps . . . . . Perichæta, Schm. C. — Plus nombreuses en avant qu’en arrière. . . Lampito, nov. A la suite de ce tableau viennent des descriptions plus détaillées qui permettent de faire les observations suivantes : Il n'existe pas de ceinture dans le genre Tritogenia, bien que les orifices génitaux mâles se montrent entre le 16° et le 17° anneau. Ce genre parait devoir être conservé. On ne peut s'empêcher de le con- sidérer comme une sorte de passage au Phreoryctes, d'Hoffmeister, si bien étudié par Leydig. Dans le genre Lumbricus, tel qu'il est défini par Kinberg, nous trouvons, au milieu d'espèces nombreuses de provenances différentes et qui peuvent être de vrais Lombrics, un animal nommé L. Eugeniæ dont la ceinture est composée des segments 13 à 17 ou 12 à 44, les orifices génitaux étant entre les segments 16 et 17 ou 15 et 16. II y a là probablement une erreur de chiffre. C'est de 13 à 15 ou 12 à 14 qu'il faut lire. Dès lors les orifices génitaux sont postérieurs à la ceinture et le Lumbricus Eugeniæ doit en conséquence être reporté à un autre genre. Nous donnerons la description de cet animal telle qu’elle est donnée par Kinberg à propos des Vers qui nous paraissent devoir s’en rapprocher. Du reste, Kinberg appelle Lombrics tous les Lombriciens qui ont quatre doubles rangées de soies rapprochées deux par deux, deux « tubercules ventraux » seulement, c’est-à-dire deux orifices génitaux LOMBRICIENS TERRESTRES. 33 mâles ; nous verrons plus loin que cette caractéristique est défectueuse et qu'il faut restreindre le genre Lombrie aux Lombriciens qui possèdent quatre doubles rangées de soies simples, une ceinture et deux orifices génitaux mâles, situés en avaut de la ceinture. Dans ce genre, ainsi défini, rentrent, avec une grande probabilité, les animaux suivants : L. Josephinæ. — Sainte-Hélène. L. infelix. — Port-Natal. La position reculée de la ceinture nous fait également laisser dans ce genre les Vers suivants, où Kinberg n'a pas vu d’orifices mâles (tubercules ventraux), bien qu'il nous paraisse douteux qu'on ne retrouve pas ces orifices dans le voisinage du quinzième anneau, comme d'habitude : L. armatus. — Buenos-Ayres. L. Novæ-Hollandie, — Sydney. Ces données étendent, comme on le voit, beaucoup l'aire de répar- tition du genre Lombric, tel que nous le concevons en ce moment. Enfin, voici quelques animaux que nous sommes bien forcé de laisser aux incertæ sedis, puisque Kinberg ne signale chez eux ni cein- ture, ni « tubercules ventraux ». Ce sont ses : L. Helenæ. — Sainte-Hélène. L. Hortensiæ. — Sainte-Hélène. L. Vineti. — Madère. L. Pampicola. — Montevideo. L. Tellus. — Buenos-Avres. L. Tahitana. — Tahiti. L. Capensis. — Le Cap. L. Apt. — San Francisco (Californie). Le genre Mandane demande de nouvelles études; les espèces que Kinberg y range ne présentent que d'une manière incomplète le carac- tère générique important, celui d'avoir deux paires de « tubercules ventraux ». La position de la ceinture, là où elle est indiquée (4. litito- VIH. 5 3! NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. ralis K., anneaux 12-16), celle des orifices génitaux mâles à où Kin- berg les a vus (4. Patagonicus K., anneaux 46 et 48) indiquent des animaux à orifices génitaux postclitelliens. Si l'on admet, ce qui est probable ?, que, dans toute l'étendue du genre, la ceinture et les orifices génitaux occupent la même position, on sera frappé de la ressemblance que présentent sous ce point de vue les Handane de Kinberg avec nos Acanthodrilus; néanmoins nous ne pouvons admettre la confusion des deux genres, les caractères fournis par Kinberg n'étant pas suffisants pour permettre de l’établir avec certitude. D'ailleurs nos Acanthodri- lus ont quatre pénis chitineux fort remarquables, fort visibles et dont Kinberg ne fait pas mention. Nous placerons donc les Yandane x côté de nos Acanthodrilus, en attendant que de plus amples informations nous permettent de mieux juger des relations de ces deux coupes. Kinberg cite trois espèces de Mandane, elles proviennent du port Famine (Patagonie), de l’île de Magala et d’un étang du voisinage de Montevideo. La seule espèce de Geogenia de Kinberg présente de singulières affinités avec notre Rhinodrilus; mais le segment céphalique est trans- verse au lieu de former une sorte de trompe, comme chez ce dernier. Les mots: « Cingulum fossis ventralibus duobus instructum » semblentindi- quer que les orifices mâles sont situés sur la ceinture, et cette opinion est corroborée par le grand développement des soies ventrales de cet organe, chose que l’on voit aussi chez le Rhinodrilus. D'ailleurs, les soies dans les deux genres sont pourvues d'ornements qui ne différent que dans leur forme. Ajoutons enfin que, dans tous les deux, les ori- fices des organes segmentaires sont situés dans le voisinage des soies dorsales : ils sont en avant chez les Rhinodrilus, Kinberg les place en arrière chez les Geogenia. C'est là une position singulière, dans l’état 4. Nous y sommes autorisé, comme on le verra par l’étude des genres postclitelliens que nous avons eus à notre disposition. LOMBRICIENS TERRESTRES. 39 actuel de nos connaissanees, et qui nous paraîtrait suffisante pour dis- tinguer les deux genres, même en l'absence de la différence qui résulte de la forme du lobe céphalique, forme à laquelle les zoologistes me semblent avoir attaché une importance un peu exagérée. Quoi qu'il en soit, les Geogenia, qui proviennent de Natal, doivent évidemment être placés dans le voisinage des Ahinodrilus, parmi nos Lombriciens intraclitelliens. Le genre Alyattes, distingué dans le tableau synoptique, est con- fondu avec les Lombrics dans le texte du mémoire; ildoit évidemment en être séparé. La disposition de ses soies rappelle celle que nous aurons à décrire plus tard dans notre genre Tilanus; mais les Alyaites me paraissent avoir leurs orifices mâles avant la ceinture. Je main- tiendrai donc leur séparation ; ils proviennent de Buenos-Ayres. Les Eurydames différent des Alyattes par la forme de leur segment céphalique; je ne sais trop où les placer n'ayant aucun renseignement sur la disposition de leur appareil génital. Ces deux genres font, dans l'esprit de Kinberg, la transition aux Hypogeons de Savigny, dont il paraît ne pas admettre la neuvième rangée de soies dorsales. Je n'ai pas vu de vrais Hypogeons; mais Grube et d'Udekem admettent ce genre tel qu'il a été délimité par son auteur. Ce n'est donc que très-provisoirement qu’on doit considérer comme lui appar- tenant les deux espèces: (4. Havaicus, de Oahu, et #. Atys, de Buenos- Ayres) que Kinberg y range. D'ailleurs, la position reculée de la cein- ture chez l’une de ces espèces me fait pencher à rapprocher les Vers en question des Lombriciens à orifices génitaux mâles antérieurs à la ceinture. Le genre Hegesipyle, fondé sur un Ver de Natal (H. Hanno), est encore un passage des Lombrics aux Hypogeons sous le rapport de la disposition des soies dont les dorsales sont écartées en avant, comme elles le sont toutes en arrière, les ventrales demeurant rapprochées en avant. Malheureusement, Kinberg n'a vu ni ceinture ni tuber- 36 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. cules ventraux; voilà donc encore un genre aux ncertæ sedis. Restent les genres Amyntas, de Guam; Witocris, de Rio-laneiro; Pheretima, de Tahiti et de la Californie; Æhodopis de Java; Lampito, de Mauritius, tous créés par Kinberg, qui ajoute encore à la liste un Peri- chæta de Oahu. Ces genres ne sont que des variations sur le thème des Perichœæta de Schmarda. Des différences de nombre entre les soies antérieures et postérieures, d’autres dans la forme du segment cépha- lique en font les frais. Nous croyons qu'avant d'accepter définitivement ces genres, une étude plus approfondie des animaux qui les composent serait à faire. Il nous paraît difficile de restreindre le genre Perichæta aux espèces qui ont le même nombre de soies sur tous les anneaux du corps; qu'il y en ait davantage sur les anneaux antérieurs que sur les anneaux postérieurs, ou que ce soit l'inverse, le type de la disposi- tion n’en demeure pas moins le même ; ces différences du plus au moins sont évidemment de peu de valeur. D'ailleurs, dans tous ces genres, les orifices mâles sont postclitelliens, comme chez les Perichæta. Nous ne ferons, en conséquence, des cinq derniers genres de Kinberg qu'un seul genre, celui des Perichæta, mais, par prudence et pour conserver, jusqu'à plus ample informé, l’œuvre d'un auteur consciencieux qui a sur nous l'avantage d’avoir vu les animaux en litige, nous diviserons le genre Perichœæta, de Schmarda, en sous-genres, correspondant aux genres de Kinberg. L'importance du travail que nous venons d'analyser est des plus grandes. L'auteur y décrit onze genres nouveaux, tous exotiques et permet de se faire une idée plus juste de la répartition géographique de deux genres déjà connus. Malheureusement, il n’a pu éclairer son travail par des recherches anatomiques: sur beaucoup de points, les documents qu'il nous fournit sont encore trop insuffisants pour donner une idée bien nette des animaux dont il nous parle. II n’en est pas moins vrai que c'est là que nous trouvons la première esquisse géné- ale des modifications que peuvent présenter les Lombriciens exotiques ; LOMBRICIENS TERRESTRES. 37 c'est Kinberg qui a le premier signalé les variations de position de ce qu'il appelle les « tubercules ventraux »; il avait vu, en 1865, leur disposition chez les Perichæta, disposition qu’en 1869 M. Vaillant”, qui ne connaissait pas encore le travail de Kinberg, a signalée de nou- veau, On verra, par la suite, que les dispositions de cet orifice consti- tuent un caractère d'une grande valeur pour la détermination des grandes coupes de la classe des Lombrics. Il nous reste à parler maintenant du mémoire publié en 1869 par M. Léon Vaillant’ et ayant pour titre : Note sur l'anatomie de deux espèces de PERICHOETA et essai de classification des Annélides Lombricines. Nous avons déjà fait connaître la partie anatomique de ce travail. Nous allons nous occuper maintenant de l'essai de classification tenté par M. Vaillant. Dans la classification de M. Vaillant, l'Ordre des Annélides Lombri- cines est divisé en deux familles : celle des Lumbricina propria et celle des Naidea. Chacune de ces familles comprend deux tribus, à savoir les Lumbricina propria et les Enchytræina, pour la première ; les Vaidea propria et les Chætogastrina pour la seconde. Ces divisions sont uniquement établies sur le caractère de la sim- plicité des soies ou de leur division en crochet double à leur extré- mité. Nous dirons plus loin ce que nous pensons de cette division. Bornons-nous pour le moment à la tribu des Lombricina propria qui fait l’objet de notre travail. M. Vaillant la décompose en onze genres; mais, ainsi que nous l'avons dit, il n’a pas eu connaissance du travail de Kinberg, publié trois ans avant le sien, sans. cela il eût certaine- ment admis quelques-uns des genres de cet auteur; de plus, il n’a pas cru devoir tenir compte des particularités présentées par les échantillons de la collection du Muséum, qu'il a examinés, et parmi lesquels il n'a signalé qu'une espèce nouvelle, déjà étudiée par 1. Annales des Sciences naturelles, 5° série, t. X, pag. 225 et suiv. 38 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. d'Udekem, mais inédite, le Perichiela posthuma. Ça été là, comme on le verra par la suite, une réserve un peu exagérée. Si nous ajoutions aux onze genres admis par M. Vaillant et dont un — le genre Æchino- drilus — est nouveau, les six genres de Kinberg que nous admettons provisoirement, cela porterait à dix-sept les genres de la famille des Lombricint propria, connus en 1869. Mais ce nombre doit être diminué. En effet, M. Vaillant appelle Lombriciens proprement dits tous les vers dont les soies sont simples. Or cette définition est on ne peut plus artificielle à notre point de vue. Nous en donnons la preuve : I n’y a pas de genres qui aient plus d’affinités que les Euaxes de Grube et ses Lunbriculus. Le renflement médian des soies des Euaxes se retrouve chez la plupart des soies de Naïs tandis que je n’en connais pas d'exemple chez les Lombriciens. A part le crochet terminal qui est simple au lieu d’être double, ces soies rappellent exactement celles des Lumbriculus, dont les Euares ont d’ailleurs toute l’organisation. Eh bien, M. Vaillant est conduit par sa méthode à classer les Euaxes parmi les Lombriciens tandis qu'il reporte les Lumbriculus aux Naïdiens. C’est là évidemment une séparation d'autant plus mal- heureuse que Grube, qui a soigneusement étudié les deux genres et qui attachait lui aussi une grande importance aux soies, avait laissé les Lumbriculus et les Euaxes parmi ses Lombriciens proprement dits. bien que les Lumbricülus rappelassent par leurs soies les Naïs. Nous avons dit les raisons qui paraissent avoir déterminé la manière de voir de Grube. Pour nous, nous n'hésitons pas à faire des £uaxes et des Lombricules des Naïdiens à cause de la simplicité relative de leur appa- reil vasculaire, de l'absence du gésier dans leur appareil digestif et de la conformation de leurs soies qui se rapprochent de celles des Naïs, malgré l’analogie apparente qu'on est tenté d'établir entre celles des Euaxes et celles des Lombrics. , C'est donc là, à notre avis, une modification fâcheuse que M. Vail- LOMBRICIENS TERRESTRES. 3) lant a introduite dans le système de M. Grube. Ou il fallait laisser les Lombricules et les Euares avec les Lombrics, ou il fallait reporter ces deux genres avec les Naïs, ce qui nous paraît la meilleure solution, comme M. Vaillant l’a parfaitement senti lui-même en ce qui concerne les Lombricules. Nous avons dit précédemment notre opinion au sujet des Phreo- ryctes, Helodrilus, Criodrilus de Hofmeister et des Trichodrilus, de Clapa- rède : nous ne reviendrons pas sur ce point. La création du genre Echinodrilus était nécessaire, comme l'indique très-bien M. Vaillant. Voyons maintenant sur quelle base ce savant à assis sa classifi- cation. Pour lui les caractères extérieurs tirés de la conformation et de la disposition des soies doivent actuellement primer tous les autres. Il repousse, en conséquence, les caractères tirés de la disposition des organes génitaux dont les orifices sont pourtant, avec la position de la ceinture, la forme du lobe céphalique, celle des soies et leur dis- position, à peu près les seuls signes extérieurs auxquels on puisse s'adresser pour l'établissement des coupes. M. Vaillant rejette ces caractères comme trop variables avec l’âge ou la saison. C’est peut-être là une raison pour un nomenclateur, ce ne pourrait en être une pour un zoologiste qui recherche les véritables affinités. La disposition des organes génitaux n’a peut-être pas une très-grande importance chez les animaux supérieurs, quoique dans ses grands traits elle présente néanmoins une assez grande constance et que tous les naturalistes en aient tenu compte. Mais chez les animaux inférieurs la conservation de l'individu cède le pas à la conservation de Fespèce; l'appareil génital prend une importance toute particu- lière; il envahit parfois toute l'économie et l’on ne peut songer à négliger les caractères qu'il fournit et qui d’ailleurs s'imposent d’eux- mêmes. En particulier, la classification des Nématoides dé Dujardin 10 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. n'est-elle pas presque entièrement fondée sur la disposition des organes génitaux, et n'est-elle pas encore aujourd’hui acceptée par tous les helminthologistes? D'ailleurs, nous devons le dire, ce sont précisément les particu- larités que nous avons remarquées dans la disposition extérieure des orifices génitaux des Lombriciens du Muséum qui nous ont conduit à entreprendre le travail que nous publions en ce moment. C’est done, après l'exposé de nos recherches, que lon pourra mieux juger de la valeur des caractères fournis par ces organes. DEUXIÈME PARTIE. ÉTUDE PARTICULIÈRE DES TYPES NOUVEAUX DE LOMBRICIENS., Il s'en faut que la collection du Muséum, si riche à certains égards, nous ait fourni de nombreux types de Lombriciens à étudier. Les vers de terre sont trop communs partout, ceux des pays étrangers ressemblent trop aux nôtres pour que les voyageurs songent à les récol- ter, à moins que par leur taille, comme certains vers du Brésil ou de Cayenne, ils ne s'imposent à l'attention. D'autres causes diminuent encore les ressources de l’anatomiste lorsqu'il s’agit d'animaux venant de loin. Parmi les échantillons qu’on rapporte les uns n’ont pas encore atteint leur maturité sexuelle et ne peuvent guère servir à une étude approfondie, les autres ont été trop contractés où trop mal conservés par l'alcool pour qu'il soit possible de tirer quelque fruit de leur examen. Ces sortes de déchets étant laissés de côté, il ne nous est resté à disséquer qu'un très-petit nombre de vers appartenant à des genres différents. Fort heureusement leur répartition géographique nous a fait espérer tout d'abord que nos résultats présenteraient quelque intérêt. LOMBRICIENS TERRESTRES. Al New-York, la Nouvelle-Calédonie, Cayenne, la Nouvelle-Hollande, le Brésil, Venezuela, Calcutta, les Antilles : — telles sont les prove- nances de nos vers. Il était difficile qu’elles fussent plus variées. — Aussi n'est-il pas étonnant que chacun des animaux que nous avons étudiés constitue un véritable type anatomique parfaitement distinet, mais isolé. C'est ce qu'il était facile de prévoir, sachant comment la collection du Muséum était composée. Il est fort probable qu'à mesure que nos connaissances sur les Lombrics s'étendront. un nombre plus ou moins considérable de ces vers viendront se ranger derrière les chefs de file que nous cherchons à faire connaître aujourd’hui, tandis que d’autres chefs de file — nombreux sans doute viendront s'ajouter aux premiers. Nous allons décrire en détail successivement les Vers qui font l’objet de ce travail. Il nous est encore impossible, vu l'insuffisance des matériaux, d'établir un ordre scientifique rigoureux dans la série des genres à décrire; toutefois nous tâcherons de faire suivre autant que possible ces genres, suivant leur degré plus ou moins grand de ressemblance, sans chercher à établir rien d’absolu à cet égard. Un point sur lequel il est bon d’insister, c’est que les orifices des organes génitaux sont situés chez les véritables Lombrics exotiques que nous avons pu étudier, les L. americanus et Dictoris, au quinzième anneau, bien avant, par conséquent, de la ceinture qui est située après le trentième. Ce caractère qui leur est commun avec nos Lombrics indigènes avait été considéré par Claparède' comme un caractère de l'ordre des Lombriciens proprement dits, caractère qui les distinguait de l'ordre des Enchytréens et de celui des Naïdiens où les orifices génitaux mâles sont situés dans la ceinture même. Il est non moins remarquable que de tous les Lombriciens étran- gers à l'Europe que nous avons examinés jusqu'ici, les Lumbricus ame- 1. Recherches sur les Oligochètes. VIN. 6 h2 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. ricanus et Victoris soient les seuls animaux de leur ordre qui présentent le caractère que Claparède attribuait à l'ordre tout entier des Lombri- ciens. Déjà une exception de ce genre avait été signalée par M: Léon Vaillant à propos des Perichæta: mais la disposition singulière des soies des Perichæta et quelques caractères anatomiques, particuliers, que présentérent ces vers paraissaient devoir les isoler dans leur ordre. Il existe cependant, comme nous le verrons plus loin, un certain nombre de Lombriciens qui présentent la combinaison des caractères offerts par les Lombrics, d’une part, les Perichæta de l’autre, et en particulier cette situation des orifices génitaux en arrière de la ceinture qui avait frappé tout d'abord dans ce dernier groupe. Dans un assez grand nombre de Lombriciens, on trouve même les orifices génitaux mâles situés sur la ceinture, absolument comme chez les Naïs. Ce qui montre d’une manière bien évidente que la position des orifices génitaux ne saurait être prise en considération comme caractère de l’ordre. Nous n'avons pas, à l'heure qu'il est, un nombre de faits suffi- sants pour appuyer solidement une opinion quelconque au sujet de la valeur positive de ce caractère quant aux coupes secondaires ; tou- tefois il nous paraît jusqu'ici devoir être préféré à ceux que l’on pour- rait tirer de la disposition, assez uniforme d’ailleurs, des soies locomo- trices. Nous ne croyons pas non plus. comme nous l'avons déjà dit, avoir encore assez fait pour nous permettre de ranger les Lombrics que nous connaissons dans un ordre rigoureusement scientifique. Ceci étant établi, nous pouvons choisir pour une disposition plus ou moins artificielle tels caractères qui nous conviendront, et comme ceux que l’on tire de la position des orifices génitaux sont parfaite- ment nets et en général faciles à observer, nous les choisirons pour grouper les vers que nous avons à faire connaître. A priori, trois groupes seulement semblent pouvoir être constitués. Ou les orifices génitaux mâles sont en avant de la ceinture, du Clitel- lum, et nous les dirons alors préclitelliens, ou ils sont sur la ceinture LOMBRICIENS TERRESTRES. [E) même, c’est-à-dire 2atraclitelliens, ou enfin ils sont en arriére de la ceinture et par conséquent postclitelliens. On peut, par abréviation, se servir de ces adjectifs pour désigner les groupes de Lombrics qui présentent le caractère auquel ils se rapportent, de telle façon que nous avons pour répartir ces vers les trois groupes suivants : ÏJ. — LOMBRICIENS PRÉGLITELLIENS. Parmi les animaux dont nous avons à parler dans ce mémoire, le seul genre Lombric appartient à ce groupe. II. — LOMBRICIENS INTRACLITELLIENS. Nous pouvons dès à présent y classer deux genres nouveaux, originaires d'Amérique et qui sont créés pour des vers dont la lon- gueur dépasse de beaucoup 1 mètre ; nous étudierons ces genres sous les noms de Anteus et Titanus. Un troisième genre, qui également américain, mais de taille plus restreinte, prendra le nom de Rhinodrilus, à cause d’une espèce de trompe dont est pourvu l'animal qui le constitue. Viennent ensuite les genres Endrilus, nov., Geogenia, Kinberg. III. — LOMBRICIENS POSTCLITELLIENS. Nous y rangeons les genres : Mandane, Kinberg. Acanthodrilus, Digaster, Lh NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Perionyæ, s Perichæta, Schmarda, dont trois sont nouveaux ; nous verrons d’ailleurs que, dans tous ces animaux, certains caractères spéciaux accompagnent toujours jusqu'ici la position particulière des orifices génitaux. Nous passons maintenant à l'étude des Lombriciens du premier groupe qui ne contient encore que le genre Lombric, et peut-être les genres Alyattes et Hypogeon de Kinberg. Î. — LOMBRICIENS PRÉCLITELLIENS. GEN. LUMBRICUS. Linné. LUNMBRECUS ARMERHICANUS, Ed. Perr.! Nous réservons ce nom à un ver originaire de New-York et qui représente dans cette partie des États-Unis notre Lombric terrestre. Il appartient du reste bien évidemment au même genre que ce dernier. L'échantillon que nous avons ouvert a été rapporté en 1864 par M. Milbert ; il est dans un état parfait de conservation. Voici sa description : « Longueur, 4 décimètre environ. « Ceinture après le trente et unième anneau, y compris la tête * — formée aux dépens de six anneaux ; — orifices génitaux mâles situés au quinzième anneau. — Soies disposées par paires; quatre rangées LES JS AN CAC EECR 2. En général, chez les Lombriciens, l'anneau qui entoure immédiatement la bouche porte antérieurement un petit prolongement dorsal, plus ou moins court. Ce prolongement entame quelquefois l’anneau en question; il en est toujours séparé au moins par un trait, et c’est à lui que je réserve le nom de lobe céphalique. L’anneau buccal, qui supporte le lobe céphalique, est compté, dès lors, comme ‘étant le premier anneau, bien que d'ordinaire il ne porte pas de soies. M. Vaillant ne compte pas cet anneau, qu'il réunit au lobe céphalique sous ce dernier nom. LOMBRICIENS TERRESTRES. E) longitudinales de paires de soie en forme d’/ très-allongée. — Les soies de la ceinture sont droites dans la plus grande partie de leur longueur, pointues, recourbées seulement à leur extrémité interne. — Ces soies sont beaucoup plus grandes que celles des anneaux ordinaires et semblent, par conséquent, jouer un rôle spécial qui est probablement relatif aux phénomènes de la fécondation. » Le tube digestif se compose d'un pharynx entouré d’un tissu glandulaire qui occupe les sept premiers anneaux : l’œsophage à parois beaucoup plus minces s'étend sous la forme d’un tube droit, un peu élargi postérieurement, du septième anneau au seizième ; un gésier à parois fortement musculeuses occupe le seizième anneau. L'intestin, garni de sa couche hépatique, qui enveloppe aussi le vaisseau dorsal, commence aussitôt après et ne présente aucune particularité digne d'être signalée. Dans la portion du corps que traverse l’œsophage — entre le pharynx et le gésier — se trouvent les organes génitaux. Nous ne pouvons rien dire de la glande femelle, trop délicate pour être retrouvée sur un animal conservé dans l’alcool et dont on veut respecter d’ailleurs toutes les parties essentielles. Mais nous avons pu bien étudier lappareil génital mâle. Il se compose de trois paires de testicules attachées respectivement à la partie postérieure et inférieure des cloisons qui séparent le neuvième anneau du dixième, le dixième du onzième, et le douzième du treizième. On peut donc considérer les testicules comme appartenant aux anneaux dix, onze et douze ; mais ils refoulent en arrière les cloi- sons, d’ailleurs très-minces, de ces anneaux, de telle façon qu'ils cou- vrent presque tout l'æœsophage, au-dessus duquel ils se recourbent. Des trois paires de testicules, les deux premières sont peu volumineuses; la troisième au contraire est presque triple de chacune des deux autres. Une disproportion analogue se retrouve comme on sait entre les trois paires de glandes génitales du Lombric terrestre. La similitude va même plus loin. 6 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Bien qu'ayant — au moins en apparence — trois paires de tes- ticules, le Lombric terrestre ne possède que deux paires de pavillons vibratiles greffées sur le canal déférent. La première paire dessert les deux petites paires de testicules, la seconde paraît réservée à la plus grosse. Chez le Lumbricus americanus, il n’y a aussi que deux paires de pavillons vibratiles, la première placée dans le dixième, la seconde dans le douzième anneau; c'est-à-dire que chaque pavillon vibratile est situé entre deux testicules qu'il paraît pouvoir desservir à la fois. D'ailleurs, ces pavillons ne sont pas, comme ceux du L. terrestre, enfermés avec le testicule dans une membrane commune ; ils sont parfaitement libres, comme cela doit être si, en effet, chacun d’eux doit desservir à la fois deux testicules. Le pavillon antérieur et le pavillon postérieur d’un même canal déférent sont très-différemment développés. Le pavillon postérieur est au moins trois fois plus volu- mineux que l’autre ; la membrane constitutive de chacun d'eux est d’ailleurs excessivement plissée et tortillée, incomparablement plus que dans tous les Lombriciens où nous avons pu l’étudier. il est bon de remarquer ici que la disproportion entre les pavil- lons dont nous venons de parler ne se retrouve pas chez le Lombric terrestre. Faut-il voir là une confirmation de cette idée que chez l'espèce américaine chaque pavillon dessert deux testicules dont le dernier trois fois plus volumineux que les autres, tandis que dans l'espèce européenne le premier pavillon dessert deux testicules, et le second un seul, mais aussi gros que les deux autres pris ensemble, ce qui établit dans ce cas une compensation qui n’a pas lieu dans le premier? Peut-être cela vaudrait-il la peine d'être examiné, mais il faudrait pour cela ou plus d'animaux que nous n’en avons eu’, ou au moins des animaux plus frais. Le L. americanus possède deux paires de poches copulatrices situées 1. Nos recherches n’ont pu être faites en général que sur un seul individu. LOMBRICIENS TERRESTRES. h7 dans le neuvième et le dixième anneau; ce sont simplement — du moins à l'état où je les ai vues — deux petites poches sphériques dépourvues de tout appendice ou diverticulum. Les organes segmentaires sont très-apparents dès le quatrième anneau ; nous les avons vus sûrement dans le neuvième, qui renferme en outre une poche copulatrice; dans le dixième, où l’on trouve en outre un testicule et auquel on pourrait attribuer le premier pavillon vibratile du canal déférent, ce que je n'ose pourtant faire d’une manière absolue à cause de la difficulté que j'ai éprouvée à me bien rendre compte de la position de ce pavillon relativement à la mince cloison contre laquelle il est appuyé. Dans le onzième et le douzième anneaux je ne puis affirmer la présence des canaux segmentaires, dont j'ai cru voir pourtant quelques traces difficiles à observer à cause de la grande dimension du pavillon vibratile, qui s'étend sur ces deux anneaux entre les deux paires de testicules postérieurs. Ils reparaissent bien nets au treizième anneau et dans tous les suivants; on les trouve en particulier dans le quinzième, où est l’orifice des canaux déférents. Ainsi, le Lombric américain possède : au neuvième anneau. une poche copulatrice et un organe segmentaire ; au dixième, un testicule, une poche copulatrice, un organe segmentaire ; au onzième. un testicule et le petitpavillon vibratile du canal déférent; au douzième, le gros pavillon vibratile du canal déférent peut-être seul; au treizième. un-testicule et un organe segmentaire. Les anneaux quatorze et quinze, qui contiennent chacun un organe segmentaire, sont traversés en même temps par le canal déférent. Ces faits, bien qu'il soit difficile d'en tirer aucune conclusion. sont importants à noter; car il ne faut pas oublier que la question de l’homologie du canal déférent chez les Lombrics est multiple. Eût-on une fois démontré au moyen de types bien choisis qu'il y a identité morphologique entre le canal déférent et les organes segmentaires, comme le premier traverse presque toujours plusieurs anneaux, il AS NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. resterait encore à savoir à quel anneau il faut le rapporter. Suivant qu'on le rapportera à tel ou tel anneau, on sera conduit à interpréter de façons différentes les divers organes qui peuvent être dans son voisinage, et c’est ainsi qu'une homologie douteuse peut jeter un doute sur beaucoup d’autres qui s’enchaînent avec elles. On ne peut donc mettre trop de précision dans la définition des rapports que l’on cherche à établir ; or cette précision dans Pidée résulte elle-même de la précision qui a été portée à l'étude anatomique du groupe d'animaux dont on s'occupe. L'appareil circulatoire est constitué sur le plan de celui du Lombric terrestre ; les anses contractiles sont situés aux neuvième et dixième anneaux. On remarque des concrétions calcaires sur le gros testicule et dans les parois de l'intestin au neuvième anneau. Voici done, aux États-Unis, un animal appartenant bien réelle- ment au genre Lombric proprement dit, mais se distinguant néan- moins par quelques caractères anatomiques d'ordre secondaire. LUMBRICUS VICTET@O@RIS ! Ed. Perr. Ce Lombric, dont je donnerai ailleurs l'anatomie détaillée, se rapproche à certains égards du précédent, bien plus que de nos Lombrics indigènes, dont il a, comme lui, la taille et les couleurs. Les soies sont simples ; la ceinture occupe huit anneaux, elle com- mence après le vingt-cinquième anneau. Le vingt-sixième et le vingt- septième anneau sont encore distincts, on voit entre eux un pore dorsal. Ces pores se voient d'ailleurs sur tous les anneaux, sauf les anneaux antérieurs. Entre le septième et le huitième on voit déjà un point A. Je dédie cette espèce à M. Victor Borie, mon parent, qui a bien voulu, lorsqu'il remplis- sait les fonctions de directeur du Comptoir d'escompte de Paris, faire recueillir pour le Muséum par ses agents à l'étranger, les Vers de terre des localités qu'ils habitaient, notamment ceux d'Alexandrie, de Saïgon et de Sanghaï. LOMBRICIENS TERRESTRES,. 19 très-petit qui est peut-être un véritable pore ; mais entre le huitième et le neuvième anneau, le pore est parfaitement évident. Sur le côté des anneaux neuf, dix et onze se voient les orifices des poches copulatrices. Le quinzième anneau porte à sa face ventrale les orifices génitaux mâles. Les testicules, au nombre de trois paires, ont la forme ordinaire ; au-dessous d'eux on voit deux organes opalescents en forme de A touffe et flottant dans la cavité générale. Ces organes ne sont pas autre chose que les pavillons vibratiles des canaux déférents qui ont ici une forme spéciale. Leur surface est couverte de prolongements digitiformes ou villosités couvertes de cils vibratiles et contenant chacun une anse vasculaire. Ce sont ces villosités qui donnent aux pavillons vibratiles cette apparence d'une touffe de filaments, que j'ai précédemment signalée. | Les ovaires sont placés dans le quatorzième anneau sur le dos de la cloison antérieure et font saillie à l'intérieur du corps perpendi- culairement à cette cloison. Ce sont deux petits corps glandulaires, allongés et bosselés. Il est remarquable qu'ils soient ainsi visibles au lieu d'être, comme chez les autres Lombries. si complétement appli- qués sur les téguments, qu'il soit besoin d’une préparation spéciale pour les voir. II. — LOMBRICIENS INTRACLITELLIENS OU A ORIFICES GÉNITAUX MALES SITUÉS DANS LA CEINTURE GEN. ANTEUS. Nov. gen. Etym. Antée, géant, fils de la Terre. Le genre nouveau que nous proposons ici ne comprend jusqu à présent qu'une seule espèce, originaire de Cayenne. VIII. 50 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Le Muséum en possède deux exemplaires dont l’un sans indica- tion de provenance, l’autre provenant de Cayenne et donné à la col- lection par M. Eydard de Saint-Quentin. Ce dernier est le plus beau des deux échantillons. Sa longueur est de 1,16. C’est certainement de tous les Lombriciens connus celui dont la taille est le plus considé- rable. C’est la raison qui nous à fait assigner au genre le nom que nous avons choisi. Ne connaissant qu'une seule espèce, nous n'avons pas à donner de caractéristique du genre; la description du ver dont il s’agit en tiendra lieu. Il est bon de remarquer d’ailleurs que nous connaissons trop peu de Lombriciens pour asseoir sur des bases solides la caracté- ristique des différents genres à établir dans cette classe d'animaux. Tout ee que nous pouvons faire, c’est de signaler séparément et d'isoler en leur donnant un nom générique particulier les Vers qui bien évi- demment ne peuvent être réunis dans un même genre. Ce n’est que plus tard, lorsque nous connaîtrons le plus grand nombre des Lombrics qui fouillent nos terres végétales, que nous pourrons grouper Îes espèces qui se rapprochent le plus sous les noms génériques précé- demment établis, ou sous des noms nouveaux. Ce groupement une fois effectué, les caractères génériques se signaleront d'eux-mêmes; il n°y aura plus qu'à les enregistrer. ANTEUS GIGAS!: Ed. Perr. L'Anteus, auquel nous donnons le nom spécifique de Anteus gigas, a 1°,16 de long sur 3 centimètres de largeur environ dans la région de la ceinture et 2 centimètres dans la région postérieure. Si l’on observe l’animal par le dos, la ceinture, au moins dans les échantillons que j'ai pu voir, ne commence pas brusquement 4 Plex, fig. 19° LOMBRICIENS TERRESTRES. 54 comme dans la plupart de nos Vers. Déjà le huitième anneau est un peu modifié; l’épaississement et l’opacité des parois ne fait qu'aug- menter dans les anneaux suivants; toutefois, quand on coupe les tégu- ments, on n'aperçoit une modification bien marquée que dans le douzième ou treizième anneau, qui présente dans son épaisseur une mince couche glandulaire bien distincte. Dans le quinzième anneau l'épaisseur des parois du corps dépasse 2 millimètres; cette épaisseur se maintient jusqu'au vingt-neuvième anneau. Le trentième est bien évidemment hors de la ceinture. Si l’on observe l'animal par sa région ventrale, la gradation est un peu moins marquée. Le treizième anneau (ÿ compris le segment buccal) présente dans sa région centrale une région plus foncée qui semble indiquer une structure autre que celle du reste de l'anneau ; celui-ci est lui-même partie intégrante du Clitellum si on l'observe par la région dorsale. Petit à petit, à mesure que l’on s'éloigne de la tête, cet espace foncé augmente dans les anneaux suivants et forme dans chacun d’eux comme un îlot conservant la structure ordinaire des téguments quand les autres parties de l’anneau deviennent glandu- laires. Au dix-huitième anneau et jusqu'au vingt-neuvième inclusive- ment. l’ilot envahit toute la région ventrale. On voit alors une bande ventrale médiane moins consistante que le reste des parois du corps ‘qui, dans l’animal conservé, se retire à l’intérieur de manière à laisser saillants les bords de la portion glandulaire des anneaux, qui forment ainsi, non plus une ceinture complète, mais une sorte de selle, un véritable clitellum. De chaque côté et à égale distance des deux ligues médianes ventrale et dorsale, chacun des anneaux de la ceinture porte sur son bord antérieur un orifice très-distinct. Il est facile de reconnaître que ces orifices sont exactement homologues des orifices des organes segmentaires. Ce sont d'ailleurs les seuls qu'il soit pos- sible de constater à la surface des anneaux; je «n’ai rien vu qui res- 52 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM semblat à des pores génitaux spéciaux; je n'ai pas vu davantage de vestiges de pores dorsaux sur la ligne médiane. Les soies sont disposées, comme chez le Lombric ordinaire, en quatre rangées de paires, deux rangées sont franchement ventrales, deux latérales. Ces rangées sont constamment parallèles d'une extré- mité à l'autre du corps, et les soies de chaque paire sont toujours très- rapprochées l’une de l’autre. Ces soies ont du reste la forme enS allongée qui se retrouve chez le plus grand nombre des Lombriciens terrestres. Immédiatement en avant de la soie supérieure de chacune des paires de la rangée supérieure de soies se voit l'orifice des organes segmen- taires. Cette disposition est remarquable, car chez tous les Lombriciens terrestres connus jusqu'ici, c’est en avant des rangées de soies infé- rieures que s'ouvrent les organes segmentaires. Cette exception, toute remarquable qu’elle soit, ne prendra qu'un peu plus tard sa véritable signification, lorsque nous aurons étudié d’autres types; il sera pos- sible alors de montrer quelle est son importance morphologique. Tels sont les caractères extérieurs de l'animal que nous désignons sous le nom d’Anteus gigas. | Les caractères anatomiques ne sont pas moins singuliers. Lorsqu'on ouvre l'animal par le dos, on voit que toute la partie antérieure du corps, jusqu'au neuvième anneau inclusivement, est occupée par une masse ovoide, dure, résistante, nacrée, de laquelle semble partir l’in- testin et sur laquelle s'appliquent en partie des cloisons parfaitement continues, enfermant les testicules dans un sac complet. Il est dif- ficile de ne pas croire que cette masse n’est pas une sorte de pharynx musculeux résultant de la fusion avec le gésier de toute la partie de l'intestin ordinairement antérieure à cet organe. Mais si l’on vient à fendre longitudinalement la masse en question, on reconnaît bientôt qu'elle est formée par la superposition de toutes les cloisons de la partie antérieure du corps, lesquelles sont épaissies, fibreuses, nacrées comme des aponévroses et s'emboîtent les unes dans les autres comme une LOMBRICIENS TERRESTRES. 53 série de cornets. Ces cloisons ne présentent d'orifice que pour le pas- sage du tube digestif et pour celui des vaisseaux; elles constituent à la partie antérieure du corps comme une sorte de squelette fibreux qui protége le système nerveux central, le pharynx, l'œsophage, le gésier etune partie de l’appareil génital. Elle donne à cette région une soli- dité considérable et la transforme en un véritable groin qui permet à l'animal de fouiller le sol sans danger pour les organes plus où moins délicats situés dans la région antérieure de son corps. Dans aucun autre Ver nous n'avons vu d’une manière aussi marquée cette modifi- cation protectrice des cloisons. L'appareil digestif ne présente d'ailleurs aucune modification essentielle. L'appareil protecteur formé par les cloisons une fois ouvert, on peut constater l'existence d’un pharynx à parois épaisses et glandulaires; vient ensuite un œsophage membraneux portant sur ses parois quelques corps glandulaires; enfin le gésier qui est enfermé dans les cloisons limitant le sixième anneau, mais qui se trouve rejeté en arrière à la hauteur du neuvième, entraînant avec lui les cloisons qui le maintiennent. Ces dernières conservant leur point d'attache antérieur se trouvent ainsi transformées chacune en une sorte de dé membraneux; elles s'appliquent exactement l’une sur lautre dans toute leur partie antérieure, tandis que les fonds des deux dés sont distants de toute la longueur du gésier. Cette même disposition se répétant pour toutes les cloisons qui précèdent, on voit que l'appareil cloisonnaire protecteur présente une série de chambres dont la cavité aurait pour section un croissant, tandis que les sommets du croissant se prolongeraient beaucoup en avant. C'est au fond de ces chambres que sont placés les divers organes qui doivent être protégés et sur lesquels nous aurons à revenir. Ajoutons ici qu'à partir de la cloison postérieure au gésier, les cloisons suivantes, tout en conservant les mêmes caractères histo- logiques, se redressent peu à peu en s'écartant et constituent des £ > Ï | b7/ NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. chambres plus vastes qui paraissent indépendantes de la masse anté- rieure et dans lesquelles se voient les organes génitaux; puis les cloisons s'amincissent et l’on arrive ainsi insensiblement aux minces cloisons membraneuses, planes circulaires, qui, dès le quinzième anneau. ont déjà pris le caractère qu’elles conserveront jusqu’à l'extrémité du corps. Si l'appareil digestif estconstitué comme chez tous les Lombriciens, il n'en est pas de même de l'appareil circulatoire, au moins en ce qui touche les organes d’impulsion. Nous ne pouvons donner une description complète de cet appareil, borné que nous avons été dans nos recherches par la nécessité de conserver l'échantillon sans altérer en rien aucune de ses parties essentielles; mais nous pouvons signaler néanmoins quelques intéres- santes particularités. L'appareil vasculaire laisse voir tout d’abord un gros vaisseau dorsal, cylindrique dans la majeure partie de son étendue et contenant du sang coagulé, bleu foncé. Dans chaque anneau, ce vaisseau émet au moins une anse vasculaire qui embrasse étroitement l'intestin; nous ne pouvons rien dire des vaisseaux médians inférieurs ni des anses vasculaires périphériques. Mais le point remarquable est celui-ci : dans les anneaux douze, treize, quatorze, quinze, seize et dix-sept, le vais- seau dorsal se renfle en une série de grosses ampoules remplissant ordinairement chacune un anneau, mais dont quelques-unes pour- raient bien être doubles, car nous en avons compté huit bien distinctes non compris les bulbes antérieurs et postérieurs par lesquels les deux troncs du vaisseau dorsal s'abouchent dans cette poche moniliforme. Dans l'échantillon que j'ai disséqué toute cette partie moniliforme avait subi un déplacement considérable au moment de la mort de l’animal; elle s'était repliée sur elle-même, de sorte qu'il était difficile d’assi- gner la place véritable qu'elle avait dû occuper. Pour avoir une idée de ce déplacement il suffira de consulter la figure 13 où l’on verra que, tout en correspondant à six anneaux au moins, la poche LOMBRICIENS TERRESTRES. 55 entière semble contenue dans les seizième et dix-septième an- neaux. Les parois de ce renflement moniliforme sont bien évidemment musculaires. On doit donc Ie considérer lui-même eomme un cœur véritable. La contractilité, que l’on constate en général dans tout le vaisseau dorsal, s’est ici concentrée én un seul point. If s’est formé là un véritablé cœur impair longitudinal, tout à fait exceptionnel jusqu'ici chez les Lombriciens. Ce cœur n'est pas du reste le seul organe d'impulsion du sang. Lorsqu'on a ouvert les cloisons’'de la partie antérieure du corps, on remarque dans les poches qui dépendent du septième, du huitième, du neuvième et du dixième anneau deux anses vasculaires latérales, tout à fait analogues à celles qui constituent les cœurs latéraux chez les autres Lombriciens. De ces anses, celle du septième anneau est d’un petit calibre ; au contraire, celle du dixième est volumineuse et renflée en ampoule. Les autres vont graduellement en diminuant de calibre du dixième anneau au septième. Toutes les quatre ne sont peut-être pas également contractiles, mais elles sont morphologiquement équivalentes. On peut donc diré que l’Anteus gigas possède un cœur dorsal impair moniliforme et quatre paires de cœurs latéraux sous forme d’anses anastomotiques entre le vaisseau dorsal et le vaisseau ventral. C’est dans le onzième et le douzième anneau, dans la ceinture même par conséquent et en arrière du gésier, contrairement à ce qui se voit chez les vrais Lombrics, que se trouvent les testicules. Cé sont de très-grosses glandes aplaties de haut en bas, refoulant derrière elles les cloisons qui les suivent et attachées à la partie inférieure ét médiané de la face postérieure de la cloison qui les précède. Ces cloisons sont épaisses, nacrées, ne présentent d'autre orilice que celui que traversent l'intestin et les vaisseaux qui lui sont accolés. Chaque paire de testi- cules est donc complétement enfermée dans une poche parfaitement 26 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. close et ne communiquant à l'extérieur que par un seul orifice, celui de l'organe segmentaire. Ces organes’ présentent d'ailleurs dans ces deux anneaux et dans les sept suivants qui font également partie de la ceinture un calibre plus considérable. Au lieu d'être pelotonnés comme chez la plupart des Lombrics. ils sont simplement un peu flexueux ; leur calibre est suffisant pour qu'on puisse les injecter facilement par leur orifice extérieur, qui est lui-même fort apparent sur la ceinture. Chacun d'eux est terminé par une sorte de houppe formée par une série de replis membraneux implantés sur sa portion terminale libre. Cette houppe constitue le pavillon vibratile au milieu duquel s'ouvre le canal. Bien que nous ayons soigneusement recherché les canaux défé- rents, nous n'avons rien vu qui pût en être considéré comme la trace. Nous croyons donc qu'ici les organes segmentaires des anneaux géni- taux en tiennent lieu. Dans les anneaux qui suivent le vingtième, les organes segmen- taires sont de bien plus petit calibre, plus ou moins pelotonnés, et leurs circonvolutions sont reliées par une membrane qui fait apparaître chacun d’eux comme une sorte de lame frangée aplatie dont l’appa- rence n’a, au premier abord, rien de commun avec celle que pré- sentent les organes segmentaires des anneaux antérieurs. Nous n'avons pas vu d’ovaires. Cette circonstance nous portait à penser que le Ver qui nous occupe n’était pas hermaphrodite, mais il y à dans le septième anneau, au moins, une poche sphérique qui res- semble beaucoup à une poche copulatrice; ce fait nous commande par conséquent une grande réserve en ce qui touche la dioïcité de l'Anteus. Si incomplets que soient les détails que nous venons de donner, on voit qu'ils sont plus que suffisants pour justifier l'établissement d’un LOMBRICIENS TERRESTRES, 97 genre nouveau, s’éloignant à bien des titres de tous les genres connus. Le Ver qui en est jusqu'ici l'unique représentant portait dans la collec- tion du Muséum le nom générique d'Aypogeon: mais il ne présente aucune trace de la rangée de soies dorsales attribuée à ce genre par Savigny. Ce n’est donc certainement pas un Hypogeon. Nous faisons dès à présent la même remarque pour le Ver brési- lien dont nous allons maintenant nous occuper et qui doit aussi con- stituer un genre nouveau. GEN. TITANUS. Nov. gen. C'est encore pour un Ver de très-grande taille qu'est fondé le genre dont nous allons parler. Le Muséum possède de ces Vers plusieurs échantillons venant du Brésil et dont le plus grand atteint 1",26 de long. Tous ces échantillons se rapportent à la même espèce qui est jusqu'à présent unique dans son genre et dont la description tiendra lieu, pour le moment, de carac- téristique pour ce dernier. Nous lui donnerons, à cause de son origine, le nom de : TITANUS BRASILIENSES!: Ed. Perr, Longueur, pouvant atteindre un mètre vingt-six centimètres, plus grêle que le précédent, du moins si l’on s’en rapporte aux individus conservés dans l'alcool que j'ai eus à ma disposition; la portion anté- rieure du corps est moins fortement renflée; l'animal tout entier paraît beaucoup moins robuste. La ceinture commence après le quatorzième anneau (y compris 1. Pl. r, fig. 45 et 16. VII, S 58 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. l'anneau buccal) ; ses téguments ne sont pas très-épaissis. D'ailleurs elle commence franchement et non pas graduellement comme dans l'Anteus gigas. Elle comprend neuf anneaux et finit également brus- quement; elle est d’ailleurs incomplète et interrompue dans toute sa longueur par une large bande ventrale longitudinale, qu'on ne trouve pas bordée de bandelettes comme dans l'espèce précédente, C'est au point de jonction de cette bande et des bords de la ceinture propre- ment dite que se trouvent les orifices génitaux mâles, entre le dix- huitième et le dix-neuvième anneau. Ces orifices sont très-nets et bordés extérieurement par un petit bourrelet circulaire. Les soies présentent une disposition remarquable, analogue à celle qui a été signalée par Kinberg, dans les genres Alyaltes et Eury- dames du Brésil et de Panama. En avant de la ceinture, elles forment comme d'ordinaire quatre doubles rangées. Les deux soies qui con- stituent chacun des termes de ces rangées sont très-rapprochées, presque contiguës, comme cela se voit chez presque tous les Lom- brics. En arrière de la ceinture, elles paraissent déjà plus écar- tées l’une de l’autre, et cet écart va en augmentant jusqu'à la partie postérieure du corps. Il en résulte que dans les deux derniers tiers du corps de l’animal on distingue non plus quatre, mais huit rangées de soies; seulemeni chacune de ces rangées, au lieu d'être formée par des paires de soies, est formée par des soies simples et 2solées. Les quatre rangées d'un même côté sont parfaitement équidistantes et occupent, à elles quatre, tout le flanc de l'animal. La rangée supérieure et la rangée inférieure de droite sont séparées de leurs homologues de gauche par une distance égale au triple de celle qui sépare deux rangées consécutives du même côté. Ces soies sont d'ailleurs en forme d'S et ne présentent aucune particularité intéressante. Dans toute la région où les soies sont disposées par paires, l’orifice des organes segmentaires se trouve placé sur le bord antérieur de LÀ LOMBRICIENS TERRESTRES, 59 l'anneau, un peu en avant de la paire de soies inférieure et légèrement au-dessus de la soie supérieure de cette paire, relativement très-loin d’ailleurs de la paire de soie supérieure. Lorsque les soies de chaque paire s’écartent de manière à former huit rangées simples au lieu de quatre doubles rangées, on retrouve le même orifice en avant et au-dessus de chacune des soies qui for- ment la seconde rangée latérale à partir de la région ventrale. Or, comme le démontre l'inspection de l'animal et comme on pourrait d’ailleurs le conclure de sa position, cette soie est l’homo- logue de la soie supérieure de chacune des paires inférieures des quatre rangées que l’on observe dans le premier tiers de l'animal. Il est donc évident que l’orifice segmentaire s’est déplacé en même temps que la soie de manière à conserver avec elle les mêmes rela- tions de position. Il y a donc une liaison réelle entre l’orifice segmentaire et la soie qui lui correspond, et c’est là une loi morphologique qu’il était inté- ressant d'établir pour arriver à l'interprétation de certains faits. De cette loi nous pouvons conclure tout d’abord ceci : c'est que les organes segmentaires que nous avons décrits chez l'Anteus gigas ne sont pas les homologues de ceux que lon trouve chez le Titanus brasi- liensis et chez tous les Lombriciens qui ont été étudiés jusqu'ici. Si Pon ouvre par le dos le Titanus brasiliensis, on reconnaît immé- diatement que son appareil cloisonnaire est loin d’être aussi développé que celui de l’Anteus gigas. On ne trouve ici rien qui ressemble au puissant appareil protecteur que nous avons précédemment décrit. L'appareil digestif est muni d’un pharyox glandulaire et d'un gésier; mais l'œsophage est excessivement court. Le gésier occupe cependant le sixième anneau, comme dans l’Anteus gigas. Seule- ment, au lieu d’être reporté en arrière par une élongation plus grande de l’æsophage et d’entraîner avec lui les cloisons limitantes de l’anneau dont il dépend et toutes les cloisons antérieures, ici 60 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. le gésier commence avec l'anneau dont il fait morphologiquement partie et finit presque en même temps. Il en résulte que la cloison qui le maintient antérieurement et toutes les cloisons antérieures sont à peu près perpendiculaires à l’axe du corps de l'animal ; ces cloisons ne peuvent donc se recouvrir mutuellement et constituer un appareil défensif. La plus ou moins grande longueur de l’œsophage se montre ici comme l’une des causes dominatrices qui déterminent l'absence ou la présence de l'appareil protecteur formé par les cloisons anté- rieures. Ces modifications sont d’ailleurs probablement en rapport avec le genre de vie de l’animal, avec la nature des terrains dans lesquels il habite, la qualité des aliments dont il se nourrit, et ce sont là des rapports qu'il serait intéressant de connaître. Nous trouvons ici. en ce qui touche l’appareil circulatoire, un perfectionnement des plus inattendus et qui est fait pour étonner dans un groupe inférieur comme celui des Lombriciens. Cet appareil se compose essentiellement d’un vaisseau dorsal et d’un ou plusieurs vais- seaux ventraux, chose dont nous n’avons pu nous assurer. Dans chaque anneau, une anse périviscérale unit le vaisseau dorsal au vaisseau ventral; dans les anneaux huit, neuf, dix et onze, cette anse prend un développement plus considérable, se renfle en une série d’ampoules irréguliérement sphériques et constitue ainsi un vaisseau latéral, moniliforme, contractile, analogue à celui qui constitue les cœurs des Lombriciens ordinaires. Dans le quinzième anneau, les choses se passent tout autrement. Là, du vaisseau ventral naît de chaque côté une branche qui se renfle bientôt en une poche très-volumineuse occupant toute l'étendue du douzième anneau et la partie antérieure du quatorzième ; elle est adossée à la cloison antérieure de ce dernier. Postérieure- ment cette poche coiffe un gros organe musculaire, en forme d'olive, large à sa base, terminé en pointe postérieurement et qui occupe toute la longueur des anneaux quatorze, quinze et seize". Sa largeur à 1. Pr Mg. 15 caetu6. LOMBRICIENS TERRESTRES. 61 la base est presque égale à celle de l'intestin qui se trouve comprimé entre les organes musculaires de chaque côté. Cet organe est de couleur blanc rosé, comme les parois mêmes du Corps ; de plus ‘il est opaque. Au contraire, les parois de la poche antérieure, bien qu'évi- demment musculaires, sont transparentes et, dans l’animal conservé, colorées en bleu foncé par le sang coagulé qu'elles renferment. De l'extrémité de l'organe musculaire, un peu en dedans et un peu aussi avant la pointe de cet organe, naît un vaisseau d'assez fort calibre qui longe en remontant les paires extérieures de l'organe et vient s'ouvrir dans le vaisseau dorsal, à la hauteur de la cloison antérieure du quatorzième anneau. On reconnait évidemment dans cette description un cœur appartenant au quatorzième anneau, un Cœur parfaitement constitué et non plus un simple vaisseau contractile comme.ceux qui ont été décrits jusqu'ici. un cœur pourvu d’une oreillette semi-mem- braneuse, d’un ventrieule à parois puissamment musculaires, se rapprochant, par conséquent, autant qu'il est possible, des cœurs des animaux supérieurs. Ce fait est certainement le premier de ce genre qui ait été signalé dans l’histoire des Lombriciens ; il constitue le terme le plus élevé des modifications que peuvent subir les parties contractiles de lPap- pareil vasculaire de ces animaux. On ne peut même relever qu'un petit nombre de faits analogues dans l'histoire des Annélides marines. M. de Quatrefages a trouvé un cœur réduit à un ventricule, chez les Marphyses, de chaque côté du tube digestif entre l'œæsophage et la portion dentaire de la trompe”. Il signale aussi chez les Arénicoles et chez les Polyophthalmes un appareil cardiaque plus complet et constitué. comme chez le Titanus brasiliensis, par une oreillette et un ventricule; seulement le mode de constitution de ces cœurs esl ici tout différent et leur homologie très-difficile à établir, pour ne pas 1. De Quatrefages. Hist. Nat. des Annélides. Suiles à Buffon, t.1°, p. 61. 62 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. dire plus. Chez le Polyophthalme d'Ehrenberg, l'intestin est couvert d’un riche lacis vasculaire qui aboutit à l'oreillette placée au-dessus de l'intestin ; celle-ci communique avec le ventricule qui envoie à son tour le sang dans un vaisseau se dirigeant vers la portion ventrale. La réunion sur la ligne médiane de chacun de ces vaisseaux latéraux donne naissance à une aorte abdominale dans laquelle le sang court d'avant en arrière; un autre vaisseau naît à la fois des deux ven- tricules, chemine au-dessus de l'intestin en se dirigeant vers la tête et constitue une aorte supérieure dans laquelle le sang marche d’ar- rière en avant. Chez notre Lombric, les choses ne se passent pas ainsi. Le sang revient, par le vaisseau ventral, dans l'oreillette qu'il remplit, passe de là dans le ventricule et de celui-ci dans le vaisseau dorsal. Il en résulte que dans la partie du vaisseau dorsal antérieure au treizième anneau, le sang marche d’arrière en avant et se dirige vers la tête; au contraire dans la partie du vaisseau qui suit le treizième anneau, le sang chemine d'avant en arrière; il suit une marche exactement inverse dans le vaisseau ventral, supposé unique, mais qui peut être double : c’est un point sur lequel mes recherches ne pouvaient pas porter. Quant aux anses d'anastomose périviscérales du vaisseau dorsal et du vaisseau ventral, le‘sang les parcourt de haut en bas. Il n’est peut-être pas sans intérêt de remarquer que cette marche du sang telle que nous venons de la décrire et telle qu'elle résulte de la structure anatomique de l'animal est exactement contraire à celle que M. de Quatrefages a reconnue dans le Lumbrieus trapezoïdes *. Là le sang marche d’arrière en avant dans le vaisseau dorsal, et d'avant en arrière dans les deux vaisseaux ventraux. Dans les anses périviscérales la marche du sang est sans doute aussi de haut en bas. Il y a relativement aux organes segmentaires quelques faits “ Le, Le, 1. Suites à Buffon. Hist. des Annélides, pl. 1. LOMBRICIENS TERRESTRES. 63 remarquables à signaler. J'ai constaté leur existence ou du moins l'existence de tubes tout à fait analogues, dans les anneaux huit, neuf, dix et onze. Il m'a néanmoins été complétement impossible, sur trois échantillons dont les téguments étaient bien conservés et suffisamment distendus dans cette partie, d'apercevoir leurs orifices. C'est seulement entre le treizième et le quatorzième anneau que cet orifice apparait pour la première fois, c’est-à-dire à la partie antérieure de l'anneau qui précède la ceinture ; on le voit là avec la plus grande netteté. Entre le dix-huitième et le dix-neuvième anneau, il est remplacé par l'orifice génital mâle qui est plus grand et légèrement reporté en dedans. Il manque complétement entre le dix-septième et le dix-huitième anneau. Nous aurons à rapprocher ces faits de ceux qui nous seront fournis par la disposition de l'appareil génital. De ce dernier je n'ai pu voir que la portion mâle. Elle se compose de deux longs testicules ovalaires, aplatis, fixés par un court pédon- cule à la partie postérieure, inférieure et médiane de la cloison anté- rieure du douzième anneau. Ces testicules! sont plus ou moins repliés sur eux-mêmes et autour de l'intestin; lorsqu'ils sont développés et étendus ils occupent toute la longueur comprise entre le douzième et le vingt-cinquième anneau, ils traversent par conséquent toute la cein- ture et ne finissent que bien au delà de l'orifice génital. Au-dessous de leur pédoncule naît de chaque côté un canal assez court, droit, qui n’est autre chose que le canal déférent; je n'ai pu m'assurer s'il se terminait antérieurement en pavillon vibratile; postérieurement il aboutit à une sorte d’empâtement qui occupe toute l'étendue du dix- huitième et du dix-neuvième anneau. On peut ouvrir cet empâtement et on reconnaît que ce n’est pas autre chose qu'une poche à parois musculaires s’ouvrant au dehors par l’orifice génital mâle et qui peut, jusqu’à un certain point. jouer le rôle de vésicule séminale. Je n'ai 1, PL. 1, 6g. 45,4, 6! NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. pas vu d'organe qu'on puisse considérer comme un organe copulateur proprement dit. La fécondation n’a très-probablement lieu que par simple rapprochement des orifices. Je n'ai rien vu que l’on puisse considérer comme une poche copulatrice. Il est singulier, d'autre part, que chez un animal de cette taille, comme chez l'Anteus, l'ovaire échappe à une recherche minutieuse. C'est. pourquoi je me pose encore ces deux ques- tions : L'organe que j'ai indiqué chez l’Anteus gigas comme étant peut- être une poche copulatrice, a-t-il réellement cette destination ? L'Anteus gigas et le Tilanus brasiliensis sont-ils vraiment herma- phrodites ? Évidemment de nouvelles recherches sont nécessaires sur ce point : l'hermaphroditisme, s’il existe, a besoin d’une confirmation directe. L'hermaphroditisme de tous les Lombriciens a été conclu simplement de l'étude de nos Lombrics indigènes; nous en avons déjà assez dit pour montrer combien sont cependant peu généraux la plupart des caractères que nous présentent ces Vers. Nous ne pouvons, pour le moment, que soulever cette question de l'hermaphroditisme constant des Lombriciens sans la résoudre. Nous ajouterons cependant que, de même qu'il y a parmi les Annélides, ordinairement dioiques, quelques rares espèces hermaphrodites, il pourrait fort bien se trouver chez les Lombrics habituellement hermaphrodites un certain nombre de types dioïques. J'insisterai encore ici sur les points suivants : Dans les anneaux qui produisent les testicules et où aboutit le canal déférent, on ne voit pas les orifices des organes segmentaires et je n'ai pas constaté d'une manière certaine l'existence de ces organes, pourtant si visibles, quoique ne paraissant pas s'ouvrir au dehors dans les anneaux antérieurs. Cet orifice manque encore dans l’anneau qui précède celui où s'ouvre le canal déférent. Enfin l’orifice de ce canal LOMBRICIENS TERRESTRES. 65 a exactement les mêmes relations de position que l’orifice des organes segmentaires. Les individus d’après lesquels cette description est faite ont été rapportés du Brésil en 1837 par M. Gaudichaud. Ils sont au nombre de trois; un quatrième ne porte aucune indication de localité; tous sont en assé mauvais état. GEN. RHINODRILUS, Nov. Gen. J'établis le genre Rhinodrilus pour un Ver de l'Amérique méri- dionale (Caracas, dans la république de Venezuela), qui se fait remar- quer, à première vue, par un prolongement en forme de trompe de son lobe céphalique, caractère jusqu'à présent unique chez les Lom- briciens terrestres. Bien que Hoffmeister ait distingué trois genres ! d'après la forme du lobe céphalique, je ne considérerais pas les caractères tirés de ces modifications de forme comme suffisants pour établir un genre nou- veau, si aucune modification organique n’accompagnait celle-ci. Aussi, tout en faisant allusion dans la composition du nom du genre à l'existence de la trompe ou plutôt du tentacule, caractère extérieur le plus saillant de notre animal, n'ai-je pas l'intention d'indiquer que ce genre ne devra contenir que des Lombriciens pourvus d’une trompe. Cette trompe n’a du reste aucun rapport avec l'appareil digestif, et n’a rien de commun avec ce que M. de Quatrefages appelle Ia trompe des Annélides, avec ce qui constitue la trompe des Naïs et des genres voisins. Elle est, au contraire, l’analogue de l’appendice cépha- lique de la Naïs proboscidea, appendice qui avait provoqué pour cet 1. Lumbricus, Helodrilus, Criodrilus. VIII. 9 66 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. animal la création du genre Stylaria ! et qui caractérise encore le genre Euaxes de Grube. On peut encore comparer l'appendice unique des Rhinodrilus au prolongement en cône de la tête des Glycères. C’estune sorte de ten- tacule, et pas autre chose. C'est sur un échantillon unique qne notre genre est bi la des- cription de cet échantillon devra tenir lieu par conséquent de carac- téristique pour le genre. Nous donnerons à l'espèce que nous allons décrire le nom de Ahinodrilus paradoæus, à cause des caractères jusqu'ici exceptionnels qu'elle présente. RHINODRILUS PARADOXUS Sp. n0v.- Ce Ver à la taille de notre Lombric ordinaire (15 centimètres), dont il ne diffère à première vue que par sa trompe, qui a à ou 4 milli- mètres de long environ. La ceinture est située après le dix-huitième anneau et occupe les anneaux dix-neuf, vingt et vingt et un. Elle est peu marquée en dessus; mais en dessous elle est rendue très-distincte par deux ban- delettes longitudinales, légèrement 'concaves vers la ligne médiane 1. Comme le fait remarquer M. Vaillant, ce genre n’est peut-être pas aussi mauvais qu’on veut bien le dire, attendu que dans la Naïs proboscidea les faisceaux desoies sont composés autre- ment que chez un certain nombre d’autres Naïs; suivant W.C. Minor !, l'appareil digestif présente aussi quelques particularités. Quant au mode de reproduction asexuée, nous ne croyons pas la différence aussi fondamentale que le pense M. Minor, attendu que chez tous les Naïdiens que j'ai étudiés à ce point de vue, la scissiparité se complique toujours d'un double bourgeonnement qui se produit à la fois à l'extrémité postérieure du corps de l'animal qui se divise et au point mème où la scission se produit. Je me suis expliqué sur ce point dans un travail relatif au Dero oblusa, qui a paru depuis quelque temps déjà ?. 2. PI. 1, fig. 9, 40, 41 et 12. 1. Upon merismatie multiplication of some Annelida (American journal of sciences and arts, vol. XXXV, janvier 1863) 2. Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 1870, et Archives de zoologie expérimentale de M. de Lacaze Duthiers, t. ler; janvier 1872 LOMBRICIENS TERRESTRES. 67 et qui s'étendent sur les trois anneaux que nous avons désignés. C'est entre ces bandelettes que l’on voit les orifices génitaux, au nombre de deux, sur le sillon qui sépare le dix-neuvième anneau du vingtième. Ces orifices ont la forme de deux boutonnières transversales; de leur angle externe part, de chaque côté, un sillon arqué, longitu- dinal, parallèle aux bandelettes. Ce sillon traverse le vingtième anneau etse termine avec lui; son extrémité inférieure est unie à celle du sillon symétrique par un repli transversal, concave vers l'extrémité cépha- lique et plus profond que les sillons interannulaires. Les orifices géni- taux et les sillons qui en dépendent détachent ainsi entre les bande- lettes de la ceinture une sorte d’écusson, très-net sur l'individu con- servé dans l'alcool que j'ai examiné. 11 y a évidemment à se demander ce que devient cette apparence chez l'animal vivant; mais füt-elle un accident comme on en voit tant sur les animaux conservés dans l'al- cool, il était bon de la signaler, non toutefois sans réserve. Les soies sont disposées sur quatre doubles rangées comme dans le genre Lumbricus. Elles présentent néanmoins quelques particula- rités caractéristiques et dont on n’a pas encore signalé d'exemples ‘. On sait que dans presque tous les Lombriciens étudiés jusqu'ici à ce point de vue, les soies sont toujours lisses et généralement en forme d'S. Nous avons vu toutefois, dans le Lumbricus americanus, une modi- fication légère des soies de la ceinture qui deviennent droites et très- longues relativement à celles du corps, qui sont en forme d’S. Chez le Rhinodrilus paradoæus, les soies du corps* sont bien en forme d’'S, mais leur portion externe est un peu plus épaisse que leur portion interne ; de plus, toute leur portion externe présente de petits ares chitineux saillants, à concavité externe, et qui sont assez irrégulièrement dispo- sés. C'est là déjà une exception, car chez tous les autres Lombriciens 4. Il serait intéressant d’avoir une bonne figure des soies des Geogenia. Kinb. qui présen- tent aussi une ornementation. 2. PI. 1, fig. 44 bis. 68 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. les soies sont très-franchement lisses; toutefois cette ornementation passerait facilement inaperçue si l’on s’en tenait à l'examen des soies du corps, chez qui les petits arcs chitineux, quoique très-nets, ne s'imposent cependant pas très-énergiquement à l'attention. Sur les soies du corps, ces arcs ne sont en quelque sorte que les vestiges d'une structure très-remarquable présentés par les soies des an- neaux seize, dix-sept, dix-huit et dix-neuf qui précèdent immédiate- ment la ceinture ou en font déjà partie. Ces dernières soies ! sont parfaitement droites, de même largeur que les soies du corps, mais environ deux fois et quart plus longues; elles sont lisses pendant un peu plus de la moitié de leur longueur ; mais dans le reste qui forme la partie saillante à l'extérieur, on voit la chitine se soulever de manière à former une quantité de nids de pigeon régulièrement disposés et dont l'ouverture est dirigée vers la pointe extérieure de la soie. C'est là une ornementation dont; aucun autre exemple n'a été signalé. Il est évident que ces soies ont un rôle spécial à jouer dans l’'accouplement, comme Hering l’a fait remarquer le premier, en ce qui concerne les vrais Lombrics. Il est difficile, dans le cas actuel, de se prononcer sur la nature précise de ce rôle; mais nous verrons dans un autre animal les soies du voisinage de la ceinture se modifier encore davantage, leur rôle se préciser en même temps et l’ensemble des soies d’un anneau constituer un véritable pénis. Quoi qu'il en soit, il y a là un fait à retenir : si dans la grande majorité des Lombrics terrestres connus, les soies se présentent avec un grand caractère de simplicité, le Rhinodrilus paradoxus nous montre que des complications plus ou moins grandes peuvent se produire dans la structure de ces organes. Ce qui est actuellement l'exception peut n'être qu'une exception apparente, car nous connaissons à peine 1. PL 5, fig. 40 et 44. LOMBRICIENS TERRESTRES. 69 quelques types isolés du groupe des Lombriciens, trop peu pour que toute généralisation ne soit pas encore prématurée. Aussi craignons- nous que M. Grube, et avec lui M. Léon Vaillant, n'aient accordé une trop grande valeur au caractère tiré de la simplicité des soies des Lombries. Nous croyons même, nous le prouverons un peu plus tard, que leur mode de disposition ne peut dépasser la valeur d'un caractère générique. En ce qui concerne les organes segmentaires, nous retrouvons ici, comme dans l'Anteus gigas, leur orifice en avant des soies de la rangée supérieure, etcela a lieu dans tous les anneaux. Voici donc une seconde exception à cette règle généralement admise et sur laquelle avait insisté Claparède, que les organes segmentaires s'ouvrent en avant des soies de la région ventrale. Arrivons maintenant à l'anatomie proprement dite de l'animal. L'appareil digestif ne présente aucune particularité saillante. Un pharynx à parois épaisses et glandulaires, un æsophage membraneux, un gésier à parois très-musculeuses, enfin un intestin; voilà sa con- stitution. Le gésier dépend du septième anneau; mais il est reporté un peu en arrière par l'allongement de l’œsophage et se trouve occu- per ainsi la longueur des neuvième, dixième et onzième anneaux. L'appareil circulatoire est essentiellement remarquable, du moins dans sa partie antérieure, la seule que j'ai observée, et encore pas aussi complétement que je l'aurais voulu. Il se distingue tout d'abord par l'existence de deux vaisseaux dorsaux et de deux vaisseaux ventraux'; ces quatre vaisseaux sont tous situés sur la ligne médiane, les uns plus particulièrement en rapport avec l'intestin, les autres plus près des parois du corps. Voici maintenant comment ces vaisseaux sont reliés entre eux : les deux vaisseaux, dorsal et ventral, les plus éloignés de l'intestin, 70 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. sont unis par des anses flottantes qu'on peut désigner sous le nom d’anses périphériques. Il m'a semblé qu'à la partie antérieure le vais- seau ventral se bifurquait; mais c’est là un fait qui me laisse encore quelques doutes que comprendront tous ceux qui ont essayé d'étudier des parties aussi délicates sur des animaux conservés depuis longtemps dans l'alcool et que l’on est dans l'obligation de ne pas détériorer, où il faut presque, par conséquent, voir sans toucher. Quant aux deux vaisseaux plus voisins de l'intestin, ils sont réu- nis par des anses embrassant assez étroitement l'intestin et qui deviennent plus libres et assez volumineux dans les anneaux 20, 21 et 22, elles prennent même l'aspect irrégulièrement bosselé propre aux cœurs des Lombrics dont elles n’atteignent cependant pas le volume. C’est ce qu'explique lexistence dans les trois anneaux qui précèdent d'autant de paires d'organes que nous croyons être les véri- tables cœurs. Chacun de ces organes est en rapport par un vaisseau spécial d'une part avec le vaisseau dorsal inférieur, de l’autre avec le vaisseau ventral supérieur. De plus, sur chacun d’eux on distingue deux parties bien distinctes : l’une inférieure, à parois transparentes, gonflée par un sang bleuâtre coagulé, de forme sphérique; l’autre supérieure, blanche, opaque, plus volumineuse, de forme ovoide et s’abouchant par son petit bout avec le vaisseau qui conduit au tronc dorsal. On ne peut s'empêcher de voir là un cœur muni de son oreil- lette, qui serait la partie inférieure de l'organe et de son ventricule qui serait la partie supérieure. C'est la détermination à laquelle nous nous arrêtons. Sur le ventricule on aperçoit quelques veines bleuâtres partant du sommet et disparaissant bien vite. L'existence de ces veines nous avait fait d’abord concevoir quelque doute, car elles semblaient être disposées en vue de produire une sorte d'irrigation dans l'organe qui aurait eu, dès lors, quelque analogie avec un appareil glandulaire ; mais l’apparence en question tient sans doute à ce que, sur certains LOMBRICIENS TERRESTRES. 71 points, près du sommet du ventricule, les fibres longitudinales s’écar- tent et laissent apercevoir la membrane interne et le sang qu’elle con- tient. D'ailleurs, la présence de l'oreillette et l'absence de tout autre appareil suffisant d’impulsion pour le sang démontrent bien que les organes en question ne peuvent être que des cœurs analogues à ceux du Titanus brasiliensis. Ici ces cœurs, au nombre de six, ont chacun un volume relatif moins considérable que les cœurs du Titanus, qui ne sont qu'au nombre de deux. C’est là évidemment une conséquence de leur nombre. Leur disposition anatomique est d’ailleurs la même : l'oreillette en rapport avec le vaisseau ventral, le ventricule en rapport avec le vaisseau dorsal interne. Dans ces deux vaisseaux, le cours du sang est donc le même que celui que nous avons décrit pour le Tita- nus. Quant aux vaisseaux externes, nous ignorons comment ils com- muniquent avec les autres; nous ne pouvons rien dire de la marche du sang à leur intérieur. Les organes génitaux sont constitués par une paire de glandes situées immédiatement en arrière du gésier et qui sont des testicules. Un canal déférent y aboutit de chaque côté. Ce canal est muni d’un pavillon vibratile, enfermé avec le testicule dans une membrane commune. Nous n'avons vu aucune trace de poches copulatrices; nous pou- vons donc faire ici la réflexion que nous avons déjà faite à propos du genre précédent: Les Ahinodrilus sont-ils réellement hermaphrodites ? GEN. EUDRILUS', Nov. Gen. J'ai déjà présenté à l'Académie des sciences une note relative à l'or- ganisation d'un ver appartenant au genre dont je vais maintenant parler. A Pl. ur, fig. 26 à 30. NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. 1 19 A l’époque de ma communication je ne connaissais encore que l'échantillon vivant que j'avais disséqué ; j'ai depuis rencontré dans la collection du Muséum deux Lombriciens provenant, l'un de la Marti- nique, l’autre de Rio-Janeiro, qui rentrent évidemment dans ce genre et qui, dans tous les détails de leur anatomie, différent à peine du pre- mier £udrilus que j'ai vu : l'Eudrilus decipiens. Toutefois je dois faire ici une remarque importante. Les deux vers que j'ai pu voir conservés dans l'alcool sont évidemment intra- clitelliens, quoique leurs orifices mâles soient rejetés entre le dernier et l’avant-dernier anneau de la ceinture; au contraire, l'individu que j'ai eu vivant a été indiqué dans mes notes et dans ma communication à l'Académie comme postclitellien; toutefois j'ai indiqué un aréole partant de la ceinture et semblant la prolonger jusque sur les orifices mâles. Y a-t-il eu là une méprise de ma part? Je regrette de ne pouvoir le vérifier actuellement par suite de la destruction accidentelle de l'échantillon qui servit alors à mes recherches. Quoi qu'il en soit, les orifices mâles dans l'échantillon en ques- tion et dans ceux que j'ai actuellement sous les yeux se trouvent occu- per exactement la même position, c'est-à-dire le bord postérieur du dix-septième anneau. La ceinture qui occupait les anneaux 13, 14 et 15 dans l'£Eudrilus decipiens, occupe les anneaux 13 à 18 inclusivement dans l'Eudrilus de la Martinique, et les anneaux 1/4 à 18 dans celui de Rio-Janeiro, elle est du reste dans les deux cas assez peu distincte etles anneaux paraissent se modifier graduellement, surtout dans le ver de la Martinique. En somme, c'est seulement sur l'étendue en arrière de la ceinture que porte la différence ; comme elle englobe les orifices mâles dans les individus conservés, je range les Eudrilus parmi les Lombriciens intra- clitelliens, tout en signalant un point douteux, propre d’ailleurs à infirmer la valeur des caractères tirés des organes génitaux, s’il était LOMBRICIENS TERRESTRES. 73 démontré qu'iln'y a pas eu erreur de ma part en ce qui touche l’£u- drilus decipiens. Les Eudrilus sont d’ailleurs des vers fort remarquables. Leur taille est médiocre, leurs soies simples, disposées par paires sur quatre rangées latérales symétriques deux à deux. Les deux ran- gées d’un même côté sont très-rapprochées l’une de l’autre, Les orifices des organes segmentaires sont en avant des soies de la rangée supérieure comme dans les Anteus et les Rhinodrilus. Les orifices mâles s'ouvrent en avant des soies de la rangée inférieure. Si l'on suit la rangée supérieure des soies de chaque côté, en arrivant au quatorzième anneau on distingue immédiatement en avant des soies, ou même à leur place, un orifice très-net, quelquefois bordé d’un bourrelet, ce qui n'empêche pas l'orifice de l'organe segmen- taire, un peu réduit, d'occuper sa place habituelle; les soies de la rangée inférieure ne sont d’ailleurs aucunement modifiées. Quelle est la signification de ces orifices? Je l’indiquerai en par- lant des organes génitaux. L'appareil digestif des Æ£udrilus diffère à peine de l'appareil digestif des autres Lombriciens ; l’æsophage est très-court et le gésier situé vers le septième anneau. L'appareil circulatoire est constitué sur le plan de celui des Lom- brics proprement dits, quant à ses centres d'impulsion. Ces derniers sont en effet de simples anses latérales bosselées situées entre le gésier et l'appareil génital. Celui-ci est constitué d’une manière remarquable. Les testicules sont au nombre de trois chez l’£udrilus decipiens ; chez les autres vers, je n’en ai vu que deux bien développés ; mais il m'a semblé qu’en avant s’en trouvait un autre bien plus petit et pour ainsi dire rudimentaire. De ces testicules part de chaque côté un canal déférent qui VIII. 10 7h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. arrive jusqu’au dix-septième anneau en se contournant diversement; là il aboutit dans une poche particulière sur laquelle nous aurons à revenir tout à l'heure. Dans cette poche aboutit encore constamment un tube qui se rattache à un organe allongé en forme de saucisse”, d'aspect nacré, qui rappelle par sa position la prostate des Lombriciens postclitelliens, mais qui ne présente en aucune façon l'aspect glandulaire de ces der- nières. On voit encore quelquefois sur la poche du dix-septième anneau un troisième appendice formé de deux culs-de-sac greffés comme les branches d’un Y sur une tige commune. J'ignore quel peut être l’usage de ces appendices et je n'ai pu suivre d’une manière bien exacte leurs rapports avec le contenu de la poche, qui est lui-même assez exceptionnel. Ce n’est pas autre chose qu'un pénis en forme de crochet charnu, fibreux, capable de faire saillie au dehors ainsi que je m'en suis directement assuré, mais qui demeure habituellement retiré à l’intérieur de la poche. C'est là, comme on le voit, un appareil copulateur des plus com- plets et des plus remarquables. L'appareil femelle n’est pas moins étrange. Il est situé dans le quatorzième anneau et son orifice extérieur n'est pas autre chose que l’orifice porté par cet anneau en avant de la paire supérieure de soies. On voit partir de cet orifice un tube qui se recourbe plusieurs fois en se dirigeant en arrière, se renfle finalement en une poche allongée à parois plus ou moins distendues et dont l'extrémité en cul- de-sac se dirige en avant. Greffés sur ce tube avant sa dilatation en poche, on voit d’abord un tube plus petit, entortillé de façons diverses, et juste en face de 4. PI. 11, fig. 26, vs. . PI. 11, fig. 27 et 28. Le LOMBRICIENS TERRESTRES. 75 lui une sphère assez peu volumineuse, quelquefois deux qui présen- tent alors un aspect un peu différent. Je n'ai pu examiner ces derniers corps que sur deux individus conservés dans l'alcool, l'un depuis 1826, l’autre depuis 18353. Mais cet examen ne peut laisser aucun doute; ce sont là des ovaires dans lesquels il est encore possible de reconnaître des œufs avec tous leurs éléments caractéristiques ‘. Le membre vitelline assez épaisse a conservé sa forme sphérique ; le vitellus s’est un peu condensé et ramassé d’un côté; la vésicule transparente est encore bien nette et contient une, deux ou trois taches germinatives. De plus, chaque œuf paraît entouré d’une couche granuleuse assez épaisse que je m'abstiendrai d'interpréter à cause des chances d'erreur que présente l'examen histologique de pièces conservées, surtout depuis si longtemps. Il n’en demeure pas moins constant que les ovaires sont ici greffés sur un appareil qu'on ne peut considérer que comme une poche copulatrice. Je décrirai comme espèces distinctes les £udrilus de provenance différente que j'ai eus à ma disposition, bien que les caractères exté- rieurs qui les distinguent soient assez fugitifs. Il me semble que les dispositions anatomiques spéciales que je vais avoir à signaler moti- vent suffisamment cette distinction. EUDRILUS LACAZAEH:. Edmond Perrier. La longueur de ce ver est médiocre; sa partie antérieure est aplatie et se termine par un lobe céphalique simple; la partie posté- A. PI. 1v, fig. 76. 2. Je dédie cette espèce à mon savant et excellent maître M. H. de Lacaze Duthiers, membre de l’Institut, professeur à la Sorbonne, ancien professeur au Muséum et à l'École nor- male, où il a bien voulu m'appeler à lui succéder. 76 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. rieure va en s'amincissant beaucoup, elle -est bien plus grêle que l’antérieure. Comme dans les autres espèces je ne signalerai que les carac- tères dont je n'ai pas eu à parler en définissant le genre. La ceinture, peu marquée, occupe les anneaux 13, 14, 15, 16, 17 et 18, en tout six. Les pores génitaux femelles du quatorzième anneau sont situés très-nettement en avant des soies supérieures qui sont bien distinctes. Le gésier, assez allongé, est situé à la hauteur du sixième anneau, sans que je veuille affirmer d’une manière bien positive qu'il lui appar- tient. les cloisons correspondantes se trouvant détruites. On trouve des vaisseaux latéraux contractiles dans les anneaux 5, 9 et 10, peut-être 7. Les anneaux 11 et 12 contiennent chacun une paire de testicules bien développés; il y en a une autre, mais beaucoup plus petite, dans le dixième anneau. Dans le quatorzième anneau, sur la base de la poche copulatrice, on ne voit à l'extérieur que le petit tube tortillé et à l’intérieur, c'est-à-dire vers l’axe du corps, un petit ovaire sphérique. Le canal déférent se rend à la bourse du pénis sans se tortiller sur lui-même; sur cette bourse sont grelfés la longue poche en forme de saucisse et l’'appendice en Y, qui tous deux ont un aspect fibreux très-caractérisé. Dans tous les anneaux, même dans ceux qui contiennent les ovaires, il ÿ a un organe segmentaire. Ces organes, à partir du quinzième anneau, se font remarquer par leur coloration jaune=orangé. Cette coloration répond à une por- tion glandulaire de l'organe; celui-ci se prolonge vers l'axe du corps en un petit tube transparent, entortillé à l'extrémité duquel j'ai cher- ché, sans l'y voir, un pavillon vibratile. Ces organes reposent sur la face postérieure de chaque cloison. LOMBRICIENS TERRESTRES. 77 Il y au Muséum deux échantillons de l’£Eudrilus Lacazii, tous deux sont en assez mauvais état. Ils ont été rapportés de la Martinique par M. Plée; l'un date de 1826, l'étiquette de l’autre ne porte pas de date. EUDRILUS PEREGRINUS!:. Edm. Perrier. L'Eudrilus peregrus est plus grand que le précédent; son lobe céphalique, bien distinct, entame postérieurement et très-nettement le segment buccal. La ceinture occupe cinq anneaux ; ses anneaux extrêmes sont le quatorzième et le dix-huitième. L'extrémité postérieure parait moins rétrécie que dans l'espèce précédente. Les pores génitaux femelles du quatorzième anneau sont moins distincts, peut-être un peu plus reculés, et je n’ai pu distinguer à la loupe les soies qui doivent se trouver derrière eux. Pour ne pas trop détériorer l'échantillon unique du Muséum, je n'ai pas voulu découvrir le gésier qui se trouve avant le huitième anneau. Cet anneau contient une anse cardiaque ainsi que les deux suivants; ces derniers sont les plus développés. Les testicules sont situés aux onzième et douzième anneaux; je n'ai vu dans le dixième anneau qu'une sorte de toute petite masse glandu- laire, absolument indéterminable. Dans le quatorzième anneau, les organes femelles comprennent : la poche copulatrice, le petit tube entortillé qui est extérieur, une masse glandulaire située en face de lui, intérieurement et dans Ca laquelle je n'ai pas vu d'œufs; enfin au-dessous du tube tortillé et exté- 1. Je donne à ce Ver l’épithète de peregrinus à cause de sa provenance assez éloignée des Antilles, d'où proviennent les deux autres. 78 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. rieurement à lui, mais greffé comme lui sur le pédoncule de la poche copulatrice un ovaire bien distinct et que j'avais sous les yeux quand j'ai parlé des ovaires des £udrilus dans la description du genre. L'appendice en Y de la bourse du pénis est formé de deux branches très-inégales en longueur, appliquées l’une contre lautre, tandis qu'elles sont égales dans l'espèce précédente. Il n'existe dans la collection du Muséum qu'un seul individu de cette espèce ; il a été rapporté de Rio-Janeiro, en 1533, par M. Gau- dichaud. EUDRILES DECHEPHEM®% Edm. Perr. Ce ver a été recueilli dans la terre d’un envoi de plantes des Antilles par M. Houllet, chef des serres au Muséum, qui m'avait déjà remis quelques jours auparavant plusieurs échantillons d’une espèce nouvelle de Perichœta et qui avait bien voulu, à ma demande, porter son attention sur la terre de l’envoi des Antilles qu'il venait de rece- voir. M. Houllet continue d’ailleurs à surveiller le dépotement des plantes qui lui sont envoyées, et il n’y a pas de doute que, grâce à lui, la collection de Lombriciens du Muséum de Paris ne s’accroisse rapidement et que l'histoire de ces singuliers animaux ne s’enrichisse de faits nombreux. A l’époque où cet £udrilus me fut remis, je n'avais encore étudié avec quelque soin que nos Lombrics indigènes et les Perichæta. Je ne connaissais de Lombriciensayant leurs orifices génitaux mâles non situés en avant de la ceinture que ces derniers et, comme les soies ne sont pas toujours très-visibles au premier coup d'œil, je crus d’abord avoir affaire à un Perichæla, ce qui aurait beaucoup augmenté l'aire d’exten- sion de ce genre. C'est à cause de cette erreur momentanée que j'ai nommé le ver qui nous occupe : £udrilus decipiens. Quant au préfixe £u dont j'ai fait précéder le mot grec qui veut dire ver, il provient de ce LOMBRICIENS TERRESTRES. 79 que le premier Lombricien terrestre chez qui un véritable appareil copulateur ait été signalé est précisément l’£udrilus decipiens; ce ver me semblait donc à ce moment plus parfait que les autres. Nous verrons que les Acanthodrilus sont aussi pourvus de pénis, autrement constitués d’ailleurs que ceux que nous avons décrits chez les divers Eudrilus : nous avons vu aussi des Lombriciens chez qui l’organisation atteint un plus haut degré de perfection ; néanmoins il n'y a pas d'inconvénient sérieux à conserver le nom primitif que nous avons choisi et qui se trouve déjà consacré d’ailleurs par une communication faite à lAca- démie le 13 novembre 1874. La taille, la couleur, l'aspect général de l'£udrilus decipiens sont, en tout, ceux de nos Lombries. La bouche s'ouvre franchement au- dessous du lobe céphalique qui est très-aigu. Les soies forment quatre rangées; il m'a semblé que, assez souvent, chaque faisceau contenait plus de deux soies parfaitement développées; mais il faudrait exami- ner sur plus d’un individu si ce fait présente quelque constance ; nous ne l’inscrivons ici qu'à titre de renseignement. La ceinture occupe les anneaux treize, quatorze et quinze; elle est continue. Les orifices génitaux mâles sont situés au dix-septième anneau, c'est-à-dire sur le deuxième anneau après la ceinture; ils se font remarquer par leur netteté et par l’aréole opaque et blanchâtre qui l'entoure. L'animal ayant été plongé vivant dans une solution faible d'acide chromique, nous avons vu sortir par l’un de ces orifices une sorte de crochet charnu à concavité tournée vers le bas et à pointe mousse beaucoup moins large que sa base. Au-dessous de ce crochet et en continuité de tissu avec lui se trouvait une poche sphérique égale- ment sortie au dehors et présentant le même aspect nacré. Nous avons cru d’abord à une simple hernie avec retournement en doigt de gant du canal déférent, mais un examen attentif nous a bien vite montré qu'il y avait là une spécialisation plus grande d’une partie du canal déférent et que nous avions affaire à un véritable pénis SU NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. rétractile. Du côté où le pénis n’était pas sorti spontanément, nous pensions le voir au dedans du corps, mais nous n'avons vu à Sa place qu'un empâtement discoïde assez épais, sur lequel venaient s'insérer le canal déférent et le canal excréteur de la poche allongée et fibreuse; nous avons dès lors pensé que cet empâtement, qui était beaucoup moins visible de l’autre côté, n'était autre chose qu'une bourse à l’intérieur de laquelle devait se trouver le pénis rétracté; nous avons donc déchiré les parois de cette bourse et nous avons trouvé à son intérieur le second pénis charnu recourbé autour de la poche”. Cela confirmait notre première observation : à savoir que bien réel- lement les £udrilus ont un pénis charnu distinct de toutes les autres parties de l'appareil génital, rétractile à la volonté de l'animal et enfermé quand il est rentré en dedans dans une poche particulière que nous avons déjà nommée bourse du pénis. C'est Ià un organe pour ainsi dire à demi externe, que l’on peut observer presque sans dissec- tion et qu'à ce titre nous avons décrit en même temps que les autres caractères zoologiques. Voyons maintenant les caractères anatomiques *. Le tube digestif se compose, comme d'habitude, d'an pharynx musculeux, qui occupe ici les cinq premiers anneaux, puis d'un œsophage très-court qui commence vers la moitié du cinquième anneau et se termine au commencement du septième; dans ce dernier se trouve le gésier qui l’occupe entièrement sans le dépasser, enfin vient l'intestin proprement dit. De l'appareil circulatoire je n’ai vu qu'un vaisseau dorsal et deux paires de cœurs latéraux dans les septième et huitième anneaux. Les anneaux neuf, dix et onze contiennent chacun une paire de testicules. Ces testicules ont la forme de langues recourbées au-dessus 1 Pl'rr fig. 27ret28: 2. Voir pl. 11, fig. 26, et l'explication des planches. LOMBRICIENS TERRESTRES. 81 de l'intestin ; ils sont tous absolument égaux entre eux, tandis que chez les vrais Lombrics, qui présentent aussi trois paires de testicules, la paire postérieure est beaucoup plus grande que les deux autres. Les vers du genre Lumbricus et ceux du genre £udrilus sont du reste encore les seuls où on ait constaté trois paires de testicules; partout ailleurs jusqu'ici il n'y a que deux paires de ces organes, ou même une seule. Le douzième anneau renferme les poches copulatrices. Ici ces or- ganes sont complexes. Ils sont constitués par un tube qui se dirige d’a- bord obliquement en dehors et en bas, puis se recourbe brusquement, en suivant un trajet tortueux, pour remonter en dedans et en haut vers la ligne médiane. Arrivé un peu au-dessous de l'intestin, ce tube se recourbe de nouveau brusquement et descend parallèlement à la ligne médiane, puis il se recourbe une dernière fois en remontant sur l'intestin, parallèlement à l'axe longitudinal, en donnant naissance à un long renflement piriforme qui est la véritable poche copulatrice. Dans la seconde partie de son trajet, lorsqu'il se dirige oblique- ment de dehors en dedans et de bas en haut, ce tube donne naissance à deux appendices qui naissent vis-à-vis l’un de l’autre et se dirigent l'un en avant, l'autre en arrière. Le premier est une petite sphère glandulaire, supportée par un pédoncule assez court. D’après ce que nous avons vu dans les deux espèces précédentes, c’est là très-pro- bablement l'ovaire; mais nous n'avons pas d'observations précises sur ce point. Le second est un tube six ou sept fois replié sur lui- même et dont toutes les parties repliées se touchent de manière à figurer au premier abord un organe triangulaire compacte supporté par un pédoncule courbe *. Nous retrouverons une complication analogue dans une espèce de Perichæta ; mais ce qui est important à noter ici, comme dans les autres AENPl I 0.20 70. VIH. 11 82 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. espèces, c’est l’interversion des positions respectives des poches copu- latrices et des testicules. Dans tous les Lombriciens que nous avons étudiés jusqu'ici, les poches copulatrices sont au moins au nombre de deux paires et situées ordinairement en avant des testicules. Ici, il n°y a plus qu'une paire de ces poches, et elles sont situées, au contraire de ce qui arrive d'ordinaire, franchement en arrière des testicules. Il en résulte que non-seulement tous les organes essentiels de la génération, mais même les organes accessoires, sont reportés tous ensemble en arrière du gésier. De chaque côté du corps, il n’y a qu'un seul canal déférent, flot- tant assez librement dans la cavité générale. Après avoir subi plu- sieurs inflexions, ce canal passe en dehors de la bourse du pénis, se recourbe au-dessous où il se contourne plusieurs fois sur lui-même et remonte enfin pour venir s’aboucher dans la bourse du pénis. Immé- diatement au-dessus de lui s'ouvre le canal de la poche fibreuse allon- gée. Celle-ci est exclusivement formée par un long tube cylindrique légèrement flexueux dans lequel on peut distinguer deux parties obliquement séparées l’une de l’autre; l’une postérieure est légère- ment translucide; l’autre, antérieure, est blanche opaque et légère- ment nacrée. Le liquide que contient probablement cette poche et le sperme se mélangent-ils dans la poche située au-dessous du pénis, pour être de là éjaculés par cet organe dans les poches copulatrices ? Bien que nous ayons observé d’autres détails relatifs en particu- lier au système nerveux, nous ne les consignerons pas ici; ils sont trop incomplets pour avoir à nos yeux quelque valeur. Je n’ai pas non plus suffisamment étudié les organes segmentaires pour en parler ici. Avec ce ver s'en trouvait un autre, dépourvu de ceinture, plus petit et qui certainement n'était pas encore à l’état de maturité sexuelle. LOMBRICIENS TERRESTRES. 83 En somme, on voit dès à présent que la position des orifices des organes segmentaires permet de distinguer deux groupes chez les Lombriciens intraclitelliens. PREMIÈRE TRIBU. — Orifices des organes segmentaires situés en avant des soies de la rangée ventrale. 4. — Huit soies par anneau géminées à la partie antérieure du corps, isolées et formant huit rangées simples à la partie posté- FENTE ET de eee he ea elle te le ne fente . . Tilanus. DEUXIÈME Tri. — Orifices des organes segmentaires en avant des soies de la rangée supérieure. 1. — Soies géminées dans toute l’étendue du corps. A. — Un orifice spécial situé en avant des soies de la rangée inférieure pour les canaux déférents. 2. — Lobe céphalique prolongé en tentacule. Soies or- DÉMENTÉRS EU eric ee ee sis «cie ee A RNIROUNEIUS. B. — Lobe céphalique simple. Soies sans ornements . . Eudrilus. B. — Point d'orifice spécial pour les canaux déférents. Un seul genre. . . : . : .. . . .: . . + . . . . + Anfeus: III. — LOMPRICIENS POSTCLITELLIENS OU A ORIFICES GÉNITAUX MALES SITUÉS APRÈS LA CEINTURE. Jusqu'ici les Lombriciens dont l'orifice génital est placé après la ceinture sont les plus nombreux que nous ayons rencontrés. Tandis que nous n’avons rien vu personnellement qui permette de distinguer plusieurs genres dans les Lombriciens antéclitelliens, tandis que les genres de Lombriciens intraclitelliens se réduisent à quatre, {ous Américains, nous trouvons quatre genres bien caractérisés de Lombriciens postclitelliens, et leur répartition conduit à consi- dérer comme probable que ce type est beaucoup plus général que les deux autres. Nous trouvons, en effet, dans le groupe des postclitel- 8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. liens des vers provenant de la Nouvelle-Calédonie (Acanthodrilus) , d'autres provenant de la Nouvelle-Hollande (Digaster), d’autres de l'Inde et des régions voisines (Perichæta). C'est là une aire de distribution beaucoup plus grande que celle des deux autres groupes. ï En effet, nous trouvons les Lombriciens antéclitelliens en Europe, dans l'Amérique du Nord et, comme viennent de nous le prouver de récents envois, en Égypte, à Alexandrie, à Damiette; c’est-à-dire dans trois régions qui ont toujours été considérées comme présentant sous tous les rapports la plus grande analogie. L'Amérique du Sud se mon- tre, jusqu'à présent, comme la patrie exclusive des Lombriciens intra- clitelliens; enfin en Asie et en Australie, nous trouvons le type type postclitellien. Cette diversité dans les stations est évidemment très-remarquable; en présence surtout de la limitation assez nette des stations des autres types, elle conduit à se demander si réellement le type principal des Lombriciens n’est pas précisément celui dont nous nous occupons ici. Notre Lombric terrestre, dont Claparède avait pris les caractères pour les étendre au groupe tout entier, serait ainsi presque une exception dans ce groupe. D'ailleurs la position des orifices génitaux n’est pas le seul carac- tère par lequel les Lombriciens postclitelliens se distinguent des autres animaux de la même espèce. On pourra voir dans les descrip- tions que nous allons donner quels sont les caractères qui coexistent avec celui-ci et l'on pourra ainsi en apprécier la valeur; mais nous n'insistons pas davantage ici, préférant conserver pour une autre partie de ce Mémoire des généralités qu’il y a avantage à grouper avec d’autres pour bien juger de leur signification. Dans une précédente communication à l’Académie, nous avons déjà distingué trois genres, dont voici les noms, ce sont : 1° Les Acanthodrilus de la Nouvelle-Calédonie ; 2* Les Digaster de la Nouvelle-Hollande ; LOMBRICIENS TERRESTRES. 895 - 3° Les Perichæla de Java, de l'Ile Bourbon, de Ceylan, de Calcutta, du Pérou, à peu près, en somme, de la région du Pacifique. Les deux premiers de ces genres sont nouveaux, le troisième est de Schmarda qui lui attribue cinq espèces; M. Vaillant en à créé une sixième; Baird et Grube chacun une; nous en avons étudié une autre, ce qui porte au moins à neuf le nombre des Perichæta connus, sans compter les espèces dont Kinberg a fait des genres séparés. Nous décrirons ici trois Acanthodrilus. Quant au genre restant, il ne contient qu'une seule espèce. Nous aurons encore à ajouter à ce bilan des Lombriciens postcli- telliens cinq nouveaux Perichæta, et un genre très-voisin des Peri- chæta, et que nous nommerons Perionyr. Dans les deux premiers genres, les soies sont disposées comme chez les Lombrics; dans le troisième et le quatrième, elles sont nom- breuses et disposées en cercle sur les anneaux. Ce caractère particu- lier, joint à la position des orifices génitaux, aurait pu conduire à éloigner beaucoup les Perichæta et les Perionyx des autres Lombri- ciens; mais on verra que le caractère tiré de la disposition des soies n’a pas une importance extrême et que ces genres ne diffèrent pas beaucoup, en somme, des autres genres du même groupe. GEN. ACANTHODRILUS, Nov. .Gen. Trois espèces se placent dans ce genre; deux proviennent de la Nouvelle-Calédonie, une troisième de Madagascar. Des deux premières: l'une atteint presque les dimensions des Anteus et des Titanus; l'autre ne dépasse pas la taille de nos Vers de terre indigènes; ces deux espèces sont d’ailleurs, comme on le verra, parfaitement distinctes. Leur caractère le plus saillant, celui qui frappe tout d'abord, c'est l'existence de quatre orifices génitaux mâles au lieu de deux. 86 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Par chacun de ces orifices, on voit saillir un faisceau de soïes courbes, d'aspect nacré, très-longues et plus ou moins rétractiles, sans l'être toutefois d’une manière complète. Chacun de ses faisceaux constitue un véritable pénis. C'est la première fois que nous avons à signaler une aussi remarquable modification des soies locomotrices. Toutefois, les Rhinodrilus et même les Lombries nous avaient déjà fait pressentir un rapport entre les soies et l'appareil de la génération. Les soies sont du reste disposées par paires sur quatre rangées, comme chez les Lombrics. Ces rangées occupent plus spécialement la région ventrale de l'animal. Les pores dorsaux, que nous n'avons vus ni dans les Anteus ni dans les Titanus, apparaissent ici bien évidents. Les individus que nous avons examinés étaient trop détériorés pour que nous puissions dire rien d’absolument certain sur la position des orifices segmentaires. Cependant, sur l'Acanthodrilus obtusus, le plus grand des deux, il nous a semblé que les orifices s’ouvraient sur la ligne des soies de la rangée supérieure. Toutefois, les téguments présentaient de nombreuses solu- tions de continuité en forme de pointillé; la cuticule avait en grande partie disparu; il nous est donc impossible d'affirmer la chose d’une manière tout à fait positive. Nous bornons là ces généralités et nous passons tout de suite à la description anatomique et zoologique des espèces. Nous appellerons la première : Acanthodrilus obtusus, parce que les soies de son pénis sont arrondies au bout; la seconde, Acanthodrilus ungulatus, parce que ces mêmes soies sont recourbées en forme de Griffe, et la troisième, Acanthodrilus verticillatus, parce que ces soies semblent présenter une sorte de guillochage disposé en anneau. ET ; CLP Ce _ e 2/2 è SAN EERR € e Hegenis e Five: A T7 _ Philo NW Dark ; er D 7 AT ET 7) AA Ma. 18}r Ge DAT Cet S vassckrm be Ca 72 58 = | TRS: ACC Beseuter" - rune clin re y ani ar À dar acer ” RO LES a Alrapp BA re 7 ST pe 2 Fed LTFAIUA T-. A Po ah RC | mé F kr à ge de: Ps fe Le jf he FT 41 . 10 Ur? > = ) ne Pa __v: HetntarT BAT) faces LOMBRICIENS TERRESTRES. 67 ACANTHODRELEUS OBTESUS sp. nov.! Longueur, soixante-dix centimètres environ. Corps cylindrique, légèrement atténué en avant et en arrière. Ceinture peu apparente, mais placée avant les orifices génitaux mâles, qui occupent les dix- neuvième et vingt et unième anneaux. Les soies locomotrices ont la forme ordinaire, les soies péniales sont hérissées de pointes à leur extrémité, qui est légèrement recourbée et obtuse. Au centre du carré formé par les orifices entre lesquels elles font saillie, se trouvent les apparences de deux orifices qui me paraissent être le résultat d’une altération de l'animal, mais que je signale néanmoins pour ne rien laisser passer. J’ignore d’ailleurs à quoi de semblables ouvertures pourraient servir. Les pores dorsaux sont très-évidents, situés à la limite de chaque anneau; quant aux orifices des organes segmentaires, j'ai dit dans les généralités relatives au genre tout ce que j'ai pu observer. A l’œsophage fait suite un gésier musculeux, ovoïde, occupant les anneaux sept, huit et neuf, et sur lequel s’insère obliquement de haut en bas et d'avant en arrière, l'intestin proprement dit, lequel ne pré- sente rien de particulier. Sur la ligne médiane supérieure se voit le vaisseau dorsal duquel, dans les anneaux dix, onze, douze, treize et quatorze, partent cinq paires d’anses latérales, moniliformes et contractiles qui constituent dix cœurs latéraux analogues à ceux des vrais Lombrics. Cest au treizième anneau que l’on trouve une paire d'organes glandulaires qui sont très-probablement des glandes génitales. Leur aspect n’est pourtant pas celui que l’on est habitué à trouver aux tes- ticules, aussi ne chercheraïi-je à rien affirmer à cet égard. Allen Ge A7: 88 NOUVELLES ARCHIVES DD MUSEUM. Aux anneaux dix-neuf et vingt et un se trouvent d’autres organes glandulaires en forme de languettes très-longues et pelotonnées, qui occupent exactement la position habituelle de la prostate, et se pro- longent en un tube excréteur contenant les spicules péniens. Sont-ce bien là des prostates ? Je n'ose pas l’affirmer. En effet, si j'admets que l'organe glandulaire du treizième anneau est un testicule, que ceux des anneaux dix-neuf et vingt-et-un sont des prostates, il se trouve que chaque testicule aura pour lui seul deux canaux déférents, deux prostates, deux pénis, ce qui paraît peut pro- bable. Il se pourrait donc que les organes du treizième anneau fussent les ovaires ou toute autre chose. Où seraient alors les testicules ? L'apparence des organes des dix-neuvième et vingt et unième anneaux rappelle assez bien celle des glandes mâles des autres Lom- brics; mais nous aurions alors des testicules directement greffées sur leur canal déférent et sur leur pénis, ce qui, dans l’état présent de nos connaissances, paraît assez contraire à ce que nous savons du type Lombric. Nous devons donc, au moins en ce moment, accepter avec réserve cette interprétation ; en voici d’ailleurs une autre qui nous paraît pos- sible. Remarquons en premier lieu que, chez l'individu qui avait servi à nos études, la ceinture n’était pas apparente. L'époque de la géné- ration était donc passée ou à venir. Il est, en conséquence, possible que les testicules ne fussent pas encore développés ou fussent déjà flétris. Ils doivent être d’ailleurs au nombre de deux paires au moins. L'existence des prostates n’est pas une objection à cette manière de voir, car J’étude des Perichæta nous apprend que ces glandes persistent souvent alors que toutes les autres parties de l'appareil génital sont plus ou moins complétement dans un état momentané d'atrophie. LOMBRICIENS TERRESTRES. 89 Les deux paires de testicules, quand il n'y en a que deux, se mon- trent d'ailleurs presque toujours avec un égal développement; nous ne croyons cependant pas pouvoir attribuer avec certitude aux organes du treizième anneau la signification d’ovaires. L'étude histologique de leur substance n'a pu d’ailleurs nous donner aucun renseignement sur leur nature, comme cela arrive trop souvent pour les échantillons conservés dans l'alcool. Les poches copulatrices sont situées dans les anneaux huit et neuf; elles sont piriformes, sans aucun annexe. La seconde paire est beaucoup plus volumineuse que la première. Nous remarquons que chez l’Acanthodrilus obtusus les organes géni- taux essentiels sont situés en arrière du gésier, contrairement à ce que l’on trouve chez les Lombrics proprement dits. L'échantillon que nous avons étudié a été donné, en 1865, au Muséum d'Histoire naturelle, par le Musée des Colonies; il est ori- ginaire de la Nouvelle-Calédonie. ACANTHODRILUS UNGULATUS nov. sp. Tout d’abord, cette seconde espèce diffère de la première par sa taille, qui est beaucoup moindre, puisqu'elle ne dépasse pas un déci- mètre. Les caractères essentiels sont, du reste, les mêmes, mais plus apparents, parce que l'échantillon que nous avons examiné était juste à l’époque de sa maturité sexuelle. Le corps était fortement contracté par l'alcool. La ceinture, parfaitement nette, occupe quatre anneaux, les qua- torzième, quinzième, seizième et dix-septième. Elle est tailladée dans tous les sens par des incisions obliques provenant, au moins en partie, de la rupture des tissus, brusquement contractés par un alcool trop concentré. Elle entoure, du reste, le corps tout entier; à son bord VII. 12 90 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. ventral postérieur, elle est seulement un peu entamée par une sorte de double écusson, formé de deux plaques elliptiques où les tégu- ments sont plus épaissis. C’est sur ces plaques que se trouvent les ori- fices génitaux mâles, au milieu des dix-huitième et vingtième anneaux et sur la même ligne que la rangée de soies inférieures. Les quatre pénis font saillie à l'extérieur et se distinguent immédiatement sur- tout à l’intérieur du corps par leur aspect nacré. Chacun d'eux est formé par quatre soies courbes", diminuant graduellement d'épaisseur de la base au sommet et terminées par un crochet qui est tantôt sim- ple et régulièrement courbe, tantôt deux fois recourbé à angle droit; sa pointe, qui est dans tous les cas très-aiguë, est reliée de chaque côté au reste de la soie par un repli chitineux légèrement et irrégu- lièrement dentelé à son bord libre. Ces replis et le crochet constituent ainsi une sorte de gouttière. Dans une certaine longueur, à partir du crochet, la surface de chaque soie est couverte de pointes acérées, dirigées vers l'extrémité libre et placées comme des écailles sur la soie. À mesure que l’on s'éloigne de l'extrémité libre, ces pointes, d'abord très-serrées et pres- que contiguës, s'écartent de plus en plus et finissent par disparaître. Un autre caractère remarquable se manifeste encore dans toute la lon- gueur du premier tiers de la soie. À partir d’une petite distance du crochet, l'intérieur de la soie semble formé d’une série de disques alter- nativement clairs et obscurs, placés les uns au-dessus des autres; les disques obscurs paraissent plus épais que les disques clairs qui, de leur côté, se continuent sans interruption avec le revêtement chitineux extérieur de la soie. Ces disques vont en s’élargissant et diminuant de plus en plus d'épaisseur, à mesure que l’on s'éloigne de l'extrémité crochue. Ils finissent par occuper toute l'épaisseur de la soie. À partir de ce moment, on cesse bientôt de les distinguer à l’intérieur de 1. PI 11, fig. 22 et 23. LOMBRICIENS TERRESTRES. 91 celle-ci, qui devient alors marquée d’une série de sillons annulaires équidistants, très-rapprochés les uns des autres, et entre lesquels la substance chitineuse forme bourrelet. Puis ces sillons s’effacent peu à peu; la surface de la soie devient lisse, on n’y distingue plus que quelques stries longitudinales, irrégulières. Ces détails sont évidemment en rapport avec le mode de for- mation de la soie; mais nous ignorons jusqu'ici leur signification précise. Le tube digestif commence par un pharynx glandulaire gros- sièrement piriforme qui paraît occuper les quatre premiers anneaux. L'æsophage vient ensuite, membraneux et cylindrique comme d’habi- tude. Après le huitième anneau, il se renfle en un gésier musculeux qui occupe le neuvième anneau et empiète même un peu sur le dixième; puis vient l'intestin avec ses caractères habituels. Nous devons dire ici que ces relations sont celles que nous avons constatées sur l'animal que nous avons ouvert, mais nous n'avons pu nous assurer d'une manière absolument positive que la contraction n'avait pas produit quelque déplacement. Nous avons dû prendre des chiffres bruts qui, dans tous les cas, ne peuvent pas s'éloigner beau- coup de la réalité. De l'appareil circulatoire nous n'avons pu voir que le vaisseau , dorsal qui se ramifie beaucoup à la surface du gésier. Mais chaque rameau vasculaire se trouvait transformé en une cordelette excessi- vement friable, condition aussi mauvaise que possible pour l'étude. Les testicules sont au nombre de deux paires, placés dans les anneaux onze et douze; leur forme est ovalaire et leur consistance uniformément pulpeuse. Chacun d'eux possède son canal déférent particulier qui aboutit à une prostate multilobée; le canal excréteur de cette prostate, uni au canal déférent, forme un canal beaucoup plus volumineux que chacun des premiers et dont les paroïs sont sou- tenues par les soies péniales. 92 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Les deux prostates de chaque côté sont immédiatement conti- guës, de manière qu'elles semblent former une masse glandulaire unique. La prostate inférieure se réfléchit postérieurement et remonte un peu pour venir s'unir à son pénis par son extrémité postérieure, tandis que le pénis de la prostate antérieure part de la région moyenne de la glande. Ces deux glandes occupent, du reste, l'étendue de six anneaux, le premier faisant partie de la ceinture. Je n'ai pu voir les pavillons vibratiles qui doivent terminer les canaux déférents. Remarquons qu'ici encore les testicules sont placés en arrière du gésier. Les poches copulatrices sont situées aux anneaux huit et dix. Chacune est munie d’un lobe postérieur, assez petit, et n’a pas d’au- tre appendice. Dans le neuvième anneau se voient plusieurs sacs glan- dulaires, séparés par une glande multifide. Cet appareil est-il l’ana- logue de celui qui occupe le treizième anneau de lAcanthodrilus obtusus ? Est-ce un ovaire? Ce sont là deux questions auxquelles je ne puis répondre. Il est du reste suffisamment évident que les vers du genre Acan- thodrilus sont hermaphrodites. L'A. ungulatus vient, comme son congénère, de la Nouvelle-Calé- donie; il a été donné, comme lui, au Muséum en 1863, par le Musée des Colonies. ACANTHODRILUS VERTICHLLATUS. Edm. Per. Je range cet animal parmi les Acanthodrilus avec un léger point de doute, son appareil génital n'étant pas du tout développé et paraissant réduit aux quatre pénis formés de soies courbes, caracté- ristiques jusqu'ici des vers de ce genre. La longueur de cet animal est de 350 millim.; sa largeur de LOMBRICIENS TERRESTRES. 93 8 millim.; les soies lisses et en forme d’'S sont disposées par paires et sur quatre rangées comme d'habitude. La lobe céphalique n’entame pas le premier anneau et paraît, au contraire, s'élargir à sa base de manière à ressembler à la partie supérieure d'un trèfle; mais cette apparence tient peut-être à un état particulier de conservation. La ceinture n’est pas apparente. Sur la face ventrale du corps on voit vers la région antérieure une paire de gros orifices. Ces orifices sont placés au milieu du vingt- cinquième anneau apparent; mais le rang de l'anneau auquel ils appar- tiennent est tout au plus dix-huit. En effet, ainsi qu'on peut s'en assurer en ouvrant l'animal, les plis des téguments, bien qu'en appa- rence tous identiques, sont loin de limiter des anneaux et l'on voit plusieurs plis correspondre à l'intervalle de deux cloisons. De plus on ne trouve pas de soies dans tous les intervalles de deux plis consécutifs; mais comme dans la région antérieure il arrive que les soies manquent parfois par avortement ou par usure, il devient assez difficile de supputer le nombre des anneaux compris dans un intervalle déterminé. Toutefois je crois ne pas me tromper beaucoup en disant que c’est le dix-huitième anneau qui porte les orifices en question, exactement au point où devrait se trouver une paire de soies ventrales. Le dix-septième anneau porte également deux orifices un peu plus petits. Les uns et les autres correspondent intérieurement à un sac contenant les soies péniales qui sont plus développées au dix-hui- tième anneau qu'au dix-septième, comme cela a lieu pour les orifices. Les soies sont courbes, terminées en pointe et annelées, chaque strie annulaire paraissant hérisste de pointes rangées en verticille, d’où le nom spécifique. Accolé au sac sétigère on aperçoit en arrière un petit sac glandulaire. Il existe un gésier. 91 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. L'animal dont je viens de donner une succincte description est de Madagascar. Il a été donné en 1861 au Muséum par M. Coquerel, officier de marine. GENRE DIGASTER. — Nov. gen. Ce genre ne contient qu'une seule espèce, le : DIGASTER LUMBRICOEDES'! Sp. nov. Il est difficile de ne pas confondre à première vue cet animal avec un Lombric ordinaire. Seule, la position des orifices génitaux en arrière de la ceinture révèle une organisation différente et appelle l'attention d’un anatomiste. La ceinture est placée après le douzième anneau; elle paraît un peu échancrée au-dessous à son bord postérieur et occupe trois anneaux; les orifices génitaux mâles s'ouvrent au bord antérieur du dix-septième anneau, et le seizième étant très-court, ils sont très- rapprochés de la ceinture. Tous les autres caractères, la forme du corps, la disposition des soies, etc., sont d'ailleurs ceux des vrais Lombrics. Dès qu'on a ouvert l'animal, des différences importantes se révè- lent néanmoins aussitôt. La plus frappante porte sur l'appareil digestif. On le voit commencer d'abord par un pharynx, glanduleux comme d'habitude et occupant les quatre premiers anneaux. L'œæso- phage se montre ensuite; mais à peine a-til été amorcé qu'il se renfle presque aussitôt en un premier gésier musculeux occupant le 1. PI, 11, fig. 24 et 25, et pl. 1v, fig. 64 et 65. LOMBRICIENS TERRESTRES. 95 cinquième anneau et tout semblable au gésier des Lombrics ; dans le sixième anneau, l'œsophage reprend sa forme ordinaire; puis dans le septième anneau, il se renfle de nouveau et constitue un second gésier absolument identique au premier. C’est alors seulement que com- mence l'intestin. L'existence de ces deux gésiers pouvant au premier abord paraître un fait accidentel, j'ai tenu à savoir exactement ce qu'il fallait en penser. Comme plusieurs individus de cette même espèce se trouvaient dans la collection, j'en ai choisi deux de provenance différente que j'ai ouverts; tous deux m'ont présenté les deux gésiers dans les mêmes conditions. On doit donc admettre qu'ils font bien réellement partie de l’organisation normale du ver dont nous nous occupons. Comme ce caractère est unique jusqu'ici, nous nous en sommes servi pour composer le nom du genre nouveau qu'il nous a fallu créer, le genre Digaster, dont l’étymologie se lit d'elle-même. Sur le tube digestif se trouve appliqué le vaisseau dorsal. Il donne naissance dans les anneaux huit, neuf, dix, onze et douze à des anses latérales embrassant l'intestin et dont la première est moins volumi- neuse que les autres. Ces anses constituent cinq paires de cœurs latéraux. Dans les anneaux dix et onze se trouvent des glandes en grappes assez volumineuses. Ce sont probablement les testicules. Il est intéres- sant de noter que leur aspect extérieur est tout différent de celui que présente habituellement le testicule des Lombrics, qui forme une masse pulpeuse compacte, et non pas un amas de grains disposés en grappe. Néanmoins les relations de ces glandes du Digaster avec les canaux déférents ne permettent guère de douter de leur nature. On voit, en effet, chaque canal déférent s'épanouir au-dessous de chacune des glandes en un petit pavillon vibratile à bords très- déchiquetés, exactement comme cela arrive pour les autres Lom- briciens. 96 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. En arrière le canal déférent® vient s'ouvrir dans une prostate aplatie, elliptique, dont les lobules, quoique bien limités, sont réunis de manière à former une masse compacte. C'est au bord antérieur de la glande que se termine le canal déférent. De ce point naît un canal plus volumineux qui s'ouvre à l'extérieur et qui joue probablement le rôle de pénis, bien que ses parois ne soient pas très-riches en éléments musculaires; tout au moins doit-il contribuer à l’éjaculation par la contraction de ses parois. Les poches copulatrices sont situées dans les anneaux 8 et 9 et s'ouvrent à leur bord antérieur; elles sont piriformes et courtement pédonculés. Elles sont situées, ainsi que tout le reste de l'appareil géni- tal, en arrière du second gésier. Immédiatement en avant de la cein- ture j'ai cru voir deux petits orifices. Faut-il les rattacher aux oviductes ou aux organes segmentaires ? Je l’ignore; il m'a d’ailleurs été impos- sible de retrouver les ovaires. Les Digaster forment, comme on voit, un type de Lombricien assez intéressant. [ls ont été rapportés de la Nouvelle-Hollande en 1846 par M. Jules Verreaux. Quelques-uns d’entre eux ont une origine plus précise ; ils viennent du voisinage du port Maquerie. GEN. PERICHÆTA, Schmarda. Bien que je me propose de publier dans un mémoire spécial mes recherches sur l’organisation des Perichæta, bien que j'aie déjà fait connaître par une note à l'Académie des sciences les principaux résul- tats d'un travail anatomique assez complet sur l’une des espèces de ce genre, je ne crois pas inutile de réunir ici ce que nous connaissons de l’organisation de ces animaux. On trouvera ainsi rassemblés dans 1. Plo ur, fig. 25. LOMBRICIENS TERRESTRES, 97 ce travail tous les points essentiels de nos connaissances anatomiques sur le groupe des Lombriciens terrestres, et l’on pourra plus facilement se faire une idée complète des éléments qui constituent ce groupe. Je me borneraï ici comme précédemment à l'anatomie pure et simple; l'histologie a été à dessein laissée presque partout de côté, afin de ne pas altérer lhomogénéité d'un travail entrepris sur des matériaux qui ne pouvaient que bien rarement se prêter aux recherches de micros- copie. Le genre Perichæta a été fondé par Schmarda pour des vers dont le caractère essentiel est d’avoir sur chaque anneau un nombre considé- rable de soies isolées, équidistantes, formant un cercle tout autour de Panneau et en son milieu. Ces soies sont du reste simples et en forme d'S à boucles très-allongées, comme chez les autres Lombrics. Schmarda décrit cinq espèces de Perichæta, les uns pourvus, les autres dépourvus de ceinture. Il est probable que ces derniers n'étaient dépourvus de cet organe que parce qu'ils n'étaient pas à l'époque de la maturité sexuelle. La ceinture est un organe d’une existence trop générale et trop constante dans toute la classe des Lombriciens pour qu'il soit permis de supposer — jusqu'à preuve évidente du contraire — que quelques espèces isolées dans un genre en sont complétement dépourvues à toutes les époques de leur existence, quand d’autres espèces du même genre la possèdemt. Au caractère tiré des soies, énoncé par Schmarda, M. Léon Vail- lant en a ajouté un autre qui, à part les réserves à faire pour Île mémoire déjà cité de Kinberg, était alors absolument exceptionnel : celui de la position des orifices génitaux mâles en arrière de la cein- ture. Il a de plus étudié une espèce nouvelle que d'Udekem avait déjà eu occasion d'examiner. Ce Perichæta nouveau, qui fait partie de la collection du Muséum. a reçu de M. Vaillant le nom de Perichæta posthuma. Une autre espèce, le P. Cingulata de Schmarda, à été déter- minée par M. Vaillant dans la même collection. VIT. 13 98 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Baird a décrit de son côté une espèce de la Nouvelle-Galles du Nord, le P. diffringens: Grube a signalé un Perichæta de Tahiti (P. tahi- tensis); enfin nous avons vu qu'après avoir subdivisé le genre Peri- chæta en quatre autres, Kinberg avait décrit autant de vers nouveaux que l’on doit rapporter à ce genre. Cela fait en tout douze espèces appartenant à ce genre de Schmarda. Jen ai moi-même ajouté précédemment une treizième, origi- naire de Calcutta et de la Cochinchine et que je propose d'appeler Perichæta Houlleti, du nom du savant et excellent chef des serres du Muséum, à qui j'en dois la connaissance. C'est de ce Perichæta que j'ai publié l'anatomie dans les comptes rendus de l'Académie des sciences ‘. Auparavant, M. Vaillant avait publié dans les Annales des sciences naturelles Vanatomie des Perichæta posthuma et cingulata. Y'a le premier signalé l'existence d’une sorte de prostate chez ces animaux, ainsi que la disposition générale de leur appareil circulatoire. Plus tard, dans une note à l’Académie publiée à la suite de la mienne, le même naturaliste a insisté sur quelques dispositions par- ticulières de l'appareil circulatoire et du système nerveux, ainsi que sur une prétendue préférence des Perichæta pour la terre qui enve- loppe les bulbes d'Orchidées. Je soupçonne que cette préférence pour- rait bien tenir simplement à ce que les plantes que nous recevons le plus souvent des pays qu'habitent les Perichæta sont précisément des Orchidées. Ë Quoi qu'il en soit, il restait encore beaucoup à faire après le travail de M. Vaillant. J'ai été assez heureux pour combier quel- ques-unes de ces lacunes en faisant connaître la disposition des pavil- lons vibratiles qui terminent les canaux déférents, en décrivant pour la première fois les singuliers ovaires ombelliformes du Perichæta 1. Comptes rendus, ASTA, 2° semestre, p. 277. LOMBRICIENS TERRESTRES, 99 Houlleti, et les entonnoirs sessiles qui servent d'oviductes. F'ai trouvé également chez les individus que j'ai observés une sorte de pénis rudimentaire, que M. Vaillant ne figure pas dans les espèces qu'il a eues entre les mains, bien qu'il existe au moins chez le P. posthuma : enfin j'ai signalé des poches copulatrices de forme toute différente de celles qui avaient été décrites jusque-là. L'étude de l'appareil vasculaire, celle du sytème nerveux, ont été également complétées par la description du mode de terminaison des vaisseaux et par celle d'une partie au moins du système nerveux stomato-gastrique. Enfin j'ai également donné de nombreux détails sur les glandes annexes du tube digestif. On peut donc considérer les Perichæta comme étant, après le Lombric terrestre, les mieux connus de tous les Lombriciens terri- coles. Je vais donner une description succincte de l'organisation des espèces que j'ai étudiées et qui portent à dix-sept le nombre des Perichæla connus. PERICHÆTA HOULBLE'TE Sp. nov. Longueur, 1 décimètre environ; ceinture commençant après le treizième anneau et occupant les anneaux quatorze, quinze et seize, paraissant assez ordinairement dépourvue de soies, mais en présentant néanmoins dans certains Cas. Soies au nombre de quarante-cinq à cinquante par anneau, simples et en forme d'S. — Les soies en voie de formation sont surmontés d'une sorte de bourrelet grumeleux, entouré par les cellules sécrétrices. | Orifices génitaux mâles situés sur le deuxième anneau qui suit la ceinture, entourés par une aire blanchâtre provenant de ce que les prostates se montrent à travers les téguments. — Sur la ceinture et en avant un orifice parfois peu distinct, qui m'a paru en rapport avec les oviductes, et qui se retrouve dans toutes les autres espèces. Enfin 100 NOUVELLES ARGHIVES DU MUSEUM. des poches copulatrices au nombre de trois paires entre les anneaux six, sept, — sept, huit — et huit, neuf La couleur est celle de nos Lombrics; Fanimal est venu de Cal- cutta dans la terre de plantes expédiées de ce pays; il était à son arri- vée parfaitement vivant. Voyons maintenant quelle est l'organisation anatomique de ce ver. L'appareil digestif se trouve comme toujours formé d'un pharynx glandulaire à parois très-épaisses, d’un œsophage assez allongé et membraneux, d'un gésier musculaire et d’un tube digestif propre- ment dit’. Le pharynx occupe les cinq premiers anneaux, il est piriforme, d'un blanc mat et recouvert de plusieurs couches de glandes qui s’ou- vrent à son intérieur par trois paires d'orifices. L'œsophage, très-légèrement conique et s’élargissant un peu d'avant en arrière, occupe les anneaux 6, 7, 8 et le commencement du 9°, IL présente sur sa longueur de remarquables appareils glandu- laires. Ce sont, en premier lieu, trois paires de houppes de tubes situés chaque paire dans un anneau différent. Ces tubes sont réfléchis sur eux-mêmes et contournés en spirale”. Ils contiennent des cellules pâles ovalaires pourvues d’un noyau. Dans le sixième anneau deux glandes piriformes sont appliquées de chaque côté de l’œsophage; leur gros boutest tourné en avant, leur petit bout se continue en arrière de chaque côté par un court canal excréteur qui vient s'ouvrir dans l’œsophage au point même où celui-ci traverse la cloison 6, 7. De chaque côté ces glandes se réflé- chissent en avant et se prolongent en un pédoncule tendineux qui les relie aux parois du corps”. 1, PI, 11, fig. 37 et 38. 2. Pl. ur, fig. 44, 3e PI. 11, fig. 38 L', el fig. 42 et 43. LOMBRICIENS TERRESTRES. A01 Du côté opposé de la cloison 6, 7, dans le septième anneau par conséquent, S'ouvrant néanmoins exactement au même point que les précédentes, se trouvent deux glandes en grappe formées d’acini sphé- riques, longuement pédonculés et formantles plus élégantes arbores- cences ”. Get ensemble de glandes constitue l'appareil glandulaire le plus complexe qui ait encore été signalé chez les Lombriciens. — Il faut y voir autre chose qu'un simple appareil salivaire. — On se demande involontairement de quelle modification dans le régime de l'animal est corrélatif ce développement exubérant des glandes diges- tives, qui d’ailleurs se retrouve à peu de chose près dans les autres espèces. | Le gésier occupe le neuvième anneau; il est suivi de l'intestin. Ni l’un ni l’autre ne présentent rien de particulier. J'ai retrouvé dans mes individus le diverticulum en doigt de gant de l'intestin que M. Vaillant signale dans les individus du Perichæta cin- gulata qu'il a étudiés, mais ils sont ici peu développés. Ces appendices existent aussi dans les autres espèces, ainsi que je m'en suis assuré. Je crains de n'avoir pas vu d’une manière tout à fait complète l'appareil circulatoire; voici tout au moins ce que j'en puis dire avec certitude. Il existe un vaisseau dorsal et au moins un vaisseau ventral. Dans les segments 10, 11, 12, 13 et 4h, ces vaisseaux longitudinaux sont réunis par des anses latérales dont les trois premières sont grèles quoique bosselées et contractiles; les deux dernières sont au contraire fortement renflées surtout à leur sommet supérieur et réunies au vais- seau dorsal par un très-court et très-mince canal *. Cette disposition semblerait indiquer que le sang va du vaisseau 1. Pl. ur, fig. 38, L", et fig. 41. 2. Pl. ur, fig. 45. 102 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM dorsal dans les cœurs latéraux, lesquels, en se contractant., le chasse- raient dans le vaisseau ventral. Le cours du sang serait donc ici iden- tique à celui que M. de Quatrefages à assigné à ce liquide chez le Lombric, contraire à celui que l'anatomie nous oblige à lui attribuer dans deux de nos vers intraclitelliens. En arrière des cœurs les deux vaisseaux longitudinaux sont réu- nis par deux séries d’anses; les unes embrassent étroitement l'intestin auquel ils fournissent des branches vasculaires et sont en partie recouvertes par la couche hépatique ; les autres ont une disposition plus complexe. Du vaisseau dorsal naît une branche mince qui contourne f'intes- tin et se rapproche du vaisseau ventral, sans cependant s'unir à lui. Au point où arrive cette première branche , le vaisseau ventral donne naissance à une branche nouvelle de même calibre qui chemine côte à côte avec la première; ces deux branches se relèvent ensemble le long des parois du corps, se divisent et se subdivisent toujours paral- lèlement sans jamais se séparer et finissent par s'unir au-dessous de la couche hypodermique par des anses terminales. Nous retrouvons donc ici, comme chez les animaux supérieurs, la veine et l'artère presque constamment ensemble ; seulement ici le réseau capillaire est presque entièrement supprimé, car on ne peut considérer comme tel les anses terminales dont nous venons de parler”. Dans le système nerveux nous signalerons seulement deux faits : 1” L'existence sur le collier œsophagien d'un ganglion stomato- gastrique de chaque côté, analogue à ceux que M.Quatrelages a trouvés, mais en bien plus grand nombre, chez les Lombries *. 2° Les curieuses modifications de volume que subissent les gan- glions de la chaîne ventrale. Jusqu'au dix-huitième anneau qui porte 1. PI. ax, fig. 46 et 47. 2. PI. 1x, fig. 50 et 52. LOMBRICIENS TERRESTRES, 103 les orifices des organes génitaux, les ganglions vont en diminuant constamment; mais au dix-huitième anneau le ganglion se renfle, prend une forme en losange raccourci; son volume est au moins double de celui des ganglions précédents et souvent le nerf qui en part est lui-même beaucoup plus volumineux; on le perd au voisinage des orifices génitaux". Il est à remarquer que ce renflement des ganglions se produit, non pas au point où sont sécrétés les produits de la génération, mais dans l'anneau au travers duquel ils devront sortir à la suite de l’accou- plement. Ce renflement semble donc en rapport avec le genre parti- culier de sensibilité tactile que doivent présenter les organes copu- lateurs mâles, avec la production de lorgasme qui doit précéder -l'éjaculation du sperme et dont l'existence chez les Lombrics semble ainsi anatomiquement démontrée. Il n'est pas sans intérêt de rappeler ici que chez le Perichæta diffringens, M. Vaillant a vu non-seulement un renflement du ganglion déjà existant, mais encore, de chaque côté de ce ganglion, un ganglion surajouté, ce qui est un perfectionnement de plus de l'appareil sensitif de cette région. L'appareil génital a pu être ici étudié dans tous ses détails. Cha- cune de ses parties se présente d’ailleurs avec une netteté beaucoup plus grande que chez notre Lombric indigène, netteté qui se retrouve pourtant dans certaines espèces du genre Lombric, dans le Lombric américain, par exemple, et dans le Lumbricus Victoris qui nous a été envoyé par M. le directeur de l'agence du comptoir d’escompte d'Alexandrie, à la demande de M. Victor Borie, et qui provient de Damiette. L'appareil génital mâle se compose de deux paires de testicules trilobés , situés dans les anneaux 11 et 12, en arrière par conséquent du gésier, comme nous l'avons vu jusqu'ici chez tous les Lombriciens 4. PI. nr, fig. 54, 10h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. intra et postclitelliens. Ces testicules, comme ceux de l'Eudrilus des Antilles. comme ceux de nos Lombrics indigènes, sont bourrés de gré- garines et de psorospermies à tous les états de développement. En arrière de chaque testicule, engagé par son pédoncule dans la cloison qui le suitse voit un pavillon vibratile assez grand", à sur- face plissée et frisée et s'ouvrant librement dans la cavité générale et non pas dans l'enveloppe du testicule. IT suflit de déchirer avec un peu de soin les cloisons qui traversent les pédoncules de ces pavil- lons et celles que traverse le canal déférent pour avoir l'ensemble de ces organes flottant dans la préparation. Nous avons déjà constaté une disposition analogue, quoique avec une liberté moins grande du canal déférent chez divers Lombrics. — Le canal déférent vient se grelfer postérieurement sur le canal excréteur d’une grosse glande multilobée, d'un blanc mat, que M. Vaillant a signalée le premier chez les Lombriciens du genre Perichæta et déterminée avec doute comme une prostate *. Nous avons vu qu'une glande analogue se retrouve avec quelques modifications peu importantes de forme chez tous les Lombriciens postclitelliens que nous avons étudiés jusqu'ici. Le canal déférent et le canal excréteur de la prostate une fois unis forment un tube rela- tivement fort gros, qui se replie sur lui-même en forme de crosse, avant de s'ouvrir au dehors et dont les parois sont fort épaisses et for- mées de deux plans de fibres musculaires, les unes longitudinales, les autres annulaires et transversales. J'ignore si ce tube est susceptible de saillir au dehors; mais cela est peu probable; c’est à mon avis un pénis rudimentaire, et le premier pas vers la constitution de ce pénis parfaitement développé et contenu dans une bourse spéciale que j'ai fait connaître chez l'£udrilus deci- piens et les autres vers du même genre. 4. PI in, fig. 53 et 54. 2. PI. arr, fig. 55. LOMBRICIENS TERRESTRES. 105 Les organes génitaux femelles sont aussi nets que les organes géni- taux mâles. Is sont constitués par deux ovaires', situés dans le treizième anneau et formés par une sorte de sac aplati en disque dans l'épaisseur des parois duquel se développent les œufs. Ces sacs sont supportés par un pédoncule assez allongé fixé à la paroi antérieure de la cloison 43-14. Derrière cette cloison, au bord antérieur de la ceinture et à la base des pédoncules des ovaires, se montrent les oviductes*; ce sont deux pavillons vibratiles en forme d’entonnoirs simples, sessiles, et qui m'ont paru s'ouvrir au dehors par un orifice commun; mais je dois mettre ici un léger point de doute, bien que cet orifice s’aperçoive assez nettement sur plusieurs échantillons de Perichæta de la collec- tion du Muséum. Les poches copulatrices sont au nombre de trois paires, situées res- pectivement dans les anneaux 7, 8 et 9, ou plutôt à cheval sur les cloi- sons antérieures de ces anneaux *. Chacune d'elles est en effet consti- tuée de trois parties, deux postérieures à la cloison, une antérieure. Les parties postérieures à la cloison sont : L° une grosse poche piriforme, la vraie poche copulatrice; 2° un tube replié plusieurs fois sur lui- même à la manière d’une flûte de Pan dont tous les tuyaux seraient unis entre eux et alternativement par chacun de leur bout. Ce tube s’abouche dans la poche au point où celle-ci s’insère sur la paroi du corps. En avant de la cloison se trouve une petite poche glandulaire bilobée s’ouvrant d’ailleurs au même point que le tube replié dont elle a la structure. On le voit, au premier abord, et à part quelques diffé- rences dans la position respective des parties, ces poches copulatrices ont exactement la constitution des deux poches copulatrices ovigères des Eudrilus. 4. PI, 11, fig. 60 et 61, ainsi que pl. u, fig. 37, o. 2. PI. 1, fig. 37, et pl. mi, fig. 62. 3. PI. n, g. 37 pe, p'c', p''c"', et pl. mi, fig. 68 et 59. VHI. 1% 106 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. PERICEHÆETA AKMENHS. Edm. Perrier. Je dois placer ici la description d'un Lombricien qui pourrait bien n'être pas autre chose que le P. posthuma, décrit par M. Léon Vaillant. Ce n’est donc que provisoirement et en attendant des docu- ments nouveaux que je distingue ce ver sous le nom de ?. affinis. On comprendra facilement les raisons de cette distinction. Les vers que M. Vaillant a étudiés et dont plusieurs, étiquetés de sa main, sont dans la collection du Muséum, se trouvent compléte- ment ramollis par un séjour prolongé dans un alcool trop faible peut-être; leur système musculaire est presque complétement tombé en déliquescence. Au contraire, les individus qui font l’objet de cette description ont été plongés vivants dans de l'alcool concentré qui les a fortement contractés; c’est là une première difficulté pour la compa- raison qui élimine complétement les caractères extérieurs. Ces derniers vers sont d’ailleurs très-bien conservés et leurs caractères anatomiques ne concordent pas parfaitement avec ceux que M. Léon Vaillant a assignés aux Perichæta posthuma, passablement altérés qu'il a eus à sa disposition. De plus, l’origine des deux vers est différente, le P. posthuma provenant de Java, le nôtre étant originaire de Saigon (Cochinchine), où il porte, en annamite, le nom de Trung Hô’. La longueur de l'animal contracté est de 410 milllim. et sa lar- geur de 5 millim. La distance de la tête à la ceinture est de 18 millim.; la ceinture a elle-même 5 millim. de longueur. Elle est formée des quatorzième, quinzième et seizième anneaux; sa position est donc la même que chez le P. posthuma et chez les autres Vers du même genre; le tubercule céphalique est petit, mais bien distinct. LOMBRICIENS TERRESTRES. 107 Assez souvent, la ceinture est nettement limitée en avant et en arrière par un pore dorsal; dans quelques échantillons, deux autres pores situés entre ceux-là indiquent les limites des trois anneaux qui forment la ceinture et sur lesquels on distingue parfois nettement le cercle de soies caractéristique des Perichæta. Le premier orifice extérieur des poches copulatrices est situé entre le cinquième et le sixième anneau; un anneau plus bas, par conséquent, que dans le Ver décrit par M. Vaillant dont les figures indiquent la première paire de poches copulatrices entre le troisième et quatrième anneaux, lesquels sont dans notre nomenclature les quatrième et cinquième. Ces orifices sont au nombre de quatre de chaque côté‘ et bien visibles à une forte loupe; le dernier se trouve entre les anneaux huit et neuf; tous sont situés sur le côté des anneaux. Le dix-huitième anneau porte les orifices génitaux mâles. Ceux-ci sont précédés et suivis d’une papille saillante*, très-apparente et dont le centre paraît perforé. Ces papilles correspondent chacune intérieu- rement à un petit amas glandulaire blanchâtre, sécrétant probablement une liqueur particulière pendant l'accouplement. Je signalerai ici, comme variété accidentelle, un individu chez qui il existait une paire de papilles sur le dix-septième anneau et deux autres en arrière du pore génital sur les anneaux dix-neuf et vingt. Dans un autre individu dont les anneaux paraissaient s'être ressoudés en avant de la ceinture après une mutilation partielle, le pore génital et les papilles d’un côté se trouvaient avoir reculé d’un anneau sur les organes homologues du côté opposé. J'ai placé ces deux individus à part dans la collection du Muséum. 1. PI. 1v, fig. 66, pc. 2. PI. 1v, fig. 66, m et j. 198 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Dans tous les échantillons, les papilles étaient placées juste sur le cercle des soies. Je n'ai pas vu de pores latéraux correspondant aux pores des organes segmentaires; mais les pores dorsaux sont bien visibles. Quand on ouvre l'animal, on trouve toute la partie antérieure du tube digestif soutenu par d'épaisses cloisons, se recouvrant par- tiellement et constituant un appareil protecteur assez efficace. En les fendant par le haut on découvre le tube digestif qui se compose comme d'habitude : 4° d’un pharynx glandulaire occupant les quatre premiers anneaux; — 2° d’un œsophage assez court com- mençant avec le cinquième anneau et finissant avec le septième; — 3° d’un gésier musculaire compris entre deux épaisses cloisons qui sont l’une la cloison antérieure du huitième anneau, l’autre la cloison postérieure du neuvième anneau; la cloison intermédiaire paraît supprimée. [ci le gésier correspond à deux anneaux; on trouve en effet deux ceintures de soies dans l'intervalle des cloisons qui le soutiennent; ce fait a son importance, comme nous le verrons tout à l'heure. L'intestin commence avec ses caractères habituels au dixième anneau. Au vingt-sixième anneau, on voit s'ouvrir dans l'intestin, deux larges cœcums latéraux, bosselés, ayant exactement la même appa- rence que l'intestin, étroitement appliqués à sa surface, sans cepen- dant contracter avec lui aucune adhérence. Ces cœcums remontent jusqu'au vingt-troisième anneau en diminuant graduellement de lar- geur. Leur aspect est assez différent de celui que présentent les mêmes organes chez le P. cingulata et le P. Houlleti. La, en effet, les cæœcums ont une couleur plus blanche que celle de l'intestin, ils sont étroits et lisses, tous caractères qui les distinguent de ceux du 2. affinis. Dans son trajet l'œsophage porte à la hauteur des cinquième et sixième anneaux deux paires de houppes de tubes glandulaires LOMBRIGIENS TERRESTRES, 109 analogues à celles du P. Houlleti, houppes qui se retrouvent aussi chez le P. cingulata de Schmarda, disséqué par M. Vaillant, mais qui n'ont pas été signalées par lui dans son mémoire. Dans le quatrième anneau, adhérant à la face postérieure du pharynx se trouvent des glandes en grappe dont les petits acini sphériques sont parfaitement visibles à l'œil nu. Ainsi le développement de Fappareil glandulaire que nous avons signalé chez le P. Houlleli se retrouve à peu près aussi considérable dans l'espèce qui nous occupe. On remarquera que l'appareil digestif que nous venons de décrire diffère sous quelques rapports de celui que M. L. Vaillant attribue au P. posthuma. En effet, M. Vaillant dit que chez le P. posthuma « il n'y a pas de gésier, ni de cœcums latéraux », toutes choses qui existent chez notre P. afjinis, et qui suffiraient à elles seules pour établir une différence au moins spécifique. | Malheureusement l'affirmation de M. Vaillant aurait besoin. croyons-nous, d'être contrôlée sur des individus en meilleur état que ceux qu'il a eus à sa disposition. En particulier, l'absence complète d'un gésier musculeux paraîtra quelque chose de bien extraordinaire, si l’on se souvient que cet organe a été rencontré chez tous les véritables Lombriciens terrestres, quelque différente que soit leur organisation. Aussi ai-je cru devoir éclaircir ce point particulier et j'ai ouvert à cet effet l’un des P. posthuma que M. Vaillant a lui-même étiquetés dans la collection du Muséum. Ces individus ont, comme je l'ai déjà dit, leur système musculaire très-ramolli par l'alcool, et la portion musculaire du gésier a participé à ce ramollissement et presque com- plétement disparu. Mais l'enveloppe fibreuse extérieure est demeurée sans altération, a conservé.sa forme globuleuse caractéristique, son aspect nacré et tranche nettement sur la portion de l'œsophage qui la précède et sur l'intestin qui la suit; elle se trouve d’ailleurs éga- 110 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. lement dans le huitième anneau, mais il est impossible de retrouver bien nettement les cloisons qui la maintiennent; sa position demeure donc encore un peu vague. Il n’en est pas moins certain que chez le P. posthuma le gésier existe comme chez les autres Perichæta. Quant aux cœcums latéraux, j'ai cru inutile, à cause de l’altération des échantillons du Muséum, de les rechercher, je laisse donc ce point indécis. tout en appelant l'attention sur ce que dans le P. affinis les cœcums ressemblent tellement à l'intestin qu'il serait peut-être fort difficile de les distinguer avec certitude sur des échantillons tant soit peu altérés. L'appareil circulatoire est constitué comme chez les autres Perichæta; je signalerai particulièrement de gros cœurs latéraux aux treizième et quatorzième anneaux; ces cœurs sont simplement des vaisseaux bosselés contractiles. Dans les cinquième etsixième anneaux, qui contiennent les glandes en tubes de l’œsophage, l'appareil vascu- laire prend un développement tout à fait remarquable, qui ne m'avait pas frappé chez le P. Houlleti. On trouve là des vaisseaux formant de gros pelotons entortillés, qui semblent indiquer qu'il s’'accomplit dans ces anneaux une modification assez importante du liquide des vaisseaux rouges. Les organes segmentaires sont ici très-rudimentaires, ce qui con- corde avec l'absence d’orifice extérieur attribuable à ces organes, absence sur laquelle nous avons déjà eu occasion d'insister ‘. 1. On ne peut s'empêcher de rapprocher ces deux faits : 1° l'absence (los organes segmentaires et de leur réseau vasculaire propre; — 2° le développement énorme et exceptionnel des tubes slandulaires de l’œæsophage et d’un appareil vasculaire qui leur est propre. Nous ne voulons certainement établir aucune homologie anatomique entre ces deux systèmes d'organes; mais, au point de vue physiologique, il est peut-être permis de se demander si les seconds ne seraient pas destinés à suppléer à l'absence des premiers. Le produit de leur sécré- tion serait rejeté dans l’œsophage et entrainé avec les autres déjections, au lieu d’être rejeté directement au dehors. A la vérité on se demande alors pourquoi ces tubes sont situés sur l’œæsophage, circonstance LOMBRICIENS TERRESTRES. 111 L'appareil génital mâle se compose, comme chez les autres espèces, de deux paires de testicules situés dans les onzième et douzième anneaux, d'une paire de canaux déférents et d’une paire de prostates à peu près semblables à celles des autres espèces. Le canal déférent et le canal excréteur de la prostate se réunissent en un canal musculaire commun, semblable à celui que j'ai décrit chez le P. Houlleti. Ce canal musculaire existe également, ainsi que je m'en suis assuré, chez le P. posthuma; mais il n’a pas été décrit par M. Vaillant. Les canaux déférents sont terminés chacun par deux pavillons vibratiles, rapprochés des pavillons symétriques, sur la ligne médiane au-dessous de l'intestin et immédiatement en contact avec la face pos- térieure du pédoncule de chaque testicule. La forme de ces pavillons diffère peu de celle décrite pour le P. Houlleti. Les poches copulatrices sont au nombre de quatre paires situées dans les anneaux six, sept, huit et neuf. Nous avons vu que la cloison huit-neuf a disparu dans le Ver qui nous occupe; aussi trouve-t-on deux paires de poches copulatrices entre les deux cloisons qui main- tiennent le gésier, une pour chaque anneau; c'est même ce fait inat- tendu qui a éveillé notre attention et nous a conduit à découvrir que le gésier correspondait à deux anneaux. La constitution de ces poches copulatrices est du reste exactement celle que M. Vaillant a figurée et décrite pour le P. cinqulata. Nous devons un grand nombre d'individus de cette espèce à notre qui semble devoir leur faire attribuer un rôle dans la digestion; mais est-il impossible que le liquide sécrété par ces tubes soit lui-même modifié de manière à pouvoir être utilisé partielle- ment par l'économie? La bile chez les animaux supérieurs n’est-elle pas, elle aussi, une sécrétion excrémentilielle d’une part, et utile à la digestion de l’autre ? Je prends cette hypothèse pour ce qu'elle vaut. C'est simplement une question que pose Panatomie à l'expérience. 142 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. parent M. Victor Borie, qui a bien voulu, pendant qu'il remplissait les fonctions de directeur du Comptoir d'escompte de Paris, demander à ses agences à l'étranger les Vers des localités où elles étaient situées. Remarquons que s'il était prouvé que le P. afjinis et le P. posthuma sont bien la même espèce, celle-ci se rencontrerait à la fois dans l'île de Java et sur le continent, ce qui serait un fait géographique assez intéressant. PERECHÆHA HR@BUS'HA. Ed. Perr. SyN. : P. cingulata. L. V. pars. Dans sa note sur les Perichæla, déjà plusieurs fois mentionnée dans le cours de ce travail, M. Léon Vaillant à écrit à propos de ces Vers les phrases suivantes :. « Au voisinage des orifices mâles, on trouve des papilles dont le rôle est d'assurer l’adhérence des individus au moment de la copulation ; leur disposition n’est pas la même dans les deux espèces dont je m'oc- cupe ici. « Chez le P. Cingulata, ces papilles sont situées dans le quinzième anneau, exactement sur la ligne médiane, entre les ouvertures mâles ; je ne les ai pas vues sur tous les échantillons du Muséum ; quatre sur six seulement les offraient ; celui que j'ai disséqué en était précisément privé. » J'ai trouvé dans la collection du Muséum, en dehors des échan- tillons que j'y ai moi-même placés et de ceux dont M. Vaillant a fait son P. posthuma, neuf Vers appartenant au genre Perichæla et parmi lesquels je ne compte pas un animal de Ceylan, étiqueté P. cingulata et pour qui j'ai dû créer le genre Honiligaster. De ces neuf Vers, l’un, originaire du Pérou, est hors de cause ; deux provenant des Indes orientales portaient, l’un la simple étiquette LOMBRICIENS TERRESTRES. 1413 Enterion, l'autre était appelé P. cingulata, Schm.; un troisième, de taille considérable était dépourvu de toute étiquette; un quatrième, rapporté de lle de France par M. Desjardins, est l'individu même déterminé et disséqué par M. Vaillant. Ces quatre échantillons pré- sentent ce caractère commun d'être absolument dépourvus de papilles dans le voisinage de leurs orifices génitaux mâles. Ce sont en consé- quence ceux qui se rapprochent le plus de l'individu dont M. Vaillant a donné l'anatomie et qui doit être considéré comme le Perichæta cin- gulata type. La description de Schmarda est trop incomplète pour qu'il soit possible de tenir compte d'autre chose dans la détermination de cette espèce que du travail de M. Vaillant, qui permet au contraire de la distinguer nettement. C’est donc au Ver décrit par M. Vaillant et à ceux qui lui ressemblent que nous appliquerons le nom de Perichæta cingulata. Voyons maintenant quels sont ceux que nous pouvons grouper avec lui. Ceux qui paraissent s'en rapprocher le plus sont les deux échan- tillons des /ndes orientales: mais l'examen de leur tégument ne montre pour les poches copulatrices qu'un seul orifice situé entre le septième et le huitième anneaux, et nous verrons que l'anatomie confirme ce fait. Nous sommes loin des quatre paires de poches copulatrices du P. cingulata: ces deux individus doivent donc être écartés. Le grand individu sans indication de provenance présente environ soixante-cinq soies par anneau; c'est beaucoup plus que M. Vaillant n'en assigne au ?. cingulata. De plus, les orifices de ses poches copu- latrices sont au nombre de deux paires situées l’une entre le sixième et le septième anneau, l'autre entre le septième et le huitième '. C'est encore un individu à écarter. 45 11/4 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Restent les quatre individus que M. Vaillant signale comme pour- vus de papilles entre les orifices génitaux mâles". Mais ces individus se distinguent immédiatement par leurs formes plus massives, la moins grande longueur de la partie de leur corps postérieure à la ceinture, et aussi, nous allons le voir, par leurs caractères anato- miques. Ils forment donc encore une espèce distincte. Il résulte de là que des six individus déterminés par M. Léon Vaillant comme étant des Perichæla cingulata, aucun ne présente les caractères propres au Ver qu'il a disséqué. I a eu la singulière fortune de mettre la main sur un échantillon unique, ayant des caractères spé- ciaux qui le rapprochent énormément du Perichæla posthuma et qui est heureusement demeuré dans la collection comme type de l'espèce à laquelle M. Vaillant a cru avoir affaire. Ces détails — que nous donnons à regret — étaient nécessaires pour guider les naturalistes qui auraient à rechercher dans la collec- tion du Muséum les échantillons visés par M. Vaillant et dont nous sommes responsable. Il est nécessaire d'ajouter d'ailleurs qu'entre le P. cingulata, tel que j'ai cru devoir le conserver, et le P. posthume, il n’y a de différence bien établie que l'absence chez le premier de toute papille au voisi- nage des orifices génitaux et le nombre un peu moins considérable des soies portées par chaque anneau *. Je réserverai le nom de Perichæla robusta aux individus de l'Ile de France, recueillis par M. Desjardins — probablement en 1835 — et AE TENTE OT 2. Si l'on compare les diverses descriptions données soit par M. Vaillant, soit par nous des Perichætx cingulata, posthuma et affinis, on ne peut s'empêcher de se demander s’il y a réellement lieu de distinguer ces trois espèces. 1 faudrait pour décider la question comparer des individus vivants ou tous également bien conservés. Nous conservons néanmoins, par défé- rence pour notre prédécesseur, les noms qu'il a adoptés, en restreignant néanmoins la signifi- cation du premier, comme nous venons de l'expliquer. LOMBRICIENS TERRESTRES. 115 qui présentent entre les deux orifices mâles du dix-huitième anneau ! deux papilles saiilantes admirablement distinctes. Voici la description zoologique et anatomique de ce Ver?, qui se distingue aussi nettement que possible du P. cingulata, ainsi qu'on va le voir : Longueur, 150 à 180 millim. Largeur, 6 à 7 millim. Distance de l'extrémité céphalique au bord antérieur de la cein- ture, 25 millim. Longueur de la ceinture, 5 millim. Nombre des soies de chaque anneau, 45. Les orifices génitaux mâles sont sur le dix-huitième anneau, tout à fait latéraux; entre eux se trouvent les papilles qui sont très-sail- lantes. Au milieu du premier anneau de la ceinture. sur la ligne ven- trale médiane se trouve un orifice que nous considérons comme celui des oviductes. Les orifices des poches copulatrices, au nombre de deux paires, sont situés entre les anneaux sept et huit et les anneaux huit et neuf. Chacun d'eux est immédiatement suivi d’une petite papille que portent le huitième et le neuvième anneau. Ces papilles sont nettement visi- bles à l’œil nu et se trouvent sur les trois échantillons. Les pores dorsaux sont très-visibles. Le tube digestif ressemble beaucoup à celui du P. Houlleti. L'œsophage est très-allongé et est muni de houppes glandulaires latérales. — Le gésier, très-volumineux, 1. Nous rappellerons ici que nous comptons comme premier anneau l'anneau buccal que M. Vaillant réunit au lobe céphalique et qu'il laisse avec lui en dehors de sa nomenclature; nous comptons de plus la ceinture pour le nombre d’anneaux auxquels elle correspond morphologique- went et qui est ici de trois, comme M. Vaillant l’a parfaitement vu, bien que dans sa nomen- clature il ne compte la ceinture que pour un anneau, ce qui peut avoir des incor vénients et n’a aucun avantage. L'anneau que nous numérotons dix-huit correspond à celui que M. Vaillant nomme le quinzième. 2. Pl. fv, fig. 67. 116 NOUVELLES ARGHIVES DU MUSEUM. dépend du huitième anneau; mais il est reporté bien plus en arrière par l'allongement de l’œsophage. L'intestin présente deux cœcums lisses, comme ceux du P. cingulata, étroits et s’ouvrant à la hauteur du vingt-sixième anneau, un anneau plus haut que chez les P. cingulata et affinis. Les anses vasculaires contractiles qui servent de cœur sont situées dans les anneaux onze. douze et treize; de plus dans les anneaux de treize à vingt, inclusivement le vaisseau dorsal présente un aspect moniliforme exactement comme dans les Anteus,et ses parois paraissent musculaires. Il semble que les huit poches consécutives qu'il présente dans cette région soient sa partie réellement contractile. Les testicules occupent les anneaux onze et douze; ils ont cette forme trilobée que j'ai figurée chez le P. Houlleti, et sont tous quatre parfaitement égaux entre eux. La prostate ressemble aussi à celle que j'ai figurée; mais le canal excréteur commun estun peu plus grêle, plus allongé et plus sinueux. Entre les deux prostates, deux petites glandes piriformes, mais aplaties horizontalement s'ouvrent à l'extérieur par chacune des papilles placées entre les orifices mâles et qui ne sont pas, en consé- quence, uniquement des organes d’adhérence. É Lesovaires sont de petites grappes d'apparénce glandulaire situées immédiatement en arrière de la cloison antérieure du treizième anneau et contenant des œufs bien reconnaissables. Dans le même anneau on voit deux petits corps qui remontent verticalement comme deux petites cornes de chaque côté de l'intestin, qu'elles placent comme entre deux parenthèses. J'ignore quel est l'usage de ces petits corps que j'ai pu suivre jusqu'au voisinage du point d'insertion des ovaires; j'ai pu constater que leurs parois étaient d’une remarquable richesse vasculaire; elles étaient comme brodées de minces vaisseaux décrivant à leur surface les arabesques les plus compliquées. LOMBRICIENS TERRESTRES. 117 Il n'y à que deux paires de poches copulatrices situées dans les anneaux huit et neuf. Comme chez le P. Houlleti, chaque poche se compose «le trois parties; mais ces parties ont ici une forme un peu différente et de plus elles sont situées toutes les trois en arrière de la cloison antérieure de Panneau qui contient la poche proprement dite ?. La poche principale est supportée par un assez long pédoncule, elle a la forme d’un œuf dont le gros bout serait fixé au pédoncule. La: poche du huitième anneau était, dans l'échantillon que j'ai ouvert, plus volumineuse que celle du neuvième. — A côté d'elle se voit un tube assez long, libre, d'abord légèrement flexueux et qui, après avoir décrit quelques sinuosités, se renfle en un assez long spadice, présen- tant, d'espace en espace, quelques étranglements annulaires. Ce spa- dice est formé de deux parties emboitées lune dans l’autre, lextérieure transparente, l’intérieure opaque. Le tube est au contraire d'aspect nacré et s'enfonce dans les téguments à côté du pédoncule de la poche copulatrice, mais sans se confondre avec lui. Il est en dedans par rapport à lui. En arrière de ces deux premiers organes se voit une petite masse glandulaire, supportée par deux pédoncules, dont l'un s'enfonce dans les téguments en arrière du pédoncule de la poche copulatrice, l'autre plus en dedans, encore plus en arrière, semble correspondre à la papille extérieure. Doit-on considérer ces deux pédoncules comme deux canaux excréteurs ? Il m'est impossible de répondre à cette question. Les organes segmentaires, sous forme de tubes extrêmement déli- cats. sont adhérents aux cloisons. ou disséminés sur la membrane péri- tonéale que tapisse la cavité générale. 1. PI. 1v, fig. 68. 118 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Aux trois individus, de l'Ile de France, de M. Desjardins. nous joignons un individu récolté à Manille par M. Barrot en 1852. PERICHÆTA ASPERGHLEUME,. Edm. Perr. L'animal dont nous allons nous occuper est le grand individu, sans désignation d'origine, dont il a été question à propos du Perichæta robusta et dont voici les dimensions : Longueur, 370 millim. Largeur moyenne, 10 millim. Distance de l'extrémité céphalique au bord antérieur de la cein- ture, 35 millim. Longueur de la ceinture, 9 millim. Nombre des soies comptées sur l’un des anneaux antérieurs à la ceinture, environ 60. Le corps est un peu plus large en avant qu’en arrière de la cein- ture. Celle-ci est située après le treizième anneau (douzième sétigère) ; elle est composée de trois anneaux et porte sur le milieu de la face ventrale de son premier anneau un petit orifice (orifice femelle ?). Les orifices mâles sont situés de chaque côté de la face ventrale du dix-huitième anneau. Ils sont constitués d’une manière tout à fait exceptionnelle jus- qu'ici. De chaque côté du dix-huitième anneau on voit deux fortes papilles saillantes, au centre de chacune desquelles je m'attendais à voir à la loupe un orifice; mais il n’en est rien. Le pourtour de ces papilles est criblé, en avant et en arrière, de petits orifices formant deux lignes irrégulières, lune en avant du cerele de soies, l’autre en arrière; ce cercle est interrompu par les papilles en question. Sur la papille de gauche j'ai compté onze orifices, dont cinq sur la ligne supérieure; sur la ligne inférieure, quatre de ces orifices for- ,» LOMBRICIENS TERRESTRES. 119 maient une double ligne et ils étaient placés deux à deux l’un devant l’autre. Sur la papille de droite, il y a en tout quatre orifices en bas, cinq en haut; de plus, chaque papille présentait en outre vers l'extérieur la trace d’un petit orifice entre les deux lignes en question, exactement sur le prolongement des orifices de soies. Ayant reconnu cette singulière conformation des papilles mâles, j'ai cherché à voir comment se trouvaient constitués les orifices des poches copulatrices dont il m'avait semblé au premier abord que l’ani- mal ne présentait que des traces sur les lignes de séparation des anneaux sept-huit et huit-neuf. Or voici ce que j'ai reconnu : de chaque côté, et sur leur bord postérieur, le septième et le huitième anneau portent une rangée de quatre petits orifices; juste en face de ces rangées se trouvent des rangées correspondantes de cinq orifices appartenant au bord antérieur des anneaux huit et neuf. De plus, extérieurement et au fond de la ligne de séparation des anneaux qui portent ces orifices, se trouve encore un petit orifice. La papille de gauche était évidemment monstrueuse; et c’est la papille de droite qu'il faut considérer comme le type de la disposition. Il résulte alors de notre description que les canaux déférents et les poches copulatrices paraissent s'ouvrir à l'extérieur chacun par dix orifices. Il semble donc que les orifices des poches copulatrices soient disposées en sens inverse de ceux des testicules, de sorte que l’ac- couplement ne pourrait avoir lieu que les animaux étant disposés tête bèche. Il serait assez intéressant de voir ce fait déjà connu pour nos Lombrics, démontré ici par une disposition anatomique particulière. Toutefois les séries d’orifices correspondant aux poches copula- trices présentent comme les mamelons mâles quelques irrégularités de nombre; mais le fait essentiel, celui de la conformation identique des orifices mâles et de ceux des poches copulatrices, n'en parait pas 120 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. moins garder sa valeur démonstrative, au sujet des fonctions qu'ont à remplir ces dernières, — fonctions qui d’ailleurs ne sont plus discu- tées. Quant au rôle des petits orifices que je viens de décrire, l’ana- tomie de l'animal nous montrera ce qu'il faut en penser, et nous pourrons voir par là combien, en zoologie, il faut être prudent dans ses inductions, quelque séduisantes qu'elles paraissent. Le premier pore dorsal est situé entre le dixième et le onzième anneau ; tous les autres intervalles annulaires en sont pourvus, y com- pris ceux qui limitent la ceinture. Je n'ai vu sur la ceinture que de faibles traces de ces pores ainsi que des ceintures de soies. L'anatomie de l’animal est d’ailleurs exactement celle des autres Perichæta. Le pharynx glandulaire est peu développé et l'æsophage se renfle en une sorte de poche avant de se réunir au gésier qui est situé en arrière de la cloison postérieure du huitième anneau. | L'intestin présente deux cœcums en forme de cornes de bélier, bosselés et ridés, qui commencent au vingt-septième anneau et remontent jusqu’à la cloison postérieure du vingt et unième. Dans le septième et le sixième anneau se trouvent les volumi- neuses touffes des glandes en tubes de l'œsophage que l’on voit bien nettement s’'aboucher à des diverticulums latéraux de celui-ci. Le pharynx s'étend jusqu'au cinquième anneau. A cause de la grande taille de léchantillon, Pappareil circulatoire apparait avec la plus grande netteté; il présente une teinte violacée. Le vaisseau dorsal, qui se renfle un peu dans le dix-huitième anneau, conserve, à partir de là, un calibre plus grand jusqu’à son arrivée au gésier. I diminue assez brusquementalors de diamètre, mais demeure bien net jusqu'aux deux ou trois premiers anneaux; je n'ai pas poussé plus loin son étude. Dans les anneaux dix, onze, douze et treize, il émet des anses latérales volumineuses probablement contractiles. Les plus considé- LOMBRICIENS TERRESTRES. 121 rables sont, comme d'ordinaire, celles des anneaux douze et treize. Dans les cinquième et sixième anneaux, des branches latérales presque aussi grosses que le tronc principal paraissent destinées au groupe des glandes en tube. Les testicules formés de plusieurs lobes occupent les anneaux onze et douze. La prostate présente ses caractères habituels; il en naît un tube d'aspect nacré qui, après être descendu en arrière, se recourbe sur lui-même en se renflant beaucoup et revient en avant s'enfoncer dans les téguments du dix-huitième anneau. Il n’y à là, comme on voit, rien qui diffère de ce qu'on rencontre d'habitude chez les autres Perichæta. Mais tout autour du point d'insertion du tube pénien se voient de petites glandes, tout à fait analogues à celles que nous avons vu dépendre des papilles qui accompagnent si souvent les orifices mâles des autres Perichætla. Chacune de ces glandes s'ouvre à l'extérieur par l’un des orifices que nous avons mentionnés; ces orifices sont donc simplement les analogues des papilles que nous venons de rappeler. Ainsi se trouve démontrée fausse l’idée qui ne peut manquer de naître, lorsqu'on observe seulement l'extérieur de lanimal, que les canaux déférents et les poches copulatrices s'ouvrent à l'extérieur par une sorte de trémie. Quant à l'absence de l'orifice mâle proprement dit, il tient seule- ment à ce que l'appareil génital de l’individu qui nous occupe n'avait pas encore atteint son complet développement. On trouve dans le treizième anneau des organes glandulaires ressemblant exactement à ceux du Pericheta robusta. I n’y a que deux paires de poches copulatrices situées dans les huitième et neuvième anneaux. — Leur constitution ne diffère pas non plus de celle de beaucoup d’autres Perichæta. Une grosse poche VII. 16 122 NOUVELLES ARCGUIVES DU MUSEUM. ovoïde ‘ supportée par un court pédoneule en est la partie principale. Immédiatement en avant pénètre dans les téguments un tube qui après s'être un peu tortillé se renfle en un assez court cul-de-sac. Autour de ces deux premières parties se trouve une couronne de petites glandes exactement semblables à celles qui entourent les ori- fices mâles. C’est là une singulière concordance. A quoi servent ces petites glandes? je l’ignore absolument. Peut-être sécrètent-elles un liquide propre à assurer l’adhérence des individus pendant l’accouplement ; mais ce ne peut être là qu'une simple conjecture. Leur existence parait d’ailleurs très-générale chez les Perichæta, et leur disposition ou plutôt celle de leurs orifices externes, — les papilles, de divers auteurs, — me paraît être un caractère que l’on ne doit jamais omettre dans les diagnoses spécifiques. Je n'ai pu voir ici la moindre trace d'organes segmentaires. PERICHÆTA QUADRAGENAMREA. Edm. Perrier. SyN. : Perichæla cinqulala. L. V. pars. Je désigne sous ce nom deux des Perichæta cingulata de M. Vaillant qui sont originaires des Indes orientales et dont les caractères exté- rieurs se rapprochent beaucoup, en effet, au premier abord, de ceux du ?. cingulata. Les deux échantillons du Muséum me paraissent être un peu ramollis ; aussi les dimensions que je donne sont-elles peut-être légè- rement trop fortes pour la longueur qui est de 210 millim. Largeur, À millim. Distance de l'extrémité céphalique à la ceinture, 25 millim. A. PI. 1v, fig. 72. LOMBRICIENS TERRESTRES, 123 Longueur de la ceinture, 5 millim. Cette espèce est done beaucoup plus grêle dans ses proportions que la précédente. En avant de la ceinture, les soies sont de quarante environ par anneaux ; de là le nom spécifique que j'ai choisi. La ceinture est située après le treizième anneau; elle est, comme d'habitude, formée de trois anneaux et porte sur le milieu de la face ventrale de son premier anneau un pore parfaitement évident (ori- fice femelle, probablement). Les pores mâles sont sur le dix-huitième anneau. Entre le septième et le huitième anneau, sur les côtés du corps, on aperçoit les orifices des poches copulatrices; il n’y a absolument qu'une paire de ces orifices”, qui forment quatre paires chez les Peri- chœta cingulata, posthuma et afjinis. L'appareil digestif est constitué sur le type ordinaire. Le gésier dépend, du moins dans sa partie antérieure, du huitième anneau. Dans le quatrième et le cinquième anneau, l’æsophage est muni de glandes en tubes, comme cela arrive si fréquemment; il y a de plus, dans le cinquième anneau, une paire de glandes en grappes disposées comme chez le P. Houlleti. Le vaisseau dorsal ne m'a pas présenté l'aspect moniliforme que j'ai signalé chez le P. robusta: des anses contractiles se trouvent aux treizième et quatorzième anneaux. Il y a deux paires de testicules situées dans les onzième et douzième anneaux. 11 m'a semblé que les testicules d’un même côté se confon- daient presque par la base. A. Les diverses descriptions d'espèces que nous venons de faire montrent — j'insiste de nouveau sur ce point — combien il est important de signaler le nombre et la position des poches copulatrices. On arrive toujours à distinguer leurs orifices à la loupe sur les individus bien développés, et ces orifices comptent parmi les meilleurs caractères spécifiques que l'on puisse employer. 12/ NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. La poche copulatrice, unique de chaque côté, paraît à cheval sur la cloison des anneaux sept et huit”. Dans le huitième anneau se trouve la poche véritable qui est très-volumineuse, probablement sphérique, mais que j'ai trouvée vide et flasque. Dans le septième on voit un large tube, également mou, qui, après s'être pelotonné sur lui-même, se termine en cul-de-sac rejeté vers l'intérieur, mais embrassant la partie antérieure du peloton. Le tube et le canal excréteur de la poche se réunissent au moment de s’enfoncer dans les téguments. La prostate est très-profondément lobée; son canal excréteur, après s'être réuni au canal déférent, prend d'ailleurs l'apparence spé- ciale que nous avons eu à signaler chez la plupart des autres espèces. Jen’ai pas recherché les cœcums intestinaux, à cause de l’état des individus que j'ai eus entre les mains. PEÉRECHAHA HE @N 6 AT A. Edm. Perrier. Je désignerai sous ce nom deux Perichæta, dont lorigine me paraît actuellement singulière; ils sont étiquelés comme venant du Pérou, et auraient été donnés au Musée en 4807 par M. Baraquin. Ils sont, d'ailleurs, en fort mauvais état, tout à fait ramollis, ce qui est peut-être pour beaucoup dans leur singulière forme. Leur longueur est de 355 millim. Leur largeur ne dépasse pas 4 millim. Leur largeur ne dé} as 4 millim Distance de l'extrémité céphalique à la ceinture, 23 millim. Ceinture, à millim. La ceinture et les pores génitaux occupent leur position habi- tuelle au quatorzième et au dix-huitième anneau. 1. PI. 1v, fig. 69. LOMBRICGIENS TERRESTRES. 125 Il n'y à qu'une seule paire d’orifices pour les poches copulatrices ; celles-ci sont, en effet, au nombre d'une seule paire et composées cha- cune d'une simple poche, qui s'ouvre extérieurement entre le qua- trième et le cinquième anneau. L'œæsophage s'étend jusqu'au dixième anneau; celui-ci contient le gésier, qui est très-allongé ; je n’affirmerai cependant pas que ce soit là la position morphologique de ce dernier. Les testicules sont situés aux anneaux onze et douze; les ovaires forment deux petites grappes accolées à la face postérieure de la cloison antérieure du treizième anneau. On distingue encore ici de chaque côté de l'intestin les deux corps que j'ai signalés chez les P. robusta et aspergillum. | La prostate se fait remarquer par la dissociation considérable de ses éléments; elle prend ici tout à fait l'aspect d’une glande en grappe assez lâche, ce qui confirme la structure histologique que nous lui avons attribuée chez le P. Houlleti, et qui est figuré pl. m1, fig. 56; ses Canaux excréteurs se réunissent en un tube qui décrit une petite sinuosité, puis forme un arc assez considérable à concavité externe avant d'aboutir à l’orifice génital". Dans ce parcours ce canal présente l'aspect nacré habituel. Nous n'ajouterons pas d’autres détails relativement à cette espèce # qui est, on le voit, suffisamment caractérisée. Nota. — 11 reste encore dans la collection du Muséum un Peri- chæta, originaire de Tourane (Cochinchine), mais qui est dépourvu de ses organes génitaux. En raison de ce fait et du peu de connaissance que nous avons des caractères vraiment spécifiques, des animaux qui nous occupent, en dehors de ceux qui fournissent les organes de la génération, je PAT AA ENT DS 126 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. considère cet individu comme indéterminable pour le moment. I provient de l'expédition faite en 1838 par MM. Eydoux et Souleyet. GENRE PERIONYX. Nous créons ce genre pour un animal voisin des Perichæta, mais qui s'en éloigne par le développement de sa ceinture, la disposition de ses orifices mâles, la position de ses poches copulatrices, enfin la netteté de ses organes segmentaires. Le lobe céphalique échancre aussi beaucoup plus profondément le premier anneau; mais ce caractère est peut-être plutôt spécifique que générique. Il est possible que la découverte de nouvelles espèces amène à confondre plus tard ce genre avec les véritables Perichæta. Cette coupe est donc plutôt pour nous actuellement un sous-genre qu'un véritable genre. PERIONYX EXCAVATUS. Edm. Perrier. Étym. — #ept, autour — ëwé, ongle. Longueur de l’animal, 120 millim.; largeur, 4°", 5 à la ceinture, et 3"",5 en moyenne. Tous les individus que j'ai eus à ma disposition étaient fortement contractés par l'alcool. Le corps est sensiblement de même largeur, depuis la ceinture jusqu'à l'extrémité postérieure, qui est très-obtuse. La ceinture est un peu plus renflée que toute la partie du corps qui la’ suit; au devant d'elle, le corps diminue graduellement, mais assez rapidement LOMBRICIENS TERRESTRES, 197 d'épaisseur jusqu'à l'extrémité antérieure, qui est assez pointue. Les longueurs de ces différentes régions sont les suivantes : Partie du corps antérieure à la ceinture, 14°, 5. Ceinture, 6", 5. Partie du corps postérieure à la ceinture, 102 millim. On voit par là que la ceinture est plus rapprochée de l'extrémité antérieure que dans les Perichæta, que, d’ailleurs, elle est elle-même relativement plus longue, ce qui n’est pas étonnant, puisqu'elle est formée de cinq anneaux bien distincts au lieu de trois. La bouche est nettement inférieure, le lobe céphalique court, . obtus et rabattu sur elle, au moins dans les échantillons que j'ai observés, échancre profondément en arrière le premier anneau et pénètre jusqu'à son tiers postérieur. La ceinture commence après le douzième anneau et, par consé- quent, le treizième anneau en fait partie, tandis qu'il est en dehors chez les Perichæta. Les pores génitaux mâles sont situés au milieu de la face ven- trale du dix-huitième anneau, exactement, par conséquent, sur l’an- neau où on les trouve chez les Perichæta. I n'y a de modifié que la ceinture qui empiète d’un anneau en avant et d'un anneau en arrière. Toutefois, les pores génitaux ont une apparence spéciale; ils sont très-petits, très-rapprochés l’un de l’autre ou, pour mieux dire, con- tigus et situés dans une fossette transversale qui frappe l'œil tout de suite, en arrière de la ceinture *. Cette fossette n'occupe pas toute la longueur de l'anneau; elle s’efface graduellement et très-vite sur les côtés, de sorte que le bord externe de chacun des bourrelets cireu- laires qui entourent les pores fait suite aux téguments et n'en est séparé par aucun enfoncement; au contraire, en avant et en arrière 4. PI. 1v, fig. 73 et 74. 2. PI. 1v, fig. 74, m. 128 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. un sillon très-marqué plus allongé en avant qu'en arrière sépare très- nettement ces bourrelets du reste des téguments. Entre le septième et le huitième anneau, de même qu'entre le huitième et le neuvième, on voit à la face ventrale, chacune très-rap- prochée de sa voisine sur le même anneau, deux boutonnières trans- versales qui sont évidemment les orifices des poches copulatrices”. Ici, par une conséquence naturelle du rapprochement des orifices mâles, les orifices des poches copulatrices sont beaucoup plus rap- prochés. Au lieu d'occuper les côtés du corps comme chez les Peri- chœta, ils occupent franchement la région ventrale. Ajoutons qu'ils sont réduits à deux paires. ce que nous avons rencontré d'ailleurs dans ce groupe. Les pores dorsaux sont plus gros et plus visibles dans les anneaux qui précèdent la ceinture que dans ceux qui suivent. On en voit un en avant et un n arrière de cet organe, mais assez petit; celui qui se trouve entre le onzième et le douzième anneau est assez souvent peu distinct, mais entre tous les anneaux qui précèdent ils sont visibles à l'œil nu; le premier qui soit bien distinct est entre le cinquième et le sixième anneau. Les soies sont petites, assez espacées, longues, minces, très-légè- rement courbées en forme d'S; on peut en compter environ une trentaine par anneaux; mais les caractères tirés du nombre des soies doivent être employés avec circonspection., car ce nombre varie sans doute avec la taille de l'animal. Les caractères anatomiques de notre animal le rapprochent, comme on devait s’y attendre des Perichæta; néanmoins il en est quel- ques-uns qui lui sont propres. Le tube digestif offre, comme d'habitude, un pharynx, un œæso- phage et un gésier. Le gésier occupe le douzième anneau, je n'ai pas LOMBRICIENS TERRESTRES. 129 vu de Cœcums latéraux à l'intestin. bien que je les aie cherchés. L'appareil cireulatoire est construit sur le type habituel. VE existe des organes segmentaires bién évidents; mais je n'ai pu voir leur orifice extérieur. Les testicules sont situés dans les anneaux onze et douze; ils sont au nombre de deux paires, dont l’antérieure moins développée; il m'a semblé, mais ce fait aurait besoin d’une confirmation, que le testicule postérieur droit, qui est composé de plusieurs lobes, était en général plus développé que son homologue de gauche. La glande prostatique est bien développée, mais présente une forme générale circulaire dans laquelle sont à peine découpés quelques lobes. Le canal excréteur présente la forme qu'on lui con- naît chez les Perichæta. Les ovaires, assez apparents et dont les œufs sont très-visibles à l'œil nu, sont situés dans le treizième anneau. Ils sont adhérents aux parois de la cavité générale et non pas pédontculés:et flottants comme chez le Perichæta Houlleti: leur forme est d’ailleurs très-irrégulière. Les poches copulatrices sont situées dans les anneaux sept et huit, elles m'ont paru formées d’un simple sac pirilorme; il n’y en a que deux paires. Je n'abstiendrai de donner plus de détails anatomiques'sur cet animal. L'état de durcissement où se trouvent les nombreux échantillons que je possède m'empêche d'entreprendre des recherches plus appro- fondies et qui eussént cependant été intéressantes, puisque l'animal qui nous occupé est le premier qui, tout en se rattachant’ d’une manière évidente au type des Perichwta, s'en éloigne cependant à cer- {ains points de vue. Les échantillons de ces Vers que possède 1e Muséum ént été recueillis, x Ia demande de M. Victor Borie, alors directeur du Comptoir d'estompte de Paris, par l'agence que cet établissement VII. 17 130 NOUVELLES ARGHIVES DU MUSEUM. possède à Saigon. Ils sont originaires de ce pays. où ils,s’appellent, en annaniite : Trung Khoan Co, et x ont été par conséquent distingués des, vrais Perichæta, qui se nomment Trung Com. LV. — LOMBRICIENS..ACLITELEIENS. Je forme ici un nouveau groupe qui contient peut-être un assez grand nombre de Lombriciens; mais mes observations personnelles ne me permettent encore d'y ranger qu'un seul genre, le genre Moni- ligaster, et encore non sans quelque doute. Les Lombriciens de ce quatrième groupe seraient dépourvus de ceinture. L 2] GENRE MONILIGASTER. N. G. Une seule espèce, le : MONZLEGAS HER EHESS M 4 WHES1. Edm. Perrier. Longueur, 150 millim.; largeur, 6 millim. Le corps. est sensible- ment cylindrique; il diminue graduellement de largeur en avant. à partir du dixième anneau à peu près, pour constituer l'extrémité céphalique; en arrière, le diamètre du corps se conserve jusqu'aux derniers anneaux qui constituent une calotte sphérique terminant le corps. La partie antérieure et postérieure du corps sont remarqua- blement résistantes, comparativement surtout à la région moyenne ; mais ce peut être là une particularité individuelle. Le lobe céphalique est assez allongé, cylindrique, et ne n'a pas paru entamer le premier anneau. La structure des téguments de toute la région antérieure du corps semble différente de celle des deux tiers postérieurs et rappelle. jusqu’à LOMBRICIENS TERRESTRES. 131 un certain point. la ceinture des autres Lombriciens, mais avec une spécialisation bien moins marquée; on ne peut d'ailleurs distinguer aucune autre trace de ceinture proprement dite. Les soies sont petites, disposées par paires dans touté l'étendue du corps; les deux soies de chaque paire sont très-rapprochées l'une de l'autre: les paires de soies sont d’ailleurs disposées en quatre lignes latérales. Les orifices des organes segmentaires sont situés en avant des soies de la rangée supérieure et très-petits. Entre le septième et le huitième annéau, exactement sur chaque ligne inférieure de soies, on voit un orifice allongé transversalement en boutonnière et dont les lèvres sont légèrement denticulées. Un orifice tout à fait semblable se trouve entre les anneaux dix et onze; mais il est iei placé au milieu de la distance qui sépare les deux rangées de soies supérieure êt inférieure. Tels sont les caractères extérieurs qui distinguent ce Ver. Son organisation est des plus singulières. L'appareil digestif! présente ‘un pharynx et un œsophage très- courts, suivis d’un petit gésier musculaire qui occupe le sixième anneau; mais l'intestin ne commence pas après ce gésier; après lui, un second œsophage conduit à un deuxième gésier musculaire, qui commence au treizième anneau et ne finit qu'au vingt-deuxième, occupant ainsi toute l'étendue de dix anneaux. Ce gésier présente sur sa longueur trois étranglements qui le divisent en quatre poches à peu près sphériques extérieurement et d'égal volume. Ces quatre poches, disposées bout à bout, donnent à cet appareil une apparence de cha- pelet qué nous avons voulu rappeler dans la dénomination du genre. A la surface de ce gésier se voient des fibres longitudinales dis- 132 NOUVELLES ARCHIŸYES DU MUSEUM. posées l’une à côté de l'autre sans contracter d'adhérence entre elles et qui forment un étui à chaque poche; dans le sillon qui-sépare des poches on voit une bandelette ‘annulaire qui embrasse étroitement le pourtour de:Forgane et sur la nature de laquelle je ne saurais me prononcer. I m'est également impossible dé dire à combien d'anneaux cor- respond morphologiquement le deuxième gésier; il me paraît difficile que chaque poche corresponde à un seul: anneau. ce qui porterait seulement à quatre le nombre des anneaux correspondant au gésier tout entier qui en occupe dix. Nous avons vu d’ailleurs que chez le Pericheæta afjints, le gésier simnle correspondait à deux anneaux bien caractérisés. Le pharynx est rattaché aux parois du corps par de nombreuses cloisons transversales dans Fépaisseur desquels sont disposées de volumineuses plaques glandulaires* dont la sécrétion est déversée dans le pharynx par une multitude de petits canaux visibles à la loupe; les cellules sécrétantes sont très-grandes et leurs noyaux très-petits. Ce sont là certainement des glandes salivaires: L'intestin ne nous a présenté aucune particularité dans sa région antérieure, la seule que nous ayons examinée. L'appareil circulatoire parait constitué sur le type habituel; j'ai trouvé de volumineuses anses contractiles aux sixième huitième et neuvième anneaux; il peut en exister davantage ; mais les recherches qui portent sur des animaux consérvés depuis longtemps ne peuvent donner aucun résultat positif à cet égard. | | Les organes segmentaires peu développés dans les anneaux génitaux mâles Sônt bien évidents dans ceux qui suivent et dans ceux qui précèdent. L'appareil génital se présente avec un degré de complication tout 4. PL 1v, fio. 78. LOMBRICIENS TERRESTRES. 133 E de fait exceptionnel: : mais en même Ex ai les pese ss Em) qui le constituent sont düne grande netteté. ed Le M. Deshayess étant hermaphrodite, nous aurons à examiner l'appareil génital mâle et l'ippareil femelle. Disons tout de suite que les quatre imehique nou$ avons signalés dans là déécription extérieure de l'animal (deux entre les anneaux éept'et hüit, deux entre les anneaux dix et onze) dépendent GE autant dé testicules distincts. disposéS’ par pres dans la éavité généralé. d “ Cest lon fañt jnsqu'ici exceptionnel que les orifices des testi- cules soient aussi distants les uns des autres. n' Mais la constitution de chacune des deux paires Feaieol mâles est encore plas remarquable: - Pour chacan d'eux-il faut distingaer une partie essentielle. le testicale. ane parte slandulaire accesoire et enfin les éaiaux qui mettent ces différentes parties en rapport entre elles ou avec l'exté- Voyons d'abord comment est composée la dus antérieure d'or- ganes mâles. : Les testicules Sont trés-petits et forment chacun une petite masse ovoïde. d'un blanc craveux. située dans le huitième anneau. Dans l'échantiflon que j'ai examiné, ces testiculés n'étaient d'ailleurs pas complétement développés. Däns le septième anneau on voit de chaque côté deux grosses glandes. bién plus grosses que les tsstieules. contigues l'une à Fautre de forme irrégulièrement pyramidale et de couleur jaunâtre- À une loupe même assez faïble. ces glandes’ se montrent formées d’une mal- titude de grains ovoides sur le dos de chacun desquels un petit trait rougeätre indiqué Ix présence d'un vaisseau. Ces deux glandes d'un 1. PL iv. 62 9 et 0 13/4 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. même côté sont réunies l’une à l’autre par une même enveloppe péri- tonéale. Du milieu de la base triangulaire de chacune de ces glandes paît un canal fibreux, blanchâtre, assez long et droit; bientôt ces deux canaux se réunissent en un seul, dont le calibre est à peine plus con- sidérable que celui des deux premiers, qui possède à peu près la même longueur que chacun d'eux, et finalement s'ouvre à l'extérieur par l'orifice déjà signalé entre le septième et le huitième anneau. Si, maintenant, on soulève le petit testicule du huitième anneau, on aperçoit facilement au-dessous de lui et très-près de l'intestin, un petittube très-blanc, d'aspect nacré, entortillé comme le serait un gor- dius’; et, de fait, comme j'ayais déjà rencontré dans ce même anneau un petit nématoide, j'ai pu me demander un instant-si je n'avais pas affaire à un autre animal de ce genre. L'existence d’un tube entortillé symétrique et les connections de chacun d'eux m'ont vite détrompé. En effet, en suivant ce petit tube entortillé dans le voisinage du testicule, on le voit bientôt s'unir à une large expansion membraneuse, déchiquetée et frisée qui s'étend au-dessous du testicule et remonte en avant entre ce dernier et les cloisons antérieures du huitième anneau, dont elle tapisse presque toute l'étendue; un lobe, de cette expansion flotte, même, :dans l'animal. ouvert, au-dessus du tube digestif, et rencontre le lobe symétrique homologue, ll n’y a pas du reste. la moindre fusion entre cette expansion membraneuse et la cloison à laquelle elle est adossée. C'est là un large pavillon vibratile, plus développé que tous ceux que nous avons vus jusqu'ici. L'existence de ce pavillon confirme Ja détermination que nous avons faite de la glande du huitième anneau, comme d'un: testicule, . nous, en rapportant à son aspect. extérieur. L'examen histologique n’a pu venir, à notre secours; car ,ces glandes étaient certainement en voie de développement. et, dès lors, ne conte- 1. PL. 1v, fig. 79. LOMBRICIENS TER RESTRES. 139 naient aucune trace des filaments spermatiques, seuls .caractéris- tiques des testicules. Si maintenant l’on cherche à discerner la terminaison antérieure du petit tube tortillé, on le voit traverser la cloison antérieure du hui- tième anneau, passer dans le septième et venir enfin s'implanter dans l'angle de réunion des deux canaux excréteurs des glandes du septième anneau ; il en résulte que le canal commun qui fait suite aux deux canaux excréteurs particuliers des glandes du septième anneau doit contenir à un certain moment et le liquide sécrété par ces glandes et le sperme, comme cela a lieu pour le pénis rudimentaire des Perichæta. La structure des glandes du septième anneau est fort simple; si on fait à travers leur épaisseur une coupe, on voit sur cette coupe une série de courbes fermées, sur le pourtour desquelles est disposé un épithelium à longues cellules cylindriques” dont il m'a été difficile de voir les noyaux, mais dont les parois sont bien nettes vers l’inté- rieur de la courbe où le contenu de la cellule prend une couleur bien moins foncée, en même temps que les granulations sont moins abon- dantes. Ces courbes sons réunies entre elles par un tissu transparent, semé de noyaux, qui est probablement du tissu conjonctif, dans l'épais- seur duquel serpentent des vaisseaux rouges. Je n'ai pas besoin de dire que les courbes dont je viens de parler ne sont pas autre chose que les sections des lobules sphériques, ou à peu près, dont la glande est composée. Ainsi ce premier appareil génital mâle se trouve constitué des mêmes parlies que chez les Perichæta, les Digasler, les Acanthodrilus. On remarque cependant cette différence que dans tous les Lombriciens étudiés jusqu'ici il faut chercher l'orifice des canaux déférentssur les anneaux qui suivent les testicules; tandis qu'ici ces orifices sont au contraire placés sur l'anneau qui précède. 1. PI. 1v, fig. 80. 136 NOUVELLES ARCHIVES ‘DU! MUSÉ UM. Le deuxième appareil mâle” comprend comme’le premier, outre les testicules, des parties accessoires assez nombreüses, mais on ne peut s'empêcher d'être surpris de voir Combien il est, néanmoins, différent du premier. Les testicules volumineux, de’ forme frréguliérement ovoïdes, sont situés dans le dixième anneau ét'enveloppés d'une tunique péri- tonéale! assez lâche qui semble les relier plus spécialementà la portion dorsalé de la cloison antérieure. J'ai pu m'assurer par l’observation microscopique que ces tes- ticules contenaient dé nombreux faisceaux de filaments spermatiques. Lé dixième anneau contient, outre les testicules, un organe qui paraît glandulaire® ét qui est formé dun nombre considérable de feuilléts blanes, opaques, triangulaires, isolés les tns'äes autrés ét qui paraissent fixés dans toutes les ‘orientations possibles ‘sur un axe commun, de manière que les points d'insertion soient {rès-rappro- chés."'Cet organe fait fortement saillie dans le ‘neuvième ‘anneau et occupe une grande partie du dixième. Entre lui‘et le testicule se trouve un tube pelotonné, assez sem - blable à celui du huitième anneau, mais peut-être d'un calibre un peu moindre. D'une part, ce tube est relié à Fenveloppe testiculaire qu'il traverse, et l’on peut constater tout autour de son point d'insertion une aréole blanchâtre, opaque et d’une résistänce plus grande que l'enveloppe testiculaire. Y'a-tsil là un épaississement de celle-ci, ou bien contient-elle un pavillon vibratile terminal? C'est ce dont je n'ai pu m'assurer. Quoi qu'il en soit, ilne Saurait être douteux que le tube pelotonné en ques- tion est un canal déférent. Par Son autre extrémité ce tube se perd au milieu des féuillets de l’organe d'apparence glandulaire placé au-dessous du testicule: 1. PI. 1v, fig. 81. LOMBRICIENS TERRESTRES. 137 Là que devient-il? Ne voulant détruire aucun des organes de l'échantillon unique de la collection, j'ai cru devoir renoncer à le suivre, ce qui aurait néces- sité l’excision de la plus grande partie des feuillets; mais je n'ai pas été peu étonné, en examinant au microscope l’un de ces derniers, de le trouver lui-même constitué par un tube extrémement pelotonné! et dont toute les circonvolutions étaient maintenues en contact par une délicate enveloppe extérieure. Doit-on supposer que c'est le canal déférent lui-même qui s’en- roule de manière à produire les feuillets en question? Il me semble que ce serait attribuer au canal déférent une lon- gueur bien considérable et un calibre bien restreint, car le diamètre de ces tubes ne dépasse pas 204; d'autre part, la nature glandulaire de ces derniers ne paraît pas absolument évidente ; il est doc prudent de laisser la question indécise entre ces deux solutions; je penche cependant à considérer l'organe feuilleté comme une giande. En effet, de son extrémité opposée au testicule on voit naître un canal bien plus considérable que le tube pelotonné lui-même et dont le calibre semble indiquer qu'il est destiné à servir d'écoulement à une quantité plus considérable de matière que ce premier canal. Celui-ci se prolonge sans faire beaucoup de sinuosités jusque vers le dix-septième anneau; il est d’ailleurs parfaitement évident sans dissection et à la seule condition de soulever un peu les organes qui le recouvrent et en particulier un assez gros organe très-allongé qui, au premier abord, paraît s'étendre du douzième anneau au dix-sep- tième, à l'extrémité postérieure duquel il se réfléchit en dedans pour se terminer ensuite en cul-de-sac *. Le canal que nous avons décrit tout à l'heure passe au-dessous de 1. PI. 1v, fig. 83. 2. PI. 1v, Gg. 57 vs et 81 vs. VIT. 18 138 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. cet organe et s'ouvre finalement dans celui-ci, au point même où il se réfléchit. Cet organe allongé sert donc de réservoir au produit mixte con- stitué par les sécrétions de la deuxième paire de testicules et des glandes en tubes (?) qui lui sont annexées, si tant est que l'organe feuilleté soit une glande. Nous n'avons pas encore indiqué l’orifice externe de cet appareil si compliqué. Si l’on cherche à suivre l'organe allongé (Vésicule séminale ?) que nous venons de décrire en avant du douzième anneau, on le voit se transformer bientôt en un gros tube d'aspect nacré, de couleur jau- nâtre qui ne tarde pas à s’infléchir vers l'extérieur et se termine enfin sur la ligne d'insertion de la cloison qui sépare le dixième anneau du onzième. Son orifice externe n’est pas autre chose que l'orifice que nous avons signalé en ce point, dans notre description générale de l'animal. Cette seconde paire d’orifices est encore par conséquent une paire d'orifices mâles. Le Moniligaster Deshayesi possède donc quatre orifices mâles, comme les Acanthodrilus : seulement ces orifices sont beaucoup plus espacés que dans ces derniers animaux, placés beaucoup plus en avant et surtout dépourvus de ces remarquables soies péniales que nous avons figurées *. Ce second appareil mâle diffère, comme on le voit, beaucoup du premier; il se rapproche des appareils décrits dans les autres genres en ce sens que le canal déférent se dirige d’abord en arrière, et s'ouvre, comme chez les Eudrilus, dans une sorte de vésicule sémi- nale. Cependant l’orifice extérieur par où s’écoulent tous les produits de l'appareil se trouve finalement ramené sur l'anneau même qui contient le testicule; c’est encore un fait que nous n'avons rencontré A. PI. 1v, fig. 75, et pl. 11, fig. 47, 21 et 22. “ LOMBRICIENS TERRESTRES. 199 qu'une autre fois, chez l'Anteus gigas, et d’ailleurs dans des conditions toutes différentes. On se demande à quoi peut servir une complication si grande dans l'appareil mâle. À la vérité, le nombre des testicules n’est pas supérieur à celui que l’on trouve dans les autres groupes; mais dans quel but chaque paire de ces organes a-t-elle été pourvue d'an- nexes si différents et d’un mode d'excrétion si particulier? Peut-être la réponse à cette question est-elle indiquée par l'inégal développement des deux paires de testicules; il semble que chacune d'elles doive entrer en activité à des époques de l’année dif- férentes et {peut-être à des moments où les conditions extérieures ne sont plus les mêmes et nécessitent par conséquent un mode différent de fécondation. Mais ce n’est là qu'une hypothèse dont le fondement demande à être bien plus solidement assis que je n'ai pu le faire. L'accouplement doit se passer d’ailleurs autrement que chez la plupart des autres Lombriciens, car ici, bien que tous les autres organes essentiels ou accessoires de la génération soient parfaitement développés, je n'ai pas pu découvrir une trace de ces poches copula- trices dont l'existence est cependant si générale. L'appareil génital femelle se trouve donc réduit aux ovaires et aux oviductes qui présentent les uns et les autres de remarquables particularités. Au-dessus de l'intestin, entre les vésicules séminales (?) et immédiatement au-dessus d'elles, on voit deux bandelettes! granu- leuses, légèrement ondulées qui s'étendent, en flottant assez librement dans la cavité générale, maintenues seulement par les cloisons qu'elles traversent, du douzième anneau à la partie postérieure du quinzième. 4. PI. 1v, fig. 77, o et 84, o. 140 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Ce sont là les ovaires beaucoup plus volumineux que partout ailleurs, bien que les œufs n’atteignent pas des dimensions très-con- sidérables. Ils sont cependant visibles à l'œil nu comme de petites granulations prenant, quand Pœuf a acquis son maximum de déve- loppement, l'apparence d’une sphérule d’un blanc de craie. Ces gra- nulations disparaissent vers l'extrémité postérieure du cul-de-sac ovarique, où l’on trouve une multitude d'œufs en voie de formation. Malgré le séjour prolongé de l'animal dans l’alcool, toutes les parties constitutives des œufs sont les plus faciles à distinguer. En suivant chaque ovaire antérieurement on le voit passer en sautoir au-dessus de la vésicule séminale” située de son côté’ puis se réfléchir, passer au-dessous du canal excréteur de cette vésicule ét se diriger vers la bandelette nerveuse ventrale, pour s’insérer très-près d'elle, au point de jonction des téguments et de la face postérieure de la cloison qui sépare le onzième anneau du douzième. L'insertion se fait si près de la bandelette nerveuse qu’en arra- chant la pénoncule de l'ovaire, on enlève en même temps une portion de cette bandelette dont tous les éléments, fibres et cellules, sont encore de la plus grande netteté. Dans ce trajet, l'ovaire n’est pas absolument libre; on voit flotter autour de lui un large pavillon vibratile, formé dans sa partie évasée d'une membrane très-délicate dont le bord supérieur ondule de chaque côté de l'intestin et sur un plan au moins aussi élevé. Immédiatement au-dessous de cette partie évasée, le pavillon se : prolonge en une sorte de cornet qui suit la même direction que l'ovaire et qui est fixé en dehors aux téguments par de délicats replis membraneux. Toute la portion de ces cornets qui regarde extérieurement de chaque côté est marquée de stries alternativement transparentes et 4. PL 1v, fig. 81. LOMBRICIENS TERRESTRES. AL opaques et qui sont déjà visibles à l'œil nu ou tout au moins avec une faible loupe. Au contraire, la paroi interne se modifie de manière à présenter de nombreux replis en forme de feuillets, d'apparence bien évidemment glandulaire. Je n'ai pu découvrir l'orifice extérieur de ces pavillons; mais j'ai voulu du moins me rendre compte de la signification des appa- rences qu'ils présentaient et j'ai examiné à cet effet une portion de l'un d'eux au microscope. J'ai ainsi reconnu que la portion feuilletée était constituée par des cellules glandulaires très-volumineuses, à fort beaux noyaux nucléolés et dont la nature demeure inconnue. Quant aux stries opaques, elles sont produites par le grand déve- loppement de l’épithelium qui sur les bords de chaque strie se montre fortement cilié; on peut voir des œufs engagés entre deux stries voisines, comme si le sillon qu’elles limitent était le chemin que ces œufs doivent suivre pour arriver à l'extérieur. Cette distribution par- ticulière de la partie ciliée est encore un fait que je n'ai rencontré nulle autre part. On voit par les détails dans lesquels je viens d'entrer que le Woni- ligaster Deshayesi ne peut être rattaché à aucun des types de Lombri- ciens déjà étudiés. C’est encore un de ces points isolés, si nombreux jusqu'ici dans la classe qui nous occupe et que les découvertes ulté- rieures pourront seuls relier entre eux d’une manière rationnelle. L'échantillon, unique dans la collection que nous venons de décrire, est originaire de Ceylan; le Muséum le doit à M. Lechesnault. IL portait dans la collection l'étiquette : Perichæta cingulata. 4142 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. GENRE /NCERTÆ SEDIS : UROCHÆTA. Nov. Gen. UROCHÆTA SYSHTEREX. Edm. Perrier. Je laisse incertaine la place que doit occuper le Lombricien pour lequel je forme ce genre. Il n’en existe que deux échantillons très- détériorés dans la collection du Muséum, et chez tous deux l'appareil génital est incomplétement développé. D'ailleurs l’£rochæta hystrir ne peut être raisonnablement rap- proché en ce moment d'aucun des types que nous avons étudiés jusqu'ici. La taille de ce Ver est celle de nos Lombrics ordinaires ; mais ses soies ont une disposition tout à fait remarquable; à la région ventrale, dans la première moitié du corps, on distingue nettement de chaque côté deux rangées de soies isolées, parfaitement régulières, semblables à celles que l’on trouve chez certains Lombrics propre- ment dits, c'est-à-dire que les soies se succèdent sans interruption d’anneau en anneau. À la région dorsale, du moins à partir du deuxième tiers de la longueur, on distingue des soies assez espacées, mais ces soies alternent d’anneau en anneau de manière à former des quinconces fort réguliers. Dans le dernier quart les soies paraissent se multiplier beaucoup et rendent comme tuberculeuse la partie caudale de lanimal'; elles forment alors seize rangées telles que toutes les soies d’une rangée alternent d’anneau en anneau avec les soies des rangées voisines. Sur chaque anneau on trouve huit soies rangées symétriquement; il n’y en a jamais sur la ligne médiane dorsale. I n’y en a pas non plus sur la ligne médiane ventrale. A. PI. 1v, fig. 85 et 86. LOMBRICIENS TERRESTRES. 143 Cette disposition des soies en quinconce rapproche les Vers qui nous occupent des Geogenia de Kinberg et des Pontoscolex de Schmarda. Mais chez les premiers les soies n'alternent que dans la région anté- rieure du corps, tandis qu'ici l'alternance est surtout marquée à la région postérieure; chez les seconds, les soies paraissent alterner aussi bien à la région ventrale qu'à la région dorsale, et de plus il n’y aurait que quatorze séries au lieu de seize que j'ai pu constater chez les échantillons du Muséum. Je n'ai pas pu d'ailleurs consulter l'ouvrage même de Schmarda, et les diagnoses reproduites par d'Udekem et par M. Léon Vaillant sont trop brèves pour qu'il me soit possible d'appré- cier bien nettement la distance qui sépare les Pontoscolex des Urochæta. J'ai trouvé après le quatorzième anneau une ceinture composée de sept anneaux, mais incomplétement développée. Il m'a été impos- sible d’apercevoir aucune trace des orifices génitaux. L'anatomie m'a montré un tube digestif pourvu de glandes æsophagiennes et composé à la manière ordinaire, mais à gésier placé très en avant!, comme nous l'avons vu chez plusieurs Intraclitelliens, et comme cela se voit encore, mais à un degré moindre, chez les Postelitelliens. Sur le dos de l'intestin court un vaisseau dorsal dont la partie antérieure présente un aspect franchement moniliforme semblant indiquer que la contractilité se localise ici comme chez les Anteus et certains Perichæta. Dans les trois anneaux qui suivent le gésier on voit de chaque côté de l'intestin de singuliers organes; ce sont de petites poches surmontées chacune d’une couronne de petits culs-de-sar * contenant chacun quelques noyaux; les poches sont du reste régulièrement striées verticalement. J'ignore ce que ces remarquables organes peuvent ètre. 1. PI. 1v, fig. 87. 2. PI. 1rv, fig. 87, z et 88. 1h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. En arrière d'eux se trouve une paire de glandes à lobules très- distincts qui m'ont paru être des testicules non encore complétement développés. C’est en arrière de ces glandes que commence la partie moniliforme du vaisseau dorsal. Je n'ai pas vu d'organes segmentaires. On conçoit que je n'ose m'aventurer à donner plus de détails; les animaux que j'ai entre les mains, quelque intéressants qu'ils soient, se trouvent trop détériorés pour m'inspirer une grande confiance dans mes recherches. Je crois pourtant devoir faire remarquer que par la position de son gésier et l'absence de toute prostate, l’'Urochæta hystrix rappelle certains types intraclitelliens. Ici se termine l'exposé des recherches anatomiques que nous avons entreprises dans le but de faire connaître l’organisation géné- rale des Lombrics. Il nous reste maintenant à grouper les faits que nous venons d'exposer de manière à faire ressortir les généralités qui peuvent se dégager de ces recherches. Tel est le but de la troisième partie de ce mémoire, que nous allons maintenant aborder. Mais auparavant, il n’est pas inutile de présenter dans un tableau synoptique l’ensemble des genres que nous avons pu examiner direc- tement et qui font partie de la collection du Muséum. Quant aux genres anciens, nous possédons, en général, trop peu de renseignements pour entreprendre de les ranger dans nos coupes; pour ceux de Kinberg en particulier, nous renvOyOns à Ce QUE nous avons dit du mémoire de ce savant, dans notre partie historique. Dans le tableau qui suit, nous ferons appel uniquement aux caractères extérieurs des animaux. LOMBRICIENS TERRESTRES. TABLEAU SYNOPTIQUE 145 DES GENRES DE LOMBRICIENS TERRESTRES DE LA COLLECTION DU MUSEUM I. — LOMBRICIENS ANTÉGLITELLIENS ou à orifices génitaux mâles situés en avant de la ceinture. Uniseul’eenress RME mens Lupeite ee IT. — LOMBRICIENS INTRACLITELLIENS ou à orifices génitaux mâles situés dans la ceinture. Soies disposées sur quatre rangées. À. — Orifices des organes segmentaires en avant des soies de la rangée ventrale. Soies disposées par paires en avant de la ceinture, écartées les unes des autres en arrière et formant ainsi huit ran- DÉCSEDIS NC OS B, — Orifices des organes segmentaires en avant des soies de la rangée dorsale. a. — Appareil copulateur manquant complétement; orifices extérieurs de la génération, confondus avec ceux des organes segmentaires; soies toutes semblables. . . . . b.— Orifices mâles bien distincts situés sur les rangées des soies ventrales. — Soies de la ceinture modifiées en vue de la copulation et ornementées. — Lobe céphalique prolongé ent tenfaculb "7 e. — Orifices mäles et orifices femelles bien distincts; ces derniers confondus avec ceux des poches copulatrices. Un pénis musculaire rétractile, mais enfermé dans une POCHE SPÉCIAIE EE PANIER. ONU CUE ILI. — LOMBRICIENS POSTCLITELLIENS Où à orifices génitaux mâles situés en arrière de la ceinture. A. — Soies disposées par paires et sur quatre rangées. a. — Deux paires d'orifices génitaux mâles armés chacun d’un pénis composé d’un certain nombre de soies courbes EL ENNT ES Dr ot ac ci No CANON MONO TNT b. — Une seule paire d’orifices génitaux mâles; point CMADPATELINCOPUIAIEULE. - . - 0 le + 0 c- VII. Lumbricus, Linné. Titanus, N. G. Anleus, N. G. Rhinodrilus, N. G. Eudrilus, N. G. Acanthodrilus, N. G. Digaster, N. G. 19 146 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM, B. — Soies isolées, disposées de manière à former un cercle au milieu de chaque anneau; une seule paire d’orifices mâles. a. — Orifices mâles situés à la région ventrale, mais éloignés l'un de’l’autre et placés sur le deuxième anneau après la ceinture qui est de trois anneaux. Orifices des poches copulatrices lout à fait latéraux. . . . . . . . Perichæta, Schmarda. — Orifices mâles contigus, rassemblés dans une fossette située sur l'anneau qui suit immédiatement la ceinture, celle-ci formée de plus de trois anneaux. Orifices des poches copulatrices nettement situés à la face ventrale et presque contigus. Lobe céphalique entamant profon- dément en arrière le premier anneau. . . . . . . . . Perionyæ, N. G. b. T IV. — LoMBRICIENS ACLITELLIENS, ou du moins paraissant dépourvus de ceinture. Soies sur quatre rangées, par paires dans chaque rangée. — Orifices des organes segmenlaires en avant des soies de la rangée supérieure. — Quatre orifices génitaux, deux sur la direction des soies de la rangée ventrale, deux entre les deux rangées de soies d’un même côté. Ce sont quatre orifices mâles . . . . . . . . . . . . Moniligasler, N. G. GENRE INCERTÆ SEDIS. — Soies en quinconce au moins à la partie postérieure dUNCOTPS CNE ee UTOCR EU ENG Nous ajoutons ainsi neuf genres à la nomenclature adoptée. Aucun d'eux ne peut faire double emploi avec les genres adoptés avant Kinberg et qu'il resterait à répartir dans nos groupes; mais une étude attentive des genres proposés par Kinberg est à faire; le naturaliste suédois s'est placé à un point de vue particulier qui rend ses diag- noses presque inutiles pour nous. Toutefois son mémoire indique qu'il reste encore beaucoup à apprendre avant d'arriver à connaître ce groupe si curieux des Lombriciens terrestres. LOMBRICIENS TERRESTRES, 147 TROISIÈME PARTIE. DE L'ORGANISATION DES LOMBRICIENS EN GÉNÉRAL. Dans cette troisième partie nous nous proposons de passer em revue chacun des appareils qui jouent un rôle dans l’organisation des Lombrics, cherchant à apprécier la valeur des caractères que ces divers appareils peuvent fournir à la classification, ou à déduire de leurs modifications les lois morphologiques qui dominent lorganisa- tion du type Lombric. Nous aurons ainsi à étudier les organes locomo- teurs, les soies, — l'appareil digestif, — l'appareil circulatoire, — les organes excréteurs, — le système nerveux, — l'appareil de la géné- ration. Ce sont là les titres d'autant de paragraphes que nous ferons suivre d’une conclusion renfermant ce que ce mémoire aura établi d’essentiellement nouveau. DES SOIES ET DE LEUR DISPOSITION M. Grube et après lui M. Léon Vaillant ont pris pour base de leur classification des Lombriciens la nature et la disposition des soies locomotrices de ces animaux. Il est donc nécessaire de bien établir ici quel est le genre de services qu'il faut attendre de ces organes en ce qui touche les classifications. Voyons d’abord ce qui est relatif à la forme des soies. Il est admis d’une manière générale que les soies des Lombriciens terrestres sont des soies simples, c’est-à-dire en forme de bâtonnets légèrement recourbés comme le serait une S majuscule très-allongée. L'extrémité périphérique est terminée en pointe obtuse, l'extrémité interne plus ou moins arrondie. Jusqu'ici ces soies étaient les seules 148 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. que l’on eût observées chez les Lombriciens et la constance du carac- tère était telle que M. Grube, professeur à l'université de Breslau, et à sa suite M. Léon Vaillant, avaient cru pouvoir en faire un véri- table critérium de l’ordre des Lombriciens terrestres. C’est ainsi que ces auteurs se sont trouvés conduits à classer les Enchytreus parmi les Lombriciens terrestres dont ils constitueraient une simple - tribu. Je ne sais trop quelles autres analogies ont pourrait invoquer à l'appui de ce rapprochement. Si les Enchytrœus sont terrestres ou du moins vivent dans la terre humide comme les Lombrics, si leurs soies ne présentent jamais de crochet terminal, il n’en faut pas moins reconnaître que ces soies pré- sentent , elles aussi, des caractères spéciaux qui les séparent des soies de tous les vrais Lombriciens terrestres connus jusqu'ici. Au lieu d’être recourbées en S, comme les soies locomotrices des Lombrics, celles des Enchytréens sont droites d'abord, puis recourbées brusquement à angle droit à leur extrémité interne, etje n'ai pas été peu étonné de retrouver ce caractère des soies des Enchylrœus européens sur un ÆEnchytrœus provenant de Cochinchine et que j'ai dù, comme tant d’autres choses, à l’obligeance de M. Houllet, chef des serres au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. Or, ces différences ont tout autant de droit à l'attention des natu-. ralistes et tout autant de valeur, comme caractère, que l'existence ou la non-existence d’un double crochet terminal. Je ne crois donc pas qu'on puisse s’en servir pour justifier le rapprochement tenté par MM. Grube d’une part et Vaillant de l’autre. De plus, si l’on considère que les téguments des ÆEnchytrœus, la constitution de leur ceinture, leur appareil génital, leur appareil cir- culatoire sont autant de points qui les rapprochent des Naïs, je crois que la considération des soies, telles que la présentent les auteurs dont je viens de parler, n'a guère d’autre valeur que celle qu’avaient les LOMBRICIENS TERRESTRES. 119 caractères artificiels, si ingénieusement employés du reste par les naturalistes anciens. Sans confondre pourtant les £nchylrœus avec les Naïs dont les éloigne leur genre de vie, la forme jusqu'ici*spéciale de leurs soies et quelques caractères anatomiques secondaires, je ne crois pas non plus qu'il soit permis de les unir aux Lombriciens terrestres proprement dits. Il y a tout avantage à les séparer, à en faire un groupe à part, un ordre si l’on veut, équivalent à celui des Lumbricina, à celui des Naïdea et qu'on peut appeler l'ordre des Ænchytreïda. C'était là, du reste, la manière de voir de d’Udekem, dont l'autorité, en pareille matière, n'avait d'égale que celle de Claparède. Ce dernier allait encore plus loin puisqu'il réunissait les Enchytrœus aux Maïs. Je crois avoir montré, d’ailleurs, qu’en ce qui concerne la sim- plicité des soies, il faut être prudent. Ce que nous connaissons des Lombriciens terrestres me paraît être insignifiant relativement à la masse de renseignements à recueillir. J'ai trouvé au Muséum seule- ment quelques dizaines d'espèces au plus, recueillies pour ainsi dire au vol sur toute la surface du globe. Sur ces quelques individus épars se trouvent déjà une dizaine de types nouveaux, modifiant beaucoup des idées qu'on s'était faites jusqu'ici du groupe des Lombrics. Et parmi ces types j'en trouve déjà dont les soies locomotrices présentent des complications spéciales de structure (Rhinodrilus), et d’autres qui se modifient profondément, se hérissent de pointes et se recourbent en crochet de manière à jouer un rôle tout nouveau pour elles, celui de Spicules copulateurs. N'est-ce pas là une sorte d'avertissement que des études plus suivies nous montreront des formes de soies différentes de celles que nous connaissons. N'est-ce pas tout au moins une invitation à la prudence? Si, d’ailleurs, l’on veut absolument trouver dans les soies des caractères différentiels entre les Lombries et les Naïs, il n'est pas sans 150 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. intérêt de rappeler ici certains faits que j'ai observés chez le Lombric terrestre et chez les Perichæeta d'une part, chez le Dero oblusa et chez quelques Waïs de l’autre. Chez ces derniers", âux dépens d’une même masse de protoplasma granuleux, se forment des sphérules qui sont les premiers indices non- seulement des matrices des soies, mais encore des muscles destinés à les mouvoir. Ces masses, d’abord identiques ou à peu près, se diffé- rencient de plus en plus. Les unes s’allongent graduellement en fu- seau, ce seront plus tard les fibres musculaires; les autres se gonflent en demeurant sphériques. Bientôt un noyau brillant, très-réfringent, apparaît à leur centre; puis un autre se forme à côté. Ce ne sont pas autre chose que les pointes du crochet double de chaque soie bifurquée. La hampe de la soie ne se forme qu'après, de sorte que celle-ci appa- raît d’abord par son extrémité périphérique, qui ne se modifie plus et grandit par son extrémité interne. Dans tous les cas, il semble qu'elle se forme aux dépens d’une cellule unique; tout au moins est-il impos- sible de décomposer en éléments plus simples la masse protoplas- mique au sein de laquelle apparaissent les premiers rudiments des crochets. Chez les Lombries et chez les Perichæta, les choses se passent autrement. Les plus jeunes matrices de soies que j'aie vues étaient com- posées de cinq grosses cellules, irrégulièrement triangulaires, pour- vues d'une épaisse membrane d’enveloppe, d'un noyau très-réfringent, nucléolé et entouré d’une masse granuleuse *. Ces cellules, en s’acco- lant, forment un follicule à l’intérieur duquel se voient, chez le Lom- bric, une lame transparente en triangle isocèle, homogène et inco- lore. L'une des cellules recouvre comme un chaperon la base du 1. Voir : Archives de Zoologie expérimentale, dirigées par M. de Lacaze Duthiers. — Janvier 1872. 2. Pl. 1, fig. 1 à 5. LOMBRICIENS TERRESTRES, 151 triangle et des stries granuleuses partant de son noyau se dirigent vers cette base. Fignore si quelque chose d'analogue se retrouve sur les autres cellules, je ne l'ai point observé. Quoi qu'il en soit, cette lame triangulaire grandit, sans s'élargir par sa base, en même temps que son sommet s’épaissit, se colore en jaune et prend peu à peu l'aspect de la pointe d'une soie. À un cer- tain moment, la lame basilaire arrive ainsi à ressembler à une palette rectangulaire se raccordant par l’un de ses côtés étroits à la moitié externe d’une soie ordinaire. Ici donc la soie n'apparait pas tout d'abord, elle est précédée d'une formation spéciale sur laquelle elle semble ensuite se former. D'ailleurs, quand la soie à acquis une certaine longueur, sa palette basilaire, loin de continuer à s’ac- croître, commence à se résorber et finit par disparaitre sans laisser aucune trace. Chez les Perichæta, au lieu d’une palette, c’est une sorte de bourre- let rugueux qui apparait d’abord, et la soie se montre au centre de ce bourrelet. I ya, d'après cela, une différence essentielle entre la formation des soies chez les Lombriciens et les Naïdiens que j'ai étudiés, et l'on voudra bien reconnaître que ces différences ne semblent pas être purement accidentelles. Les faits recueillis sont encore trop peu nom- breux pour permettre une généralisation ; cependant si la distinction que je signale venait à se confirmer, il faudrait, pour avoir le droit de rapprocher les Enchytræus des Lombriciens terrestres, en se fon- dant sur la forme de leurs soies, démontrer que chez eux les soies se forment comme chez ces derniers. Cette démonstration est encore à faire. 11 est possible qu'elle confirme le rapprochement que je cri- tique en ce moment; mais tous ceux qui ont examiné des soies d'En- chytrœus voudront bien reconnaître qu'à leur aspect on est plus tenté de les rapporter au mode de formation des soies des Naïs qu'à celui des Lombries. 152 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Voyons maintenant quels caractères nous fournit la disposition des soies sur le corps. I semble évident jusqu'ici que la disposition dominante des soies est celle que l’on peut constater chez notre Lombric indigène; elles forment le long des côtés du corps quatre bandes longitudinales dans chacune desquelles les seies sont disposées par paires. Il y a là quelque chose qui rappelle la disposition des pieds chez les Annélides. Néanmoins, cette disposition est loin d’être la seule. Nous avons vu que l’écartement graduel des soies d’une même paire nous fait passer chez les Titanus à une disposition nouvelle, les soies sont géminées et en quatre bandes à la partie antérieure du corps, isolées à la partie postérieure du corps de l'animal où elles forment huit bandes équidistantes. D'après Kinberg, on retrouve cette disposition dans les genres qu'ilnomme Àlyatie et Eurydame, originairesdes îles voisines de l’isthme de Panama ; au contraire, une disposition inverse s’observe, toujours suivant Kinberg, dans le genre Hegesipyle qui provient de Natal. Enfin l’écartement des soies d’une même paire, de manière à former huit bandes latérales équidistantes pour un même côté, se trouve réalisé dans toute l'étendue du corps chez les Hypogeons de Savigny, si l’on en croit cet habile observateur; de plus, une nouvelle rangée dorsale viendrait ici s'ajouter aux huit premières. Toutefois, Kinberg n'admet pas l'existence de cette neuvième rangée que nous n'avons jamais rencontrée; cela ne l'empêche pas de conserver le genre Æypogeon de Savigny. De nouvelles rangées peuvent cependant venir s’intercaler entre celles qui existent généralement. Et cela peut avoir lieu soit surtout en avant, comme dans le genre Lampito (Kinberg), de Mauritius, soit principalement en arrière comme dans les genres Amynthas, Nitocris, Pheretima, Rhodopis également de Kinberg et qui viennent, le premier de Guam, le second de Rio-Janeiro, le troisième de Californie et de LOMBRICIENS TERRESTRES, 193 Taïti, le quatrième de Java. Enfin, si cette addition se fait unifor- mément dans toute l'étendue du corps, nous obtenons le genre Peri- chœæta de Schmarda, auquel nous conduisent ainsi une série de modi- fications graduelles et pour ainsi dire ininterrompues. Les soies nouvelles peuvent d’ailleurs s'ajouter aux faisceaux de soies de deux paires sans que ceux-ci cessent de former quatre rangées longitu- dinales; on retrouve ainsi le Lumbricus mullispinus de Grube, pour qui M. Vaillant a proposé le genre £chinodrilus. Nous venons de supposer le cas d’une complication graduelle; mais. au lieu de s’écarter de l’autre, l'une des deux soies d’une même paire peut avorter et l'animal ne plus présenter que six soies sur chaque anneau comme les Tritogenia de Kinberg, ou même que quatre rangées de soies simples, comme cela arrive chez les Phreoryctes, si bien étudiés par Leydig. Enfin, on trouve encore signalées dans les auteurs deux autres modes de disposition des soies. Les Pontoscolex de Schmarda ont les soies alternes d’anneau en anneau, et cette disposition s’observe encore, mais à la partie antérieure seulement du corps, chez les Geogenia de Kinberg, origi- naires de Natal. Nous avons signalé une disposition analogue chez nos Urochæta. Les Megascolex de Templeton les ont rassemblées sur des papilles à la région dorsale. De ces genres, le dernier surtout aurait besoin d'être étudié de nouveau; Baird confond les Wegascolex avec les Perichæta. Quoi qu'il en soit, on voit combien peuvent être variées les dispositions que présentent les soies des Lombrics. D'après lPexa- men des individus du Muséum et les indications fournies par Schmarda et Templeton, j'avais pressenti qu'on devrait trouver un grand nombre de dispositions intermédiaires entre les Lombrics et les Perichæta d'une part, les Lombrics et les Pontoscolex de Schmarda de l’autre. Les descriptions données par Kinberg comblent VHI, 20 154 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. en partie ces lacunes sans qu'il cesse d'être probable que des com- binaisons nouvelles seront découvertes. Malheureusement, Kinberg parait s'être arrêté à l'examen extérieur des animaux, de sorte qu'il est impossible de savoir quels rapports peuvent exister entre les dispositions des soies qu'il indique et l’organisation intérieure de ses Lombrics. Il est tout à fait impossible, à mon avis, de recon- naître sûrement des genres uniquement fondés sur la disposition des soies, celles-ci pouvant être disposées exactement de la même manière chez des animaux très-dissemblables, les Lombrics, les Acanthodrilus et les Rhinodrilus, par exemple. Il est d’ailleurs per- mis de se poser cette question : Ÿ a-t-il un rapport quelconque entre ces divers modes de disposition et l’organisation interne des Lom- briciens de telle sorte que ces dispositions puissent prendre à posteriori une importance que tout d’abord on ne voit pas de raison de leur assigner ? Jusqu'ici, la réponse à cette question paraît devoir être néga- tive. Nous venons de voir, en effet, la disposition à quatre rangées de paires persister dans les types les plus divers; inversement des animaux que tout porte à considérer comme voisins, les Perichæta et les autres Postclitelliens, par exemple, diffèrent tout à coup sous ce rapporc. Nous croyons donc devoir considérer comme très-artificielle une classification exclusivement fondée sur la disposition des soies, de même que nous croyons assez secondaire le caractère de simplicité invoqué par Grube pour caractériser sa famille des Lombriciens pro- prement dits et adopté plus tard par M. Léon Vaillant qui paraît d’ail- leurs n'avoir pas connu à ce moment le mémoire de Kinberg, mémoire publié en suédois et par conséquent peu consulté; ce caractère est tout au moins insuffisant pour justifier le rapprochement sous un même titre d'animaux aussi dissemblables d'ailleurs que les ÆEnchy- trœus et les Lombriciens proprement dits. LOMBRICIENS TERRESTRES. 155 Il nous semble que si quelque chose différencie bien nettement les Lombriciens vrais, c'est la nature de leurs téguments constitués par une cuticule et une couche hypodermique parfaitement décrite par Claparède', tandis que l’on trouve à la place, chez les Naïs, un épithelium formé d'une couche unique de cellules nucléées et que le nitrate d'argent rend aussi nettes que possible; c’est la com- plication de leur appareil vasculaire constituant sous la peau un réseau très-complexe qu'on ne retrouve ni chez les Naïs ni chez les Enchylrœus; c’est enfin leur appareil digestif constitué sur un plan , des plus uniformes et s’écartant d'une manière bien nette de ce que l’on trouve chez les autres membres de la classe des Lombriciens. C'est cet appareil digestif que nous allons maintenant étudier. APPAREIL DIGESTIF. Dans tous les Lombriciens terrestres connus, l'appareil digestif peut être considéré comme un tube droit étendu de l'extrémité anté- rieure à l'extrémité postérieure du corps et dont les parois se spé- cialisent en certains points pour l’accomplissement de fonctions déterminées. C’est ainsi qu'on trouve loujours chez les animaux de ce groupe : 4° — Un pharynx glanduleux, piriforme, très-renflé ; 2 — Un œsophage plus ou moins allongé, à parois minces, transparentes, légèrement musculeuses ; 3° — Au moins un gésier renflé, en forme de tore ou d'anneau, à parois très-épaisses, très-musculaires et présentant toujours à l'extérieur un aspect nacré, analogue à celui des aponévroses des muscles des animaux supérieurs ; h° — Enfin, un éntestin proprement dit, présentant souvent un 1, Zeischrifl, loc. cit. 156 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. repli intérieur désigné sous le nom de Typhlosolis par Morren et par les auteurs qui l'ont suivi, par Claparède en dernier lieu. L'intes- tin est plus large que l'œsophage, un peu moins que le gésier; il paraît souvent étranglé à la hauteur de chacune des cloisons interan- nulaires ou dissépiments. Ses parois sont molles, flasques, glandu- laires; elles présentent en outre un lacis vasculaire très-développé qui paraît être ici un appareil d'absorption, bien plus qu'autre chose. Ce lacis se retrouve, comme on sait, chez les Naïdiens, où il est peut- être destiné à la fois à l'absorption des matières nutritives et à la respiration. Je n'ai rencontré jusqu'ici aucune exception, par réduction du nombre des parties, au mode de constitution de l'appareil digestif que je viens d'indiquer. Le genre australien que j'ai nommé Digaster présente au contraire un degré de complication aussi remarquable qu'inattendu. Il y a là, sur le trajet de l’œsophage, deux gésiers, musculeux, identiques entre eux, identiques aussi au gésier unique qu'on rencontre habituellement chez les Lombrics. L'un d'eux est situé comme d'habitude immédiatement en avant de l'intestin; l'autre, antérieur, est séparé de ce dernier par un tube membraneux, repre- nant le diamètre et la consistance ordinaire de l’œsophage. Cette disposition nous conduit à celle plus remarquable encore des Woniligaster, dont le deuxième gésier est formé de quatre poches musculaires consécutives et correspond à un nombre considérable d'anneaux. Les dispositions des parties du tube digestif relativement aux organes génitaux et aux organes d'impulsion du sang sont intéres- santes à étudier et d’ailleurs fort remarquables. Il se présente ici deux cas, suivant que les orifices génitaux sont placés ou non en avant de la ceinture. Chez les Lombriciens antéclitelliens que nous avons étudiés, le gésier s’est toujours trouvé placé en arrière des organes génitaux et de leurs LOMBRICIENS TERRESTRES. 157 organes accessoires, en arrière aussi des anses contractiles ou cœurs latéraux de l'appareil circulatoire. Dans ces Vers, l'œsophage est d’ailleurs très-allongé et la ceinture rejetée relativement très-loin en arrière ; quelquefois presque au milieu du corps. Au contraire, chez tous les Lombriciens intra ou postclitelliens, le gésier est placé en avant des testicules et des ovaires, C'est-à-dire en avant des organes essentiels de la génération. Il est également en avant des centres d'impulsion du sang, que ce soient des cœurs dorsaux impairs, comme chez l'Anteus, ou des cœurs latéraux, comme chez les autres Lombriciens. Quant aux poches copulatrices, elles peuvent être situées en avant ou en arrière du gésier. Il ne nous parait pas possible d'exprimer encore par une loi générale leurs rapports de position avec l'appa- reil digestif. Nous ne saurions trop rappeler d’ailleurs que les lois que nous exprimons ici sont celles qui résultent des faits exposés dans ce travail, elles en sont le résumé et nous ne prétendons nullement que l'étude de plus nombreux Lombriciens ne vienne pas les modi- fier en quelques points. Mais dans ‘une branche quelconque de la science il est impossible de procéder autrement. Une loi n'est jamais que l'expression des faits connus au moment où elle est énoncée. Il en est bien peu que le cours des temps n'ait pas modifiées. Si le tube digestif proprement dit se modifie à peine dans tout le groupe des Lombriciens terrestres, il n’en est pas de même des organes qui lui sont annexés et en particulier de ceux qui sont char- gés de l'élaboration des sucs digestifs. Les seuls dont l'existence puisse être actuellement considérée comme constante sont : le revêtement hépatique de l'intestin et les glandes pharyngiennes, qui sont probablement homologues de ce que l’on est convenu d'appeler glandes salivaires chez les animaux inver- tébrés et qui prennent une disposition des plus remarquables chez 158 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. les Moniligaster. Chez les Perichæta, nous avons vu quel degré de com- plication pouvaient atteindre les glandes qui s'ouvrent dans l'œso- phage. Sur l'intestin même, M. Vaillant a signalé un cœcum qu'il a vu chez le P, cingulata de Schmarda, que j'ai retrouvé sur une espèce originaire du Saïgon, et voisine du 2. posthuma. L. V., et sur toutes les autres espèces. Jusqu'ici, les Perichæta sont les seuls Lombrics qui se soient montrés aussi riches en organes glandulaires. Il ne faut pas oublier cependant que l'attention a été bien peu dirigée sur ce point, et il est probable que ces animaux ne demeureront pas aussi excep- tionnels à ce point de vue. Malheureusement, l'étude des glandes un peu délicates n’est possible que sur des individus frais, que l’ou n'a pas essayé jusqu'ici de se procurer, bien que cela soit relativement facile, les Lombries étant de tous les animaux mous ceux qui résistent le plus facilement aux voyages quand on les laisse dans la terre où ils ont été trouvés. Il résulte, comme on a pu le voir, de ce que nous venons de dire, que les caractères anatomiques tirés de la situation relative des organes digestifs et des autres organes des Lombrics coincident par- faitement avec le caractère extérieur tiré de la position des orifices génitaux relativement à la ceinture, ce qui semble venir à l'appui du groupement que nous avons adopté dans nos descriptions et dans le classement de la collection du Muséum. Il semble que les orifices génitaux, en se retirant en arrière, aient entrainé avec eux tout l'appareil génital et aient ainsi forcé les organes essentiels à enjamber le gésier, comme ils avaient eux-mêmes enjambé, plus ou moins complétement, la ceinture. Nous devons cependant faire remarquer que les poches copula- trices sont demeurées indépendantes de ce mouvement de retrait, puisque chez les Lombriciens intraclitelliens on les trouve aussi bien en avant qu'en arrière du gésier. Nous ne sommes pas certain de leur existence chez tous les Lombriciens intraclitelliens. Chez l'Anteus, où LOMBRICIENS TERRESTRES: 159 nous avons rencontré quelque chose qui leur ressemble, elles sont morphologiquement en arrière du gésier, bien qu'elles paraissent en avant par suite du refoulement à la hauteur du neuvième anneau, de ce dernier, qui dépend, comme nous l'avons dit, du sixième. Voilà donc un Lombricien intraclitellien où, par analogie, on croirait devoir chercher les poches copulatrices en avant du gésier, comme cela a lieu chez quelques postclitelliens et où elles sont cependant en arrière. La loi provisoire que nous avons énoncée s'ap- plique donc exclusivement, nous tenons à le préciser, aux organes génitaux essentiels, aux testicules et aux ovaires. DE L'APPAREIL CIRCULATOIRE. On sait que chez les Lombrics ordinaires, lappareil circulatoire se compose de trois vaisseaux longitudinaux; l'un dorsal, les deux autres ventraux et respectivement situés au-dessus et au-dessous de la chaîne nerveuse. Ces vaisseaux sont reliés entre eux par des anses latérales, accolées à l'intestin ou se ramifiant sous la peau. Le vaisseau ventral supérieur est particulièrement chargé de la circulation intestinale, le vaisseau sous-nervien de la circulation cutanée. Quelques-unes des anses latérales antérieures se renflent, prennent un aspect moniliforme, deviennent contractiles et constituent autant de cœurs latéraux. C’est là le type général que nous retrouvons chez la plupart des Lombriciens. Peut-être, chez les Perichæta, n'y a-t-il qu'un seul vaisseau ven- tal; mais c’est là un point encore douteux. Dans tous les cas, une relation qui parait constante, c’est le voisinage des cœurs et des testi- cules, de telle sorte que les uns et les autres se trouvent parfois dans 4160 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. les mêmes anneaux. Néanmoins, règle générale, les anses contractiles sont en avant des testicules, entre ceux-ci et le gésier dans les Lom- briciens intra et postelitelliens, et tout à fait en avant dans les autres. Cette règle n’est pas infirmée pour les anses contractiles ordinaires des Anteus et des Titanus ; mais là, à ces anses viennent s'ajouter des organes d’impulsion spéciaux, plus perfectionnés et qui se trouvent en arrière des testicules. Ces organes se constituent d'ailleurs soit au moyen du vaisseau dorsal, soit au moyen des anses contractiles laté- rales, comme je l’ai montré chez les Titanus et les Rhinodrilus*. Ces modifications dans le mode de formation des organes d’im- pulsion ne sont pas les seules qui méritent d'être signalées. Ainsi, au contraire de la simplification que nous avons dubitativement signalée chez les Perichæta, une complication se manifeste chez les Rhinodrilus par l'addition d’un second vaisseau dorsal. L'appareil de la circulation périphérique, celui de la circulation intestinale, semblent ici séparés; les cœurs à oreillette et ventricule dépendent de ce der- nier système, ainsi que les anses contractiles qui les suivent. Par les quelques linéaments que nous venons de tracer, on voit que l'appareil circulatoire des Lombriciens est loin d'être encore bien connu. IT présente d’intéressantes modifications qu'il serait utile de pouvoir étudier dans tous les groupes. Là encore il est indispen- sable de s'adresser à des individus frais, qu'on ne peut malheureuse- ment se procurer que très à la longue. 1. Voir dans ce Mémoire ce que j'ai dit précédemment au sujet de la constitution des cœurs latéraux véritables de ces genres et du cœur dorsal impair des Anteus, Perichæla et Urochæla, dans les chapitres relatifs aux diverses espèces de ces genres. LOMBRICIENS TERRESTRES. 161 APPAREILS D'EXCRÉTION. ORGANES SEGMENTAIRES. Nous nous sommes, dans la première partie de ce travail, posé la question suivante : « Doit-on, avec Ray Lankester, considérer les Lombriciens ter- restres comme typiquement pourvus de deux paires d'organes segmen- taires dans chaque anneau, toute la série supérieure de ces organes avortant généralement, sauf dans certains anneaux où les organes restants se modifient de manière à remplir certaines fonctions spé- ciales? » Si cela est, avons-nous dit, il doit se présenter des cas où l'avor- tement est moins complet que chez nos Lombrics indigènes, les seuls qui aient été bien étudiés; dans d'autres cas, l'avortement peut avoir été déplacé et nous devons trouver la série supérieure revenant à son développement normal, coexistant avec la série infé- rieure, ou prenant sa place. A la vérité, aucun de ces cas ne se fût-il présenté, nous n'avions pas le droit de conclure en toute rigueur contre l'hypothèse, mais si l’un ou plusieurs d'entre eux se rencontrent, cette dernière devient probablement, par ce seul fait, l'expression d'une réalité. Tout d'abord une question secondaire se présente. Comment distinguer l’un de l’autre les deux systèmes d'organes segmentaires, si l’un d'eux est seul développé? Comment caractériser chacun d’eux? Nous devons avant tout examiner cette question, et elle se trouve heureusement résolue par l'étude des animaux que nous avons eus à notre disposition. vint. 21 162 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Dans la grande majorité des cas (Lumbricus, Acanthodrilus, etc.) l'orifice externe des organes segmentaires se trouve placé légèrement au-dessus des soies de la rangée inférieure et toujours -en avant. Il semble donc déjà que cette relation prenne la valeur d'une loi morphologique. Mais nous avons vu que les soies de chaque paire ne demeurent pas toujours unies. Quand elles se séparent, comme chez les Titanus, de manière à former huit rangées longitudinales, que va-t-il arriver? L’orifice conservera-t-il sa position initiale: rela- tivement aux lignes médianes dorsale et ventrale, ou se: déplacera-t-il en même temps que les soies? Dans la première alternative, il est évident que nous devions chercher un autre point de repère pour déterminer la position de l'orifice en question ; dans la seconde, il est non moins évident que ce point de repère est tout trouvé : c'est la position des soies. loco- motrices. Eh bien, dans les Titanus, à mesure que les deux soies de la paire inférieure de chaque anneau s’écartent l’une de l’autre, nous voyons l'orifice des organes segmentaires se déplacer avec la soie supé- rieure, demeurer toujours dans son voisinage, en avant et un peu au-dessus, dans les relations mêmes où il se trouvait quand les deux soies étaient géminées. On peut donc se croire autorisé par ce fait, malheureusement unique, à énoncer cette loi : « L'orifice externe de la série inférieure des organes seymentaires est intimement lié à la soie supérieure de chaque paire inférieure de soies ; il est placé au devant et un peu au-dessus d'elle; àil la suit dans tous ses déplacements; ils se caractérisent mutuellement. » Ceci étant établi, il demeure évident que, par analogie, s’il existe un second système d'organes segmentaires, il devra proba- blement se trouver dans les mêmes relations morphologiques avec les soies de la rangée supérieure. LOMBRICIENS TERRESTRES. 163 L'est, en -elfet, ce que nous trouvons chez les Anteus, les Rhino- drèlus et les Moniligaster. Ici on voit une ligne d'orifices, en avant et au-dessus de chacune des soies supérieures de la rangée supé- rieure. [1 m'existe pas d'orifices en avant des soies de la rangée inférieure. Nous devons admettre en conséquence que, dans ces genres, nous avons affaire à un système d'organes segmentaires morphologiquement différent du premier, système que nous appel- lerons système des organes segmentaires supérieurs. Le système des organes segmentaires inférieurs a avorté. Ainsi, il est rendu au moins fort probable par ce que nous venons ile dire que les Lombrics possèdent bien typiquement deux paires d'organes segmentaires par anneau. Il est même digne de remarque que chez l'Anteus, dont les cloisons interannulaires anté- rieures sont si épaisses, ces organes segmentaires, sans presque se modifier, servent de canaux déférents. Malheureusement notre démonstration s'arrête à ces faits. Nous n'avons pas vu les deux systèmes d'organes coexister d'une mauière évidente; cela rendrait la démonstration complète. Mais les disposi- tions que nous venons de signaler rentrent d'une manière trop frappante dans les conséquences de l'hypothèse de Ray Lankester, pour qu'il soit actuellement impossible de ne pas lui accorder quelque valeur positive. Il semble donc que l’on puisse prévoir dès ce moment qu'on trouvera des Lombrics à huit rangées de soies isolées chez qui les organes segmentaires s'ouvriront en avant des rangées de soies les plus élevées, qu'on en trouvera d'autres chez qui l’une des deux séries existera dans une partie du corps, l’autre série se montrant dans le reste de l'animal, qu'enfin — au moins dans une certaine région du corps — les deux séries d'orifices pourront coexister. Il est bien fâcheux que Kinberg, qui a eu à sa disposition des Vers si curieux et d'origines si diverses, n'ait donné aucun détail sur ce point. 16h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM Il y a d’ailleurs parmi les Vers que j'ai décrits dans ce Mémoire, des animaux remarquables et qui réalisent presque la démonstration que j'ai essayé d'établir : ce sont les £udrilus. Là, comme dans l’An- teus et le Rhinodrilus, les orifices des organes segmentaires sont en avant des soies de la rangée supérieure. Nous avons donc affaire à des organes segmentaires supérieurs. Ces orifices se retrouvent avec tous leurs caractères, mais un diamètre un peu plus grand sur les an- neaux seize, quatorze, quinze et treize qui font partie de la ceinture. De plus. le seizième anneau porte une paire d'orifices qui sont exactement situés sur le prolongement des deux rangées inférieures de soies, exactement dans la situation que devraient occuper les orifices des organes segmentaires inférieurs. Seulement ici, les paires inférieures des soies de l'anneau ont disparu, et les orifices en question se trouvent reportés à la partie postérieure de l'anneau; cela s'explique suffisamment par la grandeur de ces orifices et les modifications apportées à leurs usages. Ces orifices sont en effet ceux des canaux déférents. L'absence des soies qui devraient leur correspondre, corré- lative du grand développement de ces orifices, semble bien indiquer ici qu'il y a une liaison morphologique intime entre ces deux sortes d'organes; elle confirme l'opinion que nous avons émise relativement à la nature de ces orifices, tendant à les faire considérer comme ceux d'organes segmentaires inférieurs. Par conséquent, nous trou- vons ici, dans un même anneau, les deux catégories d'organes super-. posées et, comme cela devait arriver quelque part, dans un rapport inverse à celui qu'on observe chez les Lombrics. Toutefois ces mêmes Eudrilus font naître une difficulté nouvelle. Leur quatorzième anneau porte, outre l’orifice segmentaire habituel, un orifice nouveau placé en arrière du premier et qui n’est pas autre chose que l’orifice com- mun d’un oviducte et d’une poche copulatrice. Par sa position, cet orifice rappelle celui des organes segmentaires et porterait à ratta- cher la poche copulatrice qui porte l’ovaire au système des organes LOMBRICIENS TERRESTRES, 165 segmentaires supérieurs. Comme cet organe el son orifice extérieur existent également dans le même anneau, on est bien forcé de repousser cette homologie, et la conséquence de ce fait semble être que les poches copulatrices, contrairement à une opinion que d’autres faits semblaient rendre probable, ne sont nullement des modifica- tions des organes segmentaires. Ajoutons cependant qu'ici la relation singulière que l'ovaire contracte avec les poches copulatrices peut servir à diminuer un peu la valeur de l’objection. Nous venons de nous occuper des Lombriciens qui portent huit soies sur chaque anneau. Que deviennent dans les autres les relations que nous avons tâché d'établir? Je laisse là une lacune que de plus heureux rempliront. Je n'ai pu observer parmi les Lombriciens pré- sentant plus de huit soies que les Perichæta et les Perionyr, et chez ceux-là il m'a été impossible de découvrir sur les téguments d’autres orifices que ceux des pores dorsaux, des poches copulatrices, des canaux déférents et des oviductes. A l’époque où j'ai eu des Perichæta vivants entre les mains, mon attention ne s'était pas encore portée sur les organes segmentaires, et je m'attachai d'autant moins à les rechercher que M. Vaillant ne les avait pas trouvés chez le P. cingulata et que je ne songeais en aucune façon à contrôler ses résultats, Je n’affirmerai donc pas posi- tivement ici que chez les Perichæta les deux systèmes d'organes segmentaires soient frappés d’avortement. Néanmoins cela ne me paraîtrait en aucune façon surprenant. Du moment que l'un de ces systèmes peut avorter d’une manière aussi persistante, que néanmoins l'avortement ne porte pas constamment sur l'un des systèmes de préférence à l’autre, il n’y a pas de raison pour que dans certains types l’avortement ne porte pas sur les deux systèmes à la fois”. 4. Depuis le moment où ce passage a été écrit, il m'a été possible d'étudier à ce point de 166 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Une autre question se pose ici : c'est celle de la nature des pores dorsaux, de leurs conditions d'existence ou de disparition, des :carac- tères que l’on en peut tirer. Malgré mon désir d'aborder ce pro- blème, je ne crois pas avoir encore de documents suffisants pour le résoudre. SYSTÈME NERVEUX. Le système nerveux des Lombriciens terrestres n’a pas été de ma part l’objet de recherches approfondies. Il paraît se présenter avec un grand caractère d’uniformité. Il me suffira d’ailleurs de renvoyer aux travaux de Faivre’ de Claparède* et de M. de Quatrefages* pour ce qui concerne l'anatomie ou l’histologie des Lombrics de nos pays. On peut lire d'autre part dans ce Mémoire même, au chapitre des Perichæta, un résumé de ce que M. Vaillant, d’une part, et moi, de l’autre, avons observé chez ces derniers animaux. Le plan général se trouvant le même, l'intérêt se porte surtout sur le système stomato-gastrique si complétement décrit par M. de vue d'assez nombreux Perichæla, conservés depuis peu dans l'alcool et en très-bon état; or, à l'extérieur de leurs téguments, ‘il m'a :été absolument mpossible ‘de «découvrir aucune trace d'orifice latéral; je n’ai pas davantage trouvé à l’intérieur d'indice des tubes entortillés caracté- ristiques des organes segmentaires; mais j'ai trouvé à leur place soit un réseau glandulaire, soit , des tubes delicats pourvus de vaisseaux,et qui évidemment en tiennent lieu. [l me paraît certain qu'ici il y a un avortement incomplet des deux systèmes d'organes, et il n’est pas sans intérêt de rapprocher cet avortement de ce fait que précisément il a lieu chez des Vers pour qui le mode de distribution des ‘soies rend illusoire la loi morphologique que nousavons précédem- ment énoncée. L'importance de ce rapprochement n’est pas diminuée par ce qui a lieu chez les Perionyæ qui possèdent des organes segmentaires bien développés, mais dont il m’a été cependant impos- sible de retrouver des orifices extérieurs. 4. Ann. Sc. Nat., 1856. 2. Zeitschrift für wissensch. Zoologie, 1869. 3. Règne animal. — Ed. Masson, et Annélides des Suites à Buffon de Roret. LOMBRICIENS TERRESTRES. 167 Quatrefages pour le Lombric terrestre et dont j'ai indiqué quelques traces chez le Perichæta Houlleti. Il y aurait aussi un grand intérêt à connaître exactement la dispo- sition des branches nerveuses dans chaque anneau, leur rapport avec les différents organes contenus dans ces anneaux, leur mode de ter- minaison, enfin la manière exacte dont chaque anneau est mis en communication nerveuse avec ses voisins. Ce sont là des recher- ches que j'ai commencées sur quelques Lombrics indigènes, qui ne peuvent être continuées avec avantage sur les divers types de la classe qu'après avoir été menés à bonne fin sur un type primitive- ment choisi. J'espère pouvoir publier bientôt un travail étendu sur ce point, en conséquence je ne m'étendrai pas davantage ici. Je dois dire pourtant que, même chez les vers les plus élevés, il m'a été impossible de rien voir qui püt être considéré comme un organe des sens bien défini. Il y a bien dans la peau quelques parties qui semblent en rap- port avec le sens: du toucher; mais le sens de la vue et celui de l’ouie paraissent complétement absents. Quant à l'odorat et au goût, qui se traduisent rarement à l'extérieur par des organes caractéristiques, on conçoit qu'il n’en puisse être ici question. APPAREIL GÉNITAL. Les Lombriciens sont actuellement considérés comme hermaphro- dites, tandis que les Annélides sont au contraire dioïques et c’est là un des caractères les plus frappants qui distinguent ces deux classes d’Annelés. Toutefois des recherches encore récentes sont venues enlever à ces différences le caractère absolu qu’elles ont eu longtemps. 168 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Parmiles Annélides et, dans des genres habituellement dioiïques, il s'est trouvé quelques espèces véritablement hermaphrodites. Ces découvertes n'ont cependant pas supprimé la valeur zoologique du caractère mis en lumière par M. de Quatrefages. C’est, en effet, dans les Annélides tout à fait inférieures seulement que l’hermaphroditisme a été constaté ; il est en quelque sorte, chez elles, une marque de dégra- dation de l'organisme et n’a pas plus d'importance pour la caractéris- tique générale de la classe que l'absence de soies qui a été signalée par M. Strethill Wrigth, M. Dyster, puis par M. van Beneden père, chez l'Annélide qu'ils ont nommée le premier Phoronis hippocrepia et le troisième Crepina. De même il n’est pas impossible que chez les Lombriciens l'her- maphroditisme ne soit pas absolument général. Nous avons vu en effet que, chez quelques Lombriciens intraclitelliens, il semblait que les sexes pussent se trouver séparés. Ces faits ont toutefois besoin de confirmation. Dans tous les cas, la dioïcité coïnciderait ici avec un degré plus grand de perfection de l'organisme. De telle façon que si, d'une part, les Annélides en se dégradant semblent passer aux Lombriciens infé- rieurs, inversement les Lombriciens en se perfectionnant paraissent revenir aux Annélides, du moins sous le rapport de la constitution de l'appareil génital. L'hermaphroditisme est d’ailleurs de beaucoup le cas le plus général; il y a donc lieu de considérer pour chaque ver : 1° L'appareil génital mâle et ses accessoires ; 2° L'appareil génital femelle et ses accessoires. 1° — APPAREIL GÉNITAL MALE. L'appareil génital mâle se compose de parties essentielles ce sont : Les Testicules ; LOMBRICIENS TERRESTRES. 169 Et de parties accessoires : 1° Les canaux déférents ; 2° Les glandes accessoires ; 3° Les vésicules séminales ; L° Les organes copulateurs. Nous nous occuperons successivement de chacune de ces parties. Des testicules. — Les testicules peuvent être au nombre de une, deux ou trois paires. Je n'en ai jamais trouvé davantage. Dans le premier cas, les testicules sont linguiformes, diversement ondulés et très-volumineux (Titanus brasiliensis). Le second cas, qui paraît être le plus fréquent, s’observe chez les Anteus, Rhinodrilus, Acanthodrilus, Perichæta, Digaster. En général, les testicules sont alors égaux, diversement lobés et formés par une masse pulpeuse, blanchâtre , demi-transparente , au milieu de laquelle se voient quelques taches d’un blanc de craie. Outre les spermatozoïdes, j'ai vu presque toujours de nombreuses gréga- rines où psorospermies, à tous les états de développement, remplir ces organes. Ce parasite paraît être constant dans les testicules des Lombriciens terrestres ‘, et sa forme varie très-peu avec les espèces de Lombrics qu'il habite. On doit signaler comme une exception remarquable les testicules en grappe des Digaster. On trouve enfin trois paires de testicules chez les Eudrilus et les vrais Lombrics. Seulement, chez les premiers de ces Vers, les trois paires de testicules sont quelquefois égales, tandis que chez les Lom- brics la première et la seconde paire sont bien moins développées que la troisième; cela m'a paru un fait général. J'ai déjà indiqué les rapports des testicules avec les organes voi- sins; je n'y reviendrai pas. J’ajouterai seulement que les testicules 4. PI. mr, fig. 63. VIII. 22 470 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. paraissent toujours attachés à la région postérieure et inférieure de la cloison antérieure des anneaux qui les contiennent. Je ne voudrais rien dire de général sur leur histologie, — les ani- maux conservés dans l’alcool ne se prêtant pas à ce genre d’études. Les indices de spermatozoïdes que j'ai pu voir semblent indiquer que ces éléments se développent exactement comme chez nos Lom- briciens indigènes. Il ne paraît y avoir aucun rapport entre le nombre des paires de testicules et la famille à laquelle appartiennent les Lombrics; au con- traire, jusqu'ici le nombre de ces organes paraît constant dans le même genre (Lumbricus, Perichæta, Acanthodrilus, ete.). Canaux déférents. — Règle générale, les canaux déférents sont au nombre de deux. Ils sont symétriques et constitués chacun par un canal étroit, appliqué contre la paroi ventrale du corps, souvent à demi enfoui dans le tissu musculaire du corps et par conséquent assez difficile à distinguer. D'une part, ce canal s'ouvre à l'extérieur directement ou indirec- tement; de l’autre, il se bifurque et chacune des branches nouvelles se termine par un épanouissement membraneux, en forme de pavil- lon, à surface plissée (Lumbrieus terrestris, L. americanus, Perichæta, etc.) ou papilleuse (L. Victoris). Ces pavillons sont formés de cellules con- stituant un épithelium vibratile très-actif. Les pavillons peuvent d’ailleurs affecter deux modes de disposi- tion différents : tantôt ils sont à peu près libres dans la cavité du corps. tantôt, au contraire, ils s'engagent dans la membrane d’enve- loppe du testicule et font ainsi corps avec la glande sécrétante. Ces deux dispositions se retrouvent dans le genre Lumbricus. I exisle, comme on sait, dans les espèces de notre pays et dans toutes celles du genre que j'ai examinées, trois paires de testicules. On ne trouve jamais pour ces trois paires de testicules que deux paires de LOMBRICIENS TERRESTRES. 171 pavillons vibratiles situés chacun entre deux paires de testicules con- sécutives. Chez nos Lombrics ces pavillons vibratiles sont égaux, engagés dans le tissu enveloppant du testicule et semblent desservir le pre- miér les deux petits testicules, le second le grand testiculé seule- ment. C'est là du moins ce qui résulte des figures de d'Udekem. Chez le Lombric de Damiette dont j'ai déjà parlé, sous le nom de L. Victoris, les pavillons vibratiles ont la même situation ét sont encore égaux; mais ils flottent librement dans la cavité du corps, et leur surface papilleuse apparaît dès qu’on ouvre l’animal comme un amas de villosités blanchâtres. Chez le Lumbricus americanus, les pavillons vibratiles sont encore libres; mais le pavillon postérieur prend un développement énorme et remplit toute la cavité générale, tandis que le pavillon antérieur conserve son volume normal. Chaque pavillon paraît du reste pouvoir desservir à la fois deux paires de testicules, et le développement énorme du second peut être considéré comme corrélatif du déve- loppement, lui-même très-considérable, de la troisième paire de tes- ticules. Ainsi, dans le genre Lombric, l'appareil génital est construit sur deux types un peu différents, les pavillons vibratiles des canaux excréteurs du sperme pouvant être ou non libres dans la cavité du corps. Il est d’ailleurs assez remarquable que les testicules étant au nombre de trois paires, les pavillons vibratiles demeurent néanmoins au nombre de deux seulement de chaque côté du corps. Faudrait-il voir dans les deux premières paires de testicules une division en deux lobes profonds d’une glande ne constituant primiti- vement qu’une seule paire? Je ne saurais le dire en ce moment; mais cette hypothèse ramènerait les Vers du genre £umbricus au type qui paraît être le plus général chez les Lombriciens. 472 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. D'ailleurs, chez les £udrilus, les trois paires de testicules sont bien évidemment indépendantes, et chacune m'a semblé posséder sa paire spéciale de pavillons vibratiles, engagée comme chez nos Lom- brics indigènes dans la membrane d’enveloppe du testicule ; toutefois mes observations sont incomplètes en ce qui touche le nombre de ces pavillons. Chez tous les autres Lombriciens que j'ai examinés, sauf peut- être les Moniligaster, les pavillons vibratiles sont en nombre égal à celui des testicules et toujours libres dans la cavité générale. Il est bon de noter ici que les Acanthodrilus et les Moniligaster, avec leurs quatre orifices génitaux et leurs quatre canaux déférents, portant ordinairement chacun son pavillon vibratile, semblent indi- quer qu'il faut considérer la paire unique de canaux déférents des autres Lombriciens comme résultant de la fusion de deux paires primitives qui ne demeurent séparées que par leur extrémité libre. C’est là un point de morphologie qu'il serait intéressant d'élucider par l’étude d’un plus grand nombre de types. Peut-on et doit-on considérer les canaux déférents comme homo- logues des organes segmentaires? Je n'hésite pas à répondre oui à cette question, et voici mes raisons : A Chez l’Anteus gigas, ce sont les organes segmentaires eux- mêmes, sans aucune modification de position et presque sans aucune modification de forme, qui jouent le rôle de canaux déférents. 2° Les orifices de ces canaux occupent toujours à peu près la même position que ceux des organes segmentaires correspondants. 3° Leurs relations avec les soies sont évidentes, puisque chez le Rhinodrilus les soies voisines se modifient de manière à jouer un rôle nouveau en rapport avec le rôle, nouveau lui-même, que l'organe seg- mentaire modifié est appelé à jouer. — Ce rapport est encore plus évi- dent chez les Acanthodrilus, où les orifices des organes segmentaires devenus canaux déférents et ceux des sacs sétigères correspondants LOMBRICIENS TERRESTRES, 173 se confondent. Toutefois ce rapport cesse de se montrer pour l’un des systèmes d’orifices mâles chez les Woniligaster. h° L'existence démontrée de deux systèmes d'organes segmen- taires correspondant à chaque série de soies, dans le type schéma- tique du Lombric, élimine l’objection provenant de la coexistence des organes segmentaires et des canaux déférents dans un même anneau. A la vérité un certain nombre de questions me paraissent encore obscures. On sait que, sauf chez les Anteus, les canaux déférents traversent généralement plusieurs anneaux, tandis que les organes segmentaires sont assez souvent à cheval sur deux anneaux, mais jamais plus, — habituellement même ils sont contenus tout entiers dans le même anneau. Cela étant, à quel anneau faut-il attribuer les canaux défé- rents? Doit-on en faire des dépendances de l'anneau qui porte leur ori- fice? C’est là la première idée qui se présente; elle est d’ailleurs con- forme à la manière de voir généralement adoptée pour les Naïs, où l'on ne considère que l’orifice externe des organes segmentaires pour caractériser ces derniers. Mais si l’on remarque que les organes seg- mentaires des Lombriciens terrestres ne portent jamais qu'un pavillon vibratile, tandis que les canaux déférents en portent deux, si l'on se souvient que chez les Acanthodrilus et les Moniligaster, ces canaux demeurent dédoublés dans toute leur étendue et ne portent alors chacun qu'un pavillon vibratile; si l’on ajoute enfin que les canaux déférents sont en général beaucoup plus volumineux que les organes segmentaires correspondants, on arrive à se demander s’il ne faut pas considérer chaque canal déférent comme résultant de la fusion de plusieurs organes segmentaires et il reste alors à déterminer le nombre et la position de ceux de ces organes qui se sont ainsi confondus. J'avoue qu’il ne m'est pas possible, dans l’état actuel de mes con- naissances, de décider ce qu'il faut penser de cette manière d'envi- 474 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. sager les canaux déférents et des questions secondaires qui S'y ratta- chent. Une autre lacune qui me paraît importante à combler est celle-ci : dans les anneaux où se trouvent à la fois les organes segmentaires et les canaux déférents, quels sont les rapports exacts des uns ét des autres ? Par l'inspection des orifices extérieurs il m'a été difficile de me faire une idée précise de ces rapports; quant aux dispositions inté- rieures, je n’ai encore que des données trop incomplètes pour qu'il me soit possible de formuler un jugement. Malgré l'attention que j'ai portée sur ce‘point, je crois donc devoir réserver encore mon opinion. Je reprendraï, je l'espère, ce sujet avec d’autres matériaux et je ferai mes efforts pour lélucider. C'est là, du reste, il faut bien le reconnaître, la pierre de touche des idées morphologiques dont je viens de me déclarer partisan et auxquelles je renoncerais sans plus d’hésitation si les faits qui restent à découvrir ne venaient pas se coordonner facilement autour d'elles. Glandes accessoires. — C’est un fait très-rémarquable que, parmi tous les Lombriciens que nous avons étudiés, ceux-là seulement dont les orifices génitaux mâles sont en arrière de la ceinture se soient montrés pourvus d’une glande accessoire plus ou moins assimilable à une prostate, et que d’ailleurs aucun d’entre eux n’en ait été privé. J'ignore si des exceptions se présenteront plus tard à cette loi, qui se présente cependant avec un caractère de netteté inspirant une grande confiance. Comment sont constituées ces glandes? J'ai pu le rechercher sur quelques échantillons vivants. Comme on peut le voir par la figure que nous en donnons’, la prostate lobée des Perichæta est constituée par un tissu conjonctif assez 4, PL m1, fig. 56. — Perichœæta Houlleti. LOMBRICIENS TERRESTRES. 175 lâche unissant un nombre considérable de culs-de-sac piriformes, à contours granuleux et qui noircissent par le nitrate d'argent faible, tandis que le tissu intersticiel demeure blanchâtre. On arrive ainsi à mettre bien nettement en évidence la constitution de ces organes. Les culs-de-sac se prolongent d’ailleurs en conduits grêles qui s’abouchent successivement les uns avec les autres et finissent par se rendre dans le canal excréteur unique de la glande, canal qui s'ouvre lui-même directement dans le canal déférent. Cette structure est évidente sans préparation chez le Perichæta elongata. Une structure analogue se voit chez les Acanthodrilus et les Digaster. Vésicules séminales. — Chez les Eudrilus, à la place de la prostate, on voit un simple tube à parois translucides en avant, d'aspect laiteux en arrière, à surface lisse et comme tendue par un liquide. Ce tube très-volumineux est quelquefois accompagné d’un diverticulum en forme d’'Y; je n’ai pu en faire l'étude histologique. Mais tout porte à considérer cet organe comme une véritable vésicule séminale. C’est encore la signification qu'il convient, croyons- nous, d'attribuer à la longue poche à extrémité réfléchie dans laquelle vient s'ouvrir le canal excréteur de la deuxième paire de testicules chez les Moniligaster. Appareils copulateurs. — C’est principalement aussi chez les Lom- briciens postclitelliens que des appareils copulateurs nettement définis se sont montrés. Parmi les intraclitelliens, les Æ£udrilus sont pourvus d’un appareil de ce genre. De même que chez les intraclitelliens nous avons vu îes centres d’impulsion du liquide sanguin se constituer au moyen de parties très-différentes de l'appareil circulatoire, et se Com- pliquer plus où moins quand ils se constituaient aux dépens d’une partie déterminée; de même, nous allons voir dans la classe des Lom- briciens une certaine partie, se compliquant graduellement, donner 176 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. finalement un pénis absolument parfait, et celui-ci se constituer dans d'autres cas au moyen de parties toutes différentes. Chez les Perichæta‘ qu'il a étudiés, M. Vaillant ne signale rien qui ressemble à un pénis; suivant cet anatomiste, le canal de la prostate et le canal déférent s'unissent en un tube extrêmement court qui s'ouvre directement au dehors. Ici donc, si l'on s'en rapporte aux figures et aux descriptions de M. Vaillant, il n’y aurait même pas de rudiment d’un pénis. Chez les Digaster et les Moniligaster, on voit déjà quelque chose de plus. Le canal déférent très-grêle vient se jeter dans le canal excréteur de la prostate, au point même où celui-ci sort de la glande*. Il en résulte un canal mixte beaucoup plus volumineux que le canal défé- rent, assez allongé, à parois flasques et molles, présentant quelques fibres musculaires et que l’on peut considérer comme le premier rudiment d’un pénis. En effet, chez le Perichæta Houlleti, ce canal se renforce de fibres musculaires longitudinales et annulaires formant une couche épaisse autour de ses parois et leur donnant avec une grande opacité, une solidité considérable et un aspect nacré. Ce canal est habituellement recourbé en fer à cheval, de manière que ses deux extrémités soient rapprochées l’une de l’autre. Bien que je sois tenté de croire le con- traire, il est possible qu'il fasse saillie au dehors lors de l'accouple- ment et joue à cet instant le rôle d’un véritable pénis. Quoi qu'il en soit, voilà une partie de l'appareil excréteur du sperme qui com- mence évidemment à se distinguer du reste du canal déférent, plus que la partie correspondante des Digaster et qui joue évidemment un rôle actif dans l’accouplement. Cela justifie pleinement notre détermination de cette partie comme un pénis rudimentaire. 4. Perichœæta posthuma. L. V. et P. cingulata. Schmarda. Ann. Sc. Nat. loc. cit. 2. PI. u, fig. 25, et pl. 1v, fig. 79. LOMBRICIENS TERRESTRES. 177 Enfin, chez les £udrilus, la spécialisation est complète. Le pénis est encore formé par l'extrémité du canal mixte résul- tant de la jonction du canal déférent et du canal issu de la poche homologue en apparence de la prostate; mais de nouvelles parties secondaires se surajoutent au pénis proprement dit. Ce dernier est rétractile ; il a la forme d'un crochet musculaire dont la concavité est tournée vers la queue de l’animal'. A sa base, ce crochet présente inférieurement une poche sphérique assez volumineuse qui peut, comme lui, rentrer à l’intérieur. C'est là une seconde vésicule ne jouant son rôle que immédiatement avant ou pendant la fécondation. Lorsque cet appareil copulateur si complet est rétracté, on ne l'aperçoit ni à l’intérieur ni à l'extérieur du corps ; cela tient à ce qu'il est alors renfermé dans une poche spéciale en forme d'ampoule circu- laire où ses diverses parties sont disposées comme l'indique la figure 27 de la planche Il. On voit alors le canal déférent et le canal de la vésicule séminale pénétrer isolément dans cette ampoule ou bourse du pénis; ils n'ont pas besoin de s’unir auparavant, les sécrétions qu'ils conduisent, si elles sont distinctes, tombant dans la poche rétractile dont j'ai déjà parlé et qui peut être considéré comme une seconde vésicule séminale. Dans le cas où on admettrait que la vésicule sémi- nale fût également glandulaire, cette seconde poche ne serait pas seulement un réservoir du sperme, ce serait un réservoir du liquide mixte qui est éjaculé, Je viens de décrire le plus haut degré de perfectionnement qu'at- teigne, à ma connaissance, le pénis musculaire, formé aux dépens des parois des canaux excréteurs des glandes par la simple addition des fibres musculaires. Mais le pénis peut encore se constituer au moyen d'organes empruntés à un autre système, le système locomoteur. Que faut-il pour faire un pénis? Un canal éjaculateur et un appa- 4. PI. n, fig. 27 et 28. VIII, 23 178 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. reil de soutien quelconque destiné à donner à ce canal une rigidité suffisante pour pénétrer dans l’orifice des organes femelles. Tout à l'heure nous avons vu cette rigidité produite au moyen de fibres musculaires; nous allons la voir maintenant empruntée aux soies locomotrices. Que certaines soies puissent jouer un rôle dans l’accouplement, c'est là un point que Hering a le premier signalé. On les voit alors se modifier dans leurs formes, s’allonger beaucoup, de courbées qu'elles étaient devenir droites’, ou se couvrir d'ornements spéciaux ?. Ce sont en général les soies de la ceinture qui se modifient ainsi; mais, chez les Rhinodrilus, ces soïes sont en même temps les plus voisines des ori- fices génitaux mâles. Ainsi il ne saurait être douteux que les soies locomotrices puissent se prêter à une adaptation spéciale en vue de l’accouplement. C'est d’ailleurs toujours au voisinage des soies, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, que s'ouvrent soit les organes segmentaires, soit les canaux déférents. Chez les Acanthodrilus, les canaux déférents et les sacs sétigères des anneaux correspondants ont la même ouverture, de telle sorte que les soies sont appliquées à la paroi intérieure du canal déférent. Ces soies deviennent d’ailleurs plus nombreuses, prennent une forme spé- ciale déjà décrite dans la deuxième partie de ce mémoire *, et sont renforcées d'assez nombreuses soies de remplacement plus courtes et incolores. L'ensemble de ces soies forme un véritable pénis recourbé qui fait généralement saillie au dehors et qu'on ne peut mieux com- parer qu'aux longs spicules de certains Nématoïdes. Ici, on le voit, l'adaptation des soies au rôle d’organe copulateur est complète ; leur forme et leur longueur paraissent les rendre tout à fait inaptes au rôle d'organes locomoteurs. 1. Lombrics, pl. 1, fig. 8. 2. Rhinodrilus, pl.1, Gg. 10 et 41. 3. Acanthodrilus, pag. 87 et 90, LOMBRICIENS TERRESTRES. 179 els sont les deux modes de formation du pénis qu'il m'a été donné d'observer chez les Lombriciens postclitelliens. J'ai dit que les organes copulateurs manquaient chez les autres. En effet, chez les antéclitelliens je n'ai rien vu qui rappelât même de loin un pénis. Mais chez les intraclitelliens, dans le genre Titanus, si le pénis n'existe pas lui-même, on trouve quelque chose d’analogue à la bourse du pénis des £Zudrilus, également intraclitelliens. Là, le canal déférent, avant de s'ouvrir à l’intérieur, s’élargit en une sorte d'am- poule aplatie, ayant la forme d’une ellipse, dont le grand axe serait longitudinal ‘. Cette bourse est reliée aux parois du corps par trois brides latérales et extérieures ; son aspect étant le même que celui de la bourse du pénis des Eudrilus, on s'attendrait volontiers à trouver aussi un pénis dans son intérieur; mais si on vient à la fendre, on trouve simplement sur ses parois quelques papilles qui lors de l’ac- couplement font peut-être légèrement saillie à l'intérieur. On pourrait concevoir que ces papilles en s’allongeant et s’accolant l’une à l’autre puissent dans d'autres espèces former un vrai pénis; je ne serais donc pas surpris que cela ait été réalisé dans des types autres que ceux dont je me suis occupé, et qu’on le retrouvât en particulier chez quelques postclitelliens. | De même l'existence de soies modifiées chez les Rhinodrilus, au voisinage des orifices génitaux, semble indiquer que le second mode de formation du pénis que j'ai indiqué chez les postclitelliens pourra aussi se rencontrer chez les intraclitelliens. Toutelois je dois faire remarquer que ces soies modifiées se trou- vant ici sur la ceinture, comme cela a lieu chez les Lombrics, il est possible que leur adaptation ait suivi une autre voie, car chez les Lombrics ces soies ne deviennent jamais pénis. Le second mode de formation de l'appareil copulateur a donc, en quelque sorte, une 180 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. chance de moins que le premier de se rencontrer chez les Lombriciens intraclitelliens. J'ajouterai enfin que tous les Lombriciens à appareil copulateur bien développé se sont montrés en même temps porteurs d’une prostate ou d’une vésicule séminale. Il y a peut-être entre l'existence de ces deux organes une relation de cause à effet qu'il serait inté- ressant d'établir et qui deviendrait probable s’il se vérifiait que l'existence de ces accessoires ne peut cadrer avec la situation anté- clitellienne des orifices génitaux mâles, et qu’en même temps les animaux présentant cette disposition n’ont jamais que des organes copulateurs mâles rudimentaires. On voit combien de questions d'anatomie philosophique soulève l'étude des organes génitaux mâles des Lombrics. Puis-je espérer avoir jamais assezlfdeMdocuments pour les résoudre? S'il inspire à d’autres le désir d'aborder ces question, mon travail n’en aura pas moins porté ses fruits. J’aborde maintenant l’étude comparative des organes génitaux femelles. 2 —_ APPAREIL GÉNITAL FEMELLE. Dans l'appareil génital femelle, nous trouvons aussi des parties essentielles : Les Ovaires; Et des parties accessoires qui sont: 4° — Les Oviductes ; 2° — Les Poches copulatrices. De ces diverses parties, les ovaires et les oviductes sont en général d’une délicatesse et d’une petitesse extrêmes; leur décou- verte ne remonte pas à plus de quinze ou vingt ans, et leur étude est toujours difficile. Aussi n’aurons-nous pas grand’chose à en dire à LOMBRICIENS TERRESTRES. 181 propos d'animaux conservés dans l'alcool et où tous les organes sont plus ou moins flétris. D'ailleurs, les ovaires ne peuvent être sûrement reconnus qu'au moyen de l'examen histologique, qui est trop souvent impossible sur les animaux conservés. Nous avons eu heureusement à notre disposition quelques individus vivants, d'autres assez bien conservés, ce qui nous permettra de donner néanmoins un certain nombre de détails qui paraîtront nouveaux. Ovaires. — Chez les Lombrics indigènes, les ovaires sont, comme on sait, de petits corps piriformes, intimement unis aux! tissus sous- jacents et situés de chaque côté de la chaîne ventrale dans le douzième ou le treizième anneau. Ils sont assez difficiles à voir et à étudier. Cette disposition n’est pas générale et il y a un certain nombre de Lombriciens chez qui les ovaires sont beaucoup plus faciles à apercevoir. Parmi eux se trouvent deux animaux que j'ai pu observer vivants : le Lombric de Damiette que j'ai appelé Lumbricus Victoris, et le Perichæta Houlleti. Chez le premier de ces animaux, les ovaires forment deux petites glandes étroites et mamelonnées suspendues perpendiculairement à la face postérieure de la cloison antérieure du quatorzième anneau. Ils sont très-évidents dans la préparation dès qu’on ouvre l'animal ; mais on est porté à les méconnaître quand on se rappelle la disposi- tion ordinaire de ces organes chez les Lombrics. Aussi ne fus-je pas peu surpris, en portant ces petites glandes sous le microscope, de les trouver remplies d'œufs. Je me rappelai alors avoir vu chez d’autres Lombriciens conservés dans l'alcool, quelque chose d’analogue. Mal- heureusement, l'examen histologique de ces parties étant impossible, je n'avais pu m'assurer de leur nature, et je n’ai pu retrouver dans mes notes d'indications suffisamment précises à leur sujet. Chez le Perichæta Houlleti, les ovaires sont encore plu visibles et ont une forme toute spéciale. Ce sont des disques membra- 182 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. neux ‘ remplis d'œufs et supportés par un long pédoncule très-grêle. Ce pédoncule est fixé à la base de la cloison postérieure du treizième anneau, il est traversé par des vaisseaux qui.se rendent au disque, s'y épanouissent en rayonnant et forment, en se bifurquant, une anse double autour de la plupart des œufs. Les deux branches résultant de la bifurcation se réunissent de nouveau après s'être repliées et con- stituent un vaisseau de retour qui regagne le pédoncule. La membrane qui forme le disque est formée d'une simple couche de cellules, à noyaux très-apparents. Nous avons eu occasion de signaler chez d’autres Perichæta des formes plus élémentaires. Rappelons encore ici les ovaires si évidents des Perionyæ et des Moniligaster, et ceux des Æ£udrilus greffés sur les poches copula- trices. Chez les Anteus et Titanus dont la taille est si considérable, j’espé- rais trouver quelque chose qui rappelât l'ovaire ; cela m'a été impos- sible. Rapprochant ce fait de l'absence, au moins chez les derniers, de poches copulatrices, on voit que là l’hermaphroditisme est loin d'être évident. Les Woniligaster nous montrent cependant que les ovaires peuvent exister sans qu'il y ait pour cela nécessairement des poches copulatrices, La question demeure donc entière. Oviductes. — Je n'ai étudié les oviductes que chez les Perichæta et chez les Honiligaster ; je renvoie pour leur étude à ce que j'en ai dit en parlant de ces Vers et aux figures que j'en donne *. Chez les Perichæta, ces appareils ressemblent absolument à ceux que Hering a décrits chez le Lumorieus terrestris; ils sont plus développés et un peu plus complexes chez les Moniligaster. IL est probable que l’existence de ces organes est constante. 4. PI. ur, fig. 60. a. PI. mi, fig. 62, et pl. 1v, fig. 81 et 84. LOMBRICIENS TERRESTRES, 183 Rien n'indique jusqu’à présent qu'on doive les considérer comme des modifications des organes segmentaires. Poches copulatrices. — Les poches copulatrices soulèvent d’intéres- santes questions au point de vue morphologique. Elles varient non- seulement dans leur forme, mais encore dans leur nombre et dans leur position relativement aux autres organes de l'animal. Je n'ai aucun exemple bien constaté de leur variation de position relative- ment aux autres parties constitutives de l'anneau dans lequel elles sont situées. Les variations de forme et de nombre peuvent s'expliquer très- facilement par des réductions ou des avortements plus ou moins complets, portant soit sur la totalité, soit sur certaines parties de l’or- gane. Les variations de position relativement aux autres viscères s'expliquent plus difficilement. A la vérité, nous avons constaté ailleurs un déplacement analogue du gésier; mais le gésier n'étant autre chose qu'une partie du tube digestif modifiée d’une certaine façon, on conçoit sans peine que cette modification puisse se produire plus haut ou plus bas. Ces changements, qui portent sur le point où un organe déjà formé subit une modification spéciale, n’ont pas la même importance que ceux qui portent sur la position relative de deux organes indépendants, lesquels, dans un même type, doivent toujours naître dans la même position et gardent pendant toute la durée de la vie de l’animal des traces plus ou moins évidentes des relations qu'ils présentaient d’abord. C’est là ce qu'on observe chez tous les animaux dont l'organisme ne peut être scindé en unités infé- rieures, plus ou moins près de s’équivaloir, chez les mollusques, par exemple, et jusqu'à un certain point chez les vertébrés où l'unité de l'individu prime, plus que partout ailleurs, l'individualité des unités inférieures, des segments dans lesquels on a voulu diviser ces animaux, à l’imitation des annelés. 18/1 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Un Ver, au contraire, est en quelque sorte la réunion d'indivi- dualités nombreuses, placées bout à bout, plus ou moins incompléte- ment fusionnées, présentant d’un bout à l’autre les mêmes organes, répétés dans chaque anneau et capables de se modifier de manière à remplir telle ou telle fonction nécessaire à l'existence ou à la pro- pagation de l'individualité collective. Cette manière d'envisager un Ver conduit à penser que les rela- tions de position des organes ne sont fixes que dans un même anneau; mais qu'aucune loi morphologique nécessaire ne détermine la posi- tion de l’anneau dans lequel un organe, faisant partie d'un système donné, peut subir telle ou telle modification en vue d'une adaptation spéciale. La modification en question peut se produire dans un anneau ou dans un autre, suivant les conditions dans lesquelles l'animal est destiné à vivre. Ainsi, typiquement, les anneaux ayant tous la même constitution, lorsque dans l’un d’eux un organe en apparence nouveau apparaît, il y a toujours lieu de se demander si cet organe est bien en réalité une formation nouvelle, ou s’il ne résulte pas de quelque modification d’un organe préexistant. Nous aurions pu nous poser cette question pour les testicules et les ovaires qui sont évidemment homologues entre eux, mais il est bien probable que ce sont là des formations nouvelles; nous ne nous y sommes pas arrêtés. Nous nous sommes posé cette même question pour les canaux déférents et nous en avons peut-être avancé la solu-. tion. Elle se représente maintenant pour les poches copulatrices. Remarquons d’abord qu'avec la manière de considérer les annelés que nous venons de développer, les changements de position qu’elles présentent relativement aux autres organes n’ont plus rien d’extraor- dinaire, qu'on les considère comme des formations nouvelles ou comme de simples transformations d'organes préexistants. Il faut néan- moins choisir entre ces deux manières de voir. LOMBRICIENS TERRESTRES. 185 La dernière est, à priori, la plus probable. En effet, les orifices des poches copulatrices sont exactement placés comme le seraient ceux des organes segmentaires supérieurs, dans la plupart des Lombriciens, aussi tant qu'on n'a pas eu montré des cas où les poches copulatrices coexistaient dans le même anneau avec les deux paires d'organes segmentaires ou des organes qui en soient certainement dérivés, cette manière d'envisager les poches copulatrices s’imposait d'elle-même à l'esprit. Pour mon compte je n'ai longtemps rien vu qui fût contraire à cette manière de voir; puis les £udrilus sont venus présenter une exception assez singulière sous ce rapport, et dès lors j'ai dû revenir à la première interprétation. Néanmoins, je dois le dire, il faudrait pour l’établir solidement des faits plus nombreux que ceux que nous possédons actuellement. L'étude des organes segmentaires est délicate; elle se fait mal sur des individus conservés dans l'alcool; je crois donc qu’il est bon de réser- ver encore son jugement définitif, tout en indiquant néanmoins sa tendance vers une opinion déterminée. Voici maintenant les faits que j'ai pu observer, je les grouperai en signalant les lacunes que j'ai dû laisser dans mes recherches. Le nombre des poches copulatrices varie de quatre paires à une seule paire. Il existe quatre paires de poches copulatrices chez les Perichæta cingulata et posthuma et chez le P. affinis; je n'en ai trouvé que trois paires chez le P. Houlleli et chez un autre d'espèce douteuse que j'ai observé. Il n'existe également que trois paires de poches copulatrices au plus chez les Lombrics; je n’en ai trouvé que deux chez le L. Americanus, chez les Acanthodrilus, les Perionyr, certains Pericheta et les Digaster. Enfin il n’en existe qu'une seule chez les £udrilus et quelques Perichæta, et pas du tout chez les Titanus et les Moniligaster. Voilà donc un organe sujet à de nombreuses variations comme nombre: ses variations de position ne sont pas moins nombreuses. >, VII. 24 186 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. En effet, dans la grande majorité des cas, les poches copulatrices sont situées en avant des testicules, tout à fait dans la région antérieure du corps; c’est ce que l’on voit chez les Acanthodrilus, les Digaster, les Peri- chœtaetbien d’autres genres que nous n'avons pas examiné directement. Chez les Lombrics il arrive le plus souvent que les poches copu- latrices se trouvent au moins en partie dans les mêmes anneaux que les testicules. C’est ce qui se voit chez le L, Americanus en particulier. Il semble que les organes génitaux ayant tous été ramenés en avant de la ceinture, il y ait eu empiétement de leurs diverses parties les unes sur les autres, de telle sorte que celles qui se trouvaient primi- tivement fournies par des anneaux différents sont maintenant placés dans les mêmes anneaux. Enfin chez les £udrilus, les poches copulatrices, réduites à une seule paire, ont complétement enjambé les testicules et se trouvent maintenant situées en arrière, mais dans un anneau différent. Ainsi. dans tous les Lombriciens postclitelliens et intraclitelliens, quelle que soit la position des poches copulatrices. elles se sont jusqu’à pré- sent toujours montrées dans des anneaux différents de ceux qui ren- ferment les testicules. Au contraire, chez les Lombriciens antéclitelliens, ces deux sortes d'organes peuvent se trouver dans le même anneau. Il est possible que ce mode de disposition soit en rapport avec la place moins grande attribuée chez ces derniers à l’appareil génital remonté tout entier en avant du gésier et de la ceinture et n’occupant que sept ou huit anneaux environ, au lieu de dix à quinze anneaux qui lui sont dévolus, dans les postclitelliens; néanmoins nous ne devons jusqu'ici considérer ces résultats que comme provisoires. Chez les /nfraclitelliens, ce que l’on peut considérer comme les poches copulatrices, chez l'Anteus, sont deux organes piacés en avant des testicules dans des anneaux différents. Chez les Titanus, je n'ai pas vu de poches copulatrices. LOMBRICIENS TERRESTRES. 187 Je n'ai pas besoin d'insister, je pense, sur la facilité avec laquelle s'expliquent les variations de nombre &t de position des poches copu- latrices, que l’on considère ces dernières comme dés modifications spéciales d'organes préexistants qui né pourraient être, céci admis, que les organés ségméntaires, où qué cé soient, au contrairé, des organes nouveaux. La forme des poches copulatrices n’est pas moins variablé que leur disposition. Chez les Lombrics, ce sont «lé simples poches sphériques, plus ou moins volumineuses; chez lès Perichæta étudiés par M. Léon Vail- lant, elles sont piriformes et présentent sur lé côté un pétit diverti- culum; nous avôns retrouvé la même disposition chez un Pertchæla très-voisin du 2. posthuma, si ce n’est lé même dans uñ autre état de développement et qui provient de Cochinchine. Cét individu, préparé de manière à montrér ses organes intérnes, à été déposé par nous dans les collections du Muséum ; il provenait d’uti énvoi du Coniptoir d'escompte de Saïgon. Chez le Perichæta Houlleti, dont nous avons fait une étude assez approfondie, les poches copulatrices sont plus complexes. Elles se composent, comme on l'a vu, de trois parties; l’une piriforme, plus grosse que les autres et assez longuement pédonculée, est la véritable poche copulatrice ; elle est attachée par l'extrémité de son tube excré- teur à la partie inférieure de la cloison antérieure de lanneau qui la contient. Les deux annexes sont attachées au même point, mais lune est en arrière de la cloison, l’autre en avant. Celle-ci est tout simple- ment une sorte de petite poche en massue, à peine renflée et légère- ment lobée à son sommet libre. La première partie est un tube cylin- drique plusieurs fois replié sur lui-même dans le même plan et dont toutes les parties sont reliées entre elles par une sorte de mésentére. Ce tube est aveugle à son sommet libre, La petite poche en massue et le tube replié ont d’ailleurs exacte- 188 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. ment la même structure. Ils sont formés ! d’un tissu conjonctif assez épais dont les parois sont parcourues par de petits vaisseaux et qui limitent une cavité tapissée de petites cellules pâles à noyau très-petit. Il n’est pas sans intérêt de noter que chez les £udrilus les poches copulatrices, malgré les particularités que présentent leur nombre et leur situation, se trouvent exactement constituées en apparence comme celles des Perichæta. Seulement *, la poche principale est plus allongée portée sur un long pédoncule et réfléchie sur lui; la petite poche en massue est, chose singulière, remplacée par l'ovaire, etil semble au premier abord que les deux annexes soient simplement reportés tous deux en arrière de la cloison antérieure de lanneau, et non plus à cheval sur cette cloison comme dans le Perichæta Houlleti. Quelles peuvent être les fonctions du premier de ces deux annexes de la poche copulatrice que nous voyons reparaître sans aucun chan- gement notable dans deux types si différents et qui manquent d'ail- leurs dans des animaux très-voisins de ceux-là? Je l’ignore absolument et je ne connais aucun fait qui me permette d'émettre une hypothèse. même avec la plus grande réserve. Je bornerai donc là ce que j'avais à dire des poches copulatrices. Nous avons d’ailleurs maintenant passé en revue les divers sys- tèmes d'organes qui font partie de l’économie des Lombriciens. Notre tâche est donc de fait terminée. Toutefois, de même que nous avions commencé l'exposé de nos recherches en traçant un tableau de l’état de nos connaissances sur les Lombriciens au moment où nous avons entrepris notre travail, il ne sera pas sans utilité de résumer très-brièvement dans un chapitre spécial les faits nouveaux que nous espérons avoir mis en lumière et 4. PI. 11, fig. 59. 2. PI. u, fig. 26. LOMBRICIENS TERRESTRES, 189 les conséquences que nous croyons pouvoir en dégager. Ce chapitre sera naturellement notre conclusion. CONCLUSION. [. — Au point de vue de la classification des Lombriciens, nous avons, pour la première fois, appelé l'attention : 1° — Sur la position des orifices génitaux mâles par rapport à la ceinture ; 2% __ Sur la position des orifices des organes segmentaires par r'ap- port aux soies. 1°— En ce qui concerne les orifices génitaux mâles, nous avons mon- tré que leurs variations de position entrainaient avec elles un certain nombre de variations concomitantes dans les caractères anatomiques. En sorte que la position anté, intra ou postcliellienne de ces orifices doit être considérée comme un des caractères les plus importants auxquels on doive avoir recours pour la répartition des genres. 2°— En ce qui concerne la position des orifices des organes segmen- laires, nous avons donné un point de repère qui permet de rapporter ces organes à deux séries différentes et donne par conséquent un carac- tère nouveau, presque toujours facile à utiliser, en rapport immédiat avec l’organisation interne de l'animal et qui a par conséquent une importance considérable. De ces faits résulte nécessairement ceci : que toute description générique est incomplète et insuffisante, au premier chef, si elle ne tient aucun compte de ces caractères, que nous considérons comme de premier ordre et qui sont seuls capables, à notre avis, de donner la véritable place des genres dans la classe, puisqu'ils sont eux-mêmes des caractères de familles ou de tribus. Après ces caractères viennent ceux tirés de la présence ou de Ÿ 190 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. l'absence d'appareils copulateurs externes, de la position des orifices des poches copulatrices, enfin de la disposition des sôies, caractères qui peuvent être diversement combinés entre eux. 3° [l ressort du reste de notre travail que des dispositions de soies analogues doivent se rencontrer parallèlement dans des ordres et des familles différents. Cela est au moins démontré pour la disposi- tion des soies la plus fréquente, celle où ces organes forment quatre doubles lignes longitudinales. D'ailleurs. comme caractères distinctifs des ordres des Lombri- ciens, des Enchytréens et des Naïdiens, nous avons insisté sur le caractère tiré du mode de sécrétion des soïés, caractère que nous avons le premier mis en évidence et qui entraîne presque forcé- ment avec lui l'isolement ou le groupement par paires de ces organes chez les Lombriciens par opposition à [a fasciculisation qui s’observe chez les Enchytréens et les Naïs. La simplicité de l'extrémité n’est peut-être pas non plus sans quelque rapport avec ce mode de sécrétion ; mais comme la simplicité de l'extrémité se retrouve chez tous les £nchytréens et se retrouvera probablement aussi chez quelques Naïdiens, que d’ailleurs cette sim- plicité n’est en aucune façon exclue par le mode de sécrétion de la soie dans ces derniers ordres, elle ne peut être invoquéé que comme carac- tère accessoire des Lombriciens proprement dits. h° Enfin nous avons caractérisé nettement et d’ure manière com- plète un certain nombre de genres qui, groupés avec ceux dont l’étude anatomique avait déjà été si bien faite par d'Udekem, Claparède, Leydig, Grube et autres, pourront servir de base à uné classification vraiment rationnelle des Lombriciens. LT. — Au point de vue anatomique : Nous avons donné un nombre assez considérable dé détails nou- veaux sur l'appareil digestif dont nous avons démontré la remarquable uniformité de composition et sur l'appareil circulatoire, dont les cen- LOMBRICIENS TERRESTRES. 191 tres d’impulsion nous ont présenté des dispositions aussi imprévues que compliquées. Les organes segmentaires et l'appareil reproducteur ont été l’objet d’études attentives. Nous avons fait connaître pour la première fois d'une manière complète l'appareil femelle chez les Perichæta, le Lumbrieus Victoris, les Eudrilus et le Moniligaster Deshayesi. Cet appareil femelle n’était connu que chez nos Lombrics indi- gènes. Enfin nous avons encore fait connaître, dans l'appareil mâle, diverses sortes d'organes absolument nouveaux; en particulier. des appareils copulateurs de diverses formes. TITI. — Au point de vue morphologique : 1° Nous avons établi les rapports qui existent entre la position des parties remarquables de l'appareil digestif et celle des organes essen- tiels de l’appareil génital. 2° Nous avons montré qu'il y avait une liaison entre la position des orifices des organes segmentaires et celle des soies locomo- trices. 8° Cela fait, nous avons assis sur des bases anatomiques lhy- pothèse de l’existence typique de deux systèmes d'organes segmen- taires pouvant avorter plus ou moins complétement chez les Lom- briciens. h° De là est résultée une interprétation très-claire de la nature morphologique des canaux déférents et peut-être des poches copula- trices, quoique de graves raisons puissent conduire à voir dans ces dernières des organes indépendants. 5° Nous avons fait voir à l’aide de quelles parties de l'appareil cir- culatoire pouvaient se constituer les organes propulseurs du sang. 6° Nous avons montré comment les organes copulateurs mâles pouvaient se constituer soit aux dépens de certaines parties des canaux déférents, soit aux dépens des soies locomotrices. 192 « NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Ce sont là autant de considérations nouvelles qui ont été intro- duites dans l’histoire des Lombriciens. Je le répète en terminant, les documents dont j'ai pu faire usage sont loin d'être assez complets pour que je puisse espérer avoir établi des lois définitives. Mais même ainsi, peut-être, les zoologistes ne trouveront pas inutiles les détails dans lesquels je viens d’entrer et que mon plus vif désir est de pouvoir compléter un jour. EXPLICATION DES PLANCHES Nota. — Dans toutes les figures d'anatomie, les mê.nes lettres ont été employées pour dési- gner les organes analogues. Ces lettres sont les suivantes : ph — Pharyox glandulaire. æœæ — OÆEsophage. g — Gésier musculaire. à — Intestin. c,c'c'" — Anses cardiaques latérales. n — Anneaux nerveux. vd — Vaisseau dorsal. 10 — Vaisseau ventral. t,L',l' — Testicules. o — Ovaires. m — Orifices génitaux mâles. f — Orifices génitaux femelles ou des oviductes. pr — Prostate. pe, p'e' — Poches copulatrices, ou leurs orifices si la figure représente seulement les téguments extérieurs, L — Glande en tube accessoire des poches copulatrices. vs — Vésicules séminales. d — Canal déférent. v,0' — Pavillons vibratiles. s ou sg — Organes segmentaires. fs — Follicules sétigères. k — Glandes accessoires autour des orifices génilaux. Dans quelques figures représentant des organes isolés ces leltres ont reçu une autre signifi- cation, mais, dans ce cas, on a toujours pris soin d’en avertir dans l'explication de la figure. VII. 25 19 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. PLANCHE I. Figures 1, 2, 3et #. — Follicules sécréteurs des soies du Lombric terrestre à divers états de développement, ce — Cellules sécrétantes avec noyau nucléole et membrane d’enveloppe très- épaisse. s — Stries allant du noyau vers la soie. r — Soies précédées de leur palette p. Fig. 5. — Les cellules sécrétantes et les soies isolées par l’action de l'acide acétique faible. Fig. 6. — LumBricus AMERICANUS. Edm. Perrier. — Anatomie d'ensemble de la partie anté- rieure du corps. Fig. 7. — Inem. — Les pavillons vibratiles de l’un des canaux déférents. (Grossissement 2 fois environ.) Fig. 8. — Inem. — Une soie prise dans la ceinture. (Grossissement : 90 fois. — Grandeur naturelle : mm, 8.) Fig. 9. — RuaiNopriLuS PARADOxUS. Edm. Perrier. — La partié antérieure de l’animal vue en dessous pour montrer la position relative de la ceinture et des orifices génitaux mâles, #2. A la partie supérieure de la figure on voit le lobe céphalique prolongé en tentacule. Fig. 10. — Inem. — L'une des soies ornementées de la ceinture. — L'’extrémité inférieure seule est représentée grossie 280 fois. Fig. 11. — Inem. — Deux soies entières de ces mêmes anneaux, grossies 90 fois. Fig. 11 bis. — Inem. — Une soie prise dans la région du corps postérieure à la ceinture, grossie 90 fois. Fig. 12. — Inem. — Portion centrale de l'appareil circulatoire — vd, vaisseau dorsal ; #, vais- seau ventral: e,e',e", cœurs latéraux. Fig. 13. — ANTEUS GiGas, Edm. Perrier. — Anatomie de la région antérieure du corps. — ed, cœur dorsal; b, bouclier protecteur formé par les cloisons. Fig. 14. — Inem. — Organe segmentaire des anneaux qui contiennent les testicules, à peine grossi. Fig. 15. — TiTANUS BRASILIENSIS. Edm. Perrier. — Anatomie de la région antérieure du corps. p — Poche dans laquelle s’ouvre le canal déférent. n — Chaine nerveuse. co — Cœur principal. Fig. 16. — Inem. — L'un des cœurs principaux et les vaisseaux dans lesquels il s’abouche. ve — Ventricule. or — Oreillette. LOMBRICIENS TERRESTRES. 195 PLANCHE Il. Fig. 17. — AcaNTHODRILUS oBTusus. — Une soie péniale grossie 280 fois (l'extrémité exté- rieure seulement). Fig. 18. — ACANTHODRILUS UNGULATUS. Edm. Perrier. — Anatomie de la région antérieure. pr, prostate. Fig. 19. — Inem. — Deuxième testicule isolé pour montrer les deux lobes dont il se compose. Fig. 20. — Inem. — L'une des poches copulatrices. Fig. 21. — Inem. — Extrémité de l’une des soies péniales fortement grossie. Fig. 22. — Ingm. — Une soie péniale entière grossie 90 fois. Fig. 23. — Le MÈME, ouvert et vu en dessous pour montrer les # pénis chitineux et leurs rela- tions avec la ceinture. Fig. 2%. — DicasTer LumBricoïnes. Edm,. Perrier. — Anatomie de la région antérieure. — 9,9', les deux gésiers. Fig. 25, — Ineu. — Union du canal déférent et du canal excréteur de la prostate. Fig. 26. — EupriLus pecIPIENS. Edm. Perrier. — Anatomie de la région antérieure du corps. — 0, ovaires; vs, vésicule séminale (?). Fig. 27. — Inem. — Bourse du pénis ouverte pour montrer la disposition du pénis rétracté à son intérieur. Fig. 28. — Inem. — Le pénis saillant. Fig. 29. — Inem. — Le collier œsophagien et les branches nerveuses qui en naissent et se dirigent vers la région antérieure du corps. Fig. 30. — Inem. — Une des soies grossie 90 fois. Fig. 31. — PERICHÆTA HouLLETI. Edm. Perrier, — La portion antérieure du ver vue en dessus pour montrer la forme du lobe céphalique, de la ceinture et la position des ori- fices des poches copulatrices — pe. Fig. 32. — Ineu. — La ceinture et les régions voisines pour montrer les orifices mâles » et l’orifice femelle unique f. Fig. 33. — Inem. — Ceinture d'un individu exceptionnel. Elle s’est fendue, dans l'acide chro- mique, en croix de Saint-André. Fig 34. — IpEm. — Une soie fortement grossie. Fig. 35. — Ipem. — Epithélium particulier de la région céphalique. Grossissement, 280 fois. Fig. 36. — Inem. — Hypoderme et corps spéciaux très-réfringents qu'il contient. Fig. 37. — InEM. — Anatomie de la région antérieure du corps. Les glandes œsophagiennes sont enlevées pour laisser voir tous les détails de l'appareil génital. Fig. 38. — InEm. — La partie antérieure de l'appareil digestif. a — Tendons reliant le pharynx aux parois du corps. h — Glandes œsophagiennes en tubes. 196 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. h' — Glandes compactes. hk'' — Glandes en grappe. Fig. 39, — PericnærA Houzzerr. — Orifices des glandes pharyngiennes à l’intérieur de cetorgane. Fig. 40, — Ivem. — Epithélium de l’intérieur du gésier. Fig. 41. — Ingm. — L'une des glandes en grappe de l’œsophage. G — 90. Fig. 42. — [pem. — L'une des glandes compactes de l’œæsophage vue de profil. G= 2. Fig. 43. — Ineu. — L'un des acini sécréteurs de cette glande. G— 90. Fig. 44. — Ipem. — L'un des tubes glandulaires de l’œsophage formant une double spirale et contenant des cellules pâles. G— 280. PLANCHE III. Fig. 45. — PerionÆrA HouLLeTI. Edm. Perrier, — Figure demi-schématique montrant l’en- semble de l'appareil circulatoire (partie antérieure). Les lignes pointillées indiquent théoriquement comment se fait la réunion des vaisseaux dans les parois du corps et comment nous supposons qu’elle s’accomplit dans la région céphalique. Fig. 46 et 47. — Ipem. — Anses terminales des vaisseaux et mode de bifurcalion parallèle des vaisseaux afférent et efférent. Fig. 48. — Inem. — Terminaison des vaisseaux sous l’hypoderme. Fig. 49, — InEm. — Disposition des éléments contractiles des parois des anses cardiaques. Fig. 50. — Inem. — Partie antérieure de la chaîne nerveuse. Fig. 51. — Ipeu. — Partie de la chaîne nerveuse voisine des orifices génitaux pour montrer les variations de volume que subissent les ganglions dans cette région. Fig. 52. — Ipem. — Système nerveux péri-æsophagien montrant un ganglion stomato-gas- trique, sn. Fig. 53. — Ipem. — Les pavillons vibratiles qui terminent les canaux déférents un peu grossis. Fig. 54. — Inem. — Structure histologique des pavillons vibratiles des canaux déférents. G = 280. Fig. 55. — InEm. — La prostate; formation du pénis rudimentaire au moyen de son canal excréteur et du canal déférent, Fig. 56. — Inem. — Portion de la prostate traitée par le nitrate d'argent et montrant la dispo- sition des culs-de-sac sécréteurs qui ont été colorés en noir. G— 90. Fig. 87. — Ie. — Un faisceau de spermatozoïdes encore réunis à la sphère centrale. Fig. 58. — Inem. — La poche copulatrice et ses annexes, un peu grossie. Fig. 59. — Inem. — Les annexes de la poche copulatrice fortement grossis pour montrer leur structure. G = 90. pt — Membrane péritonéale. v — Vaisseaux. pe — Poche copulatrice. Fig. 60. — [nem. — Un ovaire. G — 90. o — Ovules. v — Vaisseaux. po — Pédoncule. LOMBRICIENS TERRESTRES. 197 Fig. 61. — PericuærTa Houzceri. — Un œuf entouré de son cul-de-sac ovarique. Fig. 62. — Ing. — Les pavillons vibratiles qui constituent les oviductes. Fig. 63. — Inem. — Grégarinides à divers états de développement occupant le testicule. PLANCHE IV. Fig. 64. — Dicasrer LuMBRICOÏDES. Edm. Perrier. — L'animal vu en dessous pour montrer la position des divers orifices de l'appareil génital, pe — Orifices des poches copulatrices. f — Orifices femelles (?). mn — Orifices mâles. Nota. — La numérotation des anneaux dans cette figure ne concorde pas parfaitement avec celle qui est dans le texte et qui doit être considérée comme non avenue. Un examen des plus attentifs des échantillons m’a déterminé à adopter cette nouvelle manière de voir. On comprendra lembarras que j'ai dù éprouver à compter des anneaux sur des échantillons couverts de rides transversales, et dont les soies n'étaient apparentes que sur un petit nombre d’anneaux. Il faut considérer les orifices pe, p'c', comme dépendant des septième et huitième anneaux; les ori- fices #7 sont sur le dix-huitième, chacun d’eux est précédé et suivi d’une papille. C’est la dispo- sition connue déjà chez les Perichæt«. Fig. 65. — Le MÊME, vu en dessus pour montrer les pores dorsaux, Fig. 66. — PERICHÆTA AFFINIS. Edm. Perrier. — L'animal vu en dessous pour montrer les orifices dépendants de l'appareil génital et les papilles où viennent s'ouvrir les conduits excréteurs des glandes accessoires, 7, Fig, 67. — PERICHÆTA ROBUSTA. Edm. Perrier. — L'animal vu en dessous. Fig. 68. — Lx MÈME. — Une poche copulatrice et ses annexes un peu grossis. Fig. 69. — PERICHÆTA QUADRAGENARIA. Edm. Perrier. — Une poché copulatrice et le tube qui y est annexé. Fig. 70. — PERICHÆTA ELONGATA. Edm. Perrier. — La prostate montrant d’une manière évi- dente et sans préparation sa structure glandulaire. Fig. 74. — PERICHÆTA ASPERGILLUM. Edm. Perrier, — L'animal vu en dessous. Les orifices mâles et ceux des poches copulatrices sont entourés par un cercle de petits ori- fices glandulaires. Fig. 72. — Le MÈme. — Une poche copulatrice et ses annexes. Les petites glandes Æ sont disposées de la même manière autour du pénis. Fig. 73. — PERIONYx EXCAVATUS. Edm. Perrier. — L'animal vu en dessus pour montrer la forme de son lobe céphalique et la disposition de ses pores dorsaux. Fig. 74. — Le MÈME, vu en dessous, pour montrer la disposition des orifices de l'appareil génital. 198 Fig. 75. Fig. 76. Fig. 71. Fig. 78. Fig. 80. Fig. 81. NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. AGANTHODRILUS VERTICILLATUS. Edm. Perrier. — Les soies péniales; G = 146. EupriLus PEREGRINUS. Edm. Perrier. — Portion d’ovaire grossie ; elle a été figurée afin de ne laisser aucun doute sur la détermination que j'ai faite des ovaires greffés sur les poches copulatrices. — OŒufs; — b — Couche granuleuse sphérique de nature indéterminée que l’on voit autour des œufs. MoniLiGAsTER DesHay&si. Edui. Perrier. — Anatomie de la portion antérieure du corps, montrant l'appareil digestif et les organes génitaux. Le MÈME. — Structure des glandes salivaires placées dans l'épaisseur des cloisons de la partie antérieure du corps. Sur une partie de la préparation, les cellules du milieu sont enlevées et laissent voir de profil les cellules glandulaires. Le MÊME. — Pavillon vibratile, canal déférent et glandes accessoires de l’un des testicules antérieurs. Un peu grossis. Le MëèmE. — Structure de l’un des lobules de la glande accessoire pr de la figure précédente. Le MÈMEe. — Figure d'ensemble de la partie postérieure de l'appareil génital mon- trant le testicule /’ de la deuxième paire et son appareil déférent, en ovaire 0, et son pavillon vibratile. L — Tube tortillé placé au-dessus du testicule qui est figuré relevé et vu en dessous. n — Feuillets d'apparence glandulaire formant au-dessous du testicule une assez grande masse à l’une des extrémités de laquelle pénètre le tube /, tandis que de l’autre sort le canal déférent d. vs — Grande poche S'ouvrant à l'extérieur (vésicule séminale?) et dans laquelle pénètre en X le canal déférent. o — Ovaire. pv — Son pavillon vibratile. Une portion de l'ovaire grossie 90 fôis. : Structure des feuillets glandulaires de l'organe h de la fie 81. — Ils sont formés par un ou plsieurs tubes entortillés. Pavillon vibratle des ovaires, montrant les stries couvertes de cils vibratiles entre lesquelles cheminent les œufs. UrocHæTA HysTRix. Edm. Perrier. — Extrémité postérieure vue en dessus pour montrer la disposition des soies. Le MèME. — Extrémité postérieure vue en dessous. Le MÊME. — Anatomie de la région antérieure de l'animal de la figure précédente. æ,y — Glandes génitales indéterminées. 2,2 — Organes problématiques. Le MÈèuE. — Extrémite superieure de l’un des organes Z de la figure précédente. IAE Nouvelles Archives du Museum Pam, 14 Ne Ÿ 1h 2 me home D TE GS D mie ee te 1 - r 7 î | j À 4 5 à : FA 6 2 4 7 3 À 8 \....®œ 4 g pe Es À 10 | , ) 1 _ BE Ê + es," |..0 ; 1 14 . # | 10 « 9 10 4 o1 17 me 11 18 L 12 19 "AE S z 20 1] 7 13 21 ù RS 14 7 es air 19 24 & 16 (| 29 Y 1 tal 7 NE 5 I g 28 Li FE FA 29 N in fe XX If ; \ m (;) ; 30 WE XX 31 2e | fi XXL | L LE 24 | 4 0) Ô À = ñ 3 7 3 30 XXXVI e Z% 27 * 38 DL 28 j EE. del Nebne Lombriciens Terrestres Amp. A Salmon, Paris Nouvelles Archives du Museum Ton RS freres le ELLE en) 4 ré È re o FS imp A Salmon Far Tome 8. Memoires. PL.UL Ed. Perrier del. | Debray 5 Lombriaens Terrestres bn À. Salmon. l'arbs Tome VIII Mémoires. PLV. 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