AAA, A AY Natura) Hi Return this nc d ur on or 17625-S Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Illinois Urbana-Champaign http://www.archive.org/details/recherchessurlaf00ben RECHERCHES SUR LA FAUNE LITTORALE DE BELGIQUE, PAR P.-J. VAN BENEDEN. PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN. CÉTACÉS. Toue XXXII. 78€! Î 7 4 e | PAMORAHONA CN. 2 : | ou % AOL A HOT DRE 10 by *; ; + , : | à ue "| ‘sh | PALNIA LE RAT ÆA : TU ME IL, ÉWisrérit 8 À line ru cé LaoATEO, (UL'L LL RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. Depuis plusieurs années, nous recueillons avec soin des matériaux pour écrire un jour l'histoire naturelle du littoral de Belgique, et, à l’occasion du rapport que nous avons été chargé de faire sur les ossements fossiles de Céta- cés, découverts cet été à Saint-Nicolas, nous avons rassemblé nos notes sur ces mammifères, dans le mémoire que nous avons l’honneur de communi- quer aujourd’hui à la classe. Pendant la rédaction de ce travail, un Cétacé fort curieux à été trouvé mort en mer par les pêcheurs de Heyst, et, comme il portait un fœtus à peu près à terme, nous avons eu l’occasion d'ajouter à nos précédentes recherches quel- ques faits, sinon nouveaux pour la science, du moins en général peu connus. Ce mémoire comprend d’abord le résultat de quelques observations sur le Delphinus globiceps, puis quelques remarques sur deux individus de Lagéno- rynque albirostre et un squelette de Lagénorynque d'Eschricht ; enfin, dans un chapitre spécial, nous faisons l’'énumération des espèces de Gétacés vivants, observés jusqu’à présent dans nos parages ou vus dans la mer du Nord, et que les circonstances peuvent amener sur nos côtes, avec l'indication des musées où leurs squelettes ont été déposés. Il est de la plus haute importance de renvoyer aux squelettes mêmes pour établir la synonymie de ces gigantesques animaux. Celui qui trouve l'occasion d'étudier un Cétacé échoué est rarement préparé à cette étude, et il n’est pas toujours à même d’en tirer tout le parti possible. Choisir le moment de livrer le résultat de ses recherches à la publicité est souvent un point fort difficile dans les sciences d'observation. Vouloir exécu- 204500 4 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. ter un travail complet, peu importe sur quel sujet, c’est vouloir l'impossible : il Y en aura toujours d’autres qui feront mieux. La science ne marche qu'à coup de provisoire; mais vouloir publier trop tôt ne serait pas moins funeste aux progrès de la science : il y a donc un juste milieu à tenir, et nous pensons que ce juste milieu est arrivé pour ce travail. D'ici à longtemps nous ne croyons pas pouvoir le rendre plus complet, et la pierre que nous apportons à l'édifice nous parait suffisamment taillée pour prendre sa place. Après celte publication, nous pourrons d'autant mieux concentrer toute notre attention sur les Cétacés fossiles que les grands travaux à exécuter dans les environs d'Anvers vont mettre inévitablement au jour, et nous au- rons un point de comparaison pour établir les rapports qui existent entre la faune maritime actuelle et les animaux qui ont vécu dans la mer au fond de laquelle le sable jaune, noir ou gris, autrement dit le crag, a été déposé. I résultera à la dernière évidence de cette comparaison, que si les animaux terrestres de ces deux époques géologiques diffèrent notablement les uns des autres, il n’y a pas de différences moins grandes entre les animaux marins, quoique ceux-ci n'aient pü subir, au même degré, l'influence des modifica- tions du milieu ambiant. Notre but est done de faire le relevé des diverses espèces de Cétacés, dont la présence a été constatée dans la mer du Nord ou que l'on a des chances de voir échouer sur nos côtes, et d'ajouter à ce relevé le résultat de quelques observations que nous avons été à même de faire sur certaines espèces. Il est évident qu'un animal qui échoue accidentellement sur une côte ne doit pas, par ce fait même, être considéré comme propre à la faune du pays où il se perd ; un Cétacé, comme un oiseau ou un poisson, peut être jeté hors de sa route, soit par la violence d'une tempête, soit par lappât d’un butin, et il n'est que dépaysé : une faune ne doit comprendre que des animaux à séjour fixe ou périodique qui contribuent, chacun pour sa part, à la physionomie du pays etaux harmonieuses combinaisons de la vie. Les êtres qui composent une faune sont solidaires entre eux comme les organes d’un être vivant. Mais est-ce à dire qu'il ne faille tenir compte dans une faune que des indi- vidus qui remplissent ces dernières conditions ? A côté de ceux qui jouissent, RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 5 pour ainsi dire, du droit de bourgeoisie, ne convient-il pas aussi de men- tionner les voyageurs qui sont de passage accidentel? Si un animal apparait sur une côte, d’autres de son espèce peuvent y apparaitre à leur tour, et le naturaliste ne doit pas ignorer quels sont les animaux ou les plantes que des circonstances fortuites peuvent jeter sur la plage. Nous ne reconnaissons qu'une seule espèce de Cétacé qui soit propre à notre littoral : c’est le Marsouin ; mais il y en a plusieurs autres qui, véritables bohèmes pour nos parages, ne méritent pas moins d'être signalés ; c'est à ce titre que nous mentionnons quelques Cétacés curieux, pris par nos pêcheurs ou échoués sur le littoral de Belgique et qui doivent prendre rang à titre d'espèces erratiques. Dans la nuit du 12 au 13 novembre dernier, les pêcheurs de Heyst trou- vèrent, à peu de distance de la côte, le cadavre encore chaud d'un Cétacé femelle , long d’une vingtaine de pieds, et ils attribuërent, non sans raison, la mort de cet animal à des accidents qui seraient survenus pendant l'acte de la parturition. L'animal portait, en effet, un jeune de près de cinq pieds de long, dont la tête volumineuse, et déjà en forme de casque, semblait arrêtée à l'entrée du vagin. Les pêcheurs avaient pris de loin ce cadavre pour un énorme baril, épave de quelque navire naufragé. Informés immédiatement de cette pêche par le télégraphe, nous étions sur les lieux le 14, etle cadavre était encore entière- ment intact sur la plage, gràce au coucours empressé de mon beau-frère, M. Aug. Valcke. Des gardiens préposés veillaient à sa conservation jusqu'à notre arrivée. L’acquisition en était faite avant notre venue, et nous ne sa- vions, en quittant Louvain, si nous allions trouver une jeune baleine, un dauphin ou quelque poisson plagiostome. Nous trouvàmes ce colosse couché sur les flanes montrant encore sa couleur naturelle, la bouche entr'ouverte, laissant voir la double rangée de dents; il n'était pas difficile de reconnaitre que nous avions affaire au Dauphin globiceps sur lequel Cuvier, au commencement de ce siècle, a attiré surtout lattention. Il est cité dans la Faune belge de notre savant confrère M. de Selys-Long- 6 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. champs; mais, comme il se trouve dans des conditions très-exceptionnelles , nous avons pensé qu'il ne serait pas hors de propos de consigner ici le résultat de quelques observations. Existe-t-il, du reste, dans la science un exemple de Cétacé mort dans le travail de la parturition ? À priori, on ne le dirait pas possible. Le fœtus n’a pas à traverser un bassin osseux pour venir au monde. Deux petits osselets engagés dans les chairs constituent seuls la ceinture pelvienne. La mère était saine et ne portait aucune trace de violence; son estomac renfermait encore les débris de sa pêche. Sa mort ne s'explique que par la difliculté que la tête singulière du fœtus a dû éprouver pour s'engager. Ce qui nous a paru surtout digne d'attention, c’est la position du fœtus , sa situation dans la matrice, la couleur de la peau, l’état de la couche de graisse qui la double, la forme de la tête au moment de la naissance , l’état du pla- centa, les soies des moustaches, la situation des dents et la conformation gé- nérale du corps. Ce qui frappe surtout quand on voit cet animal pour la première fois, c'est la forme si singulière de la tête; l’on croirait avoir sous les yeux quelque anomalie individuelle, d'autant plus que toute la partie post-abdominale du corps semble avoir été comprimée dans un étau. Cette région, du reste, tant à sa partie dorsale qu'à sa partie ventrale, est transformée en nageoire, et on ne peut se défendre de l’idée que les apophyses épineuses des vertèbres soutien- nent les chairs en dessus comme en dessous. C’est qu’en effet le corps, au lieu d'être arrondi à ses deux bords supérieur et inférieur, est tranchant comme une nageoire sans arêtes. La tête ressemble à une tête d'Hyperoodon ou de Cachalot; les deux man- dibules supérieures forment un léger prolongement en guise de bec, et une gouttière peu profonde sépare cette région rostrale de la région frontale, qui s'avance jusqu'à la hauteur du bec et rend toute la tête globuleuse. Cuvier a comparé celte tête à un casque antique; nous ne pouvons nous empêcher de la comparer à ces monstres hydrocéphales dont le crane énorme surplombe les veux et les os de la face. La bouche entr'ouverte laisse voir les deux rangées de dents de chaque côté, dents passablement espacées, dont la couronne usée ne peut-être que RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 7 d'un faible secours pour appréhender la proie. Il y a de chaque côté et à chaque mâchoire de huit à neuf dents. La couleur de la peau n’est pas moins remarquable. Tout le corps est noir, et le nom spécifique de Delphinus melas est parfaitement justifié. La tête surtout, ainsi que les nageoires pectorales, dorsale et caudale, sont noires comme l’ébène. Sur les flanes le noir est beaucoup moins foncé, et, par suite de vergettures, il parait même un peu pâle, en approchant du ventre de l’animal. Depuis la face inférieure du thorax, sur toute la ligne médiane jusqu'aux organes sexuels, règne une bande pâle, qui est surtout bien limitée dans le fœtus, comme nous le verrons plus loin, et sur laquelle les vergettures continuent. La forme des nageoires, et principalement des nageoires pectorales, n'est pas sans mériter une attention particulière. Nous ne connaissons aucune forme aussi gracieuse dans aucun genre de Cétacé que celle des nageoires du Cétacé qui nous occupe. Elle est assez large à la base, se courbe légèrement vers le milieu et se termine en une pointe eflilée dont les lignes n’ont aucune roideur. Nous ne pouvons mieux la comparer qu'aux ailes dont les artistes affublent le dos de leurs anges et qui sont légèrement courbées en are. Les autres na- geoires ne nous présentent rien de remarquable. Dans un fœtus de cette espèce, d’un pied de long, qui nous a été donné par M. Eschricht, les nageoires pectorales ont déjà la forme si caractéristique des adultes. D'après ce que nous venons de dire, il est facile de reconnaitre l'espèce que nous avions sous les yeux : c’est, comme nous l'avons dit, le Delphinus globiceps de Cuvier, confondu quelquefois avec le Delphinus tursio des au- teurs, nommé aussi Delphinus melas. Parmi les nombreuses observations dont ces Dauphins ont été l'objet, on doit citer surtout celle de Lemaoüt, qui eut occasion d’en voir une bande de jeunes et de vieux, de mâles et de femelles, qui vinrent échouer, au nombre de soixante et dix, à Paimpol, sur la côte de la Bretagne. (Côtes-du-Nord.) M. Watson trouva, au mois de décembre, des femelles allaitant leurs petits, qui avaient environ quatre pieds et demi de longueur. Les jeunes, qui avaient échoué avec les vieux sur la côte de Bretagne, 8 RECHERCHES SUR LES CÉTACES. au commencement du mois de janvier, avaient de sept à sept pieds et demi de longueur. Ces indications s'accordent parfaitement avec les nôtres et font admettre que le travail de la mise bas a lieu dans le courant du mois de novembre, et, d'après la dimension que donne Watson à ses jeunes, notre fœtus était évidemment à terme. Tout indique que le part était près de s’opérer. Il n'est pas sans intérêt d'examiner l’état des mamelles dans cet animal, qui devait allaiter son jeune quelques jours plus tard, À l'extérieur on voyait le pourtour des fentes mammaires un peu gonflé et au milieu s'élevait un mamelon de la grosseur d'une aveline,. En touchant ces glandes avec le bout de ma canne, le lait jaillissait tout à coup, et il s’écoula par le mamelon à peu près une once de ce liquide, Le- maoût dit, en parlant des femelles échouées dont il vient d'être question, que le lait jaillissait spontanément, par intervalles, même après la mort des animaux. Ce lait était d’un blanc jaunâtre et de la consistance de la crème. Nous regrettons beaucoup de ne pas avoir eu un bocal ou un verre pour recueillir et faire analyser le liquide qui se perdait devant nous dans le sable, Les mamelles mêmes ne font pas de saillie à l’extérieur ; elles sont logées trop profondément entre la couche de graisse et les muscles, Elles se déve- loppent à une assez grande distance sur le côté, et s'étendent en avant et en haut au-dessus de l'os du bassin, Les conduits galactophores s'abouchent dans un vaste sinus assez spacieux pour y loger le poing; en l’ouvrant on voit confluer les canaux excréteurs de tous côtés, et quelques-uns d’entre eux sont assez gros pour y introduire facilement le doigt. En incisant cette glande, les canaux et les sinus ont le même aspeet qu'un foie incisé montrant ses gros troncs vasculaires. Ce cadavre était amarré sur la grève, à quelques pieds au-dessus de la laisse des eaux vives, et il ne nous fut malheureusement pas possible de le faire transporter en chair à travers les dunes, pour le disséquer à notre aise, Ce transport nous eût occasionné de trop grandes dépenses. Nous avons done dépouillé la charpente en plein air, au milieu de petites averses, luttant RECHERCHES SUR LES CÉTACEÉS. 9 contre la pluie et contre le vent, et ne pouvant songer qu’à sauver le squelette et ses parties délicates, le fœtus et quelques viscères. Nous avons d’abord fait une large incision le long de la ligne blanche, depuis les organes sexels jusqu’au sternum, et nous n'avons pas été peu sur- pris de voir, comme les pêcheurs l'avaient supposé, un énorme fœtus, replié sur lui-même et blotti dans la matrice, sous la forme d’un cylindre tronqué aux deux extrémités; la tête était placée dans la direction du vagin et prête à s'engager. Tous les viscères.du bas-ventre étaient refoulés en avant, et le rectum seul se trouvait à côté de la matrice. J'ai pris un croquis du fœtus en place et contenu encore dans la matrice. Les eaux étaient écoulées. Les parois de la matrice couvraient de tous côtés immédiatement la peau. Le fœtus était placé dans l’axe du corps, la tête dirigée en arrière; mais ce qui frappait surtout, c'est qu'il semblait tronqué aux deux bouts. IT était aussi gros d’un côté que de l’autre. Le tronc était droit jusqu'à la base de la queue, qui était repliée sur lab- domen et comme collée sur lui, de manière que le lobe de la nageoire caudale venait couvrir le flanc immédiatement derrière la nageoire pectorale. La nagcoire caudale, déjà très-développée, ne faisait aucune saillie et se trouvait collée contre la peau du dos du côté droit. Le fœtus avait de cette manière une forme cylindrique, et ce cylindre se terminait, en avant comme en arrière, par une troncature. Après l'examen du fœtus, nous avons porté notre attention sur les parasites que la mère pouvait nourrir; mais, par une bizarrerie dont il n’est pas facile de rendre compte, il n’y avait pas plus de Vers ou de Crustacés, vivant en commensal sur la peau ou dans la cavité de la bouche, qu'il n'y avait de parasites libres ou enkystés à l’intérieur. Nous avons en vain visité les organes avec tout le soin que l’on peut mettre à un pareil examen en plein air au mois de novembre. Nous n'avons pas négligé de visiter l'estomac et de voir la nature des ali- ments qui font sa pâture. Depuis quelque temps, l'attention des naturalistes est sérieusement fixée sur cette question. Il ne faut pas seulement savoir si une espèce est carnas- Tome XXXIL. 2 10 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. sière ou herbivore, mais encore le nom des animaux et des plantes qui lui servent de nourriture habituelle. L'estomac contenait des becs et des cristallins de Mollusques céphalopodes se rapportant, si nous ne nous trompons, les uns à la Sepia officinalis et le plus grand nombre au Loligo vulgaris où Calmar commun. Entre ces débris se trouvaient aussi des fragments d’un tube pergamentacé que nous rappor- tons à des Siponcles, sans toutefois avoir toute certitude à ce sujet. M. Eschricht nous apprend qu'au Groenland, Hôlboll a trouvé aussi l'es- tomac de ces Dauphins pleins de becs de Céphalopodes. Indépendamment de cette päture, l'estomac contenait encore des pierres de forme, de couleur et d'aspect différents. Quelques-unes d’entre elles étaient de véritables cailloux roulés qui semblaient avoir pris cette forme avant leur entrée dans cet organe; d’autres avaient évidemment leurs angles arrondis par le frottement dans l'estomac. Il y en avait quatre-vingt-douze grammes, et le plus grand pesait seul environ trente grammes. Ces pierres sont presque toutes blanches et ont, au premier aspect, l'ap- parence de morceaux de craie; mais en les brisant, on voit que la couleur blanche ne forme, chez la plupart, qu'une croûte à la surface, et ne parait être que le résultat de l’action du sue de l'estomac; l’intérieur conserve son aspect propre du silex. Ce sont, en effet, des rognons de silex provenant de la craie. Dans un de ces morceaux, je distingue un amphidisque très-bien conservé. Il serait fort intéressant de savoir où ce Dauphin a pris ces cailloux , et de reconnaitre par là les parages qu'il a visités. La présence de cailloux dans l'estomac, si communs dans les oiseaux de certains groupes, ne s’observe que rarement dans d'autres classes. Nous avons, toutefois, un exemple remarquable à citer parmi les poissons. Au commencement de ce siècle, de Blainville a eu l'occasion de disséquer quelques grandes espèces de Squales, et, comme Home, il a reconnu plu- sieurs seaux de petits cailloux dans l'estomac d'un individu qui a échoué à Dieppe ?. ! De Blainville, Squale pèlerin, p. 112. RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. il Ce serait un point extrêmement curieux que de connaitre les animaux qui servent de pâture les uns aux autres, et de savoir ainsi la destination de chaque animal en particulier. Nous avons depuis longtemps porté toute notre attention sur ce sujet dans la classe des poissons, et nous n'avons pas négligé d'étudier, sous ce rapport, les deux Dauphins dont nous donnons ici la description. La variation des dents, leur forme, leur nombre et leur situation font supposer que le genre de nourriture diffère grandement chez les animaux de ce groupe, même chez les Cétacés proprement dits, et M. Eschricht n’a pas hésité à diviser ces animaux, d’après leur nourriture, en Teuthophages, en Sarcophages, en Ichthyophages et en Ptéropophages !. Il yen a, en effet, qui semblent se nourrir exclusivement de certaines espèces de Céphalopodes. MM. Haalland, Baussard, Johnson, Jacob, Eschricht, et surtout Vrolik, ont trouvé dans l’estomac de l’'Hypéroodon des cartilages, des cristallins et des becs de Calmars. Ces becs sont souvent très-nombreux et emboîtés les uns dans les autres. M. Vrolik dit en avoir compté jusqu'à dix mille dans un Hyperoodon *. H. Goodsir a observé beaucoup de Dauphins et de Marsouins accompa- gnant les bancs de harengs, sur les côtes de l’île de May; cependant il n'a pas trouvé de débris de poissons dans leur estomac 5; d’où il conclut que les poissons ne forment pas la pâture de ces mammifères, mais qu'ils poursuivent la même proie qu'eux. Il est possible que dans ces parages les Dauphins et les Marsouins préfèrent les bancs de Crustacés microscopiques aux poissons ; toutefois on ne peut pas en conclure que ces animaux ne soient pas ichthyo- phages; ils le sont au contraire à un haut degré, comme le montre l'animal dont il est question ici. Goodsir a donc trouvé des Dauphins sans arêtes de poisson dans leur estomac; cela ne doit pas tant étonner : de Blainville n’en a même pas trouvé dans lestomac d'un Squale de trente pieds de long, le Squale pèlerin. On peut bien admettre que la misère et quelquefois les maladies jettent ces ani- ‘ Wallthière, p. 7. ? Vrolik, p. 85, Hyperoodon ; 1848. 5 Edinb. New phil. Journ., vol. 55, p. 88. 12 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. maux à la côte, et rien ne doit surprendre si, après la mort, on trouve leur estomac complétement vide. Si donc nous trouvons quelquefois l'estomac de ces animaux compléte- ment dépourvue d'aliments, n'oublions pas que ce sont le plus souvent des individus égarés ou malades qui viennent échouer et qui n'ont pas trouvé ou pu atteindre leur pâture habituelle. Quand même on trouverait de petits Crustacés dans leur estomac, nous les regarderions plutôt comme la päture des poissons avalés que comme la pâture des Dauphins eux-mêmes, Voici maintenant quelques observations que nous avons été à même de faire sur le fœtus. Le placenta ne ressemble point au placenta des autres mammifères mo- nodelphes : au lieu de former un disque ou une zone, ou des cotylédons épar- pillés, le placenta est véritablement membraneux et contracte adhérence avec la matrice sur une très-large étendue. Le cordon ombilical se termine du côté de cet organe par une expansion foliacée dans laquelle les vaisseaux se répandent comme dans un repli de mésenthère. Nous avons compté cinq orifices de vaisseaux béants en coupant le cordon ombilical. Ce placenta des cétacés véritables a done des caractères particuliers. Hs ne sont ni discoplacentaires, ni zonoplacentaires, ni polyplacentaires; mais on pourrait, à cause de l’état membraneux de cet organe éphémère, les dési- gner sous le nom de phylloplacentaires. Nous disons les Cétacés véritables, parce que nous sommes persuadé que l’on trouvera le placenta des Siré- noïdes conforme au type des Ongulés. La tête du fœtus est déjà globuleuse comme celle de l'adulte, et ressemble, comme le fait remarquer Cuvier, à un casque antique. Le long du maxillaire supérieur règne une dépression qui forme la limite inférieure du casque, et comme le museau s’allonge un peu, les os maxil- laires et intermaxillaires forment, par leur extrémité libre, une espèce de bec. C'est au fond de cette gouttière que se trouvent les bulbes des mous- taches. Les yeux sont ouverts, et l'on voit très-bien, à une courte distance en arrière et au-dessous d'eux, le méat auditif. RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 15 Comme la tête présente des caractères si curieux par l'élévation du lobe de graisse qui lui donne un front saillant et la rainure qui borde la màchoire supérieure, nous l'avons fait mouler, afin de conserver encore mieux que par le dessin cette physionomie qui lui a valu, de la part de Cuvier, le nom de Globiceps. Quoique la coloration ne soit pas à beaucoup près aussi variée dans les mammifères aquatiques que dans les mammifères terrestres, chaque espèce porte cependant une livrée particulière, et, en y regardant de près, on reconnait entre les Cétacés des différences qui sont encore assez notables. C’est surtout le fœtus à terme qui mérite sous ce rapport toute lattention de l'observateur. Tout le corps du fœtus était d’un noir grisätre ayant une certaine teinte tirant sur le vert. La face inférieure du corps, depuis la gorge jusqu’à l'anus, est au contraire d’un blanc mat, et ces couleurs ne se fondent aucunement sur leurs limites : ce blanc s'étend sous la forme d'une bande qui va, en s'élargissant, d’arrière en avant, et elle se termine brusquement en avant, un peu au-devant des nageoires pectorales, par deux lobes échancrés en cœur. Le fœtus, vu de profil, laisse apercevoir en avant la bande blanche ; mais on ne saurait la voir en arrière. Les plumes ne manquent dans aucun oiseau et peuvent servir de caractère distinctif de la seconde classe des vertébrés. Peut-on en dire autant des poils chez les mammifères? Les Cétacés seuls ne sont pas pilifères. Cela n’est toutefois pas exact d’une manière absolue. S'ils n'ont pas le corps couvert de poils à l’âge adulte, comme les mammifères terrestres, ils portent cependant quelques poils aux lèvres supérieures, comme pour révéler le moule dont ils sortent ou la souche dont ils descendent. Les Phanères, qui persistent dans cet ordre, nous indiquent en même temps que les poils des diverses régions du corps ne montrent pas partout, comme, du reste, on pouvait le supposer, la même fixité, la même persistance. Il y en a qui disparaissent toujours les premiers; mais les poils des Cétacés sont évidemment les derniers, et pourraient être désignés sous le nom de poils fixes par rapport aux autres qui sont relativement caduques. Les vibrisses , ou poils des moustaches, sont donc les poils qui offrent le plus de fixité. 14 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. On sait que Cuvier doutait de l'existence des poils véritables dans les Céta- cés, et il a fait l'aveu de ne jamais en avoir trouvé de trace dans un Cétacé proprement dit. Pour justifier sa nomenclature, il manquait à de Blainville la présence de poils chez ces mammifères aquatiques; mais c'est en vain aussi qu'il en à cherché, et pour le savant successeur de Cuvier, c’est dans les fibres de l'épiderme qu'il a trouvé ces phanères. C’est leur épiderme singulier, dit-il, qui parait remplacer les poils ?. On avait cependant depuis longtemps constaté leur présence chez les fœtus de diverses espèces de Dauphins, et il est étonnant que Geoffroy Saint-Hi- laire, après avoir reconnu les dents des Baleines, n’ait pas cherché leurs poils. L'existence de ces phanères avait cependant été signalée déjà. Klein et Camper avaient depuis longtemps fait mention de poils chez les fœtus de véritables Cétacés, et, en 1830, au Muséum même, Emmanuel Rousseau avait trouvé, parmi les nombreux objets envoyés par M. Dussumier, deux fœtus de Dauphin portant une moustache qu'il supposa temporaire ?. Depuis plusieurs années, M. Eschricht a reconnu, de son côté, des poils chez plusieurs fœtus de Cétacés véritables, et le savant professeur de Copen- hague rappelle que Frédérie Martens % à déjà fait mention de ces organes même chez des fœtus de Baleine. M. Eschricht a eu l'occasion d'étudier trois fœtus de Lagénorhynque albi- rostre et un fœtus d’une espèce de la côte du Brésil. La lèvre supérieure était garnie chez chacun d’eux de huit poils. Dans un fœtus de Delphinus globiceps, M. Eschricht n’en a trouvé que trois, et, chose remarquable, le savant et habile professeur de Copenhague n'en a trouvé, ni dans les fœtus de Delphinus albicans (Beluga), ni dans le Monodon monoceros (Narval). M. Eschricht pense que leur nombre est en rapport avec la longueur du museau et qu'il est aussi constant, d’après lui, que leur situation et leur arrangement. ! De l'organisation des animaux, p. 69. Ann. se. nat., 1850, p. 551. Reise, p. 98. Voyez aussi Zorgdrager, dans sa Description de la dépêche de la Baleine: Voor aen de lippen van den muil, 300 wel beneden als boven , zitten korte hairen, dit-il. > 5 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 15 M. Stannius a observé aussi, de son côté, des poils chez les fœtus de Dau- phin, mais, comme Eschricht, il n’a pu en découvrir non plus dans le fœtus de Narval. Notre fœtus portait également des poils, qui, pour être petits et peu nom- breux , ne sont pas moins de véritables poils; et, avec un tant soit peu d’at- tention , à l'œil nu et à distance, on les apercevait aussitôt que la tête du fœtus était mise à nu. Au-dessus de chaque lèvre, dans le sillon qui sépare la bosse des lèvres, près du bord libre de la mâchoire supérieure, on voit quatre éminences ou saillies sous forme de mamelon, montrant une dépression au centre, et au fond de ce centre s'élève un seul poil, lequel était très-visible pour tout le monde. Aussitôt que le fœtus a été retiré, nous l'avons placé dans un grand pa- nier, sans le manier et sans le couvrir directement, et il a été expédié sur Louvain dans un complet isolement. Au bout de trente-six_ heures, il était à sa destination, et, au moment même de son arrivée, je remarquais que les poils étaient déjà tombés, sauf un seul, qui était resté collé contre le bulbe. Par là on peut juger de la caducité de ces organes , et on ne doit pas être surpris si ces phanères ont souvent échappé à l'attention des naturalistes. Chaque poil avait à peu près un centimètre de longueur, et s’il peut échap- per aisément à l'observation par sa finesse et par sa brièveté, au moins sa place, au milieu d’une bulbe, le fait aisément reconnaitre. Il suffit de comp- ter les bulbes pour connaitre le nombre de poils, et ces bulbes sont aussi volumineux que ceux qui logent les dents. L'état du système dentaire offre toujours un haut intérêt dans tous les mammifères , et cet intérêt augmente encore quand il s’agit du fœtus, en voie de développement ou approchant du terme. Quelle est la disposition des dents des Globiceps en venant au monde? D'après Lemaoüt , qui nous a fait le récit de cette bande de sept mâles, de cinquante et une femelles et de douze jeunes à la mamelle, qui sont venus échouer dans le voisinage de la ville de Paimpol (extrémité septentrionale de la 16 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. Bretagne), quelques-uns des jeunes, disait-il, manquaient tout à fait de dents. Il faut ici un mot d'explication. Est-ce bien manquer que Lemaoüt aurait dû dire en parlant des dents? Quand la bouche est ouverte on ne voit pas de dents, voilà ce que Lemaoüt veut dire, mais les dents ne manquent pas. Elles ne font pas défaut parce qu'elles n’ont pas encore percé les gencives. II est vrai, dans le langage ordinaire, on ne compte les dents que pour autant qu'elles sont sorties; mais le naturaliste compte celles qui existent, qu'elles soient sorties où non. Il y a des dents qui ne percent jamais à aucune époque de la vie, mais on ne peut pas dire qu’elles manquent parce qu'elles sont cachées à la vue. Au moment de la naissance, les individus de chaque espèce doivent avoir leur système dentaire au même degré de développement, et, comme nous trouvons déjà les dents développées avant que le fœtus soit à terme, il est clair que l'étude des gencives se sera bornée, de la part de Lemaoüt, à la surface des deux màchoires. Il n'a voulu parler que des dents sorties. En examinant attentivement les bords des mâchoires, on ne trouve, en effet , aucune apparence de dents à l'extérieur, mais on voit les gencives régu- lièrement couvertes de bosselures, comme si un chapelet de petits pois les soulevait. Les bords des os maxillaires sont en effet régulièrement soulevés, tant à la mâchoire supérieure qu’à la mâchoire inférieure, et, en enlevant la masse gencivale de la gouttière alvéolaire, on s'aperçoit que chaque bosse correspond à une dent véritable. L'os maxillaire inférieur conserve encore , au moment de la naissance, l'as- pect d'un étui osseux, protégeant la masse charnue qui sert de gangue aux dents. ] Il ya donc des dents, mais elles n’ont pas percé. Ces dents sont au nombre de dix à la mâchoire inférieure comme à la mà- choire supérieure f, ! Le Delphinoptère Beluga à trente-quatre dents, dit Emmanuel Rousseau. Pour voir dans quelles limites varient les dents des espèces, nous avons comparé dix têtes de Beluga, et voici le résultat : 8—8 9—10 9-9 9-9 9—9 9-9 9-8 9-10 10—10 9—9 8—8, 8— 8, 8—7, 9-9, 8—8, 8-8, 8—8, Y9— 9, 10—10, 8—8. RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 47 Elles sont toutes semblables et ne différent que très-légèrement de grosseur. Les antérieures et les postérieures sont les moins fortes. Toutes ont une forme conique avec le sommet légèrement courbé. Chaque dent est encore enveloppée de sa capsule, et malgré sa forme creuse, on ne parvient à la séparer de la pulpe, qui l’a engendrée, qu'après des ti- raillements répétés. Dans chaque os maxillaire on voit, au fond et sur le côté de la gouttière dentaire commune, autant de dépressions alvéolaires qu'il y a de dents. Toute la rangée de dents tient à la peau de la gencive et ne montre d'autre adhérence que celle des vaisseaux et des nerfs. Il n'y a aucun contact avec le tissu osseux. Il n’y a pas d'apparence d’autres dents que celles dont nous venons de parler, et qui appartiennent toutes aux dents molaires. Nous avons découpé, avec le plus grand soin et dans tous les sens, la peau qui recouvre le bout du museau et de la mâchoire inférieure, et il n'y a aucune trace de dents que l’on puisse considérer comme incisives. Il est évident aussi qu'il n’y a pas de dents de remplacement. Dimensions du fœtus. m. Bongueuritotale Me Ash MU Sen a AURAS, OU 1,70 Énhedelanaseéotrepectorale"h#. 60 AU TI HE 0,58 Hauteur de la nageoire dorsale . . . . PRES Le TP UE 0,20 Longueur de chaque lobe de la nageoire smile I PET RNA ON 0,22 Distance du bout du bec à la nageoire dorsale . . . . . . . 0,60 — de la nageoire dorsale à la queue . . . . . . . . 0,84 Nageoire caudale:à sa bases UD HONOR 0,26 Distance du bout du bee à Pévent . . . . . . . . . . . 0,27 — — à la commissure des lèvres . . . . . 0,18 Hauteur du corps au-devant de l'épaule . . . . . . . . . 0,27 — — au-devant de la nageoire dorsale. . . . . . 0,21 Épaisseur de la couche de lard . . . . . . . . . . . . 0,025 Il ne peut y avoir le moindre doute au sujet de l'espèce ; c’est bien l'animal dont nous donnons ici la synonymie, et qui doit porter dans le langage vul- Towe XXXII. G) . 18 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. gaire le nom de Grindewall ; mais est-on également d'accord au sujet du genre ? Frédéric Cuvier, négligeant, dans la rédaction de son livre sur les Cétacés, les notions les plus élémentaires que ses recherches sur les dents n'auraient pas dû lui faire perdre de vue, réunit, sous le nom de Harsouins, les animaux les plus disparates, et y comprend méme le Delphinus globiceps. Les Orca, les Beluga, les Globiceps et les véritables Marsouins sont placés les uns à côté des autres. Gray, dans son Catalogue , place le genre Globiocéphale , qu'il a créé pour celle espèce !, entre l’'Orca et les Grampus. Cet animal n'est certes pas un Marsouin et encore moins un Orea ; mais fait-il un genre nouveau et faut-il adopter le nom proposé par Gray ? En attendant que les aflinités de ce Cétacé soient mieux appréciées , nous continuerons à nous servir du nom sous lequel il est encore le plus générale- ment connu, c'est-à-dire Decpninus GLOBICEPS. Cu. el nous donnerons comme synonymie : 1806. Neïll. Tour throught some of the Island Orkney and Shetland. Édimbourg, 1806. 1809. Decpminus MELas. Traill, Vicholson’s Journal, vol. 22, pl. 5. 1820. Decpuinus pepucron. Scoresby, an Account of the aretic regions. Dezpunus éLoricers. Cuvier, Ann. de Museum, XIX , tab. 1. Oss. foss., pl. 21, fig. 11, 12,45. Dezpmnus éLoricers. Schlegel, Abhandelungen, 4 Ht., pag. 55; 1841. = — Fauna Japonica., Mammif., tab. 27. (Jeune animal.) Puocoena MELAs. Couch., Ann. of nat. hist., vol. 9. 1842. — — De Selys-Longchamps, Faune belge. 1850. GLoriocepuaLus SvinevaL. Gray, Catalogue, pag. 87. 1552. DeLpmnus meLas. Gervais, Zoologie et Paléontologie françaises. Paris, 1848-52. GRIND-WHALE, aux iles Faerü. CLAING-wWnaLe, en Shetland. Nisannar , en Islande ?. Par quel nom désignerons-nous ce Dauphin en hollandais (nederduitsch), Zool. Ereb. et Terror. ? C'est à M. Eschricht que nous devons la connaissance de ces noms locaux. RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 19 dit notre savant confrère, M. Van der Hoeven, en parlant de cette espèce ? Il ne nous semble pas douteux , nous devons tous adopter le nom de Grin- dewal. C’est aux iles Faerô qu'il est le mieux connu, et c’est ce nom qui doit prévaloir. Depuis que les iles Faerô sont habitées, dit M. Eschricht, dans sa savante communication à l’Institut, en 1858, des milliers d'individus d’une espèce de Cétacée sont pris chaque année, lors de leur passage des mers polaires à l'Atlantique. Ce Cétacé est le Grindewal 1. Il est à peine croyable que l’on ait pu prendre jusqu'à mille Grindewalls à la fois sur ces côtes. D’après Irminger, dit encore Eschricht, on a pris, de 1835 à 1844, 16,299 individus. Nous trouvons dans l'ouvrage d’Eschricht, sur les Baleines du Nord, que Holbôll n’a jamais vu le Grindewall au delà du 66° degré de latitude au nord de Godthaab, qu'ils visitent seulement, et encore d’une manière très-irré- gulière , les côtes méridionales du Groenland; en dix-huit années de temps, il n’a vu ces Cétacés que deux fois, et ces deux années leur présence corres- pondait avec l'absence de Phoques. Les Phoques mangent aussi les Cépha- lopodes. Quand il en arrive, c’est par grandes bandes. En 1812, il en échoua , avons-nous vu plus haut, soixante et dix en même temps près de Paimpol (Côtes-du-Nord). Le Delphinus globiceps habite la mer du Japon, l'océan Pacifique ou le grand Océan boréal, la mer du Nord, la Manche et le détroit de Davis. 1 Ce Grindewall, si commun aux côtes des Faerô, parait de temps en temps dans le détroit de Davis, dit M. Eschricht, mais il n’y fait pas un séjour régulier, (Comptes rendus, 12 juil- let 1858, pag. 54.) . 20 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. Dans le courant de l'été de 1851, au mois de juillet, les pêcheurs d'Os- tende prirent un fort beau Dauphin du sexe femelle, qui nous parvint à Lou- vain dans toute sa fraicheur. Au milieu de l'hiver de 1852, un second indi- vidu du même sexe et de la même espèce fut pris dans des circonstances analogues : ce sont eux qui nous ont fourni le sujet de quelques observations que nous consignons ici. Nos recherches sur les vers intestinaux, qui absorbaient toute notre atten- tion et qui réclamaient tout notre temps au moment de cette prise intéres- sante, nous ont empêché d'en faire mention plus tôt. Du reste, nous avons été assez longlemps sans pouvoir déterminer l'es- pèce, et les riches matériaux du muséum d'histoire naturelle de Paris, que l'on ne consulte jamais sans fruit, n'avaient pu nous mettre sur la voie. Ce Dauphin y est complétement inconnu. Ce n’est qu'en visitant les musées de Berlin, de Kiel et surtout celui de Copenhague, formé par les soins si in- telligents d'Eschricht, qui en a fait le premier musée cétologique du monde, que nous nous sommes assuré que cette espèce est connue des naturalistes. Elle a été longtemps confondue avec le Delphinus tursio de la Méditer- rané , et Gray en a fait le type d’un genre nouveau, sous le nom de Lage- norhynque. Nous avons mis nos soins à conserver par un dessin la forme et la distri- bution des couleurs de ce curieux Dauphin, et, indépendamment de la figure réduite que nous joignons à ce mémoire, nous avons exécuté un dessin de grandeur naturelle, afin de mieux conserver la forme et les couleurs. Voyons d'abord les caractères extérieurs. L'animal pesait au delà de trois cents kilogrammes. Du bout du museau au bord libre de la nageoire caudale , il mesurait sept pieds. IT y avait un pied d'intervalle entre la partie postérieure des évents et la pointe du museau, et trois pieds moins un pouce de cette même pointe à la base de la nageoire RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 21 dorsale. Il restait quatre pieds de cette base au bord de la nageoire postérieure. La nageoire pectorale a quatorze pouces et demi depuis l’'échancrure anté- rieure jusqu’à la pointe, et huit pouces et demi de la commissure de la lèvre au bout du museau. Au-devant de la nageoire caudale (huit pouces), le corps a huit pouces et demi de hauteur. La tête se prolonge en une sorte de bec. Depuis la base du bec, la tête, le dos, toute la nageoire dorsale, la base de la queue et, sur le côté, jusqu’au milieu des flancs, la peau est du plus beau noir, comme la nageoire caudale et une grande partie de la nageoire pectorale. Le bee ou cette partie du mu- seau qui s'étend depuis le bout de la lèvre jusqu'à la partie qui s'élève brus- quement , est d’un blanc jaunâtre. Toute la face inférieure du corps est d’an blanc luisant. Mais ce qui, dans la coloration, semble le mieux caractériser celte espèce, indépendamment de la couleur pâle du bec, c’est une bande blanche qui s'étend sur les flanes parallèlement à la colonne vertébrale, à commencer au-dessus des yeux , pour se perdre dans la couleur blanche de l'abdomen au-dessous du bord antérieur de la nageoire dorsale. Il en résulte que le corps est blane en-dessous, depuis le menton jusqu'à la base de la nageoire caudale , sur le côté de l'abdomen et de la queue, et qu'il règne une bande , également blanche, sur le côté du dos. Nous avons examiné avec attention, sur les deux individus encore frais, la forme de leur évent: c’est une fente en demi-cercle comme un orifice de bouche fermé par deux lèvres et dont les commissures sont un tant soit peu ouvertes. Les deux commissures sont à 0,034 de distance l’une de l’autre. Comme toujours, la concavité est dirigée en avant. Nous avons visité ces Dauphins avec le plus grand soin à l'extérieur comme à l'intérieur, et, ce qui paraitra bien remarquable, e’est que nous n'avons pu découvrir aucun parasite. Dans l'un comme dans l’autre individu, ni les cavités de la bouche, de l'estomac et de l'intestin, ni les bronches, ni le sang, ni les sinus de la tête, ni les régions délicates de la peau, nulle part nous n'avons pu découvrir un être vivant, soit comme parasite, soit comme commensal. C’est un exemple tellement rare chez les animaux qui n’ont pas abandonné leurs régions géographiques, que nous serions presque tenté de supposer que ce Dauphin est étranger à la mer du Nord. 29 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. Voici le tableau des principales dimensions : m. Longueur totale . . . . h ‘É su das tn litres. < 2,355 Du bout du museau à la ee see rieure ne ÉTVENTS.-E . …-- 0,52 Du bout du museau à la base de la nageoire dorsale . . . . . 0,97 Du bout du museau à l'œil . . ,. . . SEE DE 0,255 De la base antérieure de la nageoire dorsale au re de la nageoire CaUuIE US ET RS PEU ORNE AE 1,56 Longueur de la nageoire MNT ne et à net INT 0,59 Du bout du museau à la commissure des lèvres. . . Ê 0,256 Hauteur du corps, à 8 pouces de distance de la nageoire dre 0,256 LODPUEUTITES) PEU RIÈRES EE RC 0 0,02 Distance des deux'anglés de!l'évent. . . … ROM À 0,055 Il est à remarquer que les Dauphins, dont les mesures ont élé conser- vées, sont un peu plus grands que les nôtres; les deux du port de Kiel mesuraient 2,99 et 2,91; celui de Brightwell mesurait 4,49 ; ils appar- tiennent au sexe mâle. On sait que les Cachalots mâles ont le double de la longueur des femelles ; on ne doit done pas s'étonner de la différence de taille de cette espèce, dif- férence qui dépend, à ne pas en douter, du sexe. À cause de l'importance de cette espèce, nous allons indiquer ici le ré- sultat de quelques observations que nous avons pu faire sur le squelette, le tube digestif et les organes génitaux. La forme de la tête est assez caractéristique ; elle se divise exactement en deux moitiés à peu près égales : l'une antérieure, formant le bee, et l'autre postérieure , comprenant tout le reste de la tête, La mâchoire inférieure dé- passe la supérieure à peu près de la distance d’un pouce. Dans les deux squelettes, les dents sont au nombre de vingt-cinq en-dessus et en-dessous. Dans d’autres crânes, on n'en compte que vingt et une de chaque coté, Pour nous assurer de l'importance du nombre des dents dans les espèces de Dauphins, nous avons comparé, comme nous l'avons dit plus haut, douze cranes de Beluga de Groenland de tout âge, et nous n'avons vu ces dents varier que de huit à dix. Dans deux crânes, complétement adultes, il en RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 19 O1 existe, chez Fun, huit sur huit, chez l’autre dix sur huit. Dans un seul, nous en avons trouvé dix sur dix. La dentition de tous ces crânes était com- plète. M. Eschricht avait demandé ces têtes au courageux Hôlboll, qui a si tristement péri, pour s'assurer s'il y a une différence dans la dentition des deux sexes; on sait que les Beluga sont, sous tous les rapports, si voisins des Narvals, et que leurs dents présentent, chez les mâles, des différences si con- sidérables : la femelle des Narvals n’a pas de défense, c’est à peine si on peut la distinguer des Beluga. On désigne même dans le Nord ces deux Dau- phins, si différents par les mäles, sous un nom générique commun. Si l'os de l'oreille a une grande importance pour la distinction des espèces de Cétacés, ce n’est pas tant la description de cet os qui présente une véri- table utilité, qu'une bonne figure. Nous nous bornerons à faire remarquer que la caisse tient au rocher par une surface concave du rocher et convexe de la caisse, surface qui n’est pas sans ressemblance avec un moule de cer- taines coquilles bivalves, dont la surface est couverte de stries partant du sommet de la valve et s’éloignant en éventail vers la circonférence. La caisse, du côté de son orifice, ressemble à une feuille qui s’enroule autour d’un objet et qui n’a pas encore complétement enveloppé le corps étranger. Du côté opposé, la caisse se termine à l’un des bouts en s’arron- dissant, et, au bout opposé en formant deux renflements séparés par une échancrure. Nous avons fait figurer ces os. M. Claudius fait remarquer, avec raison, que les condyles occipitaux sont excessivement rapprochés dans cette espèce; le cas cependant n’est pas unique, nous trouvons une disposition toute semblable dans le Delphinus longirostris. La colonne vertébrale porte un nombre considérable de vertèbres, qui sont partagées, d’après les régions, de la manière suivante : sept vertèbres cervi- cales, dont les deux premières sont soudées ensemble ; quinze ou seize dorsales, vingt-trois lombo-sacrées et de quarante et une à quarante-quatre vertèbres caudales. Ce même nombre de vertèbres se trouve dans les deux squelettes que nous possédons. En disant quinze ou seize dorsales, nous avons voulu indiquer que l’un possède quinze côtes et l’autre seize. Nous venons de le dire, l’atlas et l’axis sont complétement réunis; mais 24 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. les cinq vertèbres suivantes méritent une mention spéciale. A l'exception de la septième, ces vertèbres ont une apophyse transverse inférieure qui se di- rige non en dehors mais en avant; et, comme ces apophyses sont très- minces et sont serrées les unes contre les autres, elles ont l'air d’écailles imbriquées : c’est l'apophyse de la troisième qui est la moins développée. Il y a, sous ce rapport, de grandes différences entre les deux espèces de ce genre. Les côtes sont au nombre de quinze dans l'un et de seize dans l’autre squelette, disons-nous. Mais ce qui surtout est curieux, c'est que dans l'un, celui qui en a seize, la première côte s'articule par le bout libre, tandis que les six côtes suivantes s’articulent par la tubérosité non terminale ; le sque- lette qui n’en a que quinze a les six côtes antérieures articulées de la même manière par la tubérosité non terminale. Il n’y a pas de transition de la dernière côte, s’articulant, par les deux sur- faces, aux côtes suivantes. I y a done dans les deux squelettes six côtes articulées par la tubérosité et qui ont une tête et un col; dans l’un, c'est de la première à la septième; dans l’autre squelette, de la seconde à la huitième. L'omoplate est très-curieuse par son grand développement en largeur. En la comparant au même os de l'espèce voisine, si semblable sous tous les rap- ports, il y a de notables différences. L'omoplate est assez remarquable aussi par ses deux apophyses acromion et coracoïde, Elles sont toutes les deux fort développées et, contrairement à ce que l’on observe en général, elles ont la même importance. Il y a même ceci de remarquable, c’est qu'une de ces apophyses est plus large que l'autre et bilobée, et dans l’un des squelettes, c’est l'acromion qui est le plus large, dans l'autre, c’est l'apophyse coracoïde. Le sternum est composé de trois pièces dans l'un des deux individus, de quatre dans l’autre ; mais dans tous les deux , la pièce antérieure la plus forte est échancrée en avant à peu près jusqu'au centre de los. Le squelette du Lagenorhynchus Eschrichtii n'a pas cette échancrure sur le bord antérieur du sternum, mais un trou au milieu , comme si l’échancrure s'était effacée par la soudure. RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 95 Les membres ont une largeur ordinaire. Les os, à commencer des os carpiens, ne sont pas sans mériter une men- tion spéciale. Il existe d’abord une première rangée d'os carpiens, mais au lieu de trois pièces, il y en a quatre, et la seconde rangée n’en a plus qu’une seule : c’est évidemment un os de la seconde rangée qui a été refoulé en haut. Le pouce n’est représenté que par un métacarpien, sans aucune apparence de phalange. L’index est le plus long et compte huit phalanges; le doigt médian est plus court et en compte six; l’annulaire, plus court encore , n’en compte plus que trois, et le petit doigt, outre le métacarpien, n’a qu'une seule phalange fort petite, comme le sont toutes les phalanges terminales. Dans la composition du tube digestif, c'est moins la conformation de l'es- tomac que son contenu , ainsi que la curieuse disposition des replis de la muqueuse de l'intestin, qui méritent de nous arrêter un instant. Les deux Dauphins qui ont fourni le sujet de ce mémoire avaient tous les deux leur estomac également plein de débris, ce qui nous fait supposer que cet organe, ainsi chargé, est dans son état physiologique. En volume, chaque Dauphin portait au moins deux litres d’arêtes de poisson. Nous avons soumis le contenu à un examen minutieux, et nous avons trouvé que les trois quarts se composaient d’arêtes de Merlan et de leurs oto- lithes et cristallins, d’un autre poisson à peu près de la même taille, et le reste de portions de carapaces et de pattes de Pagure, ainsi que d’opercules de Buccinum undatum. Nous avons trouvé aussi des valves entières de Cardium edule n'ayant pas la moitié de leur croissance. Comme ces poissons , dont les débris remplissent l'estomac, sont de petite taille , on ne peut admettre que ces valves et opercules de Mollusques, pas plus que les articles de la carapace de Pagures , qui ne sont pas moins écra- sés, proviennent de l'estomac des poissons avalés : ce sont bien les Dauphins eux-mêmes qui ont pris et avalé ces animaux vivants. Depuis plusieurs années, M. Eschricht a attiré l’attention des naturalistes sur la disposition des replis de la muqueuse intestinale. Cette disposition est très-importante au point de vue zoologique, puisque chaque espèce pré- Toue XXXII. 4 26 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. sente dans ces replis des caractères propres. Le Dauphin, dont il est question dans ce mémoire, est extrémement remarquable sous ce rapport. Indépen- damment des replis longitudinaux, il y a des replis transverses, à des inter- valles réguliers et assez rapprochés, qui divisent la surface intestinale en compartiments carrés assez semblables à des alvéoles. A mesure qu'on approche de l'intestin rectum, les replis transverses diminuent , puis disparaissent pour laisser les plis longitudinaux seuls. Cette disposition est reproduite sur une de nos planches. Nous ne parlerons pas de la matrice, qui est bicornue, comme dans tous lé Cétacés; mais le vagin est remarquable par ses replis transverses qui divisent la longueur de cet organe en plusieurs étages. Ces caractères sont peut-être communs à tous les animaux de cet ordre. On pourrait croire d’abord qu'il existe plus d’un museau de tanche et que ceux-ci sont placés par élage les uns au-dessus des autres. Indépendamment de ces replis, il existe encore des replis longitudinaux très-nombreux et fort rapprochés les uns des autres. On distingue fort bien le clitoris dans les deux individus femelles que nous avons eu l’occasion d'observer. Nous avons éprouvé, avons-nous dit plus haut, de grandes diflicultés dans la détermination de cette espèce. En consultant les livres classiques nous arrivions toujours au même résultat , c'est-à-dire que notre Dauphin était voisin du Tursio, mais qu'il n'était pas possible de ne pas l'en distinguer, Le Tursio est en effet cité par M. de Selys- Longchamps, dans sa Faune belge, comme se trouvant en Picardie ; et nous avons vu, au muséum de Paris, un crâne de véritable Tursio pris dans la Manche et envoyé par M. Baillon. Il y a aussi un squelette de Tursio à l'uni- versité de Gand, et il en existe un au musée de Leyde, d'un individu pris dans la mer du Nord. Le musée de Louvain possède un Tursio, que j'ai rapporté moi-même de la Méditerranée. Après avoir comparé le crâne avec ceux qui se trouvent au muséum de Paris, nous écrivimes la note que voici : De tous les Dauphins du muséum , il n’y en a qu'un seul qui se rapproche RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 27 un peu du nôtre; il est d'origine inconnue, sans dents en sans mâchoire inférieure. Il est écrit à la main sur le crâne même : voisin du Tursio. I porte sur l'étiquette : Tursio de Bonnaterre. Il en diffère toutefois par les os incisifs, qui sont séparés dans toute leur largeur dans le crâne du muséum, tandis qu'ils sont réunis au milieu dans celui-ci. Le même crâne du muséum a le museau un peu moins long et plus large à la base, et, d’après les alvéoles, il porte quelques dents de moins, environ vingt-deux. Après avoir compulsé quelques travaux particuliers sur ce sujet, j'ai trouvé, dans Schlegel !, la description d’un squelette de Dauphin, envoyé au muséum de Leyde par M. Eschricht. La tête est représentée dans cet ouvrage. M. Schlegel l’a nommé Delphinus Eschrichtii. C'est évidemment de ce Dauphin que le nôtre se rapproche le plus ; mais, comme nous le verrons plus loin, par la comparaison que nous ferons après la description, il existe encore des différences dans des organes qui ne varient guère chez les animaux de celte classe. Enfin, c’est en visitant Copenhague que nous avons pu débrouiller com- plétement l'histoire de ce Dauphin et d’une espèce voisine dont nous possé- dions depuis longtemps le squelette. Nous avons trouvé quatre squelettes complets de notre Dauphin : deux à Copenhague, un à Kiel et un à Berlin. Voici, en quelques mots, l'historique de cette curieuse espèce qui a fait le sujet d’une bonne dissertation écrite par Mathias Claudius en 1853. Nous y puisons les principaux détails que renferment les lignes suivantes. Comme cet intéressant opuscule est peu connu, nous ne croyons pas faire un hors- d'œuvre en les reproduisant. En 1846, M. Brightwell décrit ce Dauphin sous le nom de T'ursio, d'après une femelle prise non loin de Yarmouth. Peu de temps après, J.-E. Gray vit dans ce prétendu Tursio une espèce nouvelle et lui donna le nom d’Albirostris. L'année suivante , M. Eschricht reçoit un squelette de ce même Dauphin, et lui trouvant quatre-vingt-quatorze vertèbres, nombre que l’on n'avait trouvé encore dans aueun Dauphin, il le décrit comme nouveau sous 1 Abhandelungen…. … 28 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. le nom de Delphinus Ibsenii. Puis, en 1852, on prend un individu de cette même espèce dans le port de Kiel, et c’est lui qui a fourni à M. Claudius le sujet de sa dissertation. Ce Dauphin doit donc porter le nom de : DELPHINUS (LAGENORHYNCHUS) ALBIROSTRIS. Voici la synonymie avec l'indication des principaux auteurs : Dezpuixus rursio. Brightwell, Ann. nat. hist., vol. 17; 1846. LAGENORHYNCUUS ALBIROSTRIS. Gray, Ann. a. mag. of nat. hist., vol. A7, pag. 84; 1846. Dezpuinus I8senu. Eschricht, Kongl. Danske vid. Selskab., vol. 12, et Comptes rendus de l’Aca- démie des sciences , 12 juillet 1858. DeLpuinus azBiRosTRis. M. Claudius, Dissertal. de Lagenorhynchis. Kiline, 1853. Ses caractères sont : Une dépression vers le bout du museau qui donne à l’animal une sorte de bec; ce bec est blanc, ainsi qu'une bande le long des flancs , qui commence au-dessus de l'œil et finit au pied de la nageoire dorsale ; toute la partie inférieure du corps est également blanche; le dos, la nageoire dorsale et Ja nageoire caudale sont du plus beau noir. La queue se rétrécit assez brusque- ment; la colonue vertébrale compte de nonante à nonante-quatre vertèbres ; les deux premières vertèbres, l’atlas et laxis, sont seules soudées; lomoplate est fort large et le pouce manque de phalange. Les pêcheurs d'Ostende appellent ce Dauphin Tenninck, sans doute du mot {onninck que l'on trouve cité dans quelques auteurs, mais pour plusieurs espèces de Dauphins qu'ils confondent. Ce qui me confirme dans l'idée que c'est leur véritable nom de nos pêcheurs, c’est que les deux individus m'ont été envoyés séparément, à deux années d'intervalle, sous la même dénomina- tion flamande. Cette espèce habite done la mer du Nord (côtes d'Angleterre, de Dane- mark et de Belgique) et la Baltique ( port de Kiel). On en connait un squelette provenant de Jutland, quatre de Groenland, un de la côte d'Angleterre, un de la Baltique (port de Kiel) et deux des côtes RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 29 de Belgique. A Berlin se trouve aujourd’hui un des quatre squelettes de Groenland. Un détail géographique très-curieux que nous fournit M. Eschricht, c’est que le Lagenorhynchus albirostris paraît régulièrement dans le détroit de Davis, à la suite des poissons passagers, avec le Xyphobalaena longimana , le Finwall, la petite Baleine et le Marsouin , à l’époque où le Mystitectus, le Beluga et le Narval abandonnent leur quartier d'hiver pour se réfugier dans les régions polaires. Comme nous possédons, à Louvain, un squelette de la seconde espèce de ce sous-genre, espèce que Schlegel a dédiée à Eschricht, nous en ferons men- tion, d'autant plus qu'elle habite la mer du Nord, comme l'espèce dont nous venons de parler. Notre squelette a été rapporté à Anvers par un navire marchand venant de la côte d'Afrique, d'après ce qu'on nous a assuré, et provenait d’un animal qui avait été harponné par l'équipage avec deux autres Dauphins, dont l’un est le Delph. Delphis. Cette espèce a été décrite d’abord par Schlegel en 1841, d'après un sque- lette que M. Eschricht avait envoyé au musée de Leyde. Par suite d’une faute d'impression, corrigée par M. Schlegel lui-même , qui donnait à ces Dauphins trente-deux vertèbres lombaires au lieu de vingt-deux (le nôtre en a vingt- quatre), Rasch a été conduit à faire une espèce nouvelle sous le nom de Delphinus leucopleurus. Comme le remarque M. Schlegel, les vertèbres cervicales sont remarqua- bles par la présence d’une apophyse à la partie inférieure du corps de la sixième vertèbre et qui manque à Ja septième. Il existe, sous ce rapport, une grande différence entre ces deux espèces, d’ailleurs si voisines , et cette apophyse, à la sixième vertèbre cervicale, cor- respond à la tête articulaire de la première côte, qui manque cependant dans un des deux squelettes de l’Atbirostris. Comme toutes les vertèbres cervicales diffèrent dans ces deux espèces, nous ne pouvons nous empêcher de signaler quelques-unes de leurs particularités. . 30 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. Des sept vertèbres cervicales, quatre sont soudées entre elles, les trois premières complétement, la quatrième seulement par son apophyse épineuse. Les vertèbres dorsales sont au nombre de quinze, les lombaires de vingt- quatre et les caudales de trente-six. 11 y a done un total de quatre-vingt-deux vertèbres. Le sternum est composé de deux pièces ; la supérieure, la plus grande, au lieu de présenter cette échancrure de l'Albirostris, présente, au contraire, son bord uni et un trou vers le milieu. Les deux pièces antérieures sont soudées. Mais de toutes les pièces du squelette les plus remarquables sont celles des extrémités antérieures. L'omoplate est beaucoup moins développée dans cette espèce que dans lA/- birostris, en même temps que ses deux apophyses acromion et coracoïde sont moins étendues et plus dissemblables entre elles. Le coracoïde est moins volumineux. : Les os du bras et de l’avant-bras sont plus ramassés, et l’olécrâne est nota- blement moins volumineux. Les os carpéens présentent des différences plus grandes encore : une pre- mière rangée est formée du scaphoïde et du semi-lunaire seulement , tandis que la seconde rangée comprend les trois autres. En comparant les os de cette région avec ceux des espèces voisines, on s'aperçoit aisément quels sont ceux qui ont changé leurs rapports respectifs. Le pouce est plus complet que dans l'Albirostris : outre le métacarpien , il a une phalange. L'index à neuf phalanges au lieu de huit, sans le métacarpien. Le médius en a six : c'est le même nombre ; l'annulaire n’en a que deux , et le petit doigt une seule phalange toute rudimentaire. La forme de la tête se rapproche beaucoup de l'espèce précédente, quoi- qu'elle soit un peu plus grêle; le nombre de vertèbres est de quatre-vingt- trois; les dents sont plus petites et plus nombreuses : au lieu de vingt-cinq, nous en comptons trente et une de chaque côté; mais ce qui surtout la diffé- rencie, c'est que les quatre premières cervicales sont soudées ensemble, tandis que, dans l'Albirostris, l'atlas et l'axis seuls sont soudés. RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 31 Decpuinus (Lacenoruyncnus) Escuricurn. Schleg. Synonymie : Decpunus Escanicuru. Schlegel, Abhandel., St. 1, pag. 25, pl. Let I, fig. #4, et pl. IV, fig. à. — Decpainus LEucoPLEuRuS. Rasch., Nyt Magaz. [. Naturvitensk., 4 B., pag. 97. — Dezpmnus Escuricnru. M. Claudius, Dissert. de Lagenorhynchis, 4. Kiliae, 1853. es Dezrumnus Escunicaru. Eschricht, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 12 juillet 1858. Les caractères distincüifs du squelette de cette espèce sont d’avoir de quatre- vingt-deux à quatre-vingt-trois vertèbres, le museau moins large, l’omoplate plus étroite, une phalange au pouce, et des cinq dernières vertèbres cervi- cales, la sixième seule pourvue d’une apophyse transverse inférieure ; l’atlas et l’axis sont soudés et réunis aux deux suivantes par les apophyses épi- neuses. Les dents sont au nombre de trente et une de chaque côté. La queue se rétrécit plus brusquement dans le Delphinus albirostris que dans cette espèce. M. Eschricht nous apprend que le Delp. Eschrichtii est l’objet d’une pêche régulière sur la côte de Norwége, qu’elle y porte le nom de Springer, ou Ævidskiaeving, à cause de la couleur blanche des flancs. On la prend par bandes de mille et de quinze cents individus à la fois. Cette pêche se fait en été. Ce Dauphin visite également et d’une manière régulière les iles Faerô, probablement lors de son passage du cercle polaire à l'Atlantique, dit aussi Eschricht. Il y a un squelette de cette espèce à Leyde, qui provient des îles Faerô , un à Francfort, ainsi qu'une peau montée, et à Copenhague, on en a reçu plu- sieurs provenant également de Faerô. Nous l'avons dit plus haut, le squelette du musée de Louvain n’a pas une origine bien certaine, mais si l’on devait se rapporter aux seuls renseignements que l’on possède, il proviendrait d’un individu harponné avec deux autres espèces sur la côte d'Afrique. Il est à regretter que nous n’ayons pu obtenir la preuve de son origine et la date de sa capture. Les deux Dauphins lagénorhynques sont d'autant plus remarquables que, tout en vivant dans la mer du Nord et n'étant pas sans atteindre une belle . 32 RECHERCHES SUR LES CÉTACES. 2 taille, ils n'ont été reconnus que par un petit nombre de naturalistes. Il n'en existe rien au muséum d'anatomie comparée de Paris, et Cuvier n'ayant parlé que de ce qu'il avait vu, n’a, par conséquent, dans ses belles recherches sur ces animaux , pu faire mention de l’une ou de l'autre de ces espèces. Nous finirons ce mémoire en ajoutant la liste des Cétacés qui, à notre con- naissance, sont venus visiter nos parages et dont les squelettes sont conservés dans les musées. Nous ne faisons pas figurer dans cette liste le Delphinus delphis, par la raison qu'aucun individu de cette espèce n’a été pris, à notre connaissance, dans la mer du Nord. ; Comme Eschricht l'a démontré depuis longtemps, les Cétacés forment deux grandes divisions fort naturelles, les Cétacés à dents et les Cétacés à fanons. Les Cétacés à dents ont l’évent simple, des dents et pas de fanons, un os lacrymal et une tête en général qui n’est pas en disproportion avec le vo- lume du corps. Nous énumérerons d’abord les Cétacés à dents. Dezrninus TuRrsI0. Cette espèce, tout en étant propre à la Méditerranée, visite aussi la Man- che et la mer du Nord. On en trouve un squelette dans le musée de l’université de Gand. Le mu- sée de Leyde en possède également un individu échoué sur les côtes de Hol- lande, il y a une cinquantaine d'années. Au musée de Paris se trouve la tête d'un individu pris dans la Manche, et le musée de Copenhague possède le squelette d’un Tursio échoué sur les côtes de Danemark. ©1 Q1 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. DezruiNus oRcaA. Cette espèce remarquable et franchement carnassière , qui poursuit les Phoques et les Cétacés jusque dans la mer de Baflin, apparait de temps en temps sur nos côtes. Paret a eu l'occasion d’en voir échouer trois individus non loin d'Ostende, dont un jeune n’ayant pas atteint la moitié de la crois- sance et deux entièrement adultes, un mâle et une femelle. Nous possédons, à Louvain, un beau squelette du mâle adulte que Paret nous a cédé. En 1841, un individu de seize pieds de long échoua à Wyk aan Zee. Le squelette en est conservé à Leyde. Le musée de Gand possède aussi quelques vertèbres et des os d'oreille de ce même Dauphin. Cette espêce a été observée, en outre, dans la Méditerranée (Gervais), dans la mer des Indes, A/goa-bay (Verreaux , au muséum de Paris), dans la mer de Chili (Eydoux, muséum de Paris) et dans la mer du Japon (Schlegel, musée de Leyde). DELPHINUS ALBIROSTRIS. Nous avons fait connaitre plus haut ce curieux Dauphin dont, en deux ans de temps, les pêcheurs d'Ostende ont pris deux femelles. Le squelette de l'un est à Louvain, l’autre à Bruxelles. On en voit encore deux squelettes à Copenhague, un à Kiel et un à Berlin. DELPHINUS ESCHRICHTIT. Il est encore douteux que cette espèce ait été vue près de nos côtes. Nous en possédons un squelette à Louvain ; mais nos renseignements sur son ori- gine ne sont pas précis. On trouve des squelettes de cette même espèce à Copenhague , à Leyde et à Francfort, qui proviennent des iles Faerû. Nous donnons plus haut quelques détails sur le squelette de cette espèce que Schlegel a reconnue, le premier, comme nouvelle. Il parait que ce Dauphin visite régulièrement la côte de Norwége. Tome XXXIL. b) 54 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. Decruinxus PuocoexA (le Marsouin ). C'est la seule espèce qui apppartienne réellement à la faune de notre littoral : c'est le Tuymnelaer des pêcheurs flamands. Le Marsouin entre très-régulièrement, et en grand nombre, chaque prin- temps dans la Baltique à la poursuite des Harengs, et en sort au mois de décembre et de janvier. Il passe toujours par le Sund pour entrer dans la Baltique et sort par le petit Belt. (Eschricht.) On cite aussi le Marsouin dans la mer Noire et dans la mer de Baflin. Mais est-ce bien la même espèce ? On voit des squelettes de Marsouin dans tous les musées. Decrminus cLogicers. Cuvier. C'est le Grindewall des habitants des iles Faerô. On en trouve un sque- lette au musée de Bruxelles et un autre à Louvain, tous les deux de femelles prises sur nos côtes. On voit souvent celte espèce échouer par bandes. Le musée de l'université de Gand en possède un squelette entier et le crâne d’un jeune. Si je ne me trompe, les individus dont ces squelettes proviennent ont été pris sur les côtes de Hollande. L'ancienne collection de Louvain pos- sède un squelette provenant de la même prise. Cette espèce, que nous avons mentionnée précédemment, est considérée jusqu'à présent comme cosmopolite. MesorLopon SOWERBENSIS. C'est le Delphinorhyncus naicropterus de Cuvier. Il représente les Ziphius pendant l'époque actuelle. Un squelette complet d'une femelle de cette espèce a fourni le sujet à l'ex- cellent travail que notre savant confrère, M. Dumortier, à écrit dans les Mémoires de l'Académie *, ! Tome XII. RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 35 Il est rare partout. Dans le musée de la faculté des sciences de Caen, il existe un crâne et la colonne vertébrale d’un individu échoué, en 1826, à l'embouchure de l'Orne (Calvados ) 1. Une tête décrite par Deblainville se trouve au muséum de Paris; elle pro- vient d’un individu échoué, en septembre 1825, à l'embouchure de la Seine. La tête d’un autre individu mâle, échoué sur les côtes de lElquishire (Angleterre), se trouve au musée anatomique d'Oxford. HYPEROODON ROSTRATUM. C'est le Dôgling des habitants des iles Faerü. Le musée de Bruxelles possède le squelette d’un individu pris dans l’'Es- caut en 1840, et que notre honorable confrère M. Wesmael a fait connaitre dans un beau mémoire ?. On en trouve aussi un squelette dans les musées de Paris, de Lille et de Caen. M. Vrolik a donné une bonne monographie d’une femelle échouée, le 24 juillet 1846, à Zantvord, sur la côte de Hollande *. D'après Eschricht, cinq ou six individus par an feraient régulièrement une apparition sur les côtes des iles Faerû #. PuYsETER MACROCEPHALUS. Un individu de cette espèce a été pris dans l’Escaut en 1577, le 2 juillet, et a été figuré par Ambroise Paré 5, Il avait soixante-cinq pieds de longueur. 1 Gervais, Zoolog. et Paléont. françaises. ? Mém. de l’Acad. royale de Belgique, tome XIIT, 1840. 5 MNatuur en ontleedkundige Beschouwing van den Hijperoodon. Haarlem, 1848. # Au moment de corriger l'épreuve de cette feuille, je reçois l'avis de mon ami Eschricht, que, pendant cette année, cinq Æyperoodon, avec un nouveau-né, ont échoué sur la côte de Danemark. (Décembre 1860.) * OEuvres complètes. Nouvelle édition, t. IE, p. 799. Paris, 1840. . 36 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. Il est probable que l’origine de la Baleine qui figure à Anvers dans les cavalcades date de cette époque. L'axis du musée de Bruxelles provient-il de cet individu? Il a appartenu au cabinet du prince Charles de Lorraine. Il en existe un squelette dans un mauvais état de conservation au muséum de Paris, et, d'après ce que M. Eschricht m'a écrit, un beau squelette en est conservé dans un château près de Hull. Une bande de jeunes Cachalots a échoué dans l'Adriatique vers 1850. La tête d’un de ces individus se trouve au musée de Berlin. Les Cétacés à fanons n'ont des dents qu'à l'âge embryonnaire, mais des fanons à l’âge adulte; des évents doubles, point d'os lacrymal et une tête volumineuse. Cette division comprend les Baleines véritables sans nageoire dorsale, les Rorquals ou Balénoptères qui portent une nageoire dorsale, et les Baleines à bosse qu’on a confondues avec les précédentes. Les Baleines véritables manquent complétement aujourd'hui dans la Manche et dans la mer du Nord, quoique les Basques aient fait une pêche régulière de ces animaux dans ce détroit pendant plusieurs siècles. Les Rorquals ou Balénoptères que M. Eschricht a proposé de nommer Pterobalaena , ont des fanons courts, des plis sur le ventre, peu de graisse et les vertèbres du cou toutes séparées; ils sont très-agiles et fuient hori- zontalement. PTEROBALAENA MINOR. Cette espèce est souvent désignée sous le nom de Balenoptera rostrata. Cuvier la confondait avec l'espèce suivante. Le squelette d’un individu échoué sur nos côtes existe dans le musée de Paret, à Slykens près d'Ostende. Le musée de Louvain en possède un squelette complet d'un individu échoué sur la côte ouest de Jutland en 1837 (n° 37 d'Eschrischt). Il en existe aussi un squelette qui a acquis une certaine célé- brité, à Brême : Pierre Camper en a figuré la tête. Le musée de Paris est, depuis quelques années, en possession d’un squelette rapporté de Bergen par RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. 37 Gaymard. C’est sous la direction de Duvernoy, si je ne me trompe, que cette acquisition a été faite. Un mâle de cette même espèce, long de 7%,48, vint échouer dans la Cha- rente le 26 août 1835 !. PTEROBALAENA COMMUNIS. Un squelette complet de cette espèce est monté au Jardin zoologique d’An- vers ?. Cette Ptérobaleine se trouve dans la Méditerranée et dans l'Atlantique jusqu’en Islande et au détroit de Davis. Cest elle qui échoue le plus com- munément dans la Manche. Un beau squelette de cette espèce est conservé à l’ile de Wight. Il y en a des squelettes non montés au muséum de Paris *. Nous possédons, à Louvain, la tête d’un individu de soixante et dix pieds, échoué sur la côte ouest du Jutland en 1836 (n° 36 d'Eschricht). M. Vrolik a fait connaitre un individu échoué, en 1836, sur les côtes de Hollande, et M. Schlegel un autre échoué l’année suivante sur les mêmes côtes. PTEROBALAENA GIGAs. C’est à cette espèce qu'appartient l'individu trouvé mort en mer, le 4 no- vembre 1827, par les pêcheurs d'Ostende et dont le squelette, préparé par Paret, a été exhibé dans les principales capitales de l'Europe #. Ce même 1 Actes Soc. linn. Bordeaux , juin 1841. ? Bulletins de l’Académie royale de Bruxelles, tome XXIV, n° 5. 5 Je trouve dans mes notes que les squelettes de Bayonne et d'Abbeville appartiennent à une même espèce non adulte, que l’axis dans tous les deux a ses deux apophyses encore écar- tées. Les côtes manquent à ces squelettes. Van Breda, Algemeenen konst en letterbode, n° 48, 1827. Vanderlinden, Notice sur un squelette de Baleinoptère. Bruxelles, 1828. Biblioth. méd., nat. et étrangère, mai. Morren, Bydragen tot de nat. wetenschappen, 4% deel. 1. Vanderlinden, Quelques observations. dans le Messager des sciences et des arts, publié à Gand. Du Bar, Ostéographie de la Baleine, Bruxelles , 1828. ” 38 RECHERCHES SUR LES CÉTACÉS. squelette se trouve aujourd'hui, si je suis bien informé, aux Etats-Unis. Un squelette non entièrement adulte se trouve au musée de Berlin. Il pro- vient d’un individu échoué sur la côte du Holstein en 1819, et qui a été décrit par Rudolphi, sous le nom de Balaenoptera rostrata. | Il en existe aussi un squelette non adulte à Leyde, d’un individu échoué, en 1816, dans la Zuyderzée. Le musée de Copenhague en possède un bras et au musée de Paris se trouve une caisse tympanique !. KyYPHOBALAENA LONGIMANA. Le squelette d’un individu de cette espèce, échoué à l'embouchure de l'Elbe, en novembre 1824, et décrit par Rudolphi, se trouve au musée de Berlin ?. Un autre individu de cette espèce parait avoir échoué en Ecosse *. Cette espèce est commune dans le détroit de Davis, et, grace à l'obli- geance extrême de M. le professeur Eschricht, plusieurs musées en renferment aujourd'hui des squelettes complets. Le musée de Paris en possède deux (d’une femelle et de son jeune) rapportés du cap de Bonne - Espérance par De Lalande. Cette espèce porte des coronula diadema sur la peau. I parait qu'elle est véritablement cosmopolite; si elle fait périodiquement une station sur la côte de Groenland, on l’a également signalée aux iles Bermudes, à Java (crâne incomplet à Leyde, rapporté par Reinward), au cap de Bonne-Espérance et dans la mer du Japon. ! Dans les galeries d'anatomie comparée du muséum de Paris, parmi les préparations des os d'oreille, nous avons trouvé, dans un même cadre, une caisse tympanique de Balaena mysticetus , une autre de Balaena australis, une de Pterobalaena communis et une de Ptero- balaena gigas. Ces préparations ont été faites sous l'administration de Cuvier. ? Mém. acad. Berlin, 1829. 5 Naturalists library. Mammaun, vol. 6, pl. 7. FIN. Fig. D HO À OI 19 — Le) k EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. . Lagenorhynchus albirostris, femelle. . Le squelette du même, vu du côté du dos. — — vu de flanc. Le crâne, vu par-dessous. . Le même, vu du côté opposé. . Le même, vu de profil. L’os de l’oreille complet. . La caisse du tympan isolée. . Le membre antérieur avee son omoplate. PLANCHE II. . Le vagin et une partie de la matrice de Zagenorhynchus albirostris, ouverts pour montrer la disposition des replis longitudinaux et les replis qui forment des étages. Une portion des intestins grêles ouverts pour montrer la disposition alvéolaire de la muqueuse. . Une portion du gros intestin ouvert en dessous. La tête de l'animal frais, vue par-dessus pour montrer le sillon qui forme le bec et l’ori- fice des évents. L'entrée du vagin, vu à l'extérieur, et l'os du bassin encore attaché à l'appareil sexuel. nn. + 2 à HT Lt  : vu il | | . ENT V4 se | 1€ COL é CE régre bé x Ce d \ On È | tu rordhedar PytAlee à ets,” | 0 Ù : ï CRE è Ads Tu de ba, is Mar L Le. "hi SU AU POMADNZE | LM : na É à e ps , 50 4 té nm) a , LS {. Ps EMMA. erot , dotés ah lg i : ae ut hit tilnsrs ,sdilaraih straliqe MR ; —_—— al dur _— — L = . JU : x Ni Louve me cs s + oc fr Nr hi br à te EN 2 iélurng diepe mat ne + # | À QU DA RTL PL ET QUE LA É »_” Ve bus soja) fé ol on foire ts ou tn MANS Cul INRAE f. s si tt AIM)AAUN f op, Aube ,doteruidlo amet vb sua et nl sétueg dus di 0 ant 4 0 0 ti Mevtot, Fe met at Te mn EETUE vf ab noltborllt dv 4 | sb Pate tolneits dE wwirndet AUD PAYS ve valet boy bc de hrs | sovésuh 3 uit pe Fa uit mr #d QUES out, 0 Tr eut 1 rot ot moltee Em TENE tr bon : jee ,eloel Muniue"t sh 0}5f m8 00 | Ajust dlx nait Loue ont ufiable wrote) Le vi ka'l uses f Eur, nisez vla pa" e de l'Acad.Roy. de elg. Tom XXNII mn is M , AN ns 88 on ; ne ré | MNT 24 N LAYN té 1e 6 al 00 tt TT A FAAARRERNSS M Wanna Man. = apagpanns 5 es Lie Mem.de M! PJ. van Beneden PLI PAT. Te Lagenorhynchus albirostris. Mem.de M5 PJ. van Beneden PLIL MAUR Tom. CE è de l'Acad. Roy.de Bel 5" Aa ñ ras LecÀ vie 02 Severey Ÿ Par C7. Tuer MÉMOIRES DE L'ACADÈEMIE ROYALE SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. # ei tLLLES SAUT SEM TIAE LT PE BANTTALL 8M0 , PAPA $. x : AUCHAN Je MÉMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XXXIII. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1861. RUN" . > ) TE e 2 F é LAN s L Hu © - | | Le AHONAR. 200 2 SL. que tr VE SUR TS . LEE LOA Es Ar | ee 1 : Ps #} ; é °z | ue. AE | CRU PE 7 MT | (LA 4 2NATTA eau ends MTS à { PEUT +17 ‘ n w l | ATIXKX ABOT . re. Là PONT BérSta 24 CE MA NOUS + ml : 1 D AURONT nn + REZ NA : - l L'URSS LA FAN: MALE RE L RECHERCHES SUR LES CRUSTACÉS DU LITTORAL DE BELGIQUE, PAR P.-J. VAN BENEDEN, PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN. Tome XXXIIL. Ï , dit : CR - +. . UT = e P +: L » 2, h 4 . i on + L n. e / .. “ Û . Le 2° . “4 a 3 EE \@e a a : Vs : : . Per € + ‘sé d'ail ù . bo = e = nu: DE L sr Pr à F » .# CN nn LE] ee Li e de me! + S à NX RM PEN - Je: 71 { : C2 LE se rm." a e FREE. PC TT 12 Toro Ab A ÉMEA rl ue ALL L ; LU à ( À i JE LR sé | à ft « « vi: : RAAN PAU MA Pr L NT Hi AO Tae RATE MAI: CELCAPER.L, | | 3 “ : “ É a AR à 4 Le . L “ 4 x ME : 4 nee png lice. ] : i > 1675 92 : = de * , j He # : “ LA | , * s * \ { r » Le v : : Do Û ce À ? JE ) a a PL Due à af A LA ” à » 2 Wa Fans PO s Gran os Dé . > , è ul dr " DR, | 20 . ° vÿ ra Tu EU « a - AB Det + F : t 14 d Le) a ns 4 0 : > S * dé Fr . i +. € | | * ch" | & à : n LE : e ne _. . e Cu INTRODUCTION. Nous avons publié successivement dans plusieurs mémoires le résultat de nos observations sur les diverses classes du règne animal qui composent la faune du littoral de Belgique. Ce travail n’est que la continuation des re- cherches précédentes. Nous l'avons déjà dit ailleurs, c’est un point important , dans les sciences d'observation surtout, de bien choisir le moment de livrer un travail à la publicité. Trop de sévérité fait hésiter et, en différant sans cesse l'heure de la publication , l'intérêt du sujet s’'émousse quelquefois, l'occasion de conti- nuer les recherches fait défaut, et on remet dans ses cartons des études qui auraient peut-être épargné à d’autres de laborieuses recherches. D'un autre côté, en livrant à l'impression avant la maturité du sujet, on peut ne pas satisfaire aux exigences de la science , et, par trop de précipitation, négliger l’occasion de lui faire faire un véritable progrès. Ces réflexions nous sont suggérées au moment où nous nous décidons à communiquer à la Classe le résultat de nos travaux sur les crustacés du littoral belge. Nous pouvons dire avec Martial : Quod potui feci, faciant meliora potentes. Nous ne sommes pas certain que, d'ici à longtemps, des circon- stances favorables nous permettent d'ajouter à ce travail quelques faits nou- veaux d’une certaine importance. 4 INTRODUCTION. Du reste, c’est un champ presque entièrement nouveau à explorer, et le premier qui aborde une terre peu ou point connue peut fort bien se con- tenter, et se contente ordinairement , de tracer un contour, laissant à d’autres le soin d'en visiter l'intérieur. Notre Mémoire est le premier travail d’en- semble qui se publie sur les crustacés qui hantent nos ceûtes. Il est inutile , pensons-nous, de faire remarquer que, dans la confection de ce travail, qui résume plusieurs années d’incessantes recherches , nous avons été entièrement abandonné à nos propres ressources. Le naturaliste qui doit se livrer lui-même à la fatigue de la pêche, puis disséquer, décrire, dessiner les objets et, enfin, les conserver pour les faire servir au besoin de terme de comparaison à ses études ultérieures, est loin de se trouver dans des conditions favorables et avantageuses. Nous avons plus d'une fois envié le sort de ceux qui, à de généreux secours de tout genre, joignent encore l'avantage de pouvoir visiter, quand il leur plait, les observatoires où chaque espèce à pu être parquée pour l'étude comme les animaux domestiques *. L'étude de ces animaux a été longtemps négligée. C'est surtout grâce aux beaux travaux de M. Milne Edwards qu'ils occupent aujourd'hui le rang qui leur appartient. Rien n'est plus instructif cependant que de comparer les crustacés et l'embranchement auquel ils appartiennent, avec les classes qui forment l'embranchement des vertébrés. La fin de ces deux grandes divi- sions est formée d'animaux aquatiques, et les poissons comme Îles crustacés présentent entre eux plus d'une analogie remarquable. D'abord les crustacés comme les poissons semblent avoir fait en même temps leur apparition sur le globe, et les srilobites comme les ganoïdes représentent, dès le début, dans leurs classes respectives , un type assez élevé sous le rapport de l'orga- nisation. C’est à peine si les poissons et les crustacés actuels leur sont supé- pe ‘ M. Coste, grâce à sa position exceptionnelle, a pu faire des recherches sur une grande échelle et annonce un travail sur les métamorphoses des crustacés, (Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences. Juillet 1858.) INTRODUCTION. 5 rieurs. Ensuite ces deux classes nous montrent, dans l’époque actuelle, des genres et des familles descendus tellement bas, sous le rapport anatomique, que les plus grands naturalistes en ont méconnu quelquefois le type fonda- mental. Les Amphioæus, quoique véritables poissons, ont été confondus avec les limaces, pendant que les linguatules ont été disséminées jusque dans ces derniers temps parmi les vers parenchymateux; es rotifères , autres articulés, ont même été placés dans une seule classe avec les infusoires. Les: poissons et les crustacés ne se ressemblent pas moins par les difficultés que les z00- logistes ont toujours éprouvées de circonscrire nettement leurs limites supé- rieures : ainsi, les lépidosirens ont pu être considérés tour à tour comme batraciens et comme poissons , et les pycnogonons ont été assimilés, tantôt aux arachnides , tantôt aux crustacés. IT est fort remarquable que, contrairement à ce qui existe dans ces types aquatiques, les types aériens, c’est-à-dire les oiseaux et les insectes, malgré leur infinie variété de formes spécifiques , n'aient pour ainsi dire jamais eu d'espèce ou de genre douteux : autant les premiers , ceux qui vivent dans l’eau, sont, sous tous les rapports, divers de formes et de caractères, autant les autres , qui sont les derniers venus , sont semblables entre eux. On pourrait pousser cette analogie plus loin encore dans ces deux groupes parallèles , et trouver plus d’une ressemblance entre certains arachnides et les myriapodes d’un côté, les chéloniens et les ophi- diens de l’autre; mais la plus haute expression du vertébré , c’est-à-dire le mammifère , ne semble pas avoir son correspondant dans le second em- branchement, si ce n’est peut-être dans quelques arachnides. Les crustacés sont bien les poissons des articulés, comme les insectes sont véritablement les oiseaux de cette division. Ce qui manque jusqu'à présent pour compléter cette analogie, c'est un caractère embryogénique semblable à celui que fournit l’allantoïde dans les vertébrés et qui permette de diviser les classes des animaux articulés en un type aérien et un type aquatique. 6 INTRODUCTION. Le travail que nous avons l'honneur de communiquer embrasse presque toute la classe des crustacés, et tout le monde sait combien la forme, la taille, le genre de vie et même l'habitation varient dans ce curieux groupe d’ani- maux. Arrétons-nous un instant à cette dernière considération , c’est-à-dire à leur habitation ou plutôt à leur station. Aucune classe du règne animal ne nous semble présenter, sous ce rapport, une diversité plus remarquable. Tous les genres d'habitation possibles semblent avoir été épuisés, et, depuis l'état de libre vagabondage en pleine mer jusqu’à la dépendance la plus complète de l'hôte qui les héberge ou du gite qui les abrite, toutes les nuances inter- médiaires imaginables semblent avoir été épuisées. Le morceau de bois flottant , la coque du navire, les pieux qui servent de brise-lame ou forment les estacades, la pierre que la vague recouvre à chaque marée , ainsi que les animaux les moins sédentaires , comme les tor- tues de mer, les poissons et les baleines, leur servent indistinetement de gite. Les crustacés envahissent littéralement toutes les surfaces et s’établissent d'office sur des animaux vivants, tantôt en se logeant à l’intérieur de leur appareil digestif ou respiratoire, tantôt en prenant place à l'extérieur, sur la peau nue ou écailleuse. Et si plusieurs d’entre eux, en faisant choix d'un hôte, jettent par-dessus le bord, au moment de s'installer chez lui, armes et bagages, d’autres, mais en moins grand nombre, loin de brüler leurs vais- seaux, conservent toute la liberté de leurs allures et changent d'hôte aussitôt qu'il ne leur présente plus ni sécurité ni profit. C'est évidemment à tort que plusieurs de ces crustacés passent pour des êtres parasites : n’est pas nécessairement parasite celui qui s’installe sous le toit de son voisin ou qui lui demande une place à son bord. Ils s’entr’aident souvent et forment une véritable association, ou bien ils font des emprunts l'un à l’autre, emprunts quelquefois forcés et qui vont même jusqu'à pren- dre, dans certains cas, tous les caractères d’une véritable usurpation. Parmi les crustacés podophthalmes, il y en a d’abord qui s'installent sour- INTRODUCTION. 7 noisement , les Pinnothères, par exemple, dans la demeure assez spacieuse d’une moule ou d’une modiole et vivent paisiblement sous le même toit, sous l'apparence d’un bon voisin. Munis d’yeux pédiculés et de pinces puissantes , les pinnothères choisissent le moment de faire des sorties heureuses et, riches de leur butin, ils se retirent au fond de leur coquille, partageant plus ou moins avec la moule, qui n’a ni yeux ni armes. Les débris du festin de lintru sont, du reste, suffisants pour l'entretien de l’acéphale. Les pagures, eux, s’y prennent tout autrement. Ils se choisissent pour demeure une coquille univalve abandonnée , et s'installent, dans cette maison vide, véritable épave, mais pour la quitter aussitôt qu’une autre demeure plus spacieuse et plus commode se présente. Cette maison d'emprunt, ils la trainent partout avec eux , et, si leurs brigandages provoquent quelques re- présailles qui les oblige de battre en retraite , ils sont toujours à l'entrée de leur caverne , d’où il est bien difficile de les déloger. Leur abdomen mou ne leur permet pas, du reste, d'affronter le danger en pleine campagne ; ils doi- vent rester blottis dans une coquille turbinée. Mais, sur le ventre du pagure, qui s’est choisi sa demeure, un peltogaster vient s'installer souvent en véri- table parasite, et, dans le peltogaster, on voit encore parfois un autre crus- tacé, le liriope, élire domicile. Si l’on considère maintenant que , dans cette même coquille, à côté de ces crustacés , se loge encore souvent une néréde, et que la surface externe de la coquille devient communément le siége de co- lonies entières d’hydractinies , on a , sous les yeux, un des exemples les plus remarquables de ces singulières associations où des crustacés et des vers vo- races vivent en bonne intelligence avec des mollusques paisibles et des po- lypes inoffensifs. Avant de quitter les podophthalmes, nous pourrions encore citer les singu- lières et dangereuses dromies , qui, affublées de quelque alcyon, ou éponge vivante , couvert à son tour d’une forêt de plantes marines, se glissent furti- vement, comme le loup sous le manteau du berger, au milieu du troupeau, 8 INTRODUCTION et égorgent, sans danger pour elles, tout ce qui leur tombe sous la pince ou la dent : c'est une forêt sous-marine qui marche et que la dromie porte sur ses épaules comme l'Atlas de la fable porte le globe. Les crustacés édriophthalmes nous fournissent ensuite d'autres exemples non moins remarquables d'associations le plus souvent forcées. Les Anilocres, les Anceus et tant d’autres isopodes, s'installent sur le dos de quelque poisson bon nageur et voyagent sans frais et sans fatigue, faisant agréablement la pêche en route; mais, arrivés au terme du voyage, ou conduits dans des parages peu favorables à leur industrie, ils quittent sans embarras leur hôte, et attendent l’occasion de prendre passage à bord d’un autre poisson. Ce n'est pas ainsi que vivent certains cirripèdes , qui choisissent pour demeure le dos de quelque baleine. Une fois installés, ces cirripèdes se débarrassent de leurs organes de locomotion, j'allais dire de leur gréement et, en véritables culs-de- Jatte, vivent et meurent sur place dans la prison mobile qu'ils se sont choisie. Les tubicinelles, ainsi que les coronules et les diadèmes , s'établissent, selon leur genre, sur une espèce particulière de baleine, comme tant d’autres cirri- pèdes, les anatifs, les otions ou les cinéras, par exemple, choisissent de préférence la coque de quelque navire. La baleine ne fournit évidemment , comme le navire, que le gite à ces remarquables animaux, et le mot de para- sites, sous lequel on désigne communément ces habitants des baleines, ne leur convient pas plus qu'à ceux qui s’établissent sur un morceau de bois ou sur la quille d'un vaisseau. Quelques édriophthalmes, par exemple , les bopyres, sont toutefois franche- ment parasites, dans la véritable acception du mot; mais , au lieu de s'établir sur des poissons , ils se logent sous la carapace de quelque congénère de l'ordre des décapodes. Ceux - ci n'ont plus, en général, des cavités aussi grandes, et les compartiments propres à servir d'habitation ou de logement sont peu spacieux ; aussi le corps des bopyres se modifie-t-il profondément pour se caser dans l’étroit habitacle qui leur est destiné, et, comme les = INTRODUCTION. cirripèdes adultes, ils sont condamnés à l’immobilité la plus absolue, n'ayant d’autres ressources que de se nourrir sur place du sang de leur victime. Les premiers de ces édriophthalmes sont encore de vrais crustacés libres, cou- rant le monde et vivant de leur brigandage, tandis que les seconds, compléte- ment dépouillés de leurs insignes , estropiés et infirmes, ne sont très-souvent plus reconnaissables. Enfin les derniers rangs des crustacés comprennent des familles entières qui, comme les lernéens, ne connaissent plus que la vie parasite; les fe- melles , non contentes de s’abreuver du sang de la victime pour leur compte propre et celui de leur progéniture, doivent encore nourrir les mâles qui res- tent accrochés sous leur ventre. Le plus grand nombre de ces parasites vi- vent sur les poissons, aussi bien d’eau douce que de mer, et on peut dire que c'est le parasitisme poussé à sa plus haute expression. On voit souvent de ces femelles la tête implantée dans les ares branchiaux , un mâle cramponné sous l'abdomen, portant deux longs sacs pleins d’embryons, et ayant charge à elles seules de pourvoir à l'entretien de toute la famille aux dépens de l'hôte qui les héberge. Ce travail est divisé en deux parties : la première comprend tout ce que nous avons pu constater sous le rapport du développement comme sous le rapport de l'anatomie, et cette étude a porté surtout sur les formes plus ou moins douteuses, ces types aberrants qui font souvent le désespoir des clas- sificateurs. De ce nombre sont : les Mysis, qui ont été tour à tour stoma- podes et décapodes !; les Cumacés, qui sont décapodes par l'ensemble des caractères, tout en n'ayant pas les yeux pédiculés ; les Praniza, dont les lar- ves, connues sous le nom d’Ancea, ont une forme si remarquable et dont la ! C'est la partie du mémoire qui a recu la plus grande extension; elle est terminée depuis longtemps, et notre intention d’abord était de la publier à part. Nous nous sommes décidé ensuite de joindre à l'étude de ces-singuliers et curieux crustacés le relevé de ceux qui habitent nos côtes ou qui se présentent accidentellement dans nos parages. Tome XXXIIL. 2 10 INTRODUCTION. place, assignée avec raison parmi les isopodes, n'est pas moins anormale sous divers rapports: enfin ce riche et inépuisable groupe de parasites récurrents, qui, comme les Peltogaster, où plutôt les Sacculina, reculent tellement dans le cours de leur évolution, qu'en atteignant le terme de la croissance, ils ressemblent plas à un sac où à un réservoir qu'à un animal doué de vie et demouvement. La seconde partie du travail est consacrée uniquement à l'énumération des crustacés que nous avons eu l’occasion d'observer sur notre littoral ou à quel- que distance de nos côtes, et qui contribueront à faire mieux connaitre la faune si riche de la mer du Nord. A chaque espèce nous avons ajouté l'indication d’un ouvrage qui ren- ferme ou une bonne description ou une figure, et nous avons jugé inutile d'allonger le texte par une liste de synonymes. Nous ne croyons pas que, dans un travail de cette nature, les recherches synonymiques se trouvent à leur place. Nous nous sommes borné à joindre, à la citation dont nous venons de parler, les circonstances dans lesquelles on observe communément ces ani- Maux. RECHERCHES SUR LES CRUSTACÉS DU LITTORAL DE BELGIQUE. PREMIÈRE PARTIE. RECHERCHES SUR L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET L'EMBRYOGENIE DE QUELQUES CRUSTACES. LES MYSIDÉS. LITTÉRATURE. Muuuer, Zoolog. Danica, vol. IL, pag. 54, pl. LXVI. Joux v. Taowpson, Zoolog. Researches and illustrations. Cork (1828), vol. I. Raruke, Beobacht. und Betracht. ueber die Entwickelung der Mysis vuzcaris. Wiegmann's Archiv., 1839, p.195. Raruke, Beiträge zur Fauna Norwegens, Nov. acr. Nar. cur., vol. XX, p. [, p. 18. Mine Enwanps, Histoire naturelle des Crustacés, t. IL, p. 456. Frey unp Leucxantr, Ueber die Gattung Mysis. Beiträge zur Kentniss…. 1847, p. 110. Wieg- manns Archiv., 1851, p. 416. C. Spexce, On the british Edriophthalma, report of the 25 meeting. London, 1856, p. 18. 12 RECHERCHES Du Jannix, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1843, t. XVI, p. 1025. Braxor, Middendorf”s Siberische Reise, ZooLoGie, pp. 79-161. Lusesonc, Ofversigt af Kongl. Vetenskaps-Akad. forh. 1852. Wiires, United States, Exploring expedition, Crusracés. Philadelphie, 1855. HISTORIQUE. Les mysidés sont des crustacés du plus haut intérêt pour le zoologiste. Hs appartiennent à cette catégorie d'êtres qui semblent destinés à trahir les aflinités secrètes que la nature met quelquefois le plus grand soin à cacher. Ils sont décapodes véritables, et personne ne se douterait, à la première vue, qu'il existe la moindre différence d'organisation entre eux et ces der- niers ; néanmoins on en a fait généralement des stomapodes. Les premiers zoologistes les ont placés parmi les crangons, et nous ne craignons pas d’a- vouer que nous-même nous avions déjà eu plus de cent fois des mysis vivants sous les yeux sans nous douter de leurs véritables affinités. Nous nous rappelons le jour où, pour la première fois, un de ces crustacés nous frappa par le développement singulier des pédoncules oculaires et par la grâce de ses allures vives et décidées. Cependant, que de différences, même anato- miques, quand on les examine de près! Ils ont des pattes doubles, dont un rang sert pour la marche et l’autre pour la nage ; ils ne se servent pas de leur queue pour la nage comme les autres décapodes, et on ne trouve sous le céphalothorax aucune apparence de branchies ou de cavité pour les loger. Hs ressemblent beaucoup, sous ce rapport, à de jeunes homards qui viennent récemment d'éclore et qui n'ont encore ni leur appareil respiratoire définitif, ni leur puissant appareil musculaire de labdomen, mais dont l'heure d'arrêt a sonné dans la voie de l’évolution. Les mysis, en effet, sont aux crustacés décapodes ce que les axolotl sont aux batraciens anoures, et cette seule consi- dération caractérise la véritable nature de ces prétendus stomapodes. Is ont occupé déjà beaucoup de naturalistes, comme nous venons de le voir : S.-F, Müller en a fait mention sous le nom de Cancer flexuosus, dans sa Zoologia Danica; 3. Thompson, Rathke, Frey et Leuckart les ont étudiés SUR LES CRUSTACÉS. 15 sous le rapport du développement et de l'anatomie. C'est Lamarck qui à in- troduit le nom et le genre, et, aux nombreuses espèces que l’on connait déjà, M. Brandt vient d'en ajouter encore une nouvelle, toute noire, de l’'Arwatsch-Bay, dans les Middendorf's Siberische Reise, sous le nom de Mysis Awatschensis, pendant que Liljeborg, de son côté, en exhibe une nou- velle de Suède (de Kullaberg) sous le nom de Mysis mixta. On connait des mysis de la côte de Groenland, de la mer du Nord (côtes de Suède, d'Écosse et de Belgique), de la Manche et de la Méditerranée. Nous allons faire connaitre d’abord ceux que nous avons eu l’occasion d'ob- server sur nos côtes ; nous exposerons ensuite le résultat de nos observations sur leur structure anatomique , et, en troisième lieu, nous ferons connaitre les principales phases de leur embryogénie. Nous mettrons chaque fois en évi- dence l’état de nos connaissances pour mieux juger ce qui reste à faire. Ce travail sur les mysidés à été fait en grande partie de 1855 à 1857; nous l'avons exhibé, avec l’atlas, à la réunion des naturalistes allemands, à Bonn, en 1857 ‘; nous en avons retardé la publication, afin de pouvoir présenter un travail d'ensemble sur les crustacés de nos côtes. DESCRIPTION DES ESPÈCES. Nous trouvons cinq espèces de cette famille sur nos côtes : les quatre pre- mières, dont deux sont nouvelles pour la science, appartiennent au genre mysis; la cinquième appartient à un genre distinet (Podopsis), à cause du développement extraordinaire de ses pédoncules oculaires. Cette dernière espèce, considérée comme la plus rare des cinq, avait déjà été observée par Slabber , qui lui a donné un nom flamand, ainsi que nous le verrons plus loin. Mysis vuLGARIS, Thompson. (PI. I.) Caractères. — Antennules assez courtes ; appendice lamelleux des anten- 1 Amtlicher Bericht über die 55 Verzammlung deutscher Naturforscher im September 1857. Bonn, 1859, p. 155. 14 RECHERCHES nes garni de soies roides sur les bords interne et externe et pointu au bout; dernier segment caudal ou telson terminé en pointe et non échaneré. Le mâle a le quatrième appendiee abdominal très-long et terminé en pince, et un article libre, garni de courtes soies en dedans, aux antennules. Longueur 0",02, largeur 0,004. Synonymie. — Mysis vULGARIS, Thompson, Zoological Researches and illustrations. Cork, vol. I, pl. Let pl. IV, fig. 1-12. = — Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, vol. IH, p. 459. Cette espèce se distingue facilement par ses antennules plus courtes, par l'appendice lamelleux des antennes, qui est pointu au bout et dont les bords interne et externe sont garnis de soies assez roides, faisant l'effet des dents d'un peigne; enfin, surtout, par la lame mitoyenne de la queue, le telson, qui se termine en pointe au lieu d’être échancrée. A l'endroit de la bifurca- tion, le mâle porte, aux antennules, un article libre dont l'un des bords est garni de courtes soies ; le quatrième appendice abdominal est terminé en pince. Cette espèce acquiert généralement une taille moins forte que la suivante et se fait aussi très-aisément distinguer par sa couleur d'un gris verdâtre. Cette espèce de mysis vit en grande abondance, pendant tout l'hiver, mais surtout pendant l'été, au fond du réservoir des parcs aux huitres à Ostende, et nous en avons trouvé souvent dans l'estomac des éperlans pêchés dans l'Escaut. Ils sont probablement assez communs à l'embouchure de ce fleuve , à en juger d’après le nombre d'individus que renferme quelquefois l'estomac de ces poissons. Thompson cite cette espèce comme commune sur les côtes d'Irlande. Elle est done également abondante sur plusieurs points, et justifie complétement son nom spécifique de vulgaire. Elle est fort utile pour l'étude de l'anatomie et se prête fort bien à l'observation des courants artériels et veineux. MyYsis CHAMELEO, Thompson. (PI. II-V.) Caractères. — Antennules longues, appendices lamelleux des antennes SUR LES CRUSTACÉS: 15 également larges dans toute leur étendue et ne portant des soies que sur le bord interne; le segment eaudal ou telson est bifurqué à sa pointe et porte de petites dents espacées sur le bord. Chaque somite abdominal porte une étoile pigmentaire arborescente. Longueur totale 0",03 , largeur 0",002. Synonymie. — Mysis cHAMELEO, Thompson, Zoological Researches, pl. V, fig. 1-10. = — Milne Edwards, Æist. nat. des Crust., vol. I, p. 458. — SPiNULOSA, Leach, Transact. of the Liniean Society, vol. XI, p. 50. Les antennules sont plus longues, les appendices lamelleux des antennes véritables également larges dans toute leur longueur et ne portant des soies roides que sur le bord interne et au bout; la lame médiane de la queue est bifurquée au bout et porte de petites dents espacées très-courtes sur le bord. Le corps est généralement pâle et sur chaque segment abdominal on voit une étoile pigmentaire d’un noir foncé qui se détache nettement. Ces taches de pigment ont le même aspect que ces arborescences qu'on voit commu- nément dans certaines variétés d’agate. Quelques individus adultes ont une couleur foncée de fumée ou de bistre et quelquefois même sont veinés comme du bois de mahoni. On en trouve par bandes en été, mais on les confond communément avec les crevettes. Bouillis ou conservés dans la liqueur, ces mysis ont une teinte rosée comme les palémons et non pas la teinte grise des crangons. Le corps est souvent littéralement couvert de bouquets de vorticelles, de navicelles , etc., ete., surtout chez les vieux individus , quand ils ont vécu dans une eau qui ne se renouvelle pas très-régulièrement. MYsiS FERRUGINEA, Van Ben. (PL VI, fig. 5-12.) Caractères. — Antennules des mâles portant une forte brosse; podoph- thalme gros et massif; des soies en demi-verticille sur le bord convexe de l'appendice pénial; quatrième pléopode très-long et terminé par trois arti- cles également longs; telson échancré au milieu ; une tache ferrugineuse sur chaque somite abdominal. 16 * RECHERCHES La longueur est de 10 à 15m, Ils vivent en abondance au milieu des autres espèces. Le corps est blanc et transparent comme celui des podopsis ; seulement une petite tache d'un jaune ferrugineux s'étale sur la ligne médiane au-dessus de chaque segment, ou, pour me conformer à la nomenclature proposée, dans chaque somite abdominal, et une dernière tache semblable un peu plus étendue se montre au somile caudal; enfin deux ou trois taches recouvrent également la région céphalothoracique. La couleur de la tache est un peu plus vive aux pièces de la bouche. On ne voit jamais rien qui ressemble à des plaques dendritiques , si ce n’est sur les lamelles de la poche ineubatrice, qui en portent deux. La carapace ne recouvre que les premiers appendices thoraciques : les trois dernières paires sont à découvert comme l'abdomen. Les podophthalmes sont gros et massifs ; le telson, ou la dernière pièce caudale , est échancré au milieu, et le bord externe est garni de vingt ou vingt et une épines, également espacées depuis la base jusqu’au sommet. Le bord de l'échancrure est garni de dentelures très-rapprochées et larges à la base. Les caractères distinctifs de cette espèce se reproduisent déjà avec une complète évidence dans l'œuf et dans l'embryon : ainsi, dans les œufs, même avant leur entrée dans la poche, on voit, au milieu de la masse vitelline, une grande vésicule plus limpide, qui forme presque le tiers du volume de cette masse , et c’est autour de cette vésicule qu'apparaitra le lobe céphalique. L'em- bryoit montre ainsi entre les appendices oculaires une sphère transparente qui pénètre plus avant dans le corps à mesure que la cavité digestive s'orga- nise, puis diminue successivement de volume pour se fondre dans la masse. La queue de l'embryon n'est pas bifide comme chez les autres mysis; elle est ter- minée en pointe et hérissée, ainsi que le reste du corps, de soies fines et courtes. Les antennules des mâles ont les procérites externes garnies d'un petit nombre de soies, formant le peigne , tandis que la lamelle , qui existe seu- lement dans ce sexe, est couverte de soies longues et roides : c'est une forte brosse que portent les antennules. L’appendice pénial est légèrement courbé SUR LES CRUSTACES- 17 et porte, sur son bord convexe, plusieurs soies à la même hauteur formant un demi-verticille. Le quatrième pléopode est très-long et se termine par trois articles d’une longueur égale, légèrement courbés, fort eflilés et hérissés de fines dentelures sur une grande partie de leur longueur. Mysis sancTA, Van Ben. (PL. VI, fig. 1-4.) Caractères. — Corps grêle et incolore; rostre très-court; telson échancré en arrière ; uropodes biramés ; appendice pénial portant des soies plumeuses. Longueur 20%", Le corps est grêle, blanc et transparent, sans taches et sans marbrures dendritiques. Les podophthalmes sont courts et massifs; les antennules sont très-déve- loppées et portent, chez le mâle, la lamelle en brosse à la base des procérites. La lame des antennes n’a des soies que sur son bord interne et à son som- met, qui est terminé par une épine. Le céphalothorax a un rostre très-peu proéminent. Le telson est échancré en arrière, mais au lieu d’une vingtaine de dents, on n'en voit ici, sur le bord externe, qu'une dizaine; elles sont plus fortes et elles sont en même temps irrégulièrement espacées. Les uropodes ne dé- passent que de très-peu le telson. Les cinq paires d’uropodes sont biramées , el la troisième paire est la plus longue et la plus complexe, du moins chez les mâles. L’appendice pénial ne diffère pas moins, puisque la surface porte diverses soies plumeuses ; c’est ce que nous n'avons vu encore dans aucun autre mysis. Non-seulement il y a des soies plameuses sur les pléopodes, mais le basopodite de la première paire, qui n’est que de deux articles, en est également couvert. Nous avons péché cette espèce au milieu des autres. GENRE popopsis, 7'hompson. Caractères. — Corps étroit et allongé; carapace proportionnellement courte ; pédoncules oculaires excessivement allongés. Tome XXXIIL. 3 18 RECHERCHES Popopsis SLABBERI, Van Ben. (PL. YL) Synonymie. — STEURGERNAAL MET TROMPETWIHSE OOGEN, Slaber, Natuurkundige Verlustigingen. Haarlem, 1778, pl. XV, fig. 5 et 4. Poporsis, Thompson, Zoological Researches, t. 1, p. 59, pl. VIH, fig. 4. — Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, vol. IE, p. 466. Caractères. — Corps très-grêle ; rostre peu proéminent; telson excessive- ment court, non échancré; uropodes externes fort longs, garnis de soies sur les deux bords; appendice pénial obtus, couvert d'un demi-verticille de soies roides vers le milieu de la longueur. Longueur 0,015, largeur 0,5. Cette espèce, considérée pendant si longtemps comme rare, vit en abon- dance dans nos huitrières, à Ostende, et le nombre en est souvent si grand qu'en péchant au petit filet, l'eau en devient comme gélatineuse : on pourrait en remplir un sac en peu de temps. Le 4+ août 1768, Slabber fit la pêche d’un petit crustacé qu'il n'a plus revu depuis et dont il fait connaitre la merveilleuse structure. Le zélé et religieux observateur de la nature fait remarquer, à propos de l’organisation remar- quable de ce crustacé, la puissance de la sagesse divine que l'on touche au doigt à chaque pas, à chaque organe , dans chaque être organisé. Les gens du monde, dit-il, et il pourrait ajouter des savants et même des académiciens, voient d'un œil de pitié et de dédain ces laborieuses recherches du natura- liste qui s'occupe d’un insecte microscopique, comme si ce dernier n'était pas sorti des mains du Créateur aussi parfait et aussi admirable que les ani- maux des forêts ou les poissons de la mer : ce sont eux, au contraire, qui devraient le plus attirer l'attention si souvent distraite du vulgaire. — Si nous voyons une locomotive marcher devant nous, montrant son foyer, son piston et ses roues, certes, c’est une merveille de l’industrie humaine ; mais si cette locomotive était renfermée dans un grain de sable, ou si nous en voyions plusieurs fonctionner dans une goutte d'eau avec la même régularité et non moins de précision , ne serions-nous pas plus émerveillés encore? Ces élé- phants ou rhinocéros en miniature mangent, boivent, respirent comme les SUR LES CRUSTACÉS. 19 autres el, comme eux aussi, ils se reproduisent avant le terme fixé de la mise au rebut. Pour les petits aussi bien que pour les grands, Dieu a fait que toutes ces locomotives, vivant en elles-mêmes, renferment un atelier de con- Struction, et il n’a fallu au Tout-Puissant que lancer un premier couple pour en semer indéfiniment l’espace et le temps. Slabber a donné à ce crustacé le nom de Steurgernaal met trompehwyze oogen (Palémon aux yeux en trompette !). D'après ce que nous voyons dans l'Histoire naturelle des crustacés de M. Milne Edwards, ce crustacé n’est même pas connu, quant à ses caractères les plus importants. On ne sait ni le nombre, ni la conformation des pattes, et ce qui est dit de deux pattes plus longues que les autres est évidemment erroné : à notre avis, les podopsis sont de vrais mysis, pour l’ensemble de leur organisation , avee un corps plus allongé, une carapace plus courte et des pédoncules ordinaires plus développés. Les antennules sont portées sur un pédicule formé de trois articles, dont le basilaire ou le coxocérite est le plus développé. Get article porte au bout un filament assez fort, presque comme un crochet, et quelques soies fines dis- posées en peigne. L'article terminal ou l’ischiocérite, plus large que les autres, est muni en dedans de trois ou quatre longues soies plumeuses. La tigelle interne est la plus délicate et montre sur le bord en dedans des filaments assez longs, espacés et flexibles. La tigelle externe étale, pendant la nage, sur son bord interne, qui devient alors antérieur, des soies roides, légèrement cour- bées, assez serrées , disposées comme les dents d’un peigne et qui garnissent cet appendice jusqu’au bout. Ces appendices sont mutilés au bout comme ceux de la seconde paire, de manière que nous ne connaissons pas exactement leur longueur. À en juger par leur grosseur, nous croyons que la moitié à peu près manque. Les antennes véritables montrent également deux tiges, comme dans les autres mysis : l’une est lamelleuse, un peu effilée au bout, garnie de soies “plumeuses sur les deux bords ; mais ces soies sont plus longues et plus nombreuses sur le bord interne ; on en compte une vingtaine, tandis que le ! Natuurkundige Verlustigingen, pl. XV, fol. 5, 4. 20 RECHERCHES bord externe n’en a que seize : elles sont donc un peu plus espacées sur le dernier bord. Cette tige lamelleuse est formée de deux pièces articulées, dont on ne voit la jointure que quand la lame est étalée de face. A l'endroit mince de la jointure, on voit, dans l'intérieur, une masse un peu opaque, d’un aspect différent du reste, et qui est probablement le siége du sens de l'olfac- tion. Ces soies sont placées par étage avec une grande régularité. Dans cha- cune d'elles, on voit pénétrer une partie de la masse molle qui remplit la lame. La tigelle externe est comparativement fort grêle, très-longue , formée de plusieurs articles bien distincts, à la base surtout, et qui ne portent que quel- ques soies fines et très-courtes vers l'extrémité, Les pédoncules oculaires sont composés d’un article basilaire très-court ou basophthalmite suivi d’un podophthalmite très-long , fort gros et atteignant au delà de la moitié de la longueur de la carapace, Les pattes, ainsi que les pièces de la bouche, sont en même nombre que chez les mysis véritables etexactement conformées de la même manière. Nous ne comprenons pas ce que des auteurs ont voulu dire en attribuant une cer- laine longueur à deux pattes, et en indiquant la manière dont ces organes seraient terminés. Les cinq appendices abdominaux ou les pléopodes sont gréles et soyeux, comme chez les mysis, mais ils sont bien différents entre les mäles et les femelles. Le segment terminal ou le telson est très-court, de forme triangulaire , et n'atteint pas la moitié de la longueur de l'uropode interne. L'uropode externe est très-long , courbé en dehors, vers le bout, et garni de soies plumeuses sur les deux bords. L'uropode interne est à peu près de la même largeur que l'autre, mais il a un tiers de moins en longueur. Les deux bords sont également garnis de soies, C’est dans son intérieur et à sa base que loge lotolithe qui a été signalé pour la première fois par Leuckart. Nous l'avons dessiné en place. C'est une sphère déprimée, du centre de laquelle s'élève une sphère plus petite qui semble enchâssée dans la précédente et qui est disposée , à l'extérieur, comme la cornée transparente relativement à la sclérotique. Cet organe est d’un blanc lactescent. SUR LES CRUSTACÉS. 2] La description qui précède est faite d’après une femelle ; nous allons signaler quelques particularités de l’autre sexe. L'appendice pénial n’est point eflilé, mais obtus et arrondi comme un ‘asque, et, vers le milieu de la longueur, cet appendice porte une demi-dou- zaine de soies roides disposées en demi-verticille, Sous le rapport de la taille, le mâle diffère très-peu de la femelle. Comme elle, il est transparent, et n’a d’autres taches pigmentaires qu'une petite ligne très-courte au-dessous de chaque somite abdominal. Les antennules portent, comme dans la Wysis vulgaris, une pièce mobile, couverte de soies roides et fortes qu'on n’observe pas chez la femelle. Les pléopodes ou appendices abdominaux diffèrent notablement entre eux; les premiers sont les plus courts et ne comprennent que deux articles; les secondes en différent seulement, parce qu'ils sont un peu plus longs ; ceux de la troisième paire sont notablement plus longs, et, indépendamment d'un article qu'ils ont de plus, on voit un rudiment d’appendice biramé; la quatrième paire a plus du double de la longueur des autres et dépasse la longueur du corps en arrière. Cette quatrième paire est composée d’une pièce basilaire, suivie d’un article fort long et étroit, d’un basopodite, puis d’un article rela- tivement court, puis enfin d’un quatrième aussi fort long et étroit, qui est terminé par une double soie comme le basopodite, lune fort longue , large et courbée, l’autre roide et garnie d’une double rangée de dents roides qui le font ressembler à un râteau de jardin. Ces deux dernières pièces forment pince en se rapprochant. La cinquième et dernière paire n’est formée que de deux articles, comme les deux premières, mais l’article terminal est fort long et étroit. Cette énorme différence sexuelle dans les antennules, comme dans les ap- pendices abdominaux , est propre aux mysidés. Mœurs des mysis. — Les mysis vivent généralement en masse comme les crangons. Ils nagent près de la surface, même quand l’eau est profonde, mais ils se tiennent quelquefois au fond de l'eau, marchant sur la vase, à l’aide de leurs pattes longues et eflilées. Ils restent parfois assez longtemps dans une immobilité complète. Aussi la carapace se couvre-t-elle souvent de vorticelles, de bacillaires, etc. 22 RECHERCHES Pendant les beaux jours d'été, les mysis viennent régulièrement visiter la surface de l’eau, quand elle est tranquille. On les voit alors nager sans se- cousse, faisant tourner leurs exopodes comme une roue de steamer. C'est, en effet, absolument un petit bateau à vapeur vivant. Quand ils nagent ainsi dans tous les sens, les filaments des antennes sont entièrement déployés. I y en a deux en avant qui dépassent un peu les lamelles et qui donnent l'éveil à la moindre résistance qu'ils éprouvent : c’est la sentinelle la plus avancée. Ils sont placés dans l’axe du corps; puis, à la moitié de la longueur des lamelles, on voit, à droite et à gauche, deux autres filaments, beaucoup plus longs que les premiers, faisant un angle droit avec ces derniers et se recourbant légèrement en arrière : on dirait des gardes qui veillent à la sûreté des roues, et empêchent ces appendices mobiles et délicats de se blesser. Aussi, comme ce poste est fort important pour la sûreté de l'animal, chaque filament tentaculaire est-il double, et le second est fourni par les antennes inférieures : il se détache dès la base et se place parallèlement au premier. Au moindre obstacle qu'il trouve sur son chemin, le mysis se jette de côté avec la rapidité de l'éclair, et continue ensuite tranquillement sa course. 1 s'élance même hors de l’eau comme un poisson volant, si un danger le me- nace , et va retomber à quelque distance de là. Quand on en place de vivants dans un vase, dès qu'ils se sentent un peu à l'étroit, ils bondissent avec force, s'élancent hors de l’eau, se débattent en frétillant comme des poissons, et finissent tous par échouer. On en trouve également collés sur les parois du bocal, lorsque les bords en sont trop élevés. C’est par instinct qu'ils agissent ainsi quand le hasard les jette dans une flaque d'eau trop petite ou trop pauvre pour les nourrir. En s'élançcant à diverses reprises, ils peuvent parcourir un assez grand espace et gagner l’eau qui leur convient. On trouve ces derniers surtout près de la surface de l'eau , dit Thompson, et, à cet effet, ils ont besoin de puissants moyens de locomotion, tandis que les autres crustacés décopodes accomplissent, du moins à l'état adulte, leurs pérégrinations au fond de l'eau à l’aide de leurs appendices ambulatoires. L'animal rend des fèces qui ressemblent à des bâtonnets droits et conser- vent cette forme encore un certain temps dans l'eau. Parmi les ennemis les plus redoutables des mysis se trouvent les acti- SUR LES CRUSTACÉS. 95 nies. Ils disparaissent à vue d'œil à où ils rencontrent ces polypes. On peut en mettre des centaines, même des milliers, dans un aquarium ; s’il s’y trouve des actinies d’une taille ordinaire , on ne doit pas s'attendre à en conserver un seul vivant vingt-quatre heures après. On ne peut rien voir de plus gracieux dans l'eau. Is nagent à toutes les profondeurs, mais de préférence non loin de la surface, déploient leurs pattes natatoires, qui fonctionnent, ainsi que nous l'avons déjà dit, comme les roues d’un steamer, et ils s’élancent avec grâce et mesure dans leur étroit océan : ce sont des navires vivants dont les longs tentacules servent de sonde, les yeux de boussole et la queue de gouvernail. Les crustacés en général sont carnassiers et dévorent avec la même avi- dité la proie palpitante et le cadavre en pleine décomposition. Les mysis semblent, sous ce rapport, faire exception. Représenteraient-ils les herbi- vores parmi ce groupe si vorace ? Nous avons ouvert un grand nombre de mysis de tout äge, de tout sexe et de diverses espèces, et nous n'avons jamais trouvé, dans leur cavité digestive, que des débris végétaux ou des végétaux microscopiques des fa- milles les plus inférieures. Au milieu de débris rouges et verts de certaines algues marines, on voit des clostéries , des bacillaires, etc. Thompson s’extasie avec raison sur l'abondance extrême, en été, de ces jolis crustacés dont des phalanges entières surgissent tout d’un coup, sur- tout là où l’eau est légèrement garantie de la violence des vagues. Dans les parcs aux huitres, on les voit communément mêlés avec les palémons et les crangons. Pendant l'été, on peut les prendre par milliers à l’aide du petit filer. Les mysis s’accouplent et la fécondation des œufs a lieu dans l'intérieur du corps de la femelle. Il n’y a pas de spermatophores. Comme nous le verrons plus loin, les œufs sont recus dans une poche où les embryons par- courent toutes les phases de leur développement. Ils ont la forme des adultes et ne subissent pas de métamorphoses après la sortie de la poche incuba- trice : ils les subissent dans la poche même. Nous avons trouvé des œufs déjà au mois de février, mais c'est surtout aux mois de juin et de juillet que leur reproduction est le plus rapide sur 24 RECHERCHES nos côtes. Nous croyons aussi qu'ils se reproduisent plusieurs fois dans le courant de l'année. Nous ferons remarquer également que les mysis, comme la plupart des crustacés décapodes , produisent des œufs et se multiplient avant d’avoir at- teint complétement leur taille, C’est ainsi qu'on voit des individus, jeunes à en juger par la taille, qui ont déjà leur poche incubatrice pleine d'embryons, ou le pénis rempli des spermatozoïdes mürs. Sous ce rapport, il Y à une grande différence entre les crustacés et les articulés aériens. Ce n'est pas par milliers ni par centaines d'œufs que les mysis pondent à la fois, c’est tout au plus si leur poche incubatrice en renferme une cin- quantaine. Elle ne saurait en contenir davantage et encore moins les loger quand ils commencent à grandir. Malgré cela, leur fécondité ne le cède pas à celle des autres crustacés, par la raison surtout, qu'en venant au monde , ils sont doués de tous leurs moyens de défense et n’ont pas besoin de tra- verser cet âge critique où, sous une forme transitoire, tant d'autres crusta- cés servent de pâture. ANATOMIE DES MYSIS. Ce n'est pas une description anatomique complète que nous comptons pré- senter ; nous nous sommes borné à l'étude des appareils qui nous ont paru avoir le plus d'importance et dont un nouvel examen pouvait avoir le plus d'intérêt. Nous commencerons cette étude par le squelette tégumentaire ; mais, avant de décrire les diverses parties qui le constituent, nous nous arrêterons un instant à l'examen des diverses théories qui ont été tour à tour proposées. L'étude véritablement comparée des pièces du squelette ne date que des premières années de ce siècle, et nous devons nous attendre à ne trouver des traces de cette étude chez les animaux articulés qu'à une époque très- rapprochée de nous. SUR LES CRUSTACÉS. 95 On a d'abord décrit chaque pièce séparément, et ce n'est que fort tard qu'on à songé à les comparer toutes entre elles. Il en a été de même du squelette des articulés. Au commencement de ce siècle, la bouche, les pattes et loutes les parties de la charpente des insectes étaient décrites par les auteurs avec plus ou moins de soin, mais on ne s'occupait guère des homologies et des ana- logies : on faisait de l'anatomie descriptive, et on ne songeait même pas qu'il y eùt autre chose à faire. Les insectes suceurs étaient censés ne pas avoir de mandibules, et partout où un organe ne se développait pas au point de remplir complétement son rôle, on le déclarait absent. Cette absence est souvent réelle, mais seule- ment sous le rapport physiologique. Une pièce ne manque pas parce qu'elle est à l'état rudimentaire : l'enfant peut ne pas avoir de dents, aux yeux de la mère, mais il en a aux yeux de l’anatomiste , qu'elles aient percé ou non, du moment qu’elles ont surgi même sous les gencives. Savigny, le premier, a fait entrer ces intéressantes études dans une voie scientifique !. Il a trouvé que la bouche des insectes et des apiropodes (my- riapodes, arachnides et crustacés) renferme les mêmes éléments anatomi- ques, mais que ces éléments se modifient selon les besoins : tantôt les pièces s’allongeront, tantôt elles se rapetisseront , conformément aux besoins exigés par le régime. Il s'est livré aux mêmes recherches à l'égard des pattes. Ces organes ont tous la même valeur anatomique; mais, ici, ils vont aider à la mastication, là , ils facilitent le saut ou la course , ailleurs , ils se modifient en rames pour la vie aquatique. Aussi les travaux de Savigny font-ils époque dans la science, et ses recherches sur la bouche des insectes seront-elles toujours son plus beau titre de gloire. M. Audouin a continué ces travaux ?. II a approfondi plus encore cet iné- puisable sujet des parties homologues, et, dans un travail intéressant sur le thorax des insectes , il a coordonné le résultat de ses nombreuses investiga- { Mémoire sur les animaux sans vertèbres. Paris, 1816. 2 Sur la structure du thorax des insectes (Académie des sciences, 15 mai 1820); Annales des sciences naturelles, t. I. TouEe XXXIIT. 4 26 RECHERCHES tions. Audouin ne désespérait pas de reconstruire la tête des articulés en segments rattachés à leurs appendices relatifs. Tous les organes formant un prolongement de segment sont compris sous le nom d'appendices, depuis les premières antennes jusqu'aux appendices abdominaux et sexuels. Ce n’est que de l'accroissement semblable ou dissem- blable des segments, de la réunion ou de la division des pièces qui les com- posent, du #aximum de développement des uns, de l'état rudimentaire des autres , que dépendent toutes les différences qui se remarquent dans la série des animaux articulés. Audouin et Savigny ont le mérite d'avoir jeté les fondements de cette partie de l'anatomie. Dans son Æistoire naturelle des crustacés, M. Milne Edwards a traité cette même question-avec la hauteur de vue qui lui est habituelle : le savant pro- fesseur du Muséum y parle de la composition anatomique du squelette tégu- mentaire , de la portion annulaire comme de la portion appendiculaire, et met en relief tout ce qui est définitivement acquis à la science. L'organisation du squelette tégumentaire des crustacés est effectuée d’après un plan uniforme , ou du moins beaucoup plus uniforme qu'on ne l'aurait pensé avant d'en avoir fait une étude approfondie et comparative !. Chaque appendice, au fond, se compose d'une tige, d'une palpe et d'un fouet : la tige est la partie principale. Ces parties sont quelquefois réunies, même à l'état adulte, soit autour de la bouche, soit aux organes sexuels ; mais le plus souvent il n’y en a qu'une ou deux qui persistent. La dernière patte thoracique des mysis porte, en dehors de la tige, ou la patte ou le fouet, et en dedans, la palpe , sous la forme d’une lame qui constitue avec les palpes voisines la poche incubatrice. Dans un travail spécial, le savant professeur du Muséum a repris, dans ces derniers temps, ce même sujet pour les crustacés, et propose un système de nomenclature qui ne peut que rendre les descriptions plus intelligibles et surtout plus laconiques ?. 1 Hist. nat. des crustacés, vol. 1, p- 0. ? Milne Edwards, Observations sur le squelette téqum. des crustac. décapodes, AxN. sc. NATUR., Vol. XVI, p. 221; 1851. SUR LES CRUSTACES. 27 La carapace n’est plus considérée dans ce travail comme les pièces tergales d'un seul anneau antennaire ou mandibulaire, mais plutôt comme la réu- nion de deux arceaux tergaux , dépendants du troisième et du quatrième anneau de la tête, et la portion thoracique du corps se compose normale- ment de sept segments ou somites, qui portent , selon leur place, le nom de protosomite , deutosomite , mésosomile , tétrosomite , etc. La portion abdominale des décapodes se compose, comme le thorax, également de sept somites. Les antennes, les pièces de la bouche ou les pattes étant tous appen- dices homologues, sont formées de pièces qui se correspondent, et, si les articles des antennes sont nommés, à commencer par la base, coxocérithe, basicérithe , ischiocérithe , mérocérithe, carpocérithe et procérithe, les ap- pendices de la bouche sont formés de coxognathite, basognathite, ischio- gnathite, mérognathite, carpognathite, prognathite et dactylognathite, ou de coxopodite, basopodite, ischiopodite, méropodite, carpopodite ; propo- dite et dactylopodite , S'il s'agit des pattes. Chaque pièce de ce squelette est comparée à un os, et chaque os a recu un nom distinct. Un savant entomologiste de Berlin, que la zoologie a eu le malheur de perdre bien jeune, Erichson , s’est aussi occupé de cette question. Sa théorie est fort simple et assez satisfaisante au premier abord. Les insectes forment son point de départ. Il admet la lèvre inférieure comme une paire d’appen- dices soudés, et par conséquent les insectes portent régulièrement six paires d'appendices, trois à la bouche et trois au thorax. Les arachnides en montrent, d’après lui, le même nombre; mais la lèvre inférieure avec sa palpe devient patte, ce qui élève ces organes au nombre de quatre paires. Les crustacés décapodes montrent les six paires des insectes et des arachnides en même temps à la bouche, sous le nom de mandibules, de mâchoires et de pieds- mâchoires , et les pattes de ces articulés, comme leurs fausses pattes, sont des appendices nouveaux qui n'existent pas chez les premiers. Nous ferons re- marquer en passant que les pièces de la bouche paraissent simultanément avec les pattes thoraciques , sous la même forme, dans les mêmes conditions , avec les mêmes caractères, et qu'il est difficile de faire de ces appendices 28 RECHERCHES deux catégories distinctes. Dans les crustacés édriophthalmes , deux paires de pattes-mächoires se transforment en pattes véritables, et, au lieu de cinq paires, ils en ont sept. Voilà en quelques mots la théorie d'Erichson, qui ne s'éloigne guère de celle de Savigny. Selon Zenker !, ce n’est ni la nature, ni la fonction des appendices qui font connaitre leur homologie; il faut la chercher dans leur origine et dans leurs dispositions anatomiques. Il trouve trois points fixes dans l’économie de ces animaux : les yeux , la bouche et l'anus. Les appendices qui naissent entre les veux et la bouche sont les antennes , ceux qui naissent entre la bouche et l'anus s'appellent mandibules, mächoires, pattes fausses, pattes incubatrices, ra- mes, ete. Hs sont donc tous sur la même ligne. Les antennes tirent leurs nerfs des ganglions sus-æsophagiens, et, comme les mandibules et les mâchoires des arachnides, reçoivent leurs nerfs de cette même souche : ces appendices sont des antennes, comme on l'avait déjà dit, du reste. De cette manière les arach- nides n’ont que quatre paires d’appendices en dehors des antennes. Zenker admet ainsi quinze segments dans le corps des articulés , et, à ses veux, il v a quinze paires d’appendices dans les crustacés malacostracés, c'est-à-dire six paires de pièces de la bouche, cinq paires de pièces thoraciques ou pattes et quatre (sic) paires de pattes abdominales ( After Füsse ). Nous verrons qu'il existe une succession dans l'apparition de ces pièces, que l’on peut prendre cette succession comme base d’une division, et que le nombre quinze ne correspond évidemment pas au nombre de segments des crustacés supérieurs. Nous comptons cinq paires d’appendices à l'abdo- men comme au thorax , une paire à la queue, et le nombre normal est, pour M. Milne Edwards comme pour nous, vingt et un. D'après Agassiz, les régions du corps se divisent par trois ou son multiple chez les crustacés. Ainsi, chez l'écrevisse, il compte trois parties pour la bouche, six pour la tête, six pour le thorax et neuf pour la queue ?. Quelques naturalistes anglais ont traité ce même sujet avec une véritable distinction : ce sont surtout MM. Spence Bate et Thomas Huxley 5. Troschels” Archiv, 1854, p. 118. Proceed. Amer. Assoc. adv. sc., 4 meel., p. 122. New-Haven; 1851. Spence Bate, Ann. nat. histor., p. 152, 1857, et Thomas Huxley, On the agamic reproduc- tion and morphology of Aphis, Tnansacr. LiNNEAN Soc., vol. XXII, p. 198; 1858. Ll 2 5 SUR LES CRUSTACÉS. 29 D’après ces savants distingués, chaque crustacé normal comprend vingt segments ou somites, et la tête du crustacé, comme celle de l'insecte, est formée de six somites unis par coalescence. La carapace des podophthalmes est formée de six somites céphaliques et de huit thoraciques, de sorte que quatorze éléments sont unis par coalescence. Les yeux, qu'ils soient sessiles ou non, ont leur somite, et, en accordant huit segments au thorax et six à l'abdomen; on obtient le nombre de vingt somites. Ce nombre vingt se trouve même dans beaucoup d'insectes, d’après M. Thomas Huxley, en admettant six segments dans la tête, trois dans le thorax et onze dans l'abdomen. I n’y a que les branchiopodes et les trilobites qui en aient davantage. Dans les crustacés, la carapace est formée évidemment d’un nombre de pièces variables, même dans les podophthalmes , et, selon le savant professeur de l'École des mines, les podophthalmes en général ont une carapace de qua- torze somites , les mysis de douze ou treize, les cumas de neuf et les squilles de quatre seulement. Sur le nombre total de somites , on est donc à peu près d'accord, quand il s'agit des crustacés les plus élevés, mais les divergences deviennent grandes du moment qu'on analyse les crustacés inférieurs ou les classes voisines. Ce nombre vingt, admis par ces naturalistes au lieu de vingt et un, pro- vient de ce que le telson n’est pas compté par eux comme un somite distinet. La carapace se terminant en avant par un rostre, ils pensent que le seg- ment caudal se prolonge en arrière en telson. Ce n'est pas notre avis : le telson correspond à un somite véritable, quoi- qu'il n'ait jamais d’appendice et, dès le principe, il est distinet. Passons en revue les divers appendices des mysis, en tenant compte sur- tout de leur situation, de leur développement et des divers éléments qui les constituent. La première paire d’appendices, à commencer d'avant en arrière, com- prend les appendices ophthalmiques, qui portent les veux. Ils sont toujours formés de deux pièces ou sclérodermites , le basophthalmite et le podophthal- mite , d’après le système de nomenclature proposé par Milne Edwards. 50 RECHERCHES On pourrait leur donner le nom de podophthalme. Dans l'ordre d'évolution embryonnaire, ces pédicules oculaires ne se dé- veloppent qu'après les appendices gnatho-thoraciques et après que la pre- mière mue s’est complétement effectuée. Chez les homards, ces appendices font leur apparition plus tôt que chez les mysis, et on les voit surgir en même temps que les antennes. Le genre Podopsis est remarquable par l'extrême développement en lon- gueur du podophthalmite , c’est-à-dire du second article qui porte l'œil com- posé. Les deux paires d'antennes se développent simultanément et sont toujours les premiers appendices dans l'ordre de leur apparition. Ils ont déjà une certaine longueur , qu'on ne voit point encore surgir les premiers tubercules des appendices gnatho-thoraciques futurs. Ils sont tous les deux d’abord simples, c'est-à-dire ne consistant que dans une tige unique , et ne deviennent bifides qu'après la première mue. Les antennules des Mysis chameleo adultes sont formées d'un pédicule composé de trois articles parfaitement distinets et mobiles : le coxocératite , le basocératite et l'ischiocératite, et c'est le basocératite qui est le plus large. L'ischiocérithe porte à son extrémité deux tigelles d’une longueur égale, multi-articulées , les procérithes de Milne Edwards ; ces procérithes atteignent à peu près le double de la longueur de la tigelle des antennes véritables. La tigelle interne se fait remarquer d’abord parce que, seule, elle se couvre de taches de pigment, et qu'ensuite elle ne montre sur son trajet que de loutes petites soies qui ne rappellent aucunement la disposition pectinée de l'autre procérithe ; à la base de cet organe naissent plusieurs soies pennées et courtes , ainsi qu'à la base du basocératite. Le procérite externe se fait remarquer par une longue rangée de soies , placées avec la plus parfaite régularité et qui sont alignées, comme les dents d’un peigne, sur le bord antérieur , dans presque toute sa longueur : ce sont des soies fort roides, recourbées en avant et en haut, et constituant une sorte de barrage le long de cet organe. Ces deux tigelles ou procérithes ont à peu près le même diametre et pre- sentent les mêmes articulations dans toute leur longueur. SUR LES CRUSTACÉS. 51 Les mâles portent au bout de l’ischiocérithe , outre les deux procérithes , une lamelle terminale hérissée de fortes soies et qui mériterait bien un nom particulier. La seconde paire d'antennes , ou les antennes proprement dites, est com- posée d’abord d’un coxocérithe assez volumineux, qui porte en dedans une tigelle montrant trois articles distincts à sa base; cette tigelle est multiar- ticulée, couverte de soies très-fines , semblables aux deux tigelles des anten- nules; en dehors, le même coxocérithe porte une lame très-large et solide, tronquée obliquement au bout, couverte de taches de pigment et garnie sur tout son bord interne, mais seulement sur ce bord depuis la base jusqu'au sommet, de soies pennées, roides et fortes qui en font un véritable treillage. Au bout de cette rangée de soies, on apercoit une épine assez forte, et le bord externe est uni. Pendant la natation, ces antennes sont déployées de façon qu'il y a tou- jours deux procérithes étendus, placés dans l'axe du corps, et deux autres pliés transversalement de chaque côté, à quelque distance l’un de l'autre, formant un angle droit avec les premiers, de manière à servir d’éclaireurs dans un rayon assez étendu. Chaque poste est doublé. IT y a deux filaments explorateurs en avant, autant à droite et à gauche , sans compter les lamelles des antennes véritables, qui préservent la tête; mais les filaments groupés ensemble n’ont jamais la même origine. L’exploration se fait ainsi à une grande distance du corps, aussi bien en avant que sur le côté, et les senti- nelles sont placées de telle sorte, qu'ils peuvent explorer un vaste rayon en demi-cerele au-devant de l'animal. Il est même à remarquer que les procérithes plumeuses des antennes des podopsis logent toujours un organe opaque, que l’on ne peut s'empêcher de considérer comme un organe de sens, d'autant plus qu’on en à signalé de semblables dans d’autres crustacés. Si, comme nous le supposons , le sens de l'olfaction réside dans ces lamelles, les appareils qui veillent le plus eflicace- ment à la conservation sont portés tous les deux au bout d’une même tige. La bouche est limitée en dessus par une pièce médiane ou sclérodermite isolé, qui porte en avant, sur la ligne médiane , un tubereule semblable à un goupillon couvert de soies courtes et roides. 32 RECHERCHES Les mandibules ou les protognathes, d’après la même nomenclature , sont remarquables par leur solidité autant que par la singularité des dents qui hérissent la surface libre. Les deux mandibules agissent l’une sur l'autre, non comme des dents à couronne aplatie, mais plutôt comme des molaires à tubercules épineux. Ces tubercules sont uniques et légèrement courbés, du moins les antérieurs ; les autres, qui sont placés en dessous, ont une forme différente et ont leur bord dentelé. Chaque mandibule est garnie d'une palpe ou d'un exognathe , composé de trois articles distincts, dont le médian est le plus volumineux. L'article ter- minal est arrondi au bout. Ces deux pièces sont couvertes de soies entremé- lées d’épines. Les protognathes forment bien un somite distinct, puisque nous les voyons armés d’un véritable appendice. Quand même les mandibules dépendraient des voies digestives , comme les plaques de l'estomac , il n'y aurait pas moins un sonile propre. Nous avons représenté quelques-unes des soies et quelques-uns des pi- quants qui hérissent les pièces de la bouche, ainsi qu'une soie plumeuse. Les deutognathes , ou les premières mâchoires, recouvrent complétement les mandibules, tout en ne prenant pas une grande extension; plusieurs sclérodermites entrent dans leur composition. On pourrait bien trouver l’en- dognathe, Yexognathe et même l'épignathe, mais aucun d'eux ne prend de l'importance. Le sclérodermite, le plus important de ces mâchoires, est un article terminal, légèrement renflé vers le milieu, et dont le bord libre est garni d'une couronne de crochets. Il y a des semences qui lui ressemblent. On trouve les divers articles garnis de fortes soies de différente forme. La seconde paire de mâchoires, ou les /ritognathes, ne diffère que médio- crement de la précédente ; elle la recouvre complétement; il est indispen- sable de les isoler si on veut les reconnaitre. On peut distinguer toutefois un endognathe dont la pièce terminale est bordée de soies pennées; l'appendice médian est formé de deux articles, dont le dernier est garni non-seulement de soies, mais d’épines dentelées sur le bord comme la scie d'un Pristis. Enfin, en dedans, trois ou quatre sclérodermites, hérissés également , forment la bordure de la bouche. Les autres appendices qui suivent portent tous, comme les pattes tho- SUR LES CRUSTACÉS. 35 raciques véritables, une tigelle multi-articulée très-soyeuse, et il n'existe pas de ligne de démarceation entre les pattes proprement dites et les gnathopodes ou paltes-màchoires : c’est à cause de cela que les opinions des auteurs ne s’ac- cordent même pas sur le nombre de pattes que portent les mysis. Continuons simplement notre description , sans nous arrêter à celte diver- gence d'opinions. La première paire de pattes-màchoires, ou le tétragnathe, présente, entre les deux appendices paires, une barre qui clôt l’orifice de la bouche de ce côté et qui représente la lèvre inférieure. Ce tétragnathe est formé d'un endognathe véritable , composé de quatre ou cinq articles à peu près également développés et qui sont tous hérissés de piquants, surtout le dernier; d’un talon en dedans, bordé également de fortes soies, et, en dehors, d'un exognathe, sous la forme d'une tigelle multi-articulée, ayant pour coxagna- thite une pièce assez forte et comparativement très-large. La tigelle est garnie , avec beaucoup de régularité et dans un ordre parfait, de soies plu- meuses qui s’'étalent dans toute la longueur. La seconde paire de pattes-màächoires, en envisageant ces appendices au point de vue des décapodes ordinaires, c’est-à-dire les gnathopodes ou les pemplagnathes, ressemble beaucoup à la paire précédente, et n’en diffère même que par un développement un peu plus grand des articles. Ces pemp- tagnathes montrent également : un talon en dedans, un exndognathe formé de cinq articles, tous un peu plus longs que dans l’'endognathe précédent, mais comme eux tous sélifères , surtout le dernier ; enfin un exognathe, dans le- quel on compte quinze pièces à soies plumeuses, porté sur un coxagnathe solide. La paire suivante, c’est-à-dire l'hectognathe, présente une modification qui n’est pas sans importance, puisque , en s’éloignant des autres pièces de la bouche, elle prend tous les caractères d’une patte thoracique véritable. Au bout de deux articles qui se suivent, on voit, en dedans, la patte pro- prement dite, comme dans les cinq paires de pattes véritables, et, en de- hors, une tigelle multiarticulée, un exognathe semblable à celui qui garnit les deux paires précédentes, aussi bien que les suivantes. Viennent maintenant les cinq paires de pattes proprement dites, qui ont Tome XXXHIT. b) RECHERCHES ot = valu aux crustacés qui les portent le nom de décapodes où de crustacés su- périeurs. Dans les mysis, ces pattes sont toutes doubles; elles sont formées d'un endopode et d'un exopode et représentent la forme embryonnaire des homards à la sortie de l'œuf. Chaque endopode, indépendamment d'un coxopodite fort court, d'un basopodite et d'un ischiopodite assez longs, est formé de plusieurs articles d'une importance à peu près égale et qui, au nombre de sept, semblent former le tarse. Au lieu de sept, on n’en voit que quatre dans les deux der- nières pattes, et cinq ou six dans les autres. Chaque article est entouré de soies formant un verticille autour de lui. Les exopodes, consistant partout en une longue tigelle multiarticulée , sont garnis de soies plumeuses fort longues sur toute leur étendue. Ces ap- pendices se meuvent dans l’eau avec une rapidité extrême, et ils la font tourbillonner avec force, quand ils mettent ces orgares en mouvement : ce sont exactement les roues d’un steamer. Ns servent surtout de nageoires pour la nage; mais quand le corps est en repos, ils viennent au secours de la respiration, comme un ventilateur qui change leur air liquide. Ce ne sont pas des branchies véritables comme on l'a supposé, puisque leur intérieur ne se trouve pas dans le courant qui mêne le sang au cœur. La circulation s’y effectue seulement comme dans tous les autres appendices. Les deux ou trois premières paires sont habituellement couchées sur le céphalothorax d'avant en arrière, se meuvent de manière à balayer la carapace et établissent un courant régulier dans le milieu ambiant. Combien y a-t-il maintenant de pattes proprement dites dans ces animaux ? Faut-il en admettre cinq, six ou huit ? On pourra répondre diversement à ces questions ; mais c'est précisément à cause de cela qu'il faudrait partir d'un principe. Ce n’est pas la forme qui peut servir de guide; car le scorpion, avec ses palpes en pince, serait un décapode; ce n'est pas non plus la fonction, puisque les mêmes pièces en changent constamment. Serait-ce donc le développement ? Mais nous voyons les appendices de la bouche, sauf les mandibules , surgir tous simultanément sous la même forme , avec ceux du thorax, et se différencier seulement dans le cours de l'évolution. Ne faudrait-il pas considérer comme homologues et SUR LES CRUSTACÉS. 35 désigner sous le même nom tous ceux qui présentent les mêmes caractères embryogéniques ? Nous voyons cinq apparitions successives d’appendices chez les mysis : lantennulaire, l’ophthalmique, la céphalothoracique , la cau- dale et labdominale. 11 n’y à que la formation céphalothoracique qui pré- sente des difficultés, puisque, dans les autres, il y a une véritable succession. Il faut nécessairement considérer les mysis au milieu de leurs congénères, les décapodes , question sur laquelle il ne peut y avoir de doute, et, si les décapodes ont en général cinq paires de pièces à la bouche et cinq paires au thorax, c'est-à-dire cinq gnathopodes et cinq péréiopodes, il faut en admettre le même nombre dans les mysis. Il y a trois paires de gnathopodes qui pren- nent l'aspect de pattes , et, quoiqu'il y ait six paires de pattes exactement sem- blables, on ne doit cependant en compter que cinq. C’est d’après cette ressemblance totale que beaucoup d'auteurs accordent six paires de pattes à ces articulés, mais il faudrait alors admettre aussi cinq paires de pattes dans les scorpions. Thompson dit que les mysis sont des schizopodes ou fissipèdes à cause de leurs pieds, et comme le nombre est de huit de chaque côté, ajoute-t-il, et que tous sont doubles , il en compte seize destinés à la préhen- sion et les seize autres à la nage. Ainsi on doit, si nous ne nous trompons, accorder cinq paires de pattes aux mysis comme à tous les décapodes, et considérer les trois paires de pieds-mâchoires comme prenant la forme de pattes. Avant de quitter ces appendices , nous avons à mentionner les deux der- nières paires, à cause des feuillets membraneux qu'ils fournissent pour former la poche d’incubation. Ces feuillets correspondent sans doute aux épipodes. Chaque épipode s’élargit, prend la forme d’une feuille dont les bords s’é- lèvent et se garnissent tout autour de longues soies plumeuses formant une véritable galerie. Les deux feuillets de chaque côté s'adaptent de ma- nière à ne former avec ceux du côté opposé qu'une seule poche, qui ressemble à une nacelle suspendue sous le thorax et dont les bords sont garnis tout autour d’un filet, comme on en voit le long du bastingage des steamer. C'est dans cette nacelle suspendue que les œufs sont déposés, et, comme les embryons y subissent leur évolution complète, iln’est pas sans importance de garnir les bords de ce nid d’un filet, pour que la progéniture ne soit pas 56 RECHERCHES lancée par-dessus le bord au premier bond que fait la mère en prenant la fuite. Les mouvements de ces crustacés sont en effet si brusques et si dés- ordonnés que, sans quelque précaution, cette progéniture atteindrait difi- cilement le terme de son évolution. Gräce à ce filet de soies plumeuses, l'eau peut se renouveler constamment dans Fintérieur, et les embryons y subir leur mue, sans cesser de recevoir en abondance l'oxygène et la pature. Ces feuillets se flétrissent-ils après l’époque de l'incubation ? Nous le sup- posons. On ne trouve pas de femelles avec la poche vide, et les crustacés évidemment n’atteignent pas, comme les insectes, le terme de la vie avec l’époque des amours. Ils continuent même longtemps encore à croître , puis- qu'on voit souvent des femelles couver déjà des œufs avant d'avoir atteint la taille ordinaire. Dans les crustacés, la ponte n'est pas du tout un indice que l'animal ne croit plus. Nous avons trouvé jusqu'à quarante-six embryons dans une seule poche, tous au même degré de développement et non loin d'être mis en liberté. A voir la capacité de cette poche, on ne se douterait pas que ces quarante-six jeunes mysis aient pu se loger dans un espace en apparence si étroit. Sous ce rapport, ces jolis crustacés diffèrent notablement des décapodes en général. Les œufs, au lieu d’être attachés les uns aux autres ou collés aux appendices abdominaux , sont au contraire déposés librement dans la bourse thoracique, absolument comme des œufs d'oiseaux dans leur nid. Nous venons de passer en revue les appendices qui dépendent de la tête et du thorax ; nous en avons trouvé quatre pour les organes de sens , cinq pour la bouche et cinq pour le thorax, et comme chacun de ces appendices dé- pend d'un somite, le nombre de ceux-ci est de quatorze à la région céphalo- thoracique : c'est aussi ce nombre qui concourt à la formation de la carapace des mysis. L'abdomen se compose de sept somites parfaitement séparés, dont les six premiers sont semblables entre eux et dont le dernier, le fe/son, termi- nant le corps en arrière , affecte une forme particulière. Cinq sonites appartiennent à la région abdominale et deux à la région caudale. SUR LES CRUSTACÉS. 5 1! Tous ces segments portent leur appendice propre, leur pléopode ou leur uropode, sauf le dernier, le telson. Les cinq premiers ont de commun d'être couverts de soies plumeuses ou pennées dans une partie plus ou moins grande de leur étendue, chez les mâles comme chez les femelles. La première paire a la forme d'une rame courte et assez large; elle est composée d’une seule pièce , garnie sur tout son bord externe de soies plu- meuses au nombre d'une vingtaine. La deuxième paire est un peu plus longue et moins large; elle porte du même côté vingt-sept soies plumeuses d’une longueur à peu près égale. La troisième paire est biramée ; elle se compose d’un article basilaire et de deux articles terminaux, dont lun a plus du double de la longueur de l'autre. La portion basilaire a la longueur de l’article le plus court. Les soies garnissent les deux bords des appendices. La quatrième paire diffère considérablement dans les deux sexes : par sa longueur, sa composition et son usage, il s'éloigne de tous les autres. Il est biramée chez le male comme l’appendice de la troisième paire, mais il dé- passe en arrière, quand il est étendu, la pointe de l'appendice caudal. L'article basilaire très-court est suivi d’un second article unique, plus long el assez fort, qui supporte, comme dans les pléopodes précédents , outre deux articles pennés placés bout à bout, une patte longue et étroite quinqué-arti- ticulé , dont la dernière pièce, la plus longue, porte, vers la pointe, des aspérités nombreuses et petites formant des tours de spire. Le sommet de l’article terminal est légèrement renflé, et la surface en est lisse ; les aspé- rités disparaissent ainsi à une certaine distance de l'extrémité libre. Dans la Mysis vulgaris, cet appendice mäle a une tout autre conforma- tion : des soies plumeuses assez longues et sur un rang garnissent un des bords du long article, et au bout, au lieu d’une pièce terminale unique , il y en a deux de longueur égale, dentelées légèrement sur le bord et disposées en pince. La cinquième paire est formée de deux pièces d’une longueur égale, placées bout à bout et garnies de soies plumeuses sur toute leur longueur. Voilà pour les appendices abdominaux. 58 RECHERCHES La sixième paire, ou plutôt la première paire caudale , puisqu'elle appartient à la catégorie des appendices caudaux, appendices qu'on pourrait appeler uropodes , est formée de deux larges rames qui prennent un grand déve- loppement en largeur, dépassent en longueur le somite dont elles procèdent, et constituent la partie latérale de la nageoire caudale ou l'éventail de la queue. Elles sont bordées de soies plumeuses de deux côtés et jouissent d’une mobilité fort grande. La rame externe est un peu plus longue et plus large que l’interne. C'est dans la rame interne que se trouve l’otolithe , que l’on distingue fort bien à l'extérieur. Ces soies plumeuses sont très-longues et, pour les tenir en respect, il y à, de distance en distance, vers le milieu, des piquets ou tuteurs droits et roides, sur lesquels elles s'appuient. Nous n'avons pas vu de ces piquets sur les pièces latérales. C'est dans ce somite que s'ouvre l’orifice anal. Le septième somite ou le dernier segment , le {elson, fait la partie moyenne de la nageoire caudale et termine le corps en arrière. Il est échancré au bout, un peu plus large à la base qu'au sommet, et porte sur le côté une rangée de dents également espacées, à l'exception des deux dernières. La forme de ce dernier somite , surtout sa pointe, fournit d'excellents caractères pour distinguer les espèces entre elles. Quelques naturalistes ne regardent ce telson que comme une dépendance du somite précédent. Nous trouvons donc, d’après les appendices, vingt somites dans ces crus- tacés ou vingt et un plutôt, puisque nous devons y comprendre le felson. Ce nombre est celui des crustacés décapodes. Ce qui nous frappe ici, c’est que ces somites, qui ne sont autre chose que les vertèbres des animaux supérieurs, montreraient une régularité si grande dans l'embranchement qui nous oceupe et, au contraire , une variété extraor- dinaire dans les poissons comme dans les autres classes de vertébrés. Le nombre de vertèbres varie dans les ordres ou même dans les familles natu- relles, et si, dans certaines classes, on trouve quelque chose de constant, c'est le nombre de vertèbres de certaines régions , comme la région cervicale des mammifères et la région caudale des oiseaux. SUR LES CRUSTACÉS. 39 Du reste, dans la classe des insectes même , classe si uniformément ré- gulière , si la région céphalique et la région thoracique présentent une com- position identique sous le rapport des somites , il n’en est pas de même de la région abdominale, puisque, d’après Huxley, on en compte onze dans quelques ordres et neuf dans le plus grand nombre. Plusieurs auteurs se sont déjà occupés, à diverses reprises , de l'oreille des crustacés !, On ne trouve pas de traces d'oreille à la base des antennes des mysis, comme dans les autres crustacés décapodes; mais M. Leuckart à observé une capsule dans l’intérieur de l’appendice caudal wropode, qu'il compare à une oreille interne. Nous partageons cet avis de notre ami Leuc- kart : nous avons trouvé cet organe toujours à la même place dans toutes les espèces de mysis, ainsi que dans le genre Podopsis. Kroyer a étudié également cet organe singulier de l’appendice eaudal des mysis, et il a même vu un nerf, qu'il considère comme auditif, sortir du der- nier ganglion abdominal, puis aller se perdre sur cet otolithe. Le savant naturaliste de Copenhague considère done aussi cet organe comme remplis- sant les fonctions d'oreille. On voit que cet organe de sens est formé d’une capsule contenant, au centre, un otolithe, et , si on laisse dessécher d'abord cet appendice auriculaire, qu'on l’'humecte après et qu'on mette la capsule en liberté, ce qui est très-facile, on voit, au grossissement de quatre-vingts à cent fois, le contenu de la cap- sule affecter exactement l'aspect d’une géode en agate montrant une régu- larité extrême dans la juxtaposition des couches : c’est absolument une de ces pierres siliceuses polies, enchässée dans un chaton comme un bijou. On voit, au centre, des granulations , puis, par couches concentriques , des lignes d'épaisseur variable. La comparaison que nous venons de faire avec une géode est on ne peut plus exacte. Dans la Mysis vulgaris, cet otolithe présente les mêmes couches con- centriques et montre, de plus, quelques tubercules de différentes gran- ‘ Leuckart, Troschel’s Archiv., 1853, 1, p. 255. — Huxley, Note sur les organes auditifs des crustacés, Ann. sc. naT., vol. XV, p. 255, 5% sér., 1851. — Kroyer, Genre SEGESTES, Det Kongelig Danske Selskabs Skriften , p. T1, 1856. 40 RECHERCHES deurs disposés en cercle, mais plus gros que Leuckart ne les a figurés. La preuve que c’est une oreille manque; mais nous dirons avec Leuc- kart que la situation à l'extrémité postérieure du corps n’est pas une preuve du contraire, puisque d’autres organes de sens, non moins importants que l'oreille, se trouvent quelquefois aux deux extrémités du corps. Ne savons- nous pas depuis bien longtemps que les Amphicora sabella, quoi qu'en ait dit Osc. Schmidt, portent les yeux à l'extrémité caudale, et que les Polyoph- thalmes de M. de Quatrefages ont des yeux sur chaque segment du corps? Il est vrai, ce sont des vers, mais il nous suflit de faire remarquer qu'en dehors des animaux supérieurs, les yeux comme les oreilles peuvent se loger aussi bien dans la queue que dans la tête !. Kôlliker parle d’un ver, le Branchiomma Dalyelli, de la famille des serpules, qui porte sur les bras du panache, autour de la bouche, de dix-huit à vingt paires d'yeux composés que protégent des couvercles pendant leur retraite ?. Du reste, ne voit-on pas, chez les mollusques acéphales, l'oreille se loger également à une extrémité du corps qui n’est pas la tête ? I est vrai, ces oto- lithes se sont déplacés ici avec les ganglions sous-æsophagiens. Mais ne voyons-nous pas aussi, dans les mêmes acéphales , les peignes, par exemple, les veux se placer aussi loin que possible de la région céphalique et garnir le bord libre du manteau ? Cet otolithe des mysis n’est pas le même dans les diverses espèces, et il nous à paru aussi proportionnellement plus grand dans le Podopsis. Dans ce dernier crustacé, nous croyons avoir vu , comme Kroyer, les filets nerveux du dernier ganglion se perdre sur l'otolithe. Un appareil olfactif d’une extrême simplicité est logé dans les procérithes plumeux des antennes ,etse montre surtout dans les Podopsis. Nous en avons fait mention plus haut en parlant de ce genre. On peut voir tout le tube digestif à travers les parois du corps comme des ! M. Léon Dufour a considéré, dans un travail récent (Comptes rendus de l’Acad des sc., 15 août 1860, p. 232), le bouton abrupte qui termine les antennes de l'Ascalafus meridio- nalis, comme siége à la fois de l’ouïe et de l’odorat. ? Amtlicher Bericht uber die 54 Versamm. Deutsch. Naturf. und Artze in Carlsrubhe , p. 218. Carlsruhe, 1859. SUR LES CRUSTACÉS. 41 muscles, et l'estomac forme presque toujours, à cause de son contenu sur- tout, une tache noire vers la partie antérieure du céphalotorax. L'estomac, membraneux et en forme de ballon, est généralement tapissé, chez les décapodes , de plaques calcaires parfaitement ajustées et qui, en se approchant, broient avec facilité tout corps qui est pris dans cet étau. L’esto- mac des mysis fait exception : au lieu de plaques calcaires, on voit, dans leur intérieur, des cadres en chitine , hérissés de pointes comme des chevaux de frise et qui couvrent toute la surface interne. C’est une chambre dans la- quelle la voute, le plancher et les parois des murs sont littéralement eou- verts d'instruments de supplice. Nous aurons bien de la peine à donner une idée, soit par une figure, soit par une description, de ce singulier vestibule de l'appareil nutritif. Plusieurs auteurs ont déjà parlé du canal digestif des mysis, mais on est loin de se douter, d’après ces descriptions, de la singulière conformation de leur estomac. Nous avons été émerveillé à la vue de ces milliers de piquets, de brosses, de dents, de scies et de soies dont la surface interne est tapissée. Il n’y a pas d’arsenal qui renferme des armes aussi redoutablement variées et qui soient disposées dans un ordre aussi parfait. Un tube membraneux assez court et large, transparent comme du verre, représente l’œsophage, qui s'élève perpendiculairement de la bouche dans l'estomac. L’estomac est petit, globuleux, à parois également minces et comme vitrées; placé sur le côté, il se divise en deux compartiments, et montre au milieu un appareil de mastication de l'aspect le plus bizarre. Cet appareil de mastication consiste, comme nous venons de le dire, dans un cadre chitineux qui remplit, de chaque côté, la cavité de l'estomac et dont les bords se touchent sur la ligne médiane dans presque toute la largeur. Les bords externes soutiennent les parois de la cavité digestive. Les bords internes, qui se rapprochent en arrière un peu plus qu’en avant, sont garnis d'une palissade de soies serrées et roides, qui font l'effet d’un peigne dont les dents seraient attachées par le moyen d’articulations. En arrière, des soies se multiplient tellement que le passage en est littéralement obstrué. Le bord postérieur se couvre d'instruments que l'on peut comparer à Tome XXXIIT. 6 42 RECHERCHES des casse-tête : ce sont des tiges droites, aussi larges à la base qu'au sommet et qui montrent, à leur extrémité libre, quatre ou einq dents qui la couronnent. Quelques-uns des plus longs ont leur tige entièrement lisse, mais la plupart ont des piquants sur la longueur comme au sommet. Les piquants qui sont situés sur l'angle postérieur externe du cadre sont les plus longs : c'est un autre genre de palissade à jour et dont chaque pièce peut agir sur celle du côté opposé. Ces instruments diminuent en longueur et en force sur le bord antérieur du cadre. Les parois, qui sont plus ou moins tendues vers le milieu, sont couvertes de petites soies fines dont la pointe est dirigée du même côté que les palissades : on dirait une carde. En avant sur la ligne médiane, entre les deux cadres, on voit une sorte de languette disposée avec symétrie, pointue en avant et hérissée de petites soies comme une brosse. Au-devant des cadres et à l'entrée de la cavité de l'estomac, on voit deux for- tes dents hérissées d’une dizaine de pointes épineuses qui s'adaptent ou se ser- vent réciproquement de point d'appui pour défendre vigoureusement l'entrée. Puis, en arrière, à l’orifice pylorique, il y a de nouveau des monticules couverts de forts piquants très-courts mais solides, qui semblent défendre ce second passage. L'être vivant qui pénètre dans cet arsenal est bien sûr, quelle que soit sa petitesse ou la ténacité de sa vie, de ne pas en sortir entier. On connait ces embüches à l’aide de palissades que l’on tend aux élé- phants pour les prendre vivants. On attire ces animaux dans une impasse, au bout d'une galerie bordée de palissades; quand ils sont entrés, on ferme le passage derrière eux, et l'animal pris dans cette souricière à ciel ouvert ne tarde pas à se laisser dompter. Nous voyons dans l'estomac de ces petits crustacés quelque chose de semblable, et des précautions bien plus minu- tieuses sont prises pour atteindre le même but. La proie qui pénètre se trouve d'abord entre deux monticules couvertes de fortes dents qui s'abattent im- médiatement. Si la proie est un peu volumineuse, elle est à l'instant écrasée. Mais si elle est plus petite, elle s'échappe du milieu de ces dents, s'engage dans la galerie bordée de palissades, et avant de l'avoir traversée, mille coups de dents de brosse, de peigne ou de massues microscopiques l'ont ré- SUR LES CRUSTACÉS. 45 duite en pâture. Elle passe. Mais cela ne suflit pas encore : il faut pour ainsi dire une seconde visite. De nouveaux instruments contondants et déchi- rants défendent l'entrée du pylore, et quand celui-ci s'ouvre, ce n'est que pour livrer passage à une pulpe homogène qui parcourt ensuite sans difli- culté l'intestin. Le Mysis vulgaris a l'estomac conformé de la même manière que les au- tres mysis. Il faudrait l’étudier avec beaucoup de soin pour y trouver des dif- férences,. Nous avons examiné ensuite l'estomac des crangons, et nous avons trouvé au fond cet organe conformé de la même manière à peu près, c’est-à-dire que l'intérieur a aussi un appareil particulier, hérissé également de pointes et dont toute la surface interne est couverte de soies roides. C'est done à tort qu'on a cru trouver cet estomac plus semblable à celui des édriophthalmes qu’à celui des décapodes. Une étude comparée de l’es- tomac de ces crustacés serait fort importante et ferait connaitre bien des dispositions intéressantes dont la taxonomie zoologique pourrait profiter. L'intestin lui-même est excessivement mince, droit et, comme chez les autres décapodes, sans circonvolutions, passant sous les organes sexuels, s’éle- vant, dans la région abdominale, au-dessus de la masse musculaire jusqu’au segment caudal, où il va s'ouvrir ensuite dans la pièce terminale connue sous le nom de telson. Les parois de l’intestin sont très-minces et assez transparentes pour reconnaître les excréments, sous forme de longs boudins, dans l'inté- rieur ; ils sont contractiles dans toute leur longueur, et on peut voir distinc- tement le mouvement péristaltique. Dans l'eau , les fèces rendues conservent longtemps encore la forme al- longée qu’elles ont au moment de leur évacuation. Vers son extrémité, l'intestin se dilate légèrement sur une faible étendue, se rétrécit de nouveau, puis s'ouvre, comme nous venons de le dire, au- dessous de la lame triangulaire caudale du telson. Ce renflement intes- tinal reçoit une certaine quantité de liquide dans son intérieur et rappelle la disposition des écrevisses. Lereboullet a vu dans ces derniers crustacés l'intestin se remplir régulièrement d’eau et suppléer l'appareil branchial. Du reste , d’autres crustacés, comme les limnadies, ont un anus qui se con- 41 RECHERCHES tracte et se dilate alternativement vingt-cinq, trente ou même quarante fois par minute !. Tout ce que nous avons trouvé dans le canal intestinal est extraordi- nairement réduit. Nous avons pu reconnaitre dans la pâture des articles de crustacés microscopiques à côté de filaments végétaux ?. Le canal intestinal qu'on voit si bien pendant la vie, dans diverses es- pèces transparentes, montre parfois un mouvement ondulatoire bien remar- quable qu'il serait difficile de décrire. I se dilate, puis se contracte, mais chaque dilatation se propage dans toute la longueur de l'intestin pour s'étein- dre ensuite à son extrémité, absolument comme le cœur des insectes ou le vaisseau dorsal des annélides. La dilatation est suivie d’un resserrement , et l'intestin semble serpenter ou bien prendre exactement la forme d’un cha- pelet. Les parois externes de l'intestin sont également transparentes comme les muscles, tandis que le milieu offre un aspect réticulé ou alvéolaire. Ce mouvement ondulatoire intestinal frappe tout observateur qui l’apercoit pour la première fois. Cet organe peut donc présenter un aspect bien différent, selon le degré de vitalité que présente le crustacé qui est en observation. Nous avons vu plus haut comment le foie se développe. Quand le vitellus est sur le point d'être absorbé, deux courts et larges cœcums surgissent à l'extrémité antérieure de l'intestin, qui augmentent insensiblement en lon- gueur, diminuent en diamètre, et bientôt plusieurs cœeums semblables sur- gissent à côté des premiers. Ils ne diffèrent entre eux que par une certaine différence dans leur calibre. On ne voit pas la masse vitelline dans l'intérieur de ces organes. Il y a quatre paires, deux en avant assez petites, et deux autres plus en arrière notablement plus grandes. Dans plusieurs décapodes, on à déjà signalé deux appendices cœcaux à côté du foie, qui semblent dévolus à une autre fonction qu'à la sécrétion du fiel. Tout récemment Gegenbaur a signalé cette différence dans les jeunes lan- goustes où prétendus phyllosomes. Nous ne pouvons croire que, dans les mysis, les cœcums remplissent tous la même fonction. ! Milne Edwards, Leçons sur la physiologie, t. I, p. 158. ? C'est à tort que nous avions cru d’abord que les mysis ont un régime exclusivement végétal. SUR LES CRUSTACÉS. 45 Par le foie, les mysis s’'éloignent done en général des crustacés décapodes, puisqu'on trouve toujours chez eux cet appareil sécréteur formant une masse plus ou moins considérable autour de l’origine de l'intestin. L'appareil circulatoire ! des mysis n’est pas sans offrir un haut intérêt, et nous avouons que nous avons particulièrement fixé notre attention sur les points essentiels. Ces crustacés sont assez transparents et assez petits pour les observations microscopiques, et, mieux que les injections, l’inspec- tion des courants fait parfaitement apprécier la constitution anatomique de cet appareil. On sait que chez plusieurs crustacés supérieurs, on admet l'existence d'un système circulatoire parfaitement clos de toute part. C’est ainsi que, d’après Haeckel, l’'écrevisse commune a un appareil vasculaire sans lacunes veineuses. Comment se comportent, sous ce rapport, les mysis, qui n’ont pas d'appareil branchial et qui représentent la période embryonnaire dans un état de per- manence ? Les mysis ont été étudiées surtout par Thompson et par Frey et Leuckart, et si le résultat de nos recherches s'accorde assez bien avec celui de ces savants, il y a cependant quelques points sur lesquels nous sommes loin d’être d’ac- cord. Ainsi le cœur ne s'étend pas dans toute la longueur du céphalothorax ; il ne recoit pas sur le côté un vaisseau, mais plusieurs affluents; diverses artères naissent du cœur, et le prétendu vaisseau abdominal n’est qu'un courant endigué qui, à chaque segment abdominal, communique, par une anastomose lacunaire, avec le courant tergal, au lieu de présenter, à son extrémité postérieure, une ouverture avec valvules et deux conduits veineux le long de l'intestin. Cet appareil des mysis n'est réellement pas conformé de la même manière que dans les autres décapodes; la différence toutefois se borne aux modifi- cations qu'entraine l'absence des branchies, et l'appareil circulatoire repré- sente une des phases de la vie embryonnaire. 1 Thompson, Zoological Rechearches …. Frey et Leuckart, Beitr. z. Kentniss. W. T., p. 121. — Milne Edwards, Lecons sur la physiologie, vol. HN, p. 4197. — Haeckel, De telis quibusd. Astaci fluviatilis. Berol., 1857. 46 RECHERCHES . Le cœur occupe la place ordinaire. Immédiatement au-dessous du cépha- lothorax , à la hauteur des dernières paires de pattes, on apercoit sur la ligne médiane, un vaisseau longitudinal pulsant chez les mysis vivants avec une rapidité convulsive qui ne permet méme pas d'en saisir immédiatement le contour. Pour bien l'observer, ou du moins pour apprécier sa forme et ses dispo- sitions essentielles , il faut que le corps soit placé de profil, et attendre que l'animal soit sur le point d’expirer. Le cœur n’a pas une forme carrée, mais ressemble plutôt à un evylindre, dont l'extérieur serait garni d’un tissu très-lâche et délicat, formant des bouffes, surtout en arrière. I ne s'étend pas, comme on l'a dit, dans toute la longueur du céphalo- thorax ; c’est tout au plus s'il en occupe le quart. On distingue d’abord le cœur proprement dit, qui se divise en deux com- partiments à peu près d’une égale dimension et dont les parois sont doubles et complétement transparentes. L’enveloppe a été prise quelquefois pour une oreillette, mais elle ne se remplit pas de sang et doit être considérée plutôt comme un péricarde. Il n’existe pas d'oreillette véritable, Le cœur est attaché à la voûte du céphalothorax par des brides nombreu- ses, mais dont il ne nous a pas été possible d'apprécier les dispositions : elles échappent à la vue par leur transparence, quand le cœur est en repos. On enlève le cœur en détachant la carapace. De ce cœur sort en avant une aorte qui longe l'intestin, passe au-dessus de l'estomac et se rend aux appendices céphaliques, surtout les podophthal- mes. L'animal doit être placé sur le ventre pour bien voir ce tronc. Sur le côté nait, à droite et à gauche, un autre trone qui se dirige obli- quement d’arrière en avant, fournit une artère pour les autres appendices de la tête, se recourbe en formant une crosse et se dirige ensuite en bas d'avant en arrière sur la ligne médiane jusqu’au telson. En arrière, on voit très-distinctement une aorte descendante sur la ligne médiane , qui longe l'intestin en se plaçant au-dessus de lui et, arrivé au seg- ment caudal, se bifurque en coupant diagonalement le dernier somite. Nous avons pu suivre cette artère jusqu'à la base de l'uropode. SUR LES CRUSTACÉS. CSS a: | Nous avons étudié attentivement le long podophthalme des Podopsis, pour connaitre la manière dont les vaisseaux se comportent dans l’intérieur des appendices, et voici ce que nous avons vu. Il pénètre dans l’appendice ocu- laire un vaisseau parfaitement distinct, mais très-irrégulier, tantôt large, tantôt étroit, donnant sur son trajet, à droite comme à gauche, divers ra- meaux qui naissent du tronc principal sans le moindre ordre. Tous ces ra- meaux se terminent brusquement et fournissent le côté artériel du réseau capillaire. C'est ainsi probablement que se comportent les vaisseaux dans les autres appendices. Le sang est incolore , d’une limpidité parfaite, et il ne serait pas possible d'en suivre le cours, s’il ne contenait des globules. Ces globules heureu- sement, quoique fort petits et transparents aussi, sont aisément aperçus quand ils sont en mouvement, et ils se font remarquer par la régularité de leur conformation. Les veines manquent, cela n’est pas douteux ; mais l’endiguement du sang au milieu de l’interstice des organes a lieu avec tant de soin qu'on le dirait enfermé dans un tube clos. On peut parfaitement suivre les courants et on peut les décrire comme des veines ramenant le sang vers le cœur. La crosse de l'artère latérale du cœur reçoit en avant un courant veineux qui revient des appendices céphaliques et qui se mêle à la colonne artérielle; ce liquide mêlé , arrivé au milieu de la région thoracique et s’unissant avec celui du côté opposé, pour former un courant médian unique, échappe en partie de chaque côté en cinq petits torrents qui confluent au moment même de pénétrer dans le cœur, se jetant avec violence dans cet organe vers le milieu de sa longueur. Ces canaux correspondent exactement aux vaisseaux branchiaux des crustacés plus élevés, et c’est sur leur trajet que se déve- loppent les lamelles branchiales des décapodes en général. Il existe ainsi une petite cireulation : le sang sort du cœur et, après avoir parcouru la place qu'occupent les branchies dans les autres décapodes et surtout après avoir reçu un confluent veineux des appendices céphaliques , retourne rapidement au même cœur pour en être chassé de nouveau. Le courant médian sous-abdominal continue d'avant en arrière, après 48 RECHERCHES avoir fourni les courants branchiaux , et dans chaque somite abdominal un courant distinct s'élève de bas en haut et s'abouche dans une grande lacune tergale qui baigne l'aorte descendante et l'intestin. Dans chaque segment abdominal , on voit aussi, à côté de ce courant veineux de bas en haut , un courant artériel de haut en bas qui va se méler avec le courant principal médian. Le sang veineux du grand sinus tergal se jette dans le cœur par des orifices latéraux, placés à l'origine de l'aorte postérieure. A l'origine de l'aorte antérieure, il existe des orifices semblables pour recevoir du sang venant du cerveau et des pédoncules oculaires. En résumé, il y a un cœur pulsatile, entouré d'un péricarde, une aorte médiane antérieure, deux aortes antérieures latérales et une aorte médiane postérieure. Le sang de l'aorte antérieure latérale se réunit en un conduit unique qui s'étend le long de l'abdomen, et de ce courant central naissent d'abord plusieurs courants secondaires à la région branchiale, qui se rendent directe- ment au cœur ; puis autant de courants abdominaux qu'il y a de somites et qui se réunissent au dos en formant, après leur réunion, un courant en sens inverse qui s'abouche dans le cœur à côté de l'aorte postérieure. Le cœur présente donc six orifices, deux médians, deux antérieurs et deux postérieurs. L'aorte antérieure, qui fournit le sang au cerveau et aux pédoncules ocu- laires, ne renferme que du sang artériel, tandis que celui qui se rend aux autres viscères est plus ou moins mêlé. Ce serait donc la répétition de ce qui existe temporairement dans les ver- tébrés supérieurs et régulièrement dans les reptiles; une partie du sang seu- lement est sans mélange. Le plan général de l'appareil circulatoire est, par conséquent, le même que celui des homards et des écrevisses, avec cette différence toutefois que les veines sont remplacées par des courants et qu'il n'existe pas, comme chez le homard, une artère abdominale naissant de la partie postérieure et latérale du cœur et s'étendant en avant et en arrière dans toute la longueur du crustacé. I existe aussi, contrairement à ce qui s’observe dans les homards, un SUR LES CRUSTACES. 49 seul courant sous-abdominal d'avant en arrière et un double courant dorsal artériel et veineux. La totalité du sang qui arrive au cœur à traversé préalablement l'appareil respiratoire chez les crustacés supérieurs, dit avec raison Milne Edwards; mais comme, dans les mysis, le sang revient au cœur de tout côté, ne faudrait-il pas en conclure que le phénomène de la respiration s’accomplit dans di- verses régions du corps chez ces décapodes inférieurs ? Il n’y a pas d'appareil branchial propre, mais l'acte respiratoire s’accom- plit principalement à travers les parois de la carapace. En effet, c’est dans la lacune de ce grand segment tégumentaire que s’accumule le plus de sang et que l’action de l'oxygène sur ce liquide est le plus facile. A l'extérieur, en effet, l’eau se renouvelle constamment , soit par le simple déplacement de l'animal , soit par l’action des fouets locomoteurs; et, à la surface intérieure, le renouvellement n’est pas moins actif par le courant sous - carapacique que produisent, d’un côté les fouets postérieurs pour faire passer l’eau entre la carapace et le premier segment abdominal, de l’autre côté, les fouets de la première paire de pieds-màchoires ou plutôt du tétragnathe. Quand on observe un de ces crustacés encore en vie, étalé sur le porte- objet dans une certaine quantité d’eau suffisamment chargée de corpuscules suspendus, on voit celte eau se précipiter avec force sous le bord postérieur de la carapace, passer entre celle-ci et les somites thoraciques ; puis, à l'appel incessant et fébrile de l'exognathe de la première paire de pieds-mächoires, échapper avec force au milieu des appendices de la bouche. Dans aucun appendice, le mouvement du sang n’est assez distinct ni la masse assez importante pour admettre que le phénomène de la respiration s'accomplisse dans leur intérieur, et, puisqu'il y a un renouvellement constant dans la cavité branchiale des mysis, nous croyons que c'est dans celte région , comme chez tous les décapodes, que s’accomplit en grande partie cette importante fonction. On ne doit surtout pas perdre de vue qu'il y a une petite circulation qui semble avoir exclusivement pour effet de soumettre régulièrement du sang parti du cœur à l’action de l'oxygène dans les feuillets de la carapace. Les Toue XXXIIL. | 7 50 RECHERCHES feuillets de la carapace correspondent donc physiologiquement aux feuillets des arcs branchiaux. Ainsi rien ne justifie la supposition que les appendices externes des pattes servent à la respiration. Quoiqu'il n’y ait pas de feuillets branchiaux pro- prement dits, cette fonction s’accomplit en grande partie à la même place que dans les autres crustacés décapodes. C'est donc avec raison que l'avis de Thompson n’a pas été partagé et que les pattes ont été déshéritées de celte fonction. Les sexes sont séparés et les femelles deviennent un peu plus grandes que les mâles. Les sexes présentent des caractères extérieurs qui permet- tent aisément de les distinguer. En dedans des deux dernières paires de pattes thoraciques, on voit paraitre chez les femelles des feuillets qui se recourbent en dedans et forment une poche incubatrice pour loger les œufs. Nous n'avons pas vu de différence dans le développement de l'abdomen. Les mâles ont la quatrième paire de fausses pattes, ou les uropodes, tellement dé- veloppées , que leur article terminal aboutit à l'extrémité de la queue. Par cet appendice , on peut distinguer les mâles à toutes les époques. Nous ignorons son rôle quoiqu'il ait une conformation toute particulière. Il est à remarquer aussi que cet appendice sexuel mâle s’observe dans plusieurs crustacés in- férieurs. Le mâle des Hysis vulgaris porte en outre aux antennules un article libre assez long, légèrement courbé, un peu plus large au sommet qu'à sa base, et dont le bord interne est garni de soies nombreuses , courtes et ser- rées comme une brosse. Le testicule consiste dans une série double de glandes sphéroïdales dis- posées en forme de chapelet, au nombre de huit ou dix couples, placés immédiatement au-dessus de l'intestin ; à droite et à gauche un canal excré- teur se rend , en formant une courbe, directement à la base de la dernière paire de pattes. En isolant cet organe, on voit qu'il est formé de vésicules pyriformes qui s'abouchent sur un canal excréteur commun, formant une anse en avant et s'écartant en arrière pour aboutir à la base de la dernière paire de pattes thoraciques. On voit des spermatozoïdes à divers degrés de développement dans les vésicules, et on en trouve dans le même animal à tous les degrés de développement. SUR LES CRUSTACÉS. 51 I n’y a pas de vésicule de dépôt, le canal lui-même en tient lieu. Au bout de ce spermiducte se trouve un pénis très-gros légèrement courbé et obtus au bout. Nous avons vu la liqueur fécondante s’épancher par son orifice. Les spermatozoïdes sont extraordinairement grands; ils consistent en un très-long filament divisé en deux moitiés à peu près égales en longueur , mais dont l’une est un peu plus grosse que l’autre. Ces deux moitiés sont repliées sur elles-mêmes à angle aigu en forme de V : c’est une forme bien singulière dans cette classe, si on la compare à celle des autres crustacés. On ne trouve quelque ressemblance qu'avec ceux du Gammarus pulex , observés par von Siebold. Nous n'avons pas vu de mouvements dans ces filaments, et ils sont irréguliérement éparpillés dans la liqueur. Leuckart a étudié leur développement dans ces crustacés !. Voici le résultat de nos observations à ce sujet. Dans quelques vésicules , on trouve des cellules simples à côté d’autres cellules de même grandeur et qui possèdent un noyau. Ces cellules s’allongent à l’un des pôles et prennent plus ou moins la forme de têtards. Puis la queue s’élargit, toute la cellule s’allonge et prend l'aspect tubiforme. Ces tubes sont enroulés sur eux-mêmes et dans leur intérieur surgissent des filaments en faisceaux , qui sont les vrais spermatozoïdes. Il n’y a évidemment pas de spermophores ici comme dans les groupes inférieurs de cette classe. L'appareil sexuel femelle ne ressemble pas non plus à celui des autres crustacés. Au-dessus du canal digestif, à la même place que le testicule du mâle, on voit un ovaire placé en travers et dans lequel apparaissent les vésicules germinatives. Get ovaire est très- petit. Plus tard, il se forme à côté de l'ovaire, à droite et à gauche, un tube placé dans l'axe du corps qui prend rapidement une extension assez grande pour couvrir entièrement l'ovaire proprement dit. Ces tubes sont disposés comme les deux jambes d’un H, et l'ovaire placé entre elles forme le trait d'union. Ces deux tubes se remplissent rapidement d'œufs juxtaposés et sont assez grands pour en occuper toute la largeur. On peut aisément les compter. C’est la matrice qu’on a pris pour ! Frey et Leuckart, p. 195. 52 RECHERCHES l'ovaire, erreur que nous avions, du reste, commise d’abord nous-même. C'est de la partie postérieure et externe que nait, de chaque côté, un oviducte qui aboutit à la base de la dernière paire de pattes thoraciques. Les œufs contenus encore dans la matrice montrent, au milieu du vi- tellus, leurs vésicules germinatives enveloppées de vésicules graisseuses. Nous avons déjà dit que les œufs tombent dans une poche formée de deux paires de feuillets membraneux très-larges, bordés de franges et qui sont attachés aux deux paires de pattes postérieures : c’est une poche incu- batrice dont les parois se chargent aussi d’un dépôt de taches pigmentaires et dans lesquelles nous avons compté jusqu'à une cinquantaine d'œufs ou de jeunes embryons à la fois. Dans les Podopsis, dont le corps est d’une transparence complète, on voit les œufs en place dans l'ovaire , et il n’y a qu'un seul œuf dans la largeur de l'organe. On distingue encore les deux vésicules germinatives, et les glo- bules vitellins ne paraissent que quand l'œuf est en place. EMBRYOGÉNIE. Il y a eu un temps, et il n’est pas très-éloigné de nous, où l'on se de- mandait si les crustacés subissent des métamorphoses !. Il est toutefois bien reconnu aujourd’hui que les crustacés décapodes ne subissent pas tous leur évolution de la même manière. Il faudra étudier, sous ce rapport, famille par famille pour ne pas dire genre par genre. Les zoés et les mégalopes sont de jeunes crabes, mais est-ce à dire que tous les décapodes ont passé par la forme de zoé? Évidemment non. Dans ce groupe si naturel des crustacés supérieurs, les uns, ceux surtout qui ont les œufs petits et nombreux, comme les lan- goustes, changent de forme dans le cours de leur évolution, tandis que les ! Dans la Physiologie de Burdach, les crustacés décapodes sont considérés comme ne su- bissant point de changements semblables et sortant parfaits et complets de leurs œufs. L'em : *ryogénie a fait bien des progrès depuis. SUR LES CRUSTACÉS. 55 autres, à œufs grands et peu nombreux , comme les homards, se développent directement. Nous avons déjà relevé cette erreur !, que le homard commence par se montrer sous la forme de zoé, fait qui avait été annoncé avec tant d'assurance dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences?. À aucune époque de la vie, ni avant ni après l’éclosion, le homard n’a rien de commun avec cette forme transitoire. À la sortie de l'œuf, le jeune homard a une ca- rapace ordinaire et des segments abdominaux légèrement épineux ; mais ce qui le distingue des adultes, c’est que les pattes portent des exopodes flot- tants et extérieurs, comme les mysis, et qui servent, comme chez eux, de rames pour la natation. En répétant les observations de Rathke, M. Joly dit s'être convaincu que l'écrevisse fluviatile fait également exception à la loi des métamorphoses 5. Un intérêt nouveau s'attache donc à l'étude du développement des crustacés, et nous verrons bientôt si la règle que nous avons posée sur le nombre et le volume des œufs est générale, et si elle nous autorise à reconnaitre à priort les crustacés qui subissent des métamorphoses après leur éclosion et ceux qui les subissent avant, ou, pour n’exprimer comme on le fait généralement, qui n’en subissent pas. HISTORIQUE. Il est presque impossible de ne pas faire de l'embryogénie quand des mysis tombent sous la main de l'observateur. On trouve nécessairement des embryons en voie de développement dans leur poche incubatrice , et il n’est guère possi- ble de résister à la tentation d'étudier cette curieuse et instructive évolution. C'est ainsi que 0.-F. Müller, à une époque où l’on ne faisait que le relevé des espèces et où le besoin des recherches anatomiques et d’embryogénie ne se faisait pas encore sentir, figurait, à côté de l’animal adulte, des mysis à l’état d'embryons avec un nombre d’appendices différent de celui des adultes. { Mémoire sur l’HisrriosneLLa, Bulletins de l’Académie royale de Belgique. 2 29 mars 1858, p. 605. Journal L'Institut, 7 avril 1858 , p. 118. 5 Métamorph. des crust. décapodes , Courtes rENDUS, 19 avril 4858, p. 789. 54 RECHERCHES Ces figures ne sont pas fort exactes, puisqu'il n'existe pas d'embryons avec une paire de ces organes. Ce mysis porte le nom de Cancer flexuosus *. Thompson, au milieu de tant de belles observations sur les crustacés , s'est occupé aussi de ces animaux. Il a donné des détails très-importants sur leur structure et il a connu les principales phases de leur évolution. Mais il est à remarquer que si les observations suivies sur le développement des principaux organes manquent ou ne présentent pas cette exactitude qu'on est en droit d'exiger aujourd'hui, c’est que l'attention des zoologistes était fixée avant tout sur la question de savoir s’il ÿ a métamorphose ou non. Thompson ne peut considérer le développement des mysis comme un développement à métamorphoses : à ses yeux, ce n’est tout simplement qu'un développement graduel des diverses parties (simply a gradual developement of parts...). Le premier phénomène à l'entrée de la poche incubatrice est, d'après ce savant, un léger allongement à l'un des bouts et l'apparition de deux courts appendices de chaque côté. Il admet huit paires de pattes à l'état adulte. Après J. Thompson, M. Rathke publia, en 1829, le résultat de quelques observations faites sur des mysis qui lui avaient été envoyés dans la liqueur par von Siebold 5. I] pense que c'est le Hysis vulgaris. Ces recherches, tout en portant sur des crustacés conservés, autorisent Rathke à déclarer que les mysis se développent d’une tout autre manière que les crustacés décapodes. Les mysis se rapprochent, d’après lui, moins des décapodes que des isopodes en général. Nous verrons plus loin si Rathke a raison de défendre contre Thompson la thèse que les crustacés ne subissent pas de métamorphoses. Rathke examine d’abord la conformation des mysis, et, à l'exception des appendices, ces animaux ressemblent complétement, selon ce savant, aux crangons, Rathke a raison. Nous en avions déjà observé en vie pendant long- temps que nous croyions toujours avoir des crangons sous les yeux. Ce n'est qu'accidentellement que les pédoncules oculaires nous ont fait voir que nous observions d’autres crustacés. Les premiers phénomènes du développement consistent, d'après Rathke { O.-F. Muller, Zoologia danica, pl. LXVI, p. 54, vol. IL. ? John Thompson, Zoological Researches and illustrations ; Cork.. vol. L 5 Wiegmann's Archiv, 1859. SUR LES CRUSTACÉS. 55 {après le développement du blastoderme sous-entendu), en une ligne primitive à côté de laquelle apparaissent les antennes. Nous verrons plus loin que, long- temps avant l'apparition des appendices antennulaires , toute l'extrémité cau- dale est formée et épanouie. Comme nous venons de le dire, les observations de Rathke sont faites sur des embryons conservés dans la liqueur: c’est ce qui explique la divergence d'opinions sur un bon nombre de points. Ainsi, indépendamment de l'époque de l'apparition de la queue, celle-ci ne se transforme véritablement pas. La première disparait avec la mue, comme les antennes simples, et une nouvelle queue surgit sous la première. Les appendices qui suivent les antennes ne se développent pas successivement, mais bien simultanément ; toutes les pièces de la bouche, ainsi que les pattes, surgissent en même temps et de la même manière, sans en excepter les mâchoires. Et cette génération d’appendices ne consiste-t-elle qu'en huit paires? Nous verrons plus loin que non. Nous re- grettons que Rathke n’ait pas eu l’occasion d'étudier de jeunes mysis en vie; depuis longtemps l’embryogénie eùt été enrichie d’un beau travail. Rathke eût compris immédiatement toute l'importance de ce développement. lei, comme dans les autres crustacés, c’est bien la paroi ventrale qui se développe en premier lieu , quoique l'embryon soit enroulé dans son œuf, contrairement à ce qu'on voit dans la plupart, si pas dans tous les crusta- cés décapodes. Frey et Leuckart, dans leurs recherches sur les animaux sans vertèbres", ont écrit un long article sur l’organisation du genre Mysis. Ce sont eux qui ont attiré, les premiers, l'attention sur l’otolithe qui est situé dans l'appen- dice du segment caudal, autrement dit l'uropode. Ils pensent que l'estomac des mysis se rapproche plus, par sa conformation , de celui des isopodes, des amphipodes et des lemodipodes que de celui des décapodes , tout en ayant re- connu les piquants et les soies de l’intérieur. Comme nous le verrons plus loin, ce n’est pas notre avis. Ce singulier estomac est plus voisin de celui des cran- gons que de tout autre. Hs font connaitre avec détail la circulation , mais ils arrivent à ce résultat, que cette circulation a plus d'analogie avec celle des lemodipodes et des amphipodes qu'avec celle des décapodes. Ils signalent ce- ! Beiträge zur Kentniss wirbelloser Thiere, 1847, p. 110. 26 RECHERCHES pendant dans les mysis une aorte postérieure qui manque dans les édrioph- thalmes. Il y a une circulation lacunaire, selon eux. Les appareils sexuels sont exposés aussi avec soin, et surtout le développement des singuliers sper- matozoïdes, qui a été observé dans ses diverses phases. C'est avec raison que la prétendue bosse des embryons dont on a parlé est attribuée à l’ac- tion de la liqueur et non à un effet du développement normal. Cet article est terminé par un aperçu intéressant des diverses phases d'évolution des mysis. Nous divisons le développement de ces crustacés en trois périodes parfai- tement disuünetes. La première commence au moment de l'entrée de l'œuf dans la poche in- cubatrice, et finit avec le développement des antennes. La seconde commence avec le développement des pattes et finit avec la première mue embryonnaire. La troisième commence à l'époque où l'embryon se dépouille de sa première enveloppe comme de sa nageoire caudale bifide , jusqu’au moment où il quitte sa poche maternelle, pour se livrer aux hasards de la vie libre et vagabonde. Ces crustacés portent-ils des œufs plutôt à telle époque de l'année qu'à telle autre; en d’autres termes, y a-t-il une saison pour la ponte? Nous pensons que la fécondité est plus grande, comme l'évolution plus rapide, en été qu'en hiver; mais on trouve des mysis chargés d'œufs à toutes les époques de l’année. Nous en avons observé même au milieu de l'hiver. Du reste, les mysis ne font pas une exception dans cette singulière classe de crustacés. Nous avons vu le même phénomène se répéter chez les homards. Il n'est pas rare de voir des homards avec des œufs sur le point d'éclore à côté d'autres homards dont les œufs sont au début de leur évolution, et cela aux mois de juin et de juillet aussi bien qu'aux mois de décembre et de janvier. Au mois de septembre, des homards de la côte de Bretagne, et au mois de février, des homards de Norwége, avaient les uns et les autres des œufs sans embryons apparents , et des œufs avec des embryons près d'éclore. Il nous semble qu'il en est encore de même pour les crangons comme pour les palémons et les crabes. Dans toutes les saisons on trouve des femelles avec des œufs. Il serait important de suivre le développement en hiver et en été pour SUR LES CRUSTACÉS. QE ! s'assurer de la différence de temps que met le même animal, aux diverses époques de l’année, pour accomplir son entière évolution. Il y aurait un travail très-curieux à faire sur les animaux marsupiaux des différentes classes, et les secours que la poche incubatrice fournit aux em- bryons , ici chez les mammifères didelphes, là chez les poissons syngnhates, ailleurs chez les mysis. Il est possible que, chez quelques-uns, la poche fournisse, indépendamment du gite, un supplément de nourriture; mais, dans la plupart des cas, les œufs sont assez volumineux pour se passer de ce supplément, et c’est le cas, pensons-nous, des mysis. PREMIÈRE PÉRIODE. Les œufs, à leur entrée dans la poche incubatrice !, sont proportionnelle- ment grands. On en compte communément de quarante à cinquante. Ils sont formés d’un vitellus incolore , à aspect granuleux, et d'une enveloppe ou d'une membrane vitelline très-mince et fort délicate, dont la consistance n’est même pas assez grande pour la conservation de leur forme. On voit les œufs s’a- platir par leur propre poids, quand on les place les uns à côté des autres. Ce vitellus est composé de vésicules graisseuses qui enveloppent immédia- tement la vésicule germinative et de globules vitellins qui forment presque tout l'œuf. Le vitellus est homogène, à l'exception de celui des Mysis ferru- ginea. Dans cette espèce, une grande vésieule diaphane, à contours tranchés, occupe un des côtés, et c’est autour d'elle que se forme le lobe céphalique. Il n’y a pas d’albumen et il n’y a pas même d'espace pour le loger. L'en- veloppe membraneuse s'applique immédiatement sur le jaune. Sous divers rapports, les œufs de mysis font une exception remarquable dans la classe des crustacés , surtout si on les compare avec leurs congénères naturels, les décapodes. Ainsi le petit nombre d'œufs indique que le dévelop- pement est direct et sans métamorphoses, ce qui n’est pas la règle dans les crustacés en général; car on trouve jusqu'à cent mille œufs sous l'abdomen des langoustes et même trois cent mille chez les crabes ordinaires ( Carcinus ! Voyez plus loin le mode d'apparition des œufs dans l'ovaire et la composition de la poche ineubatrice. Tome XXXIII. 8 58 RECHERCHES maenas), tandis que la poche des mysis en contient tout au plus une cin- quantaine. L'absence d’albumine et leur position libre dans une poche in- cubatrice sous le thorax les éloignent également des autres podophthalmes, qui ont généralement leurs œufs réunis par grappes, attachés aux appendices sous-abdominaux et enveloppés d’une membrane particulière à l’aide de laquelle ils sont agglutinés entre eux et attachés aux nageoires abdominales. Thompson croit que les embryons se nourrissent de la matière sécrétée dans la poche. Nous ne pouvons partager cet avis. En isolant un de ces œufs sur le verre porte-objet, les parois s’affaissent sur elles-mêmes et, à la moindre pression, le chorion se rompt et laisse échapper la masse vitelline. Celle-ci se compose exclusivement de petites sphères graisseuses à contours fortement tranchés et de dimensions fort di- verses : ce sont ces sphères qui donnent l'aspect granuleux à ces œufs. Il est presque impossible de voir un chorion plus délicat et un œuf moins bien protégé. Au milieu du mois de février, nous avons déjà trouvé une femelle avec la poche incubatrice pleine d'œufs, et, comme on en trouve en abondance au mois de juillet dans le même état, on peut en conclure que ces crustacés pondent plusieurs fois dans l'année. Rathke pense que ces crustacés conservent les premières enveloppes de l'œuf jusqu'au moment de l'éclosion, contrairement à ce qui à lieu dans les poissons et dans d’autres classes !. Cette appréciation n'est pas exacte pour ce qui concerne les mysis. Le premier phénomène qui surgit dans la poche incubatrice consiste dans une légère échancrure et dans apparition d’une sorte de lèvre, qui se transformera plus tard en queue. Ces premiers phénomènes ont échappé à l'attention des embryogénistes. Ce n’est ni au côté tergal ni au côté ven- tral que le blastoderme s'organise d’abord, mais à l'extrémité caudale, et cela à une époque où il n'existe encore aucune apparence de membrane blastodermique sur le ventre. Le blastoderme commence sous la forme d'un godet et envahit successivement toute la masse vitelline d'avant en arriére. On voit très-bien au début les limites du blastoderme, qui est 1 Zur Morphologie, p. 16 SUR LES CRUSTACÉS. 59 formé de grandes cellules dans lesquelles on distingue très-bien les noyaux. Il parait que cette singulière apparition des premiers rudiments de l’em- bryon, non par le ventre mais par la queue, a échappé aux naturalistes qui se sont occupés de ces crustacés. Cette lèvre caudale , appliquée contre la masse vitelline comme une man- dibule inférieure contre la face, est d'abord très-courte et ne consiste que dans un repli, que l’on ne découvre qu'en mettant à profit toute sa patience et en employant un assez fort grossissement. Cette lèvre est d'abord arrondie comme l'embouchure d'un instrument à vent, puis s’'échancre vers le milieu et montre sur le bord les premiers rudiments des filaments soyeux qui la bor- deront plus tard. Nous avons donné une figure de cet appendice caudal, vu de face à cette époque du développement, pendant qu'il est encore appliqué contre le vitellus. Il est inutile de faire remarquer que les mysis s'éloignent des crustacés, tant par les premiers rudiments de l'apparition blastodermique que par la manière dont le corps se replie sur lui-même. En général l'abdomen et la queue se plient sous le thorax et se croisent avec les appendices céphalo- thoraciques. Dans les mysis, le corps se replie en sens inverse vers le dos, et tous les appendices, depuis ceux de la tête jusqu'à ceux de la queue, au lieu de se croiser, sont couchés dans le même sens. IL n'y a guère que l'/dothea Basteri et la Ligia Brandtii qui semblent se replier du côté du dos !. Il y à des auteurs qui, en parlant des mysis, prétendent que la région ventrale, après l'apparition des antennes, devient convexe, contrairement à ce qu'elle a été jusqu’à ce moment. Il est clair que ces savants n’ont pas ob- servé l’état antérieur de développement et qu'ils ont parlé par analogie de l'apparition du blastoderme. C’est après l'apparition de cette échancrure caudale que surgissent, à une courte distance, deux paires de mamelons qui sont les premiers rudiments des antennes. Ceux-ci ne sont donc pas les premiers organes extérieurs qui apparaissent. La queue existe déjà avant eux, et il est évident que le blasto- derme, en commencant l'extrémité caudale, s’est étendu d’arrière en avant, ! Rathke, Zur Morphologie. Riga und Leipzig, 1857, pl. I et HI. 60 RECHERCHES formant successivement les parois de l'abdomen et du thorax, pour faire surgir ensuite les appendices en sens inverse. L'appendice caudal s’allonge , par suite de l’'échancrure entre le lobe vi- tellin et l'abdomen , lequel devient de plus en plus profond, et l'embryon con- serve encore entièrement l'aspect d'un œuf quand l'extrémité postérieure du corps est en pleine voie de développement. La lèvre caudale s’est transformée en deux lobes; les soies qui la bordent se sont allongées; la nageoire cau- dale s'est dessinée plus nettement, et le vitellus, tout arrondi en avant comme une poire, à pénétré dans l’appendice caudal par un prolongement pédicu- laire. À cette période de l’évolution , on pourrait comparer la masse vitelline à une grosse poire, repliée un peu sur elle-même à l'endroit où elle tient à son pédicule. Nous avons tâché de bien représenter l'appendice caudal à cette même période et sous divers aspects. Une membrane sans structure entoure l'embryon, quand il ne porte encore que les deux appendices tentaculaires, et cette membrane tombe quelque temps après leur apparition. Cest la première mue après la disparition de la membrane vitelline, qu'on pourrait appeler la mue vitelline. Cette queue n’est pas définitive, comme on l’a cru et comme on est natu- rellement tenté de le supposer chez un animal qui ne subit guère de chan- gements de forme, Elle va tomber, au contraire, à la première mue suivante avec tout le premier appareil tégumentaire, et une nouvelle queue va appa- raitre : c’est une métamorphose dans le genre de celles que l’on observe dans les papillons et qui est commune peut-être à tous les crustacés décapodes. Cette queue primitive est pareille dans les divers groupes de crustacés décapodes, chez les crabes comme chez les pagures, chez les crangons comme chez les palémons. Partout elle a la forme d'un éventail étendu hori- zontalement, bordé de soies en arrière, et échancré au milieu comme une nageoire caudale de dauphin. Pendant ce temps, les deux mamelons, dont nous avons parlé plus haut, s’allongent , le blastoderme envahit toute la face inférieure et latérale du corps, et le jeune animal peut être comparé, par ses deux paires d'appen- dices, à un embryon de calige ou de eyclopide avant léclosion. SUR LES CRUSTACÉS. 61 Les mamelons dont nous avons parlé plus haut s’allongent ensuite comme une paire de rames de chaque côté du corps, et on ne tarde pas à reconnaitre en eux les deux paires d'antennes. Ces appendices sont d’abord semblables entre eux, un peu élargis à la base, eflilés au sommet comme une vraie na- geoire pectorale, qui n’est pas sans ressemblance avec la nageoire-membre des dauphins. Ces organes appendiculaires sont bordés en avant de plaques imbriquées en guise d’écailles , formées par le tégument , et quelques soies rares garnis- sent le bord libre et la pointe. Le corps, de globuleux qu'il était, s’est insensiblement allongé, et a pris une nouvelle forme : le grand capuchon qui recouvrait l'appendice caudal s'est relevé à mesure que celui-ci s’est allongé, et l'embryon par là a changé complétement d'aspect. Toute l’activité va se porter maintenant sur les appendices antennaires, comme sur les deux lames caudales, et la couche blastodermique envahit successivement les flancs dans toute leur hauteur. Les deux antennes se développent rapidement et prennent une grande extension en longueur ; elles se séparent nettement à la base l’une de l'au- tre; un pédicule surgit pour chacun d'eux, et des lamelles squammiformes envahissent ces deux organes, pendant que des soies de plus en plus distinctes s'élèvent vers l'extrémité libre. Ces deux appendices sont terminés en pointe el par une soie. Les deux lobes de l'appendice caudal se sont développés aussi en longueur; le bord interne et le bord externe se sont garnis de soies assez fortes placées à des distances régulières et formant presque autant d’étages qu'il y a de soies. Cet appendice caudal n’a aucune analogie avec celui que le mysis portera plus tard, C’est à tort que des naturalistes, qui ont étudié ces crustacés âvant nous, ont supposé que la lame médiane de la queue venait se placer, plus tard, entre ces lamelles branchiales primitives. Il est inutile de faire remar- quer aussi que, contrairement à l’assertion de plusieurs embryogénistes , la queue primitive, au lieu de se former après les tentacules, se forme avant ces organes. Presque en même temps que les tentacules, surgit derrière et un peu en 62 RECHERCHES dessous d'eux, une paire de moignons qu'on ne découvre que quand on place l'embryon sur le dos et qu'on l'observe dans une situation oblique. Ces deux moignons sont les futures mandibules. Ainsi ces organes essentiels de la mastication ne surgissent pas, comme on l’a dit, après tous les autres appendices, mais apparaissent déjà quand les tentacules ont à peine paru sous leur forme de nageoire simple. A cette époque de son évolution, l'embryon s'est débarrassé de son tégu- ment primitif, la membrane vitelline, et on peut dire, par conséquent , que l'éclosion a eu lieu. Cette éclosion est en tout semblable à une mue : c’est l'oiseau qui est éclos dans son nid, mais qui a besoin de se compléter davan- tage avant d’être à même de prendre son vol. Ce n’est que vers celte époque que le blastoderme se joint sur la face dorsale et qu'il cesse d'affecter la forme d'une coupe. À cette époque de son évolution, tout l'embryon ressemble parfaitement , comme on l'a déjà dit, à une cornue de laboratoire. A la base de chaque antenne nait, dans l'intérieur de la gaine, un tu- bercule qui s'accroit rapidement, s'étend bientôt dans toute la longueur, et l'appendice est devenu bifide après cette première mue, comme il doit être chez le mysis adulté. Au-devant des tentacules, le blastoderme s’épaissit ensuite notablement: il se forme une plaque distincte dont le contour est nettement tranché et qui deviendra plus tard le pédicule oculaire. Ce pédicule n'apparait aucunement comme les autres appendices, et semble avoir une autre valeur morpholo- zique. Ainsi, à la fin de cette première période, le jeune mysis, sous la forme d'un têtard et le corps divisé en lobe céphalique et en pédicule abdominal, porte deux paires de rames, qui sont les antennes futures, et un projongement caudal bordé de soies, qui n’a rien de commun avec l'appendice caudal définitif. Sauf le mode d'involvation dans l'œuf, nous avons vu une grande ressem- blance dans le mode d'évolution des homards , des langoustes, des palémons et des crangons ; partout les deux paires d’appendices antennaires ont déjà un grand développement quand les autres commencent seulement à surgir, Nous SUR LES CRUSTACÉS. 65 trouvons toutefois, dans le homard , que les pédicules oculaires se développent plus tôt et indiquent plus clairement que chez les mysis leur communauté d'origine avec les organes appendiculaires. DEUXIÈME PÉRIODE. Pendant cette période, les divers appendices de la bouche et les nom- breuses pattes surgissent simultanément et ne montrent d’abord aucune diffé- rence entre eux. Toutes ces pièces ont donc bien la même signification. C’est vers la fin de cette période que surgissent, simultanément aussi, les appen- dices abdominaux et caudaux. On peut dire qu'il y a trois apparitions suc- cessives d’appendices chez les mysis. Le corps a encore la forme d’une massue, ou plutôt ressemble à une poire un peu allongée. On voit distinctement l’aceroissement du blastoderme par l'apparition d’une nouvelle génération de cellules au milieu des premières. Le sac vitellin s'étend dans toute la longueur de l’embryon, et tout l'em- bryon est représenté par les parois du sac à la surface duquel on apercoit quelques appendices. C’est à cette période de développement que surgissent les appendices de la bouche et les pattes. Ce n’est pas, comme on l’a dit, successivement et d'avant en arrière que l’on voit apparaitre ces organes : ils se montrent simultané- ment depuis le premier jusqu'au dernier, de manière que le blastoderme, vu sur le côté, ressemble à une lamelle dentée. On dirait un peigne à grosses dents, et, un peu avant l'apparition des dents, l'embryon a l'air d’avoir le ventre couvert de dalles. Puis de chaque dalle on voit s'élever une éminence sous la forme d'un moignon. Tous ces moignons se séparent de plus en plus nettement; chacun d'eux présente l’aspect d’une petite pyramide, et les deux rangs de pyramides recouvrent tout le bord convexe du mysis embryonnaire. Derrière les man- dibules , nous voyons s'élever ainsi en même temps et de la même manière dix paires d’appendices qui se différencieront plus tard : ce sont les mächoi- res, les pieds-mächoires ou gnathopodes et les pattes futures péréiopodes, 64 RECHERCHES trois sortes d'appendices qui sont tout à fait semblables entre elles, au moins au début de leur apparition. Rathke avait été conduit à un autre résultat en étudiant les embryons de mysis dans la liqueur. Il pensait que les premiers appendices qui succèdent aux tentacules se développent d'abord et que les autres apparaissent succes- sivement. Nous venons de voir que tous ces organes, depuis les mandibules jusqu'à la dernière paire de pattes, se développent simultanément. I n’y a que la seconde série des appendices abdominaux qui surgisse postérieurement. Si l'origine de tous ces appendices , les gnathopodes comme les péréio- podes , est non-seulement semblable mais encore simultanée ; si, abstraction faite de la place , on ne pourrait pas les distinguer les uns des autres , il nous parait évident que leur homologie doit être complète. Les appendices sur- gissent uniformément comme les dents d'un peigne , à la tête comme au thorax , quoique cette division du corps ne se soit pas effectuée encore, et plus tard seulement la différenciation se manifestera avec plus ou moins d'in- tensité. Il y a done d'abord deux paires d'antennes avec des mandibules et des pédicules oculaires rudimentaires, et de ces deux paires d'appen- dices le nombre s'élève tout d'un coup à quatorze, par l'apparition de dix paires d'appendices. Ces différents appendices, qui sont tous simples d'abord comme les an- tennes, montrent bientôt un tubercule à leur base qui les rend bifides et, les transforme en pièces appendiculaires servant à la fois à la marche, à la nage et en apparence à la respiration. C'est le pendant de ce qui a eu lieu pour les antennes. On a considéré ces appendices comme bifides dès leur début. Cela n'est pas : chaque appendice est d’abord simple comme nous venons de le dire. Un mamelon se montre à la base et en dehors du pédicule, et ce mamelon, en s'allongeant rapidement dans Fintérieur de la gaine primitive, rend chaque patte double. L'importance de ce mode identique de formation et de la simultanéité d'ap- parition de ces dix paires de pièces n'échappera à personne. I y a donc jusqu'ici deux fournées d’appendices, si nous pouvons nous exprimer ainsi. SUR LES CRUSTACÉS. 65 Puis, après les pattes et derrière elles, apparait une troisième série d’ap- pendices, lesquels forment plus tard les fausses pattes abdominales ou les pléiopodes. On en voit distinctement cinq. Ceux-Rà ne se bifurquent pas dans les mysis. Enfin, tout à l'extrémité postérieure du corps, on voit encore surgir deux appendices qui sont d'emblée plus grands et plus forts que les autres : ce sont les lamelles latérales de la queue; c’est-à-dire, les uropodes de l'animal adulte. Ainsi, comme nous l'avons dit plus haut, la première queue four- chue n’a rien de commun avec la queue définitive du crustacé, qui apparait seulement à cette période évolutionnaire. La dernière ne surgit de la sorte que fort tard, quand la première est mise hors d'usage, sans que cependant l'animal en ait fait emploi. En même temps ou peu de temps après que les rudiments de pattes font leur apparition, il se forme pour chaque appendice un somite distinet qui se développe de bas en haut. Ces divers somites forment, lors de l'apparition des appendices de la queue, un cercle complet. On les voit, pendant que les appendices sont en voie de développement, former une sorte de colonne vertébrale représentée par des corps de vertèbres creusés dont il ne reste que le pourtour. Ce sont les somites abdominaux postérieurs qui semblent les premiers formés. Ces somites, tout en faisant ainsi leur apparition dans la région abdominale, avant la région thoracique et céphalique, n'acquièrent leurs appendices (pléopodes) que quand les autres somites sont pourvus des leurs. Nous trou- vons en somme, à en juger par les appendices, le corps du mysis formé de trois somites prébuccaux, d'un somite buccal, de dix somites posthuccaux et de cinq somites abdominaux , en tout dix-neuf. Pendant que l'embryon se perfectionne ainsi en arrière , la bande latérale qui a surgi au-devant des antennes a acquis une importance plus grande : elle s’est isolée en montrant un étranglement de plus en plus profond à sa base. En avant elle est tronquée et bientôt surgissent au milieu d'elle des taches de pigment qui ne laissent plus aueun doute sur sa nature : ee sont les pédicules oculaires ou podophthalmes. Ils sont attachés par leur base aux Towe XXXIII. 9 66 RECHERCHES autres segments du corps, mais en dessus, les yeux sont séparés par toute la largeur de la masse vitelline. L’embryon présente encore un énorme ren- flement en avant qui lui donne une forte bosse à l'extrémité céphalique. C'est vers cette époque que la couche muqueuse commence à montrer une cerlaine importance. En arrière on voit déjà une portion d'intestin sans vitellus dans son intérieur, tandis qu'en avant toute la cavité digestive ne consiste encore que dans un grand sinus vitellin. Puis celui-ci se rétréeit de plus en plus, quelques échancrures se forment dans sa masse, des lobes apparaissent, et on voit la cavité de l'estomac avec plusieurs larges cœcums qui représentent le foie. Quoi qu'on en ait dit, nous ne croyons pas qu'il y ait, sous ce rapport, de grandes différences avec les crustacés décapodes connus. Ces lobes sont dis- posés avec symétrie. : A l’époque où les yeux apparaissent avec leur pédoncule, des taches de pigment se montrent à la base des différentes paires de pattes, et ces taches se déposent avec tant de régularité et de symétrie qu'on peut aisément les compter et en déduire le nombre d’appendices. Les appendices de la bouche et les pattes se sont maintenant différenciés ; il reste huit paires à peu près semblables. Chacune d'elles a une tige interne , qui est la patte proprement dite, puis une tige plumeuse très-mobile, qui est située à l'extérieur et que l'animal adulte fait mouvoir pendant la nage comme des lamelles d'une roue de bateau à vapeur. Ces organes servent en apparence à la respiration, mais au fond sont de véritables rames. Les huit paires de pattes ont à peu près le même développement. Pour en faire un vrai décapode, ces lamelles auraient à se loger dans une cavité sous le céphalothorax. Comme les divers appendices portent primitivement ou plutôt idéalement outre la tige principale, un palpe et un fouet, nous devons considérer ces organes comme des âges embryonnaires. Les gnathopodes conservent en général cette forme première pendant toute la vie, mais les péréiopodes, contrairement à ce qui existe dans les mysis, les perdent dans le cours des métamorphoses, quand le crustacé décapode acquiert ses branchies défini- lives sous-carapaciques. Les mysis correspondent véritablement par leurs appendices thoraciques doubles à une époque embryonnaire. SUR LES CRUSTACÉS. 67 TROISIÈME PÉRIODE. C'est pendant cette période, la dernière de la vie embryonnaire ou les derniers jours de la vie marsupiale , que tous les appendices des mysis s'a- chèvent et que le grand phénomène de la mue s’accomplit avec un change- ment complet dans la forme et l'aspect des caractères extérieurs. L’embryon subit une véritable métamorphose dans la bourse de sa mère. Un acte important dans la vie de ces êtres , c’est la mue ; elle se prépare de longue main, et, lorsqu'elle est accomplie, l'animal se présente sous un aspect tout nouveau. Jusqu'ici le jeune mysis avait toutes les apparences d'un crustacé inférieur ; voilà qu'il apparait dans son accoutrement définitif. H s'est débarrassé de sa vieille queue bifide pour prendre une queue lamelleuse de décapode; au lieu d'antennes simples à la tête, on en voit deux qui sont doubles et qui, indépendamment de leur longueur, sont profondément mo- difiées dans leur forme et les divers articles qui entrent dans leur composi- tion. Ces antennes sont couchées encore sur les flancs du crustacé d'avant en arrière, et les pédoncules oculaires sont également encore dirigés de bas en haut. I] faut que la bosse , formée par la masse vitelline, soit complétement rentrée, avant que les pédoncules oculaires puissent prendre leur direction naturelle et la liberté de leurs mouvements. A mesure que la masse vitelline s’absorbe, le canal digestif prend de plus en plus ses caractères propres ; la cavité de l'estomac devient distincte et, à l'origine de l'intestin, qui est devenu très-grêle, on voit le foie représenté par plusieurs cœcums. La masse qui remplit les cœcums biliaires a pris une couleur verte. Les antennes, tout en ayant atteint leur développement complet, sont encore couchées sur les flancs d'avant en arrière; mais le jeune animal, secouant par moments ces appendices, commence à faire l'essai de ces organes : il se débat déjà dans la poche, les tentacules se relèvent et s’abaissent, les divers appendices s’agitent et frissonnent , comme s’ils étaient sous l'influence d’une commotion électrique : il ne faut plus qu'un peu de vigueur dans les organes appendiculaires pour voir cette machine vivante prendre son élan et déployer toute sa merveilleuse activité. 68 RECHERCHES Nous avons parlé plus haut de taches pigmentaires. Ces taches ont pris un plus grand développement encore et ressemblent, par leur forme , aux corpus- cules des os. Ce sont des corpuscules noirs, de la surface desquels partent, tout autour, de fines ramifications qui parfois se divisent et se subdivisent et qui ont une ressemblance assez grande avec ces impressions dendritiques si communes dans certaines agates et dans quelques jaspes. On en compte une à chaque appendice, sauf à la mandibule ; aussi, comme la tache de la première paire de màchoires est plus grande que les autres, la considérons- nous comme deux corpuscules pigmentaires coalescents. Plus tard, les corpuscules pigmentaires des appendices abdominaux appa- raissent de la même manière et montrent dans leur apparition tout autant de régularité. Enfin ces corpuscules font leur apparition dans les appendices de la queue , et même, chez les femelles, dans les feuillets membraneux de la poche ineu- bairice. A la fin, la lame tentaculaire elle-même est envahie par un dépôt de pigment qui lui donne un aspect particulier. Il en est de même du pédoncule de l’antennule et de sa tige, ainsi que du pédoncule oculaire. Ces mysis embryonnaires sont-ils nourris dans la poche incubatrice par une substance sécrélée qui ferait sur eux l'effet d’un albumen ou de lait? Nous ne le croyons pas. Les feuillets de cette poche sont toujours les mêmes, el les œufs, comme lesembryons, sont toujours mobiles et libres dans la bourse maternelle. S'il était prouvé qu'une matière sécrétée vient au secours du vitellus pour nourrir les embryons, ce serait exactement la bourse des mam- mifères didelphes avec leur glande mammaire. Mais nous ne trouvons dans la poche que des lamelles appendiculaires en tout semblables aux autres appendices. Nous ne voyons pas, du reste, ce qui justifierait cette exception parmi les crustacés. I n'existe pas de glande spéciale, nous ne découvrons aucun produit dans la poche, le vitellus est assez volumineux pour parfaire la nutrition embryonnaire, et rien ne fait croire à la nécessité d’une nutri- lion exceptionnelle. Le vitellus des mysis nous parait plus que suflisant, pour suflire au développement complet de l'embrvon, sans secours supplé- mentaire. Le mysis, en quittant la poche de la mère, est done complétement déve- SUR LES CRUSTACÉS. 69 loppé, et, pour atteindre le dernier terme de son évolution, il n'a plus qu'à prendre ses organes sexuels. Comme nous l'avons fait remarquer, ces organes apparaissent enfin et, pendant que la poche est encore pleine d’embryons, les mysis continuent régulièrement à croître. SYSTÉMATISATION. Ce qui a surtout embarrassé les naturalistes qui ont voulu assigner aux mysis leur véritable rang dans la hiérarchie zoologique, c'est l'absence de branchies et le grand nombre de pattes. On comprend, en effet, que, pour des naturalistes qui tiennent avant tout aux caractères indiqués dans les livres, un animal, portant au moins six paires de pattes et point de bran- chies, ne pouvait trouver place dans les décapodes. I fallait done l'éloigner de cet ordre, quand même il se placerait encore moins bien ailleurs, les crustacés décapodes formant un si bel ensemble à caractères nets et précis. Aujourd’hui que nous connaissons le développement de plusieurs de ces articulés, nous pouvons établir des séries parallèles de développement et d'organisation , et la place des uns, dans le grand cadre zoologique, est aussi clairement déterminée par leurs caractères, que l’âge des autres par les phases de leur évolution. 3eaucoup de crustacés décapodes n’ont pas de branchies en naissant, peut- être même tous en sont-ils privés au moment de leur éclosion ; les dernières paires de pattes portent des appendices temporaires externes, des exopodes, qui servent à la nage et pourraient être pris pour des branchies temporaires ou organes de respiration secondaires. Cela n’est point cependant, nous avons eu l’occasion de le dire : cette fonction s’accomplit, à cet âge surtout, sans, organes spéciaux, à travers la peau. À la première mue, ces organes locomoteurs disparaissent, le crustacé devient plus sédentaire et Fapparcil 70 RECHERCHES respiratoire surgit sous la forme d’un canal, protégé par le céphalothorax. La locomotion comme la respiration sont changées en même temps. Les mysis représentent ce premier âge des crustacés décapodes , avec leurs exopodes qui les rendent de puissants nageurs. Leur place n'est done pas douteuse; ils sont podophthalmes décapodes macroures , et doivent occuper un rang inférieur à tous ceux qui ont des branchies à l’âge adulte. Les mysis sont comme les sirènes parmi les reptiles relativement aux lézards, dit Thompson; il serait plus exacte de dire, nous semble-t-il, que ce sont les anoures des sirènes. Nous ne savons quel rapport Thompson a voulu établir entre ces batraciens et ces sauriens : ce sont, en définitive, les axolotis des décapodes, la forme larvaire des crustacés supérieurs. Pour résumer ce que nous venons d'exposer sur la morphologie des mysis , en tenant compte et de leur développement et de leur état adulte, nous dirons : 1° Qu'on peut admettre quatre formations d'appendices , ceux des sens, ceux de la bouche et du thorax, ceux de l'abdomen et ceux de la queue ; 2° Que chaque paire d’appendices à son somite propre au début du dé- veloppement ; 3° Que l’appendice podophthalmique est le seul qui se développe d'arrière en avant; tous les autres se développent d'avant en arrière; 4% Que ce même podophthalme n’acquiert que fort tard la forme d'un ap- pendice véritable; »° Que tous ces somites, à l'exception du précédent, se ressemblent comme les appendices qui en dépendent, au début de leur formation ; 6° Que tous les appendices, même les plus compliqués, sont d’abord simples, et qu'ils ne se bifurquent ou se trifurquent qu'après la première mue. Tous aussi sont d’abord unis, et la segmentation n'apparait que dans le cours de l’évolution ; 1° Que le céphalothorax comme le côté tergal de tous les somites ne se forme qu'en dernier lieu ; 8° Que le nombre de somites est de vingt et un, dont quatorze céphalo- thoraciques , cinq abdominaux et deux caudaux ; SUR LES CRUSTACÉS. 71 9° Que les somites font leur apparition par le côté sternal en méme temps que les appendices. 10° Qüe les mysis sont des décapodes inférieures. —2—— LES CUMADÉS. LITTÉRATURE. Mowracu, Transactions of the Linnean Society, vol. IX. Say, Transactions of the Philad. philosoph. Society. Mie Enwaros, Annales des sc. natur., 1828 , vol. XIII; — Histoire naturelle des crustacés, vol. IT. — Ann. des sc. natur., 1852, vol. XVIII ; — L'Institut, 1858, — et Ann, des sc. natur., vol. IX, 1858. Kroyer, Aroyer’s Naturhistorisk Tidsckrift, 1841 et 1846,— et Voyages de la commission scientifique du Nord, en Scandinavie, en Laponie... (Poissons, crustacés, mollusques et acalèphes , par H. Kroyer). Paris, 1842-45. Goopsir, The Edinb. new philos. Journal, 1845. Acassiz, Proceed. Acad. nat. sc. Philad., 1852, — et Silliman's Journal, septembre 1856. SPENcE BaTE, Ann. and Mag. of nat. histor., vol. XVIT, XVIII et XIX, 1857. Lisesorc, Ofverts. of kongl. Vetensk.-Acad. Fürhandl. (Bulletin de l'Acad. royal de Suède. Stockholm, 1856.) Sans, Videnskab. Forhandl. in Christiania , 1858. (Drasryuis PLuMoSA , Finmarken.) HISTORIQUE. Si les mysis sont regardés à juste titre comme des formes de transition et excitent, à cause de cela, l'intérêt des zoologistes , les cumacés ne leur cèdent guère le pas sous ce rapport et méritent même plus qu'eux d'attirer latten- tion. Nous voulons parler des naturalistes qui cherchent moins à distinguer les groupes par des caractères distincts que les analogies qui font découvrir les affinités véritables. 72 RECHERCHES Les mysis sont reconnus de tout le monde pour des formes adultes; les cumacés , au contraire, sont encore, aux yeux de quelques savants, des formes embryonnaires, et il importe de faire disparaitre tout doute à ce sujet : ils sont également adultes les uns aussi bien que les autres, et si les cumacés ne sont ni podophthalmes, ni édriophthalmes, ils sont cependant franchement malacostracés ; il est temps d’assigner leur place définitive dans le cadre carcinologique On peut dire que la découverte des Cuma est une bonne fortune pour tous ceux qui, comme Buffon, regardent toute classification comme arbitraire. Ces crustacés sont en effet un embarras pour certains zoologistes qui ne trouvent pas de cases pour certaines formes dans-leur cadre systématique. Nous sommes, au contraire, heureux de trouver de ces formes sur notre chemin, et, loin de penser qu'elles nuisent à nos classifications , elles servent de pierre de touche pour en apprécier la solidité. Le jour où tous ces êtres, en apparence irréguliers ou anormaux, bizarres ou exceptionnels, auront été comparés avec les phases d'évolution du type auquel ils appartiennent, le grand cadre sera définitivement établi, et on lira dans un vaste tableau la pensée qui a été réalisée aux divers âges du globe et que révèle tous les jours l'embryon qui parcourt le cycle de son évolution. De même que la formation des monstres peut révéler les lois du dévelop- pement normal, les formes heurtées, bizarres ou excentriques sont préci- sément celles qui donnent la clef des formes typiques. Ces singuliers crustacés ont été découverts plusieurs fois. C'est d'abord Montagu, qui croit avoir sous les yeux des crustacés macroures mutilés , et les désigne sous le nom de Asfacus scorpioïdes ". Plus tard Say découvrit les mêmes crustacés ou du moins des crustacés très-voisins de ceux de Montagu, et les désigna sous le nom de Diastylis ?. Ces travaux avaient été perdus de vue, lorsqu'en 1828 , M. Milne Edwards retrouva le même crustacé, pour lequel il proposa le nom de Cuma. C'est à celle époque que, avec son ami Audouin, il contribua si puissamment à donner ! Transactions of the Linnean Society, vol. IX. ? Transactions of the Philadelphia philosophical Society. SUR LES CRUSTACÉS. 75 la véritable impulsion à l'étude des animaux sans vertèbres et que chacun de ses pas fut marqué par une découverte. Par une singularité dont, du reste, on trouve plus d’un exemple dans les sciences, M. Milne Edwards s’est mis à douter depuis de la valeur du genre Cumna , supposant qu'il pour- rait bien être une de ces formes transitoires qui, comme tant d’autres, doi- vent être rayées du catalogue des êtres !. M. Kroyer,en 1841 ?, étudie ces mêmes crustacés avec le soin qu'il met à tous ses travaux; il montre que le genre Cuma a été fort bien établi par M. Milne Edwards, et, quelques temps après, en 1846, il propose même d’éta- blir la famille des cumacés; il fait connaitre quatre espèces nouvelles et crée le genre Leucon pour un animal de cette famille 5. M. Kroyer pense que la place des cumacés est entre les crangons et les thysanopodes. Presque au même moment où Kroyer s'occupait de ce sujet, Henry D. S. Goodsir se livrait à la même étude sur des individus pêchés sur les côtes d’An- gleterre pendant les étés de 1841 et 1842, et crut devoir établir deux genres nouveaux sous les noms de Bodothria et Alauna. Ces observations s'accordent entièrement avee celles de M. Kroyer, quant à la nature adulte de ces animaux. Il semblerait que la question des Cuma dût être tranchée après cela; et, en effet, Goodsir s'était écrié : J have now satisfied myself, that they are perfect animals *. Il n’en est pas ainsi. En 1852, M. Dana revient au doute exprimé par M. Milne Edwards, et, s'appuyant sur le résultat d'observations récentes faites par M. Agassiz, il émet l'avis que les Cumna pourraient fort bien n'être que des larves d’al- phées, de palémons ou d’hippolytes. Agassiz croit avoir vu sortir des Cumna véritables des œufs de ces genres, et les Cuma ne seraient que le jeune âge de l’un de ces derniers Crustacés ÿ. ! Hist. nat. des crustacés, vol. NT, p.553. — Anx. pes sc. NarTuR., 1898, vol. XIII, p. 294. ? Quatre nouvelles espèces du genre Cuwa, Æroyer’s Naturhistorisk Tidskrift, vol. II, 18M, pp. 205-554. 5 Sur la famille des Cuuacés, Tidskrift, 1846, t. IT, p. 125. # Goodsir, Description of the genus Cuna and of two new genera nearly allied to it, Tur Évims. NEW pui. JourNaL , 1845, p. 119. Agassiz, Proceed. Acad. nat. se. phil., janv. 1852, n° 10. Toue XXXIII. 10 74 RECHERCHES Sous le titre de British diastylidae, M. Spence Bate a fait paraître depuis un beau mémoire qui a les mêmes crustacés pour objet. Le nom de Diasty- lidae n’est pas nouveau , bien au contraire, car il est de Say ; mais, comme le nom de Cuma est généralement reçu , nous ne voyons pas de motif de lé changer. Le principe de conserver le nom le plus ancien est bon, mais il ne faut pas toujours chercher à l'appliquer dans toute sa rigueur. Si lon reprend aujourd'hui le nom donné par Say, est-on sûr de ne pas devoir le changer demain en un autre plus ancien et encore plus complétement oublié? I est convenable, pensons-nous, d'appliquer ce principe avec une sage mesure : la nomenclature varie déjà assez sans que lon cherche à changer des noms généralement reçus. M. Spence Bate fait connaitre sept espèces britanni- ques et crée les genres £udora, Halia et Venilia. Ces deux derniers noms génériques, il les change ensuite : Halia en Iphinoë, et Venilia en Cyria- nasse. Le savant carcinologiste anglais affirme également que les Cuma sont des crustacés adultes, et il en forme une famille distincte qui se rapproche, d'un côté, des macroures et des stomapodes, de l’autre, par les veux et la forme de leurs mandibules, des amphipodes !, Les asserlions d’Agassiz, d’avoir vu des Cuma provenir de certains ma- croures, ont tellement ébranlé plusieurs carcinologistes, et des plus célèbres, que le beau mémoire de Spence Bate n’est pas parvenu à les convaincre, En 1852, M. Milne Edwards, dans ses Observations sur les affinités zoologiques et la classification naturelle des crustacés ?, tout en parlant des mysis comme formes inférieures des décapodes, ne compte pas les Cuma parmi les podophthalmaires décapodes, et, dans son Rapport sur les méla- morphoses des Praniza en Ancea, rapport fait à l'Académie des sciences le 28 juin 1858, l'illustre professeur du Muséum met les Cuma sur la même ligne que les phyllosomes, les mégalopes et les zoés 5, c’est-à-dire comme devant disparaitre du cadre zoologique. Il en résulte que, pour Agassiz, ce sont de jeunes macroures voisins des Ann. and Mag. of nat. hist. on the British Diastyuinae, tom, XVIL, p. #49; tom. XVI, p. 187, et On the genus Cuxa, janvier 1857, p. 106. ? Ann. des sc. nat., 1852, t. XVIIL, p. 109, et Ann. des sc. nat., 1858, L. IX, p. 91. 5 L'Institut, 1858. SUR LES CRUSTACÉS. 75 genres palémon et hippolyte, et que pour Goodsir ce sont des macroures aussi, mais des animaux complets qui doivent prendre rang entre ces derniers et les stomapodes. Le professeur Bell les place dans les podophthalmaires; mais, d'après M. Spence Bate, ce ne sont pas des décapodes : ils doivent se placer derrière les mysidés, parmi les stomapodes. Enfin, dernièrement, on a cru trouver des affinités entre les Cuma et le genre fossile si remarquable des Eurypterus, qui appartient évidemment au groupe des limules, lequel est bien éloigné de ceux-ci 1. On voit par ce qui précède que le doute est aujourd'hui plus grand que jamais, puisque l’auteur même du genre propose de le rayer du catalogue des êtres, quand Kroyer, Goodsir et Spence Bate soutiennent au contraire qu'il faut l'y conserver. Pour nous, il n’y à aucun doute possible : les cumacés sont des crustacés adultes. On connait les femelles avec leurs œufs et leurs embryons et même le développement direct de ces derniers, par les observations de Kroyer et de Goodsir, que nous pouvons pleinement confirmer. Parmi toutes les formes embryonnaires de podophthalmes ou d’édriophthalmes que nous avons ob- servées sur nos côtes, nous n’en avons pas vu une seule qui eût même la moindre ressemblance avec un Cuma quelconque. Ces crustacés doivent donc prendre rang dans le cadre carcinologique ; mais quelle est leur place? Ils tiennent évidemment aux podophthalmes déca- podes par leur ensemble et leur physionomie, aux stomapodes par leurs branchies, et aux édriophthalmes par les veux et quelques autres caractères. Mais que sont-ils en définitive ? Donnons d’abord la description des espèces, après nous verrons mieux les liens de leurs affinités. DESCRIPTION. ILest évident que les cumacés forment un groupe parfaitement distinet et qui deviendra par la suite très-riche. Mais pour l'établissement régulier des genres, ! Quarterly Journal of the geol. Soc., 1856, Observations on the structure... of HimaNToP- TERUS, p. 54. 76 RECHERCHES il nous semble que les travaux, et surtout les recherches comparatives, ne sont pas encore assez complets, Jusqu'ici on n’a guère observé que des faits isolés. Nous allons faire connaitre trois espèces et toutes les trois appartiennent à une division générique distincte : la première est un Bodothria, la deuxième un Cuma, la troisième un ZLeucon. Les cumacés ressemblent, par leur céphalothorax, aux décapodes, mais ils n'ont positivement pas d'yeux pédiculés , et la carapace ne recouvre pas tous les segments thoraciques. Les appendices gnathopodiques sont au nombre de huit au lieu de dix, de manière qu'il y a deux paires de somites carapaciques qui manquent. Les pléopodes varient, tandis que leurs somites restent au nombre de cinq. GENRE BODOTHRIA, Goodsir. Ce genre a été établi par Goodsir et mérite , sans aucun doute , d'être con- servé, quelles que soient les variations des appendices dans les divers mem- bres de la famille. Nous tracerons iei un ensemblé de caractères qui, à notre avis, justifie complétement cette séparation générique. Le nombre total d'appendices céphalothoraciques ne varie guère ; mais, au lieu de trois paires de pieds-mâchoires, comme dans les crustacés voisins, la dernière paire passe au thorax, et le nombre de paires de pattes ou de péréiopodes est de quatre : ils ne portent pas de flagelle. Les pléopodes, ou appendices abdominaux, sont au nombre de cinq paires , tous biramés et en même temps presque aussi développés que ceux du thorax. Le segment caudal est moins grand que les précédents, mais les appendices ou uropodes sont d'une longueur excessive. Le telson est rudimentaire et tuberculeux. Nous croyons cet animal, que nous avons trouvé sur nos côtes avec des mysis, nouveau pour la science et, en souvenir du service rendu par le savant professeur d'Édimbourg, nous proposons de lui donner le nom de Boporuria Goopsir , Van Ben. Les appendices abdominaux et caudaux , les pléopodes et les uropodes sont très-longs, surtout les derniers; la carapace est également assez longue et étroite, tout l'animal est grêle et délicat. 1 1 SUR LES CRUSTACÉS. Le Bodothria de Goodsir diffère du Bodothria arenosa par plusieurs caractères importants et qui ne sont pas difficiles à distinguer. Nous citerons parmi les plus saillants les différences dans les appendices abdominaux et caudaux. Dans le B. arenosa, les pièces terminales sont proportionnellement courtes, tandis que dans le B. Goodsir elles ont la même longueur que la pièce basilaire , et les pièces terminales des appendices abdominaux sont en même temps plus allongées. Si nous en jugeons d’après le dessin que Goodsir a donné de son Bodothria, il existe également une différence assez notable dans la carapace, aussi bien chez le mâle que chez la femelle. Si maintenant nous comparons ce Bodothria , que nous dédions à Goodbsir, au Cyrianassa gracilis de Spence Bate, on verra aisément qu'il existe déjà trois espèces de cumacés parfaitement distinctes dont l'abdomen porte cinq paires de pattes biramées. Les différences que l’on observe entre ces deux espèces, du moins à en juger par le dessin que Spence Bate en a publié, portent sur les lobes anté- rieurs du céphalothorax, qui paraissent plus proéminents chez le Cyrianassa gracilis ; sur les segments thoraciques plus minces dans ce dernier et qui justifient le nom spécifique de graciles ; enfin, sur les segments abdominaux qui, par contre, sont plus grands, surtout le sixième ou le dernier. Ce segment porte, dans l'espèce appelée gracilis, un tubercule au bout, qui est séparé par une légère échancrure et qui a la même dimension que les autres, tandis que, dans l'espèce que nous dédions à Goodsir , ce dernier segment n’a guère plus de la moitié des autres, aussi bien en longueur qu’en hauteur. Nous trouvons encore des différences notables dans les appendices, surtout dans ceux de la queue; mais il est prudent de ne pas trop s’en rapporter au dessin et aux descriptions , et d'attendre que l’on ait l’occasion de comparer les objets en nature. Le mâle et la femelle ont la même taille, cinq millimètres de longueur, mais ils diffèrent notablement entre eux par presque tous leurs appendices. Les antennules des mâles sont multiarticulées, comme celles des femelles, et à peu près de la même longueur, mais elles sont terminées par des faisceaux de soies qui en font un véritable goupillon. Les mâles ont les antennes lon- gues et fort grêles, atteignant par leur sommet, quand elles sont couchées le à RECHERCHES 1 long du corps , le quatrième somite abdominal; chez les femelles, elles n'attei- gnent qu'avec peine le premier segment thoracique. Les mâles ont les pléo- podes couverts de soies plumeuses, tandis que celles-ci manquent chez les femelles, et la présence de ces soies se fait remarquer également aux uropo- des, mais chez les mâles exclusivement. La carapace même présente des diffé- rences dans les deux sexes: elle est terminée sur le côté et en arrière par un prolongement annelé sous forme de corne qui semble protéger ses flancs. Il parait résulter de ceci que le mâle est bien meilleur nageur que la femelle, et qu'à cet effet ses antennules ont été allongées pour l'informer à de plus grandes distances des dangers qu'il peut courir. Avant de comparer cette nouvelle espèce au Bodothria arenosa décrite par Goodsir , faisons la description des caractères extérieurs de notre nou- velle espèce. Ce crustacé est fort allongé; le thorax et l'abdomen ont deux fois et demie la longueur de la carapace. Le corps se rétrécit insensiblement d'avant en arrière , et c'est à la partie antérieure de la carapace qu'il a le plus de lar- eur. ; La carapace est assez fortement comprimée. La pointe frontale ou le rostre est un peu obtus; les deux lobes latéraux le dépassent légèrement. Toute la pointe est couverte de taches de pigment qui représentent l'œil. Aprés que M. Kroyer eut décrit ces crustacés avec soin et avec une par- faite connaissance de leur structure, M. Goodsir prétendit de nouveau que leurs Yeux sont pédiculés comme ceux des décapodes et qu'ils avaient échappé à l'attention de Kroyer, à cause de leur situation sous la carapace. Comme on le pense bien, ce point était excessivement important pour décider la question des aflinités naturelles de ces animaux. Erichson , en rendant compte, dans ses Archives, du travail de Goodsir, et acceptant ces faits sans hésitation, crut la question définitivement tranchée et mit les cumacés parmi les véritables décapodes. M. Kroyer a repris cette question peu de temps après et maintient avec raison son opinion. Nous ne savons quelles sont les espèces que M. Goodsir a étudiées; mais ce qui est certain , c'est que dans trois espèces, dont une très- grande, le Cuma Rathkii, nous avons vu des individus vivants des deux SUR LES CRUSTACÉS. 79 sexes, et qu'aucune d'elles ne présente une apparence d’yeux pédoneulés. Sur les flancs, on voit fort bien que la carapace est formée des épi- mères qui sont venus se souder avec les pièces médianes et dont on peut re- connaitre encore fort bien les jointures. Dix somites concourent à la formation de la carapace. Elle est arrondie sur le côté en arrière dans le mâle; dans la femelle, au contraire, la cara- pace présente de chaque côté une forte pointe qui n’est pas disposée comme une véritable épine , mais plutôt annelée sur toute sa longueur, comme un appendice antennaire. On voit à la surface de la carapace de fines ramifications de pigment qui se groupent avec symétrie et forment des taches ou plutôt des arborisations , comme dans les mysis. Il y à quatre anneaux thoraciques entièrement à nu et qui sont à peu près également développés. Nous ne trouvons guère de différences entre eux chez les deux sexes. Chacun de ces somites porte une paire de pattes et présente à sa surface comme sur le côté ces fines ramifications que nous avons si- gnalées déjà sur le segment carapacique. La région abdominale est formée de cinq somites à peu près aussi larges que longs, à l'exception du dernier, qui est toujours plus allongé que les autres. Chaque segment de cette région abdominale montre également des taches dendritiques de pigment. Le dernier somite, ou le caudal, est le plus petit; il est pour ainsi dire tronqué en arrière et porte deux appendices bifides, qui sont presque aussi longs que l’abdomen. Les antennules sont petites et formées de plusieurs pièces ; elles atteignent à peu près le tiers de la longueur de la carapace. Elles diffèrent beaucoup , comme nous l’avons déjà dit, chez les deux sexes. Le mâle montre d’abord , dans chaque antennule, trois articles assez forts, dont le dernier est un peu allongé; ces trois articles forment en quelque sorte un premier étage. Dans le second étage, on compte également trois articles, mais qui sont considérablement plus petits. A trois, ils ne dépassent guère un autre en longueur. À la base de cet étage, l’article est entouré, d’un côté, d'un faisceau de filaments qui forment là un véritable goupillon. Ces filaments so RECHERCHES sont aplatis à la base comme des lanières et effilés au bout ; ils sont placés irrégulièrement. La femelle a les trois articles du premier étage-un peu plus faibles, et tout le second étage est constitué par un article terminal portant à son sommet trois petites soies. Le goupillon manque complétement chez elle. Les antennes sont formées de trois articles basilaires au moins, le coxocé- rithe , le basocérithe et l'ischiocérithe ; le dernier est le plus développé et porte une longue tigelle articulée ou procérithes, dont la pointe terminale atteint le milieu du quatrième segment abdominal, du moins dans le male. Ces antennes portent, sur leur bord antérieur, dans toute la longueur et jusqu’à la pointe, des soies fort courtes. C'est vers le bout libre qu'on distingue le mieux les articles, et ils y sont trois ou quatre fois plus longs que larges. Les antennes des femelles occupent la même place; elles sont moins longues et plus robustes. Elles ne dépassent pas beaucoup la longueur de la carapace. On voit distinctement des traces d’articulations dans son intérieur, mais elles sont beaucoup plus rapprochées que dans les antennes mâles. Les pièces de la bouche ne sont pas réparties comme dans les Cuma véri- tables, puisque, au lieu de trois paires de pieds-mâchoires , il n'y en a que deux , une paire ayant passé au service de la région thoracique. Le nombre total des appendices de la tête et du thorax reste toutefois le même, Les mandibules ou protognathes sont courtes et trapues. La pointe libre se couvre de petites soies roides en guise de brosse. Sur le côté des mandibules, dans ces pièces détachées, nous avons vu un appendice membraneux assez court qui représente peut-être le palpe. Nous passons sous silence les deux paires de mâchoires. Les deux premières paires de pattes-mâchoires qui suivent sont fort grèles et délicates. Elles portent aussi des soies en forme d'épines; quelques-unes sont en forme de crochets, et d’autres même sont plumeuses. L'article basi- laire est particulièrement long. La troisième paire de pieds-mâächoires est très-grande, surtout par sa portion basilaire ou son basognathite, qui forme la moitié de la largeur. Les cinq autres articles qui suivent ne diffèrent que peu entre eux. Les deux derniers portent des soies roides recourbées, tandis que, sur les autres, on voit quelques soies SUR LES CRUSTACÉS. 81 plumeuses en dedans et en dehors. Cette paire porte un exognathe qui à la même longueur, du moins si l'on y comprend les soies. La première paire de pattes véritables ou de péréiopodes est exactement conformée, comme la précédente, aussi bien la patte même que l’exopode ; seulement le pénultième article s’est un peu allongé, d’où résulte une lon- gueur notablement plus grande. Les deux derniers articles atteignent la base des antennes dans leur situation naturelle. Les pattes sont au nombre de quatre; il n’y a pas de doute à cet égard, et ce même nombre se retrouve dans les deux sexes. La dernière et l'avant- dernière paire sont les plus courtes ; la seconde, au contraire, est la plus longue. Ces appendices se composent en général de cinq articles et portent, surtout au bout, des soies plameuses. Les cinq somites abdominaux portent chacun une paire d’appendices biramés, dont les antérieurs sont les plus développés. Ces appendices sont presque aussi longs que les pattes mêmes. Chez les mâles, les deux lamelles terminales portent de très-longues et fortes soies plumeuses, tandis que chez les femelles, ces appendices en sont complétement dépourvus. L'appendice caudal, ou l'uropode, est biramé aussi; la pièce basilaire est fort longue ; sur toute la longueur, le bord interne est garni de fortes épines dentelées. Les deux lamelles terminales sont formées de deux pièces qui ont ensemble à peu près la longueur de la pièce basilaire; l'interne montre sur son bord intérieur de très-fortes épines dentelées, dont une grande est terminale; la lamelle externe est armée de longues soies plumeuses, dont une est isolée sur la première pièce; les autres sont placées, au nombre de neuf ou de dix , sur le tranchant interne et autour du bout libre. Les soies externes sont les plus courtes. GENRE CUMA. Nous comprenons dans le genre Cuma les crustacés qui ont trois paires de pattes, le segment caudal très-développé, et chez lesquels les mâles ont seuls les deux premiers anneaux abdominaux pourvus d’appendices. Une des belles espèces de ce genre est le Cuma Rathkii dont nous allons donner une courte description. Tome XXXIII. 11 82 RECHERCHES Cette espèce a été dédiée par Kroyer à lillustre naturaliste de Kænigs- berg, qui à acquis un si beau nom dans la science par la consciencieuse exactitude qu'il a mise dans toutes ses recherches. Coma Rarukn, Ær.f. (Planche XIL.) Les Cuma ont un squelette cutané assez solide; par leur abdomen et leur physionomie, ils se rapprochent des scorpions. La carapace laisse à découvert les deux derniers somites céphaliques, de manière que les cinq somites qui suivent le céphalothorax semblent ap- partenir à la région thoracique. Le thorax véritable est done formé seulement de trois somites, très-dis- tinets à l'extérieur et qui sont parfaitement séparés les uns des autres. On ne voit de différence entre eux que dans ce sens, qu'ils perdent en largeur d'avant en arrière et que le dernier ne dépasse que de bien peu le pre- mier somite abdominal. La région abdominale montre ses cinq somites ordinaires, dont le dernier est encore le plus volumineux. Le somite caudal est remarquable par sa division en trois étages, et le telson ressemble à un sabre un peu moins long que les uropodes. La disposition des appendices est très-instructive. Les antennules sont en partie cachées sous le bord antérieur de la carapace : elles sont composées d’un premier article basilaire ou coxocérithe assez long et garni sur son bord in- terne, en avant, d’une forte soie plumeuse. Le basocérithe est très-court, tandis que l’ischiocérithe a presque le double sans avoir perdu de son calibre. Ce dernier est terminé par un double procérithe, l'un de trois et l'autre, l'ex- terne, de quatre articles. Les articles terminaux sont garnis de petites soies. Les antennules du Cuma décrit par Spence Bate sous le même nom sont simples au bout, c'est-à-dire terminées par un appendice unique formé ! L'espèce que Spence Bate décrit sous le nom de Diastylis Rathkii et qu'il regarde comme synonyme du Cuma Rathkii de Kroyer, nous paraît différente de celle que nous décrivons ici. SUR LES CRUSTACES. 85 de quatre pièces portant toutes une soie, [1 y a done une différence très-grande entre ces deux Cuma décrits sous le même nom spécifique. Les autres paires d’appendices ne diffèrent pas moins. Les antennes sont très-longues dans le mâle et recourbées communément en arrière ou en dehors, atteignant, par leur extrémité, à peu près le milieu du thorax. Dans ces antennes, on voit le support formé de deux articles, le second ayant à peu près le double de la longueur de l’autre, et une bonne vingtaine de pièces mobiles un peu plus longues que larges, surtout les dernières, dans le procérithe. | Lés mandibules, ou les protognathes, n’offrent rien de remarquable, si ce n'est qu'elles ne portent pas de palpes. Elles montrent un talon assez fort, pour produire le mouvement de bascule ordinaire, et des dents, assez fortes aussi, terminent sa pointe libre interne. Les deux mâchoires, les deutognathes et les tritognathes, se ressemblent beaucoup entre elles. Elles ont la forme d’une patte ordinaire et montrent chacune cinq articles , dont le dernier est en forme de griffe. Elles sont toutes les deux armées de fortes soies plumeuses très-longues et très-fournies, sur- tout le pénultième article. Les deux paires de mâchoires sont suivies de trois paires de pieds-mà- choires, les tétrognathes et les gnathopodes, qui les recouvrent complétement et qui présentent exactement la même composition entre elles. Elles diffèrent seulement en longueur, la seconde dépassant toutes les autres et s'étendant même en avant plus loin que le bout des antennules. Les protognathes et les deutognathes sont simples, tandis que les trois paires de pièces qui suivent et qui complètent les appendices gnathopodi- ques sont doubles et biramées. Voici la composition du tritognathe. Le fouet ou l’épipode montre d’abord une pièce basilaire assez longue et forte, puis une seconde plus faible, qui est suivie enfin de cinq autres articles aussi larges que longs. Ces cinq der- nières pièces qui vont en diminuant portent toutes sur leur bord interne des soies assez fortes, longues et plumeuses. L'appendice principal est formé de trois articles. Les deux paires de gnathopodes qui suivent présentent une composition 84 RECHERCHES semblable, et c'est la pénultième qui est la plus longue; elle dépasse en avant les antennules. Tous les appendices précédents sont au service de la bouche et se recou- vrent les uns les autres d’arrière en avant. Les trois paires d’appendices qui suivent sont des pattes véritables, des péréiopodes, et se dirigent librement en dehors. Les trois péréiopodes se ressemblent parfaitement, sauf pour la longueur; l'épipode ou fouet des deux antérieurs montre en dehors une sorte d'épine. Ces appendices vont, en diminuant de longueur, d'avant en arrière , de sorte que la troisième ou dernière paire est la plus courte et la plus simple. Les dactylopodites sont garnis de soies dans les trois paires. Les deux premiers somites abdominaux portent de courts pléiopodes uni- articulaires très-distinets, sans soies, tandis que les deux suivants ont des appendices plus simples encore; sans un examen très-attentif, ils échappent communément à l'attention. Le nombre d’appendices céphalo-thoraciques, qui est de quatorze dans les crustacés décapodes, est done seulement de onze dans les Cuma, et la diminution porte sur les pédoncules oculaires comme sur les véritables paires de pattes : c’est là peut-être le caractère distinctif des crustacés de ce groupe. Le segment terminal , ou plutôt l’urosomite, diffère notablement des autres par sa forme; des deux côtés, vers le milieu, il porte un uropode biramé qui masque en partie le telson et le dépasse un peu en longueur. Le telson est droit, grêle et en forme de sabre légèrement dentelé sur les bords, mais sans soies. Au premier abord, les Cuma, sous le rapport des somites surtout , semblent rentrer complétement dans la forme normale des décapodes. Leur céphalo- thorax est suivi de cinq somites séparés portant appendices, auxquels succè- dent cinq autres somites abdominaux , un somite ural et le telson : on dirait un décapode dont la carapace n'a pas pris assez d'extension pour couvrir le thorax. Mais ici nous trouvons un nouvel exemple de la séparation arbitraire des pattes et des pièces de la bouche, puisque les appendices des deux pre- miers somites qui suivent la carapace dépendent plutôt de la tête que du thorax et se rattachent aux pièces accessoires de la mastication. SUR LES CRUSTACÉS. @ © GENRE LEUCON. Nous avons trouvé deux individus d’une même espèce qui se rapportent encore, par quelques caractères, au genre Cuma, mais qui semblent cepen- dant mieux se rapprocher des Leucon de Kroyer. Nous avons heureusement pu observer ces crustacés en vie. Le corps est fort grêle et allongé, et l'abdomen avec ses uropodes dépasse notablement la longueur de la région céphalo-thoracique. Tout le squelette tégumentaire est parsemé de taches pigmentaires régulièrement espacées et à peu près également développées. La carapace est courte, mais assez large, et montre en avant un rostre obtus séparé par deux profondes échancrures. La carapace, dans ses parties latérales, se termine en pointe, et le rostre est caché partiellement sous elles. Derrière la carapace, il y a quatre somites à appendices libres, dont le dernier est fort étroit. Ne trouvant pas à rapporter ce Leucon à une espèce connue, nous lui avons donné le nom de LEucoN cErcartA, Van Ben. (Planche XIV.) Il est long de trois millimètres. Nous l’avons pêché avec le petit filet en mer devant Ostende. L'individu vivant, que nous avons eu sous les yeux pendant que nous faisions nos recherches sur les mysis, nous a montré une grande ressem- blance avec ces crustacés, surtout par la disposition des principaux appareils. Nous avons vu battre le cœur comme chez eux; nous avons vu distinctement tout l'appareil digestif et sexuel à travers l’épaisseur du tégument, et nous aurions pu croire que nous avions recueilli quelque mysis déformé. Donnons-en une courte description, du moins pour ce qui concerne les parties extérieures. La carapace, comme nous l'avons dit plus haut, est remarquable par sa brièveté, et le rostre nous montre sur la ligne médiane des taches pigmentaires formant un dessin régulier; ces taches pourraient bien remplir le rôle d’yeux. 86 RECHERCHES Des quatre somites libres qui suivent et qui semblent former le thorax, les trois antérieurs ont à peu près le même développement, tandis que le dernier se rétrécit considérablement, pour faire le passage aux somites ab- dominaux. Ceux-ci sont assez longs et étroits, et du premier au cinquième, ils gagnent en longueur. Le somite de la queue est fort court, et montre au bout un telson assez large, fort peu développé en longueur et tronqué à l'extrémité. Quant aux appendices, nous voyons des antennules assez simples, ter- minées par deux soies et formées de plusieurs articles différant entre eux seulement par le calibre. Les antennes de l'individu que nous avons eu l’occasion d'étudier avec le plus de loisir montrent un coxocérithe, un basocérithe et un ischiocérithe qui diffèrent bien peu entre eux, mais on y voit au bout un procérithe soyeux très-développé, qui atteint à peu près la moitié de la longueur du thorax et qui montre un appendice rudimentaire à la base. Les mandibules, ou protognathes, sont fortes, mais n’offrent de particulier que leur forme trapue et les courtes soies terminales qui servent à la mas- lication. Les deutognathes sont très-développés, surtout le basognathe, qui occupe à peu près la moitié de la longueur totale. IT porte des soies plumeuses. Les derniers articles sont hérissés de soies en brosse et de soies plumeuses. Les tritognathes sont moins complets et n’ont qu'un peu plus de la moitié de la longueur des précédents. L'article terminal est garni de fortes soies très-larges el serrées. Les tritognathes et les deux paires de gnathopodes sont garnis d’un épi- pode très-volumineux. Ils se ressemblent beaucoup entre eux ; celui du milieu est le plus long. Le dernier est inséré sur le premier somite libre qui semble dépendre du thorax. Suivent trois paires de pattes véritables ou de péréiopodes qui montrent une composition identique et diffèrent seulement de longueur. La dernière paire est la plus courte, et c’est aussi la seule qui ne porte pas un épipode rudimentaire, SUR LES CRUSTACÉS. 87 Le premier somite abdominal porte un pléiopode très- court, formé de deux pièces seulement. Les autres somites n'en ont pas, si ce n’est le somite ural, qui a deux longs uropodes formés de longs articles, dont le dernier porte quelques soies courtes et fortes. SYSTÉMATISATION. Au lieu de quatorze somites à appendices , les cumadés n’en ont que onze; les podophthalmes et deux paires de péréiopodes manquent. Ils ont bien, quoi qu’on en ait dit, les yeux sessiles, comme les édrioph- thalmes. Les appendices sont répartis ainsi : deux paires d'antennes varia- bles, selon les espèces et même selon le sexe; une paire de mandibules qui üennent beaucoup des mandibules des mysis; deux paires de mâchoires peu développées; trois paires de pieds-mâchoires armés d’un long plumet soyeux ou d’un épipode ; trois paires de pattes appendues directement à des anneaux thoraciques libres; des appendices abdominaux variables, selon le genre et les sexes, au nombre de cinq chez les Bodothria ; enfin une paire d’appen- dices caudaux souvent extraordinairement allongés. Comme les mysis, les cumacés n’ont pas une cavité propre pour loger les branchies, et tout l’appa- reil digestif ressemble à celui de ces décapodes inférieurs. Nous pouvons en dire autant enfin des poches incubatrices, qui sont semblables dans ces deux groupes, et les œufs, comme les embryons dans le cours de leur dévelop- pement, ont entre eux la plus grande ressemblance. En tenant compte de l’ensemble de cette organisation, nous n’hésitons pas à placer les cumadés à côté des mysis, comme un degré inférieur à ces der- niers, par l'absence des pédoncules oculaires. 88 RECHERCHES LES IDOTHÉIDÉS. LITTÉRATURE. M. Scasger, Natuurkundige Verlustigingen behelzende microscopise waarnemingen van in- en uitlandsche water en land-dieren. Haarlem , 1778. Nous ne possédons dans cette famille qu'un seul genre sur lequel nous ayons réuni des obervations qui méritent de prendre place ici. GENRE SLABBERINA, Van Ben. HISTORIQUE. Il y a cent ans à peu près que le zélé observateur hollandais Slabber découvrit un joli crustacé isopode ayant le corps tout parsemé d’impressions dendritiques, comme on en voit si communément dans certains quarlz-agates, et qu'il désigna , à cause de cela, sous le nom d’Agate pissebet où Oniscus. Il est assez étonnant que personne ne semble plus avoir revu cet Oniscus, car nous ne le voyons mentionné nulle part. Ce n'est pas sans émotion que le naturaliste retrouve de ces formes, signa- lées par ses devanciers, que l’on croyait perdues ou que lon considérait comme imaginaires. Nous avons éprouvé cette émotion en voyant l'animal si curieux décrit et figuré par Slabber, et qui est loin d'être rare sur nos côtes. Sa forme gracieuse, jointe à la régularité de ses taches pigmentaires, SUR LES CRUSTACÉS. 89 lui donne une physionomie à part, qui ne permet pas de le confondre avec un autre crustacé. Les carcinologistes n’ont point assigné un rang à cet Oniscus de Slabber, probablement parce que cet observateur, toujours si exact, ne représente que quatre pattes, trois antérieures et une postérieure, et qu'il n’accorde pas d'onglet terminal à cette dernière comme aux autres. Ce crustacé de Slabber ne se place bien dans aucun genre établi. Il est le plus voisin des idothées, mais l'abdomen est garni en-dessous de cinq lames foliacées qui dépassent légèrement, par les soies plameuses, le seg- ment scutiforme terminal, sans se prolonger sur la face dorsale par le côté; il n’y à pas de lames operculaires simples servant de battant, et les diffé- rentes paires de lames sont biramées et imbriquées. Ainsi nous aurons pour caractères du genre : Antennules courtes et massives; antennes longues et terminées par un procérithe dont la pointe aboutit au quatrième somite thoracique. Sept paires de pattes loutes terminées par un ongle crochu; abdomen garni en dessous de cinq lames foliacées, biramées, dont aucune paire ne fait office d’opercule, toutes logées en dessous des seg- ments abdominaux, sans dépasser le segment scutiforme terminal, si ce n'est par les soies plumeuses. Nous dédions ce genre à celui qui l'a observé le premier, et nous pro- posons, en conséquence, le nom de : SLABBERIA AGATA, Van Ben. (Planche XV.) Synonymie.— Acaar-Pisseser, Oniscus, Slabber, Natuurkundige Verlustigingen, ete., XVIF®: partie, p. 449, pl. XVII, fig. 1 et 2. Nous l'avons trouvé dans le port d'Ostende et assez abondamment le long de la plage, dans les flaques d’eau pendant la marée basse. Ce joli crustacé nage avec une célérité incroyable. Placé dans un aqua- rium ou un bocal, il s’élance d’un bout du vase à l’autre comme une flèche, s'élève à la surface, plonge ensuite jusqu'au fond et se livre aux mêmes évo- lutions que certains insectes d’eau douce. Tome XXXIII. 12 90 RECHERCHES Slabber en a donné une assez bonne figure; mais le corps nous parait moins large qu'il ne l’a représenté. On le tient facilement en vie pendant quelques jours. Slabber en avait déjà conservé durant neuf jours , au mois d'août. Ce n’est qu’en été que nous en avons observé. Le corps est bombé en ovale allongé, presque linéaire et arrondi aux deux extrémités. Les segments du corps sont faiblement indiqués, si ce n’est par les dessins qui les recouvrent; sous ce rapport, c’est un des plus beaux et des plus sin- guliers crustacés de nos parages. Slabber lui avait déjà donné le nom spé- cifique d’Agate, et avec beaucoup de raison. La surface du dos est couverte de petites taches de pigment qui, vues à un grossissement de quelques dia- mètres, font exactement le même effet que les arborisations souvent micros- copiques que l’on voit dans certains agates. La comparaison est très-heureuse. Le segment céphalique présente, outre les Yeux, trois bandes composées seulement de deux taches disposées symétriquement : une paire au-devant des yeux, une paire entre les yeux et une paire derrière, Ce n’est pas un moyen à dédaigner pour connaitre la composition segmentaire de l'anneau cépha- lique. Nous avons déjà vu, du reste, ces taches pigmentaires des mysis avoir la même importance. Les sept somites thoraciques qui suivent la tête portent chacun quatre paires de taches, toutes placées à peu près à la même distance les unes des autres. Elles ont au microscope l'aspect des corpuseules des os, et sont d’un noir foncé. Le somite abdominal présente un arrangement pigmentaire tout différent. On voit d’abord cinq paires de taches sur la ligne médiane, assez grandes et dendritiques, toutes liées en dehors à une plaque allongée en travers et pré- sentant tout l’intérieur plein de stries noires régulières parallèles, de même épaisseur : on dirait les fils d’une toile d’araignée formant une échelle. Un dernier somite, couvert seulement de quatre taches dendritiques , ter- mine les somites pigmentaires. Le segment terminal, ou le telson, est scutiforme, aplati ou légèrement bombé au-dessus, arrondi en arrière et garni sur le bord de quelques fila- SUR LES CRUSTACÉS. 91 ments plumeux. Il n’y a aucune apparence de taches pigmentaires à la sur- face de cette portion tégumentaire. Les sept somites thoraciques ont à peu près la même largeur. Les veux sont très-grands, occupent la partie latérale de la tête et s’éten- dent autant à la partie inférieure qu’à la partie supérieure, c’est-à-dire que ces organes de sens, qui sont d’un noir foncé, s’exercent aussi bien du côté du ventre que du côté du dos. On voit très-facilement les facettes. L'animal , placé sur le dos, montre distinctement les sept paires de pattes, ou péréiopodes , qui se joignent , sur la ligne médiane, à celles du côté opposé. Elles sont toutes terminées par un crochet. Les trois antérieures sont diri- gées en avant, les trois autres en arrière. La sixième et la septième paire sont les plus longues et atteignent la base du segment caudal. Les appendices sous-caudaux, ou pléiopodes, sont biramés et se recou- vrent également depuis le premier jusqu’au dernier. Ils diffèrent très-peu entre eux. Il n’y a point de lames, avons-nous déjà dit, faisant fonction d’opereule, En avant, on voit, entre les antennes et les yeux, un épistome de forme pyramidale qui fait saillie dans cette région du corps. Les antennules ressemblent par leur disposition aux antennes des caligiens et forment la partie antérieure de la tête. On voit en avant, sur la ligne mé- diane , une légère échancrure, puis trois articles placés bout à bout, les deux premiers d’une longueur égale à la largeur, le dernier ayant à peu près une longueur double. Les articles basilaires portent des piquants sur le bord, tandis que l’article terminal est garni tout autour de soies. Les antennes montrent, également à leur base, d’abord trois articles ba- silaires , à peu près aussi longs que larges, puis un article plus étroit et nota- blement plus allongé. C’est au milieu de cet article qu'aboutit la pointe des antennules. Le flagelle est ensuite très-long, puisque la pointe aboutit au quatrième segment thoracique. Il se compose d'une vingtaine d'articles. Ceux de la base sont à peu près aussi larges que longs, tandis que les terminaux sont au moins trois fois plus longs que larges. Chaque article porte sur son bord , à sa terminaison, des soies. Le dernier en porte deux ou trois un peu plus longues que les autres. 92 RECHERCHES Ces antennes sont recourbées en arrière avec la pointe libre légèrement en dehors. Les pièces de la bouche sont très-rapprochées et occupent à peu près la hauteur des veux. Les mandibules, ou protognathes, sont fort grandes, massives , terminées en dedans par une forte dent et par quatre ou cinq pointes réunies sur un talon, non loin de cette dent finale. Sur le bord postérieur on voit ensuite une lamelle en forme de feuille, très-solide et dont le bord interne est régulié- rement denté, Chaque mandibule porte aussi en avant et en dehors une palpe composée de trois articles, à peu près également développés et dont le dernier porte une dizaine de soies roides. Le deutognathe recouvre immédiatement la mandibule. On voit une tige assez longue et forte, portée sur un pédoncule, tronquée au bout et termi- née par une dizaine de fortes dents recourbées vers la ligne médiane. Vers le milieu de la tige, on observe un article assez petit, portant trois forts gou- pillons, ou dents droites, fortes, obtuses et hérissées de soies courtes et roides. La deuxième paire de mâchoires , ou le tritognathe, est conformée comme la précédente qu'elle recouvre entièrement. Le pédoneule qui porte la tige principale est plus long, mais il est tronqué et également denté au bout comme la première paire. L'article mobile, au lieu de porter des goupillons, montre sept ou huit fortes dents recourbées dont le bord est aussi légère- ment en scie. Le pédoncule porte, en outre, trois fortes dents roides et droites. Les gnathopodes dépassent un peu les autres pièces en longueur. Les pé- doncules se joignent sur la ligne médiane. Le basognathe est le plus long. Il est suivi de quatre autres articles qui diffèrent très-peu entre eux, du moins sous le rapport de leur nature. Le premier qui suit le basognathe est le plus petit et porte en dedans une forte pointe hérissée de soies et trois ou quatre soies sur le côté. Le bord interne, comme le bord externe des trois articles suivants, est armé de dents assez nombreuses et surtout grandes et fortes en dehors. Les trois premières pattes ou péréiopodes sont assez semblables entre elles. Elles sont pliées sur elles-mêmes. La pièce la plus longue est le basopode, qui se dirige d'avant en arrière; puis suivent trois articles et un crochet terminal, SUR LES CRUSTACÉS. 95 Ces trois articles semblent partiellement emboités les uns dans les autres. Les quatre dernières pattes ont le basopode dirigé de dehors en dedans et le reste de Ja patte d'avant en arrière. Les articles sont un peu plus longs, moins emboités, mais plus abondamment hérissés de soies. Le pénultième article est à étage et porte, outre les soies, de courts piquants sur le bord externe. Une particularité digne de remarque, c’est qu'on voit si bien dans toutes ces pattes les cordons musculaires, qu'on pourrait faire la myologie même chez des individus conservés dans la liqueur. L'abdomen porte cinq paires de lamelles biramées, dont le bord est garni de soies plumeuses très-longues, disposées, comme ailleurs, avec la plus grande régularité. Ces pléiopodes sont de puissants organes de locomotion. Le Slabberina est un véritable isopode, dont la place, comme nous l'avons dit plus haut, est à côté des idothées et dans la tribu des 2dothéides ordinaires. LES ASELLOTIDÉS. Dans cette famille nous ne faisons également mention que d'un seul genre. GENRE TANAIS. Parmi les formes plus ou moins insolites, pour les classifications systé- matiques, le genre Tanaïs réclame une place à côté des Cuma et des mysis. Nous avons observé un mâle et six femelles, provenant de la carapace 94 RECHERCHES d'une Chelonia mydas, échouée sur nos côtes à Klemskerke, à une lieue d'Ostende. Ces crustacés rappellent assez bien les décapodes par la présence d'une carapace et la transformation en pince de la première paire de pattes, mais ils portent, comme les vrais isopodes , sept paires de pattes véritables sur la nature desquelles il ne peut y avoir le moindre doute. Ce genre a été créé par M. Milne Edwards. Voisin du genre Rhoë , il s'en distingue toutefois par les antennes, qui sont courtes et non terminées par une tige mulli-articulée. Taxaïs DuLoxcn, Sav. La carapace, de forme triangulaire, large et arrondie en arrière, se ter- mine en avant en pointe aiguë et présente sur le côté deux échancrures pour loger les yeux. Ces yeux sont très-remarquables : sans être pédiculés comme dans les po- dophthalmes, ils sont cependant portés sur une tige courte, mais compléte- ment immobile. Nous avons déjà fait connaitre quelques particularités de l'organisation de ces crustacés !. ! Bulletins de l'Acad. roy. de Belgique, 2% sér. t. VE, n°1. SUR LES CRUSTACÉS. 95 LES CAPRELLIDÉS. HISTORIQUE. Les Caprella et les genres qui s’y rattachent ne sont pas souvent étudiés, quoiqu'’on les trouve assez communément sur nos côtes; elles vivent tantôt li- brement dans la mer, tantôt au milieu de touffes de sertulariens. Il y en a aussi parmi elles, et c’est même le plus grand nombre, qui se font voiturer par quel- que cétacé obligeant, prennent, de même que les eyames, le dos d’une baleine ou d’un dauphin pour gite, et ne sont pourtant pas plus parasites que ces derniers. Nous en avons trouvé même plusieurs sur la carapace d’une chélonée échouée à Mariakerke et d’autres sur la peau d’un Scimnus glacialus, au milieu de beaux Dinemoura qui nous ont été remis par notre ami Eschricht. Des cinq genres qui composent cette famille, Leptomera, Naupredia, Cercops, Ægina et Caprella, nous avons eu l’occasion d’en étudier deux. Comme l’histoire des chevrolles est étroitement liée à celle des eyames, il ne sera pas sans intérêt de joindre ici le résultat de quelques observations faites sur des cyames de Balaena australis qui nous paraissent identiques avec les cyames de Balaena mysticetus. Ces cyames proviennent du mor- ceau de peau de baleine, incrusté de tubicinelles, que nous devons égale- ment à l’obligeance de M. Eschricht. Autour de l’orifice d’une tubicinelle se trouvait, couché sur les valves et encore accroché par les pattes postérieures, un mâle au milieu de deux femelles et, autour d'eux, quinze à vingt jeunes à divers degrés de développement. Une des femelles avait encore un œuf dans son sac; l’autre avait le sac entièrement vide. L’embryon le plus petit n’a que deux à trois fois le volume de l’œuf : c’est évidemment le dernier éclos et il a déjà tous les caractères de l'adulte. Les pièces de la bouche même ne doivent plus subir de modifications notables ; 96 RECHERCHES seulement la tête, en s'allongeant, les éloigne un peu plus les unes des au- tres, et, il est presque inutile de le faire remarquer, ces appendices de la bouche ne croissent pas dans la même proportion que les pattes véritables. Les jeunes cyames qui sont logés autour des femelles sont bien la progé- niture de celles-ci; aussi, d’après le nombre d'individus qui sont en voie de développement autour d'elles, peut-on admettre que chaque couvée compte en moyenne une dizaine d'œufs. Il faut conclure aussi de la différence d'age de ces embryons, que les œufs sont pondus successivement et que l'éclosion a lieu également à des intervalles fixes et réglés. Nul doute que les principaux changements de forme de ces embryons ne s'effectuent dans l'intérieur de l'œuf avant leur éclosion ; les cyames sont bien, par conséquent, des crustacés sans métamorphoses véritables. Au milieu de ces cyames se trouvait encore en abondance le cétochile australe, le même que Roussel de Vauzème a vu en si grand nombre dans l'océan Pacifique, ainsi qu'un Acarus très-poilu d'une physionomie toute particulière. Nous parlerons plus loin de ce cétochile. Nous ferons remar- quer seulement en passant que Kroyer a trouvé également au milieu de Caprella (Ægina longicornus), pris par le capitaine Holbüll, à six milles de Frédériks-Haab, un Acarus d’un ‘/6'’’ de longueur, voisin de celui dont il est question ici et dont il n’a figuré que la partie postérieure du corps !. GENRE NAUPREDIA, Larr. (Planche XVII.) Ce genre, formé par Latreille, n’a été étudié encore avec quelque som par aucun naturaliste. Les nauprédies n'ont que dix pieds, dit Latreille ?, tous dans une série continue ; la seconde paire et les deux paires suivantes ont à leur base un corps vésiculaire. Latreille ajoute en note : espèce de nos côtes qui me parait inédite. Elle appartient également aux côtes de Belgique. * Kroyer, Vaturhistorisk Tidskrift, vol. IV, p. 545, pl. VII, fig. 12. ? Règne animal, 2° édit., vol. IV, p. 128.— Milne Edwards, Aist. nat. des crust., vol. LL. — Desmarest, Consid. génér. sur les crustacés. — Kroyer, Naturhistorisk Tidskrift, vol. IV, p. 490. SUR LES CRUSTACÉS. 97 M. Milne Edwards, dans son Histoire naturelle des crustacés , fait men- tion de ce genre, mais sans rien en faire connaitre de plus. Nous l'avons trouvé à diverses reprises sur le littoral de Belgique, et nous allons lever tout doute au sujet de son existence et de ses caractères. Les caractères génériques assignés par Latreille sont exacts; mais on verra, par la description , qu'on peut joindre divers caractères également im- portants à ceux que ce savant leur a attribués déjà. Ces Naupredia s’éloi- gnent notablement des chevrolles, quoique , par leur physionomie, ils sem- blent à peine s’en distinguer. Il est inutile de faire remarquer que des carcinologistes ont eu tort de supposer que ces Naupredia ne sont que des Leptomera mutilés : ce sont bien des crustacés complets, et les genres sont parfaitement caractérisés. Nous allons donner ici la description de l'espèce jusqu'à présent unique du genre et à laquelle nous donnons le nom de : NauPREDIA TRistis, Van Ben. (Planche XVIL.) Les antennules comme les antennes sont très-développées; les premières ont un quart de plus en longueur que les autres. On voit cinq paires de pattes qui se suivent et qui sont insérées sur les premiers somites thoraciques; les deux antérieures sont terminées par une main ovalaire; les trois premiers segments thoraciques portent, à la base des pattes, chacun une vésicule bran- chiale; le cinquième est seul privé d’appendices, tandis que le segment caudal en porte deux paires. Ce crustacé n’a guère plus de 5 millimètres de longueur. Nous l'avons trouvé au milieu de touffes de sertulaires et de tubulaires. Le corps est assez grêle, sans être cependant aussi effilé que celui des che- vrolles en général ; la physionomie rappelle à l'instant ces derniers. Tout l'animal est divisé en sept somites, dont l’antérieur, le céphalique, est le plus grand et le dernier le plus petit. L'avant-dernier, comme nous venons de le dire, est seul sans appendices. Le segment céphalique est bombé, globuleux , sans proéminence frontale. Towe XXXII. = 98 RECHERCHES Sur le côté on voit des yeux assez grands composés d’une douzaine de facettes. Les antennules sont très-longues ; elles atteignent à peu près le milieu du troisième segment thoracique; elles sont composées de six articles garnis au bout de quelques soies , surtout l’article terminal. Le troisième et le cinquième article sont les plus longs. Les antennes proprement dites aboutissent par la pointe au milieu du pénultième article de l’antennule; leur article basilaire est le plus développé, et c’est le quatrième qui est le plus long. Les mêmes soies éparses recouvrent ces appendices, et si on les voyait séparés du corps, l’on pourrait aisément prendre l’un pour l'autre. Les pièces de la bouche forment une proéminence assez forte , de manière et que de profil on peut les distinguer entre elles. Les mandibules, ou protognathes, sont fortes, armées de plusieurs dents et portent chacune une palpe composée de deux articles semblables. La première paire de màchoires, ou les deutognathes, est assez simple; elle dépasse un peu les mandibules en longueur. Le tritognathe est un peu plus court. Le dernier article est dentelé au bout, de manière qu'on pourrait bien le comparer à une ratissoire dont les dents ne sont plus placées régulièrement. Le tétrognathe ressemble à une paire de pattes et recouvre les appendices précédents, y compris même les mandibules. Il est composé de quatre arti- cles distinets, dont le dernier est légèrement recourbé en griffe. Les pattes, c’est-à-dire les péréiopodes, sont au nombre de cinq paires qui se suivent sans intervalle. Elles sont insérées sur le segment céphalique et les quatre premiers segments du thorax. La première paire est insérée à la hauteur de la dernière pièce de la bouche. Elle est composée de cinq articles bien distincts et d’un article basi- laire. L’avant-dernier article, ou le propodite, est comprimé, élargi, à bord interne assez fortement dentelé et pouvant servir de main. La seconde paire est conformée exactement comme la première , mais tous les articles sont plus forts, et la patte est aussi plus longue. Elle porte à sa base , comme les deux pattes suivantes, une vésicule branchiale. Les trois paires de pattes suivantes, insérées sur le deuxième , le troisième et le quatrième segment , sont conformées exactement de même et ne diffèrent SUR LES CRUSTACÉS. 99 entre elles que par leur longueur respective. C’est la pénultième qui est la plus longue et la suivante la plus courte. Le segment caudal porte en dessous de chaque côté deux paires d’appen- dices formés de trois articles qui correspondent à ceux du segment caudal des décapodes et des isopodes. Nous n'avons rien observé ni sur les organes intérieurs, ni sur les sexes et leurs mœurs. Ces crustacés ne sont pas rares sur nos côtes, mais on est très-disposé, en les voyant, à les prendre pour des Caprella mutilés, ce qui est probablement cause que si peu de naturalistes en ont fait mention : ce sont cependant bien, comme nous venons de le voir, des animaux entiers. CAPRELLA OBESA, Van Ben. Cette espèce, qui n’a que deux millimètres de longueur, se trouvait au mi- lieu de Dinemoura elongata provenant de Scimnus glacialis. La tête est de forme ovalaire, sans épines ni aucune apparence de tuber- cules, et à peu près de la grandeur du premier segment thoracique. Les an- tennes sont loin d’avoir la ténuité qu’on trouve dans les autres espèces. Les segments du thorax sont gros, ramassés, lisses, sans renflement aucun, et différent très-peu entre eux sous le rapport du volume. Les cinq paires de pattes vont en s’allongeant légèrement d'avant en arrière. Le pénultième article n’est pas plus renflé que les autres et sans dents. La griffe est longue et fortement courbée, sauf à la première patte. 100 RECHERCHES LES PRANIZADES. LITTÉRATURE. SLaser, VNatuurkundige Verlustigingen. Moxracu, Trans. Soc. Linn., tom. XI, part. I. Leacu, Transact. Linn. Soc., 1. XI, 1815. Dana, American Journal of science, septembre 1852. Hesse, Mémoire sur la transformation des Praniza en Anceus, Comptes rendus de l’Aca- démie des sciences, 26 novembre 1855, idem mars 1858. — Annales des sciences naturelles , 1858, tom. IX, pag. 95. Minxe Enwaros, Comptes rendus, 28 juin 1858, pag. 1256. — Rapport sur un travail de M. Hesse, relatif aux métamorphoses des ancées et des caliges, ANNALES DES SCIENC. NATURELLES, 1858, tom. IX, pag. 89. SrimpsoN, Marin. invertebr. of gr. manan. Washington , 1853. Knoyer, Voyage scientifique en Scandinavie, en Laponie et aux iles Feroë. SPENCE BTE, On Praniza and ANcEus, and their affinity to each other, ANNAL. AND. MAG. or NAT. HIST., 1858, 3, sec. II, pag. 165, — Ann. des scienc. natur., 1858, tom. IX, pag. 224. HISTORIQUE. Ce n’est pas, comme on le pense généralement, Montagu qui a décou- vert, vers le commencement de ce siècle, ces crustacés remarquables, mais bien le naturaliste hollandais Slabber, qui en pécha, le 45 juin 1768, et qui les fit connaitre le premier sous le nom de Asilus marinus où Zeebrems. On les trouve pendant quatre mois de l'année, dit-il, en assez grande quantité et ils sont d'une très-grande agilité dans l’eau !. ! Slabber, Watuurkundige Verlustigingen, pl. IX, fig. 1-2. SUR LES CRUSTACÉS. 101 Les noms de Praniza et d'Anceus, que tous les naturalistes ont adoptés, ont été introduits dans la science par Leach. En 1852, Dana considérait les Praniza comme un animal irrégulier et anomal, tant par la forme singulière du corps que par le nombre insolite des pattes !. C'est vers la même époque, le 29 août 1852, qu'un naturaliste francais, M. Hesse, commença, dans le port de Brest, une série d'observations intéres- santes sur ces singuliers animaux articulés, et, au mois de novembre 1855, il annonça à l'Académie des sciences de Paris, une des plus jolies découvertes qui aient été faites dans ce groupe d'animaux. Les Praniza et les Ancea figu- raient partout comme des crustacés appartenant au moins à deux genres dif- férents, lorsque M. Hesse fit connaitre que les Praniza ne sont qu'une forme larvaire , qu’elles deviennent des Ancea sexuelles et adultes ? en subissant une véritable métamorphose, semblable à celle qui fait changer la chenille en papillon. Depuis la publication des observations du commissaire de l'inscription maritime de Brest, M. Spence Bate, qui a fait tant de beaux travaux sur les crustacés, a prétendu que les Praniza ne se transforment pas toujours en ancées, que la métamorphose ne s'effectue peut-être d’une manière constante que chez les mâles. M. Spence Bate assure avoir observé des Praniza femelles adultes chargées d'œufs et d’embryons assez avancés 5. M. Hesse assure, de son côté, que les ancées femelles seules portent des œufs; il resterait donc encore un doute à éclaircir qui ne tardera pas à être levé #, ! Dana, Appendix, Americ. Journ. of Science, sept. 4852, p. 299. >? Hesse, Mémoire sur la transformation des Pranizes en Ancées, sur les mœurs et les habi- tudes de ces crustacés, CompTes RENDuS, 26 novembre 1855; Coupres RENDUS, mars 1858, p. 568. Milne Edwards, Rapport sur un travail de M. Hesse, relatif aux métamorphes des ancées et des caliges, L'Insrirur, 14 juillet 1858, p. 252. — Ann. de sc. natur., 1858, t. IX, p. 89. 5 Ann. and mag. of nat. histor., sér. 5, vol. XI, p.165. — Ann. sc. nat., 1858, L IX, p. 224. # A la date du 15 février 1860, M. Hesse m'écrit à ce sujet : « Je n'ai qu'un mot à répondre à l’assertion de M. Bate: Si vous prenez des pranizes d’une certaine dimension, c’est-à-dire près de l’époque de leur transformation, vous n’avez plus, au bout de quelques jours, des pranizes, mais des ancées des deux sexes. Ce sont des expériences que j'ai répétées plusieurs fois et sur des quantités notables de ces crustacés. : » Ce qui a pu induire M. Bate en erreur, c’est que, quelques jours avant la transformation 102 RECHERCHES ANCEUS MARINUS, Slabber. (Planche XVI.) Synonymie. — AsiLus MARINUS ou Zeesrens, Slabber, Natuurk. Verlustig., pl. IX, fig. 4-2, p. 75. Praniza maria, M. Edwards, Æist. nat. crustacés, vol. IT, p. 195. Nous l'avons pêché avec le petit filet en pleine mer, au mois d'avril. Longueur de trois à cinq millimètres. Nous donnerons d'abord la description de l’état larvaire ou des Praniza que nous ferons suivre de la description de l'état adulte ou des Anceus. Etat larvaire. — Par la forme singulière de la tête, le grand développe- ment des derniers somites thoraciques et le nombre singulier, peut-on dire, de leurs paires de pattes, ces crustacés ont une physionomie qui les éloigne de tous les groupes de crustacés connus. Ils ne sont pas moins remarquables par leur coloration. Tout le corps, mais surtout le thorax, à une teinte ver- dâtre ; toutefois les deux derniers segments de cette région deviennent d’un jaune pâle, tandis que la plupart ont le milieu du corps coloré en rouge, comme s'ils venaient d’avaler du sang. Le corps est divisé fort distinctement en tête, thorax, abdomen et queue. La tête est parfaitement séparée du thorax ; elle a une forme triangulaire. Sur le côté, dans la partie la plus large, on voit les grands yeux à facettes s'étendre en dessus et en dessous. Au-devant de la tête on aperçoit un cône membraneux au bout duquel on découvre deux appendices très-petits terminés par de fines soies roides qui leur donnent l'aspect d'un goupillon. C'est en dessus, entre le cône membraneux et la tête, que sont insérées les deux paires d'antennes. Le thorax se compose d’abord de trois somites mobiles parfaitement sé- parés les uns des autres et portant chacun une paire de pattes. Ils vont en des pranizes femelles en ancées, les œufs qui préexistent s'aperçoivent à travers la peau , et si M. Bate avait vu la suite de cette opération, il eût constaté que sa pranize était devenue ancée, chose qui a pu lui échapper, puisque, à l'exception de la tête et du thorax, qui se modifient un peu, le reste de l'animal se maintient dans le même état. J'ai d’ailleurs de nouvelles obser- vations, » SUR LES CRUSTACÉS. 105 augmentant légèrement d'avant en arrière, de sorte que le troisième est le plus large et le premier le plus étroit. Deux autres somites sont très-volumineux et terminent cette région. [ls sont coalescents. Chacun d'eux porte aussi sa paire de pattes. Ces deux der- niers segments thoraciques ont une forme ovale et montrent, au milieu ou au centre, une ligne longitudinale coupée par une ligne transverse en forme de croix grecque. L'abdomen est formé comme le thorax , de cinq autres somites distincts , qui sont tous également mobiles les uns sur les autres. Ceux du milieu sont un peu plus larges. Ils portent tous une paire d’appendices biramés et plumeux. Le somite caudal est visible seulement du côté du dos; les appendices biramés le cachent en dessous; il a une forme triangulaire dont la base est en avant. Il est terminé en pointe arrondie ; il porte, comme les segments abdominaux , une paire d’appendices biramés un peu plus grands que les autres, mais formés de la même manière et qui constituent des rames de natation d’une grande puissance. Il y a deux paires d'antennes complétement séparées jusqu’à la base. Leur insertion a lieu à la partie antérieure et supérieure de la tête. Les antérieures, ou les antennules, sont les plus longues , et se composent d’abord de deux articles assez courts , puis de deux autres plus longs, et sont terminées par un procérithe multiartieulé dans lequel nous avons compté huit pièces. Ces pièces diminuent insensiblement de volume vers la pointe, de sorte que la dernière, tout en portant trois soies, est fort petite. Chaque pièce est armée d’une soie assez forte au bord antérieur. Indépendamment de ces organes, le bord antérieur des deux longs articles est encore barbu en avant. Les antennes sont composées de six articles ; les deux basilaires et les deux terminaux sont à peu près également développés. Les deux articles moyens sont les plus longs. Ils portent tous des soies, surtout les avant-der- niers. L'article terminal en porte trois qui sont assez longs et assez forts. L'entonnoir membraneux qui précède la tête diffère par sa direction de l'entonnoir membraneux des crustacés suceurs ordinaires. Dans ces derniers, 104 RECHERCHES il est placé d'avant en arriére, et son orifice est dirigé vers la partie postérieure du corps. lei l’entonnoir est placé également dans l'axe du corps, mais en sens inverse. Cette différence de direction explique ce que la tête des Pra- niza offre de particulier. Les mandibules, où protognathes, sont formées d’une portion basilaire assez large et d’une portion terminale droite, roide et dentelée sur le bord interne comme une scie : c’est tout à fait la mandibule des siphonostomes. Elles dé- passent très-légèrement le bord membraneux de l'entonnoir, de manière qu'elles forment une petite saillie en avant. Au-dessous des mandibules, on voit une autre paire de pièces, également terminées en scie, mais un peu plus étroites et plus délicates, et dont la pointe n'atteint pas l'extrémité des mandibules : ce sont les mâchoires ou les deutognathes. Une troisième paire de pièces, de la même longueur à peu près que ces dernières, mais restant toujours à l'état membraneux et se joignant à la base sur la ligne médiane , correspond probablement à la lèvre inférieure des in- sectes : ce sont les tritognathes. A la face inférieure de la tête, nous trouvons ensuite deux autres paires d'appendices très-développées et qui diffèrent notablement par leur forme et leur composition. La paire antérieure, qui correspond sans doute au tétrognathe, est com- posée d’abord d'un long article basilaire qui touche presque son congénère à la base, puis d’un second article plus court mais également gros, et enfin d'un article terminal sétifère, obtus, assez semblable à une brosse. L'avant- dernier article est terminé par une saillie dentelée sur le bord et qui n'est pas sans ressemblance avec une pince de décapode. C'est cet appendice qu'on voit saillir à côté de l’entonnoir et qu'on serait fort tenté de prendre pour une antenne, lorsqu'on regarde la tête en dessous, si les deux paires d'an- tennes n'étaient pas si faciles à reconnaitre. La dernière paire céphalique est insérée sur la limite postérieure de ce segment, immédiatement au-devant de la première paire thoracique : ce sont des appendices forts, composés de six articles, dont le dernier est forte- ment recourbé en pointe et semblable au crochet qui termine la troisième SUR LES CRUSTACÉS. 105 paire de pieds-màchoires chez beaucoup de crustacés suceurs. Ils sont tou- jours placés d’arrière en avant, parallèlement lun à l'autre, de manière que le côté convexe de chaque crochet touche sur la ligne médiane celui du côté opposé : c’est un gnathopode. Les cinq paires de pattes thoraciques, ou les péréiopodes, sont semblables entre elles. Elles ne diffèrent en effet que par la longueur. Elles augmentent légèrement sous ce rapport d'avant en arrière. La première paire est souvent en partie cachée sous le thorax. Chaque patte est formée de sept articles, dont le dernier, ou le dactylopode, est en forme de crochet. Les cinq somites abdominaux portent chacun une paire de pléiopodes biramés qui sont tous exactement conformés de la même manière. On trouve dans chacun d’eux une pièce basilaire assez large, terminée par une lamelle garnie sur son bord postérieur de neuf fortes soies plumeuses formant un large éventail et d’une autre lamelle un peu plus grande terminée seulement par deux soies plumeuses. Le segment caudal porte de même de chaque côté une paire de lamelles ou d’uropodes qui sont garnis tous les deux de soies plumeuses ; le bord de l'externe est, en outre, garni de trois piquants; on y compte quatre fortes soies plumeuses et trois plus petites. L’uropode interne porte le même nom- bre de piquants, mais une des soies est placée plus près de la base. Ces rames plumeuses sont, pour ces crustacés, de puissants moyens de lo- comotion, et il serait difficile de dire s'ils sont mieux organisés pour la vie libre et indépendante que pour la vie sédentaire. C'est peut-être le seul exemple d'animaux réunissant à un appareil locomoteur aussi important des amarres aussi solides. C’est un excellent voilier qui peut en toute sécurité jeter ses ancres. Celui qui doit l'héberger le remiorquera aussi longtemps qu'il lui plaira de lui fournir un gite, mais il ne sera aucunement en danger de périr, quand il sera abandonné à ses propres ressources. Nous avons vu aussi quelques organes internes. Le cœur est situé non au-dessous des derniers segments thoraciques , mais sous les premiers anneaux de l'abdomen. Il est fort allongé et s'étend jus- qu'aux derniers segments de la région abdominale. On ne voit toutefois dis- tinctement les pulsations que dans la partie antérieure. Tome XXXIIL. 14 106 RECHERCHES Vers le milieu de chacun des segments de l'abdomen , on aperçoit un cou- rant remonter des flancs et se jeter à angle droit dans la cavité du cœur. En avant, ce cœur donne naissance à deux aortes qui se côtoient sur la ligne médiane et que l’on peut suivre à travers les parois des deux grands segments thoraciques. En dehors de ces aortes, on aperçoit en outre, à droite et à gauche, une autre artère assez large qui gagne les flancs vers le milieu de la dilatation thoracique. Le sang est incolore et montre des globules régulièrement arrondis et transparents. État adulte. — Les changements les plus notables portent sur les mandi- bules, la tête et le thorax , ainsi que sur la taille et la couleur. Notre Anceus a une longueur totale du double du Praniza ; la teinte verte a complétement disparu ; la tête tend à se confondre avec les deux premiers segments thoraciques, tandis qu'il existe un étranglement entre le deuxième et le troisième segment. L'abdomen est comparativement petit, puisqu'il ne dépasse pas le volume de la tête avec les deux premiers segments. Sauf la modification profonde du troisième somite thoracique, les cinq paires de pattes, comme l'abdomen et ses dépendances, ne présentent pas de changement notable, tandis que les pièces de la bouche, indépendamment des mandibules, sont très-notablement modifiées. En résumé donc, ces crustacés portent cinq paires de pattes, comme les décapodes, mais le somite céphalique est distinet, et il n°y a pas d'apparence de céphalothorax. Les yeux sont sessiles; ils ont des antennules et des an- tennes simples et cinq paires de pléiopodes portés par autant de somites dis- lincts et des uropodes biramés très-développés. Les pièces de la bouche sont au nombre de cinq paires, y compris les mandibules, de manière que tout l'animal, d’après ses appendices, est formé de dix-huit somites, deux pour les antennes, cinq pour la tête, cinq pour le thorax, cinq encore pour Fab- domen et un pour la queue. SUR LES CRUSTACÉS. 107 SYSTÉMATISATION. Les ancées ont été placées tour à tour dans les amphipodes et les iso- podes. Aux yeux de quelques-uns, ces crustacés doivent prendre place à côté des sphéroniens, mais ce rapprochement ne résiste pas à un examen comparatif, soit sous le rapport de la structure, soit sous le rapport du développement : la physionomie même de ces crustacés les en éloigne. On pourrait se demander si on les connait suffisamment pour leur assigner une place définitive. Nous pensons qu'oui. Selon Dana, les Praniza sont une forme irrégulière des anisopodes avec un nombre anomal de pattes, et il les place, après les Tanaïs, à côté des Serolis 1. M. Hesse croit devoir retirer les ancées des isopodes nageurs, pour les intercaler entre les cymothoadiens parasites avec lesquels ils ont, dit-il, des rapports de conformation et de manière de vivre ?. Il nous semble que les ancées n’appartiennent aucunement aux cymothoa- diens, mais qu'ils doivent former plutôt un groupe à part, à cause de la con- formation et du nombre de leurs appendices : ce sont les siphonostomes des malacostracés ; ils doivent occuper le dernier rang de ce grand groupe, qui commence par les décapodes véritables, comprend les mysis, les squilles et les Cuma, et finit par les amphipodes et les isopodes. ! American Journal of Science; Appendix , septembre 1852, p. 299. ? Ann. se. nat., 1858, vol. IX, p. 117. 108 RECHERCHES LES SACCULINIDÉS. LITTÉRATURE. Cavoun, Reprod. des poiss. et des crab., trad. all., 1792, pp. 161-169. Tuoupson, Vatur. hist. and metam. of an anomal. crust. paras. of carcin. mœn., the Saccuzina cancINI, The Entom. Mag., vol. II, 1856, p. 452. Knoyer, Monografisk Fremstelling of Slegten hippolyte. Kiübenhavn , 1842, p. 56.— Vid. Selsk. Naturg. og Math., Aft. IX, D. — Oversigt Kongl. Danske Vidensk. Selsk. Forhandl., 1855, pag. 127. — Zeits. f. d. gesammt. Naturwissensch., VIT, p. 419. Rarure, Reisebemerkungen.— Neueste Dantziger Schriften, Bd. IE, St. 4, p. 105.— Beiträge zur Fauna Norwegens, Act. Nat. cur., 1840, vol. XX, pl. I, pag. 244. Du Jannix, Helminth., p. 480. Bezz, Hist. Brit. crustac., 1845, p. HIT, pag. 108. Os, Scumr, Le Pellogaster est un crustacé et non pas un Trématode, Zerrs F. GesAMMT Naru- wissenscu. Halle, 1855, vol. Il, pag. 101.— Handatlas d. Vergl. Anat., Taf. X, fig. 7, et Zeitschr. Weltall., 1854; pag. 19. Sreexsraur, Arehiv. für Naturg., 1855, pag. 15. Duesiné, Syst. helm., vol. 1, pag. 455.— Revision der Myzhelminten, Srrzuxessenicure, 1858, vol. XXXII, pag. 507. Lixpsrnüm, Ofvers. De l'Académie royale de Suède, pour 1855. Stockholm, 1856, in-8°, traduit dans le Zeits. f. d. gesammt. Naturwiss., VIE, pag. 419. Waicur et AxDersON, Vew Edinb. phil. Journal, VII, pag. 512. LeuckarT, Carcinologisches, Troschels Archiv., 1859, pag. 252. — Morphologie, S. 72. LiuesorG, On the genus Peltogaster and Liriope of Rathke, Axx. ann Mac. or NaTUR. misr., septembre, 1860, p. 162. HISTORIQUE. Parmi les nombreux phénomènes que les recherches sur le parasitisme animal nous ont dévoilés dans ces dernières années, la découverte des Ento- concha, par Müller, n’est pas un des moins remarquables. Un mollusque vi- vant avec une holothurie dans un état de fusion si complétement intime , qu'on SUR LES CRUSTACÉS. 109 croyait devoir admettre un instant que l'un descendait de l'autre, est en effet un phénomène bien extraordinaire, on pourrait dire presque insolite. Des savants plus philosophes que naturalistes croyaient avoir mis la main sur un de ces grands secrets de la nature qui devait nous dévoiler le mode d'ap- parition successive des diverses classes d'animaux. Celui qui visite la plage sablonneuse d'Ostende à marée basse et qui ne recule pas devant une visite des kateyen, s'il veut bien remuer quelques pierres ou fouiller dans les anfractuosités des flaques d’eau, ne tardera pas à voir des crabes quitter brusquement leur paisible retraite et fuir à leur façon l’importun visiteur. À Ces crabes peuvent nous rendre témoin d’un phénomène au moins aussi eu- rieux que celui des Entoconcha. Les trois quarts d’entre eux portent sous leur abdomen, de manière à ne pas pouvoir coller celui-ci contre leur sternum, une petite boule, de la grosseur d’une aveline, de couleur jaunâtre et qu'un étroit pédicule attache, sur la ligne médiane, à la portion molle de cette ré- gion : l’on croit voir un sac à œufs de l'animal lui-même, une dépendance de l'appareil ineubateur ou quelque excroissance morbide qu'une mauvaise diathèse a engendrée. Cette galle ou cette tumeur, tout en ressemblant à un sac informe, n’est cependant autre chose qu'un crustacé parasite, et ce parasite s’est si bien confondu dans les chairs de son hôte, il a dépouillé si complétement l'habit de son ordre, que sa progéniture seule peut trahir sa nature véritable : il est en effet si intimement uni , soudé et greffé dans les chairs de sa victime, sa forme a changé si complétement, les caractères de l’animalité ont disparu si intégralement , qu'il n’est plus qu'un fardeau incommode que le crabe traine à sa suite comme un boulet. L'union est si intime, avait déjà dit Cavolini, que le crabe peut, par l'action de ses propres muscles de l'abdomen , faire pondre les œufs à son hôte parasite : c’est le coucou qui se métamorphose en nid, après s'être greffé lui-même dans les chairs de l'oiseau qui couve ses œufs. On voit par là que nous avons affaire à un phénomène bien autrement important que celui des Entoconcha et, qu'indépendamment du parasitisme, il y a ici un exemple de développement récurrent tellement remarquable 110 RECHERCHES » qu'aucune autre classe du règne animal ne nous offre un exemple semblable. L'on comprend que si les Æntoconcha avec leurs hôtes les synaptes ont attiré, pendant un certain temps, l'attention des naturalistes et des philoso- phes, les crabes et leurs Sacculina, où Peltogaster, méritent bien davantage d'occuper leurs loisirs. Le goût du merveilleux et des spéculations hardies, se basant sur l'observation directe, ne fera découvrir nulle part un phéno- mène aussi favorable aux élucubrations en apparence scientifiques. Comme ces crustacés ont été le sujet de nombreuses recherches , nous jetterons d’abord un coup d'œil sur la partie historique. Il est assez remar- quable, comme nous allons le voir, que ce sont précisément les premiers naturalistes, Cavolini et Thompson, qui ont le mieux apprécié la nature véritable de ces crustacés parasites. Cavolini, qui a fait tant de belles observations, dont plusieurs commencent seulement à être comprises maintenant, parle, dans son mémoire Sulla Generazione dei Pesci e dei Granchi (Napoli, 1787), de trois espèces de crabes sur la région abdominale desquels il a observé une tumeur dans laquelle étaient logés de jeunes crustacés portant trois paires de pattes. Ces crabes sont le Portunus puber, le Granchio piloso et di Pertugio, es- pèce voisine du Cancer arenarius de Linné, et le Cancer (Grapsus) Messor où Granchio spirito des Napolitains. Il à vu un orifice à ce sac, et ce sac devient quelquefois gros comme une noix. Il pense que c’est par cet orifice et à l'aide des contractions des mus- cles de la queue du crabe que les jeunes sont évacués. Cavolini sait fort bien que ce ne sont pas de jeunes crabes, mais il com- pare le sac à l'excroissance produite par un gallinsecte et, à ses yeux, le parasite des crabes n’est pas un animal distinct : c'est un crustacé étran- ser qui dépose ses œufs dans la peau délicate des intestins du crabe, et les embryons qui en proviennent se nourrissent du sang de Fhôte qui les héberge. Il a mis en expérience quelques crabes portant de ces sacs, mais ils sont tous morts au bout de quelques jours, et les ovisacs comme les Hono- culus qu'il a observés à la place n'avaient rien de commun avec cette pro- géniture parasite, Nous en avons tenu en vie pendant plusieurs semaines. SUR LES CRUSTACÉS. 111 C’est en un mot, comme nous l'avons dit plus haut, l'histoire du coucou qui déposerait ses œufs, non dans le nid d'un autre oiseau, mais qui se logerait lui-même dans les tissus vivants d’un hôte qui doit forcément le nourrir. Ces observations de Cavolini, malgré les bonnes figures qui les accompa- gnent, ont passé complétement inaperçues jusqu’au jour où Steenstrup les a signalées à l'attention des carcinologistes. Nous avions déjà les mêmes obser- vations en portefeuille, quand Steenstrup a fait connaitre son travail. En 1836, sans connaitre les recherches de Cavolini, un naturaliste anglais, excellent observateur, Thompson, étudia ce même parasite ; il en observa sur des crabes mäles et sur des crabes femelles. Il donne une description détaillée de ce qu'il voit à l’intérieur et à l'extérieur; mais il croit à tort reconnaitre la jeune larve de ces crustacés dans l’Argulus armiger de Slab- ber (c’est une larve de cirripède). Le sac est, pour Thompson, un animal distinct quoique bizarre , auquel il donne le nom de Sacculina, … ts body being entirely filled swith the ovaria, and an enormous testicular gland , ajoute-t-il. The Saccuuina, dit-il ailleurs, furnishes the only exemple in nature of an animal all generation organs, to the apparent exclusion of every other. Le consciencieux naturaliste de Belfast dévoile done d'emblée tout le secret de cette bizarre existence et ne se trompe nullement sur la nature de ce para- site et de ses œufs. Malheureusement ces travaux de Cavolini, et surtout ceux de Thompson, ne sont connus que d’un petit nombre de naturalistes, et c'est grâce à la bibliothèque de notre confrère Lacordaire que nous avons pu pren- dre connaissance des mémoires de ce dernier. Rathke, le savant et illustre professeur de Kœnigsberg, a publié le résul- tat de quelques observations faites peu d'années après, mais, sans avoir eu connaissance des recherches dont nous venons de parler, il a parfaitement reconnu la nature animale de la singulière exeroissance des crabes. Il désigne cet animal, qui est nouveau pour lui, sous le nom générique de Peltogaster. Rathke observa, en premier lieu, sur le corps de quelques pagures, une masse jaunâtre adhérant à la partie molle du corps par une sorte de ventouse et qui porte une bouche distincte; il ne doute pas que ce ne soit également un animal, et, à cause de son mode d’adhérence, il le place parmi les vers 112 RECHERCHES trématodes. Il a vu cette bouche communiquer avec une poche qui contient des œufs et, à côté de ces œufs, un petit crustacé nouveau qu'il désigne sous le nom de Liriope : ce sont des amphipodes microscopiques que Rathke suppose avoir servi de pâture au Peltogaster. Ainsi il considère le Peltogaster comme fixé seulement sur d’autres crustacés, et qui, sans vivre aux dépens de leur hôte, cherchent au contraire leur nourriture dans de petits crustacés microscopiques qui les entourent. Pour expliquer la présence dans l'estomac des œufs et des liriopes, Rathke pense que le tube digestif sert en même temps de canal alimentaire et de poche ineubatrice ( Der Darmschlauch dient zugleich zum ausbrüten der Eïer). L'ovaire est situé entre la peau et les parois du tube digestif, et, vers le milieu du corps, on voit de chaque côté un ovaire avec un court oviducte qui s’abouche dans l’intérieur de l'organe de la digestion. Cet animal n’a ni cirres, ni yeux, et Rathke n'a pu y dé- couvrir aucune trace de système nerveux !. En 1843, Rathke décrivit une seconde espèce de Pelogaster, trouvée sur le Carcinus moenas, et donna une diagnose de ces deux singuliers parasites. Il n'ajouta rien de nouveau au sujet de l’organisation de ces êtres curieux , mais un doute lui était venu sur leur nature de ver trématode ?. En 1842, Kroyer parle également de ces parasites dans sa Monographie du genre Æippolyte ; il en avait observé sur les Pagurus et même sur l'Hip- polyte pusiola 5; mais si la nature animale de ces crustacés fut parfaitement reconnue par le professeur de Copenhague, il ne se prononca pas cependant sur leurs affinités ou sur la place qu'ils devaient occuper dans la série des animaux. M. Mor. Diesing a cru voir une hirudinée dans ces Peltogaster de Rathke el a proposé, dans son Système des Helminthes, de les désigner sous le nom de Pachybdella. Plus tard, il a vu que les Peltogaster et les Pachybdella, qu'il ava itplacés dans les hirudinées, sont de véritables crustacés #. Tout récemment, 0. Schmidt a reconnu que le Peltogaster de Rathke est ! Neueste Dantziger Schriften, vol. HT, Heft. IV, p. 105. ? Nov. act. acad. nat. curios., t. XX, p. 1, p. 242, 1845. 5 Zeits. [. gesammt. Naturwiss., Halle, p. 101, 1855. # Diesing, Revision der Myzhelminthen, Srrzuxcspenicure, vol. XXXII, p. 507, 1858. SUR LES CRUSTACÉS. 115 non pas un trématode, mais un crustacé dont l'embryon ressemble à l'em- bryon des crustacés parasites et des lophyropodes 1. La même année, Lindstrôm découvre les larves des Peltogaster et signale leur nature crustacée. O. Schmidt et Lindstrüm arrivent ainsi, chacun de son côté, au même résultat que Cavolini et Thompson. M. Steenstrup a reconnu le premier que, depuis longtemps, Cavolini avait vu et très-bien figuré les Peltogaster de Rathke; mais M. Steenstrup fut induit en erreur au sujet de leurs affinités en les rattachant aux bopyres parmi les isopodes. C’est la présence des Liriope pygmea, observés dans la cavité commune par Rathke et l’aflinité de ceux-ci avec les bopyres qui ont fait croire au professeur de Copenhague que les liriopes pourraient bien être des Peltogaster mäles. Depuis lors, Kroyer, en 1855, et Lindstrôm, en 1856, ont de nouveau confirmé les observations de Thompson et de 0. Schmidt, et M. Kroyer fait même connaitre encore un genre nouveau sous le nom de Sylon, qui s’im- plante de la même manière sur un autre crustacé décapode, l'Hippolyte pusiolu. Kroyer trouve des différences dans les embryons des divers Sacculina et admet trois genres, dont un, le Peltogaster, aurait déjà quatre ou cinq espèces, le Pachybdella deux et le Sylon une. Il à reconnu l'ovaire et une glande particulière, mais il n’a vu ni bouche, ni canal digestif, ni muscles, ni nerfs, et il ne pense pas qu’ils soient hermaphrodites, comme on l’a supposé. En 1858, à son retour des iles Baléares, M. Carl Semper nous à remis un dessin de Peltogaster, provenant du Grapsus varius qu'il a trouvé sur les côtes de ces îles et qu'il suppose appartenir à une espèce nouvelle. IT m'a assuré que ces parasites sont grands comme un œuf de pigeon. Enfin, dans un numéro des Archives de Troschel, qui vient de paraitre (1859), M. Leuckart, dans un article intitulé Carcinologisches ?, résume parfaitement tout ce qui a été écrit sur ces singuliers parasites et compare avec soin ses observations propres avec celles de ses prédécesseurs. M. Leuc- kart a étudié ces crustacés, à deux reprises différentes, d’abord à Helgoland 1 Zeits. [. gesammt. Naturwissensch., Halle, 1855, p. 101. ? Leuckart, Carcinologisches. Einige Remark. über Saccuuia, Thomp., Troschel’s Archiv., 1859, p. 282. Tome XXXIIT. 15 114 RECHERCHES puis à Nice, et il signale à son tour une nouvelle espèce sous le nom de Sacculina inflata, vivant sur un autre crabe, le Æyas aranea. Leuckart reconnait le premier, et depuis longtemps il avait eu la bonté de m'en in- former par écrit, que Thompson a bien connu les Peltogaster de Rathke, et il propose avec raison de leur rendre le nom de Sacculina que le naturaliste anglais avait proposé. C'est aussi par cette notice que nous venons d’ap- prendre que MM. Wright et Anderson se sont occupés de ces mêmes ar- ticulés ?. Ainsi, aux yeux de Cavolini, le Sacculina n'est qu'une espèce de galle qui contient des larves de cyclopides; mais, aux yeux de Thompson , c'est un animal véritable qui vit en parasite et qui se rapproche des lernéens. Rathke reconnait aussi sa nature animale et le désigne sous le nom de Peltogaster, croyant avoir affaire à un trématode. Kroyer reconnait, comme Rathke et ses prédécesseurs, la nature animale, mais il ne se prononce pas sur les aflinités, lorsque enfin O. Schmidt aperçoit les embryons et vient con- firmer les observations de Thompson depuis si longtemps négligées. Après tant de travaux conduits par des naturalistes aussi éminents, on comprend qu'il n’y a plus guère qu'à glaner dans le champ de l'observation ; mais, sous le rapport de l'interprétation des faits, tout reste pour ainsi dire encore à faire. Ges parasites ont-ils une bouche et un anus, et, dans le cas affirmatif, où sont situés ces orifices? Possèdent-ils encore un autre appareil , soit de la vie de relation , soit de la vie végétative, qui soit reconnaissable ? Trouve-t-on autre chose qu'une gaine vivante et contractile contenant un oviduete ramifié et des œufs? Sont-ils dioïques et où est le mâle ? Voilà les points principaux qui restent à décider. Nous avons observé, à Ostende, l'espèce des crabes et l'espèce des pagures, et c’est d’après les observations faites sur ces deux parasites que nous juge- rons de leur structure et de leurs aflinités. Nous ferons d’abord la description des deux genres, en énumérant tout ce que nous avons pu observer et en évitant autant que possible de regarder les organes comme déterminés ; nous verrons ensuite comment il faudra interpréter leur composition anatomique. Ces parasites sont-ils pourvus d’un tube digestif, d'un orifice de la bouche , ! New Edinb. phil. Journal, VIH, p. 512. SUR LES CRUSTACÉS. 115 d’un estomac et d'un intestin ? Il est évident que l'orifice extérieur, que des naturalistes ont pris pour l’orifice buccal, n’a pas cette signification : l'eau du dehors pénètre par cet orifice dans une grande cavité et en sort par l'effet de la contraction des parois, entrainant les œufs qui ont été déposés dans son intérieur. Nous avons parlé plus haut d’une espèce d’entonnoir dont les bords se prolongent en ramifications, qui plongent dans les tissus mêmes de leur hôte, de manière à se baigner dans le sang de celui-ci. Au milieu de cet en- tonnoir existe un trou par lequel le sang du crabe ou du pagure pénètre dans une excavation plus où moins grande, mais sans issue. S'il existe une bouche dans ces crustacés, c’est cet orifice au fond de l’en- tonnoir qui doit en tenir lieu, puisque c’est par là que le liquide nourricier doit pénétrer. C'est aussi l'avis de Rud. Leuckart et de Bell. L'analogie vient à l'appui de cette interprétation. La Lernea branchialis a, comme les parasites dont nous parlons , au bout d’un prolongement sous forme de cou, une expansion également ramifiée et dont les diverses ramifi- cations plongent comme des racines dans le tissu osseux de l'arc branchial du poisson qui la nourrit. C’est par cette tête bizarre que la lernée se procure la nourriture, et c’est par conséquent dans cette région que doit se trouver l'orifice de la bouche. Les Lerneonema et plusieurs autres, qui plongent de la même manière leur région céphalique comme une racine dans le sol vivant, sont dans le même cas. Une excavation dans laquelle s'abouche cet orifice tient lieu d'estomac et d'intestin. Nous ne croyons pas qu'il existe un intestin complet, et, comme dans les vers trématodes , toute la matière nutritive, qui est la matière nutri- tive de l’hôte lui-même , est consommée sans laisser de résidu. Dans tous les trématodes, qui sont bien les vers parasites par excellence, on sait que le tube digestif est incomplet. Ces parasites n'ont donc ni ventouse, ni suçoir, ni aucun organe qui x ressemble pour soutirer le fluide nourricier de leur proie : on dirait que la nutrition du parasite s'effectue comme dans une galle et que la présence de cet hôte étranger suflit pour y faire affluer le sang et la nourriture. La vie 116 RECHERCHES propre de l’animal disparait à tel point qu'il n’y a plus que les phénomènes de l'accroissement et de la reproduction qui s’accomplissent encore. L'appareil sexuel est, pour ainsi dire, le seul appareil qui persiste dans cette évolution rétrograde; quand partout ailleurs la construction s'embellit à mesure qu'elle avance, ici au contraire elle recule à un tel point, que les caractères de l’animalité sont presque effacés. Its body being intirely filled with the ovaria ; and an enormous testicular gland , dit Thompson, qui a reconnu le premier leur nature et leurs aflinités. Les Peltogaster seraïent-ils donc des crustacés hermaphrodites ? Jusqu'à présent, les lernéens sont tous dioïques, mais la différence entre les sexes est si grande que, si l’on peut considérer la femelle comme un sac à œufs ou une excroissance semblable à une galle, le màle n’est le plus sou- vent qu'un sac à spermatozoïdes greffé sur le corps de la femelle. Il est évident qu’il existe un ovaire sous forme de disque à côté de l'orifice commun et qu'à cet ovaire aboutissent, non deux tubes, comme c’est ordi- nairement le cas, mais plusieurs tubes qui à leur tour se divisent en se ramifiant et se perdent en de fines branches entortillées toutes également remplies d'œufs : ce sont les tubes ovifères qui ne flottent jamais à l'extérieur dans ces parasites. Le Pellogaster du pagure a un ovaire plus allongé formé de bandes pa- rallèles, et les œufs ne sont pas aussi régulièrement logés dans des tubes vi- siblement ramifiés. Quant au mäle ou à un organe mâle, nous n'en avons pas trouvé de traces. Il serait extrémement curieux de suivre pas à pas ce développement ré- current et de connaitre comment , en se dépouillant successivement de tous les attributs de lanimalité, la larve cyclopide devient Sacculina. En attendant que des observations directes viennent combler les lacunes, nous croyons pouvoir nous rendre compte de ces transformations par le sin- gulier genre Wicothoë. Que l’on se figure, en effet, des Vicothoë dont les deux poches s’étendraient tout autour du segment qui leur donne naissance, en d’autres termes, dont le segment tout entier se prolongerait en arrière de manière à envelopper l'abdomen et la queue; il y aura un orifice postérieur d'évacuation , un vé- SUR LES CRUSTACÉS. 117 rilable cloaque d'oiseau; en supposant ensuite que la tête s’allonge comme dans les Lernea branchialis et plonge de la même manière dans les chairs, que les segments en arrière et en avant s’effacent pour ne plus laisser place qu'au segment sexuel, nous aurons une idée de cette transformation sin- gulière d’un animal régulier et symétrique en sac informe et gaine à œufs. Il semblerait au premier abord que ces singuliers crustacés ne doivent plus présenter aucune apparence de mouvement, puisqu'ils sont condamnés à vivre et à mourir comme les plantes qui ont pris racine. Il n’en est pas tout à fait ainsi. En regardant attentivement le Sacculina du crabe surtout, au sortir de l’eau et avant d’avoir perdu de sa vitalité, on voit toute la surface du corps onduler à la manière des vagues de la mer et la forme de l'animal changer notablement sous les yeux de l'observateur, L’orifice lui-même est tantôt au milieu, tantôt sur le côté, et si parfois la surface est toute lisse et unie, on la voit aussi se couvrir de bosses et se rider comme la peau de la main gonflée par le séjour dans l’eau. Nous devons nous attendre à voir bientôt ce groupe de crustacés nota- blement s'enrichir et former une famille à part sous tous les rapports d’une haute importance. Il reste à dévoiler les péripéties des transformations, depuis l’âge em- bryonnaire jusqu’à sa transformation en sac à œufs, et à faire connaitre le sexe mâle ainsi que l’époque et le lieu de la fécondation. PELTOGASTER PAGURI. (Planche XXI.) . Au milieu de nombreux pagures logés dans la coquille du Buccinum un- datum (Pagurus pubescens), nous en avons trouvé deux qui portaient des Pel- togaster : ils avaient été pris le long de la côte par des pécheurs de crevettes. Ces pagures ont vécu une huitaine de jours avec leurs parasites. Ces der- niers sont placés tous les deux vers le tiers antérieur de l'abdomen, sur le côté, à la hauteur de la première paire d’appendices abdominaux. Kroyer en signale sur les Pagurus bernhardus, Paqurus pubescens et Hippolyte pusiola. 118 RECHERCHES Ils ont une forme ovale très-régulière et une couleur rouge qui est due au vitellus des œufs. L'un est complétement adulte, tandis que l'autre est encore en voie de développement. Commençons par le premier. Au point d’adhérence, on voit une plaque étoilée assez irrégulière, chi- tineuse, de couleur brunâtre, qui rappelle complétement la tête des Lernea branchialis. Cette étoile est percée au centre, et il s'établit par elle une com- munication avec la cavité périgastrique du Pagurus. Cette cavité dans le Peltogaster n’a pas d'issue. Sous la plaque étoilée, il y a une autre lamelle chitineuse, assez consis- tante aussi, qui se modifie en peau de l'animal d’une manière insensible. Il faut entamer la peau du pagure ou celle du parasite pour les séparer l'un de lautre. Près de l'extrémité antérieure, on voit à l'extérieur du Peltogaster un orifice assez grand, bordé d'une lèvre circulaire, légèrement frangée, qui fait l'effet d’une bouche. Cet orifice communique avec une large cavité dont tout l'animal ne semble former que les parois. Nous n'avons rien vu dans cette cavité, si ce n’est des œufs qui y étaient tombés à la suite de lincision que nous avions dû faire pour l'ouvrir : c’est absolument un sac. A l'extérieur du sac on voit, à partir de l'orifice dont nous venons de parler, une bande de couleur et d'aspect différents de la masse et dans les parois de laquelle se trouvent ‘des œufs en voie de formation : c’est l'ovaire. On voit ces œufs disposés en bandes transversales. Tout le reste des parois est plein d'œufs contenant des embryons en voie de développement, serrés les uns contre les autres. Ces embryons ont deux paires d'appendices biramés et en arrière deux courts appendices non articulés en forme de sabre. La coque de l'œuf consiste dans une enveloppe très-mince. Thompson et Ose. Schmidt ont vu des embryons plus avancés portant l'œil au front et une épine latérale au bouclier. SUR LES CRUSTACÉS. 119 Le second individu est une femelle plus jeune dans laquelle on distingue encore quelques caractères de la disposition symétrique du jeune âge. Il oceupe sur son hôte la même place que le précédent ; la taille est un peu moins grande; les parois semblent moins consistantes et la surface de la peau est plus unie. Ce parasite adhère comme le premier, mais on voit un rudiment de tête et de cou, et une sorte de collerette sépare même l'extrémité céphalique du thorax , ainsi qu’on peut le voir dans une des figures de la pl. XXI. L'animal semble ensuite courbé sur lui-même, et, près de l'extrémité, en apparence postérieure, on voit deux appendices rudimentaires, dont le supérieur n’est indiqué que par la peau, qui est un peu plus consistante ; elle est en même temps un peu plus blanche. Dans une autre figure, nous avons représenté l'animal détaché ou vu de face et montrant ces mêmes organes disposés avec symétrie. Il n'y a pas encore d'orifice externe dans cet individu. Cet orifice se forme-t-il plus tard quand les œufs sont mürs? C’est probable. Cette femelle est également rouge et renferme des œufs avec des embryons très-rudimentaires. SACCULINA CARCINI. (Planche XX.) On la trouve communément sur le Cancer mœænas. La moitié des crabes pris dans les kateyen à Ostende, pendant le mois d’acüt, portent des Sac- culina. On en voit indistinctement sur les femelles et sur les mäles. Nous en avons trouvé jusqu'à deux réunies sur le même animal. Au mois d'avril, sur cent cinquante crabes de diverses grandeurs et de sexes différents, nous en avons vu quatre sur des femelles et une sur un mâle. Dans ce nombre se trouvait un jeune crabe logeant une Sacculina au tiers de sa croissance, mais qui avait déjà complétement la forme adulte et des œufs dans son intérieur. Les Sacculina se logent sur un grand nombre d’autres décapodes bra- chyures. Cavolini en a trouvé, avons-nous dit, sur les Portunus puber, les Grapsus messor (Granchio spirito des Napolitains) et sur le Cancer arenarius (Granchio piloso des Napolitains , quand ils sont jeunes et adultes Granchio di 120 RECHERCHES Pertugio); Bell en à reconnu sur le Portunus marmoreus ; M. Steenstrup sur le Portunus hirtellus; M. R. Leuckart en a signalé sur l'yas aranea, à Hel- goland, qu'il croit former une espèce nouvelle (Sacculina inflata); M. Carl Semper en a vu sur le Grapsus varius, aux iles Baléares (Palma), et il a bien voulu me communiquer le dessin qu'il a fait sur les lieux; enfin, nous en avons trouvé nous-même sur le Cancer mœnas et sur les Portunus mar- moreus. CÉTOCHILIDÉS. LITTÉRATURE. RoussEL DE VAUzÈME, Description du CÉTocRILUS AUSTRALIS , nouveau genre de crustacé bran- chiopode, ANNALES DES SCIENCES NATURELLES, 1834, sér. 2, vol. I, p. 555. Goopsm, Vew Edinb. phil. Journal, vol. XXXV, p. 559, pl. VI. HISTORIQUE. Roussel de Vauzème, pendant la traversée des iles Tristan d'Acanha au cap Horn, vit la surface de la mer sillonnée de bandes rouges de plusieurs lieux détendue et comme ensanglantées : c'était au mois de février. Ces ban- des rouges, formées de petits crustacés de deux lignes de longueur, annon- cérent aux hommes de l'équipage qu'on arrivait dans le parage des baleines. En effet, c'était leur pâture. Roussel de Vauzème a donné à ces crustacés le nom de Cetochilus australis. Nous avons eu l'occasion d'étudier cette espèce sur des individus que nous avons découverts au milieu des cyames et de tubicinelles provenant d'une baleine australe. Nous avions une petite faune sur un morceau de peau SUR LES CRUSTACÉS. 121 de cet animal. Des cyames de tout âge remplissaient l'orifice du tube des tubicinelles, et, au milieu de ces cyames, étaient logés encore de singuliers Acarus, méconnaissables au premier abord par les longs poils qui les recou- vrent complétement. Ces petits crustacés, que Roussel de Vauzème a trouvés en masse dans la mer Pacifique, sont remarquables par la longueur excessive de leurs antennes. Nous devons ce morceau de peau à l’obligeance extrême de notre illustre confrère et ami Eschricht. Nous avons eu l’occasion d'étudier depuis un cétochile de la mer du Nord, qui n’est pas sans ressemblance avec l'espèce australe, et dont nous allons faire la description. Cette espèce du nord n’est pas nouvelle pour la science, puisqu'elle à été décrite déjà par M. Goodsir, mais plusieurs organes, surtout ceux qui four- nissent des caractères distinctifs, nous semblent demander un examen nou- veau !, Ainsi M. Goodsir prend pour première paire d'antennes, comme, du reste, Roussel de Vauzème l'avait fait également, des appendices qui ont évidemment une autre signification, et, au lieu de cinq paires de pieds-mà- choires, nous trouvons chez eux, sous la carapace céphalique, outre les deux paires d'antennes, une paire de fouets mandibulaires, deux paires de mà- choires et une paire de pieds-mächoires. Roussel de Vauzème ne nous parait pas plus heureux dans sa description. Il admet, sous le premier segment, la bouche avec un labre, deux mandi- bules et une paire de mâchoires. Ces màchoires ne méritent pas ce nom, et il n'existe pas cinq paires de pieds-mâchoires , comme il le pense. Il arrive à ce nombre cinq en comptant comme pieds-màchoires les antennes infé- rieures et les palpes des mandibules. C’est ainsi qu'il donne aux deux pre- mières paires une direction d'avant en arrière et aux autres paires la direc- tion d’arrière en avant, L'histoire de cet animal se rattache directement à l'histoire de la baleine australe. En octobre et en novembre, ces animaux restent cachés dans la profondeur des mers, dit Roussel de Vauzème, mais à l'époque de la ponte, ils paraissent à la surface. Ils sont d'abord tout rouges, puis deviennent ! New Edinb. phil. Journal, vol. XXXV, p. 559, pl. VI. Towe XX XII. ” 122 RECHERCHES jaunes, sans doute après la ponte, et les baleines émigrent vers le nord. M. Goodsir fait mention de bandes rouges semblables sur les côtes d'Écosse (isle of May), formées également de cétochiles qui apparaissent surtout pendant les mois d'été. Cette maidre, comme l'appellent les pêcheurs anglais, attire à cette époque des bancs de poissons (harengs, etc.) et même des cétacés, des dauphins et des rorquals !. Il parait que ces petits crustacés méritent encore l'attention sous un autre apport, et produisent un phénomène que l’on serait peu tenté d'attribuer à des êtres aussi microscopiques : ils nagent avec une rapidité si grande, leurs mouvements sont tellement rapides et incessants que toute la surface de la mer semble venir à la vie. Nous apercevions autour de nous, dit Roussel de lauzème, l'eau de la mer comme en ébullition continuelle par le rapide mouvement des molécules vivantes. Nous citerons aussi les paroles de Goodsir : On one of my occasionnal visits to the isle of May, L'observed that, at a considerable distance from the Island, the sea had a slightly red colour, that this became deeper and deeper as me neared the Island ; and also that the surface of the water presented a very curious appearence, as if à quantity of fine sand were constantly folling on it. Qui sait si, par des causes qui nous échappent, ce n’est pas à la disparition ou à la diminution de cette maidre dans la Manche, que l’on doit l'éloigne- ment des baleines que les Basques y harponnaient depuis le neuvième et le dixième siècle, et qu'Eschricht vient de distinguer comme une espèce nou- velle pour la science, par l'individu qui a échoué, en 1834, à Saint-Sébas- tien ?. CETOCHILUS SEPTENTRIONALIS. (Planche XVIIL) Le corps est distinctement divisé en carapace, thorax et abdomen. La ca- 1 Loc. cit., p. 102. ? Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. XLVII, séance du 12 juillet 18568. — Oversigt Kgl. Danske V.S. fürh, traduit dans Giebel et Heintz Zeitschrift, 1859, t. XH, p. 518. SUR LES CRUSTACÉS. 195 rapace occupe à peu près la place de deux anneaux thoraciques. Elle est obtuse en avant et se termine en dessous, au-devant des antennes, par un double prolongement dermique ou tégumentaire qu’on a pris à tort pour des antennes. Ces organes ne contiennent rien dans leur intérieur et ne sont pas plus articulés que les soies qui garnissent quelquefois le thorax ou les autres segments. On voit en avant un œil au milieu du céphalothorax. Ce n'est toutefois qu’en hésitant que nous aflirmons ce fait contrairement à nos devanciers, qui ont peut-être eu de meilleures occasions que nous d'étudier des animaux frais. Cette région céphalique, unique en dessus, se divise nettement en dessous en plusieurs segments dont il importe de tenir compte pour la détermination des appendices. On voit d’abord un segment distinet pour les antennules, puis un second segment pour les antennes, et c’est le bord de ce dernier segment qui se transforme en labre. Le troisième somite correspond au protognathe avec les palpes, et derrière celui-ci, on en voit encore trois autres correspon- dre aux mâchoires et au pied-mächoires. Nous avons donc distinctement six somites dans la région céphalique, dont les deux antérieurs sont antennaires. Nous croyons que cette disposition , bien claire ici, pourra jeter quelque jour sur la composition du squelette tégumentaire. La carapace est suivie de cinq somites thoraciques qui diminuent , d'avant en arrière, en hauteur comme en largeur. Ils se séparent facilement entre eux. [ls portent chacun une paire de pattes biramées. Le dernier segment est fortement échancré en arrière pour donner la liberté de mouvement à l'abdomen. On distingue à travers le tégument plusieurs cordons museu- laires qui passent directement des derniers somites thoraciques à la région de la carapace. Chaque segment présente sur le côté un double cordon festonné. L’abdomen se compose de quatre somites proportionnellement étroits et dont le second est le plus long. Ils sont plus mobiles que ceux du thorax. Le dernier somite ou le quatrième porte une double lamelle caudale, et chaque lamelle est garnie, au bord libre, de cinq soies très-longues, fortes et plumeuses. Il en résulte que l'abdomen est bifurqué en arrière. Passons à la description des appendices. 124 RECHERCHES I existe d’abord une paire d’antennules , excessivement développées, dé- passant la longueur du corps, plus grosses que les appendices les plus forts et montrant vingt-quatre articles dans leur longueur. Ces divers articles ont des soies, mais ce sont surtout les deux avant-derniers qui portent des soies tellement fortes qu'on peut à peine les désigner sous ce nom. En effet, on dirait que cet appendice se divise en trois branches. Ces soies ont à peu près la moitié de la grosseur de l'article dont elles naissent et mesurent Ja lon- gueur de plusieurs de ces organes. L'article terminal porte aussi plusieurs soies au bout. On aperçoit très-bien les faisceaux musculaires dans l’intérieur des an- tennes, et on voit clairement deux rubans assez gros au milieu d'eux et sur le côté deux rubans moins développés. Les uns et les autres montrent fort distinctement les fibres transverses. Il est à remarquer que les antennules dont parlent les auteurs ne sont à nos yeux que des prolongements de la partie frontale de la carapace. Au lieu d'un bec unique et médian, comme dans plusieurs crustacés, il y a un double prolongement flexible du tégument. Ce ne sont pas des appendices, ni par leur situation ni par leur structure anatomique. La seconde paire d’appendices, ou les antennes, sont biramées ; elles sont situées en arrière et un peu en dehors des antennules ; elles ont à peu près la longueur des pattes et présentent aussi les mêmes mouvements. Ces an- tennes portent de longues soies plumeuses sur leur article basilaire et des soies plumeuses plus longues encore sur l'article terminal. Ces dernières atteignent jusqu'aux premières paires de pattes, en passant au-dessus de tous les autres appendices buccaux. Après les antennes, on voit les protognathes, qui sont très-fortes et qui portent chacune une palpe biramée. Cet appendice est semblable en tout aux antennes précédentes, mais il est plus petit. Outre l’article basilaire unique, il y a deux articles soyeux et garnis au bout également de longues soies. Les mandibules elles-mêmes sont assez longues, fortes et étendues en éventail à l'orifice de la bouche. Le bout de l'éventail est formé par des dents solides. C'est en comptant les antennes et les palpes mandibulaires avec les mà- choires et la patte-màchoire qu'on arrive à cinq paires de pieds-mâchoires, SUR LES CRUSTACÉS. 195 nombre évidemment faux et qui doit induire en erreur tous ceux qui vou- draient assigner à ces crustacés leur véritable place. La première paire de mâchoires, ou deutognathes, consiste en un appen- dice très-large présentant une assez grande complication. On voit en dehors une pièce à trois bouts libres, terminés tous les trois par des soies fortes, surtout le bout externe. Une quatrième lamelle, plus large que les autres, est garnie de même sur son bord libre de soies assez longues. Les soies de la la- melle externe sont courtes et fortes. Goodsir a comparé cet organe à une main dont les doigts porteraient de nombreuses et longues soies. Roussel de Vauzème en a donné une figure qui est loin de représenter exactement cette singulière formation. La seconde paire de mâchoires est plus difficile à voir en place. Elle recou- vre la base de la précédente et elle est comparativement moins développée. Elle est aussi moins large et moins compliquée. Il existe une pièce basilaire et des pièces terminales, dont la plus large a le bord libre formé de cré- neaux, au nombre de cinq. Le bout seul des cinq éminences digitiformes porte des soies plumeuses. La patte-mâchoire est grande et presque aussi forte que les pattes elles- mêmes. On voit distinctement, indépendamment de la pièce basilaire, deux longs articles assez bien proportionnés, suivis de trois articles à soies plu- meuses à peu près également développés, et tous les trois beaucoup plus courts que les précédents. Le terminal est le plus long des trois. De fortes et longues soies garnissent le bord et le sommet. Il y a cinq paires de pattes ayant la même direction d'avant en arrière; elles sont composées de même et toutes biramées. La paire antérieure seule est un peu plus courte que les autres. Chaque patte ou péréiopode est formée d’une première pièce basilaire assez grande et armée d’une très-forte épine, qui est suivie d’un second article assez long et fort, puis d’un troisième très-court. Ce dernier est également armé d’une épine. Ces pattes sont biramées. La branche principale est formée de trois articles très-solides qui portent chacun une épine sur le bord ex- terne. Au bout du dernier article, on voit une soie plus forte que les autres et sur son bord interne plusieurs soies plumeuses régulièrement espacées. 126 RECHERCHES L'autre branche est formée de trois pièces plus courtes et moins solides, qui sont garnies surtout de soies plumeuses à leur extrémité libre : la pièce ter- minale est la plus longue. Ces pattes sont au fond conformées de la même manière dans les deux espèces de cétochiles, sauf quelques légères différences dans la disposition des épines,. La bouche est située à peu près vers la moitié de la hauteur du thorax. Entre chaque paire d’appendices, on voit très-bien les jointures des segments. Le bord inférieur du deuxième segment s'échancre sur le côté et montre sur la ligne médiane une lamelle régulièrement arrondie comme une lèvre supé- rieure : on dirait un bec dans les broderies des dames. C'est bien la lèvre supérieure, qui n’est pas un appendice distinct, mais une dépendance du segment antennaire. Le troisième segment thoracique est fendu sur la ligne médiane pour for- mer l'orifice de la bouche. Cet orifice est fort étroit. A droite et à gauche, on voit les lamelles, les dentelures des mandibules et un peu en dehors deux lobules entre lesquels on distingue une petite lamelle en forme de V pour représenter la lèvre inférieure. Ce sont ces deux lobules que Roussel de Vauzème a pris pour des mâchoires. CALIGIDÉS. HISTORIQUE. Nous avons déjà publié des observations sur plusieurs genres de cette fa- mille, dans les Bulletins de l'Académie royale de Belgique et dans les Annales des sciences naturelles. Nous consignons ici quelques remarques sur un animal qui nous à paru nouveau et pour lequel nous avons dû former une nouvelle coupe générique. SUR LES CRUSTACÉS. ] NO “I GENRE CALIGINA, Van Ben. Nous avons créé ce genre pour un crustacé peltocéphale, vivant sur la peau d'une jeune sole, de six lignes de longueur seulement et qui se fait remarquer, au milieu de tous ces parasites, par l'élégance et la régularité de sa forme. Cette jeune sole vivait dans une flaque d’eau pendant la marée basse, et logeait, indépendamment de cette caligine, deux distomes encore enkystés dans son intestin, qui provenaient probablement des cétochiles qu'elle venait d'avaler, et un singulier rotifère vivait, en outre, à l'extérieur. A cause de son séjour, nous désignons ce crustacé sous le nom de CALIGINA SOLEÆ, Van Ben. La tête, au lieu d’avoir la forme d’un bouclier, ressemble plutôt à une cuiller allongée un peu effilée en avant et régulièrement arrondie. En ar- rière , elle est large et tronquée. Sa surface est lisse et unie. Vers le milieu, à une assez notable distance du bord libre frontal, on aperçoit une grande tache de pigment symétrique, concave en arrière, tronquée en avant et légèrement creusée sur le côté portant à droite et à gauche, au milieu de cette excavation latérale , un globule solide et transpa- rent comme un véritable cristallin : ce sont les yeux qui se sont ainsi fondus l’un dans l’autre sur la ligne médiané, tout en conservant cependant encore chacun son appareil optique. Le thorax est formé de deux segments nettement séparés en dessus et en dessous et portant chacun une paire d’appendices biramés. [ls ont des ta- ches de pigment en arborescence. Le segment abdominal, à peu près de la longueur du thorax, montre une échancrure rudimentaire en avant sur le côté, et se termine en arrière par deux lobes portant chacun quatre fortes soies. Ce segment est également veiné de pigment brunâtre. , Les antennes sont robustes, à peine eflilées à leur sommet et sont garnies de fortes soies sur leur bord antérieur, surtout au sommet. La première paire de pieds-mâchoires est située fort en avant et recou- vre la base des antennes ; ces pieds-mächoires sont terminés en pince très- 128 RECHERCHES solide, dont deux articles dépassent le bord antérieur du bouclier céphalique. La troisième paire, sans être aussi forte, conserve encore une certaine importance : les deux articles terminaux sont de longueur égale, replient l'un sur l'autre en formant également pince, et le dernier se termine en pointe légèrement recourbée. Il y a quatre pattes thoraciques biramées toutes semblables, les deux an- térieures insérées en arrière sous le segment céphalique, les deux posté- rieures implantées dans leur segment propre. Chaque article terminal porte trois ou quatre fortes soies à son extrémité libre. On aperçoit le canal digestif à travers les parois; il est très-contractile et plein de boulettes d’une teinte verdâtre. Ce genre nous semble devoir prendre place entre les frébies et les no- qJaques. LES PANDARIDÉS. GENRE LOEMARGUS. LITTÉRATURE. H. Knoyer, Naturhistorisk Tidskrift, vol. 1, 1837, p. 587. Mizxe Enwanps, Hist. nat. de crustacés, vol. IT, pag. 474. Van per Horvex, Mém. d’entomol., publiés par la Soc. entom. des Pays-Bas, vol. I, p. 67. HISTORIQUE. Ce genre a été créé par Kroyer, en 1837, d'après des crustacés recueillis par le docteur Sommerfeldt sur l'Orthagoriscus mola. SUR LES CRUSTACÉS. 129 On n’en connait pas d’une autre origine, et tous les exemplaires mentionnés jusqu’à présent proviennent, si je ne me trompe, de cette même récolte faite par le docteur Sommerfeldt. Tous ceux que l’on possède ont donc passé par le mu- sée de Copenhague. LOEMARGUS MURICATUS , Kr. (Planche XIX, fig. 1-4.) Ce genre, qui n’est pas sans analogie avec les cécrops, a été établi surtout parce que la femelle n’a pas la seconde paire de pieds plus grande que le mâle et que cette seconde paire est chéliforme. Quoique nous n’ayons pas observé ce caractère, ni sur nos cécrops, ni sur ceux qui sont déposés au muséum de Paris, nous croyons toutefois que le genre mérite d’être conservé. Nous faisons mention de ce crustacé, non parce que nous l’avons observé vivant, mais parce qu'il habite la cavité branchiale du poisson-lune, qui visite nos côtes, et que nous en avions fait une étude lors de la publication de notre notice sur le cécrops. Depuis J. Van der Hoeven a fait un intéressant mémoire sur ces deux beaux genres !, et si notre travail n’était pas terminé, nous nous serions dispensé d'en parler après lui. Voici le résultat de nos observations : Comme les cécrops, les Loemargus ont des lames frontales avec des an- tennes sur le côté, mais, au lieu de deux articles, on en compte trois; l'article basilaire, qui est très-grand, est inséré un peu en dessous. Les trois paires de pieds-mächoires sont assez semblables, sauf quelques légères différences dans le contour; mais le suçoir est beaucoup plus volumi- neux, et les palpes , au contraire, sont plus petites et insérées sur sa longueur. Le céphalothorax est plus large que long, divisé en régions et haussé de boucles symétriquement éparpillées. Le bord est dentelé. Les deux premiers anneaux thoraciques sont séparés l’un de l’autre en dessus et en dessous et portent chacun une paire de pattes visibles du côté du dos. Les cécrops ont ces anneaux et les pattes logées en arrière et au- dessous du céphalothorax. ! Over Cecrops en Loewarcus, twee geslachten van parasitische schaaldieren, MÉMOIRES D'EN- TOMOLOGIE PUBLIÉS PAR LA SOC. ENTOM. DES Pays-Bas, I, p. 67. Tome XXXIII. 17 150 RECHERCHES Les deux derniers anneaux thoraciques portent, en dessus, chacun une grande lamelle en forme d'élytre, qui recouvre toute la partie postérieure du corps et qui donne un singulier aspect à ces parasites. Cette lamelle élytroïde est dentelée sur le bord comme le céphalothorax. Dans une des deux femelles, la plus adulte, j'ai trouvé un spermatophore en place à la face supérieure de l'abdomen, immédiatement en arrière de la quatrième paire de pattes. Le siphon buccal est fort grand , unique, assez large à la base, et porte sur son trajet les deux palpes qui, dans le genre cécrops, sont situées au pied. Il y a une grande lèvre fendue dans sa longueur, spatulée au bout et hérissée de petites pointes sur le bord libre. Deux longues mandibules sont insérées entre la lèvre et le cône buccal : elles sont dentelées en scie au bout. Le cône buccal proprement dit est renflé légèrement au bout, se termine comme un goupillon et porte de deux côtés un petit tubercule soyeux. Au- dessous du tubercule, on voit, à droite et à gauche , une épine longue comme le diamètre du cône à cette hauteur. Les palpes sont formées de deux pièces articulées; la première, grande, de forme triangulaire et portant sur une éminence antérieure deux ou trois épines; le dernier article est très-court et se termine en pointe arrondie. LES LERNÉADÉS. LERNEA BRANCHIALIS. (Planche XIX, fig. 5-12.) LERNEA BRaNCHIALIS, Lin., Syst. Natur. — GaniNa, Müller, Zoo. Dan., pl. CXVIIT, p. 4. — Ence. méth., pl. LXXVIT, fig. 2. LerNeocera BraNCHauIS, De Blainville, Journal de physique, tom. XCV, pag. 576, fig. 2, et Dict. scienc. nat. LERNEA BRaNGHIALIS, Guérin, Zconographie du règne animal, Zoors., pl. IX, fig. 1. SUR LES CRUSTACÉS. 151 Sur les branchies, ou plutôt sur les arcs branchiaux du Gadus morrhuu. Des individus en tout semblables mais plus petits habitent les branchies du Gadus barbatus. | La longueur totale est de 40 à 50". Le cou avec les cornes a 25" de long. Les tubes ovifères , au lieu d’être droits et flottants, sont entortillés très- irrégulièrement sur eux-mêmes et forment deux pelottes assez volumineuses logées en partie dans une excavation formée par le corps. Le cou est long, grêle, corné, peu flexible et terminé en avant par trois cornes rameuses enchâässées dans les os des arcs : c’est ce qui rend ces para- sites difficiles à obtenir entiers. Le corps est assez large, recourbé en forme d'S. Les tubes ovifères ne sont point attachés au bout. Ce parasite n’est pas rare. Un des lernéens les plus singuliers par la forme, par la taille et par le genre de vie, est ce Lernea branchialis, qui envahit les ares branchiaux de différentes espèces de gades (Gadus morrhua, Gadus aeglefinus, Gadus bar- batus, Gadus merlangus) , de callionymes, etc. On croirait que le crustacé est une portion de l’are osseux dégénéré, telle- ment la tête et le cou sont solidement soudés dans la substance osseuse du poisson. Ces poissons sont envahis de bonne heure par ces hôtes incommodes : dans un Gadus morrhua, qui n’a pas plus de quinze centimètres de longueur, l'are branchial portait un Lernea branchialis adulte dont les replis des tubes ovifères étaient déjà pleins d'œufs. Jusqu'à présent, on ne connaissait que des femelles adultes entièrement déformées dans lesquelles on ne voit plus aucun des caractères du jeune âge. Nous avons eu le bonheur de trouver un individu femelle en cours de déve- loppement et dont les pièces de la bouche étaient encore très-reconnaissables. Voici ce que nous avons écrit sur ce parasite : À la surface interne d’un opercule de callionyme de deux pouces de long, nous avons trouvé une lernée très-intéressante montrant la forme transitoire entre le jeune crustacé symétrique nageant librement dans l’eau et la lernée a 152 RECHERCHES SUR LES CRUSTACÉS. bizarre et contournée, qui ne ressemble plus guère à une forme animale régulière. Voici dans quelles conditions elle se trouvait : La tête était déjà profondément engagée dans les os de l’opercule, et ce n'est pas sans peine que nous avons réussi à dégager le parasite sans le mutiler. Le corps est allongé, arrondi, présentant vers le milieu une courbure qui augmente avec l’âge et qui lui donne cet aspect particulier. Il est seulement un peu plus mince à l'extrémité caudale. Tous les caractères du jeune âge se retrouvent encore. À la tête, on voit encore l'œil au milieu du front, et on distingue deux énormes pinces qui seront sans usage, comme l'œil, du moment que l'animal sera définitivement fixé. En regardant la tête de profil, on voit un prolongement en forme de casque semblable aux tubérosités qui recouvrent le bec des Buceros parmi les oiseaux. Immédiatement derrière la région céphalique, on aperçoit quatre paires d'appendices également développés, légèrement contournés vers leur sommet et qui portent sur leur article terminal des filaments soyeux indispensables pendant la vie vagabonde. La région thoracique ne diffère de la suivante que par la présence des appendices. L'extrémité caudale est terminée par deux lobes garnis également de soies, mais qui n'ont probablement plus leur largeur primitive. C’est l'espèce qui est peut-être la plus anciennement connue, la plus facile à distinguer par la bizarrerie de sa forme et qui se fait remarquer, en outre, par sa forte taille. C’est à peine si l’on prend cet organisme pour un animal, lorsqu'on le voit pour la première fois ‘. 1! Une notice intéressante vient de paraitre, pendant la correction de ces épreuves, sur cette famille de lernéens, sous le titre de Ueber die Familie der Lernæen; par le professeur C. Claus, dans les Würzburger naturwissenschaftl. Zeitschrift, 1 Band, 1861. SECONDE PARTIE. CRUSTACÉS OBSERVÉS SUR LE LITTORAL DE LA BELGIQUE. 1. CoRYsTE DENTÉ. — Corysles dentutus, Latr. Conysre DenTÉ.— Diction. sc. nalur., Crusracés, pl. IL, fig. 2.— Pennant, Brit. zool., tom. IV, pl. VII. On le trouve dans les grandes profondeurs. Rarement on en voit des dé- bris sur la plage. 2, PLATYONIQUE LATIPÈDE. — Platyonichus latipes, Penn. PLaryoniQue LaTIPÈDE. — Règne animal illustré, pl. VIT, fig. 5. Porrumnus vARIEGATUS. — Leach, Malac., pl. IV. On le trouve quelquefois sur la plage. 3. CARCIN MOENADE. — Carcinus moenas. CancINUS MOENAS. — Baster, Op. subs. 2, pl. IT, fig. 19. C'est l'espèce la plus commune sur nos côtes. Ces crabes se logent surtout entre les pierres. On les mange principalement pendant l'été. Quand ils sont 154 RECHERCHES jeunes, la carapace est bien marquée de taches noires et quelquefois brunes. Les femelles ont toujours la carapace molle ou le tégument tendre pen- dant l'accouplement. J'avais un mâle depuis plusieurs jours dans un aqua- rium; j'y plaçai une femelle à carapace molle, et au bout d'un quart d'heure l'accouplement avait lieu. Le surlendemain, ils étaient encore dans la même situation. On trouve sur la carapace des tubulaires, des balanes, des Laguncula et sous l'abdomen très-souvent des Sacculina où Peliogaster. Les femelles portent environ deux cent mille œufs, et il n'est pas rare de trouver au milieu d'eux le joli némertien tubicole, si intéressant pour Phis- toire du développement de ce ver, connu sous le nom de Polia involuta. On peut conserver ce crabe avec son némertien en vie assez longtemps hors de l’eau ou dans une petite quantité d’eau de mer. Nous en avons tenu ainsi pendant plusieurs mois dans un bocal placé dans la cave. 4. PORTUNE ÉTRILLE, — Portunus puber, Linn. PORTUNE ÉTRILLE. — Dict. se. natur., Crusracés, Malac., pl. V, fig. 1. Cette espèce n’est pas rare, mais on ne la trouve pas souvent sur la plage. 5. PORTUNE MARBRÉ. — Portunus marmoreus, Leach. PARTUNUS MARMOREUS, — Leach, Diction. se. natur., Cnusracés, Malac., pl. V, fig. 2. Cette espèce n’est pas très-rare. 6. PORTUNE HOLSATIEN. — Portunus holsatus. Pourunus Livinus. — Leach, Malac., pl. IX, fig. 5 et 4. SLABBEREYN, en ostendais. Cette espèce est plus commune encore à Ostende que le carcin mœnade, On ne la mange pas. On en prend en quantité considérable dans les filets SUR LES CRUSTACÉS, 155 pendant la pêche des crevettes. Ces crabes ne quittent pas l'eau comme l'es- pêce dont nous venons de parler. Nous avons trouvé aussi des Sacculina sous son abdomen, mais on trouve rarement d’autres animaux implantés sur sa carapace. 7. PORTUNE NAIN. — Portunus pusilus. Porruxus pusiLus. — Leach, HMalac., pl. IX, fig. 5 à 8. Cette petite espèce n’est pas commune. 8. CRABE TOURTEAU. — Cancer pagurus, Linn. Cancer paGuRus. — Diction. sc. natur., Crustacés, Maluc., pl. VIIL, fig. 1. C’est la grande espèce de crabe que les pêcheurs au poisson frais trou- vent dans leurs filets, quand la drague passe, dans un endroit rocailleux , à une certaine profondeur. On n’en voit jamais sur la côte. La carapace du mâle atteint une dimension assez grande. La femelle reste toujours plus petite. La chair de cette espèce est très-estimée. On trouve souvent sur la carapace des anomies, des serpules, des alcyons et quelquefois des tubulaires. 9. LirHoDE ARCTIQUE. — Lithodes arctica , Lamk. Liruopes Mmaia. — Leach, Malac. Brit., pl. XXIV. À de longs intervalles, nous avons vu quelques individus de cette belle et curieuse espèce. 10. PINNOTHÈRE pois. — Pinnotheres pisum. Pixnotueres pisum. — Baster, Opus. subs., tab. IV, fig. 4 et 2. Ce petit crabe vit dans les moules. Il n’est pas rare. C’est à tort qu'on lui a attribué les accidents que produisent quelquefois ces mollusques. 156 RECHERCHES A1. PINNOTHÈRE DES MODIOLES. — Pinnotheres modioli, Van Ben. Nous n'avons presque jamais ouvert des modioles sans trouver un couple de ces crabes dans la coquille. La femelle devient grande comme une noisette. 12. Mara SQUINADE. — Maia squinado. Mara SQuINADE. — Encylop., pl. CCLXX VII, fig. 4 et 2. Zeexosse, en flamand, d'après Seba. On ne le voit qu'accidentellement sur nos côtes. 43. PISE ARMÉE. — Pisa armata. Mara courTEeux. — Blainville, Faune, pl. Xs, fig. 1. Nous en avons reçu un exemplaire de nos côtes en 1850. 14. HYADE ARAIGNÉE, — Ayas aranea, Linn. Hyas ARANEUS. — Leach, Malac., pl. XXI, a. On ne le trouve qu'à de certaines profondeurs, mais là il se rencontre en abondance. 15. HYADE CONTRACTÉE. — Ayas coarctata. Hyas coarcTATA. — Leach, Malac., pl. XXI, b. Nous en avons observé dans les mêmes conditions que l'espèce précédente. Elle est commune. 16. Ixacus scorpion. — /nachus scorpio, Fabr. Ixacaus scorpion. — Latr., Encyclop. méth., pl. CCLXXXT, fig. 5, copiée de Pennant. On trouve cette espèce en abondance à de certaines profondeurs. SUR LES CRUSTACÉS. 157 17. STÉNORHYNQUE FAUCHEUR. — Stenorhynchus phalangium, Penn. STÉNORHYNQUE FAUCHEUR. — Latr., Enc. méth., pl. CCLXXVIIT, fig. 2, copiée d'après Pennant. Très-commun dans les régions profondes. 18. STÉNORHYNQUE LONGIROSTRE. — S{enorhynchus longirostris, Fabr. Macroropia rENuIROSTRIS. — Leach, Malac. Brit, pl. XXII, fig. 1-5.— Blainville, Faune fran- caise, pl. VIIL, fig. 1. Cette espèce habite en abondance les régions profondes. 19. ÉBaue DE BrAyER. — Epalia Brayerii, Leach. Enauia Brayeri. — Leach, Zool. miscel., vol. HI, p. 20, et Malac. Brit., pl. XXV, fig. 12-15. o Ce joli petit crabe se trouve souvent sur la coquille de Phuitre pied-de- cheval ; ainsi il habite les régions profondes. 90. ÉBaLtE DE CRANcH. — Ebalia Cranchii. . Esauia Crancan. — Leach, Malac. Brit., pl. XX, fig. 7-11. Cette espèce, un peu plus grande que la première, vit dans les mêmes conditions. 91, ÉBALIE DE PENNANT. — Æbalia Pennantii. Egazia PexnanrTu. — Leach, Malac. Brit., pl. XXV, fig. 1-6. On le trouve avec les deux espèces précédentes. Tome XXXIIL. 18 158 RECHERCHES 22, PILUMNE SPINIFÈRE. — Pilumnus spinifer. PILUMNE SPINIFÈRE. — Savigny, Égypte, pl. V, fig. 4. Ce crabe, long d’un pouce, a été pris quelquefois sur nos côtes. 23. PORCELLANE LONGICORNE. — Porcellana longicornis. PORCELLANE LONGICORNE. — Latr., Enc. méthod., pl. CCLXXV, fig. 5, copiée d'après Pennant. Ce crabe, long de quelques lignes seulement, est assez commun sur nos côtes. 24. PAGURE BERNARD. — Pagurus bernhardus, Linn. PAGuRE BERNARD. — Lin., Règne animal illustré, pl. XLIV, fig. 2. KokerLors, en flamand. Cette espèce est fort commune. A l’état adulte, on la trouve toujours dans la coquille du Buccinum undatum , et souvent dans la même coquille, à côté du crustacé, on voit la Wereis bilineata, pendant qu'il porte sur l'abdomen le Peltogaster paguri, et dans celui-ci le Liriope pygmea. La coquille est presque toujours couverte d’hydractinies vivantes ou mortes. La chair des pagures est fort délicate. Les pagures sont extraordinairement abondants dans la mer du Nord, à une profondeur de soixante à cent brasses. Quelques poissons plagiostomes, surtout le Scillium canicula, en ont ordinairement leur estomac rempli. Aux îles Cocos, Kuhl et Van Hasselt ont vu, comme Bosc en Amérique, les pagures non-seulement vivre sur le rivage, mais sortir de l'eau, grimper sur les arbres et détruire les œufs et les jeunes oiseaux dans leur nid ?. ! Konst- en Letterbode , 1822, n° 6, p. 82. SUR LES CRUSTACÉS. 159 25. GALATHÉE STRIÉE. — Galathea strigosa. GazaTuée sTRIÉE. — Règne animal illustré, Crusracés, pl. XLVIT, fig. 1. On trouve encore de temps en temps cette jolie espèce, mais seulement dans les régions les plus profondes. 26. HomarD commun. — Homarus vulgaris. Homarus vuLéaris. — Pennant, Brit. Zool., tom. IV, pl. X, fig. 21. KreerT, en flamand. Cette espèce ne se trouve qu’accidentellement dans nos parages. Il lui faut une eau limpide et un fond rocailleux. On la trouve en abondance sur les côtes du Calvados, de la Bretagne, de l'Écosse et surtout de la Norwége. Les branchies nourrissent toujours en abondance des Micothoë astact. Entre les œufs sous l'abdomen, on trouve en non moins grande abondance les singuliers Histriobdella que nous avons décrits dans les Bulletins de l'Académie de Belgique 1. La carapace se recouvre aussi quelquefois d’une grande quantité de spirorbes et d’anomies. 27. NÉPHROPS NORWÉGIEN. — Nephrops norvegicus. Néparops NORWÉGIEN. — Guérin, Zconogr., Crusracés, pl. XIX, fig. 1. De temps en temps, on nous apporte des individus isolés de cette belle espèce, qui s'étend de la côté de Norwége au fond de l’Adriatique. 28. CRANGON COMMUN. — Crangon vulgaris. CRANGON vuLGaRIS. — Baster, Opusc. subs., IL, p. 41, pl. LIT, fig. 1-%. GrernazrT, en flamand. On en pêche, pendant toute l’année, le long de nos côtes et dans l'Escaut , et toujours on les trouve avec la même abondance. Ils se tiennent de préfé- ! Tome V, 2% série. 140 RECHERCHES rence tout près des lieux où les vagues viennent expirer, surtout quand la mer est calme. Ils s’éloignent quand les vagues s'élèvent. Ce sont ces crus- tacés qui tiennent, le long de nos côtes, l’eau de mer dans un état de pureté convenable, en dévorant, comme les vautours dans les pays chauds, tout adavre où débris de chair qui menace d'entrer en décomposition. 29. HippozyTE DE CRANCH. — Hippolyte Cranchii. Hippoyre Crancun. — Leach, Malac. Brit., tab. XXX VII, fig. 17-24. Ce crustacé vient des régions profondes. Il n’est pas commun. 30. PALÉMON SERRÉ. — Palemon serratus. PALEMON SERRATUS. — Pennant, Brit. Zool., tom. IV, pl. XVI, fig. 28. STEURKRAB, en flamand. On en trouve au milieu des crangons, mais il faut les chercher surtout dans les flaques d’eau de mer ou dans le réservoir des huitrières. On en prend beaucoup dans l'Escaut. Ce crustacé bouilli a une couleur rosée, et sa chair est plus ferme que celle des crangons. Sur certaines côtes de France, il n’y a presque pas un individu qui ne porte un bopyre sur ses branchies. Nous n’en avons jamais trouvé sur les branchies des palémons de nos côtes. 31. PALEMON SQUILLE. — Palemon squilla. PALEMON SQuILLA. — Baster, Opus. subs., pl. II, fig. 5. On ne le distingue pas de l'espèce précédente comme objet de consomma- tion ; il se vend également sous le nom de steurkrab. Cette espèce est moins commune. CS un SUR LES CRUSTACÉS. I 32, PALÉMON VARIABLE. — Palemon varians. PALEMON varians. — Leach, Malac. Brit., pl. XLHI, fig. 14-16. Cette espèce est aussi confondue sous le même nom avec les deux espèces précédentes. On la trouve dans les mêmes conditions. 33. MYsis CAMÉLÉON. — Mysis chamaeleo. (Planche IL.) Cette espèce vit en abondance, pendant l'été, dans les pares aux huitres à Ostende, au milieu des crangons et des palémons. Ils sautent avec facilité à une assez grande hauteur hors de l’eau. Si l’on en place de vivants dans un bocal, on les voit bientôt collés aux parois du verre. 34. Mysis FERRUGINEUX. — Mysis ferruginea, Van Ben. (Planche VI, fig. 4-12.) Nous avons distingué cette espèce pour la première fois en 1859. Nous la trouvons depuis en abondance mélée aux autres espèces, ainsi qu'aux Podopsis. C’est avec ces derniers qu'on peut facilement les confondre, si lon ne fait attention au podophthalme. 35. Mysis saint. — Mysis sancta, Van Ben. (Planche VI, fig. 1-5.) Nous n'avons encore trouvé, ou plutôt distingué, qu’un seul individu, et c'est un mâle. Il diffère assez des autres pour justifier l'établissement d'un genre nouveau. 36. Mysis commun. — Mysis vulgaris. (Planche 1.) On trouve cette seconde espèce dans les mêmes conditions que la première. 142 RECHERCHES 37. Popopsis DE SLABBER. — Podopsis Slabberi, Van Ben. (Planche VII.) Ce petit crustacé, si remarquable par la longueur de ses podophthalmes, a le corps souvent si transparent dans l’eau, qu’on ne le distingue que par les pédoncules oculaires. Pendant l'été, ces crustacés sont très-abondants sur nos côtes et s’intro- duisent en masse dans les parcs aux huitres. 38. LEUCON CERCAIRE. — Leucon cercaria, Van Ben. (Planche XIV.) Cette espèce, qui mesure seulement trois millimètres, vit le long de nos côtes ; nous en avons péché au petit filet. 39, CuME DE RATHKE. — Cuma Rathkii, Kr. (Planche XII.) L'individu unique qui nous a servi dans ces recherches nous le devons à la générosité de M. Eschricht. 40, BoDOTRIE DE GoopsiR. — Bodotria Goodsirii, Van Ben. (Planche XIII.) Nous l'avons péché au petit filet pendant l'été, à Ostende. 41. ANCÉE MARINE. — Anceus marinus. (Planche XVI.) ANCEUS MARINUS. — Slabber, Natuurkundige Verlustigingen, pl. IX, fig. 1-2. (Larve.) Nous avons pris des larves { Praniza) et des adultes en pleine mer dans le petit filet. ESS Ll SUR LES CRUSTACÉS. 1 Lo 42, IDOTÉE LINÉAIRE. — Idotea linearis, Penn. Oniscus ENTOMON. — Baster, Opusc. subs., tom. Il, pl. XIII, fig. 2. On le trouve assez communément dans les touffes de sertulaires. 43. Tanaïs DE DuLonG. — Tanais Dulongii, Say. Tanaïs DuLONGI. — Van Ben., Motice sur la tortue franche, Buzer. Acap. ROY. DE BELGIQUE, 2° série, tom. VI, n° 1, pl. I, fig. 1-8. Nous en avons trouvé plusieurs exemplaires sur la carapace d’une chélonée mydas, qui est venue échouer à Klemskerke près d'Ostende. 2 44. SLABBÉRINE AGATE. — Slabberina agata, Van Ben. (Planche XV.) Omscus. — Slabber, Natuurkundige Verlustigingen, tom. XVII, pl. XVI, fig. 1 et 2. Ce joli crustacé n’est pas rare. On le trouve communément, à marée basse, dans les flaques d’eau et nageant à la manière des coléoptères aquatiques. 45. ÆGA ENTAILLÉE. — Æqa emarginatu. ÆGA EMARGINATA. — Pennant, Brit. zool., vol. IV, pl. XVII, fig. 1. Nous avons trouvé ce crustacé en abondance dans l'estomac du Scémnus glacialis. 46. NÉROCILE A DEUX RAIES. — ÂVerocila bivittata. NéRoOcILE À DEUX RAIES. — Milne Edwards, Règne animal illustré, Crustacés, pl. LAVE, fig. 5. Nous l'avons trouvé sur le corps de la Sciena aquila. Nous avons reçu quel- 144 RECHERCHES ques individus, pris à Blankenberghe sur divers poissons, d’après ce qu'on nous à assuré. 4T. LYGIE OCÉANIQUE. — Lyqia oceanica , Linn. Omiscus aquaricus. — Baster, Opusce. subs., tom. IT, pl. XIE, fig. #. Cette espèce est abondante partout entre les pierres des écluses ou la maçonnerie dont le pied baigne dans l’eau. 48. TALITRE SAUTEUSE. — T'alitrus saltator. Oxiscus LOCUSTA. — Pallas, Spic. Zool., fase. IX, tab. IV, fig. 7. On trouve cette espèce en abondance sur la plage. 49. ORCHESTIE LITTORALE. — Orchestia littorea. , ORCHESTIA LITTOREA. — Baster, Opusc. subs., pl. IL, fig. 7 et 8. Cette espèce est fort commune sur nos côtes. DO. CREVETTE LOCUSTE. — Gammarus locusla. Gawwarus Locusra. — Milne Edwards, Æist. nat., Crustacés, vol. IT, p. #4. Cette espèce est três-commune sur nos côtes. On la trouve en abondance dans les flaques d’eau et sur le sable. C'est dans cette espèce, si je ne me trompe, que j'ai trouvé les kystes de l'Echinobothrium typus, et c'est elle qui sert principalement de première nourriture aux raies après leur éclosion. 31. LYSIANASSE ATLANTIQUE. — Lysianassa atlantica , Edw.? LYSIANASSA ATLANTICA. — Milne Edwards, Hist. nat., Crustacés, vol. IIT, pag. 22. Nous l'avons trouvé souvent dans l'estomac de l'éperlan de nos côtes et de l'Escaut. SUR LES CRUSTACÉS 145 52. AMPHITHOÉ DE JURINE. Amphithoë Jurinit, Edw. Amemrnoë Jurinn. —Milne Edwards, Æist. nat., Crusracés, vol. III, pag. 50, pl. L, fig. 2. Il se trouve sur nos côtes et dans l’Escaut. Nous l'avons rencontré régu- lièrement dans l'estomac de léperlan. 53. COROPHIE LONGICORNE. — Corophium longicorne. Conopium LONGIcoRNE. — Milne Edwards, Règne animal illustré, Crusracés, pl. LXI, fig. 1. Cette espèce est assez commune. On la voit sur la côte et dans l'Escaut. Nous l'avons souvent trouvée dans lestomac de l’éperlan. L 54. HypéRiIE DE LATREILLE. — Hyperia Latreilli, Edw. Hyper LarReLLu. — Milne Edwards, Règne animal illustré, Gnusracés, pl. LVIT, fig. 1. Il n’est pas rare en été. Nous en avons pris souvent avec le petit filet. Il nage avec une rapidité extrême et fait les plus singulières évolutions dans l’eau. Nous en avons conservé en vie pendant deux jours. 55. CHEVROLLE LINÉAIRE. — Caprella linearis. CarrELLA LINEARIS, Baster, Opus. subs., pl. VI, fig. 2. On en trouve souvent sur des sertulariens et des tubulaires. 56. CHEVROLLE FRONT PoINTU, — Caprella acutifrons. CAPRELLA ACUTIFRONS. — Milne Edwards, Hist. nat., Crustacés, vol. III, pag. 188. — Van Be- neden, Votice sur la tortue franche, Buzuer. Acan. Roy. DE BELGIQUE, 2° série, tom. VI, n°1, pl. I, fig. 9-41. Trouvé en abondance au milieu de touffes de conferves avec des tanaïs , sur la carapace de la Chelonia mydas. Towe XXXIII. 19 146 RECHERCHES 57. CHEVROLLE ÉPAISSE. — Caprella obesa , Van Ben. (Voyez plus haut page 99.) Nous avons trouvé cette espèce sur la peau de Scimnus glacialis, au milieu de Dinemoura elongata. 58. NAUPRIDIE TRISTE. — Naupridia tristis, Van Ben. (Planche XVII.) Nous avons trouvé ce curieux crustacé sur des touffes de polypes ( Sertu- laria, Tubularia, ete.). D9. PycxoGONON LITTORAL. — Pycnogonum littorale. PYCNoGoNUM LITTORALE. — Müller, Zoo. Danic., tom. HI, pl. CXIX, fig. 10-12. Nous en avons souvent trouvé sur des huitres et quelquefois dans des touffes de sertulariens. Cette espèce n’est pas rare. 60. PuoxiCHiLE ÉPINEUX. — Phoxichilus spinosus. PHALANGIUM spiNosuM. — Montagu, Transact. linn., vol. IX, pl. V, fig. 7. Nous avons trouvé assez souvent cette espèce sur des sertulariens. 61. CÉTOCHILE SEPTENTRIONAL. — Cetochilus septentrionalis, Goodsir. (Planche XVIII.) CETOCHILUS SEPTENTRIONALIS. — Goodsir, New Edinb. philos. Journ., vol. XXXV, p. 559, pl. VI. Ces petits crustacés sont d’une abondance extrême sur nos côtes , au prin- temps. 62. NOTODELPHE ASCIDICOLE. — Notodelphis ascidicolu. Allmann, Ann. and Mag. of nat. hist., vol. XX, 1848, p. 1. Très-commun et s’introduit partout. On en trouve souvent dans la poche respiratoire de diverses ascidies. SUR LES CRUSTACÉS. 147 63. ARPACTE CHELIFER. — Arpacticus chelifer, Müll. Anpacricus cHELIFER. — Müller, Entomostraca, pl. XIX, fig. 1-3. Se trouve le long de la côte en abondance et devient surtout la proie des jeunes Clupea. 64. CALIGE DU FLÉTAN. — Caliqus hippoglossi. CaiGus miproGLossi. — Kroyer, Tidskrift, vol. 1, pl. VI, fig. 5. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 3% série, vol. XVI, pag. 95. On en trouve toujours et en abondance sur le flétan et sur d'autres es- pèces de pleuronectes. 65. CALIGE ÉLÉGANT. — Caliqus elegans, Van Ben. CaziGus currus. — Kroyer, Tidskrift, vol. 1, pl. VI, fig. 2. — Van Beneden, Ann. sc. nat. 5e série, vol. XVI, pag. 91. Ce calige se trouve en abondance sur les cabillauds. 66, CaLiGE GRAGILE. — Caliqus gracilis, Van Ben. Cauieus Graciuis. — Van Beneden, Ann. sc. natur., 3" série, tom. XVI, pl. I, fig. 1-7. Cette espèce habite le corps et la cavité branchiale du turbot et de la barbue. 67. CALIGE courTE. — Caliqus curtus, Müll. CauiGus currus., — Müller, Entomostraca, pl. XXI, fig. 1-2. On le trouve sur le Gadus callarias et sur le Gadus aeglefinus. 148 RECHERCHES 68. CALIGE DIAPHANE. — Caliqus diaphanus, Nordm. CaLiGus piapranus. — Nordmann, Wicrog. Beitr., vol. I, pag. 26. — Kroyer, Tids., vol. I, pl. VI, fig. 5. Trouvé sur le corps des trigles. 69. SCIÉNOPHILE GRËLE. — Scienophilus tenuis, Van Ben. SCIENOPHILUS TENUIS. — Van Beneden, Note sur un nouveau genre de crustacé parasite, BULLET. ACAD. ROY. DE BELGIQUE, tom. XIX, n° 41. Dans la cavité branchiale du maigre d'Europe (Sciaena aquila). 10. KROYERIA LINÉAIRE. — Âroeyeria lineata, Van Ben. KROYERIA LINEATA. — Van Beneden ,Bullet. Acad. roy. de Belgique, tom. XX, n° 1. Genre Loxciwiux, Gerstæcker, Troschels Archiv., 1854, p. 185. Entre les lamelles branchiales du milandre ( Galeus canis ). H est fort commun. T1. CONGÉRICOLE PALE. — Congericola pallida, Van Ben. CONGERICOLA PALLIDA. — Van Beneden, Votice sur un nouveau genre de siphonostome, Buzuer. A CAD. ROY. DE BELGIQUE, tom. XXI, n° 9. Sur les branchies du congre. 12. CALIGINE DE LA SOLE, — Caligina solace, Van Ben. Ce curieux parasite vit sur le corps des jeunes soles. (Voyez plus haut page 127.) 13. PANDARE BICOLORE. — Pandarus bicolor, Leach. PaNDARUS BICOLOR. — Van Beneden, Ann. se. nat., 5° série, vol. XVI, pag. 94. Il se trouve sur le corps des milandres, surtout à la base des nageoires pectorales. SUR LES CRUSTACÉS. 149 14. DINÉMOURE ALLONGÉE. — Dinemoura elongata, Van Ben. DiNEMOURA ELONGATA. — Van Beneden, Motice sur un nouveau dinémoure, BuLL. Acap. Roy. DE BELGIQUE, tom. XXIV, n° 2. Sur la peau du Scimnus glacialis. 15. CECROPS DE LATREILLE. — Cecrops Latreillii. Cecrops LarReiLLu. — Van Beneden, Sur les vers parasites du poisson-lune (Orrnacoriscus moLA) et le CEcrops LATREILLN , Bullet. Acad. roy. de Belgique, tom. XXII, n° 10. Sur les branchies du poisson-lune. 76. LOEMARGUE MURIQUÉ. — Loemarqus muricatus, Kr. (Planche XIX, fig. 1-4.) LoëmarGus MuricaTus. — Kroyer, Mat. Tidskrift, vol. 1, 1857, p. 487. Vit sur le poisson -lune (Orthagoriscus mola). Jusqu'à présent les seuls individus qui ont été observés proviennent du musée de Copenhague. 17. DICHÉLESTION DE L'ESTURGEON. — Dichelestium sturionis. Dicuezesnium srurionis. —Van Beneden, Ann. sc. nat., 5" série, vol. XXI, pag. 96. On le trouve assez communément sur les branchies de l’esturgeon. 18. ERGASILINE ROBUSTE. — Ergaselina robusta, Van Ben. ErGasiLia RoBuSTA.— Van Beneden, Ann. se. nat., vol. XVI, 5% série, pl. IF, fig. 1 et 2, pag. 97. On le trouve régulièrement sur les branchies du Trygon pastinacua. 150 RECHERCHES 19. EupAcTYLINE AIGUE. — Eudactylina acuta, Van Ben. EupacryLia AcUTA. — Van Beneden, Bullet. Acad. roy. de Belgique, t. XX, n° 2. On le trouve sur le squatine-ange (Squatina angelus) et le Spinax acan- thias, entre les lames branchiales. 80, ENTÉROCOLE ÉCARLATE, — Enterocola fulgens, Van Ben. ENTEROCOLA FULGENS. — Van Beneden, Bullet. Acad. roy. de Belgique, tom. IX, 2®° série, févr. 1860. Dans la cavité respiratoire de lAplidium ficus et de l'Aplidium ficoïdes. 81. PAGODINE ROBUSTE. — Pagodina robusta, Van Ben. PacoDiNA RoBusTA. — Van Beneden, Bullet. Acad. roy. de Belgique, tom. XX, n° #. Sur les branchies du squale milandre (Galeus canis) et du squale bleu (Carcharias glaucus). 82. NicoTHOË pu HoMARD. — Nicothoë astaci, Edw. Nicoruoë asracr. — Van Beneden, Mémoire sur le développ. et l’org. des nicothoés , Més. Acap. ROY. DE BELGIQUE, tom. XXIV, 1848. Sur les branchies du homard. On en trouve en quantité sur tous les ho- mards. 83. CLAVELLE DE MULLE, — Clavella mulli, Van Ben. CLAVELLA MuLLi. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 3% série, vol. XVI, pl. IE, fig. 5-4, pag. 99. Il vit sur les branchies du mulle (roi des harengs). Il n'y est pas rare. SUR LES CRUSTACÉS. 151 84. CLAVELLE DU FLÉTAN. — Clavella hippoglossi, Kr. CLAVELLA HiPpoGLOssi. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 3" série, vol. XVI, pag. 100, pl. IL, fig. 5-6. On en trouve sur tous les flétans, entre les lames branchiales. 85. LERNANTHROPE DE KROYER. — Lernanthropus Kroyeri, Van Ben. Lernanruropus KroyEri. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 5" série, vol. XVI, pag. 102, pl. II, fig. 7-9. “ On le trouve sur les branchies du Labrax lupus. 86. LERNANTHROPE DE GisLER. — Lernanthropus Gisleri, Van Ben. LerNaNTuROoPus GiSLErr. — Van Beneden, Vote sur quelques parasites d’un poisson rare sur nos côtes, BuLcer. AcAD. ROY. DE BELGIQUE, tom. XIX, n° 9. Sur les branchies du maigre d'Europe. 87. CHONDRACANTHE BOssu. — Chondracanthus gibbosus, Kr. CaonpracanTaus GiBBosus. —Van Beneden, Ann. se. nat., vol. XVI, 5" série, pl. HE, fig. 10-15. On le trouve en abondance sur les branchies et dans la cavité branchiale des baudroies (Lophius piscatorius). Nous en avons toujours trouvé sur tous les individus. 88. CHONDRACANTHE CORNU. — Chondracanthus cornutus, Müll. CHONDRACANTHUS CORNUTUS. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 5% série, vol. XVI, pl. IV, fig. 1-4, pag. 108. On trouve cette espèce communément sur les branchies des plies ( Pleu- ronectes platessa) et sur le flet ( PI. flesus ). 152 RECHERCHES 89. CHONDRACANTHE DE LA SOLE. — Chondracanthus soleae, Kr. CnoNDRACANTHUS SOLEÆ. — Van Beneden, Ann. se nat., 3% série, vol. XVI, pag. 109. Il se trouve sur les branchies de la plie (Pleuronectes platessa) et la sole ( PI. Solea ). 90. CHONDRACANTHE DES TRIGLES. — Chondracanthus triglae, Blainv. CHONDRACANTHUS TRIGLAE. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 5° série, vol. XVI, pag. 109. Il habite les branchies de Trigla hirundo. 91. CHONDRACANTHE DE ZEUS. — Chondracanthus Zei, Quer. CuonpracanrTaus ZE1. —Van Beneden, Ann. sc. nat., 5"° série, vol. XVI, pag. 110, pl. IV, fig. 5-7. Cette grande et belle espèce vit sur les branchies du poisson S'-Pierre , Zonnevisch des pêcheurs. 92. ANCHORELLE ÉMARGINÉE, — Anchorella emarginata, Kr. ANCHORELLA EMARGINATA. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 5° série, vol. XVI, pag. 145, pl. VI, fig. 4-6. Sur les branchies de l’alose (A/osa finta). Très-commun. 93. ANCHORELLE RUGUEUSE. — Anchorella rugosa, Kr. ANCHORELLA RUGOSA.—Van Beneden, Ann. sc. nat., 5% série, vol. XVI, pag. 114, pl. VE fig. 7-10, Sur les branchies du loup de mer (Anarrhicas lupus). SUR LES CRUSTACÉS. 153 94. ANCHORELLA A CROCHETS. — Anchorella uncinata, Müll. ANCHORELLA UNGINATA.— Van Beneden, Ann. sc. nat., 5° série, vol. XVI, pag. 116, pl. VE, fig. 2-3. Sur les branchies de Gadus aeglefinus, barbatus et merlangus. 95. ANCHORELLE PARADOXALE. — Anchorella paradoxa, Van Ben. ANCHORELLA PARADOxA. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 3"° série, vol. XVI, pag. 417, pl. VI, fig. 1. Sur les branchies du maquereau. Anchorella brevicollis. 96. ANCHORELLE BRÉVICOLLE. ANCRORELLA BREVICOLLIS. — Milne Edwards, Hist. nat. des crustacés, vol. HIT, pag. 518. Nous l’avons trouvé sur des Gadus. 97. BRACHIELLE DU TRYGON. — Brachiella pastinaca, Van Ben. BRACHIELLA PASTINACA. — Van Beneden, Ann. sc. nalt., 5% série, vol. XVI, pag. 118, pl. IV, fig. 8-9. Dans les fosses nasales du Trygon pastinaca. 98. BRACHIELLE DU THON. — Brachiella thynne. BnacHiELLA THyNni. — Guérin, Zconograph. Zooph., pl. IX, fig. 6. Sur le corps du maigre d'Europe (Sciaena aquila ). 99. LERNÉOPODE DU MILANDRE. — Lerneopoda galei, Kr. LERNEOPODA GALEI. — Van Beneden, Ann. sc. nat., 5"° série, vol. XVI, pl. V, fig. 1-15. Sur la peau, à la base des nageoires, du milandre (Galeus canis) , de la roussette (Scillium canicula), du Mustelus vulgaris et du Trygon pastinaca. Towe XXXIIT. 20 154 RECHERCHES 100. LERNÉOPODE ALLONGÉ. — Lerneopoda elongata , Gr. LERNEOPODA ELONGATA. — Grant, Journal of sciences, tom. VII, pag. 14, pl. KE, fig. 5, july, 1827, n° 12. Sur le Scimnus glacialis, attaché au globe de l'œil. 101. LERNÉE BRANCHIALE. — Lernea branchialis, Linn. (Planche XIX, fig. 5-15.) LERNEA BRaNcniaLis. — Van Beneden, Ann. sc. natur., 5% série, vol. XVI, pag. 127. Sur les branchies du Gadus morrhua, du G. barbatus et du G. callionyme. 102. LERNÉONÈME DU MUSTELUS. — Lerneonema musteli, Van Ben. LERNEONEMA MUSTELI. — Van Beneden, Bullet. Acad. roy. de Belgique, tom. XVIII.— Ann. sc. nat., 3" série, vol. XVI, pag. 125. Sur les branchies du Mustelus vulgaris. 103. SacCuLiNE pu carciN. — Sacculina carcini, Thomp (Planche XX.) SAGCULINA CARGINI. — Thompson, Wat. hist. and metam. of an mal. crust. parasite of Carcinus moenas, Tue Exrom. Mac., 1856, vol. IIT, pag. 452. Il vit soudé aux parois abdominales du crabe commun (Carcinus moenas ). 10%. PELTOGASTRE DES PAGURES. — Peltogaster paguri, Rathke. (Planche XXL.) PeLrocasrer PAGuRI, — Rathke, Beitrage zur Fauna Norwegens, Act. Nar. curos., vol. XX, part. 1, pag. 244 (1840). Sur l'abdomen des pagures ( Pagurus bernhardus ). SUR LES CRUSTACÉS. 155 109. ANATIFE POUCE-PIED. — Lepas anatifera, Linn. On en trouve quelquefois sur des morceaux de bois flottants et régulière- ment sur la quille des navires. Jai vu un morceau de bois, il y a quelques années, pris en mer par les pêcheurs de la panne, couvert de Lepas, ayant des tiges au moins de quatre pieds de longueur. 106. BALANE OVULAIRE. — Balanus ovularis. Cette espèce recouvre les pierres, les pieux de l'estacade, et se fixe aussi sur les coquilles des moules, des huîtres ou même quelquefois sur la cara- pace des crabes. FIN. 9 moe _ TER Fe nur ur 208% 5 ! ADR ET terre eut ot coll Bio Li she} " L LA Vino be uüsrurn ti iv NA ET LE &” y Y (4 1 M ve faire ide pal GIF ULE guy: LR CARAUTE # | Enpuitol fnac tt ph sup ni. : ANS CTI et TE Ce : . zou 6h, Mambo sun dd anduiniip et Ut # 4 L ACER. pit iris TE CROP TR TATIE sal ç# Inner, el . EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. Mysis vulgaris. (Les mêmes lettres désignent les mêmes organes dans les quatre premières figures.) Fig. 1. La partie antérieure du corps d'un mâle, vue à un faible grossissement du côté du dos, montrant : les bulbes oculaires complets, ou les podophthalmes, la partie basilaire des antennules et des antennes, toute la carapace ainsi que le premier somite abdo- minal. Le squelette tégumentaire est assez transparent pour voir les principaux vis- cères à travers les parois, ainsi que le cours du sang. On voit en avant le rostre de la carapace; un peu en arrière, l'estomac et l'intestin, qui a une teinte jaune; un peu plus en arrière encore, également sur la ligne médiane, le cœur, les artères princi- pales et les affluents veineux. a. La carapace; b. Son rostre; d. Podophthalme; e. Antennule; [. La tigelle, procérithe, externe; g. La tigelle interne ; h. La lamelle propre au sexe mâle : i. Lamelle de lantenne; k. Son procérithe; L. Estomac; m. Intestin; n. Cœur avec son enveloppe; Fig. 2: RECHERCHES 0. Tronc aortique postérieur ; p. Tronc aortique antérieur; q. Tronc aortique latéral correspondant à l'artère branchiale (la planche porte un g par erreur); r. Tronc qui conduit le sang dans le thorax et l'abdomen ; s. Le grand sinus qui conduit le sang au cœur; t. Orifice auriculaire latéral; u. Orifice auriculaire postérieur; v. Courant transverse abdominal; w. Double courant dans les antennules ; x. Idem dans le podophthalme. La partie antérieure de la carapace vue de profil, montrant, au-dessus de l'estomac, un courant centrifuge dans l'aorte, et au-dessus de l'aorte un courant lacunaire centri- pède. On voit en même temps l'entrée et la sortie du sang dans le podophthalme. Ces deux courants se croisent à leur entrée dans cet appendice. Le bord postérieur du céphalothorax et les premiers somites abdominaux, vus égale- ment de profil, pour montrer la disposition de l'intestin, qui est couvert par l'aorte descendante et le courant veineux interstitiel. La partie postérieure de l'abdomen, vue encore au même grossissement et de profil, comme dans les deux figures précédentes, pour montrer surtout la terminaison de l'aorte descendante, les courants interstitiels inférieur, supérieur et latéral, ainsi que l'anus, qui s'ouvre dans le telson. Le bout libre de la lamelle antennulaire, pour montrer la disposition des soies plu- meuses sur sa longueur et sa terminaison en pointe. Terminaison de la lame caudale ou telson, pour montrer les dents latérales espacées et les dents terminales, dont deux de même grandeur sont insérées aux angles et deux autres plus petites au milieu. . Appendice mäle ou pléopode du quatrième somite abdominal, vu au même grossisse- ment que les deux figures précédentes, avec une partie des soies plumeuses qui le garnissent sur le côté. . Appareil sexuel femelle complet : au milieu on distingue l'ovaire, sur le côté, les ma- trices pleines d'œufs et leurs oviductes; une arborisation pigmentaire recouvre tout le milieu de l'appareil. . La partie moyenne du même appareil femelle, vue à un plus fort grossissement. Les vésicules germinatives sont encore en place sur la ligne médiane dans l'ovaire. Les œufs sur le côté sont complets. Il n’y a que le milieu de la matrice qui soit repré- senté; c'est par erreur que le contour indique le contraire. . Deux vésicules germinatives isolées. Les vésicules graisseuses et vitellines de l’intérieur de l'œuf. L'appareil sexuel mâle avec les deux canaux déférents, pleins de spermatozoïdes mûrs. Une des vésicules du testicule isolée, vue à un plus fort grossissement, montrant les œufs mâles avec les spermatozoïdes en voie de développement. Diverses formes de spermatozoïdes en voie d'évolution. SUR LES CRUSTACÉS. 159 PLANCHE II. Mysis chameleo. Fig. 1. Mysis femelle, vu un peu obliquement du côté du dos, pour montrer les divers appen- dices abdominaux dans leur situation respective; on distingue en avant : a. m. n. 0. Les deux tiges oculaires ou les podophthalmes ; . Les antennules; Les antennes; . Céphalothorax; . Le Cœur; : Huit paires de fouets, dont les deux antérieurs sont couchés sur le céphalothorax: . Cinq somites abdominaux; . Le somite caudal; . Le telson; . Les cinq pléopodes ; . Les deux derniers appendices ou uropodes qui constituent, avec le telson, la queue; Estomac; Intestin; Des taches de pigment avec ramifications sur la ligne médiane. » 9, La moitié d’un estomac ouvert d'un Myses chameleo, montrant tout un appareil parti- culier de mastication. » 3. Infusoires et plantes de divers genres ayant choisi la carapace de certains mysis pour domicile et la recouvrant littéralement. Ce sont surtout des Podosphenia qui domi- nent, avec des vorticelles. » 4. Un Podopsis Slaberi, vu de profil pour montrer tout l'appareil cireulatoire dans les diverses régions du corps. a. Cœur ; b. Artère antérieure ou ophthalmique ; c. Artère latérale ; d. Artère abdominale ; e. Estomac; f. Intestin. » 5. Trois piquants isolés appartenant à l'estomac. PLANCHE I]. Mysis chameleo. ( Cette planche représente les diverses sortes d’appendices de la partie antérieure du corps. Les mêmes lettres désignent les mêmes organes.) a. Podophthalme ; b. Antennule; c. Antenne; d. Lèvre supérieure; 160 RECHERCHES e. Mandibules ou protognathes; [. Mächoires premières ou deutognathes ; g. Mächoires secondes ou tritognathes ; h. Premières paires de pieds-mâchoires ou tétragnathes ; î. Gnathopodes. Fig. 1. La partie antérieure du céphalothorax, vue en dessus, montrant les premières paires d’appendices dans leurs rapports respectifs, c’est-à-dire les podophthalmes, les anten- nules et les antennes. » 2, Les pièces de la bouche depuis la lèvre supérieure; la lèvre et les mandibules sont un peu écartées pour montrer leurs rapports entre elles et avec les pièces voisines. Les dents des mandibules sont portées en avant, au lieu d’être dirigées transversale- ment. Les deux paires de mâchoires deutognathes et tritognathes avec les deux paires de pieds-mâchoires ou tétragnathes et gnathopodes, sont dans leur situation respective, avec toutes leurs dépendances. 5. Tous les appendices qui avoisinent la bouche, vus dans leur situation respective, mais complétement isolés. En avant, on voit les antennules suivies des antennes, puis la lèvre supérieure, puis les mandibules avec leurs palpes; suivent ensuite la première paire de mâchoires avec une pièce unique dentelée au haut; la seconde paire dans laquelle on reconnait, outre la tige, l’appendice à filaments plumacés; la première paire de pattes, fermant par une sorte de lèvre la bouche en dessus et portant un véritable appendice à filaments comme toutes les autres pattes; enfin une autre paire semblable à la précédente et derrière laquelle viennent se placer les six autres paires de pattes véritables. 4. Les dents des mandibules, ou protognathes, vues au grossissement de 300. » D). Pointe isolée d’une tigelle à soies plumeuses ou exognathe. » 6. Épine dentelée du tritognathe. »* 7. Épine dentelée du tétragnathe. » 8 et 9. Autres formes de piquants des pièces de la bouche. » 10, Goupillon de la lèvre supérieure fortement grossi. c PLANCHE IV. Mysis chameleo. (Cette planche représente les appendices postérieurs du corps, depuis le thorax jusqu'à la queue.) Fig. 1. Les deux dernières paires de pattes thoraciques, ou péréiopodes avec leurs exopodes, vues en-dessous. La première paire d'appendices abdominaux ou pléopode. La seconde idem. » 4. La troisième idem. > 5. La quatrième paire de pléopodes chez les mâles. Le dernier article doit être droit. HI a été courbé pour la place. On voit en haut une soie plumeuse isolée. » Get 7. Le dernier article du quatrième pléopode des mâles vu dans deux endroits diffé- rents, au grossissement de 500, pour montrer la disposition des soies en spirale qui le recouvrent. JR Fig. 8. 2.9, » 40. » 11 » 12. » 113. » 14, Fig. 1. Dora ME » 4 20 D Fig. 1. SUR LES CRUSTACÉS. 161 La cinquième ou dernière paire de pléopodes. Le dernier segment caudal ou le telson, vu de face au grossissement de 80. Uropode appartenant au segment caudal, logeant un otolithe. . Appendice externe du même somite. Les deux derniers somites constituant la queue avec les uropodes, vus en place au début de leur formation. Le telson b, vu de face à la figure 9, est vu ici de profil. a. somite caudal; b. Telson; c. Uropodes. Le somite, comme le telson, portent des taches de pigment. Un otolithe isolé. L'extrémité libre d’un exopode avec ses soies plumeuses, au grossissement de 300. PLANCHE V. Mysis chameleo. Le thorax d’un mysis mâle avec tout l'appareil sexuel, dépouillé des appendices anté- rieurs; on voit en place l’estomac avec son appareil chitineux; le repli pylorique ; les cæcums biliaires et une grande partie de l'intestin. Derrière les cœcums pylo- riques et immédiatement au-dessus de l'intestin, on apercoit tout l’appareil sexuel mâle : le testicule, formé de plusieurs capsules, le canal déférent, un réservoir et le pénis évacuant des spermatozoïdes. Ce pénis est tout imprégné de pigment, comme la carapace et les autres parties du tégument. Les deux premiers somites abdomi- naux avec le premier pléopode sont également représentés avec une partie du der- nier péréiopode. La même partie du corps d’une femelle, vue du côté opposé. Au-dessus de l'intestin et derrière l'estomac, on voit l'appareil femelle toutplein d'œufs en voie de dévelop- ment et qui se distinguent par leur volume. Ces œufs sont serrés dans leur gaine comme dans l’ovisac des lernéens. En dessous et en arrière, on voit la poche incu- batriee formée par les feuillets des deux dernières paires de pattes. La base du der- nier péréiopode est également représentée. Un des feuillets de cette poche isolé pour montrer comment les œufs sont logés dans son intérieur. Ce feuillet est attaché en haut à l’article basilaire de la patte, c'est-à- dire, au coxopodite. . Spermatozoïdes évacués librement. Ils forment un V avec une jambe forte et une autre grêle : on dirait des tricocéphales. . Cœcums biliaires et intestin isolés. PLANCHE VI. Fig. 1-5, Mysis sancta. — Fig. 4-12, Mysis ferruginea. La partie antérieure de la carapace d’une Mysis sancta montrant le rostre, les anten- nules, les antennes et les podophthalmes. Ces figures sont toutes vues à un faible grossissement. Tome XXXIIT. 21 æ Qi MA Qt à . Une antenne également de droite. . Partie postérieure du corps, vue de face au même grossissement que la figure 2. On RECHERCHES La région abdominale du même, vue obliquement , montrant les cinq paires de pléo- podes dans leur situation respective. . Le telson vu de face et les deux uropodes sur le côté avec leurs soïes et leurs épines. La moitié antérieure du corps d’une Mysis ferruginea femelle, montrant surtout les épipodites qui forment la poche incubatrice, deux paires de pléopodes couverts de soies plumeuses, les podophthalmes et les antennes, ainsi que l'estomac avec les cœæeums biliaires et l'intestin. Les taches pigmentaires ferrugineuses si caractéristi- ques de cette espèce sont figurés en place. Cette figure est légèrement grossie comme les suivantes. . Antennule du mâle. . Pléopode du quatrième somite du mâle également. Le dernier article du même pléopode isolé et vu à un plus fort grossissement. . Le telson avec un uropode un peu plus écarté dans l’une que dans l’autre figure. . Un œuf isolé de Mysis ferruginea avec ses vésieules limpides au centre. . L'apparition du blastoderme. . Un embryon de Hysis ferruginea vu du côté du dos. . Un embryon du même vu de flanc, un peu plus avancé : on voit en avant la calotte ophthalmique, les antennules et les antennes, ainsi que l'apparition des somites . du thorax et de l'abdomen. On distingue déjà le canal intestinal dans toute son étendue. PLANCHE VIE Podopsis Slabberi, Van Ben. . Une femelle, vue à un faible grossissement et de profil, montrant sa poche incubatrice et les divers appendices en place. La partie antérieure du céphalothorax vue de face, avec les deux paires d’anten- nules et d'antennes, ainsi que les podophthalmes en place. Les antennules montrent leur coxo-, baso- et ischiocérithe. Les ischiocérithes sont terminés par des procé- rilhes. . Une partie de l’antennule droite isolée montrant les soies plumeuses au sommet de l'ischiocérithe. _ voit le dernier somite avant le telson, et les deux uropodes, dont l'interne montre à sa base l'otolithe en place. i. Le même somite vu de profil, un peu plus grossi, avec les uropodes en place. On voit plus distinetement l'otolithe. . L'otolithe, fortement grossi, vu de profil dans l'intérieur de l'uropode. . Lamelle interne ou procérithes de l'antenne, vue de face, montrant, à la jointure des deux articles, une masse opaque, arrondie, qui est probablement le siége du sens de l'olfaction. Ce procérithe porte seize soies sur un bord, vingt sur l'autre. . Soie plumeuse isolée. SUR LES CRUSTACÉS. 165 Fig.10. Appendice pénial. » » Fig. 11. Premier pléopode du mâle. 12. Deuxième. 15. Troisième. 14. Quatrième. 15. Cinquième. 16. La partie abdominale d'un mäle, vue de profil, pour montrer en place le pénis, les pléopodes et la base des uropodes. PLANCHE VIII. Mysis chameleo. 1. Un embryon en voie de développement pris dans la poche incubatrice, montrant une échancrure en dessous d’où va sortir le pédicule caudal : c’est la première modifica- tion après l’apparition du blastoderme. Un embryon entouré encore de sa membrane vitelline et dont le blastoderme a formé l’utricule caudal. La membrane vitelline est tombée; l'embryon est libre; l'utricule a grandi, et l'appen- dice caudal montre dans son intérieur des globules vitellins qui changent de place. . Les trois appendices antérieurs ont paru avec le podophthalme; le blastoderme s’est épaissi en dessous pour faire surgir les appendices gnathothoraciques. Le double filament caudal est formé. >. Le même un peu plus avancé. i. Le même vu en dessous, montrant de face sa nageoire caudale embryonnaire. Le même embryon un peu plus avancé. Le vitellus s’est étendu d’avant en arrière, la tige oculaire est devenue évidente; les antennes et les antennules, quoique encore simples, ont acquis tout le développement de cet âge; les appendices gnathothora- ciques apparaissent distinetement, au point qu'on peut les compter; on ne voit pas encore les appendices abdominaux ou les pléopodes. 8. Le même vu un peu obliquement en dessous; la tige oculaire avec le pigment a paru. Les somites de l'abdomen se montrent et les uropodes sont développés. L'embryon se prépare à subir sa première mue. 9. Le même, vu du côté du dos avec l’appendice caudal relevé. On voit déjà le vitellus, les cæœcums biliaires et l'intestin séparés l’un de l’autre. 10. Le même vu par les flancs. 11. Il s'apprête à la mue; les antennules et les antennes montrent la bifurcation; les ap- pendices abdominaux et caudaux définitifs apparaissent. 12. Le même avant la mue; il porte encore la première queue, et les tiges oculaires sont tout formées; le tube digestif se montre avec ses cæeums, et les taches de pigment apparaissent dans les téguments à la base de chaque paire d’appendices. 15. Le même qui vient de subir la mue. Les appendices thoraciques, les péréiopodes, sont libres. 14. Le même plus avancé; le cœur est formé et tous les appendices sont distincts. 15. Le même plus avancé encore; il est près de vivre librement. 1 Qt ES S 164 » RECHERCHES PLANCHE IX. Mysis chameleo. (Toutes ces figures sont dessinées à un fort grossissement.) Fig. 1. Embryon encore contenu dans sa première enveloppe et chez lequel on voit poindre l'utricule d’où sortira la partie postérieure du corps. On ne distingue encore aucun autre organe. » 2, Le même, un peu plus avancé, vu obliquement. » 5et 4. Encore le même, mais montrant l’utricule caudal plus avancé. UE L’embryon vu de face pour montrer l’échancrure médian de l’utricule caudal, ainsi que les soies qui le bordent. On ne distingue encore rien d'autre. » 6. Le même, plus développé, vu du même côté. JUITÉ > ES Fig. 1 » 2. » 5 » = Embryon dont l’appendice caudal a pris un certain développement. On voit la queue primitive bifide et l'épaisseur de la peau qui entoure l’utricule abdominal. Le même. Ces deux derniers embryons sont à peu près au même degré de développe- ment que celui qui est indiqué sous le n° 2 de la planche précédente. PLANCHE X. Mysis chameleo. (Le grossissement de ces figures est le même que pour la planche précédente.) Embryon dans la première phase de son développement avec son appendice caudal provisoire, les premiers appendices céphaliques et la peau d’où sortiront plus tard les appendicesthoraciques et abdominaux. L’embryon est débarrassé de sa première en- veloppe vitelline. On voit en avant la tige oculaire, ou podophthalme, qui n’est pas détachée encore, les antennules et les antennes primitives, c'est-à-dire avant l'époque de la mue et de leur bifurcation, ainsi que les mandibules qui viennent poindre en dessous ou plutôt en arrière. Les antennules, les antennes etles mandibules vues en dessous séparément. . L'embryon plus avancée, montrant les mêmes organes, mais on distingue déjà Ja cavité digestive et intestinale, et le renflement céphalique a diminué. Les antennules et les antennes montrent sous leur gaine primitive un tubercule qui indique le com- mencement de la bifurcation de ces organes. Cette gaine est provisoire comme la queue qu'il porte encore. Derrière ces appendices, on en voit surgir dix nouveaux ayant une même origine, mais avec une destination différente dans le cours du dé- veloppement, Les deux premiers qui suivent les mandibules sont les mâchoires, puis viennent deux pieds-mâchoires et enfin six paires exactement semblables et jouant le même rôle. Chacun de ces appendices est unique au moment de poindre, mais se bifurque ou trifurque plus tard pour former l’exopode et l'épipode. La peau abdo- minale ne présente encore que des échancrures. Appendice caudal primitif vu de face. SUR LES CRUSTACÉS. 165 PLANCHE XI. Mysis chameleo. (Ges objets sont également vus au même grossissement.) Fig. 1. Un embryon sur le point de subir sa première mue. Les antennes et les antennules sont libres; la queue définitive est formée et se montre sous la queue primitive; tous les appendices sont plus ou moins distinetement développés. On voit en avant : le bulbe oculaire, puis les antennules et les antennes, les appendices gnathotho- raciques, les appendices abdominaux et ceux du segment caudal qui doivent former l'éventail de la queue. On apercoit aussi distinctement les somites auxquels corres- pondent les appendices. : » 2. Les appendices du corps, avec la tache de pigment ramifié que l’on apercoit à la base de chacun d’eux dans le jeune âge. En arrière, on aperçoit le premier segment ab- dominal ; ainsi nous voyons : 1. Les tiges oculaires ou podophthalmes; 2,5. Les antennules et les antennes, qui ont subi une mue; 1’. La mandibule ou protognathe avec son palpe; 1,2”. Les deux paires de mâchoires, c’est-à-dire le deutognathe et le tritognathe: 1,2". Les deux paires de pieds-mächoires, le tétragnathe et pemptagnathe; 1, 2,5, 4,5, 6. Les six paires de pieds ou péréiopodes, et 1 en arrière, le premier appendice abdominal, le péréiopode. PLANCHE XII. Cuma Rathkri. Fig. 1. Individu complet, vu de profil etla queue relevée, montrant les trois paires de pattes, les deux paires d’appendices abdominaux, les deux paires de pattes-mächoires posté- rieures et les deux paires d'antennes. La deuxième paire de pieds-machoires montre ses deux articles terminaux au-devant des grandes antennes. » 2, La carapace vue d’en haut : à gauche on reconnait les antennes postérieures, à droite c’est le bout de la seconde paire de pieds-mâchoires qui passe. » 5. L’extrémité caudale terminale, vue du côté du dos comme la carapace, montrant la forme et les rapports des deux derniers somites avec les uropodes. » 4. Les divers appendices dans leurs rapports respectifs, vus au même grossissement, à l'exception des deux derniers, qui sont beaucoup moins grossis : ils auraient exigé trop de place : a. Lèvre supérieure ou antérieure et le bout du rostre; b. Antennules; c. Antennes; d. Mandibules, protognathes; e. Première paire de mâchoires, deutognathes: . 166 RECHERCHES {- Deuxième paire de mâchoires, tritognathe; F g- Première paire de pieds-mâchoires, ou tétragnathe, vue encore au même gros- sissement ; h. Deuxième paire de pieds-mâchoires, pemptagnathe ; Î. Troisième paire de pieds-mächoires, hectognathe ; PLANCHE XII. Bodotria Goodsirii, Van Ben. Fig. 4. Un mâle vu du côté du dos, montrant les antennules et les antennes dans leur situation respective et quatre paires de péréiopodes. On peut juger surtout, dans cette posi- tion, du grand développement des appendices de la queue. 2. Le même vu de profil pour montrer surtout la physionomie propre du erustacé dans cette position, ainsi que les péréiopodes, les gnathopodes, les antennules et les an- tennes en place, et enfin les curieux pléopodes biramés. -» 3. Antennules du mâle. . Antennes du même. 5. Dernière paire de pléopodes du mâle. » 6. La partie antérieure du corps d’une femelle, vue de profil pour montrer surtout la disposition des antennules, des antennes et l'épine de la carapace. On aperçoit les quatre somites thoraciques et le premier somite abdominal. » 7. Une antennule de la femelle, isolée. » 8. Une antenne de la femelle. 9. Dernière paire de péréiopodes de la femelle. » 10. Le protognathe. . » 41. Le deutognathe. » 12. Le tritognathe. » 13. Première paire de gnathopodes. » 14. Deuxième et dernière paire de gnathopodes. » 15. Première paire de péréiopodes. 16. Uropode droit d’un mâle, isolé. PLANCHE XIV. Leucon cercaria, Van Ben. Fig. 1. Animal complet vu de profil, montrant, en avant, les antennes, les gnathopodes et les péréiopodes; en arrière, on distingue les deux uropodes. On reconnait le tube digestif à travers les parois de la carapace, c’est-à-dire l'œsophage, l'estomac, les cœcums hépathiques et une partie de l'intestin. Enfin on apercoit un pléopode sur le premier somite abdominal. » 2. Le céphalothorax comprimé vu d'en haut, montrant en avant les antennes et les taches de pigment oculaire. SUR LES CRUSTACÉS. 167 Fig. 5. Les divers appendices céphalothoraciques, à l'exception des antennes, des deutogna- thes et des tritognathes, placés dans leur ordre respectif. Immédiatement derrière les protognathes «, on distingue : b. Les deutognathes; e, d. Les tritognathes et les tétragnathes ; e, f. Les pentagnathes et les hectognathes ; g. Le premier somite thoracique et son péréiopode. Le protognathe seul est placé de face; tous les autres appendices sont vus de profil. Les appendices g, h, à et j de la figure 5 devaient suivre les appen- dices a-g de la figure 5, mais la place sur la planche fait défaut. 4. Somite caudal terminal. » à. Les antennes étalées en avant et, au milieu d'elles, / représente le somite de l'hecto- gnathe comme dans la figure 5, et g, h, à correspond aux trois paires de pattes thoraciques postérieures ou aux péréiopodes; les deux premières sont seules armées d’un fouet rudimentaire; j appendice abdominal ou pléopode. » PLANCHE XV. Slabberina agata, Van Ben. Fig. 1. L'animal légèrement grossi, vu du côté du dos, montrant les deux paires d'antennes en place, les yeux sur le côté et les cercles de taches pigmentaires. De côté, on voit la grandeur naturelle. » 2. La partie postérieure du corps, plus fortement grossie, vue du côté du dos aussi, pour montrer la singulière disposition des taches pigmentaires sur les somites abdomi- naux. Le dernier somite seul n’en a pas. On voit sur le côté, en avant, le bout de la septième paire de pattes, et, plus en arrière, on voit dépasser le bout de la cin- quième rame sous-abdominale. » 3. La tête grossie, vue en dessous, montrant les antennes, les yeux et l’épistome. » 4. Les pièces de la bouche : en avant, d’abord, les mandibules ou protognathes avec leur palpe; les deutognathes, les tritognathes et les tétragnathes ; toutes conservent leur situation respective. » 3. Première paire de pattes thoraciques ou péréiopodes. » 6. Quatrième paire de péréiopodes. . Septième ou dernière paire de péréiopodes. . Appendice pléopode biramé, montrant à côté une soie isolée fortement grossie, pour indiquer les barbes soyeuses. » 9. Les filaments spermatiques logés dans le testicule. » 10, Les mêmes en partie déroulés. # a 1 PLANCHE XVI. Anceus marinus. Fig. 1. L'animal entier à l’état du larve, vu du côté du dos, faiblement grossi. » 2. La tête et le premier somite thoracique, vus du même côté, pour montrer surtout l'insertion des antennes et le bec. Fig. Fig. ES = » RECHERCHES La tête, vue du côté opposé, pour montrer les divers appendices qui s’y insèrent. On voit très-distinctement, en avant, les deux mandibules qui terminent le bec; en des- sous, d’un côté, une mâchoire, également dentelée au bout, la grosse paire et les crochets. Ces organes sont placés dans leur situation respective. . Les pièces principales de la bouche, un peu plus fortement grossies, pour mieux mon- ter encore les mandibules, les mâchoires et les deux grands appendices céphali- ques. La dernière est dessinée à un grossissement relativement moins fort. ». La première paire de péréiopodes. - La première paire de pléopodes. . La nageoire biramée terminale ou le dernier pléopode. . Le cœur tel qu'il se montre en place à travers les téguments. . Le cœur en place, montrant, par les flèches et les globules, les courants transverses qui y aboutissent. Un animal adulte que nous supposons appartenir à la même espèce, dessiné après la mort. La tête, ainsi que les deux premiers anneaux thoraciques qui tendent à se confondre avec elle, sont les parties les plus dures du squelette, PLANCHE XVII. Naupredia tristis, Van Ben. . La grandeur naturelle de l'animal. . L'animal complet, vu de profil, montrant les antennules, les antennes, les principaux appendices de la bouche, les péréiopodes, les vésicules branchiales et les uropodes. La tête isolée, vue de profil, pour indiquer plus distincetement la position relative des appendices céphaliques. La première paire de péréiopodes est indiquée par ses arti- cles basilaires. . Les pièces de la bouche isolées, dans leur situation respective, c'est-à-dire : Le protognathe; Le deutognathe; Le tritognathe; Et le tétragnathe. Le somite caudal et les uropodes, vus en dessous. PLANCHE XVII. Cetochilus septentrionalis. L'animal complet, vu de profil, légèrement grossi, montrant les divers appendices dans leurs rapports naturels; en avant on apercçoit les antennules, les antennes vérita- bles avec leurs fortes soies non articulées, les palpes mandibulaires, deux paires de mächoires lamellaires , une paire de pattes-mâchoires, et cinq paires de pattes véri- tables ou péréiopodes. On voit des rubans musculaires s'étendre dans presque toute la longueur de l'animal. SUR LES CRUSTACÉS. 169 Fig. 2. La face inférieure du thorax pour montrer les appendices dans leur situation respective. On voit en avant : a. Les fausses antennes ; b. Les antennules désarticulées à leur base, laissant flotter deux faisceaux muscu- laires fléchisseurs qui font hernie. C’est à tort que le graveur leur à donné la roideur d’épines ; c. La limite du somite antérieur ; d. Les antennes, montrant une pièce basilaire, armée de deux fortes soies plu- meuses et au bout, de deux rames formées chacune de deux articles garnis de soies plumeuses. L'article terminal supérieur est celui qui porte les plus longues soies ; e. La limite de ce somite formant la lèvre supérieure ; f: L'orifice de la bouche ; g. Le bout dentelé des protognathes ; h. Le corps des protognathes ; î. Les palpes biramées et soyeuses ou exognathes ; k. Deux lobules latéraux dépendant des protognathes ; l. Échancrure formant la lèvre inférieure; m. Le deutognathe, formé de quatre lamelles séparées, toutes garnies de soies plu- meuses au bout; n. Le tritognathe, formé d’une lame large digitée et d’une lamelle séparée. Les cinq digitations, aussi bien que la lamelle, portent des soies plumeuses ; 0. Tétragnathe couvert de soies plumeuses très-fortes. » 3. Le bout de l'antenne vu au même grossissement. On voit le procérithe terminal couvert de soies ordinaires, et les deux précédents armés chacun d’une soie excessivement forte. Des fibres musculaires parcourent l'intérieur. . La partie frontale du céphalothorax vue d'en haut, pour montrer les fausses antennes et la tache oculaire médiane. » 5. L'abdomen vu de face et une partie du dernier segment thoracique. Les uropodes montrent leurs fortes soies plumeuses. » 6. Un péréiopode isolé et ses soies plumeuses. » 7. Un animal vu du côté du dos. Le graveur n’a pas donné aux antennes leur délicatesse naturelle. » 8. Des exopodes isolés. à PLANCHE XIX. 1-4. Læmargus muricatus. 5-8. Lernea branchialis, femelle adulte du merlan. 9-15. Lernea branchialis, femelle jeune d’un callionyme lyre de cinq centimètres de long. Fig. 1. Une femelle faiblement grossie, vue du côté du dos. On voit deux anneaux thoraciques entre le céphalothorax et la partie postérieure du corps. Toute la région abdominale est couverte par les élythroïdes postérieures. » 2. Une autre femelle vue du côté du ventre. On distingue les antennes, les trois paires de pieds-mâchoires, la bouche avec ses palpes, les deux premières paires de pattes Tome XXXIII. 29 170 ot 10. 11. 12. 15. 10. RECHERCHES biramées et les deux dernières avec leurs lobules extraordinairement développés. A la base de l'abdomen, on voit un spermatophore en place. Le cône buceal isolé, dans sa position normale. La lèvre, fendue dans sa longueur, re- couvre tout le cône et en grande partie les mandibules. On voit des palpes en place sur le trajet du cône. Le bout de la lèvre montrant le bord libre et ses soies microscopiques. . Une femelle adulte isolée de Lernea branchialis. . Portion de tube ovifère contenant quatre œufs. Un œuf isolé avec un embryon. . Un autre œuf avec un embryon moins avancé. . Une jeune femelle de Lernea branchialis vers le milieu du terme de son développe- ment, montrant, en avant, le rudiment de la trompe, la tache oculaire, quatre paires de péréiopodes et la disposition du somite caudal avant l'apparition des tubes ovifères. Portion de tête isolée du même animal, pour montrer l'œil et les pattes-mâchoires, qui disparaissent plus tard. Troisième et quatrième paire de péréiopodes du même. Deux paires du côté opposé du même. Segment caudal avec les soies du même. PLANCHE. XX. Sacculina carcini, Rathke. . Des œufs en voie de développement, depuis a jusqu'à f. . Sacculina attaché encore à l'abdomen du crabe. . Le même isolé vu de grandeur naturelle. Le même grossi, pour montrer surtout, en a, le point d'adhésion et, en b, l'orifice. Le même ouvert, montrant les ramifications de l'ovaire et de la matrice. 5. Ces ramifications isolées montrant les œufs et les embryons en place. . Le crabe vu du côté du sternum, montrant le Sacculina vivant, complet et en place, tel qu'on l’observe dans la nature. Un embryon dans l'œuf. . Le même isolé. Un Sacculina encore attaché à l'abdomen du crabe, ouvert dans la longueur depuis l'orifice a. Un Sacculina de grandeur naturelle, attaché à un Grapsus varius, femelle de Palma, d’après un dessin original communiqué par M. Carl Semper, avant son départ pour les iles Philippines. L’orifice b est en communication avec la cavité du corps du Grap- sus, et la membrane chitineuse de l’un est continue avec celle de l'autre. SUR LES CRUSTACÉS. 171 PLANCHE XXI. Peltogaster paguri. Le Peltogaster paguri de grandeur naturelle, en place sur l'abdomen du pagure, mon- trant son orifice en avant au milieu. Ce sont les vitellus rouges qui donnent cette couleur au parasite. Le même détaché, légèrement grossi, montrant les fibres musculaires du pagure qui pénètrent dans le corps du parasite. On voit un organe rubanaire depuis le pédieule jusqu’à l’orifice. Le Peltogaster isolé, vu de face, montrant sa couronne chitineuse qui lui tient lieu de racine. Le même animal ouvert, pour montrer la grande cavité centrale et l'organe rubanaire vu en dedans. Un œuf en voie de formation. j. Un embryon vu du côté du dos entouré des membranes de l'œuf. Un embryon isolé, vu de profil, montrant les pattes soyeuses et l’appendice caudal. Un Sacculina jeune, vu de profil, montrant encore des vestiges de sa forme régulière et symétrique. Le même détaché, vu de face, montrant sur le côté les vestiges d’appendices avortés, et sur la ligne médiane, un repli qui semble indiquer la terminaison caudale. FIN DE L EXPLICATION DES PLANCHES. . ee nm . AVE ”, L ra, " LENTAUEN SU HUE | t LE " Ch] WA L à . ETAT ALTER DL . vie. 7 PT TU vale TELLE TL TE LU LORNTET : PE TTL UUE SLAM LE...) 6 C2 A À LL 1) su Qu sé AP M CL ECRIRE , Fra 4 Le (AE, AU ST MANQUE 11e Madiur «0 gr "} a sd LL . e : ENT TTE A. « a tr tt he ESA MINT Pen ONU ONE: DONNE CPR sy a 6 ant ae der bee AN TNT RES PP 7e s Mules tt PAC TELUS — PET LEE TEE LUS LL LR T URL" 2 nn = PPT FRAET 01 pl! CURE LT EL AL LULLSS ET Eu | dinat se { | | bete © ade NT it ADO UMA. NTM 1. onu votée en OR air 10 aber tnt 00 de, Lu et IMléhiGiOnN à 10 (OL teen CRE AACAE QUI tthift A SE 14 , Ÿ Le | L * _ 4 TRRL é M1 111. LE M @ = \ 4 . n. . TABLE DES MATIÈRES. INTRODUCTION. Choix du moment pour livrer un travail à l'impression, page 5.— Comparaison des articulés avec les vertébrés, page 4. — Station des crustacés, page 6. — plusieurs passent à tort pour des parasites, page 6.— Choix que font plusieurs d’entre eux, page 7. — Quelques-uns sont toutefois franchement parasites, page 8. — Division de ce travail, page 9. PREMIÈRE PARTIE. Recherches sur l'anatomie, la physiologie et l'embryogénie de quelques crustacés. Les Mysiwés, page 11. Mysis vulgaris, page 15. Mysis chameleo, page 14. Mysis ferruginea, page 15. Mysis sancta, page 17. Podopsis Slabberi, page 18. — Mœurs des Hysis, page 21. Anatomie des Mysis, page 24. Squelette tégumentaire, page 24. Historique, page 25. — Appendices ophthalmiques, page 29. Les antennules, page 50. Antennes, page 51. La bouche et ses appendices, page 31. Les pattes, page 53. Les épipodes, page 55. Les somites de l'ab- domen, page 56. Leurs appendices, pléopodes, page 37. Somite caudal et ses uropodes, page 38. Le telson, page 58. Capsule de l'oreille, page 59. Appareil olfactif, page 40. Tube digestif, page 40. Estomac, page 41. Intestin, page 45. Foie, page 44. Appareil cireulatoire, page 45. Appareil branchial, page 49. Appareil sexuel, page 50. — Embryogénie, page 52. — Historique, page 53. — Division du développement des crustacés, page 56. Première période, page 57. Deuxième période, page 65. Troisième période, page 67. Systématisation , page 69. EE 174 = TABLE DES MATIERES. Les Cuwanés, page 71. Description, page 75. Genre Bodothria, page 76. Genre Cuma, > page 81. Genre Leucon, page 85. Systématisation, page 87. Les Inornéinés, page 88. Genre Slabberina, page 88. Slabberina agata, page 89. Les ASSELLOTIDÉS, page 93. Genre Tanaïs, page 93. Les CarneLLiés, page 95. Genre Vaupredia, page 96. Caprella obesa, page 99. Les PRaNIZADÉS , page 100. — Historique, page 100. — Anceus marinus, page 102. Les SaccuLiNIDés, page 108.— Historique, page 108. — Peltogaster paguri, page 117. Sac- culina carcini, page 119. Les CérocniLinés, page 120. Cetochilus septentrionalis, page 122. Les CazLiGinés, page 126. Caligina soleae, page 127. Les Paxparibés, page 128. Genre Loemargus, page 198. Les LERNÉADÉS, page 130. Lernea branchialis, page 150. SECONDE PARTIE. Crustacés observés sur le littoral de Belgique, pages 155 et suivantes. FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. Lit per 6 Jevereytis lié ae JA Roy Mém.de MT PJ. Van Beneden. PI.1. Tom.XXXII. Lu L b de lead. Roy.de Bel: m.des mem Mem.de ME PE Van Beneden. PLIE. V1 NE LL nt APN OP TE ANA LA TON ii à AAA 2 TANIA LR ani HAL TT AL ELA Zi par CSeverens Lith del Acad. Roy. Il {| Li PAL LIFKANY HE (UM UMIVERSITY Of Er £ 3 ae ae + ue, Zi par & Severeyrs Lit de l'Acex. Roy. Frise Meém.de ME PI. Van Beneden. PL. Acad. Roy de Bale: Tom XXI F s RS CIM di io jp er des memb. de LÉ: Le rx Li par & Severeyres Lié ae JA: Mém.de M PJ. Van Ban leneL, IV. Mém.des memb. de l'Acad. Roy: de Bele:Tom.XX XII T7 Van Leneden an nat el Mem.de M PJ. Van Beneden PI. V. pe ne PTE à O0 De Tr) LS] rs r RES ST ANLE TR Le par CSevereyns lié del Hcax Roy. Mem.de ME PJ. Van Beneden PI VI. pe 2 EA Zi par C Severeyres Lilà de Aa Ro a EE Zi par CSeverevrs Liék de l'Ar2a. Aer. Han Mem.de MT PJ. Van Beneden. PIVIT AGE T CE. ne: — te F 2 \ & f / à Mem.des memb.de l'Acad. Roy.de Belez Tom XX XI ner 3 er Z 2207 Do: 29209 Aer ce) REET ve De Li per CSevereyns Lith de l'Head Roy. LA sr Dead D LEA Roy. Bale Dm XXI Mon de MP Van Benedenbl IX. Le. par CSevereyres lità del #22 y. ARARY Of. THE NIVERSITY Of (LLINOIS. Lit par E Seversypns LO,.de] Aa2 Roy. Mn ME Van Beneden Pl X Tom. XXII. 0 C2 de Bel É 5 à T en CL %'e: )) RE {memb.de l'Acad. Roy. LIFR Ur " POITY nt lu : Nore. Mem.de ME PJ. Van Beneden.PL X1 Le per & Severeyn:s Li de lAcad. Joy. An à. m.des memb.de lead. Roy. de Bele: Tom XXXII. Mém.de ME PJ. Van Beneden PI. XI. à Là, par CSevereyns Lit ae Acad, Roy. Lrià par GSeverépres liéh de l'4ca à Roy. Mem.de ME PJ. Van Beneden.PL. XIV. Lit per © Severeyrs Dé.de l'Hrex Âey. unre LE NT 4 | re La Mem.des memb. de l'Acad. Rov. de Belg: Tom. XX XIE Mem .de ME PJ. Van Bencden PI. XV. UT Un "Un 5) Ze. par ESévereyns liéh ae l'Ar22 Joy. =” LAERAGT Qf THE HNIVEREIT Ÿ of AUUINONS Lie par ŒSevereyn:s Liéé ae l'Aca2 Joy. de RP TAcad. Roy.de Belg:"Tom.XX AIT Meém.de M PJ. Van Beneden.Pl. XVI. Lt par & Severeyrs it de j'Aca Ray. e So. : LIHRARY QU FRE AUS TE T Ze per ŒSbvereyrs lith el Acad For. Mem.de M! PJ. Van Beneden.PI. XVHE. sou" m.des memb. de lead. Roy. de Belg; Tom XX XIII ion PAPE Zi par E Séverevrs lié de] Arai Roy. ss memb de lead. Roy: de Belge Tom XXXI Mém.de ME PJ. Van Beneden PLXX . Là Le Zi. par ESevereyr:s lila del Head. Roy. Qf VERRITy 4 LIERARY TRE Mem..de MT PJ. Van Beneden PL XX1. Zi, par &Severeyns Lith de l'Arc A. «1 FOR sai sa 444 (GA we 34 # HA La é AVAL. r# an Hi FEAT 240 #4: à ’ AIMMOTAS 410 : ER | ai > À r Fe L L é _ TE L'Y Ne « 4 d U + # SN $ SJ 7 , t Dre « L " L be. N RC SPAS \ ns rfi , \ +: h rs Li or A sr MÉMOIRES DE L’ACADÉEMIE ROYALE SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. \ Al ÉAMOMEN | à 414104 HWMAGAIAU ÉTAA-LIANE BA TA 2TATTAI 240.88 . 1 AUDE JA; . " Là : MÉMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE SCIENCES. DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XXXII. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. IS61. cet l af | w it 4 4 US HUANOA AIMAGU AO: EVHA-AUAAN AC TA SANTE ACT , 24074 Le os TES tra ÉAATAAUAE AV ON AUMAGADA A AO MAMMENNT ,NATAÏT RUN v” RECHERCHES SUR LA FAUNE LITTORALE DE BELGIQUE, PAR P.-J. VAN BENEDEN, PROFESSEUR À L' UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN. TURBELLARIÉS. Toue XXXIL. l Pr 2AHONSAON AUOBRIAE AŒ AIAAG CTP , AAQSAAE HAN LAN “LV a MÉGNIONTAZ NTM TEAM A à CPPONRAE eg e k 24 2 & a RECHERCHES SUR LA FAUNE LITTORALE DE BELGIQUE. Peu de groupes d'animaux ont été étudiés avec plus d’ardeur et de téna- cité que le groupe généralement connu aujourd’hui sous le nom de Turbel- lariés, et cependant il y en a peu au sujet de la structure desquels il règne une divergence d'opinions aussi considérable. Réduits à une organisation assez simple, les deux seuls appareils qui conservent encore quelque impor- tance, celui de la digestion et celui de la reproduction, ont été l’objet des interprétations les plus diverses. L’orifice de la bouche des uns est l'orifice sexuel des autres; la singulière trompe, souvent armée d'un stylet, est pour ceux-ci un appareil de défense, pour ceux-là un tube digestif incomplet, et la présence d’un anus terminal est même mise en doute par quelques natura- listes dont les travaux jouissent à juste titre de la plus haute estime. Si, au sujet du développement, les divergences d'opinions ne vont pas à _ beaucoup près aussi loin, au moins il y a une diversité de phénomènes telle, que plus d’un naturaliste a de la peine à croire à l'exactitude des observations dont ces vers ont été l’objet. Les Pilidium ne sont plus que des formes pré- curseurs et agames (de véritables scolex) de certains Némertiens , tandis que d’autres genres, au sortir de l'œuf, affectent déjà tous les caractères de l'âge adulte; il y en a même qui se débarrassent , dans le jeune âge, d’une enve- loppe ciliée passagère, pour en revêtir une nouvelle et définitive, égale- ment couverte de cils, comme la première, et qu'ils ne quittent plus. . 4 RECHERCHES Dans ce travail, nos recherches ont été surtout dirigées vers ce double but : après avoir déterminé les espèces, nous avons cherché à débrouiller leur structure , et nous avons mis tous nos soins à épier le développement des œufs et l'évolution des embryons. Nous ne nous étendrons pas sur la partie historique : elle est faite avec tout le soin possible dans les remarquables mémoires de M. de Quatrefages sur les Némertiens et les Planaires. Nous ajouterons seulement ci-après la liste des ouvrages qui ont été publiés depuis sur ce sujet. A l'époque de la publication des belles recherches de M. de Quatrefages, on ne connaissait rien encore sur l'embryogénie de ces vers; un grand pas a été fait depuis. Nous résumerons plus loin en quelques mots cette partie historique. Ce travail sur les vers turbellariés est divisé en deux parties; dans la pre- mière, nous faisons connaitre les espèces que nous avons été à même d'étudier sur notre littoral, et nous y ajoutons tout ce que l'observation nous à ap- pris à leur sujet, tant sous le rapport anatomique que sous celui du dévelop- pement. Ceux qui exploreront ce sujet après nous verront tout de suite ce qui reste encore à faire dans l'une et l'autre direction. Dans la seconde partie , nous résumons ce que les recherches sur les différentes espèces nous ont fait connaitre , et elle comprend en même temps notre pensée sur la structure comme sur lembryogénie de ces singuliers animaux. On y trouvera la con- firmation du principe, que les phénomènes de digenèse et de métamorphose sont généralement d'autant plus complets et plus étendus que les œufs sont moins grands et plus nombreux. Ouvrages publiés, de 1846 à 1858, sur les Turbellariés. 1846. À. DE QUATREFAGES, Mémoire sur la famille des Némertiens. ANN. DES SCIENCES NATURELLES, 9° sér., vol. VI, pag. 175. Voyage sur les côtes de la Sicile, pag. 85. 1847. BLancnarD, Sur l'organisation des vers. ANN. DES SCIENCES NATURELLES, 9° sér., vol. VIII, pag. 195, et vol. XIT, pag. 51. 1848. 1849. 1851. 1852. SUR LES TURBELLARIÉS. 5 De Sor, Boston, Soc. nat. hist., octobre 1848. Muzer’s Arcniv., 1848, pag. DIT. Os. Scaminr, Neue Beiträge zur Naturgeschichte der Würmer, gesammelt auf einer Reise nach den Fürür. Jéna, 1848. Leucxart, Zur Kentniss der Fauna von Island. Wigcm. ArcH., 1849, pag. 149. M. ScuuLrze, Ueber die Mikrostomeen. TROSCHEL’S ARCHIV., pag. 280. Buscu, Beobachtungen (Alardus caudatus.) pag. 110. Os. ScawinT, Neue Rhabdocælen, etc., Sirzunesser., 1852, IX Band, pag. 490. L M. ScnuLTze, Zoologische Skizzen. Zerrs. r. Wiss. ZooL., vol. IV, 1852, pag. 178. . Max. SCHULTZE, Verhandel. der Wurzburg. phys. med. Geseltsch., vol. V, 1855, pag. 222. Cu. Girarp, Researches upon Nemerteans and Planarians. Embryonic develop- ment of Planocera elliptica. Philadelphia , 1854. 7. Os. Scamipr, Zur Kentniss. der Turbell. Rhabdocæl. SITZUNGSBER. DER M. NAT. CL. per Kais. Aka. DER Wiss., vol. XXII, pag. 547. W. SrimPsoN, Prodrom. descript. anim... PROCEED. OF THE ACAD. OF NAT. SC. OF Puican., février 1857. . LEUCKART et PAGENSTECHER, Unters. über niedere Seethiere. MuLLER’S ARCHIV., 1858, pag. 569, pl. 19. TURBELLARIÉS. PREMIÈRE PARTIE. , TÉRÉTULARIÉS. Les Turbellariés comprennent deux grands groupes généralement admis : les Némertiens , que l’on désigne aussi sous le nom de Térétulariés, et les Planariens, qui sont généralement monoïques. La partie principale de ce travail est consacrée au premier groupe; le second a été l'objet de grands travaux de la part de plusieurs naturalistes, et il règne moins de désaccord parmi les auteurs au sujet de la nature des appareils. A voir la diversité d'opinions émises à l'égard des genres établis dans le groupe des Némertiens, il est évident que ces singuliers Turbellariés sont en- core bien incomplétement connus des zoologistes. Sowerby semble avoir donné le premier nom générique, Linaria, au même ver que Oken nomma, peu de temps après, Borlasia et Cuvier Nemertes. Oersted ne cite pas moins de vingt noms de genres, dont les trois quarts sont probablement à supprimer ; et ce n'est pas sans raison que M. de Quatrefages ajoute, comme synonymes du genre Polia, quatorze noms de genres différents. Il à fallu les secours de l'anatomie et peut-être de l'embryogénie, pour établir, dans ces singuliers vers ciliés, des coupes sérieuses et durables. Nous serons, sous le rapport des coupes génériques, aussi sobre que possible, persuadé que la zoologie n'a pas à gagner à ces divisions exagérées. On peut voir, par le prodrome que vient de publier M. Stimpson, ce que la zoologie est en droit d'attendre des explorations lointaines : M. Stimpson RECHERCHES SUR LES TUÜRBELLARIEÉS. 7 n'ajoute pas moins de neuf genres nouveaux aux quarante noms qu'il cite des divers auteurs. Les genres que nous avons adoptés sont les genres Nemertes, Cerebratula et Polia, tous les trois aussi distincts par leur physionomie que par leurs caractères anatomiques. NEMERTES coMmunis. /’an Ben. (PI. 1, fig. 1-15.) Nous avions cru d'abord devoir rapporter le ver si commun, que nous déceri- vons ici, à la Planaria Gesserensis d'O.-F. Müllér et au Nemertes olivacea de Johnston ; mais les caractères de notre espèce, du moins quand on en observe un certain nombre, nous paraissent si constants, que, si le savant naturaliste danois avait eu la même espèce que nous sous les yeux, il n’eüt pas manqué de les signaler. La longueur du corps et la double rangée d’yeux suflisent, du reste, pour distinguer notre Vemertes des vers des naturalistes que nous venons de citer. Ce Nemertes est long de trente centimètres au moins quand il est étendu et ne mesure pas plus d’un ou deux millimètres de largeur. Étalé dans l'eau, ce ver produit le plus singulier aspect : à la première vue, on dirait un Gordius marin, tellement le corps est étiré par moments ; il acquiert en effet quelquefois une ténuité extrême : il s'attache par un des bouts aux parois de verre de l'aquarium, se dirige vers le milieu, se courbe brusquement pour atteindre les parois opposées, et se perd dans le sable ou s'étale à fleur d’eau dans une immobilité complète. D’autres fois on le trouve pelotonné sur lui-même, élargi dans une région, rétréei dans une autre , ayant l'aspect d’une masse de circonvolutions intestinales cherchant à se loger dans un étroit espace. Les mouvements de ces singuliers vers ne sont pas à définir pour ceux qui ne les ont pas observés en vie. Le corps est lisse et uni, quand il est régulièrement étalé, mais quand il se contracte dans une région , on voit surgir une bande au milieu et le long du dos, et le corps prend l'aspect d'un brin de macaroni coulé dans un moule. Cette espèce est très-remarquable aussi par sa couleur. Ordinairement 8 RECHERCHES * d'un noir luisant où brunâtre, la couleur passe dans le même individu au brun verdâtre, au jaune pâle ou quelquefois même à une teinte rosée. On trouve également des individus vivant dans les mêmes conditions que les autres et qui ont tout le corps pâle rosé ou jaunätre : ce sont les mâles, qui semblent être en général le moins foncés en couleur et le plus petits de taille. Nous observons depuis plus d’un an ces Nemertes dans un aquarium qui ne renferme guère plus d’un litre d'eau, et nous les trouvons aussi vivaces que les premiers jours. Quelques vers, avant d'être acclimatés, se retournent en tout ou en partie comme un doigt de gant, de la même facon que Trembley retournait artificiellement ses Hydres, et la surface des parois digestives de- vient extérieure, Nous avons vu un jour tous les vers provenant de la même pêche présenter ce phénomène. Nous devons ajouter qu'en général ces We- mertes étaient mutilés, et ces invaginations commencent généralement, si pas toujours, dans les régions lésées. [ls présentent alors un bien singulier aspect à côté des autres, surtout quand ils ne sont pas retournés complétement : c’est comme la manche d'un habit retourné qui montre une doublure de deux couleurs différentes. Vers la fin de l'été, nous avons trouvé aussi, dans notre aquarium, des individus dont la partie antérieure du corps était colorée comme à l'ordinaire, mais dont le milieu insensiblemeni se décolorait, de manière qu’à une cer- laine distance de la tête, le corps était complétement étiolé , et les ovisacs chargés d'œufs se montraient entassés à travers l'épaisseur de la peau. Chez ces derniers, un certain nombre d'œufs étaient pondus dans la gaine trans- parente qui emprisonne le corps et formaient une mosaïque semblable à celle que nous avons vue dans d'autres espèces. Ce ver habite, durant toute l’année, le dessous des pierres mobiles qui forment les kateyen à Ostende; d'un côté, il touche le sable, de l'autre la surface plus où moins raboteuse des pierres. Nous en avons pris dans cette position en été comme en hiver, pendant les plus fortes gelées comme pendant les plus grandes chaleurs. On en trouve souvent plusieurs réunis sous une même pierre, et l’on peut s’en procurer pour ainsi dire autant que l'on veut. I y a des Annélides tubicoles, mais jusqu'à présent il n'a guère été question de Nemertes tubicoles. Il y en a cependant, et celui dont il est SUR LES TURBELLARIES. 9 question est de ce nombre. De la surface du corps s'échappe avec une rapi- dité étonnante une viscosité qui se durcit rapidement et dont il reste des traces partout où le ver a passé. On en trouve, au fond de l'eau comme à la surface, des restes sous forme de filaments assez semblables à des fils de toile d’araignée; ils servent de point d'appui au ver pendant ses évolutions, et ils lui donnent les attitudes les plus singulières. Il se rend, par exemple, de la circonférence vers le milieu du bassin, s’infléchit brusquement , forme un angle quelquefois aigu , et quitte la surface pour s’enfoncer dans la vase du fond. La tête, sans être nettement distincte du corps, a cependant ses limites ; elle est sensiblement déprimée, de la largeur même du corps, tronquée en avant et montre sur le côté les fossettes céphaliques. Vue de profil, elle n'est pas sans ressemblance avec une tête de serpent aplatie. A la face inférieure, le ver prenant librement ses ébats, on aperçoit, à une certaine distance de l’orifice de la trompe, une fente longitudinale bor- dée de lèvres mobiles : c’est la bouche. La couleur de ces lèvres est un peu plus pâle que le reste du corps. En braquant une loupe sur le corps pendant qu'il se tortille, on aperçoit depuis la tête jusqu'à la queue de tout petits points blancs, très-régulière- ment disposés sur les flancs, et qui correspondent aux ovaires chez les fe- melles , aux testicules chez les mäles : ce sont des orifices sexuels qui livrent passage aux œufs et aux spermatozoïdes, comme Oersted l’a représenté. Après avoir étudié ce Nemertes sous le rapport de son genre de vie, de sa taille et de ses caractères extérieurs, nous allons l’examiner sous le rapport de sa structure anatomique. Pendant plusieurs mois, nous en avons observé, de tout âge et de sexe différent , vivant librement dans nos aquariums, sans que nous ayons réussi une seule fois à voir leur trompe naturellement déroulée. En comprimant légèrement l'extrémité céphalique, on découvre cependant aisément cet organe sur la ligne médiane , et il se fait remarquer autant par sa longueur excessive, ses nombreuses circonvolutions, l'étroitesse et la régu- larité de son calibre que par sa grande mobilité. L'orifice de la trompe est terminal. Il n’est pas difficile à découvrir. La Toue XXXIT. 2 . 10 RECHERCHES trompe elle-même ne présente d'autre particularité que sa longueur et l'ab- sence de stylets dans son intérieur. Ainsi que dans les autres Nemertes, cet organe se déroule comme un doigt de gant, et le fond est attaché par des fibres musculaires qui jouent le rôle d’un muscle rétracteur. La trompe, dans son ensemble, est suspendue librement dans la cavité du corps comme le tube digestif des Bryozoaires. Il est inutile de faire remarquer qu'il n'existe aucune communication entre la cavité de la trompe et la cavité digestive qui la loge. L'appareil digestif n'est pas difficile non plus à découvrir. D'abord il est facile de voir l'entrée, même à l'œil nu, quand on tient le ver en vue pendant qu'il se retourne sur lui-même. En effet, à la face inférieure, à quelque distance des ganglions cérébraux, qui se font reconnaitre à leur teinte rougeàtre, on voit un orifice, dont les contours sont fort mobiles, tantôt allongé comme une boutonnière, tantôt circulaire et à lèvres fran- gces : c’est la bouche. Si on ne la reconnait pas toujours à l'orifice, puisqu'il est complétement oblitéré par moments, on la distingue toujours, surtout chez les Nemertes foncés de couleur, au pourtour des lèvres , qui sont sensi- blement plus pàles que les autres parties du corps. De cette bouche on pénètre dans une cavité qui occupe presque toute la largeur du corps et dont la partie antérieure se termine brusquement en eul- de-sac. De l’orifice de la bouche partent plusieurs stries , le plus souvent au nom- bre de six, qui s'étendent parallèlement d'avant en arrière sur les parois de ce tube et qui ne sont pas sans ressemblance avec des vaisseaux. Dans sa portion antérieure, ce tube digestif semble former le vestibule d'une cavité plus grande, qui occupe toute la longueur du ver, et dans toute son étendue, des replis jaunes, contenant, dans leur intérieur, des vésicules flottantes de la même couleur, représentent les organes hépatiques. C'est dans l'espace laissé par ces replis que se développent les organes sexuels. Ce tube digestif se dirige tout droit vers la partie postérieure du corps, sans présenter aucune modification sur son trajet, et, sans former aucune apparence de circonvolution , il va s'ouvrir à l'extrémité postérieure du corps. Nous avons vu des fèces s'évacuer par cet orifice. PF UT sit à SUR LES TURBELLARIÉS. {1 Du reste, il ne peut plus y avoir de doute sur la nature de cet appareil : c'est bien l'orifice de la trompe qui s'ouvre en avant, tandis qu'en dessous, à quelque distance de l'extrémité céphalique, c’est bien la bouche, et à l'ex- trémité opposée, l'anus. L'intérieur du tube digestif renferme des grégarines en quantité considé- rable et qui sont remarquables par leur petitesse et leur forme de virgule. Nous croyons inutile de nous arrêter à la question de savoir si ce dernier appareil est bien propre à la digestion et si ce rôle n’est pas dévolu plutôt à la trompe, qui est terminée en cul-de-sae. La présence des grégarines, si elle ne tranche pas la question , limite au moins fortement en faveur de cette opi- nion. Nous rappellerons seulement iei que, si quelques auteurs ont pu attri- buer à ces vers un canal digestif incomplet, c’est qu’ils prenaient la trompe pour l'appareil entier de l'assimilation. Il n'y à pas d'appareil respiratoire : toute la surface de la peau, qui est régulièrement ciliée, en tient lieu. Les fossettes céphaliques elles-mêmes, dont nous allons parler, n’appartiennent pas à cet appareil. Depuis longtemps on a observé sur le côté de la tête de ces vers des sil- lons et des fossettes barbés de longs cils vibratiles dans lesquels on a cru voir quelquefois des rudiments d'un appareil branchial. Nous croyons qu'ils remplissent un autre rôle. Voici d’abord leur disposition : De chaque côté de la tête, on découvre une fente peu profonde, bordée d'une lèvre en dessus et en dessous, qui s'étend jusqu'à une certaine dis- tance de la cavité de la bouche. Cette fente est terminée en arrière par une fossette en forme d’entonnoir dont le bord et l’intérieur sont garnis de longs cils vibratiles : c’est ce que l’on observe à l'extérieur. En comprimant avec beaucoup de soin la partie antérieure du corps, on ne tarde pas à se convaincre que les fossettes appartiennent à l'appareil si répandu dans toute la division des vers et que nous ne pouvons nous empé- cher de regarder comme appareil excréteur. Tout le long du corps, on voit distinetement à droite et à gauche un vaisseau longitudinal dont les parois par moments se contractent et dont le calibre est, par conséquent, variable. Dans les individus un peu décolorés, ces vaisseaux longitudinaux se voient beaucoup plus distinetement que chez 12 RECHERCHES les autres. En avant, ces vaisseaux aboutissent au-dessous des ganglions cérébraux , et, Si nous ne nous trompons, ils se renflent à en vésicules qui semblent appartenir aux ganglions mêmes, et qui conduisent leur contenu à l'extérieur par un court canal excréteur aboutissant au fond de la fossette laté- rale. En arrière, ce tube, gorgé de liquide, semble s'anastomoser simplement avec celui du côté opposé. Le long des parois du tube digestif, on voit en outre plusieurs vaisseaux, mais dont les aboutissants sont difficiles à découvrir. Le point central de cet appareil semble se trouver de chaque côté, immé- diatement au-dessous des ganglions cérébraux. Dans certains vers et surtout à un degré de compression convenable, on voit, au fond de la fossette latérale, aboutir un canal à parois assez larges, se terminant à l'extérieur par une sorte d’entonnoir et qui n’est que le prolongement d'une poche située der- rière les ganglions nerveux dont elle semble n'être qu'une dépendance. Nous avons vu des cils vibratiles à l'entrée de ce canal et jusques vers le milieu de sa longeur ; mais, dans la vésicule elle-même, nous n'avons plus observé aucun mouvement. Nous n'oserions dire que nous avons une conviction entiérement faite sur l'ensemble de cet appareil, comme nous en avons une pour les vers tré- malodes et cestoïdes ; mais nous ne croyons cependant pas nous tromper beaucoup dans cette description, si tant est que des recherches ultérieures ne confirment pas complétement ces observations. Il est assez remarquable que les fossettes dont il vient d'être question aient été prises par les uns pour les organes du toucher, par les autres pour les organes de l'ouïe, tandis que, depuis 1848 !, Oscar Schmidt leur attribue, du moins quant aux Microstomes, le rôle d'organes respiratoires. Comme il a été reconnu depuis longtemps, les sexes sont séparés. Les testicules sont fort nombreux ; ils consistent, comme les ovaires, dans des sacs qui sont situés au-dessous de la peau , le long du tube digestif. Les spermatozoïdes ont la forme de bâtonnets et, comme les œufs, ils échap- pent par déhiscence. I n’y a pas plus de spermiductes que d’oviductes. Il est assez remarquable que les filaments spermatiques présentent d'une espèce à ! Die Rhabdocælen Strudelwürmer. Jena, 1848, p. 9. Pe 2 RS SE LÉ me Gif @er:Z- SUR LES TURBELLARIÉS. 15 l'autre une telle différence dans leur forme que, depuis 1844, M. Oersted avait reconnu qu'ils pourraient servir à caractériser les espèces !. Dans toute la longueur du ver, à l'exception de l'extrémité céphalique , on voit immédiatement sous la peau, comme depuis longtemps Oersted et M. Schultze l'ont reconnu, des ovisacs qui ne sont autre chose que les ovaires eux-mêmes: Dans chacun d'eux loge une quantité considérable d'œufs dont le nombre peut s'élever jusqu'à une centaine. Ces œufs sont irréguliérement comprimés ; mais, abandonnés à eux-mêmes dans l'eau, la membrane exté- rieure se distend, un liquide limpide remplit l'intervalle entre elle et le vitellus, et celui-ci finit par s’arrondir complétement. Ces œufs-pris dans l'ovaire montrent, avant la fécondation, une grande vésicule germinative au centre d’un vitellus granuleux. Les œufs voisins de leur maturité sont pressés fortement les uns contre les autres, de manière qu'ils sont loin d’avoir une figure régulière. Les vitellus eux-mêmes, transformés déjà en blastodermes, sont si irréguliers dans leur aspect, qu'ils ressemblent à une casquette de laine qu'on aurait portée pen- dant quinze jours dans la poche de son habit. La vésicule germinative ayant disparu, le vitellus s'organise, et, avant la ponte, nous avons trouvé des embryons couverts de cils vibratiles. Quelques-uns de ces embryons ont une forme de poire, d’autres sont ovales et ceux que nous croyons les plus avancés affectent la forme d'un boudin. Ces vers sont habituellement pelotonnés, soit les uns sur les autres, soit sur eux-mêmes, et des individus de sexe différent s’enlacent dans une seule et même gaine membraneuse. La fécondation doit avoir lieu pendant la ponte ou immédiatement après, lorsque les œufs flottent encore dans une atmo- sphère de spermatozoïdes. Des œufs non fecondés, mis en contact avec des spermatozoïdes, sont envahis par ceux-ci en quelques secondes et se cou- vrent d’un nuage de ces filaments fécondateurs. Nous avons trouvé des œufs, pondus naturellement et logés dans la gaine membraneuse, vers la fin de l'été (septembre), dans un aquarium qui ne 1 Die Spermalozoen zeigen so grossen Unterschied, dass sie als Charatere der Arten dienen konnen; Oersted, Entwurf, p. vin (18%). 14 RECHERCHES renferme pas plus d'un demi-litre d’eau et dont le fond est rempli de sable et de coquillages. Au mois de novembre, ces mêmes vers et leurs œufs étaient encore exactement dans le même état. NEMERTES FLACCIDA. O.-Fr. Muller. (PI. 1, fig. 14-17.) Syn.— Praxana FLaccipa. O.-Fr. Muller, Zoolog. danica, pl. 64, fig. 4. On comprend aisément que les auteurs, qui n'ont laissé qu'une courte description de l'aspect extérieur de ces vers ou qui n’en ont donné qu'une ligure, n'ont pas toujours rendu facile la connaissance des espèces qu'ils ont établies, surtout quand ces espèces sont si variables de forme, de taille et de longueur. Aussi, n'est-ce qu'en hésitant qu'on peut rapprocher celles que l'on découvre de celles qui sont déjà décrites. Le Nemertes dont il est ici question nous avait paru d'abord devoir con- situer une espèce nouvelle; mais, après avoir pesé mürement la valeur des caractères que 0.-Fr. Muller attribue à son Planaria flaccida, nous croyons devoir lui rapporter ce ver que nous avons trouvé sur nos côtes. I a tout le facies des Nemertes ordinaires, c’est-à-dire que le corps est rubanaire, et qu'il s'élargit ou se rétrécit rapidement ; il montre en avant trois paires d'yeux stemmatiformes, une longue fente céphalique, lorifice de la trompe terminal, la bouche infère et le corps, rougeâtre en avant, change insensiblement en jaune sale en arrière; la peau, couverte dans toute la longueur de bandes transverses, le divisent en compartiments carrés. Ce dernier caractère le fait aisément reconnaitre au premier abord. Nous avons trouvé cette espèce sur des huitres (Ostrea hypopus) et quel- quefois, mais plus rarement , sous les pierres des Æateyen. tas PP RE th. UE. émanant surtt l'an PP SUR LES TURBELLARIÉS. 15 Nemerres QuarreraGn. l'an Ben. (PI. IL, fig. 5-9.) C'est une des plus belles espèces que nous ayons encore eu Foccasion d'observer, et si elle est assez remarquable par sa taille, elle n'est pas moins curieuse par ses bandes régulières, qui lui donnent tout à fait l'aspect d'un ruban vivant. Les anciens, s'ils avaient eu l’occasion de voir ce ver, n'au- raient pas manqué de le rattacher à la toilette de Vénus. Nous en avons vu deux individus, étalés sur des ulves que nos pêcheurs d'Ostende avaient rapportées sans pouvoir bien en préciser l'origine. Les ulves étaient encore attachées à la pierre qui les portait. Ces vers mesurent à peu près douze centimètres en longueur. Ils se pelotonnent fortement sur eux-mêmes, comme de vrais Vemertes, et au moindre attouchement, on les voit se rompre en fragments. C’est sur- tout à la hauteur du collier æsophagien que la rupture se fait facilement. Ce ver frais a une couleur légèrement brunâtre et, du côté du dos, il porte huit bandes de couleur foncée alternant avec des bandes plus pâles. Ceux-ci s'étendent dans toute la longueur du ver sans interruption. A la face infé- rieure du corps, on n’aperçoit qu'une seule bande plus pâle, située sur la ligne médiane. Autour de la tête, la peau a une teinte légèrement rosée, provenant des vaisseaux qui entourent le collier nerveux œsophagien. La tête est fort peu distincte du reste du corps, mais elle présente un caractère important dans la disposition des yeux : on voit trente à quarante taches noires de chaque côté, placées en apparence sans ordre el sans appareil optique spécial. On les distingue bien quand le ver rampe sur le ventre et qu'on le regarde de face, mais, comme on le pense bien, on peut à peine les apercevoir quand il est vu de profil. Sur le côté de la tête, on voit la fossette céphalique étendue depuis la pointe jusqu’à la hauteur des ganglions nerveux. Au-dessous et un peu en arrière de ces ganglions, s'ouvre une bouche dont l'orifice peut s’élargir considérablement en entonnoir ou dont les lèvres, 16 RECHERCHES en se rapprochant, forment une fente longitudinale. Cet orifice s'abouche immédiatement dans la large cavité digestive. Du bord des lèvres partent des replis qui rappellent le sac branchial de quelques Tuniciers. Le tube digestif possède des parois propres, très-minces et très-délicates, remplies de granulations, se déplaçant au gré des contractions des parois, et s'ouvrant, à l'extrémité postérieure, sans montrer sur ce long trajet aucune modification de quelque importance. Toute la cavité digestive n’est qu'un long estomac. La trompe ne nous à rien offert de particulier, et nous n'avons pas eu l’occasion de la voir déroulée. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, le collier œsophagien est remar- quable par sa couleur rouge, qu’on voit moins distinetement cependant dans ce Nemertes que dans d’autres espèces, à travers l'épaisseur de la peau. Cette couleur n'est pas due, comme on l'a cru longtemps, aux ganglions nerveux, mais à des vaisseaux qui les entourent : l'on comprend aisément que l'on ait pu confondre les ganglions nerveux avec les troncs vasculaires. CEREBRATULA OERsTEDn. /'an Ben. (PL. I, fig. 1-4.) Ce ver présente distinetement tous les caractères du genre; jamais il n’est aussi entortillé que les Nemertes véritables, et, tout en s'enroulant sur lui- même, il ne peut se pelotonner comme ces derniers. Il habite entre les pierres et sur les plantes marines, dans les profon- deurs. Il est long de cinq centimètres et mesure, dans sa partie la plus large, trois millimètres. Le corps, malgré toute sa contractilité, est ordinairement plus large en avant que vers le milieu, et c'est en arrière qu'il est le plus étroit. La tête n'est pas distincte : il y a absence complète de points oculi- formes, SUR LES TURBELLARIÉS. 17 Il a une couleur uniforme rosée ou brunâtre, sans aucune tache ni raie autre que la raie jaune, d'un aspect pulvérulent, qui s'étend depuis le bout de la tête sans interruption jusqu’au bout de la queue, et que l’on voit même à travers l'épaisseur du corps. La tête montre distinctement le sillon latéral. La bouche s'ouvre au-dessous et un peu en arrière du collier. Elle m'a longtemps échappé. Les lèvres sont souvent ondulées, et, se joignant à angle droit en arrière, tout en s’écartant en avant, forment un orifice en forme de V. Quelquefois aussi la bouche est circulaire, et l'œil plonge directement dans la cavité digestive. Il faut voir l'entrée de cet appareil quand le ver n’est pas trop comprimé entre des plaques de verre. Le canal digestif se divise en trois compartiments : le premier est très- court et pourrait être comparé à l’œsophage ; le second a le double ou le triple en longueur et représente l'estomac : ces deux cavités ne sont resserrées que là où elles se séparent l’une de l'autre. Le troisième compartiment est au bout des deux précédents, et continue jusqu’à l'extrémité postérieure du corps sans subir aucune modification notable : c’est l'intestin; il est étranglé à des distances régulières sur toute la longueur et devient opaque par son contenu. C'est entre ces étranglements, en dehors des parois, que se développent les organes sexuels. L’anus s'ouvre, comme dans les autres genres, à l'ex- trémité postérieure du corps. La trompe est excessivement allongée et atteint à peu près la longueur du ver; elle ne varie guère de calibre sur son trajet, si ce n’est tout en arrière, où elle se rétrécit légèrement. Comme toujours, elle est attachée aux deux extrémités. J'ai vu ce Cérébratule dérouler sa trompe pour menacer sa proie : on aurait dit un ver vivant vomi par son hôte. Après la séparation du corps, cette trompe conserve assez longtemps ses mouvements, et le naturaliste non prévenu pourrait facilement prendre cet organe pour un animal vivant. | Il n’y à aucune apparence de stylet sur toute l'étendue de cet appareil. Toute la trompe se meut librement dans la cavité intestinale. Toue XXXIT. 3 . 18 RECHERCHES Le collier nerveux est rougeâtre comme les deux cordons latéraux qui en partent. On peut poursuivre ces derniers jusqu’à l'extrémité caudale. En arrière un gros vaisseau très-large, à parois très-contractiles, qui parait et disparait par intervalles, occupe la ligne médiane et semble s'ou- vrir au bout de la queue. Pozia ivvorvra. lan Ben. (PI. IH.) Ce ver nous parait évidemment nouveau pour la science, et il n'est pas possible , en l'étudiant avec quelque attention , de le confondre avec une autre espèce quelconque. La trompe, excessivement courte, est logée immédiatement derrière les ganglions cérébraux et porte un stylet unique. Le corps est arrondi, sans fentes céphaliques distinctes et très-peu sujet à la diffluence. Il a deux veux. Il est logé de très-bonne heure dans une gaine assez solide, qui est atta- chée directement ou indirectement aux appendices sous-abdominaux des crabes (Cancer moenas), et on en trouve souvent en grand nombre sur les crabes femelles chargés d'œufs. Il atteint deux à trois centimètres de long sur 0®®,25 de large. On trouve déjà dans leur gaine, entre les œufs de crabe, des jeunes qui n'ont pas plus du double de leur largeur. + L'embryon, au moment de l'éclosion, porte un flabellum céphalique qui semble servir d'organe explorateur. Ce Némertien est appelé à rendre de grands services aux naturalistes. On sait combien il est difficile de se procurer des œufs et des embryons de Né- mertiens. Grâce à cette espèce, qui vit sur les crabes, il suflit de recueillir un certain nombre de ces Crustacés, surtout à l’époque de la ponte ou de l'incubation, pour être sûr de trouver dans les mêmes gaines, indépen- damment des vers adultes de différents sexes, des cordons d'œufs attachés aux œufs et aux appendices de crabes. On découvre facilement aussi des embryons éclos où sur le point d'éclore, répandus tout autour des grappes d'œufs de crabe, Rien ne sera aussi facile que d'observer le développement SUR LES TURBELLARIÉS. 19 de ce Némertien, même loin de la mer, puisqu'on pourra expédier avec le crabe toute sa progéniture logée et blottie sous les appendices abdomi- naux. Le ver dont ce Nemerte se rapproche le plus est désigné sous le nom de Prorhynchus stagnalis par M. Schultze. Il a, comme celui-ci, une trompe armée d’un stylet placé tout près de l'extrémité céphalique, et si ce genre devait être conservé, notre Némertien serait sans aucun doute un Prorhyn- chus. Mais sur quoi repose ce genre? Sur la position antérieure de la trompe et sur son habitat. Il est évident qu'il n’y à pas là des caractères suffisants pour l'établissement d’une coupe générique. Ce que nous trouvons de plus remarquable dans ce ver fluviatile de M. Max Schultze, c'est que l'ovaire semble formé d’une poche unique contenant plusieurs œufs, dont les anté- rieurs sont les plus complets. Ce ver est très-eflilé comme les autres Némertiens, mais le corps est plutôt rond qu'aplati. Il est toujours logé dans une gaine à parois assez résis- tantes et qui, au microscope, présentent un aspect particulier : on les dirait formées de dalles. On trouve souvent deux ou trois vers de l’un et de l'autre sexe dans une même gaine. La couleur de cette espèce est habituellement Jaunâtre ou rosée. La gaine qui loge les œufs est toujours plus délicate et plus transparente, et ne présente jamais cet aspect d’une membrane à mo- saique. Le corps est très-mobile et il peut se rétrécir fortement ou s'étendre de manière à doubler sa largeur. Il a deux yeux parfaitement distincts. La trompe est excessivement courte et porte un stylet isolé. Le tube digestif est divisé en compartiments nombreux qui alternent et que l’on distingue surtout hors de l’époque des amours. Le tube digestif semble décrire un mouvement en zigzag. Si l’on ouvre cette cavité pour répandre le contenu, on voit des globules sphériques de diverses grandeurs dans un mouvement de trémulation et montrant, dans intérieur, des granulations frétillantes, comme si elles servaient de prison à des amas d'infusoires. On apercçoit les ovaires à travers la peau, et, par leur couleur blanche, ils donnent à ce ver l'aspect d’un chapelet, bien entendu, quand les œufs se rapprochent de l'époque de leur maturité. 90 RECHERCHES * Nous avons remarqué quelques individus, placés entre les deux lames de verre, évaginer leur trompe, qui, tout en variant de forme, se creuse en avant en s'élargissant et prend l'aspect d'un mortier à parois épaisses. Le stylet est logé au fond de ce vase. Nous avons vu souvent, comme nous venons de le dire, des individus des deux sexes logés dans la même gaine et, comme leurs œufs sont fécondés, nous devons les regarder comme des individus adultes. En général, ces femelles ont de deux à trois centimètres de long, tandis que le mâle n'a tout au plus qu'un centimètre. Il existe les mêmes proportions dans le calibre du corps. Un individu que nous avons trouvé sur un crabe sans œufs dans une gaine pédiculée avait trois à quatre centimètres de long. D'un autre côté, nous en avons trouvé dans des gaines, au milieu des œufs de crabes, qui n'avaient pas plus de deux millimètres. Nous n'avons pas vu de fossettes céphaliques ni de rainure comme dans les autres Nemertes. En étudiant la peau au microscope, et plaçant la surface du corps au foyer, on aperçoit sur toute la surface des replis en zigzag se dirigeant d'avant en arrière et qui ont toute l'apparence d'un réseau capillaire à rameaux anasto- mosés. Nous n'avons cependant pu découvrir ni mouvement de liquide ni fouets vibratiles. On ne peut pas dire qu'il y a accouplement, mais cependant on voit le male, étendu à côté de la femelle, dans la même gaine, répandre son pro- duit fécondant pendant que la femelle se couvre de ses œufs. Il en résulte que le produit des deux sexes est mis, immédiatement après la ponte, en contact l'un avec l'autre, et que la fécondation s'effectue au mo- ment même où les œufs sont évacués. Les œufs sont logés dans des gaines transparentes ordinairement en deux rangs et alternant entre eux. Cette gaine n'est pas la même que celle dans laquelle des œufs sont pondus et que la mère abandonne ensuite. Il résulte de l'examen comparatif que ces gaines diffèrent notablement entre elles : la gaine à œufs est hyaline, lisse et unie, tandis que la gaine qui loge le ver est dallée et présente plutôt un aspect épidermoïdal. ns. SUR LES TURBELLARIÉS. 91 La gaine à œufs est évidemment formée par la surface de la peau comme l'autre, mais elle n’est pas, comme Oersted l’a dit pour une autre espèce, la gaine elle-même habitée d’abord puis abandonnée de la mère. La fécondation des œufs s’accomplit de la manière la plus simple : Fœuf spermatique se développe dans un spermisac, comme Pœuf vitellin dans un ovisac, et à l’époque -de la maturité, l'œuf spermatique s'échappe par déhis- cence, entouré quelquefois encore de son enveloppe spermisacale. Celle-ci se déchire à son tour, puis, plus tard, les parois mêmes qui renferment les fila- ments fécondateurs , et ceux-ci se répandent en s’agitant comme des anguilles échappées de leur nid. Les œufs se forment dans des sacs qui sont logés dans toute la longueur du ver, depuis la bouche jusqu’à l'extrémité caudale. On les voit au nombre de deux ou trois et quelquefois davantage dans chaque poche. Au centre d'une masse vitelline d’un blane mat qui forme tout l'œuf, on distingue une vésicule germinative hyaline comme à l'ordinaire , sans autre vésicule ni granulation dans son intérieur. Le vitellus est couvert immédiatement d’une membrane pellueide élas- tique et assez résistante qui correspond à la membrane vitelline. L'évacuation des œufs a lieu, comme nous l'avons déjà vu, par déhis- cence : il y a autant d’orifices qui se forment dans la peau qu'il y a de sacs à œufs. Ces œufs adhèrent, pendant quelque temps, à la surface de la peau. Peu de temps après leur séjour dans l’eau, chaque œuf s’entoure d’une auréole limpide qu’on ne distingue que par les corpuscules étrangers qu'elle tient à distance du vitellus. L'œuf fécondé change bientôt d’aspect : la vésicule germinative disparait et le fractionnement du vitellus s'effectue avec rapidité. Bientôt l'enveloppe propre de l'œuf se distend plus ou moins, et un certain espace se forme entre le vitellus et son enveloppe. Pendant ce temps, le vitel- lus s'est condensé à la périphérie en un sac blastodermique. On voit la masse vitelline se resserrer au milieu du sac. Peu de temps après, des cils vibratiles hérissent la surface et entrent en 22 RECHERCHES fonctions avant que le jeune embryon se soit dépouillé de son enveloppe protectrice . On voit, en effet, de jeunes Wemertes se mouvoir dans leur œuf avant leur sortie de la gaine. En plaçant au hasard quelques gaines à œufs dans un verre de montre, on voit bientôt des embryons de Vemertes S'abandonner à leur vie vagabonde dans leur mince océan et s'agiter convulsivement pour se mettre quelque part en lieu de sûreté. C'est vers cette époque que surgissent deux organes de la vie de relation : deux points oculaires d’une teinte brunàtre et, en avant, dans l'axe du corps, un filament assez long, semblable à une tige de fouet très-flexible, que le jeune ver porte implanté dans son front. Ce filament se recourbe à droite et à gauche , ondule ou forme un crochet et semble guider le jeune animal dans ses périlleuses explorations. Nous ne voyons faire mention de cet organe par aucun de nos prédé- CeSSeUrS, La peau, qui n'est autre chose que le blastoderme, devient de plus en plus distincte, pendant que la masse vitelline, qui a cédé toute sa quintessence pour la formation des premiers tissus, se concentre en arrière et accuse l'ap- parition d'une cavité digestive. La forme du corps, tout en étant un ovale régulier, peut se modilier, s'élargir ou se rétrécir en avant ou en arrière, de manière que tantôt il appa- rait une tête et un abdomen, tantôt un corps uni sans aucune distinction de régions. Vers le milieu du corps, on voit apparaitre un espace de forme ovale , qui devient de plus en plus distinet, et correspond à l'orifice buccal : c’est le pre- mier orifice qui surgit. Il n'y à pas encore d'apparence de trompe. Le même filament que nous voyons à l'extrémité céphalique se répète chez plusieurs individus, nous n’osons pas dire tous, également à l'extrémité caudale. Les cils vibratiles sont devenus maintenant si nombreux, qu'ils forment une loison autour du jeune ver, toison qui tombe aussitôt après et emporte le filament qui semble lui avoir servi de sentinelle au début de la vie. SUR LES TURBELLARIES. 5 Le jeune ver, après celte mue, n'a pas changé de forme , conserve les deux points oculaires et n’a subi d'autre changement que celui de la perte de l'or- gane exploratif dont nous venons de parler. C'est le moment de nous demander : est-ce une mue que le ver subit ou bien est-ce un scolex qui a engendré un proglottis ? Nous penchons fortement en faveur de cette dernière interprétation, d'au- tant plus que l'analogie des vers distomes, aussi bien que des cestoïdes, lui est favorable. La première forme , avec ses deux filaments à un ou deux pôles, représente l'enveloppe ciliée des jeunes distomes à leur éclosion , et la vésicule hexacanthe du premier âge des Cestoïdes, ou enfin les Pilidium , étudiés avec tant de soin l’année dernière par MM. Leuckart et Pagenstecher. PoLia OBSCURA ‘. (PI. AV, fig. 1-7.) SxxoNYME. — Pouia varicoLoR, Zetraslemma varicolor, Oersted, Plattwürmer, pl. HE, &g. #1. — Terrastemma oBscurum, M. Schultz, Beiträge zur Naturgeschichte der Tur- bellarien. Greifswald, 1851, p. 62, pl. VI, fig. 2-11. Zoologische Skizzen (Zerr. FÜR wiss. Z00L06G.), 1855, IV B., p.178. — V. Carus, /cones zootomicae, pl. VIT, fig. 10-15. Le corps est allongé, légèrement aplati, mais moins variable de forme que les Nemertes ordinaires. Étalé, il n'est pas sans ressemblance avec les Annélides ordinaires : les régions du corps qui sont étirées s'amineissent comme un fil, tandis que celles qui sont contractées prennent l'aspect d'une 1 Je possédais une femelle pleine dans mon aquarium, et je me promettais bien d'en poursuivre le développement, mais je n'ai pu la retrouver, et les autres individus, plus jeunes, sont morts avant leur développement adulte. Je regrette de n'avoir pu étudier plus complétement cette espèce. Tout cet article était écrit lorsque j'ai trouvé deux individus très-complets et adultes, au mois de septembre 1859, logés dans les anfractuosités d’une huiître qui était née au pare, à Ostende. Les organes sexuels n'étaient pas développés : c'était à la fin de septembre; mais ce qui m'a surtout intéressé dans ces Polia, c'est que non-seulement les vaisseaux étaient parfaite- ment distinets, au grossissement d’une faible loupe, mais ils étaient gorgés d'un sang rouge comme dans la plupart des Annélides. Aussi eroyais-je avoir un ver nouveau sous les yeux avant de l'avoir bien étudié. 24 RECHERCHES masse de métal fondue qui se répand dans un moule. Toute la surface du corps est ciliée. La couleur du ver est très-päle, avec une teinte légèrement jaunâtre, comme une plante ou un animal étiolé. Aussi fuient-ils précipitamment la lumière, quand on les place dans un vase trop exposé au grand jour. Il est logé dans une gaine membraneuse extraordinairement délicate et toute transparente , que l’on découvre plutôt par les grains de sable qui s'ag- glutinent à sa surface plutôt que par elle-même. Dans le nombre d'individus que nous avons eu l’occasion d'observer , pas un seul ne s’est scindé, même sous l'influence de la compression entre deux lames de verre. Il atteint la longueur de cinq à six centimètres, et depuis un demi jus- qu'à deux millimètres de largeur. n On en trouve assez régulièrement sur des fucus; de temps en temps, on en observe aussi sur des huîtres, et nous en avons découvert sur des huitres nées au parc. De même que dans les autres genres de cette famille, il existe un véritable tube digestif et une trompe; mais, tout en faisant partie du même appareil, ces organes n'ont cependant entre eux aucune communication directe. La trompe s'ouvre comme chez les congénères, tout au bout de l'extré- mité céphalique, tandis que la bouche est infère et s'ouvre en arrière du collier nerveux. Tout le canal digestif consiste dans un long tube membra- neux, à parois plus ou moins opaques et présentant à peine quelques anfrac- tuosités. Nous avons pu nous assurer, après de longues hésitations, que la trompe n’est pas logée dans son intérieur, comme cela parait avoir lieu au premier abord. Les parois de tout le tube n'offrent guère de différence et sont d’une grande minceur. On s'accorde assez généralement sur la présence d’un anus dans tous ces vers. Nous comprenons fort bien que des naturalistes de premier mérite aient pu avoir du doute sur son existence, mais ce doute n’est plus possible aujour- d'hui. Nous avons vu à diverses reprises des vers libres et non comprimés évacuer des fèces qui contenaient des grégarines dans leur masse. Cet anus s'ouvre à l'extrémité postérieure du corps. a SUR LES TURBELLARIÉS. La ox La trompe se divise naturellement en deux moitiés : une antérieure, plus longue et plus large et dont la surface est couverte de papilles assez grandes, s'ouvre en avant sur la ligne médiane : c’est cet orifice qui a été pris déjà pour la bouche par ceux qui n’accordent aux Némertiens qu'un tube digestif incomplet. Quelques cils plus longs que les autres entourent cet orifice et sont dans un mouvement continuel. Ces longs cils disparaissent par mo- ments. La moitié postérieure a pour limite en avant les stylets, et en arrière, elle se termine en cul-de-sac, comme un tube digestif incomplet. Un muscle rétracteur, qui la fait rentrer, après qu’elle a dardé sur sa proie, termine cet organe en prenant insertion à la face interne de la peau. Les papilles qui recouvrent cette surface interne sont plus petites que dans la moitié anté- rieure. Entre ces deux moitiés, il y a un étranglement, et la trompe porte dans cet endroit : 1° un stylet médian unique, 2° deux poches latérales conte- nant deux autres stylets plus petits que le premier et d’une forme un peu différente quant à la base. Le stylet du milieu présente cette base assez large et arrondie; on dirait un socle fait autour et sur lequel est placé un dard droit très-eflilé qui sert à l'attaque. D’après M. Schultze, les deux poches latérales ne renferment que des dards destinés à remplacer ceux du socle qui viennent à tomber. Nous en avons trouvé jusqu'à quatre réunis dans ces poches de rempla- cement. Il ne peut plus y avoir le moindre doute au sujet de la signification de l'organe dont nous venons de parler : c’est une véritable trompe qui se dé- roule ou plutôt s'évagine sur la proie; le stylet qui arme l'intérieur est le poignard qui blesse l'ennemi qui se hasarde trop légèrement dans les parages du ver cilié. Cette trompe est logée en apparence dans la cavité digestive. Nous disons en apparence, parce que le tube digestif semble lui servir de gaine ; le muscle rétracteur postérieur s’insère sur la face interne de la peau, vers le tiers pos- térieur du corps. Cette trompe existe déjà de bonne heure; sa longueur augmente avec l'âge ; son extension est done beaucoup plus grande dans les adultes, et les Toue XXXII. î . 26 RECHERCHES circonvolutions sont, par conséquent, plus nombreuses. On voit constamment celle trompe changer de place comme un parasite nématoïde agité d'un mou- vement convulsif, La gaine qui loge cette même trompe et que nous avons souvent confon- due avec les parois de la cavité digestive en est cependant fort distincte. Elle est remplie d’un liquide rougeàtre qui tient une masse de grands globules en suspens et qui se rendent par flots en avant ou en arrière, selon les contrac- tions de cet organe protractile. Ce liquide, à cause des globules aussi bien que de la couleur, peut être comparé à la Iymphe, et sa nature de lymphe périgastrique pourrait être invoquée par ceux qui regardent la trompe comme appareil de digestion. Ce liquide ressemble beaucoup à du sang épanché, et, quand il se répand en avant, au delà des ganglions nerveux, il a l'air de se confondre avec les vaisseaux proprement dits et de dépendre de l'appareil circulatoire. Nous croyons toutefois que cette communication entre ce liquide et le sang n'existe pas. Nous avons vu, outre deux vaisseaux latéraux assez larges, un vaisseau médian qui s'étale sur la trompe et, en avant, dans la région céphalique, une anse qui semble établir la communication entre les deux troncs latéraux. Ces vaisseaux sont tous déstinctement contractiles. Il y a des moments qu'on n'en aperçoit aucune trace. Le sang est en général incolore. Nous avons très-bien pu distinguer, vers l'extrémité caudale, de chaque côté du ver, des vaisseaux assez larges, à parois minces et fort contractiles , qui s’anastomosent ou plutôt s’abouchent les uns dans les autres et rampent en se repliant jusqu'à l'extrémité céphalique. Nous n'avons pu découvrir des vaisseaux ciliés comme M. Max Schultze en figure, et encore moins les deux orifices excréteurs qu'il représente vers le tiers antérieur du corps. Nous avons vu aussi, à la fin de ces recherches, des vers dont le sang était tout rouge et qui ne différaient aucunement, sous ce rapport, des Anné- lides en général. Cette coloration nous a permis de reconnaitre, vers le milieu du corps, quatre troncs longitudinaux du même calibre, formant des zigzags pendant les contractions de la peau. En avant, de chaque côté, deux de ces D ol el # Dome SUR LES TURBELLARIÉS. 97 troncs se réunissent immédiatement au-dessous du collier nerveux, et le tronc unique qui en résulte passe sur le ganglion cérébral, se dirige sur le côté et va s’anastomoser avec celui du côté opposé. En arrière , ces vaisseaux s’abouchent de même les uns dans les autres. Si nous observons quelque différence, nous ne croyons pas cependant que nous ayons affaire à une espèce distincte de celle qui a été étudiée par notre savant confrère sur les bords de la Baltique. Il est assez remarquable que les fossettes céphaliques nous aient com- plétement échappé, lors de notre première étude, tandis qu'aujourd'hui, au lieu de deux fossettes, nous en observons fort distinctement quatre, tous à peu près à la hauteur des yeux. Les franges en cœcum qui entourent le tube digestif et qui, par transpa- rence, ou lorsque le ver est fortement comprimé, constituent la partie la plus opaque de l'animal, contiennent des vésicules souvent plus ou moins jaunes, généralement mobiles et qui correspondent, non aux cœcums de l'ovaire, comme on l’a dit, mais aux cœcums biliaires. Il existe donc un foie véritable et dans les conditions anatomiques ordinaires propres à ces orga- nismes inférieurs. On voit très-distinctement, comme du reste dans tous ces vers, un collier nerveux , composé de deux gros ganglions situés à peu de distance derrière la seconde paire d’yeux et unis par une commissure assez large. De ces gan- glions nait surtout un filet nerveux assez gros, qui se dirige en arrière et longe extérieurement les parois digestifs entre les organes sexuels. Ces ganglions sont transparents et d’une teinte rougeûtre. Les yeux sont au nombre de quatre. Ils ne consistent que dans un amas de pigment et ils n’ont point d'appareil spécial pour la production d'une image. Ils sont également grands. Nous n'avons étudié que des individus du sexe femelle, mais rien ne nous fait supposer que le sexe mâle offre quelques particularités dignes d’at- tention. Sur toute la longueur du tube digestif, on voit un organe glandulaire , de couleur plus foncée que le reste du corps, qui tantôt a une teinte jaunâtre, tantôt une teinte verte : c’est l’appareil sexuel. 98 RECHERCHES * Les œufs se développent dans son intérieur, depuis la hauteur de la bouche jusqu'à l'extrémité caudale. Ils sont isolés. Ces œufs ont une membrane mince, transparente et prennent la forme de ol la place qui reste libre. Ils sont oqaques, à vitellus incolore et à grande vésicule germinative. Les parois du corps doivent se rompre pour leur donner issue. Les œufs se forment séparément dans des capsules pédiculées, qui sont logées dans la cavité générale, entre la peau et les interstices des cœcums biliaires. Il n’y a qu'un seul œuf dans chaque capsule. Dans d’autres espèces, il y en a un grand nombre, et nous en voyons jusqu'à une cinquantaine ou même une centaine dans le Nemertes communis. Pozra capirara. lan Ben. (PL IV, fig. 8-12.) Cette espèce, qui est longue d'un centimètre à peu près, est fort remar- quable sous plusieurs rapports. Nous l'avons trouvée, comme l'espèce sui- vante sur des tiges de Sertulariens. La forme du corps est extrêmement mobile : il s'élargit brusquement ou se rétrécit et présente à tout instant un autre aspect. La couleur est d’un jaune rougeâtre et la surface est complétement lisse. Le long du dos règne une ligne plus pâle qui varie de largeur avec les mouvements du corps. Le corps est aplati; mais ce qui distingue plus particulièrement ce ver et ce qui lui a valu son nom spécifique, c’est que les fossettes céphaliques sont très-distinctes et qu'une légère rainure en guise de collier s'étend d’une fossette à l’autre. Nous avons vu aboutir un conduit excréteur à ces organes, et à leur orifice les cils vibratiles ont un plus grand développement. Le collier nerveux est très-distinet aussi et, dans l'intérieur de la cavité digestive, on voit des cor- puseules transparents, de forme régulièrement ovale, se mouvoir selon les contractions des parois ou selon les mouvements de la trompe. La trompe est armée d’un stylet principal et montre, sur le côté, dans un sac membraneux, deux paires de stylets de remplacement. RS 7 SUR LES TURBELLARIÉS. 29 Pozia rariosa. Van Ben. Nous avons donné ce nom à un ver qui nous parait nouveau pour la science, quoique nous n'en ayons vu qu'un seul exemplaire et que cet exemplaire n'eût pas atteint sa maturité sexuelle. Il mesure à peu près un centimètre de long, et il est proportionnellement large. Il est surtout remarquable par son corps arrondi, et c’est à peine s’il change de forme par ses contractions; il est peu transparent, et la peau semble couverte de farine de diverses couleurs. Sur le côté, de distance en distance, et à des espaces assez réguliers, on voit des taches noires comme des souil- lures de mouche. Nous l'avons trouvé sur des touffes de Sertulariens. DinoPHILUS VORTICOÏIDES. (PL V, fig. 13-18.) Nous avons donné déjà , il y a quelques années, une description anatomique de ces singuliers vers ciliés !, Nous nous bornons à faire connaitre quelques faits de leur développement. Les œufs sont logés, comme nous l'avons vu , dans un ovaire sous forme de sac ; ils sont très-volumineux. Avant la ponte, ils mesurent jusqu'à 07,35. Ils subissent un véritable fractionnement. Comme on peut le prévoir d’après le volume du vitellus, l'embryon ne subit guère de métamorphoses, et avant la ponte, nous en avons vu qui portaient les deux points oculaires. Quoique nous ayons trouvé un nid contenant une dizaine d'œufs, nous sommes assez tenté de croire, d’après l’état de quelques embryons avant la ponte, que les Dinophilus sont vivipares. ! Bulletins de l’Acad. roy. de Belg., t. XVI, 4° part., p. 25. » 30 RECHERCHES Vortex virtara. Frey el Leuck. (PL V, fig. 1-9.) Le Vortex vittata appartient à cette même division et habite les mêmes parages : c’est un très-joli ver qui a la forme d'un baril ou d'un radis, selon le degré de contraction du corps, et dont la surface est couverte de trois bandes de couleur rouge ou brunâtre, en guise de cercles. Il a deux veux comme le Dinophilus. On le trouve moins fréquemment que celui-ci. Slabber a trouvé cette espèce en 1768. IT en a donné une très-bonne figure faite d’après l'unique exemplaire qu'il a conservé assez longtemps en vie. I lui donne le nom de Zeeslak (Mullusca marina) sans pouvoir pré- ciser le genre linnéen auquel il doit se rapporter, dit-il. C’est, en tout cas, des Tithys qu'il se rapproche le plus, d’après lui. Dans les Beiträge de Frey et Leuckaert, publiés en 1847 et qui renfer- ment tant d'observations importantes et nouvelles, ces savants désignent ce même animal, qui est assez commun, d’après eux, à Helgoland, sous le nom de Vortex vittata. Hs ne semblent pas avoir reconnu que Slabber avait déjà décrit et figuré ce Térétularien. Diesing, en faisant le relevé des vers, dans son Système d'Helminthes, n’a pas négligé cette jolie espèce et l’a rapporte, sous le nom de GyrAToR vrrra- Tus, Diesing, parmi les espèces qui réclament de nouvelles recherches ?. Dans sa Fauna Belgii septentrionalis, M. Maitland ? place ce même ver dans le genre Prostoma, sans faire mention de nouvelles observations et, sans doute, d’après les observations de Slabber. Voici la synonymie de cette espèce, qui est loin d'être rare sur nos côtes et que nous avions déjà observée dès le début de nos recherches sur la faune de notre littoral : Synonymie. Zeesiak, Slabber, Natuurk. Verlust, bl. 62, pl. VIIL, fig. 2. Vortex virratA. Frey et Leuckart, Beiträge, 4847, p. 149. Gyraron virrarus, Diesing, vol. I, p. 228. ProsToMA viTTATUM , Maitland, Fauna Belg. sept., pars. 1, p. 183. ! Diesing, Syst. Helm., vol. 1, p. 298. ? Maitland, Faun. Belqii septentrionlis ; 1851 , pars I, p. 185. SUR LES TURBELLARIÉS. 51 Nous l'avons observé plusieurs fois à Ostende, au milieu de Sertulariens et de fucus. La dernière fois, c'était au mois de mai, il renfermait des œufs mürs. Il n’est pas rare d’en trouver un certain nombre dans le réservoir des huitrières d'Ostende. Il a une tendance à venir à la surface. Le corps est cylindrique et non aplati en dessous, obtus en avant et effilé en arrière : c’est sa forme ordinaire, surtout quand il nage. Il se contracte, quand on le touche et qu’on l'irrite, et prend la forme d’un barillet. Le corps est blane légèrement jaunâtre, couvert de trois zones de pigment rouge, comme le disent Frey et Leuckart, une à la tête, une à la queue et la troisième au milieu du corps. Les deux dernières sont incomplètes en dessous. Dans la zone antérieure ou céphalique, on voit au milieu deux taches noires qui sont évidemment les yeux. En comprimant lentement l'animal, on voit facilement l'anus qui s'ouvre très-loin en arrière; nous avons vu des œufs avec leurs vésicules germinatives et une partie de l'appareil sexuel, surtout le réser- voir spermatique. Slabber, en le considérant comme une limace marine, est naturellement étonné de ne pas lui trouver des tentacules ni des orifices sur le côté. La ponte se fait généralement dans des conditions si singulières et si im- prévues que, sans un heureux hasard, il n’y a guère moyen pour le natu- raliste de découvrir les œufs. Et si l’on observe ces œufs sans les avoir vu pondre ou sans découvrir quelques caractères propres aux embryons, on ne parvient souvent que très-difficilement à les rattacher aux animaux qui les produisent. Il faut donc attacher le plus grand prix quand, dans un groupe , encore peu connu sous le rapport des œufs, on en trouve dans des conditions favorables et dans une situation qui prête à l'étude. L'animal, dont nous cherchons à esquisser le mode de reproduction et la formation embryonnaire, se trouve dans ce dernier cas. C’est, je crois, le premier exemple que l’on connaisse dans ce singulier groupe de vers dioïques. On sait que les Hirudinées ont la plupart leurs œufs réunis dans une capsule, et voilà que, dans les vers les plus simples, cette même circonstance se reproduit, comme si les Vortex étaient appelés à fournir la preuve que tous ces vers ne sont qu'une forme inférieure de ces Annélides. Les capsules sont pyriformes; elles sont fixées aux filaments qui attachent 32 RECHERCHES les œufs de homard les uns aux autres, ainsi qu'aux appendices abdomi- naux. Les parois en sont jaunâtres, d’un aspect pergamentacé, et il faut com- primer ces capsules avec une certaine force pour en rompre les parois. On voit les embryons, quand ils sont arrivés à un certain degré de déve- loppement dans la capsule, se mouvoir lentement, glisser les uns sur les autres avec lenteur et se déplacer évidemment par un mouvement de rep- tation. Leur grandeur est de 0"",70 de diamètre et de 1,25 de longueur, le pédicule y compris. Chaque capsule contient un certain nombre d'embryons, fortement ser- rés les uns contre les autres. En la comprimant entre deux lames de verre, on peut très-bien distin- guer les embryons en place à travers les parois. Nous avons écrasé quelques capsules dans lesquelles les embryons n'étaient pas distinets, et la masse que nous avons fait écouler ne semblait pas du tout formée de plusieurs œufs ou embryons séparés. Nous nous demandons si c’est une masse vitelline unique qui se fractionne plus tard en divers em- bryons ! Dans les jeunes embryons, logés encore dans leur capsule , on voit le sac blastodermique envelopper très-distinetement toute la masse vitelline, au centre de laquelle flottent des globules d’une assez grande dimension. En même temps que le blastoderme s'organise à l'extérieur, la masse vitelline devient de plus en plus distincte à l'intérieur, et dans son épaisseur apparait un espace qui correspond à la couche vasculaire admise par tous les embryogénistes, depuis les célèbres travaux de von Baer sur la genèse des animaux supérieurs. Parmi les organes importants et définitifs que le premier âge voit éclore, nous citerons d’abord un bulbe, qui surgit vers le milieu du corps et qui ne tardera pas à prendre les caractères du renflement buccal si caractéris- tique de l’âge adulte. Presque en même temps que cette apparition, qui trahit la présence d'un tube digestif, des taches rouges de pigment surgissent à l’un des pôles, et l'on SUR LES TURBELLARIES. 35 reconnait les deux extrémités céphalique et caudale : ce sont bien les veux qui se montrent de bonne heure sous cette forme simple d'un amas de cel- lules pigmentaires. Ils se répètent à droite et à gauche; leur présence donne à ces embryons informes tous les caractères de l’animalité. D’après ce que nous venons de dire, il est inutile de faire remarquer qu'il n’y a pas de cristallin. Après le bulbe de la bouche, on voit apparaitre successivement les autres organes qui se rattachent à l'appareil digestif : l'orifice de la bouche se montre bientôt, la masse vitelline diminue de volume , et les parois qui l'en- tourent forment la cavité de l'estomac; les globules vitellins se concentrent de plus en plus vers le milieu du corps, et ils se montrent plutôt sous la forme de résidu près d'être évacué, que sous l'aspect de globules propres à la nutrition. À ce degré de développement, le corps perd plus ou moins sa forme glo- buleuse , il s'étend en avant et en arrière pour prendre son aspect définitif, et il n'est pas loin d'offrir dans ses allures tous les caractères de lanimal complet et adulte. En déchirant la coque commune qui lui sert de prison, le jeune Vortex roule aussitôt comme un corps sans vie en suivant le courant; mais bientôt il s'arrête : la surface, d’abord lisse et unie, se couvre de cils vibratiles, un mouvement extraordinaire se manifeste à la surface de la peau, des corpuscules se meuvent tout autour du corps avec vivacité, et le jeune ani- mal , revêtu de sa robe ciliée, et, riche de ses moyens de locomotion, s’élance dans son océan au milieu d’un monde microscopique qui lui fournira abon- damment sa pâture. Le jeune Vortex, pour être complet, n’a plus qu'à se revêtir de ses organes de reproduction et de sa robe cerclée de pigment qui le fait si aisément recon- naitre. Le Tour XXXIL » RECHERCHES ©! Es VoRTEX BALTICUS. M. Sch. (PI. V, fig. 10-12.) Nous faisons mention de cette espèce, non parce que nous l'avons étu- diée, mais parce que nous avons trouvé des œufs contenant deux embryons presque développés et qui sont entièrement semblables aux œufs du Vortex balticus décrits et figurés par M. Schulize !. Ce sont ces œufs avec leurs embryons caractéristiques qui nous font admettre le Vortex balticus parmi les espèces de nos côtes. ALLOSTOMA PALLIDA. /. Ben. (PI. VI.) Ce ver, tout abondant qu'il est par moment sur nos côtes, ne nous parait pas seulement nouveau sous le rapport de l’espèce, mais ses caractères ne permettent même pas de le placer convenablement dans aucun des genres connus. Il appartient évidemment aux Rhabdocæles, et, si nous considérons la forme et la situation de la bouche, il montre bien des aflinités avec les Opis- tomes , tout en s’éloignant notablement de ce genre par la structure de son appareil sexuel. Aussi n’hésitons-nous pas à ériger ce ver en un genre nôu- veau que nous croyons pouvoir caractériser ainsi : Bouche grande, transversale, s’ouvrant loin en arrière; bulbe œsopha- gien volumineux, très-mobile, sous forme d'un barillet gonflé; quatre veux distincts, assez rapprochés l’un de l’autre à droite et à gauche ; des filaments, très-2ros el volumineux, roulés en spirale dans des vésicules ovales situées en avant, à côté des ganglions cérébraux. Ce ver est long de deux à trois millimètres. On le trouve abondamment sur les pierres, dans les flaques d’eau, au milieu des kateyen. I est très-päle, demi-transparent et laisse apercevoir le contour de la cavité digestive, qui est de couleur jaunâtre. Comme la plupart de ses congénères, il change assez rapidement de forme, ! Beiträge zur Naturg. d. Turbellarien, p. #8, pl. IV, fig. 1-4. Greifswald, 1851. TR PR LOUE ( L Q1 © SUR LES TURBELLARIÉS. mais sans devenir linéaire; il peut cependant s’allonger, se terminer en pointe en avant et en arrière, ou s’enrouler complétement comme une boule, surtout quand on l'irrite légèrement. Il vit parfaitement dans une petite quantité d’eau et se reproduit rapide- ment dans les aquariums. Nous en avons vu se multiplier en très-grand nombre dans un vase qui ne renferme pas plus d’un litre d’eau. Ce n'est qu’à la fin de nos recherches sur les Turbellariés que ce curieux genre nous est tombé sous les yeux. Mais, comme il arrive toujours, une fois qu'on en a observé, on les découvre partout. On dirait alors qu'il n°y à pas d'espèce plus commune. L'organisation de ces Allostomes est assez simple, et si nous ne nous ren- dons pas exactement compte de la disposition des divers appareils, leur struc- ture ne nous parait pas moins dénuée de toute complication. En avant, tout autour du collier nerveux, dans l'interstice entre les parois digestives et la peau , on voit, en comprimant un peu le corps, des vésicules de forme ovale, très-irrégulièrement entassées et dans lesquelles on croit, au premier abord, reconnaitre les œufs. En comprimant ces corps ou en les dilacérant avec des pointes d’épingles, de manière à rendre ces vésicules libres, on découvre dans chacune d'elles un assez gros cordon, replié ou contourné sur lui- même, qu'il est difficile d'isoler complétement. Ce sont, avons-nous pensé un instant, les filaments fécondateurs ; mais nous hésitons à nous prononcer sur leur nature, d'autant plus que nous avons reconnu en arrière un organe qui, par analogie, correspondrait plutôt à l'appareil mâle. Ces filaments sont remarquables par leur volume, et chacun d'eux ne mesure pas moins d’un centième de millimètre d'épaisseur. On reconnait fort bien comment ces fila- ments sont provenus de deux vésieules et d’une enveloppe extérieure qui ont toutes les apparences d’un œuf. Le tube digestif occupe le milieu du corps, et son contour se dessine aussi bien par sa couleur jaunâtre que par son peu de transparence. Ce tube di- gestif ne consiste que dans une poche proportionnellement fort grande, à laquelle s'adapte un bulbe charnu dont l'orifice est dirigé vers l'extrémité caudale. 56 RECHERCHES Nous n'avons pu découvrir que de petites sphères globuleuses dans la cavité digestive. A l'extrémité postérieure du corps, on voit distinetement un conduit, rempli d'un liquide limpide et sans globules, dont l'orifice s'ouvre sur la ligne médiane : c'est le tronc principal du canal excréteur. Quand le ver s’allonge, on aperçoit en avant, à droite et à gauche, une fossette qui rappelle les fossettes latérales des Némertiens. Nous n'avons pas vu y aboutir toutefois des canaux, de manière que la vraie signification en est incertaine. Au-devant du tronc sécréteur postérieur, on reconnail encore un organe situé sur la ligne médiane, qui a la forme d'un vase et dont la présence se révèle surtout par des granulations opaques placées en files et dont des trainées partent en irradiant de ce point vers la périphérie du corps. Nous nous de- mandons si c’est un vitellogène ou un vittellosae. Les ovaires sont au nombre de deux, et sont placés avec symétrie en arrière à côté du bulbe de la bouche. Ils consistent en un sac membraneux à parois tellement délicates, que, sans la présence des œufs, on aurait bien de la peine à le découvrir. Chaque ovaire renferme des œufs de toutes les grandeurs, et chaque œuf mür parait être évacué immédiatement après sa formation. Un peu plus bas que l'orifice buccal, on voit sur la ligne médiane un orifice fort pelit que nous croyons destiné à l'évacuation des œufs, quoique nous n'avons pas vu cependant la ponte naturelle. il est assez remarquable qu'il existe des différences notables dans Fappa- reil sexuel femelle des Dendrocæles marins et des Dendrocæles d'eau douce, D'après M. Schultze, les derniers (Planaria lactea, torva, nigra et autres) ont un germigène et un vitellogène séparés, tandis que les marins les ont réunis, et les œufs surgissent dans tout le corps au milieu de sacs primitive- ment formés. Les œufs mürs s'entassent dans des canaux . Nous avons eu beaucoup de difficultés à déterminer ou, en d’autres termes, à découvrir le véritable testicule. Nous croyons l'avoir reconnu à la fin de nos recherches. ‘ Max Schultze, Bericht, 1853, Versche. W. phys.-med. Ges., vol. IV, p. 222. Fi SUR LES TURBELLARIEÉS. 57 Si nous en croyons M. Max Schultze, un savant naturaliste à pris chez les Planaires les canaux déférents pour le testicule, et il fait remarquer que les spermatozoïdes se développent dans des vésicules éparpillées dans tout le corps, sous forme de poches à surface bosselée. A côté et en arrière des ovaires, est situé, à droite et à gauche, un organe, sous la forme d’un boyau, qui est rempli de vésicules à contour très-irrégu- lier, remplissant tout son intérieur et en communication sur la ligne mé- diane avec celui du côté opposé. On ne voit pas de mouvement dans les vésicules qui remplissent l’intérieur, et elles sont même tellement entassées dans ces poches, que l’on n’aperçoil presque pas de déplacement quand même on exerce une certaine pression sur elles. Entre ces deux boyaux, on découvre sur la ligne médiane une poche assez grande remplie de vésicules d’un aspect semblable et qui, par suite des con- tractions du corps, est poussée tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche : c'est, pensons-nous, une vésicule séminale : nous l'avons figurée. Les spermatozoïdes se développent séparément dans ces vésicules, qui ne sont formées que d’une enveloppe simple contenant un filament mâle très- irrégulièrement entortillé et qui se déroule parfois en décrivant assez régu- lièrement des tours de spire. Chacune de ces vésicules mâles a la grosseur approximativement de la vé- sicule germinative moyenne. J'ai été quelque temps avant de découvrir l'ovaire et les œufs. Je suppose que j'avais constamment sous les yeux des individus qui avaient terminé ré- gulièrement la ponte et dont l'ovaire était alors difficile à découvrir. Plus tard , j'ai vu éclore des vers en masse et je les ai vus arriver rapidement à leur développement complet, puisque tous avaient de nouveau des œufs en abondance. On en aperçoit de toutes les grandeurs dans le sac de lovaire, et les moins avancés se réduisent aux vésicules germinatives, qui sont d’une par- faite transparence. Chez ces Rhabdocæles, les œufs se développent donc dans des sacs comme chez les Némertiens, et non dans l'épaisseur du parenchyme de tout le corps, comme cela a lieu chez les Drendrocæles marins. Il est vrai, les Némer- 38 RECHERCHES " liens montrent ces sacs à œufs répétés dans toute la longueur du corps des centaines ou des milliers de fois, tandis qu'il n'en existe que deux chez les Rhabdocoæles. En grandissant, des globules vitellins se groupent autour des vésicules, et à mesure que ceux-ci remplissent l'espace, l'œuf perd de sa transparence. Nous en avons vu de complets dans l'ovaire, mais c’est tout au plus s'il y en à un où deux qui atteignent à la fois leur grandeur normale. Les œufs sont pondus successivement. Ces œufs sont très-difficiles à découvrir après la ponte. Nous avons gralté avec un scalpel les parois du vase dans lequel nous voyions surgir tous les jours des jeunes et nous avons fini par en découvrir. Ces œufs sont de forme ovale; comme nous le disions tout à l'heure , ils sont toujours isolés. Chaque œuf est attaché par une sorte de pédicule. Un œuf de ce genre nous est tombé sous les yeux au moment où l'embryon, couvert de cils vibratiles, roulait sur lui-même dans son enveloppe avec une grande rapidité. Pendant que je l'observe, l'embryon fait hernie , c’est-à-dire qu'une partie du corps passe en avant à travers les parois. Ce sac herniaire augmente en même temps que l'embryon diminue à l'intérieur, et puis tout d’un coup l'embryon échappe, disparait au milieu des Navicules et des Bactériums, et laisse une enveloppe que sa transparence et la minceur de ses parois per- mettent à peine de distinguer. Au moment de l'éclosion, l'embryon consiste dans un sac ovale, et on n'aperçoit autre chose que la masse vitelline qui remplit tout le sac blasto- dermique. Des cils d’une longueur égale remplissent toute la surface du corps. Le corps à la forme d'un boudin, et tout en avancant rapidement il tourne sur son axe. Bientôt le jeune ver s'allonge et se raccourcit, la peau devient plus souple, la masse vitelline se concentre, la cavité digestive se dessine, et la peau exté- rieure atteint la perfection de structure qu'elle offre chez les adultes. C'est dans ce moment, quand la masse vitelline se condense, que lon apercoit en arrière les premiers rudiments de la cavité buccale, et bientôt après, les yeux deviennent parfaitement distincts. % È | | ; ’ at Ed ee : SUR LES TURBELLARIÉS. 59 Les yeux sont d'abord au nombre de deux; ils montrent distinctement à ce degré de développement un cristallin. Ce cristallin change d'aspect avec l'âge, disparait ensuite, et si, concurremment, chaque œil se transforme en deux taches de pigment de chaque côté, on voit aussi des Allostomes dont les yeux sont disséminés en plusieurs taches pigmentaires irrégulières. Le système nerveux se montre également vers celte époque, sous la forme d'une bandelette disposée en V. Pour être complet, ce ver n’a plus besoin que de prendre les organes sexuels. D'après ce que nous avons observé dans notre aquarium , il ne faut tout au plus que trois semaines pour l’évolution complète et sexuelle des Allostomes. Ces vers changent-ils de robe ciliée comme d’autres Térétularidés ? Nous n'avons rien vu qui nous le fasse supposer, quoique théoriquement cela nous paraisse probable. PLANARIES. Nous aurions voulu rendre nos recherches sur les Planariés plus complètes ; mais, comme il arrive souvent, le travail que l’on remet pour l’achever dans un moment plus opportun est souvent un travail que l’on n’achève pas du tout. Nous n'avons pas voulu cependant perdre le fruit de quelques travaux. Ce genre de recherches exige des matériaux qu'on est loin d’avoir sous la main quand on les désire, et quand on se les a procurés, on n'est pas toujours à même d'en tirer tout le parti convenable ; aussi avons-nous moins pour but d'exposer ici des observations qui reculent les bornes de nos connaissances sur la structure et le développement des Planariés, que de faire connaitre les espèces qui hantent régulièrement le littoral de notre pays. Moxocoezis acis. Schultze. (PI. VI, fig. 1-4.) Ce ver est répandu avec une profusion extraordinaire. IF nous est arrivé souvent d'en trouver des milliers dans un vase ou un bocal dans lequel nous . 40 RECHERCHES avions placé une pierre des kateyen d'Ostende ou une poignée d'ulves qui recouvrent les pierres dans ces bas-fonds. Ils rampent sur les parois du vase avec vélocité tout près de la surface et font le tour dans les vases ronds, les uns de droite à gauche et les autres de gauche à droite, Étalés ainsi, ils sont grêles et fort délicats et ne présentent pas le facies ordinaire des Térétulariens. Ce qui caractérise surtout ce ver, et ce qui lui vaut une place à part dans un genre nouveau, c'est que le corps s’élargit en arrière comme une ven- touse membraneuse et que le ver s'en sert pour se fixer comme une vraie Hirudinée. Nous nous bornons à faire mention de cette espèce curieuse et nous renvoyons, pour la description et les caractères änatomiques, au beau travail de Max Schultze, qui en a donné une très-belle figure ?. Moxocozis nyazixa Ÿ. Ben. (PI. VIT, fig. 5-9.) Nous n'avons pu rapporter cette espèce à aucune de celles que les auteurs ont décrites, et nous la désignons sous le nom de hyalina, à cause de sa transparence. Ce ver est long de cinq millimètres et d’un millimètre à peu près d'épais- seur, Il a une forme ovale et un peu obtuse aux deux pôles. L'otolithe est sans taches pigmentaires. La cavité digestive a une teinte jaunâtre et renferme des végétaux très-simples. Nous avons vu deux œufs fort grands en place derrière le tube digestif, et des œufs évacués ont produit des embryons dont nous avons pu voir les pre- mières phases de développement. L'embryon au sortir de l'œuf, si nous en jugeons d'après le moins avancé en âge, a une forme globuleuse, porte des cils vibratiles d'une égale dimen- sion sur toute sa robe, et montre une excavation que nous Supposons corres- pondre aux premiers rudiments de l'appareil digestif, * Max Schultze, Beiträge, pl. I, fig. 1-7. PS TR SUR LES TURBELLARIÉS. ES Cet embryon s’allonge ensuite légèrement à l’un des pôles, tout en s’élargis- sant dans d’autres régions, et on peut dire que la forme à cette époque est variable. Plus tard, la masse entière s’allonge, les premiers rudiments de l'otolithe surgissent, on distingue un œsophage au-devant de la cavité de l'estomac, puis des rudiments d’intestin, et, sans subir des changements notables, l'em- bryon est devenu un Monocelis qui n’a plus qu'à s'enrichir de ses attributs sexuels. MESOSTOMUM MARMORATUM !. M. Max Schultze a trouvé cette espèce sur la côte de la Baltique, près de Greifswald. Elle y est rare, dit-il. À Ostende (nous en avons dans ce moment, fin de mai, des centaines), nous la regardons comme commune. Elle vit très-bien et fort longtemps dans peu d’eau. Nous nous bornons à citer cette espèce, n'ayant aucun fait à ajouter aux belles observations de M. Max Schultze. PSEUDOSTOMUM FOROENSE. Osc. Schm. Nous faisons mention de ce ver d’après des individus que nous avons ob- servés sur les huitres. C'est O. Schmidt qui l’a fait connaitre , après son voyage aux iles Féro, en 1848 ?. Il est long à peu près d’un millimètre et notablement moins large que le Monocelis hyalina. Ce ver porte quatre petits yeux, placés à quelque dis- tance de l'extrémité antérieure du corps et formant un carré. Ge caractère le fait assez facilement reconnaitre. Nous n'avons pas étudié assez ce ver pour nous étendre sur sa structure, ni pour nous prononcer sur la valeur du genre que M. O0. Schmidt à cru devoir créer pour lui. ! Ed. O. Schmidt, Neue Beiträge zur Naturgeschichte der Würmer… Iéna, 1848, page 8, pl. L, fig. 2, 2°, 2. ? Schultze, Beiträge z. Naturg. der Turbellarien. Greifswald, 1851, p. 54, pl. V, fig. 2. Toue XXXIL. 42 RECHERCHES Nous souhaitons que ce sujet ne tarde pas à être repris, et nous l'espé- rons avec d'autant plus de confiance, que tous ces vers vivent avec une extrême facilité dans les aquariums de la plus petite dimension contenant tout au plus quelques décilitres d’eau. PorxceLis LÆVIGATA, de Quatref. (PI. VIL, fig. 10.) Ce ver atteint deux centimètres de long sur un centimètre de large et s'observe, pendant l'été surtout, en grande quantité sur les pierres des ka- teyen, à Ostende. Il est aplati comme une feuille, entièrement blanc, sauf les points ocu- liformes, et devient frangé en relevant ses bords. En le comprimant un peu, on découvre aisément les ganglions cérébraux. De chaque côté, en avant, on apercoit en même temps une dizaine de points noirs qui représentent les yeux. PLanaria LirroraLis. Of. F. Müller. (PL. VIL, fig. 11-15.) Ce ver est long de dix millimètres et large d’un à deux millimètres, selon les contractions du corps. Lorsqu'il est étalé, sa tête s'élargit et devient triangulaire. Il se ramasse comme une sangsue, quand il est inquiété, et devient ovale. Les deux yeux sont forts distincts; on voit un cercle blanc autour d'eux. Ils sont assez rapprochés. La surface du corps est d’un jaune d'ocre légère- ment marbré. Le dessous est blane. On voit les ramifications du tube digestif faiblement accusées à travers l'épaisseur de la peau. En arrière, on aperçoit un espace pâle entre les deux branches principales du canal digestif. Nous ne croyons pas que la Planaria ulvæ d'Oersted soit son synonyme, puisque la tête de celle-ci est tout autrement conformée. Nous l'avons trouvé sur des Fucus vesiculosus et des Ulva intestinalis. Cette espèce vit bien dans les aquariums. D f SUR LES TURBELLARIES. 45 SECONDE PARTIE. Nous allons résumer dans cette seconde partie ce que l’anatomie et l'em- bryogénie nous ont appris dans la première, qui est purement descriptive. Pour faire tomber toute divergence d'opinions au sujet de l’organisation des Némertiens , il suflira de s’entendre sur le tube digestif. Cet appareil définitivement reconnu, tous les autres organes prendront facilement leur véritable signification. Appendice digestif. — A l'extrémité céphalique, il y a un orifice qui est terminal, et à quelque distance de l'extrémité, il existe un autre orifice qui est infère : lequel des deux est la bouche? Le premier est étroit et livre passage à la trompe ; le second est large et n’a aucune communication avec la trompe, mais s’abouche immédiatement dans une large cavité qui s'étend dans toute la longueur du corps et qui s’ouvre à l'extrémité postérieure. C’est le second orifice, celui qui est infère, qui correspond à la bouche, et la grande cavité représente le tube digestif avec un anus terminal : il ne peut plus y avoir de doute à ce sujet. Indépendamment de toutes les considérations qui limitent en faveur de cette détermination, on trouve, dans diverses espèces, des gréga- rines en très-grand nombre, et les grégarines ne s’observent communément que dans l'appareil digestif. Or c’est dans la grande cavité dont il est ques- tion que sont logés ces parasites. Les Némertiens, ou si l’on aime mieux les Térétulariés, comme les appelle de Blainville, ont tous un tube digestif complet, et cet appareil consiste dans un tube droit, large, à parois parfaitement distinctes, sans divisions à l’intérieur, s’ouvrant en avant par une bouche infère et en arrière par un anus terminal. Foie. — Les Némertiens ont un foie très-développé. Il existe le long du tube digestif une cloison membraneuse adhérente, d’un côté, aux parois de ce tube et, de l’autre côté, par des brides, aux parois de la peau. Cette eloison . 44 RECHERCHES membraneuse est creuse, et dans son intérieur apparaissent des cellules de diverses grandeurs se faisant remarquer souvent par leur couleur jaune : ce sont les cellules hépatiques et non pas la gangue des produits sexuels, comme on l’a cru. L’organe de la sécrétion biliaire est donc très-volumineux dans ces vers. Trompe. — Qu'est-ce donc que l’orifice antérieur terminal? La réponse à cette question est toute faite par ce qui précède. La trompe s’envagine el s'évagine, et comme elle n’a aucune communication avec la cavité dont nous venons de parler, cet organe ne sert à l'alimentation que pour autant qu'il sert à attaquer la proie. Il y en a qui ont vu des Némertiens percer leur ennemi du stylet qu'ils tiennent si soigneusement caché au fond de la gaine membraneuse. Cette trompe, du reste, a sa surface interne ciliée et tient au fond du tube digestif par un muscle rétracteur qui agit absolument de la même manière que le muscle rétracteur de l'estomac des mollusques bryozoaires. Système nerveux. — Sur la nature du système nerveux, on paraît généra- lement d'accord aujourd'hui. Il existe deux forts ganglions, unis par une ou deux commissures, au-devant de l'orifice buccal, et qui se font souvent re- marquer, même à travers l'épaisseur de la peau, par leur couleur rouge. Ces ganglions fournissent divers filets nerveux en avant comme en arrière, sur- tout aux points oculaires. Ces ganglions sont généralement baignés dans le sang, et cette espèce de fusion a souvent induit des naturalistes en erreur : on n’a pas toujours fait assez strictement la part qui appartient à l’un et à l’autre appareil. Vaisseaux. — I existe un appareil circulatoire, mais pas de cœur. Les vaisseaux longitudinaux sont à parois contractiles. Nous n'avons pas vu de vaisseaux à fouets vibratiles. Ces vaisseaux longitudinaux aboutissent aux ganglions cérébraux, et de là, du moins dans certains vers, nous avons vu des canaux, ciliés à leur entrée, communiquer au dehors par les fossettes céphaliques ; du moins, c’est l'impression que leur disposition anatomique nous a laissée, Dans l'absence de globules dans le liquide charrié, il est impos- nt = SUR LES TURBELLARIES. sible de suivre le cours de celui-ci et de s'assurer, dans l'intérieur des vais- seaux , soit de sa direction, soit de son épanchement au dehors. Nous ne doutons pas que les organes vibratiles qui aboutissent au fond des deux fossettes latérales ne correspondent aux canaux d’appendices excré- teurs et ne communiquent, par conséquent, avec l'extérieur, comme Oersted l'a dit, je crois, le premier. Il reste à déterminer si cet appareil est un véritable appareil circulatoire , ou si ce n'est pas plutôt un appareil excréteur, si répandu dans cette singu- lière classe de vers. Nous ne croyons pas à l'existence de canaux ciliés indé- pendants des vaisseaux précédents. Appendice seæuel. — 1 devient beaucoup plus facile aussi, maintenant que les organes précédents sont connus, que l’orifice infère est une bouche véritable et non un orifice des organes sexuels, il devient, disons-nous, beaucoup plus simple de s'entendre sur les autres organes. Les ovaires comme les testicules se développent dans la cavité périgas- trique, dans l’espace laissé entre les brides hépatiques, et ils n’ont aucune communication avee ces derniers organes. Ils consistent l'un comme l'autre, Forgane mâle comme l'organe femelle, dans un sac clos de toute part qui engendre, par sa face interne, des œufs màles ou femelles, et ceux-ci se répandent au dehors par autant d'orifices séparés qu'il y a de glandes. C'est en partie par déhiseence que le produit doit se répandre au dehors. A une certaine époque de la gestation, on distingue fort bien ces orifices à Fexté- rieur, et nous les avons vus livrer passage aux œufs comme au sperme. OEufs. — Oersted d’abord et M. Schultze ensuite ont observé la ponte des œufs et disent avoir remarqué ceux-ci dans une masse gélatineuse remplissant un tube mince et transparent. M. Schultze ajoute que ces œufs sont répartis dans ce tube comme ils le sont dans l'ovaire, de manière que ceux qui sont logés dans un ovisac pyriforme sont entassés dans une gaine de même forme. Nos observations sur les œufs de Prorhynchus involvatus ne s'accordent pas tout à fait avec les précédentes. D'abord, les œufs sont simplement logés dans une gaine sans être enveloppés d’une masse glaireuse, et au lieu de 16 RECHERCHES S'entasser dans des sacs pyriformes, comme ils l'étaient dans l'ovaire, ces œufs sont placés sur un ou deux rangs sous forme de chapelets plus ou moins longs et recourbés en anse. Chaque œuf a sa membrane vitelline immédiatement appliquée au vitellus dans les œufs fraichement pondus, et ce n’est que plus tard, quand ceux-ci ont quitté leur gaine, qu'un espace rempli de liquide apparait entre le vitel- lus et son enveloppe. Développement. — A y a diverses coupes naturelles dans le groupe des Térétularidés; mais, comme dans les autres classes de la grande division des vers, le développement est loin d'être uniforme et caractéristique du groupe. Tous les modes de reproduction se répètent dans des divisions paralléliques. En effet, comme il a été confirmé récemment par un beau travail de MM. Leuckart et Pagenstecher !, les Pylidium, que 3. Müller avait reconnus le premier, ne sont que les scolex de certaines Nemertes encore indétermi- nées. Mais si, chez quelques-uns d’entre eux, il y a des phénomènes de dige- nèse hétérogone indubitable, chez d’autres, en procédant par voie de l'ho- mologie, il n'existe de cette première forme qu'une peau ciliée qui se flétrit et tombe comme un épiderme pendant la période de la mue. Desor est le premier qui a vu ce dernier phénomène dans le Nemertes obscura ?. Nous trouvons aussi quelques exemples de digenèse homogone dans le Stenostomum leucops et le St. unicolor, ainsi que dans le Wicrostomum lineare. (Osce. Schmidt, pl. VE) Une autre forme de développement est celle de FAlardus caudatus de Bush 5, qui porte un appendice composé de segments et qui n'en parait pas moins appartenir aux Némertiens. À ce qui précède nous ajoutons encore une autre modification qui nous est offerte par le Prorhynchus involvatus. Peu de temps après l’éclosion, la jeune larve se munit d’un filament long et flexible comme un fouet, qui semble servir de barbillon explorateur et qui disparait avec la première robe ciliée ou plutôt la forme scolexoïde. Pour | Müller’s Archiv., 1858, pl. XIX, p. 569. 2 Boston, Soc. nat. hist., octobre, 1848. Müller's Archiv., 1848, p. 511. 5 Beobachtungen , 1851, pag. 110. L \ Ÿ ' | NT FE 1 SUR LES TURBELLARIÉS. compléter l'énumération de ces divers modes de développement , nous ferons mention, en terminant, des Polia obscura qui, d’après les observations de M. Schultze, sont ovovivipares et subissent, par conséquent, tous leurs chan- gements de forme avant de venir au monde. Les variations ne sont pas moins grandes dans le groupe parallèle des Planariens. Osc. Schmidt ! a signalé, en 1848 , des microstomes digenèses sans hétérogonie, comme les Catenula lemnæ de l'eau douce. J. Muller a décrit, en 1850, une larve de Planaire marine qui est sujette à des méta- morphoses ?. Charles Gérard a suivi avec soin le développement de la Pla- nocera elliptica, qui porte, comme notre Prorhynchus involvatus, un bar- billon explorateur sur sa première robe 5, et enfin diverses espèces ont été signalées déjà pour être ovovivipares, les Polia obscura, par exemple, les Misostomum lingua et le Schizostomum productum *. D'après Osc. Schmidt, il n'y a rien toutefois dans les Rhabdocæles qui puisse être comparé à une métamorphose *. Pour résumer ici nos recherches sur l'embryogénie de ces vers, nous ajouterons encore : Le Némertien parasite du Cancer mœnas porte, au moment de l'éclosion, une robe ciliée et un flabellum explorateur qui le guide dans sa course va- gabonde : c’est le scolex. Dans son intérieur apparait le proglottis, qui est régulièrement cilié comme sa mère, mais qui n’a plus de flabellum. Ce proglot- üis, dès le début, a déjà tous les caractères extérieurs des adultes, et ne subit, par conséquent , pas de métamorphose : c’est un cas de digenèse. Les Dinophilus, comme les Vortex parmi les Rhabdocæles , ainsi que les Allostomes , qu'ils soient ovipares ou vivipares, sont ciliés à leur sortie de Fœuf, et comme il est probable qu'ils perdent leur première robe ciliée, par ana- logie, on doit considérer ces vers comme soumis également au phénomène de la digenèse. 1 Die Rhabdoc. Strudelwürm. 2 Joh. Müller’s Archiv., 1854, p. 75. 5 Ch. Gérard, Researches upon Nemerteans and Planarians. Philadelphia, 1854. + Osc. Schmidt, loc. cit. Die Rhabdocælen, 1848, p. 20. œ 18 RECHERCHES RÉSUMÉ ZOOLOGIQUE. Ces vers sont les uns monoïques les autres dioïques. Ces derniers différent entre eux par la taille, et les mäles ont généralement le tiers de la longueur des femelles. Les Némertiens comme les Planaires vivent ordinairement dans les lieux obscurs, sous les pierres ou dans des anfractuosités, et le Polia involuta est le seul que l'on puisse considérer comme parasite commensal. M. de Quatrefages n’a connu qu'une seule espèce de Némertien logée dans une gaine; M. Oersted en a signalé une autre, la Tetrastemma varicolor, qui se tient en grande abondance, dit-il, sur les Laminaria, dans une gaine parfaitement transparente !. Dans le petit nombre d'espèces que nous avons eu l’occasion d'étudier, nous en avons trouvé au moins deux dont les gaines se forment sous les yeux avec autant de facilité que S'ils se frottaient le corps avec du collodion. Ces gaines sont extraordinairement délicates. Il nous reste à nous prononcer sur les aflinités des Turbellariés. Il est inutile de faire remarquer d’abord que e’est à tort qu'Ehrenberg, en éta- blissant ce groupe, y a placé les Naïs, qui sont de vrais Annélides et les Gordius, qui appartiennent bien aux Nématoïdes. Mais, purgé de ces genres, ce groupe est naturel, et personne ne songera plus à éparpiller dans des classes différentes les Némertes et les Planaires. Ce groupe naturel, qui renferme maintenant des espèces parasites flu- viales, marines et terrestres, des espèces nues et des espèces tubicoles, des familles dioïques et des familles monoïques , ce groupe naturel, disons-nous, appartient sans aucun doute à la grande division des VERS, comme nous l'avons dit depuis longtemps; et quoiqu'ils soient supérieurs en organisation aux Cestoïdes et peut-être à certains Trématodes, nous croyons qu'ils doivent occuper le rang le plus bas dans cette classe du règne animal. Les Gestoïdes sont des Hirudinées dégradées , et si les Turbellariés ne descendent pas aussi ! Oerstedt, Platwürmer, pag. 83. SUR LES TURBELLARIÉS. 49 bas que les Cestoïdes parasites, ils ne s'élèvent pas non plus, à beaucoup près, aussi haut que les Hirudinées. Pour juger de la valeur véritable d’un groupe, il faut le comparer dans son ensemble et tenir compte de la tête aussi bien que de la queue, en faisant entrer tous les caractères en ligne de compte. Toue XXXIL. 1 'ETELUE Fig. 19 av7: 18. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. 4-13. Neuertes comuunis. V. Ben. 14-17. — rLaccima. ©. F. Müll. . Un ver, au grossissement de quatre fois, vu par la face inférieure, montrant, en avant, l'orifice de la bouche, en arrière, des sillons qui s’effacent et reparaissent, selon les degrés de dilatation des diverses régions du corps. . La partie antérieure du corps, observée par transparence, pour montrer les points stemmatiformes, les ganglions cérébraux, la bouche, le tube digestif et la trompe. . La tête vue en dessous pour montrer la bouche. . La têle du même vue en dessus. La région cérébrale vue à un plus fort grossissement pour montrer les fossettes cé- phaliques, les ganglions cérébraux, deux canaux latéraux et la trompe. . La partie moyenne du corps pour montrer les replis du foie et les organes sexuels en place. . Le même repli du foie plus fortement grossi pour montrer l'ovaire et les œufs en place. Un œuf isolé avant la fécondation. . Le même après la fécondation. . Un embryon couvert de cils vibratiles près d'éclore. . Un autre à qui on a donné la liberté. . Un autre encore qui s’est allongé. . Spermatozoïdes. Nemertes flaccida de grandeur naturelle. La tête du même vue de profil. . La tête du même vue obliquement en dessous. La même vue en dessus. Gregarina virgula de Nemertes communis. 22 Fig. Fig. = O1 1O —æ 1 [ep] 1 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE HI. 1-4. Cerevraruza OErsreon. V. Ben. 5-9. Neuerres QuarreraGu. V, Ben. . Un individu grossi deux fois, vu du côté du dos dans deux positions différentes; dans l'une le corps est un peu plus allongé que dans l’autre. . La tête du même vue de profil, pour montrer la fente céphalique . La partie antérieure du corps comprimée montrant les divers organes en place; le col- lier æsophagien , la trompe et le tube digestif. . Extrémité postérieure du corps montrant la terminaison du tube digestif, avec les cloi- sons biliaires et le vaisseau dorsal. . Nemertes Quatrefagii grossi deux fois. . La tête du même vue de profil. . L'extrémité antérieure du corps légèrement grossie vue de dessus, montrant les points stemmatiformes , les ganglions cérébraux et les lignes colorées du dos. . La même, vue du côté du ventre, montrant, sur le côté, une partie de la fente cépha- lique, les ganglions cérébraux et l’orifiré de la bouche. . L'extrémité céphalique légèrement comprimée, montrant, sur le côté, la fente céphalique, puis les ganglions cérébraux avec leurs principaux cordons, le conduit de la trompe et la partie antérieure du tube digestif avec la bouche ouverte, PLANCHE HI. Pozia invoura, V. Ben. . Un jeune ver dans sa gaine. On voit à côté la grandeur naturelle. . Le même sorti de sa gaîne et étendu, vu au même grossissement. Le même contracté. . La gaine isolée et vide. . La partie antérieure de la tête fortement grossie, pour montrer la trompe déroulée. . La trompe en repos, montrant le stylet unique en place, vue au-dessous de la commis- sure cérébrale. La partie antérieure d'un ver femelle montrant les yeux, la trompe en repos avec son stylet en place, le tube digestif et les deux culs-de-sae en avant, les ganglions cérébraux, les deux canaux excréteurs, qui semblent être la continuation de ces ganglions, les ovaires avec leurs œufs en place, entre les trabécules qui attachent le tube intestinal, et enfin les globules qui remplissent le tube digestif et qui s'échappent de la cavité. Le milieu du corps d'un mâle, montrant le tube digestif avec ses trabécules, les testi- cules en place et un œuf mâle faisant hernie, sur le point de s'échapper. Cet œuf mâle isolé. . Le même laissant échapper les spermatozoïdes. Fig. EXPLICATION DES PLANCHES. 53 11. Les spermatozoïdes isolés. 12. La partie postérieure du corps d’une femelle pour montrer la disposition en chapelet des ovaires. 15. La partie moyenne du corps du même. 14. Un œuf contenu encore dans l'ovaire avant la fécondation. En le comprimant, nous avons chassé la vésicule germinative qui est représentée à côté. 15. Ces œufs logés encore dans l'ovaire. 16. Un de ces œufs mis en liberté. 17. Une gaîne d'œufs de Polia, entre les œufs de crabe. Nous avons représenté trois œufs de crabe pour juger de la dimension. 18. La même gaine plus fortement grossie. 19. Un œuf complet contenu encore dans la gaine. 20. Un embryon contenu encore dans l'œuf. 21. Un autre sur le point d'éclore et qui, quoique logé encore dans la gatne, se roule dans sa coque par les eils vibratiles qui se hérissent. 22, Un embryon éclos s’enroulant sur lui-même. 3. Le même montrant le premier rudiment de fouet tactile; il nage, ce fouet régulière- ment en avant. 24. Le même plus avancé montrant les deux points oculaires. 25, 26 et 27. Le même plus avancé montrant le tube digestif de plus en plus condensé. 28. L'embryon, âgé de trois jours, dépouillé de sa première robe ciliée, en d’autres termes, l'embryon de la seconde et définitive génération qui deviendra sexuelle. La bouche est distincte. 29 et 50. Le même un peu plus avancé, le dernier vu de profil. PLANCHE IV. 4-11. Poria ogscura. Schultz. 42-16. — carrrara. V. Ben. 47. — FARINOSA. V. Ben. 1. Polia obscura, grandeur naturelle. 2. La partie antérieure du corps du même légèrement grossie. 3. La partie postérieure du corps du même, au même grossissement. 4. Un autre individu légèrement grossi; la ligne droite à côté indique la grandeur naturelle. 5. La tête grossie du même montrant les quatre points stemmatiformes, un vaisseau con- tractile au milieu en avant, les ganglions cérébraux avec quelques cordons, un vais- seau médian en arrière, la trompe et le tube digestif avec ses cloisons biliaires. 6. La partie moyenne du corps du même, montrant la partie de la trompe qui porte les stylets avec le vaisseau dorsal, la cavité digestive, les cloisons biliaires et les œufs en place dans les interstices. 7. La partie postérieure du corps du même individu encore, montrant le vaisseau médian s'anastomosant avec les deux troncs latéraux et l'anus évacuant des fèces. 54 EXPLICATION DES PLANCHES. Fig. 8. La portion de la trompe montrant le stylet principal et les stylets de remplacement sur 15. le côté, vue à un plus fort grossissement. 9. Un œuf dans son enveloppe avant la fécondation. . La tête étendue d'un autre individu de Polia obscura , montrant quatre yeux écartés et autant de fossettes. Les deux vaisseaux se bifurquent au-dessous des ganglions. . Une portion de la tête, vue, du côté gauche, à un plus fort grossissement, montrant un œil postérieur, une fossette, le vaisseau qui longe le ganglion avec sa bifurcation plus bas et la trompe au milieu. 2, Polia capitata. On voit la grandeur naturelle à côté. 15. . Les ganglions cérébraux et les principaux cordons nerveux dans leurs rapports avec la La tête du même légèrement grossie. trompe, la cavité digestive et les lobes antérieurs du foie. Le stylet principal. . Les stylets de remplacement. . Polia farinosa. V. Ben. On voit à côté la grandeur naturelle. PLANCHE V. 4- 9. VORTEX VITTATA. 10-12 — paurica. 45-18. DinoruiLus vORTICOÏDES. Vortex vittata légèrement grossi et contracté, vu du côté du dos. Le même vu du côté du ventre, légèrement étendu. Le même contracté nageant librement et montrant les bandes dans une position oblique. Il a été souvent pris sous celte forme pour une larve, Le même légèrement comprimé pour montrer l'appareil digestif. Une capsule remplie d'embryons, attachée aux appendices abdominaux d'un homard fe- melle chargé d'œufs. Un de ces embryons encore très-jeune. Un autre plus avancé montrant l'orifice de la bouche. Un autre vu obliquement, montre, outre la bouche, les deux pointes stemmatiformes. . Un embryon un plus avancé encore au sortir de la capsule. . Un œuf de Vortex balticus. . Le même montrant les deux embryons dans une autre position. . L'embryon libre. 5. Un œuf de Dinophilus vorticoïdes avant la fécondation. . Le même. >. Le même pendant le fractionnement vitellin. . L'embryon est presque formé dans l'œuf. . Le même devenu libre par la déchirure des parois de la coque, montrant les points stemmatiformes; la surface du corps devient ciliée. . Un embryon né depuis quelques jours, vu de profil, montrant tout l'appareil digestif. + Fig. LE 2. EXPLICATION DES PLANCHES. Do PLANCHE VI. ALLOSTOMA PALLIDA. V. Ben. Le ver grossi vu du côté du dos, montrant les yeux en avant et la cavité digestive au milieu du corps. On voit à côté la grandeur naturelle. La tête du même vue à un plus fort grossissement. La cavité digestive est coupée en deux. Au milieu, sur la ligne médiane, on aperçoit les ganglions cérébraux avec quelques filets nerveux qui en partent, et les points oculaires. A côté de ce collier, on voit, à droite et à gauche, les singuliers filaments problématiques en place dans leur enveloppe. La partie postérieure du même, montrant l’autre partie du tube digestif, l'orifice de la bouche, le bulbe pharyngien , les deux ovaires remplis d'œufs en voie de formation, les deux glandes testiculaires , la glande séminale refoulée un peu sur le côté, l'orifice sexuel, et en arrière, au bout, la terminaison de l'appareil urinaire. Le réservoir spermatozoïdal ou la poche des filaments fécondateurs isolés. On voit deux vésicules en liberté, . Les mêmes vésicules plus fortement grossies montrant leur filament déroulé. Des filaments problématiques isolés, les uns encore enroulés, d’autres déroulés par l'effet de la compression. . Divers œufs pris dans l'ovaire. . Un œuf pondu. . Un autre attaché à un corps solide par son enveloppe. . Le même montrant l'embryon, qui se fraye un passage à travers l'enveloppe. . Le même. 2. Le même devenu libre. L'embryon nageant dans tous les sens avec une grande rapidité. Le même un peu plus avancé. . Le même montrant l'apparition de la bouche et la concentration de la masse vitelline. Le même encore vu de profil. . L'embryon montre deux petits points oculaires qui étaient à peine visibles jusqu'ici. Il commence à prendre la forme des adultes. . Les ganglions cérébraux sont devenus distincts et le ver change de forme selon le degré des contractions. On voit le bulbe œsophagien. . Le ver complet, sauf les organes sexuels. Le même vu du côté du ventre pour montrer le bulbe œsophagien, qui le fait ressembler à un Distome. On voit à côté un æil isolé plus fortement grossi avec un cristallin, comme on le trouve dans les jeunes vers. D6 Fig. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VII. 4- 4. Moxocoeuis aGiuis, Max Schultz. 5- 9. — HYALINA. V. Ben. 40. Pozycogis LÆvicara, de Quatref. 41-153. Pranaria Lirrorauis, Ot. Müll. . Monocælis agilis. M. Schultz. On voit en avant le point noir qui représente l'œil, sur le côté les ovaires disposés en chapelet. On voit la grandeur naturelle à côté. . L'œil isolé montrant la tache pigmentaire et le cristallin. La partie postérieure du corps montrant la manière dont la queue est disposée en ven- touse membraneuse, et un peu en avant, on voit l'appareil mâle. . Un œuf isolé pondu spontanément. . Monocælis hyalina. V. Ben. On voit deux œufs presque complets en place. Un embryon cilié. . Un autre un peu plus avancé. Le même encore un peu plus âgé. Un embryon vu de profil montrant ses divers organes en place. . Polycælis lævigata. On voit la grandeur naturelle à côté. . Planaria littoralis. Ot. Müll. Grossi trois ou quatre fois, montrant à la fois la face supé- rieure et la face inférieure. On voit la grandeur naturelle à côté. . Le même vu du côté du dos et contracté. . Le même étendu vu du même côté à un faible grossissement. FIN. PJ. Van Benéden.PLI r “ Mem.de M En rs ém.des membres de l'Acad. Roy. de Belg.tom.XXXIE. DATIE: ME TE =] URL ARAR AU AR ANA ee Pbdepee 113. Nemerles commums 14-17. Nemertes flaccida. 5-0. Mém.de MT PE Van Beneden PE II alrefagu \. Ben LR RE 1-4 Cerebratula œrstedu V Ben. Nemertes qu des membres de l'Acad. Roy.de Belg. Tom XXII F Fes PATENTS … Ce TE NT D n.des membres de PAcad. Rov. de Belg tom. XXXIL Mém.de M! P.J.Van Beneéden PLU Polia imvoluta.\.Ben. dt To a Méum.de M' PJ. Van Benéden PLIV. STEP RENTE PAPER mn à ÿ les membres de l'Acad. Roy. de Belg. Tom.XXXIT 1. Polin obseura. 12-16. Polia capitata. V Ben Polia farimosa. V. Ben. Mem.de M° PJ. Van Beneden PIN Meém.de M P.J. Van Benéden PI VI. Ben. Mem.de ME PJ. Van Beneden PLV membres de l'Acad. Roy de Belg. Tom AXXIL Mo nocælis agilis muisi. 0-4. Hyalina V.Ben.10 Polyecælis loevigata de Quatr u-19. Planaria httoralis Mall «* MÉMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE SCIENCES . DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. MÉMOIRES DE 'ACADEMIE ROYA L E ROYALE SCIENCES. DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XXX VI. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADEMIE ROYALE. 1867 RECHERCHES SUR LA FAUNE LITTORALE DE BELGIQUE (POLYPES ); PAR P.-J. VAN BENEDEN, MEMBRE DE L'ACADÉMIE, OFFICIER DE L'ORDRE DE LÉOPOLD, ETC. (Présenté à la séance du 3 février 1866.) Tome XXXVI. I INTRODUCTION. Depuis plusieurs années, je rassemble des matériaux sur l'histoire natu- relle des polypes de nos côtes. J’entends par polypes les acalèphes et polypes proprement dits, que Leuckart a réunis sous le nom de Coelentérés. J'ai publié, il y a une vingtaine d'années, deux Mémoires sur les animaux de cette classe; mais, à l’époque de cette publication, on ne se doutait pas de la valeur respective des formes agames et des formes sexuées : on com- mençait à peine à entrevoir quelques rapports entre les polypes proprement dits et les méduses. On ne pensait pas que le même animal püût appartenir à la fois aux deux classes. Mais si aujourd’hui on est d'accord sur le fait, on est bien loin de s'entendre sur la signification des diverses formes que ces organismes affectent. En effet, la forme médusaire ou sexuelle ne s’épa- nouit quelquefois pas complétement : les organes sexuels continuent bien leur développement régulier, mais lanimal , tantôt mâle, tantôt femelle, est frappé d'arrêt de développement. Il continue à vivre, mais il ne se déve- loppe pas davantage : c’est le faon qui prend les attributs du cerf; quelque- fois c’est même le fœtus ou l'embryon qui, sous sa forme primitive, exhibe les produits sexuels. Quelques naturalistes, et nous sommes de ce nombre, voient dans cet avorton adulte un animal véritable, quand même il ne con- sisterait que dans une simple gaine enveloppant les œufs, tandis que d’autres ne voient dans celte enveloppe ou cette ébauche qu’un organe particulier dépendant de la colonie. On voit cependant réalisées, toutes les formes, entre l’avorton et la méduse; ce sont des fleurs dont les enveloppes avortent régu- » 4 INTRODUCTION. lièrement, sans préjudice pour les étamines et les pistils. Les fleurs ne sont pas moins fleurs quand elles sont privées de calice et de corolle. On ignorait aussi, il y a vingt ans, et l’on sait bien positivement aujour- d'hui, qu'en général, les méduses qui naissent d’une colonie de polypes ne sont pas de jeunes animaux agames, mais des formes sexuées et adultes dont la progéniture seule peut reprendre la forme première. Seulement, il reste encore à élucider quelques points importants sur certaines formes intermé- diaires que l’on à vainement cherchées jusqu'à présent. On ignore, par exemple, si certaines méduses, qui engendrent par agamie d’autres méduses, n'ont pas une forme intermédiaire encore inconnue; si elles n’ont que la reproduction agame seule !. Une divergence d'opinion non moins importante , sous le rapport z0olo- gique, règne sur un autre point : D'après Agassiz, les hydroïdes ne sont pas plus des polypes que les larves d'insectes ne sont de vrais vers. Zn my opinion (the hydroids) can no more be considered as genuine polyps, than the wormlike larvae of insects can be considered as genuine worms. ÆEt plus loin, le même savant exprime, dans des termes énergiques, l'opinion que les Æydroïdes doivent à jamais (for ever) être éloignés des vrais polypes. The view which represents the hydroids as true polyps must be for ever banished from our science. M. Agassiz ne comprend pas comment Külliker ait pu nommer les Sipho- nophores des Swimming polyps ; le savant naturaliste de Boston comprendra alors beaucoup moins comment j'ai pu nommer les acalèphes eux-mêmes des polypes. Aussi bien que le mot des anciens a passé des céphalopodes (Polypus) à ces organismes infimes, qui n'ont rien de commun avec eux, aussi bien peut-il s'étendre, à notre avis au moins, à tous ceux qui ont avec eux des ! Voyez une communication faite par Ern. Haeckl à l’Académie de Berlin (2 février 1865), sur une nouvelle forme de génération alternante chez les méduses, et sur le degré d'aflinité qui existe entre les Géryonides et les OEginides. INTRODUCTION. n) affinités réelles. IT nous à semblé que les acalèphes devaient absorber les polypes ou les polypes les acalèphes ; or, comme les polypes sont plus nom- breux, que le nom est plus ancien et que les acalèphes ne sont que des polypes élevés à un plus haut degré de perfectionnement, nous avons préféré conserver le nom ancien. Les batraciens pérennibranches sont des batraciens aussi bien que les anoures, quoiqu'ils conservent pendant toute la vie les organes de la vie embryonnaire, Il est vrai, Agassiz dit ailleurs qu'un véritable polype possède un sac di- gestif flottant dans la cavité du corps : True polyps have a distinct digestive sac hanging into the large main cavity of the body ; mais, dans ce cas, les hydres ne sont ‘pas des polypes, et ce sont cependant elles que l’on a d’abord désignées sous ce nom, que l’on a même considérées quelquefois comme type. Je ne vois pas de milieu : il faut ou rejeter complétement ce nom et le remplacer par le nom de Coelentérés proposé par Leuckart, ou bien l’étendre à tous les animaux de la classe. On est de la classe des polypes ou de celle des vers, comme on est de la classe des oiseaux ou des mammifères, et les polypes, avec les acalèphes des anciens, ne font évidemment qu'une seule et même division. On voit par là qu'il reste encore beaucoup à faire pour mettre l'étude de ces animaux au même niveau que celle des autres; il n°y a cependant pas de classe qui ait été étudiée avec plus de ténacité dans ces dernières années. Des travaux remarquables ont été exécutés, avec une rare sagacité, en Amérique comme en Europe, dans la Méditerranée comme dans l'Adriatique, sur la côte d'Écosse et d'Angleterre, comme sur les côtes de Norwége et de Dane- mark. Partout des zoologistes distingués ont recueilli et observé ces délicats organismes; et cependant il existe encore tant de lacunes ! Des groupes entiers ne sont connus que par leurs formes sexuées, et d’autres seulement par leurs formes agames, et les phases d'évolution, indispensables pour l'appréciation des affinités naturelles, manquent dans un grand nombre, 6 INTRODUCTION.” . Parmi les travaux les plus précieux entrepris dans ces derniers temps, nous citerons en particulier les recherches de MM. Th. Hincks et Krohn sur les polypes si curieux , auxquels M. de Quatrefages avait donné depuis longtemps le nom d'Éleuthéries. M. Hincks a démontré que ces Éleuthéries descendent d'un polype corynoïde (Clavatella), dont ils sont la forme sexuée, ce qui confirme complétement l'opinion que nous avions le premier émise, comme Dujardin et Krobn le reéonnaissent ‘, Depuis les recherches du révé- rend Th. Hincks, M. Krohn a fait encore sur les Éleuthéries de la côte de Nice ?, des observations fort intéressantes dont le professeur de Filippi a entretenu tout récemment l'Académie de Turin 5. Ce que nous ne comprenons pas, c’est que le nom d'Éleuthérie, donné d’abord par de Quatrefages à la forme médusaire , ait été abandonné pour faire place à celui de Clavatella, qui sert plutôt à désigner une forme poly- piaire. C’est, en effet, une question d’un haut intérêt que de savoir s'il faut classer tous ces animaux d'après les caractères fournis par les polypes ou par les méduses. Le cas est parfois fort embarrassant. Il faut naturellement tenir compte, avant tout, de l’âge complet et adulte; mais que faut-il faire de ceux que l’on ne connait encore qu'à l’âge agame , et surtout de ceux qui ne s’épanouissent pas jusqu'à la dernière phase médusaire, qui restent dans un état d’atrophie pendant toute la vie ? Faut-il donner un nom générique ou spécifique à la forme hydraire, quand on connait la méduse qui en provient ? Ii est évident que non, et nous n'avons jamais compris comment un habile et savant naturaliste a pu donner le nom de stauridie à une forme qu'il savait engendrer une méduse. Autant vaudrait donner un nom générique particulier à une larve de papillon. Il ne peut y ! Ann. et Mag. Nat. hist., sér. 5, vol. VIT, 1861. ? Troschels Archiv, 1861, p.157. 5 Séance du 12 juillet 186%, Gazelta officiale, 486%, n° 447. INTRODUCTION. 7 avoir évidemment qu'un seul nom pour désigner les formes qui proviennent d’une seule souche, quel que soit leur nombre. D'un autre côté, il y a aussi plusieurs de ces animaux que l’on ne connait que par la forme médusaire : pour placer les Thaumantias, les T'iaropsis et tant d’autres, qui sont probablement voisins des campanulaires, il faut absolument attendre que l’on connaisse l’âge polypiaire, leur état de larve. Nous sommes absolument au même point où seraient des entomologistes qui auraient à classer des papillons dont ils ne connaitraient pas les che- nilles, où bien à classer des chenilles dont ils ne connaitraient pas le papillon. Le moment viendra où tous ces genres, comme ces familles, créés d’après le jeune âge seul, disparaîtront, et où il ne s'agira que de familles, établies sur les caractères fournis en même temps par les formes médusaires et polypiaires. On a observé dernièrement des méduses tout à fait semblables provenant de deux polypiers différents, comme on a trouvé des Tenia identiques provenant de eysticerques différents par leurs caractères et leur origine. Cette identité peut être apparente et simplement le résultat .d'observations incomplètes, ou bien elle peut être parfaite, dans un certain âge de la vie, pour nos moyens d'investigation au moins, sans que pour cela les formes doivent être fondues dans une seule et même espèce. Le T'enia coenurus, provenant des cœnures du mouton , est tout pareil au Tenia serrata, qui pro- vient du cysticerque de lapin ; on ne peut pas dire cependant que ces deux Tenia appartiennent à une même espèce, tout en ne pouvant pas les distin- guer lun de l'autre. Les œufs de l’un donneront le tournis au mouton, les œufs de l’autre ne produiront aucun effet sur lui. Les diverses espèces de Corymorpha produisent, dit Sars, des méduses différentes, sous le rapport de leur organisation surtout. Cela prouve seu- lement que le genre Corymorpha, établi sur des formes agames seules, est fort incomplétement connu; les Corymorpha d'aujourd'hui seront répar- ties demain dans des familles peut-être très-éloignées les unes des autres, 8 INTRODUCTION® et ce beau genre, en apparence bien assis, aura le sort de tant d’autres, qui n'étaient connus que par un seul âge. Il est évident que l'étude de ces animaux est dans une période de transi- tion. Les tubulaires et les campanulaires ne doivent pas former des groupes distincts des médusaires cryplocarpés ; ces familles doivent, au contraire, être fondues les unes dans les autres; mais, pour que lon puisse bien juger de leurs aflinités réelles et de leurs rapports véritables, la plupart d'entre elles sont encore trop peu étudiées, surtout sous le rapport embryogénique. Le travail que nous avons l’honneur de communiquer aujourd'hui a pour but de combler quelques-unes des lacunes que nous venons de signaler, et de faire connaitre les polypes qui fréquentent les côtes de Belgique dans les diverses phases de leur évolution. - Pour rendre, avec toute leur richesse de ton, la délicatesse et la fra- gilité de formes qui distinguent ces organismes, nous avons eu recours au crayon et au pinceau; les descriptions les plus soignées ne valent souvent pas un simple croquis. Les naturalistes qui n’ont pas étudié ces êtres en vie ne se font pas une idée de leur élégance et de leur beauté. C’est que les méduses sont vraiment, sous plusieurs rapports, les oiseaux ou les papillons de la mer, comme les polypes sont les fleurs de l'Océan, et les uns comme les autres réunissent à la richesse et à la variété des formes, le coloris le plus brillant et le plus varié. On ne trouve ni plus d'éclat ni plus de magnificence dans les colibris, ces diamants du règne animal, que dans les coraux et les madré- pores. Ils luttent de beauté et d'élégance avec les plus belles productions de la nature, et il serait téméraire d'affirmer que le fond des bois ou la surface des prairies est plus richement émaillé de fleurs que le fond de l'Océan. © Et non-seulement les madrépores sont étalés isolément sur le roc comme les orchidées sur un tronc d'arbre, mais on voit ces fleurs animales s’as- socier de mille manières diverses pour former ici des guirlandes et des festons, là des corbeilles et des groupes au milieu de superbes parterres. ne INTRODUCTION. 9 Il y a au fond bien peu de différence entre ces deux règnes : dans le règne animal, les fleurs se détachent des tiges pour mener une vie libre et vaga- bonde, tandis que, dans le règne végétal, les fleurs ne quittent pas la terre, et se flétrissent après avoir répandu leur parfum et leur semence. Plusieurs naturalistes se sont déjà occupés des polypes qui hantent les côtes de Belgique et de Hollande, surtout à une époque où ces singuliers organismes n’atliraient guère l'attention des savants; mais tous ces natura- listes sont de leur époque : comme le botaniste cherchait à compléter sa flore, le zoologiste cherchait à compléter sa faune, et il se bornait, à cet effet, à enregistrer les formes nouvelles que le hasard lui faisait découvrir. Les re- cherches embryogéniques surtout ne pouvaient être le but, aussi longtemps que l’on n'avait en vue que l'élaboration de l'inventaire. En 1760, Laur.-Théodor. Gronovius publia, dans les Acta Helvetica, sous le titre de : Observationes de animalculis aliquot marinae aquae innu- tantibus atque in littoribus belgicis obviis, une notice fort intéressante, accom- pagnée d’une planche représentant fort bien le Cydippe pileus, une jolie petite méduse, et, sous le nom de ÆZydra, un tubularien difficile à déterminer. Dans le volume V des mêmes Acta Helvetica, le même Gronovius publie, dans sa cinquième centurie, Anémalium belgicorum observatorum*, après les crustacés, les vers et quelques mollusques, les noms de quatre méduses et de deux beroë. Baster, dans son introduction ”, après avoir fait mention de la découverte de la nature animale du corail et des prétendues plantes marines (1762), parle, comme s’il écrivait aujourd'hui, des voies diverses par lesquelles la nature procède à la multiplication de ces organismes inférieurs. Verwonde- ring waardig, ja onbegrijpelijk zijn de verscheide wegen , die de natuur ter ! Basileae, 1760, vol. IV, p. 5. ? Id., 1762, vol. V, p. 555. 5 Natuurk. uytspanning, 1762, p. 7. Tome XXXVI. 2 10 INTRODUCTION." voorteelinge der dieren inslaat, dit-il. « Les divers chemins que suit la na- ture dans la multiplication des animaux sont dignes d'attention, même incom- préhensibles. » Puis il cite quelques particularités qui les rendent dignes, sous tous les rapports, de l'attention des naturalistes, et il engage ceux qui en trouvent l’occasion de poursuivre ces investigations sur des animaux vivants dans le voisinage de la mer. On peut bien les conserver en vie un certain temps en renouvelant l’eau de mer, dit-il, mais ils finissent par mou- rir, faute de nourriture. On voit que Baster connaissait les aquarium. Baster a décrit et figuré les principales espèces de sertulaires , de campa- nulaires et de tubulaires de nos côtes ; les aleyons, les actinies, le eydippe pileus et plusieurs méduses; on peut même dire, tous les animaux inférieurs de nos côtes, à l'exception des microscopiques. De 1773 à 1778, L. Bomme a publié trois notices ‘ concernant des po- Iypes et des animaux marins qu'il a observés à l'ile de Walcheren. Sous le nom de Groote incarnaat polijp, Bomme décrit et figure la Tubularia cala- maris. Slabber * n’a pas décrit autant, mais tout ce qu'il a fait connaitre et figuré est encore aujourd'hui fort reconnaissable. Mon savant confrère et ami Van der Hoeven a publié dernièrement la détermination des espèces figurées par Slabber, et j'ai été heureux de pouvoir lui fournir quelques notes sur ce sujet. Pour ne parler que des Polypes, Slabber a observé le Callianyra hexa- gona , qui n'a plus été vu depuis; il a observé les méduses de la Campanu- laria dichotoma, la Dinema, que je lui ai dédiée, la Thaumantias opuba- loïdes , l'Oceania coccinea ou la Turris neglecta de Forbes et la Rhëz. perla. p’a étudié que des polypes libres. I est probable que Slabber pêchait au petit filet en pleine mer, méthode 1 Zeeuwsche verhand., AT71 , It deel, biz. 277 ; &b., 1775, HA deel, blz. 285; &b., 1778, VIde decl, blz. 557. 2 Natuurkunde verlustig. Haarlem, 1778. INTRODUCTION. 11 préconisée depuis par J. Muller pour l'étude des larves d’échinodermes, et qui à donné de si beaux résultats. L'année même où a paru notre travail sur les campanulaires et les tubu- laires, M. Westendorp a publié ses Recherches sur les polypiers flexibles de la Belgique ‘. L'auteur n’a eu en vue que de faire connaître les polypiers, n'ayant pu réussir, ajoute-t-il, à trouver la plupart de ces êtres à l’état vivant ?. En 1843, M. Westendorp a publié une première livraison de ses Poly- piers flexibles de la Belgique, contenant des échantillons en nature *. La même année, nous avons publié un Mémoire sur les campanulaires de la côte d'Ostende *. C'était un phénomène tout nouveau alors de voir des polypes engendrer des méduses. Peu de temps avant, Sars et V. Siebold avaient vu des œufs de méduses produire des polypes. Une véritable révo- lation couvait sous ces mots. Plus préoccupé des idées erronées qui régnaient dans la science que de la détermination même des formes que nous avions sous les veux, nous primes les petites méduses des campanulaires pour de jeunes polypes. Peu de temps après, nous publiâmes notre Mémoire sur les tubulaires , et les méduses y furent encore considérées comme un àge embryonnaire ?. Nous sommes heureux de reprendre aujourd’hui ces mêmes questions. Vingt années de recherches ont modifié bien des idées. Parmi les naturalistes qui ont le plus contribué à étendre nos connais- sances sur les polypes de la mer du Nord , nous devons citer avant tout Sars, pour les côtes de Norwége; sir John Graham Dalvell, pour les côtes d'Écosse; 1 Annales de la Soc. médico-chirurgicale de Bruges, t. IV, 1845. Ibidem. 5 Polypiers flexibles de la Belgique. Courtrai, 1855, in-#°. 19 + Mém. de l’Acad. roy. de Belgique, t. XVII. $ Jbidem. 12 INTRODUCTION.” Forbes, le rév. Hineks, le prof. Allman, Strethill Wright, pour les côtes d'Angleterre. C'est évidemment aux naturalistes anglais que l’on doit les plus importantes découvertes qui ont été faites sur ce sujet, et ces découvertes sont principalement dues à la grande extension qu'ont pris les aquarium dans ce pays. Nous avons eu pour but, dans ce travail, de faire le relevé des divers ani- maux de cette classe qui visitent les côtes de Belgique, en mentionnant éga- lement ceux que des circonstances heureuses peuvent jeter sur nos plages; c’est ainsi que nous faisons mention des Pennatules et des Gorgones, que nous n'avons jamais eu l’occasion d'observer dans nos eaux, mais que des natu- ralistes étrangers ont étudiées dans d’autres régions de la mer du Nord. Nous avons fait précéder l'énumération des animaux de quelques recher- ches bibliographiques et de l'exposé de l'état actuel de nos connaissances relatives aux polypes, tant sous le rapport physiologique que sous celui de leurs affinités zoologiques. C’est ainsi que nous avons divisé le travail en deux parties : la première, traitant des généralités et embrassant la classe entière ; la seconde, comprenant l’énumération des espèces que nous avons étudiées et les recherches anatomiques ou embryogéniques auxquelles elles ont donné lieu. RECHERCHES L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES FRÉQUENTENT LES CÔTES DE BELGIQUE. PREMIÈRE PARTIE. POLYPES EN GÉNÉRAL. $ L:— ComPosITION DES COLONIES. Nous croyons nécessaire de placer, en tête de ce Mémoire, notre manière d'envisager une colonie de polypes et les phases d'évolution par lesquelles elle passe. Il faut s'entendre sur les noms à donner aux organes et aux individualités , et distinguer les stades morphologiques qui caractérisent chaque âge. - Sur une tige de campanulaire, je trouve, au bout de chaque branche, une clochette et, dans cette clochette, un corps charnu très-mobile, entouré 14 RECHERCHES d'une couronne de tentacules qui tantôt s'étale élégamment, tantôt se retire brusquement dans sa loge et qui porte une bouche au sommet d'un mam- melon. La clochette avec son contenu est-elle un organe et l'animal a-t-il ainsi une bouche au-bout de chaque branche, ou est-ce un individu distinet ? Nous disons que c’est un animal distinct, quoiqu'il ne vive point séparément, et nous lui donnons le nom de Polypule. Mais, à l'origine de certaines bran- ches, se montrent des loges, fermées au bout, un peu plus grandes que les autres et dans lesquelles se développent des méduses où quelquefois des œufs : ce sont des capsules qui sont destinées en tout cas à la reproduction. Quel est leur signification physiologique ou morphologique? Cette masse charnue, tout en n'ayant ni bouche ni tentacules, est un polypule de la même valeur que le précédent; mais, par suite de sa destination spéciale, devant servir à la reproduction, il a une forme complétement différente. Le premier est un polypule nourricier, le second est un polypule propagateur. - Dans les flancs de ce dernier, dans cette capsule d'une forme particulière, paitra un nouvel animal d’une forme toute différente et qui affectera les allures d’une méduse. Elle deviendra libre et représentera l'espèce sous un aspect tout différent, aspect qui ne semble même pas avoir quelque chose de commun avec les ancêtres. - C'est la forme sexuelle de la campanulaire ; c’est le dernier terme de cette évolution. L'animal est complet comme le papillon parmi les insectes. C’est l'opposé de l'embryon, et nous le désignons sous le nom de Téléon ‘ qui a été proposé dans le temps par M. Laurent. Ce téléon ne se développe pas toujours complétement; mais en tout cas, qu'il soit arrêté dans son développement ou qu'il en parcourre régulièrement toutes les phases, il est ou mâle ou femelle et le produit sexuel apparait toujours. C'est ici que de nombreuses difficultés surgissent pour interpréter sage- ment ces phénomènes. Nous avons été longtemps sans les comprendre. Au- jourd'hui il n°y a plus de doute possible. Chaque genre a fourni son contingent pour l'interprétation véritable de ces curieuses et énigmatiques évolutions. _ Cetéléon, dans certains genres ou certaines espèces et même certains sexes, ! Le Téléon représente la forme sexuée. | SR à mt d mr “À ét mt nés cut É fé of. ef dé de. SR mt ne nt > dd SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 15 ne s'épanouit pas jusqu'à la fin; il s'arrête en chemin; les derniers attributs de l'animal parfait ne se montrent pas ; il y a arrêt de développement. Cest le papillon qui ne quitte pas son habit de chrysalide. Le téléon est arrêté et atrophié à la moitié ou aux trois quarts de son évolution. Dans d'autres cas le téléon se développe encore moins ; le temps d'arrêt s’est déclaré plus tôt; ses formes sont encore beaucoup moins complètes et la nature véritable de cette ébauche d'animal se reconnait à peine. Enfin , dans quelques cas, ce temps d'arrêt se déclare encore plus tôt, avant même qu'il n’y ait ébauche, et tout l'animal sexué est réduit à la forme d'un sac, sans aucune apparence d'organes particuliers. | Ce sac est en tout cas l’homologue de la méduse complète comme de Ja méduse ébauche. Pour lui donner un nom qui rappelle sa signification, nous proposons le nom d’Atrophéon pour ces formes incomplètes. Nous avons dit plus haut que les organes sexuels en tout cas sé dévelop- pent; ou, si on aime mieux, le produit sexuel, c’est-à-dire, les œufs ou les spermatozoïdes apparaissent toujours. Il en résulte que ce produit sexuel pa- raitra dans la capsule des campanulaires quand le téléon s’atrophie, et qu’on le trouvera dans les individus libres quand ils s'épanouissent complétement. Le papillon peut rester toute sa vie chrysalide ou même chenille, et les organes sexuels se développent comme si l’évolution avait été complète. On peut en voir un exemple dans différentes campanulaires. Ces variations ne se montrent pas seulement dans les formes génériques ou plutôt spécifiques; on les voit même dans les formes sexuelles. Ainsi, dans la même espèce, le mâle deviendra téléon complet, se détachera pour vivre librement, tandis que la femelle restera attachée à la colonie, sans forme et sans ornements. Ses œufs étaient déjà complets et même fécondés; elle n’a plus besoin de se parer pour attirer le mâle. Ce n’est toutefois pas toujours la forme femelle qui est sautée; dans quelques cas la femelle se développe au contraire seule et le mâle n’est qu'un atrophéon. On voit de la même manière des papillons dont la femelle reste chenille, et dont le mâle seul est ailé; n'est-ce pas du reste le cas dans ce singulier insecte connu de tout le monde . sous le nom de ver luisant. La femelle reste toute sa vie à l'état de larve, sans prendre ni ailes ni autres attributs d'insecte coléoptère, tandis que le mâle 16 RECHERCHES a tous les caractères de son ordre. Si le mâle ne se développait pas plus que la femelle, le naturaliste serait sans doute fort embarrassé pour lui désigner une place dans la série. [en est de même des polypes qui ne se développent pas complétement. Nous ne craignons pas de dire qu'en nous plaçant à ce point de vue, toute l'histoire des polypes devient claire et simple jusque dans les détails les plus cachés et les moins apparents. C'est donc ici que l’on trouve, dans toute leur évidence, les exemples les plus manifestes et les plus remarquables des arrêts de développement. Toute- fois ces arrêts ne frappent ni les familles ni les genres, mais seulement les espèces. On peut dire que toutes les nuances ont été réalisées dans la sup- pression de ces formes sexuelles. Sans porter atteinte à l'existence de l'espèce , la dernière forme sexuelle pouvait être sautée complétement dans les deux sexes et elle l’a été. L'espèce n’est connue dans ce cas qu'à l'état de maillot ; si je puis m'exprimer ainsi. L'animal n’est jamais complétement dépouillé de ses langes. Dans d’autres cas l’un des sexes est supprimé, ici le mâle, là la femelle. Ou bien l'évolution de l’atrophéon arrive jusqu'à un certain terme: le jeune animal atteint presque l'adolescence; les organes essentiels de l’âge adulte et complet ont fait leur apparition. La décrépitude arrive avant terme, et les organes sexuels ne se développent pas moins complétement dans un corps flétri avant l’âge. Comme dans le premier cas, cette atrophie peut frapper les deux sexes à la fois, ou bien l’un ou l'autre sexe séparément. Le développement se fait enfin régulièrement, le téléon devient complet, aussi bien le mâle que la femelle; on peut dire que c'est le développement normal; mais cette évolution n’a pas toujours lieu ainsi pour les deux sexes, et l'on voit tantôt les femelles atteindre seules ce terme de leur évolution, tantôt le màle seul atteint la forme de téléon. Enfin une dernière complication survient, et ce n’est pas la moins extraor- dinaire, L'animal s’est régulièrement développé en prenant tous les attributs de la forme sexuelle; c’est un téléon complet : il produit des œufs ou des sper- matozoïdes. On s'attend à le voir au dernier terme de la vie. On se trompe. Au lieu de se flétrir, le mâle comme la femelle poussent des gemmes; le jeune | gemme devient directement semblable à la mère , tandis que ses œufs doivent rosé PT D TS SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 17 parcourir toutes les phases de l'évolution. La reproduction agame succède à la reproduction sexuelle. Nous réunissons ici dans un tableau toutes ces variations, que nous grou- pons en quatre catégories, dans chacune desquelles nous citerons les exemples connus. Dans la première catégorie, nous placons les atrophions complets dans les Campanularia dichotoma : a. Loge femelle, au début ; b. Loge femelle au dernier terme de son développement; e. Loge mâle. Tour XXXVL. deux sexes : nous en trouvons des exemples dans lÆydractinia echi- nata, l'Hydractinia polycleus, Agas- siz; l'Hydractinia fucicola, Sars; le Cardylophora lacustris, Allman; la Coryna squamata et la Syncoryna lis- leri. La seconde catégorie comprend ceux qui sont frappés d'arrêt vers le milieu du terme de leur évolution. Les pre- miers sont réduits à de simples sacs, ceux-ci sont des demi-méduses et elles donnent leur produit sexuel avant d'être séparées complétement, La Cam- panularia dichotoma, les Tubularia coronata et indivisa, la Syncoryna ru- mosa, la Coryna(hydractinia) ambata, Wagner sont dans ce cas. Les exemples que nous venons de citer sont ceux qui montrent le même arrêt de développement dans les deux sexes. Mais dans cette catégorie nous comprenons encore ceux dont le mâle seul est atrophié, par exemple, l'£u- dendrium ramosum, Van Ben. ; l'Eu- dendrium racemosum, Cavolini; la Pennaria, Cavolini; l'Eucoryna ele- L4 d 18 É RECHERCHES * gans, Leidig, etc.; ou bien ceux qui ont la femelle atrophiée, comme l'Hy- dractinia cornea, Sars; Ta Coryna mirabilis, Agassiz; ou la Coryna gra- vata, Steth. Wright. La troisième catégorie comprend les éspèces dont les téléons se déve- loppent régulièrement et ne deviennent généralement sexués qu'après leur séparation du polyvpe mère. Les exemples les plus remarquables que nous puissions citer sont : la Campanularia gelatinosa ; la T'ubularia Dumortieri , la Sarsia murabilis, Agassiz ; les Syncoryna cleodore , Gegenbaur; Sarsü, Lovèn ; Stenyo, Du Jardin. | Ou bien le mâle seul se développe en téléon complet, comme dans la Coryna mirabilis d'Agassiz ; la Podocoryna (hydractinia) cornea, Sars; THy- dractinia de Lovèn, des côtes de Bohnslän ; ou bien la femelle seule devient complète, comme dans les £udendrium ramosum, Van Ben.; confertum, Streth. Wright, et capillare, Jos. Alder. Enfin, dans une quatrième et dernière catégorie sont ceux qui, devenus téléons complets et sexués, deviennent gemmipares après avoir été sexipares; même le mâle, après avoir donné des spermatozoïdes, se met à engendrer, comme la femelle qui a donné des œufs, par voie gemmipare. Nous cite- rons comme téléons digénèses, la Bougainvillia medi- terranea, Busch; Cyteis tatrastyla, Souleyet; Hybocodon prolifer, Agassiz; Eleutheria dichotoma, Quatrefages; sel Staurophora laciniata, Agassiz; Sarsia prolifera, Buseh. Muni AE F2 Dans ces méduses digénèses, on voit des gemmes appa- raitre à la base de chaque cirrhe. Il est à remarquer aussi que ces gemmes se développent : 1° sur les pa- rois externes de l'estomac où plutôt du pédoncule dans le Sarsia gemmifera, la Cytheis tetrastyla, Va Lizzia, ete. ; 2° sur les parois internes, de manière que les embryons tombent dans la cavité de l'estomac dans la Geryonia pro- boscidialis d'après Krobhn et FOE£gineta prolifera d'après Gegenbaur; 3° le long des canaux gastrovasculaires, à la même place où apparait souvent l'ovaire, dans le Staurophora laciniata d'Agassiz, la Thaumantias ; 4° à la base des cirrhes ou au bout des canaux gastrovaseulaires, là où ils s'ouvrent SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 19 dans le canal cireulaire, dans le Sarsia prolifera de Busch et de Forbes; l Hy- bocodon prolifera d'Agassiz, ete.; 5° enfin les gemmes surgissent au milieu de l’ombrelle dans l’Eleutheria dichotoma de Quatrefages. L'animal adulte peut se présenter sous quatre formes ou plutôt dans quatre conditions différentes; la dernière est celle où, tout en prenant la robe de l'animal adulte, il ne donne naissance qu'à des gemmes, c’est-à-dire à une progéniture sans concours de sexe, et ces gemmes sont pédonculaires, gastro- vasculaires, cirrhaires ou dorsaires, selon leur situation sur le manubrium, le long des vaisseaux, sur les cirrhes ou sur le dos. Dans quelle région du corps des polypes les téléons se développent-ils habi- tuellement? Dans les régions les plus diverses, comme nous allons le voir. Le téléon apparait au-dessus ou à l’aisselle de la couronne tentaculaire , si elle est unique, dans les genres cladonème, coryne, syncocyne, cory- morphe, pennaire et tubulaire. Il apparait au-dessous des tentacules dans les /Zydractinies etles Euden- drium. Il se montre enfin sur le tronc dans le Perigonimus de Sars, le Cordy- lophora et le Corydendrium. Nous le répétons : les petites méduses qui se détachent librement d'une colonie de campanularide ou de tubularide sont semblables, sous le rapport morphologique et physiologique, aux autres méduses connues, décrites et étudiées depuis longtemps. Quant à nous, il n’y a aucun doute à cet égard. Nous avons cru, en voyant paraitre ces petites méduses en 1844, qu’elles représentaient la forme larvaire, le jeune âge de la colonie polypiaire; mais nous avons bien vite remarqué que les méduses sont, au contraire, le stade sexuel de ces colonies animales. Mais, à côté de ces campanulaires médusipares , il y a des espèces qui ne montrent jamais des méduses complètes, mais bien des avortons qui se flé- trissent avant d’être épanouis et libres. Ces avortons engendrent, avant de se séparer de la mère, les uns des œufs où des embryons, les autres , appar- tenant au sexe mâle, des filaments spermatozoïques. Ce sont des méduses arrêtées physiologiquement dans le cours de leur développement. 20 RECHERCHES * La Campanularia, étudiée par Lovèn, se trouve dans ce cas. D’autres espèces sont frappées encore plus tôt d'un arrêt de développe- ment dans le cours de leur évolution. La méduse n’a pas encore ses organes propres qui la fassent connaitre ; elle n’est qu'un simple sac sans appendices extérieurs, et les organes sexuels se développent dans son intérieur, comme si la méduse s'était épanouie. C'est l'embryon ou le premier rudiment de l'être qui engendre, et les enfants descendent d’une mère qui n’a pas vu le jour. Au lieu de méduses sexuelles, la colonie porte des ovisacs ou des sper- matosacs. Quelques auteurs refusent l'individualité à ces méduses, qu’elles devien- nent complètes ou non; c’est contre celte erreur d'interprétation que nous ne pouvons assez nous-élever. Les avis semblent fort partagés, et dans les deux camps se trouvent des noms très-aulorisés. Nous dirons toutefois que la manière de voir que nous partageons gagne tous les jours du terrain. Ce que nous prétendons, c'est que les méduses forment des individualités qui doivent occuper le même rang que les individus des classes supérieures. Une méduse mâle ou femelle est l’analogue d’un oiseau ou d'un mammifére, quand même elle engendre avant d’avoir les caractères propres de son groupe. La femelle des lampyres (vers luisants) n’est pas moins un insecte coléop- tère que le male, et certaines chenilles ne sont pas moins des insectes lépidop- tères, quoiqu'elles ne prennent jamais les ailes et les caractères du papillon. La chenille s'arrête dans son développement et engendre sous cette forme. Nous n'avons depuis longtemps plus de doute sur la nature des petites méduses , aussi bien que sur la nature des polypes qui constituent les colo- nies. Ce sont autant d'individualités, les premières, sexuées, les dernières, agames, mais prolifères. Il y a cependant une diversité très-grande d'opinions dans la science. Il parait bien que Lesueur s'était déjà prononcé sur la nature polyzoïque des siphonophores, el que cette opinion avait été partagée encore par d’au- SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 21 tres; mais le premier qui la défend avec vigueur est Rud. Leuckart , profes- seur à Giessen. Il a exprimé celte opinion d’abord dans les Gelehrte Anzeigen de Gôttingue, en 1847, et c’est gràce à ses travaux que la nature polyzoïque est généralement reconnue el admise. Tous les naturalistes n’ont pas immédiatement partagé l'avis de Leuc- kart, et parmi les adversaires les plus déterminés nous croyons devoir placer MM. Külliker et surtout Huxley, qui a décrit, dans la Ray Society, les hy- drozoaires océaniques qu'il a observés à bord de la Rattlesnake, pendant les années 1846 à 1850. Que les téléons se délachent ou non, ce sont, pour le savant professeur de l'École des mines de Londres, de simples organes, et sils deviennent libres et flottants comme des méduses, ils reçoivent le nom de zoïdes. M. J.-R. Green a fait, en 1858, un rapport à l'Association britannique sur l’état actuel de nos connaissances relativement aux médusidées britanni- ques, et, à la manière dont ce savant s'exprime , il semblerait que toute une catégorie de méduses ne serait que des zoïdes reproducteurs de diverses hydres. Il y aurait done des méduses et des polypes, et ces derniers auraient quelquefois une ressemblance avec les autres sous leur forme reproduc- lrice. Ce n’est pas ainsi que nous envisageons ce phénomène. Il faut rompre complétement ici avec le passé. Tout ce qui est méduse peut avoir passé par la forme polypoide, comme tout batracien anoure peut avoir passé par la forme tétard; mais, comme il y a des tétards qui conservent leur forme embryonnaire et ne prennent pas la robe adulte, il y a des méduses qui ne prennent pas la robe sexuelle : elles passent toutes les phases de la vie sous les formes agames préparatoires, et les formes sexuelles sont sautées. … L shall consider the animal , not as a sexual polype, but as a free and independent extension of the polypary ; not as the product of the alternate generation, in which the parent is « z0ophyte, the child an acaleph, the grand child a polyp again, and so in cudless succession ; but as « new phase in the continued development of the zoophyte.., dit M. Strethill Wright *. 1 Observat. July 1857, p. 10. s 22 RECHERCHES * C'est la même opinion que M. le professeur Huxley a exprimée en 4859. Il y a toutefois des naturalistes anglais qui ne partagent pas cet avis : nous voyons, par exemple, que M. Cready, dans le premier volume de Elliot So- ciely, 1859", regarde les siphonophores comme des colonies polymorphiques. IL importe de s'entendre également sur les noms à donner aux diverses parties d'une colonie; comme Agassiz l'a proposé, on peut nommer Æydra- rium, une colonie de polypes; Wedusarium, une colonie de méduses, et Hydromedusarium, une colonie complexe et hétérogène, et on peut con- server le nom de polvpier à la partie généralement solide, calcaire ou chiti- neusé qui se conserve dans les collections, et qui est au polype ce que la coquille est au mollusque. On est généralement d'accord sur les diverses parties du corps des mé- duses : ainsi le mot ombrelle désigne la partie supérieure en forme de disque; manubrium , le pédoncule flottant; cirrhes, tes filaments qui bordent lom- brelle, et tentacules ceux qui garnissent le pédoncule. ; Nous adoptons également le nom de nemalocyste proposé par M. Milne Edwards, pour ces organes que lon a tour à tour nommés corps urticants, capsules, vésicules, acicules et Spicules filifères, cellules à fil spiral, filets pêcheurs, guides, batteries urticantes, lasso-cell , ete. ete. Nous ferons remarquer, en passant, que ces organes ne sont pas des attri- buts exclusifs des polypes, qu'ils se trouvent chez les mollusques, par exemple dans les Éolides et les Pleurophyllidies, tandis qu'ils manquent dans les Do- ridés , les Tritomadés et les Phyllidies *. On a proposé également de désigner sous un nom différent le pôle de l'animal où se trouve la bouche, et le pôle opposé où se trouve l'anus, quand il existe. On à dit face proximale ( Huxley et Hinckx ) et face distale, ou pôle actinal et pôle abactinal (Agassiz); ne serait-ce pas plus simple de dire pôle buccal et pôle anal ? Quant aux mots d'aclinostome pour désigner la bouche des actinies, de malacostome, pour celle des mollusques, et d’arthrostome, pour celle des animaux articulés, nous ne voyons pas grande utilité à cet emploi, d'autant 1! Gymnophtalmata of Charleston Harbor. ? Bergh, Videnskabet. middel., 1860, p. 509. Copenhague, 4861. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 25 plus que les vues théoriques qui ont dicté ces dénominations sont loin d'être adoptées. I est inutile de faire remarquer l'importance d’une bonne entente entre les zoologistes sur quelques-unes de ces grandes questions; les descriptions seront complétement différentes selon la manière de voir du naturaliste. En effet, celui qui ne voit dans une méduse de campanulaire qu'un organe de Ja colonie, ne peut se servir des noms qu'emploie celui qui la considère comme un animal sexué adulte. C'est une grande et belle question que celle de savoir si une colonie est simple ou composée. D'un côté, par une sage interprétation, tout rentre dans la disposition régulière et normale ; de l'autre côté, au contraire, €’est un fait exceptionnel jeté sur la route de l'embryogénie des polypes; tout est simple et intelligible, ou embarras et mystère. | Une question du plus haut intérêt est celle des homologies. Il n'y en a pas de plus grosse d'actualité. Dans ces derniers temps, le professeur Alleman ‘ Strethill Wright, Victor Carus, Leuckart et Gegenbaur ? s’en sont surtout occupés. Si l’on jette les yeux sur une Coryna squamata chargée d'œufs ou de spermatozoïdes , ce produit sexuel est logé entre la peau externe et la peau interne, sans que l’une ou l’autre subissent quelque modification. OEufs ou spermatozoïdes se développant entre la peau externe el la peau interne. Dans quelques genres on voit cette peau s’allonger, puis prendre une forme sphérique, s'étrangler légèrement à la base, et des tubercules sur- gissent au milieu. On reconuait, sous cette forme, une méduse en voie de formation. Les organes sexuels se développent, comme dans le cas précé- ! On cordylophora. 2 Ann. a. mag. nal. hist., vol. 8. Aug., 1861, p. 120. 24 RECHERCHES * : dent, entre les deux peaux , ainsi que nous le montre la Tubuluria coronatu. Dans la pue des polypes la méduse devient complète, et, à cet effet, elle n’a besoin que d'étendre 1 peau d : dans divers sens, et de donner de l’exten- É À sion à la cavité générale qui charrie le sue Ë ÿ nourricier. Dans ce dernier cas, le pro- ES Pl duit sexuel apparait encore exactement de même entre les deux peaux, soit autour du pédoneule, soit le long des canaux gastro- vasculaires. Qu'on me pardonne d'attirer enfin l’atten- uon sur un point d'anatomie fort important et qui, à en juger par les écrits de quelques zoologistes, n’est pas bien compris. Je veux parler des tentacules des polypes, et de leur intérieur. De tous les polypes véritables, dans l’ancienne acception du mot, les seuls tentacules creux et en communication di- « recte avec l'estomac sont ceux des hydres. Les tubulaires, les campanulaires, les cir- rhes marginaux minces des méduses sont pleins. Ceci est fort important pour juger la question des homologies aussi bien que la Gui se développant epire TUE pes EG HEStIOn dés DÉS: Ne peut-on pas dire qu'une méduse est un polype palmé, c'est-à-dire, dont les canaux gastrovasculaires sont unis par une membrane ? qu'un Cténophore est une méduse, dont les bords de lombrelle se soudent autour de l'orifice de la bouche , et dont les canaux gastrovasculaires se chargent de lamelles vibratiles ? Les hydres sont de vraies méduses non palmées ; les actinies et gorgones sont des méduses dont le manubrium est rentré et la cavité gastro- vasculaire plus étendue; enfin les éponges sont des polypes à leur dernier degré de simplicité, dont la bouche ne porte plus de tentacules et dont la cavité digestive s'anastomose avec celle des voisins. x de SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 25 S IE. — EupryoGniIE. 1. Historique. — Comme l'embryogénie joue un rôle extrêmement im- portant dans l’histoire de ces animaux , et qu'elle intéresse au plus haut point les zoologistes qui s'occupent de la systématisation, nous passerons en revue les principales découvertes qui ont été faites dans ce champ si récemment exploré. En 1829 et 1855, Sars ‘ publie ses deux remarquables Mémoires dans lesquels il décrit les genres Scyphistoma et Strobila, genres qu'il reconnut bientôt après n'être autre chose qu'un état transitoire d'une méduse en voie de développement. En effet, dans ce dernier Mémoire, il affirme déjà que le Scyphistoma n'est qu'une forme transitoire, et dans les archives de Wieg- mann *, il annonce que son genre Strobila n'est qu'un jeune àge de la He- dusa aurita, et qu'il espère en donner la démonstration à la réunion des naturalistes à Prague. Il avoue, dans ce même article, avoir réussi à poursuivre tout le dévelop- pement de la Medusa aurita et de la Cyanea capillata, et que ces déve- loppements présentent la plus complète concordance * lun avec l’autre. De son côté, M. Th. V. Siebold fit des observations sur la Wedusa aurita, découvrit le sexe mâle, reconnut les premières phases planulaire et seyphis- tomaire de leur développement, et constata, de son côté, que les strobiles et les scyphistomes ne sont que des états transitoires *. Le résultat des observations faites par ces éminents naturalistes sur la côte de Norwége et dans la Baltique s’accordèrent parfaitement, et l’histoire du développement des polypes fit par ces découvertes un pas immense. MM. Dalyell, Reid, et tant d'autres, parmi lesquels nous pouvons nous 1 Bidrag til Soëdyrenes naturhistorie, 1829, et Beskrivelser…… 1853. — Beiträge zur Naturgeschichte der Seethiere. Bergen, 1829. — Bescreib. und Beobachtungen einiger merk- würdigen oder neuen im Meere an der Bergenschen Kuste lebenden Thiere. Bergen, 1853. ? Wiegmann's Archiv, 1857, mars, p.406. 5 Jbid., 1841, p. 10. Ueber Medusa aurita, neueste Schriften, 1839, p. 54. Tome XXXVI. 4 - . 26 RECHERCHES citer nous-même, ont confirmé pleinement ces intéressantes observations, qui formeront époque dans l'histoire de lembryogénie comparée. Ces faits parurent si extraordinaires à quelques naturalistes, qu'il ne leur fut presque pas possible de les accepter franchement avec leur interprétation. Nous en voyons qui, comme Ehrenberg, crurent devoir prendre les Srrobila pour des Lucernaires !, Peu de temps après ces brillantes découvertes de Sars et V. Siebold sur les acalèphes, l'attention fut attirée sur quelques polypes hydraires. M. Lovèn, de Stockholm, ouvrit la voie par son Mémoire sur le développement et les mélamorphoses des campanulaires et des syncorvnes. M. Nordmann écrivit, peu de temps après, à M. Milne Edwards, qu'il venait de constater la mobi- lité des campanulaires dans leur jeune âge. J'observai, de mon côté, vers la même époque, des campanulaires à Ostende, et je vis apparaitre leurs mé- duses. Je cherchais à combattre l'interprétation d'Ehrenberg et de Lovèn, qui voyaient des males et des femelles dans les polypes mêmes. Du Jardin publia en même temps ses recherches sur quelques méduses écloses chez lui, et regarda, avec raison, les petites méduses naissant de tubulaires, comme des méduses véritables. Il eut seulement le tort de donner un nom au polvpe qui les avait engendrées. | Je reconnus, peu de temps après, que l'interprétation de Du Jardin est la seule véritable, et les polypes ne pouvaient plus dès lors former une classe distincte des acalèphes. En 1845, dans une introduction à mon Mémoire sur les bryozoaires, je crus devoir réunir en une seule classe les anthozoaires, les alcyonaires etles médusaires, sous le nom de polypes. Mon ami R. Leuc- kart proposa, peu de temps après, pour les mêmes animaux, le nom de cœlentérés, qui est généralement accepté aujourd'hui. Les tuniciers et les bryozoaires, que j'avais laissés dans cette même classe, ont été placés peu de temps après dans les mollusques ?. Les polypes Clénophores ont été également l'objet de travaux suivis dans ces derniers temps. { Arcalephen des rothen Meeres. 2? Recherches sur lanat., la phystol. et l'embryogénie des bryozouires. Bruxelles, 1843, p. 8 de l'Introduction. CRT | SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 27 On le savait déjà, et les dernières recherches de M. Semper viennent de démontrer à la dernière évidence que les Cténophores se développent direc- tement el sont monogénèses. L'étude de ces polypes a fait de grands progrès également : Agassiz à étudié avec le plus grand soin les beroïdes de la côte de Massachusetts * Gegenbaur s'est occupé surtout de leur organisation et de leur distribution systématique *, pendant que J. Muller et Carl. Semper avaient fixé principa- lement leur attention sur leur développement. 3. Muller avait observé des beroë de fort petite taille ayant déjà la forme et les allures des adultes, et il était permis d'en conclure que ces Cténophores ne subissent pas de méta- morphoses *. Ces prévisions de J. Muller ont été complétement confirmées par les recherches de Carl. Semper. En 1857, peu de lemps avant son départ pour les iles Philippines, Carl. Semper à publié une notice sur le dévelop- pement de l'£ucharis mullicornis, et il fait connaitre les premières et les plus intéressantes phases de cette évolution directe. Les cercles ciliés appa- raissent déjà, alors que le jeune animal n'a pour ainsi dire pas encore de forme déterminée #. Mais déjà depuis 1846, Price avait observé les principales phases du développement des Cydippe pileus *. I reconnait, le premier, que de bonne heure les jeunes cydippes affectent déjà la forme des adultes, et qu'ils sont déjà pourvus des deux longs amarres qui les caractérisent. Ce qui ne fait pas moins époque dans l'histoire de ces animaux, ce sont les découvertes dont les problématiques siphonophores ont été l'objet. Pen- dant une dizaine d'années, les naturalistes les plus distingués se sont occupés de ces élégantes el gracieuses productions marines, qui excitent l'admira- tion autant par leur étonnante simplicité d'organisation que par la variété de leurs formes capricieuses. Les siphonophores sont véritablement les fleurs de la mer, qui s'associent pour former les plus charmants bouquets ou les plus délicieuses guirlandes. Ce n'est pas sans une certaine émotion que le Mem. Amer. Acad. of arts and science , XV, pp. 2-515. ? Archiv fur natur geschichte , 1856. 5 Muller’s Archiv, 1850, p. 498. # Zeits für Wiss. Zoologie, 1857, vol. iX, p. 254. Report of the British Association, 1846. 28 RECHERCHES * naturaliste met la main sur ces formes éthérées que le souffle fait dispa- railre. Tout était problématique dans ces animaux, jusqu’au jour où on les a con- sidérés comme des colonies flottantes, formées d'individus de formes diverses agissant dans un but commun. C’est surtout Leuckart qui a, un des pre- miers, soutenu celle théorie. Les travaux les plus remarquables sur ce sujet sont dus, dans ces dernières années, à MM. Huxley ‘, Rud. Leuckart ?, C. Vogt *, A. de Quatrefages *, W. Busch”, Külliker *, Gegenbaur 7, C. Claus, Keferstein et E. Ehlers ?. Cette étude des polypes semble véritablement un sujet inépuisable. A peine Th. Hincks ‘* a-t-il reconnu la forme polypiaire des Éleuthéries, découverts par À. de Quatrefages ", que M. Krohn confirme ce résultat, et ajoute encore quelques faits complétement imprévus *. Krohn a eu l'occasion d'observer journellement des Éleuthéries à Nice, pendant le mois de mai. Cavolini a vu des embryons ciliés dans les gorgones ; nous en avons vu 1 Report of the 21 meet. Brit. Assoc. Ipswich, 1851; Trans. sect., p. 78; Muller s Archiv, 1851, p. 380; Linn. soc. Ann. of nat. hist., 2"° sér., L IV, 1849, p. 207. 2 Gütling. gelehrt. Anzeigen, 1847, p. 1917; Ueber den Bau der Physalien und Siphono- phoren; Zeits. fur Wiss. Zool., vol. LIL, p.189; Ann. sc. nal., 5° sér., L XVIIL, 1859, p. 204; Zur nüharn Kentniss der Siphonophoren von Nizza, Ancuiv. Für NATURGESCMICNTE, 1854. 8 Act. soc. helvét. des sc. nat., 57% session. Sion, 1852, p. 158; Zeits. [für Wiss. Zool., vol. IL, 1852, p. 522; Ann. sc. nat., 5° sér., t. XVIII, 1852, p. 275; Sur les Siphonophores de la mer de Nice, Méx. De L'INSTITUT GÉNEVOIS, t. L # Mém. sur l’organisation des Physalies , Anx. sc. Xar., 1854, IL, p. 107; Comptes rendus, t. XXXIX , p. 2, Jounxaz De L'Ixsrirur, 1854, n° 1072. $ Beobachtungen ueber Anatomie und Entwickelung. Berlin, 1851. 5 Die Schwimmpolypen oder Siphonophoren von Messina. Leipzig, 1855. 7 Gegenbaur, Külliker und H. Muller, Bericht über ein. in Herbste 1852... et Neue Beiträge zur nüh. Kentn. d. Siphonophoren ; Zeit. [. Wiss. Zool., vol. IV et V: Nov. act. nat. curios., vol. 27, 1859; {cones Zootomicae de Victor Carus, pl. I et HI. 8 Ueber Physophora hydrostatica. Leipzig, 1860; Zeits. [ur nat. Wiss. Zool., vol. X. 9 Ueber die Siphonophoren von Neapel und Messina. Gôtting. Nachrichten, 1860, 15 aug., n° 25. 10 On Claralella, a new genus of corynoid polypes, ANx. axo Mac. or Nat. misr., feb. 1861. 11 Mémoire sur l’Éleuthérie dichotome , ANx. Des sc. NAT., 2° sér., t XVIIL #2 Beobachtungen über den Bau und die fortpflanzung der Eleutheria, Troschel's Archiv, 1861, p. 157. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 29 dans les sertulaires. Lacaze Duthiers vient de compléter ces observations par des recherches d’un haut intérêt sur le corail. Les corps ciliés les plus curieux sont ceux observés par Allman sur le Dicoryne conferta : c'est une gaine tentaculée, couverte de cils vibratiles, qui porte deux œufs, comme le spermatophore porte des spermatozoïdes ". Les spermatozoïdes que Carter * avait cru observer d'abord chez les spon- gilles ne sont d'après ses propres observations que des cellules ciliées isolées %. Toutefois, l'existence des spermatozoïdes dans les spongilles a été mise hors de doute depuis par Lieberkuhn, qui a vu en même temps leurs œufs avec les vésicules germinatives et le vitellus *. Ces œufs produisent d’abord des embryons non ciliés, d’après ce con- sciencieux observateur, et l’on voit surgir ensuite des cellules contractiles; puis apparaissent des aiguilles siliceuses, et seulement après se montrent les cils vibratiles. Grâce à la présence de ces cils, les embryons à cette époque se meuvent librement, et nagent comme tous les jeunes polypes. 2. Le sexe des polypes. — On est aujourd'hui généralement d'accord sur la dioïcité des polypes en général. Cependant, à en juger d'après le Beroë rufescens, que Will a étudié, les sexes sont réunis dans ces Cténo- phores *. Les autres polypes, à quelques exceptions près, semblent avoir les sexes séparés. Cet isolement des sexes s'étend même jusqu'aux colonies. Cavolini en avait déjà fait l'observation sur des sertulaires 5 et, en 1843, Krohn 7 a été conduit au même résultat. Il y a plus : Stcenstrup a vu des colonies de coryne se répandre comme une mousse sur des corps étrangers * el, d’après { Ann. nal. hist., 1861, p. 169. ? Carter, Zoosperma in Spongilla, Axx. or Nar. msrony, 1854. 5 Troschels Jahresbericht, 1858, p. 195. # Zeits. fur Wiss: zoologie, 1856, p. 507. ÿ Beroe tergestinae, pl. E, fig. 22. 6 Cavolini. 7 Einig, Bemerk. und Beobacht. über die Geschlechtsverhältnisse, bei den Sertularinen. Muzcen’s Arcmv., 1845, p. 174. S Unters. uber das Vork. d. Hermaphroditismus. Greifswald, 1846, p. 67. 50 RECHERCHES la couleur des capsules, il pouvait reconnaitre à distance à quel sexe appar- tenaient ces légions. Si l'on observe une colonie quelconque, soit de campanularide soit de tubularide, on est tout surpris de voir que tous les téléons qui en descendent sont du même sexe. Ce sont des pieds dioïques, pour parler le langage de la botanique. Il eut été fort difficile de faire cette observation sur des colonies qui engendrent des téléons complets et libres, mais elle est facile à faire sur des colonies à téléons imparfaits, qui produisent les œufs ou le sperme sur place. Mais s'il en est ainsi de ces hydroméduses, peut-on admettre qu'il en soit de même des pieds de strobila , des discophores ? Il faut attendre les observations, et celles-ci probablement se feront attendre longtemps, puis- qu'il faudrait conserver en vue les méduses depuis leur séparation jusqu'à leur développement complet, pour décider cette question. Les hydres jusqu'à présent nous présentent un exemple de la réunion des deux sexes sur un pied. Les colonies des siphonophores semblent ne pas se trouver dans le même cas. Les individus comme les colonies sont dioïques. Vogt a vu en effet seu- lement des colonies mâles de lAbyla pentagona pendant son séjour à Nice, et il regarde également comme mâle lAbyla observée par R. Leuckart dans les mêmes parages ". Külliker assure toutefois avoir vu les organes sexuels, c'est-à-dire les mâles et les femelles, réunis dans une seule colonie chez sept espèces différentes de siphonophores. Voilà au moins ce que nous voyons dans le Mémoire qu'il a fait en commun avec Gegenbaur et H, Muller *. Les polypes subissent-ils l'influence des saisons ? Y a-t-il pour eux aussi une époque de rut? On s’est demandé bien souvent si les campanulaires, comme les autres polypes, avaient une époque pendant laquelle la multiplication ou la fécon- dation s’effectuait régulièrement. Comme on a rarement l'occasion d'étudier ces animaux en hiver, puisqu'on ne visite les côtes, dans le Nord surtout, qu'à commencer du printemps, l'opinion que la fécondité de ces êtres est sou- ! Zur nübarn Kruntniss der Siphonophoren, Ancwv. Fur Narure., 1854, p. 25. ? Zeils. fur Weiss. zool., vol. IV, p. 510. (1855.) L PPT PI SR SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 51 mise à la périodicité est généralement admise, et la plupart des naturalistes ne doutent pas que lété seul soit favorable à leur fécondité. Les campanulaires , ou, pour parler avec plus de précision , la Campanu- laria gelatinosa n’est pas soumise à cette règle générale. Cet hiver-ci encore, nous avons reçu, au mois de décembre et de janvier, des colonies médusi- pares qui ont continué à donner des méduses à Louvain, en quantité non moins grande qu'en plein été. Ces méduses ont fort bien vécu pendant trois semaines à peu près, et, au bout de ce temps, je n’en ai plus aperçu. Plusieurs faits militent en faveur de l'opinion qu'il y a une périodicité - dans l'apparition des méduses. Dans les aquarium, nous avons vu les seyphistomes strobiler pendant plu- sieurs années à la même époque. Nous avons vu de même certaines méduses microscopiques apparaitre pendant deux ou trois ans dans le même mois. Nous citerons en particulier les Cladonema. La Sertularia cupressina fleurit, qu'on me permette cette expression , au mois d'avril ou de mai. Mais nous avons vu aussi la Campanularia gelatinosa, avec des capsules pleines de méduses, à toutes les époques de l'année, même en décembre et en janvier. D'un autre côté, M. Kirchenpauer a remarqué que les campanulaires ont leurs capsules vides dans l’arrière-saison. N'y aurait-il pas là une différence entre les animaux qui subissent, à l'embouchure des fleuves, l'influence de la température des eaux intérieures ? Pendant plusieurs années de suite, nous avons vu apparaître dans les aquarium les mêmes petites méduses en quantité considérable, puis dispa- raitre complétemeñt jusqu'à l’année suivante. C’est même cette présence dans les aquarium qui nous rend compte de ces apparitions si brusques et quel- quefois si imprévues de légions de méduses pendant un temps généralement assez court. C’est au printemps que nous voyons apparaitre, sur nos côtes , plusieurs espèces que nous n'apercevons plus pendant le restant de l'année. Will pense que les Cténophores vivent plus d’une année, et que leur accroissement est fort lent. Il a vu l'£ucharis multicornis en aussi grande abondance au commencement de décembre que dans le courant du mois 32 RECHERCHES d'août, quoique la ponte se fût effectuée déjà depuis deux mois et demi. Ces animaux sont-ils annuels? Nous le croyons du moins à l'état sexuel. Nous n'avons jamais pu conserver des méduses microscopiques d'une année à l’autre, et nous croyons même que la vie est assez éphémère daps la plu- part d’entre eux. 1. OEufs. — Ce qui nous à surtout frappé dans le cours de nos recher- ches sur la reproduction des vers, c'est l'infinie variété de forme et de gran- deur que présentent leurs œufs, notamment ceux qui proviennent des vers parasites. Nous voyons tout le contraire dans les œufs des polypes. A lex- ception des hydres et de quelques autres genres, les œufs de ces animaux sont toujours fort petits, avec des enveloppes minces et transparentes, sans appendices et de forme sphérique. I suflit qu'ils soient dans l’eau pour que le vitellus se transforme en blastoderme à la suite du fractionnement de sa masse el l'embryon se couvre régulièrement de cils vibratiles. Autant il y a de la variété dans les œufs et dans les embryons des vers, autant il y à de luniformité dans ceux des polypes. L'éclosion a été observée dans presque tous les groupes de cette classe, si pas dans tous. Le fractionnement est en général rapide. Il s'achève en moyenne au bout de trente heures. Ce fractionnement est total, et tous les tubercules se divi- sent simultanément. La division du grand noyau qui précède le fractionnement est presque toujours facile à observer, parce que les globules vitellins sont peu visibles. On ne voit guère de membranes autour des masses fractionnées. Vers le troisième jour, embryon est ordinairement couvert de cils et il nage librement dans l'eau, sous une forme ronde ou ovale. Gegenbaur a fait des observations suivies sur des œufs fécondés de Physo- phores, de Diphyes, de Lizzia et d'autres genres. Nos observations ont porté particulièrement sur des œufs de Cyanea , de Campanularia, et de Sertularia. 1. Planule. — On à été, pendant quelque temps, dans le doute sur la —— à file me crier muaf é. dé ne. ee oi ne dt à SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 33 question de savoir si les œufs de méduses ordinaires donnaient bien nais- sance à une forme ciliée, puis à une forme polype, et s'il existe là un cercle régulier d'évolution embryonnaire. La méduse est bien la forme sexuelle, mais s'ensuit-il que les embryons ovariens doivent nécessairement passer par la forme polypiaire avant de devenir méduses? c'est-à-dire que la méduse ne puisse, pendant quelques générations homogones , engendrer d’autres mé- duses , avant de produire de nouveau des formes hétérogones !? Cette ques- tion n'en est plus une. Le cercle complet a été étudié avec tout le soin néces- saire, et on peut dire que les méduses en général subissent aussi régulièrement leur génération hétérogone que d’autres parcourent les phases ordinaires de leur métamorphose homogone. Sur cette question les naturalistes ont aujour- d’hui leurs apaisements; mais il n’en est pas moins vrai que plusieurs de ces polypes dérogent à la règle générale. Ainsi, dans les Cténophores cette première période de développement n'existe véritablement pas, et les cils locomoteurs de l’âge embryonnaire sont les mêmes que ceux qui lui serviront plus tard à l’état adulte. Dans les autres polypes l'embryon est toujours intégralement cilié : sous la forme d'une Paramecie il nage librement et fait choix, au bout de quel- ques jours, de gite pour sa progéniture. L'embryon dépouillé de sa robe ciliée ou de sa mère poilue, si on aime mieux, s'épate à l’un des pôles, s'élargit en forme de disque et prend la forme d’un cachet; le manche, très-court d'abord , s’allonge rapidement, et le sommet s'ouvre bientôt pour former la bouche. A peu de différence près, ce phénomène se passe de même dans les divers ordres, avec celte différence seulement que le disque, qui doit servir de base à Lx colonie, est d'autant plus large, que la colonie est plus nombreuse et le polypier plus développé. Comme nous l'avons déjà dit, cette phase du développement est sautée chez quelques-uns, et l'embryon, sans avoir été cilié, devient directement polype. Nous n'avions pas compris d'abord ce phénomène; les Tubularia coronata et 2ndivisa en offrent un curieux exemple; ces polypes avaient paru engen- ! Muller's Archiv, 1851. Toue XXXVI. b) . 54 RECHERCHES drer des gemmes mobiles. C'est une erreur d'interprétation qui a été par- lagée aussi par J. Muller. Le professeur Allman a signalé un cas bien remarquable de reproduction, dont nous avons déjà parlé plus haut". Un polypule sans tentacules et sans bouche porte des téléons atrophiés, formés d'endothèque et d'ectothèque, et entre ces deux membranes se développe, chez le mäle comme chez la femelle, un corps de forme ovale, à deux tentacules, cilié sur toute la surface ; et qui renferme des œufs chez la femelle, des spermatozoïdes chez le mâle. L'ectothèque crève à l'époque de la maturité, et le produit cilié, chargé d'œufs ou de sperme, nage librement. Cette gaine ciliée sexuelle à quoi correspond-elle? Est-ce une planule, est-ce un téléon ? G Nous croyons que c'est une planule anormale, du moins sous le rapport physiologique. Sous le rapport morphologique, c'est un téléon ou gonophore. Pour nous rendre compte de la valeur de ce curieux téléon, comparons- le à celui de la Tubularia coronata. Dans cette espèce le téléon engendre comme ici un œuf; de cet œuf on voit naitre directement un polypule, et on s'accorde à voir dans cette formation directe la suppression de la phase planulaire. Le polypule se dépose où le courant le conduit, pour former une nouvelle colonie. Ici nous voyons de même un œuf, mais il est entouré d'une gaine ciliée. Ne fallait-il pas à ces œufs ou à ces germes un moyen de locomotion propre, puisque ces dicorynes ne vivent qu'à de grandes profon- deurs et que les courants nécessaires pour le transport y font défaut. Cette gaine ciliée représenterait pour la dicoryne la phase planulaire ou ciliée et remplirait le même rôle. Mais sous le rapport morphologique, cette gaine précède l'œuf, et la peau ciliée est antérieure à la formation de l'embryon. Dans ce sens, la gaîne sexuelle descend du téléon, et le téléon a engendré, par voie agame , un autre téléon complétement différent de lui. En définitive, l'œuf produit le polypule , celui-ci le téléon et le téléon pro- duit à son tour une forme différente, qui fait fonction de planule, dont la phase est supprimée. 1 Notes on the hydroid Zoophytes, Axx. xaT. msr. auG., 1861, vol. VII, p. 168. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 99 ur. Scyphisiomes. — Cest pendant cette période qu'apparaissent les ten- tacules. Ces tentacules surgissent régulièrement autour de la bouche. Ils sont d’abord au nombre de quatre, quelquefois de six, et se multiplient dans un ordre- déterminé. Il n'y a que les Cténophores et Éponges qui ne premment point ces organes de préhension. Les premières observations sur la multiplication des tentacules des polypes sont de Berthold !, M. Hollard a étudié plus tard leur mode d'apparition chez les actinies ?. MM. Milne Edwards et Haime ont fait à leur tour des recherches intéressantes sur le même sujet”, et nos observations sur les actinies s'accor- dent parfaitement avec ces dernières. Enfin, les dernières recherches sont dues à M. Agassiz fils. M. Gegenbaur n’a pu voir la formation de la seconde couronne de tentacules des tubulaires *. Nous n'avons pas fait non plus cette observation sur des embryons, mais nous avons assisté à leur apparition dans les jeunes tubu- laires qui naissent au bout des tubes dont les têtes ont été flétries. Quand la première rangée, la couronne inférieure, a pris à peu près son développe- ment, un cercle de petits bourgeons s'élève autour de la bouche , et forment bientôt la seconde couronne caractéristique de ces beaux polypes. iv. Strobila. — Au bout d'un nombre déterminé de générations agames, une nouvelle catégorie de polypes surgit, et cette nouvelle catégorie est ou hétérogone ou homogone ; cette reproduction nous donne la clef de divers phé- nomènes, qu'il faut suivre pas à pas pour bien les comprendre : c'est la géné- ration médusipare , c’est-à-dire celle qui va donner le jour à la forme sexuelle. Dans les polypes supérieurs, les scyphistomes , quel que soit leur degré de parenté avec les méduses, sont toujours les mêmes; ils ont la même taille, une bouche et un tube digestif régulièrement conformés , et des bras longs et rétractils, qu'ils engendrent des stolons agames ou qu'ils produisent des téléons méduses. Beilräge zur Anal. und Physiologie, 1851, p. 12. Etudes sur l’organisation des actinies. Thèse pour le doctorat en sc. nat. Paris, 1848. Hist. nat. des coralliaires, vol. 1, p. 25 et pl. 45, fig. 5. Loc. cil., p. 45. 9 + 36 RECHERCHES Mais insensiblement des différences surgissent , et l’on peut jusqu'à un cer- tain point s'en rendre compte. Ceux qui vivent isolés, en ermites, doivent bien pourvoir eux-mêmes à leur entretien, avoir des bras et une bouche pour se nourrir; mais CEUX, au contraire, qui vivent en cénobites, par suite de la division possible de la besogne, ne doivent pas tous se nourrir : la bouche et les bras peuvent impunément disparaitre quand ils ont d’autres fonctions à remplir. Les voisins mangeront pour eux. On trouve, souséce rapport, des passages très-curieux : dans l'hydractinie, que M. Sars a découverte en Halie, les médusipares ont quelques bras de moins que les autres, et ont encore une bouche; l'hydractinie de nos côtes n'a plus ni bras ni bouche, quand elle doit pourvoir à la reproduction médusaire. M. Gegenbaur représente une hydractinie avec des tentacules véritables, à côté d’un individu sans tentacules, mais chargés tous les deux de cap- sules sexuelles !, Quant à la question de savoir si le scyphistome qui a strobilé engendre de nouveau plus tard des méduses et des stolons, nous ne sommes pas à même d'y répondre pour le moment. Nous dirons seulement que nous en avons observé dans ce but, et que nous croÿons-avoir vu des stolons poindre de leurs flancs. Nous n'oserions loutefois affirmer que les mêmes individus pro- duisent une seconde fois des méduses. Nous ne savons quel est le terme de la vie de ces formes agames. Nous avons disposé des seyphistomes dans nos aquarium pour étudier jusqu’au bout leur développement et les phénomènes de la strobilation, mais d'autres travaux ont détourné notre attention et nous ont fait perdre de vue ces inté- ressantes recherchés. Nous avons vu plus haut que, dès l’année 1829, M. Sars a ouvert la période des recherches qui a eu pour résultat la connaissance des phases curieuses de l’évolution des polypes; et au moment où le célèbre professeur de Christiania surprenait les dernières transformations des seyphistomes en strobiles et des strobiles en méduses, M. V. Siebold, qui a attaché son nom à tant de grandes découvertes dans le domaine des animaux inférieurs, reconnut les premières phases infusoriformes de ces mêmes méduses. ! Gegenbaur, Vergl. Anatom., p. 94, fig. 15. es ceriéétntiinen té LR. … … SUR L’HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 37 De 1829 à 1835, M. Sars découvre les scyphistomes et les strobiles, et, dans le printemps de 1837, il reconnait leur parenté et leur filiation. En 1829, M. Sars fait connaitre l'animal auquel il donne le nom de strobile ‘, et qu'il croit différent de celui auquel il imposa ensuite le nom de scyphistome. Je n'ai pas encore observé comment se détache le premier de tous ces anneaux , disait Sars d’abord ; mais il ne me parait pas improbable, ajoute- t-il, qu'il tombe comme un polypg ordinaire, qu'il se fixe de nouveau pour parcourir les mêmes phases de développement et qu'il se partage ensuite de la même manière *. Quant au capitule, j'ignore ce qu'il devient, écrit-il dans une lettre adressée à l'Académie des sciences, datée du 24 juillet 1837 *. Sars a consigné la nouvelle de l'identité des strobiles et des méduses dans une lettre à Wiegmann, que ce savant a insérée dans ses archives *. Il avait reconnu cette identité par une série de recherches instituées dans le printemps de 1837. | Cest en 1839 que le savant observateur de Christiania découvre les pre- mières phases du développement, et qu'il observe le cycle complet de leur évolution *. Depuis la publication de ces belles recherches, deux naturalistes anglais, sir 3.-G. Dalyell et M. Reid se sont occupés du même développement, et leur résultat s'accorde parfaitement avec celui obtenu par le naturaliste norwé- gien. Le 10 juin 1849, M. De Sor écrit de Boston une lettre à M. Milne Edwards sur le développement ou la génération médusipare des polypes hydraires °. Plusieurs points importants, qui semblaient décidés, sont de nouveau mis en question. Il est vrai que, aux yeux de beaucoup de naturalistes, il restait encore de l'incertitude sur plus d’une question essentielle. 1 Bidräg til Süedyrenes natur Historie, pp. 17-26. 2? Ann. franc. d'anatomie, 1858, vol. 2, p. 84. 5 Comptes rèndus, 1857, 2% sem., p. 98. # Zur Entwickelung’s geschichte der lollusken und Zoophyten, Wiecuaxx's Ancniv, 1857, vol. 1, p. 406. 5 Wiegmanns Archiv, ANx. sc. xar., 1841, vol. 16, p. 555. 6 Ann. sc. nat., 1849, vol. 12, p. 204. 58 RECHERCHES # D'après M. De Sor, les polypes scyphistomes, au lieu de se diviser en seg- ments comme le prétend M. Sars, engendrent au contraire, des bourgeons, et ce sont ces bourgeons, nés dans le voisinage de la bouche, qui devien- nent méduses. Ce phénomène aurait donc une signification toute diffé- rente. Au mois de juillet 1856, à la réunion des naturalistes scandinaves à Christiania , M. Sars a lu une notice sur ce sujet, et croit trouver la source de l'erreur de M. De Sor dans l'état du polype médusipare , dont M. De Sor aurait pris la nouvelle couronne tentaculaire, développée après l'apparition des méduses, pour la couronne ancienne et primitive. Mes observations sont entièrement d'accord, dit M. Sars, avec celles de MM. Dalyell et Reid. Je suis certain, ajoute-t-il, qu'il n°y a pas d'erreur de mon côté, et la divergence d'opinion s'explique en admettant que M. De Sor a pris la base du seyphistome après la génération médusipare, pour le sey- phistome complet. Le strobile se forme-t-il par scission ou une espèce de métamorphose d’un individu en plusieurs, ou bien les segments de méduses d’un strobile ne sont- ils que l'effet d'un bourgeonnement, d’une prolification ? En d'autres termes, le scyphistome se transforme-t-il comme Sars l’a dit, ou le seyphistome pro- duit-il, comme l'a dit M. De Sor, des méduses par voie gemmipare ? M. Gegenbaur a cherché à élucider cette question ‘; il a montré les difi- cultés qui s’élevaient contre la théorie de Sars; il penche évidemment pour la simplicité de la théorie de M. De Sor, mais sans observations directes on ue peut trancher une pareille question. Il fallait suivre des yeux la transfor- mation dù scyphistome et marquer d'heure en heure les changements qu'il présente pendant celte évolution. C'est ce que nous avons fait. M. Gegenbaur croit pouvoir concilier l'opinion de M. Sars avec celle de M. De Sor, à l'aide de quelques observations faites par Dalyell. Le scyphistome , après avoir donné des méduses et abandonné son cercle de tentacules, continuerait à vivre, et de nouveaux tentacules surgiraient. D'après cela, M. De Sor aurait vu des scyphistomes avec une nouvelle rangée ! Zur Lehre vom Generationsweehsel.… Wurzbourg, 1854, p. 7. d es Er aù arab nai Dubé dé cp GES SE NÉ DS Qt SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 39 de tentacules. Les choses se passent en effet ainsi, mais les scyphystomes de M. De Sor n'étaient pas, croyons-nous, dans le’ cas que l’on suppose ; ces sey- phistomes avaient bien réellement engendré des méduses comme M. De Sor dit l'avoir vu. C'est une chose assez curieuse que les premières observations que nous avons faites sur ce sujet, et que nous avons conservées longtemps en porte- feuille, étaient entièrement favorables à l'opinion de M. De Sor. Évidem- ment, des scyphistomes engendrent des méduses qui apparaissent à la bouche entre le cercle des tentacules, et que le polype semble vomir de sa cavité digestive. Pour ma part, je considérais la question comme tranchée , et, je l'avoue, j'avais été jusqu’à supposer, pour me rendre compte du phénomène, que M. Sars avait pris pour une division du corps du scyphistome, l'apparition de la pile des méduses qui avait peut-être fait crever la peau pour se déve- lopper plus aisément. Ce sont ces observations qui m'avaient fait parler, comme je l'ai fait, dans un discours que j'ai prononcé dans une de nos séances publiques, sur Ja perpétuation des animaux inférieurs. Depuis, j'ai eu l'occasion de voir de nouveau mes seyphistomes produire des méduses, et, cette fois, c’est M. Sars qui à raison. C’est véritablement le corps du scyphistome lui-même qui s'étrangle à des distances régulières; Ja couronne de tentacules est portée par le segment terminal, et le pédicule montre au-devant de lui toute la pile de méduses sans avoir lui-même aucune apparence de tentacules. Comme il arrive bien souvent dans les sciences d'observation, ce n’est pas dans la constatation du fait qu'il ÿ a erreur, mais bien dans son appréciation. Ce sont souvent les lacunes qui conduisent à des rapprochements erronés. Voici, maintenant, les points sur lesquels notre attention à particuliè- rement porté : 4° Que devient le segment terminal qui porte la couronne tentaculaire du scyphistome ? 20 Que deviennent ces tentacules ? 3° Le capitule, après la naissance des méduses, continue-t-il à vivre? 10 RECHERCHES * 4° Y a-t-il dans ce cas formation d’une nouvelle couronne de tentacules ? 5° Ce pied de strobile, transformé de nouveau en scyphistome, engendre- t-il encore de la même manière ? 6° Quel est le terme de la vie des scyphistomes ? Le segment terminal du strobile, d’abord sensiblement différent des autres par la présence des tentacules, se rapproche d'eux sous-le rapport de la forme à mesure que le développement s'effectue; les bords s'échancrent, les tenta- cules s'épaississent, tombent ou sont absorbés, et le premier segment ou la première méduse, au moment de sa libération, ne diffère guère des autres qui vont suivre. Nos observations s'accordent donc parfaitement avec celles de sir J.-G. Da- lyell et M. Reid. Les méduses ne sont pas au milieu du cours de leur développement, que le capitule se sépare de plus en plus nettement, et des tubercules, faiblement accusés d’abord, se dessinent de plus en plus nettement, s’allongent et for- ment, avant la séparation de sa dernière progéniture, une véritable couronne tentaculaire. Les tentacules du segment terminal sont absorbés en même temps que d’autres se développent au capitule. La disparition de ces tentacules n’a pas lieu d’une manière irrégulière, comme on pourrait le croire, il y a de l'ordre dans cette retraite : ceux qui sont placés au sommet de chaque lobe, à l'endroit où surgit la capsule senso- riale disparaissent les premiers ; leur aspect change dans un moment donné et ils deviennent plus blanes et moins transparents ; dans un individu que nous représentons, il ne reste plus de ces tentacules caducs qu'un petit fragment, sous forme de bouton, qui semble avoir perdu toute apparence de vigueur (a). Les autres sont encore assez longs, et saisissent, comme avant, la proie au passage. Il n’y a jusqu'alors aucune apparence de tentacules à découvrir au capitule. Le segment se sépare-t-il au bout libre, et les ten- tacules disparaissent-ils pour faire place au premier Téléon ou segment terminalavec un tentacule caduc; a. Des cirrhes ont pris leur place. téléon médusoïde, de manière que la base du stro- SUR L’HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. AM bile continuant à vivre, montre de nouveaux tentacules sur son bord anté- rieur ? (Sars, Dalyell, Gegenbaur.) Ou bien le capitule pousse-t-il des téléons médusoïdes, comme des bour- geons qui sortent de la bouche, et les tentacules persistent-ils tout simple- ment après la parturition des gemmes? Nous avons vu le polype avec ses tentacules montrer le téléon au-devant de lui, de manière à admettre l'explication de M. De Sor; mais plus tard, nous avons vu, également bien ,les choses se passer exactement comme Sars, Dalyell et Reid l'ont observé. Voici, en effet, ce qui se passe : Les tentacules du segment antérieur s’atrophient sous les yeux de l'obser- vateur, et l'on peut dire que de jour en jour et même, à la fin, d'heure en heure, ils subissent des changements. Dimanche 6 mars, un strobile, qui ne montre encore qu'un corps faible- ment segmenté, présente, autour de la bouche, une couronne de tentacules étalée comme dans le scyphistome le plus vivace. Ils ne présentent pas de différence avec les tentacules de ces derniers. Sur l’avant-dernier segment, on commence à apercevoir les échancrures caractéristiques de la formation des téléons, tandis que le bord du segment terminal ne nous montre rien de semblable; aussi nous demandons-nous dans ce moment : le segment antérieur va-t-il se détacher pour aller vivre de nouveau quelque part comme scyphistome, ainsi que l'a supposé d’abord M. Sars, ou bien ce segment va-t-il se métamorphoser ? Lundi, rien de particulier n’est survenu, si ce n’est que les tentacules se rapetissent comme si l'animal ne se trouvait pas dans un milieu favorable. Les autres scyphistomes sont cependant majestueusement étalés à eôté d'eux, ce qui démontre que l’eau ne laisse rien à désirer. Le lendemain, les tentacules deviennent sensiblement plus gros et plus courts, et la plupart d’entre eux montrent sur une partie de leur longueur des nœuds véritables. Le bord libre du strobile commence à montrer des échan- crures. On ne saurait dire cependant si ce segment terminal deviendra aussi une méduse , d'autant plus qu'il est beaucoup plus volumineux que les autres. Le 9 mars, mercredi suivant, les tentacules perdent considérablement de leur vitalité; c’est à peine si quelques-uns d’entre eux s’étalent encore. On Toue XXXVL 6 42 RECHERCHES commence à remarquer les festons des bords qui indiquent la véritable nature du téléon. Jeudi matin, il y a une modification sensible, mais c'est surtout l'après- midi qu'il ne peut plus y avoir de doute : les tentacules occupent une situation régulière sur le bord de l'ombrelle; du fond de chaque échancrure qui sé- pare les lobes il part un tentacule encore assez long, tandis que du milieu de chaque lobe, précisément à l'endroit où la capsule sensitive va surgir, il en part un autre, mais qui est très-court, en partie resserré à la base et prêt x à se détacher ou à disparaitre par absorption. Aussi ces organes ne ressem- blent plus guère à ces bras vigoureux et si singulièrement rétractiles des seyphistomes polypes. IT y a ici un phénomène de métamorphose compliqué de métagenèse. Si le dernier segment, surtout celui qui comprend la bouche et les ten- tacules, se modifie de manière à ce que ces organes deviennent ceux de la méduse même, nous n'avons pas aflaire à une génération agame ordinaire, mais à une espèce de métamorphose : c’est en effet le corps du syphistome lui-même qui se segmente et se façonne en une pile de rondelles qui devien- dront des téléons. Cela ne doit donc pas tant nous étonner, si dans les échino- dermes nous voyons une partie du tube digestif de la mère scolex faire partie intégrante de la fille astérie ou oursin, et la ligne de démarcation entre les métamorphoses et les métagenèses n’est pas loujours aussi nettement établie qu'on l’a supposé. À côté d’hydractinies régulièrement organisées, on voit des individus chargés de méduses mäles ou femelles, mais celles-là n'ont plus ni bouche ni bras et elles ont droit à l'assistance générale. Les autres doivent faire la pêche pour elles. On reconnaît cependant encore facilement les individus chargés de cette nouvelle fonction, et l'on remarque même chez ceux qui en sont chargés des tentacules rudimentaires et atrophiés. C'est ce qui donne la forme d’un chou-fleur à quelques-uns d’entre eux. Si maintenant nous jetons les yeux sur les individus médusipares des cam- panulaires, des loges plus grandes que les autres, placées à l’aisselle des bran- ches, contiennent des polypes qui sont sans aucune communication avec l'ex- térieur et dans lesquels on ne voit ni bouche ni bras pour saisir la proie. A les SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 45 voir on ne dirait même pas que ce sont des polypes. On dirait une dépen- dance charnue de la communauté. Une étude comparative nous montre donc clairement, en passant par tous les degrés intermédiaires , que les elochettes à méduses des campanulaires, qu'on a désignées sous des noms si divers, ne sont autre chose que des polypes téléopares sans bouche et sans tentacules. Ceci nous explique également la nature de la loge des sertulaires, dans lesquelles par conséquent nous ne devons voir que des polypes incomplets, chargés de la reproduction médusipare. De ces sertulaires nous sommes natu- rellement conduits aux hydres. Voilà done une troisième sorte d’individualité, qui nous explique un phé- nomène non moins remarquable de la forme sexuelle et complète. Comme nous avons vu un arrêt de développement dans les polypes agames, nous trouvons un arrêt semblable dans les méduses sexuées. Et ici encore nous trouvons toutes les nuances qui nous permettent de suivre le phénomène pas à pas, de manière à porter la conviction dans tous les esprits. La Campanularia gelatinosa montre dans ses loges des méduses com- plêtes, qui pulsent d’impatience pour jouir de leur liberté, et que l’on a enre- - gistrées sous le nom de Obelia. A côté de cette campanulaire, une autre espèce qui présente avec elle assez d'analogie pour qu'on ait pu les confondre l’une avec l’autre, montre encore dans ses clochettes des méduses en voie de formation, mais qui ne devien- nent jamais libres et complètes. Elles sont frappées d’un arrêt de développe- ment au milieu du cours de leur évolution. Aussi la méduse , tout en étant _arrêtée dans son évolution, n’en continue pas moins à engendrer le produit sexuelle mâle ou femelle qui doit disséminer au loin l'espèce. Les Campanu- laria dichotoma, geniculata et d’autres, étudiées par MM. Lovèn et Schulze, sont dans ce cas. Les larves sortent ciliées de leur mère atrophiée. On recon- nait encore, dans cette dernière méduse, Fombrelle, les cirrhes marginaux et les principaux organes. Mais voici que l'arrêt de développement frappe à un âge moins avancé. C'est à peine si le jeune animal a la forme globuleuse et s’il existe un tout premier rudiment de cirrhes; l’animal sexuel est réduit à un sac qui ne donne pas moins naissance à des œufs ou à des spermatozoïdes. 44 RECHERCHES" Enfin , il y a un degré moins avancé encore dans cet arrêt de développe- ment : il n'existe aucune apparence de forme particulière, aucun cirrhe ou tentacule ne surgit pour trahir sa signification ; tout l'animal est une capsule, et cette capsule ne pourrait avoir d'autre signification que celle d’un organe, si on ne l'étudiait par voie d’analogie. Nous trouvons la Tubularia coronata dans l'avant-dernier cas; lhydrac- tinie lactée et les hydres d’eau douce dans le dernier. La capsule qui renferme les organes sexuels correspond done bien, quel que soit son degré d'évolution, à la méduse complète et sexuée. Il n’y a pas le moindre doute à cet égard. Nous avons depuis longtemps exprimé cette opinion, qui est partagée aussi par MM. Leuckart et Gegenbaur. Le développement par toutes les phases : planule, scyphistome et strobile, a été observé dans les principaux types de discophores acraspeda ; outre les Medusa aurita, Cyanea capillata, chrysaora, cephea, cassiopæa borbonica , Agassiz s'est assuré que l’Aurelia flavidula présente exacte- ment les mêmes phénomènes. Le téléon continue-t-il toujours son développement après la séparation du strobile, ou a-t-il atteint son épanouissement Aurelia flaviduta, COMplet au moment de sa mise en liberté ? Ave: Il parait qu'il existe à ce sujet de grandes différences. Les campanularides ont généralement atteint tout leur volume au moment de se détacher; les discophores, au contraire, commencent seulement à se développer. Les campanulaires ont leurs organes extérieurs définitifs , tandis que dans quelques tubulaires les organes extérieurs se modifieront encore profondément. Les organes sexuels eux-mêmes existent chez les uns de bonne heure, et chez d'autres n'apparaissent que longtemps après. Les méduses hydraires continuent généralement à se développer même après la séparation; les cirrhes &@es Cladonèmes se ramifient même seulement après cette séparation. v. Téléon. — Le téléon continue généralement à se développer après la séparation, et les organes sexuels ne paraissent qu'après cette opération. Le téléon, ou la forme médusaire, est-il bien la forme sexuelle, et est-ce SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 45 -dans le téléon seul que l'on trouve le produit mäle ou femelle? HN n°y a plus aucun doute à cet égard. C'est sous cette forme qu'apparait le sexe, et toutes les autres qui la précèdent ne sont que des états préparatoires agames, peu importe que la méduse se complète ou qu'elle s’atrophie à l'une ou l'autre phase de son développement. . Le téléon, ou la forme complète et adulte, produit-il autre chose que des œufs et des spermatozoïdes ? À priori on dirait non. Les premières générations sont agames et gemmi- pares, la dernière seule est sexuelle et devrait être exclusivement sexipare. Il n’en est pourtant pas ainsi. Certains téléons produisent directement de nouveaux téléons et il y en a qui n’ont pas même montré de sexe jusqu'à présent; d’autres téléons ont les sexes parfaitement développés et sont en outre gemmipares. Dans la classe des vers, on a vu du reste déjà des exem- ples de cette double reproduction. La reproduction pourrait-elle varier d’après certaines circonstances, de manière que l'espèce serait tantôt médusipare, tantôt planulipare, tantôt ovi- pare , tantôt gemmipare ? Claparède pense que des polypes hydroïdes pourraient bien, selon les circonstances, engendrer par voie ovipare des larves méduses ou des polypes. Ces polypes présentent en effet une diversité extraordinaire, et il cite à l'appui la Podocoryna ramea de Sars, engendrant une méduse qui parait être une Lizzia *. Nous ne le croyons pas. Le même polype engendre toujours, d’après nos observations, la même forme de téléon, quel que soit le milieu dans lequel il se trouve. « Les méduses que j'ai vues se former après deux ou trois ans dans des bocaux d'une faible capacité et médiocrement éclairés, se seraient-elles éga- lement produites dans les eaux de la mer, toujours agitées près du rivage? Ou bien ces méduses ne seraient-elles qu'un produit fortuit assez rare des mêmes polypes, préservés d’une trop vive lumière ou de trop d’agitation, ou soumis à un autre mode d'alimentation ? » Voici comment la question était posée, en 1845, par Félix Du Jardin : «Les 1 Zeit. f. Wiss. Zoo!., vol. X, 1860, p. 404. 46 RECHERCHES * polypes engendrent-ils des formes diverses selon le milieu dans lequel ils vivent? » IT n’est pas difficile de remarquer que Félix Du Jardin, qui était un des tenants du spontéparisme, était fortement enclin à admettre cette influence du milieu ambiant. Après dix-sept années d'observations dans les contrées les plus diverses, la Baltique comme le Kattegat , la côte de Norwége comme la côte d'Écosse et de Belgique, la Manche comme la Méditerranée et les diverses côtes si variées des États-Unis d'Amérique, on peut dire que le mode de reproduc- tion ne varie guère dans une même espèce. Si une campanulaire engendre quelque part une méduse ou un atrophion , elle engendrera la même méduse ou le même atrophion partout ailleurs. La Campanularia dichotoma, par exemple, produira partout les mêmes atrophions, moitié méduses et chargés d'œufs ou de spermatozoïdes. On peut comparer le résultat des observations de M. Lovèn ‘ comme de M. Schultze *, de M. Strethill Wright ® et de celles que j'ai faites il y a plus de vingt ans *. Nous avons fait la récapitulation des observations faites sur la même espèce, et nous avons toujours observé le même phénomène. Nous avons par là entre les mains un moyen de contrôle très-efficace, et il ne nous a pas été diflicile de reconnaitre des erreurs commises au début de ces recherches par nous mêmes et par les auteurs les plus autorisés. Ainsi, pour n’en citer qu'un exemple , la petite méduse que M. Agassiz a représentée pl. XVIIF, fig. 15, et qu'il avait péchée le 14 février, n’est pas à notre avis une Coryne mira- bilis ; elle appartient à un autre hydroïde. L'histoire de la Coryne mirabilis est complète , telle qu'Agassiz la donne, sans cette phase médusaire libre. Elle a donné son produit sexuel avec les caractères d’un atrophion à moitié méduse, et sa dernière organisation sexuelle ne va pas au delà. Il est évident que la forme méduse joue dans quelques polypes, comme nous l'avons dit plus haut, le rôle de simple organe, mais y a-t-il des polypes chez lesquels cette forme sexuelle tantôt se développe, tantôt ne se développe pas? Connait-on des espèces engendrant réellement des méduses { Wiegmann's Archiv. ANN. sc. NAT. ? Muller’s Arch., 4850, pl. I. Edinb. new phil. Journal, new ser., vol. VIE, pl. IE, fig. 5-4, 1859. Van Beneden, Mémoires sur les Campanulaires, 1845, pl. UE, fig. 5-6 et 6°. LA] SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 47 complètes et indépendantes dans certaines circonstances, et des méduses atro- phiées dans d'autres circonstances? . Nous n’en avons observé aucun exemple. Il nous est arrivé d’avoir cru voir la même colonie engendrer l’un ou l’autre, mais nous mettons ces ob- servations sur le compte de quelque erreur commise en confondant des es- pèces différentes. Nous avons observé des hydractinies dans toutes 1e saisons et dans les circonstances les plus diverses, sans jamais avoir vu chez elles une forme médusaire. M. Gegenbaur arrive, de son côté, au même résultat : dans les circon- stances les plus diverses, il a vu la même espèce donner toujours des mé- duses complètes ou incomplètes. On connait jusqu'à présent fort peu de téléons qui, après avoir produit des œufs ou des spermatozoïdes, donnent encore naissance à des gemmes. Une reproduction agame succède cependant quelquefois à une reproduction sexuelle. Au déclin de la vie, au lieu d'entrer dans une époque de décrépitude, la femelle entre dans une seconde jeunesse et devient gemmipare; mais ce qui plus est, le mâle se met de la partie. Il a fourni d’abord, pendant sa jeu- nesse, la liqueur fécondante; mais, comme la femelle, dans ses vieux jours, il devient nourrice et engendre lui-même des gemmes, qui ne subiront point les mêmes phases d'évolution par où eux ont passé. L'Eleutheria nous en fournit un curieux exemple, d’après M. Krobn, qui nous fait connaitre en même temps des observations semblables faites sur la Sarsia prolifera ‘. Lui-méme avait déjà observé ce phénomène sur la Geryonia proboscidialis, qui lui a montré des embryons dans Festomac ?. D'après Gegenbaur, l'OEgineta prolifera serait encore dans le même cas *. On comprend que tout un groupe, comme, par exemple, les sertula- riens et les hydres, ne s'élève pas jusqu’au type sexuel complet; qu'ils par- 1 Busch, loc. cit., p. 7. ? Krohn, Beobachtung. Archiv. f. Naturg., XXNIF® Jahrg., p. 169. 5 Verhand. d. Phys. Med. Gesellsch. in Wurzbourg, vol. IV, n° 209. 18 RECHERCHES * Eudendr. ramosum ; 4. Atrophion mâle ; c. Polype agame. courent toutes les phases de la vie sans sortir des formes embryonnaires, restant toute leur vie à l'état de tétards. Ce que l'on comprendra moins, et ce qui cepen- dant est hors de toute contestation, c’est que des animaux d'une même famille, et du même genre parfois, parcourent, selon leur espèce, les uns toutes les phases de la vie la plus libre et la plus indépendante, jouissent longtemps de leurs jours de jeu- nésse et ne procréent que fort tard par voie sexuelle, tandis que d’autres engen- drent déjà au berceau, même avant d’a- voir quitté le sein de leur mère, ayant tout au plus dépouillé les limbes de leur vie embryonnaire. C’est à peine s'ils existent, et ils produisent déjà des œufs ou de la liqueur fécondante; jamais ils ne seront libres et séparés de leur mère. Nous en voyons un exemple dans la Campanularia dichotoma. Y a-t-il des différences sexuelles telles que, dans une seule et même espèce, les individus d’un sexe se développent com- plétement et prennent tous les attributs du groupe, tandis que ceux de l’autre sexe sont et restent atrophiés dès le début de leur développement ? Nous n’aurions qu’à coordonner les exem- ples pour confirmer cette vérité; plusieurs genres en fournissent. La Podocoryna (hy- dractin.) carnea de Sars a des mâles com- plets avec quatre cirrhes marginaux , tandis que les femelles sont des atrophions com- | DT PP OU OT NP Te En | SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 49 plets. La nouvelle hydractinie de Lovèn est dans le même cas : le mâle a huit cirrhes marginaux et la femelle parait un peu moins atrophiée. La Coryne (hydractinia) auleata de R. Wagner, observée dans l'Adriatique, pourrait bien être dans le même cas. L'Eudendrium ramosum de nos côtes a des femelles complètes et libres, continuant leur évolution longtemps encore après leur séparation, tandis que les mâles sont des atrophions ou spermatosacs dans toute leur simplicité. Cavolini, du reste, en à cité également des exemples. Agassiz cile encore la Coryne mérabilis, dont le mâle seul prend la forme médusaire et vit dans un état d'indépendance complète, tandis que la femelle, sous une forme moins complète semble rester pour toujours sous la tutelle de la communauté. La Coryna gravata de St: Wright parait en fournir encore un autre exemple. Il semble en être également ainsi de certaines syncorynes; il est vrai de dire que les auteurs de ces observations n’interprètent guère les faits comme nous, et qu'ils s’attendent à voir un jour un développement plus complet. Ils attribuent à des causes accidentelles, à l’eau , à la lumière ou à la nourriture, ce qui appartient à la nature de l'espèce. Nous n’ignorons pas que plus d’un naturaliste n’acceptera cette interpré- tation que sous bénéfice d'inventaire ; quant à nous, nous engagerons nos confrères à comparer sous ce rapport les espèces entre elles, © Dans le genre Sarsia, deux espèces sont proliféres, à côté d’autres sexi- fères. Connait-on des exemples de polypes dont les mäles prendraient la forme méduse , tandis que les femelles seraient atrophiées? s’est demandé depuis longtemps M. Gegenbaur, et il suppose que ‘c’est le cas des Podocoryna de Sars. Nous venons de voir que les soupcons de M. Gegenbaur sont parfaite- ment vérifiés, et que le savant professeur de Téna a fort bien interprété ce phénomène. Nous réunissons dans le tableau suivant les polypes, d’après leur mode de développement, en quatre catégories distinctes. Tome XXXVI. 7 50 RECHERCHES PREMIÈRE CATÉGORIE. ATROPHION COMPLET. d et ©. Hydractinia echinata, Aut. | — polycleus, Agass. — fucicola, Sars. Coryne squamata, Aut. | Syncoryna listeri. | | Cordylophora, Alim. DEUXIÈME CATÉGORIE. des deux sexes SÉMIATROPHION. mäle seul . | du sexe | femelle seule. Campanularia dichotoma. | Tubularia indivisu. coronalta. 4 pe yna ramosa, Ehrenb. Coryna aculeata? Wagner. Corydendrium parasiticum, Cavolini. Eudendrium ramosum , Van Ben. — — racemosum , Cavolini. Pennaria Cavolini. | Eucoryre elegans , Leïdig. Podocoriÿna carnea, Sars. GES mirabilis , Agass. ( gravata, Str. Wright.? TROISIÈME CATÉGORIE. | des deux sexes . TÉLÉON ET IEL ! mäle du sexe . femelle : is yncoryna cleodora, Gegenb. ie ! Tubularia Dumortierii, Van Ben. Campanularia gelatinosa. Sarsia mirabilis. Sarsii, Lovèn. stenio, Duj. Coryne mi bilis, Agass. Podocoryna carnea, Sars. \ Hydractinia de Lovèn, côtes de Bohnslän. : Eudendrium ramosum, Van Ben. _ confertum, Str. Wright. capillare, Jos. Alder. — Atractyles. Ce LE SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. . QUATRIÈME CATÉGORIE. | Bougainvillea mediterranea, Busch. | Cyteis tetrastyla, Souleyet. — pusilla, Keferstein et Ehlers. Hybocodon prolifer, Agass. Eleutheria dichotoma, Krohn. Staurophora laciniata, Agass. Sarsia prolifera, Busch. — gemmifera, Forbes. Lizzia. T'haumantias. Geryonia proboscidialis. | Ægineta prolifera. TÉLÉON COMPLET, DIGENÈSE . Reproduction agame. Pendant quelque temps on a cru que la reproduction sexuelle n’avait lieu que sous la dernière forme, et que l'apparition des organes sexuels marquait le terme de la vie. C’est l'histoire des insectes en général. Nous avons vu toutefois cette règle enfreinte dans la classe des insectes même, puis nous avons trouvé d’autres exemples plus remarquables dans la classe des polypes. De même, la reproduction gemmipare semblait seulement lattribut exclusif du jeune âge. L'observation démontre, au contraire, qu'il n'y a plus aucune alternance régulière et que le seul principe dominant tous ces phénomènes, c’est la digenèse. Dans les polypes, la planule ", le scyphistome, et même le téléon , sont tour à tour gemmipares, et on pourrait dire, à la rigueur, que les deux derniers sont également , dans bien des cas, sexipares et gemmipares en même temps. Passons en revue les faits; nous verrons ensuite ce qu'ils présentent de commun entre eux. | Nous n'avons pas besoin de parcourir tous les groupes. Tout l'intérêt est concentré sur les discophores et les hydraires, et ce sont surtout ceux qui nous occuperont. { Busch représente, pl. VI, la Chrysaora à l'état de Planula, engendrant des gemmes également ciliés. Beobachtungen…... 52 | RECHERCHES Autant le développement des Clénophores et d'autres polypes s'effectue toujours de Ja même manière, autant la diversité est grande dans les discophores et les hydraires. Non-seulement les petits diffèrent de leur père et mère, mais souvent les frères ou les sœurs n’ont rien de commun entre eux, ni pour la forme, ni pour la naissance, ni pour le développe- ment. C’est en 1837 que M. Sars annonce, pour la première fois, l’existence de méduses qui produisent d’autres méduses par voie gemmipare !, Le célèbre observateur a constaté ce fait singulier sur la Lizzia octopunctata, et un peu plus tard sur la Thaumantias cèrrhata. Forbes ? a confirmé ce mode de génération sur la Sarsia gemmifera , la Sarsia prolifera et la Lizzia blon- dina , tandis que M. Krohn * l’a constaté sur un animal voisin des Podocaryna carnea, et M. Busch sur la Bougainvillea mediterranea et la Sarsia pro- lifera *. Il importe en même temps de faire remarquer que M. Busch a vu cette prolification agame des téléons précéder la reproduction sexuelle, et le même animal accomplir lune et l'autre multiplication. Enfin, M. Gegenbaur a obtenu la reproduction gemmaire dans une méduse qu'il désigne sous le nom de Cunia prolifera, et qui se rapporte à une famille différente des autres méduses gemmipares *. MM. Keferstein et Ehlers viennent d'observer le même phénomène sur la Cyteis pusilla 6. M. Agassiz à vu le Staurophora laciniata, engendrer par voie agame de jeunes staurophores le long du vaisseau nourricier qui longe également les organes sexuels. On a vu ensuite le même phénomène dans le Thaumantias lucida, qui montre des gemmes aux ovaires; les Cyteis actopunctata el blondina por- tent des gemmes au pédicule de l'estomac, ainsi que la Sarsia gemmifera , 1 Wiegmann s Archiv, vol. VI, p. 406. ? A Monogr. of the brit. nak. Med., 1848. 5 Wiegmann's Archiv, 1852, p. 267. * Beobachtungen, 1851. $ Loc. cit., p. D6. 5 Vachrichten. Gütüng., 45 août 1860. sbsiindt ti A SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. D3 tandis que la Sarsia prolifera es porte aux tentacules ou cirrhes, d’après les observations de Forbes et de Busch. Un des exemples les plus remarquables d’une forme médusaire atroph , qui engendre par voie sexuelle une forme polypiaire, nous est fourni par la Tubularia coronata. Les méduses atrophiées sur leur pédicule montrent dans leur intérieur une tubulaire libre, en tout semblable à un polype véritable avee une seule couronne de tentacules. D'un autre côté, M. Claparède décrit une Lizzia des côtes d'Écosse, dont les œufs se développent directement en jeunes méduses. Il n'a pas vu, il est vrai, de mâles, et il reste dans le doute sur la question de savoir si ces œufs ont été fécondés. Il a vu les vésicules germinatives, mais pas de fractionnement vitellin 1. Est-ce un cas de parthénogenèse ou bien de gemmiparité ? M. Gegenbaur demande si l'Eurystoma rubiginosum de Kôlliker ? n’est pas dans le même cas, au lieu de le considérer comme une mère qui a avalé sa progéniture; mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est la coexistence, chez les téléons, d'organes sexuels et de gemmes. MM. Busch et Agassiz en eitent tous les deux des exemples. Le premier l’a observé chez la Bougain- villea mediterranea, le second chez la Staurophora. Busch ajoute ensuite : So dass die Gemmation selbst als ein von der geschlechtlichen Zeugung ganz unabhängiges Phænomen, gleichviel ob mit ihr, ob ohne sie, vor sich geht®. De manière que le phénomène de la gemmation est entièrement indépen- dant de la reproduction sexuelle; la gemmation peut exister seule ou avec les organes sexuels. M. Krobn voit le même phénomène dans les éleuthéries mâles et femelles. Le plus remarquable de ces cas est en effet celui qui vient d’être observé par ce savant #. Des femelles, de vraies femelles chargées d'œufs, produisent des gemmes au milieu de leur ombrelle, et de ces gemmes sortent des éleu- théries nouvelles, tandis que des œufs de la même femelle éclosent des planules ciliées. Il en est de même des mâles. Ainsi les frères et sœurs ! Zeit. [. Wiss. Zool., X, 1860, p. 401. 2 Jb., Bd. IV, p. 527. S Loc cit. p. 7. # Beobachtungen über den Bau der Eleutheria. Juli, 1861. 54 RECHERCHES provenus d'une même mère deviennent complets et adultes par des voies complétement différentes : les gemmigènes se formant directement, les ovi- gènes engendrant des polypules agames et ceux-ci seulement des téléons sexués. Le téléon et la planule, sont frères et sœurs, mais la petite-fille seule du dernier prendra la forme de son grand-oncle. Il est assez remarquable que, dans ces reproductions agames, toutes les régions du corps peuvent devenir le siége d'une activité prolifique. Les ovaires au contraire ont seulement leur siége le long des canaux gastro-vasculaires, ou autour de l'estomac. Nous pouvons répartir les divers modes de gemmiparité, d’après le’siége, en cinq catégories : La première comprend ceux qui montrent les gemmes le long des canaux, Staurophore laciniata. La seconde comprend les Thaumantias multicirrhata et lucida , qui por- tent des gemmes à la place des ovaires. La troisième présente les gemmes sur le pédoneule dans la Sarsia gem- mifera. La quatrième catégorie se distingue par les gemmes qui apparaissent sur le bord de l'ombrelle, ou au bout des vaisseaux gastrovasculaires : Sarsia prolifera. La cinquième montre les gemmes au milieu du disque , comme les Eleu- theria. En résumé donc, dans la famille des océanides , nous voyons la Lizzia octopunctata, la Cytheis blondina et tetrastyla (Souleyet) ‘et la pusilla*?, Sarsia gemmifera, Sarsia prolifera, Thaumantias lucida, Thaumantias multi- cirrhata, Staurophora laciniata, Bougainvillea mediterranea , naître diree- tement de bourgeons sans parcourir les stades ordinaires d'évolution‘; la Û Voyage de la Bonite. Zoopuvyres, pl. If, fig. 4-15. 2 Keferstein et Ehlers. Gôtting. gel. Nachrichte. Août, 1860. 5 Il y aurait encore développement direct d'après Gegenbaur dans les deux familles, des Trachynemèdes et les OEgénides. Dans cette dernière famille, ce développement direct a été étudié par J. Muller, qui cite aussi la Polyxemia leucostyla? parmi les méduses à développe- ment direct. - SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 55 Lizzia debalia, et la Lizzia Küllikeri, au contraire, passer par toutes les phases morphologiques, et la Lizzia nov., Spec., observée par Claparède, naître directement d'un œuf ordinaire , si ce n’est pas un gemme. La Bougainvillea (Gegenbaur) , la Turris neglecta (Gosse) , la Cladonema (Krohn), l'Eleutheria (Krohn), sont au contraire des polypes de la même famille , qui subissent régulièrement toutes les métamorphoses. Les derniers, les éleuthéries, naitraient même, ainsi que nous venons de le dire, directement de la mère ou du père, par voie agame, quand ceux-ci ont procréé déjà par les voies ordinaires. Dans la famille des Équorides, la Cunina prolifera se développe aussi directement par voie gemmipare; ce polype peut sauter des phases de son développement, aussi bien celui qui provient d’un œuf que celui qui est engendré par gemme. Il y a en effet des polypes chez lesquels la période sexuelle où médusi- forme est supprimée. Tous les sertulaires sont dans ce cas. Il en est de même chez quelques-uns de la période infusoriforme ou planulaire. Les T'ubularia coronala et éndivisa nous en fournissent un exemple remarquable. Gegen- baur en a déjà fait la remarque‘. La période sexuelle est également sup- primée dans cette espèce, et l'œuf , au lieu de donner naissance à un être cilié, donne naissance directement à un polype tubulaire. Nous avions pris d’abord ces tubulaires pour des bourgeons mobiles, et J. Muller avait partagé cette opinion. Mais si lon considère que d’autres cap- sules produisent des spermatozoïdes comme Rathke l’a démontré le premier, il est évident que ce ne sont pas des gemmes, mais bien des œufs qu’engendrent ces sacs. S IE. — RaPpoRT ENTRE LES ÉCHINODERMES ET LES POLYPES. Les échinodermes et les polypes appartiennent-ils, comme M. Agassiz le prétend , à un seul et même type ? Il existe plusieurs dénominations qui désignent les types rayonnés. D'abord le mot zoophyte, adopté par Cuvier, fut introduit, d’après de Blainville, au 1 Gegenbaur, Zur Lehre, p. 42. 56 RECHERCHES * sixième siècle par Sextus Empirieus et par Isidore de Séville, pour indiquer principalement les polypes composés. Plus tard, dans la première édition de son système des animaux sans vertèbres, Lamarck proposa la dénomination de radiaires. Puis de Blainville introduisit le nom d’actinozoaires, parce que le nom de zoophytes peut induire l'esprit en erreur, dit-il, en faisant sup- poser que les holothuries ou les oursins ont réellement dans leur nature quelque chose qui les rapproche des végétaux. Le mot phytozoa, proposé par Ehrenberg , n’a aucun avantage sur le mot zoophyte. Plusieurs zoologistes, à l'exemple de Cuvier, conservent les mollusques comme embranchement de la même valeur que les vertébrés, et ils sont en- traînés ensuile à conserver les zoophytes ou radiaires comme quatrième embranchement du règne animal. D'après eux, les polypes doivent nécessai- rement occuper les rangs inférieurs de cet embranchement radiaire, et les échinodermes doivent constituer les radiaires supérieurs. En d’autres termes, les polypes, les acalèphes et les échinodermes appartiennent, d’après eux, à un seul et même type. C'est dans ce sens que s'exprime M. Agassiz, dans son histoire naturelle des États-Unis : The 1yps of Radiata should be divided into three classes, the polypes, the Acalephs and the Echinoderms. C'est l'avis de plusieurs zoologistes distingués. Ainsi Eschscholz place également les acalèphes comme classe distincte entre les échinodermes et les polypes (zoophytes), tout en avouant qu'il ne trouve d’autres caractères pour séparer les acalèphes des polypes, que la mobilité des uns et la fixité des autres. Il est vrai, ajoute ce savant, qu'il est peu régulier de baser léta- blissement d’une classe sur le genre de vie, mais puisqu'ils ne nous offrent pas d'autres caractères distinetifs, il faut bien recourir à celui-là. Cet aveu d'Eschscholz justifie complétement ceux qui réunissent les aca- kphes et les polypes en une seule et même classe. On ne peut procéder ainsi sans S'exposer aux plus graves erreurs. Ne trouvant pas de différences organiques d’une importance réelle, Eschscholz n'aurait pas dû séparer ces animaux , et mettre les deux classes sur le même rang que les échino- dermes. M. Agassiz trouve dans le partage de la bouche et de l'estomac des SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 57 actinies la preuve de la bilatéralité de leur structure ; mais il n’y a, dans ces animaux rayonnés, d’après M. Hollard, qu'un détail d'organisation réclamé par une nécessité physiologique, et qui n’a pas la valeur qu’Agassiz est incliné à lui attribuer. Le type rayonné se prononce de plus en plus, dit M. Hollard , à mesure que, des premiers échinodermes, on descend wers les polypes. Les - acalèphes sont rayonnés en tout et à toutes les époques de leur vie, dit avec raison ce savant ‘. Les radiaires sont divisés par MM. Milne Edwards et Haime en trois classes : les échinodermes, les acalèphes et les polypes; mais ce mode de distribution ne représente pas, disent avec raison ces auteurs, la série des modifications introduites par la nature; il existe seulement deux types de radiaires, caractérisés par le mode de développement aussi bien que par la structure, et c’est par conséquent en deux groupes que ce sous-embranche- ment doit être partagé : lun comprend les échinodermes , l'autre les acalè- phes de Cuvier , les polypes hydraires et les polypes coralliaires. Ces derniers ont entre eux, ajoutent-ils, une parenté étroite et doivent être réunis dans une division particulière ?. C’est cette séparation ou cet isolement des échino- dermes d’un côté, et la réunion des autres en un second sous-embranche- ment qui représente, d’après nous, la véritable nature de ces êtres. | C'est l'avis, pensons-nous, de la plupart des zoologistes, à l’exception d’Agassiz, qui ne peut voir dans la réunion des polypes et des acalèphes en une seule classe , qu'une exagération de leurs affinités *. Quels sont les rapports entre les échinodermes et les autres radiaires aca- lèphes et polypes ? I nous parait évident qu'il faut séparer d’abord les échinodermes, puis réunir les acalèphes et les polypes dans un second groupe de la même va- 1 Monographie anatomique du genre Actinia, ANw. pes sc. NaTUR., vol. XV, 1851, p. 275. 2 Hist. natur. des Coralliaires, vol. I, p. 5. 5 L hold, however, that the precedings remurks are sufficient to show that it is an exagera- tion of their affinities to unite, the polyps and acalephs in one and the same great division under the name of coelenterata ; Agassiz, AcaLepus, p. 40. ... We have in actinia and in medusa the types of two distinet classes, p. A... And that the anatomical differences exhi- bited by the Echinoderms do not justify us in considering them as a distinct types, p. 41... Echius being, as it were, a medusa, the soft disk of which is charged with limestone par- ticles, p. 41. Toue XXXVI. 8 38 RECHERCHES leur. C'est le seul moyen de ne pas méconnaitre les affinités naturelles. Les échinodermes appartiennent à un type à part, tant par les caractères tirés de la forme, que par les différences d'organisation et de développe- ment. Nous admettons wolontiers que le sphéromère de tout radiaire peut être comparé l’un à l’autre, et que ce sphéromère correspond au zoonite de lar- thropode ; mais le zoonite de l’arthropode correspond aussi à la vertèbre du premier embranchement, et ces deux derniers embranchements ne peuvent être fondus l’un dans l’autre. Le radiaire échinoderme a du reste presque toujours un sphéromère impair, et présente la division quinquennaire, tandis que les autres radiaires mon- trent toujours la division quaternaire. Jetons les yeux sur les belles observations de J. Muller sur les échino- dermes en voie de développement, et comparons-les avec les acalèphes et les polypes; il n'est personne qui ne soit frappé de la différence qui se manifeste dès le principe, et qui se poursuit à travers tous les âges. A l’état adulte certes, on ne confondra pas une méduse et un échinoderme, et à l'état embryonnaire on s'y trompera encore beaucoup moins. Il y a même de remarquable que le caractère radiaire ne se développe intégralement qu'à l'âge adulte chez les échinodermes, tandis qu'il existe à tout âge chez les autres. Ceci va même à l'encontre des principes généralement admis, de l'infériorité du caractère radiaire sur le caractère bilatéral; si, à un àge quelconque l'animal devait dévier de son type rayonné, a priori il n'est personne qui n’eùt dit: si un animal radiaire peut être symétrique à une époque de sa vie, cela ne peut être qu'à l'époque de son développement complet. Une seule larve que J. Muller rapporte à l’Asteracanthias tenuispinosus aurait pu, à cause de sa forme, être prise pour une jeune méduse ; mais elle se distingue des jeunes méduses en ce qu’elle se meut, formant des cercles, par un mouvement cilié, et rien ne rappelle les mouvements de systole si remarquable de ces dernières. Peut-être Agassiz invoquera-t-il en faveur de l'opinion que nous combattons , la découverte d'une larve observée à Nice, la Polyxenia leucostyla, Will, et SUR L’HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 59 que J. Muller représente dans son atlas à côté des Bipinnaria . Mais cette larve n’est qu’une jeune méduse. Voici comment J. Muller résume lui-même ses observations : Toutes les larves d’échinodermes se développent d’après un type commun, une sorte de modèle idéal. Chez toutes, il existe une frange ciliée bilatérale, qui s'étend sur les deux faces du corps et se rejoint sur la face ventrale, à l’aide d’une bandelette transverse supérieure et d’une bandelette transverse inférieure *. Et ce n’est pas que J. Muller ne songe pas aux affinités qui peuvent exister entre les échinodermes et les acalèphes, puisqu’un peu plus loin il fait remar- quer lui-même l’analogie des larves d’astéries avec les larves de méduses. — La métamorphose d’une larve polypoïde en méduse n'est pas plus compli- quée que la métamorphose d’une larve d’échinaster en astérie, dit-il; mais la méduse, pendant cette période, se donne des bourgeons et se divise en strobile, de manière que la métamorphose se complique de phénomènes de génération. L’échinaster ne subit qu'une simple métamorphose. Je crois inutile de m'étendre plus longuement sur une comparaison entre le développement des échinodermes et des autres radiaires; j'ajouterai seulement que partout, dès le début, se montre, après l'apparition de la larve bilatérale, chez les uns, la division quinquennaire des échinodermes, et chez les autres, la division quaternaire des polypes. La larve de méduse que J. Muller a figurée à côté des Bipinnaria, montre déjà le nombre quatre et huit. De tous les échinodermes, ce sont bien les holothuries qui se rapprochent le plus, par leur développement, des polypes et des acalèphes. Et cependant, { Ueber die Larven unde d. Metam. d. Holothurien und Asterien. Berlin, pl. VIL, fig. 9-11. ANN. DES SC. NATUR.; Vol. 20, p. 277. ? Die Wesenheit der Echinodermen liegt ausser der radiären Gestall und Eintheilung in der Verkalkung des Perisoms und mancher innerer Theile, in ihrer eigenthümlichen Metamor- phose und, vor allern, in ihren ambulacralen Bildungen, den von einem eigenthümlichen System von innerlich wimpernden Canülen Schwelllarer saugfüschen..…. Die Larven der Echinodermen haben nur'bilaterule Symmetrie und sind noch ohne spur der radialen Anlage, bei ihrem Kreisen durch wimperbewegung ist auch das eine Ende constant vorausgerichtet. J. Muller, Ueber d. B. d. Echinodermen , 1854, pag. 4. 60 RECHERCHES * si nous consultons les dernières observations de MM. Danielsen et Koren !, dont le résultat s'accorde sur tous les points principaux avec les recherches de J. Muller et Krohn, nous voyons l'énorme différence qui sépare ces ani- maux. Ces savants admettent quatre stades dans le développement de ces radiaires , et certes dans ces stades on ne trouve rien qui puisse faire soup- çconner seulement que ce sont des animaux d'un même type. De chaque stade la jeune holothurie peut passer à l'état d’échinoderme. Le premier stade pré- cède la forme d’une Auricularia ; 3. Muller ne l'a pas observé. Pendant le second stade, l'holothurie à une forme tout à fait bilatérale et porte des franges latérales ciliées. Le jeune animal a la forme d’un ver avec des ban- delettes ciliées circulaires, qui le fait ressembler à une larve d’annélide, disent ces savants. Pendant le dernier stade, apparaissent les tentacules , les bandelettes ciliées se flétrissent, et la jeune holothurie ne se meut plus qu’en rampant. Agassiz dit avoir vu apparaitre chez des polypes cinq tentacules, dont un est placé entre deux paires semblables, ce qui indique dans les anthozoaires une symétrie bilatérale ?. Ce n’est pas ce que nous avons observé, de notre côté, et les polypes proprement dits, pas plus que les scyphistomes, ne nous ont offert un mode d'apparition semblable. Les tentacules se développent généralement par quatre , ou comme dans les actinies, par six ou leur mul- tiple, et cette apparition ne s’accomplit pas autrement dans les autres groupes. En cela nos observations s'accordent avec celles de la plupart des naturalistes qui se sont occupés de cette question. Agassiz s'en prend à Külliker pour prouver que les siphonophores sont de véritables acalèphes hydroïdes et non des polypes comme il l'entend. Nous ne pensons pas que Külliker ait jamais eu la pensée de rapprocher les siphonophores plus des polypes proprement dits que des acalèphes. Agassiz a parfaitement raison d'invoquer l'exemple de polymorphisme, fourni par les hydractinies, pour démontrer leurs aflinités avec les siphonophores, mais nous ne voyons pas que Külliker ait eu tort. La communauté de Ja Fauna littoralis Norwegiae, p. 51. ? Lectures, p. 45. SUR L’HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 6! physalie est formée non de polypes agrégés, dit Agassiz, mais d'hydroïdes agrégés. Cette digression montre suffisamment, à notre avis, que M. Agassiz défend une thèse difficile ; la défense est plus simple et plus facile quand on est dans la bonne voie. La comparaison entre la structure des uns et des autres est-elle plus favo- rable à cette théorie ? Ce qui sépare surtout nettement les échinodermes des polypes, c'est que les premiers ont toujours un liquide nourricier propre, les derniers jamais ; et indépendamment d’une cavité périgastrique close, comme nous l’avons déjà dit plus haut, les échinodermes possèdent encore un appareil vaseu- laire. Aucun polype ou acalèphe ne nous montre des vaisseaux véritables. La plupart des échinodermes ont un tube digestif à parois propres, et cet ap- pareil est toujours à deux orifices; les autres ont communément leur tube digestif creusé dans le tissu même de l'animal, sans parois propres, et pres- que loujours avec un seul orifice. L'échinoderme a le tube digestif libre et des canaux qui flottent dans la cavité du corps; les autres radiaires ont une cavité creusée dans les tissus, comme les canaux gastrovasculaires, et jamais ils n’ont une cavité distincte pour le fluide nourricier. Les organes sexuels s'ouvrent généralement au dehors par un ou plusieurs canaux chez les échinodermes, tandis que chez les autres la ponte a lieu par déhiscence , et l'évacuation s'effectue par la bouche. La reproduction des échinodermes est exclusivement sexuelle; elle est di- génétique dans les autres. L’embryon des échinodermes est binaire au début, radiaire seulement à la fin; l'embryon ou les embryons des polypes et des acalèphes sont toujours radiaires. Enfin, tous les échinodermes se ressemblent, à peine existe-t-il des diffé- rences sexuelles. Les autres présentent, au contraire , les formes les plus diverses, et sont souvent hétérogones dans les sexes ou dans le cours de leur évolution. À ces caractères d'organisation et de développement, on peut encore ajouter 62 RECHERCHES les différences qui existent dans le genre de vie des uns et des autres. Ainsi les polypes véritables sont fixés en général et réunis en colonies, tandis que les échinodermes sont pour la plupart mobiles et isolés; et ceux des polypes qui se meuvent ont, les uns des cercles de cils vibratiles, comme les Cténo- phores, les autres des mouvements de systole et de diastole, comme les mé- duses, ce que l’on n’observe dans aucun échinoderme. Entre les échinodermes et les autres radiaires il y a un hiatus. Les acalè- phes et les polypes passent insensiblement des uns aux autres. Les échinodermes ne nous semblent done pas appartenir au même type que les autres radiaires; ils ne représentent pas dans leur répartition natu- relle la forme supérieure des radiaires, et surtout, dans le cours de leur évo- lution, à aucune époque, ils ne correspondent aux formes précédentes. En d’autres termes, les polypes et les acalèphes ne ressemblent pas du tout à des embryons d'échinodermes frappés d'arrêt de développement, et on ne peut pas dire que jamais l’échinoderme ait une apparence de polype ou d’acalèphe. Si les échinodermes sont isolés, les polypes et les acalèphes se fondent souvent les uns dans les autres pour former des colonies. En résumé, le sous-embranchement des polypes occupe le même rang que celui des échinodermes, et nous voyons un état inférieur dans les éponges, un état plüs élevé dans les coralliaires, un autre plus élevé encore dans les hydraires, puis dans les discophores cryptocarpes et enfin dans les Cténo- phores. Si les échinodermes appartenaient au même type que les polypes, on devrait passer ensuite de ces derniers aux holothurides ou aux échinides, mais il y a là, comme nous l'avons dit, un hiatus véritable, qui démontre que les échinodermes ne sont pas des polypes supérieurs. $ IV. — LA CLASSE DES POLYPES. Depuis Cuvier, les acalèphes et les polypes forment deux classes distinctes. Ces classes doivent-elles être maintenues ? Existe-t-il entre elles des diffé- rences pareilles à celles qui nous ont porté à isoler les échinodermes ? Cette question nous semble avoir été décidée le jour où l'on a démontré que les jeunes acalèphes ont tous les caractères des polypes, et ceux-ci les caractères des acalèphes. \ | | | | | | SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 65 Ce sont les polypes hydraires qui offrent ce dernier phénomène. Sufit-il de faire des acalèphes de ces derniers pour conserver les autres en une classe à part? D'après Agassiz, on doit retirer encore des polypes proprement dits les Tubulata et les Rugata de Milne Edwards et Haime, et il ne reste plus alors que les actinies , les gorgones, etc. La question se réduit alors à ceci : ces polypes ne seront-ils pas mieux placés dans un même groupe, avec les hydraires et les acalèphes, qu’en les laissant à part? Cela n’est pas douteux pour nous. Nous avons proposé cette fusion en 1845, en conservant pour eux le mot de polypes; plus tard, Leuckart a exprimé la même pensée, mettant en avant le mot de cœlentérés. La question de savoir si les polypes véritables, les anthozoaires, forment une classe à part à côté des acalèphes, comme Cuvier les avait compris, ou si ces animaux doivent être réunis, comme le sont, par exemple, les batra- ciens urodèles et anoures; cette question nous paraissait tranchée depuis longtemps. Dans le beau livre sur ces radiaires délicats, publié récemment par Agas- siz ‘, ce savant distingué démontre que cet accord est loin d'exister entre les naturalistes, que pour lui les affinités de ces classes se bornent à un bon voisinage et ne vont pas plus loin; la plupart des naturalistes d'aujourd'hui ont tort, d'après lui, de vouloir fondre les deux classes de Cuvier en une seule. Nous sommes fort surpris de voir des naturalistes distingués combattre celte opinion, dit Agassiz ? : …o{ is an exageration of their affinities to unite the poLyps and ACALEPS ên one and the same great division. Qu'il existe une grande différence entre les méduses provenant des hy- droïdes et les autres discophores, cela résulte clairement de ce fait, ajoute- t-il ensuite, que Eschscholtz les a divisés depuis longtemps en deux groupes : les eryptocarpes et les phanérocarpes; distinction que Forbes a confirmée en les nommant Gymnophtalmata et Steganophtalmata, et Gegenbaur Craspe- data et Acraspeda. 1 Agassiz, Nat. hist. unit. States, vol. HI, p. 40. 2 Ibid. 64 RECHERCHES Les hydroïdes ne sont pas plus un groupe distinet d'animaux que les larves des insectes, dit-il encore à la même page, et ils ne peuvent pas plus être unis aux polypes que les larves d'insectes avec les vers. Mais si, dans certains lépidoptères , les chenilles ne prennent pas la forme adulte, que les organes sexuels se développent pendant l’âge larvaire, et qu'il existe toutes les nuances intermédiaires entre la larve frappée d'arrêt de développement et la larve qui accomplit régulièrement son évolution, il faudra bien inscrire ces che- nilles dans le groupe des lépidoptères. Je dirai ensuite : pour preuve que les méduses des hydraires sont bien de véritables méduses, c’est que les espèces connues sous leur dernière forme seulement ont toutes été inscrites à côté d'elles, et qu'elles présentent la même composition anatomique que les autres. Que les discophores, nés directement ou de strobiles, présentent des différences avec les discophores nés de tubulaires ou de campanulaires, il n’y a rien qui doive étonner, pas plus que de trouver des différences plus ou moins fondamentales entre ces derniers et les zoan- thaires. Les vers, comme classe, sont dans les mêmes rapports avec les crustacés et les insectes, dit Agassiz, que les polypes avec les acalèphes et les échi- nodermes. Nous différons complétement d'opinion ici avec le savant auteur de l'histoire naturelle des États-Unis. Les vers ne forment pas l'échelon infé- rieur de l'embranchement qui comprend les crustacés et les insectes: leur mode de développement et leurs caractères anatomiques le prouvent sufli- samment. Jamais , à aucune époque de la vie embryonnaire, un jeune articulé ne présente les caractères d’un ver. Si plusieurs larves d'insectes ressemblent aux vers, si les chenilles et les asticots ont le corps allongé et arrondi, c’est simplement une ressemblance de forme extérieure , mais sans aflinité réelle. Les amplhioæus ont été confondus aussi avec les mollusques, et les myæines avec les vers; mais personne ne songe plus aujourd'hui à retirer ces singu- liers êtres de la classe des poissons. Nous l'avons déjà dit ailleurs, qui a jamais cherché la signification des caractères embryonnaires des insectes et des crustacés dans les vers? A-t-on jamais cherché l'homologie des appendices articulés dans les soies des Ché- topodes? Non, les vers doivent former un groupe à part, autant par leur CSS SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 65 structure que par leur développement, et les crustacés forment, dans l’em- branchement des articulés, l'échelon le plus bas, comme les poissons for- ment la classe la plus inférieure des vertébrés. M. Agassiz semble s'appuyer sur les caractères embryonnaires pour sé- parer les acalèphes des polypes; nous invoquerons ces mêmes caractères pour démontrer le contraire, et, si un auteur inconnu s'était exprimé comme M. Agassiz, nous eussions été tenté de croire que toutes les belles décou- vertes sur les embryons des échinodermes lui avaient échappé. Nous avons comparé plus haut ces deux types en voie de développement, et nous avons vu que ces animaux appartiennent vraiment à un seul et même embranche- ment ; les familles représentent comme autant de formes embryonnaires per- manentes, depuis les éponges jusqu'aux acalèphes les plus élevés. Il en est de même de l’organisation, et ici nous pourrions même laisser parler Agassiz lui-même, pour montrer la complète identité typique de tous les appareils dont ils sont doués. Since all Polyps can easily be reduced 10 the type of actinia, as well as all acalephs to that of Equorea and all Echinoderms to that of Echinarach- nius or of asterias , it must be admitted that the plan of structure is the same in all these animals , dit Agassiz. Ce qui reviendrait à ceci : si tous les insectes peuvent être réduits au type d’un diptère, et tous les poissons osseux à celui d’un percoïde, il faut bien admettre que le plan de structure est le même dans tous ces animaux. Nous sommes persuadé que notre savant confrère a incomplétement exprimé sa pensée en écrivant ces lignes. Quel nom donner à ce groupe ayant la même valeur que les échinodermes? Nous avons proposé, en 1845, le nom de Polype ; M. Leuckart a proposé depuis celui de Coelentérés. Nous avons pensé que l’un des deux noms, Polypes ou Acalèphes, devait absorber l’autre. Le nom d'Acalèphes a pour lui l'ancienneté; mais il n’y en a que quelques-uns qui sont véritablement acalèphes, tandis que presque tous sont polypes, les uns constamment, les autres temporairement. Combien Y a-t-il d’acalèphes qui ne passent pas par ces premières formes agames, qui sont les formes définitives du grand nombre ? Tome XXXVI. 9 66 RECHERCHES SUR L'HISTOIRE NATURELLE, pre. Les méduses appartiennent à la classe des polypes, comme les cirrhipèdes appartiennent aux crustacés et les bryozoaires aux mollusques. Les méduses représentent les formes supérieures de leur classe, les autres les formes in- férieures. Si réellement les coralliaires devaient former une classe à part, s’ils étaient autant séparés des acalèphes que ceux-ci le sont des échinodermes, la classe entière des polypes se réduirait aux actinies et aux gorgones, c’est-à-dire aux Zoanthaires et aux Cténocères. Il nous semble plus conforme aux vrais principes de la zooclassie de les réunir, puisque nous trouvons entre eux , outre les affinités réelles, des transitions véritables. Du reste, M. Agassiz lui-même nous fait connaitre un fait de la plus haute importance , nous semble-t-il, et dont la découverte lui revient : il s’agit de la structure du Hillepora alicornis Lamk. On s'attendait à trouver ces ani- maux conformés comme les coralliaires, et ils présentent, au contraire, la structure des hydraires; d’où il résulte que ce millepore devient un aca- lèphe. Il faudra donc faire des acalèphes de tous les genres voisins, et ils sont nombreux. Ne vaut-il pas mieux les fondre en une seule classe , puisque tous sont polypes dans l’ancienne ou la vraie acception du mot, au moins une partie de la vie? A l'exception des Cténophores , tous ont passé par l’âge polypiaire et un grand nombre ne le dépassent pas. Les Pocillopora, les Millepora, les Seriatopora et tous, les congénères devraient même passer parmi les acalèphes, les Tabulata comme les Ru- gosa, et les acalèphes deviendraient, dans ce cas, un des plus anciens types des époques géologiques. Si le mot cœlentéré doit l'emporter sur celui de polype, on verra bientôt disparaitre cette dernière dénomination de la zoologie. Les polypes par ex- cellence sont les hydres d’eau douce, qui sont devenues des cœlentérés; les polypes composés sont aujourd’hui les bryozoaires. Les polypes flexibles de Lamouroux sont également des cœlentérés, et les actinies ou les polypes charnus, comme les gorgones, sont des coralliaires. I n’y aurait donc plus de polypes proprement dits dans le règne animal. DEUXIÈME PARTIE. RECHERCHES SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES QUI FRÉQUENTENT LES CÔTES DE BELGIQUE. CTÉNOPHORES. Baster, Vatuurk. uitspanningen ; Haarlem , 1762. Gronovius, Acta helvetica, t. IV et V, 1762. Mine Enwanos, Ann. sc. natur., 2 sér., t. XVI. Wizz, Horae Tergestinae. Frey et Leuckarr, Untersuchung.….…, p. 59. Kôzuiker, Zeitschrift für Wiss. Zool., vol. IV, p. 518. Gecenpaur, Studien über Organisation und Systematik der Ctenophoren , TRoSCuEL’s ARCHIV, 1856. L Acassiz, Contributions to the natural history of the United States of America; Boston, 1860, et Ilustrated Catalogue of the Museum of comparative z0ology; Cambridge, 1865. Il n'y a que quelques années, des naturalistes se demandaient encore si les polypes Cténophores étaient bien des radiaires, et s'ils ne devaient pas plutôt prendre place parmi les mollusques. Cette opinion, d’abord exprimée par Blainville, dans son Manuel d'actinologie*, a été reproduite par M. Quoy, dans le Voyage de l'Astrolabe*, et par M. Vogt, dans ses lettres sur la zoologie *. Au sujet de ce rapprochement, M. Milne Edwards fait remarquer, dans un ! Manuel d'actinologie, p.63; TasLeau, p. 110. ? Voyage de l’Astrolabe; ZooLocte, vol. IV, p. 56. 5 Zoolog. Briefe ; Francfort, 1851, vol. I, p. 254. 68 RECHERCHES travail intéressant sur les acalèphes, que les affinités entre les mollusques et les zoophytes sont plus grandes qu'on ne l'admet généralement, et que, pour mettre la classification en harmonie avec les vrais principes d'une méthode naturelle , il faudrait peut-être rapprocher plus qu'on ne l’a fait, les mol- lusques et les zoophytes ‘. Nous sommes parfaitement de l'avis du savant pro- fesseur du Museum. Grâce aux travaux de quelques naturalistes modernes, surtout de MM. Milne Edwards, Külliker, Gegenbaur, Leuckart et Agassiz, l’organisation des Cténophores est fort bien connue aujourd'hui, et s'il existe des affinités avec les mollusques, il est évident qu'ils ne sont pas moins conformés d’après le type polype. Les cydippes, par exemple, sont construits sur le même plan que les animaux de leur classe en général. En effet, que l’on rapproche les bords de l'ombrelle d’une méduse et que l’on soude ces bords autour de l'orifice de la bouche, en enfermant les canaux gastro-vasculaires, on n’a qu'à étaler les côtes ciliées à la surface dans la direction des canaux, pour en faire un Cténo- phore. D'un autre côté, que l’on isole les canaux gastro-vasculaires en les lais- sant libres et sans membranes entre eux , et on réalisera un polype proprement dit. Que l’on fasse rentrer le manubrium des méduses dans l’ombrelle ; et que l’on multiplie les canaux gastro-vasculaires, et l’on obtiendra un vrai actino- zoaire. Enfin, en supprimant les canaux , et laissant les cavités digestives en communication dans les divers individus d’une colonie , on en fera un spon- glaire. D'après les observations de Fr. Müller, les Cténophores sont des animaux rayonnés , mais au lieu d’être rayonnés par quatre, ils le sont par deux ?. Ce sont deux sphéromères réunis, pour me servir des expressions d’Agassiz. La science n'est en possession que d’un petit nombre d'observations sur le développement de ces polypes, mais elles nous suflisent pour juger de l'importance de leur embryogénie. Le Cydippe pileus a été observé, depuis 1846, par M. Price *; les embryons, d’après ce savant, prennent de ! Ann. des science. nat., 1841, 2° sér., t. XV, p. 207. ? Fritz Muller, Sur la prétendue symétrie bilatérale des Cténophores , ARCHIV. FÜR NATURG., 27° ann., p. 520. 5 Price, Reports of the Brilish association, 1846. sf a SUR L’HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 69 bonne heure la forme des adultes, et avant l’éclosion ils sont déjà recon- naissables. Depuis lors, M. Gegenbaur ‘ a fait quelques observations sur un cydippe et la Sicyosoma rutilum, qui pourrait bien, d’après M. C. Semper, être une forme récurrente. Peu avant son départ pour les iles Philippines, M. C. Semper ? a communiqué le résultat de ces recherches sur le développement de l'Eucharis multicornis, qui viennent corroborer les observations de M. Price. Dans cette notice intéressante, M. C. Semper a étudié avec soin le fractionnement de la masse vitelline, la formation du blastoderme et de la cavité digestive, enfin l'apparition des lamelles ciliaires. Du reste, J. Müller et Külliker avaient déjà vu, chacun de leur côté, que les jeunes béroës se développent directement et ne subissent pas de morphoses hétérogoniques *. Enfin, une observation de E. Forbes, sur le Berde cucumis , s'accorde encore complétement avec ces assertions : Ed. Forbes a vu de jeunes cilio- grades sur des individus adultes, et qui sont probablement sortis d'œufs. Ce sont, selon toute apparence, des jeunes qui viennent d’éclore *. Ce groupe ne comprend qu’un petit nombre d'espèces visitant nos côtes ; la plus commune est le Cydippe pileus. Nous ajouterons comme espèces propres à nos parages la Callianyra hexagona, observée par Slabber * à Middelburg, et le Berûüe ovatus, vu par Baster, dans le port de Zierikzee. CYDIPPE PILEUS. Gronovius est le premier qui fasse mention de cette espèce. Il en donne un dessin très-reconnaissable et une description fort exacte. Il doit la connais- sance de cette espèce à un ami, qui l’a recueillie en 1757. Il ne la trouve 1 Gegenbaur, Organ. u. Syst. d. Ctenophoren, ARCHiv. FÜR NATURGESCHICHTE , 186. ? Ueber die Entwickelung der Eucharis multicornis, Zerrs. r. Wiss. z00LOG1E, Bd. IX, 1857, p. 254. 5 Zeits. für Wiss. Zoolog., 1854, p. 576. # Journal de l’Institut, mars 1850. 5 Natuurk. verlust., p. 56, pl. VII, fig. 5 et 4. 70 RECHERCHES pas mentionnée dans Linné , et il la rapproche avec raison des béroës décrits par Fr. Martens, dans son voyage au Spitzberg ‘. | Baster a vu le même béroë, qui se trouve en abondance, dit-il, au mois d'avril sur nos côtes et pénètre même dans le port. C’est ce que nous voyons aussi à Ostende. L'animal auquel Slabber a donné le nom de béroë lisse, Gladde berüe, n’a rien de commun avec les béroës véritables. Les deux longs appendices qu'il porte sont deux cirrhes des bords de l’ombrelle; il n’a point de côtes ciliées. C’est une méduse de la grosseur d’un grain de colza, dont il sera question plus loin sous le nom de Dinema Slabberi. Slabber s’est mépris sur l'insertion et la nature des deux cirrhes. Gronovius, Uitg. Verhand., t. HT, p. 46%, pl. XXVI, fig. 1-5. — De animalculis aliquot mar. aquae innatant. atq. in littor. belgicis obviis, Act. uezv., t. IV, p. 55, pL IV, fig. 1-5. Basrer, Natuurk. uitspanningen, p.145, pl. XIV, fig. 5, G et 7. Brucuière, Encyclopédie (cop. de Baster), pl. XC, fig. 5, 4. Bosc, Vers, pl XVIII, fig. 2 (cop. de Baster). Escascnourz, Syst. der Acaleph., p. 24. Lessow, Sur les Béroïdes , Anx. sc. nar., 2%° sér., vol. V, p. 255. Guérin, Zconog., Règne anim., Zoopuxres, pl. XVI, fig. 4 (cop. de Baster). Grant, Transact. Zool. Soc., vol. 1, pl. I, p. 9. — Règne animal illustré, Zoopuyres, pl. LVL, fig. 2. Tous les ans, les pécheurs qui jettent leurs filets dans le port et l'arrière- port d'Ostende prennent, depuis le mois d'avril jusqu'en juin, une quan- tité prodigieuse de petites sphères transparentes comme le cristal, et offrant à la pression des doigts une très-faible résistance. On dirait des erystallins ‘ doués de vie et de mouvement. Sortis de l’eau, on les voit se fondre complé- tement et c’est à peine s'ils laissent quelque trace de leur présence : ee sont des Cydippe pileus. Baster avait déjà fait la même observation sur leur apparition périodique. ! Ce nom de Béroë, une des filles d'Oceanus, a été donné vers le milieu du siècle dernier, par Brown, dans son histoire naturelle de la Jamaïque. (Brown, The civil and nat. hist. of Jamaica ; London, in-fol., 1756.) SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 71 Parmi les auteurs qui se sont le plus occupés de ces curieux animaux, nous devons citer, avons-nous vu, Grant et surtout MM. Milne Edwards, Leuckart et Gegenbaur. M. Milne Edwards a donné une belle anatomie d’un béroïde nouveau de la baie de Nice, qu'il a dédié à M. Lesueur. Ce savant reconnait dans le genre Lesueuria un système nerveux bien distinct, et un point oculiforme qui est, sans aucun doute, le même que dans le cydippe. Nous avons longtemps conservé l'espoir d'étudier leur développement, leur anatomie ne laissant que fort peu à désirer ; jusqu'ici cette occasion ne s’est pas présentée , et nous doutons même qu'elle se présente encore. Description. — Le corps est divisé en huit compartiments établis par autant de côtes; ces divisions existent à la surface, et dans l’intérieur et sont toutes de même. | * Du côté de la bouche, les côtes s'arrêtent à une certaine distance et se terminent en pointe ; du côté opposé, elles s'étendent presque jusqu’à l’orifice postérieur, ou du moins continuent par un filament. Comme nous l'avons déjà dit, en dessous de chaque côte s'étend un vaisseau qui est en commu- nication directe avec le réservoir. Chaque côté présente à sa surface des lamelles vibratiles placées sur une ligne, et qui Sont dans un mouvement continuel. Elles agissent avec une grande régularité et ressemblent parfaite- ment aux planchettes d’une roue de bateau à vapeur. Ces lames fonctionnent comme des cils vibratiles. | Si l’on soumet au microscope une rangée de ces organes vibratils, on reconnait une série de lames déchiquetées irrégulièrement au bout, et dans lesquelles le mouvement persiste après la séparation complète de l'animal. Nous n'avons remarqué aucune trace de cellule ou d'organisation dans ces lames. À leur base on distingue un pédicule sur lequel la lame semble se mouvoir , et là aussi nous voyons des cellules agglomérées. Nous croyons aussi avoir remarqué tout à la base de ces lames des cils vibratiles de la dimension habituelle. Si on laisse cet animal quelques instants en repos, on voit s'étendre en 72 RECHERCHES # arrière deux filaments très-longs et qui dépassent même plusieurs fois la longueur du corps. On voit qu'il cherche à se fixer à l’aide de ces fila- ments. Ces organes, à l’état de repos, sont cachés dans une gaine située à droite et à gauche du canal digestif. Cette gaine est en communication avec l'appareil chylifique. On la reconnait facilement à travers les parois, parce qu'elle est seule opaque au milieu de tous ces tissus transparents. Une-ouverture arron- die livre passage à ces appendices. Chacun de ces organes consiste en une longue tige très-mobile, et qui donne naissance sur toute sa longueur à des filaments aussi très-contractiles ; ces derniers sont situés à peu près à égale distance les uns des autres. À un fort grossissement, cet organe ne montre que des cellules qui, en se dila- tant, allongent l’amarre ou la raccourcissent, en se contractant. A la base de la tige principale on aperçoit des points coloriés comme des plaques de pigment. l Cette description est conservée en portefeuille au moins depuis quinze ans. Quelle est la position véritable de ces animaux : faut-il les représenter la bouche en haut ou en bas? les deux cirrhes sont-ils étendus en avant ou flottants en arrière? Si on consulte l'attitude habituelle des cydippes, on voit en effet lorifice de la bouche dirigée en avant et les cirrhes flotter comme des amarres. Ensuite, cherchant à les homologuer avec les polypes véritables, ils prennent la même position. A dire vrai, en les rattachant aux méduses, il faudrait les renverser; mais les méduses mêmes doivent être placées la bouche en avant, et non la bouche en dessous, comme elles se tiennent habituellement. Il est vrai que l'appareil de relation se place au pôle opposé de la bouche, ce qui du reste se voit encore dans bien d’autres classes. Au milieu de cet animal globuleux, mince et transparent, on voit en avant un organe tubuleux, creusé dans son milieu, s’ouvrant en avant et en arrière et dont l’opacité des parois contraste avec tous les autres organes : c'est la cavité digestive. La bouche, qui est située en avant et au milieu, varie constamment dans sa SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 75 forme; les lèvres sont fort protractiles et s’allongent quelquefois pour former un entonnoir; ou bien elles se rapprochent, tout en se raccourcissant, et constituent une ouverture en forme de croix, dont la figure varie encore selon le degré de contraction; ou bien encore la bouche s’oblitère par le rapprochement complet des lèvres. À son entrée on ne distingue point de traces de cirrhes ou d’appendices ; par extension, les bords peuvent tout simplement représenter une trompe, comme nous en voyons dans quelques mollusques gastéropodes. La cavité digestive a dans sa longueur quatre replis longitudinaux que l’on aperçoit fort bien à travers les parois. Ce sont des replis semblables à ceux que l’on aperçoit dans le canal intestinal de plusieurs animaux, dont le but est d'augmenter la surface , et de faciliter par conséquent l'absorption. Quand la bouche est largement ouverte, on voit directement ces replis séparer celte cavité en quatre compartiments distincts. Des cils vibratiles recouvrent ces replis dans toute la longueur. En abandonnant quelques cydippes très-vivants dans de l’eau de mer noircie par la sépia ou le carmin , nous n'avons vu pénétrer dans l’intérieur qu’une très-petite partie de cette matière colorante. Nous avons été assez longtemps sans pouvoir nous assurer si cet appareil s'ouvre aussi en arrière, ou s'il est terminé en cul-de-sac ; nous avons fini par nous convaincre que cette cavité débouche dans le grand réservoir qui la suit, et y verse des globules qui entrent dans le torrent circulatoire. Cette cavité de l’estomac s'ouvre, en effet, comme M. Leuckart et d’autres l'ont vu depuis longtemps, dans un véritable réservoir d'irrigation dont nous allons parler tout à l'heure, réservoir qui débouche ensuite au dehors, au pôle opposé à la bouche, sans que cet orifice ait en aucune manière le rôle d’organe défécateur. Cet orifice correspond aux orifices observés dans plusieurs médusaires, et représente plutôt l'entrée d’un appareil aquifère, entouré de cils vibratiles. Lorsqu'on examine ces animaux pour la première fois, on ne distingue, malgré la grande transparence des tissus, que l'appareil de digestion et l'ap- pareil latéral des cirrhes ; tout le reste semble rempli d’eau. Mais quand ces organes sont bien connus, on finit par découvrir un véritable appareil Toue XXXVI. 10 74 RECHERCHES d'irrigation qui se ramifie dans tout l'intérieur. 1 y a au fond une grande analogie avec l'appareil cireulatoire que M. Milne Edwards a fait connaitre dans le genre Lesueuria, mais dans ce eydippe il nous semble plus facile à comprendre. Le fond de l'estomac s'ouvre, avons-nous dit, dans une cavité ramifiée qui à tous les caractères d’un réservoir. Ce réservoir donne naissance, à la hauteur du cul-de-sac de l'estomac , à deux trones qui se rendent vers l'organe particulier qui loge les cirrhes; de là ce canal continue et s'ouvre dans les deux tubes qui lui livrent passage ; ils sont ouverts sur le côté et établissent par là une communication avec le milieu ambiant. Les deux troncs, provenant du réservoir, montrent, sur leur trajet, deux autres branches qui se subdivisent à leur tour; les huit rameaux qui en résultent se dirigent directement vers la périphérie, se placent en dessous des huit côtes et se trouvent par là le plus près possible des lames vibra- tiles. Ces vaisseaux s’eflilent en avant et en arrière, et nous ne les avons pas vu donner naissance à des branches plus fines qui pussent s’anastomoser. Aussi nous croyons que tout l'appareil circulatoire se réduit à la disposition que nous venons de signaler. A vrai dire, M. Milne Edwards a observé dans d’autres animaux de cette famille que les huit canaux longitudinaux s'anastomosent entre eux en avant, et communiquent là avec d’autres canaux qui se rendent au réservoir commun, d'où résulte un mouvement circulatoire régulier, complet. Nous n'avons pas remarqué cette disposition dans le cydippe qui nous occupe. Nous n'avons point vu les huit canaux communiquer entre eux ou avec un autre tronc; nous nous figurons au contraire que ces canaux se terminent aux deux extré- mités de la même manière. Nous n’entendons aucunement mettre nos résultats en opposition avec ceux de M. Milne Edwards; le savant professeur du Museum a eu recours aux injections , et il n'y aurait rien d’extraordinaire que ses moyens d’investiga- tion lui eussent révélé des dispositions qui ont échappé à un examen ordi- naire,. Le liquide qui remplit cet appareil est incolore et transparent comme de SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 75 l'eau. Il contient des globules arrondis, qui permettent de suivre le courant. Une simple loupe suflit pour distinguer les vaisseaux et les mouvements du liquide. ; Il n’y a point de traces de cœur et point d'apparence de contraction dans les vaisseaux ; aussi le mouvement du liquide aquoso-sanguin est très-irrégu- lier. 11 varie avec les contractions générales du corps; on le voit tantôt complétement immobile, tantôt se mouvoir en avant ou en arrière et se rendre quelquefois avec plus où moins de force dans les vaisseaux. Nous n'avons pas remarqué non plus de cils vibratiles dans les vaisseaux ; ce n’est qu'à l'entrée du réservoir que nous en avons reconnu. M. Grant accorde à ces animaux un système nerveux qu'il représente comme un collier complet. C’est même au sujet de ce système qu'il a composé le travail qui est inséré dans les Hémoires de la Société zoologique de Londres. Nous sommes au regret de ne pouvoir corroborer ces observations. Voici ce que nous avons remarqué : il existe à la partie postérieure ou inférieure du corps , à côté de l’orifice aquifère, un organe qui a déjà été signalé par plusieurs. naturalistes. Il consiste en une vésicule unique, au milieu de laquelle on aperçoit un noyau opaque , qu'on distingue à la simple loupe. Au microscope , le noyau consiste en petites cellules ou globules fortement serrés les uns contre les autres. Nous n’avons pu distinguer des filets aboutissant ou partant de cette vési- cule, et il ne nous parait guère douteux que cet organe ne soit l’analogue des organes marginaux des méduses. Nous n'avons rien vu qui ressemble à un collier nerveux. D'ailleurs, aucun naturaliste ne semble avoir confirmé ces observations, ni Milne Edwards, ni Will, ni Leuckart ni Agassiz. Agassiz leur dénie même toute trace de système nerveux. Ces recherches n’ont donc rien fait connaitre de plus. J. Muller nous a assuré avoir observé sur de jeunes individus un gan- glion multilobé, situé à côté de l’otolithe et fournissant des filets nerveux aux côtes. Il a vu également, comme Leuckart, l’otolithe se mouvoir dans sa capsule, mais avec beaucoup de lenteur. Loin d’avoir trouvé l’occasion d'étudier le développement des cydippes, nous n’avons même pas été assez heureux de nous procurer des individus 76 RECHERCHES * ayant leurs organes sexuels développés. Il est possible que cette apparition n'ail lieu que dans l'arrière-saison. Heureusement d’autres ont pu combler cette lacune. Will a fait connaitre, par ses recherches sur les animaux de l'Adriatique, que les béroë sont hermaphrodites, et que les organes sexuels sont situés le long des canaux d'irrigation. C’est la même place qu'occupent les organes sexuels des médusaires. Les Ciénophores, jouissant de toutes les facilités de locomotion comme les Médusaires, il y a lieu de s'étonner que les sexes soient réunis dans ce premier groupe de polypes et séparés dans l’autre, J. Müller a vu des Cténophores très-petits ayant déjà la forme des adultes , et il en trait la conclusion que ces animaux ne subissent ni métamorphose ni métagenèse. Les belles recherches de M. C. Semper et quelques observations que nous avons eu l’occasion de faire dans ces derniers temps confirment pleinement ces supposilions. Nous avons vu dans plusieurs cydippes un nématoïde agame logé dans le grand réservoir, mais il ne nous à pas été possible de le déterminer; il doit évidemment continuer son évolution ailleurs. Dans d’autres, nous avons vu en outre un beau scolex de cestoïde qui, à son tour, était couvert de dis- tomes. Îl faudrait savoir à quels animaux ces cydippes servent de pâture, pour chercher chez eux ces mêmes vers sexués. Au distome ; DOUS avons donné le nom spécifique de minuta. CALLIANYRA HEXAGONA Escholtz. LESHOERIGE BEROË, Slabber, Vatuurk. uilspann., p. 56, pl. VII, fig. 5 et 4. Cette figure de Slabber a été reproduite dans l'Encyclopédie méthodique, par Bruguière, sous le nom de Beroë hexagona , pl. XC, fig. 5. Dans le Dictionnaire des sciences naturelles, cette même figure porte le nom de Callianare triloptère, et le nom de Janire hexagone, dans le Règne animal illustré. BEnoOE ovarus Baster. Cette espèce a été observée d’abord par Baster, qui la dit très-commune SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 7 «1 sur la côte et même dans le port de Zierikzee, pendant le mois d'avril. Nous n'avons pas reconnu encore ce Clénophore. Eynonoe BEenoë , Baster, Vatuurk. uitspann., pl. XIV, fig. 5, p. 145. BEROË ovara, Gronovius, Acta helvelica , t. V, p. 381. me SIPHONOPHORES. Il n’est pas bien constaté que des siphonophores aient été vus dans la mer du Nord, et si par hasard on avait constaté leur présence, ce ne serait en tout cas que d’une manière accidentelle. D'après Sars, il faudrait cependant excepter l'Agalmopsis elegans Sars, qu'il a observé vers la fin de septembre et au commencement d'octobre par- tout autour des iles Féroé *. Autour des mêmes iles Sars a vu, en outre, deux espèces nouvelles de diphyes : Diphyes truncata Sars, et Diphyes biloba Sars. Il avait cru d’abord que ces diphyes appartenaient à une même espèce ?. Re — DISCOPHORES. C’est le groupe le mieux représenté. CYANEA CAPILLATA. S Fa, : STRAAL-QUAL, Eten Natuur. uitspann., t. I, p. 65, pl. V, fig. 1. — Van Beneden, La strobilation des Scyphistomes, Bucc. Acap. R. DE BELGIQUE, 2nesér., t.. VII, n° 7. Cette grande et belle espèce, aussi remarquable par sa forme que par ses cirrhes et sa taille, ne se montre guère par bandes sur nos côtes. Du moins nous n’en avons jamais observé que des individus isolés. { Sars, Fauna littoralis Norwegiæ, pp. #1 et 45, pl. VII. 2? Ibid., pp. 41 et 45, pl. VII. 78 RECHERCHES Il est assez rare d'en trouver qui ne soient complétement développés. — ‘ Quand ils paraissent, ils ont habituellement tous la même taille. Nous n'avons vu qu'une seule exception sous ce rapport. Noas avons observé, au mois d'avril, un individu qui n'avait pas plus de quatre centimètres de diamètre. Nos pêcheurs, dit Baster, qui prennent le Kabilyauw non loin du Rif, près de Jutland, voient souvent par un temps calme et serein, une grande quantité de ces méduses, dont quelques-unes atteignent jusqu'à deux pieds. de diamètre. Ces pêcheurs assurent tous qu'ils apercoivent constamment, en dessous de ces méduses, une quantité de jeunes poissons, des Gadus morrhua (lengeties), Gadus carbonarius (Kooltjes), Gadus «æglefinus (Schelvisjes), qui se mettent sous ces méduses à l'abri de l'attaque des grands poissons, jusqu'à ce qu'ils aient atteint environ trois pouces de longueur *. Nous avons retiré des œufs d'une femelle, pendant le mois de septembre, et nous avons pu voir distinetement le fractionnement du vitellus. Des scyphistomes ont surgi dans notre aquarium, qui ne contenait pas plus d’un litre d'eau, peu de temps après le dépôt des œufs. Ces seyphis- tomes sont même restés en vie pendant plusieurs semaines dans un verre à ‘montre. On voit par là qu'ils ont la vie très-tenace. Nous avons déjà fait connaitre les principaux résultats de ces observations. Quelques-uns de ces scyphistomes sont restés assez longtemps en vie. Nous les nourrissions régulièrement. Ils sont carnassiers et très-voraces. Appendus à un corps solide, leurs cirrhes, pleinement étalés, font fonetion de filet qui arrête tout animalcule sur le passage. C’est comme une toile d’arai- gnée dressée pour les mouches, Aussitôt qu'un pelit crustacé où un ver est touché par le seyphistome, les bras l'enlacent et la proie paralysé est portée à la bouche par les mêmes cirrhes qui ont servi à lar- rêter. On les voit s'attaquer à des proies qui ont plu- sieurs fois leur volume. Nous avons vu des vers vi- vants, des Capitella capitata entre autres , saisis par deux scyphistomes à la fois, et tous les deux dévorer Deux scyphistomes avalant un u Capitelia capitala. en même temps une partie du ver: ! Baster, Vatuursk. uilspann., part. IT, pag. 65. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 79 Dans quel ordre les bras se développent-ils? Nous avons vu le plus souvent six tentacules surgir simultanément autour de la bouche, et entre chacun d'eux parait ensuite successive- ment une seconde couronne qui en élève le nombre à douze. — On en voit ensuite seize, puis ce nombre augmente tou- Ce pro ÏOUES; Nous avons pu suivre tout le développement de strobiles que nous avons vus surgir dans un aquarium dont les Scyphistome montrant le mode d'apparition des ES _… trois ans. Deux de ces strobiles étaient unis par la base; l’un était un peu plus âgé que l’autre. Voici ce qu'une observation attentive nous a fait connaitre : Un strobile a, pl. 1, fig. 1, formé de sa base et de onze segments, montre le 6 mars quelques restes des bras sur le bord du segment terminal, tandis qu'au pédicule il n’y a aucune trace de ces organes. I] y a une gradation entre les divers segments, de manière que celui qui est terminal , ou le plus àgé, a les lobes avec ses capsules sensorielles complétement développés, tandis que le segment opposé ou le plus jeune, montre seulement des échancrures indiquant la place des lobes. Le pédicule de ce strobile est contigu à un autre strobile un peu moins avancé b et dont l'étude comparative n'est pas sans intérêt. On peut con- clure de leur adhérence qu'ils sont nés lun de l’autre par voie gemmipare, c’est-à-dire par stolons. Il en résulte que le seyphistome, qui a donné des stolons, comme celui qui en provient, peuvent également se strobiler. Ce second strobile montre un assez grand pédicule , sans aucune apparence de bras, puis huit segments en voie de formation, dont le dernier, ter- minal, porte les longs bras, en tout semblables à ceux des scyphistomes, ainsi que la trompe. Aucun des segments ne montre encore dans ce second strobile de traces d’échancrure pour la formation des lobes. Le 7 mars, les derniers débris des bras de a ont disparu, et les derniers segments s’approchent de leur maturité. Le strobile à a beaucoup changé au bout de vingt-quatre heures; les bras objets, ainsi que l’eau, n'avaient pas été renouvelés depuis 80 RECHERCHES * du segment terminal ne s’étalent plus en lanières, et montrent des renfle- ments ou des nœuds sur leur trajet; le dernier segment est encore plus volumineux que les autres, et les échancrures qu'on découvre à la base des bras n'’indiquent aucunement qu'il se métamorphose. Rien n'indique qu'il s'apprête à une séparation et à la continuation de la vie de scyphistome. Les autres segments qui suivent commencent à s'échancrer régulièrement pour prendre la forme de méduse. Le 8 mars, le strobile « montre sur le bord de son pédicule les premiers rudiments d'une nouvelle couronne de bras; ils sont encore très-courts et surgissent successivement dans un ordre déterminé. Les uns. sont déjà un peu plus longs que les autres. Pendant la nuit la première méduse s’est détachée. Le strobile b présente un vif intérêt : les bras du segment terminal se raccourcissent encore plus, les nœuds deviennent plus volumineux et le bord libre commence à s’échancrer régulièrement, comme dans les autres seg- ments. On s'aperçoit même que ces échancrures sont régulièrement formées d’après l'insertion des bras. Une nouvelle méduse s’est détachée le 9 mars du premier strobile et une autre encore est prête à la suivre. Les tentacules du segment basilaire ont gagné en longueur. Le strobile ressemble à une robe à volants élargie surtout à la base par un luxe de crinoline. Le strobile b change sensiblement d'aspect; les bras perdent presque toute leur mobilité et semblent se flétrir sur le dernier segment. Les lobes commencent à se dessiner nettement. Le segment basilaire montre en avant un rebord qui est l'indice de la formation d'un nouveau segment. Avant le soir, deux nouvelles méduses se sont détachées du strobile a, de manière qu'il n’en reste plus que sept. Jeudi matin, 10 mars, le strobile « a perdu encore deux méduses, et les tentacules ont sensiblement gagné en longueur. Le strobile b s’est notablement allongé ; des segments nouveaux ont surgi, de manière que leur nombre s'élève à onze, comme il était dans le stro- bile «. La disposition des bras est très-curieuse, comme on peut le voir SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 81 dans la figure ci-jointe , qui représente les deux strobiles à cette période de leur évolution. Ces bras se résorbent très-régulièrement : ceux qui se trouvent au fond de l'échancrure des lobes, à la place qu'occuperont les capsules de sens, disparaissent les premiers et sont en effet sensiblement plus courts que les autres. La résorption s'opère sous les veux de l'observateur. Il ne reste plus, le 11 mars, que quatre méduses. Le segment basilaire montre des bras presque aussi longs que ceux qu'il avait d’abord, et qui sont d’une longueur fort inégale. sn Le strobile à montre distinctement ses onze segments et les bras du milieu des lobes du segment terminal sont complétement résorbés, sauf un dernier vestige qu'on découvre encore sur un des lobes. Le strobile a montre, le 12 mars, encore trois méduses ; les tentacules du segment basilaire ont notablement gagné en longueur. Le strobile b ne possède plus sur le segment terminal que quatre ou cinq bras courts et flétris, partant du fond des échancrures interlobaires. IT s'est formé encore un nouveau segment aux dépens de la portion basilaire , ce qui élève le nombre de segments à douze. Le strobile « ne porte plus que deux méduses, le 13 mars, et toutes les deux sont développées de manière à pouvoir se séparer prochainement. Towe XXXVI. LE. 8 RECHERCHES #® Les bras du capitule se sont encore toujours allongés ; on dirait que ce sont les bras primitifs. Le strobile b se compose maintenant de quatorze segments; le dernier a perdu complétement ses bras et ressemble tout à fait aux autres. Le capitule n'en montre pas encore de nouveaux. Il ne reste plus, le 14 mars, qu'une seule méduse à l’un des strobiles et l'autre affecte la forme d'un long feston , presque également large à ses deux bouts. Le strobile & a donné, le 15 mars, toutes ses méduses. La portion basi- laire a les bras aussi longs et aussi nombreux qu'avant la strobilation. I n'y a pas de différence dans la mère avant et après la parturition des méduses. Le strobile b change notablement : les derniers segments s’élargissent et ne sont pas loin de prendre leur élan. Pour la première fois nous voyons des rudiments de bras sur la mère scyphistome. On voit qu'ils correspondent à la division quaternaire ; on en compte huit. Le 16 mars, le strobile a s’accroit et prend le même volume que ses voisins ; il étale comme eux ses bras pour saisir la proie au passage. Le strobile b est prêt à donner la première méduse. Le 17 mars, je suis parti de bonne heure ; je ne doute pas que la première méduse ne soit née pendant la nuit. Elle pulsait fortement la veille au soir. Le 22 mars, ce strobile a jeté toutes ses méduses, à l'exception de deux qui ne tarderont pas à suivre les autres. Le 23 mars, le strobile est redevenu scyphisiome ; toutes les méduses se sont détachées et nagent librement dans l'aquarium. Pendant plusieurs mois, j'ai toujours tenu en vue ce même seyphistome qui avait complétement strobilé, dans l'espoir de le voir strobiler de nou- veau l’année suivante. Un accident l'a détruit. Il résulte de ces observations : 1° Que le corps du scyphistome se segmente lui-même pour devenir strobile ; 2° Que le segment terminal ne se sépare pas avec les bras, comme on l'a supposé, pour continuer ailleurs la vie de scyphistome ; | 3° Que les bras s’atrophient et se résorbent sur le dernier segment ; * 4° Que tous les segments deviennent des méduses semblables et sexuées; SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 83 5° Que la formation des segments a lieu successivement, et qu'il en appa- rail même quand les derniers segments sont déjà assez avancés; 6° Que les méduses se détachent des strobiles en six ou sept jours ; 1° Que le capitule acquiert des bras pendant que les segments adhèrent encore ; 8 Qu'on ne trouve pas de différences entre la mère scyphistome qui s’est strobilée et le capitule qui a repris ses bras ; 9% Qu'un scyphistome, après avoir donné un stolon, peut encore se stro- biler ; 10° Que les méduses ne sont pas seulement la progéniture de la mére scyphistome, mais aussi la transformation de sa substance. Il y a métamor- phose et métagenèse à la fois ; 11° Que les méduses n’ont pas toutes une origine exactement semblable , puisque le premier segment seul a porté des bras , qui se sont résorbés, et que sa trompe est celle de la mère, qui doit en faire une nouvelle. Il reste les points suivants à élucider : 1. Que devient le nouveau scyphistome après avoir strobilé? Recom- mence-t-il? . Les mêmes scyphistomes produisent-ils des mâles et des femelles ou n’engendrent-ils que des individus de l’un ou de Pautre sexe ? ur. Dans cette dernière supposition, existe-t-il des différences entre les scyphistomes qui engendrent des mâles et ceux qui engendrent des femelles ? Nous ne pouvons répondre à ces questions par des observations directes ; nous ne savons même si on pourra jamais le faire. Nous énoncerons simple- ment ici notre avis. Nous pensons que les scyphistomes continuent à vivre après avoir strobilé, et qu'à la saison suivante ils engendrent de nouveau des méduses. Ceci est basé sur cette observation, que nous avons vu des strobiles apparaître dans un aquarium au moins trois années de suite et engendrer des méduses , sans que l’eau ou les objets eussent été renouvelés pendant ce temps. Nous suppo- sons que les mêmes animaux ont donné ainsi des méduses pendant plusieurs années. Sans cela, il faudrait admettre que des scyphistomes sont restés pendant au moins trois ans à l’état latent. 84 RECHERCHES Quant à l'hypothèse des strobiles exclusivement mâles ou femelles, nous n'avons à alléguer que la preuve tirée de l’analogie. Nous doutons qu'il soit jamais possible de poursuivre les mêmes méduses jusqu’à l'apparition de leurs organes sexuels pour distinguer les mâles des femelles. A la troisième question, nous répondrons que nous ne voyons aucune différence entre les strobiles et que, chez eux comme chez les campanulaires et les tubulaires, les colonies des deux sexes sont semblables. RHIZOSTOME DE CUvVIER. — Rhizostoma Cuvierii Lamk. M. Miixe Enwanps, Règne animal illustré, pl. XLIX. — KerensteN, Unters. über nied. Seethiere, NacuricurTEn ; Gôtting, feb., 1862; p. 64. Cette grande et belle espèce, reconnaissable à sa couleur bleu de coupe- rose, vient très-irrégulièrement sur la côte d'Ostende. Son apparition ne correspond point à telle ou telle saison. Nous en avons vu souvent en quantité pendant toute l’année, mais jamais nous n'en avons vu autant que l'hiver dernier, pendant les mois de novembre et de décembre. La plage en était littéralement couverte à chaque marée. On sait que le manubrium de ces belles méduses est très-développé, et qu'il porte pour ainsi dire deux étages de cirrhes qui donnent un aspect par- ticulier à l'animal. Ces cirrhes sont si nombreux que la surface des organes qui les portent ont un aspect chevelu. L Ces organes sont généralement allongés et étroits, mais il y en a aussi qui sont aplatis et assez larges, avec le bord garni de filaments comme un peigne à dents molles; on voit même le liquide se mouvoir dans la portion élargie. Quatre canaux principaux partent de la cavité de l'estomac. Vers le milieu de leur longueur, ils sont coupés à angle droit par d’autres canaux circulaires. M. Milne Edwards a donné une magnifique figure d’un rhizostome injecté, dans le Règne animal illustré de Cuvier, Zoopnvyres, pl. L. Tout autour du bord de l'ombrelle, il existe quatre capsules sensoriales correspondant aux quatre vaisseaux droits. On peut les voir facilement à SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 85 l'œil nu. On dirait des grains de sable jaune doré, enchâssés dans un lobe membraneux. Autour de chaque otolithe, on voit des replis réguliers, d’une forme con- stante et quelques filets, peut-être nerveux, qui y aboutissent. En tout cas, eet organe de sens est fort bien protégé. Les ovaires ont une teinte rosée qu’on distingue à travers l'épaisseur du corps. Chaque ovaire se compose d'un corps frangé, qui s'étend tout autour de la cavité de l'estomac ; il nous à paru formé d’un feuillet double, au milieu duquel apparaissent les œufs. Nous avons vu des œufs à leur début ne montrer encore que les vésicules germinatives. Nous n'avons pas observé le fractionnement du vitellus; mais nous avons vu le vitellus s'organiser en embryon cilié, s’allonger ensuite et s’efliler, puis décrire dans leurs mouvements des tours de spire comme des embryons de mollusque. Nous n'avons pas suivi plus loin ces Planula. Ces observations ont été faites au mois de septembre. CHRYSAORA HYOSCELLA Esch. Synonymie. — CHRYSaoRA HYSOSCELLA , Esch. — — Esch. Syst., p. 79, t. VIE, fig. 2. > CyanEA curysaora, Cuv., R. an. illustr. Zooph., pl. XLVIT. Unrica MariNa, Borlase, pl. XXV, fig. 7-12. CHRYSAORA cYGLONATA , Peron et Lesueur. Nous avons souvent observé cette belle espèce , à Ostende, pendant l’au- tomne. Les cirrhes, au nombre de vingt-quatre, sont remarquables par leur exces- sive extensibilité. On voit un cordon vésiculeux logé dans une gaine, et sur le trajet duquel on aperçoit quelques vésicules gonflées et d’autres affaissées. Il ne nous reste aucun doute que ce ne soit dans la contraction de ces vésicules que réside le mouvement de ces cirrhes en longueur, en brièveté et même en direction. Les Chrysaora hyoscella de grande taille seraient hermaphrodites, d'après Strethill Wright, tandis que les individus plus petits seraient unisexuels s6 RECHERCHES par suite de la suppression, tantôt de l'appareil mäle, tantôt de l'appareil femelle ". On compte huit vésicules sensitives; elles occupent la place d'un cirrhe. Le nombre de festons sur le bord de l’ombrelle est de trente-deux. Ceux-ci sont colorés en brun; les vésicules sensitives ont une teinte jaunätre. Au milieu de l'ombrelle, on distingue des lignes colorées toutes superficielles qui rayonnent autour du disque. Il y à quatre appendices assez longs et plus ou moins frangés. On voit en dehors autant de bouches, et puis une cinquième au centre de la tige. Les ovaires étaient chargés de planules en voie de développement. Nous en avons vu de très-peu avancées qui tournaient sur elles-mêmes, et d’autres qui nageaient librement aussitôt qu'on les dégageait de leurs enveloppes. Nous avons observé cette espèce au mois de septembre. AURELIA CRUCIATA Linn. GEKRRUISTE ZEr-QuaL, Baster, Vatuurk. uilspann., p. 142, pl. XIV, fig. 5-4. Différentes fois déjà, nous avons trouvé cette espèce en abondance sur nos côtes. Nous en avons observé une année, au mois de juillet, pendant trois semaines, une quantité prodigieuse. Elle est assez longtemps reconnaissable par suite de la consistance de ses tissus. Nous avons semé des œufs fécondés de cette espèce, dans notre aquarium, le 8 mai. Le 21 du même mois, nous trouvons des scyphis- tomes, qui ont les uns six cirrhes autour de la bouche, les autres huit. Quatre jours après, nous en voyons qui jettent des stolons et dont les cirrhes se sont développés en nombre et en longueur. Le 30 du même mois, nous comptons seize cirrhes fort extensi- bles, et la bouche complétement formée en trompe. On voit les Seyphisiome. cloisons dans l’intérieur. ‘Ann. und Mag. of nat. Hist. PR D Rene pur SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 87 AURELIA AURITA. Cyanea aunrA, Cuvier, Règne animal illustré, pl. LVI. GEOORDE ZEE-QUAL, Houttuyn, XIV, p.415, pl. CXIT, fig. 2. Cette espèce visite régulièrement nos côtes, mais on ne la voit nulle part en si grande abondance que dans la Baltique. La mer en fourmille vérita- blement pendant l'été. Quelques auteurs ont cru que c’est la seule espèce de la Baltique. M. V. Siebold à fait connaître depuis l’existence de la Cyanea capillata, qu'il a rencontrée près de Dantzig. GEeryonoprsis Forgesn Van Ben. (Planche I, fig. 1-7.) La méduse que nous faisons connaitre ici est une vraie géryonidée par le développement de son manubrium, et c’est de la Geryonopsis delicatula de Forbes qu’elle se rapproche le plus. Nous avons même cru que c’est cette même espèce que Forbes a pêchée sur la côte sud de l'Angleterre. Une autre méduse des côtes de Shetland, péchée par Forbes et Goodsir, qui n’a pas recu de nom, diffère par ses cirrhes plus longs et plus nombreux, et par quelques autres particularités ". Il n’est pas impossible que cette méduse de Shetland appartienne à l'espèce de nos côtes; nous la dédierons à lillustre auteur de tant d'ouvrages remarquables, dont tous les amis de la science regrettent si profondément la perte. N'est-ce pas la même espèce que MM. Frey et Leuckart ont observée à Helgoland, et qu’ils indiquent avec doute sous le nom de Geryonia pellucida *. Il faudra voir aussi si la Thaumantias multicirrata n’est pas la même. C’est une des plus gracieuses espèces que lon puisse voir. Nous l'avons observée un jour du mois d'avril, nageant librement dans le réservoir d'une des huitrières d’Ostende. Le corps est d’une transparence parfaite. On dirait une ombrelle en cristal. Forbes, Brit. nak. medusae, p. 40. ? Beilräge...…. p. 158. 3 Sars, Beskrivelser..…, p. 20, pl. V, fig. 12. ss RECHERCHES " L'ombrelle est assez fortement bombée, et le manubrium dépasse la moitié de son étendue, son bord est garni d’une soixantaine de cirrhes comparative- ment peu extensibles. Ces cirrhes sont tous semblables ; à la base ils sont un peu élargis et se touchent de manière qu'il n'y a'pas de bord libre. On voit distinctement le canal circulaire charrier son liquide incolore et granuleux. Nous n'avons pas vu de capsules sensoriales. Le manubrium est terminé à son extrémité libre par des cirrhes mem- braneux formant des franges autour de la cavité de la bouche. Ces franges sont d'une mobilité de formes très-grande. Nous les avons représentées, mais il est difficile d’en donner une idée exacte à cause de leur extrême délicatesse. Ces franges ne sont pas transparentes et hyalines comme le corps de l'animal ; leur opacité fait contraste avec le reste du corps. On voit à travers l’ombrelle les quatre canaux gastrovasculaires, mais au lieu de naitre directement du fond du manubrium, ces quatre canaux nais- sent le long des parois de cet organe, et on les apercoit distinctement jusqu’à la naissance des.corps frangés. C’est une disposition qui mérite d’être signa- lée. Le Tima flavilabris, figuré par Eschscholz, montre ces canaux beau- coup plus développés. Il est à remarquer que notre animal est adulte, puisque les organes sexuels sont développés ". Nous n'avons vu que le mâle. Les testicules sont assez volumineux et se développent sur chacun des quatre canaux partant de l'estomac. Ils étaient pleins de spermatozoïdes, sauf un seul, qui venait d'être vidé au moment où nous avons pris l'animal. THAUMANTIAS CYMBALOIDES Aut. Le 13 juillet 1768 Slabber pécha une petite méduse de la grandeur d'un noyau de pêche; il s'extasia devant sa beauté de forme et d'organisation. Au moment même où il la prit, l'acalèphe avait avalé un poisson ; la tête était encore hors de la cavité digestive, et il put aisément reconnaitre l'appareil de la digestion. Cet animal est très-bien décrit et figuré, comme tout ce que nous à légué cet habile observateur. Toutefois des organes ont été impar- ! Eschscholz, System de Acaleph., pl. VUE, fig. 5. he ES SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 89 faitement observés, et comme personne depuis ne semble avoir retrouvé cet animal, on ignore encore quelques-uns de ses véritables caractères. La cavité gastrique est dépourvue de tout appendice labial, et se termine en des- sous par quatre prolongements flottants qui constituent le manubrium. Slabber le compare à une sonnette. C'est à tort, à notre avis, que plusieurs naturalistes ont pris cette figure de Slabber comme inexacte, et prétendent que ce dessin a été fait d’après la Thaumantias hemispherica. Slabber a représenté, dans cette occasion comme dans toutes les autres, les objets avec la plus scrupuleuse exactitude. Ce n’est pas comme on l’a dit « bad representation of T. hemispherica. Synonymie. — Oceania cYmBaLoïneA? Peron et.Lesueur, Tableau des caract., p.546. THAUMANTHIAS CYMBALOÏDEA , Eschscholtz, Syst. der Acalephen, p.102. BELGELYKENDE KWAL, Slabber, MNatuurk. verlust., p. 99, pl. XI, fig. 1-5. — Encyclop. méthod., pl. XCHE, fig. 2-4. Nous n'avons observé cette espèce qu’au mois d'août. L'animal est complétement transparent et on ne voit, quand il nage , qu’une croix formée par les canaux gastrovasculaires. Dans son état habituel, cette méduse nous a offert une forme un peu diffé- rente de celle que Slabber a figurée; son ombrelle est plus élargie, moins élevée, et par là ressemble moins à une sonnette de table. La cavité gastrique est assez spacieuse. Il n’y a qu’une seule bouche, située au milieu du manu- brium. Cet appendice se divise en quatre branches très-contractiles, que Slabber n’a point observées, soit que son exemplaire füt mutilé, soit qu'il fût dans un état de contraction forcée. La forme et la grandeur de la bouche varient à cause de la grande con- tractilité des organes qui la constituent : nous l'avons observée largement ouverte. Dans un exemplaire placé sur le dos, elle avait presque une forme carrée; quelquefois aussi nous l'avons vue circulaire et formant une croix grecque. Cette cavité gastrique peut en grande partie s’effacer et se rappro- cher de la forme que nous voyons dans les équorées. De la cavité gastrique, on voit partir quatre cordons assez larges, qui se rendent en ligne droite au canal cireulaire qui entoure le bord du disque. Toue XXXVI. 12 90 RECHERCHES * Vers le milieu de chacun de ces canaux est appendu un organe formant des replis, et qui se détache ensuite pour constituer un appendice flottant. C’est comme un intestin adossé au vaisseau gastrique. Au microscope, on reconnait dans les parois et dans l’intérieur de cet organe des cellules adossées les unes contre les autres, montrant fort distine- tement leur noyau et leur nucule. Nous ignorons si ce sont des œufs ou des spermatocystes en voie de développement. Nous n'avons pu les observer assez longtemps pour nous en assurer. L; Dans l'espace compris entre les quatre canaux, les parois de la cavité gastrique sont teintes en rouge, comme la base des appendices. La circulation est très-distincte : on voit un liquide chargé de globules assez réguliers, se mouvoir dans l'intérieur des quatre canaux, et se rendre de là sur le bord du disque dans le canal circulaire. Dans quelques appen- dices nous avons vu aussi le liquide du canal se rendre dans l'intérieur des cirrhes qui bordent le disque. Nous ne pensons pas que le liquide puisse se répandre au dehors, par le bout de ces appendices, du moins à l’état normal. Les grands appendices qui ornent le bord du disque sont au nombre de vingt-quatre. Ce nombre ne correspond pas exactement avec celui qui est indiqué, mais il y a eu probablement erreur dans l'énumération. Au bout de chaque canal droit on voit un de ces appendices; puis on en distingue cinq entre ces premiers, ce qui élève le nombre à vingt-quatre. Ils sont extraordi- nairement contractiles et peuvent s'étendre fort loin. La base est renflée et de couleur rougeâtre. Comme nous l'avons dit plus haut, nous avons vu le liquide pénétrer dans son intérieur, mais nous ne l'avons pas observé jusqu'au bout de l'appendice ; il nous a paru cependant qu'ils sont creux dans toute leur longueur. Dans l'intérieur nous avons observé des cils vibratiles à la base. Sur loute l'étendue on aperçoit des nématocystes. Entre ces longs appendices on en voit un certain nombre de petits et de fort irréguliers, dont les formes varient surtout à cause de leur grande con- tractilité. Les capsules de sens sont assez volumineuses et au nombre de huit. On voit dans chacune d'elles un liquide transparent, au milieu duquel se trouve une cellule plus grande que les autres et de couleur brune , adossée à une SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. M cellule transparente. De chaque côté sont logées trois autres vésicules plus petites et transparentes , serrées les unes contre les autres. Ne sont-ce pas des organes qui font fonction à la fois d'œil et d'oreille ? THAUMANTIAS HEMISPHERICA O.-F, Müller. Le même jour que nous avons observé les Thaumantias cymbaloïdes dans l’arrière-port d'Ostende, nous avons observé une autre petite méduse, trans- parente comme le cristal, ayant vingt-quatre cirrhes marginaux fort longs et très-rétractiles, s’entortillant les uns dans les autres, de manière à simuler un filet. Nous croyons que c’est la même méduse que O.-F. Müller a décrite et figurée sous le nom de Hedusa hemispherica. Synonymie. — ? TaaumanTiAs HEMISPHERICA, Eschscholtz, Syst. d. acaleph., p. 105. ? Encycuor. meruop., pl. XCHI, fig. 8-11. ? — Frey et Leuckart, Beilräge.…., p. 158. ? Mepusa nemispuericA, Müller, Zool. dan., pl. VII. Oceania panica? Peron et Lesueur, Tableau des caract., p. 548. Cette espèce a la grandeur d’un fort noyau de cerise. Le corps est vraiment hémisphérique et le bord de l'ombrelle porte vingt- quatre cirrhes longs et fort rétractiles également développés. Ils sont tous légèrement renflés à leur base. Il n’était pas possible de les séparer les uns des autres. MESONEMA HENLEANA. ÆqQuorea HENLEANA, Kôll., Frey et Leuckart, Beiträge zur Kentn., p. 138. Nous avons observé cette espèce aux mois d’août et de septembre sur la côte d'Ostende, et quelquefois en assez grande abondance. Une équorée de la côte d'Amérique (Æquorea ciliata Esch.) semble avoir assez de ressemblance avec cette espèce, et sans la présence des cirrhes buccaux et le petit nombre de canaux gastro-vasculaires, on serait tenté de les réunir. L'animal présente la forme d’un disque légèrement bombé; il est hyalin, 92 RECHERCHES * tout à fait incolore; le bord de l'ombrelle est garni tout autour de fila- ments trop nombreux pour être comptés. Ces filaments sont tous de même forme, également gros à leur base et à leur sommet; sous ce rapport ils diffèrent des appendices que l’on trouve ordinairement chez les animaux de celte classe. Ils ne peuvent guère s’allonger. Leur situation est très-régulière ; ils sont serrés à leur base les uns contre les autres, et nous ne trouvons pas dans cette acalèphe les capsules sensitives qui garnissent habituellement le bord marginal du disque. Ces filaments appendiculaires sont pleins et dé- pourvus de cils. Le disque en dessus est lisse et uni. En dessous on voit flotter une membrane attachée circulairement au centre et circonscrivant une cavité qui occupe un peu plus du tiers du diamètre du disque : c’est la cavité gastrique. Elle n’est point creusée dans la substance même du disque ;: et disparaitrait entièrement avec la bordure membraneuse dont nous venons de parler. Cette membrane circulaire pend en dessous du disque et finit brusquement comme l'ouverture d’un tube. Les bords ne peuvent point se rapprocher de manière à clore cette cavité, aussi l'eau entre et sort librement en tout temps. Tout autour de cette cavité circulaire on découvre, à la base de la bor- dure, à son point d'insertion sur le disque, des ouvertures de canaux droits disposés en forme de rayons à la face inférieure de lombrelle. Ces canaux ne sont pas anastomosés entre eux ; le liquide qui cireule dans l'intérieur doit revenir sur ses pas pour se renouveler. Nous n'avons pas vu d'organes sexuels. La bordure membraneuse qui circonscerit la cavité gastrique est garnie, sur son bord libre ou son bord inférieur, d'appendices très-mobiles et très-va- riables en longueur. C’est sur leur présence que Eschscholtz a établi le genre Mesonema. Ce sont des équorées avec des filaments marginaux sur le bord de la cavité gastrique. Ces appendices ou cirrhes se contractent et s'étalent, en montrant dans leur longueur comme dans leur diamètre une infinité de modifications. C'est au mois de septembre, en 1842, que nous avons observé cette espèce pour la première fois; depuis nous l'avons vue à la même époque à différentes reprises, quelquefois en grande abondance sur la plage, mais sans y avoir distingué d’autres organes que ceux que nous venons de signaler. de SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 95 Oceania GED (Océanie de Gaëde.) Plusieurs espèces de ce genre sont fort incomplétement décrites ; nous ne doutons cependant pas , d’après les caractères indiqués par les auteurs , que l'océanie de Gaëde n'ait échappé aux recherches des naturalistes, et nous croyons celte espèce réellement nouvelle pour la science. Le nombre des cir- rhes et des canaux, la disposition de la cavité gastrique et la taille la dis- - tinguent suffisamment des océanies connues. Nous avons vu cette espèce en quantité prodigieuse, pendant une haute marée, dans l’arrière-port, près de l’écluse de Slykens. Il y en avait un si grand nombre qu'un sceau d’eau pris au hasard pour un aquarium, en renfermait des centaines. C'était au mois de septembre. Ces méduses ne nous semblent pas avoir subi leur évolution complète, et elles portent encore les traces, au milieu du disque, de leur récente séparation du strobile. Elles ont la grosseur d’une aveline. Le corps est d’une transparence complète. Le manubrium seul est opaque et a une teinte rougeàtre. Le disque est un peu plus élevé qu'il ne l’est com- munément. Son bord est garni de douze cirrhes fortement extensibles , tous de même longueur et placés à la même distance les uns des autres. Pendant la contraction , on les voit s’enrouler en tire-bouchon. Les capsules de sens sont fort simples : on en voit régulièrement deux entre les cirrhes ; elles ne sont formées que d’une simple cellule renfermant un noyau; elles sont incolores et on ne voit aucun mouvement dans leur inté- rieur. Ce nombre deux est la règle entre les cirrhes, mais cependant on en voit quelquefois trois ensemble, et quelquefois seulement une. La cavité gastrique a les parois assez épaisses ; la bouche est divisée en plusieurs lobes que nous n'avons pas comptés exactement. À la surface du disque, cette cavité se prolonge par un pédicule, qui pourrait bien n’appar- tenir qu’au jeune âge et disparaitre plus tard. On voit, en effet, souvent des prolongements semblables au moment où les jeunes méduses se séparent. 94 RECHERCHES # OCEANIA SANGUINOLENTA. — Océanie sanguinolente. KERMIN BEROË, Slabber, Maturk. Verlust., p. 110, pl. XIE, fig. 5. Oceania SANGuINOLENTA ? Peron et Lesueur, Tableau des caract., p, 547. Cette espèce a été observée par Slabber, à Middelburg. LizziA ocropuxcrATA Sars. C'est dans des Lizzia que Sars a vu en premier lieu ce phénomène curieux et imprévu d'une méduse adulte produisant, non des organes sexuels, mais des gemmes qui se transforment directement en de nouvelles méduses. Il a observé également ce phénomène dans le Thaumantias mullicirrata , et le célèbre observateur de Christiania a même pensé qu'il pouvait être commun à toute la famille des Océanides. | Cette singulière reproduction a été observée depuis par un grand nombre de naturalistes, et sur des genres fort divers. C'est au mois d'avril 1847 que nous avons vu, pour la première fois, ces Cyteis à Ostende, au milieu de tubulaires et de campanulaires. La même année Forbes signalait cette remarquable espèce sur la côte d'Angleterre , et lui assigna sa place dans le genre Lizzia, qu'il avait créé en 1846. Synonymie. — Cvreis ocropuxcrara, Sars, Beskrivelser og Jagttag, p.28, pl. VL fig. 14, a-g.; Wiegmann's Archiv, 1857, p. 406; Fauna litt. Norvegia, p. 10, pl. IV, fig. 7-15. HippOcRENE ocroPuncrTaTA , Forbes, Ann. of nat. hist., vol. VIT, p. 84 (1841). BoucaxviLcea ocropuxcrara, Lesson, Acalèphes, p: 292 (1845). Lizzia ocropuxcrara, E. Forbes, Brit. naked.-eyed Medusa. London, 1848, p. 64, pl. XI, fig. 5. Nous trouvons cette intéressante espèce assez communément, au printemps, à Ostende. Nous avons toujours vu les parois de l'estomac chargées de gemmes. Un individu s’est retourné sur lui-même, de manière que le manubrium est couvert de gemmes. Nous avons vu sortir de l'estomac des crustacés el des navicelles. D LE né SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 95 CircE nyauNA Van Ben. Cette petite méduse a de la ressemblance, au premier abord, avec la Lizzia octopunctata de Sars, mais elle porte huit vaisseaux gastrovasculaires au lieu de quatre, et elle n’a pas de gemmes sur le manubrium. Ce nombre de vaisseaux nous oblige en même temps de la placer dans un autre genre, et, sans connaitre d’une manière certaine la situation des organes sexuels, nous ne pouvons nous empêcher de la placer dans le genre Circe. Nous ne connaissons que le téléon. Il est probable que c’est une tubulaire quelconque qui produit celte espèce. Elle à la même taille, la même forme et la même transparence que la Lizzia octopunctata de Sars; mais, outre la différence dans le nombre de canaux et l’absence de gemmes sur l'estomac, chaque groupe de cirrhes est au moins de trois et quelquefois de quatre. Dans la Lizzia octopunctata, is sont de trois et quelquefois de deux, jamais de quatre. Elle a une forme hémisphérique ; tout le corps est hyalin , à l'exception de l'estomac et des cirrhes tentaculaires. On distingue à la surface huit côtes qui correspondent aux canaux gastrovasculaires. Au bout de chaque côte on voit un gros tubercule un peu opaque, eu égard à l’excessive transparence du reste du corps , et sur chacun d'eux s'élève un groupe de cirrhes très-rétractiles. Nous n'avons pas vu d'organes de sexe. Le haut de l'estomac est divisé en lobes très-mobiles, et l'animal pourrait au besoin les montrer au dehors et s’en servir comme d’une trompe. Rien n’est coloré dans cette méduse. LUCERNAIRES. KerERsrEIN, Gattung Lucernaria, Zerr. Fr. Wiss. ZooLocte, vol. XIT, p. 1, pl. I. C'est 0. Fr. Müller qui a découvert les Lucernaires. Ce sont des animaux dont les affinités semblent bien douteuses, à voir la place qu'on leur a tour à tour assignée. Cuvier en fit d’abord des acalèphes fixes et les rapprocha des 96 RECHERCHES actinies et des’zoanthes. Cette opinion semble encore partagée par MM. Milne Edwards et Haime. Lamarck en fit des acalèphes mollasses, de Blainville et Ehrenberg, des polypes voisins des actinies. Frey et Leuckart les placent parmi les anthozoaires ‘. C’est aussi l'opinion de Sars, qui reconnait cependant qu'ils se rapprochent des acalèphes par les organes sexuels. Huxley, Allman et Keferstein en font de véritables acalèphes, et ce dernier en fait un ordre à part à côté des Acrospeda et des Craspedota, sous le nom de Lucernariada. Johnston place aussi les lucernaires à côté des actinies dans un seul et même groupe. Îl cite trois espèces observées sur les côtes d'Angleterre : Lucernaria fascicularis Flem. — auricula Aut. — campanulala Lamx. La lucernaire est un scyphistome en permanence; c’est sans doute ce que gassiz a voulu exprimer en comparant une figure de scyphistome, de strobile et de jeune téléon avec un lucernaire. D’après Keferstein, c’est une méduse en arrêt de développement. Le genre Carduella de Allman est voisin des Fo : Les lucernaires sont des polypes du Nord plutôt que du Midi : on les trouve, d’après Sars”, sur la côte du Groenland sous le 65°, et même en Norwége jus- . qu'au 70° près de Nardôe ; Keferstein ‘ en a observé plusieurs espèces sur la côte de Normandie, et Quoy et Gaimard l'ont reconnu dans la Méditerranée *. LUCERNARIA AURICULA Müll. MüLcer, Zool. Dan, t. IV, p. 55, pl. CLII, fig. 1-5. M. Meyer nous a fait voir, à Hambourg, des points oculaires à la base des tentacules. Ce polype arrive accidentellement sur nos côtes et peut-être, comme tant d’autres , plus communément qu'on ne le pense. Beiträge..…. SH Allman, Quarterly Journal of microscopical Science. April, 1860. 5 Fauna littoralis Norvegiae.…, p. 20, pl. 5. # Gütting Nachrichten, 1862, n° 4, p. 61. * Voyage de l’Astrolabe de Dumont d'Urville. 1 2 SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 97 Maitland cite la Lucernaria auricula, la même que Ot. Fr. Müller a observée et décrite, au Veerschegat (côte de Hollande). Nous ne l'avons jamais observée, mais il ne nous parait pas douteux qu'on la découvrira sur nos côtes. Mettenheimer a pêché une lucernaire à Helgoland, qu'il croit former une espèce nouvelle ‘. Sars cite les espèces suivantes de la côte de Norwége : Lucernaria quadricornis Müll. — auricula Rathke (non Fabricius ). — cyathiformis Sars. Ce dernier doit évidemment former un genre à part. Keferstein a observé, à Saint- Vaast, la Lucernaria octoradiata, et la Lu- cernaria campanulata Lamk. TUBULARIDES. Historique. — Des travaux remarquables ont été publiés, dans ces der- nières années, sur ce curieux groupe de polypes; nous donnons ici l'énumé- ration de ceux que nous connaissons : KüLuren, Zeils. f. wiss. Zoologie, 1855, p. 500. Josuua ALver, À notice of some new genera and species of british hydroiïd Zoophytes, Axx. AND MAG. NAT. HIST., novembre 1856. Josnua ALDer, À catalogue of the Zoophytes of Northumberland and Durham, Newcasrue- uPon-TyNE, 1857 (genres Vorticlava, Hydraclinia, Coryne, Eudendrium, Tubularia, cory- morpha). ! Abhand. senck. nat. Gesels., 1854. Toue XXXVI. 15 98 RECHERCHES ALLAN, On the structure of the reproductive organs in certain hydroid Polypes, Pnocgen. OF THE ROY. SOciErY. Session 1857-58. Canisr. LovÈx, Till utvickelingen of hydractinien. (Sur le développement des Hydractinies), Buzcer. Acan. sc. De Srocknoun, 4857, p. 507. Prof. ALLAN. Observat. on the morphol. of the reprod. org. in the hydroïd Polypes. (Euden- drium ramosum.) T. Srreruizz Wnicur, Observations on brit. Zoophytes. Envie. New puiL. JounxaL; new series. July 1858. T. Sruermiz Waicur, Observations on british Zoophytes. Enixe. New pmL. Jounna; new series. Janv. 1859. À Review of the state of our knowledge of the british Tubulariadae, Roya Pays. Society OF EniNBuncu. Sans, Om ammesloegten corymorpha.….. Forh. Vidensk. Selsk. Christiania, 4859. ALLAN (genres Hydractinie et Padocorygne), AnN. nar. misr., 1859, p. 51. Rév. Tuow. Hincks, À Monograph on the british Hydrozoa. Jos. ALner, Ann. of nat. hist. April 4862, TyNisCH CLUB TRANSACTIONS. Rév. Tuom. Hincks, on CLavatELLA, Ann. and Mag. nat. hist. Febr. 1861. CLararÈDE, Beiträge zur fauna der schottischen Küste, ueber geschlechtliche Zeugung von Qual- len, Zeit. F. Wiss. z00L06., vol. X, 1860, p. 401. Rév. Tnow. Hixcxs, Catalogue of the Zoophytes of South Devon and South Cornwall, Axx. AND Mac. NAT. ist. Novembre 1862, p. 560. Rév. Tuow. Hixcks, On the production of similar-gonozoïds by hydroid Polypes, belonging to different genera. Anx. ar. misr. Décembre 1862, p. 459. V.-L. Gosse, Description of Peachia hastata, Trans. or THE Linxean Soc., vol. XXI, p. 267. Coucn, Cornish fauna. Invine, Catalogue of those found in Dublin bay, Nat. misT. REVIEW, 1. A. Acassiz, On Arachnactis brachiolata…., Jounnaz Bosr. Soc. Nar. Hisr. Febr. 1865. Rév. Tuou. Hixcks, On some new british hydroids , Ann. NAT.-uisT. Janv. 1865, p. 45. CLapanËne, Zur Entwickelung der Tubulariaden, Beobacht. ub. Anat. u. Entwickelungsg. Wäirbell. Thiere. Leipzig, 1865, in-fol. Prof. ALLman, Notes on the hydroida, Axx. nar. misr. Janv. 1865, p. 1. Henny James CLanck, Tubularia not Parthenogenous, THE AMERICAN JOURNAL OF SCIENCE AND arts, Vol. XXXVITI. January 1864. Aur. Mence, Norman, on undescribed british Hydrozoa, Actinozoa and Polyzoa, ANN. NAT. misr. Juin 486%, p. 182. Prof. ALLMAN, Vote... gen. and spec. of tubularian and campanularian hydroids…., ANN. ma. OF NAT. HIST. Juny 186%, p. 7. En publiant, il y a vingt ans, notre Mémoire sur les campanulaires, les observations d’Ellis et de Cavolini non-seulement n'étaient pas comprises , mais elles avaient à peine attiré l'attention de quelques savants. Nous avons été le premier à signaler que ces naturalistes, Ellis surtout, avaient vu le commencement de la forme médusaire. Du Jardin a reproduit ce que nous SUR L’HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 99 avions dit à ce sujet. Ce dernier avait en portefeuille, depuis longtemps, des observations sur ces polypes , et c’est la connaissance de mon travail qui l’a décidé à livrer ses recherches à l'impression. Il n’est pas douteux que plusieurs naturalistes observateurs du siècle der- nier n'aient connu, comme Ellis et Cavolini , la phase médusaire des polypes, mais ils n'ont pu donner à ce phénomène ni son rang ni son importance. De Jussieu parle de mamelons ou grains ronds, de couleur rouge, attachés à un pédicule au-dessus des premières cornes (tentacules) , et dont il avoue ne pas connaître encore l'usage ‘; Donati a vu des hydatides rondelettes, très-petites , moitié transparentes, jaunâtres, au bas du ventre de quelques polypes ; le lieu où elles se trouvent ét leur figure lui font croire que ce sont des œufs du polype ?. Baster a fait la même observation : il a vu sur les plus grands des tubu- laires, au mois d'octobre et de novembre , des vésicules arrondies, attachées à leur base , jusqu’au nombre de sept ou huit, à une seule branche *. Depuis Baster, on n’a plus guère fait d'observations importantes sur les animaux de cette classe ; c'est tout au plus si quelques naturalistes se sont occupés du polypier. Aussi, quand il fut annoncé en 1842 que les polypes deviennent méduses et les méduses polypes, il y eut parmi les zoologistes une explosion de sentiments divers, et plusieurs d’entre eux ne voulaient voir dans ces résultats que le fruit d'observations hasardées. Peu de temps après la publication de mon Mémoire sur les campanu- laires, j'en ai publié un autre sur les tubulaires, et dans ces deux publications les polypes sont envisagés de la même manière, c’est-à-dire que la forme adulte et sexuelle est considérée comme le jeune âge et non comme l'animal arrivé au terme de son développement complet. C’est le téléon que je prenais pour l'embryon. Nous avons reconnu depuis que nous interprétions mal les phases d'évo- lution de ces animaux, et nous l'avons reconnu déjà dans plus d’une cir- constance. Mémoires de l’Académie, 1742, p. 297. Histoire naturelle de lu mer Adriatique, p. 49. Baster, Natuurk. uitspann., p.54, pl. HE, fig. 2-4. . 100 RECHERCHES Depuis longtemps, avant la publication même de nos recherches sur les cestoïdes, nous avons reconnu que la phase médusaire est le dernier terme, et non, comme nous l’avions cru d'abord , le premier de leur évolution. Il y a des tubularides qui engendrent des méduses et d’autres qui ne pro- duisent que des avortons à divers degrés de développement, c’est-à-dire des atrophions. Mais ces atrophions, tout en étant frappés d'arrêt de développe- ment , tout en conservant, selon les genres, les uns la livrée du premier âge, les autres celle de l'enfance ou de l'adolescence, n'en produisent pas moins des spermatozoïdes ou des œufs ; ils sont mâles ou femelles sous l'apparence d'une capsule. Ce développement plus où moins avancé de l'atrophion dépend-il de circonstances extérieures, ou de la nature de l'espèce ? Du Jardin pensait que l'apparition d’une méduse complète ou incomplète est subordonnée aux circonstances extérieures, et nous avons vu d’autres naturalistes, comme M. Claparède, pencher fortement de ce côté. D’après le savant naturaliste suisse, le même animal pourrait, en effet, engendrer, selon les circonstances extérieures, des formes médusaires ou des polypes !. Nous ne le pensons pas. Lorsque nous eùmes publié le résultat de nos premières recherches sur ces polypes, un jour nouveau commença à luire sur ces organismes, mais plus d’un point restait obscur et entouré de mystère. Parmi ces points obscurs se trouvait la question de reproduction sexuelle de chaque espèce. Selon les circonstances, une espèce donne-t-elle des méduses complètes ou incom- plètes, ou peut-on s'appuyer sur ce caractère de l'évolution pour distinguer les espèces de tubulaires entre elles? Pour le moment, nous croyons pou- voir répondre, comme nous l'avons déjà dit, que chaque espèce engendre constamment l’une ou l’autre forme et se reproduit de la même manière. Jusqu'à présent, nous avons vu toujours les espèces franchement médu- sipares donner des méduses complètes, les autres des formes plus où moins atrophiées. Les travaux ultérieurs décideront si nous nous sommes trompé. ! Claparède, Zeits. für Wiss. Zoolog., vol. X, p. 404. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 101 Joh. Müller, en 1853, eut l'occasion de voir des tubulaires véritables, avec des capsules pleines de spermatozoïdes ; mais il ne pouvait découvrir de femelles, m'écrivait-il. Il considéra ces tubulaires comme des colonies d’in- dividus, avec des bourgeons libres dans les capsules !. C’est la Tubularia coronata qu'il a observée. La capsule, comme nous le verrons plus loin, est l'individu sexué, c'est-à-dire le téléon, qui représente l'animal adulte et complet. Pendant les mois d'août et de septembre de la même année, M. Külliker a vu des embryons mobiles de campanulaires se développer dans les cap- sules, les quitter pour mener une vie vagabonde et se fixer ensuite dans un lieu convenable ; mais il n’a pas vu, dit-il, des tubulaires méduses. Ces em- bryons me rappellent, dit M. Kôlliker avec beaucoup de raison, les Arach- nactis albida de Sars. On ne connait pas précisément la durée de la vie des tubulaires pendant leurs diverses phases d'évolution , mais on a vu déjà, et nous en avons fait l'expérience, des tiges de tubulaires et de campanulaires vivre plusieurs années dans des aquarium, sans que le pouvoir de reproduction agame sem- blât toucher à son terme ou diminuât même de puissance. Il n’en est pas de même des tubulaires méduses. Nous n'avons jamais pu en conserver long- temps, même celles qui venaient de naiître sous nos yeux. Dans les plantes comme dans les animaux, la vie est généralement longue et la ténacité grande, dans les individus agames; éphémère et délicate, au contraire, dans les individus sexués. L’analogie entre la méduse et la fleur se confirme de plus en plus. Je dis que non-seulement la durée de la vie est longue et la ténacité très- grande pour les formes agames, mais il n’est pas rare de voir des tubu- laires dont toutes les têtes, ou plutôt les individus agames sont tombés, repousser de nouvelles têtes ; quelquefois même au bout de plusieurs mois, on voit de nouveaux individus, avec tous les caractères de leurs prédéces- seurs , sur des tiges anciennes. 1 Colonien von Individuen mit innern Knospen (fret in den Capseln) sehr häufig. (3. Mül- ler, lettre du 4 janvier 1854.) 102 RECHERCHES Nous avons eu l’occasion de faire quelques observations sur des tubulaires conservés dans l'aquarium, qui, après avoir perdu leurs polypes, ne con- tinuent pas moins à vivre par le sarcosarc. » fa | AD, pa | hi ra Tubularia coronata , nées dans l'aquarium au bout de tiges flétries. Si on ne prend pas les plus grands soins en détachant les tubulaires de leur gite naturel, toute la tête, c’est-à-dire le polype, se flétrit et tombe, et il ne reste que les tiges telles qu'on les voit après une complète dessiccation. La vie n’est pas éteinte cependant. Baster avait déjà fait cette observation que les têtes, qu'il prenait pour tout le polype, tombaient très-facilement, et il en avait conclu que les têtes et les tubes sont des êtres différents, vivant les uns sur les autres. En replacant ces polypes dans des conditions favo- rables , soit dans un aquarium, soit dans la mer, au bout de quelques jours on voit la partie molle de l’intérieur du tube s'élever sous forme de bouton, dépasser la hauteur du tube, se renfler légèrement et montrer bientôt, vers le milieu du renflement, une première couronne de tentacules. Il en appa- rait une vingtaine à la fois. Ces organes s’allongent et se développent ecom- plétement avant qu'une nouvelle rangée apparaisse. La nouvelle tubulaire a d’abord les caractères des Eudendrium. Plus tard apparaît de la même manière la seconde couronne de tentacules tout autour de la bouche, formant un second verticille, et dès ce moment le caractère propre des tubulaires apparait. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 103 Ce sont ainsi de nouvelles tubulaires développées sur des tiges anciennes, Tubulaires nées au. bout de tiges flétries. c’est-à-dire, qu'au bout du sarcosarc, a repoussé une nouvelle tête, comme dans la grenouille il repousse un doigt ou une patte, si l’un ou Pautre de ces organes est coupé. Nous avons vu un tube unique, comme une des figures ci-dessus l’in- dique, qui n'avait porté qu'un seul polype, se bifurquer et donner même naissance à deux individus distincts. Des tubulaires sans tête, placées dans un aquarium au mois de mai, por- taient de nouvelles têtes avec tous leurs tentacules au milieu du mois de juin. Nous devons faire remarquer aussi que les nouvelles têtes comme les nouveaux tubes qui se développent dans les aquarium, n’ont pas la vigueur de ceux qui se développent en pleine mer, et nous ÿ voyons une preuve de l’influence qu’exerce le milieu ambiant sur le calibre du polypier. Ne trouverait-on pas dans cet appauvrissement des nouveaux polypes, en des tiges plus grêles et des formes plus délicates, l'explication de la pro- 104 RECHERCHES * duction de quelques formes voisines dont on a fait des espèces distinctes ? Il est évident que si ces tiges avec leurs polypes ne naissaient pas sous nôs yeux de l’añcien sarcosarc, l'on serait tenté de les regarder comme des espèces distinctes. M. Kirchenpauer a fait quelques observations fort curieuses sur les tubu- laires qui apparaissent sur les bouées, à l'embouchure de l'Elbe, et qu'il ré- partit en quatre régions : dans la première, qui est en pleine mer, il trouve la Sertularia argentea, VEchinus esculentus et l'Actinia mesembryanthemum; dans la seconde section, les bouées se couvrent de Tubularia coronata, cala- maris, et larynx, de jeunes astéries et de Campanularia gelatinosa ; dans la troisième région des Tubularia larynx, mais seulement dans les profon- deurs , jamais sur les bouées, et la fin de la région des moules; les Cordylo- phores apparaissent dans la quatrième région, la plus éloignée de l’embou- chure, en même temps que les balanes ( Balanus crenatus ). On peut donc dire que les Cordylophores caractérisent la dernière région, les moules la fin de lavant-dernière, les tubulaires, la seconde et la Sertu- laria argentea la pleine mer ou la première. GENRE TUBULAIRE. Ce genre est parfaitement caractérisé par les deux verticilles de tentacules ainsi que par la place que les méduses, téléons ou atrophions, occupent en dedans des tentacules inférieurs. La méduse est sphérique, et porte quatre cirrhes également développés. Mais ce n’est pas toujours un téléon complet qui se développe ; dans cer- taines espèces, c’est un téléon avorté, c'est-à-dire un atrophion qui contient tantôt des embryons, tantôt des œufs ou des spermatozoïdes. Il y a en effet, d’après les espèces, des différences fort grandes dans le mode de reproduction ; et c’est ici surtout que l’on voit combien on a tort de ne voir que des organes dans ces formes médusaires avortées. Et si on s’est mépris sur la véritable signification de ces diverses formes, on ne s'est pas moins trompé en prenant de jeunes tubulaires libres pour des formes génériques nouvelles. C’est une erreur qui a été commise par plusieurs naturalistes. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 105 Le genre Arachnactis de Sars n’est autre chose qu’une jeune tubulaire, née dans une mère méduse , frappée d'arrêt de développement; c’est-à-dire une jeune tubulaire, provenant d'un atrophion. Si nous ne nous trompons, cet Arachnactis est le jeune âge de la Tubularia coronata. M. A. Agassiz a trouvé à Nahant (Massachusetts) un polype flottant qu'il rapporte au genre Arachnactis de Sars. II l’a observé comme le savant natu- raliste norwégien, au commencement de septembre. Ce polype est très- commun dans ces parages, dit M. Agassiz, et tous les soirs il en prenait en quantité en péchant au petit filet. Cet animal n’a que quatre tentacules , et il ressemble, dit le savant natu- raliste, à la larve de lAsteracanthion berylinus. H nage le gros du corps en avant; les tentacules sont couverts de cils vibratiles, et ils ne sont pas rétrac- tiles ; ils ne peuvent que se replier. Depuis longtemps on s'accorde généralement à ne voir, dans ce genre Arachnactis de Sars, que de jeunes tubulaires. En est-il de même de l'Arach- nactis brachiolata d’Agassiz? Nous sommes fort disposé à le croire. La forme singulière que M. Busk a décrite sous le nom de Dianthea nobilis est également, selon toute probabilité, une jeune tubularide ; nous en dirons autant encore du MWereus hydrachna de Tilesius; Joh. Müller l'avait déjà soupçonné. M. Claparède a pêché à Saint-Vaast, dans un petit filet, de jeunes tubulaires qu'il suppose appartenir à la Tubularia indivisa. Il croit avoir vu l'embryon se fixer par la partie du corps qui représente la bouche et les tentacules buccaux surgir du côté opposé. Par consé- quent , les tentacules devraient se porter en avant après avoir été dirigés en arrière. M. Claparède pense que Dalyell a vu le même phénomène sur la Tubu- laria indivisa. Nous croyons qu'il y a erreur de sa part; la bouche apparait au pôle opposé. Parmi les travaux les plus récents sur le développement des tubulaires, il faut citer un travail du professeur Henry-James Clark, qui annonce la découverte des œufs véritables dans les tubulaires, et qui se prononce pour l'existence d’un type unique dans les polypes hydroïdes. Tome XXXVI. 14 106 RECHERCHES * Une autre note, qui a pour objet l'étude d’un animal de ce groupe, sort de la plume du professeur Allman, d'Édimbourg ; elle est insérée dans les Annals of natural history du mois de juillet, et c’est un travail fort intéressant. M. Kirchenpauer a vu les Tubularia coronata et calamaris se développer sur les bouées de l'embouchure de lElbe, dans la seconde région où ne vit plus la Sertularia argentea. Des trois espèces de ce genre qui habitent nos côtes, la Coronata, qui est la plus commune, porte des atrophions et peut être considérée , jusqu’à un cerlain point, comme ovo-vivipare; la deuxième, la Tubularia cala- maris , et la troisième, la Tubularia Dumortierii, produisent l'une et Pautre des téléons complets. TUBULARIA CORONATA. (Planche IV.) Il n'est pas douteux que cette espèce ne soit celle que Baster a observée et dont il donne plusieurs figures (pl. IH, fig. 3, et pl. HE, fig. 2 à 4). Ce consciencieux naturaliste a observé des individus vivants, et comme les têtes tombent au bout d'un court séjour dans l’eau de mer, il a pensé que ces têtes et les tubes qui les supportent n'appartiennent pas à un même animal : (dat de polypus en de corALLINA TuBuLARIA, dat is het pypje daer hy in- woont, lwee verscheide lichamen zyn… que le polype et la coralline tubu- laire, c’est-à-dire le tube dans lequel il vit, sont deux corps différents) ". Baster a bien vu les corps médusiformes à la base des tentacules, et il en a vu sortir de jeunes polypes; mais il les prend , comme on le pense bien, pour des œufs. Abildgaard ? a vu et dessiné la même espèce; il prend, comme Baster, les pédicules médusipares pour des ovaires et représente un jeune polype. C'est encore le même polype que MM. Koren et Danielsen ont eu sous les yeux, et dont ils ont vu les capsules donner naissance à de nouveaux Baster, Natuurk. uitspann., 1"° part., p. 55. ? Fauna Danica, pl. CXLI. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 107 individus libres. Ils ont même vu éclore deux individus dans une seule cap- sule. Ils n’ont pas reconnu de spermatozoïdes, disent-ils; tandis que Krohn en a observé dans la Tubularia indivisa et Rathke dans la Coryna squa- mal. M. Gegenbaur croit avoir observé le même polype dans la Méditerranée. Il décrit la formation de l'œuf de la T'ubularia coronata , à quelques légères différences près, comme nous l’exposons ici, et il prétend que l'évolution des œufs des tubulaires a lieu de la même manière. Le professeur Allman a fait les mêmes observations sur la Tubularia co- ronala. Synonymie. — Ixcannaar roLyrus, Baster, Natuurk. uilspann., 4" part., pl. Il, fig. 5 et #4, et pl. IL, fig. 2-4. TuBuLARIA CORONATA , Abildgard, Zoolog: Van., pl. 141, p. 25. TuguLartA LARyx, Koren et Danielsen, Nyt maguzin for naturvidenskaberne. Christiania, 1847. Isis, heft IT, 1848, p. 199, pl. IT. TuguLariA GRACILIS Johnston. TUBULARIA ........ ; Gegenbaur, Zur Lehre vom Generationswechsel, pl. F, fig. 10-14. TuBuLARIA CORONATA, D° Allman, On the structure of the reproductive organs in certain hydroid polypes. ProcEeED. oF THE Roy. Soc. Session 1857-58. M. Kirchenpauer établit la Tubularia larynx, comme espèce distincte, tandis que M. Sars pense qu'elle est identique avec la coronata que nous avons décrite. Cette espèce se développe avec une très-grande rapidité le long de la côte, dans les eaux peu profondes, sur les corps solides, pieux , fascines, débris de navires, etc., que la mer recouvre à chaque marée. Nous en avons vu, déve- loppées en grand nombre, sur des fascines qui étaient à see pendant la marée basse des vives eaux. Cette tubulaire est une des plus remarquables et des plus instructives à cause de son mode de reproduction. Les téléons apparaissent par grappes, mais ils ne parviennent jamais, pensons-nous, jusqu'à leur développement complet; c'est un vrai atrophion très-voisin de l’état de sporosac. Le seul caractère propre qui trahisse sa nature médusaire est la présence des quatre cirrhes rudimentaires entre lesquels le produit sexuel mâle ou femelle 108 RECHERCHES * s'échappe. Ces atrophions sont développés au même degré pour les deux sexes. Des opinions très-diverses ont été exprimées au sujet de la signification de ces atrophions ; voici comment s'exprime le professeur Allman : In the present species, dit-il, the embryo is not the result of a transfor- mation of the entire ovum; puis il ajoute : the embryo ütself is developed on an entirely different plan from that of the sertularidans. Le savant natu- aliste d'Édimbourg a raison, à son point de vue, mais en prenant l’atro- phion pour une partie de l'ovaire, il n’est pas possible qu'il se rende compte des phénomènes. MM. Koren et Danielsen ont vu comme moi des capsules donner naissance à de nouveaux individus libres, et ils en ont vu jusqu'à deux dans une cap- sule; mais ils prennent les capsules elles-mêmes, si je les ai bien compris, pour de jeunes individus. C'est M. Krohn, je crois, qui a le premier reconnu le sexe mâle. MM. Koren et Danielsen n'ont pu découvrir des individus de ce sexe. Merkwürdig ist es jedoch, disent ces savants, das wir beständig Eyer und niemals Spermatozoen fanden, welche doch M. Krohn, bey Tubularia indivisa und Rathke bey Coryna squamata wahrgenomen haben. Il y a eu une année que, pendant tout le mois de juillet, nous n'avons observé que des colonies mäles, et qu'il nous a été impossible de trouver des femelles, du moins parmi celles qui portaient des grappes de méduses. Les femelles avaient-elles pondu leurs méduses alors ? Cela n’est pas impossible, d'autant plus que les femelles sont communes pendant tout le mois d'avril et une grande partie du mois de mai. Il est inutile de donner la description du mâle ou de la femelle, puisque l’une et l'autre ne consistent que dans un simple sac, portant à son pôle libre quatre tubercules correspondant aux quatre cirrhes des méduses. 1} n'existe aucun aulre organe. L'atrophion mäle renferme dans son intérieur un sac qui recouvre le bulbe rouge de la cavité commune comme une calotte, et se remplit com- plétement de spermatozoïdes. À leur maturité ceux-ci s'échappent par un orifice situé au milieu des quatre cirrhes. L'évacuation a lieu par conséquent, comme chez les méduses adultes. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 109 Nous appelons femelles les atrophions dans lesquels se montrent de jeunes tubulaires sous l'apparence de bulbilles. Tout autour du pédicule rouge, à la même place où se forme le testicule dans les mâles, apparaissent de même Jeunes tubulaires. un ou plusieurs œufs. Ces œufs se montrent sous la forme d’un sac, et leurs bords, en se rapprochant, les font ressembler à une calotte grecque. Bientôt les bords se découpent, et des becs apparaissent tout autour; on les voit surgir au nombre de six, de dix ou de douze; ces becs s’allongent ensuite, devien- nent des rayons, et le jeune animal, vu de face, a, sauf le nombre de rayons, l'aspect de l’Asterias papposa. Après cela, les rayons continuent à s'étendre, prennent la forme d’autant de lanières, se gonflent ensuite légèrement au 110 RECHERCHES bout, et la jeune tubulaire prend une forme particulière qu'elle conservera jusqu'à sa mise en liberté. Nous avons vu quelquefois à côté de la jeune tubulaire, des œufs destinés à former de nouvelles générations. Chaque atrophion peut engendrer ainsi plusieurs jeunes tubulaires. Dans ce développement, une période de évolution est entièrement sautée : c’est la première période planulaire ; tandis que la dernière, ou la période téléonaire, n’est sautée qu'aux trois quarts. On reconnait le téléon à sa place et à ses cirrhes. À la naissance, ces polypes ont communément douze bras, qui sont con- formés comme les tentacules des tubulaires adultes. Nous en avons vu aussi venir au monde portant seulement six bras. La ressemblance est très-grande entre ces polypes et les Éleuthéries de M. de Quatrefages, sauf les tentacules qui ne sont pas ramifiés. Cette jeune tubulaire, devenue libre, est le jouet des vagues et des courants. Elle n’a aucun moyen de locomotion. Abandonnée ainsi pendant quelque temps, elle se dépose et se fixe si elle rencontre un corps solide ; peu importe si c’est une pierre, du bois ou un corps vivant. Le jeune animal se fixe par sa base; puis, le corps s'allonge un peu, de nouveaux tentacules apparaissent entre les autres, et après trente-six heures, nous avons déjà compté quatorze tentacules. Nous ferons remarquer que nous avons observé, avec un soin particulier, les tentacules d’un grand nombre de jeunes tubulaires, et que nous en avons trouvé 4, 5, 6, 8, 10, 12 et même 24. Au bout de trente-six heures de vie libre, nous avons vu débuter la seconde couronne tentaculaire autour de la bouche, et à aussi nous avons vu d'abord quatre tubercules apparaitre simultanément, puis cinq et sueces- sivement jusqu'à seize. Il ne reste plus au polype qu'à s'étendre et à engendrer, par voie agame, quelques générations autour de lui, pour former les touffes de colonies que l'on trouve attachées aux corps marins. Re en : SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 111 TuBULARIA cALAMARIS Pallas. Les tubes du polypier sont simples et droits, tortueux au bout et irrégu- liérement ramifiés à la base; ils forment toujours des touffes. Le téléon est porté sur un pédieule court. Ji habite toujours de grandes profondeurs. J'ai trouvé une jolie espèce d'Eudendrium étalée sur ce polype. Tugurarta INpivisa, Mummery, Quaterly journal of microscopical science, 1852. -- Strethill Wright, Observat. on brit. Zoophytes, 1858, p. 8. —- Allman, Ann. of nat. hist.; july, 1839, p. 48. TusuLaria caLawaris, Kirchenpauer, Die See Tonneh, p. 15. Van Beneden, Recherches sur l’embryogénie des tubulaires, pl. IV, p. 88. M. Strethill Wright a fait des observations intéressantes sur la circulation dans les tiges , et le professeur Allman a étudié avec le plus grand soin la pature des téléons et leur valeur morphologique. De jeunes tubulaires ont été pris par M. Claparède dans un petit filet à Saint-Vaast, et sont rapportés à la T'ubularia indivisa. M. Claparède pense, comme nous l'avons déjà dit, que l'embryon se fixe par la partie qui repré- sente la bouche, et que les tentacules buccaux surgissent au côté opposé à celui par lequel ces jeunes polypes s’attachent. Il en résulte que les ten- tacules véritables changeraient de direction dans le cours de leur dévelop- pement. Cela nous paraît fort douteux, et nous nous demandons s’il ne faut pas rapporter ces embryons plutôt à la Tubularia coronata? TuguzariA Dumortieru V. B. Van Beneden, Recherches sur l’embryogénie des tubulaires, pl. V, p. 92. Cette belle et élégante espèce, que nous avons dédiée à notre savant con- frère et ami, B. Du Mortier, est aujourd’hui une des mieux établies. Elle vit plus ou moins isolée sans jamais former de touffes, et produit des téléons médusaires complets qui se détachent et continuent leur évolution à l’état de liberté. 112 RECHERCHES Nous n'avons rien à ajouter aux observations qui sont consignées dans notre Mémoire sur les tubulaires. Nous caractériserons ainsi cette espèce : Tubes du polypier isolés, gréles, rarement ou peu ramifiés; polypule proportionnellement grand ; téléons sphériques complets, portés sur un pédi- cule court. On la trouve sur les flustres et les halodactyles , comme sur la carapace des crabes. ‘Les naturalistes anglais l'ont observée sur leurs côtes. IL est inutile de faire remarquer que les figures 23, 24 et 25 de la pl. V sont les derniers termes de l’évolution ; les figures suivantes ne font aucu- nement la suite ‘. Genre EUDENDRIUM. Ce genre, créé par Ehrenberg pour la coralline tubuleuse d'Ellis, est généralement adopté. Le polype agame n’a que la couronne inférieure de tentacules , le téléon a quatre cirrhes doubles, les tiges sont ramifiées et très- irrégulièrement annelées. Caractères. — Polypules à une seule rangée de tentacules, s'élevant jus- qu'à seize et irrégulièrement étendus; le corps en forme de massue; les capsules téléothèques médusipares insérées sur les tiges qui portent les po- lypes ; les tiges sont légèrement annelées, à leur base surtout. Les téléons sont hémisphériques, ont quatre faisceaux de cirrhes doubles et quatre palpes simples à l'orifice de la bouche. EUDENDRIUM RAMOSUM. (PL. VI et VIL) Cette espèce a acquis récemment un haut degré d'importance. On la con- nait dans ses diverses périodes d'évolution, pour ne pas dire dans toutes. 1 Mémoires de l’Académie royale de Bruxelles, tome XVII. se À SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 115 Le polypier recouvre souvent, comme une mousse, le halodactyle dia- phane, bryozoaire si extraordinairement commun sur nos côtes, et s’y mêle avec un grand nombre d’autres polypes. Nous avons depuis longtemps reconnu la méduse avec ses quatre fais- ceaux de cirrhes bifides et ses quatre taches de couleur à la base de chacun d'eux. Ces méduses sont-elles toutes femelles et les mâles ne restent-ils pas atrophiés sous une forme particulière ? N'est-ce pas une colonie mâle que nous avons représentée dans notre Mémoire sur les tubulaires, pl. VIH, fig. 2? Ces questions restent à résoudre, et leur histoire ne tardera pas, nous en sommes persuadé, à être complète. Ce qui semble venir singulièrement en aide à cette supposition , c'est que Cavolini a vu deux sortes d'œufs sur une Sertularia (Eudendrium) racemosa de la Méditerranée, et ces deux sortes d'œufs, c’est-à-dire ces capsules sexuelles, sont portés sur des pieds différents; les capsules femelles sont médusiformes et enfilées , tandis que les mâles sont réunies en grappe et affec- tent une forme toute différente. L'Eudendrium capillare, dont M. Allman vient de faire le genre Corym- bogonium à cause des capsules mâles, fournit également des motifs à l'appui ! de cette supposition. Cette espèce, qui n’a rien de commun avec la nôtre de la mer du Nord, a été étudiée aussi par M. Sars. M. Gegenbaur n'hésite pas à identifier une espèce de la Méditerranée avec notre Eudendrium ramosum , et complète les observations que nous avons publiées dans notre Mémoire sur les tubulaires. M. Gegenbaur a observé un point rouge formé à la base de chaque cirrhe, et il signale la présence de palpes à l’orifice de la bouche; nous avons vu ces palpes dans ces derniers temps. Le savant professeur de Jéna a vu des méduses mürir sur pied, et il en a trouvé d’autres en mer qui différaient à peine par la taille; il se demande si ces téléons ne continuent pas leur évolution après la séparation de la co- lonie, et si, avec l'apparition des organes sexuels, ne correspondent pas des { Alder, Catal. of Zooph., 1857, pl. I, fig. 9-19; Allman, Ann. of nat. hist., 1861, p. 171. Towe XXXVI. 15 114 RECHERCHES * modifications dans leurs appendices marginaux '. Il pense, comme Forbes, que cette méduse est une Lizzia ?. La figure que M. Gegenbaur a publiée dans le grand atlas de Carus et dans son anatomie comparée * complètent sa description. Nous y voyons une colonie médusipare qui ressemble en effet, sous plusieurs rapports, à notre espèce, mais que nous croyons cependant différente surtout par les polypules. Il a représenté un polype agame complétement épanoui, avec une couronne de tentacules entièrement renversée, comme nous n'en avons jamais vu dans la mer du Nord. Nous n'avons pas vu non plus d'individus ayant comme celui de M. Gegenbaur un aussi grand nombre de tentacules,. M. Gegenbaur a raison de croire que cette méduse n'est pas complète en se détachant de la colonie; elle continue régulièrement son évolution, et en prenant des cirrhes et des palpes elle se présente sous un nouvel aspect. Notre confrère M. d'Udekem m'avait signalé une méduse, que je croyais nouvelle pour notre faune, mais d'après les recherches de M. Stret. Wright celle petite méduse n’est autre chose que l'Eudendrium ramosum des auteurs. En effet, d'après M. Stret. Wright, la méduse présente, au bout de quelque temps , tous les caractères des Bougainvillia, et, au lieu de deux cirrhes à chaque anastomose du canal gastrovasculaire avec le canal cireulaire , il s’en développerait bientôt six qui ont chacun leur tache oculaire. M. le professeur Allman a observé cette espèce in the harbour of Derry- quin, on the kenmare River, county Kerry, au mois de septembre. Il l'a étudiée avec soin à ses deux phases de développement, polype et méduse, et ajoute une note dans laquelle il annonce que M. Stret. Wright a vu cette méduse se transformer en Bougainvillea et qu’elle a montré ses organes sexuels. Il y a quelques années, étant sur le point de publier ce travail, feu J. d'Udekem, notre regretté confrère, m'écrivit qu'il avait trouvé le polype de la petite méduse qui avait paru si inopinément dans son aquarium. Vous voyez ! Zur Lehre v. Generationswechsel, p. 15. ? A Monograph of the British naked- eyed Medusae ; 1848, p. 51. 5 Vict. Carus, Icones Zootomicae. Leipzig, 1837, et Carl Gegenbaur, Grund Züge d. Ver- gleichenden Anatomie. Leipzig, 1859, p. 94, fig. 14. be. ét fm rotitihsdt fe. ét nm à SUR L’'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 115 par la figure, dit-il, que mon polype est probablement le même que celui que vous désignez sous le nom d'Eudendrium ramosum; M. Stret. Wright pourrait donc bien avoir raison, ajoutait-il. . Synonymie.— EupeNDRiuM Ramosu» , Van Beneden, Rech. sur l’embr. des tubulaires, pl. VI, p. 98. — Stret. Wright, Observations on British Zoophytes, Tue Enins. NEW. pui. JOURN. July 4857, vol. VI, pl. IL, fig. 8-9. ATRACTYLIS REPENS, Stret. Wright, Observat. on British Zoophytes, Tue Eniwe. NEW PHILOS. JOURNAL. Janv. 1859, pl. I, fig. 4-5. BOUGAINVILLEA BRITANNICA, Forbes. Mepousa AcILiA, Dalyell. Euoenpniux ramosum, prof. Allman, Additional observations on the Morphology of the reproductive organs in the hydroid polypes. Euv. ramosum, Johnston, Brit. Zooph., 2° éd., p. 46, pl. V, fig. 1-5. TusuLariA TRicHoÏDes , Pallas, Lizzia Forbes Monography of the naked - eyed medusae, 1848, p. 51. M. Hincks ! admet aussi le genre Afractylis comme synonyme de Euden- drium ramosum. Ce genre est placé à côté des Eudendrium ramosum Linne, Capillare Alder et Znsigne Hincks. Habitat. — On trouve les colonies sur toutes sortes de corps solides du fond de la mer qui ne viennent pas d’une très-grande profondeur. On en voit sur les coquilles abandonnées, sur des carapaces de crabes, mais plus communément sur des colonies de bryozoaires, particulièrement les halodac- tyles qui sont si communs. Nous voyons avec étonnement que M. Kirchenpauer n’a jamais rencontré ce polype sur les bouées à l'entrée de l’Elbe. Il se développe partout avec une abondance extrême le long de nos côtes. Nous croyons que, dans plus d’une circonstance, cet Eudendrium a été pris pour la Tubularia larynx. Description. — Les polypes agames présentent tous les caractères des Dinema : leurs tentacules occupent un seul verticille et varient en nombre et en longueur dans leur attitude ordinaire. Nous en comptons communément de huit à douze. Les tiges qui les portent, au lieu d’être lisses et unies, sont ! Ann. of nat. hist., vol. VI, p. 159, 1861. 116 RECHERCHES * plus ou moins annelées à leur origine comme dans les campanulaires, mais moins régulièrement. La méduse, en se détachant, a huit cirrhes placés sur quatre mamelons marginaux , et à la base de chaque cirrhe se trouve un organe de sens. La bouche est entourée de quatre palpes simples, terminés en pelotes spiculi- fères. On aperçoit distinctement les quatre canaux gastrovasculaires. Cette méduse continue son développement et change complétement sa physionomie dans le cours de son évolution : chaque faisceau de tentacules , au lieu de deux, présente à la fin six cirrhes, et chaque cirrhe a son point oculaire; les palpes se ramifient de même, de manière que la bouche est entourée , à la fin, de quatre palpes restées simples à leur base, mais ramifiées en quatre à leur extrémité. EUDENDRIUM PUDICUM. (PL VII, fig. 4-2.) Synonymie.— Tricuypra PuDica, Stret. Wright, Observ. on Brit. Zooph., Enis. NEW PuiLosopu, sourAL; new series. Juny 1858, p. 6, pl. HE, fig. 1. Nous décrivons ici un polype bien remarquable, que nous avons vu appa- raitre brusquement dans nos aquariums, recouvrant des Ulva ou des co- quilles abandonnées, et qui a disparu tout d’un coup. Il est d’une extrême ténuité et ses longs tentacules, qu'il tend comme des piquants, le font aisément distinguer de tous ses congénères. La colonie est étalée très-irrégulièrement à la surface de diverses plantes ou coquilles, et de distance en distance s'élèvent des polypes à des inter- valles très-irréguliers. La communauté à sous ce rapport beaucoup de res- semblance avec les Campanularia. Le corps du polype est d’une ténuité excessive quand il est compléte- ment épanoui; il n’y a qu'une très-légère différence entre le corps du polype et la tige qui le porte, et la ligne de démarcation entre eux serait souvent diflicile à établir. Il est en général assez transparent et complétement inco- Jore. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 117 Les tentacules ne sont comparativement pas moins grèles que le corps; ils dépassent celui-ci en longueur; pendant le repos, ils se tiennent roides comme des soies. Les tentacules de droite et de gauche sont placés dans le même plan que le corps et lui donnent laspect d'une croix. Il n'y a qu'un seul cercle de tentacules, mais ils alternent de manière qu'une moitié se dirige surtout en avant, l’autre au contraire en dehors ou un peu en arrière. | Le nombre de ces organes varie dans divers individus, mais ils sont en tout cas peu nombreux ; nous en avons le plus communément compté cinq. Les tentacules se contractent, non à la manière des hydres, comme on pourrait le supposer au premier abord, mais à la manière des campanulaires et des tubulaires , c’est-à-dire en se rétrécissant sans se fondre dans la masse du corps. Comme dans ces derniers polypes, les tentacules sont pleins, contrairement à ce qui se voit chez les hydres, qui les ont régulièrement cloisonnés et armés de distance en distance de spicules meurtriers. Le bulbe buccal s'élève encore au milieu des tentacules, et ne présente de remarquable que les spicules qui garnissent toute sa surface. Nous n'avons rien pu distinguer dans le contenu de la cavité digestive. Au premier aspect, on croirait ces polypes entièrement nus, mais en les examinant avec soin, on finit par découvrir autour des tiges rampantes une gaine mince et transparente, qui s'étend même en grande partie autour du corps du polype, comme on peut le voir dans notre dessin. Il y a donc un véritable polypier, mais le polype n’oceupe tout au plus que la moitié de la loge quand il est complétement épanoui. Malgré toute la patience que nous avons mise à les poursüivre, il ne nous a pas été donné de découvrir des loges à méduses ou des individus sexués. Nous ignorons donc les caractères de leur forme adulte. Cet animal, en tant que nous le connaissons, appartient-il à quelque genre connu ? Malgré sa singulière physionomie, il doit se rapporter ou aux hydractinies ou aux eudendrium, par la disposition de ses tentacules; mais, comme la colonie est formée de tiges rampantes et irrégulières, donnant des branches à polypes, et que ceux-ci occupent une loge en entonnoir qui tes 118 RECHERCHES met plus ou moins à l'abri, c’est des eudendrium qu'ils se rapprochent le plus. Ces observations étaient faites depuis longtemps , quand nous avons recu, par l'extrême obligeance de M. Alder, une notice de M. T. Stret. Wright, d'Edimbourg , ayant pour titre : Observations on British Zoophytes, et dans laquelle nous avons trouvé la description de la Trichydra pudica que nous croyons identique avec notre tubularide. M. Stret. Wright lui trouve une grande ressemblance avec les hydres d'eau douce. Il a compté de quatre à douze bras, selon leur âge, et for- mant un seul cercle. Il a connu leur polypier, mais pas plus que nous il n’a eu l’occasion d'observer la forme médusaire. Enfin M. Stret. Wright, après en avoir fait d’abord une campanulaire, a érigé ce polype en genre nou- veau , à cause de la disposition de ses tentacules, et il le place sous le nom de Trichydra, dans les Corynides de Johnston. Nos observations s'accordent fort bien avec celles de notre confrère d'Édim- bourg, sauf sur le point principal, qui lui a fait ériger ce polype en genre. À notre avis, les tentacules se disposent exactement comme dans les campa- nulaires , les sertulaires et tant d’autres, en étalant une moitié en avant sous forme d’entonnoir et une autre moitié sous la même forme, s’adossant au précédent. Mäis si nous n'adoptons pas le genre, il est de toute justice que le nom spécifique que M. Stret. Wright lui a donné soit conservé, puisqu'il a publié sa notice avant nous. J'avais depuis longtemps sous les veux deux tubulaires peu faciles à dis- tinguer l’une de l’autre, et qui ressemblaient beaucoup à l'Eudendrium race- mosum. En les observant avec soin, nous avons vu que l’un et l’autre pro- duisent des téléons médusaires, mais les téléons de l’un ont huit cirrhes, sont excessivement petits, tandis que les téléons de l’autre n'ont que deux cirrhes très-longs et que la taille a au moins le double. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 119 GENRE SYNCORYNA. (PI. V.) Ce genre a été établi par Ehrenberg sur un polype confondu jusqu'alors avec les corynes ; Johnston à proposé plus tard le nom de Hermia. Les polypes ont plusieurs rangs de tentacules épars et également longs, tous terminés par des boutons. Le téléon est sphérique et porte quatre longs cirrhes; il nait entre les ten- tacules. Le polypier est pergamentacé fort mince, très-irrégulièrement ramifié, étendu sur des corps solides morts ou vivants. Les Syncoryna pusilla", Sarsii? et ListeriS, se développent complétement jusqu’à la forme médusaire; la Syncoryna ramosa * au contraire comme la Syncoryna glandulata ® ne produisent que des atrophions. Il en est de même de la Syncoryna (coryne) fruticosa, que le rév. Hincks représente dans son catalogue des zoophytes du South-Devon et South-Cornwall 6, SYNCORYNA PUSILLA. (PI. V, fig. 4) Van Beneden, Recherches sur l’embryogénie des tubulaires, p. 95, pl. VI, fig. 1-10. Il serait difficile de dire si cette espèce diffère réellement de la Syncoryna decipiens de Du Jardin. Nous. avons trouvé le téléon nageant librement dans l'aquarium au mois de juillet; il a une forme gracieuse , point de palpes buccaux, et quatre longs cirrhes marginaux. 1 Van Beneden, Mémoire sur les tubulaires , p.95, pl. VI, fig. 1-10. ? Fauna littoralis Norvegiæ , tab. I, fig. 4-6. 5 Van Beneden, loc. cit., p. 96, pl. VI, fig. 11-12. # Act. Acud. nat. curios., vol. X, part. IE, pl. XXII. 5 Hassall, Ann. and Mag. of nat. hist., vol. VIT, pl. VI, fig. 2. 6 Ann. Mag. of nat. hist., vol. VII, 1861, p. 158, pl. VI, fig. 5-6. 120 RECHERCHES SyxcoryNa Lisreri Van Ben. (PI. V, fig. 5.) Les polypes ont trois rangs de tentacules, médiocrement développés; le polypier est corné, annelé assez régulièrement dans presque toute sa lon- gueur et ramifié. Les téléons sont de forme sphérique et apparaissent à la hauteur du ver- ticille inférieur; ils portent, pensons-nous, également quatre cirrhes. Nous supposons que Lister a vu seulement les mâles, qui se présentent comme des atrophions. SyNconyNA LISTER, Van Beneden, Mémoire sur les T'ubulaires, pl. VE, fig. 11-12. Convve Lisrenn, Phil. transact., 185%, pl. X, fig. 5. ConyxE ramosa, donbston, Britis. Zooph., pl. VI, fig. 4-7. — — Hinck’s Calalogue.…., AN. xaT. misr., 1861, p. 158. Nous l'avons trouvé sur des moules et sur les halodactyles. This species is a characteristic South-Devon form, dit M. Str. Hincks. Sur nos côtes de Belgique, on ne la voit que de temps en temps et jamais en grande quantité. Syxcoryna Jonxsroxit Van Ben. (PI. V, fig. 1-5.) Les tentacules sont au nombre de douze, placés sur trois rangs, s'étendant pendant le repos de manière à dépasser la longueur du corps ; le corps est légèrement brunätre. La colonie est très-irrégulièrement ramifiée et rampante : on voit souvent des tiges droites et longues s'élever à peu de distance en dessous du corps des polypules. Le polypier même est transparent, d’un jaune doré plus ou moins tortueux. Nous avons trouvé cette espèce sur des écailles d’huitres, mais on la voit plus souvent toutefois sur des feuilles de fucus. Nous avons été longtemps sans connaitre cette espèce autrement que sous sa dernière forme médusaire , et cependant nous n'avons jamais manqué de la distinguer des autres, chaque fois que le téléon est tombé sous nos yeux. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 121 SyxcoryNA Loveni Van Ben. Le polype. — Le corps fort allongé et les tentacules forment de quatre à cinq étages ; ils sont nombreux, puisqu'on en compte jusqu'à vingt, mais ils ne sont pas longs et ils alternent. Le corps présente vers son milieu des stries rouges. La colonie est ramifiée, non rampante, et des branches se montrent à des distances assez régulières sans être jamais tortueuses. Le polypier est trans- parent, mince et d’un jaune doré. C’est aussi sur des coquilles d’huitres que nous avons observé cette espèce. On ne peut la confondre avec d’autres à cause de la disposition de ses tentacules en étages, ce qui lui donne un aspect particulier. On compte quatre et cinq étages, et l’on voit distinctement quatre tentacules à chacun d'eux. Le corps se rapproche de celui de la Coryna sessilis. GENRE CORYNE. C’est un des genres le plus anciennement établis. C’est Gartner qui l’a pro- posé à la fin du siècle dernier, après un voyage fait en Angleterre. Si nous examinons les espèces de ce genre sous le rapport des phases de leur développement médusaire, nous trouvons : la Coryna squamata dans les deux sexes à l’état d’atrophion complet; les Coryna gravata et mérabilis à formes médusaires incomplètes, dans ce sens, que le produit sexuel se répand avant la séparation ou la mise en liberté des bourgeons; la Coryna fritil- laria à V'état de téléon complet, puisque l'accroissement continue après la mise en liberté des gemmes, et que les organes sexuels ne se développent pas avant la séparation. La Coryna squamata n’était encore que fort imparfaitement connue, quand nous avons publié nos Recherches sur les tubulaires. H n’en est plus de même aujourd'hui : on connait le polype mâle et femelle dans toutes les phases de son évolution. La génération sexuelle apparait par grappes immédiatement au-dessous des Tome XXXVI. 16 122 RECHERCHES tentacules inférieurs. Les deux sexes sont à l'état d'atrophion complet. La forme médusaire est réduite à l’état d'un véritable ovisac. Notre Mémoire sur les tubulaires est accompagnée d’une planche (pl. VIH) qui représente une colonie mâle. C’est à Rathke que lon doit la découverte des spermatozoïdes ‘. Depuis 1833, M. Wagner a vu les œufs *, dans une espèce de l'Adriatique, Coryna aculeata, mais qui est plutôt une hydractinie, comme Sars en a déjà émis l'avis. M. Stret. Wright parle de polypiers qu'il a observés dans de nouvelles espèces de ce genre, tandis que la plupart des auteurs s'accordent à en refuser à celles que l’on connaissait. Il est possible qu'il en existe un, mais qu'il soit réduit à une ténuité tellement grande qu'il n’en reste pour ainsi dire rien après la décomposition de l'animal. On fera bien, en tout cas, de ne pas tenir compte de cette absence de polypier pour caractériser les genres. Nous avions cru également que les hydractinies en étaient dépourvues, mais leur absence est, ici comme ailleurs, plutôt relative que réelle. La Coryna mirabilis d'Agassiz * présente la plus grande ressemblance avec la Coryna gravata de M. Stret. Wright; mais ce dernier savant n’a connu qu'un seul sexe, tandis qu'Agassiz a vu les mâles et les femelles #. Ce sont des téléons médusaires qui, à la différence des téléons ordinaires, deviennent sexuels avant leur séparation. La ressemblance entre ces deux espèces va si loin, que toutes les deux représentent un polype sans tentacules, chargé d’un téléon. CoRyNE sQuAMATA Müller. Conyxe squamara, Rud. Wagner, Prodromi. hist. generat., pl F, fig. 1. — — Rathke, Bemerkungen.. Erichson’s Archiv , 1844, p. 155, pl V, fig. 1-6. — - Th. Stret. Wright, Observations on brit. Zoophytes, EviNe. NEW PHiLos. Jounx. July, 1857. CLava nuzriconnis, D' Allman, On the structure of the reprod. org. in cert hyd. pol., Procero. or Tue R. Society, 1857-D8. — — J. Leidy, Jourx. Acan. Nar. sc. PmLaneLzpu., vol. IE, 1855. 1 Bemerkungen über die Coryne Squamalu, Enricasows Ancuiv, 1844. 2 Jbid., 1855, Heft. II. 5 Agassiz, loc. cit, pl. XVIL, fig. 15-16, représente les téléons femelles; fig. 11-12, les téléons mâles. # Loc. eit., pl. VI, fig. à, sont deux téléons femelles. RÉ tif" sil, SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 125 Cette coryne se trouve souvent sur les Fucus, surtout le Fucus vesicu- losus. Elle parait habiter une grande étendue : Rathke l'a observée dans la Bal- tique , Ot. Ferd. Müller dans le Skagerrack, M. Steenstrup, aux iles Farô, MM. Alder et Stret. Wright et d’autres sur les côtes d'Angleterre, M. J. Leidy, aux États-Unis, Rhode-Island et nous, sur les côtes de Belgique. Depuis la publication de notre Mémoire sur les tubulaires, nous avons eu l'occasion d'étudier des colonies femelles ; comme dans les colonies mâles, les atrophions sont fort sim- ples, sans aucun organe extérieur, et réduits exacte- ment à l'état de sac. Toute la capsule ne consiste que dans une saillie de l'endoderme et de lecto- derme, et un œuf qui se développe entre les deux. La couleur ainsi que le volume de la capsule dépendent uniquement des œufs qu'elles renferment, comme l'indique la figure ci-jointe. Outre l'espèce ordinaire, M. Stret. Wright fait con- naître trois nouvelles espèces des côtes d'Angleterre, sous les noms de Clava repens, Clava membranacea et Clava cornea. On connait déjà depuis plusieurs années la Coryna fritillaria de la côte d'Islande, observée par M. Steenstrup, et M. Stret. Wright à fait Coryne squamala avec un œuf complet. connaître tout récemment encore une autre belle espèce sous le nom de Coryna gravata, voisine de la Mérabilis observée par M. Agassiz sur les côtes des Etats-Unis. Genre CORDYLOPHORE. — Cordylophora Allman. Nous consignons ici le résultat de quelques observations que nous avons eu l’occasion de faire sur des cordylophores de Schleswig. Les cordylophores ont été découverts par Allman dans les environs de Dublin ; nous avons douté quelque temps de leur existence hors de l'eau douce. La découverte récente des cordylophores à l'embouchure de lElbe, sur les 124 RECHERCHES bouées , semble indiquer que ces polypes, tout en étant d'eau douce, vivent cependant dans une eau saumâtre. On les trouve seulement sur les bouées, dit M. Kirchenpauer, qui forment les limites des eaux de l'Elbe. Les bouées qui portent des polypes marins et qui sont placées plus loin, ne sont jamais couvertes de cordylophores. Ce genre renferme deux espèces, si tant est que les s polypes vus en Angle- terre sont les mêmes que Retzius a vus à Stockholm : la première est connue sous le nom de : CORDYLOPHORA LACUSTRIS Allman. Synonymie.— Allman, Sur l'anatomie et La physiologie du cordylophora, Soc. roy. pe Lonpres, 16 juin 4835, JounnaL L'IxsniTur, 1855, p. 398. Allman, Ann. of nat. histor., vol. XL, ser. 2, pl. VI; Cordylophara lacustris. Thom. Hincks, Fusther notes on british Zooplhiytes, AxN. AND MAG. NAT. HISTORY. March, 4855. Allman , Philosoph. transactions, 1855, p. 367 Kirchenpauer, Die Seetonnen der Elbmundung; Mambourg, 1862, in-#°, p. 15. Les Cordylophores ont été observés aux environs de Dublin d’abord, aux environs de Londres ensuite, puis dans le Schleswig , dans les environs de Stockholm ! (Retzius), et enfin à l'embouchure de l'Elbe, sur les bouées qui servent d'indicateurs pour la navigation. Ce genre si remarquable, que l’on a vu dans des localités si diverses, depuis la découverte qui en a été faite, a été l'objet de quelques observations de notre part, qui ne nous semblent pas dénuées complétement d'intérêt. Nous avouons volontiers que, pendant fort longtemps, nous avons douté de l'existence d’un tubularide d’eau douce, et nous avons profité de l'offre qui nous a été faite par M. Semper d'étudier ce curieux genre. Du reste, depuis la publication du beau Mémoire de Allman, il n'existait plus dans notre esprit aucun doute à ce sujet. Nous avonsrecu de M. Semper, avant son départ pour les îles Philippines, des Cordylophores vivants de Schleswig, que nous avons pu conserver pen- ! Le professeur Allman m'informe, dans une lettre datée du 11 décembre 1858, que Retzius Jui a fait connaitre l'existence des Cordylophora dans l'eau douce, près de la ville de Stockholm. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 125 dant quelque temps. Ils nous ont permis de faire quelques observations que nous consignons ici. Nous avons reçu quelques colonies en automne et nous avons pu les conserver en vie jusqu’au mois de novembre ou de décem- bre. Les polypes ont disparu alors. Nous avons laissé l'eau qui les contenait en repos pendant tout l'hiver, et au mois de mars suivant de nouveaux Cordylophora ont reparu au bout des tiges comme dans les Tubulaires. Quelques tiges ou tubes se sont attachés aux parois du bocal, et il a suffi d'une toute petite partie de cœnosarque dans le tube, pour engendrer de nouveaux cordylophores. La plus grande partie de ces tubes étaient entièrement vides, au point qu'on voyait parfaitement à travers les parois. Une très-petite partie de la lon- gueur contenait encore de la masse charnue commune. Des têtes de cordylophores ont même poussé vers les deux extrémités, et les tentacules ont pris leur développement complet comme dans les tubulaires. Un des phénomènes les plus curieux de la reproduction agame est celui-ci : une branche avait été coupée à sa base et dans la masse, et au bout de quelque temps elle avait poussé, indépendamment des nouvelles têtes qui se trouvaient à l’extrémité supérieure , une tête également à sa partie inférieure. Il n’est pas rare aussi de voir la même masse s'étendre dans un tube abandonné et de continuer son évolution, de manière qu'une tige morte redevient le siége d’un polype vivant. En plaçant des daphnées dans de l’eau qui contient des cordy- lophores, on est tout surpris de voir au bout de peu de temps, quand ceux-ci sont bien épanouis, ces fougueux crustacés se dé- battre entre les bras des polypes et perdre bientôt tout mouve- ment indiquant l'intention de reprendre leur liberté. On les voit Cordylophore. comme paralysés dans leur carapace solide. Ce qui n’est pas moins curieux, c’est de voir des naïs en lutte avec ces polypes , et quoique la vie soit bien tenace dans ces vers, on les voit cepen- dant rapidement succomber et passer dans la cavité digestive du polype. Nous en avons vu qui n'étaient qu’à moitié avalés, et dont une partie passait suc- 126 RECHERCHES " cessivement dans la cavité digestive, pendant que l'autre partie se débattait à l'extérieur. Nous les avons vus avaler également des planaires vivantes. Ces tubulaires sont donc des animaux très-voraces. M. Kirchenpauer en a observé une espèce nouvelle sur les bouées à l'em- bouchure de l'Elbe , qu'il désigne sous le nom de Cordylophora albicola. CorDyLopnorA ALBICOLA Kirchenpauer. Cette espèce a été trouvée par M. Kirchenpauer sur les bouées à l'em- bouchure de l'Elbe. M. Kirchenpauer n’a pas vu de capsules pour la repro- duction , ce qui dépend sans aucun doute de l’époque de l’année à laquelle il a étudié ces polypes. GExrEe DICORYNE. Dans son catalogue ‘ M. Alder signale, sous le nom d'Eudendrium, un nouveau polype, vivant sur les vieilles coquilles de Buccinum undatum et de Fusus antiquus, que nous croyons identique avec le polype que nous signalons ici. Nous n'avons observé que les polypes agames, mais M. Alder à été plus heureux ; il a vu des téléons mâles et des femelles, et il a constaté chez eux un mode de reproduction dont on ne connait pas encore un second exemple. Nous l'avons observé sur les tiges de Tubularia indivisa; plusieurs fois nous avons trouvé ces tiges envahies par lAplydium. DicoRYNA CONFERTUM. Synonymie. — EupeNbRiux conFeRTUM, Alder, Catalogue of Zoophytes….., 1857. Diconyna srnicra, Allman, On the hydroïd Zoophytes, ANN. AND MAG. NaT. miss vol. VIT, 1861, p. 168. L'animal a douze tentacules assez forts, qui sont, comme le corps du polype {A catalogue of the Zoophytes of Northumberland and Durham, Tnaxsacr. or r8e Tayu- SIDE NATURAL. Field club. Newcastle upon Tym, 1857, p. 15, pl. I, fig. 5-8. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 127 et sa tige, d’un jaune d’ocre. La colonie n’est pas arborescente. Elle rampe et forme un réseau. Chaque polype vit seul au bout d’une branche isolée. Ce polype habite de grandes profondeurs. Nous ne l'avons pas vu dans la dernière phase de son évolution. Allman a vu des individus des deux sexes, et il nous fait connaître un mode de reproduction par planule tout nouveau. Un gonophore , pour me servir de son expression, donne naissance à un corps cilié, portant deux tentacules ; ce corps est tantôt femelle, et montre deux œufs très-développés dans son intérieur ; tantôt il est mâle, et ne ren- ferme que des spermatozoïdes. Il nage librement grâce à ses cils. Ces corps ne sont pas franchement des planules, puisqu'ils sont sexués : ce ne sont pas non plus des téléons véritables, puisqu'ils descendent de téléons et que ceux-ci n’ont point le corps couvert de cils vibratiles. GENRE DINEMA. Il est reconnu, dans toutes les classes du règne animal, que les espèces se rapprochent d'autant plus entre elles qu’on les examine à un âge moins avancé. À l’âge adulte seul appartiennent souvent les attributs spécifiques comme les attributs sexuels. Dans ce genre, nous trouvons un exemple re- marquable auquel ce principe est applicable. Nous avions pendant longtemps étudié des Eudendrium ramosum ; nous croyions parfaitement connaitre cette espèce si commune sur nos côtes, lorsqu'un beau jour nous voyons éclore des méduses de deux formes complétement différentes, provenant de colonies que nous avions regardées jusqu'alors comme identiques. Il existe des diffé- rences, mais elles nous avaient échappé, et nous avions confondu deux polypes complétement différents sous leur forme médusaire. Ces polypes, que nous avions confondus, sont : l'Eudendrium ramosum et le Dinema de Slabber. Quelques naturalistes avaient toutefois reconnu que ces polypes ne sont pas semblables, et, avec une grande perspicacité, ils leur avaient imposé des noms spécifiques propres. Slabber, après avoir décrit et figuré sa charmante espèce de callianyre 128 RECHERCHES * (Callianyra hexagona , pl. VIE, fig. 3-4), parle, dans la onzième partie de son intéressant livre, d'un béroë (p.89, pl. IF, fig. 1-2), qu'il appelle Gladde beroë, en le comparant au callianyre. I le trouva dans ses filets le 8 juillet 1768. Il a la grosseur d'un. grain de colza. Sa cavité stomacale, que Slabber à fort bien reconnue, ainsi que les quatre canaux qui en partent, ont une couleur jaunätre, tandis que la teinte générale tire sur le bleu. Les deux cirrhes s’allongent considérable- ment, dit-il, et il resta ébahi la première fois qu'il vit ces organes se dérouler. Il pense qu'ils s'étalent quand l'animal va à la chasse. Il a vu aussi que le cercle peut se resserrer à volonté. Slabber n'a trouvé cet animal décrit nulle part, et nous pouvons en dire encore autant aujourd'hui. Il est inutile de faire remarquer que cette petite méduse , loin de ressem- bler à des béroë, comme le nom de Slabber semble l'indiquer, ressemble plutôt aux médusaires, et que les deux appendices flottants, qui ont dans les Cténophores une origine complétement différente de celle de ces prétendus béroë, ne différent pas moins par leur structure que par leur composition. Ce sont toutefois ces appendices qui ont trompé Slabber sur les aflinités. Ed. Forbes pense que les deux figures de Slabber (pl. Il, fig. 4 et 2) re- présentent la Saphenia dinema ". Nous ne croyons pas que ce soit le même animal que Forbes décrit sous ce nom; indépendamment de la taille qui diffère, Forbes parle de vingt- quatre tentacules courts et incolores placés entre les deux longs cirrhes. Nous n'avons rien vu de semblable dans notre espèce. Entre les deux cirrhes on ne voit que deux autres rudiments de cirrhes correspondant aux canaux gastrovasculaires. En 1855 nous fûmes fort surpris de voir naître une petite méduse de colonies d'Eudendrium , qui jusqu'alors nous avaient toujours donné des méduses à huit cirrhes au lieu de deux. En examinant les polypes de plus près, il devint bientôt évident que nous avions sous les veux des polypes très-différents entre eux par leur forme médusaire, mais très-semblables, au contraire, par leurs formes agames. ! Forbes, Brit. Nak. eyed Medusae, p. 92. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 129 Nous avions depuis longtemps observé cette méduse microscopique, que nous avions trouvée en assez grande abondance, au mois de mai, dans notre aquarium , mais sans en connaitre l'origine. Nous ne lui avons pas vu d’or- ganes sexuels. Le téléon que M. Stret. Wright a figuré depuis sous le nom d’£udendrium pusillum, présente avec celte espèce la plus grande ressemblance, par les deux longs cirrhes, l'absence de polypes, ete.; mais les polypules différent notablement entre eux, surtout par la communauté ". La Syncoryna cleodorae de Gegenbaur ressemble beaucoup aussi à cette espèce, par sa méduse au moins; mais l'hydrier est complétement différent. Cette espèce se rapproche plutôt, quoique de la Méditerranée, de l'Euden- drium sessilis de Stret. Wright. Cette syncoryne de Gegenbaur a les tentacules épars et sans boutons , ce qui justifie le nom de Syncoryne. On entrevoit déjà que des formes médusaires fort semblables vont pro- venir de genres différents établis jusqu'à présent sur la forme agame, et qu'un remaniement complet sera nécessaire le jour que toutes ces espèces seront connues dans leurs diverses phases d'évolution. Nous sommes encore loin de cette époque. Sous le nom d’Atractylis palliata, M. Stret. Wright a décrit tout récem- ment un polype qui, à l’état de téléon, présente avec le genre Dinema une grande ressemblance. Il est à noter toutefois que le savant naturaliste anglais a vu des appendices surgir entre les deux longs cirrhes *. Comme il faut bien donner un nom à cette curieuse forme de méduse, à cause des deux longs cirrhes, nous proposons de lui donner le nom géné- rique de Dinema. Les polypes agames ont tous les caractères des véritables Eudendrium, c’est-à-dire qu'ils ont un seul cercle de tentacules disposés en verticille, étalés dans toutes les directions et fort rétractiles. Le polypier est faiblement développé et sans anneaux. Les téléons naissent le long de la tige; ils portent deux longs cirrhes fort ! Eudendrium pusillum, Siret. Wright, Observ. on Brit. Zoophyt, New vus. Jounx. July 1857, pl. IL, fig. 8-9. ? Ann. et Mag. Nat. hist., 1SG1, p.129. Toue XXXVI. 17 150 RECHERCHES rétractiles et deux autres rudimentaires. Des palpes simples entourent lorifice de la bouche. DiNEMA SLABBERI. (PI. IX et X.) Synonymie. — GLanve BenoëË, Slabber, Natuurk. verlustig., pl. WE, fig. 1 et 2. Oceania micnoscorica, Peron et Lesueur, Tableau des caractèr…., pag. 548. Oceania microscoricA, Lesson, Acalèphes, pag. 521. EuveNDRiUM RamEeu», Johnston, Brit. Zoophytes, 2° éd., pag. #5, pl. V, fig. 1-2. TuBuLARIA RAMEA, Pallas, Elenchus, pag. 85. Takkig pyp-corallyn. nat. Hist. de plant-Dieren, door Boddaert, p. 102. TusuLARIA RAMOSA, Johnston, Transact. New Soc., vol. 1, p. 255, pl. X. Johnston doute encore de la valeur réelle de cette espèce , puisqu'il dit, p.46 : ILis possible this may be a state of E. rAmosuM, but its arborescent character, and the complexness of is structure, are so remarkable that à have willingly followed the example of Pallas , who has given a description of the.species in hit usual accurate and expressive style. L'Eudendrium ramosum est le même sur nos côtes et les côtes de Sicile, d’après Gegenbaur. L'Eudendrium racemosum , observé par Cavolini et Krohn, dans le golfe de Naples, et par M. Gegenbaur à Messine, est-il encore le même ? Nous en doutons, surtout pour le dernier, dont Cavolini nous fait con- naitre les méduses incomplètes. Le polype agame a de cinq à dix tentacules sur un seul rang. On ne voit ce premier nombre que sur les jeunes individus. Le polypier est ramifié et n'offre pas les anneaux de l'espèce précédente. Il forme aussi une touffe chevelue sur divers corps, surtout sur le halodactyle. La méduse est assez grande relativement à la précédente, Elle nait, comme elle, le long de la tige. Les inférieures sont les plus âgées. Il y a quatre canaux droits qui partent de l'estomac pour se rendre au canal marginal, mais ce n’est qu'au bout de deux de ces canaux que naissent les longs cirrhes. Au bout des deux autres canaux, il se trouve seulement un mamelon. Il n'y a pas d'yeux. La bouche est sans tentacules au moment où la méduse se détache. Le développement est le même. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 151 J'ai tenu des méduses de ces deux espèces en vie, pendant quatre se- maines , Sans avoir vu apparaitre les organes sexuels. Je les ai perdues après cela. J'en avais des centaines de l’une et de l’autre espèce péle-méle dans un vase dont l’eau se renouvelait nuit et jour et se trouvait constamment en mou- vement. La méduse que nous avons trouvée libre dans l'aquarium au mois de mai était toute transparente ; la cavité de l'estomac était seulement teinte de rouge, ainsi que la base des cirrhes. Nous n'avons pas vu d'organes sexuels. Des palpes simples oceupaient l'orifice de la bouche. GENRE HYDRACTINIE F. Ben. Les polypes agames sont nus, et couverts, à leur base seulement, d'un polypier mince et délicat, souvent imperceptible ; les tentacules ne forment qu’un seul verticille; les polypes qui engendrent la forme médusaire n’ont généralement pas de tentacules ‘. Les téléons apparaissent vers le milieu du corps ou en dessous des tentacules, et sont sessiles. Ils ne se développent généralement pas jusqu’à la forme médusaire. Nous étions loin de songer, en 1841 , en établissant ce genre Æydractinie, que peu d'années plus tard ces polypes seraient signalés sur des points aussi éloignés les uns des autres que le sont la mer du Nord, la Méditerranée et les côtes des États-Unis d'Amérique. Partout ils se sont présentés sous des formes particulières , qui leur ont valu les noms les plus singuliers. Presque en même temps, Philippi propose pour eux L nom générique de Dismor- phosa * ; À. de Quatrefages, celui de Synhydra * ; Hassall et Sars, d’Echino- chorium * et de Podocoryna”. Dans le Règne UE illustré de Cuvier, l’'Hy- ! Nous disons généralement, parce que Gegenbaur vient d'observer des individus géné- rateurs dans la Méditerranée, avec tentacules et sans tentacules, Vergl. Analom., p. 9%, fig. 15. ? Wiegmannws Archiv, 1849, tab. 1, p. 57, fig. 2-5. 5 Annales des sciences naturelles, 2° série, 1845, t. XX, pl. VITI-IX. # Ann. and Magaz.of nat. hist., vol. VIL, p. 571, pl. X, fig. 5. 5 Fauna littoralis Norvegiae; Christiania, 1846, p. #, pl. IT. Aug. Krohn, Ueber Podoco- ryna, TroscueL’s Arcutv, 1834 , p. 265. 152 RECHERCHES * dractinie est placée dans le genre Coryne !. C'est sous le même nom générique que R. Wagner a signalé une espèce (Coryna aculeata) de lAdriatique *. Sars , qui avait déjà consigné ses intéressantes observations sur les hydrac- linies dans sa Fauna littoralis Norvegiae, à fait de nouvelles observations sur ce même genre pendant son voyage sur les bords de la Méditerranée, et nous n'avons pas été peu surpris de le voir distinguer deux nouvelles espèces dans le golfe de Naples : l'une, qui est identique avec la Podocoryna carnea de la mer du Nord”; l'autre portant le nom de Podocoryna fucicola ; celle-ci diffère surtout de la première par les tentacules qui, quoique moins nom- breux, ne couronnent pas moins les neutres comme les autres, et par les atrophions complets dans les deux sexes. | Dans une note, M. Sars fait connaitre une autre espèce encore de la mer du Nord, qu'on trouve sur les tiges du Tubularia indivisa, habitant à 30 ou 40 brasses de profondeur, et qu'il appelle Podocoryna tubulariae *. Des sept espèces que nous comptons aujourd'hui dans ce genre , trois sont de la mer du Nord, une de la Méditerranée, une de l'Adriatique , une de la Baltique et une des côtes des États-Unis. Une espèce, l'£chinata , qui semble à la fois, d’après Leidy, habiter la mer du Nord et les côtes des États-Unis (Rhode-Island). La Fucicola de la Méditerranée, la Polyclina des États-Unis et l'Echinata de la mer du Nord, produisent des atrophions. Les deux espèces l’Aculeata de l'Adriatique et la Carnea de la côte de Norwége se déve- loppent, au contraire, jusqu'à la forme médusaire. La première, toutefois, dont nous ne connaissons que la femelle par R. Wagner, devient sexuelle avant sa séparation et ne devient guère téléon libre; la seconde offre cette autre particularité , que la femelle seule est un atrophion complet, et le mâle, au contraire, semble devenir téléon libre et complet. La Synhydra parasite est sans doute synonyme de l'Æydractinia echinata. Nous ne connaissons pas l’âge sexuel des nouvelles espèces que nous fai- sons connaitre , si ce n'est de l'espèce observée par M. Lovèn. Le savant profes- seur de Stokholm regrette de n'avoir pu poursuivre plus loin le développement ! Règne animal illustré, Zoobuxres, pl. LXIV, fig. 2. C'est une des figures de Quatrefages. 2 Isis, 1855, Heft IL, pl. XL, p. 256. ® Sars, loc. cit., p. 55. Ib., p. 56, en note. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 155 de ses curieuses hydractinies ; mais il n’a, à notre avis, rien à regretter : les mâles ne continuent pas longtemps, sans doute, leur existence libre, et portent tous leurs attributs au moment de leur séparation, tandis que les femelles ne semblent même pas devenir libres et complètes. En effet, les hydractinies observées par M. Christian Lovèn , sur les côtes de Bohuslän (Norwége), ont des individus prolifères plus courts que les au- tres, qui partent des bourgeons au-dessous des tentacules demi-rudimentaires. Ces bourgeons deviennent des méduses avec huit cirrhes marginaux, et pa- raissent appartenir aux Sarsia parmi les Océanides. ; Les méduses abandonnées à elles-mêmes perdent, au bout de deux ou trois jours, de leur vitalité, et M. Christian Lovèn a vu les femelles se retourner complétement, et montrer dès ce moment une activité plus grande dans le développement des œufs et des ovaires. Ce phénomène est le même, croyons-nous, qui s'observe dans toutes ces petites méduses nées en pleine mer et tenues en captivité dans un aquarium. M. Stret. Wright divise les individus hydractinies en : 1° Alimentary polyps ; 2 Reproductive polyps : 3° Spiral polyps; 4° Sessile generative sacs of the polypary ; 5° Tentacular polyps. H nous semble que les deux premières catégories méritent seules d'être conservées ici. Ils accomplissent les deux grandes fonctions qui entretiennent la vie ". Quelques auteurs avaient pensé que le poly- pier des hydractinies est interne, et qu'il ne cor- respond pas avec celui des polypes hydraires. II aurait nécessairement fallu , dans ce cas, retirer les hydractinies de ce dernier groupe. Par des observations suivies, M. Stret. Wright a prouvé qu'il n’en est rien, que le polypier des hydracti- nies est, au contraire, extérieur, et en tout sem- blable à celui des tubulaires et des campanu- D'après Stret. Wright. laires *. ! Stret. Wright, Ann. Mag. nat. hist. Aug. 1861, p. 152., ? Ann. Mag. nat. hist. Aug. 1861, p. 151. 154 RECHERCHES HYDRACTINIA ECHINATA. Les polypes agames sont d'un blanc lactescent; les mâles et les femelles portent des Atrophions : les premiers, de couleur blanche avec le support jaunètre ; les seconds, rougeûtres ou rosés. Ils s’étalent le plus communément sur des coquilles du genre Buccinum ou Natica, et laissent à la surface de ces coquilles, après leur disparition, une croûte brune fort rugueuse, que l'on à prise pendant fort longtemps pour un polypier bryozoaire. Il est à remarquer que cette espèce de nos côtes n’a jamais de téléon mé- dusaire; c’est un A/rophion complet. La Podocoryna carnea, au contraire, que Sars a observée sur la côte de Norwége, a les femelles complétement atrophiées, comme dans notre hydractinie , tandis que les mâles prennent tous les caractères d’une méduse complète ‘. L'espèce de la Méditerranée, que Sars a nommée H. fucicola, à également les deux sexes en atrophion complet. Synonymie. — HYDRAGTINA LACTEA el nosEA, Van Beneden, Bulletins de l’Académie royale de Bruxelles, t. VIN, 1841; Van Beneden, Recherches sur l’embryogénie des Tubulaires, Méx. DE L'Acap. Roy. DE BruxeLLes, t. XVII, p. 10%, pl. IX (1845); Van Beneden, Sur les genres Éleuthérie et Synhydre, Bu. be L'Acap. Roy. DE BELGIQUE, t. XI, 1844. Sars, Bidrag til Kundskaben om Middelhavets littoral- Fauna; Nyr. Macaz., vol. IX. Christiania, 1856, p. 5d. Hypnacrinia EcuiNaTA, Leidy, Journ. Acad. Sc. ; Philadelph., vol. III, 4855. HyonAcTINIA ECHINATA, Allmann, On the structure of the reproduction organs in certain hydroid polypes. Pnoceeo or Tue Roy. Society. Session 1857-58. Hypracrinia Ecmxara, Stret. Wright, The Edinb. new philos. Journ., new series. April 1857. HypracTiNiA LacTEA, Carl Gegenbaur, Grundzüge der vergleichenden Anatomie. Leipzig, 1859, p. 9%, fig. 15. Chr. Lovèn, Till Utvickeling... (Sur le développement des hydractinies.) Of versigt of kong. Ventenskap. Akad. fordhandl., 1857, p.505. Stokholm, 4858; v. Siebold, Zeit. für Wiss. Zool., 1850, tab. XIV. : Nous adoptons sans difliculté le nom spécifique de £chinata, non pas à cause du principe que ce nom a été donné avant les autres, mais parce que ! Fauna littoralis Norvegiae, °° Lief., pl. E, fig. 11-16, et pl. IE, fig. 5-11. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 155 les noms donnés depuis sont moins propres. Il est impossible de conserver toujours et avec justice le nom le plus ancien. Celui qui, le premier, a bien reconnu et bien déterminé les affinités d'une espèce ou d'un genre, peut seul prétendre à voir conserver le nom qu'il lui a donné. HYDRACTINIA LACTEA. L'histoire du développement des hydractinies est très-instructive pour l’in- telligence des animaux de cette classe. On voit d'abord que chaque colonie, comme on l’a reconnu généralement aujourd'hui, est mâle ou femelle, et que les individus préposés à la généra- tion médusipare diffèrent des autres par l'absence de bouche et l’état rudi- mentaire des tentacules. Nous ferons remarquer toutefois que l'espèce méditerranéenne que Sars a nommée Fucicola, a des tentacules, mais ils sont moins nombreux, et Ge- genbaur donne même une figure qui représente les deux sortes de polypules médusipares et neutres avec des tentacules. La méduse est frappée d’un arrêt de développement ; elle reste à l’état d'ovisac ou de spermisac comme dans les hydres, et ne montre même aucune apparence de cirrhes. C’est un atrophion complet. Nous pouvons citer cepen- dant la Carnea de Sars, dont la femelle est complétement atrophiée, tandis que le mâle prend la forme d’une méduse complète. Les colonies portent, les unes des individus dont la progéniture médusaire est rougeàlre et déteint sur toute la masse; ce sont les femelles. C’est le vitellus rouge des œufs qui donne cette couleur. D’autres colonies portent des gemmes médusaires jaunes : ce sont des mâles. La masse spermatozoïdale est d'un blanc mat comme toujours; la couleur jaune provient du diverticule stomacal qui le pénètre. Nous avions cru d’abord que ces différences de couleur, qui se répétaient régulièrement et dans des conditions absolument identiques, que ces diffé- rences, disons-nous, étaient spécifiques. La méduse ainsi est réduite à sa plus simple expression. Elle reste sous sa première forme embryonnaire de sac. Nonobstant, les œufs se forment dans 156 RECHERCHES son intérieur et l'étendue des sacs méduses varie selon leur dimension. Dans chaque sac on trouve une demi-douzaine d'œufs. Ces œufs sont fort intéressants. L'enveloppe externe est fort mince et déli- cate; en dessous on voit une masse énorme de vitellus rouge et au centre de ce vitellus loge une vésicule de Purkinje, qui en renferme très-distinctement deux autres. C’est ce que nous avions signalé, quand nous avons parlé pour la première fois de ces polypes. Les méduses màäles ne renferment qu'une poche unique pleine de liqueur spermatozoïdale. M. Sars, dans ses recherches sur la faune littorale de la Méditerranée , signale celte espèce dans le golfe de Naples; elle affecte exactement les mêmes caractères qu'il lui a reconnus dans le Nord ". On voit quelquefois les actinies se seinder, et un seul animal 47 porter en apparence deux bouches et deux couronnes de tentacules. Voici un exemple analogue : Nous avons vu un polypule neutre, au milieu de toute une colonie étendue sur la coquille d’un buccin, fendu vers le milieu du corps et divisé en deux têtes à couronne, Hydractinie s SE bide. exactement semblables l'une à l’autre. HypRACTINIA SOLITARIA Van Ben. (PL XI, fig. 9-11) Ne connaissant point la phase médusoïde , nous ne pouvons chercher les caractères génériques que dans le polype. Nous ne voulons pas créer un nom générique nouveau; quoique l'animal ne rentre complétement dans aucune coupe générique connue, il est voisin des hydractinies, tout en vivant à peu près solitaire ; et il ne peut se placer convenablement dans les Euden-. drium, dont il a cependant les tentacules; il ne possède qu'un rudiment de polypier mou. Du reste, il est probable qu'entre les hydractinies et les Euden- drium, i doit y avoir des passages insensibles. Ce n’est qu'à l’aide d'une forte loupe qu'on peut distinguer cet intéressant polype. Les hydractinies ordinaires ! Sars, Bidrag til Kundskaben om Middelhavets littoral-Fauna,… Nyr Macazys….. vol. 9; Christiania, 4846, pag. 55, et Gegenbaur, loc. cit. nb SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 157 s'observent à l'œil nu, et ont un plateau hérissé de pointes qui manque ici. L'Hydractinia solitaria est d'un blanc mat. Quand le corps et les tentacules sont entièrement épanouis, ils sont Pun et l’autre d’une délicatesse extrême : à la loupe, les tentacules font l'effet de chapelets de verre, dont les grains tiennent ensemble par un fil invisible. Pour bien les représenter à un faible grossissement, il faut seulement quelques amas pointillés de distance en dis- tance. Les tentacules sont placés sur un seul rang, mais ils alternent comme dans tous ces polypes. Les supérieurs forment une couronne de bras très-longs, tandis que les inférieurs constituent un cercle de bras courts. IT faut les étudier avec beaucoup de soin pour reconnaitre une différence dans leur insertion. Nous avons vu des tentacules en nombre variable et, comme on le com- prend bien, puisqu'ils sont séparément contractiles, chacun d’eux a une lon- gueur très-variable. Nous en avons vu dont le nombre de tentacules s'élevait à six, sept ou huit, d’autres à dix et onze; nous n’en avons pu compter au delà. Au milieu de la couronne tentaculaire, le corps s’allonge en pyramide, et la bouche se montre au sommet. Cette pyramide est fort mobile et prend comme dans l'hydractinie la forme d’un pain en anneau. La cavité digestive fait un prolapsus et la surface interne devient en partie extérieure. Nous n'avons pas vu d'organes sexuels; autour du corps linéaire on voit des mucosités qu'on peut considérer comme un polypier rudimentaire. Nous l’avons trouvé sur une huitre et une ascidie attachée à celle-ci. HYDRACTINIA TENUISSIMA Van Ben. Ce polype, dont nous ne connaissons également pas la forme médusoïde, vil isolé sur des huitres et des ascidies, et se fait remarquer par la longueur extraordinaire comme par la ténuité de ses tentacules. Ils sont placés sur un seul rang. Nous en avons compté dix. Nous avons perdu ce charmant polype pendant les chaleurs, avant d’avoir complété nos observations. Towe XXXVI. 18 158 RECHERCHES HypraAcTINIA INCERTA Van Ben. Sans pouvoir dire par quels caractères cette espèce se distingue de l’Æydrac- linia tenuissima , nous ne doutons point cependant qu'elle ne soit distincte. — Ceux qui étudieront avec le soin nécessaire les phases complètes de leur évolu- tion trouveront sans doute facilement les différences dans la forme méduse. F1 f b F: Nous en avons trouvé sur des huitres, qui portaient en même temps des corynes. CLADONEMA. Nous avons été assez heureux de découvrir cette superbe espèce sur nos côtes et de suivre pas à pas le mode de formation des singuliers cirrhes qui garnissent le bord des ombrelles des téléons. C'est le 12 mai 1842 que Dujardin à vu la première fois ces cladonèmes SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 159 dans un vase d’eau de mer rapportée de Saint-Malo, dans lequel depuis huit mois il observait des stauridies ". M. Krohn a retrouvé ces polypes à Messine en très-grande quantité : il a mis des mäles et des femelles en présence, il a vu des embryons ciliés sortir des œufs, et de ceux-ci il à vu naître les stauridies qui engendrent à leur tour les méduses *, Gegenbaur décrit la Cladonema de Sicile, et, à en juger par les cirrhes (ein stärkeres Nesselknüpfchen sitzt am ende jedes Tentakelästehens), la couleur jaune de la partie inférieure du corps et par la taille qui n’est que de trois lignes, ces cladonèmes ne sont probablement pas les mêmes; les nôtres n’ont qu'un millimètre *. MM. Keferstein et Ehlers paraissent avoir observé déjà que les cirrhes des cladonèmes sont d’abord simples et indivis, et que les ramifications ne paraissent qu’à la fin de leur développement *. CLADONEMA RADIATUM Du. (Planche XI.) Caractères. — Le polype agame a une seule rangée de tentacules inégale- ment développés comme dans les hydractinies. Le corps est nu et sans polypier. Le téléon est sphérique, avec huit faisceaux de cirrhes, dont deux sont droits et terminés par une ventouse et le troisième fort long, ramifié sur son trajet, complétement noueux , et eflilé aux bouts. Les organes sexuels se dé- veloppent dans les parois de l'estomac; il y a cinq appendices simples, glo- buleux et spiculifères au bout entourant la bouche. Synonymie. — CLaDoNEMA RADIATUM, Dujardin, Sur un nouveau genre de Médusaires, Ann. DES sc. NAT., VOl. XX, 1845, p. 570. — Développement des méduses et des po- lypes hydraires , Ann. pes sc. NaT., 5° sér., t. IV, novembre 1845. — Comptes rendus de l’Acad. des se., t. XVI, 1845, p. 1152, Insrirur, XI, 1845, p.171, Froriep's Notizen, vol. 57, 1846, p. 49. { Dujardin, Ann. sc. nat., 1845, vol. XX, p. 571. ? Krohn, Ueber die Brut des Cladonema radiatum, und deren Entwickelung zum Stauri- dium, Muzcer’s Arcuiv, 1855, p. 422. 5 Gegenbaur, Vers. ein Syst. d. Medusen, Zerrs. rün Wiss. Zoooc., vol. VIT, 1856, p. 250. # Krohn, Beobacht. über den Bau der Eleutheria, TroscueL’s Arcmiv, 1861, p.170. 140 RECHERCHES Synonymie.— Krohn, Ueber einige niedere Thiere, p.157, et Ueber die Brut des Cladenoma radiatum und deren Entwickelung zum Stauridium, MuzLen’s Ancmiv , 1853, p. 420. CLADONEMA RADIATUM , Gegenbaur, Versuch eines Systemes der Medusen, mit Be- screibung.….., Zeirs. Für Wiss. Z00L06., 1856, vol. VIII, p. 250. Keferstein et Ehlers, Zoologische Beiträge, 1861, p. 86. Hincks, On Clavatella, Anx. AND MAG. NaT. misr.; feb. 1861, p. 8. Cette espèce s'étendrait donc depuis la mer du Nord et la Manche jusque sur la côte de Sicile. Rien n’est gracieux comme un cladonème , nonchalamment étalé au milieu de son bassin, fuyant devant quelque danger imaginaire ou réel, ou solide- ment lapi par ses ventouses pour résister au courant, pendant qu'il étale soigneusement ses longs cirrhes dans toutes les directions. On peut rester des heures entières en contemplation devant ces organismes infimes, qui sem- blent moins solides qu'une bulle de savon, et qui se conservent cependant en dépit des vagues, des chocs et des tempêtes. Le Cladonema est véritablement amarré et projette ses filets au milieu du courant, sans crainte d’être entrainé. Le corps est parfaitement sphérique , transparent comme .du cristal, légè- rement pointillé à sa surface et montrant un point rouge de brique à la base de chaque faisceau de cirrhes. Au milieu du rouge est logé un point noir lui- sant comme une perle qui correspond aux yeux. Quatre canaux partent de l'estomac et se bifurquent près de leur origine pour se rendre aux huit faisceaux. La cavité de l'estomac est terminée par cinq pelotes de spicules. La longueur de l'animal est d’un millimètre. Strobile. — Nous avons été fort longtemps sans pouvoir découvrir le stro- bile et les polypules de cette remarquable espèce. IT naissait constamment des méduses dans l'aquarium et nous ne pouvions découvrir les tubulaires. A la fin, nous en avons aperçu sur une coquille de Buccinum undatum vide, qui se trouvait au moins depuis deux ans dans le même aquarium. Le poly pule présente quelque différence avec celui que Dujardin et M. Krobn ont observé, Nous ne lui trouvons , en effet, qu'un seul verticille de tentacules , SUR L’HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 14 et ces tenlacules ne sont point disposés en croix. Le corps est fusiforme et, comme dans les hydractinies, dont par parenthèse il a tous les caractères, les tentacules ne forment qu'une seule rangée ; mais, quand le polypule est com- plétement étalé, alternativement un tentacule s’érige pour former un enton- noir avec ses partenaires, el un autre s'élève perpendiculairement sur le corps. Ce qui semblerait confirmer que l'espèce des côtes de Sicile n’est peut- être pas la même que celle de la Manche et de la mer du Nord, c’est que Gegenbaur à vu toute la partie inférieure du corps d’un jaune pâle, tandis que le corps est tout à fait incolore dans notre Cladonema. Die unterfläche des Kôrpers ist schwach gelblich gefärbt, dit-il". Il donne ensuite un bouton à chaque cirrhe, tandis que les deux cirrhes, peu rétractiles, ont seulement un bouton au bout, et le téléon atteindrait trois lignes de longueur alors que le nôtre ne dépasse pas un millimètre. Ces tentacules sont fort simples, rétractiles comme dans les hydractinies, terminés comme une épingle par un bouton et n'ont guère la même longueur. Leur nombre également varie sans doute avec l’âge. Nous avons trouvé dans leur verticille tantôt six tentacules, tantôt sept. Ces polypules sont si petits, qu'ils ne dépassent pas les monticules des hydractinies ordinaires, qui forment si souvent une croûte brune sur les buccins ou d’autres coquilles. Comme le résultat de nos observations ne s'accorde pas complétement avec ceux de Dujardin et Krohn, et que nous n'avons vu naitre ni les poly- pules des œufs de cladonèmes, ni les téléons de ces polypules, nous avons affaire à un animal différent, ou notre hydrier n’est pas celui qui engendre ces méduses. Des observations ultérieures décideront cette question. En découvrant ces méduses, au commencement du mois de juin, nous étions loin de nous douter que nous avions des Cladonema sous la main : il est vrai, il existe huit faisceaux de cirrhes, ayant chacun un œil noir à sa base, mais le long cirrhe ne présente pas de ramifications sur son trajet, et son aspect est noueux jusqu’au bout. Nous avons été surpris plus tard de voir ce cirrhe principal dans chaque faisceau se bifurquer sur son trajet, puis continuer et s’allonger sans perdre son premier aspect noueux ; du 28 au 1 Versuchein. Syst. d. Medus., pag. 250. 142 RECHERCHES 30 juin, ce cirrhe, pendant l'expansion, dépasse cinq à six fois le diamètre du corps, et de nouveaux filaments ont paru sur son trajet. Je compte jusqu'à trois branches qui ont surgi ainsi par une espèce de bourgeonnement , ce qui donne à chaque cirrhe quatre filaments. Ce n’est pas, comme on l’a dit, par dichotomie, qu'ils se divisent, et nous ne voyons pas comment on a pu sous ce rapport les rapprocher des éleuthéries. On voit donc la méduse se com- pléter et achever son évolution après la séparation de son hydrier. Les deux autres cirrhes ne changent pas et remplissent, dès le début, le même rôle; ils sont toujours de longueur inégale, non noueux, peu rétrac- iles et terminés chacun par une ventouse. Ces ventouses sont déjà toutes formées quand le cirrhe noueux est encore simple ou sans division. Nous avons élé frappé, en voyant les intéressantes observations de M. Hincks, sur les éleuthéries, que M. Krohn vient de confirmer par des observations faites à Nice; nous avons été frappé, disons-nous, de voir que, dans ces polypes aussi, les cirrhes ne se terminent pas également par des pelotes à nématocystes; que l’un des deux seulement se termine de cette ma- nière ‘. Nous croyons devoir en conclure que, dans ces polypes comme dans les eladonèmes, un des cirrhes sert d'amarre, tandis que l'autre sert à la pêche. Nous avons continué à observer ces cladonèmes, pour nous assurer sur- tout du mode d'apparition des organes sexuels et des changements qui surviennent dans les formes et le genre de vie après la ponte des œufs. Les parois de la cavité digestive, qui étaient lisses et unies d’abord, se gonflent vers la fin du mois de juin, quand les cirrhes sont complets, et ce gonflement est concentré vers le milieu de l'organe. Il s'élève quatre émi- nences arrondies d'abord, pointues ensuite, qui affectent la forme d'un bonnet de prêtre. Ces éminences logent les organes sexuels dans leur épais- seur, Leur couleur est d’un blanc mat. Nous n'observons rien d'autre jusqu’au milieu de septembre. L'animal continue à nager et à se nourrir, suspendu tantôt à la surface de l'eau, tantôt attaché aux parois, étalant les huit longs cirrhes ramifiés comme un vaste réseau. C'est vers le 15 septembre que nous découvrons un amas d'œufs, au ! Hincks, On Clavatilla, ANx. or Nat. wisrony; feb. 1861. — Krohn, Beobacht. über den Bau und die Fortpflanzung der Eleutheria, Troscuec’s Ancmv, 1861, p. 157. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 143 nombre au moins d'une centaine, au fond du vase, et qui tiennent ensemble par une malière visqueuse qu’on n’apercoit que quand on veut en saisir. Ces œufs sont parfaitement sphériques et ne possèdent qu’une seule enve- loppe. On ne distingue qu'un vitellus incolore, finement granuleux et trans- parent comme le chorion qui l'entoure. Ces œufs mesurent 0m®,20 de diamètre. Le 23 septembre, les organes sexuels sont complétement dégorgés, et les cladonèmes n’ont encore rien perdu de leur vitalité à la fin du mois d'octobre. Nous nous attendions à les trouver bientôt flétris après la ponte des œufs. Nous les avons vus encore au mois de novembre, mais depuis ils n’ont plus reparu. M. Krohn a vu depuis longtemps les œufs de cette espèce, qui parait com- mune à Messine. Il à réuni des Cladonema des deux sexes, et, peu de temps après, il a vu également des œufs au fond du vase; mais au lieu de les trouver agglomérés au nombre d’une centaine, il les a aperçus dispersés, compléte- ment isolés ou par groupes de deux ou trois. Il reste à savoir, comme nous l'avons déjà fait remarquer, si nous avons étudié le même animal. * Nous sommes parfaitement d'accord avec Dujardin et M. Krohn, sur le lieu et le mode d'apparition des organes sexuels dans l'épaisseur des parois de la cavité de l'estomac. D'après Dujardin, les cladonèmes sont voisins des océanies, des thau- mantias et des cyteis. C’est la même place à peu près que Gegenbaur leur assignait, en 1856 : entre les Gyteis, les Zanclea et les Chrysomitra. Une affinité plus réelle encore est celle qui rapproche les cladonèmes des éleuthéries, affinité qui parait avoir été aperçue déjà par Gegenbaur ’, et que M. Krohn semble également reconnaitre *. En 1861, M. Hincks s’exprima, dans son intéressant travail sur léleu- thérie, de la manière suivante : The Eleutheria of de Quatrefages, there fore, is the reproductive z0oid of a corynoid polype, and probably of a second species of Clavatella There is no trace of medusan ‘structure in the reproductive bud Ÿ. 1 Zeits. für Wiss.- Zoologie, vol. VII, p. 250. ? Krohn, Troschels Archiv, 1861, p. 170. Hincks, On the reproduction of Clavatella, p. 8. ot 14 RECHERCHES Ce qui n'ajoute pas moins à la ressemblance entre les éleuthéries et les cladonèmes , c'est que les éleuthéries, d’après Krohn, ont la bouche dirigée en bas, comme les cladonèmes, pendant qu'ils sont amarrés. M. Claparède a observé une éleuthérie qui appartient peut-être à une autre espêce, puisqu'il ne lui a vu qu'un seul bouton terminal au bout des bras, au lieu de deux, et que, au lieu de six bras, il en a observé huit. Le savant naturaliste de Genève fait remarquer, comme M. Krohn, que le sys- tème gastrovasculaire des éleuthéries rapproche ces animaux des méduses. Il parait que ces organes avaient complétement échappé aux naturalistes qui s’en étaient occupés. M. Claparède a vu, en outre, des jeunes provenant de gemmes; les observations de Krohn lui ont donné l'assurance que ces jeunes ne provenaient pas d'œufs. CAMPANULARIDES. R.E. Gnanr, Sur les mouvements spontanés des œufs des Campanuluires ; ete. ANN. sc. Narur., t. XIII, 1898. Huxzey, Philosophical Transactions, part. IF, 4849. De Son, Lettre sur la génération médusipare des Polypes hydraires , Axx. sc. nat, t. XII, p. 204, 1849. Scaurrze, Ueber die männlichen Geschlechtstheile der Campanularia genieulata, Mürrews An- cuiv, 4850, Heft. I, p. 55, pl. 1. Rev. Tuom. Hixcks, Votes on the reproduction of the Campanulariadue, ANN. AND. MAG. OF NAT. msr.; aug. 1852, p. 81. Musmeny, Quarterly Journal of microscopical sciences, 1852. Rev. Tuow. Hixers, Further notes on British Zoophytes.— Campan. parvula.— Campan. cali- culata, ANX. NAT. misr.; mars 1855, 2° ser., v. IL. Tuowpsox, On the character of the sertularian Zoophytes, Report oN Tue 22 Brir. ASSOGIAT.; London, 1855, p. 78. ALLMAN, On the universality of a medusoiad structure in the reproductive gemmae on the Tubu- larian and sertularian Polypes , Report ox r8e 22 Buir. Associariox; London, 1855, p. 70. KüzuRrer, Entw. Tubul. und Campan., Zerrs. Fr. w. ZooL., vol. IV, p. 500. Gecexsaur, Zur Lehre von Generationswechsel ; Würzbourg, 1854. Lovëx, Mém. Acad. roy. de Stockholm, Wiecuaxn's Arcuiv, 1857, p. 521, ANN. DES Sc. Nat, 2 sér., vol. XV, p.170, Jounx. ve L'Insrir., n° 416. a Rev. Tuow. Hixcrs, Wotes on Brit. Zoophytes, ANN. AND MAG. OF NAT, WIST.; fév., 1855. nil dé SUR L’'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 145 Josuua Azner, À Notice of some new genera and species of british hydroid Zoophytes, An. AND MAG. OF NAT. HIST.; novembre 1856. Sans, Bidrag til Kundskaben om Middelhuvets Littoral-fauna, Reisebemaerkninger fra Italien, Nvr Macazin F. NATUR., vol. X; Christiania, 1856. Gecensaur, dans Vicron Carus, Jcones Zootonicue ; Leipzig, 1857, pl. IE, fig. 1,2, 5. ALLAN, On the structure of the reproductive organs in certain hydroid Polypes (Laomedea flexuosa et Campanularia caliculuta), Pnocero. or rue nov. Sociry. Session 1837-58. — Addit. observations on the morphology of the reproductive organs in the hydroïd Polypes. T. Srrer. Wnicur, Description of new Protozoa., Enixs. New Pur. sounx.; Edinburg, avril 1858. — Campanul. Johnstonii. T. Srrer. Wricur, Observation on Brit. Zoophytes, Enis. NEW puis. sounx. New series ; janv. 1859. Rev. Tao. Hincks, À catalogue of the Zoophytes of south Devon and south Cornwall, Anx. NAT. misT.; septembre 1861, p. 258. C'est à peu près à la même époque que Lamarck établit le genre Campa- nulaire, et Lamouroux les genres Laomedea et Clytia ; les Clytia compre- naient les campanulaires rampantes, les Laomedea celles qui ne le sont pas. Nous avons préféré, à l'exemple de Lamarck, le nom de campanulaires , que les tiges rampent ou non, et des faits observés récemment ont démontré, en effet, combien la distinction de Lamouroux était sans importance et peu fondée. On peut rendre les Laomedea, Clytia à volonté, en les laissant dans les aquarium se développer le long des parois. Du sommet des branches, en effet, s'élèvent des tiges rampant le long des parois du vase, et qui donnent de distance en distance des branches isolées, portant une clochette isolée au bout de chacune d’elles. Le temps est venu de tenir compte aussi des méduses ou de la forme adulte dans la caractérisation des genres, et il faudrait même lui accorder le pas sur la forme agame , si dans beaucoup d'espèces elle n’avortait pas régu- lièrement. CAMPANUELAITRES. Généralités. — Les anciennes divisions étant établies uniquement sur les caractères des colonies des formes agames et des parties chitineuses , sans tenir compte des formes sexuelles ou des téléons, il faudra nécessairement Tome XXXVI. 19 146 RECHERCHES établir tout autrement les coupes génériques. La Campanularia volubilis, avec ses quatre cirrhes à l’âge adulte, ne peut évidemment plus rester dans le même genre avec la Campanularia gelatinosa. H faut tenir compte de l'état adulte. La difficulté est plus grande si la forme médusaire n'apparait pas. Du reste, les anciennes divisions de Laomedea et Campanularia, d'après la forme rampante ou droite de la colonie , ne peuvent être conservées, comme pous venons de le dire, puisque nous avons vu des Laomedea ramper sur les parois des aquariums comme des stolons, et donner ensuite des tiges droites de distance en distance. Le même animal se transformait, selon les circon- stances extérieures, de Laomedea en Campanularia. Mais existe-t-il réellement une différence essentielle entre les T'ubulaires et les Campanuluires ? Les colonies, comme les méduses, offrent-elles des différences caractéris- tiques, de manière à pouvoir conclure du polype à la méduse et de la méduse au polype? N'y a-t-il pas un passage réel de l’un de ces groupes à l’autre? A voir les méduses, et surtout leurs cirrhes, ne dirait-on pas que ces genres des deux familles sont mélés ? D'après Gegenbaur ! les méduses des campanulaires auraient seules des otolithes , et les organes sexuels paraitraient le long des canaux; les méduses des tubulaires, au contraire, n'auraient que des taches pigmentaires, ce qui est tout différent, et les organes sexuels paraitraient dans l'épaisseur des parois de la poche stomacale. Pour la répartition des sexes, il est évident que ce sont les petites méduses seules qui sont sexuées, que les polypes nourriciers ou médusipares sont agames ; mais il est fort remarquable que chaque colonie ne porte que des in- dividus d’un seul sexe, comme Cavolini l'avait observé déjà au siècle dernier. On peut dire qu'il y a des colonies mäles et des colonies femelles, comme chez les tubularides connues il v a des méduses mâles et femelles. Les mêmes espèces se multiplient-elles toujours de la même manière, ou la reproduction varie-t-elle d'après les circonstances extérieures? En d’au- tres termes, un polype qui engendre des méduses complètes engendre-t-il ! Gegenbaur, 1854, p. 20. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 147 dans certains cas des méduses frappées d'arrêt de développement? Deux espèces voisines, la Campanularia gelatinosa et la Campanularia dichotoma, toutes les deux très-communes sur nos côtes, ne nous ont offert avec certitude que : l’une, des méduses complètes qui se détachent librement et nagent en pulsant dans l’eau jusqu’à ce que leurs organes sexuels se développent; l'autre, que des méduses atrophiées et incomplètes, qui ne se détachent que très-impar- faitement, mais dans lesquelles on reconnait le produit sexuel avant la sépa- ration. Ce sont surtout ces dernières qui ont permis de reconnaitre que les différentes méduses, qui proviennent d'une même colonie, sont d’un même sexe : ainsi les colonies elles-mêmes n’engendrent les unes que des mâles, les autres que des femelles. Une fois que nous sommes assuré que la même espèce produit ou ne produit pas de méduses complètes, qu'elles se présentent de même dans les diverses conditions, nous avons une base importante et qui n'est pas sans présenter un grand intérêt. Si nous plaçons d'abord à la suite les unes des autres, les campanulaires à tige érigée ou les Laomedea , nous voyons d'abord la Campanularia gelati- nosa donner une méduse complète avec ses nombreux cirrhes et sa forme de sonnette. L'espèce suivante, la Campanularia dichotoma, ne donne plus que des demi-méduses, si lon peut s'exprimer ainsi; à demi formées, ces méduses sont frappées d'arrêt de développement, ne se détachent pas pour porter au loin leur semence ou leurs spermatozoïdes, el périssent attachées à la loge qui leur a donné le jour. Trois autres espèces sont dans le même cas : la Campanularia flexuosa, la Campanularia geniculata et la Campanularia gracilis Sars. Une dernière espèce, la Campanularia lacerata Hincks, ne donne plus même une demi-méduse; elle s'arrête tout au début, quand elle n’a encore que la forme d'un sac , mais la progéniture sexuelle mâle ou femelle ne se déve- loppe pas moins dans cette méduse capsule, pour la dissémination de l’espèce. Si maintenant nous plaçons en série les campanulaires rampantes, ou les clyties, nous obtiendrons, sous le rapport du développement médusaire, une série parallèle. En tête se présente la Campanularia volubilis, qui donne une 148 RECHERCHES charmante méduse à quatre longs cirrhes, et complétement différente de la précédente ; la Campanularia Gegenbauri, Sars, donne une méduse sem- blable, pourvu qu'elle ne soit pas nominale; la Campanularia volubiliformis de Sars ne produit pas de méduse. Il manque jusqu’à présent la forme inter- médiaire, c’est-à-dire des méduses arrêtées au milieu de leur cours. Aussi longtemps que la nature incomplète de certains téléons, arrêtés dans l'intérieur de leur capsule même, n'avait pas reçu sa véritable signification, il n’était pas possible de se rendre compte de la présence d'œufs ou de sper- matozoïdes dans les capsules médusipares. Leur présence s'explique fort bien maintenant. Les méduses naissent-elles dans les capsules au moyen d'œufs ou ne sont- elles que le produit d’une génération agame? J'ai partagé le premier avis dans mon Mémoire sur les campanulaires. F’avais été induit en erreur par les œufs qui se forment dans les méduses avortées. Il n’y a plus de doute aujourd'hui ; partout les méduses naissent par voie d’agamie. C’est le blas- tostyle, correspondant à un polype atrophié, qui produit les méduses. Chez les hydractinies, c’est un individu qui ne diffère des autres que par l’atro- phie des tentacules et l'absence d’une bouche propre. Y a-t-il dans les campanulaires un phénomène correspondant à celui de la strobilation des méduses supérieures ? Nous ne le croyons pas : la jeune mé- duse qui nait dans la capsule le long du blastostyle, n’est pas le résultat d'une segmentation du polype lui-même; le polype ne cède aucun de ses propres organes à sa progéniture; la jeune méduse nait par gemmation comme le polype lui-même dont elle descend. Si les campanulaires forment un groupe naturel, leurs formes adultes et sexuelles se ressemblent-elles? Sont-elles toutes représentées par une forme médusaire à l’état de téléon ? Nous venons de voir que non; qu'il y a sous ce rapport une diversité très-grande : des espèces ont le téléon réduit à l’état de sporosac, comme la Campanularia lacerata, sans aucun organe extérieur, el sont à l’état datrophion complet ; d’autres se développent à demi, comme la Campanularia dichotoma, ele téléon engendre avant sa séparation ; d’autres enfin accomplissent toute leur évolution; les téléons deviennent libres, ils prennent la forme médusaire, leurs organes sexuels ne se développent qu'après leur séparation, les polypules se ressemblent génériquement entre eux, mais SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 149 les téléons deviennent dissemblables. La Campanularia gelatinosa diffère par son téléon d’une manière assez notable de la Campanularia volubilis. Dans toutes ces espèces, les mâles et les femelles se ressemblent-ils à l’état de téléon? Nous n'avons pas encore vu des différences sexuelles dans les campanularides comme nous en avons observé dans les tubularides ; nous n'oserions assurer que cela provient de ce que l'attention n’a pas été assez fixée sur ce point. Ilne nous parait pas douteux que plusieurs auteurs ont confondu des espèces différentes, et que beaucoup de descriptions ne se rapportent pas intégralement au même polype; c’est évidemment là une cause d'erreurs graves, que sou- vent il n’est pas possible d'éviter. Il est possible que, si Pallas vivait encore, il aurait de la peine lui-même à rapporter aux espèces qu'il a établies les polypes de nos collections. Nous représentons ici, vus au même grossissement, les calices des diverses espèces de campanulaires vivants, que nous avons eu l’occasion d'étudier : 1. Campanularia gelatinosa. 5. Campanularia lacerata. > — dichotoma. 4. _ tenuis. 150 RECHERCHES _# 5. Campanularia syringa. 9. Campanularia volubilis. 6. — elongata. 10. — geniculata. 7 — indéterminée. 11. — fleruosa. 8. — fluxuosa? SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 151 CAMPANULARIA GELATINOSA. Les auteurs ne désignent évidemment pas la même espèce sous ce nom, et on peut dire qu'il règne une certaine confusion dans les livres. Nous avons remonté aux sources pour débrouiller cette synonymie. Linné adopte le nom de Gelatinosa de Pallas, et, pour ce grand observa- leur, qui a visité lui-même nos côtes, la Campanularia gelatinosa y est une espèce commune, ayant jusqu'à un demi-pied de longueur, portant de grandes branches autour de la tige, naissant la plupart au même point, les infé- rieures souvent les plus longues et diminuant insensiblement vers le som- met; ce polypier forme un buisson. Les grandes branches forment presqu'un angle droit avec la tige et montrent des rameaux alternes qui sont souvent fourchus. 1 nous semble que cette description est évidemment faite d’après la grande espèce médusipare de nos côtes, et non d’après la Campanularia dichotoma - des auteurs anglais. Il peut y avoir du doute au sujet de différentes espèces ; celle que nous appelons C. gelatinosa, est-ce bien elle qui mérite ce nom? M. Ellis a vu la Sea thread carolline, représentée de grandeur naturelle et grossie, pl. XXXVIIT, fig, 3, produire de jeunes polypes vivants, se développer dans des vésicules et déployer dans un ordre circulaire les griffes qui partaient de leurs têtes. Il a en vue la Campanulaire dichotome des auteurs; ces polypes, en effet, se rapprochent seulement de la forme méduse et ne se détachent pas de leur mère. Ce caractère permet aisément de dis- tinguer celte espèce. Si M. Ellis a vu la C. gelatinosa, ce n’est évidemment pas celle qu'il a représentée ici. M. Kirchenpauer, qui a fait une étude spéciale des campanulaires qui recouvrent les bouées à l'entrée de l'Elbe, fait remarquer que l'espèce qui nous occupe affecte trois formes différentes, qu'il considère comme trois variétés : la première est celle figurée par M. Johnston, pl. XXVI, fig. 1; la seconde variété est celle que j'ai figurée dans mon Mémoire, pl. F, fig. 1 ; la troisième variété, ramosissima , est représentée par M. Ellis, pl. XXXVHF, fig. 3. 152 RECHERCHES ” Le savant sénateur de Hambourg fait remarquer en même temps que le polypier de cette espèce est toujours plus foncé en couleur, quand il vient des profondeurs que quand il s’est développé près de la surface. C’est en observant un autre animal , que la toute petite méduse, la Hedusa marina, est tombée sous les yeux de Slabber *. Il avait, sans aucun doute, des campanulaires dans son bocal, et il ne s’est pas douté de l’origine de ces méduses; c’est de la même manière que je les ai vues la première fois en 1842. Pallas cite déjà cette espèce comme abondante sur la côte, en Hollande, formant des bottes roulées ensemble et qui sont devenues inextricables. Il n’est personne qui, après avoir visité Ostende, ne se rappelle ces paquets de polypiers entremélés comme des crins que les vagues roulent sur la plage. Cette abondance de la Campanularia gelatinosa à été signalée non-seule- ment par Pallas en Hollande, mais également par Johnston, sur les côtes d'Écosse. Les filets des pêcheurs, qui vont le long des côtes, en sont souvent remplis. M. Kirchenpauer l’a trouvée tout aussi abondamment à l’embou- chure de l’Elbe, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des bouées. Menusa marina, Slabber, Wat. verlust., p. 76, pl. IX, fig. 5-8. — Encyclopédie méthodique , pl. XCII. Rev. Thom. Hincks, On the reproduction of the campanulariades, Axx.[nac. NAT. misr.; aug. 1852, p. 8d. Ellis, Corall., tab. 12, fig. u, A. SERTULARIA LONGISSINA, Zeedraed, Pallas, Elench. zooph., 119, traduct. de Boddaert, not. 1, vol. I, p.149. L'espèce que Pallas a désignée sous le nom de Campanularia longissima , et dont les auteurs ont fait la Campanularia dichotoma, n’est vraisembla- blement qu'une Campanularia gelatinosa mutilée. M. Alder la considère tou- tefois comme une espèce distincte. Cette espèce se trouve souvent sur la plage à Ostende, entremélée d'autres campanulaires, de sertulaires et de plumulaires qui ont roulé ensemble poussés par la marée. Ces amas de polypiers sont souvent entremélés de débris de coquillages. l Natuurk. Verlust., p. 76. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 155 CAMPANULARIA GELATINOSA. (PI. XIV, fig. 11-14) Cette espèce se distingue : 4° Par la colonie à l’état de scolex , qui atteint jusqu'à un pied de hauteur; 2° par la longueur des branches relativement au tronc; 3° par la grandeur, la forme et la terminaison des cloches qui n’ont pas de dentelure; 4° par le polype, dont les tentacules seuls et la trompe sortent de la cloche; 5° par le nombre de tentacules, qui est de vingt, et qui sont longs et forts; 6° enfin par le développement plus où moins complet de la méduse dans l'intérieur de la loge. Nous renvoyons à notre Mémoire sur les Campanulaires ‘, dont les deux premières planches ainsi que les figures 2 et 6 de la planche IT se rapportent à celle espèce. Des méduses de cette espèce, abandonnées dans mon petit aquarium, ont donné naissance, en moins de quinze jours, à de nouvelles colonies de polypes. Le calice ou lhydrothèque, pour me servir de l'expression de M. Huxley, a-t-il les bords découpés ou les bords unis? Nous l'avons toujours trouvé uni chaque fois que notre attention a été fixée sur ce point. Nous savons fort bien qu'il règne une diversité d'opinions à cet égard; selon quelques-uns, les calices peuvent être tantôt découpés, tantôt unis et, dans diverses cir- constances, il peut être difficile de distinguer les bords; nous croyons en tout cas devoir les considérer comme positivement unis. M. Kirchenpauer a fait des observations fort intéressantes sur ce sujet, dans son Mémoire sur les Seetonnen de l'embouchure de l'Elbe. Et si dans une seule et même espèce on trouve des variations assez grandes dans les calices, comme dans leur pédieule, les variations dans les capsules à téléons ou à atrophions ne varient pas moins, d’après les observations de M. Kirchen- pauer. Les tentacules ne forment qu'un cercle unique, mais ils sont toujours 1 Académie royale de Bruxelles, &. XVIT. 1845. Tour XXXVI. 20 154 RECHERCHES placés sur une double rangée et alternent entre eux. Le polype étant com- plétement épanoui et en repos, les deux rangs s'élalent dans une direction différente : les internes sont droits et forment un entonnoir, tandis que les externes, plus courts, se recourbent en dehors et dirigent leurs bouts libres en sens opposé des premiers. Cette disposition produit l'effet d’une double couronne tentaculaire. M. Th. Hincks dit avoir trouvé toujours les méduses avec seize tentaeules ‘; nous les trou- vons, au contraire, au nombre de vingt. Les capsules médusipares se développent- elles pendant toute l’année, ou bien existe- t-il, dans ces polypes comme dans les plantes, une époque pour la floraison? A en juger par les sertulariens, la formation des capsules pro- Campanularia gelatinosa pate Jifères n'a lieu qu'au printemps, et pour quel- ques espèces peut-être pendant l'été. M. Coste a eu l'occasion de mettre celte campanulaire vivante sous les yeux de l'Académie des sciences. Voici comment il s'est exprimé : « J'ai pensé, dit le savant académicien (séance du 12 avril 1848), que l'Académie ne verrait pas sans intérêt un fait curieux, bien connu des natu- ralistes, mais qui prouve combien il sera facile, par des moyens artificiels, de se procurer dans les laboratoires des sujets d'étude sans être obligé d’aller les chercher sur les bords de la mer. » Les naturalistes savent que certaines espèces de polypiers marins, les campanularidées, par exemple, produisent des larves dont l'organisation est analogue à celle des méduses. Voici, dans un bocal, un rameau vivant de Laomedea dichotoma (Johnston), qui n'a été expédié de Bruxelles par M. Schram, secrétaire... De ce rameau se détachent, par milliers, des embryons médusiformes, qui nagent par bancs dans l'eau de mer où ils sont Th. Hincks. Ann. Mag. Nat. hist., 1859, p. Sd. PT te mie haie M à dt. Éd SEL LS ss commet tr css ef dés as ss de. à. SD RS Sen ne ff à HS de ét SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 155 suspendus. Le phénomène de la reproduction, commencé en Belgique dans les aquariums de la Société d’horticulture, se poursuit à Paris dans les viviers salés du collége de France, où l’on peut en suivre toutes les phases. » Il résulte de ce passage, qu'aux yeux de M. Coste ces petites méduses ne sont que des larves, qui ressemblent seulement aux méduses par leur orga- nisation. C'était l'opinion que Nordmann avait exprimée et que j'avais égale- ment défendue dans mon Mémoire sur le Campanulaires de la côté d'Ostende. Si cette question de la nature de ces méduses parait encore douteuse pour quelques naturalistes, les nouveaux faits décident définitivement ce point en litige. Les petites méduses engendrées par les campanulaires et les tubulaires sont de véritables méduses, comme les rhizostomes, les océanides, ete. ; et, ce qui le prouve, c’est qu’elles ont les organes sexuels développés comme les grandes , et que les sexes sont répartis sur deux individus distincts. Ces pe- lites campaoulaires , en effet, sont mâles ou femelles. J'ai eu déjà plusieurs fois l’occasion de m'en assurer, et j'ai vu les organes sexuels déjà développés sur des méduses avant leur mise en liberté, J'ai pu m'assurer aussi que toutes les méduses provenant d’une colonie sont du même sexe, de manière qu'il y a des colonies mâles et des colonies femelles, comme il y a des plantes à fleurs mâles sur un pied et des fleurs femelles sur l’autre. Aussi la séparation de polypes et de méduses ou acalèphes n'est plus pos- sible, et, depuis 1847, nous avons proposé de fondre ces deux classes en une seule, en lui conservant le nom de polypes. M. Coste pourra avoir dans son aquarium, quand il le voudra, des scy- phystomes ou scolex de méduses véritables, et il pourra S'assurer que ces animaux croissent et se développent comme les polypes en général. Il résulte de l'observation de Sars, que le scyphystome se segmente , se désagrége, et, par une sorte de fissiparité, se divise en segments médu- saires. Nos observations s'accordent parfaitement avec celles du célébre Nor- wégien. Nous avons vu des polypes (scyphystomes) donner des méduses, et ces méduses se sont détachées exactement comme dans les campanulaires. Depuis, de nouveaux polypes ont paru par voie de stolons, pour engendrer de nouveaux téléons. Cette formation de stolons de polypes (homogénésie) 156 RECHERCHES a lieu par l'extérieur, comme dans les hydres, tandis que la génération de méduses (hétérogénésie) a lieu par strobilation. Les tentacules du polype seyphistome ne tombent done pas avec le segment supérieur médusaire du strobile, mais disparaissent par absorplion. Entre ces polypes il n’y a de différence que la présence ou l'absence d’un poly pier, et quelques légères nuances dans l'agrégation des individus polypes, puisque, dans les campanulaires et les tubulaires, ces individus restent agrégés pour former des colonies, tandis que, dans les méduses véritables, les polypes, tout en provenant de stolons, se détachent de Findividu mère pour aller vivre librement. M. Coste parait étonné que le phénomène de la reproduction ait commencé en Belgique dans les aquariums de la Société d'horticulture; ce phénomène de la reproduction a commencé à Ostende et a continué à Louvain, à Bruxelles et à Paris. CAMPANULARIA DICHOTOMA. (PI. XV, fig. 1-4.) Linné, si je ne me trompe, à introduit le nom dichotome, qui a été ause de bien des erreurs; c'est d'après des polypiers incomplets el sans comparaison suflisante avec les espèces entre elles, qu'il a cru pouvoir se servir de ce nom trop significatif. Les auteurs citent comme synonymes la Sertularia longissima de Pallas et la Sea thread coralline d'Ellis; Pallas et Ellis sont probablement les pre- miers auteurs qui ont observé ces polypes. Maintenant s’il est vrai aussi que tous les auteurs rapportent à la même espèce celle dont il est question ici, les figures d'Ellis, pl. XIE, n° 18 «, À, ainsi que pl. XVIIT, fig. 3, celte dernière surtout, renfermant des méduses incomplètes attachées à leur pédi- eule, il est évident que le mot spécifique de dichotoma doit rester à l'espèce non médusipare. F Elle est figurée dans notre Mémoire sur les Campanulaires, pl. IF, fig. 1 et b!, sous le nom de Camp. geniculata. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 157 Nous reproduisons ici une figure nouvelle de la capsule à méduses. Cavolini a étudié deux espèces de campanulaires, qu'il nomme à tort dichotoma et geniculata. Ces es- pèces de la côte de Naples sont pro- bablement différentes des nôtres. Quoiqu'il traite de chimérique ce que Ellis dit de l'ovaire, il repré- sente cet organe dans sa seconde espèce, fig. 3, pl. VIT, pourvu de jeunes médusiformes. Les tenta- cules sont rudimentaires et seule- ment indiqués, c'est pourquoi il n'a pas aperçu la mobilité des em- bryons. Dans sa première espèce, les œufs étaient agglomérés dans un ovaire d’une colonie dont tous les individus avaient péri. Il n'y aurait rien d'étonnant qu'il eût eu sous les yeux tout autre chose que de jeunes campanulaires. Aussi la grande différence qui existe entre les recherches de ces deux bons observateurs disparait compléte- ment, et ne se trouve que dans l'interprétation des phénomènes, que chacun a donnée conformément à ses vues. Capsules de Campanularia dicholoma. Synonymie. — Laomenea nicuoroua, Th. Stret. Wright, Edinb. new phil. Journal; janvier 1859. LaomEDEA picuoroua, Alman, Addit. observations on the Morphology of the re- productive Organs in the hydroid Polypes. Cette espèce se distingue : 4° par la colonie qui ne dépasse pas un demi- pied de hauteur; 2 par les nombreuses ramifications qui rendent la colonie touffue et la font ressembler, non à du crin, comme l'espèce précédente , mais à de la laine; 3° par chaque pédoncule qui est annelé à sa base et à son sommet, élargi et un peu courbé au milieu; 4° par les calices qui ont un quart de moins que dans l'espèce précédente, et par le bord qui est régu- 158 RECHERCHES lièrement découpé; 5° par le polype qui a de vingt à trente tentacules, dont les inférieurs sont les plus courts, et qui ne sort pas de sa loge; 6° par la méduse qui ne devient jamais complète, et les organes sexuels mâles et femelles qui apparaissent avant leur séparation. Nous avons vu deux colonies, l’une mâle l'autre femelle, placées dans deux aquariums différents, projeter du bout des branches des jets semblables à des stolons, et qui donnent à la colonie un aspect chevelu. IT y a des jéts du tiers de la longueur de la colonie sans aucune ramifica- tion. Là, où ses jets atteignent un corps solide, même le verre, ils s’attachent et semblent vouloir former de nouvelles colonies indépendantes de la colonie mère. C'est vers le milieu de mai que nous avons observé cette parti- cularité. Nous ne l'avons pas vue dans une autre espèce. Nous représentons ici une tige rampant le long des parois du bocal. Capsule isolée. \ \ \ | | rs \ | \ | \ à \ \ de ES Me mer pour no Fais Une branche qui est devenue rampante le long des parois du vase. \ \ \| | | \ \ \ On trouve fréquemment dans les flaques d’eau , au milieu des brise-lames qu'on appelle kateyen, des campanulaires sur les pierres et les coquilles qui tapissent le fond, lesquelles ont l'aspect d'une conferve et se couvrent souvent d’une quantité innombrable de diatomées : ce sont des colonies de cette espèce, qui n’atleignent pas les dimensions ordinaires de l'espèce. Ces flaques d’eaû sont de précieux réservoirs pour les naturalistes qui veulent étudier ces intéressants polypes. On y trouve ordinairement des colonies de deux espèces distinctes, celle qui nous occupe et la suivante. mn M fn tes D de dt à ER TP SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 159 CAMPANULARIA GENICULATA. Cette espèce, que Ellis et Pallas avaient remarquée d’abord, nous parait parfaitement distinete. Nous avions cru dans le principe que les polypes décrits sous ce nom n'étaient que de jeunes campanulaires dichotomes ; nous sommes convaincu du contraire aujourd'hui. La colonie est formée de tiges rampantes, faiblement ramifiées , desquelles s'élève, de distance en distance, une tige en zig-zag, ordinairement d’un pouce de hauteur, qui est quelquefois bifurquée. Les clochettes sont assez courtes et larges; elles alternent régulièrement; le pédoncule qui les porte est court et se compose d’un petit nombre d’anneaux; le polype porte à peu près vingt-quatre cirrhes. Les loges médusipares sont placées à l’aisselle des pédoncules. Les méduses sont incomplètes. La Campanulaire géniculée , figurée dans l'Atlas du règne animal illustré, pl: LXVI, fig. 2, nous semble devoir se rapporter à une autre espèce très- voisine. Cette espèce a vingt-quatre tentacules. Le calice est très-large au sommet et court. La tige est forte et beaucoup plus large que celle des autres; elle est aussi plus régulièrement fléchie, On pourrait encore prendre pour caractère spécifique le repli que montre la tige. Laowenea GexicuLATA , Th. Stret. Wright, Observations on Brit. Zoophytes, Enixs. NEW puiLos. Jounx.; janvier, 1839, pl. IT, fig. 15. LAOMEDEA GENICULATA AND GELATINOSA, Th. Hinks, Ann. and mag. nat. hist.; aug. 1852, p. 85. Cette campanulaire est commune sur nos côtes; on la trouve sur des pierres, dans des flaques d’eau, au milieu des kateyen, à Ostende; elle est très-répandue dans la Baltique; c’est elle que MM. Lovén ‘ et Schultze ont étudiée ?. CAMPANULARIA LACERATA Johnston. (PI. XV, fig. 5-15.) Nous avions déjà depuis quelques années désigné cette campanulaire sous le nom de C. proboscidea, mais nous ne doutons pas, depuis que nous ! Wiegman’s Archiv, 1857. 2 Muller’s Archiv, 1850. 160 RECHERCHES avons pu comparer quelques espèces que M. Alder a eu l'obligeance de nous envoyer, nous ne doutons pas, disons-nous, que ce ne soit l'espèce décrite par M. Hincks sous le nom de Laomedea lacerata , et avant lui par Johnston, = sous le nom de Campanularia lacerata *. | \ Nous ferons remarquer en passant que la figure de [| M. Hincks ne représente cependant guère, avec une évidence (-- à suflisante, les particularités distinctives de ce curieux polype. | C'est plutôt le polypier qu'il a observé. } La tige principale, sans être vraiment rampante , n'est pas \ 4 non plus érigée, et l'auteur des genres à tige droite ou grim- 028 ? | pante serait fort embarrassé sans doute, s'il était appelé à SU 22) choisir pour cette espèce les Laomedea où les Clythia. Ge 7 | |. qui caractérise surtout ce polype agame, c’est que la cam- \ panule est portée sur un pétiole très-court, formé de cinq à ou six anneaux, et qu'elle se termine par une espèce de Camp. lacerala. couvercle en entonnoir qui protége le corps du polype. Caractères. — Hydrier simple; campanules étroites et petites, portées sur un pédoneule très-court, formé de cinq ou six anneaux, terminées en avant non par un bord libre, mais par une bordure qui entoure et protége le corps du polype pendant létat d'épanouissement. Vingt- quatre bras. Planules se formant dans les capsules et arrêt de développement du téléon. La forme particulière de la campanule s'observe à tout âge. Synonyiie. — CampanvLamiA LAcerATA Johnston, British Zou- pliytes, 2° édition. Laomenea LACERATA Thom.Hincks, Ann. and Mag. hist.; aug. 1852, p. 86. LAOMEDEX LAcERATA Stret. Wright, Observations on British Zoophytes ; Edinburgh, 1859, Enre. NEW pui. Joux; janv. 1859, pl. HI. M. Stret. Wright a donné une jolie et intéressante Campanuiaria lacerata… planche de cette belle espèce; elle représente un hy- 1 Ann. and mag. of nal. hist., 1852, p. 85. ns nt à SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 161 drier mâle avec des capsules à divers degrés de maturité et des capsules femelles isolées avec leurs embryons. Cette campanulaire est évidemment distincte des deux autres : 4° Par la colonie qui n’est pas arborescente comme dans les précédentes; 2° par les pédoncules qui sont très-courts; 3° par les loges qui sont étroites, petites et terminées en avant par une longue poche; 4° par le polype, qui, bien épanoui, sort presque entièrement de la loge, ce qui l'éloigne considérablement de tous : les autres; 5° par les tentacules qui sont au nombre de vingt-quatre; 6° par le développement des organes sexuels dans la méduse avant la ponte. Nous n'avons jamais vu ses cirrhes. La méduse reste à l’état d’ovisac. M. Stret. Wright ne leur accorde que quatorze ou seize tentacules ; le corps, dit-il, s'étend le double de la largeur de la campanule, et le polype ressemble à celui de la C. syringa. Nous avons trouvé plusieurs branches de cette espèce , flottant librement dans l'eau au mois de mai. La forme médusaire est sautée comme dans les précédents, et les embryons se développent avant la séparation ou avant la naissance de la mère. Nous avons vu se former plusieurs colonies de cette espèce, provenant de larves ciliées. Nous avons très-bien pu suivre tout ce développement. Les colonies femelles montrent des loges dans lesquelles les méduses sont frappées d'arrêt de développement tout au début de leur apparition, de manière que le proglottis ne dépasse pas la forme d'un sac. Il n’y a aucun rudiment de cirrhe à apercevoir. Après qu’elles eurent séjourné pendant quelques jours dans un aquarium, nous avons vu les larves ciliées et infusoriformes quitter leur berceau-mère et nager librement comme un infusoire, puis choisir un gite pour faire la base de la future colonie. A mesure que les cils se flétrissent, la forme ovale et régulière change, et le jeune animal s'étale à un de ses pôles, d'abord en s'élargissant sous forme de disque, puis bientôt en se découpant en languettes qui s’attachent comme des racines au corps solide qui les porte. En même temps qu'il s'étale ainsi à l’un des pôles et élève le corps resté libre, une mince pellicule surgit à la surface, le jeune animal semble logé dans une cage vitrée, et le polypier existe. Tower XXXVI. 21 162 RECHERCHES C'est ainsi que l'aspect du polype agame est entièrement changé. Le côté libre du corps s'élève, en même temps que les racines.en languettes, qui doivent fixer la colonie, s'étendent, pour élargir la base; le sommet s’ar- rondit, grandit de plus en plus, et le caractère du polype surgit presque immédiatement. Le bouton de l'extrémité du corps augmente encore, le polypier devient plus disüinet, un certain espace se montre même entre la masse charnue et l’étui , et cette nouvelle génération couvre les corps solides comme des bougies microscopiques dont le bout libre est terminé en bouton. Puis une première séparation se montre : on commence à apercevoir le corps du polype et la tige qui le porte ; on distingue même déjà un commen- cement d'anneaux. Le bouton se fractionne à son tour; l'extrémité s’eflile, le bouton se sépare en une partie grêle et une partie arrondie qui forme le sommet, et tous les caractères du polype campanulaire se trahissent avant même lap- parition des tentacules. Sur le bord du bouton s'élèvent maintenant des tubercules qui s’allongent , grandissent, ne sont encore qu'au nombre de douze, mais qui se multi- plieront à mesure qu'ils s’étendront en longueur. Le corps du polype s’est séparé de la tige charnue, en même temps que le bout de l'étui polypiaire a pris une forme ovale, puis s’est ensuite élargi à son sommet pour devenir une clochette qui a valu à tout le groupe le nom de campanulaire. Voilà la mère agame de la communauté. CAMPANULARIA VERMICULARIS Van Ben. Cette espèce ressemble assez à la C. geniculata, mais elle est en tout plus robuste, le calice est plus large , les anneaux plus nombreux et ses tiges ram- pantes et serrées sur les feuilles de Fucus vesiculosus, ne sont pas sans res- semblance avec un amas de vers qui auraient envahi la feuille. Le polype agame porte de quarante à quarante-quatre tentacules. Nous en avons eu en vie pendant trois semaines. À leur arrivée, aucune lige ne portait un animal vivant. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 165 CampaxuLaRIA SyYRrixGA Linn. Synonymie. — CAuPANULARIA SYRINGA, Van Ben., Mémoire sur les Campanulaires, pl. UE, fig. 9. = _ Th. Hincks, Notes on the reprod. of the Campanula- riades, ANX. MAG. OF NAT. misr,; aug. 4852, p. 81, pl. HE, fig. 1-5. Nous n'avons rien à ajouter à la description que nous avons donnée de celte espèce, La loge du polype tentaculé est couverte d’un cône pendant la rétractation de l'animal, et les parois s’écartent pendant la protrusion ; mais celte disposition, que nous ne connaissions que dans cette seule espèce, se reproduit également dans la Campanularia lacerata, ainsi que dans la Cam- panulina tenuis. M. Hincks a eu l’occasion de voir leur reproduction. Des capsules de forme ovale sans cercles, portées sur un pédicule de deux anneaux, donnent naissance à des planules isolées, sans que l’atrophion perde ses caractères primitifs de sporosac. La forme médusaire est complétement sautée. CAMPANULARIA EXIGUA Sars. C’est encore une campanulaire que nous avions remarquée depuis long- temps, mais que diverses circonstances nous ont empêché de signaler plus tôt. C’est une espèce bien remarquable, et que M. Gegenbaur a reconnue dans la Méditerranée avec les mêmes caractères qu'elle présente dans la mer du Nord ‘. M. Gegenbaur en fait avec doute une espèce nouvelle. La colonie est composée d'un tronc principal qui porte souvent dès sa base des capsules médusipares assez grandes, ovales , allongées , et des loges fort larges pour les polypes nourriciers. Cette espèce est parfaitement distincte des autres. Nous trouvons seule- ment que l'hydrier est plus développé sur nos côtes, si nous en jugeons du moins par la figure donnée par M. Gegenbaur. ! Voyez Alder, Cutalog., p. 51; Laom. longissima Pallas. 164 RECHERCHES Ç Nous adoptons le nom imposé par M. Sars, puisque M. Ge- À genbaur n'en a point proposé. Synonymie. — CampaxuLania sp, NOV., Gegenbaur, Zur Lehre vom Genera- tionswechsel, tab. EL, fig. 5-7. , LAOMEDEA ExIGUA , Sars, Bidrag. . . Reise bemærkninger fra Italien ; Christiania, 1857, p. 50. Hab.— Nous l'avons trouvée sur nos côtes, mais pendant fort longtemps nous l'avons confondue avec la Campanularia gelatinosa , dont elle s'éloigne cependant par des caractères fort importants. Caractères. — L'hydrier est érigé, et d'après Lamouroux , il ferait partie des vraies Laomedea. W n’y a qu'une seule tige, sur laquelle sont implantées les loges des polypes agames et les capsules de la progéniture. Les capsules sont assez lar- gement ouvertes et prennent la forme d'un entonnoir. Les pédicules sont annelés et courts. On compte de six à sept anneaux dans chacun d'eux, et ils sont assez forts. Les cap- sules des polypes reproducteurs sont fort allongées, presque sessiles et dépassant à peine les autres loges en diamètre. Souvent plusieurs colonies se réunissent et forment un buisson assez épais, qui peut s'élever à la hauteur de deux LL pouces. ps ; — Cette espèce n'est pas très-commune. 2 << = Campanularia exiqua. CAMPANULARIA ELONGATA Van Ben. Cette espèce est tellement petite qu'avec une bonne loupe ordinaire on la ; distingue à peine; elle nous avait longtemps échappé. Elle nous (2 est tombée sous les yeux à la fin de nos recherches, en explorant XK le fond du bocal, qui contenait d’autres campanulaires avec la | loupe de Brucke. Nous croyions d'abord que c'était une jeune Hydractinia ninuta. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLY PES. 165 La loge est extraordinairement longue et étroite, quelques anneaux , trois ou quatre, se trouvent aux deux bouts du pétiole, qui est un peu renflé vers le milieu. Les tentacules sont au nombre d’une vingtaine. Ils n'offrent rien de parti- culier. On distingue très-bien les cloisons dans l’intérieur , et la composition anpulaire au bout. Nous n'avons pas vu de loges à méduses. Nous ne trouvons aucune espèce qui s’en rapproche, et l’on conçoit, qu'à cause de sa petite taille, elle ait jusqu'ici échappé aux investigations des naturalistes. La Campanularia elongata se distingue : 4° Par la colonie très-peu ramifiée et formée de quelques individus seu- lement; 2° par les pédoncules qui sont excessivement allongés et grêles ; 3° par les loges qui sont longues, étroites et à bords unis; 4° par le polype qui porte un proboscis très-long, mais ne se penche pas hors de sa loge; »° par les tentacules qui sont excessivement longs. GENRE CLYTHIA. Il serait bien plus facile de faire une histoire des médusaires à tous les âges, si l’on ne connaissait rien de ces animaux. On en connait trop pour oublier complétement le rapport de leur organisation et de leurs affinités zoologiques. Il faudrait pouvoir faire abstraction de la place et du nom que le polypule occupe dans la série zoologique, comme il faudrait pouvoir oublier le nom et les affinités de la méduse. Une campanulaire produira une méduse pareille à une tubulaire, et tout éloignés que sont les polypules entre eux, les téléons pourront se rapprocher par leurs caractères; les affinités de ces derniers doivent évidemment prévaloir. Nous avons à parler ici d’une campanulaire, quand l'animal est en voie de développement, et d’une océanie, quand il a atteint le cours régu- lier de son évolution complète. 166 RECHERCHES CLYTHIA VOLUBILIS. (PL. XIV, fig. 1-10.) ‘Le téléon de la Camp. volubilis des auteurs n'ayant que quatre cirrhes complétement développés et quatre autres atrophiés, il est évident que nous ne pouvons la laisser dans le même genre que les autres campanulaires ; aussi, pour ne pas créer un nom nouveau, conservons-nous celui de Clythia qui à été donné à quelques-uns d’entre eux, à cause de la disposition de leurs tiges rampantes. Les campanulaires à tiges érigées étaient pour Lamou- roux des Laomedea. Nous avons fait voir que ces genres, établis parmi les campanulaires sur la nature des tiges de l'hydraire, quand même les méduses ne nous en feraient pas une loi, ne peuvent être conservés, puisqu'on voit tous les jours, dans les aquariums, des tiges droites et érigées s'étaler, dans certains cas, comme des tiges rampantes, et changer complétement la physionomie et les caractères de la communauté. Dans ces dernières années cette campanulaire a été également l'objet des recherches de plusieurs naturalistes distingués. Is l'ont vue, pour la plupart, sous sa dernière forme médusaire. Fai vu un des premiers ce polype dans son état complet. Dès 1847 ! je l'ai figuré sous son état de téléon, dans une notice sur la reproduction des animaux inférieurs. Dans une note sur la reproduction des campanularidés, le révérend Thomas Hincks en donne une description, et fait connaitre sa forme et ses principaux caractères. Cette espèce a été étudiée depuis fort longtemps dans sa forme agame; il en est question dans Boddaert, Linné, Fabricius et Bose, sous le nom de Sertularia volubilis et sous le nom générique de Clythia dans Lamouroux. Dans ces dernières années, elle est une des espèces que les auteurs ont étudiée avec une certaine prédilection. MM. Gegenbaur et Sars l'ont examinée avec beaucoup de soins dans la Méditerranée pendant que MM. Alder, Hincks, Stret. Wright et d’autres, en faisaient le sujet d'observations suivies sur ! Bulletin de l'Acad. royale de Belgique, t. XIV, n° 5, fig-7. Le SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 167 les côtes d'Angleterre. /n some points, dit M. Hincks en parlant du téléon , it reminded me of the MADEERIA fiqured in professor Forbes’s monograph on the naked-eyed medusa. MM. Stret. Wright, Alder et Dallas ont observé également le développement d’une campanulaire , que nous rapportons à la Camp. volubilis. Les œufs de cette espèce, pondus par le téléon , ont engen- dré de nouvelles colonies ". Caractères. — La colonie est grimpante; les cloches sont grandes et dé- -coupées sur leur bord libre ; les loges à méduses sont cerclées sur toute leur longueur ; les méduses se développent complétement dans les loges et la formation des organes sexuels est tardive. Les méduses n’ont que quatre longs cirrhes et quatre autres très-courts, avortés et situés entre les organes de sens. Cette espèce est figurée dans notre Wémoire sur les campanulaires, pl. HE, fig. 7 et 8, mais pour l'histoire complète voyez la pl. XIV, fig. 1-10. Synonymie. — Senrurarta voLusiuis, Boddaert, Vatuurl. hist., vol. T, p. 155. Czvraia vozuilis, Lamouroux , Pol. flex., p. 202. CamPANULARIA VOLUBILIS, Lamarck, Anim. s. vertèb., 2° édit.; Brux., vol. I, p. 198. — _ Van Beneden, Mémoire sur les Campanulaires de la côte d’Ostende (1845), p. 56, pl. IT, fig. 7, 8. — Un mot sur la reproduction des animaux inférieurs, BuLe. DE L'ACAD. ROY. DE BELGIQUE, 1847, t. XIV, fig. 7. Cawp. nov. spec., Gegenbaur, Zur Lehre vom Generations-Wechsel….. Wurzbourg, 1854 2. Cawe. Gecexsauri, Sars, Bidrag til Kundskaben om middelh. littoral-fauna…., Nyr. MaGazin FOR NATUR., Vol. IX; Christiania, 1856, p. 48. CamPaNuLaRIA voLusiLis, Th. Hincks, Votes on the reproduction of the Campanulariades , Ax\. AND MAG. NAT, HIST. SEC. SER.; aug. 4852, p. 8%, pl. IT, fig. 5. CampanuLariA Jonnsront Th. Hincks, Gosse, T. Stret. Wright, Description of new Protozou ; Edinburgh, 1858, The Edinb. new phil. Journal. New ser.; april, 1858, vol. VII, pl. VII, fig. 5. — — Allman, Add. observat. on the Morphology of the reprod. org. of the hydroid Polypes. 1 Stret. Wright, New Protozoa, 1858, p. 15. ? La Campanularia volubiliformis Sars, Gegenbaur, Zur Lehre, pl. T, fig. 8, appartient à une autre espèce, qui est peut-être propre à la Méditerranée. 168 RECHERCHES ” Cette espèce est très-répandue et se développe avec profusion sur les côtes de Norwége comme sur les côtes d'Écosse, sur les côtes de Belgique et de Bretagne comme dans la Méditerranée. Aussi se conserve-t-elle très-facile- ment dans les aquariums. Il ne Jui faut que fort peu d’eau. Elle envahit comme une mousse les coquilles et les polypiers de divers ordres surtout des Sertularia, des Plumularia, et fixe son gite partout où un corps solide se présente sur son passage. Nous en avons même observé, el assez souvent encore, sûr les appendices sous-abdominaux des homards. Nous en avons vu pendant toute l'année à tous les degrés de dévelop- pement. M. Alder pense que, sous le nom de Camp. volubilis, on a confondu plu- sieurs espèces, el que la campanulaire, décrite sous ce nom par Ellis, diffère de celle observée par Johnston, aussi bien que de celle étudiée par M. Hincks et par moi; il en résulte, si les observations de notre savant con- frère se confirment, que chacun de nous à eu une espèce distincte sous les yeux, et qu'au lieu d'une seule elythia, il faudrait au contraire en inscrire quatre dans le catalogue général des polypes. Pour le moment, nous ne pouvons nous rallier à cet avis, et nous ne pouvons même pas voir une espèce distincte dans la campanulaire que M. Gegenbaur a observée dans le golfe de Naples, et dont il a vu tous les âges. Si nous tenons compte de l'exécution un peu grossière des dessins, nous trouvons dans l’Aydraire comme dans le {éléon les mêmes caractères qui distinguent les individus de nos côtes. Avant de se prononcer définitivement sur celte question , il sera prudent croyons-nous, d'attendre que des observations faites sur la forme sexuelle sanctionnent ces distinctions. Sans oser rien préjuger, nous dirons que des différences souvent assez notables s'observent dans une seule et même espèce, aussi bien sous le rapport de la taille que pour le nombre des anneaux et la forme des créneaux sur le bord du calice. Nous connaissons heureusement le cycle complet de cette évolution, et M. Lacaze-Duthiers nous a remis le résultat de ses observations, ainsi que de fort beaux dessins, sur les principales phases de ces curieuses géné- ralions. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 169 Ces observations de notre savant collègue m'ont été communiquées dans une lettre, dont je reproduis en note les principaux passages ‘. Sur la tige rampante apparaissent des loges médusipares, c'est-à-dire des individus qui, au lieu de se nourrir comme les autres, et de pourvoir à leur entretien par des bras spiculifères et une bouche, se nourrissent aux dépens de la communauté et engendrent des méduses. Ces méduses deviennent complètes dans les loges. On en voit de tout âge, depuis le premier linéament gemmaire jusqu’à la méduse qui pulse dans sa loge étroite pour en faire sauter les parois. Cette méduse est charmante et diffère complétement de celles qu'engen- drent les autres campanulaires. Le 14 juin, nous avons vu des capsules pleines de téléons complets, prêts à éclore , sur des appendices sous-abdominaux de homards venant directe- ment de Norwége. Dans une colonie, on en trouve ordinairement à tous les degrés de déve- loppement. Nous avons plus d'une fois donné naissance à des individus qui n'étaient pas encore à terme; mais, comme les autres, en sortant de la loge, ! « Dans une localité voisine de Saint-Malo, «ux Hébiens, je ne pouvais faire puiser de l’eau de mer, m'écrit M. Lacaze-Duthiers dans une lettre datée de Lille le 35 avril 1856, sans y ren- contrer une petite méduse. Je pensais done qu'il me serait facile de voir et de trouver les cam- panulaires qui les produisent. Je placai dans le flacon une lame de fucus, qui m'avait paru chargée de campanulaires…... Je laissai la feuille en observation, et j'examinai le bocal deux fois par jour. Les quatre premiers jours, rien ne se produisit, mais au bout de ce temps une ascidie pondit un nombre considérable de tétards jaune orange, qui vinrent se fixer sur les parois du bocal. C'est en suivant la transformation de ces êtres si singuliers, que j’apercus d’abord les petites méduses; ensuite les larves en forme d'infusoires. Les petites méduses se reproduisaient avec une rapidité extrême; j'en faisais la péche deux fois par jour avec une pipette, et, quel- ques instants après, il en paraissait tout autant. Elles avaient paru depuis deux jours environ, quand, en regardant les ascidies, je reconnus qu'il y en avait de deux formes différentes. C’est alors que je remarquai ces grosses larves en forme de paramécies, d’un demi-millimètre et plus de long, qui tantôt rampaient contre les parois du vase, tantôt s’agitaient dans l’eau à la facon des anguillules; je vis ensuite ces larves s'attacher aux parois du vase, devenir globuleuses, perdre leurs cils vibratiles, et bientôt présenter à leur centre une sorte de croix, dont les rayons à bords un peu irréguliers avaient une teinte un peu différente de celle de la masse. Puis un prolongement s'éleva et s'avança vers l'intérieur du vase; enfin la campanulaire se développa. C'est du 45 au 29 septembre que j'ai vu la germination de la larve. La même campanulaire abonde sur toutes les côtes du littoral français. » Tome XXXVI. 29 170 RECHERCHES _# ils déployèrent rapidement leur ombrelle , et leurs cirrhes né tardérent pas à s'étendre en longueur. Comme la chrysalide se secoue en prenant habit du papillon, la jeune méduse systole aussitôt qu'elle devient libre. - La méduse à une forme toute différente de celle des autres espéces de campanulaires. Elle ressemble à une sphère à base tronquée. En effet, du côté où se trouve l'estomac, le corps est sphérique, et, à la naissance des appendices, il se coupe brusquement. IT s'éloigne par là aussi des tubu- laires. L'estomac est proportionnellement fort petit et jouit d’une grande mobi- lité. On reconnait un mouvement circulatoire dans son intérieur, longtemps avant qu'il ne se soit détaché. On distingue très-bien ce mouvement à tra- vers ses membranes , au milieu même de la loge. De l'estomac partent en dessus quatre branches qui se rendent en dehors à la base des appendices. Lei on voit distinctement la branche anastomotique par laquelle s'établit une communication entre tous les canaux. Nous avons vu distinctement la circulation dans leur intérieur. P Au milieu, entre les appendices, ce vaisseau se dilate légèrement et les globules s'y accumulent. Une membrane fort mince se trouve entre les différents appendices, et s'étend entre eux comme une peau sur un tambour. Cette membrane est pourvue d'une ouverture arrondie au milieu, par laquelle le liquide pénètre dans la grande cavité du corps. L'estomac peut s'ouvrir directement au dehors par ce diaphragme. La peau est hérissée sur toute la surface de petites pointes. Les appendices, au nombre de quatre , et correspondant aux quatre vais- seaux , ne ressemblent d’abord qu'à des tubercules, mais peuvent prendre une très-grande extension quand l'animal est entièrement épanoui. Il peut alteindre jusqu'à dix fois la longueur du corps. x Les organes des sens sont incolores, au nombre de huit. Hs consistent en deux vésicules emboïtées l'une dans l'autre. Les œufs semés par les méduses éclosent de toutes parts dans les vases qui les renferment pendant quelque temps, et de beaux embryons à corps ciliés remplissent bientôt l'aquarium , décrivant des cercles mystérieux. Leur SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES,. 171 corps est uni, allongé, un peu eflilé à l’un des bouts, légèrement arrondi à l'autre. Ils vagabondent comme une folle jeunesse dans cette première période. Mais bientôt toute la vie est dépensée, et le scolex cilié perd insensible- ment les poils mobiles qui le hérissent, et dont il n’a plus que faire, dés qu'il a choisi le lieu où doit naître et grandir sa riche postérité. L'animal perd sa forme allongée, devient plus ou moins discoïde, s'étale comme un pain à cacheter, et du milieu du disque s'élève bientôt un tuber- cule qui est le futur polype. = En même temps, une gaine mince et transparente a fait place aux cils, et quelle que soit la simplicité de la forme, le jeune animal est déjà protégé par un polypier. , L'animal a la forme d’une toupie renversée. Peu de temps après, ce plateau ou ce disque présente des échancrures au bord, se divise en lobes, et le pied de la colonie n’est pas sans ressem- blance avec certaines fleurs de crucifères qu'on aurait placées le pétiole en l'air. Le tubercule du milieu du disque prend la forme d’une tige, on dirait une bougie sur un plateau, et quand cette tige est arrivée à une certaine hauteur, il se forme un bouton qui doit se transformer en polype. Mais celui-ci n’est pas encore formé, que déjà un nouveau gemme apparait sur le côté , et, arrivé à une certaine hauteur, ce second gemme s’arrondit au bout comme le précédent, et se transforme presque simultanément en corps de polype. Après cela les tentacules surgissent, le polypier s'élargit autour du corps en forme d'entonnoir, l'orifice de la bouche apparait et des polypes sur- gissent, qui vont engendrer par voie agame des colonies entières. Cette tige n’étant pas assez forte pour soutenir les générations qui se sui- vent, elle fléchit, se couche, devient rampante, et c'est de cette tige couchée, semblable à un rhizome, que naissent les nouvelles campanulaires qui s'élèvent perpendiculairement et montrent les loges à méduses à leurs pieds. | M. Stret. Wright nous apprend que des méduses de Camp. Johnstonii, que 172 RECHERCHES * nous rapportons à la même espèce , placées dans un vase rempli d’eau de mer, avaient engendré de jeunes campanulaires au bout d'une semaine ; elles étaient attachées au fond du vase. M. Hincks parait avoir fait la même observation, en automne, à l'ile de Man, et M. Dallas, d'Édimbourg, dit avoir vu la même campanulaire se reproduire dans un vase au printemps !. En toute saison, dit Stret. Wright, cette espèce produit des méduses. GENRE CAMPANULINA Van Ben. (Planche XIIL) Dans une notice intitulée : Un mot sur le mode de reproduction des ani- maux inférieurs, publiée en 1847 *, nous avons désigné sous le nom générique de Campanulina , intéressant polype dont il est question iei. Depuis longtemps nous avions cru pouvoir compléter ces premières re- cherches. Sans ressembler entièrement à des campanulaires, c'est toujours de ces polypes que ce nouveau genre se rapproche le plus, même au premier coup d'œil, et c’est ce qui nous à déterminé à lui donner le nom de Cam- panulina. On le trouve sur des coquilles, des pierres ou des plantes. Nos dernières observations sont faites sur des colonies entières qui ont surgi inopinément sur une feuille d'Ulva latissima , dans un aquarium. J'ai aperçu les premières colonies vers la fin du mois de février, et déjà elles formaient des touffes fort épaisses. Il en a paru d’autres sur divers corps déposés au fond du vase , et successivement elles ont envahi diverses campanulaires, Ces Campanulina ont continué à se propager par gemmes jusque vers le milieu du mois de juin; alors de grandes capsules ont surgi a côté des polypes, montrant de magnifiques petites méduses, d’un vert pàle, aussi belles de couleur queles plus belles émeraudes, pulsant et se débattant dans leur étroite loge pour rompre les parois et prendre leur liberté. ! Stret. Wright, Observ. on Brit. Zooph., 1858, p. 15. ? Bulletins de l’Acad. roy. de Belgique, t. XIV, n° 5. té — SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 175 C'est une organisation excessivement curieuse, comme on peut le voir par la description qui suit. Les longs bras des polvpes, gracieusement étalés en deux cercles, la membrane transparente qui les réunit à leur base, Ja loge cylindrique , ainsi que les deux longs cirrhes, à l’âge proglottoïde , leur donnent, dans leurs deux formes , une physionomie toute particulière. Il y a peu de temps, M. Alder à retrouvé ce même animal , et il le décrit sous le nom de ZLaomedea acuminata, ne connaissant pas la notice que j'avais publiée sur ce sujet. Ce savant a beaucoup contribué à étendre nos connaissances sur les animaux inférieurs des côtes britanniques !. Enfin M. Stret. Wright a observé de son côté le même polype, pour lequel il conserve le nom de M. Alder et le fait connaitre sous ses deux formes de hydrier et de téléon *. A la fin du siècle dernier, Slabber, au milieu de tant de belles observa- tions qui, pour la plupart, ne commencent qu'à être appréciées , fait men- tion d’une pêtite méduse sous le nom de Gladde Beroe (Beroë lisse) qui à beaucoup d’analogie avec celle que nous décrivons iei, mais dont il n’a connu que la dernière phase d'évolution. Toutefois les couleurs ne s'accordent pas exactement : le Beroë de Slabber a le corps d’un bleu päle, les cirrhes et les canaux sont d’un brun jaunàtre, tandis que notre petite méduse se dis- tingue par sa couleur du plus beau vert päle *. Ayant affaire à un polype si complétement différent des autres par ses formes et ses allures, aux diverses époques de son évolution, nous n’avons pas cru devoir hésiter à l’ériger en genre. Le polype agame a les bras excessivement longs, réunis à leur base par une membrane transparente , formant deux cercles ; le polypier est ramifié, très-irrégulier et rampant : les loges sont cylindriques et portent un cou- vercle en douves. Le polype sexué ou le téléon est sphérique, avec deux longs cirrhes dé- passant jusqu’à dix fois la longueur du corps, huit capsules sensitives et ! A catalogue of the Zooph. of Northumberland, TRANS. OF THE TYNES. NATUR. FIELD CLUB, 1557, p. 54, pl. I, fig. -8, et Ann. of nal. histor.; décembre 1857. ? Observal. on Brit. Zooph., Enixs. New Puis. Jourx.; january , 1858, p. 5, pl. Let IL. 5 Slabber, Waturk. Verlustig, p. 89, pl. IF, fig. 1-2. 17% RECHERCHES l'orifice buccal bordé de quatre franges ; il se développe dans une grande loge cylindrique qui ne renferme qu'un seul individu à la fois. CAMPANULINA TENUIS Van Ben. {Planche XIIL.) Synonymie. — CAMPANULINA TENUIS Van Beneden, Un mot sur la reproduction des anim. infér., BuzLeT. DE L'AcAD. ROY. DE BELGIQUE, t. XIV, n° à, fig. 6, 1847. LAaoMEDEA AcuMINATA, J. Alder, À Catalogue of the Zoophytes , Transacriows or THE TYNESIDE NATURALISTS FIELD CLUB. Newcastle-upon- Tyne, 1857. — — Description of three new british Zoophytes, ANN. ap mac. or NAT. HisT., sect. Il, vol. 18, pl. XVI, fig. 5-8. — _ Thom. Stret. Wright, Observations on british Zoophytes, pl Let IL. Edinb. new. phil. Journ. January 1858. Le polype, sans les bras, mesure à peu près deux millimètres de longueur comme eux; entièrement épanoui il peut atteindre, les bras y compris, de cinq à six millimètres. Le téléon a un millimètre de diamètre. Ces polypes se conservent fort bien dans les aquariums et n’exigent qu'un petit volume d’eau ; aussi se développent-ils dans des eaux peu profondes. Ils envahissent les coquilles des mollusques, la carapace de divers crustacés et les feuilles de plantes marines. La colonie est formée d’une tige rampante plus ou moins tortueuse, très- irrégulièrement ramifiée et de laquelle s'élèvent de distance en distance des pédoncules à polypes. Le polypier est fort mince et très-délicat. La loge du polype, ou clochette, est cylindrique, tronquée à sa base et terminée au sommet par des douves formant un couvercle conique qui abrite complétement l'animal. Les pédoncules présentent en gros les anneaux des tiges de campanulaires, mais ces anneaux sont si irréguliers, les replis se montrent dans un ordre si peu complet, que le souvenir seul des campanulaires peut les faire recon- naitre, SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 175 La loge du téléon est également cylindrique, très-grande; et dans chacune d'elles il ne se forme qu'un seul individu méduse. C’est encore une particu- larité fort remarquable à signaler. Description. — Le jeune polype nait par voie gemmipare au bout d'un pédicule dont le sommet s’élargit et se couvre d'un cercle de petits boutons : les tentacules futurs. Nous avons vu au sommet de ce polype en voie de déve- loppement, des vésicules allongées et transparentes, semblables aux vési- cules spiculigères qui couvrent les tentacules. Elles sont peu régulièrement placées. Le polype, entièrement épanoui, dépasse la loge à peu près de toute la lon- gueur du pédicule ; aussi le corps prend-il alors la forme linéaire, le mamelon buccal devient saillant et conique , et une rangée de très-longs tentacules, au nombre de vingt-quatre au moins, projettent leurs stylets meurtriers à de très-grandes distances. Ces cirrhes sont d’une très-grande ténuité quand ils sont complétement étalés. Ils s’élargissent par la contraction. Les tentacules sont réunis à la base par une membrane trés-fine et déli- cale qui éloigne nettement ces animaux des autres polypes. On peut dire que les tentacules sont palmés. Nous avons vu dans l'estomac d’un de ces polypes un hemipsilus entier encore vivant. Le lendemain, le nématode ne donnait plus aueun signe de vie. M. Alder ne leur donne que vingt tentacules. Nous en avons compté vingt- quatre sur nos dessins. On sait avec quelle facilité on peut se tromper sur le nombre. Ce qui nous étonne davantage, c’est que le savant naturaliste de Newcastle trouve de la ressemblance entre les tentacules et les bras des hydres. Nous ne pouvons partager cet avis. Les bras des hydres s’allongent en effet très-gracieusement, et montrent une certaine souplesse dans tous leurs mouve- ments, mais jamais ces bras ne s'étendent comme des piquants sous la forme d’un double cercle autour de la bouche ; ici, au contraire, quand le polype est parfaitement en repos, il allonge en effet ses tentacules outre mesure; mais, dans cette position, tous ces organes sont droits ou légèrement infléchis vers le sommet, en formant un entonnoir en avant et un second cercle un 176 RECHERCHES _# peu plus bas. Il est entendu que les cirrhes sont pleins comme dans toutes les campanulaires et tubulaires. Polype agame de Campanulina tenuis. TéLéox. À côté de la loge à polypes, s'élève sans plan déterminé une loge le double plus grande, d'abord entiéremént remplie de la masse commune , mais au milieu de laquelle surgit une méduse. Il n'y en a qu'une seule, et l'orifice SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 177 est toujours situé dans la même direction que la bouche du polype agame. Cette loge prend une teinte d’un vert pàle d'émeraude qui lui est communiquée par la méduse. La méduse pulse dans l’intérieur de sa loge; puis, quand elle est à peu près complète , la loge s'ouvre , animal devient libre, mais reste encore un certain temps attaché à son pédicule. Les pulsations continuent, puis, tout d’un coup, il se détache et va prendre librement ses ébats. La méduse est sphérique ; la cavité stomacale peut s'ouvrir entièrement comme un disque, mais plus communément la cavité est plus ou moins close et divisée en quatre. De la base de l'estomac partent quatre canaux qui se rendent au vaisseau marginal, et par lesquels s'établit une communication entre le cercle marginal et l'intérieur des bras. Il n’y a que deux bras très-développés; les deux autres sont rudimen- taires; les premiers prennent une longueur excessive et atteignent au moins jusqu’à dix fois la longueur de la méduse. Entre chaque bras se trouve deux capsules auditives dont le nombre est par conséquent de huit. | Chaque capsule consiste dans une double vésicule et un globule à contour net et dur dans l’intérieur. Ces capsules sont incolores et sessiles. Le diaphragme est fort distinct. Toute la surface du corps est couverte de spicules, mais ce sont particu- lièrement les bras qui en sont garnis sur toute leur étendue. Nous possédions depuis longtemps le dessin de cette méduse en portefeuille avant d’avoir reconnu son origine. Nous l’avions trouvée entièrement déve- loppée, étalant les deux bras d’une manière extraordinaire. Toue XNXVI. 25 178 RECHERCHES * SERTULARIDES. Les sertularides ne diffèrent essentiellement des campanularides que par les loges et les capsules qui sont sessiles ; c’est la même organisation dans les deux groupes , avec cette différence seulement , que l’on ne connait pas de sertularide médusipare. Jos. Arver, À Catalogue of the Zoophytes of Northumberland and Durham, Tnaxsacr. or rne TYNESID. NATUR. FIELD CLUB, 1857. Pror. ALLMANN, On the structure of the reprod. organs of hydroid polypes, ProCEED. OF TUE RoY. soc. Session 1857-58. Pror. ALLMANX, On the reproduct. org. of sertularia tamariseu, Repent. Br. ASSOc.; 28 mect. 1858, p. 119, Anx. xaT. misT., vol. 5, 1859, p. 258. — Add. observat. on the morphology 0f the reprod. organs in the reprod. Organs in the hydroid polypes. Lixosrnôm, G., On utvecklingen of sertularia pumila , üversigt k. vet. Akad. [ürh. Stockhol, 1855, p. 565, Buzz. DE L'Acap. R. DE SuÈDE pour 18355; Stockholm, 1856. ALLMANX, On the occurrence of amaebiform protoplasm … among the hydroïdeu, ANN. NAT. miST., 1864, p. 205. Basrer, Natuurk. uitsp., pl. I, fig. 1-2. Van BENEDEN, Un mot sur la reproduction des animaux inférieurs, BuLseniNs DE L'AcaD, Roy. DE BELGIQUE, 1847, vol. XIV, 1"! part., p. 449. SERTULARIA CUPRESSINA Linn. (Planche XVI.) On ne peut guère trouver un animal présentant aussi complétement la physionomie d’une plante que la sertulaire qui nous oceupe ; et ce qui com- plète l'illusion , c'est que tous les ans, au printemps, ses branches se couvrent de fleurs et de fruits, qui ne sont des œufs et des embryons que pour le natu- raliste. Description. — Chaque colonie se compose d’un tronc principal fixé au sol par une racine discoïde, tronc qui projette des branches latérales dans toute sa longueur. C’est vers le milieu de la hauteur que les branches sont les plus longues et ce sont elles aussi qui se chargent de capsules sexuelles. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 179 La Sertularia cupressina est fort abondante à Ostende. On la trouve à une certaine profondeur, non loin de la côte, Pendant les gros temps, on en voit régulièrement le long de la plage, au printemps surtout, et si on veut suivre les pécheurs de crevettes qui font cette pêche de pied , on est sûr d’en trouver de frais et de propres à l'étude. Le corps est fort protractile ; il dépasse pendant qu'il est épanoui la lon- gueur de la loge de toute son étendue, c’est-à-dire que le polype a presque tout le corps penché hors de la loge. Des deux côtés, on voit vers le milieu de chaque loge une lanière charnue, insérée d’une part aux parois du corps de l'animal, et d'autre part à la face interne des parois : ce sont des muscles rétracteurs. Plus bas, au fond , il y a encore deux autres lanières qui présentent une insertion sem- blable et jouent le même rôle dans la retraite. C'est par leur action que le corps du polype s’abrite complétement. Nous ne voyons pas d'organes pareils dans les campanulaires dont ces sertulariens sont cependant bien voisins. Chaque polype porte une couronne de vingt à vingt-quatre lentacules sur un seul rang, mais insérés alternativement en dedans et en dehors, comme dans les familles précédentes. Chaque tentacule est plein et porte plusieurs étages de nématocystes. Le corps de l'animal se termine en avant comme un pain de sucre placé au devant des tentacules et au sommet se trouve l'orifice de la bouche. On ne voit pas de traces de cils vibratiles. Au fond de chaque loge, le tissu charnu continue d’un polypule à l'autre, et tous les individus sont mis en communication par un tissu commun. La cavité s'étend de même de chaque animal à tous ceux de la colonie, et c’est le mouvement circulatoire du liquide qui la remplit, que Cavolini avait déjà comparé à une circulation sanguine. Chaque colonie est mâle ou femelle. Sur certaines branches des colonies femelles, celles du milieu, s'élèvent, dans un ordre déterminé, des loges plus grandes que celles qui renferment des polypes agames et qui servent à la reproduction : ce sont les téléophores, ou les gonophores de Allmann. 180 RECHERCHES Dans l'épaisseur de la masse charnue où cœnosare, se forme une capsule qui correspond morphologiquement au téléon ou à la méduse , mais qui con- serve toujours laspect primitif d'un sporosac. C'est dans son intérieur que se forment les œufs ou les spermatozoïdes, selon le sexe des colonies. Ces œufs présentent tous les caractères de véritables œufs. Nous leur avons . trouvé en effet, au milieu du vitellus, la grande cellule germinative, et, au centre, une autre vésicule correspondant à la vésicule de Purkinje. Dans celle sertulaire, on voit une demi-douzaine d'œufs dans chaque capsule. Hs sont fécondés par les spermatozoïdes d'une colonie voisine. Ces œufs gran- dissent assez rapidement, sortent de la loge tout en restant entourés de leur ovisac et font hernie au bout de la capsule. Ces œufs prennent une couleur rosée, el leur situation régulière fait nécessairement naître l’idée d’un po- lvpe en fleurs. Ces œufs réunis font penser aussi à la segmentation d'un œuf unique. Quand les œufs ont atteint leur complète maturité, le sporosac s'ouvre, et. chaque œuf devient le jouet des vagues. Il est nécessairement entrainé par le courant. Tous les œufs ne sont pas simultanément évacués de ce sac herniaire ; ceux qui sont mürs el ensuite pondus sont remplacés à leur tour par d'au- tres qui viennent du fond de la capsule. 1 y à ainsi une succession dans les sacs herniaires, et les téléons sont étranglés vers leur milieu. Bientôt cette masse vitelline, qui forme tout l'œuf, est couverte de cils vibratiles, et le jeune polype nage librement , affectant les allures et la phy- sionomie de certains infusoires , sauf l’agilité. Leurs mouvements, en effet, sont fort lents. Quand on en voit plusieurs réunis, c'est plutôt par les changements de rapports entre eux que par une progression réelle, qu'on s'aperçoit de leur mouvement de locomotion. Nous ne les avons jamais vus quitter le fond. De rosés qu'ils étaient d'abord ils deviennent blancs. Le polype est à l'état de Planula. Il prend librement ses ébats à cette époque de son évolution , et il finit par faire choix d’un lieu convenable, où il va jeter les fondements d'une nouvelle colonie. fps SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 181 La forme du jeune animal est peu variable à cet âge, et on ne saurait dis- tinguer ni la famille ni le rang auquel il appartient. Tous les mouvements se réduisent à une natation régulière dans l’un ou l’autre sens, et la Planula glisse véritablement au fond de Peau. Le corps, de sphérique qu'il était d’abord , prend ensuite la forme d’un cylindre, s’arrondit aux deux bouts, se resserre tantôt vers le milieu du corps, tantôt aux extrémités, jusqu'à ce que les cils vibratiles se flétrissent complétement à la surface : c’est le signe qu'il a fait choix d'un emplacement. On voit ensuite un des pôles, celui par lequel il s'attache, s’élargir et former un disque qui donne à tout l'animal l'aspect d'un chandelier. Puis le pied du chandelier ou le disque, pour s'étendre davantage et offrir une base plus large, s’élargit encore par des ramifications et modifie sa première physionomie. Ce disque continue à s'étendre, la peau se durcit à sa surface, une enve- loppe chitineuse surgit, et le jeune animal est protégé par un polypier. La tige s'élève verticalement à une certaine hauteur ; il se forme un étran- glement dans les parties molles, et l'indication du premier polypule devient évidente. De légers tubercules s'élèvent en cercle au bout du pôle libre; ces tubercules s'élèvent en s’étirant , une bouche se forme au milieu d'eux , une cloison plus ou moins complète sépare le ‘corps du polypule de la masse com- mune, et le premier individu de la nouvelle communauté va bientôt s’étaler au fond de sa loge. A la hauteur de son corps, un tubercule s'élève, se remplit de masse commune , s’élargit et s’allonge , et un nouveau polypule, semblable en tout au premier, apparait à côté de lui; la colonie se compose de deux indi- vidus. Toutes les autres loges se formeront de la même manière, affectant la même forme, se développant toujours à une place indiquée d'avance, jus- qu’à ce que la colonie entière ait sa physionomie propre. Il est inutile de pousser ces investigations plus loin; les seuls change- ments qui surviennent ensuite, c’est que, à l’époque des amours, des loges particulières se forment avec des polypules sans bouche et sans bras, et qui sont de véritables propagateurs. On voit ces propagateurs apparaître au mois d'avril. 182 RECHERCHES J'ai pu garder des colonies ou portions de colonies en vie, et, au bôut de six jours, je trouvais souvent des embryons éclos, nageant librement au fond des vases. Voici les notes que j'ai prises : Le 4 mai. — J'ai placé un certain nombre de planulas dans un verre de montre avec des’ conferves, et ils étaient presque tous encore en vie au bout de vingt-quatre heures. Ils rampaient lentement sur le fond du verre. Quel- ques-uns avaient le corps un peu plus allongé. Puis j'ai placé le verre de montre avec les embryons au fond d'un aqua- rium, en prenant toutes les précautions nécessaires pour que l'immersion ne les dispersät pas; le lendemain ils étaient encore bien portants. Le 5 mai. — J'observe un peu plus de vie. Quelques-uns d’entre eux sont plus allongés, ec il y en a qui s'allongent assez notablement, puis se re- courbent à droite et à gauche comme une planaire, dont ils ont, du reste, complétement l'aspect. Il y en a aussi qui ont pris une forme parfaitement sphérique, et qui, malgré leur immobilité, sont très-bien en vie. Ce sont des individus qui ont fait choix d'un emplacement, et qui vont jeter les fonde- ments d'une nouvelle colonie. Pendant quelques jours, on ne s'aperçoit d'aucun travail organique. — L'embryon cilié ne se mouvant plus, on ne sait s’il est encore vivant. Bientôt on distingue ceux qui vivent encore par une sorte de bouton qui semble sortir du milieu d'un disque : c’est le commencement de la tige. Du 5 au 14 mai, ce bouton s'élève lentement, et, à mesure qu'il s'étend, une couche épidermique surgit, devient de plus en plus distincte, et con- stitue le polypier chitineux. Le 14 mai. — Je trouve un polype entièrement formé et montrant, sur le côté, le gemme d'où doit sortir un second polypule. Le polypier s’est plus nettement séparé au pied, et dans l'intérieur du disque d'adhésion on voit la partie molle se diviser plus nettement, comme des racines d'un arbre. D édite... SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 183 SERTULARIA RUGOSA Linn. (PI. XVII, fig. 1-8.) Synonymie. — Lucerne, Ellis, Coralines, p. 42, pl. XV, a, À, n° 95. Euuisia nu6osa, Westendorp, Recherches sur les polypes flexibles; Bruges, 1845, p.22, pl. IX-XI. On le trouve três-communément sur les flustres. Les tiges sont couchées et rampantes. Cette espèce a une physionomie particulière par la forme de ses loges, qui ressemblent à des barillets, et les capsules téléophores; les unes comme les autres présentent des côtes el peuvent être comparées à des lanternes chinoises. Les capsules sont proportionnellement grandes. Les œufs qu’elles contiennent sont de couleur rosée. Les polypules sortent assez loin des loges. Ils ont la forme et les caractères ordinaires. Les tentacules sont au nombre de seize à vingt. Chaque loge est fermée par un couvercle à quatre côtes qui produisent en petit l'effet d'un pavillon chinois. SERTULARIA OPERCULATA Linn. CuevEu DE MER, Ellis, Corallines…., p. 21, pl. III, b, B. Cette jolie espèce n’est pas rare sur nos côtes. Elle s'attache à différents corps et les couvre comme une chevelure. SERTULARIA ABIETINA Linn. Sarix pe Men, Ellis, Corallines , p. 18, pl. I, n° 2, b, B. Cette espèce est fort commune. On la voit souvent sur les moules et les huitres. La colonie atteint de quatre à cinq pouces de hauteur. Des spirorbes se fixent souvent à sa surface. 184 Sertularia abietina. RECHERCHES * Les capsules ou téléophores sont très-simples, un peu plus longues que larges. Baster ne croit pas que ces polypiers soient l'œuvre des polypes. SERTULARIA ARGENTEA Linn. Queue v’éÉcureuiL, Ellis, Corallines, p. 20, pl. IH, n° #4, ce, C. Cette sertulaire est commune à Ostende, On la trouve sur toutes sortes de corps solides, même les moules et les huitres. Les colonies atteignent la hauteur de six à huit pouces. To HALECINA Linn. (Planche XVII) ARRÊTE DE HARENGS, Ellis, Essai... corallines, pl. X. — — Van Beneden, Un mot sur la reproduction des animaux inférieurs, BULLETIN DE L'Acab. ROY. DE BELGIQUE, 1847, vol. XIV, 1° part., p. #49. a Quelques naturalistes ont douté tout récemment de l'exactitude des observations d'Ellis sur le /4oa , comme on peut voir dans les notes de la seconde édition de Lamark; toutefois, nous pouvons con- firmer en tout point ce que cet habile observateur a avancé; et s'il n'a pas poussé ses recherches plus loin, c’est qu'il vivait à une époque où on com- mençait la confection d’un inventaire général, et où on ne cherchait encore dans l'organisation que des caractères distinctifs pour l'établissement des classes et des espèces. Cette espèce est fort commune sur nos côtes. On la trouve attachée à des coquilles ou des pierres, et la mer en rejette régulièrement après un peu d'agi- tation. Le polype agame ne pouvant s’'abriter complétement dans sa loge, qui n'est pas assez spacieuse, on le trouve rarement frais et intact pour l'étude. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 185 Le polypier est arborescent et ramifié, et comme dans la Sertularia cupres- sina, ce sont seulement les branches latérales, vers la moitié de la hauteur de la tige, qui portent des capsules sexuelles. . Ces loges sont placées les unes à côté des autres avec plus ou moins de régularité et dans la même direction. Un pédicule grêle, semblable à celui qui porte les polypes, soutient les capsules ; elles sont arrondies, sans piquants, avec les bords de l’ouverture découpés. Get orifice n’est pas placé dans l'axe de la capsule. On compte généralement de quatre à cinq œufs dans chaque capsule. Les œufs sont blancs ou légèrement rosés. Ils renferment les vésicules germina- tives, que l’on parvient même assez facilement à isoler par une pression me- surée. N Ce que nous avons vu de plus remarquable dans cette espèce , c’est que la loge qui produit les œufs produit quelquefois des polvpules semblables à ceux qui se développent sur les branches ordinaires. Ce phénomène ne semble pas avoir d’autre signification que celle de polypules qui surgissent partout où il y à du cœnosare en vie. C’est ainsi que des polypes nouveaux naitront au bout d'une branche qui a perdu ses anciens habitants. C’est l’hydre qui engendre de nouvelles hydres dans toutes les parties du corps. Chaque portion du corps prolifie. Nous ne croyons donc pas qu'il y ait dans cette disposition quelque chose d’analogue à ce que nous montrent certaines tubulaires, qui arrivent à une évolution presque complète, et engendrent des œufs sans avoir pris la forme sexuelle. Johnston a mal dessiné ce polype, à moins qu'il n'ait voulu figurer une autre espèce. Le corps du polypule varie singulièrement de forme : il s’allonge ou se raccourcit selon les impressions qu'il recoit du dehors, et diffère surtout des autres sertulariens en ce qu'il ne peut s’abriter dans sa loge. Les tentacules sont au nombre de vingt ou de vingt-quatre, et se contractent de manière à simuler une couronne de boutons. Au milieu de la couronne tentaculaire se montre un mamelon proboscidien percé au milieu et formant l'entrée de la cavité digestive. Toue XXXVI. 24 186 RECHERCHES En dessous des tentacules, le corps est renflé et se rétrécit ensuite jusqu'à l'épaisseur de la tige polypiaire. Quoique ce polype ne s’abrite point dans une loge, et qu'il soit constamment exposé à la violence des vagues et aux atta- ques de nombreux ennemis, nous ne remarquons chez lui aucune disposition qui le distingue des autres genres de cette famille. DyYNAMENA PuMiILA Linn. (PL. XVII, fig. 9-10.) Cuëxe DE ver, Ellis, Corallines…, p. 25, pl. V, n°8, a, A. — Lindstrôm, Sur le développement du Sertuluria pumila, BULLET. DE L'ACAD. ROY. DE SUËDE; Stokholm, 1856, p. 565. Cette espèce n’est pas très-rare. Nous l'avons souvent trouvée sur des Laminaria, et elle peut vivre, par conséquent, à de grandes profondeurs. On la voit aussi sur le Fucus vesiculosus. ... «Au mois de juin 1754, je découvris, » dit M. Ellis en parlant de cette espèce « que les vésicules de la coralline Chêne de mer étaient ha- bitées par une espèce de grands polypes, qui partaient du corps charnu, occupant le milieu de la tige droite et des branches, et qui paraissaient ne faire qu'un tout avec lui ‘. » Nous avons eu l'occasion de voir ce polype À complétement s'épanouir comme on peut le voir Dynamena pumila. pl. XVI, fig. 10. Le corps qui est couvert de ce polype prend un aspect chevelu. ! Ellis, Corallines, p. 115. ST ee mms ft me tt tués tu it. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 187 ANTENNULARIA ANTENNINA Linn. On en trouve toujours sur la côte quand la mer à été agitée. — On voit des colonies d’un pied de lon- gueur, et des touffes de plusieurs pouces d'épaisseur. Nous n'avons pas réussi à en trouver avec leurs polypes vivants. PLUMULARIA FALCATA Linn. CoRALLINE à FAUGILLE, Ellis, Corallines, pl. VIE, «, A, n° 11. On peut dire que c’est une des sertulaires les plus communes à Ostende, et aussi une des plus faciles à reconnaitre par sa tige spirale. La colonie a quelques STE pouces de hauteur. Pourvu que la mer ait rejeté quelques objets sur la plage, on est certain de rencontrer ce polypier parmi eux. : PLUMULARIA CRISTATA. CoRALLINE 4 COSsEs. Ellis, Corallines, pag. 27, pl. VIL, 6, B, n° 12. Nous avons trouvé cette espèce sur des Fucus, mais très-rarement. PLUMULARIA SETACEA. Ezuis, Corallines, pl. XXXVIIT, n° 4. La colonie ne dépasse guère un pouce de hau- teur. Nous ne l'avons observée qu’une seule fois; elle était étendue sur une racine de Laminaria. Plumularia cristata. 188 RECHERCHES # LOANTHAIRES. ORDRE DES ACTINIAIRES. ACTINIES. Doxxeiz, Further observations on the power exercited by the Actiniæ of our shores in killing their prey, ANN. NAT. st. ; avril 1859, pag. 504. Rav, Ueber Polypen… Weimar, 1829. EurexserG, Die Corallenthiere, AunanD DER KüNIGL. Acan. BerLin, 1852. HozranD, Wonogr. anat. du genre Actinie, ANN. sc. NaT., sér. IN, t XV, 1851. Mine Enwanos et Hume, Hist. nat. des Coralliaires, 5 vol. in-8°. Paris, 1857. Raruke, Zur Morphologie, pag. 1, pl. E, fig. 42. Teace, On the anatomy of act. coriacea, Leen’s TRANSACT. OF THE PHILOSOPH. AND LIT. SOCIETY, vol. I. DecLe Car, Anim.senza vert, ete., BuLL. sciENc. NAT., t. XVII, 470. TeaLe, Transact. of the Leeds philosoph. and litterary Society, vol. I. R. Wacxer, Archives de Wiegmann, 1855. Joxes, Ton, Cyclop. of anat. and physiol., I, 409. ’ Snanpey, Topo, Cyclop. of anat. and phys., 1, 614. Dicquemane, Phil. Transact. abridg., XHI, 659. Hanvey, Mag. nat. hist.n.s., 1, 474. BLaviLe, Manuel d'Actinologie. Paris, 1855. Canus, Comp. anat. Six, WaGxEn, /cones zootomicæ. Pau GEnvais, Supplém. du Dict. des sc. natur., pag. 51, art. Acrinie. Paris, 1840. Nous avons vu des actinies pondre des jeunes par la bouche avant l’appari- tion des tentacules, d’autres avec quelques-uns de ces organes. Ot.-Fr, Müller dit également, comme Baster, avoir observé que ces animaux sont vivipares. Depuis longtemps M. Hogg !, et sans doute bien d'autres, ont fait l'ob- servation que des fragments se détachent du pied de certaines actinies (Ac- tinia plumosa surtout) , que ces portions de pied restent accolées aux parois 1 Quarterly Jour, microscop. sc., t. V, p. 258. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 189 de l'aquarium quand lactinie se déplace, et donnent ensuite naissance à autant d’actinies qu'il y a eu de fragments. Tous ceux qui ont observé des animaux marins dans des aquariums ont été témoins de ce phénomène. Aussi ce n’est pas sans étonnement que nous avons vu en Angleterre une discus- sion s'élever à ce sujet entre MM. Wright, Barrett et Hincks. Ce n'est, à notre avis, ni l'effet d’une gemmation, ni le résultat du passage d'œufs dans le pied de l’actinie : c’est une portion détachée de l'animal qui reproduit un animal complet, comme un fragment d’hydre reproduit une autre hydre ". La détermination des espèces d’actinies n’est pas facile : elles n’ont aucune partie dure et résistante, et la forme change constamment. Il y a non-seule- ment des différences fort grandes entre l'animal épanoui et l'animal contracté ; mais même entre l'animal très-frais et vivace et l'animal malade et fatigué, des modifications profondes surgissent. Si on ajoute à ces difficultés les chan- gements sans fin de couleur, les diversités de forme et de nombre de tenta- cules selon l’âge, lon n'aura encore qu'une faible idée des changements que chaque espèce présente. ACTINIA COCCINEA Ot.-Fr. Müller. (PL XIX, fig. 1-4) Synonymie. — Acrinia cocaxea , Ot.-Fr. Müller, Zoologia danica, tab. LXUL, fig. 1-5. On la trouve assez souvent sur les grandes huitres (Ostrea hippopus). Elle habite par conséquent les profondeurs. C’est avec raison que Johnston admet, d’après Forbes, cette espèce dans sa seconde édition des British zoophytes. Le nom de Coccinea, donné par Ot.-Fr. Müller, convient fort bien au plus grand nombre ; il y en a toutefois parmi elles qui sont päles de couleur et jaunâtres. Cette espèce est parfaitement distincte et facile à reconnaitre quand on la observée en vie. Elle présente des différences considérables, comparée à l’Actinia crassicornis. Elle ne devient jamais aussi grande que la dernière. 1 L'Institut, n° du 25 mars 1859 , p. 100. 190 RECHERCHES Elle n'acquiert pas plus de deux ou trois centimètres de hauteur et autant à peu près de largeur. Le corps est cylindrique et tronqué aux deux bouts. Tout le corps, sauf les tentacules et les espaces intertentaculaires, sont d'un beau rouge, et des tubercules blanchâtres, formant quelquefois des ran- gées régulières de haut en bas, recouvrent la peau. La surface du corps est ainsi légèrement bosselé. . Les tentacules sont assez nombreux , gros et obtus comme certairies épines d'oursins , ne présentant aucunement ni cette grande flexibilité ni cette ex- trême extensibilité de quelques espèces. Ils sont annelés, c’est-à-dire mon- trant des cercles blancs et brunâtres qui alternent. On voit trois ou quatre cercles sur chaque tentacule. Tous ces appendices montrent à leur base des rayons noirs et jaunes qui convergent vers l'orifice de la bouche. Les tenta- cules de la rangée interne sont les plus gros ; ceux qui les entourent n'ont que la moitié de leur diamètre et de leur longueur. AcTiniA cANDIDA Ot.-Fr. Müller. Synonymie. — Acriia canDipA, Ot.-Fr. Müller, Zool. dan., pl. 115. 2 — M. Edwards, Coralliaires, vol. I, p. 242. Nous avons observé cette espèce vivante sur la grande huitre Pied de cheval et elle nous semble parfaitement distincte. Le corps est d’un jaune pàle un peu sale et tirant sur le gris. Il est un tant soit peu strié longitudinalement. IT présente de grandes variations de longueur et de diamètre. Il s'étend à la longueur de deux à trois fois le dia- mètre du pied, et souvent s'étrangle vers le milieu. Les tentacules sont très-nombreux, assez réguliers et serrés les uns contre les autres ; leur longueur, comme leur grosseur, ne varie guère dans les cir- constances ordinaires. Ils forment une sorte de collerette autour de la bouche, quand l'animal est fatigué et légèrement contracté. Les tentacules sont blancs, assez transparents, offrant quelquefois une strie brunâtre longitudinale. Nous avons vu, à travers l'épaisseur de la peau, le liquide de la cavité générale cireuler dans les tentacules. Le liquide mon- SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 191 tait régulièrement dans un sens, puis descendait avec la même régularité en sens opposé. Ces tentacules peuvent acquérir le double au moins de la longueur qu'ils ont habituellement. Autour de la bouche, des stries d'un jaune de soufre partent en s’'irradiant vers les tentacules. I n’y a certes pas de tubercules calicineux placés en dedans de la cou- ronne tentaculaire, comme OL.-Fr. Müller l'avait soupçonné. C’est sans doute un dessin peu achevé qui aura donné lieu à cette erreur. Cette espèce vit fort bien dans les aquariums. ACTINIA CRASSICORNIS. Zrescuarr, Baster, Vatuurk. uitsp., UK deel, p. 140, pl. XI. Après lActinia plumosa, c’est la plus grande de nos espèces. Elle a les tentacules fort gros, ce qui lui à valu son nom spécifique. Cette espèce est commune sur nos côtes. On en voit de toutes les nuances , et nous ne pos- sédons pas d'animal à couleurs plus vives. On rencontre souvent plusieurs teintes sur un seul animal. On en voit de rouges, de brunes, de vertes, de blanches et d’oranges ; souvent ce n’est qu’une partie du corps qui est colorée. On la trouve sur les pierres et les huitres. Cette espèce est difficile à conserver au delà de quelques jours dans les aquariums ordinaires. Baster à vu cette espêce donner des petits vivants. Au jardin zoologique de Hambourg, on conserve celte espèce parfaite- ment en vie; nous y avons vu un grand nombre d'individus qui étaient Jà depuis des mois. C’est que non-seulement l'eau est renouvelée dans ces aqua- riums, mais on injecte constamment de l'air pour remplacer l'effet des vagues, Nous ferons remarquer en même temps que l’on y fait une distribution de vivres pour ces animaux inférieurs comme pour les mammifères et les oiseaux. Chacun recoit, à des intervalles réglés, sa pitance de moules ou de poisson. 192 RECHERCHES " AcTINIA PLUMOSA Ot.-Fr. Müll. AcTiNIA PLUMATA , Ot.-Fr, Müller, Zoolog. danica., WA, pag. 42, tab. LXXXVIN, fig. 1-2. Cette espèce atteint jusqu'à un demi-pied de longueur. Elle a toujours des couleurs pâles uniformes ; quelques fois elle est toute blanche. Ce qui la distingue surtout, indépendamment de la taille ; ce sont les lobes qui entourent la bouche et le grand nombre de tentacules qui les recouvrent. C'est l'espèce qui vit le mieux dans les aquariums. On conserve plus faci- lement les jeunes que les adultes. L'Actinia plumosa est fort abondante sur notre littoral. C’est l'espèce que les pêcheurs trouvent le plus souvent sur la grande huitre Pied de cheval. Les actinies, même les espèces ordinaires, sont} dans certaines circon- stances, gemmipares, mais ces circonstances sont difliciles à apprécier. J'avais une Actinie de cette espèce en vie depuis un an. Je l'avais apportée très-jeune. Dans ces derniers temps, elle a bien mangé et elle s’est beau- coup développée. Elle s’est fixée elle-même sur les parois latérales du bocal, aussi haut que possible. Il faut qu'elle incline le corps pour que les tenta- cules soient immergés. Un jour j'avais remarqué une languette poussée par le pied, comme si, en se déplaçant , elle avait laissé aux parois une partie eflilée de son disque charnu. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 195 Mardi. — Il s'élève au milieu de la languette une jeune actinie pourvue de deux rangs de tentacules ; un rang interne, comprenant les plus grands, au nombre de huit, alternant avec un rang plus petit placé en dehors, comme on le voit chez les polypes à deux rangs d’appendices. Mercredi. — La languette a entièrement disparu. Les individus se sont séparés. On ne pourrait soupconner sa filiation. L'actinie-mèêre, qui a donné ce gemme, a pris, quelques jours après, le caractère de l'Actinia dianthus dans la disposition des lobes tentaculaires. J'ai eu, dans le même aquarium, une actinie avec deux bouches, et à chaque bouche sa couronne ordinaire de tentacules. Les cavités digestives étaient en communication. Souvent, quand j'en nourrissais une, je voyais, au bout de peu de temps, l’autre évacuer le résidu. J'avais donné un jour une néréide à manger : elle était saisie avec avidité; une partie entre par une bouche, tandis que le ver se tortille et se débat par l'autre extrémité. Succes- sivement la néréide y passe cependant, et, quelques heures après, je vois l’autre bouche évacuer la peau avec les piquants. Je les ai vus très-jeunes ainsi, et je crois que, dès le principe, ce sont deux embryons soudés ensemble. Elles sont sœurs. ACTINIA TROGLODYTES Johnston. (PL. XIX, fig. 7) Cette espèce vit cachée dans le sable; elle est commune sur nos côtes; elle se tient surtout au fond des flaques d’eau, au milieu des kateyen. On en voit de toutes les couleurs. Elle vit très-bien dans les aquariums. ACTINIA EQUINA Linn. Paanvescnarr, Houttuyn, XIV, p. 275, n° 1, pl. XIX, fig. 1. Cette espèce, de couleur brune lie de vin, de la grosseur généralement d’une noix, se trouve en abondance dans la Manche, sur les côtes d’Angle- terre et de France, et se voit beaucoup moins souvent sur nos côtes. Elle a la vie très-ténace et résiste parfaitement dans les aquariums. Nous avons étudié de très-jeunes Actènia equina, et pendant assez long- Tome XXXVI. 25 194 RECHERCHES temps nous avons porté toute notre attention sur le mode d'apparition des tentacules. Le résultat de ces recherches s'accorde parfaitement avec celui que MM. Hollard et Milne Edwards ont obtenu il y a quelques années. Le premier cycle de tentacules qui se forme est de six, et ces six tubereules, qui deviendront tentaculaires, sur- gissent à peu près simultanément. Six autres tentacules apparaissent ensuite pour former un second cycle en dehors du premier et alternant avec lui. À ces deux premiers cycles de six succède ensuite un troisième de douze tenta- cules, qui est suivi à son tour par un cycle de vingt-quatre et ainsi de suite. ACTINIA EFFOETA Linn. Denve SoonT VAN ZEE-SCHAFTEN, Baster, Natuurk. uitsp., W*° part., pag. 141, pl. XIV, lig. 2. Nous avons trouvé celte espèce, très-facile à distinguer de toutes les autres par ses lignes pâles longitudinales, sur des huitres. Elle n’est pas commune. Elle ne se conserve pas très-bien dans les aquariums. ACTINIA GEMMACEA Ell. et Sol. (PI. XIX, fig. 5-6.) Cette actinie habite surtout les grandes profondeurs. On la trouve quel- quefois en abondance sur des pierres, des coquilles ou d’autres corps solides. Elle présente un grand nombre de variétés. Le corps a de deux à trois centimètres de diamètre. L'animal est hémisphérique pendant la contraction , en forme de cylindre tronqué aux deux bouts pendant le repos. La surface du corps est couverte de tubereules , quelquefois disposés en ligne droite. Les tentacules sont assez massifs el couverts de marques arrondies pâles. La couleur est très-variable. Nous citons les deux polypes suivants, d’une famille toute distincte, non pour les avoir observés sur nos côtes, mais parce que nous avons eu l’oëca- sion de les étudier en vie. es SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 195 BALANOPHYLLIA REGIA Wood. (PI. XIX, fig. 10-11.) Le corps est d’un jaune orange. Les tentacules sont comparativement étroits, hérissés et terminés par de petites pelotes spiculifères. Ils sont placés irrégulièrement sur deux rangs. Nous avons reçu ce polype des côtes d'Angleterre. I vit fort longtemps dans l'aquarium. CarvopuiLLiA Surrun Stokes. (PI. XIX, fig. 8-9.) Synonymie. — Cyarmina Suirun, Dana. zo0ph., p. 551, 1846. — — Milne Edwards et Haime, Ann. se. nat., 5° sér., & IX, 1848. Nous avons observé ce polype assez longtemps, vivant dans nos aqua- riums; il provenait également des côtes d'Angleterre. Les tentacules sont sur deux rangs, mais très-irrégulièrement placés; ils sont tous terminés par un bouton spiculifère. L'animal est de couleur orange; le polypier grisâtre; il a la vie dure dans les aquariums. GORGONAIRES. PENNATULAIRES. Or.-Fr. MüLuer, Zoolog. danica, 1788. MarLanD, Fauna belgii septentrionales; Lugdun. Bat., 1851. Sans (Asbjürnson), Fauna liltor. Norvegiae. HenkLors, Pennatulides, BYDRAGEN VOOR DiERKUNDE; Amsterdam, 1858. Ce groupe si remarquable de gorgonaires n’a pas de représentant sur nos côtes. Nous en avons cependant des espèces au nord et au sud, et lune d'elles s'étend même des côtes d'Angleterre jusqu’à la partie septentrionale 196 RECHERCHES © de la Norwége ; on cite même une espèce, la Paragorgia arborea, comme caractérisant la mer du Nord, avec un autre polype, le Caryophillia Smi- thii, dont nous venons de parler ". Ot.-Fr. Müller cite la Gorgonia pinnata de la côte de Norwége, partie septentrionale. Zool. dan., pl. CLHX, pag. 37, IV® partie. Johnston cite la même gorgone, d’après Mac Andrew et E. Forbes, du Sound of Skye, Brirish zoopuyres, 2° édit., pag. 168, pl. XXXID, fig. 4-3. La Gorgonia placomus est citée par Ellis, Corallines, pl. XXVI, a, n°1, des côtes de Cornouailles. La Gorgonia anceps est signalée également par Ellis sur les côtes près de Margate et d'Irlande. Ellis, Corallines…, pl. XXVIT, n° 2, 9. La Gorgonia verrucosa Se trouve avec la Gorgonia placomus sur la côte de Cornouailles, Johnston, British Zoophytes, 2° édit., p. 166, pl. XXXIH, fig. 1. Nous ne citons ce groupe que pour mémoire, n'ayant jamais vu d'espèce de pennatulide dans nos parages. Il y en a cependant qui s’y rencontreront tôt ou tard. La Pennatula phosphorea, entre autres, qui habite à la fois la mer du Nord et la Méditerranée, ainsi que la Pennatula (Lygus) mirabilis , qui a été vue dans le Skagger rack et à Flessingue *. Johnston décrit trois espèces de pennatulides dans son Histoire naturelle des zoophytes britanniques. Sur la côte de Norwége il ne se trouve pas moins de sept espèces, dont einq dans les parages de Bergen *: 1. Pennatula phosphorea Linn. 9. LE borealis Sars. 3. Vérgularia mirabilis Müll. ” LR — Linmarchica Sars. 5. Pavonaria quadrangularis Blainv. La Foliculina quadrangularis de Pallas, est de l'ile de Kerrera, côte d'Écosse * { Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, vol. HE, p. 465. 2 Ot.-Fr. Müller, Zool. dan., pl. XI, Maitland fauna Belgii septentrion., pp. 56 et 57, Her- klots pennatulides. 5 Sars, Fauna litt. Norvegiae, p. 92. # Johnston, Brit. Zooph., 2° édit., p. 164, et Herklots, Pennatulides, p. 8. SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES. 197 La Vérgularia Vanbenedenii, que M. Herklots a bien voulu nous dédier, est établie sur un exemplaire que nous avons reçu avec plusieurs objets de la mer du Nord, et nous ignorons si M. Herklots a des motifs de croire cette espèce originaire d'Amérique ". La Scytalium Sarsii est établie par M. Her- klots sur des exemplaires portant sur l'étiquette : mer du Nord. ALCYONAIRES. Si les espèces de ce groupe sont peu nombreuses dans nos parages; il est vrai de dire qu'il y en a une qui, par son extrême abondance, établit une large compensation : à une certaine profondeur, il n’y a pas un corps solide qui ne se couvre de l’alcyon suivant, et les filets des pêcheurs en sont souvent littéralement pleins; c’est par tombereaux qu'ils pourraient en recueillir. ALCYONIUM DIGITATUM Linn. OuDEMANSDUIMEN , Baster, Natuurk.uitsp., 1, p. 27, pl. UE, fig. 6-7. Cette espèce est tellement commune dans la mer du Nord , qu'il serait diffi- cile de retirer du fond, à une certaine profondeur, un corps solide quelconque sans y trouver de ces polypes. NepyryA RoBusrA Van Ben. Nous avons trouvé cette espèce avec d’autres polypes et bryozoaires, qui avaient été recueillis dans la mer du Nord; nous ne l'avons jamais vue sur nos côles. Le Briareum arboreum Linn., qui atteint presque à la hauteur d’un homme, et le Briareum grandiflorum Sars, vivent à la profondeur de 100 à 250 brasses sur la côte de Norwége ?. ! Herklots, Pennatulides, p. 12. ? Sars, Fauna littor. Norvegiae, p. 62, pl. X, fig. 10-12. 198 RECHERCHES SUR L'HISTOIRE NATURELLE. erc. Le Rhizoxenia filiformis Sars, a été trouvé une seule fois à une profondeur de 30 à 40 brasses à Manger 1. SPONGIAIRES. BowerBaxk, À monograph of the british spongiudæ (Tue Ray Soctery), in-8°; London, 1864. Ces animaux produisent des œufs et des sacs à filaments spermatiques. Les embry ons, au sortir de l’œuf, sont ciliés et nagent librement avant de se fixer sur un corps solide. Chaque embryon forme le commencement d’une colonie, et toute cette progéniture d’une communauté est produite par voie gemmipare. Des colonies se forment aussi quelquefois par l'agglomération de plusieurs embryons. Dans chaque embryon il existe un tube membraneux qui se contracte et s'étale, et dans lequel le liquide de l'extérieur pénètre, pour être ensuite évacué. Ce tube représente bien le tube digestif des polypes, mais un tube digestif sans tentacules. ; Les spicules constituent la charpente et représentent le polypier. On trouve également dans les éponges des expansions sous forme de fila- ments ou de massues, comme dans certains rhizopodes. M. Allman en à signalé de semblables dernièrement dans un Sertularien. Nous trouvons donc chez ces animaux tous les caractères des polypes, et, ce qui plus est, la transition des formes élevées aux éponges en apparence les plus ous Les aleyonaires ont déjà plusieurs caractères des spongiaires et font évidemment la transition. CHaLINA ocuLara Bowerbank. SPONGIA OCULATA Linn. Cette espèce est fort commune sur nos côtes. On en trouve sur la plage, à toutes les époques de l’année. ! Sars, Fauna littor. Norvegiæ, p. 65, pl X, fig. 15. nt 0 é Éd en À Se à ON > EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. CYANEA CAPILLATA. Fig. 1. Deux strobiles, d’un âge différent, attachés l'un à l’autre par le seyphistome, observés le 6 mars. Le strobile « montre onze méduses, que nous avons successivement vues nailre : le 8 mars, n° 1 se détache; le 9 mars, il s’en détache trois le même jour, mais pas en même temps. Le 10 mars, n° 5 et 6 deviennent libres; le 11 mars, 7 et 8; le 12 mars, la neuvième; le 15, la dixième et, le 14, la onzième. Le pédicule n’a encore aucune apparence de tentacules, et ces mêmes organes sont presque complé- tement absorbés au bout. On ne voit plus que des traces des anciens tentacules. Le strobile b est beaucoup plus jeune; les tentacules sont encore très-développés et entourent l’ancien orifice de la bouche. On voit huit téléons en voie de formation. Ces tentacules sont extraordinairement variables; ils s’épaississent ou s’allongent et changent constamment d’aspect. » 2, Le même n° b, vu le 7 mars. Il n’y a que le bout libre du strobile qui soit figuré. Les segments ou futurs téléons se séparent plus nettement, les bords se découpent en festons et les tentacules s’épaississent en même temps qu’ils perdent de leur vitalité. » 3. C’est la première figure, observée le 9 mars au soir, c’est-à-dire trois jours plus tard. De grands changements se sont opérés dans les deux strobiles. N° « montre d’abord des tentacules au pédicule, qui va continuer seul la vie du seyphistome. Ces tentacules sont tous nés au bout de ces trois jours. Trois méduses se sont détachées de la communauté. Toutes les autres méduses sont plus nettement séparées les unes des autres. C’est surtout à cette époque du développement que ce strobile, qui systole déjà régulièrement, ressemble à une crinoline à volants sou- levée par le vent. Le strobile b est aussi beaucoup plus avancé; les anciens tentacules sont presque flétris, mais les nouveaux n'ont pas paru encore. On compte le même nombre de segments, 8. 200 EXPLICATION DES PLANCHES. Fig. 4. Le strobile b, vu le 12 mars. Il compte douze segments distincts dans sa longueur; nous n'en avons représenté que neuf. Le point le plus intéressant, c'est la présence des derniers vestiges de tentacules appartenant à l’ancien scyphistome. Encore quel- ques heures, et il n'en restera plus aucune trace. Le dernier segment sera semblable aux autres, quoiqu'il ait porté les tentacules et la bouche de la mère scyphistome. Nous n'avons pas jugé nécessaire de représenter le strobile &, qui porte ses trois derniers téléons. » 3. Le même strobile double, vu le 15 mars, c'est-à-dire qu'il est huit jours plus âgé que le n° 1; a et b sont les mêmes; a est muni de ses tentacules presque complets, mais il a donné tous ses téléons, à l'exception des deux derniers. Le strobile b est fort inté- ressant et a subi aussi de grands changements. Le 9 mars on ne comptait que huit segments, et depuis le 9 il s'en est formé six nouveaux. Les derniers sont les plus âgés et ont suivi régulièrement le cours de leur évolution. Le téléon terminal a com- plétement perdu ses tentacules. PLANCHE IL. CYANEA CAPILLATA. Fig. 1. Les deux strobiles figurés sur la planche précédente a et b, à côté de deux seyphis- tomes, tous de grandeur naturelle. Le 15 mars « a déjà donné ses méduses, b pas encore. Les tentacules flottent librement et font l'oflice d’un filet. On peut juger par cette figure de la grande contractilité de ces organes préhenteurs. » 2. Le scyphistome « est le mème qui a donné toutes ses méduses, et b celui qui va les donner. Nous n'avons figuré que le dernier segment de b. » 5. Un seyphistome plus grossi, montrant une méduse qui est sur le point de naître. » 4. Le même, sous un autre aspect. » D. Méduse qui se détache. » 6. La même complétement détachée, vue de face avec ses capsules sensitives. » 7. La même, vue du côté du dos ou en haut, pour montrer sa forme gracieuse. » 8. Une jeune Cyanea capillata de grandeur naturelle, péchée en avril. » 9. Une capsule sensitive. » 10. Les appendices de Ja jeune Cyanea à leur début. | PLANCHE HI. Genyoxopsis Fongesn Van Ben. Fig. 1. L'animal, vu de profil, de g ‘andeur naturelle. Ce dessin est fait sur le vivant, comme les suivants. | » 2. Le même, vu un peu obliquement, montrant ses quatre testicules le long des canaux. » 5. Le même, vu d'en haut, montrant les mêmes organes. EXPLICATION DES PLANCHES. 201 Fig. 4. Le bord de l’ombrelle, pour montrer la disposition et surtout la continuité des cirrhes marginaux ainsi que le canal circulaire. » D. Une des franges isolée. » 6. Un testicule plein, appendu à son vaisseau. PLANCHE Il. Lizzia ocropuxcTATA Sars. Fig. 7. La méduse complète, vue de profil, montrant ses quatre canaux gastrovaseulaires, ses gemmes autour de l'estomac et les faisceaux de cirrhes dans un état de con- traction. » 8. La même, vue obliquement du côté de la bouche, montrant le diaphragme, l'estomac et ses gemmes, ainsi que les huit faisceaux de cirrhes. » 9. Un estomac isolé, montrant les cirrhes de la bouche et les gemmes en voie de déve- loppement. L'animal s’est retourné spontanément, de manière que le manubrinm et les œufs sont devenus externes. » 10. Un des cirrhes de la bouche isolé. » 11. Un faisceau de cirrhes isolé, dans un état de légère contraction. » 12. Une jeune méduse sur le point de naître par prolification, montrant d’autres gemmes à sa base. » 15. Toute une grappe de gemmes à tous les degrés de développement. — D’après cette figure on peut juger de la rapidité de leur multiplication. » 14. Circe hyalina Van Ben. ; on voit à côté l'animal de grandeur naturelle. PLANCHE IV. TUBULARIA CORONATA. 1. Un bourgeon téléopare. 2. Un autre, un peu plus avancé. Un œuf apparait. » 5. Le même, plus développé. 4. L’embryon se dessine mieux. Le même, montrant les rudiments des tentacules de l'atrophion. Les quatre tentacules de l’atrophion sont presque développés. . L'embryon dans l’intérieur est tout à fait distinct sous forme de disque échancré légé- rement sur les bords. — La capsule, ou atrophion, est à peu près complète. La jeune tubulaire est formée, et deux autres œufs s’aperçoivent à côté. » 9. La jeune tubulaire isolée. » 10. Une grappe d’atrophions mâles attachée encore à un tentacule. » 11. Un atrophion mäle isolé, qui laisse échapper des spermatozoïdes. Towe XXXVI. 26 ASS Æ 1 202 EXPLICATION DES PLAŸCHES. PLANCHE V. Fig. 1. Syncoryna Johnstoni. Un polypule isolé. » 2. Une colonie du même avec de jeunes polypules. » 5. Un tentacule isolé. » 4. Syncoryna pusilla. Téléon trouvé libre dans l'aquarium. » 5. Syncoryna listeri. Un polypule isolé avec un téléon en voie de développement. » 6. Syncoryna Lovenii. Colonie complète. » 7. Un polypule adulte isolé. » 8. Un autre jeune, vu à un plus fort grossissement. PLANCHE VI. EUDENDRIUM RAMOSUM. Fig. 1. Un hydricr fortement grossi montrant la véritable physionomie avec ses polypules et ses capsules de téléons. Le grand polypule est étalé et montre la tige qui le porte garni d’anneaux; l’autre tige porte au bout un polypule légèrement contracté et deux capsules, dont l'inférieure est la plus âgée. On voit dans ce dernier la cavité commune en communication avec la cavité de l'estomac, les canaux gastrovaseu- laires , les quatre palpes et le commencement des cirrhes marginaux repliés à l’in- térieur. | PLANCHE VII. EUDENDRIUM RAMOSUM. Fig. 1. Un téléon en voie de développement dans sa capsule. Il n’existe encore ni cirrhes ni palpes. » 2, Le même, un peu plus avancé, montrant ses cirrhes. » 5. Le mème presque complet. » 4. Le téléon détaché, vu de profil. » D. Le même, vu de face. 6. Le même, vu à un plus fort grossissement. On voit distinetement : l'origine des canaux gastrovasculaires et leur communication avec le canal circulaire ; lés quatre palpes buccaux avec leur sommet pelotonné, mais simple; les huit cirrhes marginaux pou- vant s'étendre et portant chacun de capsules de sens. 7. Le lobe qui porte les cirrhes, vu en dedans. » 8. Le mème, vu en dehors. PLANCHE VII. 1-2. EuDpENDRIUM PUDICUM. Fig. 1. Polype, parfaitement épanoui, sur un Ulva faiblement grossi. » 2, Une petite colonie, vue à un grossissement un peu plus fort. EXPLICATION DES PLANCHES. 205 3-4. EUDENDRIUM CONFERTUM Alder. Fig. 5. Une tige de Tubularia indivisa, servant de soutien à un Aplydium, sur laquelle s'étale l'Eudendrium confertum. » 4. Le même, vu à un plus fort grossissement. PLANCHE IX. Dineua SLassen: Van Ben. Une colonie complète. On voit en avant deux polypes complets entièrement épanouis; un peu en dessous, deux méduses en voie de développement; plus bas, deux jeunes polypes également épanouis, puis deux autres méduses, dont une est presque com- plétement développée. On voit les cirrhes repliés dans l’intérieur. PLANCHE X. Dinema SLagsert Van Ben. Fig. 4. Un bouton à méduse. » 9, Le même plus avancé et dans lequel on reconnait déjà la méduse future. » 5. Le même. » 4, On voit distinctement les canaux gastrovasculaires et le pédicule stomacal. 5. La méduse est presque complète; les deux cirrhes sont encore enroulés. 6. La méduse libre ou le téléon avec ses cirrhes étendus. 7. Le même téléon. » 8. Le même, vu du côté du dos pendant la contraction. 9. Le téléon complet. 0. Un téléon pêché au petit filet. PLANCHE XI. HYDRACTINIA ECHINATA. (1-4 mâle; 5-9 femelle. ) 1. Une colonie mâle. » 2. Un téléon mâle au début de son développement. 5. Le même un peu plus avancé. » 4. Le même près de sa maturité. >. Une colonie femelle. » 6. Un téléon (atrophion) femelle rempli d'œufs. » 7-8. Deux œufs en voie de formation. 204 EXPLICATION DES PLANCHES. 10. HyDRACTINIA TENUISSIMA Nov. sp. Fig. 9. Une colonie, dont un individu est complétement épanoui, et deux autres légèrement contractés,. 11-12. HypracrTinia soLiTaRIA Nov. sp. Fig. 10. Un individu épanoui. » 11. Un autre contracté. PLANCHE XII. CLADONEMA KRADIATUM Du Jardin. Fig. 1. Téléon complet, entièrement épanoui avec ses cirrhes ramifiés. » 2. Deux faisceaux de cirrhes isolés. » 5. Téléon vu de profil, avec les cirrhes encore simples. » _h. Un autre téléon avec ses organes sexuels développés, les cirrbes ramifiés et compléte- ment étalés, pendant que les cirrhes à ventouses se tiennent amarrés aux parois. » b-6. Bouche et spicules de profil et de face. 1-8. Parois de l'estomac, vues de profil et gonflées par les œufs. PLANCHE XIII. CAMPANULINA TENUIS V. Ben. , Fig. 1. Une colonie grossie, montrant : 1° a. Un polype parfaitement épanoui et en repos; les tentacules forment une double couronne. Un autre polype, également épanoui, mais dont les tentacules sont flottants, tels qu’on les voit quand l’eau est plus ou moins agitée. 5° c. Un polype ne montrant que la partie antérieure du corps avec tous ses tenta- cules recourbés en arrière, pour montrer la membrane qui les lie à leur base et la bouche qui s'ouvre en large godet. 4° d. Une loge de campanulaire montrant un polype retiré. 5° e. Une loge de méduse montrant un individu en place presque entièrement déve- loppé. On distingue les principaux organes à travers les parois. 6° /. Un bourgeon en voie de devenir polvpe. ë » 2, Trois tentacules isolés montrant la membrane qui les unit à la base; le tentacule du milieu est complétement épanoui, l’autre est contracté. » 5. La méduse devenue libre montrant ses deux Jongs cirrhes étalés. » 4. Le bord du cercle avec le tentacule rudimentaire et les deux capsules sensitives. » à. La méduse vue d’en haut. » 6. Parois de l'estomac et cirrhes marginaux. 2 b. T G RE ÉTÉ à ns à mnt dé EXPLICATION DES PLANCHES. 205 PLANCHE XIV. CAMPANULARIA VOLUBILIS. Fig. 1. Embryon libre et tout cilié. . Le même sous un autre aspect. 5. Le même qui se fixe. » 4. Le même qui commence la formation d’une colonie. » à, Le même plus avancé. » 6. Le même avec deux polypes complets. » 7. Outre le polype, une capsule s’est formée. » 8. Le téléon mür de grandeur naturelle. » 9. Le même un peu plus grossi. 10. Le même plus fortement grossi, vu de profil avec les cirrhes légèrement retirés. 19 CAMPANULARIA GELATINOSA. Fig.11. Téléon dans sa capsule, montrant déjà les organes sexuels complets. » 42. Le même isolé et retourné, montrant au milieu la cavité de l'estomac, les quatre canaux droits et les ovaires. » 15. Un de ces ovaires isolé. PLANCHE XV. 1-4. CAMPANULARIA DICHOTOMA. 5-13. CAMPANULARIA LACERATA. Fig. 1. Campanulaire épanouie dans sa loge. » 2. Un atrophion femelle avec œufs. » 5. Un atrophion mäle avec spermatozoïdes. » 4. Spermatozoïdes isolés. CAMPANULARIA LACERATA Hincks. >. Un atrophion femelle avec planule. » 6. Une planule isolée et ciliée. 7. Une autre un peu plus avancée. 8. Une planule fixée par sa base; le polypier apparait; elle a quarante-huit heures. » 9. La même un peu plus avancée, montrant le futur calice. » 40. La jeune campanulaire apparaît. » 11. La même jeune campanulaire. » 12. La même dessinée deux jours plus tard; le calice est presque complet, mais il est encore fermé. » 15. Le polype est complet et épanoui dans sa loge. 206 Fig. 1° »' 2100)! » 5: s » MD. » 6 » 7 » 8. » 19, » 10. » "44! 5492, » 15. Fig. À SNS » 5 » À, CL » 6 » 7-8. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XVE SERTULARIA CUPRESSOÏDES. Une colonie femelle de grandeur naturelle. Une loge montrant un polypule épanoui. Un téléophore vu de face, montrant les œufs dans le téléon. . Le même, vu de côté, montrant des œufs plus mürs, enfermés encore dans leur téléon. Un tentacule isolé. Un embryon cilié sous sa première forme. Le même un peu plus avancé. Le même encore plus avancé. Un embryon qui vient de se fixer. Le même. Le même encore. Le disque s’est étendu, un polypule est formé et un nouveau est en voie de formation. ‘ Le même montrant distinctement sa loge. PLANCHE XVIT. 1-S. SERTULARIA RUGOSA. . Une colonie. . Une autre colonie avec téléophore. . Une loge montrant le polype épanoui. Un polype isolé. Un tentacule isolé, . Le bout d’un tentacule, vu à un plus fort grossissement. Deux œufs du même. 9-10. DINAMENA PUMILA. Une branche avec deux loges à polypes. Une colonie avec polypes épanouis. PLANCHE XVIII. Tuoa HALECINA. Une colonie entière, vue à un faible grossissement. Une branche avec des loges. st cm détente EXPLICATION DES PLANCHES. 207 Fig. 5. Une autre branche isolée montrant des polypes épanouis et des loges. » 4. Une loge ou téléophore avec deux polypes au bout. » à. Un polype dans sa loge. » 6. Un polype isolé. » 7. Un tentacule isolé. » 8. Un téléophore avec œufs. PLANCHE XIX. Fig. 1-4. Actinia coccineu. » D-6. — gemmaceu. » 7. — troglodytes. » 8-9, Caryophyllia Smithir. » 10-11. Balanophylliu regia Wood. FIN DE L'EXPLICATION DES PLANCHES. Zut3 par ErSevereyns DA,de l'éicaz Roy. s à La PL IE lém.de l'Acad. Roy. de Belg. Tom.XXNY L. Feneñen à rat. del. LT Ven ? me l'Acad. Foy. de Bel. Tam XKXVI. Ziek par CSzrersyns LA. del) : , FA” Den de l'Acad. Roy. de Belg. Tom XXXVL. € an Soradon 2 rat. del. Lit par E Severeyns Dé del Acat Fr » PLV e l'Acad. Rov. de Belg. Tom.XXAVI. “ # alg-1@ Move ART AU 1 Le a Pate rar C Seversyres LA, de] cat Hgy. .% Rise “. { re - : EE a rs È sat PLVTIE Lith par CSivereyrs LA de l'Acai y. .? Ze. per Severspros LEA. 218 Vers" Li 1R ES CS i 2, 9 [he ! Mém.de l'Acad. Roy. de Belg. Tom.XXXVI. TITRES 22 nai. de. .Rov. de Belg. Tom.XXXVI. A2 manon Mémm.de l'Acad les ste % Sr Pr serge ce Dee ET Pere de Area, Aoy. FSevereyrs LA. LH per Mém.de l'Acad. Rov. de Belg. Tom XXXVI. | PL XI WE Fonedon 24 na. 42] Lit par ESevereyns Le. de 'Acaz Re PI XIIE ém.de l'Acad. Roy. de Belg.Tom.X XV % PEN à * . #7 2e LAçar Hy. vT #7 273 4 par CSeyersyes Lit à PIVen enañer 22 n22 22]. 0 l'Acad. Roy. de Belg. Tom XXXVT. ad nat del Lnth per ESbvereyre Der te lc Acy. LE GREEN FICTION EEE Pt Ÿ Se 7. de Li6% par CuSeyereyrs Dh del Aa Roy. PL XVI Lieà par CSeyereyns D de lArai A7y. Mém.de l'Acad. Roy: de Belg. Tom.XXXVT. PJ Van Fonaden 24 nat. del. PL XVIL Mém.de l'Acad. Roy. de Belg. Tom.XXAVT. PL XVII NA ms 2 PT Van Fons aù nat 401 | Lie par Siversyas Dé del Arai Roy SRE Le oo € BARS 4 0 n 2, ? ; N La. PS res < L 4 PL. XVITIL PE as" ë è te ie à Mém.de l'Acad. Roy. de Belg.Tom.XXAVT. PJ Bencden 24 rat. del. s'i. [LEE Ve " pr LE DErTY 2 ] «+ RUE A LIRE , LR FE, A RSA : PAL LS A : Crise